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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux dans
le cadre du mandat qui lui a été confié en décembre
dernier par l'Assemblée nationale à savoir de tenir des audiences
publiques sur les projets de loi 106 et 107; le projet de loi 106 traitant des
élections scolaires et le projet de loi 107 traitant de la
réforme de la Loi sur l'instruction publique.
Ce matin, pour parler français, nous abordons le dernier
"stretch", la dernière période, de ce marathon qui se tient
depuis le mois de mai dernier. Alors, avec la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec que nous accueillons
aujourd'hui, ce sont 119 mémoires en tout qui ont été
soumis aux membres de cette commission. Vous êtes les 97e à venir
nous visiter. Nous avons tenu 18 séances pendant environ 125 heures.
C'est donc dire que, et quand je dis ces deux projets de loi, je devrais dire
surtout la pièce majeure de l'objet du travail de cette commission, la
loi 107, a longuement été discutée avec les principaux
intervenants, nous croyons, du monde de l'éducation, du monde, enfin,
qui a une relation directe ou indirecte avec le monde de
l'éducation.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
des remplaçants?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a M.
Vaillancourt, député de Orford, qui remplace M. Khelfa,
député de Richelieu.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Bien. Le
Secrétaire: Merci.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec
Le Président (M. Parent, Sauvé): Si nous avons
quorum, je déclare immédiatement ouverte la séance et
j'accueille en votre nom, Mmes les députées, MM. les
députés et M. le ministre, M. Fernand Daoust, le
secrétaire général à la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec qui sera le porte-parole de
cette fédération.
M. Daoust, la commission a prévu d'accorder une heure à la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec,
période de temps qui pourrait être divisée comme suit, mais
c'est à titre de suggestion seulement. À vous de juger, vous
êtes quand même maîtres du temps que vous voulez utiliser. Je
vous suggère de prendre de 15 à 20 minutes à peu
près pour nous présenter votre mémoire, lequel, je fais
plus que présumer, a été lu par les membres de cette
commission. Après cela, le reste du temps pourra être
divisé à parts égales entre les membres des deux
formations politiques afin que nous puissions deviser et dialoguer ensemble sur
ces projets de loi. Je veux aussi vous remercier d'avoir répondu
à notre invitation et de venir nous faire connaître vos
préoccupations, vos observations, enfin le fruit de votre
réflexion sur ces projets de loi.
Alors, M. Daoust, si vous voulez bien nous présenter les gens qui
vous accompagnent. Je vous rappelle que nous avons une heure. Toutes les
personnes assises à la table avec vous pourront, selon votre
désir, participer au débat ou répondre aux questions qui
leur seront posées, si question leur est posée par les membres de
cette commission, en s'adressant au président comme la coutume le veut
et tout cela. Alors, M. Daoust, si vous voulez, la parole est à
vous.
M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. En
premier lieu, la présentation de ceux qui m'accompagnent. À ma
gauche, Mme Lauraine Vaillancourt, vice-présidente de la FTQ; à
ma droite, Rolande Pinard, du service de recherche de la FTQ; Michel Blondin,
directeur des services de l'éducation au Syndicat des métallos et
membre des différents comités de la FTQ; Michel Lajeunesse du
Syndicat des employéses professionnelles et de bureau, section locale
57, conseiller technique de ce syndicat. Quelques personnes qui nous
accompagnent et qui forment cette délégation: M. Robert Delorme
de l'Union des employé-e-s de services, section locale 800, conseiller
technique de ce groupe; M. André Valiquette du Syndicat canadien de la
fonction publique, conseiller technique de ce groupe; M. Maurice Laplante, le
président des employé-e-s professionnel-le-s de bureau, section
locale 57.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mesdames et
messieurs, soyez les bienvenus.
M. Daoust: M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM.
les députés, nous désirons vous remercier de nous
permettre de vous présenter nos vues sur cet important projet de loi.
Comme vous le savez sans aucun doute, la FTQ a toujours eu à coeur
d'intervenir sur toutes les questions d'éducation et plus
particulièrement en ce qui concerne l'enseignement primaire et
secondaire public.
Les membres de cette commission sont devant une tâche très
importante, puisqu'il s'agit ici de remanier une loi fondamentale pour notre
société, celle qui régit et encadre les premiers
stades d'apprentissage des citoyens et des citoyennes du
Québec.
Nous avons pris tout le temps voulu afin d'examiner soigneusement ce
projet de loi. Notre analyse est fondée sur des principes fondamentaux
que nous avons prônés depuis de nombreuses années et avec
lesquels nous souhaiterions que vous ne puissiez pas être en
désaccord. La loi doit en effet protéger et promouvoir une
école publique, accessible, commune et ouverte. (10 h 15)
Je pense que si le gouvernement veut fonder ses décisions sur un
certain consensus social, il doit tout mettre en oeuvre pour le provoquer, en
faciliter l'éclosion par un projet de loi qui pourrait, à notre
sens, provoquer ce type de consensus à l'intérieur de notre
société. Notre analyse nous a amenés à conclure que
ce projet de loi, tout en proposant certaines améliorations, allait
à l'encontre de ces principes fondamentaux dans ses dispositions les
plus stratégiques.
Permettez-moi de vous exposer notre point de vue, au nom de la FTQ. Le
projet de loi propose des commissions scolaires linguistiques. Nous aimerions
vous rappeler, M. le ministre, les décennies de revendications et de
luttes qui ont été nécessaires avant de voir
reconnaître le fait français au Québec dans une loi claire,
nette et précise: la loi 101. Nous avons actuellement une loi qui,
lorsqu'elle était respectée, nous a fait faire de grands pas vers
la francisation de notre vie au travail, à l'école, dans les
commerces et le reste. Nous connaissons malheureusement à l'heure
actuelle des reculs que nous estimons très menaçants pour
l'avenir du français au Québec.
Et voilà que vous nous proposez un réseau bilingue
d'écoles publiques au Québec. Nous avons défendu, à
la FTQ, avec ardeur et nous continuerons de le faire, le dossier de la langue
française au Québec. Nous ne pouvons donc acquiescer à
cette disposition stratégique du projet de loi 107 qui créerait
des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones partout au
Québec.
Nos institutions publiques doivent être françaises, tout en
donnant au secteur anglophone de la population du Québec la place qui
lui revient, ni plus ni moins. Nous considérons que cela est essentiel
pour la survie de la langue et de la culture françaises au
Québec. Ce n'est certainement pas un long exposé sur le fond de
ce sujet qui pourrait vous convaincre de l'importance de la langue et de la
culture pour un peuple. Vous en êtes déjà convaincus, je le
pense bien.
Lorsque les Québécois et les Québécoises
d'expression française revendiquent le statut de langue officielle pour
le français au Québec, il ne s'agit pas là d'une
déclaration de guerre à la population anglophone. Au contraire,
nous croyons qu'il s'agit plutôt d'une condition sine qua non pour une
coexistence pacifique et harmonieuse. Nous avons vu ces derniers temps une
certaine remise en question de plusieurs dispositions de la loi 101, ce
phénomène réattisant les batailles linguistiques entre les
deux communautés. En plus d'aller contre l'esprit de la Charte de la
langue française, la création de deux réseaux
parallèles d'écoles publiques fondées sur la langue
engagera des dépenses additionnelles, en plus d'exclure toute
possibilité d'économie, tel que nous l'avons explicité
dans notre mémoire. Dans le contexte actuel de coupures et de
rationalisation des dépenses gouvernementales dont le secteur de
l'éducation a subi sa large part, une telle proposition nous
apparaît pour le moins inappropriée. Dans la même veine, le
renforcement de la confessionnalité dans les écoles nous
apparaît comme un outil de division qui engendre un traitement non
équitable des étudiants et étudiantes selon leur
appartenance à une confession religieuse. De plus, le maintien de
privilèges pour deux confessions religieuses entraîne la
négation de certains droits et libertés individuels fondamentaux
pour une part croissante de la population étudiante.
La FTQ juge inacceptable qu'une loi scolaire comporte un accroc aussi
important à la Charte des droits et libertés de la personne. Nous
nous devons d'accueillir avec respect et ouverture les membres des diverses
communautés culturelles qui viennent pour enrichir et participer au
développement de notre société. Si nous voulons
éviter la création de ghettos ethniques, nous nous devons de
créer toutes les conditions qui assureront une coexistence harmonieuse
dans le respect des différences. Le milieu scolaire représente un
lieu et un moment stratégiques pour y arriver. Le fait de maintenir des
privilèges reliés à des croyances et pratiques religieuses
c'est faire de la discrimination et cela va tout à fait à
l'encontre des droits et principes reliés à une
société démocratique.
Enfin, dans un contexte de rationalisation des ressources, il nous
apparaît inéquitable de continuer d'affecter des sommes
importantes au maintien de privilèges anachroniques. Le chapitre III de
notre mémoire traite de la démocratisation du système
scolaire. Vous admettrez qu'en tant qu'organisation syndicale nous avons aussi
une certaine expérience en matière de mode de
représentation. Il existe essentiellement deux niveaux de
représentation dans le système scolaire: celui de l'école
et celui de la commission scolaire. En ce qui concerne l'école, nous
avons souligné dans notre mémoire l'urgence de favoriser
l'émergence de véritables lieux de concertation élargis.
Le fait de rendre le conseil d'orientation obligatoire constitue donc une bonne
initiative. Cependant, étant donné que les personnels et les
étudiants peuvent décider de n'y pas participer, le conseil
d'orientation deviendrait alors une sorte de comité d'école
rétréci et cela risque fort d'arriver compte tenu des
modalités de fonctionnement qui sont prévues dans le projet de
loi 107, entre autres, tout le problème de la balance du pouvoir aux
parents.
La création du comité d'école devenant facultative,
nous risquons d'aboutir à un rétrécissement significatif
de la participation des parents au fonctionnement de l'école. Quoi qu'il
en soit, nous considérons qu'un lieu de concertation réunissant
tous les intervenants dans l'école ne peut remplacer un lieu de
regroupement des parents de cette école. C'est en effet l'un des
rôles du comité d'école de susciter la participation des
parents aux affaires de l'école et d'assurer que l'ensemble des parents
soit dûment consulté sur tout sujet qui les concerne. Nous voyons
difficilement comment les quelques parents délégués au
conseil d'orientation pourraient remplir efficacement ce mandat.
Je voudrais en profiter pour souligner tout de suite ce qui nous semble
être une lacune à l'égard de la
représentativité de cet organisme qu'on appelle le conseil
d'orientation. Nous estimons, quant à nous, que les employés de
soutien devraient avoir leur représentation propre et
indépendante de celle des professionnels. Ces personnels ont des points
de vue, des besoins, des intérêts spécifiques qu'ils
doivent débattre entre eux afin de pouvoir les défendre
adéquatement au conseil d'orientation de l'école et de les
évincer ou de les écarter ou de ne pas les accueillir au
même titre que d'autres membres du personnel constitue, selon nous, une
lacune qu'il serait facile de corriger. Ces gens-là ont des
sensibilités qui doivent s'exprimer et il nous semble essentiel qu'ils
ne soient pas écartés du processus de consultation, de
décision et de participation qu'on retrouve au sein du conseil
d'orientation.
Quant au mode d'élection des représentants des parents
à ces deux instances, nous suggérons plutôt ce qui suit. Il
est normal que les membres du comité d'école soient élus
lors de l'assemblée générale des parents. Cependant, nous
croyons qu'il serait beaucoup plus logique que les
délégués au conseil d'orientation soient choisis parmi les
membres du comité d'école et qu'ils continuent d'en faire partie.
Puisque le point de vue des parents doit être recueilli par les membres
du comité d'école, il nous semble normal qu'il y ait un lien
organique entre ces deux instances. Finalement, nous demandons que les pouvoirs
du conseil d'orientation soient au moins équivalents à ceux qui
sont prévus dans la loi actuelle. Nous avons en effet remarqué
que le projet de loi 107 transfère certains de ces pouvoirs à la
direction de l'école. La loi devrait également obliger toute
personne élue à un poste à rendre compte de son mandat
auprès de ses commettants.
Quant au comité de parents, celui qui représente les
parents au niveau de la commission scolaire, nous croyons que la loi devrait
conserver les objets de consultation qui réfèrent aux grandes
politiques et aux grands objetifs de la commission scolaire: Nous avons en
effet remarqué que les objets actuels de consultation sont
remplacés par d'autres davantage axés sur des modalités
d'application, des questions plutôt d'ordre administratif ou de niveau
local. Les commissaires élus ne peuvent faire l'économie d'une
consultation auprès des usagers et usagères dans leurs grandes
décisions lorsqu'elles ont des incidences sur la vie de l'école
et sur l'allocation des budgets.
Vous ne serez pas surpris si on vous dit que le projet de loi 107 nous a
extrêmement déçus en ce qui concerne toute la question de
l'éducation des adultes. Nous avons peine à comprendre, M. le
ministre, que vous soyez à l'origine d'un tel projet de loi, compte tenu
des déclarations que vous faisiez lorsque vous étiez dans
l'Opposition. Je ne vous les rappellerai pas. Je me fie à votre
excellente mémoire pour ne pas vous infliger ce type de souvenirs. Mais
on aurait bien aimé retrouver dans le projet de loi ces points de vue
qui étaient les vôtres il n'y a pas si longtemps. Nous saluons en
vous, incidemment, un défenseur de l'éducation des adultes. Votre
pensée, dans ce domaine-là, votre présidence à
l'ICEA, je crois bien, votre ouverture d'esprit à l'égard des
problèmes que de temps à autre nous vous soumettons et qui ont
trait à des types de formation, que ce soit professionnelle ou
syndicale, nous permettent de vous parler de cette façon-là et de
souligner l'apport que vous avez fourni à l'éducation des adultes
au Québec. On aimerait une plus grande continuité et on vous
invite à nous accompagner dans nos évaluations.
Il est temps qu'on reconnaisse aux adultes qui n'ont pu le faire dans
leur jeunesse le droit à l'éducation aux niveaux primaire et
secondaire. Cela constitue un minimum. Une loi sur l'instruction publique doit
reconnaître explicitement ce droit. Cela implique, selon nous, que chaque
commission scolaire soit tenue d'assurer les services de base aux adultes
domiliciés sur son territoire et cela sur une base gratuite. La
formation des adultes, que ce soit pour compléter leur cours primaire ou
secondaire, pour acquérir ou perfectionner un métier, ne peut
être la même que celle prévue pour les étudiants et
étudiantes réguliers. Les adultes doivent pouvoir recevoir une
formation spécifique qui tienne compte de leurs acquis, de leur
expérience, des contraintes auxquelles ils font face. Cela implique que
ces acquis et cette expérience, de même que les cours
déjà suivis, leur soient reconnus. Sur le plan professionnel nous
ne pouvons tout de même pas considérer la formation d'un
étudiant de 15 ans au même titre que celle de quelqu'un qui est
sur le marché du travail depuis 20 ans. La lecture des dispositions du
projet de loi 107 concernant l'éducation des adultes renforce notre
conviction qu'il est urgent que des mécanismes de participation à
tous les niveaux soient prévus pour les étudiants et
étudiantes adultes. Les syndicats qui en représentent un bon
nombre et qui souvent s'impliquent eux-mêmes, vous le savez, dans la
formation professionnelle devraient être parmi les organismes
consultés autant lors
de la définition des politiques d'éducation des adultes
que lors de la mise en oeuvre de programmes pour ceux-ci.
Les travailleurs et travailleuses sont oubliés dans ce projet de
loi 107 non seulement lorsqu'il est question d'éducation des adultes
mais aussi dans tout le processus de transfert des personnels d'une commission
scolaire à l'autre. Comme vous le savez, M. le ministre, des ententes
ont déjà été négociées dans le cadre
de fusion, division, annexion de territoires. Ces ententes ont donné
lieu à certaines normes et modalités d'intégration des
personnels. Nous croyons que le projet de loi devrait en tenir compte
formellement et reconnaître le principe de la négociation des
protocoles d'intégration. Il est du devoir du législateur de
s'assurer que les intérêts et les droits des travailleurs et
travailleuses impliqués seront protégés lorsqu'il
crée de nouvelles situations qui peuvent les menacer. (10 h 30)
Au plan des relations de travail nous déplorons également
que l'imbroglio persiste et soit sanctionné entre les pouvoirs de la
direction de l'école et de la commission scolaire quant à la
gestion du personnel et à l'application au respect des conventions
collectives. Les directeurs et directrices d'école ne sont pas
nécessairement des experts en relations de travail et même loin de
là dans l'immense majorité des cas. Ce n'est sûrement pas
en vertu de ce type de qualité qu'ils sont régulièrement
choisis pour assumer les fonctions de direction d'école. Cela nous
crée de graves problèmes lorsqu'ils se substituent, qu'ils
prennent la place de l'employeur et qu'ils sont mandatés pour
gérer et voir à l'application des conventions collectives de
travail. Puisqu'on prend la peine de préciser dans le projet de loi que
l'employeur est la commission scolaire, on devrait également l'obliger
à prendre ses responsabilités en ce domaine et s'assurer que la
commission scolaire puisse donner des directives claires lorsqu'il y a des
problèmes d'application des conventions collectives.
Enfin, la FTQ s'oppose énergiquement à toute tentative
d'introduire un recours légalisé à la sous-traitance dans
le secteur public de l'enseignement. Nous nous opposons à toute
tentative de privatisation partielle car cela se fait
généralement au détriment des usagers et usagères
et des personnels. Perte de contrôle sur la qualité des services
qui peut engendrer une baisse de celle-ci, diminution et précarisation
des emplois en sont généralement les conséquences. Pour
toutes ces raisons, la FTQ ne peut accorder son appui au projet de loi 107 et
demande au gouvernement d'y apporter des modifications importantes.
Quant au projet de loi 106 sur les élections scolaires, la FTQ
reconnaît qu'il propose des améliorations intéressantes.
Cependant, il y a manque des éléments indispensables à une
véritable démocratisation du processus électoral. Par
exemple, ne serait-il pas souhaitable que les élections scolaires soient
assujetties aux mêmes règles que celles qui prévalent
à d'autres paliers de la vie politique, notamment en ce qui concerne le
financement des partis et des dépenses électorales? Pour
augmenter la participation aux élections, il serait également
judicieux, selon nous, de tenir les élections scolaires en même
temps que les élections municipales et d'obliger les employeurs à
accorder un semi-congé à leurs employés pour aller
voter.
Enfin, le processus d'élection des commissaires est relié
de près à la carte scolaire compte tenu du fractionnement de
celle-ci proposé par le projet de loi 107, et de la superposition de
commissions scolaires linguistiques confessionnelles dissidentes. Il nous
apparaît que la construction des listes électorales et le
processus de votation atteindront une complexité telle qu'elle risque de
décourager les citoyens et citoyennes les plus motivés. Ainsi, le
projet de loi 106, parce qu'il présente des lacunes importantes dans le
processus de démocratisation des élections et parce qu'il ne peut
être séparé des dispositions du projet de loi 107 qui
traitent du réaménagement des commissions scolaires, ne
répond pas aux attentes des travailleurs et travailleuses de la FTQ.
Nous demandons donc au gouvernement d'y apporter les améliorations
supplémentaires que nous suggérons et de voir à simplifier
la carte scolaire de manière que les personnes habilitées
à voter puissent s'y retrouver aisément. Existe-t-il d'autres
paliers de gouvernement où on est appelé à aller voter
selon sa langue, ses croyances religieuses ou selon ses moyens pour ceux et
celles qui peuvent envoyer leurs enfants dans des écoles hors de leur
quartier électoral?
En conclusion, M. le ministre, il nous semble que le remaniement de la
Loi sur l'instruction publique aurait dû donner lieu à une
simplification et à une actualisation d'une loi vieille de plus de 100
ans et non pas à sa plus grande complexité et à un
renforcement de ses dispositions les plus anachroniques. Au nom de la FTQ, ceux
qui m'accompagnent et moi-même, nous vous remercions de votre
attention.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous
remercie, M. Daoust. Je remercie aussi les personnes qui vous accompagnent pour
leur apport à cette commission. Dans un premier temps, comme premier
intervenant, je reconnais M. le ministre de l'Éducation. M. le
ministre.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais remercier la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de
l'examen approfondi qu'elle a fait du projet de loi 107 et du projet de loi
106. L'étude qui nous a été résumée ce matin
touche à tous les aspects essentiels des deux projets de loi. Je pense
qu'elle en fait une critique rationnelle, une critique qui reflète les
positions de la centrale syndicale sur les questions de l'éducation. Je
suis très heureux de
cette contribution importante de la FTQ à notre débat. Je
veux assurer la FTQ que nous retiendrons ce mémoire pour l'examiner
attentivement. Il y a des points qui donneront lieu à des clarifications
dès ce matin de ma part. Il y en a d'autres que nous examinerons
soigneusement et, encore une fois, j'exprime ma vive appréciation pour
l'intérêt que des centrales syndicales portent depuis longtemps
d'ailleurs aux questions d'éducation.
Il me fait plaisir de signaler à cet égard que le
gouvernement maintient chaque année un programme de soutien aux
activités des centrales syndicales dans le domaine de l'éducation
des adultes. La mise en pratique de ce programme ne donne jamais lieu à
des débats moindrement prolongés ou difficiles; je pense que cela
se fait dans un climat de collaboration. Jusqu'à maintenant, nous avons
été obligés de maintenir le budget dans le statu quo
à cause des contraintes budgétaires que s'était
imposées le gouvernement mais je veux vous assurer que ce programme
n'est en aucune manière remis en cause par le ministre de
l'Éducation. De même, nous avons eu l'occasion de collaborer avec
les centrales syndicales pour le maintien et même, je dirais, pour
trouver des garanties d'avenir plus stables pour l'Institut de recherche
appliquée sur le travail. L'Institut de recherche appliquée sur
le travail accomplit depuis déjà quelques années un
travail extrêmement utile de recherche sur les problèmes
appliqués du travail, surtout ceux qui dérivent de nos lois, de
notre régime de convention collective et de notre régime
d'entreprise. Plusieurs de ces études ont été très
originales et j'étais content l'an dernier, à la suite de
négociations avec les représentants des centrales, d'en venir
à un accord qui permet d'envisager que l'avenir de l'institut pourrait
être assuré sur des bases plus stables. Je me réjouis, en
particulier, de ce que les centrales aient consenti à augmenter leur
propre participation au financement de l'organisme et dans la mesure où
cette participation sera solidement assurée, le gouvernement est
intéressé à maintenir cet organisme de recherche qui est
indépendant des universités, indépendant du gouvernement
aussi, et qui peut procéder à des travaux d'analyse sur les
problèmes des travailleurs et des milieux dans lesquels ils vivent, qui
nous apportent des lumières éventuellement importantes pour les
lois et les mesures que le gouvernement doit envisager.
Le plus important de tout est évidemment l'intérêt
que les centrales portent aux questions d'éducation tout court, que ce
soit l'éducation des adultes, les universités, les
collèges, les commissions scolaires. Là, il s'agit de deux
projets de loi sur l'instruction publique. Encore une fois, je pense que c'est
une dimension essentielle de notre vie démocratique.
Un bref commentaire avant que je pose quelques questions. Nous avons
longuement réfléchi, avant d'opter pour des commissions scolaires
linguistiques, a la proposition qui voudrait qu'on opte pour des commissions
scolaires unifiées. Le débat se poursuit là-dessus depuis
le rapport Parent, c'est-à-dire depuis 25 ans. Et si ce n'était
des réalités culturelles et religieuses dont nous devons tenir
compte encore plus, nous qui oeuvrons sur le plan politique, vous qui oeuvrez
sur le plan syndical, parce que le mandat qui nous est imparti embrasse un
champ beaucoup plus large ne laissant aucune pensée péjorative
évidemment, étant donné que nous avons à rendre
compte de beaucoup plus d'actions dans beaucoup plus de domaines, nous en
sommes venus à la conclusion qu'il serait impossible au plan pratique
d'opter pour des commissions scolaires unifiées sans encourir le risque
que ne se multiplient les sujets de division, de chicane ou de tension quand
arrivera le partage des ressources et des responsabilités entre les deux
grandes familles linguistiques.
Nos minorités francophones ont toujours insisté, dans les
provinces autres que le Québec, pour avoir des institutions propres. Un
des fondements de la thèse que nous avons soutenue depuis des
générations, c'est qu'à moins d'avoir un certain
réseau d'institutions qui permettra de soutenir leur existence, elles
seraient vouées fatalement à l'étiolement et
déjà nous constatons les fruits de cette pauvreté du
réseau institutionnel dont ont disposé les minorités
francophones ailleurs qu'au Québec. Elles ont toujours insisté
pour avoir en particulier le contrôle de leurs écoles. Alors, la
minorité anglophone chez nous a exprimé traditionnellement la
même aspiration. Elle l'a exercé par le truchement de la garantie
confessionnelle accordée aux écoles protestantes. Mais,
fondamentalement, d'ailleurs on le sent chaque fois qu'on demande si on
consentirait du côté des commissions scolaires protestantes
à des commissions scolaires linguistiques, on nous dit: Oui, mais
à condition que vous nous donniez des garanties constitutionnelles
à peu près équivalentes à celles que nous avons au
plan religieux en vertu de l'article 93 de la loi de 1867. C'est un cercle
vicieux qui est pratiquement insoluble dans l'immédiat et, dans ce
contexte, il nous semble que la formule des commissions scolaires linguistiques
est celle qui peut le mieux assurer le développement raisonnable de
chaque communauté. Là, il y a des questions de perception. Il y
en a qui disent que le Québec, c'est français. Il y a quelques
éléments anglais ici et là. Nous, nous disons bien
franchement, nous ne voulons pas faire de nominalisme en ces choses, qu'il y a
une communauté anglophone au Québec. On peut aimer cela ou ne pas
l'aimer, il y en a une. Même les auteurs de la loi 101 ont
été obligés de le reconnaître en matière
d'éducation et même le Parti québécois, qui a la
même position que nous en matière de commissions scolaires
linguistiques, l'avait d'ailleurs inscrite dans la loi 3.
Là, on ne le sait plus. Depuis quelque temps, on entend toutes
sortes de commentaires du côté de l'Opposition. Mais,
jusqu'à nouvel
ordre, la position que l'on connaît, c'est celle qui favorise les
commissions scolaires linguistiques. Au point de vue pratique, j'aime autant ne
pas faire naître d'illusions. Moi-même, je
préférerais fondamentalement des commissions scolaires
unifiées et, personnellement, je pourrais très bien vivre
là-dedans. J'aurais très bien pu faire instruire mes enfants
là-dedans.
Mais comme responsable politique et devant tenir compte de l'ensemble,
je ne pense pas que je puisse honnêtement faire cette proposition au plan
législatif. Mais je respecte l'autre point de vue et je pense que c'est
un point de vue qui a peut-être de l'avenir. Dans l'immédiat, je
ne vois pas les chances de le retenir. Cela, c'est pour les commissions
scolaires.
En ce qui touche l'école, je vais vous interroger
là-dessus tantôt. Nous, nous voulons une école qui soit le
plus possible modelée sur les attentes fondamentales des citoyens. Nous
ne voulons pas qu'elle soit définie d'en haut. Nous voulons que, de plus
en plus, les parents participent à la définition de la vocation
de l'école, surtout par une implication majeure dans la mise au point du
projet éducatif de chaque école et par l'expression de leurs
aspirations en ce qui touche la présence des valeurs morales et
religieuses et du caractère de l'école en matière de
confessionnalité. Ici, encore, nous portons un jugement pragmatique.
Comme politiciens, nous sommes à l'écoute de nos concitoyens
continuellement, chacun dans nos ciconscriptions respectives, et les
échos que nous rapportons de manière pratiquement unanime de nos
circonscriptions nous indiquent que nos concitoyens tiennent fortement à
maintenir des écoles où le caractère religieux demeurera
très présent. La forme exacte que cela doit prendre, je pense
bien que ce n'est pas des sondages comme ceux dont je parle ou des contacts
impromptus qui nous l'indiqueront.
Mais il y a une attente très profonde à laquelle le
pouvoir politique ne peut pas être étranger. Je comprends l'autre
point de vue, mais je suis obligé de vous dire que cela nous influence
beaucoup. Nous essayons d'en tenir compte d'une manière qui laisse la
voie la plus libre possible à l'avenir. S'il arrivait, dans une
région, que les parents des écoles disent: Nous ne voulons plus
d'école confessionnelle, on veut une école de type
différent. Ils vont l'indiquer, parce qu'il y aura des consultations
régulièrement et cela va être du domaine public, cela va
être connu. Je pense que cela va faire son chemin tranquillement. On
trouvera peut-être un équilibre différent de celui
d'aujourd'hui. Ce que nous avons visé à faire, cela a
été de ne pas fermer les portes de l'avenir dans des
développements de cette nature sans cependant les imposer de force ou
d'autorité. Peut-être que nous faisons erreur. Je note les
remarques de la fédération là-dessus, mais c'est le point
de vue qui nous a animés. (10 h 45)
En matière d'éducation des adultes, j'ai
déjà eu l'occasion d'indiquer à une
délégation de l'Institut canadien de l'éducation des
adultes dont faisait partie, si mes souvenirs sont bons, M. Michel Blondin, que
le projet de loi comporte plusieurs éléments importants. Le
malheur, c'est qu'ils sont disséminés à travers le projet
de loi d'une manière qui les rend moins visibles que si nous les avions
réunis dans une section distincte. C'est un problème de
cohérence de texte. On a choisi un mode d'organisation du texte qui ne
se prête pas à des divisions infinies mais je crois qu'il y a
beaucoup d'éléments importants. J'en ai ajouté un, je
pense que c'est à l'occasion de cette rencontre, mais je suis heureux de
le répéter ce matin, il touche la gratuité de
l'éducation des adultes. Nous présenterons des modifications qui
permettront de libéraliser davantage les dispositions contenues
présentement dans le projet de loi.
En particulier, nous verrons à proposer que toute personne qui
s'inscrit à des cours d'éducation des adultes en vue de
l'obtention d'un diplôme d'études secondaires puisse obtenir ces
services gratuitement. C'est une clé majeure. Si on peut avoir
celle-là dans le projet de loi, on aura fait un pas majeur de ce
côté. La personne qui veut aller suivre des cours de tricot, de
danse ou de culture de ceci ou de cela, on peut lui demander une petite
contribution et la démocratie ne s'en portera pas plus mal. On n'est pas
obligés de répondre à toutes les attentes
particulières de toute la population gratuitement, l'obligation ne va
pas si loin que cela mais elle existe dans la mesure où il s'agit de
l'atteinte de ce diplôme d'études secondaires, qui pour nous est
un objectif majeur. L'objectif majeur, je pense que c'est que toute la
population ait à tout le moins une scolarisation de niveau secondaire,
complétée par un diplôme en bonne et due forme ou par
l'équivalent.
Et ensuite, que le régime d'équivalences dont vous parliez
s'universalise, se libéralise; nous faisons des pas considérables
dans cette direction ces années-ci, tant au niveau secondaire qu'au
niveau collégial. M. Blondin est bien au courant de tout ce qui se fait
en matière de reconnaissance des acquis au niveau collégial. Nous
entendons pousser dans cette direction et faciliter les choses pour les
adultes. Je peux vous en assurer.
En ce qui touche la structure de l'école, je peux peut-être
vous adresser une ou deux questions là-dessus. C'est très
intéressant, on s'interroge sur les remarques que vous faites et
j'aimerais avoir des précisions de votre part là-dessus. Avant de
terminer, je ne voudrais pas donner l'impression que j'essaie de sauter sur
certains sujets délicats, vous avez parlé de la formation
professionnelle et je l'apprécie au plus haut point. C'est un aspect
très important de l'action du gouvernement. Le problème jeunes
adultes dans le secteur, vous y faites allusion. On n'aura pas le temps d'en
discuter très
longuement ce matin. C'est très compliqué. Mais je suis
content de l'importance qui est attachée dans le mémoire à
ce sujet.
En ce qui touche les relations de travail, regardant le rôle du
directeur, s'il y a une possibilité de malentendu qui se dégage
du texte actuel du projet de loi, on va la corriger. L'essentiel de votre
position est que la responsabilité de la gestion de la convention
collective appartient à l'employeur, en l'occurence la commission
scolaire. Il n'y a pas de doute. Même s'il y avait des doutes dans notre
esprit, cela ne change rien à la réalité, c'est cela. Nous
disons dans le projet de loi qu'il y a une délégation pour cela.
Ce n'est peut-être pas nécessaire que ce soit dans le projet de
loi. On va arranger cette disposition de manière à ce que cela ne
soit pas conflictuel. Cela peut s'arranger très bien. Si c'est de nature
à éviter que certains directeurs s'érigent en petits
pontifes ou en petits tyrans, on va le faire volontiers, il n'y a pas de
problème. Au bout de la ligne, c'est sûr qu'il y a un rôle
que le directeur doit jouer parce qu'il est le gérant, quand même,
il est le représentant de la commission scolaire dans l'école.
Mais au bout de la ligne les décisions importantes, c'est évident
qu'elles relèvent de la commission scolaire. On verra, on en reparlera
avec vous. Si vous avez des propositions plus souples à nous faire, qui
tiennent compte cependant du rôle indispensable du directeur
d'école, on peut les examiner.
Sur les transferts en cas de fusion ou d'intégration, nous
voulons nous en tenir à la pratique suivie jusqu'à maintenant. Il
n'est pas question d'envisager des transferts de personnel sans que cela ne
soit négocié. Si ce n'est pas assez clair dans le projet de loi -
nos conseillers juridiques m'entendent - on examinera les améliorations
qui peuvent être envisagées de ce côté.
Il me reste à parler de la sous-traitance. Je ne pense pas qu'on
puisse l'interdire absolument. Mais je comprends le point de vue qui est ici,
si on peut assouplir, je comprends. On ne veut pas ouvrir la porte non plus
à n'importe quel déferlement.
Pour les ententes avec les institutions privées, votre point de
vue là-dessus procède peut-être d'un préjugé
caractéristique de votre mouvement en cette matière. Nous avons
les nôtres aussi. Je vais vous donner un cas. On a une école comme
l'école Peter Hall qui s'occupe d'enfants en difficultés
d'adaptation et d'apprentissage ou handicapés sérieusement au
point de vue psychologique ou social. Il y a beaucoup de commissions scolaires
qui font une entente avec cette école en vertu de laquelle
l'école reçoit les enfants dont la commission scolaire n'est pas
équipée pour s'occuper de cela. Je pense que c'est un arrangement
magnifique. Je ne pense pas que vous auriez d'objections à un
arrangement de ce type pour le moins que vous soyez au courant de la situation
de cette école. C'est un exemple, il y en a beaucoup d'autres. Mais,
c'est pour cela qu'il faut garder la possibilité d'ententes, mais il
n'est pas question de transborder du côté des
établissements privés des responsabilités fondamentales
qui appartiennent aux commissions scolaires; ce n'est pas assez clair sur cela.
On verra à l'éclaircir. Je pense avoir dit l'essentiel.
Juste un dernier point à propos du français. Je pensais
trouver dans votre mémoire un paragraphe reconnaissant que le
gouvernement actuel est le premier qui ait implanté un plan
sérieux d'actions pour l'amélioration du français dans nos
écoles. Je ne vous fais pas de reproches, parce que vous aurez d'autres
occasions pour nous le dire, mais je tiens à dire que beaucoup plus
important que tout ce qu'il y a dans la loi 101 en matière
d'éducation est un plan comme celui-là qui va se réaliser
dans à peu près toutes les écoles du Québec; un
plan de renforcement, de redressement concret, non pas des proclamations
à la manière de la Saint-Jean-Baptiste d'autrefois, mais des
choses réelles. Je peux vous dire que le plan est reçu. Il faut
le dire parce qu'on a eu beaucoup de cela, mais il y a moins de drapeaux et
plus d'actions. On ne s'enveloppe pas dans le drapeau. Le gouvernement n'aime
pas s'envelopper dans cela. Mais de ce point de vue, vous vous informerez, si
vous en avez l'occasion; vous allez voir qu'à travers toutes les
commissions scolaires du Québec, tous les établissements
privés, cela se répand dans les écoles et dans les
universités aussi, il y a un effort concerté et conjugué
qui se développe partout, fondé sur l'initiative de chacun mais
reposant sur des orientations de fonds proposées par le ministère
de l'Éducation. J'en suis extrêmement fier et je pense qu'avec ce
plan, nous allons réaliser une amélioration sensible de la
qualité de la langue parlée et écrite dans nos
écoles par les enseignants autant que par les élèves, et
ensuite une amélioration générale de
l'intérêt de notre population pour ce bien qui est son plus
précieux sur le plan culturel. Alors, je veux vous assurer par
conséquent que nous sommes foncièrement dans la même ligne
de préoccupation que vous, mais peut-être en mettant davantage
l'accent sur le côté pratique, concret, surtout en ce qui regarde
le système d'enseignement. Je vous remercie infiniment.
Deux questions, si vous me permettez. Nous devons tenir compte des
droits confessionnels qui sont garantis par la constitution. Nous devons tenir
compte de droits linguistiques dont certains sont désormais garantis par
la Charte canadienne des droits. L'article 93 donne aux minorités
religieuses le droit d'avoir leurs propres commissions scolaires et garantit
l'existence de commissions scolaires confessionnelles à Montréal
et à Québec. Pensez-vous qu'on aurait pu faire beaucoup mieux
sous le régime constitutionnel actuel que ce qui est proposé dans
le projet de loi et par quels moyens?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Daoust.
M. Daoust: Nous aurions bien souhaité au moment des
débats, des discussions constitutionnelles, que le gouvernement
précédent aborde tout le problème de l'article 93 et mette
en oeuvre les moyens voulus pour que le Québec puisse rapatrier son
champ de compétence dans le domaine de l'éducation. Nous avons
déploré que cela n'ait pas fait l'objet de pourparlers
constitutionnels. Bien qu'on l'ait déploré dans le temps et qu'on
le rappelle de temps à autre à l'ancien gouvernement, nous
souhaiterions que des accords constitutionnels, des discussions s'amorcent dans
ce sens éventuellement, pour faire en sorte qu'un projet comme celui
qu'on défend et peut-être celui qui se dessine
éventuellement au Québec à l'égard des
problèmes scolaires ne soit pas empêché par les
dispositions de l'article 93. On est conscients avec l'article 93, à ce
moment-ci, qu'il est impossible de passer à côté et de
l'ignorer. Les tribunaux nous le rappelleraient et vous le rappelleraient
à vous, gouvernement, fort rapidement. Mais il me semble qu'aux
discussions qui ont entouré l'accord du lac Meech, entre autres, et non
pas seulement les discussions constitutionnelles entre l'ancien gouvernement et
le reste du pays et le gouvernement du Canada, cela aurait dû être
soulevé. On en fait le voeu et en ce sens-là, on rejoint la
coalition qui vous a présenté un mémoire récemment
et qui, je pense, émettait substantiellement ou sensiblement le
même voeu. Il va bien falloir qu'un de ces jours, le gouvernement du
Québec prenne les moyens voulus pour que l'article 93 soit
modifié et pour qu'il puisse, au Québec, jouir de la
plénitude des pouvoirs dans le domaine de l'éducation. Mais,
compte tenu de ce que nous vivons, de ce que nous savons de l'existence de
l'article 93, cela constitue sans aucun doute une forme de blocage.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
ministre.
M. Ryan: J'ajoute juste en guise de précision que le
gouvernement actuel a négocié l'accord du lac Meech sur la base
des cinq objectifs qui avaient été définis dans le
programme du Parti libéral du Québec, avant la dernière
élection. Nous avons atteint chacun des cinq objectifs que nous nous
étions fixés. Mais vous n'aurez pas été sans noter
que le premier ministre, M. Bourassa, a déclaré publiquement dans
une entrevue au journal Le Devoir, il y a quelques mois, que la
négociation des clauses constitutionnelles traitant d'éducation
est une chose que souhaite le gouvernement du Québec et qu'il sera
prêt à l'engager lors d'une deuxième ronde de
négociations. Par conséquent, nous n'avons pas fermé la
porte. Ce que nous accomplissons actuellement est un travail de
déblaiement et de clarification qui nous apparaît très
important. Il peut arriver toutes sortes de développements au cours des
trois ou quatre prochaines années. Tout dépendra de l'ensemble du
contexte politique. Il y a évidemment une réconciliation des
droits religieux et des droits linguistiques qui doit être
recherchée. On ne peut pas, dans notre pensée à nous en
tout cas, purement et simplement abolir les droits religieux pour les remplacer
par d'autres. Il faut trouver une synthèse qui ordonne et
hiérarchise de manière différente, en tenant compte des
voeux de l'ensemble de la population. Mais, en tout cas, on prend note de
l'objectif que vous évoquez et je peux vous dire qu'on est loin d'y
être indifférents.
Deuxième question, si vous me permettez. L'école, cela
m'intéresserait de savoir comment vous la concevez. Comment voyez-vous
la place des valeurs morales et religieuses dans l'école? Vous dites: On
veut avoir une école publique neutre. Comment cela se passerait-il
exactement, au point de vue religieux, pour qu'on sache exactement ce que votre
fédération envisage de ce côté-là? Cette
partie de votre mémoire ne m'est pas apparue spécialement
claire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Daoust,
c'était la dernière intervention que je reconnaissais au ministre
de l'Éducation. Je ne veux pas vous inviter à précipiter
votre réponse, mais je voudrais vous inviter à faire en sorte que
l'Opposition ait aussi la chance d'avoir droit à la même
période de temps.
M. Daoust: II y a une situation, en fait, qui nous convainc que
notre position est celle qui doit être confirmée dans les textes;
c'est le pluralisme que nous connaissons au Québec. C'est une
société qui se modifie dans sa composition démographique.
C'est une commission scolaire comme celle de la CECM à Montréal
qui accueille 30 %, à ce moment-ci, d'allophones et 50 % bientôt.
On veut par tous les moyens que ceux qu'on accueille au pays puissent se
retrouver, ne subissent pas une "ghettoïsation", ne soient pas
marginalisés. En fait, il y a aussi des facteurs d'intégration
à l'intérieur de la société
québécoise et nous ne souhaitions pas que le problème de
la confessionnalité vienne brouiller les cartes. Je pense que le
Québec de demain, le Québec qui se façonne, le
Québec qui se prépare, le Québec qu'on souhaite, doit
accueillir ce type de pluralisme dans toutes ses manifestations. Je pense bien
qu'on ne peut oublier l'école parmi celles-ci. D'ailleurs, dans un
mémoire qu'on vous présentait - on répète, je pense
bien, ce qu'on vous disait auparavant - nous disions qu'une "école
publique démocratique - la citation n'est pas longue - est une
école commune à l'intérieur de laquelle toutes les
catégories de clientèles se sentent également chez elles
et peuvent développer un réel sentiment d'appartenance. C'est une
école de quartier qui reçoit toute la population du territoire
selon un caractère linguistique - il n'y a jamais eu de problème
avec cela chez nous - sachant s'adapter à la réalité
sociologique
de ce quartier, en refléter les aspects pluriels et les aspects
homogènes. " (11 heures)
Alors, c'est dans ce sens-là qu'on opte pour une
"déconfessionnalisation" et qu'on dit: Écoutez, il appartient aux
Églises, aux groupements religieux de faire la formation religieuse et
il appartient à l'école de faire la formation sociale. Qu'il y
ait à l'école un enseignement de type moral, sans aucun doute, il
n'y a pas d'ambiguïté là-dessus, mais que cela s'accompagne
d'une "déconfessionnalisation", afin que des gens ne se sentent pas
écartés, rejetés, mis à l'écart,
pointés du doigt comme cela se fait à ce moment-ci ou, encore,
qu'à cause de tous ces phénomènes-là, ils ne soient
obligés de se créer eux-mêmes des écoles. Et
là, on va voir la prolifération d'une quantité inouïe
de toutes sortes d'écoles au Québec. On sait que l'école
est, je le répète, un facteur d'intégration, un lieu
d'échange d'idées. C'est un creuset dans le fond et c'est
peut-être le premier creuset ou le deuxième, après la
famille, qui façonne les individus. On estimait et on estime toujours
que c'est la meilleure façon de créer une société
au sein de laquelle il y aurait des solidarités véritables qui
pourraient se dégager.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Daoust.
Je reconnais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle en
matière d'éducation, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Daoust, Mme la
vice-présidente, madame, messieurs, c'est avec plaisir que je vous
retrouve à nouveau en commission parlementaire. Je voudrais d'abord vous
remercier pour l'intérêt que vous avez toujours porté aux
questions de l'éducation mais de façon générale,
autant pour celles qui concernent les travailleurs que pour celles qui
concernent nos enfants. Cet intérêt a été plus
particulièrement remarquable en ce qui concerne l'éducation aux
adultes et toutes les questions d'accessibilité et
d'équité. Je pense que là-dessus le Québec vous
doit de solides réflexions et un engagement constant que je tiens
aujourd'hui à reconnaître, et je tiens aussi à vous en
remercier.
Je déplore toujours le fait que le ministre, lorsqu'il ne veut
pas entendre trop longtemps un groupe, fasse un long exposé, comme si le
groupe venait ici pour entendre des gens plutôt que pour être
entendu. Je trouve toujours cela un peu déplorable, mais c'est sa
façon de voir les choses. C'est son droit le plus strict. Je vais
essayer d'être un peu moins longue dans ma présentation et
j'aimerais davantage vous entendre expliciter certains points de vue que vous
avez exprimés dans votre mémoire.
Mais je dois faire deux corrections, quitte à laisser planer des
impressions qui ne sont pas justes quant aux propos que le ministre me
prêtait tout à l'heure. Ce que je dis ici, en commission
parlementaire, c'est que oui, les commissions scolaires linguistiques ont
été proposées par le précédent gouvernement.
Cela nous semblait être une concession qui nous permettrait de
négocier autre chose. Parce qu'on connaît
l'insécurité - j'allais dire viscérale - des anglophones
au Québec. Ce qui fait qu'il nous semblait utile de maintenir une
structure dans laquelle ils pouvaient se retrouver et qu'ils pouvaient
gérer. Et je dis en même temps que l'idéal, cependant, ce
n'est pas une structure linquistique, mais des commissions scolaires
unifiées. Il m'apparaît évident que cela aurait
été l'idéal et c'est ce que j'ai toujours dit ici, en
commission parlementaire. Mais le ministre voulait laisser l'impression qu'on
changeait d'avis. Aujourd'hui, au moment où je parle, je suis
obligée de dire que...
M. Ryan: Vous allez être soulagée...
Mme Blackburn:... les structures linguistiques me semblent...
Vous permettez que je puisse m'exprimer, M. le Président?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, madame.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mais, par contre,
je vous ferai remarquer que durant son intervention vous aussi, tout à
l'heure, vous avez répliqué un petit peu. Par contre, M. le
ministre, s'il vous plaît...
Mme Blackburn; Vous n'êtes pas toujours obligé de
pencher du même bord, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Pardon, madame?
Mme la députée de Chicoutimi, est-ce que vous voulez mettre en
doute mon impartialité?
Mme Blackburn: M. le Président, je souhaiterais juste une
chose: pouvoir poursuivre...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, madame,
vous avez la parole.
Mme Blackburn: Merci... sur ce que vous avez également dit
au sujet des positions du Parti québécois. Au moment où le
Parti québécois était à préparer son
document de travail sur les matières à négocier avec le
fédéral, le jugement de la cour sur la loi 3 n'était pas
connu. Et il ne faut pas se cacher que si la loi 3 avait été
adoptée dans son libellé touchant les territoires des commissions
scolaires de la CECM, de la PSBGM et de la CECQ, une partie majeure du
problème aurait été réglée. Ce qui fait
qu'ils n'ont pas cru utile, à l'époque, de poursuivre
simultanément les deux démarches. Et je maintiens avec vous que
l'occasion qu'on a ratée, qui
était majeure, où on avait un rapport de forces unique
qu'on avait jamais connu au Québec, c'est lors de la dernière
négociation constitutionnelle; là, on aurait dû
négocier l'article 93.
Cependant, le ministre laisse l'impression que le premier ministre a
effectivement dit qu'il serait prêt à négocier l'article
93, mais, pas plus tard qu'hier, en commission parlementaire, devant la
Coalition pour l'égalité des droits en éducation, le
ministre a déclaré: Si vous souhaitez qu'on aille
négocier...
M. Ryan: L'abolition...
Mme Blackburn: II n'a pas parlé tout à fait de
l'abolition...
M. Ryan: Oui, oui, oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît, M. le ministre! Vous avez eu toute la chance de vous exprimer tout
à l'heure.
Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole.
Mme Blackburn:... si vous croyez que je vais négocier
l'abolition - on peut mettre cela - des droits confessionnels inscrits dans
l'article 93, ne comptez pas sur moi. C'était clair, c'était net.
Il y a comme deux discours. Si on maintient les droits confessionnels dans la
constitution canadienne, je me demande comment on pourra gérer de
façon plus adéquate notre réseau scolaire.
Vous avez vu dans le projet de loi des choses qui n'avaient pas vraiment
attiré notre attention. En fait, c'est l'objectif de notre commission
parlementaire, c'est pour cela que je trouve cela précieux. Vous notez,
en particulier, une espèce de rétrécissement de la
participation et vous l'illustrez en page 25 de votre mémoire en
comparant l'actuelle loi avec le projet de loi 107. Vous démontrez
très clairement que les objets de consultation sont de nature
administrative plutôt que de l'ordre des politiques. C'est une
modification majeure sur ces questions.
Vous notez également que les pouvoirs qui seraient dévolus
au directeur d'école sur la gestion du personnel risquent d'avoir des
effets pernicieux par rapport à l'équité en ce qui
concerne le traitement du personnel, dans les différentes commissions
scolaires. Le ministre se fait rassurant en disant: Écoutez,
rassurez-vous, s'il y a un petit directeur d'école qui s'érige en
pontife ou en tyran, on va y voir. Mais il y a quelque 2000 écoles et
quelque 100 000 membres, un personnel de toute nature. Je trouve que c'est un
peu... C'est ce qui imprègne le projet de loi, une tendance
extrêmement centralisatrice où on note un
rétrécissement des pouvoirs et de la participation de tous les
groupes de même qu'une réduction des services.
D'ailleurs, vous avez remarqué qu'il y avait une modification
dans le discours du porte-parole de l'Opposition d'alors et du ministre actuel.
C'est comme si la main droite ignorait ce que fait la gauche. C'est à
peu près cela actuellement. Ce n'est pas que sur l'éducation des
adultes, c'est également sur toute la question touchant la
gratuité, les manuels pour l'enseignement régulier de même
que sur le partage des pouvoirs et l'augmentation des pouvoirs du ministre ou
du gouvernement.
Vous avez abordé dans votre mémoire toute la question des
services dont on ne trouvait plus bien la définition. Est-ce que vous
seriez pour une définition des services éducatifs, dans la loi,
telle qu'on la retrouvait approximativement ou dans le sens qu'on la retrouvait
dans la loi 3?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Daoust.
Mme Blackburn: Juste pour vous rappeler, peut-être. Dans la
loi 3 on avait une définition des services éducatifs et des
services particuliers complémentaires. Actuellement, on retrouve la
définition des services particuliers à être offerts aux
élèves souffrant de handicap ou de mésadaptation et en
enseignement religieux. Ce sont les services qu'on retrouve. On ne retrouve
pas, cependant, les définitions qu'on retrouvait dans la loi 3 qui
garantissaient une certaine homogénéité dans les services
offerts dans toutes les commissions scolaires. Je vous les donne ici: des
services de promotion des droits et responsabilités de
l'élève...
M. Daoust: Je m'excuse, vous êtes dans la loi...
Mme Blackburn: Dans la loi 3. M. Daoust:... 3.
Mme Blackburn: A l'article 24 de la loi 3. Des services de
participation de l'élève à la vie de l'école, des
services d'encadrement et de surveillance, d'orientation scolaire et
professionnelle, de santé et de services sociaux, des services
psychologiques, d'orthophonie, de psycho-éducation et de recherche
d'emploi. C'étaient des services que les commissions scolaires
étaient tenues de mettre en place. Donc, étant tenues de les
mettre en place, le ministre avait l'obligation de leur fournir les ressources.
Cela assurait un minimum de services et n'empêchait pas
l'établissement d'autres services. Selon vous, est-ce qu'on doit
retrouver ce genre de services définis dans la loi?
M. Daoust: Je serais porté à vous répondre
oui, mais je suis obligé de vous dire que c'est un aspect qu'on a peu ou
pas examiné au moment de notre réflexion sur le projet de loi
actuel. Mais ce que vous nous avez mentionné, depuis le début de
votre intervention à ce sujet, nous pousse à vous dire que, oui,
on souhaiterait qu'il y ait une définition afin qu'il y ait des
droits
qui soient affirmés, qu'il y ait des continuités là
où il y a déjà eu des choses mises en place, des
continuités qui puissent se poursuivre, qu'il y ait des harmonisations
qui puissent se faire et qu'il y ait des garanties pour certains services, de
sorte qu'ils ne soient pas sujets au vent de l'économie du moment ou de
tel ou tel caprice. Mais je dois vous avouer, malheureusement, qu'on ne s'est
pas penchés là-dessus.
Mme Blackburn: Sur une autre question touchant l'éducation
des adultes et l'accès à des services éducatifs distincts,
le ministre nous a annoncé qu'il ramènerait à peu
près le libellé de la loi 3 en ce qui concerne la gratuité
pour les cours menant au diplôme. C'est un peu ce que j'ai entendu tout
à l'heure; il l'avait déjà dit à un autre moment.
Il ne s'est pas engagé cependant à inclure dans la loi
l'accès à des services particuliers pour les adultes. Je sais que
là-dessus vous avez fait une longue réflexion. J'aimerais vous
demander si vous avez réfléchi à la tendance actuelle qui
vise à intégrer de plus en plus dans des écoles
régulières les jeunes et les adultes? On revient progressivement
à ce qu'était l'école des métiers. D'ailleurs, vous
en avez une, le Mont-Saint-Louis... Il y en a une à Laval qui ne
regroupe que les étudiants qui sont inscrits dans... C'est
l'école Pont-Viau.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Blondin.
M. Blondin (Michel): Oui. La question de Mme Blackburn comporte
deux dimensions. Je vais prendre seulement la dimension des adultes. Nous
représentons comme Fédération des travailleurs et
travailleuses des gens qui sont sur le marché du travail,
généralement peu ou moyennement scolarisés et qui
retournent à l'école, soit pour compléter leur formation
secondaire, soit pour acquérir un métier ou s'y perfectionner.
Ces gens-là ont généralement plus de 25 ans et, là,
cela pose un sérieux problème. Quelqu'un qui a 25, 30, 35 ans,
qui a déjà une dizaine d'années d'expérience du
marché du travail et qui va se perfectionner ou apprendre un nouveau
métier se retrouve avec des jeunes qui ont 16, 17, 18 ans, selon le
programme où ils entrent, avec une expérience du marché du
travail qui est très différente et aussi - là-dessus, j'ai
hâte de voir ce qui va se produire au cours des prochaines années
- du côté des enseignants, avec une pédagogie dont on n'est
pas sûrs à ce moment-ci qu'elle soit adaptée aux adultes.
Il se peut que ce soit ainsi, parce que, dans le domaine de l'éducation
des adultes, en formation professionnelle, il y avait de bonnes
expériences qui se menaient auparavant. Il se peut que cela influence le
programme des jeunes. Cependant, fondamentalement, on va retrouver des jeunes
de 16, 17, 18 ans avec des adultes de 29, 30, 35 ans qui ont une
expérience et, s'ils mettent cela ensemble, il se peut - et c'est ce
qu'on pré- voit - que cela ne soit pas facile.
Cela pose aussi le problème des horaires qui est soulevé
dans notre mémoire. Les jeunes étudient
généralement le jour et les adultes étudient
généralement le soir, dans leurs temps libres. Les adultes
souhaiteraient que le programme scolaire soit beaucoup plus souple, incluant
là-dedans les fins de semaine. Les jeunes ne souhaitent pas cela, ni le
soir, ni les fins de semaine. Je pense que cela pose un ensemble de
problèmes de ce type. Comme représentant des adultes qui ont une
expérience du marché du travail, on a l'impression que la
tendance actuelle à l'harmonisation ne sera pas heureuse pour les
adultes.
Mme Blackburn: Bien. On remarque qu'on est même prêts
dans certaines commissions scolaires à modifier l'horaire des jeunes
pour l'adapter aux besoins des adultes. Par exemple, la session se poursuivrait
sur onze mois. Cela vient modifier. C'est assez fondamental comme mouvement.
(11 h 15)
Une autre question, qui n'est pas dans le cadre de votre mémoire,
mais j'imagine que vous y avez également réfléchi, touche
la formation professionnelle des jeunes. Il était prévu que tous
les programmes avaient une exigence relativement élevée quant
à la formation générale et on sait que, dans un certain
nombre de programmes, on a réduit les exigences, dans le cas des
certificats d'enseignement professionnel, si je ne m'abuse, où on a
moins d'exigences. Quelle est la position de la FTQ là-dessus par
rapport à la formation de base?
M. Blondin: Je pense que si on regarde dans notre mémoire
la position que prend la centrale sur ces questions-là, ce qui nous
guide dans notre réflexion, c'est que les gens, lorsqu'ils abordent leur
formation professionnelle, aient un ensemble d'outils intellectuels qui leur
permettent, après leur formation professionnelle, de se recycler
périodiquement à mesure que les exigences du marché du
travail comportent cette obligation-là. Je pense que notre
réflexion, elle est là. C'est, d'une part, que la formation
professionnelle des jeunes ne soit pas inutilement théorique, ce qui
écarterait un grand nombre de jeunes qui sont plus des jeunes de type
inductif, avec un intérêt pour des métiers, des
tâches à exécuter, mais qu'en même temps ils aient
une formation de base suffisante pour leur permettre, à mesure
qu'évolue le marché du travail, de se remettre à jour dans
le métier qu'ils auront appris, dans la profession qu'ils auront acquise
et de se recyler lorsque ce sera nécessaire parce que, de plus en plus
fréquemment, on voit des gens qui ont appris une chose à
l'école et qui se retrouvent plusieurs années plus tard à
réapprendre des choses complètement différentes pour
pouvoir survivre sur le marché du travail. Ce sont à peu
près nos éléments de réflexion sur
cela.
Mme. Blackburn: Bien. Le temps passe. Une dernière
question au sujet des élections scolaires. Vous suggérez que les
élections scolaires soient tenues en même temps que les
élections municipales. Je trouve que l'idée est
intéressante et on sait que cela se fait ailleurs - je pense plus
particulièrement aux États-Unis où ils votent pour trois
ou quatre choses en même temps et tout le monde s'y est habitué -
sauf que les commissions scolaires, les municipalités ont, semble-t-il,
des réticences, certaines du moins. Certains commissaires sont
même venus nous dire ici que c'est pour une question de visibilité
que cela pouvait poser des problèmes. Moi, je pensais que cela pouvait
favoriser une plus grande participation étant donné qu'on sait
que le vote aux élections municipales est plus élevé que
le vote aux élections scolaires. Mais, ces arguments-là m'ont
fait un peu hésiter. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Daoust: Ceux qui vous posent le problème de la
visibilité devraient justement s'interroger eux-mêmes sur la
visibilité des participants aux élections scolaires. C'est
dramatique, je ne vous l'apprends pas. Vous avez, le ministre et
vous-même, cité des chiffres à de multiples reprises sur le
taux de participation. Il est désastreux et c'est quasiment une
négation du processus du choix des commissaires de voir que dans
certains cas cela dépasse à peine 10 %, 12 % ou 15 %. Il y a
là - je ne sais pas mol - un drame; il y a là un Indice
révélateur d'une désaffection qui peut être
corrigée. Le projet de loi, évidemment, va donner certains moyens
et un certain encadrement, c'est déjà mieux que ce que nous
connaissions auparavant, mais ce n'est pas avec 12 % ou 15 % qu'on peut se
permettre de ne pas examiner tous les moyens de correction et tous les moyens
qui pourraient stimuler une plus grande participation. Écoutez, on le
sait, les gens ne vont pas voter aux élections scolaires. Alors, on se
dit que si on jumelle les élections scolaires aux élections
municipales, on n'en est pas encore rendus aux élections ici à
l'Assemblée nationale, mais si on jumelle tout au moins ces deux
élections-là, à un moment donné - c'est le dimanche
habituellement, je pense, les élections municipales - pendant cette
période-là, tout le monde parie de la chose scolaire, la chose
municipale, les citoyens... C'est une formation et une éducation
à la participation auprès des citoyens et c'est cela qui nous a
poussés à faire cette suggestion-là. Cela ne peut pas
être pire et que chacun veuille garder son image qui n'est pas vue de qui
que ce soit, là, cela me semble un peu dangereux.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci M. Daoust.
Mme la députée.
Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous avez
soulevé toute la question de la privatisation et de la sous-traitance.
Je dois vous dire que cela n'avait pas retenu mon attention. À revoir
les articles - je suis en train de réexaminer rapidement les articles -
je pense qu'il y a des... Vous soulevez les effets un peu pernicieux de
l'utilisation excessive de la sous-traitance sur la qualité des services
offerts.
On sait que moins vous avez de permanence dans nos hôpitaux, plus
vous utilisez la sous-traitance et plus la qualité des services s'en
ressent. Je voudrais vous dire que sur cette question en particulier, on va
examiner cela de façon plus attentive au moment où on va
étudier le projet de loi article par article. En terminant, je voudrais
vous dire, encore une fois, que j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire
vos avis, parce que je dois dire que je m'y retrouve aussi, plus
fondamentalement. Cela arrive dans certains cas plus que dans d'autres; c'est
le cas dans celui-ci.
Je voudrais vous assurer qu'au moment où on va examiner le projet
de loi article par article, projet de loi dont nous souhaitons d'ailleurs la
réécriture, parce que les différents intervenants de tous
les principaux organismes qui se sont présentés ici ont
demandé des modifications majeures, non seulement sur quelques articles,
mais plus fondamentalement sur l'esprit et sur l'économie
générale du projet de loi.
Hier, on a eu le dernier mémoire de l'ASULF sur l'Association des
usagers de la langue française. Alors, seulement au plan technique, pour
avoir une qualité de français acceptable dans le projet de loi,
cela demanderait peut-être une soixantaine d'amendements, pas
d'amendements - pour parler comme eux - mais plutôt de modifications.
Alors, essentiellement, je voudrais vous assurer que nous allons tout faire en
notre pouvoir, avec les moyens que l'Opposition a - c'est-à-dire qu'ils
ne sont pas toujours très forts, mais appuyée par les
différents organismes, c'est un peu plus fort - pour faire pencher la
balance vers une plus grande décentralisation et reconnaissance des
droits des usagers et des usagères. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
Mme la députée. M. le ministre, en guise de conclusion.
M. Ryan: M. le Président, je conclus avec plaisir cette
partie de notre séance de ce matin, parce que cela me permet d'exprimer
à nouveau mon appréciation de la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec.
Je voudrais souligner combien les points de vue sont diversifiés
en matière d'éducation. Nous avons entendu toutes sortes de
points de vue au cours des auditions de la commission parlementaire. Hier
matin, en particulier, nous entendions
le point de vue de la Coalition pour l'égalité des droits
en éducation. Cette coalition était suivie d'une autre coalition,
celle qui se bat pour la défense des droits religieux des catholiques.
On a entendu des discours qui étaient vraiment aux antipodes l'un de
l'autre. Mais chacune de ces personnes qui nous a parlé a le droit de
parole. Elle a le droit de s'activer pour la promotion de son point de vue. On
pourra vraiment dire qu'on a entendu tout l'éventail des points de vue
qui peuvent être entendus et qu'il incombe maintenant au gouvernement et
a l'Assemblée nationale de trouver la voie qui paraît le plus
répondre aux réalités d'aujourd'hui et on va le faire dans
le meilleur esprit possible.
J'ajoute seulement une petite remarque si vous me permettez. Dans votre
mémoire, il y avait un paragraphe que j'étais content de trouver
bref. C'est le paragraphe où vous traitez des pouvoirs du gouvernement
et du ministre. Vous trouvez qu'il y a un petit biais dans le projet de loi,
mais vous ne vous êtes pas trop étendus là-dessus. Je crois
comprendre que vous n'avez pas trouvé trop de choses à ce
sujet-là. Je vous en sais gré!
Mais je veux simplement vous dire - vous le savez comme moi - que les
mouvements syndicaux ont été à l'origine du
ministère de l'Éducation. Ce n'est pas une chose qui est partie
des nuages. C'est parce qu'il y avait trop de dissémination et de
dispersion de l'autorité. Ce qui arrivait, c'est qu'on avait presque
autant de situations qu'il y avait de pouvoirs. À un moment
donné, on s'est rendu compte, il y a 25 ans, qu'il fallait un ministre
de l'Éducation doté de pouvoirs réels, d'une
autorité véritable.
C'est pour cela que j'ai dit aux organismes qui venaient se plaindre de
l'équilibre des pouvoirs: Donnez-nous des cas concrets et donnez-nous
des preuves. Les lamentations ne changent absolument rien, parce qu'il y a un
job à faire. Il faut qu'il soit fait par un ministre et un gouvernement
qui sont dotés de pouvoirs convenables pour le faire. Si on est pour
avoir un ministre qui a les mains attachées derrière le dos,
aussi bien avoir une statue.
Alors, je suis content que vous n'ayez pas insisté
là-dessus, mais je vais vous dire que si vous voulez nous envoyer un
complément de mémoire pour préciser votre pensée a
ce sujet, j'en serais très heureux. Je suis persuadé que plus
vous pousserez l'analyse loin, plus vous vous rapprocherez du point de vue du
gouvernement, lequel s'emploiera cependant à nuancer certaines
dispositions du projet de loi par des modifications appropriées, afin
d'éviter que ne se créent dans certains esprits des conflits de
conscience qui pourraient les empêcher de dormir. On va faire attention
à ceci, mais j'apprécie la modération de votre
mémoire. Vous comprenez la nécessité d'une autorité
publique forte dans un domaine comme celui-ci. Nous l'avons dit avec franchise
et droiture tout au long du débat. On n'a laissé naître
d'illusions chez personne. On n'a pas essayé d'aller racoler des votes.
On va continuer comme cela, soyez sûrs. Mais, s'il y a des points
précis sur lesquels vous avez des recommandations à nous faire,
je l'apprécierais vivement. Pour tout le reste, on va étudier
votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. C'est un des plus
substantiels qu'on a reçus pendant toute cette ronde d'audiences. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, M. Daoust et les gens de la Fédération des
travailleurs du Québec. Maintenant, tel que le prévoit notre
règlement de fonctionnement de l'assemblée, je reconnais Mme Sa
députée de Chicoutimi, qui est en fait le porte-parole officiel
de l'Opposition en matière d'éducation, pour des remarques
finales. Mme la députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Permettez-moi,
pour nos invités. C'est un travail qui se fait. Vous pouvez rester. Vous
allez assister aux conclusions de ces quelque cent heures de travail.
M. Ryan: M. le Président, est-ce que vous me permettriez
une question de règlement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Sur une question
de règlement, je n'ai pas le choix, M. le ministre.
M. Ryan: Je voudrais seulement m'excuser auprès de mes
collègues de la commission de l'obligation où je me trouve de
quitter pour mon comté où des événements
très importants ont lieu aujourd'hui et qui ont donné lieu
à des engagements de ma part. Je ne pourrais pas être là
pour la dernière partie de la séance. La députée de
Jacques-Cartier me remplacera avec l'autorité et la connaissance de ces
sujets que nous apprécions tous vivement chez elle.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, ce
n'était pas une question de règlement. C'était
légitime que vous puissiez expliquer votre absence. Mme la
députée de Chicoutimi.
Remarques finales Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Nous
complétons aujourd'hui la consultation générale
menée au sujet des projets de loi 106 sur les élections scolaires
et 107 sur l'instruction publique. Les audiences publiques auront duré
six semaines et permis d'entendre quelque 97 mémoires sur un nombre
total de 116 déposés.
Je me permets une courte parenthèse pour souligner que si
celles-ci ont pu se poursuivre jusqu'à la fin dans un cadre relativement
décent,
l'Opposition n'y est pas étrangère. Après la
première phase de consultation tenue au mois de mai, la partie
ministérielle voulait en effet accélérer la cadence en
omettant d'inviter certains intervenants et en comprimant au maximum le temps
accordé aux autres. Nous nous y sommes opposés farouchement et
avons obtenu que tous ceux qui le désiraient puissent se
présenter en commission parlementaire et disposent pour leur
participation d'un temps un peu plus raisonnable, quoiqu'il faille faire
exception pour la COPHAN qui a eu un temps largement insuffisant. Cela demeure
inacceptable. Je souhaite simplement qu'on puisse reprendre la conversation et
l'échange avec cet organisme.
Le nombre substantiel de participants à cette commission,
représentant des personnes oeuvrant à l'intérieur du
milieu scolaire mais aussi à l'extérieur de celui-ci, atteste du
vif intérêt que continue de susciter toute tentative de
révision de notre législation scolaire. Il témoigne de la
préoccupation de la population québécoise vis-à-vis
de ses services éducatifs, que l'on souhaite de qualité et
accessibles. Les textes de loi ne suffisent évidemment pas à
l'atteinte de ces objectifs, mais ils en constituent la pierre d'assise dans la
mesure où ils président à l'organisation même de
l'édifice scolaire, sur le plan de ses principes fondateurs aussi bien
que des droits et responsabilités des divers partenaires.
En ce sens, l'exercice auquel nous sommes conviés est d'une
importance cruciale pour l'avenir de notre système d'éducation.
J'entends donc profiter des quelques minutes qui me sont allouées pour
dresser un bilan nécessairement sommaire de cette consultation en
faisant la synthèse des points de vue exprimés en fonction des
grands axes de la législation proposée. D'entrée de jeu,
un constat doit être énoncé: le projet de réforme de
la Loi sur l'instruction publique est loin de faire consensus parmi les
intervenants du monde scolaire. Prétendre le contraire serait
malhonnête; il suffit de relire les mémoires pour s'en convaincre.
De très nombreux organismes, et parmi les plus importants en termes de
représentation, ont exprimé leur profond désaccord
à l'endroit des dispositions législatives proposées et
réclamé des modifications majeures, si ce n'est, dans certains
cas, le retrait pur et simple du projet de loi 107. Ce refus d'adhérer
au projet de loi dans son libellé actuel est partagé à la
fois par les deux grands regroupements de commissions scolaires, la
Fédération des commissions scolaires catholiques et l'Association
des commissions scolaires protestantes, par le Conseil scolaire de l'île
de Montréal, par la majorité des grands syndicats enseignants,
soit la Centrale de l'enseignement du Québec, l'Alliance des professeurs
de Montréal, la Provincial Association of Protestant Teachers ainsi que
par les deux grandes centrales syndicales, CSN et FTQ et j'ajoute l'Association
des directeurs généraux des commissions scolai- res, l'Institut
canadien de l'éducation des adultes, la Confédération des
organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec. En
fait, l'ampleur de l'insatisfaction manifestée vis-à-vis du
projet dans l'une ou l'autre de ses dispositions mérite d'être
prise au sérieux. (11 h 30)
Par ailleurs, j'avais eu l'occasion de souligner à l'ouverture
des travaux de cette commission parlementaire le fait que le projet de loi 107
comportait à maints égards de sérieux reculs par rapport
à la loi 3 adoptée en 1984 et dont l'application avait
été suspendue sous le motif d'inconstitutionnalité. Les
audiences publiques sont venues confirmer notre évaluation à cet
égard. Les intervenants ne se sont pas tous livrés à une
comparaison explicite ou rigoureuse des deux lois. Mais parmi ceux qui l'on
fait, très peu en ont conclu que le projet de loi présentement en
discussion constituait un progrès par rapport à la loi 3. On
retrouve au contraire, dans plusieurs mémoires, des commentaires
déplorant, soit la disparition ou aliénation de dispositions
pourtant accueillies favorablement lors des débats entourant l'adoption
de cette loi. C'est le cas notamment en ce qui concerne la définition
des services éducatifs, complémentaires et particuliers, la
gratuité à l'éducation des adultes, le recours au
Protecteur du citoyen pour faire respecter les droits de l'élève,
la reconnaissance du droit d'association pour ceux-ci, l'existence d'un
comité pédagogique composé d'enseignants et de
professionnels, l'obligation pour la commission scolaire d'organiser des
services de garde, l'insistance mise sur l'intégration des
élèves handicapés et des élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans les classes ou groupes
ordinaires et aux autres activités de l'école. Autant
d'éléments de recul dans la loi 3, autant
d'éléments absents du présent projet.
Un autre objet de recul déploré par les organismes: la
disparition du comité d'école obligatoire et l'affaiblissement
des fonctions décisionnelles du conseil d'orientation. Il ne s'agit pas
de prétendre que la loi 3 était parfaite, mais sur tous ces
points elle était nettement plus satisfaisante que la mouture
concoctée par l'actuel ministre de l'Éducation. Une telle
constatation conduit à s'interroger sur les motifs réels ayant
guidé le ministre dans l'exercice actuel de révision
législative. Pourquoi cette volonté, pour ne pas dire cet
entêtement à revenir à la case des départs? Pourquoi
avoir rayé d'un trait de plume la loi 3 en abandonnant les
procédures judiciaires relatives à la constitutionnalité
des structures proposées plutôt que de tenter d'y apporter des
bonifications? Pourquoi revenir sur des acquis importants en matière
d'accessibilité et de participation d'épargne? D'autant que si le
ministre agrée aux représentations qui lui ont été
faites il devra revenir dans de nombreux cas au texte de la loi 3. Ces
questions méritent réponse. En attendant,
l'analyse attentive du projet de loi 107 nous force à conclure
que la présente demande n'aura été qu'un prétexte
à l'accroissement des pouvoirs du ministre. Cette centralisation des
pouvoirs dans les mains du gouvernement et du ministre de l'Éducation au
détriment des gouvernements locaux que sont les commissions scolaires
est assurément l'un des aspects qui suscite l'opposition la plus
marquée chez les groupes qui ont comparu devant cette commission
parlementaire. Le projet de loi sur l'instruction publique est en effet
caractérisé par un accroissement des contrôles
gouvernementaux, des pouvoirs discrétionnaires du ministre et des
obligations réglementaires des commissions scolaires. La philosophie du
projet de loi se fonde sur la méfiance à l'endroit des
intervenants locaux, d'où la propension à multiplier les motifs
d'ingérence. Ce n'est pas étonnant dans un tel contexte de voir
les commissions scolaires, à l'unanimité, leur
fédération en tête, réagir vigoureusement à
ce qui apparaît comme une mainmise accrue de l'État sur les
écoles et les affaires éducatives en général. Ce
sentiment est partagé par le personnel-cadre et de direction des
commissions scolaires.
Je me permets de revenir ici à la loi 3. Certains lui avaient
reproché son caractère centralisateur dont l'actuel ministre de
l'Éducation, alors porte-parole de l'Opposition. Je me permets de
rappeler ses propos. Il disait alors: Nous ne saurions souscrire à une
opération qui consisterait à augmenter les pouvoirs de ministre
de l'Éducation dans le contexte actuel. Est-ce parce qu'il y a un
nouveau ministre que le contexte a changé et qu'on peut augmenter la
centralisation? Peut-être n'est-il pas mauvais de rafraîchir la
mémoire d'autres députés qui siègent maintenant du
côté ministériel. On pouvait lire, par exemple, dans Le
Messager de Lachine du 7 septembre 1983, et je cite: Mme Dougherty a
déclaré qu'elle partageait l'engagement de M. Paradis - il
s'agissait alors de la course au leadership du Parti libéral - et sa foi
en des gouvernements municipaux et des commissions scolaires locales
possédant des pouvoirs de taxation et d'autonomie pédagogique. Il
ne faudrait pas oublier non plus l'actuel député de Saint-Louis,
et je cite Le Devoir du 25 juin 1983: Quant au président de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, M. Jacques Chagnon, il est insatisfait de voir que les
commissions scolaires n'obtiennent pas les pouvoirs accrus qu'elles
réclament depuis une décennie. Peut-être pourrait-il nous
dire s'il est satisfait de voir aujourd'hui que les commissions scolaires, non
seulement n'obtiennent pas ces pouvoirs prévus dans le texte de la loi
d'alors, mais se voient soumises à un encadrement encore plus
serré de la part du gouvernement. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est
la fédération aux destinées de laquelle il
présidait il n'y a pas si longtemps. Selon celle-ci, l'actuelle
Fédération des commissions scolaires, il s'agit du projet de loi
le plus centralisateur jamais présenté.
Il reste au ministre de l'Éducation à justifier un tel
fait pourtant incompatible avec le contenu du programme politique du Parti
libéral du Québec, où il était affirmé, et
cela ne fait pas dix ans, le contexte n'a pas changé: II nous faut
envisager une responsabilisation accrue des institutions par
l'allégement des règlements et des contrôles souvent
tatillons imposés par le ministère de l'Éducation. Que de
belles paroles qui n'ont pas résisté longtemps à
l'épreuve du pouvoir!
Parmi ces pouvoirs additionnels que s'arrogent le gouvernement et le
ministre par rapport à la loi 3 ou à l'actuelle Loi sur
l'instruction publique, et qui font l'objet de critiques de la part des
commissions scolaires, mentionnons le pouvoir d'établir
unilatéralement la liste des commissions scolaires qui peuvent organiser
des services éducatifs pour les adultes ainsi que la liste des
spécialités professionnelles ou des services particuliers aux
élèves handicapés et aux élèves en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, les commissions scolaires
non désignées perdent leur compétence à ce
chapitre, la détermination des conditions de travail du personnel non
syndiqué et même le nombre de postes pour chaque classe d'emploi,
la multiplication des autorisations préalables nécessaires pour
la gestion des immeubles, qu'il s'agisse d'aliénation ou de projets
d'immobilisation, la procédure de tutelle. Nous sommes loin de la
responsabilisation accrue, tant souhaitée par les commissions scolaires
que par l'Opposition d'alors. Celles-ci sont par ailleurs unanimement venues
réclamer un pouvoir de taxation local accru. Dans la mesure où
elles ont dû subir leur lot de compressions budgétaires et
qu'elles doivent assumer des responsabilités plus lourdes sans toujours
se voir octroyer les ressources correspondantes de la part du gouvernement,
leur marge de manoeuvre est de plus en plus mince. Cette revendication ne
saurait être balayée du revers de la main et il faudrait tout au
moins envisager la possibilité d'introduire plus de souplesse dans le
système actuel.
La question qui se pose est de savoir quel est le rôle que nous
voulons voir assumé par les commissions scolaires. Est-ce celui d'une
simple courroie de transmission des normes et directives du ministre de
l'Éducation ou du ministère de l'Éducation ou celui d'un
réel gouvernement local disposant de l'autonomie nécessaire
à une gestion des services éducatifs adaptée aux
particularités et aux attentes de la communauté? Nous croyons,
quant à nous, que cette deuxième voie mérite d'être
privilégiée, l'État devant pour sa part se consacrer
à déterminer les grands encadrements nationaux en matière
d'accessibilité aux services, de régime pédagogique, de
ressources et de règles budgétaires. Alors que le courant actuel
sur le plan de la gestion des affaires publiques est à la
décentralisation de la prise de décision vers les milieux
concernés, à la
valorisation du dynamisme et de l'autonomie locale, le projet
pèche par excès de "bureaucratisme". Il devra, sur ce point,
être remanié en profondeur.
Un autre enjeu crucial réside dans l'accessibilité aux
services éducatifs. Une réforme lésislative qui se
respecte devrait fournir des garanties réelles à ce sujet. Comme
plusieurs organismes l'ont souligné dans leur mémoire ou devant
cette commission parlementaire, le projet de loi 107 comporte des restrictions
et des reculs significatifs par rapport à la loi 3. Certains ont
notamment déplore l'absence de définition des services
complémentaires et particuliers, à l'exception des services
d'animation pastorale. Dans la mesure où on n'y fait pas explicitement
référence dans le texte de loi, nous pouvons craindre une
disparition, ou même l'absence de certains services dans des commissions
scolaires. Cela est d'autant plus probable que les compressions
budgétaires frappent d'abord à ce chapitre, les services
d'orientation scolaire et professionnelle, de psychologie et de soutien
à la pédagogie. L'exemple des récentes compressions et des
récentes coupures dans le personnel professionnel est fort
éloquent à cet égard. Une définition claire de ces
services complémentaires et particuliers doit s'accompagner de la
responsabilité du gouvernement d'y consentir les ressources suffisantes.
Je rappelle au passage que l'obligation pour la commission scolaire d'organiser
des services de garde pour les élèves de l'éducation
préscolaire et de l'enseignement primaire a aussi disparu, ce qui est
inacceptable dans le cadre d'une véritable politique familiale telle que
prétend mettre en place le présent gouvernement.
Autre sujet de préoccupation: l'accès des adultes aux
services éducatifs dans des conditions semblables à celles des
jeunes. Normalement, le projet devrait au moins garantir clairement la
gratuité pour une formation conduisant au diplôme d'études
secondaires. Ce n'est pas le cas. Il comporte plutôt de dangereuses
restrictions ainsi que je l'ai souligné à l'ouverture de cette
commission. Ainsi, l'article 4 stipule qu'un adulte a droit à la
gratuité dans la mesure où le permettent les ressources de la
commission scolaire où il est inscrit. De plus, l'article 199 stipule
qu'une commission scolaire peut, conformément aux règles
budgétaires établies par le ministre, envisager une contribution
financière pour une personne visée à l'article 2,
c'est-à-dire un adulte. La loi 3 spécifiait que cette
contribution ne pouvait être exigée que des adultes qui suivaient
des cours ne conduisant pas à l'obtention de diplômes
décernés par le ministre, ce qui avait soulevé l'ire du
porte-parole officiel de l'Opposition d'alors. Il nous a dit tout à
l'heure qu'il revenait à cette disposition. Nous lui en savons
gré et nous souhaiterions qu'il élargisse également
l'accès aux autres services.
En ce qui concerne l'éducation des adultes, le ministre devra
accomplir un sérieux effort s'il veut accorder les actes aux paroles et
aux discours qu'il tenait alors. Et je me permets de rappeler ce qu'il
écrivait en mars 1984 dans un document de réplique à
l'énoncé gouvernemental sur l'éducation des adultes: Nous
n'aurons de véritable politique d'éducation des adultes pour le
Québec que le jour où le gouvernement s'engagera
résolument. à reconnaître, dans une loi - cela peut
être la loi dont on parle - les droits précis des adultes en
matière d'éducation et ce, suivant l'orientation
générale que présentait la commission Jean.
La commission Jean proposait de fonder toute la politique de
l'éducation des adultes sur le droit de l'adulte à une formation
de base d'une valeur équivalente à treize années de
scolarité. Nous en sommes bien loin. Le projet de loi 107 ne leur
garantit même pas la onzième année. On est peut-être
en train de s'assurer la onzième année à la suite de
nombreuses et importantes pressions de différents organismes. C'est
inacceptable et cela mérite des explications de la part du ministre.
Le traitement accordé aux élèves handicapés
et aux élèves en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage est un autre objet d'insatisfaction. Une douzaine
d'intervenants ont fait des représentations à ce sujet et mis en
lumière les nombreuses lacunes du projet de loi. Des organismes, comme
la Confédération des organismes provinciaux des personnes
handicapées du Québec, le Regroupement interscolaire de la
région de Québec tout comme l'Office des personnes
handicapées du Québec ont relevé les omissions de ce
projet de loi par rapport au projet de loi 3. J'en mentionne une d'importance
majeure au sujet des normes devant être établies par
l'organisation des services aux élèves handicapés ou en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. La loi 3 précisait
que celles-ci avaient pour but de favoriser leur intégration dans les
classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école,
chaque fois que cela était possible et propre à faciliter
l'insertion sociale et les apprentissages de l'élève. Il
s'agissait là d'un principe fondamental qui est pourtant absent de la
version qui nous a été présentée.
Les organismes de personnes handicapées déplorent aussi
vivement l'absence de mécanismes de recours, d'un droit de
révision ou d'appel afin de faire respecter les droits de
l'élève. Le droit de recours au Protecteur du citoyen
prévu à la loi 3, faut-il le souligner, tout en étant
ouvert à tous les élèves, revêt une importance
particulière pour les élèves handicapés ou en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage compte tenu des litiges
susceptibles de surgir concernant l'élaboration et la réalisation
du plan d'intervention. On sait qu'il y a actuellement des causes devant les
tribunaux. Au sujet du plan d'intervention, par ailleurs, tous les
mémoires insistent sur la nécessité à la fois d'en
fournir une définition plus précise, d'associer plus
étroitement les parents et les élèves à son
élaboration et de
confirmer la responsabilité de la commission scolaire d'origine
vis-à-vis de l'élève qui est scolarisé par entente
avec une autre commission scolaire.
D'autres amendements sont souhaités par la quasi-unanimité
des organismes, notamment en ce qui concerne l'âge d'accessibilité
aux services éducatifs que l'on voudrait voir abaisser de cinq ans
à quatre ans, l'obligation pour le gouvernement d'établir par
règlement la nature des services éducatifs offerts ou encore la
nomination d'un responsable des élèves handicapés et des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans
chacune des commissions scolaires. Des modifications sont proposées
vis-à-vis de la composition du comité consultatif des services
aux élèves handicapés et aux élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage ainsi que pour favoriser la
participation des parents de ces élèves au comité de
transport de la commission scolaire, au conseil des commissaires et au conseil
d'orientation. (11 h 45)
En somme, le diagnostic posé par les intervenants est clair. Le
projet de loi ne va pas assez loin et devrait subir d'importantes corrections
pour assurer aux élèves handicapés et en difficulté
d'adaptation et d'intégration qui composent, soit dit en passant, plus
de 10 % de la clientèle scolaire, la place qui leur revient dans notre
système d'enseignement. Souhaitons que le ministre saura les
écouter.
Abordons maintenant le rôle des enseignants et des parents dans le
système projeté. Concernant d'abord les enseignants, des
réserves ont été exprimées vis-à-vis du
caractère vague et large des obligations qui leur sont faites. Par
contre, leurs droits sont définis de façon plus restrictive que
dans la loi 3 de même que disparaît, sans justification apparente,
le comité pédagogique qui leur offrait un outil de participation
à la détermination des orientations et du projet éducatif
de l'école.
Les syndicats enseignants ont particulièrement insisté
lors de leur présentation sur le désir d'une meilleure
reconnaissance de l'autonomie professionnelle des enseignants et
réclament par ailleurs à juste titre, comme les
représentants des autres personnels, des garanties pour les
employés à l'occasion des éventuelles procédures de
restructuration, fusion et abolition des commissions scolaires.
Concernant la participation des parents, force est de constater que le
modèle proposé par le ministre suscite des réactions pour
le moins mitigées. Très peu d'intervenants, parents ou autres,
appuient la combinaison conseil d'orientation obligatoire et comité
d'école facultatif. Par contre, une réelle majorité se
dégage en faveur du maintien du comité d'école actuel,
particulièrement chez les comités de parents.
Le conseil d'orientation suscite des sentiments assez variés.
Pour certains, il s'agit d'une structure supplémentaire qui ne donnera
pas vraiment plus de pouvoirs aux parents et viendra alourdir le processus de
décision.
Environ la moitié des mémoires qui se prononcent
explicitement sur le sujet le font d'ailleurs en faveur de l'existence d'un
seul comité, le conseil d'orientation ou le comité
d'école. Pour d'autres, il s'agit au contraire, d'un lieu
intéressant de concertation des divers intervenants de
l'école.
Ceci n'empêche pas que divers amendements soient proposés
au chapitre de sa composition et de ses fonctions. Il faut en effet se rappeler
qu'il a perdu les pouvoirs décisionnels que la loi 3 conférait
aux comités d'école, notamment au chapitre de l'adoption, des
prévisions budgétaires annuelles de l'école, de
l'utilisation et de l'organisation de locaux de l'école, des services
éducatifs et autres que ceux prévus par la loi et de services
sociocuturels ou sportifs.
Quant au droit de vote des parents commissaires, il n'y a visiblement
pas consensus sur la question. Comme la Fédération des
comités de parents n'en veut plus, le ministre semble enclin à le
retirer. Ce serait, à notre avis, une erreur.
Que peut-on dégager des remarques précédentes? Il
faut d'abord souligner qu'une comparaison entre le projet de loi 107 et la loi
3 n'est pas futile puisque la loi 3 avait fait l'objet d'un large consensus
parmi les intervenants et que l'on était en droit de s'attendre qu'une
nouvelle tentative de révision de la loi actuelle de l'instruction
publique permette de parfaire ce consensus. Ce n'est à l'évidence
pas le cas, tout au contraire. D'un côté, le ministre se donne de
nouveaux pouvoirs, multiplie les contrôles vis-à-vis des
commissions scolaires en même temps qu'il diminue ses obligations. De
l'autre, son projet consacre le rétrécissement des droits des
élèves en matière de recours, d'association,
d'accès aux services éducatifs, le rétrécissement
des droits des adultes en matière de gratuité, le
rétrécissement des droits des élèves
handicapés et en difficulté sur le plan de l'intégration,
le rétrécissement des droits des enseignants sur le plan
pédagogique, le rétrécissement des droits des parents au
chapitre des mécanismes de participation aux services de garde.
À part le ministre, à peu près tout le monde y perd
et nous aimerions, je le répète, qu'il nous explique les raisons
pour lesquelles il a cru utile de présenter de telles modifications.
Vous me permettrez, M. le Président. On a été six
semaines en commission parlementaire, on a entendu 97 mémoires, il me
semble qu'on pourrait me laisser terminer.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne vous ai pas
dit de ne pas terminer, je vous ai dit que les 20 minutes étaient
terminées. Je ne vous ai pas enlevé la parole, je vous ai
demandé de conclure le plus rapidement possible. Ce sont les
règles que vous vous êtes données en réunion de
travail: 20 minutes, 20 minutes. Je ne décide de rien.
Mme Blackburn: M. le Président, vous le savez, vous l'avez
rappelé au moment où on a négocié ces
règles: nous n'étions pas d'accord. C'était sur division
et je demande simplement de me laisser terminer.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez la
parole, madame.
Mme Blackburn: Je vous remercie.
Je ne reviendrai pas sur la question des structures scolaires, je ne le
ferai que brièvement. Je ne voudrais pas ici reprendre tous les
arguments qui ont été évoqués, mais il faut
constater que des oppositions farouches continuent de se manifester à
rencontre de la "déconfessionnalisation" des structures scolaires. Le
projet de loi 107 rencontre d'ailleurs à cet égard les
mêmes résistances que la loi 3, celles des milieux catholiques
conservateurs et de la CECM d'un côté, et celles des commissions
scolaires protestantes de l'autre. Celles-ci ont d'ailleurs clairement
exprimé leur intention d'entamer les procédures judiciaires
nécessaires afin de bloquer l'application du projet de loi 107 dans son
intégralité et non pas seulement les dispositions ayant des
incidences constitutionnelles, comme le veut la démarche du ministre
d'ici à ce que la Cour suprême ait statué au sujet de la
portée des droits confessionnels protégés par l'article de
1867. Nous avons déjà eu l'occasion de critiquer cette
démarche, notamment le fait d'avoir suspendu les procédures
d'appel au sujet de la loi 3, ce qui aura fait perdre plus de trois ans.
Plusieurs organismes ont par ailleurs fait valoir à juste titre,
au cours de cette consultation, la nécessité d'entreprendre des
négociations au sujet de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique afin de lever les obstacles constitutionnels à
l'exercice par le Québec de sa pleine compétence en
matière d'éducation. Le gouvernement n'a cependant pas la
volonté politique pour ce faire.
À l'instar de certains intervenants, nous ne pouvons que
dénoncer le fait que le projet de loi vienne cautionner la
pérennité des structures confessionnelles là où
elles sont le plus désuètes, là où le pluralisme de
la société québécoise s'exprime pourtant avec le
plus de force, soit à Montréal. On ne sait toujours pas si le
ministre entend superposer sur ce territoire des commissions scolaires
linguistiques ou des commissions scolaires confessionnelles ou simplement
laisser à ces dernières leur situation de monopole avec les
difficultés que pose, à l'intégration des jeunes
allophones à la majorité, leur présence à
l'intérieur de commissions scolaires anglophones. Ces deux
éventualités sont tout autant insatisfaisantes, la seule solution
véritable résidant dans l'élimination des entraves d'une
constitution dépassée qui prive le Québec de la
possibilité d'organiser son système scolaire comme bon lui semble
et d'adapter sa configuration aux réalités d'aujourd'hui.
Avant de terminer, je dirai quelques mots du projet de loi 106 sur les
élections scolaires qui, c'est un euphémisme, a reçu un
meilleur accueil. Ce n'est guère surprenant vu qu'il porte sur des
objets contentieux et qu'il réunit bon nombre de dispositions
déjà en vigueur dans l'actuelle Loi sur l'instruction publique et
réalise une certaine harmonisation des procédures
électorales dans le milieu scolaire avec les règles applicables
lors des élections provinciales en vertu de la Loi
électorale.
Si les divers mémoires se montrent favorables au projet de loi
dans ses grandes lignes, ils comportent tout de même de très
nombreuses suggestions de modifications, parfois assez techniques, mais
certaines plus substantielles. Ainsi, la création de circoncriptions
électorales superposées pour les minorités linguistiques
à l'intérieur des commissions scolaires confessionnelles
reçoit de rares appuis. Les opposants invoquent tantôt le principe
vicié à la base de réserver des sièges pour un
groupe particulier, tantôt les complications qui en résulteraient
sur le plan de la mécanique électorale, notamment pour la
confection des listes. Cette option boiteuse qui résulte
vraisemblablement d'une volonté d'atténuer les tensions
surgissant à l'intérieur des commissions scolaires protestantes
dont la clientèle francophone connaît une expansion rapide devra
être repensée.
La date des élections scolaires continue de susciter une
polémique. Certains voudraient les voir devancées en octobre ou
juin, ou encore fixées aux quatre ans, en même temps que les
élections municipales. Parmi les autres dispositions qui suscitent le
plus de commentaires, mentionnons rapidement le mode de fixation du nombre de
circonscriptions, l'exercice du droit de vote au niveau de la qualité de
l'électeur et du choix de la circonscription, l'échéancier
électoral en ce qui concerne notamment le délai pour le
dépôt des déclarations de candidature, la confection et la
révision de la liste électorale, l'établissement des
circonscriptions, le recensement des votes et la proclamation
d'élections, la nomination du président d'élection.
Quelques intervenants souhaitent enfin qu'à la possibilité de
remboursement des dépenses électorales vienne s'ajouter le
plafonnement de celles-ci à des contributions.
Somme toute, de nombreuses bonifications sont souhaitées et nous
entendons procéder à un travail minutieux lors de l'étude
détaillée du projet de loi afin qu'il fournisse un cadre
vigoureusement démocratique à la tenue des élections
scolaires. Par simple souci de cohérence, vu que le projet de loi 106
fournit certaines conditions susceptibles d'assurer une meilleure
représentativité des élus scolaires par la
démocratisation du processus électoral, on se serait
légitimement attendus que ceux-ci bénéficient d'une
certaine autonomie et de responsabilités accrues. C'est cependant tout
le contraire,
comme il a été démontré à l'examen du
projet de loi sur l'instruction publique.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Veuillez conclure,
madame.
Mme Blackburn: Comme je l'ai indiqué, cet autre projet de
loi est dans sa facture actuelle inacceptable pour l'Opposition et doit
être remanié en profondeur. Cette conviction s'est raffermie tout
au long des audiences de la commission parlementaire. Le ministre a
laissé entendre qu'il déposerait de très nombreux
amendements. Nous considérons pour notre part que l'ampleur des
objections exprimées, que la nature et le grand nombre des changements
de fond réclamés justifient une réécriture du
projet de loi. C'est là une condition indispensable à l'obtention
des consensus nécessaires dans le milieu scolaire, comme à un
travail ordonné des parlementaires à l'occasion de l'étude
détaillée du projet de loi. Il reste maintenant à voir si
le ministre tiendra compte des avis exprimés, s'il saura faire preuve de
la modestie nécessaire pour remettre son ouvrage sur le métier
afin de donner à notre système d'enseignement public les assises
susceptibles de répondre aux objectifs majeurs de la qualité, de
l'accessibilité aux services éducatifs, comme de la
responsabilisation des partenaires et de l'adaptation des structures aux
réalités et aux besoins du Québec d'aujourd'hui. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: M. le Président, au nom du ministre de
l'Éducation, j'ai l'honneur de faire quelques remarques afin de
résumer l'expérience enrichissante que nous avons vécue
ensemble dans le but d'entendre les opinions de la population
québécoise sur les projets de loi 106 et 107.
Des 117 mémoires reçus, nous avons entendu 97
mémoires et tenu 18 séances, pendant 6 semaines. Je crois que
nous pouvons être fiers du fait qu'aucun groupe ou personne ne s'est vu
refuser une audition à cette commission. Les remarques que nous avons
entendues constituent les résultats de l'analyse et de l'étude de
centaines de milliers de québécois venant de toutes les
régions de la province. Ils sont venus à notre commission afin de
partager avec nous leurs expériences ainsi que leurs espoirs pour
l'avenir de notre système d'éducation, un système qui est
pour notre société non seulement un instrument
privilégié pour assurer le plein développement de nos
jeunes, mais aussi un véhicule privilégié pour assurer la
transmission de nos langues, nos cultures et nos traditions d'une
génération à l'autre. Étant donné la grande
diversité du Québec sur le plan géographique, sur le plan
linguistique ainsi que sur les plans social, culturel et religieux, il n'est
pas surprenant que nous ayons entendu une vaste gamme d'opinions sur la plupart
des composantes des deux projets de loi.
Généralement parlant, les deux projets de loi sont vus
comme un pas dans la bonne direction.. Il est évident que sur certaines
questions il n'y a pas de consensus et que sur d'autres questions, un consensus
majoritaire ait émergé. Cependant, c'est justement à cause
de cette réalité qu'on doit conclure qu'il y a certains principes
qui devraient Inspirer le fonctionnement de notre système
d'éducation pour qu'il soit capable de répondre à la
diversité de valeurs et d'attentes de notre population. Comme principes
fondamentaux, je suggère les suivants: Premièrement, le
système doit être au service de la population;
deuxièmement, le système doit être assez flexible pour
accommoder les besoins et les attentes d'une diversité de cultures, de
religions et de langues; troisièmement, le système doit
être conçu de façon à respecter les rôles, les
responsabilités ainsi que les compétences de tous les partenaires
à tous les niveaux du système. Et tout en reconnaissant
l'importance de laisser assez de latitude pour encourager l'esprit
d'initiative, de créativité et de bon sens qui devrait
prévaloir dans un sain système vital et moderne en
perpétuelle évolution, il faut reconnaître la
nécessité d'un leadership bien défini de la part du
ministre pour assurer une évolution stable et cohérente.
Quatrièmement, le système doit faire place aux parents comme
partenaires privilégiés et leur participation devrait prendre
plusieurs formes selon les capacités et les compétences
particulières de chacun.
Tout en respectant ces principes et en tenant compte des recommandations
précises qu'on nous a proposées lors des auditions, nous sommes
maintenant prêts à aller de l'avant afin d'apporter des
améliorations substantielles aux projets de loi.
Le ministre m'a informée que le gouvernement proposera plusieurs
modifications dont un bon nombre sont déjà
rédigées. Parmi ces amendements, notons les suivants. Le
comité d'école sera retenu comme un comité obligatoire;
les parents-commissaires siégeront au conseil des commissaires sans
droit de vote. Comme il n'y a pas de consensus sur ce point, la prudence dicte
que nous suivions la recommandation de la fédération des
parents.
Un parent représentant la minorité linguistique sera
choisi par le même processus que les autres parents-commissaires. Cet
amendement élimine le processus inutilement complexe proposé dans
l'actuel projet de loi. Les modalités de contrôle que doit exercer
le ministre connaîtront de nombreux assouplissements afin de
répondre aux craintes exprimées à l'égard du risque
de surcentralisation perçu dans l'actuel projet de loi.
La liste des articles des projets de loi qui seront
référés à ta Cour d'appel afin de clarifier leur
constitutionnalité sera complétée après
consultation avec les groupes qui ont indiqué un intérêt
particulier sur ces questions. Le but de cet exercice est d'avoir une
clarification aussi complète que possible des implications
constitutionnelles des lois.
En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier tous ceux et
celles qui ont participé à cette commission. À mes
collègues, les députés ministériels ainsi qu'aux
députés de l'Opposition officielle, je vous remercie de votre
présence, de votre intérêt et surtout de votre engagement
à la tâche monumentale que nous avons entreprise.
Mes remerciements aussi aux membres du cabinet du ministre, ainsi qu'aux
hauts fonctionnaires du ministère pour leur patience et leur appui
constant. Je ne voudrais pas oublier l'attention particulière que les
membres du personnel de l'Assemblée nationale nous ont accordée.
Je sais que nous sommes tous d'accord pour dire que notre secrétaire a
fait un excellent travail. Tous nos travaux étaient organisés de
façon impeccable.
À vous, M. le Président, j'aimerais dire que c'est
grâce à vous si toutes nos délibérations se sont
déroulées dans une atmosphère de civilité, de calme
et d'ouverture d'esprit. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
porte-parole du ministre. Avant de clore...
Mme Blackburn: Je me permets d'abord de dire que j'endosse les
remerciements présentés par le parti ministériel à
l'endroit des différentes personnes qui ont participé aux travaux
de cette commission. Si vous me le permettez, et le personnel me le permettra,
j'aurais le goût de souligner l'excellence des travaux de M. Genest - je
dis toujours Lapierre et c'est Genest...
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est Genest.
Mme Blackburn:... qui nous accorde toujours un traitement
privilégié lorsque nous sommes en commission parlementaire. Je ne
sais pas s'il le fait pour toutes les commissions, mais je trouve que cela
donne un cachet particulier et cela ajoute au plaisir de travailler en
commission parlementaire lorsqu'on fait l'objet d'une attention
particulière. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci et cela
étant dit, c'est encore à moi de réitérer des
remerciements à tous les membres de la commission pour la collaboration
que vous m'avez accordée dans la direction de ces travaux.
La commission ayant accompli son mandat, nous ajournons nos travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 5)