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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 17 janvier 1984 - Vol. 27 N° 232

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, j'invite maintenant les membres de la commission parlementaire à bien vouloir regagner leur siège.

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de cette commission parlementaire sont M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Gauthier (Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Paré (Shefford), M. Payne (Vachon), M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

Je vais tout de suite vous indiquer l'horaire de cette journée du mardi 17 janvier 1984. D'abord, nous entendrons comme premier groupe invité, la Centrale de l'enseignement du Québec. Ensuite, à 15 heures, le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, l'Association québécoise des professeurs de français et, à 20 heures, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec et le comité de l'enseignement en langue anglaise.

Sur ce, j'invite les représentants du premier groupe qui nous visite aujourd'hui, la Centrale de l'enseignement du Québec, à bien vouloir d'abord s'identifier et ensuite, à nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

CEQ

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs, membres de la commission, il me fait plaisir, dans un premier temps, de vous présenter la délégation de la Centrale de l'enseignement du Québec: à ma gauche, Mme Marie Gagnon, vice-présidente du bureau national; à sa gauche, M. Robert Bisaillon, président de la commission des en- seignantes et enseignants de commissions scolaires; à sa gauche, M. Claude Gerbeau, président de la Fédération des professionnelles et des professionnels des services éducatifs du Québec. À ma droite, M. Raymond Johnston, vice-président du bureau national, Mme Danielle Lavallée, vice-présidente de la Fédération du personnel de soutien et à sa droite, M. Pierre Tellier, président du Syndicat des professionnelles et professionnels du réseau des commissions scolaires du Québec. Mon nom est Yvon Charbonneau; je suis président de la centrale.

D'abord, je voudrais vous dire, M. le Président et les membres de la commission, quel intérêt nous avons mis dans ce débat qui se tient depuis déjà plusieurs mois et même plusieurs années - sans remonter dans l'histoire, c'est quand même depuis le début des années soixante-dix ou du moins, dans l'immédiat, depuis une couple d'années - sur toute cette question de la restructuration, de la réforme dans le domaine qui nous occupe.

Nous y avons mis beaucoup d'intérêt parce que c'est de notre travail le plus quotidien dont il s'agit, finalement, et aussi parce qu'il s'agit de la qualité du produit, du service que nous avons à rendre à la population étudiante ainsi qu'à toute la société du Québec, à tous les usagers du système scolaire de l'enseignement public.

Nous nous sommes préparés avec soin non pas seulement en vue de déposer un mémoire à cette commission parlementaire à ce moment-ci, mais nous étions déjà prêts depuis certainement deux ans à discuter de ces questions avec grand intérêt. Nous sommes certainement prêts à ce moment-ci également. Nous avons pris note et nous avons pris soin d'étudier l'ensemble des étapes qui ont précédé celle-ci, c'est-à-dire le projet de loi 40, du point de vue des initiatives gouvernementales.

Le livre vert, il y a quelques années, suivi du document appelé "L'école québécoise" ont provoqué chez nous des études et des débats importants. Au terme de ces débats nous avons pu, à quelques occasions, saisir le ministre de l'Éducation de nos préoccupations ou de nos positions et, en quelques autres occasions, cela n'a pas été possible. Nous n'avons donc pas été absents de toute cette scène qui se déploie maintenant de manière visible, mais qui a été préparée par un long cheminement. Au contraire, nous avons été des interlocuteurs assidus de toutes ces propositions gouverne-

mentales. Même si nous avons l'impression de ne pas avoir toujours été dûment écoutés, néanmoins nous avons le sentiment d'avoir pris nos responsabilités au niveau de chacune des étapes antérieures.

M. le Président, il nous sera difficile de livrer le contenu de notre réflexion, de notre mémoire en 20 minutes. Je vous le dis tout de suite et je fais appel à votre compréhension pour nous permettre une présentation quelque peu plus élaborée de notre point de vue, si les règles qui vous régissent vous permettent cette compréhension.

Le Président (M. Blouin): Je vous dis tout de suite à mon tour, M. Charbonneau, que j'ai rapidement parcouru votre mémoire. Si vous vous attardez à procéder à sa lecture, nous en aurons très certainement pour environ deux heures. La règle veut que les groupes en général prennent une vingtaine de minutes à présenter leur avis; souvent, ce sont des résumés du mémoire qu'ils ont déposé. Évidemment, on peut toujours excéder de quelque dix ou quinze minutes mais au-delà de cela, je devrai vous demander de conclure.

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, je vous remercie de cette compréhension. Nous allons essayer de nous y conformer tout en ne lisant pas mot à mot le mémoire mais, bien entendu, en essayant de le présenter dans son intégralité. Il est assez rare que nous puissions avoir la parole et nous aimerions bien, cette fois, pouvoir passer à travers l'ensemble de notre message. Je vous assure qu'il ne s'agit pas d'en faire une lecture non plus, ligne à ligne.

M. Ryan: Je veux juste soulever une question de règlement, M. le Président, à ce moment, pour éviter tout malentendu. Je ne crois pas que nous ayons une règle fixe obligeant les organismes qui se présentent devant la commission à s'astreindre à un cadre de 20 minutes. Vous l'avez suggéré à plusieurs reprises avec l'accord implicite d'à peu près tous les membres de la commission pour des fins d'efficacité qui se comprennent facilement. Mais il est arrivé aussi dans certains cas que des mémoires venant d'organismes qui ont un caractère plus largement représentatif soient l'objet d'une considération plus particulière. On pourrait vous rappeler des cas où la présentation s'est étendue au-delà de la période que vous suggériez. Je pense que ce matin, étant donné l'importance du mémoire qui est présenté et le fait que toute la matinée a été réservée pour la discussion avec la délégation de la Centrale de l'enseignement du Québec il faudrait peut-être que l'accent soit mis surtout sur la bonne présentation du message, surtout étant donné que le président de la CEQ vient de dire qu'il comprend d'autre part les contraintes auxquelles nous ne pouvons pas être indifférents.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, vous comprendrez que cette règle des 20 minutes de présentation n'est effectivement pas un règlement. Il s'agit d'une règle de fonctionnement d'ordre général. D'autre part, vous savez aussi que la commission étant maîtresse de ses travaux, les membres peuvent bien décider, par consentement, qu'ils entendront pendant une période beaucoup plus prolongée les organismes qui sont devant nous.

De plus, mon travail consiste, dans la mesure du possible et avec la collaboration des membres de la commission et de nos invités, à faire en sorte que nous puissions nous acquitter de notre mandat avec le plus de sérieux, bien sûr, et d'efficacité possible. C'est dans cette perspective que j'ai demandé la collaboration de nos invités auxquels je demande maintenant de livrer le contenu de leur message. Oui, M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Brièvement, sur cette question. J'aimerais que vous preniez en considération le fait qu'il y a trois heures de prévues pour le groupe. Nous appliquons normalement la règle des 20 minutes pour des périodes d'une heure et demie à deux heures. Étant donné que trois heures sont réservées au groupe, il faudrait tenir compte de cela pour lui permettre d'exposer l'ensemble de son dossier.

Le Président (M. Blouin): Je pense bien que nous avons maintenant tous et toutes compris l'esprit dans lequel nous amorçons nos travaux ce matin.

M. Charbonneau (Yvon): Je sens que c'est une négociation qui est en train de réussir.

Je voudrais dire à ce moment-ci de la présentation de notre point de vue que, lorsqu'il s'agit d'entendre la position de ceux que nous représentons, les personnels de l'éducation, les enseignants et enseignantes, les professionnels et le personnel de soutien, nous sommes sur le point d'entendre le point de vue de ceux et celles qui font et qui vivent l'acte de l'éducation chaque jour avec environ 1 000 000 de jeunes élèves et d'adultes dans les écoles du Québec.

On a entendu la semaine dernière beaucoup de témoignages importants et intéressants de la part d'organisations qui se considèrent comme des usagers, qui sont des administrateurs, qui sont dans la gestion des écoles du système. Nous allons franchir une étape de plus maintenant en parlant de ceux et celles qui sont non seulement dans les

structures, non seulement dans les commissions scolaires, non seulement dans les écoles, mais qui sont dans la classe chaque jour, sur le premier front, avec l'autre partie qui s'appelle les étudiantes et les étudiants du Québec. On franchit une étape de plus dans le débat en ouvrant cette deuxième semaine. Je tiens à le souligner parce que c'est vraiment le point de vue qui nous anime.

La sphère du pouvoir, le terrain du pouvoir sur lequel il y a eu tant d'échanges la semaine dernière, ce n'est pas là le terrain qui nous préoccupe. Nous sommes entraînés et un peu forcés d'aller du côté de ces discussions à cause de la manière dont le problème est posé par le ministre qui veut créer un troisième palier décisionnel et qui veut répartir de manière différente les pouvoirs et les fonctions dans le système. Donc, il nous situe sur le terrain du pouvoir, mais je dis, d'entrée de jeu, et vous allez le reconnaître à travers les trois grands volets de notre mémoire, que ce n'est pas là la sphère qui nous intéresse et qui nous anime quand nous venons ici.

Le terrain qui est le nôtre est celui de l'action concrète, de l'acte de l'éducation. Je pense aussi que c'est à ce genre de tâche et de responsabilité que la population du Québec et probablement beaucoup de milliers de parents qui nous écoutent actuellement s'attendent que nous nous occupions, comme éducateurs et éducatrices dans le Québec. C'est là-dessus qu'on veut ouvrir le débat, quant à nous, sur le vécu et sur les problèmes réels en suspens qui existent dans les écoles de notre système scolaire.

Malheureusement, le choix du ministre de nous situer dans des discussions sur les pouvoirs, les mécanismes, les structures et la répartition des juridictions, nous voile et nous éloigne de ce vécu et de ces problèmes. Alors, j'espère qu'on ne se fera pas rappeler à l'ordre quand nous allons parler du vécu des écoles et des problèmes réels, même si nous ne parlons pas toujours des structures et des pouvoirs. Mais, nous pouvons en parler aussi et nous en parlerons aussi dans notre deuxième chapitre. Nous dirons ce que nous pensons de la proposition du ministre de l'Éducation à ce moment-ci. Nous dirons en quoi elle nous semble inutile et non souhaitée, voire largement irrecevable dans les circonstances.

En toute légitimité, puisque nous sommes ici une organisation syndicale, engagée sur le plan de l'éducation et sur le plan social, nous sommes une organisation syndicale, on nous permettra certainement et on nous reconnaîtra le droit de traiter de certaines conditions de travail qui pourront être touchées et affectées par la transformation du projet de loi 40 et par sa mise en oeuvre. On nous permettra de parler aussi de la bousculade et d'une certaine forme d'insécurité aussi que nous ressentons à travers ces changements appréhendés. Également, nous parlerons à ce chapitre-là du mode de relations du travail que nous aimerions voir s'organiser entre nos organisations et celles qui représentent le pouvoir, soit au niveau du ministère de l'Éducation ou du gouvernement, soit au niveau des commissions scolaires. Ce sera là le troisième volet de notre présentation.

Pour la première partie, Mme Marie Gagnon fera la présentation.

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, pour nous situer globalement avant d'aborder - pas ligne à ligne mais, en gros, thème par thème - le chapitre I, je voudrais donc dire ceci: Les lectures que nous pouvons faire, si l'on se réfère au ministère de l'Éducation et à un nous plus étroit, qui est la Centrale de l'enseignement du Québec, du système québécois d'éducation, donc, au moment où on se parle, dans ce Québec de 1984, sont radicalement différentes. Je crois que c'est le moins qu'on puisse dire.

Pour le ministère de l'Éducation, la démocratisation scolaire est acquise. En ce qui nous concerne, nous la tenons pour incomplète. Depuis 20 ans - c'est entendu et on est les premiers à s'en réjouir - on a fait des pas de géant. Cela va dans le bon sens peut-être en dépit du fait qu'il y a eu quelques légers reculs - c'est aussi le moins qu'on puisse dire. Reste néanmoins que la scolarisation des Québécoises et des Québécois a augmenté considérablement.

Je nous rappelle que ce système d'éducation a coûté 20 ans d'espoir, 20 ans d'argent et 20 ans d'effort. Il demeure, sinon le meilleur, un des meilleurs instruments, je crois, de la promotion collective de ce petit peuple ou de ce grand peuple qu'on veut être, mais, en tout état de cause, de nous-mêmes.

L'accès physique à l'école garanti par la démocratisation scolaire des années soixante est acquis, c'est vrai, et la fréquentation scolaire aussi. Qu'elle soit obligatoire, coercitive ou tout ce qu'on voudra, n'empêche cependant que, si ce sont des conditions nécessaires à la démocratisation de l'enseignement, de notre point de vue ce ne sont pas là des conditions suffisantes.

Le plein exercice du droit à l'éducation doit être assuré à la fois par cette instruction publique et gratuite et par la mise en place de conditions qui assurent une éducation intégrale et de qualité pour tous les enfants du Québec de même qu'une véritable égalité des chances en ce domaine.

Donc, malgré les acquis de la réforme, on le répète, ces conditions sont loin d'être

atteintes en ce qui nous concerne. Sommairement, quelques chiffres, très rapidement. Plus du tiers des élèves du secondaire ne possèdent pas, à la fin de leurs études, leur diplôme; 7% de francophones atteignent le niveau universitaire contre 15% d'anglophones. Au Québec, il nous reste encore plus de 300 000 analphabètes complets. Les enfants d'origine populaire et les filles sont loin d'occuper la place qui leur revient dans le système d'éducation québécois.

L'analphabétisme donc, mais aussi l'échec, l'abandon et l'absentéisme demeurent des problèmes impérieux à résoudre et, à ce qu'il nous semble, les plus impérieux et les plus urgents au moment où nous nous parlons.

Depuis un certain temps déjà, selon la lecture que nous faisons, les politiques gouvernementales et les restrictions budgétaires qu'on peut rejoindre en deux grands chapitres qui s'appelleront "coupures" - cela ne surprendra personne - mais aussi "contrôles" ont détérioré considérablement la qualité et la quantité des services.

M. le ministre, vous avez, après avoir affirmé que la réforme était acquise dans son essentiel, qualifié le renouveau pédagogique de retour à l'essentiel. Je pense que vous vous souviendrez que, nous, nous l'appelons retour en arrière pour les questions de coupures et aussi de contrôles. Mentionnons rapidement ces politiques qui nous ont amenés progressivement et tranquillement à des réductions dramatiques des services d'accueil, à l'intégration mécanique des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage sans ménagement et sans soutien, à des nouveaux programmes qui ont été introduits - on n'en a pas contre cela - mais sans aucune forme de préparation adéquate, sans prendre tous les moyens qu'il faut pour s'assurer de la réussite de l'opération. Des disciplines sont aussi ajoutées sans qu'on annonce pour autant le temps de fréquentation scolaire. On ajoute à cela une évaluation qui devient plus sélective et on n'est plus certain d'avoir moins de monde dans notre réseau.

La politique annoncée en formation professionnelle, nous faisons la lecture que pour beaucoup d'enfants, elle sera une incitation" à ne pas trop demander, à ne pas se rendre trop loin et à quitter l'école assez rapidement. Bref, les coupures draconiennes que l'on sait et les politiques de contrôle dont on vous parlera allègrement à travers cette présentation ont été accrues pour contrôler l'appareil dans son ensemble mais, on l'affirme, autant le personnel que les élèves.

Il y a d'autres réductions budgétaires qui sont annoncées, vous le savez, quand on regarde les crédits qui sont demandés et accordés, et les détériorations peuvent se poursuivre si on ne s'en occupe pas. Cependant, une chose qu'on se voudrait de ne pas mentionner qui est d'une importance absolument capitale pour le quotidien de nos membres mais aussi pour le quotidien des élèves qu'ils servent, c'est l'application de ces décrets imposés dans les circonstances que vous savez. Il se passera quoi avec cela par rapport aux conditions d'apprentissage? On ne va pas nous parler de notre salaire au moment où on se parle. On a augmenté le nombre des matières à préparer, cela va sans dire, le nombre de cours à dispenser, en conséquence et bien souvent, le nombre d'élèves à rencontrer. S'ajoute à cela, une comptabilisation qui est assez ridicule d'activités qui sont sans objectifs pédagogiques à proprement parler. Ce sont des effets certains sur la qualité de l'enseignement et sur la disponibilité des enseignantes et des enseignants.

À telle enseigne, M. le ministre, la situation est suffisamment dégradée pour que directement, après des échanges, on le veut bien, vous ayez cru bon de donner mandat au Conseil supérieur de l'éducation d'aller voir un peu ce que cela pouvait donner. En ce qui nous concerne, nous constatons avec amertume que nous n'en sommes encore qu'à P-1 et que le reste n'est pas de nature à nous rassurer. Cette détérioration des conditions d'enseignement, alors que les services professionnels et de soutien sont réduits souvent en bas du minimum, diminue d'autant pour nous les moyens de lutter contre l'échec scolaire.

Troisième constatation large. Ces problèmes qui nous semblent impérieux de résoudre, en aucun cas la loi 40 ne peut les régler. Il arrivera, sous bien des aspects même, qu'elle risque de les empirer. Vous prétendez avoir fait une lecture de problèmes si urgents à régler qu'il faille le faire maintenant et principalement au niveau des structures. En ce qui nous concerne, les structures, on ne les défendra pas comme on défendrait tous les statu quo ce n'est surtout pas dans nos cordes. Il reste, néanmoins, que tripoter les structures, au moment où on se parle, ce n'est pas l'urgence nationale du siècle pour nous. Les problèmes qu'on vous a mentionnés en matière d'absentéisme, en matière d'abandon, en matière du peu de moyens dont nous disposons pour lutter contre l'échec scolaire sont autrement plus importants.

Très rapidement, dans notre document, toujours au chapitre 1, j'atterris à la gratuité scolaire. Je suis donc à la page 9.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il serait possible d'approcher votre micro pour qu'on vous entende mieux, s'il vous plaît?

Mme Gagnon: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup.

Mme Gagnon: Est-ce que ça va comme cela?

Le Président (M. Blouin): Parfait.

Mme Gagnon: Je suis donc à la page 9, la gratuité scolaire. Le principe de la gratuité scolaire est reconnu, vous vous en souviendrez, dans la Loi sur l'instruction publique. Je vous rappelle une enquête de l'Association des comités de parents de la région 03, qui a été faite en 1982, qui fait état de ceci. Chaque enfant, au primaire, coûte à peu près 30 $ à ses parents par année pour fréquenter l'école. Au secondaire, ce montant peut atteindre 80 $. On ne peut pas, à proprement parler, parler de gratuité scolaire dans ce contexte.

Le Conseil supérieur de l'éducation vous alertait d'ailleurs, M. le ministre, sur cette question dès septembre 1980. Pour nous, la gratuité est essentielle et doit s'étendre le plus possible à tout. Il va sans dire que les restrictions, dans la loi 40, au minimum autour du matériel dans lequel l'élève écrit sont une enfarge à cette gratuité. (10 h 30)

La confessionnalité. Je ne veux l'aborder que sous un seul aspect, celui qui nous semble le plus important. Je pense qu'on ira chercher cela à la page 10. La question qui se pose pour nous est la suivante: Comment faire en sorte que la liberté de conscience de tous soit respectée si le projet éducatif d'une école - on reviendra au projet éducatif, mais je traite quand même de cet aspect maintenant -intègre les croyances et les valeurs d'une confession particulière? On ne va pas chercher cela dans les limbes; on n'invente rien. Deux citations qui viennent du livre blanc suivent, à la page 10: "L'éveil aux dimensions spirituelles de la vie ne tient ni au seul enseignement religieux ni aux seuls services d'animation religieuse." Je vous laisse la suite de la citation. "Le projet éducatif doit devenir le lieu par excellence où s'expriment, en matière religieuse, les valeurs et les aspirations des parents et de l'ensemble de la communauté locale."

Par ailleurs, une mesure de la loi 40, qui pourrait paraître favorable à première vue, transforme l'exemption de l'enseignement religieux, dont on a allègrement et largement parlé, en capacité d'opter soit pour l'enseignement moral, soit pour l'enseignement religieux. Je ne veux pas m'étendre là-dessus indéfiniment mais je vous demande, M. le ministre, ce que pourra signifier la capacité réelle de choisir, pour une heure ou deux heures par semaine, entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral à partir du moment où tout le projet éducatif d'une école aura, quant à lui, une saveur confessionnelle. Autrement dit, pour toutes les matières, toutes les activités scolaires à l'intérieur de l'horaire de l'élève, on aura un projet éducatif confessionnel, mais on lui permettra, par ailleurs, au primaire par parents interposés mais au secondaire par lui-même, de choisir pour une heure ou deux heures par semaine entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux. Il nous semble donc que cette mesure, qui pourrait paraître favorable pour transformer l'odieuse exemption en capacité d'opter, est un leurre en matière de confessionnalité.

En ce qui nous concerne, nous voulons que les droits des minorités - et peut-être bientôt des majorités, si on se fie aux derniers chiffres en matière de confessionnalité - soient respectés. Il nous semble que la religion, les convictions religieuses appartiennent à la personne, à l'individu et ne peuvent jamais être imposées à qui que ce soit en fonction d'un vote majoritaire. Voilà donc pour l'essentiel de ce que nous avons à dire sur le sujet de la confessionnalité. Il va sans dire qu'au niveau de l'échange on pourra y revenir.

À propos du projet éducatif, M. le ministre, c'est la pierre d'angle, semble-t-il, de bien des choses à travers la loi 40. Qu'est-ce qu'on peut bien penser de ce projet éducatif, nous, et qu'est-ce que peuvent bien en penser les autres? Première constatation: on en parle beaucoup, on en parle énormément, mais on arrive assez mal à en donner une définition qui soit ferme et fermée. Ou alors, au contraire, on a autant de définitions du projet éducatif qu'on a de définisseurs du projet éducatif. Au mieux, ou alors au plus petit, il s'agit, au fond, de faire ce qui s'est à peu près toujours fait dans les écoles du Québec, c'est-à-dire tenir compte de la réalité vécue par les enfants et de la réalité du milieu. Par ailleurs, à la lecture d'autres articles du projet de loi 40, mais aussi du livre blanc, on se rend compte que cela pourrait vouloir dire beaucoup plus que cette espèce d'adaptation essentielle de l'école à son milieu. On est un peu ambigus et un peu partagés par rapport à cela. Je vous le dis tout de suite, mais vous comprendrez facilement qu'on est des lecteurs de vos documents. Ce n'est pas nous qui les écrivons; il nous reste, en conséquence, un certain nombre de zones d'ombre.

Si ce projet éducatif est une véritable hypothèse et que la marge de manoeuvre est véritablement consentie aux écoles pour qu'elles soient très différentes les unes des autres, on est assez inquiet. Premièrement, cela risque de mettre en danger n'importe quel projet national défendable par ailleurs. Cela ouvre la porte à la sanction et même à l'augmentation des inégalités, compte tenu des inégalités de ressources des milieux

donnés. Mais il reste, néanmoins, que cela dit, on pense plutôt que c'est une opération assez "poudre aux yeux", c'est-à-dire que, dans les faits, les écoles auront un tel devoir d'appliquer ce qui est décidé en haut que leur marge de manoeuvre sera effectivement restreinte. On pense encore que, sous couvert de donner au milieu, à la base, la capacité de gérer ses propres affaires par-dessus et en dehors des commissions scolaires, le ministère de l'Éducation s'apprête, quant à lui, à atomiser les lieux de pouvoir, en conséquence de quoi il se verra, lui, et lui seul, capable d'aller mettre un peu d'ordre là-dedans et de gérer ce qu'il faut par-dessus les gouvernements locaux qu'on avait par ailleurs.

Le projet éducatif pour nous, c'est d'abord un projet éducatif national qui ne doit pas être imposé, mais débattu démocratiquement. C'est, en conséquence, pour une intervention significative de la communauté - je suis à la page 11 - au niveau des commissions scolaires principalement, là où les moyens sont présents, où les gens sont suffisamment nombreux, où les groupes sont organisés que l'opinion des collectivités doit se faire valoir pour moduler, aménager, améliorer, débattre d'un projet éducatif national, le colorer par un projet éducatif régional au besoin et permettre, par ailleurs - nous y tenons -qu'effectivement, les écoles tiennent compte du vécu des enfants, du vécu de leur personnel, s'ouvrent à leur milieu. C'est même l'une des revendications les plus fondamentales que nous mettons de l'avant. Je pense que cela étant dit, on aura, et largement, à l'occasion des échanges, la possibilité de revenir sur le projet éducatif.

À propos de l'évaluation des apprentissages, rapidement, nous reconnaissons l'importance de l'évaluation comme partie intégrante du processus d'apprentissage. Je pense que tout le monde s'entendra pour reconnaître deux missions, je ne dis pas deux vertus, mais deux missions à l'évaluation. La première, on l'appelle évaluation formative, c'est-à-dire voir en cours de route ce qui est acquis et ce qui ne l'est pas de manière à faire en sorte que ce qui ne l'est pas le soit. Mais, il y a aussi une mission à l'éducation qui, elle, est plus de trier, sélectionner, orienter les enfants en fonction des voies diverses qui leur sont offertes de manière à reproduire le plus possible la pyramide sociale. Nous mettons un accent délibéré, volontaire et déterminé sur une évaluation qui soit, elle, formative et qui se fasse le plus près possible de l'élève, donc le plus souvent par l'enseignant associé avec les personnels professionnels qui pourront l'aider pour faire en sorte qu'en cours de route les lacunes et les trous soient comblés. Nous reconnaissons par ailleurs qu'à d'autres paliers de gouvernement d'autres responsabilités doivent être prises en matière d'évaluation. Mais je pense que nous aurons l'occasion de revenir à cela.

À propos de la formation professionnelle, j'en ai glissé un mot. M. le ministre, il nous reste infiniment de questions autour de la formation professionnelle. On a eu l'occasion d'en parler dans les colloques régionaux et dans les colloques nationaux. Vous pourrez voir les questions qu'on vous adresse et qu'on continue de vous adresser en page 15. On veut simplement vous dire ceci. C'est un des aspects fondamentaux du système d'éducation. Ce qui s'annonce n'est pas de nature à nous rassurer, non seulement au chapitre de l'égalité, mais au chapitre de la capacité réelle d'acquérir une réelle compétence non seulement des travailleurs mais des citoyens. On se souviendra que l'éducation des adultes a été le grand "charcutage". Le reproche essentiel, pour le jour d'aujourd'hui, qu'on entend adresser au projet de loi 40, c'est de n'avoir pas trouvé le moyen, à l'intérieur de sa revue intégrale du système scolaire québécois, de consacrer quelque part la reconnaissance du droit des adultes à la formation et à la gratuité, à tout le moins jusqu'à la fin du secondaire.

L'intégration et les services aux enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, on en a parlé beaucoup. Ce que nous vivons dans les classes est une intégration qui se fait le plus souvent mécaniquement, sans ménagement, sans appui et sans soutien. On assiste cependant... Là-dessus, je voudrais attirer votre attention parce qu'il s'annonce quelque chose qui va se généraliser peut-être, on le craint. En page 18, donc, vous l'avez en trois points; j'insiste sur cette chose qui est à la fois curieuse et un peu inquiétante. On l'appelle une "tendance". On ne dispense plus de services aux enfants qui ont de légères difficultés, on ne les identifie plus et on intègre les autres dans les classes. Deuxième partie de la tendance: II va sans dire que, constatant cela, on s'empresse aussi de dire que probablement le rendement scolaire moyen de la classe diminue, de sorte qu'il se trouve des élèves qui ont plus de facilité, qui sont mieux situés socio-économiquement parlant, qui réussiraient mieux - on les appelle les surdoués - au sujet desquels on affirme qu'ils perdent leur temps.

Dernier paragraphe: C'est la chute de la tendance et c'est bien là qu'on est inquiet. Après avoir assisté aux coupures draconiennes pour les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage - je pense qu'on s'accordera pour parler des plus démunis à l'occasion - est-ce que les ressources qu'on a coupées là ne vont pas servir, au fond, à assurer des ressources supplémentaires aux enfants qui sont, quant à eux, plus doués? Croisez-moi cela avec

l'origine sociale généralel On sait que les enfants en difficulté proviennent généralement des milieux socio- économiquement faibles, que les enfants surdoués ont une tendance curieuse à se retrouver souvent dans des milieux socio-économiquement favorisés. Voilà comment on prend l'argent qui était réservé aux plus démunis pour l'offrir à ceux qui, ma foil s'en tireraient assez bien et probablement de toutes les façons.

Au chapitre des services complémentaires, là aussi ce sont des coupures, des disparitions de postes et des transferts, des obligations de rendre ces services dans la mesure du possible à ceux qui restent en place, les enseignantes et les enseignants bien souvent qu'on n'a pas pu faire disparaître. Mais, c'est aussi une tendance à la privatisation, c'est-à-dire que, en gros, quand l'école ou le système scolaire ne rendront plus les services essentiels en matière de psychologie, d'orientation, etc i je ne suis pas ici pour vous les nommer tous - celles et ceux qui pourront se les offrir paieront en recourant à la pratique privée, celles et ceux qui ne pourront pas se les payer s'en passeront. C'est aussi comme cela qu'on détériore un service d'enseignement et un service d'éducation publique.

Services de garde en milieu scolaire, une affirmation. On aura l'occasion de la relever. En ce qui nous concerne, on affirme que le projet de loi 40 décrète la disparition à brève échéance des services de garde en milieu scolaire.

Secteur privé d'enseignement. Tout ce qu'on peut savoir au moment où on se parle, c'est que la politique souventefois annoncée, on ne l'a toujours pas. Mais, il reste qu'à la lecture du projet de loi 40, on se rend bien compte que le système d'enseignement privé est maintenu.

C'est en conclusion, à ce qu'il nous semble, la lecture qu'on peut faire honnêtement du projet de loi 40. Au lieu de donner le sérieux coup de barre qu'il aurait fallu donner pour que cesse la détérioration des services, tant par les politiques de contrôle que par les politiques de coupures, on chambarde les structures scolaires sans donner, en aucun cas, de garanties formelles que les droits et les capacités de s'instruire pour tous les enfants du Québec, toutes les filles et tous les garçons, seront maintenus et garantis en transférant, dans bien des cas, des obligations et des responsabilités aux écoles en sachant très bien qu'elles n'auront pas les moyens de les exercer.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

M. Charbonneau (Yvon:) Le deuxième volet de notre présentation parle tout de même de ces questions, de ce terrain sur lequel nous entraîne forcément un peu le projet de loi 40, c'est-à-dire le terrain des juridictions, la sphère du pouvoir. Même si, comme nous l'avons dit d'entrée de jeu, ce n'est pas ce qui nous préoccupe, au moment où nous nous parlons, d'une manière centrale, puisque nous serons insérés, comme agents de l'éducation, dans ce réseau de pouvoirs à trois paliers que le ministre veut implanter par le projet de loi 40, nous devons prendre nos responsabilités et dire le plus clairement possible comment ce nouvel agencement de juridictions nous paraît ne pas faire avancer les choses. Bien au contraire, cela nous paraît devoir être retiré, pour ce qui est de l'aspect de l'implantation d'un troisième palier de pouvoir au niveau des écoles.

C'est l'épine dorsale du projet de loi 40, selon les propos que tient le ministre sur cette question. On nous parle de l'école comme étant le pivot du système. On s'aperçoit qu'il y a beaucoup de pivots dans ce système. Hier soir, je discutais avec un groupe d'enseignants pour essayer de voir le vécu encore davantage et discuter avec eux. Ils m'ont dit: Si tu rencontres le ministre demain, dis-lui que, pendant que l'école pivote, que les administrateurs parlotent, l'école que nous vivons vivote. C'est le message qu'on doit vous apporter ici. C'est le sentiment vécu par nos membres actuellement, quelle que soit leur sphère de travail. .

La question du projet éducatif, dans l'esprit du ministre, l'amène à nous proposer une structure de pouvoirs, un palier décisionnel de plus dans le système pour prendre en charge sa définition réduite, comme on vient de le démontrer, du projet éducatif qu'il assimile, à notre avis, de manière erronée au projet de l'école, car le projet éducatif est quelque chose de beaucoup plus large, comprenant le palier de l'école mais ne pouvant pas être réductible au niveau de l'école. C'est un projet éducatif ou un projet au niveau de l'école où tout le monde pourrait mettre son grain de sel, mais qui, finalement, serait donné à la gestion, à l'administration d'un conseil d'école où les parents auraient la majorité des sièges et des voix. Il s'agit là d'un organisme délibératif, d'un organisme où il se prend des décisions, des votes. Nous sommes dans un palier décisionnel, ainsi que le voudrait le projet de loi 40.

Nous disons que cette formule du projet de loi 40 comporte des risques majeurs d'émiettement de la juridiction de cette fonction qui nous semble vitale et qui consiste à devoir et à pouvoir organiser des services de qualité, au niveau éducatif, dans l'ensemble des régions du Québec pour l'ensemble des citoyens du Québec. Le morcellement du système en quelque 3000 unités de décision nous semble un pas inutile, nous semble même un obstacle à une saine administration des objectifs et des moyens que nous avons dans le domaine de

l'éducation.

De plus, en retour, par effet de cet émiettement au niveau de 3000 écoles, quelqu'un devra arbitrer, devra battre la mesure de ces 3000 pivots et ce sera le ministre de l'Éducation par ses bureaux régionaux ou directement, par ses grands encadrements. C'est comme cela que nous comprenons l'organisation politique qui est au centre du projet de loi 40, pour ce qui est de l'agencement du pouvoir scolaire. On nous présente cela comme un rapprochement du pouvoir, d'un lieu de pouvoir auprès de la population et des parents. En réalité, on saute en même temps qu'on ébranle un palier intermédiaire, celui des commissions scolaires. On passe par-dessus, au lieu de lui donner les moyens d'organiser de manière valable - Dieu sait comme il y a du travail à faire par les commissions scolaires dans leur propre sphère de juridiction! - au lieu de leur donner les moyens, de donner une chance renouvelée à ce palier de prendre vraiment ses responsabilités en termes de distribution, d'organisation des services, en termes de planification au niveau d'une collectivité, on passe par-dessus et on dit que cela se fera 3000 fois dans le Québec par 3000 unités de coordination. Le chef d'orchestre de cet ensemble de pivots devrait être quelque part. Autant il y a d'endroits où il y a des prises de décisions, autant il y a des possibilités de tensions et de conflits. (10 h 45)

Si on avait une autre approche, si le ministre nous parlait de créer dans les écoles les instances où il y aura de la concertation, non pas une instance où il y aura de l'autorité qui va s'exercer et où il y aura un pouvoir, si le ministre cessait de nous parler en termes de pouvoir et essayait de soulever les points de vue en rapport avec cette préoccupation de donner du pouvoir, de rajuster le pouvoir, s'il nous parlait, s'il restait sur le terrain de la responsabilisation, terrain qu'il aborde, par ailleurs, mais le moyen qu'il met de l'avant pour assumer cette responsabilité, ce sont des instruments de pouvoir. C'est là que nous pensons que nous faisons fausse route par le projet de loi 40.

Nous allons, par l'examen de quelques aspects, approfondir notre vision de cette question. Le projet de loi 40 rendrait l'école responsable de ce que le ministre appelle le projet éducatif, qui est bien plus large que ce que peut faire une école, qui englobe l'école, les calendriers scolaires, les programmes locaux, les programmes de services complémentaires, les manuels, le choix des manuels dans chaque école. Nous ne voyons pas du tout, comme éducateurs, la logique d'un tel système. Il y a beaucoup de parents qui nous écoutent actuellement et qui seraient un peu alarmés de savoir que, selon les écoles, les années et les conseils d'école, le vote des parents, il peut y avoir toutes sortes de changements de ce type.

Qui exercera ces fonctions? Encore là, il y aurait beaucoup à dire. Au niveau de l'école, le conseil d'école, de temps en temps; le directeur de temps en temps; les autres agents auraient aussi un mot à dire. À un moment donné, des votes sont pris et c'est au niveau des parents que tout cela se règle: les manuels, les questions d'évaluation des apprentissages, les besoins de perfectionnement des personnels. C'est une majorité de parents dans un conseil d'école qui voteraient là-dessus. C'est cela qu'on pense être la mauvaise piste, la mauvaise dimension du projet de loi 40. Comme le ministre, malheureusement, passe son temps à dire que c'est cela le fondement de son projet de loi, nous sommes obligés de demander le retrait de ce qui fait le fondement du projet de loi, à toutes fins utiles. Tant qu'il va définir son projet de loi par ce bout, puisque c'est là qu'est le problème, nous sommes obligés d'en demander le retrait.

Par ailleurs, la commission scolaire devra organiser, bien entendu, un certain nombre de juridictions. Elle demeure l'employeur, mais les écoles aussi peuvent être les employeurs de certaines catégories de personnels.

Pour ce qui est du ministère de l'Éducation, dans le système du projet de loi 40, nous interprétons qu'il consolide sa mainmise sur le système. Malgré l'apparence de décentralisation, de porter le pouvoir sur notre perron de porte, chacun dans notre cour, malgré tout cela, les grands encadrements sont bien consolidés dans une série de fonctions ou d'attributions relevant du ministre sur les programmes d'études. Il y a un immense pouvoir réglementaire qui est maintenu aussi. Un pouvoir réglementaire, cela commence par un mètre de large et cela finit par un kilomètre de long, tout le monde le sait. Il y a des commissions d'étude au niveau même de l'Assemblée nationale qui ont attiré l'attention du législateur sur l'extension qui peut se prendre à travers l'exercice d'un pouvoir réglementaire qui fait que, finalement, le législateur voit la surface des choses et le reste se fait par d'autres procédures. Nous sommes alertés à ce genre de dimension et de problème.

Sur le plan pédagogique, nous interprétons que la marge de manoeuvre, la sphère d'influence des personnels de l'enseignement dans leur travail quotidien va s'amenuiser, car le gouvernement se trouverait à donner à des gens, qui le feraient en toute bonne volonté mais sans le temps ou la disponibilité nécessaire, la responsabilité de trancher sur des questions comme les programmes, les manuels, le perfectionnement; cela se ferait au niveau

d'un conseil de parents dans les écoles. Nous pensons qu'il y a d'autres manières d'organiser la relation entre les parents, les enseigants et le directeur d'école que celle que suggère le ministre, qui est l'implantation d'un palier décisionnel: on prend des votes et les affaires se règlent. La réalité est beaucoup plus complexe. Surtout cette réalité difficile mais riche à laquelle on doit s'arrêter, qui est la réalité de l'acte éducatif. Cette réalité se passe entre les enseignants, les personnels de l'enseignement et les élèves. Cette réalité ne se passe pas dans des votes pris dans des conseils d'école ni dans des délibérations de comité.

D'ailleurs, les parents, à notre connaissance, légitimement - nous les avons encouragés à cela depuis au-delà de dix ans, en ce qui concerne notre centrale - désirent avoir une meilleure association à la prise de décision sur certaines questions. Nous sommes bien d'accord avec cela, mais ils n'ont pas demandé d'être les grands contrôleurs de l'éducation école par école. Ils n'ont pas demandé d'être des espèces de minipatrons ou avoir du pouvoir à temps plein dans les écoles. Il n'y a aucun sondage qui appuie cette thèse. Les relevés d'opinions et les sondages faits par le ministère de l'Éducation lui-même sur la base des hypothèses du livre vert, il y a plusieurs années, vont tout à fait dans le sens contraire. On pourra revenir là-dessus tout à l'heure. Avec un rôle accru des parents dans le système scolaire, nous sommes d'accord, mais un rôle qui va jouer sur des formes différentes que l'approche du projet de loi 40. Nous pourrons y revenir.

Le partage des responsabilités qu'esquisse le projet de loi 40 entre l'école et la commission scolaire risque aussi d'engendrer des conflits en des lieux très multiples. Quand on parle de pouvoir, les gens se dressent: ma juridiction, ta juridiction, nos sphères. Automatiquement, on nous entraîne sur ce terrain. Actuellement, le système est ainsi arrangé. Il y a un niveau de pouvoir au ministère, d'autres niveaux de pouvoir aux commissions scolaires, qu'il y a lieu d'ailleurs de réorganiser et de rationaliser en tant que commissions scolaires: 150, 200, on verra le chiffre qui sortira quand le ministre publiera ses derniers documents. Là, on nous dira: Maintenant, il y en aura 3000 de ces lieux. On n'a pas les moyens dans la société québécoise et dans le système scolaire québécois de multiplier ainsi les lieux de possible tension, parfois de confrontation inévitable, puisqu'il y aura là exercice de pouvoir. Ce n'est pas nous, encore une fois, qui choisissons ce terrain. Nous voulons qu'on nous l'évite dans la mesure du possible. Qu'on nous l'évite pour le bien de l'éducation et pour cet objectif aussi que nous avons d'avoir des relations du travail saines entre nos organisations et nos employeurs.

L'introduction du palier école, avec pouvoir décisionnel sur certaines questions vient compliquer cet exercice qui n'est déjà pas facile, organisé comme cela l'est actuellement. Par exemple, la question de l'établissement du calendrier scolaire: il y a pas mal de cuisiniers à la sauce à l'école et dans les commissions scolaires; par exemple, la question de certaines attributions en matière de gestion du personnel, le plan d'effectifs par l'école, la gestion de tout cela par la commission scolaire, toute la question du directeur d'école. Celui-ci, premier employé du conseil d'école, un lien très ténu, d'après la déposition de la semaine dernière, avec la commission scolaire, ne se reconnaîtra pas employé de la commission scolaire ou relevant du directeur général... Où mène ce genre de distribution de morceaux de pouvoir? Quand on distribue le pouvoir par petits morceaux comme cela à tout le monde, nous soumettons l'hypothèse que celui qui fait cela veut se garder le gros bout du bâton.

La meilleure manière d'être au pouvoir et de manière à peu près indiscutable et irréfutable de la part du ministre, c'est de donner des petits morceaux de pouvoir à tout le monde. La meilleure manière de ne pas avoir à faire face à des interlocuteurs organisés qui servent de contrepoids dans le système - ces interlocuteurs pourraient être les commissions scolaires et les relations du travail que nous pourrions organiser, quant à nous, avec les commissions scolaires et le gouvernement, à deux niveaux - la meilleure manière de s'éviter tous ces problèmes qui seraient dans la ligne d'une véritable décentralisation, c'est de donner des morceaux de pouvoir à tout le monde. Comme cela, tout le monde aura l'impression d'en avoir chez lui, mais, en réalité, il y aura un grand maître de l'orchestre. Ce sera celui qui est à Québec: le ministère de l'Éducation. C'est ce que nous voyons dans la philosophie de base du projet de loi 40 et c'est ce que nous rejetons. L'autonomie professionnelle des travailleurs et des travailleuses de l'enseignement. Il y en a beaucoup la semaine dernière et dans des articles dans les journaux qui ont souligné la part très ténue faite par le ministre au personnel, aux enseignants et enseignantes dans le projet de loi 40. Puisque cela a été dit, nous pouvons certainement le corroborer quant à nous.

Nous n'avons pas l'impression que ce projet de loi 40 se situe dans la même ligne que la belle lettre vantant les qualités professionnelles des enseignants qu'on nous envoyait quelques jours ou quelques mois avant la dernière ronde de négociations. De toute façon, on a déjà eu le temps de se faire une idée sur cette lettre par ce qui s'en suivit dans les mois qui sont venus par

la suite, à l'occasion des décrets et des autres bousculades qu'on nous a imposés.

De toute manière, à travers le projet de loi 40, on a l'impression qu'on est quasiment des étrangers dans ces discussions. On nous entrouvre une porte, un comité ici, mais il ne faudrait pas que cela dérange trop. Il ne faudrait pas qu'on ait un mot à dire de manière trop définitive sur quoi que ce soit. On nous reconnaît bien des compétences, on nous flatte dans le sens du poil quand c'est pour nous donner de l'ouvrage; quand c'est pour nous permettre d'influencer l'orientation ou la dispensation de notre travail, on est déjà là un peu plus dans le coin, un peu plus en dehors des circuits qui comptent. C'est là la philosophie générale que nous voyons dans le projet de loi 40 et nous pensons vraiment que ce n'est pas la place que nous méritons et ce n'est pas la place qu'attendent de nous voir occuper la population et les parents dans le système scolaire. Ils attendent beaucoup plus.

Quand nous les rencontrons, le soir dans des réunions, ils nous confient beaucoup de problèmes. Ils ne nous parlent pas beaucoup de nos pouvoirs, etc. Ils nous parlent de leur vécu, de leur relation avec leur enfant, de la relation de leur enfant avec eux à la maison. Ils se demandent comment ils pourraient nous aider chez eux, ils nous demandent comment ils pourraient nous aider à l'école. Ce sont des questions concrètes comme celles-là. Ils ne nous parlent pas de nos juridictions, ils nous parlent de leurs attentes. Nous voulons être en mesure de répondre - mais en pleine responsabilité, pas seulement sous le coup de diktats - à ces attentes, pas seulement dans le cadre de règlements préfabriqués, parachutés, pensés par d'autres, que nous devons ensuite exécuter.

Nous demandons un peu plus de place que cela dans le système. Cela ne s'appelle pas demander du pouvoir, cela s'appelle demander une sphère d'influence où on peut quand même avoir un mot à dire et être pris en sérieuse considération. Ne pas être tenu dans le coin en laisse comme un animal dangereux qu'on veut empêcher le plus possible de venir jouer dans nos affaires.

Nous pouvons aussi parler du rôle des parents. C'est une question à laquelle nous réfléchissons sérieusement au niveau de nos affiliés dans un ensemble de réunions qui se tiennent avec les parents et au niveau de notre centrale. C'est une question fort préoccupante. Même si cela peut être, au niveau populiste, soi-disant habile de la part du ministre de leur dire: "Approchez-vous, je vous donne du pouvoir", nous pensons qu'il y a là une grande dose d'illusions et beaucoup de parents l'ont senti d'après ce que nous pouvons voir de nos contacts, d'après ce que nous pouvons voir aussi de certains sondages qui sont menés dans les écoles par les comités d'école et les comités de parents eux-mêmes où il n'y a pas cet appétit de pouvoir mais où il y a une soif de prise de reponsabilité de la part des parents.

Nous la saluons depuis le temps que nous l'appelons, cette prise de responsabilité. Nous en saluons l'avènement et nous voulons avoir la possibilité, comme éducateurs, de nouer des relations - je pèse le mot clé comme le ministre appuie tellement sur les mots "pivot" et "palier décisionnel" - de "coopération" dans l'égalité avec les parents au niveau de l'école, des relations qui s'appuient sur la concertation, qui ne sont pas embrouillées par des relations de pouvoir, des relations qui respectent la spécificité de la contribution de chacun; les parents peuvent faire un bon bout en notre direction et aller-retour chez eux, dans leur maison avec leurs enfants en fonction de l'éducation. Nous pouvons aussi faire un bon bout.

Nous avons des missions complémentaires différentes, complémentaires spécifiques, qui exigent le respect des uns et des autres. Nous sommes prêts à aller loin sur cette voie, mais qu'on ne nous embrouille point, qu'on ne nous crée point d'obstacles avec des paliers de pouvoir au niveau des écoles. Cela est non seulement inutile mais nuisible, à notre avis. (11 heures)

Le rôle des parents, nous en sommes, et nous sommes prêts à trouver des formules où les parents pourront avoir encore davantage à dire dans le système là où cela compte, quand c'est le temps d'organiser des services dans les régions entre les écoles, des services qui vont pouvoir s'adresser à des enfants qui sont au préscolaire, au primaire, au secondaire, qui changent de quartier, d'habitat, de localité à l'intérieur d'un territoire donné. Les parents ont un mot à dire et nous pensons qu'on doit élargir leur place de ce côté-là.

Le droit des étudiants, je passe rapidement. J'inviterais le ministre et la commission à recevoir le point de vue des étudiants ici. Il y a par exemple un organisme comme la JEC qui a préparé un mémoire. Il a des choses à dire. Il représente un certain nombre d'étudiants visés par ces mesures. Il n'a pas nécessairement des choses gentilles à dire sur le projet de loi 40 mais cela ne veut pas dire que ce ne seront pas des choses importantes. Il faudrait faire place à cela ici. Le projet de loi 40 parle des étudiants mais la place qui leur est faite est très encadrée et finalement, c'est le directeur d'école qui convoque les réunions, qui organise leur participation comme d'ailleurs il organiserait la nôtre si on se fie à certains aspects du projet de loi 40. On est capable de s'organiser un peu mieux que cela, je crois.

Le mode d'élection des commissions scolaires et des commissaires d'école. Il y a

beaucoup de choses qui ont été dites là-dessus. Bien entendu, dans la mesure où le ministre se rapproche d'une formule de suffrage universel, ce sont des pas dans la bonne voie. On ne pense pas que l'agencement qui prévoit que les commissaires sont élus au niveau des écoles tout en pouvant habiter dans l'ensemble d'un territoire sans véritable enracinement, soit une voie sur laquelle il faille continuer. Il faut en revenir à des formules de suffrage universel; enlever beaucoup d'ambiguïté dans les formules avancées jusqu'à maintenant. Il faut se rappeler que c'est un service public. Bien sûr, les parents ont beaucoup de choses à dire. L'éducation est un service public qui concerne toute la population. Qu'on ait, par choix de vie ou autrement, des enfants ou pas, on a tous un intérêt à ce qu'il y ait de l'éducation de qualité dans une société donnée. Cela a un rapport avec le fait d'être parent, mais ce n'est pas le seul rapport. Il y a deux légitimités à associer dans l'organisation et la gestion de la direction des services éducatifs, les parents et les citoyens. Il y a moyen de trouver des formules qui se combinent et qui respectent en tout état de cause le suffrage universel.

La transparence de l'administration scolaire. On aurait beaucoup à dire là-dessus quand on examine toute la mécanique des délégations de pouvoir. C'est un domaine complexe, hautement technique. Il y a des juristes qui peuvent élever leur famille au complet en étudiant ces questions. Je ne m'arrêterai pas là-dessus. On vous fait des suggestions aux pages 31 et 32 d'examiner où les questions de délégation de pouvoir nous mènent - la commission qui délègue au directeur général, le directeur général qui délègue aux cadres ou à l'école, l'école qui délègue au directeur d'école, lequel peut avoir un adjoint - on ne sait plus où est la décision là-dedans, où est le responsable de qui et de quoi. Quand on est rendu à une délégation de pouvoir en cascade, on pense qu'on s'éloigne du véritable contrôle sur l'orientation de notre éducation.

Un dernier mot sur les questions relatives à l'île de Montréal et la CECM. Je pense qu'à défaut d'avoir des propos sur l'ensemble du Québec, puisqu'on n'a pas nécessairement accès à la dernière information sur la carte, etc., mais sur l'orientation à l'égard de l'île de Montréal, il nous semble que le ministre ne tient pas compte d'une manière suffisante des besoins d'harmonisation ou de répartition des services au niveau de l'île. Il atténue ou affaiblit en quelque sorte la juridiction de l'organisme qui chapeaute actuellement l'ensemble des commissions scolaires de l'île. De même qu'il ne tient pas suffisamment compte non plus du bassin d'expertises et du potentiel organisationnel qui existe au niveau de la CECM en proposant, semble-t-il, de découper cette commission scolaire en quelques unités plus petites. Nous pensons qu'à partir de cet exemple, on pourrait aussi, toutes proportions gardées, parler de la CECQ. On se lance dans le débat de l'agencement des commissions scolaires dissidentes, confessionnelles parfois maintenues dans certains espaces. Ceci est trop long pour le temps qu'il nous reste.

Je conclus cette partie de notre présentation en implorant le ministre de retirer ce projet de loi parce qu'il continue de le définir de manière essentielle en termes d'attribution de pouvoirs à un troisième palier. Cela embrouille les affaires; cela dérange tout le monde; cela n'arrange rien et cela nous empêche de développer, à l'aide d'expériences en cours, des relations fécondes de coopération avec nos principaux partenaires dans l'acte éducatif que sont les parents et les élèves, du moins pour le niveau secondaire.

La troisième partie sera présentée par mon collègue, M. Johnston.

Le Président (M. Blouin): M. Johnston.

M. Johnston (Raymond): M. le Président, puisque nous sommes une organisation syndicale et que nous représentons du personnel de l'ensemble des catégories du secteur de l'éducation visé par la loi qu'on a devant nous, malgré que le temps se soit écoulé assez rapidement, vous me permettrez quand même de situer l'essentiel de notre position relativement à l'organisation syndicale, à la représentation syndicale, aux droits des salariés, au droit de négociation et autres questions reliées au processus prévu par le projet de loi 40.

Je voudrais d'abord dire qu'on a été un peu étonné, à la lecture du projet de loi 40, de voir ce qui pouvait s'en dégager. Je dis un peu étonné, sans l'être tout à fait. D'une certaine façon, on aurait pu être en position de croire que, depuis 1976, on avait subi suffisamment de lois spéciales pour ne pas se retrouver avec un projet de loi visant, semble-t-il, une réforme scolaire qui tenterait de faire, à l'occasion, une certaine mise en veilleuse des organisations syndicales, une restriction des droits d'organisation syndicale en même temps qu'une restriction des droits des salariés.

On aurait pu croire aussi que, le gouvernement s'étant fait justice avec les lois 70, 105 et autres l'an passé, il ne sentirait pas le besoin de venir une fois de plus mettre en cause des droits qui sont maigres, mais reconnus par les décrets qui nous régissent au niveau des commissions scolaires. L'histoire nous avait appris que le gouvernement ne résistait pas à ses tentations, donc, jusqu'à un certain point, on n'était pas non plus tellement surpris. Cependant, on se serait attendu que le gou-

vernement respecte son Code du travail et ses décrets. On va préciser cela.

Au niveau de l'organisation syndicale ou de la représentation syndicale, plusieurs éléments nous frappent. Le premier, c'est l'absence complète de rôle de l'organisation syndicale dans la mise en place des nouvelles structures proposées par le gouvernement. C'est le personnel de cadre, la direction de l'école, qui convoquerait les enseignants et le reste du personnel, le cas échéant, pour décider de la formation d'un comité pédagogique ou non. C'est encore la direction de l'école qui convoquerait pour la nomination des membres du comité pédagogique. C'est la direction de l'école qui convoquerait les membres du personnel pour décider s'ils doivent être représentés ou non à l'intérieur du conseil d'école et, s'il devait y avoir une telle représentation, c'est le président des élections qui contrôlerait la procédure selon laquelle les représentants du personnel participeraient au conseil d'école. On pense qu'il y a là des opérations qui sont de la nature du tassage des organisations syndicales.

Autre élément important, c'est l'ensemble des dispositions qui visent à retirer, sous un titre ou sous un autre, le droit à la syndicalisation. Il y a des choses qui sont clairement écrites; notamment, la secrétaire du directeur général et la secrétaire du directeur du personnel sont exclues d'une telle accréditation. Plusieurs causes ont été entendues, lors de demandes d'accréditation, où de telles propositions étaient véhiculées par les employeurs. Presque chaque fois, nous avons gagné contre les commissions scolaires autour de telles représentations. Nous ne comprenons absolument pas que le gouvernement profite d'une restructuration scolaire pour se faire justice, pour faire justice à l'appareil patronal à l'égard du droit à la syndicalisation, du droit d'appartenir à une unité d'accréditation.

L'autre technique qui est utilisée aussi pour soustraire, dans un certaine mesure, des gens des unités d'accréditation à certains droits, c'est le recours à la sous-traitance. Et cela, on peut noter qu'il y en a en très grande quantité dans le projet de loi 40. Je veux seulement vous citer rapidement quelques articles, car je n'ai pas l'intention de faire l'énumération complète: l'article 201, l'article 249, l'article 103, les articles 117 à 119 et l'article 119 dans sa partie qui peut même être plus englobante, qui peut même couvrir les articles 90 à 118, c'est-à-dire que cela pourrait couvrir l'ensemble des services éducatifs au niveau de l'école. Il y a quelque chose là. Il y a quelque chose qui ressemble à un recours par le gouvernement à la technique de l'entreprise privée pour viser à réduire les effets de la syndicalisation.

En plus de cela, par le projet de loi 40, on vient établir des mécanismes qui font sauter, à toutes fins utiles, la liberté d'organisation syndicale. Je suis aux pages 36 et 37, M. le Président. Les mécanismes prévus par le projet de loi 40 visent à faire en sorte, visent à contingenter, à réglementer toute la restructuration syndicale devant accompagner la restructuration scolaire. Il fait en sorte que seules les organisations syndicales qui sont accréditées dans le territoire d'une nouvelle commission scolaire pourront, éventuellement, revendiquer le droit à représenter les salariés d'un groupe visé. Cela a des effets en termes de liberté d'organisation syndicale, en termes de liberté d'affiliation, mais aussi en termes de liberté d'organisation. Par exemple, des groupes qui seraient en voie de fusion ne pourraient pas réaliser la fusion sous l'empire de la loi 40 à cause de telles dispositions. Il n'y a pas lieu que le législateur décide à la place des travailleurs du mode d'organisation syndicale qu'ils doivent se donner.

Il n'y a pas lieu, non plus, que le législateur décide des libellés d'accréditation à la place des organisations syndicales, sur la base des décisions prises par les travailleurs en assemblée générale. Il y a des mécanismes qui sont prévus au Code du travail là-dessus; il y a des traditions; il y a aussi des mouvements qui sont imprimés progressivement qui viennent modifier ces traditions sur la base de demandes qui sont faites par les travailleurs eux-mêmes lorsqu'ils s'organisent, ou lorsqu'ils décident de se réorganiser pour faire face, d'une façon différente, à un employeur qui, à cause de sa situation administrative, commence à avoir des comportements différents.

Je n'aborderai pas dans le détail tout le chapitre de la représentation syndicale, ou toute la section de la représentation syndicale, mais je voudrais vous signaler qu'en plus de cela, il y a un certain nombre d'obligations supplémentaire, qui apparaissent dans les articles 410 à 415. Il y a en plus une zone grise, une zone de vague qui est créée, du fait de dispositions d'exception par rapport au régime général qui feraient en sorte que, probablement, la véritable portée de ces dispositions ne serait connue des parties de façon définitive que lorsque tout le processus serait passé. Il y a donc là des risques d'entraîner, pour les organisations syndicales et les salariés qu'elles représentent, des inconvénients majeurs qu'un gouvernement ne peut pas rechercher à moins de vouloir nuire à l'action syndicale, à moins de vouloir limiter l'organisation syndicale. (11 h 15)

Un deuxième volet qui nous inquiète beaucoup, c'est l'impact des dispositions du projet de loi 40 sur le droit à la négociation

de nos conditions de travail. On est porté à croire que, volontairement ou involontairement, mais probablement volontairement, on a prévu dans ce projet de loi des dispositions qui visent, si ce n'est pas à écarter toute négociation véritable sur un certain nombre de questions, au moins la rendre presque impraticable. Je suis maintenant à la page 38. Les affectations, réaffectations, mutations, répartition des fonctions et responsabilités, avec l'ensemble des dispositions qui apparaissent dans le projet de loi no 40, il y a de quoi s'inquiéter sur l'avenir de la négociation sur ces questions; de même pour la sécurité d'emploi à cause de l'ensemble des références qu'on fait à ce chapitre.

En ce qui concerne l'autonomie professionnelle, quand on est rendu à prévoir dans un projet de loi que l'enseignant aura la liberté de choisir les modalités d'application de la méthode pédagogique, on peut voir un peu quel genre d'autonomie professionnelle on va pouvoir négocier pour les personnels du secteur de l'enseignement, les modalités d'application de la méthode.

Quant aux organismes de représentation syndicale, on est habitué, depuis un certain nombre d'années, de négocier dans nos conventions collectives la participation d'organismes, notamment la participation des enseignants, mais il commence à y avoir un mouvement pour les autres personnels aussi sur un bon nombre de questions. Négocier ces processus suppose que ces processus, une fois qu'ils sont négociés, ne sont pas mis en veilleuse par d'autres mécanismes prévus par une disposition législative. On pourra revenir là-dessus quant aux dispositions du projet de loi concernant le conseil d'école, le comité pédagogique, etc. Tout cela risque de mettre en veilleuse, pour ainsi dire, ou de mettre en péril les comités de relations du travail, les organismes de consultation au niveau de l'école et, dans certains cas, les organismes de consultation au niveau de la commission qui ont été négociés également, ce qui était le chapitre IV des conventions collectives des enseignants.

Avec les dispositions qui apparaissent dans le projet de loi 40, on se demande aussi si on pourra, comme on a tenté de le faire avec de maigres succès jusqu'à maintenant mais tout de même avec un certain succès, encore négocier des dispositions régissant les conditions à l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Quand on sait comment se distribue le pouvoir autour de cela, on voit là des risques que ce droit de négociation s'écarte ou s'étiole.

Quant au perfectionnement, le président de la centrale l'a mentionné tantôt, si c'est le conseil d'école qui décide à toutes fins utiles des plans de perfectionnement sur recommandation du directeur, que deviennent les dispositions de nos conventions collectives qui régissent le perfectionnement? Que deviennent les mécanismes dans certains cas paritaires et décisionnels qui sont encore maintenus par des décrets, prolongés par les décrets imposés par le gouvernement? Que deviennent ces mécanismes dans ce contexte-là? Il y a un bon nombre de dispositions sur les mécanismes de promotion dans le projet de loi 40. On était habitué à négocier certaines règles de promotion à l'intérieur des conventions collectives, ne serait-ce que des mécanismes? Dans ces cas-là, il y a de fortes chances, avec les dispositions qui apparaissent dans le projet de loi 40, que tout cela n'ait plus aucune utilité dans l'avenir.

Le calendrier scolaire. Le ministre va établir un certain nombre de choses, la commission en établira d'autres et l'école encore d'autres. Un pouvoir est réparti mais il fait en sorte que, finalement, tout ce champ qui a déjà été couvert par nos conventions collectives, qui était de l'ordre de la distribution, de l'utilisation du nombre de journées pédagogiques dans l'année, enfin de leur utilisation dans l'ensemble du calendrier, cela veut dire que tout cela sortirait éventuellement du champ de la négociation mais cela peut vouloir dire aussi des espèces d'impossibilité, compte tenu de la distribution du pouvoir vis-à-vis du calendrier scolaire, de coordonner dans certains cas de façon potable le travail de personnels itinérants, parce qu'il y a beaucoup de ce personnel dans tout le Québec.

Le Président (M. Blouin): M. Johnston, la présentation a déjà requis plus d'une heure du temps de la commission. Je souhaiterais que vous puissiez...

M. Johnston: Je vais accélérer, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Si vous pouviez synthétiser votre présentation pour que nous procédions par la suite à l'échange entre les membres de la commission et les représentants de votre centrale, s'il vous plaît!

M. Johnston: Très bien. Sous-chapitre du droit à la négociation. On est appelé quasiment à considérer qu'il y a une espèce de fraude qui est pratiquée par le projet de loi 40. Une espèce de fraude à l'égard, aussi, du respect de nos conditions de travail. Tout ce que j'ai dit sur le champ du négociable, cela s'applique aussi à des conditions de travail existantes. Il y a d'autres cas qu'on peut également couvrir et qu'on peut également mentionner. Ces cas sont mentionnés aux pages 40 et 41. Ce sont des questions couvertes par nos conventions collectives ou ce qui en tient lieu plutôt, les décrets, et qui sont mises à l'écart

éventuellement par le projet de loi 40. Je cite rapidement quelques questions: On nous impose un régime d'organisation du travail par l'article 98, le titulariat. On permet de réquisitionner du personnel pour la commission de mise en oeuvre. On ne sait pas quelles sont les conditions qui vont s'appliquer et la réquisition, ce n'est prévu dans aucun des décrets applicables au personnel des commissions scolaires.

Il y a disparition de décrets qui découle de l'ensemble des dispositions du projet de loi 40. Des décrets promulgués il y en a un, à toutes fins utiles, qui est en vigueur entre une commission scolaire et chaque association de salariés, chaque syndicat. Avec la nouvelle restructuration syndicale qui accompagne la restructuration scolaire, on nous dit: Attention, vos décrets vont devenir caduques et les dispositions qui sont comprises dans ces décrets vont devenir caducs à moins que ce soit le décret qui était celui du syndicat qui devienne accrédité selon les nouvelles règles établies par le gouvernement. Cela implique une perte de droits pour un bon nombre de personnes. Le gouvernement en est sûrement conscient. Ce sont des droits importants, d'ailleurs.

Le comité d'enseignants sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, cela apparaît au décret des enseignants E-l, à la clause 8901. Cela va devenir quoi, avec les dispositions qui apparaissent dans le projet de loi 40? Ce type de comité va devenir nécessairement un comité de nature accessoire vu qu'il y en aura un autre prévu au niveau de la commission par voie législative avec la même vocation, à toutes fins utiles. Comparons les textes.

Je vais aller aux mécanismes de transition: Le projet de loi 40 comporte des ambiguïtés sur la notion d'employeur entre l'école et la commission. Il comporte aussi des ambiguïtés concernant les possibilités d'agir de la commission scolaire pendant que le comité de mise en oeuvre travaille. À la limite, certaines dispositions du projet de loi 40 pourraient apparaître comme étant des obstacles au règlement de tous les litiges sur les décrets actuellement en vigueur tant que la commission scolaire n'a pas obtenu l'autorisation du comité de mise en oeuvre.

On pense qu'il y a là un problème d'alourdissement, si ce n'est même de blocage, des relations du travail pendant la période de transition. Également, je veux souligner la difficulté de la sous-traitance au niveau de l'école. J'ai mentionné plusieurs cas tantôt où le projet de loi faisait référence à la sous-traitance. Mais que l'école ait le pouvoir de conclure des ententes avec des organismes qui pourraient avoir pour effet, à toutes fins utiles, de devenir des espèces de contrats de sous-traitance, cela peut avoir pour effet aussi qu'on se ferait opposer en négociation la possibilité de limiter les contrats à forfait par un pouvoir qui serait à un autre niveau que celui de l'employeur formel.

Sur les plans d'effectifs, les plans de transfert, on a pris connaissance de la déclaration d'intention du ministre qui viserait à modifier l'article 353, mais, malheureusement, on ne connaît pas le texte de la proposition du ministre. Dans l'annexe au discours du ministre, à l'ouverture de la commission parlementaire, on ne trouve pas les dispositions du texte qui viendraient amender l'article 353, de sorte qu'on est obligé encore aujourd'hui de considérer qu'il y a des risques que la négociation ne soit pas nécessairement complète et qu'elle ne couvre pas l'ensemble des volets qui sont de l'ordre des préoccupations des salariés dans le cadre du transfert des commissions scolaires actuelles aux nouvelles commissions scolaires.

Je voudrais mentionner qu'il a été prévu dans le projet de loi 40 un mécanisme qui échappe à l'organisation syndicale dans tous les plans de transfert, sauf la déclaration d'intention du ministre qui dit: négociation sur les plans de transfert et d'intégration. Il y a là-dedans des questions très importantes qui sont non seulement de l'ordre de savoir quels salariés vont aller dans quelle commission scolaire, mais comment tout cela va s'agencer par rapport aux conditions de travail actuelles, comment les conditions de travail seront respectées. On n'accepte pas que, par voie législative, le gouvernement fasse table rase de droits acquis différents dans certains milieux et que la rationalisation, le cas échéant, ne soit pas à tout le moins négociée.

On n'accepte pas non plus cette disposition du projet de loi 40 qui garantit trois droits et qui a pour effet, à toutes fins utiles, d'éliminer ceux qui ne sont pas mentionnés. On n'accepte donc pas non plus que le projet de loi 40 fasse échec aux dispositions des décrets existants, notamment le décret applicable au personnel de soutien et aux professionnels qui prévoit un mécanisme en cas de restructuration scolaire. On n'accepte pas non plus que des gens actuellement couverts par des dispositions de décrets existants puissent perdre des droits, le cas échéant, lors d'un transfert résultant du projet de loi 40. Cela pourrait se produire tant pour les enseignants et les professionnels que le personnel de soutien. Je souligne aussi que, malheureusement, il n'y a pas, dans le projet de loi 40, une des garanties fondamentales qui aurait dû y être comprise, la garantie du maintien des postes et des emplois à l'occasion de la restructuration scolaire. Il n'y a strictement rien sur ce terrain. Il ne semble pas non plus qu'on ait prévu devoir aller beaucoup plus loin que cela.

Par ailleurs, l'autre dimension qui nous

préoccupe, c'est que, dans cette phase transitoire, nous sommes en relation avec un employeur qui s'appelle la commission scolaire existante. Il y aura parallèlement la nouvelle commission scolaire qui va se constituer. Il y aura un comité de mise en oeuvre qui va exercer certaines des fonctions de la commission scolaire existante et certaines des fonctions de la nouvelle commission scolaire. Nos conditions de travail, dans la mesure où elles ne seront pas respectées par le comité de mise en oeuvre, les plans de transfert et d'intégration, dans la mesure où ils ne seront pas respectés par les comités de mise en oeuvre, par la commission de mise en oeuvre ou même par le ministre, le projet de loi 40 est silencieux sur les droits de recours qu'on aurait là-dessus. Ce projet de loi crée donc une situation d'inquiétude profonde pour l'ensemble des catégories de personnels qu'on représente au niveau des relations du travail.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Johnston. En concluant, M. Charbonneau, rapidement, s'il vous plaît! (11 h 30)

M. Charbonneau (Yvon): Oui, un mot de conclusion, M. le Président. Mon collègue, M. Johnston, vient de faire un plaidoyer qui démontre qu'on n'a pas besoin d'avoir une réalité en relations du travail plus compliquée, plus embrouillée, plus pesante qu'on ne l'a déjà. Avec les décrets, il me semble que le ministre et le gouvernement se sont payé la traite comme ils l'entendaient. Si le projet de loi 40 est pour venir compliquer cela, enlever encore des bouts là-dedans, continuer ni plus ni moins à nous imposer des choses qui, normalement, devraient être de l'ordre des relations du travail, tout en nous imposant une nouvelle répartition de pouvoir, on nous dit: De grâce, évitez-nous cela, évitez-vous cela, évitez cela aux parents aussi, aux commissions scolaires. On n'a pas besoin de cela par les temps qui courent. Si c'était pour améliorer la qualité du produit à la fin, on pourrait en parler. D'ailleurs, on est prêt à vous parler au niveau des négociations n'importe quand, mais pour améliorer les choses, pas pour les embrouiller. Cela, c'est le premier plaidoyer de ma collègue, Mme Gagnon.

Je crois établi que le projet de loi orienté comme il l'est, passe à côté des vrais problèmes du vécu avec sa complexité et ses expérimentations, nos échecs aussi parfois, les uns et les autres, nos difficultés et aussi nos possibilités. Cela passe à côté. Elle ne nous aidera pas, la mesure centrale du projet de loi 40. J'ai essayé d'expliquer que ce n'est pas par le fait qu'on introduit un palier de pouvoir de plus qu'on vient d'arranger quelque chose dans le système.

Non pas parce que nous sommes des tenants du statu quo; on a plein de changements en tête et on a plein de visions en termes d'amélioration de l'école. On l'a écrit et on vous a remis une quantité de mémoires. Vous savez fort bien que nous avons plein de propositions de changement, mais pas celle-là. M. le ministre, on vous demande de nous éviter cela et de l'éviter à la population québécoise. On vous demande de nous laisser travailler en paix et de nous laisser expérimenter avec les co-éducateurs que sont les parents de nouvelles formules de coopération. On n'a pas besoin pour cela d'un nouveau palier décisionnel, comme vous en faites l'axe central de votre projet de loi. Au lieu de vous présenter 50 à 75 amendements, on vous demande un amendement: retirer le projet de loi.

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau, Mme Gagnon et M. Johnston, merci. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier la CEQ pour le mémoire qu'elle présente à la commission. J'ai pris un grand intérêt à la lecture de ce long mémoire et aussi, ce matin, à la longue présentation de ce mémoire.

Comme l'a dit le président de la CEQ, aussi bien le livre blanc que le projet de loi 40 ont fait l'objet d'une étude fouillée de la part de la CEQ, le mémoire a été préparé avec beaucoup de soin. Comme cela n'est peut-être pas étonnant à la suite de cette lecture fouillée et de cette étude fouillée, la CEQ s'est transformée pour les besoins de la cause en un bon avocat du diable. Selon la tradition, c'est d'opposition, je ne dirai pas systématique mais fréquente, à toutes les politiques d'éducation qui émanent des gouvernements aussi bien unionistes, que libéraux, que péquistes. Elle en a présenté une critique également très fouillée et une contre-argumentation détaillée, en n'oubliant pas, au passage, de faire un procès vigoureux de toutes les autres politiques actuelles du ministère de l'Éducation: formation professionnelle, éducation des adultes, politique d'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage, évaluation des apprentissages des élèves, enseignement privé, compressions budgétaires et décrets. Sur tous ces points, cela pourrait donner lieu à de très longs échanges où le ministère pourrait faire valoir aussi son point de vue, mais on sait très bien qu'on n'aura pas le temps d'aborder tous ces autres sujets et que ce n'est peut-être pas le lieu, ni l'occasion de le faire.

La CEQ porte également, et c'est tout à fait normal, une très grande attention aux droits syndicaux tels qu'ils peuvent apparaître dans le contexte du projet de loi 40. Cela est tout à fait compréhensible, malgré que l'on puisse penser que c'est une très grande partie du mémoire qui est

présentée dans l'optique de la défense des droits syndicaux et qui est colorée par cette défense des droits syndicaux. En ce sens, le mémoire de la CEQ s'inscrit dans le combat syndical que cette dernière mène depuis plusieurs années. Il s'incrit probablement aussi dans la préparation de la prochain ronde de négociations et fait état, évidemment, des revendications permanentes aussi bien qu'actuelles que la CEQ présente depuis plusieurs années à l'occasion de la renégociation des conventions collectives.

Peut-être peut-on déplorer que l'optique professionnelle, même si elle est présente, ne l'est guère en fin de compte et on pourrait peut-être penser que cette optique du caractère professionnel de l'enseignant aurait pu être davantage présente.

Je remarque aussi que la CEQ ne présente aucune proposition d'amélioration au projet de loi. Comme le président l'a dit à la fin, elle ne présente qu'un seul amendement, c'est le retrait du projet de loi. Cela veut dire, au fond, que la CEQ ne trouve absolument rien de bon dans ce projet et qu'elle en demande conséquemment le rejet total et inconditionnel. C'est là une attitude négativiste qui peut s'expliquer dans le contexte des affrontements syndicaux-patronaux, mais c'est quand même une attitude qui est difficilement acceptable.

Heureusement, lorsqu'on parcourt les déclarations successives de la CEQ, on se rend compte que cette attitude négativiste n'est peut-être pas aussi complète qu'il ne le paraît à la lecture du mémoire ou à l'audition du mémoire que l'on vient d'entendre. En effet, la CEQ a émis, par exemple, une déclaration en 1983 qui a fait l'objet d'études par ses divers chapitres régionaux. Même si la CEQ reprend, dans cette déclaration, un bon nombre des critiques que nous avons entendues ce matin, on peut quand même y voir un certain nombre de convergences avec ce que contient le projet de loi 40. Par exemple, dans cette déclaration de 1983, la CEQ, tout en rejetant clairement la thèse de l'école, prolongement de la famille, reconnaît que les intérêts de la collectivité à l'éducation se situent à deux niveaux. D'abord, les intérêts globaux et généraux de la collectivité qui justifient une représentation de l'ensemble des citoyens et, deuxièmement, les intérêts spécifiques des parents qui justifient une représentation spécifique.

Dans un autre article de sa déclaration, la CEQ propose que, sur la base de la reconnaissance de ce double niveau d'intérêt, les commissions scolaires soient dirigées par un conseil constitué en nombre égal, premièrement, de commissaires élus au suffrage universel parmi les représentants autorisés des associations de parents accréditées auprès des écoles ou, à défaut de celles-ci, parmi les membres des comités d'école; deuxièmement, de commissaires élus au suffrage universel et direct sur la base d'un territoire donné. C'est là une proposition qui rejoint celle du Conseil supérieur de l'éducation, de la Fédération des comités de parents, d'un certain nombre de commissions scolaires qui ont déjà comparu devant cette commission et qu'il sera intéressant d'examiner comme alternative à celle que propose le projet de loi.

Dans un autre article de cette déclaration, la CEQ réaffirme sa volonté de voir s'instaurer une collaboration étroite entre les travailleurs de l'enseignement et les parents, individuellement ou collectivement, dans le cadre de rapports d'égalité - je reviendrai là-dessus un peu plus tard - qui tiennent compte de la spécificité des rôles de chacun.

Dans un autre article, la CEQ appuie également le principe de l'intégration de l'éducation préscolaire, primaire et secondaire sous l'autorité d'une même commission scolaire dont le territoire devrait avoir une taille qui permette d'éviter le morcellement de certains services et qui assure une identification réelle de la collectivité à cette commission scolaire.

Dans un autre article de sa déclaration, la CEQ demande que les écoles à vocation régionale ou nationale et les services d'éducation aux adultes soient rattachés à des commissions scolaires, ce que, d'ailleurs, nous entendons faire.

Dans un autre article, la CEQ encourage la création d'associations de parents, d'organisations étudiantes autonomes, c'est-à-dire indépendantes des directions d'école et des cadres fixés par l'État. Dans un autre article, la CEQ appuie la formation de commissions scolaires non confessionnelles, appuie aussi l'instauration d'un régime d'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement de la morale à tous les niveaux selon le choix des parents ou, au secondaire, celui des étudiants, ce qui correspond à ce que contient le projet de loi.

Enfin, la CEQ, dans un autre article, exige que toutes les implications sur les droits des personnels découlant de l'implantation de toute forme de restructuration scolaire, incluant la relocalisation des personnels des commissions actuelles dans les nouvelles commissions, soient négociées avec les syndicats, ce qui est l'objet de l'amendement que j'ai annoncé à l'article 353 du projet de loi.

Le mémoire de la CEQ se situe autour de trois grands paramètres: la qualité des services éducatifs, le contrôle démocratique des institutions scolaires et, troisièmement, la reconnaissance et le plein respect des droits syndicaux. Si la CEQ me le permet, je voudrais reprendre le problème par la fin et traiter successivement de ces trois sujets

extrêmement importants.

Donc, le premier point, le respect de la reconnaissance des droits syndicaux. À la suite du dépôt du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, le gouvernement - comme vous le savez et comme je l'ai déjà dit lorsque les cadres scolaires sont venus ici - a décidé d'entreprendre des échanges avec les associations syndicales et d'examiner avec elles les mécanismes de cette loi qui affectent l'organisation syndicale et les effectifs. Quant à elle, la CEQ a été rencontrée cinq fois depuis le mois d'octobre 1983. Il nous est, en effet, apparu plus conforme aux pratiques habituelles d'entreprendre des discussions avec les associations syndicales sur ces questions compte tenu du fait que les conventions collectives prévoient de tels échanges lors de la fusion ou de l'intégration des commissions scolaires et surtout parce que nous croyons que la recherche d'un consensus sur les modalités de transfert est le moyen le plus approprié de solutionner les problèmes.

Un tel processus a essentiellement pour but, premièrement, de discuter avec les syndicats de l'ensemble des dispositions de la loi qui les concerne en tant que représentants des salariés impliqués dans l'enseignement; deuxièmement, de tenter de convenir avec eux des modalités d'application des règles de transfert et d'intégration du personnel dans l'optique suivante: des ententes à intervenir en vertu de l'amendement annoncé à l'article 353 pourraient lier le gouvernement et ses partenaires, les comités de mise en oeuvre et les nouvelles commissions scolaires.

Pour les représentants du gouvernement, ces rencontres ont permis d'identifier un certain nombre de problèmes, de les discuter et d'entrevoir des solutions susceptibles de satisfaire les personnels impliqués dans le transfert et l'intégration du personnel auprès des nouvelles commissions scolaires. Donc, je rappelle que j'ai annoncé, même si la formulation ne convient pas encore tout à fait au vice-président M. Johnston, que l'article 353 sera modifié pour prévoir une négociation formelle des normes de transfert et d'intégration. J'ajoute aujourd'hui qu'à défaut d'entente il pourra y avoir arbitrage des différends, justement pour indiquer qu'une telle garantie pourra avoir pour effet de donner de la crédibilité au processus proposé. Ce processus pourra permettre d'intégrer dans le contenu de la réglementation le résultat des consensus auxquels nous pourrons atteindre. Le but du processus est, justement, de trouver des solutions aux problèmes que vous avez soulevés, y compris même celui de l'article 353. (11 h 45)

J'aimerais maintenant en venir aux critiques détaillées que M. Johnston a faites du projet de loi en ce qui concerne le respect et la reconnaissance des droits syndicaux. Sur les mécanismes de transfert et d'affectation, la CEQ reproche au projet de loi d'accorder au ministre le pouvoir d'établir des normes par règlement, ce qui implique une absence de négociations, pas de droit de recours ni de mécanisme de règlement d'un différend; donc, pas de moyens de pression à exercer. Nous proposons, en réponse, d'établir par entente les règles de transfert et nous amenderons l'article 353 de façon qu'il soit clair et sans équivoque à cet égard.

Sur le recours des salariés lors du transfert et de l'affectation, nous avons annoncé, lors de ces rencontres que nous avons eues avec vous, que nous étions d'accord sur le principe. Il s'agira maintenant, pour nous et pour vous, d'en négocier les modalités. Si un différend s'annonce sur ces normes de transfert, je vous dis tout de suite que nous essaierons de prévoir un mécanisme de règlement et que ce mécanisme pourrait être celui qui est prévu dans certaines conventions collectives, c'est-à-dire l'arbitrage des différends.

Sur les droits des salariés, vous nous reprochez aussi le fait que l'article 421 n'énumère que deux droits qui seront protégés à l'occasion du transfert à la nouvelle commission scolaire. Je pense qu'il faut noter ici que l'article 421 précise des droits individuels qui vont s'ajouter à ceux déjà prévus à la convention collective applicable à chaque salarié. J'aurai l'occasion, à la fin de ce que j'ai à dire sur les droits syndicaux, de vous parler de garanties que je vais rendre publiques, garanties que j'aimerais vous proposer et qui auraient pour effet de maintenir les droits et les privilèges de la convention collective, conformément à ce que j'ai toujours promis et annoncé.

De la même façon, les normes proposées que j'ai déposées à la table font en sorte que le nombre de mises en disponibilité ou de non-rengagement d'enseignants ne sera pas différent de celui qui résulte de la prévision de clientèle, des paramètres de la tâche et des règles de formation de groupes d'élèves. Quant au personnel professionnel et de soutien, j'annonce aujourd'hui - si vous ne le savez déjà, car je pense que vous le savez déjà -qu'il n'y aura aucune réduction de personnel durant l'année scolaire 1985-1986.

De la même façon, les professionnels et les employés de soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le territoire d'une nouvelle commission scolaire seront intégrés à leur ancien poste, en conservant leur classe d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de traitement. Enfin, lors de son transfert ou de son intégration, aucun salarié

ne sera déplacé à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son domicile.

Vous faites également d'autres représentations sur l'organisation syndicale. Vous affirmez, par exemple, que le projet de loi attaque la liberté d'organisation syndicale en remplaçant les syndicats par le directeur d'école quand il s'agit de désigner des représentants du personnel à certains comités, dont le comité pédagogique. Or, la loi n'a pas pour but d'empêcher les mécanismes conventionnels de jouer. Lorsque la convention prévoit la création d'un comité qui a le même effet que celui de la loi, il y a certainement lieu de permettre au syndicat d'y désigner ses représentants. D'ailleurs, je crois que toutes les personnes qui agissent actuellement au niveau des écoles sont membres d'un syndicat, soit de la CEQ ou d'un autre organisme, et que ce que nous prévoyons dans la loi, même si le directeur d'école ou le directeur des élections y joue un rôle, c'est qu'on permette aux syndiqués qui travaillent dans une école de désigner leurs représentants aux comités qui sont prévus par la loi.

Vous avez parlé aussi de l'exclusion de certains employés du certificat d'accréditation, par exemple, que le projet de loi exclue la secrétaire du directeur général ou du directeur du personnel de l'unité d'accréditation. Votre critique nous apparaît pertinente à cet égard et nous avons l'intention de laisser les commissaires du travail déterminer qui doit être inclus ou exclu de l'unité accréditée, conformément aux dispositions du Code du travail.

Vous avez insisté aussi beaucoup sur la sous-traitance en disant que le projet de loi permettra d'augmenter le recours à cette sous-traitance, notamment - vous le dites dans votre mémoire - dans le transport scolaire, dans l'enseignement religieux autre que catholique et protestant et dans les services à la communauté. Je pense qu'il faut indiquer tout de suite, d'entrée de jeu, que les employeurs actuels et futurs devront respecter les conventions collectives avant d'accorder de tels contrats. Et, à propos de la sous-traitance en ce qui concerne les services de garde, un amendement m'a été soumis par ma collègue, ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui nous recommande d'amender l'article 118 du projet de loi de façon que l'école puisse organiser ou permettre l'organisation dans ses locaux de services de garde pour les élèves de l'enseignement primaire; qu'à la demande des parents, elle doit permettre l'organisation dans ses locaux de tels services pour les élèves de l'enseignement primaire; que l'école peut aussi organiser dans ses locaux des services de garde en garderie pour les élèves de l'éducation préscolaire âgés de cinq ans, conformément à la Loi sur les services de garde à l'enfance; qu'elle peut aussi permettre que d'autres personnes ou organismes organisent des services de garde en garderie dans ses locaux, conformément à la Loi sur les services de garde à l'enfance. Nous avons l'intention d'incorporer la teneur de cet amendement dans le texte du projet de loi.

Vous mentionnez aussi que la CEQ s'oppose aux libellés prédéterminés, c'est-à-dire qu'elle s'oppose aux dispositions législatives qui déterminent les seuls libellés d'accréditation possibles et, de ce fait, la nature des requêtes en accréditation. Disons, d'abord, qu'il est d'usage que les commissaires du travail accordent des accréditations sur la base de chacune des catégories de personnel, à savoir enseignant, professionnel de soutien, y compris pour ce dernier groupe deux sous-catégories distinctes, c'est-à-dire les employés manuels et administratifs. Même si elle va plus loin que le Code du travail, cette façon de faire qui est prévue au projet de loi respecte, à mon avis, la pratique actuelle. De plus, elle permet, et c'est là son but premier, la réorganisation syndicale dans un délai propre à ce qu'au 1er juillet 1985 les salariés connaissent quel syndicat les représente et quelle convention leur est applicable.

Quant aux procédures d'accréditation, vous soutenez que les articles 413 et 414 sont inopportuns puisqu'ils contiennent des modalités différentes de celles du Code du travail. Peut-être sont-elles différentes pour respecter le délai dont je viens de parler, mais elles sont quand même de même nature que celles du Code du travail. Tout ce que nous prévoyons, c'est que les requêtes doivent être déposées dans un délai prévu et que les décisions doivent, elles aussi, être rendues dans un délai déterminé, toujours dans le but qu'au 1er juillet 1985 les organisations syndicales soient en place.

Vous parlez aussi du droit à l'accréditation en soutenant qu'on ne doit pas limiter le choix des salariés des nouvelles commissions scolaires aux seules associations accréditées dans les commissions scolaires actuelles. Là aussi, je pense que votre critique est digne d'attention et je pense que l'on pourrait moduler cet article de façon à permettre que les requêtes en accréditation puissent être déposées par toute association syndicale qui le jugerait opportun. Ceci pour répondre à votre inquiétude au sujet de la période de maraudage. Cependant, nous estimons que les délais pour le faire devraient être les mêmes que ceux mentionnés dans le projet de loi actuel. Par ailleurs, les autres règles du Code du travail devraient s'appliquer à cette opération. Donc, on se rapprocherait du Code du travail dans toute la mesure du possible.

Vous avez aussi beaucoup de critiques sur le champ du négociable. Vous aviez, d'ailleurs, les mêmes critiques en 1979,

quand le gouvernement a fait adopter le projet de loi 71. Vous estimiez que l'adoption de cette loi rétrécirait d'une façon marquée le champ du négociable. Je ne crois pas que cela ait été tellement le cas et je ne crois pas, non plus, que l'adoption du projet de loi 40 va contribuer à rétrécir, comme vous le dites, le champ du négociable, par exemple au chapitre de la sécurité d'emploi, puisque ce que le projet de loi 40 prévoit, c'est que la présentation du plan d'effectifs par l'école à la commission scolaire a surtout pour but de faire connaître les besoins de l'école. Mais, c'est quand même la commission scolaire qui aura la liberté de modifier les plans d'effectifs, d'arbitrer ces plans d'effectifs présentés par les diverses écoles et de faire en sorte que, dans la détermination du budget, les règles budgétaires aussi bien que les règles de la convention collective soient respectées.

Je pourrais dire la même chose sur ce qui est prévu au sujet des pouvoirs accordés à l'école pour l'intégration des élèves en difficulté d'apprentissage puisque, là aussi, les politiques seront déterminées par la commission scolaire comme cela est prévu dans la convention collective, mais, comme la convention collective le prévoit également, l'école aura un rôle à jouer dans cette intégration puisque c'est à l'école que l'action se passe. De la même façon pour le perfectionnement, nous accordons à l'école -ce qui est tout à fait normal et légitime -le droit de présenter ses besoins en perfectionnement, mais c'est quand même la commission scolaire qui prendra les décisions à cet effet, selon les mécanismes paritaires déjà prévus à la convention collective. Bref, ce que fait le projet de loi à cet égard, c'est surtout préciser les pouvoirs accordés aux différents acteurs. Il ne vise en aucune façon à aller à l'encontre ou à jeter au panier des parties de conventions collectives. Lors des futures rondes de négociations, les parties pourront continuer de convenir de la manière d'encadrer, voire même de restreindre les pouvoirs de gérance de l'employeur.

Vous soutenez aussi que le projet de loi s'attaque aux conditions de travail déjà existantes ou déjà convenues par décret ou par convention collective. Je pense que ce que j'ai annoncé pour l'article 353 montre que nous aurons amplement l'occasion de négocier chacun des sujets qui ont fait l'objet de votre présentation ce matin et qu'il sera sûrement possible de discuter des modalités de transfert et d'affectation du personnel de façon que non seulement nous identifiions les problèmes, mais que nous en venions à une entente entre les parties.

Quant au projet de normes de transfert et d'intégration que j'ai fait déposer à la table où vous étiez présents, je peux affirmer, sans crainte d'être démenti, qu'il correspond en tout point ou presque au contenu de la convention collective des enseignants. Vous vous demandez aussi qui sera le véritable employeur, étant donné que l'article 404 précise que la commission scolaire existante doit avoir l'approbation du comité de mise en oeuvre pour contracter une obligation qui se prolonge après le 30 juin 1985. Je pense que le projet de loi devait prévoir un article de ce genre puisqu'il faut prévoir la date où le projet de loi entrera en fonction. (12 heures)

Cependant, je peux vous dire que cette disposition ne vise en aucune façon à empêcher de remplir les obligations courantes qui pourraient résulter de l'application de la convention collective. Cependant, si votre inquiétude persiste à ce sujet, nous sommes prêts à préciser cet article de façon que cette inquiétude disparaisse.

Vous avez aussi ajouté que les décrets ne prévoient pas l'utilisation de salariés pour les activités du comité et de la commission de mise en oeuvre. Si vous voulez signifier par là que le gouvernement doit respecter la convention collective, nous sommes absolument d'accord. Là aussi, nous pourrons apporter les précisions nécessaires de façon à diminuer et à faire disparaître vos inquiétudes.

Vous vous inquiétez aussi que certaines conventions collectives deviendront caduques le 30 juin 1985 et vous vous opposez, en conséquence, à l'article 420. Votre critique à cet égard voudrait signifier que cet article va impliquer une perte de droits pour certains salariés et elle implique aussi que la formulation de la réalité n'est pas complète. Cependant, je pense qu'on peut s'entendre sur le fait qu'il y a de bonnes raisons de croire que l'association qui sera accréditée au terme du processus décrit dans le projet de loi sera celle qui possède la meilleure convention collective et les meilleurs arrangements locaux.

D'autre part, en ce qui concerne la détermination de la convention collective applicable à une nouvelle commission scolaire, peut-être y a-t-il lieu, en effet, de réexaminer cette formulation à la lumière de vos critiques et peut-être y aurait-il lieu d'envisager que l'entente sur les normes de transfert et d'affectation du personnel non seulement soit plus claire à cet égard, mais puisse en préciser les modalités à la lumière des représentations que vous nous faites ou que vous nous ferez.

Quant aux services de garde - j'y reviens - vous vous demandez ce qu'il adviendra le 1er juillet 1985, lorsque expireront les permis décernés dans le cadre de la Loi sur les services de garde à l'enfance. Il n'y a pas de problème en ce qui concerne ces employés, car la date du 1er juillet ne changera rien pour eux. Il y a des

règles prévues à l'occasion du transfert de ces employés aux commissions scolaires nouvelles. Les droits de ces employés seront intégralement respectés.

J'arrive, comme je le disais, aux garanties que nous entendons offrir aussi bien au personnel enseignant, aux professionnels qu'aux employés de soutien, de la même façon que nous l'avons fait à des séances précédentes aux cadres scolaires. Déjà, le processus d'échange avec les associations syndicales nous a permis de mettre sur la table une série de garanties. Les principales garanties en termes de transfert à une nouvelle commission scolaire, d'affectation à une école et d'intégration dans un poste sont les suivantes: premièrement, tous les salariés enseignants, tous les membres du personnel de soutien et tous les professionnels seront transférés aux commissions scolaires nouvelles en conservant les droits et les privilèges contenus dans leur convention collective. La seule réserve, c'est que cette garantie ne s'applique pas au salarié qui occupe un emploi temporaire ou dont l'emploi se termine normalement le 30 juin d'une année scolaire. Deuxièmement, les enseignants seront d'abord transférés à la nouvelle commission scolaire qui prend charge de l'école ou des écoles où ils travaillent. À compter du 1er juillet 1985, ils seront affectés auprès des élèves d'une école de la nouvelle commission scolaire en fonction des règles établies à la convention collective qui leur sera applicable à cette date.

Les enseignants en disponibilité et les suppléants réguliers seront, quant à eux, tous transférés à l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles de leur territoire en fonction de la proportion de clientèle étudiante dont chacune prend charge.

Troisièmement, les professionnels et les employés de soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le territoire d'une nouvelle commission scolaire seront intégrés à leur ancien poste en conservant leur classe d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de traitement. Les professionnels et les employés de soutien qui travaillent dans les centres administratifs et dans des écoles situés sur le territoire de plus d'une nouvelle commission scolaire seront, eux aussi, intégrés, à leur classe d'emploi, à un poste comportant le même nombre d'heures et le même taux de traitement, en fonction du choix qu'ils expriment, de leur ancienneté et de leurs qualifications.

Quatrièmement, lors de son transfert ou de son intégration, aucun salarié ne se verra déplacé à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son domicile, conformément aux dispositions de la convention collective actuelle.

Cinquièmement, durant l'année scolaire 1985-1986, il n'y aura aucune réduction du personnel professionnel et de soutien. Du côté des enseignants, les mises en disponibilité ou les non-rengagements pour l'année 1985-1986 seront limités à ceux résultant de la prévision de clientèle, des paramètres de la tâche et des règles de formation de groupes d'élèves. Somme toute, 100% des enseignants vont continuer à travailler dans une école auprès des élèves de leur territoire selon des modalités identiques à celles qu'on leur appliquait chaque année. Par ailleurs, environ 50% des professionnels et 66% des employés de soutien conserveront leur poste dans la même école. Quant aux employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste de leur classe d'emploi, comportant les mêmes heures, au même lieu de travail ou dans un lieu différent, sans toutefois jamais dépasser un rayon de 50 kilomètres.

Quant aux règles de transfert, d'intégration et d'affectation du personnel syndiqué, là aussi, nous pouvons offrir des garanties qui peuvent apaiser vos inquiétudes. Ces règles ont été déposées aux associations syndicales entre le 16 et le 20 décembre 1983. Elles ont été déposées sous la forme d'un document de travail devant, si possible, faire l'objet d'une entente. Les modalités afin de lier par entente les divers intervenants doivent, elles aussi, faire l'objet de discussion. Comme le document de travail a été déposé antérieurement à la loi qui le justifiait, les représentants se sont réservé le droit, lors de la discussion, de modifier les règles pour tenir compte des dispositions finales de la loi à la suite des audiences de la commission parlementaire.

Quant aux règles applicables aux non-syndiqués, c'est là un autre problème. Le gouvernement convient que les règles de transfert, d'intégration et d'affectation qu'il propose aux associations syndicales seront applicables aussi à tous les salariés non syndiqués. Nous envisageons des étapes ultérieures que nous proposons au cours de janvier et de février 1984. Nous espérons que les discussions vont se continuer à bon train. J'ai l'intention, pour ma part, de donner à mes représentants le mandat suivant: premièrement, établir d'une façon plus précise, plus définitive, la participation des partenaires patronaux du gouvernement aux pourparlers, visant ainsi à définir un cadre général de transfert, d'intégration et d'affectation des personnels auprès des nouvelles commissions scolaires; deuxièmement, de tout mettre en oeuvre pour que mes représentants, avec les vôtres et ceux des autres syndicats, d'ailleurs, conviennent de l'ensemble des règles de transfert et d'intégration, de fixer les procédures de recours, le maintien des conditions particulières et les modalités des nouveaux horaires; enfin, de préciser la façon dont les ententes pourraient lier les commis-

sions scolaires existantes, les nouvelles, les comités de mise en oeuvre, les partenaires patronaux et le gouvernement.

Ma première question serait donc de vous demander si vous entendez continuer à participer aux discussions qui ont déjà fait l'objet de cinq réunions et, deuxièmement, quelle est votre réaction à cette étape-ci sur les garanties que nous entendons vous proposer.

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Nous notons avec soin les commentaires ainsi que les énoncés de projets d'amendements que le ministre expose. Nous prenons connaissance, pour la première fois d'un bon nombre de ces suggestions qui sont mises de l'avant. Bien sûr, que nous allons continuer de nous soucier de cette question et de faire le nécessaire pour que les droits de nos membres, les conditions de travail et les relations du travail que nous devons établir le soient dans le meilleur cadre possible advenant qu'il y ait changement et nous nous comporterons à l'avenir comme nous nous sommes comportés dans le passé, puisque cela semble tellement fructueux à la première audition de cette kyrielle d'amendements. Pour un mémoire négatif, on n'a jamais vu une production aussi positive en aussi peu de temps! Alors, on l'accueille, on va examiner cela et on va continuer.

C'est la partie 3 de notre mémoire que le ministre a longuement commentée. On voit qu'il avait préparé un bon texte que nous allons nous-mêmes examiner avec soin et on fera part à ses représentants de nos commentaires détaillés. Il s'agit là de questions fort complexes et fort techniques qui mettent en cause une série de textes et de dispositions à caractère juridique et autre. Il faut regarder cela avec soin. À mesure que nous pourrons voir en profondeur la portée de ce que nous annonce le ministre, dans la même mesure nous pourrons faire nos commentaires en bonne et due forme à qui de droit. Nous rappelons que, quant à nous, c'était la partie 3 de notre mémoire. Nous recevons ce que le ministre dit avec attention. Quand nous aurons l'occasion de relire le texte que vous nous avez livré, nous allons en mesurer tous les aspects et vous faire part de ce qu'il en est.

Si nous pouvons maintenant aborder le centre de la discussion en ce qui concerne le projet de loi 40 comme tel, je crois qu'on pourra voir davantage quelles avenues s'ouvrent au lendemain de cette commission parlementaire. Si on est toujours devant un obstacle central, si on est devant des accusations de négativisme, etc., et d'opposition systématique, même si cela produit des amendements positifs, si on est encore à cela comme diagnostic de la part du ministre une fois qu'on aura débattu du fond des questions, vous comprenez que les amendements prennent une drôle de couleur dans un tel contexte.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.

M. Laurin: Je suis, quand même, heureux de cette réaction initiale du président. Quand j'ai parlé de négativisme tout à l'heure, j'ai, quand même, pris soin d'indiquer que, dans une déclaration antérieure, heureusement, j'avais découvert des points de convergence, pour ne pas dire quelques points possibles d'accord. En somme, j'ai pris la position de la CEQ non seulement à partir du mémoire qu'elle nous avait présenté ce matin, mais à partir de toutes les déclarations que la CEQ aura pu émettre au cours des derniers mois ou même des dernières années. (12 h 15)

J'arrive maintenant au deuxième point central de votre mémoire, celui du contrôle démocratique des institutions. Je voudrais faire une première remarque. À l'occasion de la présentation de la loi 71, en 1979, la CEQ a pris une position très résolue et très déterminée d'opposition contre ce projet, particulièrement en ce qui concerne le conseil d'orientation de l'école. Si on s'en souvient bien, c'est la CEQ qui, à ce moment, pendant la discussion du projet de loi et après l'adoption du projet de loi 71, a donné le mot d'ordre à ses membres de ne pas participer au conseil d'orientation, de ne pas y déléguer de membres. Ce mot d'ordre a été suivi. Vendredi, la fédération des directeurs d'école nous disait que l'opération a été très réussie, en ce sens qu'il n'existe pas de conseil d'orientation dans le plus grand nombre des régions administratives du Québec. Je crois qu'il n'y en a que cinq ou six qui existent.

Ma remarque est la suivante: Dans un premier temps, la CEQ se retire des tables de direction ou de concertation, puis, dans un deuxième temps, elle accuse le gouvernement d'ignorer les enseignants ou, du moins, les membres de la CEQ. Elle accuse le gouvernement de les ignorer, de les mépriser, de ne pas leur donner la place qui leur convient à titre de collaborateurs indispensables, à titre de maîtres d'oeuvre indispensables des services éducatifs et, au premier chef, de l'enseignement proprement dit.

Évidemment, sur le plan tactique, cela peut se justifier. Mais, sur le fond, comment se comporter face à cette attitude? Je peux vous dire, en tout cas, que la loi 40 aurait sûrement été différente si la CEQ n'avait pas donné ce mot d'ordre en 1979, si elle ne l'avait pas répété, si elle n'avait pas laissé

entendre qu'en ce qui concerne la loi 40, c'est-à-dire la présence des enseignants aux conseils d'école, elle avait l'intention d'adopter la même attitude, le même comportement, de donner le même mot d'ordre. En somme, la loi 40 aurait été différente à cet égard si la CEQ avait laissé entendre ou garanti que ses membres pourraient participer aux conseils d'école.

J'aimerais donc poser au président la question suivante, à double volet: Pourquoi, en 1979, la CEQ a-t-elle interdit à ses membres de participer aux travaux des conseils d'orientation? Pourquoi la CEQ a-t-elle interdit à ses membres d'être présents aux conseils d'orientation? Le deuxième volet de la question est le suivant: Est-ce que la CEQ entend répéter cette interdiction à ses membres de participer aux conseils d'école? C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle nous avons dit: Les enseignants participeront aux conseils d'école s'ils le désirent. Les enseignants participeront aux conseils d'école non pas à titre égalitaire, justement pour ne pas empêcher le fonctionnement des conseils d'école. Donc, voici le deuxième volet de ma question: La CEQ entend-elle répéter cette interdiction ou, au contraire, souhaite-t-elle la participation de ses membres aux conseils d'école? Si oui, est-ce qu'elle souhaite une participation ou une représentation paritaire aux conseils d'école?

Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Dans le premier volet de sa question, le ministre se réfère à 1979, à l'occasion de l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi 71 connue couramment dans le milieu comme étant la loi sur les conseils d'orientation. Cela nous ramène donc trois ou quatre ans en arrière et nous oblige à reconstituer quelques éléments du contexte, sans quoi on perd beaucoup à la discussion. À la fin de l'automne 1979 et au début de l'année 1980, cela a été une période très chaude dans l'avant-dernière ronde de négociations. Il y avait eu des grèves dans le secteur public en novembre et une grève dans le secteur de l'éducation à la fin de janvier, début de février. On était donc en cours de négociations et dans une période très serrée des négociations.

Le gouvernement s'est retourné et a présenté, à l'Assemblée nationale, un projet de loi, le 29 novembre 1979. On sait ce que sont des projets de loi présentés dans les trois ou quatre dernières semaines avant Noël. Première lecture, le 29 novembre. Le ministre a parlé d'un débat. Nous avons demandé une commission parlementaire pour faire entendre notre point de vue là-dessus. Nous étions prêts. Le ministre de l'époque nous l'a refusée, c'est-à-dire qu'il a refusé d'entendre notre point de vue. Cela n'imposait pas seulement des modifications à nos conditions comme salariés ou comme enseignants, mais cela établissait aussi de nouveaux rapports avec les autres catégories d'usagers, les parents, les administrateurs scolaires, les directeurs d'école, etc. Dans cette loi, on faisait du directeur d'école le président du conseil d'orientation. Des énormités comme celle-là sont présentées le 29 novembre, ne peuvent être discutées par la voie d'un débat public et son adoptées en troisième lecture le 21 décembre. Trois petites semaines dans le tohu-bohu d'une fin de session, dans la période ultime d'une phase de négociations et, aujourd'hui, on nous dit: Vous avez boycotté, vous avez interdit, vous avez fait ceci, vous avez fait cela. Cela a réussi en plus. Merci beaucoup.

On était en pleines négociations; on n'a pas eu la possibilité de se faire entendre sur une mesure qui modifie nos rapports entre nous et avec ceux qui nous entourent et ceux qui collaborent avec nous à l'éducation; elle chambarde tout cela. Il y avait des négociations en marche; on était dans le cours normal des négociations, en train de préparer ou de réviser les mécanismes, car il y en a et cela, le ministre omet de le dire. Dans nombre de commissions scolaires et dans nombre d'écoles, il y a des formules concrètes résultant d'ententes négociées au plan local. On sait que, depuis longtemps, le chapitre de la consultation est référé à bien des aspects au plan local. Il y a donc une foule de comités pédagogiques élaborés, de comités qui permettent la participation des enseignants et, dans bon nombre d'endroits, cela fonctionne. Le ministre arrive et dit: Conseil d'orientation pour tout le monde; en voici, d'ailleurs, le format: tant d'enseignants, tant de parents et le président de cela est le directeur d'école. Il faut que cela fonctionne, ce n'est pas discutable. La preuve est qu'il l'adopte à la vapeur le 21 décembre.

Il faut faire attention. Je ne sais pas si le ministre est conscient des dangers auxquels il s'expose en regardant comme cela en arrière et en faisant des raccourcis rétrospectifs. Si jamais cela l'intéressait, je pourrais lui relire des pages entières, non tronquées, des programmes péquistes en éducation adoptés depuis 1975, 1978, 1980 et 1982 et non réalisés. Je ne les tronquerai pas; si jamais cela vous amuse de jouer dans les documents d'une manière rétrospective, on va s'amuser, M. le ministre. Il faut faire attention à cela et ne pas essayer de créer des impressions qu'il y a du monde qui boycotte à temps plein.

Nous étions en train de négocier; nous étions à la recherche d'accommodements et ce n'est pas une intervention législative dont le gouvernement seul porte la responsabilité qui devait nous déranger outre mesure dans

cette recherche de mécanismes qui résultent d'ententes bilatérales. C'est cela qu'il faut chercher, au lieu de se faire imposer... Et maintenant, le projet de loi 40 - c'est l'un de ses aspects les plus détestables - encore une fois, va nous imposer des formules au lieu de nous les laisser expérimenter et rechercher, et cela bloque la recherche en plus. Je pourrais parler du conseil d'orientation; je peux vous lire nos publications au complet et vous allez voir qu'on n'a interdit à personne d'y participer, mais qu'on a recommandé des orientations et c'est comme cela que cela s'est fait.

Il y a eu d'autres mécanismes de participation qui ont été mis en place, cependant, autres que celui que le ministre voulait mettre en place. Nous croyons que le ministre, à l'époque, cherchait à contourner la négociation et à diluer les mécanismes que nous étions en train d'élaborer par la voie de la négociation. C'est pour cela qu'on a eu cette attitude à l'égard du conseil d'orientation. Nous avons proposé à la même époque - si le ministre lit nos documents, il le verra - d'autres pistes pouvant nous permettre d'établir de la collaboration, de la coopération avec nos partenaires dans les écoles, et de telles modalités ont été expérimentées. D'autres groupes en ont témoigné, d'ailleurs, la semaine dernière devant vous. Je crois que cela devrait mettre un terme à ces rappels, parce que cela s'est fait dans des contextes qu'il fallait rappeler, je pense, pour ce qu'ils sont.

Le deuxième volet de votre question: la loi 40 aurait été différente si tel n'avait pas été notre mot d'ordre. Que nous sommes donc puissants tout à coup! C'est intéressant, quand même, de noter quelle force nous avons sur la législation gouvernementale seulement en commandant à nos membres de ne pas aller dans tel ou tel comité dans les écoles. C'est une trouvaille importante. Nous allons, quand même, noter cette grande influence que nous avons à travers ce comportement qui semble produire beaucoup.

La CEQ entend-elle répéter ses mots d'ordre? Écoutez, M. le ministre, on ne va pas discuter des fleurs du tapis si vous ne nous permettez pas de discuter du tapis lui-même. Quel pouvoir, quelle place, quel statut continuez-vous à vouloir donner aux conseils d'école? Si vous en faites un palier décisionnel - vous avez entendu le plaidoyer des directeurs d'école ici la semaine dernière, qui ont évoqué les études de Roquet, les études de Julien et compagnie, et tous les spécialistes en arrière - si vous en faites un palier de pouvoir, pouvez-vous, vous-même, nous demander en même temps de nous asseoir là pour discuter de nos propres conditions, du plan d'effectifs, des affectations et des mutations? Est-ce une formule logique? Est-ce que cela se tient debout le moindrement? Vous nous demandez de participer à une instance qui va disposer en gros de nos conditions et de nos relations. Si vous nous enlevez, cependant, de la scène de discussion cette question de pouvoir, cette question du palier décisionnel dans les écoles, on va pouvoir parler de choses très intéressantes. Comme vous l'avez bien lu, dans l'ensemble des politiques de la CEQ, il y a plein de propositions pour se rapprocher sur le terrain de la coopération entre partenaires. Il y en a plein en dehors des documents que nous avons lus aujourd'hui et il y en a même dans le document - ces paragraphes ne vous ont peut-être pas frappés dans le mémoire - autant à la page 30 qu'à d'autres pages, qui soulignent que l'on peut certainement trouver des modes de coopération pourvu qu'on nous débarrasse du palier décisionnel dans l'école.

Si vous voulez simplement nous demander si on veut participer, sans vous astreindre vous-même à une discussion sérieuse sur la véritable justification de la nature du comité ou du conseil en question, vous nous demandez de parler d'aspects secondaires plutôt que des aspects principaux de la question, et je ne répondrai pas à cela aujourd'hui. Discutons du fond des choses, reformulez votre loi et, ensuite, on ira plus loin dans la discussion des détails.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.

M. Laurin: Oui, je comprends que la CEQ s'oppose à ce que le projet de loi instaure un troisième palier de responsabilité ou un troisième palier décisionnel au niveau de l'école. Dois-je comprendre aussi que, si le projet de loi maintient ce troisième palier de responsabilité, la CEQ refusera d'y participer, même si sa représentation était paritaire avec celle des parents?

Le Président (M. Blouin): M. Charbon-neau. (12 h 30)

M. Charbonneau (Yvon): M. le ministre, vous faites cette semaine, avec le même vocabulaire que je vous ai entendu utiliser la semaine dernière, une équation à laquelle il faut justement s'attaquer cette semaine. Vous dites "palier de responsabilités" et, immédiatement après, vous dites "palier décisionnel" comme s'il fallait, pour prendre des responsabilités, instaurer des mécanismes décisionnels, comme s'il fallait créer un troisième palier décisionnel au niveau de chacune des 2700 écoles du Québec pour assumer nos responsabilités dans l'éducation. Tant que vous maintiendrez cette équation, vous bloquez la discussion. Il n'est pas nécessaire d'instaurer un palier décisionnel pour permettre aux agents de l'éducation d'exercer leurs responsabilités au niveau des écoles. Si vous maintenez toujours la

discussion sur le terrain du pouvoir, dans la sphère des pouvoirs, vous bloquez la possibilité de trouver des véritables convergences non pas sur les détails, mais sur le fond de la question.

Nous ne sommes pas en chasse et en quête de pouvoir, ici. Nous sommes à la recherche de modalités au niveau de l'école. Nous pourrions prendre nos responsabilités comme éducateurs côte à côte avec d'autres à qui nous reconnaissons la fonction d'éducateurs, les parents, et d'autres à qui nous reconnaissons des responsabilités, les étudiants, du moins pour le niveau secondaire. Voilà notre objectif. Si vous revenez toujours en termes de responsabilités égalent palier de décision et qu'il n'y a pas d'autres manières de voir les choses, ce n'est pas facile de discuter avec vous à ce moment-là. Si, à un moment donné, vous êtes capables d'admettre qu'il y a d'autres manières d'assumer des responsabilités qu'en créant des instances où il se prend des votes, là, nous pourrons discuter de formules. Avant les formules, il faut voir où est le fond de la question.

M. Laurin: M. le Président, est-ce que la prise de responsabilités n'implique pas une prise en charge, n'implique pas la possession de moyens susceptibles de mettre en acte, en exécution, en fonctionnement, ces responsabilités? Est-ce qu'un palier de responsabilités conserve le moindrement quelque signification que ce soit si on ne prévoit aucun instrument, aucun moyen pour que cette prise de responsabilités se traduise sur le plan des réalités? Comme le disait Jean-Paul Sartre à un moment donné, un pouvoir qui n'a plus de main, une responsabilité qui n'a plus de moyen ne constitue pas une véritable responsabilité. Dans ce que vous nous dites ce matin, vous faites allusion à une responsabilité que vous laissez en l'air, que vous laissez dans le vague, pour laquelle vous ne prévoyez aucun moyen, aucun instrument susceptible de la faire passer du champ de la théorie au champ de l'application. Ce matin, vous n'avez fait aucune contreproposition à cet égard, sauf de vagues modes de dialogue ou de coopération entre les divers intervenants de l'école.

Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, comme le disait ce dramaturge français bien connu Armand Salacrou, nous ne sommes tous que des apprentis cadavres. Je crois qu'au-delà des exercices de littérature auxquels on peut se livrer de part et d'autre, il faut toujours revenir au centre de nos préoccupations. On nous parle de participation aux décisions, on nous parle de palier décisionnel. Le ministre n'a pas fait la preuve devant l'opinion de la nécessité absolument indispensable de créer un palier décisionnel au niveau de l'école, d'habiller ce palier en conseil d'école composé majoritairement de parents, avec une porte entrouverte à d'autres agents. Il n'a pas fait la preuve que c'était nécessaire et indispensable pour l'atteinte d'un service d'éducation de qualité, pour répondre aux problèmes que nous avons énumérés en première partie de notre mémoire et aux autres problèmes que d'autres vous apportent ici chaque fois qu'on ouvre un mémoire ou l'autre. La preuve n'est pas faite du caractère indispensable de la nature que vous voulez donner à ce palier. Bien entendu, au niveau de l'école, il faudra trouver une formule.

Faisons l'hypothèse que vous faites pour l'ensemble de votre projet de loi ce que vous avez fait tout à l'heure pour le chapitre des relations du travail et que vous vous mettez à amender encore et encore. À un moment donné, pris d'enthousiasme, vous amendez même la nature des conseils d'école et vous n'en faites plus un palier décisionnel. Faisons cette hypothèse, rose peut-être, mais peut-être pas complètement irréaliste à force de le redire et de vous le faire expliquer par ceux qui sont dans l'action quotidienne. Peut-être qu'à un moment donné vous pourrez arriver à cette conclusion. Si vous enlevez cela de là, tout de suite, les gens sont à l'affût pour trouver des mécanismes de coopération entre eux.

Ce n'est pas que nous qui disons cela. J'ai eu accès, par exemple, à un sondage qui a été fait dans une école importante de la banlieue de Québec, l'école secondaire des Compagnons de Cartier, le même, d'ailleurs, qui a été utilisé à Montréal auprès des parents. On posait aux parents des questions à savoir s'ils voulaient participer aux décisions ou être consultés; sur 17 objets qui leur étaient soumis dont les plus importants étaient les projets éducatifs, les objectifs de l'école, la discipline dans l'école, le budget, la conduite des élèves, enfin tout ce qu'il y a de majeur, les parents en ont pointé trois comme devant être l'objet de décisions de la part: l'éducation sexuelle, les modalités de leur participation - c'est bien normal - et le maintien ou la fermeture de l'école; trois points seulement. Pour les quatorze autres, souvent dans une relation de 2 à 1, on favorise la consultation seulement. Quant à déterminer les orientations et les objectifs de l'école, 60% se disent pour la consultation et 31% se disent pour la décision. En ce qui concerne les visites éducatives, c'est 55% contre 32%; pour les cahiers d'exercices, c'est 53% contre 20%; pour les projets éducatifs de l'école, c'est 53% pour la consultation et 36% pour la décision. Il serait trop long d'énumérer tout cela. Vous avez certainement accès à ces documents

qui, d'ailleurs, ne font que refléter les résultats des consultations que le ministère de l'Éducation a faites, résultats qui sont compilés dans vos propres sondages depuis quelques années. Quand le gouvernement a fait connaître le livre vert, les parents ont dit: Attention! On ne s'oriente pas tellement du côté décisionnel, mais on veut être présents et avoir une influence.

Le ministre devrait se rappeler cela et, s'il faut se recourir à des citations, à des textes, à des titres et à des pourcentages, vous avez plein de documents dans vos tiroirs qui montrent que vous n'avez pas pris la bonne voie, que vous imposez au système quelque chose qu'il n'a pas réclamé.

S'il vous plaît, à partir de cet exposé, cherchons à améliorer le contrôle démocratique, par la population, du système scolaire. Cela va se jouer au niveau du gouvernement, des choix de gouvernement que la population va faire, et cela se jouerait aussi, à notre avis, au niveau des commissions scolaires par un mode amélioré de composition des commissions scolaires, respectant en tout état de cause le suffrage universel, en conciliant et non pas en opposant deux légitimités, celle qu'on a comme citoyen de se mêler des affaires scolaires et celle qu'on a comme parent.

Qu'est-ce que vous avez réussi, jusqu'à maintenant, avec votre proposition? À dresser les unes contre les autres commissions scolaires et organisations de parents. Ce n'est pas la voie qu'il faut prendre. Il faut chercher une voie qui concilie les intérêts et qui organise ces intérêts dans des modes fonctionnels. On vous dit: Au niveau de l'école pas de palier décisionnel. On va trouver des formules de collaboration ensemble. On va s'arranger pour être représentés et les parents aussi, auprès de la commission scolaire. Dans la commission scolaire, les parents pourront aussi trouver le moyen d'avoir accès au palier décisionnel à ce niveau, là où cela compte, au lieu de mettre les écoles en concurrence les unes avec les autres, en fausse concurrence, d'ailleurs.

Quand on est dans un village et qu'il faut envoyer les enfants à l'école polyvalente à une distance de 25 ou 30 milles, est-ce qu'ils ont le choix de l'autre école polyvalente, 20 milles plus loin? Quels sont ces choix? Quand on est dans un village moyen," au Québec, où il y a une école primaire, est-ce que j'ai le choix d'envoyer mon enfant au village voisin? Quand on habite la ville de Québec, à Sillery, par exemple, est-ce que j'ai le choix d'envoyer mes enfants à Charlesbourg ou bien à Limoilou? Si j'habite Limoilou, est-ce que je vais envoyer mes enfants dans une autre région de la ville? C'est quoi, la nature de ces libres choix? Je crois qu'il n'y a pas vraiment une réalité concrète derrière cela.

Il n'y a pas le besoin que vous énoncez d'enfler la notion de projet éducatif jusqu'à en faire la base d'un conseil d'école avec pouvoir décisionnel.

Le Président (M. Blouin): Cela va, merci.

M. le ministre.

M. Laurin: Je veux bien vous entendre, mais les parents ont, quand même, cheminé depuis trois ou quatre ans. Les comités d'école ont étudié avec beaucoup d'attention le livre blanc que nous avons déposé en juin 1982. Tous les comités d'école l'ont étudié avec soin. Ils ont aussi étudié avec beaucoup de soin le projet de loi 40. Ils ont tenu beaucoup d'assemblées aux niveaux local, régional et national et ils sont venus nous dire deux choses aux audiences de la commission parlementaire: la première, c'est qu'ils ne se satisfont pas du rôle purement consultatif qu'ils ont eu jusqu'ici. Après dix années de présence dans l'école, les 40 000 parents qui oeuvrent au sein des comités d'école pensent qu'ils sont prêts et motivés, qu'ils ont la capacité et la disponibilité pour assumer maintenant un rôle plus important au niveau de la prise de décisions. La deuxième chose qu'ils sont venus nous dire, c'est qu'ils considèrent tout à fait normal que le conseil d'école ait un rôle décisionnel au niveau de ce qu'on appelle le projet éducatif. Cela veut-il dire que cela doit se faire dans un climat d'opposition et de confrontation? Non, cela peut parfaitement se faire dans un climat de concertation. Pourquoi dites-vous que cela pourrait mener nécessairement ou inévitablement à des confrontations alors que les parents sont venus nous dire qu'ils sont prêts à assumer ce nouveau rôle, cette nouvelle responsabilité, dans une optique de collaboration et de concertation, à partir du niveau de compétence de chacun et dans le respect intégral des compétences de chacun?

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon va répondre à cet aspect de votre question.

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: Je vais essayer de faire un bout, M. le ministre, si vous me le permettez. Vous avez raison de dire que, depuis le livre blanc - en tout cas, de la lecture que j'ai faite des mémoires de la fédération de parents, j'en arrive à la même conclusion - les parents ont cheminé du côté du pouvoir et qu'ils ne se contenteront plus d'un vague soin qu'on aurait éventuellement de peut-être ou même obligatoirement les consulter. Sauf que vous avez dû aussi voir

dans les mêmes mémoires qu'il y avait toujours une espèce de veilleuse mise à l'intérieur de la plupart des propositions des parents, qui vont parfois même dans le sens de renforcer les pouvoirs que vous leur concédez, à savoir qu'ils ne veulent devenir d'aucune manière les patrons ou les employeurs des personnels. Ils ont toujours, à l'intérieur de leurs mémoires, ce souci que ce travail se fasse en concertation le plus possible et de la manière la plus collective. J'ai vu cela à l'intérieur des mémoires et c'est conforme aux conversations que j'ai eues avec les groupes de parents que j'ai rencontrés. Soit, là-dessus, on peut, je pense, légitimement penser, de notre point de vue à nous, qu'il y a un ver dans la pomme, c'est-à-dire qu'une fois la situation de pouvoirs concédée, les rapports qui risquent de s'établir sont effectivement des rapports de pouvoir et d'opposition.

M. Charbonneau disait tantôt: "Le jour où, dans une école, on décidera de notre sort, peu ou prou, comme travailleurs de l'enseignement, il se peut bien, nous connaissant comme vous nous connaissez, qu'on n'attende pas d'être tous morts pour réagir." Je pense qu'on devra sur les lieux mêmes de l'école se livrer à la défense au minimum de notre existence et de notre survie. Supposons que cela ne va pas là, soit! Ce que je comprends, moi, dans l'attitude générale des parents, c'est qu'ils en ont ras le bol d'être consultés pour la forme, comme plusieurs d'ailleurs, sachant parfaitement qu'en bout de compte les gens qui les consultent ont déjà pris les décisions, ou prendront celles, de toute manière, qu'ils avaient pensé prendre avant les consultations. (12 h 45)

J'affirme, pour ma part, compte tenu des positions de la centrale, que l'école a, au moment où on se parle, effectivement les moyens des responsabilités qu'on pense que l'école doit assumer. Il y a un lien organique, pour nous, entre le projet éducatif, tel que vous prétendez le défendre, les commissions scolaires qui, éventuellement, se verraient remplacées par les écoles; de tout cela, on pense qu'il n'est pas utile de se munir. Le gouvernement régional que sont les commissions scolaires... En passant, on ne les défend pas parce que c'est vieux et parce qu'on s'entend toujours bien avec elles; on défend les commissions scolaires parce que c'est un niveau qui permet aux gens d'avoir des moyens de se regrouper et de se faire entendre. C'est un niveau de gouvernement qui est accessible à une population donnée et qui peut présenter un contrepouvoir. Ce n'est pas aux écoles de se substituer aux commissions scolaires et nous ne pensons pas qu'il doive y avoir au Québec des projets éducatifs locaux si divergents qu'on verrait apparaître des écoles qui n'ont rien à voir les unes avec les autres et qui sont en concurrence.

Compte tenu de cela, nous estimons que les écoles, avec les aménagements qui s'imposent, avec des pouvoirs délégués par les commissions scolaires, c'est entendu et, à l'occasion, parfait, avec des mécanismes de concertation entre les agents, ont parfaitement les moyens d'assumer les responsabilités qu'on pense qu'au Québec elles doivent assumer.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon. M. le ministre.

M. Laurin: De toute façon, M. le Président, les parents ne se satisfont pas de ce rôle que vous décrivez et qui paraît, selon vous, exister dans l'école actuelle. Ils nous l'ont dit d'une façon qui ne laisse place à aucune équivoque. Quand vous dites que cela mènera nécessairement à un climat de confrontation ou à un rôle autoritaire des parents, on peut souligner, encore une fois, que, si les enseignants participaient, promettaient ou garantissaient de participer d'une manière plus marquée au conseil d'école, ce rôle d'autorité des parents serait beaucoup moins marqué qu'il ne semble l'être dans le projet de loi 40.

Par ailleurs, les parents, même s'ils sont majoritaires, ne seraient pas en mesure d'exercer toutes les parties de l'autorité puisqu'ils nous ont dit et répété à plusieurs reprises qu'ils entendent, encore une fois, respecter la compétence et le niveau de spécialisation de chacun des intervenants à l'école. Ce qui est visé, c'est, bien sûr, la fixation d'objectifs communs, c'est-à-dire l'amélioration des services éducatifs, la création d'un environnement éducatif de qualité, la création d'un projet éducatif qui reflète les besoins des clientèles, les aspirations du milieu, les faiblesses que chacun des intervenants peut constater au niveau de l'école, des mesures et un plan d'action qui visent le développement optimal et intégral des enfants dans toutes les dimensions de leur personnalité, mais ceci implique nécessairement un exercice collégial des fonctions de responsabilités dans le respect des compétences de chacun.

L'objectif est commun, mais les modalités d'intervention de chacun se font à partir de ce qu'il connaît: la connaissance des enfants, la connaissance des méthodes pédagogiques. Je ne vois pas pourquoi vous vous opposeriez tellement à ce que chaque école possède son projet éducatif. Il ne s'agit pas d'établir une compétition entre les écoles. Il s'agit plutôt d'établir une émulation au sens très positif du terme entre les écoles. Même si les projets éducatifs sont divers d'une école à l'autre, n'est-ce pas normal, puisque le projet éducatif reflète ainsi la diversité des clientèles, la diversité des aspirations des milieux, la diversité des

conditions qui prévalent dans tel milieu déterminé?

Encore une fois, si les enseignants se retrouvaient d'une façon plus évidente, plus sûre et plus garantie au niveau de ce conseil d'école, il n'est pas dit du tout que ceci mènerait au climat de confrontation. Je me demande pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec cette perspective plutôt positive. On sait que parfois la concertation est difficile à établir, mais, si on ne le tente jamais, comment pourra-t-on y arriver?

Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): M. le ministre, là-dessus - nous vous demandons de réfléchir à nouveau aux fonctions ou aux pouvoirs -vous avez enlevé le mot "pouvoirs" et mis le mot "fonctions" mais à d'autres places, on voit que vous parlez de "déléguer les pouvoirs du conseil d'école", alors, cela revient au même - à la juridiction que vous voulez confier au conseil d'école. Dans la mesure où vous révisez votre orientation actuelle pour en faire un palier décisionnel, dans la même mesure, je m'engage à ce qu'il se fasse dans notre organisation les débats nécessaires pour qu'on trouve des modalités de coopération au niveau des écoles, des modalités concrètes, effectives, comme il existe, d'ailleurs, au niveau de plusieurs territoires. Je crois qu'à ce moment-là, si vous pouvez faire ce mouvement, nous pouvons faire l'autre, comme c'est déjà, d'ailleurs, entrepris.

Vous savez, quand on regarde un peu en arrière - tout à l'heure, vous citiez nos positions de 1983 - vous étiez au Parlement en 1971 quand nous poussions dans le dos du gouvernement de l'époque, à propos des projets de loi 27 et 28, pour qu'il restructure les commissions scolaires, qu'il les intègre, qu'il rende plus fonctionnels le primaire et le secondaire ensemble, etc. Nous étions présents dans le débat à l'époque pour que tout cela se réorganise. Si on veut regarder les positions historiques, vous savez aussi que nous avons été les défenseurs du droit des parents à intervenir au niveau de la commission scolaire, à être présents dans la commission scolaire par un de leurs représentants. Nous nous sommes élevés contre des injonctions que le gouvernement ou certaines commissions scolaires ont prises contre des parents parce que, en temps de négociation, ils avaient des rapports avec les enseignants dans une municipalité à l'ouest de Montréal. Nous avons accepté, en février 1976, des parents à la table de négociations, ce que le gouvernement ne voulait même pas faire à l'époque. Nous sommes les pionniers, à toute fins utiles, les premiers dans le système scolaire à avoir défendu le droit de cité, de dire et de décider, le droit d'intervention des parents dans le système scolaire à travers toute l'histoire des dix ou douze dernières années. Aujourd'hui, on ne veut pas se faire faire des leçons là-dessus. Nous avons défendu cela alors qu'il y avait très peu de voix qui le faisaient à l'époque. Nous sommes heureux de voir qu'il y a de l'évolution et qu'il y a moyen d'aller plus loin qu'auparavant. Mais nous disons: Attention! Se mettre la main à trois mille endroits, cela pourrait aussi être se mettre dans un système où on ne décidera pas de grand-chose comme parents. Être présents dans 100, 125 ou 150 commissions scolaires, là où cela compte, là où on peut organiser des services sur une longue période en complémentarité, appliquer le projet éducatif aux besoins d'une région, soit.

Aujourd'hui, j'ai un enfant qui est au préscolaire; l'an prochain, il sera au primaire et cela pendant six ans. Il y en a un autre qui arrive. On est ensuite au secondaire et j'ai deux ou trois enfants. C'est cela le portrait de la famille moyenne au Québec. On a des intérêts pas seulement à une école à la fois, mais on en a à plusieurs niveaux et à plusieurs écoles. C'est cela, un parent complet. Je ne suis pas parent d'une petite fille de deuxième année. Je suis parent d'un enfant qui va faire de l'école à partir du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire. C'est de cela qu'on est parent, quand on est parent.

À ce moment-là, si on ne veut pas couper tout cela en petits morceaux, mais donner, justement, aux parents une prise sur le système en fonction des intérêts de leur enfant à travers dix ou douze ans de fréquentation, créons un lieu d'accès où cela va compter; ne les amusons pas sur la couleur du projet pédagogique au niveau de l'école classe blanche ou classe verte, ni sur des détails. Ils sont prêts à être consultés, à dire leur mot, nous sommes prêts à regarder des choses avec eux. Ne concentrons pas nos énergies du côté des voies secondaires et sans issue. Ce sont des énergies précieuses, il faudra des milliers et des milliers de parents, 25 000 ou 40 000, pour combler ces instances. Le temps qui se dépense là-dedans est très précieux et faisons-le servir à quelque chose qui compte. Nous sommes prêts à collaborer dans cette voie-là.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.

M. Laurin: Oui, j'aimerais revenir sur cette question de la place des enseignants dans l'école. Ne croyez-vous pas, M. le président de la CEQ, qu'actuellement la Loi sur l'instruction publique ne prévoit aucune place pour les enseignants ni au niveau de la commission scolaire, ni au niveau de l'école? Ce que veut le projet de loi, c'est augmenter la présence des enseignants au

niveau de l'école, c'est la rendre également plus effective. Il y a plusieurs articles dans le projet de loi qui prévoient une place accrue, plus importante au niveau de l'école pour les enseignants. Je vais faire distribuer aux membres de la commission une liste des pouvoirs que le projet de loi 40 accorde aux enseignants au niveau de l'école. Je ne veux pas citer tous les articles, mais il n'y a aucun doute que, si les articles 76, 77, 78, 39, 28, 91, 67, 68, 69, 185, 97, 99, 104, 105, 113, 307 du projet de loi 40 sont appliqués les enseignants verront leur importance consacrée au niveau de l'école et qu'ils pourront s'ils veulent bien assumer ces responsabilités, jouer un rôle extrêmement important au niveau de l'école. Lorsqu'on compare la loi actuelle de l'instrution publique, qui ne prévoit rien, nulle part, pour l'enseignant, et le projet de loi 40 qui assure aux enseignants une place marquée, importante à tous égards, que ce soit sur le plan de l'adaptation du régime pédagogique, la création de la grille horaire, la maquette temps pour les enseignants, l'enrichissement des programmes, ne croyez-vous pas que les enseignants, en assumant ces responsabilités, verront enfin consacrée l'importance de leur rôle au niveau de l'école?

Le Président (M. Blouin): M. Charbon-neau, rapidement, s'il vous plaît!

M. Charbonneau (Yvon): Mon collègue Robert Bisaillon va répondre à cette question.

Le Président (M. Blouin): M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): II ne faudrait pas que vous pensiez que les enseignants n'ont pas vu le projet de loi 40. Justement, ils ont vu le projet de loi 40 et ils savent qu'il suit les décrets et, dans l'un comme dans l'autre, ils considèrent que leur place a diminué. C'est, quand même, curieux de voir comment on peut intrépéter les choses différemment.

Quand vous dites que la Loi sur l'instruction publique n'accorde aucune place aux enseignants, faut-il vous rappeler que nous avions jadis négocié un certain nombre de mécanismes, tant au niveau de l'école qu'au niveau de la commission scolaire, par lesquels les enseignants se sentent tout à fait représentés? Sauf qu'à l'instar des parents, qui revendiquent non pas le pouvoir, mais qu'on tienne compte de leur avis lorsqu'ils sont consultés, c'est cela, le genre de place qu'on veut. On n'a jamais demandé plus de pouvoirs. On a simplement demandé de ne pas faire semblant que nous ne sommes pas là lorsqu'on est là. Or, la place des enseignants, à l'heure actuelle, dans l'école, du point de vue des enseignants, elle n'existe pas ou de moins en moins, non pas en fonction des niveaux de pouvoir, absolument pas, mais en fonction de la reconnaissance qu'on ne leur accorde plus en termes d'autonomie, en termes de conditions de travail, en termes de ce qui fait qu'un enseignant a à un moment donné les ressources qui vont avec ses responsabilités. C'est à ce niveau-là - je remarque que le ministre n'écoute pas, ce n'est pas grave...

M. Laurin: Je vous entends très bien, M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): ...que les enseignants sentent qu'ils ont de moins en moins de place dans l'école. L'offre que vous leur faites dans le projet de loi, c'est d'avoir deux représentants au conseil d'école décisionnel et, ce matin, tout à coup, vous parlez d'autre chose. Vous savez ce qui se passe à l'heure actuelle dans les commissions scolaires; lorsqu'un syndicat, choisi par les enseignants justement pour les représenter, va voir une commission scolaire pour discuter avec elle, par exemple, d'une grille matières, il se fait répondre: Nous ne pouvons plus parler avec vous parce que, dorénavant, ce sont les écoles qui dirigent.

C'est ce genre de place qu'on avait, qu'on s'était négociée, qu'on demande de continuer à avoir. On s'en satisfait parfaitement, le reste étant la responsabilité de la commission scolaire ou de l'école qui en tient compte, si elle le veut bien ou qui n'en tient pas compte, si elle ne le veut pas. On ne revendique pas des pouvoirs; on n'en veut pas. On veut la paix, d'une certaine façon. Sacrez-nous patience avec les pouvoirs, mais permettez-nous de travailler selon les responsabilités qu'on a. On n'en demande pas plus.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bisaillon. Nous allons maintenant suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Je rappelle aux membres de la commission qu'il serait souhaitable que nous puissions réintégrer le salon rouge quelques minutes avant le début de nos travaux pour que nous commencions à temps.

Comme tout le monde l'aura compris, nous poursuivrons nos échanges entre les membres de la commission et les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec. Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 15 h 4)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission élue permanente de l'éducation reprend maintenant ses travaux. J'invite donc les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec à venir

reprendre leur place à la table des invités. S'il vous plaît! Comme cela a été convenu avant que nous suspendions nos travaux pour l'heure du dîner, je donne maintenant la parole à M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je salue avec plaisir la présence des dirigeants de la Centrale de l'enseignement du Québec à cette commission parlementaire.

Le mémoire qu'on nous a présenté ce matin a dû, forcément, être résumé par les porte-parole de la centrale, mais ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion de le lire en entier savent qu'il s'agit d'un mémoire très substantiel, qui va au coeur du problème et qui a le mérite particulier de nous centrer sur les deux questions essentielles que soulève le projet de loi 40, c'est-à-dire, d'une part, la qualité de l'enseignement qui doit être assurée par-delà toute chose et, deuxièmement, la qualité du contrôle démocratique que la collectivité exercera sur le fonctionnement du système d'enseignement.

Ce matin, on a parlé très longtemps des droits des travailleurs syndiqués qu'il faudrait veiller à protéger, si jamais le projet doit devenir loi. J'aurai l'occasion d'en dire un mot tantôt. C'est un aspect très important. Or, je crois que les deux aspects vraiment essentiels sur lesquels notre attention doit demeurer centrée sont, d'une part, la qualité de l'enseignement et, d'autre part, le contrôle démocratique de l'enseignement.

Dans cette perspective, je voudrais souligner que, contrairement à ce qu'ont pu laisser entendre les propos initiaux du ministre de l'Éducation ce matin, je n'ai pas eu l'impression que nous étions en présence d'un mémoire négatif. Le ministre a laissé entendre que l'opposition de la Centrale de l'enseignement du Québec au projet de loi 40 ne l'étonnait pas, vu que la centrale se serait plus ou moins systématiquement opposée à tout ce qui s'est fait de bien dans ce domaine depuis de nombreuses années. Je voudrais dire qu'on peut être positif, M. le ministre, tout en étant en désaccord avec le gouvernement.

Ce que j'ai cru saisir dans le mémoire qui nous a été présenté ce matin, c'est une vision éminemment positive dans la perspective des deux éléments essentiels que j'ai mentionnés. Le souci de la qualité de l'enseignement est au moins aussi grand chez ceux qui nous ont parlé ce matin au nom de la Centrale de l'enseignement du Québec que chez n'importe quel des membres de la commission parlementaire permanente de l'éducation, y compris évidemment le ministre de l'Éducation, excepté que c'est une autre conception qu'on nous présente. C'est une conception très différente de la manière dont il convient de rechercher une qualité plus grande dans l'enseignement et un meilleur contrôle démocratique. On peut être très positif sans, encore une fois, partager l'opinion du gouvernement.

Je soulignerai que, pour ma part, c'est la quatrième fois depuis moins d'un an que j'ai l'occasion d'entendre des représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec en commission parlementaire. Une première occasion s'était présentée en mars dernier, lors du conflit qui sévissait dans les écoles à la suite de l'adoption des lois autoritaires que l'on sait, en particulier la loi 105 qui décrétait unilatéralement, jusque dans le moindre détail, les conditions de travail des enseignants. Je pense qu'à cette occasion nous avions eu une rencontre éminemment positive qui fut marquée par quelques incidents spectaculaires, mais dont le contenu général a eu une influence certaine sur la décision qui fut prise par la suite de rechercher une solution par la voie de la conciliation, approche qu'avait toujours refusée jusque là le gouvernement.

En décembre dernier, la Centrale de l'enseignement du Québec est venue à deux reprises devant une commission parlementaire. Tout d'abord, elle est venue devant la commission qui étudiait le projet de loi 57 visant des modifications à la loi 101, la Charte de la langue française. La contribution fournie à ce moment fut éminemment constructive; certains éléments ont d'ailleurs pu être retenus parce qu'ils apportaient des améliorations intéressantes.

De même, à la commission parlementaire de l'éducation, nous avons rencontré en décembre Mme Gagnon, la vice-présidente de la centrale, accompagnée d'une délégation qui représentait le secteur de la Centrale de l'enseignement du Québec qui oeuvre dans le domaine collégial. Encore là, nous avons eu une présentation éminemment positive dont nous souhaitons, d'ailleurs, que les effets s'en répercutent dans les décisions que devra prendre le ministre au sujet de son projet de règlement des études collégiales. Alors, c'est la quatrième rencontre aujourd'hui et, dans l'ensemble, toutes ces rencontres de la CEQ avec l'institution parlementaire, représentée dans trois occasions sur quatre par la commission permanente de l'éducation et à une autre occasion par la commission des communautés culturelles et de l'immigration, se sont soldées par un bilan nettement positif.

Évidemment, je comprends la réaction du ministre, parce que quiconque présenterait un projet de loi comme le sien souhaiterait que tout le monde qui en parle en traite de manière favorable. C'est un réflexe normal que je ne condamne pas chez le ministre. Je le comprends. Je lui demande de faire le même effort pour comprendre ceux qui expriment les opinions contraires à celles du gouvernement. L'opposition des enseignants

est ferme, elle est catégorique, elle est fondamentale. Le président de la centrale l'a dit tantôt, à la suite des objections qu'il soulève à l'encontre de certains aspects essentiels du projet de loi, la Centrale de l'enseignement du Québec est conduite à demander le retrait du projet de loi. Elle ne veut pas de rapiéçage. Elle ne veut pas de négociation à la pièce pour savoir si on peut rafistoler tel ou tel article. C'est l'économie générale du projet de loi qu'elle trouve boiteuse et je pense que c'est notre devoir, comme parlementaires, de l'enregistrer.

Cette opposition que nous avons entendu exprimer n'est d'ailleurs pas une première dans l'expérience que la commission parlementaire vit depuis une semaine. Le témoignage de la Centrale de l'enseignement du Québec vient s'ajouter à celui des commissaires d'école. Vous savez, on nous a joué une petite saynète la semaine dernière. On nous a amené des représentants de quelques commissions scolaires individuelles au début des audiences de la commission, choisis soigneusement par le ministre et ses collaborateurs pour impressionner la galerie. En questionnant ces gens des commissions scolaires, on s'est aperçu que, même sur des aspects essentiels du projet de loi, ils étaient loin d'être nécessairement d'accord avec le gouvernement. D'ailleurs, il y en a qui sont venus dire ici - on aura ces choses-là dans les comptes rendus des travaux de la commission - des choses qui ne vont pas du tout dans le sens de ce que le projet de loi demande. Plus fondamentale a été la comparution de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec qui est venue exprimer avec beaucoup de vigueur une position foncièrement contraire à celle du gouvernement.

Par conséquent, de la part de ces milliers de citoyens qui détiennent dans le système scolaire public du Québec une responsabilité reposant sur un mandat démocratiquement reçu de leurs concitoyens, il y a une opposition fondamentale au projet de loi. Les directeurs généraux des commissions scolaires dont le ministre avait lui-même reconnu, à l'occasion du conflit des enseignants en mars dernier, qu'ils étaient parmi les témoins les mieux informés, les plus compétents, les plus avertis que l'on puisse songer à rencontrer à l'occasion d'un débat semblable sont venus dire au ministre avec beaucoup de politesse, évidemment -dans des termes moins durs que ceux qu'on a pu entendre ce matin, mais le langage de fond était le même - que son projet est irrecevable. Ils lui ont demandé purement et simplement de le retirer.

Vendredi dernier, l'Association des cadres scolaires, laquelle regroupe tous les éléments qui ne sont pas des salariés syndiqués du côté pédagogique et administratif mais qui sont en dessous des directeurs généraux dans la structure d'autorité à l'intérieur de notre système d'enseignement, est venue dire au gouvernement: Si vous voulez rendre service à la qualité de l'enseignement, le mieux que vous puissiez faire serait de retirer votre projet. Ils nous l'ont dit avec force explications. Surtout, on a eu l'occasion d'avoir des échanges, au niveau des questions pédagogiques, qui ont été parmi les plus éclairants que nous ayons eus jusqu'à maintenant.

Dans son mémoire, la Centrale de l'enseignement du Québec a souligné l'absence des étudiants. En entendant cette partie du mémoire, ce matin, j'ai révisé la liste des organismes que le ministre, dans sa sagesse, a jugé opportun d'inviter à se présenter devant la commission. Le seul organisme étudiant que j'ai trouvé sur la liste est un regroupement d'étudiants universitaires dont nous avons pu constater, lors de l'étude d'un projet de loi concernant la syndicalisation étudiante, qu'il est assez faiblement représentatif. C'est un organisme contre lequel je n'ai absolument rien, mais qui nous a dit lui-même qu'il représentait les étudiants d'un nombre très limité d'institutions. J'espère que le gouvernement verra à ce que le point de vue des étudiants soit entendu par cette commission de manière plus complète que ce qu'indique la liste portée à notre connaissance jusqu'à ce jour.

Par conséquent, ce ne sont pas des oppositions marginales. Ce ne sont pas des petits groupes de mécontents, d'agitateurs ou de dévoyés civiques ou sociaux qui s'opposent à votre projet de loi, M. le ministre, c'est à peu près tout ce que le milieu de l'enseignement public québécois compte d'artisans professionnels. Les directeurs d'école sont venus soutenir un autre point de vue, l'autre jour, par l'intermédiaire de l'Association québécoise des directeurs d'école, on a constaté en les interrogeant que, sur certaines questions de fond, ils n'avaient pas d'explication valable. Quand on a demandé à M. de Guire, de qui va relever le directeur d'école, il voudrait bien qu'il relève de la commission scolaire dans tout ce qui touche sa sécurité et les avantages dont il jouit, mais il voudrait que pour le reste il relève d'une autre autorité. Il n'y a personne de censé qui va accepter une chose comme celle-là. D'ailleurs, on n'a pas eu de réponse à cette question fondamentale qui a été adressée, l'autre jour, à l'Association québécoise des directeurs d'école.

M. le ministre trouve refuge dans l'argument des parents en nous disant: Oui, les parents demandent ceci. Je dis au ministre une chose: Comme ministre, sa fonction n'est pas de donner satisfaction à tout prix à une association, c'est de tenir compte de l'ensemble des points de vue qui lui auront été présentés et des intérêts du

groupe qui représente les comités de parents dans les commissions scolaires en considérant également le point de vue et les intérêts légitimes de tous les autres agents du système d'éducation. De la manière dont les témoignages s'accumulent, je pense que le ministre va avoir le fardeau de la preuve. Il l'a déjà, d'ailleurs. Quand on présente un projet de loi d'aussi grandes conséquences, on a la responsabilité de prouver aussi qu'il répond à des voeux assez largement répandus dans la population. De ce câté-ci, les interrogations se multiplient et s'aggravent à mesure que nous progressons dans nos travaux.

La présence de la Centrale de l'enseignement du Québec nous aide également à réaliser de manière peut-être plus concrète la place absolument insatisfaisante que le projet de loi 40 fait à l'enseignant dans le système d'enseignement réorganisé que l'on nous propose. Le ministre a cité tantôt une série d'articles. Je pense que c'est le gouvernement qui a distribué cette note intitulée "La place des enseignants dans le projet de loi 40". On pourrait citer tous ces articles. Nous les connaissons tous, les articles qui traitent du rôle de l'enseignant. D'abord, c'est dispersé un petit peu partout et éparpillé à différents endroits dans le projet de loi. Il faut faire un travail de rapaillage pour avoir une idée d'ensemble de ce que cela représente. Nulle part, dans le projet de loi, on ne trouve une définition claire, une énumération claire des fonctions essentielles et majeures de l'enseignant dans le système d'enseignement. On aurait été mieux de prendre le texte des conventions collectives - qui sont malheureusement des décrets, pour l'instant - où on aurait trouvé une énumération qui m'apparaît encore incomplète, mais qui va plus au coeur des choses que cette espèce de salmigondis d'articles dispersés, disparates qu'on trouve dans le projet de loi et dont plusieurs ne rendent compte que de manière bien imparfaite de ce qu'on voudrait exprimer.

Je pense que c'est un des défis majeurs du gouvernement. S'il veut procéder avec son projet de loi, il faut absolument qu'il réussisse à définir la place et le rôle de l'enseignant dans le système d'une manière qui soit satisfaisante au jugement des intéressés. Il me semble que, lorsque le gouvernement fait une loi en matière syndicale, il s'arrange pour travailler avec les parties au maximum. S'il en arrive à des dispositions qui ne satisfont ni les uns ni les autres, il y a un problème. Il est obligé de remettre son ouvrage sur le métier. Dans ce cas-ci, je pense que cet aspect du projet de loi, la place et le rôle des enseignants, laisse énormément à désirer.

J'ajoute un autre élément à propos du sujet qui a pris beaucoup de temps ce matin: la question des droits syndicaux. Je ne suis pas en mesure de commenter maintenant les déclarations qu'a faites le ministre là-dessus parce que nous sommes dans un domaine extrêmement complexe. On l'a vu, d'ailleurs; le projet de loi a fait l'objet de travaux pendant des mois au gouvernement et on a été obligé de nous arriver avec une liste de modifications considérables. Il n'y a pas encore eu de négociations entre les intéressés. Quand vous êtes obligés, si jamais le reste du projet de loi devenait acceptable, de vous mettre à table pour harmoniser les points de vue des uns et des autres, c'est une tâche énorme. Il faut avoir un peu de connaissance de ce qu'implique la négociation sur ces questions-là pour savoir que ce n'est pas une déclaration lue d'une demi-heure de la part d'un des éléments intéressés, de la part du parrain du projet qui va disposer de ces questions. Il reste énormément de travail à faire. Ce que je crois constater, c'est que le gouvernement n'a pas bien mesuré la portée du changement qu'il veut introduire.

Nous fonctionnons maintenant, depuis une génération, sur la base d'un régime de relations bipolaires dans le système d'enseignement. On peut dire que le mode de négociations qu'incarne notre système de relations du travail est absolument central dans tout le fonctionnement du système d'enseignement et on voudrait lui superposer un autre mode de relations qui relève d'une autre philosophie, d'une autre logique. C'est évident qu'à mesure qu'on va serrer le contenu des articles de près on va constater des points d'accrochage qui seront extrêmement nombreux et dont la plupart peuvent difficilement être prévus à l'heure actuelle. C'est le droit du gouvernement d'envisager un changement fondamental de régime et je lui dis qu'il va falloir qu'il ajoute bien d'autres points particuliers à ceux déjà très nombreux qu'a énumérés le ministre ce matin pour disposer d'un problème aussi fondamental et aussi délicat, aussi complexe que celui-là.

On a parlé beaucoup de la loi 71, ce matin. Je serais plutôt d'accord avec le président de la Centrale de l'enseignement du Québec pour considérer que ça ne donnera pas grand-chose de refaire de manière détaillée le procès de tout ce qui a pu arriver au cours des cinq dernières années. Nous savons, cependant, deux choses, entre autres. Tout d'abord, nous savons que la structure qu'on avait voulu rendre officielle avec la loi 71, en 1979, ne s'est pas concrétisée dans les institutions, contrairement à ce qu'avait décrété le législateur.

Deuxièmement, même si cette structure ne s'est pas concrétisée, il s'est réalisé dans un très grand nombre d'institutions d'enseignement des expériences de collaboration et de concertation qui, dans de nombreux cas, ont été excellentes. Il ne faudrait pas

conclure, M. le ministre, parce que la structure définie unilatéralement et autoritairement par le législateur - le législateur sous l'influence de la majorité gouvernementale en 1979 - n'a pas donné tous les résultats officiels que vous attendiez, que rien de bon ne s'est fait sur le terrain. Au contraire, là où on ne s'est pas trop empêtré dans les structures, il y a eu des expériences de concertation et de collaboration - direction d'école, personnel enseignant et non enseignant, parents, élèves dans bien des cas, qui ont pu être excellentes. Si le gouvernement avait dit: On va faire un relevé de toutes ces expériences et on va essayer de légiférer à partir de cela, peut-être aurait-il conclu, d'abord, qu'il n'était pas nécessaire de légiférer.

Deuxièmement, s'il avait conclu à la nécessité de légiférer, il ne serait pas arrivé avec un projet aussi uniformisant que celui qu'on nous propose actuellement. J'ai l'impression que le gouvernement s'apprête à répéter exactement la même erreur qu'en 1979, sans savoir où il s'en va. On a demandé: Avez-vous un cahier d'expériences valables pour appuyer une formule comme celle que met de l'avant le projet de loi 40? Tout ce qu'on a, ce sont des bribes, des bribes d'expérience qui n'ont même pas été vérifiées avec des critères d'évaluation le moindrement sérieux. Si on nous avait dit qu'on a fait une cinquantaine d'expériences dans le sens de ce qu'on propose, qu'on a fait évaluer cela - pour prendre une source que le ministre affectionne de citer depuis quelques jours - par la faculté des sciences de d'éducation de l'Université McGill d'une manière impartiale et indépendante et en voici les résultats, cela pourrait être excellent. Je serais moi-même prêt à réviser plusieurs de mes opinions, mais on n'a rien de cela. On nous arrive avec des petits récits embryonnaires et des désirs d'autorité plus grande de tel ou tel secteur de la société et on nous dit: Voici ce qu'on a conçu pour cela. Je vous le dis, M. le ministre, je pense que vous allez commettre exactement la même erreur qui a été commise en 1979, assez curieusement par le même gouvernement. Il me semble que vous auriez pu être instruit par cette expérience et en tirer des éléments qui auraient pu être très utiles.

J'ai remarqué que le ministre a pris une heure et demie, ce matin, pour interroger la CEQ et discuter avec elle. Je n'ai pas d'objection, c'est une rencontre importante et, que le ministre veuille prendre tout le temps dont il estime avoir besoin, je n'ai pas d'objection. Je le préviens tout de suite que je prendrai beaucoup moins de temps que cela. Cependant, vous remarquerez qu'il n'a pas été question de la qualité de l'enseignement. On a passé la moitié de cette période d'échanges sur la question des droits des enseignants et l'autre moitié sur des questions de structures. Mais la qualité de l'enseignement, elle, les objections très nombreuses qui ont été formulées à l'encontre du projet sous l'angle de la qualité de l'enseignement, il n'en a pas été question. J'insiste beaucoup pour rappeler...

M. Laurin: J'y arrivais.

M. Ryan: Le ministre me dit qu'il y arrivait mais par condescendance, j'imagine, il n'a pas décidé de prolonger davantage l'échange, se rappelant qu'il y avait une douzaine d'autres membres autour de la table qui ont aussi un certain nombre de questions qu'ils veulent discuter avec les représentants de la CEQ. Quoi qu'il en soit, cela reste au coeur du problème. Je vous l'ai dit dès le début, M. le ministre, au nom de notre formation politique et de nombreux autres témoins qui sont venus ici et qui vous l'ont répété, il y a des difficultés fondamentales qui sont soulevées par le projet de loi 40 et qui n'ont pas encore trouvé de réponses.

Je mentionne seulement un exemple en passant: l'éducation des adultes. On ne peut pas régler le problème de l'éducation des adultes de manière aussi sommaire que le fait le projet de loi 40. Si c'est le genre de synthèse que vous vous apprêtez à livrer au public à la suite des travaux de la commission Jean, si les articles où il est question de manière généralement évasive et imprécise de l'éducation des adultes dans le projet de loi 40 constituent un élément important de la réponse du gouvernement aux travaux de la commission Jean et à ses recommandations, je pense que cela fait assez minable, tout compte fait. Je pense qu'il y a de quoi s'inquiéter grandement de ceux qui ont présentement la responsabilité de l'éducation entre leurs mains au nom de la collectivité.

J'en viens à un dernier aspect, soit le contrôle démocratique qui doit s'exercer sur l'enseignement. J'ai cru comprendre - je ne veux pas mal interpréter les propos qui nous ont été communiqués ce matin - que, fondamentalement, la Centrale de l'enseignement du Québec veut conserver le système général que nous avons actuellement, c'est-à-dire un système qui comporte évidemment des écoles, des établissements d'enseignement, des services éducatifs de toutes sortes et qui comporte, au niveau régional, un organisme directeur, élu au suffrage universel, de préférence par les citoyens - on y reviendra tantôt, car je ne veux pas prêter aux gens de la CEQ des idées qu'ils n'auraient point - et, troisièmement, un ministre investi de pouvoirs réels pour agir au nom de la collectivité. J'ai remarqué qu'on a passé pardessus cette partie du mémoire ce matin,

mais elle est là. Il y a deux ou trois bonnes pages qui vont intéresser spécialement le ministre de l'Éducation, où on montre assez clairement que ce projet ne comporte aucune espèce de réduction le moindrement concrète des pouvoirs ou de l'autorité du ministre sur l'ensemble du système d'enseignement.

Ce que la CEQ nous dit, c'est qu'il faut conserver la commission scolaire comme organisme démocratique, comme organisme investi de responsabilités véritables. Je pense qu'on y reviendra tantôt, mais c'est un point sur lequel je suis tout à fait d'accord. C'est une position éminemment constructive, une position de continuité, une position qui est tout à fait dans la tradition québécoise en matière d'enseignement public. (15 h 30)

Personnellement, je suis très heureux de constater que la CEQ tient à maintenir cet élément essentiel de la structure non pas parce que cela est un fétiche auquel il ne faudrait pas toucher à aucune espèce de condition, mais parce que, dans notre système d'enseignement, c'est l'élément d'équilibre. C'est l'élément qui vient se situer entre le citoyen individuel et l'école individuelle et le gouvernement d'un autre côté. Si cette structure intermédiaire n'a pas une certaine consistance, une certaine force, une certaine valeur représentative, un rôle précis garanti par la loi, c'est évident que la force de la dynamique centralisatrice qui émane du ministère de l'Éducation et du gouvernement, avec les ressources immenses dont il dispose, finira par écraser l'autre. Après avoir écrasé les commissions scolaires, je crois pouvoir affirmer sans aucune espèce d'hésitation que l'écrasement des écoles ne serait plus qu'une question de temps et qu'on serait tombé dans un système hautement centralisé, alors qu'on nous aurait annoncé au départ exactement le contraire.

J'ai été très intéressé par l'échange que le ministre a eu avec vous, M. Charbonneau, au sujet du conseil d'école. Il vous a fait une ouverture dans laquelle, si j'ai bien compris, vous n'avez pas mordu. Je ne sais pas comment M. de Guire a dû réagir en fin de compte parce que, l'autre jour, il vous a tenu un langage tout à fait contraire. Il a même fait de sa position sur ce point une espèce de condition de son appui continu au projet de loi. Vous avez dit à M. Charbonneau et à la délégation de la CEQ: Notre conseil d'école, s'il était sur une base paritaire, représentation égale des parents et des enseignants, est-ce que vous seriez prêts à "embarquer" dans cela? Le président de la CEQ n'est pas tombé dans le piège pour une raison évidente. Si vous y allez sur une base paritaire, vous n'êtes plus sur une base décisionnelle, à ce moment, il faut que votre école fonctionne à tous les jours. Supposez qu'un organisme paritaire prenne trois mois à s'entendre sur une question - c'est son droit - il faut que les décisions se prennent pendant ce temps. Il faut savoir où elles vont se prendre. Cela remet en cause toute la structure.

Vous avez fait des ouvertures très fortes. Vous avez dit aux parents: II faut que vous ayez la majorité. Les directeurs d'école vous ont dit: On ne veut pas d'enseignants dans cela. Maintenant, vous venez leur dire: On va vous mettre moitié, moitié. Je ne sais pas trop, mais j'ai l'impression que c'est pas mal flottant votre affaire. J'ai l'impression que cela s'en va d'un récif à l'autre sur une mer passablement agitée et, à un moment donné, la chaloupe va finir par avoir des trous, si elle n'en a pas déjà. Cela va être bien important qu'on en discute. Ce n'est pas parce que l'on ne s'intéresse pas à la qualité de l'éducation. Il y a eu tantôt un reproche voilé, à savoir que les gens qui disent cela devraient parler de la qualité de l'éducation et ne pas s'occuper du reste. Nous ne sommes pas maîtres de l'agenda des travaux d'une commission parlementaire, comme vous le savez. Le gouvernement met ses priorités sur la table et il nous dit: Je vous présente un projet qui traite surtout de structures de direction et de contrôle démocratique. Nous sommes bien obligés d'en discuter. Si on nous avait livré un livre blanc sur l'éducation des adultes ou un programme d'action sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, ou encore une politique en matière de formation professionnelle, nous serions infiniment plus heureux d'être autour de la table que nous ne le sommes à propos du projet de loi 40. Il faut que nous discutions le projet de loi 40 et, par conséquent, comme vous l'avez dit vous-même, il faut bien que nous consacrions un peu d'attention aux structures que l'on nous propose.

Vous avez dit qu'au niveau de l'école, en particulier, les structures qu'on propose sont des structures conflictuelles qui ne pourront pas donner de bons résultats pour l'enseignement. Je suis porté à voir les choses dans une perspective qui va dans la même direction générale. Tant qu'on n'aura pas résolu ces ambiguïtés fondamentales qu'on trouve presque à toutes les pages du livre blanc, il sera très difficile pour le gouvernement de faire une oeuvre valable.

Cela étant dit, je voudrais adresser quelques questions à la délégation de la CEQ, que je vais essayer de faire les plus brèves possible. Dans la mesure où les réponses seront claires, je pense qu'on pourra disposer du présent intervenant sans prendre trop de temps.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Ryan: Ma première question: Vous ne trouvez pas satisfaisant le rôle des enseignants, tel que décrit dans le projet de loi

40. Évidemment, vous avez émis des objections de fond à l'encontre du projet de loi 40 que je comprends, encore une fois, et que je partage largement, mais dans une loi-cadre sur l'enseignement primaire et secondaire comme celle dont rêve le ministre de l'Éducation, comment selon vous, devraient être définis la place et le rôle des enseignants?

Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Avant de répondre précisément à cette question, je voudrais faire un ou deux commentaires, à partir des propos de M. Ryan. Il s'agit d'un accueil positif à un mémoire qui se veut positif et c'est un peu ce qu'il nous reste d'encouragement à se présenter devant la commission parlementaire que de se rendre compte qu'il y a encore des gens qui peuvent regarder les textes des documents que l'on soumet dans toute leur ampleur plutôt que de nous catégoriser, de nous jeter à la tête des épithètes, de nous mettre dans le coin et de nous peinturer en noir, d'une manière négative. C'est un peu cela qui nous donne espoir, des propos comme ceux qu'on vient d'entendre, pour continuer d'essayer d'entamer un dialogue, même si on a l'impression que le mur de surdité, en certains lieux, est assez difficile à percer. Cela nous encourage quand même. On a vraiment besoin de propos comme ceux-là.

Tout à l'heure, j'ai rencontré la presse, comme l'a fait le ministre. On me demandait comment j'évaluais le débat et j'ai répondu: C'est même encourageant, on a pu déployer nos arguments, c'est positif. Le ministre, comme premier responsable de l'éducation, entame au moins la discussion. Nous sommes déjà venus à des commissions parlementaires où il ne nous parlait même pas. Il nous a parlé ce matin. Il a l'air de s'intéresser et il nous pose des questions. Il n'est pas d'accord spontanément, mais il n'est pas fermé non plus. Je trouvais qu'il y avait des signes encourageants malgré tout, malgré la difficulté de percer le mur. On me rapporte les propos qu'il tient sur nous en conférence de presse et c'est dans un tout autre sens. En dehors des débats que nous avons maintenant, il répète textuellement des accusations à propos de 1979, du conseil d'orientation, textuellement, avec la mise au point qu'on a faite ce matin. À la suite de cela, rien n'a changé. Textuellement, on a interdit, on a été négatif, on a boycotté, etc. C'est dommage que la discussion n'ait rien fait progresser. Une deuxième remarque, et je termine mes commentaires généraux. "La CEQ n'a rien avancé et n'a rien proposé." Le ministre lui-même a cité à pleines pages des propositions que nous avons dans nos cartons. Il dit à la presse et aux médias, parce que cela va passer sur les ondes ce soir un peu partout, qu'on a ni plus ni moins des phrases creuses à dire et des affaires... Alors, j'espère qu'on pourra rétablir...

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): ...c'est un voeu que je veux émettre à la fin de ces commentaires généraux - véritablement une atmosphère de dialogue et non pas se lancer des propos négatifs qui sont en dehors de la commission scolaire et qui nuisent au dialogue qu'on devra poursuivre demain et après-demain.

Alors, je voulais au moins souligner que c'est encourageant d'entendre des propos positifs et qui nous ramènent au coeur du problème. Et là, j'arrive aux questions: la qualité de l'éducation, les services qu'il faut améliorer ou compléter, les engagements que ce gouvernement a pris politiquement et qui ne sont pas encore réalisés, notamment au chapitre de l'éducation des adultes. Je reviens aux commentaires de M. Ryan à propos du contrôle démocratique, par le biais des commissions scolaires. Nous avons nous-mêmes avancé un concept qui fait son petit bout de chemin, à savoir les commissions scolaires composées en partie de citoyens élus au suffrage universel et en partie de personnes provenant du milieu parental, mais élues aussi au suffrage universel. C'est une idée qui avait l'air de rien au début. Tout le monde disait: "On n'a jamais pensé à cela. C'est bizarre." J'ai noté que, après un an et demi ou deux ans, l'idée commence à faire son chemin, parce qu'elle est une formule non pas d'antagonisme, non pas d'opposition, mais de conciliation de deux sphères d'intérêts.

Un ministre normal de l'Éducation aurait pensé à cela tout seul, parce que cela concilie les champs d'intérêts et cela ajoute une qualité au contrôle démocratique. Ce sont des contributions positives je pense, et quand on a des paragraphes à citer comme ceux-là à partir des propos de la CEQ de la part du ministre, qui sont des paragraphes qui font son affaire, les autres paragraphes juste avant, qui condamnent ses politiques, ne sont pas faits plus par des fous que le paragraphe qui faisait son affaire. C'est un peu cela qui est à considérer. On aime entendre des personnes qui prennent le temps de regarder nos documents dans toute leur ampleur.

Le rôle des enseignants, la question précise, on en a parlé passablement ce matin. Nous pouvons y revenir parce que c'est bien normal qu'on s'attende de la part de notre organisation à être plus explicite ou le plus explicite possible. Mais, avant de passer la parole à mon collègue, M. Robert

Bissaillon, qui complétera, je rappelle qu'on nous amène à parler toujours de manière hypothétique: "Si c'était un autre cadre ou une autre loi, qu'aimeriez-vous?" Nous pouvons essayer de nous livrer à l'exercice, mais, l'obstacle premier, nous l'avons bien décrit ce matin, c'est que le cadre même du projet de loi 40 est vicié à cet égard, en posant tous les problèmes en termes de juridiction et de pouvoirs. Mon collègue, M. Bisaillon, va enchaîner là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): II n'y a rien de magique dans la définition du rôle des enseignants. Ce sera un certain nombre de phrases qui paraîtront peut-être creuses, mais qui ne sont pas inutiles à répéter. Le rôle des enseignants, au risque de passer pour des créditistes, est d'enseigner, c'est-à-dire d'assumer le développement pédagogique des élèves dans la dimension de l'enseignement et de l'acquisition des connaissances, mais aussi d'un certain nombre d'autres aptitudes et de comportements.

Pour exercer ce rôle, cela suppose évidemment qu'on reconnaît aux enseignants une compétence individuelle, donc une certaine autonomie dans la façon d'exercer leur travail, une compétence collective aussi et, en vertu de cette compétence collective, une responsabilité qui les habilite à intervenir, toujours individuellement et collectivement, mais, chaque fois que les conditions ne sont pas réunies pour que leur compétence puisse s'exercer, que ce soit dans la classe, dans l'école, à l'intérieur d'une commission scolaire ou de tout le système de l'éducation, c'est reconnaître aussi leur droit d'intervention dans la détermination des besoins minimaux qu'ils ont le droit d'exprimer professionnellement pour accomplir ce rôle et cette fonction, entre autres, lorsqu'il s'agit de besoins de perfectionnement, lorsqu'il s'agit de la critique de toutes les "innovations pédagogiques" qui ne cessent de déferler sur l'école depuis que la plupart enseignent.

L'enseignant est souvent l'objet de la réforme et très souvent, il la subit. On pense que le rôle des enseignants est d'assumer les réformes et non de se les faire imposer. Parce que justement cela a été écrit par le ministre, je suis à l'aise pour le citer, parce que l'enseignant est situé au centre de la relation d'aide avec les élèves. Je pense que, chaque fois que cette relation d'aide est compromise par les conditions dans lesquelles les enfants font leur apprentissage, l'individu, dans une classe, face à ses élèves et les individus qui enseignent collectivement ont le droit d'intervenir.

Il se trouve aussi que les enseignants ont le droit, je pense, de protéger leur travail en s'organisant en des associations syndicales comme ils le font et en revendiquant des conditions de vie pour les élèves et pour eux, mais aussi des conditions de travail. Il n'y a rien de sorcier là-dedans, mais c'est toujours ce qu'on a revendiqué et cela explique aussi la place qu'on veut avoir dans l'école. Ce n'est pas la place des autres, ce n'est pas une place contre les autres, ce n'est pas une place au-dessus des autres mais c'est une place, et ce n'est pas une citation dans un projet de loi.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Ryan: Dans la même ligne de vos préoccupations, M. Charbonneau disait ce matin que la CEQ s'oppose à ce qu'on crée un palier décisionnel au niveau de l'école. D'autre part, je pense que M. Charbonneau et les membres de la délégation de la CEQ conviendront facilement qu'il y a beaucoup de décisions qui doivent se prendre et qui se prennent quotidiennement au niveau de l'école. Je pense que ce n'est pas ce qu'il faut comprendre de ce qui a été dit ce matin. (15 h 45)

J'aimerais aussi que vous nous disiez comment vous voyez concrètement le fonctionnement ordinaire de l'école. Étant donné que vous êtes du côté syndical, vous reconnaissez que, pour avoir un bon syndicat, il faut un bon représentant de la partie patronale de l'autre côté. Il faut que cela se fasse à deux. C'est un régime bipolaire, celui des relations du travail que nous avons. Il y a des salariés, des employeurs. Chacun peut avoir ses qualités et ses défauts. J'aimerais que vous nous disiez le plus simplement possible comment vous voyez la bonne marche de l'école, quel est le rôle de l'enseignant là-dedans, qu'est-ce que les parents peuvent venir faire là-dedans, quel est le rôle du directeur également, peut-être en donnant un ou deux exemples pour qu'on voie un petit peu plus pratiquement la portée exacte de votre position.

M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon va répondre à votre question, M. Ryan.

Mme Gagnon: En essayant d'oublier le moins d'intervenants possible, car je pense qu'ils sont tous aussi importants dans leur sphère spécifique. Quand on dit qu'on ne veut pas que l'école devienne un lieu décisionnel, M. Ryan, vous avez raison, il va sans dire qu'on ne suppose pas que quotidiennement il y aura toujours un téléphone décroché entre le directeur d'école et la commission scolaire pour savoir s'il doit avancer ou reculer, ne fût-ce que d'un pas. Ce n'est pas du tout de ce côté-là que l'on va.

On affirme - vous avez eu raison de le souligner aussi - que le responsable central

en éducation au Québec, c'est le ministère de l'Éducation et son ministre qui définira donc les grands encadrements. On n'a pas d'objection à cela. Le niveau intermédiaire des commissions scolaires finalisera, si besoin est, les politiques. On les espère souvent larges les politiques et aménagables. On ne veut pas d'un projet éducatif national qui soit dicté d'autorité. On veut au contraire que les collectivités puissent contribuer à le façonner.

En bas de cela, des écoles. Est-ce qu'il n'y a pas par hasard quelque raffinement à inventer et quelques discussions importantes à mener entre les écoles et les commissions scolaires à propos d'un certain nombre de pouvoirs délégués? Probablement. On n'affirme pas que tout est au poil dans les relations écoles et commissions scolaires. On dit cependant que, pour gérer au quotidien et remplir sa vraie fonction d'école, il n'est point besoin de loi 40. La véritable fonction de l'école, pour nous - M. Bisaillon en a fait un bout en parlant des enseignants - c'est effectivement de former les élèves; les former, c'est-à-dire à la fois les instruire et les éduquer. On n'en sort pas, cela se gère et se vit au quotidien et, autant que possible, en tenant compte de toutes celles et de tous ceux qui interviennent dans le processus. D'abord, les enfants. Quand on tient compte des enfants, on se trouve à tenir compte des milieux qui les ont vu naître et qui continuent de les protéger en dehors de l'école. Jamais nous n'avons dit qu'une place ne devrait pas être laissée à l'école pour s'ouvrir sur les besoins du milieu, y compris sur le monde. C'est au contraire une thèse qu'on défend nous-mêmes et depuis longtemps que toute pédagogie, pour être efficace, doit s'occuper d'être incarnée dans le réel. Le réel pour des enfants, c'est le plus souvent une famille, indépendamment de son modèle, et c'est le plus souvent aussi un quartier, n'importe lequel donné, mais un.

Les enseignantes, les enseignants et les autres personnels contribuent dans la mesure de leurs responsabilités respectives à assumer la première tâche, donc instruire, éduquer et former. Ils sont aussi, au même titre que les parents et les enfants sitôt qu'ils ont atteint, j'ai envie de dire l'âge de raison... On dit au secondaire commodément, mais il n'est pas interdit de faire en sorte que les enfants soient impliqués plus tôt à leur mesure, à leur échelle dans un certain nombre de choses qui les concernent.

C'est donc au chapitre de la vie collective de l'école que nous faisons intervenir les mécanismes de collaboration dans un souci de coopération et pas de décision, d'affrontement et d'exercice de pouvoirs. Cela veut dire quoi? Concrètement, cela veut dire que, par rapport à n'importe quelle politique donnée qui doit s'inscrire, une fois raffinée par les commissions scolaires, dans le vécu quotidien de l'école, cela doit le moins possible se faire d'autorité. Cela doit le plus possible se faire après que ceux et celles qui sont chargés d'appliquer les politiques auront été consultés et qu'on aura pris en compte ce qu'ils ont à dire sur la chose, s'assurant par la suite que d'un bout à l'autre de la chaîne il y ait le moins possible de monde qui se voie contraint de faire ce dont ils sont convaincus qu'ils ne doivent pas s'occuper.

Cela se gère au quotidien dans le calme. Cela ne suppose pas qu'à tout moment on demande des permissions à qui que ce soit. On s'assure en même temps, autant que possible, d'être le moins possible désincarné et de faire en sorte que cela ne nous mène pas à l'abstraction.

M. Ryan: II m'arrive souvent de rencontrer des responsables d'écoles ou de commissions scolaires et de me faire dire que dans telle école il y a beaucoup de collaboration entre les enseignants, la direction de l'école et les parents. Est-ce qu'il y aurait déjà une directive qui aurait été émise par la CEQ ou une suggestion à l'endroit des enseignants de ne pas faire de chose comme celle-là?

Mme Gagnon: Jamais. Même et au contraire, il nous arrive au national de nous mettre d'accord pour, autant que faire se peut, rajeunir un certain nombre de dossiers. Depuis un bout de temps déjà, je vous assure qu'on fait tout ce qu'on peut pour retravailler les mécanismes, les volontés, tout ce qui entoure la collaboration et la participation.

Cependant, je mentirais si j'affirmais que tous les milieux sont sur un pied d'égalité en ce qui regarde la tradition des relations, si bien que dans certains cas, c'est plus facile, ça va mieux, ça va plus vite et dans d'autres, évidemment, l'histoire a, à l'occasion, laissé un certain nombre de traces et il y a plus de travail de rattrapage à faire. Jamais on n'a donné de consigne de cette nature-là; jamais même on n'a supposé qu'on puisse penser à la donner.

M. Ryan: L'autorité habituelle dans l'école est le directeur?

Mme Gagnon: Oui.

M. Ryan: Vous n'avez pas d'objection à cela?

Mme Gagnon: Non.

M. Ryan: Est-ce que le directeur, selon vous, devrait relever plutôt d'un conseil d'école comme celui que le projet de loi 40 propose ou du directeur général de la com-

mission scolaire comme le prévoit la loi actuelle sur l'instruction publique?

M. Charbonneau (Yvon): Je crois que le débat est autour du mot "relever". Nous pensons que le directeur d'école doit être sous la juridiction de la commission scolaire par le biais du directeur général de la commission scolaire. La commission scolaire doit donc être son employeur et que cela soit clair.

Par contre, si on prend le mot "relever" au sens plus large, c'est-à-dire dans l'exercice quotidien ou courant des fonctions, on peut avoir une ligne d'autorité claire, mais dans l'exercice de la responsabilité du directeur d'école, il faut aller chercher un éclairage; il faut consulter; il faut prendre des avis. Dans certains cas la prise d'avis peut être rendue obligatoire. On peut aussi, s'il s'agit, par exemple, du choix de manuels, aller jusqu'à prévoir l'obligation d'obtenir une recommandation du personnel enseignant. Il y a là tout un dosage ou une échelle qu'on peut bâtir, selon ce dont on parle. Un directeur d'école qui ne prendrait ses mandats que du directeur général parce que c'est ce qui est écrit dans le livre, ferait rapidement fausse route. Il ne s'appuierait pas sur l'expertise de son école; il ne prendrait pas avis des parents et mènerait son école selon ce qui lui vient de la direction générale.

Par contre, un directeur d'école qui ne ferait que s'appuyer sur son entourage immédiat, sans admettre que son école fait partie d'un ensemble d'écoles qui dessert une population plus large que son quartier immédiat, sans accepter que le service qui se dispense au numéro untel de la rue unetelle, c'est une partie d'un service plus large pour une collectivité, lui aussi ferait fausse route. Au niveau juridictionnel, au niveau de l'employeur, nous pensons que le directeur d'école doit être clairement en rapport avec le directeur général et la commission scolaire. Dans l'exercice de ses fonctions, il doit s'inspirer, s'éclairer de l'apport de son contexte. Cela fera un meilleur directeur d'école s'il prend davantage cet éclairage-là que s'il le néglige.

M. Ryan: Une autre question en rapport avec le fonctionnement de l'école. Vous n'êtes pas contre l'existence de structures de collaboration, de concertation dans l'école, mais vous dites que la collaboration doit se faire sur un pied d'égalité et que les mécanismes doivent être définis plutôt au niveau de l'école que dans une loi qui va imposer le même moule à tout l'ensemble des écoles du Québec. Est-ce que c'est bien la position...

M. Charbonneau (Yvon): Avec une petite nuance, cela peut être au niveau de l'école ou au niveau d'un territoire donné, d'un groupe d'écoles. Il se peut qu'à la suite d'un dialogue continu sur plusieurs mois ou plusieurs semaines, on en arrive à trouver une formule qui convienne à un ensemble d'écoles d'un territoire donné. Nous n'allons pas nécessairement jusqu'à préconiser quelque chose de spécifique et de différent, école par école; il peut y avoir des espèces de consensus régionaux sur un mode de faire. Cela peut fort bien être envisageable dans le système.

M. Ryan: Très bien. Il y a un autre point sur lequel vous êtes revenu à maintes reprises au cours de la dernière année, depuis l'ouverture du débat autour du projet de loi 40 et du livre blanc sur l'école communautaire, et à propos duquel vous n'avez pas eu beaucoup l'occasion jusqu'à maintenant d'expliquer clairement ce que vous entendez. On dit qu'il y a un projet éducatif national; tout le monde est d'accord pour qu'il y ait des grandes lignes. Les objectifs du système d'enseignement sont définis par le pouvoir politique qui siège à Québec, incarné par un ministre, appuyé ou contrôlé le mieux possible par des députés. Tout le monde est d'accord là-dessus; il n'y a pas de discussion entre nous autour de la table.

Deuxièmement, on dit qu'il va y avoir un projet local dans une mesure qui reste sujette à discussion. Je pense que c'est une chose dont on peut convenir facilement aussi. Vous, vous dites qu'il ne faut pas oublier la dimension régionale également. Il faut qu'à l'échelle d'un territoire les citoyens puissent se donner un projet ou un programme de travail dans le domaine de l'éducation qui tiendra compte des réalités économiques, sociologiques, culturelles de ce territoire. J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous entendez par cette dimension régionale du projet éducatif et que vous nous disiez si vous l'avez trouvée de manière satisfaisante dans le projet de loi.

M. Charbonneau (Yvon): Après avoir échangé quelque peu sur les formes que pourrait prendre la présence des enseignants à l'école, voilà maintenant une question qui nous amène sur le fond. Cela nous oblige à nous rappeler que, dans le projet de loi 40, le ministre décrit un projet éducatif fort exigeant et le situe au niveau de l'école. Étant donné qu'il donne beaucoup de fonctions au niveau de l'école, il se dit que, pour gérer cela, pour prendre avis sur ces questions, pour diriger ce mandat, il lui faut un organe décisionnel. C'est logique de ce point de vue. La source du problème provient, à notre avis, d'une mauvaise appréhension de l'aspect projet éducatif qui est dévolu, normalement, à une école. Il en met trop sur la table de l'école par rapport

à ce qui nous semble être plus normal.

Par exemple, le ministre confie une espèce de mandat socioculturel, une mission socioculturelle, à l'article 92, à une école donnée. L'éducation aux adultes, école par école; calendrier scolaire, application des programmes, manuels, programmes de services complémentaires - cela peut aller loin - normes d'évaluation et ce qui régit le passage du primaire au secondaire, école par école. J'omets de citer les numéros d'articles, mais si cela peut être utile dans le débat je les ajouterai. Les services éducatifs autres que les services d'enseignement. On a parlé du perfectionnement ce matin. Il semble y avoir quelques petits changements à l'horizon; on verra.

J'ai donné plusieurs exemples qui, à notre avis, constituent une tâche qui dépasse normalement ce qui aurait du bon sens de confier à une école prise individuellement. Cela a du bon sens, cependant, de confier la plupart de ces tâches, à notre avis, à un ensemble d'écoles dans une région. Définir, par exemple, le service à la communauté que peut rendre un établissement scolaire, à notre avis, cela a du bon sens quand on prend un ensemble d'établissements scolaires pour faire une politique. École par école, cela mène où? L'éducation aux adultes, école par école - reprenez les points - les manuels, les normes de passage du primaire au secondaire, école par école, sur un territoire. Comme le ministre en met beaucoup sur la table, il se dit: Il faut que je crée un organe, un palier décisionnel pour gérer cela. S'il en mettait moins, ou s'il se faisait une meilleure idée de ce qu'est une marge de manoeuvre réelle ou utile d'une école, il n'aurait pas besoin de créer un tel organe pour gérer cela. C'est là qu'il faut voir la source du problème.

À notre avis, donc, le projet éducatif, c'est une appellation qui a été pas mal galvaudée, utilisée par tout le monde. C'est un concept que nous définissons, nous, comme renvoyant à trois grands niveaux. La responsabilité du ministre est impliquée dans le projet éducatif, la dimension nationale -et il y a beaucoup d'articles qui la décrivent - et la dimension qui réfère à la collectivité régionale. Si le ministre était imbu d'une véritable philosophie de décentralisation, il arrêterait là de légiférer en termes de structures scolaires. Lui, il a défini ses pouvoirs; il établit ce que sont les attributions ou la juridiction de la collectivité. Et une véritable philosophie de décentralisation consisterait en ce que la collectivité ensuite s'arrange avec sa juridiction pour s'équiper dans les écoles une par une. (16 heures)

Quand on dépasse cela, quand le projet de loi 40 à la fois définit le palier de la commission scolaire mais en même temps le palier de l'école, il ne serait plus vrai de la part du ministre d'abolir carrément les commissions scolaires. Cela ne serait plus vrai quant à l'intention profonde. D'ailleurs, quand on remonte un peu dans la littérature ministérielle qui a précédé le projet de loi 40, cela allait beaucoup plus loin du côté des formes juridiques: corporations, conseils d'administration. Il est revenu sur les formes mais il nous jure qu'il ne change pas d'idée sur le fond. Il y a matière à s'interroger là-dessus. Ses conseillers juridiques l'ont, je pense, persuadé de ne pas maintenir son idée de "corporation-école"; cela n'avait pas trop d'allure et faisait présager des conflits interminables. Mais il dit: Je vous jure que je garde l'idée profonde. Mais vers où allait l'idée profonde? Voilà ce à quoi il faut ramener le débat. Le projet éducatif a une dimension nationale et une dimension de service à la collectivité. La dynamique de ces deux paliers devrait normalement assurer à la fois le contrôle démocratique et un service de qualité.

Le rapport commission-école va s'établir dans le milieu. On pense que, avec une juridiction ainsi répartie dans deux paliers, on a assez d'encadrement légiféré. Le reste, c'est la vie qui va s'en emparer. Ce sont les gens qui vont se parler en région. On pense qu'il y aurait beaucoup d'intérêt de la part de la commission et du gouvernement à réviser ce concept. Je crois que c'est ce gouvernement qui a souvent parlé des collectivités régionales qui doivent se prendre en main. On doit bâtir un Québec en faisant appel au dynamisme des régions, etc. C'est le temps de l'appliquer maintenant dans le domaine scolaire. Mais vous ne l'appliquerez pas si vous disposez à la fois de ce que sont les commissions scolaires et de ce qu'elles doivent faire. Disposez de ce que seront les commissions scolaires et laissez-les agir ensuite au service des collectivités. C'est de la véritable décentralisation, ça. On n'a pas besoin d'aller plus loin. Si cela échoue dans quelques années, il y aura à ce moment-là un nouveau brassage à faire dans toutes ces questions. Quand même, on pense que l'expérience n'a pas été vraiment poussée. Les commissions scolaires ont plutôt été prises en espèce de tutelle depuis quelques années par le ministère de l'Éducation. Il les appelait ses "partenaires" mais, souvent, c'était une relation encore plus intime que cela qui existait entre les deux. Finalement, on s'aperçoit qu'il y a un effort d'autonomisation des commissions scolaires et c'est bien. Je pense qu'on va y gagner démocratiquement.

Pourquoi avons-nous eu des critiques très dures contre les commissions scolaires qu'on a dites antidémocratiques et on en a mis, comme d'autres? Parce qu'elles étaient devenues des espèces de coquilles creuses

vidées par en haut, encadrées. Revalorisons ce niveau et nous sommes prêts à faire un nouvel essai de cela.

Voilà, je crois, la philosophie de base mais rapportée à son point central, le projet éducatif. Ce qui reste au niveau des écoles, ce sera important. Ce sera la mise en oeuvre adaptée de tout cela. Mais on n'a pas besoin de nous enliser dans un palier décisionnel formel ou objet de législation pour réussir à ce niveau-là.

M. Ryan: En ce qui regarde la composition des commissions scolaires, vu le rôle important que vous voulez continuer à leur accorder, il est important de l'examiner soigneusement. Vous dites dans votre mémoire, à la page 30: "Par ailleurs, nous reconnaissons que les parents ont des intérêts spécifiques dans la gestion scolaire. Ces deux niveaux de préoccupation - celui des citoyens élus à l'élection générale et celui des parents - doivent être présents au conseil des commissaires." Vous êtes plutôt vague là-dessus. Est-ce que vous allez jusqu'à la parité ou si vous laissez cette question ouverte? Est-ce qu'il devrait y avoir autant de parents que de commissaires ou si c'est plutôt le principe que vous préconisez ici, ou allez-vous plus loin que cela?

M. Charbonneau (Yvon): Alors, là-dessus...

M. Ryan: Et si vous voulez expliquer pourquoi également vous pensez qu'on peut créer deux catégories de commissaires qui vont être foncièrement différentes quant à l'origine de leur mandat.

M. Charbonneau (Yvon): D'accord. Je veux bien répondre à votre question et aller un peu plus loin sur la modalité que ce que dit notre mémoire, mais quand même dans le même sens. Ce que dit notre mémoire, c'est l'importance de reconnaître la gestion des affaires éducatives dans la collectivité, de reconnaître deux légitimités, la légitimité du droit des citoyens à s'occuper d'un service public. Il faut, pour ajouter de la qualité à ce contrôle démocratique - ce n'est pas tout en démocratie d'avoir des mécanismes formels, le suffrage universel et des choses comme cela - essayer d'aller plus loin, surtout sur des questions qui font appel à l'humain, aux relations humaines, comme les questions éducatives. On s'est dit: Est-ce que cela ne correspondrait pas un peu à la philosophie sociale québécoise d'essayer de faire une place à ce qu'on pourrait considérer aussi comme l'usager? Il y a eu plusieurs expériences, dans certains réseaux au Québec, à travers les réformes issues de la révolution tranquille, où on essaie de créer une place aux usagers. Nous pensons qu'il y a moyen de trouver une formule où on pourrait concilier, tout en enrichissant la démocratie scolaire, le processus de démocratisation, qui n'est jamais complètement terminé de toute façon, dans quelque société que ce soit; nous pensons qu'il y a moyen de l'enrichir et de le compléter en imaginant un concept de commission scolaire où une moitié des commissaires serait élue sur une base de suffrage universel en tant que citoyens éligibles, sur une base de quartier, et où l'autre moitié serait élue aussi par suffrage universel - j'insiste sur cela parce que notre position s'est précisée à mesure que nos débats se sont approfondis - mais à partir d'un critère d'éligibilité spécifié (parents accrédités ou représentants autorisés des associations de parents accrédités auprès des écoles) dans l'hypothèse où il y aurait des associations de parents qui se formeraient et qui, à un moment donné, par un processus comme pour les associations d'étudiants, deviendraient accréditées etc.

Ou bien, à défaut de cette formule d'association de parents accréditée, les membres des comités d'école, par exemple, devraient, pour être éligibles, être membres d'un comité d'école mais éligibles, non pas entre parents, par le suffrage universel, toujours selon le principe de la formule de suffrage universel, pour une moitié, citoyens, comme critère de base, l'autre moitié, membres au moins d'un comité d'école. Cela concilierait deux légitimités, deux droits légitimes d'avoir un mot à dire au niveau décisionnel, mais un niveau décisionnel déterminant, parce que là on a à gérer un ensemble de projets, de programmes, une réalité éducative pour une région donnée. Les polyvalentes sont souvent complémentaires au niveau des options dans des territoires donnés. Quand on pense à l'éducation des adultes, c'est nécessairement complémentaire: les programmes, les manuels, cela n'a pas de sens de gérer cela école par école. Les parents, selon ce mode, pourraient avoir accès au niveau décisionnel à la commission scolaire. Les parents, dans certaines consultations, nous parlent d'accès à la décision, mais voilà une réponse organisée au problème, non pas une réponse de morcellement, et une façon de dire: Du pouvoir, en veux-tu, en voilà! On lance cela comme ceci. On l'organise en même temps qu'on le remet. À ce moment, tout le monde pourrait y trouver son compte, je le crois.

M. Ryan: Une dernière question, M. le Président. D'ordinaire, autant au niveau de la commission scolaire que de l'école, quand on veut avoir un représentant des enseignants pour faire partie d'un comité ou pour donner le point de vue des enseignants, on s'adresse aux structures syndicales. On dit, par exemple, à l'Alliance des professeurs, à Montréal: La commission scolaire va former

un comité paritaire ou un comité conjoint, on aimerait avoir des représentants des enseignants, est-ce que vous voudriez collaborer à cela, ou participer à cette mise en marche? Dans le projet de loi, au niveau de l'école, c'est la même chose. Dans le projet de loi, on écrit, vers les articles 67 et 68: On va former un comité pédagogique au niveau consultatif au niveau de l'école. Le syndicat, c'est comme s'il n'existait pas. Le principal va vous réunir et vous prendrez un vote. Mais comment réagissez-vous à cela? C'est un des points que n'a pas soulignés le ministre parmi ceux que vous aviez soulignés ce matin. J'aimerais que vous nous disiez comment vous voyez cette mise en marche?

M. Charbonneau (Yvon): Cela me fait beaucoup de peine quand on voit, dans un projet de loi ou dans une mesure qui risque de s'appliquer, cette approche où on essaie de passer à côté d'une instance représentative ou de la contourner. Ce n'est pas parce qu'on tient absolument à des juridictions qui n'ont qu'une valeur légale, mais c'est parce qu'on essaie d'avoir une approche syndicale qui intègre la préoccupation pédagogique et professionnelle. On travaille très fort sur cela depuis que notre organisation existe et, chaque année, on dépense des centaines de milliers de dollars en services, en recherches, on fait des congrès qui se tiennent aux trois quarts sur des questions pédagogiques, des questions professionnelles, des questions éducatives. Je prends à témoin notre congrès de 1980 où les trois quarts des résolutions qui venaient coiffer un processus de préparation de trois à quatre ans... Des dossiers pédagogiques sur des matières éducatives, on en a préparé énormément. Quand on se présente face à l'autorité telle qu'organisée ou prétendument organisée par le ministre à travers son projet de loi, on sent toujours qu'il faudrait essayer de passer à côté.

Plus tard, on nous dit: Vous pratiquez un syndicalisme de relations de travail, vous ne vous occupez pas du bien général. C'est une accusation qui n'a pas du tout sa raison d'être par les travaux que nous faisons. Par l'accueil qui est fait à nos travaux et à nos préoccupations, on nous pousse à ce genre d'attitude, on nous pousse à des réactions défensives. S'il y avait une réaction d'accueil à tous nos travaux pédagoqiques, à tous nos débats sur la confessionnalité, sur le préscolaire, sur la formation de base de la petite enfance... Enfin, j'en ai des dizaines et des dizaines de politiques établies par nos instances, nos congrès. Il n'y a pas un conseil général qu'on tient à la CEQ sans qu'il y ait une journée, une journée et demie de débats sur des questions éducatives. On pense qu'il serait normal que soit accepté par nos interlocuteurs notre point de vue, quand on le présente en tant qu'éducateurs, en tant que personnes ayant une certaine expertise pédagogique.

Nous avons certains courants - et c'est bien normal - à l'intérieur du mouvement syndical. Il y a des gens qui disent qu'un syndicat, c'est pour des conditions de travail; il y en a d'autres qui disent qu'un syndicat, c'est pour le combat social; il y en a d'autres qui disent: Puisqu'on est dans l'éducation, notre syndicat devrait s'orienter sur la pédagogie. C'est un peu tout cela. Il y a une dimension d'intervention sociale, il y a une dimension de relations de travail et il y a une dimension pédagogique et éducative. C'est une espèce d'option que nous essayons de développer qui intègre les divers volets. On pense que, sans prétention, on peut quand même être un interlocuteur valable auprès des commissions scolaires et du ministre sur des questions éducatives et pédagogiques. C'est pour cela que je vous disais au début que cela nous fait un peu de peine parce qu'on investit tellement là-dedans qu'il me semble que cela devrait être pris en considération sérieusement.

Quand il y a des bouts dans nos documents qui font l'affaire du ministre, il nous les cite et il dit: Ah! vous êtes positifs. Le paragraphe d'avant et le paragraphe d'après qui procèdent des mêmes études condamnent certaines politiques gouvernementales; ceux-là, il ne les cite pas. Ce sont les mêmes études, les mêmes consultations, les mêmes débats. Il est très content quand cela va dans le sens d'une convergence superficielle avec ses affaires, mais, quand cela n'aboutit pas à son résultat, là, on est négatif. Quand on appuyait la loi 101, on était positif. C'est toujours le même syndicat, c'est toujours la même optique syndicale, la même option syndicale que nous pratiquons: intervention sociale, relations de travail, pédagogie et éducation, et on essaie d'intégrer cela dans une option d'ensemble. On aimerait cela que nos propos soient accueillis. Quand on voit des manoeuvres pour contourner les représentations qu'on essaie de faire, naturellement, on aimerait mieux que cela n'arrive pas.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. Charbonneau; merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Messieurs les représentants de la CEQ, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt et d'attention l'exposé intégral de votre mémoire et le texte écrit depuis le début. J'ai écouté aussi toutes les explications orales que vous avez fournies. Je puis donner mon opinion que cela manifeste un travail approfondi, assidu -vous l'avez mentionné dans votre point de départ - et je crois que le résultat du travail révèle tout le sérieux et l'énergie que

vous mettez depuis longtemps à analyser la chose scolaire et à faire des propositions quant à l'organisation de cette chose scolaire.

Il est évident que, comme le ministre, je reconnais que de prime abord le style, la présentation peut révéler une position un peu négative, mais, à travers ce refus catégorique du projet, je pense qu'on peut déceler dans votre texte des observations, des suggestions qui nous amènent à nous interroger encore plus profondément sur l'orientation même du projet de loi et qui nous amènent à retenir certaines suggestions qui pourraient contribuer à améliorer certains aspects du projet de loi. (16 h 15)

II y a trois grands volets à votre mémoire qui reflètent trois arguments fondamentaux sur lesquels vous vous appuyez pour rejeter le projet de loi. Vous vous référez à la détérioration éventuelle de la qualité des services en éducation, si jamais le projet de loi était adopté, à la réduction du contrôle démocratique et à la négation de certains droits syndicaux. Alors, dès le point de départ de votre exposé, vous nous avez dit que le terrain du pouvoir n'était pas le terrain qui vous préoccupait. Je me permets de vous dire un peu la façon dont j'ai compris cela. Ce n'est certainement pas le terrain du pouvoir syndical qui ne vous préoccupe pas. Je crois qu'il y a aussi un pouvoir syndical. C'est une réalité dont le projet de loi ne fait pas tout à fait abstraction. D'ailleurs, votre dernier chapitre est là pour nous prouver que les droits syndicaux vous préoccupent et que c'est précisément l'objet de la troisième partie.

C'est plutôt la question du pouvoir des autres instances, c'est-à-dire le pouvoir des parents, le pouvoir de la commission scolaire, le pouvoir du ministère de l'Éducation. Encore là, je pense que votre affirmation a dépassé votre pensée au point de départ, parce que vous semblez faire de la répartition du pouvoir entre ces trois instances un point quand même assez fondamental auquel vous vous opposez. Entre autres, le troisième palier de pouvoir, je ne pense pas que ce soit quelque chose qui ne vous préoccupe pas. Enfin, toutes vos interventions depuis le début manifestent que c'est un point qui vous préoccupe tellement que vous dites que c'est ce point, entre autres, qui fait que vous vous opposez au projet de loi globalement.

J'aimerais revenir sur cette question du troisième palier de pouvoir. Votre position est bien claire: Vous refusez un troisième palier de pouvoir qui se situerait au niveau de l'école, pouvoir décisionnel, c'est bien entendu. Votre thèse est que l'émiettement du pouvoir, l'atomisation du pouvoir livrerait les 3000 écoles ou, enfin, les nouveaux centres, à l'omniprésence toute-puissante du ministère de l'Éducation et qu'en réalité, le résultat serait une centralisation des pouvoirs. Alors, cela paraît assez paradoxal au point de départ. Un effort de décentraliser les pouvoirs au niveau de l'école amène une centralisation.

Je serais personnellement d'accord avec votre argument si, effectivement, le niveau intermédiaire, le niveau régional n'existait plus et était supprimé. Je crois qu'une lecture du projet de loi 40 nous révèle que la commission scolaire conserve des pouvoirs considérables. Parmi les arguments que vous avez employés pour justifier cette présence, entre autres, il y a des besoins régionaux qui dépassent le niveau du quartier, etc. Il y a aussi des sources de financement et de ressources qui dépassent le niveau du quartier pour une meilleure répartition des ressources sur une base plus large, un genre de péréquation, si vous voulez. Je suis très sensible à cet argument, mais je crois que le projet de loi, dans les pouvoirs qu'il reconnaît aux commissions scolaires, protège cette répartition des ressources et protège la mise sur pied de services à l'ensemble de la population d'une région, services qu'une école, qu'un milieu ne pourrait pas donner.

Donc, je serais d'accord avec vous pour dire qu'il y aurait un réel danger de centralisation par une atomisation excessive, mais, comme le projet de loi reconnaît la présence de la commission scolaire, réaffirme son pouvoir et lui conserve encore d'énormes pouvoirs de contrôle sur les écoles, de ce qui va se faire dans les écoles, un droit de regard et un droit de contrôle, je ne vois pas très bien que cette thèse de centralisation puisse vraiment être fondée dans le cas actuel, dans le cadre du projet de loi 40. J'aimerais avoir vos réactions sur cela. Je passerai ensuite au rôle des parents, à l'autonomie professionnelle. J'aurai quelques autres questions sur d'autres points.

Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): J'apporterai un élément de réponse en invitant le député -je sais bien qu'il a fait cet exercice - à le refaire en faisant deux colonnes pour voir un peu la réalité derrière les mots. D'abord, une colonne où on voit les pouvoirs de l'école -les articles 90 à 127 - les pouvoirs - ou les fonctions dans le nouveau langage; c'est l'équivalent - attribués à l'école. Mettez dans l'autre colonne les attributions ou les fonctions dévolues à la commission scolaire. C'est vrai qu'il y en a pour les deux. Vous avez raison là-dessus. Mais la colonne lourde se veut l'école. Les choix lourds.

Il me semble que c'est un petit peu le monde à l'envers. Il faudrait plutôt que la colonne qui a les fonctions les plus importantes, les fonctions les plus

significatives pour un milieu donné soit au niveau d'une étendue territoriale significative; pas trop grande parce qu'il y a eu de très mauvaises expériences avec des commissions scolaires à territoire trop étendu, qui étaient loin de leurs écoles, puis pas trop petite non plus pour qu'il y ait un bassin significatif, un bassin viable d'élèves et qu'on puisse bâtir une structure de services là-dessus qui ait du bon sens. Il y a donc une espèce de milieu à obtenir et, en plusieurs régions, c'est assez facile à obtenir. C'est déjà fait, d'ailleurs.

Il faudrait que les fonctions principales entre l'école et la commission scolaire soient quand même attribuées à ce palier qui s'appelle la commission scolaire. Il peut rester ensuite des fonctions de coloration ou des aspects d'adaptation finale, fine, à l'école de ce qui a été convenu au niveau d'un territoire donné. Les élèves circulent d'un quartier à l'autre dans un même territoire. Les familles se déplacent. Il faut tenir compte de cela et il faut tenir compte aussi du caractère sociologique de chaque région. Dans certaines régions, il faudrait développer davantage certaines options professionnelles, il faut organiser certains types de services plus que dans d'autres. Certains milieux ont déjà plus de moyens matériels. Donc, les services peuvent se colorer autrement. Il y a des efforts de rattrapage très précis à faire dans certains bassins de population.

C'est ce que peut faire une intervention bien pensée, bien conçue au niveau d'une commission scolaire, mais c'est ce que ne peut pas faire, à notre avis, de manière très habile et pertinente, une école seule. C'est ce qu'on vous dit. Un meilleur partage entre les deux colonnes; le principal à la commission et l'adaptation de tout cela à l'école. Je pense qu'il y a du travail pour les deux.

Ainsi vu, vous comprendrez qu'on n'a pas besoin d'un palier décisionnel au niveau de l'école comme le conçoit le ministre parce qu'on replace les attributions selon un autre partage que celui qu'il entrevoit.

Quant à la question de savoir si cela va mener à la centralisation plus tard, écoutez, on a droit de projeter une certaine analyse comme celle-là. On ne dit pas que le ministre se fait l'avocat du diable ou quoi que ce soit. On dit tout simplement... En dynamique politique, si vous êtes le ministre, M. Brouillet, et que vous avez 3000 unités devant vous, dans une hypothèse, et si, dans l'autre hypothèse, vous avez 150 corps organisés qui s'appellent des commissions scolaires, êtes-vous plus maître de la situation dans un cas que dans l'autre? Je n'ai pas d'hésitation à dire que vous êtes plus maître de la situation si vous êtes face à 3000 parcelles que face à 150 corps bien constitués, bien représentatifs de la popu- lation. Vous êtes plus maître du jeu dans le deuxième cas, même si en apparence vous avez donné 3000 parcelles de pouvoir à 3000 unités. C'est notre hypothèse. Seul l'avenir peut le dire vraiment, mais je crois qu'il y a un bon sens à cette analyse politique.

M. Brouillet: Oui. Je suis d'accord avec votre dernière conclusion, mais ce n'est pas le cas. Je ne serais pas le ministre vis-à-vis de 3000. Les commissions scolaires vont être là comme intermédiaires. La plupart des pouvoirs dévolus à l'école seront sous le regard et le contrôle des commissions scolaires.

Écoutez, je vais passer à un autre point, le rôle des parents.

M. Charbonneau (Yvon): D'accord.

M. Brouillet: Je pense que nous sommes tous d'accord que le rôle des parents est important. On ne peut s'accuser de ne pas reconnaître un rôle aux parents. Je crois que ce serait tellement grossier qu'il n'y a personne qui oserait affirmer cela. Les parents jouent un rôle important.

Je vais aller au coeur - vous l'avez dit vous-même - de la question de ne pas reconnaître aux parents un certain pouvoir décisionnel au niveau de l'école. Cependant, vous êtes prêt à reconnaître que les parents participent au pouvoir décisionnel au niveau de la commission scolaire. Ce n'est donc pas tant la participation des parents au pouvoir décisionnel qui vous chicote, parce que vous êtes prêts à l'admettre au niveau de la commission scolaire. C'est le fait de reconnaître ce pouvoir additionnel aux parents au niveau de l'école. Le fond de votre argument, c'est que vous semblez dire que c'est bien difficile de vivre ensemble, dans un même lieu, un souci de participation, de concertation et l'existence d'un pouvoir décisionnel. C'est là le fond, si on regarde l'ensemble de votre exposé.

Finalement, même s'il y a de la concertation - il en faut partout de la concertation puisque tout le monde en parle - le fait de la reconnaissance d'un besoin de participation ou de concertation n'évacue pas la nécessité d'un lieu de décision. Je pense qu'on est tous d'accord avec cela. Où allons-nous mettre le lieu de décision? Vous dites que, pour protéger la concertation, il faut éloigner cela de l'école. Éloignons le lieu de décision de l'endroit où vivent les personnes qui sont touchées ou affectées par ces décisions. Je trouve un peu bizarre cet argument. Pour protéger la concertation, éloignons le plus possible le lieu de décision de l'endroit où se fait la concertation, là où vivent les gens qui vont être touchés par ces décisions. Franchement, j'ai de la difficulté à épouser cela.

Qui décide actuellement? Les matières sur lesquelles le conseil d'école aura à décider, il y a des gens qui actuellement décident de ces matières, c'est la commission scolaire. Qui est la commission scolaire? Ce sont les commissaires. Ne croyez-vous pas que, si le lieu de décision est beaucoup plus près du lieu de concertation, le pouvoir d'influence des gens du milieu concerné par les décisions pourra s'exercer de façon beaucoup plus grande sur ceux qui prennent des décisions? À ce moment-là, j'inclus les professeurs enseignants, l'autonomie professionnelle des enseignants.

Vous avez dit que la présence des parents au niveau du conseil d'école dans un pouvoir décisionnel réduirait l'autonomie professionnelle. À partir de la situation actuelle, ma thèse est le contraire: cela va l'augmenter. Les professionnels de l'enseignement qui sont assujettis à des décisions qui sont prises par les commissaires n'ont à peu près pas de pouvoir d'influence sur les décisions des commissaires actuellement. Tandis que là, si les décisions sont prises par un comité où siègent les parents, éventuellement des professeurs, du personnel et tout, les décisions qui concernent les professeurs dans leur tâche professionnelle de pédagogue auront beaucoup plus de chance d'être influencées par ces professeurs. L'autonomie des professeurs, à mon sens, sera beaucoup plus grande et ils seront beaucoup moins des simples exécutants de décisions sur lesquelles ils n'ont aucun pouvoir d'influence car ils auront un pouvoir d'influer sur les décisions qui vont les concerner.

J'ai beaucoup de difficulté à accepter cette position: pour protéger la concertation, éloignons le lieu de décision. J'aimerais savoir un peu ce que vous pensez de cet argument que je viens de présenter.

Mme Gagnon: Je pense que vous aurez remarqué...

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon, juste avant que vous répondiez à la question du député de Chauveau, je signale au député de Chauveau que, dans cinq minutes, je devrai donner la parole à Mme la députée de L'Acadie. Vous en êtes presque à votre conclusion. D'autre part, je demande la collaboration des membres de la commission, puisque sept d'entre eux ont encore demandé d'intervenir. Uniquement par déférence à l'égard des autres groupes qui ont été convoqués aujourd'hui, il serait souhaitable qu'à 18 heures, nous puissions mettre fin à notre échange avec la Centrale de l'enseignement du Québec et passer aux autres groupes dont nous avions prévu l'audition pour aujourd'hui. Mme Gagnon.

Mme Gagnon: Merci. M. le député de

Chauveau, je pense que vous vous êtes aperçu que, dans la thèse ministérielle, il y a deux choses qui sont intimement liées: c'est à la fois la capacité de décider, le lieu de décider et les thèmes de décision qui deviendraient désormais ceux de l'école, autrement dit une sorte de tout là-dedans qui fait en sorte qu'on invente un lieu de décision parce qu'on a décidé de remettre à ce niveau un certain nombre de décisions à prendre. En contrepartie de cela, notre thèse est aussi liée. (16 h 30)

Pour répondre à votre question, on ne fait pas un fétiche de l'éloignement du centre de décision pour que les milieux soient harmonieux. Ce n'est pas cela. Le fond de la question pour nous, c'est que les décisions les plus importantes qui doivent être prises encore aujourd'hui - en dehors de celles que le ministère prend - il nous semble qu'elles doivent l'être à un niveau intermédiaire, donc pas les 2700 écoles fractionnées, livrées souvent à elles-mêmes sans grands moyens, sans instruments, avec beaucoup moins de personnel d'appui ou faisant en sorte aussi qu'une collectivité, globalement, peut difficilement arriver à s'exprimer à travers 2700 foyers.

J'ai dit ce matin, et je le répète, qu'on ne trouve pas que les commissions scolaires sont magnifiques et qu'elles doivent rester là parce que c'est vieux et parce qu'on s'entend toujours bien avec elles; ce n'est pas cela. C'est parce que cela nous apparaît être, sous réserve de la transformation des territoires, on le veut bien, sous réserve d'un certain nombre d'aménagements, on le veut bien, un lieu où il y a suffisamment de gens qui peuvent s'exprimer pour influencer, contrebalancer au besoin - bref, y intervenir - le projet éducatif global, qui est celui de la nation québécoise, et non pas seulement celui du ministère.

Ce n'est pas: on éloigne, on rapproche, on efface. On a dit, on affirme et on peut bien vous répéter que prendre un nombre X de pouvoirs dans certains cas, cela nous paraît folichon. N'ayons pas peur des mots. Je pense que l'exemple de cinq écoles différentes qui donnent les mêmes degrés et ont cinq manuels différents - à supposer qu'il y en ait cinq d'acceptés sur la liste gouvernementale - c'est un peu folichon. Décider qu'à l'intérieur d'une école donnée, il y aura ces décisions de pouvoir - je prend cet exemple-là, je pourrais en avoir d'autres -qui seront prises par un groupe et par un groupe seulement des intervenants, c'est mettre en péril la capacité de l'ensemble des intervenants dans une école donnée d'agir de concert pour la mission première et essentielle d'une école, qui est celle d'éduquer, de former des élèves, de leur enseigner. C'est cela; ce n'est pas que ce soit plus ou moins proche ou plus ou moins loin.

II nous semble, encore une fois, que les véritables pouvoirs doivent être assumés à la fois au ministère et au niveau des commissions scolaires et que, par ailleurs, on doit laisser, cela va sans dire, à l'école la marge nécessaire pour les appliquer correctement, avec bon sens, dans le souci du respect du milieu où elle est.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Un petit mot. Vous m'avez dit que j'avais encore cinq minutes?

Le Président (M. Blouin): Je vous ai dit cela il y a cinq minutes, M. le député de Chauveau. Mme la députée de L'Acadie.

M. Brouillet: Je vous remercie. J'aurais encore beaucoup d'autres choses, mais, enfin, le débat n'est pas encore terminé.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier la Centrale de l'enseignement du Québec pour son mémoire. Il est très fouillé et porte vraiment sur tous les aspects du projet de loi 40. Je me suis un peu étonnée au point de départ d'entendre le ministre n'intervenir que sur la troisième partie de votre mémoire qui, évidemment, touche tous les droits syndicaux des travailleurs et des travailleuses de l'enseignement et qui est, évidemment, une préoccupation première de votre centrale. Il reste que - peut-être même que M. Charbonneau s'en souviendra - il n'y a peut-être pas si longtemps - je ne suis pas certaine que ce soit le ministre Laurin; j'ai essayé de le vérifier, mais je n'ai pas été capable de le retrouver - au moment où vous étiez venus pour le débat sur la négocation, c'est-à-dire les problèmes touchant les négociations, un ministre - je n'affirmerai pas que c'était le ministre Laurin - vous avait reproché de ne vous préoccuper que de questions syndicales.

Aujourd'hui, alors que vous abordez le projet de loi 40 sous différents aspects, entre autres tout ce qui touche la qualité de l'éducation, surtout ce que sont les véritables priorités en éducation, le ministre prend bien soin de ne parler que de la partie qui touche les droits syndicaux. Je pense que, pour le ministre, il est bon d'entretenir dans l'esprit du public l'idée que la Centrale de l'enseignement du Québec n'a d'autres préoccupations que les réclamations au nom des droits de ses membres et que, dans le fond, la qualité de l'éducation ou enfin les véritables problèmes de l'école ne l'intéressent pas. Il faut surtout perpétuer cette image dans le public, c'est très important.

Ceci étant dit, je vais essayer de ne pas prendre mes 20 minutes, pour donner aussi la chance de parler à mes collègues, et je vais vous poser des questions très précises, tout en ayant, au point de départ, le souci de mentionner que, pour les problèmes que vous soulevez touchant l'échec scolaire, l'abandon scolaire, l'absence de politique en formation professionnelle, l'éducation des adultes, il y a des reproches véritables à adresser au gouvernement. Si on relève les débats de l'étude des crédits qui remonte à 1977 - à ce moment-là, j'y étais - 1978, 1979 et 1980 - et je suis sûre que cela a été poursuivi depuis ce temps-là -chaque année, ces problèmes ont été présentés au gouvernement comme des priorités. On lui demandait, sur le problème de l'abandon scolaire: Des études ont été faites, qu'est-ce que vous faites? Sur le problème de la formation professionnelle... Et, finalement, comme réponse, au bout de pratiquement huit ans - cela fera huit ans quand la loi sera adoptée - ce sera un projet qui fait un réaménagement de structures sans vraiment encore avoir apporté des réponses à ces problèmes bien plus fondamentaux, si les discours qu'on fait à propos de notre préoccupation des jeunes, de la jeunesse, de leur avenir est une véritable préoccupation.

Je passe à mes questions. Vous dites, à la page 10, que, touchant la confessionnalité, vous émettez des craintes, à savoir que, même avec la division linguistique, vu les dispositions que le projet de loi contient pour la reconnaissance des écoles confessionnelles, il n'y ait pas un véritable respect des consciences. Je résume un peu votre pensée. Quelle est la solution ou la proposition de solution de la CEQ?

D'une part, c'est vrai qu'il y a ce besoin de respect des consciences et qu'il y a des gens qui, pour des raisons de conscience, ne veulent pas de confessionnalité ou ne veulent pas que les écoles soient confessionnelles, mais vous avez aussi, dans la population, quand même bon nombre de parents, quelles que soient leurs motivations - et là, je ne veux pas entrer dans les détails, s'ils pratiquent ou s'ils ne pratiquent pas, etc. Il reste qu'il y a encore, je pense, un bon noyau de parents qui désirent que l'école puisse avoir un projet éducatif auquel sera intégrée la dimension confessionnelle. Je voudrais savoir - et je comprends vos appréhensions - quelle serait la proposition de la CEQ eu égard à toute la question de la confessionnalité.

M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon va répondre à l'aspect de votre question qui porte sur la confessionnalité. Sur la première partie qui traite des services, nous aurons un complément de réponse.

Mme Gagnon: Mme Lavoie-Roux, il va sans dire qu'on n'est pas des extraterrestres et qu'on sait à peu près comme peut être

laborieuse et difficile dans le Québec la question de la confessionnalité. En passant, cela l'est chez nous aussi. Il ne faut pas croire que les membres qu'on représente sont spontanément tous d'accord à propos d'un sujet qui est, au fond, aussi diviseur d'une population que celui de la confessionnalité. Je vous épargne les dernières statistiques cependant, mais je ne suis pas certaine en le disant que ce ne soit pas tellement vous que j'épargne que moi, parce que je ne suis pas si certaine que cela que mes dernières sont les dernières. Quoi qu'il en soit, il semble bien, en tout état de cause - et cela n'a pas été contesté - qu'au moment où on se parle il y aurait quand même une légère majorité de citoyennes et de citoyens du Québec qui seraient d'accord pour une décon-fessionnalisation quelconque du système d'éducation. Que ce soit pour une école laïque, ou une école neutre, ou une école pluraliste - je n'entrerai pas là-dedans - il y aurait quand même une majorité. Cela nous amènerait à inverser notre raisonnement, c'est-à-dire que, puisqu'il y a une majorité, c'est donc la minorité qu'il faut protéger -un instant! Je pense que cela, c'est un sondage - mais, au moment où on se parle, dans le Québec d'aujourd'hui, on est quand même en présence d'une bonne assise confessionnelle dans les appareils d'éducation. Bon!

Ce qu'on reproche fondamentalement au projet de loi 40 - et c'est peut-être le plus qu'on peut lui reprocher au chapitre de la confessionnalité, mais c'est lourd - c'est de prétendre régler un problème qui était odieux et livré comme odieux pour tout le monde, c'est-à-dire cette exemption, cette demande de droit d'exemption qui, par ailleurs, n'était pas respectée dans bien des cas, qu'on contournait chaque fois qu'on le pouvait et qui avait comme aboutissement - je ne dirai pas en général, mais fréquemment - que les enfants exemptés, qui n'étaient pas nombreux - on le comprendra, avec la procédure qui était imposée - se retrouvaient complètement isolés, en dehors de la classe, n'importe où, livrés à eux-mêmes. Il y a des variantes, mais c'est à peu près cela.

Alors, on voit apparaître, au moment du projet de loi 40, l'idée de l'option; donc une véritable option. Compte tenu des statistiques dont je viens de vous parler, on se dit - admettons que ce n'est pas réparti équitablement partout dans la province, mais quand même - qu'il y a un certain nombre de milieux qui vont s'estimer satisfaits. L'option révélant davantage ce que les gens croient que l'exemption qui était pleine d'embûches, on peut peut-être s'en tirer un peu comme cela. On n'avait pas prévu, évidemment, être d'accord - on n'était pas d'accord au moment du livre blanc et on n'a pas changé d'idée - sur la reconnaissance confessionnelle des écoles, mais c'est une autre affaire. Cela n'a pas une incidence démocratisante sur l'option. C'est une autre affaire. Ce qu'il y a de pis au fond, et probablement plus encore que la reconnaissance officielle d'un statut confessionnel qui est une chose qui peut être juridique, ma foi, et avoir des conséquences relatives, ce qu'il y a de pis, dis-je, c'est la capacité qu'auraient donc des écoles données, où la majorité exprimée aurait été effectivement dans le sens de la confessionnalisation, de se doter d'un projet éducatif qui serait confessionnel plus qu'avant, c'est-à-dire qu'au lieu d'une déconfessionnalisation relative, qui nous semble aller quand même dans le courant de l'avenir, du moins pour les appareils d'État, on assisterait au contraire à une reconfessionnalisation du système un peu par le biais. Cela va poser un certain nombre de problèmes.

Qu'est-ce que cela peut vouloir dire pour un enfant, pour ses parents ou pour un adolescent d'opter pour une heure ou deux par semaine - je ne voudrais pas m'enfermer entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux et se trouver par ailleurs dans une école où tous les enseignements dans toutes les matières seront colorés par la confessionnalité? Il nous semble en conséquence qu'on ne peut pas prétendre avoir réglé le problème en affirmant, d'une part, qu'on optera, mais qu'en même temps on peut avoir des projets éducatifs confessionnels.

Je pense que déclarer que l'école est publique et commune dans un article et lui ajouter celui qui suit en disant que, cependant, elle pourra partager un projet éducatif confessionnel et refléter les valeurs du milieu, cela commence à ressembler à la quadrature du cercle dans bien des endroits. On n'a pas une solution immédiate et précise. Pour nous, il va sans dire que, par respect de ce qui semble avoir été jusqu'à maintenant une tradition bien assise, on n'évacue pas l'enseignement religieux de l'école. On le maintient. On le maintient à l'horaire avec l'option. Les enfants et les adolescents et leurs parents ou leurs parents ont donc le choix entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral. Il nous semble cependant, en contrepartie de cela, que la confessionnalité doit se limiter à cela à l'intérieur des écoles, à moins que d'autres activités ne soient à l'école sous la responsabilité des Églises et un peu hors horaire, ou alors un système mixte. Par exemple, supposons que ceux qui ne sont pas pratiquants auraient, quant à eux, des activités analogues ou autres au même moment. On n'a pas d'objection à cela. Par contre, on refuse complètement que tous les enseignements soient colorés et soumis aux règles de la confessionnalité. Cela nous semble une aberration pour le respect des

droits des non-croyants.

M. Charbonneau (Yvon): En complément, Mme la députée, je voudrais vous inviter ainsi que vos collègues de la commission, à consulter un des mémoires qui vous ont été remis et qui provient de la Maison internationale de la rive sud. Il représente le point de vue des immigrants et de l'école québécoise. C'est le mémoire 131. Le ministre n'a pas mis cet organisme au nombre des organismes invités, mais je crois qu'il y aurait un très grand avantage pour tout le monde à entendre le point de vue en question. Il établit, je crois, une preuve dans le sens qu'il y aurait discrimination dans l'emploi pour certains adultes qui voudraient notamment avoir un emploi dans le secteur scolaire. Il établit aussi qu'il y a une discrimination et des injustices dans le traitement des enfants dans les écoles publiques qui ne partageraient pas la foi ou l'option religieuse d'une école donnée, laquelle option se traduit pas un projet éducatif confessionnel - il y a un problème là - un non-respect des minorités et des libertés de conscience. C'est un plaidoyer de très grande qualité et je crois qu'au moment où un peu partout au Québec, par diverses lois, on essaie d'avoir un meilleur accueil, de favoriser l'intégration des immigrants, notamment par le biais des institutions scolaires où on dit aux immigrants de venir à l'école de la majorité, il faut qu'ils s'y sentent à l'aise. Il y a des milieux où c'est devenu un véritable problème. On peut actuellement faire l'hypothèse que l'enfant d'un hindou sera attiré vers une école francophone, si son statut est catholique; ce parent pourrait-il enseigner dans l'école où va son enfant? On en arrive donc à des situations assez difficiles à vivre, je crois.

À la première partie de votre question où vous avez mentionné un aspect, à savoir que deviendraient les services dans l'optique de ce nouveau système "commission et école avec centre décisionnel", mon collègue, Pierre Tellier, président de notre secteur des professionnels, va répondre. (16 h 45)

M. Tellier (Pierre): Nous avons été intéressés de voir les députés de l'Opposition s'inquiéter de la qualité de l'éducation. La qualité . de l'éducation. Plus souvent qu'autrement on ne pense qu'à l'enseignement proprement dit, qu'à l'acte d'enseigner. Mais il y a des activités qui doivent compléter l'acte d'enseigner: par exemple les activités de psychologie et d'orientation, d'orthophonie au plan des écoles. Les activités d'animation aussi, que ce soit de l'animation de la vie scolaire ou de l'animation de la pastorale actuellement dans les écoles catholiques et de l'animation de la vie religieuse dans les écoles protestantes et aussi toute la notion de conseil pédagogique et de support au plan des moyens et des techniques d'enseignement. Particulièrement pour cette dernière catégorie de support à l'enseignement, c'est un service qui se donne au plan d'une commission scolaire. Seules quelques très grosses écoles pourraient se doter d'un personnel capable d'apporter un certain support à l'enseignement.

Par conséquent, dans les commissions scolaires, si le pouvoir se déplace trop vers les écoles, il en résultera une lutte ou une certaine tendance à vouloir s'arracher des responsabilités et cette lutte provoquera la disparition d'un certain nombre de services au plan de la commission scolaire, services qui se dispensent à l'ensemble des écoles et qui répondent à la fonction de péréquation que doit avoir une commission scolaire. Dans certains milieux où il y a des inégalités importantes, la commission scolaire a une fonction de régulation des services à dispenser. La commission scolaire ayant une vision régionale des problèmes, elle peut distribuer les services et non pas essentiellement attendre que les écoles viennent se les arracher, que les écoles mieux nanties, par exemple, puissent se doter de moyens pour aller se chercher plus de services et ce, au détriment d'écoles moins bien nanties. Je parle au plan du conseil pédagogique, mais c'est la même chose aussi au plan de la psychologie, au plan de l'orientation, au plan de l'orthophonie, au plan de certaines autres activités encore moins fréquentes dans les commissions scolaires: ergothérapie, orthopédagogie, etc. Les écoles qui en ont le plus besoin sont souvent les écoles qui ont le plus besoin d'aide de la commission scolaire, de cet organisme régional qui a la charge de dispenser les services, de les distribuer à l'intérieur de la commission.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Avec cette question de la péréquation des services, je suis très familière. Vous l'avez bien mentionné, et je suis convaincue que particulièrement les gens des grandes commissions scolaires ou des grandes agglomérations urbaines nous en feront part, parce que c'est là souvent que s'accumulent les problèmes.

M. le Président, j'ai deux questions à poser. La première: J'aimerais avoir votre réaction sur l'article 307 qui prévoit la création de cet organisme sans but lucratif composé majoritairement d'enseignants ayant pour objet de produire et d'évaluer du matériel pédagogique, qui me semble être un organisme dont le ministre se doterait, mais qui ne semble tenir aucunement compte des structures syndicales actuelles. La deuxième: Est-ce que vous avez examiné, en relation avec ceci - je n'aurai pas le temps de revenir pour une autre question - la recommandation de la faculté d'éducation de

l'Université McGill touchant la création possible d'un conseil des programmes indépendant du ministère et composé à parts égales de professeurs, de représentants du public et d'autres professionnels? J'aimerais vous demander si vous êtes d'accord avec la Fédération des commissions scolaires et le groupe de McGill qui ont fait des recommandations quant à des pouvoirs qui devraient être donnés aux commissions scolaires. Est-ce que vous les avez examinées? Est-ce qu'en gros vous êtes d'accord avec la liste des pouvoirs qu'ils énuméraient comme devant être remis aux commissions scolaires? Cela fait plusieurs questions, mais je n'en poserai plus.

Le Président (M. Blouin): Cela fait plusieurs questions, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ils peuvent choisir celles auxquelles ils veulent répondre.

Le Président (M. Blouin): Oui, je préférerais cela. Vous comprenez maintenant dans quelle situation nous sommes placés et, dans quatre minutes, je devrai donner la parole à un autre intervenant. Je vous invite à résumer votre pensée. Si vous pouvez le faire sur l'ensemble des sujets évoqués, tant mieux! sinon, comme le suggérait avec beaucoup d'à-propos Mme la députée de L'Acadie, sur un des sujets qu'elle a évoqués.

M. Charbonneau (Yvon): Sur la question renvoyant à une suggestion qui serait dans le mémoire de la faculté d'éducation de l'Université McGill, nous allons examiner cette recommandation et nous ferons parvenir une note vous disant notre avis sur cette suggestion dès que ce sera possible, dans les prochains jours.

Sur la question de l'organisme sans but lucratif, avec mandat de création et d'évaluation de matériel pédagogique, l'article 307, nous avons étudié cette question avec un certain soin. Nous savons, par exemple, que le Conseil supérieur de l'éducation... Pardon?

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, M. Charbonneau, que vous devrez concentrer cette réponse en deux ou trois minutes. Nous sommes vraiment serrés dans le temps.

M. Charbonneau (Yvon): Ce serait plus facile si je n'avais pas étudié la question.

Le Président (M. Blouin): Probablement. Je fais appel à votre esprit de synthèse, M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Cela tient en une page. C'est quand même une étude assez substantielle qu'on a faite, mais la synthèse tient en une page.

Le Président (M. Blouin): S'il y a consentement, lisez la page. Ensuite...

M. Charbonneau (Yvon): D'accord.

Le Président (M. Blouin): ...je vous céderai la parole.

M. Charbonneau (Yvon): C'est une question qui est assez nouvelle. Le conseil supérieur suggère de ne pas aller du côté de la production, mais de l'évaluation seulement. On a vu - vous aurez l'occasion d'en discuter avec certains de nos collègues de l'enseignement tout à l'heure - une autre organisation qui voit avec intérêt cette proposition.

Dans notre mémoire, à la page 40, nous avons seulement soulevé l'aspect du statut et des conditions de travail des personnels pouvant être affectés à cet organisme. Mais notre réflexion va plus loin et on rappellera ici que, dès 1977, au sommet de La Malbaie, nous avons réclamé la nationalisation de l'édition scolaire. En 1980, à notre congrès, nous avons réclamé la mise sur pied de collectifs de création pédagogique, au niveau des enseignants et enseignantes et des personnels de l'enseignement. Nous réfléchissons à ce sujet depuis quelques années.

Nous avons aussi pris quelques initiatives en la matière, en termes de création d'un certain nombre d'instruments qui peuvent servir à appuyer des interventions pédagogiques. Nous avons fait cela seuls ou avec d'autres groupes ou avec d'autres individus.

Par rapport à l'article 307, je dois dire ici que, s'il s'agit de l'avènement d'un secteur public de production pédagogique qui viendrait se juxtaposer, côtoyer le secteur privé de production, nous croyons qu'il y aurait là un pas de l'avant, une initiative intéressante. Si ce n'est rien de plus qu'une PME que le gouvernement va financer, c'est autre chose. Premièrement, il faut qu'il soit clair qu'il s'agit d'un secteur public de production pédagogique. Deuxièmement, si cet organisme met réellement à contribution les talents, l'expertise du milieu - ce n'est pas seulement une affaire parachutée d'en haut - les enseignants, les professionnels sur le terrain, les professionnels de certains services gouvernementaux aussi, certaines facultés universitaires et certains instituts de recherche, si on met vraiment leurs expertises à profit par le truchement de cet organisme, c'est encore un point positif.

Enfin, je dirai que les critères de production de cet organisme devraient présenter quelque chose d'original et de spécifique par rapport à ce qui se fait déjà

sur le marché privé: apporter quelque chose de plus, avoir une espèce de caractère de pédagogie, mais vraiment progressiste, avec certains paramètres sociaux, par exemple, pour être très attentif aux problèmes de sexisme, de racisme, de valeur d'éducation aux droits fondamentaux. Donc, nous sommes d'accord pour une production, mais qu'elle soit vraiment caractérisée comme un progrès par rapport à ce qui existe sur le marché. Alors nous saluerions, si cela répondait à tous ces critères, une telle initiative.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Charbonneau. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par féliciter la CEQ pour l'excellent mémoire qu'elle nous a présenté. J'aurais beaucoup de questions à poser, j'en poserai une seule, M. le Président. Je voudrais laisser à mes collègues la chance d'en poser également. Le temps file, malheureusement.

La CEQ a démontré dans son mémoire une ouverture d'esprit par rapport à la participation des parents. Je reviens sur cette question parce qu'elle me semble fondamentale dans le débat que nous avons présentement en commission parlementaire. Quel rôle devraient jouer les parents? La CEQ a donc démontré une ouverture d'esprit, entre autres quant à la participation des parents à la commission scolaire même. Ce qui m'étonne tout de même dans une des positions qu'elle a prises dans son mémoire, c'est le rejet du projet éducatif au niveau de l'école. Je reviens également là-dessus. Je sais que cela a été évoqué, mais cela ne m'apparaît pas suffisamment clair. Il me semble qu'on a droit à une certaine précision de la CEQ quant au projet éducatif au niveau de l'école.

Vous avez parlé du projet éducatif au niveau national et au niveau régional et de la possibilité d'une projet éducatif au niveau de quelques écoles qui se regrouperaient, par exemple. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous refuseriez à un conseil d'école de se doter d'un projet éducatif. Le projet éducatif, tel que je le comprends, rapidement, c'est le résultat d'une concertation entre les responsables de l'éducation des enfants pour un meilleur fonctionnement de l'école, un meilleur climat à l'intérieur de l'école et donc une meilleure qualité de l'action éducative à l'intérieur de l'école, l'action éducative qui signifie beaucoup de choses.

La qualité de l'éducation, il me semble, est reliée aussi, dans une école donnée, à l'efficacité des interventions pour régler des problèmes donnés. C'est relié, bien sûr, à la mentalité d'un milieu et à la capacité des éducateurs de travailler ensemble et, il ne faudrait pas l'oublier, c'est à titre d'éducateurs que les parents veulent avoir un pouvoir décisionnel au niveau de l'école et de la commission scolaire, qu'ils veulent avoir leur mot à dire dans la perspective d'un projet éducatif avec les autres éducateurs responsables: professionnels, enseignants, direction, qui ont actuellement des pouvoirs d'intervention à l'intérieur de l'école.

Les parents nous ont dit ceci: Nous sommes regroupés dans des comités d'école. Bien sûr qu'on peut agir également de façon responsable, mais on n'est toujours que consultatifs, c'est-à-dire qu'on peut rejeter nos suggestions et nos recommandations. Alors, ma question est celle-ci: Si on veut véritablement que les parents agissent en tant que premiers éducateurs de leurs enfants et si on est d'accord sur le fait que l'action des parents peut améliorer la qualité de l'éducation à l'intérieur même de l'école, c'est-à-dire dans le vécu même de l'école, comment envisager ce rôle des parents sans qu'on leur accorde un pouvoir décisionnel au niveau du conseil d'école? C'est ma question.

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau, vous avez eu l'occasion, vous vous en souvenez, au cours de la journée, de répondre à une bonne partie de ces préoccupations. Je vous demande donc maintenant de résumer votre intervention pour ne pas répéter inutilement les mêmes arguments. M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Eh bien, les mêmes questions, mais on voit peut-être...

Le Président (M. Blouin): Oui, je comprends, mais, alors, s'il s'agit des mêmes questions et des mêmes arguments, je...

M. Charbonneau (Yvon): D'accord!

Le Président (M. Blouin): ...suggérerais qu'on passe à un autre intervenant.

M. Charbonneau (Yvon): Je pense que, face à ce genre de questions soulevées, et ce n'est pas du tout un reproche que je fais de ramener les mêmes questions, ce sont des discussions longues et, si on était ici un groupe d'enseignants et un groupe de parents, ce sont des discussions qui dureraient des heures; il faut se reprendre plusieurs fois pour arriver à établir vraiment ce dont on parle. Alors, quand on parle de projet éducatif, je vous répète seulement ceci: pour nous, un projet éducatif, c'est le projet d'ensemble, le projet de l'École québécoise. Je rappelle les réserves que nous avons sur le contenu du livre orange, mais disons l'École québécoise avec un grand É. C'est le projet éducatif du Québec, le livre de bord de la société québécoise en matière éducative. Comment cela se réalise-t-il

ensuite? Par des interventions du ministère, par des interventions des juridictions exercées par les commissions scolaires et aussi, certainement, par l'intervention de ces lieux précis d'action que sont les écoles. (17 heures)

Comme nous voyons le système, on n'a pas besoin d'alourdir le palier école d'un mécanisme décisionnel du même type que ce qui existe dans les commissions scolaires. On n'a pas besoin d'un palier comme celui-là. Il suffirait de mettre en place des mécanismes de concertation où les associations de parents, s'il se crée des associations autonomes avec le temps, ou des comités de parents, les associations que sont les nôtres, les usagers... Pensez aux adultes qui sont aussi des usagers des services éducatifs. L'ensemble des parties intéressées au développement de l'éducation trouvent donc, par leurs mécanismes, un moyen d'arriver à dire à l'école ce qui en est. Cela peut prendre la forme d'une table de gestion, d'une table de coordination, d'une table de concertation où les différentes parties se rassemblent et ont chacune leurs organismes qui les mandatent et on discute. Finalement, par ce jeu du va-et-vient, on trouve certainement des solutions à la plupart des problèmes mais des problèmes, taillés à la mesure de ce qu'on peut régler dans une école donnée. Il ne faut pas en donner plus que ce qui a du bon sens, à ce niveau de l'école. C'est un peu le créneau de réponse sur lequel je suis obligé de revenir.

M. Leduc (Fabre): Donc, au niveau de l'école, les parents demeureraient consultatifs, dans votre esprit.

M. Charbonneau (Yvon): Sur certaines questions, leur avis pourrait être formellement requis; sur d'autres questions, il se pourrait que nous devions exiger une recommandation de leur part, comme, sur certaines questions, notre avis pourrait être formellement requis ou encore aucune décision ne serait prise sans qu'on ait fait une recommandation.

Pensons aux questions de méthode et de manuels pour ce qui est de notre part. Pensons à la question de la confessionnalité, par exemple, ou de l'option entre divers types d'enseignement pour les parents, pour la fermeture d'une école. En quelque sorte, on peut aller jusqu'à rendre le point de vue des parents liant sur certaines questions. Cela peut aller jusque-là, mais limitons le nombre de questions où cette juridiction -décisionnelle, en somme - doit s'exercer. Tenons cela dans un ordre assez limité pour le mini-réseau de services scolaires qui doit s'édifier pour le bénéfice d'une collectivité. C'est une question d'équilibrer tout cela pour que le système ne prenne pas une dérive vers l'émiettement.

M. Leduc (Fabre): La Fédération des commissions scolaires était prête à aller jusqu'à introduire dans la loi un certain nombre de pouvoirs mais qu'elle pourrait déléguer au conseil d'école. Il y aurait donc une délégation de pouvoirs. Enfin, si on suit l'idée de la fédération des commissions scolaires, on pourrait envisager une délégation de pouvoirs, donc aller un peu dans le sens du projet de loi, mais par le biais d'une délégation de pouvoirs qui serait dans le projet de loi. Est-ce que vous iriez jusque-là?

M. Charbonneau (Yvon): Oui. Je pense que c'est tout à fait acceptable et, d'ailleurs, c'est tout à fait dans le sens des articles qui apparaissent dans le programme du Parti québécois, au chapitre de l'éducation où l'on dit: établir dans chaque région une commission scolaire régionale ayant juridiction directe sur toutes les écoles de tous les niveaux, élémentaire et secondaire, situées sur son territoire. Je pense que c'est tout à fait compatible, c'est plein de bon sens.

M. Leduc (Fabre): Mais, si une école, un conseil d'école est d'accord pour exercer les pouvoirs qu'une commission scolaire lui déléguerait, on revient au projet éducatif. Vous êtes donc d'accord sur le fond que le milieu pourrait exercer les pouvoirs du projet de loi 40, à la condition que cela se fasse par délégation de la commission scolaire.

M. Charbonneau (Yvon): En dialoguant, nous venons de voir comment un projet éducatif prend sa forme à travers des interventions se conjuguant au niveau de l'école, de la commission et du ministère de l'Éducation. Le projet éducatif prend sa forme, sa vie, à travers cette conjugaison. Mais, à notre avis, au niveau des juridictions, pour plus de netteté, pour qu'on se comprenne bien dans le système, il suffit de deux niveaux de juridiction formelle.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Fabre. En rappelant aux derniers intervenants que quatre autres membres ont demandé la parole et que nous devrons suspendre la séance à 18 heures et mettre fin à cet échange fructueux avec les gens de la CEQ, M. le député de Louis-Hébert, s'il vous plaît!

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je vais passer par-dessus les remerciements d'usage, faute de temps. Je ne peux cependant passer sous silence la tentative, dont nous avons été témoins de la part de M. le ministre Laurin, d'amenuiser, à mon sens, la portée du mémoire qui nous a été

présenté en donnant l'impression qu'il était limité à des préoccupations de nature syndicale. Or, c'est loin d'être le cas. Une simple consultation de la table des matières nous permet de nous rendre compte que les trois quarts du mémoire sont consacrés à des préoccupations d'autre nature. Je pense qu'il est nécessaire de souligner cela. L'impression qui est donnée et qui risque de rester est souvent celle qui se dégage de l'intervention d'une personne qui est la plus responsable au niveau du projet de loi pour ce qui est de son adoption, c'est-à-dire, le ministre. Le ministre a insisté hors de proportion sur ce qui était une partie importante, mais quand même marginale, du mémoire qui nous était présenté.

Pour poursuivre la discussion qui a été engagée avec le député de Fabre, j'aimerais savoir de votre part, étant donné que le principe, là comme ailleurs, disant qu'on ne donne pas ce qu'on n'a pas... Pour que la commission scolaire puisse déléguer des pouvoirs ou en permettre l'exercice en consultation avec elle par d'autres agents quelconques, il est nécessaire que la commission scolaire dispose de pouvoirs supplémentaires ou, en tout cas, de pouvoirs réels qui ont des conséquences véritables. Est-ce que vous pouvez donner une idée à cette commission parlementaire du genre de pouvoirs que devrait avoir une véritable commission scolaire et des pouvoirs qui seraient de nature à provoquer l'intérêt chez la population, chez les parents et amener de sa part une possibilité de procéder à une délégation de pouvoirs véritables, comme je le dis, étant donné qu'elle ne peut quand même pas déléguer ce qu'elle n'a pas obtenu en premier lieu?

M. Charbonneau (Yvon): Voilà le débat tel qu'il devrait se faire le plus, si on était face à un projet de loi qui nous amène une vraie proposition de décentralisation, deux paliers. Notre discussion depuis ces heures se ferait pour savoir comment organiser les pouvoirs des commissions scolaires, les juridictions, les responsabilités par rapport à ceux du ministre. On serait dans une discussion depuis trois ou quatre heures à ce niveau, commission scolaire et ministère. À cause de la structure du projet de loi 40, on est empêtré dans toute cette division des pouvoirs écoles-commission scolaire et on oublie ou on risque de négliger le principal, c'est-à-dire ce qui ferait l'objet d'une véritable décentralisation, soit la dynamique ministère-commissions scolaires.

Votre question nous ramène à ce niveau. Je crois que la semaine dernière vous avez eu des suggestions qui sont pleines de sens là-dessus, provenant de la fédération elle-même et des directeurs généraux. Pour économiser du temps, je peux vous dire qu'en gros, c'est aussi l'approche que nous verrions.

Cela supposerait, en somme, une espèce de consolidation du pouvoir des commissions scolaires, si on veut l'appeler pouvoir, ou des fonctions, en faisant remonter là où cela doit être, à notre avis, au niveau des commissions scolaires, les attributions qui ont été éparpillées au niveau des écoles dans la dynamique du projet de loi 40. Il s'agirait de consolider cela à ce palier. Cela permettrait une distribution plus équitable des ressources, une organisation plus rationnelle des ressources au niveau d'un territoire. Au niveau des relations du travail, cela aurait des avantages certains pour rationaliser le système. Nous saurions avec qui faire affaires, 150 commissions scolaires, 150 lieux décisionnels.

Si le ministre de l'Éducation va dans le sens de ce qu'on entend de certains autres ministres, qu'il regarde des schémas où l'avenir du régime des relations du travail pourrait être un peu plus décentralisé, admettons deux paliers, ministère ou gouvernement et commissions scolaires, voilà un schéma avec lequel on peut faire des relations du travail un peu plus rationnelles que s'il y a trois niveaux de pouvoir. On ne sait plus trop où est... Par le jeu des délégations de pouvoirs... Je suis passé rapidement, mais ce sont des pages lourdes d'importance qu'il y a dans notre mémoire sur le jeu des délégations. On ne sait plus qui fait quoi dans le système: commissions scolaires, écoles. Cela ne peut pas faire de bonnes relations du travail. C'est dans ce sens-là.

On n'en parle pas beaucoup ici, c'est un peu regrettable. Je crois que c'est notre responsabilité comme éducateurs de le faire. Quand on parle de responsabilisation, il y a aussi au coeur de l'école la responsabilisation étudiante. Puisque les étudiants ne sont pas ici, on a parlé du RAEU et il viendra. Je crois qu'il a de bonnes critiques à faire, d'après son mémoire, à propos du projet de loi 40. Le mémoire du mouvement de la Jeunesse étudiante chrétienne qui représente des étudiants concernés par le projet de loi 40 place au coeur de ce phénomène de responsabilisation la responsabilisation étudiante et déclare à cet égard le projet de loi 40 inacceptable. J'espère que la commission parlementaire pourra recevoir ce point de vue ici. La JEC dénonce l'augmentation des inégalités prévisibles par le truchement des projets éducatifs monnayés école par école. Je crois que c'est un point de vue très sérieux de jeunes qui ont une optique sociale intéressante en même temps qu'ils présentent leur point de vue de jeunes. Il faudrait qu'il y ait place dans une commission parlementaire sur l'éducation pour entendre le point de vue de ceux dont il s'agit, le million dont on parle et à qui on s'adresse. Il faudrait faire place à ce point de vue, même si ce ne sont pas des propos

qui vont dans le sens du projet de loi.

M. Doyon: Pour poursuivre la discussion, je le souhaite vivement aussi. Nous avons fait des représentations à plusieurs reprises auprès du ministre et j'espère que celles que vous faites d'une façon très convaincante auront le résultat d'amener le ministre à entendre ces organismes représentant les jeunes, représentant les étudiants et les étudiantes. Nous sommes prêts - nous l'avons indiqué dès le début de la commission - à prendre le temps qu'il faudra pour permettre à des organismes qui ne sont pas sur la liste... Que voulez-vous? Le ministre a fait du magasinage là-dedans comme dans le reste. Il nous a proposé une liste de magasinage; il avait un catalogue d'intervenants possibles et il a passé une commande de 78 articles. C'est comme cela qu'il a fonctionné. Nous lui disons que nous ne voulons pas être partie à ce genre de magasinage, qu'on ne veut pas être complices de cela. Les remarques que vous faites sont fort à propos et nous n'avons aucune hésitation à les approuver avec toute la vigueur que nous pouvons.

Le discours ministériel veut que l'établissement d'un palier décisionnel au niveau de l'école soit le seul moyen pour amener ce qu'on pourrait appeler des initiatives locales, c'est-à-dire la prise en charge par le milieu d'un certain nombre de choses. Cependant, il y a des gens qui sont venus devant la commission avec des preuves qu'il y avait de nombreuses initiatives locales et que le milieu, avec les pouvoirs limités dont disposent actuellement les commissions scolaires, encarcanées comme elles le sont -alors que nous sommes dans un projet de loi qui permettrait de les "désencarcaner" - dans plusieurs cas, avait réussi dès initiatives locales qui collaient à la réalité et que cela avait été un succès. Pouvez-vous nous dire si vous êtes en mesure de corroborer ces affirmations et si vous avez des exemples qui vous viennent à l'esprit?

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: On n'a pas de cas précis à mettre sur la table, sauf que la connaissance qu'on a veut que, chaque fois qu'il n'y a rien de détérioré dans un milieu, où on prend le temps de s'asseoir ensemble pour décider de quelque chose dans l'intérêt de l'ensemble, cela donne de bons résultats. Sur le terrain, les relations sont excellentes à partir du moment où elles ne sont pas coercitives, ni imposées et qu'il se trouve aussi que les projets mis de l'avant répondent à un véritable besoin et à des attentes correctes pour l'ensemble des participants.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Doyon: Dernière question, M. le Président.

M. Charbonneau (Yvon): En complément très rapide sur ce sujet, je vous renverrai au témoignage de certaines commissions scolaires venues ici la semaine dernière et à qui vous avez posé des questions. Je les voyais par la télédiffusion. Elles ont apporté des témoignages précis d'expériences heureuses, progressistes de rapports avec les parents de leur milieu et des rapports progressistes au niveau des écoles. Je crois qu'on pourrait reprendre ces témoignages-là à titre d'exemple.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Dernière question, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui. Vous avez, avec d'autres, dénoncé le système électoral proposé pour la formation de la commission scolaire par le projet de loi 40. Je pense que la preuve a été faite et le ministre est en train de réaliser et je me demande... Enfin, c'est une réflexion personnelle que je ne peux pas m'empêcher d'avoir. Comment se fait-il que le ministre ait attendu d'être ici, assis où il l'est, pour reconnaître que le système qu'il proposait ne pouvait pas fonctionner avec des tables scolaires de 40 ou 50 personnes, avec la possibilité de voter un peu partout, avec des commissions scolaires de 200 élèves par rapport à d'autres plus importantes, avec des gens qui représenteraient 200 contribuables et d'autres, 12 000?

Vous proposez une commission scolaire modifiée. J'ai eu l'impression que le ministre avait tenté une certaine récupération de votre idée de ce côté-là. Je voudrais seulement m'assurer qu'on se comprend bien. Si j'ai bien compris votre proposition, vous voulez maintenir le suffrage universel - c'est un principe de base - et à partir de ce maintien du suffrage universel vous reconnaissez que la communauté, globalement, a des intérêts dans les systèmes scolaires, doit être représentée d'une façon significative à la commission scolaire et qu'en même temps, les parents ont aussi des préoccupations et, à ce titre, ont le droit de faire partie de la commission scolaire. (17 h 15)

Ce que vous proposez - c'est là que j'en viens - c'est qu'une partie des membres de la commission scolaire soit nécessairement des parents, c'est-à-dire... Est-ce que j'interprète correctement votre proposition à savoir qu'une des conditions supplémentaires d'éligibilité des commissaires d'école, serait d'être parent d'élève de la commission scolaire, mais que tout le monde, parent ou non, en vertu du suffrage universel, voterait pour les catégories de commissaires? Il y

aurait deux catégories. Il y aurait un minimum de membres de la commission scolaire. À titre d'exemple, si elle comprend quinze membres, il y en aurait au moins sept ou huit qui devraient être des parents d'élèves de la commission scolaire. Est-ce la proposition que vous faites?

M. Charbonneau (Yvon): Oui, parents d'élèves, mais avec une précision, c'est-à-dire membres de comité d'école, ou bien encore représentants d'organisations représentatives de parents actifs, en quelque sorte, dans le domaine scolaire. Ce serait un critère d'éligibilité. Les listes des membres de comités d'école sont officielles; on sait de qui il s'agit. Alors, il suffirait pour ces gens-là d'avoir ce critère d'éligibilité pour être éligibles par voie de suffrage universel. Et cette moitié, provenant des comités de parents se joindrait à l'autre moitié élue au suffrage universel. Mais le seul critère d'éligibilité, c'est le droit d'électeur en général.

Le Président (M. Blouin): Alors...

M. Doyon: Avec votre permission, M. le Président, c'est différent de ce que je croyais comprendre du ministre alors qu'il interprétait vos propos à savoir que, simplement les gens qui auraient qualité de parent seraient admis à voter pour une certaine catégorie de commissaires.

M. Charbonneau (Yvon): C'est pour cela que j'ai...

M. Doyon: Ce n'est pas ce que vous dites?

M. Charbonneau (Yvon): Non, parce que j'ai toujours insisté aujourd'hui pour dire que dans les deux ordres de situation, c'est le suffrage universel qui est le mode électoral. C'est le critère d'éligibilité qui est plus spécifique pour la deuxième moitié, c'est-à-dire membres de comité d'école ou représentants d'associations de parents.

Quant au reste des procédures d'élection, nous avons plusieurs autres propositions qui ajoutent un caractère pratique à cette approche nouvelle qui pourrait ressusciter, je crois, ou revitaliser le processus électoral scolaire en s'inspirant passablement des procédures qui ont cours dans le domaine municipal par exemple. Enfin, nous avons plusieurs suggestions pratiques. Si jamais nous avions un cadre de débat où ce serait possible, nous pourrions apporter d'autres suggestions.

M. Doyon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Louis-Hébert. M. le député de

Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président. Je félicite les membres de la Centrale de l'enseignement du Québec de s'être présentés devant nous. Je peux vous dire qu'en premier lieu, j'avais lu votre mémoire et que cela m'avait choqué. Je vous ai écouté aujourd'hui et j'ai remarqué chez vous aussi une écoute et je pense que de notre côté, vous avez remarqué une écoute. Et plus la discussion évolue, plus je pense qu'il y a des points sur lesquels il peut y avoir consensus. Je suis content de voir dans le mémoire, entre autres, qu'il y a un consensus au point de vue de l'intégration du primaire et du secondaire. Je suis content de voir qu'il y a un consensus de plus en plus répandu au sujet des commissions scolaires linguistiques. Je suis content de voir aussi que, de plus en plus, il y a un consensus au sujet du régime d'option d'enseignement religieux dans les écoles. Quant au suffrage universel, il y a des propositions sur la table et cela demeure très intéressant.

J'étais content ce matin d'apprendre qu'il y avait eu aussi, au point de vue syndical et au point de vue des enseignants, des rencontres avec la CEQ au cours des mois d'octobre, de novembre et de décembre, au cours desquelles on rassurait les enseignants en leur donnant des garanties, des garanties syndicales qui ont été déposées d'une façon officielle ce matin. C'est sûr que si la loi 40 est adoptée, il peut y avoir, s'il y a intégration, entre autres, du primaire et du secondaire, des appréhensions de la part des enseignants: Qu'est-ce que je deviens? Et je pense que ce matin, par les propositions qui ont été mises officiellement sur la table et qui ont fait l'objet de discussions avec votre centrale, il y a quand même un élément positif de sécurisation. Mais, comme vous l'avez dit ce matin, M. Charbonneau, c'est bien sûr que c'est assez technique, c'est complexe et cela mérite d'être étudié. Je pense aussi qu'on s'en va dans une très bonne direction.

Si on en arrive au coeur de la problématique qui est sur la table, c'est à la fois beaucoup plus émotif et basé sur le raisonnement et sur la philosophie. Je peux vous dire par exemple - et je ne voudrais offusquer personne autour de la table - que, pour sécuriser le parent ou l'enfant dans un patelin ou dans un quartier, on aurait le meilleur président de commission scolaire et les meilleurs commissaires dans une région, moi, comme parent, je ne serais pas sécurisé à savoir si, dans mon école, il va y avoir une très bonne qualité d'enseignement. Quand même, je ne voudrais pas froisser le ministre, mais, même si on avait le ministre le plus extraordinaire au monde, comme parent, je ne serais pas nécessairement sécurisé en sachant qu'il va y avoir une

meilleure qualité d'enseignement dans le patelin. Il y a une chose, par contre, dont je suis certain. Si, dans l'école du quartier, il y a un bon directeur d'école, le parent va être sécurisé, l'enfant aussi, et j'ai alors des chances d'avoir pour mon fils une très bonne éducation. C'est toute cette philosophie qui est sur la table, donner au milieu la couleur qu'il veut avec, comme pilier peut-être, le directeur d'école, qui relève encore de la commission scolaire. Je pense qu'on charrie trop en disant qu'on enlève tout à la commission scolaire et qu'on donne tout à l'école, ce n'est pas vrai et vous le savez. Mais si, dans une école qu'on veut communautaire et responsable, on donne la responsabilité à la fois au directeur d'école et au commissaire d'école, qui est élu dans le patelin, si on donne aussi une responsabilité aux enseignants, aux parents et aux étudiants du milieu pour avoir une meilleure éducation, je pense personnellement que c'est là la clé de la qualité de l'enseignement. Il faut l'avoir vécu de l'intérieur comme enseignant pour savoir comment la commission scolaire est éloignée et, à plus forte raison, le ministère de l'Éducation. Il faut l'avoir vécu aussi comme parent responsable d'un comité d'école pour savoir comment la commission scolaire est éloignée tout comme le ministère de l'Éducation d'ailleurs.

C'est pourquoi l'école veut se prendre en main. Depuis dix ans, il y a une évolution très importante. Aujourd'hui, au moment où on se parle, il y a plus de 40 000 parents qui sont impliqués dans des comités d'école. Il est bien sûr qu'on veut les meilleurs services éducatifs dans notre patelin. Pour avoir de meilleurs services éducatifs, je pense qu'il faut avoir une concertation et rendre l'école responsable. On la rendra responsable en donnant des moyens et je pense que le projet de loi 40 donne ces moyens, j'en suis même assuré. S'il y a concertation dans le milieu pour se dire qu'on veut une école très autoritaire dans le quartier, s'il y a consensus entre le commissaire, les enseignants, les étudiants, les parents et le directeur de l'école, pourquoi pas? Si on veut alors une école plus permissive, on fera aussi un consensus avec le commissaire d'école élu dans le patelin, les enseignants, les étudiants, les parents et le directeur d'école. Je pense que c'est le coeur de la problématique.

Dans le passé, on a toujours dit que la commission scolaire et, à plus forte raison, le ministère de l'Éducation sont très éloignés. Je pense que ce sont ceux qui vivent dans le milieu qui connaissent les besoins du milieu. Je ne parle pas, par exemple, du choix des manuels, du choix des méthodes et de toutes ces choses. Je pense -il ne faut pas charrier non plus - que la communauté, avec l'aide de ceux qui font partie de cette communauté, à la fois les enseignants et les directeurs, connaît les besoins du milieu. Je comprends aussi que la centrale et que les professeurs ne soient peut-être pas trop chauds au sujet du projet de loi 40, car je sais qu'il n'y a pas un corps professionnel qui a été bousculé comme les professeurs ou les enseignants. Si on regarde l'évolution depuis vingt ans, je pense qu'il n'y a pas un corps professionnel qui ait été bousculé par - appelons cela des négociations, des projets de loi - toutes sortes de réformes, toutes sortes de méthodes d'enseignement. Il faut avoir été dans le domaine de l'enseignement pour s'apercevoir combien de fois on change de méthodes seulement en dix ans. Je comprends que les professeurs soient désabusés un peu et qu'ils n'embarquent pas trop, mais ils savent, par exemple, que pour améliorer la qualité de l'enseignement avec les parents, le directeur d'école, le commissaire, qui va être très près d'eux... Il ne siégera pas dans la région, il va siéger très près d'eux. Je crois que c'est la façon d'avoir la meilleure qualité d'enseignement.

J'en arrive à ma question, M. Charbonneau. Tout à l'heure, on en a parlé. Je voudrais savoir ce que la loi 40 va faire perdre aux enseignants pour qu'ils assurent une meilleure qualité de l'éducation dans le milieu, près des étudiants. Nous avons eu des exemples et je voudrais savoir si vous êtes au courant des commissions scolaires qui l'ont essayé, soit la commission scolaire de Sherbrooke, entre autres, celle de Jacques-Cartier et celle de Morilac. M. Charbonneau, je voudrais savoir ce que la loi 40 va faire perdre aux enseignants pour qu'ils assurent une meilleure qualité de l'enseignement.

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Mon collègue, M. Bisaillon, va répondre à cette question. Au cours de la présentation de la question, vous avez fait référence au point de vue des principaux, des directeurs d'école. Vous avez dit: II ne faut pas charrier, etc., cela va relever des commissions scolaires. Je voudrais vous renvoyer à la page 42 du mémoire de la fédération québécoise, le mémoire no 52 que vous avez reçu la semaine dernière.

Le Président (M. Blouin): M.

Charbonneau, j'allais justement indiquer aux membres de la commission que les préambules qui nous amènent tous azimuts risquent de provoquer, de la part de nos invités, des réactions qui sauraient, elles aussi, nous éloigner de l'objet même de notre discussion. L'objectif de notre rencontre est principalement de recueillir vos commentaires sur des sujets les plus précis possible

relativement au projet de loi 40. Si, chaque fois, avant de poser une question, les membres de la commission parlementaire se permettent des préambules extrêmement généraux et élaborés, vous comprendrez que nous ne réussirons pas à cerner des problèmes particuliers et à pouvoir ensuite éclairer davantage la commission sur le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale. C'est pour cela que je souhaiterais - surtout compte tenu de l'heure et compte tenu que vous avez eu l'occasion, au cours de cette journée, de présenter abondamment vos opinions sur les différents sujets dont nous avons traité - que les questions s'adressent à vous directement et non pas à d'autres groupes qui sont venus ou qui viendront devant nous, ou qui ont déposé des mémoires au Secrétariat des commissions. Je préférerais que vous répondiez beaucoup plus précisément aux questions qui vous sont nommément adressées. S'il vous plaît!

M. Charbonneau (Yvon): D'accord. Étant donné que la question a déjà été ainsi posée, est-ce qu'au moins pour cette fois-ci vous allez me permettre de prendre juste 30 secondes? C'est parce qu'on dit: Vous charriez. C'est une intervention assez dure si on prend au sérieux les propos du député disant: Vous charriez. Je voulais le reporter à des textes officiels qui vont dans le sens de nos propos. Si vous pensez que cela peut aider, cela me prendra 30 secondes.

Le Président (M. Blouin): Je veux uniquement que vous compreniez l'esprit de ces échanges, M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Ah oui!

Le Président (M. Blouin): Que vous compreniez aussi que maintenant nous avons des limites de temps qui ne nous permettent pas de...

M. Charbonneau (Yvon): D'accord.

Le Président (M. Blouin): ...reprendre le débat à tout propos.

Oui, M. le député de Viau, je vous en prie. Je crois que nous avons bien compris l'esprit de ces échanges.

M. Cusano: Je voudrais bien qu'on comprenne...

Le Président (M. Blouin): ...et M. Charbonneau a compris.

M. Cusano: ...que nos invités ont la prérogative de répondre de la façon qu'ils le décident.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, s'il vous plaît! Je comprends que M. Charbonneau a très bien saisi l'objet de cette intervention qui ne vise pas du tout, comme vous semblez le croire, à limiter les propos de nos invités, mais davantage à retrouver un souci d'efficacité que nous ne devons jamais perdre dans ce genre de discussion. M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Cela vise les préambules des questions.

Le Président (M. Blouin): Mais oui.

M. Charbonneau (Yvon): À la page 42 du mémoire des directeurs d'école, on dit: Nous voulons qu'un lien existe entre les deux paliers, commission scolaire et école. Savez-vous quel lien, M. le Président? Pas par eux, ce lien sera établi entre nos deux paliers par la présence d'un commissaire d'école qui siège au conseil d'école et au conseil des commissaires. Deuxièmement, on dit: L'article 90 du projet de loi, nous le trouvons inutile et tendancieux. Savez-vous ce que dit l'article 90? Il dit que les écoles exercent leurs fonctions dans le cadre défini par les commissions scolaires. Je ne pense pas qu'on charriait énormément, pas assez pour faire du transport. Robert. (17 h 30)

Le Président (M. Blouin): Cela va. M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Robert): Quand le député de Mille-Îles, je crois, parle de qualité de l'éducation et qu'il essaie de faire un lien avec le projet de loi 40, j'essaie aussi de faire un lien avec le projet de loi 40. On peut avoir plusieurs mesures de la qualité de l'éducation. La principale mesure que j'ai, c'est notre capacité à dispenser des services et l'analyse qu'on fait des conditions dans lesquelles sont placés ceux qui vivent dans l'école. Vous-même avez parlé assez éloquemment - je ne vous contredirai pas là-dessus - des bousculades dont les enseignants ont été l'objet depuis un certain nombre d'années. Vous pourriez ajouter, pour la période où vous n'étiez pas dans les écoles, les décrets dont les effets se font sentir sur la qualité de l'éducation, l'augmentation de la charge, etc.

Je pense que c'est une mesure de qualité de l'éducation, la partie 1 de notre mémoire, sur laquelle il a été difficile de discuter ce matin. Par rapport à cela, je pense qu'il y a une espèce de modèle théorique d'école qui a été construit, inventé au ministère - je ne dis pas dans la tête du ministre tout seul, mais au ministère - qu'on distille maintenant, d'abord comme des vapeurs, mais aussi comme un nuage au-dessus des problèmes réels de l'école et de ceux qui y vivent. Mais l'un n'est pas la réponse à l'autre. Je veux dire que, s'il y

avait un troisième palier, les problèmes qu'on a décrits dans le chapitre 1 seraient encore là, exactement les mêmes, au point de vue de la qualité de l'éducation. C'est pour cela que, lorsque vous faites un rapport entre la qualité de l'éducation et le remède que vous semblez voir dans la loi 40, je ne le fais pas. Vous dites: Trouvez-nous des solutions qui corrigent les problèmes de l'éducation et on dira: II y a une réforme qui correspond à des problèmes qu'on rencontre en éducation. Je pense à cet effet que le projet de loi 40 manifeste, entre autres, que la relance de l'éducation ne fait pas partie de la relance du gouvernement, elle fait partie d'autre chose. Dans ce sens, qu'on ajoute un, deux ou trois paliers de pouvoirs, qu'est-ce que cela va changer s'il y a encore trop d'élèves dans les classes, si les enfants sont mal intégrés ou sans services? Tout ce que vous pouvez retracer dans la partie 1, c'est cela, les problèmes en éducation, lorsqu'on veut parler de qualité et pas d'autre chose. On parle ici de structure.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Iles, rapidement s'il vous plaît.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le président, vous parlez de projets éducatifs au point de vue régional et national. J'ai une crainte personnelle que ce soit une espèce de planification, une uniformisation. Je pense que, s'il y a un projet éducatif dans le milieu, sur certains points et sur certains services éducatifs, cela va créer une certaine émulation. Cela fera en sorte que l'école ne sera pas une école planifiée, mais une école diversifiée. Je veux vous poser une question. Si on regarde l'évolution du système de l'enseignement et l'implication des parents depuis bien avant 1973 où il y a eu la loi 27 qui a créé des comités de parents et où, avant 1973, des professeurs, entre autres, se sont impliqués dans le milieu, dans ces comités, aujourd'hui, on se retrouve avec 40 000 parents qui s'impliquent, et aussi des professeurs. Ne croyez-vous pas que c'est l'aboutissement normal de toute cette évolution d'implication à la fois des parents, des professeurs et des étudiants dans notre système actuellement? Ne croyez-vous pas que la loi 40 est l'aboutissement de cette évolution depuis une quinzaine d'années?

Le Président (M. Blouin): Compte tenu de tout ce que vous nous avez bien expliqué aujourd'hui, je crois que vous pouvez succinctement répondre à cette question.

M. Charbonneau (Yvon): Très succinctement, M. le Président, en renvoyant l'auteur des questions et les membres de la commission à l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, aux pages 10 et 11, où le Conseil supérieur de l'éducation dit qu'un projet éducatif peut s'épanouir sans qu'il soit nécessaire d'en appuyer la réalisation par un texte de loi, que c'est une réalité lentement bâtie à partir des consensus établis dans une école qui devient ainsi une communauté éducative. Voilà, je crois, le genre de lecture que je vous recommanderais dans les prochaines heures. C'est assez inspirant à ce niveau.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Charbonneau. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Merci, M. le Président. Ce matin, M. le ministre, avec une certaine bonhommie, a qualifié votre rôle d'avocat du diable. Pour moi, vous êtes un sacré bon diable! Vous êtes un avocat vraiment très éclairé et la seule ressemblance que je pourrais vous trouver avec le diable, c'est que vous avez la flamme et le feu de défendre votre cause et la cause des écoles et des enfants avec beaucoup de vivacité.

Au cours d'une intervention antérieure, j'avançais que la philosophie - je ne serai pas long, M. le Président - qui anime le projet de loi 40 et toutes les modalités qui en découlent était vraiment fausse et inutile. Je disais que le problème n'est pas dans la structure, mais à l'intérieur de l'école. Inutile de démolir la structure, de décrocher les cadres et les décors, ce qu'il faut, c'est que le ministre de l'Éducation finisse enfin par rejoindre des professeurs, qu'il les accepte, qu'il les apprécie, les valorise et améliore leurs conditions de finances et de travail qu'il a singulièrement ébranlées par les décrets. Je crois que seuls des professeurs satisfaits et heureux pourront vraiment faire la restructuration désirée. Je vous pose trois petites questions, malgré que M. le président va peut-être dire que je suis récapitulatif, mais la récapitulation c'est une des bonnes qualités d'un professeur, et j'en suis un ancien, vous le savez.

Voilà mes trois petites questions, vous répondrez à la fin comme vous le voudrez: Croyez-vous que l'entrée massive des parents aux postes d'autorité peut vraiment opérer ce changement pour une école heureuse? Croyez-vous vraiment que la dévaluation des commissions scolaires et la diminution de leurs pouvoirs peuvent ramener la paix et l'harmonie dans le système d'enseignement? Et, enfin, croyez-vous que le rôle effacé de l'enseignant qui sera confiné aux quatre murs avec le droit de circuler dans les corridors, rendra les professionnels de l'enseignement vraiment soumis et fidèles à leurs hautes fonctions que j'apprécie toujours? Si vous voulez répondre succinctement à ces trois petites questions.

Le Président (M. Blouin): Alors, évidemment, M. le député de Saint-Henri, vous avez dit vous-même qu'il s'agissait dans

une certaine mesure de répétitions. Alors, dans cet esprit, M. Charbonneau, vous comprendrez que je vous demande d'être succinct.

M. Charbonneau (Yvon): L'arrivée massive des parents, est-ce que cela va améliorer le système scolaire s'ils entrent à des postes d'autorité? C'est ce que j'ai compris comme première question. Nous avons suggéré que les parents arrivent au palier décisionnel qui s'appelle commission scolaire assez largement, autant qu'il y a de commissions scolaires et pour moitié en termes de composition. Je ne sais pas si le député qualifie cela de massif, mais c'est certainement une arrivée en nombre important de parents, plus les structures, ou les comités, ou les tables de consultation qui existeraient au niveau des écoles; cela fait plusieurs milliers de parents. Je crois que, oui, il y a un apport positif à travers tout cela pourvu qu'on sache bien démêler quand est-ce qu'on est à un niveau d'autorité et quand est-ce qu'on est à un niveau de concertation et de coopération. Il y a quelque chose de positif au principe. Maintenant, il y a un effort à faire de la part de ceux qui s'engagent là-dedans, que ce soit de notre côté ou que ce soit du côté des parents. Cela prend du temps. Il faut se pénétrer des problèmes. C'est exigeant et, moyennant ces conditions, c'est certainement positif. Alors, quant au reste de vos questions, je crois que ce sont des questions pour faire réfléchir vos collègues de la commission.

M. Mains: C'est justement mon but. Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Hains: J'ai deux petites questions très vite.

Le Président (M. Blouin): Deux petites vite.

M. Hains: Premièrement, quel jugement portez-vous sur l'état actuel de nos écoles? Cela va être vite. Est-ce vraiment une situation inquiétante actuellement, comme le disait M. le ministre, et qui demande une restructuration complète?

M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: C'est bien. Je suis contente. On revient quand même au chapitre 1. J'avais peur qu'on n'y arrive pas. Écoutez, monsieur, en clair, le meilleur résumé qu'on puisse faire, c'est que jamais on ne nous fera dire que, même s'il y a des lacunes à combler, des limites de la réforme à repousser, des améliorations urgentes à apporter dans les chapitres dont on a parlé et qui sont particulièrement en danger, cela ne va pas mieux maintenant que cela allait dans les écoles du Québec entre 1948 et 1955, disons. Il nous semble donc, et une bonne fois pour toutes, qu'il y a quelque chose qui va dans le bon sens, sauf erreur de parcours. Mais, là, il y a des erreurs de parcours qui se commettent à l'occasion de la crise économique, notamment, et cela dure. Il paraît que cela reprend et cela ne reprend jamais, puis de toute manière on se retrouve toujours avec les mêmes mesures draconiennes de coupures et de contrôle. Ce sont des problèmes importants à résorber maintenant. C'est ni l'entrée massive à des postes de décision de la part des parents, quoique je salue qu'il y ait 40 000 parents qui soient prêts à s'occuper d'éducation au Québec, ni les réponses à vos autres questions dont les autres dérivent qui vont régler les problèmes que M. Bisaillon cernait très bien tantôt. Il y a des affaires impérieuses à régler maintenant: nos analphabètes, 300 000 et plus, les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage qui sont entrés de force dans des écoles qui les ont elles-mêmes évacués pour toutes sortes de raisons - il ne faut pas oublier cela dans nos prières - sans ménagement, sans préavis et sans soutien. C'est là la situation vécue et cela déteint sur l'ensemble du système scolaire.

Vu qu'on est revenu au chapitre 1, cela fait longtemps qu'il y a quelque chose qui me turlupine et vous allez voir que ce n'est pas antiréglementaire: les projets éducatifs locaux. On a des réserves, on a des questions, on n'a pas - je le répète -d'opposition de principe à ce qu'une école se donne un modèle un peu particulier. Mais tout dépend et je pense que le gouvernement et le ministère ont à se poser ces questions que je vais vous donner en vrac parce que je sais que le temps presse: Au bout du processus des projets éducatifs locaux si tant est que ce ne soit pas une fumisterie, est-ce que les écoles du Québec seront plutôt semblables ou plutôt dissemblables? Au bout du processus des projets éducatifs locaux, n'aura-t-on pas sabordé certains acquis de la démocratisation scolaire en fonction des régions périphériques principalement et en fonction des milieux socio-économiques? N'aura-t-on pas sacrifié, en prétendant faire l'affaire de quelques-uns qui veulent, pour des raisons qui leur appartiennent et qui ne sont pas toutes mauvaises, imprégner à l'école un modèle donné, est-ce que pour faire cela on n'aura pas mis en cause l'égalité profonde du système scolaire qu'on veut par ailleurs se donner?

J'attire votre attention sur les ressources des milieux. Elles ne sont pas les mêmes. Il y a des ouvertures dans le projet de loi 40 qui feront que les bénéfices retirés de la location en tout ou en partie de

l'école ne seront pas comptabilisés pour les fins de subventions qui viennent du MEQ uniquement pour les fins des subventions qui sont de la péréquation interne des commissions scolaires. Cela va nous faire nous situer en deux groupes différents. On va y aller vite, on n'a pas le temps de nuancer. D'accord? Vous parlez d'émulation plutôt que de compétition. Je vous signale - je ne sais pas qui me l'a apporté mais, grâce au ciel, il se trouve que j'avais intuitivement raison. Émulation, compétition, c'est du pareil au même; étant entendu qu'en français, par ailleurs, il n'y a pas de synonyme, il se trouve qu'ils sont dans la définition comme étant des synonymes.

Compétition entre les écoles. Vous êtes de Saint-Henri, monsieur?

M. Hains: Exactement.

Mme Gagnon: Compétition entre Saint-Henri et Westmount? Compétition entre Saint-Roch et Sillery Garden, qu'on comblera par le choix de l'école? Il se trouvera peut-être beaucoup de gens pour préférer le projet éducatif de Saint-Roch à celui de Sillery et d'assumer que leurs enfants iront à Saint-Roch plutôt qu'à Sillery. Projet court éventuellement? Projet éducatif plus court quand on connaît les pressions qui s'exercent sur les milieux socio-économiquement faibles? Ah! Pas par mauvaise volonté mais parce qu'il arrive parfois, à l'occasion, que lorsque le père et la mère sont sans travail - parce que par les temps qui courent, cela se trouve - le plus vieux ou la plus vieille pourrait être tenté, lui, ou elle d'abandonner l'école. Et voilà!

Les ressources? La capacité de mettre un peu de beurre sur le pain quand on est bien "greyé", soi-même, passablement scolarisé, assez équipé et, par-dessus le marché, fortuné. Si on trouve - et on trouvera et cela, c'est déjà trouvé - que le ministère ne va pas assez vite côté rnicro-ordinateur - quand je vous dis que cela se trouve, je l'ai entendu plusieurs fois - on verra des milieux qui auront beaucoup plus de facilité à passer la tasse auprès des parents pour se "greyer" eux-mêmes en micro-ordinateurs d'abondance pendant que d'autres se contenteront de ce minimum consenti en période de crise qui caractérise pour le moment les politiques budgétaires du gouvernement à l'égard de l'éducation.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon. Cela va, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: J'aurais une autre petite question sadique à présenter.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Henri, est-ce que vous pourriez...

M. Hains: Très, très courte.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous pourriez, si nécessaire, penser un peu à votre voisin de droite?

M. Hains: Oui, mais c'est bien dur. Alors, je vais la sacrifier pour le bien de la communauté.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le député de Saint-Henri pour votre collaboration. Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Hains: C'est pour vous que je fais cela.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier la CEQ de son excellente analyse et surtout d'avoir donné tant d'importance à la question clé que tout le monde doit se poser, y compris le ministre et nos amis d'en face: Est-ce que le projet de loi va améliorer la qualité de l'éducation? À mon sens, c'est le critère ultime par lequel il faut juger le projet. Si la réponse est non, je crois qu'il faut cesser de gaspiller nos énergies en le discutant.

En ce qui concerne la qualité, j'aimerais vous demander d'élaborer un peu votre pensée - cela touche la question posée par Mme Lavoie-Roux, mais je cherche une autre dimension de la réponse - sur deux éléments que vous avez soulevés dans votre premier chapitre. Il s'agit de deux catégories d'enfants qui sont déjà très vulnérables "at risk" - est-ce qu'il y a un mot en français "at risk", je ne sais pas - dont pourrait profondément préjuger le projet de loi. Je parle des enfants des milieux défavorisés et des enfants ayant des difficultés d'apprentissage. (17 h 45)

Voudriez-vous nous expliquer, décrire peut-être la dynamique que vous envisagez que propose le projet de loi 40 et qui aura un impact négatif sur ces deux catégories d'enfants? Je sais que vous y voyez un impact négatif. Il y a beaucoup de gens parmi tous les intervenants dans ce projet qui n'y sont pas sensibilisés, qui n'ont pas vu le danger intégral de ce projet de loi?

M. Charbonneau (Yvon): II y a un élément de réponse qui me vient à votre question et qui est évoqué dans la première partie de notre mémoire. D'ailleurs aux enfants ayant des problèmes d'apprentissage, de comportement entre autres, le projet n'apporte rien à notre avis pour améliorer la situation qui leur est faite. Actuellement, la politique du gouvernement, c'est de tendre à intégrer le plus grand nombre de ces étudiants dans des classes régulières. Au niveau des mesures facilitant ou permettant

cette intégration de manière efficace et positive pour l'élève, les mesures de soutien n'ont pas toujours suivi. On a parlé dans certains cas d'intégration sauvage, un peu à la hâte, sans les mesures de soutien. Ce que nous pensons, à travers ce qu'on peut imaginer être l'application du projet de loi 40, on ne l'a pas vécu mais on a l'expérience du passé. Avec le morcellement des services qui s'ensuivra, est-ce que chaque école va se donner sa politique de mesures de soutien à l'enfance en difficulté? Est-ce que cela n'aurait pas plus de bon sens de mettre un bassin de ressources, de services spécialisés au niveau de la commission et ensuite de faire circuler ces ressources au service des écoles? Il me semble que c'est partie d'un projet éducatif, l'aide spéciale qu'on va porter à cette catégorie d'élèves.

C'est la responsabilité de la commission oeuvrant au niveau d'un territoire de prévoir les services et de faire en sorte que tout le monde en ait sur le territoire. Sinon, si on prend la thèse du projet éducatif, telle que décrite par le ministre, l'école qui est dans un milieu assez bien nanti, les parents participent davantage, le comité fonctionne. Ils sont exigeants, ils parviennent à obtenir des budgets de la commission et ils vont finir par avoir de bons services pour leur minorité d'élèves en difficulté. Le milieu d'à côté, moins équipé humainement parlant pour pousser et obtenir les ressources, en aura moins et c'est lui qui en a le plus besoin. C'est cela la thèse de l'inégalité sociale à travers les projets éducatifs à la couleur du quartier. Cela mène à cela et, à notre avis, il y a une possibilité de recul par rapport à certains acquis. Pour consolider ces acquis -ce n'est pas parfait partout - on pense qu'il est préférable de renforcer la fonction commission scolaire pour assurer le maintien de services au moins de qualité minimale à tout le monde.

Mme Dougherty: Si je comprends bien, c'est vraiment un projet qui risque de renforcer l'inégalité des chances. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Charbonneau (Yvon): Oui, cela ouvre la porte à cela parce qu'on dit que chaque milieu - en parlant d'un quartier, le milieu immédiat d'une école - se prenne en main. Cela fait une belle thèse pour le temps qu'on parle tout seul, mais quand on se met à en discuter, quand cette thèse commence à être discutée par d'autres, on s'aperçoit que, dans l'application, cela peut engendrer des effets qui ne sont pas toujours évidents dans le discours ministériel officiel.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais simplement poursuivre un peu la question posée par M. Doyon. Je crois qu'une des présomptions du projet de loi, sinon la présomption principale est qu'il faut absolument un changement de loi pour responsabiliser les parents. Je crois qu'il pourrait être fort utile de faire un bilan - et de le rendre public - des écoles ou des projets dans les écoles où les parents exercent des pouvoirs importants, où ils ont pris leurs responsabilités en concertation avec les enseignants et avec le directeur de l'école afin d'implanter leurs priorités ou d'adapter le programme à leurs besoins. Il y a un mythe qui circule et qui veut que les parents ne soient pas impliqués et qu'ils ne puissent pas s'impliquer d'une façon raisonnable, légitime sans ce chambardement inutile, je crois, du système. On pourrait démystifier la base du projet de loi en faisant un bilan de ce qui se passe en réalité. Est-ce que vous avez la capacité de le faire? Je connais un peu mieux le milieu anglophone et je sais qu'il y a des centaines d'écoles où les parents sont très impliqués et très satisfaits de leur participation, mais on n'a pas eu l'occasion de les entendre jusqu'à maintenant. Du côté francophone, je crois qu'il y a une mauvaise perception de la situation.

M. Charbonneau (Yvon): Je crois que nous pourrons essayer de contribuer à cet examen plus en profondeur de la situation -c'est une bonne suggestion que vous faites -si jamais on nous débarrasse de cette pelure de banane qu'est cette discussion sur les pouvoirs à l'école, afin qu'on puisse discuter des vraies choses, des vraies réalités, des vrais problèmes et des vrais mandats. Il est bien entendu qu'on aurait eu plus de temps pour parler de ces questions fort intéressantes que vous soulevez si on en prenait moins pour discuter de choses qui, à notre avis, ne sont pas utiles dans les circonstances.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci beaucoup, Mme la députée de Jacques-Cartier. Sur ce, au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentantes et les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de leur importante participation aux travaux de cette commission parlementaire et je suspends les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

M. Laurin: Juste une seconde.

Le Président (M. Blouin): Juste un petit moment, M. le ministre.

M. Laurin: Oui. Je remercie, moi aussi, en mon nom, la centrale pour les fructueux échanges éclairants que nous avons eus. Et comme je l'avais annoncé ce matin, j'ai le plaisir de faire parvenir aux membres de la commission un document d'information sur la

portée de certains articles concernant la répartition des pouvoirs entre les trois niveaux, à la suite des points soulevés par un certain nombre d'associations, dont l'Association des cadres scolaires du Québec, lors de la présentation de son mémoire à la commission.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise de la séance à 20 h 6)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! Dès le commencement de cette séance ce soir, nous allons accueillir les représentants du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec. Je demanderai donc aux représentants de cet organisme de bien vouloir, d'abord, identifier ceux des leurs qui ont bien voulu se déplacer pour venir discuter avec les membres de la commission et, ensuite, de nous livrer en une vingtaine de minutes, comme c'est la règle générale, le contenu de leur mémoire pour qu'ensuite nous procédions à l'échange qui suivra entre les membres de la commission et les représentants du conseil pédagogique.

Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec

M. Robitaille (Jacques): Merci, M. le Président. Je crois qu'il convient, dans un premier temps, de présenter le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec. Il regroupe 23 associations professionnelles d'enseignants. Ces associations sont formées soit par disciplines, soit par niveaux. Certaines existent même depuis plus de 25 ans. Le rôle de ces associations professionnelles consiste, entre autres, et de plus en plus d'ailleurs, à rendre des services pédagogiques à leurs membres. Plus de 10 000 enseignantes et enseignants sont membres de ces associations et ce, sur une base volontaire. Plusieurs d'entre eux oeuvrent bénévolement les soirs ou les fins de semaine pour préparer des congrès, la revue pédagogique de leur association ou d'autres travaux de nature pédagogique. Plusieurs membres de ces associations ont également participé à la préparation des programmes, des guides pédagogiques ou autres instruments de nature pédagogique. Le conseil d'administration du CPIQ tente, d'ailleurs, de refléter cette diversité.

Avant la présentation de notre mémoire, M. le Président, il me fait plaisir de vous présenter d'abord, à ma droite, M. Richard Pallascio, vice-président. M. Pallascio est ex-président de l'Association mathématique du Québec. Il est présentement professeur au cégep Édouard-Montpetit et il est également chercheur en sciences de l'éducation. À sa gauche, Mme Gisèle Charlebois, secrétaire du CPIQ. Mme Charlebois est enseignante à la Commission des écoles catholiques de Verdun. Elle est membre de l'Association professionnelle de l'enseignement du commerce. À ma gauche, Mme Gaby Lefrançois-Denis, conseillère à l'organisation. Mme Denis est enseignante à la commission scolaire Le Gardeur. Elle est membre de l'Association des professeurs de sciences du Québec. Mme Denis enseigne au niveau primaire à une 6e année, Mme Charlebois enseigne présentement le commerce et le secrétariat. Mme Denis est membre de l'Association des professeurs de sciences du Québec; elle est également membre de trois autres associations professionnelles d'enseignants, question de se tenir à jour. Je suis moi-même conseiller pédagogique en sciences humaines à la commission scolaire régionale de Chambly, ancien président de la Société des professeurs d'histoire du Québec.

Le CPIQ a analysé le contenu du projet de loi sous l'angle de la pédagogie. En privilégiant une grille d'analyse pédagogique, le CPIQ risque d'aller à l'encontre de certains écrits portant sur des réalités différentes. Ces réalités peuvent être syndicales, culturelles ou sociales, autant de réalités, d'ailleurs, qui ont également leur valeur et leur importance. Or, le CPIQ espère que son point de vue s'alignera sur celui d'autres organismes qui ne manqueront pas d'intervenir au cours de cette consultation.

Ce mémoire va donc aborder cinq aspects de la mosaïque scolaire qui lui semblent particulièrement importants: les structures de représentation, le partage des responsabilités en matière de pédagogie, la constitution d'une instance pédagogique nationale, le dilemme de la confessionnalité et l'absence des enseignants au sein de la commission de mise en oeuvre.

Les structures de représentation. L'approche préconisée par le projet de loi nous apparaît comme une approche systémique, c'est-à-dire une approche où tous les agents oeuvrent ensemble en vue d'une action commune. Pour le CPIQ, une telle approche suppose une représentation égalitaire des partenaires si on veut que le pouvoir appartienne à l'ensemble et non à l'une de ses composantes. Dans ce contexte, à la page 3 du mémoire, nous soulignons que le conseil d'école doit d'abord viser à établir des consensus plutôt qu'à gagner des batailles sur le dos des intervenants. Or, tel qu'établi présentement, le projet de conseil d'école du projet de loi 40 fait penser à un conseil d'hôpital formé majoritairement d'usagers, donc de patients, et qui aurait le pouvoir de

fixer les méthodes de traitement que doivent utiliser les médecins.

C'est donc la raison pour laquelle le CPIQ propose qu'aucun groupe n'y occupe une position majoritaire. Au primaire, par exemple - ce n'est qu'un exemple - le conseil devrait être composé de trois parents, trois membres du personnel, dont au moins deux enseignants, en plus du directeur et du commissaire. Au secondaire, le conseil devrait être composé de trois élèves, trois parents, trois membres du personnel, dont au moins deux enseignants, en plus du directeur et du commissaire. Ces considérations nous paraissent absolument fondamentales. Notre position face au projet de loi 40: nous serions prêts à l'endosser pourvu que ce fondement s'inscrive dans la philosophie même du projet, autrement dit que le projet applique le fondement philosophique qu'il prétend instaurer, c'est-à-dire une égalité des partenaires.

Vient également le cas du comité pédagogique de l'école. Ce comité pédagogique, pour nous, doit jouer un rôle aussi important que celui du comité médical dans un hôpital. C'est la raison pour laquelle le CPIQ demande que l'article 69 soit modifié. L'article 69 mentionne les objets sur lesquels les enseignants pourraient demander, à l'intérieur de leur comité pédagogique, d'être consultés. On dit, entre autres, au deuxième alinéa que les enseignants voudraient être consultés sur l'orientation générale en vue de l'enrichissement des programmes. Je trouve que ce n'est pas suffisant. C'est non seulement sur l'orientation générale, mais également sur l'enrichissement. Le comité pédagogique doit être capable de faire des représentations et des recommandations précises, à savoir si, dans tel programme, l'enrichissement est bon et de qualité. De même, pour l'orientation et l'élaboration des programmes locaux, le comité pédagogique doit être capable de faire des représentations précises non seulement sur les critères, mais voir si le programme local remplit vraiment ces conditions.

De même, pour le libellé du cinquième alinéa, les critères pour le choix des méthodes pédagogiques, des manuels scolaires et du matériel didactique, cela ne prend pas seulement des critères, mais des recommandations sur le choix même. Le comité pédagogique doit être capable de dire s'il recommande tel ou tel manuel scolaire, telle ou telle méthode pédagogique et être capable d'expliciter clairement ses raisons.

Venons-en maintenant au partage des responsabilités en matière de pédagogie, page 5 du mémoire. Le CPIQ appuie l'objectif sous-jacent à toute restructuration scolaire qui donne à l'école la maîtrise de son projet éducatif et les pouvoirs qui lui permettent de le mettre en oeuvre en plaçant les ressources pédagogiques et éducatives au service direct de l'école et en faisant de celle-ci le lieu essentiel de son acte pédagogique.

Dans l'ensemble, lorsqu'on lit le projet de loi, la section V du chapitre III sur les fonctions de l'école correspond, en gros, aux attentes du CPIQ face au rôle de l'école en matière pédagogique. Cependant, les articles 66, 69 et 72 prévoient les sujets sur lesquels les différents comités peuvent être consultés et au sujet desquels ils peuvent formuler des recommandations. Si le ministère désire que le rôle de ces comités soit reconnu à l'intérieur de l'école, il doit veiller à ce que leurs recommandations ne restent pas lettre morte de la part du conseil d'école. C'est la raison pour laquelle le CPIQ recommande qu'à la suite d'une consultation de la part du conseil d'école ou à la suite du désir de se faire entendre sur tout sujet relevant de leur compétence les comités ayant soumis des recommandations au conseil d'école reçoivent par écrit, de la part de ce dernier, les raisons d'un rejet partiel ou global de leur point de vue.

Quant aux responsabilités dévolues aux commissions scolaires, dans l'ensemble, le CPIQ croit que les commissions scolaires reçoivent des pouvoirs suffisants pour exercer une coordination pédagogique entre les écoles et pour constituer un regroupement suffisamment cohérent face au MEQ.

L'article 206 mérite, toutefois, quelques précisions. En effet, l'organisation pédagogique comprend notamment l'évaluation, la didactique et l'innovation. Chacune de ces dimensions suscite la création de nombreuses activités pratiques et la préparation de nombreux instruments que l'enseignante ou l'enseignant pourra ensuite utiliser en classe. Or, l'enseignante ou l'enseignant ne peut préparer seul des tests diagnostiques suffisamment fidèles et valides à l'intérieur de leur charge normale de travail qui vient, par surcroît, d'être augmentée. Par ailleurs, l'école ne peut assumer seule la présence de personnes-ressources compétentes capables de concevoir ou d'appliquer de telles activités dans chacune des matières. Il appartient donc aux commissions scolaires de mettre à la disposition des écoles de telles personnes-ressources: conseillers pédagogiques, docimo-logues, spécialistes en moyens et techniques d'enseignement. On pourrait en ajouter: conseillers d'orientation, psychologues, travailleurs sociaux, etc.

Or, de façon globale, se pose alors le problème de la taille des commissions scolaires. Le CPIQ estime qu'une commission scolaire devrait avoir une clientèle suffisante pour s'assurer les services de conseillers pédagogiques compétents dans tous les champs d'enseignement, ainsi que ceux de spécialistes en moyens d'enseignement, en

évaluation pédagogique et dans tous les services que nous avons mentionnés précédemment.

Dans le cas où une commission scolaire aurait une clientèle d'élèves trop faible, soit pour des considérations géographiques ou socio-économiques, il y aurait lieu de signer avec d'autres commissions scolaires des ententes d'échanges de services selon un rationnel administratif acceptable. Il nous apparaît, en effet, inadmissible que chaque petite commission scolaire d'une même région ait son conseiller pédagogique en français, son conseiller pédagogique en enseignement religieux, mais aucun, par exemple, en sciences humaines, en sciences ou en arts, et qu'elle confie l'administration de ces dossiers à titre partiel à une personne qui n'aurait, par ailleurs, aucune formation spécifique et ne pourrait donc jouer le rôle de personne-ressource auprès des enseignantes et enseignants.

Enfin, face aux responsabilités du ministère de l'Éducation, le CPIQ trouve que ses pouvoirs, là aussi, doivent continuer d'être des pouvoirs d'encadrement, ceci à condition que le ministère ne se mette pas à élaborer une réglementation, des instructions ou des procédures trop tatillonnes.

La constitution d'une instance pédagogique nationale. Dans le cadre de sa mission de développement pédagogique et dans son effort de soutien aux enseignants et à leurs pratiques pédagogiques, le MEQ veut, par l'article 307, constituer "un organisme sans but lucratif, composé majoritairement d'enseignants, ayant pour objet de produire et d'évaluer du matériel pédagogique".

Le CPIQ trouve louable cette initiative du ministre. L'augmentation de la tâche des enseignants, l'implantation des nouveaux régimes pédagogiques, l'arrivée de nouveaux programmes appelant une pédagogie nouvelle et commandant la venue d'instruments pédagogiques nouveaux nécessitent la création et la mise en place d'un organisme semblable. Ce dernier serait composé d'enseignants, contrôlé par eux et répondrait à des besoins concrets qu'ils éprouvent présentement en classe.

Or, de l'avis du CPIQ, le gouvernement ne va pas assez loin. Il est temps, en effet, que le Québec se dote d'un organisme de développement pédagogique. Outre la production ou l'évaluation du matériel pédagogique, ce centre devrait avoir les rôles suivants: un rôle de conseil sur tout sujet de nature pédagogique, que ce soit l'enseignement et l'apprentissage, ou didactique auprès du ministre qui le consulterait, tout en gardant son pouvoir décisionnel; un rôle de développement qui comprendrait l'expérimentation ou l'application en classe des recherches effectuées dans les universités, de même que le perfectionnement continu des enseignants.

La mise sur pied d'un organisme semblable devrait permettre, d'ailleurs, de meilleurs rapports entre les intervenants, que ce soient les universités, les commissions scolaires et les associations professionnelles, qui sont soucieux du développement de la pédagogie dans le cadre de leur mission spécifique. De la même façon, cet organisme devrait être en liaison avec d'autres centres pédagogiques à l'étranger.

En ce qui concerne la structure de cet organisme, le ministre a le choix d'en créer un de toute pièce ou de faire appel à un organisme déjà existant. À cet égard, la structure du CPIQ représente un acquis qui mérite considération.

Tout enseignant, pratiquement, peut devenir membre d'une association professionnelle puisque la plupart des disciplines précollégiales sont actuellement organisées en associations. En outre, les présidentes et présidents d'associations sont élus au suffrage universel de leurs membres, et les membres du conseil d'administration du CPIQ sont élus par les présidentes et présidents d'associations. C'est pourquoi la structure décisionnelle actuelle du CPIQ nous semble très représentative et se compare avantageusement à de nombreuses organisations du milieu de l'éducation. Une annexe à ce mémoire vous précisera, d'ailleurs, les rôles, les fonctions et la structure de cet organisme. Elle pourrait sans doute servir de document de travail pour sa mise en place.

Le CPIQ recommande donc de mettre sur pied cet organisme le plus rapidement possible et offre sa collaboration à cet égard. Il veillera à ce que les ressources humaines et financières soient réellement viables et qu'elles permettent à un organisme semblable de grandir et de développer des outils pédagogiques adéquats, tout en ayant les moyens de les diffuser efficacement.

Toutefois, afin de permettre à cet organisme de jouer pleinement son rôle, le CPIQ recommande qu'il soit doté des pouvoirs additionnels suivants: donner au MEQ des avis sur tout sujet de nature pédagogique ou didactique; développer, d'une part, la pédagogie en expérimentant de nouvelles approches ou de nouveaux matériels pédagogiques, d'autre part, le perfectionnement continu des enseignants en collaboration avec les intervenants, universités, commissions scolaires, etc.

Enfin, le CPIQ recommande au ministère d'étudier sérieusement la possibilité que le CPIQ, en collaboration avec ses associations membres, devienne cet organisme visé par l'article 307. Toutefois, pour ce dernier point, cela dépendra de l'interprétation que donnera le ministère à cet article qui, pour l'instant, demeure fort imprécis.

Sur la confessionnalité de l'école, je

voudrais rappeler l'essence d'une proposition qui avait été votée le 26 septembre 1981 à l'occasion d'un colloque sur ce sujet. "Que le Québec procède à la déconfessionnalisation de toutes les structures scolaires, c'est-à-dire un système scolaire unique, donc, la fusion des deux réseaux, catholique et protestant; la disparition des fonctions assumées par les sous-ministres de foi catholique et de foi protestante, ainsi que celles dévolues aux comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation; la redéfinition de la composition du Conseil supérieur de l'éducation en fonction de critères autres que la confessionnalité; la disparition des commissions scolaires catholiques et protestantes au profit de commissions scolaires neutres comme le sont les conseils de ville et les municipalités. Que le nouveau statut des écoles en soit un d'écoles communautaires ouvertes à tous sans référence à l'appartenance ou à la pratique religieuse. Que l'on instaure un système d'options entre le cours d'enseignement moral laïc et le cours d'enseignement religieux, confessionnel ou non."

Sur ce point, plusieurs aspects du projet de loi 40 semblent répondre à nos vues. Pourtant, il reste plusieurs articles du projet de loi qui établissent des éléments propres à réinstaurer, de façon plus ou moins camouflée, la confessionnalité des écoles et instaurent, par le fait même, des privilèges de nature discriminatoire entre les confessionnalités catholique et protestante et les minorités religieuses ou sans religion.

En effet, l'article 31 consacre la discrimination que subissent actuellement les non-croyants et ceux qui pensent que la religion n'a rien à voir avec l'école et il berce encore les gens dans l'illusion de quartiers unanimes en fonction de critères moraux ou religieux. Même si l'article 32 est soumis à des règles édictées par le ministre en vertu de l'article 309, il semble inadmissible qu'une majorité impose des croyances à une minorité, si faible soit-elle.

Un peu plus bas dans notre mémoire, au troisième paragraphe, nous disons que l'article 81 décerne aux comités confessionnels des pouvoirs inquisitoires qui leur permettent de juger de la compétence des professeurs d'enseignement religieux qui, parfois, n'ont pas toujours le choix d'enseigner ou non cette matière.

Si l'article 101 garantit le choix de l'enseignement moral ou religieux, catholique, protestant, voire d'une autre confession religieuse, l'article 110 ne garantit le financement de services d'animation pastorale que pour les catholiques. La possibilité de tels services pour les protestants n'est accordée que sur demande et rien n'est prévu pour les autres enfants qui peuvent pourtant avoir besoin d'une aide morale; ils risquent alors de subir une interprétation judéo-chrétienne de la réalité. (20 h 30)

L'article 220 garantit le poste de conseiller en éducation chrétienne dans chaque commission scolaire et rien pour les autres. Enfin - c'est le paragraphe suivant -même si l'article 475 transforme les recommandations des comités catholique ou protestant en simples "avis au point de vue religieux sur les programmes, les manuels et le matériel didactique pour l'enseignement autre que religieux que le ministre est tenu de leur transmettre avant leur adoption ou leur autorisation", le CPIQ trouve ces avis non pertinents.

En résumé - au dernier paragraphe - il n'y a qu'une façon d'abolir ces privilèges discriminatoires, c'est de déconfessionnaliser le projet éducatif lui-même. Cela ne veut pas dire qu'il soit exclu de prendre en considération les valeurs morales ou religieuses individuelles dans l'établissement de ce projet. Le phénomème religieux existe dans notre société et ne doit pas être ignoré par l'école. Par contre, l'école n'a pas, dans sa mission éducative, à endoctriner qui que ce soit, encore moins les enfants, ni à imposer au nom d'une majorité, si forte soit-elle, des valeurs ou un statut à caractère religieux, ce qui pourrait créer chez certains individus un dilemme en ce qui concerne la fréquentation d'une école en particulier. Suivent une série de recommandations sur cet aspect.

Enfin, un mot pour dire que le CPIQ trouve un peu étrange de ne pas voir la présence d'enseignants au sein de la commission de la mise en oeuvre. Est-ce un oubli?

Conclusion. Dans l'ensemble, le CPIQ trouve que, du point de vue pédagogique, le projet de loi 40 constitue une amélioration. Dans notre projet original, nous aurions souhaité que ce soit l'assemblée générale de l'école qui décide du projet éducatif de l'école et qui élise son commissaire. Il n'en est pas ainsi et nous le regrettons.

Nous trouvons, toutefois, adéquat le partage actuel, grosso modo, des pouvoirs entre l'école, la commission scolaire et le ministère. Enfin, le CPIQ se réjouit grandement de la présence de l'article 307 qui constitue à ses yeux un pas dans la bonne direction.

Vous trouverez, à la suite de cela, toutes les recommandations que nous avons présentées dans notre mémoire. Cependant, nous voudrions insister sur l'aspect fondamental que représente pour nous la question d'une représentation égale de tous les partenaires au sein du conseil d'école. C'est notre première recommandation.

Au sujet de l'article 69, qui traite du rôle du comité pédagogique, nous disons qu'il ne doit pas être un organisme qui intervient sur des critères, mais qu'il doit être capable de faire ses recommandations à savoir sur

quelles méthodes pédagogiques il privilégie son champ d'action, sur quel matériel pédagogique, sur quels manuels scolaires, etc. Nous disons également que les articles 66, 69 et 72 doivent être le fait de recommandations sur lesquelles il doit y avoir une réponse écrite de la part du conseil d'école pour être capable d'expliquer son refus global ou partiel des recommandations de ces comités. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Robitaille. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais, d'abord, remercier le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec pour son excellent mémoire que j'ai lu et écouté avec beaucoup d'attention. Vous vous présentez à nous, ce soir, comme des enseignants qui veulent être entendus à titre de professionnels, c'est-à-dire à titre de spécialistes de l'enseignement d'une discipline ou d'une autre. En fait, votre organisme regroupe 23 associations d'enseignants qui ont choisi de s'unir sur la base de la discipline qu'ils enseignent. Votre association compte près de 10 000 membres, ce qui est considérable. Ce n'est donc pas étonnant que vous disiez, dès le début de votre mémoire, que vous avez tenté d'analyser le contenu du projet de loi sous l'angle de la pédagogie qui constitue la spécificité de votre action de professionnels de l'enseignement. C'est, d'ailleurs, bien là la visée principale du projet de loi. Je suis donc très heureux que vous ayez privilégié dans votre mémoire la grille d'analyse pédagogique.

Je constate avec plaisir, il va sans dire, que vous êtes d'accord pour reconnaître dans l'école le pivot, la base, le centre, la pierre d'angle du système éducatif et, donc, qu'il faut valoriser davantage l'école et qu'il faut transférer, confier à l'école la maîtrise de son projet éducatif et qu'il faut donc, en conséquence, accorder à l'école les pouvoirs propres à mettre ce projet éducatif en oeuvre.

Je constate aussi avec beaucoup de plaisir que vous êtes d'accord pour reconnaître au conseil d'école ou à l'école par le biais du conseil d'école qui en exerce les fonctions les responsabilités nombreuses qui lui sont nécessaires justement pour maîtriser et mettre en oeuvre ce projet éducatif, par exemple développer le modèle pédagogique et l'encadrement approprié, déterminer le type de regroupement des élèves, les horaires, le temps d'enseignement, les matières à option et les services complémentaires, planifier l'évaluation des apprentissages des élèves, implanter, analyser, évaluer les approches pédagogiques, participer à la répartition des effectifs, faire partie du comité de sélection qui choisit le directeur d'école et, enfin, être consultée par la commission scolaire ou demander elle-même une modification ou une révocation de son acte d'établissement. Ces fonctions de l'école, exercées par le biais de son conseil d'école, sont en effet indispensables pour qu'elle assume véritablement la maîtrise de son projet éducatif.

Je suis heureux de constater aussi que vous êtes d'accord pour que l'on confie au comité pédagogique des responsabilités très précises. Le projet de loi énumère plusieurs points sur lesquels la consultation de ce comité pédagogique est nécessaire et, là aussi, vous manifestez votre accord. En même temps, il énumère les points sur lesquels le comité pédagogique, le comité des enseignants peut et même doit faire des recommandations au conseil de l'école. Là-dessus, vous voulez même que nous allions plus loin, que le projet de loi aille plus loin, et vous recommandez que son rôle ne se limite pas, par exemple, à faire des recommandations quant aux orientations des programmes d'enrichissement ou quant à l'élaboration des programmes locaux, mais vous désirez que le comité pédagogique fasse des recommandations sur les enrichissements, sur les adaptations et sur les additions mêmes que l'école pourrait faire aux programmes. Je pense que c'est là une recommandation sérieuse, pertinente. Il est très possible qu'à la réflexion nous en arrivions effectivement à la même conclusion, mais qu'il faille demander au comité pédagogique de faire des recommandations non seulement sur les orientations, mais sur la matière même des adaptations, des additions et des enrichissements aux programmes.

Je constate aussi avec plaisir que vous êtes d'accord pour trouver que les pouvoirs importants qui sont laissés à la commission scolaire constituent des pouvoirs suffisants, qui lui permettront d'exercer une coordination pédagogique entre les écoles et aussi, en même temps, de constituer un regroupement suffisamment cohérent face au ministère de l'Éducation. En même temps, je suis heureux de constater que vous êtes d'accord avec le mode d'élection envisagé qui fait que chaque école puisse être représentée au sein de la commission scolaire. Vous nous mettez en garde contre des commissions scolaires qui auraient une taille trop petite. Vous craignez, en effet, qu'on ne puisse alors accorder aux écoles du territoire un soutien suffisant, mais vous dites vous-mêmes qu'on devrait faciliter, ce que le projet de loi 40 prévoit d'ailleurs, des ententes de services entre commissions scolaires plus petites et commissions scolaires plus grandes pour que les élèves de chacune des écoles puissent compter sur des services éducatifs de la plus haute qualité possible et sur les conseillers pédagogiques et

les ressources nécessaires pour permettre à cette école de dispenser des services administratifs de qualité. Vous rejoignez, d'ailleurs, ainsi certaines des appréhensions qui nous ont été manifestées cet après-midi même par la Centrale de l'enseignement du Québec et aussi par l'Association des cadres scolaires, qui voulaient s'assurer que, dans le projet de loi 40, dans le système remanié que nous préconisons, on s'assure que les élèves ne soient jamais perdants, mais qu'au contraire ils soient toujours gagnants. Ceci peut valoir pour des commissions scolaires plus petites, mais ceci peut valoir également pour des commissions scolaires qui se situent dans des milieux défavorisés.

Par exemple, on s'est inquiété cet après-midi et d'autres jours à savoir si les écoles en milieux défavorisés pouvaient toujours compter sur des ressources susceptibles d'assurer des services de qualité. Je pense qu'on peut répondre à ceci que le moindre doute ne peut guère subsister quant à la certitude que toutes les écoles du Québec, qu'elles soient situées dans des milieux économiques défavorisés ou dans des commissions scolaires plus petites, sauront dispenser les services de qualité partout. Il revient, en effet, au gouvernement d'établir les grandes orientations des politiques, par exemple, pour les milieux économiquement faibles, pour l'enfance en difficulté et, par la suite - le projet de loi 40 ne modifie pas la Loi sur l'instruction publique actuelle sur ce point - c'est la commission scolaire qui assure, en vertu du projet de loi 40, la répartition des ressources, après avoir évalué les demandes des écoles, par exemple, après avoir étudié les prévisons budgétaires de chacune des écoles. Les élèves des milieux défavorisés, en particulier, ont des besoins spécifiques que l'école, d'ailleurs, pourra beaucoup mieux identifier, à mon avis, que les commissions scolaires, du fait qu'ils auront été identifiés par les agents mêmes des écoles. Ces besoins se traduiront inévitablement par les demandes budgétaires des écoles. Ce sera ensuite la responsabilité des commissions scolaires d'assurer la péréquation de toutes les ressources humaines et financières pour garantir à ces écoles des services éducatifs de qualité et une distribution qui réponde aux besoins propres de ces milieux. Cependant, à la suite de vos représentations, nous verrons s'il n'y a pas lieu d'être encore plus précis. (20 h 45)

Je constate aussi avec plaisir que votre organisme est d'opinion que les pouvoirs du ministre sont adéquats au niveau pédagogique et qu'ils laissent aux écoles de même qu'aux commissions scolaires la latitude, la marge de manoeuvre dont elles ont besoin pour assumer totalement leurs responsabilités. Vous ne voudriez pas, malgré tout, que le ministère vienne par la porte d'en arrière, à l'aide de règlements tatillons, enlever indirectement ce qu'il leur accorde dans le projet de loi, mais je pense m'être exprimé assez souvent à ce sujet pour vous assurer qu'il n'en sera pas ainsi.

Vous êtes également d'accord avec le projet de loi 40 lorsqu'il annonce son intention d'instituer une commission pédagogique nationale. Le projet de loi n'est guère davantage explicite à cet égard, mais je salue avec plaisir les suggestions que vous nous faites. Vous dites que cet organisme devrait être un organisme-conseil. J'en suis. Il devrait conseiller le ministre en toute matière qui a trait à la pédagogie. Vous estimez que cet organisme devrait pouvoir évaluer tout matériel pédagogique destiné aux écoles, J'en suis également. Vous estimez que cet organisme devrait faire des expériences et pousser même les expérimentations jusque dans les écoles, qu'il devrait étudier les besoins de perfectionnement des enseignants et soutenir également l'avis des associations professionnelles. Je pense que ce sont là d'excellentes suggestions qu'il nous conviendra d'approfondir.

Vous allez aussi jusqu'à la mise en oeuvre et, tout en approuvant les mécanismes qui sont prévus au projet de loi, vous voudriez que la commission nationale de mise en oeuvre comporte aussi une représentation formelle d'enseignants, au même titre qu'elle prévoit la participation d'autres partenaires importants du milieu de l'éducation. Je pense que c'est là une excellente suggestion et nous y apporterons la plus grande considération.

Je pense donc qu'après la lecture du mémoire de votre association qui, encore une fois, regroupe plus de 10 000 spécialistes de l'enseignement, il n'est plus vrai de dire, comme on tentait de le faire cet après-midi, qu'il existe chez les enseignants une opposition ferme, catégorique et fondamentale aux principales orientations ou formulations de ce projet de loi. Vous acceptez les orientations de base du projet, tout en nous faisant des suggestions appropriées.

Je voudrais donc vous poser une double question à cet égard. Est-ce à dire que, si une offre était faite aux enseignants de participer au conseil d'école sur une base paritaire, comme vous le suggérez, les enseignants pourraient accepter selon vous de siéger à un conseil d'école qui aurait les fonctions qui sont énumérées au projet de loi que vous approuvez et qui assurent au conseil d'école la maîtrise de son projet éducatif?

Deuxièmement, c'est une question qui découle un peu de la première, est-ce à dire que vous estimez que l'école, centre du système, pierre d'angle du système, et que l'équipe-école, c'est-à-dire les intervenants

de l'école groupés au sein du conseil d'école, sont capables de prendre en main les responsabilités que le projet de loi leur confie à ce chapitre?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: Je vais laisser à Mme Charlebois le soin de répondre.

Le Président (M. Blouin): Mme

Charlebois.

Mme Charlebois (Gisèle): Pour ce qui est de l'offre de participer au conseil d'école, d'abord nous, en tant que Conseil pédagogique interdisciplinaire, nous voyons la nécessité d'y participer sur une base paritaire. Je crois qu'étant donné l'importance des enjeux et du niveau de pouvoir de décision qui est, quand même, accordé à cette partie d'organisme scolaire, les enseignants ne verront pas la possibilité de passer à côté, parce que ne pas embarquer dans le conseil d'école, c'est rater le bateau. Personnellement, je suis dans une école, j'y travaille comme enseignante. Avec la mise sur pied d'un conseil d'école qui a, quand même, un certain niveau de pouvoir de décision, il faut que les enseignants y participent. Au niveau du conseil d'orientation qui avait été suggéré il y a quelques années, il y a eu effectivement un boycottage mais, à ce moment-là, la loi prévoyait que les enseignants devaient y être obligatoirement, sinon le conseil d'orientation n'existait pas.

Or, vous avez, M. le ministre, pris la précaution de ne pas inclure la même restriction, ce qui fait que, si les enseignants refusent d'y participer, ils auront tout simplement raté le bateau. Devant une situation semblable, c'est un avis peut-être personnel, mais c'est l'avis d'un grand nombre d'enseignants, dont tous ceux qui étaient aussi en assemblée de présidents, au moment du vote et de l'acceptation du mémoire, c'était l'avis de tout le monde, une volonté des enseignants de s'engager et de s'impliquer dans la question scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci. M.

Robitaille, le deuxième volet: les intervenants à l'école ont-ils la capacité de répondre à ces exigences?

M. Robitaille: M. le Président, dans le cas où tous les partenaires manifesteront de la bonne volonté, apprendront à se parler et à se faire confiance - c'est un mécanisme d'apprentissage qui prend un certain temps -j'ai grande confiance qu'à un moment donné chacun sera capable de prendre ses responsabilités. Il ne faut, quand même, pas oublier qu'un conseil d'école, de toute façon, est un pouvoir décisionnel, mais que celui qui a le vrai pouvoir de décision, finalement, c'est l'élève. Lorsque l'élève n'est pas d'accord avec un style d'école, il manifeste, mais il manifeste à sa façon. Il décroche, il s'absente, il fait du vandalisme; c'est sa façon à lui de dire que cela va mal. Peut-être qu'à un moment donné, si tous les partenaires décident de se mettre ensemble à la tâche, il y aura une amélioration de ce côté-là.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.

M. Laurin: Est-ce à dire, M. Robitaille, que vous trouvez que c'est à bon droit qu'on doit laisser à l'école un niveau de responsabilité important sur le plan de l'environnement éducatif, du projet éducatif, et qu'on peut dire, en somme, que l'école constitue un véritable palier de responsabilité au sein du système éducatif?

M. Laurin: M. Robitaille.

M. Robitaille: Je vais d'abord répondre et, ensuite, pour le reste, je vais céder la parole à Mme Charlebois. Je crois que l'école est en mesure de le déterminer. Je pense que, s'il y avait un conseil d'école paritaire et que les gens acceptaient de se parler - c'est une hypothèse, on me dira que c'est idéaliste - il y aurait sûrement amélioration. L'école serait peut-être à même de déterminer des ressources qu'elle est capable d'obtenir et celles qu'elle ne serait pas capable d'obtenir et qu'elle pourrait alors facilement demander à la commission scolaire. Si une école est capable de percevoir clairement quelles sont ses responsabilités, par exemple vis-à-vis de l'implantation ou de l'application des programmes, elle s'apercevra assez vite qu'elle ne peut pas former une espèce de petit milieu fermé, autarcique de développement pédagogique. Elle aura assez rapidement besoin de l'aide d'une commission scolaire. Je n'ai aucune de ces craintes que beaucoup de commissions scolaires entretiennent, qu'on écarte tout leur personnel, que les conseillers pédagogiques soient tout simplement mis en disponibilité ou soient récupérés à l'intérieur des écoles.

Prenons même ce scénario. Supposons que les conseillers pédagogiques soient envoyés à l'intérieur des écoles et qu'on leur disent: Désormais, vous êtes au service de l'école, vous êtes des espèces d'agents multidisciplinaires. Je sais bien, comme conseiller pédagogique, que la première réaction que j'aurais si on me demandait des choses au niveau du français, qui n'est pas ma matière, je saurais que mon ancien collègue de la commission scolaire est dans telle école et je lui donnerais un coup de téléphone pour lui demander: Que penses-tu

de cela? Et s'il avait quelque chose en sciences humaines, il me donnerait un coup de téléphone et me demanderait mon avis ou même ma collaboration. Même, parfois, on pourrait faire des séances d'animation conjointe d'une école à l'autre. Je n'ai aucune crainte, il y aurait un modèle qui se reconstituerait, veux, veux pas. Pour le reste, je laisse maintenant à Mme Charlebois le soin de répondre.

Mme Charlebois: Vous avez demandé si l'école était capable de prendre en main les responsabilités qui lui étaient confiées par le projet de loi 40. Cela dépend, justement, du niveau de pouvoirs que lui confie le projet de loi. Il ne s'agit pas de l'administration globale de l'école, mais de la politique et de l'image que l'école veut se donner. À ce moment-là, les points sur lesquels le conseil d'école a à se prononcer sont les points sur lesquels les personnes les plus aptes à apporter vraiment leur point de vue sont celles qui oeuvrent immédiatement dans le domaine de l'éducation et ce sont, évidemment, les enseignants; ce sont les parents aussi qui ont une grande responsabilité dans l'éducation de leurs enfants et les jeunes eux-mêmes. Au niveau secondaire, que les jeunes participent, finalement, à la prise de décisions pour des choses qui les concernent directement est une bonne chose. C'est vraiment à cause du niveau de pouvoirs que lui accorde la loi que je crois que les gens seront capables de prendre en main leurs responsabilités.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Charlebois. Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt le mémoire que nous a lu M. Robtaille au nom du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec. Avant de formuler quelques remarques, j'aurais peut-être une couple de questions à vous adresser, M. Robitaille, pour mon information et celle de nos concitoyens qui nous écoutent. Le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec est une superstructure. Cela regroupe des associations qui, elles-mêmes, regroupent des professeurs dans des disciplines spécialisées, si je comprends bien. Qu'avez-vous comme équipement de secrétariat, vous autres?

Mme Charlebois: Je peux répondre à cela...

M. Ryan: Oui.

Mme Charlebois: ...étant donné que je suis la secrétaire administrative. Nous avons une employée à temps plein, qui est une secrétaire engagée, mais il reste que, pour tout le fonctionnement, il y a le conseil d'administration qui prépare les assemblées des présidents. Les assemblées de présidents prennent les positions politiques et, après, le conseil d'administration voit à appliquer les politiques qui ont été votées en assemblée de présidents.

M. Ryan: Ces positions... Oh! Excusez-moi.

Mme Charlebois: En fait, les positions sont généralement prises à la suite de la mise sur pied de comités déterminés par l'assemblée des présidents, qui ont des mandats très précis pour étudier certains points de vue comme, justement, le projet de loi 40.

M. Ryan: Au cours des douze derniers mois, avez-vous pris d'autres positions publiquement?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Ryan: On a eu un gros conflit dans l'enseignement le printemps dernier. Il me semble qu'on n'a pas entendu parler de vous autres du tout?

M. Pallascio (Richard): Nous avons pris position sur la loi 105. Nous avons eu une correspondance avec le ministère de l'Éducation, par l'intermédiaire de M. André Rousseau, qui est le sous-ministre responsable du secondaire et du primaire; nous nous inquiétions d'un certain nombre de conséquences de nature pédagogique à partir de certaines dispositions du décret. Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas un syndicat. Nous ne sommes pas là pour traiter de relations de travail. Quand nous disons que nous appuyons certaines dispositions du projet de loi 40, il faut toujours le prendre avec la lunette pédagogique. Comme syndiqués, nous avons peut-être d'autres réserves au niveau des relations de travail, mais notre intervention ici ne porte que sur les aspects pédagogiques du projet de loi. Je pense qu'il faut bien saisir cela et c'est là-dessus que nous intervenons. (21 heures)

Comme autre intervention récente, nous avons pris position sur le projet d'installation d'un réseau de micro-ordinateurs dans le système d'éducation et, l'an dernier, sur la formation professionnelle des jeunes. Nous avons participé aux rencontres nationales organisées par le ministère sur ce sujet, mais toujours d'un point de vue pédagogique.

M. Ryan: Ces positions sur la loi 105 et sur le projet de réseau de microordinateurs, ce sont des positions que vous avez prises de manière plutôt privée. Cela n'a pas été communiqué au grand public, à ma connaissance.

M. Pallascio: Cela a été communiqué aux médias d'information. C'est publié surtout dans les revues spécialisées. Ce ne sont pas des déclarations toujours...

M. Ryan: Parce que nous autres, nous n'en avons pas eu.

M. Pallascio: ...aussi tape-à-l'oeil que celles qui concernent les relations de travail où tout le monde se sent un peu concerné dans sa peau, mais c'est publié.

M. Ryan: Sur une question comme le réseau des micro-ordinateurs, cela nous intéresserait au plus haut point, mais je n'ai jamais entendu parler d'une prise de position encore. Je vous dis cela franchement. Pourtant, j'ai suivi le dossier d'assez près.

Je vais vous poser une dernière question qui est indiscrète; j'espère que la réponse va dissiper toutes les apparences ou les tentations de préjugés que je pourrais avoir. Je vois que l'adresse de votre organisme est 600 rue Fullum, à Montréal. Cela me semble être bien proche du ministère de l'Éducation. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est au même endroit?

M. Pallascio: Nous sommes dans un local qui nous est prêté par le ministère de l'Éducation, mais nous ne sommes pas des gouvernementaux de service. Cela, je peux vous l'assurer. Nous bénéficions d'un local qui nous est prêté. C'est effectivement vrai, c'est dans l'édifice du ministère de l'Éducation, mais nous sommes indépendants du ministère.

M. Ryan: Merci. J'ai pris connaissance avec intérêt du mémoire que vous nous avez communiqué. J'ai quelques questions à vous poser là-dessus. En ce qui regarde - je vous ferai une couple d'observations générales bien simplement - le partage des pouvoirs et des responsabilités entre l'école et la commission scolaire, je suis quelque peu étonné de voir que vous avez la satisfaction un peu facile. Vous semblez trouver que le partage qui est proposé là est convenable dans l'ensemble. Vous demandez qu'on précise les responsabilités respectives de l'école et de la commission scolaire sur un point particulier, soit en ce qui regarde l'évaluation, l'innovation pédagogique. Je suis content de cette précision qui m'apparaît capitale, entre parenthèses. Mais que la composition de la commission scolaire soit intéressante, vous êtes un des seuls organismes qui nous aient dit cela. Je suis content de l'entendre. Jusqu'à maintenant, ce que nous entendons dire, c'est que c'est un système plutôt bâtard, qui créerait bien plus de difficulté que de clarté en tout cas. Je respecte le droit que vous avez d'avoir votre opinion et de l'exprimer là-dessus. On va l'examiner, excepté qu'il n'y a pas assez d'explications pour qu'on fasse un examen très approfondi sur ces points. Pour être franc avec vous et moi-même, je ne serais pas enclin à passer six mois à étudier cette suggestion particulière dont je me demande encore d'où elle a pu venir, parce qu'elle m'apparaît tellement insolite par rapport à toutes nos normes connues de représentation démocratique. Je préférerais chercher dans d'autres voies, pour être, encore une fois, bien franc avec vous.

Il y a une chose qui m'a intrigué dans votre mémoire. Lorsque vous parlez de la confessionnalité, de toutes les dispositions du projet de loi qui traitent de ce sujet, vous demandez qu'on en supprime un certain nombre; que vous demandez, finalement, la présence de la religion à l'école se réduise à cette possibilité d'avoir un cours de religion ou de morale. Évidemment, des services d'animation pastorale sur demande. C'est une conception qui se défend. Vous savez comme moi qu'il y a d'autres conceptions qui ont cours sur ces sujets. Vous savez comme moi qu'il y a un grand nombre de nos concitoyens qui ont une conception différente de l'éducation elle-même, du processus éducatif lui-même. Ils ne voient pas la religion seulement comme une des 39 marques dans la famille des produits Heinz de l'éducation. Ils la voient comme une force unificatrice plus importante.

J'avais une rencontre, ces jours derniers, avec un groupe de responsables d'organismes catholiques de langue anglaise, par exemple. Eux autres, ils tiennent beaucoup - ils vont nous le dire au cours des prochaines semaines ici - à ce que la présence de la religion à l'école, ce soit plus que cette possibilité que vous évoquez dans votre mémoire. Autant je trouve qu'on a le devoir de respecter ceux qui ont une autre conception, autant je trouve qu'on doit respecter ceux qui représentent la conception dont je viens de parler. Je me demande comment concilier cela avec la position qui est énoncée dans votre mémoire. S'il fallait l'accepter à la lettre, cela nous conduirait assez loin.

Le Président (M. Blouin): M. Pallascio.

M. Pallascio: Merci, M. le Président. Je peux peut-être répondre à cela. Je dois, d'abord, dire que notre position en est une professionnelle. Individuellement, les gens étaient plutôt portés, pour des raisons pédagogiques que nous n'avons point invoquées ici, vers l'école laïque. Je m'explique: il y a des études exploratoires qui sont assez inquiétantes au point de vue pédagogique et qui ne mettent en cause l'enseignement de type dogmatique qu'on retrouve dans l'enseignement catéchétique et qui peuvent - ce ne sont pas des recherches

concluantes actuellement - éventuellement retarder le développement cognitif des enfants. D'un point de vue pédagogique, nous trouvons cela inquiétant et nous avons fait la recommandation à l'époque au ministère de l'Éducation de favoriser la continuité de ces recherches. Mais, professionnellement, en tant que professionnels de l'enseignement, nous voyons quand même, comme vous le dites, un certain nombre de gens qui tiennent à ce que l'enseignement religieux continue à l'école et c'est pour cela que nous avons opté professionnellement pour un régime d'options qui semble être présent dans le projet de loi et faire un relatif consensus. À côté de cela - je veux seulement terminer -nous avons, je pense, été assez explicites pour dire que l'école doit permettre individuellement à tous d'exprimer leurs valeurs, de les vivre, mais non pas de les codifier dans le projet éducatif qui pourrait avoir comme conséquence de relativement les imposer aux autres. C'est tout.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Vous parlez, à un moment donné, de la création d'une instance pédagogique nationale, à propos de l'article 307 du projet de loi. Je dois vous dire que je vous trouve un peu ambitieux, avec l'équipement que vous avez, de demander de devenir cet organisme. Je trouve que cela affaiblit même l'ensemble de votre mémoire. Pour être bien franc avec vous, vous êtes une fédération d'associations regroupant des spécialistes de telle ou telle discipline, et fédération, c'est déjà un lien très lâche. Moi, je ne vois pas du tout au nom de quels critères le gouvernement serait bien avisé de confier à un organisme comme le vôtre la tâche d'être cet organisme pédagogique dont je souhaite vivement, pour ma part, la création. Je pense qu'on a besoin au Québec d'un organisme autonome qui va se consacrer surtout à la recherche, à la promotion de l'innovation dans le domaine éducatif, à de l'expérimentation en matière pédagogique. Je pense que c'est extrêmement important que nous ayons cela et nous ne l'avons pas actuellement, à ma connaissance. Mais il me semble que cela prendrait un organisme d'un tout autre genre qu'un organisme représentatif comme le vôtre. Je ne vois pas d'où a pu vous venir cette idée. J'aimerais avoir des explications là-dessus. Pour être franc, cela me semble être plutôt farfelu.

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: M. le Président, si cela prend une autre structure, cela prendra une autre structure. Cela ne nous dérange pas. Ce qu'on veut, c'est qu'il y en ait un organisme. Ce qu'on veut, c'est que les en- seignants aient leur place à l'intérieur de cet organisme. On dit qu'on pense représenter les enseignants. Si on nous fait la preuve qu'on n'est peut-être pas représentatifs des enseignants, si on nous fait la preuve que cela prend autre chose, bravo! Mais nous, on prétend qu'actuellement on représente, quand même, des enseignants. La plupart de ces enseignants ont, quand même, oeuvré en tant que pédagogues soit dans l'élaboration de programmes, soit dans l'élaboration de guides pédagogiques, soit dans la préparation d'examens. Ils sont membres d'associations professionnelles et je me dis que, si ces gens-là sont capables de faire des exercices comme ceux-là, ils sont capables également de poursuivre, finalement, une tâche qu'ils ont été capables d'entreprendre, et souvent, même à l'intérieur de leur charge de travail. Maintenant, il faut leur donner la chance de pouvoir chercher, expérimenter, innover dans des conditions normales. Le problème qui se pose à l'heure actuelle, c'est que, pour la plupart, nous sommes des bénévoles. On travaille le jour et on essaie de penser pédagogie le soir ou les fins de semaine. Il serait temps qu'il y ait quelque chose qui fasse que les enseignants, du moins certains d'entre eux soient capables de s'y consacrer à temps plein. Nous croyons qu'à l'heure actuelle les associations sont fort bien pourvues en ressources humaines pour être capables de bâtir ces instruments pédagogiques. Le CPIQ a joué un rôle moteur, de ce côté-là. D'ailleurs, il n'y a pas encore eu de lutte de pouvoir entre le CPIQ et les associations membres. Jusqu'ici, il y a eu convergence d'intérêts. Quand on parle de pédagogie dans l'enseignement et qu'on n'est pas au niveau des luttes politiques, on est capable d'avoir des buts communs.

M. Ryan: Je voudrais vous poser une couple de questions sur l'école. Comment voyez-vous l'école par rapport à la commission scolaire? Est-ce une entité qui va être à peu près complètement autonome vis-à-vis de la commission scolaire ou si vous la voyez rattachée à la commission scolaire par un lien d'autorité quelconque? Dans le système que nous envisageons, le directeur d'école relèverait-il du conseil d'école dont vous parlez ou de la commission scolaire?

M. Robitaille: Dans notre esprit, l'école est rattachée à la commission scolaire. Je pense qu'on a passé l'ère de l'école communautaire irresponsable où c'était la corporation-école. Je pense qu'on a dépassé cela avec le projet de loi no 40. Donc, elle est rattachée à la commission scolaire.

M. Ryan: Nous n'en sommes pas sûrs, remarquez bien. Les mots ont changé, mais le contenu ne semble pas avoir évolué

tellement. Mais chacun a droit à son opinion.

M. Robitaille: Oui. Quant au directeur d'école, je pense, si j'ai bien lu le projet de loi, que c'est la commission scolaire qui demeure son employeur. Que le conseil d'école ait participé au comité de sélection ou que le comité d'école soit capable de dire, à un moment donné, qu'il n'est pas satisfait de ses services, personnellement, cela me paraît tout à fait normal.

M. Ryan: Mais de qui va-t-il...

M. Robitaille: Même si le principal était renvoyé par son conseil d'école, il continue de travailler au sein de la commission scolaire, que je sache. Il ne perd pas sa "job". Il ne se ramasse pas dans la rue ou sur le chômage.

M. Ryan: Alors, vous donneriez au conseil d'école le pouvoir de renvoyer le principal, si je comprends bien?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: Dans le cadre où il y a consensus des partenaires et où il y a représentation égalitaire, théoriquement, ma réponse est oui.

M. Ryan: Je vais vous donner, moi aussi, un exemple théorique, M. Robitaille. Vous avez un comité paritaire composé de sept personnes, d'après ce que je comprends: trois parents, trois enseignants et le directeur. Dans votre conception, est-ce que tout ce monde vote?

M. Robitaille: Je n'ai pas compris votre question.

M. Ryan: Vous avez un comité paritaire qui dirige l'école. Le conseil d'école comprend sept personnes, d'après la page 3 de votre texte. "Au primaire, le conseil devrait être composé de trois parents, trois membres du personnel dont au moins deux enseignants, en plus du directeur et du commissaire." Le commissaire est là. Est-il un membre votant ou s'il est membre ex officio? Est-ce qu'il vote?

M. Robitaille: Oui.

M. Ryan: II vote. Le directeur, lui, vote-t-il?

M. Robitaille: Non.

M. Ryan: II ne vote pas. Supposez maintenant qu'il arrive une situation où trois parents et trois membres du personnel ont des opinions différentes, soit trois d'un côté et trois de l'autre, comme c'est fort susceptible d'arriver, qu'est-ce qui se produira? Qui va décider? Ce serait le commissaire, d'après la logique de votre système. On va dire qu'on va y penser de nouveau. Merci.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. Pallascio: Je voulais répondre.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Pallascio.

M. Pallascio: Je pourrais ajouter un élément de réponse.

Le Président (M. Blouin): Pour compléter, oui. (21 h 15)

M. Pallascio: Ce qu'il faut comprendre dans notre position, c'est la conception globale qu'on se fait et de la commission scolaire et de l'école. Le modèle d'école que l'on privilégie est un modèle d'école coopérative où tous les agents de l'éducation oeuvrent à un projet éducatif donné et prennent les moyens pour essayer de le réaliser. La commission scolaire est vue, de notre point de vue, beaucoup plus comme une entreprise pédagogique que comme gouvernement local, comme certains se plaisent à nommer ce palier de décision. "Palier de décision", je n'aime pas beaucoup cela comme terme. Pour nous, c'est beaucoup plus une entreprise pédagoqique qui a à coordonner des services, à s'assurer que tout le monde a les bons services, qu'il n'y a pas de parents pauvres dans la commission scolaire, et à coordonner ce qui se passe dans son territoire.

Je sais bien que, pour beaucoup d'administrateurs scolaires, le mot "consensus" ne fait pas partie de leur vocabulaire, mais, pour nous, il est important que les actions qui se passent au niveau d'une école ne se fassent pas sur le dos d'un partenaire. C'est pour cela qu'on devrait peut-être prévoir des mécanismes dans la loi, éventuellement, si ce conseil d'école reste dans la loi, pour que, justement, si l'un des partenaires - que ce soient les parents, les enseignants ou peut-être même le directeur d'école - n'est pas d'accord avec une position, eh bien, les discussions se suivent, qu'il n'y ait pas d'action précipitée, autrement dit que, jusqu'à un certain point, on doive faire consensus pour faire aller de l'avant un projet éducatif dans une nouveauté pédagoqique, une nouvelle méthode pédagogique, par exemple, ou le choix de manuels, ainsi de suite. Pour nous, c'est peut-être la conception qu'on a de l'école et de la commission scolaire qui encadre ces écoles, qui les coordonne, qui les surpervise. C'est là qu'on doit retrouver un peu la logique de notre proposition et moins en

termes d'employeurs et d'employés, de qui a le dernier mot en fin de compte et ainsi de suite.

M. Ryan: J'aurais juste une petite remarque en terminant. J'apprécie le souci que vous avez de faire en sorte qu'aucun des partenaires essentiels ne soit écrasé par les autres au niveau du fonctionnement de l'école. Je pense que c'est un souci qui est très valable et dont le législateur devra tenir compte. Ce qui m'inquiète là-dedans, c'est le fonctionnement de toute cette mécanique. Le projet de loi attribue un très grand nombre de responsabilités à l'école. Quand on lit les articles qui vont de 99 jusqu'à 120, on trouve un très grand nombre de fonctions qui sont attribuées à l'école. Je suis porté à me dire que, s'il faut que tout cela passe par un comité comme celui dont vous parlez, les gens vont passer leur temps en réunions et, pendant ce temps-là, le travail ne se fera pas. C'est pour cela que je suis enclin à désirer fortement qu'il y ait un directeur qui ait des responsabilités véritables, qu'il les exerce en tenant compte des opinions des uns et des autres. Que certaines des ces responsabilités doivent être soumises au processus codécisionnel, c'est une chose qu'on doit envisager aussi. J'ai l'impression qu'il y a tout un décorticage à faire, un partage de fonctions et de responsabilités de manière que tout cela puisse marcher dans des conditions de diligence et d'efficacité optimales. C'est de ce point de vue qu'il y a des interrogations qui surgissent dans mon esprit. Je pense que l'idée d'association sur une base d'égalité dont vous parlez est une très bonne idée; peut-être que la formule demande à être examinée de beaucoup plus près, à être rodée davantage, surtout à recevoir un contenu fonctionnel pour savoir ce qui relèverait de ceci et de cela. Cela pourrait aider beaucoup. Pour l'instant, nous en sommes encore à des approximations. Il va falloir que, comme membres de la commission, nous essayions de dépasser cela. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci beaucoup, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je voudrais dire, tout d'abord, que, si on regarde la formation de votre organisme, qui regroupe 23 associations professionnelles et qui réussit à amener plus de 10 000 membres, donc du personnel enseignant, à travailler bénévolement, à s'occuper de pédagogie, si, en plus, j'écoute les remarques que vous faites et si je lis votre mémoire où on retrouve constamment la préoccupation pédagogique, effectivement, on ne pourra pas vous faire l'objection qu'on a entendue, à plusieurs reprises, dans d'autres mémoires, où on dit: On n'a pas le souci de la pédagogie. C'est tout à fait le contraire dans la présentation du mémoire de votre organisme, c'est un souci constant, seulement de pédagogie, d'après ce que j'en déduis, en tout cas.

Face à cela, vous dites que votre association appuie l'objectif qui donne à l'école la maîtrise de son projet éducatif et les pouvoirs nécessaires pour le mettre en place. Cela est fondamental dans le projet de loi. C'est aussi la discussion qui revient à chaque présentation de mémoire. Donc, votre préoccupation est pédagogique et je pense que les intervenants avant moi ne l'ont pas mis en doute. C'est clair et net. C'est officiel. Vous dites que, comme professionnel enseignant, oui, c'est à l'école que se vit effectivement la pédagogie et c'est à elle qu'on doit donner les pouvoirs de la mettre en application.

Ma question est un peu à deux volets, mais elle se rattache à une seule chose: Y a-t-il une autre place qu'à l'école où on peut avoir cette fameuse concertation dont on parle continuellement? À la présentation de chacun des mémoires, on n'y échappe pas, les gens disent, et avec raison, à mon avis, qu'il faut qu'il y ait une concertation de tous les agents du monde de l'éducation: les enseignants, les autres personnels, les parents et, évidemment, les enfants. Il doit y avoir une concertation, une collaboration continuelle de tout le personnel qui est au service des enfants. Est-ce que cela peut se faire ailleurs qu'à l'école? Je ne veux pas y répondre, cela peut être oui ou non. Vous dites qu'on doit donner les pouvoirs à l'école pour qu'elle ait la maîtrise de son projet éducatif. On a dit tantôt qu'il y a des choses qui n'ont pas marché dans le système, parce qu'il n'y avait pas de pouvoirs à l'école. Pensez-vous que cette concertation est possible ailleurs qu'à l'école? Si elle n'est pas possible ailleurs qu'à l'école, si on ne reconnaît pas les pouvoirs à l'école, ne risque-t-on pas, encore une fois, de parler pour rien, parce qu'on ne donnera pas, là où la concertation peut se faire, les pouvoirs pour attirer les gens?

Vous avez parlé tantôt des enseignants qui ne pourront pas manquer le bateau parce qu'ils vont avoir les pouvoirs et que ce sera intéressant de participer. Ce sera plus qu'intéressant, ce sera indispensable parce que ce sera la vie pédagogique qu'on vadécider à l'école en fonction du projet de loi 40. Donc, en très courts termes, est-ce que la concertation est vraiment à l'école ou si elle peut se faire ailleurs? Si elle ne peut se faire ailleurs et qu'on ne donne pas les pouvoirs reconnus dans le projet de loi 40 au comité d'école, est-ce qu'on ne parle pas pour ne rien dire?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: M. le Président, si on parle vraiment de concertation au sujet de la vie pédagogique même, au niveau vraiment des problèmes pédagogiques que vit un milieu donné, je pense que c'est au niveau de l'école que cela doit se vivre. On posait tout à l'heure la question: S'il y a des problèmes, qui prend la décision? Il faut quand même distinguer deux volets ou deux paliers de décision. Je pense que le principal a les pouvoirs nécessaires, à l'article 86, pour exercer la gestion quotidienne de l'école, mais, quand on arrive vraiment au palier où on s'attaque à l'orientation, il faut prendre le temps d'arriver à un consensus. Il ne faut pas qu'il y en ait un, à un moment donné, qui abatte la massue et qui dise: Maintenant, je tranche, c'est fini. Je vais vous donner un exemple concret. Supposons que les gens ne s'entendent vraiment pas sur la question des manuels scolaires, je peux vous dire que personnellement je préfère que les gens n'aient pas de manuels scolaires, plutôt que si cela se faisait sur le dos des enseignants, les enseignants prennent les manuels et les laissent de côté. Cela serait un beau gaspillage.

Alors, à votre question, je répondrai que la ligne de feu est à l'école. La commission scolaire doit être là au niveau du soutien et de la coordination, quand il s'agit de coordonner des services que l'école ne peut pas se payer. L'école ne pourra pas se payer des conseillers pédagogiques, des docimologues, des techniciens ou des personnes de tout acabit en nombre suffisant. C'est là que la commission scolaire va pouvoir l'aider et être une ressource pour elle. Mais si on pose la question, à savoir où se situent les enjeux, c'est à l'école.

Mme Charlebois: Pour répondre à votre question, je dirai qu'il est souhaitable qu'il y ait concertation au niveau de la commission scolaire, c'est évident. Par contre, il est essentiel qu'il y ait concertation au niveau de l'école. On a dit tout à l'heure que la personne qui, en fin de compte, avait le dernier mot, c'était l'enfant. C'est le jeune qui peut accepter ou refuser l'éducation qu'on lui apporte. Il y a aussi un deuxième intervenant qui est important et c'est l'enseignant. Si l'enseignant se sent impliqué dans les politiques prises dans son école, s'il embarque, il va embarquer les jeunes aussi. Demain matin, je serai en classe. J'y étais hier encore. On prépare des activités pour nos élèves. Le conseil des enseignants est consulté et, finalement, rien n'est décidé sans que les enseignants soient impliqués. Lorsque des décisions ont été prises concernant des activités d'école et d'élèves sans que les enseignants soient directement consultés ou impliqués immédiatement, cela n'a jamais très bien fonctionné. Cela fonctionne quand les gens sentent que ce qui est fait les regarde, qu'on leur a demandé ce qu'ils en pensent d'après leur expérience personnelle avec les jeunes. C'est l'enseignant en classe qui sait si une méthode pédagogique fonctionne. C'est évident que, si les élèves dorment au nez du professeur, il y a des questions à se poser. Si les élèves détestent un livre et le mettent de côté, il y a, là aussi, des questions à se poser.

Les personnes vraiment impliquées dans l'éducation sont les enfants, les enseignants et aussi les parents. Les parents savent, quand leurs enfants reviennent à la maison, ce qui se passe et ce qu'ils aiment ou n'aiment pas. La direction de l'école a des pouvoirs de gestion; aussi, le directeur peut certainement influencer la prise de position politique, les orientations. Même si le directeur n'a pas droit de vote au conseil d'école, il est évident que son avis va être pris en considération.

Il est nécessaire qu'il y ait concertation entre tous les agents de l'éducation si on veut que l'acte pédagogique atteigne son but et parvienne à une formation globale et totale du jeune et qu'il se sente lui-même impliqué dans son éducation.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Charlebois. Merci, M. le député de Shefford. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Enfin, moi aussi, je suis vraiment heureux de voir que vous avez le souci de l'excellence de l'acte pédagogique. Je vous en félicite. Je suis, cependant, un peu surpris de voir que M. le ministre n'a point mentionné ni ne vous a félicité sur la question de la confessionnalité dans les écoles. Il n'a pas effleuré le sujet et j'aurais bien aimé avoir son opinion.

Votre attitude est radicale. Vous êtes le premier organisme à vraiment contester ouvertement le droit des parents ou d'une majorité à un enseignement religieux à l'école. Je respecte vraiment aussi votre opinion là-dessus. À la page 14 de votre mémoire, en haut, vous dites ceci: "L'article 220 garantit le poste de conseiller en éducation chrétienne dans chaque commission scolaire et rien pour les autres - vous ajoutez et cela me semble un petit peu farfelu - ce qui contribue ainsi à enrichir les plus riches." Je me demande vraiment si ce sont les plus riches qui vont avoir simplement l'éducation chrétienne ou si les pauvres n'y participeront pas du tout.

M. Robitaille: M. le Président, j'aurais bien aimé que le député continue de lire. Je vais me permettre de le faire. "En effet, une enquête réalisée par le Conseil supérieur de l'éducation indique qu'au primaire le degré de suffisance du matériel didactique relatif aux diverses matières est le plus élevé pour l'enseignement religieux (+21),

alors qu'il est parmi les plus faibles en formation morale (-5)." C'est dans ce sens-là.

M. Hains: Je ne comprends pas encore, M. le Président. Admettons, comme vous le dites, que l'enseignement religieux est mieux organisé, enfin, qu'il a plus de matériel pédagogique, est-ce que, à ce moment, les pauvres comme les riches n'en profitent pas autant? C'est votre assertion que je trouve vraiment farfelue lorsque vous dites que cela va contribuer à enrichir les plus riches.

M. Robitaille: Ce ne sont pas les personnes qu'on vise ici. On dit qu'actuellement les catholiques sont fort bien servis en matériel didactique pour l'enseignement religieux. Quand il s'agit de formation morale, pour l'enseignement moral, le matériel pédagogique qu'ils ont entre les mains est un matériel pédagogique vraiment autre, tant en quantité qu'en qualité. (21 h 30)

M. Hains: Est-ce qu'au point de vue de la religion catholique, vous ne convenez pas avec moi que les riches vont en profiter comme les pauvres? C'est votre attestion que je trouve un peu farfelue: "ce qui contribue à enrichir les plus riches."

M. Robitaille: Je vais laisser la parole à M. Pallascio là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. Pallascio.

M. Pallascio: C'est peut-être notre phrase qui est ambiguë, c'est peut-être la façon dont elle est formulée. Il y a une inversion dedans. Par riches, on ne veut pas dire au point de vue de la richesse pécuniaire ou sociale; les riches là-dedans sont les catholiques actuellement au point de vue du matériel didactique. Si on ne garantit qu'aux catholiques du personnel comme des conseillers en éducation chrétienne, ce sont ces gens-là qui développent le matériel didactique. Alors, ils vont donc contribuer à accroître la banque de matériel didactique pour l'enseignement catholique alors que, là on retrouve un peu de pauvreté en matériel didactique, on ne garantit pas de personnel dans les commissions scolaires. C'est ce qu'on voulait dire. C'est peut-être mal dit, mais c'est ce qu'on voulait dire.

M. Hains: Comme vous l'avez dit, c'est l'expression, peut-être. Je comprends 'votre opinion; vous voulez plutôt dire que la religion catholique recevra encore un peu plus de matériel alors que les autres en recevront moins. C'est cela que vous voulez dire. Je vous comprends très bien, mais c'est vraiment mal formulé, à mon sens.

À la page 14, en bas, vous dites ceci: "En résumé, il n'y a qu'une façon d'abolir ces privilèges discriminatoires, c'est de déconfessionnaliser le projet éducatif lui-même." Vous posez la majeure, radicale. "Cela ne veut pas dire qu'il soit exclu de prendre en considération les valeurs morales et religieuses individuelles dans l'établissement de ce projet." Pourquoi? On dirait que vous avez un petit reproche. "Le phénomène religieux existe dans notre société et ne doit pas être ignoré par l'école." Selon moi - à moins que je ne comprenne mal votre texte une fois de plus - vous êtes vraiment dans une contradiction flagrante. Vous posez un dilemme; vous dites qu'il n'en faut pas, mais, cependant, il faudrait en faire et, pour régler le problème, du revers de la main, vous niez le droit aux catholiques de recevoir l'enseignement religieux.

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille, pour éclaircir ce point, je crois.

M. Hains: Est-ce que j'ai raison, M. Ryan?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille, allez-y'.

M. Robitaille: II y a deux aspects. Sur la question de l'enseignement religieux et moral, je pense qu'on a dit ce qu'on avait à dire. Il va y en avoir de l'enseignement religieux et moral, on l'admet. On dit qu'il peut y avoir des valeurs chrétiennes ou autres qui peuvent être intégrées à l'intérieur d'un projet éducatif, si une communauté le désire. Ce qu'on ne veut pas, c'est que, maintenant, le projet éducatif lui-même s'identifie comme étant catholique, comme étant protestant ou comme étant de toute confessionnalité.

Qu'on intègre des aspects catholiques ou des aspects protestants, je pense que la question de fraternité, de toute façon, et certaines valeurs concernant ces aspects-là, sont acceptées par la majorité des confessions religieuses. On ne veut pas qu'une école dise qu'elle est catholique et que son projet éducatif doit être catholique, nonobstant qu'il y ait des personnes minoritaires, quelle que soit cette minorité, si infime soit-elle.

M. Hains: Vous parlez d'un projet éducatif. Est-ce que vous acceptez la même théorie pour l'école proprement dite?

M. Robitaille: Exactement.

Le Président (M. Blouin): Ça va?

M. Hains: Oui, ça va.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Le temps passe; je vais m'en tenir à un point qui a déjà été abordé, mais je crois qu'il est bon d'y revenir. Cela se réfère, justement, à cette préoccupation pédagogique que vous avez manifestée et c'est sous cet angle que vous avez fait l'analyse du projet de loi 40. Ce qui nous préoccupe tous, de même que ceux qui ont été à l'origine de la préparation du projet de loi 40 et de tout ce qui l'a précédé et qui l'a rendu possible, c'est peut-être une recherche de moyens pour tâcher d'améliorer la qualité de l'éducation de nos enfants. Sur cela, je pense que nous sommes tous d'accord et c'est l'intention qui nous motive tous.

Sur un point précis, vous laissez entendre que rendre à l'école un pouvoir décisionnel dans les matières d'ordre éducatif, pédagogique, serait de nature à améliorer précisément la pédagogie. On nous a laissé entendre dans d'autres mémoires que le fait d'approcher le lieu de décision du lieu de la concertation pourrait rendre impossible la concertation ou nuire énormément au climat favorable à la concertation. Après vous avoir entendu tantôt, après avoir entendu Mme Charlebois, en particulier, nous expliquer les enjeux de l'acte pédagogique qui se joue vraiment à l'école, je suis porté à croire que, si nous voulons favoriser la concertation dans ces matières d'ordre pédagogique à l'école, dans ce qui se vit à l'école, le fait de donner à l'école un pouvoir de décision va favoriser la concertation beaucoup plus que lui nuire, comme on l'a laissé croire cet après-midi. Si les gens qui se concertent savent que finalement, au bout du compte, ce qui va ressortir de la concertation aura une valeur de décision, à mon sens, cela va les inciter à participer, précisément par le biais de la concertation, à ce qui deviendra décisionnel dans le milieu.

Ma question est la suivante: D'après vous, croyez-vous que le fait de rendre le pouvoir décisionnel au lieu même où se fait la concertation sur des matières d'ordre pédagogique est de nature à favoriser la concertation plutôt qu'à lui nuire?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille, rapidement, s'il vous plaît!

M. Robitaille: À la condition, M. le Président, qu'il y ait égalité de représentation, à la condition que le modèle soit coopératif, à la condition que les partenaires veuillent bien se parler, et se parler dans un but commun et non en termes de lutte de pouvoir. À la condition, donc, que les gens prennent le temps de discuter pour arriver à un consensus.

M. Brouillet: Très bien. Pour compléter un peu, ne croyez-vous pas - c'est mon point de vue - que le fait de rendre décisionnel ce qui va se passer à l'école va précisément favoriser ce dialogue ou cette concertation qui est une des conditions précisément? Mon point de vue, c'est que, si on donne un pouvoir décisionnel à ce qui va se passer à l'école entre les intervenants, ce sera un des moyens pour favoriser cette ouverture au dialogue entre les différents partenaires.

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: Si ces conditions sont réalisées, il n'y a aucun doute, dans mon esprit, que l'école deviendra suffisamment responsable pour pouvoir déterminer ce qu'elle est capable d'assumer et ce qui lui sera nécessaire de la part de la commission scolaire pour l'aider soit dans sa gestion pédagogique, soit dans sa gestion administrative, soit dans sa gestion des ressources humaines.

M. Brouillet: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Chauveau. Dans le même esprit de concision afin que nous entendions ensuite l'autre groupe, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je trouve la mission de votre conseil très intéressante et j'avoue que, même si je suis impliquée depuis longtemps dans le monde de l'éducation, c'est la première fois que je rencontre votre association. Existez-vous depuis longtemps? Est-ce que votre organisme existe depuis longtemps?

M. Robitaille: L'organisme, le CPIQ, s'appelait autrefois le CPI. C'était un organisme qui relevait de la CEQ.

M. Dougherty: CPI?

M. Robitaille: CPI, Conseil pédagogique interdisciplinaire. Cet organisme avait été formé à l'époque par M. Fernand Toussaint, qui était alors à la CEQ et qui avait souhaité l'intervention des associations professionnelles d'enseignants pour donner un éclairage pédagogique. Après le virage idéologique que l'on a connu au cours des années soixante-dix, le CPI de l'époque a été plutôt abandonné par la CEQ. Il a tenté de vivre par de maigres moyens, par une espèce de volonté commune des associations parce que les associations sentaient, quand même, le besoin de se prononcer sur des grandes questions pédagogiques. Ce même M. Toussaint, devenu directeur des programmes au ministère de l'Éducation, s'est de nouveau intéressé à l'action du CPIQ. Depuis, le CPIQ reçoit une subvention en plus des cotisations de ses associations pour l'aider

dans son travail. Cela lui permet de développer des actions pédagogiques. Cela lui permet même de tenter de bâtir du matériel pédagogique.

Actuellement, notre organisme est en train de faire des recherches et doit présenter, au mois de mai, ses trois premiers travaux à caractère interdisciplinaire. Ces travaux à caractère interdisciplinaire doivent être lancés dans le cadre d'un congrès qui doit avoir lieu au mois de mai, congrès qui s'adresse aux enseignants du primaire, souvent les grands oubliés du système scolaire. Ce congrès a pour titre L'enseignement du primaire, une question d'organisation. Mme Denis, qui est ici à ma gauche d'ailleurs, pourrait vous en parler si vous voulez la rencontrer. On essaie actuellement de faire ces travaux, bien humblement, encore une fois, souvent par les soirs, les fins de semaine. Le ministère nous a prêté, par ailleurs, des agents de recherche qui nous aident, quand même, à pousser ces travaux dans la mesure de leurs moyens. M. le critique officiel de l'Opposition nous disait qu'on n'avait pas été visibles là-dessus. Je suis bien content de l'entendre dire. On va s'arranger, je pense, maintenant pour être plus visibles.

Mme Dougherty: Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui.

Mme Dougherty: Cet après-midi, la CEQ a soulevé une crainte qui me semble être bien fondée. Il s'agit d'enfants très vulnérables dans n'importe quel système, les enfants des milieux défavorisés et les enfants ayant des difficultés d'apprentissage. Ne voyez-vous pas le danger soulevé par la CEQ que ces enfants soient défavorisés par le morcellement du système et surtout des centres décisionnels du système proposé par le projet de loi?

M. Robitaille: M. le Président, nonobstant ces craintes, l'article 202 dit, quand même, que la commission scolaire répartit les services éducatifs entre les écoles de son territoire. Il y a un comité fonctionnel de principaux à l'intérieur des commissions scolaires. On pourra avoir des principaux qui pourront gueuler, qui pourront tenter de faire les ténors, mais, s'il y a des écoles qui sont plus favorisées que d'autres au niveau de la clientèle, j'ai l'impression qu'ils vont se le faire dire aussi par leurs collègues qui, eux, sont moins favorisés. Ce comité a, lui aussi, des recommandations à faire à la commission scolaire. Je ne crois pas que la répartition des effectifs pédagogiques arrive comme cela d'on ne sait où et s'en aille au petit bonheur. (21 h 45)

Mme Charlebois: S'il y a danger pour l'intégration sauvage ou le manque de soutien, je ne crois pas qu'il puisse venir du projet de loi 40, mais plutôt d'autres règlements qui proviendraient du ministère à côté de cela. Alors, ce n'est pas le projet de loi 40 lui-même qui peut menacer réellement les enfants et les enseignants pour la question d'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage.

Mme Dougherty: Simplement un commentaire. J'aimerais vous rappeler que -je ne sais pas si vous êtes au courant - la fédération des parents a déploré l'article qui propose la formation de ce comité des principaux. Elle proteste contre ce regroupement des principaux d'école. Donc, je suis un peu surprise que vous ne voyiez pas la possibilité réelle que certains enfants risquent de tomber entre plusieurs pierres.

M. Robitaille: Je cède la parole à M. Pallascio.

Le Président (M. Blouin): Rapidement, s'il vous plaît!

M. Pallascio: Ce ne sera pas très long. Je relève une citation du président de la fédération des directeurs d'école M. de Guire, qui disait que la qualité de l'éducation sera améliorée quand les décisions seront prises par des gens près de l'action, ce avec quoi nous sommes complètement d'accord. La seule chose qui nous surprend, c'est qu'il semblerait nous exclure des centres de décision, alors que les gens qui sont près de l'action, qui sont les plus susceptibles de faire attention à ces enfants qui ont besoin de plus d'aide, ce sont, justement, les enseignants et les autres élèves avec qui ils vivent. C'est pour cela que, loin d'avoir cette crainte, nous pensons justement le contraire, c'est-à-dire qu'en se rapprochant du lieu de l'action et des problèmes les décisions seront plus responsables.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Avant que nous accueillions l'Association québécoise des professeurs de français, M. le député de Louis-Hébert m'a indiqué qu'il désirait intervenir brièvement. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. L'intervention que nous avons entendue me frappe comme étant la plus susceptible de mettre du baume sur les plaies du ministre de l'Éducation après la journée qu'il a dû passer avec la CEQ. Je comprends qu'on doit peut-être avoir toutes sortes de sons de cloche. Ce qui me frappe dans le son de cloche qui nous est donné ce soir, c'est qu'il n'est pas appuyé sur une analyse en

profondeur de la situation. J'en veux simplement pour exemple ce que vous dites sur les responsabilités du ministère de l'Éducation. Je vous trouve brefs et courts quand vous dites: "Dans l'ensemble, le CPIQ croit que les pouvoirs du ministre, évoqués dans les chapitres V, VI et VII sont adéquats au niveau pédagogique." Et voilà ce que vous faites comme analyse du partage des pouvoirs au ministère de l'Éducation. Cela me paraît être rapide; cela me paraît être bref et cela me paraît très peu convaincant, surtout après avoir entendu les intervenants qui sont venus ici jusqu'à maintenant. Ils ont été nombreux; ils n'ont pas tous eu un point de vue qui était en complet désaccord avec le ministre de l'Éducation, mais je dois dire qu'ici, vous battez tous les records dans la brièveté de l'analyse que vous faites du partage des pouvoirs entre les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation. Je ne sais pas si c'est parce que la chose vous paraît tellement évidente qu'elle doit être dite aussi rapidement, sans plus de preuves, mais, le moins que je puisse dire, c'est que je reste sur mon appétit.

Une question, une seule question. Est-ce que vous n'êtes pas d'avis que, même si vous croyez adéquat le partage des pouvoirs, le partage des fonctions et des responsabilités entre le ministère de l'Éducation, les écoles et les commissions scolaires, le fait de mettre en place environ 3000 centres décisionnnels, cela va être de nature à... Même si on ne changeait pas un seul iota dans le partage des pouvoirs qui sont conférés au ministre de l'Éducation, même si on ne touchait à rien, est-ce que vous ne croyez pas que, par la simple force d'attraction des masses - car, dans le rapport politique de forces, il y a aussi l'attraction des masses - le morcellement des centres de décision en 3000 centres de décision sera, par comparaison, de nature à augmenter de façon considérable la force réelle dans les faits du ministre de l'Éducation, même si on ne touchait à rien? Ce qui est loin d'être le cas, enfin, ce qui n'est pas prouvé à notre satisfaction à nous. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: Je pourrais passer la parole à M. Pallascio.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Pallascio.

M. Pallascio: Justement, ce postulat, parce que c'est bien un postulat - M. Charbonneau l'a bien dit cet après-midi; il a parlé d'une hypothèse, mais c'est plus strictement un postulat - en supposant que n'existent pas les commissions scolaires entre les écoles et le ministère, il a dit qu'il serait plus facile au ministère de contrôler 150 commissions scolaires plutôt que 2700 écoles. Nous ne sommes pas de cet avis. Nous n'acceptons pas ce postulat.

Nous sommes d'accord avec le partage des pouvoirs. Que voulez-vous qu'on dise de plus? Nous avons dit que nous étions d'accord avec ce partage de pouvoirs, en gros. On avait quand même eu un certain nombre de réserves. Nous n'acceptons pas ces postulats. Je peux même vous dire qu'un ancien président de la CEQ, dans un panel, a exprimé le même avis. Donc, tout le monde dans la CEQ n'est pas nécessairement d'accord avec ce postulat.

M. Doyon: Dernière question, M. le Président. Ce sera très bref. Est-ce que la plupart de vos membres sont membres de la CEQ? Étant donné qu'ils sont enseignants, j'imagine qu'ils le sont tous. Est-ce que le point de vue que vous exprimez ici a été communiqué à votre instance syndicale? Est-ce qu'il a été discuté dans les assemblées syndicales qui ont préparé, accepté et élaboré le mémoire de la CEQ? Avez-vous eu un rôle à jouer dans la préparation du mémoire de la CEQ? Si oui, quel a été ce rôle? Sinon, pourquoi n'en avez-vous pas joué un? Je vois très peu de similitude entre votre mémoire - en fait, je n'en vois aucune, à toutes fins utiles - et celui présenté par la Centrale de l'enseignement du Québec.

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.

M. Robitaille: Le mémoire de la CEQ est le mémoire de la CEQ. Le mémoire du CPIQ est le mémoire du CPIQ. La grille d'analyse de la CEQ était sa grille d'analyse. Nous avons une autre grille d'analyse qui est celle de la pédagogie. Il se peut fort bien qu'il y ait des grilles d'analyse différentes. C'est tout à fait normal.

Nous, nous regardons et nous donnons un avis pédagogique sur le projet de loi. Je pense que l'introduction de notre mémoire le situait clairement. La CEQ n'avait pas à nous consulter ou à nous demander notre avis et nous n'avions pas à demander l'avis de la CEQ là-dessus.

M. Doyon: Cela va.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Pallascio: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, très rapidement, M. Pallascio.

M. Pallascio: Nous ne sommes pas un sous-ensemble de la CEQ. Moi-même, je suis un syndiqué à la CSN. Il y a même des professeurs d'université dans nos associations. Nous couvrons tous les niveaux et nous

sommes donc répartis dans plusieurs entités syndicales. Nous ne sommes pas un sous-ensemble de la CEQ. C'est peut-être important de le préciser.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci beaucoup, M. Pallascio, de cette précision.

Sur ce, je remercie les responsables du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec de leur participation aux travaux de notre commission.

J'invite maintenant les représentantes de l'Association québécoise des professeurs de français à bien vouloir venir prendre place à la table des invités. Comme vous le savez maintenant, vous devrez nous livrer le contenu de votre mémoire en une vingtaine de minutes, après que vous vous serez identifiées. Cela va?

D'abord, si vous voulez bien vous identifier et procéder ensuite à la présentation de votre mémoire.

Association québécoise des professeurs de français

Mme Belleau (Irène): M. le Président, je suis Irène Belleau, présidente de l'Association québécoise des professeurs de français, professeure au secondaire à la CECQ, libérée d'enseignement depuis un an pour préparer un congrès international, le congrès mondial des professeurs de français, qui aura lieu en juillet 1984 au Centre municipal des congrès, à Québec. Habituellement, je suis évidemment professeure au secondaire.

Et voici Denise Picard, professeure de sixième année à la commission scolaire de Charlesbourg, vice-présidente de l'AQPF. Nous sommes donc les deux mandatées de l'association pour vous entretenir en fin de soirée.

Le projet de loi 40 est d'une envergure telle qu'il aurait fallu que l'AQPF mette sur pied plusieurs comités, dans bien des coins du Québec, pour pouvoir vous présenter aujourd'hui une position sur chacun des aspects touchés par le projet de loi 40, tous les aspects de la restructuration scolaire. C'était impossible pour l'association. Je n'ai pas besoin de vous répéter ce que M. Robitaille vous a dit tout à l'heure: nous sommes des associations professionnelles qui ne fonctionnent que par le bénévolat. Les soirs, les nuits et les fins de semaine y passent plus souvent que vous ne pourriez le croire.

Le Président (M. Blouin): Nous le constatons ce soir, d'ailleurs.

Mme Belleau: Oui, c'est cela. C'est un bel exemple. Vous n'ignorez pas non plus qu'à l'heure actuelle les enseignants sont démobilisés, déstabilisés, pour ne pas dire démoralisés. Nous sommes probablement deux exceptions à la règle. Ces enseignants révèlent, bien sûr, une indifférence assez profonde face à tout ce qui s'appelle renouveau. Donc, après 17 heures, il est difficile aujourd'hui de convoquer des enseignants pour discuter de questions autres qu'essentiellement pédagogiques. Je vous avoue qu'on les rejoint encore pour discuter de choses essentiellement pédagogiques. On a quantité de comités sur l'implantation des programmes, le matériel didactique, l'évaluation des étudiants. Enfin, sur cela, on ne peut pas trop se plaindre, les professeurs de français sont encore assez bien engagés dans leur rôle professionnel en dehors des heures régulières de travail.

Donc, le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui se ressent, bien sûr, de cette situation. Nous nous en sommes donc tenus à étudier certains aspects du projet de loi 40, certains articles du projet de loi 40 qui traitent plus particulièrement, évidemment, de la langue, puisque c'est ce qui fait notre raison d'être professionnel, et qui concernent, bien sûr, la pédagogie. Donc, toute la question fondamentale du renouveau de l'ensemble de la structure scolaire, nous n'avons pas pris position sur cette question. J'allais dire "malheureusement". Je crois que nous aurions eu bien des choses à dire. Je vais donc laisser Mme Picard vous lire le mémoire que nous avons présenté sur les aspects que nous avons pris le temps de regarder et, ensuite, nous répondrons à vos questions. Mme Picard.

Le Président (M. Blouin): Mme Picard.

Mme Picard (Denise): M. le Président, l'Association québécoise des professeurs de français, depuis sa fondation, a participé aux grands débats entourant la situation linguistique du Québec et a contribué au développement de la didactique du français au Québec.

Le projet de loi 40 sur la restructuration scolaire du Québec n'est pas sans effet direct sur l'un ou l'autre des volets importants du champ d'intervention de l'AQPF. Voilà pourquoi l'AQPF a décidé de présenter ce mémoire à la commission permanente de l'éducation.

Depuis une vingtaine d'années, la société québécoise s'inscrit dans le sillon des changements majeurs. La démocratisation de l'enseignement en est un et des plus importants. Elle a permis et permet toujours à des milliers de jeunes d'avoir accès à des institutions d'éducation de qualité, à des services éducatifs diversifiés correspondant à une gamme variée d'enseignements, de méthodes, d'encadrements. (22 heures)

Le système scolaire québécois actuel, malgré tous les aménagements qu'il a subis

depuis la révolution tranquille, appelle une autre étape: celle de permettre à l'école d'être le lieu véritable de l'enracinement social et culturel, de se donner des assises solides dans son propre environnement, d'afficher et d'affirmer fermement son caractère linguistique, ses principes de tolérance quant à l'option des valeurs religieuses et morales, en même temps que consacrer la primauté de son rôle dans la formation et le développement des jeunes et des adolescents. C'est dans cet esprit que l'AQPF croit en la nécessité de compléter la réforme amorcée au tournant des années soixante. C'est dans cet esprit aussi qu'elle n'hésitera pas à s'impliquer dans la mise en oeuvre de ce projet de réforme, pour autant que sa voix puisse contribuer à l'avenir collectif de l'école québécoise.

L'AQPF se réjouit de la création de commissions scolaires linguistiques. Déjà, en 1970, l'AQPF adoptait en assemblée générale une résolution qui demandait l'unification des structures scolaires selon la langue. Depuis le rapport Parent, études, rapports, recommandations et même projets de loi ont balisé la réflexion collective sur les structures confessionnelles du système scolaire sans jamais arriver à trouver une nouvelle structure acceptable appuyée d'un large consensus de la population.

À l'intérieur du système, les exemptions à l'enseignement religieux confessionnel et les embryons d'un enseignement moral mal défini ont créé des situations frôlant parfois le ridicule. Le caractère confessionnel ne peut plus, à notre avis, servir de critère unique pour assurer l'identification des commissions scolaires. La diversité des options chez les citoyens québécois et le respect de la liberté de conscience, à notre avis, exigent une autre base de définition du statut des commissions scolaires.

Cette nouvelle répartition selon la langue permettra, croyons-nous, de rendre plus authentiques les visages des commissions scolaires du Québec. En effet, les commissions scolaires actuelles, dites protestantes ou catholiques, inscrivent dans leurs écoles des enfants autres que catholiques et protestants. Cette structure devenue caduque dans sa représentativité exige un changement. De plus, nous estimons que la nouvelle structure respecte les aspirations de la communauté anglophone. La volonté maintes fois exprimée de laisser à la minorité anglophone québécoise ses institutions apparaîtra plus évidente et manifestera plus clairement son refus de partager les aspirations légitimes de la communauté francophone québécoise fortement majoritaire.

Toutefois, l'AQPF estime nécessaire de prendre tous les moyens pour que le caractère français du Québec soit bien visible. Nous croyons que distinguer la struc- ture des commissions scolaires par la langue peut contribuer à cette opération essentielle.

De plus, l'AQPF veut réitérer ici sa conviction profonde que l'Assemblée nationale du Québec a le droit exclusif de légiférer en matière de langue et d'enseignement. Nous croyons que le peuple québécois a le droit de protéger sa langue dans tous les domaines de la vie sociale, politique, économique et culturelle. Le jugement Deschênes qui nie au Québec cette compétence nous porte à croire en l'urgente nécessité de maintenir une application ferme de la Charte de la langue française et de la clause Québec, notamment.

L'AQPF croit, nous le répétons, que le gouvernement du Québec doit déclarer et faire en sorte que la véritable école québécoise est et doit être francophone et qu'elle continuera d'accueillir tous les immigrants qui ne sont pas de souche anglaise.

L'AQPF veut manifester son plein accord avec l'article 3.1° et l'article 77. L'article 3.1° se lit comme suit: "Les services d'enseignement ont pour but de favoriser les apprentissages fondamentaux", etc. L'article 77: "Le personnel de l'école doit prendre les mesures nécessaires pour asurer la qualité de l'usage de la langue écrite et parlée." Ces deux principes, selon nous, sont les assises essentielles de toute charte de l'enseignement, a fortiori de l'enseignement du français au Québec.

Les apprentissages fondamentaux de la langue nationale doivent recevoir le traitement qu'exige leur importance. Tous les agents de l'éducation doivent avoir le souci d'un suivi rigoureux dans le développement des habiletés langagières de chaque enfant.

Nous sommes d'accord avec cet article de loi, non seulement pour l'objet énoncé, mais avec le lieu bien identifié de la responsabilité. En effet, qui peut le mieux assurer cette fonction, sinon les éducateurs constamment et directement en contact avec les jeunes? Cette mesure, pour être efficace, doit recevoir l'appui ferme et inconditionnel de l'appareil gouvernemental.

Quant aux articles 9 et 10, ils se lisent comme suit: Article 9. "Les services d'accueil sont des services destinés à l'élève qui ne connaît pas suffisamment le français pour être intégré dans une classe ordinaire." Article 10. "Les services de soutien linguistique en français sont des services destinés à l'élève qui ne possède pas une connaissance usuelle du français."

L'AQPF veut redire au ministre de l'Éducation que les services d'accueil et de soutien linguistique sont essentiels et, compte tenu de notre expérience dans ce secteur, nous estimons qu'un effort de consolidation doit être fait. Ces services doivent être de tout premier ordre pour les jeunes immigrants et immigrantes et l'école doit

être encore plus accueillante que par le passé pour ce type de clientèle. L'apport des communautés culturelles est sans contredit une richesse pour la société québécoise tout entière, première bénéficiaire des fruits de ces services.

L'article 12 revêt une aussi grande importance dans l'apprentissage des éléments fondamentaux de la langue. L'article 12 se lit comme suit: "Les services de soutien pédagogique sont des services qui ont pour but de prévenir les difficultés d'apprentissage ou de faciliter le rattrapage ou le passage d'une classe à une autre."

Les services de soutien pédagogique pour les élèves qui manifestent une faiblesse en français à quelque niveau que ce soit doivent être offerts au bon moment. Tout retard dans l'application des mesures de rattrapage peut engendrer maints facteurs psychologiques comme la désaffection de l'école, des erreurs d'orientation et conduire les jeunes à décrocher de leur idéal initial.

L'article 91, à notre avis, est la cheville essentielle de ce projet. Cet article devrait insister davantage sur la nécessité pour chaque école de définir un projet éducatif à la mesure des aspirations de la collectivité. Il doit tenir compte, selon nous, de l'importance de l'enseignement de la culture québécoise et de l'histoire nationale. Il nous semble que c'est le lieu tout désigné pour inscrire la promotion de notre identité collective, de notre patrimoine, de notre culture latine et américaine, etc.

À l'article 107, l'AQPF souhaite que soit clairement exprimée une politique du livre et non pas seulement l'idée de favoriser l'accès à des livres de lecture et de référence.

Chaque école pourrait et devrait se donner un tel instrument de développement et l'intégrer à son projet éducatif. Le ministère des Affaires culturelles, à ce que nous sachions, élabore actuellement la phase finale d'une telle politique. À notre avis, le projet de loi 40 pourrait s'en inspirer.

La lecture est essentielle à la formation des jeunes et l'enseignement du français ne peut qu'en recueillir les effets salutaires.

Enfin, les épreuves uniques dont il est question aux articles 294 et 298 nous laissent perplexes. Que seront ces épreuves uniques? La politique de l'évaluation en français au ministère de l'Éducation n'est pas encore arrêtée; ces épreuves seront-elles uniformes et n'y en aura-t-il qu'une pour juger de toutes les composantes de la maîtrise de la langue? De plus, la marge de discrétion du ministre à l'article 298 nous semble fort impertinente.

Quant à l'article 299, nous sollicitons du ministre que soit inscrit et intégré en deuxième paragraphe l'article 84 de la loi 101 qui se lit comme suit: "Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut être délivré à l'élève qui n'a du français parlé et écrit la connaissance exigée par le programme du ministère de l'Éducation du Québec."

Depuis quelques années, bien des critiques désobligeantes sont tombées sur l'école québécoise. Les parents, la presse...

Mme Belleau: J'ai oublié de dire que nous avions supprimé la partie 3 pour la lecture, vu qu'on nous avait invitées à réduire le plus possible le temps d'intervention. Alors, on a supprimé le chapitre 3, mais, si vous voulez poser des questions là-dessus, vous serez bien libres de le faire après, même si nous n'en faisons pas la lecture. Denise passe donc au chapitre 4.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Belleau. Je peux vous assurer que, de toute façon, les membres ont pris connaissance du contenu du mémoire que vous leur avez soumis.

Mme Belleau: Merci.

Mme Picard: Depuis quelques années, bien des critiques désobligeantes sont tombées sur l'école québécoise. Les parents, la presse en général l'ont considérée comme une cible importante. Les changements multiples et de tous ordres que l'école a vécus (ou subis) ont laissé dans l'ombre les pas feutrés mais sûrs que la pédagogie du Québec a faits depuis 20 ans.

Grâce à l'action et à la réflexion soutenues d'agents de développement pédagogique et de conseillers pédagogiques, grâce aussi à l'être professionnel des professeurs de français eux-mêmes, l'enseignement du français au Québec s'est donné une place importante dans la francophonie. Les nouveaux programmes, leur implantation et leur application devraient recevoir tout le support nécessaire des "services pédagogiques" dans les écoles.

À cet effet, l'AQPF exige que le projet de loi accorde aux enseignants une place importante; précise qui sera responsable de la pédagogie dans l'école; détermine, de façon claire et précise, quels "services pédagogiques" seront mis en place pour favoriser la poursuite des développements de la pédagogie du français au Québec.

En résumé, M. le Président, l'AQPF recommande que soit bien identifiée l'école québécoise francophone; que l'article 84 de la loi 101 soit intégré au projet de loi 40; qu'une politique de la lecture accompagne et renforce l'article 107; que l'école québécoise soit déclarée école laïque et tolérante; que le projet de loi 40 accorde aux enseignants une place aussi importante que celle qui est reconnue aux parents; que le projet de loi 40 précise les rôles et responsabilités des

responsables de la pédagogie dans l'école; que des services pédagogiques soient mis en place dans les écoles et dans les commissions scolaires pour assurer le développement de la pédagogie du français au Québec; que l'enseignant se voit reconnaître une place dans la mise en oeuvre du projet de loi 40.

Voilà, M. le ministre de l'Éducation, l'essentiel du message que l'Association des professeurs de français voulait faire entendre. Il n'est pas loin de votre objectif fondamental de revaloriser l'école et de redonner à tous les agents de l'éducation le sens de l'essentiel qu'une réforme peut risquer de masquer. L'AQPF souhaite fermement qu'un consensus se dégage sur ce projet de loi et favorise un avenir serein à l'école québécoise. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Picard et Mme Belleau. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'AQPF pour la qualité de son mémoire que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Je n'ai pas été sans remarquer -ce qui est tout à l'éloge de nos deux présentatrices - aussi bien la qualité du français écrit que du français parlé, ce que d'ailleurs l'AQPF recommande pour tous les membres du personnel enseignant au sein des écoles.

Évidemment, comme l'a dit l'AQPF, cette association vit sous le signe du bénévolat. Ceci ne l'a pas empêchée, au cours des dernières années, d'être très dynamique. J'ai suivi de près les efforts incessants, le zèle dont elle a fait preuve pour la promotion de l'enseignement du français, d'un français de qualité, dans nos écoles, et même pour la promotion de la pédagogie, de la didactique du français, aussi bien au Québec qu'à l'étranger. J'ai en mémoire, non seulement la revue dans laquelle les membres de l'AQPF se commettent régulièrement, mais également leur participation éminente à des congrès internationaux consacrés à l'apprentissage et au développement des études françaises.

L'AQPF, en raison de ses limites, a voulu limiter particulièrement son examen du projet de loi aux articles qui touchent la langue et la pédagogie, même si elle vient de nous dire, en terminant, qu'elle est d'accord avec les principes fondamentaux du projet de loi et qu'elle espère qu'un consensus pourra s'établir autour de ce projet pour que la communauté québécoise puisse en bénéficier le plus tôt possible.

De la même façon je me limiterai moi aussi, dans mes remarques, à la pédagogie et à la didactique du français. Comme l'AQPF le sait sûrement, les gouvernements successifs, et particulièrement depuis quelques années, consacrent une extrême importance à la revolorisation de l'ensei- gnement du français. C'est la raison pour laquelle nous avons révisé, à l'heure actuelle, au moment où nous nous parlons, la presque totalité des programmes de l'enseignement du français au niveau primaire et au niveau secondaire. Nous sommes même en train de le faire au niveau collégial, car, même à ce niveau, cela nous paraît nécessaire, ne serait-ce que pour compenser les faiblesses, les lacunes des dernières années. (22 h 15)

Ces nouveaux programmes sont maintenant dotés et accompagnés également de guides pédagogiques. Nous en sommes actuellement à la phase d'implantation de ces programmes aux divers niveaux du primaire et du secondaire. On peut donc espérer que, d'ici quelques années, grâce à ces programmes en particulier, l'enseignement de la langue française aura connu et connaîtra encore des améliorations notables, ce qui est tout à fait naturel et normal, puisqu'il s'agit du Québec, une nation où la langue de la majorité est la langue française. Donc, sur ce plan, le gouvernement, je pense, a pris ses responsabilités et nous sommes très heureux de compter sur l'appui et la collaboration incessante de l'AQPF pour la promotion des objectifs communs que le gouvernement entretient avec votre association.

Je suis heureux de constater que, pour vous également, l'école doit être non seulement le lieu d'apprentissages fondamentaux de qualité, ainsi qu'il est dit à l'article 3, mais également un lieu véritable d'enracinement social et culturel. Comme il s'agit, la plupart du temps, d'un milieu francophone, il ne fait aucun doute, au fur et à mesure que l'école s'enracinera davantage dans son milieu social et culturel, que c'est toute la culture, en même temps que la langue, qui en bénéficiera. J'ai été heureux, en passant, de vous entendre dire que vous étiez d'accord avec une position que nous avons longuement et plusieurs fois affirmée, c'est-à-dire celle du droit exclusif du Québec à légiférer en matière de langue et d'enseignement. Vous témoignez d'une façon plus particulière de votre approbation à l'endroit de certains articles de la loi, par exemple, l'article 3, qui parle des apprentissages fondamentaux; les articles 9, 10 et 12, qui parlent des services d'accueil, qui parlent des services de soutien linguistique et des services de soutien pédagogique. Je peux vous assurer qu'il n'est pas de notre intention de diminuer en quoi que ce soit l'ampleur de l'effort que nous faisons, non seulement pour maintenir, mais développer ces services pour faire face aux nouveaux défis auxquels le Québec doit faire face puisqu'il a décidé maintenant d'accueillir dans les écoles de la majorité la totalité ou presque des nouveaux arrivants qui viennent d'autres pays.

II y a aussi d'autres articles avec lesquels vous êtes d'accord, en particulier, l'article 91 et l'article 107. À propos de l'article 107, comme vous l'avez souligné, effectivement, depuis quelques années, le ministère des Affaires culturelles est en train de préparer une politique de la lecture et il se prépare à la rendre publique très bientôt. Je pense que ceci aidera également au développement et à la promotion de la connaissance d'un français de qualité par les citoyens francophones et même anglophones et je me ferai un plaisir de lui transmettre aussi bien vos considérations que vos voeux.

L'article 294 et surtout l'article 298 vous laissent davantage perplexes. À l'article 294, il s'agit des épreuves uniques pour l'enseignement du français. Je ne puis encore répondre exactement à votre question, mais il est évident que, si nous parlons d'examen unique, c'est que nous considérons cette matière comme très importante et que nous voulons assurer une qualité minimale du français parlé et écrit dans toutes les écoles du Québec, chez tous les élèves du Québec. C'est la raison pour laquelle nous avons parlé ici d'un examen unique. C'est d'ailleurs au service de professeurs spécialisés comme vous l'êtes que nous recourrons pour l'établissement des questions qui serviront à cet examen unique. Donc, vous aurez amplement l'occasion de dire votre mot et de nous faire profiter de votre expertise à cet égard.

En ce qui concerne l'article 298, tout en comprenant votre perplexité, je ne peux pas dire que je la partage. C'est peut-être parce qu'il est toujours difficile dans un article de loi de signifier toute la portée des articles que nous formulons, mais, en réalité, cet article 298 n'a pas pour effet d'accroître les pouvoirs du ministre. Il précise un pouvoir que le ministre exerce déjà depuis 1966 en vertu de sa responsabilité générale en matière d'éducation. Si vous relisez bien les deux alinéas de cet article, vous verrez que le premier attribue au ministre le pouvoir de réviser les résultats obtenus par un élève aux épreuves uniques imposées par le ministre, lorsque cette épreuve unique comporte des erreurs ou des difficultés de rédaction - ce qui peut arriver - qui ont pour effet de pénaliser les élèves, alors que le deuxième alinéa attribue au ministre le pouvoir de pondérer les résultats obtenus par un élève aux épreuves de l'école afin de rendre celles-ci comparables aux résultats obtenus par les élèves aux épreuves du ministre dans les mêmes matières.

Ce pouvoir qui s'exerce actuellement s'exerce dans le cadre de règles scientifiques et, ce qui est important, il s'applique non pas à des individus, mais à des groupes d'élèves par école. Cette pondération donne, je crois - l'expérience en témoigne - un portrait plus réel des acquis des élèves et tient compte de la responsabilité partagée en matière d'évaluation qui ressort des politiques récentes que nous avons rendues publiques en matière d'évaluation.

Quant à l'article 84, il n'est pas, à mon avis, nécessaire de l'intégrer, de l'insérer dans la loi 40 parce qu'il existe déjà dans la loi 101 et, même si cet article ne prend pas sa place dans la même loi que la loi 40, c'est quand même la volonté du législateur qui s'exprime là aussi et le ministère de l'Éducation est tenu de voir à ce que cet article 84 soit effectif, c'est-à-dire que les résultats dans les activités des écoles, dans le fonctionnement des écoles correspondent à la volonté du législateur telle qu'elle s'exprime à l'article 84.

Je n'aurais que deux questions à vous poser. L'une porte sur votre conclusion où vous réclamez une place importante pour les enseignants sur le plan de la pédagogie, au niveau de l'école, et une autre touche plus particulièrement à l'article 77 du projet de loi qui se lit ainsi: "Le personnel de l'école doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la qualité de l'usage de la langue écrite et parlée."

Sur le premier point, donc, votre association voudrait que le projet de loi 40 accorde aux enseignants une place importante avec celle des parents. Ma question est la suivante: Pourriez-vous préciser la place que vous accorderiez personnellement aux enseignants? Estimez-vous, d'après votre expérience, que la collaboration qui résultera du voisinage des parents et des professeurs au sein d'un conseil d'école décisionnel sera susceptible d'améliorer la pédagogie? C'est là ma première question.

Ma deuxième, encore une fois, touche à l'article 77. Vous soutenez dans votre mémoire que l'AQPF est pleinement d'accord avec l'article 77, mais cet après-midi nous avons entendu la Centrale de l'enseignement du Québec qui soutenait dans son mémoire que cet article transfert sur le dos des enseignants une responsabilité que la CEQ qualifie d'institutionnelle. Est-ce que votre association croit que la qualité de la langue parlée et écrite constitue une nouvelle responsabilité dévolue aux enseignants et enseignantes du Québec? Ne croyez-vous pas -ce que j'ai cru sentir dans votre mémoire -que c'est plutôt, et justement, un des devoirs fondamentaux de tous les enseignants?

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.

Mme Belleau: La première question, vous l'avez, à mon sens, très bien formulée, puisque c'est dans ces termes que nous nous la sommes posée nous-mêmes: la place des enseignants dans le nouveau projet de loi et dans quelle mesure parents et professeurs pourront ou ne pourront pas vivre la

concertation dont on parlait ou dont on parle, en tout cas, depuis déjà un bon moment, bien avant, bien sûr, le projet de loi 40.

Les enseignants à l'école, à l'heure actuelle, à notre avis, n'ont plus de pouvoirs. Je les ai décrits un peu tout à l'heure comme désabusés, démoralisés, déstabilisés, à cause, bien sûr, de différents événements qui se sont passés depuis cinq ou six ans et que je ne rappellerai pas ici parce que nous les connaissons tous. Cela a fait, probablement, que l'ensemble des enseignants à l'heure actuelle, et peut-être plus particulièrement encore les professeurs de français parce qu'ils s'engageaient dans toutes sortes d'activités - ils étaient vraiment, je crois, dans bien des écoles, des agents très actifs dans leur milieu - les enseignants, dis-je, à l'heure actuelle, je crois, n'ont plus beaucoup de pouvoirs. Même à l'intérieur de leur école, même à l'intérieur de leur propre classe, le pouvoir qu'ils ont, c'est, bien sûr, de suivre les programmes, d'essayer de renouveler leurs méthodes selon ces nouveaux programmes, d'essayer d'améliorer leur pédagogie, mais tout cela dans un contexte vraiment pas toujours favorable au développement même de cette pédagogie.

Toutes les écoles ne se sont pas donné un projet éducatif qui reposerait sur l'importance du français dans l'école. Alors, la place que les enseignants occupent à l'heure actuelle dans l'école, je dirais, dans bien des cas, qu'elle n'est pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être. C'est pourquoi, dans un certain sens, sans peut-être l'avoir affirmé très catégoriquement, il nous apparaît que le projet de loi 40 accorderait... Je mets bien mes verbes au conditionnel, parce que je sais que je suis face à un projet de loi; je ne suis pas en face d'une loi. Il nous a semblé, à la lecture du projet de loi 40, que celui-ci accorderait aux enseignants plus de pouvoirs ou, en tout cas, il y aurait des mécanismes qui permettraient aux enseignants de véritablement être plus conscients des enjeux mêmes de leur propre pédagogie. Ils ne sont pas tellement consultés actuellement sur l'utilisation des manuels. Ils ne sont pas consultés dans tous les milieux sur la meilleure façon d'évaluer l'apprentissage du français écrit, l'apprentissage du français parlé," l'apprentissage de tous ces mécanismes, de toutes ces techniques d'expression orale ou d'expression écrite, ces mécanismes, par exemple, de la connaissance de la littérature québécoise, de ce qui se fait actuellement dans les écoles dans ce domaine. (22 h 30)

Donc, il nous apparaît, à la lecture du projet de loi 40, que les enseignants auraient des mécanismes qui leur permettraient d'être plus conscients des enjeux, des pouvoirs qu'ils devraient avoir au niveau de la pédagogie. Si c'est cela que le projet de loi 40 vise, si c'est cela que le projet de loi 40 va véritablement assurer, je crois que les enseignants - en tout cas les enseignants de français pour ne parler que pour eux - seront véritablement intéressés au défi que représente cette concertation à l'intérieur d'une école où parents et professeurs doivent travailler en collaboration. Cela ne sera pas facile. Je suis convaincue que, dans plusieurs cas, ce sera peut-être, avant le temps d'une concertation, le temps d'un affrontement. Mais si les parents qui sont véritablement représentatifs des gens qu'ils doivent représenter - j'allais dire de leur clientèle -si les enseignants sont véritablement représentatifs de l'ensemble des enseignants de leur école et si chacune de ces deux catégories a vraiment la compétence pour juger des objets qu'elle doit juger et assurer ainsi sa crédibilité, je ne vois pas comment parents et enseignants se tireraient aux cheveux.

Il y a moyen, me semble-t-il - peut-être sommes-nous un peu idéalistes, peut-être le projet de loi l'est-il un peu lui-même -dans l'ensemble, que parents et professeurs en arrivent en tout cas à se parler, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, peut-être à s'affronter et, dans un troisième temps, espérons-le, à travailler en concertation.

De là à dire que les parents doivent donner leur avis sur des objets où ils sont, disons, plus ou moins compétents, on s'est posé un certain nombre de questions là-dessus. J'imagine que les parents qui vont élire des leurs à un conseil d'école vont les choisir d'après leur compétence. Les parents qui interviendraient, par exemple, pour juger de la valeur d'un manuel d'enseignement ou d'une méthode pédagogique, j'imagine que les parents vont voir à choisir leurs représentants de façon qu'ils aient véritablement la compétence pour le faire. Sinon, ils vont perdre toute crédibilité face aux enseignants. Le choix d'un manuel, le choix d'une méthode relèvent d'une compétence. Cela relève des enseignants. Cela relève de la pédagogie. Les parents qui jugeront de ces objets à l'intérieur d'un conseil d'école devront, à notre avis, être véritablement compétents s'ils veulent assurer leur crédibilité auprès des professeurs. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre première question.

La deuxième était la question d'une nouvelle responsabilité que le projet de loi accorderait au personnel de l'école par l'article 77. Tous les professeurs, tout le personnel de l'enseignement, de l'éducation, à notre avis, sont responsables de la qualité de la langue parlée, écrite, sous tous ses aspects, la lecture aussi, évidemment. Est-ce une nouvelle responsabilité? À vrai dire, non.

Nous croyons que les enseignants, les directeurs d'école, les directeurs généraux des commissions scolaires ont déjà cette responsabilité, mais nous croyons que l'article 77 fait bien d'être écrit là. Il va susciter dans les milieux une prise de conscience plus ferme - enfin, nous l'espérons - de cette responsabilité.

J'imagine que, lorsque vous parlez du personnel de l'école, ce sont aussi les élèves. Je vous dis cela en passant. J'avais trouvé un peu curieux, étrange, cette section IV du projet de loi parce qu'elle traite du personnel de l'école. Elle est titrée: Personnel de l'école. Il y a, premièrement, dispositions générales; il y a, deuxièmement, directeur d'école. Je m'attendais à trouver aussi un troisièmement, qui serait, je ne sais pas, les enseignants et, quatrièmement, les élèves. Bien sûr que la question des élèves est traitée ailleurs, mais la question véritablement du personnel enseignant est éparse dans l'ensemble du projet de loi. Nous aurions aimé que, dans le chapitre sur le personnel de l'école, il y ait une partie sur le directeur d'école. Il pourrait peut-être y avoir aussi une partie plus explicite sur le personnel enseignant de l'école. J'ai répondu longuement, je m'en excuse.

Le Président (M. Blouin): Cela va, merci.

Mme Belleau: Denise, as-tu quelque chose à ajouter?

Le Président (M. Blouin): Cela va? Mme Belleau: Oui.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je vous salue avec plaisir, mesdames les porte-parole de l'association des professeurs de français du Québec. Est-ce que votre association regroupe les professeurs de français de tous les niveaux d'enseignement ou seulement ceux du niveau secondaire?

Mme Belleau: De tous les niveaux: de la maternelle à l'université et ceux qui enseignent autant le français langue maternelle que le français langue seconde ou étrangère, ou qui enseignent dans les classes d'accueil ou qui enseignent la littérature québécoise dans les universités.

M. Ryan: Le mémoire que vous avez présenté ce soir, a-t-il été soumis à plusieurs organismes avant d'être présenté ici ou s'il a été préparé par un petit groupe et envoyé ici?

Mme Belleau: C'est une bonne question, surtout dans la situation que nous vivons à l'heure actuelle à l'AQPF, débordé que nous sommes par le travail de préparation du congrès mondial, et tout le reste. Oui, bien sûr, nous avons créé deux comités pour étudier le projet de loi. On nous a donné plusieurs avis portant sur les structures. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette question n'était pas mûre, alors nous ne l'avons pas véritablement traitée dans le mémoire. En plus, on a toujours des comités permanents. Il y en a toujours un qui traite de la question de l'école et de la question des politiques linguistiques à l'intérieur de l'association. Ce sont des comités permanents. De plus, nous avions inscrit une commission à notre dernier congrès, au Palais des congrès, à Montréal, en novembre dernier, sur cette question. Bien sûr que, pour la majorité des questions soumises à l'AQPF qui ont une certaine envergure, comme celle du projet de loi 40, habituellement, nous faisons des sondages à l'intérieur des quelque 2000 membres de l'association. Cette fois-ci, il faut dire qu'on n'est pas allé consulter les 2000 enseignants jusqu'à la base. Je vous avoue que ce n'est pas la tentation qui a manqué. Ensuite, le conseil d'administration a pris position sur l'ensemble des questions qui lui ont été soumises par les comités dont j'ai parlé tout à l'heure.

M. Ryan: Merci. Je vous posais cette question - je suis bien honnête avec vous -parce que, contrairement au ministre de l'Éducation, je trouve que le mémoire est un peu faible. D'abord, je trouve que la langue laisse beaucoup à désirer. Venant d'une association qui regroupe des professeurs de français, je pense que c'est un aspect qui aurait dû être particulièrement surveillé. Deuxièmement, je trouve que les recommandations restent très générales et qu'il serait difficile, pour nous, d'envisager des choses concrètes à partir de là. Je comprends les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles vous travaillez et le projet d'un sixième congrès mondial, comme vous avez dit, auquel vous êtes attelés actuellement, je comprends tout cela. Je vous le dis en toute simplicité parce que je ne voudrais pas vous donner des impressions fausses.

Tantôt, mes collègues auront sans doute des questions à vous poser sur le texte. Il y a deux réserves que je serais porté à vous communiquer. Quand vous dites que la véritable école québécoise est française, que l'école au Québec est française, en règle générale, comme le dit la loi 101, je pense que nous n'y voyons pas de difficulté, ni d'un côté ni de l'autre de la table. Je pense qu'il faut reconnaître également que, vu que la loi reconnaît qu'on peut avoir l'école anglaise pour les enfants de langue anglaise,

avec toutes les précisions techniques qu'apportent les dispositions de la loi 101 là-dessus, je pense que cette école est aussi québécoise que l'autre et qu'il n'y a pas deux catégories de Québécois, ceux qui seraient des purs et ceux qui seraient de deuxième classe, en somme. Par conséquent, cette partie de votre mémoire - c'est peut-être une question de formulation également, peut-être que cela a été fait dans un climat de rapidité un peu inusité - j'ai de la difficulté à souscrire à cette formulation, je vous le dis franchement. Une des conditions essentielles d'un consensus véritable entre nous tous au Québec, c'est, je pense, que nous nous considérions tous comme des citoyens égaux. Nous devons viser à ce que tout le monde parle le français, mais, ceux dont l'anglais est la langue maternelle, nous avons intérêt à ce qu'ils la conservent, et nous avons tellement intérêt à ce qu'ils le fassent que nous reconnaissons dans nos lois qu'ils ont droit à des écoles anglaises. On a amendé la loi 101 ces temps derniers pour assurer qu'ils auront également droit à des institutions sociales, sanitaires et hospitalières qui fonctionneront dans leur langue. Alors, ce point-là prête à discussion, à mon point de vue, dans le mémoire. Je ne le sais pas, tantôt, vous pourrez peut-être nous donner des explications là-dessus.

Un deuxième point qui m'a laissé perplexe et qui même m'a retrouvé en désaccord avec vous, c'est la partie que vous n'avez point lue tantôt: la partie 3, où vous dites que vous êtes en faveur d'une école francophone neutre, laïque, tolérante. Vous dites que c'est la meilleure façon d'en arriver au véritable esprit oecuménique. Là-dessus, je suis obligé de vous dire que, personnellement, en tout cas, je suis en désaccord avec vous sur ce point précis. Il me semble qu'on a pensé cela longtemps qu'on pourrait arriver à l'oecuménisme en faisant abstraction des différences religieuses. Aujourd'hui, tous ceux qui sont engagés sérieusement dans le mouvement oecuménique, ceux qui savent de quoi ils parlent quand ils traitent de ces choses-là, vous diront que la seule façon de pratiquer l'oecuménisme de manière sérieuse, c'est d'abord pour chacun d'être pleinement lui-même: s'il est catholique, de l'être pleinement en profondeur; s'il est luthérien, de l'être en profondeur; s'il est anglican, de l'être en profondeur, de se développer au maximum dans sa ligne propre et, à mesure qu'il se développe, de s'ouvrir à la dimension de l'autre également. C'est aujourd'hui dans ce sens que se font les travaux de recherche oecuménique. On essaie de trouver des traits communs en profondeur, mais sans violenter en aucune manière les traits qui nous différencient les uns des autres.

C'est tellement vrai, ceci, qu'il y a des pays qui ont adopté la ligne que vous préconisez; ce n'est pas une ligne nouvelle. Aux États-Unis, on a l'école neutre, l'école laïque et tolérante. En France également, depuis la fin du siècle dernier, déjà on a cela. Mais, c'était une école qui était tellement peu satisfaisante pour un très grand nombre de catholiques qu'ils se sont sentis obligés de créer des écoles privées à côté pour pouvoir donner à leurs enfants un enseignement correspondant véritablement à leurs aspirations. C'est tellement important qu'en France en particulier, vous le savez comme moi, l'enseignement privé catholique regroupe à peu près 20% de toute la clientèle scolaire. C'est beaucoup, 20%. C'est un phénomène tellement important que l'État, malgré toutes ses professions de foi laïque, est obligé de verser des fonds publics à ces écoles. Je pense qu'il va être obligé de le faire pendant encore un bon bout de temps. Aux États-Unis, l'État ne verse pas de fonds aux écoles catholiques, mais les catholiques croient tellement à la nécessité de ces écoles qu'ils les financent eux-mêmes à coups de sacrifices de toutes sortes. Je n'ai pas le pourcentage de la clientèle des écoles primaires et secondaires qui fréquente les écoles catholiques aux États-Unis, mais cela se compte par centaines et par centaines de milliers aujourd'hui.

Par conséquent, je pense que la manière dont vous proposez la solution du problème est un raccourci peut-être un peu simple, surtout étant donné ce qu'a été notre tradition et le point où nous en sommes. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. Peut-être que, dans une génération ou deux, les événements vous donneront raison et il faudra que tout le monde s'ajuste à cela. Mais dans l'état où nous sommes actuellement, étant donné ce que nous avons été, je pense qu'il faut une approche qui soit plus positivement respectueuse de ces éléments qui nous ont caractérisés longtemps comme peuple, qui caractérisent encore une grande partie d'entre nous et qui devraient -plusieurs d'entre nous le souhaitent caractériser également les générations qui nous suivront.

Par conséquent, là-dessus, je suis obligé de mettre une sourdine, mais avec le maximum de respect que je puisse exprimer pour l'opinion que vous avez émise dans votre texte. Je voulais simplement vous dire qu'à mon humble avis la vision de l'oecuménisme que véhicule votre texte n'est pas une vision qui correspond le mieux aux tendances les plus récentes du mouvement oecuménique dans le monde. (22 h 45)

Lorsque vous dites, en particulier: Nous croyons que d'une certaine manière, et souvent par cette manière certaine - je ne sais pas trop ce que cela veut dire - la formation religieuse et l'enseignement d'une religion ne sont qu'une variante de la

sélection, je trouve cela un petit peu fort. Je ne serais pas capable de signer une chose comme celle-là et je ne voudrais pas que vous partiez d'ici en ayant l'impression que j'aurais pu être sympathique à une assertion comme celle-là. C'est vrai que la religion sépare. Si vous êtes un adhérent de la religion hindoue, vous êtes séparé de celui qui adhère à la religion catholique; si vous adhérez à l'une des confessions protestantes, vous êtes séparé à certains égards de celui qui adhère à la religion juive. La fonction des religions est de permettre à chacun de se définir, de s'exprimer, de se réaliser selon certaines croyances, selon certaines formes d'ascèse spirituelle propre aux uns et aux autres.

Je ne crois pas que ce soit une bonne manière de rendre compte du fait religieux que de dire que c'est une influence qui fait de la sélection. On pense que vous avez voulu dire de la ségrégation. Quand vous dites à l'article suivant que vous voulez éviter un étau répressif et qu'en conséquence vous proposez la laïcité, la tolérance, je crois qu'on peut respecter les valeurs religieuses sans créer cet étau répressif que vous redoutez.

En tout cas, je voulais vous communiquer ces impressions en toute limpidité, en toute simplicité. Je pense l'avoir fait aussi nettement que c'était possible. Il me semble que de la part d'un groupe comme le vôtre, on serait en droit d'exiger des affirmations peut-être plus nuancées, surtout plus étayées sur une étude en profondeur de ce dossier extrêmement compliqué.

Si vous me permettez, seulement une question. Si vous voulez me répondre là-dessus, sentez-vous bien à l'aise. J'aime beaucoup la discussion. Je ne cherche pas à la provoquer...

Mme Belleau: Oui, je vais le faire.

M. Ryan: ...mais je ne veux pas l'étouffer cependant. Pardon?

Mme Belleau: Oui, je vais le faire. J'attendais simplement que vous...

M. Ryan: Très bien. Est-ce que vous me permettez de vous adresser une question en même temps et, ensuite, si la réponse est complète, vous en aurez pas mal terminé avec moi? Vous dites souhaiter que le projet de loi 40 précise les rôles et responsabilités des responsables de la pédagogie dans l'école. Vous avez dit dans vos explications tantôt que les enseignants sont actuellement dans un état de découragement, de morosité ou de pessimisme qui s'explique par bien des événements que vous avez eu la pudeur de ne point évoquer avec précision. Nous, de l'Opposition, n'avons pas la même pudeur.

Nous savons que, dans une très grande mesure, les politiques du gouvernement depuis deux ou trois ans ont été largement responsables de cette situation. Je ferme cette parenthèse pour vous demander ceci: Quand vous dites que les rôles et les responsabilités des responsables de la pédagogie devraient être précisés, j'aimerais que nous nous expliquiez davantage votre pensée là-dessus. La thèse vers laquelle le gouvernement voudrait nous orienter est celle voulant que ces questions soient largement sous le contrôle d'un organisme qui serait composé en majorité de personnes qui ne sont pas des enseignants. Comment voyez-vous cela? Il y a un organisme qui nous a dit l'autre jour - je pense que c'est la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université McGill - qu'il voudrait qu'il y ait une distinction claire établie. Ils mentionnaient les politiques éducatives générales, ce qu'ils appellent les décisions d'ordre davantage professionnel. Ils disaient aussi que les décisions qui se rattachent à la pédagogie du point de vue professionnel devraient relever des enseignants. J'aimerais que vous nous expliquiez votre position sur ce point particulier et nous dire comment vous voyez cela dans l'école.

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.

Mme Belleau: Sur ce point particulier, est-ce que vous me donnez la nuit? Je vais prendre environ deux heures pour vous répondre. J'ai une idée bien précise sur cela.

Le Président (M. Blouin): Malheureusement...

Mme Belleau: Mais auparavant je veux revenir sur la question de l'oecuménisme. Le sens qu'il faut donner au mot "oecuménisme" dans le chapitre 3, que nous n'avons pas lu, n'est pas tout à fait le sens que vous avez donné. Enfin, il se rattache un peu à ce que vous avez donné comme signification en faisant la référence à tout ce qui existe et qui a existé, bien sûr, aux États-Unis. C'est plutôt le sens d'ouverture et en plus du respect de l'autre, peu importe sa croyance, peu importe sa profession confessionnelle, qu'il soit catholique, qu'il soit protestant, qu'il soit boudhiste. Les immigrants que j'ai reçus dans ma classe ne sont pas catholiques, ne sont pas protestants; ils se réfèrent à d'autres croyances. Peu importe la croyance que reconnaît l'enfant, au niveau des enfants et des professeurs, que le climat de l'école soit un climat de respect des croyances des autres. C'est dans ce sens-là qu'on a écrit "oecuménisme".

Quand on a dit que la formation religieuse et l'enseignement d'une religion n'étaient qu'une variante de la sélection... Je n'élaborerai pas sur cela pour vous raconter

toutes les petites histoires qui arrivent dans les écoles au sujet des cours de religion ou des cours d'enseignement moral qui suscitent, dans bien des cas, des situations plus ou moins oecuméniques. Je pense que nous ne sommes pas en accord sur ce point de vue; nous sommes en désaccord. Nous croyons que l'école doit être complètement tolérante; elle doit permettre toutes les professions; elle doit permettre toutes les croyances; elle ne doit pas sélectionner dans ce sens-là. Je ne sais pas si cela répond à votre question. C'est ce que je voulais dire pour le moment. Quant à la question de préciser les rôles de la pédagogie, j'en ai parlé un petit peu tout à l'heure en parlant des objets sur lesquels les catégories de personnes doivent intervenir, soit les élèves, soit les parents, soit les professeurs. Vous faites référence à une intervention de l'Université McGill. Je ne peux m'y référer, je ne la connais pas; je ne l'ai pas entendue. Je n'ai pas écouté tous les mémoires qui ont été présentés ici. Si je comprends bien le sens de ce que vous avez dit de cette intervention de l'Université McGill, ce serait que les politiques qui relèvent de la pédagogie devraient relever d'une instance professionnelle. C'est bien cela? Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre. En tout cas, que la décision relève des enseignants puisque ce sont les professeurs qui doivent prendre en main, avoir la charge, avoir la responsabilité de leur propre profession. Je vous ai demandé deux heures pour vous en parler. Ce sont des discussions qui se font à l'AQPF depuis des années, surtout - mais je ne veux pas entrer dans un long débat - je dirais depuis que la...

Le Président (M. Blouin): Vous avez bien compris. Mme Belleau, vous avez bien compris. Vous n'aviez pas deux heures.

Mme Belleau: Je n'avais pas...?

Le Président (M. Blouin): Que vous n'aviez pas deux heures.

Mme Belleau: Non, je n'ai pas deux heures, mais je voudrais simplement dire qu'au moment où la Corporation des enseignants du Québec est devenue la Centrale des enseignants du Québec, cela a changé beaucoup de choses dans la profession. Le jour où, pédagogiquement et professionnellement, il n'y a pas quelqu'un qui prend à sa charge cette profession, on se sent un peu démuni. Ce ne sont pas les associations professionnelles qui peuvent jouer le rôle, par exemple, d'une corporation comme les médecins, comme les avocats, comme les infirmières, comme les techniciens. Il y a un organisme, il y a un lieu qui permet à l'ensemble d'un corps de prendre à sa charge cette profession. Chez les enseignants, on n'a pas cela. La CEQ, c'est une centrale syndicale, même si elle nous représente pédagogiquement et sous certains rapports, sous d'autres, non. Cela n'existe pas. Il n'y a pas de corps qui rassemble, qui reconnaît et qui protège, jusqu'à un certain point, l'ensemble de la profession au même titre qu'une corporation. Si c'est ce que McGill voulait dire, oui, bien sûr, je pense qu'il faut le reconnaître; les enseignants n'ont pas cette reconnaissance d'une corporation profes-sionelle. Ce ne sont pas les associations qui peuvent le faire et ce n'est pas non plus la centrale au niveau syndical qui peut faire cela. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Une voix: Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Belleau. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'entendre les représentants de l'Association québécoise des professeurs de français qui ont été dans le passé des ardents défenseurs et des promoteurs de la langue française en faisant partie, entre autres, du Mouvement Québec français, en se présentant en commission parlementaire pour la loi 101 et aussi en s'impliquant dans chacune des écoles pour faire la promotion de la langue française. Nous avons entendu aujourd'hui plusieurs enseignants et principalement, cet après-midi, le syndicat des enseignants, qui avait son vocabulaire et ses préoccupations. Nous avons entendu, ce soir, les professionnels de l'enseignement. Nous avons entendu le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec qui représente 10 000 membres. Nous entendons maintenant l'Association québécoise des professeurs de français; cela fait différent comme vocabulaire et leurs préoccupations sont beaucoup plus professionnelles et beaucoup plus quotidiennes. Je pense qu'il faut être professeur pour savoir que le syndicat peut avoir son langage, mais les professeurs, qui vivent tous les jours dans un contexte avec des étudiants, un principal d'école et avec des parents, ont, eux aussi, des préoccupations de meilleure pédagogie et de meilleure qualité d'enseignement.

Je suis d'accord avec vous dans la perspective où les enseignants devraient avoir une plus grande responsabilité. Je pense que s'il faut améliorer la qualité de l'enseignement, il faut donner une plus grande responsabilité aux enseignants, les motiver pour qu'ils soient plus impliqués. Si on leur donne plus de responsabilités, ils vont s'impliquer davantage, parce qu'on peut se

réjouir d'avoir au Québec un corps professoral compétent. Dans le passé et actuellement ils ont démontré et ils démontrent encore qu'ils se dévouent à la cause scolaire pour une meilleure qualité de l'enseignement. C'est pour cela que j'aurais tendance, comme vous, à donner une plus grande responsabilité au niveau de l'école. Je ne peux pas dire que je suis uniquement pour la représentation d'une personne ou plus, mais j'aurais surtout tendance à dire qu'il y aurait une représentation égale à la fois des enseignants et des parents au comité d'école. Je pense qu'il faut tenir compte de tout ce qu'il y a dans le milieu pour faire en sorte qu'on ait une meilleure qualité d'enseignement. Ma question va porter sur le projet éducatif local plutôt que national et régional. Il y a des personnes qui nous disent qu'on devrait concentrer le projet éducatif au niveau national et au niveau régional, au niveau de la commission scolaire. La loi 40 préconise plutôt un projet éducatif dans chacune des écoles. Comme professeur dans un milieu, pensez-vous que la loi 40 devrait plutôt favoriser le projet éducatif local pour avoir une meilleure qualité d'enseignement qu'un projet éducatif régional ou national? Sans rejeter le projet éducatif national, est-ce qu'il faut rejeter le projet éducatif local et quelle est son importance? Quelle est l'importance du projet éducatif local?

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.

Mme Belleau: Je vais vous répondre comme simple professeur d'une école bien ordinaire et je vais vous dire que, là où je m'engage, c'est là où je travaille, c'est là où je sens les véritables besoins, c'est là où je peux évaluer la pertinence de mon action. Le projet éducatif local, à mon sens, c'est le lieu où les engagements doivent se prendre à la base: élèves, professeurs, parents, directeurs d'école, tout le monde. Je n'ai pas nommé le personnel non enseignant, mais, dans ma tête, il est bien là. Si, toutefois, l'ensemble des écoles se donnait un projet éducatif local coloré, à sa manière, à sa façon, selon ses besoins, selon ses priorités, je n'hésiterais pas à croire que, dans une certaine mesure, cela pourrait même faire une verrière très intéressante au niveau régional. Et je dis: Pourquoi pas? Je ne sais pas si Denise a d'autres avis à donner sur cela, mais, pour moi, il me semble que le projet éducatif local, c'est le lieu d'un véritable engagement et c'est là que cela devrait se faire, ce... (23 heures)

Le Président (M. Blouin): Merci.

Mme Belleau: ...qui n'empêche pas, bien sûr, des projets éducatifs régionaux, si la région veut bien se les donner, ou des projets éducatifs nationaux.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Belleau: Mais ils sont d'un autre ordre, ils ont une autre envergure.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Je pense qu'on rejoint cette préoccupation de dire qu'on veut une école communautaire, une école responsable. Pour pouvoir réaliser un projet, une qualité d'enseignement et se donner des services à la mesure de la communauté, encore faut-il qu'il y ait des moyens et je pense, comme vous l'avez dit, que la loi 40 répond à cette attente.

Voici une autre remarque en parlant de l'article 77: "Le personnel - et je le cite -de l'école doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la qualité de l'usage de la langue écrite et parlée." Je pense que ce n'est pas une tâche que l'on donne de plus à tous les enseignants. Je peux vous donner ce témoignage que j'ai vu de nombreux enseignants, que ce soient des professeurs de géographie, des professeurs d'histoire, des professeurs d'économie ou de science religieuse ou profane, qui avaient comme objectif de faire même la correction grammaticale, la correction orthographique, et je pense que l'article 77 n'ajoute rien de plus que ce qui se passe aujourd'hui, dans le quotidien. Je pense que cela peut aussi être un appui aux professeurs de français qui, en dehors des heures de classe, veulent aussi que le français soit une priorité, qu'il soit bien parlé, qu'il soit bien écrit. Alors, je vous remercie beaucoup de votre témoignage, mesdames.

Mme Belleau: Bien.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Iles. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'association des professeurs de français de s'être présentée devant la commission. À plusieurs reprises, déjà, j'ai eu l'occasion de vous rencontrer et, si ma mémoire est fidèle, vous n'étiez pas là au moment de la loi 101, quand votre association a présenté son mémoire; c'était à une heure aussi tardive et en fin de soirée, tout comme aujourd'hui. Alors, vous êtes toujours entendus assez tardivement.

En page 4 de votre mémoire, je voudrais que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire au deuxième paragraphe: "...nous estimons que la nouvelle structure respecte les aspirations de la communauté anglophone. La volonté maintes fois exprimée de laisser à la minorité anglophone québécoise ses institutions apparaîtra plus évidente et

manifestera plus clairement son refus de partager les aspirations légitimes de la communauté francophone québécoise fortement majoritaire." Qu'est-ce que vous voulez dire? Le fait qu'elle aspire à avoir ses propres institutions, que le Québec lui reconnaît - et mon collègue d'Argenteuil le mentionnait tout à l'heure d'une façon encore plus explicite tout récemment - la gouverne de ses propres institutions culturelles et sociales, pourquoi opposez-vous cela à un refus de sa part de partager les aspirations légitimes de la communauté francophone québécoise?

Mme Belleau: Oui, j'avais retenu tout à l'heure... Vous avez terminé votre question?

Le Président (M. Blouin): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Blouin): Oui, allez-y.

Mme Belleau: J'ai retenu quelque chose tout à l'heure du député d'Argenteuil. Je voulais le relever et, finalement, je l'ai oublié. J'y reviens justement à propos de votre question.

Oui, dans un sens, ce qu'on veut dire, c'est que le Québec a toujours reconnu la nécessité de laisser à la minorité anglophone ses institutions. On est bien d'accord avec cela. On laisse à la minorité anglophone québécoise ses institutions. Cette volonté de lui laisser ses institutions a été maintes fois exprimée et on n'a pas changé d'avis nous non plus. Donc, avec les commissions scolaires linguistiques, cette volonté qu'a le Québec de laisser à la minorité anglophone québécoise ses institutions va paraître plus évidente, il me semble, que si c'étaient des commissions scolaires confessionnelles.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pourquoi l'assimilez-vous...

Mme Belleau: Et la deuxième partie -j'y viens...

Mme Lavoie-Roux: ...à un refus de la communauté anglophone de partager les aspirations légitimes de la communauté francophone?

Mme Belleau: Enfin, je pense qu'à l'AQPF on a toujours un peu rêvé - une espèce d'utopie peut-être - que la communauté anglophone québécoise, un jour, enfin -vous allez voir, c'est sans doute un rêve -ne ferait qu'un tout, c'est-à-dire que la communauté anglophone québécoise ferait siennes toutes les aspirations du peuple francophone québécois. Je ne veux pas dire qu'elle les refuse; j'ai peur de m'exprimer sur cela...

Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Ferait siennes toutes les aspirations de la communauté francophone québécoise. Est-ce que cela voudrait dire qu'à ce moment il n'y aurait qu'un système d'éducation francophone au Québec? Est-ce là ce que vous voulez dire?

Mme Belleau: C'est peut-être utopique, mais c'est un peu ce qu'on avait pensé. Alors que là, bien sûr, c'est impossible. On garde un système scolaire francophone et un système scolaire anglophone.

Mme Lavoie-Roux: On pourrait entrer dans une longue discussion. Vous dites que ce sont les aspirations légitimes de la communauté francophone québécoise qu'il n'y ait qu'un seul système scolaire ou enfin que ce système d'école soit francophone. Je ne crois pas que ce soient là les aspirations légitimes de la communauté francophone québécoise, puisque cette communauté francophone québécoise, dont le gouvernement est un gouvernement indépendantiste ou dont l'option fondamentale est l'indépendance, a maintenu et vient même d'accentuer le maintien des institutions anglophones. Quand vous dites que ce serait là répondre à l'ensemble des aspirations légitimes de la communauté francophone québécoise, je pense que c'est un désir que vous manifestez; ce n'est pas vraiment la pensée de la majorité francophone.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Belleau: Enfin, je ne veux pas non plus parler ici pour le peuple québécois, mais j'ai l'impression... Enfin, c'est une impression et je n'irai pas plus loin. Ce n'est peut-être pas toujours bien exprimé, ce n'est peut-être pas toujours dit dans des termes, j'allais dire choyés, cette idée qu'il y a un peuple québécois francophone au Québec... Enfin, je ne veux pas entrer dans les détails non plus.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question va vraiment porter davantage sur l'objet de la loi 40. Vous vous souciez - et je vous en félicite d'ailleurs, cela a toujours été votre préoccupation - de la promotion du français et...

Mme Belleau: Bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: ...dans votre cas, de la qualité de l'enseignement du français, etc. Je me demande, à regarder la loi 40 et à regarder les problèmes que vous rencontrez quant à l'atteinte de cet objectif qu'un français de qualité soit enseigné, que les enfants parlent et écrivent un français de qualité, ce que le projet de loi 40 vous

apporte de plus pour réaliser cet objectif, puisque, vous en avez fait mention vous-même, c'est relié aux programmes, à la qualité des programmes, à la qualité des outils pédagogiques, du support pédagogique, conseillers pédagogiques et autres. Dans ce sens, je ne vois pas le lien ou ce que la loi 40 telle quelle apporte, sauf là où l'on dit: II faudrait que le personnel des écoles prenne les mesures nécessaires pour assurer la qualité de l'usage de la langue française, de la langue écrite et parlée, ce qui a d'ailleurs toujours été une préoccupation générale, peut-être pas toujours, mais en tout cas sûrement depuis plusieurs années, que non seulement c'est à travers l'enseignement du français qu'on améliore la qualité de la langue, mais à travers toutes les matières d'enseignement. Je ne vois vraiment pas ce que le projet de loi 40 apporte de plus qui vous permet d'atteindre les objectifs poursuivis par votre association.

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.

Mme Belleau: Oui. Je crois que le projet de loi 40... Enfin, cela touche les structures, je ne suis pas plus connaissante qu'il le faut de l'ensemble des structures du projet de loi 40, mais il y a une chose sur laquelle les professeurs de français s'interrogeaient beaucoup en lisant le projet de loi: ce n'est pas si l'enseignement du français serait meilleur ou serait davantage favorisé par le projet de loi 40, ce n'était pas là leur interrogation, leur interrogation était la suivante: Où sont, dans le projet de loi 40, les véritables services pédagogiques qui, eux, peuvent aider, favoriser, améliorer l'enseignement du français? Jusqu'à un certain point, on est resté perplexe, je vous l'avoue, puisque les agents de développement pédagogique qui existaient depuis des années pour l'enseignement de presque toutes les matières, en français, bien sûr... Nous ne parlons plus des agents de développement pédagogique; pour nous, ils sont devenus des agents disparus prématurément, des ADP. Au moment où on en aurait eu besoin, les ADP sont disparus.

De plus en plus, ce ne sont pas seulement les ADP qui sont disparus dans la brume, ce sont aussi les conseillers pédagogiques en français qui disparaissent. Jusqu'à un certain point, cette interrogation était très présente à l'esprit des profs de français. À notre avis, ce n'est pas le temps, au moment de l'implantation des nouveaux programmes, du choix des nouveaux manuels, ce n'est pas le temps de faire disparaître cette structure de support à l'enseignement de toutes les matières, mais plus particulièrement, bien sûr, du français; je défends ma cause.

Où sont-ils ces services pédagogiques dans le projet de loi 40? Ils sont sans doute au niveau des commissions scolaires. Ils sont déjà là maintenant. Le projet de loi 40 favorisera-t-il - je vous pose la question parce que je n'ai pas la réponse - l'implantation d'une structure de services pédagogiques au niveau des écoles? Si oui, bravo, j'applaudis, je suis très heureuse et j'ai bien hâte d'en voir la naissance. Si le projet de loi 40 mise, accorde une importance plus particulière à l'école, s'il veut être logique, il doit, à mon sens, apporter plus de services et de support pédagogique à l'enseignement au niveau des écoles.

Comment cela se concrétisera-t-il dans la pratique? J'imagine qu'il n'y aura pas un conseiller pédagogique en français dans chaque école ni un conseiller pédagogique en sciences humaines dans chaque école, le CPIQ l'a souligné tout à l'heure, on crierait au gaspillage des ressources humaines. Mais j'imagine, enfin, je l'espère et le souhaite, que le projet de loi 40 précise où seront les véritables services pédagogiques et à qui ils rendront service. Les conseillers pédagogiques, à l'heure actuelle, à notre avis - c'est aussi l'avis de Denise, j'en suis convaincue - sont plus au service des commissions scolaires qu'à celui des enseignants. Là, je l'affirme: d'après nous, la structure des conseillers pédagogiques est plus au service des commissions scolaires qu'au service des enseignants, malheureusement, selon nous. Je ne crois pas que c'était le but premier de leur vocation, je crois que leur vocation, leur rôle a changé avec le temps et nous aimerions bien que ce rôle revienne plus précisément à l'école.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Belleau: M. le Président me dit d'arrêter de parler.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Enfin, je suggère que l'échange puisse se poursuivre de façon ordonnée. Je crois que Mme la députée de L'Acadie avait une intervention supplémentaire à faire.

Mme Lavoie-Roux: Elle sera très courte, ce sera plutôt une conclusion. Je désire vous remercier. Si j'interprète bien les explications que vous venez de nous donner, les problèmes de qualité de l'enseignement du français que vous venez de présenter à la commission, comme vous l'avez fait dans le passé, d'ailleurs, ne trouveront pas nécessairement leur solution dans un projet dont le fond se rapporte surtout à une question de structure et non pas à des ressources supplémentaires ou à des conditions qui vont remotiver les enseignants. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre

intervention. En tout cas, vous êtes aussi perplexe que je le suis quant aux effets sur la qualité de l'enseignement du projet de loi 40 et je vous remercie de votre réponse.

Le Président (M. Blouin): Merci. (23 h 15)

Mme Belleau: À ce point de vue, nous avons dit que nous aurons le projet de loi 40 à l'oeil.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui. Nous préférons avoir le projet de loi à l'oeil dès maintenant et je pense que c'est la sagesse qui nous impose cette réaction, parce que, des propos de Mme Belleau, je retiens à peu près ceci. Si le projet de loi, quand il sera devenu une loi, donne de bons résultats, ce sera un bon projet, ce sera une bonne loi et nous serons pour son adoption. S'il ne donne pas de résultats satisfaisants, ce sera un mauvais projet de loi et nous réservons notre décision et notre jugement sur ce projet de loi. Je regrette beaucoup, mais nous ne pouvons pas attendre les résultats du projet de loi pour savoir s'il est bon ou mauvais. Nous devons l'évaluer à sa face même avec les éléments dont nous disposons et nous ne pouvons pas nous réfugier dans des paroles semblales qui sont dans le sens que, s'il donne de bons résultats, il est bon ou quelque chose de la sorte.

Mme Belleau a affirmé, tout à l'heure, en réponse à une question de M. le ministre, que le projet de loi 40 accorderait aux enseignants des pouvoirs accrus. Je lui pose ma question dès maintenant. J'aimerais qu'elle puisse me nommer le genre de pouvoirs accrus qui sont accordés aux enseignants. Le fait de ne pas participer aux comités d'école est-il un pouvoir accru? Le fait d'être tenus à l'écart, avec une porte à peine entrouverte et en filigrane, dans tout le projet de loi, une espèce de souhait qui va dans le sens que les enseignants ne sont pas absolument nécessaires, c'est finalement ce que le ministre nous a dit. Vous l'avez reconnu et d'autres intervenants l'ont reconnu. On a félicité le ministre de sa sagesse en ne faisant pas de la présence des enseignants une exigence pour le fonctionnement des comités d'école et on a vu de sa part un signe de sagesse dans cette façon de faire.

Ce que je me pose comme question -et je vous la pose en même temps - c'est ceci: Quels sont les pouvoirs supplémentaires accordés aux enseignants? De la même façon, ce que je vous demande, même si vous avez dit que vous n'avez pas regardé les structures - et Mme la députée qui m'a précédé en a fait mention, tout à l'heure -c'est vraiment un projet où il nous faut parler de structures et on s'en rend compte à la lecture de votre mémoire où, ne voulant pas parler de structures, finalement, vous ne touchez pas à l'essentiel du projet de loi. C'est extrêmement superficiel et extrêmement marginal comme réflexions sur le fond du projet de loi 40. Tout cela pour vous dire que le mémoire que vous nous présentez actuellement - je suis prêt à reconnaître qu'on n'a pas à toujours avoir la même opinion; je n'ai aucune difficulté à le reconnaître - ne nous éclaire pas. Il ne peut pratiquement pas nous éclairer pour la simple et bonne raison que vous dites vous-mêmes: Nous ne sommes pas en mesure de discuter des structures et nous n'en discuterons pas. Nous allons aborder le côté essentiellement pédagogique de l'enseignement du français.

Dans les circonstances et compte tenu de la nature du projet de loi, il est écrit dans le ciel que votre mémoire n'est pas de nature à faire avancer la discussion. Je le dis franchement. Je le dis sans aigreur et sans amertume. Je le dis comme c'est présenté. Vous nous dites vous-mêmes: Nous ne discutons pas de structures parce que nous n'avons pas étudié à fond cette question et nous n'avons pas fait toute la consultation qui s'impose dans les circonstances. Ce n'est pas un blâme. C'était nécessaire que le mémoire que vous présenteriez après cette décision - compte tenu du projet de loi 40 qui, lui, touche essentiellement, en grande partie, les structures - ne puisse pas nous éclairer beaucoup. La deuxième question que je veux vous poser est la suivante: Pensez-vous, en tant qu'enseignante, que la présence et l'établissement de 2700 à 3000 nouveaux centres de décision et le fait d'avoir une loi régissant l'instruction ou l'enseignement au Québec, vous placeront dans une meilleure position pour enseigner le français? Ne craignez-vous pas d'avoir, par exemple, dans l'enseignement du français - je vous pose la question un peu en profane - vous, le spécialiste du français, à faire la preuve aux membres des comités d'école qui, par définition, ne sont pas nécessairement des spécialistes, ne sont pas des gens qui sont versés dans cette matière. Vous aurez continuellement à leur faire la preuve que les méthodes que vous employez sont les meilleures, que vous prenez les meilleurs moyens, les moyens les plus productifs pour arriver à des fins de promotion, de défense et d'utilisation adéquate du français? Ne craignez-vous pas des situations semblables? J'aurais beaucoup d'autres questions à vous poser là-dessus, mais si vous répondiez à ces deux questions principales, je serais satisfait.

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.

Mme Belleau: Je n'ai pas très bien compris le début de votre intervention. Je ne sais pas quoi dire sur cela.

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau, la première partie de la question portait sur...

M. Doyon: M. le Président, devant l'incertitude de Mme Belleau, je suis prêt à répéter un peu ce que j'ai dit. Peut-être que cela aidera.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert...

Des voix: Non. Non. Non!

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le député de Louis-Hébert, si vous permettez, pour essayer de faire évoluer le débat, je pourrais très simplement rappeler à Mme Belleau que la question portait sur les pouvoirs additionnels qui, selon vous, sont contenus dans le projet de loi à l'égard du rôle des enseignants.

Mme Belleau: On attend que le projet de loi soit adopté pour dire si on est pour ou contre. Est-ce bien cela?

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

M. Doyon: Non, vous avez dit, Mme Belleau, dans une réponse à une question du ministre...

Mme Belleau: Oui.

M. Doyon: ...que vous conceviez que le projet de loi 40 - j'ai pris le mot à mot de vos paroles ici - accordera aux enseignants des pouvoirs accrus.

Le Président (M. Blouin): Quels sont-ils?

M. Doyon: Vous avez affirmé cela. Je vous demande quels sont ces pouvoirs.

Mme Belleau: D'accord, là, je comprends. Très bien.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Allez-y, Mme Belleau.

Mme Belleau: Oui, enfin, si j'ai bien lu le projet de loi 40 - si je l'ai mal lu, il faut me le dire le plus rapidement possible - j'ai compris que les enseignants au comité pédagogique auraient la possibilité en tout cas d'être davantage consultés, d'avoir un droit de parole plus sérieux, plus structuré que maintenant. C'est cela que j'ai voulu dire.

Le Président (M. Blouin): D'accord, très bien.

Mme Belleau: Quant aux 3700 centres de décision, je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais, fondamentalement, mon être de professeur me lie davantage à un centre de décision à ma mesure et non pas à un centre de décision qui est quelque part ailleurs sur la Côte-Nord ou dans la Beauce, qui comprend l'ensemble de tout le Québec. Je veux bien un projet national. Il pourrait y avoir des projets régionaux, mais le centre de décision là où je travaille, où je m'engage, c'est le centre de l'école.

Quant à savoir si ces 3700 centres de décision seront efficaces, efficients, valorisants, enfin, je peux vous dire que c'est ce qu'on espère.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, Mme Belleau.

Mme Belleau: II y avait une autre question concernant les comités pédagogiques.

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

Mme Belleau: Enfin, si j'ai bien compris, il y avait un autre aspect à votre question. C'était la question, par exemple, des véritables comités pédagogiques où les enseignants seront. C'est relié un peu à ce que j'ai dit tout à l'heure, ces comités pédagogiques, le comité des enseignants, si les enseignants sont là comme des professionnels, je ne vois pas pourquoi ils proposeraient des choses que le conseil d'école refuserait par la suite.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme Belleau. Pour conclure, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je serai très brève, parce que mes collègues ont déjà abordé les questions que j'avais à l'esprit. J'aimerais simplement dire que, pour un groupe qui prêche la tolérance, la nécessité de s'ouvrir aux acquis différents -à la page 12, vous avez parlé d'une société moderne et actuelle, du sens humain global, universel, etc., - je trouve que votre mémoire révèle une étroitesse d'esprit que je trouve inacceptable. J'aimerais vous demander, si la véritable école québécoise est et doit être francophone, quelle est la désignation que vous réservez aux écoles anglophones. C'est la seule question que j'aimerais poser.

Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.

Mme Belleau: Oui. C'est ce que je voulais dire tout à l'heure, je l'ai encore oublié. C'est le mot "véritable" que vous remettez en question sans doute, parce que, si l'école francophone est véritable, l'école anglaise semble ne pas l'être.

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

Mme Belleau: Le mot est un peu fort, je vous l'avoue. Je crois que les écoles anglophones peuvent être aussi vraies que les écoles francophones. Alors, si le mot vous choque, rayez-le.

Le Président (M. Blouin): Alors, cela va, madame?

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Mme Dougherty: C'est déjà rayé.

Le Président (M. Blouin): Alors, sur ce, Mme Belleau...

Une voix: ...beaucoup de pouvoirs.

Le Président (M. Blouin): ...et Mme Picard, je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission. Nous allons maintenant ajourner nos travaux à demain, 10 heures.

Une voix: Merci, mesdames.

Mme Belleau: Merci de nous avoir entendues.

(Fin de la séance à 23 h 26)

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