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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 2 février 1984 - Vol. 27 N° 243

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle d'abord, en début de séance, le mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de la commission aujourd'hui seront M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Gauthier (Roberval), M. Payne (Vachon), M Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Lazure (Bertrand), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

L'ordre du jour. Aujourd'hui, nous poursuivrons les échanges avec les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, en début de séance. Ensuite, nous entendrons le Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, qui sera suivi de la Commission des droits de la personne du Québec.

À 15 heures, nous entendrons la commission scolaire Jérôme-Le Royer et, ensuite, l'Office des personnes handicapées du Québec.

À 20 heures, les organismes provinciaux de promotion et de défense des droits et intérêts des personnes handicapées, qui regroupent l'Association du Québec pour les déficients mentaux, l'Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, l'Association de la paralysie cérébrale du Québec, l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, l'Association québécoise pour enfants et adultes ayant des troubles d'apprentissage, la Société québécoise de l'autisme et l'Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels.

Sur ce, j'invite maintenant M. le député d'Argenteuil à entreprendre les échanges avec nos invités, les représentantes et représentants de la Confédération des syndicats nationaux.

CSN (suite)

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la délégation de la CSN et de lui exprimer l'appréciation de notre groupe parlementaire pour la bonne qualité du mémoire qui nous a été soumis hier soir. Je regrette seulement une chose: nous avons eu le texte de ce mémoire à peine le jour même ou la veille. Nous n'avons pas pu en faire l'étude collective que nous aurions aimé faire parce que, avec toute l'avalanche de documents qui nous arrivent à la dernière heure, il est évident que nous ne pouvons pas mettre le même degré d'application à l'étude de toutes les implications d'un document que lorsque nous l'avons eu un certain temps à l'avance. Je comprends les circonstances dans lesquelles certains groupes doivent fonctionner, mais je voudrais qu'ils comprennent également les circonstances dans lesquelles nous devons travailler de notre côté aussi.

Ceci dit, j'ai remarqué dans le mémoire de la CSN deux points sur lesquels la centrale donne son adhésion au projet de loi sans restriction. D'abord, le regroupement des commissions scolaires de niveaux primaire et secondaire reste une entreprise considérable. Il y a encore un très grand nombre de régions, au Québec, où la fusion des commissions scolaires de niveaux primaire et secondaire n'a pas encore été faite. Or, pour la qualité et l'unité du système d'enseignement, c'est un objectif hautement désirable.

De même, la Confédération des syndicats nationaux donne son adhésion à l'objectif du réaménagement des commissions scolaires suivant une base linguistique, plutôt que sur la base confessionnelle qui a existé depuis la Confédération et surtout depuis la loi, adoptée il y a quelques années, qui a précisé le statut légal des commissions scolaires de manière que n'existe pas de doute à ce sujet. Sur ces deux points, l'Opposition rejoint la ligne définie par la Confédération des syndicats nationaux. Ce sont deux objectifs que nous approuvons, auxquels nous souscrivons et que nous jugeons nécessaire de poursuivre à l'heure actuelle.

Le mémoire que vous nous avez communiqué analyse ce que j'appellerais la structure du pouvoir et des responsabilités à l'intérieur du nouvel édifice que voudrait ériger le gouvernement à l'aide du projet de loi 40. De ce côté, j'ai trouvé un grand

nombre des observations que vous avez soumises à la commission judicieuses et empreintes de réalisme et d'un sain esprit critique. J'ai été frappé de constater, en particulier, que vous voulez des choses claires. Vous ne voulez pas de mélange des responsabilités. Vous ne voulez pas de mélange des lignes d'autorité. Vous voulez que les choses soient nettes.

Vous affirmez clairement, par exemple, que le premier responsable de tout le système d'enseignement dans une société démocratique comme la nôtre doit être l'État, finalement, incarné par un ministre de l'Éducation responsable devant ses collègues et devant l'Assemblée nationale par les voies que nous connaissons. Vous dites qu'au plan régional ce principe doit s'incarner par l'existence d'un gouvernement scolaire régional élu au scrutin démocratique par l'ensemble des citoyens et investi de responsabilités et de pouvoirs lui permettant de s'acquitter de ses responsabilités. Encore là, je pense que ce sont des observations sur lesquelles nous n'avons aucune difficulté à être d'accord avec vous.

Il y a bien des gens qui confondent le jugement concret qu'il peut convenir de porter sur telle ou telle commission scolaire, sur tel ou tel groupe de commissaires d'écoles avec qui on n'est pas d'accord ou dont on ne partage pas les politiques avec le jugement qu'on doit porter sur l'institution elle-même. J'ai l'impression que, dans beaucoup de choses que nous avons entendues sur les commissions scolaires, il y avait souvent des souvenirs amers, des expériences frustrantes qu'on a pu vivre avec des commissaires d'écoles ici et là. On a eu, à tous les niveaux, des expériences frustrantes avec les gouvernements. Personne d'entre vous n'a oublié les expériences très amères que votre centrale a connues avec le gouvernement. On a évoqué brièvement, hier, la période encore malheureusement très récente des décrets. C'est évident que, si on avait dit qu'il faut changer tout le système de gouvernement parce qu'il a imposé des décrets et qu'on doive le faire chaque fois qu'un groupe social n'est pas content de la manière dont un gouvernement agit, il n'y a aucune structure de gouvernement qui pourrait résister longtemps à l'usure de l'expérience.

Je pense qu'assez sagement les personnes et les groupes qui ont été atteints par ces mesures très autoritaires prises au début de l'année dernière se sont dit: II faudra porter en temps et lieu le jugement qu'il conviendra de porter sur ce gouvernement. On ne change pas le système de gouvernement à cause de cela. J'ai l'impression que le gouvernement s'est laissé entraîner dans ce travers parce que plusieurs des personnes qui ont pu l'influencer ont eu des expériences malheureuses avec les commissions scolaires. Cela amené le gouvernement à vouloir jouer avec les structures d'une manière qui donne le résultat qu'on a dans le projet de loi 40, un résultat extrêmement embrouillé dans lequel il est très difficile de voir clair.

De ce côté-là, vous apportez des précisions très intéressantes. J'ai bien apprécié vos remarques sur le mode de scrutin, le mode de choix des commissaires d'écoles. Ce serait bien tentant, pour le législateur, de dire: Vous, tel groupe, vous voulez être représenté, on va vous faire une petite place. Vous, tel groupe, vous le voulez aussi, très bien, on va vous faire une petite place. Vous, cela ferait votre affaire, on va essayer de vous accommoder. Finalement, je pense qu'il faut prendre des décisions fermes, claires, même dures de ce point de vue. La meilleure qu'on puisse prendre, si on adhère au principe de commissions scolaires démocratiques, c'est de choisir le mode de scrutin universel, de l'appliquer franchement et directement, en sachant que, s'il fonctionne normalement, les parents en particulier auront amplement l'occasion d'accéder aux responsabilités à titre de commissaires démocratiquement élus par leurs concitoyens, ce qui leur donnera une force bien plus grande à l'intérieur d'une commission scolaire que s'ils venaient y représenter uniquement le point de vue sectionnel d'un groupe particulier de la société qui s'appelle, en l'occurrence, les parents.

D'ailleurs, le titre de parents est un des plus nobles qu'on puisse porter. Jamais je n'accepterai, personnellement, qu'il soit porté de manière exclusive par ceux qui ont l'occasion d'avoir des enfants à l'école à tel moment. Je pense que le titre de parents est beaucoup plus large que cela. Ce n'est pas parce que mon dernier enfant sortira de l'école secondaire en juin que je cesse d'être un parent pour autant. Je serai aussi intéressé aux affaires scolaires après le 24 juin prochain que je l'ai été pendant les 15 années où j'ai eu des enfants dans le système scolaire. Je pense qu'il y a des confusions qui se sont glissées dans les esprits à l'occasion de tous ces débats qu'on a eus. C'est bon qu'on passe par là, car cela permet de voir un peu plus clair. Sur ces points, je trouve que vous nous apportez des réflexions fort utiles que j'ai, pour ma part, vivement appréciées.

Vous tirez aussi une conclusion au sujet de tout le problème de la centralisation. Vous nous ramenez à l'un des thèmes majeurs des débats des premières semaines de la commission. On en a moins parlé cette semaine parce que, depuis une dizaine de jours, nous sommes entrés davantage dans l'étude d'aspects spécialisés. Hier, nous avons passé presque toute la journée à l'étude du problème des enfants qui sont dans des

situations sociales spéciales en raison des circonstances sociales et économiques. La semaine dernière, nous avons passé beaucoup de temps sur les questions de confessionnalité. C'est normal, à mesure que nous approchons du terme, que des aspects plus spécialisés du problème retiennent notre attention.

Je pense que votre mémoire vient nous rappeler une réalité fondamentale. Je cite la conclusion que vous tirez quelque part dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 12. Vous dites: Tout compte fait, ayant tout regardé, nous constatons que la réforme scolaire proposée par le ministre de l'Éducation aura pour effet de renforcer les pouvoirs du ministère de l'Éducation, d'affaiblir les commissions scolaires et de donner quelques pouvoirs surtout consultatifs à l'école. Il s'agit beaucoup plus d'une opération de centralisation que d'une décentralisation réelle.

C'est dit en termes sobres et modérés qui ne sont pas toujours coutumiers dans les documents qu'on est habitué de lire en provenance de votre centrale. Je pense qu'un jugement sobre comme celui-là ne perd rien de sa dureté et de son caractère direct et réaliste, et qu'il est bon qu'on le retienne clairement. Je souscris à ce jugement. Comme vous le dites judicieusement, on constate qu'il n'y a aucun pouvoir délégué par le gouvernement, par le ministère de l'Éducation en direction des commissions scolaires. Ce que fait le projet de loi, essentiellement, il gruge dans les attributions des commissions scolaires; il fait une espèce de délayage entre les responsabilités des commissions scolaires et de l'école, le ministère demeure suprême là-dessus et, après une dizaine d'années de ce régime, il est évident qu'on tomberait dans un régime beaucoup plus fortement centralisé que celui déjà trop centralisé que nous connaissons.

Votre attachement au principe de l'égalité des chances doit être rappelé continuellement. On se paie de mots à ce sujet-là. Souvent, dans la réalité, les choses se passent très différemment; je pense qu'il est essentiel qu'on se le fasse rappeler continuellement. Vous avez traité de la confessionnalité dans votre mémoire; je n'ouvre pas la discussion là-dessus, parce que la position que vous définissez est claire. Je ne suis pas d'accord avec la Confédération des syndicats nationaux sur tous les éléments de sa position dans ce dossier, mais, un peu plus tard dans la journée, nous allons rencontrer la Commission des droits de la personne du Québec qui a fait de cette question un des thèmes majeurs du mémoire qu'elle nous a soumis. Comme les positions de la Commission des droits de la personne du Québec rejoignent sensiblement ce que vous dites dans votre mémoire sur ce point-là, je n'en ferai pas l'objet de questions spéciales. On aura l'occasion d'en parler et, si vous voulez en parler tantôt avec nous, nous sommes à votre disposition.

Ce qu'il m'intéresserait ce matin d'approfondir avec vous, c'est que, finalement, on est intéressé à la manière dont cela fonctionnera dans les écoles. On se dit que, si la structure est bonne, il y a des chances que l'ensemble du système fonctionne convenablement. Vous vous êtes attachés assez longuement à examiner le rôle, la composition, les fonctions du conseil d'école, le rôle du directeur de l'école, le rôle des parents. Vous dites à la page 15 souhaiter "que les fonctions du conseil d'école, du directeur et des personnels de l'école soient précisées". C'est la proposition no 6 au bas de la page 15. Vous avez également dit que vous verriez que le conseil d'école ait surtout une fonction à caractère pédagogique. Vous avez parlé du rôle des parents au sein de l'école. J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur la réponse que vous apporteriez à ces questions-là.

Le Président (M. Blouin): M. Auger.

M. Auger: D'abord, quand on a analysé le projet de loi, on a effectivement tenté de voir ce que ce qu'on a appelé l'école pivot pouvait signifier et, en travaillant particulièrement avec des gens qui sont présents dans le milieu, entre autres, le personnel de soutien que nous représentons, comment la vie pratique se déroule. Ce à quoi on est arrivé comme conclusion, c'est qu'effectivement il y a un bon nombre de sujets sur le plan pédagogique qui doivent être débattus. Les membres que nous représentons qui sont aussi, pour une grande part, des parents - nous avons pu avoir des discussions - nous signalaient que ce qui est important, c'est non pas de pouvoir échanger dans un rapport d'autorité à l'égard des personnels à l'intérieur de l'école, mais d'apporter des points de vue et de voir comment l'école peut répondre à cela.

Cela a été, je dirais, la trame qui a traversé toute notre réflexion sur ce fonctionnement de l'école. C'est pour cela qu'on insiste beaucoup plus sur la nécessité qu'il y ait, au plan des comités pédagogiques - on parle de comités pédagogiques - cette présence des personnels, de l'ensemble des personnels. On le redit parce que, trop souvent encore, on a tendance à parler des enseignants seulement. Dans l'école, il y a le personnel de soutien et le personnel administratif, même le personnel manuel, qui jouent des rôles importants dans les contacts auprès des enfants, etc; il y a également les professionnels.

Ce qu'on dit, c'est qu'étant donné cette compétence des personnels on doit pouvoir trouver un lieu de débat avec l'ensemble des

autres acteurs - on insiste au niveau primaire pour que ce soient particulièrement les parents qui ont des enfants à l'école -pour qu'on puisse échanger sur l'ensemble des questions qui peuvent nous opposer à la limite, mais pas dans le but de dire: Moi, j'ai raison; toi, tu as raison; si on ne s'entend pas, il y aura une décision majoritaire d'un des deux groupes qui sera imposée.

Il est possible qu'on arrive à des situations comme celles-là. Notre recherche, ce n'est pas de consacrer ces situations; c'est de faire en sorte de les garder comme des parties minimes dans notre fonctionnement et plutôt de chercher à voir comment, à partir des différences, on est capables de trouver des solutions qui feront en sorte que des groupes qui peuvent avoir des divergences se rejoignent à un moment donné après des discussions. On ne pense pas qu'il devrait y avoir, à un moment donné, une autorité qui tranche. Il faut que le débat soit très large avant que cela puisse se faire. C'est pour cela qu'on insiste beaucoup sur le comité pédagogique. Le conseil d'école, effectivement, il peut exister à certains égards, mais ce n'est pas là que vont jouer ces principaux éléments.

Le deuxième type de remarque - je pense que là-dessus cela rejoint un peu ce que vous disiez tantôt quant à notre lecture globale - c'est un peu s'illusionner si l'on pense qu'au niveau de l'école, au niveau du palier local, on peut déterminer des modalités très précises. L'exemple qui me revient en tête, c'est le calendrier scolaire au niveau de l'école. Il nous semble que, dans une pratique comme celle-là, ce n'est peut-être pas le plus important de pouvoir déterminer les congés mobiles dans l'année pour une école dans un quartier. C'est beaucoup plus important d'avoir un calendrier qui convienne à une majorité et que, par contre, concernant des débats ou des aménagements en termes de pédagogie et de didactique, il puisse y avoir ces discussions. Chaque fois qu'on a été confronté à la réalité, on a toujours été ramené à ces dimensions, alors que, concernant tout le côté administratif, on disait: II y aura un rôle spécifique d'apporté par les personnels, par l'administration de l'école et on ira au palier régional pour s'assurer que les ressources soient disponibles et qu'il y ait la plus grande égalité possible de ressources.

Dans notre mémoire, on parle un peu de taxation - on n'est pas revenu hier dans notre exposé là-dessus - pour mentionner qu'à notre avis, lors de l'étude du livre blanc sur la fiscalité, on aura l'occasion de débattre à nouveau de toute cette question du financement du réseau scolaire. Cela a été toute la trame de nos discussions sur cela, d'aller dans le détail pour voir tous les mécanismes de façon très précise.

M. Ryan: Mais, dans la mesure même où vous parlez de la nécessité d'un lieu de concertation comme celui que vous venez de décrire et dans la mesure où vous insistez pour signaler que ce lieu de concertation doit surtout amener les gens autour de la table à discuter de questions d'ordre pédagogique, il reste le problème des responsabilités en matière de conduite quotidienne de l'école, en matière de gestion administrative, d'exercice courant de l'autorité sur le personnel et tout. C'est une question que vous n'abordez pas directement dans votre mémoire. Pourriez-vous nous dire comment vous voyez ce côté-là?

M. Auger: La façon dont on le voit, on pense que, quant à la gestion administrative, il pourrait y avoir à la limite certaines fonctions qui pourraient reposer sur un conseil d'école où les parents ne seraient pas majoritaires. Pour nous, c'est clairement affirmé que les parents ne doivent pas être majoritaires au conseil d'école. Mais, plus généralement, l'ensemble des pratiques administratives devrait reposer, à notre avis, sur la direction de l'école. Cela nous apparaît encore être le système le meilleur. Encore une fois, dans la mesure où on est capable d'introduire des consultations et des échanges les plus larges possible sur l'ensemble des autres sujets, cela rejoindrait davantage les préoccupations des parents ou des intervenants sur ces questions.

M. Ryan: Vous avez parlé de la direction de l'école; je vais vous parler du directeur parce qu'il faut bien que la direction s'incarne dans une personne, n'est-ce pas?

M. Auger: Oui.

M. Ryan: Le directeur de l'école actuellement est un employé de la commission scolaire. Il est nommé par la commission scolaire à sa fonction de directeur. Suivant la Loi sur l'instruction publique, il exerce ses fonctions de directeur sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire. Dans le projet de loi 40, ces choses seraient changées. Il y aurait presque un pouvoir de nomination qui serait confié au conseil d'école: il ne nomme pas, il désigne. On confie à un comité formé d'une majorité de membres du conseil d'école le soin de faire une recommandation et tout ce qu'on demande à la commission scolaire, c'est d'agir comme "rubber stamp". Vous le nommerez ensuite. Je ne sais pas si cela vous apparaît une procédure satisfaisante. Deuxièmement, on ne dit nulle part dans le projet de loi - c'est bien soigneusement évité - que le directeur de l'école doit exercer ses fonctions sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire. Est-ce que cela

vous apparaît acceptable, un système aussi hybride que celui proposé dans le projet de loi?

M. Auger: Sur le mode de nomination et sur les consultations qui doivent être faites du milieu de l'école, on n'a pas eu l'occasion d'approfondir jusqu'où on doit aller. Une chose qu'on peut dire clairement, c'est qu'on croit important qu'il y ait cette consultation du milieu et qu'il n'y ait pas strictement nomination ou choix imposé ou décidé par la commission scolaire. Il faut qu'il y ait un rapport avec le milieu, mais on n'a pas précisé dans les modalités comment cela pouvait se faire. Quant à la responsabilité pour nous, effectivement, le directeur d'école doit relever dans ses fonctions du palier régional, de la commission scolaire.

M. Ryan: Dernière question. Vous dites - et c'est encore à la page 15 - que le projet éducatif local doit se situer dans la poursuite du projet éducatif national. Dans votre recommandation, no 7, vous écrivez: "Que l'article 91 notamment prévoie que le projet local d'éducation doit se situer dans des paramètres nationaux déterminés par le ministère de l'Éducation." Cela va de soi. Je n'ai pas d'objection à ce sujet, mais il me semble qu'il y a une dimension qui fait défaut dans votre recommandation. Quand la Centrale de l'enseignement du Québec est venue ici l'autre jour, elle a beaucoup insisté pour qu'il y ait également une dimension régionale d'un projet éducatif. Si nous avons un gouvernement scolaire régional, il faut bien qu'il ait parmi ses responsabilités celle de définir des objectifs régionaux d'éducation. Il peut arriver, par exemple, que si la commission scolaire fonctionne dans un milieu ouvrier ou dans un milieu rural, elle veuille définir des priorités éducatives particulières pour l'ensemble de son territoire. S'il arrive qu'elle doit servir des régions ou des sous-régions ayant des conditions économiques et sociales très différentes, il peut arrive qu'elle dise: Cette année, on va se donner un projet régional dans notre commission scolaire. Il faudrait, évidemment, que les écoles en tiennent compte dans la définition de leur projet local. C'est une des incongruités du projet du ministre de l'Éducation. Tout cela peut se faire au plan local. Il me semble qu'il y a une dimension régionale que vous n'évoquez pas suffisamment dans votre mémoire. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. (10 h 30)

M. Auger: Lorsqu'on parle de cette recommandation à la page 4 de notre mémoire, on dit que c'est en référence au troisième paragraphe particulièrement avec le champ où on dit que cela permet à l'école de se doter d'un projet local d'éducation.

C'est surtout en regard de cela qu'on faisait cette remarque. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire attention afin d'éviter que la coloration locale ou le projet éducatif local ne fasse en sorte que l'on se retrouve avec des divergences assez importantes, donc, que cela réintroduise au niveau de la formation des disparités que l'on n'a pas effacées sur le plan social, c'est surtout en regard de cela.

Du côté du projet régional ou de la coloration régionale - j'utilise cette expression - on ne s'oppose pas à ce qu'il puisse y avoir cette particularité au niveau régional. On a investi beaucoup d'énergies pour arriver à une qualité de formation et à définir des programmes nationaux de formation. On ne voudrait pas que ces programmes nationaux échappent, par une trop forte coloration, qu'elle soit locale ou régionale, à un pattern qu'on trouve essentiel. Qu'il puisse y avoir coloration, cela va de soi, mais, après que l'on a dit cela, il faut voir selon quelles modalités on peut le faire.

Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de travailler de façon très spécifique cet aspect; je l'ai travaillé davantage sur un autre dossier au niveau des cégeps. On avait cette même préoccupation d'ouvrir, oui, mais de prêter attention à ce type d'ouverture, parce que cela peut conduire effectivement à une régionalisation, qui sera peut-être moins particulière qu'une localisation, mais qui pourrait faire en sorte qu'en fin de compte il puisse y avoir ce type de divergence entre les diverses composantes régionales.

M. Ryan: Très bien. Je n'ai pas d'autres questions. J'en aurais d'autres, mais j'ai fini mon temps. Je voudrais simplement vous exprimer mon appréciation pour le sérieux avec lequel vous discutez de ces questions et vous dire que, pour ma part, je souscris à ce que vous avez énoncé tantôt, à savoir la nécessité d'associer le personnel de soutien, même celui qui est chargé de tâches plus modestes dans l'école, à la poursuite des objectifs éducatifs de l'école et du système d'enseignement. Je pense que vous avez fait voir cette dimension d'une manière très efficace.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. J'indique à nos invités qu'évidemment, comme vous l'avez constaté, nous devons procéder avec certaines contraintes de bruits qui proviennent de l'outillage utilisé pour procéder aux importantes réparations qui sont actuellement en cours au parlement. Dans la mesure du possible, nous avons demandé que ces bruits ne soient pas trop insistants, mais je demande votre collaboration pour que nous puissions poursuivre malgré tout, puisque ce sont des contraintes auxquelles nous ne

pouvons échapper. M. le député de Vachon.

M. Ryan: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Seulement une question de règlement. Tantôt, j'ai fait une erreur. J'ai dit que votre mémoire nous avait été remis seulement hier. J'étais dans l'erreur. Il a été envoyé il y a une quinzaine de jours. Ce sont mes propres services de communications qui ont fait défaut, non pas mon personnel, mais ma propre manière de traiter mes documents. En tout cas, j'ai pris connaissance de votre mémoire hier. J'avais l'impression qu'il n'était pas arrivé, mais on m'assure qu'il a été envoyé à nos bureaux il y a une quinzaine de jours. Je m'en excuse.

M. Auger: Merci de la correction. Je l'avais notée. Effectivement, on l'a peut-être fait parvenir un peu plus tard que nous l'aurions souhaité, mais pas seulement hier.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Auger. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Malgré le bruit, on va essayer de s'engager dans une discussion. C'est peut-être parce que le ministère a déjà commencé sa structuration selon les principes de décentralisation.

J'ai retenu deux préoccupations majeures hier soir dans nos échanges touchant les transferts et les garanties. Dans l'article 353, je pense que vous voudriez bien insister sur le besoin, sur la nécessité d'une entente nationale, d'une part. D'autre part, au sujet de l'article 412, j'aimerais que vous répétiez très brièvement votre préoccupation lorsqu'on discute le droit de demander l'accréditation de la part d'un syndicat ou d'une sous-catégorie d'employés. Si je comprends bien, vous craignez peut-être que la CSN, représentant une centaine de syndicats au niveau du personnel de soutien, pourrait se voir face à une situation où, disons, sans préjudice à la CEQ, la CEQ, qui représente les enseignants, pourrait précisément demander elle-même l'accréditation pour l'ensemble de ces travailleurs sur un certain territoire. Est-ce bien votre crainte?

M. Auger: Je vais en parler un moment et je demanderai à Ginette de compléter sur d'autres éléments. Un élément de fond, quant à cet article 412, est relié à la préoccupation mentionnée au début de la section de notre mémoire qui parle de l'intégration du personnel et de l'impact du projet de loi 40. Ce que l'on souhaite, avec l'ensemble des participants, c'est ceci. L'intégration dans le nouveau territoire va poser un certain nombre de problèmes importants dont on veut pouvoir minimiser les aspects qu'il est possible de minimiser.

Puisqu'on partage déjà un certain nombre d'éléments de changement, on dit: On va y faire face, mais tentons de minimiser les aspects afférents à ces changements. En ce sens, sur le plan des accréditations syndicales, tentons de ne pas faire, en plus du bouleversement structurel, un bouleversement trop large des accréditations.

Je vais demander à Ginette de compléter sur cette question.

Le Président (M. Blouin): Mme Guérin.

Mme Guérin: Merci. Par rapport à l'article 412, nous avons effectivement posé la question à quelques reprises lors de rencontres de négociation que nous tenons avec les représentants du ministère de l'Éducation. Nous avons deux interprétations différentes du libellé actuel de l'article 412. C'est ce qui nous pose un problème.

La première interprétation nous semblait plus équitable que la deuxième que nous avons eue hier matin. Ce qu'on nous avait expliqué la première fois, c'était que si on représentait du personnel de soutien dans une des commissions scolaires en question, celles qui étaient restructurées, on pouvait à nouveau déposer une requête en accréditation pour continuer de représenter le personnel de soutien. Or, la deuxième interprétation est beaucoup plus large que la première. On dit que s'il y a un syndicat, peu importe qui il représente dans cette nouvelle commission scolaire, il peut représenter l'ensemble des salariés.

À notre avis, ce n'est pas du tout équitable pour l'ensemble des centrales syndicales et des groupes syndiqués. C'est là-dessus, hier, que j'ai posé une question. M. le ministre m'a référée à ses fonctionnaires, sauf qu'ayant posé la même question hier à ces fonctionnaires on m'a référée à la commission parlementaire. Alors, je me sens un peu sur une table de ping-pong, en bon français. J'aimerais savoir exactement ce que signifie l'article 412.

M. Payne: C'était simplement pour les fins de la commission. Je voulais bien saisir votre préoccupation à cet égard. Merci.

Mes questions, qui seront précédées de quelques remarques, concernent d'abord la pédagogie et, deuxièmement, la péréquation. Un certain nombre de choses me paraissent, à première vue, des incongruités dans le mémoire qui était fort intéressant, d'ailleurs. Vous signalez que la CSN ne voit pas, dans le projet de loi 40, de réelle décentralisation des pouvoirs vers l'école. Vous indiquez, à

l'appui de votre énoncé, une douzaine de sujets sur lesquels l'école ne serait que consultée. C'est à la page 4. Je ne vais pas en donner la liste parce que c'est bien inscrit par la CSN. Cependant, je peux dire que ce serait sûrement de la musique aux oreilles des membres de l'Opposition qui ont toujours, avec la Fédération des commissions scolaires, craint une certaine perte de pouvoirs des commissions scolaires. Vous donnez toute une liste des responsabilités des écoles, tout en soulignant les rapports qu'ils entretiendront dans l'avenir, avec les commissions scolaires.

Il y a toute une série d'articles du projet de loi, les articles 94 à 116, qui touchent la pédagogie et traitent de l'organisation des services que devraient offrir les écoles. Nous avons les article 117 à 119. Ceci dit, faut-il comprendre que la CSN aurait aimé que le projet de loi 40 confie plus de pouvoirs à l'école? À cet égard, je voudrais souligner que vous avez dit, à la page 6: "L'école doit avoir une responsabilité pédagogique uniquement." Pour ajouter une autre considération que vous avez soulignée, à la page 4, vous avez dit "que le projet local doit se situer dans les paramètres nationaux déterminés par le ministère de l'Éducation". N'est-ce pas là l'objet spécifique du régime pédagogique en ce qui concerne les matières de base en termes de mathématiques, d'histoire, de français et d'autres matières fondamentales, ce qu'on appelle en anglais "the basics". Avez-vous des commentaires sur ces préoccupations, M. Auger?

M. Auger: Je vais tenter de répondre. D'abord, ce que l'on dit dans notre mémoire, c'est qu'il ne s'agit pas de réelle décentralisation. Cela est important pour nous. Si on parlait de réelle décentralisation, il y aurait des transferts de pouvoirs du palier central au palier régional, du palier régional au palier local. Cela aurait pu être un choix exercé ou à exercer. Ce que l'on constate, c'est que, dans ce projet de loi, il n'y a pas réellement cela. Il reste que certaines nouvelles tâches sont confiées à l'école, sauf qu'on peut confier de nouvelles tâches à un organisme, qui est l'école en l'occurrence, sans nécessairement qu'on puisse parler de décentralisation. C'est pour cela qu'on fait une nuance; on parle de déconcentration et non de décentralisation. (10 h 45)

On peut avoir un ministère de l'Éducation et on pourrait avoir une école où tous les enfants seraient formés dans la ville de Québec, siège du ministère de l'Éducation. On peut avoir des écoles sur tout le territoire et tous les pouvoirs peuvent demeurer centralisés dans un endroit donné. Je vous donne cela comme exemple; c'est un peu exagéré. Ce serait une déconcentration, mais on aurait en même temps une très forte centralisation. C'est pour cela qu'on dit que, dans ce projet de loi, on ne sent pas la décentralisation, mais davantage la déconcentration, de sorte que les pouvoirs et les mandats référés à l'école le sont sur le plan des mécanismes consultatifs, parce qu'ils vont relever dans un deuxième temps de la commission scolaire pour être contrôlés, situés, vérifiés, cautionnés, décidés; tous les termes sont utilisés selon les différents articles du projet de loi. Je ne pense pas qu'il y ait là d'incohérence ou d'incongruité; c'est tout simplement qu'on distingue ces notions de décentralisation et de déconcentration.

Quant à la question des paramètres nationaux, nous disons qu'il faut effectivement que les paramètres nationaux déterminent l'ensemble; on veut que cela soit bien réaffirmé. Puisqu'on en parle dans le projet de loi, on a essayé de regarder précisément ce qui restait comme coloration locale - vous pourrez peut-être me l'indiquer davantage - dans un projet éducatif local. Quand nous avons cherché - peut-être des bouts nous ont-ils échappé - on ne voyait pas énormément de choses. Il y a le statut confessionnel qui peut varier; il y a l'enseignement religieux; il y a quelques aménagements mineurs. Si on parle de coloration locale, est-ce qu'on veut couvrir plus que cela? Si on veut couvrir plus que cela, on vous dit de faire attention à cette notion-là. On ne veut pas aller dans cette direction-là, parce que cela nous apparaîtrait dangereux. Si on doit effectuer des déplacements de ce genre, effectuons-en certains au niveau régional, mais sur ceux-là, nous n'avons pas la capacité de statuer pour l'instant; on n'a pas creusé cette question suffisamment.

M. Payne: Je vous donne deux exemples de cela, M. Auger. Vous avec demandé lesquels: le choix du matériel didactique, c'est un pouvoir assez intéressant, demandé depuis fort longtemps par les professeurs.

M. Augen Je n'ai pas compris.

M. Payne: J'ai dit le choix par les enseignants du matériel didactique ou pédagogique, c'est un pouvoir assez important à l'égard de la pédagogie. Dans tout ce qui concerne le programme d'études, il y a aussi pas mal de flexibilité possible de la part des enseignants et du conseil d'école qui concerne strictement les questions pédagogiques.

M. Augen Pour nous, quand on lit: Elle détermine le matériel didactique - on parle des fonctions de l'école - les manuels scolaires et les autres biens mobiliers, conformément à la réglementation de la

commission scolaire et selon les budgets qui lui sont alloués, jusqu'où la réglementation de la commission scolaire va-t-elle jouer? Nous disons qu'il n'y a pas à proprement parler de décentralisation; il y aura une réglementation de la commission scolaire qui est à déterminer sur cette question-là. Par la suite, il pourra y avoir adaptabilité. Si c'est ce qu'on entend par décentralisation, on peut toujours en parler, mais, pour nous, ce n'était pas une fonction qu'on sentait aussi importante.

D'autre part, si cela va aussi loin que, quand on parle de matériel didactique, de manuels scolaires, chaque école pourra choisir des manuels scolaires différents pour deux quartiers - il y aura deux manuels pour les mêmes enfants des mêmes années scolaires - cela pourrait probablement poser un certain nombre de problèmes et on ne serait pas d'accord sur ce type de responsabilités, sur ce type de choix qui pourraient revenir à l'école. Cela nous apparaît poser des problèmes.

M. Payne: On va changer de sujet dans un moment. J'aimerais continuer là-dessus; on pourrait en discuter longtemps. Il y a une liste du matériel préparée par le ministère qui a effectivement comme rôle de faire une espèce de filtrage visant, par exemple, le sexisme dans les livres, la discrimination qu'on a trouvée dans certains matériels pédagogiques et didactiques. À partir de cela, je pense qu'il y a pas mal de pouvoirs délégués explicitement à la commission scolaire et, par la suite, aux écoles. Mais vous n'êtes pas en désaccord, de toute façon, sur le principe de la décentralisation; c'est ce que j'ai compris de votre réponse.

M. Auger: Ce que l'on dit, c'est qu'on pense qu'il ne doit pas y avoir de décentralisation au niveau local. On pense que, s'il doit y avoir décentralisation, elle doit être davantage située à un palier régional, parce que c'est là que cela se joue. Vous donnez l'exemple du matériel didactique et des livres sexistes. Nous n'avons pas besoin, au niveau local, d'une règle pour en disposer. Ce qu'il faut, c'est que cela n'existe pas dans le réseau national, ce qui nous inquiète beaucoup plus. On aurait, d'ailleurs, à intervenir sur une question aussi importante que celle-là si elle se posait, mais j'espère que l'exemple porte bien. Mais si on arrive à un niveau scolaire où il y a deux méthodes pédagogiques qui peuvent être utilisées et qu'il y a deux écoles différentes qui les utilisent dans un matériel didactique, cela peut poser problème. On a vécu, dans le passé, ce genre de problème et on pense qu'on doit surveiller ces éléments-là. C'est pour cela qu'on dit: Qu'est-ce qui, effectivement, dans la pratique, pourrait faire en sorte de rendre importante cette décentralisation au niveau local? On pense que ce n'est pas utile et pas opportun.

M. Payne: J'aimerais simplement dire -je me permets un court commentaire - que je ne suis pas sûr que cela reflète la position de l'ensemble des enseignants qui, pendant longtemps, ont revendiqué plus de pouvoirs concernant les programmes d'études, d'une part, et, d'autre part, quant au choix du matériel.

Si vous me le permettez, j'aimerais aborder un autre point, parce que M. le Président me signale que mon temps est presque écoulé. Concernant la péréquation, vos préoccupations au niveau, par exemple, des écoles en milieu défavorisé me frappent comme une considération importante. Vous mentionnez comme une perte ce que vous voyez comme étant la disparition du Conseil de l'île de Montréal. C'est intéressant parce que vous l'avez défendu il n'y a pas longtemps. Vous vous êtes battus avec acharnement contre la CUM, la Communauté urbaine de Montréal. Soit dit en passant, le Conseil de l'île de Montréal peut continuer d'exister, peut-être pas avec le même mandat qui était essentiellement celui de trouver une restructuration scolaire. Par contre, des commissions scolaires avec une coopérative de services peuvent se former et, à ce moment-là, cela va donner une certaine intégration verticale, une certaine coopération entre commissions scolaires. Ce que les représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal n'ont pas souligné à cette commission lorsqu'ils sont venus la semaine dernière, c'est que la plupart des ressources financières en matière de péréquation viennent du gouvernement du Québec, du ministère de l'Éducation, avec toute une gamme de services autres que les allocations de base générales touchant, par exemple, l'enseignement des langues d'origine, le développement pédagogique relié aux autochtones, l'aide pour les milieux économiquement faibles, les services de garde, l'adaptation scolaire. Tous ces programmes que je viens de mentionner sont dirigés par le ministère de l'Éducation et non par le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

D'autre part, je pense qu'il est important de souligner dans les discussions qu'au moment où le Conseil scolaire de l'île de Montréal a été formé par la loi 71 il n'y avait pas de loi 57 qui, justement, tout en permettant au gouvernement d'offrir les services éducatifs à 100%, selon les règlements et les lois, lui permettait, bien sûr, les 6% de taxation. Dans le projet de loi 40, le regroupement selon la nouvelle carte territoriale fait en sorte que les disparités, qui existaient auparavant ou, si vous voulez, qui existent actuellement au sein de certaines commissions scolaires, disons entre la CECM et la commission

scolaire de Verdun, n'existeront plus de la même manière, parce que les regroupements selon la nouvelle carte du projet de loi 40 enlèveront, d'une certaine façon, ces disparités. Je ne suis pas sûr que le projet de loi 40 va défavoriser certains milieux.

Le Président (M. Blouin): Très rapidement, M. Auger.

M. Auger: Je n'ai pas en tête exactement l'article qui traite de cette question. Pourriez-vous le trouver, monsieur? Je veux faire un commentaire très bref sur cette question. Nous disons qu'on doit conserver une fonction de péréquation, qui est une fonction extrêmement importante pour l'ensemble de l'île de Montréal. Jusqu'à présent, il y avait des pouvoirs ou des responsabilités qui relevaient du Conseil scolaire de l'île de Montréal. On ne fera pas une bataille pour dire: Ce sera le Conseil scolaire de l'île de Montréal et, en dehors de cela, point de salut, mais ce que l'on dit, c'est qu'il faut s'assurer que ces fonctions soient très présentes et garanties. Dans le projet de loi, l'article 425 dit: "Le ministre constitue un organisme pour exercer les pouvoirs du Conseil scolaire de l'île de Montréal concernant sa dette obligataire contractée avant le premier juillet 1985." Ensuite, "la commission de mise en oeuvre peut recommander au ministre de confier à cet organisme la mise en commun de biens ou services au bénéfice des commissions scolaires de ce territoire." On pense qu'il n'y a pas suffisamment de garanties là-dedans pour que la fonction de péréquation soit bel et bien assurée.

Lorsqu'on a produit notre mémoire, en novembre dernier ou au début de décembre, c'est cet élément qu'on soulignait comme fondamental.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. Merci, M. le député de Vachon. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. le Président, pourriez-vous me permettre au tout début une petite mise au point?

Le Président (M. Blouin): Très certainement, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: C'est à bon escient, hier soir, que j'ai lu vraiment des déclarations très choc, m'a-t-on dit, sur la question de la confessionnalité. Selon les échos, cela a frappé dur, mais, comme dans la chanson, je ne regrette rien. Pourquoi? Parce que je crois qu'il est bon de faire entendre de temps en temps de gros bourdons afin de mieux entendre tous les sons de cloche possibles et de créer ainsi un carillon d'opinions qui est encore mieux balancé.

Ceci dit, je vais vous poser seulement une question, mesdames et messieurs. En même temps, je veux vous féliciter pour votre brillante intervention. Dans votre mémoire, à la recommandation 15 - on vient justement d'en parler - vous défendez le Conseil scolaire de l'île de Montréal ou, enfin, comme vous le dites, un organisme qui aurait une surveillance très étroite surtout de la question des finances et de la répartition. Là-dessus, je vous félicite.

Dans votre recommandation 17, vous demandez que soit convoquée une autre commission, pour ainsi dire, sur le redécoupage des territoires des commissions scolaires. Alors, vous ne vous prononcez pas sur la question de la commission scolaire de Montréal proprement dite. (11 heures)

Mardi soir dernier, devant la FTQ, je parlais de la politique gouvernementale envers Montréal où l'on veut vraiment que Montréal devienne un fer de lance de la relance économique. Le premier ministre et son cabinet veulent investir des millions à Montréal. On veut en faire le moteur et le coeur d'une reprise autant économique que culturelle. Je disais mon étonnement devant le projet de loi 40 qui veut scinder le territoire et les pouvoirs de la CECM. Alors que, d'une part, on veut pour ainsi dire valoriser Montréal, d'autre part, on veut l'amoindrir en démantelant son système d'éducation qui fait vraiment honneur à la métropole et même à l'extérieur. Même si vous ne vous prononcez pas actuellement, de quel côté vont vos penchants pour cette question de la commission scolaire de Montréal?

M. Auger: Sur cette question du redécoupage des territoires, effectivement, on a peu développé. Comme notre mémoire a été produit, je le disais, autour de novembre, nous étions en situation de dire que, dans beaucoup d'endroits, le nouveau découpage de territoires posait des problèmes dont on ne voyait pas de solution rapide et facile, de sorte que l'on a dit: Sur cette question très précise, demandons une nouvelle commission parlementaire. Les informations que nous avons aujourd'hui, en début de février, nous laissent croire qu'effectivement, sauf à quelques endroits dans le redécoupage, il y a eu entente entre les parties. Cela a peut-être forcé à quelques endroits, mais il y a eu entente. On dit: C'est à peu près normal. D'après les sons de cloche qu'on peut avoir là où on est présents - on a été partie à ces débats - il y a eu entente. Il reste, je dirais, deux endroits: Québec et Montréal, et particulièrement Montréal, où il n'y a vraiment pas entente.

Ma première réponse serait de dire que, dans cette matière, comme dans bien d'autres matières, il y a deux façons de

régler la question. D'y aller par décret ou par loi pour dire que la CECM ne doit plus exister comme commission scolaire. Donc, on la divise en trois, en quatre ou en cinq, même si les parties ne sont pas d'accord. L'autre voie qu'on favorise, en sachant que c'est loin d'être facile, c'est de dire: Si on a réussi à faire de cette question un débat correct dans l'ensemble de la province, on devrait être capable, en prenant les bouchées doubles, de faire encore des bouts pour voir comment on peut arriver à définir Montréal, si le territoire doit être divisé ou maintenu.

Quant à la finalité, à savoir notre position, si la CECM doit, oui ou non, être divisée, on a eu l'occasion d'échanger sur ces questions avec les syndicats que nous représentons et avec lé secteur avec lequel nous travaillons spécifiquement à cette occasion-là. Pour nous, encore une fois, ce que l'on dit, c'est qu'on n'a pas, à première vue, d'arguments qui nous disent, hors de tout doute, que, si on ne défait pas la CECM, on nuit à la pédagogie ou au progrès scolaire et on n'a pas, à l'inverse, un certain nombre d'autres raisons, d'arguments qui nous disent: Si on défait la CECM, c'est vraiment le cataclysme sur l'île de Montréal sur le plan de la formation. On veut que le milieu continue de travailler profondément sur ces questions. Ces débats vont être durs, on ne s'en cache pas. On demande une chose, cependant, c'est que, si ces débats pouvaient sortir des ornières un peu politiques dans lesquelles cela s'est enferré trop rapidement, cela permettrait peut-être de se sortir la tête au-dessus de l'eau et de prendre une couple de bouffées d'air avant de replonger et de trouver la solution. Malheureusement, je trouve qu'on a glissé très rapidement, que ce soit avec le Conseil scolaire de l'île de Montréal ou avec la CECM. Le débat s'est enfoncé trop rapidement dans une partisanerie politique ou dans la petite politique, ce qui fait en sorte qu'il y a des dimensions que l'on a de la misère à faire ressortir. Nous souhaitons que cela se poursuive. En ce sens, nous sommes prêts à faire le bout que nous avons à faire comme confédération. D'ailleurs, les syndicats dans ce milieu continuent à faire les débats que nous avons amorcés, nous sommes prêts à les poursuivre.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Hains: J'admire vraiment votre sincérité, votre logique, et je vous en remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être très brève, compte tenu du temps.

Je veux remercier les représentants de la CSN et leur dire qu'il y a beaucoup de points, soulevés dans leur mémoire, que je partage, par exemple, sur le plan démocratique, le suffrage universel, leurs préoccupations pour une juste péréquation, une juste distribution entre les écoles, pour ne pas accentuer les disparités qui existent déjà entre les écoles.

Je retiens vos suggestions quant à la représentation de tout le personnel qui travaille dans une école. C'est exact de dire que le personnel de soutien joue un rôle important dans les écoles si on le lui laisse jouer. Ce n'est pas une direction d'école ou même des parents qui déterminent avec qui leurs enfants vont établir les meilleures relations. On a vu des exemples où souvent cela a pu être une réceptionniste, une secrétaire, un concierge avec qui un enfant créait ses premiers liens ou ses liens les plus significatifs à l'école; aussi étrange que cela puisse apparaître, cela se présente. Alors, c'est dans la mesure où on leur permet aussi d'être partie de l'école et non pas ce qu'on pourrait, appeler dans un sens un peu péjoratif, au service de l'école pour servir les autres.

Vous parlez également de la nécessité de la clarification des responsabilités entre les trois paliers: le ministère, la commission scolaire et le conseil d'école. Là encore, il y a beaucoup de réflexions à faire.

Vous dites, à la page 7 de votre mémoire: La CSN trouve regrettable que le projet de loi 40 porte le débat au plan des structures. Cela est regrettable car on y oublie les problèmes de la qualité de l'enseignement, du décrochage, de l'absentéisme des élèves, des problèmes réels auxquels devrait s'attaquer le ministère de l'Éducation. Ce matin, j'entendais à la radio que demain le Conseil supérieur de l'éducation doit rendre publique une étude. Je ne voudrais pas déformer, mais je peux simplement rappeler ce que j'ai entendu. Le Conseil supérieur de l'éducation dirait qu'il est urgent qu'on agisse au niveau du secondaire parce qu'on formera une prochaine génération - vous pourrez me corriger si j'ai mal interprété - qui sera délinquante. En d'autres termes, on est rendu au creux et il est urgent d'agir. Je veux vous demander si, à vos yeux - il peut être intéressant de discuter du projet de loi 40, on y trouve des points communs, etc. - c'est cela qui va apporter les vraies solutions aux types de problèmes que vous mentionnez ici et si le Conseil supérieur de l'éducation, dans son rapport, demain, viendra d'une certaine façon renforcer les données des problèmes.

M. Auger: Je veux seulement indiquer qu'au début de notre mémoire nous avons souligné cette question. Sur l'ensemble des

débats sur l'éducation, à notre point de vue, cela fait 20 ans, grosso modo, que l'on a traversé une période de réforme très importante. Après 20 ans, il y a des ajustements qui doivent nécessairement se faire, qui ont pu se faire au fur et à mesure, mais, à un moment donné, il y a peut-être un virage un peu plus important qu'on a à prendre. Selon notre réflexion, le projet de loi 40 porte d'abord et avant tout sur les structures. Également, on aurait bien aimé pouvoir débattre d'une façon plus large, non pas de tous les sujets en même temps, parce que c'est trop vaste, mais au moins avoir cette espèce de mise en situation globale de la part du ministère pour dire: Voici, en gros où on en est, voici l'ensemble des paramètres et voici comment maintenant on pourrait aborder tel ou tel aspect. Cette vue d'ensemble pour des observateurs extérieurs est difficile à saisir. On est amené à analyser à la pièce des textes législatifs ou réglementaires. On a toujours un peu de difficulté à pouvoir resituer cela dans son contexte global. C'est le fait qu'on soulignait.

Sur la question précise qu'on souligne là-dessus, c'est qu'effectivement notre préoccupation par rapport au décrochage, par rapport à l'absentéisme, est qu'il faut pouvoir agir sur cette question très rapidement. J'ai aussi hâte de voir le contenu de l'étude - j'ai lu rapidement aussi ce matin l'article du journal - faite par le Conseil supérieur de l'éducation pour voir comment toute cette situation se présente et si cela confirme les bribes d'information que nous avons quant à cette situation déplorable.

D'autre part, ce qu'on peu remarquer, c'est que la situation actuelle, qui n'est pas seulement due au système scolaire, mais probablement à un contexte plus général d'une crise économique, sociale, que l'on traverse au Québec, mais pas à l'échelle mondiale, fait en sorte que les jeunes sont très désemparés à cet égard et remettent beaucoup en question un tas de valeurs qui, pour nous, sont consacrées, reconnues comme n'étant pas à remettre en question immédiatement. Eux les remettent en question. Alors, on dit: II faut pouvoir débattre de ces questions, sinon les jeunes... Ce qu'on constate, c'est que les jeunes refusent de s'embarquer jusqu'à un certain point dans ce qui existe actuellement. Si cette adaptation ne se fait pas, on va arriver avec une génération et je ne sais pas comment elle fera pour porter ce qu'elle devra porter, ou elle décidera de le porter d'une autre façon, mais il y aura dans la société d'autres personnes, dont nous, qui seront rendues les aînés, comme on dit maintenant; on aura aussi à subir les conséquences de cette situation. C'est pour cela qu'on trouve cette préoccupation fort importante et nous pensons qu'on devrait pouvoir, entre autres avec l'étude du CSE et peut-être d'autres études qui ont été commandées récemment au Conseil supérieur de l'éducation et avec d'autres ressources, faire en sorte de mieux s'adapter.

On a nous-mêmes un dossier qui est en marche actuellement, qui n'est malheureusement pas suffisamment avancé, qui porte sur toute la question des jeunes à l'égard du travail, parce que cette question se pose aussi. Les jeunes ne voient pas le travail comme nous pouvions le voir il y a cinq, dix, quinze ou vingt ans. Cela a beaucoup changé. On est en train de monter un dossier là-dessus pour voir quels sont ces changements, ce qu'ils ont comme conséquences, ce que cela devrait nous indiquer comme piste de changements par rapport à notre comportement comme organisation syndicale et comme travailleurs et travailleuses dans la société.

Mme Lavoie-Roux: La préoccupation que nous avons, c'est que vous avez raison. Il y a des changements qui s'imposent, compte tenu, par exemple, de la plus grande diversité dans notre société. On sent d'ailleurs certains consensus assez grands quant à la division linguistique, quant à l'intégration des systèmes élémentaire et secondaire. C'était une opération qui était en marge et qui a été arrêtée par le gouvernement actuel.

Il y a aussi la question de la confessionnalité où les gens, eu égard au pluralisme, disent: II y a des réajustements à faire. On sent que c'est compliqué dans le projet de loi, même si on ne l'a pas abordée beaucoup aujourd'hui. Mais le reste, où on va peut-être parler de dispositions qui sont dans le projet de loi, crée plus de situations de conflits qu'on va en corriger. Notre inquiétude est de savoir si cela va permettre la résolution des problèmes que vous mentionnez et dont vous venez de parler.

Je vous poserai une seule question. En fait, cela a trait aux possibilités de disparités plus grandes entre les écoles. Je ferai seulement une remarque au point de départ. Par exemple, quand on parle du choix des manuels qui serait laissé aux parents ou au conseil d'école, je pense que vous avez bien indiqué le problème si deux écoles voisines fonctionnent trop différemment. J'ajouterais que, lorsque vous regardez sur le territoire de Montréal - je ne sais pas si c'est toute l'île, mais certainement sur le territoire de la CECM - où on vous dit qu'il y a une mobilité des enfants qui varie entre 20% et 25% par année, je ne sais pas dans quelle mesure... D'abord, au plan budgétaire, on pourrait se poser des questions. Deuxièmement, au plan de l'intérêt des enfants, quel sera le jeu qu'en fait on pourra permettre au niveau des écoles si on ne veut

pas, à un moment donné, créer des difficultés pour les enfants? (11 h 15)

Eu égard à cela, je voudrais vous demander quelles sont vos réactions à l'article 216 où, à la demande d'une école, la commission scolaire peut exercer temporairement les pouvoirs de celle-ci en matière de gestion des ressources humaines, matérielles ou financières. L'intention du législateur - je la comprends - a été d'introduire un élément de flexibilité. Au plan pratique, voyez-vous des répercussions à cet article? Certaines écoles décideraient de remettre tous les pouvoirs de décision à la commission scolaire, tandis que d'autres décideraient de les garder. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un élément qui, éventuellement, pourrait apporter, dans la distribution des ressources, dans le soutien pédagogique, des différences entre les écoles, ce qui ne serait pas à l'avantage des enfants?

M. Auger: C'est une question très spécifique et je ne suis pas certain de pouvoir vous répondre d'une façon détaillée. Le seul élément de réponse que j'aimerais vous donner là-dessus revient un peu à la trame de fond que nous avons dans notre mémoire où il nous semble que, s'il doit y avoir davantage de responsabilités au niveau de l'école, il faut être très prudent pour que l'école soit vraiment apte, comme entité, à les assumer. C'est ainsi que nous posons le débat. D'une façon plus précise, qu'est-ce que cela pourrait signifier? Je ne pourrais malheureusement pas y répondre.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentantes et les représentants de la Confédération des syndicats nationaux pour leur importante collaboration aux travaux de cette commission.

Sur ce, j'invite maintenant les représentantes et les représentants du Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer à prendre place à la table des invités. Je leur rappelle que, comme à l'accoutumée, ils pourront disposer d'une période de vingt minutes pour nous faire part du contenu de leur mémoire. Ensuite, nous pourrons procéder aux échanges entre les membres de la commission et nos invités.

Je vous demande, d'abord, de bien vouloir vous identifier et de procéder ensuite à la présentation de votre mémoire.

Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer

M. Castura (Jimmy): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vous présente, à ma gauche, Mme Marthe Allard, représentante à la table des commissaires au niveau primaire; M. Denis Tremblay, membre de l'exécutif; M. Lucien Nadeau, membre de l'exécutif; Mme Micheline Risler-Schick, membre de l'exécutif; Mme Mireille Beaudry, représentante à la table des commissaires au niveau secondaire.

Je tiens à préciser que le présent mémoire est le fruit d'un travail d'équipe. Les parents qui m'accompagnent se sont préparés non seulement à titre de représentants, mais aussi à titre de participants. Ces personnes se feront donc un plaisir de répondre aux questions qui leur seront posées par les membres de la commission parlementaire.

Il nous fait plaisir aujourd'hui, comme parents, de vous présenter la synthèse de notre mémoire concernant le projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public. C'est à titre de membres du comité de parents d'une importante commission scolaire, la commission scolaire Jérôme-Le Royer, regroupant quelque 22 000 élèves, que nous apportons notre réflexion et que nous présentons des recommandations sur certaines questions qui nous paraissent fondamentales.

Notre commission scolaire s'étend sur un vaste territoire qui regroupe quatre municipalités: Anjou, Montréal-Est, Pointe-aux-Trembles et Saint-Léonard. Notre clientèle comprend un secteur francophone et un secteur anglophone. La population se caractérise par une diversité où se retrouvent plusieurs ethnies et différentes couches sociales. Le pluralisme qui marque notre milieu nous a incités à porter une attention toute particulière à ce projet de loi qui aura un impact sérieux sur notre avenir.

L'examen que nous avons fait du projet de loi 40 porte sur les articles qui nous sont apparus comme les plus significatifs pour que l'école devienne un lieu d'excellence pour l'instruction, l'éducation et la formation de l'enfant.

L'école est, dans une certaine mesure, une institution qui continue et complète la famille dans une perspective plus élargie d'expériences et d'activités. D'où l'importance pour nous, représentants des parents, de poser dès maintenant un principe fondamental que doit garantir cette réforme. Ce principe consiste à assurer aux parents une place prépondérante dans les centres de décision et les lieux d'orientation que constituent le conseil d'école et le conseil d'administration des commissaires.

Le projet de loi 40 nous apparaît comme un document très vaste qui, d'un seul coup, touche directement ou indirectement à tous les aspects du système scolaire. Les fonctions et les pouvoirs des diverses instances scolaires sont remis en question.

Les statuts institutionnels, tout autant que les territoires, sont changés. Ce projet nécessite même des modifications à quelque 60 autres lois de nature différente.

À cause même de son envergure et à cause aussi de plusieurs propositions qui marquent une cassure importante dans nos traditions, ce projet aura, nous semble-t-il, des difficultés à obtenir la plénitude des adhésions sur un bon nombre de questions. Il représente cependant, pour nous, une occasion très importante de situer, encore une fois, nos intentions et nos orientations, comme parents, en espérant fortement qu'elles seront très bientôt inscrites dans la loi.

Les recommandations qui suivent ont été développées dans le texte du mémoire. Elles résument bien les intentions et les volontés de l'assemblée générale du comité de parents qui les a approuvées. On les a voulues cohérentes et bien articulées. Elles visent à la concertation, à la qualité des interventions et à une implication réelle et décisive des parents au plan des orientations et politiques qui assurent la réalisation d'un projet éducatif respectueux des valeurs et conscient des exigences d'une véritable éducation.

Dans cette perspective, le comité des parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer recommande: 1. Que le statut linguistique constitue le critère de base de la répartition des territoires des commissions scolaires et que la révision de la carte scolaire prévoie l'intégration des niveaux primaire et secondaire en conformité avec le présent projet de loi. 2. Qu'il n'y ait pas de commissaire élu au niveau de chacune des écoles selon les modalités prévues dans le projet de loi 40. 3. Que le conseil d'administration de la commission scolaire soit composé de 20 membres ou moins. La moitié serait élue au suffrage universel à tous les quatre ans; l'autre moitié serait élue par et parmi les délégués ou représentants des parents membres des conseils d'école avec une représentation égale du primaire et du secondaire. Les délégués ou représentants des parents ainsi élus membres du conseil d'administration démissionnent du conseil d'école.

Le mandat des membres du conseil d'administration provenant de l'élection des délégués ou représentants des membres des conseils d'école est d'une durée de deux ans. Les membres du conseil d'administration se nomment un président devant être choisi parmi les membres provenant des conseils d'école. Ce président a un mandat de quatre ans.

Avantages de cette composition du conseil d'administration. La représentativité des parents ayant des enfants à l'école sera majoritaire, étant donné que d'autres parents seront élus au suffrage universel comme ce fut toujours le cas. Les orientations pédagogiques et administratives de la commission scolaire seront considérées en fonction des intérêts de l'école et dans le souci des attentes et des besoins de la population en général. L'aspect démocratique qui est à la base de nos institutions et qui fait partie intégrante de nos traditions sera respecté. Les parents ayant des enfants à l'école auront la possibilité, après deux ans, de rescinder ou de reconduire le mandat de ceux qu'ils ont placés au conseil d'administration. La continuité si importante aux institutions sera assurée par ceux qui ont un mandat de quatre ans, dont le président. 4. Que le conseil d'école soit composé d'une majorité de parents, d'un minimum obligatoire de deux enseignants, d'une représentation du personnel non enseignant et des élèves du second cycle secondaire, si ces derniers le désirent, et du directeur d'école. Cette présence obligatoire, active et motivée, d'un minimum de deux enseignants est une nécessité pour nous. On ne peut vraiment pas ignorer dans un conseil d'école ceux-là mêmes qui vivent quotidiennement avec nos enfants, ceux qui sont au coeur de l'acte éducatif et qui auront à adapter certains de leurs fonctionnements aux décisions du conseil. 5. Que la procédure à établir pour le choix des parents au conseil d'école s'apparente à celle décrite dans le livre blanc et que ce choix se fasse en mai. Le président est choisi parmi les membres du conseil qui sont parents. Le mandat des parents choisis, comme ceux des autres membres, est de deux ans. 6. Que le conseil d'école soit décisionnel dans le domaine des activités courantes, telles que, entre autres: la fixation des objectifs et des orientations éducatives; l'établissement du projet éducatif en concertation; l'application des mesures sur la confessionnalité; reconnaissance de la confessionnalité, enseignement religieux, animation pastorale, etc.; l'établissement du calendrier scolaire, la détermination des règles de régie interne - horaires, procédures, information, documentation l'institution du règlement pour les élèves.

Que le conseil dispose d'un droit d'intervention sur toutes les décisions d'ordre professionnel qui sont du ressort du directeur d'école, avec droit, à un vote aux deux tiers de ses membres, de soumettre à la commission scolaire toute décision que le conseil d'école jugerait nécessaire à son bon fonctionnement.

Ces décisions sont, entre autres: l'application de tous les programmes d'études; l'implantation des programmes d'études nouveaux; l'établissement du plan d'évaluation de l'enseignement; la répartition du temps requis pour les services de l'ensei-

gnement; la gestion du personnel, etc. 7. Que les membres du conseil d'école siégeant au comité de sélection du directeur d'école soient tous des parents. 8. Que toute demande du conseil d'école relative à la reconsidération du mandat du directeur d'école, par un vote aux deux tiers, soit assujettie, en toute équité, à une évaluation faite par la commission scolaire en consultation avec le conseil d'école. 9. Que les parents disposent du droit d'inscrire leurs enfants, au moment de l'inscription annuelle, à deux ou trois écoles en indiquant, selon leur préférence, un ordre de priorité dans leur choix. 10. Que l'école ne soit pas tenue de faire une consultation concernant la reconnaissance confessionnelle à moins qu'une majorité de parents dont les enfants fréquentent ou fréquenteront cette école ne demande une telle consultation et que ce statut confessionnel ainsi déterminé ne soit pas reconsidéré avant cinq ans. 11. Qu'un comité confessionnel soit institutionnalisé et reconnu par la loi au niveau de chaque commission scolaire en vue de veiller à ce que l'éducation chrétienne dispose des ressources nécessaires pour remplir ses obligations et de voir à ce que les écoles et les commissions scolaires assument leurs responsabilités. 12. Que les commissions scolaires soient désormais non confessionnelles. 13. Que la reconnaissance confessionnelle qui sera accordée aux écoles assure légalement à la majorité la certitude de pouvoir élaborer et de mettre en oeuvre un projet éducatif chrétien qui se reflète non seulement dans l'enseignement religieux et l'animation pastorale, mais aussi dans l'enseignement des autres matières et dans toutes les activités de l'école.

(11 h 30) 14. Qu'un comité central de parents soit maintenu au niveau de la commission scolaire avec représentation à la table des commissaires. 15. Que le projet de loi prévoie des mesures permanentes de formation à l'intention de ceux qui siègent et siégeront aux conseils d'école et aux conseils d'administration. 16. Que la partie réglementation du projet de loi concernant le gouvernement et le ministre soit réduite en vue de tenir compte des idées de base du livre vert et du livre blanc qui parlaient de décentralisation et d'autonomie. 17. Que le ministre considère, dans l'établissement des enveloppes budgétaires, les exigences relatives à la participation et à l'implication des parents dans les conseils et comités décisionnels. 18. Que le ministre établisse les règles générales concernant les allocations et les normes de remboursement de dépenses et qu'il laisse une certaine latitude et marge de manoeuvre aux commissions scolaires et aux écoles dans les modalités d'application de ces règles. 19. Que le président du comité de mise en oeuvre de la nouvelle loi soit choisi par le ministre sur recommandation des membres de ce comité qui regroupe des représentants de commissaires et de parents. 20. Que le comité de mise en oeuvre délivre un acte d'établissement à toutes les écoles existantes, et ce pour cinq ans. 21. Que chacune des écoles puisse demeurer ouverte pour une période d'au moins cinq ans et qu'elle reçoive des subventions particulières dans le cas où une importante diminution de la clientèle affecterait sérieusement, à la baisse, ses ressources et ses effectifs.

M. le Président, les recommandations que nous venons d'énumérer sont très significatives pour les parents. Nous sommes conscients qu'elles représentent certains ajustements à faire dans le projet de loi 40. Nous avons la conviction que ces ajustements pourraient avoir une influence très positive dans cette réforme qui n'aura de valeur que si elle améliore, finalement, la qualité de la vie dans l'école et l'acte éducatif exercé quotidiennement auprès de nos enfants.

En conclusion de cet exposé, le voeu que nous exprimons pour le présent et pour l'avenir est que nous soyons vraiment partie prenante, avec des droits et des pouvoirs, à l'évolution d'un système scolaire dont l'enfant, notre enfant, doit être au coeur de toutes les préoccupations.

Nous demandons d'être au carrefour des décisions et au centre des politiques visant à la réalisation des nouveaux défis de l'école, d'une école que l'on veut plus autonome et plus efficace, dans une décentralisation qui doit s'adapter au vécu quotidien et valoriser le milieu de vie.

Notre implication dans le système scolaire ne se veut pas exclusive. Nous désirons la partager avec tous les autres partenaires, particulièrement les enseignants, les professionnels et les cadres dont l'apport est essentiel.

Nous voulons, dans le respect des orientations et des objectifs de l'État, que nos enfants reçoivent dans l'école publique une éducation qui réponde à nos attentes et à nos aspirations.

Puisse ce mémoire contribuer à l'élaboration d'une loi qui reflète un certain consensus éducatif et social dont l'enfant profitera et, par lui, la société et l'État.

Le Président (M. Leduc, Fabre): Merci, M. Castura. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier et féliciter les

représentants du Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer pour l'attention qu'ils ont apportée au livre blanc et, ensuite, au projet de loi, et pour les recommandations qu'ils nous font et qui portent sur plusieurs sujets.

Je note, bien sûr, en passant, que le comité de parents est d'accord sur les grandes orientations du projet et sur une bonne partie de ses éléments. Par exemple, le comité de parents est d'accord pour que les commissions scolaires soient désormais divisées sur une base linguistique plutôt que confessionnelle; d'accord sur l'intégration des deux niveaux d'enseignement; d'accord aussi pour qu'on revalorise l'école, qu'on lui donne plus de responsabilités, particulièrement en matière de pédagogie; d'accord pour qu'un conseil d'école existe dans chaque école avec un pouvoir décisionnel important sur un bon nombre de matières surtout portant sur la pédagogie, mais aussi sur la confessionnalité; d'accord également pour que le gouvernement institue un moratoire sur les fermetures d'écoles pendant les cinq prochaines années, d'accord, d'une façon générale, sur les aménagements à la confessionnalité. C'est sur ce dernier point cependant que le comité de parents de la commission scolaire s'interroge le plus. Le comité de parents semble penser que les aménagements qui garantissent la confessionnalité ne sont pas encore assez généreux ou abondants. Il nous suggère ou nous recommande d'aller encore plus loin dans ce sens-là.

Je voudrais dire aussi, au départ, que je suis d'accord avec le comité de parents quand il dit que, si nous confions désormais aux parents de plus grandes responsabilités, il faudra veiller à leur apporter le soutien nécessaire, le perfectionnement dont ils auront besoin au même titre que les commissaires d'école, les enseignants et les autres personnels de l'école. Je suis tout à fait d'accord avec le comité de parents là-dessus, mais, encore une fois, les deux points sur lesquels le comité de parents se pose des questions, c'est celui du suffrage universel, où un recommande un autre mode de suffrage universel. La position que vous épousez là-dessus est celle de la Fédération des comités de parents et je ne la commenterai pas plus avant. L'autre interrogation porte sur le statut. Vous nous recommandez, en somme, de nous rapprocher davantage de la situation actuelle à cet égard, par exemple, en recommandant que le statut actuel soit maintenu, à moins que les parents, en majorité, ne demandent sa révision, alors que le projet de loi prévoit, au contraire, que ce statut sera maintenu pour une période de transition de trois ans, mais que, par la suite, les parents auront à exprimer démocratiquement leurs opinions, leur volonté quant au maintien ou à la révocation de ce statut.

La question que j'aimerais vous poser est double. La première: Qu'est-ce qui, selon vous, justifie l'octroi d'un statut confessionnel pour l'école que prévoit le projet de loi 40? Quelles sont donc les raisons qui justifient le maintien de l'existence d'un statut en regard des garanties qui sont maintenant inscrites dans le projet de loi et qui ne l'étaient pas auparavant? Donc, qu'est-ce qui justifie le maintien d'un statut confessionnel pour une école? Deuxièmement, quelles sont les raisons précises qui vous amènent à nous suggérer ou à nous recommander que le statut soit maintenu, à moins qu'une majorité de parents ne demandent, au fond, une reconsidération qui équivaudrait probablement à une demande de rejet du statut?

M. Castura: M. le ministre, cette question, comme vous l'avez constaté, c'était une de nos questions prioritaires et on a travaillé beaucoup là-dessus. Mon camarade ici, M. Lucien Nadeau, se fera un plaisir de répondre plus en détail à vos deux questions.

Le Président (M. Blouin): M. Nadeau.

M. Nadeau (Lucien): M. le Président, notre position concernant la confessionnalité est globale. Nous constatons, comme la plupart des gens, que le composition sociale de notre société n'a plus la même homogénéité qu'autrefois. Chez nous, à Jérôme-Le Royer, toutefois, sur une population de 22 000 élèves, nous constatons qu'à peine une centaine d'entre eux ont demandé de s'abstenir à la matière confessionnelle. Or, nous reconnaissons que le principe de l'exercice de la liberté de conscience doit être maintenu tant pour les élèves que pour les enseignants. Toutefois, nous disons que ce droit doit se manifester à l'inscription de l'enfant dans l'école. C'est pour cela que nous faisons la proposition de pouvoir inscrire l'enfant à plusieurs écoles.

À partir du moment où l'on confie son enfant à une école dont le projet éducatif souscrit à l'interprétation de la confessionnalité, nous devons avoir la garantie que ce caractère confessionnel s'exerce sans contrainte de la qualité et de la quantité. Nous pensons que les 450 années de christianisme qui ont précédé l'avènement de la propositon du projet de loi ne peuvent pas s'effacer par le simple fait qu'on amène des modifications au niveau des structures. Compte tenu que nous souhaitons, au niveau de la réforme scolaire sur le plan pédagogique, que les écueils, les heurts sociaux et les remous que pourrait provoquer ce changement brusque soient évités, nous pensons pouvoir nous ajuster à la réalité et que le changement social puisse venir de façon plus progressive. C'est-à-dire que, dans l'espace de cinq ans, ceux qui voudraient

reconsidérer cette dimension confessionnelle pourraient s'organiser pour en faire la demande. Mais nous ne pensons pas que la situation de Notre-Dame-des-Neiges soit suffisamment exemplaire pour justifier un tel remous social que pourraient provoquer les aménagements prévus dans le projet de loi.

En conclusion, nous souhaitons que cette question soit abordée d'une façon plus réaliste et qu'elle permette aux côtés positifs de la loi d'aller beaucoup plus loin en termes de réalisation. Cela pourrait être un heurt majeur à ce qu'il y a de plus positif à l'intérieur de la loi. Nous ne souhaitons pas que, pour des raisons d'ordre confessionnel, le projet de loi puisse être rejeté. Il est trop nécessaire que ce projet de loi se réalise pour que la dimension confessionnelle fasse le coeur du débat de la réforme scolaire. Cela va?

M. Laurin: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, vous me prenez un peu par surprise. Je pensais que le ministre allait poursuivre ce dialogue qui commençait à peine. Il m'a fait bien plaisir d'écouter la lecture de votre mémoire, MM. et Mmes les représentants du Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Nous avons également eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire qui a été soumis par la commission scolaire elle-même que nous rencontrerons cet après-midi. C'est un mémoire très explicite qui donnera lieu à une discussion substantielle, je n'ai aucun doute là-dessus. Mais, pour le moment, nous vous rencontrons et vous disons notre plaisir de le faire.

Vous dites, à la fin de votre mémoire, qu'en écrivant votre recommandation vous avez surtout pensé au bien de l'enfant. Je vous en félicite. Nous devons constamment être ramenés à ce souci central qui doit éclairer toutes nos attitudes. Ce n'est pas facile de voir dans les attitudes concrètes comment ce souci doit toujours demeurer premier, mais c'est bon que nous nous le fassions rappeler de temps en temps.

Vous représentez évidemment les parents et il est normal que vous insistiez sur la participation des parents. Dans votre commission scolaire, vous le faites avec beaucoup d'efficacité. Cela se fait avec beaucoup d'efficacité dans la grande majorité des commissions scolaires, d'ailleurs. Nous, du Parti libéral, qui représentons l'Opposition au sein de cette commission, sommes hautement favorables à la participation accrue des parents au processus qui marque le fonctionnement de notre système scolaire. Nous croyons que les parents sont un élément essentiel. En fait, il y a quatre éléments essentiels dans le système: les administrateurs, les enseignants et les personnels qui viennent les soutenir, les parents et les élèves. En ordre d'importance, il faudrait que j'inverse l'énumération. Je commence par les élèves; ensuite, j'ajoute les parents et les enseignants sur un pied d'égalité et les administrateurs qui sont indispensables également. (11 h 45)

II y a deux choses; le problème, c'est de trouver l'équation "organisative" qui va permettre à chaque élément de donner sa meilleure contribution. Je remarque tout de suite - vous n'êtes pas sans l'avoir observé vous aussi - qu'il y a des divergences d'opinions importantes entre vous autres et la commission scolaire autour du projet de loi 40.

Par exemple, j'ai remarqué que votre mémoire ne traite pas beaucoup des attributions de la commission scolaire. Il n'y a pas de passages qui m'ont spécialement frappé sur cela. Tandis que, dans le mémoire de la commission scolaire, on a attaché beaucoup d'importance à proposer un partage des responsabilités entre l'école, la commission scolaire et le ministère; c'est la partie peut-être la plus importante de ce mémoire que nous discuterons cet après-midi.

Voici la première question que je poserai: Est-ce que vous trouvez que le rôle de la commission scolaire, comme il est défini dans le projet de loi, est satisfaisant pour que cela marche? Le doute que nous avons tous, c'est que les écoles marchent à fond. Nous reconnaissons tous qu'il faut une commission scolaire pour assurer que cela va marcher d'une manière ordonnée sur un territoire. Est-ce que vous pensez que la manière dont c'est présenté dans le projet de loi, c'est de nature à donner une commission scolaire dynamique avec les pouvoirs voulus pour exercer ces attributions? On parlera de la composition ensuite.

M. Castura: M. le député, si vous remarquez, dans notre mémoire, on s'est penché sur la commission scolaire et on dit même que les pouvoirs du ministre doivent être retirés et que l'on donne plus de pouvoirs aux commissions scolaires. Nous, comme parents, sommes très réalistes et sommes conscients que cela prend une commission scolaire qui a des outillages assez forts pour desservir les besoins des écoles.

Est-ce que quelqu'un d'autre veut compléter? M. le député, je demanderai à Mme Allard de compléter cette réponse.

Mme Allard (Marthe): Comme vous avez pu le remarquer, la demande fondamentale de notre comité de parents, c'est d'accorder plus de pouvoirs aux parents pour qu'ils puissent participer à tous les paliers de décision. Donc, la façon dont nous le voyons,

c'est que les parents soient décisionnels au conseil d'école, que les parents aient toute la possibilité, comme dans la structure qu'on préconise ici, d'être décisionnels à la commission scolaire. Nous croyons que, de la façon qu'on propose l'élection, la moitié venant du suffrage universel et la moitié étant élue par le collège électoral des parents, il y aura un équilibre adéquat quant aux idées d'ordre pédagogique. Les parents ayant travaillé dans les comités d'école sont plus prêts à la favoriser étant donné qu'ils connaissent le contexte et que c'est vraiment dans l'école que se passe l'action. Les parents veulent être à tous les paliers de décision importants concernant l'action qui se passe dans les écoles. Nous trouvons qu'ils font un lien juste pour promouvoir les idées éducatives pour le bien de l'enfant.

Voici les pouvoirs qu'on demande. De la part du ministère de l'Éducation, on veut qu'il y ait un certain nombre de règlements, mais pas trop; que la commission scolaire puisse être une entité décisionnelle importante; on reconnaît que le conseil d'école doit être important et on laisse à chacun sa marge de manoeuvre. On pense que, de la manière qu'on demande les structures ici, il n'y aurait pas d'inconvénient. On pense que c'est la meilleure façon de fonctionner.

M. Ryan: L'école, comment la voyez-vous rattachée à la commission scolaire? Comment cela va-t-il se faire, concrètement?

Mme Allard: L'école a des pouvoirs décisionnels. Est-ce que vous voulez dire le point de vue du directeur d'école et du conseil d'école par rapport aux pouvoirs que chacun détient?

M. Ryan: C'est là un aspect.

Mme Allard: M. le Président, est-ce que vous pouvez permettre à Mme Schick de continuer là-dessus?

Mme Risler-Schick (Micheline): Le conseil d'école a, à notre point de vue, des pouvoirs seulement de décision dans la régie interne de l'école. Nous, comme parents, ce qui nous intéresse, c'est la vie de notre enfant à l'école. Sa vie est beaucoup influencée par le projet éducatif, par les règlements dans l'école. Tout ce qui relève du secteur professionnel, des programmes, l'application des progammes, la gestion du personnel, tout cet aspect professionnel, les parents de notre commission scolaire demandent que ce soit le directeur de l'école qui soit responsable de cela à notre niveau, donc qu'il relève du directeur général, et que tout ce qui relève de ces décisions à prendre au niveau professionnel soit au niveau de la commission scolaire et non au niveau de l'école.

M. Ryan: Oui. Je pense que ce que vous dites ici est très intéressant. Vous donnez d'ailleurs toute une énumération à la page 5 de votre mémoire, n'est-ce pas?

Mme Risler-Schick: C'est cela.

M. Ryan: Vous verriez le conseil d'école intervenant dans la fixation des objectifs et des orientations éducatives, l'établissement du projet éducatif en concertation, l'application des mesures sur la confessionnalité, l'établissement du calendrier scolaire, les règles de régie interne, horaires, procédures, information, documentation, le règlement pour les élèves, les programmes d'activités et de projets spéciaux, les formes de contrôle des présences des élèves, etc. Je pense que ce sont des exemples qui montrent très bien le champ d'intervention que vous envisagez pour le conseil d'école.

Je voudrais aller à la page suivante. Vous parlez des activités professionnelles. C'est peut-être là que le mémoire n'est pas tout à fait clair. Vous dites: On va parler de l'application des programmes d'études, l'élaboration de programmes locaux, l'implantation des programmes nouveaux, l'établissement du plan d'évaluation de l'enseignement, etc. Dans les remarques que vous aviez, ce n'était pas trop clair à qui cela revenait. On va lire le texte. Ce n'est pas parce que je veux vous faire un procès, mais pour qu'on se comprenne, n'est-ce pas? Dans le domaine des activités professionnelles, le conseil d'école participe à part entière aux discussions; il dispose d'un droit d'intervention sur toutes les décisions d'ordre professionnel qui sont du ressort du directeur d'école. Excusez-moi, c'est clair. C'est parfait. C'est bon qu'on le relise ensemble. "Le conseil se réserve le droit, à un vote aux deux tiers de ses membres, de soumettre à la commission scolaire toute décision que le conseil d'école jugera nécessaire..." C'est intéressant. Cela veut dire que vous reconnaissez concrètement que, dans les matières d'ordre professionnel, il doit y avoir une autorité professionnelle en somme qui sera celle du directeur d'école. Peut-être que vous êtes prêts à confier un rôle également à une sorte de commission pédagogique, un comité pédagogique à l'intérieur de l'école; on en a parlé hier. Il y en a déjà un qui est prévu par la loi, purement consultatif. Peut-être qu'il pourrait aussi aller plus loin, dans les matières proprement pédagogiques et professionnelles. Vous voyez que le directeur, dans ces matières, relève de la commission scolaire.

Mme Risler-Schick: Dans notre commission scolaire, déjà il y avait une

décentralisation et le directeur d'école fonctionne déjà un petit peu comme cela; au niveau de Jérôme-Le Royer, il prend des décisions.

Comme parents, notre intérêt se portant surtout sur le projet éducatif et les valeurs que nous voulons transmettre, pour que l'école reflète nos valeurs et que ce soient ces valeurs qui se transmettent à nos enfants, c'est surtout au niveau du projet éducatif qu'on veut être décisionnels. Nous considérons qu'il y a des professionnels qui sont à l'emploi de la commission scolaire. Ils ont toutes les qualités et toutes les ressources, à la commission scolaire, pour administrer le secteur professionnel. On trouve qu'il y aurait là une certaine perte d'énergie si on multipliait des études au niveau de chaque école, si chaque gestion d'école multipliait trop ses énergies à étudier et à prendre des décisions au niveau de chacune des écoles quand, à la commission scolaire, il y a des professionnels qui ont déjà une expertise, qui ont des ressources, qui pourraient prendre les décisions.

Par contre, au conseil de gestion, on dit bien dans notre mémoire qu'on veut quand même participer, comme parents, aux discussions quand le directeur d'école doit appliquer des décisions dans ce secteur professionnel. On veut être consulté et voir un peu ce qui ressort de tout cela, avant que le directeur d'école n'applique intégralement ces décisions dans l'école. Si on voit que tout ce que le directeur veut appliquer dans l'école ne nous satisfait pas parce que c'est vraiment en contradiction flagrante avec notre projet éducatif, qu'il y a vraiment quelque chose qui est totalement inacceptable pour nous au plan professionnel - c'est pourquoi nous l'avons ajouté dans notre mémoire - on se réserve le droit, à un vote aux deux tiers, de soumettre à la commission scolaire toute décision que le conseil jugerait nécessaire à son bon fonctionnement dans l'école. S'il y avait vraiment des décisions du directeur qui ne satisfaisaient pas le conseil d'école, à ce moment-là, on aurait un recours à la commission scolaire pour que les choses se fassent un peu en conformité avec notre projet éducatif.

M. Ryan: Je vous pose une question sans arrière-pensée, évidemment, quant aux choses que vous demandez pour le conseil d'école, les fonctions que vous proposez à la page 5, qu'on a énumérées un petit peu tantôt. Y a-t-il de ces choses que vous ne pourriez pas faire en vertu de la loi actuelle, celle qui établit un conseil d'orientation pour l'école? On peut changer le nom, ce n'est pas grave. Y a-t-il de ces choses qui ne peuvent pas être faites actuellement en vertu de la loi? Il y a déjà des attributions données au conseil d'orientation par la loi 71, comme vous le savez.

M. Castura: M. le député, je vais passer la parole à M. Denis Tremblay pour répondre à cette question.

M. Tremblay (Denis): La seule chose qu'on ne peut pas faire, M. Ryan, c'est ceci. Nous n'avons pas le pouvoir décisionnel. Nous sommes consultés depuis quinze ans, mais il devient très frustrant d'être toujours consultés et de ne jamais avoir le pouvoir décisionnel. Notre démarche se fait à ce niveau. Nous voudrions vraiment avoir plus qu'un droit de consultation, mais bien un pouvoir décisionnel à ce niveau.

M. Ryan: Si mes souvenirs sont exacts, dans la loi 71, il y a quand même un certain nombre de choses qui peuvent être décidées par le conseil d'orientation de l'école. Ce ne sont pas seulement des choses consultatives. Écoutez: "Le conseil d'orientation est chargé de faire des règlements relatifs à la conduite des élèves de l'école..." Alors, il est chargé de faire des règlements. C'est plus que consultatif. Je ne sais pas comment cela fonctionne chez vous. Peut-être que ce n'est pas écouté, mais l'article 54.6 de la Loi sur l'instruction publique vous autorise à faire des règlements pour l'utilisation des locaux de l'école, à faire des règlements pour sa régie interne...

M. Tremblay (Denis): Nous sommes consultés sur ces sujets, M. Ryan, mais nous n'avons pas le pouvoir décisionnel. Être consulté est une chose; avoir le pouvoir décisionnel en est une autre.

M. Ryan: Oui, mais dans la loi, c'est plus que cela actuellement.

M. Tremblay (Denis): À ma connaissance, le conseil d'orientation n'est pas appliqué à la commission scolaire Jerôme-Le Royer.

M. Ryan: Ah! C'est une autre affaire. Vous avez déjà une leçon intéressante. Cela peut vouloir dire que, si les esprits ne sont pas prêts, même une autre loi ne sera pas nécessairement appliquée. On en a fait une en 1979...

M. Tremblay (Denis): C'est pourquoi nous demandons cette garantie dans la prochaine loi.

M. Ryan: Oui, mais, comme je vous le dis, ce qui est déjà dans la loi, il ne faut pas faire exprès pour le répéter non plus. Si on l'a déjà dans la loi, il faudrait commencer par l'appliquer sérieusement. Je pense que c'est déjà une première démarche. Mais ce n'est pas là-dessus que je veux engager le débat. Je comprends votre souci, de toute manière. C'est simplement pour vous rappeler ou pour porter ceci à votre

attention. Il y a bien de la confusion là-dedans qui peut s'être glissée dans les esprits, sans que personne n'en soit exclusivement responsable.

Maintenant, à propos des parents, vous me posez un problème. Je vais vous poser une question. Chez les commissaires actuels de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, combien y en a-t-il qui sont parents? Vous avez une quinzaine ou une vingtaine de commissaires. Combien y en a-t-il qui sont parents?

M. Castura: M. le député, Mme Allard répondra à cette question. (12 heures)

Mme Allard: II est entendu qu'au conseil des commissaires Jérôme-Le Royer, comme dans les autres conseils de commissaires, il y a des parents qui sont élus par le suffrage universel. Nous pensons que, pour le genre de conseil d'administration que nous préconisons, il serait nécessaire de choisir des gens, par le suffrage universel, élus dans les quartiers pour représenter les intérêts des électeurs. Nous pensons que ce serait très important que les intérêts d'ordre éducatif soient aussi très présents dans les discussions et dans les décisions que prennent les commissaires. Parmi ceux qui sont actuellement parents et qui sont élus au suffrage universel, c'est bien sûr qu'il y en a qui préconisent les intérêts éducatifs et qui s'occupent beaucoup des intérêts éducatifs. Nous voulons être certains que le lien entre la vie à l'école et le conseil des commissaires, par l'intermédiaire des gens que nous élirions par le comité de parents, soit toujours présent. C'est à l'école que se passe l'action. Il faut être très près de l'action pour prendre des décisions éclairées concernant les besoins des enfants à l'école et tout ce qui entoure la vie à l'école.

M. Ryan: Vous ne trouvez pas que le fait d'avoir deux catégories de commissaires... Il y en a qui vont être élus au suffrage universel qui sont parents. Quand on est parent, on n'est pas plus ou moins bon parent. On est parent.

Mme Allard: Nous sommes parents, bien sûr.

M. Ryan: Je m'excuse, vous pouvez m'interrompre. Je suis habitué à cela et cela me fait toujours plaisir. Je pèche moi-même...

Le Président (M. Blouin): II s'agirait... Vous vous engagez sur un terrain glissant, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je reviens à ma question. Je vous dis que, si vous avez deux catégories de commissaires, il y en a qui vont être élus au suffrage universel avec l'appui, par conséquent, de l'ensemble de leurs concitoyens. Il y en a d'autres qui vont venir d'un petit groupe, les comités d'école. C'est ce que je comprends dans votre mémoire.

Mme Allard: C'est un groupe non négligeable. C'est un groupe de gens engagés dans l'éducation.

M. Ryan: Je parle au point de vue numérique, madame. Au point de vue numérique, cela va être beaucoup moins fort que l'autre qui est élu au suffrage universel. Ne trouvez-vous pas qu'il y a danger, en créant deux catégories de commissaires, qu'il se crée un illogisme inscrit dans la structure même de l'affaire? D'ailleurs, je me souviens des centrales syndicales qui sont passées ici. La CSN, tantôt, s'est prononcée fermement contre cette idée. La FTQ est venue, l'autre jour, se prononcer très fermement là-dessus. Ce sont des arguments. Ces gens ne sont pas seuls. Ils ont droit à une opinion et on n'est pas obligé de la partager.

J'aimerais que vous me donniez une réponse claire. Comment va-t-on obtenir un équilibre là-dedans? Il y a des parents au carré, il va y en avoir d'autres qui le seront d'occasion. Il peut même arriver, madame, parmi les commissaires élus au suffrage universel, que vous ayez une majorité de parents qui ont des enfants dans les écoles. Je pense que c'est même la situation chez vous. Ce n'est pas satisfaisant?

Mme Allard: Pour répondre à votre question, je ne suis pas tout à fait d'accord à propos de la quantité parce que, autant dans les élections de comités de parents que dans les élections au suffrage universel, ce n'est pas la quantité qui prévaut, mais la qualité.

Maintenant, on pense à un compromis acceptable. On ne dit pas: On veut que ce soient tous des parents élus parmi ceux qui travaillent dans les comités d'école, qui sont près de l'enfant, qui ont de l'expérience du milieu scolaire. On accepte que 50% des gens soient élus au suffrage universel pour respecter la tradition et pour respecter ceux qui, parce qu'ils paient des taxes, trouvent que c'est équitable d'être représentés. On ne nie pas cela. On veut qu'au moins 50% viennent des comités d'école. On y tient beaucoup parce qu'on tient beaucoup à la qualité de l'éducation et on sait, de façon certaine, que ces gens sont près des enfants. Pour les autres parents qui sont élus au suffrage universel, tant mieux s'ils sont près des enfants. Nous n'en serons que plus heureux et nos décisions ne refléteront que mieux le but qu'on veut réaliser, c'est-à-dire l'éducation des enfants dans les meilleures conditions possible.

M. Ryan: Maintenant, vous demandez qu'il reste un comité de parents auprès de la commission scolaire. Est-ce que vous voulez que ce comité de parents ait, lui aussi, des représentants en plus?

Mme Allard: Oui. M. Ryan: Madame!

Mme Allard: Nous voulons conserver toute la ligne consultative. Le fait, pour les parents, de posséder un pouvoir décisionnel n'empêche pas le droit d'être consulté. Nous trouvons que c'est très important d'être consulté. Nous voulons maintenir un comité d'école, un comité central de parents qui fera le lien entre le comité d'école; ensuite - c'est deux dans notre cas parce qu'on a le primaire et le secondaire - les deux représentants sans droit de vote, mais avec droit de parole - comme on l'a actuellement et on y tient beaucoup - au conseil des commissaires pour répondre à toutes sortes de demandes qui sont faites. Si on enlève complètement le rôle consultatif, tout ce qui se faisait par les comités d'école et par les comités de parents pourrait tomber, étant donné qu'on va devenir aptes à décider et qu'on va se centrer vers différentes zones très importantes. Je vais vous donner quelques exemples: nous, comme comité exécutif de parents, faisons un colloque pour tous les parents des enfants - il y a environ 200 personnes qui viennent - et des séances d'information pour les parents; on a toutes sortes d'activités et on voudrait que cela demeure. On trouve aussi très important le rôle de nos représentants sans droit de vote à la table des commissaires, étant donné qu'on va nous donner un complément et que cela fera un lien dans toute la structure. On trouve que c'est renforcé, à ce moment-là.

M. Castura: M. Ryan, si vous le permettez, Mme Risler-Schick voudrait expliciter un peu plus sa pensée sur votre question.

Mme Risler-Schick: Le comité consultatif des parents, on aimerait le maintenir; j'aimerais aussi mentionner que c'est un excellent centre de formation pour les parents que d'être non impliqués décisionnellement dans le réseau éducatif, mais d'être capables d'y suivre toutes les activités de la commission scolaire, toutes les activités de l'école sans s'impliquer dans la décision; cela nous forme au moins aux dossiers; on peut se former une opinion et on a plusieurs paliers où on peut intervenir de façon consultative; c'est un excellent moyen pour des parents d'être formés. Quand ils seront prêts à aller aux comités de gestion des écoles, les dossiers et les façons de procéder leur seront connus. Dans ce sens-là, c'est un point non négligeable de garder les comités de parents.

M. Ryan: Pour moi, cela pose des problèmes, parce qu'on ne peut pas être sur tous les plans en même temps. Si vous vous impliquez au palier décisionnel, il faut que vous preniez la carcasse avec les responsabilités qui l'accompagnent. Vous ne pouvez pas traverser la rue demain matin et dire: Je me consulte avant de décider; on sera d'un côté ou de l'autre. C'est la même chose pour les gens des syndicats qui veulent être trop dans la direction des entreprises; à un moment donné, ils sont remis en question par leurs propres membres qui veulent que leurs intérêts soient défendus et ne veulent pas qu'ils se mêlent aux décisions. C'est pour cela que M. Charbonneau est venu dire que la CEQ ne voulait pas de pouvoirs. Elle veut avoir ses attributions propres, son rôle, mais elle ne se bat pas pour cela.

Je ne veux pas monopoliser votre temps. Il y a un problème qui nous sépare sur ce point-là, honnêtement, en toute cordialité. Tout le reste, comités de parents aux différents échelons, nous sommes en faveur de cela à 100%. Il reste à régler la question de savoir s'ils devraient aller à la commission scolaire par un canal spécial ou par l'élection générale. C'est un point qui nous sépare pour l'instant.

Une dernière question, je ne voudrais pas l'ignorer, parce que vous m'avez semblé y attacher beaucoup d'importance; c'est la question confessionnelle. C'est M. Nadeau, votre nom?

M. Nadeau: Oui.

M. Ryan: M. Nadeau, vous avez dit tantôt que vous voyez cela comme un tout, un ensemble qui se tient. Je voudrais vous poser une question pour commencer. Vous avez dit qu'il y a seulement une centaine d'enfants, sur les quelque 21 000 que sert la commission scolaire Jérôme-Le Royer, dont les parents auraient demandé ou qui auraient eux-mêmes demandé l'exemption de l'enseignement religieux. Est-ce que c'est surtout au niveau secondaire ou au niveau élémentaire?

M. Nadeau: Je n'ai pas cet aspect précis de l'information. L'information était globale, au niveau de l'ensemble de la commission scolaire.

M. Ryan: Dans les réunions des comités d'école, est-ce que cette question est soulevée souvent par les parents, la question du statut de l'école? Est-ce que vous entendez des plaintes voulant qu'il y ait trop de religion dans l'école ou que les enfants voudraient en avoir moins ou que les parents trouveraient que cela devrait être plus

dégagé de ce côté-là? Est-ce que c'est soulevé souvent dans vos réunions de comité d'école? Qu'est-ce que les parents disent?

M. Nadeau: Comme on l'a annoncé, l'urgence ne se situe pas à ce niveau-là, vu que les gens se préoccupent surtout de la qualité pédagogique, des projets éducatifs. Pour eux, cette notion confessionnelle est un acquis de notre passé et on a à s'ajuster quand même avec la réalité sociale d'aujourd'hui. Par contre, on ne peut pas remettre en question, globalement, comme je le disais tout à l'heure au ministre, l'ensemble de la confessionnalité. Pour nous, le débat ne doit pas porter là-dessus. Progressivement, au fur et à mesure que les milieux se concerteront et voudront... Mais, comme vous me le demandez, à savoir si c'est une préoccupation de tous les jours, on considère que c'est de l'acquis et on s'en va vers l'ajustement social que nous commande la situation. Mais ce n'est pas de toute urgence. Pour nous, l'urgence se situe au niveau de la réforme, à savoir donner aux parents la place qu'ils doivent avoir à l'intérieur du champ décisionnel de l'éducation de leurs enfants. Cela inclut la notion confessionnelle, bien sûr, mais ce n'est pas tant à remettre en question comme, disons, certains semblent vouloir le dire dans le contexte actuel. Est-ce que cela répond à votre question?

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député d'Argenteuil.

Je signale aux membres de la commission que quatre autres membres ont réclamé le droit de parole et que, si nous pouvions réussir à tout le moins à entendre le mémoire de la Commission des droits de la personne du Québec avant la suspension de 13 heures, cela nous aiderait à procéder suivant l'ordre du jour que nous nous étions fixé.

M. le député de Chauveau.

M. Ryan: J'ai une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais signaler, en complément de ce que vous avez dit, que j'estime que chaque membre doit exercer son droit d'intervention conformément à notre règlement et qu'aucun élément de notre règlement ne nous presse d'entendre nécessairement la Commission des droits de la personne du Québec avant 13 heures.

Le Président (M. Blouin): Vous avez parfaitement raison, M. le député d'Argenteuil. Cette indication que j'ai donnée visait davantage à faire en sorte que nous puissions respecter notre ordre du jour, mais il ne s'agit pas - vous avez bien raison de le dire - d'une consigne formelle puisque chacun des membres peut exercer son droit de parole pendant 20 minutes.

M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: M. le Président, je demanderais au député de Mille-Îles de prendre la parole immédiatement, quitte à revenir à la fin s'il reste encore du temps.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président. Merci, cher collègue et député de Chauveau. Cela me fait plaisir de saluer le Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. J'ai suivi avec beaucoup d'attention et j'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire qui est consistant et on s'aperçoit aussi, dans les recommandations que vous faites, de l'existence d'un comité de parents sérieux qui a l'expérience du vécu d'un comité de parents. Je signale aussi la qualité de la rédaction de votre mémoire, la présentation et la qualité du français.

J'ai énormément apprécié votre conclusion. Au-delà, peut-être, de l'État ou du gouvernement, au-delà de tout ce qui peut y avoir comme tiraillements entre les commissions scolaires, les parents, etc., comme vous le dites, on va espérer que, dans tout ce projet de loi, un grand consensus va se faire au profit de l'enfant. Je pense que c'est fondamental: en fin de compte, il faudrait que le gagnant soit l'enfant. Je pense qu'on est ici pour cela, dans le fond. C'est pour cela qu'on vous questionne aussi comme parents responsables d'un comité d'école qui vit un genre de quotidien dans le milieu pour savoir comment nos enfants peuvent profiter d'une meilleure éducation, la plus parfaite possible et la plus étendue possible. C'est pour cela qu'on croit qu'on doit donner des responsabilités au milieu, afin que l'école soit responsable et qu'elle soit communautaire. (12 h 15)

J'ai bien apprécié - c'est la première fois que je le vois dans un mémoire - à la page 5 de votre mémoire, vous parlez des domaines d'activité courante et vous les énumérez. Je pense que ce serait bon pour tout le monde qu'on sache réellement dans quels domaines de l'activité courante le conseil d'école est décisionnel dans le projet de loi. Il y en a qui pensent que tout sera remis entre les mains des parents au niveau de l'école. Je pense qu'on fausse le débat, qu'on ne donne pas toute l'information. C'est pour cela que je vais prendre quelques minutes - on va me le permettre - pour relire les pouvoirs de la page 5: un comité

d'école est décisionnel dans le projet de loi 40 dans la fixation des objectifs et des orientations éducatives, dans les grands objectifs. Il est aussi responsable de l'établissement du projet éducatif en concertation. Il est responsable de l'application des mesures sur la confessionnalité. Il est responsable de l'établissement du calendrier scolaire. Tout cela se fait en concertation avec les commissions scolaires. Il est responsable de la détermination des règles de régie interne: les horaires, les procédures, l'information, la documentation. Il est responsable de l'institution du règlement pour les élèves. Le parent donne sont point de vue, décide du règlement pour les élèves. Il est responsable de la promotion de programmes d'activités et de projets. Il est responsable du choix des formes de contrôle des présences des élèves. Il est responsable des modalités de relations avec les comités consultatifs de l'école. Il est responsable du choix des contenus et des modalités d'envoi d'information aux parents. Il est responsable de l'établissement des modalités de rencontres parents-maîtres. Il est responsable de la détermination du programme des sorties éducatives. Je pense que cela n'enlève pas, comme on peut le penser, tout le pouvoir aux commissions scolaires. Cela se fait tout le temps en concertation avec les commissions scolaires. Le comité d'école est responsable de la transmission aux parents, cinq fois par année, des résultats scolaires. Il est responsable des autorisations concernant les sollicitations et les concours. Il est responsable de la mise en place des services de garde et de garderie. Si le milieu veut une garderie, je pense qu'il peut en être responsable. Ensuite, il est responsable de la formulation de recommandations ou de demandes de toute nature à la commission scolaire.

Je pense que c'est nécessaire de faire le point et de donner la bonne information. Je pense que c'est une bonne chose que de souligner ses responsabilités. C'est bien beau, dans le passé, vous avez été énormément consultés. À un moment donné, vous dites... C'est cela que je trouve un peu déplorable. Tout le monde, la commission scolaire, veut donner un plus grand rôle aux parents. On veut que vous soyez là. Même j'entendais le député d'Argenteuil dire tout à l'heure: On veut que les parents s'impliquent davantage; on veut une plus grande participation. Des commissions scolaires sont venues nous le dire: On veut une plus grande participation. Le ministère de l'Education veut aussi une plus grande participation. C'est bien sûr que vous voulez aussi des outils et des moyens. C'est tout cela, la discussion face au pouvoir décisionnel qu'on vous consacre dans les éléments qu'on vous donne.

La question que je veux vous poser est celle-ci: Comment le projet de loi 40, va-t-il faire en sorte que, dans votre Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, votre comité d'école dans votre patelin, il y aura une plus grande participation et une plus grande implication dans le milieu et que cette implication et cette participation vont profiter à l'enfant?

M. Castura: M. le député, je donne la parole à M. Nadeau.

M. Nadeau: M. le député, je pense que, si on donne un pouvoir décisionnel aux parents, à cette occasion, les parents pourront voir le fruit de leur action. Lorsqu'on est consulté et qu'à maintes reprises on n'est pas écouté, par la force des choses, on finit par se lasser. Or, si les parents qui souhaitent une qualité de l'école, qui s'y impliquent et voient que le champ d'action ou de décision, en concertation avec les agents, se forme et qu'ils ont un pouvoir décisionnel, il en résultera un notion d'efficacité. Les parents, se sentant efficaces, auront davantage le goût de s'impliquer de façon concrète pour que le milieu où se situe le projet éducatif et où vit l'enfant soit d'abord conforme à la volonté des parents, les premiers éducateurs de leurs enfants.

Nous disons que ce qui arrive maintenant, avec la situation actuelle, c'est que le processus de consultation est tellement lourd et tellement peu efficace au niveau du vécu des décisions que cela lasse la plupart des comités de parents de s'y impliquer. Dans les dernières années, notre rôle ne fut confiné qu'à un rôle de pompier pour les fermetures d'écoles. On s'est servi de nous pour concerter les gens autour de ce problème, sauf que ceux qui s'y impliquaient auraient voulu davantage être associés à la démarche pédagogique, à l'amélioration des programmes, à avoir une certaine participation au niveau du choix du directeur peut-être ou au niveau du choix des enseignants. Ce ne sont pas tous les enseignants et tous les directeurs, mais là où il y a des minorités qui fonctionnent mal avec le milieu. Il me semble que, si les parents ont un rôle décisionnel, cela va devenir motivant de participer à l'action.

M. Champagne (Mille-Îles): M. Nadeau, vous semblez un peu frustré de l'écoute peu attentive que vous avez peut-être eue dans le passé. Je partage un peu votre ressentiment face au peu d'écoute. Tous ceux qui ont oeuvré au niveau des comités d'école le savent. J'ai connu ces frustrations simplement pour essayer d'avoir les choses les plus élémentaires, une garderie, des sorties. C'était tout le temps un combat, on demandait la lune pour les choses les plus normales. Je comprends aussi les frustrations que vous avez connues dans le passé: être

consultés pour le plaisir d'être consultés et, ensuite, on ne nous écoute pas. Par votre réponse, vous dites bien que le projet de loi 40 va tout de même mettre plus de sérieux à nos démarches et va faire en sorte que cela va être efficace pour l'enfant d'abord.

Je crois que vous vouliez réagir, M. Nadeau.

M. Nadeau: J'aimerais rajouter quelque chose.

La situation actuelle n'amène pas nécessairement à mettre en cause les personnes qui y sont impliquées. Il s'agit d'une question de structures. Les commissions scolaires dans le contexte actuel ont à gérer elles aussi la décroissance. Dans ce contexte, elles ont à faire des choix très difficiles. Notre préoccupation est d'ordre administratif, mais davantage pédagogique. Là où il faut faire des coupures, la notion pédagogique est-elle toujours le critère qui va faire que la fermeture d'école va se faire ou ne pas se faire? Jusqu'à quel point en tient-on compte dans la décision qui est parachutée bien souvent d'un niveau supérieur où les décisions d'ordre administratif contraignent la commission scolaire à agir avec beaucoup de rigueur? Le témoignage que nous voulons vous apporter ce matin, c'est que la préoccupation d'ordre pédagogique avec le nouveau mode de scrutin qu'on vous propose serait plus présente au centre de décision, étant garantie par les parents qui viennent de la base et aussi par d'autres parents qui viendraient du suffrage universel.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Champagne (Mille-Îles) C'est bien sûr que notre préoccupation, c'est avant tout le projet de loi 40. Le grand gagnant dans cela, et celui qui en profitera le plus, c'est l'enfant. C'est là notre préoccupation. Merci de votre témoignage.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants des parents de la commission scolaire Jérome-Le Royer pour leur mémoire.

J'aimerais dire franchement qu'il y a un certain nombre de vos recommandations qui m'étonnent. Je me demande si vous avez examiné sérieusement les implications de quelques recommandations. Par exemple, le député d'Argenteuil a déjà soulevé certains problèmes concernant votre recommandation no. 4: Le pouvoir de l'école et le droit d'intervenir dans les décisions d'ordre professionnel. Votre recommandation no. 13, qui va certainement produire toutes sortes de conflits entre les parents qui ont des mandats différents, des statuts différents. Je vois difficilement comment un tel système va améliorer la qualité de l'éducation.

J'aimerais m'arrêter particulièrement à vos recommandations nos 6 et 9. Votre recommandation no. 6 dit que les parents disposent du droit d'inscrire leurs enfants au moment de l'inscription annuelle à deux ou trois écoles en indiquant, selon leurs préférences, un ordre de priorités dans leur choix. Les parents vont choisir l'école selon le projet éducatif ou le statut confessionnel ou la couleur de l'ensemble de l'école. Ce sont les parents qui vont décider de ces éléments, une fois qu'ils arrivent dans l'école. Il me semble impossible de savoir quel est le projet éducatif avant d'arriver. C'est identique au problème de l'oeuf et de la poule: Qui vient le premier? Avez-vous des commentaires là-dessus? Ne voyez-vous pas de problème avec cette recommandation?

M. Castura: Mme la députée, votre question est sur la recommandation no. 9, n'est-ce pas?

Mme Dougherty: Sur la recommandation no. 6. Je parle de la recommandation no. 6. Vous recommandez que les parents...

M. Castura: ...que les parents...

Mme Dougherty: À la page 19, à la fin. Vous avez résumé vos recommandations.

M. Castura: D'accord. Parfait. Précisément, Mme la députée, nous, parents, pensons que les parents devraient avoir un choix d'inscrire leur enfant. Ce n'est pas à la commission scolaire de dire: Ton enfant est inscrit à telle école. Même si cela ne répond pas à l'attente des parents, n'est pas conforme aux croyances des parents, dans le moment ils devront envoyer leur enfant à cette école.

Quand on dit que les parents pourront prendre au commencement de l'année, lors de l'inscription annuelle, l'école de leur choix, ou deux ou trois choix, il est entendu que ceux-ci vont s'informer du projet éducatif de telle ou telle école et de son statut religieux. Vous demandez comment les parents savent de quel projet éducatif il s'agit; ils s'informent justement. Il est très important pour les nouveaux parents, qui arrivent dans un nouveau quartier, d'avoir la possibilité de choisir l'école qui réponde le plus à leurs attentes ou à leurs exigences.

Mme Allard va maintenant poursuivre sur cette même question.

Mme Allard: J'aimerais ajouter quelques détails. D'abord, je vais répondre à votre question de la poule et de l'oeuf. Pour nous, c'est le projet éducatif qui vient en premier parce que, chaque année, la plupart des

écoles font leur projet éducatif. Justement, à notre commission scolaire, on avait toute la pile des projets éducatifs produits par les écoles. Donc, c'est disponible aux gens qui voudraient s'informer du contenu d'un projet éducatif d'une école en particulier.

Le projet éducatif vient avant parce que, si un enfant veut s'inscrire dans une école, cela signifie qu'il n'est pas déjà inscrit à cette école. Donc, le projet éducatif de cette école a été déterminé en concertation avec tous les agents du milieu, dans les meilleures conditions possible. Il s'informe du projet et, si ce projet fait son affaire ou s'il s'informe des projets des écoles environnantes, on lui donne le choix. Ceci n'est pas pour faire une rivalité entre les écoles. Notre but est de rechercher l'excellence, de stimuler les écoles pour qu'elles essaient de produire le meilleur projet éducatif possible, que tout le monde y participe, qu'on le mette sur pied, qu'on le prépare et qu'on révise le projet éducatif. Mais le but, comme je l'ai dit, ce n'est pas du tout de faire de la rivalité, mais c'est plutôt de faire les meilleures écoles possible. (12 h 30)

II y a des parents qui préfèrent un genre d'approche éducative plutôt qu'un autre. Il y a des gens qui préfèrent qu'une école soit d'une certaine confessionnalité plutôt qu'une autre.

Mme Dougherty: Je suis tout à fait d'accord.

Mme Allard: Tous ces éléments font partie du projet éducatif et le projet éducatif est là avant, normalement, car ce sont ceux du milieu qui le font et ils sont déjà là.

Mme Dougherty: Ce n'est pas la question que je pose. C'est le problème de choisir avant d'arriver, parce que si, par exemple, 20% - et c'est la réalité à Montréal - des parents arrivent en automne, ils auront la possibilité de changer eux-mêmes le projet éducatif et de donner une certaine couleur qui reflète leurs valeurs et leurs priorités à l'école, même si ce n'était pas le projet éducatif de l'année passée.

Mme Allard: Oui, l'intégration.

Mme Dougherty: Donc, le projet éducatif est quelque chose qui change selon les valeurs des parents dans l'école.

Mme Allard: Oui. Justement.

Mme Dougherty: D'accord? C'est pourquoi je crois que cette idée de dire: Je vais choisir, A, B ou C, selon ce qui s'est passé, l'année précédente, n'est pas justifiable parce qu'on pourrait toujours choisir l'école la plus près de son domicile et essayer de créer une école avec les autres parents qui reflète le mieux possible les valeurs de chaque parent. Voyez-vous le problème? Je crois que c'est un peu théorique. Il faut examiner la réalité de ces recommandations.

Mme Allard: Oui. Je vais compléter. C'est sûr que les parents peuvent choisir entre l'école la plus près, avec possibilité de s'intégrer, d'améliorer le projet éducatif et de le rendre plus près de ce qu'ils désirent -c'est un choix - ou encore ils peuvent choisir l'école où le projet éducatif, tel qu'il est, leur convient le plus. Donc, ils partent de moins loin pour en arriver à leurs fins. Mais il y a des gens qui n'aiment pas envoyer leurs enfants trop loin, donc les enfants vont à l'école la plus proche et ils essaient de travailler à amener... S'ils voient que, vraiment, cela ne va pas dans le même sens, à ce moment-là, ils peuvent toujours changer d'école, mais le projet éducatif est basé sur les gens qui sont déjà là. Vous dites que 20% déménagent; donc, il y en a 80% qui sont là, et ce sont eux qui vivent ce projet éducatif. Il est nouveau. Ils s'adaptent et ils aident à le modifier, mais c'est un tout qui va composer ensuite. D'année en année, il n'y a rien de fixe; cela varie toujours le projet éducatif. C'est une marche qui ne s'arrête pas.

Mme Dougherty: D'accord! Et si les parents désignent trois choix: un, deux et trois.

Mme Allard: Par ordre de priorité.

Mme Dougherty: Qui va décider que tel parent va à telle école? C'est le rôle de qui? La commission scolaire, le directeur de l'école? Qui va décider?

Mme Allard: Mais dans la mesure où il y a des places disponibles pour les enfants, c'est bien sûr que si l'école a atteint un certain maximum d'élèves, on ne peut pas en ajouter d'autres. On peut toujours les mettre sur une liste d'attente. C'est comme dans les écoles privées; quand les gens veulent aller dans une école privée et qu'on dit: On ne peut pas vous accepter parce que c'est complet. Que font-ils? Ils en choisissent une autre ou ils attendent une autre année. Enfin, c'est comme cela. On veut que cela ressemble au modèle des écoles privées pour que les gens soient motivés d'aller à une école plutôt qu'à une autre et y trouvent ce qu'ils désirent comme qualité d'éducation, au lieu d'aller à une école privée parce qu'ils pensent que c'est, à prime abord, plus parfait.

Mme Dougherty: Alors, vous ne voyez

pas de problème?

Mme Allard: Non.

Mme Dougherty: D'accord! Recommandation 9. Vous avez dit, tout à l'heure, que l'option de l'école Notre-Dame-des-Neiges est une option assez particulière et qui n'est pas très représentative de l'ensemble de la ville de Montréal, par exemple. En même temps, dans votre mémoire, je crois que vous appuyez l'idée des commissions scolaires linguistiques. Effectivement, votre recommandation no 9 accepte un système de tyrannie de la majorité en ce qui concerne le choix de confessionnalité de l'école.

Je me demande si vous examiné l'implication des commissions scolaires linguistiques. Il y a beaucoup d'élèves de parents francophones qui sont protestants peut-être, non catholiques et autres qui vont fréquenter les écoles françaises qui sont maintenant majoritairement catholiques. Qu'est-ce qui va arriver dans un système comme celui que vous avez proposé où c'est la règle de la majorité et où il y a très peu de marge pour une école qui reflète les valeurs des autres et où ces derniers subissent la règle de la majorité sauf s'il y a une majorité de parents, selon votre recommandation, qui demandent un changement de statut? Avez-vous examiné cette question? Peut-être que vous connaissez le nombre d'enfants qui fréquentent les écoles protestantes. J'aimerais savoir combien d'enfants vous avez dans vos écoles qui se déclarent comme autres, comme protestants ou comme non catholiques.

Le Président (M. Blouin): M. Nadeau.

M. Nadeau: J'ai mentionné tout à l'heure, au tout début, lorsque M. le ministre m'a posé la question, que pour l'ensemble nous n'en avions qu'une centaine à l'intérieur de tout l'ensemble de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Mais à l'aspect de la question que vous posez, à savoir, l'intégration des autres minorités qui viendraient s'ajuster à la conformité de la commission scolaire linguistique, nous préconisons qu'il y a suffisamment de respect de la liberté de conscience à l'intérieur des écoles actuelles pour permettre à ceux qui voudront être dissidents ou avoir des projets éducatifs chrétiens de pouvoir opter pour une autre orientation au niveau de la morale ou au niveau de leur éducation philosophique. Par contre, nous pensons qu'il faut trouver une solution pour que la majorité des gens, selon un principe démocratique reconnu universellement, conserve ses droits et que tout en respectant les droits et les libertés auxquels nous souscrivons pleinement, ce soient les majorités qui exercent l'action de l'institution comme cela se passe à peu près dans l'ensemble des pays démocratiques. Je ne pense pas que l'acceptation d'une minorité qui ne partage pas l'orientation de l'école doive disposer de la volonté majoritaire de gens qui forment un ensemble.

À cet égard, il y a eu assez d'ouverture d'esprit au niveau des protestants que les catholiques sont capables d'en faire tout autant pour accepter qu'à l'intérieur de leur milieu s'intègre une minorité qui ne partage pas nécessairement leurs valeurs confessionnelles. Je ne vois pas de problèmes majeurs à ce niveau qui empêcheraient que la restructuration puisse avoir lieu. Pour nous, on dit que le débat ne pas porter sur ce point. Il est important. C'est vrai que pour les gens, la confessionnalité n'a plus le caractère aussi présent qu'il l'a toujours eu dans l'histoire du Québec, mais s'il suffisait de provoquer cette réaction, elle serait aussi fervente qu'elle l'a été pendant les 450 ans que constitue l'histoire de notre passé. On retrouverait regrettable que l'on doive remettre en question toute notre histoire parce qu'on veut intégrer des minorités à l'intérieur de notre société. On trouve cela inadéquat que l'on donne plus de pouvoirs à une minorité qu'à la majorité. C'est tout à fait à l'encontre de toute situation démocratique.

Mme Dougherty: Effectivement, est-ce que vous accepteriez la notion de l'école commune? Avez-vous discuté de ce qu'est l'école commune et de ce que cela implique?

M. Nadeau: Bien sûr. Nous serions davantage en faveur que, lorsque le nombre le justifierait, il y ait une déclaration d'école neutre ou pluraliste pour ces écoles. Par contre, que les écoles qui choisissent d'intégrer à l'intérieur de leur projet éducatif les valeurs de la confessionnalité puissent maintenir... Parce que la notion confessionnelle, ce n'est pas une valeur uniquement abstraite. Cela sous-tend des principes qui vont jusqu'à la finalité de l'homme. Cela redéfinit le sens des apprentissages.

Or, il ne faut pas laisser évacuer de notre esprit l'importance de la démarche confessionnelle pour ceux qui la choisiront. Pour ceux qui ne sont pas rendus à cette étape de leur cheminement ou qui choisissent autre chose, la liberté de conscience doit s'exercer. On ne peut permettre, maintenant, dans le contexte historique, que se transpose la réforme, que la notion confessionnelle soit complètement aliénée par le principe de l'accueil des minorités. On veut bien les accueillir, mais on ne veut tout de même pas leur laisser faire comme s'il n'y avait jamais eu rien avant. Je pense que le crucifix au-dessus du président et la croix au

centre de notre drapeau national sont une preuve qu'il y a eu des hommes et des femmes ici au Québec qui ont cru en ces valeurs - je pense qu'ils ne sont pas tous morts - et par le fait qu'on évoque la possibilité que Marguerite-Bourgeoys puisse être le nom d'une rue de Montréal, je crois qu'il y a encore quelque chose de présent. La toponymie du Québec en illustre énormément la pertinence, même maintenant.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la députée de Jacques-Cartier. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous soulignez à la page 15 un élément nouveau qui n'avait pas encore été présenté ici en commission - du moins, l'Opposition n'a pas été saisie des visées du ministre là-dedans - lorsque vous parlez d'allocations et de normes de remboursement des dépenses. Vous dites que le ministre peut, par règlement - vous voulez que ce soit inclus dans la loi - déterminer les allocations qui peuvent être versées aux membres d'un conseil d'administration ou d'un comité exécutif d'une commission scolaire.

Combien jugez-vous que cela peut valoir d'être membre d'un conseil d'école et, également, membre du conseil d'administration de la commission scolaire? Comment voyez-vous cela?

Une voix: C'est votre question? M. Maltais: Oui, c'est cela.

Une voix: Précisez, s'il vous plaît, parce que...

M. Maltais: Je voudrais savoir comment vous envisagez ou à combien vous évaluez financièrement les allocations qui peuvent être versées à un membre du comité d'école et de la commission scolaire.

M. Castura: D'accord. M. le député, nous, comme parents, précisément, nous n'avons pas statué sur les salaires. La seule chose qu'on dit dans notre mémoire, c'est que le ministre, dans son projet de loi, dit qu'il peut et nous disons que "peut", cela ne vaut presque rien. C'est pour cela qu'on demande que le "peut" soit remplacé par "doit", c'est-à-dire qu'il doit mettre des montants à côté, verser des montants d'argent à ces personnes qui oeuvrent dans ces comités. Mais nous ne nous sommes pas attardés pour préciser le montant exact à inclure dans le projet de loi.

M. Maltais: D'accord; faisons une petite évaluation. D'ailleurs, le ministre était censé nous dévoiler ces chiffres. Il y a 3000 écoles au Québec; s'il y a 15 membres par école, on enlève ceux qui seraient déjà rémunérés, comme le directeur d'école et les enseignants, cela ferait peut-être 25 000 personnes à 1000 $ par année, ce qui ferait quand même 25 000 000 $. C'est une somme assez importante dans les coûts. (12 h 45)

II y a aussi un autre point à la page 8 de votre synthèse. Vous recommandez que les écoles puissent demeurer ouvertes pour une période d'au moins cinq ans et qu'elles reçoivent des subventions particulières dans le cas où une importante diminution de clientèle affecterait sérieusement à la baisse les ressources et les effectifs. On sait très bien qu'au Québec, effectivement, il y a une diminution de clientèle et certaines écoles de quartier, à plus ou moins brève échéance, sont appelées à fermer. Vous ne dites pas, par exemple, quel serait le minimum d'élèves requis pour garder une école ouverte. Dans d'autres articles, on peut voir "si le nombre le permet", mais quel est ce nombre? Supposons une école de 500 élèves et qu'il y en a 150 qui restent, est-ce que le nombre le permet, à ce moment-là... Jusqu'où va votre pensée sur ce sujet?

M. Castura: M. le député, je vais passer la parole à Mme Beaudry pour répondre à cette question.

Mme Beaudry (Mireille): Je pense qu'une école ne peut pas du jour au lendemain diminuer de 500 à 150 élèves...

M. Maltais: Non, mais sur une période de cinq ans.

Mme Beaudry: Justement. Donc, cela peut diminuer de 20, 15 ou 10 par année. Même à 25 par année, avant que cela n'atteigne la période des cinq ans, cela va prendre quand même un certain temps avant que ce soit complètement vide. Mais, aussi longtemps que l'école est remplie à la moitié, elle peut continuer à fonctionner quand même parce qu'il y a toujours des organismes communautaires qui peuvent se servir des locaux et combler la capacité de l'école. Je pense qu'il est important qu'une école reste ouverte quand la diminution n'est pas flagrante. Il faudrait quasiment qu'un quartier disparaisse pour que l'école disparaisse aussi.

M. Maltais: D'accord. On parle de la moitié. On parle de 250; ce sont des chiffres utopiques...

Mme Beaudry: II y a des écoles qui fonctionnent à 250 élèves actuellement, d'ailleurs.

M. Maltais: Oui, d'accord. Lorsque vous dites qu'elles auront besoin de subventions particulières, n'avez-vous pas peur que cela brime dans un certain sens la péréquation -la nouvelle commission scolaire aura comme souci de redistribuer les budgets globaux aux écoles - si l'on tient compte, par exemple, que cela prendra des enseignants à demi-temps ou des enseignants à temps supplémentaire? N'avez-vous pas peur que cela brime ce genre de péréquation normale qui est reconnue depuis quelques années?

Mme Beaudry: Cela ne le devrait pas, parce que je pense qu'il est important de continuer à offrir à cette clientèle la même qualité qu'il y avait avant que le problème de diminution des élèves ne survienne.

M. Maltais: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le député de Saguenay. Puisqu'il est 12 h 45... Je ne sais si c'est là-dessus que vous désirez intervenir, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Non.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Ryan: C'est seulement sur une petite question de règlement.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Ryan: Je ne sais pas si les membres du côté ministériel consentiraient à ce que, pour la journée, le député Cosmo Maciocia siège à la commission à titre d'intervenant en remplacement de M. Christos Sirros, député de Laurier. Étant donné que le comité de parents ce matin et la commission scolaire cet après-midi oeuvrent sur un territoire qui est représenté par M. Maciocia à l'Assemblée nationale, il apprécierait vivement votre consentement.

Le Président (M. Blouin): On me signale, M. le député d'Argenteuil...

M. Leduc (Fabre): Bien sûr, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): ...que cette motion est accueillie avec beaucoup d'enthousiasme. Comme il est un peu plus de 12 h 45, nous allons suspendre dès maintenant nos travaux pour entendre la Commission des droits de la personne du Québec à la reprise. Nous ne reprendrons pas nos travaux à l'heure habituelle, nous les reprendrons à 14 h 50. Je demande aux membres ainsi qu'aux invités de faire un effort pour que nous commencions effectivement notre séance à 14 h 50.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise de la séance à 14 h 51)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux, mais pour très peu de temps. En fait, elle reprend ses travaux uniquement pour vous informer qu'à la suite d'une entente intervenue entre les partis, nous entendrons la Commission des droits de la personne du Québec non pas maintenant, mais bien à 16 heures.

Sur ce nous suspendons nos travaux jusqu'à 16 heures.

(Suspension de la séance à 14 h 52)

(Reprise de la séance à 15 h 35)

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la commission permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Sans plus tarder, je vais demander aux représentantes et aux représentants de la Commission des droits de la personne du Québec de bien vouloir d'abord s'identifier et, ensuite, de procéder à la présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

Commission des droits de la personne

Mme Fournier (Francine): Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, Mmes les députées. Je vous présente, pour commencer, la délégation de la commission. Mme Trudeau-Bérard, vice-présidente; M. Michel Krauss, commissaire; Mme Gisèle Côté-Harper, commissaire; Mme Madeleine Caron, directrice de la recherche et M. Yves Côté, directeur du service d'éducation.

Je tiens, en préambule, à m'excuser du retard que nous avons mis à vous présenter notre mémoire. Nous sommes bien conscients du fait que cela soulève pour vous des difficultés particulières. Je tiens vraiment à m'excuser du temps que nous avons mis à vous le présenter.

L'engagement soutenu de la Commission des droits de la personne dans le domaine de l'éducation est l'une des raisons qui l'amènent à présenter un mémoire à cette commission parlementaire. En effet, de concert avec le ministère de l'Éducation, la commission a mis sur pied un programme de sensibilisation aux droits fondamentaux à l'intention des jeunes en milieu scolaire, qui propose aux élèves du secondaire une participation responsable à la vie de l'école et à la vie en société dans le respect mutuel des droits et libertés.

En second lieu, l'intervention de la commission fait suite aux nombreuses demandes d'avis qu'elle a reçues de la part de personnes et de groupes qui s'interrogent sur la conformité de la législation scolaire

aux principes de la charte, surtout en ce qui concerne le respect de la liberté de religion et de conscience (article 3 de la charte); le droit de ne pas subir de discrimination fondée sur la religion (article 10); le droit à l'instruction publique gratuite dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi (article 40); et le droit des parents ou des personnes qui en tiennent lieu d'exiger que, dans des établissements d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi (article 41).

En 1979, la commission émettait un avis sur la liberté de religion et la confessionnalité scolaire, par lequel elle affirmait que le droit à l'exemption des cours de religion est une mécanique de caractère négatif qui est insuffisante pour assurer le droit à la liberté de religion et le droit à l'égalité fondé sur la religion sans discrimination.

De plus, la commission estimait, dans cet avis, que face aux non-catholiques qui fréquentent l'école catholique ou désirent y travailler, parce qu'elle constitue dans leur municipalité scolaire l'école publique et commune, l'école catholique est porteuse de discrimination.

Enfin, la commission incitait le législateur à modifier ses lois et règlements pour assurer à tous, indépendamment de leurs convictions religieuses, un enseignement public d'égale qualité.

Dans un autre domaine, celui du droit des personnes handicapées à l'instruction publique gratuite, la commission est intervenue, comme mise en cause, dans l'affaire Doré et Lapointe C. la commission scolaire de Drummondville, où était en jeu le droit d'un enfant autistique de recevoir son éducation dans le système scolaire public et de forcer la commission scolaire à le réadmettre aux études. Le jugement rejetant l'appel fut rendu le 9 septembre 1982. La Cour d'appel conclut que le devoir de donner des services éducatifs spéciaux n'est pas une obligation absolue et qu'il appartient au législateur de déterminer la nature des services éducatifs spéciaux visés à l'article 480 de la Loi sur l'instruction publique.

Dans le domaine de l'éducation interculturelle, la commission s'est préoccupée des barrières systémiques qui empêchent certains enfants d'accéder à l'égalité en éducation. Elle a de même manifesté ses inquiétudes face à certains tests susceptibles de produire des effets d'exclusion à l'égard des enfants de milieux sociaux économiquement faibles.

Pour le présent mémoire, trois thèmes ont retenu la réflexion de la commission. Il s'agit de la liberté de religion et de la liberté de conscience par rapport à la confessionnalité scolaire, le droit à l'éducation, particulièrement en ce qui concerne les personnes handicapées, les personnes appartenant à des minorités ethniques et culturelles et les adultes. Enfin, l'exercice, par les jeunes, de la liberté d'association en milieu scolaire.

Tout d'abord, donc: Liberté de religion et confessionnalité scolaire. Nous aborderons ce thème en premier lieu. Mais avant d'exposer l'avis de la commission sur cette question, il nous apparaît important de rappeler certains principes sur lesquels elle se fonde. En effet, plusieurs libertés et droits fondamentaux sont en cause et il convient, non seulement d'en préciser le contenu, mais aussi de les articuler les uns par rapport aux autres.

D'abord, le droit à l'instruction (article 40 de la charte). Le premier de ces droits se retrouve à l'article 40 au chapitre des droits économiques et sociaux. Il reconnaît que toute personne a droit, dans la mesure prévue par la loi, à l'instruction publique et gratuite. À la différence des droits civils et politiques tels le droit à la vie, les libertés d'opinion, de religion et de conscience dont le respect n'exige habituellement de la part de l'État qu'un devoir d'abstention, les droits économiques et sociaux ne sont pleinement réalisés que si l'État intervient de façon positive, par un apport financier pour en assurer le plein exercice. C'est ce qui explique le sens des termes "dans la mesure prévue par la loi". Ces termes signifient que le droit à l'instruction n'est pas un droit absolu, mais un droit qui ne prendra son véritable sens que s'il est soutenu par un régime de droit qui en définit le contenu et les modalités d'exercice. Une loi comme celle qui est proposée prend alors toute son importance car elle précise ce que le Québec veut reconnaître comme droit à l'instruction.

Comme la reconnaissance concrète de ce droit exige l'intervention financière de l'État, celui-ci doit tenir compte des besoins de la collectivité et de ses moyens financiers pour définir le contenu du droit à l'instruction et à l'éducation. Mais le droit à l'instruction n'en est pas moins un droit individuel. Une fois que, par un régime de droit approprié, le contenu et les modalités d'exercice de ce droit sont définis, il devient un droit individuel qui peut être revendiqué par toute personne à l'encontre de l'État, pourvu que ce soit dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi.

De plus, étant un droit de la personne au sens de la charte, c'est un droit protégé contre la discrimination. Cela nous amène à considérer une deuxième disposition de la charte, l'article 10, qui définit ce qu'est la discrimination illicite. Très rapidement, nous le reconnaissons tous, il s'agit donc du droit de ne pas subir de discrimination. "Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et

libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique et nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit."

Par conséquent, bien que le droit à l'instruction soit, dans la charte, un droit relatif, c'est-à-dire défini par la loi, il est un droit de la personne et la loi ne peut, en en définissant le contenu et les modalités d'exercice, le faire d'une façon discriminatoire au sens de l'article 10, c'est-à-dire en se fondant sur l'un des critères illicites qui y sont énumérés.

Mais il est une autre disposition de la charte qu'il faut considérer, il s'agit de l'article 3, qui reconnaît la liberté de religion et la liberté de conscience. Ces libertés sont inscrites au chapitre I de la charte. Il s'agit de droits civils et politiques dont le respect exige, de la part de l'État, un devoir d'abstention. De plus, ce sont des libertés individuelles dont la violation par l'État entraîne le droit de la personne lésée d'exiger la cessation de cette atteinte par l'article 49.

La charte québécoise ne définissant pas ces libertés, il faut, pour en connaître le contenu, se rapporter à la jurisprudence canadienne, d'une part, qui en a toujours reconnu l'existence, et aux pactes internationaux ratifiés par le Québec, d'autre part, qui sont plus explicites sur le sens donné à ces concepts. Guidés par ces balises dont nous faisons état dans notre mémoire, on peut répondre plus clairement à la question de savoir ce que signifie concrètement la reconnaissance par l'État des libertés de religion et de conscience.

Le respect de l'État pour la liberté religieuse implique que le pouvoir civil doit reconnaître le droit de toute personne et de tout groupe de mener librement, dans la société, une vie conforme à ses convictions religieuses ou morales, mais que cela doit se faire de façon à respecter les convictions de ceux qui n'adhèrent pas à la même foi, sans abus, de son propre droit et sans entorse aux droits des autres. Voilà le principe. Cela implique comme conséquence que l'État ne doit, ni par des mesures administratives ni par des mesures législatives, faire en sorte que les citoyens soient contraints à accepter une religion plutôt qu'une autre ou à accepter une religion ou à n'en accepter aucune.

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse de vous interrompre. Je constate que vous avez résolu de lire intégralement le résumé... (15 h 45)

Mme Fournier: Le résumé.

Le Président (M. Blouin): ...du mémoire que vous nous avez fait parvenir.

Mme Fournier: Oui.

Le Président (M. Blouin): Cependant, au rythme où vont les choses, je vous signale que vous prendrez au-delà d'une heure à lire le mémoire que vous nous avez soumis, puisque vous avez commencé votre intervention il y a dix minutes et que vous n'en êtes qu'à la page 5. Alors, je vous demanderais d'en résumer certaines parties...

Mme Fournier: D'accord! Très bien.

Le Président (M. Blouin): ...pour que nous nous situions à l'intérieur des limites que notre procédure nous fixe.

Mme Fournier: Cela nous donne jusqu'à quelle heure?

Le Président (M. Blouin): Cela vous donne, en principe, encore dix minutes. Cependant, nous pourrons excéder de quelques minutes, mais certainement pas d'une période beaucoup plus longue.

Mme Fournier: D'accord! Très bien, monsieur.

Je pense qu'il est important de poser les principes...

Le Président (M. Blouin): Un instant! Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: M. le Président, je trouve que le mémoire, l'avis et les commentaires de la Commission des droits de la personne sont tellement fondamentaux au projet de loi, comme les questions soulevées par tous les groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant, que ce serait plus sage d'entendre l'ensemble du résumé. Après tout, c'est un résumé, ce n'est pas tout le mémoire que la commission a soumis à la commission parlementaire.

Le Président (M. Blouin): Oui, Mme la députée de Jacques-Cartier, ce que je suggère à Mme Fournier, c'est d'en résumer certaines parties et non pas de les omettre. Si Mme Fournier y consent, nous pourrions effectivement, tout en percevant bien tout le contenu du message que ces gens ont à nous livrer, procéder à une présentation plus rapide. Je vous rappelle que, ne serait-ce que par déférence à l'égard des autres organismes qui ont aussi été convoqués pour aujourd'hui et dont certains, du reste, ont du être déplacés, compte tenu des retards que

nous avons déjà dû subir, il m'apparaît correct que nous demandions aux représentants de la commission - comme cela a été le cas de toute façon pour tous les autres organismes qui se sont présentés devant nous - de bien vouloir résumer certaines parties de leur mémoire, quitte à y revenir au cours des échanges que nous aurons entre les membres de la commission et nos invités.

Mme Fournier: Je vais...

Le Président (M. Blouin): Vous allez résumer une certaine partie du mémoire.

Mme Fournier: ...tenter de résumer certaines parties du mémoire. J'en étais donc à poser les principes qui ont guidé notre réflexion en ce qui concerne la confessionnalité par rapport à l'école.

Tout en essayant de résumer, je vais tout de même vous dire que, malgré l'obligation de neutralité religieuse de la part de l'État, la question se pose à savoir si l'État doit faire preuve d'une indépendance totale ou d'une indifférence totale à l'égard des croyances religieuses de ses concitoyens? Nous ne le croyons pas.

Cependant, nous prenons à notre compte l'avis qui était déjà exprimé par le rapport Parent, à savoir que l'obligation qui incombe à l'État d'assurer un enseignement public à tous prime sur le devoir qu'on peut lui faire d'autoriser l'éducation religieuse de groupes d'enfants dans ces écoles. Je crois que ces principes sont importants.

Il importe aussi de souligner ici un des aspects des libertés de conscience et de religion qui n'avait pas été traité dans notre avis antérieur. C'est aux individus eux-mêmes qu'il appartient de décider ce qui fait partie de leurs convictions religieuses. Il n'appartient pas à l'État, ni à une majorité de parents, ni à un conseil d'école, ni encore à une commission scolaire de décider que la participation à telle manifestation de la vie religieuse à l'école blesse ou ne blesse pas la conscience des minorités.

Le point suivant est extrêmement crucial: il serait extrêmement dangereux pour le respect des libertés individuelles de confier à une majorité le soin de définir les limites de la liberté de religion et de conscience et, en dernier ressort, il appartiendra aux tribunaux de décider si, dans telle ou telle circonstance, il y a atteinte à ces libertés au sens de la charte québécoise.

Soulignons aussi l'article 41 de la charte qui reconnaît aux parents et personnes qui en tiennent lieu le droit d'exiger l'enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions. Comme je le mentionnais, il s'agit d'un droit qui est reconnu au chapitre des droits économiques et sociaux. Il appartient donc à l'État, à la lumière des besoins de la population et des ressources financières, d'en aménager l'exercice dans le cadre des programmes prévus par la loi. Toutefois - c'est le lien, quand on parlait d'articulation - comme il s'agit bien d'un droit de la personne au sens de l'article 10, c'est un droit protégé contre la discrimination. Par conséquent, l'aménagement de ce droit dans des programmes prévus par la loi doit se faire sans discrimination.

Ces prémisses établies, nous pouvons procéder à l'avis précis de la commission. La commission constate plusieurs améliorations par rapport à la législation et à la réglementation antérieures. Le régime d'exemption de l'enseignement religieux est remplacé par un régime d'option, les professeurs désireux de ne pas donner un enseignement religieux confessionnel sont mieux protégés. Ces mêmes professeurs ne sont pas tenus de répondre aux conditions de qualification exigées par les comités confessionnels. Cependant, ces améliorations ne sont pas suffisantes par rapport au problème de la liberté de conscience et de religion.

Le concept de confessionnalité. Celui-ci est un concept analogique. Je crois qu'il faut quand même parler quelques instants sur cette question. Il faut mettre en lumière les droits fondamentaux en cause face à la confessionnalité scolaire, mais il importe aussi de clarifier le concept même de confessionnalité. Ce concept n'est pas univoque, c'est-à-dire qu'il ne conserve pas exactement le même sens dans des emplois différents. Ce concept est plutôt analogique en ce sens qu'il peut prendre des sens sensiblement différents selon les réalités qu'il veut nommer. Quand il s'applique à une institution scolaire, il désigne l'intégration de la dimension religieuse dans cette institution, mais cette intégration de la dimension religieuse peut se faire à divers degrés. Parler de confessionnalité scolaire, c'est non seulement parler de l'intégration de la dimension religieuse dans l'institution mais aussi du degré de cette intégration. Comme il y a plusieurs degrés d'intégration, il y aura plusieurs façons de définir la confessionnalité.

Il y a aussi plusieurs aspects qui sont introduits par la notion de confessionnalité. La religion assume plusieurs fonctions; elle a un rôle de signification car elle prétend donner un sens à l'existence, à la vie, au monde et c'est à travers ses croyances qu'elle assume ses rôles. Si elle prétend donner ainsi une signification, elle peut aussi assumer un rôle d'intégration. Elle assume aussi le rôle de mise en contact avec le sacré d'où elle puise sa signification première. Donc, parler de confessionnalité, c'est aussi parler d'intégration dans l'école de quatre fonctions de la religion. C'est

aussi parler du degré d'intégration. J'en ai sauté une en essayant de résumer. Oui, la question d'éthique.

Les types de confessionnalité. L'intégration de cette dimension religieuse peut se faire par la présence, dans la grille-horaire, de cours de religion et par la présence, parmi les services complémentaires, d'un service d'animation pastorale. L'école offre ainsi des lieux où peuvent se pratiquer les différentes fonctions qu'assume ordinairement une religion.

On peut concevoir une confessionnalité maximale dans une école privée, par exemple, où le personnel étudiant, enseignant et non enseignant partagerait, dans une réelle homogénéité, la croyance dans une confession religieuse unique et incarnerait cette croyance dans tous les aspects de la vie de l'école. Cependant, on peut aussi choisir une religion ou une confession comme pôle intégrateur d'un projet éducatif. L'école alors n'offre plus seulement des lieux où peuvent être joués différents rôles de la religion par rapport à la culture, aussi transmise par ailleurs, mais elle devient un lieu religieux où la culture est livrée déjà toute intégrée et signifiée dans une perspective confessionnelle. C'est une autre forme.

Par rapport au projet, quel type de confessionnalité scolaire propose-t-il pour les écoles? Il s'agit minimalement d'un type de confessionnalité évoqué plus haut, soit le premier type de confessionnalité, c'est-à-dire que le projet de loi assure que toutes les écoles devront offrir le choix entre l'enseignement catholique ou protestant et l'enseignement moral. Il assure aussi l'enseignement religieux de toute confession pourvu que cet enseignement soit dispensé et rémunéré par le groupe religieux. Le projet de loi assure aussi que les services de pastorale seront offerts automatiquement à tous les élèves inscrits comme catholiques et, sur demande, à tous les élèves inscrits comme protestants et ce, dans toutes les écoles.

En ce sens, toutes les écoles seront confessionnelles selon le premier type de confessionnalité décrit plus haut. Toutes les écoles offriront des lieux où pourront être assumées les fonctions de la religion. La dimension religieuse sera donc intégrée par la loi dans toutes les écoles. À ce sujet, la Commission des droits de la personne ne peut que manifester son accord. L'État peut, en effet, accéder à la requête de certains groupes concernant l'enseignement religieux à l'école pourvu que les droits des autres ne soient pas brimés. Ce droit est d'ailleurs garanti par l'article 41 de la charte.

Cependant, la commission remarque que le droit à l'égalité dans les services est sérieusement menacé par la répartition de ces services entre les différents usagers de l'école. Les catholiques se voient garantir l'enseignement religieux et l'animation pastorale, assurés et rémunérés par l'État, en plus de se voir garantir un poste de responsable du soutien à l'enseignement religieux et à l'animation pastorale par la commission scolaire. Les protestants se voient garantir l'enseignement religieux, mais l'animation religieuse "peut" être offerte aux élèves inscrits comme protestants. Les tenants d'une autre confession religieuse, même s'ils étaient la majorité dans une école, peuvent se voir assurer les services de l'enseignement religieux à la suite d'une entente avec le conseil de l'école, pourvu qu'ils désignent une personne à cet effet et qu'ils la rémunèrent. Quant à ceux qui ne sont tenants d'aucune confession ou qui préfèrent ne pas recevoir d'enseignement religieux, ils ont droit à des cours de morale assurés et rémunérés par l'État.

La commission est d'avis qu'il faudrait redresser ces inégalités en offrant des services d'enseignement religieux et d'animation d'égale qualité à tous les usagers de l'école. Ceux qui ne bénéficient pas de services d'animation pastorale ou religieuse devraient pouvoir bénéficier, eux aussi, de services d'animation culturelle dans des lieux où ils pourraient intégrer et signifier la culture transmise par ailleurs. Le projet de loi assure donc que toutes les écoles seront confessionnelles, au moins selon le premier type de confessionnalité évoqué plus haut.

Le deuxième point concernant la confessionnalité est un point crucial de notre mémoire. Le projet de loi va plus loin que de permettre l'enseignement religieux ou moral, à l'article 31 il dit que l'école peut intégrer dans son projet éducatif les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière. À l'article 32, il dit que, après consultation avec les parents, l'école peut demander au comité catholique ou au comité protestant une reconnaissance comme école catholique ou école protestante. Malheureusement, nous ne connaissons pas quelles seront les modalités de la consultation, ni les critères retenus pour la reconnaissance comme école catholique ou protestante. Ce sont là pourtant des éléments majeurs. Ces deux articles font entrer l'école dans le deuxième type de confessionnalité - c'est très important - il ne s'agit plus seulement d'une école où se retrouvent certains lieux où peuvent s'exercer les fonctions de la religion, il s'agit au minimum d'intégrer dans le projet éducatif les croyances et les valeurs d'une confession particulière. Il s'agit aussi de la reconnaissance comme catholique ou protestante d'une école. Sans connaître les critères qui présideront à cette reconnaissance, on peut au moins penser qu'ils seront autres que ceux déjà reconnus à propos de l'enseignement religieux et de l'animation pastorale et qu'ils renforceront

l'intégration de la dimension religieuse dans l'institution scolaire.

Avec ces nouveaux articles, l'école tend à devenir un lieu religieux où les fonctions de la religion s'étendent à tout le projet éducatif. L'école n'est plus seulement une institution offrant certains lieux religieux pour ceux qui le désirent, elle est, par son projet éducatif lui-même, un lieu religieusement intégré. Dans une école reconnue comme confessionnelle, le ministre de l'Éducation devra même transmettre tous les programmes d'enseignement au comité confessionnel du Conseil supérieur de l'éducation, qui pourra donner son avis au point de vue religieux.

Donc, le degré d'intégration du projet éducatif par une confession pourra varier d'une école à l'autre, mais la loi introduit dans le système scolaire le principe par lequel une école publique commune et souvent unique peut administrer un projet éducatif intégré par des valeurs et des croyances d'une confession particulière.

Si tous les usagers de l'école sont d'accord avec ce projet ou cette croyance, si 100% des étudiants sont d'une croyance, ça ne pose pas de problème. Mais s'il y a une minorité - ce qui est à supposer dans une école commune - le problème se pose alors très directement pour cette minorité.

La loi introduit aussi dans le système scolaire un élément qui peut avoir des effets discriminatoires sur les usagers de l'école qui ne partageraient pas les croyances de la majorité ou de la minorité qui aurait introduit dans l'école ce type de confessionnalité.

La discrimination au sens de la Charte des droits et libertés de la personne est présente non seulement quand on peut la rattacher aux attitudes des personnes discriminantes, mais aussi quand on retrouve, à l'intérieur d'un système, des éléments qui ont pour effet de traiter inégalement des personnes dans la jouissance et l'exercice d'un droit fondamental, à savoir ici les libertés de religion et de conscience.

On peut imaginer des situations où ce type de discrimination pourrait exister sans qu'on puisse la relier à des volontés expresses. Mais ici, on va encore plus loin, cette discrimination pourrait être liée à la volonté démocratique des parents, le tout étant sanctionné par la loi. Du point de vue de la commission, ceci est inacceptable. À cet égard, que la décision d'introduire dans un système d'une école un tel élément soit le résultat d'un choix démocratique des parents n'a aucun impact sur le résultat lui-même. Le caractère démocratique d'un choix, si louable soit-il, n'assure aucunement la moralité, la légalité ou la légitimité d'un choix, pas plus qu'il n'assure qu'il soit conforme au respect des droits et libertés de la personne.

(16 heures)

Brièvement, les recommandations. Retirer du projet les dispositions qui inscrivent dans le système d'enseignement public des éléments discriminatoires et contraires aux libertés de religion et de conscience. Tels sont les articles 31 et 32 qui permettent la reconnaissance de l'école comme catholique ou protestante et qui l'autorisent à intégrer dans son projet éducatif des croyances et des valeurs religieuses d'une confession particulière. Tels sont aussi ces articles: 309.1, qui accorde au ministre un pouvoir de réglementation relativement à la reconnaissance confessionnelle de l'école; 474e et f, qui accorde au comité confessionnel le pouvoir de faire des règlements en vue d'assurer ce caractère confessionnel et pour reconnaître ou révoquer ce caractère; 475a, qui permet au comité confessionnel de donner des avis au ministre du point de vue religieux sur l'enseignement autre que religieux.

De plus, le projet devrait être modifié pour reconnaître le droit à l'égalité sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la religion. Ainsi, les articles 103, 220, 110 et 111 devraient être modifiés pour établir un critère commun en vertu duquel l'enseignement religieux serait dispensé dans une école et en vertu duquel cet enseignement serait rémunéré, y compris les services de soutien à l'enseignement de la religion ou de la morale. De même, en conséquence, les articles 17 et 101 devraient être réécrits pour tenir compte de ces modifications.

En plus de ce point fondamental qui concerne la confessionnalité dans les écoles, deux autres blocs de notre mémoire doivent être soulignés. Le premier, c'est le droit à l'égalité en éducation. Il s'agit de reprendre la notion d'égalité par rapport à la fonction sociale de l'école. Le droit à l'égalité revêt un double aspect: d'abord, l'absence d'exclusion discriminatoire dans un système et, d'autre part, la reconnaissance de la diversité des besoins, donc, des moyens d'y répondre. Bien que l'article 40 de la charte ne reconnaisse que le droit à l'instruction, la commission est convaincue de la nécessité de reconnaître le droit à l'éducation pour assurer en pleine égalité le droit à l'instruction.

Il faut, à ce propos, rappeler le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui est ratifié par le Québec. Brièvement, par ce pacte, nous convenons que les États parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le projet de loi apporte une

amélioration intéressante à la loi existante par les définitions qu'il contient aux articles 1 à 14 des services éducatifs. Malheureusement, lorsqu'on examine ce que le projet reconnaît comme droits aux services éducatifs ainsi définis, on se rend compte qu'il ne reconnaît vraiment que le droit aux services d'enseignement, parce qu'on établit qu'il y a un droit aux services d'enseignement, mais que la personne âgée de cinq ans et plus peut aussi recevoir d'autres services éducatifs dans la mesure prévue par la loi.

Pour connaître l'étendue de ces autres services éducatifs que toute personne peut recevoir, on se rend compte que l'organisation de ces services et la détermination de leur étendue sont laissées à l'école et à la commission scolaire. C'est par l'article 199. Or, comme seuls les services éducatifs auxquels la population a droit sont les services d'enseignement, cet article ne garantit nullement que tous les autres services éducatifs décrits aux articles 1 à 13 seront assurés par la commission scolaire à la population de son territoire. C'est pourquoi nous recommandons que l'article 14 soit amendé de façon à reconnaître le droit aux services d'enseignement et aux autres services éducatifs qui rendent possible l'accès à l'enseignement. Nous pourrions avoir comme formulation: Toute personne âgée de cinq ans et plus a droit à l'éducation préscolaire, à des services de formation et d'éveil et, au primaire et au secondaire, à des services d'enseignement ainsi qu'à tout autre service éducatif prévu par la loi. Nous sommes conscients que reconnaître ainsi le droit aux autres services éducatifs pourra représenter parfois, pour les commissions scolaires chargées de voir à ce qu'ils soient fournis, une charge financière très lourde. Nous pensons, par exemple, aux déboursés que pourrait entraîner l'intégration d'un seul enfant multihandicapé. C'est pourquoi il nous paraîtrait important que, tout en reconnaissant ainsi le droit, l'on s'assure de mécanismes qui permettront de faire porter le coût de certaines catégories de services personnels à l'ensemble de la collectivité québécoise.

En plus, en ce qui concerne les enfants handicapés, la commission désire faire les deux recommandations suivantes: Premièrement, l'article 97 du projet devrait être modifié pour reconnaître explicitement le droit des enfants handicapés à l'intégration en classe régulière, tout en précisant les circonstances qui justifieraient le refus de l'intégration. Il appartiendrait alors au directeur de l'école de démontrer que l'intégration n'est pas réalisable. Mais cette intégration de l'enfant handicapé en classe ordinaire, pour qu'elle ne se fasse pas à son détriment et au détriment d'autres, doit se faire dans des conditions qui tiennent compte de la charge additionnelle de sa présence pour l'enseignant.

Pour l'élève qui ne peut être intégré en classe ordinaire, le droit à des services spéciaux devrait être reconnu non seulement par la modification de l'article 14, mais par la description de ces services en établissant les circonstances dans lesquelles ils peuvent être requis.

Par rapport aux enfants appartenant aux minorités ethniques et culturelles, la commission fait siennes les recommandations de divers rapports publiés récemment au Québec, ceux du Conseil supérieur de l'éducation, du ministère de l'Éducation, du Conseil scolaire de l'île de Montréal, et recommande que le projet soit modifié pour faire obligation d'implanter un programme d'enseignement des langues d'origine là où le nombre le justifie.

De plus, elle recommande que le projet de loi indique que le projet éducatif doit comprendre l'éveil aux valeurs culturelles des composantes de la population québécoise.

Par rapport à l'éducation des adultes, la commission souhaite que le gouvernement donne suite aux recommandations du rapport Jean visant à garantir aux adultes, en vertu de leur droit à l'éducation, l'équivalent de treize années de formation.

Enfin, le troisième thème, c'est le dernier: La liberté d'association des jeunes. La commission favorise la participation active des élèves à leur formation et à leur éducation et reconnaît l'exercice par eux de la liberté d'association comme une condition importante de leur apprentissage des valeurs démocratiques.

Dans son mémoire, la commission rappelle plusieurs documents et rapports émanant soit du ministère, soit du Conseil supérieur de l'éducation où l'on relève l'absence d'une telle reconnaissance de la liberté d'association et les lacunes considérables en ce qui concerne les conditions nécessaires à son exercice.

La commission se réjouit que le projet de loi propose une formule de participation et de consultation des élèves. En effet, le directeur a la responsabilité d'abord de proposer aux élèves du deuxième cycle du secondaire une participation au conseil d'école et ensuite de proposer aux élèves du secondaire de constituer un comité de représentants qui donnent leur avis sur certaines questions touchant à la vie de l'école. Le projet de loi va ainsi plus loin que le projet de loi 71 créant les conseils d'orientation, qui ne prévoyait pas de tels organismes.

Cependant, on peut se demander si la composition du conseil d'école, formé en majorité de parents, permettra la vie démocratique que l'on souhaitait dans le livre blanc: lors de la prise de décision, les parents majoritaires risquent de toujours

l'emporter. A-t-on songé également à qui décidera du nombre d'élèves et d'enseignants au conseil? Qui tranchera le débat, par exemple, si les élèves veulent élire trois représentants et que les parents ne veulent en reconnaître qu'un?

Même si l'on peut prévoir qu'en pratique le fonctionnement du conseil pourra poser des problèmes difficiles et ne pas nécessairement amener un véritable partage des pouvoirs et des responsabilités à l'école, la place qu'on commence ainsi à reconnaître aux élèves constitue un progrès par rapport à la situation actuelle. On pourrait aussi s'interroger sur la justification de limiter la participation des élèves au conseil au deuxième cycle du secondaire et à la formation du comité d'élèves au seul niveau secondaire, cette distinction fondée sur l'âge empêchant que cette initiation à la vie démocratique à l'école ne puisse se faire du début à la fin des deux cycles du primaire et du secondaire.

La commission est d'avis que les modes de participation prévus au projet peuvent dans les faits restreindre la reconnaissance et l'exercice de la liberté d'association. Nous avons émis l'avis, dans la première partie de notre mémoire, que les élèves à tout âge ont le droit de s'associer entre eux pour promouvoir leurs intérêts communs et le respect de leurs droits. Le projet de loi ne prévoit rien à cet égard. Là où n'existe aucune association d'élèves, le projet de loi leur assure un minimum de possibilités de participer et de se concerter entre eux.

Le problème pourra se présenter dans les écoles ou existent déjà des associations générales autonomes et dans les écoles où les élèves voudront en former une. Ces associations pourront-elles se voir reconnaître le droit de se réunir, de jouir d'un minimum de conditions matérielles pour assurer leur vie et leur développement et de se faire reconnaître comme porte-parole de l'ensemble des élèves? Le risque n'est-il pas grand que les élèves se fassent opposer une fin de non-recevoir appuyée sur le fait que la loi prévoit déjà des mécanismes de consultation et qu'ils n'ont qu'à s'en prévaloir?

La reconnaissance par le projet de loi du seul comité d'élèves risque ainsi de n'apporter qu'une solution partielle aux problèmes que vivent déjà les élèves et qui ont été soulevés par le Conseil supérieur de l'éducation. Notre expérience des milieux scolaires nous a convaincus que l'exercice de la liberté d'association des élèves est soumis à de nombreuses contraintes tant humaines que matérielles.

À cause de leur âge et de leur état de subordination, leur liberté d'association doit être davantage favorisée par une volonté législative. C'est pourquoi nous suggérons que le droit des élèves à former des associations autonomes soit aussi prévu dans le projet, de même que leur droit de se voir doter de conditions matérielles favorisant leur activité.

En bref, nous recommandons, à cet égard, la modification du projet de loi en confiant au directeur d'école la responsabilité de favoriser l'émergence d'associations étudiantes autonomes tant au primaire qu'au secondaire et des moyens qui seront mis à leur disposition pour faciliter leur action. Voilà donc, M. le Président, les réflexions qu'a inspirées à la Commission des droits de la personne le projet de loi 40.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Fournier. Je vous assure que nous apprécions les efforts de concision dont vous avez fait preuve. Compte tenu de la situation, voici ce que je suggérerais aux membres de la commission, sans qu'il y ait d'entente formelle. Si tout le monde pouvait s'entendre, si tout le monde pouvait se rendre à cette suggestion, je souhaiterais que nous puissions compléter les échanges entre les membres de la commission et nos invités vers 18 heures. J'essaierai, si les membres veulent bien collaborer, de faire en sorte que les droits de parole puissent s'articuler pour que nous terminions nos échanges avec la commission vers 18 heures. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier la Commission des droits de la personne pour le soin et l'attention qu'elle a mis à la préparation de ce mémoire. C'est un mémoire abondant, documenté et, étant donné le rôle que joue la Commission des droits de la personne qui doit présider à l'application de la charte et à la promotion des droits et libertés de la personne. Cette contribution est particulièrement importante et susceptible non seulement d'éclairer le débat et de le faire avancer, mais d'éclairer la commission et d'éclairer le législateur.

Cependant, la commission a tellement mis de soin et d'attention à préparer le mémoire qu'elle nous l'a remis beaucoup plus tard que prévu, comme la présidente y a fait allusion, tout à l'heure. Cela comporte évidemment, pour nous, un certain nombre d'inconvénients, surtout en raison de sa richesse. C'est un mémoire, encore une fois, très long - plus de 60 pages - et, surtout, il comporte des considérations d'ordre juridique, philosophique abstrait, théorique et souvent technique; il faut ensuite l'évaluer sur le plan des conséquences pratiques: en particulier sur le plan législatif aussi bien que sur le plan réglementaire. Il devient donc difficile de faire droit à un mémoire d'une pareille richesse dans le peu de temps qui s'est écoulé entre sa présentation et les commentaires que nous pouvons et devons en faire.

Je ne peux donc présenter, aujourd'hui,

que des considérations préliminaires. Il faudra évidemment que notre réflexion et que le débat se poursuivent.

Je reprendrai les énoncés et les recommandations de la commission à l'inverse de l'ordre dans lequel ils nous ont été présentés pour terminer par le bloc de la confessionnalité qui, comme l'a dit la présidente, est le plus fondamental et probablement le plus complexe. Je vais d'abord m'intéresser au dernier bloc, donc, les recommandations 6, 7 et 8.

Comme sixième recommandation, la commission fait état qu'il serait approprié que le projet éducatif intègre, en plus des valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des services, des valeurs culturelles de la décomposante de la population du Québec. La commission demande donc que soit reconnu plus expressément, à l'article 30, le pluralisme culturel. Or le projet de loi, même s'il n'utilise pas nommément l'expression "pluralisme culturel", reconnaît, dans son esprit, ce pluralisme. En effet, le premier alinéa de cet article 30 énonce la règle générale que toute école est publique et commune. Ce qui embrasse nécessairement le concept du pluralisme. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 30 permet à l'école d'intégrer les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des services. Ce qui, encore une fois, dans une communauté pluraliste, permettra à l'école d'intégrer les valeurs pluralistes d'une communauté si tel est le cas, et tel sera le cas. Le libellé de l'article 30 nous paraît donc suffisamment large pour comprendre la recommandation de la commission à ce sujet. (16 h 15)

Énumérer d'une façon plus précise ce que peut comprendre le projet éducatif, entre autres, le respect du pluralisme culturel, pourrait d'une part être laborieux et exigeant aux fins de couvrir tous les aspects souhaitables d'un projet éducatif, et, d'autre part, énumérer d'une façon plus précise ce que peut comprendre le projet éducatif pourrait être inutilement contraignant, car toute énumération, on le sait, porte en elle-même ses propres limites. C'est ce que les techniciens de la législation nous rappellent constamment.

Il semble donc, à notre avis, préférable de conserver un concept général aux fins de n'être pas indûment limitatif et aussi aux fins de permettre à la notion de projet éducatif d'évoluer avec la société qui le définira selon ses besoins et ses réalités.

Au surplus il y a lieu de rappeler que l'article 91, qui définit la mission de l'école, fait clairement état que celle-ci doit promouvoir les intérêts sociaux et culturels de la communauté, encore une fois, qu'elle dessert, ce qui nous semble encadrer suffisamment le rôle de l'école pour lui permettre et même pour l'obliger à respecter un certain pluralisme culturel là où les composantes sociales le justifient.

Dans sa septième recommandation, la commission propose de confier au directeur d'école la responsabilité de favoriser l'émergence d'associations étudiantes autonomes, tant au primaire qu'au secondaire.

Dans un premier temps, il y a lieu de souligner que le projet de loi propose une certaine continuité évolutive au sujet du rôle de l'étudiant à l'école. En effet, en 1979, l'introduction par le législateur des conseils d'orientation reconnaissait pour la première fois un certain rôle à l'étudiant dans le déroulement des activités de l'école. Par exemple, deux élèves de l'école recevant l'enseignement du second cycle du secondaire pouvaient être élus par les élèves de l'école pour siéger au conseil d'orientation.

Le projet de loi 40 va un peu plus loin car, en plus de permettre aux étudiants de siéger au conseil d'école, il prévoit la possibilité pour ceux-ci de se regrouper en un comité d'école, en un comité d'élèves, et la loi, à cet égard, précise d'une façon assez large, extensive même, les fonctions de ce comité à l'article 71 et les sujets sur lesquels il peut exiger d'être consulté.

Par ailleurs, rappelons pour mémoire que la Charte des droits et libertés de la personne protège à son article 3 la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association. À cet égard, le projet de loi 40 ne veut en aucun cas interférer avec ce droit. Les étudiants pourront donc se regrouper à leur convenance en associations au moyen de structures légales existantes, sociétés, corporations sans but lucratif, coopératives ou même, parallèlement à ces structures, en se regroupant tout simplement en associations sans formalisme rigoureux.

Le projet de loi 40 ne crée aucune contrainte à cet égard. Au contraire, il veut favoriser l'émergence de tels regroupements au niveau secondaire sans limiter le droit des élèves de se regrouper d'une façon autre que celle prévue par le projet de loi 40 ou d'avoir des activités ou des objectifs différents de ceux du projet de loi 40.

Il m'apparaît donc important de préciser que le projet de loi 40 ne crée pas de barrières invisibles pour l'émergence d'associations étudiantes, d'autant plus qu'advenant l'existence d'une telle association dans une école donnée, il m'apparaît évident que celle-ci prendra tout naturellement le chapeau du comité d'élèves si elle désire assumer les fonctions dévolues à ce comité.

Cette mise au point faite, il reste que j'examinerai avec intérêt la proposition de la commission en ce sens que le législateur aille plus loin qu'il ne le fait actuellement et qu'il oblige le directeur d'école à favoriser l'émergence de telles associations. En effet, votre proposition me paraît

constructive et, en ce sens, j'examinerai la possibilité d'y donner suite.

Dans la huitième recommandation, la commission propose à l'article 14 du projet de loi que le droit à la scolarisation comprenne non seulement le droit à des services d'enseignement mais aussi le droit à tout autre service éducatif prévu par la loi, ce qui comprend les services complémentaires, personnels ou collectifs, et les services particuliers définis dans le premier chapitre du projet de loi 40.

Dans un premier temps, je crois qu'il importe de situer une différence qui existe entre la prestation des services d'enseignement et celle des autres services. En effet, les services d'enseignement sont normalisés par le régime pédagogique et par les programmes d'études, ce qui permet à l'État de pouvoir garantir d'une façon générale le droit de recevoir de tels services puisque l'État sait précisément ce à quoi il s'engage, ce qui, vous le comprendrez aisément, est de première importance pour un gouvernement responsable qui, par la suite, sera appelé à financer l'exercice de ces droits.

Quant aux autres services éducatifs, complémentaires et particuliers, même s'il était souhaitable d'en reconnaître le droit à tout citoyen, il reste qu'en pratique l'étendue de ces services n'est pas précisée comme telle dans la loi ni dans les règlements puisque, de par leur concept même, ces services peuvent varier d'une école à l'autre, d'un individu à l'autre et, plus encore, d'une année à l'autre. Cela m'apparaîtrait donc dangereux pour le législateur et possiblement frustrant pour le citoyen si le projet de loi reconnaissait le droit inconditionnel à tous les services complémentaires et particuliers alors qu'en pratique l'État ne pourrait, financièrement, en assurer la prestation.

Donc, en tenant compte des nuances importantes que je viens d'énoncer, il reste qu'il importe d'apporter une attention considérable à votre recommandation. En conséquence, j'examinerai de nouveau attentivement la possibilité non pas de suivre totalement votre recommandation mais d'accorder certaines garanties légales à la prestation des services complémentaires et particuliers, quitte à baliser davantage ces services ou à reconnaître à une autorité quelconque le pouvoir de délimiter le droit à ces services. On peut en effet envisager -mais je précise à ce moment-ci que ce n'est qu'une hypothèse - que le projet de loi, au deuxième alinéa de l'article 14, pourrait reconnaître le droit aux services éducatifs autres que les services d'enseignement mais en précisant, par exemple, que l'exercice de ce droit serait limité par les ressources que la commission scolaire y affecterait ou par les limites que la commission scolaire y affecterait en tant qu'organisme - selon le projet de loi, à l'article 199 - chargé de répartir les services éducatifs entre les écoles. Il appartiendrait donc à la commission scolaire, dans cette éventualité, de préciser jusqu'à quel point et selon quelles limites l'exercice de ces droits serait reconnu.

Par ailleurs, je comprends aussi de cette dernière recommandation, bien qu'elle renvoie explicitement à l'article 14, qu'elle veut couvrir aussi le cas de la gratuité scolaire prévue à l'article 15 pour les personnes mineures et, dans certains cas, pour les personnes âgées de 18 à 21 ans. La commission, si je l'entends bien, aimerait que la limite de la gratuité soit non pas fonction de l'âge, mais plutôt fonction de l'acquisition de connaissances. À ce titre, la commission propose la gratuité pour l'acquisition d'une formation de base minimale qu'elle estime raisonnable de fixer à l'obtention du certificat d'études secondaires.

En fait, cette recommandation, de par son contenu, ouvre la porte à tout le phénomène de l'éducation des adultes et du soutien financier que l'État devrait y apporter. Pour les fins de mon propos, je laisserai de côté pour le moment cet aspect de l'éducation des adultes qui délaissent l'école et qui, ultérieurement, décident de retourner aux études.

De fait, la proposition de la commission est intéressante et l'objectif poursuivi est non seulement louable, mais aussi d'une logique, je dirais, presque indiscutable. Mais en toute chose, malgré l'intérêt que peut susciter pareille proposition, je me dois, non pas tellement en tant que ministre de l'Éducation, mais en tant que membre du gouvernement, d'être le plus réaliste possible et de prendre en considération les coûts que peut générer une telle approche. Point n'est besoin, en effet, de s'étendre longuement sur les ressources limitées de l'État et sur la part importante qui est déjà consacrée à l'éducation dans le budget gouvernemental. En d'autres mots, bien que l'objectif visé par votre recommandation soit souhaitable - et, à ce titre, elle sera examinée attentivement - il reste qu'un énoncé aussi général que celui que vous proposez pourrait donner lieu à des coûts jusqu'ici imprévus et probablement très importants, et qu'il y aura donc lieu d'examiner s'il ne serait pas opportun de poser certaines balises ou encore d'implanter progressivement une telle mesure.

J'arrive maintenant à votre second bloc. Je voudrais traiter de l'obligation d'implanter un programme d'enseignement des langues d'origine là où le nombre d'enfants le justifie. Sur ce point, la commission est d'avis que le droit à l'enseignement de la langue maternelle pour les minorités ethniques et culturelles devrait être assuré afin de faciliter l'accès à l'égalité des enfants appartenant à ces minorités.

S'appuyant sur des études du Conseil supérieur de l'éducation et du ministère de l'Éducation lui-même, la commission est d'avis qu'un manque de maîtrise de la langue maternelle peut entraîner des difficultés à faire l'apprentissage de la langue de la société d'accueil, ainsi que des troubles affectifs, notamment dans les relations des enfants avec leurs parents et leur communauté d'origine.

Cependant, consciente des difficultés d'organisation de tels programmes et des coûts qui en découlent, la commission précise que ces programmes ne devraient être offerts obligatoirement que là où le nombre d'enfants le justifie. Conscient de cette réalité, le projet de loi prévoit la possibilité pour une commission scolaire d'organiser des services d'accueil à l'école française et des mesures de soutien linguistique en français. Je rappelle ici que le gouvernement a alloué aux commissions scolaires qui offrent de tels services des ressources financières supplémentaires de 11 500 000 $ en 1983-1984. Le projet de loi 40 maintient et assure pour l'avenir de telles mesures. (16 h 30)

De plus, le régime pédagogique autorise l'école à dispenser un enseignement de la langue et de la culture d'origine aux enfants des minorités ethniques et culturelles dans la mesure, cependant, où l'école respecte la répartition des matières pour le primaire et le secondaire, et respecte aussi les règlements des comités confessionnels. Le gouvernement alloue aux commissions scolaires qui offrent de tels services des ressources financières supplémentaires. En 1983-1984, une somme totale de 645 000 $ a ainsi été allouée à quatre commissions scolaires, Sainte-Croix, Les Écores, Jérôme-Le Royer et CECM, pour dispenser un tel enseignement à 2595 enfants italiens, portugais, espagnols, vietnamiens, laotiens, cambodgiens et chinois. Il n'existe pas beaucoup d'endroits dans le monde où de tels services sont accessibles. Par ailleurs, ces mesures sont susceptibles de se développer si nous pouvons y consacrer les ressources nécessaires, en plus de l'énergie que nous y consacrons déjà. Toutefois, dans l'évaluation des besoins, il deviendrait passablement arbitraire et discriminatoire de déterminer, sans tenir compte de l'organisation scolaire locale, le niveau des ressources nécessaires sur le seul critère du "là où le nombre le justifie".

Passons maintenant à vos recommandations 3 et 4. Comme troisième recommandation, la commission propose que le droit des handicapés à l'intégration à des classes régulières soit reconnu plus explicitement. Plus encore, la commission aimerait que soient précisées les mesures qui encadreraient l'exercice de ce droit et les circonstances qui justifieraient un refus d'intégration.

En premier lieu, je tiens à apporter certaines précisions aux articles 97 et 204 du projet qui vous ont fatigués, et pas seulement vous d'ailleurs. Il semble, en effet, que le libellé proposé inquiète la commission et d'autres personnes qui ont examiné ces propositions, notamment l'Office des personnes handicapées que nous entendrons un peu plus tard.

L'article 97 énonce le pouvoir d'un directeur d'école d'intégrer une personne en difficulté dans une classe ordinaire, après consultation des personnes concernées, lorsque certaines conditions existent. Pour lever toute ambiguïté sur ce pouvoir du directeur qui, comme je le comprends à la lecture du texte, devra intégrer un élève à une classe ordinaire lorsque les conditions prévues à cet article seront réunies, je verrai à ce que le libellé de cet article soit resserré pour bien indiquer l'obligation du directeur d'intégrer un élève en difficulté lorsque cela est possible et propre à faciliter l'insertion de l'élève et ses apprentissages.

Une modification de même nature sera introduite à l'article 204 pour bien indiquer que les commissions scolaires sont, elles aussi, tenues d'exercer le pouvoir, qui leur est conféré par cet article, d'établir des critères sur l'organisation des services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.

Par ailleurs, je n'estime pas opportun, à ce stade-ci, de préciser dans la loi les mesures d'encadrement du droit à l'intégration, ni les circonstances qui justifient un refus d'intégration. Un des principes sous-jacents du projet est de remettre l'exercice de certains pouvoirs aux principaux intéressés. Dans ce sens, il m'apparaît préférable de laisser au niveau régional et au niveau local le soin d'établir des critères et de prendre les décisions requises, en collaboration avec les personnes concernées et les spécialistes en ce domaine, plutôt que de prévoir de tels critères dans la loi ou de baliser l'exercice de l'évaluation du refus d'intégrer une personne en difficulté. Le projet de loi favorise cette intégration dans toute la mesure possible, mais je considère que l'intégration doit tenir compte de la situation particulière de chaque personne handicapée.

J'aurai, d'ailleurs, l'occasion de décrire un peu plus tard, lorsque nous entendrons un autre groupe, toute la gamme des services particuliers que le gouvernement, l'État met actuellement à la disposition de ces clientèles et les ressources que nous y consacrons. Mais il reste que, pour l'application de ces diverses mesures, de ces divers modèles, il nous paraît préférable de considérer que l'intégration doit tenir compte de la situation particulière de chaque personne handicapée, telle qu'évaluée et

déterminée au niveau local et au niveau régional.

Quant à votre quatrième recommandation, à savoir décrire les services spéciaux offerts aux personnes en difficulté, il me semble, là aussi, qu'il s'agit de mesures qui doivent être adaptées aux besoins de la personne concernée et que revient donc davantage, encore une fois, aux organismes scolaires le soin d'exercer cette responsabilité.

Arrivons maintenant à vos recommandations sur le réaménagement de la confessionnalité scolaire. Je désire, d'abord, rappeler l'intention du gouvernement dans sa proposition d'un réaménagement de la confessionnalité scolaire, telle que nous la formulions dans le livre blanc. Cette intention est double: assurer l'exercice des droits individuels et collectifs en matière d'éducation religieuse à l'école et garantir les droits des communautés catholique et protestante consacrés par les lois et les conventions antérieures. Pour concrétiser cette intention, le livre blanc annonçait un ensemble de douze mesures qui visaient à protéger et à garantir les droits et libertés de conscience et de religion là même où ces droits et libertés sont vécus quotidiennement, c'est-à-dire dans les modalités de fonctionnement de l'école elle-même. Vous me permettrez de les rappeler ici afin que soit bien clair ce qui doit faire l'objet de nos échanges: 1. des garanties religieuses qui sont le fait de toute école publique, primaire ou secondaire; 2. l'enseignement de la religion, catholique ou protestante, et l'enseignement de la morale, également disponibles dans toute école publique, financés par l'État et dispensés à l'intérieur des grilles matières prévues par les régimes pédagogiques; 3. en conséquence, un régime d'option entre un cours d'enseignement de la morale et un cours d'enseignement de la religion, catholique ou protestante, étendu à l'ensemble du primaire et du secondaire; 4. la possibilité pour l'école de dispenser, à certaines conditions, l'enseignement d'une religion autre que catholique ou protestante; 5. un enseignement de la religion catholique et un enseignement de la religion protestante qui soient conformes aux exigences des comités confessionnels; 6. le pouvoir accordé aux comités confessionnels de déterminer des critères de qualification devant présider à l'affectation des professeurs à l'enseignement religieux; en corollaire, le droit reconnu à tout enseignant de refuser de dispenser l'enseignement religieux confessionnel; 7. des services complémentaires en animation pastorale pour les catholiques et en animation religieuse pour les protestants; 8. la présence dans chaque commission scolaire d'un responsable des services à l'éducation catholique; 9. un pouvoir de recommandation des comités confessionnels sur les programmes d'étude autres que les programmes d'enseignement religieux; 10. la possibilité pour l'école de poursuivre un projet éducatif inspiré par des croyances ou des valeurs religieuses particulières dans le respect de la Charte des droits et libertés de la personne; 11. la possibilité pour l'école, au terme d'une démarche démocratique de consultation, de faire reconnaître officiellement le caractère catholique ou protestant de son projet éducatif; 12. la révision de diverses dispositions législatives, notamment celles relatives aux pouvoirs et responsabilités des comités confessionnels.

Or, il importe de constater que toutes et chacune de ces mesures ont été traduites par des dispositions législatives dans le projet de loi 40. Il y a donc cohérence entre la proposition initiale et le projet de loi, mais il y a plus. Les mesures qui introduisent un réaménagement de la confessionnalité scolaire, en particulier celles qui ne reçoivent pas l'accord de la Commission des droits de la personne, c'est-à-dire la possibilité de la dimension confessionnelle du projet éducatif, et la différence établie entre catholiques, protestants et autres groupes, ces mesures et, plus radicalement, l'intention qui les sous-tend se fondent sur une expérience sociohistorique du vécu scolaire québécois en matière de confessionnalité.

Nous pouvons nous référer ici à l'analyse de l'histoire de la confessionnalité scolaire faite par le Conseil supérieur de l'éducation dans sa recommandation au ministre de l'Éducation le 15 avril 1981. Le conseil rappelait alors que le rapport Parent faisait l'analyse de quatre modèles d'écoles dont il élaborait les enjeux pour le Québec: premièrement, l'école publique neutre exclusive; deuxièmement, l'école publique unique, c'est-à-dire le même enseignement religieux pour tous, avec un enseignement religieux diversifié; troisièmement, l'école confessionnelle privée subventionnée parallèle à un enseignement public neutre, comme cela existe en Hollande; enfin, l'école publique confessionnelle et non confessionnelle. C'est la quatrième solution qui a emporté la faveur des commissaires-enquêteurs de la commission Parent. Ce modèle répond, en effet, à la pluralité des besoins sociaux, accède aux désirs des parents et des enseignants en vue d'avoir des écoles qui répondent à leurs convictions. Ce modèle respecte les droits déjà acquis historiquement par les communautés catholique et protestante et demeure en deçà des pouvoirs dont dispose l'État pour les mettre en

application. Je viens de citer l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, La confessionnalité scolaire, page 50, remis en 1981.

C'est dans cette foulée et comme pour nouer la trame qui n'avait pu l'être complètement dans les années soixante et soixante-dix que nous avons proposé le réaménagement de la confessionnalité que contient l'actuel projet de loi, mais c'est aussi, comme je le disais il y a un moment, pour mieux protéger les droits et libertés de conscience et de religion que le projet de loi comporte diverses dispositions concernant le réaménagement de la confessionnalité. En cela, nous avons voulu tenir compte de l'avis de la Commission des droits de la personne, en 1979, intitulé Liberté de religion et confessionnalité scolaire. Vous affirmiez alors qu'au regard de la problématique de l'enseignement public et du caractère possiblement confessionnel de cet enseignement la liberté de religion entraîne: premièrement, le droit au respect de ses croyances religieuses; deuxièmement, le droit de ne pas se voir imposer, à travers le processus d'éducation dispensé dans les établissements publics, un enseignement religieux de quelque confession religieuse que ce soit, en d'autres termes, le droit à un enseignement non confessionnel pour ceux dont les croyances religieuses appellent un tel choix. Vous affirmiez aussi, dans cet avis - je pense que c'est particulièrement pertinent au débat - la possibilité pour l'État, tout en respectant son obligation de neutralité religieuse, d'assurer, à travers les institutions d'enseignement publiques, la transmission des valeurs religieuses de la population desservie et leur intégration plus ou moins poussée au projet éducatif de ces institutions. Je vous soumets que ces trois principes que vous affirmiez dans votre avis de 1979 sont intégralement respectés dans le projet de loi 40 et que, par conséquent, la liberté de religion y est positivement promue.

Cependant, dans le mémoire que vous présentez aujourd'hui, vous considérez qu'il y a discrimination, au sens de la charte, dans le fait d'établir une différence dans les services offerts aux catholiques, aux protestants et aux autres groupes religieux. (16 h 45)

Par ailleurs, dans cet avis que je viens de rappeler, vous affirmiez, dans un autre passage, que tous ne doivent pas nécessairement être traités d'une façon absolument égale en ce qui concerne la transmission et la promotion possible de leurs propres croyances religieuses dans les institutions publiques d'enseignement. Vous ajoutiez même que le nombre joue ici un rôle déterminant et que les groupes plus importants pourront bénéficier de certains avantages. C'était à la page 10 de votre avis de 1979.

Je rappelle aussi que, dans l'étude fouillée que la commission publiait au cours de l'année 1980, intitulée Analyse de la notion de discrimination contenue dans la Charte des droits et libertés de la personne, vous disiez à la page 46: "Pour respecter le principe d'égalité consacré par la charte aux articles 10 et 52 - c'est bien ce dont il s'agit dans votre mémoire d'aujourd'hui - le législateur peut donc faire dans les lois des distinctions raisonnables, justifiées dans un État démocratique poursuivant un idéal d'égalité des chances".

C'est sur ces bases que j'aimerais échanger avec vous. Ma première question serait celle-ci: Ne croyez-vous pas que la loi actuelle de l'instruction publique contrevient bien davantage que vous ne le soulignez dans votre mémoire aux principes que vous énoncez et qu'elle devrait être jugée beaucoup plus sévèrement que le projet de loi 40? En d'autres termes, ne croyez-vous pas que le projet de loi 40 correspond mieux que la loi actuelle aux exigences de la charte telle qu'elle était interprétée par la commission jusqu'à ce jour? En corollaire, même si vous en avez parlé aux pages 48 et 49, j'aimerais que vous nous apportiez quelques précisions sur les améliorations que le projet de loi introduit par rapport à la loi et à la réglementation actuelles, comme vous avez pu les lire dans le projet de loi 40. Ce serait ma première question.

Mme Fournier: Je pense qu'on peut répondre très rapidement à cette question. Effectivement, nous avons noté dans notre mémoire qu'il y a des améliorations sur plusieurs points dans le projet de loi 40 par rapport à l'actuelle loi et nous les reconnaissons d'emblée. Il y a, encore une fois, un progrès. Je les ai énumérées tout à l'heure. Je pense qu'on peut facilement s'en souvenir.

Quant à votre question plus large, peut-être que je pourrais reprendre chacun des points que vous avez soulevés dans votre exposé, car ils sont fort pertinents et fort sérieux. Je vais faire comme vous, je vais commencer par la fin, si je peux m'en souvenir. Effectivement, sur la question de la liberté d'association des étudiants, nous reconnaissons qu'il y a une amélioration dans le projet de loi par rapport à la situation existante. Nous reconnaissons d'emblée que, dans plusieurs situations, il peut très bien correspondre aux besoins des étudiants que ce soit le directeur de l'école, par exemple, qui favorise la mise sur pied d'une telle association. Cependant, ce que nous voulons mettre de l'avant, c'est une assurance plus claire que les associations autonomes ont droit de cité, parce que nous croyons que dans certains cas c'est l'association autonome qui réussit le mieux à faire état des besoins

et qui donne le meilleur apprentissage pour les étudiants.

En ce qui concerne la question relative aux services assurés en toute égalité aux étudiants ou aux enfants handicapés ou en difficulté d'apprentissage ou autres, je constate que nous sommes d'accord sur toute une partie de l'analyse et qu'il y a effectivement lieu d'assurer l'égalité d'accès à ces services d'une façon particulière. Cependant, ce que nous croyons, d'après notre expérience et la connaissance que nous avons de la situation et aussi sur le plan du principe, c'est qu'il y a un danger à laisser uniquement aux écoles ou aux commissions scolaires le soin de déterminer quels sont les services éducatifs propres à assurer l'intégration, par exemple, des personnes ou des enfants handicapés. Nous croyons qu'un certain nombre de critères et de balises doivent être fixés d'une façon beaucoup plus précise de manière à assurer l'égalité dans toute la province pour ces enfants en difficulté. Je crois que les recommandations beaucoup plus précises faites dans le document produit par l'Office des personnes handicapées devraient certainement servir de guide pour arriver à ces balises.

Cependant, à la question de la confessionnalité comme telle, cela prend une plus large réponse. Vous m'avez demandé: Le projet de loi est-il une amélioration par rapport à l'actuelle Loi sur l'instruction publique? Je vous répète que oui, à plusieurs points de vue. Je répète aussi que nous ne croyons pas que ces améliorations seront suffisantes pour s'assurer qu'il n'y ait pas atteinte aux libertés fondamentales en toute égalité, du point de vue de la discrimination et du point de vue des libertés elles-mêmes. Bien sûr, vous avez dit qu'il y a une réalité historique et sociologique qui est reconnue, mais le fait que vous accordiez, dans ce projet, des attentions ou des assurances plus fortes en ce qui concerne les catholiques et les protestants par rapport aux autres religions, même si cela correspond, jusqu'à un certain point, à une situation sociologique ou historique, ne veut pas dire, pour autant, que les minorités religieuses peuvent être suffisamment protégées ou en toute égalité.

Le principe est très clair dans la charte: lorsqu'il y a un droit - et il s'agit, en ce moment, d'un droit très fondamental, qui est la liberté de conscience et de religion - il doit être assuré en toute égalité. C'est le principe contenu dans l'article 10 qui se lit en fonction de tous les autres droits. Ce que nous disons, c'est qu'à partir du moment où vous assurez un accès à des services religieux pour certaines religions vous devez le faire pour tous.

Je vais vous passer la parole, parce qu'on m'a demandé...

M. Krauss (Michel): Je voudrais ajouter ceci à ce que la présidente de la commission vient de dire au sujet, précisément, de la question de la confessionnalité, puisque je pense que cette question est la plus fondamentale de notre mémoire. Si on tente de comparer le projet de loi 40 à la Loi sur l'instruction publique, il faut tenir compte d'un changement sociologique extrêmement important qui va se faire et qui, d'ailleurs, a été rappelé par Mme la députée de Jacques-Cartier, lors d'une intervention précédente dans la matinée. Il y avait, jusqu'à tout récemment, une espèce de soupape de sécurité pour protéger la neutralité confessionnelle: c'était le système d'enseignement protestant. C'était la division formelle entre catholiques et protestants que tous connaissaient, une véritable division entre catholiques et neutres. Les étudiants qui désiraient un enseignement non confessionnel, surtout dans la grande région montréalaise, n'avaient qu'à choisir le système scolaire protestant, d'autant plus que, dans la région montréalaise, il y avait un système d'écoles françaises dans le réseau protestant.

Deux choses, me semble-t-il, sont intervenues pour créer une brèche dans ce système de soupape sociologique. D'une part, la Charte de la langue française qui, en région, a limité l'accès de certains aux écoles protestantes puisqu'en région les écoles protestantes sont souvent uniquement de langue anglaise. D'autre part, tout simplement l'inexistence en région d'écoles protestantes de langue française. On peut se surprendre - je viens d'une région - de l'inhabilité des commissions scolaires protestantes ou de leur absence de volonté, je n'en sais rien, d'établir des écoles de langue française.

Le nouveau système du projet de loi 40 n'est plus confessionnel, il est linguistique. Cela veut dire que, comme la députée de Jacques-Cartier l'a dit tantôt, il n'y aura plus de catholiques ou de protestants séparés, mais les deux groupes dans une seule et même école. Il me semble qu'il n'est plus possible de comparer la Loi sur l'instruction publique et le projet de loi 40 sur les seules bases formelles que le ministre a eu raison de soulever, sans se rappeler ce changement sociologique qui est de la plus grande importance.

Ceci dit, j'aimerais revenir sur deux points précis que le ministre a soulevés sans, pour autant, nier la validité de la réflexion générale que je viens d'émettre. D'une part, il est vrai qu'en 1979 la commission a dit qu'on ne devrait pas être obligé de recevoir un enseignement religieux qui n'est pas conforme à ses propres croyances. Le problème, selon nous, c'est que nous ne connaissons pas, à la lecture du projet de loi 40, ce que seront les modalités d'acceptation d'un projet éducatif confessionnel dans une

école. Ces modalités ne sont pas explicitées dans le projet de loi et viendront par réglementation. On peut supposer, par exemple, qu'il s'agira possiblement d'un vote majoritaire, à majorité simple ou à majorité qualifiée. Quoi qu'il en soit, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un vote unanime des parents, il y aura vraisemblablement une minorité qui devra, dans la mesure où, par exemple, dans un village, il n'y a qu'une école, subir ou vivre l'expérience d'un projet éducatif confessionnel d'une confession autre que la sienne. Dans la mesure où le projet éducatif peut affecter tous et chacun des cours, ce qui est censé être le cas, actuellement, pour le projet éducatif catholique les élèves minoritaires vont subir un enseignement religieux qui n'est pas le leur. C'est effectivement ce à quoi la commission s'est opposée en 1979.

Le deuxième point sur lequel j'aimerais me prononcer concerne le nombre. Il est vrai qu'en 1979 la commission a indiqué que le nombre jouait dans des décisions d'enseignement religieux. Pourtant, dans le projet de loi, à l'article 110, on mentionne que "l'école offre à l'élève inscrit comme catholique un programme de services complémentaires, personnels ou collectifs, en animation pastorale conformément au règlement du comité catholique". À l'article 111, on voit, au contraire, que "l'école peut, sur demande - donc n'est pas obligée - offrir à l'élève inscrit comme protestant des services d'animation religieuse conformément au règlement du comité protestant". Si on va à l'article 103, on voit que le conseil scolaire peut permettre que soit dispensé un enseignement religieux d'une autre religion, pourvu que cet autre groupe religieux désigne et rémunère l'enseignant en question. Il faut en conclure que, s'il y a un étudiant catholique - on ne tient plus compte du nombre - l'école doit offrir à cet étudiant catholique un programme de services complémentaires. S'il y a un étudiant protestant ou un étudiant juif ou mulsuman, cet étudiant ne bénéficie pas des mêmes services. Il s'agit donc d'un traitement différent accordé à un étudiant selon que cet étudiant soit catholique ou autre que catholique. Cela ne tient plus compte du nombre et va vraiment à l'encontre d'une croyance fondamentale de la commission. (17 heures)

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Laurin: C'est précisément la raison pour laquelle j'ai rappelé le vécu scolaire québécois, les lois, les conventions antérieures qui, bien sûr, c'est vrai, ont privilégié les catholiques et les protestants au Québec. C'est vrai, mais, au moins, la loi reconnaît qu'il est possible, à certaines conditions qui ne sont pas si onéreuses malgré tout, aux ressortissants d'une religion donnée d'avoir des services qui correspondent à ceux de la pastorale pour eux-mêmes.

Mais, là, on est loin du projet éducatif, du statut. Or, c'est plutôt là-dessus que portent véritablement vos objections. À cet égard, il est vrai, comme vous le soulignez, que nous n'avons pas encore en main les règlements prévus à l'article 309, que nous n'avons pas encore en main les critères de reconnaissance d'une école confessionnelle puisque ce sont les comités confessionnels, qui les élaboreront.

J'ai bien écouté vos arguments, vos souhaits, et j'aimerais - parce que vous avez sûrement dû réfléchir - que la commission nous indique ce que devraient stipuler ou ne pas stipuler ces deux règlements, ce qu'ils devraient éviter, pour satisfaire aux exigences dont vous venez nous faire part aujourd'hui. Y a-t-il des écueils à éviter? Y a-t-il des formulations, des stipulations, des articles que les comités confessionnels doivent absolument éviter afin de satisfaire à vos principes? Et, dans le sens positif, y a-t-il des stipulations que ces règlements devraient contenir pour satisfaire aux exigences dont vous nous faites part aujourd'hui?

Le Président (M. Blouin): Mme Fournier.

Mme Fournier: Je vais donner la parole à Mme Madeleine Caron.

Le Président (M. Blouin): Mme Caron.

Mme Caron (Madeleine): Je crois que, devant le fait même de laisser à une réglementation la définition de ce qu'est un statut confessionnel, je reflète bien la pensée de la commission en disant que la commission est contre ce principe même, parce que ce sont les principes habituels - par réglementation, on laisse au gouvernement le soin de définir des critères qui pourraient affecter les droits fondamentaux des personnes, c'est-à-dire la liberté de conscience et la liberté de religion, notamment.

M. Laurin: Ce serait donc par simple curiosité que vous voudriez prendre connaissance des règlements ou des critères puisque, de toute façon, cela ne changerait en rien votre opinion là-dessus.

Mme Caron: Je peux peut-être compléter ma pensée. Si ces critères font référence à ce qu'on appelle des valeurs communes, qui sont partagées par diverses confessions religieuses et par des personnes qui ont des idéologies non religieuses, par exemple, si on pense au respect d'autrui, à la tolérance, au désir de la paix, nous croyons que, vous n'avez plus besoin de l'article 32 puisque, déjà, à l'article 30, on

prévoit que l'école peut intégrer dans son projet les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense ses services.

M. Laurin: Mais il reste que si, de l'avis des comités confessionnels aussi bien que des parents, ces valeurs que vous estimez communes sont perçues par elles comme relevant de leur confession religieuse particulière, vous n'auriez alors pas d'objection à les considérer comme acceptables?

Mme Garon: Non, pas du tout. Mais, à ce moment, ce n'est plus nécessaire de les étiqueter sous le titre de "confessionnelles". Si, dans la loi, on donne la possibilité d'avoir des règlements qui vont définir un caractère vraiment confessionnel, alors peut-être qu'on peut faire la double réflexion suivante: S'il s'agit effectivement de valeurs religieuses qui peuvent être accolées spécifiquement à une confession particulière et si c'est authentique et profond, c'est justement là que cela risque de blesser la conscience de ceux qui ne partagent pas cette confession. Ou bien il s'agit réellement de valeurs religieuses se rapportant à une confession et, là, cela entraîne possiblement - c'était le sens de l'expression de la commission en 1979, "porteur de discrimination" - une atteinte à la liberté de conscience, ou, si ce sont des valeurs communes, alors plus n'est besoin de les étiqueter comme confessionnelles.

M. Laurin: De toute façon, la connaissance que j'ai de ces critères, tels qu'ils existent actuellement, établis par les comités confessionnels, me porte à penser que c'est une hypothèse qui n'est pas à rejeter. Je ne dis pas qu'elle est probable, mais c'est une hypothèse qui n'est pas à rejeter parce que plusieurs des critères qui ont été portés à ma connaissance peuvent être revendiqués conjointement par plusieurs confessions, non pas par des tenants d'autres confessions, mais même par des gens qui ne participent pas à une confession particulière. Ce n'est qu'après coup, évidemment, que l'on pourra en juger.

Cela m'amène à un glissement que je crois constater dans votre mémoire. Dans l'article 31, nous disions que l'école peut intégrer les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière, alors que, dans votre mémoire, aux pages 50 à 56, vous parlez d'un projet éducatif intégré par les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière. Cela fait de la confession particulière le pôle intégrateur du projet éducatif, alors que, dans le projet de loi, on parle d'un projet éducatif dont le pôle intégrateur, ce sont surtout - je l'estime très probable en tout cas - les valeurs pédagogiques ou les valeurs culturelles ou les valeurs existentielles d'un milieu et, par ailleurs, il pourrait intégrer certaines valeurs ou croyances religieuses. Or, de la façon dont vous en parlez dans votre présentation, il est évident que ce sont les croyances et les valeurs religieuses qui deviennent le pôle intégrateur, puisque vous parlez d'un projet éducatif intégré par les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière. Je vous soumets, en tout cas, que ces deux affirmations, celle du projet de loi et la vôtre, ont un sens tout à fait différent.

Mme Fournier: Cependant, le fait d'avoir un projet éducatif qui intègre des valeurs religieuses spécifiques et ceci, après une consultation, donc selon la voix de la majorité, ne peut avoir comme résultat que faire en sorte que ces valeurs religieuses d'une religion spécifique transpercent dans l'éducation donnée à cette école particulière. Alors, c'est la question: Qu'en est-il des minorités religieuses ou non religieuses?

M. Laurin: Mais on vient de dire, même en se référant à l'expérience actuelle, que ces valeurs même dites confessionnelles peuvent être communes à un certain nombre de religions ou même à d'autres credo ou à d'autres conceptions du monde. Il est difficile d'en juger a priori. Cela fait beaucoup plus partie du domaine des réalités appréhendées que des réalités constatées, quand on sait que beaucoup de personnes considèrent comme appartenant à leur confession religieuse particulière des valeurs qui, en fait, sont reconnues communément comme faisant partie de la morale en général ou même de la discipline. On entend souvent ces affirmations dans les sondages, d'ailleurs. On ne peut donc pas préjuger de la coloration ou du contenu que pourront prendre ces types d'intégration. Je rappelle aussi que l'article du projet de loi emploie le mot "peut" et n'emploie pas le mot "doit".

Mme Fournier: II y a probablement une précision à apporter entre religion et morale. Cette discussion devra sans doute être faite pour clarifier plusieurs des concepts dont on discute en ce moment. Est-ce que M. Côté pourrait intervenir à ce sujet?

Le Président (M. Blouin): M. Côté.

M. Côté (Yves): Dans les valeurs qui sont partagées par la communauté et dont l'article 30 dit qu'on peut les intégrer dans le projet éducatif, il peut y en avoir, comme on le soulignait tantôt, qui peuvent être d'origine religieuse et c'est fort possible que des valeurs qui sont maintenant des valeurs de la culture commune aient un lien d'origine avec une religion. À ce moment, elles peuvent être partagées par un peu tout

le monde. Par exemple, tout le monde fête Noël d'une certaine façon ou à peu près et, en tout cas, tout le monde prend des vacances à Noël, mais tout le monde ne retient pas le lien religieux de la fête de Noël avec son origine. À ce moment, si le projet éducatif veut intégrer des valeurs, même d'origine religieuse, mais qui sont communes à la communauté que dessert l'école, on dit: Cela va, si un tel veut les appeler religieuses et l'autre pas, mais pourvu qu'elles soient communes, l'article 30 suffit.

Mais, d'autre part - je vais faire allusion au glissement que vous souligniez tantôt - nous pensons que, si la religion comme telle - et nous prenons ça très au sérieux - parce qu'elle trouve une signification première à l'existence de par son projet lui-même, veut devenir intégrante, intégrative, polarisante, elle veut signifier tout le projet. Je pense que la religion est au centre d'un projet de vie personnel, social ou éducatif, ou qu'elle est rejetée à la périphérie. Si elle n'est pas signifiante du projet, elle peut devenir, au sens technique du terme, insignifiante. Il faut qu'elle soit signifiante pour perdurer. Et si l'école veut intégrer une valeur aussi intégrative que ça dans son projet éducatif, elle va nécessairement colorer tout le projet éducatif. À ce moment, si on intègre la valeur intégrative d'une confession, les autres personnes qui sont dans la même école seront nécessairement teintées par ce projet éducatif intégré ou avec des valeurs intégratives, intégrantes ou polarisantes. C'est là le sens du glissement que vous avez remarqué dans le mémoire et qui existe de fait, car il me semble qu'une valeur religieuse est polarisante.

M. Laurin: Oui, si on se réfère au concept même de religion, dans l'abstrait, on peut concevoir un concept de religion dynamique, caporaliste, impérialiste et on pourrait ajouter d'autres épithètes, mais nous sommes dans l'ordre des concepts. Au niveau du projet de loi, nous sommes dans l'ordre d'une religion non plus entendue au sens de concept, mais vécue, entendue par des personnes. Nous pensons à la perception que se font de la religion à laquelle ils peuvent adhérer, d'ailleurs, certains parents. Nous faisons état de la perception de la religion qu'ils peuvent avoir, de la façon dont ils peuvent la vivre et dont ils entendent colorer certaines des dimensions du projet éducatif. Je vous soumets que ce n'est pas du tout la même chose. D'ailleurs, on entend assez souvent déplorer, par les tenants de plusieurs confessions, que nos écoles, même reconnues comme confessionnelles, même ayant le statut confessionel, ne sont guère, en fait, très religieuses. On le signale pour le déplorer, ce qui montre tout l'écart qu'il y a entre le domaine des conceptions et le domaine de la pratique. Je pense qu'il faut aussi tenir compte de cette dimension dans la façon dont l'article 32 peut prévoir une intégration - jusqu'à quel point, selon quelle couleur, jusqu'à quel degré - de ces valeurs ou de ces croyances religieuses. Je pense qu'ici il faut regarder la pratique davantage que les concepts. (17 h 15)

Mais je reviens à votre affirmation selon laquelle une intégration plus ou moins mitigée, plus ou moins complète, vous apparaît, quand même, discriminatoire. Ici, je vous rappelle une autre phrase que j'ai retrouvée dans votre avis de 1979. Je cite d'une façon très brève ce que vous disiez alors: "La mise sur pied d'établissements confessionnels d'enseignement n'est pas contraire à la liberté de religion." J'aimerais que vous m'éclairiez sur cette apparence, en tout cas, de changement qui me semble supposer un nouvel effort d'interprétation que vous faites de la charte.

M. Côté (Yves): Dans le mémoire, nous le redisons, la mise sur pied d'un enseignement confessionnel n'est pas contraire à la charte, si tout le monde est d'accord. Si tous les usagers étaient d'accord, partout, toutes les écoles pourraient être confessionnelles et ce ne serait pas contraire à la charte. C'est seulement s'il y a des gens à l'intérieur de l'école qui voient leur liberté de religion et de conscience brimée par ce projet éducatif confessionnel. Si tout le monde est d'accord d'emblée, ce n'est pas discriminatoire.

M. Laurin: J'ai noté aussi la distinction que vous faites entre les droits civils et politiques, d'une part, et les droits économiques, sociaux et culturels, d'autre part. Vous dites, dans votre mémoire: "À la différence des droits civils et politiques, tels le droit à la vie, les libertés de religion et de conscience, dont le respect n'exige habituellement de la part de l'État qu'un devoir d'abstention, les devoirs économiques, sociaux et culturels ne sont pleinement réalisés que si l'État intervient de façon positive par un apport financier pour en favoriser le plein exercice."

D'abord, j'aimerais que vous m'explicitiez les fondements sur lesquels s'appuie une telle distinction et j'aimerais que vous rapprochiez votre réponse à cette première question d'un texte qui est celui du Pacte international relatif aux droits civils et politiques où on dit ceci, par exemple: "Les États parties au présent pacte - le Québec est partie au présent pacte puisque le Canada l'a signé en son nom - s'engagent à respecter la liberté des parents et à faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres

convictions." Je vous signale que le texte ne parle pas d'instruction, mais il parle d'éducation, ce qui est une notion beaucoup plus large.

M. Krauss: Tout simplement en réponse partielle peut-être à votre question, M. le ministre, je vous poserais une question hypothétique. À supposer que je sois un parent d'une religion autre que catholique ou protestante - pour les fins de la cause, tout simplement autre que catholique - à supposer que je sois parent d'un élève qui est inscrit à une école, qui est l'école publique et commune de langue française, et que les parents décident majoritairement - à supposer qu'il y a une majorité simple requise pour un éventuel règlement ou une majorité qualifiée - d'intégrer un projet d'éducation catholique à l'école et que ce projet devrait imprégner tous les cours dispensés à l'école, j'estimerais, dans ce cas-là, que l'on me nie les droits qui me sont garantis par la charte que vous venez de citer puisque, précisément, mon enfant serait exposé à un enseignement, à une éducation qui sont contraires à ses croyances religieuses. J'aurais alors le droit de le faire exempter du cours d'enseignement religieux, mais je ne pourrais pas, par définition, le faire exempter du projet éducatif de toute l'école qui, par définition, pourrait affecter tous les cours et pas seulement le cours de religion. Il pourrait suivre soit le cours de morale ou, si je paie, un cours de religion juive, si j'étais juif, même si, entre parenthèses, je paie une taxe scolaire qu'une personne de foi catholique n'aura pas à payer pour cet enseignement religieux. Je ferme cette parenthèse. L'important, c'est que le projet éducatif qui affecterait tous les cours m'obligerait à acquiescer à ce que mon enfant reçoive une éducation religieuse contraire à ses croyances. C'est précisément, je pense, le point sur lequel la commission a axé une grande partie de son mémoire.

M. Laurin: Pouvez-vous être sûr que le projet éducatif imprégnerait, intégrerait tous les cours, alors que la liberté professionnelle de l'enseignant est garantie et que, justement, le respect de cette liberté de conscience est assuré à l'enseignant, en tout cas dans la façon dont il a à dispenser ses cours? Jamais le projet éducatif ne pourrait aller jusqu'à ces extrêmes.

M. Krauss: Évidemment, tout dépend, il y a des degrés d'imprégnation qui pourraient déplaire à certains et qui pourraient être qualifés de raisonnables pour d'autres. Il n'est pas nécessaire, je crois, que chaque minute de chaque cours soit imprégnée de liturgie pour que le cours en question comporte un élément religieux qui déplaît à certains. Il me semble que tout ce dont on peut être sûr, c'est que le risque est là, aux articles 31 et 32. Il me semble qu'il y a deux sortes de règlements qui sont interreliés et intimement interreliés. D'une part, quelles vont être les modalités du choix du statut confessionnel de l'école? Est-ce qu'il s'agit d'une modalité simple, d'une quelconque majorité qualifiée, de l'unanimité, etc? Nous ne le savons pas.

D'autre part, c'est très relié à ce que je viens de dire, quel sera le degré d'intensité de l'intégration? Nous ne le savons pas. Le problème, c'est que le risque est là que le degré d'intensité soit élevé. Dans la mesure où ce risque se réaliserait, la commission a des inquiétudes et je pense que c'est notre devoir juridique de vous en faire part.

M. Laurin: Oui, je comprends qu'il peut y avoir appréhension, qu'il peut y avoir risque, mais, justement, cela est grandement hypothétique au moment où on se parle et la balise, quand même, qui est là du respect de la liberté de conscience, je pense, constituera un élément non seulement dissuasif, mais éclairant pour ce degré de coloration du projet éducatif par les valeurs ou croyances religieuses qui peuvent très bien, comme je le disais tout à l'heure, ne pas avoir ce caractère caporaliste ou exigeant que l'étude du concept même de religion peut nous amener à considérer. Cela montre bien qu'on peut poursuivre le débat encore longtemps, et il le sera sûrement. Je voudrais en arriver, cependant, à une dernière question.

Vous affirmez, à la page 56 de votre mémoire, que "le caractère démocratique d'un choix, si louable soit-il en soi, n'assure aucunement la moralité, la légalité ou la légitimité d'un tel choix". Ce sont trois grands mots resserrés dans un tout petit membre de phrase. Ne croyez-vous pas qu'il faut, quand même, nettement distinguer moralité, légitimité et légalité, surtout que, dans le contexte d'une société donnée, comme celle que nous connaissons actuellement au Québec, on peut dire que le Québec est, quand même, une société démocratique où un grand nombre d'institutions fondent leur légitimité sur des choix démocratiques? Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissements additionnels sur ce que vous entendez en opposant, d'une part, démocratie, moralité, légalité et légitimité d'un choix, d'autre part, surtout en regard de l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui dit que les libertés et les choix fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du Québec? La loi, vous le reconnaissez dans la charte aussi, peut en fixer - c'est dit dans la charte - la portée et peut en aménager l'exercice. À cet égard, croyez-

vous que la loi 40 soit tellement ultra vires à propos des principes de la charte?

Mme Fournier: Je ne crois pas qu'il y ait de contradiction entre l'article 9.1 et l'affirmation que nous faisons dans le mémoire, à savoir que ce n'est pas parce qu'il y a plus de 50% d'un groupe donné qui pensent une chose que cela veut dire que cette chose soit morale, soit légale, soit légitime. Il est fort possible, et cela s'est trouvé à plusieurs moments historiques donnés et cela continue à l'être, que des gestes posés à la suite d'une volonté majoritairement exprimée soient complètement immoraux, illégaux et illégitimes. C'est simplement le principe que nous faisons valoir en disant: Attention, il ne faut pas, parce qu'il y a un nombre important de personnes qui veulent telle chose, que cela assure que cette chose soit nécessairement correcte à l'un ou l'autre des points de vue dont nous avons parlé.

M. Laurin: Mise en garde, je le veux bien. Je vous suis même reconnaissant de nous l'indiquer. Mais, au-delà de cette mise en garde, en quoi, par exemple, l'article 32 vous apparaît-il porter atteinte à cette phrase que vous venez de lire et qui est dans votre mémoire, sur le plan de la moralité, de la légalité ou de la légitimité des choix?

Mme Fournier: Je pense qu'il faut le lier à ce que nous avons dit tout à l'heure. À partir du moment où il y a une école qui est classée et catégorisée - il y a seulement deux choix - catholique ou protestante, cela implique, on le présume, qu'il y a un projet éducatif ou une certaine particularité à cette école qui est classée ou catégorisée donc l'une ou l'autre des religions. Nous parlons, encore là, d'école commune, n'est-ce pas, d'école publique, ce qui revient à dire qu'auront accès à cette école non seulement les enfants de la majorité, mais aussi les enfants des multiples minorités. La minorité pourrait être catholique ou protestante, mais, en d'autres termes, du fait qu'une majorité dans un quartier donné ou une section donnée de la population désire telle école publique commune, comment est-ce que nous pouvons être assurés que les personnes, les enfants d'une autre religion ou d'une non-religion seront traités en toute égalité?

M. Laurin: Je veux bien admettre qu'une décision, mettons à 51% ou à 52%, de parents quant au statut confessionnel de l'école n'est pas susceptible à elle seule d'assurer la moralité et la légitimité d'un tel choix, mais est-ce qu'on peut aller jusqu'à dire que cette décision prise démocratiquement par une majorité contreviendrait à la moralité ou à la légitimité d'un pareil choix?

Mme Caron: Je pense que, pour répondre à cela, il faut la relier aussi à tout le changement de structures qui est fait par le projet de loi. L'article 31 dit bien que c'est l'école qui peut intégrer dans son projet éducatif. Peut-être que le législateur qui fait cette loi aujourd'hui souhaite que les valeurs qui seront transmises le soient dans le plus grand respect des minorités et c'était dit dans le livre blanc, d'ailleurs. Mais qui sait si, dans une école... C'est un danger et c'est ça qu'on dit: II y a danger. Il se peut que, dans toutes les écoles du Québec, il n'y ait aucune atteinte aux droits, mais on met ici dans la loi une ouverture, un pouvoir à l'école de se faire un projet éducatif et on donne le pouvoir à cette école d'avoir un projet qui pourrait porter atteinte aux minorités. À ce moment-là, la responsabilité du législateur est très grande, parce qu'il remet sa responsabilité à des gens sur lesquels il n'aura plus de contrôle. (17 h 30)

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Laurin: Je vous remercie pour toutes ces réponses. Elles nourriront sûrement notre réflexion ultérieure.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Si j'en juge par le déroulement de nos travaux, j'en déduis que Mme la députée de Jacques-Cartier avait bien raison de dire qu'il s'agissait de sujets fondamentaux.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, chaque fois que vous nous invitez à la concision, vous récoltez le résultat contraire. Vous le faites avec beaucoup de bonhomie, nous vous en savons gré. Je remercie le ministre du temps qu'il a pris. Je pense que cela a été une discussion sérieuse. Nous n'avons aucun reproche à lui faire. Le seul problème, c'est qu'il va falloir endurer une certaine latitude de l'autre côté également, à laquelle vous êtes, d'ailleurs, habitué.

Le Président (M. Blouin): Vous pouvez compter là-dessus, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du mémoire de la Commission des droits de la personne. Cela m'intéresse beaucoup de discuter ces choses autant en privé qu'en public. Chaque fois que l'occasion nous est donnée de rouvrir la discussion, je m'en félicite. Je me pose, cependant, une question que je vous livre en toute simplicité en guise d'introduction. À deux reprises ces derniers temps, la Commission des droits de la personne est venue témoigner devant des commissions parlementaires qui étudiaient des projets de

loi. Je sais que le mandat donné à la Commission des droits de la personne, par sa loi constitutive, lui permet de faire cela. Il y a deux articles omnibus, au moins, qui peuvent être interprétés de manière très large, mais je me demande, sur le plan de l'opportunité politique, étant donné les autres volets et la mission qui incombe à la Commission des droits de la personne, si c'est la meilleure ligne de conduite à suivre pour la commission.

Nous entrons aujourd'hui, surtout sur la question de la confessionnalité, dans un débat éminemment politique à propos duquel on peut soutenir un grand nombre de positions avec beaucoup d'arguments vraisemblables. La partie du débat que j'ai entendue jusqu'à maintenant a plutôt accentué mes doutes qu'elle ne les a dissipés. Je ne sais pas si la commission, venant soutenir devant le Parlement une thèse qu'on peut assimiler à une thèse politique aussi - je vous en ferai la démonstration tantôt - sera aussi bien placée au stade de l'application de la loi pour porter les jugements impartiaux que l'on serait en droit d'attendre d'elle sur les situations de discrimination susceptibles de découler d'une loi qui procéderait de concepts mal harmonisés ou mal définis.

C'est une interrogation que je vous communique en toute indépendance d'esprit. Je n'ai pas tiré de conclusion, mais c'est une question que je me pose à ce moment-ci, parce que je me dis: Voici un organisme qui est constitué pour être au service de tout le monde, indépendamment des opinions politiques, justement. Je crois que, dans certains aspects de la position que vous défendez, il y a des éléments qui relèvent plus d'une prise de position politique que de la défense des droits et libertés au sens rigoureux du terme. Je vais essayer d'en faire la démonstration un peu tantôt. Je peux me tromper. C'est une matière où l'on est sujet à des erreurs ou, à tout le moins, à des contradictions. J'accepte volontiers la contrepartie: celui qui s'expose doit accepter en retour les ripostes normales qui viennent dans le débat démocratique, mais il faut le faire au complet. Votre visite aujourd'hui nous permet d'ouvrir ce volet d'un débat qu'on ne pourra pas vider ici, évidemment. Mais je vais continuer moi-même d'y penser pour ma gouverne et celle de nos concitoyens, dans la mesure où ils veulent écouter les points de vue qui émanent de l'Opposition.

Cela dit, je voudrais souligner que la partie de votre mémoire qui traite de sujets autres que la confessionnalité apporte des suggestions valables qui ont déjà été apportées, pour la plupart, par d'autres organismes également, ce qui ne les rend peut-être pas aussi indispensables qu'il pourrait le sembler, mais elles vont être de l'ordre de ce que j'appellerais un apport utile. Par exemple, vous dites que l'article 14 qui définit les services fondamentaux qui sont offerts par la société par les autorités publiques en matière d'éducation devrait être élargi dans sa formulation de manière à parler plutôt d'éducation que d'enseignement. Le ministre lui-même l'a dit tantôt, c'est une considération qui est extrêmement valable et à laquelle il devrait être possible de faire droit, tout en ménageant la prudence nécessaire au chapitre de la formulation pour que ce ne soit pas un jour interprété par les tribunaux comme pouvant s'appliquer à peu près à n'importe quelle démarche qui pourrait être définie comme éducative par un magistrat en mal d'ajouter des choses au dictionnaire, des interprétations nouvelles à celles qui sont déjà reçues.

Vous parlez des droits des handicapés. C'est un problème qui a déjà été porté à l'attention de la commission parlementaire et qui va l'être de nouveau. Beaucoup de groupes spécialisés doivent venir nous rencontrer à compter de ce soir. Il est bon que notre attention soit attirée sur cela. Je veux vous assurer que, de notre côté, nous sommes extrêmement sensibles à cette préoccupation.

En ce qui regarde l'éducation des adultes, déjà nous avons insisté auprès du ministre pour que plusieurs articles du projet de loi soient élargis de manière à comprendre cette dimension. Je suis d'accord avec vous sur le principe de l'accès gratuit à la formation de base, comme il a été proposé par la commission Jean. Cela veut dire qu'on est prêt à demander que tout ce qui est exigé comme frais d'inscription ou de scolarité des adultes qui s'inscrivent à des cours de formation générale ou professionnelle au secondaire soit éliminé. Là, il y a une décision politique à prendre. Depuis quelques années, on les a augmentés, non pas diminués. Je suis prêt à faire cette lutte au plan politique. Je ne suis pas sûr que je l'inscrirais dans une charte. Je me pose des questions sur cela. Cela fait 20 ans que je préconise cet objectif, on ne peut pas douter de ma conviction sur ce sujet. Mais, lorsqu'une société multiplie trop les engagements qui relèvent d'une charte, cela limite singulièrement ses choix politiques pour l'avenir aussi. Il faut bien qu'elle tienne compte des ressources dont elle dispose aussi et qu'elle ménage une certaine liberté d'action à ceux qu'elle constituera comme ses législateurs.

Cela étant dit, la dimension de l'éducation des adultes, nous devons exiger tous ensemble qu'elle soit incorporée dans un projet de loi qui prétend refaire la Loi sur l'instruction publique du Québec. Sur cela, encore une fois, il n'y a rien qui nous oppose au niveau du fond.

Sur les droits des étudiants, nous avons

fait ce débat par anticipation il y a deux jours, à l'occasion de la visite d'un groupe d'étudiants à qui nous avons rappelé, de ce côté-ci de la table, justement, qu'il serait très important d'asseoir solidement la liberté d'association des étudiants avant de les inviter à des comités maison convoqués par M. le directeur. Dans ce sens, les observations que vous avez faites rejoignent les préoccupations qui ont déjà été exprimées ici. Cela vient s'ajouter à des inquiétudes qui étaient fondées, vu que le projet de loi ne parle pas de cette dimension. Si cela peut être ajouté, cela va être excellent.

Concernant les groupes ethniques, il y a déjà des choses dans la charte des droits de la personne, il y en a déjà dans les programmes gouvernementaux. S'il y a moyen de trouver des dispositions qui parleraient de cette partie de notre population de manière plus explicite pour reconnaître ses valeurs culturelles, cela va être excellent aussi. On a demandé et vous demandez que, dans l'article 30 qui traite du projet éducatif, il soit fait mention de cette dimension. Cela peut très bien aller là, il n'y a pas de problème du tout, à mon humble point de vue, à la condition, encore une fois, que la liberté de créer un dosage ou un équilibre entre les nombreuses valeurs qui devront entrer dans le projet éducatif reste celle des personnes qui seront mandatées pour faire ces choix au niveau local.

Je veux toucher maintenant à l'aspect de la confessionnalité qui constitue la pièce majeure de votre intervention. J'ai remarqué que votre intervention s'appuie surtout sur l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, en vertu duquel "toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale ou le fait qu'elle est une personne handicapée ou qu'elle utilise quelques moyens pour pallier son handicap. Il y a discrimination -poursuit l'article 10 de la charte québécoise - lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit." C'est un passage de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui est très familier, qui présente bien des affinités avec des passages semblables qu'on trouve dans d'autres documents du même genre, en particulier dans la Déclaration des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies et dans beaucoup d'autres documents du même genre.

Comme le ministre le rappelait tantôt, dans beaucoup de ces documents, il y a également des passages très fermes regardant le droit des parents de choisir pour leurs enfants le type d'éducation qui convient le mieux à leurs convictions. J'en prends seulement quelques-uns par souci de précision, pour qu'on soit sûr qu'on parle de choses sur lesquelles on s'entend très bien.

Dans la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies, qui remonte au lendemain de la guerre, l'article 26 proclame le droit de toute personne à l'éducation. Au troisième alinéa de cet article, on dit: "Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants." Dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques - je pense que c'est ce document qu'a cité le ministre de l'Éducation, tantôt - il est dit clairement à l'article 18: "Les États parties au présent pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, la liberté des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions."

Ensuite, il y a un autre document. C'est la convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, un document de l'UNESCO qui remonte à 1962 dans lequel les États parties à la convention en question conviennent "qu'il importe de respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par les autorités compétentes et, deuxièmement, la liberté des parents de faire assurer, selon les modalités d'application propres à la législation de chaque État, l'éducation morale et religieuse des enfants, conformément à leurs propres convictions."

À moins que je ne sache pas lire, ceci comprend le droit des parents de considérer que l'éducation donnée à leurs enfants aura une tonalité plus ou moins forte en matière religieuse. Un groupe peut bien décider que cela veut dire qu'il y aura une heure ou deux par semaine réservées à l'enseignement de la religion. Un autre groupe peut fort bien considérer que ce sera plus et que cela va prendre davantage pour assurer l'éducation morale et religieuse en profondeur, conformément aux convictions des parents.

L'État qui doit légiférer est en face de ce que j'appellerais un conflit de droits. Il y a des parents qui sont venus témoigner devant la commission et qui ont invoqué très fortement des dispositions comme celles que je viens de citer. Il y a d'autres organismes qui sont venus et qui ont invoqué plutôt les dispositions omnibus qui interdisent toute forme de discrimination basée sur le sexe, la langue, la religion, etc. Mais je veux vous dire que le problème n'est pas simple à trancher pour celui qui doit agir. Je crois qu'il y a des choix politiques à faire et ce

serait trop facile si on devait agir seulement en fonction de l'article 10 de la charte. On éliminerait, on éliminerait et il resterait peut-être des êtres assez secs en circulation.

Il faut agir dans le respect de l'article 10 et dans le respect de l'autre volet également. C'est là que des choix seront faits tenant compte des orientations des partis politiques. Il y en a qui iront plus ou moins dans une direction ou plus ou moins dans une autre, tenant compte des contextes historiques, sociologiques ou culturels. Mais c'est un débat qui est très largement ouvert dans le monde entier et qui ne peut pas, à mon humble point de vue - je le dis avec beaucoup de fermeté - être tranché seulement avec des affirmations comme celles que j'ai trouvées dans votre mémoire. J'ai beaucoup de respect pour l'organisme que vous représentez, mais le problème, vu par l'homme politique, est beaucoup plus complexe que cela. Je vais vous en donner des illustrations un peu plus tard. (17 h 45)

Maintenant, j'en viens aux sources dont on se réclame dans ces choses-là; une autre source qui est importante pour nous, c'est le droit constitutionnel canadien. J'ai été étonné de ne pas trouver la moindre mention de l'article 93 dans votre mémoire. Cela aussi fait partie du droit, l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui garantit les droits confessionnels des catholiques et des protestants suivant des modalités infiniment difficiles à interpréter et dont certaines n'ont pas encore reçu d'interprétation définitive des tribunaux, mais, quand même, dont certaines ont déjà donné lieu à des interprétations. C'est un autre élément qui est dans le portrait. Depuis ce temps-là, depuis la constitution de 1867, il y a eu beaucoup de jurisprudence. Ce n'est pas la première fois qu'il y a des enfants non catholiques qui vont dans des écoles publiques au Québec. Il y a eu des jugements célèbres que nous connaissons tous, comme celui de la cause Saumur, par exemple, qui a dit que les enfants des Témoins de Jéhovah avaient le droit d'aller dans une école en Abitibi qu'on considérait comme catholique, à juste titre, à bien des points de vue, quoi que dise le Conseil privé là-dessus. Mais ils ont dit que c'était une école commune et de les faire entrer là.

Les autorités judiciaires ont également décrété que les écoles de la Commission des écoles protestantes à Montréal et de la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui ont des écoles catholiques et protestantes, doivent quand même recevoir d'autres enfants. Il y a eu des milliers d'autres enfants qui ont été reçus dans ces écoles depuis des générations et qui ont été fort bien traités dans l'ensemble. On n'a pas eu de nouveaux cas de persécution. Il y a eu des frottements ici ou là. Il y a eu des excès de zèle et il y en aura sous quelque régime qu'on soit.

Dans l'ensemble, je crois qu'il y a une tradition plus riche au Québec et au Canada dans ces matières que ce que laisserait entrevoir votre mémoire, qui est forcément concis et qui ne prétend pas être absolument complet là-dessus. Mais le législateur doit tenir toutes ces choses présentes à son esprit quand il entend prendre des décisions. D'ailleurs, on le voit, avant de légiférer sur le cas de Montréal et de Québec, le gouvernement a un gros problème sur le dos. Avant même d'arriver à des considérations comme celles que vous nous soumettez, il va falloir qu'il s'assure qu'il est sur un terrain solide au point de vue constitutionnel. Même s'il procédait comme le veut le projet de loi en disant: On va découper ça aux rues Sherbrooke, Atwater et Fullum, la ligne du fleuve, quelle sorte de ghetto va-t-il créer là? Moi, je trouverais que ce serait une mesure profondément injuste si on devait arriver à une telle chose et j'aimerais mieux qu'on tranche le problème par le fond. Si les tribunaux tranchent le problème d'une manière qui maintient une obligation pour le gouvernement de respecter les droits constitutionnels en matière confessionnelle sur une base plus large, qu'ils le fassent. Tant que la constitution n'aura pas été changée, on n'a pas le choix, aucune commission des droits de la personne ne viendra empêcher cela de se faire. Si les tribunaux donnent raison au gouvernement, les commissaires des écoles catholiques et protestantes de Montréal devront rajuster leur tir également. Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on règle cela d'une manière inconsidérée et imprudente, soit par précipitation, soit encore par souci d'une logique peut-être trop arithmétique, comme celle que je trouve dans votre texte. À mon point de vue, ce sont les fondements, les sources auxquels on doit s'alimenter si on veut voir clair dans le problème.

J'en viens maintenant aux considérations concrètes. Je pense que vous avez soumis deux ordres de considérations: d'abord, des inquiétudes sous le thème de l'égalité. Il y a certains articles du projet de loi qui vous inquiètent parce qu'ils créeraient des situations d'inégalité. À cet égard, je mentionne en particulier l'article 103, article qui prévoit un enseignement catholique, un enseignement protestant et un enseignement d'une autre confession, si les parents le veulent, à condition qu'ils soient prêts à payer pour ça. Quand vous me dites: Cela créerait une inégalité, je suis 100% d'accord avec vous et je suis content de voir que c'est une disposition que le gouvernement entend corriger dans une version retouchée du projet de loi, si une nouvelle version de ce projet de loi est possible, parce qu'il y a un paquet d'autres aspects qui ne vous intéressent pas pour des raisons tout à fait

valables, mais qui, nous, nous intéressent. Ce ne sera pas facile de réaliser la quadrature du cercle dans tout ça.

Je suis d'accord avec vous sur cet article. À un moment donné, on dit: Dans les écoles catholiques, on aura certains services, obligatoirement; dans les écoles protestantes, on les aura sur demande. Je pense que c'est aux articles 110 et 111. Je pense qu'il faut comprendre les auteurs de ces articles, c'est que les coutumes et les règlements des comités confessionnels ne sont pas les mêmes des deux côtés. S'il y a un problème d'harmonisation qui se pose, il serait bon que les deux comités confessionnels se réunissent, qu'ils harmonisent leurs positions là-dessus et qu'on en vienne à assurer dans le texte de la loi une égalité beaucoup plus réelle. Je pense que, de ce point de vue, vous pouvez compter sur l'entière adhésion de l'Opposition aux objectifs que formule votre mémoire.

La même chose pour l'article 220. Je pense que ça vise les services d'animation pastorale et de conseillers en éducation chrétienne au niveau des commisions scolaires. Encore là, si de tels services doivent exister dans des commissions scolaires - ce que, personnellement, je crois - je pense qu'ils doivent être disponibles dans des conditions égales, en tenant compte, encore une fois, du contexte pratique. S'il y a un ou deux enfants qui sont de foi protestante dans des écoles catholiques dans une région donnée du Québec, alors qu'il y en a 5000 qui sont de religion catholique, il faut se mettre les pieds à terre; il faudra trouver le moyen de faire en sorte que ces services soient disponibles sur une base de temps partiel. Je ne verrais pas qui serait assez irréaliste pour aller demander qu'on ait une personne à temps plein pour fournir ces services à quelques élèves qu'on compterait sur les doigts de la main. Mais le principe doit être inscrit dans le projet de loi et, sur toute cette partie de vos propositions, il n'y a pas beaucoup de problèmes de notre côté, nous sommes profondément d'accord avec vous.

Il y a une autre partie où vous invoquez l'argument de la discrimination. En vertu de cet argument sur lequel je vais revenir, vous demandez que soient enlevés du texte les articles suivants. Il faut que je les résume parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous suivent et qui ne sont peut-être pas au courant des détails comme nous le sommes. Pour nous autres, c'est devenu de la cuisine; on mange cela comme entrée, comme mets principal et comme dessert ces temps-ci. L'article 31 dit que "l'école peut intégrer dans son projet éducatif les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière." L'article 32 dit qu'une école peut demander d'être reconnue comme école catholique ou comme école protestante par le comité confessionnel correspondant. Vous voudriez que ces deux articles disparaissent.

Il y a l'article 309 qui donne au ministre le droit de faire des règlements pour les modalités de la consultation relative à la reconnaissance des écoles catholiques ou protestantes. Vous demandez que cela tombe aussi. Il y a l'article 474, je crois, qui donne aux comités confessionnels le pouvoir de faire des règlements pour la reconnaissance des écoles comme catholiques ou comme protestantes, le pouvoir de reconnaître des écoles comme catholiques ou protestantes et de révoquer, au besoin, ce statut qui aurait pu être déjà accordé. Vous demandez que tout cela saute. C'est bien cela que j'ai compris?

Je pense que ces propositions doivent être examinées de très près. M. le Président, cela ne me fait rien de poursuivre ceci pendant quelques minutes. Si vous voulez que je termine cette partie-là, j'en aurais pour environ un quart d'heure. On aurait terminé et on pourrait passer aux questions tout de suite après le souper.

Une voix: Cela va.

Le Président (M. Blouin): S'il y a consentement, M. le député d'Argenteuil - et je crois que c'est le cas - il n'y a pas de problème, vous pouvez poursuivre.

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Nous poursuivons donc. S'il vous plaît! Nous poursuivons.

M. Ryan: Ces propositions doivent être examinées de très près. Dans le peu de temps qui nous fut imparti vu que votre mémoire ne fut porté à notre connaissance qu'hier soir, nous n'avons pas eu le temps d'aller dans tous les détails. Nous, de l'Opposition, n'avons pas les nombreux conseillers techniques dont dispose le gouvernement, ce qui nous évite parfois de nous faire entraîner dans des pistes dangereuses et nous oblige à nous fier entièrement à notre bon jugement et à nos connaissances limitées.

Cela dit, je pense qu'il y a une première difficulté que je comprends. Dans le projet de loi, on dit, à l'article 30: L'école doit être "publique et commune." Le mot "publique" ne crée pas trop de problèmes à ma connaissance et je vous dirai pourquoi tantôt. Le mot "commune" a déjà été souligné ici comme source de difficultés possibles. Je pense que c'est, en fait, un mot très ambigu. J'ai vu que plusieurs l'interprètent comme synonyme d'école de quartier. Il y en a d'autres qui l'interprètent comme synonyme d'école unique. Vous autres, entre parenthèses, vous dites souvent "unique" dans votre mémoire. Il y en a

d'autres qui disent: Elle peut être commune tout en ne l'étant pas. Elle peut être commune aux catholiques, commune aux protestants et commune aux éléments qui voudraient une école laïque. Par conséquent, c'est un terme qu'on devra approfondir s'il doit rester dans le texte de loi, parce qu'un bon jour ce sera la Cour suprême qui sera appelée à l'interpréter. Ce n'est pas toujours la meilleure solution, ainsi que l'enseigne l'expérience récente en matière constitutionnelle. Plus on peut éviter que ces choses-là ne soient soumises éventuellement à l'arbitrage des tribunaux non pas par des subterfuges, mais seulement par un effort de réflexion quand c'est le temps, mieux c'est. Cela pose un problème. Je le mets entre parenthèses pour tout de suite, pour reconnaître que ce n'est pas facile et que je comprends que certains ont des difficultés.

Comme vous le dites dans votre mémoire, dans la mesure où les écoles publiques s'adresseraient uniquement à des catholiques ou à des gens d'une autre confession religieuse ou d'une autre philosophie ou allégeance morale, il n'y aurait pas de problème. J'étais bien content de vous l'entendre dire, parce que c'est une chose qui est affirmée clairement dans cette convention contre la discrimination dans l'enseignement à laquelle je faisais allusion tantôt. Je pense que vous connaissez aussi bien que moi cette convention. Vous ne l'avez pas citée dans votre mémoire parce que votre mémoire devait forcément être bref, j'imagine, mais la convention est intéressante parce qu'elle nous définit la discrimination. Dans la charte québécoise, le concept de discrimination est défini dans deux lignes. Ce sont deux lignes passe-partout qui ne constituent pas une véritable définition. Dans la convention dont je vous parle, on dit qu'il y a discrimination dans certains cas, par exemple, lorsqu'une situation a pour effet premièrement d'écarter une personne ou un groupe de l'accès aux divers types ou degrés d'enseignement; deuxièmement, de limiter à un niveau inférieur l'éducation d'une personne ou d'un groupe - s'il existait, par exemple, des écoles secondaires seulement pour les protestants et qu'il n'y en eût point pour les catholiques, là, il y aurait discrimination et, je vous rassure Mme la députée de Jacques-Cartier, vice versa, ce serait également de la discrimination - ; ensuite, d'instituer ou de maintenir des systèmes ou des établissements d'enseignement séparés pour des personnes ou des groupes (sujet à ce qui viendra ensuite cependant); quatrièmement, de placer une personne ou un groupe dans une situation imcompatible avec la dignité de l'homme. C'est la seule source possible de raccrochement pour le reproche de discrimination qu'on ferait à un projet de loi et ça va loin, incompatible avec la dignité de la personne.

Ensuite, les auteurs de cette convention continuent et disent ceci: Lorsqu'elles sont admises par l'État, les situations suivantes ne sont pas considérées comme constituant des discriminations, au sens de l'article que je viens de citer: a) la création ou le maintien de systèmes ou d'établissements d'enseignement séparés pour les élèves des deux sexes, etc. Cela ne nous regarde pas, pour le moment. b) la création ou le maintien, pour des motifs d'ordre religieux ou linguistique, de systèmes ou d'établissements séparés dispensant un enseignement qui correspond au choix des parents ou tuteurs légaux des élèves. Si l'adhésion à ces systèmes ou la fréquentation de ces établissements demeure facultative et si l'enseignement dispensé est conforme aux normes qui peuvent avoir été prescrites ou approuvées par les autorités compétentes, en particulier pour l'enseignement du même degré. c) la création ou le maintien d'établissements d'enseignement privés si ceux-ci ont pour objet non pas d'assurer l'exclusion d'un groupe quelconque, mais d'ajouter aux possibilités d'enseignement qu'offrent les pouvoirs publics. (18 heures)

Ici, je vous signale que, dans le projet de loi, dont, encore une fois, je ne prends pas la défense, mais dont j'essaie de voir où sont les balises, à l'article 18, on parle de la liberté de choix des parents. On dit: Si les parents veulent envoyer leurs enfants à une école dont le projet éducatif correspond à leur préférence, ils peuvent l'envoyer là mais doivent respecter certaines limites en matière de transport. Dans une région comme Montréal, les contraintes de transport ne sont pas très grandes. Il y a déjà des services de transport qui existent. Il y a bien des problèmes qui peuvent se régler par l'utilisation de services de transport qui existent déjà. Les catholiques de langue anglaise qui sont venus devant la commission nous ont dit que, s'ils sont obligés de choisir entre une école neutre du genre de celle que vous définissez et une école confessionnelle comme ils la définissent, eux, et qui se range facilement dans le troisième ou le quatrième degré de confessionnalité dont vous avez parlé dans votre mémoire, ils aiment mieux franchir quinze coins de rue, d'envoyer leur enfant là, que d'aller à l'école qui est tout de suite à côté de leur maison si celle-ci ne répond pas à leurs convictions.

Ils nous ont dit qu'ils font cela depuis des générations, à Montréal, et qu'ils ne sont pas morts. Ils tiennent à conserver cela. C'est un groupe de citoyens. Ils sont quelques centaines de milliers, ce n'est pas négligeable, non plus. Ce sont des francophones. Il y en a probablement quelques millions qui vont dans ce sens. Sur six millions, il y en a sûrement quelques

millions. Je ne pense pas exagérer.

Le problème qui se pose ici, c'est que, si la liberté de choix peut être assurée, on n'est pas dans un régime catastrophique. Il y a moyen de redresser certaines situations et de respecter le droit des parents d'avoir une éducation conforme à leurs convictions, droit qui est reconnu par tant de textes internationaux, canadiens et québécois aussi. Il y a moyen également d'éviter de violer la liberté de conscience à laquelle vous attachez un prix qui ne sera jamais trop élevé, pour vous comme pour nous, d'ailleurs.

Nous avons insisté auprès du ministre sur un point. Si la décision doit être prise dans chaque école exclusivement, comme c'est prévu dans le projet de loi, cela peut être dangereux. Il peut arriver des situations où ce ne sera pas facile. Encore là, je donnerais le bénéfice du doute, si on nous l'imposait à tout prix. Je pense que nos concitoyens ont assez de bon sens pour être capables de trouver dans la pratique des accommodements qui ne seraient pas trop en violation de la liberté de conscience des enfants qui seraient du groupe minoritaire.

Nous disons: Il faudrait que la commission scolaire ait un rôle à jouer là-dedans. Vous aurez des commissions scolaires linguistiques dont une des responsabilités sera de fournir des services éducatifs à la population suivant ses besoins divers. À Montréal, je verrais très bien que les parents expriment d'abord leur choix et qu'ensuite la commission scolaire ait l'obligation de fournir des services conformes au choix des parents dans toute la mesure où c'est raisonnablement possible et financièrement justifiable, suivant des normes un peu libérales. Il ne faudrait pas qu'on soit astreint à des normes qui diviseraient les cents en quatre et les piastres en 200 unités, mais suivant les normes, il y a quelque chose à faire de ce côté-là. On pourrait y arriver. Il me semble que cela va être la loi pour la période qui s'en vient. Il va falloir laisser une certaine marge pour l'expérimentation.

Si on voulait supprimer les écoles confessionnelles demain matin sous prétexte qu'il y a un musulman dans une école contre 35 catholiques, on ferait un faux pas monumental. Il faut que les catholiques apprennent à l'accommoder celui-là. Ils ont déjà montré qu'ils en sont amplement capables et, vice versa, s'il y a trois catholiques de langue anglaise dans un endroit où il peut y avoir seulement une école pour une majorité de protestants, il va falloir qu'ils apprennent à vivre avec eux. Mais on ne voudrait pas que tout cela soit réglé uniquement au plan local et qu'il y ait un vote: on a gagné 52% contre 48% et, à partir de maintenant, vous allez vous soumettre. On veut qu'il y ait une autorité qui soit capable d'arbitrer ces choses et d'aménager les services d'une manière qui va suivre le mieux possible toutes les sinuosités de la réalité culturelle, sociale et humaine que nous avons chez nous. Il me semble que ce pari, on est capables de le prendre. Si on en restait seulement à la mécanique qui est dans le projet de loi, j'aurais des inquiétudes sérieuses, mais j'ose espérer.

Il y a un très grand nombre d'organismes qui sont venus ici nous dire qu'il faut que la commission scolaire ait un rôle à jouer dans cela. C'est incompatible avec notre conception du rôle de la commission scolaire. On veut que ce soit un gouvernement régional en matière scolaire, pas seulement une filiale du ministère de l'Éducation, pas seulement un délégué des écoles, un gouvernement local élu par la population pour assumer la responsabilité du système d'enseignement sur son territoire. Il faut qu'elle ait une responsabilité dans ce domaine et que cette responsabilité s'harmonise avec celle des parents, magnifique! Je crois que dans cette voie il y aurait lieu de tenir compte de bien des choses que vous avez dites et, en même temps, de respecter aussi cet autre volet des droits fondamentaux dont il n'était pas beaucoup question dans votre mémoire.

Pour terminer, je crois que ce serait une erreur de supprimer tous les articles dont vous avez parlé. Il y a lieu de les modifier, il y a lieu de les adapter, il y a lieu de les enrichir par d'autres dispositions comme celles dont j'ai parlé. En fin de compte, on va être tous plus enrichis si on continue de chercher plutôt que de se river à une philosophie "laïque" trop simpliste, trop grammaticale, trop syntaxique.

Je vous pose un problème: d'ailleurs, je vous le poserai en question ce soir, mais je veux que vous pensiez un peu: si on allait adopter la philosophie que vous préconisez, qu'est-ce qui arriverait des groupes qui sont convaincus qu'il faut une école confessionnelle forte et qui trouvent que leurs droits doivent être respectés dans cela? Supposez que le législateur veuille agir dans cette logique. On sait ce qui va arriver, on a l'expérience des autres pays, on a l'expérience de la Hollande, on a l'expérience de la France, on a l'expérience des États-Unis, on a l'expérience de la Belgique, on a l'expérience de l'Angleterre. Ils seraient réduits à fonder des écoles privées en plus grand nombre parce qu'ils ne voudraient pas d'une école comme celle-là. En Angleterre, qui est un pays de minorités catholiques, je voyais des statistiques ce matin, on a à peu près une dizaine de millions d'élèves dans les écoles. Il y en a à peu près le quart qui sont dans des écoles catholiques dans des écoles volontaires, "voluntary schools", et il y en a à peu près les trois quarts qui sont dans des "county schools", les écoles publiques. L'État est obligé en Angleterre de concevoir un régime de subventions aux

écoles privées qui équivaut, à toutes fins utiles, à leur donner un statut d'écoles publiques à 90% ou 95%. En France, vous le savez comme moi, le gouvernement est obligé. Là, c'est le rapport des forces politiques qui entre en ligne de compte. Il n'y a pas de doctrine dans cela. Les catholiques se disent: Nous sommes 20 000 000 et nous allons leur montrer que nous sommes capables de nous compter. Les protestants font la même chose. Le problème qu'on pensait éliminer, il revient par la bande, on n'est pas plus avancé personne.

Le pari qu'on doit essayer de faire actuellement, c'est de ne pas ouvrir trop grandes les digues de ce côté. Notre parti favorise l'école privée, pourvu que la priorité de l'école publique soit très solidement assurée. C'est toujours la condition que nous avons mise. Je pense qu'ici, si on veut éviter que ne se développe tout un mouvement d'opinion publique de ce côté, il faut que l'école publique puisse offrir des garanties convenables, efficaces en matière de respect des valeurs morales et religieuses. La garantie qui consisterait uniquement à offrir une heure ou deux de formation religieuse par semaine ne serait pas suffisante pour un grand nombre de catholiques parmi lesquels je me compterais moi-même volontiers.

Cela résume un peu les réflexions que m'inspire votre mémoire. Je vous remercie de nous avoir obligés, autant du côté du gouvernement que du côté de l'Opposition, à faire un effort de réflexion additionnel sur ce problème extrêmement important. Je ne voudrais surtout pas que l'interrogation que j'ai formulée au début, vous la preniez comme un reproche. Je pense qu'il fallait faire cette expérience. Vous allez y penser. Si vous revenez, je serai toujours très heureux de discuter avec vous. Cela vous est dit dans un esprit constructif, encore une fois, et pour le bien de l'enfant et de l'éducation, comme le disait ce matin le député de Mille-Îles.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Alors, vous comprenez que nous souhaitons que vous soyez encore avec nous à 20 heures. Oui, M. le député de Viger?

M. Maciocia: Si vous le permettez, juste pour 30 secondes. La commission scolaire Jérôme-Le Royer devait passer à 15 heures et, étant donné les circonstances, l'audition a été remise à 17 heures, puis supposément à 20 heures. Je me rends compte que ce sera plutôt vers les 21 heures, 21 h 30 ou même 22 heures. Je pose la question parce que je suis mandaté dans ce sens. Il y a quelques commissaires qui avaient pris des engagements. Est-ce absolument certain qu'ils doivent passer vers 22 heures? Je ne sais pas s'ils peuvent se dégager pour 21 h 30 ou 22 heures. Peuvent-ils venir demain matin ou est-ce obligatoire qu'ils se présentent ce soir vers 22 heures?

Le Président (M. Blouin): Alors, M. le député, je vais vous lire une lettre qu'a adressée M. Jean-François Duchaine, le directeur de cabinet du leader du gouvernement, à M. Valmond Bouliane, secrétaire des commissions, et cela vous fera comprendre un peu que la marge de manoeuvre est très réduite. "Le leader du gouvernement me prie de vous informer d'une modification concernant les travaux de la commission parlementaire de l'éducation qui étudie le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Le Regroupement des associations pour l'enfance en difficulté prévu pour audition à 20 heures, le 2 février, donc aujourd'hui, sera entendu en commission le vendredi 3 février, à compter de 10 heures. Quant aux deux groupes déjà inscrits à l'horaire du 3 février, ils comparaîtront immédiatement après cet organisme".

Comme vous pouvez le voir, les travaux de demain sont déjà passablement organisés. S'il y a des ententes entre les partis politiques - et je vous suggère de tenir ces discussions en dehors de la table de cette commission - il me fera plaisir de m'y associer et de faire en sorte que les travaux se déroulent tel que les ententes l'auront convenu. Pour le moment, je vous indique que cet organisme devrait être entendu ce soir. Alors, je vous suggère de discuter...

M. Maciocia: Je comprends très bien. Si vous me donnez encore dix secondes, M. le Président, c'est que aujourd'hui on peut dire que les travaux étaient programmés d'avance, à telle heure, telle heure, etc. Peut-on vous demander si les membres de l'Opposition et les membres du côté ministériel...

Le Président (M. Blouin): Non, on ne fera pas cela. On ne négociera pas cela devant nos invités et devant les caméras. Je vous suggère de tenir ces discussions en dehors de la table des délibérations et sur ce, la commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise de la séance à 20 h 5)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Comme nous l'avons indiqué avant de nous quitter pour cette heure de souper, nous entendrons donc ce soir la poursuite des échanges avec la

Commission des droits de la personne. Par la suite, nous entendrons les représentants de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Ah! II y a eu une modification: C'est l'office des handicapés du Québec. Cela va.

Alors, il y a eu entente et on m'indique que nous terminerons la soirée avec l'Office des personnes handicapées du Québec.

Donc, au moment où nous nous sommes quittés, c'est M. le député d'Argenteuil qui allait entreprendre ses échanges avec les représentants de la Commission des droits de la personne du Québec. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais poser quelques brèves questions aux membres de la Commission des droits de la personne. Étant ouvert naturellement à entendre les observations qu'ils voudront bien faire sur celles que j'ai faites moi-même, je ne veux pas du tout laisser entendre, en posant des questions, que je ne veux pas qu'on discute le reste. Je vous invite seulement à vous rappeler que je ne suis pas seul ici et qu'il y en a d'autres qui veulent sans doute vous interroger.

Cela dit, je vais formuler mes questions très brièvement. Il y en a trois. La première: Vous dites, à la page 6 du résumé de votre mémoire: C'est aux individus eux-mêmes qu'il appartient de décider ce qui fait partie de leurs convictions religieuses. Il n'appartient pas à l'État, ni à une majorité de parents, ni à un conseil d'école, ni encore à une commission scolaire, de décider que la participation à telle manifestation de la vie religieuse à l'école blesse ou non la conscience des minorités.

C'est un passage qui me laisse un peu perplexe parce que je le trouve séduisant à la première lecture. À la deuxième lecture, je me demande un petit peu ce qu'il veut dire parce que c'est vrai que la conscience individuelle est souveraine dans ces choses. En même temps, si un certain nombre d'individus décident de se regrouper dans le but d'obtenir des services scolaires qui répondent à ces choses qu'ils veulent avoir en commun à l'école, à ce moment, qu'on le veuille ou non, on est en face d'un problème collectif. L'État et les organismes politiques ont la responsabilité de fournir des services qui respecteront le plus possible ces convictions. Est-ce que vous pourriez me dire ce qui arrive quand des individus décident de se regrouper pour obtenir que les services éducatifs en particulier tiennent compte de leurs convictions religieuses? Ce jugement auquel vous faites allusion, quand vous citez un document de jurisprudence dans la cause Donald vs Hamilton Board of Education, visait des écoles publiques neutres, si je comprends bien, non pas des écoles confessionnelles de l'Ontario. Je vous pose la question.

Mme Fournier: Vous voulez savoir si, lorsque des personnes se regroupent pour avoir une école d'une telle confessionnalité ou d'une telle orientation de conscience, ceci contrevient à la charte?

M. Ryan: À ce moment-là, cela crée une demande collective qui exige de la part de l'État une réponse institutionnelle.

Mme Fournier: Oui, d'accord.

M. Ryan: On transcende, à ce moment-là, le strict domaine individuel.

Mme Fournier: C'est cela. En partant, notre position est que, bien sûr, si ce projet ou cette demande collective correspond à l'ensemble des personnes qui sont concernées, cela ne pose pas de problème. Mais c'est toujours la même réponse en fait. Si ce projet collectif, qui intègre certaines valeurs, fait en sorte que les individus qui ont à défendre des valeurs différentes se retrouvent dans une situation où ils sont affectés par cet autre point de vue ou cette autre religion, cela pose donc un problème pour la liberté de conscience ou la liberté de religion de ceux-là. Je crois que M. Krauss veut ajouter quelque chose.

M. Krauss: Je voulais tout simplement ajouter que, pour situer cela, il ne s'agit là que d'un résumé partiel. Aux pages 22 et 23 du mémoire de base sont contenus des extraits plus longs de ce qui est résumé très brièvement à la page 6 que vous avez citée. Au bas de la page 22 et en haut de la page 23, nous citons un extrait de cet arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario. Je pense qu'à la lecture de cet extrait, il paraît que, ce que nous voulions signaler, c'est qu'il ne faut pas, par exemple, permettre qu'une majorité à l'école dise: Voici, nous vous imposons cela à vous la minorité, mais, à notre avis, cela n'est pas injuste. Il n'est pas injuste, pour nous, de vous imposer cela. Permettre à la majorité de dire ce qui est une imposition injuste, c'est justement nier les droits individuels dont il s'agit, et c'était le but de l'inclusion de cet argument dans le résumé.

M. Ryan: Je suis très sensible à cet argument et je n'ai cessé de signaler à l'attention du gouvernement que, si on retient seulement le mécanisme qui est prévu dans le projet de loi pour la décision relative au statut de l'école locale, ça va donner naissance, à bien des endroits, à des complications qui pourraient être très sérieuses.

Ne penseriez-vous pas que, si un rôle significatif était laissé à la commission scolaire dans l'aménagement des services

éducatifs et des écoles, de manière à tenir compte des attentes de la population dans toute la mesure qui est raisonnablement, administrativement et financièrement possible, ça ne pourrait pas contribuer à atténuer considérablement les dangers qui surgissent du projet dans sa forme actuelle? Est-ce une chose qui répugne à votre esprit, sous l'angle où vous vous placez?

Mme Caron: Vous nous avez dit, avant le dîner, que le piège pour la commission était de tomber dans le débat politique. Je ne veux pas dire que vous nous tendez un piège, mais, en tout cas, on ne voudrait pas y tomber!

M. Ryan: Je l'apprécie, je vais courir encore un risque! Si le législateur retenait les suggestions que vous avez faites concernant les dangers de discrimination que vous voyez dans le projet de loi, si, par conséquent, il décidait de retirer du projet de loi l'article 31, l'article 32, l'article 309, l'article 474 et l'article 475, comment réagiriez-vous à la critique de ceux qui disent qu'ils sont violés dans leur droit, au titre de ce droit qui revient aux parents de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation correspondant à leurs convictions religieuses et morales?

Mme Caron: Comme on l'a dit, les articles 31 et 32 insèrent dans la loi elle-même des éléments qui pourraient éventuellement produire de la discrimination. S'il n'y a pas ces articles, on regardera chaque situation. Évidemment, la charte des droits du Québec s'applique à tout le monde, non seulement aux lois, mais aux gestes, aux actes des citoyens, individuellement ou en groupe. Si, dans une école donnée, il y avait un projet éducatif qui violait les libertés, les individus pourraient s'en plaindre directement aux tribunaux ou sous forme de plainte de discrimination.

M. Ryan: Je pense que ma question n'était pas assez claire. On avait un groupe de parents ce matin, par exemple, le groupe de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Je ne sais si vous étiez là lorsqu'ils ont témoigné. Si vous étiez là, cela simplifie les choses. Ils nous ont dit: Nous, nous tenons à conserver des écoles confessionnelles. Je dirais que c'est au troisième ou au quatrième degré de confessionnalité, suivant les catégories que vous nous avez proposées. Si on retenait votre suggestion, eux n'auraient pas satisfaction, de toute évidence. Comment réagissez-vous à cela? Ils nous ont dit: Dans notre coin, il y a à peine une centaine de foyers qui ont semblé manifester des difficultés par rapport au régime qui existe. Là, on changerait le régime assez radicalement pour eux. Ils nous diraient: Nous, nous sommes brimés dans nos droits fondamentaux. Nous, nous ne voulons pas que cela aille devant les tribunaux; on veut que cela se règle avant, comme je l'ai dit tantôt. C'est la responsabilité du législateur d'écrire de telle manière qu'il y ait le moins de risques possible que cela se retrouve devant les tribunaux. Une fois rendu là, on ne peut plus rien faire, mais il faut essayer de l'éviter. C'est sa responsabilité. Que répondez-vous à cela? De la discrimination "in reverse", en somme. (20 h 15)

M. Côté (Yves): Si on prend la situation qui a été évoquée ce matin par le comité de parents de Jérôme-Le Royer, je pense que l'article 30 du projet de loi, tel qu'il est rédigé, permet d'intégrer dans le projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle on dispense des services. Si leurs prétentions sont vraies selon lesquelles il n'y a pratiquement personne sur le territoire qui aurait des objections à ce que l'école soit catholique au troisième degré de confessionnalité, cela n'irait pas du tout contre la Charte des droits et libertés de la personne, à condition que leurs prétentions soient vraies. À ce moment, il y aura toujours possibilité sur le territoire que des catholiques ou d'autres se rassemblent dans des écoles et fassent des écoles au troisième, au quatrième ou au cinquième degré, pourvu que tout le monde soit d'accord.

M. Ryan: Je vais ajouter quelque chose à la question. Les évêques catholiques du Québec déclaraient en mars 1982, et beaucoup de groupes qui sont venus témoigner devant la commission ont repris cette position, qu'il fallait qu'il y ait des garanties dans la loi que l'école catholique puisse exister avec un statut juridique, pas seulement un projet éducatif, l'école catholique avec un statut juridique. Si on enlève les articles qui prévoient la reconnaissance d'écoles catholiques, cela n'existera plus, ce statut juridique. Vous trouvez qu'un statut juridique pour l'école catholique, tel que demandé par les évêques catholiques, c'est inacceptable du point de vue des droits fondamentaux de la personne? Est-ce que je dois aller jusque-là?

M. Côté (Yves): Je ne pense pas qu'on doive aller jusque-là. Jusqu'où on peut aller, le point de non-retour est le suivant: On ne peut pas introduire dans un projet de loi quelque chose qui rendrait légale la situation de discrimination qu'on a évoquée cet après-midi ou ce soir. Ou bien le statut confessionnel veut dire quelque chose, ou bien l'intégration des valeurs dans le projet éducatif veut dire quelque chose, comme les parents de l'école Jérôme-Le Royer le

disaient ce matin ou comme vous l'évoquiez vous-même cet après-midi; ou bien cela veut dire quelque chose, ou bien cela ne veut rien dire. Si cela ne veut rien dire, je ne vois pas pourquoi on se forcerait pour donner un statut juridique qui ne couvrirait rien du tout. Si cela veut dire quelque chose, cela veut donc dire qu'il y a dans le projet éducatif pour une école publique, commune et - sortons de la région de Montréal - peut-être unique, dans un autre village, il y aurait un projet éducatif avec des valeurs intégrées qui porteraient atteinte à la liberté de conscience d'autres personnes et c'est cela, et uniquement cela, que nous trouvons inacceptable.

M. Krauss: Si je peux me permettre de relier les commentaires de M. Côté à certains commentaires que vous avez faits cet après-midi, avant la pause pour le souper, je pense que ce pourrait être instructif. Vous avez évoqué deux scénarios réels. Vous avez parlé de certains citoyens anglo-catholiques qui ont dit: Nous, on serait même prêts à aller à quinze pâtés de maisons d'ici pour avoir notre école catholique au troisième ou au quatrième degré, pour utiliser votre propre expression. Vous avez également parlé de la situation en Angleterre où des citoyens catholiques ont établi leur propre réseau d'écoles, réseau qui a dû, finalement - et c'est bien, selon nous -être financé à même les fonds publics.

Ce qui distingue ces deux cas du cas dont nous nous plaignons et du cas qui est rendu possible par le projet de loi 40, selon nous, c'est que, dans ces deux cas, personne n'impose une école catholique à des non-catholiques. Dans les deux cas, en d'autres termes, des gens qui veulent une école catholique choisissent une école catholique et tous ceux qui sont dans ladite école catholique y sont parce qu'ils la veulent, cette école. Le problème, avec les articles 31 et 32, c'est que cela permet à une minorité qui ne veut pas d'un tel projet éducatif, d'un tel statut juridique catholique d'être enfermée dans cette école catholique.

L'article 30, par ailleurs, permettrait justement de créer ces écoles sur mesure pour une population qui les voudrait. Vous avez raison de dire que l'article 30, tout seul, ne prévoit pas le statut juridique et c'est bien naturel puisque les articles 31 et 32 sont là. Il est sûr que, si on enlevait les articles 31 et 32, il faudrait ajouter la possibilité de l'existence d'un statut juridique si jamais la communauté à laquelle l'école dispense les services, pour employer les termes de la loi, exigeait un tel statut. Mais il me semble qu'il y a quand même une différence de nature entre une école qui représente les désirs d'une population et une école qui représente les désirs d'une partie de cette population qui est contre les désirs d'une autre partie de la population.

M. Ryan: Je pense qu'on se comprend mieux. Il y a des éclaircissements très intéressants qui sont apportés.

Une dernière question dans la même veine. Nous parlons hypothétiquement, évidemment, parce que ce n'est pas nous qui rédigerons ces textes. Le ministre n'est pas là pour nous entendre; c'est malheureux, mais il va lire tout cela. Si le paragraphe 30 était réaménagé un peu dans ce sens-là, de manière à prévoir la possibilité d'un statut juridique pour l'école catholique, pour ceux qui la veulent, comment cela pourrait-il être reconnu? Qui devrait procéder au geste de reconnaissance, à un moment donné? Sur quelle base s'appuierait-on pour faire cela? Là, vous demandez qu'on enlève les mécanismes de reconnaissance.

Une voix: L'alternance.

M. Ryan: Ce ne peut être le gouvernement, parce qu'il n'a pas l'autorité pour se prononcer là-dessus. Il peut permettre, il peut consentir à collaborer. Il va falloir que quelqu'un reconnaisse cette école quelque part, j'imagine.

M. Krauss: Je ne suis pas sûr de comprendre. Est-ce que vous voulez parler d'un comité catholique ou d'un comité protestant, éventuellement? Est-ce que je comprends bien?

M. Ryan: Oui, peut-être.

M. Krauss: D'un comité musulman, d'un comité juif ou d'un comité bouddhiste, puisqu'il s'agit, finalement, du même phénomène.

M. Ryan: Oui, parce que cela pourrait aussi bien s'appliquer aux écoles juives, entre parenthèses.

M. Krauss: Bien sûr.

M. Ryan: Oui. Très bien.

M. Krauss: II y aurait peut-être lieu de signaler que ce n'est pas possible actuellement. C'est catholique ou protestant; c'est tout.

M. Ryan: Nous n'avons pas du tout d'objection à la possibilité de conférer aux écoles juives, qui sont purement privées actuellement, un statut public quelconque. En tout cas, à la question, il n'y a pas eu de réponse très claire. Disons que je ne veux pas prolonger davantage les questions là-dessus. Je pense que, sur l'essentiel, des éclaircissements très intéressants ont été apportés, auxquels on va continuer de penser.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va?

M. Ryan: Oui. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Après les discussions très approfondies et du ministre de l'Éducation et du porte-parole de l'Opposition, mes questions vont être peut-être plus terre à terre. Je voudrais vous demander... Le problème que vous avez apporté, je pense que vous êtes venus ici nous dire: II y a des difficultés ou il y a des dangers de problèmes. On vient vous les exposer. Après cela, prenez vos décisions. Je pense que vous n'aviez pas à venir nous apporter des solutions, mais on peut quand même, à titre de consultation, vous demander ce que vous pensez de telle ou telle piste qui pourrait être explorée. Le problème qui se pose à ce moment-ci, je pense que cela a été dit et redit autour de cette table, c'est qu'il y a -et je pense qu'on ne fait pas de démagogie en disant cela - une bonne majorité de la population francophone du Québec qui veut encore des écoles confessionnelles. Il y a eu un tas de sondages de faits là-dessus. Je n'en ai pas fait, mais je pense que ce n'est pas une affirmation gratuite, bien au contraire.

Je ne m'arrête pas aux définitions de ce que peut être le projet éducatif catholique ou le contenu de l'école à qui on reconnaît le statut confessionnel catholique. Le problème qui se pose, c'est: Comment conciliez-vous l'existence de cette école qui serait réclamée par une majorité avec les droits des minorités, à partir du concept de l'école commune à qui, finalement, on enlève une partie, je dirais, de son titre d'école commune ou de sa qualité d'école commune, en pouvant venir la modifier en lui donnant, somme toute, un statut d'école confessionnelle? C'est à ce moment qu'il semble y avoir une espèce de difficulté à concilier ces deux concepts. Compte tenu d'une réalité sociologique, historique et politique, c'est de notre côté, mais je pense qu'elle est là aussi, et, en ce qui touche la majorité catholique, du moins en ce qui touche les francophones, mais je pense qu'on découvrira même que c'est le cas des anglophones quand on considère l'ensemble des anglo-catholiques du Québec. Est-ce que, pour vous autres, étant donné que les structures vont devenir linguistiques et ne seront plus confessionnelles... Quand elles étaient confessionnelles, les personnes qui administraient ces structures confessionnelles disaient: Compte tenu de notre structure juridique catholique - certaines le prétendaient - on ne peut pas administrer des écoles neutres. À ce moment-ci, y aurait-il une réconciliation possible, eu égard aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, s'il était possible d'avoir des écoles neutres pour ceux qui le désirent ou des écoles vraiment communes?

Je sais que la difficulté, quand on aborde ce problème, vient que des gens nous disent: Non, nous voulons avoir l'école de quartier. L'école de quartier, pour ceux qui seraient, à ce moment-là, une minorité, alors que la majorité a décidé d'une école confessionnelle, pour vous, est-ce que ce serait une discrimination, même s'ils devaient voyager? Je ne sais pas pour combien d'années ni pour quelle période de temps, car on ne sait pas comment les choses évolueront. Je comprends que tout le monde veuille aller à l'école de quartier. C'est légitime, on veut aller à l'école la plus près ou, du moins, les parents veulent envoyer leurs enfants à l'école la plus près de chez eux. Mais si, plutôt que d'entrer dans ces conflits, là où la population est suffisante, comme c'est présentement le cas puisqu'on a établi, de part et d'autre, que, dans le cas des écoles françaises protestantes, vous avez parlé de soupape, mais ce que l'on sait - et ma collègue pourra me contredire après -c'est qu'on les considère des écoles neutres et que ces enfants, très souvent, sont transportés de toutes les parties de Montréal pour se rendre à des écoles francophones protestantes dites neutres, ou plutôt des écoles neutres dites protestantes, est-ce que, dans une période transitoire, compte tenu des données sociologiques qui existent et compte tenu de cette réconciliation qu'il y a à faire entre les droits des minorités et ceux des majorités, ces gens-là pourront avoir des écoles neutres, même si cela exige un transport? À ce moment-là, n'y aurait-il pas une conciliation plus facile du problème que vous soulevez entre les droits des uns et des autres?

Mme Fournier: Si on réunit, dans des écoles séparées, les différentes confessions ou absences de confession, cela ne vient pas en contravention avec la liberté de religion ou de conscience des jeunes ou des enfants qui sont dans ces écoles. C'est exact. Cependant, on peut se poser la question en termes de vision sociale ou de projet de société un peu plus global. Si on a une vision pluraliste de la société, cela peut poser un problème parce que cela peut revenir à la situation suivante où, les enfants de religion minoritaire dans ce quartier ou dans cet endroit, ou qui sont neutres devront effectivement voyager ou avoir des conditions plus difficiles que la majorité pour se rendre à l'école. Alors, il y a plusieurs questions qui peuvent être liées à cela. Ce qui ferait une sorte d'inégalité de départ,

d'une part, mais la deuxième question, et c'est probablement cela le plus important, c'est le fait que cela provoque une société quand même qui est un peu "ghettoïsée", c'est-à-dire qu'il y a un regroupement de toutes les personnes de chacune des confessionnalités et on n'atteint pas un idéal de multiculture ou de diversité. (20 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Je réalise bien cela. Je pense que vous parlez là de votre vision ou de la vision que les gens peuvent avoir d'une société que je peux ou non partager. J'admets cela. Mais le problème que vous êtes venus nous poser en est un strictement de conciliation de deux droits compte tenu des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne. Il y a celui des minorités et... Dans une proposition comme celle-là - il y en a peut-être de meilleures, mais je vous pose cette question-là - il y aurait... Vous savez, à ce compte, il y a bien des inégalités. Les enfants handicapés sont obligés de voyager et voyagent très longuement. Enfin, on pourrait multiplier les exemples. On a eu les anglo-catholiques qui ont voyagé longtemps. Enfin, on a les franco-protestants maintenant, etc. Mais c'est plutôt une difficulté supplémentaire. Les enfants de l'école privée voyagent. C'est qu'à ce moment-là, si le choix fondamental est le caractère confessionnel ou non de l'école, il me semble avoir priorité sur les inconvénients que peut créer un transport scolaire.

M. Krauss: Je pense qu'au tout début de votre question, vous avez mis le doigt sur le noeud du problème. Je reviens là-dessus parce que je pense en avoir parlé très brièvement au cours de l'après-midi. Ce sont les changements structurels qui vont s'imposer à la suite du nouveau découpage, qui n'est plus confessionnel, mais qui est maintenant linguistique. J'ouvre une petite parenthèse. Je me permets d'en ouvrir une pour vous dire que ce n'est pas aussi simple que cela à l'extérieur de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.

M. Krauss: Je peux vous dire que, dans les Cantons de l'Est, par exemple, de nombreux parents anglophones n'envoient pas leurs enfants à l'école française précisément parce qu'il n'y a pas d'école française sans projet éducatif catholique, c'est-à-dire qu'il y a des parents qui voudraient bien faire éduquer leurs enfants en français, mais qui sont empêchés de le faire à cause de ce découpage. Supposons que ce découpage cesse, qu'il y a un nouveau découpage linguistique. M. Ryan a soulevé un exemple qui était fort évocateur. Il a soulevé l'exemple de gens qui se disaient: Tiens, on nous fournit une école neutre à côté. Nous tenons tellement à nos convictions que nous serions prêts à aller quinze pâtés de maisons plus loin pour avoir une école religieuse, disons, au troisième degré. Ils tiennent à leurs convictions. Les gens qui sont prêts à se faire éduquer avec tout le monde dans une école neutre ou pluraliste iront à cette école du coin, mais les gens qui sont prêts à payer le pr.ix de leur attachement à leur religion sont bien libres de le faire. Finalement, c'est une application de l'article 41 de notre Charte des droits et libertés de la personne qui garantit que ces personnes puissent avoir leurs écoles. On le voit aussi dans l'article 30.

En posant votre question de la façon que vous l'avez posée, vous le faites d'une façon légèrement différente de la problématique de celle que M. Ryan a soulevée, c'est-à-dire, à qui va le fardeau d'aller un peu plus loin? Je pense qu'il faut poser cette question.

Mme Lavoie-Roux: Je sais cela.

M. Krauss: Qui se contentera de l'école de tout le monde et qui n'en veut pas? Je pense que la question du fardeau devra être examinée.

D'autre part, dans des milieux isolés, ruraux ou semi-urbains, il risque d'y avoir le même genre de problèmes, dans ce sens qu'il peut y avoir suffisamment de gens pour une école. Lorsqu'il y a suffisamment de gens pour une école et lorsque l'article 30 nous dit qu'elle sera publique et commune, le problème n'est plus le même qu'à Montréal. Ce n'est plus un problème de transport, à moins de transporter des gens dans un autobus deux heures dans un sens et deux heures dans l'autre sens.

Mme Lavoie-Roux: C'est ce qui arrive dans les Cantons de l'Est.

M. Krauss: Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Non pas pour des raisons religieuses.

M. Krauss: Précisément. Alors, qui doit être transporté pendant quatre heures? Cela devient plus qu'une question de degré dans ce sens, et je pense qu'il faut se poser de grosses et lourdes questions. Vous avez dit qu'elles comportent un volet politique qui ne relève pas de nous, évidemment, mais je pense que vous deux les avez posées implicitement.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question dans le même sens. Je suis loin d'être sûre que c'est la solution que je voudrais, mais je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Une classe neutre, à l'intérieur d'une école catholique rurale, est-ce

compatible au plan des droits et libertés? Non?

Mme Fournier: Cela pourrait être une formule.

Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait être un accommodement dans les endroits très isolés. Je ne pense pas que ce soit ce que je souhaite, mais je vous pose la question, parce que c'est vraiment le fond du problème.

Ma seule autre question touche votre remarque à la page 5 de votre mémoire où vous faites la différence entre les droits politiques et les droits économiques et sociaux: "Toute personne a droit, dans la mesure prévue par la loi, à l'instruction publique et gratuite." Vu que ceci ressort aux droits économiques et sociaux, vous dites que c'est différent des droits civils et politiques où c'est vraiment une question d'abstention du gouvernement d'agir dans un sens discriminatoire, alors que dans l'autre cas cela implique que l'État intervient de façon positive par un apport financier pour en favoriser le plein exercice.

Vous y revenez un peu plus loin - je ne le retrouverai pas - à la page 21. Je voudrais savoir quelle extension vous donnez à cette obligation du gouvernement, c'est-à-dire que ces droits soient respectés ou d'en favoriser le plein exercice. Quelles sont les balises que le gouvernement peut se donner sans nuire au respect des droits et libertés en ce qui touche les droits économiques et sociaux? Cela s'applique autant aux enfants en difficulté d'apprentissage qu'aux enfants de milieu socio-économiquement faibles, je pense.

Mme Fournier: C'est une question fondamentale qui est beaucoup traitée sur le plan international en ce moment, à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, par exemple. Effectivement, les droits économiques et sociaux exigent une intervention positive de l'État, parce que, en soi, on ne peut pas que s'abstenir de nuire aux droits économiques et sociaux, il faut vraiment les soutenir. Jusqu'où on peut aller? Il faut que cela soit basé, bien sûr, sur les possibilités financières d'un État, sur les considérations de volonté collective d'un État et sur l'analyse de ce que la population souhaite par rapport à ces droits économiques et sociaux. Ce sont des droits relatifs tout aussi importants que les autres droits, et c'est très important de le souligner, mais il y a une relativité quant à l'application de ces droits. Dix ans plus tard, on peut les interpréter ou les appuyer d'une façon beaucoup plus avancée. On peut avoir des techniques pour les appuyer d'une façon beaucoup plus développée. C'est différent, par exemple, du droit à l'intégrité physique où le droit n'a pas à subir de torture par l'État ou qui demeure la même chose de mille ans en mille ans. Un droit économique et social s'analyse concrètement par rapport aux possibilités collectives et à l'analyse collective. C'est peut-être un peu théorique comme réponse, mais, effectivement, c'est ainsi qu'on peut arriver à l'identifier.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites, par exemple - remarquez que je pourrais être fort d'accord avec vous sur vos suggestions - que les conditions auxquelles nous songeons, notamment un abaissement du ratio maître-élèves - on pourrait abaisser le nombre d'élèves de cinq pour chaque élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage - c'est plutôt une suggestion que vous faites à titre de mesure supplémentaire qui pourrait leur être accordée. Ce n'est pas un jugement pédagogique ou autre que vous portez.

Mme Fournier: Non, non. C'est une illustration d'un type d'intervention qui pourrait être utile, mais nous ne nous posons pas ici comme analystes ou spécialistes des mesures spécifiques qui pourraient être les meilleures.

Mme Lavoie-Roux: Oui. En dernier ressort, c'est l'État qui décide dans quelle mesure il peut appuyer d'une façon active...

Mme Fournier: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...ce respect des droits économiques et sociaux en fonction du bien commun.

Mme Fournier: Oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Vachon.

M. Payne: II y avait une discussion tout à l'heure sur la situation en Angleterre. Je suis tenté d'enchaîner avec les considérations émises tout à l'heure. En Angleterre, il y a à peu près un tiers des écoles qui sont ce qu'on appelle "voluntary schools", les écoles qui sont subventionnées par l'État et qui sont ce qu'on appelle les écoles confessionnelles par rapport aux écoles qu'on appelle "county schools", ou écoles pluralistes, sur un nombre d'à peu près 31 000 en Angleterre. Entre parenthèses, il y a une discussion actuellement en Angleterre touchant les droits des parents, laquelle est fort semblable à ce qui arrive au Québec à l'heure actuelle.

Vous avez mentionné tout à l'heure le statut des écoles confessionnelles en Angleterre. Je vois difficilement la

distinction que vous faites entre les écoles confessionnelles en Angleterre et les écoles confessionnelles telles qu'envisagées par le milieu anglo-catholique du Québec à travers le projet de loi 40. J'ai bien saisi la nuance que vous avez apportée, mais vous pouvez la répéter pour l'intérêt de ceux qui nous écoutent. Peut-être pourriez-vous juste la résumer et je pourrai enchaîner avec ma pensée.

M. Krauss: Sans être parfaitement au courant de toutes les demandes d'une communauté anglo-catholique montréalaise, la précision est très simple, me semble-t-il: il faudrait que les écoles soient équivalentes aux "voluntary schools" et soient volontaires; il ne faudrait pas qu'elles soient involontaires; il ne faudrait pas que des gens se trouvent dans une école confessionnelle sans vouloir s'y trouver. C'est précisément ce qui risque de se passer ici et ce qui ne risque pas de se passer, par définition, dans le cas des "voluntary schools" lorsqu'on choisit de telles écoles.

M. Payne: C'est vrai qu'elles sont volontaires. On les appelle "voluntary schools". Mais, en réalité, on construit les écoles en Angleterre, il y a des écoles qui sont transformées, il y a des écoles qui sont fusionnées. Les écoles qui étaient "common schools", les écoles publiques auparavant, deviennent très souvent des écoles catholiques confessionnelles. Mais est-ce que vous n'êtes pas en train de couper les cheveux en quatre lorsque vous essayez de créer une distinction comme, par exemple, en Angleterre, là où on construit aujourd'hui les écoles confessionnelles? En ce faisant, on crée une certaines discrimination envers ceux qui ne vivent pas dans le milieu ou dans la région. On les invite à aller chercher ailleurs pour respecter leurs valeurs, qu'elles soient chrétiennes, qu'elles soient non confessionnelles. Je ne vois aucune différence entre cette situation et la situation ici au Québec, où les regroupements de parents s'assoient ensemble et décident de se donner démocratiquement un statut confessionnel, avec la discrimination implicite que toute démocratie apporte par sa définition. C'est sûr que cela dérange ceux qui sont dans la minorité, et peut-être se sentent-ils mal à l'aise dans le milieu qui est ainsi créé. Heureusement, ils ont le choix d'aller ailleurs; heureusement, avec les droits extraordinaires qu'on accorde en matière de droits confessionnels, ils n'ont pas à aller très loin.

La deuxième considération que j'ai à cet égard, c'est que, pour les milieux anglophones catholiques... Vous avez mentionné l'île de Montréal, mais ce n'est pas tellement là qu'est le problème. Ici, il faut revenir au problème concret: c'est hors de l'île de Montréal, où le milieu catholique ne s'identifie pas avec ce que vous avez appelé l'école pluraliste. À mon avis, vous avez approprié à votre compte les suggestions de ce matin de la députée de Jacques-Cartier en disant que, dans le cas des écoles protestantes, il s'agissait d'écoles pluralistes. Mais je pourrais vous signaler qu'il y a beaucoup de parents catholiques qui ne s'identifient pas du tout à l'école protestante. D'abord, s'il faut couper les cheveux en quatre, on peut dire que, par sa désignation même, l'école protestante ne fait pas l'affaire de beaucoup de parents catholiques. (20 h 45)

Deuxièmement, comme le député d'Argenteuil l'a souligné dans le cas des parents, en ce qui concerne les Témoins de Jéhovah, il n'y a pas beaucoup de protection en matière confessionnelle pour ceux qui ne sont pas des non-protestants et qui voudraient participer activement au projet éducatif et à la démocratisation de notre système scolaire. Je m'explique. Il faut vivre avec la réalité d'aujourd'hui. D'après l'article 93, un non-protestant ne peut être élu au sein d'une commission scolaire protestante. Cela est une discrimination assez grave, si l'on veut parler des principes, et c'est passé sous silence par la Commission des droits de la personne.

D'autre part, nous apprenons beaucoup ici à la commission. Nous avons entendu ici les représentants de l'Église unie qui étaient en pleine contradiction - je dis cela sans préjugé - avec la position de la PSBGM en disant: Notre notion d'une école protestante, ce n'est pas quelque chose qui est imprégné dans la matière enseignée dans les cours de morale ou confessionnels protestants, c'est plutôt quelque chose qui imprègne l'ambiance, l'atmosphère de l'école à travers les valeurs vécues au jour le jour.

Par contre, lorsque vous faites référence à la jurisprudence, le cas Perron, souligné par le député d'Argenteuil, est intéressant parce que - il ne l'a pas dit - on se référait dans le jugement au cas Hirsch que vous connaissez très bien. Houle, qui a fait une étude là-dessus, a dit que le mot "protestant", selon la jurisprudence, dans les statuts consolidés de 1861, ne pouvait pas être interprété comme étant non catholique. Il continue: "And so as including Jews -c'est-à-dire qu'on ne peut pas y inclure la communauté juive - and that the Protestant community though divided, for certain purposes, into denominations was itself a denomination and capable of being regarded as - I quote - a class of persons within Section 93".

C'est très intéressant. Je ne partage pas du tout les idées émises par M. Krauss, avant le souper, lorsqu'il suggérait que l'école protestante, aujourd'hui, peut bien

répondre aux besoins recherchés. Au contraire, nous essayons, par le projet de loi 40, d'aller un peu plus loin, en suggérant un réseau d'écoles pour le milieu catholique aussi bien que pour le milieu protestant.

M. Krauss: D'accord. Je ne savais pas que vous aviez terminé. Alors, très brièvement, je ne crois pas couper les cheveux en quatre. Je ne connais pas intimement la situation en Angleterre; je vous cède d'emblée l'expertise dans le domaine. Je ne sais pas s'il faut que des Anglais déménagent pour aller à une "common school". Si c'est le cas, je trouverais cela assez déplorable, comme je trouverais déplorable qu'un Québécois doive également déménager pour aller à l'école commune.

Ceci dit, j'aimerais uniquement préciser un point. Je ne trouve pas que l'école protestante réponde parfaitement aux demandes d'une école pluraliste aujourd'hui, parce qu'il y manque un apport précieux, celui des Québécois catholiques. L'école protestante, actuellement, ne représente pas "a cross section", un échantillon représentatif de la population québécoise. C'est précisément pourquoi un découpage linguistique, qui respecterait la neutralité des écoles, fournirait une solution à ce genre... L'idéal - en parlant à titre tout à fait personnel - serait d'envoyer son enfant à une école où il y aurait des gens d'origines diverses, y compris, bien sûr, les catholiques qui sont prédominants dans la province.

M. Payne: La bonne foi, je pense, est très présente autour de la table de cette commission, mais il faut accoucher d'un projet quelque part, à partir d'une situation existentielle, tout en tenant compte des principes consacrés dans la charte internationale des droits et je l'ai étudiée soigneusement ce matin. Il y a toutes sortes de choses pour toutes sortes de gens dans la charte internationale des droits, que ce soit du Canada, du Québec ou internationalement.

J'accepte difficilement que vous disiez que, dans une école où tous ne seraient pas d'accord avec une confessionnalité vécue dans le projet éducatif, ce que vous avez appelé dans votre mémoire un deuxième type de confessionnalité, nous serions en présence d'une situation nettement discriminatoire. Je trouve que c'est un jugement de valeur assez grave. Je répète que cette opinion n'était pas celle de la commission il y a plusieurs années alors que vous disiez que la mise sur pied d'établissements confessionnels d'enseignement n'était pas contraire à la liberté de religion. Je le dis dans le contexte de mon argument sur la situation en Angleterre.

Mme Caron: Je vais peut-être faire référence à des principes, mais ce n'est pas pour les laisser dans les airs, c'est ensuite pour les appliquer de façon concrète. Je pense qu'il faut faire attention pour ne pas confondre tous les droits et libertés et les mettre tous dans le même sac pour, ensuite, les tirer comme ça.

Premièrement, peut-être que le principe le plus ancien, qui se retrouve dans nos sociétés depuis très longtemps, c'est la liberté de conscience et la liberté de religion. Ces droits, ce genre de droits, comme l'a dit la présidente, exigent une abstention de l'État et c'est un droit que je dirais presque absolu, sauf, par exemple, si quelqu'un ne veut pas payer ses impôts pour le motif de la religion. On reconnaît que c'est le genre d'ordre public, de bien public qui sera autorisé pour aller soutirer les impôts de quelqu'un.

Par opposition à ce qu'on appelle ces droits civils et politiques, qu'on trouve, entre autres, dans le pacte relatif aux droits civils et politiques que le Québec a ratifié avec le Canada en 1976, vous avez une autre catégorie de droits, les droits économiques et sociaux. On les a dans notre charte et on est le seul pays au monde à avoir, dans une loi de droit positif interne, des droits économiques et sociaux. Cela correspond au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et ce sont des droits qui exigent que l'État fasse quelque chose. Mais l'État n'est pas obligé, comme on l'a dit tantôt, de tout faire tout de suite.

En adhérant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les États s'engagent progressivement, entre autres, dans la loi à assurer ces droits. Le droit des parents qui est reconnu dans le pacte relatif aux droits civils et politiques, c'est le droit que l'État ne les empêche pas d'assurer l'éducation religieuse de leur enfant. C'est le premier étage, disons. Mais l'État peut aussi aider financièrement à assurer l'éducation religieuse des enfants, qu'ils soient catholiques ou d'une autre confession, mais, en le faisant - et cela, le rapport Parent l'a dit à peu près dix fois - en aidant financièrement les parents à assurer l'éducation religieuse de leur enfant, cela ne doit pas se faire contrairement à la liberté de conscience. Alors, je pense qu'il y a un niveau dans les droits qu'il faut comprendre et c'est ce qu'on appelle l'articulation des droits. Quand l'État veut aider financièrement les parents à établir des écoles, il peut le faire, mais il ne doit pas le faire contrairement aux libertés religieuses. Je ne sais pas si cela éclaire la question, il me semblait que cela répondait un peu à vos questions.

M. Payne: Vous avez dit plus tôt que

vous étiez d'accord au niveau des principes sur la mise sur pied d'établissements confessionnels, que ce n'était pas contraire à la liberté de religion. L'idée est que, si tout le monde est d'accord... D'après moi, ce n'est pas un modèle. Cela irait plutôt à l'encontre de l'avis du Conseil mondial des Églises, de la politique de Vatican H, qui prônait plutôt un modèle d'intégration. Ceux qui fréquentent l'école, nos élèves, véhiculent les valeurs par chaque souffle de notre vie. Je ne pense pas que ce soit par une désignation confessionnelle qu'on puisse propager les valeurs. C'est plutôt par le vécu de chaque individu. Dans le cas des élèves, ce sont eux qui, collectivement, forment l'ambiance de l'école. Je préfère le modèle proposé par le projet de loi 40, qui donne aux parents la possibilité de s'exprimer d'une manière générale sur le caractère pluraliste ou confessionnel, le cas échéant, de l'école, mais, par la suite, en réalité, je ne pense pas qu'on puisse facilement invoquer la discrimination à l'égard de ceux qui ne partagent pas entièrement les valeurs officielles de la majorité.

Pour conclure, je vais vous donner un simple exemple. Si un projet éducatif est proposé par un regroupement de parents habitant un certain endroit, à Montréal, qui pourraient représenter une certaine couleur ethnique à l'école, est-ce qu'on pourrait vraiment dire que c'est discriminatoire? Ipso facto, on voit quelqu'un qui se voit démocratiquement peu respecté par le projet éducatif de cette école parce que la loi a justement prévu une espèce de précaution, une protection envers la personne qui est en minorité en ce qui concerne l'aspect moral, enfin, ce qu'on pourrait appeler le principe d'exemption.

Mme Fournier: Le modèle d'une école où il y a de l'enseignement religieux et de l'enseignement moral est tout à fait acceptable, à condition que cet enseignement religieux et cet enseignement moral, enfin tous les types d'enseignement de cet ordre, soient offerts en toute égalité. C'est un modèle fort intéressant parce qu'il permet un pluralisme et il permet le contact de différentes cultures, de différentes religions. C'est un modèle fort intéressant, encore une fois, à condition que les services religieux soient égaux pour tous.

M. Payne: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Vachon. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier de votre mémoire que je trouve extrêmement intéressant et extrêmement pertinent, parce que, même si nous sommes loin, au Québec, de la conclusion logique de votre analyse - je parle de l'école commune dans le plein sens du mot - vous nous avez donné, je crois, un objectif et un idéal en ce qui concerne les droits et libertés de la personne, une référence de base qui pourrait nous servir de guide pour une future évolution de nos écoles en ce qui concerne les modalités qu'on doit adopter afin qu'on puisse manifester nos valeurs religieuses et morales dans le plein respect des valeurs de tout le monde. Entretemps, les principes que vous défendez doivent servir à nous mettre en garde, à nous alerter sur le danger qui existe dans le texte du projet de loi actuel. Je crois qu'il faut être conscient que la réalité, au Québec, c'est la "norm" - est-ce qu'on emploie ce mot en français? Je ne le sais pas...

Une voix: La norme. (21 heures)

Mme Dougherty: La norme n'est pas l'école commune dans le sens que vous l'avez décrite, c'est l'école catholique; c'est là la norme au Québec. L'école commune est l'exception. Il arrive, par hasard, que l'école protestante, comme école, a évolué, parce que l'école protestante a évolué beaucoup depuis quinze ans, surtout à Montréal, il arrive que l'école protestante, dis-je, est plus près de la norme suggérée par la commission, mais cela ne veut pas dire que les protestants sont plus tolérants, sont plus vertueux que les catholiques en ce qui concerne les droits et les libertés de la personne. Il n'est certainement pas réaliste de penser qu'on peut tout d'un coup imposer une telle solution comme norme au Québec. Donc, notre problème ici est d'essayer de concilier la norme québécoise, cela veut dire l'école catholique traditionnelle, avec les exigences des principes des droits et des libertés de la personne.

Historiquement, si j'ai bien lu l'histoire du Québec, il y a 150 ans à peu près, quand on a commencé à créer l'école publique au Québec, on a créé des écoles communes et on a ajouté cette clause du droit à la dissidence pour les groupes minoritaires, catholiques ou protestants. C'est sur cette base que tout le système public a évolué. Il me semble que les législateurs, à cette époque, ont manifesté une sagesse extraordinaire, puisqu'ils ont instinctivement basé leur décision sur la reconnaissance des principes que vous avez soulignés, même s'il n'y avait aucune charte des droits et libertés de la personne à cette époque. Je me demande si on pourrait apprendre quelque chose de cette expérience qui pourrait être intéressant, et peut-être devrait-on l'examiner afin de résoudre le problème posé par votre mémoire en ce qui concerne le respect de la liberté de religion et de

conscience dans nos écoles. Dans le projet de loi actuel, on retient le droit à la dissidence. J'aimerais vous demander si vous avez examiné ce droit et l'implication de ce droit à la dissidence qui a été retenu par le projet de loi et quelles en sont les implications. Est-ce que vous voyez là une possibilité de solution qui pourrait concilier la norme catholique ici au Québec et les principes que vous avez énoncés?

M. Krauss: Voulez-vous indiquer ce que vous entendez par la dissidence? Celle d'un élève ou la dissidence d'une école?

Mme Dougherty: Le droit à la dissidence, c'est un droit individuel, le droit d'un groupe de personnes aussi qui décident de se retirer de l'école de la majorité pour créer leurs propes écoles, protestantes ou catholiques.

M. Krauss: S'il n'y a pas de problème de nombre, on se trouve en plein article 30, me semble-t-il. L'ennui, évidemment, c'est là où il y a un problème de nombre et que, effectivement, il y a un monopole pour l'école qui n'est pas commune, dans le sens que vous l'utilisez. Là, le droit à la dissidence devient un droit théorique. N'est-ce pas?

Mme Dougherty: Le droit à la dissidence...

Mme Lavoie-Roux: 337.

Mme Dougherty: 337, apparemment. Mais on parle de certains groupes qui pourraient se servir de ce droit. 332: "Les personnes sous la compétence d'une commission scolaire dissidente visée à l'annexe B et les autres personnes qui exercent leur droit à la dissidence ne sont pas sous le contrôle des commissions scolaires linguistiques." Avez-vous examiné la possibilité que cet article résolve le problème, que les principes que vous avez énoncés soient respectés?

M. Côté (Yves): Dans la solution que vous proposez, vous renversez le fardeau actuel. Comme vous le disiez, actuellement, la plupart des écoles du Québec ont été déclarées confessionnelles, ou catholiques ou protestantes. Ce que vous proposez, c'est que le gouvernement dans ses lois reconnaisse d'abord le droit à l'instruction pour tout le monde et forme des écoles communes. Vous dites: Après cela, si des gens veulent un autre type d'école, ils ont droit à la dissidence par rapport à cette école commune. C'est en effet la solution qui a prévalu au tout début. Ce serait un retour aux sources, autrement dit. Les 450 ans d'histoire retrouveraient leurs sources. Ce serait une solution possible, mais nous n'avons pas discuté de cette solution en commission et nous n'avons pas adopté de position là-dessus.

Mme Dougherty: Personnellement, c'est une suggestion un peu théorique. Je n'appuie pas les solutions qui vont créer plus de ghettos que nous n'en avons aujourd'hui. J'aimerais aller dans l'autre sens, mais, afin de respecter les droits et libertés de la personne, je me demande si cela pourrait être utilisé par quelques groupes pour qu'ils trouvent une solution pour eux-mêmes sans subir une confessionnalité ou un projet éducatif qui ne reflète pas leurs valeurs.

Mme Caron: J'ai l'impression qu'il y a plus d'une solution possible, qu'il y en a plusieurs. Il faudrait vraiment examiner ces diverses solutions et voir leur faisabilité en termes de coûts, de politiques, etc.

Mme Dougherty: D'accord. J'ai deux questions plus précises à vous poser. Votre recommandation 4... Non, d'abord, dans la recommandation 3 de votre résumé, à la page 27, vous parlez de la reconnaissance explicite du droit des handicapés et de l'intégration des classes régulières en précisant les mesures qui rendraient possible l'exercice de ce droit et en précisant les circonstances qui justifieraient le refus de l'intégration. À votre avis, et je ne sais pas si la réponse relève de votre compétence, est-ce que le fait que les mesures qui rendraient possible l'exercice de ce droit d'intégration soient inscrites dans la loi oblige automatiquement le gouvernement à fournir l'argent requis? C'est là le problème. On peut inscrire toutes sortes de droits dans la loi, mais est-ce que cela oblige le gouvernement à fournir les ressources nécessaires?

Mme Fournier: En effet, le but en le faisant préciser, c'est de faire en sorte que ces droits soient circonscrits de telle sorte que l'on puisse les rendre concrets, qu'on puisse donc exiger qu'ils soient concrétisés. C'est bien cela.

M. Krauss: En d'autres termes, vous avez raison de dire que, si on précisait un droit, mais on ne pensait pas au coût, il serait possible éventuellement pour quelqu'un d'attaquer le gouvernement et de créer un...

Mme Dougherty: Cela devient un droit théorique.

M. Krauss: Ce ne serait pas théorique. Ce seraient des coûts imprévus parce que, tout à coup, quelqu'un poursuivrait, exigerait le respect de son droit et ce seraient des coûts qu'on n'avait pas prévus. Ce n'était

pas notre but. Notre but était effectivement d'amener le législateur à préciser l'étendue du droit, à le conscientiser vis-à-vis du coût que cela impliquerait et à prévoir les coûts en même temps.

Mme Dougherty: Les coûts sont notre problème et non le vôtre. Une dernière question. Recommandation 4. Vous recommandez que la description des services spéciaux offerts aux enfants handicapés et aux enfants qui éprouvent des difficultés d'apprentissage soit inscrite dans la loi. Quand on parle des enfants avec des difficultés d'apprentissage, il y a une foule d'élèves qui ont des difficultés, non pas en vertu de problèmes psychologiques, neurologiques, intellectuels, mais ils ont des problèmes sur le plan de la langue. Ils ne parlent ni le français ni l'anglais. Ils arrivent ici avec d'autres langues et il y a plusieurs commissions scolaires qui ont dépensé des milliers de dollars à essayer de les éduquer. Pour cela, il faut des ressources supplémentaires, surtout au début. Selon votre analyse, croyez-vous que la loi doit assurer d'une façon explicite des services spéciaux pour ces enfants qui ne parlent ni l'anglais ni le français, parce qu'ils viennent d'ailleurs? Autrement dit, est-ce que ces enfants, selon vous, doivent être catégorisés comme des enfants ayant des difficultés d'apprentissage, parce que, autrement, ils n'auront pas une égalité de chances?

Mme Fournier: Nous avons traité de cette question au point 5, en fait, la recommandation suivante, en reconnaissant précisément cette difficulté pour des enfants qui utilisent en particulier une langue essentiellement autre que le français ou l'anglais. Notre recommandation est qu'il y ait une obligation d'implanter un programme d'enseignement des langues d'origine selon certaines conditions.

Mme Dougherty: Des langues d'origine. Mais ce n'est pas la même chose que les ressources nécessaires pour les intéresser, pour augmenter leur capacité dans la langue d'enseignement de l'école.

Mme Fournier: Ah oui! D'accord.

Mme Dougherty: C'est une question très importante parce que ces enfants n'étaient jamais considérés comme enfants exceptionnels selon les définitions d'enfants exceptionnels, dans la loi du Québec.

Mme Caron: Est-ce que vous faites référence à l'article 10 de la loi, les services de soutien linguistique en français?

Mme Dougherty: Je ne parle pas des enfants qui sont obligés de fréquenter les écoles françaises à cause de la loi 101. C'est autre chose. Je parle des enfants grecs, des enfants haïtiens, qui ne peuvent parler ou écrire. Ils n'ont jamais fréquenté d'école. Je parle des Vietnamiens, des Chinois, qui viennent ici sans français, sans anglais et qu'il faut intégrer dans nos écoles.

Mme Caron: II me semble que l'article 10 répond à votre question. On dit: "Les services de soutien linguistique en français sont des services particuliers d'enseignement destinés à l'élève non admissible aux services d'accueil, inscrit à l'enseignement en français pour la première fois et qui, de l'avis de ses parents ou du personnel de l'école, ne possède pas une connaissance usuelle du français." Cela me semble, du moins ce que j'en comprends, répondre à votre question. (21 h 15)

Mme Dougherty: Peut-être que cela s'applique à ces enfants. J'ai l'impression que j'ai interprété cela comme pour les enfants dans la loi 101.

M. Krauss: II y a les articles 9 et 10.

Il ne faut pas confondre les articles 9 et 10. Il y a l'article 9 qui concerne les services d'accueil pour les enfants qui ne sont pas admissibles à l'école anglaise en vertu de la Charte de la langue française. Il y a l'article 10 qui concerne les services de soutien linguistique. Cela relève d'un autre point de notre mémoire qui disait "que tous ces services sont des services éducatifs autres que les services d'enseignement".

Nous avons souligné - je pense que le ministre en a tenu compte dans ses réponses qu'il y a un problème d'interprétation actuellement. L'article 14 semble donner droit seulement au service d'enseignement et non aux autres services éducatifs tels ceux mentionnés à l'article 10 qui vous intéresse. Si on relie cela à l'article 199, qui énonce les obligations de la commission scolaire, celle-ci est obligée d'offrir les services indiqués à l'article 14, mais l'article 14 ne comprend pas nécessairement les services éducatifs autres que celui de l'enseignement. Je pense que nous avons, mais d'une façon bien différente ou avec une méthode différente de celle que vous suggérez, traité de ce cas lorsque nous avons prôné le changement à l'article 14.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Mme la députée de L'Acadie nous a demandé d'intervenir de nouveau. Elle dispose d'un maximum de trois minutes.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Mme la

députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais essayer d'être très brève. Est-ce que vous avez examiné la proposition à l'article 145, touchant l'élection des commissaires? On dit: "Tout électeur peut être élu commissaire d'une école située sur le territoire d'une commission scolaire où se trouve son domicile." Est-ce que vous l'avez examinée en fonction, justement, du respect des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne? Est-ce qu'un suffrage universel, tel qu'on le connaît au niveau d'un territoire, ne créerait pas un accroc à la charte, alors qu'on doit voter dans le cas d'une école située sur son territoire? Si, par hasard, toutes les écoles étaient déclarées comme ayant un statut confessionnel catholique, est-ce qu'il ne serait pas mieux qu'on en revienne à un suffrage universel au niveau d'un territoire pour la commission scolaire et non pas rattaché à chacune des écoles? Avez-vous examiné cela?

Mme Fournier: Pour répondre à votre question brièvement, non, nous n'avons pas examiné cet article. Effectivement, notre proposition de retirer les articles 31 et 32, dont on parlait, résoudrait votre problème. Le problème que vous soulevez, je crois, est lié au fait que les commissaires seraient élus dans des commissions scolaires dont dépendraient des écoles confessionnelles.

Mme Lavoie-Roux: Mais si on part de la prémisse qu'on conserve l'article 132, le raisonnement qu'on a fait tout à l'heure ensemble pour dire qu'il n'y aurait pas de discrimination si on le donnait à la minorité des écoles neutres... Il pourrait se trouver que l'école neutre soit... Je suppose qu'on pourrait aller voter pour l'école, même si elle n'est pas sur son territoire. Il faudrait d'autres dispositions, sinon... En tout cas, c'est un autre problème. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la Commission des droits de la personne de s'être présentés devant nous. C'est réellement stimulant que de vous entendre. C'est aussi idéalisant de vous entendre parler de principes, de droits fondamentaux. Je pense que vous avez absolument raison de venir éclairer la commission sur les droits fondamentaux à l'éducation, à l'instruction, à l'égalité pour tous.

Il y a une chose que je voudrais que vous explicitiez et ma question va tourner autour de ceci. Jusqu'à quel point le législateur est-il obligé d'insérer dans un projet de loi un droit si, dans le concret, dans la pratique, on n'est pas capable d'appliquer ce droit? Je vais vous donner des exemples. Il est sûr que c'est un idéal que vous nous proposez aujourd'hui. Je voyais vos recommandations. Entre autres, la Commission des droits de la personne recommande: Quatrièmement, la description des services spéciaux offerts aux enfants handicapés ou qui éprouvent des difficultés d'apprentissage. Je pense que c'est un idéal et je pense que ce serait bon que les enfants handicapés qui ont des difficultés d'apprentissage aient tous les services possibles.

J'en vois une autre: Cinquièmement, l'obligation d'implanter un programme d'enseignement des langues d'origine là où le nombre d'enfants le justifie. Je suis d'accord. Si, par exemple, il y a assez de Portugais, d'Espagnols, de Chinois ou de Polonais à un endroit, on devrait faire en sorte de leur donner la chance d'avoir un programme d'enseignement de cette langue; je pense que c'est un idéal.

Il y en a encore une autre, l'indication que le projet éducatif doit comprendre l'éveil aux valeurs culturelles des composantes de la population du Québec. Ce matin, vous disiez: Ceux qui ont droit à un enseignement catholique ou protestant, pourquoi ceux qui ne veulent pas avoir cet enseignement n'auraient pas d'autre genre d'enseignement, entre autres, un enseignement à l'éveil des valeurs culturelles? Madame, je suis d'accord, c'est un bel idéal, mais si moi, comme législateur, j'incorpore dans le projet de loi 40 ces obligations de droits, dans un article, si moi, comme législateur, je ne suis pas capable de concrétiser dans la pratique le droit qu'on annonce, jusqu'à quel point suis-je obligé de le mettre dans le projet de loi?

Autre chose: Si la société québécoise ne peut pas se permettre de donner ces services à toute la communauté dans un élan d'idéal, de respect des droits à l'égalité des libertés individuelles, comment le législateur, jusqu'à un certain point, est-il obligé de mettre dans un projet de loi des droits fondamentaux qu'il ne peut pas concrétiser?

M. Krauss: M. le député, ceci dit avec énormément de respect, je pense que l'ennui pour nous, lorsqu'on qualifie très gentiment nos propositions d'idéal, c'est de les mettre immédiatement au rancart parce que le terme même implique que ce n'est pas faisable. Or, il y a vraiment désaccord parce que nous n'aurions pas fait de recommandations que nous pensions irréalisables. Je pense que ces recommandations sont idéales dans le sens restreint du mot "idéal", en ce qu'elles incorporent des idéaux auxquels croit le

législateur québécois, puisque vous avez vous-mêmes adopté la Charte des droits et libertés de la personne.

Vous savez, il y a bien des gens qui ont reproché au législateur québécois d'avoir été trop idéaliste dans le passé au sujet de certaines lois qui étaient des lois de principe auxquels il croyait énormément et de ne pas s'être arrêté, à cause d'obstacles pratiques, pour mettre à l'épreuve ces principes. Il devient difficile de dire tout à coup qu'il y a des obstacles pratiques lorsque, dans le passé, on a fait preuve d'idéalisme à plusieurs reprises, idéalisme dans le sens restreint; je pense qu'il n'y a rien de féerique dans nos recommandations.

M. Champagne (Mille-Îles): Enfin... Madame, je pense, a...

Mme Fournier: II faut se souvenir qu'il y a une distinction entre les recommandations 1 et 2, où on établit qu'il y a vraiment une contradiction par rapport à la charte, donc cela demande une modification précise. En ce qui concerne les autres droits, nous considérons qu'il s'agit là de droits économiques et sociaux et, nous en avons discuté tout à l'heure, il s'agit effectivement de droits relatifs. Nous croyons que ce que nous suggérons sont des choses faisables, ce sont des choses qui doivent être implantées, sinon, par exemple, les droits des enfants handicapés ou des enfants en difficulté ne seront pas convenablement exercés. Les suggestions que nous faisons, nous les faisons d'une façon assez globale. Comme je le disais tout à l'heure, je pense que l'office y arrive avec plus de précision. Cela démontre justement que c'est possible. Effectivement, il y a un coût social à ce genre de recommandations et nous en sommes conscients. Nous pensons - c'est notre avis - que c'est un coût raisonnable qui doit être absorbé par la collectivité québécoise. Mais nous sommes conscients du fait que cela entraîne un coût social.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Saint-Henri, en conclusion.

M. Hains: J'ai beaucoup apprécié vos discussions et vos échanges de haute voltige, autant légalistes que casuistiques. C'est fort intéressant et fort passionnant.

Je veux toutefois vous poser un cas de conscience, un cas bien particulier et j'espère que vous serez, comme toujours, de bons directeurs de conscience. Voilà mon petit cas. Je prends mon ancienne école, qui était d'à peu près 500 à 600 élèves; elle s'appelle l'école Coeur-Immaculé-de-Marie. Tout de suite, vous voyez le caractère religieux de l'école.

À l'époque, une dizaine d'enfants avaient demandé une exemption, soit qu'ils étaient d'une autre religion ou qu'ils étaient sans religion. Ils suivaient alors des cours de morale. La situation n'a pas tellement évolué aujourd'hui; cela fait déjà trois ou quatre ans de cela et ils sont maintenant une centaine d'enfants à demander une exemption. Cela va? Alors, je ne sais pas, il y a une élection ou quelque chose, les parents ont à définir le nouveau statut. Ils demandent, évidemment -ils sont beaucoup plus nombreux - d'avoir un statut d'école catholique, et ils se proposent, en même temps, de faire un projet éducatif religieux. Est-ce que, à ce moment-là, le statut d'école confessionnelle religieuse pourrait être obtenu si des parents dissidents invoquaient la discrimination illicite, selon vos dires et d'après la Commission des droits de la personne du Québec? Est-ce qu'ils pourraient obtenir le droit d'avoir une école confessionnelle catholique, à cause des parents dissidents qui ne veulent pas accepter et qui se disent menacés dans leurs droits?

Le Président (M. Blouin): Mme Fournier.

Mme Fournier: Je vais passer la parole à M. Yves Côté.

M. Côté (Yves): Votre point de départ se situe dans la loi actuelle et non pas dans le projet de loi 40. Alors, je pense qu'il faudrait faire la distinction.

M. Hains: Bien non. Là, je parle un petit peu... En tout cas, réglez-moi cela. Je vous laisse le cas de conscience.

M. Côté (Yves): Je ne suis pas sûr de pouvoir régler le cas, mais je pense que, si le cas était apporté à la Commission des droits de la personne ou à un juge, par exemple, si les parents ne veulent pas du projet éducatif, on devrait regarder les choses suivantes: Quel est le degré d'intégration de la religion dans votre école? Est-ce que votre...

M. Hains: Quatrième degré.

M. Côté (Yves): Quatrième. Alors, je pense que, si les activités de l'école portaient véritablement atteinte à la liberté religieuse de 100 personnes - parce qu'on est rendu à 100 sur 500, cela fait tout de même 20% - et si la preuve se faisait que leur liberté religieuse est atteinte, oui, je pense qu'il y aurait de la place pour une plainte légitime de discrimination fondée sur la religion.

M. Hains: Alors, ce qui arrive, à ce moment-là, c'est que les parents catholiques, à leur tour, disent qu'ils sont brimés dans

leur liberté; ils vont peut-être jouer un petit peu en même temps sur leur majorité qui est presque de 80%; et ils demandent, à leur tour, de porter... Alors, celui qui va régler le problème, ce serait donc une cour...

M. Côté (Yves): Est-ce que je pourrais vous poser le problème à l'envers?

M. Hains: Oui.

M. Côté (Yves): Si, dans votre école, par exemple, il y avait une majorité de gens... Renversez votre majorité et supposons, à titre d'exemple, que les parents en majorité décident de faire une école à idéologie marxiste-léniniste et qu'il y a 100 catholiques dans votre école. Pensez-vous que les 100 catholiques auraient raison de se plaindre et de prétendre qu'on porte atteinte à la liberté religieuse?

M. Hains: Écoutez, le cas de conscience, c'est moi qui vous l'ai soumis et là, vous le retournez de bord! Mais c'est bon quand même, je vous comprends très bien. Alors, quelle serait la solution? De porter le cas devant un tribunal ou, enfin, devant votre commission, ou quelque chose de semblable? C'est ça?

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Hains: Bon.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Hains: Oui, cela va. C'était juste...

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Hains: ...un cas bien personnel que je voulais soumettre.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. Blouin): Alors, cela complète les échanges entre les membres de la commission et les représentants de la Commission des droits de la personne du Québec. Sur ce, je les remercie d'avoir participé aux travaux de notre commission.

J'invite maintenant les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à bien vouloir s'approcher et prendre place à la table de nos invités. Je leur rappelle donc qu'ils procéderont à une présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes et que, ensuite, nous procéderons aux échanges entre les membres de la commission et nos invités. Et afin de leur permettre de s'avancer et que la table se libère, nous allons suspendre nos travaux pour une minute ou deux tout au plus.

(Suspension de la séance à 21 h 30)

(Reprise de la séance à 21 h 31)

Le Président (M. Blouin): Nous reprenons nos travaux.

J'invite donc maintenant les représentants de l'Office des personnes handicapées à bien vouloir d'abord s'identifier et ensuite à nous livrer le contenu de leur présentation.

Office des personnes handicapées

Mme Robillard (Laurette): Mon nom est Laurette Robillard, je suis la présidente de l'Office des personnes handicapées du Québec. Je vous présente mes collègues: à ma droite, M. Jean-Pierre Lukowycz, membre du conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées, membre de notre comité exécutif, parent d'un enfant multihandicapé, membre du comité de l'office qui a étudié le projet de loi, comité qui était composé également de représentants des associations de persqnnes handicapées; à ma gauche, M. Roch Gadreau, agent de recherche à l'Office des personnes handicapées et auteur du mémoire qui a été déposé à la commission.

Je souligne la présence du ministre responsable de l'Office des personnes handicapées, M. Lazure, et cela m'amène par anticipation aux critiques de M. Ryan vis-à-vis de la commission tout à l'heure, à préciser le rôle de l'Office des personnes handicapées et à indiquer pourquoi un organisme gouvernemental, qui est en mesure de faire des recommandations par le parrainage de son ministre responsable, tenait beaucoup à faire cette présentation et à utiliser cette tribune pour rappeler, dans le cadre d'un important projet de loi, les besoins d'une clientèle particulièrement défavorisée même avec les garanties que les enfants handicapés possèdent dans les lois actuelles.

Les opinions que nous présentons sont le résultat de consultations de l'office avec les organismes qui représentent les parents d'enfants handicapés et se situent dans la suite logique d'un mémoire déjà présenté en différentes occasions en réaction sur le livre blanc, l'école communautaire et responsable, en réaction à des propositions de relance et de renouveau en regard de la formation professionnelle des jeunes et aussi, toujours dans la suite logique de nos représentations aux travaux de la commission d'étude sur la formation des adultes; toujours aussi dans la même ligne de pensée que la proposition de politique d'ensemble À part... égale présentée, proposée plus tôt cette semaine à

tous les décideurs du Québec.

C'est aussi le rôle de l'office de défendre et de représenter les intérêts des enfants handicapés qui ont été exclus sans motif valable de services éducatifs même dans le cadre des garanties que la loi actuelle leur donnait et où nous sommes impliqués comme organisme gouvernemental, avec nos ressources, pour réaliser l'intégration scolaire de plusieurs enfants vis-à-vis des réticences, vis-à-vis des barrières dans leur milieu.

Je tiens aussi à faire remarquer aux personnes présentes qu'en accord avec les organismes provinciaux de promotion, notamment l'association du Québec pour les enfants qui ont des problèmes auditifs, l'Office des personnes handicapées a offert, au cours des séances d'aujourd'hui, pour le bénéfice des téléspectateurs sourds et malentendants, l'interprétation en langage gestuel des échanges que nous avons ce soir et de ceux qui se sont déroulés avec la Commission des droits de la personne. C'est un exemple qu'on voit sur le moniteur et que les spectateurs de ces débats auront vu. On espère que ce précédent à nos frais sera poursuivi par d'autres.

Le Président (M. Blouin): Nous tenons d'ailleurs à vous en remercier, madame.

Mme Robillard: Je vous présente une synthèse de notre mémoire et je terminerai en faisant une allusion, un rappel des recommandations de notre proposition de politique d'ensemble.

L'Office des personnes handicapées du Québec s'intéresse vivement aux propositions du ministre de l'Éducation concernant la restructuration du système scolaire québécois. Depuis sa création et dans chacune de ses prises de position sur l'école québécoise, l'Office des personnes handicapées du Québec cherche à défendre le même objectif. Les personnes handicapées doivent pouvoir avoir accès aux services dont elles ont besoin à l'école et dans les classes régulières ou, lorsque c'est impossible, dans le contexte qui s'en rapproche le plus possible.

Depuis quelques années, les politiques québécoises concernant l'éducation primaire et secondaire ont évolué vers une meilleure reconnaissance du droit des élèves handicapés à une éducation de qualité. En 1978, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées modifiait la Loi sur l'instruction publique pour leur garantir l'accès aux services dont ils ont besoin. Dans ses énoncés de politique, en 1978 et en 1979, le ministère de l'Éducation précisait clairement le droit des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage d'avoir accès à un système public d'éducation pour y recevoir une éducation de qualité dans le contexte le plus normal possible.

À la conférence socio-économique sur l'intégration des personnes handicapées de décembre 1981, le ministre de l'Éducation s'engageait à réviser la loi, si nécessaire, pour clarifier les responsabilités des commissions scolaires. Les échanges que les représentants de l'office ont eus avec ceux du ministère dans le cadre de la rédaction de "À part... égale", rendu public plus tôt cette semaine, ont permis de préciser encore davantage les garanties qui doivent être offertes aux élèves handicapés quant à la qualité des services mis à leur disposition.

Or, l'Office des personnes handicapées du Québec s'interroge sur l'absence de ces garanties dans la version actuelle du projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Les notes explicatives du projet de loi reconnaissent à l'enfant le droit à des services éducatifs qui contribuent à sa formation, favorisent son insertion sociale et lui permettent de développer son autonomie, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales.

L'article 30 précise de plus que l'école est publique et commune, mais rien n'indique comment ces énoncés généraux se traduiront dans la réalité pour les élèves handicapés. On ne retrouve, en effet, aucune précision sur les mesures qui doivent être prises pour leur assurer les services éducatifs de qualité auxquels ils ont droit. Le projet de loi ne précise pas non plus le droit aux élèves handicapés de recevoir leur scolarisation dans l'école et dans la classe régulière. Il contient trop de portes de sortie qui pourraient permettre à des directions d'école ou de commission scolaire de se dégager de leur responsabilité d'intégrer le plus possible les élèves handicapés.

Face à cette possibilité, le Protecteur du citoyen n'apparaît pas comme le meilleur recours pour que les parents obtiennent réponse aux besoins spécifiques de leur enfant. Par ailleurs, dans la version actuelle du projet de loi, les parents d'élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ont des garanties inférieures à celles qui sont offertes aux parents d'élèves qui n'ont pas de déficience quant à leur droit de participer aux décisions qui concernent leur enfant. Comme ils sont largement minoritaires, ils ne pourront que difficilement se faire élire au sein des conseils d'école et des conseils d'administration des commissions scolaires. Ils n'auront accès directement qu'aux comités consultatifs des services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, sur lequel rien n'indique qu'ils seront majoritaires. Le projet de loi ne précise pas non plus qu'ils pourront administrer les écoles spéciales prévues pour leur enfant puisque l'article 33 attribue au ministre le pouvoir d'en établir le mode d'administration. Finalement, le projet de loi ne précise pas que les élèves en difficulté pourront avoir

accès aux services de transport dont ils ont besoin. Pour certains, il faut prévoir un transport adapté. Pour d'autres, qui doivent se déplacer à l'extérieur du territoire de leur commission scolaire, il faut prévoir le remboursement des dépenses que leurs parents doivent alors encourir. C'est une question d'égalisation des chances.

Pour combler ces lacunes du projet de loi, pour qu'il assure une meilleure réponse aux besoins des élèves handicapés et reconnaisse aux parents de ces élèves le droit de participer aux décisions qui concernent leur enfant, le mémoire de l'Office des personnes handicapées propose des modifications à une quarantaine d'articles du projet de loi. Ces propositions peuvent être regroupées autour des recommandations suivantes: Premièrement, qu'on inclue dans la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public des définitions de déficience, incapacité et handicap pour dissiper les confusions qui persistent entre des difficultés d'adaptation et d'apprentissage, d'une part et une déficience ou limitation fonctionnelle qui commande une adaptation de la pédagogie et des services de soutien, d'autre part. Je vais un peu ajouter sur cette question. Pour l'office, c'est une question fondamentale. C'est le squelette de notre proposition de politique et, on pense, un moyen de faire un partage des responsabilités et aussi de démystifier, dans certains cas, l'étendue des ressources qui peuvent être affectées à répondre à certains besoins.

Les définitions qui sont développées dans la proposition de politique de l'office, je les reprends. La déficience, c'est la perte, la malformation ou l'anomalie d'un organe, d'une structure ou d'une fonction mentale psychologique, physiologique ou anatomique. Elle est le résultat d'un état pathologique objectif, observable, mesurable et pouvant faire l'objet d'un diagnostic. L'incapacité ou la limitation fonctionnelle, c'est toute réduction résultant d'une déficience partielle ou totale de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain. Le handicap est dissocié, à ce moment, de la personne. C'est le désavantage social pour une personne qui résulte d'une déficience ou d'une incapacité et qui limite ou interdit l'accomplissement de ses rôles sociaux reliés à l'âge, au sexe, au facteur socioculturel. Le mémoire de l'office s'adresse, bien sûr, à l'appellation d'élèves handicapés plutôt qu'à l'appellation plus globale, plus englobante d'élèves en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation.

Deuxième recommandation de l'office. Qu'on inclue dans la loi des dispositions pour que soient rendus disponibles pour les élèves handicapés qui en ont besoin des plans d'intervention pour l'accès aux services éducatifs; que ces plans d'intervention soient préparés par une équipe multidisciplinaire et détermine pour chaque élève handicapé quelles adaptations doivent être apportées aux services éducatifs qui lui sont offerts; lorsque nécessaire, quel service d'enseignement et quels services complémentaires spécialisés doivent lui être offerts, les aides techniques qui sont mis à sa disposition, les mesures qui doivent être prises pour assurer l'intégration maximale de l'élève handicapé dans la classe ou dans l'école régulière et, le cas échéant, dans une ressource qui répond le mieux à ses besoins.

Cette question de plan d'intervention individuelle, je pense, reprend une des objections que M. Laurin avait tout à l'heure vis-à-vis d'une demande de la commission des droits où le ministre disait que les critères établis au niveau régional ou que l'autonomie du milieu pouvait tenir compte de situations particulières de chaque personne handicapée. À ce moment, l'adoption de ce plan d'intervention, une garantie dans la loi que ce plan d'intervention pourrait s'adresser à chaque élève handicapé, ferait justement que le milieu pourrait répondre aux besoins, mais le faire aussi dans une rationalisation des ressources. (21 h 45)

Troisième recommandation de l'office. Que la loi précise clairement le droit pour les élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage de recevoir les services éducatifs qui répondent à leurs besoins dans le contexte le plus normal possible et qu'à cette fin l'enseignant, l'école ou la commission scolaire qui ne peut accueillir un élève handicapé dans la classe ou dans l'école régulière ait à donner par écrit les motifs de sa décision.

Quatrième recommandation: Que la loi précise le devoir pour chaque école d'inclure dans son projet éducatif les éléments propres à assurer l'intégration maximale des élèves handicapés sur son territoire.

Cinquième recommandation: Que le ministre de l'Éducation en revienne à sa proposition, contenue dans le livre blanc "L'école québécoise, une école communautaire responsable", quant à la création d'un poste de protecteur de l'élève.

Sixième recommandations: Que le ministre de l'Éducation confie l'administration des écoles à vocation régionale ou suprarégionale à un conseil d'école, selon les modalités prévues pour l'ensemble des écoles.

Septième recommandation: Que le comité prévu pour les services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage soit décisionnel plutôt que consultatif; qu'il soit formé majoritairement de parents de ces élèves et qu'il puisse déléguer un représentant au conseil d'administration de la commission scolaire.

Huitième recommandation: Que la loi

précise le devoir de la commission scolaire d'organiser un transport adapté pour les élèves handicapés qui en ont besoin et de défrayer les coûts de déplacement des élèves handicapés qui doivent fréquenter une école à l'extérieur de leur territoire.

L'Office des personnes handicapées considère qu'il est important que ces dispositions soient incluses dans la future Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. La formulation actuelle des articles du projet de loi qui concernent les élèves handicapés n'exclut pas que les services soient offerts, mais elle ne donne pas de garantie qu'ils le seront. Or, l'expérience démontre que cette imprécision permet à de nombreux intervenants des écoles et des commissions scolaires de se défiler de leurs responsabilités à l'égard des élèves handicapés.

Le ministre avait souscrit à cette analyse de la situation en prenant l'engagement, à la Conférence socio-économique sur l'intégration des personnes handicapées, d'apporter des précisions à la loi pour clarifier les responsabilités des commissions scolaires. Celles-ci s'étaient alors engagées - un des engagements les plus importants du sommet - à justifier obligatoirement le retrait d'un enfant si un motif sérieux empêchait son maintien dans une classe. L'Office des personnes handicapées du Québec espère vivement que le ministre de l'Éducation donnera suite à ces engagements, en apportant les précisions nécessaires dans la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Je vais faire un bref rappel des recommandations du chapitre des services éducatifs, dans la proposition de politique d'ensemble de l'office, pour compléter les recommandations que je viens de présenter. L'office identifie un certain nombre de moyens à mettre en oeuvre pour garantir aux enfants handicapés les services éducatifs auxquels ils ont droit. Parmi ces moyens, nous tenons à mentionner que, dans une optique de prévention des troubles d'apprentissage et de planification des services, il est nécessaire que la commission scolaire mette sur pied un mécanisme de référence obligatoire avec le département de santé communautaire pour identifier les enfants handicapés qui auront des besoins spéciaux à l'âge scolaire. Il est nécessaire de clarifier les responsabilités des commissions scolaires et des écoles à l'égard des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans le cadre du plan de services, l'utilisation de plans d'intervention en services éducatifs comme outils de planification et de coordination pour les élèves qui en ont besoin, la réponse aux besoins des enfants handicapés dans le projet éducatif de l'école et la participation des parents. C'est la responsabilité de la commission scolaire et de l'école de démontrer leur impossibilité d'offrir des services à un enfant handicapé, le cas échéant.

L'office est convaincu que la mise en place de telles mesures est de nature à favoriser grandement l'accès aux services éducatifs pour les élèves handicapés. Comme vous le savez, notre concours est assuré aux fonctionnaires du ministère de l'Éducation qui sont représentés au conseil d'administration de l'office pour proposer des solutions et des modalités raisonnables. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Champigny-Robillard. M. le ministre.

M. Laurin: Je salue d'abord avec plaisir l'Office des personnes handicapées du Québec dont il me fait plaisir de reconnaître et de souligner, à l'occasion de la présentation de leur mémoire, l'apport considérable, essentiel et précieux qu'il a apporté à l'amélioration de la condition des personnes handicapées au Québec. Il était compréhensible, normal, qu'à l'occasion de la révision de la loi actuelle sur l'instruction publique l'Office des personnes handicapées nous présente tout un train de recommandations dans la foulée de son travail afin d'améliorer encore davantage la condition de ces personnes handicapées qui fréquentent l'école québécoise.

Il va sans dire que j'ai lu avec un vif intérêt ce mémoire et que j'apporterai une très grande attention aux quelque 40 recommandations qui nous sont soumises.

D'abord, pour donner suite aux recommandations de l'office, il m'apparaît utile de rappeler les aménagements proposés par le gouvernement dans le projet de loi 40. Au départ, pour éliminer toute ambiguïté, je tiens à vous signaler mon intention de modifier le libellé des articles 14, 97 et 204 afin de répondre aux inquiétudes des organismes qui oeuvrent dans le domaine des services aux personnes handicapées ou aux personnes qui souffrent de difficultés d'apprentissage.

Le deuxième alinéa de l'article 14 sera modifié de façon à reconnaître explicitement le droit aux services complémentaires et particuliers prévus dans le chapitre 1 du projet de loi, mais dans la mesure déterminée par la commission scolaire en fonction des besoins propres des personnes concernées.

L'article 97 qui énonce le pouvoir du directeur d'école d'intégrer dans une classe ordinaire une personne en difficulté d'apprentissage ou handicapée sera aussi modifié de manière à faire obligation au directeur de l'école d'établir un plan d'intervention adapté aux besoins de chaque personne handicapée ou en difficulté d'apprentissage, plan d'intervention qui devra

favoriser l'intégration dans les classes ou activités ordinaires et qui sera établi après consultation de l'élève concerné, de ses parents et du personnel en cause.

Enfin, l'article 204 sera aussi modifié de manière à faire obligation à la commission scolaire d'établir sur recommandation d'un comité consultatif des services aux élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage, obligation, donc, à la commission scolaire d'établir les normes sur l'organisation des services éducatifs à ces élèves qui favorisent leur intégration dans les classes ou activités ordinaires.

Ces clarifications faites, les orientations du gouvernement concernant l'accès des personnes handicapées ou qui souffrent de difficultés d'apprentissage aux services éducatifs auxquels elles ont droit apparaissent plus explicites.

L'article 14 amendé du projet de loi 40 garantira donc à toute personne handicapée ou qui éprouve des difficultés d'apprentissage le droit à des services de formation et d'éveil au préscolaire et à des services d'enseignement au primaire et au secondaire. Cette personne aura aussi droit aux services éducatifs complémentaires et particuliers prévus dans le chapitre 1 du projet de loi, dans la mesure déterminée par la commission scolaire, en fonction des besoins propres des personnes concernées.

Pour assurer à la personne handicapée ou qui souffre de difficultés d'apprentissage l'exercice de ces droits éducatifs dans un contexte le plus normal possible, l'article 204 fera obligation à la commission scolaire d'établir, sur recommandation d'un comité consultatif composé de représentants des parents de ces élèves, du personnel en cause et des organismes qui ont une expérience dans la prestation des services à ces élèves, des normes sur l'organisation des services éducatifs aux personnes handicapées ou qui souffrent de difficultés d'apprentissage, normes qui favoriseront leur intégration dans les classes ou activités ordinaires.

Lorsque, dans le cadre de ces normes d'organisation des services éducatifs aux personnes handicapées ou qui souffrent de difficulté d'apprentissage, un élève est inscrit dans une école ordinaire, le directeur de cette école devra donc établir, en vertu de l'article 97, un plan d'intervention adapté à chaque élève, qui favorise son intégration dans une classe ou une activité ordinaire chaque fois qu'une telle mesure est jugée possible et propre à faciliter l'insertion sociale de l'élève et ses apprentissages. Ce plan d'intervention devra être établi après consultation de l'élève, de ses parents et du personnel en cause.

Cet aménagement des droits éducatifs des personnes handicapées ou qui éprouvent des difficultés d'apprentissage nous paraît de nature à permettre la poursuite de l'objectif énoncé par l'office, à savoir que les personnes handicapées doivent avoir accès aux services dont elles ont besoin à l'école et dans les classes ordinaires ou, lorsque c'est impossible, dans un contexte qui s'en rapproche le plus possible.

Vous suggérez, en outre, que soit inscrit dans la loi un droit à l'intégration pour les personnes handicapées, accompagné d'une obligation faite à la commission scolaire, obligation balisée par des conditions bien identifiées dans la loi. Cependant, nous sommes d'avis que les dispositions du projet de loi 40 arrivent aux mêmes fins. Le gouvernement favorise cette intégration dans toute la mesure du possible, mais considère, en même temps, que l'intégration est une modalité d'organisation des services éducatifs qui doit être appliquée en tenant compte de la situation personnelle de chaque personne handicapée ou qui souffre de difficulté d'apprentissage.

Par ailleurs, chaque fois que la décision est prise d'intégrer une personne handicapée dans une classe ou une activité ordinaire, les mesures qui rendent possible cette intégration doivent être adaptées aux besoins particuliers de la personne concernée. Le projet de loi 40 ne précise pas, non plus, les services spéciaux à offrir aux personnes handicapées ou qui souffrent de difficulté d'apprentissage. Ici encore, le gouvernement estime qu'il appartient aux organismes scolaires de choisir les mesures les plus adaptées aux besoins de chaque personne concernée.

Il faut noter, en outre, les améliorations apportées par le projet de loi 40 au titre de la participation des élèves handicapés, de leurs parents, du personnel concerné et des organismes spécialisés dans la dispensation de ces services. Nous croyons que ces aménagements permettront la détermination de normes d'organisation des services éducatifs et de plans d'intervention individuels adaptés aux besoins de chaque élève, plus conformes aux besoins des personnes concernées et aux demandes des parents.

Par ailleurs, bien qu'il ne propose pas de fixer dans la loi les services spéciaux à offrir aux personnes handicapées ni les mesures devant accompagner l'intégration de ces personnes dans des classes ordinaires, le gouvernement fournit aux commissions scolaires et aux écoles le soutien et l'aide financière pour les aider à exercer les importantes responsabilités que leur attribue le projet de loi 40.

Le ministère de l'Éducation a mis à la disposition des organismes scolaires un énoncé de politique et un plan d'action que vous connaissez bien, relativement aux services éducatifs aux personnes handicapées ou souffrant de difficulté d'apprentissage. Cette politique n'a pas de caractère

contraignant, certes, mais elle se veut un guide utile aux organismes scolaires. Le but de cette politique est d'assurer l'accessibilité des personnes handicapées à des services appropriés et de qualité, dans le cadre le plus normal possible pour elles. Cette politique comporte les éléments suivants: 1- accessibilité au système public d'éducation; 2- accessibilité à une éducation de qualité, appropriée à l'enfant; 3- accessibilité à l'éducation dans le cadre le plus normal possible pour l'enfant. (22 heures)

À la suite du sommet économique sur les personnes handicapées, une commission a été mise sur pied au ministère de l'Éducation et au ministère des Affaires sociales du Québec pour réaliser le mandat de préparer des modèles de plans de services pour les divers groupes de personnes handicapées. De tels modèles sont actuellement élaborés à partir d'une ou de deux années d'expérimentation de projets pilotes. Ces modèles de plans de services sont par la suite soumis à un comité consultatif de spécialistes, par la suite à l'Office des personnes handicapées et ils trouveront finalement leur voie vers les commissions scolaires et vers les écoles. Donc, nous entendons, de cette façon, remplir l'engagement que nous avons pris au sommet.

Enfin, je rappelle que les ressources financières allouées à chaque commission scolaire sont déterminées en tenant compte de la structure de la clientèle de chaque commission scolaire, c'est-à-dire en tenant compte du poids relatif des élèves en difficulté et des ratios spécifiques à ces élèves. Mais, en plus des ressources financières allouées globalement à chaque commission scolaire, le gouvernement attribue également des allocations supplémentaires aux commissions scolaires qui assurent des services éducatifs particuliers à des élèves de 4 à 21 ans souffrant de déficience physique, sensorielle, mentale ou de mésadaptation socio-affective. En 1983-1984, un montant de 19 000 000 $ fut ainsi alloué aux commissions scolaires.

Le comité consultatif des services aux élèves en difficulté se voit attribuer le pouvoir de donner son avis à la commission scolaire sur l'affectation de ces ressources financières pour les élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.

En somme, le gouvernement épouse les objectifs de l'office, mais il ne croit pas que le meilleur moyen pour assurer aux personnes handicapées l'exercice de leurs droits éducatifs dans le cadre le plus normal possible pour chaque personne soit d'inscrire dans la loi les circonstances justifiant le refus d'intégrer ces personnes dans les classes ordinaires, ni de préciser dans la loi les mesures à prendre dans les cas d'intégration, ni les services spéciaux à offrir à ces personnes. Dans cette matière, le principe du projet de loi est de responsabiliser les commissions scolaires et les écoles en leur confiant le soin de prendre les décisions requises en collaboration avec les personnes concernées et les spécialistes en ce domaine. La diversité des besoins des personnes handicapées justifie l'approche du projet de loi 40.

Comme je le mentionnais au début, certaines de vos recommandations touchent moins à des amendements législatifs qu'à des changements de pratique au niveau de l'administration. Nous y porterons quand même une grande attention, parce qu'il revient au ministère de l'Éducation, soit de modifier ses pratiques administratives, soit d'inciter les instances intermédiaires à les modifier elles aussi. Je crois que c'est le cas de la recommandation que vous nous faites pour un meilleur arrimage à effectuer entre le département de santé communautaire et les commissions scolaires. Nous transmettrons cette recommandation aux commissions scolaires et je ne doute pas que cela deviendra pour elles pratique courante.

Je voudrais aussi parler pendant quelques instants de ce que vous mentionnez sur le protecteur du citoyen. Il n'y a pas de différence entre ce que contenait le livre blanc à ce sujet et le projet de loi. On a peut-être changé les mots "protecteur de l'élève" pour "protecteur du citoyen", mais la réalité n'est pas changée en ce sens que le protecteur de l'élève, qui s'appellera maintenant protecteur du citoyen, ne s'appellera ainsi que parce qu'il sera un assistant du Protecteur général du citoyen, mais sa fonction spécifique sera d'assurer le respect des droits des élèves qui sont garantis par le projet de loi. Nous prévoyons que les régions du Québec pourront toutes compter sur un assistant du Protecteur du citoyen qui verra au respect des droits des élèves.

Je pense aussi que vous avez été tenus au courant de l'amendement que nous avons apporté en ce qui concerne les écoles à vocation régionale. Le sens de cet amendement est de permettre, par entente, avec les commissions scolaires concernées, que ces écoles dépendent de l'une ou l'autre des commissions scolaires intéressées. Si tel est le cas, il est évident que ces écoles pourront compter sur des conseils d'école où les élèves, aussi bien que les parents, pourront être représentés soit au comité consultatif, soit au conseil d'école.

Un dernier mot enfin sur le transport, et là c'est vraiment une question que j'ai à vous poser. J'ai pris bonne note de votre recommandation, mais j'aimerais que vous me précisiez davantage le sens de votre demande, car, comme vous le savez, le ministère de l'Éducation n'est pas le seul à assumer la responsabilité de cette dimension,

le transport des élèves. Je la partage avec mon collègue des Transports et je dirais même que le coût étant assumé par mon collègue, il a peut-être une responsabilité plus importante que la mienne à cet égard. Pour que je puisse gagner votre point, ou notre point, dans les discussions que j'aurai avec lui à ce sujet, j'aimerais que vous me précisiez davantage ce qui vous amène à nous faire cette recommandation, aussi bien pour les élèves qui fréquenteraient une école spéciale, mais qui viendraient de l'extérieur du territoire d'une commission scolaire, que pour les élèves qui sont hébergés dans des établissements relevant du ministère des Affaires sociales.

Mme Robillard: II s'agit des élèves qui doivent se déplacer parce que les services dont ils ont besoin ne peuvent pas être regroupés dans leur milieu naturel, dans leur milieu immédiat. Ce sont souvent des enfants lourdement handicapés - on pense surtout aux enfants qui ont des déficiences sensorielles, auditives ou visuelles et dont l'apprentissage, très jeunes, nécessite des ressources très spécialisées - mais qui peuvent et qu'on doit ensuite, dans leur milieu, intégrer à l'école à un certain niveau, généralement au début du secondaire.

Pour la socialisation, la normalisation de vie de ces enfants-là, il est nécessaire qu'ils puissent retourner dans leur famille plus souvent qu'une ou deux fois par année. Il s'agit d'une clientèle faible numériquement; il ne s'agit pas de grande population. On pense que, pour égaliser les chances de ces enfants, pour que l'État reprenne à sa charge le coût du handicap, ce qui était exprimé dans le livre blanc sur une politique d'intégration des personnes handicapées, c'est l'État qui devrait assumer le coût de ces déplacements. C'est la réponse à votre question?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Ah oui, d'accord, M. Gadreau.

M. Gadreau (Roch): Pour compléter, je pense qu'en fait la question peut se diviser en deux. Il y a, d'une part, les élèves handicapés qui ont besoin nécessairement d'un transport adapté, donc, qui ne peuvent pas utiliser le transport scolaire régulier. À cet égard, le projet de loi dit que la commission scolaire peut organiser un transport à l'intention des élèves de son territoire. Notre proposition va dans le sens de dire qu'à l'égard des élèves handicapés qui doivent utiliser un transport adapté, ce pouvoir de la commission scolaire devrait plutôt être un devoir puisque, sans ce transport adapté, il devient très difficile pour ces élèves de fréquenter leur école.

L'autre question est celle que Mme Robillard exprimait, c'est le cas des élèves qui doivent fréquenter des écoles à l'extérieur du territoire de la commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Gadreau.

M. Lukowycz (Jean-Pierre): J'allais juste renchérir sur le transport adapté. Dans le passé, on disait aux parents: Organisez-vous et on vous trouvera peut-être une place à l'intérieur de l'école ou à la commission scolaire. Ce que nous demandons, c'est qu'ils prennent leurs responsabilités et qu'ils fassent eux-mêmes les démarches d'organisation pour les élèves qui en ont besoin.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: II me fait plaisir de saluer la délégation de l'Office des personnes handicapées et de féliciter, en particulier, le rédacteur du mémoire qu'on a dit être M. Gareau. C'est un mémoire qui sera très utile au travail de la commission parce qu'il attire notre attention sur un aspect qui a été de toute évidence négligé dans la rédaction du projet de loi que nous avons devant nous. Je veux rassurer Mme la présidente en lui disant que les observations qu'on nous fait me paraissent se situer entièrement dans la perspective du mandat confié à l'office. Si l'office était venu nous faire des recommandations sur les structures de base, par exemple, les rapports entre l'école et la commission scolaire, l'aménagement du pouvoir dans l'école, etc., j'aurais été quelque peu sceptique ou réservé; je l'aurais accueilli avec intérêt quand même. Mais ce n'est pas le cas du tout, car à peu près toutes vos observations sont nettement dans le cadre des responsabilités qui vous sont confiées non seulement par le texte de la loi mais par ce que j'appellerais les attentes de vos concitoyens. Par conséquent, je ne veux pas qu'il y ait du tout d'inquiétude ou d'insécurité à ce sujet, dans la mesure où il pourrait y en avoir.

L'essentiel de votre mémoire me paraît se résumer en quelques mots très simples: à plusieurs endroits où il y a le mot "peut", vous voulez qu'on inscrive le mot "doit", en particulier dans des passages clés où il est question des responsabilités du directeur de l'école, de la commission scolaire, du ministre et de l'ensemble du système d'enseignement. Sur ce point fondamental, le ministre vous a dit lui-même qu'il y aurait des changements apportés à des articles très importants comme l'article 97, l'article 204, en particulier, et aussi l'article 14, je crois. Ce sont des points sur lesquels nous voulions vous assurer de notre entier appui. Aucune difficulté de ce côté.

Je crois devoir insister sur une omission apparente dans la liste des attributions qui sont confiées au ministre de l'Éducation. Vous avez demandé qu'on lui fasse l'obligation de fournir aux commissions scolaires des modèles d'organisation en ce qui touche l'action en faveur des enfants handicapés. Je pense qu'il n'y aurait aucune objection de notre côté à ce qu'un article précis soit ajouté à la liste des responsabilités du ministre de manière qu'il soit clairement établi qu'il a des responsabilités qu'il ne saurait éluder. Il nous a dit tantôt que le ministère exerce une influence importante sur le travail des commissions scolaires par le truchement des règles budgétaires.

C'est très bien, mais ce que vous dites me rappelle une chose qui nous a été soumise hier par l'Association des centres d'accueil du Québec; l'association insistait pour qu'au niveau de tout le Québec il y ait une autorité responsable pour que les enfants qui souffrent de difficultés sociales, de difficultés d'adaptation sociale soient l'objet de politiques et d'une attention qui soient cautionnées et renforcées par certaines obligations précises faites au ministre dans ce domaine. Je pense que le même principe peut s'appliquer dans le cas que vous nous soumettez ce soir. Cette recommandation que vous faites, personnellement, j'y suis très sensible. (22 h 15)

II y a une question que je voudrais vous poser et qui soulève des problèmes dans mon esprit, c'est à propos des recommandations que vous faites au sujet des articles 185 et 186 du projet de loi. L'article 185 prévoit que devrait être constitué dans chaque commission scolaire un comité consultatif des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, auquel seraient confiées les fonctions suivantes: élaborer des normes d'organisation des services à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage; donner son avis à la commission scolaire sur l'affectation des ressources financières pour les services à l'élève en difficulté d'apprentissage.

Vous demandez, dans votre mémoire, si j'ai bien compris, que ce comité qui serait constitué dans chaque commission scolaire soit pourvu de pouvoirs décisionnels. Vous dites qu'il devrait avoir, entre autres, les responsabilités suivantes: établir la politique d'intégration - ce n'est pas seulement élaborer des normes d'organisation; c'est établir la politique d'intégration - des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage; établir un plan d'organisation des services assurant le maintien des élèves en difficulté dans leur milieu de vie; résoudre tout problème particulier d'intégration; assurer la surveillance et l'utilisation des budgets en soumettant ses recommandations au conseil d'administration; déléguer un représentant au conseil d'administration de la commission scolaire et un représentant au comité consultatif du transport des élèves.

Les deux dernières attributions ne font pas problème dans mon esprit. Il semblerait assez normal que ce comité puisse avoir son mot à dire dans le travail du comité consultatif sur le transport des élèves. Il me semble que l'enfance handicapée doit avoir une présence directe dans le comité qui avisera la commission scolaire à ce sujet. L'idée d'avoir un représentant de ce secteur au conseil d'administration de la commission scolaire peut donc être envisagée. Est-ce que cela devrait être avec droit de vote ou sans droit de vote? J'aime mieux inscrire un point d'interrogation parce que nous favorisons, de ce côté-ci, l'élection de commissaires au suffrage universel. Nous n'avons pas changé d'idée là-dessus, après tout ce que nous avons entendu à la commission. Nous maintenons cette opinion. Il pourrait peut-être y avoir un représentant, participant de plein droit aux délibérations, mais sans droit de vote. C'est une question, en tout cas, que vous posez et que nous allons examiner de notre côté.

Faire de ce comité un comité décisionnel crée des problèmes dans mon esprit parce que, selon la conception que je me fais de l'organisation des services scolaires, vous avez une commission scolaire qui est responsable de l'aménagement des services éducatifs sur son territoire et cette commission scolaire doit créer des services, nommer des responsables de service qui seront mandatés pour agir en son nom pour faire en sorte que les services soient dispensés efficacement avec toute la qualité voulue. Il ne faut pas qu'on crée des gouvernements parallèles à l'intérieur des commissions scolaires. Il me semblerait qu'un comité comme celui-là, s'il devait devenir décisionnel, devient une espèce de petite commission scolaire parallèle et je ne pense pas que ce soit une chose acceptable en bonne logique d'organisation. Je ne sais pas comment vous pouvez justifier cette recommandation. Vous la faites avec beaucoup de fermeté et elle suscite des questions dans mon esprit.

Mme Robillard: Je pense que notre approche en est une d'égalité de droits. Dans les propositions du projet de loi, les parents ont un pouvoir décisionnel. Les parents d'enfants handicapés n'en ont pas et ils ne seront pas élus parce qu'ils n'auront pas la base politique pour pouvoir l'être. Ces propositions découlent aussi de nos consultations avec les organismes de promotion et les associations de personnes handicapées. Même si cela a été modifié un peu en cours de route, je vais demander à Roch de compléter cette intervention.

M. Gadreau: Ce que je pourrais ajouter va dans le même sens que ce que Mme Robillard vient de dire. En fait, notre justification pour proposer que ce comité soit décisionnel, c'est qu'on accorde aux parents d'élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage le même pouvoir décisionnel qu'aux parents des élèves qui n'ont pas de déficience. La seule instance où ces parents peuvent avoir accès majoritairement, c'est à l'intérieur de ce comité qui est proposé par les articles 185 et 186. Comme Mme Robillard le disait, au sein des conseils d'école et des conseils d'administration des commissions scolaires, il est très peu probable qu'on voie des parents d'élèves handicapés élus parce qu'ils n'auront pas suffisamment d'appui pour y arriver. C'est pour cette raison qu'on propose que ce comité devienne décisionnel, qu'on lui accorde les pouvoirs de prendre les décisions qui concernent les élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.

Dans ce sens, il n'y a pas de contradiction avec le fait que les autres instances de la commission scolaire soient élues au suffrage universel parce que, dans le cas de ce comité, les membres sont aussi élus par l'ensemble des parents des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.

M. Ryan: Vous savez que, nous, nous avons des réserves sur ce principe. Si vous avez suivi les travaux de la commission parlementaire jusqu'à maintenant, vous aurez sans doute noté que nous voulons que les commissions scolaires soient dirigées non pas par des délégués du comité d'école, mais par des citoyens élus au suffrage universel par l'ensemble de leurs concitoyens, ce qui n'exclut pas une participation active des parents à tous les stades du fonctionnement de la commission scolaire. Mais nous voulons que la commission scolaire soit dirigée par des citoyens mandatés par l'ensemble de leurs concitoyens, par toute la communauté, non pas seulement par un secteur particulier, si important soit-il à notre jugement. C'est le même principe que j'appliquerais à ceci. J'aurais de la difficulté à accepter ceci, quoique je comprenne très bien les raisons que vous mentionnez. Il me semblerait que le risque de duplication, de dédoublement de l'autorité serait trop grand et pas de nature, nécessairement, à produire les meilleurs résultats. Je vous soumets ceci. Le ministre ne s'est pas prononcé là-dessus tantôt, mais cela me semble être une source de difficultés.

M. Lukowycz: Non, d'accord; encore une fois, ceci, comme vous dites, c'est dit avec beaucoup de fermeté, mais encore basé sur l'expérience des années passées où, parce qu'ils étaient continuellement en minorité, les parents ayant des enfants handicapés avaient énormément de difficultés. Même si la commission scolaire nous disait: On est bien d'accord avec l'intégration, etc., au niveau de l'action et du plan d'action, il n'y a pas beaucoup qui se faisait si les parents d'enfants handicapés n'étaient pas présents sur les lieux et, aussi, avaient une voix très forte. Dans ce sens, cela devient essentiel et c'est de là que vient la fermeté de cette suggestion.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Office des personnes handicapées.

M. Lazure: Merci. Je voudrais d'abord saluer Mme la présidente et M. Jean-Pierre Lukowycz, membre du conseil d'administration, de la région de l'Outaouais, et Roch Gadreau, qui est un employé de l'office, qui a été le principal maître d'oeuvre de cet excellent mémoire.

Je voudrais aussi dire deux mots du fonctionnement de l'Office des personnes handicapées et de son rôle. Le projet de loi 9 qui a été adopté à l'unanimité a créé cet Office des personnes handicapées en lui donnant un double rôle et quand on comprend bien son double rôle, on n'est pas du tout étonné que l'office soit présent ici aujourd'hui. Il représente à la fois le gouvernement, dans un sens, mais aussi les personnes handicapées, la totalité des personnes handicapées.

Son premier rôle est de coordonner les activités des différents ministères et des différents organismes gouvernementaux. Il doit stimuler l'action gouvernementale. Il doit aussi agir comme conseiller auprès du gouvernement. Mais un autre rôle, qui est tout aussi important, c'est celui de stimuler l'action des personnes handicapées, des organismes de promotion, les aider région par région, dans tout le Québec, à mieux représenter les droits des personnes handicapées et à mieux véhiculer leurs revendications ou à les seconder, non seulement auprès du gouvernement, mais auprès de l'ensemble de la société. L'Office des personnes handicapées a ceci de particulier que son conseil d'administration est très majoritairement composé de personnes handicapées ou de parents de personnes handicapées.

Le gouvernement a tenu, en 1978, à ce que cet office soit véritablement le carrefour où les personnes présentant un handicap de toute sorte puissent être représentées et si ils ou elles sont jeunes, que ces personnes soient représentées par leurs parents. En plus, il y a une représentation du monde patronal, une représentation du monde syndical et, finalement, une représentation de plusieurs

ministères, mais, évidemment, sans droit de vote. Mais cette représentation des ministères est quand même précieuse et je veux rendre hommage à l'action du ministère de l'Éducation au sein de cet office.

M. le ministre de l'Éducation, je pense que vous devez savoir de façon très nette que votre ministère a joué un rôle très actif et a constamment fait le lien entre l'office et l'ensemble de votre ministère. C'est pour cela que, finalement, les dispositions du projet de loi 40 rejoignent assez bien, à mon avis, les attentes des personnes handicapées, surtout après les amendements dont le ministre de l'Éducation vient de nous faire part, au tout début de la séance. Les trois amendements aux articles 14, 97 et 204 sont de nature à donner satisfaction et à diminuer grandement certaines appréhensions que les parents de jeunes handicapés pouvaient avoir.

J'enchaîne tout de suite avec une quatrième et une cinquième préoccupations exprimées dans le mémoire de l'Office des personnes handicapées. La quatrième traite de la protection des intérêts de l'élève, d'où la recommandation que le gouvernement nomme un protecteur de l'élève. Je pense que la solution retenue et explicitée par le ministre de l'Éducation, tantôt, équivaut, à toutes fins utiles, là aussi, aux attentes des personnes handicapées en ce sens que le Protecteur du citoyen, sera, une fois le projet de loi mis en vigueur, assisté d'un adjoint qui, lui, deviendra le Protecteur du citoyen-élève ou le Protecteur de l'élève-citoyen. Dans la mesure où cette personne assumera de façon totale, entière et exclusive dans ses rôles, dans ses fonctions, cette mission de défendre les intérêts de l'élève, région par région, à ce moment-là, cela répondra aux attentes des personnes handicapées.

La cinquième proposition venant du mémoire de l'office - on y a fait allusion tantôt - c'est-à-dire le comité consultatif de la commission scolaire. Je pense, moi aussi, qu'il est difficile de donner satisfaction à cette demande, de l'agréer complètement à cette demande. Je comprends très bien les motifs de la demande. C'est un peu le prix qu'il faut payer pour jouer le jeu de la démocratie. (22 h 30)

D'autre part, je voudrais rassurer les parents d'enfants handicapés qui sont un peu beaucoup représentés ici par l'office, M. M. Lukowycz en particulier, et leur dire qu'avec la prolifération et la multiplication d'associations pour personnes handicapées, phénomène assez nouveau, multiplication qui nous amène à un chiffre d'au-delà 500 associations locales, régionales ou nationales de personnes handicapées, avec donc ces 500 associations, assistées de l'office et quand même avec la bonne volonté de la plupart des commissions scolaires, et toutes ces sauvegardes et toutes ces présences étant assurées, plus celle du protecteur de l'élève-citoyen, nous aurons une situation un peu analogue ou presque équivalente à celle qui est réclamée par le mémoire de l'office.

Je voudrais dire deux mots de la proposition d'une politique d'ensemble qui a été rendue publique il y a quelques jours et qui est l'aboutissement d'un travail commencé depuis plus de deux ans et dont le point de départ a été véritablement le sommet socio-économique pour l'intégration de la personne handicapée en décembre 1981. J'ouvre d'abord une parenthèse sur tout cela, cette conférence socio-économique sur l'intégration sociale de la personne handicapée, pour qu'on se rende bien compte que les inquiétudes ou les revendications des personnes handicapées vis-à-vis de la chose scolaire ne doivent pas seulement être adressées au ministère de l'Éducation mais aussi à d'autres organismes, telle la Fédération des commissions scolaires. Je note que, dans les engagements de ce sommet de 1981, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec disait justement ceci: "Nous nous engageons à adopter des moyens pour accepter tous les enfants en classe régulière et justifier obligatoirement le retrait d'un enfant si un motif sérieux empêche son maintien dans une classe."

Je pense qu'il est pertinent et utile de faire ce rappel à la Fédération des commissions scolaires catholiques, vos dévouées partenaires, mon cher collègue, de manière que cette question vitale, fondamentale, de l'intégration ou du retrait parfois nécessaire dans certains cas, se règle de façon systématique et qu'en conséquence les retraits occasionnels soient justifiés de façon très claire auprès des parents. On devrait donc y voir des résultats concrets puisque à la fois le ministère et la Fédération des commissions scolaires catholiques - en tout cas celle-ci, elle ne parlait peut-être pas au nom de la Fédération des commissions scolaires protestantes, auront à voir à ce qu'il y ait une convergence dans les faits. Finalement, la fédération disait aussi qu'elle s'engageait à impliquer les parents dans l'application et l'élaboration des plans d'intervention.

M. le Président, dans les différentes recommandations qui sont contenues dans cette proposition que l'Office des personnes handicapées présente à la fois au gouvernement, mais aussi, comme Mme la présidente le disait tantôt, à tous les décideurs dans la société québécoise, je ne vais pas revenir aux propositions qui touchent le monde de l'éducation. Mme la présidente en a explicité les principales tantôt. Je voudrais cependant m'arrêter à une qui me paraît capitale: celle qu'on retrouve à la page 136 du rapport "À part... égale" et qui

demande que chaque commission scolaire mette sur pied un mécanisme de référence obligatoire permettant aux services de santé communautaire de son territoire de lui faire connaître dès l'âge de trois ans et même avant les enfants handicapés qu'elle devra desservir ainsi que la nature de la déficience et l'étendue des limitations fonctionnelles de chacun d'eux, et ainsi de suite.

Il me paraît primordial, à l'occasion de ce projet de loi qui a une importance capitale pour la société québécoise et surtout pour les générations à venir, que ce lien toujours difficile à faire entre deux grands réseaux, le réseau de l'éducation et le réseau des affaires sociales, il me paraît fondamental, dis-je, que nous fassions encore plus d'efforts qu'on n'en a fait dans le passé pour qu'autour de questions aussi concrètes que le dépistage précoce - parce que c'est de cela dont il s'agit - on puisse maximiser l'action des deux réseaux, le réseau dss affaires sociales, les hôpitaux, les départements de santé communautaire, et l'action du monde scolaire.

Une remarque dans le même ordre d'idées, cette fois-ci à l'autre extrémité de l'éventail. J'ai parlé des tout jeunes, trois ans et plus. Parlons maintenant des jeunes de 16 ans à 21 ans qui souffrent de handicaps sérieux, qui présentent des handicaps physiques ou mentaux sérieux. La plupart du temps, il s'agit de déficiences mentales, de handicaps mentaux. La loi 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, en 1978, a prévu que chaque commission scolaire devait obligatoirement fournir un programme d'éducation à chaque jeune jusqu'à l'âge de 20 ans. On sait que, dans plusieurs commissions scolaires, des efforts valables ont été faits. On connaît, on est conscient de la complexité du problème, mais là aussi je pense qu'il devrait y avoir une interaction du ministère de l'Éducation, du ministère des Affaires sociales, et possiblement du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, de manière que cette scolarité qui, dans bien des cas, rendu à 18, 19, 20 ou 21 ans, peut être une scolarité très partielle, accompagnée d'un certain apprentissage au travail, de façon que ces programmes pour le jeune jusqu'à 21 ans soient vraiment mieux axés sur une occupation utile à la société pour le jeune, lorsqu'il aura atteint l'âge de 21 ou 22 ans.

Les statistiques que j'ai eu l'occasion de voir tout récemment concernant l'intégration aux niveaux primaire et secondaire - j'y reviens - sont encourageantes, mais c'est encore, évidemment, insuffisant. En 1980-1981, dans l'ensemble du primaire et du secondaire, 47% des élèves handicapés étaient intégrés. Deux ans plus tard, 1982-1983, 55%. Donc, on passe de 47% à 55%. C'est certainement un bond dans la bonne direction, c'est un pas dans la bonne direction, mais nous sommes tous convaincus, autant les associations de personnes handicapées, l'office que moi-même, qu'il y a encore un bon pourcentage -est-ce 10%, 15% ou 20%? - d'enfants qui pourraient être intégrés.

Finalement, quant à la régionalisation des services, on y a fait allusion tantôt, il est clair que chez certains jeunes qui présentent des handicaps très graves, très sévères, et, parfois, plusieurs handicaps à la fois, il est difficile d'avoir des services éducatifs, des services scolaires spécialisés dans toutes les régions du Québec. Je pense que les associations le comprennent. D'autre part, on aimerait voir un certain mouvement, une certaine amorce d'implantation d'écoles tout aussi spécialisées dans quelques autres régions du Québec. Vous savez, il y a certains enfants handicapés qui doivent partir de l'Abitibi pour venir s'installer dans un pensionnat, dans une école du genre internat à Montréal, et la même chose pour certains enfants qui partent de la Gaspésie et qui viennent passer des mois à Québec dans une autre école internat. Il est bien évident que l'apprentissage est excellent. Il est évident qu'au plan technique cela a été jusqu'ici la seule façon d'arriver à ramasser dans un seul lieu, dans une seule institution, toute l'expertise voulue. Mais il serait souhaitable que, au fur et à mesure, nous formions des spécialistes dans le monde scolaire, que nous tentions, ne serait-ce qu'à titre d'expérience pilote, d'ouvrir dans quelques autres régions du Québec des écoles qui ont été concentrées jusqu'ici à Montréal et à Québec.

L'accès aux édifices du monde scolaire. Là aussi il y avait eu un engagement au sommet de 1981; là aussi on peut certainement constater un progrès intéressant, encourageant, en dépit des difficultés économiques que nous venons de traverser depuis deux ou trois ans au plan budgétaire. Je veux souligner la contribution du ministère de l'Éducation, qui a injecté 6 000 000 $, depuis la tenue du sommet, pour convertir et rendre accessibles des locaux scolaires. Il est évident que certaines commissions scolaires ont ajouté à cette contribution du ministère.

En conclusion, M. le Président, je voudrais remercier encore une fois l'office et en particulier la présidente et Roch Gadreau pour la qualité du mémoire. Je voudrais aussi inciter mon collègue, le ministre de l'Éducation, bien connu pour sa propension et son aptitude à poser des gestes de pionnier, à prendre en grande considération et à retenir le maximum des demandes contenues dans le mémoire de l'office, puisque c'est la première fois, "À part... égale", depuis que ce document a été rendu public cette semaine, que le gouvernement a l'occasion de mettre

en pratique certaines recommandations contenues dans ce rapport. Compte tenu que cette réforme est une réforme majeure pour la scolarisation, l'éducation de nos jeunes, cela me paraît une excellente occasion pour qu'on s'assure cette fois-ci que les jeunes personnes handicapées soient tout aussi privilégiées par les avantages de cette réforme que l'ensemble des jeunes du Québec. Merci.

Le Président (M. Payne): Merci, M. le ministre responsable de l'Office des personnes handicapées. J'invite Mme la députée de Jacques-Cartier à prendre la parole.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier de votre mémoire et vous féliciter de l'excellent travail que vous faites à l'office. Je suis certainement d'accord avec l'essence de vos recommandations. J'ai été particulièrement heureuse d'entendre la réponse du ministre, parce qu'il est grand temps que le gouvernement appuie d'une façon concrète les beaux principes qu'il énonce de temps en temps. Je suis heureuse d'entendre que le gouvernement va appuyer ces principes; peut-être pas à 100%, on a parlé de 19 000 000 $, j'ai l'impression que si on divise 19 000 000 $ entre toutes les commissions scolaires qui existent au Québec, on arrive à une somme assez modeste pour chaque commission scolaire. C'est au moins un pas en avant vers la création des ressources dont nous avons tellement besoin dans nos écoles.

Je partage les réserves que le député d'Argenteuil a soulevées en ce qui concerne votre septième recommandation. J'aimerais, cependant, y ajouter d'autres éléments. D'abord, je me demande si les parents sont vraiment les mieux placés pour prendre les décisions, pour déterminer les services et les programmes propices aux besoins de leurs enfants. Je crois que, souvent - pas toujours, mais souvent - il est difficile pour des parents qui ont des enfants avec des difficultés d'être objectifs. Il faudrait peut-être que ces décisions soient prises par d'autres personnes moins impliquées sur le plan émotif. (22 h 45)

Donc, j'appuie la recommandation du député d'Argenteuil voulant que la responsabilité de ces décisions réside chez une autre autorité, qui a la responsabilité de l'ensemble des ressources, de la distribution équitable de ces ressources pour tous les élèves; un organisme qui a la responsabilité budgétaire aussi. On ne peut diviser la responsabilité d'étudier la nature et la quantité des services de la responsabilité budgétaire. Je crois que c'est un principe important. Il faut que ces deux responsabilités résident dans le même organisme.

Après avoir entendu les réserves du député d'Argenteuil, les miennes se traduisent ainsi. Est-ce que vous êtes encore convaincus que votre recommandation est valable?

Mme Robillard: Sans que nous nous engagions sur le terrain plus politique du principe de l'école aux parents, je pense qu'il est important de souligner - je pense que M. Lukowycz l'a fait valoir - que l'expérience des parents, jusqu'à maintenant, a été de se confronter à un système dans lequel ils étaient rejetés. Quand on parle de la participation des parents dans les décisions qui concernent leur enfant, quel que soit le moyen qui soit choisi pour la garantir, cette participation, ce sera certainement un principe que l'office maintiendra. Notre expérience nous l'a prouvé, nous avons dû intervenir dans de hautes luttes, récemment, dans une région très particulière au Québec, dans le cas d'intégration de cinq enfants qui avaient été exclus, qui n'avaient reçu aucun service éducatif depuis... - un enfant avait huit ans et était encore à la maison - par ignorance et par la non-reconnaissance de leurs droits par les autorités en place. Je ne veux pas contester votre approche ni vos principes, mais je pense que ces principes doivent trouver des garanties et des moyens de les exercer.

Mme Dougherty: J'ai travaillé avec les parents pendant plusieurs années - j'en vois quelques-uns ici ce soir. Je ne voudrais pas, ni une minute ni un instant, dévaloriser le rôle des parents parce que c'est souvent grâce aux parents, à la persévérance des parents, que les enfants réussissent à obtenir des services adéquats. Je crois qu'il y a un rôle pour les parents et d'autres responsabilités aussi. On devrait peut-être reconnaître une distinction entre le rôle des parents et le rôle des professionnels. Donc, c'est un "partnership", je crois. Ce n'est pas en donnant aux parents le contrôle des décisions qu'on arrivera nécessairement à obtenir les meilleurs services et les meilleurs résultats pour les enfants. Avez-vous d'autres commentaires?

M. Gadreau: Sur ce que vous venez d'ajouter, on ne veut pas débattre cette question. Notre proposition va dans le sens de permettre aux parents d'élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage d'avoir accès au pouvoir de décision concernant les services offerts à leur enfant; que ce soit en "partnership", comme vous le dites, avec les professionnels ou autres, ce sont des modalités qui restent à établir. Actuellement, comme M. Lukowycz le disait tout à l'heure, à la suite de l'intervention du

député d'Argenteuil, dans de nombreuses situations, les parents d'élèves handicapés se retrouvent dans la même situation que leur enfant, c'est-à-dire qu'ils sont exclus, ils n'ont pas accès au pouvoir de décision qui est reconnu à l'ensemble des parents.

Mme Dougherty: Je comprends les raisons qui vous ont amenés à formuler cette recommandation. J'ai une autre question.

Concernant la première recommandation, pouvez-vous expliquer les raisons pour lesquelles vous avez formulé cette proposition?

Mme Robillard: La question des définitions?

Mme Dougherty: Oui. Voulez-vous préciser ou expliquer les raisons? J'ai encore des réserves là. Le problème...

Mme Robillard: D'équité? Mme Dougherty: ...de labelling. Mme Robillard: D'étiquette? Mme Dougherty: ...des enfants. M. Lazure: Étiquetage.

Mme Dougherty: Étiquetage. Je connais le mot, mais je ne peux pas le dire.

Des voix: Ah!

Mme Dougherty: Ma langue n'est pas assez souple pour le dire.

Mme Robillard: C'est la première recommandation parce que c'est une recommandation centrale dans toute la philosophie de l'office, non seulement dans ce mémoire-ci, mais dans la proposition de politique "À part... égale".

Mme la députée, ce que je souhaiterais, c'est que vous lisiez la proposition de politique de l'office et qu'on puisse ensuite en discuter. Je pense que l'éclairage viendrait plus facilement. C'est à partir de ces définitions qu'on a défini, dans les propositions de politique, les modèles d'interventions qui s'adressent aux personnes handicapées. Quand on dissocie - je pense que cela rejoint votre objection à l'étiquetage, à l'identification négative qu'ont faite certaines personnes - les conséquences d'une déficience et d'une limitation, qui empêchent une personne de jouer le rôle social qui devrait être à sa mesure et qu'on se rend compte que le handicap est social et que c'est la société qu'il faut adapter, qu'il faut modifier, on évite justement de centrer tout l'aspect négatif de ce qu'une personne ne peut pas faire là; on le déplace. Cela nous permet et cela nous a permis, en développant cette formule dans notre proposition de politique, de faire un partage beaucoup plus adéquat, beaucoup plus fonctionnel des responsabilités des différents intervenants. Cette approche est en train de se développer un peu partout dans le monde, à partir d'une proposition de définition qui provient de l'Organisation mondiale de la santé. On n'en a pas fait une thèse scientifique, mais on l'a développée. D'ailleurs, dans le travail qui a été fait pour réaliser ce document qui nous a amenés à travailler de l'intérieur avec plusieurs ministères, il s'est développé des consensus. On s'est aperçu qu'on avait des moyens pour éviter les chevauchements dans les ressources, les trous aussi dans les ressources, et évidemment les chevauchements de compétences du ministère des Affaires sociales et du ministère de l'Éducation, dans les réponses aux besoins des enfants handicapés plus particulièrement.

Mme Dougherty: C'est parce que je suis très consciente, trop consciente peut-être, du danger qui surgit quand on étiquette les personnes, parce que les personnes changent. Tout le monde sait que les étiquettes, en anglais, on dit que cela devient des "self-fulfilling prophecies", c'est très dangereux, parce qu'elles imposent des limites et préjugent les personnes. Il vaut mieux mettre l'accent sur les services dont on a besoin au lieu d'étiqueter les personnes. J'ai vu dans votre première recommandation ce danger, même si, administrativement, cela pourrait faciliter les choses. On pourrait préjuger les individus.

Mme Robillard: Je crois fermement que c'est exactement le contraire qui va se produire.

Mme Dougherty: Est-ce que j'ai encore deux minutes?

Le Président (M. Blouin): Vous avez encore quelques minutes, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Dans votre troisième recommandation, la dernière phrase m'inquiète un peu. Voudriez-vous expliquer pourquoi vous avez proposé cette mesure? Je vois mal comment cela va résoudre les problèmes. Est-ce que c'est pour avoir un bilan des problèmes à propos des restrictions qui existent? Voudriez-vous préciser un peu et expliquer pourquoi vous avez proposé cette mesure?

Mme Robillard: C'est en regard du refus des commissions scolaires, jusqu'à ce que les commissions scolaires aient l'obligation de justifier leur refus d'intégrer

un enfant. C'est vraiment à cause de l'expérience vécue, à la suite de cas documentés. M. Lazure a fait allusion, tout à l'heure, à l'engagement que la Fédération des commissions scolaires avait pris au sommet et cela répondait, à ce moment, à des pressions qui avaient été faites sur les commissions scolaires. Encore une fois, ce sont des cas particuliers, documentés de commissions scolaires - j'ai fait référence à un tout à l'heure - qui ne s'étaient pas acquittées de leurs responsabilités et d'enfants qui étaient restés sans aucun service éducatif, de quelque nature que ce soit, pour des raisons non justifiables. À ce moment-là, cela donne le fardeau de la preuve de l'incapacité de l'enfant à recevoir... On pense que la commission scolaire, avant de se retrouver dans une situation comme celle-là, va y penser deux fois.

Mme Dougherty: Si les raisons ne sont pas justifiables, qui va trancher la question? Qui va dire à la commission scolaire: Alors, il faut accepter cet enfant?

Mme Robillard: Je pense qu'il y a des recours.

Mme Dougherty: Qui va décider si les raisons sont justifiables ou non?

Mme Robillard: C'est pour cela qu'on demande des garanties dans la loi.

Mme Dougherty: Oui, mais, dans votre proposition, vous n'avez pas précisé qui doit avoir la responsabilité d'assurer que l'enfant soit accepté... Comprenez-vous le problème?

Mme Robillard: Qu'une intégration se réalise. Si le droit est garanti dans la loi -le ministre de l'Éducation nous a dit que ce droit serait précisé dans la loi - à ce moment-là, il y a un recours au tribunal. Il y a déjà des recours aux tribunaux qui se sont exercés dans des situations...

Mme Dougherty: Oui, je connais le problème. Il a été soulevé par la Commission des droits de la personne.

Mme Robillard: Oui, il y a aussi... (23 heures)

Mme Dougherty: Mais c'est un problème très délicat, parce que c'est un handicap très sévère. Est-ce que ce sont les tribunaux qui vont décider si les raisons sont justifiables ou non?

Mme Robillard: II demeure que la commission scolaire a toujours la responsabilité d'offrir des services éducatifs, que ceux-ci doivent être élaborés avec un plan d'intervention pour répondre aux besoins particuliers d'un élève. À ce moment-là, si toutes ces étapes étaient réalisées, ce seraient des cas très exceptionnels que ceux où la commission scolaire aurait à justifier le refus d'un enfant. Mais l'obligation pour la commission scolaire de justifier le refus d'accepter un enfant est une obligation onéreuse pour elle; je pense autant en termes politiques, autant en termes de réflexion qu'elle devra être amenée à faire par, peut-être, des instances plus décisionnelles que celles qui peuvent avoir donné lieu au refus.

Mme Dougherty: Je crois que c'est une question très, très délicate. Car aux États-Unis, par exemple, on a toutes sortes de lois, beaucoup plus qu'ici, qui obligent souvent les commissions scolaires à éduquer des enfants qu'on pourrait catégoriser comme non éducables. Je crois qu'il existe certains être humains difficilement éducables. Il y a un danger là pour les commissions scolaires, et c'est l'autre côté de la médaille. Certains cas pourraient peut-être être acceptés par des commissions scolaires qui ne sont pas en mesure de les servir adéquatement. Il y a un autre danger: celui de pousser les choses trop loin.

Mme Robillard: Si la commission scolaire ne peut pas répondre aux besoins particuliers d'un élève, elle peut conclure des ententes avec d'autres services. Il y a des services de suppléance qui peuvent se développer, qui peuvent provenir de l'office, par exemple. Il y a déjà eu des expériences, mais dans les cas dont on a parlé il ne s'agissait pas d'enfants non éducables.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la député de Jacques-Cartier.

Au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, je remercie les responsables de l'Office des personnes handicapées du Québec de leur importante participation à nos travaux. Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux à demain matin 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 3)

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