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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 26 janvier 1984 - Vol. 27 N° 239

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaîtl Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. J'invite donc les membres de la commission à bien vouloir gagner leur siège. Avant de commencer nos travaux proprement dits, permettez-moi, au nom très certainement de tous les membres de la commission - je crois que, dans les circonstances, on pourrait élargir le cercle -et au nom de tous les parlementaires de souhaiter à M. le député d'Argenteuil un heureux anniversaire de naissance et un avenir plein de santé et de bons moments.

Sur ce, je vous rappelle le mandat de la commission, qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de cette commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), Mme Juneau (Johnson), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Paré (Shefford), M. Payne (Vachon) et M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

Aujourd'hui, nous entendrons successivement les groupes suivants: d'abord, ce matin, le Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges et l'Association des parents catholiques du Québec, chacun de ces groupes disposant d'une période d'une heure et trente minutes, selon l'entente qui a été conclue entre les partis; à compter de quinze heures cet après-midi, le Mouvement laïque québécois, qui sera suivi du Mouvement scolaire confessionnel, chacun de ces groupes disposant également d'une heure et trente minutes; à compter de 19 h 30, le comité de l'école FACE, qui disposera d'une heure, et la Commission scolaire régionale de Chambly, qui disposera, pour sa part de deux heures.

Sans plus tarder, puisque la représentante et le représentant du Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges sont déjà installés à la table de nos invités, je les invite à s'identifier et, ensuite, à nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.

Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges

Mme Plante-Proulx (Lucie): Je suis Lucie Plante-Proulx, présidente du comité d'école de Notre-Dame-des-Neiges; M. René Laterrière, parent à l'école Notre-Dame-des-Neiges, m'accompagne.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais, d'abord, faire une courte présentation de la situation de Notre-Dame-des-Neiges. Notre-Dame-des-Neiges est une école primaire du quartier Côte-des-Neiges, à Montréal. Elle relève de la CECM. Elle comptait, au 30 septembre cette année, 380 élèves. Elle est à la frontière linguistique de l'île de Montréal, à l'est du Chemin-de-la-Côte-des-Neiges, où l'on parle français, et à l'ouest, où l'on parle anglais. Elle est l'école d'un quartier qui est à 43% francophone et à 44% anglophone. Elle compte 38 communautés culturelles différentes. 63% des parents sont de langue française; 19% de langue autre, qui se distribuent à l'intérieur des communautés espagnole, anglaise, grecque, portugaise, italienne, polonaise et des divers autres groupes de l'école. Au plan religieux, c'est l'école d'un quartier où il y a 50% de la population qui est catholique, 28% juive, 13% protestante, 3% orthodoxe et 6% sans religion.

L'école Notre-Dame-des-Neiges a été la première école au Québec à demander au comité catholique la révocation de son statut confessionnel. Elle a été la première école où, après un long cheminement, la communauté scolaire a voulu rendre le statut de l'école conforme à ses valeurs. Elle a été aussi la première école à essuyer le refus catégorique de sa commission scolaire d'administrer une école autre que catholique et, enfin, la première à subir un procès en Cour supérieure touchant son statut confessionnel. À ce titre, elle est hautement concernée par le débat actuel sur la confessionnalité des structures scolaires. Du reste, le livre blanc, L'école communautaire et responsable, au chapitre Une réforme scolaire inachevée, lui fait l'honneur de la mentionner spécifiquement. L'expérience récente de sa "déconfessionnalisation" a servi de toile de fond à la réflexion du comité d'école sur les réaménagements de la confessionnalité que propose le projet de loi

40.

Ce mémoire porte exclusivement sur la confessionnalité scolaire. Ce n'est pas que les autres points du projet de loi ne nous concernent pas, au contraire. Cependant, bien d'autres intervenants se chargeront de conseiller le gouvernement là-dessus. Nous nous en tiendrons donc à la question qui, finalement, a fait notre réputation dans l'opinion publique.

La commission scolaire. Au Québec, depuis 1970 - les lois 67 et 71 - toutes les écoles publiques sont gérées par des commissions scolaires pour catholiques, pour protestants. L'étendue de la juridiction de ces dernières, pour ce qui est des écoles non confessionnelles, n'avait pas fait l'objet d'interprétation juridique jusqu'au jugement Deschênes dans l'affaire Notre-Dame-des-Neiges; on a aussi connu plus récemment un jugement dans l'affaire de l'école Nouvelle Querbes, à Outremont. La question en cause était la suivante: une commission scolaire pour catholiques pouvait-elle administrer ces écoles autres que la loi semblait, d'autre part, permettre?

Notre école, en remettant en cause son statut confessionnel, a obligé la CECM à prendre position. Cette dernière a opté pour la voie étroite et a répondu non. Elle a prétendu ne pouvoir administrer que des écoles catholiques et a invoqué à cet égard la constitution canadienne. D'autres prétendent, au nom du même motif, qu'en dehors de Montréal les commissions scolaires, dans la mesure où elles sont déclarées pour catholiques, se trouvent dans la même situation que la CECM. Conséquemment, la création d'écoles non confessionnelles à l'intérieur d'un régime de commissions scolaires confessionnelles demeure aléatoire et c'est la volonté des parents d'un milieu donné qui peut s'en trouver contrariée.

Or, les parents de Notre-Dame-des-Neiges ne sont plus les seuls à signifier qu'ils ne veulent pas de statut confesionnel pour leur école. Le sondage de novembre 1982 mené par le comité central des parents de la CECM auprès de 10 000 parents indiquait que 28% seulement des parents désiraient le statut confessionnel pour l'école de leur enfant. D'autres sondages récents présentent des résultats semblables.

Qu'il s'agisse donc des assises juridiques de l'école confessionnelle ou de la volonté exprimée par les parents, on se trouvait dans un cul-de-sac et le législateur devait intervenir.

Pour l'heure, un vaste consensus jamais observé jusqu'ici permet de croire que le régime de commissions scolaires dites linguistiques demeure la solution la plus appropriée. Toutefois, nous croyons important, pour bien manifester le caractère essentiellement français de la société québécoise et pour respecter, du reste, la

Charte de la langue française, d'abandonner la terminologie de commissions scolaires linguistiques. On n'a pas besoin de dire que les commissions scolaires doivent être françaises: les commissions scolaires sont communes et dispensent l'enseignement en français. De même, elles sont ouvertes à tous les enfants, quelle que soit leur langue d'origine, conformément à l'esprit de l'article 6 de la Charte de la langue française. Par contre, on accepte pleinement que les personnes intéressées à l'éducation des enfants admissibles à l'enseignement en anglais gèrent leurs commissions scolaires. Par conséquent, si nous sommes d'accord avec l'objectif visé par l'article 133 du projet de loi 40, nous demandons néanmoins qu'il soit récrit pour qu'il soit en concordance avec l'esprit de la Charte de la langue française.

Voici nos recommandations: considérant que le régime de commissions scolaires confessionnelles rend non pas en droit, mais à toutes fins utiles aléatoire, sinon impossible, la création d'écoles non confessionnelles; considérant que la CECM a déjà signifié qu'elle ne veut ni ne peut administrer que des écoles catholiques; considérant les contraintes constitutionnelles de l'article 93 de la constitution canadienne; considérant le consensus observé aussi bien chez les francophones que les anglophones pour la création de commissions scolaires linguistiques, nous appuyons le projet de loi qui remplace le régime des commissions scolaires pour catholiques ou pour protestants par un régime de commissions scolaires françaises ou anglaises.

Nous recommandons, néanmoins, de modifier l'article 133 du projet de loi pour le rendre conforme à l'esprit de la Charte de la langue française et, par concordance, les articles 257, 338 et 540. Nous appuyons tout effort ultérieur du gouvernement québécois pour supprimer l'anachronisme constitutionnel faisant subsister des commissions scolaires confessionnelles.

L'école. L'expérience de l'école Notre-Dame-des-Neiges a été essentiellement vue dans l'opinion publique sous l'angle de la déconfessionnalisation. En réalité, le processus vécu à l'école visait à élaborer un projet d'école dont la déconfessionnalisation n'a été qu'une étape. Ce projet, nous l'avions nommé "école pluraliste" pour marquer notre accueil positif à la diversité aussi bien culturelle, ethnique que religieuse. Nous avions pris une option claire en faveur de l'égalité tant à propos des options religieuses des enfants et des parents que de leur liberté de conscience. Concrètement, cela s'est traduit par la mise en place d'un régime d'option entre l'enseignement religieux et la formation morale, avec maintien de l'animation pastorale pour ceux qui le désiraient. Dans les faits, quelque 55%

des enfants sont en catéchèse et 45% en formation morale. Chaque année, nous avons pris les dispositions pour organiser les regroupements d'enfants à la satisfaction de tous, parents, enfants et enseignants. L'expérience prouve que cela est possible, même si des difficultés d'organisation sont souvent réelles. Le comité d'école s'est toujours trouvé le lieu naturel pour gérer les difficultés de tous ordres que suppose la volonté de vivre un pluralisme conçu non pas comme un moindre mal, mais comme une authentique valeur sociale.

Tous les milieux scolaires ne sont, évidemment, pas semblables au nôtre, mais tous les milieux sont capables, nous en sommes convaincus, de vivre et d'aménager le pluralisme religieux.

Pour rendre le projet éducatif conforme aux voeux de la communauté scolaire, il a fallu, c'est devenu clair à un moment donné, demander la révocation du statut confessionnel de l'école. L'opération serait délicate, nous le savions, mais nous ignorions jusqu'où elle nous entraînerait: l'affaire est en Cour d'appel et se rendra possiblement jusqu'en Cour suprême. Mais la révocation du statut confessionnel était pour nous fondamentale: notre communauté scolaire ne pouvait s'accommoder d'un statut catholique, car ce dernier n'était plus l'expression d'un choix collectif. Avant même que nous demandions la révocation, notre école ne vivait déjà plus selon un projet éducatif chrétien nécessairement englobant. Ainsi, par respect pour la très importante minorité d'exemptés, la préoccupation apostolique était confinée aux cours de catéchèse. La révocation de notre statut catholique s'imposait donc, pour nous, par simple recherche de cohérence, mais aussi pour bien marquer notre accueil et notre ouverture; nous ne voulions pas qu'une partie de notre population scolaire se sente exclue par ce statut catholique, artificiel, mais tout de même lourdement symbolique: la procédure d'exemption était en elle-même perçue comme marginalisante.

Personne, à moins de l'avoir vécu de l'intérieur, ne peut s'imaginer la somme incroyable d'énergie physique et psychologique qu'ont dû fournir les membres du comité d'école tout au long de ce processus. Ce fardeau, il importe de le dire, n'a pas d'abord été "généré" par le contentieux juridique qui s'est développé une fois la demande de révocation acheminée à la CECM. Ce fardeau a, d'abord, été créé par le processus même de consultation qu'exigeait une telle démarche. Il a fallu, d'abord, transmettre des informations complexes et extrêmement délicates, s'entendre sur la pertinence de cette information. Il a fallu interpréter les réactions à ces informations, bref se livrer à un constant processus d'animation qui a mobilisé les énergies durant presque un an. Tout cela n'a pas empêché les adversaires de ce projet, jusqu'à l'archevêque de Montréal, de contester la validité de ces informations, de même que celle de notre consultation.

Il faut savoir que, malgré tout, il y avait au sein même de l'école un concensus très fort en faveur du projet d'école pluraliste. Les difficultés sont venues d'une minorité de parents de l'école qui se sont sentis lésés et que des groupes d'intérêt extérieurs à l'école ont bruyamment et lourdement appuyés pour mener la guerre que l'on sait.

En somme, malgré des conditions a priori favorables, nous n'avons pu éviter que l'application du règlement du comité catholique ne dégénère en un conflit social dont on retrouve les effets dans le projet de loi débattu aujourd'hui.

Pour une école ouverte et démocratique. À la lumière de cette expérience, examinons les dispositions du projet de loi quant à la confessionnalité au niveau de l'école. Le projet de loi 40 confère aux catholiques la garantie de recevoir l'enseignement religieux et les services d'animation à l'école.

L'élève a le droit de choisir entre l'enseignement religieux catholique ou protestant et l'enseignement moral. "L'école offre le choix entre l'enseignement religieux, catholique ou protestant, et l'enseignement moral. "L'école offre à l'élève inscrit comme catholique un programme de services complémentaires personnels ou collectifs en animation pastorale conformément au règlement du comité catholique."

De prime abord, cet aménagement paraît convenable et tenir compte de la réalité sociologique et de la tradition du Québec. Nous sommes d'accord aussi, comme le stipule l'article 103, que l'on permette l'enseignement religieux d'autres groupes au nom du pluralisme dont nous nous réclamons. On pourrait, cependant, se demander, au nom du principe de l'égalité, s'il est opportun que l'on consacre le privilège des seuls catholiques et protestants à un enseignement religieux et à une animation pastorale financés à même les fonds publics.

Bien qu'elle dispense l'enseignement religieux et l'animation pastorale aux yeux du législateur, l'école n'en demeure pas moins publique et commune: c'est ce qu'affirme l'article 30. Elle est plus que commune, elle est communautaire, car elle peut intégrer dans son projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des services (article 30). L'article 31 va plus loin en permettant à l'école d'intégrer dans son projet éducatif les croyances et les valeurs d'une croyance particulière.

La présence de l'article 31 ne nous

apparaît pas souhaitable parce qu'il est dans une large mesure redondant par rapport à l'article 30. Les valeurs du milieu peuvent bien être des valeurs religieuses. Il est donc inutile de le redire, le législateur ne parlant pas pour ne rien dire. D'autre part, du point de vue juridique, il est extrêmement difficile de définir ce que constitue une valeur religieuse. Mieux vaut laisser les Églises se charger de cette question que les tribunaux. Il en va de même a fortiori pour les croyances religieuses. À cet égard, le procès de l'affaire Notre-Dame-des-Neiges a montré dans quel imbroglio les tribunaux peuvent se trouver empêtrés, car, quand on y regarde de près, les requérants étaient trois catholiques et l'intimé, le comité catholique lui-même, qui représente de par la loi l'autorité ecclésiastique: bref, des catholiques faisaient la guerre à d'autres catholiques à propos de conceptions idéologiques. Par ailleurs, rien ne permet de croire que la définition des valeurs qu'un tribunal serait ultimement appelé à donner dans un contentieux correspondrait à celle de l'une ou l'autre des parties en cause.

L'article 32, par ailleurs, stipule: "Après consultation des parents, l'école peut demander au comité catholique ou au comité protestant institués par la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation une reconnaissance comme école catholique ou comme école protestante."

Pour le comité catholique, l'école catholique se définit comme "une institution d'enseignement qui accepte ouvertement la dimension religieuse comme partie intégrante de son projet éducatif et la conception chrétienne de l'homme et de la vie comme principe d'inspiration et comme norme de son action éducative."

Ce système soulève plusieurs objections de fond. Au plan des principes, l'article 32 contredit l'article 30; l'article 32 ferait de l'école une institution propre à une confession particulière, alors que l'article 30 en fait une école publique et commune: c'est une contradiction dans les termes. Que l'école catholique soit accueillante ne lèvera pas cette contradiction au plan des principes.

Les parents qui n'acceptent pas la conception de l'école catholique ne seraient pas pleinement participants à la vie de l'école, un peu comme les immigrants non citoyens canadiens ne sont pas pleinement participants à la vie de leur pays. Ils seraient en quelque sorte des dissidents permanents dans une école qui se dit en même temps commune et publique.

Au plan pratique, le processus de reconnaissance oblige à mener un débat collectif et politique sur des questions religieuses qui, finalement, concernent les personnes prises individuellement. On soumet à des majorités ce droit inaliénable qu'est la liberté de conscience. À ce propos, l'exprérience vécue à Notre-Dame-des-Neiges est concluante. Dans ce cas-ci, la minorité des parents lésés était catholique et l'on sait jusqu'où certains d'entre eux sont allés pour faire respecter les droits qu'ils considéraient comme inaliénables.

L'article 611 stipule, certes, que le statut confessionnel sera abrogé après trois ans à moins qu'on ne le redemande. Mais cette disposition constitue précisément un stimulus à engager toutes les batailles religieuses au cours de ces trois ans.

L'article 32 confie, par ailleurs, au conseil d'école et non à l'ensemble des parents, qui sont certes consultés, la responsabilité ultime de prendre la décision de demander la reconnaissance du statut confessionnel.

C'est là notre lecture. On imagine les tiraillements de ce conseil et les pressions dont il sera la cible chaque fois que les résultats de cette consultation seront difficiles à interpréter: faible majorité, faible participation, cabale, campagne référendaire. Nous savons, à Notre-Dame-des-Neiges, ce que cela veut dire. Nous l'avons vécu dans nos tripes. La question confessionnelle risque, d'ailleurs, d'être tous les deux ans l'enjeu des élections au conseil d'école, comme cela se voit depuis des années à la CECM, au détriment, d'autres questions importantes comme le projet éducatif.

Nos objections remettent en cause les consensus entre le gouvernement et l'Assemblée des évêques du Québec, que reflète l'article 32. Certes, l'Assemblée des évêques du Québec constitue un corps important, mais il n'est pas si important qu'il oblige le législateur à renoncer à sa responsabilité fondamentale qui est de gouverner en fonction du bien commun de l'ensemble des Québécois.

Recommandations.

Donc, attendu la contradiction entre les articles 31 et 32 et l'article 30; attendu les graves difficultés d'application qu'engendreront les articles 31 et 32, nous recommandons la suppression des articles 31, 32 et 309. Nous recommandons, en outre, que le législateur amende la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, en sorte que les comités confessionnels n'aient plus pour mandat de reconnaître les écoles comme catholiques ou comme protestantes selon le cas. Nous recommandons, enfin, la modification de l'article 611 pour qu'il se lise comme suit: "Toute école perd sa reconnaissance confessionnelle le 1er juillet 1985."

Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Plante-Proulx. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux, d'abord, remercier le Comité d'école de l'école Notre-Dame-

des-Neiges pour la qualité de son mémoire. Il est évident qu'il était extrêmement intéressant pour les membres de la commission d'entendre non seulement un récit des expériences qu'a vécues le Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges, mais également les réflexions que cette expérience importante, mais pénible pouvait susciter sur le plan de l'intérêt collectif. (10 h 30)

Je pense que le mémoire répond bien à cette anticipation que nous pouvions avoir. Je pense aussi que l'expérience du Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges et l'action qu'il a prise ont réussi à mettre en lumière les nouvelles réalités, elles-mêmes reflet de l'évolution qu'a vécue notre société québécoise sur les plans sociologique, linguistique et idéologique, réalité et évolution qui postulent d'une façon évidente un nouvel aménagement des structures scolaires de même qu'un nouvel aménagement de la confessionnalité au sein des écoles.

Je sais que l'action qui a été prise par le comité a fait l'objet d'une contestation judiciaire qui a connu un premier résultat et qui pourrait en connaître d'autres. Je vais donc sûrement m'abstenir de commenter cet aspect. Je pense que ces réalités sociologiques et la discussion des principes et des idéologies qu'elles appellent constituent quand même un des sujets d'actualité dans lesquels nous pouvons puiser pour éclairer les aménagements qu'il importe maintenant d'effectuer.

Il reste que l'action qu'a prise le comité d'école de Notre-Dame-des-Neiges se situe dans une perspective historique particulière. Elle se réfère au statut confessionnel tel que nous l'avons connu jusqu'ici, à un statut confessionnel tel que défini par le système actuel et par les comités confessionnels qui devaient en prendre acte.

Cette définition et cette reconnaissance du statut, telles qu'elles existent à l'heure actuelle, comportent des éléments très clairs qui, par exemple, se réfèrent à l'enseignement de la religion comme tel, à l'option ou à l'exemption possible de l'enseignement religieux, au service de pastorale et elles se réfèrent aussi à des pratiques qui ont existé, mais qui existent d'une façon très variable selon les milieux. Je pense à la sacramentalisation. Il est bien évident cependant que, dans le nouvel aménagement que prévoit le projet de loi, le statut confessionnel ne recouvrira plus les mêmes éléments puisque apparaîtront maintenant dans la loi elle-même un bon nombre des aménagments, des caractères et des critères qui faisaient jusqu'ici partie du statut confessionnel.

D'ailleurs, on dit dans la loi qu'il appartiendra au comité confessionnel de définir les nouveaux critères de reconnaissance d'une école confessionnelle. Il est bien sûr que le comité catholique devra tenir compte de ce changement important qu'apporte la loi, du fait que se retrouve maintenant dans la loi ce qui était auparavant dans des règlements.

Voici ma première question: Est-ce que les remarques que vous faites pourraient s'appliquer avec la même force ou la même vigueur par rapport à ces changements et par rapport à ces nouveaux critères de reconnaissance qu'auront à établir les comités confessionnels?

J'ai une deuxième question. Évidemment, il est tout à fait normal que vos réflexions et vos recommandations soient colorées par l'expérience que vous avez vécue dans votre école particulière. Au Québec, il y a beaucoup d'autres situations auxquelles on peut également se référer. Il faut que le législateur y pense d'une façon sérieuse quand il décide d'un nouvel aménagement de la confessionnalité. Par exemple, dans plusieurs coins du Québec, il ne fait aucun doute que la très grande majorité des parents sont non seulement de foi catholique, mais entendent bien conserver ce qu'on pourrait appeler leur projet éducatif, une orientation qui reflète les valeurs religieuses auxquelles ils croient. Si cette école demeure quand même ouverte à tous, donc commune et publique, pourriez-vous préciser en quoi une reconnaissance confessionnelle modifiée selon les nouveaux critères qu'aura à établir le comité catholique, en l'occurrence, pourrait comporter de la discrimination?

Le Président (M. Blouin): Mme Plante-Proulx.

Mme Plante-Proulx: Le projet de loi 40 consacre le principe de l'école commune et publique à l'intérieur de commissions scolaires linguistiques, avec des garanties de services d'enseignement et de pastorale et la possibilité d'une reconnaissance d'un statut confessionnel de l'école selon la volonté des parents. Évidemment, on a fait de cette loi un consensus politique entre l'épiscopat ou l'Église et l'État. Il apparaît évidemment démocratique que des parents puissent éventuellement obtenir pour leurs enfants, une école qui réponde à leurs valeurs.

Cependant, il y a un effort pour concilier deux principes contradictoires: le caractère public de l'école et le principe confessionnel. Pour nous déjà, au plan même de l'égalité des citoyens, il y a là, malgré un nouveau statut confessionnel, une nouvelle façon de considérer le statut confessionnel, une contradiction qui est simplement de principe.

Pour répondre à la deuxième question, les communautés qui sont plus majoritaires ou plus homogènes qu'une communauté

comme la nôtre, évidemment, refléteront dans leur consensus collectif face à un projet éducatif le long cheminement qu'un projet éducatif sous-tend. Quand on fait référence à Notre-Dame-des-Neiges, on sait qu'il y a eu au cours des années des discussions de fond sur ce projet éducatif que la communauté voulait alors se donner sans déchirement, parce qu'on ne fonctionnait pas en termes de "vote" et en termes de référendum où on aurait à la fois des majorités et des minorités. Rien n'empêcherait qu'un projet éducatif, dans cette école où la population est plus homogène, reflète des valeurs d'une communauté qui pourraient être des valeurs catholiques ou des valeurs chrétiennes.

Je pense que la position à Notre-Dame-des-Neiges est qu'on craint qu'on apporte tellement d'importance à la question d'un statut qu'on oublie ce long cheminement à l'intérieur d'une communauté pour la définition de ses valeurs. On sait qu'il est très difficile de définir ce que sont vraiment des valeurs chrétiennes dans la communauté. Une expérience d'un parent de Notre-Dame-des-Neiges au conseil supérieur a fait un jour s'appliquer face à notre école une grille de valeurs qui avait été faite par le comité catholique. Lorsque les gens du conseil supérieur ont mis en commun leur analyse de chacun de leurs milieux scolaires - la plupart étaient parents d'enfants dans une école - on a constaté que l'école qui reflétait le plus les valeurs dites catholiques était l'école Notre-Dame-des-Neiges, qui était alors déconfessionnalisée.

Je pense que cette définition et ces nuances concernant les valeurs sont beaucoup plus de l'option personnelle que des définitions idéologiques et des "en-soi". La communauté hors Montréal, parce que, lorsqu'on parle de Montréal, je pense qu'on ne peut plus parler d'homogénéité, je pense que aussi le projet éducatif peut la refléter. On trouve, à ce moment-ci, inopportun et peut-être dangereux de le mettre dans une loi.

M. Laurin: Une autre question. Dans la relation de l'expérience que vous nous avez faite, vous avez dit à un moment donné que, même si un consensus s'était dégagé parmi les parents sur les questions qui faisaient l'objet de la discussion, à la suite de longues discussions, vous aviez rencontré des difficultés imprévues, ou du moins partiellement imprévues, du côté de la commission scolaire. La question peut alors se poser et elle a été posée à quelques reprises ici, à cette commission: Est-ce que, surtout dans l'optique du nouveau projet de loi, vous verriez une place quelconque et un motif quelconque d'intervention à cet égard de la part des commissions scolaires, sur le plan, par exemple, de la reconnaissance d'une école comme étant confessionnelle?

Mme Plante-Proulx: Évidemment, dans l'aménagement de la confessionnalité, on avait, comme comité d'école, regardé les divers scénarios d'aménagement. Or, un des scénarios est, à toutes fins utiles, proposé ou présent dans le débat, ce qui fait qu'à l'intérieur de commissions scolaires linguistiques, il pourrait y avoir une pluralité de statuts confessionnels ou non confessionnels des écoles déterminés à la suite de la tenue de recensements périodiques, ce qui serait, dans le fond, la solution apportée par le rapport Parent. À ce moment-là, la commission scolaire pourrait intervenir pour définir, à partir de ce référendum, une distribution ou pour prévoir cette distribution d'écoles en fonction des options des parents.

Évidemment, cette solution tente aussi de toujours concilier les deux mêmes principes, à savoir le caractère public et le principe confessionnel, mais cette distribution ou ce rôle qu'on donnerait à la commission scolaire présente aussi, à notre avis, des difficultés politiques insurmontables.

Advenant qu'il n'y ait aucune majorité absolue pour un type d'école, qu'arrive-t-il à ce moment-là? Quelle école acceptera de perdre son statut pour répondre aux voeux de la majorité? On laisserait porter à ce moment-là sur la commission scolaire le rôle qu'on donne actuellement, au fond, au conseil d'école. On reporte à un autre niveau le même débat qu'un conseil d'école aurait à faire par rapport à des majorités et par rapport à des minorités. Il nous apparaît de la même façon qu'on réfère aux commissions scolaires les mêmes déchirements que ceux du conseil d'école et aussi les mêmes décisions par rapport à un aménagement qui, évidemment, ne plaira pas aux parents. La commission scolaire, aura probablement aussi, à l'intérieur d'un territoire, à définir un certain nombre d'écoles et on sait que le choix premier des parents par rapport à l'école, c'est l'école la plus proche de chez eux. Du moins, toutes les recherches et tous les contacts que j'ai eus avec les parents, en animation de parents à la CECM, me laissent croire que toutes les batailles qu'il y a eu pour conserver l'école de quartier ne sont pas des batailles purement artificielles. Donc, à ce moment-là, on retrouverait au niveau de la commission scolaire les mêmes difficultés d'aménagement qu'on reverrait dans le projet de loi au niveau de l'école. On reporterait à un autre niveau les mêmes problèmes. (10 h 45)

M. Laurin: II y a un autre point, Mme Plante-Proulx. Vous avez dit dans votre mémoire que l'école Notre-Dame-des-Neiges vit un projet éducatif pluraliste. Vous faites probablement allusion au fait, quant à l'origine de ce vécu, que la clientèle de votre école comprend un nombre important

d'immigrants d'une allégeance religieuse autre que catholique ou protestante. Vous l'avez d'ailleurs signalé au tout début de votre mémoire et je voudrais vous poser une autre question à cet égard. Dans le projet de loi, à l'article 103, il est question d'un enseignement religieux autre que catholique ou protestant dans une école sous réserve de certaines conditions. Vous avez sûrement dû réfléchir aussi sur cet article. Pourriez-vous nous dire ce que le comité d'école de Notre-Dame-des-Neiges aurait jugé ou pourrait juger possible pour répondre aux attentes de ces immigrants, de ces Néo-Québécois en matière d'enseignement religieux?

Mme Plante-Proulx: D'abord, le comité d'école voulait consacrer ce principe d'égalité. Évidemment, lorsqu'on se réfère à la situation même de Notre-Dame-des Neiges, à ce jour, on n'a pas de communauté prédominante à Notre-Dame-des-Neiges. On n'a pas, comme dans certains milieux, une communauté prédominante de Grecs orthodoxes. Donc, à ce moment-là, pour nous, strictement pour Notre-Dame-des-Neiges, la question ne s'est jamais posée et elle est ouverte depuis plusieurs années à l'école, mais comme on n'a pas de concentration de groupes religieux minoritaires suffisamment importants et aussi intéressés à demander un tel service, les Grecs orthodoxes, de par leurs traditions, se retrouvent pour leur enseignement dans leur communauté paroissiale ou territoriale, mais ne demandent pas que l'école leur offre ce service. Mais, pour nous, en regardant la situation de Montréal, il y a de fortes concentrations. J'ai un rapport de la CECM concernant les concentrations de minorités ethniques et de communautés culturelles et on se rend compte qu'il y a certaines écoles majoritairement grecques et donc le problème se pose pour elles comme d'ailleurs pour l'animation pastorale à l'intérieur de ces écoles. Or, on ne voulait pas que la loi soit réductible au nom du principe de l'égalité, mais aussi au nom d'une réalité qui existe.

M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, Mme Plante-Proulx, M. Laterrière, c'est un plaisir pour nous de pouvoir causer avec vous ce matin, étant donné l'expérience que vous avez faite à l'école Notre-Dame-des-Neiges et étant donné aussi les implications très sérieuses des positions que vous défendez dans votre mémoire. Votre mémoire porte à peu près exclusivement sur certains articles particuliers du projet de loi. On va les aborder de front. Si j'ai bien compris les propositions que vous faites, vous demanderiez que soient enlevées du projet de loi les clauses qui peuvent conduire à la reconnaissance d'un statut confessionnel pour une école. En particulier, vous demandez qu'on laisse tomber les articles 31 et 32. Je pense que ce n'est pas mauvais de les rappeler, pour que tout le monde sache de quoi il s'agit. L'article 30 dit: "L'école est publique et commune. Elle peut intégrer dans son projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des services." Celui-là, vous le garderiez?

Mme Plante-Proulx: Hum, hum!

M. Ryan: L'article 31 dit: "L'école peut intégrer dans son projet éducatif les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière." Vous demandez que celui-là soit enlevé?

Mme Plante-Proulx: Hum, hum!

M. Ryan: L'article 32: "Après consultation des parents, l'école peut demander au comité catholique ou au comité protestant institués par la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation une reconnaissance comme école catholique ou comme école protestante." Celui-là, vous le laissez tomber. Vous demandez que le législateur le laisse tomber. Il y a un article plus loin, l'article 309, qui porte sur la période de transition. C'est encore le pouvoir de reconnaissance des écoles. Vous voudriez que cette affaire disparaisse, c'est évidemment un corollaire de ce que vous dites. Il y a l'article 611 également. Cet article prévoit que toutes les écoles conservent pendant trois ans leur statut actuel, après quoi le statut confessionnel, s'il existe, est révoqué à moins qu'on n'en ait demandé la reconduction. Vous demandez que cela tombe partout.

Cela résume assez les positions que vous présentez dans votre mémoire. Vous soulignez que, dans le projet de loi, il y a un illogisme. Vous dites: D'un côté, on demande l'école publique et commune. De l'autre côté, on voudrait qu'elle puisse être confessionnelle en même temps. Il vous apparaît que ce soit incompatible, le deuxième objectif avec le premier.

Sur un plan purement logique, c'est une position qui se défend très bien, c'est une position rationnelle. Dans une conception d'égalité stricte, c'est une position qui a une logique certaine.

Le problème, comme vous le savez, c'est qu'il y a très peu de lois qui sont parfaitement logiques. Assez curieusement, les lois se font souvent en zigzag. Bien souvent, quand nous, de l'Opposition, voulons faire tomber un article au nom de la logique, on nous dit, du côté gouvernemental, qu'au nom de la réalité il faut insérer ce

détour apparent pour permettre justement que toutes les diversités qu'on rencontre dans la réalité puissent être respectées au maximum. Dans le cas qui nous occupe, c'est le problème que vous soulevez. Vous êtes ici ce matin, vous défendez votre point de vue. Il y en a d'autres qui sont venus défendre un point de vue semblable. Vous savez comme moi qu'il y en a beaucoup qui sont venus défendre d'autres points de vue. Je vais vous donner un exemple en particulier.

Depuis le début des audiences de la commission, nous avons eu au moins cinq ou six organismes représentant la communauté ou des secteurs de la communauté anglo-catholique. Nous avons eu l'Association des enseignants catholiques de langue anglaise. Nous avons eu avant-hier le Conseil catholique d'expression anglaise. Nous avons eu le Comité des parents de langue anglaise de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Hier, nous avons eu le Comité des parents de langue anglaise de la commission scolaire Baldwin-Cartier. D'autres organismes sont venus également parler dans ce sens et d'autres viendront aussi. Les catholiques de langue anglaise, avec une unanimité assez grande, insistent beaucoup pour garder des écoles catholiques, c'est-à-dire des écoles où il n'y aurait pas seulement une heure par jour ou par deux ou trois jours réservée à l'enseignement de la religion et un service pour l'animation de certaines activités, mais une école qui serait, suivant la conception traditionnelle qu'évoquait le juge Deschênes dans la décision qu'il a rendue à propos de votre école il y a une couple d'années, une école imprégnée de l'esprit des valeurs que véhicule le christianisme. Ces gens y tiennent beaucoup et ils nous disent qu'ils accepteraient des commissions scolaires organisées sur une base linguistique, mais à la condition qu'il y ait à l'intérieur d'une nouvelle loi des aménagements garantissant solidement qu'ils pourront avoir accès à des écoles catholiques.

Je vous entendais évoquer l'argument de la distance tantôt, Mme Plante-Proulx. Eux, ils sont venus nous dire ici avec beaucoup de fermeté qu'ils ont appris à vivre avec ce facteur depuis longtemps et que, s'ils ont un choix à faire entre une école située à dix coins de rue de chez eux qui soit catholique et une autre située à deux coins de rue qui ne soit pas catholique, ils sont prêts à faire en sorte que la distance soit un facteur. D'ailleurs, les statistiques de la Commission des écoles catholiques de Montréal montrent que le pourcentage d'enfants au niveau primaire qui sont véhiculés par les services de la commission scolaire est de 25% du côté anglo-catholique et seulement de 10% du côté franco-catholique. Par conséquent, cela fait partie de nos traditions que le transport scolaire soit organisé au niveau primaire à Montréal; au niveau secondaire, tous les étudiants sont obligés de s'arranger eux-mêmes; par conséquent, il n'y a pas là de problème spécial. Il y en a un problème, mais il n'a jamais été réglé par voie législative ou administrative jusqu'à maintenant. C'est pour vous montrer qu'il existe un paysage extrêmement diversifié en matière d'opinion au sujet de ces questions.

Du coté francophone, on va entendre d'autres groupes, même aujourd'hui. Il y a tout un courant d'opinion qui soutient que, si on veut avoir la présence des valeurs chrétiennes dans les écoles, il faut un minimum de garanties juridiques. Certains diront - il y a toutes sortes d'opinion, même à l'intérieur de la communauté catholique là-dessus - que des garanties comme celles qu'offrirait le projet de loi, même un peu décharné comme vous le proposez, seraient suffisantes. Il y en a d'autres qui diront que ce que propose le projet de loi, même en gardant ce que vous voulez enlevez, n'est pas suffisant.

Vous avez émis, à propos des évêques, dans votre texte, une opinion à laquelle je ne souscris point. À la page 10, je crois, vous dites que, tout en reconnaissant l'importance de ce corps, cela ne saurait faire oublier que le législateur doit tenir compte du bien commun. Il y a quand même une chose que vous ne dites pas dans votre mémoire, c'est que les évêques sont les représentants et les porte-parole les plus autorisés de la communauté catholique. La communauté catholique, ce ne sont pas seulement des individus, c'est aussi une collectivité. Ceux qui sont les chefs naturels, les chefs reconnus universellement de cette communauté sont quand même les évêques. J'ai regretté, d'ailleurs, qu'ils ne soient pas venus se présenter ici à la commission. J'aurai aimé les entendre; j'aurais aimé cela qu'on puisse discuter avec eux. Ce n'est pas mon problème, mais, comme législateur, j'aurais aimé avoir ce point de vue et j'y attache une importance spéciale. Je me dis que la communauté catholique, c'est une réalité publique, une réalité institutionnelle qui a sa place dans la société. Il peut bien arriver qu'un législateur veuille en donner un peu plus, un autre un peu moins. Ce sont des choses qu'on peut discuter et qui varient selon les contextes historique, sociologique, politique, etc.

Chez nous, il y a une longue tradition d'interpénétration, je dirais. L'Église catholique a beaucoup influencé la société civile. Elle a été en retour beaucoup façonnée par la société civile également. Je me rappelle que, la première fois que j'étais allé à Rome, j'avais vu une banque qui s'appelait Banco di Santo Spiritu, la Banque de l'Esprit saint. J'avais été scandalisé, je m'étais dit: Ils ne sont pas rendus à mettre la Sainte-Trinité dans les banques. Après

cela, on m'a fait comprendre que c'est le quartier dans lequel cette banque avait été fondée il y a peut-être six ou sept siècles qui s'appelait le quartier Santo Spiritu. La banque avait pris le nom du quartier et cela ne voulait rien dire finalement; cela ne voulait rien dire, au point de vue doctrinal, j'entends. Cela n'engageait aucune espèce de doctrine ou rien. Cela était un exemple de l'espèce d'interpénétration qui s'est faite dans les institutions. Quand je voyais qu'on appelait le pape Pontifex maximus, Pontife suprême, cela me choquait. Je trouvais que c'était un peu fort. Mais on m'a dit que c'était un titre qui avait été hérité de l'empereur romain. C'est comme cela qu'on appelait les empereurs romains dans le temps; on pourrait épiloguer longtemps là-dessus.

Chez nous, ce n'est pas une chose qu'on peut liquider facilement. C'est cela que je voudrais porter à votre attention, qu'on chemine à travers une réalité qui a énormément changé et dont on doit tenir compte comme législateur, mais qui est aussi demeurée dans de grands pans de la réalité. Le législateur doit penser à tout le monde, comme vous le dites justement. Je crois que votre cas, tout en étant un exemple intéressant, doit être considéré à la lumière de l'ensemble des cas qui se présentent.

La question que je voudrais vous poser à cet égard, c'est la suivante. Vous venez émettre votre opinion. Si je comprends bien, vous dites: Si notre situation est un bon reflet de la réalité québécoise, au nom de la logique, nous demanderions de laisser tomber ces articles. Mais si les quatre cinquièmes des témoignages que nous entendons nous proposent le contraire, de garder ces articles, qu'est-ce que vous feriez à la place du législateur, dans une perspective de justice et d'équité?

Le Président (M. Blouin): Mme Plante-Proulx, maintenant que vous avez changé de statut... (11 heures)

Mme Plante-Proulx: II n'y a pas un parent qui se retrouve du jour au lendemain législateur; alors, ma réponse reflétera peut-être justement ce cheminement, je ne l'ai pas fait. Évidemment, lorsque les parents de Notre-Dame-des-Neiges ont considéré leur situation, ils ont aussi regardé l'ensemble du Québec. Ils étaient bien conscients que tout le long cheminement, même des chrétiens et des catholiques de ce milieu, confrontés continuellement dans un milieu laïc séculier, pouvait évidemment influencer une position qu'ils avaient prise. Je pense que le vécu très positif que les parents ont fait à l'intérieur d'un milieu à s'identifier et à être aussi des témoins comme parents catholiques dans ce milieu, a sûrement coloré cette prise de position.

Cependant, on croit déjà que le législateur a quand même aussi eu cette sagesse de maintenir des choses fondamentales pour les parents catholiques, à savoir l'enseignement religieux au niveau de l'école. Dès le début, les parents de Notre-Dame-des-Neiges ont consacré cela, en même temps que cette égalité qui pourrait paraître pour certains, encore là, une incohérence quand on parle d'école confessionnelle, d'école publique. On pourrait y voir aussi le fait que, dans une école publique, on maintient un enseignement religieux comme étant une incohérence.

Je pense que, fidèle à cette tradition profonde et à ces racines que les parents avaient, on trouvait important que ce soit consacré. On trouvait important aussi qu'il y ait une place visible de l'Église à l'intérieur de l'école par l'animation pastorale et on croyait important aussi qu'il y ait la possibilité pour des communautés, à l'intérieur de leur projet éducatif, de le faire.

Évidemment, comme législateur, je pense, c'est encore la position qu'on aurait reprise et qu'on essaie tant bien que mal de préciser ce matin et de vous soumettre.

M. Ryan: Si ceux qui parlent au nom de la communauté catholique disent au législateur, comme ils l'ont fait d'ailleurs, parce qu'ils ont quand même fait des déclarations publiques là-dessus: Nous ne voulons pas nous contenter d'une loi qui dirait: On peut régler cela au niveau du projet éducatif, mais il faut qu'on ait des écoles catholiques, il faut qu'on ait des garanties juridiques et que, selon toute apparence, elles soient appuyées par la très grande majorité des fidèles, que pensez-vous qu'est le devoir du législateur?

Le Président (M. Blouin): Toujours avec votre nouveau statut, Mme Plante-Proulx.

Mme Plante-Proulx: Toujours ce statut de législateur. Je pense qu'on continuerait, comme parents, et pour une grande majorité encore de parents catholiques de Notre-Dame-des-Neiges, à affirmer qu'il peut y avoir, à l'intérieur d'une société, une présence fort importante des catholiques par leur témoignage, à la fois comme groupe et comme individus, et que l'étiquette ou le statut, dans le fond, est une part de la visibilité, mais qu'on privilégie à ce moment la valeur du témoignage au niveau de la... Évidemment, on est très conscient de véhiculer une conception de l'Église qui n'est plus une Église majoritaire et peut-être triomphante, mais une Église qui est au service d'une communauté.

M. Ryan: Je vais vous poser une dernière question, toujours dans le même

ordre de considération, en pensant à ce que nous ont dit les organismes anglo-catholiques qui sont venus ici. Ils ne veulent pas que la question se règle au niveau local par un vote, parce qu'ils disent que cela va faire de la chicane et, deuxièmement, que cela va entraîner le risque que, dans un grand nombre d'endroits, ils n'auront plus d'école pour eux. C'est qu'on va dire au nom de l'école de quartier dont vous parliez tantôt: II y a eu un vote de 52%-48%. Cela va être une école non confessionnelle et, à une autre place encore, une école non confessionnelle. Puis ils disent: Si la responsabilité d'aménager les services et les écoles était celle de la commission scolaire, elle pourrait tenir compte de tout cela et, sur un territoire plus large, aménager une école qui répondrait aux aspirations de tel groupe ou tel autre groupe. Comment voyez-vous ce problème? Croyez-vous que cela devrait être décidé par un vote local et que cela finirait là? Tantôt, vous avez dit: On transposerait au niveau de la commission scolaire les mêmes tensions. Il me semble que non. Il me semble que, justement, l'échelle de décision de la commission scolaire est plus grande. Elle a un éventail plus abondant de choix, puisque c'est elle qui fait la répartition du personnel et qui affecte les locaux. Il me semble que, s'il y a une responsabilité véritable qui lui soit laissée à ce niveau, on aura plus de chances de s'en sortir en tenant compte des opinions de chacun qu'en réglant cela avec des votes comme ceux qui se sont produits à certains endroits et qui n'ont pas réglé le problème finalement.

Mme Plante-Proulx: D'abord, ayant répété que, même au niveau de l'école, on pense difficilement que cela puisse se régler par des votes, évidemment, cela reste, mais on a tenté, dans une réalité très concrète de notre propre quartier - les quartiers 3 et 4 de la CECM - où, évidemment, on a une forte concentration de communautés ethniques et religieuses, on a tenté, dis-je, de voir ce qu'une commission scolaire pourrait éventuellement faire dans un bassin qui est quand même très grand. On trouve difficile d'aménager ce genre d'école, à moins de faire des ghettos, et, dans cette situation bien précise, ce seront probablement des ghettos d'enfants de parents qui désirent un statut catholique pour leur école.

Il y a, à l'intérieur de ce bassin, trois écoles dont 75% de la population est d'une origine autre que francophone; évidemment, la majorité des autres chez nous est de près de 40%. On trouve cela difficile pour une commission scolaire, sans prévoir des déchirements et sans faire des ghettos d'enfants qu'on veut accueillir... Je pense à un autre quartier de Montréal, soit la région est, où il est inévitable qu'on ramasse à l'intérieur d'une école qui couvrirait un territoire immense, non seulement des gens qui désirent une école autre que catholique, mais probablement tous les enfants que, à grand renfort actuellement, dans notre projet social qu'on s'est donné comme communauté québécoise, l'on veut accueillir. On les mettrait dans un ghetto. On trouve cela difficile à ce moment-ci. Remarquez que je prends la situation de la CECM, parce que c'est celle que je connais davantage, mais j'imagine qu'en province on se retrouverait dans la même situation et qu'on reverrait les mêmes déchirements au niveau de la commission scolaire. Autant on a vu les mêmes déchirements quant à la fermeture d'écoles, autant on retrouverait les mêmes déchirements au niveau d'une commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Plante-Proulx. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président. C'est un petit peu dans le même sillon que le député d'Argenteuil. Il est beau, au plan des principes, de dire qu'on est contre quelque chose, mais je pense qu'il faut aussi en arriver au plan pratique des choses. Je pense qu'un comité d'école comme le vôtre a montré beaucoup de dynamisme dans l'intérêt et le travail pour le milieu, mais c'est aussi un milieu - le vôtre ou les autres - qui n'est pas désincarné; des gens d'une communauté y vivent ensemble. Ils croient à des valeurs d'égalité, d'équité, des valeurs morales, des valeurs religieuses, des valeurs de respect des autres. Je vais vous poser la problématique, parce que je reviens toujours à l'article 31, que vous croyez au projet éducatif et que l'école peut intégrer dans son projet éducatif des croyances et des valeurs religieuses. Si, dans votre quartier, qui n'est pas désincarné, il y avait environ 80% d'élèves qui étaient des Grecs orthodoxes et vivant dans un quartier de la ville de Montréal, est-ce que vous seriez opposés, considérant que le milieu le désire, que les parents le désirent, que les étudiants le désirent, que la communauté le désire, seriez-vous opposés à ce qu'ils intègrent dans leur projet éducatif des valeurs religieuses de ces Grecs orthodoxes?

Mme Plante-Proulx: Je tiens d'abord à dire que nos objections face à l'article 31 ne sont pas du même ordre que les objections que nous avons par rapport au statut. Nous considérons que l'article 30 laisse déjà place, en parlant de projet éducatif, à cette possibilité qu'une communauté - comme je l'ai déjà dit - plus homogène puisse éventuellement intégrer des valeurs au niveau de l'école. Il est important pour nous de penser que tout le cheminement que vit une

communauté face à un projet éducatif n'est pas le même que celui d'une assemblée où on demanderait par voie de vote de trancher une question qui est très difficile à trancher. Donc, il n'est pas du tout impossible que cette communauté scolaire puisse les intégrer, sauf qu'on trouve tout simplement que c'est redondant de redire cette phrase dans un projet de loi. Ce n'est pas une objection fondamentale. Déjà, en acceptant que - comme je l'ai dit tantôt - notre projet d'école publique intègre un enseignement religieux, une animation pastorale, pour nous, il pourrait aussi intégrer des valeurs. Évidemment, ces projets sont faits, à ce moment-là, par un cheminement et un concensus. On sait qu'un projet éducatif, c'est quelque chose qui se vit à long terme. Ce n'est pas quelque chose qu'on impose de l'extérieur, mais qui se vit avec tous les intervenants, cette fois avec les parents, les enseignants et une communauté scolaire représentée.

M. Champagne (Mille-Îles): Personnellement, je crois au rôle du comité d'école. Vous avez vécu une expérience comme comité d'école, surtout en traitant des aspects confessionnels. Pourriez-vous indiquer aux membres de cette commission ce que vous pensez d'un conseil d'école décisionnel comme le propose le projet de loi 40?

Mme Plante-Proulx: Le comité d'école, en présentant le mémoire et en faisant le débat là-dessus à l'intérieur de l'école, avait d'abord, comme règles du jeu, accepté que le comité ou les parents ne se prononçaient que sur la question confessionnelle. Je ne pourrais pas apporter une position qui a été largement acceptée par les parents de l'école puisque le débat ne s'est pas fait sur cette question.

Je pense en corollaire que les parents de Notre-Dame-des-Neiges sont des parents qui, à ce jour, ont eu un rôle important au niveau de l'école, au sein d'une structure qui leur était accessible. C'est une communauté qui a sauvé son école de la fermeture. C'est une communauté qui s'est donné des services. C'est une communauté qui a été très proche de la vie interne de l'école, qui s'est donné des instruments d'information. De là à vous apporter une position face au niveau décisionnel ou purement consultatif, on n'a pas le mandat de le faire à cette commission.

M. Champagne (Mille-Îles): D'accord. Une dernière question. Vous avez beaucoup parlé de l'aspect confessionnel. Votre comité d'école a mené des initiatives ou aidé aux services à la communauté. Est-ce qu'on pourrait savoir quels sont les services, en plus de l'aspect confessionnel, que vous avez donnés à votre école, que votre comité d'école a pu organiser, a pu avoir à votre école Notre-Dame-des-Neiges?

Mme Plante-Proulx: D'abord, il y a eu une chose fort importante pour un comité d'école, soit de reposer - c'était une responsabilité de taille - la question de l'importance d'une école dans un quartier, puisqu'on est entouré d'écoles privées dans notre secteur et qu'il fallait maintenir une école publique à l'intérieur de ce secteur. Je pense que le comité d'école a été très vigilant - Mme Lavoie-Roux en sait quelque chose - pour que son école de quartier puisse voir le jour, car elle était menacée de fermeture. (11 h 15)

Par la suite, cet événement nous a fait prendre conscience qu'il fallait que cette école publique de quartier puisse offrir les mêmes services que ceux que les écoles privées offraient. Nous avons depuis dix ans une garderie en milieu scolaire qui répond aux besoins des enfants. Nous avons un projet d'accueil des enfants immigrants de notre secteur ou des enfants allophones. Les parents ont toujours été très vigilants pour que ce ne soient pas tout simplement des classes qu'on met dans une école, mais pour qu'il y ait véritablement dans tout le vécu de l'école un projet pédagogique qui tienne compte de cet accueil. À l'occasion, les parents se sont même mouillés pour faire une aide pédagogique d'appoint lorsqu'il fallait prouver que des enfants intégrés au niveau des classes régulières n'avaient pas de connaissances suffisantes et avaient besoin de services. Les parents ont aussi assumé la catéchèse, à certains moments, où on avait à aménager cette confessionnalité. Ils ont assumé aussi l'enseignement de formation morale. Dans le projet éducatif, il y a eu une importance très grande à découvrir, au sein même de l'école, les différences et les richesses que les diverses communautés nous apportaient. Je pense que tous ces services au niveau de l'école sont vécus au niveau d'un projet éducatif et ils ont répondu aux besoins puisque notre école est maintenant sauvée, puisque notre population est une population presque maximale pour cette école de quartier.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, Mme Plante.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait particulièrement plaisir d'accueillir les parents de l'école Notre-Dame-des-Neiges. Je pense que Mme Plante vient de dire que le rôle que le comité

d'école a joué, eu égard à la survie de son école, est immense. J'ajouterais, ce qui est peut-être encore plus important, le rôle que ces gens ont joué pour la valorisation de l'école publique. Je dois dire qu'ils ont eu l'appui de la commission scolaire pour éviter la fermeture de l'école, compte tenu de la loi 22 qui était adoptée et qui devait avoir des effets. La population était d'environ 160. Il fallait se promener dans le coin pour voir dans les pharmacies, les endroits publics, des annonces à la population disant qu'il y avait une école publique qui offrait tel ou tel type de services. Je n'ai pas oublié cela. Il y a peut-être d'autres comités de parents qui l'ont fait, mais je l'ignore. Je dois dire que les parents de Notre-Dame-des-Neiges ont certainement été un exemple - s'il y en a eu d'autres, tant mieux - et je tiens à les féliciter. Ils voient aujourd'hui les résultats, même si cela n'a pas toujours été facile.

Je voudrais revenir sur deux points en particulier, sur la question de l'article 32, quant au déchirement que vous prévoyez à l'intérieur des comités d'école s'il devait s'appliquer tel qu'il est dans le projet de loi. Ce problème-là a été soulevé par de nombreux groupes. Cela a été verbalisé de façon différente: déchirement du tissu social. Vous semblez dire que, si on le mettait à un autre niveau, les déchirements seraient semblables. La question précise que j'aimerais vous poser est: Si, dans le cas de Notre-Dame-des-Neiges, il y avait eu des dispositions dans une loi qui avaient prévu qu'une école pouvait demander un changement de statut et que ce changement de statut se serait fait après un vote de l'ensemble des parents, selon les critères qui auraient été discutés publiquement pour en assurer l'objectivité, et qu'elles auraient été appliquées par un autre niveau que l'école, en l'occurrence la commission scolaire, ne croyez-vous pas que, quand même, ceci aurait évité à l'école Notre-Dame-des-Neiges les difficultés considérables auxquelles vous avez eu à faire face quand vous avez décidé de remettre en question le statut confessionnel de votre école?

Mme Plante-Proulx: Je tiens d'abord à dire que les règlements mêmes du comité catholique prévoyaient qu'une école puisse demander un changement de statut. Je pense que, dans nos lois, cela était déjà présent. C'est là-dessus justement que le comité d'école a pu se baser pour demander éventuellement la déconfessionnalisation de son école. Cependant, les critères discutés, évidemment - et on fait allusion, à ce moment-là, à toute l'information, à la précision quant aux intervenants, à savoir si c'est la population, si ce sont les parents qui doivent décider du statut de leur école -ont, dans le cas de l'école Notre-Dame-des-Neiges, vraiment été des épines, parce qu'on a eu sans cesse à prouver que notre information était légitime et objective. Le processus de consultation l'était aussi et on sait comment les parents ont dû être sondés à trois reprises et, encore, on n'a pas accepté les sondages faits au niveau de l'école. Évidemment, la non-précision a sans doute causé beaucoup de problèmes dans le cas de l'école Notre-Dame-des-Neiges, mais on espère que si, d'aventure, le ministre persistait dans l'aménagement du projet de loi 40, il y aurait une précision à l'article 32, à savoir qui est le détenteur de la décision relative au statut confessionnel.

Est-ce le collège des parents, le vote ou le conseil d'école après consultation des parents? D'après notre lecture de l'article 32, c'est la deuxième hypothèse qui est vraie et on se pose la question à savoir si c'est sage, parce que cela rend vraiment la décision complexe, s'il y a - et je l'ai noté tantôt - des majorités serrées ou si le conseil est contre cette majorité. On trouve qu'il faudrait vraiment revoir à ce niveau l'article 32 pour y apporter plus de précision. Par ailleurs, il serait important aussi que des règles d'information soient clarifiées de même que de s'assurer une équité concernant l'information, la publicité référendaire et les personnes-ressources. Il apparaît que le règlement devrait être très clair là-dessus.

Enfin, si, en définitive, on reconnaît le comité catholique dans ces documents et que le critère ultime, c'est la volonté manifeste des parents, de l'école et ses composantes principales, la première règle de consultation qui devrait en assurer l'égalité juridique, c'est qu'une majorité de parents, et non pas de votants, se soient prononcés. Il nous apparaît que, si on devait maintenir à l'intérieur de ce projet de loi ces dispositions, il faudrait que les règlements tiennent compte de ces divers points.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous venez de dire - il y a un élément sur lequel je voulais revenir et dont vous avez parlé - c'est qu'on s'assure bien que ce soit une majorité de parents et il ne faut jamais - d'ailleurs, ce serait dangereux - que ce soit le comité d'école qui soit perçu comme celui qui peut prendre cette décision finale. Dans ce sens, ne croyez-vous pas que quel que soit le résultat, que vous soyez minoritaires par rapport à la consultation que vous avez faite comme comité de parents ou que vous soyez majoritaires, ceci ne peut empêcher des conflits, parce qu'il y aura toujours des mécontents d'un côté comme de l'autre? Ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là le fait de dissocier un peu la décision finale du comité de parents qui sera mise en vigueur, ce n'est pas éviter des conflits qui, dans le fond, ralentiront la continuation du projet éducatif ou y mettront finalement un peu des entraves? En le détachant un peu du

comité d'école, les critères ayant été établis publiquement, objectivement à ce moment-là, vous vous enlevez peut-être une difficulté qui m'apparaît inutile au point de départ.

Mme Plante-Proulx: Évidemment, on l'évite au niveau de l'école et je pense que, pour tout parent qui désire la qualité à l'intérieur de l'école du vécu scolaire, pour nous, il est évident que c'est important. Cependant, il faudrait aussi envisager, advenant qu'on donne ce pouvoir à la commission scolaire, que les mêmes règles s'appliquent, en se disant qu'on trouve difficile de toujours parler de majorité et de minorité.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que l'on part de critères objectifs d'évaluation, qu'on parle d'un vote organisé selon des règles claires et déterminées par un autre niveau que l'école pour, finalement, en arriver à la décision finale. En tout cas, je pense qu'on diminuerait les risques de conflits pénibles et inutiles à l'intérieur d'une école.

Dans l'organisation de votre école, et je parle surtout au plan confessionnel, il y a le problème d'exemption des professeurs qui ne veulent pas faire l'enseignement religieux pour des raisons de conscience, etc. Pourriez-vous me dire si ceci implique des coûts supérieurs ou encore si ceci implique un engagement en termes d'heures ou de temps supplémentaire de la part des parents? Je sais aussi que vous avez eu une collaboration de la paroisse, si je ne m'abuse, qui est assez exceptionnelle et qui n'existerait pas nécessairement dans toutes les paroisses.

Mme Plante-Proulx: II serait difficile de faire de cette année un cas d'espèce. Évidemment, l'aménagement à l'intérieur de l'école s'est toujours fait d'année en année. On peut constater, dans l'évolution du partage entre les enfants de la formation morale et de la catéchèse, que, selon le pourcentage d'enfants en formation morale ou en catéchèse, on a eu des aménagements différents à faire. On était, en 1975-1976, à 26% de nos enfants en formation morale et actuellement on en a 45%, après avoir eu un pic de 50%. Ce qui fait qu'au moment où nous avions 50% - les enseignants ont toujours été très libres d'enseigner la catéchèse il y a toujours eu des aménagements à l'intérieur qui se sont vécus dans des consensus entre eux. On a dû à l'occasion, certaines années, faire appel à des gens de l'extérieur qui ont été à l'occasion payés par la paroisse symboliquement et qui, maintenant, sont subventionnés à même les fonds de la région pour répondre à ces besoins.

Alors, cette année, nous avons un professeur de formation morale à la leçon qui vient enseigner à certains niveaux puisqu'il y a des concentrations, à certains niveaux scolaires, d'enfants en catéchèse. Comme on veut quand même respecter des groupes pas trop nombreux, on fait appel à un professeur de l'extérieur. L'an dernier, c'est un professeur en catéchèse que nous avons eu ainsi que l'année précédente. Alors, c'est un aménagement qui se fait; à l'époque, c'était par une aide financière et beaucoup de bénévolat qui venaient de la paroisse, et maintenant, c'est acquis...

Mme Lavoie-Roux: À même les budgets.

Mme Plante-Proulx: Dans toutes les écoles de la CECM, il y a la possibilité d'avoir une subvention particulière pour des professeurs à la leçon pour aménager cet...

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question, Mme Plante. Tout à l'heure dans vos réflexions, quand vous exposiez le cheminement de l'école, du développement du projet éducatif, et vous l'avez relié un peu à la question de la détermination du statut confessionnel, vous avez dit: Le développement ou le cheminement d'un projet éducatif, ce n'est pas quelque chose qui s'impose, c'est quelque chose qui implique des hauts et des bas, des modifications, des consensus à créer continuellement. Là, je ne vous demanderai pas de vous prononcer au nom de votre école, parce que vous avez bien indiqué au député de Mille-Iles que vous n'étiez pas mandatée pour cela. Mais, compte tenu de votre exemple et comme vous l'avez évoqué vous-même, vous apparaît-il sage que ceci soit maintenant, par un projet de loi, la règle pour toutes les écoles, c'est-à-dire un conseil d'école avec des pouvoirs de gestion, etc.? (11 h 30)

Voici ma deuxième question. Si vous aviez les pouvoirs qui vous sont accordés par le projet de loi actuel, du point de vue de l'implication des parents, de l'orientation que vous avez pu donner à votre école - je mets de côté la détermination du statut confessionnel, c'est un problème particulier -pourriez-vous aller beaucoup plus loin dans votre démarche, démarche que vous continuez d'ailleurs? Vous aussi, vous évoluez comme école.

Mme Plante-Proulx: Je parlerai en mon nom personnel. Les parents dans tout ce long cheminement, n'ayant qu'un rôle consultatif, se sont très souvent heurtés à des décisions venues de l'extérieur qui ne tenaient pas compte ou tenaient peu compte du contexte particulier dans lequel se vivait ce projet d'école. Par la détermination des parents, nombre d'effets de ce projet d'action à l'intérieur de l'école ont pu se vivre.

Cependant, il demeure qu'une attitude qui est encore présente et qui est souvent très lourde pour les parents, c'est de sentir que des parents ne sont pas les premiers responsables à l'intérieur d'une école. J'apporte un événement très récent qui est très concret: la rénovation de notre école. On sait qu'une fois de plus Notre-Dame-des-Neiges est revenue dans l'opinion publique à cause d'un événement qui se déroulait à cette école. Depuis plusieurs années, malgré tout un cheminement où on a fait prendre conscience, où on a communiqué avec notre commission scolaire pour faire part des lacunes qui existaient chez nous, les parents ont peu été écoutés. Ce sont des événements extérieurs qui ont souvent amené des modifications. Les parents continuent à penser qu'ils ont une responsabilité fort importante qui devrait être consacrée en élargissant leurs pouvoirs. Mais il y a aussi une conscience à l'intérieur de l'école qu'un projet comme celui-là ne serait pas possible sans la participation des enseignants. À ce titre, les parents verraient d'un bon oeil que les enseignants aient une place aussi dans cette décision. Je n'entrerai pas dans les modalités.

Mme Lavoie-Roux: Je connais le problème auquel vous faites allusion, c'est le plafond qui est tombé ou l'escalier. J'espère que ce n'est pas tout l'escalier.

Mme Plante-Proulx: Oui, c'est un palier d'escalier.

Mme Lavoie-Roux: Un palier d'escalier. Est-ce que ceci n'est pas davantage une question de ressources financières? J'imagine que la commission devrait faire la distribution selon les besoins, selon les priorités, etc. Compte tenu de l'âge des écoles de cette commission peut-être que le budget relatif à l'entretien et à la restauration était insuffisant. L'école aurait-elle été plus capable de faire pression? Est-ce que cela aurait changé quelque chose dans les faits?

Mme Plante-Proulx: Évidemment il y a des questions financières importantes qui sont présentes, mais plus on chemine dans ce dossier, plus on se rend compte aussi qu'il y a des priorités à établir. Les parents sont souvent, à titre d'usagers de l'école, puisque l'école leur est ouverte, des personnes fiables pour faire part des inquiétudes quant à des priorités à mettre dans une rénovation d'école. À ce titre, il y a une question de ressources financières mais lors de notre rencontre avec nos commissaires, ils étaient enclins à dire qu'il serait bon de revoir aussi les priorités. Comme la priorité première des parents était la sécurité des enfants, on pouvait interroger certains budgets qui étaient déjà alloués pour la rénovation de l'école.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Vachon.

M. Payne: Pour les fins de la cohérence de nos travaux, j'aimerais rester sur la question du statut. Il y a des consensus qui émergent, à mon avis, sur la volonté du législateur de faciliter la création d'écoles pluralistes, des écoles avec un statut confessionnel sous l'égide d'une commission scolaire linguistique et, finalement, de situer l'acte éducatif là où il doit se trouver, au niveau de l'école. La tâche de la commission parlementaire est d'établir si cette volonté est réalisable par le modèle proposé. Soit dit en passant, à propos de l'école, j'ai vu à la télévision, hier soir, le président Reagan à son "Address to the Nation" disant: "Let us give the schools back to the parents." C'est intéressant venant des États-Unis.

Mme Lavoie-Roux: II y avait un bon film à un autre canal.

M. Payne: Quoique je serais un peu craintif pour notre formation politique si on le suivait trop souvent. Vous soulevez une certaine inquiétude sur la redondance dans les articles 30 et 31. Je partage aussi l'idée du député d'Argenteuil, à savoir qu'il y a, quand même, une tradition historique. Vous-même, d'ailleurs - il ne faut pas exagérer votre position - avez dit que c'était secondaire, si j'ai bien compris votre préoccupation. Il y a, quand même, des traditions dans le secteur hospitalier; par exemple, pas très loin de chez vous, l'hôpital juif de Montréal, l'Hôpital Général, qui dispense des services à tous et à chacun, est un hôpital public et commun. Quoiqu'il soit caractérisé par l'esprit et les traditions juives, c'est quand même quelque chose qui s'insère dans la tradition québécoise. Si on peut modifier, aux fins d'usage, l'interprétation qu'on donne à la notion de ce qui est public et commun, je pense qu'on peut bien vivre avec une certaine redondance, peut-être inévitable pour les fins de la loi. À mon avis, une école publique, c'est une école établie sous la responsabilité pédagogique et administrative, payée à même les fonds du contribuable; l'école commune signifie qu'elle est ouverte à tout enfant, quelle que soit son option religieuse personnelle.

D'ailleurs, je préfère vivre avec certaines redondances de l'article 31 par rapport à la constitution canadienne qui, dans un jugement de 1925, a bien établi qu'une personne juive ou non protestante n'a aucun

droit constitutionnel de siéger au sein d'une commission scolaire, de la PSBGM, par exemple. C'est assez flagrant si on veut parler des symboles anachroniques.

La question que j'aimerais vous poser concerne le statut. Est-ce que vous craignez une certaine prolifération des écoles confessionnelles? Ne croyez-vous pas que le problème est ailleurs? Par exemple, hors de l'île de Montréal, les préoccupations de la communauté catholique anglophone sont, justement, qu'elle peut difficilement former ses propres écoles parce qu'elle n'est pas majoritaire en plusieurs endroits. Leur crainte, telle exposée devant la commission parlementaire il y a plusieurs jours, était qu'elle préfère voir la commission scolaire s'acquitter de la tâche d'établir un réseau d'écoles. On leur a posé la question. J'aimerais vous poser la même question.

Mme Plante-Proulx: Est-ce qu'on craint une prolifération des écoles confessionnelles? Évidemment, on a un lourd passé, un statu quo qui fait que, au Québec, on a plusieurs écoles et la grande majorité de nos écoles sont confessionnelles. Pour nous, il est fort important qu'une cohérence puisse exister à l'intérieur même de la communauté du Québec entre ce statut et les options fondamentales chrétiennes des parents. On trouverait dommage que, dans des luttes, on oublie cet objectif fondamental qui est, d'abord, pour les parents catholiques, de bien identifier leur position et, ensuite, de se poser la question des valeurs qui peuvent être transmises par cette école. Donc, si un processus de remise en cause, d'identité et de cohérence s'amorçait par cette loi, à ce moment on ne trouverait pas grave que les écoles aient une étiquette qui reflète vraiment le vécu de l'école. Évidemment, dès qu'on appose de fausses étiquettes, on trouve fort dangereux actuellement de continuer dans cette ligne.

M. Payne: Dans un esprit spéculatif, vous ne pouvez pas imaginer ou proposer un modèle particulièrement hors de l'île de Montréal. Les Anglo-catholiques, comme ils le disent, veulent vivre avec le projet de loi 40, mais le débat se fait actuellement, dans le milieu anglophone, pour savoir de quelle manière on va statuer sur la confessionnalité. À partir de vos expériences, ne pouvez-vous pas nous éclairer à cet égard?

Le Président (M. Blouin): Rapidement, s'il vous plaît, Mme Plante-Proulx.

Mme Plante-Proulx: Je pense qu'il est difficile pour nous de saisir vraiment parce que, évidemment, chez nous, à l'école, on ne s'est pas retrouvé dans la même situation que les Anglo-catholiques.

M. Payne: Pour le moment, vous tenez à un statut au niveau local.

Mme Plante-Proulx: C'est cela. M. Payne: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Vachon. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie beaucoup les représentants du Comité d'école de l'école Notre-Dame-des-Neiges de leur participation aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant les représentantes et les représentants de l'Association des parents catholiques du Québec à bien vouloir prendre place à la table des invités afin que nous procédions à l'audition de leur mémoire, d'abord, et, ensuite, aux échanges que les membres de la commission auront avec ces invités. Comme je l'ai dit au début, je leur signale que nous disposons d'une période d'une heure et trente minutes afin de procéder à cette audition et à ces échanges.

Je vais donc demander aux représentantes et aux représentants de l'Association des parents catholiques du Québec, d'abord, de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire. Ensuite, nous procéderons aux échanges.

Association des parents catholiques du Québec

Mme Mathieu (Adéline): M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, mesdames - je dois dire maintenant madame parce que l'autre dame est partie - et messieurs les députés, je voudrais d'abord vous présenter nos porte-parole. À ma gauche, Me Francine Marceau-Boudreault; à ma droite, M. Léo-Paul Ouellette; M. Grégoire Tanguay, à l'extrême gauche.

L'APCQ existe depuis 17 ans. Elle compte plus de 60 000 membres dans toutes les régions de la province, dans le secteur privé et dans le secteur public. Depuis le début de nos activités, nous avons travaillé à la promotion de l'école catholique et de la liberté d'enseignement. Nous avons dû lutter contre des projets de loi qui préconisaient des structures neutres, entre autres, les projets de loi 62 et 28. À plusieurs reprises, nous avons organisé des concertations et des coalitions. La plus récente, celle que vous connaissez, M. Laurin, parce que vous étiez présent lorsque nous nous sommes présentés ici au salon rouge, est la coalition pour le Manifeste des parents chrétiens. (11 h 45)

Aujourd'hui, le mémoire que nous présenterons à tour de rôle, parce que nous nous sommes partagé la tâche, a été l'objet d'une vaste consultation non seulement

auprès de nos responsables, mais aussi, par l'entremise de notre journal Famille Québec, auprès de tous les membres qui voulaient bien collaborer.

Je dois vous dire que partout, non seulement au sein de notre association, mais au sein de tous les groupes qui ont collaboré avec nous, c'est avec étonnement que nous avons pris connaissance de votre projet de réforme de l'éducation à la fin de 1981 et au début de 1982. Rien ne laissait présager une nouvelle révolution aussi fondamentale. Premièrement, parce que la population ne ressentait pas le besoin de cette révolution. Le système scolaire du Québec a sûrement été le système le plus rapidement et le plus profondément réformé depuis 1960.

S'il est vrai qu'on a atteint l'accessibilité par ces réformes, le prix à payer dans bien des cas, au plan de la qualité, de la culture et des valeurs spirituelles, a été tel que les parents aspiraient à une période de tranquillité pour pouvoir reprendre les choses en main. Le ministère avait pratiqué une centralisation excessive. On avait constamment remanié le découpage des commissions scolaires. Les nouveaux commissaires, complètement bousculés par la machine à règlements qu'est le ministère et la machine à normes que sont les conventions collectives, avaient de plus en plus de difficulté à répondre aux aspirations de leur milieu.

Il est vrai que les parents voulaient retrouver une école qui redevienne le prolongement de la famille et un appui à l'action éducative de la famille. Ils voulaient retrouver un certain pouvoir sur l'école et surtout une possibilité de participation. Mais ce pouvoir, ils veulent l'exercer à travers les corps intermédiaires qui leur sont familiers et qu'ils ont demandé à votre prédécesseur de conserver à l'occasion de la consultation sur l'enseignement primaire et secondaire. J'en veux à témoin les textes mêmes préparés par le ministère de l'Éducation qui donnent le rapport de cette consultation.

Le livre vert proposait trois types de gestion scolaire: la décentralisation vers les commissions scolaires; la décentralisation vers l'école ou la mise en place de gouvernements régionaux. Dans ce rapport, à la page 159, on peut lire: "La deuxième hypothèse axée sur l'école comme lieu principal de la responsabilité reçoit un accueil très mitigé. On se contente souvent d'alléguer que les raisons avancées par le livre vert suffisent à rejeter l'hypothèse sans autre forme de procès." À la page 162, il est dit: "Les données du questionnaire confirment la popularité de la première hypothèse, (c'est-à-dire les commissions scolaires), tout en nuançant quelque peu le faible intérêt suscité par les deux autres".

Mais votre réponse dans le livre blanc d'abord, dans le projet de loi ensuite, ne répond pas à cette demande et présente une révolution plus fondamentale et plus radicale que les précédentes. Vous affirmez dans le préambule du livre blanc qu'il faut "poursuivre l'entreprise historique de notre réforme scolaire". Cette phrase n'est vraie que dans la mesure où la nouvelle réforme sera la dernière étape du dépouillement des communautés chrétiennes de leurs dernières institutions. Il restait les écoles primaires et secondaires pour essayer de donner une base de formation chrétienne aux enfants. On en supprime aujourd'hui le soutien institutionnel et juridique, faisant du maintien d'un projet éducatif confessionnel une prouesse de participation quasi intenable à long terme. Il va falloir que les parents apprennent à marcher sur la corde raide. À la place d'un système confessionnel plus que centenaire, on offre des supposées garanties dans un système devenu neutre. D'où vient ce mandat?

Le projet de loi no 40 est contenu, dit-on, en germe dans le programme du Parti québécois. D'accord. Mais étant donné l'option politique et sociale du parti, ce sont les questions politiques, sociales et économiques qui ont fait l'enjeu des diverses élections. Jamais la question scolaire n'a occupé une place importante dans le débat électoral et le gouvernement ne s'est pas présenté avec un projet sur la restructuration scolaire.

M. Jacques-Yvan Morin, à l'occasion de sa consultation, a reçu le mandat de remettre l'école sur la voie de la qualité, mais rien dans la volonté de la population n'appelait ce que vous proposez dans le projet de loi 40. Le livre vert tenait pour acquis que l'école est confessionnelle. Le ministre d'alors ne voulait pas poser la question. Il a quand même reçu la réponse à l'occasion de la consultation.

Voici ce qu'on peut lire au début du chapitre du document de synthèse qui traite de la confessionnalité de l'école: "Le discours sur le caractère confessionnel de l'école comporte trois volets: une critique du silence du livre vert, une réaffirmation d'une position favorable au maintien de la confessionnalité et un exposé sur la définition de l'école confessionnelle et ses implications". La grande majorité des intervenants parents, commissions scolaires, cadres scolaires, directeurs d'école, n'a pas remis en question l'école catholique et notre système scolaire confessionnel. Dans la conclusion de cette partie encore de la synthèse, il est dit qu'il faut faire état du point de vue exprimé par la population et par certains groupes importants du système scolaire. Je cite toujours: "On est favorable au maintien des structures confessionnelles de l'école, tout en se disant conscient de la nécessité d'aménager un système qui respecte les droits de chacun".

M. Laurin, vous ne pouvez pas négliger, non plus, les consultations de grande valeur que constituent les choix faits par les parents dans les écoles construites après 1974. Seulement au cours de l'année 1981-1982, une soixantaine ont demandé d'être reconnues comme écoles catholiques. J'aimerais que vous nous donniez des statistiques sur le nombre d'écoles où la majorité des parents aurait demandé que l'école devienne neutre.

Au nom de quel consensus présentez-vous ce nouveau projet de loi? Dans le discours de présentation du projet de loi 40, vous avez encore parlé du consensus que vous dites avoir. "C'est un projet de loi, dites-vous, qui est bâti autour d'un petit nombre d'idées simples dont on peut dire que, par-delà certaines divergences concernant certains moyens, elles ont suscité un large consensus." Il ne suffit pas d'affirmer calmement une chose, parce que vous avez la renommée d'être toujours calme, pour qu'elle soit telle.

Sans en faire la liste complète, nous pouvons, d'abord, relever l'opposition politique, ensuite l'opposition des agents de l'éducation: les commissions scolaires, les syndicats d'enseignants, les directeurs généraux et le personnel de cadre. Aujourd'hui, je voyais dans les journaux que l'Association des principaux de la région de Montréal se dissocie de la position des principaux de la province. Je n'ai pas lu tout le mémoire des principaux de la province, mais il semble qu'ils acceptent le principe. C'est loin d'être un consensus. Il y a aussi l'opposition presque générale des éditorialistes des grands journaux; mais il y a surtout celle de la population.

Le 24 novembre 1982, nous déposions au salon rouge le Manifeste des parents chrétiens endossé par 28 mouvements provinciaux, par plus de 600 mouvements régionaux et locaux et par des dizaines de milliers d'individus, le tout totalisant environ 1 000 000 de personnes. Il ne s'agissait pas de divergence sur les moyens, mais d'un refus global d'une première ébauche de la restructuration scolaire rendue publique par des fuites répétées. Le projet de loi 40 ne modifie pas de façon substantielle cette première version. De quel consensus parlez-vous, M. Laurin? Il faut des faits, des listes, des noms et non l'expression vague d'un consensus que personne ne peut vérifier.

Quelques idées simples. Vous dites aussi: Le projet est "bâti autour d'un petit nombre d'idées simples." Beaucoup d'idées sont simples sur papier, mais cette simplicité ne correspond pas à la réalité. Sans aller dans le détail, ce qui sera fait par plusieurs autres organismes, l'APCQ se permet d'analyser certaines de ces idées simples.

À ce moment, je laisse la parole à Me Francine Marceau-Boudreault.

Mme Marceau-Boudreault (Francine):

Merci, Mme Mathieu. M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, mesdames et messieurs les députés, l'exposé que nous vous présentons ici est une synthèse du mémoire que nous avons déposé et que nous avons intitulé Les droits et libertés de la personne sont-ils respectés dans le projet de loi 40? Cela dit, avant de partager nos oppositions et nos inquiétudes concernant l'approbation d'un tel projet, nous tenons à rappeler certains fondements juridiques et philosophiques nécessaires à toute législation dans un système démocratique. Ce bref retour aux bases essentielles à toute législation contribuera, nous l'espérons, à mieux vous faire comprendre la légitimité de nos revendications et de nos attentes.

Toute réforme législative ne doit-elle pas avoir comme priorité d'assurer le bien commun, ce bien commun qui est l'ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale?

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, Mme Marceau-Boudreault. Je me fais le porte-parole de certains membres de la commission pour vous indiquer que nous avons beaucoup de difficulté à vous suivre parce que nous n'avons pas le texte de ce que vous êtes en train de lire.

Mme Marceau-Boudreault: Nous avons ici des copies de la synthèse du mémoire que nous avons déposé. Si vous désirez les avoir, on peut vous les laisser.

Le Président (M. Blouin): Vous nous avez remis un document tout à l'heure. S'agit-il de celui-là?

Mme Marceau-Boudreault: Nous l'avons ici; cela prendra une minute.

Mme Mathieu: On vous a distribué une brochure. On nous a dit de faire une synthèse de la brochure. Ce que lit ma collègue est la synthèse de la brochure. On nous a dit que notre temps était limité pour les exposés et qu'on devait faire une synthèse.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, d'autre part, que j'avais noté que la présentation de votre mémoire demanderait elle-même une vingtaine de minutes. Si vous ajoutez une seconde présentation qui requiert autant de temps, je pense que nous n'arriverons pas, compte tenu des contingences de temps que nous devons tous et toutes supporter.

Mme Marceau-Boudreault: Je crois que vous avez alloué...

Mme Mathieu: Notre mémoire était déposé. Cela n'est qu'une synthèse pour éviter de trop prolonger.

Le Président (M. Blouin): Est-ce bien long?

Mme Marceau-Boudreault: II était prévu de prendre une quinzaine de minutes de façon à allouer une demi-heure en tout à l'exposé.

Le Président (M. Blouin): Vous êtes consciente que cela limitera d'autant les échanges entre les membres de la commission.

Mme Marceau-Boudreault: Oui, cela fut un choix de notre part..

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Ryan: Est-ce que je pourrais...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...poser une question? Le texte que vous allez résumer, est-ce que c'est cette brochure qui est annexée à notre mémoire?

Mme Marceau-Boudreault: C'en est une synthèse. Si vous tenez à l'avoir immédiatement, on peut vous la distribuer.

M. Ryan: Cela serait une bonne chose.

Le Président (M. Blouin): Procédez, et nous la distribuerons ensuite aux membres.

Mme Marceau-Boudreault: On disait: Pour assurer ce bien commun, l'État ne doit-il pas protéger la valeur vraiment humaine de la coexistence de ses citoyens en se préoccupant du niveau de la moralité publique? L'État ne doit-il pas protéger la valeur vraiment humaine de la coexistence de ses citoyens en empêchant que la liberté de conscience ne brime les droits d'autrui?

Cette liberté de conscience, il nous apparaît que l'État doit la sauvegarder de façon toute spéciale en raison de la liberté de religion qui en découle. En effet, les convictions religieuses du citoyen ne sont-elles pas ce qui détermine les choix qui conditionnent l'orientation foncière de toute son existence? De même, les convictions religieuses des citoyens ne sont-elles pas ce qui détermine l'amélioration ou la dégénérescence d'une société? Or, s'il est un secteur qui contribue à déterminer les convictions éthiques et religieuses de la société et un secteur qui permet de vérifier facilement le souci des autorités civiles de respecter la liberté de conscience et de religion, c'est bien celui de l'éducation. Dans quel secteur serions-nous justifiés de croire que ces libertés sont protégées si, dans toutes les écoles publiques, la liberté d'expression religieuse est balisée, confinée et mise en cage à l'intérieur même des écoles que les citoyens voudront confessionnelles?

Ainsi, dans notre société québécoise actuelle caractérisée par le pluralisme des allégeances religieuses et philosophiques des citoyens, il nous apparaît nécessaire, voire urgent, que les autorités civiles présentent une réforme scolaire qui assurera le respect du droit de tous les citoyens d'avoir accès à des écoles conformes à leurs convictions. C'est une telle réforme que nous attendons.

Cependant, loin de trouver dans le projet de loi 40. cette diversité nécessaire aux réseaux scolaires dans notre système d'éducation, votre projet de loi transforme le statut actuel de toutes nos écoles publiques de manière qu'elles soient et demeurent avant tout "communes à tous." De plus, votre projet de loi anéantit illégitimement le statut de nos commissions scolaires confessionnelles pour qu'elles aussi deviennent et demeurent communes à tous. (12 heures)

Ces changements majeurs dans notre système d'éducation, vous nous les imposez parce que, dites-vous, la distinction entre l'Église et l'État doit obligatoirement exclure, selon le livre blanc, "que des structures dispensatrices de services publics soient institutionnellement identifiées par des critères d'appartenance religieuse." Pour accepter une telle interprétation de la distinction entre l'Église et l'État, il faudrait nier le fait que les gouvernements antérieurs ont laissé place à un système d'enseignement confessionnel non pas parce que l'État lui-même était alors catholique ou protestant, mais parce que les gouvernements antérieurs avaient le souci de répondre aux attentes des citoyens qui, eux, étaient catholiques ou protestants. L'État, tout en restant neutre, n'a-t-il pas le devoir de s'assurer que le système public d'éducation permette le développement d'écoles catholiques là où les citoyens le demandent? De même, l'État n'a-t-il pas le devoir de créer des écoles autres que confessionnelles, là où la population en manifeste l'attente? N'apparaît-il pas évident que votre interprétation de la distinction entre l'Église et l'État qui vient exclure la présence de structures confessionnelles dans notre système public d'éducation ne peut qu'entraîner une réforme antidémocratique, soit une réforme qui ne correspond pas aux désirs de la population?

Nous remarquons, conformément à votre interprétation de la distinction entre l'Église etl'État, que vous refusez de laisser en place notre réseau actuel d'écoles confessionnelles pour imposer à toute la

population un système d'écoles uniformes dites "publiques et communes." Ce réseau d'écoles uniformes, vous nous l'imposez sous prétexte, dites-vous dans le livre blanc, que les écoles confessionnelles sont des écoles "rétrogrades." Vous nous l'imposez pour des motifs économiques non fondés et injustifiables. Comment, en effet, est-il permis à l'État de brimer la liberté de conscience et de religion des citoyens au nom de l'économie d'une province? Est-il justifiable d'abolir tout le réseau actuel d'écoles confessionnelles sous le prétexte, comme le dit encore le livre blanc, que lesdites écoles ne satisfont pas pleinement ceux qui les revendiquent? Ce sont pourtant là les principales justifications du chambardement de nos structures scolaires confessionnelles actuelles. Par ailleurs, après avoir aboli tout le réseau d'écoles confessionnelles, vous imposez dans le projet de loi 40 à tous les citoyens un modèle unique d'école commune à l'intérieur duquel devront vivre les citoyens dont les allégeances éthiques et religieuses sont diversifiées, voire incompatibles et irréconciliables.

À votre avis, vous améliorez les garanties religieuses dans notre système d'éducation en imposant une clientèle obligatoirement diversifiée dans nos écoles publiques et en imposant aux citoyens de toutes ces écoles le respect de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ladite charte devra s'appliquer à toutes les écoles, peu importe qu'elles soient reconnues confessionnelles ou non. Cette limitation à l'exercice de la confessionnalité scolaire, vous la justifiez dans votre livre blanc par ce qui est, justement, la plaie actuelle de nos écoles catholiques, lorsque vous affirmez que, "de nos jours, cette charte québécoise est spontanément observée dans un grand nombre d'écoles actuellement reconnues confessionnelles et dont la clientèle est diversifiée."

En somme, plutôt que d'enlever les raisons véritables de l'insatisfaction des citoyens en ce qui a trait au respect de leur liberté de conscience et de religion dans les écoles, vous proposez comme solution de donner force de loi à ce qui, justement, est la cause première de leur insatisfaction. Cette insatisfaction ne résulte-t-elle pas du fait qu'à l'intérieur de nos écoles confessionnelles actuelles se retrouve une clientèle aux allégeances diversifiées? Une telle diversité des allégeances éthiques et religieuses des personnes se retrouvant dans une école reconnue confessionnelle, n'est-ce pas, justement, ce qui empêche les parents d'obtenir un vécu de leur école conforme à leurs convictions?

Pourtant, par votre réforme, vous cimentez dans la loi cette situation de fait. Désormais, toutes les écoles publiques seront et demeureront de par la loi communes aux citoyens qui ont des allégeances religieuses diverses et désormais toute la population devra respecter la charte québécoise dans toutes les écoles publiques, là même où la population aura demandé un statut confessionnel.

Cette limitation à l'exercice de la confessionnalité scolaire par l'application de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne est, à votre avis, nécessaire pour empêcher que des citoyens ne puissent particulariser des écoles au point, dites-vous, "d'institutionnaliser des inégalités tout aussi despotiques" que celles que vous vous appliquez à surmonter. À ce sujet, nous aimerions que vous énonciez clairement quelles sont ces inégalités despotiques auxquelles vous faites allusion dans votre livre blanc, que vous cherchez à surmonter et qui sont les tyrans responsables de ces inégalités. Une réponse précise à cette question sera sans doute susceptible d'expliquer le but réel de votre réforme. Votre réponse donnerait, nous croyons, des précisions quant aux limites que doit apporter la Charte québécoise des droits et libertés de la personne relativement à la confessionnalité scolaire.

Quant à nous, nous nous interrogeons à propos de la gravité des limites qu'apportera la charte québécoise à l'exercice de la confessionnalité scolaire. Premièrement, pourquoi, contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés, notre charte québécoise ne reconnaît-elle pas le droit des citoyens à des écoles confessionnelles? Le droit à la confessionnalité ne se place-t-il pas tout entier dans la logique du droit à la liberté de conscience? Le droit des écoles confessionnelles n'est-il pas nécessaire pour permettre aux citoyens de foi religieuse d'avoir des écoles conformes à leurs convictions et à leur idéal de vie? Or la réforme scolaire proposée rend les garanties religieuses en matière d'éducation dépendantes de la charte québécoise, alors même que le directeur du service de l'éducation de la Commission des droits de la personne affirme que l'omniprésence d'un projet éducatif chrétien dans une école est incompatible avec la charte québécoise.

Quant au comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, il est d'avis que l'application de la charte québécoise ne manquera pas de soulever des disputes dans les écoles catholiques, en raison, dit le comité, de l'intolérance et du manque d'un véritable "esprit pluraliste" à l'intérieur de ces écoles. Pourtant, ledit comité affirme aussi que, en vertu de la charte québécoise, la majorité devra s'imposer des contraintes et il ne sera pas possible concrètement de donner à chacun satisfaction dans nos écoles. En conséquence, pour que soit acceptée

l'application de la charte québécoise dans nos écoles catholiques, le comité catholique nous précise qu'il appartiendra aux conseillers en éducation chrétienne d'assurer l'apprentissage d'un "esprit pluraliste" aux personnes présentes dans l'école catholique. Voilà qu'en plus d'exiger que les catholiques envoient leurs enfants dans une école pluraliste, c'est-à-dire une école qui recrute une clientèle sans critère d'appartenance éthique et religieuse, il appert que nos enfants devront désormais y faire l'apprentissage d'un "esprit pluraliste."

Quelles sont les convictions éthiques et religieuses d'une personne à l'esprit pluraliste? Selon le dictionnaire, l'esprit pluraliste consiste à accepter "une philosophie ou une doctrine suivant laquelle les être humains, en tant que phénomènes, ne dépendent pas d'une réalité absolue." En d'autres mots, "l'esprit pluraliste" considère que toute connaissance est relative et elle constitue de ce fait une forme de relativisme en vertu de laquelle les valeurs morales varient selon les circonstances et selon le contexte social. Or, la conséquence d'un esprit pluraliste ou relativiste est de "déclarer toutes les doctrines également bonnes ou vraies et d'établir la liberté parce qu'on n'a pas de motif d'estimer une doctrine plus vraie qu'une autre."

Contrairement au relativisme propre à l'esprit pluraliste, l'Église catholique a toujours enseigné que la vérité se trouve dans le message du Christ, dont elle est l'interprète authentique, et elle ne peut admettre que d'autres doctrines soient mises sur un pied d'égalité à la sienne. C'est pourquoi, en tant que catholiques, il nous apparaît manifeste que nous perdons toutes nos écoles catholiques si, à l'intérieur de celles-ci, il faut respecter la charte québécoise qui met sur un pied d'égalité toutes les religions. Demander aux catholiques d'avoir la même attitude à l'égard des doctrines qui sont incompatibles avec leur foi religieuse qu'à l'égard de celles qui expriment leurs convictions religieuses, c'est leur demander de renier leur foi, c'est leur demander de renier l'enseignement de Jésus-Christ.

Or, lorsque des citoyens affirment, en vertu de leur esprit relativiste, que des chrétiens sont intolérants parce qu'ils refusent une telle école, on se demande où se trouve exactement la véritable intolérance. Car l'on sait que la charte québécoise, qui découle de cet esprit relativiste, nous oblige à étouffer notre confessionnalité scolaire et exige des catholiques qu'ils tolèrent l'expression d'enseignements et d'attitudes contraires à la foi catholique. En somme, la charte exige une tolérance telle qu'elle met en péril la foi même de nos enfants.

De plus, exiger des enseignants à l'intérieur des écoles catholiques qu'ils respectent la liberté de religion des non-catholiques, c'est leur exiger de taire les enseignements de notre Église dans le vécu général de l'école. Or, ne pas parler de Dieu aux enfants avec qui on passe plusieurs heures par jour, n'est-ce pas par le fait même leur insinuer que Dieu n'existe pas ou qu'on n'a nul besoin de lui? De même, rappeler aux enfants leurs devoirs envers eux-mêmes et leurs semblables et garder le silence sur leurs devoirs envers Dieu, n'est-ce pas leur faire pénétrer dans l'esprit que ces devoirs n'existent pas ou qu'ils n'ont aucune importance? Enfin, taire le nom de Jésus-Christ, sa doctrine, sa vie et ses oeuvres dans une école d'enfants chrétiens qui vont faire leur première communion ou qui viennent de la faire, n'est-ce pas là un silence qui en lui-même est un enseignement? Un tel silence qui, loin d'être neutre dans les faits, constitue une attitude qui agit sur l'esprit des enfants et qui est susceptible de leur faire croire que le Christ n'est pas Dieu puisque le professeur, lui, ne veut pas ou ne peut pas parler de Dieu.

On ne peut pas cantonner la religion dans un coin de l'âme. Elle n'est rien ou elle est le tout de l'homme. En conséquence, "une école où l'on doit faire abstraction de toute vérité qui puisse distinguer les catholiques des athées stérilise la recherche de cette vérité." C'est pourquoi un projet de réforme qui propose aux catholiques des écoles qui ne font que tolérer un cours de religion à côté et en dehors d'un enseignement neutre des autres matières est inacceptable et ne respecte pas la liberté des chrétiens.

Par ailleurs, dans le projet de loi 40, il n'y a pas seulement la charte québécoise qui vient restreindre l'exercice de la confessionnalité scolaire à l'intérieur des cours de religion et des services d'animation pastorale. Le projet de loi 40 nous confirme une telle conséquence de l'application de la charte québécoise, de par les dispositions qui réduisent les pouvoirs décisionnels du comité catholique au seul domaine du cours de religion et de l'animation pastorale.

Une fois encore, plutôt que d'enrayer les causes qui empêchent l'école catholique d'avoir un vécu conforme à son statut, vous donnez force de loi à ce qui, justement, l'empêche de l'être. Les enseignants et les directeurs d'école ne sont-ils pas les agents les plus importants dans l'école? N'est-ce pas eux qui donnent à l'école catholique son caractère de par leurs actions et de par leurs témoignages? Pourquoi votre projet de réforme réduit-il les pouvoirs décisionnels du comité catholique, de façon que tout le choix du personnel enseignant et du personnel de direction dans les écoles catholiques se fasse sans égard à leurs convictions religieuses, si ce n'est pour ce qui concerne

strictement le choix du personnel affecté aux cours de religion et aux services d'animation pastorale?

Cette réduction des pouvoirs du comité catholique ne règle pourtant aucun problème et l'absence de tout contrôle au niveau de la conformité des enseignements donnés avec la confessionnalité des écoles continuera nécessairement d'entraîner la non-concordance du vécu de l'école avec le statut confessionnel de celle-ci. Par ailleurs, nous ne trouvons pas, non plus, dans la réforme proposée de nouvelles mesures législatives permettant de mettre plus facilement un terme à la pratique inconcevable d'enseignants non catholiques dispensant des cours de catéchèse. D'autre part, votre projet de loi n'amène aucun adoucissement à la rigidité des conventions collectives pour permettre des aménagements nouveaux qui puissent faciliter la conformité entre le vécu d'une école et son statut. (12 h 15)

En somme, les modifications apportées au système d'éducation par le projet de loi 40 ont toujours pour effet soit de faire disparaître la confessionnalité scolaire ou soit d'étouffer l'exercice de ladite confessionnalité là où la population persistera à la revendiquer, pour les considérations suivantes:

En considération du fait que toute consultation nécessaire à l'obtention d'une reconnaissance confessionnelle doit se faire au niveau de chacune des écoles; en considération du fait que ladite consultation doit se faire dans un territoire aussi restreint, les citoyens de ce territoire qui sont minoritaires à l'égard de leurs allégeances éthiques et religieuses n'auront jamais accès à l'école qui correspond à leurs convictions. Ici, ce n'est pas sur le principe de la consultation qu'on n'est pas d'accord, mais sur le mécanisme qui est établi dans le projet de loi 40 pour effectuer cette consultation. En conséquence, cette minorité, par le biais de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, pourra empêcher l'exercice de la confessionnalité scolaire qui aura été réclamée par la majorité.

En considération du fait qu'il suffit de ne pas réclamer une reconnaissance confessionnelle de l'école pour que ladite école perde son statut confessionnel et ce, sans aucune consultation; en considération du fait que, par le projet de loi, toutes nos écoles catholiques deviennent obligatoirement "communes" à tous sans aucune distinction d'appartenance religieuse; en considération du fait que les garanties religieuses en matière d'éducation cessent de dépendre des règlements du comité catholique pour ne dépendre que de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne; en considération du fait que la charte québécoise, contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés, ne garantit pas le droit à des écoles confessionnelles;.en considération du fait que l'application de la charte québécoise est incompatible avec l'omniprésence des valeurs chrétiennes dans une école; en considération du fait que la réduction des pouvoirs du comité catholique réduit par le fait même l'exercice de la confessionnalité scolaire aux cours de religion et aux services d'animation pastorale; en considération du fait que, contrairement à la définition de l'école catholique, le recrutement des élèves, le recrutement des professeurs et du personnel de direction de ces écoles ne pourra plus se faire selon des critères d'appartenance religieuse; en considération du fait que de telles limitations à l'exercice de la confessionnalité scolaire nous enlèvent par elles-mêmes notre droit d'avoir accès à des écoles véritablement catholiques, pouvons-nous nous étonner que cette même réforme nous impose des commissions scolaires non confessionnelles? Serait-ce parce que des commissions scolaires confessionnelles déterminent trop clairement les valeurs qui doivent être véhiculées dans les écoles qu'elles administrent? Pourquoi donner préférence à un statut linguistique au détriment d'un statut confessionnel, alors que ce dernier, contrairement au statut linguistique, protège un droit fondamental universellement reconnu?

Si la langue d'enseignement n'est pas protégée par l'article 93 de notre constitution, c'est, selon le juge Deschênes dans un arrêt de la Cour supérieure, en raison du fait "qu'obliger un enfant à étudier de manière approfondie la langue nationale qui n'est pas la sienne ne saurait être une entreprise de dépersonnalisation." À contrario, le droit fondamental d'avoir des écoles conformes à nos convictions éthiques et religieuses est reconnu parce que son non-respect par l'État constitue une entreprise de dépersonnalisation de nos enfants qu'on appelle politiquement l'étatisation d'un système d'enseignement.

Or, selon Léon Bérard, ancien ministre de l'Éducation en France, la caractéristique principale de l'étatisation de l'enseignement est "l'imposition d'une école unique qui a pour nature d'être multiple", soit une école commune à toutes les allégeances éthiques et religieuses.

Nous refusons et nous dénonçons ce projet de réforme car il ne serait digne que d'un parti socialiste radical qui vise à imposer une école unique à l'encontre même des attentes de la majorité de la population.

Le Président (M. Blouin): Merci. Maintenant, je vais demander aux membres de la commission qui ont des...

Mme Mathieu: II y a encore une

autre partie qu'on n'a pas traitée...

Le Président (M. Blouin): Non. Je m'excuse.

Mme Mathieu: ...et qui est très importante.

Le Président (M. Blouin): Madame, je m'excuse, mais j'avais compris que cette très longue présentation se substituait au texte que vous nous aviez remis et que c'était l'esprit de la demande que vous nous aviez faite. Vous comprendrez que votre présentation a pris au-delà de 37 minutes et que nous devons maintenant procéder aux échanges entre les membres de la commission et vous-mêmes. Je puis vous rassurer en vous disant que le texte que vous nous avez remis, de même que le mémoire que vous avez déposé à la commission ont été remis aux membres de la commission il y a déjà un bon nombre de semaines et que chacun des membres de la commission a eu l'occasion d'en prendre connaissance.

À moins que vous ne puissiez résumer en quelques phrases les thèmes que vous vouliez évoquer, nous ne pourrons permettre une lecture systématique du texte que vous nous avez présenté.

M. Ouellette (Léo-Paul): Je suis d'accord pour relever le défi en quelques minutes. Trois ou quatre.

Le Président (M. Blouin): Je vous dis qu'au-delà de quatre minutes nous devrons cesser.

M. Ouellette (Léo-Paul): Je vous permets de m'interrompre

M. Ryan: Jusqu'à cinq, M. le Président, au maximum.

Le Président (M. Blouin): Alors, il y a une entente sur cinq minutes.

M. Ouellette (Léo-Paul): Les commissions scolaires linguistiques, idée simple et logique, ont été évoquées et par une argumentation qui est trop souvent négligée, le droit à une éducation selon ses valeurs religieuses serait plus fondamental qu'un droit à une éducation selon sa langue. On sait que les anglophones du Québec ont refusé d'être privés de leur commissions scolaires pour des raisons de langue. On voit actuellement le débat des francophones de l'Ontario pour leurs commissions scolaires pour des questions de langue. S'il est vrai que les valeurs spirituelles sont plus fondamentales, il faut les protéger.

Il est bien sûr qu'il y a beaucoup de gens qui, peut-être, ne sentent pas le besoin des commissions scolaires catholiques. Les gens sont près de l'école et ils veulent une école catholique. Ce n'est qu'après avoir été privés de leur commission scolaire qu'ils comprendront l'importance de la protection de la structure juridique sur l'école et qu'ils constateront la détérioration dans les faits. Quel que soit le prétendu consensus qu'on puisse nous présenter contre cette idée des commissions scolaires confessionnelles, nous gardons cette conviction profonde et fondamentale que la meilleure façon de réaliser une école catholique est celle de lui donner la protection d'une structure. On peut vivre un projet éducatif pendant un bout de temps, mais il faut penser pour de longues années et, là, la protection des structures est absolument essentielle.

Deuxième point, très rapidement: le pouvoir des parents. Nous sommes certainement parmi les groupes de parents qui croient le plus profondément que l'école appartient aux parents. Cependant, il y a deux volets à cet énoncé. M. Brassard, de la faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, a fait ressortir ce point en des termes assez savants et a distingué l'aspect valoriel de l'aspect technique. En termes plus simples, disons que les parents veulent dire les valeurs qu'ils veulent à l'école, mais que la dimension technique, c'est-à-dire toute la mise en place des moyens pour réaliser ces valeurs, dans la plupart des cas, échappe à leur compétence et échappe au temps dont ils disposent. Nous voulons donc dire les valeurs de l'école, mais nous ne voulons pas recevoir le fardeau d'administrer l'école et, particulièrement, le fardeau d'appliquer tous les règlements du ministère de l'Education et des conventions collectives.

Les parents atomisés en 2682 conseils d'école seront des pygmées face aux colosses que sont le ministère de l'Éducation et les conventions collectives. Quelle que soit la valeur des intentions, nous considérons que c'est un danger terrible pour les parents d'être divisés en petits groupes. C'est priver les parents de l'appui de corps intermédiaires forts et solides. Pour des parents chrétiens, c'est un point absolument fondamental qui est rappelé avec constance dans la doctrine sociale de l'Église.

J'aurais voulu dire un petit mot sur l'enseignement privé même si on n'en parle pas beaucoup dans le projet de loi. Nous voulons, tout simplement, rappeler que le livre blanc avait posé des principes profondément dangereux comme la négation du droit à la subvention. Je m'arrête, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Ouellette. Merci, mesdames et messieurs. M. le ministre, en vous rappelant que chaque formation politique dispose d'un peu plus de 20 minutes pour s'entretenir

avec nos invités.

M. Laurin: M. le Président, je veux, d'abord, remercier l'Association des parents catholiques du Québec pour le mémoire qu'elle nous a présenté, que j'ai lu avec beaucoup d'attention, et merci aussi pour la présentation de ce matin. Évidemment, la longueur de la présentation va limiter nos échanges et je le regrette. Je veux, quand même, réitérer l'attention que je veux porter à ce mémoire et particulièrement à la dimension juridique qui a fait l'objet de l'essentiel de la présentation de ce matin.

Mme Mathieu a dit au début que 60 écoles ont demandé une reconnaissance de leur statut confessionnel depuis 1974, bien sûr. Il faut, cependant, ajouter qu'en mars 1983, date de notre dernière compilation, au moins une vingtaine d'écoles confessionnelles dans le secteur catholique n'avaient pas demandé d'être reconnues comme catholiques. Quoi qu'il en soit, en vertu de la loi 40 ces écoles conserveront leur statut et auront trois ans pour décider si elles veulent ou non le maintenir. L'assurance de la reconnaissance du statut confessionnel éventuel est également incluse dans le projet de loi.

Je viens d'entendre dire à nouveau que le projet de loi 40 fait des parents des pygmées écrasés entre deux colosses que sont les syndicats et le ministère de l'Éducation du Québec. On a, évidemment, oublié la commission scolaire. Je pense qu'il est très difficile pour une association de parents de prétendre que la loi 40 fait des parents des pygmées, alors qu'à l'école, c'est-à-dire là où s'exerce l'activité éducative, le projet de loi 40 donne aux parents non plus une place consultative, mais une place décisionnelle, et sur des sujets qui importent au plus haut point à l'éducation des enfants dont les parents sont les premiers responsables particulièrement au cycle primaire. Il leur accorde même une place plus importante au sein du suffrage universel puisque celui-ci est désormais centré au niveau de l'école.

Quant à la confessionnalité, l'étude juridique que nous avons entendue ce matin a tenté d'opposer le comité catholique au projet en raison de certaines opinions en ce qui concerne la Charte des droits et libertés de la personne adoptée au Québec il y a déjà plusieurs années. Je dois, quand même, rappeler que, d'une façon générale, le comité catholique, dans un avis qu'il a rendu public très récemment, se déclare d'accord avec les aménagements confessionnels que prévoit le projet de loi. De même, dans le mémoire qu'on nous a présenté et qu'on n'a pas lu ce matin, on se réfère souvent à l'opinion des évêques, telle que rendue publique en mars 1982. On en fait une certaine lecture dont on tire certaines conclusions qui iraient à l'encontre du projet de loi. Je voudrais, cependant, dire à l'Association des parents catholiques du Québec qu'on peut faire une autre lecture de la déclaration des évêques en mars 1982. Je ne veux pas la relire, elle est trop longue, mais je pense que je peux dire à la suite de la lecture que j'en ai faite - et elle a été fréquente - que, dans cette déclaration, les évêques disent qu'ils veulent contribuer à une évolution du système scolaire qui soit inspirée par l'esprit démocratique et un profond respect des droits individuels et collectifs.

À cette fin, les évêques proposent trois moyens susceptibles de débloquer le système scolaire. Par exemple, offrir l'option entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux. Ce sera mieux adapté, disent-ils, au caractère commun de l'école qui est publique. Deuxièmement, mettre en place un mécanisme de consultation qui permettra aux parents de choisir le statut de leur école pour une période déterminée. Troisièmement, laisser place à des écoles officiellement reconnues comme catholiques. Pour les évêques, cela veut dire respecter la variété des aspirations des divers milieux; cela veut dire respecter la tradition scolaire du Québec. Cela veut dire tenir compte du droit des parents de choisir une éducation et une école conformes à leurs convictions. Cela veut dire tenir compte de l'apport de l'école catholique à la société qui traverse présentement une crise spirituelle et une crise des valeurs. (12 h 30)

Les évêques, évidemment, affirment avec conviction et fermeté leur préférence pour l'école catholique qui demeure un modèle toujours actuel. Les évêques poursuivent en disant qu'ils sont prêts à renoncer, à certaines conditions, au caractère confessionnel des commissions scolaires, par exemple, si les traits confessionnels qui affectent les commissions scolaires s'avèrent un obstacle insurmontable à la diversité du réseau scolaire. Ceci est précisément le cas, en raison de la diversité croissante des allégeances, des éthiques spirituelles, religieuses qui se manifestent au Québec particulièrement depuis une quinzaine d'années. Ceci a, d'ailleurs, conduit la plupart des organismes qui se sont présentés ici à se dire d'accord avec la nouvelle division des commissions scolaires sur une base linguistique. Et la deuxième condition: pourvu que, dans les commissions scolaires, quelle que soit leur nature, on assure le soutien nécessaire à la régie des écoles catholiques et au service d'enseignement religieux et de pastorale dans les écoles non catholiques.

Il nous semble que le projet de loi 40 reflète, pour l'essentiel, cette position des évêques, mais si l'Association des parents catholiques ne le pense pas, pourrait-elle nous dire sur quels points le projet de loi 40

ne se conforme pas à ces principes et à ces souhaits que les évêques expriment dans leur déclaration de mars 1982?

Mme Mathieu: Puis-je vous poser une question, M. Laurin? Vous avez affirmé -est-ce que j'ai bien compris? - que les évêques acceptent la division linguistique.

M. Laurin: Non.

Mme Mathieu: Non. Vous n'avez pas dit cela.

M. Laurin: Je n'ai pas dit cela.

Mme Mathieu: Heureusement, parce que là...

M. Laurin: J'ai dit que les groupes qui sont venus ici, en raison de cette diversification croissante au Québec des allégeances religieuses, spirituelles, éthiques et d'autres facteurs également dont ils nous ont fait part, se sont dits très majoritairement d'accord pour une nouvelle division des commissions scolaires sur une base linguistique. Mais, si cela est le cas, les évêques demandent que certaines conditions soient respectées, si la base est changée, et ce sont ces conditions dont je vous ai fait part.

Mme Mathieu: Si je me rappelle bien le texte des évêques, d'abord, ils manifestent leur préférence pour les commissions scolaires confessionnelles. L'obstacle, c'est qu'il faudrait faire la preuve que les commissions scolaires confessionnelles empêchent la diversification des écoles, si vous voulez. Je ne crois pas, comme je vous l'avais dit il y a un an et demi environ, que quelqu'un a fait la preuve qu'une commission scolaire confessionnelle, qu'un système scolaire confessionnel, pouvait empêcher de mettre en place des écoles non confessionnelles. Si on revient à la déclaration des évêques, il faut bien remarquer que ceux-ci ont demandé un véritable statut juridique pour l'école et non pour le projet éducatif.

Là aussi, je voudrais vous reposer la question que je vous posais il y a un an et demi, à laquelle vous n'avez pas donné de réponse: Est-ce qu'il s'agit, quand on parle de la reconnaissance, de la reconnaissance d'un projet éducatif ou de celle de l'école? Il n'y a absolument rien dans la loi qui pose des prérequis ou des exigences en regard de l'école. Il n'y a pas d'exigences, comme l'a dit tout à l'heure madame, concernant le recrutement des professeurs. Le comité catholique ne peut pas faire de règlement concernant le directeur d'école. On n'a plus, comme autrefois, à s'assurer que les programmes soient respectueux de la pensée chrétienne. Ces gens pourront être consultés. C'est tout. Je vois très mal comment on peut parler de reconnaissance d'école à ce moment-là. Vous-même, à l'occasion d'un programme que j'ai écouté - c'était un échange avec M. Rioux - vous avez parlé de reconnaissance du projet éducatif.. Dans le livre blanc, on employait parfois le mot école et parfois le mot projet éducatif.

Alors, à notre avis, c'est loin d'être clair parce qu'il y a une grande différence entre la reconnaissance d'un projet éducatif et la reconnaissance d'une école. Cela n'a jamais été clarifié.

Est-ce que vous pouvez réellement m'apporter des précisions en me donnant des raisons de croire qu'il s'agit de la reconnaissance de l'école?

M. Laurin: Le projet de loi est très clair à cet égard et il s'agit de la reconnaissance de l'école.

Mme Mathieu: Alors, est-ce que le conseil d'administration de l'école préconisée dans le projet de loi 40 est confessionnel?

M. Laurin: La reconnaissance de l'école selon des critères qui seront établis par le comité confessionnel.

Mme Mathieu: Mais, le conseil d'école qui doit administrer l'école est-il confessionnel? Fait-il partie de l'école?

M. Laurin: Je pense que je ne peux pas aller plus loin dans ma réponse. Je pense qu'elle est assez claire.

Mme Mathieu: Je ne trouve pas, moi, que c'est clair, parce que vous ne voulez pas me répondre si le conseil d'école fait partie de l'école, si c'est une entité à côté de l'école. Je donne la parole à Mme...

M. Laurin: Je pense que vous pourrez trouver une réponse encore plus circonstanciée si vous relisez tout le projet de loi, en particulier l'article qui a trait à la reconnaissance du statut de l'école, et, en plus, si vous regardez les articles qui définissent ce qu'est l'école et où il est évident que le projet éducatif ne peut être assimilé à une école. Une école, c'est un établissement qui a pour finalité l'éducation, mais l'école est aussi un lieu où les équipes-école pourront élaborer et réaliser un projet éducatif.

Mme Mathieu: Vous ne m'avez quand même pas répondu, M. Laurin. Le conseil d'école fait-il partie de l'école? Est-ce que c'est une entité à côté ou avec l'école et dans l'école? Est-ce qu'il est confessionnel? Est-ce que toute la reconnaissance englobe aussi le corps qui va l'administrer?

M. Laurin: Je ne peux que vous répondre encore que l'école qui demande la reconnaissance d'un statut confessionnel le fera selon des critères qui seront établis par le comité confessionnel.

Mme Mathieu: Vous n'avez pas répondu à ma question.

Le Président (M. Blouin): Bon. Alors, je crois qu'il s'agit...

Mme Mathieu: Mme Boudreault voudrait compléter la réponse, s'il vous plaît;

Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement, Mme Boudreault.

Mme Marceau-Boudreault: M. Laurin, lorsque vous nous demandez en quoi le projet de loi 40 ne répond pas à la déclaration de nos évêques, je répondrai ceci immédiatement. Les évêques ont demandé un statut confessionnel qui n'est pas réductible aux garanties touchant l'enseignement religieux et l'animation pastorale. Or, dans notre exposé, nous avons démontré justement que la confessionnalité scolaire devra se restreindre et se limiter à ce cours de religion et au service d'animation pastorale.

Par ailleurs, les évêques ont demandé aussi - et vous avez les citations dans le mémoire qu'on vous avait déposé - que soient maintenus les pouvoirs actuels du comité catholique. Or, les pouvoirs du comité catholique sont réduits de façon qu'il n'a plus aucun pouvoir décisionnel en ce qui touche le personnel enseignant et les programmes d'études autres que l'enseignement religieux. Cela veut dire que des programmes d'études pourront être imposés à des écoles soi-disant confessionnelles et qui viendront en contradiction avec la confessionnalité de ces écoles. Déjà on est aux prises avec des problèmes de professeurs qui ne respectent pas la confessionnalité des écoles et qu'on n'arrive pas à régler. On arrive avec un projet de loi où les commissions scolaires perdent des pouvoirs. Des conseils d'école divisés chacun de son côté devront faire face à l'application des conventions collectives et se débattre pour régler le problème et exiger des professeurs que la confessionnalité de l'école soit respectée.

Concernant le comité catholique, nous étions au courant que le comité catholique avait donné son accord au projet de loi 40. Toutefois, on a relevé les arguments du comité catholique lorsqu'il accepte cette soi-disant offre de confessionnalité. Il souligne qu'il va falloir que les enfants des écoles catholiques fassent l'apprentissage de l'esprit pluraliste et cet esprit pluraliste, ce sont les conseillers en éducation chrétienne; on demande aux conseillers en éducation chrétienne de leur en faire faire l'apprentissage. Esprit pluraliste qui vient manifestement en contradiction avec l'esprit chrétien d'une école.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, Mme Marceau-Boudreault, merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer Mme Mathieu et ses collègues de l'Association des parents catholiques du Québec. Je connais le zèle de l'Association des parents catholiques pour la défense de l'école catholique. Je pense que l'association a exercé son droit d'intervention dans ces matières avec fermeté et clarté depuis de nombreuses années, qu'elle exerce un droit parfaitement démocratique qu'il faut savoir reconnaître.

Il y a bien des points, dans le mémoire qu'on a présenté ce matin, sur lesquels je n'aurais aucune difficulté à être d'accord. Quand vous affirmez, au début de votre mémoire, que vous voulez que le contrôle des parents s'exerce sur le système d'enseignement, surtout par le truchement de structures intermédiaires fortes, qui sont, d'après ce que j'ai pu comprendre, les commissions scolaires, c'est une proposition que moi-même et mes collègues de l'Opposition non seulement acceptons, mais défendons avec vigueur.

Nous trouvons que cette espèce d'opposition, qu'on cherche trop souvent à ériger entre les parents qui ont des enfants à l'école et les parents qui sont élus commissaires d'école par leurs concitoyens, est fausse et artificielle. Voir si le parent qui a été élu commissaire sera moins parent parce qu'il est commissaire que celui qui a un enfant à l'école et qui n'est pas commissaire! Il faut cesser de se gargariser d'expressions artificielles qui érigent de toutes pièces des oppositions qui ne doivent pas exister dans la réalité. Qu'il existe des tensions entre les écoles et les commissions scolaires, c'est normal, cela fait partie de la vie; entre les parents qui sont dans une école et ceux qui peuvent être à la commission scolaire, c'est normal aussi, on les règle par la voie de la discussion et les voies que prévoit la loi. Je ne pense pas qu'on doive inventer de nouvelles théories pour régler tous ces problèmes.

En tout cas, c'est un point sur lequel je suis d'accord avec vous. Je pense que l'influence stable et durable des parents sera bien plus forte si elle est garantie à ce niveau, quitte à la compléter par toutes sortes d'autres modalités ensuite que si on prétend chambarder tout le système et créer 3000 unités de commandement, qui risquent d'être isolées les unes des autres et de devenir, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, atomisées pour tomber ensuite, par

voie de conséquence inévitable, sous l'autorité encore plus forte du ministère de l'Éducation. Sur un point comme celui-là, je pense qu'il y a moyen de faire un grand bout de chemin ensemble.

En ce qui concerne la nécessité des valeurs morales et religieuses dans l'éducation de la jeunesse, moi-même, je n'ai jamais fait de mystère de mes convictions et de mes attaches à ce sujet. Je pense que la religion est un facteur de progrès culturel, de progrès dans la voie de la civilisation qui est indispensable pour l'épanouissement d'un peuple. Chez nous, elle a joué un rôle très important et je souhaite qu'elle puisse continuer à jouer un rôle central dans notre évolution collective dans l'avenir.

Maintenant, il arrive un point où des divergences se manifestent. Je vais prendre un passage de votre mémoire pour expliquer ce que je veux dire. Vous faites allusion à l'évolution des vingt dernières années, qui a été énorme, évidemment, et vous dites, à un moment donné, à la page 2: On a enlevé aux catholiques leurs universités, les écoles normales, les collèges, les syndicats, les hôpitaux et autres institutions de santé. Il restait des écoles primaires et secondaires pour essayer de donner une base de formation chrétienne aux enfants; on en supprime aujourd'hui tout le soutien institutionnel et juridique.

Je voudrais simplement vous dire qu'à mon point de vue, on n'a pas enlevé toutes ces institutions aux catholiques, il s'est produit une évolution qui nous embrasse tous. Il n'y avait pas, d'un côté, des mauvais qui sont venus nous dire: On va vous enlever tout cela, et de l'autre côté, des bons, qui auraient été dépouillés par des méchants. Ce n'est pas comme cela que l'évolution s'est faite. De la manière dont je l'ai suivie de près, je pense y avoir été assez mêlé pour savoir un peu comment elle s'est produite.

Dans le monde syndical, les gens avaient évolué vers des conceptions différentes; c'étaient des gens comme nous. À un moment donné, ils ont conclu - c'étaient des dirigeants dont les allégeances chrétiennes étaient connues publiquement - que c'était mieux que l'ancienne Confédération des travailleurs catholiques du Canada devienne la Confédération des syndicats nationaux. (12 h 45)

Dans le cas des écoles normales, je pense que vous vous souviendrez comme moi, Mme Mathieu, qu'un événement majeur s'est produit à un moment donné. Autrefois, les principaux d'école normale étaient nommés par le gouvernement sur recommandation des évêques. S'il y avait une école normale à Montréal, il y avait une recommandation de l'évêque de Montréal. À un moment donné, l'évêque de Montréal, qui était le cardinal Léger, a dit: Je vais recommander un laïc plutôt qu'un prêtre. Traditionnellement, ç'avait été des prêtres. On a constaté que si on nommait des laïcs à des postes clés, cela changeait la logique du système, on entrait dans une logique de relations professionnelles, de relations de liberté beaucoup plus grande, d'engagement moins formel. Des relations syndicales sont venues s'ajouter à cela et il y a toute une logique qui est arrivée. Nulle part, il n'y avait un deus ex machina, c'est-à-dire un gros machinateur qui aurait conçu tout cela, qui aurait dit: Je tire cette ficelle-ci ou je tire celle-là.

Cela me rappelle certains propos du cardinal Newman que je n'oublierai jamais. Il nous rappelle que les grandes périodes d'épanouissement humain dans la vie des peuples, les périodes qui ont donné naissance à une effervescence particulière au point de vue économique, culturel ou politique ont généralement été accompagnées de remises en question des grandes orientations de ces peuples aux points de vue spirituel et religieux. Je pourrais donner des exemples: la fin de l'Empire romain, la fin du Moyen-Age, la fin de l'époque moderne qui a commencé dès le siècle dernier. Newman se rendait compte de tout cela en Angleterre, dès le milieu du siècle dernier, ce n'est pas nouveau, par conséquent.

Newman a eu une phrase formidable. Il a dit: Dans l'ancien système, où tout était encadré juridiquement, c'était beau, mais il y avait bien du mensonge, il y avait bien des gens qui se cachaient derrière cela pour faire des oeuvres autres que celles que définissaient les statuts juridiques. Il disait: Personnellement - franchement, j'aime me présenter comme un disciple de Newman de ce point de vue - j'aime mieux connaître les gens à qui j'ai affaire; je veux savoir exactement à qui j'ai affaire et qu'on se batte à ciel ouvert. Qu'on exprime des opinions contraires les uns les autres, parfois, cela fait partie de la destinée humaine. C'est ce qui est arrivé chez nous depuis vingt ans, il y a un processus de différenciation qui s'est produit.

Si les communautés ont abandonné leurs anciennes oeuvres, de manière générale, c'est parce qu'elles n'étaient plus capables de les supporter. Ce n'est pas le gouvernement qui est responsable - et cela implique les gouvernements antérieurs aussi - si les vocations ont diminué dans les communautés religieuses. Il y a eu toute cette période de floraison extraordinaire qui a fait que des gens ont choisi d'autres orientations et c'est dans ce contexte nouveau qu'il faut trouver une place pour l'objectif que vous définissez et auquel je souscris. À travers quels mécanismes et à travers quelles structures allons-nous pouvoir réaliser un système d'enseignement qui tiendra compte des aspirations légitimes des citoyens qui veulent que la religion continue d'être une force vive et aussi des aspirations et des opinions des

citoyens qui pensent autrement?

Vous dites: Ce projet de loi n'est pas satisfaisant. Nous ne le trouvons pas satisfaisant même de ce point de vue, pour d'autres considérations sur lesquelles je ne veux pas trop m'étendre. Je voudrais vous poser une question. Vous avez dit tantôt, Mme Mathieu: Oui, gardons nos commissions scolaires catholiques et protestantes. Rien n'empêche les commissions scolaires catholiques de donner des écoles non catholiques, par exemple. Le juge Deschênes avait examiné cette question quand est arrivée l'affaire de Notre-Dame-des-Neiges. Il a dit ceci. Il s'est posé la question vers la fin de son jugement: Comment concevoir qu'une commission scolaire comme la CECM, confessionnelle et catholique de droit, formée de commissaires catholiques, chargée de promouvoir l'enseignement catholique, responsable d'un réseau d'écoles catholiques puisse, sans trahir sa vocation et son caractère, créer et gérer des écoles qui refuseraient toute allégeance religieuse? Là, il ajoute: La réponse repose déjà dans la question.

Je suis porté à trouver que cette réponse du juge Deschênes est logique. Ce qui est proposé dans le projet de loi, les commissions scolaires linguistiques, permettrait d'élargir le champ d'intervention de la commission scolaire; elle ne se limiterait pas à devoir fournir uniquement les écoles catholiques, elle aurait la responsabilité de toutes les écoles publiques sur son territoire. Là, elle pourrait décider, sur la foi des volontés exprimées par les parents, qu'un certain nombre d'écoles seraient catholiques, qu'un certain nombre d'écoles qui seraient autres et elle pourrait tenir compte de la diversité des situations.

Si vous la maintenez uniquement catholique, c'est plus difficile et on ne sait pas comment cela évoluera. La logique de votre position vous conduirait presque à demander trois réseaux de commissions scolaires: catholiques, protestantes et neutres. Cela devient un peu fort. C'est comme avoir une Cadillac, au point de vue structures d'organisation, qui va coûter très cher et c'est à se demander si notre milieu peut se payer tout cela. C'est là que la formule de la commission scolaire linguistique entre en ligne de compte. Je voudrais que vous répondiez à tout cela.

Le Président (M. Blouin): Mme Mathieu.

Mme Mathieu: Je pense que la réponse, on l'a déjà donnée, mais je suis très heureuse d'y revenir. Vous avez parlé du jugement Deschênes dans l'affaire Notre-Dame-des-Neiges. Le juge Deschênes recommande la mise en place non seulement d'écoles confessionnelles, d'écoles autres, mais aussi un autre secteur. Je trouve que nous sommes en très bonne compagnie pour demander la même chose, non pas à travers toute la province, mais dans les milieux où ce serait nécessaire. Au tout début, on a déjà étudié ce problème: s'il n'y avait qu'une seule école, par exemple, non confessionnelle, il y aurait moyen d'aménager des ententes avec la commission scolaire. Mais à partir du moment où, dans une région comme Montréal, il y a un certain nombre d'écoles qui naissent, on trouve que ce serait beaucoup plus logique de leur donner leur propre réseau d'écoles et qu'eux-mêmes puissent s'administrer. Si le nombre d'écoles non confessionnelles augmentait, c'est sûr qu'il serait très difficile, de toute façon, de maintenir un réseau de commissions scolaires confessionnelles. Lorsque nous disons: Nous pouvons maintenir des commissions scolaires et répondre en même temps aux besoins, dans certains milieux, d'autres types d'écoles, nous ne voulons pas dire nécessairement que la commission scolaire doit administrer tout un réseau d'écoles non confessionnelles. Suivant la logique, on considère qu'à ce moment-là ces écoles préféreront être administrées par leurs propres commissions scolaires. Ce pourrait être un syndic d'écoles. On a déjà parlé d'élargissement de la loi pour permettre cette possibilité.

Pour nous, c'est dans l'ordre de la logique parce que, un jour ou l'autre, s'il y avait multiplication d'écoles non confessionnelles, je le répète, ce serait très difficile de maintenir une commission scolaire confessionnelle. Cela fait des années qu'on demande qu'on mette en place, dans les milieux où c'est nécessaire, un autre type d'écoles. Vous avez eu les anglo-catholiques qui sont venus vous dire qu'ils préféraient étudier les besoins de leur territoire ou des parents qui ont des services de cette commission scolaire et qu'ils voudraient, par la suite, offrir des services différents. Je trouve que c'est normal. À ce moment-là, chez les anglo-catholiques où il y a très peu de demandes pour les écoles non confessionnelles, cela ne pose pas de problème. Mais dans un milieu très cosmopolite comme celui de Montréal, cela pourrait poser des problèmes. On dit: Soyons logiques, donnons-leur leur système d'écoles neutres. On n'est pas le seul pays où il y a trois réseaux d'écoles. Vous le savez comme moi, il y a beaucoup d'autres pays qui ont un réseau neutre, un réseau protestant et un réseau catholique. Peut-être allez-vous me répondre que ce sont des réseaux privés? Dans certains cas, ils sont subventionnés à 100%. Cela ne pose pas de problèmes pour ce qui est du choix des parents. Ils reçoivent des subventions équivalentes pour envoyer leurs enfants ou à l'école privée catholique, ou à l'école protestante, ou à l'école publique neutre.

Il reste un point central: c'est que,

chez nous, on a un système qui a fait ses preuves, qui répond aux désirs de la majorité de la population. Pourquoi tout chambarder pour une minorité? On doit répondre aux besoins des minorités. On est pleinement d'accord. On veut être respectueux du droit des parents qui refusent l'école confessionnelle. Mais qu'à ce moment on leur donne un autre type d'écoles auquel ils ont droit également. Sinon on va se retrouver, dans quelques années, avec la dissolution de l'école confessionnelle. D'autant plus qu'avec la loi 40 c'est inévitable parce qu'il n'y a réellement pas de véritables garanties, je pense qu'on en a donné la preuve, pour une école véritablement confessionnelle.

D'ailleurs, M. Laurin, vous avez dit tout à l'heure que c'était un nouvel aménagement de la confessionnalité, une nouvelle définition de la confessionnalité. M. Laurin a une définition de la confessionnalité et l'Église catholique a aussi sa définition. Est-ce que c'est à l'Etat de définir l'école confessionnelle ou est-ce aux Églises? Est-ce que cela ne reviendrait pas aux Églises de définir ce qu'est une école confessionnelle?

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Ryan: J'aurais simplement une petite remarque. Tout d'abord, je ne pense pas que, dans l'ensemble du territoire de la province de Québec, il serait possible d'avoir trois réseaux de commissions scolaires.

Mme Mathieu: Je n'ai pas dit cela. C'est simplement dans un milieu tel celui de Montréal, là où il y aurait un besoin. Il n'est pas question de créer à travers la province tout un réseau d'écoles.

M. Ryan: J'ajoute seulement deux choses. Vous dites qu'il faut tenir compte de l'opinion de la majorité et de l'opinion commune. C'est vrai. Mais tout l'ensemble des commissions scolaires, par l'intermédiaire de la Fédération des commissions scolaires catholiques, est venu nous dire qu'elles trouveraient plus pratique aujourd'hui d'évoluer vers des commissions scolaires linguistiques.

Les catholiques de langue anglaise sont également venus nous dire qu'ils trouvent, même pour leur avenir dans le domaine scolaire, que ce serait une bonne chose d'évoluer vers des commissions scolaires linguistiques à condition qu'on leur donne des garanties sérieuses.

Ceci étant dit, je ne veux pas vous poser d'autres questions. Je veux laisser la place à d'autres. Je voudrais vous dire que nous, nous ne sommes pas satisfaits des garanties que définit le projet de loi et des mécanismes qu'il prévoit. Nous travaillons pour essayer d'obtenir que ce soit beaucoup mieux que ce qu'on nous propose actuellement, mais, le fond, la commission scolaire linguistique, si vous parlez de l'opinion commune, c'est déjà pas mal avancé de ce côté et je crois qu'on ne pourrait pas facilement maintenir le statu quo.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Chauveau.

Mme Mathieu: Le député m'a posé des questions et je n'ai pas pu répondre.

Le Président (M. Blouin): Je crois que le député d'Argenteuil nous a signifié qu'il voulait simplement ajouter un commentaire et non poser une question. Vous avez évoqué que, selon vous, la majorité des gens considéraient que votre position était celle qu'il fallait retenir.

Mme Mathieu: II faudrait comprendre ce que j'entendais par majorité, à ce moment-là.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Blouin): Bon, allez-y, très rapidement.

Mme Mathieu: Ce que je préconise et ce que nous préconisons, c'est une vraie consultation de la population. La fédération des commissions scolaires n'a pas consulté les parents dans les commissions scolaires pour savoir s'ils acceptaient cette position. Que le gouvernement fasse réellement une consultation de la population. C'est assez grave de chambarder tout un système, cela doit se faire soit par référendum ou à l'occasion d'une élection. La fédération des commissions scolaires s'appelle la Fédération des commissions scolaires catholiques; elle a été mandatée pour administrer des écoles catholiques, en vertu de la loi 27, et je ne vois pas où elle a pu prendre son mandat de renoncer au statut confessionnel.

D'ailleurs, si j'ai bien compris l'intervention de la fédération, elle serait ouverte à la possibilité, pour certaines commissions scolaires qui le désirent, de rester confessionnelles. La fédération ne veut pas imposer ce mode à toutes les commissions scolaires. C'est quand même une nuance importante qui a été apportée par la fédération.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Mathieu. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, l'exposé que vous venez de faire quant à votre conception d'une école catholique correspond à une conception des meilleurs moyens pour assurer

l'éducation chrétienne. Je pense que votre objectif est la meilleure éducation chrétienne des enfants et vous croyez que l'école catholique telle que vous la concevez est l'un des meilleurs moyens d'y arriver.

Quand vous parlez d'une école catholique, c'est une école où tous les participants, tous les intervenants, toutes les personnes qui agissent au niveau de l'école devraient être de foi catholique et de croyance catholique. Je pense que c'est un peu...

Mme Mathieu: Je répondrai tout à l'heure, mais il faudrait...

M. Brouillet: Peut-être y a-t-il des nuances que vous voulez faire, mais, enfin...

Mme Mathieu: Oui, je vous le dirai.

M. Brouillet: Je respecte cette vision des choses, mais je ne crois pas que tous les catholiques exigeraient les mêmes choses en vue d'assurer une bonne éducation à leurs enfants. À la limite, il faudrait, d'une certaine façon, instaurer un système de noviciat pour nos enfants afin de les protéger du pluralisme de la rue ou du quartier quand ils sortent de l'école. À la limite. Si on ne veut pas, au niveau de l'école, qu'ils soient en contact avec des gens qui ne professent pas explicitement leur foi...

Mme Mathieu: Vous avez mal compris.

M. Brouillet: J'ai dit: à la limite, si on veut pousser la logique jusqu'au bout. Il y a d'autres organismes qui croient que les garanties offertes à la confessionnalité dans le projet de loi 40 assurent ces moyens d'une bonne éducation chrétienne: le comité catholique, entre autres, a reconnu que les garanties offertes dans le projet de loi 40 nous donnent les moyens pour assurer une excellente éducation chrétienne à nos enfants dans nos écoles. Même là, il y a des différences dans les milieux catholiques quant aux moyens les meilleurs pour assurer une éducation chrétienne. On a beaucoup joué sur la question de l'esprit pluraliste tantôt pour en conclure que si, dans l'école, on n'accepte pas exclusivement ceux qui sont d'obédience catholique avouée, exprimée, confessée, à ce moment-là, on dit donc que le milieu sera pluraliste et que c'est une bonne chose pour former l'esprit pluraliste des jeunes.

Je ne crois pas que le comité catholique, quand il a parlé de l'esprit pluraliste des jeunes, ait voulu lui donner le sens que vous lui donnez. Le mot "pluraliste" est peut-être malheureux ici; je ne pense pas que ce soit ce qu'a voulu dire le comité, si on l'interprète dans le sens d'un esprit qui est prêt à accepter sur le même pied n'importe quelle doctrine, n'importe quelle valeur dans la société. L'idée du comité était, je crois, d'avoir une attitude non pas à l'égard... Il faut distinguer l'attitude à l'égard des personnes qui confèrent des doctrines et l'attitude à l'égard des doctrines. Vous avez interprété l'esprit pluraliste en disant que cela va mener à une attitude pluraliste, une attitude qui va conduire toutes les doctrines sur le même pied. Je ne crois pas que l'école aboutira à cela.

Si, dans l'école, il y a d'autres personnes qui croient à autre chose, qui ne pensent pas de la même façon que nous, cela ne veut pas dire qu'on doive en conclure, qu'on doive dire aux enfants que tout se vaut; c'est pour cela qu'on accepte tout le monde à l'école, parce que toutes les doctrines se valent. Il semble y avoir cela dans votre raisonnement: le fait d'accepter des gens qui ne sont pas de la même croyance à l'école, pour vous, cela va amener les jeunes de l'école à penser que toutes les doctrines se valent. Donc, pour éviter cela, n'acceptons que ceux qui sont de la bonne doctrine, de notre point de vue. Il y a une différence entre l'attitude à l'égard des personnes et l'attitude à l'égard des doctrines. (13 heures)

On parle d'une attitude pluraliste, c'est-à-dire accepter que d'autres ne pensent pas comme nous et leur laisser une place parmi nous. Dans la société, on vit avec tous ces gens-là.

Mme Mathieu: Est-ce que je peux répondre à la première partie?

M. Brouillet: Quand on parle des loisirs, on pourrait bien "ghettoriser" la société même au niveau du loisir pour protéger la foi. On pourrait demander d'avoir des organismes de loisir où il n'y a que les catholiques qui vont y mettre les pieds, à la limite. Ce n'est pas ce qu'on veut dire mais, à la limite, votre raisonnement nous amène, à mon avis...

Mme Mathieu: Non.

M. Brouillet: ...à ces attitudes un peu "ghettorisantes", je dirais. Je pense qu'il faut avoir un peu plus confiance dans la foi et dans le dynamisme des gens qui croient à l'école à l'égard des enfants. Ce n'est pas en excluant, en rendant non présents tous ceux qui ne pensent pas exactement comme nous... C'est comme une peur de contamination, une peur... Je crois qu'il faut avoir un peu plus confiance en notre foi, un peu plus confiance en la capacité de témoigner de notre foi. Ceux qui croient dans l'école doivent avoir plus confiance en l'animateur de pastorale, l'équipe, le comité d'animation de pastorale

qui va être composé de parents, d'enfants, etc. Il faut avoir plus confiance en ces gens, malgré qu'il y en ait d'autres qui ne pensent pas comme nous. Il faut avoir confiance en ces gens pour dire: Écoutez, on est capables, quand même, de professer notre foi dans notre milieu et de la faire valoir. Je comprends qu'à la limite, il serait peut-être préférable, d'un certain point de vue, avec votre conception de l'éducation, qu'il n'y ait que des catholiques dans l'école, mais je ne partage pas tout à fait cette vision.

Je crois que la loi 40 offre des garanties - et le comité catholique l'a reconnu - suffisantes pour assurer, s'il y a une équipe dynamique de pastorale dans l'école, l'éducation chrétienne des enfants catholiques.

Le Président (M. Blouin): Je sens que Mme Mathieu veut réagir.

Mme Mathieu: Et comment! Vous auriez dû, M. le Président, me laisser parler tout de suite et je pense qu'il n'aurait pas eu besoin de continuer aussi longtemps. Vous voyez? J'aurais expliqué que nous nous en tenons, à ce moment-ci, aux règlements actuels du comité catholique qui disent que: Dans une école catholique, on doit normalement recruter des professeurs de foi catholique et que, si on engage des professeurs d'autres dénominations religieuses ou même des incroyants - cela pourrait se présenter - le règlement leur fait une obligation de respecter le statut confessionnel de l'école. Cela est très important. On ne dit pas que tous les professeurs qui vont enseigner dans une école catholique seront catholiques. On ne demande pas non plus de billets de confession. On s'en tient, on vous l'a dit, aux règlements actuels du comité catholique.

On veut également une école catholique ouverte. On ne refuse pas, dans l'école privée ou publique, un parent qui n'est pas catholique ou des parents qui ne le sont pas. Mais étant donné que c'est une école catholique et qu'ils la choisissent, on leur demande de respecter le projet éducatif et le statut de cette école. C'est pour cela, connaissant le milieu actuel, sachant qu'il y a des parents qui ne sont pas d'accord avec un projet éducatif chrétien, qu'on leur dit: Offrez-leur une autre possibilité. Si les parents, en majorité dans une école donnée, veulent le statut confessionnel pour leur école, la minorité qui peut être assez importante a le droit également d'avoir une école non confessionnelle. On va beaucoup plus loin que beaucoup d'autres en disant que ces minorités qui vont se retrouver dans à peu près la grande majorité des écoles du Québec, même en vertu de la loi 40, peuvent se donner des écoles non confessionnelles et si dans certains milieux pluralistes comme

Montréal il y a des minorités confessionnelles, comme les anglo-catholiques le demandent, qu'on leur donne une possibilité d'avoir une école confessionnelle. Dans toutes nos prises de position dans le Manifeste des parents chrétiens, qui était appuyé, je vous l'ai dit, par un grand nombre d'organismes de toute la province, c'est ce que nous avons demandé. Qu'on ne vienne pas nous dire et nous faire croire qu'on veut une école fermée. Ce type d'école n'existe même pas dans les institutions privées.

Les institutions privées catholiques sont ouvertes aux parents, pas seulement aux parents catholiques.

M. Brouillet: Voici, pour réagir un peu à cela, très brièvement...

Le Président (M. Blouin): Très rapidement, M. le député de Chauveau.

Mme Mathieu: Madame voudrait ajouter quelque chose.

M. Brouillet: Le projet de loi 40 permet aux parents de décider si l'école va être confessionnelle. Donc, cette garantie, vous l'avez. Vous avez la garantie que les parents, de par la loi, vont pouvoir décider du caractère confessionnel de l'école. Vous l'avez dans la loi, cela. Vous ne pouvez pas le nier.

Mme Mathieu: ...depuis qu'on est arrivés ici qu'on dit qu'on...

Le Président (M. Blouin): Mme

Marceau-Boudreault.

M. Brouillet: Deuxièmement, vous pouvez avoir, une fois que votre école est catholique...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Chauveau, vous avez déjà posé une question et, compte tenu des contingences que nous devons tous supporter, Mme Marceau-Boudreault désire y répondre et je crois que cela complétera votre intervention.

Mme Marceau-Boudreault: Merci, M. le Président. À vous entendre émettre vos commentaires sur votre conception de l'éducation, on est presque obligé de conclure que vous ne croyez pas que le droit fondamental d'avoir des écoles conformes à nos convictions doit être protégé. Si les convictions qu'on veut enseigner à nos enfants ne sont jamais en danger dans une école, peu importent les doctrines qu'on y enseigne, parce que la foi doit être si forte que même à huit ans un enfant est capable d'entendre ou de tolérer à peu près n'importe quelle doctrine, où est le droit fondamental d'avoir des écoles conformes à

nos convictions? Où en est l'utilité? Premier point.

Ensuite, vous apportez l'argument qu'il y a bien des catholiques qui, eux, se contenteraient de seulement un cours de religion et de service d'animation pastorale dans les écoles. C'est bien sûr. S'il faut aller faire définir l'école catholique par toute la population, vous pouvez avoir 2000 définitions. Nous, on se base sur la définition d'école catholique que l'Église nous a donnée et que nos évêques nous demandent de défendre. Sur ce point, nos évêques ont bien dit: Un statut d'école catholique obtenu dans une loi ne devra être soumis à aucune contestation, puisqu'il sera conforme à une détermination de la loi. Or, le prétendu statut confessionnel qu'on nous offre dans le projet de loi 40 est constamment aux prises de la constatation sur la base de la Charte des droits et de liberté de la personne.

À ce sujet, M. Laurin lui-même, a précisé...

Le Président (M. Blouin): Très rapidement, très rapidement, s'il vous plaît!

Mme Marceau-Boudreault: ...l'application de la Charte des droits et libertés de la personne aux conseillers en éducation chrétienne, en octobre 1982, lorsqu'il dit: On ne voit pas comment un non-croyant pourrait s'estimer brimé dans une école, ou les valeurs d'une école catholique comme la capacité d'accueil, la place faite aux minorités, le sens de participation, les liens avec le milieu environnant. Il a dit: On ne voit pas comment cela peut brimer un non-catholique...

Le Président (M. Blouin): Malheureusement...

Mme Marceau-Boudreault: ...tous ces indices de l'école catholique. En ce qui concerne les autres indices, M. Laurin nous dit qu'ils doivent être relégués à un système d'options et que nul enfant ne sera contraint d'assister.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Boudreault. Merci, M. le député de Chauveau. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Brièvement, M. le Président, tout d'abord j'aimerais remercier les gens du comité catholique. J'ai eu l'occasion d'assister à l'automne à un colloque que vous avez eu à Montréal sur l'enseignement privé et, étant donné que nous sommes pris dans une période de temps très courte, je n'aurai pas de questions, sauf un bref commentaire, et je partagerai mon temps avec le député de Louis-Hébert.

D'abord, au début de votre mémoire, vous nous dites que la population ne ressentait pas un besoin aussi urgent de cette révolution et, là-dessus, nous sommes d'accord avec vous. Un point aussi en particulier que vous avez soulevé dans votre mémoire et dont personne n'a fait état, c'est l'école privée. La formation politique qu'on représente ici s'est prononcée clairement là-dessus, en fin de semaine dernière, et je tenais à vous le souligner également.

Dans l'ensemble des discussions, il y a un point majeur pour vous, la définition de l'école et du projet éducatif; on se demande si ce n'est pas un mot omnibus. Cependant, comme le député d'Argenteuil l'a souligné, au niveau des commissions scolaires linguistiques, là-dedans, pour nous, il reste un facteur: c'est que l'école et la commission scolaire - la commission scolaire d'abord et l'école ensuite - sont un facteur prédominant qui représente clairement les besoins de la population. Là-dessus, je pense que mon temps est écoulé et je transmets la parole au député de Louis-Hébert.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci M. le Président. Il reste très peu de temps. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce mémoire qui doit nous faire réfléchir sur des questions fondamentales qui font l'objet de réflexions profondes de la part d'une importante partie de la population.

Ce que je retiens de votre mémoire, en particulier - vous l'affirmez très clairement et je pense que cela a été dit sur tous les tons et de toutes les façons - c'est l'absence de consensus sur ce projet de loi 40. Je pense qu'on n'a pas de difficulté à faire la quasi-unanimité sur ce point. C'est quelque chose qui apparaît clairement: que ce soit sur un point ou sur un autre, on en vient au fait que le projet de loi 40, quoi qu'en dise le ministre sur toutes les tribunes qui lui sont offertes, de toutes les façons et sur tous les tons, ne fait pas le consensus. Le ministre n'a pas réussi à convaincre, à persuader la population que le projet de loi 40 était bien vu, nécessaire, à point. On lui a dit que c'était un devoir bâclé, qu'il fallait le recommencer. Cela a été général.

Je terminerai en retenant une autre considération fort importante et je pense que vous mettez le doigt sur le bobo, en grande partie. Avec le projet de loi 40, si jamais il devient loi, comme le ministre semble en avoir l'intention, à toutes fins utiles, c'est la balkanisation du système scolaire.

L'explication que je vois, c'est que le ministre craint véritablement des interlocuteurs valables. Il a peur d'avoir à faire face à des gens qui sont organisés, structurés, pour lui donner la réplique. C'est le vieux principe de "diviser pour régner". Personne n'est dupe de cette façon de

procéder. Vous la dénoncez. Vous faites bien. La population continue de voir dans le processus que veut enclencher le projet de loi 40, un processus qui, finalement, va laisser des commissions scolaires qui vont devenir une coquille vide de véritables pouvoirs pour laisser, comme vous appelez, des comités pygmées, des parents pygmées vis-à-vis d'un colosse tel le ministère de l'Education. C'est clair et je pense que vous l'avez fort bien souligné. Je vous en félicite.

Le Président (M. Blouin): J'indique, pour les groupes subséquents, puisque nous sommes maintenant au terme de cette rencontre avec l'Association des parents catholiques, que notre règlement interdit de manifester favorablement ou défavorablement à l'égard des opinions émises par les membres ou par nos invités.

Sur ce, au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentantes et représentants de l'Association des parents catholiques du Québec d'être venus participer aux travaux de cette commission. La commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise de la séance à 15 h 9)

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Nous entendrons d'abord, cet après-midi, le Mouvement laïque québécois à qui nous réservons une période d'une heure trente; suivra le Mouvement scolaire confessionnel, qui disposera également d'une période d'une heure trente. Sans plus tarder, je demande aux représentants du Mouvement laïque québécois, qui sont déjà installés à la table de nos invités, de bien vouloir nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes et, ensuite, nous procéderons aux échanges entre les membres de la commission et nos invités.

Mouvement laïque québécois

M. Baril (Daniel): Merci. Si vous me le permettez, on va d'abord se présenter. Mon nom est Daniel Baril. Je suis président du Mouvement laïque québécois. À ma droite, Me Luc Alarie, membre du Conseil national du mouvement laïque, Héliette Amberni, Micheline Trudel-Lamarre, à ma gauche, Serge Savard, Lucie Jobin et Réjeanne Cyr-Reid, responsables de la région de Québec; également M. Léon Patenaude, qui pourra peut-être se joindre à nous cet après-midi, membre du conseil national.

Le Mouvement laïque québécois qui a pris la relève l'AQADER, l'Association québécoise pour l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux, s'est donné entre autres tâches de combattre les injustices créées par la confessionnalité scolaire. Nos membres, qu'ils soient parents d'enfants exemptés de la catéchèse, éducateurs ou simples citoyens, qu'ils adhèrent ou non à une conviction religieuse, ont tous, en commun, le. souci de voir respecté le droit à la liberté de conscience brimée par la confessionnalité du système scolaire.

Le Mouvement laïque québécois est donc un organisme pluraliste à l'image de la position que nous défendons. Nous avons déjà saisi le ministre de l'Éducation de nos récriminations à l'endroit de ce système ainsi qu'alerté la Commission des droits de la personne sur certains cas flagrants de discrimination. Celle-ci est intervenue dans quelques cas et a déjà réclamé, à trois occasions, l'intervention du législateur pour que la loi soit modifiée afin de rendre le système scolaire respectueux de toutes les convictions. Nous avons donc espéré, pendant un moment, que le projet de restructuration scolaire apporterait quelque amélioration à la situation. Notre déception fut grande de constater, au fur et à mesure que le projet prenait forme, que la confessionnalité serait maintenue intégralement.

Ici, l'histoire ne fait que se répéter, malheureusement. Chaque fois qu'un gouvernement, au Québec, a voulu légiférer en matière d'éducation, il a abdiqué ses responsabilités devant une Église qui n'a jamais cessé de considérer que l'éducation était de son seul ressort. Que ce soit avec la loi de 1861, qui a tracé les lignes de notre système scolaire confessionnel, avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui en a fait un droit constitutionnel, avec la loi de 1869, qui a concédé aux Églises un pouvoir politique par la création des comités confessionnels, avec l'abandon dû au lobbying des évêques d'un projet de loi, en 1895, visant à créer un ministère de l'Éducation, avec le retrait du projet de loi 60 sous la pression des évêques, en 1963, avec la création d'un ministère de l'Éducation négociée à la satisfaction des évêques en 1964, avec le décret du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation sur le statut des écoles en 1974 et avec le projet de loi 40 de cette année, également négocié pour la satisfaction des évêques, jamais l'État québécois n'aura réussi à affirmer sa pleine responsabilité sur le système scolaire public. Tout ceci n'est pas dû à une inévitable fatalité, mais résulte d'un rapport de forces dans lequel les gouvernements n'ont jamais osé mettre les droits de tous au-dessus des privilèges de certains.

Ce courant peut et doit être inversé. Dans le contexte sociopolitique d'aujourd'hui,

il est inadmissible qu'on doive surseoir au droit à la liberté de conscience au nom d'une fausse conception de la liberté de religion et d'une vision passéiste de l'histoire et de la culture. C'est maintenant que la liberté de conscience doit être acquise par la législation québécoise. On ne peut tolérer plus longtemps qu'elle soit à nouveau muselée pour les décennies à venir.

Or, que dit le projet de loi sur cette question? Absolument rien. Par contre les garanties confessionnelles y jouissent de tous les privilèges voulus. Parmi les éléments propres à un système confessionnel, nous notons l'obligation pour chaque école de dispenser un enseignement religieux catholique ou protestant, l'obligation d'offrir de la pastorale catholique ou protestante, la possibilité pour l'école de se doter d'un projet éducatif confessionnel et d'obtenir une reconnaissance confessionnelle, l'extention de la confessionnalité au préscolaire, le maintien de l'enseignement religieux dans la tâche normale des enseignants du primaire avec exemptions inapplicables et risques de discrimination à l'embauche.

Du côté des commissions scolaires linguistiques, elles devront engager des conseillers en éducation religieuse mandatés par les évêques. De plus, les catholiques et les protestants pourront créer leur propre commission scolaire confessionnelle avec le droit de dissidence. Quant aux structures ministérielles, on y conserve les comités confessionnels représentant les églises catholiques et protestantes. Le ministre sera tenu de leur transmettre tout programme et manuel d'enseignement avant leur approbation.

Il nous apparaît inadmissible de concevoir aujourd'hui un projet d'école qui concède une telle emprise des Églises sur la formation des esprits. Avec de telles lois, le gouvernement se met délibérément à la merci de l'épiscopat. Le rôle du gouvernement est de protéger les libertés fondamentales. Pourtant les aménagements comme ceux du projet de loi 40 au niveau de la confessionnalité briment le droit à la liberté de conscience des citoyens. Un tel système confessionnel a déjà fait ses preuves quant à sa nature discriminatoire. Ainsi, les parents d'élèves exemptés, que nous représentons, se plaignent régulièrement des conditions qu'ils doivent affronter quand ils osent revendiquer leurs droits: des enfants laissés dans les corridors pendant les cours de cathéchèse ou contraints d'assister à ce cours malgré eux; des enfants à qui on interdit de participer à des fêtes, des sorties, des activités culturelles, parce qu'ils sont en morale; des enfants qui insistent pour se faire baptiser afin d'aller en catéchèse; des enfants non catholiques qu'on fait prier plusieurs fois par jour ou qu'on amène à la messe; des cours de morale donnés par des enseignants qui n'ont ni préparation, ni intérêt; des enfants qui doivent manquer un cours régulier pour aller au cours de morale ou qui sont contraints d'aller en catéchèse puisque ces cours sont maintenant crédités; des enfants menacés de devoir changer d'école, s'ils demandent l'exemption; des parents qui doivent se présenter à l'école sur les heures de travail pour signer la formule d'exemption, sinon, ils voient leurs droits non respectés; des parents à qui on ment délibérément en leur disant qu'ils sont les seuls à avoir fait une demande d'exemption; des parents qui abdiquent leur droit à la liberté de conscience pour que leurs enfants ne fassent les frais de ce système; des écoles qui, chaque année, perdent les formules d'exemption...

Ces situations plus nombreuses qu'on pourrait être porté à le croire, indiquent que le respect intégral des libertés fondamentales ne peut être limité à la possibilité théorique de ne pas avoir d'enseignement religieux. Les problèmes de discrimination qui en résultent ne sont pas uniquement dus à des difficultés d'aménagement ou à de la mauvaise volonté, même s'il y en a beaucoup, mais ils sont inhérents à un système scolaire conçu en fonction de l'adhésion à une religion. Les aménagements qui doivent être consentis pour accorder une place à la religion à l'école ne peuvent empêcher le pro-pagandisme inhérent à la transmission d'une doctrine et d'une idéologie. L'intrusion de cette dimension parmi les matières académiques contraint certains citoyens et citoyennes à se trouver en situation de minorité sur le plan des convictions personnelles, avec tout ce que cela comporte de marginalisation, de discrimination, alors que ces personnes fréquentent l'école d'abord pour y être instruits et être considérés au même titre que les autres. Les pressions qu'un tel système exerce sur les parents et les enfants font que ceux-ci abandonnent leurs droits face à une lutte qu'ils ne se sentent pas en mesure de livrer, d'où les atteintes à la liberté de conscience.

Les problèmes de discrimination sont plus répandus qu'on ne le croit. Les statistiques pour l'année scolaire 1981-1982 nous indiquent qu'il n'y a que 3% d'élèves exemptés de l'enseignement religieux au primaire et 4% au secondaire, avec près de 10% en option morale. Ce qui veut dire qu'au primaire, 97% des enfants au Québec reçoivent un enseignement religieux qui prépare à la sacramentalisation et aux pratiques religieuses. Nous savons tous que de tels chiffres ne peuvent correspondre à la réalité sociale, alors que la pratique religieuse varie de 15% à 30%.

On observe de même que, dans 861 écoles franco-catholiques, soit 41% des écoles franco-catholiques, il y a moins d'élèves exemptés qu'il n'y en a d'inscrits

comme non catholiques. Dans l'ensemble du système franco-catholique, on dénombre 67 559 élèves aux cours de morale alors qu'il y en a 106 654 inscrits comme non catholiques. Quel sort fait-on subir à ces 38% de la clientèle scolaire qui ont pourtant droit à la même qualité d'éducation et à la même égalité, aux mêmes droits fondamentaux que les catholiques? Comment peut-on expliquer de tels écarts entre les chiffres? Ces données nous révèlent l'inapplicabilité de l'exemption ou de l'option - ce qui serait tout à fait la même situation donc l'impossibilité de respecter les libertés fondamentales dans un système scolaire qui fait de la transmission d'une doctrine religieuse une obligation de l'école. Elles indiquent qu'une forte partie de la population est soumise à un endoctrinement religieux contre son gré ou du moins qui ne correspond pas à ses convictions.

Que propose la loi 40? On voudrait nous dorer la pilule en changeant l'exemption par une option entre enseignement religieux et enseignement moral. Ce simple changement de procédure ne peut aucunement solutionner les problèmes causés par la confessionnalité. En 1979, la Commission de droits de la personne constatait que l'exemption était une mesure insuffisante puisque toute l'école devait véhiculer un projet éducatif confessionnel. Comme la loi 40 permet et encourage la mise sur pied de tels projets éducatifs confessionnels englobants, l'option proposée sera tout aussi insuffisante. Les problèmes rencontrés autour de la pratique de l'exemption sont inhérents à la présence même de la religion à l'école. On ne peut, dans une école qui donne un droit de parole privilégié à certaines religions en rendant obligatoire cette présence de l'enseignement religieux et de la pastorale, assurer le respect de la liberté de conscience de chacun. Tant qu'on évitera d'aborder la question de fond, les seuls changements de procédure ne seront toujours que des réaménagements du statu quo et conduiront aux mêmes conséquences pratiques. L'option est donc tout aussi inacceptable que l'exemption.

Le comité catholique a, pour sa part, déjà commencé à réglementer cette option. L'article 12 de son nouveau règlement indique qu'une école n'est pas tenue d'offrir un cours proprement dit si moins de quinze élèves sont inscrits dans l'un ou l'autre des deux cours optionnels. Une telle mesure marquera un recul par rapport à la situation actuelle puisque 82% des écoles primaires avaient en 1981-1982 moins de quinze élèves en formation morale dont plusieurs bénéficiaient d'un cours proprement dit. Ces écoles pourraient donc n'offrir qu'un encadrement pédagogique "autre", c'est-à-dire le tutorat, du corridor à la bibliothèque. Il est à craindre que cette mesure reste en vigueur après la loi 40 et qu'elle entraîne donc une diminution de service.

Loin de solutionner les problèmes de la confessionnalité, le projet de loi 40 en augmente même l'étendue. En effet la logique qui sous-tend la confessionnalité au primaire et au secondaire sera désormais appliquée au préscolaire. D'un ridicule alarmant, la prochaine étape étant la garderie confessionnelle, cette mesure indique bien que l'une des visées de la loi 40 est de consolider la confessionnalité. Comment pourra-t-on aménager des activités d'éveil religieux ou d'éveil moral sans entraîner les mêmes problèmes qu'on connaît au primaire, problèmes ici aggravés étant donné le plus jeune âge des enfants? Au nom de quels principes pédagogiques va-t-on perturber le climat de ces groupes en divisant les enfants sur les questions religieuses, et pour répondre à la demande de qui?

Du côté des enseignants, 35% de ceux-ci envisageaient en 1973 la possibilité de demander l'exemption de l'enseignement religieux s'ils en avaient l'occasion. Une enquête du ministère de l'Éducation publiée en 1979 nous révèle qu'en 1975, deux enseignants sur trois dans les milieux urbains et un sur deux dans l'ensemble du Québec étaient non pratiquants.

Par contre, en 1980, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de la clause d'exemption, il n'y avait que 0,6% d'enseignants exemptés. Est-ce qu'ils ont tous changé d'idée? Cette disproportion est due à l'impossibilité de trouver des aménagements qui respectent à la fois la liberté de conscience des enseignants, les exigences de la confessionnalité et les implications des conventions collectives. Les enseignants renoncent à leur droit plutôt que d'avoir à subir tous les risques et contraintes d'une telle situation. À l'article 80, le projet de loi ne fait que reconduire l'article 25 du règlement du comité catholique.

Nous nous retrouvons donc ici, également avec le statu quo, c'est-à-dire une liberté de conscience qui ne peut s'exprimer et des situations plus qu'absurdes. Tout cela, parce qu'on se refuse à confier cette tâche à ceux à qui en revient la responsabilité.

Quant aux conseillers pédagogiques menacés d'extinction, la loi 40 n'en protège qu'un seul: le responsable du soutien aux écoles catholiques qui est un émissaire des évêques. La protection légale accordée à ce poste le place en importance au-dessus des autres conseillers et tend à faire croire qu'il est - et qu'il est le seul - indispensable au maintien de la qualité de l'éducation.

Les sommes allouées au maintien de ces postes ainsi qu'à tous les autres aménagements de la confessionnalité totalisent plus de 267 000 000 $ par année, soit 1 250 000 $ par jour d'école. Vous avez les données de cela en annexe.

D'autre part, en maintenant la pastorale et en la rendant obligatoire dans chaque école, le projet de loi concède aux Églises le pouvoir et le rôle d'organiser l'école du point de vue social et culturel. La pastorale à l'école est l'expression privilégiée et envahissante d'un groupe au détriment des autres. Elle détient le monopole de toute activité d'échange, de communication et d'engagement social. Ici, également, il y a extension de la confessionnalité: Les écoles protestantes qui ne connaissaient pas cette notion de pastorale devront désormais mettre sur pied un service d'animation religieuse protestante. Il serait grand temps de doter les écoles québécoises de services d'animation socioculturelle non confessionnels, accessibles à tous.

La loi 40 entraîne également la disparition des écoles neutres du réseau franco-protestant puisque celles-ci devront désormais, comme toutes les autres écoles, offrir l'enseignement religieux et la pastorale. Ces écoles qui, pour la plupart, n'offraient, avant l'entrée en vigueur du nouveau régime pédagogique, ni enseignement religieux ni enseignement moral, seront contraintes par la loi à adopter la conception catholique de la confessionnalité.

Jusqu'à maintenant, le règlement du comité protestant interdisait l'enseignement religieux doctrinal rattaché à une secte particulière et les problèmes liés à l'exemption y étaient inconnus. Ce que la loi 40 implante dans ce secteur ne correspond à aucune demande du milieu et il y a là une manoeuvre évidente pour créer un parallélisme biconfessionnel qui tend à légitimer l'existence du réseau catholique. Mais où ira la clientèle de ces écoles qui cherche à éviter les écoles catholiques activement confessionnelles? Sera-t-elle fondue dans la masse des franco-catholiques? Devra-t-elle continuer de s'identifier comme protestante alors qu'elle admet ne pas l'être? Les représentants de parents francophones des écoles protestantes sont venus le dire la semaine dernière. Où iront tous les Néo-Québécois qui choisissent l'école franco-protestante en raison de l'absence de l'enseignement religieux?

Il est intéressant d'autre part de noter que dans l'ensemble de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, 55% - donc, la majorité - y sont inscrits comme autres que protestants. Le secteur francophone de cette commission scolaire en compterait plus de 80%. Ce sont, avec les exemptés de l'école catholique, les sacrifiés de la loi 40.

De plus, là où les catholiques et les protestants cohabiteront dans les mêmes écoles, on assistera à des batailles en règle, quand viendra le temps de déterminer la confessionnalité du projet d'école. Dans certains milieux, la polarisation pourrait même entraîner une double reconnaissance confessionnelle; au lieu d'avoir réussi à réunir les enfants d'appartenances diverses sur la base commune de la langue, une telle école sera alors un facteur supplémentaire de division sociale. Les opérations de consultations, telles qu'on les a connues depuis trois ans, engendreront inévitablement des conflits et des querelles inutiles. Alors que toute la communauté scolaire devrait travailler ensemble au bien-être de l'école, voici qu'on oblige les partenaires à se diviser et à s'affronter sur la base de leurs convictions religieuses. Ailleurs, on obligera des parents à changer leurs enfants d'école s'ils ne sont pas d'accord avec le projet affiché par l'école de leur quartier. La loi 40 sonne ainsi le glas de cette notion d'école de quartier. Si, par ailleurs, les catholiques et les protestants sont répartis dans des écoles distinctes, on n'aura que reconduit le statu quo tout en ayant éliminé les écoles neutres.

Justifier au nom de la démocratie, ce pouvoir accordé à chaque milieu de décider de la confessionnalité de l'école est au contraire bien antidémocratique puisqu'il met en péril les droits fondamentaux. La reconnaissance et l'exercice des libertés fondamentales ne peuvent être laissés au bon vouloir d'une majorité locale. À ce sujet, la commission des droits de la personne déclarait que "le caractère démocratique d'un choix n'assure pas automatiquement la moralité et la légalité ou la légitimité du choix, pas plus qu'il n'assure qu'il soit conforme au respect des droits de tous". Il appartient donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les droits fondamentaux soient respectés pour tous. La voie qu'il choisit sur cette question, en retournant les décisions à chaque milieu, n'est rien d'autre qu'une démission politique.

La présence d'un enseignement religieux à l'école peut également être questionnée sur d'autres aspects. Des études récentes ont mis en contradiction les objectifs et la méthode des cours de catéchèse avec les exigences d'une pensée rationnelle bien structurée. Le caractère dogmatique de la catéchèse constituerait même une entrave au développement cognitif. Quoi qu'il en soit des conséquences objectives d'un tel cours, il est évident que soumettre des enfants de 6 à 12 ans à un tel contenu idéologique, doctrinal et dogmatique est tout à fait contradictoire avec la plupart des valeurs sur lesquelles veulent se baser "l'École québécoise" et le préambule de la Loi 40, jugement critique, autonomie, ouverture sur la diversité, sens des responsabilités. Une enquête, cette semaine, vient aussi de nous montrer que 19% seulement des étudiants de niveau collégial sont capables de penser logique, ce qui ne rejoint pas tellement la

pensée dogmatique.

Quand le ministre de l'Éducation parle de son projet, il affirme que les structures seront déconfessionnalisées. Comment peut-on parler de déconfessionnalisation des structures quand on garde, au sein même du ministère de l'Éducation, des organismes représentant les Églises et à qui on concède de très grands pouvoirs sur l'orientation de l'éducation? Ces comités confessionnels sont des reliquats de l'époque préministérielle, c'est-à-dire la loi de 1869 et les conserver démontre que la réforme demeure fixée sur le passé. Déjà, le rapport Parent était en avance sur ce que nous amène la loi 40.

Ce qui nous semble le plus odieux dans ce débat confessionnel, c'est que les partisans de la confessionnalité, en prétextant que la liberté de religion serait affectée si le système scolaire était déconfessionnalisé, confondent délibérément droit à la liberté de religion et le privilège d'un enseignement religieux à l'école publique. La liberté de religion est le droit d'adhérer à une religion, de s'adonner à un culte, d'exprimer ses convictions et de les transmettre à d'autres. L'école n'est pas un lieu de culte, l'école n'a pas à en organiser l'exercice et la transmission d'une doctrine religieuse n'a pas à passer par l'école. Ce n'est pas au nom de la liberté de religion qu'on diffuse cette matière à l'école, mais au nom du présumé droit de l'épiscopat québécois de se servir de nos écoles et des enseignants pour assurer un endoctrinement massif et à bon compte, mais aux frais de tous les contribuables, répétons-le, 267 000 000 $ par année.

Le corollaire du droit à la liberté de conscience, c'est l'égalité pleine et entière de tous les citoyens devant la loi. On ne peut parler d'égalité lorsqu'un groupe bénéficie de privilèges tels que ceux que la loi 40 accorde aux catholiques. Sans cette égalité, il est mensonger de prétendre que les droits et libertés vont être respectés et vont se développer de façon équitable pour tous.

Non satisfait de bénéficier d'énormes privilèges, le comité catholique suggère même de limiter l'interprétation du sens de la liberté de conscience contenu dans la charte afin de ne pas nuire à la mise en place de projets éducatifs catholiques. D'autres ont également repris cette demande. Pourtant, ce n'est pas la liberté de religion qui est en jeu, mais la prérogative de disposer des écoles pour la promotion religieuse. Seuls les catholiques disposent ainsi d'un enseignement conforme à leurs convictions. Si cet élément était essentiel à la liberté de religion, ils seraient donc les seuls à pouvoir affirmer que le droit à la liberté de religion est respecté. Qu'en est-il des autres religions? Leur droit n'est-il pas tout aussi respecté? Qu'en est-il de ceux qui n'appartiennent à aucun groupe religieux? Bénéficient-ils des mêmes avantages que les catholiques? (15 h 30)

Le projet de loi 40 démontre donc par lui-même que la situation accordée aux catholiques est un traitement de faveur. Comment justifier le maintien de cet état de choses? La tradition? La tradition nous enferme dans un fixisme et une sclérose sociale desquels on ne peut plus sortir. S'il faut chercher de nouvelles solutions à nos nouvelles situations, on ne peut plus maintenir longtemps ce système scolaire confessionnel inique, dépassé et désuet. La liberté de religion n'est pas menacée au Québec; elle ne le serait pas plus dans un système scolaire laïc.

Dans cet univers confessionnel qu'est l'école québécoise, ce qu'il faut protéger c'est la liberté de conscience. Pour assurer le respect de ce droit sans porter préjudice à la liberté de religion, de quelque confession que ce soit, il faut procéder à la laïcisation du système scolaire, des écoles et de l'enseignement. Cela implique la disparition des comités confessionnels, l'élimination des projets éducatifs confessionnels et des statuts confessionnels et le retrait de l'enseignement religieux et de la pastorale des écoles. Parce que l'éducation religieuse ne relève pas de l'État, parce que la dimension religieuse n'est pas une matière académique, parce que sa présence à l'école ne peut respecter la liberté de conscience de tous et de chacun, parce que l'enseignement religieux n'est aucunement un corollaire de la liberté de religion, l'école laïque est la solution qui s'impose.

Nous croyons qu'il n'est plus permis de priver les Québécois et les Québécoises d'une école véritablement publique et commune. C'est à vous, messieurs les législateurs, mesdames les législatrices, qu'il incombe de doter le Québec d'un système d'éducation pouvant desservir tout le monde et c'est maintenant qu'il faut le faire.

Reprenant le sens général de notre revendication, nous demandons donc au niveau de l'école un statut juridique d'école publique et commune excluant tout statut confessionnel ou toute reconnaissance confessionnelle; des garanties légales afin que le projet éducatif et les orientations générales de toute école publique ou financée par des fonds publics répondent aux impératifs des libertés fondamentales et ne puissent être liées à une conviction religieuse; l'établissement d'un service d'animation personnelle et sociale pour chaque étudiant en remplacement de l'animation pastorale; l'établissement d'un cours de formation morale ou d'éducation personnelle et sociale non confessionnel, excluant du programme académique tout

enseignement religieux confessionnel.

Au niveau des structures administratives, nous demandons la disparition des services publics du ministère de l'Éducation et des commissions scolaires visant à gérer, contrôler ou assurer la confessionnalité de l'enseignement: comités confessionnels du Conseil supérieur de l'éducation, répondants et conseillers en éducation religieuse, sous-ministres associés de foi catholique et de foi protestante. De plus, nous demandons au gouvernement du Québec de prendre les moyens nécessaires pour obtenir des amendements à la constitution canadienne de sorte que la laïcisation du système scolaire soit applicable à toutes les écoles du Québec et qu'on ne reste pas avec deux ghettos à Montréal et à Québec. Nous reviendrons sur cette question.

Nous demandons également que soit ajouté un article qui stipulerait qu'aucun article de cette loi ne doit être interprété de façon à limiter l'exercice des libertés fondamentales reconnues par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Baril. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le Mouvement laïque québécois pour son mémoire de haute tenue. Je m'intéresse depuis longtemps aux positions que défendait l'AQADER et aux positions que défend le mouvement laïque, non seulement aux positions mais aux documents et à l'action qui en ont été la résultante. Je pense qu'il est bien évident qu'à partir de positions idéologiques qui se situent à l'opposé de celles de l'Association des parents catholiques, que nous avons entendue ce matin, cette action n'a jamais cessé de se manifester. Elle est soutenue, fervente et rigoureuse. J'ai lu souvent en particulier les dénonciations de certaines situations de discrimination que faisait l'AQADER ou le mouvement laïque, dénonciations qui s'appuyaient sur des faits, et je pense que ces dénonciations, ces écrits ou ces documents ne sont pas étrangers au changement d'attitude ou de mentalité qui se manifeste dans notre société, en général, et qu'ils ne sont pas du tout étrangers non plus à la nécessité qui s'impose au législateur de modifier sa législation scolaire en fonction, justement, de ces faits qui étaient portés à son attention. Il reste cependant que le mouvement laïque n'est pas du tout satisfait de ces aménagements, en particulier sur le plan de la confessionnalité.

Au début de son mémoire, le Mouvement laïque québécois nous parle d'une collusion qui s'est toujours manifestée au

Québec entre l'Église catholique et l'État et il en voit la preuve dans toutes les lois qui se sont succédé. Il en voit la preuve aussi dans le projet de loi actuel. Il y aurait donc encore aujourd'hui collusion, connivence, complicité, accord secret ou concordat entre l'Église et l'État. Comme ces assertions circulent dans plusieurs milieux, je voudrais profiter de la circonstance pour rétablir les faits. L'Église catholique occupe une place importante dans la réalité sociologique nationale du Québec et ce depuis longtemps -depuis quatre siècles - et elle occupe encore une place importante dans notre société. Il est donc tout à fait normal qu'à partir du moment où le gouvernement pense à modifier d'une façon substantielle la législation, en particulier sur le plan de la confessionnalité, le ministre responsable trouve bon d'aller rencontrer les autorités ecclésiastiques pour leur faire part des grandes orientations et des aspects majeurs de cette nouvelle législation. C'est ce que j'ai fait. Je me suis en effet rendu chez le primat de l'Église québécoise, bien avant que nous procédions à la rédaction du projet de loi, pour lui faire part de nos intentions quant aux orientations et aux aspects majeurs du projet de loi. Je pense que c'était légitime et normal. Par la suite, sur la base des informations qui lui étaient communiquées, les autorités ecclésiastiques au Québec se sont donné un temps de réflexion qui a duré un certain temps. Par la suite, elles ont commis à leur tour un document d'orientation qui spécifiait leur position sur ces orientations et ces aspects majeurs proposés. Je pense que le document de l'Assemblée des évêques de mars 1982 traduit ces orientations et ces prises de position. Il n'y a pas eu d'autres échanges que cela entre le gouvernement et l'Église. Il n'y a eu ni accord secret, ni entente de coulisse, ni concordat. Dans un climat de liberté totale, le gouvernement a communiqué les informations qui lui semblaient devoir l'être et l'Assemblée des évêques a pris ses responsabilités et a fait connaître publiquement ses positions. Il n'y a rien d'autre. Je pense que cela devrait être clair et entendu.

Je disais quand même plus tôt que l'action de l'AQADER et du mouvement laïque n'est pas du tout indifférente aux orientations que prendra le projet de loi. Je me refuse, par exemple, à considérer qu'il faille établir une équivalence entre l'exemption telle qu'elle existait jusqu'ici et qui n'existait que dans les règlements, et la nouvelle mesure, l'option entre l'enseignement moral et l'enseigement religieux qui apparaît maintenant dans la loi. Déjà, on peut noter qu'il y a une grande différence entre le fait qu'une mesure apparaît dans une loi plutôt que dans un règlement. Je pense que la force et la vigueur sont bien plus importantes quand il

s'agit d'un article de loi que d'un règlement. À cet égard, l'option n'est pas qu'une procédure, comme vous le soulignez, car si ce n'eut été qu'une procédure, il n'aurait pas valu la peine de l'inscrire dans une loi. C'est un élément fondamental et c'est la raison pour laquelle nous l'écrivons dans une loi. En plus, nous écrivons que l'école devra fournir aux élèves qui choisissent cette option, l'enseignement qui correspond aux droits que possède l'élève a cet égard. Donc, elle devra fournir avec les moyens appropriés l'enseignement que choisissent les élèves, j'ajouterais même, que pourrait choisir un seul élève. Même s'il n'y avait qu'un seul élève dans une école qui réclame l'enseignement moral, l'école devrait absolument le lui fournir. Ceci montre incidemment toute l'importance que nous accordons à ce droit.

Je voudrais aussi faire une rectification. Vous parlez du préscolaire. Vous ne savez peut-être pas que j'ai annoncé un amendement en vertu duquel les activités d'éveil ne seront pas soumises à cette option pour les raisons que j'ai déjà mentionnées. Mais, j'en viens à l'essentiel de votre mémoire. Pour m'être familiarisé depuis mon plus jeune âge avec la logique déductive et avec l'art du syllogisme qu'on nous apprenait, je peux apprécier la rigueur de votre raisonnement. À partir d'une prémisse qui est vraiment l'élément fondamental de votre credo, de votre position idéologique; vous procédez d'une façon impeccable à la majeure, à la mineure et ensuite à la conclusion, la conclusion étant une déconfessionnalisation intégrale du système, depuis l'école en passant par la commission scolaire et en se terminant aux structures du ministère. Votre logique est rigoureuse et, encore une fois, impeccable. Mais il reste que dans une société, il y a plusieurs prémisses; on peut en choisir une ou on peut en choisir une autre. Une société comme celle du Québec n'échappe pas à cette règle. Plus la société québécoise évolue, plus ces prémisses se multiplient, plus les réalités deviennent complexes. On en a eu plusieurs témoignages à cette commission.

Tout en adhérant au principe logique selon lequel à partir d'une prémisse on peut aboutir à une conclusion, il faut aussi respecter les réalités, tous les faits que l'on connaît. Par exemple, dans une société il y a des traditions, il y a des continuités qui se sont inscrites dans des institutions, dans des pratiques à partir de cette tradition. Il y a aussi des majorités, il y a aussi des minorités qui estiment avoir des droits qu'elles veulent voir protégés d'une façon équitable et cela impose des exigences au législateur qui représente la société. Cela serait donc la question que je voudrais vous poser. (15 h 45)

En matière de conscience et de religion, dans une société de plus en plus pluraliste comme celle du Québec, ne croyez-vous pas qu'il faut faire acte de tolérance à l'endroit de toutes les familles spirituelles, les familles religieuses, les familles idéologiques? Ne croyez-vous pas, par exemple, qu'il faille reconnaître l'existence de majorités, de minorités dont les droits doivent être protégés d'une façon à la fois réaliste et équitable? Un autre volet à ma question, qui est le même au fond, ne croyez-vous pas que le législateur doit, dans la mesure du possible, respecter les aspirations et les choix de la majorité des citoyens?

M. Baril (Daniel): Avant de répondre à votre question, j'aimerais préciser que nous ne sommes pas partis d'une prémisse idéologique pour élaborer notre position. Nous sommes partis de la pratique. Si on connaît quels sont les origines du Mouvement laïque québécois, quand on parle de l'AQADER, c'est un regroupement de parents d'enfants exemptés qui vivaient à chaque jour les discriminations de cette exemption parce que leurs enfants devaient baigner dans une école confessionnelle, exemption qui était la plupart du temps non appliquée, information qui n'était pas diffusée. C'est à la suite de ces situations que les parents des enfants exemptés se sont aperçus que la solution n'était plus l'exemption ou l'option, c'était une école laïque, c'est-à-dire déconfession-nalisée.

Notre prémisse, notre credo, si vous voulez, c'est la liberté de conscience. La liberté de conscience est un droit qui devrait être reconnu pour tous, qu'ils fassent partie d'un groupe minoritaire ou majoritaire. Le problème n'est pas entre un groupe majoritaire et un groupe minoritaire, c'est un droit qui doit être reconnu pour tous. Quand vous faites référence aux droits, pour nous, il y a deux droits en question, deux droits en présence, deux libertés fondamentales: la liberté de religion et la liberté de conscience. L'enseignement religieux ou la confessionnalité scolaire avec tous ses aménagements, aucun État au monde, aucune charte, aucune déclaration des droits ne va y voir un corollaire de la liberté de religion. La liberté de religion n'est pas une contradiction à la liberté de conscience. Il s'agit dans les aménagements qu'on en fait découler qu'il peut y avoir obstruction ou discrimination à la liberté fondamentale qui est la liberté de conscience. C'est donc de voir les aménagements qui rendent possible liberté de religion et liberté de conscience. Dans l'école, les aménagements qui ont été retenus dans toutes les autres sociétés qui se réclament de la même démocratie, cela a été l'école laïque. Donc, on ne voit pas en quoi notre position pourrait brimer les droits

de certains, si on considère comme droit cette liberté fondamentale à la liberté de religion. Comme on disait dans le mémoire, l'école n'est pas le lieu de l'expression de la pratique religieuse, ce n'est pas à l'école à transmettre la doctrine religieuse, cela appartient aux Églises. Il est curieux de constater que cela se fait presque seulement ici au Québec.

Concernant l'exemption que vous changez par une option, on se soucie peu que ce soit une mesure incluse dans une loi ou dans un règlement, on se soucie des conditions, des conséquences pratiques qui vont en découler, les conséquences pratiques pour les enfants qui sont dans les écoles et, pour nous, c'est la même chose. Certaines écoles offrent déjà l'option. Au secondaire, par exemple, l'option existe. Je peux vous donner des exemples qui nous indiquent que c'est le statu quo. Quand on dit: Si tu choisis français 432 et mathématiques 432, tu as enseignement catholique 421. Pour l'enfant qui choisit tel cours de mathématiques ou de français, il est en enseignement catholique parce que l'horaire de l'enseignement moral ne correspond pas avec son choix de cours. Ailleurs, le cours de morale sera sur l'heure du dîner. Ailleurs, à l'école primaire, il devra manquer un cours régulier s'il prend l'option morale. Quels aménagements vont nous permettre de respecter ces droits, les droits de chacun?

Si on accepte l'idée de la présence de contenu confessionnel à l'école, c'est accepté qu'un jour nos enfants y soient à ce cours. C'est accepté qu'ils aient une éducation qui baigne dans une idéologie qui ne devrait pas y être. L'école est là pour transmettre de l'instruction, des informations. Il peut y avoir des informations sur le phénomène religieux, mais elle n'a pas à transmettre la doctrine et elle n'a pas à faire baigner ou encore à modeler tout son enseignement, tous ses programmes sur ce modèle d'analyse religieuse. C'est ce qui arrive actuellement.

Le Président (M. Blouin): Merci. Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir d'avoir l'occasion de converser avec les porte-parole du Mouvement laïque québécois. L'Assemblée nationale est un lieu de discussions publiques. Il est très sain que des opinions diverses puissent s'affronter sous l'oeil de nos concitoyens afin qu'ils entendent le pour et le contre de chaque option et qu'ils puissent se faire un jugement pouvant les guider ou au moins de contrôler celui du législateur.

Dans cette perspective, je pense que votre présence à la commission qui est chargée de l'examen du projet de loi 40 est bienvenue. Nous en avons écouté l'expression avec intérêt, même si les thèses que vous véhiculez sont à peu près les mêmes depuis une vingtaine d'années. Je pense que, sur l'essentiel, il n'y a pas de changement quant à la position du mouvement laïque. Même si celui-ci a pu évoluer dans sa composition, les thèses sont les mêmes qu'on entendait il y a une vingtaine d'années, et c'est votre droit. Continuez à les cultiver et à les propager. C'est très bien.

Maintenant, ce que je constate... Cela fait vingt ans maintenant. Quand on a commencé à entendre parler de cela, il y a 20 ans, il y avait un effet de surprise et de choc qui attirait beaucoup l'attention et qui créait même un certain malaise dans les milieux où on en parlait. Aujourd'hui, on est plus familier avec toutes ces choses un peu partout. Ce que nous devons retenir, c'est que nous sommes, en fait, en présence de deux conceptions de la laïcité de l'État ou des institutions publiques.

Vous dites que l'école doit être laïque, c'est-à-dire qu'elle doit être exempte de toute influence ou même de toute présence de la religion. Il y en a d'autres qui disent: On veut que l'État soit laïc, c'est-à-dire qu'il ne soit pas inféodé à une confession ou à une église particulière. On veut qu'il le soit d'une manière différente, on veut qu'il le soit d'une manière positive en permettant que, dans ce lieu de convergence, de prolongement de la famille, une action fondamentale sur le caractère de la jeunesse puisse se trouver une place pour le facteur religieux. C'est une opinion parfaitement défendable. Je serais gêné de dire le contraire parce que c'est la mienne. C'est une opinion qui a parfaitement droit de cité.

Cela devient finalement une question de saine contestation démocratique. Vous pouvez mettre en doute cette opinion, je peux mettre en doute la vôtre. Je ne voudrais pas de la conception que vous voulez imposer partout. Personnellement, je récure le modèle d'école laïque que vous voulez imposer partout. Comme député d'Argenteuil, je suis convaincu de parler au nom d'une grande majorité des gens de ma circonscription en vous disant cela.

Par les moyens de communication qui sont à la disposition de tous, les moyens d'influence que peuvent utiliser les citoyens dans une démocratie, chacun peut promouvoir ses idées puis, lorsque ses idées sont assez répandues pour devenir celles de la majorité, il accède au pouvoir. Là, il peut changer des institutions à son tour. Mais je pense que ce processus est absolument fondamental. Dans l'état actuel des connaissances dont dispose le législateur, je ne pense pas qu'il serait justifié d'accéder à votre conception générale. Je dois la respecter, je dois lui faire une place, mais je ne pense pas qu'il serait justifié de se laisser influencer dans sa législation par tout le train de propositions que vous faites dans votre mémoire.

J'ai regardé cela. C'est un vrai balayage que vous voulez faire. Vous voulez sortir du projet de loi tout ce qui a le malheur de mentionner le mot "religion", catholique ou protestante. Personnellement, je pense que ce n'est pas acceptable. Dans l'état actuel de l'opinion publique... Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve et je pense que tout le monde doit garder un esprit très ouvert sur l'avenir, mais il faut agir dans le présent et dans ce qu'on pourrait appeler l'avenir prévisible. Personne ne peut prétendre agir pour les trois siècles à venir. En ce qui regarde le présent et l'avenir prévisible, je pense que toutes les indications présentement disponibles laissent penser que la conception de la laïcité plus accueillante, plus positive, plus positivement respectueuse des valeurs religieuses et morales auxquelles tiennent des groupes de citoyens est celle qui reflète la majorité des vues de la population. Je crois comprendre que le Parti québécois lui-même, qui avait naguère des vues beaucoup plus proches des vôtres dans ces questions, est aujourd'hui arrivé... J'écoutais le ministre tantôt et je l'ai vu évoluer sur ces questions depuis un an; je ne partage pas son opinion sur tous les points non plus, mais j'ai toujours dit que je pense qu'il cherche loyalement des solutions qui s'inspirent plutôt d'une conception pluraliste positive plutôt que réductrice. C'est un point. Je vous le dis en toute simplicité, mais avec fermeté également pour qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous et avec nos concitoyens, que les choses soient claires.

Vous faites mention dans votre mémoire de problèmes concrets qu'éprouveraient dans les écoles des enfants de foyers qui ont demandé que l'enseignement religieux ne soit pas dispensé à leurs enfants. J'ai vu des exemples que vous donnez. Ils me paraissent assez vraisemblables. Je ne voudrais pas les contester, mais je vous dirais une chose là-dessus: Je ne pense pas que ce soit répandu. Je pense qu'on fait des efforts considérables un petit peu partout aujourd'hui pour respecter cette diversité plus grande qu'autrefois qui se manifeste dans les allégeances spirituelles des citoyens et, par conséquent, dans celles que reflètent leurs enfants inscrits dans les écoles. Je crois que si, avec des dossiers précis, on portait ces cas à l'attention des autorités compétentes, on obtiendrait un redressement de la situation dans la grande majorité des cas. Je connais bien des éducateurs, des responsables d'école, des cadres de commissions scolaires et je pense, en général, que si vous avez des situations précises à apporter, ils vont les examiner avec attention. Il va toujours arriver de tels cas de frottement. Il va y en avoir. Moi-même j'en ai eu à propos de mes enfants qui se faisaient endoctriner par des professeurs péquistes. Je n'ai pas fait de cause générale. Je me suis dit: ce professeur va s'assagir avec le temps et il va s'apercevoir que le parti n'est pas aussi bon qu'il le pensait. Aujourd'hui, c'est plus modéré. Mais on n'est pas parti en guerre à cause de cela. On a une centaine de milliers d'enseignants dans le système: il est évident qu'il y en a qui vont faire montre de zèle, un petit peu indiscret parfois, et je pense qu'il faut qu'ils soient ramenés à la raison. Mais les organismes compétents ont pris les mesures pour que les consciences soient respectées. Encore une fois, cependant, il va arriver des conditionnements concrets où cela ne se produit pas. Ce n'est pas au nom d'exemples comme ceux-là que je serais enclin à modifier tout le système.

Ce que je souhaite que le réaménagement proposé puisse procurer, ce serait un régime de commissions scolaires linguistiques où les gens seraient regroupés en commission scolaire suivant la langue et où chaque commission scolaire aurait l'obligation de dispenser à ses commettants des services scolaires respectueux de leurs attentes en matière d'éducation tout court, y compris évidemment en matière d'éducation religieuse et morale. Dans la mesure où c'est physiquement et humainement possible, je crois que cela devrait se traduire par des écoles catholiques pour les catholiques qui tiennent à en avoir, par d'autres sortes d'écoles pour certains qui tiennent à en avoir, par des écoles mêlées là où la réalité démographique l'exigera. Je n'accepte pas tellement l'équation "école de quartier" comme si c'était un dogme. Je l'ai dit à maintes reprises depuis le début des travaux de la commission. Il y a des gens qui ont fait la preuve à maintes reprises: Ils aiment mieux faire dix coins de rue pour avoir une école qui réponde à leurs convictions plutôt que de faire seulement un coin de rue pour aller au genre d'école de quartier que vous préconisez. Ils sont aussi intelligents que nous autres. Dans la mesure où on peut respecter leur voeu dans des conditions qui demeurent économiques, je pense qu'on doit le faire. Je pense que c'est l'obligation d'un système d'enseignement que de le faire. Je pense aussi que c'est dans cette voie que nous allons devoir chercher au cours des dix, quinze ou vingt prochaines années, aussi longtemps - j'espère que cela n'arrivera jamais quant à moi - que les opinions que vous préconisez en matière scolaire ne seront pas devenues majoritaires. Cela étant dit, je pense que les positions sont claires et qu'on peut chercher à l'intérieur de cela.

Vous avez évoqué des choses dans votre mémoire et je voudrais faire une brève réserve à propos de deux études dont vous avez parlé. Vous avez parlé de l'étude sur le coût de la confessionnalité. J'ai regardé les chiffres et j'ai examiné cette étude il y a quelque temps. Je vous avoue que je ne suis

pas porté à la prendre au sérieux plus qu'il ne faut. La plupart des coûts que vous évoquez ici seraient encourus de toute manière par le système d'enseignement. Les coûts de fonctionnement à 113 000 000 $, par exemple. Vous avez dit que les cours de religion occupent 7% de l'horaire; donc, on va prendre 7% des frais généraux d'administration et de fonctionnement. Mais même si le cours de religion était remplacé par un cours de morale, ces 7% seraient quand même dans les frais. Il ne faut pas se faire d'illusion. Ces gens-là vont être remplacés par d'autres. L'horaire va quand même être rempli. Quand vous faites des extrapolations comme cela vous ne m'impressionnez pas beaucoup. Ce n'est pas vous qui faites cela, mais l'auteur de l'étude. J'ai lu l'étude au complet. J'attendais seulement une occasion d'en parler. Je ne savais pas que ce serait vous qui me la procureriez et je vous en remercie. (16 heures)

M. Baril (Daniel): C'est nous qui l'avons commandée.

M. Ryan: C'est vous qui l'avez commandée, très bien. Admettez qu'il y aurait la moitié de ce montant de 266 000 000 $ qui serait juste. Cela ferait à peu près 140 000 000 $. Savez-vous quel est le coût total de l'enseignement primaire et secondaire public au Québec par année?

M. Laurin: 3 300 000 000 $.

M. Ryan: 4 000 000 000 $, en comptant les frais de transport, les frais de dette et tout ce qui vient s'y ajouter, M. le ministre. Mettez 140 000 000 $ sur 4 000 000 000 $, combien cela fait-il en pourcentage? On va compter vite et cela va nous donner une idée du genre de domination qui est exercée par cela. Je pense que quelqu'un va faire le calcul. C'est sûrement de l'ordre d'à peu près 2% ou 3% ou peut-être moins que cela. Vous allez pouvoir me répondre tantôt, il n'y a pas de problème. Pour le reste, je trouve que ce n'est pas payer cher pour avoir un système d'enseignement qui va faire une place à des valeurs que je trouve très importantes. Si cela enlevait quelque chose à d'autres, si cela privait d'autres éléments de choses auxquelles ils tiennent absolument, je serais obligé d'examiner mon chemin mais je pense que cela n'enlève rien à personne, cela tient compte de choses auxquelles une majorité de la population, selon toute apparence. Je pense que ce serait même injuste et inéquitable de ne pas la lui donner.

Vous parlez d'une étude qui aurait établi que l'enseignement religieux exercerait une influence défavorable sur le développement intellectuel. Vous me faites rire. Franchement, le phénomène religieux est à l'oeuvre dans le monde depuis des siècles. En fait de témoignages de liberté, je pense qu'il y en a eu d'aussi bons de la part de gens qui avaient reçu une formation religieuse que de la part de gens qui n'en avaient pas reçu. La religion a souvent été une source d'engagement au service de la liberté. Il y a eu des exemples de servitude intellectuelle, de déformation chez des personnes qui avaient reçu une formation religieuse. Il y en a eu chez des personnes qui n'en avaient pas reçu ou qui l'avaient également rejetée. C'est une première étude qu'on a faite. Je souhaite que l'auteur de cette première étude continue ses travaux. Quand il en aura accumulé une somme impressionnante, on sera évidemment obligé de les lire, de les écouter. Cela rejoint tellement le fond même de l'expérience humaine que cela va prendre plus qu'une première étude pour m'impressionner. Je ne vois pas que cela puisse nous éclairer bien gros dans le débat actuellement.

La foi religieuse s'enracine dans des sources tellement proches de ce qu'il y a de plus essentiel dans la nature humaine que je refuse de croire cela. Je pense pouvoir témoigner que cela n'interdit aucunement l'examen vraiment libre et honnête de tous les aspects de la réalité. Il arrive des points sur lesquels des gens se sont trompés. Ils étaient influencés par des doctrines religieuses alors qu'ils auraient dû être influencés par des critères scientifiques. Avec le temps, il faut qu'ils nettoient leurs préjugés et qu'ils apprennent à respecter les objets et les lois naturelles des choses, je pense que cela va de soi.

Je voulais vous poser une question. On pourrait continuer longtemps là-dessus. Je vous livre mes réflexions bien simplement après avoir entendu votre mémoire tantôt. Pourquoi l'école publique devrait-elle absolument être la même pour tous? Est-ce que la vraie obligation de l'État n'est pas de procurer des services éducatifs à tous dans des conditions égales ou comparables? Est-ce qu'il y a seulement une manière de se procurer cela par l'école commune, l'école unique, l'école exclusive, comme vous le préconisez?

Le Président (M. Blouin): M. Baril.

M. Baril (Daniel): La question que vous posez finalement, c'est si la liberté de conscience devrait être reconnue et respectée pour tous. On ne parle pas de modèle unique de l'école. On demande que l'école respecte dans son organisation la liberté de conscience. Il peut y avoir des écoles diversifiées sur n'importe quel autre type de projet éducatif dans lesquelles les libertés fondamentales ne sont pas brimées. Cela ne veut pas dire nivellement du système scolaire. Cela ne veut pas dire école

aseptisée, comme on nous en accorde l'étiquette. Cela veut dire une école où on s'assurera que le projet éducatif qu'on veut élaborer va respecter les libertés fondamentales de tous et de chacun et sera cohérent avec celles-ci. Libre à chaque milieu de donner la couleur à son école. Pour bien faire comprendre la situation, on donne l'exemple d'une école qui se donnerait un projet éducatif raciste. Même si cela était adopté à la majorité par une procédure démocratique, comme cela pourra l'être pour le projet éducatif confessionnel, est-ce que cette école serait reconnue comme démocratique? Personne n'accepterait une telle école, ici, aujourd'hui. Personne n'accepterait qu'on discrimine les enfants sur la base de l'appartenance raciale ou de l'appartenance ethnique. Pourtant, on accepte qu'on le fasse sur la base de l'appartenance religieuse et cela heurte une liberté fondamentale qui est tout aussi importante que la liberté d'appartenance raciale, et on accepte cela.

M. Ryan: II faut dire les choses franchement et honnêtement, aussi. Sur le territoire de Montréal d'où viennent la plupart d'entre vous, on a depuis 1972, dans nos lois, la possibilité, pour des éléments qui ne veulent pas d'école catholique ou d'école protestante, d'avoir des écoles à eux. C'est une responsabilité qui a été donnée au Conseil scolaire de l'île de Montréal. Il n'y a jamais eu une demande qui a été présentée. Ce que vous voulez, ce n'est pas tant d'avoir des écoles qui respectent votre conception que de faire en sorte que les écoles de tout le monde soient conformes à votre conviction et cela est un objectif politique que vous devez poursuivre au plan de l'opinion publique. Si vous voulez des écoles qui vous préservent de cette contamination dont vous parlez, l'article 504 de la Loi sur l'instruction publique donne en toutes lettres au Conseil scolaire de l'île de Montréal, parmi ses responsabilités, celle de promouvoir l'organisation de cours d'étude pour des personnes autres que catholiques ou protestantes. On a déjà commencé des recensements, il y a plusieurs années, et vous n'avez même pas été capables de recruter assez d'effectif pour en avoir une, pour en demander une officiellement. Ce n'est pas parce que je veux faire un blâme de cela, mais je veux que le dossier soit clair.

Au moins, dans nos lois, la possibilité existe que vous ayez des écoles où il n'y aura aucune espèce de danger que vos enfants entendent parler de religion, si vous ne le voulez pas.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Savard (Serge): M. le député d'Argenteuil, vous me donnez l'occasion... En fait, vous venez de fermer la porte que le ministre avait ouverte au tout début. L'effet que peut avoir un droit ou une mention à l'intérieur d'un règlement ou à l'intérieur d'une loi... Lorsque vous faites référence à l'article 505 de la Loi sur l'instruction publique, bon nombre interprètent qu'il était du devoir du Conseil scolaire de l'île de Montréal de concevoir des programmes pour des gens qui ne se définissaient pas comme catholiques ou protestants. Ce n'est pas à moi de juger - peut-être que c'est à vous de juger, peut-être l'avez-vous déjà fait - si le Conseil scolaire de l'île de Montréal s'est acquitté de cette responsabilité.

Toujours est-il que j'ai une correspondance qui vient du directeur des services de l'instruction de la Commission scolaire des écoles protestantes du grand Montréal en date du 20 janvier 1984 qui nous signale que, compte tenu que, présentement, il n'existe pas de programme de morale... Je vais vous lire textuellement ce qu'il mentionne; il dit: "Les modules 2 et 3 du programme d'enseignement moral et religieux (protestant) servira de programme d'enseignement moral aux élèves exemptés jusqu'à ce qu'un programme autorisé d'enseignement moral soit disponible pour les écoles protestantes du Québec." Il faut comprendre que cela n'est pas disponible pour les écoles protestantes de Montréal; il faut comprendre que, s'il y en avait un de disponible, il aurait pu émaner du Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Tout ceci démontre que ce n'est pas la demande qui commande les travaux. Vous avez dit beaucoup de choses depuis le début qui m'obligent à revenir sur certains points. Vous avez parlé de tolérance. Le Mouvement laïque québécois est fier de dire qu'il regroupe des gens de toute allégeance religieuse. Il ne regroupe pas des gens qui sont sans religion. On regroupe évidemment une majorité de catholiques puisqu'il y a une majorité de gens qui se disent catholiques. Il regroupe des gens qui, malgré leur allégeance religieuse, n'ont pas éclipsé de leurs valeurs la liberté de conscience.

D'autre part, vous avez signalé que le mouvement laïque au Québec est vieux de 20 ans, presque pour dire que cela commençait à être vieillot. Il faut se référer à certains courants de pensée qui ont 20 siècles d'existence; prenons le christianisme, on n'est pas enclin à dire que c'est vieillot. C'est peut-être des signes de durabilité et de sérieux. S'il y a 20 ans qu'on a vu apparaître le phénomène au Québec, votre culture vous permet tout de même de savoir que ce courant de pensée est beaucoup plus vieux que 20 ans et qu'en Europe un des auteurs que vous avez certainement eu l'occasion d'étudier, Victor Hugo, s'est fait le défenseur de la laïcité dans les écoles.

S'il fallait retourner quelque 300 ans en arrière, on aurait à répéter les raisons pour lesquelles l'État ne doit pas prendre parti pour une religion plutôt qu'une autre, par respect pour l'ensemble des religions.

Sur le nombre d'exemptés, il ne faut pas être mesquin. On parlait de tolérance tout à l'heure. La présence des Églises protestantes n'est pas un signe de tolérance des Églises qui les ont précédées. D'autre part, il est peut-être sérieux d'envisager au Québec que les premiers exemptés furent les protestants, en s'assurant de ne pas être mélangés avec les catholiques. Cela me faisait penser à ce que vous disiez tout à l'heure, à une autre image qui est tout proche de notre histoire, à l'époque où vous dites que vous n'avez pas eu connaissance de cas de mauvais traitement des exemptés. On pourrait en dire autant à l'époque où les élections étaient pénibles à vivre, du moins, les jours de scrutin, où peut-être que les présidents d'élection pouvaient dire: Je n'ai pas eu connaissance de beaucoup d'électeurs qui furent battus. Par contre, très peu pouvaient se prévaloir de leur droit de vote.

C'est purement de la mesquinerie d'envisager ainsi une question aussi fondamentale qui fut votée par l'Assemblée nationale, à savoir la liberté de conscience. Est-ce qu'on y tient? Quant à la liberté de religion, le Mouvement laïque québécois n'est pas contre. Ce que le Mouvement laïque québécois veut préciser, c'est qu'il y a moyen de garantir la liberté de religion, non pas par le ministère de l'Éducation, et que la liberté de conscience doit apparaître, doit être vivable, doit être réalisable à l'intérieur de notre système d'enseignement en ne charcutant pas et en ne métamorphosant pas la liberté de religion.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas revenir sur tous ces points-là. Tantôt, j'ai convenu qu'il peut y avoir des cas et par conséquent, s'il y en a, il faut user des mécanismes appropriés pour en obtenir le redressement, mais ce que je voudrais clarifier - et je vais terminer mon intervention par ceci... J'ai dit tantôt: Ce que vous proposez, c'est l'école laïque uniforme partout au Québec. C'est dans votre mémoire en toutes lettres. Je vais vous en lire un extrait pour que ce soit bien clair. Vous dites à la page 17: "Pour assurer le respect de ce droit - là, c'est le droit à la liberté de conscience que je reconnais sans aucune espèce d'hésitation - sans porter préjudice à la liberté de religion de quelque confession que ce soit, il faut procéder à la laïcisation du système scolaire, des écoles et de l'enseignement. Cela implique la disparition des comités confessionnels, l'élimination des projets éducatifs confessionnels et des statuts confessionnels et le retrait de l'enseignement religieux et de la pastorale des écoles." Il ne reste pas grand-chose quand on a enlevé tout cela. Et vous continuez, vous donnez les raisons. Vous dites, entre autres: "Parce que la dimension religieuse n'est pas une matière académique." Vous niez toute une tradition occidentale. C'est une matière académique, à mon humble point de vue. Toutes les universités qui se respectent dans le monde considèrent que la religion est un objet de connaissance et d'enseignement important et éliminer la religion de l'école sous prétexte qu'elle n'est pas une matière académique est, à mes yeux, une énormité intellectuelle que je ne peux pas du tout accepter. Que cet objet-là soit poursuivi dans toutes les conditions de liberté qu'il faille, c'est très bien, mais en tout cas je voulais que l'objectif soit identifié bien clairement. Vous l'avez fait et je vous dis encore une fois ceci: C'est un objectif politique légitime que vous pouvez poursuivre, mais il ne me semble pas acceptable actuellement. Si vous y tenez beaucoup, en attendant, la possibilité légale existe pour vous d'obtenir ce genre d'école. Vous pouvez en faire la preuve, à part cela, mais il faut à ce moment-là que les gens se retroussent les manches et veillent à l'obtenir, à mon point de vue. Quand l'opinion aura évolué, je voudrais juste faire une précision là-dessus, 20 ans, ce n'est pas beaucoup, vous avez tout à fait raison, M. Savard, je suis d'accord avec vous à 100%. Quand j'ai dit cela tantôt, ce n'était pas pour dire que cela approchait de la fin, parce que le mouvement que vous représentez a des racines très profondes. C'est un mouvement qui a aussi une ampleur qui déborde de beaucoup les frontières du Québec avec lequel on va devoir compter pendant très longtemps. Je me prépare à cela personnellement dans un esprit pacifique. (16 h 15)

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Très rapidement, puisque déjà...

Mme Trudel-Lamarre (Micheline): Vous permettez? M. le député d'Argenteuil parle déjà de regroupement de secteurs non confessionnels ou laïques tel que proposé par la Loi sur l'instruction publique. Je pense que la société a évolué et des gens du Mouvement laïque québécois ne tiennent plus tout à fait le même discours que le MLF il y a 20 ans. Entre autres, la société est devenue pluraliste et, la plupart des parents, quelle que soit leur religion ou leur non-religion, sont conscients qu'il faut éviter de former de petits ghettos pour protestants, pour hindous et pour non-pratiquants. Cette volonté de l'école de quartier est manifestée par les parents. Le Conseil supérieur de l'éducation le reconnaît, par une

recommandation qu'il a publiée, appelée "Le classement des élèves", quand il dit que les commissions scolaires voient à découper leur territoire de façon à donner accès à l'école la plus proche du domicile. On dit: II faut reconnaître que la désignation de l'école la plus proche répond à une préoccupation majeure des parents et aux impératifs du transport scolaire. Alors, je ne vois pas un projet qui verrait à faire toutes les demandes à la commission scolaire qui, elle, verrait à envoyer des enfants, selon qu'ils veulent ou non tel ou tel type de formation religieuse ou morale dans telle école ou dans telle autre. Je pense qu'on raterait un projet de société qui est fait de pluralisme, c'est-à-dire de reconnaître les différences comme étant un lieu d'éducation positif.

Quand le Mouvement laïque québécois demande que la religion et le système confessionnel qui est à partir de l'école en passant par la commission scolaire jusqu'au ministère de l'Éducation, quand le Mouvement laïque québécois, dis-je, demande de retirer cela de l'école, il ne pense pas à abolir la religion catholique, parce que si on regarde toutes les autres religions chrétiennes ou non chrétiennes, elles existent et elles propagent leur message, mais avec leur propre structure. Nous pensons que l'Église catholique a déjà une formation de base pour véhiculer, elle aussi, ses valeurs et ses convictions religieuses.

Vous avez parlé tantôt de l'exemple politique qui faisait qu'un professeur de telle opinion politique pouvait endoctriner un élève. La différence dans le système québécois, au niveau confessionnel, c'est que les enseignants sont filtrés à l'embauche à partir de leurs convictions religieuses. Alors, si on fait un parallèle avec le problème confessionnel, on serait dans un État où, avant d'engager un professeur, on lui demanderait s'il partage les opinions politiques du parti au pouvoir.

Moi aussi, j'aime beaucoup faire une comparaison avec le politique. Quand on nous parle de projets éducatifs qui peuvent être confessionnels, selon la majorité des parents de l'école, ou des élèves, ou, en tout cas, de l'équipe école, je me dis: C'est aussi malsain que d'apporter à l'école un autre sujet de discorde traditionnel, telles la politique et la partisanerie politique. Si on faisait une consultation des parents à l'école que fréquentent mes enfants et qu'on demandait: Est-ce que l'école va véhiculer l'opinion libérale ou l'opinion péquiste? on diviserait les parents sur des questions. Je suis sûr que des parents ne voteraient pas parce qu'ils seraient certains que ce ne sont pas des questions qui concernent l'école. C'est la même chose pour la religion. Demander que le système soit laïque, c'est accepter que chacun arrive à l'école avec ses propres convictions, qu'on puisse avoir un support dans sa communauté de croyants, mais qu'à l'école on ne fasse pas de ségrégation, ni dans l'école ni dans la classe ni dans la commission scolaire sur la base que telle ou telle conviction religieuse serait privilégiée comme on le voit dans le projet de loi 40, qui donne des privilèges aux tenants de l'Église catholique, qui donne des possibilités, parfois, aux protestants et qui dit, par exemple, à l'article 103, qui est une illustration de l'inéquité de ce projet de loi, que d'autres religions, si le nombre était suffisant, pourraient organiser un cours d'enseignement religieux qui serait donné par des professeurs choisis et payés par eux.

On fait la démonstration que dans une société pluraliste où les divisions du monde et les religions sont de plus en plus diversifiées, on ne peut plus, maintenant, donner à tous, en étant équitables, les mêmes droits. C'est pour cela que le Mouvement laïque québécois demande que ce ne soit plus l'école qui soit responsable de l'enseignement d'une religion.

Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Baril, s'il vous plaît.

M. Baril (Daniel): Étant donné que nous sommes le seul groupe à manifester, ici, cette position, on veut être certain qu'elle est bien comprise. Il me semble que, chez le député d'Argenteuil, il y a des points qui ne sont pas bien compris. Quand on dit que la dimension religieuse n'est pas une matière académique, c'est sûr qu'on peut faire de la religion une matière académique en expliquant les fondements d'une croyance, en expliquant le rituel et tout ce qui est objectif dans une religion. Quand on parle de la dimension religieuse, on fait appel à l'éducation de la foi et c'est l'objectif du cours de catéchèse, ce n'est pas une matière académique. Quand on dit que les parents semblent être prêts à changer d'école pour aller dans une école qui respecte leurs convictions, on observe dans les milieux urbains toute la mobilisation qui se fait au moment, de la fermeture d'écoles. Cela démontre très bien que les parents veulent maintenir l'école de quartier située près de chez eux. Personne n'est prêt à accepter comme cela d'envoyer leurs enfants dans d'autres quartiers, peut-être même dans des situations de ghetto, et surtout pour une question de convictions religieuses. Si on doute que le nombre de cas d'enfants discriminés chez les exemptés soit nombreux, c'est certain. Il y en a 3% d'élèves exemptés, ce n'est pas beaucoup. Mais pourquoi y a-t-il seulement 3% d'exemptions au Québec? Est-ce que cela correspond à la réalité sociale? C'est parce que les autres enfants sont dans les classes ou sont dans les corridors, et cela existe. Combien de parents sont prêts... Vous dites que les moyens sont

là pour qu'ils revendiquent leurs droits. Combien de parents sont prêts à comparaître devant les tribunaux pour revendiquer leurs droits, comme le cas à Trois-Rivières, par exemple? Ce cas, d'ailleurs, n'est absolument pas le projet de loi 40.

J'aimerais terminer en vous mentionnant que le Mouvement laïque québécois n'est pas le seul organisme à revendiquer la laïcisation de l'école; d'autres groupes le font aussi. Nous avons regroupé 60 organismes qui appuient notre demande. Plusieurs de ceux-là ont envoyé des mémoires et, pour leur rendre justice, je vous demanderais de me permettre de les mentionner.

Le Président (M. Blouin): Non, je ne peux pas vous permettre de les mentionner, car je dois maintenant donner la parole à M. le député de Vachon. Vous pourrez toujours nous donner la liste et nous la distribuerons aux membres de la commission. M. le député de Vachon.

M. Payne: II faut dire que personne ne peut prévoir avec une certitude absolue le phénomène de confessionnalisation ou de déconfessionnalisation qui suivra l'adoption du projet de loi 40. Par contre, je ne suis pas de ceux qui croient et qui craignent un prosélytisme frénétique après l'adoption de la loi.

Lorsque vous parlez des droits de l'individu et des droits collectifs, il y a plusieurs points de référence. Tout à l'heure, je lisais la Charte internationale des droits de l'homme; l'article 18 serait sûrement un point de repère pour vous, c'est-à-dire pour notre mouvement; j'ai beaucoup de sympathie pour sa position. Cet article dit: "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites." La seule nuance ou contrainte apportée à cela - c'est une nuance importante, c'est à l'article 29, où il est dit: "Dans l'exercice de ses droits -auxquels il a fait référence tout à l'heure -... chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique. Donc, il faut concilier, bien sûr, le droit de l'individu et le droit collectif.

J'ai une question à poser. Vous affirmez que des aménagements comme ceux de la loi 40 au niveau de la confessionnalité briment le droit à la liberté de conscience des citoyens. Ce que je viens de vous lire est tiré de la charte internationale des droits. Ce droit ne s'oppose-t-il pas à ce que les enfants fréquentant l'école expriment leurs valeurs collectivement ou individuellement, selon le projet de loi 40, leurs croyances dans leur vécu scolaire?

M. Savard: II n'y a pas opposition à ces droits puisque, même à l'intérieur d'une école laïque, nous n'empêcherions pas et il serait condamnable que quiconque empêche la démonstration spontanée de la conviction religieuse de celui qui se retrouve dans l'école. Je parle au niveau des enfants ou des étudiants. En ce qui concerne le personnel, il se doit de se doter tout de même d'une éthique. Vous signalez que la liberté de religion s'exerce par le droit d'enseigner. Il ne faut pas confondre le droit d'enseigner, qui se comprend très bien en ce qui concerne, par exemple, un pasteur, un rabbin, un prêtre qui, dans l'exercice de sa liberté de religion, va tenter, percevant que cela fait partie de son ministère, d'enseigner et il se doit d'enseigner. Maintenant, il devra respecter l'endroit qu'il choisit pour enseigner. Il peut enseigner au milieu de la rue et fort probablement qu'il aura des problèmes. Il peut enseigner sur la place publique et fort probablement qu'il devra respecter un certain nombre de règlements pour ne pas troubler la paix publique. Une chose est certaine, c'est qu'il va enseigner à des individus qui, volontairement, veulent se soumettre à son enseignement, mais il y a une marge entre comprendre que la liberté de religion permet à celui qui a comme mission d'enseigner ce droit d'enseigner et ce droit de faire enseigner quelqu'un d'autre. Comprenons-nous bien. Les évêques catholiques du Québec ont, à mon point de vue, le devoir d'enseiger, s'ils veulent être fidèles à leur mission. Cela ne signifie pas qu'ils ont le droit d'exiger qu'on enseigne à leur place.

M. Payne: À la page 11, vous parlez des sacrifiés de la loi 40, faisant référence à ceux qui actuellement, si je vous suis bien, fréquentent les écoles franco-protestantes. C'est bien cela? Dans l'intérêt de nos électeurs, il serait intéressant de regarder de plus près ce phénomène social qui se produit depuis quelques années pour bien situer le problème. Avec le mouvement français et l'adoption des projets de loi 22 et 101, visant à limiter l'accès aux écoles anglaises - vous êtes très au courant - les immigrants venant en grand nombre de pays non catholiques, souvent anglophones, ceux qui venaient des pays anglophones s'orientaient vers les écoles. protestantes du secteur francophone. À l'époque, il y avait seulement deux écoles francophones ouvertes au sein du PSPGM, par exemple, mais on a vu le

phénomène que le PSPGM était plus qu'heureux d'ouvrir dans une très courte période... J'ai souvent entendu parler en privé, et en public, les officiers de cette commission scolaire disant qu'ils ouvriront autant d'écoles francophones qu'ils le voudront. Ils étaient plus qu'heureux d'ouvrir des écoles protestantes dans les quartiers francophones. Nous avons actuellement quatorze ou seize écoles d'ouvertes qui dispensent un enseignement excellent, mais vous avez le résultat bizarre qui est le suivant: une commission scolaire confessionnelle protestante dont les orientations et le personnel sont majoritairement anglophones offre dans les écoles françaises un enseignement à ceux qui sont majoritairement non protestants, comme vous l'avez d'ailleurs bien signalé dans votre mémoire. (16 h 30)

Les chiffres sont éloquents à cet égard: plus de 50% sont d'allégeance - si vous me permettez l'expression, c'est un peu péjoratif envers ceux qui ne professent aucune religion - autre que protestante ou catholique. Selon mes calculs, ils sont environ 15 800... En tout cas, à peu près 50%, 55% peut-être. Mais je ne vois pas comment ces gens devraient être les sacrifiés de la loi 40. Ils devraient être les plus privilégiés, dans le sens que s'ils s'orientaient à cause des contraintes sociales vers les écoles françaises protestantes - parce que justement ils cherchaient une certaine exemption en matière confessionnelle - avec le projet de loi 40 ils pourraient ouvrir ou changer l'orientation des écoles de leur quartier. On peut penser à la communauté grecque, à la communauté juive, qui pourraient beaucoup plus facilement exprimer leurs droits à l'égard de la liberté d'expression, la liberté de conscience. Cela m'étonne un peu que vous ne vous réjouissiez pas de ce progrès.

M. Savard: En ce qui concerne les usagers des réseaux franco-protestants, il faut toujours avoir à l'esprit que ces usagers, composés majoritairement de nouveaux arrivants, se sont vus offrir des écoles par une commission scolaire à tradition très ouverte, à tradition très tolérante.

Je pourrais citer un exemple frappant. Pas plus tard qu'il y a quinze jours, à cette commission scolaire, les représentants des parents ont eu à se prononcer sur l'acceptabilité ou la non-acceptabilité d'un projet éducatif chrétien. Les parents ont pris cette position que la proposition d'un projet éducatif chrétien était inacceptable parce que nous étions au sein d'une commission scolaire protestante.

Cela vient complètement en contradiction avec ce qu'on se fait comme idée après la loi 40, où c'est pratiquement de l'incitation à avoir pareil projet éducatif.

Cela pose aussi le dilemme: Comment se fait-il que dans une commission scolaire étiquetée protestante des gens qui présentent quelque chose qui serait normalement apparenté à l'étiquette, au point de vue pratique on traite la chose comme si la commission scolaire était laïque?

C'est ce que le projet de loi va faire disparaître. Il ne faut pas se faire d'illusion. Même s'il n'y avait pas le projet de loi 40, on déplore présentement que les commissions scolaires protestantes soient forcées d'être de moins en moins laïques et de plus en plus réellement protestantes.

Pour ces gens qui sont les usagers de ce réseau, avant même que la loi 40 soit adoptée, à cause du climat politique que cela crée, ils sont en voie de perdre leurs écoles laïques. On insiste pour signaler que les écoles laïques au Québec ne sont pas un phénomène nouveau. C'est un phénomène caché, mais ce n'est pas un phénomène nouveau.

Mme Trudel-Lamarre: II faudrait ajouter aussi que la loi 40 créant des commissions scolaires linguistiques, ce sur quoi on serait d'accord si c'étaient des aménagements linguistiques et non pas récupérés par toute la structure confessionnelle qui s'y greffe, il y a beaucoup de parents immigrants et québécois qui, en choisissant l'école protestante qui donne l'enseignement en français, n'ont pas choisi l'école de quartier. En retournant dans leur quartier, c'est une clientèle, 38%, qui se trouverait disséminée parmi la population catholique et, comme le projet de loi 40 prévoit une possibilité de projet éducatif établi à majorité, qui pourrait porter sur des convictions religieuses d'une religion particulière, ces gens se retrouveraient donc minoritaires - cela peut être à 30%, à 40% dans une école publique et commune de quartier - mais où ils seraient soumis à un projet éducatif qui touche toutes les activités et l'éducation de l'école qui ne les respecterait pas dans ce qu'ils désirent comme lieu d'éducation pour leur enfant.

M. Payne: J'aurais un dernier point sur votre référence concernant l'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral, une mesure d'ailleurs à laquelle vous vous opposez. Vous vous référez à un article du règlement du comité catholique comme quoi, s'il y a moins de quinze élèves, cela ne serait pas obligatoirement dispensé. En réalité, si vous lisez l'article 101, on peut constater très facilement que dans l'organisation de l'enseignement moral, l'école doit permettre à chaque élève le droit d'atteindre ses objectifs. L'article 101 est un privilège pour chaque élève ou plutôt un droit.

M. Alarie (Luc): Si vous me permettez de répondre à cette question, l'article 101 ne fait simplement qu'offrir le choix entre deux enseignements, mais il n'assure pas que les deux enseignements vont être effectivement offerts dans la même école. Regardez l'article 29: c'est la commission scolaire qui va déterminer les services éducatifs qui vont être dispensés dans l'école. Si la commission scolaire, pour des questions budgétaires ou autres, décide que, dans une telle école, on n'offrira pas l'enseignement de la morale, le choix entre les deux ne sera pas possible. C'est d'ailleurs le cas qu'on a vécu à Trois-Rivières tout à fait récemment, où le droit de la commission scolaire d'affecter les élèves dans les écoles de son territoire prévaut sur le droit d'obtenir l'enseignement de la morale dans une école. L'article 101 n'offre donc pas plus de garanties que le régime actuel de l'exemption quant au choix entre l'enseignement religieux ou moral. Je pense que si on pouvait vraiment préciser ce droit fondamental des parents d'exiger l'un et l'autre, cet article devrait être amendé pour que, obligatoirement, l'école offre les deux enseignements à ceux qui vont les demander et ce même si un seul élève était exempté ou demandait l'enseignement de la formation morale.

M. Laurin: L'esprit de l'article 101 est clair. S'il y a là une lacune, et s'il y a nécessité d'amendement, il sera apporté.

Mme Trudel-Lamarre: M. le ministre, à l'article 18 on dit que les parents auront le choix de l'école dont le projet éducatif correspond le mieux à leurs valeurs et à leurs convictions. Au deuxième paragraphe, on dit: "L'exercice de ce droit est assujetti aux critères que peut établir une commission scolaire pour tenir compte de la capacité d'accueil de l'école et des services éducatifs qu'elle dispense". Pour nous, il n'y a pas de changement à la situation qu'on vient d'évoquer, puisque la commission scolaire, à ce moment-là, pourrait dire: Nous, avec les capacités budgétaires, financières et humaines qu'on a, nous décidons d'un regroupement, donc d'un ghetto - tel que nous le voyons - d'élèves qui demanderaient l'option morale dans telle école pour offrir un service particulier.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Cela va? Une très brève intervention, puisque le temps est presque terminé, madame.

Mme Cyr-Reid (Réjeanne): Très bien. Étant donné que c'est censé être bref, dans la région de Québec, on vit un problème particulier concernant l'élection des commissaires. La balle est renvoyée constamment entre le ministère de l'Éducation et la Commission des écoles catholiques de Québec. Depuis 1967, il y a eu douze mises en candidature qui ont été refusées pour motif de discrimination religieuse. Il semble bien que le projet de loi 40 ne va rien régler dans le fait de se renvoyer la balle. Quand vous parlez de ramener les territoires à ce qu'ils étaient en 1867, à supposer que cela soit faisable et réalisable, il reste quand même que les gens qui vont habiter ces territoires vont encore être sous le coup de cette loi discriminatoire. Ce qui se passera, par exemple, dans les territoires que couvre la CECQ - je vais vous donner l'exemple d'une école - l'école Saint-Jean-Baptiste...

Le Président (M. Blouin): Non, madame...

Mme Cyr-Reid: ...recouvre 50% d'exemptés. Les parents ne peuvent pas se présenter à la charge de commissaire à cette commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, madame Cyr-Reid. Sur ce, je remercie donc les représentants du Mouvement laïque québécois de leur participation aux travaux de notre commission, au nom de tous les membres de la commission.

J'invite maintenant les représentants du Mouvement scolaire confessionnel à bien vouloir prendre place à la table des invités. Pendant qu'ils s'avanceront, nous allons suspendre nos travaux pour environ une minute.

M. Ryan: Vous suspendez pour dix minutes?

Le Président (M. Blouin): Une minute. M. Ryan: Ah! d'accord! (Suspension de la séance à 16 h 40)

(Reprise de la séance à 16 h 42)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! Après cette brève interruption, j'invite maintenant les représentants du Mouvement scolaire confessionnel à s'asseoir et à nous... À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, j'invite les représentants du Mouvement scolaire confessionnel à s'identifier et ensuite, à nous livrer, en une vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire pour que nous procédions par la suite aux échanges entre eux et les membres de la commission.

Je leur rappelle que nous disposons d'une période d'une heure trente minutes afin de procéder à la fois à cette présentation et

aux échanges subséquents. Si vous voulez bien d'abord vous identifier.

Mouvement scolaire confessionnel

M. Archambault (Maurice): M. le Président de la commission, le Mouvement scolaire confessionnel est plus connu à Montréal que dans la province. Il est, en somme, constitué d'une coalition de 20 organismes catholiques de Montréal dont l'exécutif est constitué de moi-même, Maurice Archambault, président, de M. Benoit Beaudoin, vice-président, de M. Alfred Reynolds qui n'est pas présent et qui est secrétaire trésorier, de M. Roger Ducharme, directeur, de M. Roger Aird, directeur, de Mme Thérèse Charette, directrice, de Mlle Marcelle Sabourin, directrice et de M. Georges Létourneau.

Le travail du Mouvement scolaire confessionnel à Montréal consiste surtout, lors des campagnes électorales, à identifier les commissaires qui sont d'accord avec la commission scolaire confessionnelle et l'école catholique. Ce sont les votants de l'île de Montréal qui votent pour ou contre les commissaires que nous présentons. Faire connaître ces gens-là, là se limite le travail du Mouvement scolaire confessionnel.

Au mois de juillet 1982, des juristes catholiques d'Italie, de Belgique, de France et du Québec publiaient une étude intitulée "Liberté d'éducation et école catholique", préfacée par le cardinal Oppilio Rossi et à laquelle participait Me Michel Pallascio, secrétaire de l'Association des juristes catholiques du Québec et commissaire élu à la Commission des écoles catholiques de Montréal. On souligne dans cette étude le fait que l'école catholique est de nouveau remise en question dans plusieurs pays du monde occidental alors qu'elle semblait, depuis quelques décennies, avoir acquis un droit de cité stable et indiscutable, nous dit-on. (16 h 45)

Le 18 avril dernier, notre saint-père le pape Jean Paul II, s'adressant au Conseil de l'union mondiale des enseignants catholiques se montrait, lui aussi, préoccupé de la situation faite à l'école catholique dans le monde. "D'un pays à l'autre, nous dit-il, et même à l'intérieur d'une même nation, les situations juridiques, les possibilités concrètes de fonctionnement et le coefficient de rayonnement de l'enseignement catholique connaissent des variantes. Mais on n'arrive pas à imaginer que celui-ci pourrait être rayé de la carte des peuples libres sans porter une atteinte extrêmement profonde aux droits fondamentaux de l'homme. Dans une civilisation connaissant parfois la tentation et possédant les moyens techniques de niveler l'homme et la société - poursuit-il il est plus que jamais nécessaire de favoriser, surtout pour la jeunesse assoiffée de raisons de vivre, des espaces éducatifs nombreux, suffisamment décentralisés, libres de proposer un idéal qui transcende un dénominateur culturel parfois faible. Précisément l'école catholique, sans volonté de puissance et encore moins de triomphalisme, a l'ambition de proposer simultanément l'acquisition d'un savoir aussi large et profond que possible et l'éducation exigeante et persévérante de la véritable liberté humaine. "Je souhaite de plus en plus qu'en tout pays se disant attaché à la démocratie, et donc au respect absolu des consciences, le pluralisme scolaire, abandonnant les vieux chemins des querelles anachroniques, trouve enfin sa voie royale, c'est-à-dire offre aux citoyens un choix d'institutions scolaires correspondant aux options profondes et sacrées des consciences humaines et sachant coexister harmonieusement pour le bien général du peuple tout entier. Les États modernes, souvent très organisés et puissants, ne sauraient aligner leurs sujets sur un modèle unique. Leur raison d'être - et je dirais leur véritable grandeur - est de servir tous les citoyens avec équité et magnanimité, en exigeant évidemment que ceux-ci soient respectueux du bien commun de la nation. En un mot, je plaide pour un véritable pluralisme scolaire, judicieusement organisé et protégé."

Le 14 août 1983, à Lourdes, le Saint-Père rappelait le nombre de ceux qui ont à souffrir de discrimination sociale alors, et je cite, qu'est "reconnu le droit à la liberté religieuse, à la liberté de conscience, et cela aussi bien dans la législation des divers États que dans les documents de caractère international." Parmi ces cas de discrimination sociale, il mentionnait celui, et je cite, "de parents qui se voient refuser la possibilité d'assurer à leurs enfants une éducation inspirée par leur foi." Ceci se passe dans des pays qui se disent démocratiques mais où la démocratie cède graduellement le pas à des tendances de plus en plus centralisatrices, mises au service d'idéologies qu'on impose, paradoxalement, au nom de la liberté.

Nous devons admettre à regret que le Québec, depuis les 20 dernières années, s'est graduellement orienté dans la même direction. L'État cherche, par tous les moyens, à se substituer à la société québécoise qu'il est censé servir en respectant la diversité des communautés culturelles et religieuses qui la composent. Il lui impose même ses critères idéologiques et sociologiques. L'expérience mondiale nous a appris que la contrainte, sous ses diverses formes, est le seul moyen par lequel on peut imposer à un peuple une idéologie qu'il rejette. Au Québec, cette contrainte s'est surtout exercée par le détour de l'école, lieu

où on veut modeler la nouvelle société, car il est plus facile de circonvenir un enfant qu'un adulte formé et averti, surtout lorsqu'on centralise tous les pouvoirs scolaires entre les mains d'un ministère et qu'on éloigne les parents des véritables centres de décision.

Voilà pourquoi nos gouvernements, les uns après les autres et en utilisant la force de la loi, tentent de nous imposer, surtout dans le domaine scolaire, des mesures fort contestées par la population. Voilà aussi pourquoi, depuis 20 ans, les parents et la très forte majorité de la population se sont opposés à ceux qui ont entrepris d'abolir leurs écoles et leurs commissions scolaires catholiques, leur héritage culturel et spirituel le plus précieux.

Les gouvernements n'aiment pas se souvenir de ce qui entrave leur marche ambitieuse vers les buts qu'ils se sont fixés. Aussi est-il important de rappeler ici les principales étapes de cette résistance qui a acculé nos gouvernements à nous imposer un étapisme sans fin.

Déjà, en 1966, lors de sa défaite électorale, M. Jean Lesage déclarait: "Nous avons été battus par l'éducation." M. Daniel Johnson, nouveau premier ministre, promettait que la réforme scolaire suivrait la volonté de la population.

En mai de la même année, un groupe de parents alarmés par certaines recommandations du rapport Parent réunissaient à Montréal près de 1200 représentants d'organismes venus de tous les coins de la province et fondèrent un mouvement pour la défense de leurs droits, l'Association des parents catholiques du Québec.

En 1969, le projet de loi 62 du gouvernement Bertrand et, en 1971, le projet de loi 28 du gouvernement Bourassa, qui voulaient imposer à toute l'île de Montréal des commissions scolaires unifiées et neutres, furent rejetés par une très forte majorité de la population.

À l'occasion de la restructuration scolaire de l'île de Montréal entreprise par le gouvernement Bourassa, en 1972, la commission scolaire unifiée est rejetée pour une troisième fois. Le comité de restructuration prévu dans la loi 71 est forcé de reconnaître que la population veut le maintien des commissions scolaires confessionnelles catholiques et protestantes sur l'île de Montréal et la mise en place d'un secteur autre.

En décembre de la même année, le Mouvement scolaire confessionnel du Québec est fondé par une coalition de 20 organismes catholiques du diocèse de Montréal afin de donner une voix à la population catholique de l'île à l'occasion des premières élections scolaires prévues pour 1973 par la loi 71.

Aux quatre élections scolaires qui suivirent, celles de 1973, de 1977, de 1980 et même de 1983, des candidats commissaires favorables au maintien des écoles et des commissions scolaires confessionnelles, appuyés par le Mouvement scolaire confessionnel, sont élus à une très forte majorité.

De plus, aux élections de 1977 et de 1980, l'électorat de l'île de Montréal montra clairement sa volonté de conserver son système scolaire confessionnel en remplaçant par son vote plusieurs commissaires qui n'avaient pas respecté la volonté de la population durant leur mandat.

En 1978, à l'occasion de la consultation sur l'enseignement primaire et secondaire -le livre vert - la province refuse, presque à l'unanimité, de remettre l'école entre les mains d'un conseil d'école, des municipalités ou des gouvernements régionaux. Elle redemande le maintien des commissions scolaires existantes qui sont catholiques et protestantes.

En 1982, le 24 novembre, l'Association des parents catholiques du Québec, appuyée par une coalition de 28 mouvements représentant plus de 1 000 000 de personnes, présentait le manifeste des parents chrétiens devant M. le ministre au salon rouge du gouvernement. Ce manifeste demandait, encore une fois, le maintien de nos écoles et de nos commissions scolaires catholiques, l'établissement d'écoles autres, là où le besoin s'en fait sentir, la promotion des institutions privées, le retour à une saine pédagogie et une amélioration du projet éducatif chrétien dans l'école.

Nous arrêtons ici cette énumération déjà longue. Il eût fallu, pour être juste, y ajouter les milliers de mémoires et tous les mouvements de protestation, au cours des années, de la majorité des organismes intéressés à l'éducation au Québec, sans oublier ceux qui ont entouré le projet scolaire du ministre.

Ces vingt années d'intervention constante et courageuse ont changé le cours de la réforme scolaire, limitant certains de ses excès qui lui ont souvent fait rejeter des richesses éducatives et civilisatrices, pour les remplacer par des innovations hasardeuses déjà dépassées ailleurs et désastreuses pour nos enfants.

Le projet de loi 40 modifie considérablement la réalité québécoise au plan des structures scolaires. Ce projet de loi semble être issu d'une volonté politique de donner plus de pouvoirs à la base tout en gardant au ministère de l'Éducation un contrôle presque absolu par mode de réglementation sur toutes les questions relatives à l'administration scolaire.

De ce fait, les commissions scolaires perdent encore plus de pouvoirs et risquent de n'être que des communautés de services aux écoles, soumises aux instances

municipales du territoire, les municipalités régionales de comté. Rappelons ici que la remise de la chose scolaire aux municipalités avait été refusée presque à l'unanimité par la population lors de la consultation sur le livre vert.

La démocratie scolaire est ramenée au niveau de l'école par l'élection d'un commissaire par école. De plus, les catholiques qui voudront avoir une école catholique seront obligés d'en faire la demande, contrairement aux autres qui jouiront automatiquement de l'école de leur choix.

Enfin, les commissions scolaires ne sont plus confessionnelles, catholiques ou protestantes, sauf celles qui sont protégées par l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ces dernières sont cependant réduites au territoire qu'elles occupaient en 1867, c'est-à-dire à presque rien. De fait, le projet de loi 40 donne peu de pouvoirs véritables aux parents. Ceux-ci porteront davantage de responsabilités avec l'illusion de croire qu'ils ont les moyens d'y répondre. En définitive, c'est le gouvernement qui, par son pouvoir de réglementation, aura toute la latitude pour décider en dernier ressort de tout ce qui regarde la vie scolaire. L'affaiblissement des commissions scolaires comme corps intermédiaire est un élément majeur qui modifie l'équilibre traditionnel des forces scolaires. La démocratie scolaire est réduite à sa plus simple expression et perd toute sa valeur de représentativité.

Nous avons pu jusqu'à maintenant éviter i'écueil du pire sur lequel le présent gouvernement semble résolu de se jeter en imposant de fait la suppression de nos commissions scolaires catholiques. Or, l'école catholique ne peut se réaliser sans les soutiens administratif et pédagogique d'une institution qui partage ses orientations. Notre volonté de maintenir un statut juridique pour l'école catholique rejoint la préoccupation de nos évêques. Le statut juridique d'une école catholique, disent-ils dans leur intervention, dit ouvertement et clairement pour tous, administrateurs, parents et agents d'éducation, que l'institution scolaire qui en fait l'objet accepte ouvertement la conception chrétienne de l'homme. Ils ont même marqué à cette occasion leur préférence pour la commission scolaire catholique qui, depuis 130 ans, assure le statut catholique de nos écoles.

Nous nous arrêterons maintenant à une phrase du livre blanc qui dit bien la confusion qui règne dans l'esprit de M. le ministre et des technocrates du ministère de l'Éducation. À l'article 4.2.4, page 79, nous lisons: "Comment justifier dans une société pluraliste qui reconnaît la distinction de l'Église et de l'État que des structures dispensatrices de services publics soient institutionnellement identifiées par des critères d'appartenance religieuse?"

Il est aberrant de confondre les structures des services publics, comme la voirie, l'aqueduc, les services sanitaires et tous les autres qui sont neutres de nature avec les structures scolaires qui concernent des enfants en voie de formation et non des choses, alors que les structures scolaires, elles, ne sont jamais neutres. Elles sont dirigées par des personnes. Leurs choix et leurs options personnelles orienteront leurs décisions quant aux priorités éducatives de l'école. Elle aussi n'est jamais neutre: elle éduque l'enfant d'une façon ou d'une autre, en bien ou en mal. Les vingt dernières années nous l'ont appris. Pour mieux comprendre la situation, il est utile de rappeler cette évolution du monde qui a abouti à la séparation de l'Église et de l'État que M. le ministre évoque dans le passage cité. L'État, prétendait-on, se devait d'être neutre, d'une neutralité bienveillante, afin d'assurer à une société devenue pluraliste une justice égale pour tous et un respect des droits de tous, quelles que soient leurs croyances.

Or, la neutralité de l'État est toujours factice, car tous les gestes qu'il pose ont des implications morales, surtout les lois favorisant ou restreignant la liberté des individus, la justice, les droits de la famille, l'école libre, la dissolution des moeurs, l'avortement, le divorce, et le reste.

Au Québec, comme ailleurs dans le monde, l'État a abandonné sa neutralité; ce n'est un secret pour personne qu'il a souvent partie liée avec des philosophies et des idéologies non chrétiennes dont il favorise l'expansion et qui sous-tendent presque toutes ses lois et ses actions. L'intention du projet de loi 40, c'est la création d'une école étatique qui admet l'influence religieuse et spirituelle pour autant que l'école demeure fondamentalement commune et publique. Elle appartient à tous et elle doit accueillir les personnes de toute allégeance dans le respect de la Charte des droits et libertés de la personne.

L'article 30 indique les nouvelles bases de la nouvelle école: elle sera publique et commune. Le livre blanc nous indique bien l'esprit de cette école, alors qu'aux pages 39, 40 et 41, on lit ce qui suit: "L'école du projet éducatif, c'est, de soi, l'école de tout le monde, l'école commune. En effet, l'école du projet éducatif n'appartient ni au directeur ni à un groupe en particulier. Elle n'est la propriété d'aucune oligarchie. Bien au contraire, elle est le lieu de la responsabilité partagée et, en définitive, de la démocratie culturelle. L'appel que le projet éducatif lance à tous les agents de l'école, c'est celui de faire partie d'une équipe-école, qui doit trouver ses terrains de consensus et gérer ses divergences; en

somme, "composer" dans la tolérance et le bon sens." (17 heures)

Plus loin: "...car on ne saurait accepter que l'école publique soit différenciée et particularisée au point de cesser d'être vraiment commune et d'institutionnaliser des différences qui introduiraient des inégalités tout aussi despotiques que celles qu'on s'applique justement à surmonter. Plus radicalement, il est des droits fondamentaux qui ne peuvent pas être à la merci de décisions locales, fussent-elles majoritaires et démocratiques."

À toutes fins utiles, il s'agit d'une école de l'État. La dimension religieuse à l'école y sera présente pour autant qu'elle n'est pas un obstacle aux objectifs poursuivis qui sont ceux d'une école de quartier où tous et chacun y ont des droits égaux. Les catholiques n'y auront des droits que pour autant que cela ne lésera pas les autres. Le gouvernement ne laisse donc aux catholiques que des droits minimaux qui sont dépendants de la tolérance et de la bonne volonté des autres. C'est la fameuse école pluraliste où toutes les valeurs sont également bonnes, même si elles se contredisent.

M. le ministre, dans tous ses discours à travers la province, n'a jamais parlé d'autre chose que de cours de religion. Certains, avec beaucoup de bonne volonté, ont cherché dans le livre blanc, qui s'est concrétisé dans le projet de loi 40, des pistes favorables à l'école confessionnelle. Mais l'expert retenu par l'Association des commissions scolaires de la région de Montréal pour étudier cet aspect, M. Marcel de Grandpré, professeur à l'Université de Montréal, a dû avouer qu'elles étaient d'un décodage difficile. "Le livre blanc, écrit-il, achève ce qui avait été commencé en 1964: dépouiller, sans le leur dire, les catholiques et les protestants, comme classes particulières de personnes, de droits constitutionnels et de droits inscrits dans les lois du Québec."

Le projet de loi 40 confirme cette opinion. L'État a graduellement étouffé le projet éducatif chrétien et s'apprête maintenant à en faire le parent pauvre de l'école québécoise.

De plus, une propagande habile mais mensongère, depuis 20 ans, tente de faire croire que l'école catholique ignore toutes les autres dimensions de l'homme. Par conséquent, elle aboutit à la médiocrité, alors que l'école d'État neutre est le signe du progrès et de la libération.

La preuve du contraire est maintenant faite. L'école presque assurément médiocre, c'est l'école d'État, laïque et neutre -publique et commune dans le projet de loi 40 - celle qui ne motive pas l'enfant à un dépassement de soi, à poursuivre des buts supérieurs, à rechercher un idéal spirituel qui lui permette de s'élever au-dessus des contingences matérielles dont il refuse de devenir l'esclave.

Accepter le projet de loi 40, ce serait accepter en même temps la mainmise de l'État sur nos écoles et, à plus ou moins longue échéance, la substitution dans celles-ci des credos matérialistes à la mode et de la conception athée du monde à notre credo chrétien. Ce serait ouvrir nos écoles à l'anarchie éducative que nous voyons déjà à l'oeuvre ici et à l'étranger, car dans tous les pays où règne l'école laïque et neutre, elle est l'objet de critiques sévères de la part des parents qui, de plus en plus, font des sacrifices financiers énormes pour envoyer leurs enfants dans des collèges privés et leur éviter ainsi le désastre de l'école neutre.

Il en est ainsi de la grande majorité des écoles publiques des États-Unis tel que le révèle l'enquête des experts de la revue américaine " Newsweek" parue dans ses numéros des 20 et 27 avril 1981. Elle flétrit l'école laïque et neutre, source du désastre scolaire américain, et fait l'éloge des succès de l'école catholique, de l'école chrétienne, des dénominations protestantes et des collèges privés. "Newsweek" est publiée à 5 000 000 d'exemplaires et vendue dans le monde entier.

Mais plus que cela, la Commission américaine pour l'excellence en éducation dans son rapport conclut à un désastre national. Ce rapport est intitulé: "À Nation at Risk" - Une nation en péril. Ses commissaires disent même que, si une nation étrangère avait imposé aux enfants américains un tel système d'éducation, cela aurait été considéré comme une agression contre l'État. Voilà où mène l'école d'État neutre.

Nous avons l'impression de reculer dans le temps et de revivre d'une façon plus subtile, mais non moins virulente, les attaques et les coups portés à l'éducation chrétienne, qui furent l'apanage peu glorieux de certains pays catholiques aux mains de minorités athées à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, en particulier en France, qui revit actuellement cette lutte pour la liberté scolaire.

Pourquoi vouloir reculer si loin et nier aux parents le droit d'agir selon leur conscience. Car les parents chrétiens ont le devoir de choisir pour leurs enfants une école où l'éducation correspond aux attentes de la famille chrétienne. Les en empêcher, c'est brimer leur liberté de conscience.

Le pape Jean-Paul II, sans nier à l'État son rôle de subsidiarité, nous fait très bien comprendre les sources de ce droit et les raisons profondément humaines qui l'enracinent dans la famille, lorsque, dans son encyclique "Les tâches de la famille", il dit: "Le droit et le devoir d'éducation sont pour les parents quelque chose d'essentiel de par leur lien avec la transmission de la vie,

quelque chose d'original et de primordial par rapport au devoir éducatif des autres, en raison du caractère unique du rapport d'amour existant entre parents et enfants, quelque chose d'irremplaçable et d'inaliénable qui ne peut donc être totalement délégué à d'autres ni usurpé par d'autres."

D'ailleurs le choix de l'école par les parents est un droit reconnu par l'église, par la Charte universelle des droits de l'homme, par la Charte canadienne et par la constitution. Seule la Charte québécoise des droits et libertés de la personne est discriminatoire à cet égard quand, à son article 41, confirmé par les dispositions des articles 90 et 102 du projet de loi 40, elle y réduit le droit des parents à la seule possibilité d'obtenir dans les écoles un cours d'enseignement religieux. Tout le reste de la vie de l'école sera ordonné à une conception neutre de la société que l'enfant catholique sera obligé de vivre, alors qu'elle admet la libération sexuelle, le divorce, l'avortement et le reste, toutes choses en contradiction avec sa conscience chrétienne, au moment où il ne possède pas la maturité nécessaire pour faire les distinctions qui s'imposent.

L'article 32 de la loi 40 semble ouvrir aux parents la possibilité d'obtenir, par le biais des comités confessionnels, une véritable école catholique. Mais cette possibilité est vague, car elle est soumise à une consultation des parents au niveau de l'école; ce qui veut dire que, dans une école où 199 parents contre 201 et même 200 parents contre 200 s'opposent, cela priverait les 199 ou les 200 parents catholiques de leurs droits à l'école catholique. D'ailleurs, les article 474 et 475, modifiant les articles 22 et 23 de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, enlèvent au comité confessionnel l'essentiel de leurs pouvoirs, c'est-à-dire ceux d'approuver les programmes en général, de faire des règlements touchant le personnel de l'école et de leur imposer des critères d'ordre moral et religieux. Ils n'ont plus que la possibilité de donner des avis au ministre dans ces domaines.

L'obtention d'une école confessionnelle ast donc soumise aux aléas d'un vote pris au niveau de l'école et non au niveau de la communauté catholique; d'une demande de reconnaissance par le conseil d'école; aux aléas des décisions du ministre en matière de programmes et de manuels, articles 292 à 296, et quant aux modalités de la consultation, de reconnaissance ou de désaveu de la confessionnalité d'une école - article 309.1; aux aléas des décisions du gouvernement quant au régime pédagogique -article 308.1; et surtout aux aléas d'une poursuite pour discrimination en vertu de la Charte québécoise par un seul parent, question qui semble déjà avoir l'aval de la Commission québécoise des droits de la personne, si l'on se réfère à l'avis donné par le directeur de son service de l'éducation, M. Yves Côté, à savoir qu'un projet chrétien omniprésent dans l'école est incompatible avec la charte (14 mars 1983).

Nous pouvons prévoir que la loi 40 sera soumise à cette charte, qu'elle n'en fait mention nulle part, ni de l'article 9.1 du texte amendé de cette charte. Il est donc inconcevable qu'au Québec, le droit des parents à choisir le type d'écoles qui convient le mieux à leurs enfants, leur soit ainsi dénié par une charte dont les auteurs semblent avoir omis ce droit, afin de permettre à nos gouvernements la poursuite de la laïcisation de notre système scolaire contre la volonté de la majorité de la population.

Il nous faut donc rappeler au gouvernement que son rôle est d'assurer la justice et la paix scolaire pour tous en respectant les droits des minorités, mais en respectant aussi ceux de la majorité et surtout en ne se substituant pas aux parents.

Or, quel est le rôle des parents dans le projet de loi 40? Il est vrai que ce projet de loi crée un conseil d'école où les parents doivent être majoritaires, entourés par un comité d'école, par un comité pédagogique et par un comité d'élèves. Même le directeur d'école, s'il est choisi par la commission scolaire, est sujet à la recommandation du conseil d'école qui a le pouvoir de résilier son mandat.

Le conseil d'école est responsable de l'application du régime pédagogique, des services d'enseignement, des services complémentaires et des services à la communauté, mais en fonction des ressources humaines et matérielles disponibles et surtout en se conformant aux règles établies par le ministre de l'Éducation, aux articles 292 à 329. D'ailleurs, le mot "majoritaire", pour décrire le nombre de parents au conseil de l'école, peut porter à confusion. Est-ce la majorité absolue ou cela signifie-t-il qu'ils forment le groupe le plus nombreux sans pourtant être réellement majoritaires?

D'autre part, l'on peut se demander aux mains de qui tombera l'école, car seuls les parents les plus instruits ou qui disposent du temps requis ou des moyens économiques de se le permettre auront la possibilité de participer à la chose scolaire. On peut se demander d'où ils seront issus et quels sont les intérêts qu'ils chercheront à promouvoir. L'école québécoise continuera donc selon la loi 40 d'être le lieu de toutes les manipulations et ce, dans le sens contraire de son histoire.

À part quelques exceptions notables, nous dit M. Lucien Campeau, professeur d'histoire à l'Université de Montréal, membre de l'Institut d'histoire de l'Amérique française et de la Société royale du Canada, dans son article de la revue Nouveau dialogue de janvier 1976, nos intellectuels,

dont la vocation naturelle eût été d'assumer la culture populaire et de l'élever au rang d'une culture réfléchie, exprimée dans une forme vigoureuse et originale, se sont mis à la remorque des cultures étrangères plus avancées et se sont considérés généralement comme les disciples de maîtres forains au lieu de devenir des maîtres en droit propre dans leur milieu à eux. "Le démantèlement de la forteresse canadienne-française catholique, poursuit-il, a précipité sur nous en raz-de-marée, pêle-mêle et sans avertissement, le contenu de la culture nord-américaine. Ne nous restant aucune valeur où nous ancrer, ni la révérence du Dieu de nos pères, ni la conception humaniste de la société, ni la conscience d'une responsabilité collective, ni les vertus traditionnelles d'honnêteté, de dévouement, de politesse, de tempérance, de générosité, de fidélité, toutes effroyablement sabotées, nous nous sommes vus submergés par une philosophie et une anthropologie bourgeoises et mercantiles dont les principes et l'expérience nous étaient méconnus. Elles sont entrées en nous par débris, sans structure, sans cohérence, non digérées, et ce sont les plats qu'on sert dans nos écoles, sans rapport ni parenté avec nos origines et notre histoire. Le mal déjà fait après si peu d'années est effarant." Fin de la citation.

À ce gouvernement qui se targue plus que tout autre d'assurer la conservation du patrimoine national, nous manifestons notre étonnement de le voir, après les autres, tenter de jeter par-dessus bord le plus précieux de ses biens: notre système scolaire confessionnel québécois qui a forgé notre identité.

C'est donc avec un sain réalisme et une volonté qui ne s'est pas démentie depuis 20 ans que la très forte majorité de la population catholique québécoise demande le maintien de son système scolaire catholique, l'ouverture d'écoles autres pour ceux qui le demandent, lorsque le nombre le justifie; la restauration des pouvoirs et de l'autonomie de ses commissions scolaires par rapport au pouvoir politique, l'abolition de l'école de masse, inhumaine et anti-pédagogique; la formation de maîtres qualifiés pour enseigner dans les écoles catholiques, la revalorisation du projet éducatif chrétien dans l'école, l'amélioration du rendement pédagogique, des programmes et du matériel didactique en fonction du projet éducatif chrétien; le rétablissement de l'ordre et de la discipline dans l'école, l'assainissement du climat qui y règne et le rejet du projet de loi 40 contraire à ses aspirations et à ses droits en matière scolaire, droits auxquels elle n'a jamais renoncé. Le Mouvement scolaire confessionnel.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Archambault. M. le ministre.

(17 h 15)

M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier le Mouvement scolaire confessionnel pour le mémoire qu'il nous a présenté. Il ne fait pas mystère de ses opinions, assez radicales, puisque d'emblée, le Mouvement scolaire confessionnel affirme qu'il condamne l'évolution qu'a connue notre système scolaire au cours des vingt dernières années. C'est là évidemment une vue à laquelle je ne saurais souscrire.

Je voudrais aussi dire que je ne partage pas l'exégèse que fait le Mouvement scolaire confessionnel de la déclaration des évêques pas plus que des deux déclarations du pape qu'il rapporte; celle d'avril 1983 et celle de Lourdes. En avril 1983, le pape se référait à l'enseignement catholique. Dans votre interprétation, il y a un glissement vers l'école catholique; ce qui n'est quand même pas la même chose. Deuxièmement, dans son intervention de Lourdes, le pape parlait de parents qui se voient refuser une indication inspirée par la foi dans un contexte de persécution. Je ne crois pas que ce soit vraiment le cas au Québec à l'heure actuelle, surtout si on se rappelle l'intervention du groupe qui a précédé le vôtre.

Vous nous invitez à respecter les droits de la majorité. Je pense que nous le faisons dans le projet de loi, mais nous voulons aussi respecter la liberté de conscience de chacun conformément à la Charte des droits et libertés de la personne, que nous avons adoptée en 1974. Ce que nous recherchons, en tout cas pour nous, c'est d'harmoniser le plus possible les droits individuels et collectifs, les droits de la majorité et les droits de la personne. Même si notre formulation n'est pas encore parfaite, nous espérons, après ces audiences, que nous pourrons la parfaire encore plus.

Dans votre mémoire, vous parlez de la loi 40 en disant qu'elle ne laisse aux catholiques que des droits minimaux. Là aussi, je pense que c'est plutôt votre interprétation qui est minimale, parce que les droits qui sont accordés par la loi sont importants; d'abord le droit à un enseignement religieux de qualité - ce qui est très important - le droit à des services de pastorale, le droit à un support au niveau de la commission scolaire, le droit à un projet qui peut refléter les valeurs de la communauté religieuse et, enfin, le droit à la reconnaissance d'un statut confessionnel. Je ne pense pas que ce soient là des droits minimaux.

Vous dites aussi qu'ils sont dépendants de la tolérance et de la bonne volonté des autres. Là aussi, je ne peux pas partager votre avis, parce que le fait d'inscrire ces droits dans une loi constitue précisément la preuve et la garantie qu'ils seront respectés et qu'ils devront être respectés par tout le

monde. Dans votre mémoire, vous dites aussi que l'État a graduellement étouffé depuis vingt ans le projet éducatif chrétien. En fait, ce sera là ma question. J'aimerais que vous nous donniez des preuves qui démontreraient de toute évidence que l'État a étouffé le projet éducatif chrétien. Dans la même veine, j'aimerais vous demander comment votre mouvement définit le projet éducatif chrétien et, selon vous, qui doit définir le projet éducatif chrétien.

Le Président (M. Blouin): M.

Archambault.

M. Archambault: Ce serait toute une histoire à raconter, parce que j'ai participé à l'évolution du système scolaire de la province de Québec dès le début. Je puis dire que je suis quelqu'un d'expérience en ce sens que mes enfants ont été les enfants de la révolution tranquille. J'ai vécu avec eux beaucoup plus que ceux qui sont évidemment à un autre niveau. Ce qui survient à des enfants présente une transformation aussi radicale du système. Il me faudrait évidemment remonter au tout début, à l'action - c'est presque impossible à faire dans les limites de ces débats - où des influences se jouaient pour réclamer le droit d'obtenir des écoles neutres pour - disons-le - le Mouvement laïque de langue française. Nous ne contestons pas son droit de le demander parce qu'il avait autant droit à des écoles que nous. Ces gens ont influencé considérablement le gouvernement du temps, qui a formé la commission Parent. Cette commission a produit un rapport qui a étonné tout le monde. D'ailleurs, c'est là que les parents catholiques se sont joints à une association ou en ont formé une. En ce sens, dans un pays ou une province qui était très catholique à ce moment-là et beaucoup plus catholique qu'elle ne l'est aujourd'hui, on proposait un système d'écoles neutres, à l'étonnement de tous. Quand on relit les quelque 200 mémoires qui ont été soumis à cette commission, on se demande dans quel mémoire ils sont allés piger cela. Donc, ils n'ont pas respecté la volonté de la population à ce moment-là et n'ont pas tenu compte de ces mémoires.

Il y a eu création du ministère de l'Éducation. En principe, nous ne sommes pas contre un ministère de l'Éducation, mais cela s'est fait dans des perspectives qui ont beaucoup étonné les gens. À cette époque, il est entendu que nos institutions scolaires catholiques étaient assez fortes et assez puissantes et qu'elles ont continué avec le même élan à produire les fruits qu'elles ont toujours donnés. Je ne peux que citer certaines parties car, évidemment, pour développer tout cela, il faudrait presque faire un livre.

Graduellement, nous avons perdu nos écoles normales qui formaient des professeurs qualifiés pour enseigner dans nos écoles catholiques. On a dit - il y avait une raison valable en ce sens - que la formation des maîtres se ferait à l'université et qu'elle serait beaucoup plus valable. En somme, on ne peut pas dire qu'il y avait une opposition sérieuse de notre part. Or, l'université a oublié de faire un programme pour la formation de maîtres catholiques capables d'enseigner dans nos écoles catholiques. On a vu, tôt ou tard, la substitution des fameux brevets B, qui étaient encore donnés par certaines écoles normales, par ces fameux brevets À qui émanaient de l'université. On ne peut pas critiquer les professeurs qui portaient ces brevets, puisqu'ils avaient reçu la formation. Graduellement, on s'est aperçu que le professeur dans l'école catholique, sans être contre l'école catholique, sans attaquer en soi l'école catholique, n'avait pas les données adéquates pour enseigner dans l'école catholique.

Tout s'étant suivi, nous avons perdu beaucoup d'institutions qui ont été transformées en cégeps. Le cégep était une formule nouvelle qui devait accomplir des miracles. Nous devons constater aujourd'hui que c'est une formule qui avait besoin d'être rodée avant d'être essayée. C'est presque impossible de dire, de définir toutes ces étapes et de les donner sans réellement faire une recherche qui donnerait les dates, les époques, les moyens et tout ce qui s'est fait. Il est plus qu'évident qu'il y avait une volonté de laïcisation qui, en soi, n'était pas nécessairement mauvaise, que les laïques prennent la responsabilité de leurs institutions. C'était peut-être une chose normale, mais en même temps s'est accomplie une déconfessionnalisation graduelle de ces institutions.

Nous en sommes au projet de loi 40 et M. le ministre emploie un vocable, "les nouveaux aménagements de la confes-sionnalité", qui paraît très attrayant mais nous sommes plus inquiets. En voyant le projet de loi 40 et en l'étudiant, nous avons plutôt l'impression que cela va être le déménagement lent et inexorable de la confessionnalité hors de l'école, une école qui n'a pas de structures pour la soutenir. D'ailleurs, nos évêques ont insisté là-dessus en fin de semaine dernière. Ils étaient inquiets. Ils ont mentionné plusieurs éléments, dont le respect des droits constitutionnels. Ils ont mentionné que, dans le projet de loi 40, ils n'étaient pas tout à fait satisfaits des garanties pour l'école catholique. Il y a deux autres choses qu'ils ont dites, mais qui ne me reviennent pas à la mémoire dans le moment. Je pense que leur pensée correspond passablement à la nôtre à ce sujet.

Le Président (M. Blouin): Cela va,

merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté...

M. Archambault: Si vous me le permettez, M. le ministre avait demandé qui doit définir le projet éducatif.

Le Président (M. Blouin): Oui, cela faisait partie de la question.

M. Archambault: II est plus qu'évident que le projet éducatif chrétien, pour nous, est nécessairement défini par l'Église.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt le mémoire du Mouvement scolaire confessionnel. Je n'ai pas l'intention de le commenter longuement parce que les thèmes touchés sont pratiquement les mêmes que ceux que nous avons discutés à propos de la présentation du mémoire de l'Association des parents catholiques. Je pense qu'il y a une parenté de vues, presque de domicile entre les deux organismes. J'ai vu que les adresses sont voisines. C'est tout à fait légitime, d'ailleurs, que les communications puissent exister ainsi. Je pense que les thèmes de fond sont les mêmes et que les idées de fond que chacun avait à exprimer là-dessus ont été émises. Je voudrais simplement vous dire que, sur l'objectif de fond que vous poursuivez, je pense qu'il y a de nombreux membres de la députation qui voient avec beaucoup de sympathie les valeurs que vous voulez préserver à l'intérieur du système d'enseignement.

Le problème qui se pose, comme vous le savez, est celui de trouver des accommodements qui vont tenir compte des changements de mentalité survenus au cours des 20 dernières années. Vous les avez d'ailleurs évoqués dans votre mémoire. Là-dessus, je vais vous poser juste une question. D'après ce que je comprends de votre mémoire, vous voulez qu'on maintienne le système d'écoles catholiques qu'on a eu. Pouvez-vous me dire ce que vous comprenez - je pense que c'est le premier voeu que vous émettez à la dernière page... On va prendre les termes exacts pour ne pas se tromper: "le maintien de son système scolaire catholique;". Voulez-vous me rappeler tout ce que cela doit comporter et me dire comment on va aménager des services qui vont être réservés aux autres secteurs de la société?

Le Président (M. Blouin): M.

Archambault.

M. Archambault: Je crois que nous avons au Québec un système qui répond aux demandes de ceux qui sont concernés, soit les parents. Nous avons un système de commissions scolaires catholiques et nous avons un système de commissions scolaires protestantes. Les seuls qui, en quelque sorte, sont lésés sont les autres, ceux qui ne veulent ni d'un système catholique, ni d'un système protestant. Il est plus que certain que l'aménagement d'un secteur autre, non pas dans toute la province, mais là où le besoin se fait sentir, serait leur faire justice.

On semble vouloir... Pour accommoder ces autres - parce qu'il faut admettre qu'il y a eu une évolution dans la province de Québec, nous l'admettons et nous la constatons autant que les autres - il n'est pas nécessaire de chambarder tout le système. Même en étudiant le projet de loi 40 - je suis administrateur depuis 30 ans - je me demande par quels moyens on va réellement réaliser cette loi et ce qu'elle occasionnera dans les écoles. Je n'y vois rien qui puisse permettre à l'école d'évoluer dans un sens positif. Ce sont une foule de mesures administratives; à part le fait qu'on rend l'école non confessionnelle, il n'y a que des règles administratives, des règles de fonctionnement. C'est à peu près tout ce qui est contenu dans le projet de loi 40 et toutes ces choses pourraient être faites sans chambarder tout le système scolaire.

La seule chose qui est le but du projet de loi 40 est d'enlever à la confessionnalité l'importance qu'elle a actuellement dans nos écoles en rendant toutes les écoles pluralistes, laïques et ouvertes à tous. Cela ne convient pas du tout à l'éducation de nos enfants chrétiens. Cela ne convient pas plus à l'éducation des enfants protestants; cela ne convient pas plus à l'éducation des enfants de toute autre dénomination ou qui n'ont pas de foi. Cela ne satisfait personne et on l'a vu par les protestations qui se sont dressées partout dans la province sur ce projet de loi.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Archambault. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Je veux saluer les représentants du Mouvement scolaire confessionnel. C'est bien sûr qu'à travers votre mémoire, on sent que vous proposez le maintien des commissions scolaires confessionnelles comme, d'ailleurs, l'Association des parents catholiques qui s'est présentée ce matin.

Il faut dire, M. Archambault, que de nombreuses associations se sont présentées devant la commission parlementaire qui sont favorables à des commissions scolaires linguistiques. Je vais simplement et rapidement nommer la fédération des commissions scolaires, la fédération des

comités de parents, la fédération des principaux d'écoles, la fédération des cadres scolaires, les comités de parents, le Comité central des parents de la CECM, section francophone, et j'en oublie. Du côté anglophone, Alliance Québec, l'Église Unie, le comité régional des parents de Baldwin-Cartier, l'association des professeurs catholiques et protestants, la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université McGill. (17 h 30)

Je pense, M. Archambault, qu'il y a une espèce de consensus face à ce que propose le projet de loi 40, soit des commissions scolaires linguistiques. Je pense qu'il y a un consensus et une espèce d'évolution. Je sais bien que vous avez fait beaucoup d'histoire tout à l'heure en revenant au passé. Vous avez dit que M. Lesage avait été battu à cause de l'éducation. Vous avez parlé de Daniel Johnson. Vous avez parlé aussi de M. Bertrand, en 1969, et de la loi 62. Vous avez parlé de M. Bourassa et de la loi 28. Je pense que vous allez parler de M. Lévesque et de la loi 40. Je crois qu'il y a quand même une évolution qui se fait. Chaque gouvernement a essayé, à sa façon, de respecter l'évolution québécoise au point de vue scolaire. Aujourd'hui, on en est rendu, avec toute l'évolution et les lois qui ont été adoptées, à donner un pouvoir plus grand aux parents dans la communauté où se vit le projet éducatif, qu'il soit chrétien ou qu'il soit autre. J'irai même assez loin, M. Archambault, sur cette question. Dans votre commission scolaire, une commission scolaire qui ne serait pas confessionnelle, comment pouvez-vous penser que la population d'une école qui veut un projet éducatif chrétien ne pourra pas réaliser ce projet éducatif chrétien si, majoritairement, la population, les enfants, les enseignants, le directeur et le commissaire rattachés à cette école veulent ce projet éducatif chrétien?

M. Archambault: Selon les dispositions du projet de loi 40 et même dans la situation actuelle, ils ne pourraient pas du tout le réaliser s'ils sont soumis aux dispositions de la charte qui fait une discrimination du fait qu'on aura un projet éducatif qui, comme on l'a dit dans le mémoire, serait omniprésent. On serait à la merci, premièrement - c'est un des points -de toute personne qui se plaindrait de la présence de catholiques. L'école ne pourrait pas être ouverte. Il faudrait qu'elle soit entièrement fermée parce que la moindre personne qui ne serait pas catholique et qui s'opposerait à ce projet éducatif chrétien pourrait aller devant les tribunaux et, comme cela s'est fait d'ailleurs aux États-Unis à plusieurs reprises, ferait casser le projet éducatif chrétien.

Deuxièmement, pour mener à bien un projet éducatif chrétien, les règlements du comité catholique sont très clairs. Ils spécifient bien que tout le personnel - c'est une vie qui est vécue à l'intérieur... L'enfant est éduqué dans le milieu où il vit, soit à l'école, à la maison et dans les loisirs. Il n'est pas indifférent que les parents disent quelque chose à la maison et qu'à l'école, sans mauvaise volonté, sans mauvaise intention, le professeur contredise ce qui s'est dit à la maison. Il n'a pas les mêmes croyances. C'est très important, surtout à l'école primaire et même au secondaire, que l'enfant, pour son équilibre et son jugement, puisse constater qu'il y a une unité de pensée dans son éducation. Autrement, qu'arrive-t-il? Il arrive ce qui arrive présentement. Il y a des jeunes qui sont entièrement perdus. Ils se consultent entre eux. Il y a d'ailleurs dans la fameuse polyvalente cette espèce de "group conformity" qui est observé depuis bien des années et même avant qu'on instaure la polyvalente ici au Québec. La polyvalente est-elle une école ou un lieu de manipulation des enfants? On peut se poser des questions. Ce serait presque impossible dans une polyvalente. À l'école primaire, si nous n'avons pas le personnel... Jusqu'à maintenant, le comité catholique pouvait spécifier et demander au directeur de respecter le projet. Il pouvait demander aux enseignants de respecter le projet et l'exiger. Il choisissait les manuels. Tout cela disparaît avec les modifications à la loi du comité catholique. Ce projet, sous le projet de loi 40, est encore plus difficile à réaliser qu'il l'est maintenant.

M. Champagne (Mille-Îles): M. Archambault...

M. Archambault: Si vous me le permettez, vous avez parlé de commissions scolaires linguistiques. Ce qui m'étonne et ce que je ne comprends pas - peut-être que vous pourrez me l'expliquer - c'est qu'on parle de commissions scolaires linguistiques. Au Québec, nous avons toujours eu des commissions scolaires françaises et des commissions scolaires anglaises. Nous les avons. Seuls les anglo-catholiques pourraient peut-être demander quelque chose de plus. On se demande ce que vient faire cette division linguistique qui, en somme, est factice, parce que nous l'avons toujours eue. La seule différence, c'est que l'on fait disparaître le mot "confessionnel". Cela m'étonne et même je connais beaucoup de gens qui ont de la difficulté à en comprendre la raison. Veut-on diviser les Québécois sur la question de la langue et de la religion? Qu'est-ce que c'est? La division linguistique ne me dit absolument rien et il en est de même pour beaucoup de gens. On

ne voit pas pourquoi, parce que nous avons toujours eu des commissions scolaires françaises et des commissions scolaires anglaises. Comme je l'ai dit, seuls les anglo-catholiques pourraient réclamer quelque chose à ce sujet.

M. Champagne (Mille-Îles): M. Archambault, je veux quand même rectifier. Je pense qu'au Québec, on est d'une générosité absolument exemplaire, on a un système catholique et protestant. On a un système catholique et protestant francophone aussi. On a le secteur privé et le secteur public. On a peut-être six systèmes différents reliés au ministère de l'Éducation. Je pense qu'on est assez pluraliste et très généreux. Je veux revenir sur le fait que lorsqu'on parle d'une école responsable où 95% de parents veulent une école responsable qui soit plutôt autoritaire et que tout le monde veut que la religion soit la teinte dans l'éducation de cette population, comment voulez-vous que cela ne se réalise pas? Je ne sais pas, mais je suis réticent à la réponse que vous avez donnée tout à l'heure à ce sujet.

M. Archambault: Je vais vous dire que les ingrédients nécessaires seront très difficiles à réunir. On ne pourra pas forcer le directeur à respecter le projet éducatif chrétien, on ne pourra pas forcer les enseignants à le respecter; tout le matériel didactique, les programmes et les manuels seront décidés au ministère de l'Éducation qui n'a pas à faire de faveurs toutes spéciales aux catholiques. Alors, ces manuels seront pensés en fonction de l'ensemble de la population. Vous avez un des problèmes les plus critiques: l'éducation sexuelle.

L'éducation sexuelle dans une école chrétienne va respecter la morale chrétienne, va être rattachée à la morale chrétienne et à l'enseignement de la religion. Alors, le manuel qui a été approuvé en une espèce de "blitz" au mois de mai en quinze jours par les comités de parents ne reflète pas cela du tout. C'est presque le même programme qui avait été refusé et qui avait essuyé un tollé avant même qu'il soit accepté. On a fait un magnifique préambule à ce projet. On a enlevé quelques pages qui choquaient et par les comités de parents, en un "blitz" de deux semaines, on a fait tout approuver. Alors, je crois que la même chose peut facilement se reproduire parce qu'il n'irrite personne et qu'il y a toutes sortes de tendances dans l'école et dans tous les échelons du ministère de l'Éducation. Alors, nous sommes sujets à être manipulés. Si nous avons notre école catholique bien protégée juridiquement, nous savons ce que nous pouvons faire et nous pouvons le faire. Si nous n'avons pas les moyens, c'est inutile d'y penser.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Champagne (Mille-Îles): M. Archambault, merci de vous être présenté devant nous.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux saluer M. Archambault, M. Beaudoin, Mme Charette. Ce n'est pas la première fois que nous échangeons des opinions sur ce sujet. Il y a des points de vue ou des inquiétudes que vous exprimez avec lesquels je suis d'accord. Par exemple, quand vous dites que le projet de loi 40 vous apparaît plutôt comme une réforme de structure qu'une réforme en profondeur qui pourrait améliorer les écoles, cela fait trois semaines que de part et d'autre on s'interroge à ce sujet. Je reconnais aussi votre préoccupation et le rôle très vigilant que vous avez exercé vis-à-vis de la confessionnalité des écoles, du respect du caractère catholique des écoles et de la nécessité d'avoir des valeurs spirituelles dans l'école. Je n'ai pas l'habitude de défendre les documents du gouvernement, quoique je sois capable de reconnaître ce qu'il y a de positif ou ce que je juge moins positif. Il y a un peu de suggestif là-dedans. Mais je pense que dans le livre orangé, dans les grands objectifs de l'éducation, on parle aussi de la dimension spirituelle, de la formation de l'enfant et de l'éducation. On en parle d'une façon assez détaillée.

Là où j'ai de la misère à être d'accord avec vous, c'est sur deux points. Quant au premier, je dois vous dire, M. Archambault, en toute honnêteté, que l'interprétation que vous faites de la mauvaise qualité de l'éducation dans l'école ne correspond pas exactement à la conception que vous vous faites de l'école catholique. Je vous trouve même très sévère parce que si on regarde les exemples que vous donnez particulièrement en page 7, il semblerait que l'école qui est l'école neutre ou encore l'école qui n'a pas le projet éducatif catholique conduit à une espèce de dégradation morale de la personne. Je vous dirai, par exemple - ma collègue, qui est ma conscience protestante dans cette commission, pourra me corriger - qu'on a eu plusieurs représentations du milieu protestant. On sait fort bien que, même si les écoles protestantes sont officiellement confessionnelles, selon la constitution, l'enseignement religieux y est très limité. L'optique générale de la formation spirituelle y semble bien différente de celle de nos écoles catholiques. Je ne voudrais certainement pas tirer la conclusion que leur système d'éducation est un système qui - si

je me réfère à ce que vous dites - en est un qui conduit à une espèce de dégradation. On pourrait dire la même chose des écoles de l'Ontario, ou d'une école où il n'y aurait même pas de principes moraux qui seraient développés chez les enfants. Vous faites allusion aussi au rapport américain "The Nation at risk". J'en ai lu au moins le résumé. Je ne vous dirai pas que j'ai lu toute l'étude, en je ne sais pas combien de volumes de "The Nation at risk", mais j'ai au moins lu un résumé de ce rapport américain sur l'éducation aux États-Unis. C'est vrai que les conclusions en sont pessimistes. On faisait bien davantage référence par exemple, au manque de rigueur intellectuelle dans la formation, au manque d'exigences, à la qualité des professeurs, à leur motivation peut-être. Je ne crois pas qu'on faisait allusion à l'enseignement religieux puisque, dans les écoles américaines, il n'y a pas d'enseignement religieux.

La question que je veux vous poser s'adresse peut-être davantage à M. Beaudoin, ou si M. Archambault veut répondre... Je sais que M. Beaudoin a été directeur d'école, je ne sais pas s'il l'est encore. Vous l'êtes encore?

M. Beaudoin (Benoît): En voie de retraite.

Mme Lavoie-Roux: En voie de retraite. Je sais que M. Beaudoin partage avec beaucoup de conviction ce que le président du Mouvement scolaire confessionnel vient d'exprimer. Même si j'imagine qu'à l'intérieur de votre école, vous avez dû développer un projet éducatif chrétien, fondé sur toutes les valeurs dont vous parlez dans votre rapport, dans votre école comme dans d'autres écoles, est-ce que la qualité de l'éducation est souvent remise en question parce que, du point de vue de la nature des programmes, de la nature des exigences, de la nature de la discipline, j'ai l'impression que vous semblez identifier la qualité de l'école uniquement à la conception que vous vous faites de l'enseignement religieux catholique. J'aimerais avoir votre opinion.

M. Beaudoin: Toute rédaction de rapport est un rapport de comité, chacun y a apporté sa contribution. Je dirais que, dans notre système, ici, au Québec, actuellement, dans nos écoles et même je dirais que, plus dans les écoles où j'étais moi-même, que j'ai dirigées pendant de nombreuses années, plus d'un quart de siècle, la question ne se pose pas de cette façon. On cherche plutôt à savoir quelle est la qualité de vie de cette école. Il surgit toutes sortes d'événements qui font que l'atmosphère est troublée par une question parfois d'ordre idéologique ou autre chose, mais il n'en demeure pas moins qu'au niveau d'une école, une direction d'école avec les agents de l'éducation qui y travaillent, s'il y a, en principe, au sommet l'acceptation d'une orientation générale de l'école dans le sens d'un projet donné, disons un projet éducatif chrétien, il est beaucoup plus facile de le réaliser au niveau de l'école, mais s'il n'y a pas cet appui au sommet, que ce soit au ministère ou au niveau des commissions scolaires ou des directions régionales, c'est plus difficile. Je répondrais au député après coup que cela peut quand même rester possible d'une certaine façon parce que c'est toujours au niveau de l'école que l'on exécute un travail donné d'éducation ou d'instruction; c'est là que les choses se passent. C'est vrai puisque, même dans un système confessionnel, on peut s'avouer que, parfois, certaines écoles ne réalisent pas ce qu'on appelle le projet éducatif chrétien parce qu'il n'est pas suffisamment soutenu, parce que le milieu n'est pas suffisamment convaincu ou bien le milieu a évolué, comme le disait M. le ministre. Il y a des évolutions qui sont bonnes et d'autres qui sont moins bonnes. (17 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Dans le contexte actuel, on a, au niveau de la commission scolaire, au niveau du ministère de l'Éducation, avec les comités catholiques et protestants, au niveau des commissaires, des commissaires catholiques, puisque M. Archambault nous a dit qu'il travaille très fort pour les faire élire et défendre les valeurs auxquelles vous croyez et que je partage, peut-être pas toujours de la même façon, remarquez bien, les modalités peuvent différer. Il reste qu'on a présentement, dans nos écoles, beaucoup de problèmes justement pour créer ce climat ou développer ce projet éducatif chrétien, compte tenu que même à l'intérieur de nos écoles les enseignants pour la très grande majorité, je dirais presque la totalité, sont de foi catholique, baptisés, etc., mais n'évoluent peut-être pas nécessairement selon un cadre absolument précis qui semble être celui du Mouvement scolaire confessionnel et dans lequel je ne trouve pas beaucoup de place pour une évolution normale dans la société et qui, quelquefois, est pour le mieux, elle n'est pas toujours pour le pire, vous savez.

M. Beaudoin: On souffre des difficultés de la société. On est dans des contingences difficiles. Prenez les arts, les lettres, le cinéma et le reste. J'avoue qu'à la direction d'une école, ce n'est pas une sinécure quand on considère de quelle façon l'enfant arrive à l'école, après avoir été des heures devant la télévision, regardant des films de toute nature, recevant des informations qui sont souvent des "désinformations", et le reste, et le reste. C'est évident que ce n'est pas une sinécure. Il est évident que le milieu scolaire d'un territoire donné desservi par une école

subit toutes les influences du milieu et que notre action véritable devrait peut-être porter davantage sur le milieu adulte pour favoriser une meilleure marche de l'école, pour favoriser un milieu de vie supérieur à celui qu'on peut difficilement atteindre à travers les idéaux qu'on peut avoir. Si on corrigeait peut-être le milieu adulte, comme il semble se dessiner certaines campagnes orchestrées sur la pornographie, etc., peut-être que cela aiderait. Mais encore là, je ne suis pas ici pour rêver en couleur mais pour dire, comme ceux qui font partie du Mouvement scolaire confessionnel, que ce sera plus difficile de réaliser une école catholique avec tout ce qu'elle constitue dans sa manière de vivre, si nous n'avons pas les garanties suffisantes dont nous disposons actuellement et qui sont presque balayées par le projet de loi 40 qui, tel que rédigé dans le moment, causera certainement de nombreuses difficultés de mise en place.

Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.

M. Archambault: J'aimerais corriger un petit peu l'impression que vous avez laissée au sujet de ce que j'ai dit sur l'école laïque et neutre. Je ne l'appliquais certainement pas aux écoles canadiennes et encore moins au secteur protestant, parce que j'admire dans le secteur protestant la conservation de principes qui sont, qu'on le veuille ou non, d'origine chrétienne, qui se sont transformés et adaptés peut-être... Mais je ne voudrais pas que ces phrases soient prises par Mme Dougherty ou d'autres comme s'appliquant au système scolaire anglo-protestant.

Évidemment, aux États-Unis, on étudie certaines choses. Mais j'ai un petit passage ici de la revue Newsweek. On parle de l'école St. Michael dans un milieu défavorisé de Los Angeles. Je cite la traduction: "Cette école, que les étudiants blancs ont fui presque complètement est composée de 75% d'enfants noirs, 17% d'enfants d'origine hispanique; 25% du total des enfants sont non catholiques. Cette école a été abandonnée par le secteur public. Les autorités religieuses ont décidé de ne pas abandonner ces enfants qui sont étiquetés irrécupérables par l'école publique. Pourtant, ces mêmes élèves, aujourd'hui, travaillent avec ardeur, obéissent au règlement et leurs résultats scolaires sont supérieurs à ceux de leurs confrères des écoles publiques. Je remercie Dieu que des religieuses aient accepté de demeurer dans cette école. Elles ont sauvé une génération d'enfants", dit M. Gérald Grant, de l'Université de Syracuse, qui fait présentement une étude sur l'école publique et l'école privée.

Tout ceci se passe en 1981, dans un pays d'où nous avons tiré nos expériences scolaires les plus déplorables.

Quand j'ai parlé de cette expérience, évidemment on ne peut pas... C'est assez volumineux. Aux États-Unis, dans certains lieux, dans certaines parties des États-Unis, la dégradation de l'école, il faut aller voir. Je suis allé aux États-Unis, j'ai voyagé, j'ai été l'invité d'un doyen d'une faculté de psychologie dans une université et l'on constate la dégradation graduelle. Mais c'est plus qu'évident que ces écoles ont complètement abandonné tous les principes chrétiens, tous ces principes qui forment la base de notre civilisation occidentale. Qu'on le veuille ou non, la base de notre civilisation occidentale, comme le rappelait M. André Frossard, est tout de même une fondation judéo-chrétienne qui a permis à l'Occident un développement extraordinaire comparativement aux autres peuples.

Alors, on ne peut renier totalement... Cela ne veut pas dire que tout le monde doit être catholique et pratiquer la religion catholique pour être bon ou produire de bonnes écoles. Mais nous, catholiques, qui avons un système, on nous enlève ce que nous avons, puis on nous dit: On va vous le redonner. C'est ce qui nous étonne et on se demande pourquoi. Nous les avons, nous tenons à les conserver: Nous avons nos commissions scolaires catholiques, cela va bien et nous tenons à les conserver.

Donnez à ceux qui ne sont pas satisfaits et qui n'ont pas ce qui leur est dû, mais pourquoi nous enlever ce qui nous appartient?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Archambault.

Mme Lavoie-Roux: Je remercie M. Archambault de son exemple et je veux lui dire que je me réjouis, tout comme lui, que ce type d'expérience soit fait, permettant justement de donner une deuxième chance, si on peut s'exprimer ainsi, à des enfants que la société juge comme irrécupérables. Dans un projet comme celui-là, autant on peut apporter une dimension chrétienne, autant aussi on peut voir des projets qui ont connu du succès et dont le succès repose en grande partie aussi sur la sensibilité des professeurs aux besoins particuliers de ces enfants, aux standards qu'on établit pour eux et, surtout, à la confiance qu'on est capable de créer chez eux. Enfin, c'est le résultat d'une équipe qui peut mettre ensemble toutes ces choses, auxquelles peut s'ajouter aussi la dimension chrétienne. Je pense qu'il n'y a pas d'absolu dans ces choses. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. MM. Archambault, Beaudoin et Mme Charette, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie d'avoir participé à nos travaux. Sur ce, la commission élue permanente de

l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise de la séance à 19 h 40)

Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous entendrons donc ce soir successivement, d'abord le Comité de l'école FACE et ensuite, les représentants de la Commission scolaire régionale de Chambly.

Puisque les représentants de notre premier groupe invité se sont déjà installés à la table des invités, je leur demande donc de s'identifier et par la suite, de nous présenter le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes, en leur rappelant que nous avons une période d'une heure qui a été réservée pour entendre leur mémoire et procéder aux échanges entre eux et les membres de la commission parlementaire.

Comité de l'école FACE

Mme Goyer (Andrée): Je suis Andrée Goyer, présidente du Comité de l'école FACE, Mme Simone Banon, enseignante à l'école et M. Michel Lizée qui est un autre parent du comité d'école. Nous regrettons l'absence de M. Baugniet qui est le directeur de l'école et qui ne peut être avec nous ce soir, pour cause de maladie.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Vous pouvez procéder, madame.

Mme Goyer: Ce document a été adopté à l'unanimité par le comité d'école lors de sa réunion d'octobre 1983 avec l'appui du conseil d'école. Il vise à rappeler les objectifs de l'école FACE et à préciser les difficultés et les risques que soulève, selon nous, le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public quant au maintien de l'école dans son fonctionnement actuel. Il importe de signaler dès le départ que nous ne prenons pas position, ici, sur ce projet de loi.

Nous nous sommes plutôt posé la question suivante: "Dans l'éventualité où le projet de loi 40 était adopté, qu'est-ce qui arriverait à l'école FACE? Ce mémoire qui s'appuie sur une volonté commune de maintenir l'école FACE, vise donc à envisager les implications de ce projet de loi et à suggérer les aménagements requis pour réaliser cet objectif de maintien de l'école FACE. Comme on l'a souligné dans ce texte, on n'aborde pas une prise de position en faveur ou contre le projet de loi 40. On considère l'éventualité qu'il soit accepté et notre place dans ce projet.

La première partie est une description du projet éducatif de l'école: FACE: un projet éducatif original. Les beaux-arts sont la raison d'être de l'école FACE. Elle n'est pas une école élitiste visant à former des musiciens, des artistes ou des dramaturges. Nous sommes convaincus qu'un enseignement axé sur les arts peut produire chez les enfants des conditions souhaitables d'apprentissage et ce, en vue d'une évolution positive sur les plans intellectuel et affectif.

En 1975, la Commission des écoles protestantes du grand Montréal a approuvé la création d'une école orientée vers les beaux-arts, située dans le centre-ville de Montréal et offrant un programme en français et en anglais. Huit ans plus tard, plus de 900 enfants sont inscrits à cette école, depuis la maternelle jusqu'à la 11e année inclusivement. Le secteur francophone regroupe les deux tiers de ceux-ci, le secteur anglophone, l'autre tiers. Ces enfants proviennent de tout le territoire de la région métropolitaine de Montréal et sont attirés par une école publique dont le projet éducatif est unique.

Ce projet éducatif, riche d'une expérience acquise depuis 1975, met l'accent sur l'apprentissage de la musique, du théâtre et des arts plastiques. Chaque enfant a l'occasion d'apprendre à son propre rythme, dans un environnement créatif et harmonieux. L'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul et des autres matières théoriques se fera naturellement ou en harmonie avec l'enseignement axé sur les beaux-arts. De fait, une analyse comparative des résultats des élèves de FACE aux examens du secteur primaire de la CEPGM permet de constater que, de façon générale, les résultats obtenus à FACE sont supérieurs à la moyenne des résultats obtenus dans l'ensemble de la commission. Les élèves de FACE réussissent de façon très satisfaisante les examens du ministère de l'Éducation pour le secondaire IV et V. Enfin, tous les finissants de FACE en secondaire V ont été admis à l'institution d'enseignement post-secondaire de leur choix. En inscrivant nos enfants à cette école, c'est à ce projet éducatif que nous avons souscrit en tant que parents.

Nous avons également choisi l'école FACE à cause de ses caractéristiques suivantes: l'école dispense des enseignements parallèles en français et en anglais, ce qui permet à l'enfant de mieux connaître sa propre culture tout en favorisant le contact avec l'autre communauté culturelle. Il faudrait ajouter que, grâce à la diversité de l'origine ethnique des enfants inscrits à l'école FACE, l'école favorise le contact avec d'autres communautés culturelles et contribue ainsi à développer l'esprit d'ouverture et de tolérance des enfants.

L'école favorise le développement intellectuel et affectif équilibré de l'enfant.

En effet, au-delà des enseignements académiques qui se font dans le cadre des classes régulières, l'école prévoit la mise sur pied d'un groupe stable d'enfants d'âges variés à l'intérieur d'un même cycle que nous appelons une famille. Cette famille est sous la responsabilité d'un professeur "chef de famille" et se rencontre au moins une fois par jour. L'appartenance d'un enfant à une même famille pendant toute la durée d'un cycle, trois ans, lui permet une plus grande sécurité affective et un développement accru de son sens des responsabilités.

L'école met l'accent sur la participation des parents. Le rôle des parents est conçu comme un soutien affectif et constructif au projet éducatif de l'école. Nous collaborons à l'organisation de certaines activités à l'intérieur des familles et participons comme ressources humaines selon nos capacités et disponibilités pour améliorer la vie dans l'école.

Enfin, au-delà de la foi que nous avons dans le projet de l'école FACE, il importe de souligner l'insertion de l'école dans la communauté montréalaise et québécoise et la reconnaissance de la qualité et de l'originalité de son projet, comme en témoignent les exemples suivants: la participation de la chorale de l'école à des concerts de l'Orchestre symphonique de Montréal; la production, par le Service général des moyens d'enseignement du ministère de l'Éducation, d'un film décrivant l'expérience que nous menons; une invitation, par l'Association canadienne des professeurs de musique, à la chorale de l'école pour que celle-ci se produise en concert lors du dernier congrès de cette association qui s'est déroulé au Nouveau-Brunswick en mai 1983.

En deuxième partie, l'école FACE et le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Le projet éducatif de l'école FACE, lequel s'est progressivement affirmé depuis 1975, situe d'emblée cette école alternative dans le cadre des objectifs du projet de loi 40. N'y est-il pas dit, à l'article 28, que "l'école est un établissement d'enseignement, sous l'autorité d'un conseil d'école, qui est destiné à assurer l'éducation des élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de l'école et des élèves"?

De plus, n'y reconnaît-on pas "le droit des parents de choisir l'école qui réponde le mieux à leurs préférences ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs"? Pourtant, nous nous interrogeons sur la survie de l'école FACE une fois que ce projet de loi sera en vigueur, et nous voulons vous soumettre dès le départ les difficultés que nous appréhendons. Celles-ci tournent autour des enjeux suivants: le statut linguistique, la commission scolaire dont l'école relève et le territoire desservi, le financement et la participation des parents à la gestion scolaire.

Le statut linguistique. Une école peut-elle avoir un statut linguistique anglophone et francophone? Dans le cas des commissions scolaires, exception faite des commissions scolaires confessionnelles et dissidentes visées au chapitre IX du projet de loi, elles sont de statut linguistique francophone ou anglophone (article 133). Les articles 29 et 137 semblent également indiquer que le statut linguistique d'une école est soit francophone, soit anglophone. Même les écoles à vocation régionale ou nationale se voient attribuer un statut linguistique (article 33).

N'y aurait-il pas lieu de prévoir dans la loi la possibilité pour une école d'obtenir un statut linguistique francophone et anglophone, au moins dans certains cas exceptionnels? Ceci permettrait à une école comme FACE de conserver son caractère de dualité culturelle, tout en permettant aux élèves de recevoir leur éducation en français ou en anglais, selon les cas.

Le rattachement à une commission scolaire et le territoire desservi. Si nous comprenons bien le projet de loi 40, la commission scolaire se voit attribuer un territoire et s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées sur son territoire. En ce sens, le droit des parents de choisir l'école qui répond le mieux à leurs préférences ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs est restreint par le territoire de la commission scolaire linguistique où se trouve leur domicile; la capacité d'accueil, et la disponibilité du transport scolaire au-delà de certaines normes de base.

La seule soupape prévue se trouve à l'article 201, qui prévoit la possibilité d'ententes entre commissions scolaires. Ces restrictions mettent en cause la survie même de l'école FACE. En effet, se pose d'abord le problème du rattachement administratif de l'école FACE, soit à une commission scolaire linguistique, francophone ou anglophone, soit à la Commission des écoles protestantes du grand Montréal. Sans préjuger du choix qui sera fait, on peut déjà dire que le territoire de cette commission scolaire sera beaucoup plus petit que l'actuel territoire de la CEPGM, ce qui réduira le territoire desservi par l'école. Dans un contexte de carte scolaire plus complexe et de territoires davantage morcelés pour l'île de Montréal, sera-t-il possible de signer les ententes prévues en vertu de l'article 201 avec toutes les commissions scolaires de façon à conserver l'aire de rayonnement actuel de l'école FACE?

Enfin, compte tenu notamment des articles 18 et 209, pourra-t-on assurer des services de transport scolaire,

particulièrement aux élèves de la maternelle et de la première à la troisième année? Nous sommes conscients des coûts impliqués. Nous sommes prêts à rechercher des aménagements acceptables, mais, sans transport scolaire, une école à vocation métropolitaine peut difficilement survivre.

Il nous semble qu'il y a peut-être une voie de sortie, applicable à FACE et peut-être à d'autres écoles alternatives à vocation régionale, à savoir que le ministre de l'Éducation reconnaisse FACE comme une école à vocation métropolitaine ou régionale, au sens de l'article 33, désigne comme territoire le bassin présentement desservi par l'école FACE, détermine la commission scolaire dont l'école relève après consultation du conseil d'école et lui octroie un statut linguistique francophone et anglophone.

De plus, afin de ne pas pénaliser la commission scolaire dont l'école relèverait et qui accueillerait de nombreux élèves provenant d'autres commissions scolaires, il y aurait lieu de prévoir des conditions particulières d'attribution des ressources financières ou l'octroi d'une subvention spéciale au sens des articles 301 et 302 pour cette commission scolaire. Il faudrait, enfin, assurer les services particuliers propres à une école à vocation régionale ou nationale.

La participation des parents. Enfin, compte tenu du caractère métropolitain d'une école comme FACE, un certain nombre d'obstacles pourraient empêcher la pleine participation des parents, particulièrement en ce qui a trait à l'élection du commissaire d'école. Le problème se posera de la même façon pour les diverses écoles à vocation régionale ou nationale.

N'y aurait-il pas lieu d'établir, pour l'école FACE ou d'autres écoles à vocation régionale ou nationale, une section de vote particulière permettant ainsi à l'ensemble des parents des enfants de cette école, y inclus ceux dont le domicile est éloigné de l'école, d'y exercer leur droit de vote?

En plus de cet amendement à l'article 141, n'y aurait-il pas lieu de faire un amendement analogue à l'article 145 et de permettre d'élargir l'éligibilité, dans le cas des écoles à vocation régionale ou nationale, à l'ensemble des électeurs qui ont un enfant fréquentant cette école? Ainsi, serait assurée la participation pleine et entière des parents à l'école FACE, aux autres écoles à vocation régionale ou nationale, à l'ensemble des mécanismes de participation prévus par le projet de loi 40.

Conclusion. L'école FACE doit survivre. Tel est le cri que vous lancent, M. le ministre, les parents et le personnel de l'école. Nous pensons que des aménagements mineurs du projet de loi 40, en ce qui a trait au statut linguistique, au rattachement administratif, au territoire desservi, au financement de l'école et au mode d'élection du commissaire de l'école FACE, garantiraient la poursuite du projet éducatif auquel nous croyons profondément tout en permettant de nous adapter au projet de réforme envisagé.

Nous vous remercions, M. le ministre, de l'attention que vous nous avez apportée et espérons qu'il vous sera possible de donner suite à nos préoccupations.

Le Président (M. Blouin): Mme Goyer. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais remercier particulièrement le Comité de l'école FACE pour le mémoire qu'il vient de nous présenter. J'ai eu le plaisir de rencontrer longuement le dévoué directeur de cette école, M. Philippe Baugniet, ainsi que les membres du comité. J'ai pu m'entretenir longuement, non seulement de l'origine de l'école FACE, de son fonctionnement, de ses caractéristiques particulières, de son rendement qui est excellent, mais aussi des interrogations, des inquiétudes, sans parler des problèmes que pouvait lui causer son insertion à partir du projet de loi 40. Donc, le problème m'est déjà assez familier. Je sais aussi que le comité de l'école FACE a rencontré à quelques reprises également des représentants de la direction régionale et que ses problèmes ont déjà commencé à être discutés amplement à ce niveau.

C'est un cas particulier et il est difficile, par une loi, de prévoir tous les cas particuliers. C'est aussi, on pourrait dire, une école alternative. La loi prévoit le cas des écoles alternatives. On peut même dire que l'exemple des écoles alternatives, qui se sont multipliées au Québec au cours des quelques dernières années à la demande des parents et à la lumière du rendement, du succès de ces écoles, a inspiré le projet de loi et plusieurs de ses articles. On pourrait même aller jusqu'à dire que l'un des buts que poursuit le projet de loi 40, particulièrement par la valorisation de l'école par le transfert à l'école d'un certain nombre de responsabilités, par la mise en place d'équipes-écoles qui élaboreront et réaliseront un projet éducatif, vise à faire de chaque école publique au Québec, une sorte d'école alternative qui répondra aux besoins du milieu et en particulier, des parents.

Donc, on peut dire que l'esprit du projet de loi 40 va sûrement dans un sens qui devrait faciliter l'insertion de l'école FACE à l'intérieur des nouveaux dispositifs que nous prévoyons. Tout cela pour vous dire que nous espérons pouvoir trouver une réponse aux interrogations, aux inquiétudes dont vous nous faites part.

Je crois, sans avoir terminé notre examen, qu'il sera possible de répondre à ces interrogations, à ces inquiétudes et de trouver une solution aux divers problèmes qui

se posent. Encore une fois, mes réponses ne sont pas définitives, mais je veux au moins vous signaler les pistes auxquelles nous pensons et qui nous permettront de vous satisfaire.

Il n'y a pas, pour trouver ces réponses, que les articles de la loi que vous avez mentionnés. Il y en a d'autres. Par exemple, l'article 18 du projet de loi dit que: "Les parents de l'élève ou l'élève majeur ont le droit de choisir l'école qui répond le mieux à leur préférence ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs". C'est là un principe important. (20 heures)

II y a aussi l'article 28 qui dit que: "L'école est un établissement d'enseignement sous l'autorité d'un conseil d'école qui est destiné à assurer l'éducation des élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de l'école et des élèves. Elle a un autre élément significatif.

En raison de ce que vous avez signalé, c'est-à-dire la clientèle de l'école qui vient de partout de la région métropolitaine de Montréal, on peut aussi faire intervenir d'autres articles, par exemple, l'article 33 qui dit que le ministre peut établir une école à vocation régionale ou nationale. Il indique alors le nom de l'école, son adresse, son statut linguistique, son mode d'administration, les services qu'elle offre, son territoire, les biens immobiliers mis à sa disposition et la commission scolaire dont elle relève. En vertu de cet article 33, c'est le ministre qui établit cette école régionale. Le statut linguistique est établi par le conseil d'école et, s'il y a difficulté d'en venir à une entente à ce niveau, le ministre peut donner à une commission scolaire, après entente avec elle, la responsabilité de déterminer le statut linguistique, le nom, le mode d'administration, les services qu'elle offre, son territoire et les biens immobiliers mis à sa disposition, de même que la commission scolaire dont elle relève et son mode de rattachement à la commission scolaire.

Je ne sais pas si on vous a mis au courant que j'ai annoncé un amendement à l'article 33 en vertu duquel on pourra permettre le développement et le maintien de ce type d'école alternative à vocation régionale ou nationale. C'est un amendement que j'ai annoncé au tout début des travaux.

Il y a aussi un autre article qui peut être utilisé et c'est l'article 201, mais celui-là vous l'aviez déjà mentionné dans votre mémoire; je n'y reviendrai donc pas. C'est toute la question des ententes qu'une commission scolaire peut négocier avec les autres commissions scolaires; en l'occurrence, il s'agirait des autres commissions scolaires de l'île. Ce qu'il reste à régler, c'est le mode de représentation des parents au niveau de l'élection. Comme vous le savez, beaucoup de suggestions nous ont été faites en regard du mode électoral. Même si le projet de loi 40 prévoit un mode particulier de suffrage universel, les audiences ne sont pas terminées et il est possible que des amendements importants puissent être apportés à cet égard. Je préfère pour le moment remettre à plus tard la question de l'étude de cette participation des parents au sens de l'éligibilité et au sens de la représentation en ce qui concerne le suffrage; mais nous le ferons dès qu'une décision sera arrêtée.

Enfin, il y a cette décision qui était déjà dans le livre blanc, qui n'est pas d'une certaine façon dans le projet de loi, mais qui constitue un engagement que j'ai déjà pris et que je répète: c'est celui d'instaurer un moratoire sur les fermetures d'écoles à partir de l'adoption de la loi, un moratoire de cinq ans. Ce qui voudrait dire, en tout cas, ce qui donne une assurance à l'école FACE de maintenir son existence pour les cinq prochaines années. Je pense que la somme de ces articles et de leur signification me permet de vous dire que vous n'avez pas d'inquiétudes à entretenir quant à l'avenir d'une école dont j'admire, par ailleurs, les réalisations et dont je considère qu'elles constituent un actif, non seulement pour la communauté montréalaise, mais également pour le système d'éducation au Québec. En ce sens, je n'ai pas d'autres questions à vous poser, mais je pense que mes collègues en auront sur les aspects particuliers de l'école dont vous êtes ici les représentants.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Mme Goyer ainsi que les membres de votre groupe, au nom de notre formation politique, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue et de vous féliciter pour votre mémoire et surtout aussi pour l'initiative que vous avez prise dans le cas de l'école FACE. Je pense que le travail que vous avez accompli au niveau de ce projet éducatif est tout à fait exceptionnel. Cela s'est répercuté un peu partout au Québec, et au cours des années, cela servira sans doute d'exemple. Vous avez aussi démontré hors de tout doute qu'à l'intérieur du système actuel, avec les commissions scolaires existantes, avec nos cadres scolaires, avec vos enseignants dans l'école et avec les moyens, donc, qui sont mis à la disposition des commissions scolaires, on peut organiser un projet éducatif qui rencontre vraiment les aspirations des parents.

Vous êtes allés plus loin que cela encore; vous avez intégré deux communautés, à savoir la communauté anglophone et la communauté francophone. Vous avez pris la

voie de l'entente au lieu de celle de la discorde et c'est tout à votre honneur, autant le personnel enseignant, les parents et la direction de l'école. Cela mérite quand même beaucoup de considération de la part de l'ensemble des Québécois.

Le fait que vous ayez prouvé que, dans le système actuel, on pouvait répondre à nos véritables aspirations, c'est tout à l'honneur du système aussi. Je comprends vos inquiétudes lorsqu'on se retrouve vis-à-vis du projet de loi 40. Le ministre, tout à l'heure, vous parlait des possibilités. Je pense qu'il devra non seulement vous les dire, mais il devra aussi les écrire parce qu'il est important de conserver cet esprit d'initiative qui permet un sens vraiment évolutif de l'enseignement.

Je ne vous poserai pas de question parce que je sais que mes collègues de Saint-Henri et de Jacques-Cartier en ont plusieurs à vous poser, mais je pense que votre témoignage de ce soir est très important et très instructif pour cette commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saguenay. M. le député de Vachon.

M. Payne: J'aimerais partager l'enthousiasme de l'autre côté de la Chambre au sujet de votre projet éducatif. Je pense que ce qui nous revient à l'esprit, ce sont quelques commentaires du ministre, il y a quelques années, lorsqu'il visitait l'école Notre-Dame-des-Neiges, où l'école faisait face à certains problèmes constitutionnels, légaux et ainsi de suite. Il a dit: Effectivement, vous êtes en avant des lois.

Une voix: Merci.

M. Payne: Je pense qu'avec chaque projet avant-gardiste il y a toujours ce problème-là; vous êtes toujours un peu à l'encontre des directives, des règlements, des lois. Or, lorsque surgit un problème comme celui-là, ce ne sont pas vraiment des problèmes, mais plutôt des défis. Je regarde cela dans une optique d'avenir. On devrait faire référence au livre blanc; c'est basé sur certains principes, l'analyse de l'école. On parle du peu de prise des parents et des communautés locales sur les orientations de la vie quotidienne de l'école, de la faible autonomie et du maigre pouvoir de décision reconnu à l'école, de la fragilité et de l'instabilité qui affectent la vie même de l'école, de la taille parfois excessive de l'école et de la difficulté d'y créer un climat humain de qualité.

Vous avez déjà tous ces principes et vous témoignez dans votre vie - je le sais -quelque chose de votre projet éducatif. J'aimerais que vous, vous parliez au sujet de votre projet éducatif tel qu'il existe actuellement et que vous nous expliquiez, par exemple, au niveau de la participation des parents dans l'école, de quelle manière ils sont intégrés dans votre projet éducatif.

Le Président (M. Blouin): Mme Goyer. Mme Banon.

Mme Goyer: Les parents dans l'école. Au départ, à l'origine de l'école, le projet a été suggéré par M. Baugniet, le directeur de l'école. Il a été formulé avec l'ensemble des enseignants qui étaient là et l'apport des parents. Au départ même de cette école, il y avait déjà un consensus des trois éléments composant l'école et la participation concrète des parents, à ce moment-ci, est dans certains projets que certains parents peuvent avoir et qu'ils amènent à l'école. Donc, ils sont un peu, d'une certaine façon, directeurs de groupes à un certain moment, ils sont comme un appui aux enseignants d'une certaine manière, un peu tuteurs de certains enfants pour développer des points faibles. Ils ont une implication à la bibliothèque, ils font certaines représentations au niveau de la commission scolaire quand on a besoin de certaines choses à l'école. Ce sont différentes choses, en fin de compte, des échanges avec l'administration et avec les enseignants.

M. Payne: Les parents ont été présents dès le départ dans la planification du projet éducatif.

Mme Goyer: Oui, ils ont été présents dès le départ, même s'ils n'ont pas été à l'origine de l'idée, c'est-à-dire que l'idée a vraiment commencé avec M. Baugniet qui l'a suggérée aux professeurs, qui a consulté les parents et, finalement, cet ensemble a développé le programme.

M. Payne: Je disais tout à l'heure que vous êtes - et j'ai vu et vous connaissez d'autres écoles mieux que moi sur l'île de Montréal et ailleurs, ces écoles progressistes, ces écoles alternatives - toujours un peu à la périphérie des règlements, des directives et des lois. Pouvez-vous nous raconter brièvement quelques difficultés que vous avez rencontrées en cours de route?

Mme Goyer: Dans le sens de l'intégration des parents dans l'école?

M. Payne: Par exemple, vous parlez d'une école où les élèves viennent de partout sur l'île de Montréal. Vous accueillez au sein de votre école des élèves de chaque communauté linguistique. Selon quels critères d'admissibilité accueillez-vous ces élèves? Par exemple, la loi définirait-elle l'école comme francophone ou comme anglophone?

Mme Goyer: II y a deux secteurs dans l'école, donc deux services d'inscription d'enfants à l'école. Les enfants admissibles à l'école anglaise s'inscrivent à l'école anglaise. Il y a une administration commune, mais ce sont quand même des secteurs parallèles, ce ne sont pas des secteurs conjoints dans l'école. Alors, les enfants francophones sont inscrits comme si c'était à une école française séparée. Pour le choix des enfants, il n'y a pas de sélection selon leurs aptitudes ou ce genre de choses. C'est ouvert à toute la communauté avec un encouragement particulier aux enfants d'une même famille. Comme les inscriptions dépassent largement le potentiel de l'école, c'est tiré au sort.

M. Payne: Au niveau du régime pédagogique qui était l'objet de beaucoup... Nous avons l'habitude d'avoir deux députés qui placotent tout le temps, sans arrêt pendant des heures...

Le Président (M. Blouin): Non, cela va, M. le député.

M. Payne: Au niveau du régime pédagogique qui encadre les règles générales, ou plutôt les sujets de base pour chaque école, avez-vous eu certaines difficultés avec le régime pédagogique, qui était lui-même le fruit de nombreuses consultations? Avez-vous eu des difficultés à rencontrer les exigences du régime pédagogique tel qu'il existe actuellement?

Mme Goyer: Je pense que Mme Banon pourra répondre mieux que moi à cette question, comme elle est impliquée quotidiennement dans l'école.

Le Président (M. Blouin): Mme Banon. (20 h 15)

Mme Banon (Simone): L'école dispense un enseignement parallèle, donc à des enfants anglophones et à des enfants francophones. Les enfants nous arrivent parce que les parents ont adopté ce projet éducatif. Ils l'ont voulu, ils l'ont étudié, ils l'ont accepté, ils nous ont donc amené nos enfants. Nous travaillons tous ensemble, enfants, professeurs, administrateurs et parents, à ce projet, parce que pour réussir la philosophie de FACE, il faut y croire, il faut l'aimer, il faut avoir la foi. À l'école FACE, tous les parents qui ne veulent pas un enseignement traditionnel sont attirés par notre régime pédagogique et inscrivent leurs enfants à notre école, qu'ils soient anglophones ou francophones. L'enseignement est dispensé en français, du côté francophone, et vice versa.

L'enfant, à l'école, par l'apprentissage des beaux-arts, acquiert une meilleure connaissance de l'apprentissage et son développement au niveau affectif et intellectuel se fait d'une façon harmonieuse. Ce n'est pas une école fermée. Le rôle des parents est vital. On cherche leur aide et on fait souvent appel à leurs connaissances. Il y a quelques années, on avait parlé de la fusée spatiale qui avait été lancée et je ne m'y connaissais pas. J'ai fait un tour auprès des enfants et j'ai consulté des dossiers pour voir quel parent serait susceptible de m'aider sur la question. J'ai trouvé un papa ingénieur, je lui ai téléphoné, il a été heureux de venir et de faire la classe à ma place. J'étais parmi les enfants et j'en ai profité autant qu'eux.

Lorsque nous faisons une sortie, les parents sont là, ils nous aident, ils encadrent les enfants. À la bibliothèque, ils se chargent souvent d'un groupe; ensuite, quand on a des enfants lents, on a aussi affaire à eux pour essayer de les encadrer et de les faire avancer. Je ne dis pas qu'on voudrait qu'ils fassent à notre place notre travail ou qu'ils rentrent dans le système pédagogique, nonl Mais ils sont bien reçus en tant que parents bénévoles et nous avons besoin d'eux à l'école FACE.

M. Payne: Pouvez-vous décrire brièvement la structure décisionnelle de l'école en ce qui concerne la préparation et la mise en place du projet éducatif? De quelle manière les parents sont-ils impliqués? De quelle manière les enseignants le sont-ils? Je sais très bien que c'est très souple, mais pouvez-vous le décrire plus en détail?

Mme Banon: Je vais voir si j'ai compris votre question. Les enfants sont groupés par famille...

M. Payne: Comment les décisions sont-elles prises?

Mme Banon: II y a un chef de famille qui regroupe des enfants d'âges différents. Les enfants restent en famille pendant les trois ans du cycle. Dans chaque famille, il y a un parent responsable qui, lui, possède les numéros de téléphone de tous les autres parents et il essaie de les contacter lorsqu'on a besoin d'eux. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

M. Payne: Le chef de famille n'est pas un enseignant?

Mme Banon: Les décisions prises dans l'école au niveau de l'administration? Là, je ne sais pas. Je préfère vous laisser répondre si vous permettez. Je n'ai pas bien compris la question.

M. Lizée (Michel): Voici ce qu'on peut dire. Je vais essayer de répondre pour la partie que l'on sait. Le malheur veut que M.

Baugniet soit malade. Il est au centre d'un ensemble de consultations, il pourrait mieux vous répondre que nous.

Mme Banon: Oui.

M. Lizée: Je sais que l'année dernière il travaillait fébrilement sur la façon dont on allait appliquer le nouveau régime pédagogique avec les effectifs. Le problème qu'on a, c'est d'offrir dans la grille horaire des activités en art qui ne sont pas prévues normalement. Il faut donc déplacer ou tasser des choses.

En gros, là où les parents participent en termes de définition du régime pédagogique, c'est de façon indirecte et à deux niveaux. On n'a pas participé à la planification des changements. Cela a vraiment été fait par la direction, en collaboration avec les enseignants. Cela s'est largement fait, à ma connaissance, sur une base de cycles, c'est-à-dire que les enseignants sur chacun des cycles ont été impliqués.

Là où nous sommes appelés à intervenir en tant que parents, c'est davantage sur une base indirecte. Par exemple, si on réalise dès le début de l'année qu'il y a des problèmes de rodage, si des parents manifestent des insatisfactions sur la façon dont le déroulement de l'enseignement se passe, très vite les problèmes sont soulevés au comité d'école. On n'a pas été impliqué à la définition initiale dans le cas de la mise en application.

Le Président (M. Blouin)-. Cela va.

M. Lizée: Quand on voit un problème, on réagit auprès de la direction. Généralement, ce que la direction a à faire, c'est d'aller au conseil d'école où sont les enseignants pour discuter avec eux ou alors en discuter avec les professeurs impliqués.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. Payne: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Vachon. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Oui. Bonsoir. D'abord, est-ce que je pourrais vous demander quel est le sens de votre monogramme: FACE?

Mme Banon: Oui. C'est un programme axé sur les beaux-arts. En anglais, c'est Fine Arts Course Elementary. Puis il y avait le mot School qu'on a enlevé. C'est resté FACE, qui veut dire aussi sourire, ou visage.

M. Hains: C'est parfait. Vous semblez animer une école vraiment de beaux-arts, comme je viens de le lire dans votre mémoire, mais aussi une école où règnent la musique et partant, un peu, beaucoup le bonheur.

Vous énumérez quelques éléments de ce bonheur collectif dans votre mémoire. D'abord vous parlez du contact des diversités culturelles; ensuite, vous parlez de la présence des foyers ou des familles qui assurent le développement affectif de l'enfant; vous parlez aussi des arts et de la musique qui, dit-on souvent, adoucit les moeurs.

De cette école heureuse, vous ne parlez pas beaucoup des professeurs. Je m'imagine que vous devez avoir des professeurs heureux. Parce que, voyez-vous, je persiste à dire qu'un des principaux buts de la loi devrait être d'essayer de rendre les professeurs heureux. Avec l'expérience que vous vivez tous les jours dans votre école, pourriez-vous expliciter davantage le rôle, le professionnalisme de vos professeurs à l'école?

Mme Banon: Les professeurs à l'école FACE se sentent heureux. Ils travaillent ensemble au même projet. Ils se consultent. Quand il y a une sortie ou une activité spéciale à faire, on la communique. Quand on lit quelque chose dans un journal qui serait à faire, comme l'exposition de châteaux de glace ou autres, on le dit aux professeurs. On parle toujours des intérêts de l'enfant, des problèmes et de ce qu'il faut faire. À l'école FACE, parmi les professeurs, règne un certain bonheur, oui.

M. Hains: Je vous remercie parce que cela réaffirme...

Mme Banon: II y a une harmonie.

M. Hains: ...ma croyance encore une fois...

Mme Banon: Oui, c'est vrai.

M. Hains: ...selon laquelle, aussi longtemps que nous n'aurons pas des professeurs heureux...

Mme Banon: II n'y aura pas d'enfants heureux.

M. Hains: ...inutile de légiférer... Mme Bacon: C'est difficile.

M. Hains: ...de vouloir changer les structures. Vous parlez aussi des parents, qui vous rendent de précieux services. M. le député de Vachon vous l'a demandé et vous l'avez bien expliqué. Croyez-vous que ces parents insistent beaucoup pour avoir un pouvoir décisionnel dans votre école? Ou bien

si vous le leur donnez, ou s'ils participent seulement sur consultation? Quel est leur rôle au point de vue des décisions?

Mme Banon: Ils participent aux consultations, mais je crois que vous voulez parler de leur rôle comme parents.

M. Hains: À qui revient la décision finale dans l'école?

M. Lizée: À l'heure actuelle, je dirais que cela tient peut-être beaucoup à la personnalité et du directeur et des enseignants. Je ne me souviens pas de beaucoup d'incidents, depuis la brève période où j'y suis, où nous avons eu une situation où il fallait trancher dans des points de vue qui ne se rejoignaient pas. Je dirais que l'expérience des parents a été celle-ci: lorsque nous avons soumis des opinions ou des suggestions, lorsque les enseignants y sont amenés, que ce soit par des comités de travail ou ailleurs, généralement, on s'est entendu avec eux. Votre question va peut-être au-delà de cela. Je veux tout de suite, pour être clair, revenir sur le préambule de notre mémoire.

Comme comité d'école, je pense que, si on avait eu à prendre position sur le fond du projet de loi, d'après votre question, il était visible qu'à l'intérieur même du comité de parents les points de vue pouvaient varier beaucoup. Nous avons choisi de nous en tenir vraiment aux difficultés que posait la loi 40 dans l'hypothèse de son application. Quant à dire si les parents de l'école voudraient être plus ou moins décisionnels, il faudrait peut-être le demander à chaque personne individuellement. Comme comité, on serait mal placé pour vous répondre.

Je peux vous dire que, jusqu'ici, peut-être à cause de la façon dont le directeur de l'école a su faire une liaison entre les enseignants et les parents, le climat qu'il découvrait du côté des enseignants... Nous, du côté des parents, sentons qu'on a des professeurs motivés. Comme parents, cela nous motive parfois à mettre plus de temps qu'on n'en mettrait peut-être normalement, parce qu'on sent qu'on met l'épaule à la roue de quelque chose qui fonctionne. Je vous répondrais plus dans ce sens-là.

M. Hains: Vous semblez aussi être en parfaite relation avec votre commission scolaire.

M. Lizée: Généralement, nous avons eu d'excellents rapports avec la commission scolaire chez nous.

M. Hains: Voilà. Donc, pensez-vous qu'il est possible d'avoir une école qui fonctionne bien s'il n'y a pas un vrai consensus entre les commissions scolaires, les parents et les professeurs?

M. Lizée: Encore une fois, pour les raisons que j'ai indiquées tantôt, j'aurais peine à répondre à votre question à plus long terme parce que, encore une fois, chaque parent de l'école aurait peut-être une réponse différente. Je peux vous dire qu'en pratique, avec la Commission des écoles protestantes, il y a généralement moyen de s'entendre. Donc, nous sommes satisfaits de la relation que nous avons eue.

M. Hains: Mes questions vous semblent peut-être un peu indiscrètes, mais ce que l'on veut toujours prouver, c'est la même chose: aussi longtemps qu'on n'en arrivera pas à un consensus sur le projet de loi 40 ou sur d'autres projets de loi, je pense qu'on ne travaillera pas beaucoup à l'avancement de l'éducation dans nos écoles.

Je termine en vous disant que vous défendez votre école avec amour - le mot n'est pas trop fort - et je vous en félicite. Je crois et j'espère que M. le ministre ne viendra pas - "j'avais écrit le mot "dévisager", il est un peu fort - ne viendra pas nuire à votre "belle FACE d'école" que vous avez actuellement. Je vous encourage à continuer votre oeuvre vraiment magnifique.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de FACE. J'ai visité cette école à plusieurs reprises quand j'étais membre de la commission scolaire protestante et je reconnais la qualité de votre programme. J'ai eu le plaisir d'encourager la naissance de votre école et surtout d'encourager M. Baugniet et les parents qui ont eu une vision tout à fait extraordinaire et qui ont eu le courage de réaliser cette vision.

J'aimerais vous remercier d'avoir porté ce soir à notre attention le paquet de problèmes que le projet de loi 40 pourrait créer pour votre école. C'est une école avec un territoire très étendu, une école régionale, en effet, une école multiculturelle, bilingue - multilingue, peut-être - pluraliste dans plusieurs sens. Je sais que les élèves viennent de tous les niveaux socio-économiques. Dans tous ses aspects, je crois que c'est une école assez extraordinaire. C'est aussi une école où les parents sont exceptionnellement impliqués. Je crois que ce serait une ironie monumentale si la survie de FACE n'était pas assurée dans l'avenir.

J'ai une question. Vous avez soulevé le problème du transport à l'avenir. Est-ce que les frais de transport sont payés par la commission scolaire?

Mme Goyer: Oui.

Mme Dougherty: Je sais qu'il y a quelques enfants qui viennent de la rive sud, de Pierrefonds.

Mme Goyer: Les élèves de la rive sud ne sont pas transportés aux frais de la commission; ils doivent se rendre sur le territoire de l'île de Montréal. Pour le territoire, sur l'île de Montréal, les élèves de la maternelle, des première, deuxième et troisième années sont transportés aux frais de la commission. Les élèves des niveaux supérieurs, ceux du deuxième cycle, ont une subvention, la carte de transport public qui est également subventionnée par la commission.

Mme Dougherty: Pour le programme d'arts, la musique - vous avez toutes sortes de programmes basés sur les beaux-arts -est-ce qu'il y a une intégration des enfants français et anglais dans certains programmes, surtout pour la musique? Ce ne sont pas deux écoles qui fonctionnent séparément. Il y a une certaine intégration des programmes, n'est-ce pas?

Mme Banon: Oui, il y a une intégration au niveau des beaux-arts; aux cours de musique, de chorale et d'arts plastiques, on trouve facilement des anglophones et des francophones. En musique, en chorale, on n'a pas besoin de choisir la langue; les enfants se côtoient et cela se fait très bien.

Mme Dougherty: Du côté anglophone, est-ce que l'école est encore une école d'immersion française pour les anglophones? Au début, il y avait un programme d'immersion. Cela n'existe plus? Croyez-vous que les enfants profitent de la présence d'enfants d'autres langues en ce qui concerne leur apprentissage de la deuxième langue?

Mme Banon: Oui, c'est sûr. Il y a la culture des uns et des autres qui est un grand apport et un grand enrichissement et pour les anglophones et pour les francophones, c'est certain. Ils ne sont pas isolés, seuls avec eux-mêmes. (20 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Mais, du point de vue de l'apprentissage de la langue seconde, est-ce que cela les aide?

M. Lizée: Oui. Puis-je ajouter deux ou trois éléments? Le premier, c'est que la réponse qu'on vous a donnée est exacte mais appelle une nuance. C'est exact que ce n'est pas une école d'immersion, mais, dans le secteur dit francophone, il y a un nombre important d'anglophones qui, par choix ou par obligation légale, sont dans le secteur francophone, si bien que, quand on donne les chiffres de deux tiers et un tiers, dans les deux tiers dits francophones, il y a des enfants qui sont soit anglophones ou allophones, si bien que l'équilibre démographique de l'école est plus assuré que les statistiques ne le disent en apparence. Les enfants qui sont là suivent un certain nombre de cours ensemble, mais c'est plus dans les cycles avancés. Chose certaine, le pari que l'on fait un peu, et que je fais comme parent, c'est que le fait que mon enfant a à vivre dans une école où il a un contact avec des enfants anglophones ou autres, cela l'ouvre à d'autres cultures et, possiblement, il faut que ces enfants se parlent, à un moment donné. Donc, l'espoir, c'est qu'ils vont se parler dans l'une des deux langues. On espère donc que cela favorisera une ouverture là-dessus, mais, comme mon enfant est dans une basse classe, je serais mal placé pour vous dire si cela lui permet de maîtriser la langue seconde. Mme Goyer avait des enfants plus avancés dans leurs études.

Mme Goyer: Oui. J'ai une fille qui a fait quatre ans à cette école et qui est maintenant au cégep. Son ouverture sur les autres cultures a été très grande, parce qu'elle a fait, juste avant de passer au secondaire, une année ailleurs, dans un autre milieu de francophones qui n'avaient jamais côtoyé d'autres cultures, et les remarques qu'elle pouvait me passer sur leur attitude et sur leur comportement étaient assez étonnantes. Elle était très surprise de voir l'étendue des préjugés qui pouvaient exister et elle me disait: C'est qu'ils n'en ont jamais vu de vrais, en parlant des étrangers de toutes sortes. Je pense que c'est un apport très précieux pour son développement. Je ne peux pas dire que la présence des anglophones à l'école, ce soit cela qui lui ait donné une maîtrise de la langue anglaise, parce que, quand même, ses cours étaient en français. Il y avait un contact, elle avait des amis, mais l'apport reçu pour le développement de l'individu, d'après moi, est très précieux.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, pouvez-vous donner le droit de parole à quelqu'un?

Le Président (M. Blouin): Non. Mme la députée de Jacques-Cartier, cela va?

Mme Dougherty: Oui.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre, en concluant, s'il vous plaît.

M. Laurin: M. le Président, je sais que FACE a décidé d'ouvrir mardi soir prochain son école au grand public pour ce qu'on appelle en anglais un "open house". Je

voulais profiter de l'occasion pour la féliciter pour ce geste d'ouverture à l'endroit de la communauté qu'elle dessert. Je peux vous dire que, si j'avais pu le faire, j'aurais aimé aller voir cette école et constater de plus près ses réalisations. Malheureusement, cela me sera impossible et je vous prie de m'en excuser.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie donc les représentants du comité de l'école FACE de leur participation aux travaux de notre commission et sur ce, afin de permettre quelques brèves rencontres entre certains membres de la commission, nous allons suspendre nos travaux pour au plus dix minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 34)

(Reprise de la séance à 20 h 46)

Le Président (M. Blouin): À l'ordrel La commission reprend ses travaux. J'invite, sans plus tarder, les représentants de la commission scolaire régionale de Chambly, d'abord, à s'identifier et, ensuite, à nous livrer le contenu de leur mémoire, en une vingtaine de minutes, parce que, je le rappelle, nous disposons en tout d'une période maximale de 2 heures afin de procéder à la fois à la présentation et aux échanges entre les membres de la commission et les invités.

Commission scolaire régionale de Chambly

M. Chagnon (Jacques): Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais vous remercier, à titre de président de la commission scolaire régionale de Chambly, de nous recevoir en commission parlementaire. À voir votre surprise de tout à l'heure de me revoir, puisque nous avons déjà eu l'occasion de nous voir en commission parlementaire, je voudrais vous rassurer tout de suite. Ce n'est pas uniquement que la foule était en délire et réclamait un rappel, mais c'est aussi le fait que je suis aussi président de la commission scolaire régionale de Chambly.

Je tiens à vous présenter les membres de la commission qui sont venus vous rencontrer en commission parlementaire. À mon extrême gauche, M. Jacques Duclos, secrétaire général de la commission scolaire régionale de Chambly; M. Claude Desmarais, directeur de l'éducation des adultes; Mme Francine Marcoux, commissaire et membre du comité exécutif; M. André Martin, commissaire et membre du comité exécutif; Mme Lise Marcotte, vice-présidente du conseil et aussi membre du comité exécutif; à ma droite, M. Conrad Galipeau, directeur général de la commission scolaire; M. Claude Jutras, commissaire et membre du conseil exécutif; M. Alphonse Pundzius, directeur général adjoint et, finalement, M. Jacques L'Espérance, directeur du service de l'enseignement.

M. le Président, étant donné que, justement, comme je vous le disais tout à l'heure, nous nous sommes déjà vus personnellement, j'ai déjà eu l'occasion pleinement de représenter un autre organisme, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, à cette table et je vous remercie pour cette occasion qui nous a été fournie ce soir -vous me permettrez de demander à Mme Marcotte, vice-présidente de la commission, de présenter le mémoire et de répondre aux questions qui lui seront posées par les membres de la commission. Je tiens à souligner, à titre de préambule - vous le constaterez aussi en écoutant le mémoire -que, si la fierté a une ville, vous comprendrez aussi que la fierté a une commission scolaire. Alors, Mme Marcotte.

Mme Vachon-Marcotte (Lise): Nous avons choisi de vous soumettre un texte de présentation, M. le Président. Cependant, je vais en résumer certaines pages pour respecter le temps accordé autant que possible. Alors, vous m'excuserez si, par moments, je résume certains paragraphes du texte.

M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, Mmes et MM. les membres de la commission de l'éducation, la Corporation des écoles primaires complémentaires du comté de Chambly était formée en 1958 et, trois ans plus tard, elle devenait la commission scolaire régionale de Chambly. Les membres de la commission Parent soulignaient dans leur rapport que l'expérience de la commission régionale avait été tentée avec succès dans le comté de Chambly en 1958.

La commission scolaire régionale de Chambly a accumulé, au cours de ces 25 dernières années, une expertise considérable en enseignement secondaire, à laquelle le ministère a d'ailleurs fait appel à plusieurs reprises. Plusieurs gens compétents bien connus et encore présents dans le domaine de l'éducation sont issus de notre commission scolaire.

La régionale de Chambly est fière d'avoir contribué grandement au renouveau pédagogique en mathématiques modernes, en sciences, en informatique, avec des expériences d'intégration scolaire et des services pour handicapés de la vue et de l'ouïe. Elle a connu les premières polyvalentes au Québec et a appris avec les années à solutionner certains problèmes qu'elles ont posés, notamment en ce qui a

trait à l'encadrement des élèves. D'ailleurs, en 1974, un colloque qui réunissait parents, cadres, commissaires, enseignants, élèves et autres membres du personnel avait permis de dégager neuf grandes priorités régionales.

Dès cette époque, nous parlions de projets éducatifs de l'école et de la commission scolaire en disant: II y a un besoin de faire consensus autour d'un projet éducatif régional par lequel la commission scolaire montrerait ses couleurs et chaque école sa teinte. De nouveau en 1979-1980, des rencontres entre les divers intervenants du milieu scolaire permettaient de définir les orientations éducatives de la commission scolaire. En mai 1983, un colloque amenait à nouveau les participants à réfléchir sur divers aspects du système scolaire. La participation et la concertation des parents, des commissaires et de tous les agents de l'éducation sont donc une tradition à notre commission scolaire. Faut-il déjà que d'autres refassent les expériences qu'elle a connues? Faut-il déjà chambarder au Québec le peu de traditions qu'on a réussi avec les années à établir en enseignement secondaire? Pourquoi vouloir opposer parents et commissaires, directeur général et directeurs d'école, commissions scolaires et écoles? Est-ce qu'il y a deux sortes de citoyens au Québec, les parents et les autres?

Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec notre commission scolaire, disons qu'elle est située sur la rive sud de Montréal. Elle dispense l'enseignement secondaire aux élèves de quinze municipalités. Elle est, de par sa clientèle, la plus importante régionale et la quatrième commission scolaire en importance au Québec: plus de 21 000 élèves en 1982-1983 et 5000 étudiants à l'éducation des adultes. Elle dispense son enseignement dans huit écoles polyvalentes dont une accueille les anglophones, six écoles secondaires de premier cycle et six écoles ou centres spécialisés pour handicapés mentaux ou physiques.

Nous voulons aborder quelques aspects seulement du projet de loi 40 et certains problèmes spécifiques à notre territoire et à notre commission scolaire. D'autre part, et vous n'en serez pas surpris, nous appuyons et endossons les positions de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

Nos premières préoccupations sont tournées vers la qualité et la quantité des services à rendre aux jeunes et aux adultes. Elles sont d'ordre pédagogique avant d'être administratives. Contrairement à ce que certains pensent, nous croyons qu'il est opportun, dans cet échange avec les membres de la commission, de parler d'implantation de programmes, d'éducation des adultes, d'enseignement professionnel, de transport scolaire et autres. La réforme proposée, bien qu'on veuille la qualifier de structurelle, revêt une telle ampleur qu'elle aura des répercussions sur tout le système d'éducation, répercussions qui sont loin d'être bénéfiques sur notre territoire.

Tout le monde est pour la vertu et les principes. Le problème, M. le Président, c'est de s'entendre sur les meilleurs moyens d'être vertueux et de respecter les principes. Ainsi, tout le monde s'entend pour donner plus d'importance et de responsabilités à l'école. Là où les opinions diffèrent, c'est dans les modalités et dans le cadre d'application. Pour la régionale de Chambly, l'objectif premier de toute réforme scolaire devrait être l'amélioration de la qualité et de la quantité des services aux élèves. C'est à partir de ce critère et en tenant compte de notre vécu que nous voulons commenter le projet de loi 40.

Notre échange portera sur cinq points principaux. La gestion décentralisée des écoles est possible dans le cadre des lois scolaires actuelles. Le projet de loi 40 n'est pas nécessaire à cette fin. Il ajoute à la confusion en ce qui a trait à l'éducation des adultes. La taille des commissions scolaires est un facteur important quant au niveau des services. La représentation par école aux conseils d'administration des futures commissions scolaires est inacceptable.

La gestion décentralisée des écoles. Nous voulons souligner que les écoles à la régionale de Chambly bénéficient déjà et depuis plusieurs années d'une gestion pédagogique et administrative décentralisée, et ceci bien avant le projet de loi 40. L'organisation de notre commission scolaire est, comme il se doit, centrée sur les écoles et non sur les services éducatifs ou administratifs. À titre d'exemple, des priorités adoptées par le conseil des commissaires pour l'année présente, cinq sur six sont d'ordre pédagogique. Le processus de cette décentralisation s'est amorcé par la participation des directeurs d'école à la gestion de la commission scolaire depuis treize ans. Ils le font présentement par l'entremise des comités opérationnels de zone et du comité d'orientation. Ces comités ont pour but de faciliter davantage la consultation, la participation et la concertation des principaux gestionnaires de la commission.

L'article 184 dit que c'est à la majorité que les directeurs d'école participeront à un comité de gestion; chez nous, tous les directeurs d'école et de services font partie de ces comités. Cette décentralisation s'exerce toutefois sous l'autorité du directeur général, afin d'assurer, notamment, le respect des politiques, procédures, normes, priorités, orientations et prévisions budgétaires adoptées par le conseil et le comité exécutif, et afin de permettre la coordination nécessaire des écoles entre elles et des écoles avec les services.

La décentralisation des services

éducatifs aux écoles. L'organisation pédagogique est décentralisée au niveau des écoles et les services éducatifs jouent un rôle de soutien, tel que prévu à l'article 206 du projet de loi 40, mais, en plus, ils jouent un rôle de planification, d'orientation, de coordination et d'évaluation.

Nous avons dressé dans notre mémoire, aux pages 10 et 11, un tableau du partage des rôles en matière pédagogique ainsi que des services présentement offerts par notre commission scolaire et qui seraient supprimés en vertu du projet de loi 40. Je mentionnerai seulement l'implantation des programmes auprès des enseignants, l'enrichissement et l'adaptation des programmes, et l'organisation d'examens régionaux. À titre d'exemple, nous avons analysé les implications de l'article 99 du projet de loi 40 qui remet aux écoles la responsabilité de l'application des programmes. À la page 12 du mémoire, vous trouverez ce tableau, toutes les opérations et ce que cela peut impliquer pour mettre en place un nouveau programme.

Or, si on pense qu'il y a en moyenne dix programmes par échelon, qu'il y a une variété de cours optionnels, des programmes en enseignement professionnel, des services complémentaires, des services particuliers, l'adaptation scolaire et les doués, cette étude nous amène à faire les réflexions suivantes: comment une école pourra-t-elle mener à bien toutes ces opérations sans la présence de spécialistes qui connaissent parfaitement les programmes, qui disposent de temps et de ressources pour effectuer les recherches nécessaires et apporter leur expertise au moment où on a besoin d'eux? Comment penser qu'une école, si grosse soit-elle, pourrait se suffire à elle-même dans ces domaines qui ne constitueraient au demeurant qu'une partie des responsabilités des directeurs d'école? Si on envisage des ententes possibles entre les écoles à ce sujet, comment résoudre les problèmes énormes d'organisation, de contrôle et d'évaluation de ces ententes? Qui aura le temps et l'autorité nécessaires pour régler ces problèmes de façon satisfaisante? En enlevant aux commissions scolaires la partie implantation du régime pédagogique et des programmes, c'est-à-dire toute la préparation des enseignants et des responsables, le projet de loi 40 aura pour effet de diminuer la qualité des services éducatifs. Chez nous, les écoles sont désireuses de voir la commission scolaire s'occuper de l'implantation du régime et des programmes pour autant qu'elles sont impliquées dans le processus.

Je résumerai cette partie des services administratifs aux écoles, qui sont aussi fortement décentralisés, pour mentionner les services informatiques. Dans ce domaine, cependant, je dirai que, comme beaucoup d'autres, la régionale de Chambly n'a pas attendu que le leadership vienne d'ailleurs.

Elle a cheminé à son rythme et selon les besoins des écoles et l'accord du milieu, y compris des parents. (21 heures)

Nous pourrions parler aussi d'approvisionnements, d'immobilisations. Il y a peut-être un point important: chez nous, les budgets d'opération sont des budgets fermés et transférables pour les écoles et les directeurs d'école et de services participent au choix de ces règles budgétaires. Quant aux ressources humaines, à partir d'une allocation budgétaire à chaque école, le directeur prépare son plan d'effectif, il doit rationaliser ses effectifs en fonction de son milieu et, évidemment, selon le montant dont on peut disposer.

Que penser de l'article 122 du projet de loi 40, qui attribue au conseil d'école, sur recommandation du directeur, la détermination des besoins de perfectionnement du personnel d'école? Étant donné que tout perfectionnement suppose évaluation du personnel concerné, comment un conseil composé de parents, d'employés et, dans certains cas, d'au moins un élève pourrait-il traiter de telles questions avec le détachement requis en pareil cas, si, par exemple, un parent avait un enfant dans la classe de l'enseignant dont on fait l'évaluation?

Nous pourrions aussi parler de la politique de la concertation scolaire et municipale ou de la location de salles qui existe chez nous depuis 1978. Ainsi, la gestion décentralisée des écoles est réalisable dans le cadre des lois actuelles et le projet de loi 40 n'est absolument pas nécessaire à cette fin, d'autant plus qu'il propose pour ce faire des structures problématiques. Chez nous, la décentralisation s'établit progressivement, en tenant compte des ressources des différents milieux, à l'aide du personnel des services régionaux et sous l'autorité du directeur général, tout ce processus étant dûment souhaité, étudié, approuvé, suivi par le conseil des commissaires et le comité exécutif.

Le projet de loi 40 propose un modèle unique pour toutes les écoles du Québec, sans tenir compte des disparités, des ressources de chacune, de leur capacité d'adaptation, de préparation, que ce soit une école de 200, de 600 ou de 2500 élèves.

À Chambly, nous avons de très grosses polyvalentes de plus de 2000 élèves, et elles bénéficient de directeurs adjoints qui secondent le directeur d'école. Vous avez l'organigramme à l'annexe IV. Quant aux écoles de premier cycle qui sont plus petites, l'aide accordée par le personnel des services régionaux est beaucoup plus grande. Par ailleurs, nous sommes à même de constater que plus il y a décentralisation vers les écoles, plus celles-ci demandent aux services régionaux de jouer un rôle de coordination.

Comment cela serait-il possible si on multiplie les paliers de décision sans donner à la commission scolaire et au directeur général l'autorité indispensable? D'autre part, notre population est assez mobile sur la rive sud. Une certaine cohérence régionale des services est souhaitable, elle est même nécessaire et un partage équitable des ressources entre les écoles s'avère aussi nécessaire.

M. le Président, nous désirons attirer l'attention des membres de cette commission sur nos préoccupations concernant l'éducation des adultes. L'éducation des adultes fait partie intégrante de notre organisme depuis 1965. Chez nous, elle est bien différenciée, spécifique, intégrée au niveau supérieur de la commission scolaire, elle relève du directeur général. Le comité fonctionnel des commissaires participe étroitement à l'exécution de notre politique locale dans ce secteur et en avise régulièrement le conseil et l'exécutif. Nous pourrions déposer cette politique locale si les membres de la commission le désirent.

Par ailleurs, nous déplorons profondément que le gouvernement ne semble plus avoir de volonté politique en cette matière. Il semble avoir mis le rapport de la commission Jean sur les tablettes. Comment expliquer certains comportements ministériels et sous-ministériels tant à l'éducation qu'à la main-d'oeuvre, entre autres, par exemple la disparition de la Direction générale de l'éducation des adultes? Le concept "caoutchouc" d'éducation permanente servirait de principe de base à l'assimilation qui est annoncée.

Nous continuons donc à demander avec vigueur une politique globale et non un projet de politique camouflé dans de multiples réformes administratives sectorielles.

Dans le livre blanc, l'éducation des adultes avait droit à un minimum d'orientation. Dans le projet de loi 40, ce souci est disparu. L'article 92 stipule que l'école dispense aux adultes les services éducatifs déterminés par la commission scolaire. Quant aux modalités, aucune précision.

Il est également mentionné que l'école peut aussi organiser ou permettre l'organisation dans ses locaux de services à la communauté. Il y a toutefois une différence entre la gestion physique de modalités d'accessibilité et un mandat confié à l'école en matière de loisirs, d'activités socioculturelles ou d'éducation des adultes. Si ces mandats devaient être confiés aux 3000 écoles du Québec, nous pensons que des expérimentations devraient être faites ainsi qu'une étude comparative de la gestion et des coûts.

Pour les fins de l'éducation des adultes, il est préférable, plus fonctionnel et beaucoup moins coûteux d'avoir un centre exclusif de jour et de soir, comme la Maison de l'éducation des adultes, ainsi que nous l'appelons chez nous, et quelques autres centres choisis parmi les écoles.

La régionale de Chambly désire signaler que, depuis plus de dix ans, elle a développé des services éducatifs communautaires par le réseau d'un centre de services. Qu'adviendra-t-il de ce réseau?

La responsabilité de l'éducation des adultes et l'élection des commissaires. Les élus composant les conseils d'administration des commissions scolaires doivent être formellement investis de la responsabilité de l'éducation des adultes. De plus, il ne saurait être question de confier le contrôle majoritaire de l'éducation des adultes aux pouvoirs exclusifs des parents des enfants fréquentant les écoles.

Comme le conseil supérieur, les divers milieux et les éditorialistes l'ont fait récemment, nous demandons la fin du silence gouvernemental. Nous réclamons à nouveau et d'urgence une volonté gouvernementale transparente en ce domaine, alors que le 25 février prochain la commission Jean aura déposé son rapport depuis deux ans. Nous exigeons au plus tôt la publication de la politique d'éducation des adultes, avec le débat démocratique nécessaire, et nous réclamons un moratoire sur les changements structurels et les modifications de mandat actuellement en cours. Nous demandons au premier ministre de reprendre la responsabilité du dossier pour éviter une politique sectorisée dans chacun des ministères, comme cela est amorcé actuellement.

Si l'on voulait achever la réforme scolaire des années soixante pour les jeunes, il faudrait éviter du même coup d'assimiler et de noyer l'éducation des adultes dans un chambardement de structures.

La taille des commissions scolaires et la qualité et la quantité des services aux écoles et aux élèves. La régionale de Chambly, située dans la région métropolitaine de Montréal, a pu, à cause de sa taille, donner à ses écoles et ses élèves des services éducatifs administratifs spécialisés, nombreux et diversifiés. D'ailleurs, nous citons dans notre mémoire les conclusions d'une étude qui établit à 20 000 élèves la taille minimale d'une commission scolaire. Le rapport Parent appuie d'ailleurs cette thèse.

Soulignons ici que, depuis les années soixante, la rive sud de Montréal a connu une forte expansion augmentant la densité de sa population, une plus grande urbanisation et le développement des moyens de transport.

Dans notre mémoire à la page 37, nous avons comparé les services éducatifs offerts dans les commissions scolaires de différentes tailles situées aussi dans la région de Montréal. Voici quelques exemples de réalisation - je passe par-dessus les détails

parce que vous les avez dans le mémoire, mais je veux signaler quelques exemples qui sont dus à la taille de la commission scolaire: le remplacement de la structure des chefs de groupe par celle des directeurs adjoints afin d'améliorer l'encadrement des élèves et la qualité de vie dans nos polyvalentes - là aussi, vous trouverez l'organigramme à l'annexe IV; la mise sur pied de plusieurs centres spécialisés pour les élèves handicapés physiques et mentaux; le choix pour les élèves entre 42 options professionnelles; la mise sur pied de centres d'excellence, notamment en bureautique, hôtellerie, couture et habillement, mécanique d'ajustage et imprimerie; une gestion plus dynamique des ressources humaines; un centre informatique des plus importants au Québec; des services d'experts en gestion des ressources matérielles et à meilleur coût que des professionnels externes; un service de transport grandement efficace.

Comme le soulignait la commission Parent, il n'est pas possible d'assurer un enseignement de qualité en s'appuyant sur des commissions scolaires ayant soin d'un nombre insuffisant d'élèves pour justifier la mise sur pied de tous les services nécessaires à moins d'y concentrer des ressources financières problématiques. Dans l'hypothèse de l'adoption du projet de loi 40 et du morcellement de notre commission scolaire, la dispersion de ses ressources et de ses services aura pour résultat de réduire cette qualité et cette quantité de services en enseignement secondaire sur le territoire. L'accessibilité des élèves handicapés au centre spécialisé sera-t-elle la même et à quel coût? Que dire des ententes à conclure et de la lourdeur de cette administration?

En enseignement professionnel, la facilité d'accès dont bénéficient présentement nos élèves et sans égard à leur lieu d'origine sera compromise. L'orientation même des élèves quant au choix des options sera plus restreinte en pratique. Quels seront les coûts du personnel additionnel requis dans les nouvelles commissions scolaires, compte tenu notamment des propositions de relance et de renouveau en enseignement professionnel?

Voilà de nouveau la nécessité pour les écoles de négocier des ententes pour permettre à ces élèves de bénéficier des services requis et d'être transportés. Quant aux centres d'excellence, leur maintien semble précaire, tout au moins très difficile.

Concernant le transport des élèves, nous aimerions rappeler que des études antérieures préparées par le ministère des Transports ont prouvé le bien-fondé de la régionalisation du transport scolaire. Une commission d'enquête sur ce sujet avait comme principale recommandation de réduire les centres de décision et d'organisation. Il est également important de souligner que, récemment, le ministre Michel Clair proposait une réforme du système de transport scolaire par la loi 31. Cette réforme avait entre autres comme objectifs de maintenir un service de transport scolaire de grande qualité et de ralentir l'augmentation des coûts. Le projet de loi 40 a comme conséquences de multiplier les centres de décision et de rendre impossible une coordination préconisée pour le transport scolaire tant aux niveaux de la sécurité, de la santé, des services aux élèves que des coûts.

Les territoires des commissions scolaires. Le découpage envisagé sur le territoire de la régionale de Chambly, selon le document de la direction générale des réseaux, daté de juillet 1983, est un autre facteur qui apportera une diminution des services et des ressources en enseignement secondaire. Je m'explique: Non seulement le projet de loi propose-t-il de multiplier les paliers décisionnels, mais, en plus, il morcelle notre territoire en des unités trop petites. Je vous réfère aux pages 67 et suivantes du mémoire où vous trouverez des exemples. Il est évident qu'un tel morcellement du territoire aurait pour effet de disperser et de diluer nos ressources. Quelles raisons peuvent bien motiver une telle balkanisation?

Intégration du primaire et du secondaire. Riche de son expérience accumulée au cours des années, la régionale de Chambly est certainement la plus qualifiée pour dispenser et gérer l'enseignement secondaire sur son territoire. Toutefois, elle est favorable à l'intégration du primaire et du secondaire à cause de certains avantages qu'offre cette formule. Un tel regroupement ne devrait toutefois pas se faire n'importe comment ni à n'importe quel prix. Il devrait se réaliser en tenant compte de la volonté des milieux et avec l'objectif premier de maintenir les services à un même niveau de qualité.

Que dire de la composition des conseils d'administration des futures commissions scolaires? M. le Président, la régionale de Chambly est en désaccord avec la composition de ces conseils, premièrement, parce que le mode de représentation proposé conduit à la sous-représentation des écoles secondaires, étant donné qu'elles sont moins nombreuses. Par exemple, à la future commission scolaire Boucherville-Varennes, les élèves du secondaire ne seraient représentés que par deux commissaires comparativement à treize pour le préscolaire et le primaire. La régionale s'inquiète grandement du partage des ressources disponibles entre les écoles primaires et secondaires alors que les besoins sont beaucoup plus grands, diversifiés et nombreux à ce niveau. Comment les représentants pourront-ils en arriver à faire valoir leur

point de vue, à le faire accepter, puisqu'ils seront fortement minoritaires? (2a h 15)

En second lieu, nous sommes en désaccord, parce que la formule proposant que les conseils d'administration soient composés de délégués est une source de conflits d'intérêts. Nous avons vécu à la régionale l'expérience d'un conseil formé de 90 commissaires; c'était assez lourd comme fonctionnement. En 1974, par un arrêté spécial, ce nombre a été réduit à 50, mais 50 délégués venant des commissions scolaires locales. Je pense que c'est un fait unique dans la province. Or, les commissaires délégués d'une commission locale sont souvent confrontés à des problèmes d'allégeance, d'appartenance ou d'identification à deux organismes: la commission scolaire locale, où ils sont élus au suffrage universel et selon des quartiers déterminés, et la commission scolaire régionale, où ils sont délégués. Le problème de détenir un double mandat pour ces délégués prend toute son ampleur en cas de divergences ou de négociations entre la commission scolaire régionale et une commission scolaire locale ou lorsqu'un des deux organismes a pris position sur un sujet quelconque, et il y a parfois des questions qui se posent aux deux niveaux.

C'est une des raisons qui nous font accepter les commissions scolaires intégrées. Cette formule d'un conseil composé de délégués est déjà difficile; il y a six commissions scolaires locales et une commission scolaire régionale. La formule des délégués ou représentants par école nous apparaît inefficace parce que les possibilités de conflits d'intérêts sont beaucoup plus nombreuses. Un commissaire doit pouvoir mettre sans problème l'intérêt de l'ensemble des écoles de la commission au-dessus de celui d'une école en particulier, sans ressentir ou avoir l'impression qu'il trahit la population qui l'a élu pour représenter les intérêts d'une école et sans devoir sans cesse rendre compte de ses positions au conseil d'une telle école. C'est la troisième raison de notre désaccord.

Finalement, le projet de loi 40 est muet quant à la représentation des centres spécialisés. Les centres spécialisés de notre territoire sont tous situés à Longueuil. Comment les élèves ayant besoin des services de ces centres spécialisés arriveront-ils à faire entendre leur voix? Qui pourra légitimement et démocratiquement défendre leurs intérêts à la future commission scolaire de Longueuil et dans les commissions scolaires environnantes? Voilà la quatrième raison de notre désaccord, car seuls des commissaires élus au suffrage universel peuvent défendre légitimement les divers besoins de leurs populations.

Pour toutes ces raisons ajoutées à celles de la Fédération des commissions scolaires, nous demandons que les commissaires représentent directement la population d'un quartier scolaire et qu'ils soient élus au suffrage universel.

D'autre part, nous sommes en faveur du maintien des comités d'école et de parents à cause de l'importance de leur rôle. Pour une implication plus grande, le projet de loi 40 n'est pas nécessaire, il suffit de rendre applicables les dispositions pertinentes de la loi 71. Le rôle consultatif des parents n'est pas péjoratif, mais, au contraire, de première importance, parce qu'il leur permet d'influencer les décisions tout en étant dégagés des règles et des contraintes administratives.

En conclusion, M. le Président, la commission scolaire régionale de Chambly est en faveur d'une gestion décentralisée vers les écoles, mais à l'intérieur des lois actuelles; à une responsabilisation plus grande des parents; à l'intégration du primaire et du secondaire, mais selon certains critères. D'autre part, elle n'est pas favorable à un projet de loi qui a pour effet, premièrement, de faire disparaître le suffrage universel; deuxièmement, d'affaiblir les pouvoirs déjà restreints des commissions scolaires; troisièmement, de multiplier les centres de décision; quatrièmement, d'apporter de fausses solutions aux problèmes de l'éducation; cinquièmement, d'imposer unilatéralement une décentralisation rigide, uniforme et aveugle; sixièmement, de diminuer la qualité et la quantité des services éducatifs sur son territoire; septièmement, de le balkaniser en proposant des unités trop petites.

Compte tenu du régime pédagogique et de l'implantation des nouveaux programmes qui ne seront achevés qu'en 1986 et peut-être même après; compte tenu des propositions de relance et de renouveau en enseignement professionnel; compte tenu de l'urgence d'une politique globale en éducation des adultes, du débat public qui devrait suivre à cet effet; compte tenu des impacts inévitables de tous ces changements sur la population scolaire jeune et adulte; compte tenu que le ministère n'a pas jugé bon d'associer ni même de consulter les commissions scolaires relativement à son projet; et on pourrait aussi ajouter: compte tenu du jugement de la Cour d'appel sur la loi 57, la commission scolaire régionale de Chambly demande le retrait pur et simple du projet de loi 40.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Chagnon et Mme Vachon-Marcotte. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la commission scolaire régionale de Chambly pour le mémoire

fouillé et soigné qu'elle nous présente ce soir. À le lire et à en entendre une partie ce soir, à lire et à entendre ce que nous dit la commission sur ses services, sur la description qu'elle en fait, sur l'organisation qu'elle préconise, je pense qu'on peut dire que c'est un travail qui mérite d'être souligné. Je note en passant qu'une commission scolaire qui dessert 20 000 élèves possède la taille nécessaire non seulement pour effectuer les économies d'échelle dont on nous parlait, mais pour dispenser des services de qualité pour l'enseignement régulier, pour les services particuliers, aussi bien pour les adultes et pour les enfants en difficulté d'apprentissage que pour les options professionnelles - on en mentionne 42 - et même pour des centres spécialisés pour élèves handicapés qui souffrent de handicaps physiques ou mentaux. Il n'est donc pas nécessaire, comme on l'a déjà prétendu ici, qu'une commission scolaire puisse desservir à peu près 100 000 élèves pour qu'elle puisse dispenser à sa population des services de qualité. C'est là une démonstration, je pense, qu'il était utile de faire.

Je note aussi qu'on peut s'entendre facilement sur certains des points qui ont été mentionnés dans le mémoire, par exemple l'intégration du primaire et du secondaire, l'importance plus grande qu'il faut donner à l'école et les responsabilités plus importantes qu'il importe de lui confier en vue de l'amélioration de la qualité de l'éducation.

J'accueille aussi favorablement plusieurs des commentaires de la commission scolaire régionale de Chambly à propos de l'éducation des adultes. Je sais que vous comptez plusieurs spécialistes dans ce domaine. Le gouvernement a même eu recours à l'un de ces spécialistes pour le faire siéger à la commission Jean. J'ai grand plaisir à le saluer ici avec vous ce soir. Je puis vous dire que la volonté politique pour mettre au point une politique d'éducation des adultes ne manque pas. Cette politique en est à ses tout derniers stades d'élaboration et je pense bien qu'il nous sera possible de la rendre publique dans des délais rapprochés. Si le livre blanc était plus éloquent à ce sujet que le projet de loi 40, c'est qu'il nous fallait attendre, précisément, que cette politique soit officialisée avant de procéder aux adaptations législatives nécessaires, mais, dès qu'il sera possible d'en arriver à une décision au niveau ministériel à cet égard, soyez assurés que je procéderai, au niveau du projet de loi 40, à toutes les adaptations législatives nécessaires.

En ce qui concerne les territoires, je comprends votre plaidoyer. Vous préféreriez que le territoire des futures commissions scolaires intégrées de votre région soit plus vaste que celui qui a été proposé jusqu'ici, mais, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, à plusieurs commissaires et dans plusieurs régions du Québec, les discussions sont loin d'être terminées. Nous sommes ouverts à toute suggestion sérieuse, pertinente, qui peut nous venir des milieux et, d'ici l'adoption du projet de loi, donc avant l'adoption du premier décret à cet égard, nous aurons sûrement l'occasion de vous rencontrer, à l'instar de plusieurs autres commissions scolaires dans d'autres régions du Québec, pour voir si nous ne pourrions pas rapprocher nos points de vue à ce sujet, à la lumière du même objectif, qui est toujours une meilleure qualité des services éducatifs.

Quant à votre préoccupation principale, je la partage également. Vous ne voulez pas que l'on oppose directeur d'école au directeur général, école à commission scolaire, je l'entends bien également de cette façon. Il ne s'agit pas d'opposer, mais il s'agit plutôt de répartir les responsabilités au lieu où elles doivent optimalement s'exercer et, ensuite, prévoir un arrimage, une articulation nécessaire de ces responsabilités entre les différents niveaux: école, commission scolaire et ministère de l'Éducation. Même si la première formulation que nous en donnons dans le projet 40 n'est pas parfaite, il reste que nous avons encore du temps pour parfaire ces formulations et c'est d'ailleurs un des avantages de ces commissions parlementaires que de nous y aider.

J'ai noté aussi avec intérêt les réalisations de la commission scolaire régionale de Chambly en ce qui concerne la gestion décentralisée des écoles. Je vois qu'elle a déjà décentralisé un certain nombre de responsabilités pédagogiques, la détermination des plans d'effectifs en particulier, l'encadrement et un certain nombre de responsabilités administratives. Et ce serait là, en fait, le sens de ma question: Si vous l'avez fait et si vous vous préparez à le faire davantage, pourquoi alors auriez-vous objection à ce que ces pouvoirs et responsabilités décentralisés au niveau de l'école soient inscrits dans un projet de loi pour que toutes les autres écoles du Québec puissent en bénéficier?

Le Président (M. Blouin): Mme Vachon-Marcotte.

Mme Vachon-Marcotte: M. le ministre, est-ce que vous me permettez une remarque, avant de répondre à votre question? Je prends grand plaisir à voir qu'il y aura peut-être quand même du temps pour parfaire le projet de loi. Je note que, quant à déterminer les territoires des commissions scolaires, vous êtes prêt à consulter les différents milieux et à tenir compte de la qualité des services à dispenser aux élèves. Quant à la décentralisation, en fait, je pense qu'il faudrait d'abord s'entendre sur la

signification du terme. Nous parlons surtout de gestion décentralisée, c'est-à-dire de délégation de pouvoirs de la commission scolaire vers les écoles, et j'aimerais, pour répondre à votre question, apporter peut-être quelques exemples de différences que nous voyons entre ce qui se fait chez nous et ce qui est proposé dans le projet de loi 40. Il y a peut-être aussi une considération à regarder, c'est que 85% de notre clientèle est dans huit écoles polyvalentes; je pense que c'est quand même un fait assez unique dans la province. Si vous avez pris connaissance de l'organigramme, qui est dans les annexes du mémoire, vous pouvez remarquer, et je l'ai mentionné tantôt, qu'il y a beaucoup de personnel qui seconde le directeur d'école. J'ai, par exemple, un organigramme d'une polyvalente, qui est peut-être plus détaillé; il y a là presque quinze personnes - par exemple, pour la polyvalente De Mortagne - qui s'occupent soit d'administration de vie étudiante ou qui peuvent enfin se répartir les différentes fonctions. (21 h 30)

Par ailleurs, je reviens un peu à ce que nous disions tantôt, c'est que cette décentralisation ou cette gestion décentralisée, elle s'est faite sous l'autorité du directeur général et, pour nous, c'est vraiment un principe très important. Comment maintenir une cohérence régionale, comment arriver à répartir les différentes ressources, si ce lien d'autorité est perdu? Nous regardons, par exemple, plusieurs articles du projet de loi et on lit: "à la demande de l'école"... "où l'école peut déléguer, demander différents services"... Qu'est-ce qui arrive si deux polyvalentes demandent tel service, que la suivante ne le demande pas, qu'une autre n'est pas contente de ce que la commission scolaire apporte? Cela nous apparaît être une situation vraiment difficile. Par ailleurs, nous avons souligné aussi que, par exemple, nos écoles de premier cycle, qui sont plus petites, où nous accueillons peut-être 400, 500, 600 élèves, bénéficient de l'aide des services régionaux et que cette aide est beaucoup plus grande. Elles disposent, évidemment, de moins de ressources aussi, parce qu'il y a moins d'élèves. Nous leur apportons quand même cette aide qui est beaucoup plus importante. Non seulement il y a nécessité d'établir une certaine cohérence et de maintenir aussi une qualité de services entre les écoles, parce que les élèves ont tous le même droit de recevoir la même qualité de services et aussi cette coordination avec les services régionaux...

Le Président (M. Blouin): Allez-y. Je m'excuse.

Mme Vachon-Marcotte: Je m'excuse.

Dans le projet de loi, par exemple, en tout cas, avec les "peut" et "à la demande", on a un peu l'impression que la coopération des services est disparue, mais je ne sais pas, moi, il me reste un peu la comparaison: Est-ce que la commission scolaire, c'est un supermarché où chacun peut venir chercher ce qu'il veut à peu près selon sa volonté? Là encore, au niveau de la cohérence, on se pose des questions. Je ne sais pas si cela répond bien... Peut-être que M. Galipeau aimerait...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Galipeau.

M. Galipeau (Conrad): Pour répondre à M. le ministre, on n'a pas d'objection fondamentale à ce que vous mettiez dans la loi le principe de décentraliser ou de déléguer des pouvoirs à l'école pour la responsabilité, cela va de soi. C'est aux moyens que vous utilisez dans le contexte de la loi 40 que nous nous opposons, parce qu'un orchestre fonctionne bien s'il y a un chef d'orchestre, pas s'il y en a deux. Mais si, par la loi, vous donnez des pouvoirs directement aux directions d'école et que ces mêmes pouvoirs sont inscrits comme appartenant également à la commission scolaire, c'est évident qu'il va y avoir des frustrations. Juste un petit exemple. Dans la loi 71, vous avez, à un moment donné, dit à un article en particulier: Ou le directeur d'école détermine son plan d'effectif, etc., et d'autres pouvoirs identiques. Mais il y a une petite phrase qui est ajoutée: sous la direction du directeur général. C'est interprété différemment suivant celui qui a le pouvoir en main. Moi, j'ai un directeur d'école qui est venu me donner un plan d'effectif qui ne correspondait absolument pas aux possibilités que la régionale pouvait se donner, mais qui faisait très bien l'affaire de l'école. Je lui ai dit: Écoute, à ce moment, si tout le monde fait cela, ça va être la pagaille. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, si vous voulez que les pouvoirs soient effectivement délégués, d'en inscrire le principe dans la loi. On vous appuie. Mais, la mécanique, laissons-en la juridiction à la commission scolaire qui, elle, à son tour la délègue à son directeur général et son directeur général, s'il est le moindrement intelligent, va lui aussi la déléguer plus bas, toujours avec l'appui de ses commissaires et du comité exécutif, et cela assure un fonctionnement harmonieux à ce moment.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Galipeau. Je vous rappelle, M. le député d'Argenteuil, de même qu'à tous les membres de la commission, que chacune des formations politiques, en vertu de notre entente, dispose maintenant d'une période de

43 minutes. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Il me fait bien plaisir de souhaiter la bienvenue, au nom de l'Opposition, à M. le président de la commission scolaire régionale de Chambly, à Mme la vice-présidente, ainsi qu'à M. le directeur général et à MM. et Mmes les commissaires.

C'est d'autant plus intéressant pour nous que la rencontre que nous avons ce soir nous fait entrer dans ce que j'appellerais une phase nouvelle du travail de la commission parlementaire. Jusqu'à maintenant, nous avons discuté de philosophie, d'organisation, de grands principes de base. Il y a eu des débats au sujet de la centralisation et autour du rôle de la commission scolaire, autour de la confessionnalité, autour du réaménagement des commissions scolaires suivant la ligne linguistique, mais on n'est pas encore véritablement entré dans l'examen du fonctionnement concret de ces institutions que veut réglementer le projet de loi 40, suivant des normes souvent nouvelles et hasardeuses à notre point de vue. Ce soir, vous nous présentez un exposé qui n'est pas du tout une charge contre le gouvernement. C'est une présentation concrète et fonctionnelle du genre de rôle qu'accomplit une commission scolaire dans sa région et du genre de problèmes qui pourraient découler de l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle et surtout dans son esprit actuel.

Ce que nous faisons ce soir illustre, M. le ministre, les raisons qui justifient notre insistance sur la nécessité d'entendre les commissions scolaires qui ont demandé à se faire entendre ici. Là, nous sommes en présence d'un modèle d'organisation et de fonctionnement, celui de la commission scolaire régionale de Chambly, commission scolaire qui fonctionne au niveau secondaire; qui, par conséquent, a des problèmes et des réalisations d'un type particulier. Il y en a une cinquantaine d'autres qui ont demandé à se faire entendre avec tout autant de bonnes raisons de vouloir présenter leur point de vue à la commission parlementaire. Il y en a dans la région de l'Abitibi-Témiscaminque; il y en a dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; il y en a dans la région des Cantons de l'Est; il y en a dans le Bas-du-Fleuve; il y en a dans la région de Montréal, évidemment; il y en a dans la région située au nord de Montréal où est situé en particulier le beau comté d'Argenteuil; il y en a d'autres également.

Vous comprendrez mieux, après le genre d'échanges qu'annonce la présentation faite par Mme la vice-présidente, les raisons qui motivent notre grande fermeté sur ce point précis. Nous aurons l'occasion d'y revenir, M. le Président, c'est un point auquel nous tenons.

Ceci étant dit, je voudrais suivre votre exemple et ne pas ouvrir le débat sur les grandes questions de philosophie, mais m'en tenir aux considérations plus fonctionnelles qui forment vraiment le coeur de votre mémoire. J'ai remarqué dans ce que vous avez dit certaines notes de fond que je voudrais retenir en vue de vous poser ensuite quelques questions. D'abord, je pense que vous avez montré bien clairement qu'il existe déjà chez vous une forte mesure de décentralisation. Il en existe déjà également dans beaucoup d'autres endroits. J'aurais cru que la première chose qu'aurait dû faire le gouvernement avant d'entreprendre de légiférer dans ce domaine, cela aurait été de faire un recensement précis et méthodique de tout ce qui se fait en matière de décentralisation, de toutes les formes de décentralisation, de délégation d'autorité, qui sont déjà à l'oeuvre dans tout le Québec et peut-être serait-on arrivé à des conclusions moins "uniformisantes", moins autoritaires, que celles qu'on nous présente dans le projet de loi sous le beau prétexte de la décentralisation.

J'ai, cependant, remarqué que vous dites une chose très intéressante, c'est que la décentralisation exige, quand même, pour fonctionner un principe d'autorité. Cela, nous aurons l'occasion d'y revenir tantôt, mais on ne peut pas prendre un volet de la proposition sans également examiner le volet qui le complète.

La décentralisation existe chez vous non seulement en matière administrative, mais également au plan pédagogique. Nous aurons l'occasion d'y revenir tantôt. Il y a une légende que tend à accréditer l'approche gouvernementale: le commissaire d'écoles, c'est bon pour administrer; cela ne connaît rien à la pédagogie; cela ne s'intéresse pas à cela; ce ne sont que des administrateurs. Ils sont parents par accident, mais ils sont surtout commissaires. La pédagogie, il faut s'arranger pour qu'on y voie ailleurs. Vous nous montrez clairement qu'il y a une fonction pédagogique essentielle qui revient à la commission scolaire, que, dans ce domaine comme dans d'autres, il y a une décentralisation très avancée qui est déjà à l'oeuvre. On y reviendra tantôt, mais je veux le souligner avant de commencer mes questions.

Vous nous faites voir également qu'il y a un nombre impressionnant d'initiatives et de services qui doivent être assurés à l'échelle de tout le territoire. Il serait illusoire de vouloir aménager école par école en prétextant que l'initiative viendra de là, c'est impossible. Vous en donnez une grande quantité d'exemples dans votre résumé, on aura l'occasion d'y revenir également tantôt. Je pense qu'il est important de poser cela bien clairement. Ce sont les grands enseignements qui, à mon point de vue, se dégagent de ce que vous me dites. Il y en a

un quatrième qui est également important, c'est qu'il faut une taille minimale pour qu'une commission scolaire puisse s'acquitter de fonctions comme celles que vous mentionnez dans votre mémoire. Le ministre a dit: Votre expérience montre qu'avec 20 000 élèves on peut faire de très bonnes choses. Il ne faut pas oublier une chose, M. le ministre, c'est que c'est une commission scolaire qui fonctionne uniquement au plan secondaire. Si vous regroupez primaire et secondaire, vous ne pourrez pas offrir la même qualité de services au secondaire avec 8000 ou 10 000 élèves que celle que vous pouvez offrir avec 20 000 ou 25 000 élèves.

On vous l'a dit depuis le début des travaux. Il faudra que vous réalisiez que les problèmes ne sont pas du tout les mêmes aux niveaux primaire et secondaire, que s'il est question de regroupement, quand on parlera de la taille d'une commission scolaire, je crois que cela doit varier beaucoup suivant le territoire qu'on veut desservir. Si on est dans un territoire métropolitain, les normes ne peuvent pas être littéralement les mêmes que dans un territoire semi-rural, semi-urbain ou principalement rural. Ce sont autant de considérations qui doivent servir d'arrière-plan à l'échange que nous voulons avoir.

Je crois comprendre que, sur chacun de ces points que j'ai mentionnés, tout chambardement inconsidéré entraînera des conséquences très sérieuses pour la qualité des services éducatifs qui sont offerts. Cela nous ramène à notre thème de fond qui est toujours celui-ci: quel est le mode d'organisation, d'aménagement des structures scolaires qui favorisera davantage des services éducatifs de qualité?

C'est derrière tout cet arrière-plan que je voudrais situer les quelques questions que je vais vous adresser après une autre remarque préliminaire à propos de l'éducation des adultes. J'étais content d'entendre le ministre vous répondre que sa politique d'éducation des adultes est en voie d'élaboration, qu'elle a même atteint, d'après ce que j'ai compris, le stade de l'examen au niveau du cabinet. Mais j'étais étonné de l'entendre dire: On va dévoiler cela et, après cela, on va le mettre dans le projet de loi. M. le ministre, il faut faire faire un débat entre les deux. Vous ne pourrez pas mettre cela dans le projet de loi du jour au lendemain. Je ne pense pas qu'on peut régler un problème comme celui-là en l'espace d'un mois ou deux. Il va falloir qu'on ait un débat sérieux. Le milieu attend cela. On s'était dit que la prochaine étape après le rapport de la commission Jean, c'est un livre blanc sur l'éducation des adultes, mais il faudra discuter de ce livre blanc pendant - je ne sais pas - quelques mois, si on veut être raisonnable, et, ensuite, il sera question de l'incorporer. Ceci montre, encore une fois, le caractère prématuré de ce projet de loi, cela prouve qu'il y aura beaucoup de difficulté à y intégrer toutes les dimensions qui sont nécessaires. Je voulais mentionner ce point pour qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous.

Je vous adresse quelques questions en vue de vous aider à préciser. J'ai remarqué une chose, c'est que vous ne parlez pas du tout de la confessionnalité dans votre présentation. Il faudrait que vous nous disiez pourquoi, au niveau secondaire, là où vous travaillez, qui est particulièrement intéressant et délicat de ce point de vue, vous ne dites pas un mot de la confessionnalité dans votre mémoire.

Mme Vachon-Marcotte: Tout d'abord parce que c'était un thème...

M. Ryan: Je vous pose la question parce qu'on en a discuté toute la journée et que cela va servir de transition.

Une voix: Cela va servir de transition.

Mme Vachon-Marcotte: Nous n'avons pas abordé cette question parce que, comme je l'ai mentionné au début, il y a seulement quelques aspects du projet de loi 40 sur lesquels nous nous sommes attardés pour échanger avec les membres de la commission. Ce débat s'est fait au niveau de la Fédération des commissions scolaires. Cependant, je dois dire que, depuis le mois d'août 1981 qu'on entend parler de la possibilité de changements aux structures et tout cela, nous avons tenu, d'ailleurs, plusieurs sessions de travail et nous avons essayé de voir comment on pourrait se prononcer sur ces questions. Nous avions pris comme position que nous acceptions le principe de commission scolaire unifiée, c'est-à-dire qui pouvait administrer à la fois le primaire, le secondaire ou les écoles de confessionnalité catholique ou protestante. Cependant, nous disons que nous sommes ouverts et, si les anglophones désirent avoir leurs institutions et garder le contrôle de ces institutions, nous sommes prêts à considérer cela et à leur donner les mêmes droits que nous réclamons aussi. (21 h 45)

M. Ryan: Très bien.

Mme Vachon-Marcotte: C'est le cas chez nous et on peut dire que, sur la rive sud, il y a certainement suffisamment d'anglophones pour qu'ils puissent se prendre en main.

M. Ryan: Très bien. Je ne m'attarde pas davantage là-dessus. Je voulais simplement savoir comment il se faisait que vous n'en parliez pas dans votre mémoire. C'est très bien.

II y a deux points sur lesquels je voudrais vous poser quelques questions. Dans le texte de votre mémoire complet, aux pages 9, 10 et 11, vous présentez un tableau qui mentionne les rôles pédagogiques qui incomberaient à l'école et à la commission scolaire en vertu du projet de loi 40 en ce qui touche, par exemple, l'application et l'enrichissement des programmes, le calendrier scolaire, l'évaluation des élèves, le matériel didactique, etc.

J'aimerais que vous nous montriez peut-être plus clairement en quoi le projet de loi 40, dans sa facture actuelle, rendrait difficile l'exercice du rôle normal de coordination, de stimulation, de contrôle et de direction de la commission scolaire. J'ai remarqué que, dans votre tableau, vous avez accompagné d'un astérisque plusieurs fonctions qui ne sont pas prévues pour la commission scolaire dans le projet de loi 40 ou sont définies de manière plus ou moins vague. Pourriez-vous m'indiquer, en particulier sur l'introduction des nouveaux programmes, en quoi la commission scolaire joue déjà et doit continuer à jouer un rôle indispensable et plus qu'un rôle de simple soutien au gré des besoins exprimés par les gens, mais un rôle dicté par l'unité, le souci de la qualité pour l'ensemble du système sur le territoire?

Mme Vachon-Marcotte: Disons que je vais prendre quelques exemples, dont l'un qui est peut-être assez frappant, celui du transport scolaire. Le projet de loi 40 dit que c'est l'école qui établit son calendrier scolaire, évidemment un peu selon les normes de la commission, alors que, chez nous, la régionale, après consultation des écoles, établit un calendrier pour nos écoles sur le territoire pour les centres d'excellence en enseignement professionnel, pour les centres spécialisés, pour les handicapés physiques et mentaux; nous voyons difficilement comment ces fonctions pourront se régler si c'est remis à l'école et si la commission scolaire donne seulement des critères.

Par exemple, au niveau du conseiller pédagogique, pour le choix des manuels, nous venons de faire, après je ne sais combien d'années, un travail pour essayer d'avoir un peu de coordination et pour qu'on ne se retrouve pas avec trop de manuels. Si c'est remis à l'école et que chacune choisit ses manuels, c'est là encore un point où c'est remis à l'école et non à la commission scolaire.

M. Ryan: Je ne sais pas si on ne pourrait pas demander à M. Galipeau de nous préciser un peu le rôle de la commission scolaire en ce qui regarde l'implantation des programmes et l'évaluation.

M. Galipeau: Je vais seulement répondre très brièvement à votre question, M. le Président, pour la situer dans l'économie de notre fonctionnement de délégation. Ensuite, je passerai la parole au directeur des services éducatifs qui, lui, pourra vous donner des exemples plus concrets de ce qui reste à la commission, de ce qui va à l'école et de ce que cela rapportera dans l'économie de la prochaine loi.

Il va sans dire que, depuis qu'on a de plus en plus accentué la gestion vers les écoles, il a fallu que la façon de procéder ou l'atmosphère ou l'attitude des gens des services régionaux change presque totalement. Au lieu de demander et d'exécuter eux-mêmes, il a fallu qu'on responsabilise les gens de l'école pour qu'ils exécutent, mais que, par ailleurs, les gens qui sont au niveau centralisé gardent la responsabilité de planifier, d'orienter et d'évaluer, donc, de suivre ce qui se fait. C'est dans ce cadre que nous disons: Avec la loi 40, étant donné qu'on n'a plus d'autorité, on ne peut plus fonctionner. Quelle école va accepter qu'on aille diriger chez elle pour lui dire ce qu'elle doit ou ne doit pas faire?

Je vais passer la parole à M. L'Espérance. Il va vous donner des exemples plus pratiques.

Le Président (M. Blouin): M.

L'Espérance.

Mme Vachon-Marcotte: Brièvement, M. L'Espérance.

M. L'Espérance (Jacques): Oui, d'accord. Disons qu'avec la loi 71 actuelle...

M. Ryan: C'est un point capital pour nous que celui-là. C'est un point capital, parce que cela va au coeur même du projet de loi 40. Je ne voudrais pas qu'il se sente pressé. Même si le président est un petit peu impatient, je voudrais qu'il nous dise cela clairement.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le député d'Argenteuil. Je vous rappelle que nous avons une limite de temps et je vous signale que c'est la vice-présidente elle-même de la commission scolaire qui a pris l'initiative de suggérer à son directeur des services de faire les choses brièvement et clairement, mais en profondeur.

M. Ryan: Cela entre à l'intérieur de notre limite de temps.

M. L'Espérance: Merci. Avec la loi 71 que nous vivons actuellement, le service des ressources éducatives de la commission scolaire a pour mission d'assurer l'application des régimes pédagogiques et des programmes d'études, d'en faire l'enrichissement,

l'adaptation, etc. Ce que nous faisons dans le système actuel, c'est que l'école applique le régime pédagogique et les programmes d'études, comme il est dit dans l'article 99 du projet de loi. La différence est qu'au niveau de la commission nous faisons l'implantation. L'implantation, c'est la préparation du milieu des enseignants, des professionnels non-enseignants pour que la qualité de l'enseignement soit améliorée. C'est toute une activité de la commission scolaire pour les écoles.

Si on répartit maintenant cette tâche dans une école, comment l'école pourra-t-elle assumer toutes ces fonctions, parce qu'elle n'a pas le personnel? Les enseignants ne peuvent pas faire cela en plus de faire leur tâche d'enseignement. C'est une grosse question que l'on se pose. Comment aurait-elle les moyens de faire tout cela? Si on dit à une commission scolaire qu'elle peut se former une équipe, la commission scolaire peut se donner cela, si les écoles sont d'accord, parce qu'elles ont un rôle pédagogique, mais limité au soutien. Pour le soutien, il faudrait attendre que les écoles disent qu'elles ont besoin de telles ou telles choses, qui peuvent être différentes d'une école à l'autre. Au-delà du soutien, nous faisons, premièrement, de la planification, de la coordination et de l'évaluation de toutes ces activités.

Dans le système actuel, je pense que nous sommes un soutien pour le ministère, qui détermine ces outils pédagogiques. Autrefois, nous déterminions les outils pédagogiques et les programmes d'études. Maintenant, le ministère a pris cela en main et nous sommes d'accord avec cette situation. Nous avons des programmes améliorés dans toute la province. Nous soutenons le ministère dans cette application. Nous assurons cette application. Quant à nous, c'est ce qu'on voit disparaître dans le projet de loi. On ne fait pas mention d'un service éducatif comme tel, comme on parle d'autres services administratifs, par exemple au niveau du personnel, des finances, de l'équipement. La loi 40 ne le mentionne pas du tout. Pour nous, c'est un recul et cela contribue à la diminution de la qualité de l'enseignement, finalement.

M. Ryan: Je pourrais vous demander d'expliciter également la question du matériel didactique, de nous dire en quoi le rôle de la commission scolaire est nécessaire là-dedans également, pour l'évaluation des apprentissages.

M. L'Espérance: Pour le matériel didactique, nous avons des conseillers pédagogiques qui ont le temps d'évaluer tout le matériel qui existe sur le marché, parce qu'il y en a beaucoup, et de choisir les meilleurs et d'en faire part aux enseignants.

C'est une tâche de participation avec les enseignants, d'animation pédagogique quant aux outils. Si on fait disparaître cette fonction, comment les enseignants vont-ils pouvoir choisir? Ils choisiront en fonction de quelques exemplaires qu'ils auront reçus. Ce sera très diversifié dans les différentes écoles et très inégal. Naturellement, ce sont des moyens. On peut envisager que les enseignants participent fortement à cela, mais cela devrait être coordonné. Mais là cela ne pourra pas être coordonné, parce que cette fonction ne pourra pas exister, étant donné que la pédagogie appartient au directeur de l'école, qui est un directeur de services pédagogiques. S'il y a 20 écoles, il y a 20 directeurs de services pédagogiques qui ne pourront pas s'entendre. Cela, c'est pour l'évaluation pédagogique.

Il y a l'évaluation formative. C'est nouveau ici; on en fait, mais pas de façon structurée. Un service comme le nôtre a une planification pour les années à venir, afin que l'évaluation formative suive l'implantation des programmes. Nous sommes dans le milieu de l'implantation et cela aussi sera coupé parce que nous avons au niveau de la commission scolaire un docimologue qui fait ce travail avec l'équipe de conseillers pédagogiques. Je me demande comment on pourrait agencer cela. J'ai essayé de penser: Au niveau d'une école, serait-il possible de faire cela? Je ne vois pas comment, à moins que cela ne soit coordonné.

C'est comme les examens d'une commission scolaire; le ministère produit des examens à la fin de l'année pour le secondaire IV et V.

M. Ryan: Vous avez mis sur pied toute une série d'examens régionaux de fins d'année?

M. L'Espérance: Ce sont des examens régionaux, c'est ainsi qu'on les appelle, oui, pour le secondaire I, II, III. C'était pour les matières de base et nous incluons maintenant, avec les nouveaux programmes, l'écologie, la géographie. Nous avions l'intention d'aller jusqu'au bout, jusqu'en secondaire V; que, pour chaque cours, il y ait un examen régional à la fin de l'année qui ne compte pas pour 50% comme ceux du ministère, mais pour 20%, qui contribue à la note de l'élève et qui nous dise si le programme a vraiment été suivi. C'est l'objectif principal.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Fabre.

M. Champagne (Mille-Îles): De Mille-Îles.

Le Président (M. Blouin): M. le député

de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président. Je veux saluer les représentants de la commission scolaire régionale de Chambly qui a présenté un mémoire aux couleurs de l'espérance. J'avais vu votre premier texte, sous couverture brune, avec le titre Balkanisation et réduction de services. Cela me faisait peur au point de départ, mais, ce soir, vous avez teinté votre discours des couleurs de l'espérance.

Je peux vous dire ma grande surprise de voir la grande conclusion de votre mémoire à la suite de ce qu'on voit dans certains passages. J'en lis quelques-uns. À la page 7: "Ainsi, tout le monde s'entend pour donner plus d'importance et de responsabilités à l'école." Un peu plus loin: "l'amélioration de la qualité, de la quantité des services aux étudiants, c'est donc à partir de ce critère et en tenant compte de notre vécu..." Le vécu quotidien, pour moi, disons que c'est à l'école. Je vois et j'en passe. Je remarque l'importance que vous attachez aux comités d'école et aux comités de parents en page 39: "La commission scolaire régionale de Chambly favorise le maintien des comités d'école et de parents. Elle considère, en effet, important que les parents continuent à faire connaître leurs besoins et qu'ils soient consultés." Plus bas, vous finissez: "Le rôle consultatif des parents n'est pas péjoratif, mais de première importance."

C'est là qu'on arrive à ce que M. Galipeau disait tout à l'heure. On parlait de chef d'orchestre. C'est bien sûr qu'il y en a qui vont dire que le chef d'orchestre peut être le ministre de l'Éducation; le chef d'orchestre peut être aussi le président de la commission scolaire ou la commission scolaire; le chef d'orchestre peut être aussi à l'école, le principal d'école. Le représentant de la Fédération des principaux d'écoles - ils n'ont pas parlé de chef d'orchestre, ils ont parlé de capitaine de bateau - disait que le vécu se vit dans une école dont on connaît les besoins en services. Qu'ils soient coordonnés, je suis d'accord avec vous. Je pense qu'avec le projet de loi 40 ce n'est pas une espèce d'improvisation dans toutes les écoles; il y aura coordination. Vous connaissez les responsabilités que le projet de loi 40 respecte au niveau des commissions scolaires.

C'est pour cela qu'en parlant de chef d'orchestre on se demande qui doit diriger davantage pour avoir la meilleure éducation dans une école particulière comme telle. C'est cela, la grande discussion qu'on a depuis deux semaines, depuis même trois semaines autour de cette table et on en aura peut-être encore pour deux semaines. Votre grande conclusion, c'est le retrait pur et simple du projet de loi 40.

(22 heures)

D'autre part, vous êtes en faveur de la commission scolaire linguistique, sans le dire carrément. Vous êtes en faveur d'une décentralisation vers les écoles à l'intérieur des lois actuelles, par exemple, mais vous êtes en faveur de la décentralisation, en faveur de la responsabilisation plus grande des parents. Vous êtes en faveur de l'intégration du primaire et du secondaire. Pourtant, vous arrivez à la conclusion du retrait pur et simple du projet de loi. Moi, j'aurais aimé que vous arriviez avec des propositions et avec des amendements. Il n'est pas question d'amendements, même si vous êtes, quand même, en faveur de plusieurs points. Considérant le dynamisme de votre commission scolaire, vous n'êtes sûrement pas en faveur du statu quo. Comme membres de la commission parlementaire, on se demande si ce n'est pas, quand même, brutal comme conclusion. Dans le projet de loi, n'y a-t-il pas des éléments positifs? Et ils sont positifs. Je voudrais donc avoir vos commentaires sur ce que vous endossez. Vous n'êtes sûrement pas en faveur du statu quo, mais vous demandez le retrait du projet de loi 40.

Le Président (M. Blouin): Mme Vachon-Marcotte.

Mme Vachon-Marcotte: Si vous me le permettez, M. le Président, c'est, évidemment, beaucoup de questions à la fois; j'ai essayé de les noter et je vais tenter d'y répondre aussi. Quand on parle du rôle des parents, je suis, quand même, assez à l'aise pour en parler. J'ai moi-même fait partie pendant quatre ans de comités d'école et de parents. J'étais présidente du comité de parents à ma commission scolaire locale avant de me présenter comme commissaire. Pourquoi ai-je fait ce changement à un moment donné? C'est que, après avoir fait cette expérience aux comités d'école et de parents - que je trouvais, d'ailleurs, très valable, et je reviendrai tantôt sur le rôle consultatif que les parents peuvent jouer -j'ai eu envie, à un moment donné, de voir davantage ce qui pouvait se faire au niveau de l'administration et je me suis présentée comme commissaire. Cela fait déjà sept ans et, en plus, je suis aussi une ancienne enseignante. Je pense que les questions pédagogiques m'intéressent beaucoup. Si vous regardez les commissaires qui sont ici, nous sommes quatre également à avoir fait partie de comités d'école. Notre président n'en a pas fait partie, mais il est passé dans le système - c'est peut-être aussi valable, finalement - comme étudiant. C'était un étudiant de Chambly. C'est peut-être rare comme phénomène. Enfin, on l'a réchappé un peu.

Quand on dit: J'étais au comité d'école,

je suis devenue commissaire et, tout à coup, cela semble être moins valable, ce que je peux apporter comme commissaire, c'est cette espèce d'opposition parent-commissaire. Si je regarde, par exemple, dans nos commissions scolaires, nous sommes des parents à 75% et ce n'est pas par accident, c'est parce que les gens s'y intéressent. Quand le projet de loi dit: On va baisser cela, on va mettre cela à 50-50, là, vous réduisez. Par ailleurs, j'ai trouvé enrichissant qu'un conseil d'administration soit formé de gens qui venaient du marché du travail, qui étaient peut-être des employeurs, qui étaient peut-être des gens qui ont maintenant des enfants au cégep, à l'université ou sur le marché du travail, ou peut-être des gens aussi qui, dans deux ans, auront des enfants qui seront là. Je pense que la richesse d'un conseil d'administration vient du fait que les expériences de chacun sont diversifiées. Pourquoi privilégier un groupe? Est-ce qu'au niveau municipal, par exemple, on va dire: La ligue des citoyens c'est un peu comme les comités d'école, et les conseillers, c'est autre chose? Je pense que le rôle des parents est irremplaçable. Il est bien sûr que leurs préoccupations sont là. Pour avoir vécu l'expérience, pour avoir soumis à la commission scolaire certaines préoccupations, l'évaluation des élèves, par exemple, au niveau des bulletins, les bibliothèques scolaires et avoir vu que c'est devenu des priorités de la commission scolaire, je peux vous dire que, lorsqu'on dit un rôle consultatif, je pense que les comités d'école et de parents, ce sont des organismes de pression très forts. Essayons de fermer une école dans un quartier et je vous jure que vous avez une résistance et c'est très fort. Alors, je ne vois pas pourquoi on essaie de dire que ce n'est plus bon parce que la personne est devenue maintenant un commissaire. En plus, les liens que j'ai gardés avec les gens des comités d'école ont fait que je suis restée très proche du milieu. Ils savent facilement comment ils peuvent m'atteindre et je peux aller aussi très librement à l'école, à leurs réunions, pour les rencontrer. Je pense que l'éclairage qu'ils peuvent nous apporter est très nécessaire. On dit, par exemple, que, comme parents, ils n'ont pas à se plier aux règles administratives, aux contraintes budgétaires. Ils peuvent bien demander de garder l'école dans un quartier où il y a peut-être maintenant seulement 200 élèves alors que l'école pourrait en contenir 400 ou 500. Il reste quand même que, à un moment donné, le commissaire administre les biens publics et il doit aussi avoir cette préoccupation, tout en ayant la préoccupation des services à rendre dans le milieu. On parlait tantôt de l'éducation des adultes. Comment ces gens-là sont-ils représentés? Est-ce qu'il faudrait des grands-parents, à un moment donné, au conseil? Alors, sur le rôle des parents, je pense que j'ai un peu donné la réponse.

Vous parlez du rôle du directeur d'école, un capitaine. Vous savez, j'ai essayé de relever les fonctions qui seraient dévolues à un directeur d'école; je n'ai pas terminé, parce qu'il y en avait trop. Si vous regardez, par exemple, aux articles 86, 87, 88 du projet de loi, on donne les fonctions du directeur d'école. Je ne sais pas si vous avez remarqué le nombre de comités qu'il est obligé de mettre en place en début d'année: assemblée pour faire élire les membres de son comité d'école; assemblée pour faire élire les représentants des enseignants ou du personnel; aux articles 64, 67, 70, il faut qu'il assure le suivi de toutes ces réunions-là, qu'il soit présent. C'est en plus des autres fonctions de l'école, parce qu'on a parlé tantôt des fonctions éducatives, des programmes à enrichir. Il peut y avoir de l'enseignement professionnel, de l'adaptation scolaire, des ententes à négocier, et on a vu que ce n'était pas facile. Alors, on se demande, à un moment donné, si vraiment le directeur d'école ne deviendra pas un administrateur, finalement; il ne sera plus capable d'assumer le leadership pédagogique, par exemple, de son équipe. Il y a un autre élément, un directeur d'école peut être congédié...

Le Président (M. Blouin): Je comprends que vous ayez beaucoup de choses à dire. Cependant, vous comprenez aussi que nous sommes limités dans nos débats. Je crois que M. Chagnon a un complément de réponse à apporter ici.

Mme Vachon-Marcotte: Oui. C'est parce qu'on m'avait posé plusieurs questions.

Le Président (M. Blouin): Oui. Je comprends que c'est intéressant, mais vous y répondez peut-être un peu longuement.

Mme Vachon-Marcotte: D'accord.

Le Président (M. Blouin): M. Chagnon.

M. Chagnon: Quinze secondes à peine, M. le Président. J'avais dit tout à l'heure que je chercherais à éviter de prendre la parole, mais le député de Mille-Îles mentionnait tout à l'heure l'immense travail fait à la régionale de Chambly, tant au niveau de la responsabilisation accrue des écoles qu'à tous les autres niveaux, particulièrement sur le plan pédagogique. Je voudrais tout simplement mentionner que nous avons fait tout cela dans le cadre des lois actuelles. Bien qu'effectivement on pourrait rajeunir certaines lois dans le secteur, la Loi sur l'instruction publique entre autres, nous pensons tout de même qu'il n'est pas nécessaire de casser la

baraque pour tout cela. C'est tout.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Chagnon. M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Je demeure, quand même, convaincu que votre conclusion, elle est grosse à prendre, considérant qu'il y a beaucoup d'éléments positifs dans le projet de loi 40. Si on m'accordait un peu de temps, il y a un élément: lorsque vous parlez de chef de groupe, à la page 28...

Le Président (M. Blouin): Je vous invite à poser une question précise.

M. Champagne (Mille-Îles): D'accord. Cela m'intéresse parce que j'ai déjà été un chef de groupe et c'est un élément pédagogique. Vous parlez du remplacement de la structure des chefs de groupe par celle des directeurs adjoints afin d'améliorer l'encadrement des élèves et la qualité de vie dans nos polyvalentes. Cela veut dire que le chef de groupe, par essence, doit voir à tous les éléments pédagogiques d'un département, que ce soit en mathématiques, en français, en géographie, et les autres. À un moment donné, le coordonnateur qui fait que la pédagogie fonctionne dans un département dans une école donnée, vous l'enlevez pour donner un peu plus d'encadrement aux élèves. Je peux vous dire que cela me surprend quand même, cette décision. On préfère peut-être un élément d'encadrement à l'élément pédagogique. À moins que vous n'ayez un commentaire, madame.

Mme Vachon-Marcotte: Je pense que nous en avons parlé aussi dans le mémoire, mais, si vous me le permettez, je demanderais à M. Alphonse Pundzius, qui est directeur de zone tout en étant directeur général adjoint, de répondre à votre question. Je pense qu'il va préciser davantage leur rôle.

Le Président (M. Blouin): M. Pundzius, il s'agit d'une question précise et j'aimerais que vous y répondiez le plus succinctement possible pour que nous puissions passer à un autre intervenant, s'il vous plaît.

M. Pundzius (Alphonse): M. le Président, je pense que l'arrivée des directeurs adjoints pour remplacer les chefs de groupe avait comme premier but d'éviter de disperser les forces. Un chef de groupe qui est en même temps enseignant et à qui on confie également des tâches d'administration, de gérance, est mis en situation de conflit. Pendant quelques heures, la semaine, on lui demande d'être gérant, de prendre des tâches qui, à un moment donné, peuvent même nuire d'une façon assez sérieuse à ses confrères à cause des obligations qu'il assume et, d'un autre côté, effectivement, le lendemain ou quelques jours plus tard, il a des tâches vraiment d'un enseignant. Alors, on a voulu enlever cet élément de contradiction à l'intérieur des deux tâches afin de permettre à l'adjoint de se consacrer davantage à une coordination des enseignants qui, eux, effectivement, ont la première tâche d'encadrement.

Je pense que c'est clair que le premier intéressé et celui vraiment qui fait l'encadrement dans une école, c'est l'enseignant, mais à l'intérieur d'une structure qui lui permet quand même de faciliter sa tâche, et l'adjoint avait ce rôle.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Pundzius. Merci, M. le député de Mille-Îles. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Je voudrais remercier la commission scolaire régionale de Chambly pour un mémoire, je pense, très bien préparé et une défense du mémoire extrêmement convaincante et objective qui fait une démonstration de l'intérêt que des commissaires d'écoles peuvent porter à l'éducation dans son ensemble, tout en étant capables d'intégrer les responsabilités administratives ou pédagogiques.

La première question que je voudrais poser, c'est au responsable de l'éducation des adultes. J'aimerais d'abord vous demander, dans l'optique du projet de loi qui est devant nous, quel rôle pourrait revenir à l'éducation des adultes, c'est-à-dire le rôle de la commission scolaire eu égard à l'éducation des adultes.

Mme Vachon-Marcotte: Je demanderais à M. Claude Desmarais de répondre.

Le Président (M. Blouin): M. Desmarais.

M. Desmarais (Claude): On est dans la confusion là-dessus parce que, comme l'a dit le ministre tantôt, on a un article de loi qui le mentionne. Dans la loi 71, il y avait une timidité, mais il y avait quand même pour la première fois le mot adulte. Actuellement, on a ajouté le mot école. Donc, c'est un peu cela qui fait que, dans le milieu de l'éducation des adultes actuellement, on regarde le discours qui avait deux pages dans le livre blanc et on regarde l'article 92 et on reste dans la confusion. On n'a aucune précision sur les modalités et c'est un peu dans ce sens que les questions du mémoire sont avancées. Maintenant, peut-être que les rédacteurs du projet de loi pourraient nous en dire davantage. Les gens de l'éducation des adultes, actuellement, se posent plus les questions qui ont été posées depuis plusieurs années. On ne sait pas trop actuellement où cela s'en va. Plusieurs ministres nous ont annoncé des politiques. On nous annonce

depuis 1975 qu'on va s'occuper de l'éducation des adultes. En 1977, on a dit: Après le livre vert et les livres qui ont suivi, on viendra au dossier de l'éducation des adultes. On a eu les renforcements de 1979. Finalement, le gouvernement a confié ce mandat à un ministère d'État plutôt qu'à des ministères sectoriels. (21 h 15)

Maintenant, on est dans une situation où, depuis quelques mois, ce qui filtre des discours qu'on nous sert au niveau administratif ou au niveau politique, ce sont toutes sortes de petits changements structurels et tout. C'est ce qui fait que le milieu de l'éducation des adultes et nous, à Chambly, on est dans la confusion. L'article 92 ne nous dit rien là-dessus.

La régionale de Chambly, depuis 1974 ou 1975, avec la fédération, a réclamé une politique, s'en est donné une localement, a énoncé ses points de vue sur ce que devrait être une politique d'ensemble au Québec et a aussi contribué à faire identifier la problématique. Elle a présenté un mémoire à la commission Jean, l'a débattu, etc. Actuellement, on doute de la volonté politique. Je pense qu'on a énormément d'éléments qui nous font douter de cette volonté politique.

On regarde les questions fédérales-provinciales qui sont toujours en suspens sur ce dossier. L'accord fédéral-provincial se termine en 1985. Le Québec va-t-il revenir à ses intérêts historiques dans le dossier de l'éducation par rapport à ce mandat? Si on fait la foulée vers une politique de main-d'oeuvre et une politique de développement économique, le Québec ne sera jamais capable de faire sa négociation d'un accord spécifique à ses intérêts historiques dans le dossier éducatif des adultes. C'est un peu tout cela qui fait qu'on ne sait pas trop où on s'en va avec cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est moi qui ai peut-être mal exprimé ma question, quoique c'est fort intéressant, la problématique que vous apportez à l'égard de l'éducation des adultes. Mais quel est le rôle que la commission scolaire peut jouer? Surtout, quel rôle la commission scolaire joue-t-elle présentement, eu égard au soutien apporté à l'éducation des adultes et à son développement? Comme vous le dites, les commissions scolaires ont développé des services aux adultes qui sont devenus, finalement, un peu comme une espèce d'appendice, on n'est pas tout à fait sûr où ils s'accrochent. Mais quel rôle de soutien une commission scolaire peut-elle apporter? Peut-être que l'éducation des adultes pourrait tout simplement s'en passer.

M. Desmarais: Pour nous, à Chambly, les débats qui ont été clarifiés à l'intérieur de notre politique locale ont énormément précisé cette clientèle spécifique, les types de services et les modes d'actions nécessaires pour développer des services de qualité et en quantité aux adultes. Mais on note aussi que, depuis trois ans, on a eu énormément de difficultés, même davantage qu'avant. Avant, on était, quand même, dans une phase de développement. Depuis trois ans, il y a eu les coupures budgétaires de 1981 et on a eu une prestation de services qui a été énormément réduite. On a fermé des centres. M. Jutras était à ce moment président du comité fonctionnel de l'éducation des adultes et on avait étudié le dossier des coupures versus les orientations de développement, parce que ce que cela nous prend, c'est une politique d'ensemble pour promouvoir le développement de l'éducation des adultes et le jeu de l'annualité dans lequel on est continue.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Ryan: J'ai seulement une question technique, M. le Président. Mme la vice-présidente a mentionné tantôt que ce document sur la politique d'éducation des adultes pourrait être remis aux membres de la commission. Y aurait-il moyen qu'on nous le fasse remettre?

Mme Vachon-Marcotte: Le secrétaire général pourrait vous en remettre des copies.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Il suffit de le remettre au secrétariat et nous le ferons distribuer aux membres.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que selon les commissions scolaires le service de l'éducation des adultes peut s'articuler différemment. Dans ce sens-là, je pense que la demande du député d'Argenteuil serait intéressante. Cela rejoint aussi ce que tout le monde pense. Il n'y a pas eu une pensée globale ou, enfin, cohérente de développée. Chacune des commissions scolaires y est un peu allée selon ses besoins, selon ses ressources et selon la dynamique propre qu'elle a développée à l'endroit de l'éducation des adultes.

M. Desmarais: II demeure un secteur assez centralisé quand même au niveau...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Desmarais: ...des règles du jeu: commanditaires fédéraux, commanditaires provinciaux. C'est un peut tout cela qui fait qu'on ne sait pas trop où on s'en va. Mais finalement, avec, malgré tout, très peu de législation - timidité de ce côté-là l'ensemble des commissions scolaires, depuis

une dizaine d'années, en tout cas, a quand même fait l'impossible dans cette situation, en quantité et en qualité de services. Il y a beaucoup de développements originaux et on en est fier.

Maintenant, je pense qu'il y a un besoin de développer ce secteur. Actuellement, on n'a pas les supports politiques pour le développer. Cette marginalité, ce ne sont pas les gens de l'éducation des adultes qui se la donnent; ce sont plutôt des structures qui ne s'en mêlent pas suffisamment. Le témoignage que nous faisons, à Chambly, c'est que, depuis une dizaine d'années et davantage, les commissaires s'en sont mêlés et on est venu à bout de clarifier les deux clientèles, les deux missions et de se donner des modes d'action propre pour développer ce secteur. On rapporte dans notre mémoire les investissements précis et concrets que la commission scolaire de Chambly a décidé de faire en éducation des adultes physiquement, en support, en services financiers, en services administratifs, au service de l'équipement. On nous a accordé une école primaire qu'on a recyclée en centre d'éducation des adultes avec le support de la DGA. Finalement, ce sont des choses qui se font chaque année.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la maison des adultes à laquelle vous faites référence et dont vous venez de parler pourrait être assimilée à une école au sens où ceci est prévu...

M. Desmarais: Une école d'adolescents?

Mme Lavoie-Roux: ...au sens du projet de loi.

M. Desmarais: Je ne le pense pas. C'est un centre exclusif aux adultes, de par son projet de base, de par la décision politique du projet. Cela a été une décision locale de donner ce moyen aux adultes de notre territoire. Il n'en est pas question. Le ministère aussi était d'accord avec cette expérience de centre exclusif.

Mme Lavoie-Roux: Une seule autre question, parce que mon collègue de Saguenay veut poser des questions. Dans vos recommandations qui touchent l'intégration de l'élémentaire et du secondaire, à laquelle vous êtes favorables, vous faites, quand même, des mises en garde, particulièrement à 6.18 et 6.19. "Cette intégration ne doit cependant pas se faire à n'importe quel prix et surtout pas au détriment de la qualité et de la quantité des services de l'enseignement secondaire." Vous dites à 6.19: que "soit facilitée cette intégration en assouplissant les règles prévues pour la faire." Pour ma part, je suis un peu moins familière avec les problèmes reliés à l'intégration de l'élémentaire et du secondaire, parce que j'ai toujours fonctionné dans une commission scolaire où ils étaient intégrés. Je me demandais si vous pouviez développer les mises en garde que vous faites à 6.18 et 6.19.

Mme Vachon-Marcotte: M. le Président, il est vrai que nous avons des réserves et il est important de maintenir un certain niveau. Disons que les avantages sont les suivants: il y a une seule administration et le commissaire qui est élu voit à l'ensemble des services pour les jeunes et les adolescents, et on pourrait dire les adultes aussi. Évidemment, cela évite de multiplier les réunions. Cela veut dire que nous avons des réunions à la locale pour le primaire et des réunions à la régionale pour le secondaire. L'un des plus grands avantages, c'est peut-être la possibilité d'une plus grande continuité de services pour les élèves. Cependant, nous pensons que cela doit se faire et il faut regarder vraiment ce qui est possible. Peut-être parce qu'on est moins nombreux à la locale, il y a toujours eu -cela est, d'ailleurs, dans tout le Québec -intégration. Ce sont toujours les locales qui ont voulu reprendre leur secondaire. D'ailleurs, en 1979, nous avions fait une étude et on prévoyait tout un cheminement possible de consultation des parents et des intervenants. Finalement, nous arrivons à la conclusion qu'il faut regarder certaines hypothèses, aussi bien la possibilité qu'il y ait une seule commission scolaire qui administre à la fois pour la région. Même si on a parlé tantôt de taille minimale à 20 000, il reste quand même que, dans une région métropolitaine, cela pourrait aller -on cite des chiffres à un moment donné -entre 20 000 et 40 000, et peut-être à plus que cela.

Il faudrait regarder aussi deux ou trois regroupements avec différentes variables. Nous n'avons pas fait de proposition parce que nous n'avons pas eu le temps. C'est un processus très long; il y a toute la répartition des équipements. Si vous regardez, il y a un problème aussi à Chambly. Sur la carte, qui est à l'annexe 1, vous remarquez que beaucoup d'écoles sont dans la région de Longueuil, tous nos centres pour handicapés, par exemple. Il y a certaines considérations à regarder. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Disons que pour les règles administratives on demandait que toutes les locales soient d'accord pour qu'on puisse mettre en branle le processus d'intégration. Il fallait l'unanimité. Nous souhaiterions que ce soit plus souple et qu'il suffise d'une majorité de commissions scolaires.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par prendre le temps de saluer nos invités, les représentants de la commission scolaire de Chambly. Je vous transmets également les salutations du député de Vachon que vous connaissez bien également. Je le fais parce que le député de Vachon, à cause du temps qui nous est alloué, n'aura pas le temps d'intervenir.

J'ai eu l'occasion de participer à un colloque que vous aviez organisé sur la réforme scolaire au mois de mai dernier. J'ai vu tout le dynamisme qui anime votre commission scolaire. J'ai eu également l'occasion de participer aux fêtes de votre vingt-cinquième. Il s'agit d'une commission scolaire extrêmement dynamique et votre mémoire reflète ce dynamisme parce qu'il est très bien articulé.

Puisque le temps, malheureusement, ne nous permet pas d'aller très loin, je voudrais faire porter l'essentiel de mon intervention sur la question de la décentralisation. C'est au coeur de notre débat et cela occupe une place importante dans votre mémoire. Je pars de cette idée que vous proposez dans votre mémoire: le conseil d'orientation comme formule de rechange à ce qui est proposé dans le projet de loi 40. Je pars également du fait que les parents qui sont venus à cette commission parlementaire ont manifesté le besoin, le désir, que nous allions plus loin que ce qui était prévu dans la loi 71, c'est-à-dire plus loin que de leur accorder un conseil d'orientation.

Je retiens également le fait que dans le livre vert, lorsqu'il y a eu consultation... J'ai ici le rapport synthèse des résultats de la consultation du livre vert; je lis une citation rapidement: "L'un des faits saillants qui ressort de la consultation réside dans la détermination affirmée des parents à faire franchir à la participation une étape décisive, celle qui dépasse le stade d'une consultation soumise au gré des humeurs des agents de l'éducation." Plus loin, de façon plus détaillée, on parle d'une volonté de codécision.

Le projet de loi 40 est une formule. M. Galipeau, tout à l'heure, mentionnait que le projet de loi pourrait poser le principe, mais laisser la mécanique aux commissions scolaires. Le projet de loi propose un principe et une mécanique. Mais quel principe? Le principe que ce conseil d'orientation ou ce conseil d'école - parlons d'une table de concertation au niveau de l'école - sera décisionnel ou consultatif. Je pense qu'on parle là d'un principe et non de la mécanique. Seriez-vous prêts à ce que cette table de concertation - qu'on l'appelle conseil d'école ou conseil d'orientation - ait des pouvoirs décisionnels et que ce principe apparaisse dans le projet de loi 40?

Mme Vachon-Marcotte: Je pense que cela pourrait se faire par voie de délégation. Il faut tenir compte des milieux. On parle beaucoup aussi de projet éducatif. Je pense que le rôle qui était dévolu au conseil d'orientation était précisément le projet éducatif. Nous pouvons aussi en parler à la régionale de Chambly. Cependant, il reste quand même qu'il faudrait s'entendre aussi sur ce que veut dire un projet éducatif. Je pense que le ministère doit définir... (22 h 30)

M. Leduc (Fabre): Je m'excuse, madame. C'est à cause du temps. Je comprends votre idée du projet éducatif, il est au coeur du conseil d'orientation et c'est vrai.

Mme Vachon-Marcotte: C'est cela.

M. Leduc (Fabre): J'ai la loi 71 où on parle de recommandations: "Le conseil d'orientation est chargé de faire des recommandations à la commission scolaire, etc." Les seuls pouvoirs dont il dispose, c'est de faire des règlements pour sa régie interne, de participer à la mise en oeuvre du projet éducatif, c'est vrai. Mais, sur le principe d'un conseil, d'une table de concertation avec un certain nombre de pouvoirs décisionnels, je sais que, quand la fédération est venue - M. Chagnon était là -elle était d'accord pour que les fonctions de ce conseil d'orientation ou de ce conseil d'école soient inscrites dans le projet de loi. Ils étaient même prêts à aller jusque-là, à savoir que les fonctions précises soient inscrites dans le projet de loi.

Quant au principe, seriez-vous d'accord pour qu'on établisse le principe qu'il y ait un pouvoir décisionnel d'accordé? Peu importe la mécanique, on pourra y voir après. Cela semble important parce que c'est la ligne de démarcation actuellement entre certains groupes. Je ne parle pas de certaines commissions scolaires parce qu'il y a des commissions scolaires qui sont venues ici nous dire qu'elles étaient d'accord avec ce principe d'un pouvoir décisionnel à l'école. J'aimerais que vous répondiez précisément à cette question compte tenu du peu de temps dont on dispose.

Mme Vachon-Marcotte: Je pense que nous préférons parler de concertation et de pouvoirs délégués au milieu. J'entendais tantôt le comité de l'école FACE et je pense que c'est un peu aussi ce qu'il réclamait. Pour nous, c'est à partir de la commission scolaire.

M. Leduc (Fabre): Seriez-vous d'accord

pour que les conseils d'école ou les conseils d'orientation, peu importe, réclament à la commission scolaire ces pouvoirs décisionnels? Vous les déléguez, mais c'est le conseil d'école qui demanderait qu'on lui délègue ces pouvoirs.

Mme Vachon-Marcotte: Je pense qu'il faudrait tenir compte aussi des différents milieux et de leur capacité, comme on le mentionnait tantôt, de s'adapter vraiment et d'absorber. Un conseil d'orientation peut faire énormément dans l'école. Au niveau du projet éducatif, pour savoir comment, par exemple, se vivront telles valeurs qu'on aura privilégiées dans le milieu, le rôle du conseil d'orientation est vraiment essentiel, je pense.

M. Leduc (Fabre): M. Galipeau, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Galipeau: D'après ce que je vous disais tantôt, à partir du moment où vous avez délégué des pouvoirs à un organisme, que vous l'appeliez comité d'école ou comité d'orientation, il est entendu qu'il aura à prendre des décisions d'exécution dans le cadre de ce qu'on lui a délégué. Je ne lui déléguerai pas plus que ce que j'ai, d'ailleurs, comme les commissaires ne nous délèguent pas plus que ce qu'ils ont. Pour autant que les règles du jeu sont bien établies de façon que la collectivité - je parle de la commission scolaire - ait une coordination pour qu'il n'y ait pas de malentendus. Que les gens ne s'imaginent pas que, parce qu'ils s'appellent membres du conseil d'orientation, ils ont tous les pouvoirs de la commission scolaire. C'est inutile d'y penser. On s'entend là-dessus?

M. Leduc (Fabre): On s'entend là-dessus, mais on s'entend pour dire aussi que tous les pouvoirs de la commission scolaire ne sont pas délégués ou donnés au conseil d'école dans le projet de loi 40. Il s'agit tout de même de pouvoirs qui s'exercent et dont les fonctions sont exécutées présentement par l'école. Il s'agit donc de pouvoirs limités, sous la surveillance de la commission scolaire, coordonnés par elle.

Sur le principe, si je comprends bien, vous n'êtes pas tout à fait branché.

M. Galipeau: Oh oui'. Je suis très branché.

M. Leduc (Fabre): Oui?

M. Galipeau: Je suis d'accord avec vous pour qu'on inscrive dans la loi le principe de la délégation. Pour moi, ce n'est même pas nécessaire, mais que vous le mettiez peut-être pour corriger les rébarbatifs qui ne veulent absolument rien déléguer et qui veulent garder tous les pouvoirs, ce n'est pas mauvais. Il est évident qu'à partir du moment où vous avez délégué celui qui reçoit les pouvoirs les exerce.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom de mon éminent collègue de Saint-Henri qui, malheureusement, n'a plus de temps, permettez-moi de vous saluer et de vous féliciter pour la teneur de votre mémoire, auquel vous avez consacré beaucoup de temps. Je suis persuadé que certains membres de cette commission ont été avantageusement éclairés quant au fonctionnement des commissions scolaires et des services qu'elles offrent.

Tout à l'heure, le député de Fabre citait certains passages de la synthèse des résultats de la consultation qui avait été faite. Je me réfère au paragraphe suivant celui qu'il a mentionné qui dit: "Beaucoup de groupes de parents réclament des formes de participation qui vont au-delà de la consultation. L'insertion codécisionnelle revendiquée ne doit pas être confondue avec la cogestion intégrale." Je pense que ce serait aller au-delà du désir des parents d'en arriver à cette cogestion. Il faut conserver un lien normal d'autorité à l'intérieur d'une commission scolaire.

En parlant d'autorité, vous avez souligné dans votre mémoire, à la page 2, l'article 1.1.4, que les représentants des écoles au conseil d'administration de la future commission scolaire pouvaient avoir, très souvent, des conflits d'intérêts. J'aimerais que, brièvement, vous précisiez un peu cela et j'aurai une autre petite question.

Mme Vachon-Marcotte: On peut quand même facilement dire que cela peut se produire à différents moments. S'il y a une négociation entre une commission scolaire locale et la commission scolaire régionale, ce n'est pas facile pour un commissaire qui est délégué par ses collègues de cette commission scolaire de prendre position. Quand il revient dans sa commission scolaire, parfois, il se fait dire: Écoute, tu as pris telle position et tu n'aurais peut-être pas dû. Cela n'est pas facile et il n'y a que six commissions scolaires locales et une commission scolaire régionale. Imaginez-vous quand il y aura je ne sais combien de membres venant de chaque école. Peut-être que M. Jutras aimerait compléter ma réponse.

M. Jutras (Claude): II faut quand même faire attention. Notre région, par exemple, la rive sud, est relativement grande. Chez moi, on retrouve carrément des agriculteurs. Vous arrivez dans la région de Longueuil qui est

relativement industrielle. Imaginez-vous un parent qui partirait de ma localité et qui aurait à discuter avec une centaine d'autres parents de problèmes d'une école qui ne les touche pas. Je pense que c'est excessivement difficile; le conflit est là. Même dans la loi 40, on n'a qu'à regarder les articles concernant l'engagement du directeur d'école. On dit: Le personnel est sous la responsabilité de la commission scolaire. Dans un autre article - il me semble qu'il s'agit de l'article 83 - on dit que c'est le comité d'école qui décide de l'engagement du directeur d'école, sur recommandation de... Il peut quand même, par un vote aux deux tiers, résilier son contrat. Si cela arrivait, où est ce monsieur à l'intérieur d'un groupe de cent individus d'une centaine d'écoles? Que faites-vous avec?

M. Maltais: Comment concevez-vous une commission scolaire, telle que projetée dans le projet de loi 40, qui, comme la vôtre, regroupe 20 000 élèves? Comment cela fonctionnerait-il?

Mme Vachon-Marcotte: Tel que proposé dans le projet de loi 40?

M. Maltais: Oui.

Mme Vachon-Marcotte: II y a cinq territoires, cinq commissions scolaires. Il y en a quatre qui n'ont pas 20 000 élèves. Prenons celle de Boucherville-Varennes qui serait formée; il y a une école de premier cycle et une polyvalente. Il n'y a pas suffisamment de place pour accueillir tous les élèves de ce secteur. Il faudrait envisager autre chose. Je vous donne un exemple. On dit que le projet de loi 40 veut diminuer le nombre de commissaires. Chez nous, actuellement, ils sont 92 et si je regarde cela, avec le projet de loi 40, on va se rendre à 102, et peut-être plus, parce qu'à un moment donné Longueuil va se ramasser avec 40 commissaires si les centres d'excellence ont un représentant. S'il n'y en a pas, cela fait six de moins. Mais cela fait plus lourd que 19. Actuellement, ils sont 19.

M. Maltais: Cela fera beaucoup de responsabilités, sans pouvoirs véritables.

En terminant, M. le Président, je rappelle que le meilleur chef d'orchestre est celui qui détient les violons. Les violons sont bien détenus dans Chambly. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saguenay. En terminant, M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir d'avoir quelques minutes. Je voudrais en profiter, moi aussi, pour vous remercier de votre mémoire qui est très intéressant. Je parle non seulement de la lecture que vous nous avez faite du petit livre vert, mais des autres aussi qu'on avait eus avant. Je vous félicite parce qu'on y sent effectivement une préoccupation pour la qualité des services, donc, pour la qualité de l'enseignement. On devrait, évidemment, en tenir compte dans le projet de loi afin d'apporter des réponses à vos préoccupations et à vos inquiétudes, je pense. C'est justement pourquoi il y a une commission parlementaire.

Une de vos préoccupations - ce ne sera pas le but de ma question, mais je tiens à en parler, parce que M. le député d'Argenteuil en a parlé tantôt - est la taille des commissions scolaires. On vient encore d'en parler. C'est sûr, et M. le député d'Argenteuil le disait: Si on écoutait une cinquantaine de commissions scolaires, ce serait intéressant parce qu'on pourrait aller au fond des choses, mais, en fonction de la grandeur des commissions scolaires, si on écoutait les 50, il y en a probablement des grandes qui viendraient nous donner leur expérience, de plus petites qui demanderaient à être plus grandes pour donner les mêmes services ou de plus petites - j'en connais quelques-unes - qui viendraient nous dire que, même si elles sont petites, elles donnent de très bons services. J'en connais chez nous qui n'ont pas autant d'écoles secondaires, mais cela ne les empêche pas de donner à tous les niveaux, autant au secteur professionnel qu'à l'éducation des adultes, des services pour répondre aux besoins de la communauté.

Ma question - je n'en ai qu'une et elle vous concerne - ce sont les commissaires. Vous aviez une préoccupation dans la présentation de votre mémoire, celle d'élire le commissaire; le commissaire, s'il était élu au niveau de l'école - et je pense que c'est important qu'on en discute - pourrait avoir une préoccupation plutôt centrée sur la représentation qu'il y a au niveau de son école et des gens qui l'ont élu. Je ne veux pas revenir avec l'exemple des députés, on en a suffisamment parlé. Je veux donner un autre exemple. Je ne sais pas si, à votre commission scolaire, on l'a vécu, mais je suis sûr qu'on le vit au niveau de certaines commissions scolaires. Quand on se ramasse dans des commissions scolaires assez étendues, mais avec de petites municipalités, à certains moments, il arrive qu'un commissaire soit élu par les électeurs d'une municipalité ou d'une agglomération et, que dans cette agglomération, il y ait une seule école. Donc, au départ, le commissaire est élu pour représenter une municipalité à la commission scolaire, donc, une école. Peut-être qu'il y a des commissaires qui l'ont vécu, ici même à la table. L'inquiétude que vous avez, c'est que le commissaire qui serait élu au niveau d'une école aurait

tendance à défendre surtout son école plutôt qu'à avoir une vue globale de la situation de la commission scolaire et du sujet qui est discuté. Que pensez-vous de cela par rapport à l'expérience vécue actuellement par les commissaires qui représentent une école?

Mme Vachon-Marcotte: Chez nous, disons que c'est assez rare parce que c'est une région un peu spécifique. Peut-être que M. Jutras pourra compléter la réponse. C'est sûr qu'on ne peut pas faire de comparaison à cause de la densité de la population qui est là. Disons que, quant aux commissaires, le problème, c'est que la personne qui serait élue au conseil d'une école après cela est déléguée à la commission scolaire; donc, elle a à répondre de son mandat devant les membres de ce conseil, elle ne tire pas son mandat de la population. C'est là que nous voyons une différence.

Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Jutras, s'il vous plaît.

M. Jutras: J'en suis un. Écoutez, si vous êtes obligé toutes les deux semaines ou disons tous les mois, au moment où vous rencontrez votre conseil d'école, de rendre compte de ce que vous avez décidé à un autre palier la semaine avant, je pense que c'est très difficile. Si, comme dans mon cas, je dois rendre compte tous les trois ans à mes électeurs, à savoir que j'ai bien fait ou mal fait mon travail, je pense que c'est beaucoup plus facile. C'est très clair que, à un moment donné, je suis obligé de prendre des décisions et, si j'avais à en rendre compte la semaine suivante, ma décision serait peut-être beaucoup plus difficile à prendre. Mais, me disant que, dans un contexte relativement grand, j'ai à prendre, en trois ans, cinq ou six décisions qui ne sont peut-être pas très avantageuses pour mon école, mais qui le sont pour le reste de la population de la région en général, je me dis: Ma moyenne au bâton est excellente. Mais si, la semaine d'après, je suis obligé de répondre et on me dit: Une minute, cette fois-là, tu as voté contre, quand on t'avait donné un mandat de dire blanc, tu as dit noir, même si je pense que, dans un contexte régional, je devais dire noir, je suis drôlement mal pris. Et, à ce moment-là, on part avec des votes de blâme et tout le reste. Je pense que c'est très difficile à faire fonctionner.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Jutras. M. Chagnon, en quelques secondes.

M. Chagnon: M. le Président, je pense que nous sommes rendus au terme de l'invitation que vous nous aviez envoyée. Je tiens, au nom de tous les membres du personnel, de tous les étudiants, de tous les élèves de la régionale de Chambly, de tous ceux qui nous ont accompagnés ici ce soir, à remercier tous les parlementaires de l'accueil qu'ils nous ont fait et du sérieux de nos discussions depuis maintenant deux heures. Je tiens à vous remercier.

Le Président (M. Blouin): M. Chagnon, alors, je vous prie de leur transmettre également les remerciements des membres de la commission pour l'importante contribution qu'ils ont apportée à nos travaux. Sur ce, donc, je vous remercie encore. La commission élue permanente de l'éducation ajourne maintenant ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 46)

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