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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 1 septembre 1988 - Vol. 30 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié en décembre dernier par l'Assemblée nationale à savoir de tenir des audiences publiques sur les projets de loi 106 et 107; le projet de loi 106 traitant des élections scolaires et le projet de loi 107 traitant de la réforme de la Loi sur l'instruction publique.

Ce matin, pour parler français, nous abordons le dernier "stretch", la dernière période, de ce marathon qui se tient depuis le mois de mai dernier. Alors, avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec que nous accueillons aujourd'hui, ce sont 119 mémoires en tout qui ont été soumis aux membres de cette commission. Vous êtes les 97e à venir nous visiter. Nous avons tenu 18 séances pendant environ 125 heures. C'est donc dire que, et quand je dis ces deux projets de loi, je devrais dire surtout la pièce majeure de l'objet du travail de cette commission, la loi 107, a longuement été discutée avec les principaux intervenants, nous croyons, du monde de l'éducation, du monde, enfin, qui a une relation directe ou indirecte avec le monde de l'éducation.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a des remplaçants?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a M. Vaillancourt, député de Orford, qui remplace M. Khelfa, député de Richelieu.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Bien. Le Secrétaire: Merci.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si nous avons quorum, je déclare immédiatement ouverte la séance et j'accueille en votre nom, Mmes les députées, MM. les députés et M. le ministre, M. Fernand Daoust, le secrétaire général à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec qui sera le porte-parole de cette fédération.

M. Daoust, la commission a prévu d'accorder une heure à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, période de temps qui pourrait être divisée comme suit, mais c'est à titre de suggestion seulement. À vous de juger, vous êtes quand même maîtres du temps que vous voulez utiliser. Je vous suggère de prendre de 15 à 20 minutes à peu près pour nous présenter votre mémoire, lequel, je fais plus que présumer, a été lu par les membres de cette commission. Après cela, le reste du temps pourra être divisé à parts égales entre les membres des deux formations politiques afin que nous puissions deviser et dialoguer ensemble sur ces projets de loi. Je veux aussi vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et de venir nous faire connaître vos préoccupations, vos observations, enfin le fruit de votre réflexion sur ces projets de loi.

Alors, M. Daoust, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous rappelle que nous avons une heure. Toutes les personnes assises à la table avec vous pourront, selon votre désir, participer au débat ou répondre aux questions qui leur seront posées, si question leur est posée par les membres de cette commission, en s'adressant au président comme la coutume le veut et tout cela. Alors, M. Daoust, si vous voulez, la parole est à vous.

M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. En premier lieu, la présentation de ceux qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Lauraine Vaillancourt, vice-présidente de la FTQ; à ma droite, Rolande Pinard, du service de recherche de la FTQ; Michel Blondin, directeur des services de l'éducation au Syndicat des métallos et membre des différents comités de la FTQ; Michel Lajeunesse du Syndicat des employéses professionnelles et de bureau, section locale 57, conseiller technique de ce syndicat. Quelques personnes qui nous accompagnent et qui forment cette délégation: M. Robert Delorme de l'Union des employé-e-s de services, section locale 800, conseiller technique de ce groupe; M. André Valiquette du Syndicat canadien de la fonction publique, conseiller technique de ce groupe; M. Maurice Laplante, le président des employé-e-s professionnel-le-s de bureau, section locale 57.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus.

M. Daoust: M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, nous désirons vous remercier de nous permettre de vous présenter nos vues sur cet important projet de loi. Comme vous le savez sans aucun doute, la FTQ a toujours eu à coeur d'intervenir sur toutes les questions d'éducation et plus particulièrement en ce qui concerne l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de cette commission sont devant une tâche très importante, puisqu'il s'agit ici de remanier une loi fondamentale pour notre société, celle qui régit et encadre les premiers

stades d'apprentissage des citoyens et des citoyennes du Québec.

Nous avons pris tout le temps voulu afin d'examiner soigneusement ce projet de loi. Notre analyse est fondée sur des principes fondamentaux que nous avons prônés depuis de nombreuses années et avec lesquels nous souhaiterions que vous ne puissiez pas être en désaccord. La loi doit en effet protéger et promouvoir une école publique, accessible, commune et ouverte. (10 h 15)

Je pense que si le gouvernement veut fonder ses décisions sur un certain consensus social, il doit tout mettre en oeuvre pour le provoquer, en faciliter l'éclosion par un projet de loi qui pourrait, à notre sens, provoquer ce type de consensus à l'intérieur de notre société. Notre analyse nous a amenés à conclure que ce projet de loi, tout en proposant certaines améliorations, allait à l'encontre de ces principes fondamentaux dans ses dispositions les plus stratégiques.

Permettez-moi de vous exposer notre point de vue, au nom de la FTQ. Le projet de loi propose des commissions scolaires linguistiques. Nous aimerions vous rappeler, M. le ministre, les décennies de revendications et de luttes qui ont été nécessaires avant de voir reconnaître le fait français au Québec dans une loi claire, nette et précise: la loi 101. Nous avons actuellement une loi qui, lorsqu'elle était respectée, nous a fait faire de grands pas vers la francisation de notre vie au travail, à l'école, dans les commerces et le reste. Nous connaissons malheureusement à l'heure actuelle des reculs que nous estimons très menaçants pour l'avenir du français au Québec.

Et voilà que vous nous proposez un réseau bilingue d'écoles publiques au Québec. Nous avons défendu, à la FTQ, avec ardeur et nous continuerons de le faire, le dossier de la langue française au Québec. Nous ne pouvons donc acquiescer à cette disposition stratégique du projet de loi 107 qui créerait des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones partout au Québec.

Nos institutions publiques doivent être françaises, tout en donnant au secteur anglophone de la population du Québec la place qui lui revient, ni plus ni moins. Nous considérons que cela est essentiel pour la survie de la langue et de la culture françaises au Québec. Ce n'est certainement pas un long exposé sur le fond de ce sujet qui pourrait vous convaincre de l'importance de la langue et de la culture pour un peuple. Vous en êtes déjà convaincus, je le pense bien.

Lorsque les Québécois et les Québécoises d'expression française revendiquent le statut de langue officielle pour le français au Québec, il ne s'agit pas là d'une déclaration de guerre à la population anglophone. Au contraire, nous croyons qu'il s'agit plutôt d'une condition sine qua non pour une coexistence pacifique et harmonieuse. Nous avons vu ces derniers temps une certaine remise en question de plusieurs dispositions de la loi 101, ce phénomène réattisant les batailles linguistiques entre les deux communautés. En plus d'aller contre l'esprit de la Charte de la langue française, la création de deux réseaux parallèles d'écoles publiques fondées sur la langue engagera des dépenses additionnelles, en plus d'exclure toute possibilité d'économie, tel que nous l'avons explicité dans notre mémoire. Dans le contexte actuel de coupures et de rationalisation des dépenses gouvernementales dont le secteur de l'éducation a subi sa large part, une telle proposition nous apparaît pour le moins inappropriée. Dans la même veine, le renforcement de la confessionnalité dans les écoles nous apparaît comme un outil de division qui engendre un traitement non équitable des étudiants et étudiantes selon leur appartenance à une confession religieuse. De plus, le maintien de privilèges pour deux confessions religieuses entraîne la négation de certains droits et libertés individuels fondamentaux pour une part croissante de la population étudiante.

La FTQ juge inacceptable qu'une loi scolaire comporte un accroc aussi important à la Charte des droits et libertés de la personne. Nous nous devons d'accueillir avec respect et ouverture les membres des diverses communautés culturelles qui viennent pour enrichir et participer au développement de notre société. Si nous voulons éviter la création de ghettos ethniques, nous nous devons de créer toutes les conditions qui assureront une coexistence harmonieuse dans le respect des différences. Le milieu scolaire représente un lieu et un moment stratégiques pour y arriver. Le fait de maintenir des privilèges reliés à des croyances et pratiques religieuses c'est faire de la discrimination et cela va tout à fait à l'encontre des droits et principes reliés à une société démocratique.

Enfin, dans un contexte de rationalisation des ressources, il nous apparaît inéquitable de continuer d'affecter des sommes importantes au maintien de privilèges anachroniques. Le chapitre III de notre mémoire traite de la démocratisation du système scolaire. Vous admettrez qu'en tant qu'organisation syndicale nous avons aussi une certaine expérience en matière de mode de représentation. Il existe essentiellement deux niveaux de représentation dans le système scolaire: celui de l'école et celui de la commission scolaire. En ce qui concerne l'école, nous avons souligné dans notre mémoire l'urgence de favoriser l'émergence de véritables lieux de concertation élargis. Le fait de rendre le conseil d'orientation obligatoire constitue donc une bonne initiative. Cependant, étant donné que les personnels et les étudiants peuvent décider de n'y pas participer, le conseil d'orientation deviendrait alors une sorte de comité d'école rétréci et cela risque fort d'arriver compte tenu des modalités de fonctionnement qui sont prévues dans le projet de loi 107, entre autres, tout le problème de la balance du pouvoir aux parents.

La création du comité d'école devenant facultative, nous risquons d'aboutir à un rétrécissement significatif de la participation des parents au fonctionnement de l'école. Quoi qu'il en soit, nous considérons qu'un lieu de concertation réunissant tous les intervenants dans l'école ne peut remplacer un lieu de regroupement des parents de cette école. C'est en effet l'un des rôles du comité d'école de susciter la participation des parents aux affaires de l'école et d'assurer que l'ensemble des parents soit dûment consulté sur tout sujet qui les concerne. Nous voyons difficilement comment les quelques parents délégués au conseil d'orientation pourraient remplir efficacement ce mandat.

Je voudrais en profiter pour souligner tout de suite ce qui nous semble être une lacune à l'égard de la représentativité de cet organisme qu'on appelle le conseil d'orientation. Nous estimons, quant à nous, que les employés de soutien devraient avoir leur représentation propre et indépendante de celle des professionnels. Ces personnels ont des points de vue, des besoins, des intérêts spécifiques qu'ils doivent débattre entre eux afin de pouvoir les défendre adéquatement au conseil d'orientation de l'école et de les évincer ou de les écarter ou de ne pas les accueillir au même titre que d'autres membres du personnel constitue, selon nous, une lacune qu'il serait facile de corriger. Ces gens-là ont des sensibilités qui doivent s'exprimer et il nous semble essentiel qu'ils ne soient pas écartés du processus de consultation, de décision et de participation qu'on retrouve au sein du conseil d'orientation.

Quant au mode d'élection des représentants des parents à ces deux instances, nous suggérons plutôt ce qui suit. Il est normal que les membres du comité d'école soient élus lors de l'assemblée générale des parents. Cependant, nous croyons qu'il serait beaucoup plus logique que les délégués au conseil d'orientation soient choisis parmi les membres du comité d'école et qu'ils continuent d'en faire partie. Puisque le point de vue des parents doit être recueilli par les membres du comité d'école, il nous semble normal qu'il y ait un lien organique entre ces deux instances. Finalement, nous demandons que les pouvoirs du conseil d'orientation soient au moins équivalents à ceux qui sont prévus dans la loi actuelle. Nous avons en effet remarqué que le projet de loi 107 transfère certains de ces pouvoirs à la direction de l'école. La loi devrait également obliger toute personne élue à un poste à rendre compte de son mandat auprès de ses commettants.

Quant au comité de parents, celui qui représente les parents au niveau de la commission scolaire, nous croyons que la loi devrait conserver les objets de consultation qui réfèrent aux grandes politiques et aux grands objetifs de la commission scolaire: Nous avons en effet remarqué que les objets actuels de consultation sont remplacés par d'autres davantage axés sur des modalités d'application, des questions plutôt d'ordre administratif ou de niveau local. Les commissaires élus ne peuvent faire l'économie d'une consultation auprès des usagers et usagères dans leurs grandes décisions lorsqu'elles ont des incidences sur la vie de l'école et sur l'allocation des budgets.

Vous ne serez pas surpris si on vous dit que le projet de loi 107 nous a extrêmement déçus en ce qui concerne toute la question de l'éducation des adultes. Nous avons peine à comprendre, M. le ministre, que vous soyez à l'origine d'un tel projet de loi, compte tenu des déclarations que vous faisiez lorsque vous étiez dans l'Opposition. Je ne vous les rappellerai pas. Je me fie à votre excellente mémoire pour ne pas vous infliger ce type de souvenirs. Mais on aurait bien aimé retrouver dans le projet de loi ces points de vue qui étaient les vôtres il n'y a pas si longtemps. Nous saluons en vous, incidemment, un défenseur de l'éducation des adultes. Votre pensée, dans ce domaine-là, votre présidence à l'ICEA, je crois bien, votre ouverture d'esprit à l'égard des problèmes que de temps à autre nous vous soumettons et qui ont trait à des types de formation, que ce soit professionnelle ou syndicale, nous permettent de vous parler de cette façon-là et de souligner l'apport que vous avez fourni à l'éducation des adultes au Québec. On aimerait une plus grande continuité et on vous invite à nous accompagner dans nos évaluations.

Il est temps qu'on reconnaisse aux adultes qui n'ont pu le faire dans leur jeunesse le droit à l'éducation aux niveaux primaire et secondaire. Cela constitue un minimum. Une loi sur l'instruction publique doit reconnaître explicitement ce droit. Cela implique, selon nous, que chaque commission scolaire soit tenue d'assurer les services de base aux adultes domiliciés sur son territoire et cela sur une base gratuite. La formation des adultes, que ce soit pour compléter leur cours primaire ou secondaire, pour acquérir ou perfectionner un métier, ne peut être la même que celle prévue pour les étudiants et étudiantes réguliers. Les adultes doivent pouvoir recevoir une formation spécifique qui tienne compte de leurs acquis, de leur expérience, des contraintes auxquelles ils font face. Cela implique que ces acquis et cette expérience, de même que les cours déjà suivis, leur soient reconnus. Sur le plan professionnel nous ne pouvons tout de même pas considérer la formation d'un étudiant de 15 ans au même titre que celle de quelqu'un qui est sur le marché du travail depuis 20 ans. La lecture des dispositions du projet de loi 107 concernant l'éducation des adultes renforce notre conviction qu'il est urgent que des mécanismes de participation à tous les niveaux soient prévus pour les étudiants et étudiantes adultes. Les syndicats qui en représentent un bon nombre et qui souvent s'impliquent eux-mêmes, vous le savez, dans la formation professionnelle devraient être parmi les organismes consultés autant lors

de la définition des politiques d'éducation des adultes que lors de la mise en oeuvre de programmes pour ceux-ci.

Les travailleurs et travailleuses sont oubliés dans ce projet de loi 107 non seulement lorsqu'il est question d'éducation des adultes mais aussi dans tout le processus de transfert des personnels d'une commission scolaire à l'autre. Comme vous le savez, M. le ministre, des ententes ont déjà été négociées dans le cadre de fusion, division, annexion de territoires. Ces ententes ont donné lieu à certaines normes et modalités d'intégration des personnels. Nous croyons que le projet de loi devrait en tenir compte formellement et reconnaître le principe de la négociation des protocoles d'intégration. Il est du devoir du législateur de s'assurer que les intérêts et les droits des travailleurs et travailleuses impliqués seront protégés lorsqu'il crée de nouvelles situations qui peuvent les menacer. (10 h 30)

Au plan des relations de travail nous déplorons également que l'imbroglio persiste et soit sanctionné entre les pouvoirs de la direction de l'école et de la commission scolaire quant à la gestion du personnel et à l'application au respect des conventions collectives. Les directeurs et directrices d'école ne sont pas nécessairement des experts en relations de travail et même loin de là dans l'immense majorité des cas. Ce n'est sûrement pas en vertu de ce type de qualité qu'ils sont régulièrement choisis pour assumer les fonctions de direction d'école. Cela nous crée de graves problèmes lorsqu'ils se substituent, qu'ils prennent la place de l'employeur et qu'ils sont mandatés pour gérer et voir à l'application des conventions collectives de travail. Puisqu'on prend la peine de préciser dans le projet de loi que l'employeur est la commission scolaire, on devrait également l'obliger à prendre ses responsabilités en ce domaine et s'assurer que la commission scolaire puisse donner des directives claires lorsqu'il y a des problèmes d'application des conventions collectives.

Enfin, la FTQ s'oppose énergiquement à toute tentative d'introduire un recours légalisé à la sous-traitance dans le secteur public de l'enseignement. Nous nous opposons à toute tentative de privatisation partielle car cela se fait généralement au détriment des usagers et usagères et des personnels. Perte de contrôle sur la qualité des services qui peut engendrer une baisse de celle-ci, diminution et précarisation des emplois en sont généralement les conséquences. Pour toutes ces raisons, la FTQ ne peut accorder son appui au projet de loi 107 et demande au gouvernement d'y apporter des modifications importantes.

Quant au projet de loi 106 sur les élections scolaires, la FTQ reconnaît qu'il propose des améliorations intéressantes. Cependant, il y a manque des éléments indispensables à une véritable démocratisation du processus électoral. Par exemple, ne serait-il pas souhaitable que les élections scolaires soient assujetties aux mêmes règles que celles qui prévalent à d'autres paliers de la vie politique, notamment en ce qui concerne le financement des partis et des dépenses électorales? Pour augmenter la participation aux élections, il serait également judicieux, selon nous, de tenir les élections scolaires en même temps que les élections municipales et d'obliger les employeurs à accorder un semi-congé à leurs employés pour aller voter.

Enfin, le processus d'élection des commissaires est relié de près à la carte scolaire compte tenu du fractionnement de celle-ci proposé par le projet de loi 107, et de la superposition de commissions scolaires linguistiques confessionnelles dissidentes. Il nous apparaît que la construction des listes électorales et le processus de votation atteindront une complexité telle qu'elle risque de décourager les citoyens et citoyennes les plus motivés. Ainsi, le projet de loi 106, parce qu'il présente des lacunes importantes dans le processus de démocratisation des élections et parce qu'il ne peut être séparé des dispositions du projet de loi 107 qui traitent du réaménagement des commissions scolaires, ne répond pas aux attentes des travailleurs et travailleuses de la FTQ. Nous demandons donc au gouvernement d'y apporter les améliorations supplémentaires que nous suggérons et de voir à simplifier la carte scolaire de manière que les personnes habilitées à voter puissent s'y retrouver aisément. Existe-t-il d'autres paliers de gouvernement où on est appelé à aller voter selon sa langue, ses croyances religieuses ou selon ses moyens pour ceux et celles qui peuvent envoyer leurs enfants dans des écoles hors de leur quartier électoral?

En conclusion, M. le ministre, il nous semble que le remaniement de la Loi sur l'instruction publique aurait dû donner lieu à une simplification et à une actualisation d'une loi vieille de plus de 100 ans et non pas à sa plus grande complexité et à un renforcement de ses dispositions les plus anachroniques. Au nom de la FTQ, ceux qui m'accompagnent et moi-même, nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. Daoust. Je remercie aussi les personnes qui vous accompagnent pour leur apport à cette commission. Dans un premier temps, comme premier intervenant, je reconnais M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais remercier la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de l'examen approfondi qu'elle a fait du projet de loi 107 et du projet de loi 106. L'étude qui nous a été résumée ce matin touche à tous les aspects essentiels des deux projets de loi. Je pense qu'elle en fait une critique rationnelle, une critique qui reflète les positions de la centrale syndicale sur les questions de l'éducation. Je suis très heureux de

cette contribution importante de la FTQ à notre débat. Je veux assurer la FTQ que nous retiendrons ce mémoire pour l'examiner attentivement. Il y a des points qui donneront lieu à des clarifications dès ce matin de ma part. Il y en a d'autres que nous examinerons soigneusement et, encore une fois, j'exprime ma vive appréciation pour l'intérêt que des centrales syndicales portent depuis longtemps d'ailleurs aux questions d'éducation.

Il me fait plaisir de signaler à cet égard que le gouvernement maintient chaque année un programme de soutien aux activités des centrales syndicales dans le domaine de l'éducation des adultes. La mise en pratique de ce programme ne donne jamais lieu à des débats moindrement prolongés ou difficiles; je pense que cela se fait dans un climat de collaboration. Jusqu'à maintenant, nous avons été obligés de maintenir le budget dans le statu quo à cause des contraintes budgétaires que s'était imposées le gouvernement mais je veux vous assurer que ce programme n'est en aucune manière remis en cause par le ministre de l'Éducation. De même, nous avons eu l'occasion de collaborer avec les centrales syndicales pour le maintien et même, je dirais, pour trouver des garanties d'avenir plus stables pour l'Institut de recherche appliquée sur le travail. L'Institut de recherche appliquée sur le travail accomplit depuis déjà quelques années un travail extrêmement utile de recherche sur les problèmes appliqués du travail, surtout ceux qui dérivent de nos lois, de notre régime de convention collective et de notre régime d'entreprise. Plusieurs de ces études ont été très originales et j'étais content l'an dernier, à la suite de négociations avec les représentants des centrales, d'en venir à un accord qui permet d'envisager que l'avenir de l'institut pourrait être assuré sur des bases plus stables. Je me réjouis, en particulier, de ce que les centrales aient consenti à augmenter leur propre participation au financement de l'organisme et dans la mesure où cette participation sera solidement assurée, le gouvernement est intéressé à maintenir cet organisme de recherche qui est indépendant des universités, indépendant du gouvernement aussi, et qui peut procéder à des travaux d'analyse sur les problèmes des travailleurs et des milieux dans lesquels ils vivent, qui nous apportent des lumières éventuellement importantes pour les lois et les mesures que le gouvernement doit envisager.

Le plus important de tout est évidemment l'intérêt que les centrales portent aux questions d'éducation tout court, que ce soit l'éducation des adultes, les universités, les collèges, les commissions scolaires. Là, il s'agit de deux projets de loi sur l'instruction publique. Encore une fois, je pense que c'est une dimension essentielle de notre vie démocratique.

Un bref commentaire avant que je pose quelques questions. Nous avons longuement réfléchi, avant d'opter pour des commissions scolaires linguistiques, a la proposition qui voudrait qu'on opte pour des commissions scolaires unifiées. Le débat se poursuit là-dessus depuis le rapport Parent, c'est-à-dire depuis 25 ans. Et si ce n'était des réalités culturelles et religieuses dont nous devons tenir compte encore plus, nous qui oeuvrons sur le plan politique, vous qui oeuvrez sur le plan syndical, parce que le mandat qui nous est imparti embrasse un champ beaucoup plus large ne laissant aucune pensée péjorative évidemment, étant donné que nous avons à rendre compte de beaucoup plus d'actions dans beaucoup plus de domaines, nous en sommes venus à la conclusion qu'il serait impossible au plan pratique d'opter pour des commissions scolaires unifiées sans encourir le risque que ne se multiplient les sujets de division, de chicane ou de tension quand arrivera le partage des ressources et des responsabilités entre les deux grandes familles linguistiques.

Nos minorités francophones ont toujours insisté, dans les provinces autres que le Québec, pour avoir des institutions propres. Un des fondements de la thèse que nous avons soutenue depuis des générations, c'est qu'à moins d'avoir un certain réseau d'institutions qui permettra de soutenir leur existence, elles seraient vouées fatalement à l'étiolement et déjà nous constatons les fruits de cette pauvreté du réseau institutionnel dont ont disposé les minorités francophones ailleurs qu'au Québec. Elles ont toujours insisté pour avoir en particulier le contrôle de leurs écoles. Alors, la minorité anglophone chez nous a exprimé traditionnellement la même aspiration. Elle l'a exercé par le truchement de la garantie confessionnelle accordée aux écoles protestantes. Mais, fondamentalement, d'ailleurs on le sent chaque fois qu'on demande si on consentirait du côté des commissions scolaires protestantes à des commissions scolaires linguistiques, on nous dit: Oui, mais à condition que vous nous donniez des garanties constitutionnelles à peu près équivalentes à celles que nous avons au plan religieux en vertu de l'article 93 de la loi de 1867. C'est un cercle vicieux qui est pratiquement insoluble dans l'immédiat et, dans ce contexte, il nous semble que la formule des commissions scolaires linguistiques est celle qui peut le mieux assurer le développement raisonnable de chaque communauté. Là, il y a des questions de perception. Il y en a qui disent que le Québec, c'est français. Il y a quelques éléments anglais ici et là. Nous, nous disons bien franchement, nous ne voulons pas faire de nominalisme en ces choses, qu'il y a une communauté anglophone au Québec. On peut aimer cela ou ne pas l'aimer, il y en a une. Même les auteurs de la loi 101 ont été obligés de le reconnaître en matière d'éducation et même le Parti québécois, qui a la même position que nous en matière de commissions scolaires linguistiques, l'avait d'ailleurs inscrite dans la loi 3.

Là, on ne le sait plus. Depuis quelque temps, on entend toutes sortes de commentaires du côté de l'Opposition. Mais, jusqu'à nouvel

ordre, la position que l'on connaît, c'est celle qui favorise les commissions scolaires linguistiques. Au point de vue pratique, j'aime autant ne pas faire naître d'illusions. Moi-même, je préférerais fondamentalement des commissions scolaires unifiées et, personnellement, je pourrais très bien vivre là-dedans. J'aurais très bien pu faire instruire mes enfants là-dedans.

Mais comme responsable politique et devant tenir compte de l'ensemble, je ne pense pas que je puisse honnêtement faire cette proposition au plan législatif. Mais je respecte l'autre point de vue et je pense que c'est un point de vue qui a peut-être de l'avenir. Dans l'immédiat, je ne vois pas les chances de le retenir. Cela, c'est pour les commissions scolaires.

En ce qui touche l'école, je vais vous interroger là-dessus tantôt. Nous, nous voulons une école qui soit le plus possible modelée sur les attentes fondamentales des citoyens. Nous ne voulons pas qu'elle soit définie d'en haut. Nous voulons que, de plus en plus, les parents participent à la définition de la vocation de l'école, surtout par une implication majeure dans la mise au point du projet éducatif de chaque école et par l'expression de leurs aspirations en ce qui touche la présence des valeurs morales et religieuses et du caractère de l'école en matière de confessionnalité. Ici, encore, nous portons un jugement pragmatique. Comme politiciens, nous sommes à l'écoute de nos concitoyens continuellement, chacun dans nos ciconscriptions respectives, et les échos que nous rapportons de manière pratiquement unanime de nos circonscriptions nous indiquent que nos concitoyens tiennent fortement à maintenir des écoles où le caractère religieux demeurera très présent. La forme exacte que cela doit prendre, je pense bien que ce n'est pas des sondages comme ceux dont je parle ou des contacts impromptus qui nous l'indiqueront.

Mais il y a une attente très profonde à laquelle le pouvoir politique ne peut pas être étranger. Je comprends l'autre point de vue, mais je suis obligé de vous dire que cela nous influence beaucoup. Nous essayons d'en tenir compte d'une manière qui laisse la voie la plus libre possible à l'avenir. S'il arrivait, dans une région, que les parents des écoles disent: Nous ne voulons plus d'école confessionnelle, on veut une école de type différent. Ils vont l'indiquer, parce qu'il y aura des consultations régulièrement et cela va être du domaine public, cela va être connu. Je pense que cela va faire son chemin tranquillement. On trouvera peut-être un équilibre différent de celui d'aujourd'hui. Ce que nous avons visé à faire, cela a été de ne pas fermer les portes de l'avenir dans des développements de cette nature sans cependant les imposer de force ou d'autorité. Peut-être que nous faisons erreur. Je note les remarques de la fédération là-dessus, mais c'est le point de vue qui nous a animés. (10 h 45)

En matière d'éducation des adultes, j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer à une délégation de l'Institut canadien de l'éducation des adultes dont faisait partie, si mes souvenirs sont bons, M. Michel Blondin, que le projet de loi comporte plusieurs éléments importants. Le malheur, c'est qu'ils sont disséminés à travers le projet de loi d'une manière qui les rend moins visibles que si nous les avions réunis dans une section distincte. C'est un problème de cohérence de texte. On a choisi un mode d'organisation du texte qui ne se prête pas à des divisions infinies mais je crois qu'il y a beaucoup d'éléments importants. J'en ai ajouté un, je pense que c'est à l'occasion de cette rencontre, mais je suis heureux de le répéter ce matin, il touche la gratuité de l'éducation des adultes. Nous présenterons des modifications qui permettront de libéraliser davantage les dispositions contenues présentement dans le projet de loi.

En particulier, nous verrons à proposer que toute personne qui s'inscrit à des cours d'éducation des adultes en vue de l'obtention d'un diplôme d'études secondaires puisse obtenir ces services gratuitement. C'est une clé majeure. Si on peut avoir celle-là dans le projet de loi, on aura fait un pas majeur de ce côté. La personne qui veut aller suivre des cours de tricot, de danse ou de culture de ceci ou de cela, on peut lui demander une petite contribution et la démocratie ne s'en portera pas plus mal. On n'est pas obligés de répondre à toutes les attentes particulières de toute la population gratuitement, l'obligation ne va pas si loin que cela mais elle existe dans la mesure où il s'agit de l'atteinte de ce diplôme d'études secondaires, qui pour nous est un objectif majeur. L'objectif majeur, je pense que c'est que toute la population ait à tout le moins une scolarisation de niveau secondaire, complétée par un diplôme en bonne et due forme ou par l'équivalent.

Et ensuite, que le régime d'équivalences dont vous parliez s'universalise, se libéralise; nous faisons des pas considérables dans cette direction ces années-ci, tant au niveau secondaire qu'au niveau collégial. M. Blondin est bien au courant de tout ce qui se fait en matière de reconnaissance des acquis au niveau collégial. Nous entendons pousser dans cette direction et faciliter les choses pour les adultes. Je peux vous en assurer.

En ce qui touche la structure de l'école, je peux peut-être vous adresser une ou deux questions là-dessus. C'est très intéressant, on s'interroge sur les remarques que vous faites et j'aimerais avoir des précisions de votre part là-dessus. Avant de terminer, je ne voudrais pas donner l'impression que j'essaie de sauter sur certains sujets délicats, vous avez parlé de la formation professionnelle et je l'apprécie au plus haut point. C'est un aspect très important de l'action du gouvernement. Le problème jeunes adultes dans le secteur, vous y faites allusion. On n'aura pas le temps d'en discuter très

longuement ce matin. C'est très compliqué. Mais je suis content de l'importance qui est attachée dans le mémoire à ce sujet.

En ce qui touche les relations de travail, regardant le rôle du directeur, s'il y a une possibilité de malentendu qui se dégage du texte actuel du projet de loi, on va la corriger. L'essentiel de votre position est que la responsabilité de la gestion de la convention collective appartient à l'employeur, en l'occurence la commission scolaire. Il n'y a pas de doute. Même s'il y avait des doutes dans notre esprit, cela ne change rien à la réalité, c'est cela. Nous disons dans le projet de loi qu'il y a une délégation pour cela. Ce n'est peut-être pas nécessaire que ce soit dans le projet de loi. On va arranger cette disposition de manière à ce que cela ne soit pas conflictuel. Cela peut s'arranger très bien. Si c'est de nature à éviter que certains directeurs s'érigent en petits pontifes ou en petits tyrans, on va le faire volontiers, il n'y a pas de problème. Au bout de la ligne, c'est sûr qu'il y a un rôle que le directeur doit jouer parce qu'il est le gérant, quand même, il est le représentant de la commission scolaire dans l'école. Mais au bout de la ligne les décisions importantes, c'est évident qu'elles relèvent de la commission scolaire. On verra, on en reparlera avec vous. Si vous avez des propositions plus souples à nous faire, qui tiennent compte cependant du rôle indispensable du directeur d'école, on peut les examiner.

Sur les transferts en cas de fusion ou d'intégration, nous voulons nous en tenir à la pratique suivie jusqu'à maintenant. Il n'est pas question d'envisager des transferts de personnel sans que cela ne soit négocié. Si ce n'est pas assez clair dans le projet de loi - nos conseillers juridiques m'entendent - on examinera les améliorations qui peuvent être envisagées de ce côté.

Il me reste à parler de la sous-traitance. Je ne pense pas qu'on puisse l'interdire absolument. Mais je comprends le point de vue qui est ici, si on peut assouplir, je comprends. On ne veut pas ouvrir la porte non plus à n'importe quel déferlement.

Pour les ententes avec les institutions privées, votre point de vue là-dessus procède peut-être d'un préjugé caractéristique de votre mouvement en cette matière. Nous avons les nôtres aussi. Je vais vous donner un cas. On a une école comme l'école Peter Hall qui s'occupe d'enfants en difficultés d'adaptation et d'apprentissage ou handicapés sérieusement au point de vue psychologique ou social. Il y a beaucoup de commissions scolaires qui font une entente avec cette école en vertu de laquelle l'école reçoit les enfants dont la commission scolaire n'est pas équipée pour s'occuper de cela. Je pense que c'est un arrangement magnifique. Je ne pense pas que vous auriez d'objections à un arrangement de ce type pour le moins que vous soyez au courant de la situation de cette école. C'est un exemple, il y en a beaucoup d'autres. Mais, c'est pour cela qu'il faut garder la possibilité d'ententes, mais il n'est pas question de transborder du côté des établissements privés des responsabilités fondamentales qui appartiennent aux commissions scolaires; ce n'est pas assez clair sur cela. On verra à l'éclaircir. Je pense avoir dit l'essentiel.

Juste un dernier point à propos du français. Je pensais trouver dans votre mémoire un paragraphe reconnaissant que le gouvernement actuel est le premier qui ait implanté un plan sérieux d'actions pour l'amélioration du français dans nos écoles. Je ne vous fais pas de reproches, parce que vous aurez d'autres occasions pour nous le dire, mais je tiens à dire que beaucoup plus important que tout ce qu'il y a dans la loi 101 en matière d'éducation est un plan comme celui-là qui va se réaliser dans à peu près toutes les écoles du Québec; un plan de renforcement, de redressement concret, non pas des proclamations à la manière de la Saint-Jean-Baptiste d'autrefois, mais des choses réelles. Je peux vous dire que le plan est reçu. Il faut le dire parce qu'on a eu beaucoup de cela, mais il y a moins de drapeaux et plus d'actions. On ne s'enveloppe pas dans le drapeau. Le gouvernement n'aime pas s'envelopper dans cela. Mais de ce point de vue, vous vous informerez, si vous en avez l'occasion; vous allez voir qu'à travers toutes les commissions scolaires du Québec, tous les établissements privés, cela se répand dans les écoles et dans les universités aussi, il y a un effort concerté et conjugué qui se développe partout, fondé sur l'initiative de chacun mais reposant sur des orientations de fonds proposées par le ministère de l'Éducation. J'en suis extrêmement fier et je pense qu'avec ce plan, nous allons réaliser une amélioration sensible de la qualité de la langue parlée et écrite dans nos écoles par les enseignants autant que par les élèves, et ensuite une amélioration générale de l'intérêt de notre population pour ce bien qui est son plus précieux sur le plan culturel. Alors, je veux vous assurer par conséquent que nous sommes foncièrement dans la même ligne de préoccupation que vous, mais peut-être en mettant davantage l'accent sur le côté pratique, concret, surtout en ce qui regarde le système d'enseignement. Je vous remercie infiniment.

Deux questions, si vous me permettez. Nous devons tenir compte des droits confessionnels qui sont garantis par la constitution. Nous devons tenir compte de droits linguistiques dont certains sont désormais garantis par la Charte canadienne des droits. L'article 93 donne aux minorités religieuses le droit d'avoir leurs propres commissions scolaires et garantit l'existence de commissions scolaires confessionnelles à Montréal et à Québec. Pensez-vous qu'on aurait pu faire beaucoup mieux sous le régime constitutionnel actuel que ce qui est proposé dans le projet de loi et par quels moyens?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Daoust.

M. Daoust: Nous aurions bien souhaité au moment des débats, des discussions constitutionnelles, que le gouvernement précédent aborde tout le problème de l'article 93 et mette en oeuvre les moyens voulus pour que le Québec puisse rapatrier son champ de compétence dans le domaine de l'éducation. Nous avons déploré que cela n'ait pas fait l'objet de pourparlers constitutionnels. Bien qu'on l'ait déploré dans le temps et qu'on le rappelle de temps à autre à l'ancien gouvernement, nous souhaiterions que des accords constitutionnels, des discussions s'amorcent dans ce sens éventuellement, pour faire en sorte qu'un projet comme celui qu'on défend et peut-être celui qui se dessine éventuellement au Québec à l'égard des problèmes scolaires ne soit pas empêché par les dispositions de l'article 93. On est conscients avec l'article 93, à ce moment-ci, qu'il est impossible de passer à côté et de l'ignorer. Les tribunaux nous le rappelleraient et vous le rappelleraient à vous, gouvernement, fort rapidement. Mais il me semble qu'aux discussions qui ont entouré l'accord du lac Meech, entre autres, et non pas seulement les discussions constitutionnelles entre l'ancien gouvernement et le reste du pays et le gouvernement du Canada, cela aurait dû être soulevé. On en fait le voeu et en ce sens-là, on rejoint la coalition qui vous a présenté un mémoire récemment et qui, je pense, émettait substantiellement ou sensiblement le même voeu. Il va bien falloir qu'un de ces jours, le gouvernement du Québec prenne les moyens voulus pour que l'article 93 soit modifié et pour qu'il puisse, au Québec, jouir de la plénitude des pouvoirs dans le domaine de l'éducation. Mais, compte tenu de ce que nous vivons, de ce que nous savons de l'existence de l'article 93, cela constitue sans aucun doute une forme de blocage.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: J'ajoute juste en guise de précision que le gouvernement actuel a négocié l'accord du lac Meech sur la base des cinq objectifs qui avaient été définis dans le programme du Parti libéral du Québec, avant la dernière élection. Nous avons atteint chacun des cinq objectifs que nous nous étions fixés. Mais vous n'aurez pas été sans noter que le premier ministre, M. Bourassa, a déclaré publiquement dans une entrevue au journal Le Devoir, il y a quelques mois, que la négociation des clauses constitutionnelles traitant d'éducation est une chose que souhaite le gouvernement du Québec et qu'il sera prêt à l'engager lors d'une deuxième ronde de négociations. Par conséquent, nous n'avons pas fermé la porte. Ce que nous accomplissons actuellement est un travail de déblaiement et de clarification qui nous apparaît très important. Il peut arriver toutes sortes de développements au cours des trois ou quatre prochaines années. Tout dépendra de l'ensemble du contexte politique. Il y a évidemment une réconciliation des droits religieux et des droits linguistiques qui doit être recherchée. On ne peut pas, dans notre pensée à nous en tout cas, purement et simplement abolir les droits religieux pour les remplacer par d'autres. Il faut trouver une synthèse qui ordonne et hiérarchise de manière différente, en tenant compte des voeux de l'ensemble de la population. Mais, en tout cas, on prend note de l'objectif que vous évoquez et je peux vous dire qu'on est loin d'y être indifférents.

Deuxième question, si vous me permettez. L'école, cela m'intéresserait de savoir comment vous la concevez. Comment voyez-vous la place des valeurs morales et religieuses dans l'école? Vous dites: On veut avoir une école publique neutre. Comment cela se passerait-il exactement, au point de vue religieux, pour qu'on sache exactement ce que votre fédération envisage de ce côté-là? Cette partie de votre mémoire ne m'est pas apparue spécialement claire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Daoust, c'était la dernière intervention que je reconnaissais au ministre de l'Éducation. Je ne veux pas vous inviter à précipiter votre réponse, mais je voudrais vous inviter à faire en sorte que l'Opposition ait aussi la chance d'avoir droit à la même période de temps.

M. Daoust: II y a une situation, en fait, qui nous convainc que notre position est celle qui doit être confirmée dans les textes; c'est le pluralisme que nous connaissons au Québec. C'est une société qui se modifie dans sa composition démographique. C'est une commission scolaire comme celle de la CECM à Montréal qui accueille 30 %, à ce moment-ci, d'allophones et 50 % bientôt. On veut par tous les moyens que ceux qu'on accueille au pays puissent se retrouver, ne subissent pas une "ghettoïsation", ne soient pas marginalisés. En fait, il y a aussi des facteurs d'intégration à l'intérieur de la société québécoise et nous ne souhaitions pas que le problème de la confessionnalité vienne brouiller les cartes. Je pense que le Québec de demain, le Québec qui se façonne, le Québec qui se prépare, le Québec qu'on souhaite, doit accueillir ce type de pluralisme dans toutes ses manifestations. Je pense bien qu'on ne peut oublier l'école parmi celles-ci. D'ailleurs, dans un mémoire qu'on vous présentait - on répète, je pense bien, ce qu'on vous disait auparavant - nous disions qu'une "école publique démocratique - la citation n'est pas longue - est une école commune à l'intérieur de laquelle toutes les catégories de clientèles se sentent également chez elles et peuvent développer un réel sentiment d'appartenance. C'est une école de quartier qui reçoit toute la population du territoire selon un caractère linguistique - il n'y a jamais eu de problème avec cela chez nous - sachant s'adapter à la réalité sociologique

de ce quartier, en refléter les aspects pluriels et les aspects homogènes. " (11 heures)

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on opte pour une "déconfessionnalisation" et qu'on dit: Écoutez, il appartient aux Églises, aux groupements religieux de faire la formation religieuse et il appartient à l'école de faire la formation sociale. Qu'il y ait à l'école un enseignement de type moral, sans aucun doute, il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus, mais que cela s'accompagne d'une "déconfessionnalisation", afin que des gens ne se sentent pas écartés, rejetés, mis à l'écart, pointés du doigt comme cela se fait à ce moment-ci ou, encore, qu'à cause de tous ces phénomènes-là, ils ne soient obligés de se créer eux-mêmes des écoles. Et là, on va voir la prolifération d'une quantité inouïe de toutes sortes d'écoles au Québec. On sait que l'école est, je le répète, un facteur d'intégration, un lieu d'échange d'idées. C'est un creuset dans le fond et c'est peut-être le premier creuset ou le deuxième, après la famille, qui façonne les individus. On estimait et on estime toujours que c'est la meilleure façon de créer une société au sein de laquelle il y aurait des solidarités véritables qui pourraient se dégager.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Daoust. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Daoust, Mme la vice-présidente, madame, messieurs, c'est avec plaisir que je vous retrouve à nouveau en commission parlementaire. Je voudrais d'abord vous remercier pour l'intérêt que vous avez toujours porté aux questions de l'éducation mais de façon générale, autant pour celles qui concernent les travailleurs que pour celles qui concernent nos enfants. Cet intérêt a été plus particulièrement remarquable en ce qui concerne l'éducation aux adultes et toutes les questions d'accessibilité et d'équité. Je pense que là-dessus le Québec vous doit de solides réflexions et un engagement constant que je tiens aujourd'hui à reconnaître, et je tiens aussi à vous en remercier.

Je déplore toujours le fait que le ministre, lorsqu'il ne veut pas entendre trop longtemps un groupe, fasse un long exposé, comme si le groupe venait ici pour entendre des gens plutôt que pour être entendu. Je trouve toujours cela un peu déplorable, mais c'est sa façon de voir les choses. C'est son droit le plus strict. Je vais essayer d'être un peu moins longue dans ma présentation et j'aimerais davantage vous entendre expliciter certains points de vue que vous avez exprimés dans votre mémoire.

Mais je dois faire deux corrections, quitte à laisser planer des impressions qui ne sont pas justes quant aux propos que le ministre me prêtait tout à l'heure. Ce que je dis ici, en commission parlementaire, c'est que oui, les commissions scolaires linguistiques ont été proposées par le précédent gouvernement. Cela nous semblait être une concession qui nous permettrait de négocier autre chose. Parce qu'on connaît l'insécurité - j'allais dire viscérale - des anglophones au Québec. Ce qui fait qu'il nous semblait utile de maintenir une structure dans laquelle ils pouvaient se retrouver et qu'ils pouvaient gérer. Et je dis en même temps que l'idéal, cependant, ce n'est pas une structure linquistique, mais des commissions scolaires unifiées. Il m'apparaît évident que cela aurait été l'idéal et c'est ce que j'ai toujours dit ici, en commission parlementaire. Mais le ministre voulait laisser l'impression qu'on changeait d'avis. Aujourd'hui, au moment où je parle, je suis obligée de dire que...

M. Ryan: Vous allez être soulagée...

Mme Blackburn:... les structures linguistiques me semblent... Vous permettez que je puisse m'exprimer, M. le Président?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, madame.

Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mais, par contre, je vous ferai remarquer que durant son intervention vous aussi, tout à l'heure, vous avez répliqué un petit peu. Par contre, M. le ministre, s'il vous plaît...

Mme Blackburn; Vous n'êtes pas toujours obligé de pencher du même bord, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Pardon, madame? Mme la députée de Chicoutimi, est-ce que vous voulez mettre en doute mon impartialité?

Mme Blackburn: M. le Président, je souhaiterais juste une chose: pouvoir poursuivre...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, madame, vous avez la parole.

Mme Blackburn: Merci... sur ce que vous avez également dit au sujet des positions du Parti québécois. Au moment où le Parti québécois était à préparer son document de travail sur les matières à négocier avec le fédéral, le jugement de la cour sur la loi 3 n'était pas connu. Et il ne faut pas se cacher que si la loi 3 avait été adoptée dans son libellé touchant les territoires des commissions scolaires de la CECM, de la PSBGM et de la CECQ, une partie majeure du problème aurait été réglée. Ce qui fait qu'ils n'ont pas cru utile, à l'époque, de poursuivre simultanément les deux démarches. Et je maintiens avec vous que l'occasion qu'on a ratée, qui

était majeure, où on avait un rapport de forces unique qu'on avait jamais connu au Québec, c'est lors de la dernière négociation constitutionnelle; là, on aurait dû négocier l'article 93.

Cependant, le ministre laisse l'impression que le premier ministre a effectivement dit qu'il serait prêt à négocier l'article 93, mais, pas plus tard qu'hier, en commission parlementaire, devant la Coalition pour l'égalité des droits en éducation, le ministre a déclaré: Si vous souhaitez qu'on aille négocier...

M. Ryan: L'abolition...

Mme Blackburn: II n'a pas parlé tout à fait de l'abolition...

M. Ryan: Oui, oui, oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, M. le ministre! Vous avez eu toute la chance de vous exprimer tout à l'heure.

Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole.

Mme Blackburn:... si vous croyez que je vais négocier l'abolition - on peut mettre cela - des droits confessionnels inscrits dans l'article 93, ne comptez pas sur moi. C'était clair, c'était net. Il y a comme deux discours. Si on maintient les droits confessionnels dans la constitution canadienne, je me demande comment on pourra gérer de façon plus adéquate notre réseau scolaire.

Vous avez vu dans le projet de loi des choses qui n'avaient pas vraiment attiré notre attention. En fait, c'est l'objectif de notre commission parlementaire, c'est pour cela que je trouve cela précieux. Vous notez, en particulier, une espèce de rétrécissement de la participation et vous l'illustrez en page 25 de votre mémoire en comparant l'actuelle loi avec le projet de loi 107. Vous démontrez très clairement que les objets de consultation sont de nature administrative plutôt que de l'ordre des politiques. C'est une modification majeure sur ces questions.

Vous notez également que les pouvoirs qui seraient dévolus au directeur d'école sur la gestion du personnel risquent d'avoir des effets pernicieux par rapport à l'équité en ce qui concerne le traitement du personnel, dans les différentes commissions scolaires. Le ministre se fait rassurant en disant: Écoutez, rassurez-vous, s'il y a un petit directeur d'école qui s'érige en pontife ou en tyran, on va y voir. Mais il y a quelque 2000 écoles et quelque 100 000 membres, un personnel de toute nature. Je trouve que c'est un peu... C'est ce qui imprègne le projet de loi, une tendance extrêmement centralisatrice où on note un rétrécissement des pouvoirs et de la participation de tous les groupes de même qu'une réduction des services.

D'ailleurs, vous avez remarqué qu'il y avait une modification dans le discours du porte-parole de l'Opposition d'alors et du ministre actuel. C'est comme si la main droite ignorait ce que fait la gauche. C'est à peu près cela actuellement. Ce n'est pas que sur l'éducation des adultes, c'est également sur toute la question touchant la gratuité, les manuels pour l'enseignement régulier de même que sur le partage des pouvoirs et l'augmentation des pouvoirs du ministre ou du gouvernement.

Vous avez abordé dans votre mémoire toute la question des services dont on ne trouvait plus bien la définition. Est-ce que vous seriez pour une définition des services éducatifs, dans la loi, telle qu'on la retrouvait approximativement ou dans le sens qu'on la retrouvait dans la loi 3?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Daoust.

Mme Blackburn: Juste pour vous rappeler, peut-être. Dans la loi 3 on avait une définition des services éducatifs et des services particuliers complémentaires. Actuellement, on retrouve la définition des services particuliers à être offerts aux élèves souffrant de handicap ou de mésadaptation et en enseignement religieux. Ce sont les services qu'on retrouve. On ne retrouve pas, cependant, les définitions qu'on retrouvait dans la loi 3 qui garantissaient une certaine homogénéité dans les services offerts dans toutes les commissions scolaires. Je vous les donne ici: des services de promotion des droits et responsabilités de l'élève...

M. Daoust: Je m'excuse, vous êtes dans la loi...

Mme Blackburn: Dans la loi 3. M. Daoust:... 3.

Mme Blackburn: A l'article 24 de la loi 3. Des services de participation de l'élève à la vie de l'école, des services d'encadrement et de surveillance, d'orientation scolaire et professionnelle, de santé et de services sociaux, des services psychologiques, d'orthophonie, de psycho-éducation et de recherche d'emploi. C'étaient des services que les commissions scolaires étaient tenues de mettre en place. Donc, étant tenues de les mettre en place, le ministre avait l'obligation de leur fournir les ressources. Cela assurait un minimum de services et n'empêchait pas l'établissement d'autres services. Selon vous, est-ce qu'on doit retrouver ce genre de services définis dans la loi?

M. Daoust: Je serais porté à vous répondre oui, mais je suis obligé de vous dire que c'est un aspect qu'on a peu ou pas examiné au moment de notre réflexion sur le projet de loi actuel. Mais ce que vous nous avez mentionné, depuis le début de votre intervention à ce sujet, nous pousse à vous dire que, oui, on souhaiterait qu'il y ait une définition afin qu'il y ait des droits

qui soient affirmés, qu'il y ait des continuités là où il y a déjà eu des choses mises en place, des continuités qui puissent se poursuivre, qu'il y ait des harmonisations qui puissent se faire et qu'il y ait des garanties pour certains services, de sorte qu'ils ne soient pas sujets au vent de l'économie du moment ou de tel ou tel caprice. Mais je dois vous avouer, malheureusement, qu'on ne s'est pas penchés là-dessus.

Mme Blackburn: Sur une autre question touchant l'éducation des adultes et l'accès à des services éducatifs distincts, le ministre nous a annoncé qu'il ramènerait à peu près le libellé de la loi 3 en ce qui concerne la gratuité pour les cours menant au diplôme. C'est un peu ce que j'ai entendu tout à l'heure; il l'avait déjà dit à un autre moment. Il ne s'est pas engagé cependant à inclure dans la loi l'accès à des services particuliers pour les adultes. Je sais que là-dessus vous avez fait une longue réflexion. J'aimerais vous demander si vous avez réfléchi à la tendance actuelle qui vise à intégrer de plus en plus dans des écoles régulières les jeunes et les adultes? On revient progressivement à ce qu'était l'école des métiers. D'ailleurs, vous en avez une, le Mont-Saint-Louis... Il y en a une à Laval qui ne regroupe que les étudiants qui sont inscrits dans... C'est l'école Pont-Viau.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Blondin.

M. Blondin (Michel): Oui. La question de Mme Blackburn comporte deux dimensions. Je vais prendre seulement la dimension des adultes. Nous représentons comme Fédération des travailleurs et travailleuses des gens qui sont sur le marché du travail, généralement peu ou moyennement scolarisés et qui retournent à l'école, soit pour compléter leur formation secondaire, soit pour acquérir un métier ou s'y perfectionner. Ces gens-là ont généralement plus de 25 ans et, là, cela pose un sérieux problème. Quelqu'un qui a 25, 30, 35 ans, qui a déjà une dizaine d'années d'expérience du marché du travail et qui va se perfectionner ou apprendre un nouveau métier se retrouve avec des jeunes qui ont 16, 17, 18 ans, selon le programme où ils entrent, avec une expérience du marché du travail qui est très différente et aussi - là-dessus, j'ai hâte de voir ce qui va se produire au cours des prochaines années - du côté des enseignants, avec une pédagogie dont on n'est pas sûrs à ce moment-ci qu'elle soit adaptée aux adultes. Il se peut que ce soit ainsi, parce que, dans le domaine de l'éducation des adultes, en formation professionnelle, il y avait de bonnes expériences qui se menaient auparavant. Il se peut que cela influence le programme des jeunes. Cependant, fondamentalement, on va retrouver des jeunes de 16, 17, 18 ans avec des adultes de 29, 30, 35 ans qui ont une expérience et, s'ils mettent cela ensemble, il se peut - et c'est ce qu'on pré- voit - que cela ne soit pas facile.

Cela pose aussi le problème des horaires qui est soulevé dans notre mémoire. Les jeunes étudient généralement le jour et les adultes étudient généralement le soir, dans leurs temps libres. Les adultes souhaiteraient que le programme scolaire soit beaucoup plus souple, incluant là-dedans les fins de semaine. Les jeunes ne souhaitent pas cela, ni le soir, ni les fins de semaine. Je pense que cela pose un ensemble de problèmes de ce type. Comme représentant des adultes qui ont une expérience du marché du travail, on a l'impression que la tendance actuelle à l'harmonisation ne sera pas heureuse pour les adultes.

Mme Blackburn: Bien. On remarque qu'on est même prêts dans certaines commissions scolaires à modifier l'horaire des jeunes pour l'adapter aux besoins des adultes. Par exemple, la session se poursuivrait sur onze mois. Cela vient modifier. C'est assez fondamental comme mouvement. (11 h 15)

Une autre question, qui n'est pas dans le cadre de votre mémoire, mais j'imagine que vous y avez également réfléchi, touche la formation professionnelle des jeunes. Il était prévu que tous les programmes avaient une exigence relativement élevée quant à la formation générale et on sait que, dans un certain nombre de programmes, on a réduit les exigences, dans le cas des certificats d'enseignement professionnel, si je ne m'abuse, où on a moins d'exigences. Quelle est la position de la FTQ là-dessus par rapport à la formation de base?

M. Blondin: Je pense que si on regarde dans notre mémoire la position que prend la centrale sur ces questions-là, ce qui nous guide dans notre réflexion, c'est que les gens, lorsqu'ils abordent leur formation professionnelle, aient un ensemble d'outils intellectuels qui leur permettent, après leur formation professionnelle, de se recycler périodiquement à mesure que les exigences du marché du travail comportent cette obligation-là. Je pense que notre réflexion, elle est là. C'est, d'une part, que la formation professionnelle des jeunes ne soit pas inutilement théorique, ce qui écarterait un grand nombre de jeunes qui sont plus des jeunes de type inductif, avec un intérêt pour des métiers, des tâches à exécuter, mais qu'en même temps ils aient une formation de base suffisante pour leur permettre, à mesure qu'évolue le marché du travail, de se remettre à jour dans le métier qu'ils auront appris, dans la profession qu'ils auront acquise et de se recyler lorsque ce sera nécessaire parce que, de plus en plus fréquemment, on voit des gens qui ont appris une chose à l'école et qui se retrouvent plusieurs années plus tard à réapprendre des choses complètement différentes pour pouvoir survivre sur le marché du travail. Ce sont à peu près nos éléments de réflexion sur

cela.

Mme. Blackburn: Bien. Le temps passe. Une dernière question au sujet des élections scolaires. Vous suggérez que les élections scolaires soient tenues en même temps que les élections municipales. Je trouve que l'idée est intéressante et on sait que cela se fait ailleurs - je pense plus particulièrement aux États-Unis où ils votent pour trois ou quatre choses en même temps et tout le monde s'y est habitué - sauf que les commissions scolaires, les municipalités ont, semble-t-il, des réticences, certaines du moins. Certains commissaires sont même venus nous dire ici que c'est pour une question de visibilité que cela pouvait poser des problèmes. Moi, je pensais que cela pouvait favoriser une plus grande participation étant donné qu'on sait que le vote aux élections municipales est plus élevé que le vote aux élections scolaires. Mais, ces arguments-là m'ont fait un peu hésiter. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Daoust: Ceux qui vous posent le problème de la visibilité devraient justement s'interroger eux-mêmes sur la visibilité des participants aux élections scolaires. C'est dramatique, je ne vous l'apprends pas. Vous avez, le ministre et vous-même, cité des chiffres à de multiples reprises sur le taux de participation. Il est désastreux et c'est quasiment une négation du processus du choix des commissaires de voir que dans certains cas cela dépasse à peine 10 %, 12 % ou 15 %. Il y a là - je ne sais pas mol - un drame; il y a là un Indice révélateur d'une désaffection qui peut être corrigée. Le projet de loi, évidemment, va donner certains moyens et un certain encadrement, c'est déjà mieux que ce que nous connaissions auparavant, mais ce n'est pas avec 12 % ou 15 % qu'on peut se permettre de ne pas examiner tous les moyens de correction et tous les moyens qui pourraient stimuler une plus grande participation. Écoutez, on le sait, les gens ne vont pas voter aux élections scolaires. Alors, on se dit que si on jumelle les élections scolaires aux élections municipales, on n'en est pas encore rendus aux élections ici à l'Assemblée nationale, mais si on jumelle tout au moins ces deux élections-là, à un moment donné - c'est le dimanche habituellement, je pense, les élections municipales - pendant cette période-là, tout le monde parie de la chose scolaire, la chose municipale, les citoyens... C'est une formation et une éducation à la participation auprès des citoyens et c'est cela qui nous a poussés à faire cette suggestion-là. Cela ne peut pas être pire et que chacun veuille garder son image qui n'est pas vue de qui que ce soit, là, cela me semble un peu dangereux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci M. Daoust. Mme la députée.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous avez soulevé toute la question de la privatisation et de la sous-traitance. Je dois vous dire que cela n'avait pas retenu mon attention. À revoir les articles - je suis en train de réexaminer rapidement les articles - je pense qu'il y a des... Vous soulevez les effets un peu pernicieux de l'utilisation excessive de la sous-traitance sur la qualité des services offerts.

On sait que moins vous avez de permanence dans nos hôpitaux, plus vous utilisez la sous-traitance et plus la qualité des services s'en ressent. Je voudrais vous dire que sur cette question en particulier, on va examiner cela de façon plus attentive au moment où on va étudier le projet de loi article par article. En terminant, je voudrais vous dire, encore une fois, que j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire vos avis, parce que je dois dire que je m'y retrouve aussi, plus fondamentalement. Cela arrive dans certains cas plus que dans d'autres; c'est le cas dans celui-ci.

Je voudrais vous assurer qu'au moment où on va examiner le projet de loi article par article, projet de loi dont nous souhaitons d'ailleurs la réécriture, parce que les différents intervenants de tous les principaux organismes qui se sont présentés ici ont demandé des modifications majeures, non seulement sur quelques articles, mais plus fondamentalement sur l'esprit et sur l'économie générale du projet de loi.

Hier, on a eu le dernier mémoire de l'ASULF sur l'Association des usagers de la langue française. Alors, seulement au plan technique, pour avoir une qualité de français acceptable dans le projet de loi, cela demanderait peut-être une soixantaine d'amendements, pas d'amendements - pour parler comme eux - mais plutôt de modifications. Alors, essentiellement, je voudrais vous assurer que nous allons tout faire en notre pouvoir, avec les moyens que l'Opposition a - c'est-à-dire qu'ils ne sont pas toujours très forts, mais appuyée par les différents organismes, c'est un peu plus fort - pour faire pencher la balance vers une plus grande décentralisation et reconnaissance des droits des usagers et des usagères. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la députée. M. le ministre, en guise de conclusion.

M. Ryan: M. le Président, je conclus avec plaisir cette partie de notre séance de ce matin, parce que cela me permet d'exprimer à nouveau mon appréciation de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Je voudrais souligner combien les points de vue sont diversifiés en matière d'éducation. Nous avons entendu toutes sortes de points de vue au cours des auditions de la commission parlementaire. Hier matin, en particulier, nous entendions

le point de vue de la Coalition pour l'égalité des droits en éducation. Cette coalition était suivie d'une autre coalition, celle qui se bat pour la défense des droits religieux des catholiques. On a entendu des discours qui étaient vraiment aux antipodes l'un de l'autre. Mais chacune de ces personnes qui nous a parlé a le droit de parole. Elle a le droit de s'activer pour la promotion de son point de vue. On pourra vraiment dire qu'on a entendu tout l'éventail des points de vue qui peuvent être entendus et qu'il incombe maintenant au gouvernement et a l'Assemblée nationale de trouver la voie qui paraît le plus répondre aux réalités d'aujourd'hui et on va le faire dans le meilleur esprit possible.

J'ajoute seulement une petite remarque si vous me permettez. Dans votre mémoire, il y avait un paragraphe que j'étais content de trouver bref. C'est le paragraphe où vous traitez des pouvoirs du gouvernement et du ministre. Vous trouvez qu'il y a un petit biais dans le projet de loi, mais vous ne vous êtes pas trop étendus là-dessus. Je crois comprendre que vous n'avez pas trouvé trop de choses à ce sujet-là. Je vous en sais gré!

Mais je veux simplement vous dire - vous le savez comme moi - que les mouvements syndicaux ont été à l'origine du ministère de l'Éducation. Ce n'est pas une chose qui est partie des nuages. C'est parce qu'il y avait trop de dissémination et de dispersion de l'autorité. Ce qui arrivait, c'est qu'on avait presque autant de situations qu'il y avait de pouvoirs. À un moment donné, on s'est rendu compte, il y a 25 ans, qu'il fallait un ministre de l'Éducation doté de pouvoirs réels, d'une autorité véritable.

C'est pour cela que j'ai dit aux organismes qui venaient se plaindre de l'équilibre des pouvoirs: Donnez-nous des cas concrets et donnez-nous des preuves. Les lamentations ne changent absolument rien, parce qu'il y a un job à faire. Il faut qu'il soit fait par un ministre et un gouvernement qui sont dotés de pouvoirs convenables pour le faire. Si on est pour avoir un ministre qui a les mains attachées derrière le dos, aussi bien avoir une statue.

Alors, je suis content que vous n'ayez pas insisté là-dessus, mais je vais vous dire que si vous voulez nous envoyer un complément de mémoire pour préciser votre pensée a ce sujet, j'en serais très heureux. Je suis persuadé que plus vous pousserez l'analyse loin, plus vous vous rapprocherez du point de vue du gouvernement, lequel s'emploiera cependant à nuancer certaines dispositions du projet de loi par des modifications appropriées, afin d'éviter que ne se créent dans certains esprits des conflits de conscience qui pourraient les empêcher de dormir. On va faire attention à ceci, mais j'apprécie la modération de votre mémoire. Vous comprenez la nécessité d'une autorité publique forte dans un domaine comme celui-ci. Nous l'avons dit avec franchise et droiture tout au long du débat. On n'a laissé naître d'illusions chez personne. On n'a pas essayé d'aller racoler des votes. On va continuer comme cela, soyez sûrs. Mais, s'il y a des points précis sur lesquels vous avez des recommandations à nous faire, je l'apprécierais vivement. Pour tout le reste, on va étudier votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. C'est un des plus substantiels qu'on a reçus pendant toute cette ronde d'audiences. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. Daoust et les gens de la Fédération des travailleurs du Québec. Maintenant, tel que le prévoit notre règlement de fonctionnement de l'assemblée, je reconnais Mme Sa députée de Chicoutimi, qui est en fait le porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'éducation, pour des remarques finales. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Permettez-moi, pour nos invités. C'est un travail qui se fait. Vous pouvez rester. Vous allez assister aux conclusions de ces quelque cent heures de travail.

M. Ryan: M. le Président, est-ce que vous me permettriez une question de règlement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sur une question de règlement, je n'ai pas le choix, M. le ministre.

M. Ryan: Je voudrais seulement m'excuser auprès de mes collègues de la commission de l'obligation où je me trouve de quitter pour mon comté où des événements très importants ont lieu aujourd'hui et qui ont donné lieu à des engagements de ma part. Je ne pourrais pas être là pour la dernière partie de la séance. La députée de Jacques-Cartier me remplacera avec l'autorité et la connaissance de ces sujets que nous apprécions tous vivement chez elle.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, ce n'était pas une question de règlement. C'était légitime que vous puissiez expliquer votre absence. Mme la députée de Chicoutimi.

Remarques finales Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Nous complétons aujourd'hui la consultation générale menée au sujet des projets de loi 106 sur les élections scolaires et 107 sur l'instruction publique. Les audiences publiques auront duré six semaines et permis d'entendre quelque 97 mémoires sur un nombre total de 116 déposés.

Je me permets une courte parenthèse pour souligner que si celles-ci ont pu se poursuivre jusqu'à la fin dans un cadre relativement décent,

l'Opposition n'y est pas étrangère. Après la première phase de consultation tenue au mois de mai, la partie ministérielle voulait en effet accélérer la cadence en omettant d'inviter certains intervenants et en comprimant au maximum le temps accordé aux autres. Nous nous y sommes opposés farouchement et avons obtenu que tous ceux qui le désiraient puissent se présenter en commission parlementaire et disposent pour leur participation d'un temps un peu plus raisonnable, quoiqu'il faille faire exception pour la COPHAN qui a eu un temps largement insuffisant. Cela demeure inacceptable. Je souhaite simplement qu'on puisse reprendre la conversation et l'échange avec cet organisme.

Le nombre substantiel de participants à cette commission, représentant des personnes oeuvrant à l'intérieur du milieu scolaire mais aussi à l'extérieur de celui-ci, atteste du vif intérêt que continue de susciter toute tentative de révision de notre législation scolaire. Il témoigne de la préoccupation de la population québécoise vis-à-vis de ses services éducatifs, que l'on souhaite de qualité et accessibles. Les textes de loi ne suffisent évidemment pas à l'atteinte de ces objectifs, mais ils en constituent la pierre d'assise dans la mesure où ils président à l'organisation même de l'édifice scolaire, sur le plan de ses principes fondateurs aussi bien que des droits et responsabilités des divers partenaires.

En ce sens, l'exercice auquel nous sommes conviés est d'une importance cruciale pour l'avenir de notre système d'éducation. J'entends donc profiter des quelques minutes qui me sont allouées pour dresser un bilan nécessairement sommaire de cette consultation en faisant la synthèse des points de vue exprimés en fonction des grands axes de la législation proposée. D'entrée de jeu, un constat doit être énoncé: le projet de réforme de la Loi sur l'instruction publique est loin de faire consensus parmi les intervenants du monde scolaire. Prétendre le contraire serait malhonnête; il suffit de relire les mémoires pour s'en convaincre. De très nombreux organismes, et parmi les plus importants en termes de représentation, ont exprimé leur profond désaccord à l'endroit des dispositions législatives proposées et réclamé des modifications majeures, si ce n'est, dans certains cas, le retrait pur et simple du projet de loi 107. Ce refus d'adhérer au projet de loi dans son libellé actuel est partagé à la fois par les deux grands regroupements de commissions scolaires, la Fédération des commissions scolaires catholiques et l'Association des commissions scolaires protestantes, par le Conseil scolaire de l'île de Montréal, par la majorité des grands syndicats enseignants, soit la Centrale de l'enseignement du Québec, l'Alliance des professeurs de Montréal, la Provincial Association of Protestant Teachers ainsi que par les deux grandes centrales syndicales, CSN et FTQ et j'ajoute l'Association des directeurs généraux des commissions scolai- res, l'Institut canadien de l'éducation des adultes, la Confédération des organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec. En fait, l'ampleur de l'insatisfaction manifestée vis-à-vis du projet dans l'une ou l'autre de ses dispositions mérite d'être prise au sérieux. (11 h 30)

Par ailleurs, j'avais eu l'occasion de souligner à l'ouverture des travaux de cette commission parlementaire le fait que le projet de loi 107 comportait à maints égards de sérieux reculs par rapport à la loi 3 adoptée en 1984 et dont l'application avait été suspendue sous le motif d'inconstitutionnalité. Les audiences publiques sont venues confirmer notre évaluation à cet égard. Les intervenants ne se sont pas tous livrés à une comparaison explicite ou rigoureuse des deux lois. Mais parmi ceux qui l'on fait, très peu en ont conclu que le projet de loi présentement en discussion constituait un progrès par rapport à la loi 3. On retrouve au contraire, dans plusieurs mémoires, des commentaires déplorant, soit la disparition ou aliénation de dispositions pourtant accueillies favorablement lors des débats entourant l'adoption de cette loi. C'est le cas notamment en ce qui concerne la définition des services éducatifs, complémentaires et particuliers, la gratuité à l'éducation des adultes, le recours au Protecteur du citoyen pour faire respecter les droits de l'élève, la reconnaissance du droit d'association pour ceux-ci, l'existence d'un comité pédagogique composé d'enseignants et de professionnels, l'obligation pour la commission scolaire d'organiser des services de garde, l'insistance mise sur l'intégration des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école. Autant d'éléments de recul dans la loi 3, autant d'éléments absents du présent projet.

Un autre objet de recul déploré par les organismes: la disparition du comité d'école obligatoire et l'affaiblissement des fonctions décisionnelles du conseil d'orientation. Il ne s'agit pas de prétendre que la loi 3 était parfaite, mais sur tous ces points elle était nettement plus satisfaisante que la mouture concoctée par l'actuel ministre de l'Éducation. Une telle constatation conduit à s'interroger sur les motifs réels ayant guidé le ministre dans l'exercice actuel de révision législative. Pourquoi cette volonté, pour ne pas dire cet entêtement à revenir à la case des départs? Pourquoi avoir rayé d'un trait de plume la loi 3 en abandonnant les procédures judiciaires relatives à la constitutionnalité des structures proposées plutôt que de tenter d'y apporter des bonifications? Pourquoi revenir sur des acquis importants en matière d'accessibilité et de participation d'épargne? D'autant que si le ministre agrée aux représentations qui lui ont été faites il devra revenir dans de nombreux cas au texte de la loi 3. Ces questions méritent réponse. En attendant,

l'analyse attentive du projet de loi 107 nous force à conclure que la présente demande n'aura été qu'un prétexte à l'accroissement des pouvoirs du ministre. Cette centralisation des pouvoirs dans les mains du gouvernement et du ministre de l'Éducation au détriment des gouvernements locaux que sont les commissions scolaires est assurément l'un des aspects qui suscite l'opposition la plus marquée chez les groupes qui ont comparu devant cette commission parlementaire. Le projet de loi sur l'instruction publique est en effet caractérisé par un accroissement des contrôles gouvernementaux, des pouvoirs discrétionnaires du ministre et des obligations réglementaires des commissions scolaires. La philosophie du projet de loi se fonde sur la méfiance à l'endroit des intervenants locaux, d'où la propension à multiplier les motifs d'ingérence. Ce n'est pas étonnant dans un tel contexte de voir les commissions scolaires, à l'unanimité, leur fédération en tête, réagir vigoureusement à ce qui apparaît comme une mainmise accrue de l'État sur les écoles et les affaires éducatives en général. Ce sentiment est partagé par le personnel-cadre et de direction des commissions scolaires.

Je me permets de revenir ici à la loi 3. Certains lui avaient reproché son caractère centralisateur dont l'actuel ministre de l'Éducation, alors porte-parole de l'Opposition. Je me permets de rappeler ses propos. Il disait alors: Nous ne saurions souscrire à une opération qui consisterait à augmenter les pouvoirs de ministre de l'Éducation dans le contexte actuel. Est-ce parce qu'il y a un nouveau ministre que le contexte a changé et qu'on peut augmenter la centralisation? Peut-être n'est-il pas mauvais de rafraîchir la mémoire d'autres députés qui siègent maintenant du côté ministériel. On pouvait lire, par exemple, dans Le Messager de Lachine du 7 septembre 1983, et je cite: Mme Dougherty a déclaré qu'elle partageait l'engagement de M. Paradis - il s'agissait alors de la course au leadership du Parti libéral - et sa foi en des gouvernements municipaux et des commissions scolaires locales possédant des pouvoirs de taxation et d'autonomie pédagogique. Il ne faudrait pas oublier non plus l'actuel député de Saint-Louis, et je cite Le Devoir du 25 juin 1983: Quant au président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, M. Jacques Chagnon, il est insatisfait de voir que les commissions scolaires n'obtiennent pas les pouvoirs accrus qu'elles réclament depuis une décennie. Peut-être pourrait-il nous dire s'il est satisfait de voir aujourd'hui que les commissions scolaires, non seulement n'obtiennent pas ces pouvoirs prévus dans le texte de la loi d'alors, mais se voient soumises à un encadrement encore plus serré de la part du gouvernement. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est la fédération aux destinées de laquelle il présidait il n'y a pas si longtemps. Selon celle-ci, l'actuelle Fédération des commissions scolaires, il s'agit du projet de loi le plus centralisateur jamais présenté.

Il reste au ministre de l'Éducation à justifier un tel fait pourtant incompatible avec le contenu du programme politique du Parti libéral du Québec, où il était affirmé, et cela ne fait pas dix ans, le contexte n'a pas changé: II nous faut envisager une responsabilisation accrue des institutions par l'allégement des règlements et des contrôles souvent tatillons imposés par le ministère de l'Éducation. Que de belles paroles qui n'ont pas résisté longtemps à l'épreuve du pouvoir!

Parmi ces pouvoirs additionnels que s'arrogent le gouvernement et le ministre par rapport à la loi 3 ou à l'actuelle Loi sur l'instruction publique, et qui font l'objet de critiques de la part des commissions scolaires, mentionnons le pouvoir d'établir unilatéralement la liste des commissions scolaires qui peuvent organiser des services éducatifs pour les adultes ainsi que la liste des spécialités professionnelles ou des services particuliers aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, les commissions scolaires non désignées perdent leur compétence à ce chapitre, la détermination des conditions de travail du personnel non syndiqué et même le nombre de postes pour chaque classe d'emploi, la multiplication des autorisations préalables nécessaires pour la gestion des immeubles, qu'il s'agisse d'aliénation ou de projets d'immobilisation, la procédure de tutelle. Nous sommes loin de la responsabilisation accrue, tant souhaitée par les commissions scolaires que par l'Opposition d'alors. Celles-ci sont par ailleurs unanimement venues réclamer un pouvoir de taxation local accru. Dans la mesure où elles ont dû subir leur lot de compressions budgétaires et qu'elles doivent assumer des responsabilités plus lourdes sans toujours se voir octroyer les ressources correspondantes de la part du gouvernement, leur marge de manoeuvre est de plus en plus mince. Cette revendication ne saurait être balayée du revers de la main et il faudrait tout au moins envisager la possibilité d'introduire plus de souplesse dans le système actuel.

La question qui se pose est de savoir quel est le rôle que nous voulons voir assumé par les commissions scolaires. Est-ce celui d'une simple courroie de transmission des normes et directives du ministre de l'Éducation ou du ministère de l'Éducation ou celui d'un réel gouvernement local disposant de l'autonomie nécessaire à une gestion des services éducatifs adaptée aux particularités et aux attentes de la communauté? Nous croyons, quant à nous, que cette deuxième voie mérite d'être privilégiée, l'État devant pour sa part se consacrer à déterminer les grands encadrements nationaux en matière d'accessibilité aux services, de régime pédagogique, de ressources et de règles budgétaires. Alors que le courant actuel sur le plan de la gestion des affaires publiques est à la décentralisation de la prise de décision vers les milieux concernés, à la

valorisation du dynamisme et de l'autonomie locale, le projet pèche par excès de "bureaucratisme". Il devra, sur ce point, être remanié en profondeur.

Un autre enjeu crucial réside dans l'accessibilité aux services éducatifs. Une réforme lésislative qui se respecte devrait fournir des garanties réelles à ce sujet. Comme plusieurs organismes l'ont souligné dans leur mémoire ou devant cette commission parlementaire, le projet de loi 107 comporte des restrictions et des reculs significatifs par rapport à la loi 3. Certains ont notamment déplore l'absence de définition des services complémentaires et particuliers, à l'exception des services d'animation pastorale. Dans la mesure où on n'y fait pas explicitement référence dans le texte de loi, nous pouvons craindre une disparition, ou même l'absence de certains services dans des commissions scolaires. Cela est d'autant plus probable que les compressions budgétaires frappent d'abord à ce chapitre, les services d'orientation scolaire et professionnelle, de psychologie et de soutien à la pédagogie. L'exemple des récentes compressions et des récentes coupures dans le personnel professionnel est fort éloquent à cet égard. Une définition claire de ces services complémentaires et particuliers doit s'accompagner de la responsabilité du gouvernement d'y consentir les ressources suffisantes. Je rappelle au passage que l'obligation pour la commission scolaire d'organiser des services de garde pour les élèves de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire a aussi disparu, ce qui est inacceptable dans le cadre d'une véritable politique familiale telle que prétend mettre en place le présent gouvernement.

Autre sujet de préoccupation: l'accès des adultes aux services éducatifs dans des conditions semblables à celles des jeunes. Normalement, le projet devrait au moins garantir clairement la gratuité pour une formation conduisant au diplôme d'études secondaires. Ce n'est pas le cas. Il comporte plutôt de dangereuses restrictions ainsi que je l'ai souligné à l'ouverture de cette commission. Ainsi, l'article 4 stipule qu'un adulte a droit à la gratuité dans la mesure où le permettent les ressources de la commission scolaire où il est inscrit. De plus, l'article 199 stipule qu'une commission scolaire peut, conformément aux règles budgétaires établies par le ministre, envisager une contribution financière pour une personne visée à l'article 2, c'est-à-dire un adulte. La loi 3 spécifiait que cette contribution ne pouvait être exigée que des adultes qui suivaient des cours ne conduisant pas à l'obtention de diplômes décernés par le ministre, ce qui avait soulevé l'ire du porte-parole officiel de l'Opposition d'alors. Il nous a dit tout à l'heure qu'il revenait à cette disposition. Nous lui en savons gré et nous souhaiterions qu'il élargisse également l'accès aux autres services.

En ce qui concerne l'éducation des adultes, le ministre devra accomplir un sérieux effort s'il veut accorder les actes aux paroles et aux discours qu'il tenait alors. Et je me permets de rappeler ce qu'il écrivait en mars 1984 dans un document de réplique à l'énoncé gouvernemental sur l'éducation des adultes: Nous n'aurons de véritable politique d'éducation des adultes pour le Québec que le jour où le gouvernement s'engagera résolument. à reconnaître, dans une loi - cela peut être la loi dont on parle - les droits précis des adultes en matière d'éducation et ce, suivant l'orientation générale que présentait la commission Jean.

La commission Jean proposait de fonder toute la politique de l'éducation des adultes sur le droit de l'adulte à une formation de base d'une valeur équivalente à treize années de scolarité. Nous en sommes bien loin. Le projet de loi 107 ne leur garantit même pas la onzième année. On est peut-être en train de s'assurer la onzième année à la suite de nombreuses et importantes pressions de différents organismes. C'est inacceptable et cela mérite des explications de la part du ministre.

Le traitement accordé aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage est un autre objet d'insatisfaction. Une douzaine d'intervenants ont fait des représentations à ce sujet et mis en lumière les nombreuses lacunes du projet de loi. Des organismes, comme la Confédération des organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec, le Regroupement interscolaire de la région de Québec tout comme l'Office des personnes handicapées du Québec ont relevé les omissions de ce projet de loi par rapport au projet de loi 3. J'en mentionne une d'importance majeure au sujet des normes devant être établies par l'organisation des services aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. La loi 3 précisait que celles-ci avaient pour but de favoriser leur intégration dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école, chaque fois que cela était possible et propre à faciliter l'insertion sociale et les apprentissages de l'élève. Il s'agissait là d'un principe fondamental qui est pourtant absent de la version qui nous a été présentée.

Les organismes de personnes handicapées déplorent aussi vivement l'absence de mécanismes de recours, d'un droit de révision ou d'appel afin de faire respecter les droits de l'élève. Le droit de recours au Protecteur du citoyen prévu à la loi 3, faut-il le souligner, tout en étant ouvert à tous les élèves, revêt une importance particulière pour les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage compte tenu des litiges susceptibles de surgir concernant l'élaboration et la réalisation du plan d'intervention. On sait qu'il y a actuellement des causes devant les tribunaux. Au sujet du plan d'intervention, par ailleurs, tous les mémoires insistent sur la nécessité à la fois d'en fournir une définition plus précise, d'associer plus étroitement les parents et les élèves à son élaboration et de

confirmer la responsabilité de la commission scolaire d'origine vis-à-vis de l'élève qui est scolarisé par entente avec une autre commission scolaire.

D'autres amendements sont souhaités par la quasi-unanimité des organismes, notamment en ce qui concerne l'âge d'accessibilité aux services éducatifs que l'on voudrait voir abaisser de cinq ans à quatre ans, l'obligation pour le gouvernement d'établir par règlement la nature des services éducatifs offerts ou encore la nomination d'un responsable des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans chacune des commissions scolaires. Des modifications sont proposées vis-à-vis de la composition du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ainsi que pour favoriser la participation des parents de ces élèves au comité de transport de la commission scolaire, au conseil des commissaires et au conseil d'orientation. (11 h 45)

En somme, le diagnostic posé par les intervenants est clair. Le projet de loi ne va pas assez loin et devrait subir d'importantes corrections pour assurer aux élèves handicapés et en difficulté d'adaptation et d'intégration qui composent, soit dit en passant, plus de 10 % de la clientèle scolaire, la place qui leur revient dans notre système d'enseignement. Souhaitons que le ministre saura les écouter.

Abordons maintenant le rôle des enseignants et des parents dans le système projeté. Concernant d'abord les enseignants, des réserves ont été exprimées vis-à-vis du caractère vague et large des obligations qui leur sont faites. Par contre, leurs droits sont définis de façon plus restrictive que dans la loi 3 de même que disparaît, sans justification apparente, le comité pédagogique qui leur offrait un outil de participation à la détermination des orientations et du projet éducatif de l'école.

Les syndicats enseignants ont particulièrement insisté lors de leur présentation sur le désir d'une meilleure reconnaissance de l'autonomie professionnelle des enseignants et réclament par ailleurs à juste titre, comme les représentants des autres personnels, des garanties pour les employés à l'occasion des éventuelles procédures de restructuration, fusion et abolition des commissions scolaires.

Concernant la participation des parents, force est de constater que le modèle proposé par le ministre suscite des réactions pour le moins mitigées. Très peu d'intervenants, parents ou autres, appuient la combinaison conseil d'orientation obligatoire et comité d'école facultatif. Par contre, une réelle majorité se dégage en faveur du maintien du comité d'école actuel, particulièrement chez les comités de parents.

Le conseil d'orientation suscite des sentiments assez variés. Pour certains, il s'agit d'une structure supplémentaire qui ne donnera pas vraiment plus de pouvoirs aux parents et viendra alourdir le processus de décision.

Environ la moitié des mémoires qui se prononcent explicitement sur le sujet le font d'ailleurs en faveur de l'existence d'un seul comité, le conseil d'orientation ou le comité d'école. Pour d'autres, il s'agit au contraire, d'un lieu intéressant de concertation des divers intervenants de l'école.

Ceci n'empêche pas que divers amendements soient proposés au chapitre de sa composition et de ses fonctions. Il faut en effet se rappeler qu'il a perdu les pouvoirs décisionnels que la loi 3 conférait aux comités d'école, notamment au chapitre de l'adoption, des prévisions budgétaires annuelles de l'école, de l'utilisation et de l'organisation de locaux de l'école, des services éducatifs et autres que ceux prévus par la loi et de services sociocuturels ou sportifs.

Quant au droit de vote des parents commissaires, il n'y a visiblement pas consensus sur la question. Comme la Fédération des comités de parents n'en veut plus, le ministre semble enclin à le retirer. Ce serait, à notre avis, une erreur.

Que peut-on dégager des remarques précédentes? Il faut d'abord souligner qu'une comparaison entre le projet de loi 107 et la loi 3 n'est pas futile puisque la loi 3 avait fait l'objet d'un large consensus parmi les intervenants et que l'on était en droit de s'attendre qu'une nouvelle tentative de révision de la loi actuelle de l'instruction publique permette de parfaire ce consensus. Ce n'est à l'évidence pas le cas, tout au contraire. D'un côté, le ministre se donne de nouveaux pouvoirs, multiplie les contrôles vis-à-vis des commissions scolaires en même temps qu'il diminue ses obligations. De l'autre, son projet consacre le rétrécissement des droits des élèves en matière de recours, d'association, d'accès aux services éducatifs, le rétrécissement des droits des adultes en matière de gratuité, le rétrécissement des droits des élèves handicapés et en difficulté sur le plan de l'intégration, le rétrécissement des droits des enseignants sur le plan pédagogique, le rétrécissement des droits des parents au chapitre des mécanismes de participation aux services de garde.

À part le ministre, à peu près tout le monde y perd et nous aimerions, je le répète, qu'il nous explique les raisons pour lesquelles il a cru utile de présenter de telles modifications.

Vous me permettrez, M. le Président. On a été six semaines en commission parlementaire, on a entendu 97 mémoires, il me semble qu'on pourrait me laisser terminer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne vous ai pas dit de ne pas terminer, je vous ai dit que les 20 minutes étaient terminées. Je ne vous ai pas enlevé la parole, je vous ai demandé de conclure le plus rapidement possible. Ce sont les règles que vous vous êtes données en réunion de travail: 20 minutes, 20 minutes. Je ne décide de rien.

Mme Blackburn: M. le Président, vous le savez, vous l'avez rappelé au moment où on a négocié ces règles: nous n'étions pas d'accord. C'était sur division et je demande simplement de me laisser terminer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez la parole, madame.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

Je ne reviendrai pas sur la question des structures scolaires, je ne le ferai que brièvement. Je ne voudrais pas ici reprendre tous les arguments qui ont été évoqués, mais il faut constater que des oppositions farouches continuent de se manifester à rencontre de la "déconfessionnalisation" des structures scolaires. Le projet de loi 107 rencontre d'ailleurs à cet égard les mêmes résistances que la loi 3, celles des milieux catholiques conservateurs et de la CECM d'un côté, et celles des commissions scolaires protestantes de l'autre. Celles-ci ont d'ailleurs clairement exprimé leur intention d'entamer les procédures judiciaires nécessaires afin de bloquer l'application du projet de loi 107 dans son intégralité et non pas seulement les dispositions ayant des incidences constitutionnelles, comme le veut la démarche du ministre d'ici à ce que la Cour suprême ait statué au sujet de la portée des droits confessionnels protégés par l'article de 1867. Nous avons déjà eu l'occasion de critiquer cette démarche, notamment le fait d'avoir suspendu les procédures d'appel au sujet de la loi 3, ce qui aura fait perdre plus de trois ans.

Plusieurs organismes ont par ailleurs fait valoir à juste titre, au cours de cette consultation, la nécessité d'entreprendre des négociations au sujet de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique afin de lever les obstacles constitutionnels à l'exercice par le Québec de sa pleine compétence en matière d'éducation. Le gouvernement n'a cependant pas la volonté politique pour ce faire.

À l'instar de certains intervenants, nous ne pouvons que dénoncer le fait que le projet de loi vienne cautionner la pérennité des structures confessionnelles là où elles sont le plus désuètes, là où le pluralisme de la société québécoise s'exprime pourtant avec le plus de force, soit à Montréal. On ne sait toujours pas si le ministre entend superposer sur ce territoire des commissions scolaires linguistiques ou des commissions scolaires confessionnelles ou simplement laisser à ces dernières leur situation de monopole avec les difficultés que pose, à l'intégration des jeunes allophones à la majorité, leur présence à l'intérieur de commissions scolaires anglophones. Ces deux éventualités sont tout autant insatisfaisantes, la seule solution véritable résidant dans l'élimination des entraves d'une constitution dépassée qui prive le Québec de la possibilité d'organiser son système scolaire comme bon lui semble et d'adapter sa configuration aux réalités d'aujourd'hui.

Avant de terminer, je dirai quelques mots du projet de loi 106 sur les élections scolaires qui, c'est un euphémisme, a reçu un meilleur accueil. Ce n'est guère surprenant vu qu'il porte sur des objets contentieux et qu'il réunit bon nombre de dispositions déjà en vigueur dans l'actuelle Loi sur l'instruction publique et réalise une certaine harmonisation des procédures électorales dans le milieu scolaire avec les règles applicables lors des élections provinciales en vertu de la Loi électorale.

Si les divers mémoires se montrent favorables au projet de loi dans ses grandes lignes, ils comportent tout de même de très nombreuses suggestions de modifications, parfois assez techniques, mais certaines plus substantielles. Ainsi, la création de circoncriptions électorales superposées pour les minorités linguistiques à l'intérieur des commissions scolaires confessionnelles reçoit de rares appuis. Les opposants invoquent tantôt le principe vicié à la base de réserver des sièges pour un groupe particulier, tantôt les complications qui en résulteraient sur le plan de la mécanique électorale, notamment pour la confection des listes. Cette option boiteuse qui résulte vraisemblablement d'une volonté d'atténuer les tensions surgissant à l'intérieur des commissions scolaires protestantes dont la clientèle francophone connaît une expansion rapide devra être repensée.

La date des élections scolaires continue de susciter une polémique. Certains voudraient les voir devancées en octobre ou juin, ou encore fixées aux quatre ans, en même temps que les élections municipales. Parmi les autres dispositions qui suscitent le plus de commentaires, mentionnons rapidement le mode de fixation du nombre de circonscriptions, l'exercice du droit de vote au niveau de la qualité de l'électeur et du choix de la circonscription, l'échéancier électoral en ce qui concerne notamment le délai pour le dépôt des déclarations de candidature, la confection et la révision de la liste électorale, l'établissement des circonscriptions, le recensement des votes et la proclamation d'élections, la nomination du président d'élection. Quelques intervenants souhaitent enfin qu'à la possibilité de remboursement des dépenses électorales vienne s'ajouter le plafonnement de celles-ci à des contributions.

Somme toute, de nombreuses bonifications sont souhaitées et nous entendons procéder à un travail minutieux lors de l'étude détaillée du projet de loi afin qu'il fournisse un cadre vigoureusement démocratique à la tenue des élections scolaires. Par simple souci de cohérence, vu que le projet de loi 106 fournit certaines conditions susceptibles d'assurer une meilleure représentativité des élus scolaires par la démocratisation du processus électoral, on se serait légitimement attendus que ceux-ci bénéficient d'une certaine autonomie et de responsabilités accrues. C'est cependant tout le contraire,

comme il a été démontré à l'examen du projet de loi sur l'instruction publique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Veuillez conclure, madame.

Mme Blackburn: Comme je l'ai indiqué, cet autre projet de loi est dans sa facture actuelle inacceptable pour l'Opposition et doit être remanié en profondeur. Cette conviction s'est raffermie tout au long des audiences de la commission parlementaire. Le ministre a laissé entendre qu'il déposerait de très nombreux amendements. Nous considérons pour notre part que l'ampleur des objections exprimées, que la nature et le grand nombre des changements de fond réclamés justifient une réécriture du projet de loi. C'est là une condition indispensable à l'obtention des consensus nécessaires dans le milieu scolaire, comme à un travail ordonné des parlementaires à l'occasion de l'étude détaillée du projet de loi. Il reste maintenant à voir si le ministre tiendra compte des avis exprimés, s'il saura faire preuve de la modestie nécessaire pour remettre son ouvrage sur le métier afin de donner à notre système d'enseignement public les assises susceptibles de répondre aux objectifs majeurs de la qualité, de l'accessibilité aux services éducatifs, comme de la responsabilisation des partenaires et de l'adaptation des structures aux réalités et aux besoins du Québec d'aujourd'hui. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: M. le Président, au nom du ministre de l'Éducation, j'ai l'honneur de faire quelques remarques afin de résumer l'expérience enrichissante que nous avons vécue ensemble dans le but d'entendre les opinions de la population québécoise sur les projets de loi 106 et 107.

Des 117 mémoires reçus, nous avons entendu 97 mémoires et tenu 18 séances, pendant 6 semaines. Je crois que nous pouvons être fiers du fait qu'aucun groupe ou personne ne s'est vu refuser une audition à cette commission. Les remarques que nous avons entendues constituent les résultats de l'analyse et de l'étude de centaines de milliers de québécois venant de toutes les régions de la province. Ils sont venus à notre commission afin de partager avec nous leurs expériences ainsi que leurs espoirs pour l'avenir de notre système d'éducation, un système qui est pour notre société non seulement un instrument privilégié pour assurer le plein développement de nos jeunes, mais aussi un véhicule privilégié pour assurer la transmission de nos langues, nos cultures et nos traditions d'une génération à l'autre. Étant donné la grande diversité du Québec sur le plan géographique, sur le plan linguistique ainsi que sur les plans social, culturel et religieux, il n'est pas surprenant que nous ayons entendu une vaste gamme d'opinions sur la plupart des composantes des deux projets de loi.

Généralement parlant, les deux projets de loi sont vus comme un pas dans la bonne direction.. Il est évident que sur certaines questions il n'y a pas de consensus et que sur d'autres questions, un consensus majoritaire ait émergé. Cependant, c'est justement à cause de cette réalité qu'on doit conclure qu'il y a certains principes qui devraient Inspirer le fonctionnement de notre système d'éducation pour qu'il soit capable de répondre à la diversité de valeurs et d'attentes de notre population. Comme principes fondamentaux, je suggère les suivants: Premièrement, le système doit être au service de la population; deuxièmement, le système doit être assez flexible pour accommoder les besoins et les attentes d'une diversité de cultures, de religions et de langues; troisièmement, le système doit être conçu de façon à respecter les rôles, les responsabilités ainsi que les compétences de tous les partenaires à tous les niveaux du système. Et tout en reconnaissant l'importance de laisser assez de latitude pour encourager l'esprit d'initiative, de créativité et de bon sens qui devrait prévaloir dans un sain système vital et moderne en perpétuelle évolution, il faut reconnaître la nécessité d'un leadership bien défini de la part du ministre pour assurer une évolution stable et cohérente. Quatrièmement, le système doit faire place aux parents comme partenaires privilégiés et leur participation devrait prendre plusieurs formes selon les capacités et les compétences particulières de chacun.

Tout en respectant ces principes et en tenant compte des recommandations précises qu'on nous a proposées lors des auditions, nous sommes maintenant prêts à aller de l'avant afin d'apporter des améliorations substantielles aux projets de loi.

Le ministre m'a informée que le gouvernement proposera plusieurs modifications dont un bon nombre sont déjà rédigées. Parmi ces amendements, notons les suivants. Le comité d'école sera retenu comme un comité obligatoire; les parents-commissaires siégeront au conseil des commissaires sans droit de vote. Comme il n'y a pas de consensus sur ce point, la prudence dicte que nous suivions la recommandation de la fédération des parents.

Un parent représentant la minorité linguistique sera choisi par le même processus que les autres parents-commissaires. Cet amendement élimine le processus inutilement complexe proposé dans l'actuel projet de loi. Les modalités de contrôle que doit exercer le ministre connaîtront de nombreux assouplissements afin de répondre aux craintes exprimées à l'égard du risque de surcentralisation perçu dans l'actuel projet de loi.

La liste des articles des projets de loi qui seront référés à ta Cour d'appel afin de clarifier leur constitutionnalité sera complétée après consultation avec les groupes qui ont indiqué un intérêt particulier sur ces questions. Le but de cet exercice est d'avoir une clarification aussi complète que possible des implications constitutionnelles des lois.

En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier tous ceux et celles qui ont participé à cette commission. À mes collègues, les députés ministériels ainsi qu'aux députés de l'Opposition officielle, je vous remercie de votre présence, de votre intérêt et surtout de votre engagement à la tâche monumentale que nous avons entreprise.

Mes remerciements aussi aux membres du cabinet du ministre, ainsi qu'aux hauts fonctionnaires du ministère pour leur patience et leur appui constant. Je ne voudrais pas oublier l'attention particulière que les membres du personnel de l'Assemblée nationale nous ont accordée. Je sais que nous sommes tous d'accord pour dire que notre secrétaire a fait un excellent travail. Tous nos travaux étaient organisés de façon impeccable.

À vous, M. le Président, j'aimerais dire que c'est grâce à vous si toutes nos délibérations se sont déroulées dans une atmosphère de civilité, de calme et d'ouverture d'esprit. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la porte-parole du ministre. Avant de clore...

Mme Blackburn: Je me permets d'abord de dire que j'endosse les remerciements présentés par le parti ministériel à l'endroit des différentes personnes qui ont participé aux travaux de cette commission. Si vous me le permettez, et le personnel me le permettra, j'aurais le goût de souligner l'excellence des travaux de M. Genest - je dis toujours Lapierre et c'est Genest...

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est Genest.

Mme Blackburn:... qui nous accorde toujours un traitement privilégié lorsque nous sommes en commission parlementaire. Je ne sais pas s'il le fait pour toutes les commissions, mais je trouve que cela donne un cachet particulier et cela ajoute au plaisir de travailler en commission parlementaire lorsqu'on fait l'objet d'une attention particulière. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci et cela étant dit, c'est encore à moi de réitérer des remerciements à tous les membres de la commission pour la collaboration que vous m'avez accordée dans la direction de ces travaux.

La commission ayant accompli son mandat, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 5)

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