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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 7 février 1984 - Vol. 27 N° 245

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de la commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), M. Gauthier (Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Le May (Gaspé), M. Payne (Vachon) et M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

Aujourd'hui, nous entendrons, à compter de 10 heures, le Comité de parents régional 04 et la commission scolaire Les Écores. À compter de 15 heures, nous entendrons la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec; ensuite, l'Institut canadien d'éducation des adultes. À 20 heures, nous recevrons la Coalition des syndicats d'employés de la CECM (Alliance des professeurs de Montréal, Syndicat des professionnels de la CECM, Association du personnel professionnel administratif) et, ensuite, la commission scolaire La Vallière.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais m'enquérir au sujet du ministre. Est-ce qu'il est attendu bientôt ce matin?

M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président. Il devrait être ici dans quelques minutes.

M. Ryan: Merci. Deuxièmement, je voudrais soulever une question de règlement. Lorsqu'un organisme a adressé à la commission un mémoire pour dépôt seulement, qu'est-ce que cela veut dire?

Le Président (M. Blouin): Normalement, cela indique que l'organisme ne désire pas être entendu par la commission. Est-ce que cela va?

M. Ryan: Je crois que cela va, mais qu'on va être en face d'une situation contradictoire, d'après l'ordre du jour que vous nous avez communiqué. Le premier organisme sur la liste avait inscrit sur son mémoire qu'il l'envoyait pour dépôt seulement. C'était mentionné également dans la dernière liste que le gouvernement nous a remise, le 10 janvier 1984. À l'article 221, il est écrit clairement: "Le groupe - je ne sais pas si c'est COMPARE ou COMPARÉ 04 -pour dépôt seulement". Dans les mémoires qu'on nous a versés, il était indiqué sur la page couverture: "Pour dépôt seulement". Alors, je m'étonne qu'on change cela en cours de route, sans même nous prévenir, alors qu'il y a des organismes qui ont manifesté le désir d'être entendus formellement à maintes reprises et qui se font dire qu'il n'y a pas de place parce que le gouvernement n'aura pas le temps de les recevoir.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, quand un organisme adresse son mémoire, il peut nous indiquer si c'est pour dépôt ou s'il désire être entendu. Cependant, rien n'empêche un groupe de nous indiquer en cours de cheminement qu'il désire être entendu. Je veux rappeler au député d'Argenteuil que, sur le nombre d'organismes que nous allons entendre cette semaine, non pas par entente, mais, enfin, par un certain nombre de suggestions qui nous ont été faites, il s'agit d'une très grande majorité d'organismes qui proviennent d'une liste qui nous a été fournie par l'Opposition. Alors, que, de notre côté, nous ayons suggéré deux organismes, je crois, sur un nombre de seize que nous entendrons cette semaine, je ne crois pas qu'il y ait là vraiment sujet à mésentente entre nous.

M. Ryan: M. le Président, je tiens à relever ce qu'a dit le député de Fabre. D'abord, ce groupe n'était évidemment pas sur la liste que nous avons remise au gouvernement parce qu'il n'avait jamais communiqué à la commission parlementaire son intention ou son désir d'être entendu par

la commission. Il y avait, par contre, sur la liste que nous avons remise au gouvernement, beaucoup d'organismes représentatifs de parents qui, eux, se voient laissés à la porte par le gouvernement pour des raisons qui n'ont jamais été expliquées. Je trouve que c'est un acte de manipulation et de mépris envers la commission qu'il faut déplorer, parce que, nous, nous avons fonctionné en comprenant que cet organisme, pour lequel j'ai tout le respect nécessaire, nous avait indiqué qu'il ne tenait pas à être entendu et qu'il envoyait son mémoire pour dépôt. Tout à coup, nous apprenons, sans qu'il n'y ait jamais eu de correspondance adressée à la commission à ce sujet-là et même aucune sorte de communication faite à l'Opposition, que nous allons l'entendre ce matin, alors que d'autres ne sont pas là. Je trouve que c'est déplorable. Les explications que j'ai entendues ne résistent pas à l'examen.

Le Président (M. Blouin): Je comprends, M. le député d'Argenteuil, que vous puissiez, comme vous venez de le dire, déplorer cette situation, mais, d'autre part, je vous signale que l'organisme dont il est question avait déposé son mémoire dans les délais requis. Il est toujours loisible au leader du gouvernement de communiquer, à même l'ensemble des mémoires déposés... Il a cette latitude de demander qu'on entende des groupes qui, initialement, auraient pu souhaiter que leur mémoire soit déposé.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, le député d'Argenteuil a mentionné que vous n'avez jamais reçu communication du groupe que nous allons entendre. Est-ce le cas? Avez-vous reçu un télégramme ou une quelconque communication du groupe nous indiquant qu'il désirait être entendu?

Le Président (M. Blouin): Mon Dieu! J'ai reçu beaucoup de télégrammes et beaucoup de communications depuis le début de cette commission. Je pourrais vérifier mais, de mémoire, je ne saurais vous le dire.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, est-ce que vous pourriez vérifier, avant d'affirmer que le président de la commission ou que nous n'avons pas reçu de communication du Comité de parents régional 04 que nous allons entendre?

Le Président (M. Blouin): Enfin, même si je vérifie cette question, je ne crois pas que cela change le fond du problème. Le fond du problème soulevé par M. le député d'Argenteuil - sans reprendre la motion pour laquelle il y a eu une décision de rendue -est que ce groupe aurait initialement demandé de ne pas être entendu et, subséquemment, à la suite de communications, le leader du gouvernement a indiqué au Secrétariat des commissions qu'il désirait entendre ce groupe. Évidemment, à proprement parler, il n'y a pas d'accroc strict à notre règlement, puisque le leader du gouvernement a toute latitude à cet égard.

Voilà! On me remet copie d'un télégramme que m'a adressé le groupe qui est devant nous, lequel se lit ainsi: "Considérant le prolongement de la commission parlementaire, considérant le peu de temps accordé à l'enfance en difficulté, le Comité de parents de la région 04 demande à être entendu à la commission parlementaire sur son mémoire sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage." C'est signé par Mme Huguette Lévesque, qui est devant nous ce matin.

Vous avez raison, monsieur. Je n'ai pas vérifié, M. le député d'Argenteuil, mais je présume que ce que vous dites est exact, que ce groupe aurait initialement demandé que son mémoire soit déposé mais, par la suite, il aurait communiqué avec la commission pour demander aussi d'être entendu. C'est le leader du gouvernement qui a pris l'initiative de demander au Secrétariat des commissions de convoquer le groupe qui est devant nous.

Ces choses étant clarifiées, M. le député d'Argenteuil...

M. Ryan: M. le Président, je voudrais faire seulement un commentaire, étant donné la lecture que vous venez de faire du télégramme reçu du Comité de parents régional 04. Vous devez avoir un pouvoir d'influence bien spécial, parce qu'il y a des organismes qui avaient dit dès le début qu'ils tenaient à être entendus. Vous, vous ne teniez pas être entendus...

Le Président (M. Blouin): Comprenez, monsieur...

M. Ryan: ...le gouvernement change sa ligne de conduite à la suite d'un message, alors que d'autres ont envoyé des messages. Il ne les écoute même pas et il ne donne même pas d'explication valable. Je tiens à enregistrer ces réactions, parce que cela m'apparaît typique d'un comportement arbitraire et manipulateur que nous déplorons et condamnons vivement.

Le Président (M. Blouin): Cela est enregistré au journal les Débats. Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais m'associer aux remarques du député d'Argenteuil, et c'est important. On se trouve devant un cas évident de manipulation de la part du gouvernement.

M. Ryan: Oui.

Mme Lavoie-Roux: On aura beau nous sortir les télégrammes qu'on voudra, je regrette et, d'une certaine façon, je m'en excuse auprès de ces personnes qui sont ici devant nous, mais, devant le nombre de personnes qui ont fait des représentations très étoffées pour être entendues, qui ont plaidé pour être entendues et qu'on refuse d'entendre, il est assez étonnant que des personnes qui avaient demandé à ne pas être entendues soient convoquées alors que la semaine est très courte et qu'on doit restreindre le nombre de témoins qui peuvent être entendus ici. C'est un exemple très clair de manipulation de la part du gouvernement et je tiens à le souligner, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de L'Acadie, j'espère qu'il n'y aura pas d'autres commentaires, parce que nous sommes sur un terrain très glissant, compte tenu d'une décision qui a été rendue antérieurement.

Sur ce, je demande maintenant aux représentants du Comité de parents de la région 04 de bien vouloir d'abord s'identifier et ensuite de nous livrer...

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Juste avant que nous terminions là-dessus, j'aimerais que vous nous rendiez une décision écrite au sujet de l'interprétation que vous avez donnée de la décision prise par le gouvernement. D'un mémoire qui avait été fait pour dépôt seulement, vous avez dit: Le gouvernement peut changer cela n'importe quand. Pourriez-vous nous donner cela par écrit avec les motifs?

Le Président (M. Blouin): Je peux bien faire cela, M. le député d'Argenteuil, avec plaisir.

M. Ryan: Je l'apprécierais vivement.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale que le journal des Débats est un document écrit et que vous pouvez le consulter en tout temps.

Sur ce, je vous invite donc à présenter en une vingtaine de minutes le contenu de votre mémoire et ensuite nous procéderons aux échanges entre les membres de la commission et nos invités.

COMPARE 04

Mme Lévesque (Huguette): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, membres de cette commission parlementaire, il nous fait plaisir de participer à cette audience. Il y a donc Mmes Madeleine Payette, à ma gauche, et Christiane Buisson, à ma droite, toutes deux directrices de section, et moi-même, je suis Huguette Lévesque, présidente de COMPARE 04.

COMPARE 04 est le regroupement des délégués des 25 comités de parents du territoire de la région administrative Mauricie-Bois-Francs. Réunis à Trois-Rivières en assemblée générale le vendredi 23 septembre 1983, les 20 délégués présents se prononcent unanimement contre le statu quo. Les délégués affirment la nécessité d'une réforme scolaire et donnent leur appui aux résolutions votées à l'assemblée générale de la Fédération des comités de parents de la province de Québec.

Les parents attendent depuis longtemps le dépôt du projet de loi; aussi, dès le printemps 1983, le comité ad hoc est formé. Il reçoit le mandat d'étudier le projet de loi 40 et de soumettre son projet de mémoire aux délégués à COMPARE 04. Lorsqu'il présente un plan détaillé du mémoire, le comité ad hoc reçoit un appui unanime et le mandat clair de déposer le mémoire à la commission parlementaire.

La clientèle qui nous préoccupe dans le présent mémoire est constituée des élèves identifiés comme vivant avec une déficience mentale, sensorielle ou physique, une mésadaptation socio-affective, ou des problèmes d'apprentissage; d'autres clientèles retiennent aussi notre attention: ce sont les élèves qui vivent avec des maladies, où certains dysfonctionnements, discriminatoires parce que mal connus, ou des élèves ayant besoin de mesures d'appui pour demeurer dans leur milieu, ou encore les élèves très doués pour qui l'école n'offre pas les éléments d'enrichissement nécessaires à leur stimulation.

État de situation. Notre réflexion est inspirée du vécu des parents de la région et ces faits se répètent certainement ailleurs aussi.

Les principes de l'intégration sont maintenant connus dans les commissions scolaires et appliqués différemment d'un milieu à l'autre. Les parents se rallient au principe de l'intégration dans le milieu naturel, mais ils disent non à l'intégration à tout prix. Les parents disent oui à l'intégration, mais où sont les ressources qui assurent un soutien à l'élève et à l'enseignant? Où sont les priorités des commissions scolaires quant aux ressources financières qui garantiraient les services nécessaires au soutien de la démarche?

Les parents disent oui à l'intégration, mais a-t-on lu le dossier de l'élève qui vit avec une surdité importante? Que peut-on pour l'élève qui est maintenant en situation d'échec en décembre? Il a perdu toutes les

explications qui ontété données face au tableau. Où est la concertation? Où est la sensibilisation et le soutien technique et pédagogique qui auraient dû être offerts aux enseignants?

Et le cas de ce nain, pour qui l'école n'est pas adaptée et qui n'est pas considéré comme un handicapé au sens de la loi. Il a dû quitter l'école parce qu'il est épuisé, à cause des escaliers et du poids disproportionné des volumes qu'il transporte dans son sac d'école. Dans son cas, aucune adaptation physique n'est prévue.

L'intégration dans les classes dites "régulières" est-elle assortie d'un soutien individualisé aux besoins spécifiques de l'élève? L'intégration d'un élève perturbé affectivement, celui qu'on étiquette généreusement de mésadapté socio-affectif, est-elle réalisable sans le soutien de l'orthopédagogue qui est maintenant professeur de catéchèse? Si l'enfant "craque" en classe, qui va le sortir de sa crise, qui va ramasser toute la classe?

Dans certaines commissions scolaires, il n'y a aucun service de soutien et là où le service est trop restreint, on ne touche qu'aux cas graves à cause du manque de personnel.

Les enfants qu'on a déjà indentifiés et étiquetés comme déficients légers, moyens, profonds, troubles graves d'apprentissage, que fait-on pour les sortir du carcan? Où sont les mécanismes prévus pour obliger les commissions scolaires à adapter leurs services aux besoins de leur clientèle?

La proposition contenue dans le projet de loi 40. La publication du livre blanc a suscité des attentes et fait naître des espoirs pour lesquels les parents n'entendent pas faire de concession.

Il est important pour nous, parents, de souligner l'intérêt que nous portons à la garantie de scolarisation et à la garantie des services, à l'intégration et aux services destinés aux enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage-comité consultatif, écoles régionales et nationales, carte nationale.

La garantie de scolarisation. Le projet de loi 40, bien qu'il semble être en premier lieu une réforme administrative, doit garantir à tous les usagers le droit à l'éducation et aux services d'enseignement, tel que proposé à l'article 14.

Pour que s'exerce pleinement ce droit à la scolarisation, on doit assurer à tous les enfants des services d'éducation et d'enseignement. On doit de plus assurer la formation de l'élève et viser le plein épanouissement et le développement intégral de sa personnalité. La garantie de scolarisation pour tous les élèves doit s'inscrire dans l'optique de développer le potentiel maximum de chacun, qu'il soit des plus doués - talentueux - ou encore un élève vivant avec une déficience physique ou intellectuelle, sans oublier celui qui, pour des raisons sociales ou affectives, accuse un retard dans ses apprentissages.

L'information aux parents. La responsabilité de l'enfant revient finalement aux parents; comme parents, nous sommes responsables des succès ou des échecs, des erreurs ou des méfaits, des coûts entraînés par les dégâts. La garantie de succès dans le développement intellectuel et social de l'enfant ne peut se réaliser sans la collaboration étroite entre les parents et l'école, collaboration qui se traduit dans un partage des informations au sujet du vécu de l'élève dans un contexte de respect et d'honnêteté.

Connaissant bien la situation de leurs enfants, les parents ou les gardiens ont droit à une information juste et précise dans un langage non équivoque et facilement accessible. Ils veulent participer à la prise de décision et il faut que la commission scolaire ait l'obligation d'informer les parents des services disponibles ainsi que ceux qui pourraient être utiles sans être présentement offerts.

Une éducation de qualité dans le cadre le plus normal. Les parents se rallient pour vouloir que la réforme scolaire, en plus d'être une réforme administrative, assure une meilleure qualité de l'éducation et de l'enseignement. Nous, les parents, voulons que la garantie de services de scolarisation assure à tous les élèves une éducation de qualité dans le cadre le plus normal.

Pour l'élève et sa famille, le cadre normal est, en premier et avant tout, l'école de son quartier avec les services de soutien nécessaires à l'enseignant qui intervient auprès de l'élève. Le cadre normal est aussi, si le besoin est plus sérieux, l'intervention du spécialiste auprès de l'élève. Ce n'est qu'après avoir reçu ces mesures d'appui que l'élève pourrait être déplacé vers des classes où sont offerts des services plus spécialisés. Nous demandons pour ces élèves qu'on développe au maximum leur potentiel et leur autonomie, qu'on leur permette de faire les acquisitions de base préparatoires au marché du travail. Les acquisitions de base, les parents les réclament depuis longtemps, par exemple: savoir lire, compter pour être autonome dans les activités de vie quotidienne, aller au marché, se diriger, s'intégrer dans la vie du milieu.

Où est la qualité pour ces groupes d'enfants classés à jamais "troubles graves d'apprentissage", que l'on occupe dans des classes fort généreusement étiquetées? Que fait-on pour les sortir de ce milieu, pour les aider à évoluer? Nous demandons pour ces élèves le droit à une évaluation centrée sur la personne et son potentiel d'apprentissage.

Mme Buisson (Christiane): Le droit à

une évaluation centrée sur la personne et son potentiel d'apprentissage.

Article 8: "Les services éducatifs particuliers à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage comprennent des services d'enseignement et des services complémentaires spécialisés."

Article 113: "L'école établit les normes et modalités de l'évaluation des apprentissages de l'élève. "En collaboration avec le personnel en cause, l'école primaire juge de l'aptitude d'un élève à passer de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire."

Nos enfants sont différents les uns des autres, différents dans leur personnalité, leur fonctionnement et leur potentiel d'apprentissage. Notre système d'éducation est fondé sur la loi de la moyenne et ceux qui n'entrent pas dans le moule dérangent.

Il faut pour nos enfants, au début de leurs études, déceler les faiblesses, les limites au plan intellectuel et physique, voir la situation dans toute sa réalité. Des outils sont là, on en parle à voix basse, parce qu'on dit que ce serait favoriser ces enfants que d'utiliser le bilan fonctionnel et d'élaborer pour chaque enfant un plan individualisé d'intervention.

Connaissant bien le potentiel de l'élève, on pourra ensuite l'évaluer en fonction de son potentiel d'apprentissage. L'enfant ayant des problèmes d'adaptation ou d'apprentissage ne peut pas être évalué avec les mêmes outils et sur la même base que les autres. Il doit être évalué en fonction des objectifs qu'on lui a fixés et qui sont à sa portée. Nous recommandons que le ministère de l'Éducation prévoie des mécanismes obligeant l'école à identifier le potentiel de l'élève, à élaborer un plan individualisé d'intervention, à évaluer l'élève en fonction de son potentiel d'apprentissage.

Chaque cas doit être traité à la pièce, on doit lui fixer un ou des objectifs à atteindre à sa mesure dans un temps prescrit. Ces objectifs sont en fonction du développement continu de l'élève. (10 h 30)

La garantie des services. Les enfants vivant avec une déficience physique importante ont recours régulièrement à des services attribués par le ministère des Affaires sociales par le biais des hôpitaux, des centres de réadaptation ou des centres d'accueil. Il faut en arriver à une concertation des organismes dispensateurs de tels services afin que tous en bénéficient au maximum et que la coordination ainsi assurée permette l'intégration de l'élève.

Ici, nous demandons que les ministères se concertent sur les services de prévention et les services de réadaptation et garantissent les services nécessaires, que ce soient des ressources matérielles ou des ressources humaines, tels le travailleur social, l'infirmière, l'ergothérapeute, l'orthophoniste et autres.

Nous demandons que les services disponibles soient rendus publics, qu'on ne rencontre plus de parents qui ont dû se serrer la ceinture pour acheter un fauteuil roulant qui demeure à l'école. Nous voulons que tous les services particuliers qui peuvent être offerts aux élèves retenus à la maison ou à l'hôpital soient connus.

Pour plusieurs élèves, un facteur important de leur intégration est le transport scolaire. De grands pas ont été faits. Cependant, nous recommandons qu'un représentant du comité consultatif sur l'adaptation scolaire siège au conseil consultatif du transport, afin de garder bien présents à l'esprit les différents besoins de cette clientèle.

L'intégration. Article 97: "Après consultation de l'élève, de ses parents et du personnel en cause et conformément aux critères de la commission scolaire, le directeur de l'école peut intégrer un élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage à une classe ordinaire lorsqu'une telle mesure est possible et propre à faciliter l'insertion sociale de l'élève et ses apprentissages."

L'objectif premier de l'intégration est de maintenir l'élève dans une classe régulière le plus longtemps possible ou de l'y ramener aussitôt qu'il pourrait en retirer des avantages aux plans scolaire et social.

Les parents disent oui à l'intégration, mais non pas à n'importe quel prix, et certainement pas au détriment du bien commun, de la qualité de vie dans la classe.

Nous disons oui à l'intégration, à condition que les commissions scolaires décentralisent les services spéciaux vers les écoles, que les maîtres aient reçu la préparation nécessaire, que les parents et l'élève soient impliqués dans le processus de décision.

Des services seront nécessaires pour quelques-uns, que ce soient l'orthopédagogue, le psychologue ou le psychoéducateur. Il ne faut pas oublier qu'à bien des endroits les compressions budgétaires ont fait que l'orthopédagogue enseigne une matière académique et que, surtout, le nombre d'élèves dans chaque classe demeure trop élevé, malgré l'intégration d'élèves en difficulté.

Pour faciliter l'intégration d'un élève en difficulté, il faudra aussi penser à sensibiliser les autres élèves qui se sentent mal à l'aise face à la différence de l'élève intégré et se défendent par des railleries qui dérangent le groupe.

Les élèves qui sont intégrés peuvent avoir besoin d'équipement spécialisé pour pallier leur handicap, de modifications physiques au bâtiment pour le rendre accessible. Tous ces éléments matériels doivent être prévus, et les commissions

scolaires peuvent se prévaloir des programmes existant au ministère de l'Éducation et au ministère des Affaires sociales.

Pour assurer une intégration harmonieuse, la collaboration entre la famille et l'école sera d'une importance capitale, afin de cerner la réaction de l'individu dans toute sa réalité, sans oublier l'appui de l'enseignant qui a la charge de toute cette intégration et doit en répondre devant la direction et les parents.

Mme Payette (Madeleine): Le comité consultatif des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, articles 185 et 186. Le projet de loi ne précise pas dans quelle proportion les parents d'élèves en difficulté seront présents à ce comité consultatif. Nous réclamons, comme nous l'avons demandé pour le conseil d'école et pour le conseil d'administration de la commission scolaire, que les parents d'usagers soient majoritaires à ce comité et que des mécanismes soient prévus afin que ces parents soient élus par les autres usagers.

Les fonctions de ce comité, dans le projet de loi, sont limitées à deux points: Premièrement, préparer des normes d'organisation des services à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage qui favorisent l'intégration scolaire de cet élève et, deuxièmement, donner son avis à la commission scolaire sur l'affectation des ressources financières pour les services à l'élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.

Nous réclamons que soient intégrés dans les fonctions de ce comité les rôles qui étaient implicites dans le chapitre du livre blanc: Les services destinés aux élèves en difficulté. Nous demandons que le comité consultatif soit aussi responsable de l'élaboration de la politique d'intégration et de l'étude de tout problème particulier d'intégration soumis par la commission scolaire, par l'école ou par des parents d'un élève et qu'un membre de ce comité siège d'office au comité consultatif sur le transport scolaire.

Les écoles à vocation régionale ou nationale peuvent être établies par le ministre, selon l'article 33. Ces écoles regrouperont des clientèles homogènes, que ce soient des élèves ayant une déficience mentale ou physique ou des élèves ayant accès à une formation professionnelle spécialisée. Les jeunes ont les mêmes droits que les autres d'être représentés par leurs parents au moment de la prise de décision dans l'école. Les parents sont en mesure d'exprimer les besoins de leurs enfants ou adolescents, de participer aux décisions relatives aux grandes orientations de l'école. La direction de ces écoles, les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation ne doivent pas oublier que la responsabilité des parents en matière éducative et financière ne s'arrête pas avec l'âge obligatoire ou l'âge de la majorité.

Nous recommandons que les écoles à vocation nationale ou régionale soient administrées par un conseil d'école au même titre que toute autre école et que le ministère garantisse les sommes nécessaires à la participation des parents impliqués. Ces conseils d'école ne pourront fonctionner sans que le ministère de l'Éducation ne garantisse les sommes nécessaires à la participation, c'est-à-dire, selon le cas, des allocations pour frais de déplacement, d'hébergement et même de gardiennage.

La carte nationale. Nous reconnaissons que certains services hautement spécialisés, requérant soit du personnel spécialisé ou de l'équipement rare et coûteux, ne puissent être offerts dans l'école du quartier ou même dans chaque commission scolaire.

Nous reconnaissons la nécessité que le ministre procède à l'identification des écoles spéciales et à l'élaboration d'une carte nationale des services. Nous rappelons ici et soutenons la position de l'assemblée générale de mars 1983 en demandant que soit établie une carte nationale des services en concertation avec les organismes. Nous faisons nôtre la même résolution et demandons que soient maintenues les structures régionales pour dispenser des services spécialisés plus près du milieu naturel de la personne et que les ressources soient décentralisées au maximum.

En conclusion, le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, même s'il garantit à tous des services de formation et de scolarisation, doit être assorti d'une réglementation qui assure les ressources financières nécessaires à l'organisation des services qui favorisent l'intégration maximale de l'élève.

Les parents réclament l'attribution de justes sommes au maintien des enfants dans leur milieu naturel le plus longtemps possible; les parents veulent éviter que, pour bénéficier d'argent supplémentaire, les commissions scolaires regroupent les enfants dans des classes dites "spéciales", soit dans des groupes libellés "mésadaptés socioaffectifs" ou "troubles graves d'apprentissage". L'élève qui a moins de facilité ou celui qui a un dysfonctionnement est ainsi placé sur la voie d'évitement et se retrouve face à un cul-de-sac. Si les mesures de soutien à l'élève étaient offertes dès l'apparition de légers troubles d'apprentissage, la situation et la valorisation de l'élève en seraient pour autant meilleures.

Des parents ont dû, au cours des dernières années, s'adresser au tribunal pour soumettre le litige de l'intégration de leur enfant en difficulté. Le livre blanc proposait

que soit mise sur pied une stucture nouvelle: le service du protecteur de l'élève. Le projet de loi propose de soumettre ces différends au Protecteur du citoyen. Nous réclamons que le Protecteur du citoyen, dans l'exercice de son mandat, se penche sur les besoins réels de l'élève en dépassant le simple examen de l'application des politiques de la commission scolaire.

Le pouvoir du représentant du Protecteur du citoyen va-t-il se limiter aux moyens de pression et au pouvoir de recommandation? Une fois cette étape réalisée, si le parent n'a pas eu gain de cause, devra-t-il se présenter devant le tribunal s'il en a les moyens financiers ou s'il a droit à l'aide juridique? Les coûts entraînés par ces comparutions sont exorbitants aussi bien pour les parents que pour les commissions scolaires.

L'élève en difficulté d'adaptation et d'apprentissage a le droit à un service adapté à ses besoins. Pour cela, il faut que le ministère de l'Éducation fasse respecter sa politique pour ces élèves car le bien de l'élève reste toujours prioritaire en éducation. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Je vous remercie, Mme Payette, Mme Lévesque et Mme Buisson. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Comité de parents régional 04 pour la qualité de son mémoire. Vous épousez les vues de votre fédération qui veut confier un rôle plus important, une responsabilité plus grande à l'école et qui veut reconnaître, à l'intérieur de l'école, non seulement la responsabilité première des parents, mais également la qualité de la contribution des parents à titre de premiers éducateurs, de premiers responsables . de l'éducation des enfants, à la création d'un environnement éducatif de qualité. Je pense que c'est là un consensus qui commence à se manifester dans notre population.

Cependant, dans votre mémoire, qui représente les opinions de 25 comités de parents, vous avez choisi de toucher d'une façon particulière une clientèle dite d'enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Vous signalez à ce propos qu'il importe d'évaluer le plus tôt possible le potentiel de l'élève afin que l'école puisse discerner le plus tôt possible les lacunes qu'il faut combler et les difficultés qu'il faut surmonter afin que cet enfant, autant que les autres, qu'il soit sous-doué ou surdoué, puisse lui aussi avoir droit à une éducation optimale et à une insertion sociale et professionnelle réussie.

Je pense d'ailleurs que ce principe que vous énoncez avec une force particulière à l'endroit des enfants en difficulté vaut pour tous les enfants. Un des défis de l'école de demain sera précisément d'évaluer au tout début de la formation primaire les atouts ainsi que les déficits de l'élève, afin qu'on puisse individualiser la formation et qu'on puisse tenir compte dans la formation de la personnalité réelle de l'élève. Ceci nous évitera plus tard bien des impasses et bien des difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle et qui sont responsables des décrochages nombreux que nous avons connus au cours des dernières années et qui sont source d'injustice pour les enfants qui doivent malheureusement se buter à ces impasses. Donc, c'est un principe que je reconnais pour l'ensemble de la clientèle scolaire, et pas seulement pour les enfants en difficulté.

Vous préconisez aussi comme objectif l'intégration de ces élèves dans des classes régulières le plus souvent possible, toutes les fois que les conditions le permettent. Vous vous élevez avec raison contre l'abus que l'on a fait dans le passé des classes spéciales qui pouvaient peut-être se justifier à première vue, étant donné les déficits qui affectaient ces enfants et une certaine logique apparente à les réunir dans une même classe, mais vous notez avec raison que ceci amène souvent la création de ghettos et une négligence des véritables besoins de ces enfants, et conduit à des impasses pédagogiques certaines qui, elles aussi, se traduisent par une injustice à l'endroit de ces enfants.

Je suis également tout à fait d'accord avec vous à cet égard que l'intégration aux classes régulières toutes les fois qu'elle est possible et aussitôt qu'elle est possible, devrait devenir la règle de conduite des écoles aussi bien que des commissions scolaires. Ceci, évidemment, n'empêche pas que, parfois, la création de classes spéciales soit nécessaire, ou même d'écoles spéciales, mais ces mesures devraient toujours être considérées comme une étape devant mener vers l'intégration, encore une fois, la plus rapide et la plus parfaite possible à des classes régulières, intégration, cependant, qui, pour être réussie, comme vous le dites, ne doit pas se faire à tout prix, mais comporte également certaines conditions comme, par exemple, la dispensation de services spécialisés lorsque cela est nécessaire, qu'il s'agisse d'orthopédagogues ou qu'il s'agisse d'éducateurs spécialisés ou même qu'il s'agisse de soins médicaux proprement dits, en même temps que de mesures administratives comme, par exemple, une pondération différente dans les classes afin que, par cette intégration, on ne nuise pas à la qualité de l'éducation dispensée dans ces classes. (10 h 45)

Je suis donc tout à fait d'accord avec ces grands principes que vous énoncez. Il reste cependant à faire en sorte que ces

principes puissent s'actualiser, puissent véritablement devenir opérationnels. C'est là que vous scrutez d'un oeil critique le projet de loi 40.

Ma première question serait de vous demander pourquoi vous avez choisi, vous, parents de la région Mauricie-Bois-Francs, de porter votre attention particulière sur ce problème. Est-ce que c'est parce que vous avez constaté, comme vous le dites dans votre mémoire, que certaines commissions scolaires de votre région ont négligé cet aspect ou parce que cette clientèle vous semble particulièrement négligée à l'heure actuelle et qu'il importe de faire un effort beaucoup plus grand?

La deuxième question que je voudrais vous demander est celle-ci: Est-ce que vous avez suivi les travaux récents de la commission et les éclaircissements que j'ai pu apporter pour rendre les articles de loi plus clairs, plus précis et plus engageants concernant les écoles elles-mêmes et les commissions scolaires? Je veux vous rappeler à cet égard que j'ai annoncé, au cours de la semaine dernière, que l'article 14 serait précisé afin qu'il soit bien clair que les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ont droit non seulement à des services d'enseignement comme tous les autres élèves, mais également à des services complémentaires, qu'ils soient personnels ou qu'ils soient collectifs. J'ai aussi annoncé la semaine dernière que l'article 204 serait modifié afin qu'il soit bien clair, encore une fois, que les commissions scolaires ont l'obligation d'élaborer une politique d'intégration des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, avec l'aide, évidemment, du comité consultatif qui est prévu au projet de loi, où les parents d'élèves concernés sont représentés. J'ai aussi annoncé que l'article 97 serait amendé de façon, encore une fois, qu'il soit bien clair que le directeur de l'école a l'obligation de procéder à l'intégration des élèves en difficulté toutes les fois que cela est possible selon des plans individualisés d'intervention qui tiennent compte justement des déficits de l'enfant, des progrès qu'il a faits, du potentiel qu'il présente afin de lui faire une feuille de route qui tient compte des ressources disponibles, mais aussi du potentiel de l'enfant et qui tient compte également du climat qu'il faut instaurer dans la classe pour que cette intégration soit réussie.

Mes deux questions, je les répète, seraient les suivantes: Premièrement, qu'est-ce qui vous a incités, vous, parents de la région Mauricie-Bois-Francs, à porter une attention particulière à ces clientèles? Deuxièmement, est-ce que vous êtes au courant des amendements que j'ai annoncés la semaine dernière? Est-ce qu'ils vous semblent aller dans la bonne direction ou si vous pensez qu'il faudrait faire encore davantage dans ce sens?

Le Président (M. Blouin): Mme Lévesque.

Mme Lévesque: Nous avons choisi de faire l'étude des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage à cause des particularités de la clientèle face à l'ensemble du projet de loi. Nous trouvions qu'il était important pour nous de nous pencher sur les besoins spécifiques à cette clientèle. Le projet de loi ne nous apparaissait pas tout à fait assez clair, il manquait de contenu face à cette clientèle.

Mme Payette: Les membres de la commission se souviennent certainement aussi de procès d'il y a quelques années. Dans le territoire de la région 04, nous avons eu une famille qui a dû se présenter devant les tribunaux. Quels que soient les résultats du jugement et les conséquences qui ont pu en découler, ce sont des événements qui sensibilisent les parents. On n'est jamais à l'abri de dire: Actuellement, nos enfants fonctionnent bien. Personnellement, si nous n'avons pas besoin de ces services spéciaux, nous ne savons jamais à partir de quel moment un événement peut nous amener à devoir les réclamer.

Cela a été dans le milieu. Il y avait des parents qui, par exemple, soit par le biais de familles d'accueil ou pour leurs propres enfants, devaient bénéficier de services particuliers. Ce n'est pas un cas individuel que nous avons voulu apporter en commission parlementaire, mais l'ensemble des besoins qui ont été recueillis. C'est une réflexion qui a été faite par un groupe de parents du territoire.

M. Laurin: Une autre remarque dont je voudrais vous faire part, c'est qu'il est vrai que l'article 33, qui traite des écoles suprarégionales ou nationales, ne mentionne pas spécifiquement que les parents seront décisionnels au conseil d'école, mais il est très clair, quand même, si on regarde tous les autres articles du projet de loi, que ces écoles auront également un conseil d'école qui sera composé des parents qui ont des enfants en difficulté qui fréquentent cette école et que le conseil d'école où les parents auront un rôle décisionnel fonctionnera de la même façon que le conseil d'école dans les autres écoles.

Je voudrais aussi poursuivre un peu ma pensée sur ce que vous venez de dire sur les cas qui sont survenus dans votre région et qui vous ont sensibilisés à ces clientèles particulières. Je lisais justement un article dans un journal ce matin où on disait que quatre de ces enfants avaient été finalement intégrés dans les écoles de la ville que vous

mentionnez et qu'on avait mis à leur disposition des services spéciaux, un horaire particulier, avec des ressources spécialisées et que, malgré tout, certaines difficultés sont survenues dans la continuité des services dont pouvaient jouir ces enfants. La continuité n'a pu être maintenue en raison de motifs allégués par la commission scolaire, à savoir que certains de ces enseignants ou certains membres de ce personnel spécialisé devaient poursuivre leur formation ou aller à des séances de perfectionnement, ce qui a amené non pas une interruption complète du service, mais une limitation à quelques jours par semaine.

Je pense que cela sera très difficile avec la loi 40, parce que, en vertu de l'amendement que nous avons apporté à l'article 14 et que j'ai annoncé la semaine dernière, ces enfants pourront maintenant se prévaloir d'un droit strict à des services éducatifs correspondant à leur condition. Comme, dans le cas que je viens de mentionner, il s'agit de services complémentaires - pour certains cas, en tout cas - l'article 14 leur donnera un droit strict à ces services. Il deviendra donc très difficile pour les commissions scolaires et pour les écoles également de ne pas procurer à ces enfants des services éducatifs de qualité, que ce soit sur le plan de l'enseignement ou sur le plan des services complémentaires.

Il reste évidemment la question des ressources financières. Il importera que l'État québécois continue d'augmenter les budgets qu'il devra consacrer à ces services complémentaires dans le cas des enfants en difficulté. Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès au cours des années passées. Il y en a encore à faire et ce sera sûrement une des priorités du ministère de l'Éducation de continuer dans cette voie.

Je n'ai pas d'autre question à vous poser. Je vous remercie d'avoir attiré encore une fois, en tant que parents, notre attention sur cette responsabilité particulière de notre société à l'endroit de cette clientèle qui a besoin autant que toute autre, et peut-être plus que toute autre, du service de scolarisation le plus adéquat possible.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord préciser, à l'intention de la délégation qui représente le comité de parents de la région 04, que, lorsque nous avons émis tantôt certaines réserves, ce n'était pas à l'endroit du mémoire que vous nous présentez, qui est très intéressant et qui nous apporte un point de vue vécu auquel nous attachons beaucoup d'importance. C'est en raison du fait, comme je l'ai mentionné, que vous aviez d'abord indiqué que c'était pour dépôt seulement. Il y avait d'autres organimes qui avaient insisté pour venir et qui vont apparemment être laissés de côté. On ne peut pas le passer sous silence, car cela fait partie des règles non écrites de notre jeu parlementaire qu'on est censé ouvrir nos portes ici à ceux qui ont demandé de venir.

Ceci étant dit, nous avons pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre mémoire. Je pense qu'on peut le résumer en disant qu'il comporte deux thèmes principaux. Tout d'abord, au début, vous exprimez votre appui à l'endroit de l'ensemble de la réforme préconisée dans le projet de loi 40. Ensuite, vous attirez notre attention d'une manière spéciale sur les problèmes de ces enfants en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, de ces enfants handicapés par un aspect ou l'autre, qui font face à des problèmes nombreux dans leur expérience de fréquentation scolaire.

On va discuter des deux aspects de votre mémoire brièvement. Sur le premier point, quand vous dites que vous donnez votre adhésion aux recommandations formulées par la Fédération des comités de parents du Québec, je voudrais vous poser quelques questions. Le mémoire n'est pas spécialement clair. Vous dites que vous aviez un comité ad hoc qui a été formé par les 25 comités de parents du territoire de la région administrative Mauricie-Bois-Francs. Évidemment, c'est beaucoup de monde.

Ce comité a reçu son mandat d'une réunion tenue au mois de septembre. Il y avait 20 délégués présents qui se sont prononcés uanimement contre le statu quo. Ensuite, vous dites que le comité a présenté un plan détaillé du mémoire, qu'il a reçu un appui unanime et le mandat clair de déposer le mémoire en commission parlementaire. Ceci s'est passé le 23 septembre, le même jour. Est-ce qu'il y a eu une autre réunion par la suite pour approuver le mémoire? Est-ce que ce mémoire a été envoyé dans les comités d'école, les comités de parents? Il y a combien d'écoles dans toute cette région? Il y a sûrement 200 ou 300 écoles sans difficulté.

Le Président (M. Blouin): Mme

Lévesque.

Mme Lévesque: II y a 225 écoles.

M. Ryan: Combien?

Mme Lévesque: II y a 225 écoles.

M. Ryan: Oui. Ce qui m'intéresse de savoir, sur ce mémoire, c'est le cheminement qu'il a fait. Vous dites que vous avez présenté un plan de mémoire le 23 septembre. Apparemment, il n'y a pas eu d'autre réunion ensuite pour l'approuver.

Qu'est-ce qui s'est passé après cela? Vous l'avez envoyé directement ici?

Le Président (M. Blouin): Mme

Lévesque.

Mme Lévesque: Je n'étais pas présidents au moment du dépôt du mémoire. Je peux peut-être demander à Mme Payette de répondre.

Le Président (M. Blouin): Mme Payette.

Mme Payette: Le comité ad hoc avait été formé d'un groupe de huit personnes. C'était lors d'une réunion en juin 1983. Il était prévu à ce moment-là qu'il y aurait dépôt du projet de loi. Le comité avait été formé et a commencé à travailler dès la réception des textes du projet de loi. Le 23 septembre, ce qui a été soumis à l'assemblée de COMPARÉ où 20 délégués étaient présents, c'était un plan détaillé des différents points qu'allait comporter le mémoire. C'est à ce moment-là que les parents présents se sont ralliés au plan détaillé auquel quelques modifications ont été apportées. (11 heures)

Quant à la rédaction, il n'était pas possible après la rédaction de rencontrer les gens, le temps ne nous permettait pas de sanctionner, de vérifier exactement le texte. Cependant, je veux assurer la commission que la rédaction du texte a été le plus près possible des principes qui avaient été adoptés en assemblée. Aussitôt après l'ouverture de la commission parlementaire, le texte a été expédié à chacun des délégués ou des présidents de comités de parents - cela veut dire 25 groupes à l'intérieur du territoire -et chaque comité de parents était responsable de faire connaître les réactions de la section dans son milieu. C'est la responsabilité qui est dévolue à chacun des comités de parents d'informer les personnes qui en sont membres.

M. Ryan: Juste une question sur l'ensemble du projet de loi 40. Une des grandes difficultés qui a été signalée à maintes reprises à la commission depuis au-delà d'un mois, c'est le caractère non satisfaisant de la relation qui est proposée entre les trois intervenants principaux dans le système d'enseignement: l'école, la commission scolaire, le ministère.

Il y en a qui nous ont dit que le ministère gardait tous ses pouvoirs, qu'il ne perdait à peu près rien, sauf dans le secteur dont nous parlerons tout à l'heure où il se déleste un peu trop facilement de ses responsabilités. On enlève de nombreux pouvoirs à la commission scolaire; la relation qui existera entre l'école, la commission scolaire et le ministère n'est pas claire.

Trouvez-vous cela satisfaisant? Trouvez-vous qu'une commission scolaire telle que décrite dans le projet de loi 40 pourrait bien fonctionner?

Le Président (M. Blouin): Mme

Lévesque.

Mme Payette: Dans l'ensemble, la position de la section se rallie à la position énoncée par l'assemblée générale de la Fédération des comités de parents; les délégués de chacun des comités de parents du territoire étaient présents. Nous allons continuer de réclamer le plus de responsabilités possible au niveau de l'école pour que l'école, soit vraiment le champ d'action des gens du milieu, tout en respectant les qualifications et les responsabilités du directeur d'école et du personnel enseignant, et tout en respectant aussi le niveau de coordination qui est dévolu à la commission scolaire.

Nous ne voulons certainement pas avoir autant d'écoles privées sur le territoire que nous avons d'écoles actuellement; nous voulons avoir des écoles qui répondent aux besoins du milieu, mais nous tenons aussi à garder le palier de la commission scolaire pour assurer la coordination des services. Particulièrement au niveau du dossier que nous représentons aujourd'hui, il est important qu'il se fasse une coordination au niveau de la commission scolaire. Aucune école régulière ne pourrait s'assurer des services spécialisés nécessaires pour les enfants en difficulté si on ne pouvait pas compter sur un palier intermédiaire, qui est la commission scolaire, pour faire une distribution ou encore une coordination pour assurer à chacun les services dont on a besoin. Pour nous, c'est clair.

M. Ryan: J'espère que cela sera aussi clair pour cette question-ci, qui est une source de confusion pour bien des gens. Le directeur d'école, de qui relève-t-il dans votre plan?

Mme Lévesque: Le directeur d'école relève du conseil d'école, pour ce qui est des mandats donnés au conseil d'école, de la commission scolaire...

M. Ryan: Pardon? Je n'ai pas compris la dernière partie.

Mme Lévesque: Le directeur d'école relève du conseil d'école, selon la proposition de notre fédération.

M. Ryan: Mais c'est l'employé de la commission scolaire?

Mme Lévesque: Aussi.

M. Ryan: Mais il ne relève pas de son employeur?

Mme Lévesque: Disons que la commission scolaire, selon notre proposition, est composée de membres des conseils d'école et de commissaires élus au suffrage universel. Il y a donc une concordance entre les membres du conseil d'école et la commission scolaire.

M. Ryan: Je vais vous poser une question. Supposez qu'il y aurait un très bon directeur d'école, un excellent directeur d'école, et que l'école n'en veuille pas pour telle raison, parce qu'il a eu le malheur d'avoir une attitude avec le fils de madame la membre du conseil d'école qui n'a pas fait l'affaire de celle-ci; on demande qu'il soit rapatrié ailleurs. Ailleurs, on n'en veut pas plus pour d'autres raisons, mais il arrive que c'est un des meilleurs directeurs d'école qu'ils aient. Qu'est-ce que la commission scolaire va faire dans ce cas-là? Est-ce qu'elle va le mettre sur la tablette purement et simplement?

Mme Lévesque: Vous me dites qu'ailleurs on n'en veut pas pour les mêmes raisons?

M. Ryan: À supposer qu'il s'est fait une campagne d'opinion et...

Mme Lévesque: Dans une commission scolaire qui compte, je ne sais pas, une cinquantaine d'écoles, si toutes les écoles ne veulent pas avoir le directeur en question pour les mêmes raisons, je pense qu'on peut se poser des questions sérieusement.

M. Ryan: Vous le mettriez sur la tablette purement et simplement? Cela coûte de l'argent.

Mme Buisson: Cela prend les deux tiers. M. Ryan: Pardon?

Mme Buisson: Cela prend les deux tiers du conseil d'école pour réussir à déloger un directeur d'école. S'il est si bon, cela ferait peut-être un bon directeur adjoint à l'enseignement?

M. Ryan: Mais il n'y en a qu'un seul. Il y a de la place pour un seul. Cela ne ferait pas beaucoup de monde. Je ne sais pas, mais, en tout cas, pour nous autres, ce qui est proposé dans le projet de loi, je vous le dis en toute franchise, c'est absolument insatisfaisant et invivable. On espère que, si le ministre fait les amendements qu'il a promis, il va regarder cela de très près, parce que nous sommes convaincus que cela ne peut pas fonctionner ainsi. Je ne veux pas m'attarder là-dessus davantage. Je voulais...

Mme Buisson: II peut devenir aussi un bon conseiller pédagogique.

M. Ryan: Pardon?

Mme Buisson: II peut devenir aussi un bon conseiller pédagogique.

M. Ryan: Justement, cela va prendre quelqu'un pour prendre ces décisions-là. Elles ne peuvent pas se prendre par 25 et il y en a de moins en moins.

Juste à propos des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, vous dites que, dans votre région, vous avez constaté bien des conséquences aux coupures budgétaires. En particulier, on pourrait parler des décrets, plus récemment. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de la situation qui a été créée ou aiguisée, rendue plus aiguë, par les effets des coupures budgétaires au cours des deux ou trois dernières années?

Mme Payette: Écoutez! Nous n'avions pas prévu votre question. Pour nous, il était clair que nous n'apportions pas en commission parlementaire des cas individuels. Sans nommer de commission scolaire ou d'organisme en particulier, un point qui a été mentionné, c'est qu'à un endroit, un orthopédagogue s'est retrouvé professeur de catéchèse. C'est quelque chose de réel. Les commissions scolaires ont peut-être pris panique à un certain moment face à des directives de coupures budgétaires. Il y a des endroits où il y a eu des rajustements au début de l'année ou à la fin de l'année dernière, parce qu'on pouvait joindre les deux bouts en étant plus réalistes dans nos besoins. Mais il y a réellement eu des faits à des endroits. Maintenant, je ne suis pas en mesure de vous fournir une liste et ce n'était pas notre intention non plus d'identifier des difficultés vécues dans chaque milieu.

Mme Buisson: Je crois aussi que, par le ministère de l'Éducation, vous pouvez voir, dans les diverses commissions scolaires - ce que j'appelais avant une éducation de luxe et que maintenant je ne considère plus comme une éducation de luxe, mais une éducation obligatoire - que des orthopédagogues, il n'y en a pas à la pelletée, dans nos commissions scolaires; des orthophonistes, on n'en a pas à la pelletée non plus; des aides pédagogiques, on n'en a pas non plus. Pourquoi? Quand on en engage, souvent, c'est à mi-temps ou à la pièce, pour éteindre les gros feux. Mais l'enfant qui, à un moment donné, a un petit blocage, on n'a pas le personnel pour l'aider et tout de suite réparer l'erreur. On attend que ce soit immense. On attend souvent la

fin de son primaire ou de son secondaire pour faire quelque chose. La situation est rendue trop grave. On n'a pas le personnel pour aider l'enfant dès qu'apparaît la première lacune, et c'est à cause des coupures budgétaires. Il y a aussi les enfants handicapés qu'on essaie de regrouper le plus souvent possible dans une même école pour ne pas être obligés d'aménager des rampes d'accès, des toilettes dans chaque école pour les handicapés. On les regroupe. On sort l'enfant de son milieu naturel. Je pense que l'enfant handicapé a déjà une difficulté à s'adapter socialement et on le transplante dans une autre école. Ses amis ne sont pas là. Son vécu n'est pas là. C'est à cause des coupures budgétaires.

M. Ryan: J'ai insisté beaucoup pour que les parents soient bien informés de tous les services qui sont disponibles, soit de par la loi, soit de par la politique de la commission scolaire. Est-ce que vous avez eu des exemples de parents qui auraient été mal renseignés et d'enfants qui, à cause de cela, auraient été privés de services auxquels ils avaient droit?

Mme Buisson: Encore là, on n'a pas le goût d'amener des cas individuels, mais on sait très bien que des parents se sentent très gênés, très mal à l'aise d'aller quêter - c'est le terme qu'ils emploient - tous les services nécessaires et, souvent, ils ne savent pas où s'adresser. Il faut dire aussi que les divers intervenants se renvoient souvent la balle.

M. Ryan: Que voulez-vous dire par là? Pourriez-vous expliquer cela un peu?

Mme Buisson: Le CSS renvoie la balle au département de santé communautaire, le département de santé communautaire retourne cela à un autre et cela s'en va comme cela. Souvent, il n'y en a pas un qui veut prendre une responsabilité et dire: C'est moi qui m'occupe de cela.

M. Ryan: Vous dites que le comité consultatif, dans la commission scolaire, pour les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, devrait être formé en majorité de parents et qu'il devrait avoir un rôle plus étendu que ce qui est proposé dans le projet de loi. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous voulez que ce comité soit en majorité formé de parents? Deuxièmement, en quoi pourrait-il jouer un rôle plus large que ce qui est prévu dans le projet de loi? C'est à la page 18, je pense, de votre mémoire.

Mme Payette: Pour ce comité consultatif, nous partons de ce qui avait été proposé dans le livre blanc. Il nous semblait que, déjà, dans le livre blanc, le gouvernement proposait à ce comité d'assumer la responsabilité, entre autres, de la préparation de la politique. M. le ministre mentionnait tantôt que ce comité allait participer à la préparation de la politique. Je pense que cela peut répondre à une de nos demandes. Je dois quand même reconnaître que les propositions de modifications qui nous ont été soulignées tantôt nous satisfont sur bien des points. Ce qui pourrait être important au sujet de l'étude de tout problème particulier d'intégration, c'est que les parents, lorsqu'ils sont en conflit avec la direction de l'école ou la commission scolaire, ne savent pas à quelle porte se rendre pour obtenir un autre avis. Si le législateur va jusqu'au bout et intègre le réseau scolaire au niveau de l'intervention du Protecteur du citoyen, il sera important qu'avant d'aller porter plainte à ce niveau le parent ait épuisé tous les recours, tous les moyens de recours. Ce comité, composé de parents avertis et de personnels de la commission scolaire, de personnels professionnels nommés par la commission scolaire, devrait être en mesure d'apporter un certain éclairage. Très souvent, un problème est là parce que les gens n'ont pas compris la raison qui leur a été apportée. Pour nous autres, en tout cas, c'était clair qu'il fallait revenir à cette proposition du livre blanc d'avoir ce comité, sans en faire un tribunal, dont les personnes ont un vécu différent et qui puisse donner un avis, faire des recommandations avant qu'on aille porter plainte à un autre palier.

Nous demandons aussi que ce comité délègue une personne au comité consultatif sur le transport scolaire. Ce mandat serait de sensibiliser régulièrement les personnes qui siègent au comité consultatif du transport scolaire. À ce comité, il semble qu'il y aura bon nombre de personnes autres que celles du monde de l'éducation. C'est important, pour qu'il y ait utilisation maximale des ressources, particulièrement en milieu rural, qu'il y ait des ententes avec les milieux, afin que les autobus scolaires puissent servir entre les transports à des fins scolaires. À côté de cela, est-ce que ces personnes qui viennent de la municipalité régionale de comté ou qui représentent des organismes de transport seront sensibilisées aux problèmes que vivent les enfants handicapés ou les enfants qui ont aussi des problèmes de comportement, des enfants qu'on ne peut pas transporter facilement avec tout un groupe?

Puisque le législateur remet en question l'ensemble du fonctionnement de l'éducation au plan administratif, nous pensons que c'est un point qui devrait être étudié.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le

député d'Argenteuil. M. le député de Fabre. (11 h 15)

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur un point qui a été soulevé par le député d'Argenteuil, avec beaucoup d'insistance. Vous insistez, d'ailleurs, sur cet aspect dans votre mémoire, les ressources matérielles, les ressources humaines qui doivent exister au niveau des commissions scolaires, dans les écoles, pour venir en aide à la catégorie d'élèves dont vous parlez dans votre mémoire. Le député d'Argenteuil a parlé des coupures budgétaires et, évidemment, il relie cela aux compressions budgétaires du ministère de l'Éducation. Il faudrait qu'on nous explique, à un moment donné, que les commissions scolaires sont responsables de l'engagement du personnel professionnel: psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes, criminologues, enfin tout ce personnel qui est nécessaire à l'encadrement des élèves en difficulté. Les commissions scolaires sont responsables de l'engagement et des coupures aux postes de ce personnel.

Cette année, par exemple, les commissions scolaires ont accumulé un surplus de l'ordre de 150 000 000 $. C'est sûr que c'est grâce à la bonne gestion des commissions scolaires, s'il y a eu - ce n'est pas dans toutes les commissions scolaires -un surplus global, tout de même, de 150 000 000 $. Bon, c'est sûr que c'est dû à une bonne gestion, mais il y a tout de même un choix qui a été fait dans certaines commissions scolaires. On aurait très bien pu choisir de placer cet argent, d'investir cet argent dans des ressources que vous jugez insuffisantes dans les écoles. Je pense que c'est un choix. L'objectif d'une commission scolaire n'est pas d'accumuler des surplus, mais de donner des services à la population.

Je pense que c'est une mise au point qui s'impose, parce que le député d'Argenteuil ne cesse de donner l'impression que c'est toujours la faute du ministère de l'Éducation; c'est le grand coupable, évidemment. C'est sûr qu'il a décidé, lui, de prendre la défense quasi inconditionnelle des commissions scolaires. C'est son droit, mais je pense qu'il faut absolument rétablir certaines choses. J'aimerais qu'il nous explique un peu comment il se fait qu'on puisse arriver avec un surplus de 150 000 000 $ et, en même temps, au niveau local, manquer de ressources quand ce sont ces mêmes commissions scolaires qui sont responsables des ressources au niveau local.

Ma question rejoint précisément cette question des ressources matérielles, des ressources humaines et de la nécessaire collaboration et concertation avec le ministère des Affaires sociales. Vous en faites état à la page 13 de votre mémoire. Pour qu'il y ait une garantie de services, vous dites qu'il faut en arriver à une concertation des organismes dispensateurs de tels services qui sont attribués par le ministère des Affaires sociales par le biais des hôpitaux, des centres de réadaptation et des centres d'accueil. Vous demandez que les ministères se concertent sur les services de prévention et les services de réadaptation et garantissent les services nécessaires.

Je me pose la question: Est-ce au niveau des ministères qu'il doit y avoir concertation? J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous voyez cela, de votre point de vue. Est-ce au niveau des ministères? Il y a une concertation qui existe entre les ministères. Il y a une mission au ministère de l'Éducation, au ministère des Affaires sociales; on se concerte. Est-ce que ce n'est pas plutôt au niveau des commissions scolaires qu'il y a ou qu'il pourrait y avoir une lacune de concertation entre les hôpitaux, les commissions scolaires, les centres d'accueil, les centres de réadaptation? Est-ce à ce niveau-là. Puisque vous en faites état dans votre mémoire, c'est que vous avez dû vivre un certain nombre d'expériences et que vous avez dû constater des lacunes. J'aimerais que vous expliquiez à la commission où elles se situent. Encore une fois, voici ma question: Est-ce que ce n'est pas au palier des commissions scolaires, au palier régional, que devrait se situer la véritable concertation?

Mme Payette: Je pense que la véritable concertation à la base ne peut pas se faire sans que ces organismes concernés: commissions scolaires, CLSC, CSS, centres d'accueil et autres, aient l'assurance d'un soutien ou se sentent supportés par les paliers supérieurs. C'est certain que, dans ce sens, il y a eu d'immenses progrès de faits, mais nous ne voulions pas laisser de côté ce point, même s'il y a une sérieuse amélioration parce que, très souvent, c'est là qu'achoppe l'intégration d'un enfant. Par exemple, si l'enfant a besoin de certains services personnels, disons d'une certaine aide physique, la commission scolaire doit quasiment aller négocier à la pièce avec le CLSC du milieu, quand il y en a un. Je pense que c'est la démarche la plus facile, c'est le niveau le plus près de la commission scolaire.

Alors, c'est d'assurer aux enfants qui pourraient être intégrés, mais pour lesquels, par exemple, il faut une certaine aide, de pouvoir avoir les services nécessaires, par exemple, pour le transport. Ce que je veux dire, c'est que, pour l'enfant qui ne peut pas se déplacer lui-même de l'autobus à sa chaise roulante, qui l'attend à l'intérieur de l'école, il faut à ce moment-là des personnes dont c'est le rôle. Par vocation, il y a certains enseignants qui vont prêter main-forte à l'occasion. Cependant, ce n'est pas

dans leurs tâches. C'est extrêmement malheureux de voir des enfants qui vivent des problèmes d'intégration que les parents viennent déplacer à l'heure du midi, par exemple, parce que le jeune ne peut pas le faire lui-même. Le parent s'organise alors pour avoir un travail moins engageant, va chercher son enfant à l'heure du midi pour l'amener manger à la maison et le ramène à l'école, parce qu'il n'y a pas de préposé pour un ou deux enfants dans cette école. Très souvent, ces parents n'ont pas qu'un seul enfant qui vit avec une limitation; très souvent, les parents en ont un ou deux et c'est vraiment pénible de voir des gens devoir investir à ce point pour favoriser l'intégration scolaire.

À ce niveau, je rattache la nécessité d'avoir une aide financière à l'occasion. Lorsque nous mentionnions des frais de gardiennage pour la participation de certains parents à la gestion de l'école, ce n'est pas que nous entendons généraliser des frais de gardiennage à tout le monde. Mais les parents d'enfants en difficulté, ou handicapés, ou encore vivant avec une déficience mentale, très souvent, ont d'autres enfants en difficulté qu'ils laissent à la maison pour pouvoir participer. Alors, dans ces cas spéciaux, il faudrait se garder une certaine souplesse pour pouvoir avoir le point de vue de ces parents.

Nous soumettons ce dossier. Nous ne le vivons pas personnellement, mais les gens qui le vivent vous ont certainement apporté un point de vue, en tout cas, un raffinement dans leur vécu.

M. Leduc (Fabre); Je retiens que vous insistez beaucoup sur l'aspect très pratique du support, du soutien qui doit être accordé à ces enfants. Aussi, une aide doit être accordée aux parents pour les libérer et leur permettre de consacrer un certain nombre d'heures par semaine à cette tâche très simple sur laquelle vous insistez beaucoup, mais qui est importante, par exemple, conduire l'enfant le midi à la maison, le ramener à l'école ou le conduire à l'autobus. Ce sont des tâches très simples, mais qu'on perd de vue très souvent. Vous insistez sur cet aspect. Il me semble qu'à cet égard le fait que le conseil d'école puisse prendre des initiatives et puisse même avoir un budget, le gérer et le contrôler, pourrait certainement aider dans ces tâches très simples, mais très importantes que vous mentionnez. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les parents de la région 04 qui sont venus présenter à la commission ce mémoire qui porte particulièrement sur les enfants en difficulté. Je sais qu'un bon nombre de ces questions ont été discutées dans la journée de vendredi et peut-être même à la fin de la journée, jeudi soir. J'espère ne pas revenir sur des propos qui ont été tenus à ce moment-là. Il reste que votre témoignage m'apparaît très important. Vous signalez plusieurs problèmes à notre attention.

La première mention, vous la faites à la page 4: "Les parents se rallient au principe de l'intégration dans le milieu naturel, mais ils disent non à l'intégration à tout prix." Est-ce que je dois comprendre de ceci que, d'une part, il y a des enfants qui ne pourront jamais être intégrés à une classe régulière et qu'à ce moment il faut leur donner, à l'intérieur des classes dites spéciales, vraiment les services dont ils ont besoin et que dans le cas des autres qui peuvent être intégrés à la classe régulière, ils ont besoin d'un soutien qui, présentement, trop souvent, est inexistant? J'en voudrais comme preuve ce témoignage que l'on retrouve dans le livre qui a été publié par l'Office des personnes handicapées, la semaine dernière, intitulé À part égale, l'intégration sociale des personnes handicapées, un défi pour tous. Je ne voudrais pas entrer ici dans la définition de personnes handicapées parce que toutes ces personnes n'entrent pas nécessairement là-dessus.

On fait référence au fameux rapport COPEX qui est sorti en 1976 et à la suite duquel le ministère de l'Éducation avait publié en 1978 un énoncé de politique et un plan d'action sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Il disait: L'accès à un système public d'éducation. L'enfant en difficulté a le droit inaliénable, comme tout enfant, à l'instruction publique gratuite et le système scolaire doit répondre aux besoins spécifiques de tous les enfants, y compris les enfants handicapés. Un peu plus loin, on ajoute: Une mise en application difficile. Environ cinq ans après l'adoption de cette politique, force est de constater que les problèmes éducatifs rencontrés par les élèves handicapés - on va lui donner le sens le plus large possible pour ne pas entrer dans un débat sur cela - demeurent importants et nombreux. Il est manifeste que la politique actuelle dans sa mise en application n'a pas réussi à répondre aux besoins éducatifs des personnes handicapées et qu'elle doit être élargie et approfondie.

Je ne veux pas faire une plus longue lecture, mais ceci indique vraiment que les observations que vous nous livrez ce matin vont dans ce sens. Évidemment, que si on compare par rapport au début des années cinquante, soixante, soixante-dix, c'est une progression - il faut s'en réjouir - vis-à-vis des services que l'on accorde aux enfants en

difficulté d'apprentissage, quelle qu'en soit la nature ou quelle qu'en soit la cause, mais on est encore bien loin du but et vous avez raison de venir témoigner ici. Il y a encore des enfants, il faut le dire, et plus qu'on ne le croit, qui sont chez eux, qui ne sont pas dans les écoles même, dans des régions du Québec.

Je reviens à ma question: Est-ce que je vous interprète bien quand vous dites, à la page 4: "Les parents se rallient au principe de l'intégration dans le milieu naturel, mais ils disent non à l'intégration à tout prix." Dans votre esprit, est-ce qu'il y a des enfants qui ne pourront jamais être intégrés dans une classe régulière et que, dans d'autres cas, ils n'ont pas le soutien dont ils auraient besoin présentement?

Mme Buisson: Il est certain qu'il y a des enfants qui ne pourront jamais être intégrés dans une classe régulière, mais il faut tout de même leur donner un certain service. Pour ceux qui sont capables d'apprendre à compter, d'apprendre ne serait-ce qu'à écrire leur nom, d'apprendre à lire un tout petit peu pour être capables d'aller sur la rue et de reconnaître les mots "épicerie", "restaurant", quelque chose pour être capables de vivre dans la société, il faut faire quelque chose.

Il y a une chose que je remarque, c'est qu'on semble identifier notre mémoire seulement aux enfants handicapés. Il y a une petite mention où on parle aussi du surdoué; l'école ne répond pas à ses besoins, non plus. Il y a aussi l'enfant qui est sous-doué, il n'est pas handicapé physique ou mental. Il a une difficulté. Notre système d'éducation répond à un enfant qui entre dans un moule. Tout ce qui dépasse, on le coupe. Il ne le faut pas, c'est tout le monde qui a droit à une éducation, compte tenu de ses capacités.

Il y a une personne, aussi, qu'on semble oublier dans tout cela, c'est le professeur. Le professeur qui a dans sa classe régulière un enfant, soit handicapé physique ou handicapé mental, qui est intégrable dans une classe régulière, est-ce qu'on est capable de lui offrir, à part le soutien physique, un certain - j'appelle cela ainsi - soutien moral? Il a besoin d'être ressourcé à un moment donné, parce que c'est vidant. C'est une préparation qui est autrement différente que si c'étaient tous des enfants dits "normaux", entre guillemets. Je pense qu'il faut penser à celui-là aussi. (11 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Je pense que votre inquiétude au sujet des enfants qui ont un problème d'apprentissage d'une nature ou de l'autre et aussi votre inquiétude au sujet des enfants surdoués qui n'auraient pas, non plus, la stimulation nécessaire, vous l'indiquez bien en page 12 quand vous dites: "Que le ministère de l'Éducation prévoie des mécanismes obligeant l'école à identifier le potentiel de l'élève, à élaborer un plan individualisé d'intervention et à évaluer l'élève en fonction de son potentiel d'apprentissage."

C'était, d'ailleurs, une préoccupation qui était contenue dans le rapport COPEX et qu'on retrouve également dans le rapport sur l'intégration sociale des personnes handicapées où on dit: "Par ailleurs, les enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage sont classés selon les types de déficience, ce qui guide l'organisation des ressources, des conditions de travail et des possibilités d'intervention. Dans la mesure où cette classification ne tient pas compte du potentiel de développement de l'enfant, elle constitue un obstacle à une approche d'ensemble basée sur la situation de chaque personne. D'une manière plus générale, il n'y a pas de plan individualisé d'intervention pour déterminer l'ensemble des actions à réaliser, ni de coordonnateur afin d'assurer à chaque enfant une éducation de qualité sans coupure avec les interventions d'adaptation ou de réadaptation." Je pense que, même si cela a été fait pour les personnes que l'on dit handicapées, cela rejoint votre préoccupation.

Vous dites, d'ailleurs, avec raison dans votre mémoire: "Les commissions scolaires n'ont pas toutes au même degré reconnu l'intégration de l'enfance en difficulté." Il y a certainement des disparités entre les commissions scolaires. Alors que certaines commissions scolaires en ont fait une priorité, d'autres ont laissé courir les choses. J'admettrai qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de ressources, mais aussi d'une question de sensibilisation des gens à l'intérieur des écoles et des commissions scolaires et même du ministère de l'Éducation, précisément pour que cela soit véritablement une priorité dans les faits.

Eu égard à la représentation des parents à la commission scolaire, vous n'en faites pas la suggestion; vous dites qu'il faudrait un parent au niveau du comité consultatif qui est prévu pour le transport scolaire. Comme il y a déjà, de par la loi 71, une représentation - c'est peut-être la loi 30, je confonds toujours les deux - des parents qui siègent au conseil des commissaires, un pour l'élémentaire, un pour le secondaire, et qu'on ne sait pas quelle formule sera retenue par le gouvernement quant au suffrage universel, nous, de ce côté-ci, croyons qu'on devrait avoir un suffrage universel véritable, ce qui n'empêcherait pas des parents de siéger comme ils le font présentement. Avez-vous pensé à l'éventualité d'ajouter à ces parents pour qu'au moins il y ait un représentant de l'enfance en difficulté qui siège sans être élu, mais pour représenter ce groupe d'enfants? Y avez-vous pensé?

Mme Buisson: Pour ma part, je ne verrais pas de problème à ce qu'ils soient là. Sûrement qu'ils pourraient apporter de leur vécu. Je ne sais pas si les autres voient cela sous le même angle.

Mme Payette: C'est un point que nous n'avons pas étudié. Nous n'avons pas de mandat sur ce point. Compte tenu de l'attitude des parents dans l'étude du dossier des services aux enfants en difficulté, je suis certaine que les parents ne feraient pas opposition à la présence d'un parent représentant les enfants en difficulté.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Il y a des problèmes dans notre société qui doivent être sans cesse rappelés aux preneurs de décisions, que ce soit au niveau des commissions scolaires, des écoles ou autrement. Souvent, comme l'enfance en difficulté a été l'enfant pauvre, dans les circonstances, je pense que c'est peut-être nécessaire de penser à quelqu'un qui est une espèce de chien de garde et qui rappelle constamment aux autorités en place ou aux preneurs de décisions qu'il y a un segment important de la population étudiante qui ne doit pas être oublié.

En page 16, vous dites: "Les élèves qui sont intégrés peuvent avoir besoin d'équipement spécialisé pour pallier leur handicap, de modifications physiques au bâtiment pour le rendre accessible. Tous ces éléments matériels doivent être prévus et les commissions scolaires peuvent se prévaloir des programmes existant au ministère de l'Éducation ou au ministère des Affaires sociales." Je ne sais pas si vous êtes au courant que, justement, ces ressources ne sont pas là dans la mesure où elles devraient y être. Si vous regardez encore ce rapport, on prévoit, par exemple, que l'accessibilité aux bâtiments scolaires, compte tenu du calendrier prévu par le gouvernement, ne sera pas complétée avant 1991. Dans ce cas-là, il ne s'agit pas d'une bonne ou mauvaise volonté de la part des commissions scolaires mais il s'agit vraiment de la priorité plus ou moins grande que lui accorde le gouvernement. Même avant l'Office des personnes handicapées, il y avait déjà des commissions scolaires qui se préoccupaient de cette question. Il s'agit vraiment d'une question de priorité.

Vous avez également signalé le problème des coupures budgétaires. J'ai vu le député de Fabre riposter en disant: Ils ont eu cette année un surplus de 150 000 000 $ pour l'ensemble des commissions scolaires. Il faut peut-être rappeler une chose. Je tiens à le dire parce que, à un moment donné, on crée des impressions qui, ma foi, ne sont pas toujours exactes. Il est peut-être vrai que, cette année et l'an dernier, il y a eu certains surplus dans le fonctionnement des commissions scolaires. Mais, pour les années antérieures, comme les dépenses n'étaient jamais indexées ou d'une façon tellement insignifiante quand elles l'étaient, qu'on connaissait un taux d'inflation extrêmement élevé (qu'on pense au chauffage, à l'entretien des écoles, etc) les commissions scolaires, pour, quand même, répondre à des impératifs quand le toit coule, quand l'escalier tombe et qu'il faut chauffer les écoles, devaient aller gruger à l'intérieur du budget global. À ce moment-là, la seule marge de manoeuvre que les commissions scolaires avaient, c'était de couper dans les services de spécialistes, de professionnels. Les commissions scolaires se sont privées petit à petit des agents de développement pédagogique, de conseillers pédagogiques, de psychologues, d'ortho-pédagogues, d'orthophonistes, etc. Essayer de faire croire que les coupures budgétaires n'ont vraiment pas eu de répercussions sur la qualité des services à l'école, je pense que cela n'est pas exact.

À l'heure actuelle, les surplus qui ont été faits par les commissions scolaires - je pense que c'est l'an dernier et cette année -sont le résultat d'une gestion qui indique un peu de prévoyance de la part de ceux qui gèrent le système scolaire; par exemple, on économise pour prévoir l'entrée des ordinateurs à l'école même avant que le gouvernement en parle. Ceci pour dire que je ne peux pas être d'accord avec les remarques du député de Fabre.

Je comprends, moi aussi, qu'il y a des ressources financières qui sont limitées, même si ce n'est pas mon rôle de ce côté-ci de la Chambre d'en faire état. Il reste aussi qu'il faut tenter le plus possible de dépasser les discours, les livres, les études et tenter d'implanter le plus rapidement possible les services dont ces enfants ont besoin pour avoir leur part égale dans la société. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Sur ce, au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants du Comité de parents régional 04 de leur participation aux travaux de notre commission.

J'invite maintenant les représentants de la commission scolaire Les Écores à bien vouloir s'approcher à la table des invités afin qu'ils procèdent, d'abord, à la présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes. Ensuite, nous pourrons procéder aux échanges entre nos invités de la commission scolaire Les Écores et les membres de la commission.

Nous pouvons suspendre les travaux pour quelques secondes, le temps que nos invités puissent s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise de la séance à 11 h 42)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons maintenant nos travaux, mais avant que nous poursuivions nos échanges, je signale que, lorsque j'ai nommé les membres et les intervenants de la commission, j'ai identifié à deux reprises le député de Roberval. Il doit se situer avec les membres de la commission et non avec les intervenants.

Sur ce, j'invite la représentante et les représentants de la commission scolaire Les Écores à procéder à leur présentation en une vingtaine de minutes et, ensuite, nous aurons les échanges entre les membres de la commission et nos invités.

Commission scolaire Les Écores

Mme Perreault (Rita): Merci. Il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, M. Gaston Ouellette, vice-président de la commission scolaire Les Écores; à mon extrême droite, M. Michel Hamelin, directeur général adjoint et directeur des services au personnel et M. Achille Corbo, directeur général. Je suis Rita Perreault, présidente de la commission scolaire Les Écores.

Avant de vous présenter notre mémoire, permettez-moi de céder la parole à M. Corbo qui vous situera notre commission scolaire sur le territoire de Laval et vous en fera un bref historique.

Le Président (Mi Blouin): J'ai compris, Mme Perreault, que la lecture de votre mémoire requerrait un peu moins de 20 minutes et qu'en une brève période de temps M. Corbo nous ferait un rapide historique de la commission scolaire pour que nous puissions rapidement procéder à la présentation du mémoire.

M. Corbo (Achille): Merci. D'abord, la commission scolaire regroupe le territoire est de l'île Jésus, plus particulièrement, les quartiers Duvernay, Saint-Vincent-de-Paul et Saint-François, c'est-à-dire la partie est de l'autoroute 19. La commission scolaire Les Écores est intégrée depuis 1976, représentant toute la partie élémentaire et secondaire au niveau francophone. Au niveau anglophone, nous avons la partie élémentaire et les écoles de premier cycle. Nous avons dix-huit écoles réparties de la façon suivante: deux écoles polyvalentes du secondaire I au secondaire V, une école de premier cycle, une école d'adaptation scolaire, l'école élémentaire des anglophones, l'école du premier cycle du secondaire pour les anglophones et douze écoles élémentaires.

La commission scolaire Les Écores a vécu la désaffiliation d'une commission scolaire régionale en 1976 de par la volonté du milieu. Nous faisions partie de la commission scolaire régionale qui était formée alors de tout le secteur est, dont je vous ai fait mention, plus la partie nord de Terrebonne, Mascouche, Lachenaie, appelée aujourd'hui la commission scolaire des Manoirs. Cette dissolution de la commission scolaire régionale a été pour nous une expérience valable, en ce sens que nous avons vécu, depuis 1976, l'intégration, tel qu'il est proposé et à laquelle nous souscrivons.

Cela vous donne un portrait rapide de la composition de notre commission scolaire et cela vous situe. Vous avez, à l'intérieur du mémoire dont Mme la présidente vous fera lecture tantôt, le territoire actuel et le territoire projeté, tel que demandé par notre commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): Après cette brève mise en situation, Mme Perreault nous livre le contenu du mémoire.

Mme Perreault: Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre de l'Éducation, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire, le projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public constitue un document possédant des ramifications et des impacts non seulement géographiques, locaux et provinciaux, mais surtout psychologiques et sociaux autant pour les individus que pour la collectivité.

Toutefois, la reconnaissance d'une autonomie plus grande à l'école dans la réalisation de son projet éducatif avec les parents, les élèves et le personnel de l'école, ainsi que l'implication communautaire sur les plans social et culturel doivent être accompagnées de modalités permettant une atteinte progressive de ces objectifs. C'est dans une telle perspective que la commission scolaire Les Écores s'est penchée sur le document Une école communautaire et responsable et sur le projet de loi 40.

Dans le texte qui suit, la commission scolaire Les Écores propose des éléments qui s'attardent essentiellement à l'environnement de l'enseignement primaire et secondaire public, ainsi qu'aux principes qui devraient régir les rapports entre la commission scolaire et les écoles.

Mission, statut et territorialité. L'éducation constitue une réponse à un ensemble de droits et de besoins individuels et communautaires. Le droit de l'enfant à un ensemble de services éducatifs, les droits individuels, collectifs et communautaires et la liberté de conscience et de religion sont autant de facteurs qui influencent la mission de la commission scolaire comme intermédiaire entre le ministère de l'Éducation, d'une part, et les écoles et le milieu, d'autre part.

Dans ce sens, la commission scolaire doit assurer une même qualité

d'enseignement à tous les élèves de son territoire et constituer ainsi un facteur d'équilibre quant aux actions des instances de l'État. La commission scolaire se voit donc attribuer la responsabilité de coordonner les établissements d'enseignement et de veiller au règlement des différends qui peuvent apparaître.

Pour atteindre cette mission et réaliser ces objectifs, la commission scolaire nécessite implicitement un statut particulier. Comme instance politique et administrative décentralisée représentant la collectivité, elle ne jouera pleinement son rôle que si elle constitue une entité intégrée et unifiée responsable de l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire, sans distinction de langue ou de religion.

Finalement, on doit constater que la mission et les fonctions de la commission scolaire sont issues d'une collectivité et destinées à une collectivité. Or, il y a lieu d'ajouter que la commission scolaire dessert ainsi un territoire particulier. Toutefois, la notion même de territoire dépasse le sens physique et rejoint essentiellement un concept élargi de clientèle recevant, tel que présenté précédemment, des services éducatifs et une animation sociale et culturelle communautaire. On doit donc, à ce stade, évoquer le principe de l'équité lorsque vient le moment de procéder à la définition du territoire de la commission scolaire. Seule l'équité permettra d'en arriver, là encore, au succès de la mission et des objectifs de la commission scolaire.

Le ministère de l'Éducation procède actuellement au découpage du territoire des commissions scolaires et, comme il semble partager notre souci d'équité, nous incluons en annexe notre proposition de territoire qui permettrait une distribution équitable des services à être rendus par notre commission scolaire non seulement aux élèves, mais à l'ensemble des résidents du territoire. '

Position sur le statut et les pouvoirs de l'école. La commission scolaire Les Écores considère que l'école devrait obtenir un statut dont la spécificité inclurait certains pouvoirs décisionnels et une plus grande autonomie en matière d'éducation et de pédagogie. D'ailleurs, une telle autonomie éducative et pédagogique devrait apparaître dans la loi comme telle plutôt que dans la réglementation qui l'accompagne.

En ce qui a trait à la confessionnalité de l'école, nous proposons qu'un changement de statut puisse être apporté à l'école si la majorité des parents le demande.

Cependant, il est de notre avis que la décentralisation des pouvoirs qui est préconisée dans le projet de loi est tout aussi valable pour la commission scolaire que pour les écoles. À cet effet, la commission scolaire devrait obtenir plus de pouvoirs et, à son tour, en déléguer une partie à l'école, notamment quant à l'éducation et à l'autonomie de l'école.

Une telle décentralisation peut très bien s'accomplir et s'implanter de façon progressive si l'école continue de relever de la commission scolaire et que cette dernière continue de la soutenir afin qu'elle puisse s'acquitter de ses responsabilités. De plus, la commission scolaire devrait étudier des analyses approfondies avant de confier d'autres responsabilités à l'école, notamment au plan de la gestion des ressources humaines, financières et matérielles.

En ce qui a trait au conseil d'école, nous reconnaissons le bien-fondé d'une telle instance sans toutefois partager le principe que le commissaire soit un commissaire de l'école. En effet, nous considérons que le projet de loi 40 enlève à ceux qui ne sont pas des parents le droit de choisir les représentants qui voient à la gestion des institutions scolaires locales. En ce sens, il y aurait lieu de maintenir l'élection des commissaires de quartier au suffrage universel afin d'assurer une représentation équitable à la direction des affaires scolaires de la collectivité locale.

Position sur le statut et les pouvoirs de la commission scolaire. Tel que mentionné précédemment, la commission scolaire joue plusieurs rôles: intermédiaire, coordonnateur, soutien, instance politique et administrative. Essentiellement, c'est de la commission scolaire que dépend l'école en termes d'encadrement éducatif et pédagogique, ainsi que sur le plan administratif.

Quant au statut confessionnel, il nous apparaît conséquent de proposer que la commission scolaire soit reconnue comme catholique, si la majorité des écoles qu'elle dessert a conservé son statut confessionnel.

Quant au principe de décentralisation, nous réitérons le besoin d'une stratégie progressive, assurant une prise en main adéquate d'un nouveau partage des responsabilités. Au stade actuel, nous croyons que la commission scolaire devrait, notamment, s'assurer de la conformité de l'enseignement au régime pédagogique et aux encadrements nationaux; procéder à l'évaluation des écoles de son territoire; être responsable du soutien au développement pédagogique des écoles de son territoire et allouer les enveloppes budgétaires ou approuver les budgets des écoles.

En général, il y aurait lieu de continuer de considérer la commission scolaire comme gestionnaire des ressources humaines, financières et matérielles regroupées sur le territoire concerné. La situation économique ayant suscité depuis quelques années un phénomène grandissant de regroupement d'entreprises et d'établissements de toutes sortes, il serait peu souhaitable d'abandonner ce qui constitue un facteur d'économie financière et de cohésion administrative.

Au sujet de la composition du conseil d'administration de la commission scolaire, nous sommes d'avis que l'on devrait utiliser la formule suivante: une majorité de commissaires élus au suffrage universel par quartier par l'ensemble des résidents du quartier et des délégués d'écoles élus par l'ensemble desdits délégués.

L'adoption de cette formule permettrait, selon nous, une représentation plus adéquate, respectant une équité quant au fardeau fiscal imposé à la collectivité, sans compter qu'elle est aussi visée par l'objectif complémentaire de promotion et d'animation sur les plans social et culturel. Cette formule assurerait aussi la représentation de l'école par un certain nombre de délégués.

Sur le plan des mécanismes de taxation, il est illusoire d'envisager de conserver ou d'augmenter les responsabilités de la commission scolaire et de l'école en contraignant le pouvoir de taxation de la commission scolaire. Il y a lieu d'envisager que la commission scolaire bénéficie d'un pouvoir de taxation accru ou d'une source de revenus autonome significatifs qui pourrait même avoir pour effet de réduire le pourcentage des subventions gouvernementales dans le revenu total de la commission scolaire. Alors seulement pourra-t-on soutenir financièrement les efforts de réalisation et d'action du rôle de la commission scolaire et de l'école.

En conclusion, M. le Président, les missions de l'école et de la commission scolaire associées aux besoins des divers intervenants du milieu constituent un défi en soi. Un autre défi se retrouve, cependant, dans la recherche des mécanismes qui régiront la réflexion et l'action de cet ensemble. La commission scolaire Les Écores, consciente de l'envergure de cette problématique, a voulu présenter ses visions, ses réflexions et ses propositions avec la certitude qu'elles pourront éclairer l'appareil législatif québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauthier): Merci, madame. La parole est au ministre.

M. Laurin: Je voudrais, d'abord, saluer et remercier la commission scolaire Les Écores pour la qualité du mémoire qu'elle nous a présenté et à la lecture duquel j'ai pris un très grand intérêt.

Je constate que la commission scolaire Les Écores est déjà une commission scolaire intégrée et je constate que cette expérience d'intégration non seulement a été heureuse, mais a convaincu la commission scolaire que c'était là un système qui devait être généralisé à l'échelle du Québec. En ce sens, je m'en félicite avec elle.

Je constate aussi que la commission scolaire Les Écores est quelque peu inquiète quant au territoire qui sera le sien une fois le projet de loi 40 adopté. Je voudrais immédiatement la rassurer. Nous nous sommes, quand même, donné quelques mois pour procéder à ce découpage en consultation étroite avec le milieu et il est bien sûr que nous partageons son objectif qui est que le territoire de la commission scolaire Les Écores soit établi en toute équité. Nous entendons bien, au cours des prochains mois, continuer à travailler en contact avec vous pour arriver à un découpage, justement, qui soit véritablement le plus équitable.

Je note aussi avec un grand plaisir la position de la commission scolaire en ce qui concerne le statut de l'école. La commission scolaire voudrait qu'on accorde à l'école une plus grande autonomie, aussi bien éducative que pédagogique. Éducative au sens très large du terme, puisqu'on sait que l'éducation comporte bien plus que l'enseignement, qu'elle comporte également toute la formation des enfants qui doivent devenir des citoyens libres et responsables, épanouis, développés dans toutes les dimensions de leur personnalité. Mais l'école doit posséder une plus grande autonomie pédagogique également puisque la pédagogie est au coeur même de l'acte éducatif. Je note que la commission scolaire voudrait traduire concrètement cette exigence et c'est la raison pour laquelle elle demande, elle suggère que cette école puisse jouir de pouvoirs ou de responsabilités décisionnels en matière d'éducation et en matière de pédagogie.

Et la commission scolaire va plus loin. Elle voudrait aussi que ces pouvoirs décisionnels ou ces responsabilités décisionnelles soient inscrits dans la loi. J'imagine que ces recommandations proviennent de votre propre expérience, des démarches que vous êtes en train de faire depuis quelques années et de convictions que vous avez développées au fil des années. J'aimerais que vous vous expliquiez davantage à cet égard et que vous nous disiez quelles sont les raisons qui vous ont amenés à préconiser ce statut pour l'école, cette plus grande autonomie éducative et pédagogique, cet octroi de responsabilités décisionnelles, dans quel domaine en particulier d'une façon plus spécifique et pourquoi, enfin, vous souhaitez que ces responsabilités décisionnelles soient inscrites dans la loi et non pas déléguées par la commission scolaire. (12 heures)

Mme Perreault: Je vous remercie, M. le ministre de l'Éducation. Pour répondre à cette question, si vous me le permettez, le directeur général de la commission scolaire pourrait probablement expliciter ce sujet, compte tenu que le vécu de l'école à partir du centre administratif, c'est étroitement lié. Alors, je lui cède la parole.

M. Corbo: Je vous remercie, Mme la

présidente. M. le Président, M. le ministre, nous avons, à la commission scolaire Les Écores, il y a environ cinq ans, fait une analyse institutionnelle de nos écoles avec l'aide d'un organisme qui s'appelle CADRE, dont vous connaissez l'existence, pour examiner chacun des milieux respectifs de nos 18 écoles. Il y en avait 19 à l'époque, malheureusement, la diminution de clientèle nous a amenés à 18 écoles. Nous avons donc analysé dans chacun des milieux une volonté pour chaque école. C'était l'ébauche, pour nous, du projet éducatif.

À la commission scolaire Les Écores, depuis 1976, nous avons appliqué une certaine décentralisation administrative et une décentralisation pédagogique plutôt restreinte, je dois l'admettre. Par contre, à la suite de l'analyse institutionnelle et de la volonté exprimée dans un questionnaire qui a été fait avec l'ensemble des parents de chacune des écoles concernées, nous avons actuellement en préparation huit projets éducatifs en plus du système de l'école Vanier. Ce que l'on constate dans chacun de ces milieux, c'est que les écoles, les enseignants, la direction de l'école voudraient voir inscrit dans une loi ce qu'ils pourraient eux-mêmes gérer à l'intérieur de leur école respective.

Je pourrais peut-être donner un exemple. On a vu dans le projet de loi 40 diverses hypothèses. Disons, par exemple, qu'une école voudrait se donner une vocation particulière, mettre une emphase plus particulière au niveau des activités, pour prendre un exemple plus facile pour moi, et on semble ne pas avoir les éléments et les pouvoirs suffisants à l'intérieur de l'école. Ce n'est pas possible actuellement dans le contexte que nous vivons de séparer facilement dans l'ensemble d'une commission scolaire ce que l'on peut et ce que l'on ne peut pas donner à une école. On a parlé tantôt de toutes sortes d'expériences vécues et des restrictions budgétaires que nous avons été appelés à vivre. Cela ne nous a pas permis d'exercer facilement cette décentralisation vers l'école et de donner certains pouvoirs du côté administratif. Du côté pédagogique, on constate - et nous étions une commission scolaire de 11 000 qui est rendue à 7900 actuellement - que l'on ne peut pas fournir ces services pédagogiques de façon précise à l'école. On manque de conseillers pour mettre à la disposition de chacune des écoles. On en a chez nous, on se les paie chèrement, mais ce n'est pas facile parce que ce qui devrait aller spécifiquement à l'école n'est pas défini.

À l'école Vanier, nous avons un système d'apprentissage modulaire individuel qui fonctionne depuis 1969. L'école s'interroge à la suite de toutes les restrictions et de tous les décrets. Des enseignants qui avaient un horaire plus flexible ont des difficultés avec le décret actuel. Les gens se disent: S'il y avait une réglementation en ce qui regarde l'école, si c'était inscrit dans la loi ce qu'on peut faire localement, ce serait peut-être un peu plus facile.

M. le ministre, j'ai peut-être répondu assez vaguement. Je ne sais pas si Mme la présidente voudrait ajouter quelque chose, mais je voudrais vous brosser le plus rapidement possible les expériences que nous avons vécues. L'analyse institutionnelle que nous avons faite a permis de connaître la volonté de chacun des milieux. Ce qui devient difficile pour nous à la commission scolaire Les Écores, c'est de l'adapter en fonction d'une clientèle décroissante; c'est là notre inquiétude. Je pense que tous les intervenants autour de la table savent que nous sommes "sous-privilégiés", entre guillemets, en ce sens que nous avons quatre institutions privées qui se situent à l'intérieur de huit kilomètres de la commission scolaire. Cela draine une capacité énorme et une population énorme de notre système aux Écores. En d'autres mots, cela ne nous permet pas de planifier adéquatement la vocation future de certaines de nos écoles.

Mme Perreault: Si vous le permettez, pour ajouter un peu, le fait que cette recommandation soit inscrite dans la loi plutôt que dans une réglementation pourrait assurer aussi une garantie de stabilité et favoriser chez les parents une implication probablement plus grande, compte tenu qu'il y aurait une garantie. On sait très bien que, c'est pas mal plus difficile de changer la loi comme telle qu'une réglementation. On est moins à la merci, probablement, du changement et du ballottage d'idées et d'options. Ce serait aussi pour favoriser la participation des parents.

M. Laurin: Merci, M. Corbo et Mme Perreault. Dans votre évolution, on constate que plusieurs écoles sont en train de se doter de projets éducatifs particuliers. Évidemment, chaque école doit appliquer le régime pédagogique qui est uniforme pour le Québec, doit implanter des programmes dont les objectifs sont définis par le ministère, dont les contenus notionnels sont aussi déterminés par le ministère, ce qui assure, tout de même, une égalité minimale de la qualité de l'éducation dans toutes les écoles du Québec, ce qui favorise également l'égalité des chances dans toutes les régions pour une insertion sociale et professionnelle réussie. Mais il reste que le régime pédagogique et les programmes déterminés par le ministère laissent l'occasion au milieu d'adapter, d'enrichir ce projet éducatif selon les besoins que le milieu détermine.

J'ai cru noter dans votre réponse que vous aviez déjà à peu près sept ou huit projets éducatifs en émergence dans vos

écoles. Est-ce que je pourrais vous demander quel est l'état de la diversité de ces projets éducatifs? Par exemple, sur quelles priorités telle école a mis l'accent, sur quelles priorités telle autre école a mis l'accent afin de voir un peu mieux jusqu'à quel point ces projets éducatifs reflètent les problèmes ou les préoccupations particulières d'un milieu donné?

M. Corbo: M. le Président, M. le ministre, comme exemple concret, j'ai parlé tantôt de l'école Vanier où nous avons le système AMI, l'apprentissage modulaire individuel, dont vous connaissez l'existence. Dans les écoles élémentaires, dans une école plus particulièrement, dans le secteur est, ce qui a retenu le plus l'attention des parents, c'est le civisme. L'action s'est exercée à ce niveau par les parents. Au niveau d'une commission scolaire qui se situe dans le secteur de Duvernay, Val-des-Arbres, ce sont les arts et activités qui ont été retenus. Dans l'école des Ormeaux, une autre école élémentaire, c'est la sécurité. Nous avons, d'ailleurs, un principal d'école qui a été prêté l'an dernier pour une période de six mois pour travailler au niveau de la province avec les représentants du ministère des Transports. Cette école avait une priorité de sécurité, jusqu'à la sécurité au transport, la sécurité dans les écoles; cela a été leur objectif. Dans une école, plus particulièrement dans le secteur est aussi, on a un attrait plus particulier pour les arts plastiques. Dans les trois autres c'est la discipline. C'est peut-être un retour aux sources pour ceux qui ont vécu les ex-collèges classiques. C'est un peu un système plus traditionnel qui a déjà été vécu chez nous aussi dans une école, il y a environ cinq ou six ans, lorsque nous avions une école de premier cycle dans le secteur est; c'était la préoccupation du milieu. C'est à peu près le portrait des sept écoles.

M. Laurin: Une dernière question, M. Corbo. Dans l'élaboration et l'exécution de ce projet éducatif orienté dans une direction particulière, est-ce qu'il y a une participation de tous les intervenants de l'école, parents, enseignants, professionnels non-enseignants et même employés de soutien?

M. Corbo: En ce qui regarde les dossiers tels que le civisme et la sécurité, il y a eu, à l'intérieur du groupe de travail où les enseignants et les parents participent, même le concierge. C'est une petite école de 310 élèves et le concierge, qui a une responsabilité d'ordre technique à l'intérieur de l'école, a aussi été consulté par les parents, les comités d'école.

Les comités d'école, à la commission scolaire Les Écores, sont très impliqués, de même que le comité de parents. Ils se retrouvent à l'intérieur des écoles et, à la commission scolaire, ils se retrouvent aussi au sein de cinq groupes de travail formés par le conseil des commissaires, où l'on regroupe les directions d'école, des cadres de la commission scolaire et des parents. Ce sont les mêmes parents qui oeuvrent au niveau des écoles. Ce sont des groupes de travail qui ont cinq responsabilités.

Au niveau de l'école proprement dite, il y a les enseignants. Aucun des projets que je vous ai énumérés n'a exclu la présence des enseignants. Dans certaines écoles où les enseignants étaient plus réticents, on a attendu. Nous allons au rythme du milieu et, pour nous, le projet éducatif doit se faire selon le rythme du milieu, selon la volonté de chaque école. Pour nous, le projet éducatif, c'est l'affaire de l'école et non l'affaire de la commission.

M. Laurin: Je vous remercie beaucoup. Bonne conclusion.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mesdames et messieurs de la commission scolaire Les Écores, je regrette que le temps ne vous ait pas permis de donner communication complète de votre mémoire, y compris les amendements que vous proposez à la suite du texte plus général dont vous avez donné lecture.

Le texte est rédigé dans des termes si généraux, à certains endroits, qu'il peut prêter à des interprétations différentes. Nous venons d'en avoir un exemple avec l'interprétation qui a été donnée par le ministre. Si on regarde une certaine page, l'interprétation fournie par le ministre s'explique très bien. Si on va à la page suivante, on s'aperçoit que déjà il y aurait bien des réserves à mettre à l'interprétation qu'a donnée le ministre.

Par exemple, quand vous traitez du statut de l'école, vous dites qu'il serait bon que certains pouvoirs décisionnels soient reconnus à l'école dans un texte législatif et non pas seulement dans un texte réglementaire. À la page suivante, tout de suite vous prenez soin d'ajouter que la commission scolaire devrait obtenir plus de pouvoirs et, à son tour, en déléguer une partie à l'école. Ensuite, vous dites que cela devrait se faire suivant un rythme qui devrait varier en tenant compte de l'état des situations concrètes et de la situation générale à laquelle on fait face. Vous dites bien qu'il faudrait faire des analyses approfondies avant de statuer d'une manière uniforme pour l'ensemble des écoles d'un territoire.

C'est là seulement un exemple, mais ce qui m'a intéressé davantage en lisant les amendements que vous proposez à la fin de

votre texte qui, eux, indiquent une idée très précise, une idée très concrète de ce que vous voulez communiquer à la commission parlementaire et en particulier au gouvernement, c'est que vous trouvez que le texte du projet de loi 40, comme il se présente actuellement, comporte des insuffisances très sérieuses en ce qui touche, notamment, cette fameuse question du lien de l'école avec la commission scolaire.

Je vais en donner quelques exemples. Tout d'abord, vous proposez que l'article 28 soit corrigé de manière à établir clairement dès le départ de quoi on parle. Quand on prend le projet de loi 40 dans sa formulation actuelle, il est dit: "L'école est un établissement d'enseignement, sous l'autorité d'un conseil d'école, qui est destiné à assurer l'éducation des élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de l'école et des élèves." Il n'y a aucune mention de la commission scolaire. Le vice initial est dès l'article 28. Vous l'avez vu très clairement et vous dites qu'on devrait plutôt écrire: L'école est un établissement d'enseignement sous l'autorité d'une commission scolaire. Il faut bien savoir à qui se rattache cet être institutionnel qu'est l'école. On ne le dit pas du tout dans l'article 28. Vous le dites clairement dans l'amendement que vous proposez. Je pense que tout de suite cela va établir les choses dans une perspective de clarté. (12 h 15)

Je continue à propos du directeur de l'école. Je pense que c'est l'article 82. Le statut du directeur d'école est ambigu dans le projet de loi parce qu'on dit qu'il "est choisi par la commission scolaire - elle est formidable, cette contradiction dans les termes, après qu'il a été choisi par un autre - sur la recommandation d'un comité de sélection - sélection, c'est synonyme de choix si mes souvenirs de dictionnaire sont bons - composé majoritairement de membres du conseil d'école." S'il a été choisi par un comité de sélection, il n'est pas ensuite choisi par la commission scolaire, à moins que ce ne soit un pur organisme de "rubber-stamp". Vous dites plus nettement et plus simplement, je crois: Le directeur d'école est choisi par la commission scolaire sur la recommandation de la direction générale de la commission scolaire après consultation du conseil d'école. Cela a infiniment plus de bon sens. J'aurais aimé que ces points-là fussent expliqués tantôt quand vous avez parlé. La formulation plutôt générale de votre mémoire était trop de nature à endormir le ministre. Il faut qu'il soit réveillé surtout en ce mardi matin, le premier jour des délibérations de cette semaine où il commence à manifester une certaine lassitude que nous ne partageons pas du tout de ce côté-ci de la table.

Troisième exemple, de qui va relever le directeur d'école? Ce n'est pas tout qu'il soit nommé. Il faut qu'on sache comment il va fonctionner ensuite. Dans le projet de loi, on vous dit tout simplement à l'article 86: "II rend compte de son administration au conseil d'école." Vous dites plus judicieusement, à mon point de vue, qu'il rend compte de son administration à la commission scolaire et au conseil d'école, le cas échéant. Donc, en général et de manière habituelle, il rend compte de son administration à la commission scolaire par l'entremise, j'imagine, du directeur général de la commission scolaire, comme c'est le cas actuellement en vertu de la Loi sur l'instruction publique. Le cas échéant, c'est-à-dire - crois-je comprendre et vous me corrigerez si je me trompe - sauf dans des cas qui sont précisément mentionnés dans le texte de loi; là, il va rendre compte de son administration au conseil d'école, ce qui se comprend très bien d'ailleurs.

Je pourrais mentionner plusieurs autres exemples. Vous parlez de l'enrichissement des programmes. C'est très bien, l'école va faire l'enrichissement des programmes, mais conformément aux orientations de la commission scolaire. Vous sentez le besoin d'ajouter des précisions comme celles-là à au moins une dizaine d'endroits dans le texte. Vous indiquez au ministre une possibilité de redressement de son texte qui est extrêmement incomplet à ce point de vue. C'est évident que, si toutes ces précisions ne sont pas apportées, nous nous réveillerons avec une situation remplie d'incertitude quant au rôle de la commission scolaire, quant à l'unité du système d'enseignement sur chaque territoire de commission scolaire et je dirais même sur l'ensemble du territoire du Québec. C'est la première question que je voulais vous poser. Est-ce que ma lecture de votre réaction est juste? Est-ce que ces amendements que vous proposez vous apparaissent indispensables pour que la commission scolaire Les Écores puisse accomplir son rôle normalement ou si les amendements que vous proposez sont des amendements de dentelle auxquels vous ne tenez pas outre mesure?

Le Président (M. Blouin): Mme Perreault.

Mme Perreault: Oui, M. le député, c'est évident, pour revenir à votre dernière intervention, que ce ne sont pas des amendements de dentelle. Nous considérons que la commission scolaire devrait avoir une place et une autonomie plus grande. C'est dans le texte. C'est évident que, si tous les pouvoirs sont donnés à l'école et que celle-ci relève du ministère de l'Éducation ou du bureau régional, je me dis, quand on engage du personnel, un directeur d'école, que cette

personne a un employeur. Elle ne peut pas avoir trois employeurs: l'école, le ministère, la commission scolaire. C'est évident que le directeur d'école relève de la commission scolaire. Ce ne sont pas des artifices.

Pour répondre à votre première intervention, au tout début, lorsque vous dites que M. le ministre de l'Education interprète un peu notre document, je pense que sur la partie du projet éducatif il n'y avait pas d'interprétation comme telle. Le projet éducatif, pour nous, c'est clair, il appartient aux milieux, aux écoles et, comme le disait M. le directeur général tantôt, le projet éducatif s'élabore à partir de toutes les composantes du milieu école, des parents, des professeurs. Si les gens ne semblent pas prêts à faire l'évolution du projet éducatif, ils attendent. Ils ne sont pas tous partis sur le même pied et en même temps, mais on voit une évolution et un intérêt, et il y a aussi le support de la commission scolaire dans le projet éducatif. Présentement, nous avons établi des rencontres à la commission scolaire au niveau de l'exécutif. Une fois par mois, on rencontre une école donnée qui vient nous présenter son projet éducatif.

Nous, ce n'est pas pour les critiquer, bien au contraire, c'est pour nous impliquer un peu, avoir la connaissance des milieux et voir un peu ce qui se fait dans l'école. Sur les questions du directeur d'école et de l'enrichissement des programmes, M. Corbo va répondre.

M. Corbo: En ce qui a trait au directeur d'école, la position de la commission scolaire est claire. Il ne doit y avoir, comme l'a dit Mme la présidente, qu'un seul employeur. Pour nous, c'est la commission scolaire. J'aimerais vous expliquer un peu comment se fait le choix chez nous d'un directeur d'école depuis que j'en assume la responsabilité, depuis l'intégration. Le choix d'un directeur d'école se fait à partir d'un comité où sont représentés les parents de l'école concernée, un ou deux parents selon l'importance de l'école. Les représentants: un représentant de la direction de l'école, un représentant des cadres de la commission scolaire; dans des écoles de plus grande importance: un représentant aussi des enseignants et de la direction générale, parce qu'à la commission scolaire Les Écores la table de gestion est formée des directions d'école et des directeurs de services. Il ne peut pas y avoir deux autorités qui dirigent une personne. Chez nous, aux Écores, c'est clair. Cela fonctionne comme cela depuis 1976. Cela a fonctionné comme cela de 1963 à 1976 à la commission scolaire régionale où j'ai oeuvré, et cela a été bon. On donne le choix aux milieux des candidatures et, à la fin, il y a une décision qui doit être prise par l'employeur, à savoir la commission scolaire. Cela s'est fait ainsi dans tous les engagements de direction d'école. Là-dessus, la position de notre commission scolaire est claire. Le directeur d'école doit relever de la commission scolaire et non d'un conseil d'école.

L'enrichissement des programmes, pour nous, cela va...

M. Ryan: M. Corbo, si vous me le permettez, j'ai mentionné l'enrichissement des programmes à titre d'exemple, mais si vous pouviez répondre en tenant compte d'autres questions pédagogiques également où un rôle de la commission scolaire vous apparaît important, cela abrégerait la discussion sur ce point-là.

M. Corbo: Ce que j'ai tenté d'exprimer tantôt en réponse à M. le ministre, c'est que, dans l'ensemble d'une commission scolaire, nous pensons qu'il doit y avoir une supervision pédagogique assumée par une commission scolaire. L'enrichissement des programmes va de pair avec les projets éducatifs, mais l'on pense que l'on doit s'assurer, comme commission scolaire, d'avoir une certaine équité entre les écoles. II y a des écoles qui sont dans un milieu, même à l'intérieur d'une commission scolaire donnée comme la nôtre, des écoles qui sont dans un autre milieu, qui ont besoin d'aide additionnelle. Nous pensons que la commission scolaire doit jouer ce rôle-là. Nous ne croyons pas que l'école seule ou que le milieu de l'école seul puisse le faire et nous voulions assurer, par une juridiction de la commission scolaire, que l'ensemble de ces écoles soient traité de façon équitable.

M. Ryan: Est-ce que cette fonction de supervision dans une question comme l'évaluation des élèves vous apparaît suffisamment assurée, avec le projet de loi 40 comme il est actuellement?

M. Corbo: Voici un exemple d'évaluation. Chez nous, actuellement, on pourrait appeler l'évaluation ce que nous avons instauré; ce sont des examens non pas uniformes, mais d'une certaine conformité à l'ensemble de nos écoles en secondaire 1 et, même, dans nos écoles polyvalentes. C'est une table de concertation composée des représentants de chacune des écoles qui ont accepté qu'une certaine évaluation - entre guillemets - puisse être faite à l'aide d'examens en secondaire 1. Je pense que c'est une preuve de ce que nous croyons être une certaine supervision pédagogique.

M. Ryan: C'est pour cela que vous avez écrit parmi vos amendements qu'à l'article 113 qui traite l'évaluation, justement, vous voudriez que, vous autres, si l'école établit les normes et modalités de l'évaluation des apprentissages, elle le fasse en accord avec

la commission scolaire.

M. Corbo: Dans le fond, cela revient un peu à ce que je mentionnais tantôt, on veut assurer au moins un minimum à chacune de nos écoles.

M. Ryan: Très bien. Je vais passer à un autre aspect maintenant. Dans le passage qu'a cité le ministre tantôt, vous dites que vous êtes favorables à ce que certains pouvoirs décisionnels soient conférés à l'école en vertu du projet de loi. Vous ne précisez pas lesquels. Tantôt, lorsque Mme Perreault a répondu à une question que je vous ai posée, elle a dit, en ce qui regarde le projet éducatif: Nous tenons à ce qu'il soit bien établi dans la loi que c'est une responsabilité qui relève de l'école. Verriez-vous d'autres pouvoirs décisionnels comme relevant de l'école?

Deuxièmement, la semaine dernière, nous avons reçu la visite de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, d'autres groupements également, en particulier l'Association des religieuses enseignantes du Québec, organisme dont les deux tiers des membres travaillent dans le secteur public, contrairement à ce qu'auraient pu laisser entendre certaines interventions faites l'autre jour, ils nous ont dit: C'est important d'établir une distinction - les professeurs de la Faculté de l'éducation de McGill l'avaient fait plus tôt d'ailleurs devant la commission aussi - entre ce qu'on appellerait les décisions d'ordre professionnel et les décisions qui peuvent concerner ce qu'on appellerait l'environnement éducatif dans lequel l'élève évoluera à l'école. Ils ont bien insisté pour dire que les décisions d'ordre professionnel doivent relever des professionnels, c'est-à-dire en particulier des enseignants, de la direction de l'école rattachés à la commission scolaire et que les autres décisions pourraient faire l'objet d'une dévolution de responsabilités à l'école incarnée par son conseil d'école. Je ne sais pas ce que vous pensez de cela. Ma question vise à vous demander de préciser quels seraient ces certains pouvoirs décisionnels que vous verriez comme pouvant figurer dans la loi au titre des responsabilités de l'école.

Mme Perreault: M. le député, c'est évident que le projet éducatif lui-même amène non pas des amendements, mais des propositions écrites, des garanties pour les gens qui s'y impliquent, dans une école donnée. Par exemple, un projet éducatif pourrait avoir comme nature d'être une école alternative. Je pense que les parents qui ont donné de leur temps en matière d'éducation ou d'aide à l'école doivent avoir des garanties que cela ne pourra pas changer dans deux ou trois ans. Là, on demande des garanties dans la loi en ce qui a trait au projet éducatif de l'école, cela c'est sûr. On pensait aussi probablement à l'enrichissement des programmes au niveau local. Je regarde sur notre territoire où on a une commission scolaire de 18 écoles. Le territoire est relativement grand et les régions sont disparates aussi. Je me dis que les gens de Duvernay n'auront sûrement pas la même préoccupation que les gens de Saint-Vincent-de-Paul ou de Saint-François. À ce moment-là, il faut tenir compte des objectifs et de l'évolution de notre population à l'intérieur même du territoire. L'enrichissement des programmes pourrait donner une saveur locale et je pense que c'est de l'école que ces choses devraient relever. Cela va?

Quant à votre autre question, quand vous parlez des pouvoirs d'ordre professionnel, par exemple, peut-être que M. Corbo pourrait répondre à cette partie de la question.

M. Corbo: Au niveau des professionnels, nous sommes une commission scolaire qui a peut-être un petit nombre d'élèves, soit 7900, mais qui a beaucoup de professionnels: psychologues, orthopédagogues, orthophonistes. Et nous y attachons une importance capitale. Par contre, chez nous, aux Écores, il y a un partage de l'utilisation de ces personnels qui est fait en début d'année ou sur une programmation de deux ans pour bien servir l'ensemble de chacune de ces écoles. Actuellement, je pense que c'est possible, parce que la supervision pédagogique est faite par la commission scolaire. On voudrait que cela se continue de cette façon parce qu'on pense qu'on doit assurer une certaine équité, et ce partage de l'utilisation des services de professionnels se fait à la table de gestion. (12 h 30)

M. Ryan: Quand je parlais de professionnels, je parlais au sens plus large que cela. Je pensais principalement aux enseignants.

M. Corbo: Ah! aux enseignants!

M. Ryan: Oui. Ils sont venus nous dire ici très fermement qu'ils ne veulent pas exercer leurs tâches professionnelles sous la direction tatillonne d'un conseil qui comprendrait, en majorité, des personnes de l'extérieur de l'école. Ils veulent que leur autonomie professionnelle soit pleinement respectée. Ils veulent l'exercer à l'intérieur de conditions qui vont en favoriser l'exercice, et non pas soumettre cet exercice continuellement à des contraintes qui pourraient être très artificielles si cela dépendait uniquement d'un vote majoritaire ou de choses comme celles-là. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

M. Corbo: À l'article 99, on dit que

l'école est responsable de l'application des programmes d'activités de formation et d'éveil et des programmes d'études officiels. On ajoute dans le deuxième paragraphe: Le personnel enseignant peut enrichir les objectifs des programmes dispensés par l'école et en adapter les contenus indicatifs conformément aux orientations déterminées par la commission scolaire.

M. Ryan: Je passe à un autre aspect. Je voudrais seulement faire une petite remarque. Je m'intéresse au rôle de la commission scolaire. Vous représentez une commission scolaire ici et c'est normal qu'on vous interroge là-dessus. Je voudrais dire, à l'intention du député de Fabre, que nous ne sommes pas, de ce côté-ci, des défenseurs inconditionnels des commissions scolaires. Quand elles sont attaquées injustement, nous les défendons sans hésiter. Si elles ont des faiblesses, nous les signalons sans hésiter également. Mais ce que nous défendons de manière absolument intransigeante, c'est la nécessité d'une structure organique qui va permettre de garantir l'unité de notre système d'enseignement, sans laquelle l'objectif de l'égalité des chances deviendrait purement artificiel et risquerait d'être gravement compromis.

Je ferme cette parenthèse pour revenir à un autre aspect de votre mémoire. Je veux parler justement de la composition des commissions scolaires. Vous dites: Nous voulons que le principe du suffrage universel soit maintenu. Nous accepterions cependant qu'à peu près le tiers - est-ce que c'est mentionné dans votre mémoire - ou, en tout cas, qu'une portion des commissaires émanent des comités d'école. Je voudrais que vous nous parliez de cette proportion, dans quel ordre vous la voyez et je vais vous poser une difficulté logique qui peut survenir assez vite si on adopte ce système. Si on prend le principe du suffrage universel, cela veut dire que les questions de politique générale, de gestion générale au niveau de la commission scolaire sont réglées par des élus du peuple. C'est le principe de base. Si on établit qu'il va y en avoir seulement la moitié qui sont des élus du peuple, à supposer qu'ils ne s'entendent point entre eux, ce qui est fort prévisible, qu'il y en ait trois qui pensent d'une manière, deux de l'autre, ou trois de l'autre, cela veut dire que les questions seront arbitrées ultimement par des personnes qui ne sont pas des élus du peuple, mais qui sont des émanations de fractions de la population, de segments du corps électoral assez limités en nombre. On a établi ici, à quelques reprises, que les parents qui ont des enfants dans les écoles représentent à peu près 30% de la population en âge de voter dans le territoire. Est-ce qu'il serait logique et conséquent, d'après vous, qu'on crée un système de représentation en vertu duquel, ultimement, le pouvoir de décision serait renvoyé dans les mains de personnes qui ne représentent que 30% des personnes aptes à voter?

Mme Perreault: Oui, M. le député. Il est évident que, nous, on préconise une majorité de commissaires. Quand on dit une majorité, c'est 50 plus un. On aurait pu mettre aux trois quarts, on aurait pu mettre un pourcentage. On dit que le système d'éducation au Québec appartient non seulement aux parents qui ont des enfants inscrits dans les écoles, mais à la collectivité. Je pense que le projet de loi va aussi dans le sens qu'à partir de l'école communautaire et responsable qui s'ouvre sur son milieu, c'est évident que le mot "éducation" a un sens large. À ce moment-là, quand on parle d'un suffrage universel par quartier à majorité élue de cette façon-là, c'est évident qu'on veut représenter la portion des individus qui n'ont pas d'enfants dans les écoles.

Par contre, nous vivons, depuis la loi 71, la venue de parents qui siègent avec nous au conseil des commissaires et à l'exécutif et je pense que - en tout cas, chez nous - cela a été un apport favorable, sauf qu'on voit un inconvénient dans le fait que des gens puissent faire des propositions, mais ne continuent pas le cheminement, n'ayant pas le droit de vote; je crois que c'est une difficulté qu'on rencontre. À ce moment-là, qu'on en fasse une majorité élue au suffrage universel par quartier et les autres qui émanent des milieux-écoles, c'est évident que ces délégués vont représenter le milieu-école, mais avec un droit de vote, cela on y compte bien. C'est un peu dans cette optique qu'on s'est penché là-dessus. On a été vraiment unanime à prendre cette position chez nous.

M. Ryan: En tout cas, cela a dû être unanime, parce que la réponse est claire. Vous laissez bien en suspens la question du nombre. Vous dites: "Une majorité au suffrage universel". Une majorité peut aller de 50,1% jusqu'à 99,9%. Vous n'avez pas pris de position entre les deux.

Mme Perreault: C'est évident, M. le député, que si le projet de loi n'avait pas abordé la question on ne se serait sûrement pas penché sur cette question. Le suffrage universel à 100%, on s'en serait accommodé, c'est bien sûr. De toute façon, je pense que les autres commissions scolaires qui sont venues devant la commission parlementaire partageaient ce point de vue. Mais on ne peut pas fermer les yeux sur une société en pleine évolution. Les parents veulent s'impliquer avec des reponsabilités dans l'école. À ce moment-là, qu'ils viennent siéger au conseil d'administration d'une com-

mission scolaire, on n'y voit aucun inconvénient. Pour ce qui est du pourcentage, on laisse cela à la discrétion du ministre de l'Éducation.

M. Ryan: II ne faut pas laisser cela à la discrétion du ministre.

Mme Perreault: Pour autant qu'on soit...

M. Ryan: C'est ce que nous essayons d'empêcher ici par tous les moyens, madame.

Mme Perreault: M. le député, ce que je veux dire, c'est: Pour autant qu'on soit majoritaires et élus au suffrage universel.

M. Ryan: Très bien. Si vous me le permettez, j'ai une dernière question à vous poser. J'ai trouvé dans vos recommandations une proposition qui n'a pas été formulée jusqu'à maintenant, à ma connaissance, aussi clairement. Vous demandez que l'article 258 du projet de loi soit retranché. Cela veut dire que vous demandez que les limites qui existent actuellement au sujet du pouvoir de taxation des commissions scolaires soient levées en faveur d'un régime qui donnerait aux commissions scolaires un pouvoir illimité de taxation, comme dans le bon vieux temps d'autrefois. Est-ce cela que vous demandez exactement? Pourriez-vous donner des précisions sur ce point-là?

M. Corbo: Je pense que oui. Si on croit encore à l'autonomie de la commission scolaire Les Écores, la volonté chez nous est qu'un pouvoir de taxation doit être laissé à la commission scolaire. C'est le milieu qui peut déterminer si la commission scolaire dépasse. Si on a des gens élus au suffrage universel, ce sont aussi des gens qui peuvent prendre ces responsabilités. C'est clair que la volonté du conseil des commissaires chez nous, ce n'est pas ce qui existe, c'est peut-être même ce qui a déjà existé et avec une plus grande autonomie.

M. Ryan: J'ai une question à ce sujet et je termine. Avez-vous déjà envisagé d'autres modes de taxation possibles que l'imposition foncière dans vos discussions?

M. Corbo: Honnêtement non, M. le député.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Mille-Iles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. M. le député d'Argenteuil aime toujours faire de petites parenthèses. Il nous envoie tout le temps des petits cadeaux. En ce mardi matin, plutôt qu'un lundi matin, il nous a taxés de lassitude. Ce matin, tout le monde de ce côté-ci autour de la table est frais et dispos. M. le député d'Argenteuil, j'ai consulté quelques-uns de mes collègues et, en dehors des heures de la commission parlementaire, plusieurs sont allés dans le milieu pour y discuter du projet de loi 40. Je peux en témoigner ici.

M. Ryan: Me permettez-vous une très brève explication?

M. Champagne (Mille-Îles): Non, non, voici, la parenthèse...

M. Ryan: Vous avez peur?

M. Champagne (Mille-Îles): ...est fermée, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Très bien, vous avez peur.

Une voix: Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

M. Champagne (Mille-Îles): Cela me fait plaisir de saluer d'une façon particulière les représentants de la commission scolaire Les Écores ce matin, laquelle englobe le comté de Mille-Îles. Je suis fier parce que je pense que comme les membres de la commission scolaire, le milieu est avant-gardiste et, déjà, l'esprit du projet de loi 40, le livre blanc est en application dans la commission scolaire Les Écores, et c'est tout à votre honneur.

Tout à l'heure, M. Corbo a parlé de sept ou huit projets éducatifs. Je veux insister sur un projet éducatif où les gens se sont pris dans le milieu, à la polyvalente Georges-Vanier, entre autres, qui a fait un projet éducatif centré sur l'enfant avec un système qu'on appelle le système AMI, apprentissage modulaire individuel. Cela veut dire que l'enfant va à son rythme dans l'apprentissage et cela fait en sorte que certains étudiants et même plusieurs étudiants de la polyvalente, au lieu de faire leur secondaire en cinq ans, l'ont fait en quatre ans. C'est tout à l'honneur de la commission scolaire parce que le système existe depuis plus de dix ans.

J'ai rencontré aussi des comités de parents et on adhère au projet de loi 40. On a fait des expériences dans le milieu et on veut un petit peu plus, on veut avoir les moyens de réaliser les projets éducatifs dans chacun des milieux. On est en faveur des conseils d'école, de la constitution des conseils d'école.

Je vous félicite pour votre mémoire parce qu'on parle beaucoup de qualité de l'enseignement, on parle beaucoup de besoins

individuels et communautaires et on parle surtout du droit de l'enfant à de très bons services éducatifs, et c'est votre préoccupation principale.

Dans tout cela, le grand gagnant, il faut absolument que ce soit l'enfant. C'est bien beau, toutes les discussions, à savoir si le pouvoir sera entre les mains du ministère, entre les mains de la commission scolaire ou entre les mains des parents, mais ce n'est peut-être pas là la question. Ce sont seulement des moyens pour faire en sorte que l'enfant, le grand gagnant de toute cette discussion, ait les meilleurs services possible, ait la meilleure éducation possible.

Mme la présidente, vous avez chez vous une préoccupation et c'est la diminution de clientèle. Tout à l'heure, vous avez parlé d'une commission scolaire qui a déjà eu 15 000 étudiants. Vous avez aussi des personnes qui viennent d'une commission scolaire qui s'appelle la commission scolaire les Manoirs. Vous avez aussi chez vous, sur le territoire de la ville de Laval, une commission scolaire qui s'est présentée la semaine dernière et qui a demandé deux commissions scolaires au lieu de trois commissions scolaires. Personnellement, il y a toutes les raisons du monde pour qu'il y ait trois commissions scolaires et que la commission scolaire Les Écores survive, surtout face à la qualité de gestion et d'administration.

La question que je vais vous poser est la suivante: Comment voyez-vous l'avenir immédiat, à la commission scolaire Les Écores, dans le sens où il y a peut-être diminution de clientèle et vous avez une préoccupation de donner le meilleur service possible? Mme la présidente ou M. le directeur?

Mme Perreault: Je vous remercie, M. le député de Mille-Îles, de votre question. Cela nous fait plaisir d'apporter des précisions sur ce sujet. Vraiment, chez nous, c'est une préoccupation, le territoire, c'est sûr. On a mis beaucoup d'énergie sur cela et on fait des études, des hypothèses de découpage et c'est évident qu'on en est venu à la conclusion et qu'on revient toujours au principe que trois commissions scolaires sur le territoire de la ville de Laval devraient être maintenues, compte tenu de la clientèle. D'un autre côté, Laval, c'est la deuxième plus grande ville du Québec; on y compte une population de 270 000 personnes. On croit fermement que trois commissions scolaires devraient survivre pour autant que l'équité ou le partage des territoires est respecté.

M. Corbo a sûrement des chiffres ou des statistiques à vous donner. J'aimerais qu'il ajoute un peu sur cette question.

M. Corbo: Merci, Mme la présidente.

M. le Président, M. le député, Mme la présidente a soulevé l'inquiétude du découpage scolaire à l'intérieur de la ville de Laval. Nous avons suivi la semaine dernière les interventions faites par nos collègues de commissions scolaires voisines, nous avons suivi les journaux locaux, nous avons suivi les assemblées, comme celle d'hier soir, avec la présence de gens du milieu en rapport avec la prise de position des commissions scolaires voisines de la nôtre. Nous connaissons exactement la volonté de ces deux milieux car il existe malgré tout, à l'intérieur du territoire de la ville de Laval, une collaboration entre les commissions scolaires concernées et les procès-verbaux s'échangent de façon très volontaire. (12 h 45)

Le projet de découpage scolaire que nous avons déposé tient compte d'un partage équitable, à l'intérieur du territoire de l'île Jésus, de trois commissions scolaires. Nous pensons qu'il doit continuer d'y exister trois commissions scolaires, d'abord, parce que chacune de ces commissions scolaires a une entité propre. Le territoire que nous avons proposé, dont vous avez l'annexe, délimite clairement la section "S" de la ville de Laval. Cela représente effectivement une population de 95 000 habitants. Il y a à Laval 268 000 habitants. C'est la proposition que nous avons déposée dans notre mémoire.

M. le Président, vous me permettrez d'apporter certains commentaires sur les propositions qui ont été déposées par les commissions scolaires voisines. La proposition d'un territoire séparé par l'autoroute 440 donnerait une population, sur le secteur nord, de 85 000 habitants et, sur le territoire sud, de 185 000 habitants. On peut faire le calcul des écoles. On pourrait faire tout ce calcul. Je pense que, là encore, il existe une certaine équité qui n'est pas respectée et, en plus, cela fait disparaître l'entité juridique qui s'appelle la commission scolaire Les Écores.

Ce territoire proposé s'étend sur une superficie, d'est en ouest, de 22 milles de longueur. J'aimerais voir, en tout cas, siéger autour d'une même table les gens de l'extrémité est avec les gens de l'extrémité ouest, à une table de conseil de commissaires. Je pense que c'est disperser un territoire de façon non équitable.

D'autres hypothèses ont été envisagées, un découpage qui pourrait être fait d'une autre façon si on veut diviser pour diviser, mais nous croyons sincèrement que le territoire que nous avons proposé tient compte aussi que la commission scolaire Les Écores se situe à l'extrémité est, comme je vous l'ai expliqué. À l'est de l'autoroute 19, il y a à Laval 47% de territoires agricoles. Pour les membres de cette commission parlementaire, nous, Les Écores, représentons les deux tiers de ce territoire agricole. Cela

ne donnera pas beaucoup de monde dans une commission scolaire.

Si on se pose la question - déjà plusieurs intervenants l'ont exprimé - des commissions scolaires de 5000, cela vit ailleurs dans la province. J'en conçois, mais dans un milieu dans la périphérie de Montréal où vous avez des commissions scolaires d'une importance majeure d'ailleurs, on vous l'a souligné la semaine dernière, cela a déjà été souligné dans les journaux locaux chez nous - cela prend un nombre d'étudiants suffisant dans un milieu donné, surtout dans la périphérie de Montréal. Nous pensons que c'est vrai. Cela s'est appliqué chez nous parce qu'on l'a vécu. On avait 12 000 étudiants, on est rendu à 8000 parce qu'on en a 1000 qui nous viennent de la commission scolaire des Manoirs par échange de services actuellement et, incidemment, actuellement on est en train de récupérer ces enfants à la commission scolaire des Manoirs. Ce ne seront pas des enfants qui vont demeurer chez nous.

Au sujet des anglophones de chez nous, si la volonté du milieu détermine qu'il y aura des commissions scolaires selon la langue, on va perdre encore 800 élèves. Si on pense qu'aux Écores on va pouvoir vivre à côté de deux commissions scolaires, une de 18 000, 20 000 étudiants, une autre de 17 000 étudiants et nous, de 5000 étudiants, c'est de croire en de la fantaisie. Nous pensons que le projet de loi permet de partager le territoire d'une façon équitable. J'ai retenu les propos de M. le ministre au tout début. Il reste du temps pour discuter de cette chose mais je pense qu'il reste aussi du temps pour informer que, dans un territoire comme la ville de Laval où il y a 270 000 habitants, si on veut maintenir les commissions scolaires intégrées, valables, assurant les services pédagogiques, administratifs de valeur, cela prend définitivement trois commissions scolaires. Sinon, le principe de deux avec des partages de 85 000 et 185 000 habitants ne tient pas plus. Quand les gens qui nous côtoient vous ont déjà exprimé une inquiétude de réduire leur clientèle de 25 000 pour laquelle ils ont une organisation à 18 000, ils sont alarmés. Imaginez-vous une commission scolaire comme celle que nous avons, dans le même milieu, avec la même population, avec la même volonté politique des gens des Écores par rapport aux autres, qu'est-ce qu'on va faire avec 5000? Aussi bien dire qu'on veut, à petit feu, la disparition de notre commission scolaire. On va se débattre, on va se battre dans notre milieu parce qu'on est des batailleurs. On croit que si l'équité est pour être respectée aux Écores, je pense qu'on va se défendre dans notre milieu et qu'on va espérer que des gens comme vous qui êtes assis ici à la commission parlementaire et le gouvernement qui nous dirige va tenir compte de l'équité à la ville de Laval. On l'espère.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): C'est bien sûr, M. Corbo, que vous allez avoir le soutien des représentants du milieu ou du représentant politique du milieu. J'espère qu'on va essayer de trouver une solution la plus équitable possible aussi pour l'ensemble du territoire.

Je voudrais aborder un autre point qui fait couler beaucoup d'encre, le suffrage universel. Le député d'Argenteuil aime parler du suffrage universel parce que c'est relié à la légitimité. La semaine dernière, il a dit autour de cette table: II n'y a que légitimité dans le suffrage universel. Or, ce matin, il a quand même atténué beaucoup ces questions. Il était beaucoup plus tendre envers nos représentants. Je lui avais même posé une question, la semaine dernière à laquelle il n'a pas répondu. Advenant que le député d'Argenteuil aurait un certain pouvoir éventuellement, est-ce qu'il rejetterait la loi 30 qui fait en sorte que les parents siègent à la commission scolaire sans avoir été élus au suffrage universel? On n'a pas répondu à cette question. J'aimerais, durant cette semaine, que vous développiez cette idée, à savoir, la délégation de pouvoirs vous y croyez plus ou moins. De toute façon, éventuellement, vous aurez votre droit de parole M. le député. Vous l'expliquerez davantage. On connaît des organismes qui ont parlé d'un comportement antidémocratique considérant qu'on passait à côté, qu'il y avait d'autres suffrages qui étaient bons. Je suis content de voir que la commission scolaire des Mille-Îles parle ici d'une majorité de commissaires élue au suffrage universel par quartier, par l'ensemble des résidents du quartier, qu'elle parle aussi des délégués d'école élus par l'ensemble desdits délégués. Cela veut dire qu'il y a un autre mode de représentation. Actuellement, vous vivez la loi 30. Vous avez des parents qui viennent du milieu sans avoir été élus au suffrage universel. Je voudrais savoir quel est cet apport de la part des parents? Considérez-vous que c'est antidémocratique comme on semble vouloir le dire autour de cette table que d'accepter des parents qui n'ont pas été élus au suffrage universel?

Mme Perreault: M. le député, c'est évident que les deux modes de suffrage sont différents. C'est évident, lorsqu'on arrive à vivre avec l'arrivée des parents - dans la plupart des milieux qu'on connaissait et même chez nous - les portes ne sont pas ouvertes grandes d'un seul coup. Il faut être honnête là-dessus. Ces gens, effectivement,

n'avaient pas été élus au suffrage universel tel qu'on le connaissait. La raison première qui faisait une espèce de tiraillement entre les deux parties, c'était le fait que les parents n'avaient pas droit de vote. Je pense que le gros point est là.

Quant au mode de scrutin qu'on emploie, on aimerait une garantie que la majorité des représentants au conseil soit élue au suffrage universel. Je pense que c'est presque primordial. Que le reste du conseil soit formé par des gens qui seraient élus au niveau des écoles, notre position est bien claire là-dessus, on ne voit pas que cela pourrait brimer les uns par rapport aux autres.

M. Champagne (Mille-Îles): Je crois qu'on peut penser à une meilleure représentativité. On peut aussi penser à des gens plus motivés parce qu'ils viendraient directement du milieu. Je veux simplement vous remercier de vous être présentés devant la commission parlementaire et je suis bien content de voir que vous reconnaissez qu'on doit donner une plus grande autonomie à l'école et que la commission scolaire Les Écores est très réceptive et met déjà en application l'esprit du livre blanc et du projet de loi 40. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles.

Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier pour votre mémoire. Je n'ai que deux questions sur le même sujet.

J'ai de la difficulté à comprendre quelques remarques, la position que vous avez prise en ce qui concerne le statut de la commission scolaire. À la page 4, vous dites: "Comme instance politique et administrative décentralisée représentant la collectivité, elle (la commission scolaire) ne jouera pleinement son rôle que si elle constitue une entité intégrée et unifiée responsable de l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire, sans distinction de langue ou de religion".

Plus loin, à la page 9, vous dites, au deuxième paragraphe: "Quant au statut confessionnel - vous parlez encore de la commission scolaire - il nous apparaît conséquent de proposer que la commission scolaire devrait être reconnue comme catholique si la majorité des écoles qu'elle dessert a conservé son statut confessionnel."

Voudriez-vous expliquer cette contradiction apparente?

Mme Perreault: Certainement, Mme la députée. En ce qui a trait au premier point, lorsqu'on dit que la commission scolaire ne jouera pleinement son rôle que si elle est intégrée et unifiée, sans distinction de langue ou de religion, ce qu'on veut dire, c'est qu'on a essayé de démontrer le vécu qui s'opère à notre commission scolaire. Nous avons, sur le territoire de notre commission scolaire, deux écoles anglophones reconnues comme catholiques, c'est évident, parce que la loi prévoit qu'on donne des services aux élèves - ou prévoyait, en tout cas - de même confessionnalité. Nous vivons, de toute façon, avec des anglophones sur le territoire et ces gens-là, lorsqu'on a préparé le mémoire et fait l'étude du livre blanc, étaient avec nous. Ce sont des gens du milieu, c'est évident, et ils tiennent à rester dans le milieu. Je ne serais pas surprise de constater que dans ces écoles anglophones il y a des élèves qui ne sont pas catholiques, par exemple, qui sont d'une autre confession, mais qui préfèrent rester dans le milieu. Nous avons des structures pour offrir des services à ces personnes, des ressources humaines. Elles ont leurs écoles, etc. On ne voit pas d'opposition à administrer quand on regarde la commission scolaire comme administrateurs, on dit qu'on pourrait aussi bien offrir des services à tous les élèves du territoire, qu'ils soient anglophones, de même confessionnalité ou allophones. C'était une position là-dessus. Ce pourrait être un type de commission scolaire. En tout cas, c'est ce qu'on vit chez nous et on ne voit vraiment pas d'objection.

Pour ce qui est du statut confessionnel, c'est évident qu'il part de l'école, à notre sens. C'est évident qu'un statut confessionnel, pour être reconnu dans une école, il faut que ce soit la volonté du milieu. Ce qu'on dit, c'est que la commission scolaire qui administre tant d'écoles sur son territoire - prenons l'exemple de notre commission scolaire; il y a 18 écoles - si les 18 écoles étaient reconnues ou se donnaient une vocation de type confessionnel, on ne voit vraiment pas d'objection à ce que les structures de la commission scolaire soient confessionnelles. À ce moment-là, ce serait une suite logique et une réponse aux attentes des gens du milieu, parce que le statut confessionnel choisi par l'école venant déjà des gens du milieu, nous assurons une continuité et une volonté de notre population. (13 heures)

Mme Dougherty: Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris, parce que le mot "unifiée" que vous avez utilisé, une commission scolaire unifiée, est-ce que vous l'utilisez dans le sens proposé au début, dans le livre blanc? Voulez-vous parler des anglophones, des protestants et des catholiques regroupés dans un même territoire? Avez-vous examiné la démographie de votre territoire? Quel sera l'impact d'une commission scolaire unifiée dans le territoire que vous prévoyez, que vous aimeriez avoir?

M. Corbo: Je pense, Mme la députée, que dans le secteur est la proportion est de moins de 7%.

Mme Dougherty: Les 7% de...

M. Corbo: D'anglophones.

Mme Dougherty: D'anglophones.

M. Corbo: ... et de protestants.

Mme Dougherty: Incluez-vous les non-catholiques?

M. Corbo: Oui.

Mme Dougherty: Les protestants?

M. Corbo: À peu près 7%. En tout cas, je pourrai...

Mme Dougherty: Même en ajoutant les Anglo-catholiques que vous avez déjà?

M. Corbo: Je parle de notre territoire actuel.

Mme Dougherty: Si le gouvernement... M. Corbo: Dans notre territoire.

Mme Dougherty: ...avait établi le territoire unifié proposé dans le livre blanc en dehors de l'île de Montréal, une commission scolaire par région... Je me demande si vous avez examiné la réalité de la démographie de cette région. Je ne l'ai pas examinée moi-même. Je suis curieuse de le savoir, parce que les anglophones se plaignent de l'impossibilité d'avoir un bon service à cause du manque d'élèves anglophones dans cette région. Ils préfèrent avoir une commission scolaire linguistique au lieu d'une commission scolaire unifiée.

M. Corbo: Je vais répondre qu'en ce qui concerne le pourcentage dans le secteur est qui nous regarde, il y en a assurément moins de 10%.

Mme Dougherty: De 10%. Des non-catholiques francophones, est-ce qu'il y en a?

M. Corbo: Incluant les non-catholiques.

Mme Dougherty: Des non-catholiques francophones, des Franco-protestants, par exemple?

M. Corbo: Oui, il y en a... Mme Dougherty: II y en a.

M. Corbo: ...mais un très petit pourcentage. C'est très marginal dans le secteur est, dans le secteur que nous proposons.

Mme Dougherty: D'accord. Dernière question. Cela concerne la page 6. Vous avez traité...

M. Corbo: Mme la députée, excusez-moi.

Mme Dougherty: Oui.

M. Corbo: Je voudrais vous dire que, dans notre mémoire, nous ne nous opposons pas à la volonté du milieu des commissions scolaires linguistiques. On vous a donné le portrait de ce que nous désirons à la commission scolaire Les Écores.

Mme Dougherty: Oui, je le sais. M. Corbo: D'accord.

Mme Dougherty: Merci. À la page 6, deuxième paragraphe, vous parlez du choix des parents du statut de l'école, du choix confessionnel. Ensuite, vous dites: "En ce qui a trait à la confessionnalité de l'école, nous proposons qu'un changement de statut puisse être apporté à l'école si la majorité des parents le demande." Quel sera le sort de la minorité? Qu'envisagez-vous pour elle?

Mme Perreault: Mme la députée, présentement, nous vivons avec des écoles reconnues confessionnelles sur notre territoire. La discussion, par rapport à ce qui était proposé dans le livre blanc, allait dans le sens que, si le milieu ne faisait aucune demande, l'école perdait son statut confessionnel. C'était à la suite d'une implication ou d'une démarche des gens du milieu qu'on pouvait garder ou obtenir un statut confessionnel.

Dans cette position, ce qu'on préconise, c'est de tenir pour acquis que nos écoles sont reconnues confessionnelles présentement - on vit avec cela - et, étant donné que cela convient à la majorité des gens de notre territoire, que et de toute façon, il y a très peu d'élèves qui ont demandé l'exemption de l'enseignement religieux chez nous - autour de 4% à l'élémentaire et, au secondaire - 11%, c'est une infime partie des gens qui serait minoritaire. À ce moment-là, on dit: Gardons dans nos écoles la confessionnalité qui répond aux besoins du milieu, en tout cas de la majorité, et si les parents d'un certain milieu font la démarche et demandent que l'école obtienne un statut autre que celui proposé, à ce moment-là, il n'y a pas d'objection qu'on change le statut de l'école.

Mme Dougherty: Vous ne croyez pas

que cette disposition de la loi pourrait être discriminatoire? C'est contre un groupe qui pourrait augmenter au fur et à mesure que les esprits changent ou évoluent.

Mme Perreault: Cette proposition, Mme la députée, ne s'applique pas tellement sur notre territoire. C'est évident qu'il y a des minorités et, qu'on fasse n'importe quelle loi, il y aura toujours un certain pourcentage, si minime soit-il, qui sera lésé par une loi, c'est sûr. Mais, sur ce point, on est tellement majoritaires, c'est le cas de le dire, 95% des gens du territoire sont d'accord avec cette position. Si le pourcentage des 5% qui seraient lésés grossissait comme vous le dites et que la population augmentait dans ce sens, je pense que les parents qui auront des enfants dans les écoles seront portés à aller s'impliquer pour essayer de se faire entendre et avoir un vote sur ce point.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la députée de Jacques-Cartier. Sur ce, je remercie les responsables de la commission scolaire Les Écores d'avoir bien voulu participer aux travaux de notre commission. Puisqu'il est un peu plus de 13 heures, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise de la séance à 15 h 13)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Puisque nos invités, la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec, ont déjà eu l'occasion de s'installer à la table des invités, je les invite donc à s'identifier et à nous faire part du contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes.

Table des responsables des services

d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec

M. Ouellet (André): M. le Président, mon nom est André Ouellet, président de la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec. Cela me fait grandement plaisir de vous présenter mes collègues: à ma droite, le vice-président, M. Jacques Vézina; à l'extrême droite, le secrétaire de notre organisme, M. Pierre Chabot; et, à ma gauche, le conseiller sur les questions de politiques de l'éducation des adultes à l'intérieur de notre organisme, M. Canac-Marquis.

M. le Président, comme on en a dit quelques mots tout à l'heure, notre organisme a revu un peu son mémoire qui avait été déposé le 28 octobre. Il y a quand même un délai de trois mois. On y a ajouté un court préambule; on a également effectué une opération importante dans une des pages: on a retiré une page complète juste avant -c'étaient des considérants - les recommandations et on a ajouté trois notes importantes qui tiennent compte de la réalité vécue ou connue depuis octobre dernier.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, le mémoire consolidé sera déposé à nouveau.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Ouellet (André): M. le Président, Madame et MM. les membres de la commission, avant d'aborder le contenu du mémoire, notre organisme désire vous remercier d'avoir consenti à nous recevoir. En guise de préliminaire, nous devons préciser, de façon concise, bien sûr, d'une part, la constitution et les objectifs de la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec, qu'on connaît sous le sigle de TREAQ, et, d'autre part, le cadre dans lequel s'est située l'étude de la volumineuse pièce de loi que constitue le projet de loi.

En premier lieu, il importe que vous sachiez que la TREAQ est composée des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires anglophones et francophones qui gèrent l'éducation des adultes dans les commissions scolaires. Tous les membres de notre organisme travaillent depuis 1975 à l'atteinte d'objectifs communs: de façon générale, participer au développement de l'éducation des adultes et, de façon plus spécifique, émettre des expertises concernant certains aspects particuliers, tels l'organisation de l'éducation des adultes, son financement, l'impact de certaines lois, les contenus thématiques, les pratiques pédagogiques et le reste.

Or, ces objectifs, de même que les nombreux travaux auxquels nous avons collaboré avec la Direction générale de l'éducation des adultes du ministère de l'Éducation du Québec, justifient pleinement notre intérêt vis-à-vis du présent projet de loi. Nous tenions particulièrement à vous exprimer qu'il ne s'agit pas d'une préoccupation conjonctuelle reliée au statut ou à l'avenir de nos membres, mais que notre présence constitue l'aboutissement logique de tous nos efforts pour déterminer la place, le dynamisme, la spécificité pédagogique de même que la différenciation organisationnelle de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires, afin de maintenir, comme l'affirmait le Dr Laurin en

1979, le "travail éminemment valable" réalisé par l'éducation des adultes au cours des quinze dernières années.

Nos membres adhèrent tous ou presque à l'une ou l'autre des associations de cadres qui ont déjà exprimé ici une opinion globale quant au projet de loi. C'est donc essentiellement préoccupés des impacts du projet de loi sur l'éducation des adultes dans les commissions scolaires que nous avons procédé l'automne dernier à la rédaction d'un mémoire.

Nous y avons lié l'histoire récente de l'éducation des adultes, les intentions et engagements pris, et réitérés depuis 1979, par les porte-parole élus du gouvernement, de même que les derniers développements susceptibles d'affecter sérieusement l'éducation des adultes.

En conclusion de ce mémoire, vous retrouverez des recommandations qui nous apparaissent essentielles pour le maintien et le développement des services éducatifs de qualité à l'intention des adultes du Québec.

Un projet de loi devient, à notre avis, inacceptable ou prématuré si l'une des deux composantes vitales de la mission des commissions scolaires y est absente.

Vous me permettrez de sauter pardessus l'introduction puisqu'on en reprend les éléments un à un dans les pages qui vont suivre. Ce qu'il faut en retenir, c'est que notre présence ici, c'est pour porter à l'attention de la commission et du législateur les lourdes conséquences que le projet de loi ferait porter sur les adultes qui ont besoin, qui veulent et qui ont droit à des services éducatifs appropriés et spécifiques. Cela résume l'introduction, je pense.

Il faut attendre le 21 décembre 1979, dans la loi 71 qui modifie la loi de l'instruction publique, pour que l'éducation des adultes soit reconnue comme une partie intégrante de la mission des commissions scolaires. Cette reconnaissance très discrète sanctionnait plus de quinze années d'activités intenses dont la diversité et le volume n'ont cessé de croître. C'était, au cours des quinze années, plus de 5 000 000 d'inscriptions à une activité éducative dans les commissions scolaires.

Les commissions scolaires oeuvrent dans plusieurs types de formation: formation générale, professionnelle, socioculturelle, en industrie, en milieu de travail, en alphabétisation et sur mesure. Elles travaillent souvent avec des groupes volontaires, des organismes ou des associations - plus de 1000 en 1980-1981 avant les coupures budgétaires - pour toucher les clientèles prioritaires. La réinsertion sociale et professionnelle des jeunes adultes s'ajoute aujourd'hui à cette gamme d'activités.

En 1982-1983, les budgets consentis à l'éducation des adultes au Québec prévoyaient que plus de 140 000 000 $ seraient dépensés dans les commissions scolaires et les cégeps, dont près de 120 000 000 $ dans les commissions scolaires.

En 1981-1982, le personnel affecté à l'éducation des adultes, réduit du tiers par les coupures budgétaires, s'élevait encore à plus de 280 cadres, 400 professionnels, 1100 autres personnels et 7500 enseignants, soit près de 10 000 personnes qui oeuvrent dans les services d'éducation des adultes des commissions scolaires.

Ces chiffres démontrent l'ampleur des services d'éducation fournis aux adultes dans les commissions scolaires. On s'étonne du peu de considération administrative que le ministre, parrain du projet et responsable aussi de ces budgets, accorde aux services d'éducation des adultes dans le projet de loi.

Faute d'avoir un caractère d'urgence que le premier ministre lui prêtait dans le discours inaugural le 6 mars 1979, ou un proche avenir, comme le déclarait le Dr Laurin en décembre 1979, la politique de l'éducation des adultes a un passé récent.

À partir d'une large perception de la question qui situait l'éducation des adultes, le ministre d'État au Développement culturel percevait, en 1979, la dynamique de l'éducation des adultes comme trop vaste pour être confinée à un seul ministère. C'est donc sous sa présidence qu'un comité interministériel fut créé pour chapeauter une vaste entreprise d'étude et de réflexion qui se concrétisait dans une commission d'enquête, la Commission d'étude sur la formation professionnelle et socioculturelle des adultes, mieux connue sous le sigle CEFA.

Les travaux de la CEFA ont duré deux ans, au cours desquels y ont travaillé plus de 200 personnes. La commission a reçu 276 mémoires, tenu 244 audiences et 20 journées régionales où 5259 personnes sont venues la rencontrer et ont déposé 369 documents. Le coût de l'opération s'est situé aux environs de 3 000 000 $.

Le rapport fut déposé en février 1982 au nouveau ministre d'État au Développement culturel, le troisième tenant du titre depuis les origines de la réflexion. Entre-temps, le premier avait été affecté à l'Éducation et le second, aux Affaires intergouvernementales. Le nouveau ministre, conscient de l'importance du dossier, convoque à nouveau le comité interministériel, l'élargit et le dote d'un comité ad hoc composé de hauts fonctionnaires, qui avaient rang de sous-ministre, et promet alors une politique gouvernementale pour l'automne 1982.

Cette démarche n'aboutira pas puisque le ministère d'État est supprimé et que le dossier revient au ministre de l'Éducation, celui-là même qui était à l'origine de toute la démarche.

Entre-temps, le ministre de l'Éducation appliquait des coupures draconniennes en éducation des adultes; ces coupures amenaient le Conseil supérieur de l'éducation et la CEFA à émettre des avis dans lesquels ils dénonçaient cette situation parce qu'elle mettait en cause la maîtrise d'oeuvre du Québec dans ce secteur. Le ministre réaffirmait alors que ces coupures ne constituaient pas une politique de fait. Ce n'est qu'aux universités qu'il concédait que -dans un discours dont je cite une partie: -"Le financement gouvernemental des universités et les règles qui président à ce financement sont eux-mêmes, objectivement si l'on peut dire, un discours d'orientation et un énoncé de politique."

On assiste alors à un glissement où le dossier de l'éducation des adultes passe des élus aux fonctionnaires et où la volonté politique d'agir semble céder le pas à la volonté administrative d'assimiler. Les chantiers sont alors mis en place sous la responsabilité du bureau des sous-ministres du ministère de l'Éducation.

Le rapport Jean est résumé en quelques leçons utiles dont les responsables des chantiers vont s'inspirer tout en tenant compte des impératifs organisationnels.

Or, ce même ministère amorce une autre réforme, celle des commissions scolaires. C'est elle qui va accaparer l'avant-scène politique. C'est là un choix de gouvernant tout à fait légitime.

Par contre, depuis plusieurs années, les intervenants en éducation des adultes réclament une politique globale qui assurera aux usagers adultes une accessibilité aux services éducatifs et une réponse spécifique à leurs besoins.

Les intervenants dans les commissions scolaires ont réclamé aussi, depuis plusieurs années, que soit insérée dans la mission de base des commissions scolaires la prestation de services éducatifs pour la clientèle adulte car, jusqu'à la loi 71, c'était l'article 573a de la Loi sur l'instruction publique qui permettait aux commissions scolaires, à la discrétion du ministère, la mise sur pied de services de l'éducation des adultes, ce qu'on appelle communément des SEA.

À peu de choses près, dans la loi 71, trois mots, "et aux adultes", manifestaient l'intention du ministère de l'Éducation d'indiquer que l'éducation des adultes faisait aussi partie de la mission des commissions scolaires.

Dans le livre blanc, qui a précédé le projet de loi 40, un effort supplémentaire est déployé. En effet, deux pages décrivent la situation de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires et brossent un portrait de l'avenir de l'éducation des adultes dans un arrimage éventuel avec le rapport de la commission Jean qui n'avait pas encore été déposé.

Ces deux pages deviennent quelques mots dans deux articles (sur 625) dans le projet de loi 40. Pour ce qui est de la mission des commissions scolaires en éducation des adultes, c'est l'imprécision et l'ambiguïté qui l'emportent dans le projet de loi.

Il faut consulter un document qui n'a pas encore paru officiellement pour retrouver plus clairement la mission de base des commissions scolaires en éducation des adultes. En effet, dans cet énoncé d'orientation, on retrouve deux affirmations: "Dans cette optique, les institutions scolaires doivent considérer l'éducation des adultes comme partie intégrante de leur mission, au même titre que celle des jeunes." Deuxièmement, "C'est donc chaque commission scolaire qui devra considérer l'éducation des adultes comme une facette essentielle de sa mission de base." Pourquoi faut-il retrouver ces affirmations de la mission de base des commissions scolaires en éducation des adultes dans un énoncé d'orientation? Pourquoi sont-elles absentes du projet de loi 40, où elles trouveraient tout leur sens?

C'est en considérant ces réalités que nous pouvons en déduire que le projet de loi 40 est pour nous, intervenants en éducation des adultes, inacceptable parce que trop imprécis, vague et ambigu.

Le projet de loi 40 est important autant par ce qu'il dit que par ce qu'il omet.

D'abord, à l'article 92, il confie à l'école le soin de dispenser aux adultes les services éducatifs déterminés par la commission scolaire. S'il s'agit de fournir les locaux et les services d'appui et parfois le personnel, comme c'est le cas actuellement dans plusieurs écoles, il faut le préciser. S'il s'agit de prendre en charge l'activité, son contenu pédagogique, de transiger avec le groupe ou le client, d'assumer ces activités à même le personnel régulier, alors il faut l'exprimer clairement et démontrer comment les écoles assumeront ce mandat.

L'article 117, qui permet à l'école d'organiser des services éducatifs autres que ceux qui sont prévus au régime pédagogique, ouvre tout un champ de compétence qui englobe toute la formation socioculturelle qu'on ne doit pas laisser à une réglementation occulte administrative.

À l'article 340, qui prévoit la composition de la commission de mise en oeuvre, on note l'absence de tout représentant des clientèles adultes. L'article 368 sur le comité de mise en oeuvre ne prévoit pas de participation des adultes ni du personnel des services de l'éducation des adultes. On peut sérieusement s'interroger sur l'absence des représentants de la clientèle adulte. D'ailleurs, le rapport de la CEFA insistait sur la nécessité vitale de la

participation des adultes tant au niveau de l'organisation des activités qu'à l'intérieur même des diverses activités d'apprentissage.

L'omission la plus grave du projet de loi est de ne pas reconnaître l'éducation des adultes comme une partie intégrante de la mission des commissions scolaires. C'est là un recul sur la législation de 1979 et même sur le livre blanc. Le souci du détail constant dans les 625 articles du projet confère à cette omission un caractère presque méprisant pour les personnes qui, depuis plusieurs années, ont été impliquées comme usagers, formateurs, professionnels ou cadres. On ne retrouve pas les modalités qui précisent le découpage des SEA, comme on y faisait allusion dans le livre blanc. Il est impératif qu'on fasse connaître ces modalités afin de lever les ambiguïtés qui persistent.

Le statut des services d'éducation des adultes, le partage des responsabilités avec les écoles et les autres intervenants n'y sont pas précisés. Leur rattachement au niveau régional ou ailleurs dans les commissions scolaires laisse planer des doutes. Le ministère veut-il les retirer des commissions scolaires et sabrer dans leur champ de compétence? C'est là une question qui demeure sans réponse.

On note qu'il n'y a aucune limite au pouvoir discrétionnaire du ministre quant à l'éducation des adultes. Ainsi, l'article 292 oblige le ministre à établir des programmes pour les niveaux préscolaire, primaire et secondaire. Cet article ne fait aucunement mention des programmes de l'éducation des adultes.

Par ailleurs, cette loi peut permettre au ministre et à ses fonctionnaires une certaine pratique du fait accompli. En effet, l'article 302 stipule que le ministre peut, dans les cas ou aux conditions qu'il détermine, donner des subventions non prévues dans les règles d'attribution des ressources financières. Tout le financement de l'éducation des adultes pourrait circuler par ce canal marginal où la part de l'arbitraire peut demeurer très grande.

L'article 299, qui autorise le ministre à décerner les diplômes de fins d'études secondaires et d'études professionnelles, lui permet de sanctionner les programmes prévus aux articles 292 et 294 et, si besoin est, de se prévaloir de l'article 297 sur les équivalences pour les adultes qui ont acquis des connaissances autrement que de la manière prescrite dans le régime pédagogique. C'est là une pratique très répandue en éducation des adultes.

Les conditions pour une politique occulte de l'éducation des adultes sont toutes présentes dans le projet de loi sans qu'il en soit fait explicitement mention. Rappelons qu'en 1966 le ministère de l'Éducation mettait sur pied la Direction générale de l'éducation permanente, devenue depuis la

Direction générale de l'éducation des adultes. Par la suite, il implantait progressivement des services d'éducation des adultes dans les commissions scolaires régionales.

Ce réseau intégré au système a développé, au cours des années, des approches, des formats et des pratiques pédagogiques originales afin de répondre aux besoins spécifiques et variés de la clientèle adulte. Ainsi, le Conseil supérieur de l'éducation, dans ses avis au ministre de l'Éducation, principalement dans son rapport annuel sur l'activité pédagogique, reconnaissait que l'éducation des adultes avait développé des pratiques pédagogiques spécifiques pour ses divers types de clientèle.

Il ne nous apparaît pas nécessaire de présenter un long argumentaire pour démontrer qu'une structure spécifique a permis une expertise et le fleurissement de pratiques pédagogiques originales. Même l'Énoncé d'orientation le reconnaît en affirmant qu'il faut assurer le respect de spécificités que les adultes de chez nous ont mis des années à expliciter et à faire reconnaître. (15 h 30)

Alors même que le Conseil supérieur de l'éducation recommandait au ministre d'imposer un moratoire sur tout changement à l'organisation administrative et pédagogique de l'éducation des adultes, on annonçait déjà, à l'intérieur du ministère, le démantèlement de la Direction générale de l'éducation des adultes et le redéploiement de ses ressources à l'intérieur des autres directions générales du ministère. D'ailleurs, cette volonté ministérielle se retrouve clairement dans l'énoncé d'orientation, et je cite: "Au ministère de l'Éducation, le but en sera de rendre les directions générales des divers ordres d'enseignement et les instances ministérielles de planification et de décision pleinement responsables d'assurer aux adultes des services éducatifs de qualité et, plus globalement, d'orienter l'ensemble du système éducatif selon les perspectives, la philosophie et les exigences opérationnelles de l'éducation permanente." D'ailleurs, des membres du personnel ont déjà reçu leur lettre d'affectation pour juin prochain.

Une question nous tenaille: Comment peut-on procéder à une réorganisation administrative à partir d'un document qui n'a pas encore paru? L'énoncé d'orientation va plus loin, car il affirme que les services d'éducation des adultes des commissions scolaires seront modifiés par le projet de loi 40. Cette affirmation nous inquiète au plus haut point, car le projet de loi 40 est muet au sujet de l'organisation des services d'éducation des adultes.

Au plan de la spécificité pédagogique et de la différenciation organisationnelle, il faut, au départ, préciser le caractère spécifique de l'éducation des adultes à

l'intérieur de l'éducation permanente. Ces deux termes, souvent employés comme synonymes dans le langage courant, représentent pourtant des réalités fort différentes. L'éducation des adultes fait référence à un ensemble d'activités, de ressources, de contenus et de structures organisés à l'intention d'une clientèle qui se situe hors de la scolarisation obligatoire des jeunes ou du cursus ininterrompu de la formation initiale, même si celle-ci se prolonge jusqu'à l'âge adulte. L'éducation permanente, par ailleurs, est de l'ordre d'un principe de cohérence de l'ensemble des composantes d'un système d'éducation qui soutient la personne à travers tous les apprentissages faits ou requis tout au long de sa vie.

L'éducation des adultes doit donc être perçue comme un maillon de l'éducation permanente qui s'adresse à une clientèle spécifique, la clientèle adulte.

La confusion entretenue entre ces deux termes sert trop facilement d'assise au discours de l'assimilation de toutes les activités à un même dénominateur commun. L'éducation des adultes dont il est question dans ce mémoire est un ensemble social, organisationnel et institutionnel qui réalise des activités en lien organique avec des partenaires; en tant que telle, elle est différenciable des autres éléments du réseau éducatif même si elle est une partie du tout que constitue l'éducation permanente.

Il faut convenir que la spécificité pédagogique de l'éducation des adultes n'est plus vraiment contestée. D'une part, l'expérience accumulée en éducation des adultes et, d'autre part, l'inadéquation des systèmes conçus pour les jeunes à répondre aux besoins des adultes corroborent chaque jour davantage cette évidence.

Par exemple, dans le domaine de la formation professionnelle, la situation semble plus confuse. Le ministère de l'Éducation, dans son énoncé de politique sur la formation professionnelle des jeunes, se réserve la responsabilité de la gestion des programmes de formation professionnelle des jeunes, tandis que l'énoncé d'orientation, en ce qui concerne l'éducation des adultes, confie la gestion de la formation professionnelle au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Comme l'énoncé de politique sur la formation professionnelle des jeunes, par le biais des 21 secteurs d'enseignement, veut uniformiser les programmes de formation professionnelle pour les jeunes et pour les adultes, est-ce à dire que le MMSR deviendra, à plus ou moins long terme, le maître d'oeuvre de la formation professionnelle au Québec, tant pour les jeunes que pour les adultes? Si tel n'est pas le cas, c'est dire qu'on se dirige vers un système partagé de gestion de la formation professionnelle au Québec, soit par le ministère de l'Éducation pour les jeunes et par le MMSR pour les adultes.

La première caractéristique de notre clientèle adulte est sa participation volontaire aux activités éducatives. Contrairement au secteur des jeunes où la fréquentation scolaire est obligatoire et les programmes relativement standards, l'éducation des adultes se fonde sur un besoin ressenti par la personne, sa prise en charge et son implication dans le choix des activités.

La clientèle adulte se distingue aussi par l'âge requis pour amorcer une activité éducative. Un adulte, au sens légal, est une personne dont l'âge dépasse d'au moins un an l'âge de fréquentation scolaire obligatoire. L'adulte qui décide d'entreprendre une activité éducative le fait habituellement après avoir interrompu sa formation initiale.

Pour la clientèle adulte, la reconnaissance des acquis "expérientiels" accumulés depuis l'arrêt de la formation initiale nécessite une programmation ajustée à des besoins spécifiques, contrairement aux programmes à l'intention des jeunes qui se situent dans le cadre d'une formation initiale.

L'évolution rapide et constante des besoins de formation des adultes commande une souplesse et une rapidité d'intervention appropriée. Le Conseil supérieur de l'éducation démontre cette spécificité des pratiques pédagogiques dans ses récents travaux sur l'activité pédagogique. On y affirme que l'éducation des adultes se caractérise et se différencie de la formation initiale par un mode de communication et des approches pédagogiques qu'elle met en oeuvre. C'est dans cette perspective qu'ont été mis sur pied, au cours des dernières années, entre autres, les services d'accueil et référence, la formation sur mesure et la formation en milieu de travail.

La spécificité issue de la clientèle et des pratiques pédagogiques nécessite une souplesse et une marge d'autonomie suffisante qui doit prendre forme dans une différenciation organisationnelle.

L'éducation des adultes, afin de soutenir une programmation qui répond à des besoins pédagogiques mouvants et qui s'adresse à des clientèles diversifiées, a dû développer un personnel d'encadrement, de formation et de soutien capable de mettre en place des activités conjointes avec des partenaires comme la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, les industries et les groupes du milieu.

Tout en étant intégrée à la mission de base de la commission scolaire, l'éducation des adultes doit se réaliser de façon

différenciée au niveau de l'organisation. Que ce soit au niveau de son financement, de son cycle d'activités ou de ses relations avec ses commanditaires et ses partenaires, l'éducation des adultes doit jouir d'un statut spécifique, à l'intérieur de la commission scolaire, qui lui permette d'assurer et de continuer son développement.

En conclusion, la TREAQ estime que la politique de fait mise de l'avant par les coupures budgétaires et les aménagements administratifs et structurels réalisés en sourdine au sein même du ministère de l'Éducation mettent en péril la prestation des services éducatifs spécifiques que sont en droitd'exiger les adultes du Québec auprès de leur gouvernement local, la commission scolaire, et aussi auprès de celui du Québec.

Notre organisme recommande donc que l'instance politique se réapproprie le dossier de l'éducation des adultes, fasse connaître son énoncé de politique global et dépose une législation cohérente avec les engagements pris et réitérés depuis 1979 par les porte-parole élus du gouvernement; deuxièmement, que la législation qui régit les commissions scolaires affirme clairement que l'éducation des adultes fait partie intégrante de leur mission; troisièmement, que la législation précise le mandat, le statut, le nombre et les territoires des services de l'éducation des adultes des commissions scolaires; quatrièmement, que la législation assure à l'éducation des adultes, à l'intérieur de la commission scolaire, une spécificité organisationnelle qui lui permette de continuer à développer ses pratiques pédagogiques spécifiques; cinquièmement, que la législation prévoie des mécanismes de participation des clientèles adultes au niveau des commissions scolaires.

Un espoir nous a quand même été donné, vendredi dernier, quand le ministre de l'Éducation a confirmé qu'on réécrivait certains des articles du document.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Ouellet. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord saluer avec plaisir la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec et profiter de l'occasion pour la féliciter du travail remarquable qu'elle fait depuis 1975 dans le domaine de l'éducation des adultes. Sans elle, les progrès que nous avons faits n'auraient pas été aussi rapides et n'auraient pas revêtu une aussi grande qualité. Je tiens donc à lui en rendre hommage aujourd'hui.

Le mémoire qu'elle nous présente, aujourd'hui, contient beaucoup d'interrogations et beaucoup d'appréhensions, pour ne pas dire beaucoup d'insécurité, qui s'alimentent aux compressions qu'a connues ce secteur particulier au cours des deux dernières années, à cause de la crise économique que nous avons traversée et qui a frappé ce secteur de l'éducation des adultes aussi bien que les autres secteurs de l'éducation. Cette insécurité s'alimente aussi aux rumeurs qui ont eu cours ces derniers mois quant aux orientations de la politique gouvernementale de l'éducation des adultes et aux changements qu'elle pourrait comporter, quant au mode organisationnel actuellement reconnu et quant au nouveau partage des responsabilités au sein de la mission gouvernementale. Ce sont donc des appréhensions et des interrogations que je reconnais. J'ai aussi hâte que la table des responsables de voir se dissiper ces interrogations ou ces appréhensions à la lumière d'une politique qui sera connue, je l'espère, d'ici les prochaines semaines.

La table des responsables a bien voulu faire l'historique du mouvement qui nous conduit depuis 1979 à l'élaboration d'une politique spécifique en éducation des adultes. Je n'ai rien à reprendre à cet historique; je suis même fier et content d'avoir été celui qui a présidé à la mise sur pied de cette commission d'enquête sur l'éducation des adultes, de même que je suis satisfait et fier aussi d'être là pour le point d'arrivée, au moment où les efforts que nous faisons depuis quelque deux ans vont enfin aboutir.

Je peux assurer la table des responsables que cette politique s'établira dans le sens de la continuité des meilleures traditions de l'éducation des adultes et qu'elle se nourrira d'objectifs communs que je partageais avec elle il y a déjà trois ou quatre ans.

Il importe en effet peut-être d'établir une distinction entre éducation permanente et éducation des adultes. Je continue à penser que l'éducation permanente est une conception, une visée qui doit présider à toutes la mission éducative, autant celle des jeunes que celle des adultes, mais qu'à l'intérieur de cette visée, de cet objectif, l'éducation des adultes prend une dimension, une place particulière et spécifique.

Il convenait, je crois, en 1979, de faire le point sur l'éducation des adultes en raison même des progrès que nous avions connus, en raison même de l'effervescence qui s'y manifestait, des multiples initiatives dont ce champ de l'éducation était le lieu.

Il convenait, par exemple, de mettre fin aux dédoublements et aux chevauchements inévitables; il devenait essentiel de préciser nos orientations; il devenait essentiel également de mettre fin aux injustices qui se manifestaient dans ce secteur particulier puisqu'on sait que les adultes ne jouissaient pas des mêmes services, des mêmes avantages que les jeunes dans le secteur régulier; il importait aussi de faire enfin droit à ces demandes spécifiques que nous adressait depuis quelques années le

monde de l'éducation des adultes: que ce soit sur le plan de la formation des maîtres, que ce soit sur le plan des structures organisationnelles, que ce soit sur le plan des services, que ce soit sur le plan de la mise en oeuvre aussi de mécanismes et de lieux très précis, comme celui de la reconnaissance des acquis, comme celui de la mise sur pied de centres d'accueil et de référence, comme celui de la mise sur pied de structures spécifiques et de pratiques spécifiques comme, par exemple, celui de la formation sur mesure et de la formation à distance. Je pense donc qu'il convenait de mettre sur pied cette commission et de lui confier un mandat très large.

La commission Jean s'est, à mon avis, merveilleusement acquittée de cette mission, non seulement en raison de sa composition et du zèle que les commissaires ont mis à s'acquitter de leurs responsabilités, mais en raison même de la procédure qu'elle a suivie pour faire le point sur les expériences en cours et sur les orientations qui pouvaient en résulter. (15 h 45)

On a parlé tout à l'heure de 276 mémoires, de consultations tenues dans toutes les régions du Québec. C'était là la meilleure façon de procéder et, pour ma part, j'ai apprécié énormément le rapport de la commission de l'éducation des adultes.

Il est vrai que, par la suite, des incidents de parcours ont fait en sorte que les titulaires se sont succédé dans des intervalles de temps très rapides, mais, dès que le hasard a fait que je préside à nouveau à l'orientation des travaux qui devaient mener à une politique gouvernementale d'ensemble, j'ai assumé avec beaucoup de plaisir cette nouvelle responsabilité.

Dans votre mémoire, vous dites qu'à partir de ce moment la responsabilité est passée du plan politique au plan administratif, en ce sens que les chantiers ont été présidés par un comité de sous-ministres. Je ne pense pas que ce soit exact. Il y avait, effectivement, un comité de sous-ministres, mais, au-dessus du comité de sous-ministres, il y avait un comité ministériel présidé par le ministre de l'Éducation et où siégeaient quelques-uns de mes collègues plus particulièrement intéressés par le problème dont, en particulier, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, la ministre déléguée à la Condition féminine, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et, un peu plus tard, le ministre de la Science et de la Technologie. C'est ce comité ministériel qui a présidé aux grandes orientations, qui a revu les travaux des chantiers, qui les a révisés et qui a fait en sorte que, finalement, nous sommes maintenant à la toute veille de présenter au public cette politique gouvernementale d'ensemble.

Évidemment, la mise au point d'une politique en matière d'éducation des adultes n'est pas facile car non seulement faut-il tenir compte de l'acquis, des expériences passées, mais il faut tenter de répondre aux questions, de régler les problèmes en tenant compte des structures aussi bien d'organisation que de financement que nous connaissons. Or, comme vous l'avez vous-même rappelé, il y a deux gouvernements en cause: le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. Il y a plusieurs ministères en cause puisque plusieurs ministères s'occupent actuellement de l'éducation des adultes et, à l'intérieur même du ministère de l'Éducation, il y a trois secteurs qui, tous, s'intéressent à l'éducation des adultes: le secteur universitaire, le secteur collégial et le secteur secondaire. Sans parler d'un secteur autonome qui s'appelle celui des organisations volontaires d'éducation populaire qui mènent leur action propre parfois isolément, parfois en rapport même étroit avec les commissions scolaires et les collèges ou les universités.

Il s'agissait donc, à l'intérieur de ce monde complexe, d'établir une politique qui tienne compte de nos orientations fondamentales, de nos orientations éducatives et politiques fondamentales, mais qui tienne compte aussi de la conjoncture aussi bien économique que politique. À mon avis, il n'est donc pas étonnant que cela ait pris un an avant que nous aboutissions à un énoncé de politique qui a été soumis au Conseil des ministres et qui, avant d'être adopté, a fait l'objet là également de longues discussions.

Encore une fois, nous arrivons enfin au terme de ces réflexions et j'aurai grand plaisir à annoncer, avec mes collègues, avant que ce mois finisse, une politique gouvernementale d'éducation des adultes qui intéressera tous les ministères du gouvernement et qui s'établira, encore une fois, en continuité avec nos efforts antérieurs afin qu'ils puissent se continuer, afin qu'ils puissent s'épanouir dans un cadre économique heureusement amélioré qui nous permettra de consacrer à cette dimension particulière de la mission éducative des ressources beaucoup plus abondantes que nous n'avons pu le faire au cours des dernières années. Mais cela ne règle pas, évidemment, tous les problèmes que vous avez soulevés. Pour ma part, j'ai particulièrement apprécié toutes les questions que vous nous posez puisque nous aurons à y réfléchir et en tirer tout le suc qui s'y trouve pour établir les meilleures conclusions qui s'imposent.

Je voudrais aussi dissiper une équivoque. Vous avez rappelé vous-même que le livre blanc contenait plus d'éléments touchant l'éducation des adultes que le projet de loi 40. Cela s'explique puisqu'un livre blanc a pour but d'expliquer les tenants et

aboutissants d'une action politique, cette fois, qui touchait la matière éducative, alors qu'un projet de loi, pour sa part, doit être très précis, comme vous l'avez souligné, puisque ce sont ces textes législatifs qui serviront de mesure, d'aune pour les actes à poser dans l'avenir. Il devenait difficile d'aller beaucoup plus loin que nous l'avons fait dans la loi 40 tant que le gouvernement n'avait pas adopté une politique d'ensemble en éducation des adultes. Nous n'avons donc fait, dans le projet de loi 40, qu'ouvrir quelques voies, mais tout en demeurant très conscients que cela est encore très préliminaire et très schématique.

Cependant, étant donné que la publication de cette politique est imminente, il sera possible, dans la réécriture du projet de loi 40, d'incorporer cette fois, pour ce qui touche l'enseignement secondaire, tous les éléments de notre politique gouvernementale qui sont appropriés en l'occurrence. Mais en rappelant bien, encore une fois, que, dans une loi comme la loi 40, on ne peut que toucher les éléments qui touchent l'enseignement secondaire alors que notre politique gouvernementale touchera, elle, tous les autres niveaux d'enseignement aussi bien que le secteur des organisations d'éducation populaire autonomes.

Vous demandez en particulier que le projet de loi 40 affirme clairement que l'éducation des adultes fait partie intégrante de leur mission. Je l'avais déjà affirmé dans le livre blanc. Il me sera possible maintenant de l'affirmer en clair dans le projet de loi. Je pourrai le faire en détaillant les articles que vous avez rappelés à mon attention. Il me sera possible d'aller beaucoup plus loin que ce que dit l'article 92 ou l'article 117. Il sera très clair, à la lecture de ce projet de loi, que la commission scolaire se doit de considérer l'éducation des adultes comme partie intégrante de sa mission.

Vous demandez aussi que le projet de loi précise le mandat, le statut, le nombre et les territoires des services d'éducation des adultes des commissions scolaires. Nous le ferons pour ce qui concerne, encore une fois, l'enseignement secondaire. Mais c'est dans la politique d'ensemble que vous pourrez avoir une meilleure réponse à toutes vos interrogations en ce qui concerne les autres secteurs d'enseignement et aussi en ce qui touche la collaboration que j'espère toujours plus étroite et abondante entre les organismes d'éducation populaire et les commissions scolaires. Quant à la question des territoires, évidemment, elle est liée au découpage des nouvelles commissions scolaires, besogne qui est en cours et qui n'est pas terminée. Je rappelle cependant qu'actuellement nous avons 249 commissions scolaires, mais qu'il n'existe que 79 services d'éducation des adultes. Ce qui veut dire que beaucoup de commissions scolaires ont jugé bon de s'entendre entre elles pour instaurer des services conjoints d'éducation des adultes, qui, par voie d'ententes, procurent à chacune des commissions scolaires concernées les services qu'elles jugent appropriés. D'ailleurs, c'est une question que je vous pose en passant: Estimez-vous davantage opportun que chaque commission scolaire possède son service d'éducation des adultes ou jugez-vous préférable que nous continuions de procéder comme nous l'avons fait jusqu'ici, c'est-à-dire par l'implantation progressive d'autres services d'éducation des adultes dans certaines commissions scolaires qui le jugent bon ou qui se sentent prêtes à le faire? J'aimerais que vous répondiez à cette question en temps opportun.

Votre principale demande - c'est bien comme cela que je l'entends - c'est d'assurer à l'éducation des adultes une spécificité organisationnelle. Évidemment, j'ai bien entendu votre argumentaire. Il reprend à maints égards celui que j'ai souvent eu l'occasion de faire en d'autres lieux, y compris jusqu'au Conseil des ministres. Je peux vous dire qu'en ce sens vous parlez déjà à un converti.

Je suis absolument convaincu qu'il faut garder à l'éducation des adultes, non seulement sa visibilité en tant que telle, mais également sa spécificité à tous les points de vue, qu'il s'agisse de structures organisationnelles spécifiques au sein de cette organisation plus vaste qui s'appelle la commission scolaire, au sein des modes d'organisation qui l'amèneront à répondre aux demandes des gouvernements: les programmes commandités du fédéral ou les programmes commandités du gouvernement québécois, ou encore au sein même du ministère de l'Éducation où il est nécessaire de garder une place spécifique pour ce secteur qu'on appelle l'éducation des adultes. J'irais plus loin: pour lui faire une place spécifique à l'intérieur des grands secteurs de la mission éducative, c'est-à-dire primaire, secondaire, collégial et universitaire. Même si nous estimons essentiel que la visée de l'éducation des adultes ou de l'éducation permanente devienne partie intégrante des préoccupations des directions générales de l'enseignement collégial ou universitaire, il reste qu'à mon avis il demeure essentiel qu'à l'intérieur de ces directions générales il y ait place pour une structure spécifique de l'éducation des adultes. Autant il est nécessaire d'intégrer les préoccupations enseignement des jeunes, enseignement des adultes, autant il m'apparaît nécessaire de garder à chacune sa visibilité, sa spécificité, ce qui n'empêche en rien, d'ailleurs, la fécondité et l'efficacité des contacts entre ces deux divisions à l'intérieur d'un même secteur d'enseignement.

Je suis également d'avis - là aussi, il y a continuité dans les vues que j'ai déjà exprimées - que l'éducation des adultes

comporte, sur le plan des activités, une approche spécifique, une structure spécifique et des pratiques spécifiques. Par pratiques spécifiques, j'entends, par exemple, formation sur mesure, formation à distance, services d'accueil et de références, services de reconnaissance des acquis, méthode pédagogique particulière, horaires particuliers, fragmentation du temps spécifique, de même que des modes d'organisation qui ont été développés avec le temps par l'expérience et l'expertise des spécialistes de plus en plus nombreux de l'éducation des adultes. Donc, je suis absolument d'accord avec vos suggestions et recommandations à cet égard. Je compte bien que vous serez satisfaits à cet égard de ce que nous annoncerons dans notre politique d'ensemble. (16 heures)

II reste qu'en entendant votre mémoire je me suis posé un certain nombre de questions. Vous parlez d'une définition de l'adulte ou d'une définition de la politique qui serait basée sur l'âge de l'adulte. J'ai une question à vous poser à ce sujet. Étant donné que vous dites qu'un adulte, c'est celui qui a un an de plus que l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire - c'est bien ce que j'ai entendu, je crois...

M. Ouellet (André): Que la loi actuellement précise, oui.

M. Laurin: ...si nous adoptions cette définition, ne risquerions-nous pas d'écarter du domaine de l'éducation des adultes tous ceux qui se trouvent encore au secondaire, après l'âge de la scolarité obligatoire, en particulier tous ceux qui commencent à fréquenter nos secondaires VI et, bientôt, nos secondaires VII, et ne risquerions-nous pas d'exclure de la définition de l'éducation des adultes les étudiants du collégial? Au sens de votre définition, un élève du collégial est déjà un adulte. Nous avons discuté de cette notion lors d'une autre commission parlementaire où nous tentions de faire le point sur le régime d'études collégiales et nous avons entendu beaucoup de sons de cloche à ce sujet. Face aux questions que je me pose, j'aimerais connaître votre réaction, en vous demandant aussi de ne pas oublier l'autre question que je vous posais antérieurement.

Le Président (M. Blouin): M. Ouellet.

M. Ouellet (André): M. le Président, en réponse à la question qui touche le nombre de services à l'éducation des adultes avec le découpage éventuel et celle touchant la définition de l'adulte, je voudrais simplement préciser que la définition qu'on retrouve dans notre document est celle qui s'applique présentement chez nous dans les services d'éducation des adultes des commissions scolaires. Relativement à cette question, si vous le permettez, M. Canac-Marquis pourrait amener les éléments de réponse.

M. Canac-Marquis (Jean-Claude): M. le ministre, j'ai bien aimé toutes les réponses ou les questions que vous avez apportées à partir du mémoire. C'est avec beaucoup de chaleur que je les ai accueillies. À un moment donné, je vous croyais presque un membre de la TREAQ en reprenant les différents éléments.

Pour ce qui est de la définition de l'adulte, je pense que vous parlez d'un an dépassé l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire. Il y a un autre élément qui est apporté à la fois au collégial et au secondaire et qui joue là-dedans. Celui qui a arrêté sa formation - autrement dit, on appelle cette formation "formation continue" - est dans un cheminement discontinu. Je pense que c'est un autre élément qui permet de distinguer entre le jeune qui est en formation continue, sans avoir arrêté sa formation initiale, et l'adulte qui a arrêté pendant un an ou deux ans sa formation et qui revient à l'éducation des adultes. Dans ce sens-là, cet élément en est un qui peut permettre de distinguer les clientèles.

M. Laurin: Je vous remercie de cette réponse. Je pense qu'elle ajoute un paramètre qui m'apparaît très éclairant et qui m'apparaît plus opérationnel à ce moment-là. Je ne sais pas si vous voudriez ajouter quelque chose.

M. Ouellet (André): Je voudrais revenir à votre première question sur le découpage des territoires. Présentement, on a quand même un groupe de travail - deux de nos membres travaillent sur...

Le Président (M. Blouin): M. Ouellet, si vous pouviez répéter la réponse que vous venez de donner. M. le député d'Argenteuil souhaiterait en entendre le contenu.

Une voix: C'est M. Canac-Marquis qui parlait.

Le Président (M. Blouin): M. Canac-Marquis.

Une voix: Jean, redonne ta réponse à M. le député d'Argenteuil.

M. Canac-Marquis: Au sujet de la définition d'un étudiant adulte? Ce que je disais, c'est que M. le ministre avait parlé de seulement un an pour la période qui dépassait l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire. À la fois au niveau collégial et au secondaire particulièrement, l'élément qu'on ajoutait, c'était que, souvent, on considérait l'adulte après avoir quitté sa

formation initiale. Il revenait à l'éducation des adultes. On appelle alors la formation "formation continue", mais l'étudiant est en cheminement discontinu, c'est-à-dire qu'il revient à l'éducation des adultes après avoir quitté sa formation. Cela apparaissait un paramètre différent et permettant, peut-être, de classer le jeune qui est en formation initiale continue, sans arrêt, et l'adulte qui a laissé sa formation initiale et qui revient.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Laurin: Je pense que M. Ouellet complétait.

Le Président (M. Blouin): M. Ouellet.

M. Ouellet (André): Concernant la toute première question de M. le ministre sur le nombre de services d'éducation des adultes, j'aimerais apporter seulement une petite précision sur les 79 explications que vous en avez données. Il faut se rappeler qu'à l'origine, ce n'étaient pas 79 organismes, c'étaient 55 commissions scolaires régionales qui avaient chacune leurs services d'éducation aux adultes et un certain nombre de commissions scolaires anglophones. Par la suite, au tout début, l'année 1971 ou 1972, au moment où on a commencé à créer des commissions scolaires intégrées, quelques-unes ont ramassé l'éducation aux adultes, ce qui en a ajouté jusqu'à 79. Il y quand même eu une espèce de moratoire, il y a quelques années, et les dernières commissions régionales qui se sont dissoutes, qui se sont divisées ont continué à fonctionner avec le même service d'éducation des adultes que celui qu'elles avaient à l'époque dans la régionale.

Dans la perspective de 140 commissions scolaires, on s'interroge grandement concernant les coûts d'une activité de 140 services d'éducation aux adultes, un peu comme vous, mais déjà on a un groupe de travail qui oeuvre avec la Direction générale de l'éducation des adultes à ce niveau. Si vous permettez, le vice-président, M. Vézina, qui travaille avec ce groupe, pourrait peut-être vous donner des éléments.

Le Président (M. Blouin): M. Vézina.

M. Vézina (Jacques): M. le ministre, il est évident pour nous, dans la démarche que nous avons entreprise, que, compte tenu du budget qui n'est que de 156 000 000 $ en 1982-1983 et compte tenu également des expériences vécues alors qu'il y a eu déjà des regroupements de services entre commissions scolaires, si on veut réellement parler de rentabilité, d'efficacité et d'efficience, nous ne devrons sûrement pas dépasser tout au moins 79. Nous en sommes là dans nos travaux à un comité avec la DGEA.

M. Laurin: Dans votre mémoire aussi, vous insistez beaucoup sur ce que vous appelez la différenciation organisationnelle de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires, mais vous ne vous étendez pas tellement sur le contenu de ce concept de différenciation organisationnelle. J'aimerais bien savoir ce que représente pour vous sur le plan pratique, sur le plan des services, sur le plan de l'orientation des services, cette différenciation organisationnelle. Qu'est-ce que vous désireriez? Qu'est-ce que vous réclameriez à la lumière de votre expérience à cet égard?

M. Ouellet (André): Je pense que, dans un premier temps, on pourrait vous dire ce que c'est présentement, et peut-être dire ce qu'on désirerait. Si vous permettez, M. le Président, M. Canac-Marquis pourrait répondre.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Canac-Marquis: En fait, je vais essayer de vous décrire ce que c'est présentement. Je crois que ce qu'on réclame, c'est que l'avenir soit ce qu'il est présentement. Présentement, il y a effectivement une différenciation organisationnelle, ce qui veut dire un service d'éducation aux adultes qui se préoccupe des besoins spécifiques des adultes et, depuis quinze ou vingt ans, ces services ont mis sur pied à la fois des services d'accueil et de référence. D'ailleurs, ce que je vais dire reprend un peu ce que vous avez dit tantôt. Vous avez qualifié cela de visibilité et de spécificité; nous, nous parlons de différenciation organisationnelle dans un système de commissions scolaires ou de collèges. J'ai parlé d'accueil et de référence. Je pourrais parler aussi des services d'animation communautaire, de la formation sur mesure -vous en avez parlé tantôt - des expériences de bénévolat qui se font au niveau de l'alphabétisation, des pratiques aussi en alphabétisation. De la formation en milieu de travail se donne présentement et des expériences sont tentées. En fin de compte, le grand principe sous-jacent à cela, dans la différenciation organisationnelle, c'est que les pratiques spécifiques dont vous avez parlé et que je viens de rappeler ont été permises en fait parce qu'il y avait un groupe qui n'avait pas à s'occuper de la formation initiale des jeunes et de la nôtre, mais qui, en complémentarité et en respectant les besoins spécifiques que les adultes manifestaient, a pu répondre, dans des formats, des approches, des structures, des programmes de façon spécifique, aux besoins des adultes.

M. Laurin: Si je comprends bien, ce serait le maintien et le développement des approches, formats, services, pratiques actuelles avec une assise législative qui les permet et qui les assure.

M. Canac-Marquis: Tantôt, vous parliez de visibilité. Je peux être visible entre mille personnes, ou je peux être noyé ou encore je peux être visible entre dix personnes. Je pourrais illustrer cela. Présentement, la Direction générale de l'éducation des adultes, à ce qu'on a dit, le sera jusqu'au 30 juin. En plus d'être visible, elle est spécifique et, dans une différenciation organisationnelle en complémentarité avec les autres directions générales. En fait, si on prend chacun des éléments de la direction générale et qu'on les replace dans les autres directions générales, il y a toute la question de la visibilité, si elle était encore là, et on se pose la question: Est-ce que l'éducation des adultes peut prendre toute sa place dans cette réalité?

M. Laurin: Je pense qu'il nous sera facile de nous entendre sur ces bases.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Messieurs les délégués de la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires, il me fait plaisir d'avoir cette occasion de vous rencontrer publiquement afin de discuter avec vous d'un des aspects du projet de loi 40 qui laisse le plus à désirer. Ce n'est pas pour tourner le fer dans la plaie, mais je commencerai par vous rappeler que, ni votre organisme, ni l'Institut canadien d'éducation des adultes qui doit vous succéder à cette table tantôt, ne figuraient sur la première liste d'organismes que le gouvernement avait décidé d'inviter à cette commission parlementaire. Et je pense que cette omission dans la liste initiale du gouvernement était une illustration assez frappante de la place extrêmement minable faite à l'éducation des adultes dans le projet de loi 40 lui-même.

Le projet de loi 40 a été conçu, ma foi, comme si l'éducation des adultes n'existait pas ou comme si elle était une activité tout à fait marginale dans le système d'enseignement. Dans les treize premiers articles du projet qui définissent les services éducatifs offerts à la population par un système d'enseignement, je cherche en vain la moindre mention de l'éducation des adultes. Ainsi que vous le disiez vous-même dans votre mémoire, il faut se poser la question: Est-ce qu'il s'agit d'un oubli ou d'une omission voulue? S'il s'agit d'un oubli, c'est la marque d'une incompétence absolument désarmante et décourageante. S'il s'agit d'une omission, c'est un geste qui nous invite à prendre avec un grain de sel tout ce que vient de dire le ministre parce qu'il faudra vraiment lui dire: On vous jugera sur comportements et sur preuves et non pas sur paroles. C'est un premier fait qui est inscrit dans le texte même qu'on a soumis à la population après bien des mois de cogitation, de consultations et de préparation de toutes sortes.

Je sais que le ministre a commencé à dire qu'il fera des améliorations ici et là, mais, quand même, je lui disais l'autre jour et je le lui répète aujourd'hui: Nous avons le droit et le devoir de le juger sur le contenu du produit qu'il a soumis à la discussion publique. Et, encore une fois, toute cette première partie du projet de loi où on définit la nature des services offerts à la population par le système d'enseignement est absolument muette sur le sujet de l'éducation des adultes. Vous en avez passé dans votre mémoire, à part cela. Il y a bien d'autres observations qu'on peut faire. Je vous en donne une à titre d'exemple. On passe tout de suite au chapitre II qui traite des élèves. L'article 14 parle de la gratuité, l'accès gratuit aux services d'enseignement. Il affirme que toute personne âgée de cinq ans et plus a droit à l'éducation préscolaire, à des services de formation et d'éveil au primaire et au secondaire et à des services d'enseignement. Elle peut aussi recevoir d'autres services éducatifs dans la mesure prévue par la présente loi. Évidemment, cela va jusqu'à l'âge de la fréquentation obligatoire. Mais il n'y a rien pour la gratuité scolaire en faveur des adultes de ce côté-ci.

Il y a vingt ans, un comité que j'avais eu l'honneur de présider affirmait que le Québec devait se donner comme l'un de ses grands objectifs en matière de politique éducative la gratuité d'accès à la formation secondaire pour tous les citoyens, indépendamment de leur âge. C'est un objectif que nous avions défini après avoir fait des consultations dans de nombreux autres pays. La commission s'était ralliée autour de cet objectif et nous croyions qu'il était en train de devenir une réalité au Québec jusqu'à ce que toutes sortes de mesures, en particulier les compressions budgétaires des dernières années, nous fassent enregistrer un recul absolument effarant dans ce domaine. On pensait que le projet de loi viendrait ouvrir des horizons, mais, de ce côté-là, il y a à peu près... Il n'y a rien, pour être franc. (16 h 15)

Sur la spécificité de l'éducation des adultes, j'étais content d'observer le ton presque docile avec lequel le ministre vous interrogeait tantôt. Or, déjà, les choses que vous lui avez dites étaient contenues dans le rapport Jean et dans à peu près toute la

documentation ou la littérature qu'on peut trouver, à l'époque contemporaine, sur le sujet de l'éducation des adultes, mais les auteurs du projet de loi n'ont pas trouvé le moyen de s'en inspirer. Tout ce qu'ils trouvent à dire de manière expresse à propos de l'éducation des adultes, on le retrouve, comme vous le dites, aux articles 92 et 117 du projet de loi. Imaginez, on dit: "L'école dispense les services éducatifs aux élèves que la commission scolaire y a inscrits. Elle dispense aux adultes les services éducatifs déterminés par la commission scolaire." À l'article 117, c'est une autre formulation à peu près du même genre: "L'école peut organiser des services éducatifs autres que ceux prévus au régime pédagogique et des services socioculturels ou sportifs."

Les responsables du ministère de l'Éducation, il commence à être temps qu'ils sachent que l'éducation des adultes, cela ne peut pas s'organiser d'abord par l'école; cela prend une entité plus large parce que les besoins sont très différents. Les besoins vont varier d'une région à l'autre. Il faut absolument une entité au niveau de toute une région pour concevoir un réseau de services comme ceux-là et, bien des fois, les services offerts par le système d'enseignement en ce domaine ne passeront pas par l'école régulière. C'est pour cela que postuler dans le projet de loi, comme on le fait à propos de tant d'autres choses, que tout passe par le canal de l'école individuelle, c'est faux. Ce n'est pas comme cela que cela va fonctionner dans la pratique et déjà, sur le terrain, bien des expériences pourraient vous enseigner qu'il faut ouvrir les fenêtres de ce côté-là pas mal plus que vous ne l'avez fait jusqu'à maintenant. Souvenez-vous de ce que nous a dit l'autre soir la commission scolaire régionale de Chambly quand elle est venue, c'est-à-dire que, pour l'éducation des adultes, cela prend un réseau de services qui aura son identité propre. On ne trouve aucune espèce de soupçon de cela dans le projet de loi 40.

Vous mentionnez un autre point: le gouvernement veut démocratiser l'école. Il est tellement resté à la conception que l'école, c'est seulement pour les jeunes, qu'il a oublié de parler de la participation des adultes dans la gestion ou l'orientation générale du système d'enseignement. L'idée ne lui est même pas venue de penser que c'est une dimension essentielle d'un système d'enseignement, à l'époque contemporaine, que les adultes qui s'inscrivent aux services offerts par un système d'enseignement public peuvent avoir une participation.

Je pense que le ministre sera d'accord avec moi pour convenir qu'on ne demandera pas aux adultes d'être représentés par les parents. La plupart d'entre eux sont déjà des parents "in their own right", comme on dit, à leur propre titre. Ce sont des exemples qui illustrent combien, il y a peu de temps encore - le projet de loi, je pense, qu'on nous l'a remis au mois de juin - en juin 1983, le gouvernement semblait ignorer à peu près tout de l'éducation des adultes, même s'il était assis depuis déjà un an et demi sur un rapport d'à peu près 800 pages qui lui avait été donné par une commission d'étude formée à l'instigation du ministre actuel de l'Éducation et qui a coûté au-delà de 3 000 000 $ à la population.

On pourrait toujours se dire: Le gouvernement attendait de dévoiler sa politique de l'éducation des adultes; c'est pourquoi il s'est fait discret dans la rédaction des articles du projet de loi 40. Hélas, les gestes du gouvernement, au cours des dernières années, vont à peu près dans le même sens que ce que laisse entrevoir le contenu du projet de loi 40.

Cela fait deux ans ce mois-ci que le rapport Jean a été remis au gouvernement. Qu'est-ce que le gouvernement a fait pour alimenter le débat? Absolument rien. Tout ce qu'on a dit, c'est: Attendez. On avait six ministres, on en a eu un. On en a eu un autre, un comité de ci et un comité de cela. Il n'est jamais sorti trois idées originales de la part des porte-parole du gouvernement. Ils parlaient avant le rapport Jean, mais on dirait que le rapport Jean les a gelés littéralement sur place. Là, on nous concocte une politique. Je vais en dire un petit mot ensuite, mais je dois d'abord signaler le mutisme absolument déplorable de la part d'un gouvernement qui, sur tant d'autres sujets, a la parole si facile.

Cela a conduit le Conseil supérieur de l'éducation, dans l'avis qu'il vous remettait, M. le ministre, à la fin de l'année 1983, en date du 2 décembre, à vous signaler que cette atmosphère d'incertitude et d'obscurité dans laquelle a vécu le Québec au sujet de la future politique de l'éducation des adultes depuis la publication du rapport Jean a créé un climat très malsain dans les milieux de l'éducation dont vous avez la responsabilité. Le Conseil supérieur de l'éducation écrivait notamment ceci: De telles tergiversations alimentent forcément rumeurs et craintes. Un vent d'insécurité souffle actuellement sur la Direction générale de l'éducation, des adultes du ministère de l'Éducation dans les services d'éducation des adultes des commissions scolaires et des collèges tandis que la désillusion s'installe dans les organismes populaires d'éducation et dans les milieux de citoyens concernés.

Les coupures budgétaires ont eu un effet lamentable. Dans votre mémoire, vous signalez qu'en 1981-1982 le personnel affecté à l'éducation des adultes dans les commissions scolaires avait été réduit du tiers par les coupures budgétaires; c'est énorme, le tiers. Nous l'avons signalé maintes fois à l'attention du gouvernement.

Cela a été rappelé à plusieurs reprises ces derniers jours. J'espère qu'on finira par se rendre compte des immenses blessures que ces compressions ont créées dans le secteur de l'éducation des adultes.

Je dois signaler, toujours au dossier du comportement du gouvernement, les inquiétudes qui entourent la préparation de l'énoncé d'orientation sur la future politique de l'éducation des adultes du gouvernement. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais à peu près toutes les personnes que je rencontre dans l'éducation ont le texte de cet énoncé dans les mains. Je vois par la lecture de votre mémoire que vous l'avez sûrement eu parce que vous en avez choisi quelques extraits pour les porter à notre attention. Je pense que c'est M. Gagnon, du Soleil, qui en a publié des extraits dans son journal la semaine dernière. J'en ai une copie devant moi, ici, pour discuter avec M. le ministre. Je ne suis pas supposé l'avoir parce que c'est écrit "confidentiel" sur ma copie. Ce n'est pas ces gens qui me l'ont donnée, je l'avais avant qu'ils viennent ici. J'espère qu'on va nous rendre cela public le plus vite possible. Il y a des concepts dans cela; tantôt je vais peut-être vous poser une question sur cela, si vous voulez bien y répondre. On s'en va vers une...

D'abord, j'étais content de voir que le ministre écoutait tantôt les précisions que vous avez apportées sur le caractère spécifique de l'étudiant adulte. Voici un concept, avant cette petite discussion de tantôt, à laquelle le ministre s'est montré très attentif pour ma grande édification, auquel jusqu'à maintenant le ministère semblait demeurer plutôt insensible. Nous avons eu des débats à la commission parlementaire de l'éducation en décembre autour du projet de règlement, sur les études collégiales. Ce qu'on nous proposait purement et simplement dans ce projet de règlement, c'était l'abolition, la distinction entre étudiants réguliers et étudiants adultes. Vous avez apporté tantôt, M. Canac-Marquis, des éléments importants de la distinction. Il me semble que c'est la base même de toute cette réalité. Si on la nie en partant... C'est pourtant ce qu'on fait; dans l'énoncé d'orientation, on s'en va dans ce sens très fortement. Je vous préviens, M. le ministre, que vous aurez des critiques très sévères à subir de ce côté s'il n'y a pas de modifications.

Sur le contenu de l'éducation des adultes, je trouve que l'énoncé propose une conception très réductrice par rapport aux horizons très larges qu'ouvrait la commission Jean. On s'en tient beaucoup à une formation de type notionnel, à une formation de type académique. On va jusqu'à indiquer qu'on insiste sur une formation de type académique parce que c'est le genre de formation qui conduit le plus vite à la - là j'emprunte au texte - "reconnaissance sociale". J'ai toujours pensé qu'un des buts de l'éducation des adultes, c'était de mettre un frein à la tendance trop générale au conformisme intellectuel et social, de favoriser la percée d'horizons nouveaux, la recherche d'horizons qui ne font pas partie des conformismes solidement établis. En orientant l'éducation des adultes uniquement dans cette voie, il y a danger qu'on fasse complètement fausse route et qu'on rétrécisse singulièrement cette réalité humaine et culturelle très riche. Au point de vue de l'organisation structurelle, ce que j'ai cru comprendre, c'est qu'on s'en va vers une amalgamation des structures. Le ministre nous a donné des garanties tantôt, mais je les trouve très insuffisantes parce que ce que nous entendons dire, ce que nous trouvons, d'ailleurs, dans le rapport, c'est que tout cela va être fusionné avec l'enseignement général. Il y aura peut-être une petite division à l'intérieur de l'enseignement primaire et secondaire, une petite section ici et là, mais ce caractère distinct qu'avait revêtu l'éducation des adultes au cours des quinze dernières années à l'intérieur du ministère s'en va chez le diable. D'ailleurs, il n'en est pas question dans le document d'orientation. On ne dit même pas que cela va sauter. Il n'en est pas question.

Dans votre document, vous nous apprenez qu'on a fait circuler des lettres ou des renseignements depuis quelque temps, indiquant que les responsables de cette direction se sont fait dire, si j'ai bien compris: Préparez vos bagages parce que le plus loin que vous allez aller, c'est à la fin de la présente année.

Il y a des questions à poser au gouvernement ici. Le Conseil supérieur de l'éducation, dans l'avis qu'il avait soumis au ministre, lui avait demandé formellement de décréter un moratoire sur tout changement à l'organisation administrative et pédagogique de l'éducation des adultes tant que les décisions gouvernementales ne seraient pas clairement rendues. Cela veut dire après le débat qui doit suivre la publication de l'énoncé d'orientation. J'imagine - là-dessus, je veux prêter une bonne foi entière au ministre - qu'il va publier son document d'orientation et qu'il y aura un débat public d'au moins deux, trois, quatre mois, je ne sais, et qu'après cela le gouvernement prendra des décisions. Si c'est ce qu'on fait, comment se fait-il qu'on avertit déjà les gens en leur disant: Préparez-vous à plier bagage parce que votre patente ne continuera pas, on a déjà pris nos décisions? C'est ce qui fatigue les gens et qui crée un climat d'insécurité que j'appellerais extrêmement démobilisateur.

Voici, en gros, la manière dont nous réagissons devant les préoccupations que vous avez portées à notre attention et devant les

paroles peut-être trop facilement rassurantes du ministre: Je vous dis: Attendez de juger sur pièce. Je dis au ministre qu'il a encore une chance d'examiner à nouveau son énoncé d'orientation. Il y une foule de choses qui laissent à désirer dans cet énoncé sous la forme que nous lui connaissons maintenant, qui n'est pas nécessairement la toute dernière cependant, parce que c'est là le privilège du gouvernement, nous le comprenons très bien.

Si vous me le permettez, je voudrais vous poser quelques questions. La première va porter sur l'énoncé d'orientation. Si vous trouvez que c'est trop délicat d'y répondre, vous êtes entièrement libres de vos réponses. Comme vous avez cité à deux reprises, aux pages 10 et 14 de votre texte, l'énoncé d'orientation, je présume que vous l'avez en main et que vous l'avez lu. J'aimerais vous demander si, de manière générale, les orientations que vous trouvez dans cet énoncé correspondent aux orientations générales qu'avait proposées la commission Jean et à la conception que vous vous faites d'une politique vigoureuse de l'éducation des adultes aux niveaux primaire et secondaire.

M. Ouellet (André): La question touche les orientations par rapport au rapport de la commission Jean...

M. Ryan: Oui.

M. Ouellet (André): ...et à nos attentes. Je dois vous avouer que le spécialiste de ce document - document confidentiel, mais il y a eu, quand même, plusieurs versions qui nous sont parvenues - qui a épluché les versions une à une et qui peut faire le lien entre chacune est M. Canac-Marquis.

M. Canac-Marquis: Cela me fait une belle introduction. Je pourrais corriger le terme éplucher. Ce serait "regarder" le document. Je ne sais pas si je vais répondre à votre question, M. le député. Si je n'y réponds pas, vous pourrez m'en poser d'autres. Je vais essayer plus tard de le faire avec le rapport de la commission Jean. Ce qui nous effarait ou nous effare surtout dans l'énoncé d'orientation, c'est de voir clairement statuée la mission de base des jeunes et des adultes dans un document qui parle des adultes et de ne rien retrouver ou peu de chose dans le projet de loi 40 sur cette réalité des jeunes et des adultes; le ministre disait tantôt qu'effectivement on devrait le voir dans une future réécriture du projet de loi 40. (16 h 30)

Ce qui nous inquiète au plus haut point - je pense qu'on l'a manifesté dans le mémoire - c'est: Où y aura-t-il une plateforme, où y aura-t-il un débat public et démocratique pour discuter de cet énoncé d'orientation qui, d'une certaine façon, se situe en cheminement discontinu avec la commission Jean? Si l'énoncé d'orientation se situait d'une certaine façon en cheminement continu avec le rapport de la commission Jean, nous croyons qu'il pourrait être passable et, même là, difficilement passable que le débat soit raccourci. Lorsque l'énoncé d'orientation apparaît - là, il faudrait prendre plus de temps pour l'étudier - en cheminement discontinu et non pas dans les grandes orientations à la fois du rapport de la commission Jean et aussi de ce que disait la TREAQ depuis un certain temps, il nous paraît nécessaire et essentiel qu'il y ait un débat public et démocratique sur l'ensemble de cet énoncé d'orientation.

Un deuxième élément - je pense qu'on l'a mentionné tantôt - concerne toute cette question de la place qu'on fait à l'adulte lui-même. Dans le rapport de la commission Jean, on parlait des CREA et même des CLEA, les comités locaux d'éducation aux adultes. On pouvait être contre ou pour mais dans ces réalités l'adulte avait sa place, pouvait y participer et pouvait orienter d'une certaine façon la prestation des services qu'il voulait recevoir, d'une part.

Un autre élément que l'on retrouve dans l'énoncé d'orientation concerne toute la question du transfert de la gestion, assez global, et des budgets du ministère de l'Éducation au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui cause, évidemment, des problèmes. Présentement, c'est le ministère de l'Éducation qui a ces budgets. On peut dire que, lorsqu'on a les sommes ou l'argent... D'ailleurs, le Québec doit le savoir pour avoir longtemps discuté avec le fédéral et s'être chicané avec lui pour savoir si on fait un PFMQ ou si on maintient un PFMC, c'est difficile. Les tensions, depuis un certain nombre d'années, entre le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et le ministère de l'Éducation sont un secret de polichinelle. Souvent, on l'a vécu dans la réalité quotidienne, les SEA ont à transiger avec leur mission éducative.

M. Ouellet (André): Est-ce que vous permettriez un ajout, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Certainement.

M. Vézina: M. le député, il y a une autre question que l'on se pose. Lorsqu'on lit la Politique de formation professionnelle des jeunes, on dit clairement qu'il devrait y avoir coordination et arrimage entre la formation professionnelle des jeunes et celle des adultes. Alors qu'on vient de céder au MMSR la maîtrise d'oeuvre de la formation professionnelle des adultes, j'essaie de comprendre, même avec des tables nationales et des comités de coordination que l'on

retrouve dans l'énoncé, comment tout cela va pouvoir s'arrimer. D'une part, les commissions scolaires recevront, pour le secteur des adultes, des commandes des commissions de formation professionelle; d'autre part, elles auront à gérer la formation professionnelle des jeunes. On dit que tout cela devra s'arrimer et se coordonner et qu'on devra en venir régionalement à des consensus. Pour nous, il est donc clair que le maître d'oeuvre de la formation professionnelle des jeunes et des adultes sera tout simplement dans nos régions, éventuellement et à très court terme, les commissions de formation professionnelle.

J'ajoute ceci, si vous permettez, M. le député. Également, si on compare l'énoncé de politique que l'on a maintenant vu avec le rapport de la commission Jean, la commission Jean recommandait un office. Non seulement on n'aura pas l'office, mais on n'aura même plus d'entité identifiée "éducation des adultes". J'ai devant moi un tableau qui compare les effectifs des ministères de l'Éducation de l'Ontario et du Québec. On se rend compte qu'aux secteurs préscolaire, primaire et secondaire, au Québec, dans le ministère, on a presque le double des effectifs de la province voisine, l'Ontario, alors que, lorsqu'on parle de formation des adultes, on en a la moitié moins. Je ne pense pas que la gestion des adultes serait un problème si on avait réglé les problèmes financiers au ministère de l'Éducation.

Le Président (M. Blouin): Cela va, merci.

M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre de votre part - c'est un point sur lequel le projet de loi est assez discret - que, de manière générale, la formation professionnelle des adultes devrait être confiée, comme le conseillait la commission Jean, à un organisme qui réunirait ensemble les forces du ministère de l'Éducation et celles du ministère de la Main-d'Oeuvre ou si vous verriez cela plutôt du côté de l'un ou l'autre des ministères?

M. Vézina: La commission Jean avait comme mandat de penser à un énoncé de politique dans lequel on ferait le rapatriement des sommes du fédéral, alors que ce n'est pas le cas. Donc, les recommandations de la commission Jean, c'est difficile de les discuter maintenant dans ce contexte étant donné que ce geste n'a pas été posé.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Blouin): M. Canac-Marquis.

M. Canac-Marquis: C'est juste un complément rapide. La commission Jean disait: II faut une instance centrale forte qui est capable d'aller recueillir dans l'ensemble des ministères les besoins de formation. C'est cette instance avec les réseaux d'éducation - pas seulement les réseaux publics, mais d'autres - qui va accorder les services. Elle parlait d'une instance forte. Elle disait aussi: Ce n'est ni au MEQ ni au MTM qui n'était pas encore devenu le MMSR à ce moment-là. Au niveau de la TREAC, on a dit: II faut une instance forte, visible, spécifique qui va faire cela et elle doit être dans le MEQ. La situation qui apparaît se développer, c'est qu'il n'y aura plus cette instance forte, elle va être diluée un peu partout. Toute la maîtrise d'oeuvre - je ne sais pas si on peut parler de maîtrise d'oeuvre - de gérance, de gestion ou de prise sur les budgets d'éducation aux adultes obtenus du fédéral, l'éducation ne sera plus dans ce courant. On va devenir, en fin de compte, des commanditaires, pour éviter d'employer le terme anglais où on ne deviendrait que des "jobbers" qui répondent à des commandes.

M. Ryan: Vous trouvez que cela peut mener jusque-là. Est-ce que vous connaissez l'énoncé d'orientation?

M. Ouellet (André): Du moins selon la version qu'on en connaît.

M. Ryan: Maintenant, vous affirmez dans votre mémoire un autre point. Alors même que le Conseil supérieur de l'éducation, à la page 14, recommandait au ministre d'imposer un moratoire sur tout changement à l'organisation administrative et pédagogique de l'éducation des adultes, on annonçait déjà à l'intérieur du ministère de l'Éducation le démantèlement de la Direction générale de l'éducation des adultes et le redéploiement de ces ressources à l'intérieur des autres directions générales du ministère. Est-ce que vous pourriez nous apporter des précisions là-dessus, sur ce que vous savez exactement des conséquences de cela également pour l'éducation des adultes, les raisons qui vous font implicitement désirer que cette direction, on la traite avec plus de respect?

M. Ouellet (André): À tout le moins qu'on maintienne le moratoire. M. Chabot, si vous le permettez.

M. Chabot (Pierre): M. le député, nous avons constaté avec beaucoup de plaisir dans les premiers propos du ministre, tout à l'heure, qu'il partageait très largement nos interrogations, nos inquiétudes, nos anxiétés. Nous avons appris aussi avec beaucoup de plaisir que, dans la réécriture du projet de

loi 40, il y aurait une large place pour l'éducation des adultes et que cette place serait étiquetée de visible et de spécifique.

Si j'ai bien compris les propos du ministre, ce qui serait réintroduit dans le projet de loi 40, c'est, en somme, les grandes orientations de l'énoncé de politique. Or, précisément sur le sujet sur lequel vous nous interrogez, nous sommes surpris de constater qu'à partir de prémisses qui sont, en somme, tout à fait semblables à celles que l'on pose, c'est-à-dire que l'éducation des adultes a été un secteur qui a été négligé pendant les 15 ou 20 dernières années, un secteur qui a connu, par ses propres moyens et quasiment à force de bras, un développement quand même important au Québec - le ministre a, quand même, été plus éloquent que moi dans la lecture qu'il a faite du vécu de l'éducation des adultes - on arrive à des conclusions tout à fait opposées. En somme, ce qu'on retrouve dans l'énoncé de politique, dans le discours gouvernemental, c'est que l'éducation des adultes a été malmenée; dorénavant, on va lui faire une place un peu partout. On va la retrouver à la Direction générale de l'enseignement élémentaire et secondaire, à son pendant collégial, à son pendant universitaire. On va la retrouver au MMSR. On va la retrouver à la planification. Cela nous étonne, cela nous surprend, cela nous inquiète, cela nous déstabilise, si tant est qu'on ait déjà été stables.

Des voix: Ah!

M. Chabot: On ne comprend vraiment pas que l'on veuille renforcer l'éducation des adultes en la redéployant, en faisant éclater l'îlot qu'elle constitue. On verrait beaucoup mieux, bien sûr, que s'établissent des ponts avec tous ces interlocuteurs que sont les directions générales que j'ai nommées tantôt, mais on ne voit pas du tout comment, à partir de prémisses aussi semblables aux nôtres, on peut arriver à des conclusions qui sont, en somme, opposées.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, j'ai encore une question, si vous me le permettez. Vous demandez que la loi prévoie des mécanismes de participation des clientèles adultes au niveau des commissions scolaires. Pourriez-vous préciser cette suggestion et indiquer peut-être quel genre de mécanisme seraient de nature, selon vous, à favoriser cette participation des adultes au processus de leur éducation continue?

Le Président (M. Blouin): M. Ouellet.

M. Ouellet (André): Sans vouloir porter de jugement sur les mécanismes de participation qu'on retrouve dans le projet de loi, on s'est quand même étonné de voir qu'il y avait de la place pour les parents, pour des élus au suffrage universel, pour des représentants d'à peu près tous les groupes, tous les secteurs, sauf les adultes. On s'est dit - un peu comme, tout à l'heure, quelqu'un l'a souligné - que ce ne sont, quand même, pas les parents qui vont aller décider, pour un homme de 40 ans ou un groupe de gens de 35 ans et plus, quelles sont les orientations qu'ils voudraient voir donner à leur école d'adultes ou aux cours aux adultes. C'est un peu là qu'on a amené cette idée d'avoir au moins une représentation pour que les adultes puissent s'exprimer, parce qu'on demeure conscients que l'éducation des adultes dans la plupart des commissions scolaires qui gèrent un SEA, c'est quand même un large éventail de la population juridictionnelle de ces commissions scolaires.

M. Ryan: C'est un sujet que nous pourrions aborder encore beaucoup plus longuement, mais je vais terminer ici pour l'instant, non sans signaler que les plus grands progrès que nous avons accomplis sur le front de l'éducation des adultes au cours des 20 dernières années l'ont été sous les auspices des commissions scolaires, ce qui répondait tout à fait à la recommandation principale issue du comité d'étude qui avait fait une première exploration dans ce domaine en 1963. Vous autres, vous représentez ce progrès par la fonction que vous exercez au sein des commissions scolaires. À ce titre, je pense qu'on peut dire en toute vérité que vous êtes sur la ligne de feu, aux toutes premières lignes. Par conséquent, les opinions que vous exprimez méritent d'être reçues avec beaucoup de considération et de respect, ce que nous faisons de notre côté.

Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie, au nom de tous les membres de la commission, les représentants de la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec, pour leur participation aux travaux de notre commission parlementaire. J'invite maintenant les représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes à bien vouloir prendre place à la table de nos invités.

Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants afin de permettre à nos invités de l'Institut canadien d'éducation des adultes de s'approcher.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

(Reprise de la séance à 16 h 50)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, messieurs!

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux.

Sans plus tarder, puisque nos invités ont eu le temps de s'installer à notre table, je leur demanderais - ce sont, puis-je le rappeler, les représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes - d'abord de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer en une vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.

Institut canadien d'éducation des adultes

M. Bélanger (Paul): Je vais, d'abord, nous présenter. Je m'appelle Paul Bélanger, directeur général de l'Institut canadien d'éducation des adultes. M'accompagne Ginette Thériault, qui est membre du comité politique d'éducation des adultes à l'ICEA et responsable à l'institut des questions de politique d'éducation des adultes. Je vous demande d'excuser Normand Caron, qui est président de l'ICEA, qui devait être ici aujourd'hui, ainsi que Mme Léa Cousineau; ils n'ont pas pu se présenter.

Je tiens à remercier les responsables de cette commission parlementaire d'avoir consacré cette demi-journée à l'éducation des adultes, tant aux responsables du réseau public de l'éducation des adultes au secondaire, TREAQ, qu'à l'institut. Il est important pour nous que la loi qui va définir l'avenir de l'école publique au Québec puisse aborder une partie de plus en plus importante de sa clientèle que sont les hommes et les femmes adultes du Québec.

Toute réforme de l'enseignement primaire et secondaire public aura et doit très certainement avoir des impacts sur l'éducation des adultes et sur son avenir. On ne peut plus parler de l'école, en 1980, sans parler des adultes. Parler actuellement de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires régionales, c'est parler de 225 000 personnes, dès cette année, en 1983-1984, qui participent à des activités organisées par plus de 10 000 personnes. C'était plus que cela avant les terribles coupures de 1980.

Mme Thériault (Ginette): C'est parce qu'on pense que tu lis le mémoire.

Le Président (M. Blouin): Pour répondre aux...

M. Bélanger: Au lieu de lire le mémoire, j'ai pensé en faire un résumé.

Le Président (M. Blouin): Vous en faites le résumé?

M. Bélanger: Oui.

Le Président (M. Blouin): Si vous pouviez indiquer aux membres à quelle page vous faites référence en faisant votre résumé, ce serait plus facile de suivre les débats.

M. Bélanger: Parfaitement. Pour le moment, je situe le mémoire dans son contexte. Je disais que parler de l'éducation des adultes dans le cadre de la présente loi, ce n'est pas parler d'un élément secondaire, c'est parler de 225 000 adultes; c'est parler de 10 000 intervenants. C'est parler de bien plus; c'est parler de 1 300 000 hommes et femmes au Québec qui, n'ayant pas de scolarité dépassant le niveau secondaire IV, n'osent pas s'adresser en nombre significatif aux portes des commissions scolaires, 1 300 000 adultes québécois. En d'autres termes, nous venons parler au nom de près de 2 000 000 d'hommes et de femmes pour qui l'évolution de l'école publique quant à leurs besoins de formation n'est pas une question indifférente.

Aussi, la question que nous posons, à la première page de notre mémoire, c'est: Quelle est la place qui sera faite à l'éducation des adultes dans le réseau public prévu par la loi 40? Or, la politique proposée dans la loi 40 ignore et l'éducation des adultes et la population adulte. Cinq ans après la création de la commission Jean, 276 mémoires et 3 000 000 $ plus tard, la loi qui va maintenant définir l'avenir de l'école publique secondaire consacre 624 articles aux jeunes, 1 aux adultes et 4 autres effleurent le sujet. Or, pour nous, le réseau public d'éducation est un outil central dans toute politique d'éducation des adultes. Nous l'avons rappelé dans notre mémoire sur l'enseignement collégial qu'est venue présenter ici Mme Cousineau, qui est présidente du comité politique de l'éducation des adultes de l'ICEA. Il faut venir ici aborder la question de la réforme de l'école. Incidemment, d'ailleurs, faire aussi peu de place à l'éducation des adultes dans la loi fondamentale du secteur public, c'est faire glisser l'éducation des adultes hors de l'éducation, partant hors de la juridiction provinciale, c'est-à-dire laisser glisser le morceau vers Ottawa.

Aussi, il nous semble que le projet doit être vu autour de 5 points. À la page 2 du mémoire, on les voit, d'ailleurs; il y a les engagements du projet de loi 40, les responsabilités... Je vais résumer ces 5 points.

D'abord, cette loi est discriminatoire face aux adultes. Effectivement, elle réserve aux seuls jeunes le droit à l'éducation qui est sa responsabilité, c'est-à-dire l'éducation de base. Non seulement en réserve-t-elle aux jeunes le droit, mais elle confine à ces seuls jeunes la gratuité de cette formation. Seuls en font exception - on le voit aux articles

14 et 15 - les handicapés de 18 à 21 ans. Ceci est une nette discrimination et il va falloir, s'inspirant des recommandations 1, 3 et 4 de la commission Jean, revoir les articles 14 et 15.

Deuxièmement, la loi n'établit pas les responsabilités en ce domaine, ni la mission spécifique et différente de l'éducation des adultes, ni les modalités. Là-dessus, les articles 91, 92 et 117 doivent tous être revus. On ne voit pas si c'est l'école qui sera responsable des programmes, si ce seront les commissions scolaires ou si ce seront les autres ministères. Est-ce que ce seront les CFP? Certainement pas le ministère qui vient de s'amputer de sa direction de l'éducation des adultes. Il faudra revoir à cet égard les articles 91 et 92 et s'inspirer très certainement de la CEFA qui, là-dessus, a des propositions extrêmement claires.

Troisièmement, le projet de loi 40 met en cause par ses silences et son ambiguïté les services d'éducation des adultes des commissions scolaires. Or, cela est important parce qu'ils constituent dans chacune des régions les unités opérationnelles clés pour répondre aux besoins des adultes. Il est impossible de répondre aux besoins des adultes sans les identifier. Or, d'un côté, on a le projet de loi 40 qui, dans 624 articles, spécifie dans le plus menu détail toutes les modalités de l'éducation des jeunes et on fait le silence, dans la section III, par exemple, sur la structure et les fonctions des commissions scolaires, etc., sur la place de l'éducation des adultes. On dit un peu, dans le chapitre V sur le ministère de l'Éducation, où sera placée l'éducation des adultes. Il faut revoir aussi ces sections du projet de loi.

Quatrièmement, le projet de loi réduit l'éducation primaire et secondaire à une seule question: enfants, parents biologiques. On oublie la population adulte qu'on réduit aux seuls parents et on réduit les parents à leur seul rôle de parents. Or, la population adulte a un double intérêt à la chose scolaire: d'abord, comme membres de la communauté et, deuxièmement, comme usagers réels ou potentiels du réseau scolaire public. Cette omission est d'autant plus grave qu'il y avait des recommandations extrêmement claires de la commission Jean à cet égard aux trois niveaux. Il faut revoir les articles 39 sur le conseil de l'école, 63 sur le comité d'école, 70 sur les comités d'élèves, etc.

Cinquièmement, si le projet de loi 40 n'est pas la loi fondamentale en éducation des adultes que le ministre doit préparer et déposer prochainement - j'ai bien dit la loi fondamentale - il doit tout au moins préparer le lit pour que cette loi fondamentale puisse trouver dans le réseau public un outil privilégié. Cette loi, par ses omissions et ses ambiguïtés, risque de gaspiller 20 ans de travail ardu des intervenants, des responsables, mais surtout des hommes et des femmes qui, à force d'insister, de chialer, de demander, de participer ont finalement construit un réseau public d'éducation autour des 79 services d'éducation des adultes. Où est donc passé dans tout cela le rapport de la CEFA? On ne le voit plus, ni dans la loi, ni dans le projet législatif qui, maintenant, fuse de toute part; pourtant, ce projet était terriblement réaliste. Réaliste dans la responsabilité québécoise, réaliste dans ses propositions.

Aussi, nos recommandations - et là-dessus, je reviens au mémoire - qui se retrouvent aux pages 5 et 6 sont les suivantes: Le projet de loi 40 doit reconnaître l'éducation des adultes comme un droit - et, à cet égard, il faut corriger les articles 14 et 15 du projet de loi - au même titre que l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire. Deuxièmement, le projet de loi doit reconnaître cette mission comme étant spécifique et différente, et sur cela indiquer très clairement les unités opérationnelles, SEA des commissions scolaires, etc., qui assumeront cette responsabilité. Le projet de loi 40 doit établir plus clairement que ce sont les CSR qui sont responsables de cette mission. Le projet de loi 40 doit préciser que cette mission sera assumée par une structure spécifique qui sont les SEA au sein des CSR, les services d'éducation des adultes. Le projet de loi doit être amendé pour permettre de mieux responsabiliser la collectivité adulte, pour lui permettre d'être représentée aux instances responsables de cette mission spécifique du réseau scolaire. Enfin, le projet de loi 40 devrait être débarrassé de ses clauses ambiguës effleurant l'éducation des adultes, jusqu'à ce que les intentions du gouvernement soient claires à ce sujet.

Pour terminer, le conseil d'administration de l'ICEA demande de façon urgente au gouvernement de sortir au plus tôt officiellement sa véritable politique d'éducation des adultes. Actuellement, on est en train de la mettre en place sans la débattre. Il nous semble qu'il faut d'abord l'annoncer, la débattre et puis l'appliquer. Ce que je dis là n'est pas une parole en l'air; déjà, les amis de la TREAQ en ont donné certains indices. J'en veux pour indice un communiqué que nous a transmis un des membres importants de l'ICEA, qui est l'Union des producteurs agricoles, qui a paru dans le Soleil et qui indique que la responsabilité de la formation des adultes en milieu agricole va passer de l'Éducation au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. D'ailleurs, le directeur de l'Institut de technologie agricole de La

Pocatière est, comme par hasard, tout récemment devenu sous-ministre et son titre est le suivant: sous-ministre à la recherche et à la formation au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Beaucoup d'autres organismes pourraient donner des indices semblables. On assiste actuellement à une politique de fait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bélanger. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, il me fait plaisir d'accueillir l'ICEA à cette commission. J'en profite pour souligner le rôle extrêmement important que joue l'ICEA dans le monde de l'éducation des adultes depuis quelques années. C'est un lieu de rencontre, de réflexion et d'action des divers milieux de l'éducation des adultes. Nous l'avons entendue à plusieurs reprises au cours des dernières années, surtout depuis que nous avons été contraints d'effectuer des compressions budgétaires. L'ICEA s'est souvent fait le porte-parole des groupes qui protestaient contre ces réductions qu'on trouvait trop draconiennes. Il s'est souvent fait aussi l'interprète du milieu à la suite de la parution du rapport de la commission Jean pour presser le gouvernement de faire connaître au plus tôt sa politique. L'ICEA a donc joué un rôle de rassembleur très important et très cohérent, également. J'en profite pour souligner la qualité de son apport.

L'ICEA, dans son mémoire, nous pose plusieurs questions en même temps qu'il nous fait part de certains griefs. Je ne voudrais pas reprendre ce que j'ai dit à des interlocuteurs antérieurs, par exemple, au sujet du caractère spécifique et différent de l'éducation des adultes qu'il nous faut préserver, je ne voudrais pas reprendre, non plus, ce que nous dit l'ICEA sur le rôle important, pour ne pas dire fondamental, que doivent jouer les commissions scolaires dans la dispensation des services aux adultes. En effet - je l'ai dit et je le répète - il sera clair dans le projet de loi que les commissions scolaires devront, en tant que partie intégrante de leur mission, développer au maximum les services d'éducation aux adultes.

Pour sa part, l'ICEA met plutôt l'accent sur le droit des adultes à une formation de base. Mais une fois que cela est dit, je ne pense pas qu'on ait épuisé toute la question. D'une part, il est possible de reconnaître un droit aux adultes à l'éducation de base, mais est-ce que cela veut dire que ce droit doit être absolu et illimité?

D'ailleurs, ce serait là la première question que j'aimerais poser à l'ICEA. Qu'entend-il exactement lorsqu'il définit le droit de l'adulte à une formation? Est-ce qu'il parle du droit d'accès ou s'il parle du droit d'accès gratuit et, d'une façon plus importante, est-ce qu'il parle d'un droit d'accès gratuit de tous les adultes à tous les types de formation? Est-ce que l'ICEA pourrait nous dire jusqu'où pourrait s'exercer ce droit? Quand on connaît la diversité des types de formation que les adultes viennent chercher dans les commissions scolaires, à l'enseignement collégial, à l'enseignement universitaire, est-ce que, selon l'ICA, l'État devrait assumer complètement, intégralement, les coûts de cette éducation diversifiée, parfois générale, parfois professionnelle, parfois socioculturelle?

M. Bélanger: Quant à la notion de droit et de gratuité qui lui est liée, il faut se rappeler que les recommandations 1, 3 et 4 de la commission Jean sont très claires là-dessus. Je cite là-dessus les recommandations 3 et 4: "Que, dans une perspective d'éducation permanente, soit reconnu à tout adulte le droit à une formation de base gratuite comme on le fait pour les jeunes." On le définit de façon plus opérationnelle à l'article suivant: "Que l'on garantisse aux adultes, en vertu de ce droit, l'équivalent de treize années de formation." En d'autres termes, si un adulte n'a pu, lors de sa jeunesse, avoir accès à la formation que lui garantit le système public d'éducation, c'est-à-dire l'équivalent de treize années de scolarité, cette même personne doit avoir le droit de retrouver cette formation ou son équivalent de façon tout aussi gratuite, sans quoi on introduit dans la loi une discrimination selon l'âge. Donc, pour répondre à la question, c'est cette même formation de base que la loi accorde comme un droit aux jeunes, ou son équivalent, qui doit être reconnue pour les adultes.

Là-dessus, ce n'est pas une recommandation neuve que la CEFA a faite. Cela remonte au texte des recommandations internationales de l'UNESCO sur les politiques d'éducation des adultes. Cela remonte même en 1964 au rapport Ryan sur l'éducation des adultes. C'est, dans la plupart des pays, une notion de plus en plus courante que les adultes qui n'ont pas eu accès à l'équivalent de la formation obligatoire définie dans un pays doivent y avoir accès avec la même forme de gratuité. Autrement, c'est introduire une discrimination, dans la loi fondamentale, sur l'éducation selon l'âge.

M. Laurin: Comme vous le savez, il y a près de 10 000 adultes actuellement inscrits à l'enseignement régulier dans les commissions scolaires. Il y en a plusieurs autres inscrits à des programmes de formation professionnelle et générale dans des programmes spécifiques. Si l'on ajoute à tous ces adultes les 1 400 000 qui

constituent la clientèle potentielle que devraient accommoder nos services réguliers ou spécifiques, si l'on ajoute à cela le fait qu'un bon nombre de ces adultes sont des analphabètes fonctionnels, même s'ils ont pu acquérir deux ou trois années de secondaire, si l'on ajoute à tous ces adultes ceux qui ont besoin de recyclage, non pas parce qu'ils n'ont pas terminé leur secondaire, mais parce qu'ayant terminé leur secondaire leur métier ou leur profession est moins en demande sur le marché du travail, et si l'on additionne les sommes requises pour dispenser la formation adaptée à ces centaines de milliers de personnes, croyez-vous qu'il ne faille pas tenir compte, quand même, de la capacité de payer de la collectivité? Ne croyez-vous pas aussi qu'il faille se résoudre à des politiques progressives qui permettent à une société, à un État de s'acquitter de ses obligations, mais en tenant compte, quand même, des conditions concrètes dans lesquelles l'État doit assumer sa mission éducative?

M. Bélanger: Écoutez, la meilleure façon de répondre à cette question, c'est de se référer au dossier des jeunes. Est-ce que, parce que l'éducation obligatoire, c'est-à-dire le droit de tous les jeunes à une formation de base, coûte au Québec plus de 2 000 000 000 $, il ne faudrait pas accorder ce droit aux jeunes? Évidemment, vous connaissez déjà votre réponse. La réponse pour les adultes ne peut pas être différente. Sans cela, c'est introduire une discrimination selon l'âge. La question est de savoir si, demain matin, si vous accordez ce droit, tous les adultes vont frapper à la porte de l'école. L'expérience là-dessus est claire. C'est le contraire. Il va falloir que le ministère mette sur pied une stratégie très précise pour aller déculpabiliser les adultes, pour recruter des adultes, pour permettre à ces adultes de développer leur potentiel. Là-dessus, ce n'est pas une faveur qu'on demande. Ce droit a une connotation économique très précise. On sait actuellement que, dans la plupart des pays industrialisés, l'absence de formation de base de la population entraîne des coûts économiques énormes, parce qu'on connaît la corrélation entre la formation de base et l'emploi, la formation de base et le chômage.

Il y a, d'ailleurs, dans la CEFA, à la page 96, un exemple extrêmement intéressant dans un État américain d'une étude coûts-bénéfices de la formation de base, qui montre que c'est un investissement que d'accorder ce droit. Donc, il est sûr que, si on perçoit cela uniquement comme une dépense gratuite, un peu comme on concevait l'alphabétisation dans les pays du tiers monde il y a une vingtaine d'années, qui n'était pas reliée au développement, cela devient un problème énorme. Mais concevoir le droit à la formation de base comme un outil de développement du potentiel humain, comme une contribution au développement afin de permettre à ces gens de ne plus dépendre de l'État en termes d'assistance sociale et de chômage, mais de se réintégrer dans les circuits économiques, d'avoir droit à l'emploi par cela, c'est non seulement répondre à un droit, mais c'est aussi contribuer au développement. Donc, ce n'est que dans un cheminement au cours des prochaines années qu'on va pouvoir répondre à ceci. Il est évident que ce n'est pas demain que 2 000 000 de personnes vont frapper à la porte de l'école, mais le fait de reconnaître ce droit apporte d'abord la gratuité. Cela veut dire que les quelques dizaines de milliers de personnes qui frappent à la porte des commissions scolaires auront droit à cette formation toute aussi gratuite - c'était le cas autrefois, d'ailleurs; depuis les coupures, c'est différent, hélasl - que pour les jeunes et qu'ensuite, au fur et à mesure que ce programme pourra s'approfondir, on s'attaquera à des cercles de plus en plus grands de la population.

L'absence de notion de droit dans le texte de loi par rapport aux adultes -d'ailleurs, je sais que votre ministère a fait faire des expertises sur l'impact financier de cette recommandation; c'était certainement une des prémisses de votre question contient aussi un autre versant de cette question. Évidemment, il y a les coûts, mais je pense que, là-dessus, le rôle du ministère de l'Éducation est de défendre auprès du Conseil du trésor que ces coûts sont aussi un investissement. (17 h 15)

M. Laurin: C'est, d'ailleurs, ce que je défends constamment auprès du Conseil du trésor. Il reste qu'on peut se poser la question: même si le coût qu'implique l'éducation de tous les adultes qui auraient besoin de cette formation de base et qui ne l'ont pas constitue un investissement à moyen terme, mais à long terme à coup sûr, ne faut-il pas penser à l'impact financier immédiat que pourrait constituer l'entrée massive simultanée d'un très grand nombre, de ces centaines de milliers d'adultes dans le réseau scolaire proprement dit, le réseau régulier, ou dans des programmes spéciaux mis à leur disposition? Surtout si on sensibilise les populations adultes, si on les déculpabilise comme vous le dites, cela ne pourrait qu'accélérer l'entrée de toutes ces clientèles dans le réseau éducatif. Il faut aussi se poser la question des ressources en personnel, des ressources humaines nécessaires pour combler ce besoin.

Même sur le plan du droit, puisque l'on parle de droit absolu dans votre mémoire, est-ce que pourriez me dire si, à votre connaissance, plusieurs États, plusieurs pays ont inscrit dans leurs lois ce droit absolu

pour les adultes à une formation de base s'étendant jusqu'à la limite du secondaire?

M. Bélanger: Je pense qu'il faut faire une distinction entre le droit et l'obligation. Pour les jeunes, le texte de loi dit que la formation de base primaire et secondaire est obligatoire. C'est non seulement un droit, c'est une obligation. Dans certains pays du tiers monde, en Irak par exemple, on fait de l'alphabétisation non seulement un droit, mais une obligation. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, mais bien que l'éducation des adultes de base soit un droit, donc gratuit. Cela ne veut pas dire que, demain matin, tout le monde va frapper à la porte de l'école. Ils ne sont pas obligés de le faire. Cela veut dire que ceux qui voudront développer leur potentiel dans des contenus équivalents à la formation de base pourront le faire gratuitement. C'est très important que ce soit inscrit dans le texte de loi. Faute d'être inscrit, demain, ces gens devront payer; payer pour un service de formation de base, payer pour une école publique qu'ils ont eux-mêmes subventionnée lourdement comme contribuables.

Est-ce qu'il y a des pays qui, actuellement, ont inscrit cette pratique? Oui, il y en a qui ont inscrit cette pratique. Il y a toute la Scandinavie, la Belgique. En France, c'est en débat actuellement.

M. Laurin: Étant donné que je ne veux pas monopoliser tout le temps, je me contenterais d'une seule autre question. Vous avez exprimé, dans votre mémoire, le désir que les étudiants adultes soient représentés comme tels dans les instances décisionnelles et, en particulier, au niveau du conseil d'école. Dans votre mémoire, vous êtes assez flous quant aux critères de représentation. Est-ce que vous pourriez nous éclairer davantage là-dessus? Comment verriez-vous la représentation des adultes s'inscrire d'une façon pratique, par exemple au niveau du conseil décisionnel d'une école ou encore au niveau de la commission scolaire dans un comité consultatif qui pourrait être créé ou au niveau même de la représentation du conseil des commissaires?

M. Bélanger: Là-dessus, M. le ministre, je vous référerai aux recommandations 332, 333, 334, 335, 342 du rapport de la CEFA quant à cette question des commissions scolaires. En gros, pour les résumer - ce sont, d'ailleurs, des expériences déjà en place au Québec - il s'agit de permettre et de faciliter des associations d'étudiants et d'étudiantes adultes dans les commissions scolaires, ce qui existe déjà dans un certain nombre de commissions scolaires maintenant, de permettre, un peu comme votre projet de loi prévoit des comités d'élèves, des structures semblables pour les adultes au niveau des centres, de permettre aussi des comités au niveau des commissions scolaires et de permettre aux étudiants adultes représentés en assemblée générale d'élire des membres au conseil d'administration des structures locales ou régionales. Je ne veux pas détailler davantage car le rapport de la CEFA est très clair quant aux recommandations que je viens de citer.

M. Laurin: Oui, cela pourrait être assez facile au niveau des services d'éducation des adultes qui sont créés de toutes pièces par les commissions scolaires, par exemple, dans des écoles désaffectées qui ne reçoivent plus de jeunes et qui sont consacrées exclusivement à la formation des adultes. Là, il n'y a vraiment pas de problème. Mais le problème pourrait se poser dans certaines polyvalentes où la représentation des adultes est, quand même, plus clairsemée ou plus difficile à saisir en raison même du caractère spécifique des clientèles adultes qui fréquentent l'école à temps partiel ou pour une durée limitée. C'est surtout de ce point de vue que j'aimerais avoir vos suggestions.

Le Président (M. Blouin): M. Bélanger.

M. Bélanger: Écoutez! Je me situe ici dans le cadre actuel des services d'éducation des adultes, c'est-à-dire où il y a des services d'éducation des adultes qui sont responsables de la programmation. Au niveau local, nous, à l'ICEA, ne pouvons voir, dans ce que la loi appelle des corporations locales, que des centres de services d'éducation des adultes. À ce niveau, c'est vraiment de l'ordre de comités d'usagers.

Quant à la participation au niveau des décisions, comme, dans notre perspective, les décisions se prennent au niveau régional, c'est plutôt des comités régionaux, tel qu'on en prévoit dans la loi pour les jeunes - il faudrait en prévoir pour les adultes - et aussi la représentation au SEA là-dessus. Il est évident que les clientèles d'adultes sont très mobiles si on se fie aux expériences qu'on a d'étudiants adultes depuis environ une vingtaine d'années au Québec. À la CECM, par exemple, il y a eu une longue tradition d'étudiants adultes; à Chambly, dans un certain nombre de commissions scolaires et dans un certain nombre de cégeps. Pour que ces associations puissent vivre, il faut que les commissions scolaires, les services d'éducation des adultes leur donnent un appui. Il est évident que rejoindre ces gens-là par téléphone, le soir, c'est énorme. Il faut qu'ils aient un appui par des services d'action communautaire. Un certain nombre de commissions scolaires, d'ailleurs, ont affecté une part de leur budget d'animation communautaire à cette fin. C'est clair qu'il va falloir trouver des solutions dans un

certain nombre de régions. Ce qui est important ici, c'est que, peu importe la forme que prendront les nouvelles structures publiques primaire et secondaire au Québec, il est très important que soit inscrite dans la loi une place réelle avec un pouvoir réel des représentants de la population adulte autre que les parents, soit comme population adulte tout court, soit comme usagères et usagers; sans cela le système va continuer à fonctionner comme si l'éducation des adultes n'existait pas, c'est-à-dire qu'il va continuer à fonctionner comme si on était encore dans les années cinquante.

C'est très important. Les modalités sont définies par région, mais on a beaucoup d'expérience au Québec. Là-dessus, s'il y a un plan sur lequel la CEFA est très claire et sur lequel la CEFA a beaucoup insisté dans ses consultations, c'est bien toute la dimension participative non seulement au niveau régional, mais aussi au niveau national. C'est, à mon avis, un autre chapitre de la loi qui pourrait être très sensiblement amélioré, c'est-à-dire là où on parle du rôle du ministère de l'Éducation. Là non plus, il n'y a pas de place pour les adultes pour participer aux décisions. On sait que, dans le rapport de la CEFA, quant à la structure proposée au plan central, on faisait une place très importante aux usagers et aux usagères.

M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je n'entends pas reprendre à ce moment-ci l'exposé des observations que j'ai faites tantôt à l'occasion de la rencontre avec la Table des responsabales des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec, parce qu'on essaie toujours de progresser un peu dans la conversation, même si cela ne répond pas toujours, de l'autre côté, autant qu'on le souhaiterait. Il n'y a rien qui me déplaît comme de répéter mécaniquement la même chose et je voudrais essayer de faire avancer un peu la conversation.

Tout d'abord, à la lumière de ce que vous avez dit, je relisais les principaux passages du projet de loi qui traitent de l'éducation des adultes. Il y a une réalité qui me frappait encore plus nettement à ce moment-ci: c'est l'incohérence du projet de loi en ce qui touche l'éducation des adultes. Il en est question à deux endroits principaux, à l'article 92 et à l'article 117. À l'article 92, on dit que l'école dispense les services aux adultes, les services éducatifs déterminés par la commission scolaire. À l'article 117, on dit que l'école peut organiser des services éducatifs autres que ceux qui sont prévus au régime pédagogique.

Ensuite, vous allez au chapitre qui traite des fonctions de la commission scolaire et là, vous ne trouvez rien. Vous ne trouvez rien au sujet de l'éducation des adultes. Vous avez beau lire les articles 199 à 218 les uns après les autres, M. le ministre, vous ne trouvez rien qui traite de l'éduction des adultes là-dedans. Vous vous dites peut-être que c'est dans les obligations générales qui incombent à la commission scolaire, en vertu des droits qui sont définis au tout début du projet de loi, aux articles 1 à 13 ou 14 et 15, mais il n'y a rien là non plus.

Par conséquent, la commission scolaire serait libre, en vertu de ce projet de loi, d'offrir ce qu'elle jugera opportun. Si elle l'a définie, il faut que cela passe par l'école. C'est loin d'être une chose démontrée, d'abord. C'est écrit comme cela dans le projet de loi. Comme je le disais tantôt, cela ne se passe pas comme cela très souvent dans la réalité. Deuxièmement, elle n'a pas d'obligation, elle peut faire tout ce qui lui incombe: elle s'assure que la population de son territoire reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées sur son territoire. Or, il n'y a pas de droit garanti à l'adulte de ce côté-là. C'est donc purement facultatif en ce qui regarde la commission scolaire. D'ailleurs, on complète très bien en disant: "Elle doit admettre dans ses écoles tout enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (L.R.Q., chapitre P-34.1) ou de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., chapitre S-5)." C'est sûrement une carence majeure du projet de loi qui doit être corrigée en profondeur de manière beaucoup plus cohérente et organique que ce dont on a vu la manifestation jusqu'à maintenant.

J'entendais tantôt le ministre faire montre de sollicitude en ce qui regarde le regroupement des adultes en association distincte aux fins de participation aux organismes de gestion et de direction du système scolaire. Cela me faisait plutôt sourire, parce que je me souviens que, lorsqu'on a discuté du projet de loi sur les associations étudiantes, l'an dernier, la loi 32, nous avons insisté, du côté de l'Opposition, pour qu'il permette le regroupement distinct des étudiants adultes, plutôt que de les obliger à se noyer dans des associations qui regroupent les étudiants réguliers. Vous vous en souvenez très bien, il n'a rien voulu entendre de cela, il a dit: Cela fonctionne tout ensemble. Cela s'est réglé vite à part cela, juste le temps des objections que nous avions à formuler. Cette distinction n'existait pas dans son esprit, à ce moment-là, pas plus d'ailleurs que dans celui de ses collaborateurs qui avaient inspiré ce projet de loi. Il me semble que, si on le

veut, ce n'est pas difficile de regrouper les adultes. Ils sont tous inscrits. Ils vont tous à des cours distincts au niveau secondaire. Aux niveaux collégial et universitaire, c'est déjà plus difficile, parce que, souvent, les adultes sont fusionnés avec les étudiants réguliers dans certains cours, mais, au niveau secondaire, à peu près tous sont inscrits dans des classes distinctes. Il n'y a rien de plus facile que de leur dire: Votre participation est requise. Si vous voulez vous regrouper... Je crois que cela peut se faire très bien.

Dans le projet de loi, on remarque aussi... Savez-vous, c'est une observation qui m'est venue en écoutant ce qui s'est dit aujourd'hui. Cela ne m'avait pas frappé jusqu'à maintenant. Lorsqu'on parle du ministère, il n'y a absolument rien au point de vue de la structuration du ministère. Je ne sais pas si vous avez remarqué cela, il n'y a absolument rien. Le ministre peut faire ce qu'il veut. Il peut aujourd'hui organiser l'enseignement élémentaire et secondaire, l'enseignement collégial. Demain, il peut prendre en parallèle l'administration, la planification, les programmes d'étude, etc. Il peut faire à peu près ce qu'il veut et les seuls comptes qu'il a à rendre, c'est en matière administrative, lorsqu'il présente ses crédits, et, à part cela, il peut faire ce qu'il veut. La meilleure preuve, c'est que là il est en train de démanteler la Direction générale de l'éducation des adultes. Il n'a de compte à rendre à personne. On en a parlé ici, depuis le début de l'après-midi, et cela n'a pas l'air de le préoccuper plus que de raison. Il n'a pas trouvé le moyen de dire un mot là-dessus, pas un commentaire. Est-ce vrai? Est-ce faux? On doit conclure que c'est vrai, parce que, si cela avait été faux, j'espère que le ministre aurait été assez vigoureux pour le nier.

Je dois comprendre que le moratoire demandé par le Conseil supérieur de l'éducation, on est un peu dans les limbes là-dessus, parce qu'il peut arriver qu'on ait dit aux gens: On respecte la lettre du moratoire. On ne vous déplacera pas d'ici au 31 décembre, mais vous êtes avertis; après cela, vous décollez. On voudrait savoir si c'est vrai ou non, parce que, autrement, on va se retrouver un bon jour, les amputations auront été faites et il sera trop tard pour faire les correctifs qui s'imposeraient. (17 h 30)

Je voudrais vous poser deux questions en rapport avec votre mémoire. Premièrement, vous disiez, à la fin de votre mémoire, dans un ajout que vous avez inséré là en tout dernier lieu, je pense: Le conseil d'administration de l'Institut canadien d'éducation des adultes demande de façon urgente au gouvernement de publier officiellement sa véritable politique en matière d'éducation des adultes. Vous dites qu'on est en train de la mettre sur place sans la débattre. Vous avez apporté un exemple qui vous est fourni par un communiqué tout récent de l'Union des producteurs agricoles. La question que je voudrais vous poser à ce sujet est la suivante: Comment voyez-vous l'échéancier? Nous, nous sommes devant un projet de loi dont vous nous dites d'un côté que, si on veut faire une loi moderne de l'enseignement primaire et secondaire public, il faut absolument qu'il y ait une place décente faite à l'éducation des adultes. Deuxièmement, moi, je vous dis que, pour faire une place décente à l'éducation des adultes dans un projet de loi comme cela, il faut bien qu'on ait eu la chance d'en discuter quelque part. Il faut que le gouvernement ait mis ses cartes sur la table et qu'on en ait discuté pendant un certain temps. Ce n'est pas un débat qui peut se faire, j'imagine, dans une semaine ou deux. Je voudrais savoir comment vous envisagez un échéancier raisonnable pour qu'on puisse en arriver à ce que toutes les dimensions essentielles soient réunies dans une convergence à peu près convenable.

M. Bélanger: Ma réponse aura deux volets. Le premier, c'est qu'il y a un échéancier. Un échéancier, cela veut dire ne pas mettre la charrue devant les boeufs. Un échéancier, cela veut dire de passer à l'action une fois que la décision est prise et non pas de décider officiellement une fois que les actions sont réalisées. C'est le premier plan. Il faut un échéancier qui implique d'abord l'annonce d'une politique, le débat d'une politique et, ensuite, l'application, beaucoup de gens sur le terrain. C'est vrai des responsables publics de l'éducation des adultes qui vous l'ont dit tantôt. C'est vrai des usagers et des "usagères". C'est vrai des groupes de femmes. C'est vrai des différents usagers. C'est vrai des formateurs. Tout le monde est inquiet sur le terrain de voir les décisions nous tomber maintenant à répétition sur la tête.

Là-dessus, lors d'une réunion récente à l'institut, l'Union des producteurs agricoles nous disait: Quant à nous, les jeux sont pratiquement faits. On est même convoqué au ministère, au MAPAQ, pour débattre de ce que va devenir dans l'avenir notre rôle au niveau de la formation professionnelle. Là-dessus, il m'apparaît donc clair qu'il faut au plus tôt que le gouvernement annonce sa politique. Et je pense que le ministre a dit tantôt qu'il l'annoncerait au plus tôt, ce qui est déjà un pas important.

Deuxièmement, il faut geler les décisions. Il faut que la décision concernant la DGEA soit gelée. Il faut que les décisions concernant le passage au MMSR soient gelées. Or, les bruits qu'on entend, c'est le contraire. Il faut qu'il y ait un mode

quelconque de consultations publiques. Là-dessus, on est devant l'espèce de drôle de situation suivante: Ou bien cette loi 40 est complète pour l'ensemble du secteur primaire et secondaire et, donc, couvre toute la question et ce n'est que cela que sera l'école publique; ou bien elle n'est pas complète et, à ce moment-là, comme le seul lieu pour débattre de cette loi c'est aujourd'hui et qu'on n'a pas en main les amendements majeurs qui concernent notre secteur en particulier, on est pris exactement entre deux chaises. Et il va falloir recréer plus tard une instance où les différents intervenants de l'éducation des adultes - ici, je veux souligner tout particulièrement les groupes de femmes qui sont très visés par les politiques d'éducation des adultes - pourront débattre de la question. Mais la condition élémentaire à cela, il me semble, c'est de geler les décisions.

Or, cela nous inquiète énormément. La décision quant au rôle du ministère de l'Éducation, le glissement Éducation-Main-d'Oeuvre, etc., nous énervent beaucoup. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois. Il faut se rappeler que, six mois après le dépôt du rapport de la commission Jean, six mois après, très exactement, en juillet, alors que l'Assemblée nationale ne siégeait pas, c'est à ce moment-là qu'on a signé l'accord Québec-Ottawa qui a défini pour les trois années à venir l'essentiel de l'éducation des adultes. De la même façon, c'est une journée après la fin de la commission parlementaire sur les collèges à laquelle nous sommes intervenus, nous de l'institut, le lendemain de la fin de la session, qu'on a annoncé la fermeture de la DGEA, lors d'une assemblée générale dans les locaux mêmes du ministère. Et, à chaque fois, on l'annonce en pleine période de vacances alors que personne ne peut réagir. Cela m'apparaît malsain comme lancement d'une politique. Cela sème des doutes, des suspicions, et cela pose de terribles questions. L'avenir de l'éducation des adultes est lié au maintien et au développement des structures en place spécifiques à l'éducation des adultes dans les cégeps, dans les commissions scolaires. On pensait être capable, à partir de 1982, une fois que les structures étaient assurées, de travailler à leur développement pédagogique et à leur démocratisation. On se retrouve maintenant dans la situation où il faut faire quatre pas en arrière et recommencer à neuf pour s'assurer qu'au moins l'infrastructure de base y soit. Cela m'apparaît tout à fait tragique.

M. Ryan: M. le Président, vous me direz si mon propos est conforme au règlement. Cela fait plusieurs fois cet après-midi que nous entendons des affirmations très sérieuses au sujet d'orientations qui auraient même été communiquées à des collaborateurs du ministère de l'Éducation en ce qui touche l'éducation des adultes. Des décisions auraient été prises en ce qui regarde des institutions et des services, par exemple, le transfert de la formation professionnelle agricole vers le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. C'est quand même un renversement de politique par rapport à ce qui avait été décidé il y a une vingtaine d'années et pratiqué depuis. Serait-ce dans l'ordre qu'on demande au ministre s'il a des précisions à fournir à ce sujet, des explications, des dénégations, en tout cas, une déclaration claire d'intention ou de volonté de la part du ministère à ce moment-ci?

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): La question est posée. Libre à ceux qui peuvent répondre de répondre.

M. Ryan: Est-ce qu'on peut avoir un oui ou un non de la part du ministre? Pourrait-on demander au ministre s'il est prêt à nous fournir des précisions à ce sujet? Parce que ce sont des choses très sérieuses. Une fois qu'on est saisi du problème, qu'on l'a soulevé et signalé, et tout, je pense qu'on est en droit de demander des explications au niveau des faits.

Le Président (M. Champagne, Mille-Iles): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, je soulève seulement une question de règlement. Je comprends la profonde curiosité du député d'Argenteuil...

Mme Lavoie-Roux: C'est une saine curiosité.

M. Leduc (Fabre): C'est sûrement une saine curiosité, Mme la députée, sauf que cette saine curiosité pourrait s'étendre à toutes sortes de questions. On est ici pour entendre nos intervenants et leur poser des questions. Il me semble qu'il faut que la commission poursuive son déroulement normal.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Oui, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Lavoie-Roux: Non, moi je suis de

L'Acadie.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Excusez-moi. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: L'Acadie dans

Montréal.

Le Président (M. Champagne, Mille-Iles): On vous écoute, madame.

Mme Lavoie-Roux: C'est sur la question de règlement. Je viens d'entendre le député de Fabre dire qu'on est ici pour entendre les invités. M. le Président, il n'y a pas de règle qui dit que le député est empêché de répondre quand on lui pose une question. Je ne me souviens pas de commission parlementaire où un ministre ait constamment refusé de répondre à une question. C'est la cinquième semaine que nous siégeons et c'est la première fois, que le député d'Argenteuil pose une question précise au ministre de l'Éducation, à ma connaissance, et insiste, si on peut dire, fort gentiment pour avoir un oui ou un non. Je trouve que l'explication du député de Fabre est plutôt faible, compte tenu de l'expérience qu'on a eue en commission parlementaire depuis huit ans.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Mme la députée de L'Acadie, je pense qu'on est ici pour entendre les représentants d'une association. Les questions et les réponses viennent à la fois du député et des présidents qui représentent ces associations. Depuis le début des séances de notre commission parlementaire de l'éducation qui siège pendant sa cinquième semaine, je pense qu'il a été de mise et de tradition de poser des questions et d'avoir des réponses de la part de nos invités. Libre au ministre de vouloir répondre subséquemment. Il s'agirait peut-être de ne pas déborder. Vous me demandez mon opinion, Mme la députée...

Mme Lavoie-Roux: Vous répétez l'opinion du député de Fabre. Je m'en excuse, mais je voudrais vous rappeler que, lors de la commission parlementaire sur le règlement des études collégiales, à plusieurs reprises, le ministre a répondu à des questions alors qu'on avait des auditions. Si on doit établir un précédent pour toutes les commissions parlementaires à venir, je suis un peu surprise.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Mme la députée de l'Acadie, je vous ai parlé de la tradition. Depuis cinq semaines qu'on siège ensemble dans la sérénité...

Mme Lavoie-Roux: La tradition depuis cinq semaines, et la tradition depuis 100 ans, M. le Président?

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais résumer brièvement l'objet de ma dernière intervention, lequel est très simple. Je disais tout simplement au ministre, par votre entremise, que je serais prêt à sacrifier un peu du temps que j'emploie à interroger l'Institut canadien d'éducation des adultes pour obtenir des précisions de lui, et que nous, de notre côté, consentirions à ce qu'il le fasse sans qu'il n'y ait aucune espèce de question de règlement soulevée de notre côté. Je ne peux pas lui faire une obligation de le dire maintenant. C'est pour cela que la question de règlement invoquée par le député de Fabre me paraît hors de propos à ce moment. Si le ministre trouve que c'est assez sérieux pour qu'il fournisse des précisions qui vont nous éclairer tous, tant mieux. S'il trouve que c'est seulement du vent toutes ces choses et des choses qui ne l'intéressent pas, il n'a qu'à ne pas répondre, qu'à ne pas dire un mot. On tirera nos conclusions, et on va passer à d'autres choses. C'est tout ce que je demandais. C'est pour cela que je demandais au ministre, au moins, oui ou non.

Mme Lavoie-Roux: II résiste à la tentation.

M. Ryan: Alors, c'est non. Il faut interpréter le silence comme un non en ce cas, de toute évidence.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): Mais maintenant, M. le député...

M. Ryan: Je me réveille avec rien.

Le Président (M. Champagne, Mille-Iles): M. le député d'Argenteuil, vous avez quand même bien parlé de répondre maintenant ou plus tard.

M. Ryan: C'était maintenant que cela m'intéressait, parce que cela influence la suite des questions que je vais poser à l'Institut canadien d'éducation des adultes.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député d'Argenteuil, est-ce que vous pourriez poursuivre la série de questions avec les invités, s'il vous plaît?

M. Ryan: Je repose ma question. Cela n'est pas une comédie. Est-ce qu'on peut savoir si le ministre est disposé à répondre à ces allégations qui ont été faites ou non? Ce n'est pas à vous de répondre pour le ministre, c'est à lui de répondre, il est capable de répondre.

M. Laurin: M. le Président, j'ai déjà annoncé...

Le Président (M. Champagne, Mille-

Îles): M. le ministre.

M. Laurin: ...que je ferai connaître la politique gouvernementale avant la fin du mois. Je profiterai de l'occasion alors pour répondre à la question de détail que vient de poser le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Champagne, Mille-Îles): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci. Je reviens à la question à propos de l'échéancier. Si je comprends bien, vous dites: si on veut avoir une politique cohérente, complète, dynamique en matière d'enseignement public, primaire et secondaire, il faut que l'éducation des adultes soit dans cela. Mais elle ne peut pas être dans cela tant qu'on n'a pas eu le débat public qui doit suivre la politique du gouvernement. Par conséquent, cela veut dire qu'à votre point de vue il serait bien prématuré qu'on aille soumettre ce projet de loi devant les Chambres tant que ces étapes n'auront pas été franchies. Très bien, c'est clair, je n'ai pas d'autres questions sur cela. Juste un autre point.

Il y a une question qui nous inquiète beaucoup: c'est la formation professionnelle des adultes. Là il y a toutes sortes d'opinions qui circulent. Vous avez fait allusion dans votre présentation aux dangers qui découleraient d'une politique qui transférerait au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu la grosse part du fardeau en matière de formation professionnelle. Vous disiez à ce moment: on risque d'aggraver encore le phénomène de dépendance vis-à-vis des politiques du gouvernement fédéral, lequel est déjà très accentué dans ce domaine. Est-ce que vous pourriez nous donner des explications sur cette affirmation qui est un peu un excursus dans votre texte tantôt, nous dire ce que vous voulez dire par là? Et peut-être aussi attirer notre attention sur le rôle que jouent les politiques fédérales dans le domaine de l'éducation des adultes et sur la manière dont vous voyez le Québec affirmer sa responsabilité propre dans ce secteur là? Si vous trouvez qu'on est engagé sur cette voie ou non, avec les politiques qu'on nous annonce?

M. Bélanger: D'abord il faut bien voir que tout au moins les seules informations qu'on a c'est ce qui nous vient des journaux, l'article du Soleil, du 20 janvier 1984 de Pierre Asselin et titré: L'éducation aux adultes incombera maintenant à tous les ministères. Sur cela, il fait part d'un commentaire d'André Vézina, qui est maintenant sous-ministre à l'éducation au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui dit: Si le ministère a fait son nid, il peut nous considérer comme des oiseaux anxieux qui n'attendent plus que de s'y installer.

Donc, c'est plus qu'un passage de l'éducation à la main-d'oeuvre. C'est un retour de la formation aux ministères économiques, nous semble-t-il. Ce ne sont que des hypothèses, car la politique n'est pas encore sortie et heureusement qu'elle n'est pas encore sortie. Donc, elle est corrigible.

S'il fallait que cela devienne la politique, cela comporterait, à mon avis, trois dangers importants. La question n'est pas de savoir si les ministères économiques doivent être impliqués ou non dans la définition des besoins de formation. Là-dessus, le ministre de l'Éducation l'a dit très clairement, nous sommes d'accord avec lui, il est important que les ministères économiques jouent un rôle clé aussi dans la définition des besoins de formation. C'est clair. La question est de savoir qui va gérer les programmes de formation. Or, dans les bruits qu'on entend, dans les feuilles qui circulent, ce qu'on voit, c'est plus qu'une réaffirmation du rôle de la Main-d'Oeuvre, de l'Agriculture, de la Chasse, de la Pêche et du Tourisme, de l'Immigration. C'est plus que de voir leur rôle mieux défini quant à préciser les besoins, c'est de conférer à ces ministères la gestion des programmes. (17 h 45)

Or, cela a trois conséquences. La première est au plan constitutionnel. À partir du moment où on fait glisser en dehors de la juridiction du ministère de l'Éducation une partie de plus en plus importante du système public d'éducation, il est clair qu'on se situe en position très nette de faiblesse face à Ottawa. Or, au Québec, tous les groupes, depuis le patronat jusqu'aux syndicats, en passant par les structures publiques, les organismes volontaires, ont été d'accord, depuis le vieux projet Laporte sur la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre jusqu'à maintenant, pour dire qu'il faut que le Québec exerce sa pleine et entière juridiction en matière de formation des adultes. C'est la première conséquence. Il est clair qu'avec cela on renforce déjà la très puissante camisole de force que constitue l'accord Québec-Ottawa sur la main-d'oeuvre. C'est la première conséquence.

La deuxième est au niveau du contenu même de l'éducation, c'est-à-dire que c'est mettre en cause tout ce que les Anglais appellent "comprehensive education", ce qu'on a créé au Québec, ce qu'on a traduit au Québec dans les années soixante par "polyvalence de l'éducation", soit de retrouver dans un même ministère toute la formation générale et professionnelle à la fois pour enrichir les contenus de la formation professionnelle, à la fois pour désélitiser les contenus de la formation générale et pour créer des passerelles entre

les deux filières de formation.

Beaucoup de jeunes travailleuses et travailleurs entrent dans nos systèmes d'éducation jeunes et adultes par la filière professionnelle. Tant qu'il y a polyvalence, tant que tout cela est à l'intérieur d'une même structure, cela permet à ces jeunes et à ces adultes de commencer en professionnels et, ensuite, de passer au général ou vice-versa. Tout cela est remis en cause par le retour à ce vieux modèle des écoles de métiers des ministères économiques.

La troisième conséquence est, à mon avis, au niveau d'une politique plus globale d'éducation permanente. Il y a là-dessus une énorme confusion entretenue par certains documents. L'éducation des jeunes, l'éducation des adultes et l'éducation permanente sont trois choses très différentes. L'éducation permanente n'est qu'une conception de l'avenir de nos systèmes éducatifs. Ce n'est pas un secteur d'éducation, ce n'est pas un tiroir. C'est une façon de voir la chose, c'est-à-dire que maintenant on s'aperçoit que les adultes ont besoin de revenir de façon discontinue à l'éducation pour poursuivre leur développement personnel, pour poursuivre leur carrière professionnelle, etc. Or, il est très important que ces deux pôles de l'éducation des années quatre-vingt, les jeunes et les adultes, soient en rapports interreliés constants pour que l'un vienne influencer l'autre et vice versa. Il est très clair, par exemple, que, dans les commissions scolaires sur l'alphabétisation, dans les cégeps sur la formation professionnelle, toutes les courroies de transmission privilégiée que constitue l'éducation des adultes peuvent influencer énormément la qualité de la formation des jeunes. Dans un même département de cégep, dans une même commission scolaire, si on peut aller expérimenter avec des adultes la formation de base, les formations professionnelles, tout ce brassage qui va se faire là, si cela peut être dans une même unité organisationnelle plus large, cela va pouvoir influencer en retour énormément la formation de base. C'est ce qu'on appelle effectivement "l'émulation réciproque" de la formation des jeunes et de la formation des adultes.

Mais lorsque l'on parle, pour épargner de l'argent très certainement, d'utiliser la clientèle adulte, étant donné sa capacité financière énorme, pour venir financer l'éducation des jeunes, évidemment, tout cela est perdu. Effectivement, nous sommes de plus en plus convaincus, dans les réseaux de l'Institut canadien d'éducation des adultes, que, au fond, la victoire de l'éducation des adultes est une victoire trop grande, une victoire à la Pyrrhus. L'éducation des adultes est rendue une masse tellement importante dans nos systèmes éducatifs que tout le monde a les yeux dessus à cause de sa capacité énorme de générer du pognon neuf. Les frais de scolarité que cela amène autant à l'École des hautes études commerciales que dans une commission scolaire, c'est du pognon neuf, si je peux me permettre l'expression quotidienne, qui vient renflouer trop souvent les trous de l'éducation régulière des jeunes.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais vous poser une question qui a trait aux services à la communauté. Vous en faites part à la page 4 de votre mémoire où vous mentionnez les articles 92, 117 et 130 qui permettent à l'école d'offrir ou d'organiser des services à la communauté, des services socioculturels. Cela permet même à l'école d'en tirer des revenus. Vous demandez au ministère de préciser les orientations qu'on entend donner aux activités qui seraient données dans les écoles, lesquelles activités seraient autorisées et même organisées par le conseil d'école en relation avec les ressources du milieu. Il s'agit donc d'un volet intéressant et important du projet de loi puisque son objectif est d'ouvrir l'école au milieu. Dans cette perspective, j'aimerais avoir vos réactions à cette idée d'un conseil d'école qui ouvre l'école davantage sur son milieu, comme possibilité d'un champ, peut-être pas entièrement nouveau, mais quand même d'un champ que l'école pourrait couvrir dans le domaine de l'éducation des adultes. Vous demandez de connaître les orientations qu'entend donner le ministère à ces activités, mais comment voyez-vous cela, vous, et quelles sont, selon vous, les orientations que le ministère devrait donner à ces activités qui pourraient couvrir le champ de l'éducation des adultes dans un quartier donné?

M. Bélanger: Actuellement, la façon dont est organisé le système public de l'éducation aux adultes au primaire et au secondaire est la suivante: vous avez dans une région, qui correspond en général à une commission scolaire régionale ou à une réunion de commissions scolaires, ou des fois à des divisions - on en a 79 - à la fois un service de programmation, de gestion, de planification au niveau régional, qu'on appelle le service d'éducation des adultes, et ensuite vous avez des centres. Les centres correspondent très souvent à des écoles physiques, à ce qui dans le projet de loi 40 va devenir éventuellement, si le projet de loi était adopté, des corporations. C'est à ce niveau que vous posez des questions, c'est-à-dire au niveau de ces corporations.

II nous apparaît clair qu'on ne peut pas éclater jusqu'à ce niveau. La gestion, la planification, l'organisation de l'éducation des adultes publique, primaire et secondaire, il faut que tout ce travail d'organiser les cours, de planifier les cours, d'avoir un rapport avec les nouveaux centres d'accueil et de reconnaissance d'acquis que le ministère promet - ce qui, en passant, est une innovation extrêmement intéressante - il va falloir que cela se fasse sur une base régionale, dans les services de l'éducation des adultes des commissions scolaires. Au plan local, la chose se pose différemment, c'est-à-dire l'accessibilité de l'école au quartier. C'est pour cela que je parlais tantôt de parallèle avec le comité d'élèves. On a dans les écoles un comité d'élèves, mais il faudrait avoir un comité d'usagers adultes à la fois pour ouvrir l'école en termes d'horaires pour les services de l'école - ce qui, d'ailleurs, commence à se faire grandement, mais pas suffisamment - non seulement utiliser les locaux, mais les services, et aussi pour adapter ce qui se fait à cette école aux besoins du milieu. Ceci n'est qu'au plan très local. La principale participation doit être là où se prennent les décisions. La consultation là où ne se prennent pas les décisions, c'est une consultation qui ne dure pas longtemps et qui n'est pas très drôle. On la connaît trop, on a trop d'expériences dans nos pays. Il va falloir que la participation la plus importante se situe là où se prennent les décisions, c'est-à-dire au plan régional et au plan national.

M. Leduc (Fabre): Oui, vous dites là où se prennent les décisions. Vous ne voyez pas du tout que certaines décisions se prennent au niveau du conseil d'école? Que cela se fasse en collaboration avec un palier régional, oui, mais que le milieu local puisse prendre un certain nombre de décisions pour l'organisation de cours qui pourraient s'adresser au milieu local, le milieu entourant l'école, dans le cadre des pouvoirs dont il dispose. Il dispose tout de même de certains pouvoirs en termes de programmes, de régimes pédagogiques. Je pense qu'on est d'accord pour ouvrir l'école à la communauté. Pourquoi ne pas donner à cette communauté accès aux locaux, oui, mais accès aussi à certains programmes qui pourraient être formulés au niveau local, encore une fois en collaboration et à l'intérieur de certains paramètres qui devraient être formulés au niveau régional. On ne peut pas se permettre d'aller dans toutes les directions à l'intérieur des écoles. J'essayais de voir si vous aviez des précisions à nous donner à cet égard en termes de collaboration entre l'école, qui, selon le projet de loi, exerce un certain nombre de pouvoirs sur le régime pédagogique, l'organisation des cours, et le palier régional, qui a des responsabilités en termes d'organisation de l'éducation des adultes. Finalement, vous demandez au ministère d'être précis, mais je pense qu'à cet égard votre réflexion n'est peut-être pas tout à fait à point.

M. Bélanger: Oui, au contraire, c'est extrêmement clair. Vous essayez de faire glisser le palier de décision du niveau régional au niveau local pour que les nouvelles corporations puissent être le lieu de programmation de l'éducation des adultes. Nous trouvons cette proposition irréaliste et extrêmement coûteuse. Dans une région comme la rive sud, dans une région comme la Gaspésie, s'il fallait que la programmation de l'éducation des adultes soit faite par chacune des corporations scolaires, ce ne serait pas sérieux. Que chaque école devienne communautaire, c'est intéressant et vous le proposez, c'est-à-dire que l'école soit ouverte autant le soir que le jour, que les cours d'école ne soient pas fermées, cadenas sur la clôture. Cela est intéressant, et qu'il y ait une participation à ce niveau, mais la planification de la formation par rapport à une région doit être arrimée aux autres instances de concertation régionale. Confiner cela au plan local peut avoir deux effets: ou c'est un émiettement, et on fait simplement répondre, comme les écoles privées, à des besoins locaux sans planification - je suis sûr que ce n'est pas cela que vous voulez faire -ou bien c'est tout reporter au plan central et tout définir au plan central, au Québec, pour ce qui est de l'éducation des adultes, et cela me surprendrait que ce soit cela que vous vouliez faire. En tout cas, si c'est cela que vous voulez faire, nous ne sommes pas d'accord. Ce qu'il faut voir, c'est qu'au Québec les services d'éducation des adultes, comme les CFP pour la définition des besoins, les commissions de formation professionnelle, doivent être au niveau régional. Vous le concevez pour les CFP; vous devez aussi le concevoir pour les services d'éducation des adultes. Il faut que le projet de loi 40 spécifie très clairement l'importance des services d'éducation des adultes, arrime à ces services des instances de consultation dans les commissions scolaires. Les commissions scolaires ont un rôle clé à jouer dans l'éducation des adultes, à défaut de quoi, à notre humble avis, vous ne répondez pas aux besoins.

M. Leduc (Fabre): Dans le même ordre d'idées - c'est ma dernière question, M. le Président - parce que cela touche la question des OVEP qui exercent des activités dans le domaine de l'éducation des adultes. Dans certains cas, les OVEP le font en collaboration avec les commissions scolaires et, dans d'autres cas, non, puisqu'ils ont une

certaine autonomie de fonctionnement. Puisque vous insistez beaucoup pour obtenir un palier régional décisionnel, au chapitre de l'organisation, croyez-vous qu'on devrait prévoir également une collaboration plus formelle dans le projet de loi ou ailleurs? En tout cas, on parle du projet de loi pour l'instant. Une collaboration plus formelle, est-ce que cela devrait être précisé entre les OVEP et les commissions scolaires pour que cette coordination que vous souhaitez se réalise vraiment à tous les paliers?

M. Bélanger: Là-dessus...

Le Président (M. Blouin): M. Bélanger, il s'agit d'une question assez précise. Si vous pouviez répondre précisément...

M. Bélanger: Oui, je vais répondre très clairement. Je demanderais au député de lire le rapport Jean. Il y a des propositions très précises à cet égard où effectivement les OVEP sont perçus parmi les autres groupes. Lorsqu'il lira le rapport, il verra très clairement ce que nous voulons dire là-dessus.

Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre mémoire. Je n'ai qu'une question à poser. Est-ce que les exigences de l'éducation des adultes sont inscrites d'une façon satisfaisante et cohérente dans les lois des autres provinces? Peut-être que vous pourriez trouver un exemple en Ontario ou ailleurs. Y a-t-il des modèles dans d'autres pays que vous pourriez recommander?

Le Président (M. Blouin): M. Bélanger.

M. Bélanger: L'expérience la plus intéressante au Canada a été celle sous le gouvernement Barrett en Colombie britannique. Précisément, c'était la seule province qui nous ressemblait beaucoup. Sous le gouvernement Barrett, avec un des pionniers de l'éducation aux adultes au canal anglais qui est Ron Forest, on avait créé effectivement des services d'éducation des adultes dans les commissions scolaires de la Colombie britannique. Malheureusement, avec le changement de gouvernement, lorsque le gouvernement social-démocrate est parti, on a fait là-bas ce qu'on s'apprête à faire ici, c'est-à-dire diminuer l'importance de ces services publics. (18 heures)

Est-ce que cela existe dans d'autres pays? Là-dessus, il y a eu un séminaire récent à Paris de l'Institut international de planification de l'éducation et nous avons organisé un colloque au Conseil international de l'éducation des adultes. Nous avons créé un conseil international de l'éducation des adultes maintenant en prévision du congrès international sur l'éducation des adultes qui aura lieu dans un an.

Actuellement, l'expérience québécoise est précisément perçue comme une des expériences les plus intéressantes, parce qu'on a réussi, dans le système public primaire et secondaire, à faire place à l'éducation des adultes, à l'intégrer administrativement tout en y gardant son autonomie opérationnelle, c'est-à-dire que les commissaires d'école ont une responsabilité là-dessus limitée, puisque maintenant ce n'est que permis, ce n'est pas encore un droit, il y a une discrimination, mais en tout cas... Cela, c'est un acquis important. La présidente de la CEFA, qui participait à un séminaire sur ce sujet il y a maintenant un an et demi, est revenue là-dessus lors d'un séminaire à Montréal et elle nous disait que c'est peut-être un des acquis les plus intéressants. C'est peut-être dans les pays de l'Europe de l'Est, en Scandinavie et en Belgique, comme je le disais tantôt, que c'est plus avancé. Dans les autres pays, l'éducation des adultes est plus axée, comme dans certaines provinces du Canada anglais, vers le niveau postsecondaire. Mais on s'aperçoit que c'est là une erreur, parce que situer les investissements à l'éducation des adultes au niveau postsecondaire, cela a un impact énorme pour la formation de base. Aux États-Unis, par exemple, depuis maintenant trois semaines, sous la présidence de Mme Bush, on vient de lancer une énorme campagne d'alphabétisation, précisément convaincus qu'on est là-bas que la formation de base est un besoin extrêmement important au plan économique. On ne peut plus supporter le coût des assistés sociaux. Il faut leur donner de l'équipement. Or, si l'éducation des adultes n'est pas liée organiquement au réseau public primaire et secondaire, cela devient extrêmement difficile. D'ailleurs, un "task force" fédéral vient de publier un rapport là-dessus qui s'appelle, en anglais, "Learning and Living" et, en français, "Apprendre".

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la députée de L'Acadie m'a signifié qu'elle désirait intervenir brièvement. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Une seule question, M. le Président. Je pense que vous avez répondu très clairement à la question de mon collègue d'Argenteuil touchant les conséquences de ce que vous percevez comme un glissement possible vers le ministère de la Main-d'Oeuvre de responsabilités au plan de l'éducation des adultes qui, selon vous, devrait être coordonnée par le ministère de l'Éducation au plan constitutionnel, au plan de

l'émiettement et surtout possiblement d'un retour en arrière au moment où l'Agriculture avait des responsabilités... Je me souviens de l'Agriculture, je me souviens du Tourisme et d'autres ministères qui avaient des responsabilités au plan de l'éducation des adultes. Ma question précise porte sur ce qui touche les femmes. Dans une perspective où votre hypothèse, où votre appréhension serait justifiée de ce glissement vers le ministère de la Main-d'Oeuvre, compte tenu que dans les chiffres que nous avons, peut-être pas pour la plus jeune génération de 15 à 24 ans, mais pour celle de 24 ans et plus, les femmes sont moins scolarisées, que ceci a pour résultat qu'elles occupent souvent les emplois les moins rémunérés... Enfin, c'est une réaction en chaîne qui conduit finalement à la pauvreté progressive des femmes, rendu à l'âge de 50 ans et plus. Est-ce que ces glissements vers le ministère de la Main-d'Oeuvre empêcheraient de faire ce rattrapage au plan de la scolarité? Est-ce que la dépendance d'Ottawa, quant au recyclage des femmes au plan de la formation, permettrait cette désexualisation des emplois, si la coordination de tout ceci reste entre les mains du ministère? Quelle est votre expérience au plan du recyclage de la main-d'oeuvre présentement avec le gouvernement fédérai en ce qui touche les femmes?

M. Bélanger: II commence à y avoir au niveau des programmes fédéraux, maintenant qu'on a une charte fédérale des droits et qu'il y a une commission fédérale, certains cas pour soumettre des problèmes très crus de discrimination dans certains métiers. Il y a eu un cas, entre autres, au CN très patent il y a quelque temps; il y a aussi un cas chez Pratt & Whitney à Longueuil où des femmes ont posé à la commission fédérale des droits des problèmes de discrimination, n'ayant pas accès à des programmes de formation de main-d'oeuvre parce qu'elles étaient des femmes. Il y a un certain nombre d'organismes qui sont maintenant reliés à l'institut, métiers non traditionnels: Travail non traditionnel - TNT - L'Action-éducation femmes, l'Action-travail des femmes, etc. Il faut dire à ce sujet que la position des groupes de femmes est bien résumée par le mémoire du Conseil du statut de la femme et les autres avis du Conseil du statut de la femme. Pour elles, la polyvalence, tant de la formation des jeunes que de l'éducation des adultes, ne peut se faire qu'à l'intérieur du réseau de l'éducation. Je ne pense pas que les gens remettent en cause ici le rôle du ministère de la Main-d'Oeuvre pour définir les besoins. Les gens remettent en cause le fait que l'éducation ne gérerait plus les fonds mêmes de formation et non pas les fonds de gestion des activités en amont ou en aval de la formation. Ne gérant plus les fonds, le ministère n'aura plus d'arme pour être capable de mesurer la sexualisation des contenus et, surtout, la sexualisation du recrutement de la clientèle selon les programmes. C'est là qu'est le problème. C'est le passage de la gestion des fonds de formation au ministère de la Main-d'Oeuvre qui enlève à l'éducation, parce que les services d'éducation vont n'être, dans une telle perspective, si jamais elle était mise en place, que des répondeurs à la demande, donc ils feront ce qu'on leur commandera de faire. Pour les femmes, que ce soit à la Main-d'Oeuvre et à la Sécurité du revenu ou que ce soit à l'Éducation, le problème se posera de toute façon et elles vont se battre sur cela. Mais - une dernière remarque que je fais très brièvement - à l'Éducation il commençait à y avoir des expériences extrêmement intéressantes de retour au travail des femmes. Je sais qu'au ministère cette question est en débat et il est très important que dans la loi qui va venir les programmes de retour au travail des femmes soient renforcés très fortement et en termes de fonds et en termes d'appui aux services d'éducation aux adultes pour maintenir ces programmes, surtout au niveau des cégeps et des commissions scolaires. Ce sont des programmes qui se sont avérés extrêmement efficaces. Il va falloir - puisque Ottawa ne met plus de fonds dans cela - que le Québec y injecte des fonds neufs très importants.

Mme Lavoie-Roux: Votre appréhension c'est qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu on n'ait pas cette même sensibilisation qui s'est développée au cours des dernières années au ministère de l'Éducation?

M. Bélanger: C'est-à-dire que, bien pratiquement, on a commencé tranquillement à force de se battre - au cégep de Rosemont, dans d'autres cégeps, dans des commissions scolaires - à faire une percée. Maintenant qu'on commence à peine à faire la percée, s'il fallait sortir tous les lieux de décision de ces instances pour les mettre ailleurs, tout va être à recommencer, resensibiliser du nouveau monde; c'est du temps perdu, c'est du gaspillage de fonds publics.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M. Bélanger. Mme Thériault, de l'Institut canadien d'éducation des adultes, au nom de tous les membres de la commission je vous remercie de votre participation à nos travaux.

Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise de la séance à 20 h 8)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous entendrons, ce soir, la Coalition des syndicats des personnels de la CECM et la Commission scolaire La Vallière.

Sans plus de préambule, puisque nos invités sont déjà installés à la table, j'inviterai donc la représentante et les représentants de la Coalition des syndicats des personnels de la CECM, entre autres, l'Alliance des professeurs de Montréal, le Syndicat des professionnels des services éducatifs et l'Association professionnelle des personnels administratifs, à s'identifier et à nous livrer, en une vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire.

Coalition des syndicats des personnels de la CECM

Mme Légaré-Richard (Claudette): M. le Président, nous sommes les représentants de la Coalition des syndicats des personnels de la CECM. À partir de ma droite, je vais vous présenter les représentants: M. Camille Belisle, président du Syndicat national des employés de la CECM (CSN); M. Dieter Haag, président du Syndicat des professionnels de la CECM (FPSEQ); M. Rodrigue Dubé, président de l'Alliance des professeurs de Montréal (CEQ) et, à ma gauche, M. Marcel Bertrand, vice-président de l'Association des concierges du district de Montréal (CSN). Je suis Claudette Légaré-Richard, présidente de l'Association professionnelle de personnels administratifs de la CECM (CSN). Je passe la parole à M. Dubé, notre porte-parole.

M. Dubé (Rodrigue): Bonsoir, M. le Président, M. le ministre et MM. les députés. Nous, les syndicats de la coalition et travailleurs de la CECM, une coalition unie et profondément soutenue par ses membres, une coalition qui a reçu l'appui d'usagers, de groupes ethniques, du Conseil central de Montréal, CSN, vous demandons unanimement de retirer le projet de loi 40, non pas que nous ne croyons pas en la nécessité d'une réforme, mais parce que nous croyons que la base même du projet de loi 40 s'appuie sur de fausses réalités et de fausses nécessités.

Dans votre projet de loi 40, vous dites: C'est l'école qui est responsable de l'application du régime pédagogique, c'est l'école qui voit à la répartition du temps requis pour le service de l'enseignement. C'est l'école qui établit le projet éducatif, le calendrier scolaire, les modes d'évaluation et d'application. Selon nous, c'est un non-sens quand on sait qu'à Montréal le taux de déménagement est au-delà de 20%. Quand on sait que dans une école - nous pourrions vous en citer plusieurs, mais nous allons nous en tenir à quelques écoles près de la rue Pie IX, au sud de Montréal - lorsque 400 élèves sont inscrits au début de l'année, dans la même école, à la fin de l'année, nous avons encore 400 élèves, mais 200 de ces élèves ont changé. Nous croyons que de remettre les responsabilités que vous avez décrites dans votre projet de loi à l'école, ou bien cela amènera les écoles à ne pas exercer ces responsabilités et que, ces responsabilités n'étant inscrites nulle part ailleurs, elles se retrouveront au niveau du ministère, ou bien encore les écoles qui appliqueront ces responsabilités deviendront des embûches additionnelles pour les étudiants et les étudiantes.

Comment voulez-vous qu'une famille de trois enfants, dans trois écoles distinctes du primaire ou du secondaire, avec des calendriers pédagogiques différents, avec des journées pédagogiques différentes, puisse s'organiser? Comment voulez-vous également qu'un enfant, qui est inscrit dans une classe et qui, en cours d'année, aux mois de septembre, octobre, novembre, décembre, janvier ou juin, transfère d'école où les méthodes, le régime pédagogique, les moyens pédagogiques d'évaluation changent... Nous croyons que ce sont des difficultés complètement inutiles. Nous croyons que le déménagement à Montréal n'est pas une question qui peut se régler et s'arrêter par décret ou par loi. C'est un phénomène social que nous ne pouvons que constater.

Autre difficulté quant aux responsabilités confiées à l'école: les parents, évidemment, ne sont pas là en permanence. Ils sont là pour la période où leur enfant est inscrit à l'école. Lorsqu'un enfant passe un an ou deux dans une école et, pour d'autres raisons, se retrouve dans l'école voisine l'année suivante, quel est le suivi que les parents pourront accorder au régime et au projet pédagogiques? Également, que faisons-nous des chicanes de clocher ou des batailles internes entre parents qui changeraient d'une année à l'autre ou à quelque deux ou trois ans les orientations pédagogiques de l'école?

Nous croyons que les parents ont une place importante dans l'éducation. Premièrement, ils ont une place de participation dans l'école, de consultation dans l'école et ils développent là une expertise. Ils développent là une connaissance de l'éducation, mais cette expertise et cette connaissance - croyons-nous - doivent se retrouver en termes de décisions au niveau du conseil des commissaires. Il y a différentes formules qu'on pourrait mettre de l'avant pour retrouver les parents au conseil des commissaires. Il pourrait y avoir des

sièges réservés à des personnes siégeant à des comités d'école, des responsables de comités d'école, passant même par le suffrage universel pour ces personnes. Il y a donc une façon, il y a donc des possibilités de compléter le processus consultatif des parents et de faire en sorte qu'ils puissent intervenir correctement et adéquatement, mais le centre de décision, le lieu d'intervention privilégié, croyons-nous, est au niveau de la commission scolaire et non pas au niveau de l'école.

Nous voulons aussi que le projet de loi...

Le Président (M. Blouin): M. Dubé, je comprends que vous avez décidé de résumer certaines parties du mémoire.

M. Dubé: Oui.

Le Président (M. Blouin): Pourriez-vous me situer quant aux pages auxquelles vous référez afin que les membres puissent suivre plus facilement?

M. Dubé: J'ai pris la page 2, il y a quelques instants, "Le projet de loi 40 et le partage des pouvoirs". L'argumentation qu'on retrouve dans le texte, je l'ai résumée et synthétisée quant aux raisons qui nous amènent à nous opposer. Deuxièmement, j'allais sur le côté de la péréquation.

Du côté de la péréquation, il y a une double péréquation à Montréal. Il y a la péréquation par le Conseil scolaire de l'île de Montréal. Il y a aussi la péréquation à l'intérieur même de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ce qu'on constate, c'est que le Conseil scolaire de l'île de Montréal a une autorité actuellement en termes de péréquation et les parties plus riches de la ville peuvent subventionner ou aider les parties les plus pauvres de la ville. Il y a une répartition de ressources au niveau du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Avec le projet de loi, c'est la disparition du Conseil scolaire de l'île de Montréal pour être remplacé par un organisme dont le ministre pourra décider, par arrêté en conseil ou autrement, et dont les contenus de péréquation ne sont déterminés nulle part. Il y a également une deuxième péréquation, à l'intérieur même de la CECM, à l'intérieur de ce territoire que vous voulez subdiviser dans votre projet de loi en cinq commissions scolaires. Pour illustrer notre pensée à cet égard, nous regarderons la position des parents à l'égard de la subdivision de la CECM. Vous constatez que les parents du sud-ouest de Montréal, région ouest, sont contre le projet de loi 40. Vous constatez en ce qui concerne les parents de la région est qu'une partie est contre le projet de loi 40 et l'autre l'appuie en partie. Ceux qui s'y retrouvent dans le projet de loi 40, les représentants - et non pas les parents - de la région nord disent: Nous autres, le projet de loi 40 nous satisfait. Je vous souligne que ceux de la région nord nous disent également qu'ils auraient leurs défavorisés dans leur propre commission scolaire qu'ils s'en occuperaient, mais ils n'auraient plus à subventionner, à faire de péréquation avec les écoles du sud, de l'est et de l'ouest parce qu'ils ne seraient plus dans une même commission scolaire.

L'autre péréquation qui pourrait survenir serait qu'à l'intérieur d'un conseil scolaire, qui est inexistant et d'un organisme inexistant dans le futur, dans votre projet de loi, ou encore un organisme que vous mettrez sur pied par arrêté en conseil, nous constatons donc que la division de la CECM en cinq morceaux ne dessert pas les intérêts des Montréalais. Montréal, c'est une réalité, c'est une réalité sociale, c'est un tissu urbain et il n'y a aucune raison qui puisse vous amener à subdiviser la CECM; mes partenaires de la coalition pourront vous donner d'autres illustrations à cet égard.

Subdiviser la CECM, c'est mettre la hache dans de l'expertise et dans du développement pédagogique. Où est née la première école pour inadaptés? Qui a développé le service de l'enfance inadaptée? Qui a développé les premiers services aux immigrants? Qui a développé l'éducation aux adultes? Je comprends que nous, comme enseignants, comme professionnels ou comme tout le monde de la commission, on a produit d'heureux documents pédagogiques qui, parfois, ont été reproduits au Québec avec le sigle du ministère. On comprend cela, dans le passé, on n'en parlait point, mais il reste que cette expertise, ce bassin de connaissances se retrouva au ministère sous forme de documents.

Quand le ministère avait besoin de ressources, de conseils, de professionnels de l'enseignement, où allait-il chercher les premiers experts si ce n'est dans la banque de la CECM? Comment se fait-il que la CECM puisse avoir une banque comme celle-là? C'est tout simple, c'est une économie d'échelle. Quand vous économisez un seizième ici, un huitième là, une demi à un autre endroit, cela finit par faire un bassin. L'expertise de la CECM a donc permis de développer différents services et, entre autres, comme je le disais tout à l'heure, l'éducation aux adultes.

Il y a des types de services qui, vous le constatez vous-mêmes, ne répondent pas à la réalité montréalaise. Pour pouvoir donner des services à certaines clientèles, vous devrez augmenter le nombre d'écoles dites nationales. Actuellement, les écoles dites nationales sont dépendantes des commissions scolaires; elles seront dépendantes de qui, ces futures écoles dites nationales ou régionales? Elles ne seront dépendantes

d'aucun milieu, d'aucune commission scolaire. À quoi servirait-il d'avoir une commission scolaire qui aurait une école nationale sur une partie du territoire de la CECM et devrait transférer des clientèles à gauche et à droite par la suite?

Nous croyons que le projet de loi 40 ne répond pas aux besoins de la communauté montréalaise. Nous affirmons même qu'il ne répond pas aux besoins des Québécois et des Québécoises, mais, comme nous sommes spécialistes, comme nous sommes connaissants de notre région, nous nous permettons d'attirer l'attention des députés de l'Assemblée nationale sur ces aspects.

Quant au projet de loi 40, toutes les associations de la CECM, cadres, directeurs d'école et les cinq associations que nous sommes, vous demandent unanimement de retirer le projet de loi 40. Les commissaires de la CECM vous demandent aussi de retirer le projet de loi 40. Quand autant de monde d'un même milieu donné, qui, souvent, a des intérêts divergents, sur une question comme celle-là arrive à la même position, il me semble que cela devrait alerter le ministre responsable et les différents membres de l'Assemblée nationale.

M. le ministre, vous avez régulièrement annoncé des amendements au projet de loi lorsque des interventions se faisaient ici en commission parlementaire, mais ces amendements, en termes de contenu, nous croyons que, quand on fait des amendements, la structure principale demeure et, si vous voulez faire de l'école le pivot de la réorganisation, nous croyons que vous faites fausse route. C'est pour ces raisons que nous vous demandons de retirer ce projet de loi 40.

Permettez-moi, M. le Président, de lire brièvement le texte d'une pétition signée hier après-midi, très rapidement, par plus de 5200 personnes de la CECM qui dit: Parce qu'il représente un bouleversement des structures inutile et dangereux; parce qu'au lieu de s'attaquer aux vrais problèmes de l'éducation il en crée davantage; parce qu'il opposera les parents au personnel de l'enseignement; parce qu'il compromet la qualité des services éducatifs auxquels la population a droit; parce qu'il ignore la réalité du tissu urbain de Montréal; parce qu'il accentuera les inégalités entre les différents milieux; parce qu'il méprise les personnels de l'éducation et leur organisation syndicale et parce qu'il étouffe, selon nous, la démocratie scolaire... Nous vous déposons officiellement, M. le ministre, la signature d'au-delà de 5200 de nos personnels.

Pour compléter la présentation de notre mémoire, Mme Légaré pourrait indiquer la personne suivante. Je crois que c'est M. Haag...

Le Président (M. Blouin): M. Dubé, vous aurez compris, comme je l'ai dit au début, que les présentations doivent durer une vingtaine de minutes. Comme vous en avez déjà occupé un peu plus d'une dizaine, je considère que les intervenants qui vont maintenant prendre la parole...

M. Dubé: C'est à l'intérieur de notre temps, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Parfait. C'est très bien, M. Dubé. Cela va.

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais me permettre une intervention, s'il vous plaît?

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Vu que nous n'avons pas de règlement strict à ce sujet-là, nous nous en sommes tenus à la norme de 20 minutes dans toute la mesure du possible jusqu'à maintenant, mais sans imposer de contraintes trop rigides. Je suggérerais que, si nécessaire, vu que nous avons cinq syndicats qui sont regroupés dans une même délégation, si cela devait dépasser d'une dizaine de minutes, il n'y aurait pas de scandale en ce qui nous concerne.

Le Président (M. Blouin): C'est exactement l'attitude que nous avons adoptée depuis le début, M. le député d'Argenteuil; dans la mesure où cela excède de quelques minutes, il n'y a pas de difficulté. Allez-y, M. Dubé ou M. Haag.

M. Haag (Dieter): M. le Président, nous, les professionnels des services éducatifs de la CECM, nous étonnons devant le peu de souci, le peu de clarté et de respect avec lesquels le projet de loi 40 traite les services pédagogiques et complémentaires à l'élève. Il les énumère et en reconnaît le droit à l'élève. Par contre, il rend l'accès à ces services plus difficile. Soit dit en passant, la plupart des services mentionnés au chapitre I du projet de loi ont vu le jour à la CECM, élaborés, raffinés et mis en place par des professionnels que l'on appelle trop souvent des non-enseignants, en collaboration avec tous les agents de l'éducation.

En ce qui concerne ces services, nous trouvons le projet de loi 40 très inapproprié et, par conséquent, inacceptable, et ce sur plusieurs plans. Les professionnels de la CECM ont d'ailleurs fait connaître leur point de vue au ministre il y a déjà deux ans. J'en énumère quelques-uns.

Le démantèlement de la CECM, tel que le prévoit le projet de loi sur la table, met en péril une richesse nationale et une banque inégalée de ressources professionnelles, diversifiées, aptes à faire face à des besoins

changeants, évolutifs, collés sur les besoins réels et actuels des élèves, tout en sauvegardant une cohérence et une vue d'ensemble des services à donner à toute la clientèle, clientèle très diversifiée en milieu urbain. Sans qu'il soit nécessaire d'en faire la longue description ici, je me contente de vous dire que la banque est actuellement constituée d'à peu près 500 professionnels d'une trentaine de corps d'emploi et d'une centaine de champs d'intervention spécifiques.

L'éparpillement des ressources professionnelles amènera un isolement professionnel jumelé à de grandes difficultés de perfectionnement, voire à l'impossibilité de se tenir à l'avant-garde de la profession.

Troisièmement, le mode de distribution des services professionnels préconisé par le projet de loi nous amène à un marchandage à la pièce où l'école qui établit ses besoins va à la commission scolaire supermarché qui, elle, aura trop souvent un stock très limité à offrir. Quatrième inquiétude, les bénéfices d'équipes multidisciplinaires d'intervention, bénéfices qui ne sont plus approuvés, seront anéantis et le danger d'un mauvais choix d'intervenants nous guette. C'est le non-initié, le non-expert qui aura à décider de la ressource qu'il faut. Qui sera en mesure de dire que c'est un psychologue ou un psychoéducateur, un conseiller d'orientation ou un animateur en vie étudiante qui sera requis? Ne s'en va-t-on pas vers des ressources généralistes qui ne possèdent plus une expertise spécifique et dont les services ne seraient que superficiels? Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Haag.

Mme Légaré-Richard: Maintenant, M. Bertrand de l'Association des concierges de Montréal, va vous parler.

Le Président (M. Blouin): M. Bertrand.

M. Bertrand (Marcel): M. le Président, je voudrais attirer l'attention des membres de cette commission sur le caractère particulièrement odieux du projet de loi 40 en regard de l'ensemble des personnels des commissions scolaires et de leur association syndicale, particulièrement chez nous à Montréal. L'ambition évidente du projet de loi de vouloir tout réorganiser et tout restructurer dans le monde scolaire va jusqu'à faire fi de nos droits démocratiques et fondamentaux. En effet, même nos structures syndicales se voient menacées. Je ne soulignerais, pour exemple, que le cas du syndicat que je représente au sein de cette coalition, l'Association des concierges du district de Montréal, qui existe par la seule volonté de tous nos membres depuis plus de 40 ans. Nos confrères du personnel manuel de l'entretien ont choisi de former un syndicat bien à eux, pour des raisons qui leur appartiennent. C'est cela la liberté d'association.

Pourtant, l'article 414 stipule que tous les personnels de soutien manuel devront désormais faire partie d'une même unitéd'accréditation syndicale, ce qui aura pour effet, inévitablement, de faire disparaître une association indépendamment de la volonté de ses membres. C'est bien ce qu'on lit aux troisième et quatrième alinéas de cet article 414, puisque la loi y décrète qu'il ne peut exister qu'un seul syndicat de soutien manuel. Faudrait-il soulever un autre exemple de la négation de nos droits syndicaux? L'exclusion de certains personnels de leur unité d'accréditation, c'est pourtant ce que prescrit l'article 415 dans le cas de certaines fonctions de secrétaires, mais là ne se limitent pas nos inquiétudes.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bertrand.

Mme Légaré-Richard: C'est au tour de Camille Belisle, président du Syndicat national des employés de la CECM.

M. Belisle (Camille): Nous avons expliqué notre objection au morcellement du territoire actuel de la CECM. Outre les raisons déjà invoquées, je voudrais expliquer aux membres de la commission pourquoi des commissions scolaires entameraient des problèmes et des coûts additionnels pour des services que nous dispensons déjà, que ce soit à titre de soutien manuel, administratif ou dans le champ des services professionnels. Chacune de ces petites commissions scolaires seraient confrontées à des exigences croissantes de la part des écoles de son territoire. Or, ces commissions divisées ne disposeront pas du bassin des ressources que constitue actuellement la structure unifiée de la CECM. La tentation sera grande alors d'avoir recours à des services externes par le biais de la sous-traitance. Déjà, cette pratique, lorsqu'on y recourt, entraîne des coûts additionnels pour des services que pourraient dispenser des employés réguliers s'ils étaient en nombre suffisant. (20 h 30)

Pourquoi accepter de payer plus à des intermédiaires entrepreneurs privés, alors que ces sommes d'argent seraient mieux réparties en utilisant rationnellement le personnel déjà en place? C'est pourtant ce que favorise le projet de loi 40 lorsqu'il prévoit que les commissions scolaires pourront conclure des ententes avec des organismes et des personnes, plus précisément à l'article 201 ainsi qu'à l'article 119, où il est stipulé que l'école pourra contracter pour la fourniture de services.

M. le Président, on ne peut concevoir

qu'une restructuration s'articule sur d'autres ressources et d'autres structures pour améliorer le système actuel. Une bonne restructuration devrait, selon nous, permettre que le réseau scolaire réponde à ses propres besoins avec ses propres ressources. Mais, ces dispositions du projet de loi sont encore pires lorsqu'elles ouvrent la porte à toutes les formes de patronage, principalement au niveau des écoles qui auront tout à loisir de commander à la pièce leurs services et leurs biens. C'est là une menace de retour aux années sombres des écoles de rang. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M.

Belisle.

Mme Légaré-Richard: M. le Président, le nomadisme urbain de la population montréalaise composée majoritairement de locataires et l'émigration des différents groupes ethniques d'un quartier à l'autre du territoire de la CECM font en sorte que les besoins scolaires se déplacent constamment dans le tissu urbain de Montréal. La CECM, par l'étendue de son territoire et par la diversité professionnelle de son personnel, est en mesure d'ajuster rapidement et adéquatement ses effectifs et ses ressources à cette réalité typiquement urbaine. Une division du territoire actuel de la CECM entre plusieurs petites commissions scolaires rendrait pareille opération difficilement réalisable dans des délais réalistes et selon des méthodes respectueuses des mécanismes de relocalisation prévue dans les décrets.

S'il était toujours possible de concevoir des ententes incessantes entre les petites commissions scolaires pour redistribuer les ressources financières, il n'en va pas de même de la relocalisaiton des ressources humaines. Selon les règles des décrets, le personnel peut être redistribué annuellement à l'intérieur des limites d'une commission scolaire. Cependant, pareil transfert d'effectifs entre plusieurs commissions scolaires n'est pas possible autrement que sous forme de transfert de masses budgétaires. Or, le fonctionnement du bureau régional de placement est ainsi fait que les employés spécialisés, dont les postes seraient abolis, demeureraient en disponibilité dans leur commission scolaire, tandis que les commissions scolaires, devant répondre aux nouveaux besoins, devraient engager et former de nouveaux employés. Une modification éventuelle des règles des décrets ne résoudrait pas ce difficile problème, à moins que cette modification ne fasse en sorte de réunifier les commissions scolaires en un organisme couvrant le territoire de la CECM.

Quand on sait que ce phénomène de nomadisme urbain est incessant à Montréal, on réalise que la division du territoire de la CECM engendrerait une inadéquation aussi incessante que problématique entre les ressources humaines et les besoins du milieu.

M. Dubé: Donc, en d'autres mots, M. le Président, on constate qu'à Montréal il y a une migration de clientèle. Le sud de Montréal s'est parfois vidé pour se déplacer un peu vers le nord, etc. Lorsque les clientèles étudiantes se déplaçaient, les personnels suivaient ces clientèles.

Si vous enferrez dans cinq commissions scolaires distinctes les clientèles de Montréal, le sud étant une partie où les clientèles diminuent, tandis que dans la partie nord de Montréal les clientèles augmentent ou se maintiennent, cela veut donc dire qu'il y a du personnel du sud de Montréal qui se retrouverait en disponibilité quand, en même temps, il y a du personnel de la région nord de Montréal où il y aurait un manque de personnel. À ce moment, les mécanismes de transfert pourraient amener des enseignants, des professionnels, des soutiens ou des concierges à être déplacés sur la rive sud ou la rive nord de Montréal plutôt que de demeurer sur le territoire, comme c'est le cas actuellement.

M. le Président, nous avons une proposition complémentaire à vous déposer, laquelle proposition a été adoptée hier soir, selon l'estimation de Radio-Canada et d'autres services de presse, par plus de 5000 personnes réunies au Palais des congrès. Cette proposition que nous avons à vous soumettre est une proposition, une entente convenue entre les différents syndicats. C'est une proposition qui a reçu l'appui de différents groupes, dont je vous signalerai les noms également. C'est une entente formelle, c'est une alternative au projet de loi 40. Nous ne voyons pas comment faire autrement, pour changer la situation actuelle, pour avoir une réforme scolaire qui réponde aux besoins des Québécois et des Québécoises et qui soit un consensus, nous ne voyons pas que cela puisse se faire à l'intérieur de la proposition de la loi 40 ou des amendements annoncés qui se résumeront seulement à de la dentelle.

La proposition que nous vous faisons est respectueuse des différents intervenants en éducation. Nous vous demandons qu'une fois le projet de loi 40 retiré le gouvernement du Québec mette sur pied une commission d'enquête multipartite composée de représentants du gouvernement, de l'Opposition, des commissions scolaires, des organisations syndicales des personnels, des représentants des parents et des usagers, afin de déterminer les changements nécessaires à apporter au système scolaire, changements fondés sur un consensus large et durable des Québécois et des Québécoises.

Autant la commission Parent il y a une vingtaine d'années a dégagé des consensus et a permis une démocratisation de l'éducation,

autant croyons-nous qu'une telle formule de commission d'enquête placerait la situation au-dessus des parties, au-dessus d'un ministre ou au-dessus du ministère de l'Éducation et permettrait d'amener des changements nécessaires pour la collectivité québécoise.

Donc, l'Alliance des professeurs de Montréal, l'Association des concierges du district de Montréal, l'Association professionnelle des personnels administratifs, le Syndicat des professionnels de la CECM, le Syndicat national des employés d'entretien, l'Association des directeurs d'école de Montréal, le Conseil central de Montréal, le Conseil du civisme de Montréal, qui regroupe plus de 60 associations, le Comité centre-sud de Montréal et la CECM, également, nous soutiennent dans cette revendication. Nous étions donc au-delà de 5000 hier soir et c'est à l'unanimité que nous avons entériné, que nous avons confirmé cette situation.

Permettez-moi une petite parenthèse: Hier après-midi, nous étions en journée pédagogique dans nos écoles et c'étaient les directeurs d'école qui avaient la responsabilité d'animer ces réunions. Il y a eu beaucoup de propos qui ont été tenus à l'égard de cette réunion pédagogique. Je vous signale que le calendrier scolaire contient 200 jours. À l'intérieur des 200 jours, il y a 180 jours de classe soit le minimum réservé aux élèves. Dans notre convention collective, il y a un minimum de 17 journées pédagogiques qui sont accordées aux enseignants - je termine, M. le Président -pour faire de la planification. Nous avons accepté de prendre une demi-journée à l'intérieur de ces 17 journées pour procéder à l'étude du projet de loi 40 et de ses implications à Montréal. Quant aux enfants qui devaient avoir de l'école hier après-midi, cet enseignement est reporté au jeudi matin 19 avril. Je vous souligne que les enfants, par ce biais, recevront une heure d'enseignement de plus qu'ils en auraient reçu le 6 février après-midi. Donc, il n'y a eu de congé pour personne. Le ralliement au Palais des congrès en est un de la coalition et il s'est fait sur notre temps de bénévolat.

Le Président (M. Blouin): Madame, messieurs, merci beaucoup. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la Coalition des syndicats des personnels de la CECM pour le mémoire qu'elle nous a présenté. La coalition ne fait pas mystère de sa position. Elle s'oppose au projet de loi et en demande le retrait. J'ai essayé de comprendre les raisons qui motivaient cette attitude de la part de la coalition en lisant et en relisant avec attention son mémoire et aussi en lisant et en relisant avec attention tous les documents que la CECM, conjointement avec la coalition, a distribué vendredi aux personnels des écoles, lors de la demi-journée de mobilisation qu'elles ont conjointement tenue.

J'avoue que je n'ai pas compris ces raisons car ce que la coalition allègue reflète une lecture inexacte du projet de loi. Je ne reconnais certes pas le projet de loi, après la distorsion et la déformation que le mémoire et les documents dont je parlais lui ont fait subir. Ici, je dois me référer au mémoire et non pas seulement à la présentation orale, forcément résumée, qui nous en a été faite.

Par exemple, je ne reconnais pas dans le projet de loi cette volonté de centraliser tout le pouvoir au sein du ministère de l'Éducation. Je pense que la preuve a été faite à cette commission qu'il n'y a aucun pouvoir additionnel que s'octroie le ministère et que, au contraire, on tente par le projet de loi de faire disparaître ce que les instructions et directives actuelles peuvent avoir d'arbitraire ou de discrétionnaire pour les remplacer, dans toute la mesure du possible, par des règlements qui, justement, élimineront la plupart de ces directives et pouvoirs discrétionnaires.

Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on allègue dans le mémoire que le projet de loi veut soustraire tous les pouvoirs au contrôle de l'Assemblée nationale. La présentation même du projet de loi constitue, je pense, l'antithèse de cette position. Je ne reconnais pas le projet de loi non plus quand on allègue qu'on veut mettre fin au peu de pouvoirs qui restaient au niveau local, alors que le projet de loi continue de reconnaître la commission scolaire comme une instance intermédiaire extrêmement importante chargée de coordonner, de planifier et de contrôler les activités des écoles de son territoire. Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand le mémoire allègue que, d'un côté, il donne trop de pouvoirs aux parents qui, incidemment, dit-on, ne l'avaient jamais demandé et que, d'autre part, du même souffle, on se demande si ces pouvoirs qu'on accorde aux parents sont réels ou illusoires.

Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on lui fait dire qu'il constitue une érosion totale des pouvoirs cédés aux écoles alors que, précisément, pour la première fois, le projet de loi confie aux écoles des responsabilités, limitées certes, mais réelles en matière de pédagogie, en matière d'application et d'implantation des programmes, en matière d'élaboration et de réalisation de projets éducatifs. Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on lui fait dire que, par son intermédiaire, le ministère et le ministre vont aller noyauter les assemblées générales de parents, alors que le mémoire ne dit en aucune façon comment le ministère ou le ministre pourraient bien s'y prendre pour effectuer ce noyautage.

Je ne reconnais pas non plus le projet de loi quand on lui fait dire que la mobilité même de la population urbaine à Montréal rend impensable l'élaboration d'un projet éducatif au niveau de chaque école, alors qu'on oublie que le régime pédagogique est fondamentalement le même pour toutes les écoles du Québec, que les programmes sont fondamentalement les mêmes pour toutes les écoles du Québec en ce qui concerne les objectifs des programmes, en ce qui concerne les contenus notionnels et qu'une marge de manoeuvre, bien sûr, est laissée à la commission scolaire et aux écoles, mais d'une façon limitée qui lui permet justement de donner une coloration locale au projet éducatif. Et le projet de loi, d'ailleurs, n'a rien à l'encontre de cette diversité qui est peut-être le fruit de la mobilité puisque, justement, elle permet à cette diversité de s'exprimer au niveau des projets éducatifs.

En somme, on fait du projet de loi un tableau d'une noirceur absolue et marqué au coin du catastrophisme. En conclusion, le projet de loi apparaît beaucoup plus pour une sorte de roman de science-fiction ou d'anticipation apocalyptique ressemblant peut-être au livre de Orwell, "1984", ou au roman de Marguerite Yourcenar, "L'oeuvre au noir", plutôt qu'à la réalité que veut dépeindre ce projet de loi. Par ailleurs, quand on ne fait pas une lecture inexacte du projet de loi, on se laisse aller à des appréhensions que l'on cultive et que l'on amplifie jusqu'à les croire réelles, jusqu'à se convaincre de leur réalité et à leur conférer un caractère épouvantable, alors que le projet de loi effectue des changements, certes, mais des changements qui n'ont rien de catastrophiques, des changements que les syndicats ont déjà souhaités, des changements qui ont été amplement commentés ici, à cette commission parlementaire, depuis quatre semaines, et qui suscitent d'ailleurs un consensus toujours plus large. Je ne m'en réfère qu'à l'intégration du primaire-secondaire, à la création de commissions scolaires linguistiques, aux nouveaux engagements confessionnels nécessités par la diversité de croyances, d'allégeances, de valeurs croissantes d'une population de moins en moins homogène, à la réduction du nombre des commissions scolaires, tous changements qui, au fond, sont encore plus importants que cette école pivot qui constitue un autre changement et qui sont véritablement ceux qui auront des conséquences, les conséquences les plus importantes en ce qui concerne les conditions de travail des personnels. (20 h 45)

On a dit, à plusieurs reprises à cette commission, que les changements que je viens de mentionner sont opportuns, qu'ils sont souhaitables, mais il semble que la coalition, tout en ayant donné plus ou moins son accord dans le passé à des propositions analogues, refuse maintenant d'en considérer les conséquences. Je pense que le meilleur exemple de ce refus de considérer les conséquences d'un changement souhaité et souhaitable est ce que dit la coalition en ce qui concerne les droits syndicaux. Là aussi, on accuse le gouvernement des plus noirs desseins en l'accusant, par exemple, de vouloir se débarrasser de la CECM afin d'augmenter le pouvoir d'intervention du ministère de l'Éducation, en ne tenant d'ailleurs aucun compte des assurances qui ont déjà été données ici, à cette commission, à la CEQ, à la PACT, à la PART, à la CSN, à la FTQ et en ne tenant aucun compte non plus des engagements déjà pris à cette table et des amendements annoncés.

Je pense qu'il faut alors reprendre patiemment les explications qui ont déjà été données, les garanties et les engagements qui ont déjà été annoncés. Vous me permettrez de les reprendre un par un. Par exemple, concernant la négociation, la coalition prétend que le projet de loi interfère directement dans la libre négociation des conditions de travail et outrepasse notamment les mécanismes actuels de consultation étant donné que le directeur d'école convoque les assemblées, qu'il "décide" - entre guillemets - de la représentation du personnel au conseil d'école et qu'il procède à la formation d'un comité pédagogique. Je pense que c'est là étirer le sens des mots, car si le directeur d'école convoque les assemblées, c'est simplement pour laisser au personnel concerné le soin de prendre les décisions qui les concernent.

Par ailleurs, les dispositions du projet de loi à cet égard n'ont pour objet que de préciser les pouvoirs accordés aux différents intervenants et instances de l'école. Ces dispositions ne visent en aucune façon à jeter au panier des morceaux de convention collective. Les conventions collectives vont continuer d'exister et, lors des futures négociations, les parties pourront continuer de convenir de la manière d'encadrer voire de restreindre les pouvoirs de gérance de l'employeur.

De plus, la loi n'a pas pour but d'empêcher les mécanismes conventionnels de jouer. Par exemple, lorsque les conventions collectives prévoient un comité particulier, tel le comité de participation des enseignants, il reviendra au syndicat de désigner ses représentants.

Deuxième remarque concernant le Code du travail. La coalition indique que le projet de loi s'oppose au Code du travail quand il exclut d'office un certain nombre de personnels de l'unité d'accréditation, à savoir le secrétaire du directeur général ou du directeur du personnel, l'article 415 qu'on vient de rappeler. Sur l'exclusion de certaines personnes de l'unité d'accréditation, j'avoue et j'admets que la remarque de la

Coalition des syndicats de la CECM nous apparaît pertinente, comme je l'ai déjà dit aux autres syndicats. Le législateur, dans la version définitive, devra laisser les commissaires du travail déterminer qui doit être inclus ou exclu de l'unité accréditée et ce, conformément au Code du travail.

Autre remarque concernant les sous-contrats. La coalition est d'avis que le projet de loi contourne les conventions collectives en implantant et en multipliant les recours à la sous-traitance. Sur ce sujet, je dois dire que l'objectif du projet de loi n'est pas d'accentuer la dispensation des services au moyen de la sous-traitance. Cependant, s'il y avait recours à la sous-traitance, les employeurs actuels ou futurs devront appliquer les conventions collectives avant d'y recourir. Ils devront donc respecter les règles que les conventions collectives prévoient et, notamment, celle de l'interdiction de mise à pied.

Une quatrième remarque concernant les libellés d'accréditation. La coalition considère que le projet de loi supprime des droits reconnus dans le Code du travail, lorsqu'il établit une liste fermée concernant les libellés d'accréditation - encore l'article 415. Disons d'abord à ce sujet qu'il est d'usage que le Commissaire du travail accorde les accréditations sur la base de chacune des catégories de personnels, à savoir les enseignants, les professionnels, les employés de soutien et, pour ce dernier groupe, deux sous-catégories distinctes, soit les employés manuels et les employés administratifs.

Or, le projet de loi prévoit une façon de faire qui respecte les pratiques actuelles et il permet de plus, et c'est là son but premier, la réorganisation syndicale dans un délai propre à ce qu'au 1er juillet 1985 les salariés connaissent quel syndicat les représente et quelle convention leur est applicable.

Cinquième remarque concernant le respect des conventions collectives. La coalition précise que le projet de loi interfère dans le domaine de la sécurité d'emploi, notamment à l'occasion de l'établissement du plan d'effectifs de chaque école; deuxièmement, dans l'autonomie professionnelle, vu que le personnel devrait respecter le projet éducatif de l'école, et, troisièmement, qu'il interfère également au chapitre du perfectionnement en raison du fait que le conseil d'école détermine les besoins en perfectionnement.

Je pense qu'il y a lieu de vous rappeler ici que les dispositions du projet de loi ne modifient en rien les différents chapitres des conventions collectives en ce qui concerne les trois sujets que l'on vient de mentionner plus haut. Les conventions collectives seront donc scrupuleusement respectées. Il faut plutôt voir dans ces dispositions du projet de loi des précisions en ce qui a trait aux pouvoirs et devoirs attribués aux différents intervenants et instances qui oeuvrent au sein du milieu scolaire.

Sixième remarque concernant l'utilisation des parents à titre bénévole. La coalition craint que le projet de loi n'attribue un rôle aux parents tel que ceux-ci viennent occuper, à titre bénévole, des emplois détenus actuellement par du personnel de soutien. Eh bien, en ce qui concerne l'utilisation des services de bénévoles au sein de la commission scolaire, il y a lieu de préciser que les conventions collectives vont continuer de s'appliquer et que, pour y recourir - à ces bénévoles - les nouveaux employeurs devront respecter les règles prescrites aux conventions collectives, notamment celle de l'interdiction de mise à pied.

Je vous rappelle aussi les garanties offertes par le gouvernement, qu'il a déposées les 16 et 19 décembre 1983 aux tables de négociation qui regroupaient vos représentants d'associations nationales. J'espère que ceux-ci vous ont fait le message, mais, au cas où ils ne l'auraient pas fait, je vous le répète, lors de ces tables, il a été annoncé à l'avance que les modalités de transfert et d'intégration des personnels seraient négociées, donc feraient l'objet d'ententes. J'ai annoncé un amendement à cet effet au tout début des séances de la commission parlementaire et je confirme cet amendement.

En plus de confirmer cet amendement, je vous résume les principales garanties en termes de transfert à une nouvelle commission scolaire, d'affectation à une école et d'intégration dans un poste, qui ont été communiquées à vos représentants.

Premièrement, tous les salariés enseignants, employés de soutien et professionnels seront transférés aux commissions scolaires nouvelles en conservant les droits et privilèges contenus à leur convention collective. Toutefois, cette garantie ne s'applique pas aux salariés qui occupent un emploi temporaire ou dont l'emploi se termine normalement le 30 juin d'une année scolaire.

Deuxièmement, les enseignants sont d'abord transférés à la nouvelle commission scolaire qui prend charge de l'école ou des écoles où ils travaillent. Comme vous le savez, il y a un moratoire sur les fermetures d'écoles qui commencera à courir dès l'adoption de la loi pour les cinq années qui suivent. À compter du 1er juillet 1985, ils seront affectés auprès des élèves d'une école de la nouvelle commission scolaire en fonction des règles établies à la convention collective qui leur sera applicable à cette date. Les enseignants en disponibilité et les suppléants réguliers seront, quant à eux, tous transférés à l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles de leur territoire en

fonction de la proportion de clientèle étudiante dont chacune prend charge.

Troisièmement, les professionnels et les employés de soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le territoire d'une nouvelle commission scolaire sont intégrés à leur ancien poste en conservant leur classe d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de traitement. Les professionnels et les employés de soutien qui travaillent dans les centres administratifs et dans des écoles situées sur le territoire de plus d'une nouvelle commission scolaire sont intégrés dans leur classe d'emploi à un poste comportant le même nombre d'heures et le même taux de traitement en fonction du choix qu'ils expriment, de leur ancienneté et de leurs qualifications.

Quatrièmement, lors de son transfert ou de son intégration, aucun salarié ne se verra déplacé à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son domicile, toujours conformément aux dispositions de la convention collective actuelle.

Cinquièmement, durant l'année scolaire 1985-1986, aucune mise à pied ni aucune mise en disponibilité d'un employé de soutien et d'un professionnel ne pourra être effectuée. Du côté des enseignants, les mises en disponibilité et les non-rengagements pour l'année scolaire 1985-1986 seront limités à ceux résultant de la prévision de clientèle, des paramètres de la tâche et des règles de formation de groupes d'élèves.

Somme toute, 100% des enseignants vont continuer à travailler dans une école auprès des élèves de leur territoire, selon des modalités identiques à celles qu'on leur appliquait chaque année. Par ailleurs, environ 50% des professionnels et 66% des employés de soutien conserveront leur poste dans la même école. Quant aux employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste de leur classe d'emploi comportant les mêmes heures au même lieu de travail ou dans un lieu différent sans toutefois jamais dépasser un rayon de 50 kilomètres.

Toutes ces conditions, ces garanties ont été offertes et les points qui restent en discussion continuent de faire l'objet de négociations et il est prévisible que nous aboutirons à l'entente qui nous paraît correspondre aux procédures habituelles. (21 heures)

Dans les documents que vous avez distribués à vos personnels, vendredi, vous revenez sur les mêmes sujets, mais en les abordant d'une façon différente. Vous revenez, par exemple, sur le problème de la sécurité d'emploi. Vous prétendez que le découpage du territoire de la CECM en cinq commissions scolaires aura pour effet de diviser par cinq la sécurité d'emploi des employés. Vous craignez qu'il ne sera plus possible d'absorber ainsi une variation de la baisse de clientèle sans que cela ait un effet sur le personnel. Disons d'abord, je l'ai déjà dit, que le nombre d'enseignants continuera d'être fonction de la prévision de clientèle, des paramètres de la tâche et des règles de formation de groupe. Bref, il n'y aura aucun changement par rapport à la situation qui prévaut actuellement en matière de sécurité d'emploi pour ce groupe d'employés. D'autre part, en ce qui concerne les professionnels et les employés de soutien, il faut retenir ce que je disais tout à l'heure, que la situation qui prévaut actuellement en termes d'emploi et de sécurité d'emploi ne sera pas modifiée par la restructuration scolaire.

On peut même dire que cette situation sera améliorée par la garantie dont je parlais tout à l'heure et selon laquelle, durant l'année scolaire 1985-1986, aucune mise à pied ni aucune mise en disponibilité d'un employé de soutien et d'un professionnel ne pourra être effectuée au cours de cette période. Vous êtes revenus aussi sur les responsabilités confiées aux parents, les sous-contrats, sur divers autres sujets. J'ai déjà répondu à vos inquiétudes à ce sujet. Vous revenez sur un autre sujet également, sur l'affectation des ressources humaines. Vous prétendez, dans ces documents que j'ai lus, que le projet de loi ne définit pas les modes de réaffectation du personnel entre les cinq commissions scolaires qui remplaceront la CECM. Là je pense que nous devons à la vérité de dire que la répartition des effectifs des commissions scolaires actuelles envers les nouvelles commissions scolaires, s'effectuera selon un cadre qui est prévu dans le projet de loi. Ce sont en effet les comités de mise en oeuvre d'un territoire qui établiront les besoins en personnel; quant aux modalités de transfert des individus aux nouvelles commissions scolaires, j'ai déjà indiqué au début de la commission parlementaire que ces mécanismes se feront par entente entre les parties à l'échelle nationale. Ces ententes pourront donc prévoir les diverses modalités à ce sujet.

Donc, je crois que vos inquiétudes, vos appréhensions, tout en étant compréhensibles, ne sont pas fondées et que les transferts et les modalités de ces transferts s'effectueront conformément au Code du travail et conformément aux stipulations de la convention collective.

Ajoutons un dernier mot sur une autre de vos inquiétudes, qui concerne le regroupement des services. Le projet de loi prévoit déjà en effet la possibilité pour les nouvelles commissions scolaires de se donner des services en commun qu'elles jugeront nécessaires afin de s'acquitter de leurs responsabilités. Enfin, quant à la répartition des employés de la CECM, dont la spécialisation et l'expertise pourraient être utiles à plus d'une nouvelle commission scolaire, il faut se rappeler que rien dans le projet de loi n'empêche les nouvelles

commissions scolaires de se donner des services communs où l'on pourrait utiliser de tels employés. Vous dites également que le projet de loi méconnaît la réalité urbaine en général et la réalité de Montréal en particulier, qu'elle méconnaît les besoins et les circonstances particulières de la vie à Montréal. Ce n'est pas du tout ma conviction. J'affirme, contrairement à ce que vous dites, que le projet de loi 40 tient compte, au contraire, de la situation particulière de la métropole et de l'île de Montréal.

Le projet de loi 40 prévoit, en effet, remplacer huit commissions scolaires confessionnelles, six catholiques et deux protestantes, de taille très inégale, si l'on se rappelle que la CECM a une clientèle de près de 107 000 élèves, et Verdun une clientèle de 6 000 élèves, selon les données du 30 septembre 1983, donc, que le projet de loi prévoit remplacer huit commissions scolaires confessionnelles par huit commissions scolaires linguistiques, cinq francophones et trois anglophones, de taille sensiblement égale, soit de Z0 000 à 30 000 élèves par commission, ce qui est la taille des plus grosses commissions scolaires au Québec actuellement. Exemple, Jérôme-Le Royer, Chambly, le PSBGM dépassent maintenant à peine 30 000 élèves. Donc, ce ne sont pas de petites commissions scolaires qui seront créées ainsi, mais des commissions scolaires parmi les plus populeuses du Québec. Il est donc relativement faux de prétendre que la CECM sera démembrée en cinq petites commissions scolaires. Il serait plus exact de dire que la clientèle scolaire de la CECM est regroupée avec la clientèle des autres commissions scolaires de l'île de Montréal pour être ensuite réparties dans les huit commissions scolaires nouvelles. Le changement proposé qui implique, rappelons-le, le passage de commissions scolaires confessionnelles à des commissions scolaires linguistiques correspond indéniablement, et on nous l'a beaucoup rappelé à cette commission, à une nouvelle réalité sociale qui tient mieux compte de la diversité des croyances et des allégeances de la population québécoise, qui permettra à la minorité anglophone de contrôler et de gérer ses propres institutions, aussi bien les écoles que les commissions scolaires et qui permettra aux francophones et aux commissions scolaires francophones une intégration culturelle et sociale des Néo-Québécois. Par ailleurs, la proposition du redécoupage de l'île de Montréal demeure perfectible. Il importe seulement que la taille respective de chacune soit sensiblement comparable et que le découpage géographique respecte les caractéristiques socio-économiques des sous-régions, ce que nous avons déjà fait d'ailleurs en procédant à ce découpage qui a été effectué selon les critères que je peux vous mentionner: le respect des frontières municipales: le nombre d'écoles primaires et secondaires, plus ou moins 60, regroupant 30 000 élèves; le respect des frontières naturelles: cours d'eau, parcs et le reste; le respect des territoires protégés de 1867, les barrières artificielles: chemins de fer, autoroutes; la situation et la localisation des communautés ethniques; le respect des communautés sociologiques, le volume des populations scolaires et, finalement, le respect des régions administratives de la CECM, puisqu'il importe de rappeler que c'est la CECM elle-même qui, consciente de cette réalité et du gigantisme de sa taille, a cru nécessaire de diviser son territoire en zones administratives relativement autonomes. C'est la CECM elle-même qui est venue nous le rappeler lors de sa comparution.

Quant au partage des richesses, pour offrir à tous des chances égales, le projet de loi 40, non seulement ne compromet pas ce qui existe actuellement, mais encore il en garantit une meilleure répartition. Il faut d'abord rappeler qu'en vertu des règles budgétaires annuelles, comme c'est le cas actuellement, chaque nouvelle commission scolaire de l'île de Montréal recevra du ministère de l'Éducation une enveloppe budgétaire générale calculée à partir d'un minimum de paramètres qui lui sont propres et qui tiennent compte des caractéristiques particulières de chacune des commissions scolaires. Par exemple, eu égard à sa structure de clientèles, au nombre des écoles à vocation spéciale ou professionnelle, au service d'accueil, au service de francisation, aux milieux économiquement faibles, ainsi, des commissions scolaires de même taille pourront recevoir les ressources financières différentes pour tenir compte de ces caractéristiques. Il est donc faux et tendancieux de prétendre que le redécoupage du territoire de l'île de Montréal compromet le maintien de services, tels que l'opération Renouveau, l'aménagement de classes d'accueil et de francisation pour les immigrants, le développement d'un réseau d'écoles spéciales.

La péréquation pour tenir compte des caractéristiques particulières de chaque école se fera donc à un premier niveau par le ministère de l'Éducation au moyen de l'attribution des ressources, puis ensuite, à un deuxième niveau, par la commission scolaire qui déterminera le montant des ressources allouées à chaque école. En plus des subventions de l'État qui assurent le maintien des services et la péréquation des ressources, chaque commission scolaire pourra continuer de percevoir une taxe scolaire pour des dépenses non subventionnées.

Il est vrai que l'assiette foncière des commissions scolaires varie et que cela pourrait donner lieu à une imposition

foncière différente d'une commission scolaire à l'autre dans l'exercice du pouvoir de taxation équivalant à 6% des dépenses nettes de chaque commission scolaire. Conscient de cette réalité, surtout dans le milieu urbain de Montréal, le projet de loi 40 maintient l'obligation pour le gouvernement de verser une subvention de péréquation à la commission scolaire dont l'évaluation moyenne par élève des immeubles compris dans son assiette foncière est inférieure à l'évaluation provinciale moyenne par élève.

Ainsi, chaque commission scolaire est assurée d'un niveau de ressources comparable pour les dépenses non subventionnées sans que les contribuables d'un secteur soient plus taxés que ceux d'un autre. Par ailleurs, j'étudierai avec attention les recommandations qui me sont faites de confier le pouvoir de taxation sur l'île de Montréal à l'organisme scolaire prévu à l'article 425 du projet de loi, avec obligation pour ce dernier d'en assurer la répartition.

Il importe de souligner ici l'importance des dispositions particulières à l'île de Montréal prévues aux articles 425 et suivants du projet. Ces dispositions créent l'obligation pour le ministre de constituer un organisme régional sur l'île de Montréal pour gérer le service de la dette. De plus, cet organisme pourra exercer d'autres fonctions, soit celles qu'exerce actuellement le Conseil scolaire de l'île de Montréal ou d'autres fonctions que les commissions scolaires de l'île voudront bien lui confier.

Bien que la rédaction du projet puisse soulever quelques ambiguïtés, je tiens à préciser que dans mon esprit et au besoin le texte sera remanié pour l'exprimer plus clairement. La recommandation de la commission de mise en oeuvre à ce sujet liera le ministre. Donc, on ne s'en remet pas ici à l'arbitraire du ministre, comme on l'a prétendu. Il en est de même pour la modification ou la révocation de l'acte d'établissement de cet organisme régional qui ne pourra se faire qu'à la demande d'une majorité de commissions scolaires et seulement conformément à cette demande. Là aussi, le ministre aura les mains liées par les recommandations qui lui seront faites par une majorité de commissions scolaires.

Certains me reprochent de ne pas spécifier dans la loi les attributions spécifiques d'un tel organisme régional. Cette critique m'apparaît pour le moins curieuse puisqu'elle me semble contredire les renvendications des commissions scolaires qui exigent avec force le respect de leur autonomie. Dans mon esprit, les propositions particulières du projet pour l'île de Montréal vont dans le sens de ces revendications en laissant aux commissions scolaires de l'île la souplesse requise pour confier à un organisme régional les tâches qu'elles estimeront préférable de confier pour exécution à un palier régional.

Compte tenu des propos entendus à la commission parlementaire selon lesquels certains services scolaires doivent être dispensés à un palier régional, il m'apparaît assez évident que les commissions scolaires de l'île voudront confier à cet organisme les fonctions de coordination et de gestion, de services en commun qu'elles estimeront - et non pas que le ministre jugera - utile, voire nécessaire de regrouper pour mieux réaliser le mandat général que leur confie le législateur. Par exemple, on peut assez facilement prévoir qu'il en sera ainsi pour la coordination des écoles à vocation spéciale et des services spéciaux en milieux économiquement faibles, ainsi que pour la gestion en commun de services d'informatique, d'architecture, d'ingénierie, etc.

Je crois donc que le projet de loi est arrivé en ville, pour paraphraser certains propos qui ont été tenus à cette commission parlementaire. Le projet me paraît même préférable à la situation actuelle puisqu'il tient compte des réalités et des exigences de l'île de Montréal et non seulement de celles de la ville de Montréal. Il faut se rappeler, en effet, que le Québec a une île métropolitaine et non pas seulement une ville-métropole. (21 h 15)

En conclusion, je me vois forcé de répondre par la négative à la demande que vous me faites de retirer le projet de loi. Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, accords de plus en plus larges sur des dispositions fondamentales du projet de loi, évolution vers une acceptation d'un rôle plus grand confié à l'école, d'un rôle plus grand confié à une équipe-école travaillant en concertation pour l'élaboration et la réalisation d'un projet éducatif, vers la création de commissions scolaires chargées de la coordination de la planification et du contrôle des écoles, en fonction également de tous les mérites de l'intégration des niveaux primaire et secondaire, de la réduction du nombre des commissions scolaires, des nouveaux aménagements confessionnels, je pense qu'il est impossible de penser que ce projet de loi sera retiré. Je réponds de la même façon négative à la demande que vous me faites de la création d'une autre commission d'enquête.

Les commissions d'enquête sur la restructuration de notre système scolaire se multiplient depuis une vingtaine d'années. Il y a d'abord eu la commission Parent qui faisait des recommandations très précises déjà à ce sujet. Par la suite, il y a eu d'autres livres verts, d'autres livres blancs, d'autres tournées de consultation. Il y a même eu des projets de loi présentés successivement par plusieurs ministres de plusieurs gouvernements: loi 62, loi 28, loi 71, etc. Même en ce qui concerne le projet

de loi 40, il y a déjà trois ans que la population est au courant des principales orientations de ce projet, de ses tenants, de ses aboutissants. Il a été discuté abondamment par tout ce que le Québec compte de comités d'école, de commissions scolaires, de cadres scolaires, de groupes de toutes sortes. Je pense que le débat a suffisamment été tenu. Je pense que les opinions se sont relativement faites. Je pense, en somme, qu'il est temps d'apporter une réponse à des problèmes réels qui n'ont pas été réglés depuis 15 ou 20 ans et qu'il importe enfin de procurer à la population du Québec une politique scolaire qui non seulement réglera les problèmes laissés en suspens mais qui fera en sorte que le système scolaire, par un rôle plus grand dévolu à l'école, pourra enfin contribuer à apporter une éducation de qualité, une formation de qualité à nos populations montantes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Un commentaire, M. Dubé. Oui.

M. Dubé: Comme commentaire, disons qu'on voudrait vous remercier de tant de bonté. Nous allons crouler sous ce poids, M. le ministre. Je n'arrive pas à comprendre comment vous pouvez rejeter du revers de la main des positions de 6000, 7000, 8000, 9000 personnes de différentes associations. Comment pouvez-vous rejeter cela du revers de la main? Dans un premier geste, vous nous dites distorsion, mauvaise lecture. Vous êtes le seul à avoir le pas et à lire correctement votre projet. M. le ministre, l'an passé, vous nous disiez qu'on ne comprenait pas vos décrets. On les vit dans le moment. C'est ce que nous avions prévu qui se vit, M. le ministre. Ce n'est pas gai dans nos écoles. L'an passé, on est venu vous dire en commission parlementaire que le nombre de groupes qu'auront les enseignants au secondaire serait épouvantable. On est venu se faire donner de savantes explications par vos sous-ministres ici, en commission parlementaire, se faire dire qu'il y avait d'autres formules. Nous le vivons dans nos écoles, M. le ministre. Nous vivons des cas de violence particulièrement graves. Nous avons à garder dans nos écoles des élèves que les institutions spécialisées ne peuvent recevoir parce que ces élèves sont trop difficiles. Je pourrais vous parler de la violence à la polyvalente Jeanne-Mance, avec un personnel enseignant et une direction dévoués, etc., qui se font frapper, qui se font attaquer par des intrus, par de prétendus parents ou tuteurs. Ce n'est pas un seul cas, M. le Président. C'est de façon quotidienne et régulière. Les problèmes urgents de l'école, ils sont là, ce sont ceux-là qui sont à corriger.

Vous nous avez aussi donné l'impression, dans un premier temps, M. le ministre, que notre revendication était fondée sur la question de la sécurité d'emploi et que vous vous occupiez tellement de nous qu'il n'était plus nécessaire qu'on ait même une association tellement vous nous donniez de la bonté. Le fond de notre mémoire est sur les services à la population. Qu'en avez-vous dit et qu'en avez-vous fait? M. le ministre, nous croyons que les promesses que vous nous faites sont aussi valides que la signature que votre gouvernement avait mise au bas des conventions collectives ces dernières années. Lorsque, à ce moment-ci, vous nous parlez de conventions collectives et vous dites que les conventions collectives seront respectées, permettez-moi de vous rappeler respectueusement que ce sont des décrets et que vous les avez écrits en fonction du projet de loi 40. Quel genre de protection avons-nous à l'intérieur de cela? Nous croyons que la population montréalaise et la population du Québec méritent mieux que le projet de loi 40.

En dernier lieu, M. le Président, je suis outré qu'encore une fois, on laisse percevoir qu'il y a une distorsion entre nos représentants syndicaux et nos membres. Nous avons été informés par la Centrale de l'enseignement du Québec, par la CSN ou par la FTQ des propositions de relocalisation de personnel, etc. Nos membres connaissent ces propositions. Ils ont refusé de négocier ces propositions parce que nous refusons à la base même le projet de loi 40. Avez-vous déjà vu une seule entreprise au monde, une seule organisation au monde qui se fout éperdument de son personnel et qui le balance comme cela? Votre projet de loi nous ignore totalement comme individus responsables. Nous travaillons dans le système, nous nous saignons à blanc chaque jour pour dispenser des services de qualité à la population québécoise et montréalaise. Vous nous laissez de côté comme cela du revers de la main.

M. le ministre, j'aurais pensé que, ce soir, nous n'aurions pas ici qu'un monologue, mais qu'il puisse y avoir un dialogue. Je perçois que vous avez utilisé l'ensemble du temps pour révoquer des propos que nous n'avons pas tenus, pour déformer d'autres propos que nous avons tenus et également pour faire des promesses à l'intérieur de points de suspension. Nous sommes désolés, M. le ministre, que vous ayez refusé sur le champ, comme cela, sans autre analyse avec le Conseil des ministres ou autre, la proposition alternative que nous vous présentions. C'est une proposition qui aurait permis à la population du Québec, au gouvernement et aux organisations de faire un consensus, non pas le consensus que vous voulez, non pas le consensus que vous déterminez. Je sais que, chaque fois que vous tirez un consensus, c'est le vôtre, mais

serait-il possible qu'une fois on puisse tirer le consensus de la population? Je vous mettrais au défi de faire un référendum sur cette question de restructuration scolaire et je suis certain que votre projet de loi 40 serait rejeté amplement par la population. On est prêt à relever ce défi. On est prêt à assumer ce défi.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'ai remarqué que le ministre était singulièrement plus loquace lorsqu'il s'agissait de traiter des problèmes de la Commission des écoles catholiques de Montréal, qu'il a peu étudiés, d'après ce qu'on peut constater par le projet de loi 40, que lorsqu'il s'agit de nous informer de ce qui se passe dans son ministère. Cet après-midi, nous voulions faire parler le ministre sur des choses qui sont en train de se passer à l'intérieur du ministère en matière d'éducation des adultes. C'est à peine si on a pu lui arracher un non après de longues minutes de tiraillements. J'ai vu que, ce soir, il avait retrouvé la parole pour traiter des problèmes que vous avez soulevés d'une manière que je me permettrai de discuter à mon tour.

Il y a une chose que je regrette moi aussi, c'est que le ministre envoie promener du revers de la main une proposition qui émane quand même d'une coalition de syndicats responsables qui ont eux-mêmes reçu l'approbation d'une assemblée à laquelle étaient présentes au-delà de 5000 personnes, d'après ce que nous avons vu dans les journaux aujourd'hui. J'ai eu l'occasion, M. le ministre, de participer à certaines réunions de l'alliance au cours de la dernière année; vous aussi, une fois, nous y fûmes ensemble. Je crois qu'on doit témoigner que l'alliance, en particulier - je pense que la même remarque s'applique aux autres syndicats, quoique nous n'ayons pas eu de contact aussi direct avec les autres à propos des questions que nous discutons ce soir - a fait montre d'un esprit de recherche et de réceptivité au cours de la dernière année qui mériterait au moins d'être souligné.

Il y a une chose que j'ai remarqué depuis le début des audiences de la commission parlementaire: il y a plusieurs centrales syndicales qui sont venues et je remarque un changement de ton très important. Cela n'empêche pas d'être vigoureux et énergique, c'est une autre affaire, mais on voit qu'ils s'intéressent au fond des choses et qu'ils ne viennent pas nous servir des refrains auxquels nous étions devenus si habitués que nous y portions parfois moins d'attention. Quand on venait nous servir de la rhétorique réchauffée, cela avait moins d'impact; mais depuis que les travaux de la commission parlementaire sont commencés, c'est un autre genre de langage qu'on nous a tenu, ce sont des propos qui se relient directement au sujet que nous traitons. Je les ai trouvés, dans l'ensemble, éminemment pertinents, y compris ceux qu'on nous a servis ce soir.

Une première leçon que je tire de ce que nous avons entendu, c'est qu'à Montréal, à tout le moins, il n'y a certainement pas de consensus autour du projet du ministre, je pense que c'est un rejet très général. Si on fait le tour d'un certain nombre d'organismes qui ont exprimé leur opinion, on voit ce qui suit. La Commission des écoles protestantes est venue ici nous dire qu'elle ne voulait pas du projet de loi, la Commission des écoles catholiques de Montréal est venue nous dire la même chose ainsi que la commission scolaire du Lakeshore, la commission scolaire de Sainte-Croix, la commission scolaire de Verdun, la commission scolaire Jérôme-Le Royer et la commission scolaire Sault-Saint-Louis. Elles ont toutes dit qu'elles ne voulaient pas du projet de loi.

L'Association des professeurs catholiques de langue anglaise, qui recrute le gros de ses effectifs à Montréal, est venue nous dire la même chose sur le fond, surtout en ce qui touche l'équilibre des pouvoirs proposés dans le projet de loi. La chambre de commerce n'a pas daigné venir, mais elle a envoyé un message qui dit exactement la même chose. Le Board of trade, c'est la même chose. Le Conseil central des syndicats nationaux, je pense qu'il est dans votre groupe, la FTQ est venue et nous a dit la même chose. On ne parle pas beaucoup de Mgr Grégoire, c'est quand même l'archevêque de Montréal qui a dit bien simplement - Mgr Grégoire n'est pas un homme qui fait beaucoup de bruit - qu'il a posé des questions auxquelles il n'a jamais reçu de réponse. Cela reste vrai, chacun ses raisons.

Là, nous discutons de l'existence d'un consensus à Montréal. S'il existe un consensus, je crois qu'il va dans le sens d'une opposition générale ou de réserves très importantes à l'encontre du projet de loi. On pourrait parler du Congrès juif canadien, qui nous a adressé un mémoire; il devait nous le présenter un soir mais il a été reporté à plus tard, parce que nous avions consacré plus de temps à d'autres organismes. C'était la même réaction. Je recevais un appel, aujourd'hui même, d'un collaborateur de l'évêque de l'Église anglicane à Montréal, Mgr Hollis qui nous disait la même chose: on a envoyé un mémoire sur lequel on tient à attirer votre attention. Ils n'ont pas demandé à venir ici, ils ont quand même envoyé un mémoire qui exprime des réserves très sérieuses.

C'est une première constatation qu'on doit enregistrer. Il se peut, comme l'a dit le président de l'alliance, M. Dubé, que le ministre soit le seul à savoir lire contre tout

ce monde-là, mais vous auriez un problème d'analphabétisme terrible. J'aime mieux considérer que c'est peut-être le ministre qui n'a pas les bonnes lunettes dans ce cas-ci, parce qu'il sait lire. Peut-être que ses lunettes ne sont pas bonnes. Il y gagnerait peut-être à prendre les lunettes à travers lesquelles un très grand nombre d'organismes de la région de Montréal voient ce problème; je pense que cela l'amènerait à une attitude un peu plus faite d'empathie à l'endroit des points de vue qui lui sont exprimés.

Dans le mémoire que vous avez présenté, je trouve qu'il y a deux positions de fond. Il y a d'abord le diagnostic général que vous portez sur l'ensemble du projet de loi 40. Vous dites que ce projet de loi va entraîner une centralisation accrue au bénéfice du ministère de l'Éducation, qu'il comporte une émasculation des commissions scolaires, des attributions dont elles ont besoin pour s'acquitter de leurs fonctions, qu'il crée un équilibre malsain à l'intérieur même de l'école, un partage des responsabilités qui sera une source de conflits et de tensions perpétuelles. (21 h 30)

Sur ce point, sur le diagnostic général que vous portez à propos du projet de loi 40, je voudrais vous dire que vous n'êtes pas les seuls. Je pense que la très grande majorité des organismes compétents en éducation qui se sont présentés devant la commission parlementaire depuis le début ont soutenu substantiellement la même position. Cela a été le cas de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, de la Centrale de l'enseignement du Québec, de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires catholiques, de l'Association des cadres scolaires du Québec, des professeurs de la Faculté d'éducation de McGill, de la Provincial Association of Catholic Teachers, de la Provincial Association of Protestant Teachers, de l'Institut canadien d'éducation des adultes, de nombreuses commissions scolaires particulières qui sont venues ici et, en particulier, l'autre jour, de la commission scolaire Jérôme-Le Royer qui est venue présenter un mémoire très étoffé qui invitait le gouvernement à reconsidérer sérieusement des aspects fondamentaux de son projet de loi.

Sur ce point-ci, par exemple, vous êtes en bonne compagnie. Je pense que votre lecture du projet de loi est réaliste et juste aussi. Elle est dure, mais je pense qu'elle est juste parce qu'elle dit ce qui doit être dit à ce sujet. De notre côté, je pense que vous le savez pour avoir suivi les travaux de la commission parlementaire depuis le début, même les travaux qui l'ont précédée, c'est aussi notre diagnostic général.

Le deuxième thème que vous traitez dans votre mémoire, c'est celui qui se rattache à la dimension de la CECM. Vous plaidez pour le maintien du territoire actuel de la CECM. Je ne pense pas que vous disiez non à toute forme de changements. Vous dites: On veut que ce soit étudié plus sérieusement que cela ne l'a été pour la confection du projet de loi 40, mais en attendant, vous dites: Maintenons la structure qui existe. Vous la défendez aussi. À ce sujet, je pense qu'il est important de rappeler les avantages du territoire actuel, les avantages d'une commission scolaire qui a une dimension plus large que les commissions scolaires moyennes dont on rêve de la formation à travers le Québec. Vous les avez mentionnés, mais je pense que c'est bon de les résumer brièvement: d'abord, ça permet la constitution d'un réservoir de ressources professionnelles administratives, pédagogiques et techniques plus étendues qui permet de faire face aux besoins diversifiés qui se posent sur l'ensemble du territoire. Je pense que ça n'exclut pas une saine décentralisation, mais ça permet, de toute évidence, de faire face à des réalités comme celle-là.

Aujourd'hui, on assiste de plus en plus à des regroupements, on l'a vu au cours des dix dernières années. Cela s'est fait avec une rapidité et une régularité absolument renversantes. Les entités de petite taille ont plus de misère à faire face à bien des défis qui se posent, en particulier dans les grands centres urbains. C'est un avantage incontestable. On peut énumérer un avantage contraire. Je sais très bien, cela fait partie du débat que nous devons avoir, je pense qu'il faut rappeler clairement les éléments qui militent en faveur d'une très grande prudence avant qu'on ne démantèle ici l'argument de péréquation financière, professionnelle et technique qui vient se joindre à ça, qui permet à une grande entité de faire face à ces poches de développement inégal qu'on trouve à l'échelle d'un grand territoire urbain et qu'il serait plus difficile d'affronter si on devait avoir cinq unités différentes, comme on le propose.

Le ministre oppose à cela l'argument qu'il existe déjà huit ou neuf commissions scolaires. Je pense que ce n'est pas un bon argument parce que tout le monde sait que certaines commissions scolaires sont trop petites actuellement et qu'il faudrait des regroupements. Je pense que tout le monde est d'accord depuis longtemps que dans les parties sud-ouest et nord-ouest de Montréal il y a certains regroupements qui s'imposent et que même certains ajustements territoriaux devraient être envisagés dans ce qui constitue le territoire actuel de la CECM. Je pense que ce sont des questions qui ne doivent pas être fermées, mais le point, c'est qu'il faut une entité à Montréal qui ait plus de taille que les autres.

Chaque fois qu'on a discuté, d'ailleurs,

M. le ministre, du réaménagement des frontières urbaines à Montréal, il a toujours été convenu qu'il fallait garder une entité municipale majeure, qui s'appelle la ville de Montréal, parce qu'il y avait des problèmes spéciaux, que ça prenait une taille plus grande pour les initiatives à envisager et je pense que ça vaut également dans le domaine scolaire. On a entendu ces arguments à combien de reprises depuis 25 ans? Je pense qu'ils sont bons à part cela. Ce n'est pas pour rien qu'on n'a jamais réussi à enfoncer la structure de la ville de Montréal, sauf des affaires mineures, encore une fois, parce qu'il y a des raisons économiques, sociologiques, politiques, culturelles qui militent en faveur d'une entité administrative plus grande. Je pense que c'est également vrai dans le domaine scolaire. Vous avez mentionné qu'une entité plus large est une réponse plus efficace au nomadisme de la population urbaine. C'est sûr que cela saute aux yeux que, si vous déménagez tout en restant dans le même territoire scolaire, cela facilite énormément les choses pour les enfants et leur famille, pour la fourniture d'un certain nombre de services spécialisés. Cela devrait être envisagé à l'échelle du territoire: éducation des adultes, services aux milieux moins favorisés, services spéciaux pour les immigrants, innovation pédagogique, etc. Je pense que cela va de soi.

Il y a un argument auquel le ministre n'a pas répondu dans les débats que nous avons eus jusqu'à maintenant et qui ne manque pas d'importance. Il nous avait été soumis par la Commission des écoles catholiques de Montréal dans le mémoire qu'elle nous a présenté il y a quelque temps; ce sont les économies d'échelle. Je pense que M. Haag ou M. Dubé en a parlé un peu tantôt; je ne me souviens pas lequel des deux. On nous a établi - cela n'a pas été réfuté par le ministère, parce que je pense que ce sont des données qui proviennent de statistiques émanant du ministère de l'Éducation - que les cadres et les hors cadres, à la Commission des écoles catholiques de Montréal, représentent 1% du personnel total, tandis que, pour l'ensemble du Québec, la moyenne est de 2,9%. Les professionnels non enseignants - je m'excuse de reprendre cette expression que j'emprunte au rapport que vous ne sembliez pas priser spécialement tantôt - à la CECM, le pourcentage est de 4,5%. Pour l'ensemble du Québec, je pense que c'est la moyenne - je ne sais pas si cela comprend la CECM ou cela l'exclut; on pourra nous l'expliquer - en tout cas, c'est 5,9%. Si cela comprend la CECM, cela veut dire que l'écart serait plus grand encore. Si cela ne la comprend pas, l'écart devrait être plus grand inversement. Direction d'école et adjoints, CECM, 4%; moyenne provinciale, 5,5%. Par conséquent, il y a, suivant les statistiques dont nous disposons, une économie d'échelle importante qui peut être réalisée par une entité administrative plus grande. Avant de sabrer là-dedans, je pense qu'il faut que le gouvernement fasse la preuve que ce qu'il va proposer va être véritablement meilleur.

Je donne un dernier argument. La taille de la Commission des écoles catholiques de Montréal n'a rien d'alarmant ou d'inquiétant quand on la compare à la taille d'organismes chargés d'administrer des écoles dans des territoires urbains correspondants. J'ai déjà cité ici même le cas de Vancouver, le cas d'Edmonton, le cas de Winnipeg, le cas de Toronto. On ajoute, dans le mémoire qu'on nous soumet aujourd'hui, le cas de New York, le cas de Chicago, le cas de Philadelphie. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de grands territoires urbains, M. le ministre, où on ait opté pour la solution qui semble vous remplir d'assurance.

Devant ces faits, je pense que le fardeau de la preuve incombe à celui qui veut faire le changement contre la volonté générale. Il me semble que c'est clair, c'est une règle de logique et de débat public élémentaire. Tout un dossier est là sur la table, disponible pour tout le monde. J'écoutais le ministre tantôt et la preuve n'a pas été faite. Tout ce que le ministre dit: Vous ne m'avez pas prouvé que je vous ferais du tort en faisant ceci. On veut qu'il nous prouve comment ce qu'il nous propose va être meilleur pour l'éducation. On n'a absolument aucune espèce de preuve que toute cette banque d'expériences, de ressources, de mises en commun, d'initiatives qui a permis tellement souvent, dans le passé, à la CECM d'être à l'avant-garde du développement éducatif va pouvoir se transmettre et se conserver intacte avec les changements qu'on envisage. Ce que j'ai entendu dire le plus souvent, c'est que si on fait des commissions scolaires d'une taille moyenne d'à peu près 35 000 - actuellement, je pense que c'est autour de 100 000 - on pourra offrir les services de base à ce que j'appellerais la clientèle étudiante ordinaire, moyenne. On pourra les offrir dans des conditions fort convenables. Mais, dès qu'on arrivera au point où il faudra transiger avec les problèmes spéciaux d'une région métropolitaine comme Montréal, je pense qu'on va être complètement débalancé; on va être complètement incapable, avec une fragmentation comme celle-là, de faire face aux défis. Le ministre nous dit: On pourra transférer cela à l'organisme sur lequel il va y avoir une supervision immédiate. Je ne le pense pas. Cet organisme ne sera pas du tout dans les opérations.

Encore une fois, cela nous ramène au débat que nous avons eu cet après-midi. On ne peut pas séparer au couteau les opérations dans le domaine scolaire et tous

les services spéciaux qui sont envisagés. Ils doivent se greffer à l'ensemble, à toute la gamme des services qui sont offerts par un réseau; on ne peut pas dire qu'il y aura un plateau spécial qui relèvera de cet organisme. D'ailleurs, au Conseil scolaire de l'île de Montréal, on remarque que, chaque fois que le conseil scolaire a voulu mettre la main sur des activités pédagogiques, il a dû faire face à une résistance très forte de la part des commissions scolaires constituantes parce qu'elles voyaient ces activités comme un prolongement de la... Elles ont dit: Vous vous cantonnez dans votre rôle de fiscalité, de péréquation financière. Chaque fois qu'elles ont voulu déborder, cela a créé des difficultés. D'ailleurs, cela n'a pas eu beaucoup de résultats. En somme, c'est le dossier devant lequel nous sommes placés. Je pense qu'il y a beaucoup à faire pour que le gouvernement fasse la preuve du bien-fondé de son désir d'imposer un changement aussi considérable.

Je pense que les études qui s'imposaient n'ont pas été faites. Dans ce sens, nous autres, je vais vous dire où nous en étions. Nous ne voulons pas empêcher systématiquement le projet de loi 40. Si le gouvernement amende le projet de loi 40 de manière qu'il réponde à nos attentes, nous sommes prêts à le regarder positivement, mais nous avons dit au gouvernement: Même dans cette hypothèse, soyez bien prudent avant de toucher au territoire de la CECM, au territoire de la Commission des écoles protestantes de Montréal. Il y a d'autres problèmes, en plus que ceux dont nous parlons ce soir, et ce sont des problèmes juridiques constitutionnels extrêmement complexes. En toute hypothèse, je ne pense pas que, si jamais le projet de loi devait devenir loi, la réforme devrait s'appliquer à Montréal avant deux ou trois ans pour laisser le temps aux causes qui sont devant les tribunaux de suivre leur cours. Cela donnerait tout le temps voulu de procéder aux études plus approfondies dont vous parlez. C'est pour cela que je m'étonne moi aussi que le ministre ait renvoyé du revers de la main, d'une manière aussi catégorique et sans étude, la suggestion que vous avez faite. C'est la question que je vais vous poser d'ailleurs, je ne sais pas si la formule que vous proposez est la seule digne d'être retenue, mais il me semble que l'idée de groupes de travail, l'idée d'un rapprochement, d'un dialogue beaucoup plus sérieux entre le ministre et les organismes à vocation éducative de la région de Montréal, serait une nécessité absolument impérieuse. C'est l'essentiel de la position que nous envisageons du côté de l'Opposition.

Je voudrais vous demander si la commission dont vous proposez la formation, c'est plutôt un groupe de travail, une commission solennelle, c'est bien rare qu'on va voir une commission d'enquête composée de représentants du gouvernement et de l'Opposition. En général, une commission d'enquête est formée de personnes qui ne sont ni du gouvernement ni de l'Opposition. On nomme des personnes qui sont censées réputées pour leur impartialité; leur aptitude à comprendre les problèmes qui feront la matière de l'enquête et on leur dit: Allez voir cela. Pourriez-vous nous donner un peu d'explications sur le cheminement qui vous a conduits à faire cette proposition et nous dire de manière peut-être un peu plus précise en quoi il consisterait?

Le Président (M. Blouin): M. Dubé.

M. Dubé: Très bien. D'abord, si vous me permettez, brièvement, en regard de la question de la péréquation et de ce que vous avez signalé, de ce que le ministre abordait tout à l'heure, le ministre disait: Lorsque les commissions scolaires le voudront, elles pourront remettre un certain nombre de questions en commun. Le problème, c'est que les riches ou les mieux organisés ne sentiront pas le besoin de remettre ces problèmes en commun et les plus démunis resteront avec leurs problèmes. Donc, une désorganisation de Montréal, une disparition de la péréquation de Montréal et sans une obligation de coordination, etc., fait en sorte que les inégalités sociales s'accentueront. Première courte remarque sur cette question.

Deuxièmement, à l'égard de notre proposition, évidemment, nous y avons laissé là place à une contre-proposition ou un autre point de vue du gouvernement ou encore de l'Opposition. Nous ne voulons pas d'un comité d'étude. Par exemple, le livre vert. Par exemple, les recherches que le gouvernement a amenées à l'intérieur du ministère de façon qu'on pourrait qualifier "d'autonome" entre guillemets. Nous voulons un groupe d'étude dûment mandaté par le Parlement ou par le gouvernement, qui ferait vraiment une recherche et qu'il y ait un engagement de dégager un consensus et que le gouvernement s'engage à appliquer le consensus à la fin. Nous n'avions pas d'opposition au fait qu'il y ait quelqu'un du gouvernement comme membre de cette commission, un de ses représentants pour véhiculer le point de vue du ministre. D'ailleurs, nous n'avons pas d'opposition non plus au fait que les autres représentants au Parlement puissent être présents là, mais il nous semble que les impératifs, telles les organisations scolaires, les organisations syndicales, auraient pu être là, si cette commission, le gouvernement avait daigné l'entourer d'experts, pour faire une recherche, une analyse et des recommandations. Nous sommes réceptifs à toutes ces formules, mais ce que nous ne voulons pas, c'est un autre décret, une autre loi spéciale contre la volonté des groupes

et de la population. (21 h 45)

C'est assez les changements imposés, on en a assez. Ce n'est pas pour rien que dans une courte semaine on a fait appel à nos gens pour se réunir au Palais des congrès et qu'on y a rallié 5000 personnes un certain soir. Cela doit être particulièrement significatif. Lorsqu'on convoque des assemblées sur d'autres questions, on atteint 2000, 2500, 1500 et après deux à trois semaines de mobilisation, un mois, deux mois de mobilisation. Dans une seule semaine, c'est ce qui s'est passé. Cela doit être significatif et alarmant. Nous avons là une alternative. Que le gouvernement nous en propose une autre. On est prêt à la regarder. Ce qu'on se refuse à regarder, c'est l'imposition d'un autre décret.

M. Ryan: M. Dubé ou les autres collègues qui vous accompagnent, nous entendons la remarque suivante au sujet de votre initiative. On dit: L'alliance veut sauver sa peau. Les syndicats veulent défendre leurs intérêts. Ce n'est pas le bien de l'éducation et ce n'est pas la nécessité d'une entité institutionnelle plus large à Montréal qui les intéressent. Elle veut conserver son statu quo et leurs privilèges. Que répondez-vous à cela?

M. Dubé: Si la partie gouvernementale assume cette hypothèse, c'est qu'elle connaît mal les réalités.

M. Laurin: M. le Président, question de règlement. Je n'ai jamais prétendu le moindrement que cette phrase était assumée par le gouvernement. Jamais!

M. Dubé: Je n'ai pas dit qu'elle était assumée, j'ai dit: Si la partie gouvernementale l'assume.

M. Laurin: Mais vous le laissiez entendre dans votre réponse.

M. Dubé: Donc, vous me dites que vous ne l'assumez pas, mais pour compléter là-dessus, je veux signaler que Maurice Duplessis, en 1949, a décertifié l'alliance. Nous avons vécu comme mouvement illégal durant plus de dix ans. Nous avons fait comme Solidarité en Pologne et nous sommes encore là aujourd'hui. De plus, lorsque le ministre décidera et s'il décide de morceler la CECM en cinq morceaux, eh bien, si les membres désirent conserver leur association de professionnels, leur association d'enseignants, leur association d'entretien, leur association de soutien, ils pourront le faire. J'en veux pour exemple le Syndicat des enseignants de Champlain, sur la rive sud de Montréal, qui représente des enseignants dans cinq commissions scolaires. J'en veux pour exemple le Syndicat des enseignants de la région de Mille-Îles qui représente des enseignants et du personnel de soutien et de professionnels dans neuf commissions scolaires distinctes. Donc, de par la volonté des membres, toutes nos associations pourront vivre, sauf une, l'association des concierges, parce que dans le projet de loi, il est prévu l'opération de se regrouper à l'intérieur des soutiens. Comme ils sont en minorité, la loi du nombre jouant, cette association disparaîtrait. Donc, ce n'est pas par égoïsme que nous nous opposons au projet de loi 40, pour fins de nos organisations syndicales. On serait capable de vivre et de survivre au-delà des volontés des gouvernements qui voudront nous désorganiser, si tel en était le cas.

M. Ryan: Je voudrais simplement ajouter une remarque, et laisser la parole à d'autres. Nous ne posons pas de questions sur toute la partie de votre mémoire qui traite des droits syndicaux, non pas par manque d'intérêt, mais parce que nous comprenons. Le ministre a fait une réponse très longue à cette partie de votre mémoire. Nous comprenons que des négociations sont en cours avec différentes organisations sur cette question-là et nous ne voulons pas jouer la mouche du coche dans ces affaires-là. Si des problèmes insurmontables surgissent en cours de route, nous sommes toujours intéressés à les examiner, mais nous ne prétendons pas nous immiscer dans le processus de négociation tant qu'il est en marche. Par conséquent, je ne voudrais pas que vous pensiez que c'est par manque d'intérêt, mais parce que nous ne voulons pas compliquer des choses dont nous souhaitons vivement qu'elles puissent être abordées de manière réaliste par le truchement de la négociation, tout en tenant compte du fait que le projet de loi lui-même dans son fond soulève des problèmes et des difficultés qui vont bien au-delà des difficultés d'ordre syndical que vous avez soulevées.

M. Dubé: Très bien, M. le député. Permettez-moi de signaler également que notre intervention, on la fait, évidemment, comme syndicalistes, comme représentants de nos membres - c'est notre premier mandat -mais on la fait aussi comme citoyens du Québec et comme parents, parce que nous avons des enfants. Les représentants syndicaux que nous sommes ici, les enfants que nous avons sont dans les écoles publiques, tous. C'est l'intérêt de l'école publique que nous voulons défendre aussi comme citoyens, comme parents. C'est à ce titre que nous faisons nos remarques à l'égard de la réforme qui nous est proposée et qu'on veut nous imposer.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le

député d'Argenteuil. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Pouvez-vous expliquer à la commission la position traditionnelle, si elle existe, de l'Alliance des professeurs de Montréal ou de vos partenaires sur la question des commissions scolaires linguistiques ou pas, les commissions scolaires intégrées, le choix offert par le projet de loi 40 à la confessionnalité et les pouvoirs voulus ou pas de la part de l'Alliance des professeurs des parents au sein de l'organisation, de la planification au niveau de l'école? Par la suite, j'aimerais discuter quelques minutes de la question de la péréquation. Peut-être peut-on commencer tout de suite par cela.

Je vais commencer par quelques remarques. En 1972 ou 1971, le législateur, en confiant une mission au conseil de l'île de Montréal, avait voulu que le conseil de l'île de Montréal - vous me corrigerez si je me tropmpe - adopte une politique de péréquation. Aux fins de la commission, avez-vous une copie de cette politique de péréquation telle qu'adoptée par le conseil de l'île de Montréal à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure?

Aussi, pour ceux qui suivent les travaux, je pense que c'est assez important de parler de la question de la péréquation. On discute du principe de redistribution équitable des ressources financières dont dispose une commission scolaire ou un regroupement de commissions scolaires selon certains critères touchant la richesse relative d'un organisme ou d'une clientèle d'un tel organisme. Dans votre mémoire, vous insinuez que la péréquation, c'est-à-dire la redistribution équitable des ressources, à toutes fins utiles, disparaîtrait. Vous dites, et je vous cite: Les commissions scolaires pauvres ne pourraient plus faire profiter les clientèles qu'elles desserviront de la péréquation qui s'établit naturellement à l'intérieur d'une même administration entre les divers secteurs de la CECM.

Il faut d'abord faire référence au fait qu'il y a des règles budgétaires selon lesquelles Québec assure des services à la clientèle scolaire financièrement à 100% de ses obligations selon la loi et les règlements. Il y a donc une espèce d'enveloppe budgétaire et, en plus, il y a une certaine série d'allocations supplémentaires touchant l'enseignement des langues d'origine, les programmes d'aide à l'immigrant, les programmes qui concernent le développement pédagogique et la croissance rapide de la clientèle, l'accueil à la francisation. Si vous voulez, je peux déposer les chiffres montrant combien le Québec a dépensé depuis les quelques dernières années.

Lorsque, dans votre mémoire, à la page 6, vous faites toute une liste sur le rattrapage des milieux défavorisés. Vous parlez de l'enfance en difficulté d'adaptation et de toute une série de services que vous offrez. En fonction de ma question de tout à l'heure sur la politique de péréquation du conseil de l'île de Montréal, est-ce que vous pouvez dire qu'il s'agissait bien dans ce cas-là d'une péréquation ou d'une redistribution accordée en fonction de certains programmes qui existent déjà au Québec?

M. Dubé: D'abord à la dernière question concernant la péréquation quant à la politique du conseil scolaire de l'île de Montréal, je vais prendre un exemple. Les sommes d'argent que le conseil scolaire de l'île de Montréal répartit pour les milieux défavorisés...

M. Payne: Oui, ma première question était de savoir si vous avez une politique à déposer ou si vous faites référence à une politique.

M. Dubé: Je n'ai pas les politiques administratives du conseil scolaire de l'île de Montréal. Vous autres, vous avez ces moyens d'enquête et de recherche. Vous ferez votre travail. Je n'ai pas à assumer ce travail. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a un budget au conseil scolaire de l'île de Montréal concernant les milieux défavorisés et qu'on appelle "Opération renouveau". Ces budgets sont accordés en fonction des écoles qui sont en difficulté particulière.

Je sais également aussi qu'à la CECM nous avons 40% de notre clientèle qui est en milieu défavorisé. Il y a une enveloppe budgétaire qui vient du Conseil scolaire l'île de Montréal, donc, plus grosse pour la CECM parce qu'on est les plus touchés par cette question. Par la suite, la CECM la redistribue à l'intérieur de cette CECM. C'est une forme de péréquation.

Il y a d'autres formes de péréquation également. La CECM obtient un ensemble de ressources pour l'ensemble de sa clientèle. Mais, dans le bassin que forme la CECM, une partie peut être utilisée pour étudier les problèmes des milieux défavorisés, pour étudier des problèmes qui naissent nécessairement dans une métropole et qu'on apporte des solutions. C'est aussi une autre forme de péréquation. Évidemment, cela ne prend pas la forme de péréquation fédérale-provinciale, avec des budgets compensatoires d'une province à l'autre. Ce n'est pas dans cette forme. Mais il y a quand même une répartition des ressources.

Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il remplace le conseil scolaire de l'île de Montréal par un organisme auquel les commissions scolaires pourront contribuer, si elles le veulent bien, si elles veulent remettre un certain nombre de choses en commun. Si le ministre avance cela, c'est parce que, justement, il reconnaît l'argument

d'une certaine forme de péréquation. Mais ce que nous vous soumettons, c'est que les quartiers les plus riches ne seront pas intéressés à venir subventionner les autres quartiers. D'ailleurs, une des raisons avancées par les représentants, non pas publiquement ici mais lorsqu'on échange avec les représentants de la région nord, ils nous disent: Nous aussi, dans notre région, aurons nos défavorisés et on s'en occupera. Les autres s'occuperont des leurs. Mais si, au nord, il y a à peine 10% de défavorisés et qu'au sud il y en a 80%, savez-vous qu'il n'y en aura que 20% qui aideront leurs pauvres, les 80% de leur région, tandis que, de l'autre côté, on en aura 90% d'un peu plus aisés, sans nécessairement être riches, qui soutiendront leurs plus faibles dans leur région? Ce sont aussi des formes de réalités dans lesquelles on vit et qu'on connaît.

M. Payne: J'aimerais poser ma question autrement. Basé sur le principe du projet de loi que les commissions scolaires puissent remettre ensemble leurs services pour faire -comment appelle-t-on cela dans la loi? - une mise en commun des services, vous acceptez cela comme principe contenu dans le projet de loi, oui?

M. Dubé: On accepte qu'il y ait une mise en commun des services...

M. Payne: Possible...

M. Dubé: Mais, quant à cette mise en commun des services, je prends le Conseil scolaire de l'île de Montréal actuellement, où il y a un certain nombre de pouvoirs. Ils sont existants. Il ne quémande pas aux commissions scolaires le droit de faire la mise en commun. Cela existe dans la loi. Là, on se reposera ou bien sur l'arbitraire d'un consensus à venir ou encore sur ce que le ministre pourrait décréter.

M. Payne: Essayez de me suivre sur ce point. On s'entend sur le fait qu'il y a une possibilité que les commissions scolaires, en vertu du projet de loi 40, puissent se mettre en commun pour offrir des services aux régions ou aux écoles ou aux clientèles dépourvues. D'accord? S'il est vrai qu'il y a une politique de péréquation au sein du conseil de l'île de Montréal - vous avez bien dit qu'il en existait une, mais je ne l'ai jamais vue et c'est la raison pour laquelle je vous pose la question. (22 heures)

M. Dubé: Je ne vous ai pas dit qu'il y avait une politique, M. le député. Je vous ai dit qu'il y avait une situation de fait que nous constations.

M. Payne: Oui, mais, un instant! S'il y a une situation de fait qui existe au conseil scolaire de l'île de Montréal, il faut que ce soit en fonction d'une politique. Ce que j'ai dit, c'est que s'il y a une possibilité qu'elles se mettent en commun, s'il y a une politique déjà existante et si, troisièmement, le projet de loi permet la mise en commun volontairement, non pas par imposition ou par un décret du gouvernement du Québec, mais par le choix des commissions scolaires, comment pouvez-vous conclure que les commissions scolaires pauvres ne pourraient plus faire profiter les clientèles qu'elles desserviront? Comment pouvez-vous dire cela?

M. Dubé: Je n'arrive pas à comprendre que vous ne saisissiez pas la portée de l'argument qu'on vous amène.

M. Payne: C'est quoi, votre argument?

M. Dubé: C'est cela qui dépasse l'entendement, M. le député.

M. Payne: Je peux me répéter.

M. Dubé: Ce n'est pas nécessaire de vous répéter. Je vous ai compris. J'ai compris vos propos, mais que vous ne compreniez pas la situation, c'est ce qui est particulièrement grave et vous êtes législateur. Donc, c'est particulièrement inquiétant. C'est ce que je m'évertue à vous dire...

Le Président (M. Blouin): Expliquez donc votre thèse.

M. Dubé: Oui, je vais m'expliquer de nouveau. Lorsque vous avez une commission scolaire qui doit assumer des services à une clientèle pauvre, 80% de défavorisés, ce qui serait le cas du sud-ouest de Montréal, et qu'elle irait demander à la nouvelle commission scolaire inventée par le ministre, la commission scolaire de la région nord, Ahuntsic et Saint-Laurent: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous verser une certaine part de péréquation pour aider nos pauvres du sud? Elle va dire: Non, nous autres, on va s'occuper de nos propres défavorisés, mais les siens n'en n'auront que 10%. Actuellement, par la CECM, cela se vit. Cette répartition se fait par le Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui a des obligations, par exemple les édifices. Qui possède les édifices lorsque les édifices deviennent vacants sur l'île de Montréal? C'est le conseil scolaire et, en priorité, les édifices doivent servir à l'éducation, aux commissions scolaires, aux conseils scolaires et ainsi de suite. C'est là aussi une autre forme. Cela a été prévu. Il y a un consensus. On accepte cela, à Montréal. Pour quelle raison voulez-vous nous enlever ce que

nous acceptons et nous imposer ce qu'on refuse? Je ne comprends pas ce machiavélisme-là.

M. Payne: Je dirais, pour rendre justice à la vérité, que vous auriez pu dire, par exemple, qu'il s'agit, dans ces programmes, les programmes aux milieux défavorisés ou à la clientèle défavorisée - l'accueil à la francisation - de programmes normalement à coûts partagés. Par exemple, l'an dernier seulement, le gouvernement du Québec a défrayé pour 11 000 000 $ ou 12 000 000 $ pour le milieu, l'accueil à la francisation, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: Ah! merci.

M. Dubé: C'est parce que vous mélangez deux choses, M. le député.

M. Payne: Seulement un instant! Non, c'est mon tour. Et pour les milieux économiquement faibles, on a dépensé 9 000 000 $. Je répète ma question: Si, vous basant sur les prémisses que les commissions scolaires puissent se mettre ensemble pour offrir des services à ceux qui sont économiquement faibles, si, deuxièmement, vous avez la possibilité dans le projet de loi de vous mettre ensemble volontairement et si, troisièmement, comme vous dites, il y a une politique de péréquation qui existe déjà au sein du Conseil scolaire de , l'île de Montréal, comment pouvez-vous conclure que vous ne pouvez plus le faire? C'est très clair. Je ne nie pas que cela existe déjà dans les faits, mais j'ajouterais un autre argument à ma démonstration, à savoir que la coupure des territoires, telle que suggérée par le gouvernement du Québec - et je dirais entre parenthèses que cela reste discutable - c'est-à-dire que la délimitation des frontières des commissions scolaires reste discutable ou négociable, mais le principe, c'est justement pour le rendre plus harmonieux en termes de nombre. Je peux vous dire en passant que ce que vous avez dit dans votre mémoire, à savoir qu'on réduit le nombre, ce n'est pas vrai. Auparavant, il y avait six catholiques et deux protestants. Là, il y aura huit commissions scolaires linguistiques, cinq francophones et trois anglophones. Mais restons avec la péréquation.

M. Dubé: D'abord, vous mélangez deux choses. Vous mélangez la question de l'accueil, la francisation des immigrants et la question des milieux défavorisés.

M. Payne: Donnez-nous des exemples...

M. Dubé: Quant à la question des milieux défavorisés, permettez-moi de vous apprendre que le gouvernement du Québec ne nous donne rien. Si ce n'était de la CECM et du Conseil scolaire de l'île de Montréal, de l'opération Renouveau, il n'y en aurait pas, parce que vous n'avez pas investi un sou là-dedans, cela vient du Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Quant à la question de l'accueil et de la francisation, des services ont été développés par la CECM dans le passé et, il y a deux ou trois ans, par vos coupures budgétaires, vous en avez haché une partie, vous avez coupé les orientations locales qu'il y avait à cet égard. Nous étions en train de franciser les anglophones et vous leur avez refusé ce droit; ces francophones accédaient aux classes d'accueil et vous avez cru, malheureusement, dans les premières études que vous avez faites, que les anglophones qui passaient dans les classes de maternelle françaises retournaient après cela en première année du côté anglais.

Je dois rappeler qu'à cette époque, les maternelles étaient à temps plein pour les jeunes immigrants ou encore les jeunes anglophones. Vous avez pris comme hypothèse de départ que les anglophones, qui s'en venaient dans les classes françaises maternelle-accueil, que les parents les y envoyaient à temps plein pour économiser de la surveillance ou du gardiennage. Vous avez présumé que les jeunes anglophones qui venaient dans nos écoles françaises retournaient par la suite en première année du côté anglais; il n'y avait rien de plus faux. Vos statistiques vous l'ont révélé par la suite. Malgré tout, vous avez maintenu votre politique de couper l'accueil tel qu'il existait précédemment. S'il n'y avait pas eu les ressources du conseil de la CECM pour faire naître les classes d'accueil, probablement qu'il n'y en aurait pas encore au Québec.

Tout à l'heure, le ministre disait: Nous aurons des commissions scolaires de taille équivalente. Il soulignait, par exemple, que Le Royer était une commission scolaire qui existait actuellement et qu'elle sera de la même grosseur que celles qu'il projette pour le reste de l'île de Montréal. Je reconnais bien le travail de Le Royer, mais ce ne sont pas ces gens qui ont développé l'enseignement aux inadaptés, qui ont développé l'enseignement aux immigrants, qui ont développé l'enseignement aux adultes. Qui a permis cela, si ça n'a été une commission scolaire de grande taille? Quand quelqu'un veut détruire une commission scolaire qui reçoit 100 000 enfants, ce qui est le cas de la CECM, parce que c'est trop gros, qu'aurait-on fait dans le passé lorsque la CECM recevait 210 000 enfants? Je pense que la taille de la CECM, son importance, celle qu'elle a aujourd'hui devrait demeurer parce qu'elle est viable, parce qu'elle est rentable et qu'elle rend service à la population.

Une dernière, M. le ministre, vous

m'avez posé une première question.

M. Payne: Ce n'est pas le temps du ministre, c'est mon temps que vous utilisez.

M. Dubé: M. le député.

M. Payne: Je ne veux pas que vous répondiez au ministre.

M. Dubé: M. le député, vous m'avez posé une première question: est-ce que vous avez des positions antérieures concernant la linguistique, le confessionnel, les pouvoirs aux parents, etc.? Oui, on a d'ailleurs déjà déposé des textes et des mémoires au ministre à cet égard. Nous avons sciemment décidé de ne pas reprendre nos propositions en commission parlementaire parce que, malheureusement, le ministre, selon son habitude de tirer de faux consensus, aurait dit: Nous vous avons donné tel petit bout de votre revendication, on va demander des commissions scolaires linguistiques. Vous êtes contents, les syndicats, on vous aura donné vos commissions scolaires linguistiques. Pour le reste, vous devez avaler vous aussi votre pilule.

Quant au coeur, l'école pivot, les pouvoirs donnés au niveau des écoles en termes de gestion pédagogique, c'est là le fond de sa loi 40 et c'est ce fond qu'on conteste. On veut que le débat se fasse sur cette partie et non pas sur les autres parties telles la linguistique, le confessionnel, le pouvoir aux parents.

M. Payne: Est-ce que je peux avoir mon tour?

M. Dubé: Je vous ai expliqué, dans la présentation d'ordre général tout à l'heure, que nous voulions que les parents participent aux écoles, nous voulons qu'ils participent au comité consultatif. On vous a dit cela, on vous a expliqué également que l'expertise des parents devrait se retrouver en termes de gestion au niveau du conseil des commissaires. Vous n'avez pas retenu ces propos, à quoi servirait d'amener de nouvelles suggestions? C'est donc pour cela, en désespoir de cause, constatant que le gouvernement n'était pas capable de nous donner ce qu'on demandait, que l'on a dit: Mettez donc sur pied une commission qui pourra donner le consensus à la population.

Le Président (M. Blouin): M. Dubé, je comprends maintenant que le député de Vachon désire poser une dernière question. Il faudrait qu'elle soit très précise et que la réponse soit aussi très brève. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je veux faire un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Un commentaire, très bien.

M. Payne: C'est dans les règles, je crois. En fonction de la déclaration du président de l'Alliance des professeurs de Montréal, suggérant qu'il n'y a pas de programme pour les milieux économiquement faibles, en réalité, l'année passée, il y a eu 9 000 000 $ et j'aimerais déposer les chiffres; seulement pour la CECM, il a eu 1 028 571 $.

En plus, ce que j'ai dit dans mon préambule, c'est qu'il est sûr qu'il y a mise en commun des services, mais je demandais une copie de la politique formelle pour que tout bénéficiaire puisse savoir ce qu'est la politique de péréquation.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon, je dois maintenant céder la parole à un autre membre de la commission.

M. Payne: Bien non! Ils sont en consultation pour répondre à ma question.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Henri, vous avez la parole.

M. Payne: Mais j'ai posé une question, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. le député de Vachon, mais, à moins qu'il n'y ait consentement, je dois maintement donner la parole à M. le député de Saint-Henri.

M. Leduc (Fabre): Posez la question, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Y a-t-il consentement pour que...

M. Hains: Courte.

Le Président (M. Blouin): Vous comprenez la situation, alors brièvement, M. Dubé, s'il vous plaît!

M. Dubé: II y a un pouvoir de taxation à Montréal comme dans l'ensemble du Québec, les 6% supplémentaires par rapport au budget. Vous leur en avez donné un petit bout aux commissions scolaires, et, à l'intérieur de ce montant, il y a une péréquation, une redistribution, si je ne m'abuse, sur l'île de Montréal, en termes de services.

D'autre part, l'autre argument que je vous ai donné concernant la Commission des écoles catholiques elle-même et sa propre péréquation ou redistribution à ces milieux défavorisés, vous n'avez pas retenu cet argument.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon, je m'excuse.

M. Payne: L'allocation supplémentaire vient de Québec...

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Madame et messieurs, la première phrase qui est inscrite à votre avant-propos se rapporte, vous parlez du plus grand bien des enfants. Ce même souci revient dans votre conclusion où vous parlez de l'éducation de qualité, accordant une attention toute spéciale aux démunis. Je vous félicite de cette sollicitude parce que je vous connais et, je sais que vous êtes sincères là-dessus. Ce n'est pas une défense nécessairement de vos droits syndicaux que vous faites dans les circonstances.

Votre mémoire a vraiment du poids aussi, puisqu'il représente cinq syndicats que je ne nommerai pas, tout le monde le sait actuellement. Si je n'exagère pas, je crois que vous représentez à peu près 10 000 membres.

M. Dubé: C'est exact.

M. Hains: C'est exact. Vous êtes quand même 7000, l'alliance et les autres membres, et vous êtes presque tous, comme vous nous le disiez tout à l'heure, pères ou mères de famille. Moi, je suis très heureux de vous recevoir et j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'attention.

Je ne ferai pas de longs discours, il y en a eu beaucoup jusqu'ici, mais je vais vous poser plusieurs petites questions assez rapides. Cela va mettre un peu de vie dans la discussion. Dans la première partie, vous analysez le partage des pouvoirs. Vous dites, en page 3, à la première ligne: on constate l'érosion totale des pouvoirs cédés aux écoles. Cela va? Et cette assertion est un peu étonnante. Vu que M. le ministre veut faire de l'école le pivot de toute organisation, est-ce que vous pourriez m'expliquer un peu cette contradiction entre vos dires et la déclaration...

M. Dubé: Dans la présentation générale tout à l'heure, on énumérait un certain nombre de pouvoirs que le ministre attribuait à l'école tels l'évaluation, le calendrier scolaire, et ainsi de suite. Ce qu'on vous soulignait, c'est que les écoles ne pourront exercer ces pouvoirs parce que cela va devenir, si elles les exercent, une course à obstacles pour les enfants de la région métropolitaine en particulier. Et si elles ne les exercent pas, qui va les exercer? C'est le ministre, et cela est un rattrapage vers le haut. Lui-même, tout à l'heure, nous disait -c'est toujours à l'intérieur de mots feutrés:

Les écoles pourront gérer, mais à l'intérieur des programmes que nous aurons établis à l'intérieur de telle particularité. Il va encadrer et il va rester quoi au niveau de l'école, si ce n'est une question de détails? Donc, le pouvoir est aspiré vers le haut, je pense que c'est une démonstration fort simple.

M. Hains: Écoutez, je vais me contenter de vos réponses, sans aucune discussion, pour aller un peu plus vite, mais ce que vous dites, je l'avais lu avec beaucoup de justesse.

Sur votre invitation, à la page 3, j'ai lu avec beaucoup d'édification les articles 308 et 309 sur les droits et les privilèges du ministre. Vous ne semblez vraiment pas croire à la décentralisation qui est prônée par M. le ministre. (22 h 15)

M. Dubé: L'expérience aidant, les décrets que nous vivons dans le moment et les bonnes promesses qu'il nous avait faites nous amènent à nous interroger particulièrement sur tant de bonté. C'est que le ministre nous dit d'un côté qu'il donnera telle partie à l'école, mais, en même temps - nous le prenons ici; c'est en regard des programmes - c'est le ministre qui établit les programmes, qui établit la liste des manuels scolaires qu'il autorise, c'est aussi le ministre qui établit des matières à option non mentionnées au régime pédagogique. La lecture des articles 308 et 309, c'est cela qu'elle révèle. D'autre part, dans un autre discours, il dit: Bien, l'autonomie pédagogique appartient à l'école. Comment assume-t-il ces contradictions?

M. Hains: Une autre brève question. Quant au personnel enseignant, vous citez, à la page 3, une émouvante déclaration de M. le ministre Laurin. Il parle de l'admiration qu'il porte au pédagogue, ce guide et ce serviteur de l'enfant - je crois qu'il est sincère. Mais, pourtant, avez-vous trouvé les enseignants dans le projet de loi? Ils sont aux quatre coins du projet, n'ayant pas de chapitre et, je crois, presque pas non plus de voix au chapitre. Comment trouvez-vous cet absentéisme, je dirais presque ce décrochage qui est imposé aux professeurs?

M. Dubé: Toutes les organisations syndicales qui sont venues à la commission ont signalé cet aspect. Les travailleurs de l'éducation sont absents de cette réforme et j'indiquais tantôt que je n'avais jamais vu une entreprise ou encore une organisation qui fonctionnait à l'encontre de la volonté et du potentiel des employés. On fait exprès pour les prendre à rebrousse-poil. C'est une unanimité des employés de la CECM contre ce projet de loi et le ministre dit: C'est votre bien; ne vous en faites pas; je vous

garantis tout cela. En plus de nous dire ces propos-là, parce que, tout à l'heure, il a tenté d'attirer notre attention sur la partie de notre sécurité d'emploi comme si c'était le problème prioritaire... C'est un problème important, la sécurité d'emploi, mais c'est d'abord la qualité de vie, la qualité des services. Mais où nous retrouvons-nous, professionnels non enseignants, enseignants et autres personnels, dans ce projet de loi? On ne s'est pas retrouvés. On fait la même lecture que vous.

M. Hains: Au chapitre II, vous parlez de la réalité montréalaise et de la phobie du gigantisme de M. le ministre. Mais j'y vois plutôt franchement un syndrome de nivellement. Je vous demande votre opinion sur une question que j'ai déjà posée à d'autres intervenants. Comment trouvez-vous qu'on parle de Montréal comme fer de lance de la relance économique, technologique, culturelle, qu'on y consacre des millions et qu'on veuille, d'autre part, démanteler le réseau scolaire de Montréal qui, selon vos assertions que je fais miennes, dispense avec beaucoup de succès et d'efficacité des services aux étudiants et qui est à la fine pointe de la fierté québécoise? Je crois qu'on peut dire que, si l'éducation a une fierté, je la trouverais à la CECM. Je vous demande votre opinion là-dessus. Ne trouvez-vous pas qu'il y a une anomalie là-dedans vraiment déconcertante entre des perspectives dans d'autres domaines et ce que l'on veut faire dans le domaine scolaire?

M. Dubé: M. le député d'Argenteuil, tout à l'heure, donnait des statistiques, à partir du mémoire de la CECM, sur les économies d'échelle concernant des cadres, des professionnels, etc. Je présume, parce que cela n'a pas été démenti, que c'est la réalité. Eh bien, quand le gouvernement veut mettre ces aspects-là de côté, il ne tient pas compte des services qu'une grande organisation comme la CECM peut donner à la population. Je ne peux que confirmer votre propre lecture; c'est aussi la nôtre. Quant au reste, est-ce qu'on doit utiliser le slogan de la ville de Montréal pour décrire la commission scolaire de Montréal? je vous laisse cela.

M. Hains: Cela va bien. On continue, M. le Président. À la page 6, vous déplorez maintenant la disparition du Conseil scolaire de l'île de Montréal qui, d'après vous et d'après nous aussi, assumait vraiment un rôle important et assurait aussi une péréquation vraiment juste pour tout le monde. On veut maintenant faire de ces commissions, j'allais dire presque un stade olympique sans toiture ni chapeau qui va être exposé à tous les vents et où le plus pauvre sera encore plus pauvre et le plus riche deviendra plus riche.

Comment concevez-vous cette disparition? Voici ma question: Pensez-vous que cela va donner plus de pouvoirs aux commissions scolaires ou si cela va en donner plus à M. le ministre?

M. Dubé: D'abord, je voudrais signaler que nous ne faisons ni l'apologie de la CECM, ni l'apologie du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Il y a là des corrections importantes et c'est ce pourquoi nous revendiquons une commission d'étude, un moyen de trouver des solutions aux problèmes que nous constatons. Ce n'est sûrement pas en démantelant ces organisations et en les remplaçant par rien, ou encore par une organisation, un organisme à créer, parce que c'est cela que dit le projet de loi, car il n'est pas créé encore, cela va siéger sur quoi, cela va travailler sur quel aspect, on ne le sait pas. Remplacer quelque chose qui existe, qui donne certains services par autre chose en toute probabilité qui n'a pas fait ses preuves et qui ne fait surtout pas l'objet d'un consensus, on pense cela tout à fait néfaste pour Montréal.

M. Hains: Encore deux petites vites, M. le Président. Je remarque aussi vos observations très judicieuses dans votre mémoire sur les classes d'accueil; l'éducation des adultes, qui est presque absente d'ailleurs du projet, la survie des services spéciaux, et j'en suis arrivé, en faisant lecture, aux professionnels des services éducatifs. Ils sont totalement oubliés, et si ce n'est pas un oubli, c'est malheureux de le dire, mais c'est presque du mépris. Cette ignorance totale de ces professionnels dans le projet de loi, vous posez plusieurs questions là-dessus à M. le ministre à la page 8. Il y en a plusieurs. Je ne crois pas que M. le ministre y ait tellement répondu. Ce que vous semblez craindre le plus, c'est le recours, je crois, à des sous-traitants ou encore à des professionnels extérieurs ou peut-être même à la disparition de ces services. Je crois aussi que les personnels de soutien ont à peu près les mêmes appréhensions à ce sujet. Est-ce que c'est vraiment là votre opinion?

M. Dubé: Votre question est difficile, M. le député, parce que vous faites la même analyse que nous et je suis obligé de confirmer que oui.

M. Hains: C'est pour cela, il faut que cela aille vite, voyez-vous.

Le Président (M. Blouin): C'est ce que M. le député de Saint-Henri appelle une petite vite, M. Dubé.

M. Hains: La meilleure pour finir. Hier soir, au Palais des congrès, vous aviez plus de 5000 des vôtres, dit-on, qui sont allés

discuter du projet de loi 40. Je n'ai pas eu beaucoup le temps de lire les journaux aujourd'hui, alors, je vais vous demander quelques petits détails. On a dit que les syndicats côtoyaient les commissaires de Montréal et les directeurs d'école. C'est presque sublime, avec l'expérience que j'ai dans le monde scolaire. C'est un consensus que M. le ministre aimait donc avoir, mais, comme je pensais tout à l'heure, son royaume et son consensus ne sont pas de ce monde. Nous avions déjà entendu les commissaires d'école de Montréal nous parler, nous les avons entendus avec plaisir, mais nous n'avons malheureusement pas vu à notre commission les directeurs d'école de Montréal, qui n'ont pas été invités à comparaître ici. Pour moi, en tout cas, c'est vraiment quelque chose d'un petit peu - je vais sortir mon bon adjectif - j'allais dire presque d'indécent, c'est le moins fort que je puisse dire.

Ici, nous avons quand même lu le télégramme qu'ils nous ont envoyé en public à la commission - mon ami, mon collègue M. Cusano, avait lu cela publiquement - dans lequel ils se dissociaient, n'est-ce pas, des principaux de la province et en même temps condamnaient plusieurs modalités importantes du projet de loi. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu le ton de ce qui s'est passé l'autre soir, le ton et surtout la substance de ce qui s'est passé, et, comme j'étais distrait tout à l'heure, quand vous avez donné la conclusion de votre affaire, de votre soirée, est-ce que vous pourriez me le répéter, s'il vous plaît?

M. Dubé: D'abord, il y a un phénomène social qui s'est passé à Montréal et qu'il est particulièrement important de regarder et d'analyser. Un syndicat défend les intérêts de ses membres et le patron immédiat face à nous, les représentants syndicaux, c'est la CECM. Les intérêts de la CECM, en termes de négociation, et ceux du syndicat sont souvent opposés ou divergents. Lorsque nous avons échangé avec nos syndiqués sur la nécessité de former, de faire un ralliement auquel nous inviterions le président de l'Association des directeurs d'école, le président de la Commission des écoles catholiques de Montréal, cela n'a pas été facile. Il a fallu convaincre nos membres qu'au-delà des difficultés que nous pouvons avoir eues dans le passé, ou encore, des difficultés que nous pourrons avoir dans l'avenir, eh bien, au-delà de ces difficultés, il y avait un intérêt commun, un intérêt montréalais, et on a donc convaincu nos membres d'accepter que ce pont se construise à l'égard de la commission ou des directeurs d'école, et cela n'a pas été facile. Je dois dire également que du côté des commissaires, ce n'était pas le geste premier de venir s'allier avec la coalition syndicale pour faire obstruction au projet de loi. Ce n'est pas un geste naturel. Durant les 25 dernières années, on n'a pas vu cela souvent. Je me souviens même qu'il y a quelques années, la CECM et l'alliance avaient négocié de manière ardue et cela s'était terminé par une tutelle. Donc, ils doivent s'en souvenir eux aussi. Nous nous souvenons d'autres moments difficiles, comme lors du projet de loi 25, où nous nous étions fait imposer une solution. Mais malgré ces difficultés, il y a eu un geste d'unité que je qualifierais de métropolitain, à tout le moins, pour ne pas dire de national, parce que Montréal, ce n'est pas une nation, mais il y a quand même eu là unité, un appel au ministre et au gouvernement d'ouvrir les yeux et de dire: Ma réforme n'est pas dans le bon chemin. Il me semble que ce n'est pas possible qu'on soit tous dans l'erreur et qu'une association qu'on pourrait qualifier ou de temporaire ou, encore, de circonstancielle, . elle est quand même... cela a été difficile de la construire, parce qu'il y avait des résistances et le fait que cela ait eu lieu, il me semble que cela devrait allumer un feu rouge quelque part, mettre des freins quelque part, demander et conclure un changement d'orientation.

Hier soir, le président de la CECM a reçu, j'utiliserai un mot anglais un "standing ovation" de la part des 5000 personnes présentes à la suite des propos qu'il a tenus. Propos très respectueux du personnel et disant lui aussi qu'il ne comprenait pas qu'une réforme puisse se faire à l'encontre de ce personnel. Le président de la CECM, quand il a tenu ces propos, il sait qu'un jour on pourra les lui reservir à d'autres occasions. Malgré le fait de toutes ces difficultés, il les a tenus quand même, je pense que cela devrait être éclairant pour tout le monde.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, M. le député de Saint-Henri. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur certains propos qu'a tenus le député d'Argenteuil. Ce sont des propos qui me semblent assez sérieux et assez graves, au point où on peut se demander si lui et nous, je ne sais pas si c'est le cas pour les députés de son parti, assistons à la même commission parlementaire. Le député d'Argenteuil a parlé d'un rejet très général à Montréal. On peut supposer des organismes qui sont venus en commission parler de la situation à Montréal. Il a même ajouté: Le ministre est seul à savoir lire; propos repris par M. Dubé, à ce point qu'on peut se demander s'il y a collusion entre M. Dubé et le député d'Argenteuil sur certains points, à savoir que le ministre et que du côté ministériel on est

seuls à faire cette lecture. Or, je voudrais rappeler un certain nombre d'interventions faites en commission. Cela pourrait servir à tout le monde, parce que je suis plutôt enclin à croire que la coalition défend la position de la CECM. Enfin, à moins qu'on puisse me démontrer le contraire, c'est la position que je soutiens.

M. le Président, nous avons entendu en commission parlementaire la Fédération des comités de parents de l'île de Montréal, qui acquiesce au principe directeur du projet de loi, qui n'en a pas demandé le rejet. On a entendu la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université McGill, qui est de Montréal, et qui appuie un grand nombre d'aspects importants du projet de loi. On a entendu l'Association des cadres de la CECM qui endosse plusieurs positions du projet de loi, même si elle ne demande pas le démantèlement de la CECM, c'est un fait, mais elle appuie le projet de loi dans ses principes directeurs. On a entendu le Provincial Association of Catholic Teachers qui a avoué que si le projet de loi 40 était adopté, leurs enseignants seraient présents au conseil d'école. Elle n'en a pas demandé le rejet. (22 h 30)

On a entendu le Département de sciences religieuses de l'UQAM, qui est de Montréal, qui a exprimé son accord sur plusieurs des principes qui sont exprimés dans le projet de loi; on a entendu le Regroupement scolaire de l'île de Montréal, qui nous a demandé de continuer à aller de l'avant; on a entendu le comité central des parents de la CECM, la majorité des parents du secteur français, qui appuie aussi les grandes orientations du projet de loi; on a entendu la FTQ, qui est en accord avec l'école comme lieu décisionnel; on a entendu le comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, qui est en accord avec une participation accrue des parents, en accord avec l'idée de la définition de l'école comme pivot du système éducatif; on a même entendu la commission scolaire Jérôme-Le Royer, qui a également exprimé son accord avec un conseil d'école décisionnel.

Si je n'ai pas réussi à convaincre certaines personnes, M. le Président, je vais revenir seulement sur certains propos qu'a tenus le représentant de la FTQ devant nous. Au sujet de la CECM, par exemple, on a tendance ici à avoir la mémoire courte, quand cela fait notre affaire, on oublie vite certaines choses qui sont dites en commission parlementaire. M. Daoust a dit au sujet de la CECM: Je pense qu'il faut être ouvert à ces possibilités qu'il y ait plus de commissions scolaires qu'à la CECM. Il y a un "démembrement", et on ne peut s'y opposer dans la mesure où les gens vont se retrouver. Ce n'est pas facile de se retrouver dans cette boîte que vous connaissez et qui s'appelle la CECM. C'est un géant dans le fond.

Qu'on veuille rapprocher des commissions scolaires, des citoyens, des enseignants, des élèves, des parents, que cette dernière colle à une réalité qui est la nôtre à Montréal, je ne vois pas en quoi on pourrait, quant à nous, s'y opposer.

Au sujet du conseil d'école, on prétend - vous l'avez dit, M. Dubé - qu'on affaiblit les commissions scolaires, que c'est une aspiration vers le haut, que cela ne donne donc rien. On rejette cela catégoriquement du revers de la main sans nous parler du tout... Dans votre mémoire, on ne retrouve absolument rien sur le projet éducatif, sur la participation des parents à si peu de choses et on rejette cela du revers de la main tout simplement parce qu'on prétend que le projet de loi va contribuer à aspirer le pouvoir vers le haut plutôt que vers le bas.

Je vais vous rappeler ce que dit la FTQ à cet égard. Sur une question de mon collègue de Chauveau, vous avez manifesté certaines réticences - c'est le député de Chauveau qui parle - quant à la composition actuelle telle qu'elle est proposée dans le projet de loi. Vous suggérez un rééquilibre, un réaménagement. Je ne m'attarderai pas beaucoup sur cela parce que vous l'avez abordé. Si j'interprète bien vos propos, vous êtes pour cet aspect très important du projet de loi, c'est-à-dire le conseil d'école qui, à mon sens, est l'un des éléments substantiels qu'il y ait au niveau de l'école, par le biais d'un conseil d'école, un pouvoir décisionnel qui soit reconnu par la loi quant à certaines questions très spécifiques à la vie pédagogique de l'école. Réponse de M. Daoust: II n'y a pas d'ambiguïté. Nous sommes carrément de cet avis.

Nous estimons qu'il s'agit là d'un aspect démocratique qu'il faut retenir. Lieu de collégialité, lieu où les gens s'affrontent inévitablement - nous vivons une société conflictuelle - lieu où il se fait des consensus, un lieu d'équilibre, d'une prise en charge. Enfin, on ne peut pas ne pas être farouchement en faveur de cela et il faut saluer le projet de loi dans cette partie-là. Quant à ses finalités, quant à son objectif fondamental, nous en sommes. Encore une fois, c'est une question d'équilibre, de meilleure représentativité de certains groupes. Je n'en reviens pas, M. le Président, d'avoir entendu le député d'Argenteuil affirmer que c'était un rejet très général.

Un autre exemple tiré de la commission scolaire. Pas les parents cette fois-ci. Le député d'Argenteuil pourrait peut-être dire que les parents ne sont pas représentatifs. Les commissions scolaires? Ah cela! Voilà! Dans son idée, les commissions scolaires sont représentatives. La proposition de la commission scolaire Jérôme-Le Royer est la

suivante: l'école est un établissement... Oui, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): II est arrivé tout à l'heure un petit incident qui a fait bondir le ministre. Je crains cette fois que, si vous mettez des paroles qui n'ont pas été prononcées... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je crains que, si vous mettez des paroles dans la bouche des autres députés alors qu'ils ne les ont pas prononcées, cela ne provoque des débats inutiles. Je souhaiterais que vous continuiez d'intervenir sur le fond et non prêter aux autres membres de la commission des intentions de quelque nature qu'elles soient.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. J'aurais souhaité que vous fassiez également cette interprétation tout à l'heure, lorsque le député d'Argenteuil a fait ce même type d'interprétation.

Le Président (M. Blouin): Le ministre s'en est chargé lui-même, M. le député.

M. Ryan: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, je souhaite que vous compreniez que je ne voulais pas là soulever un débat qui pourrait devenir autant inutile qu'interminable. Je vous rappelle que, tout à l'heure, le ministre a rétabli les faits et, cette fois, afin d'éviter justement le genre de débat dans lequel on risque de plonger, je souhaite que les députés qui interviennent évitent de prêter des intentions aux autres membres de la commission, mais qu'ils interviennent davantage sur le fond de la question. M. le député d'Argenteuil, oui.

M. Ryan: Oui, M. le Président. Je tiens à préciser que ma question de tantôt n'imputait aucune espèce d'intervention au ministre qui, d'ailleurs, l'a très bien compris lui-même.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, M. le député de Fabre, si vous voulez poursuivre.

M. Leduc (Fabre): Oui. Merci, M. le Président. Vos rappels à l'ordre sont parfois nécessaires et je les comprends. Je vous en remercie. Je voudrais, pour compléter ma démonstration, rappeler la proposition qui émane de la commission scolaire Jérôme-Le Royer: l'école est un établissement d'enseignement dispensant des services éducatifs; les fonctions qui lui sont attribuées par le gouvernement et par les commissions scolaires sont exercées sous l'autorité d'un directeur et d'un conseil d'école disposant de pouvoirs décisionnels.

Encore une fois, il faudra qu'on soit un peu plus convaincant lorsqu'on affirmera qu'il s'agit d'un rejet très général du projet de loi 40, en tout cas, pour ce qui est des intervenants qui nous viennent de Montréal.

Je voudrais aussi rappeler la position donnée dans le mémoire du Comité central des parents de la CECM. Le mémoire a été fait à partir de nombreuses soirées d'information et d'un sondage réalisé auprès de 10 000 personnes. Au chapitre de la décentralisation, on affirme la nécessité de décentraliser vers l'école certains pouvoirs pédagogiques. On approuve la "réappropriation de l'école par le milieu". C'est l'expression tirée du mémoire même.

On ne mentionne pas dans le mémoire des parents, qui, pourtant, ont procédé par sondage auprès de 10 000 personnes et qui ont eu des soirées d'information, cette question que vous soulevez au sujet du déménagement. Vous avez fait de cela un thème important de votre intervention pour discréditer la décentralisation qui est inscrite dans le projet de loi. Ma question est la suivante, elle a trait précisément à cette décentralisation: Est-ce que vous pouvez nous préciser comment le projet de loi, dans la décentralisation qui est prévue vers l'école avec les pouvoirs... Vous dites vous-mêmes à un endroit ou vous nous laissez croire que ces pouvoirs sont minimes. Comment pouvez-vous nous dire qu'on va, de ce fait, affaiblir les commissions scolaires?

Le Président (M. Blouin): M. Dubé.

M. Dubé: D'abord, si permission m'en est donnée, j'aimerais signaler que, dans la région métropolitaine, par exemple, le Conseil central de Montréal (CSN), qui regroupe quelque 60 000 membres, a appuyé les revendications de la coalition. Je comprends également que, lorsque nous sont lues des parties de mémoires d'autres organisations, on peut laisser l'impression qu'elles appuient le projet de loi. Je comprends donc que, si M. le député veut se contenter de victoires morales, on va les lui laisser. Nous vous disons que la majorité de la population montréalaise - on vous met au défi de faire une consultation populaire sur cette question - va rejeter le projet de loi 40 et croyons-nous, la population du Québec.

Hier soir, nous étions 5000 et nous vous déposons une pétition et des signatures ici; ce ne sont pas seulement des représentants syndicaux, des dirigeants syndicaux. On vous dépose cela formellement et je vous mets au défi de trouver une autre organisation qui a une position aussi fortement et unanimement appuyée par ses membres.

En dernier lieu, M. le député, votre question concernant les pouvoirs dans le projet de loi, ils sont si minimes, etc. Je vous signale encore une fois la réalité, et ce

n'est pas parce que des parents auraient oublié le déménagement à Montréal qu'il n'existe pas. Statistiquement, Bell Canada dit qu'il y a 20% de Montréalais qui déménagent chaque année. La CECM, dans son mémoire, parle de 25%. Vous pouvez ne pas prendre en considération cette réalité. Vous pouvez dire que, parce que les parents n'y ont pas songé, cela n'existe pas. Cette réalité est là. Je vous ai dit, tout à l'heure, que 56 000 enfants avaient déménagé en sept ans au moins une fois, dont certains jusqu'à neuf fois; 125 ont déménagé neuf fois en sept ans. Sur 57 000 enfants qu'a la CECM au primaire, c'est quelque 8000 ou 9000 enfants par année qui déménagent. Ne pas tenir compte de cette réalité, c'est particulièrement grave, surtout de la part de quelqu'un des banquettes ministérielles.

Nous vous disons que les pouvoirs que vous attribuez à l'école, si les parents les exercent, cela devient des difficultés insurmontables pour les élèves qui se déplacent et vous pourrez faire les décrets que vous voudrez, les déménagements vont continuer à se poursuivre à Montréal. On vous l'a déjà dit. Je comprends que vous ne l'ayez pas retenu mais c'est quand même là une réalité. Si, par contre, ils ne les exercent pas ces pouvoirs, cela veut donc dire que tout aura été prévu dans les règlements, programmes, orientations du ministre. Ce n'est pas la commission scolaire qui va établir ces questions, ces pouvoirs: dicter les programmes, etc. C'est le ministre qui fait cela. Donc, en conséquence, dans les faits, cela sera une aspiration par le haut des pouvoirs d'autant plus que, si un petit comité d'école osait s'exprimer contre une volonté du ministre, on dirait que c'est un petit comité isolé, on ferait la même lecture que vous venez de nous faire des intervenants ici en commission parlementaire. Vous constatez que, quand ce sont des majorités, cela devient des minorités. Donc, un petit comité d'école sera considéré comme très insignifiant. Lorsque de grandes commissions scolaires posent des gestes, vous ne les retenez pas. Donc, je pense qu'une commission scolaire de la taille de celle de Montréal ou d'autres de taille respectable, pour des besoins géographiques - en province quand, pour une région donnée, vous décidez de faire une entité correspondant à la population régionale, pour quelle raison, à Montréal, faites-vous un autre type d'entité? Pour quelle raison Montréal serait-elle morcelée dans ce cadre-là? Il nous semble que cela n'ait pas de lien, pas de logique. Si Rimouski a droit à une commission scolaire, et son bassin, pourquoi Montréal, qui est aussi une réalité, n'aurait pas droit à une commission scolaire, et son bassin? Les problèmes vécus d'un bout à l'autre de Montréal, en plusieurs cas, se ressemblent. Le déplacement se faisant principalement sur l'île, il doit y avoir un lien, une cohésion et ces pouvoirs ne résident pas en des pouvoirs des commissions scolaires.

M. Leduc (Fabre): Je m'attendais que vous fassiez une démonstration qui n'est pas faite dans votre mémoire, comme quoi le projet de loi 40 diminuait les pouvoirs des commissions scolaires. C'est ce que votre mémoire laisse entendre et je ne le retrouve pas dans votre réponse. Je n'ai jamais nié l'importance des déménagements à Montréal. Ce que vous laissez croire, c'est que les pouvoirs des conseils d'école seront tellement importants et pourront influencer à ce point l'enseignement que les enfants qui déménagent ne s'y retrouveront plus d'une école à l'autre. Enfin, j'attends toujours la démonstration. (22 h 45)

J'aurais une autre question sur la taille de la CECM. Vous vous placez à votre point de vue et c'est pour cela que je prétends que vous défendez le point de vue de la CECM. Quand on regarde la réalité dans l'île de Montréal, on se retrouve avec une très grosse commission scolaire, celle de la CECM, et on se retrouve avec une commission scolaire comme celle de Verdun, où il y a à peu près 6000 élèves actuellement; celle de Sainte-Croix, où il y a à peu près 9000 élèves; celle de Jérôme-Le Royer, avec environ 21 000 et celle de Sault-Saint-Louis, avec 13 000 élèves. Il y a une disproportion, un déséquilibre qui saute aux yeux.

Vous défendez la CECM en disant: C'est une grosse commission scolaire qui offre une gamme de services; justement grâce à sa dimension, cette commission scolaire peut offrir plus de services que les autres. Mais que faites-vous des autres commissions scolaires? Celle de Verdun compte 6000 élèves; voulez-vous qu'on les laisse de côté? Il me semble que le rôle du législateur est de regarder l'ensemble du problème. Là-dessus, j'aurais aimé entendre la position du député d'Argenteuil. Je ne l'ai pas entendue, malheureusement.

M. Ryan: Malheureusement, vous ne m'avez pas écouté.

M. Leduc (Fabre): II me semble qu'un des éléments de solution réside dans le rééquilibrage des clientèles des commissions scolaires. Je voudrais vous demander comment vous voyez ce problème, si vous sortez un peu de la CECM et que vous regardez le problème dans l'ensemble de l'île de Montréal. Quelle est votre solution à ce problème qui est nôtre? Je vous l'avoue, il est nôtre. Essayez de vous placer dans la peau d'un citoyen de l'île de Montréal.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M.

le député de Fabre. La question est assez précise, M. Dubé, il faudrait y répondre succinctement, s'il vous plaît.

M. Dubé: Très bien, M. le Président. Je vous référerai aux populations de ces régions et de ces quartiers et aux représentants des associations de ces régions et de ces quartiers. Je ne détiens pas par-devers moi les mémoires qui vous ont été présentés par ces commissions scolaires ou encore par des associations; je sais qu'un certain nombre ne sont pas admis ici, devant cette commission, pour faire valoir leur point de vue. Je fais suffisamment confiance aux gens de Verdun, aux gens de Sainte-Croix, aux gens de l'Ouest de Montréal, aux gens de Le Royer, aux enseignants de ces régions, parce que nous avons déjà échangé des opinions avec eux et ils ne partagent pas votre point de vue quant à la loi 40 et quant au rééquilibrage.

Nous vous présentons donc notre point de vue quant à la CECM. C'est une commission scolaire de taille importante, mais de taille viable et qui doit demeurer.

Le Président (M. Blouin): D'accord, merci.

M. Dubé: Vous n'avez jamais fait la preuve que cette commission scolaire soit démembrée.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M. Dubé, merci.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. Dubé.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. On croyait qu'il y en avait seulement un qui était un peu sourd et qui avait des lunettes déformantes, mais je m'aperçois qu'il y en a au moins deux du côté gouvernemental.

Je pourrais faire la même opération que le député de Fabre et vous lire des extraits de mémoires pour faire la preuve qu'ils ne sont pas d'accord avec le projet du ministre. Je vous en citerai peut-être deux. Il vous a parlé de la CSN, qui a dit, entre autres choses: II nous semble que la réforme scolaire du ministre Laurin aura pour effet de renforcer les pouvoirs du ministère de l'Éducation, d'affaiblir la commission scolaire et de donner quelques pouvoirs, surtout consultatifs, à l'école. Il s'agit beaucoup plus d'une opération de centralisation que d'une décentralisation réelle. C'est ce que vous venez de dire. Bien là, elle est d'accord avec vous. Il va vous citer deux autres lignes. Évidemment, vous pouvez toujours trouver dans un mémoire des lignes qui sont moins favorables et d'autres qui le sont plus.

Si on prend le mémoire de la FTQ -parce qu'il s'en est servi amplement, cela peut vous intéresser - elle a dit: "Sur l'île de Montréal, le critère linguistique lié au redécoupage visant à créer un nombre de commissions scolaires à population équivalente, à l'exception de la CECM, suscite à la FTQ des inquiétudes en raison de l'importance que nous accordons à la mission de péréquation du réseau scolaire. Nous craignons que le projet de loi 40 ne nous annonce le retour des inégalités économiques entre commissions scolaires s'il n'y a pas un organisme central responsable de procéder à une répartition plus juste des ressources. De plus, sans vouloir nécessairement préserver le territoire actuel de la CECM, nous considérons que le ministre n'a pas offert de garanties visant à assurer le maintien ou la préservation de certains acquis pour lesquels la population a payé et dont elle est en droit de continuer à jouir - et ce n'est pas la députée de L'Acadie qui dit cela, c'est la FTQ que le député de Fabre vient de nous citer abondamment. Nous pensons notamment à l'expertise de la CECM dans l'enseignement en milieux défavorisés, l'éducation des adultes, l'abandon scolaire ou les toxicomanies, etc., en bref, ce genre de dossiers qui ont précisément beaucoup à voir avec cette mission de péréquation sociale."

On a eu un message semblable de la part de la CEQ et d'un grand nombre d'autres organismes. Pour ma part, je pense que, quand on a reçu la CECM, j'ai pris soin d'établir au point de départ - d'abord, j'aurais voulu vous saluer, les gens de la CECM; cela me fait plaisir de vous voir ici, mais c'est le député de Fabre qui m'a poussée sur cette envolée parce que je pense qu'il faut quand même rétablir les faits -qu'on ne doit pas sauvegarder un territoire pour sauvegarder un territoire, mais on doit penser à rediviser un territoire si seulement on peut assurer que ceci va améliorer la qualité de l'enseignement. Je pense que toutes les questions qui sont posées, non seulement par la coalition qui est ici ce soir, mais par de nombreux autres organismes, indiquent bien que le ministre de l'Education n'en a nullement fait la preuve et que de toute évidence il y a un vieux problème entre le ministère de l'Éducation du Québec et la Commission des écoles catholiques de Montréal, qu'on a souvent appelée un deuxième ministère de l'Éducation, et qu'en fin de compte on va finir par avoir la peau de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Il n'y a pas d'autre raisonnement que celui-ci, à moins qu'on nous fasse la démonstration que la qualité des services va être améliorée par un redécoupage de la CECM.

Ceci dit, le ministre, évidemment, et le député de Fabre font leur interprétation et leur lecture des mémoires qui nous sont présentés, à commencer par le vôtre, et... Je voudrais vous dire que vous n'êtes pas les premiers à demander le retrait du projet de loi 40. Je ne reviendrai pas sur les nombreux organismes qui l'ont demandé ou encore qui ont dit: À moins que vous ne fassiez des amendements importants, il vaut mieux retirer le projet de loi 40.

Je veux également revenir sur le fait qu'il est exact qu'il n'y a pas de consensus sur l'île de Montréal. Il y en a peut-être plus en province parce que, évidemment, ils seront beaucoup moins touchés par le projet de loi 40. D'abord, il y a déjà, dans les faits, une division linguistique qui existe en province, parce qu'on fonctionne selon une commission scolaire anglaise ou une commission scolaire française dans la majorité des cas. Il n'y a de consensus ni au niveau des cadres, ni au niveau des commissions scolaires, ni au niveau des parents, particulièrement si on veut parler du territoire de la CECM. On se souviendra que, sur ce point particulier, le comité central des parents de la CECM est très divisé. La région la plus défavorisée, la région ouest, est contre la division du territoire de la CECM. La région est, c'est moitié-moitié. La région nord est pour la division de la CECM, dans l'ensemble, avec un bon nombre de comités qui sont dissidents et qui sont également venus nous le dire. Entre cela et dire qu'on a le consentement des parents de la CECM pour la division du territoire, je pense que c'est s'avancer assez loin.

Le ministre nous rassure en disant que cette péréquation va se faire et, à cet effet, il dit: D'une part, le ministère fait déjà une certaine péréquation; le ministre se réserve certains pouvoirs de distribuer de l'argent. Il dit qu'il y aura un organisme à qui les commissions scolaires pourront demander d'exercer certains pouvoirs en commun. Cela me semble être quelque chose qui serait apparenté à l'actuel Conseil scolaire de l'île de Montréal. En plus, il nous dit: Les commissions scolaires pourront aussi se donner des services en commun quant aux services pédagogiques, aux ressources, dans les milieux défavorisés, auprès des immigrants, etc. À part cela, il y aura la commission scolaire. Franchement, je voudrais vraiment savoir comment cela va fonctionner au niveau de l'île de Montréal. On se retrouve avec un organisme qui est chargé de l'administration de la dette obligataire et qui pourrait aussi exercer d'autres pouvoirs. Il y aurait aussi un organisme régional qui pourrait créer des services communs. Il y aurait les commissions scolaires. À part cela, il y a le bureau régional. Moi, en tout cas, je ne m'y retrouve pas là-dedans. Je ne vois pas comment ceci va pouvoir assurer la péréquation qui est vraiment le problème de fond dans une grande ville comme Montréal, où les inégalités sociales sont plus grandes et, quand on a fait l'étude de la carte de la pauvreté au niveau du Québec, c'est évidemment sur le territoire de la CECM pour l'ensemble du Québec et également pour l'île de Montréal qu'on retrouve les plus grandes disparités.

Je pense que vous avez raison de signaler que, tout à l'heure, d'une part, ce n'est peut-être pas exact que le ministère ne donne absolument rien pour les activités en milieux défavorisés mais je pense que c'est exact qu'il s'agit de 1 500 000 $ et non pas de 9 000 000 $ comme le prétend le député de Vachon.

M. Payne: J'ai dit au Québec.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Et que des 6 000 000 $ qui se dépensent pour les milieux défavorisés de l'île de Montréal, la très grande part, puisque 1 500 000 $ viennent du ministère, la différence entre 1 500 000 $ et 6 000 000 $, vient de la surtaxe de l'île de Montréal. Ce que le député de Vachon n'a pas compris et que le ministre ne semble pas comprendre non plus, c'est qu'il y a une première péréquation qui se fait au niveau de l'île, mais que la plus importante se fait au niveau de la commission scolaire. Elle se fait non seulement au niveau des ressources financières, mais également au niveau des ressources en personnel. Quant à l'affectation des professeurs dans les milieux défavorisés ou même des directions d'écoles et des professionnels non enseignants, ils sont répartis en tenant compte le plus possible des besoins des différentes régions de la CECM. Le ministre nous dit: Nous avons établi des critères pour déterminer le territoire des commissions scolaires. Un des critères utilisés pour cela a été celui de respecter les limites territoriales des municipalités. Je m'explique mal ce critère. Je pense qu'il a bien dit cela tout à l'heure, quand il parle de sa volonté de morceler le territoire de l'île de Montréal en deux, trois ou quatre ou même cinq commissions scolaires. Je ne sais pas ce qu'il a fait de son critère à cette occasion.

Il utilise aussi comme argument que la Commission des écoles catholiques de Montréal a créé des régions administratives. C'est strictement ces régions administratives que nous voulons établir en commissions scolaires, mais, encore une fois, ce que le ministre n'a pas compris, c'est que c'est vrai qu'il y a eu des régions administratives de créées pour permettre des décisions locales

et pour permettre aux gens de s'impliquer davantage au plan local, mais toujours a été conservée la commission scolaire qui peut faire cette redistribution de ressources et qui peut, à cause des ressources qu'elle possède lancer des programmes qui n'auraient jamais été réalisés sans l'importance de la CECM. Vous les avez mentionnés: les classes d'accueil, les milieux défavorisés, l'enfance inadaptée, la participation des parents - c'est là qu'ont été créés les premiers comités d'école et comités de parents du Québec -l'éducation des adultes, et la liste pourrait s'allonger. Le ministère de l'Éducation sait fort bien que d'autres commissions scolaires dans l'île de Montréal qu'on a citées en exemple, comme la commission scolaire Jérôme-Le Royer, sont loin d'avoir les services à l'enfance inadaptée ou même de les avoir développés dans la même mesure que la Commission des écoles catholiques de Montréal l'a fait. Ce n'est pas un reproche qu'on leur fait. Il reste que si toutes ces initiatives ont été accomplies, elles proviennent de la CECM, non pas parce que ces gens étaient plus intelligents, plus dévoués ou plus compétents, mais parce qu'ils avaient devant eux un éventail de ressources sur le plan humain, parce qu'à l'intérieur des écoles, des cadres et ailleurs, il y avait du personnel compétent, qui devait faire face à des problèmes à cause du milieu urbain, du tissu de la métropole et de ces inégalités sur les plans économique, social, culturel. D'autres commissions scolaires de petite taille, même si vous les mettez à 25 000 ou 30 000 dans des milieux beaucoup plus homogènes, n'auront pas à relever les mêmes défis. (23 heures)

M. le Président, je pourrais continuer longtemps. Je pense qu'il y a une seule question qui doit nous préoccuper, c'est celle pour laquelle en particulier la réforme de l'éducation a eu lieu dans les années soixante. Il s'agissait d'essayer de diminuer le plus possible les inégalités dans le domaine de l'éducation. Il ne s'agissait pas uniquement de l'accessibilité à l'éducation, mais de diminuer les écarts entre les différentes commissions scolaires, entre les différentes écoles du point de vue des ressources qui étaient à leur disposition, du point de vue des résultats que chacun obtenait. Ceci a exigé, dans un premier temps, une certaine centralisation et je pense que tout le monde a été d'accord avec cela. On a réussi à amoindrir les écarts dans le domaine de l'éducation entre les différentes régions du Québec, entre les différentes commissions scolaires. Je pense que c'est cela qu'on avait compris en se disant: II ne faut pas continuellement diviser, il faut essayer quand même d'avoir un plan d'ensemble cohérent.

Je n'aurai qu'une seule question à vous poser parce que je pense que, dans le fond, l'essentiel de votre mémoire porte sur cette question de ne pas recréer d'inégalités, mais de continuer dans un esprit qui assure la meilleure péréquation possible des services et surtout tenter de donner à chacun des enfants, particulièrement dans le cas qui vous touche, du territoire de Montréal, les chances les plus égales possible, compte tenu des disparités qui demeurent toujours en dépit des efforts qui sont faits.

J'aimerais que vous m'expliquiez comment se fait, à l'intérieur de la CECM, la distribution, si je peux dire, des services des professionnels non enseignants et des enseignants pour diminuer ces inégalités qui existent dans l'ensemble du territoire de la CECM quant aux populations qu'elle doit servir.

Le Président (M. Blouin): M. Dubé.

M. Dubé: M. Haag, je pense, pourra répondre sur la question des professionnels non enseignants. Concernant les enseignants, on sait qu'un tiers, un huitième, un seizième d'enseignant, dans les normes budgétaires, cela existe. À un moment donné, cela finit par faire des unités et on va demander à un certain nombre de ces enseignants de faire une recherche, de faire un travail expérimental dans un milieu donné; par la suite, cela est étendu à une bonne partie du territoire qui a des problèmes semblables. Au niveau des enseignants, c'est là une répartition des ressources outre le fait, évidemment, que naisse un grand nombre d'expériences telle l'école pour raccrocheurs qu'on appelait en premier lieu l'école pour décrocheurs. Je sais bien qu'on peut faire des gorges chaudes à l'égard de ces types d'écoles, mais, quand on constate que beaucoup de jeunes ont décroché et que, selon l'expérience de la CECM, sans soutien financier pour ces jeunes qui l'an passé retournaient à l'école, des quelque 700 qui se sont inscrits à la première expérience, il y en a au moins 400 qui ont terminé leur année scolaire... Ce vécu a démarré à Montréal, non pas à l'instigation du ministère de l'Éducation, mais à l'instigation des professionnels de la CECM, des enseignants de la CECM, des commissaires de la CECM; cela s'est vécu. Maintenant, on voit une autre école qui s'ouvre à Québec et il y a quelques autres projets qui se développent ailleurs; peut-être qu'un jour, on aura une politique globale du gouvernement à l'égard de cette question. D'ailleurs, maintenant, le gouvernement vient de dire que les jeunes qui retourneront aux études, il leur donnera des moyens financiers un peu meilleurs pour être capables d'être à l'école. Donc, il y a eu quelqu'un là qui a aiguillé, qui a réveillé.

Au niveau des professionnels non enseignants, il faut aussi regarder la question

par rapport aux choix que les écoles pourraient faire dorénavant dans ce que planifie le projet de loi 40. Il y a un genre de commande que placeraient les écoles à l'égard du type de ressources dont elles auraient besoin. Est-ce que quelqu'un qui n'est pas spécialiste de la question va commander le bon spécialiste? Que je sache, quand on va dans un hôpital, même s'il y a un comité de gestion dans un hôpital, on ne prescrit pas au médecin le type de soins ou d'intervention chirurgicale que nous devons subir; c'est lui qui fait cela comme professionnel. D'ailleurs, comme on a un professionnel ici, il peut traiter de cette question, comment cela est vu actuellement et comment on l'entrevoit dans le projet de loi 40.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. Haag. Que vous ayez mentionné la question des décrocheurs, c'est un autre exemple d'initiatives prises par ce milieu et qui maintenant, fort heureusement, est adopté par d'autres commissions scolaires, et même par le ministère de l'Éducation. Dans ce sens-là, je ne vois vraiment pas quelle raison le ministère de l'Éducation ou le ministre peut nous donner pour dire: II faut arrêter ce genre d'initiatives. Il faut mettre tout le monde sur le même pied en pensant qu'on va arriver au même résultat, qu'on va avoir le même type d'initiatives ou d'incitations pour développer de nouveaux services qui répondent à des nouveaux besoins.

Le Président (M. Blouin): M. Haag.

M. Haag: Pour être très bref, parlons de l'opération renouveau. Ce sont les usagers: l'école, les parents, les enseignants et les professionnels, qui établissent les besoins, les font connaître à la commission qui, à cause du fait qu'elle a un grand bassin de professionnels et de ressources disponibles, y injecte du personnel supplémentaire, des fois, au détriment d'autres écoles qui pour une année ou deux doivent se passer de ces services. Les besoins des écoles dans les milieux défavorisés sont plus grands. C'est par l'établissement des besoins du quartier, du milieu, y compris les parents, par des comités multipartites que la répartition des effectifs se fait.

Mme Lavoie-Roux: M. Haag, avez-vous dit que certaines écoles vont accepter que ces services ne leur soient pas offerts pour permettre à des écoles d'autres régions de profiter davantage de ces services?

M. Haag: Ces sacrifices sont sûrement faits, c'est certain. C'est souvent à contrecoeur, mais tout le monde reconnaît que les besoins sont plus grands dans ces milieux, et on s'en passe. Cela ne veut pas dire qu'on n'en aura pas besoin et qu'on ne voudra pas réclamer plus de monde pour servir ses écoles, mais d'abord et avant tout il faut aider ces milieux.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Haag.

M. Dubé: Encore un peu, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très rapidement, parce que dans quelques secondes je devrai donner la parole à M. le député de Mille-Îles.

M. Dubé: Très bien. La commission scolaire de Montréal, ou n'importe quelle commission scolaire, quand elle dessert sa clientèle... La clientèle de la région nord de Montréal, par exemple, a besoin de services particuliers. Malheureusement, les normes budgétaires ne permettent pas tout ce dont cette clientèle pourrait avoir besoin. Évidemment que cela cause certaines difficultés lorsqu'on leur demande de sacrifier une petite partie de leur dû pour aider un milieu plus difficile. C'est un problème avec lequel nous vivons, mais les commissaires et l'organisation scolaire générale de la CECM essaient d'établir une répartition équitable comme le gouvernement du Québec fera à un moment donné dans certaines péréquations ou autres et dans la répartition des impôts, du fardeau fiscal, les riches payant un peu plus que d'autres, etc. Ces formules n'ont pas toujours l'acquiescement de tous les citoyens, mais c'est avec l'acquiescement, par exemple, d'une majorité de citoyens. On rencontre toujours des gens qui sont contre certaines questions.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Je suis d'accord avec Mme la députée de L'Acadie lorsqu'elle disait tout à l'heure que le consensus au niveau du projet de loi 40 est plus grand en province. Je suis d'accord avec elle. C'est sûr qu'en province il y a un consensus sur l'intégration du primaire et du secondaire, le nombre de commissions scolaires et un consensus plus grand au sujet des commissions scolaires linguistiques. Il y a aussi un consensus pour plus de responsabilités aux parents. Je ne dis pas qu'au niveau de l'île de Montréal il n'y a pas un certain consensus sur ces points. Alors, je suis d'accord qu'en province le consensus est plus facile. Que ce soit plus difficile sur l'île de Montréal, cela ne me surprend pas. Cela fait depuis 22 ans qu'on parle de restructuration scolaire sur

l'île de Montréal et ce soir on arrive avec une proposition en disant: Faudrait-il une commission d'enquête? Je ne suis pas surpris, parce que le rapport Parent recommandait en 1962 la restructuration scolaire sur l'île de Montréal; en 1968-1969, le ministre Jean-Guy Cardinal, de l'Union Nationale, recommandait dans un projet de loi la restructuration scolaire. Quelques années plus tard, le ministre Guy Saint-Pierre recommandait aussi la restructuration, une formule de restructuration scolaire sur l'île de Montréal.

En 1972, M. François Cloutier, le ministre d'alors, a fait adopter la loi 28, qui a créé le Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui avait la mission de voir à trouver une solution sur la restructuration scolaire. Le ministre Laurin, en 1983-1984, essaie aussi d'avoir un consensus pour faire une restructuration scolaire sur l'île de Montréal. Cela fait 22 ans qu'on parle de restructuration scolaire. Ce soir, des représentants, ici, à la table, nous disent: Établissez donc une commission d'enquête. Reportez peut-être les propositions qui vont sortir de la commission d'enquête à deux ou trois ans, mais, en fin de compte, il y a un gouvernement qui sera obligé de trancher. Je n'ai jamais demandé si, selon l'évolution, ce n'est pas irréaliste que de demander une commission d'enquête dans le sens suivant par exemple: C'est bien sûr qu'au point de départ, M. Dubé, tout à l'heure, vous avez dit comme prémisse: On n'a aucune raison de diviser la CECM. Vous allez donc vous présenter devant la commission d'enquête et dire: Nous autres, on ne veut rien savoir, ne divisez pas la CECM. On va aller voir la commission scolaire protestante et elle dira: Ne nous touchez pas. Chacun va dire: Peut-être que j'aimerais être un peu plus gros, peut-être la commission scolaire de Verdun. Comment pouvez-vous penser qu'il va y avoir un consensus plus large? On a fait une espèce d'évolution et un travail face au projet de loi 40, pensez-vous que les parents catholiques vont faire un consensus avec le Mouvement laique? Est-ce que vous pensez qu'au point de vue confessionnel et linguistique, il va y avoir encore des consensus? Je ne sais pas. Je considère votre proposition de ce soir un peu irréaliste. Cela fait 22 ans qu'on essaie de restructurer, c'est peut-être une chose infaisable et impensable. Au point de départ, il ne faut presque pas toucher à la CECM comme telle. Peut-être que ces gens ont des raisons. J'ai entendu le plaidoyer assez vibrant de la députée de L'Acadie, l'ancienne présidente de la CECM, qui parlait avec beaucoup de ferveur de son ancienne commission scolaire.

J'avais demandé cela à un principal d'école de la CECM. Cela fait 20 ans qu'on essaie de restructurer tout le territoire de l'île de Montréal, comment se fait-il que cela ne se fasse pas? Il dit: C'est viscéral.

Les gens se disent: On fait partie de la CECM, il y a de l'émotion. Je ne le dis pas dans un sens péjoratif tout de même. Au-delà peut-être d'un sentiment d'appartenance à une commission scolaire, faudrait-il peut-être penser à une redistribution de tous les services au niveau de toute une île, l'île de Montréal? Ma question, M. Dubé, sera simple: Comment pensez-vous qu'en mettant sur place une commission d'enquête, vous allez obtenir dans trois ans un consensus plus large pour essayer de résoudre ce que, pendant 20 ans ou 22 ans, on a essayé de faire, soit la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal?

M. Dubé: Je commencerai d'abord par une boutade, M. le député, en disant que vous voulez tellement notre bien que vous nous le prenez.

Il y a un consensus actuellement pour préserver, au moins de façon temporaire, la structure de la CECM, le consensus, y compris avec la CECM et la protection du territoire de la commission de Montréal. J'ai oublié un "c". Je comprends que la question de confessionnalité est une question aussi épineuse. Il y a aussi des solutions à cette question. Il me semble que, la démarche de la coalition de Montréal, appuyée par les commissaires de la CECM, appuyée par beaucoup d'organisations, devrait vous inspirer et vous amener à dire qu'il est possible de faire un consensus. Peut-être qu'il y a trois ans, lorsque nous étions en négociation locale avec la CECM et qu'est arrivée la tutelle, vous auriez cru qu'il était impossible d'avoir une certaine unanimité ou un certain consensus avec la CECM, et pourtant cela se vit trois ou quatre ans plus tard. (23 h 15)

Je ne désespère pas par rapport aux solutions mais la solution n'est sûrement pas dans le démantèlement et la solution n'est pas non plus, à tout le moins pour Montréal. Quand je rencontre les autres enseignants de la CEQ, l'école-pivot, ce n'est pas non plus un consensus pour l'ensemble des enseignants du Québec, parce qu'au niveau de l'ensemble des enseignants du Québec, on veut qu'il y ait une participation des parents à l'école; on veut aussi que la commission scolaire ait les pouvoirs et puisse les exercer.

Il y a d'autres points de vue qui ont été émis dans les autres centrales. Je prends entre autres, par exemple, la FTQ qu'un député qui est adjoint parlementaire nous citait abondamment tout à l'heure. Cette autre centrale syndicale a aussi dit: Ne faites pas cela par-dessus la tête des gens qui travaillent là. Prenez en compte les travailleurs qui sont là. C'est un avertissement formel de la FTQ. Je pense qu'il y a possibilité de trouver un consensus pour autant qu'on se donne des règles et qu'on veuille bien les respecter.

Ce que nous vous disons, à propos du livre blanc présenté par le ministre, c'est que ses orientations ont été rejetées. Le projet de loi qui en découle est aussi rejeté parce qu'il a gardé la même structure. Lorsque vous avez fait l'énumération d'un certain consensus ou de certains consensus, à savoir que si la restructuration scolaire ne se limitait qu'à cela, c'était un engagement du ministre ce soir que de la laisser au niveau de ces questions sans toucher au territoire de la CECM, en envisageant les questions linguistiques, les questions confessionnelles, en se limitant uniquement à une restructuration scolaire. Peut-être aurait-on abordé cela autrement, mais ce n'est pas là la proposition que nous avons devant nous. La proposition que nous avons devant nous est une réforme de l'éducation, non pas une restructuration scolaire, mais sans que ce soit dit. C'est donc pour cela que nous croyons qu'une réforme de cette nature et de cette ampleur devrait être discutée plus amplement et cette discussion ne se fait pas.

M. Champagne (Mille-Îles): M. Dubé, je ne partage pas votre optimisme au sujet de la commission d'enquête. On a regardé tous les partis politiques et tous les gouvernements s'efforcer de faire la restructuration scolaire de l'île de Montréal et ils ont échoué. Vous dites qu'avec une commission d'enquête le prochain gouvernement va le réussir. Enfin! Je ne partage peut-être pas votre point...

M. Dubé: Je vais vous illustrer un exemple de choses dont vous n'êtes peut-être pas conscient, très brièvement.

M. Champagne (Mille-Îles): Un instant, M. Dubé! Je pense que je vous ai laissé répondre tout à l'heure. Je ne partage peut-être pas votre optimisme à ce sujet.

Une autre chose, par exemple, M. Dubé. La proposition de coalition des employés syndiqués de la CECM - je comprends quand même que chaque syndiqué se demande: Qu'est-ce qui m'arrive demain? - je pense que c'est légitime et fondamental et c'est bien sûr qu'il y a des propositions sur la table. Je vais seulement espérer qu'elles soient très bien étudiées. Je pense que vous avez certains droits acquis, vous avez droit à de la protection et, enfin, je vais espérer, à travers tout ce que le ministre a mis sur la table, que les gens puissent voir qu'il y a là quand même de la bonne volonté, des choses qui sont quand même très sûres pour chacun des employés dans le milieu où il vit. Je vais l'espérer.

C'est bien sûr que l'on arrive avec des propositions syndicales ou des règlements syndicaux, ce n'est peut-être pas facile de comprendre tout ce qu'il y a dedans en teneur et en application pratique. C'est pour cela que cela prend peut-être aussi des spécialistes pour voir clair là-dedans. Espérons que les gens du ministère et aussi les centrales syndicales se mettent à la même table et qu'ils comprennent les mêmes choses pour le bien des syndiqués. Merci, monsieur.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. Vous avez un commentaire, M. Dubé?

M. Dubé: Oui. M. le Président, je comprends que le député veuille nous ramener à la question des droits acquis. Mais accordez-nous au moins le droit de nous élever aussi, même si ces questions sont fort importantes et que notre mission principale est de défendre l'intérêt de nos membres, il reste que comme citoyens du Québec aussi on a intérêt aux services qu'on donne. Comme enseignants, comme professionnels de l'enseignement, comme travailleurs de l'éducation, les propositions que nous vous faisons ce soir comme CECM, ce que nous vous décrivons de ce que nous donnerait le projet de loi 40, c'est en termes de qualité de services. Cela a été notre première priorité.

Deuxièmement, je comprends que vous insistez particulièrement sur des droits qu'on semblerait avoir dans les décrets. Ils sont fort minces et fort minimes. Mais ce n'est pas là-dessus qu'on a voulu accentuer notre propos. Je vous demanderai - peut-être ne l'avez-vous pas vu ou, si vous l'avez vu, je ne sais pourquoi vous l'avez ignoré - si, dans le découpage des commissions scolaires que vous proposez pour Montréal, vous avez constaté que des francophones se retrouveraient en minorité au coeur des allophones par la description que vous faites des nouvelles commissions scolaires? Je pense que c'était une autre préoccupation dans le passé. Le gouvernement voulait avoir une majorité de francophones d'origine pour diriger les institutions scolaires pour francophones. Ce sont là quelques difficultés que votre découpage amène. D'autre part, je veux rappeler également que à propos de la carte scolaire, que ce soit celle de Montréal ou celle du Québec, dont nous avons un exemple ici, si je ne m'abuse, par le projet de loi no 40, c'est le ministre qui pourra décréter d'autres types de territoires que ceux qui sont annoncés là. Cela appartient au pouvoir du ministre de décréter cela. Donc, les territoires pourront changer au gré du ministre. On va adopter une loi en pensant que c'est telle carte ou tel découpage qui pourrait être accepté par certaines personnes et, demain matin, elles se réveilleront avec une autre hypothèse ou un autre décret.

Donc, nous croyons que les structures scolaires sont tellement importantes qu'elles

ne peuvent être décrétées. Elles doivent être établies, négociées et cela se fait par consensus. Antérieurement, des ministres ont tenté de faire de la restructuration scolaire. Je soulignerai que, la première fois qu'un ministre a parlé de structures linguistiques par rapport aux structures confessionnelles, il y a eu un tollé au Québec. Y a-t-il encore un tollé au Québec? Quant à l'aspect confessionnel, il a encore une importance majeure et nous, de la coalition, voulons bien que l'enseignement religieux ou moral se donne. Est-il nécessaire que le pouvoir soit à la commission scolaire sur cette question?

Je pourrais vous donner l'opinion de notre association quant à la question de la confessionnalité mais, comme nous sommes ici en coalition, je me limite aux positions communes que nous connaissons.

M. Champagne (Mille-Îles): De toute façon, je vous pose la question, M. Dubé. Quelle est la position de l'Alliance au sujet de la commission scolaire catholique ou bien que ce soit l'école catholique comme telle?

M. Dubé: Nous avons convenu communément, et avec les appuis que nous avons reçus, de défendre le territoire de la commission scolaire de Montréal.

M. Champagne (Mille-Îles): Vous ne répondez pas à la question que j'ai posée.

M. Dubé: Nous défendons le territoire de la commission scolaire de Montréal.

M. Champagne (Mille-Îles): La commission scolaire catholique de Montréal.

M. Dubé: Nous défendons le territoire de la commission scolaire de Montréal. Voilà.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer les gens du regroupement syndical de la CECM. Avant de poser quelques questions, j'aimerais peut-être souligner le fait que, tout à l'heure, le député de Fabre a posé des questions au député d'Argenteuil, à quatre ou cinq reprises, au cours de son allocution. Je le comprends très bien de l'avoir interrogé, pour avoir des renseignements, parce qu'on n'en a pas beaucoup de la part du ministre, et même les députés ministériels sont obligés de se retourner vers l'Opposition pour avoir de l'information. Je pense que le député d'Argenteuil est un bon très collaborateur de ce côté-là et qu'il continuera de bien les informer.

Je suis heureux de voir le président de l'Alliance ici ce soir ainsi que les autres membres du regroupement parce que, dans les deux premières semaines de la commission, il y avait un mot qu'il ne fallait peut-être pas prononcer ici. En tout cas, personnellement, j'aimerais savoir le rôle des enseignants dans le projet de loi 40. Ce mot n'était pas bienvenu. C'est un mot fétiche qu'il fallait cacher. La CEQ est aussi venue dire ici que ce mot existait au Québec, que c'était un fait fondamental dans nos institutions scolaires et qu'on en avait besoin.

Je pense que, dans la proposition, que vous rejetez globalement, du projet de loi 40, il y a quand même des points. Malheureusement, après que vous aurez été entendus ici, de l'autre côté, on dira: L'Alliance est peut-être d'accord là-dessus. Finalement, ils ont trouvé la couverture ou la reliure du projet de loi 40 pas si mal et ils sont d'accord. C'est ainsi qu'on établit un consensus de l'autre côté. Je pense qu'un véritable consensus n'est pas tout à fait cela. J'aurais des questions pertinentes à vous poser, M. Dubé, parce c'est une facette de la situation qui nous préoccupe particulièrement de ce côté-ci.

Sur le projet de loi 40 - auparavant, je ne vous demanderai pas de déposer votre lettre d'invitation - est-ce que vous avez été consultés lors des nombreuses tournées du ministre?

M. Dubé: De quelles tournées parlez-vous?

M. Maltais: Ou avez-vous assisté à des consultations sur la préparation du projet de loi 40?

M. Dubé: Vous m'apprenez qu'il y a eu des tournées nous concernant? La lettre ne s'est sûrement pas rendue à nos bureaux.

M. Maltais: Ah bon! Alors, je ne vous demanderai pas de déposer la lettre comme on vous demandait de déposer la charte du conseil de la ville tout à l'heure. Dans le conseil d'école, est-ce que, si les enseignants y étaient obligés de par la loi, vous tiendriez à y être représentés paritairement?

M. Dubé: II existe actuellement un comité consultatif pour les enseignants sur les aspects pédagogiques, la gestion de l'école, etc., et nous donnons avis au principal. Il existe aussi un comité chez les parents pour faire le même travail. Le principal de l'école a à décider et à rendre compte de ses décisions soit à l'un ou à l'autre des comités ou aux deux. Nous croyons que cette formule peut rendre justice à nos représentants et aussi aux représentants des parents. Là où il y a une

faiblesse, c'est lorsque les parents demandent certains types de services au niveau de leur école qu'ils ne pourraient assumer, même s'ils avaient l'autonomie. Lorsqu'ils placent la demande au niveau de la commission, ils ne sont pas en situation d'établir les politiques au niveau de la commission. C'est pour cela que nous vous suggérons qu'il y ait un lien certain entre un parent qui siège au comité d'école et le conseil des commissaires, non pas un représentant commissaire comme commissaire parent, soit un ou deux, par conseil des commissaires comme actuellement, mais quelque chose de beaucoup mieux structuré.

Quant à nous, enseignants, évidemment qu'il y a des lacunes importantes au niveau de la consultation. C'est la même chose pour les professionnels et les autres travailleurs de l'éducation. Il arrive parfois, malheureusement, que notre avis est demandé trop tard. Le ministère et les commissions scolaires nous oublient à cet égard. Il y a amélioration certaine au niveau des commissions scolaires et de cette consultation concernant les enseignants et des professionnels concernant notre avis. Ce n'est pas parce que nous constatons des lacunes à la consultation et à l'organisation pédagogique de nos commissions scolaires que nous en revendiquons le démantèlement. En terminant, un exemple, ce n'est pas parce qu'on est contre le projet de loi 40 qu'on demande le démantèlement du ministère de l'Éducation.

M. Maltais: Cela va de soi. Une autre question, pour vous - cela s'adresse peut-être aussi aux autres membres des syndicats - le véritable patron dans un organisme demeurera-t-il la commission scolaire ou l'école, indépendamment des fonctions que les différents syndicats occuperont? Est-ce que vous préférez que ce soit l'école ou la commission scolaire?

M. Dubé: Cela nous apparaît impensable que le patron soit au niveau de l'école. Quand on a vécu cela il y a 25 ans, le commissaire du rang décidait si l'enseignante ou une autre continuait ou pas dans ce rang. Ce genre de fonctionnement, on n'en veut plus. On a parfois vu des conflits qui ont pu naître soit entre les parents, les employés ou autres au niveau d'une école. Lorsqu'ils ont été regardés d'un peu plus loin, il y a des solutions qui ont été trouvées. Lorsque c'est très près du milieu, cela amène tout simplement des chicanes et des oppositions. On n'a pas à travailler en dépit d'oppositions au niveau de l'école. On n'a pas à structurer un lieu de combat, de négociation et de représentation. Je pense que ce travail doit se faire au niveau de la commission scolaire.

M. Maltais: M. Dubé, vous êtes un enseignant de carrière et un président de syndicat. Dans la réforme actuellement proposée, est-ce que vous pensez que c'est de nature à améliorer grandement et hautement l'éducation dans l'école vis-à-vis de la relation entre enfants et éducateurs et enseignants, ou tout simplement, est-ce qu'on ne s'attarde pas trop à un changement de structures? Est-ce que la réforme qui est proposée actuellement n'est pas plus une réforme de structures qu'une réforme pédagogique finalement?

M. Dubé: II y a effectivement, croyons-nous, une réforme pédagogique qui est niée par le gouvernement dans le projet de loi 40. C'est ce à quoi nous nous opposons. Quand on veut faire et qu'on dit vouloir faire de l'école le pivot, et qu'en même temps il y a aussi d'autres pouvoirs qui sont aspirés vers le haut, c'est une réforme en termes d'organisation, parce qu'il y a du contenu pédagogique qui en découlera, qui sera différent. Il y aura un vécu qui en découlera qui sera différent. Si on le demande au projet de loi 40, c'est parce que l'on pense que ce projet de loi va donner au Québec, à Montréal en particulier, une situation pire que la situation actuelle. C'est pour cela que, malgré nos difficultés et nos malheurs nous sommes prêts à patienter encore un ou deux ans pour vivre une réforme, une réorganisation. (23 h 30)

M. Maltais: Changement de sujet rapidement. Je sais que vous n'êtes pas ici pour régler le cas des autres commissions scolaires de l'île de Montréal ou du coin, mais on vous a reproché, finalement, d'avoir dit tout à l'heure que la CECM était une tentacule qui étouffait les autres commissions scolaires. Les autres commissions scolaires y ont-elles pensé ou y en a-t-il qui ont demandé peut-être de se regrouper ensemble ou si vous êtes...

M. Dubé: Malheureusement, je ne suis pas informé de ces questions, mais si les représentants de ces commissions scolaires étaient invités en commission parlementaire, cela leur ferait probablement plaisir de vous le faire savoir.

M. Maltais: Merci. Tout à l'heure, on a cité aussi beaucoup de choses de la part des centrales syndicales qui sont passées ici. On a cité la FTQ et la CSN. Peut-être pour vous dire que des passages cités à droite et à gauche, cela fait des réactions curieuses, j'en ai une ici de la CSN qui nous dit: "Par ailleurs, la CSN trouve regrettable que le projet de loi 40 porte le débat sur les plans de la structure. Cela est regrettable, car on oublie les problèmes de la qualité de l'enseignement, du décrochage, de

l'absentéisme des élèves, problèmes réels auxquels devrait s'attaquer plutôt le ministre." Merci.

M. Dubé: Je confirme ces propos parce que - d'ailleurs, même le ministre le constate - quand nous avons fait des revendications quant à la situation des écoles actuellement - les décrets - le ministre a chargé le Conseil supérieur de l'éducation de faire enquête sur la qualité de vie, la qualité pédagogique dans les écoles, etc. Il me semble que, si le ministre a décidé de donner pareil mandat au Conseil supérieur de l'éducation - un mandat que je synthétise, évidemment, à cause de l'heure et du temps dont nous disposons - c'est parce que le ministre doit sûrement avoir constaté qu'il y a des choses qui ne fonctionnaient pas dans les écoles. Nous croyons donc que les conclusions du rapport du Conseil supérieur de l'éducation devraient être connues avant de poursuivre le réaménagement de l'organisation scolaire. C'est pour cette raison aussi que nous croyons, quant aux questions de structures, qu'il devrait y avoir une commission particulière et multipartite qui pourrait étudier cette réorganisation scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dubé. Merci, M. le député de Saguenay. On m'indique qu'il y a une autre intervenante qui désire s'entretenir avec nos invités. Je rappelle cependant à tous les membres de la commission qu'il est 11 h 30, que nous avons un autre groupe à entendre et que nous l'entendrons, effectivement, après la coalition. Je fais donc appel à la collaboration de tous les membres de la commission. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier de votre mémoire. J'aimerais poursuivre sur deux sujets soulevés par le député de Fabre. Le premier est le problème des petites commissions scolaires. La solution est très simple; on ne détruit pas les grosses commissions scolaires, on regroupe les petites commissions scolaires. Là est la solution. C'est très facile.

La deuxième question, c'est la participation des parents. Un des buts principaux du projet de loi est d'augmenter la participation des parents. Bon! Je crois que le député de Fabre a vraiment déformé les positions prises à cet égard par plusieurs intervenants à cette commission parce que, chaque fois qu'un groupe dit: Oui, nous sommes d'accord, nous sommes pour une participation accrue des parents, le côté ministériel présume que ce groupe est pour le projet de loi. C'est absolument faux. Il est vrai que pratiquement tout le monde a signalé l'importance de la participation des parents au niveau de l'école. De plus, pratiquement tout le monde souhaite une participation accrue des parents. Nous avons entendu plusieurs groupes qui représentent des centaines et des milliers de parents et qui, évidemment, participent de façon très satisfaisante à l'intérieur de la loi actuelle. Donc, la question qui se pose est la suivante: Le projet de loi répond-t-il d'une façon propice au but souhaité? Autrement dit, est-ce que le projet de loi va permettre une participation réelle et valable, en respectant leurs rôles, de tous les autres intervenants -je parle surtout des professionnels - et l'intégrité du système scolaire? C'est évident que pour la plupart des intervenants qui sont venus ici, pour eux, la réponse est non.

Il y a plusieurs parents qui, évidemment, appuient le projet de loi parce qu'ils croient, selon leur témoignage ici, qu'ils auront plus de pouvoirs au niveau de l'école sur le plan financier. Ils reconnaissent, avec raison, que le pouvoir financier est la source de toute autonomie. C'est la même chose pour la commission scolaire. J'aimerais lire, à cet égard, les règles du jeu qu'on trouve dans le projet de loi en ce qui concerne les décisions budgétaires. J'aurai une question à poser à la fin. "Article 127. L'école élabore ses prévisions budgétaires annuelles et les transmet à la commission scolaire à la date et dans la forme que cette dernière détermine. "Article 128. Les prévisions budgétaires maintiennent l'équilibre entre, d'une part, les dépenses et, d'autre part, les ressources financières allouées à l'école par la commission scolaire et les revenus qui sont propres à l'école, sous réserve des conditions ou exceptions et selon les modalités déterminées par la commission scolaire." Cet article est très difficile à comprendre, je ne sais pas qui est en charge de quoi. "Article 236. La commission scolaire approuve les prévisions budgétaires de l'école avec ou sans modification. "Article 239. La commission scolaire établit annuellement les règles et les modalités de répartition des ressources financières entre les écoles. "Article 240. Le budget maintient l'équilibre entre, d'une part, les dépenses et, d'autre part, les ressources financières allouées à la commission scolaire et les revenus qui lui sont propres, selon les règles déterminées par le ministre. "Article 242. La commission scolaire intègre dans son budget, comme dépense ou revenu, son déficit ou surplus, sous réserve du droit d'utilisation par l'école des crédits qui lui sont imputés pour la présentation du bien ou du service à la communauté. "Cependant, le ministre peut autoriser une commission scolaire à étaler son déficit

ou son surplus aux conditions ou selon les modalités qu'il détermine."

Maintenant, ma question. Étant donné ces règles du jeu, qu'est-ce que vous prévoyez comme marge discrétionnaire pour l'école sur le plan financier?

M. Dubé: Je ne sais pas si les spécialistes des normes s'y retrouveraient parce que, d'un côté, on semble donner à l'école un droit et, d'un autre côté, on dit, oui, mais sous réserve de. Cela fait un peu penser aux décrets qu'on nous a imposés. Et les premiers décrets nous sont venus... je remonte à 1972. Un article nous dit oui, en principe, et après, on a une série de "nonobstant". En fin de compte, on n'a pas de droits. C'est la première réflexion que me laisse la lecture de ces propositions.

Je ne sais pas ce que le ministre a voulu établir clairement à ce niveau. Est-ce qu'il y aura un fouillis de revendications judiciaires ou d'interventions d'avocat, parce qu'on a un surplus au Québec, et qu'on a peut-être de l'ouvrage à leur trouver. Cela ne m'apparaît pas du plus clair. Je n'ai rien à ajouter de plus là-dessus si ce n'est qu'il y a beaucoup de confusion.

Mme Dougherty: II y en a plusieurs qui pensent, avec raison, je crois, que les pouvoirs que le projet de loi donne aux parents sont en grande mesure des pouvoirs illusoires. C'est pourquoi j'ai posé cette question, parce que le pouvoir discrétionnaire sur le plan financier est certainement un pouvoir important à n'importe quel niveau. Comme, de ce côté-ci, notre interprétation de la loi est que ces pouvoirs seront en grande mesure illusoires, j'aimerais avoir l'opinion d'un autre groupe qui travaille dans l'école et qui pourrait peut-être donner ou justifier une autre interprétation. Si ces pouvoirs sont réels, j'aimerais le savoir.

M. Dubé: Je ne sais pas s'il y a quelqu'un de la coalition qui peut essayer d'interpréter ce que le ministre a voulu écrire parce que pour les bouts que nous avons compris et interprétés, on nous a accusés de faire de la distorsion. Peut-être qu'on peut s'essayer. Je vous répète que, quand on regarde ça, c'est une apparence de droits. Des parents pourront peut-être s'en contenter au départ, mais quand viendra le temps de les exercer, il y aura tellement d'embûches que ces droits-là n'existeront pas et on devra se retourner au niveau de l'autorisation du ministre. J'ai retenu ça; ça passe d'abord au comité d'école, il établit sa demande, si la commission scolaire l'accepte, et si la commission scolaire l'a acceptée, s'il y a telle autre difficulté, il faut que ce soit le ministre qui l'accepte, etc., pour autant qu'il accepte de répartir les déficits, etc. Ce sera un labyrinthe et chanceux ou chanceuses ceux et celles qui réussiront à se rendre au bout. C'est ce qu'on prétend en disant que le projet de loi 40 est une course à obstacles. On en a fait la démonstration concernant les élèves et je pense que vous venez d'établir un début de preuve qu'il en sera ainsi pour les administrateurs scolaires et les parents.

Mme Dougherty: C'est le même genre de question pour l'article 120. On parle des ressources de l'école, des ressources humaines, des pouvoirs de l'école. L'école élabore et transmet à la commission scolaire un plan d'effectifs. Ce plan exprime les besoins de l'école pour chaque catégorie de personnel. Est-ce que vous voyez là une vraie marge de manoeuvre pour les écoles?

M. Dubé: La comparaison que nous avons faite, c'est que la commission scolaire sera un genre d'épicerie, un genre de coopérative et les écoles, dans un premier lieu, iraient rechercher des services au niveau de cette coopérative. C'est un peu l'image que nous avons retenue du projet de loi. La faiblesse que nous soulignons c'est que, dans certains quartiers, il y a des revendications qui seraient fort nécessaires, parce que les parents ne seraient pas préparés ou n'auraient pas le temps voulu. Quand le père ou la mère d'une famille monoparentale travaille toute la journée, il ou elle n'ira pas consacrer de nombreuses heures au niveau de l'école en termes de gestion. Ce sera une minorité de parents qui pourra s'occuper de la gestion. Dans un premier temps ils établiront une requête, fondée ou pas, je ne veux pas discuter du mérite de cette requête, mais, à l'étape subséquente, la commission scolaire, à l'intérieur des règles budgétaires, pourra acquiescer ou pas. Quand elle n'acquiescera pas, faute de deniers, ils se retourneront contre la commission scolaire pour dire que le trouble est là, mais l'étape subséquente serait d'intervenir auprès du ministère, car c'est lui qui détient les cordons là-dedans.

Je constate que les services qu'une école voudrait se donner, elle ne les retrouverait pas nécessairement et cela pour autant que la commission scolaire en ait les capacités. Dans le moment, à la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, nous savons que des problèmes soulevés au niveau des écoles sont étudiés par des équipes au niveau de la commission. Il y a par la suite un aller et retour et, ensuite, il y a de l'affectation de ressources. C'est la commission scolaire qui fait ça, soit à partir de ses analyses, soit à partir de demandes du milieu.

Je ne vois pas dans le projet de loi -peut-être que le ministre pourrait nous éclairer - qu'une commission scolaire pourrait implanter un plan de développement ou de soutien pédagogique aux écoles. Ce n'est pas

l'esprit du projet de loi 40. (23 h 45)

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la députée de Jacques-Cartier. Sur ce, au nom de tous les membres de la commission, je remercie la représentante et les représentants de la Coalition des syndicats d'employés de la CECM d'avoir bien voulu participer aux travaux de notre commission parlementaire.

J'invite maintenant les représentants de la commission scolaire La Vallière, que nous entendrons ce soir. À la suite d'une entente entre les membres de la commission - un peu en guise de compensation - je souligne donc aux membres de la commission et peut-être aussi à ceux et celles qui suivent nos travaux que, demain, nous reprendrons nos travaux non pas à 10 heures, mais bien à 11 heures.

Alors, j'invite maintenant...

M. Dubé: En courte conclusion...

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît!

M. Dubé: ...30 secondes, M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. Dubé...

M. Dubé: ...je veux vous remercier de nous avoir entendus...

Le Président (M. Blouin): Alors, allez-y, mais vous comprenez la situation.

M. Dubé: Oui, M. le Président, 30 secondes. Nous avons travaillé avec vous près de trois heures, ce soir, même plus. Et nous constatons que, pour des gens qui n'étaient pas sur la première liste d'invités, on avait sûrement quelque chose à livrer. Nous vous...

Le Président (M. Blouin): Sur ces remerciements, M. Dubé...

M. Dubé: ...remercions de nous avoir entendus.

Le Président (M. Blouin): ...je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps que nos invités s'installent.

(Suspension de la séance à 23 h 47)

(Reprise de la séance à 23 h 50)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demande maintenant à tous les invités à bien vouloir regagner leur siège afin que nous poursuivions nos travaux. Comme les représentants de la commission scolaire La Vallière sont maintenant installés à la table de nos invités, je les prie d'abord de s'identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes pour que nous procédions par la suite aux échanges entre eux et les membres de la commission.

Commission scolaire La Vallière

M. Guillemette (Roger): Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, M. le ministre de l'Éducation et M. Ryan. Mesdames et messieurs, bonsoir.

D'abord, je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent pour la présentation de ce soir. On considère être représentatifs de ce que doit être une commission scolaire. À ma droite, M. Victor Lachance, président de la commission scolaire La Vallière; M. Gilles Lapointe, enseignant à la commission scolaire La Vallière; M. Réginald Bélanger, conseiller pédagogique et membre des services éducatifs; à ma gauche, Mme Solange Gagnon, directrice de l'école Monseigneur-Bluteau, Mme Noëlla Tremblay-Desbiens, enseignante; Mme Francine Sasseville, du comité de parents; M. Donald Renaud, président des employés de soutien de la commission scolaire La Vallière.

Avant de commencer, j'aurais deux remarques à faire. Tantôt, en sortant dans le corridor, j'ai entendu deux fonctionnaires dire qu'il n'y avait plus d'intérêt à rester ici ce soir car le groupe qui suivait, celui qu'on vient d'entendre, c'était une petite commission scolaire inconnue.

Le Président (M. Blouin): M. Guillemette, puisque les membres sont maintenant présents et que la commission siège, je vous prie de présumer que nous allons accorder à vos propos la même importance que nous avons accordée aux autres groupes. Dans les circonstances, je vous demande de procéder à la lecture de votre mémoire.

M. Guillemette: Oui, M. le Président. En plus d'être un peu inconnus, on va peut-être parler aussi d'un sujet qui est un peu inconnu à la commission. On va s'en tenir à des propos de type éducatif.

Je tiens d'abord, au nom des personnes que je représente, à remercier tous les membres de cette commission, particulièrement MM. Laurin et Ryan, d'avoir bien voulu accepter de nous entendre. Ce geste démontre un réel souci d'explorer toutes les pistes qui pourraient nous aider à améliorer notre système scolaire au Québec. La cause de l'éducation vous tient à coeur. Eh bien, nous sommes heureux, mesdames et messieurs, de pouvoir nous entretenir avec vous.

Pour vous situer rapidement, la commission scolaire La Vallière est située au Lac-Saint-Jean, dans le comté de Roberval, et regroupe les municipalités de Saint-Félicien, Saint-Méthode, Saint-Prime, Notre-Dame-de-la-Doré. Nous avons actuellement une clientèle de 1800 élèves de niveau primaire, clientèle qui est en augmentation. Nous sommes classés comme un milieu socioéconomiquement faible, selon des critères datant déjà de quelques années.

Il me semble pertinent de vous informer de la méthodologie que nous avons utilisée pour en arriver à la production du mémoire que nous vous présentons ce soir. J'ai moi-même écrit une première version d'un document qui se voulait plutôt un squelette. Ce document fut présenté aux directeurs d'école, aux cadres, aux professionnels des services éducatifs, aux comités de parents, aux conseils des commissaires et à une assemblée générale de parents qui s'est tenue dans une école. Les directeurs prirent la responsabilité de le présenter à leurs enseignants et à leurs comités d'école.

Dès cette première opération, j'ai recueilli un nombre important d'adhérents chez tous les groupes. L'étape suivante consistait à discuter et à raffiner le document avec chacun des groupes en prenant toujours la dernière version du document avec un nouveau groupe. Il a toujours été clairement établi que les individus participaient à titre individuel.

Dans notre lettre de présentation de mémoire, nous mentionnions que nous étions de ceux qui ne croyaient pas que les problématiques de l'éducation pouvaient se résumer à l'appréhension de problèmes uniques, bien définis, bien structurés, et dont l'identification contient, dans leurs causes ou leurs effets, la solution. Avant de faire le point sur notre mémoire, permettez-moi de vous présenter six considérations d'ordre plus général et qui contribueront à mieux faire comprendre notre vision du système éducatif.

Première considération, la génétique des populations nous montre que le processus naturel n'aboutit nullement à rassembler les individus autour d'un type idéal. Il semble y avoir une toute autre stratégie: préserver la diversité. Des auteurs ayant une vision futuriste, tels Alvin Toffler, Marilyn Ferguson, Aldous Huxley, Jacqueline Grapin, mentionnent tous qu'il y aura un retour à des organisations ayant de fortes racines sur le plan local et où les individus voudront de plus en plus s'impliquer. L'une des caractéristiques de l'avenir sera la diversité et le respect de cette diversité dans toutes les organisations humaines.

De la naissance à la mort, l'humain apprend. La vie est une situation d'apprentissage. L'apprentissage naît d'une confrontation de l'individu avec une situation qui constitue pour lui un problème. Le fait de se retrouver devant un problème, qu'il soit d'ordre physique, affectif, social ou intellectuel, l'amène à canaliser ses énergies pour chercher une solution susceptible de corriger le déséquilibre et de satisfaire le besoin qui en a résulté.

Dans les systèmes humains, le développement organisationnel est intimement lié au développement personnel des individus qui composent cette organisation. Les jeunes vivent dans le présent et s'occupent de l'avenir. L'avenir, c'est le présent en évolution. Le propre d'une organisation à caractère éducatif devrait être d'utiliser une démarche éducative pour se guérir de ces mots.

Je prendrai maintenant une quinzaine de minutes pour vous présenter notre mémoire. Le titre, c'est: "Et si au lieu d'une restructuration comme le propose le projet de loi 40, on avait besoin d'une structuration scolaire?"

M. le ministre de l'Éducation, loin de nous l'idée de ne pas reconnaître certaines améliorations que le projet de loi 40 apporte à la situation actuelle au Québec. Ce projet est une réforme de structures, mais des structures qui ont été empruntées à l'entreprise industrielle, sans qu'il soit question de fonds par rapport à la mission éducative.

Si nous comparons les structures scolaires, autant au ministère que dans les commissions scolaires ou dans les écoles, nous constatons qu'il n'y a pas de différences significatives: structure rigide, hiérarchique, autoritaire, qui encourage le conformisme; buts définis en haut; asservissement de l'humain à la technologie; division du travail, spécialisation, rôles de plus en plus précis; interactions minimisées.

L'entreprise industrielle s'est dotée de cette structure pour remplir sa mission de production de masse, c'est-à-dire une production uniforme, conforme à des normes et en grande quantité.

Comment se fait-il que le système d'éducation, ayant une mission très différente, possède, à quelques détails près, la même structure? Soit que la structure n'a pas beaucoup d'importance pour la poursuite de la mission d'une organisation et, dans cette optique, le projet de loi 40 ne serait pas très important; soit que la structure est un moyen important pour la réussite de la mission d'une organisation et, dans ce contexte, un projet de loi devrait viser à doter les organismes éducatifs d'une structure qui facilite la poursuite de leur mission.

Dans le présent mémoire, nous essaierons de dégager les éléments sur lesquels devrait s'échafauder une structure scolaire au Québec. Les "lunettes" que nous utiliserons nous permettront à la fois de voir

ce qui est essentiel et accessoire et aussi d'y lire les incohérences du système actuel. Notre approche est carrément de type systémique plutôt que hiérarchique et se situe dans une perspective de prise en charge. Puisque personne, à notre connaissance, n'a nié le fait que le système d'éducation existe avant tout pour éduquer, c'est autour de ce processus et d'un environnement adéquat que nous construirons notre édifice.

Nous n'irons pas chercher nos références ailleurs que dans les documents publiés par le ministère de l'Éducation, le ministre de l'Éducation, le Conseil supérieur de l'éducation et qui servent actuellement à orienter le système scolaire au Québec, c'est-à-dire le livre vert, L'école québécoise, l'enseignant et l'enseignante: des professionnels; L'école s'adapte à son milieu; Une école communautaire et responsable; Le régime pédagogique; Le projet éducatif, L'esquive et les valeurs, et les nouveaux programmes d'enseignement. "L'École québécoise, énoncé de politique et plan d'action", nous dit que l'éducation au Québec vise le développement intégral de la personne. Pour ce faire, elle doit créer un milieu éducatif équilibré qui permet de répondre aux besoins fondamentaux de toute personne: autonomie, liberté, bonheur, aimer et être aimé, transcendance. En un mot, il s'agit de favoriser l'épanouissement d'une personne créatrice.

Comment est-ce possible de développer l'autonomie et la créativité dans un système réglementé au maximum? Un système qui crée des normes auxquelles les jeunes et ceux qui les guident: enseignants, parents, directeur d'école, commissaires, doivent se conformer? (minuit)

II y a un vieux principe en éducation qui dit qu'on ne peut pas donner ce qu'on n'a pas. Des individus sans autonomie peuvent-ils développer l'autonomie chez les jeunes? Est-ce en montrant aux jeunes des adultes dans des situations de constante opposition, de réaction plutôt que d'action, qu'on leur enseignera à être constructifs et créatifs? Fénelon a écrit: "Les leçons profitent peu si les exemples viennent les démentir." Là où le bât blesse, c'est qu'il n'y a pas toujours le contexte favorable et pas souvent l'organisation adéquate pour bien accomplir notre mission.

Voyons ce qu'il en est. L'enfant et son environnement. L'enfant est un individu, c'est un être biopsychosocial. Il constitue en lui-même peut-être le système le plus complexe connu. Il est un tout bien organisé qui réagit à une situation. Lorsqu'il bouge, l'enfant agit, pense et ressent tout à la fois.

L'enfant fait partie d'un environnement plus grand que lui. Ce fait le place au coeur d'un réseau complexe de relations quotidiennes qui contribuent à façonner son présent et son devenir.

La vie de l'enfant est constituée de relations constantes et dynamiques avec les éléments de son environnement qui interagissent entre eux. Il reçoit d'eux, est stimulé, sollicité par eux; il leur transmet des réponses et les influence même. Dans ce tout dont il est le pivot, il est à la fois émetteur et récepteur. Dans cette période précédant la venue de l'enfant à l'école, généralement, les parents occupent la principale place d'éducateurs.

Indépendamment de l'école, l'enfant s'est déjà forgé un univers dans lequel il a intégré un certain nombre d'acquis, d'habitudes, de valeurs, etc. L'école ne recevra pas un être vide, mais quelqu'un qui a déjà vécu. La transition doit être la plus harmonieuse possible. D'ailleurs, nous croyons que c'est ce qui constitue la base de toute l'argumentation du document: L'école s'adapte à son milieu.

L'enfant et la classe. Lorsqu'il arrive à l'école, l'enfant se retrouve dans une classe confiée à la responsabilité d'un ou de plusieurs enseignants. Nous ne nous attarderons pas à fonder le rôle primordial de l'enseignant dans la relation à l'apprentissage, car, M. le ministre, vous l'avez bien fait dans votre document: L'enseignant et l'enseignante: des professionnels. Nous affirmons cependant qu'à l'école le premier éducateur, ce n'est plus le parent, mais l'enseignante ou l'enseignant. Toutefois, les deux, parents et enseignants, sont intimement liés dans une cause importante et difficile, c'est-à-dire celle de conduire le jeune vers une plus grande maturité.

Pour jouer efficacement son rôle, l'enseignant aura besoin de support et de la collaboration des parents. Il est souhaitable et nécessaire que les efforts d'éducation de la classe et de la famille soient coordonnés, compte tenu du fait qu'ils ont à s'occuper des mêmes enfants. Toute autre considération devient un prétexte à autre chose que l'éducation du jeune.

Contexte favorisant l'apprentissage. L'état actuel des connaissances en éducation nous permet de dégager certains contextes qui favorisent l'apprentissage chez le jeune. Croyant que la vie est un apprentissage continuel, ces contextes sont aussi réels pour le développement d'un adulte: un contexte qui encourage le jeune à être actif et dans lequel le jeune se sent motivé, qui encourage la découverte; un contexte qui respecte l'individualité du jeune, dans lequel on reconnaît au jeune le droit de faire des erreurs, dans lequel la divergence d'idées est considérée comme bonne et désirable et dans lequel l'incertitude est tolérée; un contexte qui encourage la communication; un contexte dans lequel le jeune est encouragé à mettre

sa confiance autant en lui-même qu'en des sources extérieures; un contexte qui permet la confrontation.

Nous voulons ici souligner que les nouveaux programmes veulent maximiser les occasions où ces contextes seront présents. La lecture des documents sur les programmes ne laisse aucun doute là-dessus. Nous croyons qu'il est impossible de créer cet environnement pour le jeune sans considérer l'élément le plus important de cet environnement, c'est-à-dire le ou les enseignants qu'il côtoie. Il devient par le fait même important que ces contextes se retrouvent pour l'enseignante ou l'enseignant.

La classe et l'école. Ce sous-système de base qu'est la classe se retrouve dans un système plus vaste qu'est l'école. Certains verront l'école comme une somme de classes. La réalité, cependant, devrait être tout autre. Le tout devrait être plus grand que la somme des parties et c'est, à notre avis, dans ce plus que prend racine le concept de projet éducatif.

Lorsqu'elle fut présentée pour la première fois, la notion de projet éducatif semblait vouloir offrir une piste de travail intéressante pour l'école et sa collectivité. Le projet éducatif est, selon nous, aussi important pour la classe et l'école que l'enseignante pour l'enfant. Pourquoi, si c'est important, en est-on encore aujourd'hui à parler de projet éducatif et non d'en vivre dans la plupart des écoles du Québec? Il semble bien que seuls les marginaux et les clandestins aient réussi à faire des pas dans ce sens envers et contre tous.

Au même titre qu'un enfant apprend mieux dans un contexte favorable, le projet éducatif a besoin d'un contexte favorable pour se développer. C'est d'ailleurs l'une des hypothèses de base du livre blanc, une école communautaire est responsable. En laissant plus d'autonomie à l'école, elle sera plus en mesure de définir ses orientations et de faire ses choix propres, en d'autres termes, de se prendre en charge. Ces contextes favorables à l'émergence du projet éducatif sont essentiellement les mêmes, selon nous, que ceux favorisant l'apprentissage énumérés précédemment.

La participation des parents ayant pris racine dans la classe de leur enfant, ils pourront, à ce moment, être des partenaires au niveau de l'école, s'ils le désirent.

Les écoles et la commission scolaire. La commission scolaire est elle aussi plus que la somme de ces écoles. Il ne faut pas la voir au-dessus, mais avec les écoles. C'est là, à notre avis, tout un changement de perspective que les discussions actuelles sur le projet de loi 40 n'ont pas beaucoup éclairé.

Le rôle de la commission scolaire devrait être d'abord de créer un contexte favorable à l'émergence, à la réalisation du projet éducatif de ses écoles à l'exemple d'une enseignante avec ses élèves et ce dans le respect de chacune d'elles.

La commission scolaire et le ministère de l'Éducation. À l'observation, il semble bien que le ministère de l'Éducation du Québec joue en partie le rôle de l'État, c'est-à-dire celui de définisseur des grandes orientations et le rôle d'un centre administratif d'une supercommission scolaire centralisée. Nous croyons qu'il est actuellement temps de rajuster le rôle du ministère de l'Éducation.

Au niveau des orientations, si l'on se base sur les documents cités en introduction, le travail est passablement fait. De nouvelles orientations viendraient mêler davantage les cartes qu'autrement. C'est peut-être du côté du support à la réalisation de ces grandes orientations qu'il faudrait investir. Pourquoi ne pas soutenir les projets qui émergeront de chacune des commissions scolaires? Pour analyser les rôles utiles du ministère reportons-nous au contexte favorisant l'apprentissage.

Lorsque le ministère de l'Éducation vient réglementer à outrance la vie des commissions scolaires et des écoles, c'est, à notre avis, une approche antiéducative contre le développement d'attitudes autonomes qui favorisent peu la prise en charge. Tous les programmes d'études, particulièrement au primaire, nous indiquent de partir du vécu de l'enfant, de ses besoins et de ses intérêts. Comment se fait-il que le ministère n'applique pas ces principes quand il s'agit de sa propre action. Encore là, les leçons profitent peu si les exemples viennent les démentir.

Le célèbre économiste britannique Ernest Schumacher a écrit: "N'importe qui peut compliquer les choses, mais il faut une touche de génie pour les garder simples." Nous travaillons tous en éducation et nous utilisons peu les approches propres à ce secteur d'activité: Pourtant, nous savons fort bien qu'en éducation tout est une question d'attitude, de comportement, de valeurs, de respect de l'individu. Pourquoi alors agissons-nous et légiférons-nous comme s'il en était autrement? La naïveté ou l'irréalisme iraient-ils jusqu'à laisser croire que parce qu'un nouveau programme d'études est déclaré obligatoire au Québec, tous les enseignants vont automatiquement devenir de bons dispensateurs de ce programme? Alors, pourquoi forcer la nature?

Dans cette ligne de pensée, permettez-nous, M. le ministre, de vous suggérer une approche qui respecterait les grands objectifs poursuivis dans le projet de réforme scolaire et qui reprendrait les principes éducatifs que vous défendez avec acharnement.

Quand un professeur a 25 élèves dans une classe, il peut faire comme si les 25 élèves étaient semblables, les faire entrer

tous dans le même moule ou essayer de respecter les 25 individus qui lui sont confiés. Si l'enseignant choisit la deuxième voie, on peut dire de façon générale qu'il assure la gestion de la diversité dans sa classe et c'est ce que tout le monde souhaite.

M. le ministre, vous avez actuellement environ 250 élèves, tous différents. Que vous vouliez en avoir moins, cela va; mais tous pareils, cela ne va plus. À ce moment, vous faites le contraire de ce que vous attendez des enseignants. Puisque la réforme souhaitée vise presque essentiellement des changements au niveau des comportements et des attitudes des divers intervenants du système d'éducation, nous croyons, et vous devez le croire aussi, M. le ministre, qu'une approche éducative conviendrait beaucoup mieux dans les circonstances.

Au niveau local, une première possibilité: Vous laissez un an à chacun des milieux pour trouver les ajustements souhaités par les divers intervenants et qui leur permettraient d'identifier les pas à faire entre leur situation actuelle et leur situation souhaitée, en d'autres termes, de prendre en charge le maximum d'éléments de leur réalité.

Chacune des commissions scolaires peut planifier sa démarche en collaboration avec ses écoles cette démarche pouvant varier d'une commission scolaire à l'autre.

Une deuxième possibilité: Vous laissez au moins la chance à certaines commissions scolaires d'expérimenter d'autres modèles d'organisation scolaire.

Au niveau provincial, dans un contexte de respect des milieux, il devient évident que l'approche du ministère de l'Éducation doit être ajustée. Le ministère de l'Éducation devrait être amené à gérer la diversité et à supporter les commissions scolaires dans leur mission éducative.

Durant cette année de réflexion il faudrait mettre en place un comité dont le but serait de déréglementer au maximum le système d'éducation. Nous vous demandons, pour ce faire, de laisser de côté les regroupements provinciaux actuels, car il est nettement démontré que, lorsqu'un appareil couche avec un appareil, cela engendre normalement une "autre affaire pareille". L'histoire, quoique intéressante et instructive, n'est pas nécessairement prophétique dans un univers en transformation.

M. le ministre, il est peut-être temps de mieux utiliser tout le potentiel et toute la compétence répartis dans tout le Québec.

L'approche proposée suppose beaucoup de discussions au niveau des écoles, des commissions scolaires et du ministère. Nous croyons fermement que tous les intervenants en sortiront grandis, plus motivés, plus confiants en leurs moyens. Cette approche est un peu plus longue que ce que vous aviez prévu, mais tellement prometteuse. En éducation, peut-être plus qu'ailleurs, il faudrait se rappeler que vite et bien ne vont pas nécessairement de pair.

Certaines entreprises commerciales et industrielles s'interrogent actuellement sur la mise en place de modèles d'organisation inspirés d'approches éducatives. Il serait pour le moins paradoxal que les entreprises d'éducation se fassent damer le pion sur ce qui est leur raison d'être. Il nous semble que le débat actuel porte sur des questions passablement loin des préoccupations éducatives. Les adultes ont le droit de se tirer au poignet pour l'obtention du pouvoir, mais qu'on utilise les enfants pour se justifier, nous ne marchons simplement pas.

Nous avons en main tous les éléments desquels devrait s'inspirer une réforme scolaire et c'est ce que nous avons voulu dégager. Lorsque nous abordons les questions par le biais du pouvoir de l'un par rapport au pouvoir de l'autre, nous manquons le bateau. Si, un beau matin, au lieu de se voir un au-dessus de l'autre, on se voyait ensemble pour accomplir une mission que tous reconnaissent très importante.

Je vous remercie beaucoup de votre attention. J'avais oublié de me présenter tantôt. Je me nomme Roger Guillemette, directeur général de la commission scolaire La Vallière.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guillemette. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord saluer l'importante délégation de la commission scolaire La Vallière, qui réunit des représentants de toute l'équipe écoles-commission scolaire ainsi que les nombreuses personnes qui l'accompagnent. (0 h 15)

J'ai lu avec un très grand intérêt votre mémoire et j'ai écouté avec non moins d'attention la présentation que vous en avez faite. Je dois vous dire que je partage au départ votre conception de l'éducation, du système éducatif, une sorte de vision systémique du système éducatif, on pourrait même dire dialectique. J'y ai retrouvé de solides fondements philosophiques. J'ai cru reconnaître en passant certains éléments fondamentaux de la psychologie de la forme où le tout ne doit jamais être conçu comme la somme des parties mais que le tout contient des qualités qui lui sont propres et non pas simplement l'addition des qualités de chacune des parties.

J'ai bien apprécié aussi votre conception de l'enfant que vous définissez comme un être biopsychosocial, conception dont on doit s'inspirer chaque fois qu'on tente d'établir une approche intégrée et optimale de l'action éducative. Vous définissez aussi le type de relation parent-

enfant en ce qui concerne l'éducation mais aussi l'approche de l'enseignant, une relation éducative saine et structurante. Là aussi, je pense qu'on ne peut être plus d'accord.

Il y a aussi beaucoup, dans votre conception, de belles liaisons qui sont établies entre les rapports qui doivent s'établir entre l'entourage et l'enfant qui est l'objet d'éducation. Un entourage qui doit être travaillé de façon qu'il devienne un contexte favorisant la structuration, la maturation et l'épanouissement de la personne. De cet entourage font partie évidemment tous ceux qui gravitent autour de l'enfant, qu'il s'agisse des parents, de l'enseignant, des personnels non enseignants et également de l'entourage physique, de l'entourage culturel. Je pense que c'est là une conception très intéressante de l'éducation et je vois que vous l'appuyez sur de nombreux auteurs.

Cela vous amène à jeter un regard critique sur la façon dont fonctionnent nos systèmes éducatifs actuellement. Pour aller droit au but, je pense que cela remet en question les fonctions, les responsabilités des trois paliers majeurs du système que sont le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires et les écoles. Ce serait là le sens de la question que je veux vous poser: Selon vous, quel devrait être le rôle, la fonction propre d'un ministère de l'Éducation, surtout en nous rappelant que vous nous invitez à déréglementer? Vous n'êtes pas contre le fait que le ministère soit responsable des grandes orientations mais vous dites cependant qu'il faudrait qu'il pense davantage à accorder du support aux paliers qui s'étagent à la suite ou en dessous du ministère et vous nous recommandez de déréglementer. J'aimerais bien que vous précisiez sur quels points il faudra accorder du support et dans quels domaines il faudrait déréglementer.

Deuxièmement, en ce qui concerne la commission scolaire, vous affirmez en page 7 de votre mémoire que le rôle de la commission scolaire devrait être d'abord de créer un contexte favorable à l'émergence, à la réalisation de projets éducatifs dans les écoles. Nous savons que certaines commissions scolaires se sont acquittées avec honneur de cette tâche mais il faut bien se demander pourquoi la plupart d'entre elles -comme le signalait récemment fort à propos le Conseil supérieur de l'éducation, à la page 49 de son mémoire - ont attendu l'intervention gouvernementale pour procéder à une responsabilisation de l'école.

Cela m'amène à glisser vers l'école maintenant. Pour votre part, vous dites d'une façon éloquente que le projet éducatif est aussi important pour l'école que l'enseignant ou l'enseignante l'est pour l'enfant. On peut noter ici, assez curieusement dans cette cinquième semaine de la commission parlementaire, que les commissions scolaires, qui ont fait leur cette conception du projet éducatif que vous avez énoncé ce soir, sont justement celles qui veulent reconnaître à l'école des pouvoirs décisionnels. Plusieurs commissions scolaires comme Morilac, Les Écores, Jérôme-Le Royer, sont venues nous parler de leur conception à cet égard.

Donc, pour glisser finalement vers l'école maintenant, est-ce que vous seriez prêt, de votre côté, à accorder à l'école des pouvoirs qui lui sont nécessaires pour réaliser son projet éducatif? Si oui, lesquels pouvoirs vous paraissent importants ou nécessaires? Donc, à partir du ministère en passant par la commission scolaire pour aboutir vers l'école, j'aimerais que vous nous précisiez davantage vos vues dans le sens des trois sous-questions que je vous ai posées.

M. Guillemette: D'accord. Pour parler du rôle du ministère, disons que je ne définirai pas tous les secteurs dans lesquels le ministère pourrait intervenir. Je crois qu'il doit le faire, de toute façon, dans les secteurs dans lesquels il intervient actuellement. C'est plutôt dans l'attitude, dans la façon qu'il intervient. À l'exemple d'un professeur avec ses élèves, vous pouvez dicter autocratiquement telle ou telle chose à faire par les élèves. Le ministère devrait plutôt essayer d'adopter le rôle d'un enseignant avec ses élèves face aux commissions scolaires. C'est-à-dire qu'il a quand même la responsabilité d'assurer les grands encadrements mais qu'il laisse un peu le soin à chacun de manoeuvrer comme eux pensent, en essayant d'être à l'écoute de ces milieux et d'essayer de les appuyer.

Le fait de commencer à définir des secteurs d'intervention, c'est un peu mécanique et je trouve que le ministère produit de belles choses. Il y a là une quantité de choses intéressantes et il nous amène de l'information de l'extérieur. Le problème c'est que, finalement, parfois cela nous est garroché quand on n'est pas prêt ou encore, on a commencé à travailler sur autre chose et il faut laisser cela de côté pour essayer d'être à la page un peu parce qu'on se dit que cela vient du ministère. C'est pour cela que ce que le ministère fait actuellement, il devrait continuer à le faire mais en ne déversant pas cela dans le système inconsidérément, c'est-à-dire en attendant que des jeunes demandent du support ou encore qu'il y ait un milieu favorable qui le propose comme champ d'expérimentation.

Sans doute qu'il y a peut-être des fonctions actuellement qui pourraient être considérées un peu moins importantes. Mais dans les fonctions importantes, il y a sûrement tout l'aspect recherche, l'aspect innovation qu'il doit supporter. Je me dis que tout bon système éducatif doit favoriser beaucoup l'innovation. Là-dessus, le ministère

a un rôle à jouer pour encourager les élèves les plus créatifs, donc les commissions scolaires les plus créatives et qu'on devrait essayer de les utiliser au lieu de, par exemple, toujours se demander s'il passe dans le moule ou pas. Il y a toujours un article quelque part qui nous amène, si on veut faire quelque chose, à passer à côté. C'est dans ce sens que je me dis que les règlements devraient peut-être être élargis un peu dans le sens qu'on devrait éviter de trop préciser une norme ou encore de trop dicter quoi faire dans telle circonstance. Comment faire de façon générale, d'accord, mais, aller dans les détails... Par exemple, que vous devez déposer tel rapport dans la deuxième semaine de septembre. Quand on a compris ce que cela vient faire dans le système, on sait à peu près vers quelle date on doit déposer cela. Éviter, disons, d'avoir trop de règles précises.

Mais vous comprenez bien que c'est un travail - je parlais d'un comité - qui demanderait... Avant d'enlever une règle, il faut voir les conséquences que cela aurait et je ne suis pas prêt à le faire ce soir parce que, si je le faisais, je ferais le travail d'un comité et je pense que cela mériterait quelques heures de rencontre là-dessus. Enfin, c'est plutôt dans l'attitude du ministère.

Pour la commission scolaire, personnellement, je ne conçois pas une commission scolaire autrement que d'être là pour supporter ses écoles. Qu'est-ce qu'on doit donner à l'école? C'est tout ce qui touche sa vie courante. La vie courante dans l'école, ce qui s'y passe c'est l'enseignement, des activités éducatives. À part cela, il ne se passe pas tellement de choses. Elles concernent toutes la vie de l'élève, la dynamique qu'il y a entre les enseignants et le directeur. C'est finalement lui laisser sa marge de manoeuvre pour souffler, comme chez nous on essaye de le faire. On le fait, disons, en étant peut-être un peu hors la loi. Ce ne sont pas des délégations officielles. C'est encore dans les mentalités. À un moment donné, c'est une attitude à avoir. C'est bien sûr qu'en étant à la commission scolaire on peut toujours se présenter comme ayant le pouvoir, ayant l'autorité et dire: vous allez faire cela. On peut aussi, comme un bon professeur fait, essayer d'écouter ses élèves et des amener à - en tout cas -essayer de les respecter tels qu'ils sont et essayer de les faire cheminer.

Encore là, pour parler de choses précises sur la commission scolaire, ce sera un travail un peu plus élaboré que ce que je pourrais vous dire ce soir. Si on était prêt à déléguer des pouvoirs à l'école officiellement, on pourrait l'écrire. Dans la pratique, c'est fait. Je pense que les écoles ont déjà une bonne marge de manoeuvre. Comme on le dit à un moment donné, d'une école à l'autre cela peut varier. Une école peut être prête à en prendre plus, mais arriver avec le modèle défini pour dire à toutes nos écoles on va leur déléguer tel et tel pouvoir, il y en a peut-être qui ne voudront pas l'avoir. Je me dis que c'est un ajustement qui doit se faire. Une commission scolaire doit être assez souple pour traiter avec ses écoles comme un professeur traite avec chacun de ses élèves. Donc, si un élève est capable d'en prendre plus, c'est ton devoir non seulement de lui en donner plus mais de l'amener à dépasser un peu l'état où il est actuellement.

À tous les niveaux, c'est une question de vision des choses. C'est plus qu'une question de définir sur papier ce qu'on fait. C'est toujours plus facile de s'entendre dans un milieu donné que d'essayer de s'entendre au niveau du Québec. Dans notre milieu c'est assez diversifié. Vous comprenez que c'est quand même limité comme milieu. On réussit à s'entendre sur un minimum de choses. On ne travaille pas sur les choses sur lesquelles on ne s'entend pas mais sur celles sur lesquelles on s'entend. Si on travaillait sur les choses sur lesquelles on ne s'entend pas, on passerait son temps à se chicaner, bien sûr. À partir du moment où on fait un choix c'est un choix qu'on fait chez nous; ailleurs ils en font sans doute d'autres - le climat est un peu plus constructif. On est capable à un moment donné de faire certaines concessions pour favoriser le développement de l'école ou de toute notre organisation.

M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guillemette. Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la magnifique délégation de Saint-Félicien qui est ici ce soir. Je veux féliciter les nombreuses personnes qui vous accompagnent de la patience exemplaire qu'elles ont démontrée en attendant aussi longtemps pour avoir l'occasion de causer avec les membres de la commission parlementaire. J'espère que vous aurez un beau voyage de retour. Si vous voulez rester demain pour suivre les travaux, cela nous fera bien plaisir de vous avoir avec nous vu que serez obligés de passer la nuit ici. Vous nous apportez un peu d'air pur du Lac-Saint-Jean alors que nous passons beaucoup de temps à discuter de tuyauterie, d'aspects légaux.

Vous nous dites que la vraie manière d'aborder les problèmes de l'éducation est toute autre. Vous nous parlez de l'esprit dans lequel vous essayez de travailler. À causer avec vous, j'ai cru constater que cela ne va pas si mal entre vous dans le secteur de l'enseignement, malgré les verdicts souvent

péjoratifs qui sont portés par le ministère de l'Éducation. Il y a peut-être plus de santé dans le système que le ministre... Un médecin est toujours un petit peu porté à voir des maladies. Je ne vais pas plus loin. Je ne précise pas le type de médecine.

C'est une chose qui m'a toujours frappé, en circulant à travers le Québec, de constater qu'il y avait beaucoup plus de santé que veulent le reconnaître les diagnostiqueurs patentés, les gouvernements, les universités et même parfois des journaux, dont j'ai fait longtemps partie. (0 h 30)

II y a une chose qui me venait à l'esprit en vous écoutant. Je regardais cela et je me posais la question... Ici, nous discutons du projet de loi 40; vous autres, que feriez-vous avec ce projet? C'est notre problème. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire, vous tournez autour. Je suis habitué à un langage plus direct de la part des gens du Lac-Saint-Jean, en particulier, où j'ai eu le bonheur de passer quelques années de mon enfance. Je voudrais que vous nous disiez franchement ce que vous nous proposez à la fin; une année d'expérimentation au niveau des écoles, des commissions scolaires, un comité qui verrait à débroussailler la réglementation ministérielle en matière d'éducation? Est-ce que je comprends bien votre pensée en supposant que pendant ce temps vous recommanderiez au ministre peut-être de remiser son projet de loi quitte à nous revenir plus tard quand il y aurait un peu d'air frais qui aurait circulé là-dedans à partir de l'expérience faite un peu partout? C'est ma question.

M. Guillemette: Je pense qu'il y a des fondements qu'on ne doit pas laisser de côté, en tout cas, qui ont été écrits dans le livre blanc, qu'on retrouve peut-être un peu moins dans le projet de loi 40, mais on les retrouvait clairement dans le livre blanc. Il faudrait laisser peut-être la possibilité à chacun des milieux de comprendre cela à sa façon. C'est sûr qu'un projet de loi va aller dans le sens d'un modèle qui va être proposé à l'ensemble des commissions scolaires au Québec. Dans ce contexte, cela voudrait dire peut-être attendre un peu et voir si c'est vraiment sincère ce que les personnes disent. Si les parents disent qu'il n'y a pas de problème chez eux et les professeurs, qu'il n'y a pas de problème, les commissaires, c'est parfait et que pour les directeurs d'école et tout le monde c'est parfait, à ce moment, je me dis qu'une restructuration chez eux c'est moins senti que dans un autre milieu. Si on se base sur les sons de cloche qu'on a entendus, on aurait des raisons de croire que cela ne se parle pas tellement dans chacun des milieux.

Après le livre blanc, il y a des organismes qui sont partis de côté et pourtant c'était tout du monde qui partait à peu près de la même place. Ce sont tous des commissaires, des parents, des enseignants, des directeurs généraux, des directeurs d'école. Mais ils ont tous utilisé leur tribune qui est une tribune plus élevée que la nôtre. D'accord, c'est bien sûr que, quand c'est un organisme provincial qui se présente ici, il y a pas mal plus de "swing" que quand c'est une petite commission scolaire du Lac-Saint-Jean. Il reste que dans le fond tout ce monde a des racines quelque part. Il faudrait leur laisser la chance d'aller tenir leurs discours chez eux. J'ai participé au début de la commission parlementaire, il y en a qui ont tenu des discours ici, j'aimerais cela qu'ils aillent les tenir devant les enseignants chez eux ou bien devant leurs directeurs d'école ou devant les commissaires, dépendant des groupes qui sont venus. Ils verraient qu'il y aurait peut-être des bouts de chemin, des ajustements à faire chacun chez eux. De toute façon, ce cheminement, si on se reporte au processus éducatif, tant que les gens ne se seront pas posé la question, qu'ils n'auront pas senti le problème chez eux, tout ce qu'on va leur donner, cela va être considéré comme étant soit à côté du sujet ou encore comme utopique, comme une mauvaise lecture de la réalité, en tout cas, tous les qualificatifs qu'on pourrait trouver.

Je dis qu'il faudrait donner la chance à chacun des milieux. Si la seule possibilité c'est de retarder le projet de loi 40, on devrait le retarder peut-être, mais à certaines conditions, d'accord? Si dans un an la bisbille est prise ou que vous n'avez pas réussi à nous présenter un plan qui se tient, regardez c'est quoi, nous autres, le modèle qu'on recommande. C'est pour avoir une assurance que tout le monde entrera dans un moule au moins acceptable s'ils ne sont pas capables de s'en trouver un pour eux autres.

M. Ryan: II y a une chose sûre, d'après ce que j'ai compris, de ce que vous avez dit, vous ne seriez pas prêts à imposer un moule uniforme à toutes les écoles qui relèvent de votre commission scolaire. Il y a des situations différentes. II y a des problèmes différents d'une école à l'autre. Vous appliqueriez un peu le même raisonnement au gouvernement par rapport aux commissions scolaires.

M. Guillemette: Oui. Si on veut un système fort, si on veut une commission scolaire forte, cela nous prend des écoles fortes. D'accord? Une chaîne, ce n'est pas plus fort que le plus faible de ses maillons. Si on ne tient pas compte du vécu dans nos écoles, on ne leur assure pas ce dont elles ont besoin pour vivre. Quand même on aurait une belle façade au niveau de la commission

scolaire, il y aura des malaises quelque part. On est mieux de partir de nos cellules que sont les écoles, de les renforcer tant qu'on peut et on n'a pas à s'inquiéter, la commission scolaire va être forte. Si on a des écoles fortes et s'il y a des commissions scolaires fortes au Québec, le système d'éducation sera fort et le ministère sera fort aussi. Il n'y aura pas à s'inquiéter. Il va y avoir des gens pour réaliser les projets ou, en tout cas, tout ce qui pourra mijoter quelque part.

M. Ryan: Très bien. Vous autres, vous êtes une commission scolaire de niveau primaire.

M. Guillemette: Oui.

M. Ryan: Combien avez-vous d'écoles et combien d'étudiants?

M. Guillemette: On a une clientèle cette année de 1796 élèves. Il y a six écoles à peu près d'égale dimension. Il y en aurait douze... Actuellement, c'est notre situation.

M. Ryan: Êtes-vous favorables, vous autres, au regroupement des commissions scolaires primaires et secondaires? Est-ce une solution qui vous apparaît désirable dans votre coin à court terme ou si c'est une chose à laquelle vous voudriez venir progressivement, par étapes? Quelle est votre attitude là-dessus?

M. Guillemette: Je dis que c'est souhaitable administrativement; c'est indiscutable, administrativement. Pédagogiquement, il va falloir s'assurer d'un certain respect des conditions qui existent actuellement au primaire, d'une approche des choses qui existent, mais ce n'est pas impossible et je me dis que c'est un travail à faire. C'est un défi à relever au niveau d'une commission scolaire, mais ce n'est pas une évidence que cela va rapporter automatiquement de gros résultats sur le plan pédagogique, sur le plan des services éducatifs dans toutes les commissions scolaires. Je ne suis pas sûr de cela - et cela a été avancé plusieurs fois - que parce qu'on est gros on est bon.

M. Ryan: Mais je vous pose la question, parce que c'est une proposition du projet de loi qu'on a pour ainsi dire tenue pour acquise. On ne l'a jamais discutée véritablement ici. Cela m'intéresse d'avoir votre réaction là-dessus. Vous autres, vous êtes rattachés à quelle commission scolaire régionale?

M. Guillemette: C'est la régionale Louis-Hémon.

M. Ryan: La régionale Louis-Hémon? M. Guillemette: Oui.

M. Ryan: Cela va bien de ce point de vue-là, il n'y a pas trop de problèmes? Vous en faites partie avec combien de commissions scolaires?

M. Guillemette: II y a cinq commissions scolaires sur le territoire.

M. Ryan: II n'y a pas de problèmes de ce côté-là? Cela marche dans l'harmonie?

M. Guillemette: II n'y a pas de problèmes... on ne les côtoie pas tellement. De temps en temps, mais...

M. Ryan: Vous n'y allez pas, mais vos commissaires y vont.

M. Guillemette: M. Lachance pourrait peut-être...

M. Lachance (Victor): Je pense qu'au niveau de la commission scolaire régionale Louis-Hémon on ne décèle aucun problème majeur. Comme M. Guillemette vient de le dire, on se rencontre quatre fois par année et l'exécutif, tous les quinze jours. Cela semble fonctionner assez bien. Peut-être que dans le passé il y a eu des années plus difficiles à traverser. Il y a eu des constructions de polyvalentes, mais, aujourd'hui, tout est en place et cela fonctionne assez bien.

M. Ryan: A-t-elle son siège social à Alma?

M. Lachance (Victor): Le siège social est à Dolbeau.

M. Ryan: À Dolbeau?

M. Lachance (Victor): Oui.

M. Ryan: Une autre question, vous parlez de l'enseignant. Vous dites que vous avez consulté des enseignants dans votre réflexion qui a conduit...

M. Guillemette: Oui.

M. Ryan: ...à vos conclusions. Comment le voyez-vous dans le processus? Vous dites, c'est un élément absolument essentiel: Quand on arrive à l'école, c'est lui qui est le premier. Le parent est très important, mais c'est l'enseignant qui est dans la classe avec l'élève. Dans le projet de loi 40, trouvez-vous qu'on fait une place convenable à l'enseignant? Avez-vous regardé le projet de loi sous cet angle?

M. Guillemette: Non. Je considère qu'on ne donne pas la place à l'enseignant, la place qu'il occupe en réalité. C'est presque indiscutable. L'enseignant a une place très importante dans le système. Indépendamment de la place qu'on lui fera dans un projet de loi, en réalité, quand sa porte de classe est fermée, c'est lui qui est roi et maître dans la classe. D'accord? On a toujours fonctionné ainsi. C'est une réalité qu'il faut accepter, mais il faudrait que cela se reflète à des niveaux supérieurs et, au niveau décisionnel, je trouve que les enseignants ne prennent pas la place qu'ils devraient prendre. Qu'on leur ait offert cette place à certaines occasions et qu'ils ne l'aient pas prise, peut-être, mais il reste qu'il faudrait travailler là-dessus pour la leur laisser. Les décisions qui vont se prendre au niveau de l'école vont être particulièrement des décisions pédagogiques, à caractère éducatif, qui vont soit intervenir dans le projet éducatif ou dans les activités de l'école. Ce ne seront pas des décisions purement administratives, parce qu'en éducation, de la pure administration, il y en a moins qu'on pourrait le penser; en tout cas, à mon avis.

M. Ryan: En gros, si je vous comprends bien, ce dont on a besoin dans le système d'enseignement à l'heure actuelle, c'est beaucoup plus de communications vivantes, d'expérimentations, d'innovations, de recherche de voies nouvelles que de législation trop minutieuse et trop uniformisante.

M. Guillemette: À mon avis, oui, c'est de cela qu'on a le plus besoin et de se tourner un peu vers l'avenir. J'ai fait une transition, j'étais au collégial et c'était un milieu un peu plus tourné vers l'avenir. Quand je suis arrivé dans une commission scolaire, c'était traditionnel. Pourtant, les jeunes, du passé derrière eux, ils n'en ont pas tellement; donc, ce devrait être un milieu beaucoup plus en ébullition que ce qu'on retrouve actuellement dans certains milieux.

M. Ryan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer la nombreuse délégation du Lac-Saint-Jean et de souligner que, même s'il est une heure du matin, tout le monde est très attentif à tout ce qui se dit autour de cette table. On sait l'importance que les parents accordent à l'éducation des enfants et c'est assez dynamisant, assez stimulant d'entendre les commentaires du porte-parole, du directeur général de la commission scolaire. C'est à partir du vécu de l'enfant, des besoins de l'enfant, des intérêts de l'enfant que vous établissez votre philosophie. Vous avez parlé de l'école responsable, c'est la base. Vous disiez qu'on aura une commission scolaire forte pour autant qu'on aura des écoles très fortes, c'est cela, la base.

Une autre chose m'a aussi frappé: vous ne voulez pas de modèle unique. Sur cela, je suis d'accord avec vous. Je pense que chaque milieu, chaque école doit avoir son projet éducatif selon la préoccupation du milieu, la préoccupation éducative de chacun des enfants avec tous les services qui vont faire qu'on va répondre aux attentes des enfants.

Vous parlez de philosophie de base, de vécu dans le milieu, et jamais on ne sent que vous êtes favorable à la loi 40 par laquelle on donne tous les moyens aux parents du milieu, avec les étudiants, avec les professeurs et avec le directeur. Vous avez une philosophie et la loi 40 vient appuyer cette philosophie dans la concrétisation, dans la réalisation. Pourquoi êtes-vous plutôt timide? Je voudrais savoir pourquoi vous ne dites pas: Nous saluons d'une façon positive la loi 40 parce qu'elle va nous permettre d'atteindre les objectifs que nous poursuivons? C'est ma question.

M. Guillemette: On est un peu tiraillé là-dedans. Il y a des fondements de la loi 40 ou du livre blanc qui appuient beaucoup notre vision des choses, mais il y a aussi des contradictions assez flagrantes. Quand on vous propose des articles qui viennent gérer notre vie, on n'est plus d'accord. Cela dépend de notre vision des choses, on pourrait dire qu'on est d'accord, mais si on apporte tel amendement, on pourrait aussi dire qu'on est en désaccord, mais à cause de tel article. Selon notre point de vue, on ne peut pas porter un jugement, on ne peut pas être pour ou contre.

Il faut peut-être relire la loi. On a parlé de lunettes, au début, pour voir où cela accroche. À mon avis, cela accroche dès l'instant où on dit: C'est comme cela que vous allez fonctionner. Là, cela accroche.

La base, comme telle, comment cela devrait fonctionner pour l'ensemble du Québec, la base de l'école, le pivot du système, c'est indiscutable, à mon avis, mais, que tout le monde soit au même pas en même temps, ce n'est pas une réalité.

M. Champagne (Mille-Îles): II me semble qu'il y a une espèce de contradiction lorsqu'on voit à la fois le projet de loi, qui veut respecter le milieu, l'école du milieu, une école responsable, et le fait qu'il va y avoir beaucoup de différences entre certains milieux, selon la teinte qu'on veut leur donner. Vous êtes favorable à l'idée que

l'école devienne le pivot du système. Si les gens du milieu s'aperçoivent qu'il y a beaucoup de contraintes administratives, c'est peut-être à eux de les enlever. S'il y a trop de règlements, trop de critères à remplir pour avoir droit à la salle de l'école en fin de semaine ou au point de vue du transport, c'est l'école qui peut y voir. Je pense que vous avez toute la latitude. Si on concentrait tout le pouvoir à la commission scolaire, là ce serait peut-être plus compliqué. On serait beaucoup plus porté à avoir le modèle unique. Puisque vous êtes en faveur du pivot du système au niveau des écoles, vous voulez qu'on respecte le vécu de l'enfant - vous ne partagez peut-être pas mon opinion - et que les parents veulent s'impliquer, la loi 40 donne les moyens au milieu de réaliser le projet éducatif à l'image du milieu. Enfin, c'est là mon commentaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai un peu de remords de vous garder encore cinq minutes, à l'heure où on est rendu. Mais je veux vous remercier d'être venus, chacun et chacune d'entre vous. C'est vrai que cela apporte un autre son de cloche. Vous nous apportez un message. Vous dites: On est un peu tiraillé. Mais votre message ne l'est pas. Vous apportez un message de paix. Vous dites: L'éducation, cela se construit dans la paix. Cela ne se construit pas dans la confrontation. Cela ne se construit pas dans les directives. Cela ne se construit pas dans des normes rigides. Surtout au point où on en est rendu, on n'est plus dans les années trente-cinq, quarante, ou même cinquante. Notre système d'éducation a quand même évolué. Tout le monde veut le faire évoluer davantage. Je pense que c'est un objectif que tout le monde partage. Mais comment s'y prend-on pour le faire évoluer d'une façon positive? Est-ce que c'est en l'encarcanant davantage? Est-ce que c'est en se dressant les uns contre les autres? Parce que vous l'avez bien dit, il ne faut pas se leurrer, il ne s'agit pas ici de prendre la part des uns ou des autres, qui a eu raison ou qui a eu tort; mais c'est fort évident qu'on sent dans le débat qui a lieu ici, à la commission parlementaire, qui a lieu aussi dans les milieux d'éducation, une espèce de confrontation des uns contre les autres. Je pense que cela, à la fin, n'est pas productif. C'est cela que vous êtes venus nous dire.

Est-ce que je me trompe? Peut-être que, demain, le député de Mille-Îles, qui n'a jamais de mauvaises intentions, je puis vous l'assurer, vous citera comme étant venus appuyer le projet de loi 40. Je vois que vous n'êtes pas tombés dans le piège, vous n'avez pas besoin d'appuyer notre thèse non plus.

Mais la seule question que je veux vous poser, c'est celle-ci: Est-ce que le message, que vous êtes venus nous porter, pourrait être celui-ci: On est tous d'accord pour faire avancer l'éducation, mais ces choses ne se légifèrent pas nécessairement, au point de départ, cela doit être basé sur une motivation des gens, sur une évolution des mentalités et sur un désir véritable de se concerter et non pas de s'affronter? Est-ce que c'est un peu cela, le message que vous êtes venus nous porter? Et dans l'immense Québec, là où on en est rendu dans l'évolution du système d'éducation, c'est difficile de penser à des nombres très stricts, à un projet uniforme, que ce qui est dans le projet de loi convient à tout le monde de la même façon. Est-ce que c'est un peu cela que vous êtes venus aussi nous dire? La grande diversité du Québec, là où chacun en est rendu dans sa démarche, que ce soit au niveau des écoles, que ce soit au niveau des commissions scolaires, si l'on veut avancer davantage, le ministère de l'Éducation a peut-être un rôle d'animateur à jouer, un rôle de sensibilisation à faire, mais qu'on laisse au milieu aussi la possibilité d'évoluer selon son caractère propre.

M. Guillemette: Ah oui, c'est exactement cela.

Le Président (M. Blouin): Alors...

Mme Lavoie-Roux: Et je ne pense pas que vous soyez venus nous appuyer. Je pense que vous êtes venus nous porter un message. Vous n'êtes pas venus nous appuyer, vous plus que les autres.

M. Guillemette: Non, non, non.

Mme Lavoie-Roux: Et je veux vous avertir que je ne l'utiliserai pas dans ce sens-là.

Le Président (M. Blouin): II semble, Mme la députée de L'Acadie, que vous ayez bien saisi le message. Sur ce, je remercie les représentantes et représentants de la commission scolaire La Vallière de s'être déplacés de si loin, d'avoir été si patients et aussi d'avoir collaboré aux travaux de cette commission parlementaire.

Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux à demain matin, non pas 10 heures, mais 11 heures.

(Fin de la séance à 0 h 50)

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