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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 19 janvier 1984 - Vol. 27 N° 234

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Ce matin, nous entendrons d'abord le Comité central des parents de la CECM et ensuite le Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry. Cet après-midi, à compter de 15 heures, nous entendrons le Département des sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal et ensuite la Commission des écoles catholiques de Montréal. Finalement, à 20 heures, le Comité de parents de la région 1 de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal et, par la suite, la Fédération québécoise des associations foyers-écoles.

Tout comme hier, à la suite d'une entente intervenue entre les parties, les deux premiers organismes qui se feront entendre ce matin pourront disposer d'une période de temps totale d'une heure trente minutes.

Sans plus tarder, j'invite maintenant les représentantes et le représentant du Comité central des parents de la CECM à bien vouloir d'abord s'identifier et à nous livrer ensuite en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.

Comité central des parents de la CECM

Mme Keeney-Beaudoin (Alice): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire. Mon nom est Alice Keeney-Beaudoin. Je suis le porte-parole des parents de la CECM par la voie de son comité central. Ce comité est composé de cinq comités régionaux: le comité régional de la région est, ouest et nord, un comité régional composé de délégués de parents du réseau des écoles spéciales et un comité régional composé des parents délégués du secteur anglophone. C'est un comité que vous entendrez demain matin.

M'accompagnent aujourd'hui, Mme Gérardine Bissonnette, déléguée du comité de parents de la région est; M. Jean Olivier, délégué du comité de parents de la région ouest et vice-président du comité central de parents; Mme France Gauthier, déléguée du comité de parents du réseau des écoles spéciales; au centre, Mme Patricia Vaillancourt, déléguée du comité de parents de la région nord et, immédiatement à ma droite, Mme Jacqueline Beauchemin, qui est notre déléguée à la Fédération des comités de parents de l'île de Montréal dont elle est la présidente et aussi notre déléguée à la Fédération provinciale des comités de parents où elle est la directrice des parents de la CECM, à son conseil d'administration.

Le secteur français de la CECM représente à lui seul quelque 177 écoles. Compte tenu que, depuis vingt ans déjà, les parents de la CECM s'impliquent dans les affaires scolaires et réagissent aux événements qui agitent le système de l'éducation, il nous aurait été difficile de rester silencieux dans le présent débat. Ce silence aurait été d'autant plus incompréhensible que l'actuel projet de loi reprend l'hypothèse, maintes fois avancée puis abandonnée, de la subdivision de la CECM.

Depuis la parution du livre blanc: Une école communautaire et responsable, les parents de la CECM ont procédé à un sérieux "remue-méninges": multiples soirées d'information, sondages réalisés auprès de 10 000 parents du secteur français, ateliers de réflexion et de discussion, mémoires locaux; tout cela a permis au comité central de prendre le pouls de l'opinion des parents et de l'exprimer dans ce mémoire.

D'entrée de jeu, disons que la majorité des parents de la CECM appuie les grandes orientations du projet de loi 40 intitulé: Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Nous reconnaissons l'urgence de regrouper les écoles sur une base linguistique et de réaménager la confessionnalité dans le respect de tous.

Nous considérons qu'il est nécessaire de procéder à une redéfinition des rôles de la commission scolaire et de l'école afin de permettre à celle-ci d'être responsable de son projet éducatif.

Nous sommes convaincus qu'il est temps de redonner aux parents la place qui leur revient de droit dans l'éducation scolaire de leurs enfants.

Le statut de la commission scolaire. Le regroupement des écoles sur une base confessionnelle ne répond plus aux besoins de la société québécoise. Au nom du réalisme financier et de la logique administrative, au

nom du droit de la communauté anglaise de gérer les institutions qui reflètent et transmettent leurs valeurs, la division des commissions scolaires selon le critère de la langue, surtout sur le territoire métropolitain, s'impose. Cette réforme recueille l'adhésion de la grande majorité des parents de la CECM. J'oserais me permettre d'ajouter ici: de la majorité des parents dans toute la province.

Par contre, la corrélation linguistique que le projet de loi établit entre le nouveau statut des commissions scolaires et la taxe spéciale qu'elles peuvent lever inquiète le comité central. La taxe "linguistique" sur l'île de Montréal nous ramène dix ans en arrière, à l'époque où nous connaissions la taxe "confessionnelle". Seule la taxe "unifiée" présentement appliquée par le Conseil scolaire de l'île de Montréal nous paraît garantir le principe d'égalité des chances.

Nous recommandons donc que le pouvoir de taxation des commissions scolaires, du moins sur l'île de Montréal, demeure soumis à la procédure actuelle "d'unification" au sein du Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Le Président (M. Blouin): Mme Beaudoin, dois-je comprendre que vous avez l'intention de donner une lecture fidèle de tout votre mémoire?

Mme Keeney-Beaudoin: Non, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Alors, vous avez compris notre limite de temps maximale d'une heure trente.

Mme Keeney-Beaudoin: Oui. Ce sera fait dans la limite de temps accordée.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Mme Keeney-Beaudoin: Confessionnalité. Si la majorité des parents de la CECM trouvent parfaitement légitime de déconfessionnaliser les commissions scolaires, il ne faut pas en conclure pour autant qu'ils rejettent toute dimension spirituelle et religieuse dans l'éducation de leurs enfants. Les parents tiennent, encore aujourd'hui, au concept d'éducation intégrale qui, tout au cours de l'histoire du Québec, a fait la spécificité de son système d'éducation. Aussi, exigent-ils, avec force et conviction, le droit pour leurs enfants de recevoir à l'école un enseignement religieux de qualité. Cette exigence est toutefois assortie d'une reconnaissance sans équivoque du droit individuel à la liberté de conscience.

Les réaménagements de la confessionnalité tels que projetés par le projet de loi 40 répondent fort bien à ces attentes des parents francophones de la CECM.

Le droit pour les parents ou chaque enfant de choisir entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral; 2. La garantie de qualité d'un enseignement religieux; 3. Le droit pour l'élève de bénéficier d'un service gratuit d'animation pastorale.

Ces garanties, du moins la première, nous paraissent d'autant plus sérieuses qu'elles sont corroborées par l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, qui se lit comme suit: "Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi."

Le projet de loi 40 va même plus loin dans la reconnaissance de ce droit; il introduit la notion du droit collectif et offre des garanties en ce sens aux groupes majoritaires dans chacune des écoles: 1. possibilité de préparer un projet éducatif confessionnel; 2. possibilité pour les parents de demander un statut juridique confessionnel pour l'école. (10 h 15)

Les parents du secteur français sont très heureux de voir inscrits dans la loi ces deux droits qu'ils considèrent comme faisant partie de leur héritage. Cependant, ils pourraient fort bien ne pas les exercer.

Jusqu'à tout récemment encore, le secteur français de la CECM formait un bloc homogène catholique. Divers facteurs d'ordre social, religieux et politique ont fait éclater cette homogénéité. Le pluralisme culturel, qui est devenu un trait distinctif de la société métropolitaine, a contribué à modifier progressivement l'attitude et les exigences des parents de ce secteur quant à l'éducation religieuse de leurs enfants.

C'est dans ce sens qu'il nous faut interpréter, nous semble-t-il, le fait que, en 1975, les parents de la CECM, au cours de leur congrès annuel, rejetaient majoritairement une proposition voulant créer des écoles "autres" pour les élèves "exemptés" -cette proposition s'appuyait sur l'importance du vécu chrétien dans le projet éducatif d'une école catholique - et que, lors de notre sondage en 1982, soit sept ans plus tard, 55% des répondants ont affirmé désirer une école pluraliste pour leur enfant.

Or, la restructuration des commissions scolaires sur une base linguistique, en réunifiant les francophones du CEPGM et les francophones de la CECM, augmentera sans contredit le nombre d'enfants sans allégeance religieuse ou d'autres allégeances religieuses dans nos écoles de quartier.

Cette prise de conscience de la transformation de la clientèle scolaire de nos écoles et l'esprit d'ouverture et d'accueil qui

en résulte nous amènent également à nous interroger sur les articles 110 et 111 qui ont trait à l'animation pastorale, sur le deuxième paragraphe de l'article 103 qui impose le fardeau des coûts à la communauté religieuse concernée et sur l'article 220 qui fait l'obligation à la commission scolaire d'engager un animateur de foi catholique. Il ressort de ces articles une inégalité de traitement systématique quelque peu gênante, car difficilement explicable. Les enfants, selon qu'ils sont catholiques, protestants ou "autres", ne peuvent prétendre aux mêmes services. Cela nous semble peu conforme à l'esprit de l'article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui prône le droit à l'égalité et cela, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race et sur la religion.

Nous recommandons alors que les articles 110, 111, 103 et 220 soient remaniés de façon à corriger ces inégalités.

L'école de nos enfants. Le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public ouvre sur l'énumération et la description des services scolaires que chaque enfant du Québec est en droit de recevoir.

La conception d'éducation annoncée par l'article 1, reprise dans les articles 3 et 4 et renforcée à l'article 28 nous inquiète sérieusement. La responsabilité d'éveiller, de former et de développer toutes les resssources de la personnalité de nos enfants ne semble être assurée que pendant l'année du préscolaire. Les onze années de primaire et de secondaire seront consacrées à des activités d'enseignement qui les développeront intellectuellement en vue des études à poursuivre ou du marché du travail à conquérir.

Les enfants de demain devront-ils donc, eux aussi, vivre le choc psychologique qu'ont subi leurs aînés en rentrant en 1re année? Peut-on limiter au préscolaire la responsabilité de développer toutes les facettes de la personnalité de nos enfants? Ne doit-elle pas au contraire faire l'objet de notre attention tout au long de la scolarité obligatoire? L'école, du primaire au secondaire, ne doit-elle pas être plus qu'un lieu ou une période d'apprentissage périodique aux objectifs utilitaires?

La conception de formation permanente nous, semblait acquise, l'unanimité des agents éducatifs nous semblait assurée. La dichotomie et l'utilitarisme qui se dégagent de ces quatre articles ne peuvent donc résulter que d'un problème de style.

Dans le cas contraire, une discussion de fond sur le rôle de l'école s'impose au plus tôt.

Nous recommandons alors que les quatre articles en question, soit 1, 3, 4 et 28, soient reformulés en conséquence.

La nécessité de décentraliser vers l'école certains pouvoirs d'ordre pédagogique et de gestion des ressources humaines et financières recueille l'accord d'une majorité de parents. Ils veulent, pour l'école de leurs enfants, une marge de manoeuvre suffisante qui lui permettra de concrétiser, d'adapter et d'enrichir le projet éducatif national selon les particularités, valeurs, attentes et besoins spécifiques de la communauté qu'elle est appelée à servir et dans laquelle elle s'insère. Et cette marge de manoeuvre, ces pouvoirs, les parents considèrent qu'ils doivent être attribués directement à l'école. Cette façon de voir trouve écho dans le projet de loi.

Depuis longtemps, les parents du comité central de la CECM appuient les efforts de ceux qui manifestent le désir de s'impliquer dans la structure scolaire. Malgré les acquis des dernières années, de nombreux parents expriment l'intention de s'impliquer davantage. La réponse positive que nous avons donnée, en avril dernier, à la proposition d'un conseil de gestion formulée par le conseil des commissaires de la CECM montre très bien notre enthousiasme pour le mode de gestion proposé par les articles 35 et 39: les pouvoirs attribués à l'école sont exercés par un conseil d'administration multipartite où les parents sont majoritaires.

Nous sommes également très heureux que le projet de loi protège, par les articles 25 et 26, les droits de l'élève et reconnaisse aux étudiants du secondaire le droit de se prononcer sur leur éducation ainsi que sur les ressources éducatives mises à leur disposition.

À plusieurs occasions, les parents de la CECM avaient exprimé des inquiétudes quant à la préparation des divers milieux à assumer les pouvoirs ainsi attribués à l'école. Les articles 86.7 et 216 du projet de loi tiennent compte de ces inquiétudes. Cependant, l'école devrait pouvoir remettre, en totalité ou en partie seulement, les responsabilités qu'elle ne souhaite pas exercer à un moment donné. Ces pouvoirs seraient par la suite récupérés graduellement selon les désirs des écoles.

Il est important que le milieu et la commission scolaire, qui a une responsabilité d'animatrice, fassent en sorte que ces solutions ne demeurent pas permanentes. De telles situations iraient à l'encontre d'un des objectifs de la loi que la majorité des parents approuvent, c'est-à-dire la réappropriation de l'école par le milieu.

L'instauration d'une administration collégiale, comme l'élargissement de la consultation obligatoire auprès des élèves et des enseignants, presse l'équipe-école à adopter un mode de gestion éminemment démocratique et responsable.

Les parents sont prêts à s'y engager dans le respect des compétences, droits et responsabilités de chacun. Il est à souhaiter que nos partenaires dans l'éducation de nos

enfants répondront également à l'invitation. Oui?

Le Président (M. Blouin): Je crains que nous ne nous soyons pas bien compris. Je vous ai précisé que nous avons, ce matin, deux groupes à entendre, vous et le deuxième groupe que j'ai identifié tout à l'heure. Au rythme où vont les choses... Votre mémoire comprend 41 pages et vous avez procédé à la lecture de 11 pages.

Mme Keeney-Beaudoin: À partir de la page 16, M. le Président, il ne me reste qu'une page.

Le Président (M. Blouin): Vous comprendrez que, déjà, vous avez pris une vingtaine de minutes; plus votre présentation sera longue, moins il y aura d'échanges entre votre groupe et les membres de la commission.

Mme Keeney-Beaudoin: Nous avons regardé notre mémoire avant de partir et il nous semblait que ce qu'il y a là devait être dit.

Le Président (M. Blouin): Je comprends, mais vous devez aussi comprendre les contraintes avec lesquelles nous devons vivre.

Mme Keeney-Beaudoin: Je vais donc prendre la décision de laisser faire le chapitre IV, qui est la commission scolaire, pour aller au conseil d'administration, le territoire et la conclusion, mais c'est vraiment...

Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle, Mme Beaudoin, que les membres de la commission ont eu l'occasion de lire ces documents qu'ils ont déjà en main depuis un certain nombre de semaines; vous pouvez toujours procéder sur-le-champ à un résumé en quelques phrases du contenu de ces chapitres.

Mme Keeney-Beaudoin: Le conseil d'administration de ces nouvelles commissions scolaires ne sera pas sans influencer considérablement la dynamique des relations qu'elles entretiendront - c'est à la page 15 -avec leurs écoles dorénavant plus autonomes et plus responsables.

La dernière élection scolaire, malgré les sommes importantes consacrées à la publicité, a clairement démontré le peu d'intérêt manifesté par les citoyens en général par ce genre de représentation. Quant à la formule avancée par le projet de loi, même si elle crée un lien organique entre l'école et la commission, elle présente des inconvénients tels, pour ne pas dire des aberrations, que nous ne pouvons les appuyer.

Nous préférons de beaucoup un conseil des commissaires mixte, en partie composé de représentants désignés par les parents des conseils d'école réunis par bassin en collège électoral et, en partie, de membres élus au suffrage universel. La majorité des parents veut que le premier groupe soit majoritaire, à l'exception des parents de la région ouest qui désirent une proportion inverse. À notre avis, cette composition respecte assez bien les principes et exigences suivantes: 1. Les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants et doivent être en mesure de faire valoir leurs points de vue même à cet échelon important de l'administration scolaire. L'éducation scolaire relève également de la responsabilité collective des citoyens. 2. L'école, en tant que communauté éducative locale, doit avoir son porte-parole à l'échelon régional pour faire valoir les besoins relatifs à la mise en place de son projet éducatif.

Aussi, la commission scolaire, qui a la responsabilité d'assurer à la population de son territoire les services éducatifs de qualité, doit être en mesure de répartir les ressources disponibles selon les exigences de la justice distributive et de faire une évaluation des services offerts par ces écoles.

L'expression des besoins de chacune des écoles, à ce niveau de décision, nécessite un ratio commissaire-écoles raisonnable. La tâche de ces représentants doit, en effet, permettre un dialogue véritable et une connaissance réelle du ou des milieux-écoles.

Par contre, le nombre de commissaires ne devrait pas être trop élevé. Au-delà d'un certain nombre, il sera difficile pour chacun d'intervenir et la longueur des discussions risquera de paralyser le fonctionnement. On sera alors tenté de déléguer plus de pouvoirs à l'exécutif et il se développera, chez beaucoup de commissaires et d'écoles, la perception qu'il leur est impossible de se faire connaître et d'influencer les décisions.

Le territoire. Le comité central de la CECM s'est efforcé de dégager l'opinion commune des parents des écoles du secteur français sur l'éventualité d'un partage du territoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

La première démarche, en novembre 1982, a pris la forme d'un vaste sondage adressé à 10 000 parents d'élèves et auquel plus de 5000 parents ont répondu. Une des questions du sondage portait sur la taille de la CECM. La deuxième démarche a pris la forme d'une assemblée générale extraordinaire des présidents et délégués des comités d'école du secteur français, en octobre 1983.

(10 h 30)

Devant l'écart entre les résultats du sondage de novembre 1982 et ceux d'octobre 1983, le comité central des parents, au

moment de terminer le texte de ce mémoire, a consulté les comités régionaux de parents dans le but de refléter le plus fidèlement possible l'opinion commune des parents sur cette question. On constate, à la lecture des positions des comités régionaux et à la suite des consultations, que la question du découpage du territoire de la commission scolaire demeure une question très controversée.

Plusieurs raisons peuvent, en partie, expliquer cette controverse. Entre autres, le manque général d'information chez l'ensemble des parents et la diversité des milieux sur les plans social, politique et religieux. À notre avis, une des principales raisons pour expliquer cette espèce de confusion qui apparaît à chaque fois que cette question est soulevée est le manque d'information sur l'importance des conséquences positives ou négatives d'une telle restructuration.

En conclusion, le projet de loi 40 sur la réforme des structures scolaires soulève donc une foule de questions complexes que les parents se sont employés à examiner de leur mieux, compte tenu de l'information dont ils disposaient et compte tenu également de leur disponibilité.

Cet examen a permis de dégager un certain nombre de consensus. Aussi, les parents francophones de la CECM sont d'accord sur la division linguistique des commissions scolaires, sur le choix par l'école de son caractère confessionnel. Ils sont également d'accord avec la nécessité d'un nouveau partage des pouvoirs entre la commission scolaire et l'école, sur le besoin de laisser à la commission scolaire le pouvoir de coordonner l'activité générale des écoles. Toutefois, les parents désirent une participation accrue aux prises de décision, à la fois au niveau de l'école et de la commission scolaire.

Par ailleurs, sur la question du découpage du territoire de la commission scolaire, qui demeure controversée, une étude plus approfondie sur les avantages et les désavantages d'un tel changement serait nécessaire et sage pour formuler une opinion commune largement partagée. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Keeney-Beaudoin. Chacune des formations politiques disposera d'une période d'un peu plus de 30 minutes pour s'entretenir avec nos invités. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le Comité central des parents de la CECM pour le travail, l'effort, les activités, le remue-méninges qui ont présidé à la préparation d'un mémoire que je trouve éminemment sérieux et substantiel. C'est une preuve de leur responsabilisation et de leur capacité de se responsabiliser encore davantage au service de l'école.

Le comité de parents se dit d'accord avec le plus grand nombre des articles du projet de loi. Il propose cependant des améliorations que nous étudierons avec la plus grande attention.

Le comité de parents se dit d'accord en particulier, et je pense que c'est l'objet de nos plus grandes discussions à la commission parlementaire, sur le transfert à l'école de responsabilités importantes en matière de pédagogie, responsabilités qui permettront à l'école de mettre sur pied un projet éducatif qui vise le développement intégral et optimal de l'enfant et qui vise à ce que chacun des moments passés à l'école, des activités à l'école puisse servir à ce développement et à la création d'un environnement éducatif de qualité.

Le comité de parents se dit également d'accord pour que cette responsabilité s'exerce d'une façon collégiale, c'est-à-dire dans un esprit de concertation, dans un travail de concertation avec les autres agents de l'école et particulièrement avec les enseignants. Avec ce travail de concertation, il deviendra possible au conseil de l'école et à ses divers comités qui le nourissent, soit le comité des parents et celui des enseignants, d'identifier les points forts et les points faibles de l'école, d'établir des priorités, que ce soit le développement physique de l'enfant ou le développement de l'enseignement du français ou des mathématiques, ou le développement du sens moral ou des valeurs chez l'enfant, ou le développement, en somme ce qui sera constaté par les gens du milieu, de juger du résultat qu'a l'application des régimes pédagogiques et de faire les correctifs nécessaires.

Le comité des parents se dit d'accord avec cette réappropriation par le milieu du projet éducatif de l'école et l'établissement d'un plan d'action qui permettra à l'école d'assumer véritablement sa responsabilité, sa mission éducative. C'est là, encore une fois, l'essentiel qui est discuté d'une façon prépondérante au sein de cette commission.

Par ailleurs, plusieurs groupes s'interrogent à ce sujet et sont venus nous dire leurs craintes. Par exemple, on craint que les parents ne veuillent jouer, en vertu de ce projet de loi, à l'administrateur, ce pourquoi ils ne sont pas faits, ce qu'ils ne veulent pas faire, mais ce que, de toute façon, le rôle qui leur est imparti par le projet de loi au conseil d'école les forcera à devenir, des administrateurs, tâche pour laquelle ils n'ont ni le temps ni la disponibilité ni le goût de s'employer. D'autres, souvent les mêmes, sont venus nous dire que les parents au conseil d'école, qu'ils le veuillent ou non, vont assumer un rôle qui serait davantage la mission de l'enseignant, c'est-à-dire un rôle de pédagogue. Ce rôle prépondérant, du fait qu'ils seraient

majoritaires au conseil d'école, ne correspond ni à leurs droits ni à leurs capacités, ni à leur compétence ni à leur disponibilité.

J'aimerais savoir de vous, étant donné que vous avez étudié longuement ces aspects du projet, comment vous réagissez à ces craintes qu'on a exprimées ou à ces interrogations, ou même à ces déclarations ou à ces convictions dont on nous a fait part.

Mme Keeney-Beaudoin: Je crois, M. le ministre, qu'il y a une distinction à faire: c'est que tous les milieux ne sont pas également prêts ou préparés à assumer ce qu'on choisit d'appeler ou des responsabilités ou des pouvoirs et que, dans l'application de la loi ou la réalisation de la réforme, il faudrait, selon nos opinions, y aller en mettant la pédale douce, y aller très progressivement et ne pas imposer à tous les milieux en même temps de prendre ces responsabilités ou ces pouvoirs si les gens ne se sentent pas prêts à le faire. Nous mentionnions dans le mémoire, à plusieurs endroits, qu'il y a des milieux très différents au point de vue social, économique et religieux. Il y a beaucoup d'implications qui vont avec ces différences de milieu. Sans contredit, nous avons, surtout au comité central de la CECM et dans nos écoles, des parents qui sont prêts, des parents qui le désirent ardemment depuis longtemps. À l'unanimité, le message que vous font les parents, c'est que là où les gens sont prêts, il faudrait y aller. Mais, par contre, il serait probablement très sage de laisser faire ces milieux qui sont prêts à faire une expérimentation, si on peut l'appeler comme cela, afin que progressivement les autres milieux qui voient ce qui se passe, qui voient ce que les parents peuvent finir par accomplir et à quel point leur implication constante ou non est nécessaire... Ces autres parents en arriveraient très progressivement à juger de leur point de participation, là où ils pourraient eux aussi participer avec la même intensivité que celle des autres milieux.

Dans tous les comités de parents, dans tous les comités d'école, les gens sont unanimes à dire que, là où on veut le faire, personne ne s'y oppose. Mais, par contre, chacun s'abstient. Je ne suis pas prêt dans ce cas. Au moment de la pédagogie, je ne pourrai pas y être. D'autres disent: Je n'ai pas le temps voulu. Je vois cela difficilement dans mon école; là où les deux parents travaillent dans chaque famille, il n'y aurait personne pour vraiment nous représenter, mais, en y allant progressivement, nous croyons que l'application serait moins douloureuse et que le choc serait moins grand.

M. Laurin: Le projet de loi prévoit cette responsabilisation progressive, cette appropriation progressive qui peut s'étaler sur un certain nombre d'années. Mais je crois vous avoir entendue dire, cependant, qu'il ne faudrait pas que le temps soit trop long et que, surtout, on retourne à l'état antérieur d'une façon permanente. Donc, vous nous suggérez probablement d'être encore plus souples à ce sujet, mais vous n'avez quand même pas répondu à ma question: Est-ce que, véritablement, en assumant ce rôle au conseil d'école les parents deviennent des administrateurs et des pédagogues? Ou, sous une autre forme, les parents doivent-ils être exclus de la pédagogie? Est-ce prendre la place d'un autre que de s'occuper, par exemple, de juger du rendement pédagogique d'une école ou du rendement pédagogique d'un programme?

Mme Keeney-Beaudoin: La façon dont les parents voient leur participation, c'est qu'ils la voient comme une participation de cogestionnaires. Les parents sont consultés constamment sur plusieurs facettes de l'éducation, que ce soit l'éducation physique, matérielle, ou quelquefois pédagogique. Les parents désireraient que les décisions prises à la suite des multiples consultations dont eux, les parents, font l'objet reflètent l'opinion exprimée par les parents, que cette consultation ne soit pas seulement une consultation de bouche, que ce ne soit pas fait seulement pour le faire, mais que les décisions qui en résultent tiennent compte de ce que les parents ont eu à dire. Ils se voient en fonction de cogestionnaires plutôt qu'en fonction de gens qui prennent l'administration ou qui prennent la pédagogie aux administrateurs ou aux pédagogues.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Beaudoin. Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la présidente du Comité central des parents de la Commission des écoles catholiques de Montréal et ses collègues qui l'accompagnent. La Commission des écoles catholiques de Montréal a été une pionnière en ce qui touche la participation des parents aux affaires scolaires. À cet égard, je veux rendre un hommage spécial à l'ancienne présidente de la CECM, Mme Thérèse Lavoie-Roux, ma collègue de L'Acadie, qui aura le plaisir de vous interroger tantôt. Elle a joué un grand rôle dans cette évolution qui a permis de rapprocher beaucoup les parents de l'école. Je peux vous assurer que dans toute la mesure où on présente des propositions réalistes à cette fin, nous sommes extrêmement favorables à cette orientation. (10 h 45)

Le point clé, évidemment, est de

s'assurer que les propositions que l'on mettra de l'avant à cet égard seront des propositions réalistes, solidement vérifiées, ouvertes à l'expérimentation évidemment, mais, comme vous l'avez dit justement, pas orientées vers l'imposition de modèles uniformes qui ne tiennent pas compte de l'état de développement et de préparation de différents milieux, état qui peut varier considérablement, même à l'intérieur d'un territoire comme celui de la CECM et, à plus forte raison, quand on embrasse l'ensemble du territoire de la province de Québec.

Je voudrais tout d'abord vous poser une question rapide. Vous parlez d'un sondage qui a été fait auprès de 10 000 parents - je pense que c'est à l'automne 1982. Il y en a un autre qui aurait été fait par la suite mais cela a été plutôt une consultation à l'occasion d'une assemblée générale, je crois, n'est-ce pas? Est-ce que vous avez un rapport écrit des résultats du sondage que vous pourriez nous laisser?

Mme Keeney-Beaudoin: Oui, M. le Président.

M. Ryan: II y aurait moyen d'avoir des copies de ce sondage. Ce serait intéressant. Très bien.

Dans votre document, il y a des formulations qui me laissent un petit peu perplexe. Par exemple, lorsque vous dites: II est temps de redonner aux parents la place qui leur revient de droit dans l'école. Vous dites cela dès le début du mémoire. Je suis porté à être d'accord avec vous à condition que nous nous entendions sur ce qu'est cette place évidemment. Cela ouvre toute la discussion.

Est-ce qu'il est essentiel, pour que les parents aient leur place à l'école, qu'ils détiennent la majorité dans un conseil d'école comme celui que le ministre nous propose? Vous disiez vous-même, je vous écoutais parler... J'ai trouvé que vos propos étaient plus nuancés que ce qu'on trouve dans le texte de loi. Vous disiez que les parents se voient comme cogestionnaires. Ils ne veulent pas uniquement être des donneurs d'opinions dont on tiendra compte quand cela fera l'affaire des administrateurs, ils veulent avoir certaines assurances que les opinions qu'ils expriment seront considérées à leur juste valeur et traduites en décisions pratiques chaque fois que c'est possible.

Est-ce que cela fait partie de la nature même de l'idée que vous émettez que les parents doivent détenir la majorité au conseil d'école? C'est là un concept qui nous crée des difficultés. Nous trouvons que ce n'est pas la bonne formule. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi c'est la bonne formule. Quand on regarde ce qui s'est passé dans la participation des parents à la vie de l'école depuis une quinzaine d'années, on a l'impression qu'on allait vers une participation accrue qui a d'abord pris des formes consultatives. On a dit ensuite: On voudrait être associé au processus de décision. Tout à coup, il s'est fait un saut abrupt depuis un an et demi, deux ans ou plus puis on dit: II faut qu'ils soient majoritaires. Franchement, c'est une proposition dont le bien-fondé n'a pas été démontré à ma satisfaction.

Mme Keeney-Beaudoin: M. le Président, comme nous l'avons mentionné dans le mémoire, la proposition que les parents soient majoritaires, a été une position d'une majorité des parents. C'est donc dire que les parents ne sont pas unanimes sur ce point. Où les parents sont unanimes, c'est pour dire qu'il convient d'avoir des conseils mixtes, et à l'école et à la commission scolaire. Mais les proportions de parents, d'administrateurs, de pédagogues, varient toujours selon les milieux social, économique et religieux des gens qui nous ont répondu.

M. Ryan: Vous dites ailleurs dans votre mémoire, à la page 11 je crois: II faut que l'on procède à la réappropriation de l'école par le milieu. Vous voyez, dans le projet de loi 40, un geste important du gouvernement dans ce sens.

Une question que je voudrais vous poser à ce sujet. Autant je peux concevoir cela pour le niveau primaire, que l'école doive devenir davantage solidaire de son milieu immédiat, autant pour l'école secondaire cela m'apparaît assez problématique.

Je vais vous donner l'exemple d'une commission scolaire dans ma région où l'école polyvalente regroupe à peu près 3000 étudiants. À la dernière assemblée pour le choix des membres du comité d'école, savez-vous combien il y avait de personnes qui ont répondu à l'invitation qui avait été adressée à chaque parent individuellement? 28. Vous savez comme moi que, dans l'ensemble des écoles secondaires, le taux de participation à ces réunions est extrêmement réduit. Sérieusement, est-ce qu'on va aller dire: On va confier à un comité qui va émaner de cela la responsabilité d'avoir la direction de l'école? La direction d'une école secondaire est une grosse entreprise aujourd'hui. C'est aussi gros qu'une usine. Sérieusement, est-ce qu'on peut dire: On va donner la direction de cette école à un comité qui va être formé d'une majorité de personnes émanant d'assemblées comme celles qu'on a vues depuis une dizaine d'années?

C'est une question qui m'inquiète beaucoup. À part cela, votre école secondaire polyvalente couvre un très grand territoire. Des fois, c'est un territoire aussi grand que celui de la commission scolaire elle-même. Allez-vous avoir deux directions, une qui va émaner d'un petit groupe à

l'intérieur de l'école, l'autre, celle de la commission scolaire, qui va représenter tout le territoire? J'ai bien de la misère à me représenter cette possibilité, pour être franc avec vous.

Le Président (M. Blouin): Mme Keeney-Beaudoin.

Mme Keeney-Beaudoin: J'aimerais que Mme Beauchemin réponde à la question de M. Ryan, s'il vous plaît.

Mme Beauchemin (Jacqueline): C'est un fait exact que, dans la majorité de nos écoles secondaires, le taux de participation des parents à l'assemblée générale est toujours minime. L'an passé, quand le livre blanc est sorti et que j'allais dans différents endroits pour parler de ce livre blanc, cela a été une opposition qui arrivait de certains membres de comités d'école. Je me suis fait répondre par un autre membre qui avait quand même une expérience, mais qui avait laissé depuis quelque temps sa participation active auprès des comités, que, tant que les parents ne seraient que consultés, beaucoup de gens se fatiguaient de participer parce qu'ils n'étaient que consultés et qu'on faisait plus ou moins cas de la consultation dans certains milieux. Il est évident que, même si le taux de participation est minime parce que les gens se fatiguent d'être consultés et de ne pas être écoutés, il reste que ceux qui sont là peuvent être plus actifs et peuvent avoir acquis une expérience différente.

À l'école primaire, c'est sûr que les parents qui viennent et qui assistent sont beaucoup plus nouveaux et ont moins d'expérience. À la longue, ils acquièrent cette expérience. Cela ne veut pas dire que, lorsque la participation deviendra essentielle dans l'administration, nous n'aurons pas suffisamment de gens qui pourront donner de leur temps, qui vont se consacrer à la chose scolaire et qui y seront quand même très actifs et très productifs.

Si on regarde les assistances dans n'importe quel milieu, on retrouve toujours un taux de participation assez faible et les organismes fonctionnent quand même. Je pense qu'il ne faut pas se fier au taux de participation. Si on regarde le taux de participation aux élections scolaires, on verra également que le taux est très faible. Par contre, les administrateurs qui sont élus fonctionnent.

M. Ryan: Si vous aviez un taux de 15% à 20% pour nos écoles secondaires, cela voudrait dire que vous auriez des assemblées de parents de 300 à 500 personnes présents mais il y a 25 ou 30 personnes. À partir d'une expérience comme celle-là, faire tout un chambardement comme celui que propose le ministre au point de vue des structures d'autorité dans l'école, j'ai bien du mal à concevoir cela. Je ne veux pas engager de débat trop long parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je vous fais simplement part de ma réaction d'honnête citoyen qui regarde cela.

Si vous me le permettez, je vais vous poser une question. Le directeur d'une grosse école secondaire, de qui va-t-il relever d'après vous?

Mme Beauchemin: II relève nécessairement de la commission scolaire actuellement. Il reste au service des élèves de l'école où il est.

M. Ryan: De qui doit-il relever? Nous connaissons la situation actuelle, Mme Beauchemin. Mais, de qui doit-il relever d'après vous?

Mme Beauchemin: Actuellement, il relève de la commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil vous demande, en fonction des hypothèses du projet de loi 40, selon vous, de qui il devrait relever?

M. Ryan: Pour vous donner cela plus concrètement: Le président de la Fédération des directeurs d'école est venu nous dire l'autre jour qu'il ne doit pas relever du directeur général de la commission scolaire; pour les bénéfices et les avantages, oui mais pour l'exercice de ses fonctions, non. Est-ce que vous voyez cela de la même façon?

Mme Beauchemin: Oui, c'est un peu la même façon.

M. Ryan: Sans explication.

Mme Beauchemin: Bien, sans explication. C'est sûr que le directeur est quand même au service de son école. Le conseil d'administration de l'école doit voir à tout le fonctionnement et à toute l'administration de l'école.

M. Ryan: Qu'est-ce que la commission scolaire va faire là-dedans?

Mme Beauchemin: Elle est quand même là pour l'ensemble des écoles. C'est une communauté de services qui voit à l'ensemble de toutes ces écoles.

M. Ryan: Vous trouvez que le projet de loi lui donne une autorité suffisante sur les écoles. Vous dites cela dans votre mémoire, d'ailleurs.

Mme Beauchemin: C'est sûr que la première autorité dans l'école, cela reste le directeur. Il est là pour coordonner ce qui

sera décidé par le conseil d'administration. Ce conseil d'administration sera formé non pas seulement de parents mais de tous les agents d'éducation. C'est sûr qu'on craint dans beaucoup de milieux, en disant que tous les parents n'ont pas le temps, ne sont pas aptes et n'ont pas les qualités voulues. Est-ce que tous les commissaires élus actuellement sont des pédagogues et des administrateurs avant d'avoir été élus commissaires? Il y en a qui le sont, mais tous n'ont pas également les mêmes qualités. Chez les parents, on retrouvera également des gens qui ont le temps, qui ont les qualifications et qui ont la capacité comme chez certains commissaires actuellement.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Bourassa, je vous rappelle que trois membres de votre formation politique ont réclamé de s'entretenir avec nos invités; il reste 21 minutes.

M. Laplante: J'en tiendrai compte, M. le Président. Mesdames, messieurs, aujourd'hui plus que jamais, je constate avec quelle fierté mon évolution a passé par les comités d'école. Je connais certains d'entre vous. Dieu sait que les comités d'école, lorsqu'ils ont commencé, étaient les parents pauvres dans une école. On nous taxait souvent de preneurs de café, de mangeurs de biscuits. On avait un défi à relever et, à la lecture du mémoire que vous présentez aujourd'hui, j'aimerais que chaque parent puisse en prendre connaissance.

Il reste encore, dans l'opinion des administrateurs des commissions scolaires et de certains directeurs, la peur du parent qui s'implique dans une école, qui désire prendre des responsabilités. Mme Beauchemin a dit, tout à l'heure, que les commissaires, souvent, ne sont pas des pédagogues. Je n'ai jamais été pédagogue. Je pense que, à l'époque où j'étais commissaire à la CECM, je me suis consacré entièrement aux comités d'école. J'ai pris mon orientation parmi les parents, souventefois en affrontant les structures de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Je suis fier d'avoir fait ce travail. On récolte, aujourd'hui, ce qu'on a semé à ce moment-là. Continuez votre action pour avoir une emprise dans l'école.

M. le député d'Argenteuil s'interroge sur la participation des parents. En matière de participation des parents, ceux-ci ont été écoeurés par les structures; voilà ce qu'on a fait. Si j'avais le temps de tout vous raconter, à partir de la Fédération des commissions scolaires, à partir de notre commission scolaire, qui était, à ce moment-là, la CECM, la population du Québec serait scandalisée de l'espace que les commissaires et les cadres, les hauts fonctionnaires des commissions scolaires voulaient laisser aux parents. Aujourd'hui, vous voulez prendre votre place dans l'école et vous prenez votre place de façon rationnelle. Bravo, continuez comme cela.

Je continuerai à travailler pour vous par le projet de loi 40 et par d'autres projets. Si j'avais 20 ou 25 minutes, je continuerais, mais je ne les ai pas. C'est toutefois le message important que je voulais vous transmettre, message d'encouragement pour continuer et de diffuser votre mémoire.

Il y a une chose qui me préoccupe et c'est la taille des commissions scolaires. Je pourrais vous donner une foule d'exemples. Encore la semaine dernière, certains événements sont survenus à notre commission scolaire. Si on avait eu une commission scolaire décentralisée, les enfants n'auraient pas passé quatre jours sans aller à l'école. Un nouvel enfant habitant en face d'une école n'a pu aller à l'école et, ensuite, il a dû prendre l'autobus pour aller dans une autre école. Je pense que cela n'arriverait pas dans un système décentralisé. La taille d'une commission scolaire, pour vous, pour qu'elle soit humainement profitable pour nos enfants, quelle serait-elle?

Dans votre mémoire, vous dites que les gens sont divisés. Je vous demande une opinion personnelle; ce n'est pas une opinion qui peut concerner vos comités d'école. La deuxième question: Avez-vous eu des pressions pour appuyer la position des commissions scolaires dans votre mémoire? Ce sont les deux questions fondamentales que je vous pose. (11 heures)

Mme Beauchemin: Je répondrai à la première question en ce qui concerne la taille de la commission scolaire où les idées sont très partagées. Je vous dirai que, sentimentalement et si on s'arrête là, personne ne divisera la CECM, mais je pense qu'au-dessus des sentiments il y a d'autres priorités auxquelles il faut s'accrocher.

Si on regarde la rentabilité des autres commissions scolaires sur l'île de Montréal, qui sont quand même de taille beaucoup plus réduite que la CECM et quand on se rend compte que des commissions scolaires, qui comptent de 25 000 à 30 000 élèves, peuvent offrir tous les services dont ont besoin nos étudiants, je pense que la taille idéale peut se situer à ce niveau. La grosse machine qu'est la CECM a même compris, à un moment donné, qu'elle était trop grosse pour fonctionner, en se divisant elle-même en régions administratives et en décentralisant certains pouvoirs au niveau des régions.

Nous comptons actuellement trois régions françaises qu'on souhaiterait conserver en trois commissions scolaires distinctes qui comptent de 25 000 à 30 000

élèves en moyenne par région. La région nord, où je vis, compte 51 écoles. C'est à peu près sa taille. Bien sûr, dans la région nord, on peut offrir à peu près tous les services.

Au départ, plusieurs personnes croyaient qu'à cause de la grosseur de l'organisme il pouvait offrir des services particuliers. Je pense, par exemple, aux enfants handicapés; je pense à certains besoins d'enfants qui ont des difficultés d'apprentissage; je pense à des centres particuliers comme Henri-Julien ou l'école Rosalie-Jetté qui offrent un enseignement très spécialisé pour certains enfants qui manifestent des besoins particuliers. Beaucoup croyaient que ces services dépendaient de la grosseur de la commission scolaire, parce qu'elle avait des revenus supplémentaires.

Si on regarde d'autres commissions scolaires, comme Jérôme-LeRoyer, par exemple, ou Baldwin-Cartier, qui s'occupent des besoins particuliers de leurs élèves, on se rend compte que ces besoins pourraient être satisfaits même si la CECM était divisée. Si on regarde ce qui se passe au niveau des régions, cela explique également la situation. Maintenant, le fait que nous ayons une superstructure, celle de la CECM qui vient chapeauter ces différentes régions, double les frais d'administration et double également la concertation, les discussions qui doivent se faire à différents paliers. C'est dans ce sens que les gens sont partagés et c'est ce qui fait que certains préféreraient la division de la CECM.

J'irais même un peu plus loin dans cet exposé en disant que des gens face aux services des commissaires qui sont élus selon le choix de la division ou de la non-division dépend également de la satisfaction. Par exemple, dans la région ouest, qui désire en majorité le statu quo, c'est-à-dire qui veut rester à l'intérieur d'une grosse CECM, les gens ont la chance d'avoir des commissaires qui sont très près d'eux, qui se préoccupent de l'opinion des parents et qui agissent directement dans les écoles. Par contre, dans le nord, cette majorité est inversée. C'est la majorité qui désire le partage de la CECM, qui demande également plus de participation des parents, peut-être parce que les commissaires de la région nord sont moins actifs et moins près des parents, moins près des écoles. Il y a même un quartier où on ne voit jamais le commissaire mettre le pied dans une école. Dans la région est, c'est très partagé. Je pense que tout cela se tient. Les gens qui sont satisfaits des services rendus par leurs commissaires désirent davantage le statu quo, désirent rester comme ils sont, alors que, dans les autres où le degré de satisfaction est beaucoup inférieur, les gens demandent des changements beaucoup plus radicaux.

Le Président (M. Blouin): Oui, Mme Beaudoin. M. Olivier, je crois, désire ajouter un complément de réponse.

M. Olivier (Jean): Si vous me le permettez, pour répondre à la question du député, à la page 23 de notre mémoire, on écrit, à l'article 3: "Nous reconnaissons que la taille de la CECM est considérable et que pour fonctionner de façon efficace elle est subdivisée en régions administratives." C'est pour fonctionner d'une façon efficace. "Cette situation s'apparente à celle qu'on retrouve dans les compagnies ou les organismes importants tels Hydro-Québec, Bell Canada, la CTCUM et même le MEQ, le Mouvement Desjardins, etc." Pour cela vont-ils devenir des unités divisées comme on veut le faire à la CECM? Je ne le crois pas parce que la majorité des parents interrogés lors du sondage de 1982 était pour le maintien territorial de la CECM.

Les membres de notre région, à 90%, sont encore pour le statu quo sur le territoire. Dans les autres régions, c'est vrai qu'il y a des divergences, mais à la région est c'est 50-50, région nord 70% pour la restructuration, 30% contre. Si on fait le compte au niveau du comité central comme tel, les parents de la CECM privilégient le statu quo territorial de la CECM. Ce n'est pas parce qu'elle est subdivisée en zones administratives que c'est prouvé qu'on doit se diviser maintenant en commissions scolaires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Olivier. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Cela me fait plaisir de saluer les parents du Comité central des parents de la Commission des écoles catholiques de Montréal. J'avais entre les mains la participation des parents à la CECM qui a été préparée par M. Charbonneau qui, depuis de nombreuses années, je pense, a travaillé d'une façon très intime avec les parents de la CECM. On voit le cheminement. C'est vrai que cela a commencé en 1965 et cela a évolué tranquillement. Finalement, vous avez quand même fait des progrès quant au niveau de participation que vous avez d'abord à l'intérieur de la CECM et à l'intérieur des écoles.

Je voudrais vous poser une première question. Depuis que, par exemple, il y a eu la possibilité de créer les comités d'orientation, qu'il y a eu une plus grande possibilité de participer à la consultation - il y a même eu des objets de consultation obligatoire, ce qui existait déjà à la CECM, je pense, avant même la loi du ministère -est-ce que ceci a amené une plus grande participation des parents ou si, pour la participation des parents, c'est toujours aux

alentours des mêmes pourcentages qui n'étaient pas très forts?

Mme Keeney-Beaudoin: Je crois, madame, qu'il y a tellement d'objets différents, il y a tellement de degrés de satisfaction différents. Ces degrés de satisfaction dépendent, d'abord, de la direction d'école parce qu'on commence au niveau de l'école et, si le parent se bute à des obstacles insurmontables au niveau de l'école, il n'a pas l'envie ni l'ambition d'aller plus loin à moins d'être un parent très têtu. Dans mon cas, il y a quinze ans que je fais de la participation de parent, mais tout le monde n'a pas six enfants. Tout le monde ne peut pas se permettre d'y participer si longtemps. On rencontre des directeurs d'école qui sont réceptifs aux interventions des parents et le chemin est beaucoup plus facile après. Par contre, on en rencontre aussi d'autres qui dans les premières années insistaient pour faire l'ordre du jour de la réunion qui insistaient même pour présider la réunion et faire le procès-verbal eux-mêmes. Vous comprenez que dans ces écoles la participation des parents a été très vite découragée.

Il y a tellement de niveaux où les parents ont besoin d'être reçus de façon amicale, pour employer ce mot à défaut d'un autre, qu'il est difficile de résumer le degré de participation. Il y a tellement d'obstacles tout au long du chemin pour se rendre jusqu'à la commission scolaire. Le premier obstacle est souvent au niveau de l'école. Je suis persuadée que, là où la direction d'école est réceptive, les parents continuent dans la route; sinon, c'est là que la démission des parents arrive.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que l'observation que vous faites, Mme Beaudoin, est un peu celle que j'avais eu l'occasion de faire lorsque je visitais les écoles de mon quartier dans le temps. C'était très tranché entre une école et l'autre selon la sécurité personnelle du directeur de l'école...

Mme Keeney-Beaudoin: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...selon aussi la possibilité objective de participer. Comme vous le mentionniez tout à l'heure, de plus en plus il y a des parents qui travaillent. Par exemple, j'avais noté que, dans les milieux à forte concentration ethnique, les femmes participaient peu, mais que les hommes participaient davantage. Il y a toutes sortes de données qui diffèrent d'une école à l'autre, particulièrement dans une agglomération comme Montréal où vous remarquez une multiplicité ou une grande diversité.

Seulement une question très courte. J'imagine qu'à votre comité d'école vous voulez des enseignants?

Mme Keeney-Beaudoin: On ne peut pas concevoir un projet éducatif...

Mme Lavoie-Roux: Je parle du conseil d'école.

Mme Keeney-Beaudoin: On ne peut pas concevoir un projet éducatif dans une école sans les enseignants.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Sans cela, vous vous trouveriez vis-à-vis des mêmes blocages que si vous vous retrouvez avec un directeur d'école qui n'a pas d'ouverture d'esprit. Vous seriez, finalement, seuls en face du directeur d'école.

Mme Keeney-Beaudoin: Mais ce sont vraiment des choses qui ne peuvent pas être légiférées.

Mme Lavoie-Roux: Ah, c'est intéressant!

Mme Keeney-Beaudoin: C'est quelque chose qui doit venir de la volonté des milieux. Il faut vraiment qu'il y ait une ambiance de vouloir coopérer, parce qu'il est difficile là où il y a imposition de volontés, de s'attendre à la coopération des intervenants.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous touchez au point crucial et c'est le point que, de ce côté-ci de la table de la commission, nous avons continuellement soulevé. Vous ne pouvez pas légiférer la concertation. Je pense que vous avez eu le meilleur exemple de cela à la CECM avec le fameux rapport COGES. Nous n'en ferons pas l'historique, mais ce fut assez ardu. Il a été produit, mais il y avait beaucoup de résistance dans les écoles, particulièrement de la part des directions d'école, des enseignants et, dans certains cas, des parents à établir cette cogestion. Il y avait aussi des difficultés ou une résistance de la part des commissaires. Il y avait une foule de facteurs. Finalement, malgré tout, je pense que vous avez évolué de plus en plus vers cette forme jusqu'au moment où la CECM vous a offert trois modèles de cogestion à différents degrés.

Je voudrais vous poser une question sur la confessionnalité. Vous avez, quand même, eu des expériences isolées. Je pense, entre autres, à l'expérience vécue à Notre-Dame-des-Neiges. La loi prévoit que l'école doit déterminer par un vote des parents son statut confessionnel et que ce statut pourrait même être remis en question en cours d'année et pas nécessairement au bout de trois ou cinq ans. Est-ce que vous avez évalué ce que cela pourra créer comme

tension à l'intérieur d'une école? Si on se réfère à l'expérience de Notre-Dame-des-Neiges, un groupe de parents a demandé que l'école soit déconfessionnalisée et, lors d'un vote, je pense qu'ils ont obtenu la majorité. Par la suite, l'autre partie de l'école est repartie en campagne pour faire renverser le vote. Peut-être que je déforme les faits, mais pas beaucoup, je crois. Je pense que cela s'est passé comme cela. Finalement, c'est allé devant les tribunaux et il y a eu un jugement. C'est ce qui s'est passé dans une seule école, dans un milieu qui n'était pas défavorisé, où il y avait une participation assez exceptionnelle des parents.

Qu'en pensez-vous quand vous envisagez cela - que ce soit une commission scolaire de 5000, 10 000 ou 20 000 personnes, je pense que cela importe peu; c'est le nombre d'écoles - dans une commission scolaire qui aurait quinze écoles et, finalement, dans toutes les écoles?

Mme Keeney-Beaudoin: Avec le nombre de sujets possibles de réflexion par article de la loi, vous comprenez que nous n'avons pas pris chaque article de la loi. Nous y sommes allés de façon générale, là où il y avait des consensus. Je crois, Mme la députée, pour répondre à votre question, que je devrai prendre sur mes épaules la responsabilité de vous répondre un peu personnellement parce que nous n'avons vraiment pas fait de consultation à la base là-dessus. (11 h 15)

Après avoir suivi les débats de la commission assez assidûment depuis le début et avoir été amenés à des réflexions que nous n'avions pas pensé faire auparavant, il me semble qu'une solution ou une proposition qui a été maintes fois soutenue ici au cours des jours passés est que ce débat sur la confessionnalité se fasse au niveau de la commission scolaire plutôt qu'au niveau de l'école. Il semble que cela éliminerait beaucoup de frictions et surtout ce sentiment d'insécurité s'il fallait y revenir à tout instant. Personnellement, la seule chose à laquelle j'avais pensé auparavant, c'était que le fardeau de la preuve incombe aux gens qui trouvent la nécessité de changer le statut confessionnel de l'école plutôt qu'à ceux qui veulent le maintenir. Je n'ai pas de mandat de mon comité de parents pour vous dire cela.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien. J'ai une autre question. Il y a ici des gens de la région nord-ouest et nord-est. J'aimerais demander ceci à Mme Beaudoin! Je constate que la région ouest comme, d'ailleurs - il ne faudrait pas passer à côté - la représentante des écoles spéciales se posent de fortes questions à savoir est-ce qu'on aura les mêmes services pour nos écoles? Est-ce que c'est la région ouest qui, aujourd'hui, regroupe le plus d'écoles en milieu économiquement faible?

Mme Keeney-Beaudoin: Oui, madame.

Mme Lavoie-Roux: Et la région nord est celle qui en a le moins?

Mme Keeney-Beaudoin: Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ceci est un facteur qui - surtout si on se réfère à la position de la représentante des écoles spéciales - a joué quant à la péréquation appliquée au niveau de l'ensemble de la commission pour essayer, dans la mesure de ses moyens - on sait qu'ils ne sont pas venus très fortement du ministère de l'Éducation -de répondre aux besoins de ces populations ayant de plus grands besoins? C'est peut-être un peu cette crainte que l'ensemble des services spéciaux de la CECM qui ont développé énormément de projets et qui ont fait énormément d'études sur l'éducation spéciale et sur les milieux défavorisés, ceci étant divisé, dilué, ce soient, finalement, les populations et les enfants dans les écoles qui en souffriraient. Ce sont peut-être d'autres raisons. D'ailleurs, vous en avez mentionné un grand nombre. Est-ce que ceci a été un facteur important dans les décisions que vous avez prises dans la région ouest?

M. Olivier: Permettez, M. le Président, que je réponde à Mme la députée? La région ouest regroupe 47 écoles à la CECM. Sur 23 écoles qui bénéficient du programme Opération renouveau actuellement, il y en a 17 qui viennent directement de la région ouest qui sont touchées à l'intérieur de notre région.

Le deuxième facteur: dans certaines écoles, on dépasse maintenant les 45% et jusqu'à 86% de groupes ethniques différents à l'intérieur de la même école; c'est un gros facteur. Saint-Pascal-Baylon, par exemple, a 88% de groupes ethniques. Il y a moins de 15% qui sont de souche québécoise, francophone. On voit mal la restructuration proposée, dans notre région du moins, dû à la faiblesse de l'économie et aussi à la présence constante de nos commissaires qui travaillent en très étroite collaboration. On a un tas de programmes: j'ai mentionné Opération renouveau. On a maintenant le comité à l'accueil qui touche directement nos groupes ethniques. Ce sont autant de facteurs... Quant au choix de la confessionnalité à l'intérieur de nos écoles, à tous les ans, on a un taux de changement de lieu, de déménagement qui dépasse les 60%. L'an passé, à mon école, et encore cette année, je ne retrouve pas la moitié des parents que j'avais l'an passé. Cela se retrouve dans tout le territoire, partant de

la rue Iberville jusqu'au West Island. C'est très grand.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question à Mme Vaillancourt qui est aussi de la région nord, comme Mme Beauchemin. Mais c'est vous, Mme Vaillancourt, qui êtes présidente du comité régional.

Mme Vaillancourt (Patricia): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez dans la région nord une école-atelier dont on nous a dit l'autre jour à cette commission parlementaire que les pouvoirs qu'elle exerce présentement sont, à toutes fins utiles, les mêmes...

Mme Vaillancourt: Projetés dans le projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: ...que ceux projetés dans le projet de loi. Pouvez-vous nous dire si, d'abord, les parents d'une façon très prononcée se sentent attirés vers cette école et est-ce que ce comité d'école apporte à votre comité régional et à l'ensemble des comités d'école de votre région un dynamisme qu'on ne connaissait pas ou un dynamisme nouveau? Est-ce un ajout pour l'ensemble des comités d'école de la région nord?

Mme Vaillancourt: D'accord. Je vais répondre à votre première question, Mme la députée. J'ai pris la peine de contacter un membre du comité d'école avant de venir en commission parlementaire, parce que, quand les cadres de la CECM sont venus à la commission parlementaire, il y a eu une question de posée, je pense, sur les pouvoirs. Selon la personne qui m'a donné des informations, c'est vrai qu'au niveau de l'école il y a un conseil de gestion. Cela ressemble un peu à ce que le projet de loi 40 veut nous apporter. Je demandais la participation des parents à l'intérieur de l'école. On me disait qu'au début, pour les parents, l'école-atelier, c'est de l'inconnu. Il semble qu'au niveau du premier cycle du primaire, il y a plus de participation à l'école qu'au niveau du deuxième cycle du primaire. Mais encore là, ce sont toujours les mêmes parents qui s'impliquent à tous les niveaux. Les parents se disent: Quand on est à un comité ou à un sous-comité, est-ce qu'il faut être à tous les autres comités? Les parents réalisent vite que les efforts sont difficiles à soutenir à l'intérieur de l'école. C'est ce qui arrive en ce moment. Les parents au niveau de la région nord, depuis que l'école-atelier s'est prise en main, on ne les voit plus. On dirait qu'ils cherchent à s'isoler. C'est peut-être parce qu'ils ont tellement à donner, par leur présence, au niveau de l'école que le soir, au niveau régional, ils ne peuvent plus. Il y a tout de même d'autres facteurs: la vie familiale, le gagne-pain...

Mme Lavoie-Roux: Le travail.

Mme Vaillancourt: ...et tout cela. C'est ce que l'on déplore parce qu'ils pourraient nous apporter beaucoup.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Crémazie, ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, avec le consentement de l'ensemble des membres de cette commission.

M. Tardif: Merci, M. le Président et les membres de cette commission, d'avoir accepté que je vienne rencontrer, en quelque sorte, des gens de notre région, de la région nord, dont le territoire est partiellement dans le comté de Crémazie. Il y a une partie qui déborde dans L'Acadie, j'en conviens, et dans Bourassa également, mais le coeur de la région, c'est le comté de Crémazie. D'ailleurs, le siège social y est aussi.

Mme Lavoie-Roux: Cela, on pourrait en discuter.

M. Tardif: M. le Président, toute taquinerie mise à part, je tiens à féliciter le Comité central des parents de la CECM en général, et ses représentantes de la région nord en particulier, pour ce mémoire qu'il est venu présenter en commission. C'est d'autant plus - et il faudrait peut-être le mettre entre guillemets - méritoire qu'ici même en cette commission le député d'Argenteuil disait: Est-ce que vous pensez que vraiment il y a un intérêt suffisant de la part des parents quand on constate que dans la commission scolaire - si je le cite bien; je n'ai pas fini, M. le député d'Argenteuil, je commençais - de ma région, a-t-il dit, après avoir procédé à des invitations personnelles auprès de chacun des parents, 28 se sont montrés à une réunion? Je pense que c'est à peu près cela le sens de ce que vous aviez évoqué.

M. le Président, le fait est que c'est peut-être là, non pas, si vous voulez, la raison fondamentale qui devrait nous amener à poser ce genre de question, mais plutôt le contraire. S'il y a tellement peu de participation, c'est que la place qui était faite précisément aux parents n'était peut-être pas de nature à susciter, sauf chez des personnes qui y croyaient fermement, comme celles qui sont ici ce matin, énormément d'enthousiasme.

M. le Président, Mme la présidente a dit tantôt que cela dépendait des endroits, qu'à certaines écoles le directeur ou la directrice insistait pour préparer lui-même ou elle-même l'ordre du jour et rédiger les procès-verbaux. J'ai été président d'un comité d'école et délégué à la région 05, il y a de cela quelques années, avant d'être dans cette enceinte. Pas longtemps, c'est vrai...

Une voix: Huit ans.

Une voix: II s'est tanné vite.

M. Tardif: ...pour la simple raison qu'on a fermé notre école. C'est une raison majeure. La deuxième, c'est qu'au moment de la loi 27, le pouvoir des parents n'était même pas... Tantôt, Mme la présidente a été très généreuse lorsqu'elle a parlé d'un pouvoir consultatif, du rôle consultatif des parents. M. le Président, ce n'était même pas cela. Il y avait consultation sur les activités parascolaires seulement et encore, ce n'était même pas sur la nature des activités parascolaires qu'on consultait les parents, c'était à peine pour savoir si c'était Mme Durand ou Mme Lapierre qui allait accompagner les enfants lors d'une sortie. C'était à peu près cela. Il n'était pas question de pouvoir envoyer les enfants visiter l'usine de General Motors à Sainte-Thérèse pour voir comment les voitures à la chaîne se fabriquaient, plutôt qu'au Jardin botanique ou que sais-je? Non, non. C'était pour savoir quelle dame allait accompagner les enfants.

M. le Président, dans ce contexte, c'est vrai que les parents étaient peu intéressés à venir à l'école mais, dès lors que l'école a été menacée de fermeture, je peux vous dire qu'il y a eu des parents qui sont venus. Je peux vous dire que des parents, des mères, sont allés recenser les registres de naissance pour voir combien d'enfants étaient nés quatre ans plus tôt et ainsi aller en chercher assez à la maison pour former une maternelle et permettre à l'école de vivre une année de plus.

M. le Président, la participation des parents sera à la mesure de la place qu'on leur fera dans les décisions. Je pense que l'exemple de l'école-atelier, évoqué par la députée de L'Acadie et Mme Vaillancourt, est assez éloquent. Cette école compte maintenant environ 350 élèves.

Une autre école tout près de chez moi, dans le comté de Crémazie, l'école Rudolph Steiner, a été mise sur pied...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je vous signale que si voulez avoir le moindre échange avec nos invités vous disposez de quatre minutes pour le faire.

M. Tardif: J'arrête là, M. le Président. Je veux simplement dire qu'on a pris des vieux locaux d'une ancienne résidence de religieuses, à côté de l'école Sainte-Anne-de-Marie; les parents sont allés eux-mêmes avec un marteau, une scie et des clous pour arranger les locaux les fins de semaine. À Montréal, en 1983.

Mme Lavoie-Roux: C'était avant cela. M. Tardif: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Bien avant cela, par des parents.

M. Tardif: Non, non. Mais cela se fait encore. Cela se faisait peut-être avant, mais cela se fait encore.

Je reviens donc à une question qui a semblé diviser, en tout cas, les régions entre elles, celle de la taille des commissions scolaires. J'ai bien entendu M. Olivier lorsqu'il a dit: Écoutez, on peut faire comme Bell, comme Hydro-Québec et déconcentrer comme tel sans nécessairement morceler. C'est très bien, ce qu'il dit, pour Montréal, mais j'essaie de voir comment une commission scolaire comme celle de Verdun, qui a 5379 élèves francophones, pourrait s'offrir la gamme de services spéciaux que l'on peut requérir, compte tenu des problèmes que peuvent présenter certains enfants ayant des difficultés d'apprentissage ou autres.

Cette péréquation pour laquelle il a plaidé aussi éloquemment, je me demande s'il ne la verrait pas s'étendre justement à l'échelle de l'île et non pas uniquement de la CECM, ce que permet de faire l'organisation en cinq commissions scolaires d'à peu près 25 000 à 30 000 élèves chacune. C'est peut-être là-dessus que j'aimerais entendre la présidente. J'ai cru comprendre qu'entre le point de vue exprimé par Mme Beauchemin et les gens de l'Ouest... Tout le monde s'entend à dire qu'il faut des services spéciaux, il y a une péréquation qui est utile, et M. Olivier nous l'a bien démontré, à l'intérieur de la CECM. (11 h 30)

Le Président (M. Blouin): Bon, cela va.

M. Tardif: Quand on se dit, Verdun, avec 5000 élèves, va-t-elle pouvoir s'en donner, il y en a également d'autres? Comment règle-t-on ce problème?

Le Président (M. Blouin): Mme Keeney-Beaudoin.

Mme Keeney-Beaudoin: Nous l'avons dit, je crois, assez clairement dans notre mémoire. Nous croyons qu'une étude approfondie sur les conséquences positives ou négatives d'une redivision serait vraiment

nécessaire avant que nos parents puissent exprimer une opinion commune qui serait assez largement partagée pour qu'on la considère comme étant l'opinion des parents. Pour ce qui est de la péréquation, cela peut se faire par le Conseil scolaire de l'île de Montréal. Notre regroupement de comités de parents de l'île vous a exprimé le besoin que nous avons de conserver le conseil scolaire pour toutes choses. Pour ce qui est de la division du territoire de la CECM, nous devons vraiment nous en tenir à ce besoin que nous sentons d'avoir une étude faite avec les ressources nécessaires pour être vraiment capables de faire la preuve aux parents des conséquences positives ou négatives d'un tel remaniement.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Keeny-Beaudoin. Merci, M. le ministre. Maintenant, je donne la parole...

M. Tardif: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Non, c'est terminé, M. le ministre. M. le député de Saint-Henri.

Mme Lavoie-Roux: Vous reviendrez dans cinq ans.

Le Président (M. Blouin): Rapidement, s'il vous plaît, M. le député de Saint-Henri, puisque nos ententes nous obligent à procéder de la sorte.

M. Hains: Je tiens quand même à saluer les parents de Montréal, qui forment le comité central des parents à la CECM. J'ai regardé votre mémoire. Je le trouve vraiment pondéré mais empreint aussi, je crois, d'inquiétudes. Ces inquiétudes, je les relève très rapidement à la page 9 de votre mémoire. Quand vous dites: "La conception d'éducation nous inquiète sérieusement". Vous donnez toute une série de justifications à vos inquiétudes. Je retrouve aussi à la page 15 un passage où vous dites que la composition du conseil d'administration a perdu sa légitimité. Vous dites aussi que vous y trouvez même "des aberrations que nous ne pouvons endosser". Donc, je crois, malgré que vous acceptez en gros le plan qui vous est proposé par le projet de loi 40, vous êtes remplis d'inquiétudes - comme je viens de le dire - et même d'incertitudes là-dessus. C'est tellement vrai que vous êtes prêts à dire que tous les milieux ne sont pas prêts à prendre ces responsabilités et à prendre en bloc, franchement, tous ces pouvoirs qui vont vous être donnés par le projet de loi 40.

Il vous apparaît à ce moment-là qu'une prise en charge graduelle serait peut-être possible. En pratique, pensez-vous que cela sera possible de prendre comme cela une loi de façon progressive. Une loi, c'est une loi, et elle nous est imposée dans ses 625 articles. J'ai peur à ce moment-là qu'il y ait des frictions, des compensations, un petit jeu de passe-passe de pouvoirs qui peut être très mal venu. À ce moment-là, si on fait un mauvais départ avec ce projet de loi à cause des relations avec les professeurs, avec les directeurs, avec les commissions scolaires, à ce moment-là, on se dit: Toi, tu vas prendre cela, moi, je vais garder cela, l'an prochain, je prendrai cela, etc. Ne pensez-vous pas qu'à ce moment-là, ce sera vraiment un mauvais départ et que vous préparez un petit peu tout doucement la fosse du projet de loi 40?

Le Président (M. Blouin): Mme Keeney-Beaudoin.

Mme Keeney-Beaudoin: Oui, M. le Président. Nous croyons justement, à cause du nombre énorme d'articles de la loi et surtout à cause de 59 amendements qui doivent être apportés à des lois déjà existantes, qu'à l'intérieur des lois actuelles il y aurait possibilité, avec peut-être moins que 59 réaménagements, de permettre aux parents qui sont prêts d'aller plus loin, d'aller de l'avant, de s'impliquer davantage et d'aller vers une participation beaucoup plus active, presque cogestionnaire, presque codécisionnelle. Nous croyons qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'y aller immédiatement en imposant une telle réforme, malgré le fait que nous sommes d'accord avec les orientations générales de ce qu'on veut accomplir et qui nous permettraient de prendre la place qui nous convient au premier niveau de l'éducation de nos enfants. Nous ne voulons surtout pas que notre participation au niveau décisionnel des commissions scolaires en soit diminuée pour autant; au contraire, nous demandons qu'elle soit accrue.

Le Président (M. Blouin): Pour terminer.

M. Hains: Juste quelques mots pour finir. Je comprends que, sentimentalement parlant, vous avez beaucoup de craintes et nous, logiquement parlant, nous partageons entièrement votre opinion. Je remercie... Un instant, s'il vous plaît, juste une petite minute. Je remercie d'une façon toute spéciale M. Olivier qui a vanté nos commissaires de l'ouest de Montréal pour leur bon travail. Je vous prierais de saluer de ma part M. Hubert et Mme Pelletier qui font vraiment une oeuvre admirable dans l'ouest de Montréal. Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Saint-Henri. Sur ce, je remercie le Comité central des parents de la CECM de sa participation aux travaux de notre commission.

J'invite maintenant les représentants du Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry à s'avancer et à prendre place à la table des invités. Je rappelle également au Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry et aux membres de la commission parlementaire que la même procédure devra être utilisée et, à cet égard, je réclame la collaboration des membres de la commission pour que les interventions soient les plus succinctes et les plus précises possible pour que nous ayons le maximum d'échanges avec nos invités. Nos invités procéderont à la présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes et, ensuite, chacune des deux formations politiques pourra s'entretenir avec eux.

Avant que nous commencions notre entretien, puisque j'ai omis de le faire au début de la séance, je vais, comme le prévoit le règlement, identifier les membres de la commission qui sont: MM. Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), Laplante (Bourassa), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget), Leduc (Fabre), Paré (Shefford), Payne (Vachon), Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau (Verchères), Maltais (Saguenay), Doyon (Louis-Hébert), Gauthier (Roberval), Mmes Harel (Maisonneuve), Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Rochefort (Gouin), Sirros (Laurier).

Sans plus tarder, j'invite maintenant les représentants du Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry à s'identifier et à nous livrer le contenu de leur message.

Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry

Mme Ducharme-David (Thérèse): Bonjour, je suis Thérèse Ducharme-David, présidente du Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry. J'ai à ma droite M. Clément Page, secrétaire du comité de parents; à ma gauche, M. Bernard Côté, membre du comité de parents et membre du groupe de travail sur le projet de loi 40, Mmes Francine Trottier et Michèle Berthiaume, anciens membres du comité de parents et responsables des groupes de travail sur la restructuration scolaire depuis déjà trois ans. Je vous informe que je ne lirai pas le mémoire, mais que j'essaierai de vous en dégager les lignes principales.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs, permettez-moi, en commençant, d'exprimer comment le Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry a été touché de recevoir une invitation à participer à la commission parlementaire de l'éducation qui étudie le projet de loi 40. Nous avons senti là comme une reconnaissance des nombreuses heures de travail que nous avons consacrées à ce dossier depuis trois ans. Nous venons vous présenter notre mémoire qui ne comporte pas tout ce que nous avons pu exprimer autour de la réforme scolaire, mais qui rend compte seulement du résultat final de cet effort.

Je sens que je représente ici, aujourd'hui, non seulement les 5000 familles dont les enfants fréquentent les écoles de la commission scolaire Saint-Exupéry, situées à Longueuil, Boucherville et Saint-Lambert, mais également un grand nombre de parents qui, depuis 1971, pratiquement sans interruption, se sont préoccupés du régime de participation des parents au sein du système scolaire et qui ont voulu voir apparaître des changements dans la place que le système scolaire accorde aux premiers responsables de l'éducation, les parents.

En effet, dès 1973 et 1975, le Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry avait fait parvenir des rapports et des mémoires au ministère de l'Éducation demandant des modifications à ce régime de participation strictement consultatif accordé aux parents des élèves. Une même tendance est apparue chez les parents au moment de l'étude du livre vert: ceux-ci ont également cherché à faire valoir l'importance à accorder à l'école et aux parents dans le système public.

Dès l'annonce d'une éventuelle restructuration scolaire, notre comité de parents s'est mis à la tâche. Vous avez devant vous le troisième mémoire du Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry sur le sujet. Un premier avait suivi l'annonce du projet de réforme et était fondé sur une consultation auprès de tous les parents de la commission scolaire qui avait été réalisée dès le mois de février 1982. À cette occasion, 3614 parents, représentant 76% des familles de notre commission scolaire, avaient clairement exprimé qu'ils voulaient qu'on accorde plus de place à l'école dirigée par un conseil d'école auquel ils voulaient joindre un plus grand nombre de parents. Ils voulaient obtenir le droit de choisir l'institution d'enseignement pour leurs enfants; ils voulaient maintenir l'enseignement religieux; ils souhaitaient conserver des écoles anglaises et françaises.

Les parents s'étaient montrés favorables au maintien des commissions scolaires et à l'intégration des commissions scolaires locales et régionales, catholiques et protestantes. Ils demandaient également que ces commissions scolaires soient administrées par des conseils formés par des représentants des conseils d'école.

Dès l'année suivante, le 5 mars 1983, le comité de parents, en séance spéciale, adoptait une série de propositions portant sur le projet de restructuration scolaire énoncé

dans le livre blanc, L'école, une école communautaire et responsable. À travers ces recommandations, on retrouvait encore la même tendance à vouloir assurer aux parents une place marquée au sein du système scolaire.

En somme, nous nous retrouvons ici aujourd'hui avec le sentiment d'un appui profond de la part des parents de notre milieu qui sont favorables à une restructuration qui va dans le sens des grandes orientations préconisées par le projet de loi 40. Notre mémoire en fait état dès les premières pages. Nous soulignons un certain nombre d'orientations du projet de loi qui obtiennent notre assentiment.

Permettez-moi d'insister sur la première, à savoir la volonté d'accorder une plus grande place aux parents. À peu près tout le monde peut convenir de cette assertion à savoir que les parents doivent nécessairement avoir un mot à dire dans les orientations de l'éducation de leurs enfants. Par contre, certains ont de la difficulté à imaginer que les parents puissent avoir un rôle décisionnel dans notre système d'enseignement primaire et secondaire public. (11 h 45)

Nous voudrions ici répondre à deux objections qu'on retrouve chez ceux qui refusent que les parents participent à l'administration des écoles. En premier lieu, on sent que ces gens ne reconnaissent pas aux parents la compétence administrative nécessaire. Pourtant, à bien y penser, ce sont tous ou à peu près tous des parents qui administrent les autres services publics et les entreprises privées dans notre société. Ce sont bien des parents citoyens qui administrent les loisirs, des parents conseillers qui administrent les villes, des parents députés qui administrent la province. Pourquoi alors des parents ne pourraient-ils pas administrer les écoles?

En second lieu, un autre argument contre la participation des parents dans le système scolaire est souvent véhiculé. D'ailleurs, cet argument a probablement prévalu lorsque, entre le livre blanc et le projet de loi, on a vu disparaître la participation des parents au conseil de la commission scolaire. Cet argument est le suivant: connaissez-vous un système public financé à même les fonds publics qui est administré par les usagers? Si cet argument peut valoir à certains niveaux, nous croyons qu'il ne vaut plus lorsqu'il s'agit de l'administration des écoles. C'est comme si on attribuait au seul pouvoir de l'argent, au seul capital, le droit fondé d'administrer une réalité beaucoup plus complexe qu'une réalité matérielle. Cette réalité, c'est l'éducation des enfants. La responsabilité des enfants qui revient aux parents est, à mon avis, l'origine d'un droit sur l'éducation aussi fort, sinon beaucoup plus fort, que celui fondé par la taxation ou le capital.

M. Ryan: Nous avons reçu un mémoire du comité des parents de Saint-Exupéry et j'ai l'impression que ce n'est pas ce que vous nous lisez actuellement. Est-ce que c'est un autre document? Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie?

Mme Ducharme-David: Oui, certainement. On va vous en remettre une copie.

M. Ryan: Vous n'en avez pas maintenant.

Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David, est-ce que le texte que vous êtes en train de nous lire résume le mémoire que vous avez produit?

Mme Ducharme-David: Les grandes orientations du mémoire.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous pourriez, au moment où vous lisez votre texte, nous situer par rapport aux pages du mémoire pour que les membres de la commission puissent avoir des références par rapport au document qu'ils ont reçu depuis quelques semaines?

Mme Ducharme-David: Au début, c'était à la page 3.

Le Président (M. Blouin): Ce sera déjà un peu plus facile parce que nous avons maintenant un texte pour suivre. D'accord, poursuivez, madame.

Mme Ducharme-David: La responsabilité des enfants qui revient aux parents est, à mon avis, l'origine d'un droit sur l'éducation aussi fort, sinon beaucoup plus fort, que celui qui est fondé par la taxation ou le capital.

Nous souhaitons donc que les aménagements qui pourraient être apportés au projet de loi 40 ne viennent pas encore diminuer cette place accordée aux parents, cette place fondée sur l'importance de l'école elle-même dans le système. Il est certain que, si d'autres modifications au projet de loi viennent encore déplacer vers un niveau supérieur des pouvoirs qu'au départ la restructuration scolaire voulait accorder à l'école, non seulement l'école ne sera pas le pivot du système, mais aussi les parents n'auront plus cette place qu'on leur reconnaît en vertu de leur responsabilité éducative à l'égard des enfants.

Nous insistons donc auprès de vous, mesdames et messieurs de la commission, pour que vous accordiez toute votre attention à cette dimension du projet de loi et à ses futurs amendements pour assurer

aux parents la place qui leur revient.

Notre mémoire contient également un certain nombre de propositions, de modifications au projet de loi, quatorze au total. Vous avez sans doute remarqué que l'ensemble des ces propositions vise, encore une fois, à accorder une plus grande place à l'école, aux personnes qui y travaillent, aux citoyens de son milieu, en somme, à la base.

Je voudrais insister, ici, sur un point, à savoir notre recommandation sur la consultation qui accompagne la demande de statut confessionnel pour l'école. Forte de la réponse très majoritaire de nos parents pour le maintien de l'enseignement religieux à l'école, j'ai travaillé au sein de mon comité d'école pour obtenir une résolution dans le sens de celle que nous vous présentons. Cette résolution issue de mon comité d'école est venue à mon comité de parents. Je l'ai pilotée également au niveau de la section régionale de la Fédération des comités de parents, section Salaberry-Richelieu-Yamaska, et à l'assemblée générale de la fédération en septembre dernier. Permettez-moi donc de vous souligner que ce point me tient personnellement à coeur et qu'il y a reçu l'assentiment de tous les milieux où j'ai eu à le débattre.

En premier lieu, le projet de loi remplace une confessionnalité légalisée par ce que j'appelle une confessionnalité par choix. Nous avons là, je crois, la base positive d'un renouveau de l'éducation chrétienne. Mais on devra s'assurer que ce choix se fera de façon démocratique. Quant à nous, nous demandons que les modalités de consultation soient inscrites dans la loi même, particulièrement la consultation écrite des parents qui aurait lieu à tous les cinq ans, au moment de la mise en place du plan quinquennal des écoles.

Depuis que nous avons pris position sur le projet de loi 40, au mois d'août dernier, nous avons pris connaissance des intentions de règlement du ministère de l'Éducation en matière de confessionnalité. Nous avons retrouvé dans ces orientations des éléments extrêmement intéressants, particulièrement en ce qui concerne l'information adéquate des parents sur l'objet du choix, le caractère confidentiel du vote et la participation la plus large possible des parents au scrutin. Mais vous savez mieux que moi qu'un règlement n'a pas la force et la garantie d'un article de loi. La loi appartient davantage aux gens qu'un règlement. Elle confère une stabilité qu'aucun règlement ne peut assurer et l'expérience nous démontre qu'on s'accommode plus facilement d'une mauvaise application d'un règlement que de la transgression d'une loi.

Il nous paraît donc important que l'article 32 du projet de loi soit modifié pour intégrer les éléments qui se lisent comme suit: "À tous les cinq ans ou au moment de la mise en oeuvre du plan quinquennal d'utilisation des écoles, conformément à l'article 200, l'école procède à une consultation écrite de tous les parents au sujet de la reconnaissance de leur établissement comme école catholique, protestante ou non confessionnelle. À la suite d'une réponse majoritaire des parents pour la reconnaissance confessionnelle, l'école en fait la demande auprès du comité catholique ou du comité protestant institué par la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation".

Ce libellé est beaucoup plus ferme que celui qui est contenu à l'article 32 et vise à ne pas laisser à un petit nombre une décision aussi fondamentale. Dans le texte que nous proposons, ce sont tous les parents qui sont consultés par écrit, à tous les cinq ans, et obligation est faite à l'école de procéder à une demande de statut dans le sens d'une réponse majoritaire des parents. Ce sont ces éléments que nous voulons voir apparaître dans le projet de loi définitif.

En conclusion, j'insisterais sur ceci: la restructuration scolaire, qui vise particulièrement à résoudre certains problèmes structurels qu'a connus le système d'éducation au Québec, doit être une occasion unique pour rendre aux parents la place qui leur revient dans ce système d'éducation public.

Je recommande aux membres de la commission, tant aux représentants de l'Opposition qu'à ceux du gouvernement, de veiller à ce que les parents obtiennent une place dans le système où ils pourront réellement faire les choix d'orientations dans leur école et dans les services qu'elle dispense à leurs enfants. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Ducharme-David. Selon notre procédure, chaque formation politique disposera d'un peu plus de 35 minutes pour s'entretenir avec nos invités. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux, d'abord, remercier le Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry pour sa contribution sérieuse et importante aux travaux de notre commission. Cette contribution, comme on vient de le rappeler, couronne de longues années d'études et de réflexion. Il importe donc d'y apporter beaucoup d'attention. J'ai autant pris intérêt à la lecture de votre mémoire qu'à l'audition du résumé que vous venez de nous en faire ce matin.

Je note, évidemment, que le Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry endosse la plupart des propositions du projet de loi 40 et, en particulier, le rôle accru des parents, le rôle décisionnel des parents au sein du conseil d'école, de même que l'élargissement des pouvoirs qui sont attribués à l'école, la nouvelle formule de

participation de tous les agents impliqués dans l'école, l'approche plus respectueuse des milieux en matière de confessionnalité, l'intégration des ordres primaire et secondaire, la répartition des commissions scolaires en fonction du critère linguistique et aussi la nécessité d'une liaison plus étroite entre l'école et la commission scolaire.

Je voudrais centrer ma question sur ce qu'on appelle le projet éducatif. Vous n'avez pas été sans remarquer que la raison d'être profonde, la visée essentielle de ce projet de loi était d'améliorer, de renforcer l'élaboration et l'exécution d'un projet éducatif qui vise l'amélioration de la qualité des services éducatifs de l'école. Les mesures que nous proposons - constitution d'un conseil d'école, rôle décisionnel des parents au sein de ce conseil d'école, exercice collégial de la responsabilité au sein du conseil d'école - n'ont pas d'autre raison d'être que celle-là, c'est-à-dire réunir les conditions qui vont permettre à une école de mieux connaître ses usagers, les enfants dont elle a à assumer l'éducation, de mieux identifier les besoins, d'établir les priorités que tous les agents de l'école doivent poursuivre.

Je voudrais vous demander en quoi, selon vous, la participation, cette fois décisionnelle, des parents peut aider davantage à l'élaboration d'un véritable projet éducatif accordé aux besoins des milieux et comment elle peut aider davantage à l'exécution de ce plan, de ce projet éducatif qui vise l'amélioration de la qualité de l'école dans le sens du développement intégral et optimal des enfants dans toutes les dimensions de leur personnalité.

Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David.

Mme Ducharme-David: M. le ministre, nous pensons que, si les parents sont présents au conseil d'école, ils auront une voix - ils en ont déjà une, mais ils auront peut-être une meilleure cote d'écoute - et qu'ils pourront apporter réellement la couleur, le désir de ce qu'ils veulent pour leur enfant, à cette école-là. Avec tous les autres agents qui seront à ce conseil d'école, ce sera un apport fort intéressant parce qu'à la fois les enseignants et la direction de l'école auront immédiatement un avis de ce que les parents désirent pour leurs enfants. Cela me paraît essentiel que les parents aient leur mot à dire. (12 heures)

M. Laurin: Est-ce que cela veut dire que les parents dans cette fonction auront à assumer des responsabilités qui, de fait, devraient appartenir aux enseignants?

Mme Ducharme-David: Non, pas du tout. Je pense qu'on veut travailler avec les enseignants. C'est un désir qui s'est exprimé depuis le début. Dès qu'on a envoyé notre sondage, nous avions demandé si les parents désiraient la participation des enseignants et s'ils voulaient travailler avec eux. Cela a fait presque l'unanimité. Les parents ne voient pas le conseil d'école sans les enseignants et ils veulent travailler avec eux. Ils ne veulent pas prendre leur place, ce n'est pas leur domaine. Ils veulent collaborer avec les enseignants.

M. Laurin: Comment peut se faire concrètement cette collaboration parents-enseignants, par exemple, au niveau de l'application, de l'adaptation ou de l'enrichissement des programmes du ministère?

Mme Ducharme-David: Est-ce que M. Côté veut répondre à cette question?

M. Côté (Bernard): Cela peut se faire de bien des façons. Les parents qui arrivent à l'école comme membres du comité d'école, ce sont quand même des gens qui ont déjà une éducation et une expérience derrière eux. Ils peuvent apporter le vécu du milieu, leur propre vécu de parents, leur propre expérience acquise même dans leur milieu de travail pour que le projet éducatif prenne une couleur locale et une couleur aussi en lien direct avec le milieu de travail dans lequel ils sont. Les enseignants connaissent bien le milieu scolaire, et c'est tant mieux, mais les parents connaissant bien le milieu industriel, le milieu commercial, etc., peuvent apporter des nuances et des compléments au milieu scolaire comme tel. Cela peut se faire aussi par le fait que des parents peuvent être enseignants à d'autres degrés dans d'autres écoles et dire: Voici, ce que nous faisons ici au primaire va se traduire, ou pourrait se traduire, ou ne pourra pas inversement se traduire au secondaire de telle façon, parce que moi j'y suis au secondaire et l'enseignant, lui, n'y est peut-être pas. Alors, c'est vraiment dans ce sens-là que cela élargit la compétence de l'enseignant en lui permettant d'avoir une vision, j'allais dire, pluridimensionnelle du milieu, parce que les parents viennent effectivement d'autres milieux que celui de l'enseignement, qui est le milieu professionnel de l'enseignant. On pourrait disserter longtemps là-dessus.

M. Laurin: Avez-vous des exemples réussis de cette collaboration actuellement?

M. Côté (Bernard): Je n'ai pas le relevé ici, mais je dirais à peu près partout où il y a le plus de sensibilisation à l'utilisation pédagogique du rnicro-ordinateur; très

souvent, c'est venu par un club où les parents avaient pris l'initiative et avaient intéressé des enseignants. Ce qui fait que ce qui est en train de se produire et de devenir éventuellement une politique du ministère a probablement commencé par des parents.

Vous avez d'autres dimensions. Je ne dis pas que, par exemple, les camps de fin de semaine ou les choses du genre ont toujours et uniquement été le fait d'initiatives de parents qui se sont offerts pour dire: Si on faisait cela... Mais ce sont des faits qui sont venus aussi des parents. Alors, ce n'est pas "ou bien ou bien"; c'est vraiment ensemble. J'insiste pour dire que le projet éducatif, pour moi, c'est vraiment un projet de la communauté. C'est aberrant de penser qu'il serait pensé, préparé et bâti sans qu'une partie importante de cette communauté que sont les parents, soit simplement "consultative". L'inverse est vrai aussi, mais je pense que la loi permet, s'ils le veulent, aux enseignants d'être partie prenante du projet éducatif et de toutes les autres décisions. Mais c'est "s'ils le veulent" qui est important.

Mme Ducharme-David: J'aimerais ajouter autre chose, parce qu'il me vient à l'esprit un fait très concret et cela se passe chez nous, dans notre école. Il y a un enseignant qui a demandé à ses élèves s'il y avait des parents qui voudraient venir dans la classe pour expliquer leur travail, leur carrière ou un loisir particulier. Alors, il y a justement des parents qui ont répondu à cette invitation. Cela a été fort apprécié par l'enseignant et par les élèves. C'est un exemple qui me vient à l'esprit et qui est très concret dans le sens de ce que vous venez de dire.

M. Laurin: Et vous en êtes venus à la conclusion que le fait d'avoir un rôle non plus uniquement consultatif, mais décisionnel irait dans le sens des meilleures initiatives déjà prises et augmenterait encore la qualité de la contribution des parents, en ce sens que, cette fois, les résultats seraient plus assurés.

Mme Ducharme-David: De façon certaine, nous pensons que les parents ont quelque chose à apporter à l'école et vice versa.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme Ducharme-David. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mme Ducharme-David, messieurs et mesdames qui l'accompagnez, il me fait plaisir de vous rencontrer ce matin, de même que mes collègues de l'Opposition qui siègent à cette table avec nous.

J'ai écouté votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. On apprend toujours des choses à chaque rencontre nouvelle que nous faisons. Au début, vous disiez, Mme Ducharme-David, que vous aviez été touchée de l'invitation que vous avez reçue du ministre. Je vous comprends parce qu'il y en a beaucoup qui n'en ont pas eu. Je voudrais rappeler ceux-là à votre bon souvenir. Il y en a beaucoup qui ont des choses très substantielles à dire, qui avaient préparé des études très fouillées en vue de les porter à l'attention de la commission parlementaire et qui n'ont pas eu ce privilège qui vous a été octroyé à partir d'en haut, au nom de la démocratie, par la bienveillance de M. le ministre de l'Éducation.

Ceci dit, je ne voudrais pas qu'on fasse de redite ce matin, le temps est bref. Je vais en venir tout de suite à quelques arguments que vous soulevez dans votre mémoire, surtout dans la version plus détaillée que vous avez présentée ce matin, pour vous signifier quelques points sur lesquels j'ai du mal à accepter les arguments que vous présentez. Au sujet de la participation des parents, je pense que nous sommes tous d'accord en principe. À certains moments, vous semblez identifier ceux qui sont, du point de vue du gouvernement, autour du projet de loi 40, vus comme des personnes qui ne seraient pas pour la participation des parents. Je veux vous assurer qu'on peut, d'après moi, être opposé fermement au projet du gouvernement tout en étant hautement favorable à la participation des parents. En ce qui nous touche, je voudrais vous rappeler que, tout en étant opposés au projet de loi pour certaines raisons que je vais signaler à votre attention, nous sommes en même temps très favorables à la participation des parents. Nous avons, autour de cette table, beaucoup de personnes dont toute la vie antérieure à leur engagement dans la politique a consisté précisément à promouvoir cette participation des citoyens et des parents dans tous les secteurs de la vie collective, en particulier dans l'éducation.

Au début de votre mémoire, vous disiez qu'on a des échevins-parents, on a des directeurs de loisir parents, on a des députés-parents. Pourquoi n'aurait-on pas des administrateurs d'école parents? Je vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'on en a déjà. Les commissions scolaires sont composées de citoyens qui sont élus par leurs concitoyens; elles sont formées en très grande majorité de parents. À 90%, les commissaires d'écoles sont des parents. Il peut arriver que leurs enfants ne soient pas à l'école à ce moment-ci, qu'ils l'aient déjà été ou qu'ils se préparent à y être, mais je pense que c'est là un fait de base qui est corroboré par toutes les données que nous possédons à ce sujet. Déjà, les parents participent à la gestion des écoles, en majorité par leur titre

de citoyen qui s'intéresse plus particulièrement à l'éducation.

Je ne voudrais pas être élu député comme parent. Je suis parent, je suis citoyen individuel, je suis membre d'une famille religieuse, je suis engagé davantage dans l'une des cultures dominantes dans ce pays-ci, mais je ne voudrais être élu à aucun de ces titres en particulier. Mon titre le plus glorieux, le plus complet, celui qui m'habilite le plus à la gestion des biens publics, des fonds publics, que ce soit dans l'éducation, les hôpitaux, les relations du travail, le développement économique, c'est mon titre de citoyen. S'il fallait qu'on commence à choisir les gens à un titre particulier pour chaque affaire dans laquelle ils sont engagés, je pense qu'on n'en sortirait pas.

C'est pour cela que je pense que le raisonnement que vous nous présentez ici est fragile et je ne pourrais y souscrire. Je vous le dis franchement. Si vous me disiez: Le système des commissions scolaires électives, démocratiques, a permis que s'incrustent à la direction des commissions scolaires des bandes - j'allais employer une expression qui pourrait me valoir bien des problèmes - de gens coupés des problèmes des enfants, des problèmes que connaissent tous les parents, que vous en eussiez fait la démonstration solide, je serais impressionné. Mais on n'a rien eu de cela, ni de la part du gouvernement, ni de la part des gens qui se sont présentés ici. Il y en a qui ont des problèmes avec leur commission scolaire. On a des comités de parents qui en ont. On en a avec le gouvernement. On n'est pas toujours content de la manière que cela fonctionne. Tout le monde en a avec son administration. J'en ai avec mon maire, avec mes échevins. Je pense bien qu'on ne peut pas partir de choses comme celles-là pour bouleverser tout un système. Je conçois mal ce point de vue.

Deuxièmement, vous avez parlé des usagers. Cela m'a intéressé, parce que c'est moi qui ai posé la question à plusieurs reprises. Donnez-nous d'autres exemples de cas où on va dire aux usagers qu'on va leur donner le contrôle de la patente. Vous nous répondez: Oui, c'est plus difficile à trouver, mais, dans le cas de l'éducation, c'est spécial.

Je vais vous donner d'autres exemples. Prenez les hôpitaux, c'est spécial aussi. C'est notre santé qui est impliquée. Quand on va dans les hôpitaux, on pourrait faire un raisonnement en disant qu'il faudrait que les patients qui ont fréquenté cet hôpital, on leur en donne le contrôle. C'est eux qui savent comment les infirmières, comment les médecins se comportent, comment la bureaucratie hospitalière les traite, etc. On dit: Non, mieux vaut que ce soient des gens compétents, mandatés pour cela qui le fassent. La loi permet aux patients d'avoir une représentation au conseil d'administration, qui est presque obligé de courir après eux pour les amener à l'assemblée le dimanche. On se retrouve à l'assemblée et les trois quarts des personnes qui sont là sont des parents, des dames patronnesses, des membres du conseil d'administration et des employés. Il faut être réaliste. Il faut aussi voir les choses comme elles se passent dans le concret.

Ici, il n'y a personne qui proposerait sérieusement qu'on donne une majorité aux usagers dans les hôpitaux. Dans les services sociaux, demandez au gouvernement s'il est prêt à modifier sa loi pour dire que ce seront des usagers qui devront être en majorité. Il va vous dire non. Il y a une loi sur les services sociaux.

Dans les cégeps, on pourrait bien dire que les étudiants sont assez âgés, à 16, 17, 18, 19 et 20 ans, qu'ils seraient capables. On dit: Non, on va leur donner une représentation, les parents en auront une, les professeurs en auront une, tout le monde en a une. Ce n'est pas un système idéal, mais, au moins, il ne va pas jusqu'à l'absurde.

Dans le cas des bibliothèques, on pourrait bien vous dire: Une bibliothèque, ce n'est pas nécessaire que ce soit le maire qui l'administre. Ce n'est pas lui qui va emprunter des livres. Il est capable de s'en acheter, en général. On pourrait bien dire que ce seront les usagers qui vont administrer cela, on va faire la loi en conséquence. On pourrait ainsi modifier toutes nos lois. Je vous dis que je ne pense pas que ce soit la bonne voie à suivre et je ne vois pas la garantie de ces risques.

Il y a une chose, dans le cas de l'usager, qu'il ne faut pas oublier, c'est que si vous lui donnez la direction de l'institution, vous le mettez en conflit d'intérêts. Tu ne peux pas être usager et gestionnaire en même temps et être également impartial des deux côtés. On remarque une chose. Il y a deux députés du Parti québécois qui ont parlé de leurs expériences dans les écoles. Leurs expériences personnelles, ils peuvent bien les digérer comme ils le veulent. Cela ne nous intéresse pas ici. On pourrait chacun apporter son bagage d'expériences. J'en ai eu cinq dans le système et j'en ai encore un. Je n'ennuie pas les membres du comité avec cela. Je ne veux justement pas créer de conflit d'intérêts et me servir de ma petite expérience pour pousser mes idées générales.

Je vous dis que, de ce point de vue, votre thèse, je pense qu'elle ne passe pas. Le ministre lui-même n'a pas fait la démonstration. Si on me la fait, j'ai deux oreilles pour écouter et j'aime bien avoir des arguments qui m'ébranlent. Dans ce temps-là, je me retire tout seul dans mon bureau et je réfléchis. J'ai écouté jusqu'à maintenant et je n'ai pas entendu cela. Si vous avez autre

chose à ajouter sur ces deux points, cela m'intéresserait de l'entendre.

Je vais vous poser une autre question, car je ne veux pas prendre trop de temps. Vous dites - cela m'a franchement inquiété -qu'il y a un article qui est une grosse source de problèmes dans la loi, c'est l'article 90. C'est l'article-charnière, qui est très imparfait, comme il est rédigé. Pour avoir un système équilibré, non seulement faut-il garder cet article, mais il faut le renforcer, car c'est tout le problème du lien de l'école avec la commission scolaire qui est posé. Nous soutenons qu'il faut un lien organique entre l'école et la commission scolaire. Vous dites qu'on va devoir affaiblir cet article, parce qu'il est trop dangereux comme il est là. Je ne sais pas si vous demandez de l'affaiblir ou de l'abolir, en tout cas, il n'en restera pas grand-chose. On va le vérifier, car je ne veux pas être injuste. Remplacer le texte de l'article 90 par le suivant: "Dans les domaines de compétence que le chapitre IV attribue aux commissions scolaires, l'école exerce ses fonctions dans le cadre défini pour la commission scolaire dont elle relève." Franchement, dans le projet de loi, il en reste tellement peu à la commission scolaire que, si on lui en enlève encore, on va se réveiller avec le phénomène de l'atomisation des écoles, l'isolement des écoles, l'émiettement, l'éparpillement de notre système d'éducation. Je vous pose ces questions-là en toute simplicité. Si vous avez des commentaires sur ces points-là, cela m'intéressera au plus haut point de les entendre. Je pourrais peut-être vous donner mon autre point, en même temps.

Vous avez parlé de la confessionnalité. J'apprécie le souci que vous manifestez de voir que le plus de garanties possible soient inscrites dans le texte de la loi. Je vous assure de mon appui sur ce point-là. Je voudrais seulement vous poser une petite question sur ce dernier point. Est-ce que vous voyez un rôle pour la commission scolaire dans tout cet aménagement de la confessionnalité ou si tout cela doit se faire uniquement au niveau de l'école? Il y a eu cinq organismes qui sont venus nous dire -l'Association des enseignants catholiques de langue anglaise, la Commission des écoles protestantes du grand Montréal, Alliance Québec, le Comité central des parents de la CECM par la voix de sa présidente, Mme Beaudoin, le comité pour la promotion de l'éducation en langue anglaise dans l'Ouest du Québec - qu'il faut un rôle pour la commission scolaire. Pourriez-vous me donner votre opinion sur ce point-là et sur n'importe quel autre que j'ai soulevé? (12 h 15)

Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David.

Mme Ducharme-David: Ça fait beaucoup de questions.

Le Président (M. Blouin): En essayant de...

Mme Ducharme-David: Je vais tenter d'y répondre. Je pense que vous m'avez dit que les parents sont aussi à la commission scolaire. C'est absolument vrai; on ne nie pas cela. Nous pensons qu'ils faisaient un bon travail à la commission scolaire. Nous pensons cependant que c'est au niveau de l'école, qui est le niveau des services éducatifs, que les parents auront plus d'intérêt parce que c'est là que ça se passe, l'éducation. C'est un peu ce que nous avons à répondre là-dessus.

Pourriez-vous nommer un organisme public qui est payé à même les taxes où on accorde le pouvoir aux usagers, ou quelque chose comme cela?

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

Mme Ducharme-David: On n'aime pas beaucoup ce terme, usagers; cela nous a été apporté par différentes places. On veut dire que les parents ne sont pas des usagers de l'école mais que ce sont des personnes responsables à l'école, responsables de leurs enfants. C'est là qu'est leur intérêt.

Pour ce qui est de l'article 90, on rejette catégoriquement que les fonctions attribuées à l'école soient encadrées, comme c'est indiqué dans cet article. Son application pourrait donner lieu à une rééducation complète des pouvoirs des futurs conseillers d'école et signifier dans certains milieux l'inapplication de la loi qui cherche à établir des pouvoirs au niveau de l'école. À notre avis, l'article 90 devrait avoir pour objectif de signaler que l'école exerce ses fonctions à l'intérieur d'un cadre qui est celui de l'enseignement primaire et secondaire public.

Je pense que M. Côté a des...

M. Côté (Bernard): J'ai des observations complémentaires. Quant aux parents membres des commissions scolaires, je pense qu'il faut être assez réaliste pour se rendre compte que, premièrement, il y a beaucoup de parents qui sont membres des commissions scolaires, mais que c'est par accident qu'ils sont parents; ils sont d'abord membres de la commission scolaire pour d'autres raisons.

Il faudrait faire la preuve qu'il y a 90% des commissaires qui sont d'abord là parce qu'ils sont parents. Un indice, c'est que plusieurs y vont parce qu'ils sont parents, mais ils s'en dégoûtent très rapidement. Il suffit de lire l'ensemble des procès-verbaux des assemblées des commissions scolaires pour s'apercevoir qu'effectivement ce sont des administrateurs - et il en faut - et leur préoccupation est surtout de faire de l'administration. Ou bien

ils sont débordés, ils sont obligés de le faire de sorte que, si les parents entrent dans le système avec un pouvoir - ce qu'ils réclament surtout, c'est un pouvoir d'ordre pédagogique - c'est probablement, d'une certaine façon, pour faire contrepoids à cet unique pouvoir trop souvent accaparé par l'administration. Qu'il y ait une articulation à établir, je pense que tout le monde en convient.

Deuxièmement, Mme David a repris le mot "usager" que je voulais également reprendre, à savoir que les vrais usagers de l'école, ce sont les enfants. Les responsables de l'école, par exemple, ce sont aussi les parents, avec les enseignants et la direction.

Enfin, quant à l'allusion à l'atomisation des forces du fait que les écoles deviennent plus autonomes et, donc, qu'on affaiblit les commissions scolaires, je pense qu'il était facile à prévoir que, à supposer qu'on le risque, ce qui n'est pas exclu... C'est déjà fait, il y a une Fédération des comités de parents. Vous pensez bien que, face au ministère, les parents vont se regrouper. Comme ils auront des pouvoirs, ils vont se regrouper d'une façon beaucoup plus forte pour faire échec au ministère qui pourrait mettre la main sur les écoles, un peu comme les commissions scolaires se regroupent pour faire échec aux visées du ministère ou, au besoin - espérons-le, dans les meilleures conditions - pour dialoguer avec lui. Alors, l'atomisation des écoles est une possibilité, mais il y a l'inverse, à savoir le regroupement par l'intermédiaire de quelque chose qui ressemblerait à la Fédération des comités de parents qui, cette fois, possède des pouvoirs. Cela pourrait effectivement devenir un pendant très valable pour le ministère qui risquerait d'administrer d'une façon trop solitaire.

Vous avez mentionné quelque chose sur la confessionnalité. Je n'ai rien de précis à dire là-dessus. Est-ce que cela devrait relever de la commission scolaire? Il faut être cohérent avec ce qui est dit, avec le reste. Dans la mesure où la commission scolaire s'occupe d'administration et supporte... Il faut le dire aussi, les institutions administratives en place actuellement ne vont pas se volatiliser du jour au lendemain; au contraire, elles deviennent des institutions de support pour les parents qui entrent dans l'équipe de gestion des écoles. Dans la mesure où la confessionnalité est un problème administratif ou un problème éducatif, je dirais qu'il faut que cela relève de l'une ou de l'autre instance. Il n'y a rien qui peut se trancher au couteau. Dans ce sens, peut-être que la commission scolaire aura des choses à dire sur la gérance concrète des choix de confessionnalité, mais il faudra quand même - et cela, c'est un droit vraiment profond et inaliénable, un droit fondamental tel qu'on le dit dans les chartes des droits de l'homme -que cela revienne aux individus et non aux commissions scolaires; donc, aux parents en premier lieu.

M. Ryan: Le seul point que je voudrais ajouter là-dessus: c'est vrai que le choix doit être celui des personnes impliquées, des parents, mais il faut bien faire l'addition des choix à un moment donné, il faut faire les combinaisons des aménagements administratifs et pédagogiques qui vont répondre à ces additions. C'est là que la décision personnelle ne peut pas être le seul facteur. Il faut également un organisme qui va avoir la responsabilité de faire des aménagements autres que celui de dire: Nous autres, on a eu 51%, on emporte le paquet et arrangez-vous avec vos problèmes. C'est cela qu'on veut éviter.

M. Côté (Bernard): C'est très juste, mais je pense que, de toute façon, le problème existe actuellement et les problèmes - comment dire? Je ne dirais pas de guerre de religion - d'administration de la confessionnalité sont des problèmes larvés, actuellement, que personne n'ose mettre sur la table. Si cette loi peut nous aider, non pas à forcer les choses, mais à les clarifier, je suis bien d'accord, par exemple, qu'il faudra prévoir les mécanismes qui permettent de le faire de façon démocratique et que, peut-être bien, comme vous le dites, les 51% ne seraient pas suffisants. Il y a d'autres manières, je pense, de parvenir à un certain mode de consensus. Là-dessus, je crois que la porte est ouverte et doit rester ouverte. Dans ce sens, je pense que la loi permet certaines choses parce que, c'est assez curieux, pour une loi qui comporte 625 articles, le nombre de "s'ils le veulent", "si c'est possible", "selon le cas", etc., fait de cette loi une loi très libérale d'esprit. Espérons que cela pourra, un jour, être administré de la même façon.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. Côté, merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci. Je voudrais faire une première remarque. Le député d'Argenteuil, dans son introduction, est assez vague et général et fait parfois, certaines allusions peut-être pertinentes ou impertinentes. À un moment donné, autour de cette table, on a des personnes qui ont une certaine expérience de la direction des écoles, il y a des personnes qui ont des expériences comme commissaire d'école, il y a même une ancienne présidente de commission scolaire, il y en a ont des expériences au niveau de l'enseignement et il y en a aussi qui ont des expériences au niveau des comités d'école. J'ai bien dit, Mme la

députée, dans la direction d'école. Je pense que chacun doit s'exprimer aussi pour le plus grand éclairage de cette commission et de la population.

Les personnes qui viennent ici s'exprimer doivent, selon leur expérience, peut-être essayer de faire évoluer le débat dans le sens positif, dans un meilleur éclairage pour assurer une meilleure éducaton à nos enfants. Je n'aime pas les petites allusions voilées faites par des personnes qui ont eu certaines expériences et qui profitent de la commission pour faire avancer les choses selon certaines idées.

M. Ryan: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Non, M. le député d'Argenteuil. Vous connaissez la directive du président sur les questions de privilège et les questions...

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas été question de privilège...

Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous plaît! Sur les questions de privilège voilées, à moins que vous ne m'indiquiez, M. le député d'Argenteuil, de quel article de notre règlement il s'agit, je vais demander au député de Mille-Îles de poursuivre son intervention. S'il s'agit d'une question d'opinion, d'impression ou même d'interprétation, vous aurez l'occasion, ainsi que certains membres de votre formation politique, de prendre la parole par la suite, de donner votre interprétation des débats ou d'exprimer des opinions sur celles qui ont été émises par un membre ou l'autre de la commission parlementaire. M. le député de Mille-Iles.

M. Ryan: M. le Président, je m'excuse, mais sur une question de règlement.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, je pense que tous ou tout...

Le Président (M. Blouin): Sur une question de règlement, M. le député d'Argenteuil. . M. Ryan: Je vous conteste le droit de décider si mon intervention est valable tant que je ne l'ai pas faite. Vous ne savez pas ce que je vais dire.

Le Président (M. Blouin): C'est pour cela que je vous ai demandé à quel article du règlement vous faisiez allusion.

M. Ryan: Est-ce que je peux vous demander une directive bien simple?

Le Président (M. Blouin): Très certainement.

M. Ryan: Est-ce que je pourrais seulement rappeler que ma critique s'adressait uniquement au ministre et pas du tout à l'organisme présent? Si vous me dites que je n'en ai pas le droit, je vais retirer mes paroles.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles, vous avez la parole. Nous reprenons maintenant le débat avec nos invités. Je crois que ce serait plus convenable.

M. Champagne (Mille-Îles): Cela veut dire que les choses sont plus claires et qu'on peut parler quand même de nos expériences ici, à la fois comme parents, comme enseignants, comme commissaires d'école, ou autres...

Mme Lavoie-Roux: On n'en parle plus.

M. Champagne (Mille-Îles): Cela me rassure, M. le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Blouin): Tant mieux!

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, je veux remercier les parents de la commission scolaire Saint-Exupéry pour l'excellent mémoire qu'ils ont présenté ce matin. J'ai été frappé, dès l'introduction de votre mémoire, de voir la consultation importante que vous avez eue dans votre population et d'entendre que, dès 1973 et 1975, le comité de parents de la commission scolaire avait fait parvenir des rapports et des mémoires au ministère de l'Éducation de l'époque, demandant des modifications à ce régime de participation strictement consultatif. On sait qui avait les rênes du pouvoir à cette époque. Il y en a qui ont eu le courage, en 1963, de mettre sur pied le ministère de l'Éducation. Ce même gouvernement d'alors, en 1973, a fait adopter la loi 21 qui permettait la création des comités d'école, mais c'étaient des comités consultatifs. Après dix ans, ce même parti politique semble plutôt rétrograde dans le sens qu'il est contre une espèce d'évolution normale des choses.

Si, il y a dix ans, on a donné aux comités d'école et aux comités de parents un rôle consultatif et que, depuis dix ans, ils ont fait la preuve qu'ils peuvent aider à l'éducation des enfants dans chacun des quartiers et dans chacune des communautés scolaires, je ne vois pas pourquoi le Parti libéral serait plus ou moins en faveur d'une responsabilité.

Je vois d'ailleurs ceci dans votre conclusion et dans le dernier paragraphe que je vais citer ici: "Je recommande aux membres de la commission, tant aux

représentants de l'Opposition qu'à ceux du gouvernement...". On a quand même une responsabilité de législateurs à la fois comme gouvernement et comme Opposition. Vous demandez aussi à l'Opposition de veiller à ce que les parents obtiennent une place dans le système où ils pourront assurément faire des choix. C'est cela une espèce de pouvoir: faire des choix d'orientation dans leur école pour les services qu'elle dispense à leurs enfants. Je comprends que vous en soyez rendus là parce que ceux qui vivent dans les comités d'école, ceux qui vivent dans une école savent que ce sont eux qui connaissent les besoins du milieu et que, trop souvent hélasl ceux qui décident à un stade plus élevé, que ce soit la commission scolaire ou le ministère, les décideurs sont très éloignés de la réalité. (12 h 30)

C'est un commentaire qu'il fallait faire, je pense. J'espère que les gens de l'Opposition comprendront que vous, les parents, avec les enseignants et toute la communauté, vous voulez faire évoluer le débat pour donner une meilleure éducation aux enfants.

Je vais vous poser une question au sujet des élections dans le milieu. Dans les commissions scolaires, on sait que la participation aux élections est très faible. Aussi, il faut dire que la participation dans les comités d'école pourrait être plus forte. Voici la question que je vous pose: si, au lieu d'avoir un pouvoir uniquement consultatif auprès des comités d'école, on avait un rôle de participation décisionnelle, croyez-vous, madame, que l'application de la loi 40, qui donnerait un pouvoir décisionnel aux parents, ferait en sorte que la participation des parents à la chose scolaire serait plus grande aux élections des comités d'école?

Mme Ducharme-David: Je croirais que oui. Moi aussi, j'ai parlé avec beaucoup de gens dans mon école, à la section régionale, et même je suis déléguée à la Fédération des comités de parents et j'ai posé la question à ces parents et je crois que oui. Certains parents se sont éloigné des comités d'école et nous disent - je suis certaine que vous l'avez entendu vous aussi - qu'est-ce que cela nous donne d'aller là? On n'a rien à dire de significatif. On parle et ils ne nous écoutent pas. Quand on aura un mot à dire, qu'on sera décisionnel, au moins ils nous écouteront. Je pense que cela va amener un certain nombre de parents mais il ne faut pas se leurrer, il y aura là les parents qui sont intéressés à l'éducation, qui l'étaient déjà au niveau des commissions scolaires, qui le sont au niveau des écoles et qui le seront toujours, comme il y a un certain nombre d'entre eux qui sont intéressés aux loisirs, aux hôpitaux ou à la politique. Il y aura donc ces parents qui sont intéressés à l'éducation qui y viendront. Ils s'y intéresseront de près parce qu'ils auront quelque chose de significatif à dire. Je le crois sincèrement.

M. Champagne (Mille-Îles): Madame, il est bien sûr que si, dans chacune des écoles, on a un projet éducatif qui intéresse les parents... Je pense aux activités parascolaires. Je connaissais des parents dans mon milieu qui étaient intéressés à ce qu'on enseigne peut-être le jeu d'échec. Enfin, il y en a d'autres qui étaient intéressés à des cours de flûte, des cours de piano ou à des cours d'éducation physique plus particulièrement. Et ces parents, considérant qu'ils étaient directement intéressés à l'évolution de leur enfant, étaient aussi prêts à aider d'autres enfants et à participer. On a quand même vu un dynamisme dans le milieu. Je me dis toujours que, tant et aussi longtemps que les parents sont directement impliqués, ils vont participer dans le sens positif.

Cela me fait penser dans nos patelins, nos villages ou nos villes, si on regarde le nombre de parents qui s'intéressent aux clubs sportifs, que ce soit le hockey, le baseball ou n'importe quel autre sport, on voit une participation débordante et intéressée parce que leur enfant est là et joue à un sport, que ce soit le soccer entre autres. Je pense qu'il y a au moins 800 enfants qui jouent au soccer dans mon quartier et je pense qu'il y a 200 parents qui sont aussi intéressés et jouent même au soccer. C'est cela, la participation dans le milieu et c'est cela, le projet éducatif de l'école. On les intéresse au plan parascolaire. J'étais content d'entendre l'exemple du rnicro-ordinateur. Si les parents sont intéressés aux microordinateurs comme les enfants le sont, pourquoi ne pas faire en sorte que le comité d'école organise, même pour une fin de semaine ou sur semaine, en dehors des heures de classe, un cours d'initiation aux ordinateurs? Je pense que le comité d'école peut le faire.

J'ai une dernière question à vous poser. Nous avons un corps professoral compétent -on peut s'en réjouir - et dévoué. Comme membres d'un comité d'école, vous savez que la participation des enseignants est très importante, sinon indispensable. La question que je veux vous poser est la suivante: est-ce que vous seriez d'accord pour accorder une plus grande participation aux enseignants et même aller jusqu'à accepter que le conseil d'école soit formé à la fois des parents et des enseignants sur une base paritaire?

Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David.

Mme Ducharme-David: Les parents ont répondu à ce sondage qu'ils ne concevaient

pas le conseil d'école sans la participation des enseignants, et une participation importante, disent-ils. Comme c'est le désir des parents de voir les enseignants siéger au conseil d'école et que l'invitation leur est faite, dans le projet de loi 40, de s'y joindre, je pense bien que les enseignants y viendront et qu'ils pourront travailler ensemble.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup de votre témoignage.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Louis-Hébert, en vous rappelant que votre formation politique dispose de 17 minutes pour compléter son intervention. D'accord? Allez-y, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec intérêt le mémoire qui nous a été présenté. Ce que j'y retrouve, c'est une reprise intégrale des arguments que le ministre nous a servis à différentes sauces, à différentes reprises. Le mémoire exprime une opinion - et je la respecte - qui, à mon avis, manque d'assise solide. Vous ne faites pas une démonstration convaincante qui pourrait nous amener à reconnaître que votre point de vue en est un qui fait suite à une étude véritable du projet, à une analyse en profondeur de la réalité.

Il est certain que votre façon de voir les choses donne une satisfaction momentanée au ministre et qu'elle le réconforte, lui redonne espoir et lui permet de distinguer ou d'identifier un certain nombre d'appuis. Cependant, c'est une chose que d'avoir l'appui de groupements, d'organismes ou même de personnes, c'en est une autre que d'avoir un appui au niveau de l'argumentation, au niveau de la défense du fond du projet de loi. Ce que vous nous dites dans votre mémoire ne peut pas, en tout respect de l'opinion contraire, nous amener, en ce qui me concerne, à partager le point de vue qui est le vôtre et qui est celui du ministère.

Je sais que la consultation que vous avez faite en est une que vous avez voulue honnête pour qu'elle vous permette d'être le reflet du milieu. Je respecte cela. Cependant, je voudrais attirer plus spécifiquement votre attention sur le fait que vous affirmez, dans votre mémoire, un certain nombre de choses. Vous dites, entre autres, à la page 5, par exemple - cela me paraît un jugement un peu subjectif et même un procès d'intention - que si les gens sont hésitants devant la façon de procéder du projet de loi qui confie aux parents un pouvoir décisionnel, etc., on sent que ces gens ne reconnaissent pas aux parents la compétence administrative nécessaire. C'est une affirmation qui, comme je le disais, ressemble beaucoup plus à un procès d'intention.

Vous nous avez dit que vous avez suivi les débats de cette commission. Les raisons qui nous ont été apportées par les gens venus témoigner et déposer devant cette commission sont beaucoup plus en ce sens que tout d'abord un bon nombre de parents -et des gens crédibles nous l'ont affirmé - ne désirent pas s'impliquer dans la gestion quotidienne du détail des écoles. Ce n'est pas une préoccupation majeure chez eux, ils préfèrent laisser cela à des spécialistes, à des gens qui sont formés pour cela. On peut reconnaître qu'il s'agit là d'une façon de voir les choses qui est éminemment respectable. Le fait que l'on vienne affirmer cela et déposer de tels témoignages à cette commission ne constitue pas une négation de la compétence administrative des parents. Pas du tout. C'est normal que, dans la vie, il y ait un partage des tâches. Quand son soulier est brisé, on fait appel au cordonnier plutôt que de s'acheter l'équipement qu'ilfaut pour le réparer, même si ce n'est pas sorcier de le faire. C'est comme cela qu'on en est venu à des spécialisations, dans les tâches respectives de tout le monde, qui, finalement, ont eu pour effet d'enrichir tout le monde, chacun faisant mieux ce qu'il est habitué à faire et ce qu'il a appris à faire. Alors, du fait qu'une proportion très significative de gens ne veuillent pas nécessairement que le pouvoir décisionnel au niveau de l'école revienne aux parents, à mon avis, on ne peut pas conclure que c'est un manque de reconnaissance aux parents d'une compétence administrative.

Vous dites fort à propos que des parents sont échevins, d'autres maires, d'autres députés; pour la plupart d'entre nous, nous le sommes, bien sûr. Il y a des parents qui, en même temps, et vous me donnerez vos réflexions là-dessus tout à l'heure, se conduisent comme cela et je ne vois pas pourquoi, dans la vie de l'école, cela devrait être différent. À la maison, dans le foyer familial, le parent est en même temps le gestionnaire, l'administrateur, celui qui partage et qui distribue les ressources et il est en même temps, Dieu merci, la personne qui s'occupe des problèmes pédagogiques, de la formation individuelle de ses enfants, qui voit à évaluer leur capacité d'apprendre, qui voit à les diriger et à les conseiller, mais il doit toujours faire cela en tenant compte d'un certain nombre de contraintes qui découlent de son revenu, de sa capacité de payer et de la façon qu'on est organisé à la maison.

Par exemple, des parents peuvent très bien reconnaître qu'un enfant étudie mieux seul dans sa chambre, que c'est désirable qu'un enfant soit isolé, si possible, dans sa chambre. On peut concevoir cela, en tout cas. Je ne suis pas un expert, c'est peut-être

une situation désirable, sauf qu'il arrive que des parents doivent réaliser qu'ils ne peuvent pas fournir une chambre à chacun de leurs enfants avec un pupitre et on fait ce que l'on fait dans plusieurs cas, et ce que j'ai fait moi-même finalement: on étudie sur la table de la cuisine, pas parce que c'est la meilleure situation possible, mais le parent a fait le partage du gestionnaire et en même temps du responsable pédagogique de l'éducation de ses enfants.

Alors, cette espèce de position dans laquelle on veut situer les parents m'apparaît une position artificielle, une position qui ne tient pas véritablement compte de la réalité. Mon collègue d'Argenteuil soulignait que déjà les parents sont à la commission scolaire, que déjà les parents sont, à de nombreuses instances, au niveau de l'éducation de leurs enfants. La proposition ministérielle au niveau de la formation de la commission scolaire fait fi de cette présence. Elle va même plus loin, elle risque de rendre antagonistes et hostiles des groupes qui, finalement, ont beaucoup plus en commun, si on ne centre pas notre attention sur leurs différences, qui ont beaucoup plus en commun qu'ils n'ont de choses différentes entre eux. (12 h 45)

J'aimerais avoir votre opinion sur le rôle des parents, responsables pédagogiques et le rôle des parents, administrateurs. En d'autres mots, en quoi pour des gens qui sont à la commission scolaire, qui, pour plusieurs d'entre eux, proviennent de comités d'école, ont fait leur apprentissage là, ont pris leur intérêt là, ont voulu accéder à un niveau décisionnel par l'intérêt qu'ils ont, en quoi le fait d'accéder à la table des commissaires d'école leur fait-il perdre ce désir de servir en même temps les enfants et la collectivité et la communauté?

Je veux aussi porter votre attention sur un paragraphe de votre mémoire, à la page 6, où vous vous en prenez d'une façon assez virulente à tout ce qui touche l'argent, le capital, et où vous dites que la réalité de l'éducation est beaucoup plus complexe, que ce n'est pas uniquement une réalité matérielle et que l'éducation des enfants dépasse tout cela, etc. C'est une évidence que de dire une chose semblable mais vous faites une limitation indue comme si l'argument qu'on fait valoir pour voir la préservation du suffrage universel, par exemple, c'est-à-dire l'implication par voie de vote de tous et chacun d'une communauté, d'une collectivité, comme si cet argument était tout simplement basé sur l'apport financier, matériel, "gros sous", de cette collectivité.

Je regrette beaucoup, ce n'est pas un argument déterminant. L'argument qui m'apparaît beaucoup plus déterminant pour amener la collectivité à s'impliquer par voie du suffrage universel à la commission scolaire, c'est l'intérêt que j'ai en tant que citoyen, que mon voisin a en tant que citoyen, que toute la collectivité a en tant que citoyen, de voir une formation des enfants, une formation des jeunes qui soit conforme à l'idée générale que se fait la collectivité de ce qu'elle voudra être, du développement auquel elle s'attend.

Tous et chacun d'entre nous avons un intérêt à voir des enfants qui vont être à une école de telle nature plutôt que de telle autre parce qu'il faut réaliser que cette école va former le prochain médecin qui va me soigner, le prochain avocat qui va me défendre, le maire qui va administrer ma municipalité, le député...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert, puis-je simplement vous suggérer que, si vous désirez avoir quelque échange avec le groupe invité, vous devrez procéder, parce qu'il vous reste six minutes maintenant?

M. Doyon: Je suis très conscient de cela, M. le Président. Je pense qu'il est important de dire un certain nombre de choses et je le fais avec sobriété et de façon à ne froisser personne.

M. le Président, vous m'avez un peu interrompu. Ce que je disais, c'est que l'intérêt que j'ai en tant que citoyen en est un qui est général, qui ne tient pas principalement aux taxes que je paie à la commission scolaire ou aux impôts que le ministre des Finances retient sur mon salaire ou sur mes revenus. Il ne tient pas principalement à cela. Il tient aussi à cela, mais il ne tient pas principalement à cela. Il tient au fait que le produit fini de nos écoles, c'est ce avec quoi, en tant que citoyen, en tant que personne qui doit vivre dans un milieu donné, on devrait vivre. Votre mémoire, en limitant à l'aspect du capital, à l'aspect matériel, le fondement du droit du citoyen en général d'être représenté à la commission scolaire, me paraît - vous me permettrez le mot - un peu trompeur, un peu fallacieux parce que si le seul argument qu'on nous faisait valoir pour défendre le suffrage universel était qu'on paie, donc on a le droit de contrôler... C'est aussi vrai, bien sûr, parce que le principe de "no taxation without representation" est un principe qui doit être défendu, mais cela va plus loin que cela. J'aimerais que vous nous donniez votre réflexion là-dessus, si vous en avez une. Je sais que vous n'avez pas nécessairement à partager mon point de vue, comme moi je n'ai pas à partager le vôtre, mais je vous le dis avec autant de sérénité et autant de conviction que vous, et j'espère que j'aurai de votre part droit au même regard que j'ai accordé à votre point de vue. Par la suite, selon le temps qui pourra rester, j'aurai

peut-être une ou deux questions supplémentaires.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député. Mme Ducharme-David.

Mme Ducharme-David: M. le député, je veux vous dire qu'on n'est pas venu ici pour vous apporter des arguments, mais un vécu et le témoignage de ce qui se passe dans notre milieu. Sur ce, M. Côté m'a demandé de répondre à votre question.

Le Président (M. Blouin): En vous signalant, M. Côté, que votre réponse ne devra pas excéder trois minutes.

M. Côté (Bernard): D'accord, quatre phrases. Le mémoire n'a pas été construit à partir du projet de loi 40, mais à partir du sondage auprès des parents. Qu'il y ait convergence, pour certaines personnes c'est très heureux, pour d'autres moins.

Deuxièmement, bon nombre de parents ne désirent pas s'impliquer dans la gestion -je fais la distinction avec administration - de l'école, c'est une évidence. Bon nombre de gens ne désirent pas s'impliquer dans la politique: Allons-nous fermer les institutions politiques ou interdire l'accès aux institutions politiques pour cette raison? C'est la même chose dans les écoles. On ne veut pas fermer l'accès à la gestion décisionnelle des parents sous prétexte qu'il y a bon nombre de parents qui ne veulent pas le faire.

Troisièmement, les commissaires ne perdent pas leur préoccupation de parents, je veux bien. Il faudrait des fois voir à le prouver. L'expérience va malheureusement souvent en sens contraire. Même si elle ne va pas en sens contraire, ils gardent leur préoccupation de parents, mais ils sont obligés - c'est normal, c'est leur fonction -d'ignorer quelque peu le milieu immédiat dans lequel se passe réellement l'éducation pour gérer un ensemble d'écoles qui ne sont pas nécessairement le reflet de leur milieu, d'où la nécessité d'avoir des institutions décisionnelles qui soient à la taille du milieu qu'elles reflètent.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Côté. En une minute, M. le député de Louis-Hébert?

M. Doyon: Oui, M. le Président. J'aimerais que les membres qui sont à déposer devant cette commission puissent nous dire... Vous nous dites que ce que vous nous transmettez, c'est finalement le reflet des sondages et des opinions que vous avez recueillis dans votre milieu. Je veux bien accepter cela, mais ce que je vous poserai comme question supplémentaire, c'est que vous devez quand même avoir eu l'occasion de faire une étude, aussi sommaire soit-elle, du projet de loi 40. Étant donné que le but de cette commission est justement d'entendre tout groupe ou toute personne qui désire intervenir sur le projet de loi 40, il est impératif, et je ne pense pas qu'on puisse y échapper, que, si vous êtes venus ici, ce soit pour vous prononcer sur le projet de loi 40. Ce n'est pas une commission d'enquête générale que nous faisons ici, c'est sur le projet de loi 40.

La question spécifique que je veux vous poser sur le projet de loi 40 est celle-ci: Est-ce que vous avez pu déceler dans le projet de loi 40 une indication quelconque qu'il y aurait pour la poursuite du projet éducatif global des ressources additionnelles qui seraient mises à la disposition soit des commissions scolaires, soit de l'école ou des deux ensemble aux fins de la discussion?

Le Président (M. Blouin): C'est une question précise qui touche aux possibilités d'augmentation des ressources. Une réponse précise et concise, s'il vous plaît!

Mme Ducharme-David: Nous croyons qu'il y aura déplacement des ressources. C'est possible qu'il y ait augmentation des ressources. Nous croyons que le but poursuivi, l'éducation des enfants, en vaut la chandelle.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Ducharme-David. Merci, M. le député de Louis-Hébert. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier le comité de parents pour la présentation de son mémoire. Je trouve incroyable qu'on puisse dire devant nous qu'il ne s'agit pas d'une démonstration convaincante. Je n'en reviens pas du tout. C'est quoi une démonstration convaincante? Il faudrait peut-être que le député de Louis-Hébert nous l'explique à un moment donné. J'ai cru comprendre qu'il voudrait une démonstration faite avec des graphiques, des statistiques, le genre de mémoire qui nous est présenté parfois en commission par des spécialistes ou par des organisations telles que les commissions scolaires, qui ont les moyens de se payer des spécialistes capables de préparer des graphiques, des statistiques et des études extrêmement fouillées. Ce ne n'est pas ce que nous attendons, surtout de la part d'un groupe de parents. Vous avez présenté votre point de vue d'une façon claire, sobre, précise et suffisamment détaillée.

Personnellement, cela me satisfait. C'est ce que nous attendions de vous.

Une autre remarque que je voudrais faire a trait à ce que le député d'Argenteuil a dit. Il a comparé les usagers de l'école aux usagers des hôpitaux. Je trouve cela incroyable qu'on puisse faire de telles

comparaisons. J'ai bien aimé votre réponse au député d'Argenteuil. Vous avez dit: Nous ne nous considérons pas comme des usagers. Je pense que c'est le message que tous les parents sont venus nous livrer ici. On a rarement entendu le mot "usager" pour l'école comme on parle d'usager pour les hôpitaux. Tous les parents sont venus nous dire que, s'ils souhaitaient une participation plus grande au niveau de l'école et au niveau de la commission scolaire, c'est à titre d'éducateurs, les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Je ne pense pas qu'on puisse, à ce moment-là, confondre deux types de personnes qui font appel aux services dans une communauté. Les hôpitaux constituent un service à la communauté; les écoles constituent un service à la communauté, mais il s'agit de deux types de service très différents. Je pense que c'est la présence des enfants dans les écoles qui fait toute cette différence. Je croyais que le message a été suffisamment clair, mais je vois que ce n'est pas le cas, car on arrive encore à nous présenter de tels arguments qui visent à semer une certaine confusion dans les esprits.

Je voudrais vous poser une première question sur le contenu de la page 4 de votre mémoire, à la composition du conseil d'école qui, selon vous, devrait être laissée au choix de chaque école afin de répondre aux exigences propres à chaque milieu et respecter l'esprit même de la loi qui veut laisser plus d'autonomie à l'école. À première vue, je trouve cette proposition intéressante. Il y a deux questions qui me viennent à l'esprit. Vous voulez respecter le milieu, c'est très bien, on comprend cela, mais où cela peut-il nous conduire? Dans votre esprit, vous aimeriez voir plus d'enseignants au conseil d'école ou plus de professionnels au conseil d'école... Est-ce que vous trouvez que la proposition du projet de loi 40 est insuffisante à cet égard?

Deuxième question qui me vient à l'esprit: Qui déciderait finalement de la composition du conseil d'école? C'est un peu le problème que cela me pose. Dans le projet de loi, c'est clair, il y a quatorze membres et il y a des modalités précises, telles la participation majoritaire des parents, la participation des enseignants, s'ils le désirent, et des professionnels à l'intérieur de l'école également. Est-ce que vous pourriez nous apporter des précisions à cet égard?

Mme Ducharme-David: Si on veut laisser à chaque milieu le choix, c'est parce que, dans certains milieux, il peut y avoir un milieu plus restreint - je pense aux régions éloignées - où moins de personnes peuvent constituer le conseil d'école. Je pense que le projet de loi 40: dit au maximum 14. C'est vraiment pour que cela puisse s'ajuster, qu'il y ait un, deux ou trois professeurs, s'ils le désirent, du personnel non enseignant. C'est vraiment pour répondre aux besoins du milieu. Nous pensons que ce sont eux qui doivent décider ensemble de la composition de leur conseil d'école. (13 heures)

M. Leduc (Fabre): Donc, ce serait les différentes composantes de l'école qui seraient consultées, si je comprends bien, et qui pourraient faire une proposition. À qui? Cela pose un problème au départ. Vous suggérez que ce soit le comité d'implantation qui s'en occupe; cela pourrait peut-être poser des problèmes d'organisation pour le comité d'implantation, mais cela pourrait nous conduire à une formule où le personnel de l'école serait paritaire avec les parents, autant de membres du personnel de l'école qu'il y a de parents au sein du conseil d'école. Cela pourrait nous conduire à cette formule.

Mme Ducharme-David: D'après le résultat du sondage, la position prise par notre milieu demande que les parents soient majoritaires à ce conseil d'école. Nous laissons au milieu la composition du conseil d'école, mais à l'intérieur d'un cadre qui devrait être défini.

M. Leduc (Fabre): D'accord. Vous êtes donc favorables, malgré tout, à ce que les parents soient majoritaires au sein du conseil d'école.

Ma deuxième question a trait à la commission scolaire. Plusieurs organismes sont venus nous proposer une formule paritaire ou une formule de participation des parents au conseil d'administration de la commission scolaire. Les parents participent actuellement, ils sont deux, je crois, présents à la commission scolaire. Est-ce que vous avez réfléchi à cette formule? Qu'est-ce que vous préconisez au niveau du conseil d'administration de la commission scolaire?

Mme Ducharme-David: Notre milieu est d'accord avec le projet de loi 40 sur ce sujet.

M. Leduc (Fabre): D'accord, merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est en fait une question qui fait suite à celle du député de Fabre, ça ne prendra qu'un instant. J'aurais aimé faire des commentaires. Je vous remercie de votre mémoire. Si la commission me le permet, je serai très brève, ma question porte sur le conseil d'école.

Le Président (M. Blouin): Très bien,

rapidement, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, à une question du député de Mille-Îles, vous avez dit: II nous paraît essentiel que les enseignants soient membres du comité d'école. Par contre, dans votre proposition, vous demandez qu'ils soient invités. N'y a-t-il pas une contradiction? Je comprends ce que le ministre a expliqué hier, il a dit: Moi, je ne les ai invités que parce qu'ils ont boudé mon comité d'orientation. Mais la CEQ a laissé entendre que, cette fois-ci, peut-être qu'elle ne bouderait pas si... Est-ce que vous seriez prêts à accepter un certain nombre d'enseignants qui ne seraient pas majoritaires, parce qu'on garderait les parents majoritaires - ce serait une obligation imposée par la loi - dans la proposition du conseil d'école, ou si vous préférez les garder comme des invités qui viendront ou qui ne viendront pas?

Mme Ducharme-David: Je répète, encore une fois, que nous désirons, nous voulons que les enseignants soient dans le conseil d'école. J'ai vécu, moi aussi, cette période de conseil d'orientation où ils n'ont pas voulu participer. Maintenant, si on le définit dans la loi et qu'ils décident de ne pas y participer, on peut se retrouver encore avec quelque chose qui ne fonctionnera pas et les enseignants ne seront pas là. Je pense que s'ils sont invités, ils vont venir parce que les parents et les autres agents désirent qu'ils soient là. Finalement, ils y seront, les enseignants.

Mme Lavoie-Roux: Si le ministre recevait des indications de la part de la CEQ qu'ils y seraient, vous ne seriez pas opposés à ce que ce soit de fait dans la loi, que cela fasse partie de la composition du conseil d'école?

Mme Ducharme-David: Nous sommes d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie.

Puisque le groupe ministériel dispose encore d'une période de cinq minutes, je sais que le député de Chauveau désirait intervenir rapidement.

M. Brouillet: Ce sera très rapide, je ne croirais pas utiliser les cinq minutes. Je vais m'en tenir à un aspect très particulier de l'argumentation, je ne veux pas tout reprendre ce qui a été dit. On fait souvent allusion aux sondages qui ont révélé qu'une majorité de parents ne semblaient pas intéressés à participer à un conseil d'école décisionnel. Pour tout dire, ils n'en veulent pas.

Je vous pose la question suivante: Si on faisait le même sondage auprès de l'ensemble des citoyens - parce qu'on s'appuie sur cela pour dire: laissons plutôt l'ensemble des citoyens décider et la commission scolaire sera décisionnelle - qui ont à voter par le suffrage universel pour élire les représentants de la commission scolaire, sondage leur demandant: "Combien parmi vous seraient intéressés à participer au pouvoir décisionnel à la commission scolaire?", pensez-vous que les résultats seraient beaucoup plus positifs que dans le cas des parents au niveau du conseil d'école?

Mme Ducharme-David: Je crois que cela restera encore un certain pourcentage de personnes de la population qui sont très intéressées par l'éducation qui voudront participer à ça, comme aux autres services qu'on a mentionnés tantôt.

M. Brouillet: Quand nous voyons les mises en candidature de citoyens pour siéger aux conseils d'administration des commissions scolaires, finalement il y en a très peu. Il en a même les trois quarts qui sont réélus sans opposition. Je crois que nous ne pouvons pas nous appuyer sur cet argument pour refuser aux parents le pouvoir décisionnel dans l'école parce qu'à ce moment-là il faudrait le supprimer à bien d'autres endroits. Très bien. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau. Au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, je voudrais remercier les représentants du Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry de leur participation aux travaux de cette commission et, sur ce, la commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise de la séance à 15 h 2)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Cet après-midi nous entendrons d'abord les représentants du Département des sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal et ensuite la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Selon l'entente conclue entre les partis, nous accorderons au premier groupe invité une heure de présentation et d'échanges et au deuxième groupe invité deux heures de présentation et d'échanges.

Sans plus tarder, je demande aux représentants du Département des sciences

religieuses de l'Université du Québec à Montréal de bien vouloir d'abord s'identifier et de nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.

M. Rousseau (Louis): M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous plaît! Puis-je demander à nos invités de bien vouloir gagner leur siège? S'il vous plaît! M. le député de Bourassa.

Alors, merci beaucoup. Très bien, allez- y.

Département des sciences religieuses de l'UQAM

M. Rousseau: M. le Président, honorables membres de l'Assemblée nationale, permettez-moi de me présenter. Mon nom est Louis Rousseau, je suis le directeur du Département des sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal. M'accompagne mon collègue, Eric Volant, professeur au même département.

Le Département des sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal souhaite faire entendre son opinion aux membres de la commission parlementaire de l'éducation à l'occasion de l'étude du projet de loi 40 parce qu'il estime de sa responsabilité sociale de contribuer à l'élargissement et à l'approfondissement du débat politique autour de la question scolaire, à partir de sa propre expertise et au meilleur du jugement des universitaires qui le composent.

Nous vous présentons, vous le savez déjà, une opinion rédigée dans le style le plus synthétique possible. Nous croyons avoir compris qu'à propos de la présence de la religion à l'école, le projet de loi 40 a réussi dans sa longue phase d'élaboration à trouver une base d'entente entre les grands partenaires institutionnels: les Églises, l'Opposition libérale et le gouvernement. Dans ce contexte, faire entendre un point de vue qui se forme sur une analyse différente de la réalité peut sembler un acte futile, sans conséquences politiques prévisibles; mais nous nous sommes dit qu'il faisait partie de notre responsabilité d'universitaires de soumettre respectueusement à la réflexion des élus du peuple les éléments essentiels de notre compréhension de la réalité socioculturelle du Québec actuel telle qu'elle peut apparaître à des spécialistes de l'étude de la religion. Nous comptons, bien sûr, sur vos questions pour fournir les développements jugés nécessaires.

Depuis 1969, date de fondation de notre département, nos travaux de recherche comme notre enseignement visent à éclairer la nature, les fonctions et les significations des différentes traditions religieuses de l'humanité dans une perspective faite à la fois d'ouverture sympathique et de distance critique à l'égard des manifestations de cette dimension fondamentale de la destinée humaine, ici comme ailleurs, aujourd'hui comme dans le passé.

Cette approche non confessionnelle et scientifique constitue une réponse de nos sociétés occidentales à la prise de conscience d'une diversité évidente des conceptions du monde et des manières concrètement élaborées pour relier les individus et les groupes, par des symboles et des rites, aux situations limites qui marquent la condition humaine.

Comme il s'agit là d'une expertise que l'histoire confessionnelle encore récente du Québec n'a pas distribuée très largement sur notre territoire et qui pourtant, nous semble-t-il, dispose d'une grande pertinence pour l'éclairage de la difficile question de la place de la religion et de la morale dans la réforme scolaire projetée, nous osons soumettre aux membres de la commission un ensemble d'opinions portant sur l'aménagement de la présence de la religion à l'école.

Disons, tout d'abord, notre accord avec plusieurs des principes de base qui fondent ce projet de loi. L'affirmation que l'école québécoise est publique et commune, qu'elle peut intégrer dans son projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des services doit, à juste titre, servir de référence première. L'accent nouveau mis sur la participation des parents, des éducateurs professionnels et des étudiants pourra sans doute corriger le centralisme déploré depuis quelques années et rapprocher de la base cet instrument culturel majeur qu'est l'école.

Notons enfin l'heureuse reconnaissance du critère linguistique qui permettra de tirer le meilleur parti de notre héritage historique. Nous nous abstiendrons toutefois de commenter dans le détail la mise en oeuvre de ces principes, sauf celui qui a trait à l'intégration des valeurs et des enseignements religieux dans l'école publique à propos duquel nous croyons mal avisée, incohérente et source de tensions endémiques l'orientation souhaitée par le projet gouvernemental, même si elle tire une efficacité politique réelle du quasi-concordat qui l'a précédé.

Notre opinion se fonde, premièrement, sur le statut observable de la religion dans la société québécoise actuelle, deuxièmement, sur une compréhension des principales fonctions du religieux dans la vie humaine, et, troisièmement, sur une certaine conception de l'école publique.

Ce n'est pas le lieu, ici, de brosser le portrait historique de la société québécoise qui s'est construite très largement, depuis le milieu du XIX siècle tout particulièrement, à l'intérieur de l'univers des symboles, des

rites, des valeurs qu'articulait le clergé catholique. Que le Québec ait pris alors le visage d'une Nation-Église quasi unanime, cela fait partie de notre héritage; mais la situation actuelle de même que l'avenir prévisible n'ont plus grand-chose à voir avec cette phase de notre passé que le présent projet de loi entend malheureusement, à certains égards, perpétuer.

Force nous est bien de reconnaître que l'Église catholique ne joue plus ce rôle de pourvoyeuse de significations fondamentales et de hiérarchie de valeurs où se fabriquait le consentement de la majorité. Des phénomènes bien connus comme la montée d'une nouvelle classe de définisseurs oeuvrant au sein de l'État et de l'économie, l'ouverture aux valeurs et aux visions du monde issues de l'environnement industriel et postindustriel, la partition entre le domaine du public et celui du privé où se cherchent présentement les nouvelles cohérences, tout cela dont l'Église catholique comme les Églises protestantes ont à la fois subi le contrecoup et souvent accéléré le déroulement, a fragmenté la société québécoise et mené à une crise des fondements individuels et sociétaux que nul message unique n'a, semble-t-il, la force de résoudre.

Dans cette conjoncture de véritable crise spirituelle qui ne se résorbera pas au même rythme que celle de l'économie, on ne risque pas de se tromper beaucoup si on affirme que les recherches individuelles de sens et d'orientation du comportement s'effectueront pour une large part dans le domaine spirituel traditionnellement occupé par les religions. De même, la vie sociale s'enrichira de la contribution aux débats portant sur ses finalités des différents groupes porteurs de visions du monde. Loin donc, pensons-nous, de disparaître, cette dimension de la vie humaine connaît présentement et connaîtra probablement encore davantage dans un proche avenir une montée de sa pertinence. Mais - et c'est là l'essentiel - la caractéristique la plus importante de la réalité religieuse contemporaine et celle que le législateur, à notre avis, doit dès maintenant enregistrer dans sa loi, tient à l'extrême diversité de ses manifestations du renouveau religieux. La singularité du Québec à cet égard, parmi les sociétés occidentales où ce processus est en marche depuis le début des temps modernes, réside dans le caractère récent et extrêmement rapide du processus de pluralisation religieuse qui explique d'ailleurs que certains individus et certaines institutions n'aient pas encore sérieusement enregistré sa présence irréversible.

Quel doit être, dans ce contexte que nous venons rapidement de décrire, le rôle de l'école publique dont l'État assume la responsabilité à titre d'instrument majeur de la production et de la reproduction de notre société? On conviendra sans doute aisément que l'école publique ne doit pas servir à fragmenter encore davantage une société déjà suffisamment éclatée. À l'autre extrême, il est tout aussi évident que l'école publique ne peut se donner pour tâche d'unifier de force les citoyens par un embrigadement idéologique systématique dont on rechercherait d'ailleurs bien en vain la ou les sources de référence efficaces.

Nous pourrions énoncer pour notre part la finalité spécifique de l'école publique dans la dimension que nous abordons dans ce mémoire, en parlant d'un instrument collectif cherchant à promouvoir la coexistence simultanée et constructive des diverses recherches de significations fondamentales et des diverses réponses véhiculées par les groupes porteurs de cohérences qui font la richesse de notre société pluraliste actuelle. Voilà le sens, M. le Président, que nous donnons à l'ouverture de l'école québécoise aux valeurs religieuses. Il s'ensuit cependant dans notre esprit une mise en oeuvre cohérente fort différente de celle du projet de loi et dont nous ne pourrons soumettre ici qu'une ébauche suggestive, tant le projet soumis à l'étude semble obéir à une tout autre logique inspirée, me semble-t-il, davantage par les rapports de forces d'une négociation entre institutions sociales que par une analyse rigoureuse de l'état de notre société. Si l'école publique et commune de l'avenir doit promouvoir la coexistence au sein d'une société pluraliste, alors il va de soi qu'elle ne peut confier l'espace de la vie spirituelle et religieuse à aucune communauté confessante particulière, fût-ce celle d'une majorité tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale. (15 h 15)

Par sa définition même, une confession religieuse ou un groupe spirituel est prosélyte et on ne peut lui confier la responsabilité de promouvoir la coexistence des multiples démarches qui, du point de vue d'un Etat démocratique moderne, ont a priori une égale valeur. La déconfessionnalisation proposée dans le projet est un pas dans le bon sens, mais celui-ci se trouve rapidement annulé par un train de mesures contraires qui nous mènent inéluctablement à des guerres de religion qui, pour se dérouler à l'échelle locale, auront encore plus de violence et déchireront encore plus les réseaux de solidarité locale que les grandes batailles opposant les appareils d'État aux grands appareils d'Église.

L'école publique et commune ne peut appartenir à la majorité religieuse sans trahir sa vocation de servir d'instrument de promotion d'une société qui s'entend au moins sur un certain nombre de valeurs démocratiques comme celles d'égalité de tous les citoyens, de liberté de conscience, de

justice et de dialogue. Le critère de la majorité, s'il a pu servir autrefois sans trop d'injustice, ne peut absolument plus guider le législateur qui doit s'inspirer du principe de l'égalité absolue des droits. L'article 103 de l'actuel projet de loi, par exemple, qui oblige ceux qui ne sont ni catholiques, ni protestants, en quelque sorte, à payer deux fois pour l'enseignement religieux qu'ils désirent, illustre bien l'impasse d'une mise en oeuvre fondée sur une problématique majorité-minorité.

Nous proposons donc une déconfession-nalisation complète de l'école québécoise publique. La transmission et la diffusion des cohérences spirituelles et religieuses appartiennent aux groupes ou communautés porteuses qui devraient toutes avoir le courage d'assumer elles-mêmes, sans s'appuyer lourdement sur l'État, cette composante de leur vie qui contribue à la richesse de notre société. Par ailleurs, délestée de son rôle catéchétique, l'école publique devrait, dans le cadre de ses activités visant le développement de la personne, promouvoir la sensibilisation et la connaissance des univers de signification et d'orientation de l'action qui vivent dans notre société afin d'éduquer les jeunes dans le respect des autres et d'eux-mêmes, de leur indiquer des pistes possibles de croissance tout en s'abstenant de privilégier de façon unique un ensemble de croyances et de valeurs particulières, car c'est là le rôle des parents, des groupes et des communautés qui fabriquent des segments de l'opinion publique en société pluraliste.

On s'opposera, bien sûr, en disant tout de suite qu'une pareille approche de la dimension religieuse est impossible. Nous répondrons qu'elle n'est pas facile et qu'elle requiert une identification très claire des nouveaux objectifs et une préparation adéquate du personnel enseignant et des outils pédagogiques. Même difficile, elle demeure, selon nous, tout à fait réalisable. Plusieurs universités préparent des enseignants aptes à ce type d'approche qui se fonde sur l'acquis de disciplines déjà centenaires, solidement établies comme l'histoire des religions, la phénoménologie, l'anthropologie, la sociologie et la psychologie. Depuis la fin des années soixante, les programmes scolaires de la fin du secondaire ouvrent la place à une approche dite de "culture religieuse", à côté des programmes de cathéchèse et de morale. Il y a là un acquis, une expérience très riche que le Québec est pratiquement le seul à avoir tenté. Mais hélasl c'est un acquis demeuré très marginal et, d'ailleurs, semble-t-il, qu'au ministère de l'Éducation, l'on s'apprête à le faire disparaître de la scène comme le souligne d'ailleurs, en le déplorant, le mémoire présenté conjointement par trois universitaires de Laval, de Sherbrooke et de l'UQAM, qui dirigent des programmes de formation.

Des expérimentations en cours tendent toutefois à montrer que, dès le niveau de l'école primaire, des activités d'éveil et d'apprentissage sont possibles dans l'esprit que nous avons présenté pour éduquer les jeunes et favoriser leur croissance en milieu pluraliste. Il en va de même, d'ailleurs, dans le domaine de l'animation pastorale dont le mandat pourrait être redéfini pour s'ajuster à une école publique et commune non confessionnelle et seconder ainsi les démarches d'exploration et d'engagement des jeunes, en-deçà, toutefois, d'une décision confessionnelle personnelle. On n'a qu'à penser, par exemple, au rôle essentiel que pourraient jouer, au niveau secondaire, des animateurs de vie étudiante qui aideraient les jeunes à clarifier leur démarche dans la jungle des messages religieux et spirituels de toutes sortes qui les sollicitent en tous sens et qui inquiètent tellement des parents démunis devant un pareil éventail que rien ne les a préparés à comprendre.

Nous recommandons donc que la restructuration de l'école québécoise, pour la rendre conforme à sa vocation d'école publique, commune et démocratique, rejette la problématique majorité-minorité qui inspire le présent projet de loi et instaure partout des écoles non confessionnelles.

Nous proposons que cette école non confessionnelle intègre, selon des modalités spécifiques à chaque niveau, un enseignement à visée humaniste qui initie les jeunes citoyens et citoyennes à la variété des univers religieux, aux fonctions et aux significations de ces visions du monde qui orientent et fondent l'action.

Nous proposons de refuser la nouvelle polarisation qui semble s'établir entre, d'une part, l'enseignement civique de la morale et, d'autre part, l'enseignement théologique chrétien qui sous-tend - cette polarisation -l'ensemble de l'actuel projet de loi. La formation morale et l'initiation au phénomène religieux, comme nous les avons décrites, devrait faire partie du curriculum commun de tous les jeunes citoyens et citoyennes.

Nous proposons que l'éducation de la foi, par le moyen de l'enseignement catéchétique et de l'animation pastorale, soit reconnue comme du ressort et de la responsabilité des communautés porteuses des visions religieuses du monde et ne puisse faire partie des objectifs de l'école publique.

Nous proposons enfin que, dans la perspective d'une ouverture démocratique aux valeurs religieuses, l'école publique, au moyen d'un personnel d'animation adéquatement formé, soit attentive aux démarches de recherche de sens et de valeurs de ses étudiants.

Le mémoire que nous soumettons à la

commission parlementaire, dans l'espoir de pouvoir ainsi contribuer à la difficile recherche qui est la sienne, propose donc que l'on remette en chantier l'ensemble des propositions du projet de loi 40 qui touche à la religion. Notre société pluraliste sera mal servie par des demi-mesures et des compromis interinstitutionnels qui voilent, hélas, des données cruciales de la situation. Il ne suffit pas de séparer les cours de religion des cours de morale pour contribuer à construire l'école publique qui servirait positivement la coexistence des diverses recherches de significations fondamentales qui préparent sans doute, pour le très long terme, la sortie de nos sociétés occidentales de leur crise spirituelle actuelle. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Rousseau. J'indique tout de suite que chacune des formations politiques disposera d'une période de 20 minutes pour procéder aux échanges avec nos invités. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier bien sincèrement le Département des sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal pour le mémoire qu'il vient de nous présenter. Comme je l'ai déjà dit à vos confrères de l'Université McGill qui représentaient la Faculté des sciences de l'éducation, je me réjouis particulièrement que nos universités se soient intéressées au projet de loi 40 suffisamment et à ce point que ce projet leur ait donné le goût, le désir et la volonté de venir éclairer la commission parlementaire de leur savoir et de leur expertise.

Le mémoire que vous avez présenté est de très haute tenue, mais il n'en demeure pas moins important car, si nous acceptions les principes sur lesquels se base votre intervention, les conséquences concrètes qui en résulteraient pour une des charnières les plus importantes du projet de loi, c'est-à-dire celui de la confessionnalité, en seraient considérables. C'est là-dessus que je voudrais faire porter effectivement mon intervention.

En passant, vous affirmez, d'entrée de jeu, votre accord avec plusieurs des principes de base qui fondent le projet de loi 40, entre autres le caractère public et commun de l'école, le projet éducatif local, le rôle accru des parents et de l'équipe-école, les commissions scolaires linguistiques.

Cependant, vous marquez aussi, et avec moult arguments à l'appui, votre désaccord quant aux aménagements de la confessionnalité que le projet propose.

Une majorité de parents exigent pourtant, avec non moins de force et de conviction, le droit pour leurs enfants de recevoir à l'école un enseignement religieux de qualité tout en reconnaissant, sans équivoque, les droits individuels à la liberté de conscience. C'est là la teneur de plusieurs mémoires que nous avons entendus ou entendrons. Voilà donc ma question: Comment, à votre avis, pourrait-on concrètement concilier les attentes légitimes de ces parents avec votre vision de la réalité religieuse contemporaine et les conclusions que vous en tirez pour l'aménagement de la confessionnalité à l'école?

Le Président (M. Blouin): M. Rousseau.

M. Rousseau: Vous me posez sans doute le problème que vous vous êtes posé d'une façon très sérieuse. Il me semble évident que la réponse souhaitable ne peut, hélas! être une solution dont le déclenchement serait, par exemple, pour dans six mois. Nous avons à cet égard, tout le monde, toute cette société, à faire face à une espèce de façon de définir le problème de la présence de la religion à l'école qui, depuis, ma foi, le début de la révolution tranquille a très peu évolué. Après les quelques années tapageuses du Mouvement laïc de langue française dont, enfin, ceux qui ont mon âge et plus se souviennent, la chose est comme tombée dans l'oubli. Et tant dans l'opinion publique que dans les débats de l'arène politique, on s'est retrouvé devant une espèce de polarisation entre, d'une part, une formule de présence de la religion à l'école qui appartenait à un état déjà dépassé de notre société mais auquel on tenait absolument et que l'Église catholique elle-même définissait comme la solution essentielle, celle qu'il fallait à tout prix soutenir et, d'autre part, un groupe beaucoup moins important qui, par antithèse en quelque sorte, soulignait qu'il ne faut absolument rien avoir à faire avec la religion à l'école. Or, si vous avez remarqué, la solution que nous proposons ne se situe ni d'un côté ni de l'autre. C'est même un des motifs de questionnement que nous avons à l'égard du projet que, malgré lui en quelque sorte, avec sa double option: cathéchèse d'un côté et morale laïque de l'autre, il se retrouve prisonnier d'une espèce d'opposition que nous trouvons non conforme à la situation de fait de la religion dans notre société.

Il me semble donc qu'il aurait fallu et qu'il faudrait imaginer dès maintenant une stratégie graduelle, mais l'ayant déjà en tête, préparer les conditions législatives pour qu'elle devienne effectivement réalisable lorsque les mentalités auront suffisamment évolué; une solution dont je crois en toute simplicité qu'elle devrait tenir compte en tout cas d'éléments importants que nous avons apportés dans notre mémoire.

Nous risquons de nous retrouver, hélas, dans une situation de guerre à cet égard dans bien des écoles - et je le déplore

vivement - qui ne peut que dégoûter bien des gens de la religion elle-même et des institutions ou des groupes qui militent en toute bonne foi et bonne conscience pour son importance et sa vitalité. Alors que l'école publique ne devrait pas être le lieu où l'on se battra, je crains fort, compte tenu de ce que nous connaissons de l'organisation des groupes qui soutiennent des positions fortes à cet égard et qui ont des organisations ramifiées partout à la base, que redonner du pouvoir à la base est aussi redonner un territoire de bataille et le multiplier par... (15 h 30)

Je ne veux pas prendre partie pour une solution défendue par un parti ou un autre, mais j'essaie d'imaginer la situation que nous connaissons tous. Or, il me semble qu'une des façons, en tout cas, d'aider pour que le combat ne commence pas c'est de nous orienter vers un traitement du religieux à l'école qui s'établisse à partir d'une espèce de règle démocratique que les différentes traditions spirituelles peuvent et doivent coexister sans qu'une majorité s'instaure immédiatement en dominant et crée les marginaux, c'est-à-dire les autres.

Je n'ai pas de suggestion empirique législative à cet égard. Jusqu'à maintenant, dans tout ce que j'ai vu - des travaux qui sont courageux - on se dirige vers une autre forme de courage, mais qui voit venir en avant de nous ou qui promeut une école publique ayant franchement comme objectif de permettre à la richesse d'une société pluraliste de coexister. C'est peut-être le leitmotiv de notre réflexion là-dessus; c'est notre théorie politique de l'école vue dans sa dimension religieuse. Là-dessus, nous pourrions innover. Je crois que nous avons des conditions qui nous permettraient de faire une expérience que peu d'autres pays ont tenté de faire.

M. Laurin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Rousseau. Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. Rousseau, il me fait plaisir de vous rencontrer pour la discussion d'un des sujets les plus difficiles auxquels doivent faire face les autorités politiques lorsqu'elles traitent d'éducation. J'ai pris connaissance avec intérêt du mémoire que vous avez préparé à l'intention de la commission parlementaire. Je pense que, d'un point de vue logique, vous énoncez clairement les problèmes qui découlent de l'approche retenue par le gouvernement. Il y a d'autres approches qui auraient également débouché sur des problèmes. Ce n'est pas un reproche que je fais au gouvernement, comme s'il avait choisi l'unique voie qui n'était pas la bonne. Personne ne connaît la voie parfaite dans ce domaine.

La voie que vous proposez a l'avantage d'être logique, mais elle a l'inconvénient, comme l'a laissé entendre le ministre de l'Éducation tantôt, d'être très difficile d'application et très difficilement conciliable avec les opinions que nourrissent encore de très nombreux éléments de la population. Déjà, depuis le début des travaux de la commission parlementaire, nous avons vu défiler devant nous un certain nombre de groupes et je crois que la majorité des groupes qui ont traité de cette question a insisté pour que des éléments clairs soient inscrits dans la loi garantissant que les droits des familles en matière religieuse, philosophique ou morale soient respectés dans le projet de loi.

En relisant votre mémoire, savez-vous, il me vient des souvenirs à l'esprit. La solution proposée, si on prend cela dans un cadre plus large, ce n'est pas tellement loin de ce qu'on a vu en France depuis le début du siècle, abstraction faite du contexte historique particulier dans lequel a pris naissance cette politique en France. Je pense que, fondamentalement, c'est ce que voulaient faire les gens qui ont créé l'école laïque en France. Les milieux catholiques là-bas ne se sont jamais complètement réconciliés avec cette orientation. C'est tellement vrai qu'encore aujourd'hui, dans les écoles, au niveau de l'enseignement primaire et secondaire en France, je crois que 20% de la population envoie ses enfants dans les écoles privées catholiques et a réussi, par la force de son poids politique à obtenir que l'État, nonobstant ses théories logiques, soit obligé de lui verser des subventions. Comme vous le savez, le gouvernement actuel en France a voulu faire une réforme qui viserait surtout, selon ce que j'ai compris, à incorporer dans le système public le personnel des institutions privées et est obligé de s'astreindre à des négociations extrêmement difficiles.

On pourrait parler de l'exemple des États-Unis qui est une autre forme d'expérience montrant que la solution purement logique ne donne pas satisfaction à des éléments très nombreux de la communauté catholique en particulier. Comme ici, nous sommes une société qui a été historiquement catholique, je ne pense pas qu'on pourrait envisager de franchir un pas comme celui que vous nous proposez dans un avenir prévisible. C'est là la manière dont nous sommes portés à voir cette question de ce côté-ci de la table de la commission parlementaire. Nous voulons que le Québec continue à chercher, d'une manière plus positive, à reconnaître le rôle dynamique que les valeurs religieuses peuvent jouer à l'intérieur de nos écoles.

La conception que vous présentez est une conception qui m'apparaît - je dirais le

mot bien simplement - réductrice par rapport à l'idéal que les milieux catholiques ont généralement proposé dans ces matières. Comme le gouvernement devra tenir compte de l'ensemble des opinions qui s'expriment sur cette question, je serais étonné qu'il puisse aller jusqu'au bout et le proposer.

Je conçois, d'autre part, que le projet de loi devant lequel nous sommes va créer des difficultés. Nous en avons prévenu le gouvernement. Nous trouvons, nous aussi, que les mécanismes proposés dans le projet de loi laissent beaucoup à désirer. Dans cet esprit, je relis ce que vous avez écrit en conclusion de votre mémoire. Vous dites que vous aimeriez proposer au gouvernement de remettre en chantier l'ensemble des propositions du projet de loi 40 qui touchent la religion. Notre société, ajoutez-vous, notre société pluraliste sera mal servie par des demi-mesures et des compromis de caractère institutionnel qui nous voileraient des données cruciales de la situation. Il ne suffit pas de séparer les cours de religion des cours de morale pour contribuer à construire l'école publique qui servira positivement la coexistence des diverses recherches de la signification fondamentale qui préparent sans doute... Quelle est la portée de cette proposition que contient le dernier paragraphe de votre mémoire? Est-ce que cela veut dire que vous aimeriez mieux qu'avant de légiférer dans le sens défini dans le projet de loi 40, le gouvernement se remette à l'ouvrage avec les milieux intéressés et consacre un certain temps à rechercher un compromis plus substantiel aux formules qui sont proposées dans le projet de loi 40?

Le Président (M. Blouin): M. Rousseau.

M. Rousseau: En réponse directe à votre question, M. Ryan...

Le Président (M. Blouin): Nous allons suspendre les travaux pour une ou deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise de la séance à 15 h 43)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nos invités et les membres de la commission qui sont au salon rouge comprennent très bien ce qui se passe. Actuellement, d'importants travaux de réparation sont effectués aux abords du salon rouge où nous siégeons actuellement. C'est ce qui nous a obligés à suspendre nos travaux. Il y avait des bruits persistants vraiment trop forts et nous ne pouvions plus entendre les témoignages de nos invités. On nous indique que les bruits subséquents devraient être moins intenses.

M. Rousseau, vous avez la parole.

M. Rousseau: En réponse à votre question, M. Ryan, il me semble qu'une partie des mesures contenues dans le projet de loi 40 qui touchent à la confessionnalité pourraient, sans effet préjudiciable, me semble-t-il, être mises en oeuvre dans des délais assez courts. Je songe en particulier à l'option très large pour des commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles. Je ne crois pas qu'en touchant à cet aspect des choses, nous nous engagions collectivement dans une espèce de cul-de-sac. Je crois qu'il y a un large consensus... Vous êtes ceux qui allez analyser ces choses. Vu de mon simple point de vue de citoyen, il me semble que cet aspect qui touche à la confessionnalité pourrait être mis en oeuvre.

Je suis, par ailleurs - je dis "je", représentant ici l'opinion de mes collègues -convaincu que, si d'une part les négociations avec les principaux représentants des Églises ont permis d'aboutir à la formule que nous avons devant nous dans le projet de loi et qu'à cet égard on peut dire que la négociation a été faite et bien menée et conduite à terme, je demeure profondément convaincu que, dans cette approche, l'analyse des faits réels de notre société, pas simplement l'analyse des opinions... Dans cette matière, bien sûr, vous devez tenir compte des opinions. Les gens réclament de moins en moins des commissions scolaires confessionnelles, de moins en moins des écoles confessionnelles mais, néanmoins, une majorité d'entre eux - si je comprends bien les sondages d'opinion - réclame de l'enseignement religieux à l'école. Voilà!

Je crois que le législateur est obligé d'aller plus loin. Si on ne veut pas que nos démocraties soient de pures démocraties d'opinion, il faut quand même poser des questions de principe et analyser les faits. Or, les faits sociaux réels, me semble-t-il, font en sorte que l'école catholique ou l'école confessionnelle - c'est le seul modèle qui ait une certaine cohérence - n'est d'ores et déjà plus possible. Ceux qui regardent les choses, les enseignants qui viennent étudier et que nous connaissons, ceux qui ont des enfants et qui se soucient de la foi se rendent bien compte que cela n'a rien à voir avec la mauvaise volonté des groupes de professeurs ou avec de mauvais programmes. Le Québec est peut-être l'un des pays au monde où l'on a fait le plus d'efforts pour actualiser la catéchèse. Je crois qu'on n'a pas l'ombre d'une accusation fondée à diriger contre tous ceux - et ils sont des milliers -

qui ont travaillé d'arrache-pied pour faire une catéchèse vraie, efficace, etc., dans nos écoles.

Or, nous savons maintenant que c'est un échec. Cet échec est dû à quoi? Personne, dans le débat autour de l'école confessionnelle, n'a fait d'analyse pour savoir comment fonctionne vraiment la confessionnalité à l'école. Nous en restons au niveau des principes juridiques formels. C'est là un des contenus de notre mémoire. Bien sûr, on aurait pu faire la démonstration et bâtir un long dossier. Ce que je souligne, c'est qu'on devrait le faire. Demandons aux enfants comment cela se vit, s'ils en tirent quelque chose. Analysons la façon dont cela fonctionne.

Si nous analysons cela, je pense que d'emblée nous nous rendrons compte - pour plusieurs d'entre nous, ce sera très triste -qu'à moins de bâtir une école extrêmement fermée comme certaines confessions religieuses chez nous en ont la pratique - je ne les condamne pas, c'est une pratique culturelle que d'avoir une école très orthodoxe - seulement dans les cas d'écoles que j'appellerais noviciats, pour ainsi dire, donc le plus étanches par rapport aux influences externes, alors là, oui, peut-être qu'une école confessionnelle peut vraiment se vivre.

L'objection que nous avons, entre autres, c'est qu'on peut définir une école, on peut aménager des structures, sauf que de fait cela ne fonctionnera pas, nous le savons maintenant. Le produit de vingt ans d'investissements massifs, et de très belle qualité - on pourrait faire autre chose, mais on a fait le mieux qu'on pouvait faire -donne 90% de non-pratiquants chez les étudiants du niveau secondaire. Bon, vous me direz: La pratique religieuse, ce n'est pas la foi. Je le sais bien, sauf que c'est quand même un indicateur qu'on ne peut pas considérer à la légère. L'école, dans nos sociétés, transmet les valeurs de l'ensemble de la société et notre société dans son ensemble, hélasl n'a plus la cohérence de sa culture catholique.

Donc, là-dessus, oui, je crois qu'il ne faudrait pas se précipiter, modifier immédiatement les structures sans avoir travaillé, sans avoir fait un gros travail d'opinion publique. Je vous l'accorde, l'opinion publique n'est pas prête, à ce que demain matin, le gouvernement prenne notre mémoire et le mette en oeuvre, nous le savons, mais pourquoi se précipiter trop vite sur cette question?

Le Président (M. Blouin): Nous allons à nouveau suspendre nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

(Reprise de la séance à 15 h 56)

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît, je demande à nos invités et aux membres de la commission de regagner leur siège. Nous allons tenter de poursuivre nos travaux. C'est probablement la première fois dans l'histoire de ce Parlement qu'un président de commission parlementaire n'a pas de difficulté avec les membres, mais avec les marteaux piqueurs. De toute façon, il était bien convenu entre les partis politiques que, si certains bruits devaient gêner la poursuite de nos travaux, nous devrions possiblement, sporadiquement comme cela vient d'arriver - suspendre nos travaux pendant quelques minutes.

Nous avons essayé de faire le maximum pour que nous puissions continuer sans trop d'entrave. Évidemment, si cela se reproduisait, de nouveau, nous devrions suspendre encore pendant quelques minutes. Je croise les doigts et j'espère que nous pourrons poursuivre nos travaux sans interruption.

M. Rousseau, je crois que vous avez terminé votre intervention. M. le député d'Argenteuil désire vous poser une ou deux questions supplémentaires. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: À la lumière de ce que vous avez dit en réponse à la question que je vous ai posée, si le gouvernement allait légiférer maintenant avec cette mécanique qu'il propose pour toute la question de la confessionnalité, est-ce que vous trouvez qu'il agirait imprudemment et est-ce que ce serait mieux, finalement, ou moins mal, qu'il laisse la situation continuer d'évoluer pendant un certain temps en vue de se donner le temps voulu pour approfondir davantage le problème et essayer de créer un consensus plus véritable. Plus on examine les structures proposées... Savez-vous que depuis le début de la journée d'hier seulement, il y a cinq organismes qui sont venus dire finalement que, à l'examen, ils s'apercevaient que cette mécanique va déboucher sur de gros problèmes. Vous, est-ce que vous trouvez que ce serait agir imprudemment que de procéder maintenant à la lumière de ce que vous avez dit?

Le Président (M. Blouin): M. Rousseau.

M. Rousseau: M. Ryan, vous et moi savons ce que signifie le mot "prudentiel" et vous me faites trembler par votre question. Je répondrai par un qualificatif plus modeste. Il me semblerait un peu imprudent de nous engager immédiatement dans cette espèce de dualisme mettant face à face l'école confessionnelle ou l'activité catéchétique, d'une part, convenant à l'une ou l'autre des majorités catholique ou protestante, selon le

cas, versus l'enseignement de la morale. Disons qu'il est clair pour moi que, ce faisant, nous accepterions que nos écoles divisent les jeunes citoyens et citoyennes au moment même où nous nous servons de l'instrument école pour tâcher de les doter d'une civilité, d'un savoir, d'une culture pour en faire des citoyens d'une même société. Je ne veux évidemment pas tout homogénéiser, mais il y a quelque chose de "divisif" et dont j'imagine les universités ont, aussi, une part des responsabilités au sens où je dois dire que nous n'avons pas fait énormément d'efforts de communication pour mettre en circulation des hypothèses autres. Je comprends, ma foi, le gouvernement de se retrouver un peu devant des hypothèses semi-bétonnées - si vous me permettez l'expression - qui paraissent claires, mais qui, ma foi, résisteront mal, me semble-t-il. Encore qu'il y ait dans le projet de loi des possibilités d'évolution. C'est-à-dire qu'il y a des possibilités d'évolution, si on regarde bien ce projet de loi.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rousseau. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Messieurs, je pense que votre mémoire nous amène à réfléchir sur des questions assez fondamentales comme, par exemple, la place du phénomène religieux dans la vie de l'humanité et dans la vie de chaque individu. Vous vous référez à une situation de pluralisme généralisé dans la façon dont vous interprétez le monde contemporain pour dire que, finalement, il ne faut pas que les organismes publics puissent servir d'instruments à l'une ou l'autre de ces conceptions pour tâcher de la promouvoir ou de la faire connaître au nom de la liberté de conscience, de la liberté de pensée, du respect mutuel et de la tolérance réciproque. Ce sont là, certes, des valeurs, des observations et des concepts profonds qui méritent considération.

De là, vous concluez, par rapport au projet de loi, qu'il faudrait décon-fessionnaliser complètement l'école au Québec. Je pense qu'on ne peut pas aborder le problème de la confessionnalité ou de la non-confessionnalité de l'école d'une façon trop abstraite. Il faut vraiment la situer à l'intérieur du contexte socioculturel bien particulier qu'est celui du Québec. J'ai certaines réserves sur l'interprétation de la situation québécoise. Il est vrai que le pluralisme, dont vous avez fait état, existe. Mais vous avez dit aussi que les jeunes se trouvent un peu perdus, que les jeunes flottent à gauche et à droite, qu'ils ne savent plus trop où donner de la tête, qu'ils ne savent pas trop à quel sens profond se rattacher. Je crois que ce n'est pas le lot, si on fait une étude psychologique de l'évolution de l'être humain, des jeunes au primaire et une partie du secondaire. Peut-être que cela commence un peu plus tard quand le jeune est beaucoup plus en contact direct avec l'ensemble de la société par le biais des médias. Je pense que dans la vie, on commence par croire quelque chose assez fermement et que c'est en cours d'existence que, finalement, se pose la remise en question de notre croyance.

Quant à votre approche du phénomène religieux, si vous le généralisez à tout âge, il faudrait, dès qu'on prend un enfant en bas âge, éviter de lui dire que c'est ce qu'il faut croire mais lui dire plutôt qu'on peut croire à beaucoup de choses: Regarde tout cela et attends; au cours de ton existence, tu verras un jour ou l'autre où te brancher. C'est pourquoi je pense qu'il faut faire une distinction entre le primaire, le secondaire, le cégep et l'université, dans l'approche du phénomène religieux. Assez généralement et globalement, dans notre société, dans plusieurs milieux et peut-être plus dans les milieux moins cosmopolites que Montréal, il y a quand même un certain rattachement de l'ensemble de la population à certaines valeurs religieuses. Alors quand vous dites qu'il faut faire une distinction entre l'école et le rôle des parents, je crois qu'il est difficile de faire cela au primaire et au secondaire. Demander à des parents, qui sont les premiers responsables de l'éducation, qui ont des croyances, de s'abstenir de vouloir transmettre ces croyances aux jeunes, leur dire que l'école va les situer dans un univers de pluralité où on va dire aux enfants beaucoup de choses comme: Attendez et vous verrez plus tard ce à quoi vous croirez, c'est difficile. Il est difficile de demander cela à des parents et au comité d'école. Vous reconnaissez que le comité d'école est composé de parents et que ce comité peut aussi introduire des valeurs et dire à ces parents, qui ont des enfants de sept, huit ou neuf ans, quand il est question du projet d'école: Attention! faites abstraction de vos croyances pour analyser cela. Je crois qu'à ce niveau, c'est un peu difficile de séparer ainsi les champs ou les secteurs ou les lieux d'éducation.

Ce sont des considérations un peu préliminaires, mais je crois que le problème de la confessionnalité de l'école, tel qu'on l'a dans le projet de loi, se pose à trois niveaux. Il y a le problème des cours d'enseignement religieux donnés à l'école. Ces cours sont rattachés au choix, à l'option. On n'impose pas les cours. Il y a donc une évolution considérable. Il y a un certain temps, tous les jeunes devaient suivre des cours de religion confessionnelle. Maintenant, c'est libre. Il n'y a que ceux qui y croient, qui s'inscriront librement au cours qu'on leur donne. C'est un premier point. Le deuxième point est le projet éducatif. Est-ce que, dans

le projet éducatif, on va introduire ou non des valeurs religieuses?

L'autre niveau, c'est la reconnaissance officielle, l'étiquette catholique ou non; c'est un autre niveau. Vous semblez dire que, sur ces trois plans, il faut déconfessionnaliser. Il y a des distinctions à faire. Dans une société où une bonne partie des gens sont de confession religieuse protestante ou catholique - cela couvre une grosse majorité - pourquoi ne laisserait-on pas aux parents et aux enfants - le droit de recevoir dans le cadre de l'école des cours qu'on n'impose pas? C'est libre. C'est un premier point.

Si on reconnaît aux parents la légitimité d'élaborer un projet éducatif dans le milieu, avec des valeurs, pour des enfants d'âge scolaire aux niveaux primaire et secondaire, pourquoi imposerait-on à ces gens d'exclure systématiquement toutes les valeurs religieuses dans le projet? Ce sont deux niveaux. Je reconnais avec vous que le troisième niveau pose un autre genre de difficulté, la reconnaissance officielle du caractère catholique pour une école qui, par ailleurs, se veut commune et ouverte à tout le monde. C'est un autre niveau de difficulté, mais j'aimerais que vous me parliez sur ces trois niveaux. Je crois que ces trois niveaux n'ont pas la même portée quant à la confessionnalité d'une école.

M. Rousseau: Je vais demander à mon collègue...

Le Président (M. Blouin): M. Volant, en quelques minutes.

M. Volant (Éric): Nous nous sommes situés surtout à un niveau pédagogique. Donc, notre approche est vraiment pédagogique. Nous cherchons, par un cours de culture religieuse, à initier les jeunes à diverses religions, à diverses visions du monde. On peut l'enseigner progressivement aux enfants dès le primaire. Cela n'enlève pas la possibilité aux élèves d'exprimer, à l'intérieur de ces cours, leurs propres convictions et leur propre connaissance de la signification de leur existence propre. Surtout dans un contexte historique et culturel comme le Québec, il est indiqué qu'il y aura toujours une place très importante faite à une initiation aux croyances et aux valeurs chrétiennes, inmanquablement parce qu'on vit dans un contexte historique, social et culturel où la majorité est chrétienne.

Notre approche est donc une ouverture, finalement, et permettra à des jeunes de prendre contact avec d'autres expressions religieuses, avec d'autres expressions culturelles. Je trouve que c'est une véritable ouverture d'esprit qu'on crée ainsi.

Quand vous parlez des trois niveaux, au niveau des cours de l'enseignement religieux, il y a, bien sûr, la catéchèse. En ce qui a trait à la confessionnalité, si l'école catholique avait un projet éducatif d'inspiration catholique qui n'est pas seulement au niveau de cours de catéchèse, mais qui va se répéter et se reproduire au niveau de l'ensemble de l'organisation de l'école, des règlements, au niveau de la discipline, au niveau de la mentalité générale de l'école, alors la liberté de ceux qui ne partagent pas la foi catholique, la liberté de conscience pour ces élèves n'est pas respectée.

Aussi, le clivage entre religion et morale; je n'imagine pas qu'une religion, qu'elle soit catholique, qu'elle soit protestante ou islamique, peu importe, toutes ces religions, je ne les imagine pas sans une morale. Faire cette distinction entre les deux, c'est comme s'il y avait, d'une part, une religion et, d'autre part, une morale. Je ne conçois pas non plus des cours de morale qui seraient donnés sans qu'on ne fasse aucune référence à des significations religieuses ou à des visions du monde. C'est impossible. D'ailleurs la morale que nous connaissons aujourd'hui dans notre société, ici même au Québec, a ses sources très profondes dans des visions du monde qui sont religieuses. On ne peut pas faire cette distinction, ce clivage entre morale et religion d'une façon aussi radicale.

Je ne peux pas concevoir non plus, au niveau de la reconnaissance et avec tous ses mécanismes, une majorité qui est... Finalement, on est en face de ce qui s'appelle une démocratie numérique; mais une démocratie numérique n'exprime pas nécessairement l'expression de toute la communauté. Ce n'est pas l'expression de l'ensemble d'une communauté. Cela peut se concevoir au niveau des élections générales pour un parti politique. Mais quand il s'agit de convictions aussi profondes et aussi vulnérables que celles de la religion, de la morale et de la confessionnalité, je trouve qu'on ne peut pas procéder de cette façon uniquement par une majorité. Car nécessairement la minorité est brimée et, peu importe qu'il y ait un système d'exemptions ou un système d'options, restera toujours dans une situation très marginale par rapport à l'ensemble de l'école, surtout si le projet éducatif de l'école est d'inspiration nettement chrétienne.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Volant. Merci, M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: ...de pouvoir poursuivre la discussion parce qu'il y a des éléments intéressants dans ce que vous dites, mais malheureusement le temps nous manque et M. le Président doit me retirer le droit de parole.

Le Président (M. Blouin): Merci de

votre collaboration, M. le député de Chauveau. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Rousseau, dans votre préambule qu'on ne retrouvait pas au mémoire, vous avez dit, si j'ai bien compris et mes collègues aussi, qu'il y a un certain consensus qui se dégageait tout d'abord de la part des principaux intervenants dans le monde de l'éducation, des principaux partis politiques, le pouvoir et l'Opposition, concernant le projet de loi 40. J'aimerais vous rappeler que de notre côté, nous ne participons à aucun consensus. Et d'après les mémoires de beaucoup de gens qu'on a entendus ici, il me semble qu'au départ, à moins que j'aie très mal compris les autres intervenants, il n'y a pas un consensus aussi élaboré que vous nous le dites. Cependant, ce n'est pas là ma question.

Vous avez parlé tout à l'heure avec le député de Chauveau d'un point qui a toujours guidé la saine démocratie au Québec. Lorsque vous dites dans vos recommandations à la page 7: "Nous proposons que la restructuration de l'école québécoise, pour la rendre conforme à sa vocation d'école publique commune et démocratique, rejette la problématique majorité/minorité", vous inversez un peu les rôles. Si elle se veut démocratique, il faudra quand même qu'elle soit choisie par la majorité. Sans cela, la règle élémentaire de la démocratie n'est pas respectée et vous ne pourrez surtout pas l'appeler l'école commune et démocratique. Il faudra à ce moment-là l'appeler l'école commune et totalitaire.

Comment voyez-vous l'antithèse que vous offrez en disant: "Une école démocratique qui ne respecte pas l'ensemble de la majorité"?

M. Rousseau: Je me suis sans doute mal exprimé, M. le député. Je vais essayer de clarifier. Dans un certain nombre d'ordres de questions et dans des sociétés de taille immense, nos sociétés démocratiques en sont venues à imaginer, et à juste titre, me semble-t-il, que si le peuple voulait gouverner et qu'on constatait des opinions divergentes, ma foi, le moindre des maux serait de donner par alternance, disent certaines personnes, successivement le pouvoir de trancher à une majorité ou à une autre, et qu'ainsi le système de domination d'une majorité sur une minorité serait le moindre mal de la démocratie. Je ne pense pas que le fait qu'une majorité impose en dernière analyse ses volontés à une minorité ait jamais été considéré comme étant la plus belle conquête de la démocratie. Je veux dire que c'est mieux que le système totalitaire, mais ce n'est certainement pas l'idéal.

Nos concitoyens amérindiens avaient préparé, avant que nos ancêtres n'arrivent ici, une démocratie consensuelle sur les questions majeures et fondamentales: On s'abstenait de trancher tant qu'on n'était pas parvenu à convaincre tout le monde. Vous me dites: Voilà, on charrie. Mais, il y avait des sociétés à taille respectable. Pensons aux Iroquoisiens. Ce que je suggère - c'est ce qu'il y a derrière ce paragraphe - c'est qu'en matière de religion, en matière de conscience, je ne crois pas que nous puissions aisément nous contenter d'un système de domination d'une majorité sur une minorité. (16 h 15)

S'il s'agit de décider si on va paver la cour de récréation, les opprimés ne seront pas opprimés au quart de leur conscience. Peut-être que dans leur portefeuille cela va faire mal, mais c'est plus acceptable. En matière religieuse, je ne crois pas que, dès lors qu'on dit majorité minorité, on a réglé le problème. Au contraire. Je pense que -d'ailleurs, c'est sensible dans le projet de loi - cela pose un problème que de trouver une mécanique qui ne fonctionnera bien que si on procède simplement par le jeu majorité minorité.

Ce serait une erreur de penser que nous proposons un système totalitaire, c'est bien l'inverse. Je crois que ce qu'il faut faire au niveau de l'école à cet égard, c'est d'imaginer que les gens procéderaient, après avoir obtenu le plus large consensus mais, comme vous le savez sans doute plus que moi, les consensus les plus larges sont souvent ceux dont le contenu est le plus minime. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous estimons qu'une école publique commune et démocratique... Je pense que nos concitoyens protestants l'ont découvert en pratique avant nous, non pas parce que ce génie était inné en eux, mais simplement parce que leur expérience historique du pluralisme a longuement précédé celle de la majorité francophone.

M. Maltais: Vous conviendrez avec moi, M. Rousseau, qu'en dernier ressort la démocratie doit quand même - surtout au Québec - tenir compte des minorités. Il ne faudrait quand même pas dire qu'un gouvernement doit administrer, doit légiférer continuellement en fonction de la minorité, parce c'est la majorité qui décide de la sorte de gouvernement qu'elle veut avoir. Une fois qu'elle l'a élu, le gouvernement est obligé de tenir compte de la majorité; la preuve, nous sommes la minorité à l'Opposition et la majorité est de l'autre côté. À partir de ce moment, je pense que tout gouvernement qui se veut démocratique ne peut faire autrement que de gouverner pour la majorité en tenant compte des particularités de la minorité. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le

député de Saguenay. Sur ce, je remercie maintenant les représentants du département des sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal de leur témoignage au cours de nos audiences. J'invite maintenant les représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal à bien vouloir s'approcher et s'installer à la table des invités.

Comme je l'ai dit au début, je rappelle que nous avons réservé une période de deux heures pour entendre la Commission des écoles catholiques de Montréal. Lorsque la commission aura terminé la présentation de son mémoire, nous diviserons équitablement en deux parties égales la période de temps qui restera en outre de la présentation du contenu du mémoire.

Sans plus tarder, je demande aux représentants de la commission de bien vouloir s'identifier d'abord et, ensuite, de procéder à la présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes pour que nous puissions avoir le plus de temps possible pour les échanges entre les membres de la commission et nos invités.

CECM

M. Parent (Marcel): M. le Président, je veux vous remercier de l'invitation que vous avez faite à la Commission des écoles catholiques de Montréal de venir se faire entendre à cette commission parlementaire.

J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord, derrière moi, il y a une délégation de commissaires, de membres du comité exécutif et M. Michel Pallascio, le vice-président du comité exécutif, qui accompagnent la délégation de la CECM.

La délégation de la CECM comprend aussi plusieurs présidents de comité d'école qui endossent sa position face au projet de loi 40. Il y a aussi le président de l'Association des directeurs d'école de Montréal, lequel endosse les revendications de la CECM en ce qui regarde l'intrégrité territoriale. Il aurait aimé se faire entendre à cette commission parlementaire, mais il semble que ce soit difficile.

Également, le président du Conseil scolaire de la ville de Montréal, M. Jacques Mongeau, qui est venu participer à cette présentation du mémoire des commissaires de la Commission des écoles catholiques de Montréal. À la table, à mon extrême gauche, le directeur du service du contentieux de la CECM, M. Jude Parent, M. Hubert Comeau, responsable des services financiers, le secrétaire général, M. Gaston Dugas, à mon extrême droite, M. Jean-Claude Rondeau, le directeur général, le directeur général adjoint, M. Portuguais, et M. Florian Saint-Onge, directeur général adjoint, délégué à la région nord.

M. le Président, avant de débuter, je voudrais vous informer que la Commission des écoles catholiques de Montréal s'en vient vous rencontrer en toute objectivité. Nous ne venons pas ici pour critiquer le projet de loi 40. Nous ne venons pas ici dans un esprit négatif. Je pense que nous venons apporter un éclairage nouveau. Nous voulons sensibiliser les membres de la commission parlementaire à une facette de la restructuration scolaire qui n'a pas été assez touchée à notre avis, c'est la problématique de l'implication du projet de loi 40 en milieu urbain et plus spécialement à Montréal.

Nous vous avons fait parvenir, M. le Président, copie de notre mémoire. Je dois vous dire que je n'ai pas l'intention de lire ce mémoire. Nous avons préparé une synthèse dont l'esprit est de vous faire connaître les grandes lignes, les orientations de notre mémoire, pour en discuter et tâcher de faire avancer les choses. À notre avis, le projet de loi 40 propose à toutes fins utiles de faire disparaître la Commission des écoles catholiques de Montréal. Cette dernière se retrouverait à la tête du territoire qui était le sien en 1867 et ne compterait que 5000 élèves au lieu des 106 500 actuels. Les autres nouvelles commissions scolaires de l'île de Montréal proposées par le projet de loi en compteraient environ 30 000.

Soulignons que, depuis 138 ans, la CECM a répondu de façon exemplaire et le plus souvent originale aux besoins d'une clientèle métropolitaine hétérogène, donc unique, et qui a toujours nécessité des approches particulières, de sorte que la plupart des grands changements auxquels nous avons assisté dans le secteur de l'éducation au Québec y ont d'abord vu le jour. Le Département de l'instruction publique et plus tard, le ministère de l'Éducation ont abondamment puisé à la CECM tant en ressources humaines qu'en innovations pédagogiques. Cela a été possible grâce à l'importante taille de la CECM, qui lui a permis de regrouper dans tous les domaines des ressources suffisantes pour mener à bien ses recherches fondamentales.

Faire disparaître la CECM, c'est faire disparaître la plus grande institution scolaire du Québec. C'est également enlever à cette institution son pouvoir de continuer à être à l'avant-garde dans de nombreux secteurs de l'éducation et ce, dans l'intérêt de tous les Québécois. Démanteler la CECM, éparpiller les ressources humaines qui la composent, ce ne saurait être une solution à certains malaises qui peuvent être ressentis dans le milieu de l'éducation.

Montréal et son cortège de difficultés, voici comment je pourrais appeler ou identifier le paragraphe suivant. C'est à Montréal et à la CECM qu'il y a la plus forte concentration de socio-économiquement

faibles. Sur le territoire de la CECM, 20% à 25% des élèves changent d'école annuellement. Par exemple, dans la seule secondaire Pierre-Dupuy, une école de 2000 élèves, il y a un mouvement de 400 à 500 élèves par année, ce qui n'inclut pas les élèves qui se déplacent à l'occasion de la période de déménagement de l'été. La majorité des immigrants vivent à Montréal. Plus de 15% de la clientèle de la CECM n'est pas de souche québécoise. Douze de nos écoles comptent de 20 à 30 ethnies différentes. La ville est un milieu propice à la délinquance, à la violence physique et à l'usage de la drogue. Les personnes handicapées, jeunes et adultes, se retrouvent pour la plupart à Montréal à cause des services qui leur sont offerts.

Nous croyons qu'à un milieu urbain équivaut une commission scolaire. La CECM a épousé les préoccupations et les problèmes de croissance du milieu montréalais. Elle a grandi au rythme des fusions et des annexions et à la demande des municipalités scolaires indépendantes qui souhaitaient profiter de la qualité et de la diversité des services qu'elle offrait.

L'école primaire Victor-Doré pour enfants gravement handicapés a vu le jour il y a déjà 50 ans. L'école Joseph-Charbonneau qui joue le même rôle au secondaire et le centre Champagnat qui veille à la formation des adultes remontent à moins de cinq ans.

La CECM offre de l'aide supplémentaire aux élèves des milieux défavorisés à l'intérieur d'un progamme appelé Opération renouveau et qui ne reçoit pratiquement aucune subvention de la part du ministère de l'Éducation.

Depuis 1970, le secteur français de la CECM accueille de 2000 à 3000 jeunes immigrants à l'intérieur de classes spéciales dispersées à travers tout le territoire. À ce titre, des efforts considérables au chapitre des services connexes sont faits pour faciliter l'intégration de ces élèves dans les classes régulières.

La CECM a été la première à démocratiser l'enseignement en créant des sections classiques pour tous ceux qui le désiraient et en avaient la capacité, pour qu'ils puissent accéder à l'enseignement universitaire.

Mentionnons le cas de l'école Le Plateau, une école à "mi-temps musique, mi-temps pédagogique", l'école Rosalie-Jetté pour les élèves enceintes, l'école Marie-Anne pour les raccrocheurs, le centre expérimental Henri-Julien pour les mésadaptés socio-affectifs. Pensons aussi aux quatre écoles alternatives mises en place depuis cinq ans et à l'école des métiers de l'automobile.

Le premier service d'éducation aux adultes du Québec a vu le jour à la CECM en 1964. Ajoutons l'alphabétisation des adultes, l'insertion sociale des adultes handicapés, ainsi que la collaboration avec plus de 300 organismes dans le secteur des activités socioculturelles.

La CECM offre annuellement à près de 500 entreprises des programmes de perfectionnement et de recyclage de leur personnel.

Elle offre des services spécifiques aux jeunes chômeurs et aux femmes qui désirent retourner sur le marché du travail.

Cette énumération de services que la CECM a offerts et offre encore aujourd'hui peut sembler longue et pourtant, elle ne correspond qu'à une partie de tout ce qu'elle a accompli depuis 138 ans. Il ne faudrait pas oublier non plus la création des trois régions administratives qui nous permet d'offrir plus de services aux moins bien nantis grâce à la péréquation qui constitue l'une des raisons d'être des commissions scolaires. Le secteur anglais profite également de ces avantages.

Au chapitre de la participation des parents, dès 1963 la CECM créait un comité consultatif d'éducation regroupant des représentants des parents et des corps intermédiaires. En 1965, elle entreprenait l'implantation des comités consultatifs de parents au niveau de chacune des écoles.

Là aussi, le législateur s'est inspiré de l'initiative et de l'expérience de la CECM pour rendre obligatoire, par la loi 27 en 1971, la création de comités de parents dans toutes les écoles du Québec alors que de tels comités existaient déjà partout à l'intérieur de la CECM.

La taille de la CECM est sa principale garantie de qualité, nous croyons. La taille de la CECM et le regroupement de compétences qu'elle lui permet est la seule garantie, compte tenu du milieu urbain où elle oeuvre, de la qualité de tous les services qu'elle offre, que ce soit sur le plan pédagogique ou sur le plan administratif. À ce titre, elle réalise d'importantes économies qu'elle affecte à la recherche et au développement de nouveaux services spécialisés qui n'existent pas ailleurs. (16 h 30)

Prenons, par exemple, le tableau qui suit. J'attire votre attention sur ce tableau parce qu'il est assez révélateur. Au niveau du personnel d'encadrement, chez les cadres scolaires, à la CECM, 1% du personnel est affecté aux cadres et hors-cadres tandis que la moyenne provinciale est de 2,9%. Chez nos professionnels, la moyenne est de 4,5% à la CECM par rapport à 5,9% de moyenne provinciale. Au niveau des directeurs d'école, 4% du personnel de la CECM sont directeurs et adjoints par rapport à 5,5% de moyenne provinciale. En réduisant la taille de la CECM, sera-t-on en mesure d'assurer aux élèves du grand Montréal la même variété de services sans en augmenter les coûts?

Nous aimerions aussi vous entretenir de la consultation sur le livre vert. Les

résultats de la consultation sur le livre vert ont fait ressortir que la population tenait au maintien des commissions scolaires, qu'elle désirait que leurs pouvoirs soient accrus de façon qu'elle puisse en déléguer un certain nombre aux écoles. On tient par-dessus tout à ne pas déclencher de bouleversement qui viendrait perturber davantage la vie des écoles. Est-ce cela que l'on retrouve à l'intérieur du projet de loi 40? Nous avons de bonnes raisons de nous interroger.

Le livre vert et la confessionnalité. Lors de la tournée de consultation, le thème de la confessionnalité scolaire est apparu comme une préoccupation constante chez la très grande majorité des intervenants, alors que le livre vert avait pratiquement escamoté cette question. À l'occasion de la conférence Québec-commissions scolaires, le ministre de l'Éducation du temps déclarait: "Le gouvernement tient à dissiper toute équivoque au sujet de l'existence des commissions scolaires. Il est définitif et clair, disait le ministre, que ces organismes seront maintenus et verront leur statut revalorisé." Il disait encore: "Le gouvernement entend prendre les mesures requises en vue de permettre aux commissions scolaires d'assurer une plus grande responsabilité dans le domaine de l'éducation." Ce sont les paroles du ministre de l'Éducation. Le projet de loi 40 tient-il compte de cette volonté politique?

La commission aimerait aussi faire connaître son opinion sur le suffrage universel à la commission scolaire. L'existence d'un gouvernement local autant scolaire que municipal repose fondamentalement sur l'exercice périodique par la population concernée du recours au suffrage universel pour élire ses représentants aux postes de commissaires ou de conseillers municipaux. L'élection des commissaires constitue le moyen pour les citoyens d'exprimer un choix quant aux personnes qui les représentent, aux orientations et aux valeurs que ces personnes privilégient et aux moyens proposés pour répondre aux attentes exprimées.

La réforme pédagogique avant, d'après nous, une nouvelle restructuration. Le milieu montréalais a vécu, en 1973, il y a onze ans, une restructuration scolaire et des modifications administratives. La loi 71, qui créait le Conseil scolaire de l'île de Montréal, a enlevé aux commissions scolaires du territoire plusieurs responsabilités: le pouvoir de taxation et le pouvoir de disposer des immeubles dont elles demeurent propriétaires. En 1979, la loi 57 modifiait substantiellement la possibilité de recours à l'impôt foncier comme source de financement local. Ces deux réformes ont contribué à accroître l'asservissement des commissions scolaires à l'égard des exigences gouvernementales en matière d'imputabilité financière et administrative.

En 1983, dix ans plus tard, après la restructuration scolaire de l'île, dans un climat économique difficile, à la suite d'une baisse catastrophique de la clientèle scolaire, au début d'une démarche majeure visant à l'implantation de nouveaux régimes pédagogiques, à la suite de décrets qui ont tout à la fois modifié et augmenté les tâches du personnel enseignant, on peut s'interroger sur la pertinence d'une nouvelle restructuration scolaire qui ne pourrait que retarder, sinon renvoyer aux calendes grecques, la réforme pédagogique. Car, contrairement à toute attente, le ministère n'ajuste pas les allocations de ressources aux priorités qu'il a lui-même établies. C'est ainsi, par exemple, que, pour la mise en oeuvre de la réforme pédagogique et l'implantation des nouveaux programmes, les commissions scolaires ne disposent d'aucune ressource supplémentaire. Et là, les administrateurs éprouvent quelques difficultés à saisir cette logique, eux qui ont l'habitude d'investir davantage là où ils placent leurs priorités.

À chaque école, son projet éducatif. La concertation des divers intervenants est laborieuse (direction, enseignants, parents, élèves au secondaire). Les conseils d'orientation prévus par la loi 71 n'ont vu le jour qu'exceptionnellement et il y a, là aussi, matière à réflexion. Les conventions collectives présentent également un problème de taille: minutage pointilleux de la tâche des enseignants, affectation du personnel en vertu de l'ancienneté, effet de la supplantation, aussi bien chez les employés que chez les usagers des services. Le troisième obstacle tient à un trait sociologique montréalais qui entraîne une famille sur cinq à changer de domicile annuellement. Ce phénomène exige des communications beaucoup plus fréquentes qu'ailleurs entre les écoles et la mise en place de mécanismes de coordination. Comment peut-on imaginer un système où chaque école aurait un projet éducatif le moindrement articulé qui ne tiendrait pas compte des exigences du réseau et des besoins d'une clientèle sans cesse en mouvement?

Dans ce projet de loi 40, il y a un grand absent. C'est l'enseignant. La CECM s'interroge sur le peu de place que réserve le projet de loi 40 aux enseignants et enseignantes qui sont la clé de voûte de tout système d'éducation, les premiers responsables, après les parents, et souvent en lieu et place de la formation et de l'éducation des enfants.

Considérant que le projet de loi 40 semble le moyen choisi par le ministère de l'Éducation pour imposer, à l'ensemble de la population sous le couvert d'une pseudodécentralisation vers l'école, sa propre vision

politique de ce que devrait être la société québécoise;

Considérant que les propositions du ministère tant sur les plans du projet éducatif, du statut de l'école publique que de la participation des parents et d'une centralisation administrative, ne font pas, et loin de là, l'objet d'un consensus (voir la synthèse des résultats de la consultation sur le livre vert).

Considérant aussi que le projet de loi 40 recherche, à toutes fins utiles, l'abolition des commissions scolaires comme gouvernements locaux et démocratiques;

Considérant que le mode d'élection proposé pour les commissions scolaires ne peut être que source de conflits, d'indécisions et même de chaos;

Considérant, par ailleurs, l'assurance donnée par le ministre de l'Éducation en 1979, savoir que le gouvernement "entend prendre les mesures nécessaires en vue de permettre aux commissions scolaires d'assumer une plus grande responsabilité dans le domaine de l'éducation";

Considérant que le projet de loi 40 veut abolir les structures scolaires confessionnelles au profit d'un système neutre, sous prétexte que les commissions scolaires constitueraient un obstacle à la réussite de la réforme pédagogique, prétention qui n'est d'ailleurs nullement prouvée par le MEQ;

Considérant que le projet de loi 40 prévoit la disparition, dans les faits, de la Commission des écoles catholiques de Montréal en la réduisant à ses limites de 1867;

Considérant les garanties constitutionnelles dont jouit la CECM;

Considérant la contradiction du plan ministériel qui prévoit une intégration des structures scolaires dans la province et une division de celles qui existent à Montréal;

Considérant les besoins particuliers d'un milieu urbain comme Montréal qui ne peut être bien servi au plan de l'éducation que par une commission scolaire possédant la taille, les ressources humaines et les ressources financières capables d'y répondre;

Considérant que le projet de loi 40 ne répond en rien - bien au contraire - aux attentes de la population quant au renouveau pédagogique et au resserrement des exigences en éducation;

Considérant que le projet de loi 40 constitue l'expression d'une volonté ministérielle de dépouiller complètement les commissions scolaires de leur autonomie et ce, en dépit des réalités historiques et sociales qui caractérisent le système scolaire actuel;

Considérant que le projet de loi 40 représente une rupture de contrat social qui lie le gouvernement à la société québécoise et ce, sans consultation populaire;

Considérant que la Commission des écoles catholiques de Montréal n'entend pas se prononcer sur toutes les dispositions du projet de loi concernant les autres commissions scolaires de la province;

Considérant tous ces faits, la Commission des écoles catholiques de Montréal rejette l'ensemble des dispositions du projet de loi 40 qui la concernent. Elle réclame plutôt une réforme en profondeur de la répartition des pouvoirs entre le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires de telle façon que ces dernières ne deviennent pas de simples succursales du ministère. Elle réclame aussi une meilleure répartition des ressources afin de permettre aux commissions scolaires de répondre adéquatement aux besoins spécifiques des milieux qu'elles desservent et aux attentes exprimées lors de la consultation sur le livre vert.

Par ailleurs, la CECM continuera à prendre tous les moyens nécessaires pour respecter intégralement la liberté de conscience des personnes fréquentant les institutions sous sa juridiction.

Voilà donc résumé, M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Parent (Marcel): ...mesdames et messieurs les membres de la commission, le contenu du mémoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Avant de vous remercier de l'attention que vous avez prêtée à mes propos, j'aimerais me permettre de répondre à l'avance à une question qui, sans doute, est déjà sur vos lèvres.

La CECM rejette le projet de loi 40 et réclame le maintien de son statut confessionnel et de son territoire. Peut-on en conclure que la CECM ne sera satisfaite que du statu quo? Je pense qu'il est bien important de clarifier ce point. La réponse est tout simplement non. La Commission des écoles catholiques de Montréal croit ce qu'elle signale aux pages 46 et suivantes de son mémoire et, en particulier, à compter de la page 63: Des mesures doivent être prises pour améliorer les services éducatifs dans un milieu urbain comme Montréal, où notre commission scolaire fait face à de nombreux problèmes majeurs et mineurs, qui sont, cependant, loin de lui être exclusifs. Dans plusieurs pages de ce mémoire, nous exposons des problèmes qui nous semblent nécessiter une intervention. Nous exposons ailleurs, au début de notre mémoire, les autres problèmes inhérents au milieu urbain.

Notre position est la suivante: Nous ne croyons pas que les dispositions prévues dans le projet de loi 40 viendront résoudre les graves problèmes du milieu urbain. Nous croyons au contraire que les propositions du ministre de l'Éducation viendront les

amplifier. Ni le fractionnement de la CECM, ni la décentralisation proposée aux écoles quant aux décisions à prendre dans le domaine pédagogique, ni la structure administrative proposée ne permettront de faire face aux problèmes des milieux défavorisés, à ceux causés par le nomadisme de la population, par la violence, par la délinquance, malheureusement, par le racisme; nous ne croyons pas que le fractionnement des ressources aidera à résoudre les problèmes des personnes handicapées physiquement et mentalement, jeunes et adultes, ou encore à diminuer le nombre de décrocheurs dans une ville comme Montréal.

En définitive, la Commission des écoles catholiques de Montréal s'oppose au projet de loi 40 parce qu'il ne tient pas compte de la problématique de l'éducation publique en milieu urbain et des responsabilités que la société doit assurer à cet égard.

Le projet de loi 40 n'est pas conçu en fonction des besoins d'une grande ville comme Montréal. Ce n'est pas le premier exemple d'une approche politique qui oublie de prendre en considération les vrais problèmes de Montréal. Les responsables de la ville de Montréal, depuis longtemps, l'ont dit à tous les gouvernements. Ce n'est pas propre à votre gouvernement. Les membres de la communauté urbaine vous le disent aussi occasionnellement. Montréal a des problèmes différents de ceux que l'on éprouve en province et c'est vrai aussi dans le domaine de l'éducation. (16 h 45)

D'une façon bien objective, nous offrons donc au ministre de l'Éducation et au gouvernement, dont il fait partie, toute notre collaboration pour mener à bien, en collaboration avec tous les groupes responsables: conseils scolaires, commissions scolaires, administrateurs, parents, enseignants, une étude en profondeur de la problématique de l'éducation en milieu urbain. Cela n'a pas été touché dans le projet de loi d'une façon concrète, d'une façon précise.

Je peux vous garantir, M. le Président et M. le ministre, au nom de tous mes collègues de la CECM, que nous accepterons les changements qui s'imposent et qui auront fait l'objet de consensus parmi ces groupes que je viens de mentionner.

Nous ne pouvons accepter le projet de loi 40 dans sa forme actuelle, il est trop contraire aux intérêts de la population jeune et adulte de Montréal. Nous sommes pour le changement, mais seulement en fonction de services accrus à cette population.

Le problème du projet de loi 40, M. le Président - je ne sais pas si vous allez me permettre cette formule, elle n'est pas lapidaire, mais elle est commune, elle est bien connue - c'est qu'à mon avis il n'est pas encore "arrivé en ville". Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parent. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord saluer avec plaisir le président de la CECM, avec qui j'ai eu le plaisir d'avoir récemment un entretien très stimulant. Je veux aussi saluer les commissaires et les officiers qui l'accompagnent. Je veux aussi saluer l'importante délégation qui s'est jointe à lui. La CECM nous présente un mémoire très élaboré de 94 pages, que j'ai lu avec beaucoup d'attention et dont il est évident qu'il a été préparé avec beaucoup de soin.

Ce mémoire vise, au fond, deux objectifs majeurs. Le premier, celui de la conservation de l'intégralité des structures du système scolaire actuel et, deuxièmement, celui de la conservation de l'intégrité actuelle entière du territoire de la CECM. Cela est, bien sûr, compréhensible. Que ce soit au nom de l'objectivité ou non, il est de commune renommée que la CECM s'oppose depuis le début et avec détermination au projet gouvernemental. Depuis le début, elle a lutté avec acharnement contre l'adoption éventuelle de ce projet gouvernemental. Non seulement y a-t-elle consacré beaucoup de temps, de soin et d'énergie, mais elle a posé aussi beaucoup d'autres gestes en ce sens. Elle a détaché certains de ses cadres pour lutter contre le projet. Elle a multiplié les séances d'information que ce soit à Montréal ou même en province. Elle a consacré des sommes d'argent à un effort publicitaire destiné à lutter contre le projet de loi et, aujourd'hui, elle nous présente un mémoire, encore une fois, très élaboré et fort bien fait.

Évidemment, ce mémoire commence par une défense des hauts faits et des mérites de la CECM, une sorte d'apologia pro vita sua qui est tout à fait normale, bien qu'évidemment cette défense passe sous silence les critiques que l'on peut avoir entendues à l'endroit de la CECM. Le mémoire détaille ces hauts faits et ces mérites. D'ailleurs, je connais très bien les réalisations de la CECM et je dois dire immédiatement que je les apprécie au plus haut point. La création de centres spécialisés, des initiatives prises pour assurer une meilleure éducation aux milieux défavorisés, certaines mesures administratives de coordination des services, tout cela m'est bien connu. Encore une fois, il n'est pas question de remettre en cause ou de critiquer, en quoi que ce soit, ces réalisations.

Là où je suis moins bien avec la CECM, c'est quand elle attribue à la seule dimension de la CECM l'excellence de ses réalisations. Je crois que c'est là une sorte de blâme indirect et immérité à l'endroit de

commissions scolaires de taille moins grande, mais qui ont quand même fait montre d'initiatives similaires et réussies. Pas plus tard qu'hier soir, on entendait, par exemple, le PSBGM, dont la taille est plus petite, qui faisait état lui aussi de réalisations importantes. D'autres commissions scolaires, ailleurs qu'à Montréal, pourraient aussi faire connaître leurs états de service en ce domaine.

La CECM prétend que le projet de loi 40 vise à faire disparaître la CECM. Je crois que c'est là une affirmation très grosse qui tronque la réalité. Un des buts du projet de loi n'est pas du tout de faire disparaître la CECM, mais au contraire de répartir autrement, dans des commissions scolaires de taille plus égale, la clientèle actuellement desservie par la CECM.

En fait, le projet de loi 40 vise à corriger l'anomalie et la distorsion, pour ne pas dire l'injustice, qui existent actuellement sur le plan de la répartition et de la dispensation des services éducatifs entre une CECM, dont la population desservie est actuellement de 106 500, et d'autres commissions scolaires voisines dont la clientèle est très faible; et à ce point faible que plusieurs remettent en question les possibilités qu'elles ont de dispenser, grâce à leur personnel cadre en particulier, les services nécessaires à la population. Il importe de rétablir dans une juste perspective les intentions du projet de loi. Par exemple, avec la restructuration que nous proposons, il y aurait le même nombre de commissions scolaires à Montréal, mais ces commissions scolaires dispenseraient leurs services à une population à peu près équivalente qui s'étalerait entre 25 000 et 35 000 élèves. C'est donc là une vue très différente de la situation.

Entre autres choses, dans son mémoire, la CECM vise à la conservation des structures confessionnelles actuelles. Je pense que ce désir, tout en étant respectable et compréhensible, est de plus en plus contesté et de plus en plus contestable également. Beaucoup de groupes, pour ne pas dire de colloques, d'études, d'articles, d'opinions sont venus nous dire que ce maintien, cette conservation ne correspond pas à l'évolution que le Québec a connue particulièrement depuis 20 ans. Alors que jusqu'à il y a 20 ou 30 ans, la population du Québec était passablement homogène sur le plan confessionnel, la situation s'est transformée considérablement et rapidement, ne serait-ce que grâce à l'arrivée au Québec de courants migratoires importants qui s'accumulent au fil des années et qui font que notre population est de moins en moins homogène sur le plan confessionnel. Cela se traduit évidemment au niveau de la population scolaire.

En même temps que la société québécoise devenait de plus en plus diversifiée et pluraliste, il existait une transformation également au niveau des idées, au niveau des impératifs démocratiques. Par exemple, c'est en 1974 qu'a été adoptée la Charte des droits et libertés de la personne qui nous fait une obligation, au-dessus de toutes les autres lois adoptées antérieurement et à adopter ultérieurement, de respecter scrupuleusement les droits et libertés de la personne, la liberté de conscience. Je pense que c'est là un courant qui prendra de plus en plus de force au cours des années qui viennent.

Ce n'est pas étonnant qu'à cette commission nous ayons entendu des opinions très diverses sur le plan de l'aménagement confessionnel des écoles. Plusieurs groupes -vous venez d'en entendre un, celui qui vous a précédés - sont venus nous dire que le projet de loi était trop confessionnel, qu'il était trop généreux à l'égard du maintien de la confessionnalité telle que nous l'avons connue. La CEQ l'a prétendu. D'autres organismes, comme la faculté des sciences de l'éducation et même des Églises, comme l'Église unie du Canada, hier, nous le disaient, sans parler du mouvement laïc que vous connaissez bien.

Donc, un bon nombre de groupes sont venus nous dire que nous ne sommes pas allés assez loin dans le projet de loi 40. Il aurait fallu déconfessionnaliser non seulement les commissions scolaires, les structures, mais également l'école.

À l'opposé, d'autres groupes, dont vous êtes, viennent nous dire que nous allons trop loin, que nos aménagements sont trop draconiens. Cependant, je dois faire remarquer que même la fédération dont vous faites partie va moins loin que vous. Particulièrement dans la période d'échanges qui a suivi la présentation de son mémoire, il est devenu évident que la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec inclinait beaucoup plus dans le sens d'une division basée sur la langue plutôt que sur la confessionnalité, même si des raisons de politique interne l'ont empêchée, à son dernier congrès, d'entériner ce courant majoritaire dans des résolutions formelles.

Ce groupe qui nous reproche d'aller trop loin non seulement ne comporte pas un effectif très nombreux, mais on peut sûrement dire qu'il est en perte de vitesse dans l'opinion. Par contre, un plus grand nombre de groupes sont venus nous dire que les aménagements de la confessionnalité que présente la loi 40 se situent dans un juste milieu, ces aménagements tenant compte de la tradition du Québec, tenant compte des droits de la majorité confessionnelle du Québec, qu'elle soit catholique ou protestante, tenant compte également du vécu puisque c'est à l'école que se vit la dimension religieuse de l'éducation et non

pas dans les structures, tenant compte également qu'il faut maintenant incarner dans une loi ces droits à l'enseignement religieux, au service de la pastorale et tenant compte que ces aménagements doivent respecter, encore une fois, les droits et libertés d'une société de moins en moins monolithique, de plus en plus diversifiée et de plus en plus pluraliste. Je pense qu'un consensus de plus en plus majoritaire est en train de se dégager à l'appui de cette position de juste milieu qu'a adoptée le projet de loi 40. (17 heures)

II est enfin un autre élément qu'il importe de mettre dans la balance. Je pense que, du côté des communautés anglophones, il y a déjà une grande diversité d'opinions que d'ailleurs les mémoires reflètent. Du côté catholique, il y a également une évolution qui ne fait que se précipiter, non seulement depuis une dizaine d'années, mais au cours des deux dernières années. J'ai suivi avec attention, comme vous probablement, les travaux du Synode des évêques québécois qui se sont rendus récemment à Rome. J'ai étudié avec soin la déclaration du pape qui a suivi cette réunion. Je suis aussi avec beaucoup d'attention les travaux de la Commission épiscopale du Québec.

Ce que j'en retire, c'est que la communauté catholique, telle qu'elle s'exprime à travers ses chefs, oriente maintenant ses opinions dans deux directions principales. Premièrement, elle continue de tenir à ce que l'enseignement religieux, la pastorale, occupe une place à l'école et une place importante. Deuxièmement, on tend à mettre de plus en plus l'accent sur la communauté de base pour le maintien et le développement des aspirations religieuses chez les tenants de la foi catholique. On accorde de plus en plus d'importance à ce qu'on appelait auparavant la paroisse et qu'on appelle maintenant les communautés de base. Pour l'éducation initiale à la foi, on compte donc de plus en plus sur les familles, sur le milieu familial. Ensuite, on compte de plus en plus sur les Églises, pour qu'elles assument une part toujours plus importante du développement de la foi et les conséquences que les disciples d'une Église doivent en tirer pour leur action concrète au niveau de leurs activités. C'est dans cette perspective que le primat de l'Église québécoise annonçait récemment qu'il faudra de plus en plus viser à ce que ce soient les Églises, les communautés de base, qui se chargent de la sacramentalisation et non plus l'école.

Il y a donc, même du côté de l'Église catholique, en même temps qu'une reviviscence, en même temps qu'un retour aux sources, une évolution considérable dans le sens des structures, des aménagements de la foi.

Ma première question serait donc la suivante: Face à tous ces développements, que ce soit au niveau de la société québécoise, au niveau des expressions d'opinions de tous les groupes qui se prononcent, face à cette évolution et à ces déclarations que nous entendons au niveau des Églises protestantes, mais aussi de l'Église catholique, ne croyez-vous pas que le moment est venu de procéder à des aménagements de la confessionnalité qui seraient différents, et passablement différents, de la thèse que vous nous proposez?

Le Président (M. Blouin): M. Parent.

M. Parent (Marcel): M. le Président. Merci, M. le ministre, de l'intérêt que vous portez à notre mémoire. Avant de répondre, je voudrais juste relever que vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord avec le début de notre mémoire, qui disait que le projet de loi 40 faisait disparaître à toutes fins utiles la CECM. Que voulez-vous que je vous dise? Le projet de loi 40 la répartit autrement. Répartie autrement, la CECM ce n'est plus la CECM. On est donc obligé de dire que ce projet de loi est porté à faire disparaître la CECM. Vous nous dites aussi que cela ne changera pas le nombre de commissions scolaires. On va demeurer le même nombre de commissions scolaires, pas sur le territoire de la CECM, mais sur le territoire de l'agglomération de Montréal. Cette réalité qui est la CECM ne serait plus ce qu'elle est aujourd'hui.

Concernant votre intervention sur la confessionnalité. Je dois vous dire, M. le Président, qu'on en avait parlé longuement -vous l'avez mentionné vous-même - à la fin du mois d'août, lorsqu'on s'était rencontré. Ce que nous croyons, nous, les commissaires de la CECM... D'abord, dans un premier temps, c'est une réalité... Les commissaires qui forment le conseil de la Commission des écoles catholiques de Montréal ont été élus sur un programme. À l'intérieur de ces programmes-là, on retrouvait, selon les individus, la garantie des structures confessionnelles, la garantie de l'enseignement religieux de qualité ou, dans d'autres programmes, on parlait d'améliorer la qualité de l'enseignement religieux. On croit que, si on veut être cohérents, si on veut être honnêtes envers les gens qui nous ont élus, envers les gens qui ont élu le conseil des commissaires actuel, on se doit de prendre les mesures pour répondre adéquatement et honnêtement au mandat qu'on a présenté à la population et que celle-ci nous a donné. C'est pour cela qu'on vous dit qu'on ne se sent pas du tout mandaté pour changer le statut confessionnel de notre commission scolaire. Ceux qui prônaient l'amélioration de la qualité de

l'enseignement religieux ou ceux qui prônaient l'école catholique, non pas la structure, ne peuvent pas abonder dans le sens du projet de loi 40 parce que, si on veut garantir que l'enseignement religieux de qualité va continuer, si on veut garantir que l'école catholique - l'école elle-même, la bâtisse - va demeurer catholique il faut s'assurer des structures de soutien. Sans cela, elle ne vivra pas, elle va mourir. C'est pour cela qu'on ne peut pas ne pas maintenir dans nos demandes le statu quo concernant le statut de l'école confessionnelle.

Nous croyons que l'école confessionnelle est une réalité historique, culturelle, québécoise. Nous croyons qu'on ne peut pas faire disparaître cela par une loi. Les tournées de consultation qu'on a faites ont d'ailleurs démontré... Le consensus, vous me dites qu'il change, qu'il semble y en avoir un qui s'en vient vers l'école laïque, mais on est loin d'être rendu là. Nous, les commissaires, n'avons pas la certitude que la population veut les écoles neutres. Vous nous avez dit: Les gens qui sont venus avant vous, les gens qui sont venus nous rencontrer ici prônaient l'école neutre, ne prônaient pas les structures confessionnelles. Certains vous ont même reproché d'être trop confessionnel dans votre projet de loi 40.

Où étaient-ils, ces gens-là, M. le ministre, lors des élections scolaires? Où étaient-ils les gens qui s'impliquent directement dans le processus démocratique de la vie scolaire? Moi aussi, je les ai entendus; je suis ici depuis mardi soir et j'écoute. C'est vrai ce que vous dites, très vrai. Je pense qu'on est les premiers avec la CEPGM à demander de conserver nos structures confessionnelles. Je m'inquiète de la démocratie québécoise quand je vois des gens qui viennent ici prôner certaines choses et qui, lorsque c'est le temps de poser des gestes concrets pour se les assurer, ne sont pas là. C'est tellement important et on est tellement peu sûr que nos commettants veulent des changements; moi, je suis certain qu'ils n'en veulent pas, de changements. Ce n'est pas ce qui est important pour eux; l'important pour eux est la qualité de l'enseignement.

On croit, mes collègues commissaires et moi, que, sur une question comme celle-là, si on veut changer cette réalité religieuse québécoise, ce n'est pas avec une loi mais c'est en recourant à des principes, à des opérations qui existent en démocratie, et en allant se chercher un mandat clair, net et précis de la part des Québécois. C'est l'opinion du conseil des commissaires de la CECM.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parent. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Nous sommes très heureux, du côté de l'Opposition, d'accueillir les dirigeants de la Commission des écoles catholiques de Montréal, à bien des titres. D'abord, parce que, comme l'a mentionné tantôt M. le président, c'est la commission scolaire la plus importante au Québec; c'est une commission scolaire qui a une tradition plus que séculaire maintenant, qui existait dès la Confédération, comme nous aurons l'occasion de le rappeler tantôt, et qui n'a cessé depuis ce temps d'offrir non seulement des services éducatifs de base comme ceux que décrivent les premiers articles du projet de loi 40, mais un leadership en matière pédagogique, en matière de réponse aux besoins socioculturels de la population qui l'a placée à l'avant-garde de toutes les commissions scolaires du Québec, souvent même du pays, très souvent aussi du gouvernement.

Je vous raconte un petit incident que j'ai évoqué l'autre jour brièvement. Nous parlons beaucoup de micro-ordinateurs dans les écoles depuis un certain temps. L'an dernier, quand j'ai senti l'obligation d'examiner moi-même cette question de plus près, je me suis enquis auprès de certaines commissions scolaires de ce qu'elles faisaient et j'ai été étonné de constater qu'à la Commission des écoles catholiques de Montréal, on était bien en avance sur tous les plans brumeux qui avaient commencé à émaner du ministère de l'Éducation à ce moment.

Ces temps derniers, voulant pousser mes explorations plus loin, je suis allé visiter des institutions scolaires à Montréal. Je me souviens d'une visite très instructive que j'ai faite à l'école secondaire Louis-Joseph-Papineau où j'ai trouvé que le ministère de l'Éducation et ses technocrates auraient bien des leçons d'économie et de management dynamique à prendre. Si, au lieu de concocter des organigrammes, on voulait aller davantage voir comment les choses se passent au ras de la réalité... Je pense que c'est ce qu'on vient défendre aujourd'hui au nom de la Commission des écoles catholiques de Montréal; pour ma part, je l'accueille avec beaucoup d'intérêt, de même que mes collègues.

On a évoqué vers la fin du mémoire ou au début, je ne me souviens pas trop, les privilèges et droits constitutionnels que revendique la Commission des écoles catholiques de Montréal. Le ministre, selon son habitude, s'est prudemment abstenu d'en parler dans ses commentaires. C'est une réalité, cela fait partie du paysage politique et légal. Il y a des contestations qui sont en cours devant les tribunaux. On nous dit aujourd'hui, tout aussi fermement que l'a fait la Commission des écoles protestantes dugrand Montréal hier, qu'on entend se prévaloir de tous les recours dont on dispose de ce côté. Encore une fois, je pense que

c'est un avertissement de prudence qui est servi au ministre. Lui, qui voudra tantôt faire agir l'Assemblée nationale au nom de tous les citoyens québécois, aura la responsabilité de faire en sorte que la loi qu'il voudrait faire adopter n'engage pas tout le Québec dans l'un de ces culs-de-sac légaux dont on a eu souvent l'exemple sous le gouvernement actuel.

La taille de la Commission des écoles catholiques de Montréal semble beaucoup inquiéter le ministre et ses collaborateurs; il trouve cela gros. Je n'ai pas les chiffres devant moi aujourd'hui - peut-être les avez-vous de votre côté et vous pourrez les mentionner de manière plus précise tantôt -mais je sais, pour avoir vu des chiffres à maintes reprises à ce sujet, que dans à peu près tous les grands territoires urbains d'Amérique du Nord, à Toronto, à Edmonton, à Calgary, à Vancouver - aux États-Unis, c'est la même chose - on ne fractionne pas les territoires scolaires à l'intérieur d'une région métropolitaine comme on est en train de le faire ici. Vous avez un organisme scolaire principal qui a la responsabilité des écoles sur son territoire et qui peut agir à une certaine dimension. Si on a des statistiques sur la clientèle scolaire des grandes commissions scolaires dans ces villes métropolitaines dont j'ai parlé, ce serait intéressant qu'on nous les donne.

Je veux demander au gouvernement comment il se fait qu'encore une fois dans ce domaine-ci il faudrait se comporter d'une manière complètement différente des autres. Il me semble que les autres ne sont pas fous, on peut bénéficier de la sagesse de ceux qui sont nos voisins, de ceux qui ont des problèmes comparables à ceux auxquels nous faisons face. C'est un point que je signale à l'attention du gouvernement.

Quand le gouvernement précédent a fait la réforme des structures scolaires montréalaises, en 1971 je crois, il a d'abord été question de fractionner le territoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Il y en a beaucoup qui ont eu cette tentation, surtout parmi les technocrates qui conseillaient le gouvernement. Finalement, le gouvernement, en regardant la réalité de plus près, s'est rendu compte que ce n'était pas la chose à faire et il a regroupé les commissions scolaires d'une manière raisonnable, d'une manière tellement raisonnable qu'au point de vue du nombre de commissions, comme le disait le ministre tantôt, ce qu'on ferait aboutirait à un nombre à peu près comparable. Il n'a pas touché au territoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal et à celui du PSBGM, assez peu. Ce n'était pas simplement parce qu'il avait peur des foudres qui pourraient émaner du président de la CECM ou du président du PSBGM du temps. J'imagine que c'est aussi parce qu'il trouvait que c'était une bonne chose à faire à ce moment. Je ne sais pas si c'est Mme Lavoie-Roux qui était présidente. D'ailleurs, je les comprends d'avoir craint en plus parce qu'ils auraient eu une réponse qui les auraient inquiétés. (17 h 15)

J'apporte un autre argument. On va dire: Cela coûte très cher. J'ai remarqué, dans le mémoire que les parents ont soumis ce matin, qu'il y avait des chiffres émanant d'une étude qui aurait été faite au ministère de l'Éducation sur les frais de gestion des écoles à la CECM et dans l'ensemble du Québec. D'après ce que je constate - c'était en page 34 du mémoire qu'on nous a soumis ce matin, et à un autre endroit également, je pense - pour les cadres et les hors cadres, le ratio des administrateurs versus le nombre d'élèves, c'est-à-dire le nombre d'administrateurs par rapport au nombre d'élèves serait moins élevé à la CECM que dans le reste du Québec. Par conséquent, il n'y aurait pas gros d'argent à épargner là, M. le ministre. Si c'était cela l'argument, il ne vaudrait pas cher. On nous dit que des cadres et des hors cadres il y en aurait un par 100 élèves à la CECM contre 2,9 par 100 élèves dans le reste de la province ou dans l'ensemble de la province. Je ne peux pas vous l'assurer. Je pense que c'est dans le reste de la province, mais on me corrigera au besoin. Les professionnels non-enseignants, il y en a 4,5 par 100 élèves à la CECM. 5,9 par 100 élèves dans le reste du Québec. Les directions d'écoles et directions adjointes, 4 par 100 élèves à la CECM et 5,5% dans le reste du Québec. Par conséquent, il n'y a pas de tragédie à la demeure ici. On est sur un terrain assez solide. On peut regarder les choses avec impartialité et sang-froid. Il n'y a pas lieu de partir en peur parce qu'il y aurait un scandale quelconque au chapitre des coûts comparatifs de ce point de vue.

Je signale, enfin, que ceux qui nous rencontrent aujourd'hui détiennent un mandat politique que l'on doit respecter de manière particulière. On peut bien jouer les parents, les commissaires; on peut faire cela. Il y en a qui s'en font une spécialité. Mais je pense qu'au bout du compte, on va se rendre compte que chacun ne détient pas un mandat de même nature; qu'il y a des mandats qui sont objectivement plus importants que d'autres dans une société démocratique, à moins que toutes les théories que nous avons apprises en matière de sciences politiques soient à refaire de fond en comble. Dans cette perspective, je pense que non seulement on doit recevoir les gens et faire l'acte rituel de les recevoir, mais on doit les écouter et essayer de comprendre pourquoi ils s'opposent à cela.

Il y a une des difficultés majeures qui se présentent. Je laisse de côté la question de la confessionnalité. J'aurai seulement une

brève question à poser là-dessus tantôt. Vous nous dites: Le territoire de Montréal que nous représentons, nous autres, comme CECM, est un territoire qui présente des différences importantes avec d'autres territoires auxquels on pourrait être tenté de le comparer. Vous avez signalé tantôt que sous l'angle de la composition de la population, les origines ethniques, les caractéristiques culturelles, ce milieu est très différent des autres milieux, en particulier, les milieux de banlieues plus stables et peut-être un peu plus uniformes auxquels on pourrait être tenté de l'assimiler. Vous avez dit qu'au point de vue de la mobilité de la population, il y a un taux de déplacement beaucoup plus fort dans ce territoire que dans d'autres. Vous avez mentionné, enfin, un point qui me paraît très important et qui, me semble-t-il, sautait aux yeux, pour quelqu'un qui regarde la réalité.

Dans le territoire de la CECM, les régions ou les districts où les conditions de développement économique et social ont été moins favorables que dans l'ensemble du territoire sont plus nombreux et, par conséquent, requièrent une attention, une mise en commun plus particulière. C'est un des autres arguments auxquels on devra avoir des réponses satisfaisantes avant de pouvoir considérer la proposition qui est mise de l'avant par le gouvernement et qui entraîne le démantèlement de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Il y a une chose dont j'ai beaucoup entendu parler au cours de mes deux dernières années, parce qu'il m'est arrivé de suivre ces questions de plus près, c'est l'expérience de décentralisation que l'on pratique à la CECM depuis déjà un certain temps, l'expérience de décentralisation d'abord à partir du centre vers des régions qui ont été constituées et qui jouissent de responsabilités substantielles - dont on aura l'occasion de parler tantôt -et, deuxièmement, décentralisation envers l'école à qui des responsabilités précises et assez nombreuses ont été confiées par voie de délégation d'autorité au cours des dernières années. Ici, c'est un modèle. Je ne sais pas s'il est arrivé que le gouvernement discute de cela sérieusement avec vous de la CECM. Il me semble qu'il y a quand même des choses à observer, qu'il y a des choses qui ont été faites et qui sont vérifiables quant aux procédures qu'on a suivies, quant aux résultats qui ont pu être obtenus, quant aux difficultés qui ont pu être surmontées ou non surmontées. Il me semble qu'il y a un stock d'expériences là qui devraient être considérées avec intérêt par les parlementaires. En tout cas, de notre côté, cela nous intéresse. Vous le savez. Je vous ai demandé des renseignements à maintes reprises là-dessus. J'entends continuer d'examiner cela de près, ainsi que plusieurs de mes collègues.

Je voudrais en venir à quelques questions qui se dégagent de votre intervention. J'en ai peut-être six ou sept mais je ne voudrais pas prendre trop de temps non plus. Je vais essayer de les poser brièvement; si les réponses pouvaient être brèves, de manière à laisser la chance à mes collègues de pouvoir intervenir et, en particulier, de manière à laisser la chance à Mme Thérèse Lavoie-Roux, votre ancienne présidente, celle qui vous a précédé dans cette importante fonction, M. le président, de pouvoir parler, je pense que tout le monde l'apprécierait vivement.

D'abord, sur la taille de la Commission des écoles catholiques de Montréal, j'ai cru voir tantôt qu'on faisait des signes de tête dans le sens qu'on avait peut-être des données plus précises que celles que j'évoquais, concernant d'autres territoires urbains qui auraient des commissions scolaires ou des institutions scolaires de taille comparable. Est-ce que vous pourriez donner quelques précisions là-dessus?

M. Parent (Marcel): Oui. J'ai ici un bulletin de l'Association canadienne d'éducation qui donne le nombre des élèves dans différentes commissions scolaires au Canada. À la CECM de Montréal, on a 107 000 élèves; Metro Separate, de Toronto, 94 000; Calgary Public School, 84 000; Peel-Mississauga, 83 000; Scarborough, 78 000; Toronto, 76 000; Edmonton Public School Board, 69 000; North York, 67 000, etc. C'est donc dire que les grandes commissions scolaires ne sont pas un fait unique à Montréal. Il y en a d'autres.

M. Ryan: Très bien. Maintenant, les services que vous avez mis sur pied au cours des années pour répondre à des besoins spéciaux, en éducation des adultes par exemple, pour l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, pour les décrocheurs, pour répondre à d'autres besoins spécialisés en éducation, pensez-vous qu'il serait aussi facile de les fournir si la Commission des écoles catholiques de Montréal était ramenée à une taille de 30 000 à 35 000 élèves?

M. Parent (Marcel): II est certain qu'on ne pourrait pas s'offrir tous ces services spécialisés. D'abord, est-ce qu'on aurait les bassins de clientèle potentielle pour le faire? Aussi, est-ce qu'on pourrait s'offrir les ressources sur le plan technique, sur le plan des enseignants pour diffuser ces services? Vous m'avez parlé de l'éducation des adultes tout à l'heure. Tout le monde sait que notre directeur général a été très près de ce service. Je lui demanderai donc de nous renseigner sur cette question.

M. Dugas (Gaston): M. le Président, effectivement le service d'éducation des adultes, dont on a dit qu'il était apparu en 1964 à la CECM, est un service qui a pris énormément d'expansion en bonne partie à cause de la présence sur le territoire métropolitain d'un grand nombre d'industries et de groupes populaires avec lesquels la CECM a conclu des ententes depuis une quinzaine d'années.

Pour mettre sur pied les activités, il a fallu avoir recours à des spécialistes qui pouvaient se permettre de consacrer quelques mois et même davantage à l'analyse de situations particulières et, après, en collaboration avec les organismes, industries ou groupes populaires, de mettre sur pied le type de services. Quand on regarde les autres commissions scolaires au Québec, il est bien évident, comme M. le ministre de l'Éducation l'a souligné, qu'il y a des réalisations fort intéressantes partout dans le Québec. Il serait loin de notre pensée de vouloir mettre de l'avant les réalisations de la CECM en laissant entendre qu'ailleurs, au Québec, il n'y a pas eu de réalisations extrêmement significatives. Bien au contraire.

Il faut avouer toutefois qu'il y a des types de réalisations, par leur nature ou par leur ampleur, qui n'ont pu voir le jour à Montréal qu'à cause de la taille et de ce que permet la taille: la constitution d'un bassin de ressources. On a, par exemple, dans l'éducation des adultes, l'expérience tout à fait originale que constitue l'entente intervenue avec six centres d'éducation populaire qui sont précisément dans les quartiers ouvriers: ce sont des centres autogérés, avec une participation de la CECM, par le biais de son service d'éducation des adultes, au niveau de la planification des activités; mais il s'agit de conseils d'administration reconnus par la loi et pour lesquels la CECM a une contribution financière de plusieurs centaines de mille dollars par année. C'est un genre d'expérience qui n'existe nulle part ailleurs au Québec. On pourrait évidemment décrire, mais ce serait trop long, les très nombreuses expériences sur le plan des contacts avec les organismes et la formation en industrie.

Ce qu'il faut déplorer, dans le cas de l'éducation des adultes, c'est que c'est un service qui a été pratiquement décapité lors des coupures dramatiques de l'éducation des adultes il y a deux ans. Depuis ces coupures, notre service a été pratiquement coupé de moitié, mais ce n'est pas dû aux ressources, ce n'est pas dû aux capacités de la CECM, c'était dû uniquement aux ressources financières dont on pouvait disposer.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais vous poser une question à propos de la politique de la Commission des écoles catholiques de Montréal en matière de décentralisation et de délégation d'autorité en direction des régions et des écoles. Je ne sais pas si vous pourriez résumer ce qui se fait de ce côté. Je pars d'une question bien pratique. Ce matin, on a fait mention des trois grandes régions sous lesquelles sont regroupées les écoles relevant de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Quelqu'un du côté gouvernemental - je crois que c'est le député de Bourassa -a dit - mais je ne veux pas lui attribuer cela de manière trop précise, je pense que c'était lui - Bien voilà, nous avons déjà la matière de commission scolaire à taille plus raisonnable que nous envisageons. Pourriez-vous me dire ce que font ces régions, ce qu'elles peuvent faire en faisant partie du grand ensemble qu'est la CECM et qu'elles ne pourraient pas faire si la CECM était morcelée ou démantelée?

M. Parent (Marcel): Ce qui arrive, M. le Président, c'est que cette grande commission scolaire qu'est la CECM et qui fait peur a pris les moyens pour se rapprocher de sa clientèle et a pris les moyens pour être plus près des attentes du milieu. La CECM, côté français, est divisée en trois grandes régions qui regroupent environ 30 à 35 écoles par région: une région à l'est, une région au nord de Montréal et une région dans le centre et sud-ouest de Montréal. On est conscient, nous aussi, qu'une grande commission scolaire doit prendre des mesures pour être sensible et à l'écoute de sa population; c'est pour cela que nous avons décentralisé, mais en gardant une unité administrative et l'avantage que cela nous donne au niveau des économies. Parce que la commission n'est qu'une commission scolaire et qu'elle est consciente des disparités culturelles et socio-économiques de son territoire, elle peut, à même ses budgets, mettre de l'avant une politique de péréquation bénéfique à certains secteurs moins favorisés. C'est parce que la CECM est la CECM, qu'elle a trois régions administratives, qu'elle peut donner plus de support à la région du sud-ouest, par exemple, de Montréal, où on a besoin d'injecter plus de ressources humaines et plus de ressources pédagogiques. (17 h 30)

Nous avons avec nous le directeur des services financiers. J'aimerais qu'il vous donne, par ordre de grandeur, les possibilités d'investissement que nous pouvons nous permettre dans les différentes régions. Nous pouvons provoquer de l'aide d'autres régions pour des régions défavorisées parce que nous sommes la CECM. M. Comeau, j'aimerais que vous nous parliez des chiffres.

M. Comeau (Hubert): En fait, on a trois grandes régions administratives: une qui est

très défavorisée socio-économiquement, une moyennement défavorisée et une que je dirais relativement favorisée. Alors, dans notre processus de budgétisation, on tient compte de ces facteurs. Le financement que l'on reçoit du ministère de l'Éducation tient compte des types de clientèles, mais ne tient pas compte des milieux socio-économiques au-delà des mesures particulières pour les milieux socio-économiquement faibles. Alors, on a des mesures particulières qui s'appellent l'opération renouveau et autres, mais, au-delà de cela, quand on fait nos partages budgétaires, on tient compte de ces milieux.

À titre d'exemple, notre région la plus défavorisée reçoit tout près de 20% de plus pour les dépenses du personnel non enseignant que la région la plus favorisée économiquement. En termes de dollars, cela veut dire que cette région reçoit 3 000 000 $ de plus que si elle recevait la moyenne de ce qu'on accorde à la région la plus économiquement favorisée. L'autre région reçoit tout près de 1 500 000 $ de plus que la région la plus économiquement favorisée. Donc, il y a évidemment des mesures particulières qui aident davantage ces régions défavorisées, mais, au-delà de cela et de façon systématique, dans notre processus de budgétisation, on fait une répartition qui pondère les régions plus défavorisées économiquement dans l'ordre de grandeur que je vous ai donné.

M. Parent (Marcel): Je voudrais renchérir, à la demande du député d'Argenteuil qui désirait des exemples de décentralisation et de délégation. On a ici un document qui explique la politique de participation des directeurs d'école à différents niveaux. J'ai aussi copie du règlement concernant la délégation de pouvoirs aux directeurs d'école que nous aimerions déposer à cette commission parlementaire.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. Parent.

M. Ryan: De quand date ce règlement? M. Parent (Marcel): Pardon, monsieur?

Le Président (M. Blouin): De quand date le règlement, M. Parent?

M. Parent (Marcel): II date de 1980, je crois.

M. Ryan: Avant le livre blanc.

Le Président (M. Blouin): D'accord! Nous en distribuerons des copies aux membres de la commission. Cela va, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Je suis obligé d'interrompre à cause du temps, évidemment, parce qu'il y aurait beaucoup d'autres questions à poser, mais je veux laisser un peu de temps aux autres.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le député d'Argenteuil. Mme la députée de Maisonneuve, en vous rappelant que l'ensemble des membres de votre formation politique dispose de quelque 23 minutes pour compléter l'échange.

Mme Harel: Alors, on va y aller rapidement, M. le Président. Avant de vous poser mes questions, je voulais vous dire que j'appréciais le fait que vous mainteniez vos positions, mais que vous aviez écarté le ton polémique qu'on retrouvait dans le mémoire original, en présentant la synthèse de vos positions. Je pense que cela augure bien dans la discussion qu'on a.

Vous venez, en fait, de répondre à une question que je me posais concernant la péréquation. Je connais relativement bien certaines réalisations, notamment au chapitre des centres de formation populaires et d'un certain nombre d'écoles plus spécialisées et également en termes du personnel professionnel non enseignant qui est mis à la disposition des écoles dans les milieux économiquement faibles. Je veux également vous poser rapidement trois questions, dont une concernant les pouvoirs de l'école. Je lisais dans votre synthèse, à la page 7, je crois, que vous envisagiez de déléguer un certain nombre de pouvoirs aux écoles, si tant est que les pouvoirs des commissions scolaires étaient accrus. Dans votre mémoire original, vous y indiquiez que vous vouliez aller plus loin que ce que vous faites présentement en prévoyant une enveloppe budgétaire globale pour chaque école. J'aimerais savoir où vous en êtes sur cette question. Également, vous demandez... Je sais que vous avez soumis des formules de participation. En fait, ce n'est pas là-dessus que je m'interroge, c'est bien plus sur ces pouvoirs que vous considériez intéressant de déléguer aux écoles. Là-dessus, à proprement parler...

M. Parent (Marcel): Si vous permettez, je demanderais au directeur général de répondre.

M. Rondeau (Jean-Claude): M. le Président, en termes de délégation de pouvoirs, donc de pouvoirs que le directeur d'école reçoit, parce que nous maintenons que les pouvoirs doivent aller au directeur d'école, quitte à ce qu'ils soient partagés par la suite et exercés en collégialité avec les parents et les enseignants, les pouvoirs, comme vous le voyez dans le texte qui vous est remis, sont en matière pédagogique, en

matière de gestion des équipements de gestion financière et de gestion du personnel. Ils couvrent à peu près toutes les sphères d'activité de l'école.

Sur le plan de la gestion financière, ce que nous avons mentionné dans notre mémoire, c'est que nous étudions présentement, en collaboration avec les directeurs d'école, des façons d'aller plus loin. Nous avons déjà une décentralisation budgétaire, en particulier au niveau des écoles secondaires et polyvalentes. Nous cherchons des façons d'aller plus loin tout en sauvegardant un principe de péréquation qui nous permet d'aider davantage les écoles qui sont les plus en besoin. Les directeurs d'école sont partie prenante dans le processus et nous devons aboutir à une solution pour le budget 1984-1985, donc pour le prochain budget.

Mme Harel: Alors, si je comprends bien, lorsque vous nous parlez de déléguer un certain nombre de pouvoirs aux écoles, il faut lire plutôt "aux directeurs d'école". C'est bien le cas?

M. Rondeau: Oui.

Mme Harel: Une autre question, concernant les équipement scolaires. Je m'interroge à savoir si les régions sont actuellement équipées d'une façon similaire. S'il y a du rattrapage à faire, dans quel état se trouveraient les régions à l'aube d'une redivision en commissions scolaires?

M. Parent (Marcel): Je demanderais au responsable du service des équipements, M. Dugas, de vous répondre.

M. Dugas: M. le Président, je ne pourrais vous donner des chiffres exacts quant à la qualité des différents immeubles et au nombre de pieds carrés donnés aux différentes régions. Sauf que je peux vous dire qu'il y a un plus grand nombre de pieds carrés dans la région ouest, la plus défavorisée, que dans les autres régions. Quant aux crédits qui sont accordés pour l'entretien physique de ces immeubles, c'est toujours en fonction de la pondération des élèves et du nombre de pieds carrés. Dans ce sens, la même région bénéficie également d'un type de péréquation.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je termine sur un aspect dont vous avez parlé et c'est sur ce que vous disiez concernant le mandat que vous considériez avoir sur la question de la confessionnalité. Pour vous dire la vérité, je trouve cela assez anachronique d'une certaine façon que ce soit la commission scolaire située dans le territoire le plus cosmopolite du Québec, celui qui dessert une population pluraliste, celui où il se fait sans doute le plus important brassage d'idées, de valeurs, de croyances, d'ethnies, de cultures, donc, je trouve cela un peu anachronique d'une certaine façon que ce soit cette commission scolaire qui, plus que les autres, je pense, insiste pour maintenir le caractère confessionnel de la structure.

Il y a une certaine responsabilité qui est maintenant dévolue à la collectivité québécoise francophone, depuis, notamment, l'adoption de la loi 101 qui, je pense, au chapitre de l'accueil des nouveaux arrivants dans les classes françaises, est assez incontestée chez l'ensemble des francophones du Québec. Il y a une certaine responsabilité qui lui incombe. Vous-mêmes nous disiez recevoir maintenant 15% de votre clientèle scolaire de souche autre que québécoise et avoir dans certaines écoles la présence de sujets de 15, 20, 30 ethnies différentes. C'est un autre aspect beaucoup plus social. Je pense aussi qu'il y a de vos écoles où une majorité des enfants viennent de familles monoparentales. C'est là une autre dimension culturelle très différente. Je me demandais, d'une part, en lisant votre mémoire, notamment à la page 54, si je devais y lire que vous considériez valable et que vous recommandiez le maintien de l'exemption. J'ai cru comprendre que vous étiez satisfaits du processus d'exemption actuellement en vigueur. Je veux savoir si effectivement vous en recommandez le maintien.

D'autre part, je voulais également vous demander si c'est suffisant dans un projet éducatif de s'en référer à un mandat politique au sens du mandat du groupe politique auquel on appartient ou du mandat du programme du groupe politique auquel on appartient. C'est ce que vous sembliez évoquer tantôt.

M. Parent (Marcel): Pas tout à fait.

Mme Harel: Pas tout à fait? Notamment au chapitre du projet éducatif, je pense qu'il y a deux ou trois ans vous aviez, au niveau des commissaires, décidé que le projet éducatif de toutes les écoles devait être un projet éducatif catholique. Est-ce que la dynamique n'est pas inversée? Est-ce que le projet éducatif ne doit pas provenir du milieu? Je ne fais pas la même lecture que vous du projet de loi. Je ne crois pas qu'on écarte, d'aucune façon, l'enseignement religieux. Au contraire, je pense qu'on en assure tout l'exercice. Est-ce que le projet éducatif ne doit pas aller au-delà même du projet de loi, au sens de reconnaître les valeurs religieuses des diverses confes-sionnalités des enfants que l'on retrouve maintenant dans les écoles francophones à Montréal?

Le Président (M. Blouin): M. Parent?

M. Rondeau: Tout à l'heure, M. Parent répondait sous l'angle politique, donc le mandat reçu de la population, et je pense qu'il lui appartenait de répondre sous cet angle-là. Je vais essayer de répondre sur un plan administratif. Comme directeur général d'une commission scolaire, ma fonction est évidemment de planifier les activités, d'élaborer les orientations sanctionnées par les commissaires, etc. C'est également de faire en sorte que la machine administrative fonctionne, donc, concrètement, de régler les problèmes qui apparaissent au niveau des écoles, au niveau des régions ou des services. Je suis, comme quelques-uns le savent, un nouveau directeur général depuis le début du mois de mai. Je dois vous avouer que je n'ai pas à travailler à des problèmes relatifs à la confessionnalité ni à l'enseignement religieux. Je n'ai pas à travailler à ces problèmes parce que les orientations de la commission, les programmes mis en place pour l'enseignement religieux ou l'animation pastorale dans les écoles fonctionnent. Il y a effectivement le régime d'exemption religieuse. C'est extrêmement rare que je doive intervenir pour faire en sorte que les droits des élèves à l'enseignement moral, quand ils le réclament, soient respectés effectivement dans les écoles.

Or, le message que nous vous donnons dans le mémoire, c'est que, quand on a à travailler dans la réalité quotidienne de Montréal, on s'aperçoit que la question de la confessionnalité n'est pas un problème auquel il faut apporter des solutions actuellement. C'est probablement un problème pour des gens qui travaillent à un autre niveau. On peut remercier le hasard qui nous a fait entendre les représentants du département des sciences religieuses tout à l'heure. Il reste que, pour nous, dans notre vécu quotidien, nous n'avons pas à régler ce type de problème.

Donc, comme administrateur de la commission, ma fonction est de rapporter au conseil des commissaires ce qui fait vraiment problème dans le quotidien. Ce qui fait problème dans le quotidien, ce sont la violence, la difficulté d'en arriver à un rendement scolaire équivalent dans certains milieux et l'intégration des allophones. C'est cela le vécu de Montréal. Ce sont là, les problèmes les plus urgents auxquels la commission doit apporter des solutions immédiates. C'est son devoir. Ce ne sont sûrement pas les problèmes reliés à l'exemption de l'enseignement religieux. Si je pouvais vous apporter un exemple: dans une école dont vous aurez l'occasion d'entendre parler - pour ne pas la nommer, Notre-Dame-des-Neiges - quand on regarde l'évolution des statistiques relatives à l'exemption de l'enseignement religieux, le nombre d'exemptés dans cette école diminue depuis trois ans. Il ne semble pas que, dans la pratique quotidienne, ce soit un problème tellement aigu. (17 h 45)

Mme Harel: M. le Président, je termine là-dessus. J'ai lu récemment un excellent travail réalisé au Conseil scolaire de l'île de Montréal traitant du problème d'intégration des enfants d'immigrants dans les écoles des milieux économiquement faibles. Cette étude révélait notamment qu'il fallait, pour faciliter l'intégration de ces enfants, qu'ils s'y retrouvent sur le plan culturel et sur le plan de leur croyance. On pense, par exemple, à des Africains musulmans qui ne mangent pas certains types de viande, il faut que cela soit reconnu par l'école au niveau du service de la cafétéria. C'est très concret, mais il y avait une série d'exemples qui étaient apportés. Vous me répondez sur le plan de l'administration. Je vous repose la question sur le plan pédagogique. Est-ce qu'un projet éducatif peut ne pas tenir compte de la réalité des enfants d'une école? Ce projet éducatif peut-il être éducatif au sens où il ne serait pas réceptif, ne serait pas accueillant aux croyances, aux valeurs, aux cultures des enfants qui sont de cette école, quelle que soit leur confessionnalité, aussi minoritaire puisse-t-elle être? Il ne s'agit pas qu'il y en ait un nombre suffisant, mais je pense qu'une seule personne peut satisfaire au fait qu'un projet éducatif de la majorité peut être réceptif même à cette présence d'une minorité, aussi minoritaire soit-elle.

M. Rondeau: M. le Président, pour parler d'une école où il y a une présence de plus de 80% d'allophones, Saint-Pascal-Baylon, où on retrouve environ 45 ethnies, il y a effectivement un projet d'école qui est en train de s'articuler et qui, nous pensons, respecte les valeurs des différentes ethnies. On n'éprouve pas à Saint-Pascal-Baylon de problèmes particuliers quant au respect des valeurs des communautés asiatiques ou sud-américaines qui se retrouvent dans l'école. La nécessité de respecter ces valeurs est évidente. Nous pouvons constater, dans cette école ou dans d'autres à forte concentration d'allophones, la possibilité pour des catholiques d'avoir un enseignement et un climat conformes à leurs valeurs sans que cela vienne de quelque manière que ce soit en contradiction avec des valeurs et des traits culturels différents.

Le Président (M. Blouin): Ça va, merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer le président de la CECM et les cadres qui l'accompagnent qui ont été, durant plusieurs années, des collaborateurs précieux avec lesquels on a pu mettre sur pied des

programmes extrêmement intéressants dont, d'ailleurs, le ministre de l'Éducation a reconnu la valeur, qu'il s'agisse de l'accueil aux immigrants, du développement du leadership que la Commission des écoles catholiques de Montréal a assumé dans le domaine de l'enfance exceptionnelle ou des enfants en difficulté d'apprentissage comme on les appelle aujourd'hui, qu'il s'agisse des milieux économiquement faibles, enfin, d'une foule de politiques qui, finalement, ont eu une influence sur non seulement la qualité des services offerts à la population de Montréal, mais aussi sur bon nombre d'autres commissions scolaires. Je pense que c'était normal.

Je voudrais revenir sur la question de la division du territoire. On le sait, c'est une question qui revient. On pense au rapport Parent, au rapport Pagé, en 1971-1972, mettez-en tant que vous en voudrez. Je me souviens qu'en 1969 la population étudiante était de 231 000 élèves, si ma mémoire est bonne; elle est présentement de 106 000 élèves. Si le gouvernement devait aller de l'avant avec le projet de loi 40, c'est-à-dire une division linguistique, la CECM aurait une population d'à peu près 86 000 ou 87 000, si je ne m'abuse.

On sait que, depuis longtemps, le ministère de l'Éducation entretenait le dessein de morceler la CECM; on n'aimait pas ce deuxième ministère de l'Éducation, on l'appelait ainsi et ceci nous a été rappelé par un député ministériel, hier, qui trouve qu'il y en a trop, qu'il y en aurait même quatre: le PSBGM, la CECM, les régionales et le ministère lui-même.

Je n'ai jamais exactement compris, surtout au moment où cette commission se retrouverait avec 86 000 élèves... Le ministre nous dit qu'elle est déséquilibrée par rapport aux commissions scolaires qui l'entourent. Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, mais est-ce la raison fondamentale qui devrait nous faire modifier la taille d'une commission scolaire quelle qu'elle soit? Ne devrait-on pas se poser la question fondamentale: Est-ce qu'on va améliorer ou diminuer les services non seulement dans cette commission, mais peut-être dans d'autres, à cause du rayonnement qu'une commission comme celle-là peut avoir? Je pense que c'est cela, la question fondamentale qu'on doit se poser. Non pas pour protéger le statut ou la grosseur de quelqu'un, mais pour savoir si, en réduisant la taille d'une commission scolaire, on va améliorer la qualité des services comme, d'ailleurs, ce devrait être l'objectif de fond avec la loi 40.

Je suis d'accord avec le ministre, il y a peut-être, sur l'île de Montréal - je pense, en particulier, à Verdun, c'est une idée qui me vient comme cela - une commission qui n'a pas suffisamment de ressources. Par contre, elle est plus grande que d'autres hors de Montréal. Il reste qu'on pourrait rétablir un certain équilibre.

À partir du principe qu'il faut que tout le monde soit égal, qu'il faut que tout le monde ait entre 25 000 et 35 000 élèves, il me semble que c'est simplement la poursuite d'un objectif technocratique qui existe depuis des années et qui dit qu'il faut enlever ce qu'on appelait un deuxième ministère de l'Éducation.

D'ailleurs, si les problèmes que cela avait créés avaient été si importants, avaient tellement diminué la qualité des services dans les autres commissions scolaires de l'île de Montréal, il faudrait se dire que, tous ensemble, quelles que soient nos couleurs politiques, à titre de citoyens du Québec, on a été irresponsables parce que cela fait 100 ans que cela dure. Je fais cette remarque parce qu'il faudrait essayer honnêtement de savoir quels sont les objectifs qu'on poursuit quand on parle du morcellement d'une commission scolaire. Ceci étant dit, je voudrais passer à des questions qui devront être limitées.

On parle beaucoup d'écoles communautaires. D'ailleurs, c'était le titre du livre blanc du ministre: Une école communautaire responsable. On ne sait pas encore au juste quelle dimension il faut donner à cette école communautaire, sauf qu'on sait que c'est, entre autres choses, une utilisation de l'école par la communauté environnante, qui ne sera pas nécessairement la communauté qui est dans l'école ou pas en totalité, parce qu'on sait que, dans les écoles polyvalentes, il y a des enfants qui viennent de partout. L'utilisation de leurs équipements. Je voudrais que vous nous disiez quelle a été la politique, eu égard à ce développement d'une école communautaire, qui a été mise de l'avant par la CECM: depuis quand, quels en ont été les fruits et est-ce que le fait de morceler la CECM faciliterait l'utilisation de cette école par la communauté? Cela, dans un premier temps.

Une deuxième question: En référence aux articles 123 et 130 du projet de loi, où on laisserait à l'école l'usufruit des locations qu'elle pourrait faire ou l'utilisation qui pourrait être faite de ses locaux durant ou après les heures de classe, est-ce que ceci vous semble une mesure à favoriser, ou est-ce que cela ne pourrait pas créer un certain déséquilibre au point de vue des ressources des écoles? Au plan administratif, au point de vue des ententes qui doivent être signées, est-ce que ceci pourrait aussi créer des difficultés et rendre plus difficile ce qu'on veut rendre plus facile dans les faits?

M. Parent (Marcel): M. le Président, pour répondre à Mme la députée de L'Acadie, d'abord, je dois vous dire que je suis d'accord avec vous concernant la

première partie de votre énoncé, en ce qui regarde la qualité de vie dans les écoles. Vous nous demandiez, madame, quelles étaient les implications de l'école communautaire, quelle était la politique de la CECM face à l'ouverture de l'école sur le milieu. Je n'ai pas à vous apprendre, peut-être que je vais l'apprendre à certaines personnes, que la Commission des écoles catholiques de Montréal - j'y ai été associé par mon travail professionnel à ce moment-là - a été la première commission scolaire de la province à s'ouvrir réellement sur le milieu. Elle a été la première, en 1953, à préparer les premiers protocoles d'entente avec la ville de Montréal sur l'utilisation des écoles pour fins de loisirs ou d'activités physiques.

Actuellement, le service des sports et loisirs de la ville de Montréal est présent dans une centaine d'écoles environ sur le territoire de Montréal. Des écoles qui sont utilisées à des fins scolaires durant 185 ou 190 jours par année, pendant cinq à six heures par jour, servent à la population pour répondre à leurs besoins d'activités récréatives ou socioculturelles ou communautaires le soir. Il est sûr qu'aucune municipalité n'aurait les moyens, aujourd'hui, de construire ou d'aménager cent centres de loisirs ou cent centres culturels. Par contre, grâce à la collaboration de la CECM avec la ville, celle-ci met ses écoles à la disposition de la ville, au prix coûtant, au moment où elles ne sont pas occupées à des fins scolaires et la ville, parce qu'elle reçoit ces services de la CECM, met à la disposition de la CECM, dans le même ordre, ses arenas, ses patinoires et ses piscines.

En 1973, j'avais le plaisir de siéger à un comité, ici à Québec, qui s'appelait le Comité de concertation municipale et scolaire. Encore une fois, la Commission des écoles catholiques de Montréal et la ville de Montréal étaient appelées, comme organismes-ressources, à mettre sur pied ou à établir un protocole d'utilisation des équipements scolaires pour fins de loisirs. Cela a été l'histoire de la collaboration de la commission scolaire avec la ville de Montréal sur le plan des loisirs et de la culture. Cela a été une façon de s'ouvrir sur son milieu. De plus en plus, on voit des groupements, émanant de différents milieux géographiques ou sociologiques, utiliser nos écoles pour d'autres fins, comme l'animation communautaire, l'éducation populaire, etc.

Dans l'esprit du conseil des commissaires actuels, l'école est une institution communautaire qui se doit de desservir la population dans le sens le plus large du mot. Autrement dit, l'école doit continuer à jouer son rôle d'éducatrice après les heures normales ou conventionnelles de classe.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre intervention, Mme la députée, je demanderais à M. Rondeau d'enchaîner.

M. Rondeau: L'article 130 du projet de loi 40 dit: Les revenus produits par la fourniture de biens ou services à la communauté sont imputés aux crédits attribués à l'école. Je pense qu'on peut tirer de cet article la conclusion que les bénéfices tirés de la location des locaux des écoles pourraient rester à l'école. Quand on examine la pratique de la CECM depuis de très nombreuses années, on s'aperçoit que quelques-unes des écoles sont très favorisées, soit parce qu'elles sont situées à proximité de stations de métro ou que leur disposition est particulièrement avantageuse, ce qui fait qu'elles sont très en demande. Si on devait appliquer ce principe, cela signifierait pour certaines écoles des revenus additionnels de plusieurs dizaines de milliers de dollars par année alors que les écoles qui n'ont pas la chance d'être aussi bien situées ou dont la configuration physique est moins favorable se retrouveraient sans aucun revenu.

Actuellement, à la CECM, les revenus de location sont réunis dans un ensemble et les bénéfices servent à la rénovation physique de l'ensemble des édifices de la commission. Nous pensons que c'est finalement plus juste que de laisser ces revenus à chacune des écoles.

Mme Lavoie-Roux: Au point de vue administratif, on doit signer des ententes. Vous avez une longue tradition. Je voudrais que vous répondiez très brièvement, je vais vous poser deux autres petites questions, au point de vue administratif. Vous signez des ententes avec la ville de Montréal-Nord, c'est là où il s'en fait le plus, c'est presque tout votre territoire. Est-ce que vous avez interprété que les articles 123 et 130 voudraient dire dorénavant des ententes individuelles entre les écoles et la ville de Montréal ou que la ville de Montréal devrait entretenir des relations avec un grand nombre de partenaires, alors que, présentement, tout se fait par l'entremise d'une seule unité administrative? (18 heures)

M. Parent (Marcel): De la façon qu'on l'interprète, c'est qu'avec l'avènement du nouveau projet, les villes auraient à traiter avec chacune des écoles. L'expérience me porte à dire que c'est pratiquement impensable. Voyez-vous un comité d'école ou un commissaire d'écoles qui, pour une raison ou pour une autre, n'est pas sensible aux besoins de l'ouverture de son école dans son milieu communautaire pour la remettre à la disposition du public? Immédiatement à côté il y a un autre comité d'école qui, lui, est très enclin à collaborer. Regardez les négociations, les dizaines de négocations et la lourdeur du processus. C'est l'une des

raisons pour lesquelles on dit que Montréal a des problèmes particuliers que la CECM vit des problèmes particuliers.

Je passe encore le message au ministre et c'est très objectif et très ouvert. M. le ministre, votre projet de loi, ne l'adoptez pas immédiatement; ne l'adoptez pas sans vous concerter encore une fois avec les intervenants, avec la CECM. On est prêt à parler, on est prêt à collaborer, mais Montréal a des spécificités qu'on ne retrouve nulle part en province et il faut en tenir compte dans un esprit objectif. On n'est pas en guerre, personne ici n'a rien à gagner ou à perdre. On remplit un mandat et on veut le faire le plus honnêtement possible. On croit pouvoir vous aider, M. le ministre, on croit réellement pouvoir vous aider en vous alertant et en vous incitant à tenir compte de la réalité montréalaise.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai deux questions qui sont longues; je vais essayer de les faire courtes et j'espère que les réponses seront courtes.

M. Parent (Marcel): Les réponses seront courtes, madame.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un reproche, c'est le temps qui nous presse. La première concerne la participation des parents. Je ne voudrais pas que vous me fassiez tout l'historique de la participation des parents, on a eu l'occasion de le faire ce matin avec votre comité central. Je sais que, l'an dernier ou il y a deux ans, vous avez discuté avec le comité central des parents des modèles de gestion possibles qui auraient permis une plus grande participation des parents. Dans ces modèles de gestion et de participation, y avait-il des pouvoirs de décision que vous accordiez directement aux parents?

Dans la même veine, quoique la question soit différente, je vois ici le directeur de la région nord, qui est le gardien, d'une certaine façon, du projet de l'école-atelier et à qui on accorde une gestion qui, à bien dés égards, est assez similaire à celle que prévoit le projet de loi. Pourriez-vous nous dire quelle évaluation vous en faites du point de vue de la participation des parents et du point de vue d'un modèle qui pourrait être adapté quant à la partie gestion - parce qu'il resterait un projet éducatif particulier - à l'ensemble des écoles de la Commission des écoles catholiques de Montréal?

M. Parent (Marcel): M. Saint-Onge, si vous êtes bref, vous pouvez répondre.

M. Saint-Onge (Florian): II est difficile de répondre brièvement quand ça fait 19 ans qu'on travaille avec des comités de parents. Je suis quand même très heureux de cet exemple. Il ne faudrait pas voir dans mes propos, si on cite l'école-atelier et qu'on rend hommage aux parents qui travaillent à l'école-atelier, qu'il n'y a pas d'autres écoles où les parents sont fort impliqués. Nous avons beaucoup d'écoles où les parents sont impliqués.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que je la connais, celle-là.

M. Saint-Onge (Florian): Cependant, s'il y a une école qui peut ressembler à ce qu'on voit dans le projet, ce sont les parents qui ont voulu réaliser une espèce de projet éducatif pour la pédagogie ouverte; c'est donc dire qu'ils se sont impliqués et que les enfants qui y vont le font par libre choix de l'école. C'est donc un modèle de participation, mais, à ma grande surprise, après avoir encouragé et favorisé la participation des parents depuis 19 ans, il y a une certaine déception chez moi parce que, même à cette école, nous avons des parents qui, après quelques mois, quelques années de participation, trouvent cela essoufflant. C'est là que je me dis que, s'il fallait qu'on soit dans l'obligation d'appliquer dans toutes les écoles un modèle de participation des parents dans le sens qu'on le voit dans le projet, ce serait malheureux. C'est là, je pense, que la CECM a réalisé qu'il y a des parents qui veulent beaucoup s'impliquer. Les uns sont plus capables que les autres et elle a essayé de trouver des modèles différents, et non d'appliquer à l'ensemble des écoles de la CECM un même modèle, d'où, dans le mémoire, vous retrouvez trois modèles possibles.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est à mon tour de saluer le président, M. Parent, les commissaires qui l'accompagnent, mes anciens collègues, et les cadres avec qui j'ai eu le plaisir de travailler durant quelques années. Le mémoire que vous présentez, on ne pouvait pas s'attendre beaucoup à autre chose; ayant été moi-même commissaire chez vous, vous êtes là probablement surtout pour conserver l'acquis que vous avez.

Maintenant, les années portent à réflexion. Lorsque je faisais partie de la Commission des écoles catholiques de Montréal, nous avions cinq régions. Nous sentions également à ce moment le besoin de dégager les responsabilités de ce qu'on appelait la "boîte" dans le temps, la Commission des écoles catholiques de Montréal,

en formant ces régions pour décentraliser la commission, pour essayer de s'approcher de l'utilisateur de l'école, l'enfant. Avec les années, le nombre d'élèves a diminué, on est passé à trois régions plus la région administrative anglophone.

Encore dans le même but, vous vous êtes aussi rendus, si M. Saint-Onge s'en souvient également, aux luttes des régions, pour avoir plus de pouvoirs. Comme décentralisation, je m'aperçois que vous en avez eu un peu plus avec les années. Les directions d'école en ont un peu plus, pas tellement plus, mais plus de consultation cependant, qui se fait surtout au niveau des régions, avec leurs pouvoirs décentralisés. Ce qui me fait comprendre, aujourd'hui, que le temps est venu, pour le parent, d'être proche de son institution. Lorsque vous parliez de diviser la commission en trois, en respectant peut-être les régions, mais en respectant surtout les villes qu'elles représentent, je verrais mal, chez nous, Montréal-Nord divisée en deux: secteur Pie-IX en allant vers l'est et laisser le secteur ouest à une autre commission scolaire.

Tout en respectant l'entité des villes, parce qu'on se dit souvent un gros village, je suis favorable à la loi 40, soit vers une décentralisation. Lorsqu'on voit la commission scolaire de Verdun qui n'est plus capable de s'offrir de services, c'est par le conseil de l'île qui fait une répartition plus juste des richesses de l'île de Montréal, qui peut actuellement aider la commission scolaire de Verdun... On a fait de grandes choses à Montréal par la commission scolaire. Montréal a été longtemps le levier du Québec, à cause de sa grande population. Il n'y a rien qui nous empêche de nous asseoir sur nos lauriers et de dire qu'il n'y a pas besoin de changement.

Le parent, en général, au Québec, exige cette chose: des changements dans les structures. Il faut dire que Montréal s'est développée aux dépens du reste du Québec. Il faut être juste là-dessus. On a développé de grands services à Montréal, mais aux dépens du Québec, d'autres commissions scolaires également; l'opération 55 a voulu que ce soient des commissions scolaires élémentaires et secondaires. Il est temps d'intégrer ces commissions scolaires, de les grossir, pour essayer de leur donner une espèce d'uniformité dans les services tels que ceux que Montréal a pu se donner. Par contre, si on avait, comme revenu d'impôts fonciers, une Place Ville-Marie à chacune des commissions scolaires en province, je pense qu'elles auraient été capables, elles aussi, elles auraient eu le talent de développer des services comparables à ceux des grands centres urbains.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Les questions que j'aurais à vous poser, je vais vous les poser en bloc...

Le Président (M. Blouin): Posez-en...

M. Laplante: ...mais, ce que je regrette, c'est que j'aurais aimé avoir beaucoup plus de temps; mais on n'en a pas.

Le Président (M. Blouin): Oui, mais tenez compte du fait, M. le député de Bourassa, que dans quatre minutes vous devrez conclure.

M. Laplante: Oui. La première question - si vous voulez la prendre en note - vient de la région nord, elle est écrite par le comité de parents: La haute administration n'est pas notre spécialité et nous pouvons faire erreur - c'est ce qu'elle nous dit -mais nous avons l'impression que les économies d'échelle que la CECM peut réaliser sont presque automatiquement engouffrées dans des dédoublements de postes nécessités par le chevauchement de structures inévitable dans une commission scolaire de cette taille. J'aimerais une réponse là-dessus, sur le comité d'école.

Maintenant, vous avez le projet...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, vous risquez de mettre nos invités dans l'embarras. Si vous leur posez une série de questions...

M. Laplante: Non, trois questions seulement et je crois que ce sont des gens qui sont capables d'y répondre.

Le Président (M. Blouin): Je vous demande d'avoir vous-même l'esprit de synthèse si on veut, par la suite, que les réponses fassent preuve de ce même esprit.

M. Laplante: D'accord. Vous avez adopté un projet éducatif chrétien. J'aimerais connaître la consultation qui a été faite et la réflexion des parents sur l'acceptation d'un tel projet.

Ma troisième question touche aussi les projets éducatifs. Pourriez-vous me dire, durant les trois dernières années à la CECM, combien de projets éducatifs vous avez adoptés à la table des commissaires?

Le Président (M. Blouin): Les questions sont relativement précises. M. Parent.

M. Parent (Marcel): M. le Président, avant de répondre, je dois absolument faire deux mises au point. Le député de Bourassa a dit que la CECM et la ville de Montréal s'étaient développées au détriment de la province. Je vous rappellerai que les per capita que l'on reçoit à Montréal sont les

mêmes que partout en province. Comme ce sont des questions de chiffres et de statistiques, je passe la parole à M. Rondeau.

M. Laplante: ...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît!

M. Rondeau: Je vais essayer de répondre brièvement aux questions qui ont été soulevées. D'abord, la question de dédoublement des postes. Le mémoire des parents, ce matin, a bien relevé que le nombre de postes de cadres, de professionnels et de directeurs d'école est inférieur à Montréal comparativement à l'ensemble du Québec. Je pense que cela répond à la question sur le dédoublement des postes.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Rondeau: Deuxièmement, le projet éducatif chrétien. Je ne sais pas à quoi se réfère exactement la question du député. Il y a actuellement à la CECM un processus en marche pour définir les orientations de la présente commission qui a été renouvelée en juin. Les commissaires ont pris connaissance d'un premier document de travail hier soir, les parents seront consultés au niveau du comité central et au niveau des comités régionaux; en ce qui nous concerne, chaque fois qu'il y a des définitions des orientations, les parents sont toujours consultés. Ils ne sont peut-être pas consultés individuellement, mais au niveau de chaque école.

M. Laplante: Non, j'aimerais faire une petite mise au point.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît!

M. Laplante: Je parlais du projet d'avril 1980.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît! Laissez répondre nos invités, M. le député de Bourassa, s'il vous plaît!

M. Laplante: Ils mélangent les deux.

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaîtl M. le député de Bourassa, je vous demande votre collaboration, s'il vous plaît! M. Rondeau, vous pouvez poursuivre.

M. Rondeau: Quant à la troisième question, sur le nombre de projets éducatifs, de la façon que le député pose sa question, c'est impossible d'y apporter des réponses parce que la vie d'une commission scolaire ne se passe pas de cette façon. Les écoles développent des projets qui prennent une allure de plus en plus spécifique, une couleur locale. Dans la majorité des cas, il n'y a aucune nécessité pour les écoles de venir au conseil des commissaires pour faire approuver leurs projets pour une raison fort simple, c'est que c'est conforme aux orientations de la commission.

Donc, comme directeur général, je ne peux pas vous dire si on en a accepté deux ou trois; ce que je peux vous dire, c'est que les projets vraiment spéciaux, comme une école alternative, l'école Lanaudière, qui a été approuvée par les commissaires au printemps, sont des projets assez particuliers pour qu'ils fassent l'objet d'une résolution formelle.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Rondeau. En concluant en quelque trois minutes, M. le député de Viau.

M. Cusano: Non, c'est à lui.

Le Président (M. Blouin): Ah! Très bien. M. le député de Saint-Henri.

M. Cusano: Dans un esprit de très grande collaboration, M. le Président.

M. Hains: Au nom de mon confrère et collègue, j'aimerais vous saluer. Il voulait vous saluer, mais, malheureusement, il n'aura pas le temps de vous parler.

M. Cusano: Bonjour!

M. Hains: Voilà! C'est bref, mais c'est bien cordial.

C'est vrai que vous êtes une grosse commission scolaire, c'est vrai que vous offrez aussi une kyrielle de services des plus variés et des plus utiles. C'est vrai que vous avez des budgets prestigieux, que vous administrez d'ailleurs avec beaucoup de compétence et d'économie, mais laissez-moi vous dire que vous êtes trop beau, trop gros, trop prospère et, comme le dirait M. le ministre, vous créez une distorsion, presque une injustice. Alors, il faut vous diminuer, vous affaiblir, vous amaigrir, vous charcuter pour ne pas porter ombrage aux commissions scolaires ni même au ministère. (18 h 15)

Une voix: C'est vrai.

M. Hains: Alors, je vous le dis franchement, c'est la triste impression que j'ai recueillie de la réponse de M. le ministre, tout à l'heure, à votre intervention. Et, aujourd'hui, vous nous présentez un mémoire qui, vraiment, vous fait honneur et qui se refuse à votre disparition. Nous vous encourageons. Vous rejetez le projet de loi 40 qui vous diviserait et qui pourrait briser tous vos idéaux et vos belles réalisations.

Pour ne pas trop me perdre, parce que le temps est court, j'avais plusieurs petites questions à vous poser; je vais en poser deux très courtes. Dans vos deux réclamations principales, vous demandez une réforme en profondeur de la répartition des pouvoirs. Trouvez-vous que le projet de loi 40 va vous aider dans cette décentralisation? Et, deuxième petite question, vous réclamez une meilleure répartition des ressources. Est-ce que, actuellement, par exemple, vous pouvez dire que, par manque de ressources, vous devez vous priver de certains services? Et pensez-vous que la loi 40 va améliorer votre situation?

Le Président (M. Blouin): M. Parent.

M. Parent (Marcel): II est certain, M. le Président, que les commissions scolaires, dans tout le Québec, pas seulement nous, manquent de ressources actuellement. L'éducation coûte cher. Lorsqu'on a perdu notre pouvoir de taxation, on a perdu notre liberté d'action. On est devenu, comme on le dit dans notre mémoire, une sorte de succursale du ministère de l'Éducation et on est sujet à le devenir encore plus.

M. Hains: J'ai posé mes deux questions.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Alors, M. le député de Saint-Henri, vous nous avez démontré qu'on peut à la fois être bref et bien exprimer ses opinions. Sur ce, je remercie les représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal de leur importante participation à nos travaux. Et nous suspendons nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise de la séance à 20 h 7)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous allons donc procéder dès maintenant à l'audition du groupe dont le nom est le Comité de parents de la région 1 de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal. Puisqu'il a été convenu que nous allions consacrer un heure trente à la fois à la présentation de votre mémoire et aux échanges entre les membres de la commission, je vous demande donc, comme c'est la coutume, de procéder à votre présentation d'une vingtaine de minutes après vous être identifiés.

Comité de parents de la région de la CEPGM

M. Savard (Serge): M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, le Comité régional de parents des écoles françaises de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal vous remercie de l'avoir invité à cette commission. Mon nom est Serge Savard. Je suis conseiller spécial au comité régional de parents et délégué à la Fédération des comités de parents de l'île de Montréal. Je vous présente, à ma gauche, Mme Lucie Filion, présidente du comité régional de parents et commissaire parent à la commission scolaire; à sa gauche, M. Georges Halasz, vice-président du comité régional de parents, et Mme Renée Azoulay, qui, avec M. Halasz, compte parmi les doyens de la participation aux structures parentales de la commission scolaire; enfin, à ma droite, Mme Colombe Duclos, secrétaire du comité régional de parents.

M. le Président, ce n'est pas sans heurts que les parents du secteur français de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal sont parvenus à cette commission parlementaire. Les difficultés que la commission scolaire a créées depuis le dépôt du projet de loi ne se comptent plus et l'analyse de ces difficultés risque de relever du vaudeville.

Nous tenons à préciser, afin qu'il n'y ait aucun malentendu, que le présent mémoire se veut un complément à celui qui sera présenté par le comité central de parents de la commission scolaire, qui fera sa présentation dans les prochains jours.

Nous tenons à préciser que le présent comité régional de parents véhicule la pensée des parents francophones dits, pour des besoins administratifs, protestants, sans qu'ils le soient au plan religieux, faute d'avoir reçu l'agrément de la part du comité central de parents, qui a pris à son compte le point de vue des seuls parents anglophones ou des parents sincèrement protestants. Cette précision ayant été apportée, je laisse la parole aux élus des comités d'écoles françaises de la CEPGM.

Mme Filion (Lucie): M. le Président, nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez, par cette commission parlementaire, d'exprimer notre inquiétude face à la menace que laisse planer le piétinement de la confessionnalité et son articulation à l'intérieur de nos écoles.

Souvent avez-vous entendu tonner très fort les ténors des partisans de la confessionnalité, et peut-être en êtes-vous venus à la conclusion que ces derniers reflétaient le voeu général de la population québécoise. Oui?

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse. Je vous ai induite en erreur tout à l'heure. La période de temps qui sera allouée à la présentation et aux échanges est d'une heure.

D'accord?

Mme Filion: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse.

Mme Filion: II nous a été donné de constater que certains de ceux-ci étaient au nombre des élus des très peu populaires élections scolaires du printemps dernier. Nous, nous n'aurons pas la prétention de parler au nom de tous ceux qui n'ont pas appuyé, malgré les multiples occasions qu'ils ont eues, les groupes ultramontains ou confessionnalistes des plus modérés aux plus intégrateurs. Non, M. le Président, nous ne vous déposerons pas de pétition constituée fondamentalement de feuilles de présence d'assemblées publiques tenues à droite ou à gauche au cours des douze derniers mois.

Non, M. le Président, nous ne représentons aucun abbé, moine, prêtre, rabbin ou évêque, fût-il québécois. Les gens que nous représentons sont de simples parents intéressés à l'avenir de leurs enfants et conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de la société québécoise, des gens qui, avant même d'être membres d'une secte religieuse, fût-elle catholique, sont d'abord et avant tout des citoyens. D'ailleurs, nos gens revendiquent le titre de Québécois à part entière alors que plusieurs d'entre eux ne sont encore qu'en instance de naturalisation canadienne.

Ainsi, vous comprenez que nous représentons bon nombre de Néo-Québécois qui n'en croient pas leurs yeux lorsqu'ils constatent l'interdépendance de l'État et des Églises dans l'élaboration d'un système d'écoles. Ces Néo-Québécois sont du nombre de ceux que le chapitre de la langue d'enseignement de la Charte de la langue française a réunis dans le secteur français de la très anglophone Commission des écoles protestantes du grand Montréal. Ceux-ci sont donc d'une nouvelle vague de nouveaux arrivants qui ont peu de chose en commun avec ceux qui les ont précédés.

On se souviendra que les premiers nouveaux arrivants en ce pays avaient souvent quitté des contrées plus hostiles à la question religieuse. Le Canada représentait alors une terre d'accueil et de liberté. Ainsi, ils pouvaient, au Canada, laisser libre cours à tous les élans religieux inadmissibles en leur pays d'origine.

Après ces conflits mémoraux des XVIIIe et XIXe siècles, ceux qui avaient à quitter ces pays pour des convictions religieuses l'ont fait. Ils ont développé un système d'écoles imprégné de confessionnalité alors que dans leur pays d'origine la société se constituait sur de nouvelles bases. Nous savons qu'en notre pays les choses à ce sujet sont demeurées statiques depuis plus d'un siècle comme si le temps s'était arrêté.

Pendant ce temps, la plupart des pays du monde ont évolué sur cette question et ce, depuis deux siècles jusqu'à nos jours. Ainsi, de nos jours, les nouveaux arrivants sont riches d'une expérience qu'il nous tarde de conquérir. Lorsqu'on vient d'une contrée où le temporel s'est "sécularisé" du spirituel depuis des générations, c'est un retour dans le temps que nous offrent les États canadiens. Non pas que le folklore nous répugne mais, de là à en faire notre lot quotidien, non merci! Tout être évolué, lui, répugne à revenir en arrière à l'époque de ses balbutiements.

M. le Président, les gens que nous représentons n'ont peut-être pas de longues traditions ici au Canada, ils ont cependant un passé marqué de sacrifices humains qui ont tracé la voie de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Leurs traditions sont marquées du signe du respect de tous les hommes, peu importe leur nombre, peu importe leur race, peu importent leurs convictions religieuses, toujours il leur sera assuré la liberté d'expression, la liberté de pensée, la liberté de conscience.

Malheureusement, au même moment où il était question en Europe de la reconnaissance de la liberté de pensée, ici, on mettait en garde la population contre le fléau européen et, pour s'en préserver, on faisait inscrire dans le temps et dans l'espace, dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, des garanties d'être toujours préservés du laYcisme, de l'expression de la liberté de conscience. Alors qu'on soulignait le centième anniversaire du siècle des lumières, on se payait ici un autre siècle d'obscurantisme.

Malgré la Déclaration universelle des droits de l'homme, on se permettait de reconduire, comme si de rien n'était, des lois sectaires en matière d'éducation. Même après avoir constaté que nous n'avions pas le meilleur système d'éducation au monde, alors que nous n'avions même pas de ministère de l'Éducation, on s'est permis d'en avoir un sous condition: à la condition qu'il ne soit qu'en partie responsable de sa charge, à la condition qu'il soit chaperonné par un conseil biconfessionnel de l'éducation et à la condition que les comités confessionaux soient les maîtres d'oeuvre de l'enseignement québécois. Il ne manque que le sacre du ministre par un illustre archevêque et nous aurions tout du Moyen Âge.

Et on se demande pourquoi les nouveaux arrivants ont du mal à s'intégrer dans ces conditions! Il fut un temps où la croyance était que 1'evangelisation des peuples était l'oeuvre de la civilisation. Il fut un temps où la croyance était que la religion était gardienne de la langue. Aujourd'hui, la croyance est que le système confessionnel est le phare de la culture. Nous, nous sommes civilisés, nous fréquentons

des écoles françaises ici, au Québec; nous n'avons aucun doute sur nos composantes culturelles. Aucune croyance ne pourra nous convaincre du bien-fondé de la limitation de la liberté de conscience. Nous ne croyons pas que la liberté de conscience soit exclusivement réservée aux catholiques et aux protestants de cette province. Nous ne croyons pas que la liberté de conscience soit garantie par la liberté de religion.

M. le Président, comment pourrait-on alors prétendre à la liberté de conscience si c'était le cas pour les groupes autres que les catholiques ou les protestants, si ceux-ci peuvent s'offrir à leurs frais un enseignement religieux particulier? Également, comment pourrait-on assurer la liberté de conscience chez ceux qui n'ont aucune foi religieuse, si celle-ci devait passer par l'enseignement religieux? Quel enseignement religieux conviendra à ceux qui se définissent librement comme athées, de même que quelle formation morale? Comment concilier la liberté de conscience, la liberté d'opinion, la liberté de pensée et le programme national de morale?

M. Halasz (Georges): Nous profitons de l'occasion pour raviver certains éléments de base de sémantique. Dans certains milieux intéressés, on aime croire que le terme "protestant" inclut tout groupe autre que catholique romain. Ainsi, on se gargarise de l'ouverture que font les protestants aux athées, aux agnostiques, aux religions indiennes, asiatiques, africaines ou polynésiennes. On encense le tout d'une bible commune ou, à tout le moins, de certains passages communs. Rien n'est plus ridicule que de se piquer du fait qu'on compte en son sein bon nombre de protestants non croyants. Sans doute cherche-t-on une équivalence au désormais célèbre catholique non pratiquant. De plus, pourquoi prévoir un enseignement religieux particulier aux frais de certaines communautés autres que catholiques ou protestantes, si ces communautés sont incluses dans le groupe protestant qui jouit de la générosité de l'État pour son enseignement religieux?

Nous comprenons qu'il existe trois groupes distincts aux termes de la législation sur l'éducation: les catholiques, les protestants et les autres. Les autres, M. le Président, nous en sommes. À ces autres, on propose une école commune et responsable. Dans cette école, ces autres auront obligatoirement à choisir entre l'enseignement religieux, catholique ou protestant, ou un cours d'enseignement moral, catholique ou protestant, ou se payer un cours d'enseignement d'une religion particulière tout en s'assurant d'atteindre les exigences notionnelles et les objectifs catholiques ou protestants. Est-ce cela qu'on appelle la liberté de religion ou, mieux encore, la liberté de conscience? Ces autres pourront constituer la majorité et faire en sorte que cette école demeure "civique", ou former la minorité et se retrouver dans une école confessionnelle, catholique ou protestante. À moins que le statut confessionnel de l'école n'en soit qu'un de façade, il est à prévoir que ces autres soient soumis au prosélytisme catholique ou protestant à l'intérieur des écoles activement confessionnelles. Ces autres, même à l'intérieur d'écoles qui auront par choix rejeté l'étiquette confessionnelle, devront tolérer l'action missionnaire des services de pastorale, si un seul catholique signale sa présence, ou l'animation religieuse, si un protestant en fait la demande. Est-ce cela la liberté de religion? Et ces autres devront se satisfaire des programmes d'enseignement dits profanes dans la mesure ou ceux-ci sont en accord avec la vision du monde et de l'homme des catholiques et des protestants. Est-ce cela qu'on appelle le droit à l'instruction? La liberté de pensée est-elle sauvegardée? Qu'advient-il de la liberté de conscience? On invoque souvent que l'on vit dans un contexte nord-américain où l'anglais est nécessaire pour jouir de toutes les chances. N'est-ce pas moins vrai pour la nécessité de recevoir la même instruction, sans nuance, que nos voisins du Sud? Non, M. le Président, nous ne croyons pas à la nécessité pour la société québécoise de nuancer le contenu de la science et de la connaissance pour que celles-ci s'ajustent aux valeurs d'une religion particulière. Nous ne croyons pas que l'ensemble des Québécois exige ce type de nuance propre aux sociétés totalitaires. Si l'on croit à la liberté de conscience, à la liberté d'opinion et à la liberté de pensée, on doit permettre le libre accès aux connaissances quelles qu'elles soient.

En accord ou pas avec quelque croyance que ce soit, ce droit, nous croyons l'avoir et nous voulons qu'on le respecte enfin. Nous croyons aussi que ce droit n'a jamais fait l'objet d'un renoncement des Québécois. Il est grand temps qu'on le leur accorde.

Mme Azoulay (Renée): En conclusion, nous revendiquons de toutes nos forces le droit à la liberté de conscience. Cette liberté comprend la garantie que nos écoles québécoises se consacreront à l'enseignement des sciences et des arts propres à notre siècle, qu'aucune doctrine religieuse ne sera suggérée sous la forme d'un quelconque prosélytisme subtil, qu'on respectera le sérieux de la conception de l'athéisme, de l'agnosticisme, du théisme ou du polythéisme, en évitant tout commentaire relatif à ces philosophies. Quant à la connaissance de ces phénomènes, il peut faire l'objet d'un cours proprement profane se rapprochant davantage

des sciences sociales que des dites sciences de l'homme. Qu'on introduise à l'horaire un cours déconfessionnalisé du développement des sciences sociales et on atteindra tous les objectifs consciemment ou inconsciemment poursuivis en matière de civisme, de sens moral et de l'homme responsable, sans introduire la théorie que tous ces facteurs existent en fonction d'une cause première qui serait d'ordre spirituel alors que le seul sens social suffit.

Nous croyons que le Québec n'inventera rien en ce domaine. Nous devrons, comme le restant de l'humanité qui a évolué dans la même direction, instituer une école commune à toutes les dénominations présentes dans la population en éliminant toutes les caractéristiques propres à seulement une d'entre elles ou à quelques-unes seulement. C'est ce qu'on appelle la déconfes-sionnalisation. Nous réclamons donc la déconfessionnalisation de l'école, de la commission scolaire, du ministère, des programmes et de l'enseignement, que tout soit mis en oeuvre afin que commence une ère où l'on se consacrera à l'instruction de nos enfants et que cet enseignement soit couronné de l'éducation du sens social. Nous savons qu'un programme cohérent en ce sens ne commencera que lorsque le législateur aura pris les dispositions nécessaires afin de réaliser toute cette déconfessionnalisation et de tracer les premiers jalons de la laïcisation de l'enseignement primaire et secondaire public. Ainsi, nous espérons que cette restructuration sera en opération avant que nos enfants atteignent des niveaux postsecondaires. Vous n'avez donc, M. le Président, pas plus de temps que nous en cette matière et nous sommes conscients que tous les éléments sont réunis pour parler d'un caractère d'urgence. Nous espérons que votre niveau de conscience et celui de vos collègues sont aussi élevés que le nôtre. C'est pourquoi nous vous avisons que nous n'accepterons pas un rapport de la mise en place d'un système d'enseignement primaire et secondaire public et commun à tous les Québécois et non pas à l'école qu'on nous propose, soit une école commune à certaines classes de Québécois seulement. Nous n'accepterons plus d'être traités comme des "autres" parce que nous ne sommes pas convertis à l'une ou l'autre des religions nationales. Le seul fait de constater que plusieurs des nôtres sacrifient le confort linguistique pour bénéficier de la paix confessionnelle devrait vous indiquer le sérieux du problème. Ces gens, vous le comprenez, ont choisi de mettre à l'abri leurs enfants et que ce seraient eux, parents, qui lutteraient contre les éléments contre-culturels de leur identité. Cependant, nous savons que ces parents se lassent de jouer les sacrifiés, surtout s'ils constatent que l'état des choses est dû à l'abandon du ministre face à ses responsabilités.

C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes venus vous demander de faire votre part avant qu'il ne soit trop tard. Nous voulons que nos enfants bénéficient d'un système d'enseignement primaire et secondaire laïc, public et commun à tous les Québécois sans le sacrifice linguistique des parents.

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, merci. M. le ministre, vous avez la parole et je rappelle aux membres de la commission, pour éviter que certains n'en soient surpris, que chaque formation politique disposera de vingt minutes environ pour procéder aux échanges avec nos invités. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le comité de parents du secteur français de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal pour le mémoire qu'il nous a présenté, un mémoire franc, vigoureux et parfois même acéré. Vous êtes des tenants de la déconfessionnalisation complète de notre système scolaire. Un certain nombre de groupes, avant vous, sont venus défendre la même position. J'ai à la mémoire, par exemple, la Centrale de l'enseignement du Québec; cet après-midi, le département des sciences religieuses de l'UQUAM; et, même hier, l'Église unie du Canada.

Vous reprenez en partie leurs arguments et vous en ajoutez d'une teneur aussi élevée mais qui, aussi, on le sent à votre ton, confine parfois à la polémique. J'ai reconnu chez vous des accents qui me faisaient penser à Rivarol ou à Valdombre parfois, des accents qui témoignent de votre impatience et de votre angoisse. Je le comprends un peu à la lumière de cet historique bref, mais senti, auquel vous avez fait allusion. D'abord, le nombre de parents français à la Commission des écoles protestantes du grand Montréal ne cesse d'augmenter. C'est un résultat de la nouvelle politique d'intégration aux écoles françaises de la plupart des nouveaux arrivants au Québec. Vous nous avez bien décrit le périple qui les a amenés de leur pays d'origine jusqu'ici, avec les valeurs et les croyances qu'ils véhiculent et leur désarroi de se trouver dans des conditions telles que celles qui existent ici au Québec sur le plan des structures confessionnelles que nous avons. À cet égard, je suis, bien sûr, porté à comprendre les raisons que vous transmettez en leur nom.

Il y a aussi d'autres groupes auxquels vous avez aussi fait allusion et qui, eux, ne sont pas de nouveaux arrivants mais qui, pour des raisons personnelles d'authenticité, préfèrent abandonner un secteur auquel ils iraient naturellement sur le plan linguistique pour aller vers un autre ou au profit d'autres valeurs qui leur sont plus essentielles.

J'apporte donc une grande attention à vos interrogations et aux positions qu'elles vous amènent à prendre. Il reste cependant qu'il me semble que, emportée par vos convictions, vous faites une lecture de certains articles du projet de loi no 40 qui, à mon avis, ne correspond pas à la portée réelle de ces articles.

Vous affirmez par exemple que ces parents "autres" dont vous parlez auront obligatoirement à choisir entre l'enseignement religieux catholique ou protestant ou un cours d'enseignement moral catholique ou protestant. Je ne pense pas que ce soit dans le projet de loi. Le projet de loi parle bien d'un choix entre un enseignement confessionnel catholique ou protestant et un enseignement moral qui n'est pas qualifié sur le plan confessionnel, en aucune façon. D'ailleurs, si vous regardez les programmes actuels d'enseignement moral du ministère, il n'y a pas de référence à une confession religieuse déterminée, identifiée.

Le projet de loi 40 va dans le même sens; il fait obligation à l'école d'offrir à tout élève le choix entre l'enseignement confessionnel et l'enseignement moral, mais non d'offrir un enseignement moral religieux. Dans cette perspective où les choses sont remises à l'endroit, ne croyez-vous pas que le projet de loi offre quand même à l'école la possibilité réelle d'intégrer les valeurs de ces nouveaux arrivants dont vous parlez dans votre mémoire?

Le Président (M. Blouin): M. Savard.

M. Savard: M. le ministre, nous tenons à vous mettre en garde devant l'illusion que provoque l'option de l'enseignement moral. Au cours de la journée, un groupe de l'Université du Québec est venu précisément confirmer ce que nous avons constaté, parce que nous sommes des non-catholiques et des non-protestants ou nous avons des affinités avec ceux-ci, à savoir que l'enseignement moral découle des valeurs religieuses. (20 h 30)

Si le projet de loi s'était rapproché de l'expression éthique, nous serions peut-être plus sympathiques à la signification qu'on voudrait en donner. Cependant, nous avons la conviction que l'enseignement moral qui émane du ministère est compatible avec les valeurs judéo-chrétiennes, mais aucunement compatible avec des valeurs qui ne seraient pas judéo-chrétiennes. Parce que le ministère n'est pas déconfessionnalisé, parce que le ministère, que je sache, n'a pas de service spécialisé en valeurs non judéo-chrétiennes, mais s'est toujours limité à ses valeurs, il n'a pas produit de programme d'enseignement moral autre que judéo-chrétien. C'est le premier aspect qu'on constate.

On reconnaît que le ministère fait ses premiers pas sur cette voie. Il semble difficile de produire un programme satisfaisant parce que, au départ, le ministère produit des choses à partir d'un personnel sélectionné en fonction de ce que le ministère produisait dans le temps, c'est-à-dire des programmes confessionnels.

L'autre aspect de la question qui est très important, c'est le fait que dans le secteur français de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal nous avons connu, dans le passé, le régime des écoles laïques. Nous nous en souvenons et si ce secteur fut, jusqu'à un passé récent, très accueillant, c'est parce qu'il se caractérisait au plan factuel de son laïcisme, ne gardant l'étiquette confessionnelle que pour la légalité, ou pour l'administration, ou pour des raisons qui n'atteignaient pas l'enfant.

Nous regrettons que sans le projet de loi 40, mais peut-être à cause du projet de loi 40, nos écoles se confessionnalisent de plus en plus à l'insu des parents très souvent. Cela se fait sur une base progressive comme c'est la coutume, c'est-à-dire à partir des plus bas niveaux de la scolarité et en progressant chaque année. Alors, nous assistons sous le régime actuel à une confessionnalisation du système qui ne l'était pas dans le passé. Par contre, nous avons été incapables de constater dans le projet de loi 40 qu'il proposait une moindre confessionnalité que celle présente dans la loi actuelle. Au contraire, nous constatons qu'il y a des obligations des écoles d'offrir des services qui ont parfois un caractère collectif, lorsqu'on retrouve la présence de certaines classes confessionnelles. Mais ce que la loi nous force à faire, c'est à nous mélanger à des groupes dont nous avions eu l'occasion de nous dissocier dans le passé. Nous appréhendons très prudemment ce mélange qui ne s'était pas fait dans le passé et que la loi nous forcerait à faire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Savard. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les membres de la région 1 du PSBGM pour leur présentation. Pour mieux comprendre le groupe que vous représentez, voudriez-vous expliquer l'organisation du PSBGM? Est-ce que la région 1 du PSBGM représente uniquement les écoles françaises de la commission et combien d'écoles y a-t-il dans cette région? Pour mieux comprendre votre point de vue, vous pourriez nous décrire la composition, l'origine ethnique, l'allégeance confessionnelle, le groupe et les parents qui fréquentent les écoles de la région 1.

M. Savard: Je vais vous donner une réponse qui sera complétée par la présidente de la région. Je trouve très intéressant que vous demandiez ce que sont les structures

parentales de la commission scolaire. Vous demandez si ce sont des structures parentales?

Mme Dougherty: Non, non. Je crois qu'il y a plusieurs régions.

M. Savard: Oui.

Mme Dougherty: J'ai été à la commission scolaire, mais on a changé les régions depuis mon départ il y a deux ou trois ans. Est-ce qu'on a regroupé toutes les écoles françaises dans une région?

M. Savard: Oui.

Mme Dougherty: Est-ce la région 1?

M. Savard: Oui. La région 1 regroupe toutes les écoles officiellement françaises de la commission scolaire.

Mme Dougherty: Combien d'écoles y a-t-il dans cette région?

M. Savard: Nous comptons dix-sept écoles françaises, dont deux diffusent un enseignement en français et en anglais.

Mme Dougherty: Élémentaire et secondaire. Ce sont les écoles aux deux niveaux.

M. Savard: Nous avons quinze... Pardon?

Mme Dougherty: II y a des écoles de niveau élémentaire...

M. Savard: Oui, il y a des écoles élémentaires.

Mme Dougherty: ...et secondaires.

M. Savard: Et des écoles secondaires. Nous manquons d'écoles secondaires. Cependant, nous avons deux écoles entièrement secondaires et une qui regroupe les niveaux de l'élémentaire et du secondaire. Nous comptons quatorze écoles strictement primaires.

Mme Dougherty: Merci. Quant aux enfants qui fréquentent ces écoles, voudriez-vous nous donner un portrait de leur origine, de leur allégeance religieuse?

M. Savard: Si vous avez été présidente de cette commission scolaire, vous vous souvenez de ce qu'étaient les choses à cette époque et cela n'a pas tellement changé. La commission scolaire ne diffuse pas le pourcentage de gens qui sont protestants par rapport à ceux qui ne le sont pas. C'est une politique de la commission scolaire de garder ces données strictement confidentielles. Alors, je ne peux vous répondre à ce sujet.

Mme Dougherty: Non. Je ne demande pas des chiffres, mais seulement une idée parce que...

M. Savard: II faut quand même des chiffres pour émettre des pourcentages. Les parents se sont souvent butés à un mur d'obstination de la part de la commission scolaire à ne pas révéler s'il était exact, par exemple, qu'il y a moins de 35% de réels protestants à la commission scolaire. On s'est limité à nous dire que ces chiffres sont strictement confidentiels.

Mme Dougherty: Oui, mais c'est simplement parce que dans votre mémoire vous avez parlé des nouveaux arrivants. Simplement pour mon information personnelle, pour mes collègues ici et pour le public qui nous regarde, j'aimerais savoir si on peut classer la plupart des enfants qui fréquentent ces écoles comme des nouveaux arrivants, des Néo-Québécois.

M. Savard: Oui. Les nouveaux arrivants représentent 80% de notre secteur. En ce qui concerne les nouveaux arrivants, au plan ethnique, vous savez qu'on a une très forte communauté asiatique qui est nouvellement arrivée. Sur le plan de la confessionnalité, par déduction, vous savez que les religions catholique et protestante en Asie représentent 0,5%. À moins que le gouvernement canadien ne sélectionne 100% de ses immigrants parmi ce 0,5%, il y a de fortes possibilités que 99,9% de ceux-ci ne soient ni catholiques, ni protestants.

Mme Dougherty: Prochaine question, est-ce que votre mémoire est le résultat d'une large consultation auprès des écoles de la région 1?

M. Savard: Le mémoire est le fruit d'une consultation des délégués des écoles depuis juillet dernier. Les délégués ont d'abord été amenés à prendre connaissance du projet de loi. Nous sommes fiers de dire que nous sommes la seule région à avoir procuré le projet de loi à nos parents, bien que c'était l'été et malgré qu'on ait prétexté que les parents n'avaient pas le temps durant l'été de s'occuper de cette question. Dès juillet, les délégués d'école ont été amenés à prendre connaissance du projet de loi; ils ont été chargés de consulter les parents au cours de l'été. En septembre, malgré que nous ayons constaté que le CCP avait procédé à la rédaction de son mémoire, nous avons pris connaissance du mémoire du CCP. Nous avons constaté que le CCP véhiculait très bien le point de vue des anglophones, véhiculait très bien le point de vue des protestants, mais ne véhiculait pas du tout le point de vue des non-protestants ou encore des non-anglophones.

La région, compte tenu du délai qu'il nous restait, s'est mise en marche rapidement et a fait une consultation. Vous pourriez poser la question à la députée de Maisonneuve, qui est un parent de notre secteur et qui est témoin du type de consultation qui s'est faite. Dans certaines écoles, c'était l'assemblée générale de tous les parents; on ne se limitait pas au comité d'école pour se prononcer sur ce genre de question. La majorité des écoles de notre secteur se sont prononcées contre la confessionnalité. Cependant, compte tenu qu'il existait une minorité qui appuyait la confessionnalité, le comité régional a été forcé de constater qu'il y avait des caractéristiques. Entre autres caractéristiques, la déconfessionnalisation s'est manifestée dans les écoles regroupant je le précise bien - une vaste concentration de parents francophones dits protestants par la commission scolaire. Dans les deux écoles qui se sont prononcées pour la confessionnalité, ce sont - nous leur reconnaissons ce droit, le CCP véhicule très bien leur pensée - des écoles de parents anglophones ou encore de parents nettement protestants.

La région ne véhicule pas cette position, non pas parce qu'elle ne l'accrédite pas, mais la région ne compte pas présenter en duplicata une position qui est très bien véhiculée par un autre organisme. La région a pris à sa charge les laissés pour compte par le CCP et la commission scolaire.

Mme Dougherty: M. Savard, je vous ai posé cette question parce qu'il y a quelque chose qui me concerne. J'ai reçu une communication, un résumé, un compte rendu d'une réunion du 12 décembre; c'est une réunion où les dix présidents des écoles de la région 1 étaient présents soit les écoles de Willowdale, Ogilvie, FACE, Tétreaultville, Barclay, Iona, Maisonneuve, Westminster, l'Ile des Soeurs et Van Horne. J'aimerais en lire un petit extrait: "Les présidents des comités d'école présents à la réunion sont arrivés au consensus suivant: le mémoire concernant le projet de loi 40 envoyé à la commission parlementaire au nom de la région 1 a été envoyé à l'insu des comités d'école de la région 1." Je regrette, je n'aimerais pas vous embarrasser, mais je crois' que je n'assumerais pas mes responsabilités si je ne dévoilais pas cette information; je le fais pour renseigner mes collègues, parce que je crois qu'il faut établir clairement pour cette commission parlementaire le statut de votre représentativité. J'aimerais vous demander, comme résultat de cette résolution des présidents, des vice-présidents des écoles de votre région, si vous avez élargi la consultation pour mieux refléter leurs opinions.

(20 h 45)

M. Savard: Oui, Mme la députée. Vous avez bien fait, compte tenu de votre position, de ne lire qu'en partie l'extrait du procès-verbal que vous citez, parce que, si vous le lisez en entier, vous constaterez que c'était une réunion à huis clos des seuls présidents des comités d'école, présidée par le président de la commission scolaire. Cette réunion avait été convoquée par le président de la commission scolaire, M. Butler. Au cours de cette réunion, je ne sais pas à quel point de l'ordre du jour cela est apparu, mais M. Butler s'est engagé à agréer - je ne sais pas si le procès-verbal en fait mention -favorablement toute demande provenant d'un comité d'école si celle-ci était adressée directement à la commission scolaire sans passer par les structures parentales. Ceci m'amène à déposer un document qui est une lettre d'un officier de la commission scolaire, Mme Gaby Ostro qui invite très fortement les parents à se dissocier du mémoire de la région 1, C'est une lettre en date du 12 janvier 1984. De plus, cette lettre est accompagnée d'une deuxième lettre qui invite les comités d'école à agir, comme l'école Barclay, le président de l'école Barclay, qui incite les gens à se dissocier d'une action en justice intentée par le comité régional de parents pour faire reconnaître ses droits comme comité régional de parents. Je vous informe qu'aucune action en justice n'est intentée jusqu'à maintenant. Tout ceci est possible dans la mesure où ces actions sont entreprises par la commission scolaire en s'assurant que les parents puissent en être absents en convoquant des réunions à huis clos et surtout en s'assurant que les représentants et les délégués des comités d'école soient eux-mêmes absents afin qu'on puisse dire n'importe quoi ou répéter n'importe quoi, allant jusqu'à dire que la région 1 a intenté une action en justice. Il me semble que c'est quelque chose de facilement vérifiable.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Je n'aimerais pas poursuivre le débat, parce que je ne suis pas au courant de tous les faits de la situation, c'est évident. J'ai simplement reçu cette communication et j'ai pensé que c'était mon devoir d'établir les faits de la situation dans la mesure où je pourrais le faire.

J'ai simplement une question, M. Savard, ou peut-être Mme Filion ou les autres membres du comité. Je me demande pourquoi vous avez choisi le PSBGM, si vous avez eu tant de problèmes avec son orientation sur le plan confessionnel?

Mme Filion: Je peux vous dire que,

jusqu'à un passé récent, nous n'avions pas de problème confessionnel à cette commission scolaire, du moins dans nos écoles, parce que, dans son esprit d'ouverture, sachant qu'il y avait des enfants ou des parents de différentes ethnies et de différentes religions, on n'imposait pas d'endoctrinement, il n'y avait pas d'enseignement religieux ni de morale protestante dans nos écoles. Je dis bien jusqu'à un passé récent, parce que, depuis 1980 ou 1981, si je ne m'abuse, on est en train de réimposer de façon obligatoire le cours d'enseignement moral et religieux dans nos écoles.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Filion: Si vous lisez la dernière partie du mémoire, vous vous rendrez compte que nos enfants bénéficient de la liberté de conscience, mais que nous, les parents, nous sommes préjudiciés au plan linguistique.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Filion. Oui, M. Savard.

M. Savard: J'aimerais signaler à Mme Dougherty que, depuis son départ de la présidence de la commission scolaire, certaines choses ont changé, comme l'aspect confessionnel. Nous regrettons amèrement votre départ et nous espérons qu'à cette commission parlementaire, vous agirez dans la même voie que celle que vous empruntiez lorsque vous étiez présidente de la commission scolaire.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Mme la députée de Maisonneuve, en vous rappelant que vous disposez d'une dizaine de minutes.

Mme Harel: Très bien. Le secteur, la région que vous représentez est en croissance d'effectifs. Que je sache, chaque année, des écoles nouvelles sont ouvertes et, chaque année, je pense notamment que le secteur secondaire acquiert le maximum d'élèves et demande l'ouverture de nouvelles écoles. L'exemple que je peux apporter est sans doute celui de l'école Maisonneuve qui, jusqu'en 1979, je crois, était unilingue anglophone; par la suite, elle a dispensé l'enseignement en anglais et en français; maintenant, elle est unilingue francophone. Il y a bien des raisons qui militent en faveur des choix. Dans votre mémoire, je tiens à vous dire que vous ne plaidez qu'un aspect, je pense, du dossier. Vous savez, pour avoir participé à l'une de ces consultations auxquelles M. Savard a fait références, je dois vous dire que ce n'était pas l'ensemble du système d'enseignement que les parents mettaient en cause sur le plan de la confessionnalité, c'était en fait bien plus leur école et le maintien de leur réseau, d'écoles en fait.

Cela m'a d'ailleurs permis d'acquérir cette conviction que bon nombre de parents s'intéressent d'abord à l'école de leurs enfants. Je reviens ensuite à une question sur cet aspect, les facteurs qui président au choix sont multiples. D'ailleurs, ce caractère multiethnique, vous avez cité un chiffre de 80%, il y a un bon nombre de nouveaux arrivants qui sont venus de pays où il n'y a pas de tradition, de pays où la tradition n'est pas à l'école confessionnelle, malgré qu'ils soient eux-mêmes d'une confessionnalité particulière. Ce caractère multiethnique, un personnel enseignant très jeune et très dynamique, la petite taille des écoles aussi, tout cela, ce sont des facteurs qui influent sur le choix. Je pense simplement aux services communautaires de repas chauds, de cafétérias au niveau primaire, aux haltes scolaires et à l'aspect communautaire aussi. Je dois rendre hommage à cette école car elle est dans un quartier du bas de la ville, très proche même des organismes du milieu et de la petite histoire du milieu. Il y a là tout un ensemble de facteurs qui en font, je pense, l'une de nos véritables écoles québécoises.

Il y a 100 façons d'être Québécois, indépendamment de ses origines, et sans doute est-ce nécessaire de le préciser, cela se fait souvent parce que l'école de la CECM est peut-être, pour bon nombre des gens qui sont de nouveaux arrivants, une école plus exclusivement canadienne-française au sens traditionnel du terme. Il reste qu'à proprement parler, les écoles dispensent un enseignement à des gens qui appartiennent à des confessionnalités fort différentes. On retrouve des Grecs orthodoxes, on retrouve des Témoins de Jéhovah, on retrouve des Africains ou des Arabes musulmans, on retrouve des catholiques. J'ai les chiffres de la répartition des élèves. Il y a 1515 élèves dans l'ensemble de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal qui sont de religion catholique. 13 903 de religion protestante, 12 542 qui se déclarent d'autres religions, 3270 qui ne déclarent aucune religion, pour un total de 31 230 On voit que c'est un peu moins de la moitié qui sont de confessionnalité protestante et un peu plus qui se partagent entre catholiques, d'autres religions ou aucune religion.

Je voudrais savoir de vous s'il n'y aurait pas une certaine satisfaction, chez les parents que vous représentez, dans la mesure où il serait convenu que l'école va maintenir cette neutralité bienveillante à l'égard de l'ensemble des croyances et des confessionnalités. Certains d'entre vous m'ont déjà dit: "Ce ne sont pas des écoles neutres, ce sont des écoles qui pratiquent une neutralité bienveillante à l'égard des diverses

confessionnalités et des croyances".

Je pense par exemple à l'article 31 en particulier. Dans la mesure où un projet éducatif ne serait pas celui d'une confessionnalité particulière, mais celui des diverses confessions ou croyances qui sont déclarées par les enfants qui vivent à l'école, est-ce que cela ne rejoindrait pas les objectifs poursuivis par les parents que vous représentez?

M. Savard: Nous voudrions avoir l'assurance que les écoles que nous occupons actuellement, quoi qu'il arrive, nous les conserverons avec la population qui les occupe. Vous savez que c'est une population qui est tolérante, ouverte à ce qui est différent. Nous recherchons pour nous-mêmes la différence. Cependant, ce qui nous fait peur, c'est lorsque le projet de loi prévoit des comités de mise en oeuvre qui auront comme tâche de distribuer des ressources aux nouvelles commissions scolaires. On craint que l'on redistribue la population. Nous craignons davantage le démantèlement de notre population que celui des commissions scolaires; c'est le démantèlement de la population que nous composons et qui serait refondue dans une population de laquelle nous nous sommes volontairement tenus à l'écart. Cela nous fait peur. Tout comme nous fait peur la limitation des frais de transport, limitation comprise dans l'article 18 du projet de loi, où on dit que l'on peut choisir l'école que l'on veut. Cependant, si notre choix sort des normes d'acceptabilité du transport, ce sera aux frais des gens qui auront choisi l'école. Nous ne voulons pas exagérer. Nous ne voulons pas partir de Pointe-Claire et nous rendre à Pointe-aux-Trembles. Ce facteur-là nous inquiète. Dans notre secteur, nous avons des écoles qui ne sont pas des écoles de quartier. Bien sûr, les écoles vont absorber les gens du quartier, mais nos écoles vont aller chercher un vaste territoire et, actuellement, ce territoire justifie, même au primaire, le transport scolaire. Nous craignons sérieusement que, pour des économies qui nous apparaissent des économies de bouts de chandelle, on ne rende plus possible la fréquentation de certaines écoles. Dans notre pensée, lorsque j'ai dit "des économies de bouts de chandelle", ce sont des économies de bouts de chandelle pour le gouvernement mais qui représentent une somme, un ticket modérateur pour les usagers. Cela nous fait peur.

Le projet éducatif ne nous fait pas peur. Même si on peut dire qu'on peut introduire des valeurs religieuses dans le projet éducatif, cela ne nous fait pas peur, si nous demeurons la même population. Cela nous fait peur si on nous "minorise" dans une population qui, tantôt, a des tendances au confessionnalisme et tantôt est plus modérée sur cette question. C'est évident que l'inconnu nous fait peur et l'inconnu, pour nous, ce sont les gens dont nous nous sommes écartés parce que nous croyions les connaître suffisamment et pour ne pas être mal à l'aise avec eux. (21 heures)

Mme Harel: Très rapidement, M. le Président, est-ce que, de toute façon, il ne vous faut pas faire face à une réalité nouvelle? Vous en avez parlé, je pense, Mme la commissaire parent, à savoir que, dans l'immédiat, sans doute - est-ce un effet du dépôt du projet de loi - le caractère protestant est fortement accentué. N'êtes-vous à vous réinterroger, de toute façon, que ce soit dans le cadre actuel ou à venir, sur des modalités qui permettraient de vous retrouver dans des écoles de quartier avec des garanties même de respect dans le projet éducatif à propos de ce que sont les enfants et les parents que vous représentez ou encore du maintien du réseau?

Le Président (M. Blouin): Mme Filion.

Mme Harel: De toute façon, il y a un engagement qui est pris dans le sens qu'il n'y aura aucune fermeture d'école dans un moratoire de cinq ans, je crois, et cela vaut pour les écoles de votre région, j'imagine.

Mme Filion: Je l'espère. Il est vrai que nous nous trouvons présentement dans un dilemme, celui du projet de loi 40, qui fait que la liberté de conscience, pour nous, est en danger ainsi que le dilemme de voir que, sans le projet de loi 40, de plus en plus nos écoles se confessionnalisent. Nos écoles dites protestantes, qui pratiquaient auparavant la neutralité confessionnelle, commencent à voir un peu le protestantisme comme nos collègues québécois catholiques voient le catholicisme. C'est ce qui nous fait peur. Il est vrai que nous sommes présentement aux prises avec un dilemme. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté un mémoire afin de sensibiliser les députés et surtout le ministre à la liberté de conscience à laquelle nous tenons mordicus.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Filion. Merci, Mme la députée de Maisonneuve, également. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Malheureusement, nous n'avons que peu de temps à notre disposition, mais je ne voudrais pas que vous soyez passés ici sans qu'on vous ait au moins dit qu'au point de vue de l'interprétation de l'histoire, il y a d'autres conceptions que celle que j'ai trouvée dans votre mémoire qui circulent et qui ont, à mon point de vue, plus de crédit au point de vue scientifique. Quand vous voulez nous faire croire que tout

est demeuré statique dans ce pays depuis plus d'un siècle, comme si le temps s'était arrêté, je ne sais pas où vous étiez, mais cela a marché drôlement vite depuis une vingtaine d'années.

Je voudrais vous dire une chose. Notre système scolaire au Québec a été fondé sur la liberté de conscience. Quand on l'a créé, au milieu du siècle dernier, il y avait deux catégories de citoyens au Québec: il y avait des catholiques et des protestants. On a inscrit dans la loi le principe de la majorité, qui débouche sur les écoles communes. On a inscrit aussi dans la loi dès ce temps-là, ce qui mettait le Québec bien en avance sur la plupart des pays d'Europe de ce même temps, le principe de dissidence. On l'a reconnu dans la loi. C'est toujours écrit dans nos lois. Si vous regardez l'actuelle Loi sur l'instruction publique, qui contient des passages qui remontent à plusieurs générations, le droit des personnes qui n'ont pas les croyances religieuses de la majorité d'avoir leurs écoles dissidentes est clairement inscrit dans nos lois. C'est un genre de régime qui n'est aucunement un sujet de gêne ou de honte pour nous, bien au contraire.

Le phénomène de l'incroyance et de la diversification des allégeances religieuses est d'origine plutôt récente chez nous. Il remonte surtout aux mouvements d'immigration que nous avons connus depuis la guerre. Il y a eu beaucoup d'efforts d'adaptation de ce côté-là. Il faut bien se souvenir d'une chose. Le peuple québécois a été bâti par l'Église catholique et aussi par les Églises protestantes dans une grande mesure. Si nous avons des coopératives au Québec, ce n'est pas le gouvernement qui nous les a données. Ce sont des curés qui ont fondé des caisses populaires dans le sous-sol d'une église et qui ont donné tout ce qu'ils pouvaient, avec les marguilliers. Aujourd'hui, on a une grande force financière qui s'est émancipée du clergé et qui est aujourd'hui une force complètement laïque. Les syndicats ouvriers, dans une grande mesure, sont nés sous l'influence du clergé. Moi-même, j'ai dirigé un journal qui était d'inspiration religieuse. Je vous dirai une chose: c'était la source de sa liberté chronique; ce n'était pas un obstacle. Il était plus libre que tous les autres, et ce n'était pas un accident, s'il avait une inspiration religieuse.

Depuis un certain nombre d'années, on a fait un paquet d'ajustements. Les coopératives ne sont plus confessionnelles; les syndicats ne sont plus confessionnels; les collèges ne sont plus confessionnels; les universités, qui l'étaient, ne le sont plus non plus; les organes de presse ne le sont plus. Nous avons fait un cheminement considérable. Dans le domaine de l'éducation, il y a un cheminement qui s'est également fait. Il est laborieux, lent et graduel, ce dont, personnellement, je me félicite, parce que je ne vois pas du tout de raisons de brûler les distances là-dedans et de courir aux solutions purement logiques, comme celles que vous proposez, sous prétexte de satisfaire une conception qui n'a pas encore large cours dans notre société, que je sache, au point de s'exprimer sous la forme de mouvement qui aurait un impact réel dans l'opinion.

Il y a une chose que nous pouvons dire, c'est que, malgré des problèmes de structures qui sont réels et auxquels il faut trouver des solutions, dans le concret des choses, je pense que le Canada et le Québec méritent très bien le palmarès qu'on leur donne dans toutes les grandes enquêtes sur l'état de la liberté dans le monde; ils sont dans la catégorie numéro un, très près de la tête. On peut bien chercher des exemples tant qu'on voudra en dehors, mais, si on aborde les choses dans cet esprit, je pense qu'on aboutira à des conflits.

Je voudrais vous dire une chose, c'est qu'on peut réaliser une société laïque sur la base d'une philosophie pluraliste de respect positif des croyances, pas seulement sur la base d'une philosophie qui en fait abstraction dans les structures scolaires. On cherche, c'est laborieux, il y a des problèmes dans le projet de loi actuel. Je voulais vous dire que la conception de l'histoire que vous me présentez ici, on lisait cela il y a 20 ou 25 ans, et déjà, cela nous faisait sourire, parce que notre histoire est beaucoup plus riche, beaucoup plus complexe et beaucoup plus nuancée que ne le laisse supposer votre mémoire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Sur ce, j'invite... Il s'agit nommément, M. Savard, d'une question d'opinion. Je ne pense pas que nous puissions... Vous avez exprimé votre avis, M. le député d'Argenteuil a exprimé le sien. Vous pouvez peut-être réagir, mais très rapidement, parce que nous devons maintenant accueillir le groupe suivant.

M. Savard: J'aimerais réagir très rapidement, parce que le député d'Argenteuil peut jeter une certaine confusion dans notre groupe. Lorsqu'il a parlé, par exemple, de la dissidence, je rappelle au député d'Argenteuil que nous avons constaté comme parents que la restructuration des commissions scolaires sur une base linguistique amenait le démantèlement des commissions scolaires confessionnelles. Dans le débat, l'automne dernier, nous avons tout de même souligné qu'avec les clauses que la loi prévoit, les gens qui ne seraient pas satisfaits de commissions scolaires linguistiques, mais qui voudraient se regrouper sur une base confessionnelle, ce qui veut dire, pour nous,

la reconstitution des commissions scolaires confessionnelles, pourraient invoquer les articles de la dissidence amenés au projet de loi. Ceux-ci nous ont dit: Cela n'a pas d'allure. Je comprends et nous avons compris qu'on offrait dans le passé une dissidence. Ceux qui nous l'offraient ne nous disaient pas que cela n'avait pas d'allure, mais, comme vous, ils disaient: C'est plein de bon sens. Mais, aujourd'hui où c'est l'inverse et où ce sont eux qui doivent l'invoquer, le chat sort du sac et on nous dit: Cela n'a pas d'allure. C'est ce qu'il faut penser, que la dissidence dont vous faites part comme témoignage de liberté, c'est de la foutaise.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Savard. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants du Comité de parents de la région 1 de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal de leur participation à nos travaux.

Sur ce, j'invite maintenant la Fédération québécoise des associations foyers-écoles à venir prendre place à la table des invités. Il a été convenu que nous allions consacrer deux heures - un maximum de deux heures - à la fois à la présentation du mémoire de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles et aux échanges entre les représentants de cette fédération et les membres de la commission parlementaire.

Maintenant que nos invités ont eu le temps de s'installer, je vais donc leur demander d'abord de s'identifier et, ensuite, de procéder en une vingtaine de minutes à la présentation de leur mémoire. Alors, allez-y, madame.

Fédération québécoise des associations foyers-écoles

Mme Daigle (Marion): Bonsoir, mesdames et messieurs. The Québec Federation of Home and School Associations welcomes this opportunity to address this National Assembly committee on Bill 40. I would like to introduce the members of our association who are with me this evening. My name is Marion Daigle, I am president of this association; to my right, Mr. John Parker, who is our honorary president; to my left, Mrs. Sylvia Rankin, who is president of the Lakeshore Regional Council of the Québec Federation of Home and School Associations and Mr. Owen Buckingham, who is immediate past president of our association.

M. Parker (John): Bonsoir, mesdames et messieurs. Pour la Fédération québécoise des associations foyers-écoles, l'année scolaire 1983-1984 marquera le quarantième anniversaire d'une participation parentale active au développement de l'éducation au Québec. Même si nos lettres patentes, qui datent de 1959, stipulent que nos associations locales seront formées dans les écoles offrant les programmes d'études autorisés par le comité protestant, notre fonction est d'aider à rendre l'opinion publique favorable à la réforme et à l'avancement de l'éducation de l'enfant.

Notre fédération est membre de la Fédération canadienne des foyers-écoles et parents-maîtres et, à ce titre, porte le flambeau de la qualité de l'éducation non seulement au Québec, mais dans tout le Canada. Pour en savoir davantage sur l'historique, les structures et les objectifs de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles, nous invitons le lecteur à consulter la brochure intitulée: C'est de nous qu'il s'agit (annexe 1). Si vous voulez consulter cette annexe, je l'ai ici.

Voici quelques dates dans notre histoire: en 1919, le premier groupe foyers-écoles était créé par le Dr Percival, qui a longtemps été directeur de l'éducation protestante, et, en 1930, la première association foyers-écoles était mise sur pied à Montréal, à l'école MacVicar, sous l'inspiration d'Helen Guiton. En 1940, M. Leslie N. Buzzell, alors président de l'Association de Roslyn, réunissait un conseil provincial regroupant presque une quinzaine d'associations foyers-écoles; en 1941-1942, ce groupe publiait des brochures sur divers sujets: alimentation, orientation scolaire, financement de l'éducation, etc. Le 26 mai 1944 avait lieu la réunion de fondation de la fédération. Alors, vous savez que notre fédération existe depuis 40 ans. En 1959, nous recevions notre charte provinciale. (21 h 15)

Je suis très fier d'annoncer ces dates, d'attirer votre attention sur ces dates parce que, même avant qu'il y ait un ministère de l'Éducation, même avant qu'il y ait participation des parents dans les autres écoles du Québec, il y a eu beaucoup de participation de parents dans les écoles protestantes du Québec et ce sous l'organisation de notre fédération.

La Fédération québécoise des associations foyers-écoles, organisme bénévole, s'est particulièrement distinguée par son travail dans toutes les questions sur l'éducation. Durant cette période de plus de 20 ans, nous avons présenté dix mémoires sur ces questions à diverses instances gouvernementales. À l'annexe II, on a la liste des différents mémoires, j'ai un petit problème à la trouver. Je peux vous dire que notre premier mémoire a été présenté en 1962, à la commission Parent. J'en suis très fier, parce que c'est moi, comme président à ce moment, qui ai présenté ce mémoire. Dans ce mémoire, nous avons recommandé la formation d'un ministère de l'Éducation.

Quand on nous a demandé pourquoi, j'ai dit: Parce qu'il faut donner l'égalité de chances à tous les enfants du Québec.

Je me souviens très bien de la religieuse - j'ai oublié le nom de cette belle dame très sage - qui m'a posé la question. Elle a dit: M. Parker, vous, Montréalais, anglophone, voulez-vous dire que vous croyez réellement à l'égalité de chances pour tous les enfants du Québec? J'ai dit: Bien oui!

Vous savez, dans ce temps-là, les petites gens de la campagne n'avaient pas le même sort, les mêmes chances en éducation que les petites gens qui habitaient dans les grandes villes. Je félicite le ministère de l'Éducation de son bon travail depuis ce temps, avec les commissions scolaires et en coopération avec les autres structures dans notre province, pour avoir vraiment donné beaucoup plus de chances à tous nos enfants dans tout le Québec.

Le Président (M. Blouin): M. Parker, je vous avoue que nous avons quelques difficultés à vous suivre. Je comprends que vous êtes en train de faire une digression, si je ne m'abuse. C'est cela?

M. Parker: Oui, oui. Maintenant...

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, M. Parker, que j'ai parcouru rapidement votre mémoire et que la seule lecture de votre mémoire réclamera environ une heure et demie.

M. Parker: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Alors, je vous demande de résumer votre mémoire et de nous en livrer dès à présent le contenu, si vous désirez que nous ayons un échange significatif entre les membres de la commission et vous-même.

M. Parker: Comme tout bon président, vous attirez mon attention sur la nécessité d'être bref. Je vous en remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parker.

M. Parker: Maintenant, au sujet du projet de loi 40, dans la ligne de pensée de cette grande tradition, en 1981, la fédération a formé une équipe de travail chargée d'étudier la question de la réorganisation scolaire et de formuler des réponses à cet égard. À la réunion annuelle de formation au leadership de cette fédération, le 16 octobre 1982, le Dr Camille Laurin prononça une allocution sur le thème: L'école québécoise: une école communautaire et responsable.

Des délégués venant des quatre coins de la province assistaient à ce congrès. Ils y entendirent les explications du ministre et purent formuler leurs propres objections.

En matière de changement aux structures scolaires, la position de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles est claire: le 6 mai 1983, les délégués à la trente-neuvième assemblée générale annuelle adoptaient la résolution intitulée: Commissions scolaires confessionnelles, qui se lisait comme suit: "II est résolu que la Fédération québécoise des associations foyers-écoles adopte la position que tout changement à nos structures scolaires actuelles ne doit en aucun cas affecter le statut actuel des commissions scolaires confessionnelles, tant qu'il n'y aura pas de garanties constitutionnelles canadiennes pour des commissions scolaires linguistiques anglophones élues, jouissant des services de soutien administratifs et pédagogiques en anglais."

Le 6 juillet 1983, nous faisions parvenir un télégramme au premier ministre Lévesque pour protester contre la présentation, au début de l'été, d'un projet de loi important sur l'éducation, à savoir le projet de loi 40. À cette époque de l'année, en effet, pour un organisme bénévole, fût-il francophone ou anglophone, il est extrêmement difficile de tenir des réunions et de répondre efficacement à une telle proposition gouvernementale.

C'est ensemble, par l'intermédiaire de la fédération, que nous, parents, avons préparé ce mémoire, convaincus qu'il nous incombe de façon ultime de déterminer la façon dont nos enfants sont éduqués. Le ministre a fréquemment balayé nos objections du revers de la main en les qualifiant de partisanes, mais c'est effectivement aux parents que revient cet intérêt partisan en tout dernier ressort: il s'agit du développement de nos enfants, et il nous est très cher. Ces derniers ne sont pas des pions que l'État peut manipuler pour ses fins politiques. Nous rejetons de façon non équivoque le projet de loi 40 et la philosophie totalitariste sur laquelle il repose.

Mme Daigle: In 1962, the principal thème of the brief which the Québec Federation of Home and School Associations submitted to the Parent Royal Commission was equality of opportunity for all Québec children. Up to that time, there were startling differences in the quality of education available to children throughout Québec.

For example, children in the urban areas of Montréal and Québec City benefitted from a much higher per capita expenditure than elsewhere in the province. Better physical facilities, better educational equipment and higher salaries attracted the most highly qualified teachers, resulting in a superior educational offering here than was to be found in the poorer rural segments of Québec.

The newly created Ministry of Education picked up the challenge. Huge sums of money were spent in creating a network of new schools across the province, with school bus service extending improved educational opportunities to isolated communities.

We are proud to have played some small part as the very first volunteer parent organization in bringing about this much needed reform which was accomplished by the school boards of Québec's two traditional confessional systems working in cooperation with the new Ministry of Education. The Ministry and the Government provided the central authority and funding, and the elected school boards were able to ensure that local traditions and values he respected and local needs considered in setting up the new structures.

Now that more equitable educational services have been provided to children throughout Québec, the next important task is to upgrade the quality of education. We must see to it that the youth of this province are prepared for the challenge of an evolving society of which the chief characteristic is rapid and continuous change.

What are the factors which determine the quality of education? They are many and they are complex. A selective list includes: proper motivation and support of the student by his family, his peers and the rest of the community so that he perceives his participation in the educational process as important and worthwhile; quality instruction by dedicated and qualified teachers; a course of study designed to provide children at the primary and elementary level with basic communication skills in the first and second language, the fundamentals of mathematics and some basic knowledge of history, geography, literature, religion and/or ethics to provide a system of values for making valid judgments about the world they live in; special help for those students with learning disabilities as well as for those who are gifted; the best physical plant and educational equipment the community can afford.

Quality is, in many respects, a very subjective concept. Like beauty, quality is in the eye of the beholder. Parents must continue to be guaranteed substantial local input and control through their elected school board representatives.

Bill 40, if adopted, would permit the experts of the Ministry of Education to set up whatever they conceive to be quality education. The clients of the system, the parents and the pupils, as well as the professional educators, would become passive recipients instead of active participants in determining the direction of the educational process.

Mme Rankin (Sylvia): Les membres de la fédération sont là pour aider. Ils donnent bénévolement de leur temps, de leur énergie et de leurs ressources dans le but de promouvoir et d'enrichir la qualité de l'éducation au niveau local de l'école. À titre d'organisme provincial, la fédération doit inspirer ses associations membres et mettre ses ressources à leur disposition. Nous tenons à ce rôle consultatif qui s'exprime, notamment, par la voie des comités d'école et des comités de parents.

La fédération sait d'expérience que la plupart des parents préfèrent choisir les questions qui les intéressent dans leur propre contexte scolaire. Ils abhorrent perdre du temps à discuter de règlements et de lois émanant du gouvernement et pour lesquels ils n'ont pratiquement pas de droit de parole. À cet égard, le projet de loi 40 n'offre aucune amélioration.

À l'heure actuelle, le bénévolat change de façon importante, que ce soit à l'école ou dans la collectivité dans son ensemble. La vie familiale change, elle aussi. Les deux parents sont à temps plein sur le marché du travail. Le nombre de familles monoparentales augmente; le taux de natalité décroît. Dans les régions extérieures à l'île de Montréal, la population anglophone diminue. Toutes ces raisons font qu'il est de plus en plus difficile de recruter des bénévoles.

Pour de nombreuses familles, le temps se fait rare. Il n'y a pas si longtemps, les bénévoles en puissance pouvaient se compter en grand nombre et les heures qu'ils pouvaient consacrer à leur école étaient relativement souples. C'est ce qui explique la force du bénévolat à cette époque.

Les parents préfèrent que, pour les décisions de fond touchant à l'éducation des enfants, les responsabilités soient déléguées à des commissaires représentant les écoles d'un quartier donné et démocratiquement élus par tous les contribuables. Ces commissaires sont alors chargés de défendre les intérêts de l'ensemble de la population et c'est à elle qu'ils doivent rendre des comptes.

Le projet de loi 40 n'a pas amené de changement à la position de la fédération, clairement exprimée par la résolution 83-1 adoptée par les délégués à notre 39e assemblée générale annuelle, le 6 mai 1983. "Il est donc résolu que la Fédération québécoise des associations foyers-écoles prie instamment le gouvernement du Québec de veiller à ce que la responsabilité de l'éducation au niveau local reste entre les mains des commissaires d'écoles démocratiquement élus au suffrage universel et siégeant à des commissions scolaires confessionnelles représentant un vaste ensemble d'écoles. "Il est de plus résolu que le ministre de l'Éducation du Québec soit prié de transférer

aux commissions scolaires locales les pouvoirs voulus en matière de taxation, de contrôle des programmes et d'engagement de personnel, de façon à ce que ces commissions scolaires puissent respecter les priorités et obligations envers les collectivités qu'elles desservent." (21 h 30)

Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, je crains que nous ne nous soyons pas bien compris. Vous avez mis, jusqu'à maintenant, une vingtaine de minutes à présenter votre mémoire et nous en sommes à la page 8 sur un mémoire qui en contient, si je ne m'abuse, au-delà de 36. Au train où vont les choses, si vous continuez au même rythme, vous mettrez environ une heure et demie à deux heures à présenter votre mémoire et cela annulera tous les échanges que vous pourriez avoir avec les membres de la commission.

Ce que je vous demande de faire, c'est d'en résumer les chapitres plutôt que de les lire les uns après les autres. Ensuite, lorsque vos idées auront été exposées à la commission, nous pourrons commencer l'échange entre les membres de la commission et vous-mêmes. Je puis vous assurer, de toute façon, que déjà les membres de la commission ont eu l'occasion de prendre connaissance de votre mémoire dans son entier, puisqu'ils ont déjà en leur possession ce mémoire depuis maintenant quelques semaines, sinon quelques mois.

Vous comprenez un peu les contraintes avec lesquelles nous devons procéder. Voilà pourquoi je vous demande de procéder à un résumé de votre mémoire, pour qu'ensuite nous puissions avoir quelques échanges significatifs.

Mme Daigle: First of all, I would like to point out that we had hoped that we would be able to read our brief in full because we felt that, in itself, it is a résumé of the ideas that we wish to present before this commission. Bearing in mind that we are not going to be reading the central part of our brief, which deals in good part with the historical background and with the constitutional rights that we feel that we have as parents in the school system presently, under the confessional system, we will .therefore go to page 21 in the English section; en français, the recommandations.

Québec Federation of Home and School Associations strongly urge the Government of Québec to ensure that responsibility for education at the local level be kept in the hands of school commissioners democratically elected by universal suffrage to serve on confessional school boards representing a broad community of schools. In addition, we recommend that the Ministry of Education be asked to transfer to the local school boards powers of taxation, control of curriculum and hiring of personnel, so that school boards may meet their priorities and obligations to the communities they serve.

All Quebeckers, whether they be English-speaking or French-speaking, Catholic, Protestant, Jewish, Greek Orthodox or of any other creed, we believe, must feel a sense of unity about the maintenance of the civil rights - guaranteed by the Canadian Constitution - of parents as a class of persons and would support, through their elected members of the National Assembly, the deletion or amendment of articles of Bill 40 which give offense to parents. We ask, therefore, in the interest of uniting all Quebeckers in the preservation of democratic traditions, that there be a substantial reduction in the centralized decision power of the Ministry of Education, that its regulations be made subject to review (including disallowance) by the National Assembly in conformance with parliamentary democracy, and that there be a substantial restoration of the autonomy of local school boards where parents and communities can avail themselves of the opportunities for participation.

We further recommend that the Government of Québec follow the democratic precedents already set in Canada. It should facilitate the expeditious hearing of constitutional challenges of the authority of the National Assembly to legislate parts of Bill 40. In so doing, it would be following a worthy Canadian tradition. An illustration of expeditious treatment in that tradition was the recent decision of the Government of Ontario to bypass the Supreme Court of Ontario and refer directly to the Ontario Court of Appeal the matter of the joint court action for French language school boards of the French Canadian Association of Ontario and the French-speaking Teachers Association of Ontario.

We ask that this revolutionary Bill 40 be referred to the Court because its passage into law. We recommend it be referred to the Québec Court of Appeal for an opinion on the constitutionality of those sections relating to confessional and dissentient schools.

If that is not done before this legislation is passed into law, the prospect is a sombre one. There will be a long period of disruptive judicial warfare. Such an experience can only injure the province by alienating further those who feel united in their opposition to the imposition of an authoritarian linguistic nationalism that would destroy, under the guise of educational reform, a public trust, guaranteed in 1867, for a public secular system of democratic schools.

QFHSA has always supported reforms in the educational system that are aimed at improving the educational, economic or

social welfare of the child. We will continue to support all sincere efforts at real educational reform, reform whose chief goals are the enhancement of the quality of education and the rationalization of educational services. However, we will oppose with the utmost vigour any attempts by any group to manipulate the educational system to further its own political or ideological visions. We are of the opinion that Bill 40 represents just such an attempt. It is up to this Standing Committee and the National Assembly to protect the tradition of tolerance in this province and to restore tranquillity and the sense of unity and common purpose in education. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Daigle. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, il me fait plaisir d'accueillir à la commission la Fédération québécoise des associations foyers-écoles et de lui dire que j'ai lu son long mémoire de 36 pages avec intérêt, même si la fédération me décrit, dans son journal, édition de septembre 1983, comme un homme qui a des tendances racistes. Cela ne m'empêche pas de dire, malgré tout, que non seulement j'ai pu adresser longuement la parole à ces gens, ce que je n'ai pas fait avec tous les groupes, mais que j'ai pris, encore une fois, un grand intérêt à la lecture de leur mémoire.

Je trouve quand même que cette appellation, que vous avez utilisée à mon égard, est grave, insultante et offensante en plus d'être erronée. Je n'accepte pas non plus le mot que vous avez utilisé dans votre mémoire en disant que le projet de loi est un projet totalitaire. Là aussi, c'est un mot très grave et, avant d'utiliser les mots, il faut savoir les peser. Si je regarde la définition du mot "totalitaire" dans le dictionnaire français - je pense que c'est la même dans les dictionnaires anglais - on dit: "se dit des régimes politiques non démocratiques dans lesquels les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont concentrés entre les mains d'un petit nombre de dirigeants". Je ne pense pas que ce soit le cas au Québec. Le mot "totalitaire" aussi s'emploie de ces régimes que nous avons connus, où on tente d'endoctriner les jeunes, où on caporalise toute la vie collective et où l'on jette en prison ou dans des camps de concentration ceux qui ne sont pas d'accord avec le régime. Je ne sais pas si c'est ce que vous pensez du gouvernement du Québec, mais si vous le pensez, c'est absolument erroné.

Je trouve donc, pour le gouvernement du Québec et la société québécoise, extrêmement insultante et offensante votre remarque. Si vous avez préparé votre mémoire sur le projet de loi 40 à partir de ces préjugés, à partir de ces conditionnements, à travers la lunette noire, profondément noire, que cela implique, je pense qu'on peut dire que vous n'augmentez pas la crédibilité des thèses que vous nous présentez.

Ceci ne m'empêche pas d'apprécier le travail que vous faites dans les écoles depuis 1944, comme vient de le rappeler votre président honoraire. Nous le reconnaissons tellement bien, d'ailleurs, - ceci intéressera le député de Louis-Hébert - que nous subventionnons votre association et que nous avons même augmenté considérablement la subvention que nous vous versons depuis quelques années. Ceci prouve que, même si un gouvernement subventionne un organisme, ce n'est pas pour lui attacher des fils à la patte, car je ne crois pas que la subvention que nous vous versons vous ait attaché quelque fil que ce soit à la patte, si j'en juge par la dénonciation tous azimuts que vous faites du projet de loi 40.

Dans votre mémoire, encore une fois, j'ai appris un certain nombre de choses, en particulier dans sa partie historique très bien faite, où vous nous faites l'histoire des écoles dissidentes en particulier. Même si j'avais fouillé le sujet, j'y ai quand même appris des choses, ainsi que dans la discussion que vous faites du concept de l'école dissidente. En conclusion, comme un très petit nombre de groupes, vous préconisez le maintien intégral du système actuel et, en particulier, le maintien des structures confessionnelles, même si vous venez juste d'entendre, lorsque l'autre groupe était présent à cette commission, que la commission scolaire protestante du grand Montréal compte une minorité d'élèves que l'on pourrait qualifier de protestants. Je pense qu'on pourrait faire les mêmes constatations ailleurs au Québec. De toute façon, vous préconisez le maintien intégral du système. On sent parfois que vous êtes tentés, comme d'autres groupes, de le remplacer par un nouveau système basé sur une division linguistique mais, là, vos craintes, vos appréhensions sont telles que vous exigez, pour consentir à ce changement, des conditions que l'on peut qualifier d'extraordinaires.

La garantie que pourrait vous donner, par exemple, l'adoption d'un projet de loi qui entérinerait cette division des commissions scolaires linguistiques, ce qui voudrait dire que le Parti québécois est d'accord et au cas où le parti d'Opposition serait également d'accord, cette garantie que constituerait ou que pourrait éventuellement constituer l'unanimité des partis en présence sur ce point très précis - j'entends bien, sur ce seul point très précis - ne constituerait pas encore pour vous une garantie suffisante. Il faudrait que nous y ajoutions une garantie constitutionnelle canadienne dans le sens qu'il

faudrait que ces commissions scolaires linguistiques soient intégrées dans le Canada Act.

Je signale en passant que, pour un gouvernement totalitaire, c'est sûrement un sacrilège qu'on fait en accordant à la minorité anglophone au Québec non seulement le droit à l'enseignement en anglais pour tous les citoyens anglophones, mais le contrôle et la gestion de toutes ses écoles, ce que ne fait actuellement aucune province au Canada, sauf le Nouveau-Brunswick. C'est sûrement un sacrilège que nous faisons, si on considère que notre gouvernement est totalitaire. Mais, encore une fois, même cette garantie que pourrait constituer l'accord des deux principaux partis au Québec ne serait pas suffisante puisqu'il vous faudrait l'inscrire aussi dans la constitution canadienne, alors même que la constitution canadienne nous dit, depuis 116 ans, que l'éducation est une compétence strictement provinciale, donc québécoise. (21 h 45)

Le temps me manque pour commenter tous les autres aspects de votre mémoire. Je m'en tiendrai pour le moment à ces remarques, laissant à mes collègues le soin de vous poser les questions trop nombreuses que ce mémoire implique ou appelle.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, M. le Président. Je croyais que M. le ministre aurait quelques questions à vous adresser, mais j'ai l'impression que vous vous parlez de manière très catégorique de part et d'autre. Il me semble que le manque total d'intérêt qu'exprime cette absence de questions à votre endroit n'est pas tellement plus intéressant que certains qualificatifs excessifs qu'on trouve dans votre mémoire.

Nous autres, M. le Président, qui avons déjà été l'objet de quolibets très peu intéressants de la part du ministre, nous nous étonnons qu'il prenne mal un terme qui a été employé et qui, à mon point de vue, est excessif, mais fait partie de la littérature polémique. Oui, monsieur! Et le Parti québécois n'a pas à se scandaliser de ce côté parce que c'est celui qui a le plus abusé, depuis une dizaine d'années, en matière de démagogie à l'encontre de ses adversaires. Je me souviens de certaines séances à l'Assemblée nationale où nous avons été l'objet de qualificatifs bien plus insultants que ce mot qui est accollé non pas au gouvernement, mais à un projet de loi. On dit cela couramment. On l'a dit récemment à propos du projet de loi du gouvernement fédéral concernant l'établissement d'une agence de sécurité du renseignement. J'ai dit moi-même que c'était un projet de loi qui comportait des éléments totalitaires. Je n'ai pas dit que M. Trudeau était un Hitler, je n'ai pas dit que c'était un dictateur, j'ai dit que ce projet de loi contenait, en germe, des éléments qui pouvaient conduire à cela. C'est la tâche du gouvernement, s'il n'est pas d'accord avec moi, de me réfuter. Mais ce n'est pas insultant de se faire dire cela. J'ai vu souvent, quand j'étais dans le journalisme, qu'on a écrit à propos de phrases que j'employais: C'est du totalitarisme. Bien oui, mais on dit que ce n'est pas vrai et cela finit là et on continue. Je pense que le ministre le sait très bien, à part cela.

Ceci étant dit, il y a un lien qui me manque dans le dossier que vous portez à notre attention ce soir. There is a missing link in my mind upon trying to start a dialogue with you and I hope you will succeed in filling that void. My contacts with the Home and School Associations and the federation go back to a few years ago when I was active in the field of adult education, in the fifties and the sixties. I remember your organization was quite active and played a very useful role in getting the parents involved in the school affairs. Since the last ten years - I would say the last 15 years - I was involved in other forms of work, I could not have the direct contact with your local chapters that I used to have in the good old time. I am glad to know Mr. Parker and many of his associates of the time.

I would like you to tell us first about the present work of the federation, not the federation as such, but mostly the local associations that form the federation. How many chapters do you have in the Province of Québec? How do you operate? How do you relate to school affairs? How do you view, for instance, school committees wich are in action? In our schools, are you more or less involved? Are you indifferent? What is your present standing in the community from these ten points of active participation in school affairs?

Le Président (M. Blouin): Mme Daigle.

Mme Daigle: Thank you. I am very pleased to tell you something about the work of our association. We really operate on three levels: at the local association level within the schools, at the provincial level as we are here this evening, and also each individual member who joins the local association becomes a member of the Canadian Home and School and Parent-Teacher Federation.

At our local school level, we are there as a support system to the principal and to the staff of teachers who work in a local school, an so, in the first instance, each home and school association is independent in the manner in which it wishes to work with its individual school, so that locally there

are many different things that occur, depending upon the needs of that local school. For example, we have had a long history of working as volunteers in the school in the area of curriculum that is perhaps providing some of the enrichment aspects of curriculum, for example, in helping to set up field trips and helping to have drivers for those field trips and helping to their special programs where parents have particular talents and can lend the teacher a hand in enriching and enhancing a particular program that she has in her classroom.

We are particularly busy in after-school activities and curriculum and we also are increasingly busy in the area of lunch time programs since so many of our children now stay at school over the lunch period. We are particularly interested in child safety programs and in some of our schools there is a curriculum being built on safety where both the parents and the staff have gotten together to enrich that area of concern. We are particularly interested in the area of computers at the moment. Many of the Home and School Association have raised funds in order to provide either a computer for the school where there was not one or to provide extra software where they may be a need, and also as parent volunteers who have a particular expertise in that area to also come in and to work for students on an individual basis or to give of their particular time.

We are engaged, of course, in working in libraries. Many of our elementary school libraries, I feel, would not operate as well as they do without the help and dedication of our many home and schoolers. We are working in the nurses' offices. We have, particularly in the Lakeshore area of our Home and School Association, a very effective community affairs office where many of our home and schoolers are engaged in helping with that. We are particularly interested beyond education to the social and health of our children, and so, we have committees working on such areas as child abuse and neglect, drugs and alcool abuse, fitness and nutrition and so on and so forth. So that, as I mentioned, wherever the school itself feels a need for extra help, then, the parent volunteer is there to help with it.

M. Ryan: May I ask you how many chapters you have in the province?

Mme Daigle: At the present time, we have approximately 66 local associations.

M. Ryan: In what areas?

Mme Daigle: Throughout the areas of the province from the Gaspé, Outaouais, Eastern Townships, south shore, Island of Montréal, Québec, Baie-Comeau. In some instances, these groups work jointly with school committees. We may have a school committee in a home and school which is combined together because we have, as you realize, in some areas very small school population therefore, a small number of parents to work, but they seem to be very keen that both associations should be there and so many of them are together as joint home and school and school committees. I do feel particularly in our English-speaking community that we have a very good rapport with our school committees. Many of them have joined us as group affiliated members in our association. We also have a number of our school boards who are also group affiliated members.

M. Ryan: Just by way of digression, if you allow me, I did not complete what I wanted to say about your remarks concerning the Minister of Education. I said I took exception to Minister's irritation concerning the adjective which we mentioned. Is it true that in one issue of your association newspaper you branded the minister as a racist?

Mme Daigle: We have the issue here and I would have to go through it to see where this was mentioned but I cannot recall myself at anytime seeing that. In fact, I do not feel we have any basis on which to address Dr. Laurin in that manner. That is not really the issue.

M. Ryan: You are prepared to say that this is not the way you think about him...

Mme Daigle: No. Not at all.

M. Ryan: ...in spite of your differences with him. O.K.

M. Parker: I just want to add something to that. Individually and as an association, we would reject any appellation of the minister as racist or of the Government of Québec or of the party in power as a racist.

M. Buckingham (Owen): It might be mentioned, Mr. Ryan, that last year, when Dr. Laurin was doing his tour concerning Bill 40 or concerning the White Paper at that time, one of the only meetings where he had no problem whatsoever with the audience was chaired by the Québec Federation of Home and Schools. Mrs. Daigle, myself and Dr. Laurin had no argument the way that audience treated him.

M. Ryan: He must be blamed for that if he did not even run into a good argument. There must be something wrong with your association or with your chairman at that

meeting.

M. Buckingham: We had argument. We were quite polite that time.

M. Parker: Just a comment here. There is obviously a feeling of malaise on the part of many in the English community and we share that malaise because of Bill 101 and the regulations and interpretations through which the minister's agencies have pushed this text, as we think, to extremes. We have not forgotten that and we have not forgotten the original process of Bill 40 which, in its original form, wised out English school boards off the Island of Montréal, eliminated universal suffrage and reduced board powers to insignificance. That was the original text.

Now, we will admit there has been an accommodation and that is good. But there is a long way to go. I do not think we are being paranoid but we have to learn to trust. There is presently a feeling of apprehension, a feeling of mistrust on the part of the anglophone community which takes the form of saying: Look, we want some guaranties, we want some continuation of our present constitutional guaranties, we are not willing to accept, as a substitute, a word of a party or a government which we have not yet learned completely to trust.

Therefore, I think it is important, if we are going to begin to dialogue and to establish trust, that we start to work together. One of the important ways the Government could do this is to refer this Bill 40 to the courts.

M. Ryan: I will ask you a question in connection with this. Personally, I am not too much in favor of references to the higher courts in abstract terms for one simple reason: We had one experience of that sort about three years ago when a reference was made to the Appeal Court and then to the Supreme Court concerning the right of veto of the province of Québec. The honourable Justices, with all the respect that is due to them, came up at a conclusion with which I profondly disagreed. When they said that there must be a substantial majority of provinces in favor of an amendment for it to pass, to be valid, they deleted in one stroke of their distinguished pencil the right of veto which we had politically, and for generations, and which we felt was secured. We had never seen any indication of that criteria before in any jurisprudence. They suddenly came up with that. (22 heures)

I would not like them to come up with another completely unexpected criteria in this particular matter. So, my feeling is that, if things were to follow the regular judiciary procedures, it would be far safer because, when the courts are apprised of concrete cases arising out of real situations, then they tend to limit themselves to the aspects which were brought to their attention with supporting evidence, in terms of facts, documentation, etc. where else to fit purely theoretical or abstract case which is put to them. They may come up to the conclusions which will be of abounding nature without their having apprehended all aspects of concrete reality. This is a difficulty which I may understand and do understand. We, in Québec, have a certain sense of insecurity in these matters which is not existing to the same extent in other provinces. The least that I would expect from the governement though is that while we have some cases under examination by the Courts, they should act with extreme prudence - I think we have enough cases now being examined by the Courts - for them to arrive at a reasonably and enlightening conclusion in the next two or three years.

I would say before we have arrived at a certain stage of clarity which does not exist at the moment in this area to a sufficient extent, they ought to act with extreme prudence. This is a matter of personal opinion, just exchanging with you in friendly terms in a climate of civic dialogue. Now, I do not know if you have any comments to make. I would like to know who did this historical study for you regarding the Constitution? As the minister said, there are interesting aspects in your brief on this particular dimension of the problem. I would like to know how you did this work and how you arrive to your conclusions.

Mme Daigle: The author of this particular section was Dr. Kelvin Potter who is one of our members, ex-president. He was expected to be here this evening...

M. Ryan: Cutler?

Une voix: Kelvin Potter.

Mme Daigle: Kelvin Potter, he was expected to be here this evening, but regrettably he is ill and unable to be with us. He has spent many years with our association. The historical life of Québec is very much an interest of his. He has spent considerable time studying this particular aspect. He has participated with us in the writing of a number of previous briefs. So he brings to this particular section his work for our association previously and has updated it for us in the light of the proposed legislation.

M. Ryan: To return to our immediate subject matter, you are close to our schools in view of the nature and activities of your

association. I would like to ask you to comment upon the changes which are proposed under Bill 40 in the structures and functioning of the local school.

M. Parker: May I make one comment? It has to do with the proposal of establishing boards which would be made up of individuals elected from school councils. I just like to use the figures here to show what might well be the result on the island of Montréal. A document suggests the dividing of the island of Montréal into five French language boards and three English language boards. I did a count of the various schools which make up these boards. For example, board starting from East to West are French boards. Board 6301 would contain 50 schools, 39 elementary, 11 high schools which would mean that you would have some 50 schools electing a commissioner so that you would have 50 commissioners in that one board. Board 6302, 50 elementary schools, 24 high schools, so that would mean 74 schools, 74 commissioners elected, each representing an individual school. In commission 6303, that is the one in the middle, 35 elementary schools, 12 high schools, 47 schools and 47 members in this school commission. Commission 6304, these are the francophone boards, 40 elementary, 10 high schools, 50 commissioners. And 6305, 42 elementary, 11 high schools, 53 commissioners. Each of these commissioners representing an individual school. It would seem to me that this constitutes a very unwieldy kind of a number. In the English boards, one board is 36 elementary schools, 36 high schools, 62 commissioners. So you have a board consisting of 62 commissioners. Another board, 6322, 35 elementary schools, 18 high schools, that is 53 all total. One of the interesting facts is that we have election of commissioners, 461 schools on the Island of Montréal, with overlapping boundaries. How do you... you know. And then, there is a gross inquality there in that you would have a small elementary school of 200 and a high school of some 1500 or 1600 each electing one commissioner. It seems to me that the whole thing is unwieldy and unworkable and that a ward system would be much more democratic. That is one practical comment I would like to bring to your attention.

M. Ryan: After school boards, if you could comment on the structures which are proposed at the level of the school, I would be interested in hearing your views. How do you think the school will function under Bill 40 with the school council, with the role which is proposed for the parents, the teachers, the school principals? Are you satisfied with the setup which is propounded in Bill 40?

Mme Daigle: I think I would feel that our home and school associations themselves see that their role is to act in the manner in which school councils are being proposed in the legislation. As I mentioned before, it has always been our feeling that we were there to be supported. It was not for us to make the major decisions for the school but rather to be consulted, to give our opinions, to make valid suggestions which were beneficial for our particular community school but that we always... The local school generally sees itself as part of a larger community of schools and has always looked to the elected commissioners at the school board level to be the decision-makers. In our reading of Bill 40, it would appear that the school council would have broad decision-making powers. It does not seem to us that indeed they will, but it will be perhaps a lot of rubber stamping but, at the same time, it does present a very major responsibility to see that each school does have an effective school council, but there will be a sufficient number of parents available to assist in all of the areas of concern that Bill 40 would propose.

I would suggest to you, as we mentioned in our brief, that, in most cases, our parents who volunteered in the schools -and I believe this to be true of our school committees particularly in the English sector that we are familiar with - have volunteered their time in a flexible way so they are free to give the time that they have free from their other responsibilities. I do feel that the confessionality question at the local level is one that they would not necessarily feel that they would like to deal with, that is in having three years to decide on the confessionality at the school level. They see themselves presented with a problem which is not one that has to do with pedagogy, which is of a major concern to them, but one which would perhaps even cause some antagonism amongst the various parents in the local school. I do think that they would feel we would have a definite problem in that, if they are given the mandate to decide on whether the principal of the school should remain in that school or to go, this would be a problem as proposed in Bill 40. We do not see our role to be one in which to be competent to decide on the principal's professional expertise.

Le Président (M. Blouin): Sir.

M. Buckingham: ...One of the area you asked about was the principal's role. I do not think our parents see in that bill that they have lost a stabilizing effect, because basically now most parents feel that the principal has a stabilizing effect in that school, is a leader in that school. Right now, if a principal changes school after three or

four years, that causes confusion. What this bill has done, has created the principal into a political animal, because the principal, every year, can be fired with a two third majority. The principal is in the position... Many parents feel that the principal is in a position of playing politics to make sure he has a job the next year, rather than having his first loyalty to the children and the parents that he is representing; and his second loyalty is probably to a schoolboard. Now his loyalty, according to Dr. Laurin, is to the Ministry, not to the community he represents, and that is stated in the bill, and it is stated in the principal master artisan.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci, M. Buckingham. M. le député de Vachon.

M. Payne: It is my duty to remind you something. You mentioned earlier that you have no recollection and certainly no policy of making reference to racism with respect to Dr. Laurin and you referred to your own newspaper. I would like to read from that newspaper called Home and School News, 83-09-05: "Given these xenophobic tendencies of the Provincial Government, given the racist leanings of Dr. Laurin and his nationalistic cohorts... the scene is set for a season of unrest." So much for the mud slinging. And then a little bit of back slapping, you say: "Home and School, which has always been known for its intelligent approach to problems, must maintain that exemplary conduct." I consider that to be hideous and outrageous and verging on racism itself, and not the kind of language which will help this National Assembly to reach an equitable solution with respect to the bill which is before us.

Dans les pages de nos journaux anglais du Québec, se cache une multitude de préjugés raciaux dont vous êtes parfois les premiers responsables. Perhaps we should go in English. I would like to come to Bill 40 and discuss very briefly two topics: parents' participation and centralization. How do you feel about the project of Bill 40, which suggests that for every school there should be a school committee elected by parents of students attending the school in any given year, and that the principal and the representative of the staff of the school should be members of this committee, every school of Québec, and that one of the general thrusts of this bill is to keep parents informed of the developments within the school and of the school program, and to provide a kind of liaison between parents and the schools themselves, what do you think of that general philosophy?

Mme Rankin: ...we think of the general approach of having school committees?

M. Payne: Yes. I have just given you a list of their functions and their roles.

Mme Rankin: We already have school committees.

M. Buckingham: It is not in Bill 40. We have that presently, school committees with everything you said there according to the old law.

M. Payne: I said: What do you think of it? Because, in fact, Bill 40 consecrates that in terms of a right.

M. Buckingham: It is already a law now. So therefore if it is not a law, is it not a right. May I ask that question please?

M. Payne: No. I am asking you the question and it is very simple. It is not an obligation at the moment to have a school council. Right or wrong?

Mme Rankin: An obligation to have a school council? There is no such thing as a school council.

M. Payne: An orientation council or call it whatever you want.

Mme Rankin: An orientation committee is what you are referring to, which came as originally as to whether or not we wanted to have orientation committees in our schools?

M. Payne: Right. Which has consultative functions.

Mme Rankin: The consultative function is done by the school committee at this present moment. (22 h 15)

M. Payne: I would like to give you some of the examples of Bill 40 which attempts to democratize and consecrate rights for the parents committee, to plan the educational policy of the school, to promote the parents participation in the improvement of educational community services, to make recommendations towards a more efficient cooperation within the school, and then the Bill goes on to address itself to a number of recommendations such as the education committee, the pupils' committee. This is an attempt to democratize something, and it suggests that they should be a maximum of 14; a maximum. Obviously, in outline areas, it can be much less.

This is an attempt to give an opportunity of full participation. I am sure that you are not against the principle.

Mme Rankin: Not against the principle of democracy.

Mme Daigle: The point is that we have a law, now in Québec, for school committees, where there is an opportunity for parents participation and there are again number specified for minimums and guidelines for approach to maximums. Therefore, I cannot see that Bill 40 proposes anything that is different in terms of the parents' participation that one can have at the local school level. We have that, now, in the legislation regarding school committees.

M. Payne: So, I do not understand your disagreement if you say there is no difference here. In fact, I would like to add one particularly difference which is very important: mainly now it is the right of parents to have that committee which is decisional, and that is the position of la Fédération des parents du Québec who was vigourously defending before this commission, the rights and the decisional rights which are given by Bill 40.

Mme Rankin: The decisional rights?

M. Payne: The decisional functions of the school council.

Mme Rankin: The function of the school council according to this is to carry out the decisions made the Ministry.

M. Payne: Oh no! I think you should read the mandate of the school committee...

Mme Rankin: Of the school committee... Could you please tell me when you are going to distinguish between the school committee and the school council, because if you are talking one, you know, we will talk about one. But if you talking the other one, the other one is Bill 71.

M. Payne: Je m'excuse. I am referring to "les conseils d'école". I cannot...

Mme Rankin: O.K., that is the school council.

M. Payne: ...and you cannot see a difference between a decisional "conseil d'école" and the present bill, the present law?

Mme Rankin: The present bill and school council are pretty much one on the same.

M. Payne: You see no difference in that case between Bill 40 and the present law?

Mme Rankin: No, no, no. You said: What do we think of school committees, and we said: They are presently in the schools.

Then, you changed to discuss school councils which are two totally different things.

M. Payne: On va laisser ça de côté. In terms of decentralization, can you give one power which the Minister presently possesses which you think he should not have and which is increased in Bill 40? What increased powers does the Minister have in Bill 40 which he did not have before? Could you give a list of those powers?

Mme Rankin: We are talking about decreased powers of the school commissional level, we are not talking about increased powers of the ministerial level. We talking about school boards actually having some sort of power of taxation, of curriculum, over what happens within the school, the distribution of ressources though decisions are already made prior to their arrival at the school board level.

M. Payne: No, my question was: Can you give a list of the powers of the Minister which are increased in this bill? You spent the whole chapter to talk about centralization that would be based upon increased powers. Could you give a list of those increased powers?

Mme Daigle: As I see it, the Ministry, today, already has taken upon himself vast powers by legislation such as the law 57 regarding budgetary considerations, the orders in council regarding "le régime pédagogique" and the decrees. These things if anything are increased in Bill 40 to the point where they become consolidated there in that particular legislation. Those things become even stronger, and they appear now separately. They are all combined together, all listed in chapters 5 and 6 and defined very clearly.

M. Payne: But can you answer the question with respect to what powers are increased? What increased powers does the Minister have?

M. Parker: What this Bill would do is remove as a powerful influence the only locally elected... The form of government in the school system, the only elected body would be the National Assembly and the Minister would have all the powers that go with being a person representing that elected body. Effectively, we submit that the school boards, which are being elected according to the format that I read a little while ago, with one commissioner from each school, would not operate effectively, would be divided up because each commissioner, instead of representing a whole community, would be representing the interest of a particular school. If you have as many as 72 commissioners with each one representing a

particular school, you have a level of elected government which is not likely to be coherent or effective. That is the only elected body and the only elected person, with any really...

Mr. Payne, I am sorry, let me finish this. The only really elected body with any signifiant part of elected individual would be the Minister and the Ministry of Education.

M. Payne: I am not talking about elections. I asked you a very specific question. Could you give a list of increased powers, when you talk about centralization? In passing, I would point out that, obviously - it is obvious to anybody - the school commission is an example of an elected body as well as the school council. I will give you a brief list of actual powers which are held by the Minister: Teacher certification, school age entrance, le régime pédagogique, regulations for building contracts and so on, the disposal of unused buildings, the size of school commissions.

I cannot see any one example in that list that could be easily delegated to the school commissions. However, there are certain areas which we have decentralized. I would like to submit a few examples to you. Previously, it was not possible to have a surplus in the budget. That is now possible. With respect to independent auditors, we propose that the mandate should be worked out locally. Teacher material, pedagogical material are now decentralized much more than they have ever been before, which is an important teaching tool and something which has been asked by teachers and by school commissions in recent years, as you know. The whole area of student equivalences is now decentralized. Students coming from other provinces...

M. Parker: To what level?

M. Payne: To the school commission level. Local curricula, planning of local curricula, those are decentralized powers. I did ask you for a list of centralized powers, but I am giving you an example of decentralized powers.

When you make allusions to the school commission being devested of all powers, the school commission has the following powers. Here are a few examples that I picked out: the allocation of educational services, pedagogical services, planning, adult education, special education, kids with learning difficulties, integration policies, the hiring and the placing of personnel, material, resources and property disposal following the regulations established nationally, hiring of the director general and preparing the budget which now, in fact, is tabled. It is not approved. It is tabled in Québec. It is quite an impressive list of powers of the school commission, which is an elected body. Would you not consider that this is a considerable and interesting list of powers which are being given to the school commission?

Mme Daigle: One point in the list that you have mentioned that I know parents have been concerned about is regarding the local planning of curriculum. There are examples where the parents, in consultation with their school principal, their school and director general and the overall members of the school board itself, have attempted to plan local programs. I refer particularly to the incident at the Baldwin-Cartier School Board where the parents had made considerable progress in the development of a sex education program which they duly submitted to the Ministry. This program was refused. The Minister's reply, as I understand it, was that there was already a program within the "régime pédagogique" which was to be implemented on a uniform basis across the school system.

It is my understanding in this instance that there is room for local planning, but that these programs must, in the final instance, be approved that in almost all instances you would find in the list that you have given that where the powers seem to be decentralized there is always a link for approval and, in the final instance, it is the Minister of Education, the Ministry itself that makes the decision as to whether these things are implemented or not.

All of the things mentioned in the list have to be taken into consideration budgetwise and again, I remind you that it is within the Ministry of Education itself that we find so much of the centralizing powers regarding budgets. School boards in the past were given powers of taxation and the means by which they were able to decide for themselves how they would use those particular resources. So while, the list may look as though the powers are decentralized, the broad powers are still there within the Ministry. I would suggest that it is perhaps one of the reasons for which we do have Court actions pending as to where this power really does lie legally.

M. Payne: You give an example of the present situation concerning sex instruction programs. I agree with you that it is necessary to have provincial norms. As for the way in which the "régime pédagogique" could be applied locally, I have just given you one example of local curricula being planned locally, how provincial norms can be worked out at the school commission level and, ultimately, at the school level in consultation with the parents and the teachers. I would just like to be reassured that there is not an increased list. If you believe that there is an increase in powers

of the Minister, please table them and we will discuss them. My reading - and I have given you a list - is pretty exhaustive and that list demonstrates that there are no increased powers for the Ministry.

M. Parker: We could go through the list, Mr. Chairman, Chapter V, if you like me to read the whole list of powers assigned to the Minister of Education and then, there are not only those, but the Government may exact regulations. Of course, the problem with doing these things by regulation is that they are not subject to decision by the elected representatives, at the National Assembly. If you go through that total list, there is practically nothing that can be done without final reference or final decision by the Ministry.

M. Payne: My one last question: Just in a word, can you give a list of increased powers which the Minister now has, yes or no?

M. Parker: All I can say is that the situation has changed. There was a time when the commissions, the Protestant commissions in particular - which I have some familiarity with - had a great deal to do with establishing the curriculum. We did, we established the curriculum inclose consultation with staff, with teachers, with administrators and even with representatives of the Federation of Homes and Schools Associations. So these were, of course, subject to references to the Ministry, but we have a long history of curriculum-making at the level of the school board. Now, the tendency with the "régime pédagogique" seems to be more and more that there is a centralization of curriculum-making at the level of the Ministry. (22 h 30)

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parker. Merci, M. le député de Vachon. Il faut maintenant...

M. Payne: Thank you. Deux secondes? I would just like to point out that the "régime pédagogique" came in as the result of recommendations from the parents after massive consultations. Their recommendations were that there should be provincial norms for curriculum. That is the result of it.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député de Vachon.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je sais que le temps fuit. Alors, très rapidement pour laisser le temps à ma collègue d'intervenir, en souhaitant la bienvenue aux membres de la fédération, j'aimerais souligner qu'ils arrivent devant cette commission avec des lettres de créance très impressionnantes. À entendre le ministre, on pourrait croire que la réception qu'il vous a réservée, c'est que l'invitation qui vous a été faite et à laquelle vous vous êtes fort gracieusement rendus était seulement dans le but de vous gronder, de vous réprimander, de régler les vieux comptes avec vous et qui, pis est, de le faire publiquement. Il est possible qu'il ait eu maille à partir avec vous, mais la décence et la civilité voulaient que ces choses se règlent privément, de façon à laisser le moins de marques durables possible.

Je regrette publiquement moi-même que le ministre ait senti bon de vous faire venir pour régler ses comptes publiquement. La preuve qu'on puisse croire qu'il en est ainsi, c'est que c'est la première fois depuis le début des travaux de cette commission - à moins que je ne me trompe, parce que j'ai été très assidu, comme vous le savez, M. le Président - que le ministre s'absente pendant la discussion qui suit la présentation d'un mémoire. J'y vois là le signe de quelque chose. On en tirera les conclusions.

Ce n'est pas en faisant parler le député de Vachon qui est "his master's voice" finalement, un simple ersatz qui fait le message que le ministre n'a pas la délicatesse de faire... Je le regrette vivement et j'ai le droit le plus strict d'exprimer cette opinion...

M. Payne: ...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je vais le faire malgré toutes les protestations du député de Vachon qui continue de tenter...

M. Payne: ...cesser les insultes du député.

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le député de Louis-Hébert...

M. Doyon: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): J'ai compris dans votre intervention que vous vouliez signaler certaines attitudes qui, à votre point de vue, sont incorrectes. Alors, je vous signale de ne pas vous-même provoquer des attitudes qui pourraient être qualifiées de la même façon. D'accord? Et je souhaiterais que nous procédions aux échanges avec nos invités, si vous le voulez bien, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je pense que le ministre a la peau un peu mince, l'épiderme très délicat. Le député d'Argenteuil a expliqué que, lorsqu'on est en

politique comme lorsqu'on est dans d'autres métiers, "if you cannot stand the heat, get out of the kitchen". Cela fait partie du jeu. Que le ministre s'offusque et qu'il fasse parler "his master's voice" à sa place et qu'il n'ait pas la délicatesse...

M. Payne: Provocateur.

M. Doyon: ...de vous faire les messages qu'il a à vous faire, je le déplore grandement. Ce que j'ai à dire, je le dis publiquement, parce que, lorsqu'on court après les coups, on en reçoit et quand on veut en avoir, j'en donne, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Doyon: Le ministre se réjouit publiquement et dit - je me réjouirai avec lui - que vous avez obtenu une subvention. J'aimerais savoir de votre part si cette subvention est considérable et de quel ordre elle est, simplement pour clarifier ce point de vue.

Le Président (M. Blouin): Mme Daigle.

Mme Daigle: Yes, we received a grant of 18 000 $. We have received that amount for the past three years.

M. Doyon: Cela fait trois ans que vous recevez ce montant de 18 000 $. Est-ce un montant qui vous est versé d'une façon statutaire ou d'une façon discrétionnaire, selon la volonté du ministre chaque année?

Mme Rankin: Discrétionnaire.

M. Doyon: Discrétionnaire. Merci. Vous avez, j'imagine, eu l'occasion d'étudier en profondeur le projet de loi 40. Êtes-vous en mesure d'indiquer à cette commission si, à votre avis, la meilleure façon de renouveler et de provoquer un intérêt véritable des citoyens, des contribuables vis-à-vis de la commission scolaire ne serait pas, au lieu d'avoir ce que j'appelle des "gimmicks", c'est-à-dire des moyens détournés de nomination de parents par voie du comité d'école, plutôt de donner de véritables pouvoirs à une commission scolaire qui aurait les moyens de les exercer? Que pensez-vous d'une proposition semblable?

If you prefer to answer that question in English, please be at ease to do so.

M. Parker: I would begin an answer to that, subject to Mme la présidente's further comment. Obviously, we prefer to operate within the broader scope and mandate of a democratically elected commission. That is not to say that the school does not have powers. The school has powers. I have served as school principal something like ten years ago, in the early days, when the school committees were first introduced. In my day, in 1974, I had for the first time a school council, a school committee and a home and school association; all three: the home and school by tradition, the school committee by law and the school council by law. The school council was the staff in those days. It was not the conseil d'école. It was a meeting of all the staff with the principal. The school committee was an elected group of parents meeting with the principal and then, there was the executive of the home and school. As a matter of fact, I worked it out that we all met together three or four times a year, particularly at the beginning, to establish a plan for the school. This was long before there was any idea of a projet d'école. Then, we divided up responsibilities and all worked together. As a matter of fact, I won a national award as a principal for devising this method of working with school committees and with parents.

We have a tradition in the English protestant system of participation of parents, of working with parents, of professional teachers and principals working in partnership. That is what Home and School is all about. The home is primarly the parents' responsibility. Through the Home and School Association they have influence on the school, but the operation of the school is within the functions of the principal and the school commission.

Mme Daigle: If I understand your question, you want to know whether or not the school council is a gimmick to be used for the illusion of power at the local level. I do not know whether I would call it a gimmick, but I do see it as a group of people who come together, duly elected, to serve. They already do come to serve on an elected basis, so there is nothing that would be changed there, but it would appear that they would be given greater decision-making powers if, as we believe, the centralizing power is in the Ministry. At the very best, the school council would be there to rubber-stamp whatever was placed before them for approval.

I suppose that, along the way, good and valid suggestions would be made and perhaps be taken into account but, in the final analysis, this is only one local school operating within a large provincial network of local schools. Therefore, it would seem to me that they would have to look very carefully at the list of duties that they would have and they would all, at some stage or another, have to be approved beyond the local school level. Bill 40 proposes that. There will, of course, be school boards of a kind. We see those as a "service coopératif" but, again, having no decision-making powers that we find now in

our local school boards. Therefore, to whom do they go for the final approval, if not to the Ministry of Education itself?

M. Doyon: Thank you.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Doyon: Oui. Étant donné que le temps fuit rapidement, je laisse maintenant la parole à quelqu'un d'autre. Je sais que ma collègue de Jacques-Cartier a de nombreuses questions et peu de temps.

Le Président (M. Blouin): Merci. D'abord, je vais donner la parole à M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Avant d'aborder le coeur du débat qui est la loi 40, j'aimerais faire une petite mise au point concernant l'intervention du ministre au début de la réunion de ce soir. M. le député de Louis-Hébert a dit que M. le ministre devrait laver son linge sale privément. Je lui ferai remarquer que, lorsque le linge sale a été sali publiquement, il revient à ceux qui l'ont sali publiquement de le laver publiquement. Je m'attendrais que ceux qui l'ont sali publiquement par des dénonciations publiques puissent publiquement le laver en reprenant leur attitude et les termes qu'ils ont utilisés.

Pour en venir au projet de loi, je vais aborder moi aussi le thème de la centralisation et le thème de la participation des parents. En ce qui concerne le thème de la centralisation, je ne reviendrai pas sur ce que le député de Vachon a relevé. Il vous a bien demandé si, selon vous, le projet de loi 40 augmentait les pouvoirs du ministre. Jusqu'à preuve du contraire, on n'a pas pu établir ceci. Au contraire, on a dressé toute une liste d'articles où il y avait un effort de décentralisation. Mon intervention va porter sur le point suivant: vous avez dit que dans les années soixante vous avez réclamé la création d'un ministère de l'Éducation parce que, pour vous, c'était l'instrument indispensable pour assurer l'égalité des chances à tous les Québécois d'accéder à une éducation valable. Que je sache, aujourd'hui, le ministre de l'Éducation n'a pas plus de pouvoirs qu'il n'en avait lorsqu'on a créé le ministère de l'Éducation pour assurer cette égalité des chances. Comment pouvez-vous justifier qu'aujourd'hui... Je crois que l'égalité des chances demeure toujours un objectif que nous devons poursuivre. Pourquoi ne croyez-vous pas que les pouvoirs qui étaient nécessaires à l'époque pour rendre possible cette égalité des chances ne soient plus nécessaires maintenant et qu'on devrait enlever des pouvoirs au ministre? Il y a une incohérence dans la position, à ce moment-là.

Mon autre point sur la participation des parents, je vais vous le donner. Vous insistez et vous revenez sur la nécessité de la participation des parents. Vous avez fait la preuve que depuis plusieurs décennies, dans votre milieu, vous êtes impliqués au niveau de l'école. C'est très bien, c'est très louable; c'est un exemple à suivre. Vous avez dit aussi, vous avez réaffirmé que vous, parents, qui avez préparé ce mémoire, êtes convaincus qu'il vous incombe de façon ultime de déterminer la façon dont vos enfants sont éduqués. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Les parents ont des droits à l'égard de l'éducation de leurs enfants. Ils doivent s'assurer des moyens pour tâcher de suivre cette éducation et d'en être responsables.

Alors qu'on veut donner aux parents dans les écoles un certain pouvoir à l'égard du projet éducatif, lequel projet va précisément comprendre les valeurs propres à une communauté, vous dites: Non, on ne veut pas de ce pouvoir pour les parents... Oui, puisque vous êtes contre le pouvoir décisionnel que le projet de loi accorde aux parents au niveau de l'école. Vous dites qu'ils l'auront par voie de délégation des commissaires élus. Vous faites allusion au fait que le bénévolat a diminué pour justifier que les parents n'ont pas le temps de s'occuper de façon directe de l'éducation de leurs enfants, d'y veiller d'une façon immédiate et directe par une responsabilité directe. Vous dites de laisser cela à une responsabilité indirecte, par voie de délégation, parce que le bénévolat diminue.

Je trouve que ce sont des arguments qui sont un peu faibles. Je crois que la logique de vos positions de base devrait vous amener à reconnaître que dans le projet de loi 40 il y a des dispositions qui correspondent à votre philosophie et qui la respectent. Vous parlez de la philosophie qui anime le projet, mais je crois que, si on regarde les dispositions de la loi avec des yeux dégagés de toute appréhension - comme vous l'avez dit tantôt, il y a beaucoup d'appréhension de notre côté - si on fait un effort pour laisser tomber ces appréhensions et qu'on regarde le projet de loi tel qu'il est, il répond énormément à votre philosophie qui est un pouvoir au niveau de l'école, un pouvoir aux parents en ce qui concerne la détermination des projets éducatifs dans l'école. (22 h 45)

Je ne comprends pas votre acharnement contre le libellé du projet de loi en partant de votre philosophie de l'éducation. Je crois qu'il y a là des contradictions et c'est pour cela que je me dis qu'il doit y avoir des raisons et les raisons ou les appréhensions que vous nourrissez depuis longtemps, à mon sens, ne vous ont pas permis de faire une lecture vraiment dégagée du projet de loi tel

qu'il est réellement.

Le Président (M. Blouin): Mme... M. Parker?

M. Parker: As far as citizens are concerned, the citizens in their function, I do not think you would claim that all of them either have the desire, the time or the ability to operate at the level of the elected council and to administer. Now, I think all citizens have a right to input. All citizens have a right to serve on a voluntary capacity but they do not necessarily all participate in the active administration.

I think parents are in the same category. They cannot all participate. They do not have the time. They do not have the inclination and some of them do not have the training. So, from the point of view of operating a school, the administration of the school really belongs on a broader basis to parents, to citizens who are elected on a broader basis at the school commissions, who assign responsibility to a professional person, to a professional administrator who is removable by the school commission and who has to work with the parents in conjunction with them. That is the kind of system that we see operating effectively rather than each school setting up a decision-making council which can fire the principal at any time, which sets up its budget for buying the necessary equipment and so on. It means that, instead of one budget which takes into account the needs of a number of units, you have each unit undertaking the administrative function, you have parents on a part time volunteer basis, having to undertake administrative functions which we, in our experience, feel, for the most part, they do not want. As long as they are consulted, as long as they are able to be present in the school councils or the school committees, they actually do not want the administrative and the decision-making power at the school level.

M. Brouillet: II y a beaucoup de points pour cela. Tout d'abord, quand on parle de l'administration, vous savez fort bien que la part du budget qui sera laissée à la décision du conseil d'école est minime par rapport à l'ensemble du budget. Le gros de l'administration, c'est à la commission scolaire que cela va se faire. C'est beaucoup plus sur la définition du projet éducatif, de certaines activités en fonction du projet éducatif qu'il y aura une signification au niveau de l'école et de la décision qui va relever de l'école. Ce n'est pas sur la décision à savoir si on va acheter un tableau noir dans telle classe plutôt qu'une corbeille à papier dans l'autre. Il ne reste plus grand-chose au niveau de l'administration du budget au niveau de l'école. Ce n'est pas là qu'est l'important. C'est justement sur le point essentiel que vous maintenez, la qualité de l'éducation que nos enfants vont recevoir dans le cadre d'un projet éducatif qui implique des valeurs.

C'est sur cela que porte l'objet de la décision du conseil d'école, l'objet le plus important. On a beaucoup dit: Ils ne veulent pas être des administrateurs... C'est vrai. Vous dites: On va confier à des administrateurs. Les commissaires sont élus. C'est du "part time" autant que les parents qui vont aller au niveau de l'école. Il n'y a pas de différence. Ils sont élus. On n'élit pas des administrateurs sur la base de leur qualité d'administrateur tellement. Pour l'administration comme telle, il y a la direction de la commission scolaire, le directeur général et tout le personnel qui fait l'administration quotidienne. Dans l'école, il y a le directeur. Il ne faut pas s'imaginer que les parents, parce qu'ils ont un pouvoir de décision, devront tous les soirs faire de l'administration de l'école. C'est fausser le débat. C'est leurrer les gens et les tromper en faisant croire cela.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau. Mme la députée de Jacques-Cartier en vous rappelant qu'il vous reste sept minutes.

Mme Dougherty: Merci. I would like, first of all, to say that Thérèse Lavoie-Roux asked me to tell you she was sorry she could not stay. She had to go back to Montréal. She asked me to tell you how much she had admired your work over the years. I would like to support her congratulations for I too have been part of Home and School in the past and I continue to follow your work very closely.

Because, le député de Vachon, insists constantly on this question of centralization and decentralization, I just want to take two minutes to say what I see as the reasons without giving a list of powers contained in the law. I think that decentralizing effect that is being perceived by most of the people who are coming forward to speak to this commission is because it is a net effect... because the law is changing the dynamic of the system. At the moment, we have school boards that do not have large powers because they have been gradually taken away and we have a mass of power at the Ministry. There are certain powers, financial power, particularly important is this 6% tax that is still there, which is small but it is important, certain powers to adapt "le régime pédagogique", powers to give educational leadership and to distribute the resource according to the needs of the different schools and so on. Now, what is happening in Bill 40, as I see it, is that some of these powers are being sent down to

the local school level. Let us put aside the question of whether they are real or illusory powers. I think many of them are not very real, when it comes down to it. But let us assume they are real. When you split that power into all the parts that are represented by the individual schools, the parts are substantially less than the combined power of the system. In other words, the system is greater than the parts and you are losing that power, that buffer, that discretion, that leadership possibility because the power has been atomized and therefore, the net effect is that the MEQ powers become greater, relatively to the other parts, and that is the centralizing effect. Because there will be a power vacuum; where the boards, the systems do not have the thrust, it will be filled by regulations from the top. That is the centralization that is going to come. I think it is inevitable, whether or not it is written in this law. It is the dynamic of the system that is going to change in a dangerous way which will push the power up inevitably. The schools will be more and more vulnerable because they do not have that system in between.

I know time is very short. I only have seven minutes. I want to ask you a question not about all the legal development which was much elaborated in your brief, because I do agree and certainly hope that, at some point or other, we get some clarification, after all these years, of what that "be enact" really means. But whether it comes out in favor of some and less in favor of others or whether it turns out to be a myth or something very substantial, I do not think it is the crux of the matter. What we are dealing with here is the quality of education, and I think you started your brief with a very nice statement as to how you see the elements and the criteria for quality of education. I think it is a much better statement than that we have at the beginning of the Bill, when they try to define the elements of good education.

Le Président (M- Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier, vous n'avez le temps que pour une brève question puisqu'il vous reste deux minutes.

Mme Dougherty: I want to know just why, on page 4, you express the change in the parents'role as represented by Bill 40 a little bit differently from some of the other people that we have heard. You say that the parents would become passive recipients instead of active participants. Effectively, in the next paragraph below, you say that the consultative role, which obviously you value very much, would be eroded. Would you try to put in a nutshell for us just exactly why you said it that way?

Le Président (M. Blouin): Mme Daigle, il faut répondre très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Daigle: I think that we did see in the role of the new school council that the things that we would be obliged to deal with, of course, would have to do with either the regulations or elements of the law that would come down in the form of some kind of paperwork. We would be involved not in the real decision-making power, but just in deciding that this month, for instance, the Ministry wants up to do this, this and that. Therefore, we would just become passive recipients in dealing with the mounds of material that would come our way from some other power. It would leave us very little time to be what we would call the active participants, where we would initiate in many instances the things that we feel are important to the school and that we would like to be actively engaged in.

Just yesterday, it was mentioned to me by a school committee person that she felt that, in some instances, they were not always forging ahead in the areas of concern that many of the parents had because so much of their time was being taken up in material that was handed to them through government bodies that required an answer on their part. As for the things that were concerning her, that she might have been active in, such as school safety programs, which is the reason why she was speaking to us in Home and School since we are very involved in that, she wondered whether there might be a way in which a Home and School and her school could deal with that because it was a real parental concern. The school committee did not seem to have time to do that. So, I would see the school councils functioning in that way even more. Thank you.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Daigle. M. le député d'Argenteuil, vous désiriez intervenir.

M. Ryan: Oui. M. le Président, avec votre permission, je voudrais soulever très brièvement une question. Plus tôt dans la soirée, nous avons eu un échange à propos de cet extrait du numéro de septembre 1983 de Home and School News. Tantôt, vous m'aviez dit, en réponse à une question que je vous avais posée, que vous n'aviez pas eu connaissance d'un tel article. Ensuite, le député de Vachon a cité l'article que j'ai devant moi. Cela me fait d'autant plus de peine de voir cet extrait que le paragraphe qui précédait et celui qui le suit sont d'une tout autre inspiration.

On disait dans le paragraphe précédent: "In all of this, the voice of reason sometimes gets lost, smothered by angry

cries of frustration and outrage." Ensuite, vous continuiez, après cet extrait: "Home and School, which has always been known for its intelligent approach to problems, must maintain that exemplary conduct. At the same time, however, we must be persistent in insisting on a just solution, the problems originating at the Ministry of Education. We must insist on the maintenance of basic human rights in a clear and concise but definite matter, conceding nothing that would jeopardize our cultural, linguistic and educational heritage."

Je voudrais vous demander ceci. In light of the evidence which was deposited before us at a later stage of our discussion tonight, would you be prepared to disavow this accusation of racist leanings which was clearly formulated against the Minister of Education in that article which appeared in the organ of the Home and School Federation. I think it would help clear up the incident. I would not like to go back home with this troublesome memory on my mind. I think the good doctor would certainly appreciate that. We missed his presence during our discussion. He would have learned something if he had remained with us. I think if we could clear this up publicly, it would serve the cause of understanding and tolerance which we are all trying to serve in our respective manner.

Le Président (M. Blouin): Mme Daigle.

Mme Daigle: Yes, I would like to point out, as we did after Dr Laurin had left, that in no way did we mean that this be a racist attack. We have an editorial staff working on our newspaper and I am quite certain that the individual in this case, it was not his intention to have that particular aspect in it at all.

M. Ryan: Would you be prepared to disallow this particular passage?

Mme Daigle: Yes, indeed, we would. I would, on behalf of the association, apologize for this if it appears to Dr. Laurin to be an insult to him personally or...

M. Ryan: Très bien. I am not asking you to withdraw the other term, however, which I found to be a perfectly legitimate one in an open political debate.

Le Président (M. Blouin): Alors, très bien, sur cette touche humaniste, je remercie les représentants de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles pour leur participation.

Sur ce, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 1)

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