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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 12 mai 1988 - Vol. 30 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les membres de la commission à prendre leur siège et nos invités à occuper les banquettes qui leur sont réservées.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, si nous avons quorum, je déclare ouverte cette séance de la commission permanente de l'éducation qui a pour mandat de procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques dans le cadre de l'étude détaillée des projets de loi 106 et 107, Loi sur les élections scolaires et Loi sur l'instruction publique. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, s'il n'y a pas de remplacement, je vais vous informer immédiatement de l'ordre du jour pour aujourd'hui. Dans un premier temps, nous accueillons ce matin la Commission des écoles catholiques de Québec qui sera suivie par le Mouvement scolaire confessionnel du Québec. Cet après-midi, après la période des affaires courantes, soit vers 15 h 30, nous accueillerons l'Association provinciale des enseignants protestants et vers 16 h 30, le Nouveau parti démocratique du Québec.

Le porte-parole des représentants de la Commission des écoles catholiques de Québec est le président, M. Lucien Flamand. M. Flamand, je vous souhaite la bienvenue officiellement au nom des membres de cette commission et je veux aussi vous remercier d'avoir bien voulu répondre à notre invitation pour venir nous aider à étudier plus en profondeur les projets de loi 106 et 107. La commission a prévu de consacrer une heure aux échanges entre les membres de votre commission scolaire et les membres de la commission permanente de l'éducation. Je me permets de vous suggérer que le temps soit réparti peut-être de la façon suivante: prendre de quinze à vingt minutes pour nous présenter votre mémoire, lequel a déjà été reçu et lu par les membres de cette commission et, après cela, nous pourrons procéder à des échanges entre les membres de la commission et les personnes qui vous accompagnent. Et, pour les besoins du Journal des débats, je vous invite à nous présenter les gens qui nous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. M. Flamand.

Commission des écoles catholiques de Québec

M. Flamand (Lucien): Merci beaucoup, M. le Président. Vous me permettrez de présenter, immédiatement à ma droite, Mme Thérèse Ouel-lette, directrice générale de la CECQ, à ses côtés, M. Marc Desroches, secrétaire général, et, à ma gauche, Me Pierre Jolin, procureur de la CECQ.

Vous me permettrez également, M. le Président, compte tenu du fait que notre mémoire est quand même assez bref, de tout de même en faire la lecture. Cela nous permettra de bien nous situer au point de départ pour permettre de meilleurs échanges par la suite.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.

M. Flamand: La Commission des écoles catholiques de Québec est d'accord avec les positions adoptées par la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec sur le projet de loi 107 et y souscrit. Elle veut de plus exprimer ses vues sur quelques questions.

Tel qu'elle l'a déjà soutenu dans des circonstances semblables à celle-ci, la Commission des écoles catholiques de Québec est favorable à une certaine décentralisation des pouvoirs. Elle considère que cette décentralisation déjà existante devrait s'accentuer de l'État vers les commissions scolaires dans une recherche de l'amélioration des structures démocratiques. Par la suite, la commission scolaire pourrait déconcentrer les pouvoirs vers les écoles de manière à répondre le plus adéquatement possible à leurs besoins.

La Commission des écoles catholiques de Québec voit dans le projet de loi un accroissement de la centralisation des pouvoirs entre les mains du ministre. Qu'il s'agisse de toutes les questions relatives aux territoires des commissions scolaires et à leur nom, ou de leurs possibles démarches de fusion, d'annexion, etc., les commissions n'ont plus le pouvoir d'agir. Dans le projet de loi, leur pouvoir en ces matières se résume à celui de faire des recommandations. Le gouvernement ou le ministre acquerrait ces pouvoirs. Ce sont donc véritablement des dispositions centralisatrices qu'on y trouve comme dans l'ensemble des règlements, directives, listes, normes ou critères qui sont des actions possibles du ministre suivant les termes du projet.

On ne peut négliger le nombre de situations susceptibles d'être traitées par décret. C'est encore là l'expression d'une intention centralisatrice.

De même, il apparaît intéressant de constater que la formule des "droits, pouvoirs et obligations" utilisée par la loi actuelle est

remplacée dans le projet par le mot "fonctions". À l'examen, on constate que ces fonctions sont essentiellement des devoirs et des obligations pour les écoles et les commissions scolaires, et des pouvoirs pour le ministre.

Il apparaît abusif à la Commission des écoles catholiques de Québec que le gouvernement propose un projet de loi limitant ainsi l'autonomie d'autres gouvernements.

La Commission des écoles catholiques de Québec considère donc qu'une structure et des moyens directement ordonnés à la décentralisation devraient être mis en place, une décentralisation qui respecterait l'autonomie des commissions scolaires qui sont de véritables gouvernements locaux élus et représentatifs du milieu.

Le projet de loi dispose très arbitrairement de la capacité qu'a chaque commission scolaire de se donner ses propres modes de fonctionnement et ses propres moyens d'action. Dans le cas du choix et de la détermination des comités que doit prétendument avoir une commission scolaire, l'atteinte à l'autonomie de cette dernière prend très simplement la forme d'une ingérence tout à fait Inacceptable. Pourquoi avoir tous les comités prévus par le projet ou pourquoi n'avoir que ceux-là? Seule chaque commission scolaire peut répondre à ces questions d'une façon adéquate, conformément à sa propre personnalité et à ses propres besoins.

De même, il apparaît à la CECQ que le projet devrait prévoir l'existence et la composition d'un comité exécutif, sans plus. Les textes de la loi actuelle semblent très pertinents. Par ailleurs, les textes proposés par le projet contiennent au moins une hérésie sur le plan administratif en ne donnant au comité exécutif aucun pouvoir correspondant à ses besoins. Le projet ne prévoit-i! pas que c'est le Conseil des commissaires qui doit prendre la décision pour chaque question traitée par le comité exécutif? C'est une règle élémentaire qui veut qu'un mandataire ait les pouvoirs nécessaires pour accomplir ses devoirs et c'en est une autre qui veut qu'on ne crée pas un organisme inutile n'ayant aucun rôle à jouer d'une façon autonome.

Enfin, il apparaît aussi à la Commission des écoles catholiques de Québec qu'il y aurait une difficulté technique certaine pour une commission scolaire dans le fait de pouvoir s'actionner elle-même en justice. C'est la situation embarrassante qui pourrait se présenter si était maintenu le pouvoir d'ester en justice que le projet donne à des comités qui sont des éléments ou, si l'on préfère, des parties de la commission scolaire. Il semble que ce pouvoir ne peut pas exister et qu'en conséquence les dispositions s'y rapportant devraient être retirées du projet.

Le projet de loi traite du caractère confessionnel de certaines commissions scolaires, dont la Commission des écoles catholiques de Québec, sur une base territoriale. Dans le projet de loi, ce ne sont pas des principes en rapport avec la confessionnalité ou, d'une façon plus large, avec les droits des personnes qui s'appliqueront, mais des règles de définition de territoire. Tout en le déplorant, la Commission des écoles catholiques de Québec fait donc valoir ses vues sur la question en s'appuyant sur la notion de territoire. Mais elle insiste pour exprimer qu'elle le fait bien à regret.

En premier lieu, la Commission des écoles catholiques de Québec constate que, par l'application des articles 97, 107 et 108 du projet, entre autres, tout est en place pour qu'elle puisse se retrouver dans une situation semblable à celle que lui ménageaient des projets de loi antérieurs en lui imposant ses limites territoriales de 1867.

De même, il sera possible et peut-être même inévitable que quatre territoires de commissions scolaires se recouvrent là où existent des commissions scolaires confessionnelles. Le choix étant laissé au contribuable de payer ses taxes à l'une ou l'autre commission scolaire et, s'il a un enfant, de faire fréquenter par ce dernier une école de l'une ou l'autre commission scolaire, un important facteur d'incertitude quant à l'existence de chacune de ces commissions scolaires est mis en place.

On invoquera sans doute la possibilité de conclure une entente entre ces deux, trois ou quatre commissions scolaires pour permettre une offre de service convenable. On peut alors se demander ce que penserait le père de la situation voulant qu'à la suite d'une entente de service son enfant se trouve dans une école gérée par la commission scolaire dont il ne voulait pas.

Outre ces considérations de dispositions devant être à la source de problèmes, il y a lieu pour la Commission des écoles catholiques de Québec de faire valoir son point de vue sur sa propre existence et cela, en termes de sa propre survie.

Considérant le principe de base de détermination d'une commission scolaire mis de l'avant par le projet, c'est-à-dire l'entité territoriale, la Commission des écoles catholiques de Québec fait ses représentations pour assurer l'intégrité de son territoire. Elle le fait en considération de son territoire actuel, faisant l'hypothèse qu'une seule commission scolaire linguistique se retrouverait sur le même territoire. La mise en place d'une commission scolaire linguistique sur le même territoire que la commission scolaire confessionnelle aurait pour effet majeur de réduire à un niveau difficilement acceptable les ressources redistribuées dans les deux organismes. On pense alors à deux commissions scolaires ayant un niveau de ressources à peine acceptable pour l'enseignement, l'animation et le soutien pédagogique, l'encadrement administratif. On sait très bien, administrativement parlant, que deux petites entités parallèles ne peuvent avoir la même efficacité qu'une seule entité formée de la somme des deux premières. Il y aurait une baisse des ressources financières disponibles, au total.

Par ailleurs, surgiraient des difficultés

considérables d'organisation des services destinés aux enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, cela, en raison même du petit nombre d'enfants dans les écoles de deux commissions scolaires superposées. Certains enfants ont besoin de se retrouver dans des classes à effectifs réduits avec un personnel spécialisé pour ne pas subir ce qui serait pour eux une intégration sauvage dans des classes régulières. La diminution radicale de la clientèle à la suite de son partage entre les écoles de deux commissions scolaires compromettrait l'existence de services diversifiés de qualité qu'offre la CECQ à ce type de clientèle.

Des services disparaîtraient nécessairement, comme la rééducation du langage au préscolaire et le service d'orthophonie au primaire, par insuffisance de ressources financières. Les ressources humaines affectées à l'animation pédagogique, à l'aide aux enseignants, à la conception de documents pédagogiques de support, au développement dans les secteurs de la pédagogie, de l'encadrement des élèves, aux services psychologiques, d'orientation et de réinsertion scolaire et sociale, etc., subiraient forcément une diminution radicale et cela toujours en conséquence d'un partage des ressources financières entre deux commissions scolaires.

Les écoles secondaires de la CECQ sont déjà de petites unités, c'est-à-dire entre 200 et 800 élèves. Il y a polyvalence du réseau par complémentarité et l'interdépendance des établissements est déjà requise. Dans ce contexte, il est impossible de croire sérieusement que puissent exister deux réseaux, l'un confessionnel et l'autre linguistique.

En somme, l'analyse mène la CECQ à penser que l'hypothèse de deux commissions scolaires sur le même territoire ne pourrait que signifier une diminution en importance et en valeur de chacune des commissions scolaires. Elle ne pourrait entraîner qu'un appauvrissement généralisé, tant au point de vue des ressources humaines et financières disponibles pour les écoles, qu'au point de vue des possibilités d'échanges et de développement pour toute la commission scolaire actuelle.

Bien sûr, on objectera inévitablement l'existence de la possibilité de conclure des ententes de services pour minimiser les inconvénients et les dysfonctionnements. Mais alors pourquoi procéder à une subdivision des services si l'on veut les offrir tous à tous?

Le caractère confessionnel de la CECQ dans un ensemble autre qui est défini comme étant linguistique dans le projet ne pose pas que ces difficultés. Il en est d'autres qui sont inhérentes au caractère confessionnel lui-même. Il ne faut pas oublier que la Commission des écoles catholiques de Québec a un droit consacré et figé par l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est un droit qu'elle n'a pas le droit de ne pas exercer car son droit garanti et protégé d'être confessionnelle constitue une obligation de l'être.

Par ailleurs, les commissaires de la Commission des écoles catholiques de Québec, déjà en 1981, constataient qu'elle est de fait une commission scolaire qui gère des écoles confessionnelles qui sont non seulement publiques mais aussi communes puisqu'elles sont ouvertes à toute la population. Ces écoles sont catholiques et reçoivent des élèves qui ne sont pas de cette allégeance religieuse depuis que se diversifient les croyances et que s'est installée une forme de pluralisme dans notre société.

Les travaux de nos commissaires les amenaient à opposer une confessionnalité ouverte aujourd'hui à ce qui fut une confessionnalité stricte autrefois. Ils le faisaient d'autant plus volontiers que leur attitude ne consistait qu'à reconnaître et accepter une situation de fait tissée dans le quotidien de la vie des écoles. Les commissaires n'ont pas changé d'attitude ni de position devant la situation qui a continué d'évoluer dans le même sens.

La CECQ ne peut donc que souhaiter que soit clarifiée sa propre situation et que disparaisse l'ambiguïté inscrite dans cet état de fait. Non seulement veut-elle continuer de recevoir des élèves catholiques et autres, mais elle désire tout autant que de gérer des écoles catholiques gérer des écoles autres. Elle affirme sa capacité de gérer des établissements modifiés.

Il apparaît bien évident qu'une simple superposition de territoires, en plus de générer les problèmes dont il fut fait mention plus haut, permettrait que se perpétue la situation ambiguë de la commission. Elle demande donc que si des dispositions nouvelles doivent nécessairement être mises en place, ce soient des dispositions qui tiennent compte de sa réalité et non seulement d'une définition législative ou juridique.

Voilà donc, M. le Président, l'essentiel de nos propos. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. (10 h 30)

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. Flamand. De façon à ne pas perdre de temps, j'invite immédiatement le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science à prendre la parole. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du mémoire de la Commission des écoies catholiques de Québec que vient de lire M. Flamand. J'aurai quelques commentaires à faire sur la teneur du mémoire et, ensuite, j'adresserai une couple de questions à la délégation de la CECQ.

Mes commentaires seront de deux ordres. Tout d'abord, il y a une partie importante du mémoire qui traite du partage des pouvoirs entre le ministre et le gouvernement, d'une part, et les commissions scolaires, d'autre part. En lisant le mémoire, j'ai eu l'impression que la lecture n'a

peut-être pas été faite au même niveau de perception. Je ne sais pas si la Commission des écoles catholiques de Québec ne s'est pas laissée entraîner dans certaines conclusions qui dépasseraient la portée exacte des choses qui sont contenues dans la loi.

Je prends un exemple. Vous soulignez qu'on parle, à propos des commissions scolaires, de fonctions plutôt que de droits, de pouvoirs et d'obligations et, à propos du ministre, de pouvoirs plutôt que d'obligations. Je soulignais, hier, à des anglo-protestants qui sont venus nous voir que lorsqu'on parle des commissions scolaires, on parle de "functions" et quand on parle du ministre on parle de "duties", devoirs. Cela ne change rien, parce que c'est le texte des articles, vous le savez comme moi, qui va déterminer s'il s'agit de devoirs, d'obligations, de prérogatives, de pouvoirs ou d'attributions.

Dans l'ensemble, si on lit attentivement les dispositions relatives autant au ministre et au gouvernement qu'aux commissions scolaires, on trouve des dispositions qui contiennent tantôt des obligations, c'est tout à fait normal, et tantôt des droits et des pouvoirs, ce qui est non moins normal. Si vous lisez attentivement les passages relatifs aux commissions scolaires, je pense que vous serez obligés, en bonne logique, de tirer cette conclusion, comme je suis obligé de tirer la conclusion en ce qui touche le ministre et le gouvernement, qu'il y a des deux. C'est l'objet même du projet de loi. Il essaie d'effectuer ou d'établir un équilibre qui sera satisfaisant.

Par rapport à la situation actuelle, j'ai établi à bien des reprises, depuis le début des audiences, que les seuls changements qui sont proposés en faveur de pouvoirs ou de responsabilités accrus du côté du ministre ou du gouvernement sont des changements dictés par l'expérience, non pas par le caprice. Je prends un exemple... En ce qui touche la formation professionnelle, nous avons fait ensemble, au cours des dernières semaines, l'exercice de la carte des enseignements professionnels pour l'année 1988-1989. Vous savez aussi bien que moi qu'en fin de compte, il fallait qu'une autorité tranche les situations conflictuelles, les situations qui n'avaient pas pu se résoudre par le jeu de la concertation entre les commissions scolaires, d'une part, et la direction régionale du ministère de l'Éducation, d'autre part. Nous savons que dans la région 03 où se situe votre commission scolaire, il y a eu beaucoup de situations qui ont entraîné des recours très nombreux au niveau du ministre pour que, finalement, les choses soient tranchées. Nous avons tout fait pour que le gros des décisions se prenne par le jeu de la concertation. Je pense bien que dans le cas de la CECQ, au-delà des 9/10 des options qui lui ont été attribuées ont découlé de ce jeu de concertation qui s'est fait, mais il y avait l'autre 1/10 où il fallait trancher. Si vous êtes prêt à me dire, ce matin, qu'il ne faudrait pas que cela se fasse comme cela, j'aimerais vous entendre.

Un autre problème se pose pour nous. Vous parlez des territoires. À un moment donné, vous dites: Les commissions scolaires auront seulement le rôle de préparer des papiers et de soumettre cela pour approbation. Je pense bien qu'on ne peut pas laisser les commissions scolaires jouer avec les limites des territoires, pas pius qu'on peut laisser les municipalités jouer avec les limites des territoires. Il peut arriver à un moment donné qu'on désire qu'un territoire faisant partie d'une municipalité soit annexé à une autre municipalité. Des procédures sont prévues par la loi, mais en fin de compte, c'est le gouvernement qui doit donner l'autorisation de le faire.

Dans le projet de loi sur l'instruction publique, c'est la même chose, avec une différence: Là où il y a projet d'intégration, le ministre ne peut pas décider d'autorité que l'intégration va se faire dans un endroit, c'est la politique du gouvernement de souhaiter et de favoriser l'intégration de l'enseignement primaire et secondaire. Il faut qu'il y ait une démarche des commissions scolaires concernées. Il faut que cela parte d'elles. Si vous avez une commission scolaire régionale qui compte cinq commissions scolaires dont quatre veulent faire leur intégration et dont une cinquième ne le veut point, dans l'état actuel des choses, la cinquième a un droit de veto quasi perpétuel sur la démarche de l'intégration. On nous a demandé, depuis deux ans, de trouver un mécanisme qui permette de vaincre l'impasse, et le mécanisme que nous avons trouvé, c'est que lorsqu'il s'agira de discuter du partage des actifs et des passifs, en cas de litige invincible entre les commissions scolaires concernées, le ministre pourra trancher. Actuellement, on se sert de cela pour empêcher l'intégration dans plusieurs régions. C'est évidemment un nouveau pouvoir qui vient s'ajouter à ceux que détenait le ministre, mais qui nous apparaît dicté par l'expérience vécue des dernières années et par toute vision le moindrement logique et cohérente de ce que doit être le fonctionnement de notre système.

En matière de pouvoir d'enquête, il y a des choses qui scandalisent un peu - vous n'en parlez pas dans votre mémoire - on trouve que cela va trop loin. Nous pensions aller moins loin. Vous disiez en toute candeur: Peut-être avons-nous été naïfs là-dessus, ou superrusés, je ne sais pas trop. Le ministre a le pouvoir d'instituer une enquête ou une vérification dans une commission scolaire, si des faits sont portés à son attention, c'est dans la loi actuelle, cela reste. Il arrive qu'on déclenche une enquête à propos d'une décision qui a créé une situation explosive. J'ai vu des cas où l'enquêteur se trouve aux prises avec une situation où la commission scolaire dit: On applique notre décision quand même. C'est cela qui a donné lieu à l'explosion, c'est à l'origine de l'enquête. On dit: II aurait le

pouvoir de demander que soit suspendue la mise en œuvre de la décision pendant que l'enquête dure. Cela me semblait d'une logique élémentaire. Mais c'est beaucoup moins pire que la tutelle.

Si des commissions scolaires nous disent d'une manière à peu près unanime: On aime mieux que vous laissiez peser la menace de la tutelle, qu'il n'y ait pas ce recours intermédiaire. Je l'ai dit à d'autres auditions publiques de la commission. C'est une chose qu'on est prêts à considérer, c'était mis là pour faciliter le bon fonctionnement du système, et si tout le monde trouve qu'on s'est trompé là-dessus, je n'ai pas d'objection. Je pourrais continuer indéfiniment.

J'aimerais - ce sera ma première question tantôt - que vous me donniez des précisions, il y a peut-être des modalités d'application qui demandent à être révisées, mais je doute personnellement que le grand équilibre du partage d'attributions proposé dans le projet de loi puisse être conçu autrement dans l'état actuel des choses, dans une situation où 92 % à 94 % des ressources financières des commissions scolaires proviennent de subventions gouvernementales dont l'Assemblée nationale et le gouvernement doivent rendre compte.

Dans le cas de la Commission des écoles catholiques de Québec, le montant annuel des subventions pour la présente année va aller chercher au-delà de 65 000 000 $. On ne peut pas laisser aller cela librement comme cela. Il faut que le gouvernement sort équipé pour rendre des comptes. Et, pour cela, il faut qu'il soit équipé pour en demander aussi. Je ne vois pas de solution à ce problème-là. On peut bien faire des théories à distance, mais je ne vois pas, dans la pratique, comment on peut éviter d'avoir un système de contrôle qui est assez bien établi et assez raffiné finalement. Nous en avons un excellent actuellement qui nous a permis d'établir une situation financière très saine et le gouvernement n'est pas prêt à l'abandonner. Si vous avez des choses à nous dire... Il y a peut-être tel ou tel contrôle particulier qui peut être mis en cause, mais on est en discussion perpétuelle avec les commissions scolaires là-dessus et on ne cesse d'affiner les mécanismes de relation de manière que les rapports soient les plus harmonieux possible.

Deuxième point, le statut confessionnel de la CECQ. Vous nous parlez de la difficulté d'envisager deux commissions scolaires sur le territoire de la CECQ. Je comprends très bien les difficultés que vous évoquez dans votre mémoire. Je n'ai pas de solution immédiate à ces difficultés-là. J'en prends note. Tout dépendra de la manière dont l'opinion publique évoluera et dont les citoyens et le gouvernement prendront leurs responsabilités aussi en temps utile. Mais je vais vous poser une question aussi là-dessus.

J'en viens tout de suite à mes deux questions. Je vais peut-être commencer par la confessionnalité vu que je ne veux pas prendre trop de temps pour continuer de commenter. On pourrait en parler longtemps. Je vais vous dire ceci. Que souhaiteriez-vous avoir à Québec? Vous nous émettez des difficultés. Les commentaires que vous nous donnez font un petit peu bec fin. Mais je vais vous demander carrément: Qu'est-ce que vous souhaiteriez avoir? Qu'est-ce qui serait le régime scolaire, à Québec, qui répondrait le mieux aux besoins de la population à l'aube du XX!e siècle?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Flamand.

M. Flamand: M. le Président, si vous me permettez de répondre immédiatement à M. le ministre. Comme il semble préférer qu'on réponde tout de suite sur la question de la confessionnalité, je vais commencer par cette question-là. Je pense qu'on l'a dit assez clairement et depuis plusieurs années que la CECQ souhaite obtenir un jour le pouvoir d'administrer des écoles publiques, tout simplement. Et que ces écoles-là se définissent, comme il est prévu d'ailleurs dans les règlements du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, que ces écoles obtiennent un statut d'écoles catholiques. Mais, à notre avis, il n'est pas nécessaire que la structure de la commission scolaire soit catholique. Je pense que les parents, les élèves ont cette garantie d'obtenir dans leur école un statut catholique. Et c'est ce qui nous préoccupe. Et c'est la raison pour laquelle nous désirons depuis tant d'années obtenir le pouvoir d'administrer des écoles autres. Nous pensons qu'il y a une possibilité, une certaine ouverture dans le projet de loi. Si on pouvait en avoir une garantie dans la loi. Nous pensons que le gouvernement pourrait décréter, en s'appuyant sur la définition des territoires, que le territoire de la Commission des écoles catholiques de Québec est en même temps un territoire de commission scolaire linguistique francophone et il y a déjà des projets de fusion. La Commission des écoles catholiques de Québec pourrait être aussi la commission scolaire linguistique francophone sur le territoire actuellement desservi par la CECQ.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors...

M. Flamand: Je pourrais, M. le Président, si vous permettez, répondre aux autres questions de M. le ministre ou...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que le ministre aimerait réagir à cette première question?

M. Ryan: Non, mais j'aimerais formuler mon autre question de manière que cela vous permette d'y répondre avec plus de précision, M. Flamand, si vous me le permettez. Je ne l'ai pas formulée encore. Je sais que vous avez l'esprit clair. Vous êtes capable de répondre sans même qu'on pose la question.

La question que je vous poserais serait la suivante. Sur le premier point, vous m'avez donné une réponse claire qui me satisfait, et j'ai une sous-question, par exemple. Vous, à supposer qu'on n'ait pas clarifié comme il faut les difficultés que vous évoquez dans votre mémoire dont je conviens qu'elles ne sont pas irréelles, est-ce que vous trouvez que ce serait une chose concevable que, pendant une période de transition, votre commission scolaire continue d'exister comme elle est sans qu'on vienne lui superposer une commission scolaire linguistique en attendant que les choses aient été clarifiées?

M. Flamand: C'est exactement ce qu'on demande, M. le ministre.

M. Ryan: Très bien.

M. Flamand: On ne voit pas la nécessité d'une deuxième création, même d'un conseil provisoire, tant qu'il n'y aura pas de décision finale.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alliez-vous préciser, M. Flamand?

M. Flamand: Je me dis que si on était une commission scolaire mal administrée, peut-être que le ministre pourrait penser à cela, mais je ne pense pas que ce soit le cas. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on n'a pas soulevé les pouvoirs que le ministre se donnait en matière d'enquête parce que cela ne nous inquiétait pas. On est transparent, et que le ministre vienne voir ce qui se passe à la CECQ, cela ne nous dérange pas du tout.

M. Ryan: Au contraire, vous m'invitez toujours à le faire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Je pense bien que, de ce côté-là, vous pouvez présumer que mon avis au sujet du travail de la CECQ est très favorable. On a eu d'excellentes rencontres ensemble. Je pense que les rapports sont empreints de collaboration, et je m'en félicite. J'en viens à ma deuxième question, M. Flamand. La dernière partie de votre réponse m'a satisfait également. Je vous dis cela entre parenthèses. Cela m'a satisfait et cela rejoint ce que vous aviez déjà dit en commission parlementaire, il y a deux ou trois ans. Ma deuxième question, c'est la suivante: Sur les pouvoirs essentiels, je ne parle pas des petites vétilles à gauche et à droite, mais les pouvoirs de fond, lesquels verriez-vous qui devraient être transférés aux commissions scolaires dans ceux qui sont définis dans le projet de loi ou dans ceux qui existent actuelle- ment? Est-ce qu'il y en a réellement?

M. Flamand: M. le Président, si vous me le permettez. C'est justement la question pour laquelle M. le ministre disait que j'avais compris la question avant qu'il la pose, mais dans ses interventions du début, je voyais où il voulait en venir. Sans noter tous les pouvoirs qui sont prévus dans la loi, vous me permettrez d'en noter quelques-uns. Qu'il s'agisse, par exemple, de la création de tous les comités, pourquoi obliger une commission scolaire à créer des comités? Qu'on donne le pouvoir à la commission scolaire de le faire et selon les particularités locales, les commissions scolaires se doteront - en tout cas, en ce qui nous concerne, je ne veux pas parler pour les autres... Mais en ce qui nous concerne, je pense qu'on est capables de se donner les comités dont on pense avoir besoin. C'est ce qu'on a toujours fait depuis plusieurs années. Quand on a amené dans la loi l'obligation d'avoir des comités d'école et des comités de parents, nous avions déjà, chez nous, instauré un système qui nous permettait des rencontres avec les parents. On a toujours devancé dans ce sens-là. Je pense que l'exemple le plus récent, c'est le ministre lui-même qui vient de nous le donner, il y a quelque temps, par son plan d'action pour améliorer la qualité du français. Je pense que le ministre ne s'est pas donné un pouvoir, mais il a donné une orientation, une indication aux commissions scolaires. C'est pourtant un plan d'action qui a un impact direct sur les élèves et sur le quotidien de nos écoles. Pourtant, cela a été bien reçu par les commissions scolaires. Comme M. le ministre l'a vu, déjà, à la CECQ, nous avions mis en place des moyens qui correspondent exactement à ce que le ministre a prévu dans son plan d'action. (10 h 45)

Le ministre aurait certains autres pouvoirs dans le projet de loi, lesquels, à mon avis, sont une forme d'ingérence. M. le ministre parlait tout à l'heure des options professionnelles et de l'intégration. Je conçois qu'il ait ces pouvoirs au gouvernement pour, en fin de compte, trancher des questions conflictuelles, mais je pense, à prime abord, que les commissions scolaires devraient avoir la possibilité de se concerter et de s'entendre entre elles pour poser des gestes, et, s'il y a effectivement mésentente, ce n'est qu'à ce moment-là que le ministre, au gouvernement, pourrait intervenir.

On pourrait citer des articles en particulier. Je pense par exemple aux articles 413 et 423 où le ministre se donne des pouvoirs qui font disparaître les supposés pouvoirs accordés aux commissions scolaires. L'article 108 dit que le gouvernement peut, par décret, modifier les limites du territoire d'une commission scolaire confessionnelle. On nous donne un semblant do garantie dans la loi et, dans un autre article, on nous dit que, par décret, on peut défaire tout ce qu'on a vu ailleurs dans d'autres articles. C'est

ce genre de pouvoir qui nous apparaît arbitraire et dangereux.

M. Ryan: Je vais réagir brièvement à ceci. En ce qui regarde la création de comités dans !es commissions scolaires, nous l'avons inscrit dans le projet de loi, les comités prévus n'ont pas tous la même nécessité. Certains sont peut-être plus nécessaires que d'autres; c'est une chose que nous allons regarder. On ne tient pas à vous l'imposer de force.

Dans le cas du comité sur les élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, je pense qu'on tiendra plus à celui-là étant donné les besoins très particuliers de cette catégorie d'élèves. Je pense que cela peut être utile. La composition du comité pourra être réexaminée et une marge de souplesse pourra peut-être être laissée aux commissions scolaires. C'est un point sur lequel il y aurait lieu d'insister. Il y en a d'autres que nous allons examiner. C'est un point qui est, comme on dit, négociable.

Le plan d'action pour le renforcement du français, cela va de soi. Je pense que les pouvoirs du ministre ne sont aucunement accrus dans ce domaine. Comme vous l'avez très judicieusement souligné, je pense que ce plan d'action illustre très bien la manière dont fonctionne de facto le ministère de l'Éducation dans ses rapports avec les commissions scolaires. On a mis un an à mettre au point un plan qui mettrait justement l'accent sur la responsabilité à partir d'en bas. Je pense qu'on a réussi dans ce cas-là. Cela a été difficile et cela a demandé beaucoup de travail, mais, finalement, je suis bien content, tout comme vous, de la manière dont c'est perçu parce qu'on a vraiment compris le sens de la démarche. J'apprécie hautement que vous l'ayez souligné.

Dans le cas des options professionnelles, en particulier, il y aurait peut-être moyen de nuancer - ce que vous dites est assez juste, à mon humble point de vue - et de dire, en dernière analyse, quelque chose comme cela parce que, comme c'est formulé, cela pourrait permettre au ministre de dire une bonne journée: Là, j'établis la carte partout au Québec et arrangez-vous avec cela. Ce n'est pas du tout l'esprit du gouvernement. S'il y a lieu de nuancer et de dire, par exemple: En dernière analyse, il établit... Il y a des choses qui peuvent être envisagées pour rejoindre la préoccupation que vous exprimez. En ce qui regarde l'intégration, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose à ajouter.

Je souligne brièvement l'article 108. Lorsqu'on traite des commissions scolaires linguistiques, il est bien dit que le gouvernement peut modifier les frontières des commissions scolaires, mais toujours sur requête des commissions scolaires, une fois qu'elles sont établies. Cela ne peut pas se faire unilatéralement. Dans le cas des commissions scolaires confessionnelles, c'est différent, vous avez raison. Cela fait partie des questions qui seront référées à la Cour d'appel.

On le met là justement pour que cela puisse être référé à la Cour d'appel. On ne le sait pas du tout pour l'instant. Mais, pour l'instant, comme vous le savez, on maintient les frontières des commissions scolaires confessionnelles dans l'état actuel et non pas dans l'état où elles étaient en 1867 comme le faisait la loi 3.

Ici, on l'a mis justement pour avoir une prise pour pouvoir poser une question à la Cour d'appel. Dans l'ensemble des cas, sous le régime que veut instituer le projet de loi, il n'y aura pas ce pouvoir unilatéral, ni du ministre ni du gouvernement. Il faudrait que des résolutions en bonne et due forme émanent des commissions scolaires.

On pourrait continuer longtemps. S'il y a d'autres exemples - cela n'en fait pas beaucoup sur ma liste - on va être très intéressés à en prendre connaissance et à les discuter à nouveau avec vous. Vous savez qu'on est ouvert en tout temps à discuter de ces choses. J'apprécie le caractère direct et franc des réponses. J'en suis très satisfait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, M. Flamand, Mme la directrice générale, messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire, au nom de l'Opposition.

J'ai lu avec intérêt votre mémoire, il est franc, droit. Il présente de façon très claire et assez brève et concise l'essentiel de vos positions. Vous abordez le projet de loi sous deux de ses aspects, c'est-à-dire celui du partage des pouvoirs qu'on appelle la responsabilisation des différents intervenants et celui des structures.

En ce qui concerne le caractère plutôt centralisateur du projet de loi, nous partageons entièrement votre avis là-dessus parce que la centralisation que j'appelle excessive au sein de l'appareil gouvernemental, soit par les pouvoirs de réglementation, les pouvoirs de faire des décrets, détenus soit par le ministre ou par le gouvernement, déresponsabiiise en quelque sorte les intervenants mais les empêche également d'appliquer des solutions plus concrètes et mieux adaptées aux besoins de leur collectivité.

Nous avons tenté d'examiner le projet de loi 3 sous trois de ses aspects, celui de la modernisation des structures, celui du partage des pouvoirs, la responsabilisation, également celui de l'accessibilité. Nous avons fait cet exercice en comparant évidemment avec la loi actuelle mais également avec la loi 3 parce que la loi 3 qui a été jugée inapplicable en raison des articles qui portaient sur la structure constituait dans ses autres dispositions un progrès considérable en ce qui touche à la fois

la décentralisation et à la fois l'accessibilité et la démocratisation.

Vous comprendrez que pour nous le projet de loi qui est sur la table, le projet de loi 107, est une version plutôt ratatinée, si vous me passez l'expression, du projet de loi 3, je dirais sous tous ses aspects, mais plus particulièrement, en ce qui concerne la responsabilisation et l'accessibilité. C'est une question que vous avez peu ou pas abordée dans votre mémoire. Ce qui nous préoccupe considérablement, c'est le fait qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi ce qu'on avait dans la loi 3 parce qu'il faut se rappeler que la loi 3 n'était pas une vague promesse électorale mais un projet de loi dûment adopté par la Chambre.

N'eût été le jugement Deschênes qui a invalidé toute la loi à cause de quelques articles, les jugements antérieurs voulaient qu'on invalide les articles litigieux et non pas l'ensemble des dispositions. Le juge en a décidé autrement. N'eût été cette décision du juge, la ioi actuelle donnerait aux commissions scolaires la responsabilité d'offrir gratuitement l'éducation aux adultes qui veulent terminer un secondaire.

Ce serait la situation actuelle. La ioi 3 ferait obligation aux écoles d'organiser des services de garde. La loi 3 vous permettrait d'exiger, comme commission scolaire, les ressources nécessaires pour ce faire, mais, en même temps, les ressources nécessaires pour donner les services complémentaires et les services particuliers parce qu'ils étaient décrits dans la loi 3. Tout cela disparaît de la loi 3.

Je me rappelais - je fais une digression - au moment où M. Rocard a été nommé premier ministre français, cette semaine, au moment où il est venu au conseil national du Parti québécois, il disait, en parlant des orientations qu'on devait se donner dans les États, d'essayer de mettre un peu de futur dans le présent. J'ai plus l'impression qu'on met beaucoup de passé dans le présent et que cela manque de souplesse et d'adaptation à la réalité d'aujourd'hui.

Dans votre mémoire, et je n'insisterai pas là-dessus, le ministre utilise beaucoup l'exemple des enseignements professionnels et de l'éducation des adultes en pariant de la centralisation. Je pense que c'est particulièrement sur ces deux exemples que je trouve discutables les pouvoirs du ministre parce qu'ils viennent déterminer de Québec tout ce qui est bon pour le Québec et les bonnes idées, en dépit du fait qu'on va reconnaître qu'il y en a quelques-unes qui sont bonnes sûrement et même excellentes, mais elles ne s'appliquent pas avec le même bonheur partout. C'est cette souplesse qu'on n'aura plus avec le projet de loi. Là-dessus, je vous le reconnais. Là-dessus, si le ministre accepte de répondre à ma question, je voudrais l'entendre. Il justifie la multitude et les multiples contrôles a priori et a posteriori en disant: On paie 95 % de ia note, on doit contrôler. Moi, je dis: Bien. Si c'est cela le jugement du ministre, qu'il donne les mêmes structures pour gérer le réseau scolaire, qu'on a pour gérer le réseau hospitalier, des conseils d'administration.

À quoi servent les commissions scolaires, un gouvernement local élu, du moment où vous le traitez comme un simple conseil d'administration d'hôpital? Je pense que cette question se pose parce que le ministre a dit: Écoutez, il reste beaucoup de pouvoirs dans les commissions scolaires, elles peuvent engager, les hôpitaux aussi engagent, ils peuvent décider de leurs politiques internes de gestion de personnel en respectant les conventions collectives. Les hôpitaux le font aussi. Tous les exemples que le ministre donne, cela se fait très bien dans un centre hospitalier, dans un CLSC, dans un collège et c'est géré par un conseil d'administration. On justifie cette intervention de l'État dans ces établissements parce que ce ne sont pas des élus qui dirigent. Du moment où il y a des élus, on peut prétendre qu'ils devraient détenir plus de pouvoirs et non pas l'inverse, être soumis aux mêmes contraintes que les organismes qui ne sont pas gérés par des élus.

Je pense que le discours du ministre là-dessus est faible, il faut le reconnaître. Il n'est pas vrai que parce qu'il y a eu certains cas sur lesquels le ministre a été obligé d'intervenir, il faut absolument faire une règle générale. Je me suis toujours opposée à cela parce que je crois vraiment aux qualités et à la valeur de la décentralisation comme étant génératrice de dynamisme, de créativité et d'efficacité. Là-dessus, je vous rejoins à 100 %, je dirais même à 200 %. J'aimerais quand même vous entendre brièvement sur les structures scolaires parce que ce n'est pas tout à fait clair pour moi. Je dois dire que votre position - et c'est à votre honneur - est beaucoup moins tranchée, beaucoup moins radicale, et beaucoup moins exclusive que celle de la CECM. Je pense qu'on peut le dire, je le redis, d'ailleurs. Dans ce sens, je pense que c'est beaucoup plus adapté à la situation actuelle.

Cependant, vous dites: On pourrait gérer en même temps une commission scolaire confessionnelle, et une commission scolaire linguistique. C'est à peu près cela. On pourrait être à peu près les deux. Je trouve l'idée peut-être séduisante, applicable ici. Ce n'est pas fou. Ce n'est pas complètement dénué d'intérêt, mais je me demandais d'abord... En matière de transition, la transition ne vous concerne pas parce qu'aussi longtemps que l'article 93 ne sera pas abrogé ou modifié, il n'y a pas de conseil provisoire en ce qui vous concerne, si j'ai bien lu la loi. Cela ne peut pas vous concerner dans le sens qu'on ne peut pas vous toucher aussi longtemps que le jugement n'est pas rendu. Si le jugement était rendu, on pourrait établir des commissions scolaires linguistiques, mais les commissions scolaires confessionnelles demeureraient. (11 heures)

Je vois que vous hochez de la tête. Vous

pourriez peut-être me dire si j'ai tort ou raison. Ce n'était pas vraiment l'objet de la question. L'objet de la question. L'objet de la question est le suivant: Si vous pouviez gérer deux réseaux, l'un confessionnel parce que c'est le vôtre, parce que c'est celui qui vous fait obligation d'avoir des écoles confessionnelles et vous n'avez pas besoin de déclaration de statut d'école confessionnelle, c'est automatique, c'est en vertu des obligations qui vous sont faites... Que penseriez-vous si, en même temps qu'on crée par la loi, par le règlement du comité catholique et du comité protestant, des postes dont les fonctions visent à s'assurer que le caractère confessionnel de l'école est respecté dans toutes ses dispositions - manuels, enseignement, etc. - on avait au moins l'équivalent de soutien en personnel et en moyens pour veiller à ce qu'on respecte ceux qui font des choix autres? On me dit qu'à la CECM, au niveau secondaire, c'est plus de 50 % des parents ou des enfants, selon le cas, qui demandent à être exemptés de l'enseignement religieux et qui choisissent l'enseignement moral. Alors, est-ce que cela ne serait pas parce que... Ce qu'on entend souvent ici et c'est également mon avis, c'est que les moyens mis à la disposition du comité catholique et du comité protestant au sein des commissions scolaires et dans la structure du ministère sont des moyens très puissants comparativement à l'absence totale - je dis totale, à l'exception de la petite formule "je ne veux pas avoir d'enseignement religieux" - de moyens mis à la disposition de ceux qui réclament l'enseignement moral.

M. Flamand: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, je permets.

M. Flamand: ...de répondre à la question de Mme la députée de Chicoutimi. Il y a plusieurs éléments dans votre intervention. Quant à la structure, il faut bien se rendre à l'évidence que, de toute façon, aujourd'hui, avec les dispositions de la loi, on pourrait se retrouver dans une école dite catholique où il ne s'y fait pas d'enseignement religieux catholique pour la simple et bonne raison qu'à partir du choix des parents ou des élèves, on pourrait retrouver une école où tous les élèves ont choisi l'enseignement moral. Si on est capable d'administrer ce type d'école, on pourrait aussi administrer une école qui n'a pas de reconnaissance confessionnelle.

Quant aux équipements, aux outils de travail et à la répartition entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral, je demanderais à la directrice générale qui a les chiffres en main de vous dire exactement ce qu'il en est.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Ouellette (Thérèse): M. le Président, très brièvement, à la Commission des écoles catholiques de Québec, au primaire, nous avons 14 % de nos élèves dont les parents ont demandé les cours d'enseignement moral et, au secondaire, 29 % de nos élèves sont inscrits aux cours d'enseignement moral.

Mme Blackburn: Comment est-ce réparti au niveau secondaire, parce qu'on prétend que, lorsque les enfants ont le choix, le nombre est plus élevé? En tout cas, on m'a laissé entendre qu'en secondaire V, ils seraient plus nombreux à faire le choix de l'enseignement moral.

Mme Ouellette: Selon les chiffres que j'ai en main, ils sont effectivement légèrement plus nombreux au deuxième cycle du secondaire, c'est-à-dire au secondaire IV et V, mais la différence est peu significative.

Mme Biackburn: Ce n'est pas majeur? Mme Ouellette: Non.

Mme Blackburn: D'accord. M. Flamand nous dit qu'à un moment donné, on se retrouverait devant le fait qu'on a des écoles confessionnelles catholiques avec aucun enfant qui souhaiterait recevoir des cours d'enseignement catholique religieux, ce qui est vrai, mais ce qui ne vous permet pas pour autant... Étant une commission scolaire confessionnelle protégée en vertu de la charte canadienne, votre projet éducatif ne peut que s'inspirer des valeurs de la morale catholique. C'est dans le règlement, vous n'avez pas le choix. Je ne pense pas me tromper là-dessus: c'est le comité catholique qui détermine si les manuels scolaires respectent et correspondent aux valeurs et à la morale chrétienne et cela vaut pour toutes les écoles confessionnelles, mais au premier chef pour celles qui sont protégées, parce qu'elles ne peuvent être autrement que confessionnelles et donc, elles ne peuvent avoir un projet qui ne s'inspire pas de la morale et de la foi catholique.

M. Flamand: Si M. le Président me le permet...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, M. Flamand.

M. Flamand: ...je vous ferai remarquer, Madame, comme je le disais tout à l'heure à M. le ministre, que la loi permet déjà des ententes entre commissions scolaires et rien dans la loi, même si la Commission des écoles catholiques de Québec a un caractère confessionnel protégé, n'empêcherait la CECQ de prendre une entente avec une autre commission scolaire pour gérer d'autres écoles. C'est ce qui me faisait dire que le gouvernement pourrait donc décréter que le territoire de la CECQ est un territoire de commission scolaire aussi francophone et que,

pour les besoins de la loi, le conseil des commissaires de la CECQ constitue également le conseil des commissaires de la commission scolaire linguistique francophone et, par entente, il pourrait y avoir gestion des établissements, sans pour autant déroger aux dispositions de la loi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée.

Mme Blackburn: Bien. Le temps file, j'aimerais pouvoir vous garder encore au moins une bonne heure. Sur une autre question, celle touchant l'accessibilité, la démocratisation de l'éducation, je vous dis mon étonnement de ne pas retrouver dans votre mémoire une réflexion touchant ces questions. Vous n'êtes pas les seuls, cela se passe comme si on avait, lorsqu'on parle de la réforme de la Loi sur l'instruction publique... L'essentiel des propos touche à la structure, mais il n'y a pas vraiment de préoccupations quant aux grandes questions touchant la démocratisation et l'accessibilité. Tout à l'heure, je citais un certain nombre d'exemples. Le fait que j'estime, que je considère et qu'on est en droit de considérer au Québec comme étant un acquis considérable, c'est-à-dire ce qu'on retrouvait dans la loi 3, la gratuité pour l'éducation des adultes, pour ceux qui veulent terminer une formation de niveau secondaire. Entre parenthèses, il faut se rappeler qu'à l'époque, le ministre réclamait que cette gratuité soit assurée pour ceux qui veulent terminer leur collégial. Là, dans la loi, les dispositions sont telles qu'on pourrait charger des frais de scolarité. Quand on connaît le nombre effarant d'analphabètes qu'on a encore au Québec, le nombre impressionnant de jeunes qui décrochent avant d'avoir terminé leur secondaire, c'est quelque chose d'inquiétant. Là-dessus, votre mémoire est muet, de même que sur la question touchant les services de garde en milieu scolaire, préscolaire et primaire.

Vous savez que la concentration nécessaire pour un enfant afin qu'il puisse apprendre dans les meilleures conditions, c'est souvent qu'il ne s'inquiète pas de rentrer tout seul à la maison et d'attendre pendant deux heures que ses parents reviennent. Donc, les services de garde en milieu scolaire, cela touche aussi la qualité comme l'accessibilité.

Toute la série des services complémentaires et des services particuliers qu'on retrouvait définis dans la loi 3 étaient des services qui devaient venir soutenir les services d'enseignement pour donner, dans tout le Québec, des services comparables, en quantité et en qualité. Cela ne se retrouve plus dans le projet de loi. De même, il y avait une disposition intéressante qu'on ne retrouve pas et qui avait trait au droit de l'élève ou de ses parents qui pouvaient recourir au Protecteur du citoyen pour faire respecter les droits de l'élève. Cette disposition ne se retrouve pas non plus dans le projet de loi 107.

Par rapport à la loi 3, cela constitue un recul certain. C'est un recul net, une perte nette pour le réseau scolaire. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Flamand: Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, allez-y, M. Flamand.

M. Flamand: D'abord, je voudrais rappeler à Mme la députée, comme on le disait en début de présentation du mémoire, qu'effectivement, on ne s'est pas prononcé sur tous les sujets dans notre mémoire parce que la Fédération des commissions scolaires se fera entendre ici, devant la commission. Sur plusieurs plans, nous souscrivons à la présentation de la fédération. Donc, c'est la raison pour laquelle nous avons ignoré plusieurs dispositions de la loi.

Quant à l'accessibilité dont vous parlez, il n'y aurait, en fait, que le cas des adultes, puisque, pour nous, en ce qui concerne le reste, je pense que l'accessibilité est acquise aux élèves du primaire et du secondaire. Quand vous parlez des services de garde en milieu scolaire, par exemple, ce sont des services qu'on offre déjà dans nos écoles, et la majorité de nos écoles primaires sont déjà dotées de services de garde en milieu scolaire.

Je pense que l'accessibilité est largement respectée. Je ne sais pas si c'est particulier à la CECQ, mais quand vous parlez de qualité de services, je pense qu'il y a quand même beaucoup de choses qui se font déjà à ia CECQ et nous n'avons pas attendu qu'une loi vienne nous l'imposer; ce sont des choses qui se sont développées au cours des années et déjà beaucoup de services sont offerts chez nous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Flamand. Mme la députée, vous avez la parole pour une dernière intervention.

Mme Blackburn: J'ai dû mal poser ma question. En fait, je sais que les services offerts à la CECM, à la CECQ et dans la plupart des commissions scolaires sont des services adéquats où on retrouve généralement, en dépit des critiques que l'on peut faire à l'endroit de l'enseignement, un niveau de compétence et de professionnalisme assez élevé. Cependant, je dis que le fait que cela n'apparaisse pas dans la loi, du jour au lendemain, en vertu d'une décision du gouvernement, vous pourriez ne plus avoir les subventions pour ce faire. La loi 3 disait: L'école doit organiser les services de garde alors qu'actuellement, c'est "peut". On n'a plus cette obligation.

Le législateur qui définissait dans la loi les services complémentaires et les services particuliers se liait, d'une certaine façon, se faisait une obligation de donner les ressources pour que

cela puisse être maintenu. On ne retrouve plus, - et c'est dans ce sens qu'était ma question - on n'a plus ces garanties. À l'éducation des adultes, c'est la même chose, mais cela va un peu plus loin. Les commissions scolaires, selon les ressources, pourraient avoir l'autorisation pour charger des frais de scolarité. C'est davantage dans cette direction.

De même, concernant l'accessibilité, le ministre, alors qu'il était critique de l'Opposition, prétendait qu'en matière de manuels scolaires, de manuels pédagogiques, de cahiers d'exercices, cela devait être la gratuité totale, y compris pour les cahiers dans lesquels on découpe. J'utilise ses termes. On sait qu'actuellement, si ce n'est pas un frein à l'accessibilité, ce ne sont pas les meilleures conditions pour certaines familles pauvres. Il y en a ici à Québec, comme il y en a dans les régions, comme il y en a à Montréal. Selon une estimation faite par des parents, il en coûtait entre 30 $ et 100 $ à un enfant pour entrer à l'école, selon son niveau. Ce n'était pas toujours au niveau secondaire, que cela coûtait plus cher parce qu'il y a beaucoup de cahiers d'exercices au primaire.

On sait qu'actuellement, au Québec, il y a 20 % des enfants qui naissent dans une famille d'assistés sociaux, qui vivent d'assistance sociale et qui vivent sous le seuil de la pauvreté. On sait que 61 % des femmes qui ont des enfants de moins de six ans sont sur le marché du travail. On ne parle pas de choses abstraites qui reposent sur une réalité fictive, théorique au cas où, c'est ce qu'on vit aujourd'hui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée...

Mme Blackburn: Dans la loi, il n'y a aucune garantie qui vienne faire obligation au gouvernement de donner aux écoles les ressources leur permettant d'offrir ces services. Le projet de loi est fait de manière telle qu'il augmente les pouvoirs du ministre, mais diminue ses obligations. Il vide les commissions scolaires de leurs pouvoirs et il augmente les exigences à leur endroit, contrôles et ainsi de suite.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée, je vous invite à conclure.

Mme Blackburn: C'est dans ce sens que ma question allait: Vous pouvez avoir de bons services, mais du moment où il n'y a pas obligation dans la loi - pas de définition, donc pas d'obligation - cela devient très aléatoire et il n'est pas sûr qu'un gouvernement, pas nécessairement le gouvernement actuel, n'importe quel gouvernement, ne viendra pas un jour décider qu'il ne paie pas pour ces services. C'était le sens de ma question. Je sais que le président, qui est très respectueux des règles et soucieux de nous tenir à l'intérieur de l'horaire prévu, ne me laissera pas vous saluer. Je vous salue tout de suite et je vous remercie de votre participation, mais j'attends quand même votre réponse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, allez- y.

M. Flamand: Si M. le Président me permet de répondre... (11 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur, je suis beaucoup plus permissif envers nos invités qu'envers les membres de la commission. Alors, je vous écoute.

M. Flamand: Mme la députée se demandait pourquoi on n'avait pas réagi en ce qui concerne en particulier les services de garde où on voit dans la loi que le ministre indique "une commission scolaire peut" et on aurait dû y voir "une commission scolaire doit". Je pense qu'il faut être cohérents avec nous-mêmes. On reproche dans certains cas au ministre, justement, de nous obliger à faire des choses. Or, pour une fois qu'il y a un article qui nous permet de le faire, qui respecte notre autonomie, on ne pouvait pas le lui reprocher, C'est la raison pour laquelle on ne pouvait pas s'opposer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Flamand. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, en terminant, je voudrais rappeler tout d'abord que les commissions scolaires ont actuellement des responsabilités réelles et considérables. Il ne faudrait pas l'oublier quand on vient en commission parlementaire ou quand on va discuter des questions d'éducation où que ce soit. Je disais l'autre jour au président de la CECM qui était ici: Combien avez-vous d'employés à votre commission scolaire? Ils en ont 11 000. Il y en a à peu près 1400 au ministère de l'Éducation. Dans les pouvoirs d'un chef d'entreprise, le pouvoir d'embauche est capital. C'est le pouvoir le plus important avec celui du contrôle sur ses finances. Alors, de ce côté-là, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a des responsabilités énormes qui sont dévolues aux commissions scolaires. C'est vous qui prenez la décision d'ouvrir ou de fermer les écoles, d'inscrire les enfants, d'offrir tel ou tel service, etc. Je pense qu'il ne faudrait pas oublier ceci et le projet de loi laisse toutes ces responsabilités-là aux commissions scolaires et, même à plusieurs égards, il les augmente sensiblement.

On a mentionné dans l'échange de tantôt certains points sur lesquels il y aurait des atténuations qui pourraient être envisagées dans le projet de loi. J'ai bien noté cela et on va examiner ces possiblités sérieusement. Encore une fois, toujours à propos de suggestions précises et concrètes, - on ne discute pas des thèmes généraux, on peut les répéter, on les entend

répéter souvent ici autour de la table, mais on cherche les précisions et on les entend moins souvent - vous en avez apporté quelques-unes ce matin. Je vous en suis reconnaissant.

Vous nous avez posé, en deuxième lieu, un problème particulier de logistique en ce qui concerne le territoire de Québec en relation avec le projet de loi. On en a pris note également. Vous avez précisé des choses qui n'étaient pas dans votre mémoire quand on a discuté tantôt à propos de ce que souhaiterait, en dernière analyse, la Commission des écoles catholiques de Québec. Il est très important pour nous de connaître quelle est la volonté politique dans ce territoire-là. On va examiner le projet de loi à partir de ces choses-là. Je pense qu'il y a des ajustements, en tout cas, qu'on peut entrevoir, qu'on peut rechercher. Et, de ce point de vue, je pense que la rencontre de ce matin est une rencontre fructueuse dont je vous remercie cordialement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, M. Flamand. Je remercie aussi les personnes qui vous accompagnent d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. Nous allons suspendre pour quelques minutes.

M. Flamand: M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui?

M. Flamand:... vous me permettrez de vous remercier et de remercier aussi les membres de la commission de nous avoir entendus si aimablement. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous acceptons vos remerciements.

(Suspension de la séance à 11 h 19) (Reprise à 11 h 24)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission à prendre place et j'invite également nos invités à prendre place sur les banquettes qui leur sont réservées.

La commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié, à savoir procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée des projets de loi 106, Loi sur les élections scolaires, et 107, Loi sur l'instruction publique.

Nous accueillons ce matin le deuxième groupe, soit le Mouvement scolaire confessionnel du Québec, et son porte-parole est son président, M. Maurice Archambault. M. Archambault, au nom des membres de cette commission, je veux vous remercier d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de la commission permanente de l'éducation et d'être venu nous donner votre perception des projets de loi 106 et 107. Dans votre cas, j'ai l'impression que vous allez vous concentrer sur le projet de loi 107. Je veux vous dire aussi que c'est avec beaucoup d'attention que nous allons vous écouter. Les règlements étant ce qu'ils sont, je me dois de vous informer que la commission a une heure à vous consacrer. D'habitude, je me permets de faire des suggestions, à savoir qu'environ un tiers du temps soit consacré à la présentation de votre mémoire, lequel d'ailleurs a déjà été lu et reçu par les membres de cette commission, et après, que la dernière demi-heure soit séparée également entre l'Opposition officielle et le côté ministériel de façon à pouvoir échanger des propos avec vous ou les personnes qui vous accompagnent.

Pour les besoins du Journal des débats, je vous inviterais, M. Archambault, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer ensuite la lecture de votre mémoire. M. Archambault.

Mouvement scolaire confessionnel du Québec

M. Archambault (Maurice): II me fait plaisir de présenter, à ma gauche, Mme Simone Allard, directrice du Mouvement scolaire confessionnel; à ma droite, M. Benoît Beaudoin, vice-président du Mouvement scolaire confessionnel; à mon extrême droite, M. l'abbé Roger Ducharme, aviseur moral au Mouvement scolaire confessionnel du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame et messieurs, soyez les bienvenus. M. Archambault, nous vous écoutons religieusement.

M. Archambault: Avant de commencer, quelques notes brèves. Vous avez un résumé dont les chiffres qui apparaissent au début des paragraphes se réfèrent au mémoire. Ce résumé est très bref. Nous considérons notre mémoire comme étant lui-même un résumé déjà bref. Il est entendu que nous allons faire notre possible pour être aussi bref que possible, mais tout de même.

M. le ministre, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission de l'éducation, avant de commencer la lecture de la version abrégée de notre mémoire, nous nous devons de vous dire que nous considérons le projet de loi 107 comme faisant partie d'un ensemble d'attitudes de notre gouvernement dans des domaines aussi variés que la famille, le bien-être social, la santé et évidemment l'éducation. L'esprit, la philosophie qui anime tous ces domaines depuis plus de 20 ans est le même. Il est étranger à l'âme profonde du peuple québécois. Nous nous y opposerons à chaque fois que le gouvernement tentera de l'imposer à la population.

En conséquence, le langage que nous tiendrons dans notre mémoire est bien différent

du langage de certains groupes particuliers, qu'ils soient idéologiques, politiques, syndicaux ou autres, qui ont adopté des points de vue intéressés. Il est la voix des 977 organismes dans toute la province regroupant bien au-delà de 2 000 000 de citoyens québécois que nous représentons. Ils sont les premiers concernés et les plus inquiets des répercussions possibles de ce projet de loi.

La période de temps qui nous est accordée est trop brève pour nous permettre d'exprimer adéquatement la volonté de ceux que nous représentons. Comme les parents et la population ont eu la patience d'écouter les propositions de tous nos ministres de l'Éducation et de leur répondre depuis la création du ministère de l'Éducation, nous espérons que M. le ministre et cette commission auront la même patience. Nous serons quand même aussi brefs que possible.

Notre première constatation, la plus importante, c'est que le projet de loi 107 ne peut s'insérer harmonieusement dans le contexte particulier de la société québécoise car il s'attaque à l'un des éléments les plus précieux de son patrimoine national, celui pour lequel il se bat depuis plus de vingt ans: son système scolaire confessionnel. Il a permis, jusqu'à aujourd'hui, de transmettre à ses enfants et aux générations futures ce qu'il a de plus sacré: sa foi, ses traditions et sa culture.

De plus, ce projet de loi ne tient pas compte des volontés que celle-ci a exprimées avec autant de force et de constance, depuis plus de vingt ans, quant à la solution des problèmes qui la confrontent dans le domaine scolaire, montrant de la part du gouvernement une absence totale de sens démocratique.

Nos ministres de l'Education ont voulu fabriquer de toutes pièces un système scolaire tiré de cultures étrangères à la nôtre. Cet assemblage disparate et indigeste, fait d'expériences peu probantes, apportait avec lui la philosophie matérialiste et utilitariste qui les avait, pour la plupart, inspirées. Plusieurs de ceux qui ont présidé à la fondation du ministère de l'Éducation étaient d'accord avec cette philosophie. Aussi, pour arriver à l'imposer à la majorité, nos gouvernements, les uns après les autres, ont lentement dépossédé le peuple québécois d'importants éléments de son système scolaire confessionnel malgré son opposition. (11 h 30)

Ceux qui ont préparé la révolution dite tranquille, disciples de maîtres étrangers à notre culture et à nos aspirations, sont allés choisir ailleurs le pire, alors qu'on aurait pu faire mieux ici tout en respectant le peuple québécois. Pis encore, on a servilement imité les erreurs des systèmes scolaires étrangers, ceux dont se plaignent amèrement nos voisins du Sud depuis nombre d'années. 1981 a vu la campagne de la revue Newsweek, magazine qui tire à 5 000 000 d'exemplaires, déclarer que les écoles américaines étaient ratées: "Our schools are flunking". Présentement et sans arrêt, les médias américains accusent leur système scolaire de mettre la nation en péril: "A nation at risk". Voilà comment on en est venu à couler dans le béton de nos polyvalentes l'enfer scolaire de nos enfants.

Aux paragraphes 13 et 14, nous rappelons qu'à plusieurs reprises, certains de nos politiciens et de nos réformateurs scolaires ont invoqué et invoquent encore aujourd'hui, semble-t-il, pour justifier leurs prises de position la séparation nécessaire, selon eux, de l'Église et de l'État. Or, cette séparation est toujours fictive.

Il faut se rendre à l'évidence que la neutralité de l'État et de ceux qui le dirigent est toujours factice, pour ne pas dire impossible. Tous les gestes qu'ils posent ont nécessairement des implications morales, surtout dans le domaine des lois favorisant ou restreignant la liberté des individus, la justice, les droits de la famille, la liberté d'enseignement, la dissolution des moeurs, l'avortement et le divorce.

De plus, nous constatons que nos réformateurs sont allés chercher chez Engels et Marx les assises, datant de 1845, des grandes lois modernes et progressistes que nous servent nos gouvernements au Québec depuis vingt ans dans les domaines qui concernent la famille, le bien-être social et l'éducation.

Pour atteindre leur but, nos sécularistes et nos laïcistes se sont attaqués immédiatement à notre système scolaire, car s'il est extrêmement difficile sinon impossible de modifier en profondeur les convictions des adultes, il en va autrement des enfants. Il est certainement plus facile de manipuler leur esprit immature et sans expérience de la vie.

Au neuvième Congrès international de la famille, tenu à Paris du 11 au 14 septembre 1986, Mme Pilar Garcia Serrano, déléguée du gouvernement espagnol à ce congrès, fit la constatation suivante, qui s'applique bien au Québec des 25 dernières années: "L'éducation est devenue l'objectif de tous les pouvoirs comme un instrument de manipulation. "

Les attaques contre la confessionnalité de notre système scolaire se sont affublées de slogans astucieux: progrès, progressisme, pluralisme, modernité, passéisme, etc. Ils se sont révélés faux à bien des points de vue. Si notre système scolaire a progressé au point de vue de l'accessibilité, de la quantité de l'équipement et de l'instruction fournies à nos enfants, il n'a jamais tant reculé au point de vue de la qualité de l'enseignement, de l'éducation et surtout à cause de l'impossibilité de proposer vraiment à nos enfants dans l'école un idéal chrétien qui leur apprendrait à dépasser un utilitarisme mesquin, jouisseur et destructeur de l'âme qui les mène à la démission face à leurs devoirs envers eux-mêmes et envers la société. Ce sont ces déficiences graves qui sont responsables du peu de rendement de tous nos investissements en temps, en argent et en talents dans le domaine scolaire.

Le projet de loi 107. À l'occasion d'une

réunion des présidents et des directeurs généraux des commissions scolaires, tenue à Montréal le 8 février 1986, sous les auspices de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, et à l'automne 1987, en Chambre, sous les pressions de l'Opposition lors du dépôt de la loi 131, M. Ryan déclarait à plusieurs reprises qu'il n'existait pas dans la population de consensus valable favorisant les commissions scolaires linguistiques.

Faisant volte-face, le ministre, par l'entremise d'un communiqué de presse intitulé "Dépôt du projet de loi sur l'instruction publique", faisait la déclaration suivante, et je cite: "Le projet de loi sur l'instruction publique se veut le reflet des nombreux consensus réalisés au cours des dernières années, particulièrement à l'occasion des grandes opérations de consultation menées lors de la parution du livre vert en 1977 et de la loi 3 en 1984. ". En conséquence, M. le ministre veut imposer à la population contre sa volonté des commissions scolaires dites linguistiques, terme qui sert à masquer le fait qu'elles sont neutres.

La consultation sur le livre vert ne peut être prise au sérieux sur ia question de la confessionnalité, que ce soit celle de l'école ou celle des commissions scolaires. En effet, à !a page 46 de la "Synthèse de la consultation sur le livre vert", on peut lire ce qui suit: "Le consensus s'établit facilement pour regretter que le document du gouvernement ait escamoté la question de la confessionnalité. Ce sentiment est partagé autant par les partisans de la structure confessionnelle que par ceux qui y sont moins favorables. L'absence de questions sur le sujet dans l'instrument de cueillette d'opinions qui accompagnait la diffusion du livre vert est assez souvent perçue comme une preuve d'un mouvement concerté pour ignorer un enjeu si profondément inscrit dans la tradition culturelle du Québec. ".

Bien qu'il ait ignoré les droits particuliers et historiques des catholiques, M. le ministre a tout de même inséré des droits particuliers dans son projet de loi. Nous tenons à le souligner, nous sommes d'accord pour que ces droits particuliers, ceux des Cris, des Inuit, des Naskapis, ainsi que ceux des parents qui refusent l'école catholique pour leurs enfants soient respectés et nous demandons même pour ces derniers que l'on ouvre un secteur scolaire autre là où le nombre le justifie. Mais nous voulons aussi que nos droits de peuple catholique, fondateur de ce pays, droits pourtant protégés et acquis depuis plus de 100 ans, soient eux aussi respectés. Nous tenons à nos écoles confessionnelles, mais nous n'avons jamais eu la prétention de les imposer aux autres.

Dans sa critique du projet de loi 40 de M. Laurin, M. Ryan s'élève contre et Je cite: "le centralisme qui a dangeureusement alourdi... " "... le système québécois d'enseignement... " et "... tend inexorablement vers un accroissement du contrôle et de la direction exercés sur tout le système par le ministre de l'Éducation. "

Dans son projet de loi 107, M. le ministre se ravise et décide à son tour que les problèmes de compétence, d'efficacité et de rendement, ainsi que la correction de tous les maux dont souffre notre système scolaire ne peuvent être résolus autrement qu'en concentrant tous les pouvoirs et tous les moyens entre ses mains, quand ce n'est pas entre celles du gouvernement.

Nous sommes d'accord avec l'éditorial du 16 février dernier de M. Jean-Guy Dubuc dans La Presse, sauf lorsqu'il dit qu'on se facilite la tâche en centralisant le plus possible la fonction administrative. Au point de vue administratif, dans une entreprise de trop grande envergure, la centralisation excessive de l'administration amène toujours des lourdeurs dans la machine administrative, des pertes de contrôle et d'efficacité onéreuses à cause de l'éloignement du centre de décision des projets et de leur vécu quotidien et à cause de l'impossibilité de percevoir, de comprendre et de mesurer avec justesse les besoins locaux. Il y a alors tendance à établir des règles uniformes qui nivellent les différences et paralysent les initiatives locales. Le gouvernement maintient son contrôle sur le régime pédagogique. Pourtant, ce rôle ne lui appartient pas. Il appartient aux commissions scolaires. En juin prochain, la Cour suprême du Canada sera appelée à trancher cette question.

Même si, en théorie, dans le projet de loi 107, l'école publique catholique ne disparaît pas, dans la pratique, sa réalisation dépendra d'une foule de facteurs sur lesquels les parents catholiques auront peu de contrôle. Elle ne sera pas nécessairement à la portée des parents. Ils pourront même être obligés de défrayer le transport de leurs enfants.

M. le ministre, comme M. Laurin, crée des conseils d'orientation dans son projet de loi. Nous avons cru utile de lui rappeler ses propres commentaires sur les problèmes que peuvent engendrer les conseils d'orientation prévus dans son projet. "On constate, dit M. Ryan dans son allocution du 8 novembre 1982, que les parents sont très intéressés aux questions qui concernent immédiatement leurs enfants mais que leur disponibilité est limitée. Limite dans le temps, limite dans le bénévolat et limite dans les aspirations des parents. Il s'ensuit que l'on constate un taux de renouvellement élevé dans les comités d'écoles et la nécessité de recommencer à zéro à chaque année les apprentissages nécessaires à une participation éclairée et efficace. Les parents, poursuit-il, risquent d'être en conflit d'intérêts à peine voilé quand viendra le temps de prendre des décisions pouvant affecter directement leurs propres enfants. Ils seront, ajoute-t-il, influencés par les problèmes qu'ont connus leurs enfants à l'école. "

Les parents possèdent déjà un pouvoir de contrôle et de participation aux décisions par l'entremise des commissaires qu'ils élisent et qui

sont leurs représentants. Les élections scolaires sur l'île de Montréal, et en particulier à la Commission des écoles catholiques de Montréal ont démontré clairement, depuis 1973, que lorsque les parents s'intéressent à la chose scolaire, ils en contrôlent les orientations en élisant des commissaires qui respectent leur volonté. À deux reprises, aux élections de 1977, trois commissaires et, à celles de 1983, six commissaires qui avaient failli au mandat confessionnel sous lequel ils avaient été élus, furent remplacés par les électeurs. De 1973 jusqu'aux dernières élections de 1987, en moyenne, 78 % des candidats commissaires sur lUe de Montréal ont été élus par la population sous la bannière confessionnelle.

Dans nos appréhensions quant au pouvoir réel des parents dans ces conseils, nous devons tenir compte du fait que les parents ont à s'occuper, au foyer, de l'éducation de leurs enfants, de la marche de la maison, des multiples problèmes quotidiens et du fait que, bien souvent, ils travaillent tous les deux à l'extérieur.

M. le ministre, lors de sa critique du projet de loi 40, disait - et je cite - "...prétendre démonter ce tout comme s'il n'existait pas, pour ensuite tenter de le reconstituer à partir des unités existantes au plan local, c'est procéder à partir d'une vue de l'esprit, non de la réalité". C'est pourtant ce que fait le ministre dans son projet de loi.

Tous les chambardements scolaires sont faits sous le prétexte d'améliorer l'école de nos enfants. Est-ce bien ce que nous avons vécu? Un sondage fait par Environics Research Group, publié dans le Globe and Mail torontois du 6 février dernier et rapporté dans Le Devoir du 10 février, montre que seulement 40 % des Québécois étaient satisfaits de l'enseignement primaire et secondaire au Québec contre plus de 60 % dans les autres provinces. Nous avons un système scolaire qui nous coûte 4 700 000 000 $ par année et qui forme une bonne partie d'analphabètes. Les nouvelles télévisées du 15 février dernier et l'article paru dans le journal Le Devoir du 16 du même mois indiquent qu'au Canada, une personne sur six, et au Québec, une personne sur quatre, est considérée comme analphabète. Le coût économique résultant de cette situation atteindrait le chiffre astronomique de 4 000 000 000 $.

Nous passons sur la liste des vrais problèmes de notre système scolaire que nous donnerons à la fin de notre mémoire.

L'article 97 permet au gouvernement de diviser, par simple décret, le territoire de la province en nouveaux territoires scolaires, francophones ou anglophones, donc neutres, selon son bon vouloir. Les territoires des commissions scolaires existantes peuvent être modifiés. Le visage scolaire du Québec ne sera plus le même et beaucoup de communautés catholiques pourront se retrouver étrangères dans leurs propres écoles. Les enseignants de la loi 107 ne seront pas requis d'être de foi catholique pour enseigner à l'école catholique. Ils devront, prétendent les nouveaux règlements du comité catholique, rester neutres et, en principe, être respectueux du projet catholique dans l'école. Nous rappelons que cette neutralité est toujours factice. On ne peut jamais parvenir à masquer ce que l'on est vraiment au fond de soi-même, même à l'aide de mensonges.

De plus, peu d'enseignants seront capables d'un véritable témoignage chrétien. Le ministère de l'Éducation refuse toujours de former des enseignants compétents pour enseigner dans les écoles catholiques. C'est une injustice que ressent fortement la communauté catholique qui en demande réparation.

Notre système scolaire est aussi touché par un autre projet de loi ambigu, le projet de loi 106 sur les élections scolaires. Dans celui-ci, M. le ministre a fixé les élections scolaires au mois de novembre. Les élections municipales dans la province ont aussi lieu dans ce mois. Déjà, nous pouvons imaginer la confusion qui régnera si les deux élections ont lieu le même mois.

La troisième proposition du livre vert de M. Jacques-Yvan Morin: Peut-on présumer des intentions de M. le ministre? Celles de réaliser, tôt ou tard, la troisième proposition de la consultation sur le livre vert, tenue en 1977, et qui n'a pu être réalisée à cause de l'opposition presque unanime de la population. (11 h 45)

Nos politiciens ont tendance, pour maintenir un climat français artificiel, à copier la France dans ses structures comme dans son esprit. Voilà pourquoi nous avons vu créer les municipalités régionales de comté, les MRC, préfectures à la française dont le haut responsable est même désigné "préfet". Ces préfectures à la québécoise, comme les françaises, regroupent sous leur tutelle les villes et villages de leur territoire. Elles sont directement responsables à la haute direction qui, en France, est Paris et qui, au Québec, est Québec. Nous voyons s'installer ici les tentacules du fonctionnarisme à la française: les municipalités, les villes et villages attendent les décisions des préfectures qui attendent les instructions venant, en France, de Paris, et au Québec, de Québec. Tout se décide à Paris ou à Québec. De plus, si Paris ou Québec est socialiste, de gauche, de droite ou centriste, à tendance séculariste et laïcisante, les municipalités et nos écoles, autant que possible, devront suivre. Cet engouement pour ce système progressiste, mis en place, en grande partie, par Napoléon, nous étonnera toujours.

La chose scolaire deviendrait alors un service municipal, au même titre que les services de voirie, d'égout, d'aqueduc, de déneigement, etc. Les conseillers municipaux ajouteraient à leur fonction celle de commissaire d'école. Les MRC, chapeautées par Québec, formeraient une sorte de comité régional scolaire chapeautant les municipalités qui, à leur tour, chapeauteraient

nos écoles. Nous sommes inquiets de savoir ce qu'il y a sous tous ces chapeaux.

Tout cela permettrait de réaliser une monstrueuse centralisation de tous les pouvoirs, politiques, administratifs, municipaux, scolaires et sociaux entre les mains du seul gouvernement. Finies la décentralisation administrative et l'indépendance des pouvoirs municipaux et scolaires.

La politisation du milieu scolaire: Dans le projet de loi 106, plusieurs articles améliorent les procédures des élections scolaires. Elles sont les bienvenues. Toutefois, d'autres dispositions permettent la formation de partis scolaires. Les dépenses de leurs candidats seront partiellement payées par le gouvernement. Ceci, ajouté au fait que le projet de loi 107, à l'article 94, prévoit que le ministre, le sous-ministre de l'Éducation et les sous-ministres associés, les membres du Conseil supérieur de l'éducation et de ses commissions, ainsi que tous les membres de l'Assemblée nationale peuvent, en tout temps, visiter les écoles, nous fait craindre une politisation excessive de l'école et des élections. Nos écoles pourraient alors devenir des centres de propagande partisane et nos enfants ne bénéficieront plus de la paix scolaire si nécessaire à la réussite de leurs études.

De plus, par l'article 9 du projet de loi 106, le ministre peut introduire une division linguistique à l'intérieur des commissions scolaires confessionnelles de droit; les commissions des écoles catholiques et protestantes de Montréal et de Québec et les commissions scolaires dissidentes.

L'étapisme sans fin et ses conséquences. Selon les dires du ministre, le projet de Soi 107 ne sera pas voté avant la fin de l'année 1988. Certaines questions concernant l'aspect constitutionnel de plusieurs de ses dispositions seront alors soumises à la Cour d'appel dont la décision ne sera probablement rendue que vers la fin de 1989. Selon le verdict de ce jugement, soit le ministre ou les organismes qui représentent la population catholique iront en appel à la Cour suprême du Canada dont le jugement ne sera probablement pas prononcé avant la fin de 1991 ou au début de 1992.

Si la décision de la Cour suprême est défavorable au gouvernement, M. Bourassa recourrait, semb!e-t-il, à des négociations constitutionnelles pour parvenir à ses fins. M. André Naud, dans son article déjà cité, commente de la façon suivante cette possibilité: "C'est là rêver en couleur. Les oppositions qu'a soulevées la loi 3 ne sont absolument rien comparées à celles qu'on connaîtra si l'on entreprend de modifier la constitution du Canada...". Nous partageons cette opinion.

Du 1er juin 1988 à la fin de 1991, il s'écoulera une période de trois ans et sept mois durant laquelle la communauté catholique aura accepté de vivre sa situation scolaire sous le régime de la loi 107, si elle ne la conteste pas.

Accepter que nos écoles vivent les nouveaux règlements du Comité catholique pendant plus de trois ans, c'est accepter qu'elles deviennent, dans les faits, des écoles qui ne répondent plus aux critères d'une école catholique.

En plus des torts très graves qui seront causés à l'éducation chrétienne de nos enfants, une telle tolérance de la part de la communauté catholique, durant une aussi longue période de temps, pourrait être considérée comme un abandon par celle-ci de ses droits constitutionnels et, par cette attitude, comme une approbation tacite par la population de la mainmise du gouvernement sur notre système scolaire.

Une telle tolérance, qui est un abandon de nos droits les plus sacrés, encouragerait à tous les abus ceux qui manipulent notre système scolaire confessionnel sous la fallacieuse étiquette de "progrès".

Nous nous disons en accord avec nos évêques en regard de leur prise de position de 1982 sur leur préférence marquée pour la commission scolaire confessionnelle et leur déclaration lors du rapatriement de la constitution.

La Coalition pour la confessionnalité scolaire, un consensus certain. Aux fins d'établir clairement qu'il existe un consensus ferme dans la très vaste majorité de la population sur la question scolaire, le Mouvement scolaire confessionnel a amplifié son action qui s'exerçait déjà depuis 1973 à la grandeur de la province, en mettant sur pied une coalition, la Coalition pour !a confessionnalité scolaire.

Les 977 organismes et les 200 000 pétitionnaires qui ont adhéré à la coalition en endossant sous leur signature personnelle et, dans le cas des organismes, sous la signature de leurs officiers, les attendus et les considérants énumé-rés ci-après, ont ainsi donné un appui non équivoque et massif au maintien et à la promotion de nos écoles et de nos commissions scolaires confessionnelles.

Nous ne lirons pas ces attendus et ces considérants qui suivent, certains que les membres de la commission de l'éducation en ont pris connaissance.

En fonction de l'appui non équivoque de la vaste majorité de la population au maintien et à la promotion de son système scolaire confessionnel, tel qu'en témoignent les 977 organismes et les plus de 200 000 pétitionnaires qui appuient la Coalition pour la confessionnalité scolaire, en fonction du témoignage que l'on peut tirer de la liste imposante des oppositions de la population à la déconfessionnalisation de son système scolaire depuis la création du ministère de l'Éducation, liste que nous produisons en annexe, le Mouvement scolaire confessionnel demande au gouvernement: 1° que le projet de loi 107 soit retiré et remplacé par un projet de loi qui tiendrait compte de la volonté de la très forte majorité de la population, telle qu'exprimée dans les attendus et considérants cités plus haut, et aussi en

tenant compte de ces attentes quant à l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'éducation dans nos écoles; 2° que le gouvernement nous rende tous nos droits constitutionnels, en particulier ceux qui ont été enlevés à nos commissions scolaires confessionnelles; 3° que le gouvernement cesse toute tentative de spolier la communauté catholique de son système scolaire confessionnel et de ses droits constitutionnels; 4° que le gouvernement ouvre un secteur scolaire autre pour satisfaire les droits des parents qui refusent l'école confessionnelle pour leurs enfants, là où le nombre le justifie; 5° que le gouvernement prenne les mesures qui s'imposent pour que soient corrigées les très graves lacunes de notre système scolaire énumé-rées ci-après: le nombre trop considérable d'élèves dans nos écoles de masse, démoralisantes et déshumanisantes; le progressisme aberrant de certains pédagogues; le changement trop fréquent des méthodes et des programmes sans autre raison apparente qu'un perpétuel état de recherche; la pauvreté de la formation méthodologique des maîtres; leur manque de qualifications pour enseigner dans les écoles catholiques; le manque de rigueur dans les méthodes d'enseignement; le laxisme dans le maintien de l'ordre; le manque d'apprentissage à l'effort intellectuel; l'absence de toute culture de la mémoire; la promotion malhonnête de la sexualité hédoniste contre la volonté des parents; le refus de faire vraiment, dans nos écoles, la promotion d'un idéal chrétien qui apprendrait à l'enfant à dépasser un utilitarisme mesquin, jouisseur et destructeur de l'âme.

Ont signé pour le Mouvement scolaire confessionnel: Maurice Archambault, président, Benoît Beaudoin, vice-président, Roger Ducharme, prêtre, directeur, Paul Faniel, directeur, Roger Aird, prêtre, directeur.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, M. Archambault, de ce témoignage que vous venez de donner à la commission permanente de l'éducation. Je remarque, M. Archambault, sur la dernière feuille du document que vous nous avez remis, ce matin, que j'ai accepté comme document déposé, un affidavit qui dit que vous représentez un certain nombre d'organismes. Est-ce que vous avez la liste de ces organismes?

M. Archambault: Je n'ai pas apporté la liste, elle est imposante. Nous l'expédions tous les ans...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, je vous le demande parce que c'est un affidavit qui fait foi d'une liste. Alors, si on avait la liste, cela compléterait le dossier.

M. Archambault: Oui, on pourrait vous procurer cette liste. Malheureusement, ce matin, c'est la première constatation que j'ai faite. J'ai demandé à tous mes collègues s'ils l'avaient...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ce n'est pas grave!

M. Archambault: Mais nous vous la ferons parvenir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. M. Archambault: C'est très facile.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ce n'est pas une obligation, mais si on l'avait eue, cela aurait complété le dossier.

M. Archambault: Nous disons, au début de notre mémoire, que nous représentons 940 organismes; dans ('affidavit, il y en a 966, on est rendu à 977 et nous dépasserons les 1000 organismes d'ici quelques semaines.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien, M. Archambault. De façon à ne pas retarder les débats, je reconnais immédiatement M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt la lecture que M. Archambault a faite du résumé du mémoire du Mouvement scolaire confessionnel du Québec. Je me rappelais, en écoutant M. Archambault, les propos que nous avons entendus hier de la part du Mouvement laïque québécois. Je me dis: Je ne sais pas dans quel univers nous vivons. Hier, le ministre était accusé d'être l'agent de la hiérarchie au sein du gouvernement et de conspirer par tous les moyens à sa disposition pour essayer de renforcer l'appareil confessionnel dans notre système scolaire. Aujourd'hui, le Mouvement scolaire confessionnel vient soutenir qu'il a des intentions et des orientations tout à fait contraires. Je me réjouis, en un certain sens, de ce que ces choses arrivent, parce que je crois que le processus démocratique de discussion publique que nous avons permet et requiert même l'expression de tous les points de vue, de toutes les nuances, y compris les points de vue les plus extrêmes. Et je pense que nous avons eu une excellente illustration de ce processus à l'oeuvre hier et aujourd'hui.

Un gouvernement a la tâche de rechercher des solutions modérées, des solutions qui soient capables de rallier, à la fois, une majorité solide de la population et aussi les dimensions les plus importantes des problèmes qui se posent dans les différents secteurs où il doit agir. Là-dessus, je suis obligé de vous dire que le gouvernement recherche une voix plus tempérée que celle dont le ton même de votre mémoire est une excellente illustration. Le gouvernement représente à l'Assemblée nationale un parti qui est formé à

même un parti majoritaire composé de députés qui représentent la population de toutes les parties du Québec. Là où la population ne fait pas confiance au parti ministériel, elle a élu des députés du Parti québécois. Ces gens-là sont tout le temps en contact avec la population. Et je pense même que, de par leurs fonctions, ils le sont peut-être encore davantage que bien des organismes qui se présentent ici.

Je suis député d'une circonscription. Je circule à longueur d'année dans ma circonscription. Je participe à des réunions de toutes sortes. Je rencontre des éléments de toute allégeance et, au premier chef évidemment, des citoyens qui sont d'allégeance catholique qui sont en grande majorité dans ma circonscription. Et je vous dirai en toute franchise, en toute vérité aussi que ce n'est pas le genre de langage qu'ils me tiennent et qu'ils tiennent à nos députés dans leur comté respectif. Ce n'est pas !e genre de langage qu'on entend sous la signature du Mouvement scolaire confessionnel. C'est un langage beaucoup plus tempéré et, à mon point de vue, beaucoup plus réaliste. Je ne vous conteste pas le droit de tenir ce langage-là, pas du tout. Mais là où je dois formuler une nuance importante, c'est lorsque le style que vous empruntez tend à créer l'impression que vous parlez au nom de toute la population catholique. Ce n'est pas vrai. La population catholique a évolué comme les autres secteurs de la population québécoise et canadienne. Aujourd'hui, on trouve dans son sein des opinions très diversifiées. Je vais vous en donner un exemple bien simple. Cette semaine, nous avons vu défiler à la commission parlementaire l'Association des directeurs d'école de Montréal. Nous avons vu défiler l'Association des cadres scolaires de la CECM. Nous avons entendu la semaine précédente l'Alliance des professeurs de Montréal, lis sont venus nous tenir un langage très différent de celui qu'on a entendu sous la responsabilité du Mouvement scolaire confessionnel. Tantôt vous y étiez. Il y avait la Commission des écoles catholiques de Québec. Vous avez entendu ce qu'elle a dit pendant la discussion que j'ai eu le plaisir d'avoir avec ses représentants. Le président nous a dit au bout de la ligne: Nous aimerions mieux être une commission scolaire linguistique. (12 heures)

Tout ceci pour vous dire que je ne peux pas souscrire à l'approche absolutiste qui caractérise votre perception du problème scolaire et aussi les solutions que vous proposez, même si je les respecte et si je respecte vos personnes et le mouvement que vous représentez, mais je vous indique ces choses avec toute la clarté dont je suis capable pour que les choses soient nettes entre nous.

Vous nous invitez à tenir compte de ce que les évêques ont dit. Nous l'avons fait. Nous avons étudié très sérieusement toutes les demandes qui ont été présentées par l'Assemblée des évêques du Québec dans des interventions qu'elle a faites autour de projets de refonte de la législation scolaire. Je disais, dans mes propos d'ouverture aux auditions publiques de la commission, que nous pensons avoir tenu compte de toutes les demandes formulées par l'Assemblée des évêques à diverses reprises sur ces questions. Peut-être que ce n'est pas suffisant. Peut-être qu'il faudrait aller plus loin. On est libre de ce côté-là. Les évêques ont dit à un moment donné: On aurait une préférence pour les commissions scolaires confessionnelles, mais si on estimait, si le législateur estimait qu'il doit procéder autrement, il faudrait avoir un certain nombre de garanties. C'est comme cela qu'ils ont parlé, sur un ton beaucoup moins absolutiste que le président du Mouvement scolaire confessionnel. Et là, je cite des propos publics. Hier, le Mouvement laïque québécois m'accusait d'être allé comploter avec la hiérarchie le projet de loi. Je n'avais pas besoin d'aller comploter avec la hiérarchie. Son point de vue avait été exprimé publiquement. Il était clairement énoncé.

Encore une fois, je vous dis que nous pensons en avoir tenu compte. Vous trouvez peut-être que les voies qui sont proposées comportent des risques. C'est évident qu'elles comportent des risques. C'est évident. Celles que vous proposez comportent des risques non moins graves, surtout pour la religion, à mon humble point de vue. Je vais vous poser une question tantôt là-dessus. On a entendu l'Alliance des professeurs qui est venue ici, qui représente 5000 enseignants, 4500 disons, je n'ai pas le nombre exact, de la CECM. On a entendu les directeurs d'école. On a entendu les cadres scolaires. Ils nous disent que le genre de structures que nous avons actuellement ne correspond pas à la réalité d'aujourd'hui et entraîne une foule de complications, et les structures que le gouvernement propose dans l'ensemble répondraient mieux à la réalité d'aujourd'hui. C'est le langage qu'ils nous ont tenu. Comment pouvez-vous prétendre maintenir une vision comme celle que vous présentez alors que les artisans mêmes, ceux qui font l'école à tous les jours, représentent des choix beaucoup plus diversifiés que ce que vous nous proposez? Allez-vous les mettre en dehors des écoles? Allez-vous faire passer des tests à tout le monde, des tests d'orthodoxie? Si ce n'est pas cela, qu'est-ce que vous allez faire? Vous dites: Vous avez changé les règlements du Comité catholique l'an dernier. Oui, le Comité catholique a changé ses règlements; pas nous. Le Comité catholique les a changés, nous a fait des propositions que nous avons discutées avec lui, comme c'était notre devoir de le faire, et il nous a dit lui-même: II faut adapter les règlements aux réalités nouvelles. Peut-être que pour vous autres, le Comité catholique, ça ne compte pas, et, pour le gouvernement, ça compte. C'est une entité juridique établie par la loi, dont plusieurs membres sont nommés sur présentation des évêques eux-mêmes. Il y a même un évêque qui

fait partie du Comité catholique, vous le savez. Je ne veux pas le mobiliser ici au service d'aucune cause. Je ne veux pas le mobiliser, pas du tout. Mais le Comité catholique s'est exprimé à maintes reprises. Peut-être que vous êtes tout seuls à avoir le pas. Peut-être. Mais je vous dis qu'il y a beaucoup plus de diversité dans le paysage que vous le prétendez, beaucoup plus, et nous autres, nous voulons en tenir compte et nous cherchons des orientations qui soient de juste milieu, comme c'est le devoir de l'autorité politique de le faire. Je lisais dans votre mémoire qu'on passe notre temps à copier la France. Si vous m'aviez accusé, moi, de m'inspirer des États-Unis plus que de la France, vous auriez été plus proche de la vérité.

M. Archambault: J'ai dit les deux. J'ai cité les deux.

M. Ryan: J'ai retrouvé à la page 7 de votre présentation: "Nos politiciens ont tendance, pour maintenir un climat français artificiel, à copier la France dans ses structures comme dans son esprit. " C'est dit en toutes lettres. Je vous dis que mes préférences sont plutôt du côté de la source qui est plus proche. Vous savez comme moi qu'aux États-Unis et même au Canada anglais, dans ces questions-là, on a des structures qui sont différentes des nôtres, mais on ne les transcrit pas littéralement. On a étudié tout cela. On a étudié l'Angleterre. On a étudié l'Italie. On a étudié les Etats-Unis. On a étudié la Belgique et la Hollande. On a fait un examen complet. Je pense bien que vous allez nous concéder cela, qu'on ne se lance pas là-dedans sans avoir examiné un peu ce qui se fait ailleurs aussi. S'il y a du bon en France, tant mieux. S'il y a du bon aux États-Unis, tant mieux. Mais je ne pense pas que vous pourriez accuser sérieusement le gouvernement d'aller chercher toute son inspiration à une seule source. Ce n'est pas vrai.

Vous dites ailleurs - c'est dans le texte - que le ministre concentre tous les pouvoirs et tous les moyens entre les mains du ministre. Je m'excuse d'employer une expression un peu plus forte, mais je crois que c'est une affirmation farfelue. J'en ai fait la démonstration à maintes reprises depuis le début des auditions de la commission. Vous pouvez discuter de tel pouvoir ou de tel autre, mais des accusations grosses comme celle-là, je pense que cela ne résiste pas au test de l'analyse. Si vous avez des exemples concrets à nous donner... Il y a toute une énumération dans le projet, peut-être qu'un ou l'autre pouvoir devrait être déplacé, je n'ai pas d'objection. Mais quand vous dites: Vous concentrez tous les pouvoirs et tous les moyens entre les mains du ministre, je voudrais, M. le Président, que le président du Mouvement scolaire confessionnel passe une semaine avec moi, dans mon bureau et dans tous les déplacements que je fais. Il verrait que les pouvoirs du ministre de l'Éducation sont très limités et que, même avec cette loi que nous proposons, ils vont demeurer très limités, que 90 % des problèmes se règlent par les commissions scolaires elles-mêmes, sans l'intervention du ministre de l'Éducation. C'est bien beau créer des épouvantails, mais, à un moment donné, il faut quand même avoir un peu de respect pour la vérité.

C'est ma réaction devant le mémoire que vous nous présentez. Je vous demande ce que vous faites avec cette réalité multiforme que nous avons à Montréal? Vous dites: On va créer un réseau à côté; arrangez-vous avec ça. On en a déjà deux et c'est très difficile à manoeuvrer. On ne peut pas les multiplier indéfiniment. Déjà, en vertu de la situation actuelle, vous avez des milliers d'enfants francophones qui sont scolarisés par des commissions scolaires à majorité anglophone. Les milieux nationalistes québécois et d'autres milieux québécois aussi trouvent que cela n'a pas de bon sens, dans une province à majorité francophone. Ils disent qu'ils devraient être scolarisés sous la responsabilité de commissions scolaires francophones. Que répondez-vous à tout ça? Est-ce qu'on va se réveiller à Montréal avec six réseaux de commissions scolaires?

M. Archambault:... une commission scolaire...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant. S'il vous plaît, M. le président.

M. Archambault: Excusez-moi.

M. Ryan: M. le Président, je termine là-dessus. On s'est rencontrés. Très bien. Vous avez bien compris que j'allais terminer.

Qu'est-ce qu'on va faire avec cette réalité multiforme, infiniment diverse que nous avons à Montréal? Même chez les catholiques - je termine - il y en a de toutes les nuances et de toutes les tendances d'opinion. Qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce qu'on va les mettre tous dans le moule unique du Mouvement scolaire confessionnel?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Archambault, si vous voulez réagir...

M. Archambault: Une chose qu'il faudrait mettre au clair... Excusez-moi, est-ce que vous m'aviez donné la parole?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, oui, je vous l'ai donnée.

M. Archambault: Premièrement, un résumé ne donne pas toutes les nuances. Je dois vous avouer que nous considérions notre mémoire qui a 30 pages comme un résumé. Nous avons fait trois résumés et on considère que celui-ci est encore boiteux et qu'il ne dit à peu près rien - c'est une première mise en... - qu'il ne donne pas toute l'information.

Si M. le ministre veut avoir plus d'informa-

tion sur la concentration à la page 9, il pourra lire l'article 37 qui donne ce que nous considérons que nous pouvons avoir. Il ne faut pas oublier une chose: la loi 107, nous avons eu combien de temps pour l'étudier? Je ne sais pas combien de temps il a fallu pour la préparer, mais, pour bien l'étudier et y répondre, il aurait fallu prendre un an et avoir des conseillers juridiques pour la comprendre. Les nuances et les détails sont dans notre mémoire, ce qui n'apparaît pas dans notre résumé.

Deuxièmement, une mise au point doit être faite, dès le début. Nous représentons les parents, à savoir si c'est aux parents qu'appartient le droit de décider le type d'école, le choix de l'école qu'ils veulent avoir pour leurs enfants. Quand vous me parlez du Mouvement laïque québécois, j'ai vu dans les journaux qu'il se disait composé de 500 membres. Cela fait longtemps qu'on connaît le Mouvement laïque québécois. Cela fait très longtemps que nous le connaissons. Nous vivons avec lui. Nous disons que nous représentons 977 organismes dont au-delà de 400 comités d'école, 28 commissions scolaires, 320 paroisses, 200 organismes divers comme les Chevaliers de Colomb, les Filles d'Isabelle et ainsi de suite, et 29 communautés religieuses et autres organismes, dans toute la province, du nord et au sud, de l'est à l'ouest. Si vous comparez notre représentativité avec celle du Mouvement laïque québécois, là nous n'avons plus rien à dire. Nous ne pouvons même pas parler.

Vous avez parlé de solutions modérées. En réalité, quand on parle de solutions modérées, j'ai plutôt l'impression d'entendre: de compromis. Actuellement, dans la province de Québec, depuis le début, nous avons fourni avec notre mémoire un historique des oppositions de la population à toutes les lois qui ont voulu déconfessionnaliser le milieu scolaire le plus cosmopolite, Montréai, et vous pouvez lire, à partir de M. Jean Lesage qui a dit qu'il avait été battu par l'éducation et les promesses de M. Johnson, tous les efforts qu'a fait le gouvernement. Si cela ne représente pas une opposition certaine de la population à ce que fait le gouvernement, je ne comprends absolument rien au français.

En plus de cela, le ton peu modéré. Peut-être que le ton semble agressif mais, après 22 ans de batailles, les parents commencent à se choquer. D'ailleurs, vous vous rappelez la décon-fessionnalisation de l'école Notre-Dame-des-Neiges. C'est tout de même le Mouvement scolaire confessionnel et l'Association des parents catholiques qui ont pris la première action juridique contre cette déconfessionnaiisation. Et nous avons continué. Nous serons obligés de continuer si nos droits ne sont pas protégés.

Nous ne demandons pas de privilèges particuliers autres que d'avoir nos écoles. On nous dit: Donnez-nous toutes vos écoles catholiques que nous avons payées et bâties. On va en faire des écoles neutres et ensuite on vous en redonnera. Si le conseil d'orientation fait une très bonne consultation auprès des parents, vous aurez votre école catholique. Et, à l'article 71, M. le ministre se contente d'un quorum sur ce conseil d'orientation de trois membres. Cela ouvre la porte à toutes les manipulations possibles.

Je crois bien que notre position peut sembler un peu dure. Elle n'est pas dure du tout. Elle représente ce que veulent les parents. Cela fait 22 ans que nous travaillons avec eux, que nous voyageons parmi la population, parmi le peuple, pas parmi les cadres, pas parmi les syndicats, pas parmi les directeurs généraux, pas parmi les députés. Nous voyageons et nous sentons le pouls. D'ailleurs, toutes ces choses ont été envoyées à nos membres et, même plus, en 5000 exemplaires à tout ce que nous considérons des centres d'action dans la province. Cette liste était en 1985 de 240 membres, en comprenait 755 en 1986, 940 en 1987 et nous allons dépasser les 1000 membres. Nous comptons que nous allons pouvoir rejoindre 1200 organismes dans toute la province.

Je crois que ce groupe est assez représentatif d'un consensus de parents qui veulent conserver leurs écoles catholiques. Ils ne veulent pas les imposer aux autres. Ils veulent les avoir. Elles leur appartiennent. Ils les ont payées. Ils y ont droit et ils protestent auprès du gouvernement contre ces positions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Archambault. M. le ministre.

M. Ryan: C'est sur la représentativité. Je ne veux pas prolonger le débat. Vous avez dit: On a 400 comités d'école. Je crois qu'il y a 28 commissions scolaires. Il y a 213 commissions scolaires au Québec, n'est-ce pas. Il y en a 213.

M. Archambault: Nous sommes au courant.

M. Ryan: Vous savez très bien qu'il y en a un grand nombre qui ne pensent pas comme vous là-dessus. Encore une fois, je répète ce que je vous ai dit. C'est un point de vue et je vous conteste fortement le droit de vous présenter comme les porte-parole de tous les parents catholiques. J'en suis un et je trouve que votre point de vue ne me représente pas. Je suis loin d'être le seul. J'ai des électeurs qui m'appuient. Il y a beaucoup d'autres députés dans cette Chambre qui sont dans la même situation que moi. Je vous invite seulement à un peu plus de réserve là-dessus. Pour le reste, je respecte votre opinion. Je dis qu'elle n'est pas applicable dans le contexte actuel, qu'il n'est pas souhaitable pour le bien général concret qu'elle soit appliquée sous les formes où vous la proposez. C'est tout. On continue le débat. Il n'y a pas de problème là-dessus. À Montréal, dites-moi donc comment vous allez organiser cela pour tenir compte de la réalité multiforme que nous avons,

y compris à l'intérieur même de la CECM?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Archambault.

M. Archambauit: Je ne comprends pas qu'on puisse nous affirmer au point de vue de la réalité multiculturelle de Montréal... Le président de la Commission des écoles catholiques le disait à notre rencontre du 12 avril dernier avec les évêques, s'il y a une réalité, un pluralisme ethnique, il n'y a pas de pluralisme religieux à Montréal. La population ethnique est à 91 % catholique et considère même que la CECM n'est pas assez catholique malgré qu'elle y va en majorité, elle préférerait les institutions privées à cause de ce point de vue. Le nombre de personnes qui vont à la commission scolaire protestante n'est tout de même pas à ce point élevé, cela justifierait l'ouverture de quelques écoles et d'une commission - je ne vois pas quelle est la difficulté. J'ai moi-même été gestionnaire d'entreprise toute ma vie et vous garantis qu'au point de vue de la gestion, ce que cela va coûter, ce que cela va causer d'embarras et de désorganisation - on n'a pas abordé ce point-là, c'est pour cela que je n'en parle pas trop - je suis étonné qu'on puisse penser à réaliser cela. Cela va encore biffurquer à un moment donné. (12 h 15)

De toute façon, pour en revenir à ce que nous disions, le nombre de parents qui veulent une école française neutre est très limité même à Montréal où se trouve justement le milieu le plus cosmopolite. Alors, que dire dans le reste de la province? Pourquoi installer des commissions scolaires linguistiques qui masquent tout simplement, qui transposent le débat sur la foi à celui de la langue? C'est tout simplement cela. Cela veut dire des commissions scolaires neutres. C'est un peu comme quand on a essayé de nous vendre l'idée d'une école rnulticonfessionnelle qui n'était pas multiconfessionnelle... C'était une école avec des enseignements religieux divers. C'est justement là qu'on a pris les parents de Notre-Dame-des-Neiges et ils n'ont pas compris ce qui se passait, qu'une école multiconfessionnelle, était une école ni catholique, ni protestante, ni quoi que ce soit. C'était une école neutre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Archambauit. Je reconnais maintenant, pour la dernière période de discussion, Mme la députée de Chicoutimi, qui est la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci. M. le Président, M. Archambauit, madame, messieurs, à la commission parlementaire, nous essayons d'accueillir avec le plus d'ouverture possible toutes les opinions qui sont émises. Je dois dire que je partage les réserves du ministre touchant la représentativité de votre organisme. Quand j'entends de tels propos - je suis baptisée, catholique, croyante - je dois vous dire que l'esprit chrétien pour moi, c'est fait de respect, de tolérance et d'ouverture. J'ai toujours beaucoup de difficultés à m'identifier à cette attitude intransigeante, intolérante, radicale, exclusive. D'autant que j'ai rencontré à l'occasion d'une réception officielle Mgr Vachon, il y a quelques jours, et je lui parlais précisément du projet de loi qui est sur la table. Il m'a semblé avoir compris que l'Assemblée des évêques était d'accord avec un projet qui garantirait aux écoles la possibilité d'être confessionnelles. Vous allez me permettre de dire un peu ce que j'ai rappelé. Il y a certains groupes - et c'est le fait dans toute société, je pense bien - qui ont toujours le goût d'être plus catholiques que le pape.

C'est normal probablement et il faut vivre avec cela. Mais, je ne partagerais pas votre avis. Si je fais votre analyse quant à votre représentativité, cela veut dire qu'ici... Prenons seulement les gens - pas ceux qui vous accompagnent, évidemment - qui sont autour, nous sommes une vingtaine, cela voudrait dire qu'ici, il y en a au moins sept que vous représentez; cela me paraît beaucoup. Il se peut que vous ayez raison en nombre. Je vais vous raconter une petite anecdote qui m'est arrivée, il y a déjà quelques années, alors que ma fille était inscrite dans une école privée.

Des voix: Ah!

Mme Blackburn: Oui. D'ailleurs, elle s'est opposée, elle n'a pas voulu y rester.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Bon point pour elle!

Mme Blackburn: Excellent! M. Ryan: La petite Blackburn.

Mme Blackburn: Je me suis aperçue que, deux ou trois mois après, j'étais membre de l'Association des parents catholiques.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Oui, je vous dis cela avec le plus grand sérieux. Dans l'inscription, il y avait une somme, j'ai dit: Cela sert a quoi? On m'a donné de vagues explications. À un moment donné, je me retrouve membre de l'Association des parents catholiques sans mon autorisation. Je n'en avais pas contre les 2 $ qu'on envoyait à l'Association des parents catholiques - 2 $ sur les 15 $ ou 20 $ qu'on donnait - mais contre le fait qu'on m'avait embrigadée et qu'on prétendait ensuite que l'Association des parents catholiques parlait en mon nom. J'ai écrit et j'ai dit: Ce

n'est pas vrai, je ne vous autorise pas à parler en mon nom. Si c'est le genre de représentation que vous avez, je pense que vous pouvez représenter 2 000 000 de citoyens. Vous savez, 2 000 000 au Québec, c'est un sur trois, c'est considérable, c'est le tiers de la population. Je vous dirai que, dans les démarches que j'ai faites, parmi les gens que je rencontre, je rencontre peu de personnes qui partageraient la lecture que vous faites. Elles la partagent si on leur dit carrément: Voulez-vous encore des écoles confessionnelles? Elles vont dire oui. C'est bien évident, je pense qu'il n'y a pas de problèmes. Mais avec une information beaucoup plus claire, beaucoup plus nette, beaucoup plus précise, il y a peu de personnes, à mon avis, qui partagent votre lecture. Vous semblez parler au nom d'une société québécoise qui serait homogène. La société québécoise n'est plus homogène. J'ai quasiment entendu M. Le Pen en vous entendant - vous avez suivi... - parce que très exclusif, on n'aurait plus le droit de recevoir d'immigrants... Par ailleurs, vous allez me permettre également... Vous parlez au nom des parents catholiques, des écoles du Québec. Vous allez me le permettre même si c'est un peu brutal. J'en vois peu chez vous, à l'oeil, je ne connais pas votre âge, qui semblent avoir des enfants d'âge scolaire. Je dis les choses brutalement, parce que je me dis qu'on ne peut pas dire n'importe quoi. La démocratie permet l'expression de toutes les opinions, mais il y a un minimum, je ne dirais pas de vérité, mais un minimum à ce qu'on peut dire sans que cela suscite une certaine réaction.

Par ailleurs, je dois vous dire que, dans votre mémoire, je partage une bonne partie de votre lecture quant aux effets de la centralisation. Je l'ai dit à maintes reprises, je pense qu'il y a plus de qualité, d'efficacité et de créativité dans la responsabilisation de ia décentralisation. Cela n'était pas l'essentiel de votre propos et je pense que la décentralisation n'a pas nécessairement d'effet sur ce que veut défendre votre mouvement.

Une toute petite question. Les commissions scolaires qui sont membres, elles le sont combien? C'est la commission scolaire qui paie une cotisation chez vous?

M. Archambault: II n'y a pas de cotisation.

Mme Blackburn: Mais comment devient-on membre de votre mouvement?

M. Archambauft: Nous envoyons une formule, dans tout le Québec, à toutes les commissions scolaires, aux comités d'école, aux paroisses et à tous les organismes qui sont actifs. Elle contient les attendus... C'est marqué: Le but, le maintien et la promotion du système scolaire confessionnel; les attendus que vous lisez dans le mémoire sont là. S'ils veulent adhérer, ils remplissent la formule qui est attachée et nous la retournent avec les attendus; ils sont bien apparents et très clairs.

Maintenant, je récuse l'accusation d'avoir un curieux de ton. Nous avons peut-être un ton ferme; il est à peu près temps que quelqu'un le tienne. Au point de vue de l'ouverture, nous sommes très ouverts. Nous acceptons - ce serait un droit de ces parents - qu'on ouvre des écoles autres et nous serons très heureux quand ils le feront parce que nous commencerons à avoir la paix scolaire.

Les parents, quand ils voient ce qui est arrivé à leurs enfants, quand je vois dans les nouvelles qu'on nous parle d'alcool, de drogues, de ceci et de cela, qu'on nous illustre les "parties" de cégep où nos enfants apprennent à prendre de la drogue, à boire ou etc., où il n'y a plus de discipline ni rien, quand les parents voient les conséquences sur leurs enfants et nous parlons au nom des parents et non pas au nom des cadres, comme je l'ai dit tout à l'heure, franchement, leur demander de la tolérance, c'est un peu exagéré.

Nous ne sommes pas intransigeants. De plus, vous mettez en doute notre représentativité, mais lisez donc l'historique. Il y a même un parti politique qui a disparu de la circulation. M. Johnson a promis que la réforme scolaire suivrait la volonté de ia population et que le sous-ministre, Arthur Tremblay, devrait démissionner. Il n'a pas tenu parole. J'étais présent aux réunions qui se sont tenues sur le chemin de Sainte-Catherine, chez les Dominicains où M. Cardinal était présent; notre président, M. Bouchard, était présent. La température de la salle faisait quasiment éclater le plafond. Ils n'ont pas tenu leurs promesses. Quand M. Lesage a été battu, c'est lui qui a déclaré: "Nous avons été battus par l'éducation", ce n'est pas nous qui l'avons dit, c'est lui. C'est M. Johnson qui a prononcé ces paroles. Qu'est-ce qui est arrivé, ce n'est pas la seule cause, mais c'est une des principales causes qui a fait que le parti de l'Union Nationale a subi une défaite plus sérieuse que tous les autres. Il ne faut tout de même pas minimiser nos problèmes.

Une voix:... il me semble qu'il est parti.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant! M. Beaudoin...

M. Archambault: Je demanderais à M. Beaudoin...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que M. Beaudoin voudrait renchérir? M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Benoît): Je ne veux pas renchérir, mais les propos...

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, messieurs!

M. Beaudoin: Je voudrais faire une réflexion sur les propos de Mme la députée de l'Opposition. Je crois qu'il faut faire la distinction fondamentale en ce qui regarde la nation et l'État. Vous qui êtes en politique, au gouvernement, vous êtes conscients que dans les projets que vous déposez ou les lois que vous faites, vous devez vous assurer tout d'abord que ces lois et ces projets correspondent aux voeux, aux désirs et aux valeurs de la nation, mais ii ne faut pas confondre le gouvernement, l'État avec la nation. C'est ce qu'on est venu vous dire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée, en conclusion.

Mme Blackburn: J'aurais terminé, M. le Président. Je veux simplement dire que vous semblez avoir une définition très homogène de la société, de la nation québécoise. Elle est de plus en plus pluraliste. C'était simplement mon commentaire. Je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre.

M. Ryan: Je remercie le Mouvement scolaire confessionnel. Je voudrais juste rappeler un fait d'histoire, en terminant. Nos commissions scolaires, en dehors de Montréal et de Québec, ont été pendant très longtemps des commissions scolaires communes, pas confessionnelles. Elles l'ont été de 1867 jusqu'à 1971, d'après la jurisprudence. Il n'y avait pas de caractère juridiquement confessionnel dans ces commissions scolaires. Elles ont quand même produit des écoles catholiques, les écoles étaient aussi catholiques à Trois-Rivières qu'elles l'étaient à Montréal et à Québec, territoires protégés par la constitution. Cela n'a pas empêché d'avoir des écoles catholiques. Pourquoi? Parce que les convictions des citoyens, l'atmosphère générale de la société, les valeurs religieuses occupaient une place dominante qui s'est traduite dans le système scolaire par le voeu de la démocratie librement exercée. C'est ce qu'on demande de faire.

Je ne voudrais pas que vous puissiez penser que vous pouvez compter sur le gouvernement actuel pour reproduire à travers tout le Québec la situation qui existe en particulier à Montréal et à Québec et qui rend très difficiles les solutions raisonnables, justes et équitables aux problèmes que nous avons. On cherche les solutions, on va continuer de les chercher et l'éclairage que vous nous apportez est l'un de ceux dont nous avons besoin, même si nous ne pouvons pas partager votre opinion sur beaucoup de choses que vous avez dites. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Archambault, une dernière intervention.

M. Archambault: Une petite mise au point. D'après nos informations, au point de vue juridique, premièrement, selon l'article 93 de la constitution, les commissions scolaires qui existaient en dehors de Montréal et Québec étaient réservées aux catholiques ou aux protestants, elles étaient automatiquement, d'une façon, confessionnelles. De plus, dans le jugement rendu par la Cour suprême dans le cas Hirsch, les juges étaient unanimes à déclarer qu'elles étaient toutes confessionnelles, et c'est le Conseil privé de Londres qui a renversé leur décision. Des décisions récentes rendues jusqu'en 1987, montrent bien que certaines des 737 commissions scolaires sont confessionnelles de droit. Alors, c'est un débat juridique qu'il faudrait approfondir plus, mais nous avons suffisamment d'information là-dessus pour nous baser sur nos actions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Archambault. Les règlements étant ce qu'ils sont et l'Assemblée nationale siégeant à 14 heures aujourd'hui, nous devons suspendre nos travaux. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'après la période des affaires courantes, à 15 h 30.

(Suspension à 12 h 28)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation va poursuivre ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de tenir des auditions publiques sur les projets de loi 106 et 107, projets de loi ayant trait aux élections scolaires et à l'instruction publique.

Cet après-midi, avant de débuter, j'aimerais souhaiter une bienvenue particulière à des gens du comté de Deux-Montagnes, comté un peu au nord de Montréal, qui sont venus ici nous visiter. Ils sont accompagnés de leur professeur, M. Claude Rousseau. Alors, soyez les bienvenus à cette commission parlementaire qui traite de l'éducation. C'est un dossier très important. On est très heureux de voir que vous vous en préoccupez.

Dans un deuxième temps, je vais souhaiter la bienvenue à nos invités, officiels ceux-là, l'Association provinciale des enseignants protestants, qui est représentée par son président, M. Harvey Weiner. M. Weiner, la commission parlementaire de l'éducation va vous entendre durant une heure. Nous vous suggérons de prendre de quinze à vingt minutes pour nous présenter votre mémoire. Après cela, le reste du temps sera réparti également entre les deux formations politiques et nous pourrons échanger des propos ensemble.

Alors, M. Weiner, je ne sais pas si vous

parlez français ou anglais.

M. Weiner (Harvey): Je parle très bien français.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui? Sentez-vous bien à l'aise de vous exprimer dans la langue avec laquelle vous vous sentez le mieux. Pour les besoins du Journal des débats, M. Weiner, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, immédiatement après, enchaîner avec la présentation du mémoire. Nous vous écoutons.

Association provinciale des enseignants protestants

M. Weiner: Merci, M. le Président. Évidemment, je parle les deux langues, comme tout le monde. Cela me fait plaisir d'être ici, comme représentant des 6000 enseignants et enseignantes membres des syndicats affiliés à l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec. Nous sommes heureux de pouvoir soumettre ce mémoire sur le projet de loi 107, qui vise une réforme de la Loi sur l'instruction publique. Mes collègues autour de la table sont Lloyd Brereton, à mon extrême gauche, qui est le président du Syndicat des enseignants de Saint-Laurent-Richelieu; Mme Ruth Rosenfield, présidente de l'Association des enseignants de Montréal; Mme Maureen Morris, présidente du Syndicat de l'Association des enseignants du Lakeshore et M. Mike Weiner, président du Syndicat des enseignants de Laurenord.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus, ainsi que Mme la députée de Deux-Montagnes, Mme Legault. Soyez les bienvenus. Allez, monsieur, nous vous écoutons.

M. Weiner: Merci. The presentation, I understand, has to have started at 3: 30 and actually we had chosen this particular time because, in consultation with my astrologer, Mme Jean Quigley...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Weiner: She suggested this would be a fairly propitious moment for our presentation. Actually, we are a bit late now. I wonder whether 6: 00 a. m. tomorrow morning would a convenient replacement time.

On a more serious vein, Mr. Chairman, permettez-moi de décrire un peu notre organisation. Nous représentons tous les enseignants et enseignantes des écoles protestantes de langue française et de langue anglaise. Environ 30 % de nos membres sont francophones. Les commissions scolaires protestantes ont à leur emploi des enseignantes et enseignants protestants, catholiques, juifs, musulmans, hindous, agnostiques et athées. Environ 25 % des membres de l'APEP sont catholiques et nous sommes très fiers du fait que notre organisme, par ses membres, reflète la diversité de plus en plus grande de notre société québécoise.

La nécessité d'une réforme scolaire. Il ne faut surtout pas croire qu'une réforme scolaire ne sert qu'à redresser les structures. Son but principal est en effet d'améliorer le niveau et la qualité des services pédagogiques offerts aux élèves. Ce n'est qu'alors que les structures pourront s'adapter plus efficacement à ces besoins. Nous maintenons effectivement que toute réforme scolaire, bien que sa rentabilité économique soit importante, doit non seulement maintenir, mais aussi améliorer la qualité de l'éducation dans nos écoles. Malheureusement, il y a très peu dans le projet de loi 107 - et on est conscient du fait qu'on ne peut pas mettre tout là-dedans - qui tend à suggérer un engagement renouvelé à l'importance de l'éducation dans les écoles publiques et on attend de voir ce renouvellement.

Le rapport du Conseil supérieur de l'éducation émis en 1984 sur les conditions d'enseignement devrait être relu et analysé dans cette optique. Nous pensons effectivement que dans une telle brique, il y a des choses qui sont très bonnes pour l'éducation et nous croyons que cela doit être vu. Il en va de même du rapport sur les États généraux qui lui aussi devrait être analysé de la même façon.

Droits de l'élève, à la page 4. Les manuels scolaires ainsi que le matériel didactique doivent être davantage accessibles à l'élève qu'ils ne le sont présentement. Leur accès gratuit est important, mais cet accès devient inutile si les manuels scolaires et le matériel didactique ne sont pas disponibles. Les recommandations de notre organisation suivent.

Sur la question des droits et obligations de l'enseignante et de l'enseignant, effectivement, on met le focus sur cet aspect. Quoique les droits de l'enseignante et de l'enseignant soient spécifiquement reconnus dans le projet de loi 107, la liste en est minime. En fait, des trois points énumérés à l'article 16, le premier est une obligation, notamment le droit de régir la conduite de chaque groupe d'élèves qui lui est confié.

Nos obligations sont définies par la convention collective et doivent continuer, à notre avis, à être définies ainsi. Nous devons exprimer notre réticence quant aux obligations de l'enseignante et de l'enseignant énumérées à l'article 19. Plusieurs de ces obligations, M. le Président, peuvent discutablement être remplies par un saint ou toute autre personne s'y rapprochant. Nous admettons ouvertement aujourd'hui que la plupart des enseignantes et enseignants n'ont pas atteint ce statut et n'aspirent pas non plus à l'atteindre. L'APEP s'interroge à savoir si le ministre prétend que cet objectif est réaliste.

Par exemple, comment peut-on évaluer si

l'enseignante ou l'enseignant a développé chez chaque élève qui lui est confié le goût d'apprendre? Il semble raisonnable de s'attendre que ce sujet soit considéré comme un objectif à poursuivre, de concert avec toutes les personnes impliquées dans l'éducation de l'enfant, y compris les parents. Toutefois, il est certain que ce sujet ne doit pas être considéré comme une obligation lorsque celle-ci est impossible à remplir, sur une base universelle, et il ne peut pas être évalué selon les critères objectifs.

Pareillement, l'article 19 du paragraphe 7 semble mettre l'accent de façon plutôt brutale et sans égard au fait qu'il relève de l'enseignante et de l'enseignant de mettre en application des décisions prises par un peu tout le monde. D'ailleurs, l'enquête du Conseil supérieur de l'éducation sur l'état des écoles au Québec a démontré que ce point constitue un problème majeur. Nous trouvons que le paragraphe 7 est redondant et, en plus, est potentiellement dangereux. Il arrive souvent que des décisions prises sur un même sujet, à un certain niveau d'autorité, viennent en conflit avec celles faites par d'autres niveaux d'autorité. Quelles décisions l'enseignante ou l'enseignant appliquera-t-il?

Cette approche n'améliorera pas le moral de l'enseignante et de l'enseignant, ni la profession d'enseignant elle-même. Le remède se situe davantage dans un plus grand degré d'autonomie individuelle et collective. Le projet de loi 107 ne touche pas, à notre avis, à ce point fondamental. (16 heures)

Nos recommandations suivent à la page 7. Sur la question de révocation ou de suspension de l'autorisation d'enseigner, on a quelques commentaires. On pense effectivement que les règles de preuve et de procédure doivent être établies et transmises à l'enseignante et à l'enseignant. Cela ne doit pas être quelque chose de facultatif qui est laissé au soin du comité. De plus, les dispositions prévues à l'article 18, paragraphe 7 de la Loi sur l'instruction publique, qui lui permettent de remettre en vigueur le brevet de capacité de toute enseignante et de tout enseignant qui, depuis deux ans après la date de révocation d'un tel brevet, a eu une conduite irréprochable, nous ne comprenons pas pourquoi cette disposition a été supprimée de la loi actuelle.

Quant à la question de directeur d'école, à la page 9, nous pensons effectivement que, contrairement à ce qui est déterminé pour les enseignantes et les enseignants, il y a une augmentation des droits du directeur d'école. On ne dit pas qu'en soi ce n'est pas bon, mais effectivement, on veut se trouver d'une façon plus importante aussi, comme enseignant et enseignante. Il y a des conflits, nous pensons, entre certains articles ou clauses de la convention collective de notre entente avec le CPNCP et ce qui est écrit dans la loi 107. On mentionne ici un exemple de ces conflits potentiels. Il y en a d'autres, et on va se référer à ces articles aussi.

Quant à la question de la participation des parents, à la page 12, nous croyons effectivement que le rôle décisionnel accordé par le ministre au conseil d'orientation n'est ni réalisable, ni pratique, ni souhaitable, parce qu'il remet en question le rôle et la responsabilité des éducateurs qui ont les qualifications professionnelles pour prendre des décisions en matière d'éducation, à l'intérieur de leurs champs de compétence. Par analogie - on a utilisé la même, parce que c'était un problème avec la loi 3 - même si un chirurgien confère habituellement avec son malade et lui explique la nature d'une opération majeure, la décision finale sur cette intervention et la méthode employée relèvent du médecin et ne sont certainement pas basées sur le choix ou les directives du malade. Nous pensons effectivement - je ne sais pas si c'est exclusivement dans notre secteur protestant - que les parents n'ont pas nécessairement la volonté, le désir de diriger une école, tout simplement parce qu'ils sont des parents. Les parents de notre secteur, qui siègent à des comités d'école, ont déjà affirmé ce fait et vont l'affirmer, les regroupements de parents du secteur protestant dans les jours qui suivent. On a quelques recommandations sur ce sujet à la page 13. Il y en a quatre pour le ministre, la troisième, c'est pour nous, c'est une recommandation à nos syndicats affiliés, c'est un travail qui continue au moment actuel. Effectivement, on encourage la tenue de réunions conjointes entre le comité d'école et le conseil d'école, ainsi que l'échange d'observateurs entre ces deux groupes. C'est quelque chose qui fonctionne bien dans un grand nombre d'écoles. On encourage aussi, au sein de nos syndicats, des réunions fréquentes entre les parents et les enseignants pour discuter de ce qui se passe à l'école.

Le rôle et les attributions de la commission scolaire. Effectivement, on voit une balance: pouvoirs et attributions entre la commission scolaire, le gouvernement et tous les autres intervenants qui ont un intérêt dans l'éducation. On pense que l'équilibre existe actuellement. On trouve quelque chose dans la loi qui nous inquiète un peu. Je vais faire référence à ces choses dans mes prochains commentaires. Sur la question du conseil des commissaires, à la page 16, nous prétendons effectivement que les articles 148 et 149 doivent également s'appliquer au comité exécutif du conseil des commissaires, tel que décrit à l'article 164. Nous pensons que les séances à huis clos doivent être restreintes au strict minimum. Nous pensons que le mandat du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'appentissage, article 167, chevauche celui du comité prévu à la clause 8-11. 02, de notre entente citée ci-dessous.

Nous nous interrogeons également sur la phraséologie des articles 196 à 198, comparativement au contenu de l'article 450 de la loi

actuelle. On s'oppose à une possibilité de majoration de prestation de services qu'une commission scolaire peut conclure par entente avec une institution d'enseignement privé. C'est une situation qui peut, à notre avis, avoir des répercussions sur la sécurité d'emploi de nos membres ainsi que sur la qualité des services offerts aux élèves.

Le gouvernement et le ministre de l'Éducation, à la page 19. On pense que c'est quelque chose dont on doit tenir compte dans n'importe laquelle loi. Nous pensons, effectivement, qu'il y a ce but dans le projet de loi 107. On ne doit pas permettre à un groupe, que ce soit un groupe d'élèves, de parents, d'enseignantes ou d'enseignants, de directeurs ou de commissaires, à un membre de l'Assemblée nationale ou au ministre de l'Éducation lui-même, de prendre seul des décisions fondamentales, à l'exclusion des autres. Il y a quelques articles pour lesquels nous avons des Inquiétudes; on va les mentionner.

Les recommandations, à la page 22. Effectivement, nous pensons que l'un de ces articles, l'article 423, rendrait optionnelle l'éducation dans les spécialités professionnelles, selon la discrétion du ministre. Les ramifications pour (a sécurité d'emploi sont importantes. Les mots, je cite: "... et, s'il le juge opportun, dans les spécialités professionnelles" doivent être biffés, à notre avis. Le ministre - on s'interroge - a-t-il vraiment le pouvoir de décider que certaines commissions scolaires n'auront pas le droit d'offrir des spécialités professionnelles ou des services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage? On n'est pas certain de cela et on pense que c'est un article qui doit être soumis aux tribunaux avec les autres que le ministre a déjà indiqués.

Dispositions transitoires et finales. On s'oppose catégoriquement et on a fait la même chose avec la loi 3 - au contenu de l'article 577 qui ne tient pas compte des articles 3 et 10 de ia Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous nous opposons également aux exclusions citées à l'article 578 touchant la constitution du Canada. Les droits auxquels il est référé dans ces deux articles sont des droits fondamentaux et ne doivent être mis de côté sous aucune considération.

Et maintenant, le gros de notre présentation, notre objectif qui est partagé chez nous, c'est la formation de commissions scolaires linguistiques. C'est une réforme des structures qui a été traitée par l'APEP à de nombreuses occasions au cours des dix dernières années, sinon plus, je ne me souvient plus. Effectivement, l'APEP a toujours prôné la formation de commissions scolaires publiques communes et ce, depuis 1864. Et, 124 ans plus tard, nous ne sommes pas plus près de cet objectif.

Confessionnalité par rapport à consolidation. Dans ce contexte, l'APEP réitère son appui à la création de commissions scolaires linguistiques avec des écoles non confessionnelles. De plus, nous réaffirmons notre position de longue date, à savoir que la constitution du Canada doit garantir le contrôle et la gérance de telles commissions scolaires par la communauté de la minorité linguistique, anglaise ou française, dans chaque province ou territoire. Ce n'est pas un préalable, M. le ministre, la formation des commissions scoiaires linguistiques, c'est une volonté de notre organisation de voir cela comme disposition dans la constitution du Canada pour toutes les minorités autour du Canada.

Lors des audiences publiques sur les projets de ioi 40 et 3, il nous a été impossible de réconcilier la proposition de commissions scolaires linguistiques, tout en retenant le modèle d'écoles confessionnelles. On retrouve la même difficulté dans le projet de loi 107. Quoique son but soit de créer des commissions scolaires linguistiques, il crée une situation hybride qui préserve les quatre commissions scolaires, CECM, CEPGM, CECQ et la Commission scolaire du grand Québec, en tant que commissions scolaires confessionnelles. Le maintien des commissions scolaires dissidentes actuelles et la possibilité que d'autres soient créées sont également des complications additionnelles. De plus, la possibilité de surimposition de commissions scolaires linguistiques dans ies territoires de commissions scolaires confessionnelles ne va créer que des fragmentations additionnelles, à notre avis. L'APEP réaffirme sa croyance, à savoir que dans une société québécoise de plus en plus pluraliste, il est illogique de maintenir un système d'éducation public basé sur la confessionnalité.

Une des raisons pour lesquelles l'APEP décide d'appuyer la création de commissions scolaires linguistiques est le besoin accru de consolidation et d'utilisation des ressources humaines et matérielles, vu la diminution marquée du nombre d'élèves dans le secteur anglophone des commissions scolaires protestantes. Le maintien des commissions confessionnelles nie largement cet objectif.

M. le Président, si vous me le permettez, je vais continuer un peu dans ma langue maternelle.

Declining enrolments in English schools have resulted in a problem, a real problem of surplus of personnel, particularly for teachers in the Montréal area. These teachers, and others who are not yet in surplus, are legitimately concerned about their job prospects now and in the immediate future. These concerns could easily be exacerbated if the staffing question is not addressed humanely.

In assessing the proposed legislation, the Montreal area teachers are in a particularly difficult situation. For them, it is impossible to evaluate purely on the basis of idealogical beliefs when the ramifications of the proposal may very well cause many teachers to lose their current jobs.

PAPT has supported the creation of language boards in the past - we have so indicated - although it must be admitted, as we

got closer to the actual implementation date of Bill 3, many fears began to surface about the impact of the amalgamation of different teacher groups with different levels of seniority.

I think the members of this committee must understand the deep sense of insecurity that is being felt by teachers who are working in the English language. With enrolments still in decline, with the potential for that decline to continue, perhaps stabilized at some point, but with very little prospect for real growth, these are concerns which must be dealt with and must be clarified in order to address the issues that our teachers in the Montreal area in particular would be facing.

The legislation, we recognize, appears to leave the Protestant School Board of Greater Montreal as it is, which is very illogical. I think we would all admit, in terms of the overall structure for the educational system that is proposed, but is also understandable in some respects, in view of previous judgments that have been rendered by the courts on attempts at reorganization.

Nevertheless, the appearance in this case is certainly deceiving, in that the PSBGM territory is not the same as that of the Montreal Catholic School Commission. Therefore, there will be areas of the protestant school boards territory which will overlap with a newly created English school boards. Examples of this kind of over-laping can be found in Verdun, in LaSalle, in Lachine, in Saint-Laurent. What kind of choices will PSBGM parents in these areas make in the future? Will they choose English education in the nearest English school, or English education in the protestant system with which they are already familiar, even though they, themselves may not be protestant. What will be the impact of these choices?

If the legislation creates an exodus of students of PSBGM into the new language boards, leaving the teachers with the PSBGM, their fate will surely be to become teachers on availability in greater numbers than is currently the case. In 1987-1988, such teachers without long-term substitution assignments are expected to receive only 95 % of their salary. For 1988-1989, this percentage will drop to 90 %. Since this is the first year in which salaries for those teachers on availability or some teachers, at least, on availability will be lower than or less than 100 %, you can, no doubt, appreciate the extent to which concerns about jobs and the effect of potential legislation have been magnified.

We do not see a solution which allows for a comfortable discussion of this issue that is based, as I mentioned before, solely on these intellectual principles. Many of the teachers who might be in jeopardy have devoted more than twenty years of service to education in Québec. We are not talking about teachers who recently entered the profession.

If there was at least some positive sign that this kind of issue could be dealt with in a humane way, there might be iess apprehension. It is certainly an issue that must be addressed. We recognize fully that it cannot addressed in the law itself, but there are other fora in which that issue can be discussed and can be resolved in a satisfactory way. (16 h 15)

Le besoin de clarification, à la page 29. Nous sommes conscients de la complexité des sujets et questions touchant la constitution qui ont inévitablement surgi lorsqu'une loi touchant la restructuration scolaire a été introduite dans le passé. Par conséquent, nous trouvons qu'il est essentiel que la loi soit soumise devant les tribunaux afin qu'une décision soit rendue avant sa mise en application. Camille Laurin avait la conviction que la loi 3 était conforme à la constitution. Le jugement rendu par le juge Brossard en a décidé autrement. Bien que le ministre de l'Éducation prétende que le projet de loi 107 soit constitutionnel, il reviendra aux tribunaux d'en décider.

L'APEP, effectivement, félicite le ministre de l'Éducation de s'être engagé à soumettre le texte de la loi proposée à la Cour d'appel du Québec. Cela va éviter la situation catholique qui peut résulter si la loi est mise en vigueur dès son adoption. Toutes les questions, nous pensons, touchant les structures des commissions scolaires doivent également être soumises. Ainsi, les droits constitutionnels qui s'appliquent aux minorités linguistiques devraient être clarifiés. Les articles qui traitent de tels sujets ne doivent pas avoir force de loi d'ici à ce que ces questions obtiennent une réponse.

Nous reconnaissons que le processus législatif proposé dans ce domaine est long et ardu et cela est frustrant pour ceux d'entre nous qui reconnaissent le besoin d'un changement depuis plusieurs années. Toutefois, nous reconnaissons le travail difficile pour le ministre d'essayer de trouver une piste. Il semble y avoir très peu d'alternatives viables légales et politiques à la procédure proposée. On doit le constater. Il est, par conséquent, essentiel que les parties intéressées se voient garantir l'opportunité - on souligne cela - d'évaluer le jugement de la Cour suprême lorsqu'il sera émis dans quatre ou cinq années. La situation légale qui sera alors établie pourra nécessiter l'introduction de différentes propositions.

L'APEP recommande donc que d'autres auditions publiques soient tenues à ce moment-là. Il est nécessaire que des discussions aient lieu afin de déterminer les amendements ou modifications constitutionnels requis afin d'établir un système cohérent, et c'est cela qui est nécessaire.

Il est évident que le statu quo n'est pas possible comme option. Il n'existe pas de statu quo en éducation, particulièrement au Québec. Les méthodes d'inscription, les lois sur la langue

et une clientèle changeante ont fait qu'il a résulté des changements majeurs sur le caractère des commissions scolaires protestantes et catholiques du Québec au cours des dix dernières années. Des changements sont survenus de façon ad hoc parfois et continueront de survenir au hasard si rien n'est fait. Cela est sûrement inacceptable.

La réforme scolaire se doit d'être un sujet positif et non négatif. L'APEP prétend que le débat peut être productif et qu'il amènera l'unité lorsque la situation légale sera clarifiée. Nous devrions alors faire un effort pour obtenir un consensus quant à la meilleure façon d'obtenir les objectifs désirés.

Il est grand temps de le savoir. Nous nous devons d'avoir des réponses si nous désirons prendre notre avenir en main et le façonner dans l'intérêt des enfants auxquels nous enseignons. Certains apprécieront les décisions rendues par les tribunaux et d'autres, inévitablement, ne les apprécieront pas. Toutefois, chacun d'entre nous se doit de savoir le sens de ce qui existe si nous devons abandonner tous mythes et impressions et, finalement, faire face à la réalité qui a été convenue. Ce ne sera qu'alors que nous pourrons transiger avec confiance sur les questions qui nous concernent afin de faire en sorte que les élèves soient prêts à relever les défis du XXIe siècle. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. Weiner, d'avoir bien voulu accepter notre invitation et de venir apporter votre éclairage sur ce projet de loi. Dans un premier temps, comme premier intervenant, je vais reconnaître le ministre de l'Éducation, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je vous remercie. Il me fait plaisir de saluer la délégation de la Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec, l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec, sous la présidence de M. Harvey Weiner, qui nous est bien familier à cette commission parlementaire parce qu'il est venu à plusieurs reprises rencontrer les parlementaires au nom de son groupe. L'association des enseignants du Québec a préparé un mémoire qui touche un grand nombre de points essentiels du projet de loi 107. Je pense que nous aurons intérêt et profit à discuter avec la délégation de cet organisme, question d'intérêts communs

Je remarque, au départ, dans tes précisions qu'on nous a données sur la composition de l'association, qu'on indique que 30 % des membres sont francophones, que 25 % sont catholiques, ce qui indique, en prolongement de nos débats de ce matin, que le processus de diversification des opinions, des modes d'engagement en matière d'éducation est déjà pas mal plus avancé que certains ne veulent l'admettre du côté de ceux qui adoptent une approche plus intégriste, je dirais. Déjà, dans la pratique, les choix que font les gens indiquent une diversité beaucoup plus forte que ne saurait le suggérer une approche trop fortement teintée de logique abstraite. Je pense que ce que vous vivez avec vos membres se vit aussi dans une mesure assez large chez les parents et les enfants.

I! y a d'autres territoires du Québec où des enfants catholiques de langue anglaise sont confiés pour leur instruction à des commissions scolaires protestantes qui sont, à toutes fins utiles, des commissions scolaires de langue anglaise. Des ententes sont faites entre les commissions scolaires catholiques qui en sont responsables et les commissions scolaires protestantes qui couvrent le même territoire. En général, je dois observer que les services offerts è ces étudiants catholiques anglophones par des commissions scolaires protestantes anglophones sont de bonne qualité et donnent satisfaction aux parents. On a des arrangements prévoyant que l'instruction religieuse sera donnée conformément à la confession à laquelle appartiennent ces élèves. Sauf cette mesure particulière, le reste ne semble pas susciter de problèmes invincibles. C'est une des raisons qui poussent le gouvernement à évoluer dans cette direction-là. Nous avons déjà de facto une situation au Québec où les commissions scolaires sont largement linguistiques, en dehors de Montréal en particulier. Nous nous disons: Si le législateur reconnaît cette réalité et la confirme dans un texte législatif, les choses seront claires pour tout le monde. Je vois que votre association favorise cette orientation. Je n'entends point, par conséquent, engager de débat avec vous sur cela. Nous sommes résolus à aller dans cette voie-là en prenant, comme vous l'avez dit, des précautions judiciaires nécessaires. En tout cas, j'apprécie l'appui que votre association donne au projet de loi du gouvernement sur ce point précis.

Un point sur lequel nous nous séparons d'avec vous a trait au statut des écoles en matière de confessionnalité. Vous voudriez que les écoles soient non confessionnelles et nous trouvons que ce n'est pas la meilleure manière de répondre aux attentes de nos concitoyens pour qui les écoles existent en définitive. Elles n'existent pas pour le gouvernement. Elles n'existent pas pour les corporations professionnelles. Elles n'existent pas pour les groupes d'intérêt. Elles existent pour les familles et pour les enfants. Or, notre lecture de la réalité nous indique qu'une très grande majorité de parents veulent encore pour leurs enfants des écoles où il y a une connotation religieuse et morale explicite. Dans le projet de loi, nous assouplissons les choses par rapport à la situation actuelle. Actuellement, vous avez des commissions scolaires catholiques dont les écoles sont également catholiques ou protestantes. Tandis que là, il y aurait une commission scolaire linguistique, deux commissions scolaires linguistiques parallèles dont les écoles auraient un statut déterminé à la suite de consultations qui permettraient de savoir

ce que veulent les parents. Et là où les parents ne voudraient pas d'une école confessionnelle, ils seraient entièrement libres de l'indiquer. Si on combine le projet de loi et les nouveaux règlements des comités confessionnels, une vérification devrait avoir lieu périodiquement au sujet de la volonté des parents, ce qui permettrait d'ajuster davantage le caractère des écoles sur la volonté des parents. Ceci me paraît un progrès considérable. On ne sait pas ce que cela donnera à la longue. Peut-être à la longue, serons-nous conduits à la situation que vous évoquez. Le projet de loi ne l'exclut pas, mais il ne la crée pas artificiellement non plus, il préfère tenir compte de la volonté des gens.

Ce sont des points qui nous distinguent d'avec vous, mais quoi qu'il en soit, je pense que la conception de fond que vous exprimez n'est pas tellement éloignée de celle que recherche le gouvernement et nous allons essayer de tenir compte des avertissements que vous nous donnez. Vous soulignez des difficultés qui vont se présenter à Montréal, par exemple, si des commissions scolaires linguistiques sont superposées aux commissions scolaires confessionnelles protégées par la constitution et dont nous maintenons l'existence et le territoire dans le projet de loi.

Là, il y a un problème de iogistique sérieux qui nous a été souligné à propos de Québec ce matin et à propos de Montréal au cours des derniers jours. Or, nous sommes conscients de la difficulté. Nous n'avons pas arrêté exactement la ligne de conduite que le gouvernement suivra. Peut-être le gouvernement décidera-t-il de procéder plus vite dans les autres territoires qui présentent moins de difficultés constitutionnelles et d'attendre les clarifications des tribunaux dans le cas de Montréal et de Québec afin d'éviter toute confusion ou toute situation conflictuelle comme celle que vous redoutez. Je pense que l'avertissement que vous nous donnez est d'excellente prudence et nous allons essayer d'en tenir compte.

Maintenant, je voudrais peut-être vous adresser quelques questions rapides. Il y en a une sur les droits et les obligations de l'enseignant. Vous soulevez des difficultés à propos de l'article 19. Les difficultés sont plausibles. Vous allez jusqu'à proposer un texte alternatif, à la page 7 de votre mémoire. J'ai pris, connaissance du texte alternatif que vous proposez. C'est un texte intéressant et pertinent. Je suis conscient des difficultés que vous soulevez à propos des passages du projet de loi qui traitent des obligations. À i'aide de suggestions comme celles que vous faites, nous allons essayer de resserrer le projet de loi de manière qu'il se rapproche d'une formulation que j'appellerais applicable. Je pense que c'est cela qui vous préoccupe le plus: si c'est trop vague, l'application et la vérification deviendront, à toutes fins utiles, impossibles. Ce sont des choses que nous allons vérifier. Dans le projet que vous nous soumettez, peut-être que l'équilibre n'est pas encore atteint de manière complètement satisfaisante entre les droits et les responsabilités, peut-être qu'il y aurait lieu de le travailler. Mais il y a des éléments intéressants là-dedans pour lesquels je tiens à exprimer mon intérêt.

Vous parlez de la commission scolaire et du rôle du ministre. J'ai l'impression... Je ne sais pas... J'ai vu le professeur Burgess. Je ne sais pas s'il a travaillé ce point avec vous, mais je crois que cela me rappelle certaines idées qu'il a déjà exprimées devant la commission à d'autres occasions. Si vous voulez qu'il se joigne à vous pour cette partie de la discussion, soyez bien à l'aise. J'ai l'impression que ce que vous proposez comme responsabilités pour le ministre ici et pour la commission scolaire manque beaucoup de précisions. Dans les choses qui sont dites, à peu près tout cela se fait actuellement. Je ne sais pas si vous pourriez nous donner des choses plus précises là-dessus parce que la formulation que vous avez retenue est une formulation plutôt générale qui ne suffirait pas à régler nos problèmes de textes législatifs.

Une voix: M. Weiner.

M. Weiner: Merci. Peut-être que je peux faire un commentaire sur la question de la confessionnalité de l'école. C'est la façon de le faire qui nous inquiète beaucoup - le ministre indique effectivement qu'il y aura une consultation des parents pour établir si l'école devient catholique ou protestante ou ni l'un ni l'autre - le comment et la façon de mener la consultation et les effets d'une telle consultation. Est-ce qu'on va prendre un vote majoritaire ou si ceia va se faire par consensus si tous les parents ne sont pas d'accord sur l'une ou l'autre confessionnalité comme la confessionnalité de l'école? Est-ce que cela veut dire que l'école sera une école dite commune? C'est notre inquiétude. On ne voit pas comment cela peut se faire sans avoir des effets énormes et négatifs au sein de la communauté qui entoure l'école. (16 h 30)

Sur la question des droits et responsabilités des commissions scolaires et du ministre de l'Éducation, c'est bien vrai que c'est un peu vague. On est conscient de cela. J'ai essayé de dire qu'effectivement on trouve que l'équilibre qui existe actuellement n'est pas quelque chose qui doit être changé trop trop. Ce qui nous inquiète, c'est effectivement la bataille pour le pouvoir qui est une bataille qui continue depuis la création du ministère de l'Éducation entre les commissions scolaires et le gouvernement. On pense que c'est le temps effectivement d'essayer de clarifier le plus possible le champ légal du ministère et des commissions scolaires. Les choses précises qui me chicotent à l'heure actuelle sont celles qu'on a mentionnées. Effectivement, on s'interroge à savoir si le ministre a effectivement le droit de dire qu'une commission

scolaire peut offrir, par exemple, des services dans l'enseignement professionnel et que ce soit interdit à une autre ou qu'elle ne soit pas subventionnée pour cela. Pour l'enfance inadaptée, c'est la même chose. Alors, c'est plutôt dans ce sens que l'on voit les choses. Il y a évidemment la question du régime pédagogique où on souhaite effectivement un peu plus de souplesse au niveau local, à la commission scolaire. Nous pensons que c'est quelque chose de souhaité effectivement par les milieux.

M. Ryan: Là-dessus, je voudrais vous signaler une difficulté réelle qui se pose. En matière d'options professionnelles, en matière d'éducation des adultes, en matière de services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, certains services doivent être offerts à une échelle plus large que celle du territoire de chacune des 213 commissions scolaires que nous comptons au Québec. Par exempte, pour toute la région située à l'est de Trois-Rivières, nous avons seulement un établissement au Québec qui se spécialise dans les services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Il est situé à Québec, mais il ne peut pas relever d'une commission scolaire. Il faut bien que les décisions relatives à cet établissement soient prises à un autre niveau. Il faut qu'il y ait une marge décisionnelle qui reste au ministre de l'Éducation. Nous avons fait la carte des enseignements professionnels au cours des derniers mois. Il a fallu prendre un grand nombre de décisions: quelles options iraient du côté des commissions scolaires protestantes, du côté anglophone, du côté francophone. Il a fallu établir un "master plan" pour tout le Québec. Ensuite, chaque commission scolaire a été invitée à se concerter avec ses voisines pour essayer de voir ce qu'elles pouvaient faire, mais lorsqu'elles ne pouvaient pas s'entendre, il fallait que l'on décide quelque part. De même, l'éducation des adultes comporte beaucoup de services complexes qui ne peuvent pas être offerts à l'échelle de chaque territoire de commission scolaire. C'est pourquoi nous avons 82 services d'éducation des adultes alors qu'il y a 213 commissions scolaires.

Vous dites: II ne faudrait pas que ce soit là. Je ne vois pas comment ça ne peut pas l'être. Je vous pose la question: Est-ce que vous êtes conscient de ces difficultés pratiques qui se posent en fin de compte pour le gouvernement?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. Weiner.

M. Weiner: Je suis bien conscient de ces difficultés et je n'ai pas envie de faire le travail du ministère de l'Éducation dans ia situation actuelle, mais comme je l'ai déjà dit, je pense qu'on a besoin rapidement d'une clarification sur les champs du ministère et des commissions scolaires. Effectivement, cela se conteste le droit du ministre de dire à une commission scolaire:

Vous ne pouvez pas offrir ces services ou vous ne serez pas subventionné pour ces services. Comment faire le choix entre ces commissions scolaires si effectivement c'est le droit du ministre, si c'est légal pour lui de faire cela? Alors, c'est réglé une fois pour toutes. Après cela, on parierait d'une façon différente. La démarche à poursuivre serait une démarche juste et équitable pour que tout le monde ait son mot à dire avant de décider. C'est seulement ce que l'on dit.

M. Ryan: Si c'est cela, c'est exactement ce que nous avons fait cette année et ce que nous voulons pouvoir faire en toute sécurité juridique dans les années à venir.

M. Weiner: Mais il y a des contestations quand même et il y a des commissions scolaires qui contestent le droit légal du ministre de faire cela, de trancher.

M. Ryan: II y a une cause devant les tribunaux actuellement. Elle est rendue en Cour suprême. Il y a des commissions scolaires qui contestent le pouvoir du gouvernement sur les programmes d'études et le régime pédagogique. La cause sera décidée par la Cour suprême prochainement. Jusqu'à maintenant, les tribunaux nous ont donné raison, mais s'ils ne nous donnent pas raison, ce sera une tout autre situation. I! faudra voir à ce moment-là, mais j'espère bien qu'ils vont reconnaître le bien-fondé de la position gouvernementale. Quoi qu'il en soit, j'ai une autre question. Je crois que vous n'êtes pas favorable au conseil d'orientation au niveau de l'école. Cela m'étonne, parce que la CEQ est venue ici et elle s'est déclarée favorable. Nous avons eu la visite de trois groupements différents de directeurs d'école qui se sont montrés favorables également. De manière générale, le sentiment est plutôt favorable. J'aimerais que vous nous disiez, de manière plus précise, pourquoi vous êtes contre cela. Le conseil d'orientation n'est pas un organisme fortement décisionnel. Il a un certain pouvoir sur les orientations générales de l'école et sur certaines matières qui sont mentionnées dans le projet de loi. Pour le reste, il demeure plutôt consultatif. Vous demandez même que l'on supprime deux articles du projet de loi qui lui donnent le droit d'être consulté. J'ai trouvé cela assez fort. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous faites cette proposition.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. Weiner.

M. Weiner: Évidemment, on n'est pas toujours sur la même longueur d'onde que la CEQ. Effectivement, comme on dit en anglais: If there is nothing wrong, if it ain't broken, don't fix it. Effectively, in our sector, in the protestant sector, we would say, without any fear of

being contradicted by the parent groups that you have already heard or perhaps will be hearing in the future, that our relations with parents have traditionally been excellent. There has been full communication, all sorts of opportunities to get together to discuss all kinds of issues. And the parents that we have been listening to - and we have been listening to them, we had a meeting of our provincial parent liaison committee about three or four weeks ago, a committee that Maureen Morris chairs - are telling us they don't want this. There is an orientation committee which is permitted by law, as you are well aware, in the Act presently, which I think is being used in one or two schools in the South Shore, but that's it. They are very satisfied with the school committee, their opportunity to participate, to be consulted and to have a say in the kinds of decisions that are being made at the school. And if the parents are not really interested in having it, we are certainly not interested in having another level of committee. That is the basis of the orientation that we have here. We are not against consultation. We are not against the participation of parents within the school. We think we have had an excellent record of that kind of consultation participation and maybe it is because of that excellent record that we find that there is little need, if any, for that. We do not see it as being obligatory. If it remains, it should be optional.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre.

M. Ryan: Just one more question, if you would allow me. You had embarked upon negotiations with your English-speaking Catholic counterpart. In order to see if some common ground could be defined in view of forthcoming changes regarding the structure of school boards, I would like to know if you have progressed in this direction and what are the difficulties wich have yet to be surmounted here?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Weiner.

M. Weiner: Do you have a couple of hours, Mr Ryan? I would say that Bill 3 put us in a situation where there was progress, but the progress was much more the result of Bill 3 and the fact that it was going to be implemented. A shotgun marriage or almost a shotgun marriage. The differences, I would suggest, to me and to some of the people I have worked with very closely in the PACT on a personal level, are really not there. But, at the level of the membership, they are still very important. Many of those differences dealt with the very issue we discussed earlier this afternoon, dealing with job security and seniority and the perceptions and the realities, particularly on the island of Montreal. There was also a fairly strong lobby within the association on the part of some teachers, not shared necessarily by the leadership, but a fairly strong lobby that expected that in the creation of English language boards, there would be Catholic schools and Catholic schools which would be staffed predominantly, if not exclusively, by those who profess the Catholic religion and then there would be Protestant and / or other schools wich would continue as they have been organized over the past number of years, to be open to all teachers. So Catholics would have access to Catholic schools plus all other schools; Protestants and others would have access to Protestant schools; and maybe if there was an opening for which an unqualified Catholic could not be found... So, these, I would suggest to you, somewhat minor differences in point of view, have been obstacles. But I would say that, with what is happening within the English community and the trends within the English community and the reduction in enrolment, it is my personal belief, and I believe it is something shared by Mike Palumbo who is the incoming president of the PACT, that inevitably we must move to some sort of a consolidation. There should be, and I believe there is, much more that unites us as teachers who work in English language, that there should be that divides us.

Le Président (M. Parent-Sauvé): Merci, alors je reconnais maintenant la porte-parole officielle. Oui, vous voulez compléter, monsieur?

M. Weiner: Concerning the confessionnal school issue, which is raised once again by us here, I want to add some clarity to what has been said. We are, of course, not opposed to the concept of religious and moral instruction in schools, but I would point out that we have, I think, very legitimate pedagogical concerns about the results of allowing the schools to choose their own confessionnality. I know that previous groups that have presented have pointed out the danger of the schools becoming a focal point of political turmoil as groups of parents with various viewpoints on religious matters, strive for control of the schools. That is one concern. But I am also looking at from the standpoint of the individual pupil in that school. At the outset of the child's career in school, the parents have a choice currently, and presumably would like to have that choice in the future, about choosing a school in which the student will feel most at home, because feeling at home is an important fundamental prerequisite for a successful learning. And the danger in the legislation as it now stands, is that that initial choice may be negated within a year or two, when another group decides that now we are the majority and the "projet éducatif" has to reflect the views of the majority of parents. That majority is very mutable. And what happens to the student who feels no longer at home in that school? Where does he go? In some areas, it may be possible to

withdraw the child from school, send him to another school nearby, in others, it is totally impractical. And we are talking here about the existing English language network, which is rather thinly spread. And personally, I find it unworkable, and I know many of the people who are sitting next to me today, really find it anathema, because the result will be that values are imposed upon students, upon families, when these values are not widely shared in the community. So, I understand, Mr. Minister, that it is the belief that you hold that the legislation embodies what the majority of Quebec's population would like to see, but our reading of it is somewhat different. The majority of the population is certainly in favor of the possibility of religious instruction in the schools, but I seriously have to question whether they want a "projet éducatif' that reflects all the values of a particular religious denomination, and excludes others. And further, when I read the press release that accompanied the new regulations last January, we also have concerns about who will be required to teach under the new environment when a group decides, ah, ah, the school will now be such and such coloration, and some of the existing staff may no longer fee! comfortable or be competent at teaching and inculcating the values of the group that now has the majority at the "conseil d'orientation". So we see many serious difficulties, political, pedagogical, philosophical in this proposal. And we are opposed to that.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Thank you, Mr. Weiner. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée? (16 h 45)

Mme Blackburn: M. le Président, mesdames, messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle. Votre mémoire est parmi, j'ose le dire, les plus intéressants. Et je m'explique tout de suite, parce qu'on en a lu plusieurs autres aussi, fort intéressants. J'ai déploré le fait que trop de mémoires nous ont présenté des positions touchant les structures et peu touchant la qualité, l'accessibilité, les objectifs même pour lesquels on revoit une structure.

D'entrée de jeu, vous avez abordé ces questions. Vous le faites de façon claire. Vos positions sont bien exprimées j'ai beaucoup apprécié. Cette préoccupation, j'ai beaucoup de respect pour cette situation où on essaie de bien intégrer les objectifs de ce genre de démarche plutôt que d'en faire un débat qui porte sur le partage des pouvoirs, sur la structure. Est-ce catholique ou protestant, anglais ou français? Je pense qu'il faut ramener le débat à l'objectif final qui est celui d'accroître la qualité de la formation de même que l'accessibilité.

Vous soulevez la question touchant les délais que constitue la démarche du ministre en matière de reconnaissance des commissions scolaires linguistiques, l'incapacité de le faire dans les grandes régions de Québec et de Montréal. Vous prenez position en faveur d'écoles neutres.

En ce qui concerne les modifications aux structures confessionnelles en faveur de structures linguistiques, il n'y avait en fait qu'une façon de le faire. C'était la négociation de l'article 93. Cela passe par là et toute autre modification, finalement, ne sont que des cataplasmes. Cela ne résout pas fondamentalement le problème ou la situation. D'ailleurs, on le voit. C'est très bien traduit dans le texte de loi. La seule façon était la négociation de l'article 93.

Le gouvernement du Parti québécois n'a pas négocié l'article 93 pour une raison très simple. Il n'avait pas adhéré à la constitution. Vous ne pouvez pas négocier une constitution à laquelle vous n'avez pas adhéré. Il y a comme une certaine logique là-dedans. Alors que ce gouvernement qui s'apprête à y adhérer, qui négocie actuellement, n'a pas cru utile de réclamer les pleins pouvoirs en cette matière. J'estime que c'est inacceptable. D'autant que le jugement Deschênes qui avait été porté en appel, on a retiré l'appel. Je me permets de le rappeler ici.

La loi 3 - et vous le disiez tout à l'heure, au moment où vous parlez de l'harmonisation des secteurs catholique-protestant chez vous - était une loi. Il ne s'agissait pas d'une vague promesse électorale. Si cette loi n'avait pas été invalidée à cause des articles portant sur les structures scolaires, on aurait aujourd'hui - cela me fait plaisir de le rappeler, ce serait un acquis scolaire - la gratuité en éducation des adultes. On aurait des services de garde pour lesquels le gouvernement serait obligé de fournir les moyens. On aurait un certain nombre de services complémentaires. Ce serait la réalité au moment où on se parle.

Malheureusement, tout cela est disparu du projet de loi en faveur d'une centralisation que je trouve, comme vous d'ailleurs, excessive. Le ministre utilise souvent - et je trouvais intéressante votre réaction tout à l'heure - l'argument qui veut que le gouvernement doit avoir des pouvoirs pour établir la carte des enseignements professionnels de même que pour l'éducation des adultes. Il y a des petites commissions scolaires que j'ai rencontrées, où il n'y a pas beaucoup de monde, qui aimeraient pouvoir offrir les services à l'éducation des adultes sur leur territoire. Les gens ne se déplacent pas. Il n'y a pas de moyen de transport comme on les retrouve à Québec et à Montréal quand on s'en va dans des petits villages du côté de l'Estrie, de la Gaspésie ou du Saguenay. Les gens, plutôt que de faire 25, 30, 40 kilomètres aller-retour, n'y vont pas. Je ne suis pas certaine que cette décision soit la plus heureuse dans ses effets concrets.

Deuxièmement, sur l'enseignement professionnel. On m'a apporté un exemple, justement

ce matin, à la commission scolaire Chibougamau-Chapais. Je pense que c'est comme cela que cela s'appelle. De toute façon, c'est la commission scolaire qui couvre ce territoire. Je pensais à Harricana mais je pense que c'est Chibougamau-Chapais. Il n'y aurait pas, à cette commission scolaire, d'enseignement professionnel. Vous savez que les gens qui résident dans ces municipalités sont à 200 kilomètres d'une école qui offre l'enseignement professionnel. Selon l'entente qui a été négociée, on me dit que la commission scolaire de Roberval, je pense, aurait eu les options professionnelles au détriment de la commission scolaire de Chibougamau-Chapais.

M. Ryan: Je voudrais soulever une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sur une question de règlement, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, il y a certaines options professionnelles, à ma souvenance, qui ont été données à cette commission scolaire, pas toutes celles qu'elle voulait, parce que c'est impossible, mais il y en a quelques-unes.

Mme Blackburn: C'est ce que j'ai...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ce n'était pas une question de règlement, M. le ministre, c'était une explication.

Mme Blackburn: Ce n'était pas une question de règlement. Oui. Cela mérite...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous me l'avez passée facilement. Mme la députée de Chicoutimi, je vous reconnais.

Mme Blackburn: Oui, c'est parce que vous reconnaissez trop facilement le ministre. Je reconnais avec le ministre que cela m'est apparu complètement aberrant. J'ai dit: Ils ont dû au moins garder les techniques de bureau ou de secrétariat, quelque chose comme cela, autrement cela n'a pas de bon sens. Mais cela mérite d'être vérifié parce que dans les options... Vous savez que dans ces municipalités, la tendance qu'on connaît, c'est que les milieux les plus défavorisés vont en enseignement professionnel. On vide les paroisses et les petites municipalités d'enseignement professionnel avec les conséquences qu'on pense que cela va avoir. Sur cela, je partage également votre avis.

Vous n'êtes pas d'avis qu'on devrait constituer un conseil d'orientation, vous l'expliquez. Une partie de l'explication, c'est-à-dire une partie des raisons que vous invoquez pour justifier cette orientation nous a été un peu livrée par le président de la CEQ, mais pas de la même façon. Il disait: Le conseil d'orientation a des pouvoirs, il n'a pas des pouvoirs réels en vertu de la loi, mais il pourrait effectivement en avoir si la commission scolaire décidait de lui en donner. C'est un peu la même position, je pense que ce n'est pas si loin, il y a comme quelque chose là qui se rejoint. Cela ne veut pas pour autant dire que je n'aurais pas de réticence, que j'endosserais entièrement votre position. Je vous dis qu'on l'a aussi entendu de la CEQ parce que je n'avais pas vu dans ia ioi que ce conseil pouvait avoir des pouvoirs mais, effectivement, il pourrait s'en voir déléguer.

Mais vous n'avez pas abordé la question... Il y avait dans le projet de loi 3 un comité pédagogique, c'est à l'article 102: Est institué dans chaque école un comité pédagogique composé d'enseignants et de professionnels affectés à l'école. Les règles sur la composition, la formation et les modalités de consultation peuvent être prévues dans une convention collective. Je n'ai pas vu que vous ayez rapporté cette proposition. Est-ce parce que cela se fait chez vous? Est-ce parce que ce n'était pas digne d'intérêt?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Weiner.

M. Weiner: Merci. Effectivement, on voit cela comme quelque chose qui doit faire partie de la négociation, faire partie du chapitre 4. C'est la voie de la négociation qu'on privilégie sous cet aspect.

Mme Blackburn: À la page 19 de votre mémoire, vous avez indiqué un certain nombre d'obligations qui devraient être faites au gouvernement et au ministre. La conception, je dirais, la plus courante des responsabilités d'un gouvernement, c'est d'établir les grands objectifs nationaux, d'identifier un certain nombre de moyens pour atteindre ces objectifs et de s'assurer qu'ils soient équitablement répartis sur l'ensemble du territoire. C'est généralement ce qu'on convient qui devrait appartenir au gouvernement et quant au reste, que ce soit le plus possible décentralisé avec un partage des responsabilités. Je le rappelle, la loi 3 reconnaissait le droit à la gratuité pour les adultes qui poursuivaient leurs études dans te cadre d'un diplôme d'études secondaires. Vous revenez d'une façon, en tout cas, que je trouve intéressante sur ces questions, mais vous n'avez pas ramené l'obligation qui devrait être faite au gouvernement en matière de services de garde. Vous êtes, j'imagine, des enseignants qui avez eu l'occasion de voir les problèmes que pose actuellement le fait que de plus en plus de mères travaillent et le père aussi évidemment. Actuellement, on prétend qu'au Québec, à peu près 61 % des mères qui ont des enfants de moins de six ans sont sur le marché du travail. Cela veut donc dire une proportion importante d'enfants qui se retrouvent peut-être sans surveillance au moment où ils rentrent à la maison, avec une clé dans le cou, comme on se le rappelait. Cela, c'était prévu dans la loi 3, c'est-à-dire que l'école devait organiser des services de garde et cela n'ap-

paraît plus. Vous, comme enseignant, quelle est votre position sur cette question?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.

M. Weiner: Effectivement, on est pour cela et on a déjà revendiqué cela. Ce qu'on a essayé de faire dans ce chapitre, Mme Blackburn, c'est de revendiquer pas seulement les principes mais d'indiquer clairement - et j'espère qu'on l'a fait - que cela manque de ressources dans notre système d'éducation public, que cela manque d'un certain respect pour les enseignants et enseignantes. Effectivement, tout cela a été ramassé, je pense, d'une façon très intéressante, très étoffée, dans les études du Conseil supérieur, en 1984, et dans les États généraux. Effectivement, on a deux rapports, deux ' mémoires, sur les discussions qui ont entouré ces démarches, mais il n'y a presque rien de concret de fait pour poursuivre les travaux qui avaient été exécutés.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci Mme la députée.

Mme Blackburn: Vous avez, parlant de l'élève, fait une recommandation touchant le matériel scolaire. Est-ce que vous incluez dans le matériel scolaire qui devrait être gratuit celui que l'enseignant choisit, les cahiers d'exercices, par exemple, qui viennent s'ajouter au matériel scolaire fourni par l'école, par la commission scolaire?

M. Weiner: Effectivement, cela doit être inclus aussi. C'est essentiel, c'est nécessaire. On espérait au moins qu'il y ait Ses éléments de base, le matériel de base pour les élèves parce que cela manque dans certains coins aussi, mais, évidemment, le plus possible. Il y a de grands besoins dans notre système d'éducation public qui ne sont pas remplis au moment actuel.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée.

Mme Blackburn: Vous avez évoqué les problèmes que poserait, éventuellement, une seule commission scolaire en raison du fait, par exemple, que les enseignants catholiques aient plus d'ancienneté que les protestants et avec, évidemment, les dangers de se voir, tantôt, mis en disponibilité. C'est parce que je suis en train de me rappeler qu'à la CECM, la section catholique de la CECM est plus nombreuse que ce qu'on retrouve de francophones à la PSBGM. On retrouve environ 10 000 francophones à la Commission scolaire protestante du Grand Montréal et on retrouve environ 14 000 ou 15 000 catholiques anglophones à la CECM. Ce qui fait que s'il y avait un établissement do commissions scolaires linguistiques, vous auriez plus d'élèves qu'il y en a actuellement simplement sur l'île de Montréal. Parce que les chiffres que j'ai vus là-dessus me faisaient... J'ai aussi posé la question à Mme Pagé, de l'Alliance des professeurs de Montréal, parce que si demain matin on avait le pouvoir au Québec d'établir nos commissions scolaires selon le modèle qui nous convient, on aurait ce transfert-là de la CECM vers la PSBGM.

M. Weiner: Je vais demander à Mme Rosenfield de répondre.

Mme Blackburn: Mais, sauf que, oui, le professeur viendra avec aussi. C'est le même problème. Vous avez...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Voilà. C'est la réponse de Mme Rosenfield.

Mme Rosenfield (Ruth): C'est cela que j'allais dire.

Des voix: Ha, ha, ha! Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci Mme Blackburn: Elle a raison, c'est sûr. Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Rosenfiefd: II y a beaucoup d'enseignants en disponibilité, déjà, qui vont venir.

Mme Blackburn: D'accord. C'est juste. Comme on doit voir un autre groupe et qu'on a déjà dépassé notre temps, je suis un peu responsable, d'ailleurs, du retard qu'on a pris ici en commission parlementaire - j'ai aussi rencontré des groupes juste avant de vous voir, je m'en excuse - je vous remercie infiniment pour votre participation aux travaux de cette commission. (17 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. Je reconnais une dernière intervention, Mme la députée de Jacques-Cartier, au nom de sa formation politique.

Mme Dougherty: Votre mémoire soulève une question qui me semble fondamentale. À plusieurs reprises, vous avez proposé, notamment à l'égard des responsabilités des directeurs d'école, de la commission scolaire, etc., que certaines clauses existantes dans la convention collective soient inscrites dans la loi, par exemple en ce qui concerne les enfants en difficulté d'apprentissage. Il y a un problème avec cette proposition parce qu'il me semble que la loi doit inclure un ensemble de responsabilités, devoirs, etc. qui forment un cadre général et durable auquel la convention collective doit être subordonnée et non pas vice versa. De plus, la convention collective est négociable tous les trois ou quatre ans, mais la loi n'est pas négociable. Alors, pourquoi aimeriez-vous voir ces clauses... Ce n'est pas parce que je suis contre ce qu'il y a

dans la convention collective, surtout pour les enfants en difficulté. Je suis d'accord avec le contenu, mais c'est le principe qui me gêne. Pourquoi insérer quelque chose qui est négociable au lieu d'accepter un certain cadre dans la loi? Je suis sûre que vous êtes d'accord que la convention collective doit être subordonnée à un certain cadre établi dans la loi. Voudriez-vous expliquer pourquoi vous avez proposé cela?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Weiner, si vous voulez expliquer et réagir à l'interrogation de Mme la députée de Jacques-Cartier. Cela sera malheureusement la dernière intervention, étant donné que nous avons un autre groupe à entendre et que nous devons terminer nos travaux pour 18 heures. M. Weiner.

M. Weiner: Merci. Effectivement, on n'a jamais dit et on ne dit pas aujourd'hui que la loi doit être subordonnée à une convention collective. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a des choses qu'on doit négocier dans le cadre d'une convention collective. Ce sont nos conditions de travail, toutes nos conditions de travail. Nos responsabilités, nos obligations doivent faire partie d'une convention collective. Ce qu'on n'accepte jamais, et je pense qu'il y a quelque chose qui apparaît dans le projet de loi, c'est d'avoir des choses qui étaient négociées par voie de convention collective, agréées par les parties impliquées, qui sont détournées ou contournées par la loi. C'est ce qu'on ne veut pas avoir. Il y a quelques exemples où on a des clauses spécifiques qui avaient été négociées de bonne foi, qui étaient agréées de bonne foi, et maintenant il y a des dispositions dans la loi qui vont les contourner ou qui vont les mettre en doute. Leur application sera douteuse. On ne veut pas avoir de telles dispositions dans une loi.

Mme Dougherty: Accepteriez-vous la possibilité qu'il y ait quelque chose dans le projet de loi 107 qui soit accepté unanimement après débat, etc. qui oblige peut-être qu'on repense quelques clauses dans les négociations? C'est dans ce sens que je pose la question. Si on accepte comme "untouchable" tout ce qui est dans la convention collective, et après qu'on fait une loi qui ne bouscule rien dans la convention collective, cela pourrait être difficile de rédiger une telle loi. La loi doit avoir préséance, d'abord, et peut-être faut-il s'ajuster un peu dans les conventions collectives. Je parle d'une façon hypothétique parce que je n'ai pas de choses précises à proposer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez réagir une dernière fois, M. Weiner.

M. Weiner: Oui, brièvement. Effectivement, nous croyons à la liberté de négocier nos conditions de travail. On se souvient de la Soi 105 et des conditions de travail qu'on avait dans une convention collective signée et qui a été abrogée par l'Assemblée nationale. C'est cela la réponse, Mme Dougherty.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Weiner, merci, madame. Au nom des membres de la commission de l'éducation, je vous remercie, vous et vos représentants, et nous allons accueillir immédiatement le groupe suivant, le Nouveau parti démocratique du Québec. Nous allons suspendre pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission poursuit ses travaux et nous accueillons les représentants du Nouveau parti démocratique du Québec. Je vous rappelle que cette séance de travail a lieu en raison du mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de tenir des auditions publiques sur les projets de loi 106 et 107; le premier a trait aux élections scolaires et le deuxième à la Loi sur l'instruction publique.

M. Morin, c'est vous qui êtes le porte-parole du Nouveau parti démocratique du Québec. On peut dire qu'on est entre nous. Ce sont trois partis politiques qui sont assis à la table et qui vont discuter d'éducation. J'ai l'impression que cela va bien aller, parce que d'habitude les politiciens se comprennent bien entre eux. Alors, je veux vous souhaiter la bienvenue, M. Morin, et vous remercier d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de la commission et vous dire que je suis agréablement surpris de voir un parti politique ici. On a vu des syndicats, des commissions scolaires, des groupements, mais un parti politique qui prenne la peine de venir ici nous parler d'un projet de loi, c'est très encourageant. Le Parti québécois y étant déjà représenté par l'Opposition et le Parti libéral par le ministre de l'Éducation, cela ne peut être que très enrichissant pour ces deux projets de loi.

M. Morin, pour les besoins du Journal des débats, je vous invite à nous présenter les deux personnes qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec la lecture du résumé de votre mémoire que vous nous avez soumis. Le reste du temps sera réparti à part égale entre les deux formations politiques de façon que l'on puisse échanger avec la troisième formation politique. Nous vous écoutons.

Nouveau parti démocratique du Québec

M. Morin (Roland): M. le Président, je vous remercie de votre accueil. C'est vrai que nous sommes entre représentants de partis politiques. Le mien, malheureusement, pour l'instant n'est pas encore représenté à l'Assemblée nationale. Si

j'étais déjà à l'Assemblée nationale, je choisirais l'Assemblée nationale comme forum plutôt que de venir m'asseoir à ce bout-ci de la table. Mais il faut ce qu'il faut et comme on n'a pas encore pour l'instant pénétré à l'Assemblée nationale, on y pénètre par la porte de côté.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ferai remarquer, M. Morin, que lors de l'étude du projet de loi 40, j'étais assis à la même place que vous. Je n'aurais jamais cru que je serais assis de ce côté-ci trois ans après.

M. Morin: On ne sait jamais. La même chose pourrait peut-être m'arriver.

J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Claire Lalande, militante du NPD, enseignante et libérée à titre de conseillère syndicale au Syndicat de l'enseignement de la région des Mille-lsles; M. Louis Roy, directeur de la recherche au NPD-Québec. Mme Lalande vous lira le mémoire. Il est très court, j'imagine qu'on aura amplement le temps pour les questions. Cela va vous permettre de refaire vos forces avant le dur labeur que vous avez à faire ce soir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Morin, Mme Lalande et M. Roy, soyez les bienvenus. Mme Lalande, nous vous écoutons.

Mme Lalande (Claire): Pour le Nouveau parti démocratique du Québec, la réforme de la Loi sur l'instruction publique est d'une importance majeure. Plus que de la simple organisation administrative du système scolaire, c'est de l'avenir du Québec qu'il s'agit.

La réforme de cette loi fondamentale doit prendre en considération le fait que le Québec est une société moderne et ouverte qui veut survivre et s'affirmer comme société distincte. La question linguistique est au coeur de ce projet. Mais la volonté de structurer le système scolaire sur une base linguistique de façon claire et cohérente se heurte encore aux obstacles constitutionnels qui forcent le maintien de structures confessionnelles, en particulier à Montréal et à Québec.

Pour le NPD-Québec, ces obstacles doivent être levés et des démarches doivent être entreprises dans ce but par le gouvernement du Québec. Le système d'éducation québécois doit être structuré sur la base de commissions scolaires laïques francophones en général, et anglophones là où le justifient les règles d'admissibilité de la Charte de la langue.

Cependant, les privilèges constitutionnels ne doivent pas nous empêcher de procéder à une réforme réelle et profonde visant à assurer le plein exercice du droit à l'éducation et la démocratisation du système scolaire.

Les enjeux de la réforme. La réforme de la Loi sur l'instruction publique est urgente et nécessaire. Elle exige que nous regardions en face la réalité du Québec actuel, puis que nous tournions notre regard vers l'avenir. (17 h 15)

Le Québec: une société moderne et ouverte. Le Québec a beaucoup changé, fauî-il le rappeler, depuis le compromis historique de 1867. À cette époque, la survivance du peuple québécois et la garantie des droits linguistiques de sa minorité anglophone passaient par des structures scolaires confessionnelles.

Depuis, le Québec s'est industrialisé; il s'est urbanisé et, surtout depuis la révolution tranquille, il s'est laïcisé. L'équation entre langue française et foi catholique s'est dissoute dans le mouvement de modernisation et aussi d'émancipation des dernières générations par rapport aux croyances et aux valeurs que l'école et l'Église ont parfois véhiculé avec un certain autoritarisme.

Le Québec vit dans un monde en pleine mutation, de plus en plus complexe, de plus en plus ouvert, de plus en plus exigeant, tant pour les individus que pour les peuples, en termes d'autonomie, d'adaptation au changement, d'acceptation de la diversité. S'y affirmer nécessite une saine confiance en soi et une grande certitude quant à son identité propre.

Le Québec s'est ouvert au monde et il veut s'y affirmer comme société distincte. Il veut aussi, et il le doit, accueillir de nouveaux arrivants, venus de tous les horizons géographiques, culturels et religieux.

Le Québec s'est ouvert aussi à de nouvelles valeurs, notamment la transformation des rapports entre femmes et hommes, de leurs rôles dans la société et dans la famille.

La question de la survivance du fait français se pose toujours avec autant d'acuité. Le débat sur la loi 101 et les études démographiques montrent très bien que notre survie en tant que société distincte est loin d'être garantie.

Mais la question ne se pose plus dans les mêmes termes. La survivance ne passe plus nécessairement et exclusivement par la promotion de la foi catholique ni par la direction idéologique et morale des Églises sur le système scolaire. Notre pérennité en tant que société distincte sera bien mieux assurée par la consolidation et l'épanouissement d'une culture résolument francophone, moderne, ouverte, démocratique, respectueuse des droits de la personne et du droit fondamental à l'éducation.

Dans toute société, mais bien plus encore dans une société moderne et ouverte, l'éducation est le facteur premier à la fois de l'épanouissement personnel, de la socialisation des individus et du développement d'une culture vivante et distincte.

Pour toute personne, le droit à l'éducation est un droit fondamental. Sa capacité de participer à la vie sociale, économique, culturelle et politique dépend de l'accès qu'il ou elle aura eu

à des services éducatifs de qualité. Pour la société dans son ensemble, la réalisation du droit à l'éducation est un devoir et une nécessité. Sa cohésion, son identité, sa capacité d'intégrer les nouveaux arrivants et de réduire les inégalités, tout cela en dépend.

Pour le Québec en particulier, société moderne et ouverte, en pleine mutation, foyer d'une culture francophone minoritaire dans un immense continent anglophone, mais décidé à survivre et à s'affirmer face au monde, l'éducation doit être la première des priorités. C'est sa survie qui en dépend.

Si l'on admet le rôle primordial de l'éducation, si on lui attribue la plus importante des priorités, alors il faut non seulement lui allouer les ressources nécessaires, mais aussi en faire l'objet d'un débat démocratique.

Une vraie priorité ne s'impose pas d'en haut; elle appelle la collaboration des principaux intéressés. Le projet éducatif répondant à une telle priorité ne s'élabore pas dans le secret des ministères; il demande à être discuté publiquement pour s'imposer par consensus. Un système scolaire ne peut s'adapter aux changements et aux particularités qu'en s'ouvrant lui-même à la participation des parents, des élèves et des personnels.

C'est de ce besoin de démocratie, de collaboration, de consensus et d'adaptation qu'est issue l'idée du projet éducatif d'école. Il est temps que cette idée s'applique non seulement aux écoles, mais aussi au plus haut niveau de décision en matière d'éducation: au gouvernement, au ministère de l'Éducation et au Conseil supérieur de l'éducation.

En fin de compte, c'est dans les salles de classe que se réalise le projet éducatif. Et il faut faire confiance aux personnels de l'éducation pour adopter les moyens et les méthodes permettant d'atteindre les objectifs pédagogiques choisis de façon démocratique.

Il faut préserver l'autonomie professionnelle des personnels de l'éducation. On ne peut pas dire, en même temps, que l'éducation est une priorité, mais que les personnes à qui on en confie la responsabilité quotidienne sont traitées comme de simples exécutants au bas de la hiérarchie scolaire.

Les personnels de l'éducation, enseignantes st enseignants, professionnelles et professionnels des services complémentaires et particuliers, smployées et employés de soutien, toutes et tous acceptent une grande responsabilité. Ils doivent être valorisés en conséquence. À titre d'exemple, pour illustrer cette démarche que nous vous proposons, nous allons parler du matériel didac-ïique et des manuels scolaires. Dans le projet de oi 107, les critères d'établissement du matériel pédagogique et des manuels scolaires sont établis par les commissions scolaires, c'est l'article 211, st le choix est fait par les directions d'école, c'est l'article 47. Nous croyons - et c'est un exemple de l'application des pouvoirs et de l'autonomie des personnels - que le choix des manuels scolaires et du matériel didactique devrait, en dernière analyse, relever du personnel enseignant.

Un autre exemple rapide. À l'article 46 du projet de loi, on dit que c'est la direction de l'école qui choisit le plan d'intervention pour les élèves en difficulté et les élèves handicapés. Nous croyons, là aussi, que le choix ultime d'un plan d'intervention personnalisé, ce qu'on a appelé le PIP dans nos milieux, doit relever, en dernière analyse, des professionnels de l'enseignement et des enseignantes et enseignants. Alors c'est un exemple où il nous apparaît que la répartition des pouvoirs devrait être modifiée.

L'éducation est au coeur de l'avenir et c'est notre vision de l'avenir qui doit présider à sa mise en oeuvre. C'est pourquoi nous considérons urgent et nécessaire de procéder à une réforme réelle et profonde de la Loi sur l'instruction publique.

Cette réforme doit nous faire sortir des carcans du passé et mettre fin aux batailles d'arrière-garde visant le maintien de la confes-sionnalité du système scolaire.

Cette réforme doit permettre au Québec de se doter de structures scolaires adaptées à sa réalité actuelle et aptes à affronter les défis de l'avenir, c'est-à-dire des commissions scolaires linguistiques, constituées de façon cohérente et assurant la prédominance du français.

Cette réforme doit permettre la démocratisation du système d'éducation et la collaboration des parents, des élèves et des personnels dans l'élaboration d'un projet éducatif pour le Québec, tout en respectant l'autonomie professionnelle des personnels dans l'exercice de leur métier.

Cette réforme doit faire de l'éducation une priorité. Pour cela, il faut, au départ, définir clairement ce droit fondamental et préciser les engagements de l'État face à la population.

La Loi sur l'instruction publique peut être considérée comme la loi fondamentale du Québec en matière d'éducation. À ce titre, elle doit elle-même être fondée sur le droit à l'éducation clairement défini afin qu'on ne puisse en réduire la portée.

La nouvelle Loi sur l'instruction publique doit garantir la gratuité et l'accessibilité à des services éducatifs de qualité, indépendamment de l'âge, du sexe, de l'origine ethnique, de la condition socio-économique, du lieu de résidence, du handicap ou des croyances religieuses des personnes.

La nouvelle loi ne peut absolument pas être soustraite aux exigences de la Charte des droits et libertés de la personne. Et c'est pourquoi nous demandons la disparition de l'article 577 du projet de loi 107.

La nouvelle Loi sur l'instruction publique doit définir la nature et les objectifs des services éducatifs ainsi que des services complémentaires et particuliers auxquels a droit tout élève. Ainsi se trouvera assuré le caractère intégral de

l'éducation. À titre d'exemple encore, si on compare l'obligation des enseignants - il en a été question, tout à l'heure - par opposition aux obligations du gouvernement, on pense que, toujours à titre d'exemple, l'article 19, cinquièmement, qui fait une obligation à tout enseignant d'assurer la qualité de la langue, devrait, tout au moins, apparaître aussi dans les obligations du gouvernement. Ce devoir est un devoir de société et il devrait y apparaître à ce titre.

En précisant la nature de ces services, l'État s'engage effectivement, envers la population, à assurer le plein exercice du droit à l'éducation. En exposant au débat public et parlementaire les objectifs éducatifs que ces services contribuent à atteindre, le gouvernement permet à la société québécoise de connaître et de discuter le projet éducatif du Québec.

Ce projet éducatif pour le Québec existe déjà. Il est contenu dans le régime pédagogique que le gouvernement est encore seul à orienter et à définir. Dans le projet de loi 107, l'article 413 prévoit encore que le régime pédagogique relève d'un pouvoir réglementaire du ministre et il est défini, sous l'égide des comités catholiques et protestants du Conseil supérieur de l'éducation. Ce régime pédagogique, qui déjà définit la nature et les objectifs des services, est porteur de valeurs et, pourrait-on dire, d'un projet de société. Il fait déjà force de loi dans le système scolaire, mais il n'est pas inscrit dans la Loi sur l'instruction publique. C'est une omission que la nouvelle loi doit corriger, à moins qu'on ne veuille refuser toute discussion sur les valeurs et le projet de société que l'on se propose d'inculquer aux futurs citoyens et citoyennes du Québec.

Sans chercher à établir dès maintenant tous les services auxquels devrait avoir droit la population du Québec, il en est dont nous voulons signaler l'importance. Il s'agit d'abord des services de garde pour les élèves de l'enseignement préscolaire et élémentaire. Il devrait être obligatoire pour chaque commission scolaire de fournir ces services. Bien entendu, ce devoir devrait être associé à un droit au financement approprié pour y arriver.

Les services complémentaires devraient aussi faire place à l'éducation interculturelle. Le Québec et en particulier les grands centres urbains accueillent déjà en grand nombre les enfants des nouveaux arrivants. L'école est le principal lieu de leur intégration à la société québécoise. Cette école doit non seulement être ouverte et résolument francophone, mais elle doit aussi mettre en oeuvre des services éducatifs et d'animation particuliers permettant aux jeunes et aux parents, néo-québécois et de souche, de se connaître mutuellement et de cohabiter.

Une remarque s'impose à propos de la gratuité et de l'accessibilité aux services d'éducation. Tout en reconnaissant pleinement le droit pour les parents de choisir l'école qui répond le mieux à leur préférence ou dont le projet éducatif correspond le plus à leurs valeurs, comme le propose le projet de loi à l'étude, il nous faut faire preuve de prudence. L'élaboration du projet éducatif d'école ne devrait pas permettre de justifier des frais de scolarité, ni d'établir des critères de sélection au moment de l'inscription. À l'article 122 du projet de loi 107, on établit comme un possible critère d'inscription le choix du projet éducatif. Cet article 122 nous apparaît éminemment dangeureux. On se trouverait, par le biais de ce nouvel acquis démocratique, à restreindre l'accessibilité et à nier le principe de la gratuité.

Il ne faudrait pas non plus que le projet éducatif en vienne à contredire le caractère public et commun de l'école. Le concept de projet éducatif d'école vise, selon nous, à permettre une adaptation de l'école à la réalité du milieu ou à mettre en oeuvre des initiatives pédagogiques nouvelles. Il contribue certainement à valoriser la participation des parents, des élèves et des personnels de l'éducation à une entreprise commune, mais il ne devrait pas permettre que cette appropriation collective se traduise par des exclusions ou par une sorte de privatisation déguisée, à saveur élitiste. C'est pourquoi nous croyons que le projet éducatif devrait être encadré par certaines dispositions législatives qui en préciseraient le contenu et les limites.

La structuration du système scolaire doit refléter la volonté d'assurer la survivance et l'épanouissement du Québec en tant que société distincte, résolument francophone et respectueuse des droits de sa minorité anglophone.

C'est pourquoi le NPD-Québec approuve et appuie la constitution de commissions scolaires linguistiques, tout comme nous appuyons le projet de loi 106, qui modernise le processus électoral dans les commissions scolaires.

Le système scolaire doit être structuré sur la base de commissions scolaires francophones, comme règle générale. Des commissions scolaires anglophones seraient constituées là où le nombre et les règles d'admissibilité à l'enseignement anglophone établies par la Charte de la langue française le justifient.

Ce choix en faveur de commissions scolaires linguistiques doit être clair, sans échappatoire et sans ambiguïté. En conséquence, les commissions scolaires linguistiques doivent être l'unique mode de structuration sur un territoire donné et ne doivent pas subir de dédoublement fondé sur la confessionnalité. Les commissions scolaires doivent donc être laïques.

Pour respecter le droit à l'éducation, indépendamment des croyances religieuses, pour respecter le droit à la liberté de conscience, pour assurer le caractère public et commun des écoles, pour faciliter l'intégration des jeunes Néo-Québécois aux écoles francophones, pour moderniser et démocratiser le système scolaire dans son ensemble, nous devons procéder à la

déconfessionnalisation des structures scolaires.

Pour cela, le gouvernement du Québec doit entreprendre les démarches pour faire lever les obstacles constitutionnels, à savoir l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et l'article 29 des accords de 1982 qui garantissent l'existence des commissions scolaires confessionnelles de Montréal et de Québec ainsi que le droit de constituer des commissions scolaires confessionnelles par voie de dissidence. Dans ces démarches, le gouvernement doit faire prévaloir le droit exclusif du Québec de légiférer en matière d'éducation. (17 h 30)

D'ici là, le gouvernement du Québec peut abolir les éléments du système confessionnel qui ne sont pas protégés par la constitution, à savoir les postes de sous-ministres associés de fois catholique et protestante, les comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, la reconnaissance du statut confessionnel des écoles et la prédominance que ce statut peut attribuer aux croyances religieuses sur les projets éducatifs d'école. Bien entendu, certains de ces volets ne sont pas couverts par la Loi sur l'instruction publique. Cependant, nous croyons qu'une réforme du système scolaire devrait aussi inclure la modification des lois concernant le Conseil supérieur de l'éducation et concernant le ministère de l'Éducation, pour s'assurer d'en faire un tout cohérent et décon-fessionnalisé.

En toute logique, l'enseignement religieux devrait être assumé et financé par les Églises en dehors de l'enseignement académique. Mais si le droit à l'enseignement religieux devait être reconnu, il ne devrait s'exercer que dans la mesure ou l'accessibilité à l'enseignement moral laïc est pleinement assuré, et seulement en fonction des demandes exprimées par les parents lors de l'inscription. On a connu autrefois le régime d'"opting out", on a maintenant le choix entre l'un ou l'autre, nous croyons qu'on devrait instaurer un régime d'"opting in". Il faudrait alors tenir compte du pluralisme confessionnel et permettre l'exercice de ce droit pour d'autres religions que catholique et protestante, là où le nombre de demandes le justifie.

La déconfessionnalisation des structures et la volonté de définir la nature et les objectifs des services éducatifs et des services complémentaires: voilà l'occasion d'ouvrir un réel débat public en vue de définir un projet éducatif pour le Québec.

À l'image des conseils d'orientation dans les écoles, le Conseil supérieur de l'éducation doit être transformé pour faire place aux associations et fédérations représentatives des parents, des élèves, des personnels de l'éducation et des commissions scolaires, et tenir compte, par cet ajout, des dispositions des divisions des commissions scolaires linguistiques. Le Conseil supérieur de l'éducation devrait avoir plus qu'un simple pouvoir de consultation. Il devrait définir les orientations, guidant le ministre dans ses décisions.

Si ces partenaires en éducation avaient eu leur mot à dire sur les objectifs poursuivis et les services nécessaires pour les atteindre, ils n'auraient certainement pas endossé les choix budgétaires à courte vue qui sont en train de détruire notre système d'éducation et d'en éteindre les forces vives.

L'élaboration et la réalisation d'un projet éducatif, que ce soit dans une école ou au sein du Conseil supérieur de l'éducation, appelle la collaboration de ces partenaires. Cette collaboration implique aussi le respect de l'autonomie professionnelle des personnels de l'enseignement. Ainsi, la composition des conseils d'orientation des écoles devrait assurer la représentation de toutes les catégories de personnel: enseignantes et enseignants, professionnelles et professionnels, personnel de soutien, ainsi que la parité entre les personnels et les parents. Et nous croyons qu'en instaurant cette parité entre les personnels et les parents, le comité d'école jouerait son véritable rôle de structure permettant aux parents de l'exprimer, et il devrait, en conséquence, être obligatoire et non facultatif, comme il est prévu à l'article 84.

Si l'on considère la gravité de la situation dans laquelle se trouve le système d'éducation québécois et les défis auxquels nous devons faire face maintenant pour pouvoir envisager notre avenir en tant que société distincte, on ne peut être que déçu du projet de loi 107 sur l'instruction publique.

Il faut croire que le but annoncé dans les notes explicatives porte à confusion. On nous dit que le projet de loi 107 remplace la loi actuelle "dans le but de lui donner une structure nouvelle et plus cohérente, de la moderniser et de la rationaliser". Naïvement, nous avons cru que ces objectifs visaient la réalité du système scolaire lui-même, et pas seulement le texte de loi.

Malheureusement, après étude, il faut bien constater que ce projet de loi ne fait que rendre plus cohérente une loi dépassée, dont on retrouve les fondements dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Or, le statu quo, même dépoussiéré, ne permet que de sombres perspectives. Il faut bien reconnaître que le système scolaire québécois est dans un état critique. Pendant que le débat s'enlise sur la question de la confessionnalité, c'est tout le système scolaire québécois qui donne des signes de crise: inadéquation des ressources financières, manque d'outils pédagogiques, bouleversement des programmes, lourdeur de la tâche des personnels, coupures de postes, manque d'autonomie professionnelle, manque de ressources pour l'intégration des élèves en difficulté, dévalorisation des personnels, dévaluation des résultats scolaires, difficultés d'intégration ethnique, détérioration de la qualité du français écrit et parlé.

Les structures actuelles du système scolaire

n'ont rien empêché de cela. Au contraire, les structures et la répartition des pouvoirs dans le système d'éducation y contribuent. Alors que la situation actuelle et les défis de l'avenir devraient susciter un large débat public sur la nature d'un projet éducatif pour le Québec, on doit souffrir une pseudo-réforme qui renforce !a concentration des pouvoirs.

Le système scolaire est victime des compromis constitutionnels qui l'enferment dans des structures confessionnelles. C'est à Montréal surtout que cette situation confine à l'absurde. La métropole du Québec, qui accueille la plus grande partie des immigrants et qui est au coeur des batailles linguistiques, devrait être dotée d'un système scolaire moderne, ouvert et structuré de façon cohérente sur une base linguistique. Pourtant, c'est là que se vit la bataille d'arrière-garde sur la confessionnalité et que sont maintenues les structures confessionnelles les plus anciennes.

Mais notre système scolaire est victime aussi, et surtout, des choix économiques des gouvernements actuel et précédent, qui se concrétisent par un désinvestissement continu, par une détérioration constante des services et par une dévalorisation des personnels de l'éducation, confinés à un rôle d'exécutant sans autonomie professionnelle et sans moyen face aux responsabilités qu'en fait ils assument.

Cette dévalorisation, que nous ne sommes pas les seuls à constater, pourrait bien s'expliquer par la volonté du gouvernement de faire taire les voix qui résistent à la détérioration de la qualité des services éducatifs. Et il faut bien admettre que ce sont les personnels de l'éducation qui résistent à ces choix budgétaires de la façon la plus évidente, mais aussi parce que les parents et les élèves n'ont quasiment pas voix au chapitre dans les structures actuelles.

Le système d'éducation est ainsi victime de la concentration du pouvoir, en premier lieu celui de définir le projet éducatif du Québec, c'est-à-dire les services auxquels a droit tout élève et les objectifs à atteindre. Concentration, faut-il le rappeler, au sein du gouvernement et aux mains du ministre sous l'égide des comités catholique et protestant du Conseil de l'éducation. L'absence de débat public autour du régime pédagogique transforme le système d'éducation en champ de bataille plutôt qu'en lieu de collaboration entre les principaux intéressés: les élèves, les parents, les personnels de l'éducation.

C'est en regard de ce contexte que nous avons étudié le projet de loi 107 et que nous avons cherché les réformes permettant de démocratiser et de moderniser les structures scolaires.

Bien qu'elle apparaisse comme la loi fondamentale du système scolaire québécois, la Loi sur l'instruction publique ne traite pas do l'ensemble dos structures de ce système. Deux autres lois doivent être considérées pour avoir une image complète de ces structures. Il s'agit de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation et de celle sur le ministère de l'Éducation.

C'est à travers ces trois lois que se concrétise le caractère confessionnel de l'ensemble du système scolaire québécois. On y retrouve tous les instruments par lesquels agit le pouvoir confessionnel. sous-ministres associés de fois catholique et protestante, comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, conseillers en éducation chrétienne, enseignement religieux, pastorale ou service d'animation religieuse, projets éducatifs confessionnels et reconnaissance du statut confessionnel des écoles.

Le projet de loi 107 ne change rien à l'ensemble de ces éléments confessionnels. Même s'il annonce la constitution de commissions scolaires linguistiques, le caractère confessionnel du système continue de prédominer. Bien plus, le projet de loi assure la continuité de l'existence des commissions scolaires confessionnelles et dissidentes, ainsi que le droit à la dissidence, c'est-à-dire à la constitution de commissions scolaires confessionnelles pour la minorité catholique ou protestante sur le territoire de toute commission scolaire autre que confessionnelle, ce qui apparaît à l'article 110 du projet de loi.

À ce point de vue, le projet de loi, répétons-le, ne fait que dépoussiérer l'ancienne Loi sur l'instruction publique, édifiée en fonction de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui a été confirmé par les accords constitutionnels de 1982.

Nous, du NPD-Québec, ne sommes pas les premiers à dénoncer cet article de la constitution qui porte atteinte au droit exclusif du Québec de légiférer en matière d'éducation. Il est inacceptable pour quiconque a la ferme volonté de préserver le droit fondamental à la liberté de conscience.

En s'y conformant, et malgré ce qu'en dit l'article 577 du projet de loi 107, la nouvelle Loi sur l'instruction publique porterait encore atteinte aux libertés de conscience et de religion parce qu'elle accorde aux confessions religieuses catholique et protestante non seulement des droits et privilèges, mais aussi des pouvoirs institutionnels pouvant être exercés au détriment des autres confessions religieuses et du droit à renseignement moral laïc.

Ainsi, d'une part, les écoles se voient reconnaître un statut confessionnel qui ne peut que déterminer le contenu global du projet éducatif de l'école. Notons que l'acceptation du projet éducatif peut être établi comme l'un des critères de l'inscription à l'école, ce qui peut constituer une atteinte au droit à l'accessibilité.

D'autre part, le maintien du droit à la constitution de commissions scolaires dissidentes consacre, tacitement, la prédominance d'une confession religieuse malgré le caractère officiellement non confessionnel d'une commission scolaire. La dissidence s'exprime en opposition à

cette prédominance tacite.

Toute une gymnastique, visant à constituer des commissions scolaires linguistiques tout en évitant de remettre en question l'article 93 de l'AANB et le caractère confessionnel des institutions, conduit à la multiplication et au dédoublement des structures scolaires, commissions scolaires francophones non confessionnelles, anglophones non confessionnelles, anglophones confessionnelles, francophones confessionnelles.

Nous ne pouvons pas voir comment cette pseudo-déconfessionnalisation peut assurer la cohérence du système scolaire, ni son ouverture à la diversité culturelle ou ethnique, ni le respect des droits de la personne.

Contrairement à la défunte loi 3, le projet de loi 107 ne définit pas la nature et les objectifs des services éducatifs et des services complémentaires et particuliers. Selon ce projet de loi, les personnes auraient droit, de 5 ans à 16 ans, à ce que le gouvernement voudra bien leur donner. Un droit aussi fondamental et aussi mal défini ne peut qu'ouvrir la porte aux choix arbitraires, essentiellement d'ordre budgétaire, qui ont conduit à la situation actuelle.

Le pouvoir d'exercer de tels choix est encore plus centralisé par le projet de loi 107. Le gouvernement et le ministre de l'Éducation reprend plusieurs pouvoirs aux commissions scolaires. Aucun mécanisme de consultation des parents, des élèves et des personnels de l'éducation n'est prévu pour encadrer ce pouvoir central, aucune définition non plus des devoirs et obligations du ministre et des commissions scolaires envers la population.

En fait, le ministre et le gouvernement ne continueraient, sous la nouvelle loi, qu'à rendre compte aux comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, qui conservent leurs pouvoirs réglementaires. Le Conseil supérieur de l'éducation comme tel n'a qu'un pouvoir consultatif et, en outre, sa composition demeure fondée sur le critère de la confessionnalité. Aucune place n'est faite aux associations et fédérations représentant les parents, les élèves, les personnels de l'éducation et les commissions scolaires.

En conclusion, le projet de loi 107 est tourné vers le passé. Il ne peut que soutenir le combat d'arrière-garde sur la confessionnalité. Il empêche de mettre en place les institutions propres à garantir le droit fondamental à l'éducation. Il bloque, pour longtemps encore, la modernisation et la démocratisation du système scolaire. Il ne permet pas de susciter la collaboration des partenaires en éducation dans l'élaboration et la réalisation d'un projet éducatif pour le Québec.

C'est pourquoi le NPD-Québec demande le retrait du projet de loi 107. Nous demandons au ministre de l'Éducation de prendre ses responsabilités face à la société québécoise et face à l'avenir.

Nous demandons que des démarches soient entreprises pour obtenir le retrait des articles de la constitution qui forcent à maintenir des structures scolaires confessionnelles. Nous demandons que les aspects confessionnels du système d'éducation actuel soient abolis.

Il est urgent de sortir des carcans du passé. Pour qu'une nouvelle Loi sur l'instruction publique soit valable, elle doit être basée sur le droit exclusif du Québec de légiférer en matière d'éducation et sur le droit fondamental à l'éducation, sans discrimination, et non pas sur des compromis historiques désuets. Nous avons le devoir de moderniser et de démocratiser le système scolaire québécois pour pouvoir envisager l'avenir d'un Québec ouvert sur le monde.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Lalande, je vous remercie beaucoup. Je reconnais immédiatement le porte-parole officiel de la formation ministérielle, M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Mme Lalande, M. Morin et votre associé, il me fait plaisir de prendre la parole et de suppléer à l'absence du ministre, pas de le remplacer, étant donné qu'il est occupé ailleurs.

J'ai bien entendu vos propos au sujet du rapport que vous avez pris la peine de lire en commission. Vous semblez dire que nous avons un regard, avec le projet 107, sur le passé. Vous voudriez, dans votre rapport, tout remettre en cause et ne pas vous occuper du passé. Je trouve cela un peu sévère, parce que nous avons tout de même du vécu et nous ne pouvons pas l'oublier. Nous ne pouvons pas nous en dispenser, à mon sens, d'une façon aussi arbitraire.

Ceci dit, lorsque vous nous dites dans votre rapport que le projet de loi 107 ou le gouvernement du Québec ne devrait pas s'occuper de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qu'il devrait ignorer ces articles-là et procéder à l'instauration des commissions scolaires linguistiques, je me demande en vertu de quel pouvoir nous ne pourrions pas nous occuper de la loi constitutionnelle qui régit notre pays présentement. En vertu de quoi? De quelle manière vous allez le faire?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne sais pas qui répond, M. Morin ou Mme Lalande.

M. Morin: Madame va commencer, je vais compléter. (17 h 45)

Mme Lalande: Quant au regard sur le passé, vous avez sûrement remarqué dans le mémoire que nous venons de vous lire que l'aspect que nous remettons en cause, c'est l'aspect sur la confessionnalité. Il ne s'agit pas de renier tout notre passé, bien au contraire, la demande que nous faisons de commissions scolaires linguistiques tient compte au contraire de ce passé, de même que tout ce qui concerne les services complémentaires, les services de garde et les

services éducatifs.

Ce sur quoi nous trouvons que le projet de loi 107 est tourné vers le passé, c'est lorsqu'il maintient en place toutes les structures confessionnelles et c'est sur ce volet que nous vous demandons de revenir. Quant à la réponse sur PAANB, je vais donner la parole à M. Morin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Morin.

M. Morin: Je tiens à dire d'abord que le ministre de l'Éducation actuel et moi-même partageons le même alma mater: on est allé au même collège qui est disparu maintenant. Les collèges classiques sont disparus. Je reconnais qu'il y a eu un changement dans le domaine de l'éducation. Espérons que ce changement a été pour te mieux. Pour ce qui est de la question constitutionnelle... Le ministre est disparu lui aussi. Le collège est disparu, c'est devenu un grand cégep.

Pour ce qui est de l'aspect constitutionnel, j'ai entendu ce que Mme Blackburn a dit tout à l'heure à propos des questions constitutionnelles justement. Je pense que le gouvernement actuel, lorsqu'il a négocié l'accord du lac Meech, a manqué une belle occasion peut-être d'ouvrir cet article-là, d'autres aussi, mais celui-là entre autres aurait probablement permis de régler le problème de la confessionnalité de l'éducation. En passant, étant donné qu'il semblait que du côté d'Ottawa il y avait une ouverture d'esprit fantastique à intégrer le Québec à la constitution, au nouveau Canada Bill, il aurait peut-être été possible en même temps de s'arracher un droit exclusif de légiférer en matière de langue au Québec aussi. Je ne suis pas prêt à dire que j'admets les excuses évoquées par Mme Blackburn pour le fait que le PQ ne l'ait pas fait, mais passons l'éponge. Ce que l'on dit, ce n'est pas qu'il faut aller à rencontre de l'article 93, c'est qu'il faut approcher Ottawa s'il le faut - et il n'y a pas d'autre façon - et dire à Ottawa: Cela ne marche pas cette affaire-là. On veut rouvrir là-dessus et on veut récupérer ce pouvoir-là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Rimouski, vous avez la parole.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je vous remercie. Je pense qu'il ne faut pas brûler les étapes. Au moment où on se parle, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique s'applique encore, l'article 93, et nous devons composer avec cet article. Nous n'avons pas le choix.

Pour répondre à l'autre interrogation de Mme Lalande tout à l'heure, lorsque vous contestez le bien-fondé de maintenir les confession-nalités, qu'est-ce que vous faites des rapports qu'on a entendus tout à l'heure, d'une espèce de sondage des commissions scolaires catholiques de Québec auprès des utilisateurs des écoles qui indique que 84 % des parents demandent par exemple une école confessionnelle au primaire et 71 % au secondaire? Que faites-vous à ce moment-là de ces rapports ou de ces sondages auprès de la population et comment conciliez-vous la démocratie et l'aspect confessionnel demandé et exprimé démocratiquement par des citoyens? Quelle est votre conciliation de ces deux paramètres?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Lalande ou M. Morin.

M. Morin: Mme Lalande.

Mme Lalande: Ce que l'on demande, c'est l'abolition des structures confessionnelles, c'est-à-dire que soit modifiée non seulement la Loi sur l'instruction publique, mais aussi la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation qui est composé de deux comités, protestant et catholique, que soit aussi modifiée la Loi sur le ministère de l'Éducation pour abolir les postes de sous-ministres associés de fois catholique et protestante et que soient corrigées dans le texte législatif toutes les questions soumettant tout le système scolaire au principe de la confessionnalité. Cependant, nous disons que si les parents demandent effectivement que dans une école soit assuré l'enseignement religieux catholique, cette école pourra le faire, mais pour cela on n'a pas besoin d'instaurer une structure entièrement confessionnelle. C'est cette structure que nous dénonçons et non pas le droit à une population de demander ce que j'ai appelé tantôt l'"opting in", que dans telle école donnée, compte tenu de la demande de la population, soit assuré l'enseignement religieux catholique, protestant, musulman, indou, etc., si le nombre le justifie.

M. Tremblay (Rimouski): Je dois vous dire que dans le projet de loi 107, la confessionnalité est remise à l'école. Alors, c'est l'école qui détermine la confessionnalité. Nous maintenons les commissions scolaires catholiques et protestantes de Montréal et de Québec et nous maintenons aussi les deux sous-ministres. Ce qui ne veut pas dire nécessairement qu'ils n'auront pas, à ce moment-là, une préoccupation pour l'ensemble des ethnies qui composent le Québec. Je voudrais vous poser une dernière question. Cela m'intrigue un peu parce que vous dites que le ministre s'arroge des pouvoirs supplémentaires et, lorsque vous parlez du projet éducatif, vous semblez dire que ce projet éducatif devrait être soutenu par une législation supplémentaire. Alors, je ne comprends pas. Si, d'une part, vous dites que le ministre s'arroge des droits supplémentaires, vous en demandez encore plus? C'est quoi?

Le Président (Parent, Sauvé): Mme Lalande.

Mme Lalande: Non, c'est la différence entre des dispositions législatives qui, jusqu'à maintenant à ma connaissance, ne sont pas établies

seulement par le ministre mais bien par l'Assemblée nationale. C'est donc la différence entre un pouvoir réglementaire et des dispositions législatives. Nous croyons que les dispositions législatives sont susceptibles d'un débat public beaucoup plus large qu'un pouvoir réglementaire et c'est pourquoi nous demandons que le projet éducatif, que le régime pédagogique soit soumis à cette même discussion qui entoure des dispositions législatives, de sorte qu'un réel consensus social soit établi quant au régime pédagogique. Alors, il ne s'agit pas d'augmenter les pouvoirs du ministre, mais bien de prévoir des dispositions législatives qui feraient en sorte que le pouvoir réglementaire du ministre soit encadré par ces dispositions qui pourraient refléter un choix de société. Je vous donne un très bref exemple. Dans le régime pédagogique actuel, on dit qu'il y a, par exemple, six crédits qui sont affectés à l'enseignement du français au secondaire 1. Cela dénote un choix de société, un choix culturel. On décide qu'une telle importance relative doit être donnée à l'enseignement de la langue française. C'est un exemple minime, mais qui implique un choix de société, un choix de valeur. Comme je vous le dis, c'est un exemple minime, mais vous connaissez sans doute le régime pédagogique. Il contient vraiment beaucoup de valeurs et de choix de société qui, à notre avis, devraient être intégrés à la loi.

M. Tremblay (Rimouski): Quelle partie va demeurer aux commissions scolaires et à l'école, à ce moment-là, pour ce qui est du régime pédagogique?

Le Président (Parent, Sauvé): Madame.

Mme Lalande: Les dispositions législatives verraient à encadrer l'aspect qui concerne les choix de valeurs, les choix de société. Mais l'application de cela devrait être déléguée aux divers intervenants, les commissions scolaires d'une part, les directions d'école et aussi évidemment le personnel de l'enseignement, non seulement enseignantes et enseignants, mais professionnels et personnels de soutien.

Le Président (Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Morin, madame et monsieur, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle. Comme le faisait remarquer tout à l'heure M. Roy, la position que vous défendez est assez proche de celle que nous défendons, avec la différence, cependant, pour les raisons que j'expliquais tout à l'heure, qu'on ne peut pas déroger pour le moment à l'article 93 de la loi. Cependant, le ministre aurait dû, à notre avis, poursuivre l'appel du jugement qui avait été logé contre le jugement du juge Brassard touchant la loi 3. Ce jugement a malheureusement invalidé, comme je le disais tout à l'heure, toute la loi 3, c'est-à-dire qu'il l'a rendue inapplicable en vertu seulement des quelques articles qui étaient considérés comme étant inconstitutionnels. C'est, selon certains juristes, sans précédent. C'est sans précédent et très probablement qu'un appel logé nous aurait permis de rendre applicable la loi 3 dans les autres dispositions. Ce que je dois comprendre dans la décision du ministre de ne pas poursuivre l'appel qui était logé, c'est qu'il ne voulait pas que certaines autres dispositions viennent s'appliquer. Là, à présent, on est en mesure de voir quelles dispositions de la loi 3 le ministre ne voulait pas voir appliquées éventuellement, dans le cas où la Cour d'appel nous aurait donné raison, c'est-à-dire l'application des autres dispositions. Comme vous le soulignez, toutes les questions qui touchent la responsabilité, la définition des responsabilités gouvernementales en matière de services éducatifs disparaissent du projet de loi qu'on a actuellement sur la table, qu'il s'agisse des services de garde, de la gratuité à l'éducation des adultes, du service complémentaire, etc., en même temps que disparaissent les obligations du ministre de consulter les grands organismes nationaux. Il impose la consultation à de multiples reprises aux commissions scolaires, aux écoles et, lui, il ne se tient pas pour obligé. Il invoque le fait qu'il y a une nouvelle loi qui oblige le gouvernement à publier ses règlements de manière que les organismes puissent réagir. Cela n'identifie pas les organismes, cela ne lui fait pas obligation de les consulter. Il est en attente des réactions des organismes après publication du règlement. Moi, je trouve que c'est déplorable et que cela constitue un net recul.

Dans votre mémoire, vous parlez d'un regard sur le passé. J'estime que le projet de loi qu'on a sur la table, c'est une version ratatinée de la loi 3. Malheureusement, je ne suis pas capable de l'exprimer autrement parce qu'on perd des acquis, c'est un recul inacceptable. Parce que la loi 3, dans ses autres dispositions, c'était un acquis qu'on s'était collectivement consenti.

M. le député de Rimouski, tout à l'heure, rappelait des sondages qui ont été menés ici, dans la région de Québec, sur le désir des parents de conserver des écoles confessionnelles. Moi, je prétends que ce sont les outils qui sont donnés, les moyens qui sont fournis, aux comités catholiques, au conseil supérieur, aux sous-ministres, de fois catholique et protestante, aux conseillers en éducation chrétienne, puis là, mettez-en, tous ces moyens qui leur sont fournis et sans commune mesure avec ce qui serait fourni aux parents qui souhaiteraient l'enseignement moral. Alors, ma question est la suivante: Étant donné qu'on a cela dans le projet de loi et qu'on l'a également dans les règlements, c'est-à-dire qu'on a réaffirmé ces structures qui sont très fortes et qui viennent influencer les orien-

tations des écoles, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que dans la loi actuelle apparaisse en contrepartie de ce pouvoir des catholiques et des protestants l'équivalent d'une structure pour ceux qui désirent l'enseignement moral?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Lalande ou M. Morin.

Mme Blackburn: Logique, mon cher Watson.

M. Morin: Sur la question des sondages, il faudrait voir la question. Je n'ai pas vu la question. Je sais que chez les parents du Québec, il y a, dans une grande mesure, un désir de faire donner un enseignement religieux aux enfants à l'école, ce qui ne veut pas dire une école confessionnelle, il y a une différence, là. Pour nous, l'école déconfessionnalisée, l'école laïque, peut laisser place à un enseignement religieux, mais un enseignement religieux décloisonné, c'est-à-dire que ce ne serait pas strictement catholique, protestant. Si, dans un coin de Rimouski, Chicoutimi, Montréal ou Québec, il y a suffisamment d'enfants de religion bouddhiste qui veulent avoir de l'enseignement bouddhiste, pourquoi pas? Si ailleurs, ce sont des musulmans, pourquoi pas? Cela pourrait régler, entre autres choses, le cas des enfants qui étudient dans des écoles dans la région de Montréal et qui sont obligés d'aller dans des écoles privées pour étudier la religion juive. Leur problème pourrait être réglé. Ce qui les intégrerait davantage à la collectivité québécoise, je pense. Cela, c'est un des problèmes.

Pour ce qui est du problème constitutionnel, c'est sûr que ce problème-là existe. C'est sûr qu'on ne sait pas ce que le tribunal aurait pu dire dans le cas de ia loi 3 si l'appel avait été poursuivi - on ne sait pas toujours - sauf qu'on a une bonne idée qu'une fois rendu en Cour suprême, cela ne tombe pas toujours du côté qui fait le plus plaisir au Québec et, justement, cela nous ramène à la case 1. S'il y a une tare, s'il y a un défaut quelque part, c'est dans la constitution elle-même et il faut le modifier là. Mais, en attendant, il y a des mesures qu'on peut prendre pour enlever beaucoup des aspects confessionnels du système d'éducation du Québec actuellement. Et cela peut se faire sans que cela porte atteinte à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ou au Canada Bill. Cela pourrait se faire à peu près immédiatement.

M. Roy (Louis): Juste pour compléter, si vous permettez.

Mme Blackburn: Oui. (18 heures)

M. Roy. À propos d'une structure pour les autres, ce matin, à la commission, vous avez entendu et nous avons entendu aussi le Mouvement scolaire confessionnel du Québec qui a aussi proposé cette formule-là qui, finalement, complique encore plus la situation. Je pense qu'il faut se rendre à l'évidence qu'il faut choisir des structures scolaires qui sont, soit confessionnelles, soit linguistiques. Si on essaie de répondre aux deux attentes, on se trouve à compliquer les structures et à en faire des structures conflictuelles aussi. C'est ce que l'Association provinciale des enseignants protestants nous a dit aussi, à savoir que les conseils d'orientation, si les problèmes confessionnels ne sont pas réglés, vont constituer des terrains de bataille dans les écoles. C'est un danger qu'on peut éviter en prenant un choix clair. Ce qu'on a dit à propos de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ce n'est pas d'en faire fi, de faire comme s'il n'était pas là et de provoquer un affrontement. Ce que nous avons dit dans notre mémoire, c'est que le gouvernement devrait entamer immédiatement des démarches visant à retirer ces articles. Le projet de loi 107, à ce point de vue, risque d'être inutile dans le sens où on va être appelé de toute façon à soumettre la cause à la Cour d'appel qui va nous dire et nous répéter ce qu'on sait, soit qu'il y a des droits confessionnels et on n'en sortira pas. À partir du moment où on admet le droit à la constitution de commissions scolaires dissidentes, ce qui est un droit inclus dans la constitution et défini par l'article 93, on se trouve à redonner un contenu confessionnel à des commissions scolaires dites linguistiques et on se trouve à les dédoubler etc. On n'en sort pas si on ne fait pas un choix clair. Notre choix est en faveur de commissions scolaires linguistiques.

Mme Blackburn: M. le Président, ma remarque, c'est dans le cadre de ce que nous propose le projet de loi... Je comprends que cela n'est pas très clair, ce n'est pas garanti et ce n'est pas assuré. Ce sont des commissions scolaires linguistiques, à l'extérieur de celles qui sont protégées et avec la possibilité à la dissidence... Mais, ce que je me disais, pour au moins donner un minimum de chances aux parents qui choisissent l'enseignement moral de voir leurs droits respectés... On n'a même pas ce minimum de garanties. Actuellement, les pressions sont telles que... Pression morale, pression du milieu sur des enfants qui finissent par dire: Maman, je veux aller à l'enseignement religieux. Ce n'est pas compliqué.

Même les sondages, à mon avis, mériteraient d'être examinés de très près. Je suis comme vous. Je n'ai pas vu les questions. Je ne sais pas comment est présenté l'enseignement moral ou l'école dite neutre. Là-dessus, je voudrais voir cela parce que, essentiellement, ceux qui ont la tâche de faire ce genre de sondage sont ceux qui ont déjà pris parti pour la confession à l'école. Je me dis: Au moins, donnons-nous un minimum de chances. Donnons à ces parents le droit à un minimum de soutien pour s'assurer qu'au moins leurs droits soient respectés avec ce projet de loi parce qu'il y a tout lieu de croire que c'est

probablement avec quelque chose qui va ressembler à cela qu'on va se retrouver.

J'avais une toute petite question. Vous proposez que le Conseil supérieur de l'éducation soit plus que consultatif. J'ai présidé un conseil consultatif et cela m'apparaît difficilement acceptable du moment où les gens qui ne siègent pas là-dessus n'ont pas à rendre de comptes. Ils sont nommés ou désignés par des groupes même si ce sont des représentants désignés par voie électorale par les grands syndicats, par les commissions scolaires. Ils ne sont pas élus au suffrage universel et leurs postes, n'étant pas remis en question tous les quatre ans comme cela se veut par notre système démocratique, cela m'apparaît difficile de leur donner de réels pouvoirs sur les grandes orientations. Oui?

Mme Lalande: J'attendais que M. le Président me donne la parole.

Mme Blackburn: Cela va.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Lalande: D'accord. Je vais revenir un peu en arrière. Quant à une structure sur l'enseignement moral, je pense que ce serait vraiment un pis-aller, en ce sens que nous croyons que le système devrait entièrement être construit sur la base où c'est l'enseignement moral laïc qui a prédominance. En conséquence, on n'aurait pas besoin d'un comité de l'enseignement moral. Ce serait le système. Ce serait vraiment un pis-aller en attendant possiblement la modification de l'article de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Justement, quant au choix ou à la valeur des sondages qui sont faits, je veux seulement vous raconter une petite anecdote pour vous donner effectivement un exemple de ce qui peut se passer. Actuellement, le régime qui existe, c'est que les parents choisissent - je parle d'écoles primaires - pour leur enfant l'enseignement moral ou religieux, catholique dans le cas de l'exemple que je vais vous donner.

Dans une école où ce choix avait été fait par les parents, l'animateur de foi pastorale a rappelé tous les parents qui avaient choisi l'enseignement moral pour leur dire: Êtes-vous bien sûrs que c'est l'enseignement moral que vous voulez? Cela dénature un peu les sondages quand on voit que des pressions comme celles-là sont exercées. En ce sens, il est sûr que les structures confessionnelles qui peuvent être abolies dans le cadre de la loi actuelle et du régime constitutionnel actuel devraient l'être rapidement pour éviter ce genre de situation.

Quant au Conseil supérieur de l'éducation, le rôle qu'on aimerait lui voir tenir est de définir des orientations qui devraient guider le ministre et non pas de légiférer. Autrement dit, actuellement, le Conseil supérieur de l'éducation a le rôle de répondre aux questions du ministre. On croit qu'il devrait susciter lui-même certains débats et lancer auprès des législateurs des dispositions, des orientations. C'est ce rôle qu'on voudrait lui voir donner, évidemment, à partir du moment où le Conseil supérieur de l'éducation serait modifié de fond en comble pour être un organisme de conseil et de consultation, représentatif des parents, des élèves des personnels de l'éducation et des commissions scolaires et non pas constitué tel qu'il l'est actuellement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. La dernière intervention, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: J'aimerais juste vous dire que le Conseil supérieur a déjà ce pouvoir en vertu de sa loi constitutive. Il est prévu qu'il fasse annuellement rapport sur l'état et les besoins de l'éducation - d'ailleurs, on a des rapports qui sont assez consistants - sauf que cela ne fait pas obligation au ministre de s'inspirer de ces rapports, malheureusement, pour définir ses grandes orientations.

Je partage - je l'ai dit tout à l'heure - pour l'essentiel vos positions. J'ai eu l'occasion de le dire ici à maintes reprises. Je voudrais seulement vous dire aussi, madame, que ce que vous citez comme cas d'un directeur d'école qui appelle les parents pour dire: Pourquoi l'enseignement moral? Il y a justement un directeur d'école qui nous a dit ce matin qu'il faisait cela. Il a dit: II n'y a pas de problème. Quand je leur explique ce qu'est l'enseignement religieux, les parents les envoient à l'enseignement religieux. Il est certain qu'il y a quelque chose de faussé dans ce système. Cela ne peut pas fonctionner. Là-dessus, je vous donne tout à fait raison.

Je partage votre avis à savoir que ce projet de loi ne définit pas de façon claire le droit à l'éducation. Je cite une partie de votre mémoire. Vous dites: "Contrairement à la défunte loi 3, le projet de loi 107 ne définit pas la nature ni les objectifs des services éducatifs et des services complémentaires. Selon ce projet de loi, les personnes auraient droit, de cinq ans à seize ans, à ce que le gouvernement voudra bien leur donner. Un droit aussi fondamental et aussi mal défini ne peut qu'ouvrir la porte aux choix arbitraires, essentiellement d'ordre budgétaire, qui ont traduit la situation actuelle. "

Le ministre veut toujours se faire rassurant en disant: Ce n'est pas vrai. On n'a pas l'intention de couper là-dedans. Je vous dis: C'est l'actuel ministre. Il peut être sincère. Je lui donne le bénéfice du doute, mais qu'on prenne seulement le président du Conseil du trésor et qu'on l'assoie sur le même siège, la réaction du ministre est de dire: C'est vrai. On ne fait pas un projet de loi en vertu d'un ministre, si bon soit-il, on le fait en fonction de l'avenir.

Je vais conclure en vous remerciant d'être

venu enrichir la réflexion de la commission parlementaire de l'éducation. Souhaitez que le ministre soit sensible aux représentations qui ont été faites ici. Il se dégage au moins une certaine forme d'unanimité sur au moins une question, à tout le moins, la centralisation; cela fait l'unanimité sur la qualité des services, également. Je souhaite que le ministre entende raison à un moment donné ou à tout le moins qu'il puisse influencer le président du Conseil du trésor pour qu'on ne coupe pas un peu partout et particulièrement dans ce qui constituait les acquis réels consentis par la loi 3.

M. Morin, vous n'êtes pas encore habilité à siéger à l'Assemblée nationale, mais, ce n'est peut-être pas si loin le jour où on verra des élections. On aura peut-être le plaisir. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ah! Je ne sais pas. On ne sait jamais.

Mme Blackburn: Au revoir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Mme Lalande, M. Morin et M. Roy, je vous remercie, au nom de la partie ministérielle et au nom du ministre, de la présentation de votre rapport. Je pense que c'est un tour d'horizon qu'il est important d'analyser et dont on doit tenir compte dans l'approche que vous avez des projets qui sont devant nous, les projets de loi 106 et 107. Pour contredire un peu ou pour apporter un élément supplémentaire, vous semblez remettre en cause la question des consultations qui sont faites auprès des parents. Je dois vous dire que cette consultation a une valeur, à mon avis, dont il faut tenir compte, sans cela, c'est ne pas faire confiance à l'intelligence des parents. Je pense qu'on doit leur faire confiance et c'est le reflet de la société.

Cela étant dit, madame et messieurs, je vous remercie et je vous encourage à continuer à nous aider à donner au Québec le meilleur système d'enseignement. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sur ce, madame...

Mme Blackburn: Juste une petite remarque. Je veux dire à M. Morin qu'il n'a probablement pas choisi le bon comté pour s'asseoir rapidement à l'Assemblée.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi 10 heures; elle les reprendra à la salle du Conseil législatif en accueillant la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.

(Fin de la séance à 18 h 12)

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