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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 11 mai 1988 - Vol. 30 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les membres de la commission à prendre place. La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si nous avons quorum, je déclare officiellement ouverte cette séance de travail. Je vous rappelle que la commission permamente de l'éducation se réunit ce matin pour procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude des projets de loi 106 et 107, projets de loi ayant trait aux élections scolaires et à la Loi sur l'instruction publique.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à cette commission?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, s'il n'y a pas de remplacements, nous allons immédiatement procéder avec l'ordre du jour que nous avons aujourd'hui, à savoir l'accueil du premier groupe invité qui a répondu à l'invitation de la commission, l'Association des cadres de la Commission des écoles catholiques de Montréal. J'invite les représentants de l'association des cadres à prendre place sur les banquettes à l'avant et nous allons immédiatement commencer cette session de travail.

L'Association des cadres de la Commission des écoles catholiques de Montréal est représentée par M. Marcel Vaillancourt, qui en est le président. M. Vaillancourt, au nom des membres de cette commission, je veux vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et de venir nous apporter l'éclairage de votre association et vos remarques et de nous faire connaître vos préoccupations en ce qui a trait à ces deux projets de loi.

La commission permanente de l'éducation va vous consacrer une heure qui pourrait être divisée comme suit, mais je vous laisse juge et libre d'utiliser le temps qui vous est imparti comme bon vous semble; pour la bonne marche de la commission, je vous suggérerais de prendre une période de quinze à vingt minutes peut-être pour nous présenter votre mémoire, lequel d'ailleurs a été lu par tous les membres de la commission. Après cela, nous pourrions procéder à une période de discussions entre les membres de la commission, vous et les gens qui vous accompagnent.

Alors, pour les besoins de l'enregistrement du Journal des débats, j'aimerais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent à la table et, immédiatement après cela, vous pourrez commencer la présentation du mémoire de votre association. M. Vaillancourt, nous vous écoutons.

Association des cadres de la Commission des écoles catholiques de Montréal

M. Vaillancourt (Marcel): Je vous remercie, M. le Président, de l'invitation que vous nous avez faite de venir nous exprimer ici à la commission. Je vous présente les collègues qui m'accompagnent. Il y a M- Robert Mathieu, à ma gauche, qui est le vice-président de l'association des cadres. Il y a Mme Micheline Poirier, qui est conseillère à l'exécutif de l'association des cadres. On avait prévu et on avait annoncé trois personnes. On a du renfort ce matin. On a M. Germain Goyer qui est présent et qui est aussi à l'exécutif de l'association comme conseiller. Il est avocat de formation. On a dit: On aura avec lui tout le renfort dont on aura besoin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, messieurs et le renfort, soyez les bienvenus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous écoutons.

M. Vaillancourt (Marcel): Je vais suivre passablement le mémoire qu'on vous a fait parvenir en choisissant un certain nombre de textes. Je ne vous présenterai pas tout, mais l'essentiel de notre mémoire.

Le ministre de l'Éducation a présenté à l'Assemblée nationale le projet de loi 107 visant à assurer l'instruction publique au Québec. Dans les notes explicatives, il est mentionné que ce projet vise principalement à donner à l'école une plus grande autonomie juridique, sans briser les liens organiques qui l'unissent à la commission scolaire et au réseau des écoles de la commission scolaire. Les cadres de la CECM, à l'intérieur des entités que forment l'école et la commission scolaire, ont su accumuler une expertise riche en savoir et en expérience. L'association qui représente ces cadres est convaincue que cette expertise peut être profitable à l'ensemble des administrateurs scolaires. Elle souhaite ainsi partager avec vous cette richesse.

L'Association des cadres de la CECM estime opportun, dans ia première partie de son mémoire, de rappeler sa vision de l'école et de la commission scolaire en fonction des lignes directrices du projet de loi 107. Dans la deuxième partie du mémoire, nous examinerons successivement les dispositions de ce projet en formulant un certain nombre de commentaires dont

plusieurs revêtent un caractère plutôt technique.

Ce matin, je vais surtout vous présenter la première partie et quelques points de la deuxième partie. Tout cela devrait rentrer à l'intérieur des vingt minutes pour la présentation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sentez-vous bien à votre aise, si vous pensez que vous allez déborder. Vous êtes ici pour nous faire connaître votre point de vue. Alors, ne vous sentez pas limités par les suggestions que je vous ai faites au début.

M. Vaillancourt (Marcel): D'accord. Merci.

Vous allez voir, on ne maintiendra pas le suspense longtemps. De toute façon il est rompu par le fait que vous avez lu notre mémoire. On vous livre tout de suite notre position, dès le départ du mémoire.

On vous dit: Nous sommes d'accord avec le projet de loi 107, puisqu'il présente des améliorations en termes de présence et d'influence des parents, une précision du rôle de l'école, des droits et obligations de l'enseignant et de l'élève. Nous supportons l'orientation retenue de diviser le territoire en commissions scolaires francophones et anglophones. Toutefois, nous considérons que de nombreuses modifications doivent être apportées au projet de loi 107 afin d'assurer le leadership du directeur d'école, d'harmoniser l'influence des divers intervenants d'un milieu scolaire et de permettre aux commissions scolaires l'exercice réel d'une plus grande responsabilité. Le mémoire de l'Association des cadres de la CECM veut donc apporter sa contribution dans la recherche du système d'éducation et des modalités d'organisations les plus démocratiques et les plus appropriées à la situation du Québec d'aujourd'hui.

Je passe à !a première partie qui comprend des considérations générales sur l'école et la commission scolaire.

Les points, 1.1, 1.2, 1.3 et 1.4 de notre mémoire représentent la vision que nous avons, comme cadres, et celle que l'association a de l'école et même si ce n'est pas directement des commentaires sur le projet de loi 107, nous avons considéré qu'il était important de vous livrer notre vision de l'école.

Le fondement de l'école. L'école doit exister, en premier lieu et avant toute chose, comme milieu éducatif privilégié et tout son personnel devrait avant tout être guidé par les besoins des enfants qu'elle sert, par l'organisation d'une pédagogie qui réponde de façon optimale à ces besoins. Toutes mesures administratives et législatives devraient n'avoir que ce seul objectif. Pour le réaliser, il faut que les milieux d'éducation recherchent et entretiennent un climat propice à l'apprentissage et à l'acquisition de connaissances nouvelles. Il faut également que ces milieux maintiennent et assurent une qualité de services axée prioritairement sur les objectifs d'éducation.

Nous rappelons quelques objectifs de l'école. Premièrement, l'école devrait permettre que chaque enfant puisse développer de façon optimale tout son potentiel humain, qu'il soit physique, cognitif, émotif, social et spirituel. Un tel objectif bien compris suppose une organisation scolaire personnalisée et positive, toujours interprétée par rapport à un milieu donné.

Un deuxième objectif: l'école devrait graduellement amener les enfants à se détacher des adultes. Il faut de plus en plus centrer les efforts sur les apprentissages qui permettent aux élèves d'apprendre eux-mêmes et à devenir plus autonomes en regard de ieur propre cheminement scolaire et, par voie de conséquence, de leur propre vie.

Troisièmement, si l'école est vraiment le lieu privilégié de la formation totale de l'enfant et non pas simplement celui de l'acquisition de techniques scolaires, on doit envisager également la poursuite d'objectifs plus larges tels que l'apprentissage de la sociabilité et de la capacité de vivre en harmonie avec un milieu social donné, éventuellement, le développement de la capacité de vivre avec son handicap et non pas de vivre de son handicap ou par son handicap. En fait, permettre à l'enfant de devenir dans la société un adulte agissant et responsable.

Toujours dans notre vision de l'école, on voit l'école en lien avec un milieu. Il faut que l'école devienne de plus en plus responsable de l'organisation des stratégies éducatives de première ligne et en ait les moyens. Il faut qu'elle s'inscrive nettement comme partenaire et en étroite collaboration avec toutes les autres instances de sa communauté immédiate et puisse même graduellement étendre cette relation aux communautés plus larges et plus englobantes. Il faut donc rendre possible à tous les agents de l'éducation une participation à la définition de l'acte pédagogique, à l'identification des moyens et à l'action concrète dans l'école. Il faut présenter une structure qui permettrait une collaboration et la mise en place d'une véritable complémentarité des rôles et non fournir l'occasion d'un affrontement perpétuel et le déplacement d'un contrôle absolu qui peut être détenu actuellement par un groupe vers un autre groupe intéressé.

L'école doit être au service des élèves. Pour qu'une telle école s'inscrive réellement dans son milieu social, elle devrait répondre de tous les enfants de son territoire géographique. C'est l'enfant qui détient un droit et l'école ne devrait exister qu'en réponse à ce droit. À ce titre, elle devra être responsable de chacun de ses élèves et tout mettre en oeuvre pour mieux servir chaque personne. Toute situation d'échec, tout handicap décelé chez l'un ou l'autre de ses élèves est pris en charge par l'école qui doit essayer avant toute chose d'organiser à l'interne les réponses adéquates à leurs besoins, sinon cette situation d'échec ou ce handicap devront être assumés par les services centraux de la

commission scolaire.

Pour les enfants issus de groupes ethniques, l'école devra reconnàilre son devoir de bien les intégrer et de bien les servir. Pour les milieux socio-économiquement désavantagés, cette école devra obligatoirement prendre racine dans leur milieu et, plus que tout autre, devra se mandater pour une action réellement communautaire.

Il est urgent pour l'école de définir clairement son projet éducatif, qui deviendra la formule permettant de respecter les données globales auxquelles elle doit répondre et les particularités du milieu auxquelles elle doit se soumettre.

C'est brossé rapidement et, pour vous, cela ne doit pas être tellement du milieu si vous êtes, comme nous, des habitués des projets de loi en éducation. Cela fait quelques fois, je pense, que l'association se présente ici pour exprimer sa position. Sa vision de l'école est toujours restée la même. Pour le reste aussi je pense, c'est en continuité avec des présentations antérieures qu'on a déjà faites.

L'école et le projet de loi 107. On entre ici davantage dans des commentaires en lien avec le projet de loi 107.

Pour l'association, le projet de loi 107 répond de manière satisfaisante à ses préoccupations concernant l'école et son projet éducatif. Nous sommes heureux de retrouver dans ce projet la réalisation de la mission de l'école liée à son projet éducatif. De plus, nous sommes satisfaits de voir que le projet éducatif sera le résultat d'un travail collectif et continuel des principaux intervenants auprès de l'école. Nous formulons une restriction quant au rôle du directeur d'école. L'association souhaiterait voir la fonction du directeur d'école imprégnée des caractéristiques propres à un leader. Malheureusement, nous constatons que le projet de loi 107 limite la fonction d'un directeur d'école à celle d'un coordonnateur dans plusieurs cas.

Par ailleurs, l'association a déjà exprimé son désir de voir dans une école une structure à deux paliers: au premier palier, le conseil d'école, qui dispose par délégation de l'autorité requise pour assurer toutes les décisions à partir des propositions du comité pédagogique, qui constituerait le second palier dont nous ferons mention dans un prochain paragraphe.

Pour bien comprendre le reste de notre texte, vous allez voir qu'on privilégie le conseil d'école et qu'on emploie un peu indifféremment dans le texte les termes "conseil d'école" et "conseil d'orientation". Il y a une nuance qu'on met entre les deux, qui nous semble importante, mais dans le texte on parle un peu indifféremment du conseil d'école ou du conseil d'orientation. Ce sont des paliers qu'on trouve assez semblables. On introduit une nouvelle notion, qui était d'ailleurs présente lors de notre réaction au projet de loi 40, celle du comité pédagogique.

Nous retrouvons, dans le projet de loi 107, une structure à deux paliers: le conseil d'orienta- tion et le comité d'école. Nous sommes relativement satisfaits des dispositions touchant le conseil d'orientation, bien qu'il aurait été de loin préférable d'y lire les fonctions d'un conseil d'école te! que défini dans le projet de loi 40. Toutefois, nous croyons en la possibilité de voir se réaliser en partie ce conseil par une délégation de fonctions de la commission scolaire. Partant du principe que la participation des parents est essentielle à la gestion scolaire, l'association souhaite que cette participation se réalise au plus haut niveau de l'organisation scolaire, c'est-à-dire au niveau du conseil des commissaires. Nous verrons plus loin ce qu'il en est lorsque nous parlerons de la commission scolaire. En conséquence, nous ne trouvons pas opportun de maintenir la structure du comité d'école. Pour nous, c'est clair que cela ne pourrait être que source de conflits. Ce qu'on suggère à la place, c'est le comité pédagogique. Pour l'association, le comité d'école devrait être remplacé par un comité pédagogique qui verrait à identifier les besoins de formation de chacun des élèves et à aménager les ressources disponibles afin d'y répondre le plus adéquatement possible. Ainsi, l'application du régime pédagogique, le développement des services d'enseignement et des services complémentaires ou particuliers relèveraient du comité pédagogique. L'existence d'un conseil d'école et d'un comité pédagogique formé en partie de membres issus du conseil d'école constitue le modèle le plus apte à répondre aux exigences d'une école intégrée dans son milieu et aux services des élèves.

La commission scolaire. Les commissions scolaires francophones et anglophones. L'Association des cadres de la CECM a déjà, devant cette commission parlementaire, donné son assentiment à l'établissement des commissions scolaires linguistiques. Sur ce dernier point, la position de l'association n'a pas changé. L'association considère que cette division organisationnelle des commissions scolaires favorise un plus grand respect des individus, des mentalités et des modes d'agir. De plus, cette mesure se fonde sur des critères distinctifs fondamentaux qu'on ne peut ignorer dans une perspective organisationnelle des structures scolaires et correspond davantage aux aspirations de la population québécoise. Nous sommes convaincus de cela.

Territoire de la CECM. Le projet de loi 107 maintient le territoire actuel de la CECM. Encore là, l'association ne peut que se réjouir devant l'introduction d'une telle disposition. Toutefois, nous déplorons que le motif qui a suscité cette disposition législative réside dans la garantie constitutionnelle dont bénéficient les commissions scolaires confessionnelles. L'association aurait de loin préféré et souhaité voir la reconnaissance des particularités des régions urbaines comme le seul et véritable motif du maintien du territoire de la CECM. Les régions urbaines présentent des caractéristiques de population que l'on ne retrouve pas avec la même intensité dans les

régions rurales ou semi-rurales et notamment la mobilité de la population, ia concentration multiethnique, la formation de zones socio-économiquement défavorisées. Sur le plan scolaire, on assiste à la manifestation de certains phénomènes tels: l'usage de drogues, la violence, l'abandon scolaire, etc. Les caractéristiques et l'expression de ces phénomènes doivent être étudiés de façon globale afin d'y apporter des solutions satisfaisantes. Ce sont là les véritables raisons qui incitent au maintien de la CECM sur son territoire actuel.

Le caractère confessionnel. Nous ne pouvons que déplorer la lenteur démontrée par les différents gouvernements dans la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Rien ne nous indique un changement prochain et nous croyons que le statu quo prévaudra encore pour un bon moment, à tout le moins en ce qui regarde l'élément distinctif d'une commission scolaire souhaitée par le projet de loi 107.

Nous comprenons que, pour pallier à la situation, le projet de loi assure la représentation de la minorité linguistique à l'intérieur d'un conseil de commissaires issu d'une commission scolaire confessionnelle. Nous partageons cette préoccupation et souscrivons d'emblée au principe voulant une meilleure représentativité d'un conseil de commissaires. Toutefois, la mise en place de ce principe, quoique très louable avons-nous dit, va assurément créer des difficultés énormes d'application. À titre d'exemple, et il y en aurait d'autres, nous mentionnons la confection des listes multiples d'électeurs sur un même territoire. Il est admis que l'un des facteurs explicatifs du désintéressement de l'électeur réside dans la complexité du mécanisme électoral. Or, il s'avère, selon nous, que la superposition de circonscriptions électorales destinées à la minorité linguistique ajoutera à cette complexité. Comment peut-on blâmer un électeur de ne pas vouloir participer à quelque chose qu'il ne comprend pas? Loin d'augmenter le taux de participation aux élections scolaires, nous croyons que ces mesures provoqueront encore plus l'éloignement de l'électeur.

La commission scolaire régionale. Nous nous interrogeons sur l'opportunité de maintenir dans ce projet de loi 107 la commission scolaire régionale lorsque nous retrouvons dans ses fonctions, entre autres, l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire. L'association, encore une fois, a déjà exprimé son désir de voir intégrer à l'intérieur d'une commission scolaire les niveaux primaire et secondaire. Encore là, ia position de l'association n'a pas changé. (10 h 30)

Nous considérons comme essentiel que le ministre maintienne, réunis sous un même organisme de gestion, les niveaux primaire et secondaire. La coordination qui doit s'établir entre ces niveaux en est considérablement simplifiée et il devient possible d'assurer une continuité sur le plan pédagogique lors du passage des élèves d'un niveau à l'autre. De plus, il est logique de regrouper sous une même administration des écoles qui desservent une même collectivité. L'expérience que nous avons acquise à la CECM nous incite à favoriser cette voie. Les divisions régionales et sous-régionales dont la CECM s'est dotée satisfont à la fois les besoins de participation locale, tout en ménageant des services centralisés qui ne pourraient être offerts autrement.

Définition et composition d'une commission scolaire. Nous déplorons que le projet de loi 107 ne comporte pas de dispositions ayant trait à la création et à la définition d'une commission scolaire. Par contre, il est heureux de constater que le ministre a jugé bon de reconnaître les droits des élèves et les droits de l'enseignant. En ce sens, il aurait sûrement été intéressant de voir étendre cette reconnaissance de droits aux collectivités locales et ainsi reconnaître le droit de former une commission scolaire et le droit d'être reconnu comme tel par le ministre, moyennant la rencontre d'un certain nombre de critères et l'appartenance à l'un des deux groupes linguistiques officiellement reconnus.

Il existe présentement au Québec une situation pour le moins confuse quant à l'existence des commissions scolaires. D'une part, on maintient en place un gouvernement local et l'on tente, par tous les moyens, d'inciter la participation des parents à l'intérieur des structures de ce gouvernement local. D'autre part, on continue avec constance à gruger tout ce qui peut subsister d'autonomie locale. Le projet de loi 107 ne règle rien et accentue cette confusion. L'absence de structures intermédiaires, ayant une réelle autonomie, aura certainement un effet défavorable sur l'innovation pédagogique, la participation des parents ainsi que les réponses à apporter à des besoins particuliers.

Pour un modèle de commission scolaire. L'association réitère que la seule façon d'assurer une participation active et réelle des parents à la gestion scolaire, c'est en leur accordant un nombre important de sièges au sein d'un conseil de commissaires.

La commission scolaire devrait être un véritable gouvernement local qui assure l'administration d'un certain nombre d'écoles primaires et secondaires et de centres pour adultes. La commission scolaire, selon l'association, devrait être composée d'un conseil d'administration et d'un comité exécutif. Nous retrouvons, dans le conseil d'administration, une composition pluridimensionnelle. L'équilibre visé devrait permettre de retrouver le directeur général, nommé d'office, mais sans droit de vote, des commissaires élus au suffrage universel, des commissaires élus par les parents composant les conseils d'école.

Nous sommes d'accord pour que le droit de vote soit accordé aux commissaires issus des conseils d'école et, par ailleurs, nous voulons voir augmenter leur nombre au sein du conseil des commissaires. Pour l'association, une majorité

de commissaires seraient élus au suffrage universel et, de leur côté, des conseils d'école réunis en sous-bassins éliraient leurs représentants commissaires.

Le conseil d'administration ainsi composé du directeur général et des commissaires pourrait, par la suite, augmenter le nombre de ses membres, en invitant les différents syndicats et associations de personnel de la commission scolaire à y déléguer un ou des représentants. Il pourrait également y inviter un ou des des représentants des groupes socio-économiques de la communauté. Ici, ce n'est pas mentionné, mais on reconnaît aussi à ces représentants, !e droit de vote au conseil des commissaires.

Malgré ce qui précède, les commissaires élus au suffrage universel devraient être majoritaires au conseil d'administration qui ne dépasserait pas 25 membres. Le conseil d'administration peut mettre sur pied, à sa discrétion, le nombre de comités consultatifs dont il a besoin, mais il doit obligatoirement former un comité exécutif et y déléguer un certain nombre de fonctions, tout en laissant l'administration courante au directeur général de la commission scolaire.

L'exécutif serait composé d'un président, d'un vice-président et de cinq commmissaires dont deux devraient être des commissaires issus des conseils d'école. Le directeur général serait également nommé d'office, mais n'aurait pas le droit de vote.

Participation accrue des parents. Nous notons que le ministre, afin d'assurer une participation des parents, a prévu la mise en place par la commission scolaire de différents comités et a également prévu une diffusion accrue des règlements de la commission scolaire.

Pour l'association des cadres, la seule façon d'amener ou d'inciter la participation des parents à la gestion scolaire demeure dans l'exercice d'une réelle responsabilité. Une revue des différentes fonctions qu'exercerait une commission scolaire, selon la loi 107, comparées aux fonctions du ministre et au pouvoir de réglementation du gouvernement, nous porte à croire qu'il y aura très peu de liberté d'exercice confiée aux commissions scolaires. Ces dernières devront constamment se référer aux directives et règlements pour assurer leur aménagement, leur gestion et leurs services. Cet état de fait ne peut que contribuer au désintéressement généra! de la commission scolaire.

Tant et aussi longtemps que le principal centre de décision demeure au niveau gouvernemental, il nous apparaît difficile de susciter, sur le plan local, l'initiative propre à créer une participation de tous les intéressés. Ainsi, sur le plan pédagogique, le ministre de l'Éducation devrait continuer de définir les programmes, mais en ce qui concerne les autres aspects pédagogiques, les manuels scolaires, le matériel didactique de même que l'enseignement aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, l'enseignement aux élèves en milieu socio-économi- quement désavantagé, le secteur professionnel ainsi que les services aux adultes, le ministre de l'Éducation devrait se limiter à donner les grandes orientations et à élargir les responsabilités des commissions scolaires et des écoles. Particulièrement sur le plan de l'animation directe, du soutien dû aux écoles, de l'encadrement pédagogique, le ministère devrait faire confiance aux autorités locales et pourvoir les commissions scolaires d'outils propres à assumer ces rôles. Étant, de toute façon, beaucoup plus proche de leurs écoles et connaissant beaucoup mieux leurs besoins que le ministère de l'Éducation, l'association réitère son souhait de voir l'apparition d'une école responsable et issue de son milieu social, d'une commission scolaire responsable et issue de la collectivité locale.

Je pense qu'avec cette présentation l'essentiel de notre position est connu.

La deuxième partie concerne d'une façon plus pointue un article ou l'autre du projet de loi 107. Peut-être qu'il n'est pas nécessaire de les rappeler ici. On peut peut-être souligner rapidement des choses qui seraient moins présentes dans la première partie.

Dans ia section qui concerne l'élève, on note avec intérêt que l'article 2 affirme le droit pour l'élève qui a atteint 16 ou 22 ans de poursuivre ses études à l'éducation des adultes. Parce que nous avons une expérience à la CECM qui est dans ce sens, nous recommandons toutefois que la commission scolaire puisse permettre à l'élève de poursuivre ses études dans le cadre d'un régime d'un programme de raccrochage scolaire, avec le régime pédagogique applicable aux jeunes.

Dans la section sur l'enseignant, là aussi on a noté avec intérêt que c'est intéressant de retrouver dans ce chapitre de lois les droits et obligations des enseignants. Toutefois, ces droits de l'enseignant décrits à l'article 16 devraient s'exercer dans le cadre des responsabilités du directeur d'école - c'est un exemple où on pense que le leadership du directeur d'école devrait être davantage affirmé - et de son mandat de supervision pédagogique. Nous déplorons, de plus, qu'il n'y ait pas de mécanisme prévu pour régler les différents qui peuvent surgir entre, d'une part, l'autonomie professionnelle des enseignants que nous considérons essentielle et, d'autre part, la nécessité pour un organisme de pouvoir agir sur l'action quotidienne de ses employés.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Vail-lancourt.

M. Vaillancourt (Marcel): Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne veux pas brimer votre droit de parole, loin de moi cette pensée. Je dois quand même vous informer qu'il reste à peine douze minutes à chacune des formations politiques avec lesquelles vous pourriez discuter. Encore une fois, le but principal de

votre présence est de nous faire connaître votre éclairage. Si vous jugez plus opportun de nous présenter d'une façon plus précise votre mémoire, libre à vous de le faire. Je dois vous informer qu'à l'heure où je vous parle, il ne reste plus que onze à douze minutes à chaque formation politique pour pouvoir discuter avec vous.

M. Vaillancourt (Marcel): Très bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Libre à vous de prendre la décision.

M. Vaillancourt (Marcel): Bon! C'est rapide. En terminant, peut-être on peut vous souligner qu'on a une position, sur le conseil scolaire de ITle de Montréal, où on propose, à toutes fins utiles, l'élimination de cette structure. Ensuite, vous retrouvez à la fin de notre mémoire les recommandations qui concluent. Peut-être pour-rais-je les rappeler rapidement: que l'école réalise sa mission dans le cadre d'un projet éducatif, cela va de soi; que le directeur d'école, nommé par la commission scolaire, exerce un réel leadership pédagogique; que l'organisation de l'école repose sur un conseil dont ferait partie un comité pédagogique; que les commissions scolaires soient désormais établies selon l'appartenance à l'un des deux groupes linguistiques; que la CECM soit maintenue intégralement sur son territoire comme la commission scolaire francophone de Montréal; qu'on favorise la participation aux élections scolaires en supprimant la confusion qu'entretient la dualité confessionnelle lors de la confection des listes électorales; qu'on reconnaisse un seul type de commission scolaire, soit une commission scolaire intégrant les niveaux primaire et secondaire; que la commission scolaire constitue un véritable gouvernement local possédant I exercice réel de sa gestion et de ses services; que la participation des parents à la gestion scolaire trouve une place significative au sein du conseil des commissaires; que le ministre redonne aux commissions scolaires l'autonomie nécessaire à la réalisation de leur aménagement, de leur gestion et de leurs services; que le ministre se limite à définir les programmes et à identifier les orientations nécessaires au système scolaire du Québec.

Alors, là-dessus, nous sommes prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Vaillancourt. Je reconnais immédiatement le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, comme le mémoire, dans sa teneur générale, est favorable au projet de loi, je me dispenserai de commenter les passages qui sont plutôt favorables, sinon pour vous en remercier et pour vous dire que je les apprécie vivement. Je voudrais en venir tout de suite à quelques points qui doivent, selon moi, faire l'objet, soit de précisions, soit de nuances. Tout d'abord, quand vous parlez de l'école, vous apportez une suggestion qui m'intéresse et que je voudrais vous voir expliquer quelque peu. Vous dites: Ce ne serait pas une bonne chose d'avoir d'un côté le conseil d'orientation et de l'autre côté le comité d'école, au sens traditionnel du terme • le comité de parents. Vous dites qu'il faudrait plutôt envisager un comité pédagogique. Voulez-vous nous expliquer comment vous verriez cela?

M. Vaillancourt (Marcel): Pour ce qui est de l'école, quand on faisait la distinction, ce qu'on voyait c'est que le milieu, les parents doivent être très présents. C'est pour cela qu'on était d'accord avec la structure du conseil d'orientation qu'il y ait une majorité de parents dans le conseil d'orientation ou le conseil d'école. Cette partie-là, cela va. Ce qui nous apparaissait plus faible ou ce qui manquait, c'était l'aspect expertise sur le plan pédagogique. Alors, on dit: Le comité d'école ou le comité d'orientation devrait pouvoir être alimenté par un groupe qui a une expertise reconnue sur le plan pédagogique. Au comité pédagogique, naturellement, ce serait essentiellement des pédagogues qui se retrouveraient là, mais avec aussi des représentants du conseil d'école ou du comité d'orientation. C'est le groupe d'experts qui pourrait alimenter et enrichir la réflexion du conseil d'école, pour lui permettre de prendre des meilleures décisions, des décisions plus éclairées.

M. Ryan: Très bien, cela va. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Y a-t-il une intervention du côté ministériel?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Oui. Ensuite, je voudrais dire un petit mot des commissions scolaires. Vous êtes d'accord sur le choix de la formule de commissions scolaires basées sur la langue. Il n'y a pas de débat entre nous là-dessus. Du point de vue du cheminement, évidemment, nous devons tenir compte de l'avis que pourront émettre les tribunaux là-dessus, parce que, si nous ne le faisions pas de notre propre initiative, d'autres s'en chargeraient pour nous et cela retarderait considérablement les procédures. En prenant l'initiative, le gouvernement va pouvoir épargner du temps. Il n'y a rien de plus long qu'une procédure qui commence au niveau du premier tribunal et qui monte graduellement. Cela peut prendre de nombreuses années, tandis que la procédure que nous envisageons sera plus expé-

ditive. (10 h 45)

Au sujet des commissions scolaires, je ne sais pas si nous serions portés à être d'accord avec vous. La formule que vous proposez, c'est qu'il y aurait une majorité de commissaires élus au suffrage universel et, ensuite, il y aurait des parents en nombre plus grand et des représentants de syndicats ou d'autres groupes. Cela fait une formule qui m'apparait un petit peu hétéroclite. Je ne sais pas si on peut envisager de mêler comme cela deux sortes de représentations dans un même organisme. Il me semble qu'au point de vue de la logique démocratique c'est assez difficile à accepter. Je ne sais pas si vous tenez mordicus à cette suggestion ou si c'est une suggestion que vous faites de bonne foi sans l'avoir soumise à des politicologues.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Marcel): II est certain, M. le Président, qu'on n'est pas allé chercher toute l'expertise partout là-dessus. On était conscients que la suggestion qu'on faisait était originale mais qu'elle était intéressante aussi. Pour nous, presque tous les gens qui se retrouveraient au conseil des commissaires seraient quand même des gens élus, soit au niveau d'une communauté locale, soit au niveau de groupes présents dans l'éducation. Or, ce sont quand même tous des gens élus qui se retrouveraient là. On trouvait extrêmement intéressant de réunir à la même table décisionnelle tous les agents ou les principaux acteurs du milieu de l'éducation pour que les décisions se prennent dans le meilleur éclairage et avec la meilleure expertise. Or, on était conscients quand même qu'on sortait des sentiers battus, mais on croit que ce serait quelque chose d'extrêmement valable et de probablement très riche aussi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Ryan: Très bien. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: J'ai deux autres points que je voudrais soulever. À la page 18, vous parlez des pouvoirs du ministre de l'Éducation et des commissions scolaires. Vous dites qu'en matière pédagogique le ministre de l'Éducation devrait se limiter à certaines fonctions, notamment l'élaboration des programmes. Dans toutes les autres choses, dans les autres aspects pédagogiques, tels que les manuels scolaires, le matériel didactique, l'enseignement aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, le secteur professionnel et les services aux adultes, il devrait se limiter à donner des grandes orientations. J'ai l'impression que cette partie de votre mémoire n'est pas très pratique. Je vais vous donner quelques exemples. Prenez les manuels. Actuellement, ce sont les commissions scolaires, même les directions d'école qui choisissent les manuels. Il faut bien qu'ils soient approuvés quelque part. Si on laisse entrer n'importe quelle sorte de manuels dans les écoles, tout de suite, les parents, même les journalistes, vont critiquer. Ils vont dire: II n'y a personne qui voit à cela au Québec. C'est un pouvoir qui est donné au ministre, l'approbation des manuels, mais ce n'est pas lui qui les impose dans les commissions scolaires. Je ne sais pas si on peut faire beaucoup mieux que cela. Je trouve que ce partage est convenable. Si vous avez mieux que cela là-dessus, j'aimerais que vous le disiez.

Pour prendre les options professionnelles, mettons-nous les pieds à terre. On a fait la carte des enseignements récemment. Je pense bien que la Commission des écoles catholiques de Montréal a eu une très grande marge d'initiative pour proposer tout ce qu'elle voulait donner. Au bout de la ligne, comme il y a une addition à laquelle il faut faire face, il faut bien que quelqu'un prenne la décision, soit à savoir si cela va être la CECM, si cela va être la CEPGM, si cela va être la Commission scolaire Sault-Saint-Louis, si cela va être Sainte-Croix, qui va avoir cela. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il faut qu'il y ait une décision qui se prenne quelque part, dans la mesure où les commissions scolaires se révéleraient incapables de se concerter entre elles, en accord avec les orientations générales du ministère? Cela dit - je vous donne ces deux exemples - si vous avez des réponses à ces deux exemples, vous allez m'éclairer beaucoup. Si vous n'en avez pas, je vais être obligé de vous dire: Cette partie de votre mémoire est plus faible. Alors, je laisse la démonstration à votre charge.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.

M. Goyer (Germain): II y a peut-être également d'autres aspects à considérer. Peut-être que l'exemple que vous donnez est exact et bon. Par contre, en ce qui regarde l'aménagement plutôt physique d'une commission scolaire, je pense qu'on devrait donner aux commissions scolaires une plus grande autonomie. J'en viens entre autres aux écoles, à la construction des écoles, au financement des commissions scolaires. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de revenir à une plus grande autonomie par rapport aux gouvernements locaux que sont les commissions scolaires et de vraiment avoir un gouvernement local?

M. Ryan: Je vais vous donner juste un élément de réponse et je vais passer à une autre question ensuite. Ce n'est pas parce que je veux fermer le débat, mais c'est parce que le président me regarde déjà avec un oeil de travers, au point de vue du temps.

Dans le cas de la CECM, cela doit être à peu près 92 % ou 93 % de ses revenus qui lui

viennent de subventions gouvernementales. Les subventions versées par le gouvernement, nous devons en rendre compte, nous aussi. Ce sont des taxes payées par les contribuables à Québec. On nous demande des comptes. La politique du gouvernement, c'est d'établir des normes de reddition de comptes qui vont s'appliquer un peu partout de manière semblable dans les grandes orientations, autant dans le secteur des hôpitaux que dans le secteur des commissions scolaires, des collèges ou d'autres institutions gouvernementales ou paragouvernementales. Si on ne le faisait pas, dès qu'il arriverait une irrégularité quelque part, ils diraient: On le sait bien, le gouvernement n'avait pas de normes. On l'a vu dans les hôpitaux récemment. Dès qu'on s'est aperçu qu'il y avait des salaires qui débordaient certaines normes. Tout de suite, la tendance, c'est de dire: Qu'est-ce que Québec faisait? On ne peut pas laisser aller cela complètement, vu que les fonds viennent de Québec et deuxièmement qu'ils sont limités. Il faut bien s'assurer que cela va aller à l'essentiel. C'est ce qui explique le système actuel. Je ne vois pas comment on va pouvoir le changer tant que, et cela va prendre pas mal de temps, il n'y aura pas un partage différent des sources de perception de taxes. Dans l'immédiat, on ne voit pas de possibilité de changement sur cela.

Je passe à un autre sujet. Ce sera ma dernière question. Ce n'est pas parce qu'il n'y en aurait pas d'autres, mais c'est à cause du temps. Vous avez un passage sur le conseil scolaire de l'île de Montréal qui a retenu mon attention. D'après ce que je comprends de votre mémoire, vous semblez considérer que, si cet organisme n'existait pas à Montréal, les choses pourraient fonctionner quand même. Est-ce que vous allez aussi loin que cela?

M. Goyer: Presque aussi loin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît.

M. Goyer: Oui, presque aussi loin. Finalement, si on regarde la part de services que nous octroie le conseil, si on met de côté le plan financement, et encore là vous avez répondu tantôt en amenant le pourcentage, donc, la part est infime. D'un autre côté, on n'a pas fait d'étude, mais ce serait peut-être souhaitable d'en faire, de savoir combien nous coûte ce financement que nous apporte le conseil? Est-ce que, effectivement en 1988, lorsqu'on veut réaliser des économies, à un moment donné, il ne serait pas bon de s'interroger pour savoir quel est le coût de ce financement? Et partant de là, voir s'il n'y aurait pas lieu de rapatrier au niveau d'une commission scolaire ce service probablement dans le but également de réaliser des économies.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, madame et messieurs, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle. C'est de bonne guerre, le ministre dit que votre mémoire est assez favorable au projet de loi déposé. Je ne ferai pas le tour des points sur lesquels il y a divergence d'opinions, mais ils me semblent assez majeurs, si je pense, en particulier à la composition du conseil des commissaires, aux problèmes posés par la superposition de structures linguistiques et confessionnelles sur le même territoire et plus particulièrement à l'accroissement des pouvoirs du ministre et du gouvernement au détriment de celui des commissions scolaires.

Je voudrais vous dire que, au moment où on a examiné le projet de loi, nous l'avons fait dans la perspective suivante: La grille d'analyse qu'on s'est donnée était d'examiner le projet de loi en se demandant: Est-ce qu'il permet une plus grande démocratisation de l'éducation? Est-ce qu'il permet une plus grande responsabilisation des différents partenaires et une réelle modernisation des structures? Sur tous ces points, on rejoint assez la lecture que vous faites.

Vous allez me permettre cependant de vous interroger et de vous entendre un peu en partant de ces trois éléments: la démocratisation, la responsabilisation et la modernisation. En matière de démocratisation, deux points ont retenu notre attention. D'abord, le fait que le matériel autre que... en tout cas, c'est du matériel pédagogique mais pédagogique approuvé, ne soit pas gratuit. Dans la grande région de Montréal, l'an passé, et c'était vrai également pour la région de Québec, on estimait que selon le niveau d'enseignement il pouvait en coûter entre 35 $ et 100 $ à un enfant pour son entrée à l'école à l'automne. Là évidemment, cela n'inclut pas les espadrilles. Cela comprend exclusivement des cahiers d'exercice, etc. Alors, au moment où le député d'Argenteuil était dans l'Opposition, il réclamait que ce matériel soit gratuit, parce qu'il estimait que même les cahiers dans lesquels les enfants découpaient, il était anormal qu'ils soient aux frais des parents. De même, en matière de démocratisation, parmi les trois éléments, les trois points sur lesquels il s'appuyait pour refuser de voter pour le projet de loi 3, le premier touchait la gratuité qui n'est pas assez nettement et pleinement affirmée dans le projet de loi. Il parlait ici de la gratuité à l'éducation des adultes. Je reprends ses propos qui sont dans le Journal des débats du 29 novembre 1984.

Sur cette question de la gratuité du matériel scolaire de même que de la gratuité de l'éducation des adultes, j'imagine que vous l'avez vue, vous avez vu cela passer, mais est-ce que cela vous apparaît important? Parce que la loi 3 qui était dûment adoptée et formellement adoptée par l'Assemblée nationale permettait ces acquis importants en matière de gratuité à l'éducation des adultes. Quelle est votre position là-dessus

ou en avez-vous une?

M. Vaillancourt (Marcel): Non, pour l'éducation des adultes, on n'a pas regardé cet aspect de gratuité. Ce qui nous semblait important pour l'éducation des adultes, c'est que ce soit davantage relié à l'école. On trouvait qu'il y avait une dichotomie entre l'éducation des adultes... Quand on parle de l'école, on exclut un peu l'éducation des adultes. Nous, on aurait vu qu'il aurait été avantageux, dans le cadre de l'harmonisation de l'éducation aux adultes, qu'on retrouve, quand on parle de l'école, davantage la possibilité de services aux adultes.

Mais la question du financement comme telle pour l'éducation des adultes, ce n'est pas une question qu'on a regardée. Effectivement, c'est juste, ce que vous avez mentionné, qu'il en coûte probablement entre 30 $ et 100 $ annuellement par enfant pour la fréquentation et pour le matériel. Dans certains milieux, cela pose sûrement des problèmes, cette question-là. Pour d'autres milieux, on en entend moins parler. Mais certains milieux, il y a des difficultés qui viennent de cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: L'accessibilité ou l'accès à l'éducation, la démocratisation, c'est assuré dans la mesure où on lève les difficultés ou les contraintes qui se posent à la fréquentation scolaire. Selon des statistiques assez récentes, on sait, par exemple, que 20 % des enfants qui naissent actuellement au Québec naissent dans une famille qui vit d'assistance sociale ou qui vit en dessous du seuil de la pauvreté.

On sait que la réforme Paradis touchant l'aide sociale ne contient pas de mesure - d'après ce qui nous a été permis de constater jusqu'ici - pour augmenter les allocations scolaires pour les enfants de ces milieux défavorisés. C'est à 35 $, l'allocation scolaire par année.

Dans un tout autre ordre d'idées concernant la responsabilisation, je partage votre avis, et cela, depuis fort longtemps, en ce sens que la responsabilité de l'État, c'est de fixer les grands objectifs nationaux qui touchent la gratuité, qui touchent la démocratisation de l'accessibilité, un partage équitable, en quantité et en qualité, des ressources et des services. C'est fondamentalement la responsabilité de l'État.

En partant de cela, un certain nombre de règles qui permettent de donner les moyens et les ressources humaines et financières aux organismes ou aux agents locaux pour qu'il puissent s'acquitter au mieux de cette responsabilité et atteindre des grands objectifs nationaux dont on est un peu plus loin... Et le ministre invoque souvent des arguments qui vont dans le sens de favoriser ou d'accroître le pouvoir du ministre en matière d'établissement de la carte des enseignements professionnels et des services de l'éducation des adultes. (11 heures)

Je me dis que, dans ces deux secteurs particulièrement, il est extrêmement délicat de vouloir établir d'ici, de Québec, ce qui convient le mieux dans une région. Dans ia grande région de Montréal, au moins le transport en commun est à peu près adéquat et très efficace, ce qui n'est pas le cas dans nos régions et ce qui pose des problèmes sérieux lorsqu'on pense, de Québec, détenir la bonne clé pour déterminer comment les enseignements professionnels vont se distribuer, à Chicoutimi, Jonquière, Normandin, ou encore dans le Bas-du-Fleuve et la Gaspésie. Je pense que l'argument "on pourrait retourner au ministre"... je n'aurais pas besoin de chercher longtemps. Dans mon comté, actuellement il y a des problèmes touchant le partage des enseignements professionnels. On cède à la commission scolaire de Chicoutimi des équipements du centre de formation professionnelle, les bâtisses, etc., dans lesquelles il y a des équipements complets pour donner certains programmes d'enseignement professionnel. Les programmes pour lesquels ils ont les équipements vont se donner à Jonquière. Il y a un minimum là. Si on avait examiné cela un peu, on aurait constaté que ce n'était peut-être pas la meilleure décision.

Un groupe est venu ici en disant "Le ministre a des bonnes idées". Il faudrait savoir si les bonnes idées ne sont pas aussi bonnes et applicables partout également. Vous touchez un point majeur quant à la déresponsabilisation des commissions scolaires et des intervenants. Le ministre, pour justifier qu'il intervienne davantage dans les orientations en matière de réglementation et de directives dans les commissions scolaires, dit que 95 % du revenu des commissions scolaires vient du gouvernement. Je lui concède cela. Il dit à titre d'exemple: il faut intervenir, il faut contrôler lorsqu'il s'agit des montants qui sont dépensés, dans les hôpitaux ou les collèges, et là il dit: les commissions scolaires. Je serais d'accord avec lui à condition qu'il aille aussi loin que sa pensée est en train de nous mener et qu'il dise: Les commissions scolaires, on n'en a plus besoin. Un bon conseil d'administration, comme il y en a dans les hôpitaux, comme il y en a dans les collèges, cela devrait être suffisant. En effet, il n'y a plus de pouvoir entre les deux. Il y a des directives, des règles, des règlements, mais il n'y a plus de pouvoir entre les deux. Je pense que, si le ministre avait le courage politique, il dirait qu'il faut aller aussi loin que cela, parce que, entre les deux, il n'y a rien. Je maintiens qu'on est en train de vider les commissions scolaires de tout ce qui leur reste de pouvoir réel, y compris sur le matériel pédagogique. Le ministre dit: On ne peut pas laisser cela à tout le monde. Il faut absolument que cela soit décidé ici à Québec.

Dans une certaine mesure, on peut reconnaître qu'il a raison en partie, je ne dirais pas

en totalité, mais en partie. Cela permet au moins d'éviter qu'on engraisse certains éditeurs parce qu'ils sont les amis du régime dans certaines régions, peut-être. Peut-être que cela permet d'en engraisser d'autres, mais c'est une autre question.

Le ministre était contre la centralisation, alors qu'il était dans l'Opposition. Je voudrais seulement vous rappeler, ainsi qu'aux intervenants, que la structure vers laquelle on se dirige, est une structure où on a vidé de ses pouvoirs le gouvernement local que constitue une commission scolaire. Dans la perspective où vous présenter le conseil d'administration de la commission scolaire, cela ressemble, dans sa composition, un peu à ce qu'on retrouve dans les hôpitaux, dans les CSS, dans les collèges, dans les CLSC. Cela me semble plus correspondre à ce qui est la réalité quant aux pouvoirs qu'on laisse à ces instances.

Vous avez abordé, en troisième lieu, la modernisation des structures scolaires en disant, et je reprends une partie de votre texte: Tout porte à croire que cela va prendre du temps. Vous dites: Tout porte à croire qu'il y a peu de liberté d'exercice confiée aux commissions scolaires. Mais dans une autre partie de votre texte, vous dites que la réforme risque d'attendre longtemps et que rien ne nous indique un changement prochain, et nous croyons que le statu quo prévaudra encore pour un bon moment.

Vous parlez des problèmes posés par la superposition des structures scolaires. Comment vous sentiriez-vous si, comme cadre scolaire, à la CECM, commission des écoles catholiques, donc avec des écoles catholiques, on superposait une commission scolaire linguistique française sur votre territoire?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Poirier.

Mme Poirier (Micheline): II est clair que, lorsqu'on prône la mise en place d'une structure linguistique et que l'on est obligé d'admettre également la présence de garanties constitutionnelles quant à la commission scolaire confessionnelle, on s'interroge à savoir comment on peut arriver à obtenir la commission scolaire linguistique si on n'a pas gain de cause sur le plan juridique concernant la commission scolaire confessionnelle. Donc, ou on sacrifie notre idée d'une commission scolaire linguistique, ou on doit y aller sur une superposition de commissions scolaires. Il est évident qu'une telle situation créerait sûrement des tensions dans le milieu. Les édifices en place, les services qui sont déjà là, le secteur anglophone de la commission scolaire de Montréal qui a pris l'espace qu'il prend souvent grâce au secteur francophone de la commission scolaire, si on arrive à subdiviser tout cela et essayer de prendre chacun le morceau ou la juste part qui nous revient, il est clair qu'à ce moment quelqu'un se sentira dépossédé et qu'il y aura sûrement des difficultés d'application. Mais on ne voit pas comment on pourrait y arriver si la décision des tribunaux était que le droit juridique demeure et doit être respecté.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Le temps étant écoulé, j'invite la députée Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: M. le Président, comme il me reste quelques minutes pour conclure, je voudrais davantage les sacrifier pour les entendre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II ne vous reste plus que quelques minutes. Il vous reste quelques minutes pour conclure.

Mme Blackburn: Alors, je vais conclure par deux brèves questions Une première: vous dites que la section V de la partie I n'a pas sa raison d'être et semble tout droit sortie d'un autre âge. Cela concerne les visiteurs dans les écoles. Vous abordez les services complémentaires mais exclusivement par le biais, en ne notant pas leur disparition dans l'actuel projet de loi, alors qu'on les retrouvait définis clairement dans la loi 3. Vous parlez également de l'élève en disant: Nous recommandons toutefois que la commission scolaire puisse permettre à l'élève de poursuivre ses études dans le cadre d'un programme de raccrochage scolaire avec le régime pédagogique applicable aux jeunes. Je me demandais comment cela pouvait s'harmoniser avec la prétendue harmonisation jeunes et adultes en enseignement professionnel.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Voulez-vous répondre très brièvement, s'il vous plaît?

Mme Blackburn: Je termine là-dessus.

M. Vaillancourt (Marcel): Pour la dernière question, on a déjà des expériences qui sont nées à la Commission scolaire de Montréal, particulièrement dans une de nos écoles, l'école Marie-Anne, où on reçoit des jeunes entre 16 et 25 ans et où on fait vivre ensemble cette population de jeunes adultes et de jeunes enfants en appliquant le régime pédagogique pour les jeunes. C'est une expérience qui, pour nous, est concluante. On devrait avoir la possibilité de la continuer et de l'étendre à d'autres milieux qui voudraient la vivre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. J'invite le ministre de l'Éducation à conclure au nom de sa formation politique.

M. Ryan: Je vous remercie cordialement de votre contribution à notre recherche. Je pense que vous avez apporté plusieurs éléments inté-

ressants que nous allons examiner de près. Si vous avez des précisions à apporter sur la question qui a fait l'objet de nos échanges tantôt, vous nous rendrez service. Je pars avec l'impression que vous n'avez pas fait une démonstration irréfutable des raisons pour lesquelles vous semblez vous opposer à certaines dispositions traitant des pouvoirs du ministre et du gouvernement. Si vous avez davantage à nous dire sur cela, j'en serais très reconnaissant. Je ne pourrais pas vous laisser partir sans vous exprimer mon désaccord au sujet de propos que j'ai entendus tantôt sur les lèvres de la députée de Chicoutimi. Elle disait que les commissions scolaires deviennent de plus en plus des corps vides de pouvoirs. Je pense que votre présence ici témoigne du contraire. Une commission scolaire qui a toute une armée de cadres comme vous l'êtes, une armée de directeurs d'école, d'enseignants, au-delà de 11 000 salariés à son service, je crois, qui organise des écoles de sa propre initiative et qui procède à l'engagement de tout ce monde, qui supervise leur travail, qui fait des affectations, qui organise, en somme, les services éducatifs sur tout son territoire, je trouve que ce sont des responsabilités très importantes. Maintenant, là où il arrive une confusion, c'est qu'il y en a qui voudraient que la commission scolaire soit un gouvernement souverain. Cela est impensable dans notre système parce que nous avons un système d'enseignement avec une direction politique commune pour tout le système, une direction politique régionale aussi pour les fins régionales. Je crois que l'équilibre qui est proposé est le meilleur possible. Mais, encore une fois, s'il y a des points précis sur lesquels il y a des démonstrations que vous pouvez nous offrir quant à des améliorations souhaitables, nous les accueillerons avec énormément d'intérêt.

Je vous remercie. Vous avez apporté une contribution très utile à notre travail.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? Alors, merci beaucoup, M. le ministre, Mme ia porte-parole, M. Vaillancourt et les gens de la CECM.

Nous allons suspendre pour quelques minutes. Nous accueillerons, immédiatement après, l'Association des directeurs d'école de Montréal.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

(Reprise à 11 h 13)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission permanente de l'éducation à prendre place. La commission accuse déjà douze minutes de retard dans ses travaux. Ce matin, nous n'avons pas de possibilité de compresser ou d'allonger...

Une voix: C'est la plus ponctuelle...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Pas encore à mon goût...

Alors, j'invite M. Houle à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux et j'invite M. Houle à prendre place ainsi que les membres de la commission. Nous accueillons l'Association des directeurs d'école de Montréal représentée par M. André Houle. Est-ce que M. Houle est ici? Ils ne sont pas là? Faites revenir M. Vaillancourt, on va lui donner une demi-heure. Ha, ha, ha!

M. Vaillancourt, si vous voulez vous rasseoir, on peut vous donner une demi-heure encore.

Une voix: II s'en vient.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je m'excuse d'avoir précipité. Ah! Ils sont là.

J'invite M. Houle à prendre place et les membres de la commission à faire de même.

M. Houle, bienvenue. Nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission. La commission accuse déjà du retard. Nous allons essayer de terminer dans les délais prévus. Par contre, vous avez droit à une heure. M. Houle, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à nous présenter immédiatement votre mémoire.

Association des directeurs d'école de Montréal

M. Houle (André): Merci, M. le Président. Merci à la commission d'avoir accepté de recevoir l'ADEM qui est une association qui regroupe les gens uniquement de Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je m'excuse, M. Houle. À l'ordre, s'il vous plaît dans la salle! M. Houle.

M. Houle: J'en profite pour présenter les gens qui m'accompagnent: à l'extrême gauche, Mme Pauline Bilodeau, secrétaire trésorière de l'association; M. Michel Hinton, deuxième vice-président; Mme Lise Robitaille, première vice-présidente. À ma droite ici tout près, M. Michel Dubé, conseiller spécial et M. Jacques Monette, secrétaire permanent.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Bienvenue.

M. Houle: L'exposé ne durera pas plus de 20 minutes. On aimerait bien avoir des questions et on vous annonce immédiatement que le mémoire porte sur des dimensions uniquement pédagogiques. On est les premiers répondants de la pédagogie dans les écoles en tant que directeurs d'école et on a essayé de voir le mémoire du côté pédagogique prioritairement.

L'Association des directeurs d'école de Montréal regroupe tous les directeurs, directeurs adjoints et ajoints administratifs des écoles françaises et des centres d'éducation des adultes de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

L'ADEM remercie la commission parlementaire de l'éducation de la recevoir en audition à l'occasion de l'étude du projet de loi 107 sur l'instruction publique.

Le texte que nous vous soumettons n'a rien d'une thèse; il est seulement le fruit de réflexions de pédagogues, artisans et gestionnaires d'un renouvellement de la pédagogie qui s'effectue actuellement à Montréal.

Nous vous transmettons donc nos réactions à ce projet de loi à titre de praticiens ayant une bonne expérience du vécu des écoles montréalaises et en ayant toujours à l'esprit ce qui pourrait permettre d'améliorer le rendement de nos élèves.

Nous sommes globalement d'accord avec le projet de loi 107. Nous avions formulé des réserves importantes à l'occasion de la présentation des projets de loi 40 et 3, sur des aspects fondamentaux de ces projets de loi. Nous devons dire, en toute cohérence avec nos opinions d'alors, que les projets de loi 106 et 107 corrigent la plupart des lacunes que nous soulignions à l'époque et que les directeurs d'école de Montréal se sentent à l'aise face aux modifications que le législateur propose.

Nous endossons le principe de la division linguistique des commissions scolaires et nous regrettons que cet aspect du projet de loi ne puisse s'appliquer à Montréal. Nous comprenons cependant la prudence du ministre dans ce dossier et nous préférons la paix scolaire avant tout. Il n'en demeure pas moins que le secteur anglais de la C£CM coûte de plus en plus cher et que nos écoles françaises en supportent une partie des coûts.

Nous ne sommes pas sans savoir non plus que les écoles françaises sont créées, administrées et supervisées par une structure majoritairement anglophone du côté protestant. Nous souhaitons ardemment que le ministre puisse un jour régler le problème qui existe à Montréal, d'autant plus que le projet de loi 107 accorde aux écoles le droit d'être confessionnelles avec tous les services inhérents à ce statut.

Nous préférons des écoles confessionnelles dans une commission scolaire linguistique aux écoles linguistiques actuelles dans une commission scolaire confessionnelle.

L'introduction de parents au conseil des commissaires, avec les mêmes droits que les commissaires élus, nous paraît juste et raisonnable; nous recevons aussi de bonne part une plus grande implication des parents et des membres du personnel dans la vie de l'école, d'autant plus que le projet de loi 107 nous semble respecter les niveaux de compétence des différents intervenants.

Nous souscrivons au fait que le législateur place l'école sous l'autorité du directeur et qu'il donne à ce dernier les moyens d'assumer ses responsabilités. Nous sommes d'accord également pour que le directeur d'école relève du directeur général de la commission scolaire. Nous avons, par contre, certaines interrogations et parfois même des réticences face à quelques articles du projet de loi, et nous désirons les soumettre à votre considération.

En ce qui concerne les élèves, nous sommes d'accord avec les articles du projet de loi qui traitent des élèves. Cependant, nous divergeons d'opinion avec le législateur en ce qui concerne l'article 15. Nous aurions préféré que l'on retienne les dispositions pénales de la Loi sur l'instruction publique, en plus de l'obligation pour le directeur d'école de signaler la non-fréquentation d'un élève à la DPJ. La Direction de la protection de la jeunesse est constamment débordée et parfois n'arrive même pas à intervenir dans des cas urgents de protection. Nous croyons qu'il serait préférable d'inclure dans le projet de loi d'autres moyens d'intervention coercitifs pour les parents fautifs.

L'enseignant. Il nous paraît important que les droits et les obligations des enseignants soient spécifiés dans la loi comme on le propose dans le projet de loi 107. Nous souhaitons, entre autres, que le législateur retienne le paragraphe 5° de l'article 19 qui fait obligation à tous les enseignants d'assurer la qualité de l'usage correct de la langue écrite et pariée.

En ce qui concerne la possibilité de révocation ou de suspension de l'autorisation à enseigner aux articles 23 à 34, nous suggérons d'ajouter aux motifs invoqués à l'article 23 l'incompétence dûment démontrée comme pouvant entraîner une révocation, une suspension ou un maintien sous condition du brevet d'enseignement ou du permis d'enseigner. À l'article 24, ne devrait-on pas inclure la commission scolaire, comme personne pouvant porter plainte au ministre?

L'école. Constitution. L'article 36 nous apparaît bien encadrer et bien définir le projet éducatif de chaque école. Il tient compte des niveaux de compétence et de responsabilité des différents intervenants.

Le directeur d'école. Nous sommes d'accord pour que la nomination du directeur et de ses adjoints soit faite par la commission scolaire après consultation du conseil d'orientation sur les critères de sélection. Cependant, nous tenons à ce qu'il soit prévu dans la loi l'obligation pour la commission scolaire d'impliquer directement le directeur d'école dans le choix de ses adjoints. Étant donné qu'il définit lui-même les tâches des adjoints en fonction de son organisation, il nous apparaît essentiel au bon fonctionnement de l'équipe de direction que le directeur puisse choisir ses collaborateurs immédiats en respectant, bien entendu, les critères établis par la commission scolaire après consultation du conseil

d'orientation.

Nous apprécions grandement le fait que le projet de loi précise que le directeur d'école rende compte de sa gestion au directeur général, qu'il lui donne des pouvoirs décisionnels sur le plan pédagogique, ce qui lui permet d'assurer ses responsabilités de premier pédagogue de son école, et qu'il détermine de façon claire le cadre de ses relations avec le conseil d'orientation.

Le directeur d'école détermine, en vertu de l'article 50, l'utilisation des locaux sous certaines réserves. N'y aurait-il pas lieu d'ajouter à cet article l'obligation pour la commission scolaire de consulter le conseil d'orientation de l'école concernée avant de conclure des ententes extérieures sur l'utilisation des locaux ou d'une partie des locaux d'une école et ce, dans le but de respecter les besoins de chaque milieu?

À l'article 51, il faudrait préciser de quel type de budget il s'agit. À Montréal, le directeur ne prépare pas le budget annuel de son école. Il gère surtout un budget de consommation et la récupération salariale est rendue possible par le non-remplacement d'employés absents autres que les enseignants. Nous tenons aussi à souligner que nous apprécions le fait que l'article 52 reconnaisse au directeur d'école le droit de participer à l'élaboration des politiques, programmes et règlements de la commission scolaire.

Le conseil d'orientation. À l'occasion de la présentation de la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, le projet de loi 40 de l'ancien gouvernement, nous avions fait part de façon non équivoque à la commission parlementaire de l'époque de notre opposition à la création de conseils d'école. Nous proposions plutôt des conseils d'orientation. Par la suite, au moment de la parution du projet de loi 3, nous avions émis plusieurs réserves quant à la formation, au fonctionnement et aux fonctions du conseil d'école. Le projet de loi actuel propose un conseil d'orientation et corrige de façon significative ce que nous considérions, dans les projets de loi antérieurs, comme des entraves au bon fonctionnement d'une école. C'est donc dire que nous sommes d'accord avec le ministre de l'Éducation en ce qui concerne la création d'un conseil d'orientation dans chaque école.

Le projet de loi 107 ne mentionne pas de nombre maximum de personnes pouvant composer le conseil d'orientation. Nous recommandons qu'il soit fixé à quinze membres dans le but de favoriser le travail d'équipe et de faciliter l'atteinte de consensus. Nous suggérons toutefois qu'un employé d'une commission scolaire à laquelle appartient une école ne puisse pas faire partie du conseil d'orientation de cette école comme représentant des parents, de façon à éviter des conflits de rôle possibles.

Nous acceptons, par ailleurs, que le directeur d'école n'ait pas le droit de vote au conseil d'orientation. Cependant, le législateur devrait, lui, prévoir un droit de veto accompagné d'une possibilité de recours du conseil d'orientation auprès du directeur général de la commission scolaire.

Notre expérience nous permet d'affirmer que, en période de négociations ou à l'occasion de conflits syndicaux, les parents sont souvent la proie de manipulations de toutes sortes. Nous constatons aussi le même phénomène, lorsque le directeur d'école fait face à des résistances aux changements de la part des enseignants. Ce droit de veto nous paraît donc essentiel.

Nous recommandons aussi que les représentants des élèves répondent à certains critères pour avoir le droit de siéger au conseil d'orientation. Il pourrait s'agir, par exemple, d'avoir fait preuve de bonne conduite ou d'un intérêt certain pour l'étude.

Enfin, la présence du commissaire de la circonscription électorale au conseil d'orientation d'une école ne nous paraît pas souhaitable, à moins qu'il n'y soit invité ou qu'il en fasse la demande à certaines occasions. Nous voulons ainsi éviter toute ingérence politique.

À l'article 59, nous croyons que l'élection des représentants des enseignants ne devraient pas faire l'objet de négociations et que, par conséquent, les modalités d'élection ne devrait pas faire partie de la convention collective. Il faudrait éviter, le plus possible, la possibilité de noyautage des conseils d'orientation par les équipes syndicales, particulièrement en période de négociations. L'article 60 ne mentionne pas, d'ailleurs, que les modalités d'élection des représentants des professionnels et du personnel de soutien puissent être prévues dans leur convention collective et nous croyons qu'il devrait en être ainsi pour les enseignants.

En ce qui a trait au quorum, il nous semblerait primordial qu'il comprenne obligatoirement une majorité de parents.

En ce qui a trait aux fonctions du conseil d'orientation, l'ADEM est d'accord, dans l'ensemble, avec les fonctions dévolues au conseil d'orientation. Cependant, à l'article 81, nous croyons fermement. que les modalités d'application du régime pédagogique, l'adaptation des programmes d'études officiels et les critères de choix de manuels ou de matériel didactique devraient relever de la compétence du directeur de l'école. Celui-ci devrait avoir toute liberté d'agir dans ces domaines, pour autant qu'il le fasse à l'intérieur des politiques et des règlements de la commission scolaire, ce qui n'empêcherait pas le conseil d'orientation de lui faire les suggestions qu'il jugerait à propos.

Comité d'école. L'ADEM s'interroge sur la pertinence de la formation d'un comité d'école, même si elle n'est pas obligatoire. Étant donné l'existence d'un conseil d'orientation au sein duquel les parents auront prépondérance, nous croyons que c'est faire double emploi que de créer, en plus, un comité d'école. Nous ne comprenons pas l'objectif poursuivi ici par le législateur. Nous n'y voyons qu'une source possible de conflits et un alourdissement des

mécanismes de consultation qui ne serviront pas mieux l'ensemble des parents ou des élèves.

Conseil des commissaires. Comme nous l'avons dit plus haut, nous sommes d'accord sur le fait que les parents soient représentés au conseil des commissaires avec les mêmes droits que les commissaires élus au suffrage universel. Nous sommes convaincus que ces parents commissaires représentent aussi légitimement la population que les autres et que la démocratie s'en trouve mieux servie. Il serait même souhaitable, dans les commissions scolaires importantes, qu'il y ait plus que deux ou trois parents commissaires sans toutefois qu'ils soient majoritaires.

En ce qui concerne l'élection du conseil des commissaires, telle que prévue dans le projet de loi 106, nous nous interrogeons sur la pertinence de nommer d'office le directeur général comme président d'élection. Nous croyons qu'il pourrait parfois faire l'objet de pressions indues pouvant le placer dans des situations délicates, face à l'impartialité totale dont il doit faire preuve en temps d'élection. Enfin, le remboursement des dépenses électorales des candidats incitera probablement beaucoup plus de personnes intéressées au progrès de l'éducation à se présenter.

Comités de la commission scolaire. Il existe, à la CECM, un comité consultatif de gestion relevant du directeur général et des tables de gestion régionales. Nous devons dire, en général, que nous sommes satisfaits du fonctionnement de ces comités. Nous apprécions le fait que des comités semblables soient prévus dans le projet de loi et que les directeurs d'école doivent y être en majorité. Mais il nous semblerait plus profitable que la loi se limite à créer l'obligation, pour une commission scolaire, de mettre sur pied un comité consultatif au directeur général et des comités régionaux, s'il y a iieu, composés majoritairement de directeurs d'école désignés par l'association qui les représente. Le législateur devrait laisser plus de latitude aux commissions scolaires et aux associations de cadres et de directeurs d'école pour qu'elles s'entendent sur une structure de consultation qui leur convienne, à défaut de quoi elles devraient adopter obligatoirement celle qui est proposée dans le projet de loi 101. (11 h 30)

À l'article 167, nous demandons au ministre d'inclure des directeurs d'école dans la composition du comité consultatif des services aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Plusieurs de nos directeurs d'école bénéficient d'une formation et d'une expérience qui leur permet d'apporter un point de vue qui nous paraît non négligeable pour l'efficacité de ce comité.

Fonctions reliées aux services éducatifs. L'ADEM est pleinement d'accord avec les articles 207 à 210 qui garantissent aux élèves l'enseignement religieux ou moral et des services de pastorale selon le choix des élèves ou de leurs parents. Nous croyons que le contenu de ces articles, ajouté à l'article 80 qui permet qu'une école soit confessionnelle, respecte bien les droits traditionnels des Québécois catholiques ou protestants tout en permettant aux élèves d'autres confessionnalités de se sentir chez eux dans nos écoles. Nous sommes convaincus que ce qui est proposé dans le projet de loi est préférable à une multiplication de réseaux d'écoles selon les dénominations religieuses qui pourraient le désirer, comme le proposent parfois certains groupes sociaux. À ce compte-là, le ministère serait appelé à créer des commissions scolaires catholiques, protestantes, jéhoviennes, scien-tologistes, bouddhistes, musulmanes, etc. Nous endossons donc pleinement la proposition du ministère de l'Éducation parce qu'elle nous paraît réaliste et respectueuse des droits de chacun.

Fonctions reliées aux services à la communauté. L'ADEM croit que l'école peut et doit rendre des services à la communauté en plus de s'acquitter de sa mission prioritaire qui est d'instruire et d'éduquer Nous voulons, cependant, profiter de l'occasion pour sensibiliser le ministre sur le fait que la tâche des directeurs d'école s'est transformée considérablement depuis quelques années et qu'on ne tient pas compte, entre autres dans les règles d'effectifs à la direction, du rôle social beaucoup plus étendu que joue l'école d'aujourd'hui. On détermine encore aujourd'hui le nombre de personnes à la direction d'une école comme il y a 20 ans, en se basant uniquement sur le nombre d'élèves. Or, la réalité est tout autre, à tel point que le législateur croit bon d'en tenir compte dans son projet de loi. Pouvons-nous demander au ministre d'attacher une attention particulière au chapitre qui traite des règles d'effectifs dans l'arrêté en conseil qui régit nos conditions de travail? Nous croyons qu'il est urgent de revoir en profondeur cet aspect des conditions de travail des directeurs d'école à la lumière du rôle social de plus en plus élaboré que joue l'école dans la communauté.

Règlements et résolutions. L'obligation pour une commission scolaire de faire précéder l'adoption prévue d'un règlement d'un avis public de quinze jours et d'en transmettre une copie à chaque conseil d'orientation nous apparaît comme un bon moyen d'intéresser et d'impliquer les différents milieux à l'ensemble de la chose scolaire et de susciter des interventions et des avis qui ne manqueront pas d'éclairer les conseils des commissaires; ce qui, à notre avis, ne peut que favoriser l'adoption d'un règlement mieux adapté aux besoins du réseau d'écoles, particulièrement dans les grandes commissions scolaires. Nous considérons aussi que la transmission aux différents conseils d'orientation d'une copie des règlements adoptés par la commission scolaire permettra d'éviter que des écoles agissent en dehors des règles par manque d'information.

Régimes provisoires. Le fait de prévoir la

représentation des parents des élèves francophones d'une commission scolaire confessionnelle à majorité anglophone ou vice versa nous paraît de bon aloi. Cependant, l'ADEM insiste auprès du ministre pour qu'il aide encore plus les francophones obligés, à cause de la confessionnalité, de fréquenter des écoles françaises d'une commission scolaire à majorité anglophone, à se faire entendre et à obtenir la même qualité de services que s'ils appartenaient à une commission scolaire à majorité francophone. En fait, la division confessionnelle des commissions scolaires des villes de Montréal et Québec place les minoritaires, qu'ils soient anglophones ou francophones, dans une situation qui pourrait facilement s'avérer injuste pour ces groupes.

En terminant, l'Association des directeurs d'école de Montréal est favorable au projet de loi 107 et en souhaite l'adoption avec les changements mineurs qu'elle propose. Elle croit que la population aurait été mieux servie si la division linguistique des commissions scolaires avait pu être appliquée intégralement. Les directeurs d'école de Montréal auraient préféré que les législateurs prévoient des dispositions particulières pour la CECM en dehors de la confessionnalité. La ville de Montréal a changé énormément ces dernières années et elle ressemble de moins en moins au reste de la province. Les quartiers défavorisés, les allophones, la violence, la mobilité de la population, etc., militent en faveur d'un traitement différent de la réalité montréalaise, ce qui n'apparaît pas dans le projet de loi. L'important, pour nous, n'est pas que le pouvoir soit à Montréal ou à Québec, mais qu'il tienne compte du vécu et des problèmes de nos écoles, qui sont différents de ceux des autres écoles de la province. Dans cette optique, nous souhaitons la plus grande collaboration possible entre le ministère et notre commission scolaire, tant dans le domaine politique que pour ce qui est des fonctionnaires. Cependant, nous voudrions souligner au gouvernement qu'il a le devoir de faire en sorte que Montréal ne connaisse jamais les problèmes de New York, Chicago ou Détroit dans le domaine de l'éducation, même si notre tissu urbain ressemble de plus en plus à celui de ces grandes villes américaines.

En terminant, l'ADEM assure le ministre de l'Éducation de la collaboration des directeurs d'école de Montréal lors de la mise en application du projet de loi 107 et elle remercie la commission parlementaire de l'avoir reçue.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Houle, c'est la commission parlementaire qui vous remercie d'être venus apporter un éclairage sur ces deux projets de loi. Elle vous remercie aussi de façon spéciale, parce que les gens de Montréal, vous représentez une particularité. J'ai toujours dit que l'école publique en milieu urbain n'était pas comme les autres. Je pense que vous apportez une dimension très enrichissante à cette commission en soulignant la problématique et la particularité du milieu social dans lequel vous vivez, dans une grande ville comme Montréal.

Dans un premier temps, je vais reconnaître le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'Association des directeurs d'école de Montréal de l'appui qu'elle est venue apporter au projet de loi. Je pense que la position est claire dès le début. J'ai lu dans le mémoire: Nous sommes globalement en accord avec le projet de ioi 107. Je l'apprécie d'autant plus que nous tenions énormément à connaître le point de vue des directeurs et des directrices d'école sur les dispositions du projet de loi qui traitent plus particulièrement de l'école et de la pédagogie.

Sur les grandes structures générales, votre point de vue nous intéresse autant que celui de tout autre organisme. Il est évident que votre compétence particulière porte plus immédiatement sur le vécu de l'école et sur le vécu pédagogique dans notre système d'enseignement. De ce point de vue, je suis extrêmement intéressé. Je dirais aussi que je suis encouragé par l'appui que vous apportez au projet de loi. Je constate que nous avons mis, à la suite de tous les débats qui avaient eu lieu ces dernières années, plusieurs dispositions nouvelles dans le projet de loi et vous les avez fort bien saisies, dans bien des cas, comme la différence entre le conseil d'orientation et le conseil d'école originel, par exemple. Je pense que vous l'avez très bien campée dans votre mémoire. Je suis heureux de constater qu'il y a une sorte de convergence à ce point de vue qui est prometteuse de bons résultats lorsque le projet de loi sera devenu loi et que nous en commencerons l'application.

Il y a bien des points que vous soulignez dans votre mémoire, M. le Président, qui vont faire l'objet d'un examen attentif de notre part. Je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse ce matin, mais, quand vous demandez, par exemple, que nous revisions la disposition prévoyant la participation des commissaires élus aux réunions du conseil d'orientation, je pense que vous formulez une difficulté sérieuse. On va l'examiner attentivement. Nous avons fait cela pour bien faire. S'il y a des obstacles importants, nous allons les examiner attentivement. Je tiens à vous dire, en tout cas, que j'ai remarqué cela.

Lorsque vous parlez de la nécessaire participation du directeur au choix de ses adjoints, en principe, je suis porté à être d'accord avec vous. Il peut arriver que la direction veuille adjoindre à un directeur une personne qui va le compléter, mais que le directeur ne se rende pas très bien compte du genre de complément dont il a besoin. Est-ce que c'est bon de mettre cela dans la loi? En tout cas, on n'a pas d'objection à mettre la consultation dans la loi. Il n'y a pas de problème là-dessus. Lorsque vous dites qu'il faudrait fixer un

nombre maximum de membres au conseil d'orientation, je pense que c'est excellent aussi. Nous allons examiner cela avec attention.

Vous demandez que les directeurs d'école aient une représentation au comité consultatif qui devra être formé auprès de la commission scolaire concernant les élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Cela nous a déjà été recommandé par d'autres organismes qui se sont présentés devant la commission. Je pense que ce sont toutes des choses que nous allons examiner avec beaucoup d'attention. Vous nous apportez des points qui vont nous permettre de mettre encore un petit peu plus de précision dans le projet de loi. Je l'apprécie.

Je voudrais vous poser peut-être une couple de questions. Il y a mon collègue et député de Richelieu qui en aurait à vous adresser également. Les autres en auraient beaucoup, mais c'est parce que nous avons un temps limité. Nous essayons de nous en tenir vraiment à l'essentiel.

Tantôt, les cadres de la CECM nous ont proposé qu'au niveau de l'école, en plus du conseil d'orientation, nous prévoyions un comité pédagogique. Vous, comme eux, trouvez que le comité d'école ne serait pas absolument nécessaire, que cela pourrait même créer une duplication de fonctions. Mais comment réagiriez-vous à cette proposition d'un comité pédagogique qui a été formulée par l'association des cadres tantôt?

M. Houle: Pour nous, le comité pédagogique existe déjà dans toutes les écoles. Pour un directeur d'école, son comité pédagogique, c'est d'abord ses enseignants. C'est son plus beau comité pédagogique. On travaille en collaboration étroite avec nos enseignants. Dans les polyvalentes, nous avons ce qu'on appelle un comité pédagogique qui est formé de chefs de section ou de chefs de division ou de chefs de groupe tel qu'appelés dans la convention collective. On a cet argument et cet organisme est déjà en place. Ce sont des spécialistes qui, avec le directeur d'école qui est le premier répondant de la pédagogie, prennent des décisions pédagogiques qui ensuite sont acheminées au conseil d'orientation ou au conseil d'école.

M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre de votre réponse que ce n'est pas nécessaire, selon vous, que ce soit inscrit dans la loi?

M. Houle: Non seulement ce n'est pas nécessaire, mais je pense que cela viendrait alourdir la mécanique. Cela ne faciliterait pas les choses surtout si on pense à des écoles de premier cycle ou du primaire, par exemple, où il y a douze ou treize professeurs. Si on multiplie les comités, on va passer notre temps à nous réunir, à nous questionner, mais on va oublier d'agir pédagogiquement.

M. Ryan: Très bien. Je vais vous poser une autre question. Vous écrivez à la page 4 de votre mémoire la phrase suivante qui résume votre position sur les commissions scolaires linguistiques, et je cite: "Nous préférons des écoles confessionnelles dans une commission scolaire linguistique aux écoles linguistiques actuelles dans une commission scolaire confessionnelle" J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi la création de commissions scolaires linguistiques sur le territoire de Montréal améliorera les choses pour tout le monde.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur. M. Houle: M. Dubé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur. C'est monsieur?

M. Dubé (Michel): En fait, on croit qu'il est complètement inutile que la structure soit confessionnelle, mais qu'il faut que la confessionnalité soit au niveau de l'école, que ce soit la que les gens décident. D'ailleurs, le projet de loi prévoit toutes les garanties imaginables pour les parents, qu'ils soient catholiques ou protestants, de recevoir les services aussi bien en enseignement religieux qu'en pastorale. Or, on dit que ce qui est important, c'est que ce qui devrait être confessionnel, c'est vraiment l'école. C'est presque une caricature qu'on fait là quand on dit: On a peut-être une structure confessionnelle, mais les écoles sont linguistiques, un point c'est tout. Plusieurs ne sont probablement même pas confessionnelles, si on parle de la réalité.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Dubé. C'est terminé.

M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Ma question est à deux volets. Si on prend le chapitre II de la page 6, vous mentionnez là que l'autorisation d'enseigner peut être révoquée. J'aimerais vous poser la question: Pourquoi avez-vous inscrit cela à l'intérieur de ce chapitre? Pour quelle raison? Qu'est-ce que cette notion inclut pour vous? Par qui peut-elle être révoquée et comment? Quel est le cadre d'après vous?

Le deuxième volet de ma question, c'est que toujours dans la même page vous dites: "À l'article 24, ne devrait-on pas inclure la commission scolaire "? Qui voudriez-vous inclure à la place?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Qui? M. Dubé ou M. Houle?

M. Houle: M. Dubé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M Monet- te?

M. Houle: Oui, j'ai assez parlé. (11 h 45)

M. Dubé: D'abord, sur la dernière partie de l'article 24, on dit: "... ne devrait-on pas inclure la commission scolaire... "? C'est parce que, dans le projet de loi, on ne fait pas mention de la commission scolaire comme pouvant porter plainte auprès du ministre. Or, on aimerait que la commission scolaire puisse aussi porter plainte auprès du ministre dans le cas, bien sûr, d'enseignants qui fonctionneraient vraiment mal. Or, sur l'autre aspect, on parle dans le projet de loi, si je me souviens bien, de comportements un peu particuliers qui pourraient conduire à une suspension ou au maintien du brevet à certaines conditions. Nous disons: Pourquoi ne pas ajouter aussi l'incompétence dûment démontrée? Un peu comme ce qui se passe par exemple du côté d'autres, professions, des médecins ou des avocats, où il y a des corporations. On ne veut pas faire du corporatisme, mais il y a tout de même des corporations qui interviennent et qui encadrent certains professionnels, mais dans l'enseignement cela ne se fait pas. On pense que dans certains cas cela devrait se faire parce qu'il y a, et heureusement c'est très minoritaire, certains enseignants qui nuisent et pour lesquels on est mai équipés pour intervenir. Si on peut intervenir auprès du ministre pour porter plainte, dans des cas comme cela aussi, on pense que ce serait valable pour les écoles.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député.

M. Khelfa: Pour terminer, d'après vous par qui? Qui doit faire cette évaluation?

M. Dubé: Qui doit faire l'évaluation? On pense que c'est le ministre qui devrait faire l'évaluation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, je m'excuse. M. le député de Richelieu, est-ce que votre question était: Qui doit faire l'évaluation du prof.

M. Khelfa: C'est cela

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que je vous donne encore une chance de répondre.

M. Dubé: Je pense que c'est bien sûr le directeur de l'école qui doit faire l'évaluation du prof. Mais le projet de loi prévoit qu'à peu près tout citoyen peut porter plainte. C'est dans ce cadre. Maintenant l'évaluation, je pense qu'à ce moment-là c'est au ministre de décider à partir de quelle évaluation. Je pense bien que normalement cela devrait être le supérieur immédiat du professeur qui devrait faire l'évaluation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Dube. Je reconnais la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition à cette commission parlementaire. J'aimerais peut-être dire, comme je l'ai fait au moment où l'on a rencontré des directeurs d'école, que je suis assez sensible aux remarques et aux commentaires que me font les directeurs d'école, sachant qu'ils sont les plus près de l'action.

Comme j'ai besoin de beaucoup d'éclaircissements sur votre mémoire, je vais passer tout de suite aux questions. La première, c'est: L'impression que dégage votre mémoire, et vous n'êtes pas les seuls cependant, mais je dirais que j'ai plus senti cela chez les directeurs d'école, c'est que c'est un débat de structures qu'on fait. C'est-à-dire: Comment se partagent les pouvoirs? Dans quelles conditions il serait préférable de les exercer? Il ne semble pas y avoir de préoccupations chez vous, par rapport aux moyens qu'ils ont mis à votre disposition et à ceux de l'enfant pour qu'il puisse, effectivement, recevoir une formation de qualité. Là, je pense à la gratuité du matériel scolaire. Vous avez à la CECM des couches de population très défavorisées chez qui ce n'est sans doute pas sans poser un certain nombre de problèmes.

Dans le projet de loi 107, on ne décrit nulle part ce que seraient les services particuliers et les services complémentaires, à l'exception de ceux pour les personnes handicapées et en difficulté d'apprentissage. On sait que les services particuliers et complémentaires - je pense, M. le directeur vous pourriez me dire cela - devraient contribuer à améliorer la qualité de la pédagogie. C'est la même chose pour les services de garde en milieu scolaire. L'enfant qui est "insécure" parce qu'il part avec sa clé dans le cou et que ses parents rentrent une heure ou une heure et demie plus tard que lui, et qu'il n'a que cinq, six, sept ou huit ans, il me semble qu'il ne bénéficie pas tout à fait de conditions qui lui permettent d'être suffisamment attentif et réceptif en classe. Vous n'abordez pas du tout ces questions.

M. Houle: Je crois qu'on les aborde, mais on ne les a pas disséquées comme vous le faites actuellement. Quand vous parlez de gratuité, c'est évident qu'on a des problèmes, nous aussi, à Montréal en ce qui concerne les achats de matériel pédagogique, c'est clair. Quand on dit que Montréal n'est pas le reste de la province, on sous-entend les services de garde et les services particuliers et complémentaires. C'est pour cela qu'on alerte le ministre en disant: II faudrait venir voir de très près ce qu'est Montréal, ce qu'est devenu Montréal et quels sont maintenant les besoins montréalais, qui sont sûrement différents des besoins de Trois-Rivières ou de Drummondville. On ne peut plus être nivelés à tous les paliers. C'est extrêmement

différent. Actuellement, à Montréal, par exemple, dans les polyvalentes, il y a des polyvalentes qui ont 70 % ou 75 % d'allophones. il y a des polyvalentes où on doit se battre dans les corridors pour faire parler les élèves en français parce que la seule place où ils parlent français, c'est dans la classe. Dès qu'ils sont dans les corridors, ils parlent anglais. Ce sont des phénomènes urbains uniques. À Montréal, une école primaire commence à 7 heures et se termine à 18 heures le soir. Ce n'est pas comme cela dans toute la province. On en a 83 qui fonctionnent comme cela, actuellement.

C'est sûr que cela nous crée des besoins et que ce sont des besoins nouveaux. C'est le milieu urbain qui fait... Je pense que plusieurs de mes confrères, ici, autour de la table, pourraient compléter à ce sujet et on pourrait en énumérer plusieurs comme cela.

Mme Blackburn: Vous pourriez peut-être me dire en même temps, si vous estimez qu'il serait important qu'on retrouve dans le projet de loi 107 ce qu'on trouvait dans ia loi 3, c'est-à-dire une définition des services complémentaires et particuliers. C'était une loi, je vous le rappelle... La loi 3, ce n'était pas une vague promesse électorale. C'était une loi dûment adoptée en Chambre. Elle a été invalidée en raison de quelques-uns de ses articles et !e jugement a rendu inapplicables toutes les dispositions de la loi. Mais c'était une loi.

Est-ce qu'il serait souhaitable qu'on retrouve la définition des services particuliers et complémentaires dans la loi, tel que Se faisait la loi 3? Par rapport aux services de garde, dans la loi 3, c'était: L'école doit organiser des services de garde au niveau préscolaire et primaire. Dans, le projet actuel, c'est "peut.

Le Président (M. Gardner): M. Houle, madame ou monsieur. M. Hinton.

M. Hinton (Michel): Je vais revenir à nos propos de tantôt. Je ne répondrai pas précisément à votre question. Cependant, lorsqu'on dit qu'on souhaiterait qu'on tienne compte de la réalité montréalaise, là, on touche certains éléments que vous venez de soulever. On n'a pas retrouvé... C'est un peu pour cela qu'en page 20, pour ce qui est de la conclusion, on dit: "... auraient préféré que le législateur prévoit les dispositions particulières pour la CECM en dehors de la confessionnalité. " Là, on parle du tissu urbain.

Alors, vous avez touché plusieurs éléments. Je ne pourrais pas vous dire si on souhaiterait revenir au libellé de certains articles de la loi 3. Mais il n'en reste pas moins que ce que l'on souhaite très fortement, c'est qu'on reconnaisse, que le ministère reconnaisse qu'à Montréal il y a une situation particulière, qu'il y a certains paramètres qui ne peuvent pas s'appliquer à cette région, mais qui peuvent peut-être s'appliquer à la province. Mais à Montréal, cela ne peut pas s'appliquer de cette façon.

Alors, on pourrait toucher des éléments... Vous avez parlé de matériel didactique. Il y a aussi les services de garde, les garderies. On a parlé de la multiethnicité. On parle aussi d'alourdissement de la clientèle dans un milieu comme Montréal, lorsqu'on pense aux enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Il y a une concentration - c'est clair - à Montréal qu'on ne retrouve pas ailleurs dans la province.

Ce sont tous des éléments pour lesquels on souhaiterait voir certaines dispositions apparaître dans le projet de loi qui pourrait être modifié.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous reconnaissez - et je pense que cela fait l'unanimité que les fonctions du directeur d'école sont mieux définies. Pour certains, il s'agit simplement d'exécutants. Mais votre perception est que cela viendrait vous faciliter la tâche; vous le dites. Cependant, vous trouvez que ce n'est pas suffisant et je dois dire que j'ai été - peut-être parce que j'ai fait une lecture un peu rapide - frappée par le nombre de fois où vous utilisez des termes comme questionné, renforcé, être plus coercitif par rapport aux obligations ou aux exigences.

Là, évidemment, vous parlez de l'incompétence dûment démontrée comme pouvant entraîner une révocation et vous demandez que le ministre intervienne là-dessus. Je dois vous dire que cela correspond un peu à la perception que j'avais. On va finir par avoir, dans notre système d'éducation au Québec, un ministre gérant des milliers d'écoles, parce que cela va finir par passer directement comme cela. Je prétends qu'il ne reste plus rien entre les deux. Quand le ministre nous parle de la grande responsabilité qu'à la commission scolaire de donner des services sur son territoire, cela correspond à la grande responsabilité de mon hôpital, à Chicoutimi, de donner des services de santé sur ce territoire.

Alors, je trouve qu'il n'y a pas de grosse distinction entre la responsabilité qui est confiée à la commission scolaire de Chicoutimi et celle qui est confiée à l'hôpital. Je dirais même que, sur le territoire de l'hôpital de Chicoutimi, il y a trois commissions scolaires. Donc, il faudra qu'on révise cet exemple. Il me paraît simplement illustrer le fait que, dans la situation actuelle, et du moment où on érode les pouvoirs des commissions scolaires, on n'a plus vraiment besoin d'un gouvernement local.

Mais je reviens à votre mémoire. Il y a une chose qui m'a frappée. Vous demandez en page 10 un droit de veto sur les décisions du conseil d'orientation qui, lui, est consultatif. Pourquoi un droit de veto sur un conseil consultatif? Je dois dire que cela m'a surpris. Dans le paragraphe suivant, vous dites qu'en période de négociations les parents sont souvent la proie de manipulations de toutes sortes. J'imagine que cela doit

être le fait d'à peu près tous les personnels, y compris les directeurs d'école. Là vous demandez encore un droit de veto qui devient essentiel pour cette raison. Vous dites que, pour l'élève, il faudrait certains critères, donc, de bonne conduite. Vous parlez de la présence d'un commissaire et vous dites qu'il y a un risque d'ingérence politique. Ce n'est pas sale, la politique. J'imagine que le ministre pourrait vous dire cela, bien qu'il vous ait donné raison, à mon grand étonnement. Il dit: Cela peut poser de sérieuses difficultés. Je n'ai pas vu ces difficultés, à savoir qu'un commissaire puisse participer à un conseil d'orientation.

Vous dites également que l'élection des représentants des enseignants ne devrait pas faire l'objet de négociations et que, par conséquent, les modalités d'élection ne devraient pas faire partie de la convention collective. Par ailleurs, vous estimez que, dans votre cas, c'est votre association qui devrait vous déléguer avec instances consultatives de la commission scolaire. Vous ajoutez ensuite qu'il faudrait éviter le noyautage des conseils d'orientation pour des équipes syndicales, particulièrement en période de négociations.

Je suis un peu mal à l'aise. C'est comme s'il y avait bien des épouvantails dans les écoles et bien des difficultés. Chaque fois que l'on essaie de tout prévoir... Je connais un vieux notaire qui dit: Plus on en écrit, plus on en oublie, parce qu'on pourrait toujours en ajouter. Alors, est-ce que ce ne serait pas préférable de laisser un peu plus de souplesse et plus d'oxygène entrer dans tout ce système?

Le Président (M. Gardner): M. Houle.

M. Houle: II y a plusieurs questions. Il doit sûrement y avoir plusieurs réponses. Je vais essayer d'en élaborer quelques-unes. Que mes confrères ne se gênent pas pour intervenir. On parle de droit de veto au niveau du conseil d'orientation. Il faut bien connaître un milieu comme le milieu montréalais pour savoir qu'à un moment donné, dans une ville comme Montréal, il y a des noyaux et des systèmes organisés qui s'installent, et qui, à un certain moment, prennent pour cible une, deux, trois, quatre ou cinq écoles. Pour le directeur d'école qui a à vivre cela, c'est pénible. Il devrait au moins avoir un droit de veto dans un conseil d'orientation qui serait plutôt un peu spécial, pour pouvoir dire: Écoutez, cela ne marche pas. À qui va-t-il faire appel pour se défendre? Dans un conseil d'orientation, on prend des orientations. L'orientation d'une école, si elle est autre que pédagogique, c'est malheureux mais moi, comme directeur d'école, j'ai de la difficulté à m'en accommoder. Pour mon droit de veto ou mon droit d'appel, je m'adresse à mon supérieur, c'est-à-dire à mon directeur général. C'est le style que l'on développe ici.

Vous parlez, par exemple, de la bonne conduite pour l'élève. J'ai vécu à Montréal et j'y vis encore. On a vu à un moment donné des gens, payés par un mouvement à l'extérieur de l'école, pour venir à l'école, travailler dans l'école, dans le milieu et en faire un milieu politique. Mais l'école, ce n'est pas un milieu politique, c'est un milieu pédagogique. Il faut prévoir dans le projet de loi qu'à un moment donné on peut avoir un droit de recours.

L'ingérence politique. Ce n'est pas malsain ce que je dis là. Je dis tout simplement qu'un commissaire a un rôle de commissaire, et qu'un comité d'orientation d'école a un rôle pédagogique. Le commissaire a un rôle plus politique. Je ne dis pas qu'il ne peut pas venir à l'occasion, donner, sa position et faire valoir ses influences, etc., mais il n'a pas, je pense, à devenir ex officio membre d'un conseil d'orientation. On mêle deux paliers: il y a un palier politique et un palier pédagogique. (12 heures)

L'enseignant et la convention collective. On trouve déjà, comme directeurs d'école, que la convention collective des enseignants est suffisamment épaisse. On se dit: En ajouter plus, ce serait encore quelques lignes qu'on serait obligé de lire et d'appliquer. On trouve qu'elle est suffisamment élaborée. Nous ne pensons pas que ce soit très nécessaire d'inclure cela dans une convention collective des enseignants.

Et l'autre question, je pense que c'était... Est-ce que j'en oublie, M. Dubé? Il y avait une question de noyautage aussi que je voulais... Il faut être prudent, vous savez. Peut-être qu'on est trop prudents, comme directeurs d'école. Je vous ai dit, tout à l'heure, qu'on intervenait uniquement au niveau pédagogique. On ne veut pas faire de politique; on ne veut pas influencer autre chose que la pédagogie. On est très prudents et je pense qu'on a raison de l'être, parce que notre pédagogie a besoin d'un bon coup vers le haut. Je pense que la prudence est nécessaire dans les temps qu'on vit actuellement. En tout cas, c'est une position de directeur d'école, encore une fois, et non pas une position politique.

Le Président (M. Gardner): Mme la députée de Chicoutimi, pour une dernière question.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. On pourrait longuement discuter là-dessus, à savoir si l'école oppose politique et pédagogie. Je pense que les écoles secondaires - les écoles primaires, c'est une autre question et j'imagine que ce n'est pas là que cela se passe non plus - ou nos collèges, que ces institutions d'enseignement ont une responsabilité lorsqu'il s'agit d'initier à la politique. La politique, c'est quelque chose qui nous gère, qu'on le veuille ou non, et chaque fois qu'on laisse planer cette espèce de connotation péjorative, lorsqu'on parle de politiser les débats et qu'on laisse entendre que c'est chaque fois négatif, il y a quelque chose qui est malsain.

Et on constate de plus en plus, au Québec, pour des raisons qui nous échappent un peu, qui m'échappent, à tout le moins - je voulais attirer l'attention du ministre là-dessus - que, dans les collèges, on laisse de moins en moins de place à l'organisation de comités des deux partis politiques, libéral, NPD, sous prétexte que cela perturbe. Bien, si on tient nos élèves en dehors de la politique, sous prétexte qu'il ne faut pas qu'il s'en fasse à l'école, là je pense qu'on commence à avoir des problèmes. Ce qu'il faut favoriser, c'est la présence des différentes formations politiques; il ne faut pas les exclure de l'école. En tout cas, c'est une opinion et je pense que là-dessus, ii faudrait... Au Québec, lorsqu'on parle de politique... On a fini par donner à cette expression un caractère très péjoratif, de sorte que, si c'est politique, ce n'est pas propre. Et je trouve que c'est très malheureux qu'on laisse aussi planer cela dans nos débats, actuellement, en disant: il ne faut pas politiser des choses.

Un autre aspect maintenant touchant la confessionnalité et le respect des droits de chacun. Il me semble qu'il y a comme une espèce de contradiction dans votre mémoire et vous me permettrez de le soulever. Vous dites, en page 16, "Fonctions reliées au service éducatif: Nous endossons pleinement la proposition du ministre de l'Éducation, parce qu'elle nous paraît réaliste et respectueuse des droits de chacun... ". Et vous faites allusion à la reconnaissance des écoles, comme catholiques ou protestantes, et non pas aux hypothèses avancées selon lesquelles on pourrait créer autant d'écoles qu'il y a de confessions religieuses. Mais, en même temps, vous dites, en page; 9: "Cependant, l'ADEM insiste auprès du ministre pour qu'il aide encore plus les francophones, obligés, à cause de la confessionnalité... - ex la, cela ne respecterait plus leurs droits -... de fréquenter des écoles françaises d'une commission scolaire à majorité anglophone, à se faire entendre et à obtenir la même qualité de service que s'ils appartenaient à une commission scolaire à majorité francophone". Vous savez qu'à la section française de la PSBGM 60 % des élèves qui s'y retrouvent ne sont pas protestants, lis sont de toutes dénominations religieuses, mêmes catholiques. Alors, pourquoi y a-t-il un glissement comme cela? Comment peut-on affirmer à la fois que !e droit de ces personnes, le droit de chacun est respecté et que cela provoque un tel glissement de clientèle en faveur de ia commission scolaire protestante?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Dubé.

M. Dubé: Ce qu'on dit, en fait, c'est que le droit de chacun est respecté dans le projet de loi qui propose une division linguistique. À Montréal, en fait, il n'est pas respecté. Si on conserve l'aspect confessionnel de la Commission scolaire de Montréal, le droit n'est pas respecté.

Sauf qu'on dit au ministre: On préfère la paix scolaire. Attendez, on préfère la paix scolaire à cela. On préférerait qu'à Montréal cela soit une division totalement linguistique, mais pas à n'importe quel prix.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée.

Mme Blackburn: Écoutez, là-dessus, je conclurais. C'est parce que je croyais qu'il y avait une espèce de contradiction en disant que cela respectait les droits de chacun, actuellement, alors que vous dites un peu plus loin que cela pose des problèmes, ce que je vous accorde. Je fais là-dessus la même lecture que vous. Je maintiens qu'il est difficile d'être respectueux des droits de la personne dans une loi qui, pour éviter précisément d'être contestée, a des clauses "nonobstant" qui la font échapper à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Il y a une proposition qui a été avancée ici: Plutôt que d'avoir des écoles confessionnelles, pourquoi n'envisagerait-on pas que chacun des groupes confessionnels puisse recevoir un enseignement religieux de sa confession? Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager cela, surtout à Montréal où, vous l'avez bien signalé, la situation est fort différente de ce qui passe dans ma région, par exemple?

Je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission et vous dire que j'ai apprécié votre présentation. Je suis très consciente que les problèmes dans la région de Montréal sont différents, plus particulièrement à cause d'une présence accrue des nouveaux Québécois, des Néo-Québécois, situation qu'on ne retrouve pas dans les autres régions et je dirais malheureusement, cependant. Par ailleurs, la pauvreté sévit autant ailleurs qu'à Montréal, de même que la délinquance. Il y a un certain nombre de problèmes reliés à ces situations. Je vous remercie d'avoir porté à notre attention les situations plus particulières qui sont celles de votre région.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, en guise de conclusion.

M. Ryan: M. le Président, je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire. On a eu une présentation claire et nette. J'apprécie les commentaires qu'on nous a apportés ce matin. Il y a plusieurs des observations qui nous ont été faites qui sont acceptables d'emblée. Il y en a d'autres qui feront l'objet d'un examen attentif. J'ai mentionné tantôt les principales. il y en a une sur laquelle je reviendrai peut-être brièvement. C'est celle qui a retenu l'attention du député de Richelieu tantôt, suggestion voulant qu'on ajoute le motif d'incompétence aux motifs pour lesquels le ministre, sur recommandation d'un comité d'enquête, pourrait décider de la révocation d'un permis d'enseigner. Je ne serais

pas porté à aller jusque-là et je vais vous dire pourquoi. Je pense que, dans la loi actuelle, c'est un recours tout à fait extraordinaire. Cela va aller pour motif d'inconduite, motif d'immoralité, motif d'infraction grave dans l'exercice de ses fonctions. S'il arrive qu'un enseignant se présente au travail en état d'ébriété, par exemple, c'est une infraction grave dans l'exercice de ses fonctions. Cela peut tomber sous le coup de l'article 23, comme il est formulé. Mais si c'est une question d'incompétence, il me semble qu'elle doit être traitée à l'intérieur de ces rapports salarié-employeur, en tenant compte des dispositions de la convention collective qui ont toutes sortes d'éléments traitant de ces questions. Je ne pense pas qu'on puisse soustraire les interventions au titre de la compétence du régime de la convention collective. Je sais que c'est plus embarrassant, mais je ne pense pas qu'on puisse avoir deux régimes parrallèles. Ici, c'est tout à fait extraordinaire, exceptionnel, et je ne serais pas porté par conséquent à accéder à cette recommandation, quoique je la comprenne. Je me suis dit moi-même, comme employeur, que j'aurais bien aimé des fois disposer de recours plus vigoureux pour me débarrasser de gens qui étaient beaucoup plus des parasites qu'autre chose. Mais, on est mieux d'être régi par des règles un peu plus sévères là-dessus, même si cela entraîne parfois des prolongations de situations regrettables.

Cela dit, je vous remercie encore une fois. Je pense que le succès de la réforme proposée dans le projet de loi 107 dépendra énormément de la manière dont elle sera reçue et appliquée par les directions d'école. C'est pourquoi je me réjouis de l'adhésion que vous apportez au projet de loi. La Fédération québécoise des directeurs d'école a fait la même chose la semaine dernière. Elle a apporté une adhésion assez globale, très encourageante pour nous. Alors, on va continuer de collaborer avec vous et j'espère qu'on va pouvoir perfectionner le projet de loi au point de le rendre encore davantage acceptable.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Houle, la commission vous remercie de votre présence et de votre collaboration à ses travaux.

Nous suspendons pour quelques minutes, alors que nous accueillerons le groupe suivant, le Mouvement laïque québécois. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 12 h 12)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission à prendre place et je leur rappelle que nos travaux devront se terminer à 13 heures et qu'il est déjà 12 h 10.

J'invite les représentants du Mouvement laïque québécois à prendre place sur les banquettes qui leur sont réservées, à l'avant. Le Mouvement laïque québécois est représenté par M. Paul Drouin, qui en est le président.

À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les membres de la commission à prendre place et j'invite immédiatement M. Drouin, qui est le porte-parole du Mouvement laïque québécois. M. Drouin, je vous remercie d'abord d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. Vous m'avez informé qu'il y avait trois porte-parole qui feraient la présentation en trois temps. Je n'ai pas d'objection. Cela nous permet d'avoir le plaisir d'entendre vos représentants. Par contre, je dois vous informer que la commission a une heure à vous consacrer et qu'on ne pourra pas dépasser la période de temps, étant donné que les députés ministériels ont un caucus spécial ce midi. C'est pour cela que, depuis ce matin, je tâche de reprendre le temps perdu.

Alors, M. Drouin, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. Je vous suggère une chose... c'est que tous les membres de la commission ont reçu votre mémoire et ils l'ont lu. Alors, c'est à vous de juger de quelle façon vous voulez le présenter, de façon globale ou en abrégé. Nous vous écoutons.

Mouvement laïque québécois

M. Drouin (Paul): Tous les gens ici sont au conseil national du Mouvement laïque québécois. En commençant par ma droite, c'est Hélène Chapleau, Daniel Baril, Jean-Paul de LaGrave, Réjeanne Cyr-Read, qui est représentante pour la région de Québec, et Lucie Fillion, de Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mesdames et messieurs, bienvenue. Nous vous écoutons.

M. Drouin: Tout d'abord, j'aimerais signaler ce que nous avons écrit en exergue de notre mémoire. Je cite - c'est tiré des propos de M. Fernand Séguin - "La pensée du ministère de l'Éducation, actuellement, n'est pas très différente de la pensée des Jésuites des années quarante. Ce sont des cléricaux qui ont gardé du cléricalisme l'horreur de la remise en question."

M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, mesdames et messieurs les députés, membres de la commission parlementaire de l'éducation, je voudrais tout d'abord dire, au nom du Mouvement laïque québécois, que nous avons constaté, après une lecture attentive du projet de loi, que nous n'avons pas du tout affaire, à notre avis, à une réforme de l'enseignement, mais beaucoup plus à une contre-réforme. C'est une réforme qui n'en est pas une pour la simple raison qu'on maintient et qu'on consolide davantage la confessionnalité et que tout cela est, à notre avis, incompatible complètement avec le terme et l'esprit même de ce que signifie le mot réforme. Alors, on ne peut

pas parler, selon nous, de réforme véritable, étant donné que confessionnalité et réforme, c'est effectivement incompatible.

On a pu constater que les dispositions du projet de loi 107 sont en parfaite concordance, en parfaite conformité avec les nouveaux règlements confessionnels adoptés le 9 décembre dernier par le Conseil des ministres. En réalité, malgré l'annonce de la déconfessionnalisation des commissions scolaires, puisque c'est cela qu'on proclame haut et fort, tous les éléments confessionnels de la structure actuelle sont maintenus et accentués selon les voeux, et seulement ceux-là, des autorités religieuses: sous-ministres associés de foi catholique et protestante, comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, conseillers en éducation chrétienne, enseignement religieux, pastorale, projets éducatifs confessionnels et reconnaissance confessionnelle pour les écoles. On ne voit pas là véritablement de réforme. Il s'agit finalement... On annonce une déconfessionnalisation, mais il s'agit en fait et dans la réalité d'un paravent, d'un immense paravent linguistique qu'on nous sert pour accentuer la confessionnalité.

Regardons maintenant quelques articles du projet de loi 107. Je vais tout de suite à la page 4 de notre mémoire. Les prismes catholique et protestant continuent toujours d'exister dans le projet de loi 107. Les comités confessionnels, dont les membres sont nommés ou agréés par les autorités religieuses, continueront de disposer de pouvoirs exorbitants, dont celui d'approuver tout programme ou tout matériel didactique pour quelque cours que ce soit (article 212). Tels des missionnaires, les membres de ces deux comités ainsi que les représentants du clergé catholique et du clergé protestant ont tous le droit de visiter les écoles non confessionnelles (article 95). La Commission des droits de la personne vous annoncera qu'elle trouve, elie aussi, que c'est tout à fait inadmissible.

Toutes les commissions scolaires devront s'assurer que chaque école offre, au besoin, un cours d'enseignement religieux catholique, un cours d'enseignement religieux protestant (article 207) ainsi que deux services de pastorale, l'un catholique et l'autre protestant (article 208). Cela est même exigé des écoles déclarées non confessionnelles. Chaque commission scolaire devra avoir à son service deux cadres, un catholique et un protestant, responsables de l'enseignement religieux confessionnel et mandatés par les autorités religieuses (articles 233 et 234). On crée ainsi des mini-comités confessionnels dans chaque commission scolaire.

Le directeur de l'école devra voir, quant à lui, à l'application des règlements des comités confessionnels concernant l'engagement des enseignants (article 48) et, comme si tout cela ne suffisait pas, les sous-ministres de foi catholique et de foi protestante restent en place afin de veiller aux droits des catholiques et des protestants. Personne évidemment ne veillera aux droits des non-catholiques et des non-protestants.

Avec l'article 222 - il ne faut pas confondre avec les pilules qui sont sur le marché -l'adhésion au projet éducatif confessionnel d'une école devient un critère de sélection pour l'inscription des élèves. Cet article sonne le glas de l'école de quartier et inaugure l'ère de l'école ghetto pour les non-catholiques.

Par ailleurs, le gouvernement n'annonce aucune intention de réclamer les amendements nécessaires à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Les commissions scolaires confessionnelles restent donc en place à Québec et à Montréal, là où le problème confessionnel est le plus criant. À Montréal, un élève sur deux sera néo-québécois d'ici le début des années quatre-vingt-dix et le maintien du droit de dissidence pour les catholiques et les protestants, là où ils sont minoritaires, pourra conduire au morcellement du système scolaire.

La confessionnalité scolaire reste donc entière dans le projet de loi 107 et sera désormais plus forte que jamais, accentuant ainsi les éléments discriminatoires de notre système d'école publique.

Je vais passer sur le projet global d'endoctrinement puisque vous m'avez dit que vous avez lu le mémoire, et je vous en remercie. Cela va pouvoir accélérer les choses. Je ne passerai quand même pas sous silence la page 6 en ce qui concerne la tradition et, d'ailleurs, M. de LaGrave y reviendra un instant, tout à l'heure.

On a souvent entendu, de la part du ministre de l'Éducation et d'autres confession-nalistes de toutes tendances, que la confessionnalité scolaire se justifie au nom de la tradition et de l'histoire. Cet argument qui nous enferme dans l'immobilisme et la sclérose sociale n'est pas nouveau pour justifier des situations de discrimination. En 1922, par exemple, Mgr Paul-Eugène Roy, archevêque de Québec, déclarait: "Une législation qui ouvrirait les portes au suffrage des femmes serait un attentat contre les traditions fondamentales de notre race et de notre foi." À cause de cette opposition, les Québécoises ont obtenu le droit de vote 25 ans plus tard que les femmes des autres provinces. Lorsqu'une tradition, pensons-nous, est antidémocratique, il est du devoir de l'État et du législateur de la corriger et non de se laisser guider par elie. Nous avons maintenant des chartes qui définissent les droits fondamentaux et c'est à la lumière de ces droits que l'État doit légiférer.

L'autre argument qui est invoqué souvent, c'est celui de la majorité. Étant donné qu'il y a beaucoup de catholiques, on devrait avoir un système qui fasse une grande place à l'enseignement de la religion catholique, par exemple. Selon nous, il doit être bien compris par le législateur que la liberté de conscience est, d'abord et avant tout, un droit individuel et cela a été très bien marqué par le juge Wilson tout récemment, le 28 janvier dernier, à Ottawa, en

Cour suprême.

Je passe à la page 8. La responsabilité de l'État, au sujet de la majorité, est de légiférer en s'assurant que cette liberté individuelle puisse s'exercer également pour tous les membres de la société, d'où l'impérieuse nécessité de n'accorder aucun privilège à un groupe d'individus au détriment des autres sous peine de remettre en cause le principe du respect de la liberté de conscience qui est un droit fondamental individuel reconnu à tous, indépendamment d'une majorité ou d'une minorité, puisque toutes les fois que la majorité est utilisée pour créer une hiérarchie entre les droits fondamentaux, cela conduit à des situations discriminatoires envers ceux et celles qui ne partagent pas les mêmes croyances ou les mêmes opinions.

Cela nous mène rapidement à la page 9, l'option et la discrimination systémique, où nous reviendrons tout à l'heure, M. Baril va nous faire un petit exposé là-dessus. Ensuite, situations discriminatoires, même chose, M. Baril va nous entretenir un instant là-dessus.

J'aimerais, quant à moi, insister sur les pages 11, 12 et 13, pas en lisant tout mais simplement en signalant les articles 577 et 578 du projet de loi 107 que nous n'hésitons pas à qualifier d'odieux, finalement, dans une démocratie. Nous l'avons dit la semaine passée, en conférence de presse, et nous pensons vraiment que ces articles doivent être retirés, qu'ils méprisent les droits fondamentaux de la personne, et c'est tout à fait inadmissible dans une démocratie, dans une société libre et démocratique. Tout cela est expliqué aux pages 11, 12, 13 et 14. À la page 12, je cite: Les droits fondamentaux énoncés dans les chartes des droits doivent être effectivement respectés par les gouvernements. La liberté de conscience est un droit inaliénable et indivisible, c'est-à-dire un droit dont l'individu ne peut se départir ou être privé par d'autres, sans nier, du fait même, l'essence de la dignité humaine. C'est d'ailleurs la signification qu'il faut donner au premier attendu de la charte québécoise qui dit: 'Tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques destinés à assurer sa protection et son épanouissement. "

Il est inacceptable, dans une démocratie, de proclamer la jouissance pour tous et chacun de droits inaliénables, tout en y dérogeant en même temps. C'est pourtant l'attitude qu'adopte le ministre de l'Éducation en proposant l'adoption des articles 577 et 578 contenus dans le projet de loi à la fin complètement.

Toute cette réforme n'en est pas une, selon nous, parce que le gouvernement, le ministère de l'Éducation et le ministre de l'Éducation - cela reprend un peu ce que Fernand Séguin disait — sont animés de convictions cléricales, finalement. On retrouve cela aux pages 14, 15 et 16. Ce qui résume le mieux peut-être, à notre avis, la position cléricale du gouvernement, c'est le discours qu'a prononcé M. Ryan lui-même à l'Assemblée nationale au mois de décembre 1986, lors de l'adoption de la loi 131. Là, la Commission des droits de la personne, comme elle viendra vous le dire d'ailleurs à cette commission, avait dit que les projets de loi ne résistaient pas au test de la charte des droits - c'est écrit à la page 14 - et qu'il fallait changer radicalement l'économie de nos lois scolaires. Ce n'est pas ce que vous avez fait. De façon inconditionnelle et complètement sans poser de question, vous avez seulement écouté et consulté les autorités religieuses qui sont, selon vous, les seules autorités habilitées à prononcer un jugement sur ces questions et vous avez décidé, entre autres, de passer outre aux droits fondamentaux de la personne - c'est écrit à la page 14 - parce que tout cela était en parfaite communion de préoccupation avec les responsables de la dimension religieuse de notre système d'enseignement.

Quelle fut donc l'opinion de ces chefs autorisés? Il aurait été surprenant que ces chefs autorisés demandent la suppression de leur privilège. Et là, M. le ministre avait cité en Chambre les propos du cardinal Vachon et du président du Comité catholique qui disait que l'on devait éviter - page 15 - que s'instaure une dynamique suivant laquelle une revendication unilatérale et abstraite des droits individuels en viendrait à rendre illusoires des droits collectifs bien établis. Là, à notre avis, réside le fond du problème confessionnel et de la discrimination honteuse qui perdure depuis trop longtemps dans le régime scolaire au Québec.

Alors que nous évoluons, en principe, dans une société libre et démocratique, on observe un responsable important de la société civile n'écouter que ses convictions, à toutes fins utiles, personnelles et s'en tenir avant toute autre considération aux orientations théocratiques dictées par l'Église en matière d'éducation. Je crois que c'est très clair, cela ressort très clairement dans notre mémoire. Plusieurs personnes en ont pris connaissance et se sont bien rendu compte qu'objectivement, dans les faits, c'est ce qui se produit actuellement. En véritable ambassadeur - page 16 - des intérêts et des objectifs de la hiérarchie catholique romaine au sein du gouvernement, le ministre de l'Éducation n'endosse que les propositions intéressées soumises par les représentants de l'Église et il demande maintenant à l'Assemblée nationale d'entériner et de voter les articles 577 et 578. Selon nous, il faudrait enfin - et c'est là que l'on pourrait parler effectivement de réforme - que le gouvernement civil prenne définitivement ses distances d'avec l'Église. On n'est plus au Moyen Âge et, finalement, il faudrait effectivement tenir compte des mutations profondes de notre société. L'abolition complète de l'union entre l'école et l'Église est une mesure au plus haut point urgente et nécessaire pour le Québec d'aujourd'hui. Porteuse de discrimination, cette politique scolaire cléricale

se situe aux antipodes de la laïcité et puise dans une conception rétrograde pour la société québécoise à l'aube de l'an 2000.

Alors, j'en arrive aux recommandations finales. Par conséquent, nous vous demandons instamment de retirer le projet de loi 107 tel que rédigé. Le Mouvement laïque québécois réclame une réforme de la Loi sur l'instruction publique qui soit conforme au respect des libertés fondamentales. Cette nouvelle loi devra garantir que les orientations générales de toute école publique répondent aux impératifs de ces libertés. Cette loi devra, premièrement, évacuer tout contenu confessionnel dans les écoles publiques: l'enseignement religieux, la pastorale, les projets éducatifs confessionnels: Deuxièmement, abolir les comités confessionnels, catholique et protestant, du Conseil supérieur de l'éducation. Troisièmement, supprimer les postes des sous-ministres associés de foi catholique et protestante. Enfin, nous rappelons au gouvernement la nécessité de réclamer des amendements à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 afin que ces objectifs soient réalisés dans toutes les écoles publiques du Québec. (12 h 30)

M. de LaGrave, historien, a quelque chose à ajouter sur la question de la tradition.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous pouvez demeurer assis là, M. de LaGrave. Alors, c'est vous qui prenez la relève. Allez!

M. de LaGrave (Jean-Paul): Vous vous réclamez, M. le ministre...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Adressez-vous au président, s'il vous plaît! Moi, je ne me réclame de rien!

M. de LaGrave: M. le ministre se réclame, M. le Président, de la tradition pour justifier le verrouillage confessionnel des écoles du Québec. Est-ce de la tradition de ceux qui ont aboli le ministère de l'Instruction publique, en 1875? Est-ce de la tradition de ceux qui ont lutté férocement contre l'enseignement obligatoire? Est-ce de la tradition de ceux qui se sont toujours opposés à l'instruction gratuite? Est-ce de la tradition de ceux qui ont écarté si longtemps la femme de l'enseignement supérieur? Pour notre part, la tradition qui nous inspire est celle de la tolérance. Beaucoup de nos devanciers, disons-le honnêtement, sans détour, ont été persécutés par les mainteneurs d'une tradition qui s'est sans cesse levée contre les progrès de l'esprit humain. Rappelez-vous, M. le Président, les cris d'indignation de Jean-Charles Harvey! Souvenez-vous des interventions courageuses de T.D. Bouchard et du sénateur Raoul Dandurand! L'histoire du Québec, faut-il le rappeler, n'est pas l'histoire d'une religion, si édifiante soit-elle, mais d'une collectivité où diverses croyances et philosophies ont leur part.

Le Québec catholique monolithique n'existe plus que dans les romans passéistes. Le maintien de ce mythe est la cause d'une grave injustice sociale. Une société juste, au Québec comme ailleurs, doit s'appuyer, entre autres, sur la liberté de conscience. Dès 1790, le gouverneur Dorchester l'avait compris. C'est alors qu'a commencé le combat pour l'instauration d'un système public d'enseignement au Québec. Cette lutte s'est poursuivie avec Louis-Joseph Papineau et le Parti patriote, avec l'Institut canadien et la Ligue canadienne de l'enseignement. Le combat pour la séparation de l'Église et de l'école est une manifestation constante dans notre histoire.

Le mouvement de déconfessionnalisation des écoles est aussi irréversible que l'était le mouvement pour l'école obligatoire en 1938, alors que Jean-Charles Harvey écrivait dans Le Jour: "Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, la province de Québec en viendra là un jour. Le plus tôt sera le mieux. Ceux-là porteront devant le peuple une grave responsabilité qui, par leur entêtement ou leur ignorance volontaire des faits, auront retardé l'avènement de cette ère de salut." La résistance en est une d'arrière-garde. Comme disait Galilée aux théologiens qui s'entêtaient à croire la terre plantée sur quatre colonnes, pourtant la terre tourne autour du soleil. C'était l'évidence contre laquelle aucun préjugé ne put finalement triompher. Ainsi, comme dans la plupart des pays d'Occident, l'école est appelée au Québec à se déconfessionnaliser. Il faut permettre chez nous, sans aucune hypocrisie, l'établissement d'écoles publiques laïques dignes du nouveau siècle qui approche, dignes de nos fils et de nos filles, dignes de notre patrie et de la liberté de l'esprit.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. de LaGrave. Maintenant, je vais reconnaître, dans un troisième temps, M. Daniel Baril. M. Baril.

M. Baril (Daniel): Rapidement, pour illustrer de façon concrète les situations sur lesquelles on se base, parce qu'on ne part pas uniquement d'une lecture théorique. On était venus ici s'opposer à l'adoption du nouveau règlement des comités confessionnels. Le règlement du comité catholique dit, par exemple, que les écoles catholiques doivent intégrer les croyances et les valeurs catholiques dans le respect des libertés de conscience et de religion.

Voici comment cela se manifeste, en pratique. Je vous donne tout simplement trois cas qui illustrent l'ensemble des problèmes qu'on rencontre. Premier exemple à la Commission scolaire des Chenaux, on a avisé récemment les parents des élèves de l'école Madeleine-de-Verchères qui ont inscrit leurs enfants en option morale qu'ils devront les changer d'école l'année prochaine parce qu'il y avait un surplus de quatre élèves dans cette école.

Le résultat: plus aucun parent ne veut demander l'exemption de l'enseignement religieux. Donc, ces enfants-là se retrouveront en enseignement religieux non pas par choix, mais par contrainte. En ce qui concerne l'école Louis-Riel de la CECM, les parents ont reçu des formulaires d'inscription à l'école, avec le choix de l'enseignement religieux déjà fait par la direction de l'école. Le prétexte: les enfants dans une option en français allégé ne pouvaient pas bénéficier, eux, de l'option pour l'enseignement moral. Un parent a dû s'opposer et résister à trois occasions pour essayer de faire reconnaître ses droits: refuser le formulaire déjà signé et déjà rempli par la direction de l'école, refuser l'aménagement qu'on lui proposait, c'est-à-dire la bibliothèque et refuser la conception de l'école qui lui disait qu'il n'y avait pas d'aménagement, qu'il n'y avait pas d'option possible dans le groupe où était l'enfant. Parmi les parents qui résistent, combien y en a-t-il qui abdiquent? Combien ignorent qu'ils ont des droits à faire valoir?

Vous voyez dans quelles conditions on les place? Si le parent accepte l'enseignement religieux pour son enfant, il ne peut pas se plaindre qu'il y a un endoctrinement religieux contre sa conscience. S'il choisit la bibliothèque, il ne peut pas s'en plaindre non plus. Mais vous voyez dans quel contexte la liberté de conscience s'applique dans une école qui intègre les valeurs et les croyances religieuses. Cela s'applique dans un contexte de contraintes continuellement.

À l'école Louis-Riel, la mesure que je vous signale là est contraire aux règlements du comité catholique. Un des directeurs, membre du comité catholique, ne voit donc pas à l'application de son propre règlement dans son institution. À l'école Saint-Roch, ici, à Québec, c'est le curé de la paroisse qui fait sa tournée lors du mercredi des Cendres pour aller imposer les cendres à tous les enfants, sans se soucier de qui est catholique ou non.

Donc, il y a des enfants non catholiques qui ont été soumis au rituel catholique dans nos écoles publiques. Quand vous nous dites que la charte est maintenue, les parents pourraient protester contre une mesure comme celle-là, mais ils ne peuvent pas protester contre les lois qui permettent à ces choses de se produire avec la loi 131.

Alors, c'est comme cela, les écoles confessionnelles dans le respect des libertés de conscience... On a des dizaines de plaintes. On est convaincus que la situation est généralisée. Ce ne sont pas des cas isolés. D'ailleurs, on a déjà demandé au ministre de l'Éducation et au Conseil supérieur de l'éducation d'aller voir sur place les conditions dans lesquelles on plaçait les enfants qui ne sont pas catholiques ou les enfants qui choisissent l'enseignement moral.

Allez faire parler les parents et les enseignants pour voir si la situation est aussi rose que certains le prétendent. On attend toujours la réponse du Conseil supérieur ou du ministre là-dessus.

Le problème, c'est une discrimination systématique, systématisée dans le système scolaire. Pour vous faire comprendre, imaginons ce que ce serait la situation inverse d'une école confessionnelle. Un système scolaire athée, par exemple, imaginez deux secondes ce que cela pourrait donner à l'image de ce qu'on a actuellement. Une école avec un projet éducatif athée, avec des enseignants athées, avec une reconnaissance athée, avec un comité athée au ministère de l'Éducation, avec un sous-ministre athée, des enseignants athées et tout l'appareil qu'on a actuellement. Aux enfants qui ne partageraient pas l'athéisme de l'institution, on donnerait un cours de morale qui, lui, devrait être respectueux de l'athéisme de l'institution. Est-ce que, dans un contexte comme celui-là, vous considéreriez que votre liberté de conscience est respectée?

Est-ce que vous accepteriez, comme mesure, de vous faire dire: Si vous ne l'acceptez pas, changez d'école. C'est la situation qu'on impose actuellement, au Québec. Mais ce n'est pas ce que nous voulons. Évidemment, on ne veut pas un système scolaire athée. On s'oppose à des mesures confessionnelles qui briment la liberté de conscience. Ce qu'on demande, c'est un système public où tous les enfants pourraient être ensemble: les catholiques, les protestants, les juifs, les musulmans et les athées. Il me semble que ce n'est pas extrémiste, cela. Ce n'est pas trop demander, actuellement, à l'école publique au Québec, en 1988.

Et, finalement, le choix qu'on a actuellement, c'est un choix de société. Vous avez adopté, en décembre 1986, une déclaration sur l'égalité culturelle et ethnique. Comment penser à l'égalité culturelle et ethnique si on divise les enfants à l'école, sur la base de l'appartenance religieuse? Le système scolaire est à l'image de la société qu'on veut développer. Une fois que chaque groupe aura ses écoles, que reste-t-il? Ils vont développer leurs institutions, leurs organisations professionnelles, leurs hôpitaux, leurs partis politiques? Des situations comme on en voit dans d'autres pays, cela n'apparaît pas du jour au lendemain et on en voit le germe, dans la politique scolaire, une politique de ségrégation. C'est du développement séparé. Si cela se passe en Afrique du Sud et que cela vise le non-blanc, on appelle cela de l'apartheid. Et tous les états démocratiques partent en guerre contre cela. Si cela se passe au Québec et que cela vise les non-catholiques, ce n'est pas plus acceptable et ce n'est pas plus démocratique.

Alors, ce qu'on vous demande, c'est cela, c'est un système scolaire démocratique, qui respecte les libertés fondamentales de tous et on pense que c'est le temps maintenant de le faire, avant que la situation ne dégénère. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, messieurs, je vous remercie de votre témoignage

au nom de la commission et je reconnais, comme premier intervenant, le ministre de l'Éducation. Monsieur le ministre.

M. Ryan: M. le Président, j'écoutais, avec intérêt, les représentations que le Mouvement laïque québécois est venu soumettre à la commission parlementaire.

Il n'y a pas de nouveau en ce qui concerne le thème de fond. Nous l'avons entendu à plusieurs reprises depuis une vingtaine d'années. Je pense que, de ce côté-là, on peut au moins noter une continuité impressionnante dans la position fondamentale qui est présentée. Je ne suis pas du tout d'accord avec la position fondamentale que le Mouvement laïque adopte et je vais essayer d'expliquer brièvement pourquoi.

Je soulignerai, tout d'abord, que le Mouvement laïque nous rend service, quand même, dans l'exercice que nous faisons, parce qu'il nous permet de voir clairement qu'il y a deux grandes sources d'opposition au projet de loi 107. Il y a, d'un côté, ceux qui sont attachés de manière absolument intransigeante, à la lettre, aux privilèges confessionnels garantis par la loi constitutionnelle de 1887; certains du côté catholique, d'autres du côté protestant. Et, à l'autre pôle, il y a les tenants d'une laïcité doctrinaire, comme celle que vous êtes venus nous exposer, ce matin. Et, entre les deux, je crois que se trouve l'immense majorité de la population du Québec, qui a toujours compris et professé qu'entre les valeurs religieuses et les valeurs de la vie civique et communautaire, il n'y a pas d'opposition, mais une saine complémentarité, qui doit s'exprimer dans des structures adaptées aux réalités et aux conditions de chaque époque.

J'étais très heureux d'entendre M. de LaGrave retracer la filiation historique du courant de pensée que vous représentez. Il a toujours été présent dans l'histoire du Québec, depuis 1840. Il a fait des contestations sur le plan électoral. Il a même été représenté dans les parlements, à certaines époques, par des porte-parole dont on nous a donné quelques exemples. Mais je pense qu'historiquement la preuve est là, chaque fois qu'ils se sont présentés clairement devant la population, certains ont pu être élus à titre exceptionnel, mais jamais ils n'ont été capables de former une majorité au gouvernement parce que ce n'est pas la conception que le peuple québécois voulait installer aux commandes, sur le plan politique et social. Ils l'ont tenté à d'autres plans également, sur le plan des commissions scolaires: les commissions scolaires n'étaient pas confessionnelles pendant très longtemps, sauf celles qui jouissaient du privilège garanti par la constitution. On n'a pas élu là des représentants du courant de pensée que vous représentez ici, aujourd'hui. Les gens préféraient autre chose et c'est leur droit le plus strict. Et, fondamentalement, c'est cela la vraie démocratie. Ce n'est pas l'affirmation d'une idéologie: c'est un aspect particulier, cela. La vraie démocratie, c'est celle par laquelle les citoyens, concrètement, indiquent, par le choix de leurs dirigeants, comment ils veulent être gouvernés. Et ils ont indiqué, avec une continuité remarquable, au cours des générations, qu'ils veulent être gouvernés par les gens dont les opinions sont assez proches des leurs, à différents points de vue. Alors, de ce point de vue, je pense qu'il y a une opposition profonde entre nous. (12 h 45)

Vous avez cité John Locke à la fin de votre mémoire. Cela m'a intéressé, cela m'a rappelé un petit souvenir. Je me rappelle la première réunion à laquelle M. Trudeau avait participé en revenant de ses études prolongées à l'étranger. On avait eu un symposium organisé par l'Institut canadien d'éducation des adultes. À un moment donné, M, Trudeau nous avait dit que John Locke avait écrit: Toutes vos petites associations de ci puis de ça, ce sont toutes des émanations de la volonté de l'État. Si l'État ne voulait pas qu'elles existent, elles n'existeraient pas. Il faut qu'il leur donne un cadre légal. Puis, j'avais dit à M. Trudeau: Pauvre vous, on n'ira jamais demander la permission au gouvernement pour former un petit club dans la paroisse de X ou de Y. Cela peut être une congrégation mariale, n'importe quoi, pas besoin du gouvernement pour cela, et j'espère qu'on n'en aura jamais besoin. Mais fondamentalement, John Locke était un grand logicien, et ce que vous citez de lui, ici, est tout à fait dans la ligne de ce que j'en connais. Ce n'est pas ma conception, ni celle du gouvernement ni celle de la démocratie libérale. C'est un très grand auteur, mais je pense que cela ne nous éclaire pas beaucoup. Fondamentalement, le gouvernement veut continuer à construire un système scolaire qui laisse une place de plus en plus grande aux libertés fondamentales auxquelles vous tenez.

Avec le système que nous avons inscrit dans le projet de loi 107, si les citoyens veulent que les valeurs religieuses soient présentes, dans l'école, de manière différente de ce que cela a été jusqu'à maintenant, s'ils veulent même qu'elles ne le soient pas, ils auront beaucoup de moyens pour le faire valoir. C'est un processus qui sera long et vous remarquez qu'une partie très importante des choix en ces matières va de plus en plus se faire par le truchement de consultations sérieuses, systématiques, avec les principaux concernés, c'est-à-dire les parents. Cela est un progrès considérable. Vous ne le signalez pas dans votre mémoire, je ne vous en demandais pas autant, mais c'est la. Les commissions scolaires, elles seront linguistiques. Vous pouvez bien dire ce que vous voudrez à ce sujet-là, elles seront linguistiques et non pas confessionnelles. Je pense que ce sont des changements très importants qui sont proposés et, pour ma part, j'en suis très heureux.

Vous avez parlé des clauses 577 et 578. Il faut qu'on précise certaines choses là-dessus. La

clause 577 est une clause interprétative et non pas une clause dérogatoire. Elle n'a pas pour effet, contrairement à vos prétentions, de priver les citoyens de leur recours fondé sur les articles 3 et 10 de la charte québécoise. Elle déclare la loi compatible avec ces articles malgre le fait qu'elle accorde des droits et privilèges à une confession religieuse. Une contestation qui serait fondée sur le seul motif que la loi accorde des droits et privilèges à une confession devrait donc être rejetée, selon ces articles. Mais un projet éducatif qui intégrerait les croyances et valeurs religieuses d'une confession pourrait être invalidé et contesté si, dans les faits, il est prouvé qu'il ne respecte pas la liberté de conscience et de religion des personnes qui, dans l'école, ne professent pas ces croyances et ces valeurs. Il n'y a aucun empêchement à une contestation à ce titre-là, mais ce qu'on dit, c'est qu'avoir une forme de reconnaissance des valeurs religieuses dans l'école, ce n'est pas en soi violer les principes fondamentaux. Nous le disons expressément parce que nous ne voulons pas, je l'ai dit souvent, passer tout notre temps à plaider devant les tribunaux des choses qui sont pour nous des vérités assez évidentes sur le plan politique concret.

Quant à l'autre, l'article 578, il s'agit d'une clause dérogatoire dans ce cas-ci, mais par rapport à la charte canadienne. C'est une dérogation limitée et seules, encore une fois, les dispositions de la loi qui accordent des droits et privilèges à une confession religieuse sont placées à l'abri d'une contestation judiciaire, et non pas toutes les autres applications qu'on pourrait faire de la loi à rencontre des droits et libertés fondamentaux des citoyens.

Je veux vous dire en terminant - puis j'aurai seulement une question à vous poser - que nous sommes très soucieux des droits et libertés fondamentaux des citoyens et je ne voudrais pas que vous commettiez l'erreur grossière de penser que vous en êtes les seuls propriétaires. Nous avons une manière différente de les voir dans la pratique, mais nous sommes capables de les défendre et nous sommes capables de les appliquer dans le plein respect de la liberté à laquelle nous tenons autant que vous.

Maintenant, je voudrais vous poser une question - il est tard, malheureusement, c'est un débat qu'on aurait dû pouvoir faire pendant plusieurs heures, je l'eusse apprécié vivement - Est-ce qu'il y a des différences majeures, selon vous, entre la loi 3, qui avait été adoptée sous l'ancien gouvernement, et le projet de loi 107 en matière d'aménagements touchant les questions religieuses et morales et lesquelles?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Baril, M. Drouin, M. de LaGrave? M. Baril.

M. Baril (Daniel): En particulier, la loi 3, par exemple, prévoyait que trois ans après la mise en vigueur de la loi, les statuts confession- nels disparaissaient et ils étaient maintenus uniquement si les parents de l'école le demandaient. On n'a pas cela dans le projet de loi 107. Dans le projet de loi 107, on ne retourne pas à la case zéro sur la question confessionnelle. Toutes les écoles sont actuellement confessionnelles, sauf peut-être de rares exceptions, et j'attends toujours qu'on me les montre. Or, cela veut dire que la confessionnalité s'applique intégralement partout. Il y a toujours évidemment la possibilité de révoquer le statut confessionnel, mais cela appartient au Comité catholique. C'est dans le règlement du Comité catholique, et c'est lui qui va décider des règles du jeu, des critères pour la consultation des parents, des critères pour la révocation du statut. Finalement, même s'il y avait une école non confessionnelle, avec toutes les mesures qu'il y a dans la loi, on ne voit pas la différence, c'est-à-dire que l'école sera obligée d'avoir l'enseignement confessionnel, d'avoir deux services de pastorale et les enseignants de cette école seront toujours soumis aux règlements d'embauché du Comité catholique, pour les titulaires qui dispensent l'enseignement religieux. Donc, une école avec de la pastorale qui monopolise à peu près toutes les activités sociales à l'école... on ne voit pas la différence entre une école non confessionnelle prévue par la loi et une école confessionnelle intégrale mur à mur. On est complètement bloqué. Il y avait, je pense, plus d'ouverture, dans la loi 3, sur la question de la pastorale, entre autres.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme Fillion, voulez-vous intervenir?

Mme Fillion (Lucie): C'est seulement pour dire qu'effectivement la présentation du projet de loi 107 et des règlements qui ont été présentés aux parents des comités confessionnels ont eu pour effet de détruire ce qui était en pratique une école laïque au Québec, c'est-à-dire les écoles du réseau protestant à Montréal où, dans les faits, il n'y avait pas d'enseignement confessionnel ni religieux ni moral, dans l'immense majorité des écoles. À ma connaissance, il y a peut-être eu une école où il y a eu de l'enseignement moral et religieux. C'était une école qui répondait de façon très, très adéquate aux besoins et aux voeux des parents, et où les enfants apprenaient à vivre ensemble, peu importe les religions et peu importe les convictions qu'avaient, la plupart du temps, non pas eux-mêmes, mais leurs parents. À sept ou huit ans, les enfants ne sont pas à un âge où ils peuvent discuter beaucoup de théologie. Alors, l'effet du projet de loi 107 et de ces règlements a été de faire rétrograder l'école protestante et l'aspect laïque, l'aspect de tolérance qu'elle comportait beaucoup.

Auparavant, si vous me le permettez, je voudrais signaler que l'article 8 de la loi 3 prévoyait une exemption totale, ce qui était en pratique ce qui se passait dans les écoles protes-

tantes. Maintenant, avec les nouveaux règlements, on aura le choix entre l'enseignement religieux ou moral. Donc, on nous impose des choses. On nous impose de prendre du temps qui était parfois employé à former les enfants pour des besoins très exigeants de la société, comme apprendre à utiliser un ordinateur, les principes du civisme ou toutes sortes de choses comme cela. Alors, c'était mon intervention. Je voulais signaler particulièrement le côté protestant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le ministre.

M. Ryan: Est-ce qu'il y avait une autre dame qui voulait...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, excusez-moi. Mme Read.

Mme Cyr-Read (Réjeanne): Oui. M. le Président, je suis certaine que M. le ministre sait de quoi je vais parler. Alors, je vais y aller. M. Ryan a dit qu'on avait des positions doctrinales et qu'il n'était pas d'accord avec notre interprétation de la démocratie. Alors, je vais demander à M. Ryan si cela fait partie de la philosophie libérale de priver des citoyens de leur droit de citoyen de se présenter comme commissaire. C'est ce qui se passe à la Commission des écoles catholiques de Québec, depuis des années, et on évoque l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sur cela. Alors, votre gouvernement avait l'occasion, lors de l'entente du lac Meech, de faire réparation. Vous nous dites constamment que vous faites des démarches pour corriger cette situation. Mais vous n'en faites pas puisque, pour la corriger, il faut demander des amendements à l'article 93. Vous aviez l'occasion de le faire, vous ne l'avez pas fait. Alors, si nous sommes doctrinaires, nous sommes vos victimes, monsieur, parce que je ne peux pas me présenter comme commissaire et, sur le territoire, vous jouez toujours la question majorité-minorité contre cette interprétation. Je suis contre la liberté de conscience, comme le dit le mouvement ici. C'est un privilège, c'est un droit individuel, mais nous sommes majoritaires dans la haute ville. Il y a 52 % des parents qui demandent l'exemption de leurs enfants parce que certains sont forcés d'aller en catéchèse à cause des conflits d'horaire dans les écoles secondaires, ce qui est inacceptable. Donc, il y a plus que 52 %. Ces gens ne peuvent pas se présenter comme commissaire. Nous sommes des contribuables. Vous ne reconnaissez pas nos droits de citoyen et vous laissez à l'Église le soin de déterminer quels sont ces droits. Je vous dit que cette philosophie-là est beaucoup plus doctrinaire que la nôtre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre, voulez-vous réagir? Si vous voulez... M. Drouin?

M. Drouin: Bien moi, je ne partage pas du tout l'appréciation de M. le ministre quand il dit qu'on est doctrinaires. Nous croyons avoir démontré que c'est effectivement le ministre qui est doctrinaire et qui suit une seule ligne théocratique. Quand vous prenez l'histoire de la pensée occidentale, c'est très clair que vous vous inspirez seulement de penseurs théocratiques, au sens strict du terme, et les penseurs libéraux sont complètement écartés. Cela, c'est absolument certain. On a demandé à quelques personnes, à des experts, d'essayer de trouver des principes libéraux dans les propos du gouvernement et du ministre de l'Éducation, ils n'en ont jamais trouvés. Il n'y en a pas. C'est une conception doctrinaire, théocratique. C'est plutôt le gouvernement qui est doctrinaire. Là, nous regrettons. Nous favorisons la tolérance, l'ouverture, nous avons une politique et nous avançons une prise de position modérée, et la position radicale, c'est la position confessionnelle, que vous soutenez. Il faut faire les différences qui s'imposent, quand même.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Drouin. Cela suppose une intervention, M. le ministre.

M. Ryan: J'aurais bien des choses à dire. Mais tout d'abord, en ce qui regarde le règlement du Comité protestant, puisque c'est lui qui s'applique aux écoles dont vous nous avez parlé, il prévoit un enseignement moral. Si vous ne voulez pas d'enseignement moral dans les écoles, vous n'êtes pas d'accord avec le gouvernement actuel. Nous autres, nous trouvons que c'est une discipline qui a sa place dans les écoles, qu'on ne peut pas avoir d'existence humaine s'il n'y a pas une dimension morale. Pas nécessairement confessionnel ou religieux, cela c'est une autre chose. Mais c'est cela, qui est demandé, pas d'autre chose, par ce règlement-là. Et si vous trouvez que le règlement du Comité protestant est étouffant, j'aimerais beaucoup que vous m'en fassiez la preuve. Et cela n'a pas chambardé, contrairement à ce que vous laissez entendre, l'orientation fondamentale de ces écoles-là, du moins à ma connaissance. Si c'était le cas, j'aimerais bien en être informé. Et encore là je réitère ma conviction de la place de l'enseignement de la morale dans les écoles, même publiques. Je pense qu'on va être d'accord au moins là-dessus. Et quand vous dites qu'on devrait sortir toute religion des écoles, je trouve que c'est une position doctrinaire, je m'en excuse.

Et je peux vous apporter de nombreux exemples de législateurs contemporains, qui n'agissent pas dans cette voie-là. Vous savez ce que le gouvernement de l'Ontario a fait depuis quelques années. Assez curieusement, cela a été commencé par un gouvernement conservateur, cela a été continué par un gouvernement libéral, et adopté à l'Assemblée de l'Ontario par les trois

partis représentés là. Peut-être que ce sont trois partis de mentalité étroite et réactionnaire, qu'il y a seulement les autres qui ont raison; les autres n'ont pas un sacré député dans l'Assemblée législative de l'Ontario. En Alberta, il y a une loi qui est à l'étude actuellement; on prévoit une place pour les valeurs religieuses dans l'école. En Angleterre, j'ai des extraits du texte d'un projet de loi qui est à l'étude actuellement, c'est la même chose. Mais ce n'est pas être antilibéral que de prévoir des choses comme cela. À ce moment-là, le libéralisme serait devenu une jolie chapelle à laquelle je ne tiendrais pas du tout à appartenir.

Là-dessus je pense qu'on peut... des sources, je pense qu'on en aurait plus que vous à apporter de ce côté-là. Dans l'application, il faut être extrêmement prudent et méticuleux, pour que les droits soient respectés. Cela j'en conviens avec vous, à fond, mais sur le chemin qui doit être emprunté pour en arriver là, j'ai des divergences profondes, et j'estime n'avoir pas reçu de réponse satisfaisante à la question que j'ai posée, quant à la comparaison entre la loi 3 et le projet de loi 107. Vous avez mentionné un point, M. Baril, c'est vrai, cela. Mais, depuis ce temps-là, on a introduit des règlements de comités confessionnels qui prévoient une révision périodique du statut confessionnel de l'école. Et à part cela, je pense que, si vous regardez les dispositions des deux projets, elles sont très semblables. Ce qui voudrait dire qu'il y avait un consensus assez fort à l'Assemblée nationale, au moins sur ces dispositions-là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci, M. le ministre. Maintenant je vais reconnaître la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le ministre nous dit souvent, en vantant les mérites de son parti, qu'ils sont très libéraux, et je pense que, à la suite des propos qu'on vient d'entendre, les vrais penseurs libéraux seraient plutôt au Parti québécois. (13 heures)

Le ministre a essayé de vous amener sur le terrain, à savoir si le projet de loi actuel se démarquait suffisamment du projet de loi 3. Il y a une chose certaine, c'est que j'ai eu l'occasion de m'y objecter. Les règlements du Comité catholique et de comité protestant viennent renforcer le caractère confessionnel de l'école. À mon avis, dans la situation actuelle, c'était inacceptable et cela demeure inacceptable. Le ministre connaît ma position là-dessus. Le ministre sait aussi ce que cela veut dire dans une classe où il y a un projet catholique, où l'enfant de six, sept ou huit ans voit ses petits copains, ses petites copines participer à des activités auxquelles il ne participe pas; il sait la pression importante que cela fait peser sur ces enfants. Le ministre sait également les problèmes de famille que cela peut poser lorsque l'école porte des valeurs ou imprègne des valeurs qui ne sont pas partagées par la famille. Là-dessus je vous rejoins, je trouve cela préoccupant et je suis d'accord avec vous.

On accepte le principe que la majorité vienne dicter ses règles en matière de services publics. Je trouve que c'est hautement contestable, parce que cela vient rejoindre la position qu'on a sur la langue. C'est la majorité anglophone qui viendrait dicter à la minorité. Au Québec, c'est toujours se leurrer que de penser qu'on est majoritaires. Lorsqu'on discute de ces questions, c'est sur le plan canadien. Sur le plan canadien, on est minoritaire, et on est traités en minorité. On le sait, on l'a toujours été. C'est pourquoi il faudrait peut-être développer cette espèce de tolérance à l'endroit de nos propres minorités, de respect. Là-dessus, je vous rejoins.

Il me semble qu'il y a un débat qu'on n'a pas fait. Du moment où on est en train de donner au Comité catholique et au Comité protestant de solides moyens pour pénétrer dans toutes les écoles du Québec, il faudrait que, au moins, en même temps, on donne les mêmes moyens à ceux qui défendent l'école neutre et l'enseignement exclusivement moral, et qu'on s'assure que, dans chacune des commissions scolaires, il y ait au moins deux personnes qui soient responsables de s'assurer qu'on respecte le choix des parents, des enfants qui veulent de l'enseignement moral et qu'il y ait un personnel compétent pour ce faire. Il me semble qu'il pourrait au moins y avoir cette contrepartie. On ne peut pas continuer dans cette direction. Je l'ai dit et répété à de multiples reprises.

Le renforcement du caractère confessionnel de l'école est préoccupant surtout dans la mesure où il est écrit dans le règlement que le projet de l'école catholique s'inspire des valeurs et de la morale catholique. Je ne vois pas comment on peut tenir ce discours en parlant de respect des autres. Je l'ai dit et je le répète.

Par ailleurs, on a eu un exemple assez frappant hier lorsque M. Jean-Guy Tremblay - si je me rappelle bien - qui était le porte-parole de l'Association québécoise des conseillers au service de l'éducation chrétienne est venu nous parler d'un sondage qu'ils avaient réalisés, ici, dans deux écoles, à Québec et à Sillery. Il parlait des moyens qu'ils avaient pour aller informer les parents et pour faire le sondage. Il n'y a aucune commune mesure et il n'y a pas en contrepartie des moyens équivalents pour dire aux gens ce qu'ils pourraient réclamer et ce qu'ils pourraient obtenir dans une école qui ne serait pas confessionnelle. C'est ce qui est inacceptable. Les moyens qui sont donnés à ceux qui défendent l'école confessionnelle sont disproportionnés par rapport à ceux qui sont fournis aux autres. C'est pourquoi le ministre dit... Et je comprends qu'il le défende de cette façon. Je respecte ses valeurs également, sauf qu'il faut

être honnête et se dire ici que, bien sûr, la population surinformée et très sollicitée pour un projet d'école catholique répond plus favorablement dans cette direction, parce qu'elle n'a pas l'information, en contrepartie, qui lui permettrait de réclamer le respect de ses droits.

Le système scolaire public ne peut pas être soumis aux diktats d'une majorité, qui ne l'est peut-être pas autant qu'on le croit, au moment où on se parle, sauf qu'elle a des pouvoirs démesurés.

Le ministre parle de la vraie démocratie et dit que nous sommes démocrates, mais une démocratie qui impose ses diktats à la minorité, je ne pense pas que ce soit une démocratie qui soit respectable. Je pense que...

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Ryan: Je n'ai point dit cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, je n'ai pas ici la transcription des débats. Je ne peux donc pas vous dire si vous avez raison ou non. Votre remarque étant faite, je reconnais Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. On trouve l'attitude de certains pays intégristes totalement inacceptable, selon notre conception présumée plus ouverte. Mais lorsqu'on regarde une telle situation dans les faits, on pourrait se retrouver - et, ce n'est pas complètement farfelu ce que je vais dire - dans certaines écoles avec un directeur d'école qui, ayant de plus en plus de pouvoirs, pourrait dicter des conduites et contrôler, dans une classe, si le professeur de français respecte bien la morale chrétienne dans son enseignement. Il y a tous ces pouvoirs dans une école. Moi, je suis comme vous préoccupée du renforcement du caractère confessionnel de l'école. Devant les pressions de ceux qui ont toujours eu ces privilèges, les protestants et les catholiques, la question se pose en toute honnêteté et en toute simplicité: Est-ce que le gouvernement pouvait ne pas leur donner un certain nombre de garanties? Je pense qu'il était un peu beaucoup forcé de le faire, mais il n'était pas obligé d'en ajouter. C'est ce que je reproche à l'actuel gouvernement. Il en a ajouté avec le renforcement du caractère confessionnel des écoles et, cela, il n'était pas obligé de le faire!

Vous avez cité un certain nombre de cas où les parents ou les élèves se voyaient contraints de participer aux cours ou aux activités touchant l'enseignement religieux catholique ou protestant. C'est sûr que les gens qui défendent le droit à l'école neutre, non confessionnelle, ne sont pas équipés pour nous faire mettre plus fréquemment sur la table ces cas qui finiraient peut-être par faire un peu pencher la balance par rapport à ces tendances qui viennent renforcer le caractère catholique de l'école. L'Alliance des professeures et professeurs de Montréal nous apportait en commission parlementaire, la semaine dernière, un exemple de la Belgique, si je ne me trompe. La Belgique donnerait dans des écoles non confessionnelles des enseignements pour toutes les communautés religieuses se trouvant dans son école. Est-ce que vous seriez d'accord avec cela?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Baril.

M. Baril (Daniel): On ne serait pas nécessairement d'accord. Moi, je suis précisément allé voir quelle était la situation en Belgique et c'est tout à fait ce qu'on craint qu'il arrive ici avec la multiplication des cours de religion. C'est-à-dire qu'en multipliant le type d'enseignement religieux, on multiplie le problème confessionnel et on en arrive à des situations où il y a un certain type de ces enseignements si on reste avec l'exemple de la Belgique, où il y a l'enseignement catholique, protestant, juif, musulman et la formation morale. Les gens qui demandent la formation morale... Il faut d'abord dire que c'est la minorité de la population qui est a l'école publique en Belgique. Ces gens qui demandent la formation morale sont encore écrasés par le poids des structures et des mentalités, exactement comme ici. L'option existe depuis plus longtemps qu'ici, mais c'est le même problème d'application qu'on retrouve là-bas. Des enfants, à qui on ne donne pas le choix, à cause d'une prétendue majorité. Des options qui viennent en contradiction avec certains types d'horaire. Pire que cela, il y a certains enseignements religieux qui vont à rencontre des valeurs fondamentales de la société belge. Entre autres, ils ont eu de nombreux problèmes avec l'enseignement musulman à l'école. Qu'est-ce qu'on fait dans une situation comme cela? On va maintenir des privilèges pour deux religions. On va dire aux autres: Non, quant à vous, il y a des affaires qu'on aime plus ou moins. On ne vous permet pas de l'enseigner dans nos écoles. Ce n'est pas une avenue à notre sens.

Le plus loin où on pourrait aller, ce serait de permettre que les écoles servent à cela, mais en dehors de la grille horaire. Cela ne doit pas faire partie du "curriculum" de l'école publique. On ne voit pas pourquoi un enseignant qui est là pour voir à l'instruction des enfants doit, en même temps, voir à la formation de la foi, parce que c'est cela.

Ce qu'on a actuellement et ce qu'il y a en Belgique, ce ne sont pas des cours d'éducation aux valeurs religieuses ou aux valeurs spirituelles au sens très large. Ce qu'on a ici, ce sont des cours rattachés - on l'a démontré dans une partie de notre mémoire - directement à la doctrine catholique et qui visent la formation de la foi.

Donc, qu'est-ce que l'enseignant a à faire là-dedans? En quoi le rôle de financer les gens qui enseignent cela appartient-il à l'État? Multiplier ce type d'enseignement, c'est donc multiplier le problème.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Baril. Mme la députée.

Mme Blackburn: M. le Président, je dois vous avouer que cette idée d'enseignement religieux selon les besoins des élèves dans les classes, selon leur appartenance religieuse m'était apparue séduisante. Mais vos remarques m'amènent à penser que cela pourrait également contribuer à marginaliser. Cela ne règle pas les problèmes d'intégration qu'on connaît particulièrement dans la région de Montréal.

Je suis assez d'accord avec vous, et j'ai eu l'occasion de l'exprimer. C'est pourquoi je me sens peut-être un peu sans réaction devant votre mémoire. L'Église catholique, en particulier - parce que je vais parler de celle-là - s'est sentie faussement rassurée par le privilège qu'elle avait de voir la foi enseignée et perpétuée par l'enseignement dans les écoles. Ce qui n'a pas empêché tous les changements de valeurs qu'on connaît et le fait, par exemple, qu'il y a au moins 40 % - cela doit être plus élevé que cela dans certains milieux - de catholiques qui ne pratiquent plus ou qui ont peu à voir dans leur comportement, dans leur attitude ou dans leurs valeurs avec ce qui est actuellement prêché par l'Église catholique.

J'ai toujours prétendu que l'enseignement de la foi devrait appartenir à la communauté religieuse, entendue dans le sens d'Église et que c'est à cette condition qu'elle sera vivante, fortement imprégnée et dynamique. Autrement, ce sont des privilèges que je trouve douteux et qui finiraient, et qui finiront, je pense, si on n'y prend garde, si on se repose là-dessus, par atténuer, pour ne pas dire voir complètement disparaître toute forme d'engagement religieux. Je pense que ce ne serait pas souhaitable.

Évidemment, quand vous avez des privilèges de cette nature, quand vous vous retrouvez avec le droit reconnu d'être payés avec les deniers publics pour enseigner une religion, j'imagine que cela doit être assez difficile de passer par-dessus ce droit-là et, à un moment donné, du jour au lendemain, de dire: Non, c'est la communauté religieuse qui supporte cet enseignement. Cela pose un problème, mais cela pose, actuellement, plus particulièrement un problème de rapport de forces entre des tendances qui sont moins équipées que d'autres pour faire valoir leurs droits et les faire respecter.

Vous disiez tout à l'heure, en rappelant l'histoire, que l'humanité a toujours dû progresser par contestation, par remise en question des valeurs établies. Cela ne se fait pas autrement. Les discussions qu'on a aujourd'hui, le début, l'amorce de ce questionnement a tout près d'un demi-siècle. Je souhaite seulement que cela ne nous demande pas un autre demi-siècle pour reconnaître que tout ce qui relève d'un service public doit être aussi neutre que possible, au sens des valeurs qu'il véhicule. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre, en guise de conclusion.

M. Ryan: Juste une brève conclusion, M. le Président. J'écoutais la députée de Chicoutimi. Elle nous a dit, à plusieurs reprises depuis le début des auditions: Vous auriez dû appliquer la loi 3, cela aurait été bien plus vite. Là, je l'écoute parler aujourd'hui et je me dis: Ce qu'elle nous dit, ce n'est pas ce qui est dans la loi 3. Ce qui est dans la loi 3, c'est à peu près exactement ce qui est dans le projet de loi 107, sur ces questions-là. Je pense que c'est important de le consigner pour l'information de tout le monde.

Si la députée de Chicoutimi veut changer l'orientation de son parti, on pourra nous en informer par les voies régulières, mais je cite encore un article de la loi 3 qui allait plus loin que le projet de loi 107: "Le conseil d'école peut intégrer dans le projet éducatif de l'école les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière ou de plusieurs confessions." C'est en toutes lettres dans la loi 3. Nous l'avons nuancé dans le règlement que nous avons adopté. Nous avons mis: "dans le respect des droits et libertés individuelles", pas parce que nous étions plus fins que le gouvernement précédent, mais parce qu'on nous l'avait dit, il y a eu une discussion un peu plus élaborée là-dessus. Nous l'avons ajouté, mais il ne faut pas faire semblant d'être surpris aujourd'hui. C'est ce qui avait été inscrit dans une loi qui a été adoptée, il y a à peine trois ou quatre ans.

Nous croyons que ce que nous faisons s'inscrit dans la grande tradition québécoise d'accueil des valeurs religieuses de la population, dans les institutions éducatives. Ce qui ne veut pas dire encore une fois: exclusivisme, rejet de l'autre ou imposition. Il n'est pas question d'imposition là-dedans. Nous l'avons dit clairement et nous verrons à ce qu'il en soit ainsi.

De plus, qu'il y ait des situations particulières, ici ou là, qui demanderont des ajustements et de la vigilance, c'est inévitable. À l'Assemblée nationale, je suis député d'une circonscription qui est à la fois urbaine et rurale et je tiens à déclarer que je suis très rarement saisi de problèmes en relation avec ces choses, parce que les Québécois ont mis au point, à travers les générations, des modes de comportement, des attitudes qui tiennent compte de toutes ces sinuosités du réel, de manière peut-être beaucoup plus subtile que nous ne voulons leur prêter l'aptitude à le faire. C'est là-dessus que le gouvernement s'appuie, sur cette sagesse pratique, fondamentale des Québécois, autant comme parents que comme éducateurs ou comme

administrateurs scolaires ou comme homme ou femme politique, qui les incite à trouver des accommodements pratiques qui traduiront ces choses-là par des modes de fonctionnement qui respecteront à la fois les valeurs auxquelles tient la population. Ne pas les respecter serait un déni de ces valeurs et des valeurs auxquelles peuvent tenir d'autres parties de la population. C'est une philosophie de fond que nous essayons de traduire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci messieurs et mesdames, représentants du Mouvement laïque québécois.

La commission permanente de l'éducation ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 13 h 18)

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