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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre
reprend aujourd'hui ses consultations particulières sur le projet de loi
3. Constatant que des réunions, de part et d'autre, tant du
côté ministériel que du côté de l'Opposition,
sont prévues ce matin, par entente à la fois avec les membres de
la commission et avec nos invités, la commission va suspendre ses
travaux jusqu'à après-midi, après la période des
questions, vers 3 h 30, sous réserve qu'éventuellement un ordre
de la Chambre modifie cette situation. Je pense que cela irait.
M. le vice-président de la commission.
M. Ryan: Je voudrais simplement préciser qu'il n'y a pas
eu de demande de l'Opposition pour retarder la séance de ce matin. Nous
étions prêts à siéger à l'heure convenue,
mais nous comprenons très bien les circonstances qui justifient la tenue
d'une réunion spéciale du groupe parlementaire
ministériel. D'autre part, nous ne pouvions pas accepter de reporter la
réunion à Il heures parce* que nous avons, tous les mardis matin
en temps de session, la réunion du groupe parlementaire de l'Opposition
à cette heure.
M. Laplante: En somme, M. le député d'Argenteuil,
c'est un échange de bons principes.
M. Ryan: Non, M...
M. Laplante: Les affaires de la culture ont demandé que
soit retardée leur commission aussi. C'est de chez vous que cela vient
c'est récriproque.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Compte tenu que
nous ne ferons pas un long débat ce matin, si l'on veut que les gens
aillent à leur réunion respective, les travaux de la commission
sont suspendus.
(Suspension de la séance à 10 h 9)
(Reprise à 15 h 50)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission parlementaire de l'éducation et de la
main-d'oeuvre ayant le quorum, nous allons reprendre notre consultation
particulière sur le projet de loi 3, Loi sur l'enseignement primaire et
secondaire public. En vertu des décisions qui avaient déjà
été prises et d'un ordre môme du leader, aujourd'hui, la
commission entreprend sa rencontre avec la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec.
Auparavant, je demanderais à la secrétaire de la
commission de nous informer s'il y a des remplacements.
La Secrétaire: M. Dauphin (Marquette) est remplacé
par M. Parent (Sauvé).
Une voix: Ce n'est pas une amélioration.
Le Président (M. Charbonneau): Et si je comprends bien, le
député de Matane se joint à nous.
M. Leduc (Fabre): N'est pas remplacé.
Le Président (M. Charbonneau): N'est pas remplacé,
mais il est intégré.
Je ne pense pas que j'aie besoin de longs préambules pour situer
les représentants de la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec. Je voudrais d'abord les remercier de
s'être pliés aux aléas de la vie parlementaire et d'avoir
accepté, de bonne grâce, de nous attendre une fois de plus;
remarquez que c'est peut-être un échange de bons
procédés.
Je vous rappelle que nous disposons d'une heure trente, comme avec les
autres groupes, et que dans la mesure où votre présentation
initiale prendrait moins de temps, cela en laisserait plus aux membres de la
commission pour engager la discussion avec vous.
Je vous demanderais, M. Chagnon, de présenter également,
avant de commencer, pour les fins du Journal des débats, les
collègues qui vous accompagnent. Sans plus tarder, je vais vous laisser
la parole.
Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec
M. Chagnon (Jacques): Je vous remercie, M. le Président.
Est-ce que cela fonctionne?
Une voix: Cela fonctionne.
M. Chagnon: M. le Président, je voudrais vous
présenter, à ma gauche, M. Charles Péron, membre du bureau
de direction de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec et président de la Commission scolaire des
Moissons; à ma droite, M. Fernand Paradis, directeur
général de la fédération, ainsi que M. Alain Doyer,
responsable et professionnel travaillant au service de la recherche de la
fédération.
M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire,
tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de l'occasion qui est offerte
à la Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec d'exprimer son point de vue sur le nouveau projet de loi 3
concernant la restructuration de notre système d'éducation.
Le report de notre audition devant cette commission, auquel vous avez
consenti, nous aura permis de respecter un engagement que nous avions pris
envers nos membres, c'est-à-dire de les consulter aussitôt que
déposée en Chambre la deuxième version officielle du
projet gouvernemental de restructuration scolaire.
Nous sommes donc en mesure de vous présenter aujourd'hui les
réactions des commissions scolaires face au projet de loi 3 qui,
à maints égards, diffère du projet de loi 40 sur lequel
nous nous étions largement exprimés en commission parlementaire,
au mois de janvier dernier. Ce projet de loi 40, en effet, avait soulevé
de vives objections chez nos membres comme chez la plupart des organismes
d'éducation. Plusieurs avaient d'ailleurs exigé son retrait,
notamment en raison des bouleversements majeurs non justifiés qu'il
aurait entraînés dans le système public d'enseignement.
Après avoir constaté ce rejet largement majoritaire du
projet de loi 40, le nouveau ministre de l'Éducation s'est donné
pour tâche de reprendre le dialogue avec les divers intervenants du monde
de l'éducation et de chercher avec eux les moyens d'en arriver à
des consensus, convaincu qu'il était qu'une réforme de ce genre
ne peut être imposée à des gens qui auront à la
vivre.
Il faut savoir apprécier les efforts qu'il a
déployés et la qualité de son intervention qui ont
contribué à assainir le climat de relations extrêmement
tendu qui s'était développé jusqu'à son
arrivée.
MM. les membres de la commission, compte tenu de ce que nous disait le
président de la commission, ce n'est peut-être pas par mauvaise
volonté, mais il y a des points d'amélioration du projet de loi 3
par rapport au projet de loi 40 que vous retrouvez entre les pages 5 et 10. On
pourrait s'en tenir, évidemment, à ce qui peut faire l'objet
d'une espèce de contentieux en ce qui nous regarde.
Alors, si je partais de la page 10 du mémoire que nous avons
soumis aujourd'hui, vous retrouveriez ceci: D'une part, si l'on accepte que le
projet de loi 3 doit être jugé par rapport aux
améliorations qu'il apporte à la situation actuelle, il nous faut
constater qu'il constitue un recul important au plan de la démocratie
scolaire, qu'il fait fort peu de choses pour freiner le mouvement de
centralisation et qu'il laisse subsister certaines ambiguïtés sur
la répartition du pouvoir décisionnel au niveau local.
L'objectif le plus important que les commissions scolaires ont toujours
poursuivi jusqu'ici et ce, même avant la création du MEQ, fut le
maintien de commissions scolaires qui constituent de véritables
gouvernements locaux d'éducation, afin d'assurer aux
collectivités locales une emprise significative sur l'orientation et la
gestion de leurs institutions scolaires locales. La place de plus en plus
importante occupée par le MEQ et les divers projets gouvernementaux de
réorganisation scolaire ont amené les commissions scolaires
à lutter régulièrement pour conserver leurs acquis ou
parfois même reprendre ce qu'elles avaient perdu. Toujours, elles ont
soutenu la même position, fortes de l'appui de la population sur cette
question. La grande consultation sur le livre vert, en 1978, a d'ailleurs
démontré que les commissions scolaires, comme gouvernements
locaux, étaient le genre de structure que favorisaient tant la
population que les divers agents d'éducation pour administrer localement
les services éducatifs. Ils désiraient même qu'elles soient
partagées et responsabilisées davantage.
D'autres sondages d'opinion ont témoigné aussi de la
confiance de la population envers les commissions scolaires. Les
résultats font ressortir que la population souhaite le maintien d'un
pouvoir local jouissant d'une force politique capable de contrebalancer, dans
une certaine mesure, l'influence de l'État et du MEQ. La population
désire aussi que ce gouvernement local scolaire soit revalorisé
et détienne plus de responsabilités qu'actuellement.
Il nous faut reconnaître d'entrée de jeu que le projet de
loi 3 est nettement plus respectueux de la volonté populaire que ne
l'était le précédent projet, en ce sens qu'il conserve
l'essentiel des fonctions, pouvoirs et responsabilités détenus
actuellement par les commissions scolaires pour l'administration de leur
réseau d'écoles.
Toutefois, la formule retenue pour la composition du conseil des
commissaires a pour effet de nier le caractère de gouvernement local de
la commission scolaire, de diluer et d'affaiblir ainsi son caractère de
structure politique et son rôle de mandataire de l'ensemble de la
collectivité locale. Dans toute forme de
gouvernement démocratique, les dirigeants, c'est-à-dire
ceux qui votent pour les décisions, sont tous des gens élus au
suffrage universel.
Le projet de loi 3 nie la pleine légitimité des
élus parce qu'il laisse supposer que ces élus ne
représentent pas les parents, qu'il faut donc donner à ces
derniers une voix à la commission scolaire et leur consacrer le tiers
des postes de commissaires.
Par ailleurs, si ces membres non élus représentent
plutôt les conseils d'école, c'est une autre façon de
contester la légitimité des élus mandatés par la
collectivité locale pour gérer l'ensemble des composantes de la
commission scolaire. Ainsi, cette dernière n'aurait plus une pleine
autorité sur ses écoles puisqu'on donne aux composantes de la
commission scolaire une part du pouvoir décisionnel de la commission.
Cela équivaut à établir l'école comme une
entité distincte de la commission. Viendrait-il à quelqu'un
l'idée de prétendre que le MEQ ou le MAS sont des entités
distinctes du gouvernement du Québec et qu'ainsi, en plus des
députés, des représentants de ces ministères
devraient siéger à l'Assemblée nationale avec les
députés?
Nous ne voyons aucune logique dans le fait de maintenir la commission
scolaire comme structure politique tout en cherchant à diluer son
autorité par la nomination, dans la proportion du tiers, de parents
représentant les conseils d'école et de parents des
élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage. Ou la commission est un véritable gouvernement local
scolaire et alors tous ses dirigeants sont élus au suffrage universel,
ou elle n'est qu'une succursale administrative du MEQ et alors son conseil
d'administration peut prendre diverses formes, dont celle proposée dans
le projet de loi 3. Notre option est toujours que la commission scolaire doit
être un véritable gouvernement local parce que c'est par ce moyen
que la collectivité locale s'assure d'avoir plus de contrôle et
d'emprise sur son système scolaire.
De plus, comme dans le projet de lot 3, la commission scolaire conserve
un pouvoir de taxation. En vertu de quel principe démocratique ceux et
celles qui ne sont pas élus pourraient-ils "voter" le taux de taxation
et gérer le produit des taxes? Quel mandat auraient-ils pour ce faire?
Quelle légitimité auraient-ils, à titre de parents ou de
représentants de comité ou de conseil d'école, pour se
prononcer sur les besoins et les services aux adultes ou sur les taxes ou sur
les ententes à passer avec les municipalités, etc. ?
Il faut bien admettre que les élus, quant à eux, ont une
pleine légitimité. Ils ont acquis le droit de s'exprimer au nom
de tous, ce qui n'est pas le cas de ceux qui ne sont pas élus et qui,
dans le cas particulier qui nous préoccupe, représenteront
toujours des groupes d'intérêts particuliers. Or, les deux
légitimités ne peuvent coexister, au risque d'amoindrir le
pouvoir local, et cela ne pourrait servir que les intérêts de
l'administration centrale. (16 heures)
Dans une telle situation, le jugement que formule l'Organisation de
coopération et de développement économique (OCDE), sur les
statégies politiques utilisées par les planificateurs des
administrations centrales scolaires de divers pays risquerait de s'appliquer
aussi à ceux de notre système scolaire au Québec. Voici ce
que dit à ce sujet l'OCDE dans une de ses récentes publications,
en 1983, aux pages 111 et 112 du volume "La planification de l'enseignement:
vers une réévaluation. " Voici ce qu'on retrouve: "Souvent, sans
intervenir directement dans les décisions arrêtées à
l'échelon local, l'administration centrale essaie néanmoins
d'avoir prise sur la structure du pouvoir local, c'est-à-dire sur ceux
qui ont à arrêter les décisions sur place. À cette
fin, elle renforce certains groupes locaux pour arriver à la balance de
pouvoirs qui lui paratt satisfaisante. Bien entendu, cette répartition
ne répondra pas à des critères objectifs, car ce que
l'administration centrale cherche à créer à
l'échelon local, c'est une structure dont les décisions ne seront
pas très différentes de celles qu'elle souhaite. Par exemple,
l'administration centrale laissera à des associations locales
d'enseignants, d'élèves et de parents d'élèves le
soin de prendre certaines décisions. "
Quelques lignes plus loin, on peut encore lire ce qui suit: "Dans
plusieurs pays, on opte assez souvent pour un renforcement de l'influence des
parents d'élèves, mais cette solution a pour effet d'accentuer
l'inégalité sociale, car il est prouvé de façon
irréfutable que l'influence des parents s'exerce toujours à
l'avantage de ceux qui sont aisés et instruits et dont les enfants
réussissent bien à l'école. La représentation sera
souvent plus équitable, du point de vue social, dans des organes
politiques élus, parce que les groupes les plus faibles ont de
meilleures occasions de rassembler leurs forces dans un milieu politique plus
large. C'est ainsi que, dans bien des cas, le déséquilibre du
pouvoir entre différents groupes sociaux pourra être
corrigé si l'on retire aux représentants des parents une partie
de leur influence au bénéfice des organes politiques locaux.
"
Nous invitons donc les membres de cette commission parlementaire
à bien réfléchir sur cette analyse d'un organisme aussi
sérieux que l'OCDE avant de recommander, pour le Québec, une
dilution du pouvoir politique en matière scolaire.
Plusieurs organismes que vous avez entendus au cours de cette commission
parlementaire ont aussi défendu le principe de
l'intégralité du suffrage universel. Quant à nous, notre
position demeure inflexible sur cette question d'importance majeure tant pour
les commissions scolaires que pour les collectivités locales.
L'existence de cette structure politique constitue d'ailleurs toujours la
meilleure base pour asseoir toute initiative sérieuse de
responsabilisation des milieux locaux.
Pour que le suffrage universel ait un sens, il faut que les responsables
élus des commissions scolaires se sentent redevables de leur gestion
devant leurs commettants. Pour ce faire, la commission scalaire qu'ils
gèrent doit pouvoir faire des choix politiques, c'est-à-dire
déterminer les priorités éducatives et administratives au
niveau local et ce, avec le moins de contraintes possible, et pouvoir
déterminer également ses modalités de fonctionnement. Tout
ce qui se passe à la commission et dans son réseau
d'écoles devrait relever de cette autorité politique, car c'est
elle qui en est comptable devant la population.
Le projet de loi 3 reconnaît en grande partie cette
autorité de la commission scolaire. Toutefois, par le modèle
uniforme de structures et de comités qu'il impose tant à la
commission qu'aux écoles et par les obligations qu'il fait aux
commissions dans leur fonctionnement, ce projet vient dicter aux
administrateurs scolaires une ligne de conduite rigide.
Le projet de loi ne respecte pas le rythme d'évolution,
différent d'un milieu à l'autre, ne responsabilise pas les
administrateurs scolaires quant au choix des mécanismes de
fonctionnement avec les divers agents d'éducation. Au contraire, le
projet de loi 3 vient déterminer très largement les fonctions,
pouvoirs et responsabilités de même que les structures de
l'école et de la commission scolaire et précise aussi de
façon très détaillée leurs relations entre
elles.
Il nous semble qu'on aurait pu faire davantage confiance aux
administrations locales et leur laisser une marge de manoeuvre plus grande pour
travailler selon leur modèle organisationnel propre et leurs
mécanismes de fonctionnement. Voilà l'une des raisons qui nous
fait dire que le projet de loi 3 ne responsabilise pas davantage les
collectivités locales.
Par ailleurs, l'agencement des responsabilités qu'il propose
risque de créer des ambiguïtés qui pourraient être
source de conflits.
Le directeur d'école, par exemple, risque d'être
coincé entre le directeur général, de qui il
relève, le conseil d'école qu'il se doit d'assister et le
comité pédagogique qui détient certains pouvoirs
décisionnels. Son exclusion de ces divers comités de
l'école est difficilement compatible avec le fait qu'il se voit confier
la gestion de cette dernière. Il en va de même pour le directeur
général de la commission.
Soulignons aussi la confusion entre la responsabilité de la
commission scolaire qui détermine les services éducatifs
dispensés dans chaque école et les responsabilités du
conseil d'école quant au projet éducatif dont il se voit confier
la responsabilité exclusive. N'est-ce pas là une diffusion de
responsabilités identiques qui risque d'être source
d'affrontements et de conflits? La loi 71, elle, ne laissait aucune
ambiguïté, car elle établissait clairement que toutes les
écoles dépendaient d'un centre responsable, la commission
scolaire. Toute l'action des écoles devait se faire conformément
aux politiques et aux règlements de la commission scolaire. Ce sont
là, à notre avis, quelques exemples de lacunes qui demeurent dans
le projet de loi.
D'autre part, ce projet de loi ne donne pas aux commissions scolaires
une autonomie beaucoup plus large qu'actuellement quant à la gestion des
ressources humaines, matérielles et financières. Nous avons eu
l'occasion de confronter nos vues avec celles de hauts fonctionnaires du
ministère et nous continuons à soutenir que ce projet de loi ne
représente pas une décentralisation significative. Malgré
un effort de clarification et de simplification de la législation et de
la réglementation, avec le projet de loi 3, les commissions scolaires
seront encore soumises à la presque totalité des contrôles
que le MEQ et le gouvernement exercent actuellement sur leur gestion.
La marge de manoeuvre additionnelle qui leur est laissée est
très mince. Le MEQ conserve sensiblement les mêmes pouvoirs et
responsabilités qu'actuellement. Le fait d'inscrire dans la loi des
pouvoirs que le MEQ et le gouvernement s'étaient souvent
déjà attribués dans la pratique actuelle rend
peut-être leur exercice moins discrétionnaire, mais cela
n'augmente en rien le degré d'autonomie des commissions scolaires.
Aucune décentralisation ne découle de ce simple fait. Quelques
exemples sont aussi ajoutés pour illustrer ce commentaire.
Il y a lieu d'interroger la cohérence du gouvernement qui annonce
un effort de déréglementation à l'égard des
gouvernements municipaux, alors que, face aux gouvernements locaux scolaires,
on maintient la réglementation actuelle et même on y ajoute. Les
élus et les officiers scolaires ont-ils moins de compétence que
ceux des municipalités?
En plus de déréglementer davantage le monde scolaire, il
faudrait accroître l'autonomie financière des commissions
scolaires en augmentant leur pouvoir de
taxation, auquel on impose actuellement des limites, ou en leur
consentant une autre source de revenus propre et plus significative que celle
dont elles disposent actuellement. Pour ce qui est du mode d'allocation des
ressources financières par l'État, il faudrait trouver le moyen
d'insérer des mesures qui donnent une marge de manoeuvre plus grande aux
commissions scolaires dans l'administration de ces crédits.
Enfin, en matière de relations du travail, les commissions
scolaires devraient exercer davantage leur rôle de véritables
employeurs dans la détermination des conditions de travail de leur
personnel. Le projet de loi n'apporte pas grand-chose de neuf en ces
matières. Il reconduit, grosso modo, les mécanismes
existants.
Nous avons déjà mentionné
précédemment l'existence de garanties constitutionnelles pour des
groupes de personnes de confession catholique et/ou protestante. Il n'est pas
certain présentement que ces garanties ne couvrent pas l'ensemble des
commissions scolaires. Le gain des commissions scolaires en Cour d'appel
relativement à la loi 57 est un indice à l'appui de cette
thèse. La chose est claire, cependant, pour le cas de la CECM, de la
CECQ, de la CEPGM et de la Commission scolaire protestante de
Québec.
Les commissions scolaires ne veulent pas abandonner ces garanties sans
en obtenir d'équivalentes. Tout en donnant leur accord de principe
à la création de commissions scolaires linguistiques, les
commissions scolaires réclament des garanties équivalentes
à celles dont jouissent, dans la constitution canadienne, les
commissions scolaires confessionnelles actuelles en ce qui concerne le
gouvernement local, le droit de taxation et le droit à l'école
confessionnelle ou non confessionnelle.
De plus, comme la création à Québec et à
Montréal d'enclaves confessionnelles correspondant aux territoires de
1867 nous semble une solution douteuse sur le plan strictement juridique et
comme, de plus, un gain de la CECM et de la CEPGM devant les tribunaux
compromettrait même la possibilité de créer sur l'île
de Montréal les commissions scolaires linguistiques prévues au
projet de loi, nous demandons, en conséquence, au gouvernement, d'abord,
d'amender dès à présent le projet de loi 3 pour maintenir
les dispositions législatives actuelles relativement au statut
territorial et confessionnel des commissions scolaires de l'île de
Montréal et de la CECQ et de maintenir ce moratoire jusqu'à ce
qu'intervienne un jugement à venir des tribunaux concernés sur ce
sujet.
Il nous semble, enfin, que devrait être retenue la suggestion
qu'ont formulée divers organismes au cours de cette commission
parlementaire, soit d'en référer aux tribunaux compétents
pour faire valider ce projet de loi quant à sa constitutionnalité
avant de le mettre en application. Cela nous apparaît l'attitude la plus
raisonnable à tenir dans les circonstances. De plus, une telle demande
venant du gouvernement serait probablement étudiée de
façon prioritaire, dans un délai relativement court. Cela
éviterait aussi à plusieurs organismes d'encourir des frais
importants et d'être dans l'obligation de s'opposer à une loi non
respectueuse de leurs droits.
Les commissions scolaires ont aussi donné leur accord à
l'intégration des niveaux primaire et secondaire. Elles ont même
insisté pour que soit levé le moratoire qui empêchait,
depuis quelques années, les commissions scolaires qui le
désiraient d'entreprendre de telles démarches
d'intégration. Nous avons de plus réclamé que cette
intégration puisse se faire sur une base volontaire pendant un laps de
temps suffisamment long pour que les nouvelles commissions scolaires ainsi
créées reflètent la volonté des milieux quant
à leur nombre et quant à leurs limites territoriales.
Récemment, le MEQ acceptait de lever le moratoire et de permettre
l'intégration volontaire pour 1985. Il y a actuellement des discussions
sur les cartes scolaires et sur les balises nationales et les délais
pour réaliser l'intégration nous apparaissent quand même
relativement courts surtout à mesure que le temps passe.
C'est pourquoi nous demandons de prolonger la période
d'intégration volontaire et de la rendre possible non seulement en 1985,
comme le prévoit le guide rendu public récemment, il y a un mois,
mais aussi en 1986. Plusieurs commissions scolaires qui n'auraient pas eu le
temps de compléter pour juillet 1985 toutes les étapes de leur
démarche d'intégration pourraient ainsi procéder à
cette intégration en 1986. Et la chose est relativement normale compte
tenu du délai très court qu'il nous reste.
Nous insistons pour que soient étudiés tous les moyens de
satisfaire à cette demande. Une intégration librement consentie
et étudiée par les milieux laissera toujours moins de
séquelles qu'une intégration décrétée qui se
fait dans un climat de déchirement. L'expérience démontre
qu'on ne force pas facilement des réformes dans le milieu de
l'éducation et qu'il faut tenir compte de l'opinion et de la
volonté de ceux qui devront vivre avec ces réformes, au risque de
se retrouver devant un constat d'échec. Il ne faudrait pas sous-estimer
l'impact de ces processus d'intégration des commissions scolaires. C'est
une opération d'envergure. De nombreuses considérations, le plus
souvent humaines, soulèvent des problématiques délicates
et un climat d'émotivité qu'il faut prendre en ligne de compte.
Il faut donner du temps aux milieux
pour qu'ils trouvent les meilleures solutions. Ce sont eux qui les
connaissent.
Sans entrer dans les détails de la mécanique
d'implantation prévue, nous remarquons que le projet de loi 3
prévoit une duplication de commissions scolaires pendant une
période de douze mois. La plupart des commissions scolaires actuelles
seraient appelées à vivre cette action simultanée de deux
commissions scolaires: l'ancienne et la nouvelle.
Cette duplication de commissions scolaires nous semble une disposition
superflue et inutile, à tout le moins pour le secteur francophone. Les
commissions scolaires existantes sont fort capables d'assumer elles-mêmes
la mise en place de ces nouvelles commissions scolaires. L'expérience du
regroupement des commissions scolaires, survenu en 1972, en est un bon exemple.
Dans ces conditions, également, l'élection de 1985 n'aurait plus
sa raison d'être.
Aucun motif impérieux ne justifie, selon nous, cette duplication
de commissions scolaires et le maintien des mesures prévues au projet
serait perçu comme une marque de non-confiance envers les commissions
scolaires existantes. La nouvelle commission scolaire devrait donc être
mise en place par un comité provisoire composé des commissaires
délégués par les commissions scolaires existantes, comme
c'était le cas en 1972, lors du regroupement.
Conclusion. En résumé, le projet de loi 3, malgré
toutes les améliorations qu'il apporte au précédent
projet, n'est pas encore acceptable aux commissions scolaires membres de notre
fédération. Il est encore trop loin des orientations qu'elles
avaient acceptées en assemblée générale l'an
dernier et qu'elles viennent tout juste de valider à nouveau en fin de
semaine dernière.
Nos commissions scolaires membres nous ont confirmé, entre
autres, et cela de façon très largement majoritaire, qu'elles
n'ont aucunement l'intention de faire quelque compromis que ce soit sur la
notion de gouvernement local scolaire et son corollaire principal,
c'est-à-dire l'élection de tous les commissaires au suffrage
universel. Nos commissions scolaires reconnaissent cependant l'apport positif
des représentants de comités de parents. Ceux-ci apportent un
éclairage utile en certaines occasions et cela aide les commissaires
à prendre de meilleures positions.
En conséquence, elles sont favorables à ce qu'ils puissent
désigner deux représentants, l'un pour le primaire et l'autre
pour le secondaire, afin de les représenter auprès du conseil des
commissaires. Il n'est pas question, cependant, de consentir un droit de vote.
Toute tentative du gouvernement pour diluer le caractère de gouvernement
local de la commission scolaire sera donc combattue. Nous en avons encore plus
la conviction à la suite de notre récente assemblée
générale.
Nos commissions scolaires constatent aussi que le projet de loi 3 n'est
pas un projet qui responsabilise les collectivités locales et qu'il
vient souvent, sous bien des aspects, leur dicter une ligne de conduite quant
au modèle organisationnel à mettre en place et quant à
leurs règles de fonctionnement. Elles n'acceptent pas non plus, et cela
va sans dire, les accroissements de centralisation qu'on y trouve encore. Au
contraire, elles désirent être responsabilisées davantage
et souhaitent que le gouvernement et le MEQ manifestent le plus rapidement
possible une véritable volonté de transférer des pouvoirs
et des responsabilités aux commissions scolaires.
Il est temps de faire cesser le mouvement de centralisation qu'on a
connu depuis 20 ans et d'amorcer un virage vers la responsabilisation plus
grande des collectivités locales. En plus d'accroître les
responsabilités des commissions scolaires, il faudra
déréglementer davantage ce monde comme le gouvernement
s'apprête à le faire, d'ailleurs, avec le monde municipal. Il
faudra trouver les moyens de consentir aux commissions scolaires une marge de
manoeuvre plus grande. Nous sommes prêts à explorer et rechercher
avec le gouvernement et le ministère les voies pour y parvenir. (16 h
15)
Comme d'autres organismes l'ont fait devant cette commission
parlementaire, nous insistons pour que le gouvernement fasse valider la
constitutionnalité de son projet de loi avant de le mettre en
application et ou qu'il attende les jugements sur les causes pendantes devant
les tribunaux, pour éviter d'avoir à défaire plus tard ce
que l'on aurait bâti sans prendre toutes les précautions
nécessaires. Cela nous apparaît l'attitude la plus normale et la
plus réaliste à tenir dans les circonstances actuelles. Si le
gouvernement s'y refuse, nous serons forcés, comme d'autres organismes,
de prendre les procédures légales pour l'y contraindre, ce que
nous souhaiterions pouvoir éviter.
Enfin, nous ne saurions trop insister pour que le gouvernement laisse
une période de temps significative aux commissions scolaires pour
s'entendre entre elles et réaliser, sur une base volontaire,
l'intégration du primaire et du secondaire. La substitution d'une
règle de majorité à celle de l'unanimité serait un
facteur facilitant, nous tenons à le répéter. Il faudra
clarifier au plus tôt également toute cette question des balises
nationales qui retarde actuellement tout le processus de réalisation de
l'intégration que plusieurs commissions scolaires sont prêtes
à amorcer.
Quant à l'implantation des nouvelles commissions scolaires, nous
contestons la
mécanique prévue au projet de loi 3 pour leur mi3e en
place. Nous réclamons que ces nouvelles commissions scolaires soient
mises en place par les commissions scolaires existantes, qui formeraient des
comités provisoires composés de commissaires des
différentes commissions scolaires concernées et ce seraient ces
comités qui seraient chargés de toutes les opérations de
mise en place. Cela permettrait, en outre, de dissiper toute la confusion qui
règne actuellement sur l'élection de commissaires en juin 1985,
puisque l'acceptation de notre proposition ferait disparaître la
nécessité de cette élection.
Nous aurions d'autres remarques à formuler sur plusieurs autres
articles du projet de loi, mais nous avons choisi de nous en tenir à
l'essentiel pour notre audition devant cette commission parlementaire. Nous
aurons l'occasion, plus tard, de vous faire connaître le résultat
de l'analyse, article par article, que nous avons faite du projet de loi 3.
Nous rappelons, en terminant, que nous considérons ce projet de
loi comme une amélioration sensible par rapport auprécédent projet de loi 40 et nous tenons à remercier
le ministre actuel pour nous avoir évité la catastrophe, à
tout le moins. Cependant, il faudra qu'il soit amélioré sur les
points que nous vous avons soumis aujourd'hui et qui nous paraissent essentiels
avant que les commissions scolaires puissent le considérer comme
acceptable.
Nous avons résisté, envers et contre tous à
certains moments, à la volonté du gouvernement de faire
disparaître la commission scolaire. Nous sommes assurés d'avoir
l'appui de la population en cette matière et nous sommes heureux de
constater que cette position semble, finalement, avoir rallié un grand
nombre d'organismes qui se sont présentés lors de cette
commission parlementaire. C'est, selon nous, un signe de santé du
pouvoir local scolaire et l'indice d'une volonté largement
partagée de trouver le moyen pour le revaloriser et le responsabiliser.
Si le gouvernement veut travailler dans cette voie, nous pouvons l'assurer,
à l'avance, de notre appui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Chagnon. Compte
tenu du temps qui nous est imparti et de l'importance de votre organisme, je
vais immédiatement céder la parole au ministre de
l'Éducation.
M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il
faut reconnaître que nous avons là un mémoire qui est fort
bien écrit, qui est limpide, très clair, facile à lire et,
en même temps, qui situe la position de la fédération sur
un certains nombre de points qu'elle juge essentiels. Sur certains points, je
pense qu'on pourra marquer notre désaccord; d'autres points, au
contraire, méritent d'être fouillés de manière
à voir plus avant le bien-fondé de la position qui est
présentement défendue dans le projet de loi. À titre
d'exemple, on a parlé des garanties constitutionnelles. Je pense que
nous devrons, à la commission parlementaire, faire venir un, deux ou
trois intervenants. On pourrait peut-être faire venir, par exemple, un
intervenant bien connu du Parti libéral, M. Marx, pour nous
éclairer sur les aspects constitutionnels du dossier puisqu'il a commis,
en 1975, une remarquable étude juridique sur la question. Je pense qu'il
pourrait certainement éclairer cette commission sur les pouvoirs que le
gouvernement a.
J'aimerais, néanmoins, être bien sûr que je
comprends. D'une part, vous nous dites: Concernant les causes en litige, le
gouvernement devrait suspendre la loi jusqu'à ce qu'il y ait jugement.
Quand on parle de causes en litige, je présume que l'on fait
référence au débat entourant les limitations du pouvoir de
taxation prévues par la loi 57, qui sont présentement
contestées.
Il demeure que l'actuelle loi ne fait que reconduire les clauses
existant dans la Loi sur l'instruction publique; le projet de loi 3 ne fait que
prolonger la loi actuelle. Il ne faudrait pas se retrouver devant un vide
juridique. Par conséquent, même si on ne devait pas adopter ce
projet de loi, la Loi sur l'instruction publique continuerait à
prévaloir et on aurait donc les mêmes articles en vigueur. Donc,
je ne vois pas en quoi attendre le jugement influence de quelque façon
que ce soit la loi présente. Ma première question...
M. Chagnon: Alors, je vais...
M. Bérubé:... je voudrais comprendre pourquoi.
M. Chagnon:... y répondre immédiatement, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Allez-y.
M. Chagnon: Non seulement nous pensons à la contestation
de la loi 57 qui, si le jugement de la Cour suprême venait confirmer
celui de la Cour d'appel, viendrait faire sauter une quarantaine d'articles
dans le projet de loi 3, qui reprend essentiellement toute la partie sur la
fiscalité locale, mais pensons aussi et plus spécifiquement -
c'est la raison pour laquelle nous parlions d'un moratoire pour l'île de
Montréal et le territoire de la CECQ, moratoire d'application du projet
de loi 3, j'entends... Parce qu'il y a aussi d'autres causes. Il y a celle de
Notre-Dame-des-Neiges où, sauf erreur, M. le Président, le juge
Deschênes, en Cour supérieure, a rendu
un jugement favorable à la CECM. Dans le jugement du juge
Deschênes, cela pourrait être contesté; c'est cela qu'on a
devant nous. En obiter dictum, dans le jugement du juge Deschênes,
celui-ci est très clair à savoir que le territoire de la CECM
devrait être celui qui existe actuellement, et non pas celui de 1867.
Qu'on pense aussi à la cause portée devant les tribunaux
par les groupes protestants, je pense, concernant les régimes
pédagogiques, qui a aussi une influence, entre autres, sur le rôle
que pourront jouer certains comités. Mais particulièrement en ce
qui concerne le territoire... Le moratoire que nous avons demandé fait
en sorte, si on regarde le dossier de façon pratique... Les territoires
de la CEPGM et de la CECM couvrent à peu près l'ensemble du
territoire de l'île de Montréal. Or, s'il n'y a pas d'entente
à l'avance sur ce qu'est le territoire de ces commissions, le territoire
réel, le risque que prend le gouvernement et le risque que subiraient
ces commissions, tout comme la CECQ, c'est de devoir défaire, dans le
temps, dans quelques années, trois, quatre ou cinq ans, des institutions
qu'ils auraient pris trois ou quatre années à bâtir. C'est,
fondamentalement, ce qui fait problème sur le plan juridique.
M. Bérubé: D'accord. On pourrait peut-être
continuer sur ce point-là, mais je ne voudrais pas trop m'étendre
là-dessus puisque je pense qu'on devrait en discuter ici, à cette
commission, plus avant. Nous avons -ce fut le seul commentaire qui nous a
été apporté sur le plan juridique - entendu Me Irving qui
accompagnait la délégation des commissions scolaires
protestantes. Il est le seul à avoir voulu saisir la commission de
certains aspects qui pourraient rendre la loi inconstitutionnelle; il est le
seul. Les autres nous ont fait part d'inquiétudes, mais en aucun moment
n'a-t-on expliqué ce sur quoi reposait l'inquiétude.
Or, les avis juridiques dont nous disposons... Le Parti libéral
dispose certainement de cet excellent avis de M. Herbert Marx, qui est
absolument catégorique quant à la capacité pour le
gouvernement de réduire le territoire des commissions scolaires
confessionnelles existantes de Montréal et de Québec. On va
même plus loin, on va même jusqu'à prétendre qu'on
peut réduire en deçà des territoires de 1867, dans la
mesure où, néanmoins, on laisse à cette classe de citoyens
la possibilité de maintenir des écoles. Donc, le Parti
libéral a une excellente source d'information, je pense, à
laquelle il peut se référer en tout temps. Nous avons
également un certain nombre d'avis. Alors, ils sont tous unanimes; il
n'y en a pas un qui, sur le fond, contredit le pouvoir de l'Assemblée
nationale de trancher de cette façon. Faire autrement supposait que le
Parlement douterait de sa position.
Or, si, à chaque fois que quelqu'un émettait un doute de
quelque nature que ce soit, le Parlement décidait de ne pas
légiférer et de soumettre cela aux tribunaux, évidemment,
il n'y aurait pour ainsi dire plus possibilité pour celui-ci de
légiférer. Il faut donc que vous portiez à notre attention
un certain nombre d'éléments.
Je vous soulignerai que j'ai posé deux questions à Me
Irving, et les réponses m'ont surpris. La première question que
je lui ai posée: Le gouvernement est-il obligé d'agrandir les
territoires de 1867 au fur et à mesure que la population migre et quitte
le territoire? Sa réponse a été très claire, il a
dit non. Ah bon! Je tire la conclusion que si le gouvernement n'était
pas obligé, de l'avis même de Me Irving, d'agrandir les
territoires on aurait très bien pu ne jamais les modifier et, par
conséquent, aujourd'hui, on serait dans la même situation que
celle où nous mène le présent projet de loi. Donc, il ne
nous a pas apporté d'arguments.
Vous devez avoir d'autres arguments qui font que vous vous
inquiétiez. J'aimerais les avoir de manière à nous
éclairer et de manière qu'on ait des raisons d'apporter les
amendements que vous nous suggérez.
M. Chagnon: Alors, M. le Président, je soulignerai que le
dossier constitutionnel qui nous préoccupe tant ce matin, ou
plutôt en cette fin d'après-midi, il faut le regarder de deux
façons différentes: les droits précis que l'article 93
donne aux commissions scolaires que j'ai nommées tout à l'heure;
CECM, CECQ, PSBGM et commission scolaire protestante de Québec, et aussi
les droits de l'ensemble des commissions scolaires. La jurisprudence n'est pas
tout à fait fixée à savoir qui est effectivement
détenteur des droits, sauf en ce qui concerne - et, là, il n'y a
que de la certitude - les quatre commissions scolaires que je mentionnais.
Quant aux autres, la cause sur la loi 57 devrait faire
réfléchir aussi les membres de la commission parlementaire,
puisqu'en appel la cause a été remportée par les
requérants, c'est-à-dire les commissions scolaires, et qu'elle
est rendue maintenant devant la Cour suprême. S'il y a eu un gain en Cour
d'appel à ce niveau-là, on peut présumer qu'il y a
peut-être un problème, peut-être; il me semble, en tout
cas.
M. Bérubé: Ce n'est pas certain.
M. Chagnon: C'est peut-être votre opinion, sauf que
lorsqu'on perd une cause, en principe, c'est qu'il y a des juges qui ont
jugé que la cause était valable. Sur l'autre plan, en ce qui
concerne la CECM, la CECQ et la PSBGM, il est assez important de savoir comment
et si le gouvernement a le droit de diminuer leurs territoires. La
proposition faite dans le projet de loi 3 présume de cette
disposition ou de la capacité gouvernementale d'y arriver. Toutefois, il
y a déjà un jugement, celui de Notre-Dame-des-Neiges, dans lequel
le juge Deschênes - il faut se le rappeler - en obiter dictum rappelle
que le territoire de la CECM ne veut pas être redivisé comme le
prévoit le projet de loi 3 en le ramenant à la chaîne de
trottoir de la rue Saint-Laurent, etc.
Il y a un problème et il est fort délicat,
particulièrement pour l'Ile de Montréal et la CECQ. Tant et aussi
longtemps qu'on ne sera pas capable de déterminer quel est le territoire
exact de ces commissions, on pourra difficilement en modifier certaines
caractéristiques comme celles que voudrait voir venir le projet de loi 3
et qui, en général, ne posent pas de problème à
l'extérieur de Montréal.
M. Bérubé: Vous me permettrez peut-être
d'être un peu en désaccord avec l'interprétation que le
président de la Fédération des commissions scolaires a
donnée au jugement du juge Deschênes. Le juge Deschênes a
été appelé à trancher une question qui n'avait
jamais été posée, lors de l'agrandissement du territoire
d'une commission scolaire: La nouvelle classe de citoyens va-t-elle disposer du
même régime que la classe de citoyens habitant le territoire de
1867? Là-dessus, le juge - et on pourra toujours contester cet avis du
juge - dans son jugement, dit oui, parce que la commission scolaire serait
prise pour administrer deux classes de citoyens. Ce serait
compliqué.
Néanmoins, le juge dit également très clairement
dans son jugement, si on veut lui donner toute sa plénitude - je parle
du juge Deschênes - La loi de 1861 donnait au gouverneur en conseil le
pouvoir de changer les limites des municipalités existantes pour les
fins des écoles, les subdiviser ou en établir de nouvelles. Le
réaménagement territorial sur l'île de Montréal
était donc permis et continue de l'être. En d'autres termes, ce
que le juge Deschênes nous dit, c'est qu'effectivement le Parlement
pouvait décider d'accroître le territoire de la CECM, auquel cas
il devait conférer aux nouveaux citoyens de ce territoire les
mêmes droits, mais il n'était pas obligé de le faire. Il
pouvait également revenir sur sa décision. Il lui était
donc permis de modifier le territoire de la CECM comme il l'entendait. C'est ce
que le juge Deschênes émet clairement dans son jugement. (16 h
30)
Donc, si je devais prendre la position du juge Deschênes que vous
invoquez, je devrais tirer la conclusion qu'effectivement, l'Assemblée
nationale a le droit, puisque le juge le souligne très clairement,
d'effectuer un réaménagement territorial sur l'île de
Montréal; c'était permis et cela continue de l'être. La
référence citée, je dois donc tirer la conclusion que
l'argument que vous venez de nous apporter ne va pas à l'encontre du
projet de loi 3; au contraire, il donne plus de poids au projet de loi 3. Le
jugement du juge Deschênes appuie l'approche suivie par le projet de loi
actuel qui consiste à revenir au territoire de 1867.
M. Chagnon: J'ajouterais, M. le Président, que l'opinion
du ministre de l'Éducation, l'opinion constitutionnelle du ministre de
l'Éducation ne tombe pas exactement dans le sens des opinions que nous
avons déjà obtenues d'éminents constitutionnalistes. On
pourra mettre à la disposition de la commission des copies de ces
opinions.
M. Bérubé: C'est un peu cela que j'essayais
d'obtenir, en fait. J'aimerais...
M. Chagnon: Si vous l'aviez demandé, on vous l'aurait dit
tout de suite.
Deuxièmement, j'ajouterais ceci. Je pense que le gouvernement
devrait accélérer le processus pour permettre,
particulièrement en appel, puisque le gouvernement est allé en
appel concernant le jugement Deschênes, que la cause soit entendue de
préséance, possiblement dans le courant du mois de janvier ou
plus tard en février, afin que la Cour d'appel puisse trancher cette
question épineuse.
M. Bérubé: En fait, la difficulté -plusieurs
ont évoqué cette crainte - je pense qu'elle a été
exprimée lors de votre réunion à la
fédération, mais personne ne l'a assise sur des
considérations juridiques à ce point rigoureuses qu'elles
auraient permis à la commission parlementaire de douter. Au contraire,
le seul parlementaire qui pourrait siéger à cette table et nous
éclairer sur la question, le député de D'Arcy McGee,
serait plutôt d'opinion contraire et aurait tendance à estimer que
le projet de loi est parfaitement valide. Donc, il serait intéressant,
si vous pouviez nous fournir de telles opinions juridiques, de les avoir de
telle sorte qu'on puisse s'éclairer dans la prise de
décision.
Il y a un autre point important de votre exposé qui porte sur la
place des parents. Vous citez un document administratif de l'OCDE. Je ne le
conteste pas. Effectivement, vous avez eu l'amabilité de me le soumettre
antérieurement et je l'ai lu avec plaisir, en allant justement à
cette réunion des ministres de l'Éducation de l'OCDE à
Paris, qui se tient une fois par sept ans. Ce qui m'a frappé, c'est, je
ne dirais pas l'unanimité, mais le nombre de ministres de
l'Éducation qui sont venus faire
part à l'ensemble des ministres présents de
l'évolution de leur système.
Dans plusieurs cas, dans plus d'une demi-douzaine de cas, les ministres
ont insisté sur une façon de revaloriser l'école, de
modifier le climat, car à peu près tous se plaignent du
problème que l'on semble vivre dans nos écoles, une sorte de
dévalorisation du système d'éducation publique dans les
pays occidentaux.
Parmi les expériences qui sont encouragées par un
très grand nombre de pays - il me fera plaisir de vous envoyer les
comptes-rendus, d'ailleurs, de cette réunion -il y a une plus grande
participation des parents à la gestion courante de l'école,
premièrement, et, deuxièmement, plus de pouvoirs
délégués à l'école, plus d'autonomie
déléguée à l'école. Ceci est envisagé
comme étant le moyen, effectivement, de créer un climat nouveau
à l'école, de créer un lien plus étroit, car on
reconnaît que les valeurs familiales sont en transition, en mutation. On
reconnaît que, finalement, de plus en plus, l'école est souvent
appelée à presque se substituer à la famille et il faut
trouver un lien plus étroit entre la famille et l'école si on
veut arriver à recréer un climat plus raisonnable. C'est
intéressant et j'aimerais, à partir de cela, avoir votre
perception de cette responsabilité des parents vis-à-vis de
l'éducation de leurs enfants mineurs. Comment prend-on en compte le fait
qu'ils soient responsables?
Dans votre hypothèse de travail, vous nous indiquez que seules
les collectivités locales ont une responsabilité, ainsi que
l'État. Vous ne la niez pas à l'État, au contraire, vous
trouvez qu'il prend un peu trop de place, mais vous ne niez quand même
pas une place à l'État. Donc, vous dites: Il y a deux
responsables de l'éducation: l'État et la collectivité
locale. Dans votre présentation, les parents n'en ont pas. Pourriez-vous
expliquer cela un tout petit peu? Est-ce qu'il n'y a pas une place pour les
parents dans votre proposition? Oui, en paroles, en discours, mais
concrètement, au niveau des pouvoirs, au niveau de l'autonomie, au
niveau de l'implication des parents sur la capacité de changer
l'école, de concert avec les enseignants, il n'y a pas de place pour les
parents. Pourriez-vous expliciter davantage sur ce point?
M. Chagnon: Certainement. D'abord, je pourrais peut-être
mentionner qu'en ce qui concerne l'OCDE le document et ses sources ont
été mentionnés préalablement. Concernant la
dernière réunion de l'OCDE, à laquelle vous aviez la
charge de présider la délégation canadienne des ministres
de l'Éducation, si ma mémoire est fidèle, les
réactions de vos collègues, ministres de l'Éducation des
différents pays, peuvent peut-être se comprendre. Combien de vos
collègues, dans les autres pays occidentaux, ont la chance d'avoir un
système organisé comme le nôtre, avec des commissions
scolaires dont les gens sont élus au suffrage universel et qui, à
l'heure actuelle, sont représentées à 85% par des parents?
Combien de ces pays ont un système qui se voudrait
décentralisé comme celui que nous souhaiterions avoir? Combien de
pays, par exemple, des pays qui sont fort bien structurés sur le plan de
l'éducation, comme la France, l'Angleterre, le Danemark, etc., n'ont pas
un système carrément étatique?
Et maintenant, à la deuxième partie de la question, oui,
effectivement, il y a un rôle pour les parents dans notre système
scolaire, tel que nous l'avions mécaniquement monté.
Effectivement, les parents, au cours de la consultation sur le livre vert en
1978-1979 et, plus tard, en considération sur le livre orange, ont
manifesté beaucoup d'intérêt à travailler au niveau
de l'école, à l'élaboration du projet éducatif,
mais ils ont toujours dit aussi: Nous, ce qui nous intéresse, ce n'est
pas le pouvoir, c'est le développement de notre école comme
milieu de vie dans lequel, en bâtissant un projet éducatif, on
sera capable d'orienter certaines valeurs que l'école se doit de donner
à sa clientèle et à ses élèves. Il ne faut
pas perdre cela de vue. On ne remonte pas au début du monde, 1979, 1978
et 1980.
On s'est dit ceci et, à l'époque, on avait mis sur pied,
le gouvernement avait tenté de mettre sur pied, avec raison, le principe
d'un conseil d'orientation auquel une majorité de parents
d'élèves de l'école devaient travailler. Ils ont toujours
été d'accord avec le principe du conseil d'orientation.
Malheureusement, pour des raisons qui ont déjà été
dites, à très peu de places on a pu le concrétiser.
Actuellement, qu'est-ce qu'on a comme possibilité de travail et
d'implication de parents d'élèves dans le système? On en a
à trois niveaux. On a le niveau du comité d'école, qui
permet une implication des parents; plusieurs parents sont impliqués au
niveau des comités d'école, justement, à
l'élaboration de la conduite de certaines valeurs que l'école se
doit d'avoir. C'est ce qu'on a appelé, ultérieurement, la
conduite du projet éducatif.
Il y a aussi un autre niveau qui appelle un regroupement de parents et
qui s'appelle aussi le comité de parents; il regroupe des
représentants de comités d'école et il amène, pour
des gens qui disposent d'un peu plus de temps, d'un peu plus de
facilité, la possibilité de se retrouver, d'essayer de former un
corps au niveau d'une commission scolaire afin d'alimenter cette commission
scolaire d'avis et de conseils.
Troisième niveau d'implantation et d'intégration des
parents dans le système scolaire, celui des parents qui, un jour,
décident que leur engagement dans le monde scolaire devrait
passer du stade consultatif au stade décisionnel. Que font-ils? Ils se
font élire aux commissions scolaires et font comme ils font
actuellement, ils prennent le contrôle d'à peu près 85% des
sièges des commissaires dans la province. Alors, à ce moment, ils
sont, effectivement, décisionnels et ils ne perdent pas leur
capacité de parents, parce qu'il n'y a pas de relation entre le fait
d'être commissaire et le fait d'être parent. Troisièmement,
ils peuvent prendre des décisions, à ce moment, d'orientation
pour l'ensemble de la communauté, l'ensemble de la commission;
orientation, dis-je, de la gestion locale tant sur le plan administratif que
sur le plan pédagogique. Alors, oui, il y a une place pour les parents,
elle est claire.
M. Bérubé: D'accord, le président me fait
signe, je vais aller vite, je vais poser une seule question. Vous nous parlez
d'un mécanisme d'implantation qui mettrait davantage l'accent sur
l'intégration primaire-secondaire, sur une base volontaire, jusqu'en
1986. À de nombreuses reprises, ayant eu à rencontrer des
présidents de commission scolaire, est revenu sur le tapis le
problème de l'instabilité que représentait la situation
actuelle. Par exemple, fréquemment, à cause de l'interaction des
territoires, c'est un peu comme un "puzzle" et il est difficile de
déplacer une pièce sans, automatiquement, avoir des effets
d'entraînement sur les autres pièces avoisinantes. Tout le monde
reconnaît qu'à un moment donné il faut se fixer, il faut se
brancher; cela a assez duré et les gens veulent qu'on aille vite.
D'ailleurs, je pense que cela semble avoir été également
exprimé lors de votre réunion.
Vous me dites: En 1986, permettons des intégrations volontaires.
C'est une question à laquelle je n'ai pas de réponse.
Qu'arrive-t-il si, parce que les gens ne s'entendent pas localement, au cours
de l'hiver prochain en 1985, au cours de l'été, au cours de
l'automne 1985, du printemps 1986, on se retrouve avec une rentrée
scolaire en 1986 où il n'y a toujours rien de fait. Toute la carte est
bloquée à cause des interdépendances. Tout est
bloqué, tout est immobilisé. La rentrée scolaire s'en
vient, le personnel n'est pas transféré. Je vois une situation
absolument cacophonique dans le système scolaire.
Quand on parle d'intégration volontaire, je dis soit, mais est-ce
que cela veut dire qu'il faut nécessairement qu'on se retrouve, en
septembre 1986, dans une situation dramatique parce qu'à un moment
donné on n'a pas eu des échéanciers clairs en disant:
Écoutez, passé cette date, on va prendre les moyens
nécessaires?
M. Chagnon: Non, il n'est aucunement notre intention de tirer la
ligne à partir de l'exemple que vous prenez. Tout ce que nous disons,
c'est ceci: Dans la lettre que vous avez écrite aux commissions
scolaires au mois d'octobre, le 16 octobre, qui accompagnait le guide relatif
à l'intégration, on disait qu'il était prévu que
les intégrations pour le 1er juillet 1985 devraient se faire dans le
cadre de la Loi sur l'instruction publique actuelle.
Pour les commissions scolaires qui, à notre avis, devraient
s'intégrer au 1er juillet 1986, il faudrait une marge de temps entre
décembre 1984 et quelque part en 1985, pour leur permettre d'effectuer
cette recherche concernant la qualité et la quantité des services
qu'elles pourraient avoir sur leur territoire, en fonction des besoins de la
clientèle scolaire sur leur territoire et, donc, de prendre une
décision en ce qui concerne les cartes.
M. Bérubé: À quelle date? Quelle serait la
date limite pour arriver à s'entendre?
M. Chagnon: Peut-être d'ici au mois de mai ou juin.
M. Bérubé: Juin 1985? M. Chagnon: Oui.
M. Bérubé: Et s'il n'y avait pas d'entente en juin
1985, qu'arriverait-il?
M. Chagnon: Bien, le ministre décréterait, en juin,
en juillet, ou en août 1985, pour le 1er juillet 1986, la carte scolaire
qu'il compterait donner dans une région particulière.
M. Bérubé: Si les élus locaux sont en
désaccord et, justement, ne prennent pas les dispositions
nécessaires pour assurer la transition, qu'arrive-t-il?
M. Chagnon: À partir du moment où le ministre aura
décrété la carte, les élus locaux n'auront pas
tellement le choix. Je ne pense pas que les élus locaux se soient mis
dans un cadre d'illégalité, pour autant que je sache, même
en reculant dans le temps le plus que je puisse voir. Sauf qu'actuellement, si
le ministre décrétait les cartes, par exemple, au 1er janvier
1985, pour application le 1er juillet 1986, cela serait, à notre avis,
permettre au ministre de décréter des cartes qui feraient entente
localement. Pour que cette concertation puisse se faire, cela demande un
certain temps. Nous sommes, aujourd'hui, le 27 novembre et, dans la lettre qui
accompagnait le guide, on parlait du mois de décembre, sans même
stipuler une date. Nous disons: Au lieu de parler de décembre, parlons
de décembre pour les commissions scolaires qui veulent
s'intégrer en 1985, au 1er juillet, et prolongeons ce temps,
décembre 1984, à pourquoi pas mai 1985, pour permettre aux autres
commissions scolaires d'avoir le temps et la chance de faire cette
concertation, sur le plan local, pour déterminer quelle sera leur carte
scolaire et afin de permettre au ministre de décréter une carte
qui conviendra au plus grand nombre de personnes, de groupes ou de commissions
scolaires, sur l'ensemble du territoire québécois.
M. Bérubé: Seriez-vous d'accord pour dire que le
seul moment où l'on aurait besoin d'une élection sur les nouveaux
territoires, ce serait dans le cas où il n'y aurait pas d'entente entre
les commissions scolaires, où il y aurait désaccord? À ce
moment-là, il faudrait décréter des élections sur
le territoire de manière à assurer une transition pour juin 1986.
(16 h 45)
M. Chagnon: Même pas parce qu'à partir du moment
où vous aurez décrété des cartes - nous sommes
opposés à l'idée de la duplication des commissions
scolaires entre 1985 et 1986 - les gens ne mourront pas, ils sont existants.
Les gens qui sont déjà élus à une commission
scolaire existante formeront les comités d'implantation pour les
nouvelles commissions scolaires de 1986 et vous n'aurez aucun
problème.
M. Bérubé: Merci de nous prévenir.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil et vice-président de la
commission.
M. Ryan: M. le Président, il nous fait plaisir de
rencontrer la Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec après ce délai qui avait été
accordé par la commission pour permettre à la
fédération de mieux se préparer à réagir au
projet de loi 3.
Nous avons entendu avec beaucoup de plaisir et d'intérêt
les opinions qui nous ont été communiquées. Je reviendrai
tantôt sur les principaux termes qui ont été abordés
par la fédération des commissions scolaires, mais je poserai
d'abord une question générale. Je voudrais nettoyer cette
question-là pour commencer.
Vous dites, en conclusion, à la page 30: "En
résumé, le projet de loi 3, malgré les
améliorations qu'il apporte au précédent projet, n'est pas
encore acceptable aux commissions scolaires membres de notre
fédération. "
Il y a un quotidien qui a parlé de votre assemblée de fin
de semaine, dans son édition d'hier, et qui a dit que la position que
vous aviez adoptée à travers une série de
résolutions, ça pouvait se résumer par un "noui", un
non-oui. Est-ce que je dois comprendre, de ce que vous nous avez lu cet
après-midi, que si le projet de loi demeurait dans sa formulation, dans
sa teneur actuelle sur les points majeurs que vous avez soulevés, la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
y serait opposée? Parce qu'il faut arriver, à un moment
donné... Pardon?
M. Chagnon: C'est ce que j'ai dit.
M. Ryan: Mais le mot n'était pas là, dans le texte.
Avec nos collègues du côté ministériel, on aime
avoir les termes clairs pour éviter des problèmes
d'interprétation par la suite. Cela équivaut à ça,
finalement.
M. Chagnon: Nous pensons qu'à titre de conclusion, au
point où on en est rendu, après deux ans et demi de discussions
sur le dossier - du projet de loi 40, de feu le projet de loi 40, et maintenant
du projet de loi 3 - il y a beaucoup d'éléments sur lesquels il y
a eu des modifications entre le projet de loi 40 et le projet de loi 3, compte
tenu des discussions que nous avons tenues au printemps passé et cet
automne.
Maintenant, il y a encore trois ou quatre points qui, pour nous, sont
majeurs, principalement le dossier du suffrage universel; deuxièmement,
le dossier de l'analyse légale de la problématique que nous avons
soulevée tout à l'heure, la nécessité de clarifier
certains horizons sur le plan juridique; troisièmement,
l'intégration du primaire et du secondaire et les mécanismes
d'implantation.
Nous ayons l'impression que nous sommes rendus pas tellement loin,
à condition, évidemment, qu'on puisse s'entendre sur ces quatre
points-là.
M. Ryan: L'autre jour, le ministre a posé une question
à la Fédération des comités de parents du
Québec, qui avait soulevé un certain nombre de
difficultés. Il lui a dit: Si nous ne vous donnons point - ce ne sont
pas les termes qu'il a employés, mais - si vous n'avez pas satisfaction
sur ces points-là, est-ce que ça veut dire que, finalement, vous
refuseriez tout le projet de loi et que vous préféreriez
maintenir le régime actuel?
Si on vous posait la question: Supposez que le gouvernement ne bouge pas
sur les points majeurs que vous avez soulevés, est-ce qu'on devrait
considérer que la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec est opposée à ce projet de loi
là?
M. Chagnon: Fondamentalement, nous recherchons la consolidation
d'un gouvernement scolaire local et nous estimons que le suffrage universel,
tel qu'il est intégré dans le projet de loi 3 actuellement,
ne permet plus de correspondre à ce gouvernement scolaire local.
Si cet élément n'était pas modifié, cela ne nous
permettrait pas d'accepter.
M. Ryan: Vous vous y opposez. Très bien, merci.
J'en viens au point majeur que vous avez soulevé dans votre
mémoire. Il y a d'abord la question du suffrage universel. Vous dites
que votre position demeure inflexible sur cette question que vous jugez
d'importance majeure. Je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter
là-dessus, sauf pour vous dire que je suis porté à
être d'accord avec vous autres et que, de ce côté-ci de la
Chambre, nous sommes portés à être d'accord avec vous: le
principe du suffrage universel est un principe tellement fondamental
d'organisation, tellement global aussi, qu'on peut difficilement le marier avec
d'autres.
On peut le remplacer par d'autres modes de représentation dans
certaines structures publiques ou parapubliques. On peut décider de
choisir un mode de représentation de caractère corporatiste, de
caractère groupe d'intérêts; on a beaucoup de
modèles qui existent, une délégation par le gouvernement
lui-même. Hydro-Québec, par exemple, est une corporation publique
dirigée par un conseil d'administration dont les membres sont
nommés par le gouvernement. On a des hôpitaux dont les
administrateurs sont nommés, finalement, par le gouvernement, mais
moyennant un mécanisme d'élection, de désignation, de
propositions complexes. Les cégeps, c'est la même chose. Les
universités ont un autre modèle de fonctionnement.
Encore une fois, je l'ai mentionné en commission parlementaire
à des séances antérieures, je ne connais pas d'exemple de
structure publique où l'on essaie de marier, comme veut le faire le
projet de loi, le suffrage universel avec d'autres modes d'élection ou
de désignation. C'est un problème qu'il incombe au gouvernement
de clarifier. Nous autres, nous sommes plutôt portés à
opter pour une attitude logique et, par conséquent, cela m'évite
d'avoir à vous poser des questions là-dessus. Je n'ai pas de
question particulière à vous poser là-dessus parce que
cette question m'apparaît dans la lumière où je viens de la
présenter.
En ce qui touche l'aspect constitutionnel, je veux vous signaler que
dans les organismes qui se sont présentés devant la commission...
Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Oui, vous pouvez
m'interrompre, il n'y a pas de problème.
M. Paradis (Fernand): Si vous me permettez, M. le
Président, en ce qui concerne le suffrage universel, je voudrais attirer
l'attention des membres de la commission sur un certain nombre de faits
vécus au cours des dernières années qui font ressortir le
caractère un petit peu exceptionnel de la proposition
présentée dans le projet de loi 3.
J'ai passé plus de 30 ans de ma vie professionnelle à la
CECQ. Il y a environ une vingtaine d'années, les commissaires
étaient nommés - quatre par le gouvernement, trois par
l'archevêché c'étaient des nominations. Il n'y avait pas
d'élection. Il y avait énormément de plaintes. La
même chose se produisait d'ailleurs, sauf erreur, à la CECM. Il y
avait énormément de critiques face à ce système qui
consistait à nommer des gens pour prendre soin de la
collectivité.
Nous sommes passés, quelque temps après, à un
système d'élection. Et les anglophones avaient demandé au
ministre de l'époque qu'un siège leur soit réservé,
puisqu'ils représentaient un pourcentage de la population. Après
discussion, cela a été non: Si vous voulez avoir un siège,
présentez-vous et faites-le selon les règles.
Dans la proposition qui est là, les parents arrivent par une
porte un peu exceptionnelle, mais il faut voir comment cela se passe dans les
comités d'école. Quand il s'agit d'inviter les parents pour
parler de leurs enfants, nous avons des taux de participation très
élevés, pas seulement à la CECQ, n'importe où dans
la province: des taux de participation qui dépassent les 80% parce qu'on
parle de choses qui les intéressent, leur enfant, qu'il soit au primaire
ou au secondaire.
Lorsqu'il s'agit de faire les élections au comité
d'école, à peu près partout, il y a des taux de
participation très faibles. J'ai des exemples à l'esprit
où, dans une école de 1200 ou 1300 élèves, il y
avait 25 ou 30 personnes; et on avait l'impression de "conscrire" celles qui
étaient là quand elles étaient élues à des
comités.
Je pense qu'on aura encore là un mécanisme qui sera faible
quant à l'intention que nous avons d'avoir des parents qui
représentent. Je pense que les parents ont trouvé une autre voie
pour être entendus. Ils vont voir le commissaire, qui est bien souvent un
ancien du comité d'école, du comité de parents. Ils font
leurs représentations auprès de celui-ci pour qu'il parle en leur
nom. Celui-là a été élu et les commissaires nous le
rappelaient en fin de semaine. Bon nombre de ceux qui sont élus
aujourd'hui sont des anciens de comités d'école et de
comités de parents qui se sont présentés à
l'élection, qui ont fait campagne. Ils ne perdent pas leur
étiquette de parents parce qu'ils ont été élus. Ils
continuent à véhiculer les intentions des parents.
Je trouve que ce système où on a un tiers des parents qui
nous arrivent et les deux tiers élus, cela rappelle étrangement
la
formule du conseil d'administration d'un hôpital ou d'autres
organismes. Il y a un glissement de cette notion que je trouve dangereux.
M. Ryan: M. le Président, je vais continuer sur le
deuxième thème majeur soulevé par la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, celui de la constitutionnalité du projet de loi. J'allais
vous dire, au moment où vous m'avez interrompu pour nous éclairer
sur le premier sujet - ce que j'apprécie - que parmi les quelque 20 ou
21 organismes qui se sont présentés devant la commission l'aspect
constitutionnel a été soulevé par une quinzaine. Il y en a
plus d'une douzaine qui ont demandé que cet aspect soit clarifié
de manière satisfaisante avant que le gouvernement procède,
à tout le moins, à la mise en oeuvre pratique du projet de loi,
s'il était adopté.
J'ai écouté les explications du ministre. Nous n'avons pas
le temps d'engager un débat de fond à ce stade-ci. Lui-même
a dit qu'il voudrait le faire un peu plus tard. Nous devons quand même
lui donner certains avertissements à ce stade-ci, avant que le
débat s'engage en deuxième lecture.
Je voudrais tout d'abord vous rappeler, M. le ministre, que c'est la
cinquième fois qu'un gouvernement s'essaie sur cette question. Je me
souviens qu'un ministre de l'Éducation, qui s'appelait Jean-Guy
Cardinal, s'est essayé sur ce problème-là avec le projet
de loi - je pense que c'était 62, M. Rousseau s'en souviendra. Cela n'a
pas marché. Il avait toute l'assurance... Je me rappelle ces jours
glorieux où le sous-ministre lui soufflait presque les réponses.
C'était M. Yves Martin, à l'époque, qui était un
homme très compétent, comme vous le savez. Le ministre de
l'Éducation du temps a cassé sa pipe là-dessus.
Ensuite, il y a eu un ministre libéral, M. Guy Saint-Pierre, qui
est arrivé, je pense, avec le projet de loi 28. C'était clair.
Quand on ne doit pas affronter la plénitude de l'appareil politique et
juridique, c'est clair, c'est relativement facile. Finalement, sur ce point
précis, ce ministre de l'Éducation a cassé sa pipe. Je
pense que le projet fut retiré en dernière minute à une
session qui se terminait vers la fin de décembre. Je ne sais pas si
c'est un présage de ce qui nous attend cette fois-ci, mais on le
retrouva quelques semaines plus tard ailleurs, à un autre
ministère où il s'est d'ailleurs illustré de
manière très intéressante.
Ensuite, il y a eu le projet de loi 71 présenté par un
ministre de l'Éducation qui s'appelait François Cloutier. M.
Cloutier a eu la sagesse de ne pas toucher à cet aspect-là. Son
projet de loi a pu, par conséquent, franchir la rampe et apporter des
améliorations notables.
Ensuite, on a eu le projet de loi 40 qui a connu le sort que l'on sait.
Là, on est en face du projet de loi 3. Je crois qu'à travers tous
les débats qui ont entouré la présentation de chacun de
ces projets de loi des difficultés ont surgi qui, à ma
connaissance, n'ont pas été dirimées de manière
satisfaisante.
Vous invoquiez, M. le ministre, le témoignage du
député de D'Arcy McGee, dont je respecte énormément
les avis et dont j'apprécie hautement l'amitié que nous avons
l'un pour l'autre. M. Marx a donné, avec un de ses collègues de
la Faculté de droit de l'Université de Montréal, un avis
juridique au Conseil scolaire de l'île de Montréal en 1975, avis
juridique hautement respectable, très bien fait et dont la teneur
générale va dans le sens de ce que vous avez dit. Pas de
discussion là-dessus. Maintenant l'opinion de M. Marx et de M.
Chevrette, je crois, c'est l'opinion de deux juristes de l'Université de
Montréal.
Il y a beaucoup d'autres juristes qui pensent différemment. Cela
explique qu'on ait des causes devant les tribunaux; qu'on soit aux prises avec
un chassé-croisé de complications judiciaires et légales
actuellement qui rendent des aspects très importants du fonctionnement
de notre système d'enseignement entachés d'obscurité et
d'incertitudes. Tous les témoignages que nous avons entendus à la
commission - nous y étions ensemble, d'ailleurs - nous invitent à
croire que nous n'irions pas vers une espèce de trêve, au
contraire si le projet de loi était adopté dans ses dispositions
actuelles. Même la fédération des commissions scolaires -
vous me corrigerez si je me trompe - dans sa première
présentation en janvier dernier, n'avait pas été aussi
ferme sur ce point précis. Je ne sais pas si... Je crois me souvenir
qu'à ce moment-là la position n'était pas
accompagnée d'une mise en réserve aussi forte. Pardon?
M. Chagnon: Nous avions une position, même au mois de
janvier, qui était identique à celle-là. J'ai, pour la
première fois, demandé à l'ex-ministre de
l'Éducation, M. Laurin, il y a à peu près deux ans et
demi, de faire vérifier le projet de loi qui s'en venait, le projet de
loi 40, sur le plan de sa constitutionnalité et de le
référer à la Cour d'appel. Il ne semblait pas opportun de
le faire à ce moment-là, compte tenu du fait qu'il devait
être adopté très très prochainement.
M. Ryan: Alors, je m'excuse de cet oubli momentané. Je me
souviens très bien de cet échange qui s'était produit
à la commission sur ce point précis.
Ceci pour ajouter que nous consultons régulièrement le
député de D'Arcy McGee
sur ces questions. Je ne veux pas... Pardon?
M. Bérubé: Avec l'espoir qu'il change
d'idée? (17 heures)
M. Ryan: Non, non, mais le député de D'Arcy McGee,
comme nous tous, a vu s'écouler dix années d'évolution
constitutionnelle, d'évolution de la jurisprudence depuis qu'il a
formulé cette opinion. Il y a un grand nombre de pièces qui sont
entrées au dossier et dont il n'a pas eu le temps de prendre
connaissance parce qu'il a été occupé à d'autres
travaux. Mais il espère bien pouvoir le faire; je pense pouvoir vous
dire cela de sa part. Dans notre parti, il n'y aura pas de directive de la part
du chef pour lui interdire de donner son opinion sur ce point - je peux vous
assurer de cela -et encore moins de suggestion de la part du porte-parole en
matière d'éducation. Son opinion, quelle qu'elle soit, s'il veut
la communiquer, il la communiquera; mais nous la recevrons comme une opinion
d'un homme que nous respectons beaucoup.
Je vous assure, M. le ministre, là-dessus, vous avez un dossier
assez chargé. J'écoute vos résumés, le jugement
Deschênes, par exemple; cela me fait quelque peu sourire, parce que j'ai
étudié ce jugement attentivement. Je l'ai lu à plusieurs
reprises et je pense n'avoir pas fini de le comprendre, parce qu'il y a des
questions qui restent en suspens dans ce jugement, il y a bien des aspects
qu'il reste à voir.
C'est un conseil qui vous est donné; je pense qu'il vient de
source sérieuse et qui s'appuie sur une longue expérience de
difficultés éprouvées dans ces choses. Je souscris
entièrement à ce conseil. Je pense que je vous l'ai laissé
entendre à plusieurs reprises à travers les audiences de la
commission.
Il y a un dernier point qui m'importe. Vous avez soulevé
tantôt le problème de la mécanique d'implantation. Je n'y
reviendrai pas, parce que je pense que les questions que vous avez
posées ont permis de mieux comprendre le point de vue de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec. Mais il y a un point qui n'a pas été
soulevé, je pense, dans l'échange et qui est également
capital. Vous dites, dans votre mémoire, que le projet de loi, dans sa
teneur actuelle, ne contribuera pas à la responsabilisation des
gouvernements locaux en matière scolaire autant qu'on aurait pu le
souhaiter après toutes Ies discussions qu'on a eues sur ces questions au
cours des dernières années. Je voudrais vous demander une chose
à ce sujet. En gros et, si possible, en plus précis
également, quels changements la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec voudrait-elle voir au projet de loi 3
pour qu'elle juge qu'il contribue, de manière positive, à la
responsabilisation de3 gouvernements locaux en matière scolaire? En
quoi, également, le projet actuel - et je m'intéresse plus
à l'aspect constructif à ce moment-ci - peut-être en guise
d'introduction à votre réponse, ne contribue-t-il pas autant que
vous le souhaiteriez à la réalisation de cet objectif?
M. Chagnon: Premièrement, je dirais: En faisant en sorte
de permettre aux élus locaux de prendre des décisions
éclairées et d'être jugés par leurs électeurs
sur des décisions, concernant particulièrement la
fiscalité locale, un point précis dans le projet de loi. Donc, en
deux mots: Voir se lever le plafond de taxation locale existant depuis 1979
dans ce dossier. Nous estimons que l'autonomie et la capacité fiscale
des milieux locaux vont de pair.
J'ajouterais que par certaines interventions réglementaires le
projet de loi vient modifier à la baisse, sur le plan de la
décentralisation, la situation actuelle. Je n'ai pas fait état,
tout à l'heure, des modifications dans le texte que nous vous avons
soumis. Je pense, entre autres, à la réglementation que le
ministre doit se faire pour permettre aux commissions scolaires d'appliquer
l'organisation de la consultation sur le plan de la confessionnalité des
écoles. Cela est un élément nouveau. Un autre
élément nouveau, de mémoire, c'est la nouvelle
réglementation concernant l'aliénation des biens meubles et
immeubles. Le troisième élément nouveau, qui me passe
à l'esprit, c'est la réglementation du ministre concernant les
constructions d'immeubles, le choix des professionnels de la construction
d'immeubles sur un territoire d'une commission.
Enfin, ce sont des exemples. Ce que nous voudrions voir, nous l'avons
déjà écrit précédemment, en 1982, dans le
document "Pour un gouvernement local scolaire démocratique et
responsable" - on en a eu une copie - dans lequel nous définissions le
rôle de l'État comme responsable de l'organisation même du
régime pédagogique et, deuxièmement, comme
péréquateur des ressources: un fournisseur de ressources, mais
aussi un péréquateur de ressources, afin d'éviter que des
milieux mieux nantis au Québec puissent être largement
favorisés par rapport aux milieux moins bien nantis. Dans ce
document-là, que nous vous avions fait parvenir à
l'époque, nous avions en résumé fait des tableaux
démontrant ce que nous concevions devoir être le rôle de
l'État, le rôle du ministère de l'Éducation, le
rôle des commissions scolaires et des écoles dans un
système d'éducation.
Par rapport au projet de loi 3, je vous dirai, premièrement, les
cas d'espèce en termes de réglementation nouvelle et,
deuxièmement, prioritairement tout le dossier fiscal local.
M. Ryan: En matière fiscale, juste une brève
question et, après, j'aurais une autre question, mais je voudrais donner
un peu de temps à mes collègues. Est-ce que vous avez une
suggestion? Vous dites, à un moment donné, qu'il faudrait trouver
d'autres sources de revenus pour les commissions scolaires. Avez-vous des
suggestions précises à formuler là-dessus?
M. Chagnon: Pas nécessairement. Pas à l'heure
actuelle, je devrais dire. Nous avons un comité de travail cette
année qui travaille spécifiquement sur le financement du monde
scolaire, tant à partir du dossier de l'allocation des ressources que
nous connaissons actuellement - plus précisément appelé
règles budgétaires - que sur le plan du financement local. Je
dois vous avouer que ce n'est pas facile, parce qu'il n'y en a pas des
centaines de dispositions ou de possibilités pour organiser un
financement local.
Dans le temps, au Québec, le gouvernement a déjà
octroyé une partie de la taxe de vente pour le financement des
commissions scolaires, plus particulièrement, je pense, sur l'île
de Montréal, financement qui a été modifié par la
suite par le biais de l'évaluation foncière. Il n'y a pas
beaucoup de marge de manoeuvre ou de possibilités qui s'ouvrent aux
commissions sur ce dossier précis. Il y a une chose certaine: le fait
d'être limité à 6% du budget d'opération d'une
commission scolaire pose un carcan absolument invivable pour plusieurs
commissions, d'autant plus que dans les problèmes de financement qui ne
relèvent pas du projet de loi 3 on s'aperçoit que cette partie
congrue du budget est elle-même organisée et les commissions
scolaires ont l'obligation de s'en servir pour des fins soit
conventionnées, soit déjà réglementées par
le ministère. M. Péron veut ajouter...
M. Péron (Charles): Si je pouvais me permettre, M. le
Président, d'ajouter un petit mot là-dessus... Je pense qu'on est
à la source même, avec le financement des commissions scolaires,
de l'intérêt ou du désintéressement de la
collectivité. L'esprit qui prévaut généralement
dans la population, c'est que les jeux sont faits à partir du MEQ
à 94%. À partir de là, il reste 6%. Et tant qu'on n'aura
que 6% pour agir, il sera trè3 difficile, à quelque niveau qu'on
se place, d'intéresser davantage et les parents et la
collectivité. Je pense que c'est là le problème
fondamental.
M. le ministre est déjà venu nous rencontrer à
Longueuil et il a dit: L'augmentation de l'autonomie des commissions
scolaires, ce n'est pas discutable. Je pense que si on voulait
véritablement impliquer la population à ce niveau-là, les
parents, les commissaires, c'est par le biais du financement qu'on arriverait
à intéresser les gens en leur donnant le sentiment de participer.
Vous n'avez peut-être pas dit cela aussi catégoriquement, M. le
ministre, mais vous avez dit à peu de chose près...
M. Bérubé: C'est sûr que...
M. Péron (Charles): "C'est nous qui payons; c'est nous qui
voulons voir exactement ce qui se passe avec l'argent qu'on fournit. " Ce n'est
pas incompatible, M. le ministre, c'est ce qu'on voudrait dire. Dans d'autres
provinces canadiennes, la part générée localement qui
n'émane pas de la province comme telle est infiniment supérieure
à celle de la province de Québec. Je pense que cela fonctionne
très bien. On pourrait donner en exemple de cela le transport scolaire.
Je pense que c'est un bon exemple. La minute que l'État a
dégagé sa responsabilité première du transport des
élèves dans les différentes commissions scolaires de la
province, à partir de là, il a commencé à
réaliser des économies. Le budget global du transport scolaire
s'est trouvé réduit de façon importante à la minute
même où les commissions scolaires en ont été rendues
absolument responsables. C'est un bel exemple à choisir. Cela pourrait
très bien se faire dans d'autres secteurs d'activité. Tout le
monde y gagnerait en intérêt et en sens de la
responsabilité véritable.
M. Chagnon: M. le Président, mon collègue, M.
Charles Péron, fait toujours des citations à peu près
impeccables. À peu près.
M. Péron (Charles): Je m'excuse, M. le ministre, je ne
voulais surtout pas vous trahir.
M. Chagnon: Je pense que M. le ministre doit se retrouver dans
cette citation - en tout cas, à peu près - et j'ajouterai, sur le
point soulevé par le député d'Argenteuil, qu'un autre
moyen pour arriver à faire en sorte d'élargir l'autonomie locale
- mais on ne passera pas par le projet de loi 3 - est en modifiant
substantiellement le processus de négociation que nous avons connu, que
nous avons subi, je dirais, depuis 15 ans.
M. Ryan: Je voudrais simplement ajouter, si vous me le permettez,
que le projet de loi n'apporte rien de nouveau au point de vue capacité
fiscale et maintien du statu quo. Je ne pense pas qu'il y aurait beaucoup de
gouvernements qui seraient capables de prendre des engagements
considérables dans le sens de ce que vous demandez actuellement. Je
lisais une étude dans la revue "The Public Interest", l'autre jour, sur
l'évolution de la fiscalité scolaire
aux États-Unis. Il y a un grand mouvement de réforme de
l'enseignement qui est en cours aux États-Unis, parce qu'on trouve qu'on
a dépensé des sommes qui n'ont pas toujours produit les
résultats souhaitables, et on conclut que partout où on
entreprend un mouvement de réforme, cela entraîne une augmentation
des implications financières de l'État, l'État, au sens
d'un des 52 États. C'est une tendance qui est de plus en plus
marquée là-bas. Au Canada, j'ai vu deux ou trois études
sur le financement des systèmes d'enseignement. Il y en a une qui a
été faite au Manitoba et une autre en Nouvelle-Écosse
très récemment. Dans ces études, on constate aussi qu'il
faut que le gouvernement provincial soit davantage impliqué. Il l'est
davantage et il doit l'être davantage.
J'ai noté ce que vous avez dit: Vous n'avez pas encore de
suggestion précise à présenter et vous avez un
comité qui est au travail là-dessus. On va attendre cela avec
intérêt. Pour le moment, je ne pense pas que cela sera facile pour
l'Assemblée nationale de faire mieux que d'essayer de préserver
le statu quo, en espérant que des lumières nouvelles surgissant
au cours des prochains mois, ou des années à venir, permettront
d'élargir le régime de ce côté.
J'ai pris note de ce qu'a dit M. Péron aussi. Je ne voudrais pas
que vous pensiez que, de notre côté, on va vous promettre la lune,
de ce côté-là. Je pense que cela serait difficile.
M. Chagnon: Nous, nous sommes habitués de nous battre avec
tout le monde.
M. Ryan: Honnêtement, on sait l'opposition des
municipalités dès qu'il est question de la moindre chose de ce
côté: elles prennent presque d'assaut le parlement pour faire
entendre la voix des élus du peuple, elles aussi. Je pense qu'il faut
être réalistes.
J'ai une autre question, si vous me le permettez. Non, si vous voulez me
répondre là-dessus... pas du tout, mais le temps passe. Je vais
vous poser la question et vous interviendrez sur ce point si vous voulez, ce
sera fini avec moi.
Vous m'avez fourni ce matin, à ma demande et avec beaucoup de
bienveillance, le texte des résolutions adoptées par votre
congrès spécial de fin de semaine. J'ai trouvé une
résolution à laquelle il n'est point fait allusion dans le
mémoire que vou3 avez présenté cet après-midi, dans
lequel vous dites d'ailleurs que vous vous limitez à certains points. Je
voudrais rappeler cette résolution et vous demander quelle importance
vous lui attachez. C'est la résolution 4. "Que la loi ne vienne pas
préciser le nombre, la nature et les pouvoirs des comités
à créer dans les écoles et à la commission
scolaire. C'est une question de régie interne d'un organisme autonome et
responsable, la commission scolaire; aucun modèle uniforme ne devrait
être imposé. " J'ai été étonné qu'une
résolution aussi importante ne soit pas dans le mémoire que vous
nous avez présenté cet après-midi, à moins que je
n'en aie fait une lecture trop rapide. Si vous vouliez me dire l'importance que
vous attachez à cette résolution et pourquoi vous avez
adopté cette résolution.
M. Chagnon: Vous me permettrez de répondre à la
question précédente ou finir d'y répondre. Jamais on n'a
dit que l'État devait se retirer du financement du système
scolaire au Québec, d'une part. Tout ce qu'on a dit, c'est qu'il
faudrait voir à accroître le champ de fiscalité local. Nous
avons l'impression de ne rien enlever au monde municipal, même si on
levait le plafond sur la taxation scolaire. On n'enlève rien à
personne en ayant la possibilité supplémentaire de taxer
localement.
M. Ryan: Si c'était sur le foncier, vous entrez en
compétition avec le municipal quand même.
M. Péron (Charles): Que le foncier.
M. Ryan: Ailleurs que dans le foncier, c'est une
possibilité. Pourvu que vous arriviez avec des exemples.
M. Chagnon: Mais, même dans le foncier, en
compétition avec le monde municipal - on n'a pas, et c'est là un
autre sujet... Il n'y a pas d'exclusivité pour l'évaluation
foncière comme source locale de revenus donnée aux
municipalités. Il n'y a pas eu d'exclusivité. On n'a pas
l'impression d'enlever quelque chose à quelqu'un tant et aussi longtemps
que les municipalités ont le droit de taxer.
M. Ryan: M. Chagnon, c'est la même chose que pour
l'impôt sur le revenu. Québec peut bien augmenter son impôt
sur le revenu sans concertation avec le gouvernement fédéral,
mais cela crée un dédoublement dont on connaît le
coût. C'est tellement important que les deux niveaux de gouvernement
reconnaissent la nécessité de chercher à s'entendre avant
de tomber dans ces domaines. En tout cas, je note cela. (17 h 15)
M. Chagnon: Nous chercherions à nous entendre aussi avec
le monde municipal.
M. Ryan: On peut attendre dix ans.
M. Chagnon: La deuxième question, les comités
à la commission scolaire et à l'école: d'une part, je
tiens à mentionner que, oui, on retrouve cela dans le texte de notre
présentation ici en commission parlementaire et, deuxièmement
qu'est-ce qu'on
veut dire par cela?
Le nombre de comités que prévoit la loi, tant au niveau de
l'école qu'au niveau de la commission scolaire, nous apparaît
pesant; il y en a beaucoup, il y en a énormément. Il y en a un
pour tout le monde. Tout le monde pourrait s'en trouver un. On trouve aussi que
le fait de ne pas limiter les sujets de consultation ou de permettre au
comité d'avoir la possibilité de demander d'être
consulté sur tous les sujets sur lesquels le comité désire
être consulté risque d'appesantir le processus administratif
normal qu'on devrait retrouver au niveau d'une école ou au niveau d'une
commission.
On trouve aussi que ce n'est pas tout à fait normal de ne pas
voir, par exemple, le directeur d'une école siéger ad hoc,
à tout le moins comme membre ex officio, des comités qui
siègent dans son école. On trouve aussi que le fait d'avoir une
structure de comités qui doive s'implanter dans toutes les commissions
scolaires au Québec, ce n'est pas normal non plus.
On peut présumer que dans une région des parents
pourraient peut-être préférer siéger au conseil
d'école et ne pas avoir de comité de parents. La loi ne donne pas
cette possibilité tout à fait. On prévoit qu'on puisse
mettre sur pied un comité de parents au niveau de l'école, un
conseil d'école, un comité pédagogique régional, un
comité d'élèves. Enfin, il y a une multiplication de
comités qui nous fait penser qu'il serait préférable que,
localement, l'organisation de la consultation se fasse sur une base plus
locale.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Mille-Îles, il vous reste six minutes.
M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux
remercier les représentants de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec de s'être
présentés. J'apprécie beaucoup le climat de
détente, la sérénité qui entoure nos débats.
On a connu, avec la loi 40, un climat beaucoup plus tendu et je pense que c'est
sain pour trouver, peut-être, ensemble des solutions. C'est sûr
qu'on revient souvent sur le mode d'élection. Et le suffrage universel,
je me souviens qu'en commission parlementaire, au printemps, vous y teniez
beaucoup. C'est la base de tout le système.
Je pense, aussi, que des parents disaient... Bien que vous disiez que
85% des commissaires d'école sont aussi des parents, eux parlaient des
usagers. C'est sûr que s'il y a des parents qui ont des enfants qui sont
rendus à l'université et qu'eux sont encore commissaires
d'école, ce n'est pas parce que je veux dire qu'ils ne sont pas
compétents, loin de là, ce n'est pas un procès
d'intention, mais, dans le tiers des parents qui vont aller siéger au
conseil de la commission scolaire, on veut que ce soient des usagers qui
comprennent davantage dans un élément ponctuel les
problèmes du milieu. C'était dans ce sens qu'on voulait avoir
beaucoup plus de parents qui, je considère, sont légitimés
par leur milieu dans un système qui fait qu'ils sont élus comme
usagers dans un milieu donné.
D'autant plus que M. Péron disait tout à l'heure: C'est
bien sûr que vous basez tout votre système de démocratie
sur la fiscalité locale, sur l'autonomie, le principe de la
démocratie. Le principe est là, d'accord. S'il y avait un plus
grand pouvoir de taxation, est-ce qu'il y aurait plus de
légitimité, plus d'autonomie? Oui, plus d'autonomie. Je ne vois
pas pourquoi un tiers des parents qui iraient siéger au niveau de la
commission scolaire ne seraient pas légitimés aussi de
gérer la taxation et d'avoir la responsabilité de 6% de la
taxation locale.
Je vous fais cette observation, considérant qu'on en avait
discuté au printemps dernier. C'est sûr que le principe de la
légitimité, j'y suis. Mais, considérant peut-être le
pouvoir de taxation, qui est de 6% au maximum, considérant qu'on veut
davantage, lorsqu'on écoute les parents, que ce soient plus des usagers,
le tiers des parents au comité de la commission scolaire, je pense que
c'est beaucoup plus représentatif.
Je voulais vous poser une question -vous pourrez peut-être
répondre, si vous voulez, à mon commentaire. Vous êtes
d'accord, M. le Président, sur les structures linguistiques en dehors de
l'île de Montréal. C'est bien sûr que dans toute la
restructuration l'île de Montréal a été un
problème qu'on essaie de régler depuis plusieurs années.
Vous dites, par ailleurs, que sur le territoire de l'île de
Montréal, on devrait, entre autres, respecter les commissions scolaires
confessionnelles: respect du statut territorial et confessionnel de la
Commission des écoles catholiques de Montréal, entre autres.
Pourquoi - je voudrais vous demander ceci pour l'île de Montréal -
demandez-vous le statu quo également pour les commissions scolaires
Jérôme-Le Royer, Verdun, Sainte-Croix, Sault-Sainte-Marie et
Baldwin-Cartier? Est-ce que vous avez eu un mandat pour dire qu'ils ne veulent
pas des commissions scolaires linguistiques, qu'ils veulent le statu quo, comme
vous le dites à la page 25 de votre mémoire?
M. Chagnon: M. le Président, fort brièvement sur le
commentaire, je voudrais rementionner au député de
Mille-Îles...
M. Champagne: Mille-Îles.
M. Chagnon:... qu'il y a, effectivement,
80% à 85% des parents qui siègent déjà au
conseil des commissaires; là, je ne parle pas de parents d'enfants
à l'éducation des adultes, je parle de parents d'enfants dans le
système primaire-secondaire.
M. Champagne: Des usagers.
M. Chagnon: Des usagers. À moins qu'on ne veuille le
réduire du jour au lendemain à 30%... Il ne faudrait pas prendre
cette tangente-là.
Deuxièmement, je voudrais souligner qu'effectivement, au mois de
janvier, on a entendu, par exemple, en commission parlementaire un autre
organisme, la Fédération des comités de parents, comme
vous l'avez souligné, qui faisait état de ses intentions de voir
des usagers, en fonction du projet de loi 40. Souvenez-vous et relisez le
Journal des débats: lorsque le comité de parents faisaient
rentrer des parents au niveau de la commission scolaire par la porte que le
projet de loi 40 lui prévoyait, ils n'étaient plus
considérés comme des parents normaux et ils devaient être
remplacés par des comités de parents au niveau de chacune des
écoles. Là, il y avait comme une contradiction dans le discours
qui était assez surprenante. Je ne vous mentionnerai pas l'autre
contradiction plus nouvelle, qui fait en sorte que, même aujourd'hui,
récemment, lors de la parution de cet organisme en commission
parlementaire, devant vous, on commençait à discriminer des
parents qui pouvaient être aussi des enseignants dans une commission
scolaire.
À notre avis, tous les parents sont sur le même pied et
tous les citoyens doivent être sur le même pied. C'est bien entendu
que, dans un réseau scolaire, il y a bien plus de chances que des
parents soient intéressés à s'y mêler, à s'y
engager activement, tant au niveau du comité d'école qu'au niveau
du comité de parents, qu'au niveau de la commission scolaire; cela, nous
le concevons très bien. D'ailleurs, c'est normal. Je pense que plusieurs
d'entre vous l'avez déjà souligné: La majorité des
gens, qui se présentent aux élections scolaires, sont des gens
qui ont oeuvré, un jour ou l'autre, pendant une année ou deux
ans, dans un comité d'école ou au comité de parents, et
ils se présentent à la commission scolaire. Alors, on ne voit pas
très bien ce que le processus d'intégration de l'usager pourrait
venir ajouter à ce qui existe déjà dans la
réalité la plus fondamentale, sans faire en sorte de discriminer
des gens sur un conseil en ayant des gens de deux sources de
légitimité.
Deuxièmement, je tiens à ajouter que le projet de loi 3
prévoit déjà qu'il devrait y avoir un lien entre le
conseil d'école et la commission scolaire, en faisant en sorte de
permettre aux commissaires siégeant à la commission scolaire de
pouvoir siéger aussi au conseil d'école. Alors, ce lien entre
l'école et la commission, le projet de loi le prévoit
déjà. Il n'est aucunement utile de diviser la
légitimité même de la commission, en faisant en sorte que
ces gens, siégeant aux conseils des commissions scolaires, viennent de
deux sources différentes.
Quant à votre deuxième question concernant, ou
plutôt quant à la question concernant Montréal et
Québec - j'ajouterai Québec - on n'a pas dit que des commissions
scolaires de l'île de Montréal n'étaient pas favorables
à des commissions scolaires linguistiques. Ce n'est pas cela qu'on a
écrit, on a dit: Faites un moratoire d'application du projet de loi 3
pour l'île de Montréal et la CECQ.
Pourquoi pour l'île de Montréal? Pour une raison bien
simple, celle que je mentionnais tout à l'heure. Tant et aussi longtemps
qu'on ne se sera pas entendu sur les territoires réels de la CECM et de
la PSBGM, les autres territoires que vous mentionnez sont couverts par l'une ou
l'autre de ces commissions. Par exemple, Jérôme Le Royer; par
exemple, Sainte-Croix; par exemple, Sault-Saint-Louis. Je pense que la seule
qui ne serait pas couverte par la duplication des cartes de ces deux
commissions, c'est peut-être Baldwin-Cartier en partie. C'est cela la
question de fond. Réglons la question de fond sur le plan juridique, en
attendant que cette question soit réglée, dans l'attente d'un
jugement qui devrait être rendu incessamment ou encore _
référé. Une fois qu'il sera rendu, la question de fond sur
le plan juridique sera réglée.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, j'aurai une seule question.
Apparemment, le temps achève.
Vous avez mentionné de nombreux comités qui étaient
créés par la loi 3 et nous sommes parfaitement d'accord, il y en
a peut-être beaucoup trop.
Maintenant, en ce qui concerne les conseils d'école, est-ce que
vous êtes d'accord avec la création, avec la formation de ces
conseils d'école et avec les pouvoirs qui leur sont donnés de par
la loi?
M. Chagnon: Nous sommes d'accord avec la description du conseil
d'orientation prévu dans la loi 71. Maintenant, le conseil
d'école prévu dans la loi 3... Oui, nous ne sommes pas
opposés à la création d'un conseil d'école, au
niveau de l'école. Son but premier devrait être l'organisation du
projet éducatif. On a certainement des problèmes assez
particuliers d'application lorsqu'on voit que, par exemple, un règlement
de la commission scolaire devrait être accepté par
une majorité de conseils d'école. Nous avions l'intention
non pas d'en parler ici en commission parlementaire, mais plutôt de
prévoir vous en faire part au moment de l'étude article par
article du projet de loi.
Effectivement, il y a des problèmes d'organisation structurelle
entre le conseil d'école et la commission sur certain
éléments. On ne peut pas nier à l'école qu'il
serait intéressant d'y voir un lieu de concertation où des
parents, des enseignants, même des élèves à la fin
du secondaire, s'il y en a qui veulent y travailler, pour faire en sorte
d'élaborer ensemble l'orientation qu'une école pourrait prendre.
Cela nous apparaît tout à fait sain comme modèle.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Vous aviez
terminé votre réponse? Je m'excuse.
M. Chagnon: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): Dans ce cas-là, cela
complète la période de temps que... Ce que je vous demandais:
Est-ce que vous avez terminé votre réponse?
M. Chagnon: J'ai terminé l'intervention, mais si c'est
pour finir tout de suite, vous me permettrez de vous remercier, M. le
Président, de remercier les membres de la commission parlementaire, tous
les membres de la commission parlementaire. Et je puis vous dire qu'à
l'assemblée générale de samedi nous avons hautement
apprécié le geste que vous avez témoigné à
notre égard compte tenu des délais que nous avions et de notre
assemblée générale que nous avions déjà
convoquée pour samedi dernier; ce fut hautement apprécié,
dis-je, que vous ayez accepté de nous entendre aujourd'hui. Je voudrais
encore une fois vous remercier de nous avoir entendus aujourd'hui et d'avoir
permis cet échange qui n'était pas prévu il y a trois
semaines ou un mois, que nous n'avions pas prévu au moment du
dépôt en première lecture, le 1er novembre.
Alors, nous sommes heureux, d'une part, d'avoir pu vous donner notre
opinion sur ce que nous concevions dans le projet de loi 3, et nous sommes
aussi prêts, comme je l'ai indiqué antérieurement, à
vous remettre des copies d'études que nous avions demandées il y
a un an, un an et demi sur les questions constitutionnelles et aussi à
vous remettre, si vous le jugez à propos, les commentaires que nous
pourrions avoir à formuler sur certains articles du projet de loi, dans
l'éventualité de votre étude article par article en
commission parlementaire réduite aux parlementaires.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie, M.
Chagnon. Je ne doute pas que les membres de la commission ont
apprécié l'échange qu'ils ont pu avoir avec vous. Sans
doute qu'ils accueilleraient favorablement les pièces additionnelles au
dossier que vous pourriez nou3 faire parvenir...
M. Chagnon: Des pièces à conviction.
Le Président (M. Charbonneau): Pourquoi pas?
N'étant pas un de ces juristes qui siègent ici dans l'enceinte
parlementaire, je n'utiliserais pas ce terme.
Encore une fois, nous vous remercions d'avoir participé à
ces consultations particulières. Je voudrais signaler aux membres de la
commission que la secrétaire de la commission va vous transmettre des
documents qui seront considérés comme déposés
à la commission, c'est-à-dire, un certain nombre de
mémoires que des organismes ont bien voulu nous faire parvenir quant au
projet de loi 3, c'est-à-dire the English Education Committee of Western
Quebec, The Association of Catholic Principals of Montreal, l'Institut canadien
d'éducation des adultes et la FTQ. Sur cela, les travaux de la
commission sont ajournés sine die. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 33)