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Commission permanente
de l'éducation, des affaires
culturelles
et des communications
Etude des crédits du ministère de
l'Education
Séance du mardi 1er mai 1973
(Vingt heures vingt-deux minutes)
Préliminaires
M. CARON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Nous allons étudier les crédits du ministère de
l'Education pour l'année 73/74.
M. CHARRON: Est-ce que nous avons quorum, d'abord? Voulez-vous
vérifier les membres de la commission d'abord?
M. PAUL: M. le Président, je remplace M. Cardinal.
LE PRESIDENT (M. Caron): Le député de Maskinongé
remplace le député de Bagot, M. Cardinal; M. Charron, ça
fait deux; M. le ministre Cloutier, ça fait trois; M. Brown...
M. PAUL: En remplace un autre.
LE PRESIDENT (M. Caron): ... en remplace un autre et M. Benjamin
Faucher...
M. CHARRON: Qui remplace-t-il M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Caron): M. Faucher remplace M. L'Allier. M.
Picard...
M. CHARRON: II va vous remplacer, lui. M. PAUL: II va vous remplacer,
lui.
LE PRESIDENT (M. Caron): II va me remplacer. On va avoir quorum, puis
ça va bien aller.
M. PICARD: Je cherchais des joueurs.
M. PAUL: Est-ce qu'ils sont tous sur la glace du Forum?
LE PRESIDENT (M. Caron): M. Brown remplace M. Hardy.
LE PRESIDENT (M. Picard): M. Caron, député de Verdun,
remplace M. Saint-Germain, de Jacques-Cartier.
M. CARON: M. Lamontagne s'en vient.
M. AUDET: M. le Président, je remplace M. Brochu.
LE PRESIDENT (M. Picard): M. Audet, d'Abitibi-Ouest, remplace M. Brochu,
de Richmond.
Alors, comme le prévoit le règlement, nous allons nommer
un rapporteur de la commission; je suggère le nom de M. Caron,
député de Verdun. Cette motion est-elle agréée?
M. PAUL: M. le Président, je m'oppose.
LE PRESIDENT (M. Picard): Pour quelles raisons?
M. PAUL: Voici pourquoi. C'est parce que M. Caron, avec ses
activités de "whippet" au sein du Parti libéral, est
obligé de s'absenter quelquefois. On devrait, à mon humble point
de vue, retenir les services de M. Faucher, député de Yamaska,
qui est un modèle d'assiduité à tous les travaux des
commissions parlementaires. Je crois que M. Faucher devrait être
rapporteur officiel.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que la suggestion du
député de Maskinongé est agréée?
M. CHARRON: On pourrait peut-être entendre
l'intéressé.
M. PAUL: Cela prend toujours son consentement.
LE PRESIDENT (M. Picard): Agréé.
M. PAUL: Autrement c'est $20 d'amende comme dans le code municipal!
LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, la commission de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications commence, ce soir,
l'étude des crédits 73/74 du ministère de l'Education.
J'inviterais le ministre peut-être à nous identifier les
principaux collaborateurs qui l'accompagnent ici, ce soir.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, vous me permettrez
peut-être de le faire en cours de route lorsqu'ils auront, le cas
échéant, à prendre la parole. Je me limiterai à
nommer le sous-ministre et le directeur général de la gestion qui
sont à ma gauche et à ma droite.
LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, est-ce que les membres de la commission
sont consentants si, à un moment donné, au cours du débat,
un haut fonctionnaire était appelé à donner des
explications à caractère technique, si l'on peut dire, de
parler...
M. PAUL: Pour autant que le ministre accepte.
LE PRESIDENT (M. Picard): ...au nom du ministre?
M.PAUL: Au nom du ministre et pour autant que la réponse paraisse
au nom du ministre dans le journal des Débats.
LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, je cède maintenant la parole au
ministre de l'Education.
Exposé général du
ministre
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je vous remercie, M. le Président.
L'habitude veut qu'au commencement de la discussion des crédits d'un
ministère, le titulaire fesse un certain nombre de remarques
générales.
Je vais donc m'y conformer et tenter, le plus brièvement possible
de donner une idée des activités du ministère de
l'Education pour l'année qui vient de s'écouler ainsi qu'une
prospective pour l'année à venir.
Je suis très heureux de retrouver ici ceux qui ont suivi
régulièrement, depuis trois ans, les travaux de cette commission.
Leur collaboration a certainement permis de donner à ces discussions de
crédits une tenue non seulement remarquée et remarquable mais
également permis d'en arriver à des réflexions qui n'ont
pas été sans avoir une influence sur l'orientation même du
ministère.
En effet, je ne considère pas la discussion des crédits
comme une corvée. Je ne considère pas la discussion des
crédits comme une lutte à finir entre les partis de l'Opposition.
Je considère que la discussion des crédits est une occasion non
seulement de poser des questions sur la gestion d'un ministère, non
seulement de s'interroger sur les aspects financiers mais également de
se demander quel doit être l'avenir. Et dans notre système
démocratique, il me paraît parfaitement souhaitable que les partis
de l'Opposition puissent également se faire entendre.
L'année dernière particulièrement, les
échanges d'opinions, la confrontation des points de vue m'ont permis,
quant à moi, de prendre conscience d'un certain nombre de
difficultés, d'un certain nombre de malaises auxquels, dans la mesure de
mes moyens, dans la mesure de ma juridiction, j'ai tenté d'apporter
certaines solutions.
Je souhaite donc et je n'en doute pas que ce même
ton se retrouve tout au cours de la discussion de cette année.
L'année dernière, les crédits ont été
étudiés en fonction de chaque unité administrative. Cette
année, la présentation technique du budget étant
différente, ils seront étudiés selon les 22 programmes de
la mission éducative et culturelle et un programme de la mission
économique du gouvernement. Je crois qu'il est important de souligner ce
fait, non seulement parce que le ministère de l'Education a fait un
effort particulier, au cours de cette année, pour s'adapter au
système PPB mais également parce que nous pouvons rencontrer
certaines difficultés d'adaptation, en cours de route, à cause
précisément de ces changements.
Je voudrais, avant d'aborder le fond même de mon court
exposé, rappeler brièvement les préoccupations dont j'ai
fait état l'année dernière et les suites qui y ont
été données. L'année dernière, comme je
venais à peine de prendre la direction du ministère, je
m'étais contenté, ne sentant pas qu'il était
indiqué de faire un bilan dont je n'avais de toute façon aucun
crédit, d'identifier certains secteurs prioritaires.
Le premier de ces secteurs concernait l'humanisation de l'enseignement
et de l'école. Le deuxième de ces secteurs, la langue
d'enseignement. Le troisième, la restructuration scolaire de
l'îlede Montréal.
J'avais également formulé le souhait de tenter
d'établir un dialogue de plus en plus précis, de plus en plus
intense avec les enseignants. Je crois qu'il est peut-être utile de
revenir sur chacun de ces secteurs et de tenter de mesurer ce qui a
été accompli.
Quant à la restructuration scolaire de l'île de
Montréal vous me permettrez de commencer dans le sens inverse de
1'énumération que je viens de faire je pense qu'un pas
important a été fait en ce sens. La Loi pour favoriser le
développement scolaire dans l'île de Montréal a
été sanctionnée le 21 décembre 1972.
Le Conseil scolaire de l'île de Montréal,
créé en vertu de cette même loi, conduit activement ses
travaux. Les élections scolaires seront tenues sur l'île de
Montréal en juin prochain.
Comme je n'ai pas l'intention de faire l'apologie de ces mesures, mais
uniquement de présenter une espèce de bilan, je m'arrête
là.
Quant à la langue d'enseignement, tout récemment, un plan
de développement a été présenté. Il ne
s'agissait pas d'une législation, mais de tout un ensemble de mesures
administratives qui portaient sur l'amélioration du français,
langue maternelle, sur l'enseignement du français, langue seconde, sur
l'enseignement de l'anglais, langue seconde, ainsi que sur un certain nombre de
mesures d'accueil destinées à une clientèle
particulière dans le secteur scolaire, c'est-à-dire les enfants
d'immigrants.
Ce plan d'enseignement des langues a été un plan
extrêmement travaillé et non improvisé comme un
éditorialiste mal informé l'a prétendu qui a fait
l'objet d'innombrables études, recherches et rencontres au niveau du
ministère de l'Education.
Ce plan qui est extrêmement complexe dans son application
puisqu'il met en jeu non seulement le ministère mais également
toutes les instances décentralisées à tous les niveaux
aux niveaux élémentaire, secondaire, collégial,
celui-ci peut-être moins mais très certainement, à cause de
la formation des maîtres, au
niveau universitaire a pu être annoncé et se verra
consacrer une somme de près de $100 millions sur une période de
quelques années.
Quant au troisième secteur, l'humanisation de l'enseignement
à l'école, là encore, bien qu'il s'agisse, contrairement
aux deux autres démarches, d'un programme qui n'est pas limité
dans le temps mais qui continuera tant qu'il y aura des activités
d'éducation, certains gestes concrets ont été
posés, en particulier par la promulgation du règlement
numéro 7 qui a été modifié de manière
à en favoriser l'application et également par le fait qu'une
mission, la mission numéro 7, a été mise sur pied pour
apporter l'information aux intéressés. Je cite également,
uniquement pour mémoire, la création des comités
d'école et des comités de parents, qui s'est faite au cours de
l'année dans le cadre de la loi 27.
Quant à l'autre point que j'ai rapidement cité, le
dialogue avec les enseignants, je crois qu'il faut bien admettre qu'il n'y a
pas eu de changement majeur et sans doute ne pouvait-il pas y en avoir. C'est
une préoccupation que je conserve et je crois qu'elle devra certainement
influer sur les orientations à venir du ministère de l'Education.
Je me contenterai uniquement de citer une importante rencontre qui a eu lieu
avec les cadres du ministère, le 10 avril 1973, rencontre au cours de
laquelle j'ai indiqué clairement à tous les fonctionnaires
l'importance pour chacun d'eux de faire un effort dans ses relations avec sa
clientèle, au sens large, et en rapport avec les communications du
ministère.
La préoccupation qui doit maintenant guider le ministère
ne peut être comprise que dans une certaine continuité. La
première phase du renouveau scolaire au Québec, sur laquelle je
n'ai pas l'intention de revenir et que j'ai abondamment traitée dans un
discours, le discours appelé discours de la rentrée, a
été caractérisée par la mise en place de structures
qui étaient nécessaires pour rejoindre l'objectif central de la
réforme entreprise, en gros de la démocratisation de
l'enseignement. Il y a eu la mise en place de commissions scolaires
régionales, la création du réseau collégial, la
formation d'une infrastructure plus étoffée pour l'enseignement
supérieur en particulier, pour la création de l'Université
du Québec.
Ce ne sont là que quelques exemples. Cet effort colossal
et je dis bien colossal non seulement en termes de ressources humaines,
mais également en termes de ressources financières, a
certainement aiguillé la société québécoise
sur la voie du progrès.
Je crois que nous abordons une nouvelle phase de l'évolution de
l'éducation et cette phase devrait être marquée par la
qualité de l'éducation et sa signification pour notre
collectivité. Je crois qu'il faudra et ceci n'est pas un
programme à court terme en venir à modifier les modes de
gestion, les modes administratifs, les responsabilités, de
manière à en arriver à une souplesse qui me paraît
de plus en plus nécessai- re en rapport avec une évolution rapide
dictée par les besoins mêmes de notre société.
Ceci signifie, en termes plus simples, qu'il faudrait, comme je l'ai
d'ailleurs laissé entendre lors de ma présentation de
l'année dernière, insister de plus en plus sur la
décentralisation. Lors du débat qui avait été
suscité par le Ralliement créditiste il y a quelques mois,
j'avais fait un certain nombre de remarques sur lesquelles vous me permettrez
de revenir, et je prendrai même la liberté de me citer.
En effet, ces remarques qui avaient été suscitées
par d'excellents commentaires, en particulier ceux du député de
Chicoutimi et également ceux du député de Saint-Jacques,
rejoignaient à bien des points de vue leurs orientations. C'est ainsi
que j'ai été amené à dire qu'il fallait donner une
importance fondamentale aux objectifs mêmes de l'éducation, et je
disais à ce moment-là: "C'est toujours à partir des
objectifs que l'on doit juger du fonctionnement d'un système quel qu'il
soit. Il est exact qu'il convient de revoir les objectifs de l'éducation
et d'y réfléchir. Ces objectifs ont été
définis il y a dix ans, dans un contexte différent, dans un
contexte qui ne pouvait même pas être comparable à celui
d'aujourd'hui. Par conséquent il me parait fondamental qu'on s'y
attache. C'est exactement ce que j'ai tenté de faire depuis que j'ai
l'honneur de diriger le ministère de l'Education. Cette réflexion
est en cours et je crois que déjà certaines orientations
commencent à se manifester."
Je voudrais donc donner quelques exemples qui témoignent de cet
effort de réflexion, lequel ne sera pas isolé dans le temps et
devra certainement se poursuivre encore pendant un an ou deux. Ainsi en ce qui
concerne l'enseignement élémentaire et secondaire, à la
suite de travaux, de consultations poursuivis depuis plus d'un an, le
ministère est en train de mettre au point certains documents explicitant
la nature de l'école élémentaire et les objectifs de
l'école secondaire.
En mars dernier deuxième exemple j'ai chargé
le Conseil supérieur de l'éducation de faire une vaste
étude sur l'enseignement collégial, étude portant sur les
résultats obtenus jusqu'ici dans le domaine de l'enseignement
collégial, sur les problèmes qu'il suscite, sur les orientations
à retenir pour en assurer le développement ultérieur.
Vous conviendrez avec moi qu'il serait pour le moins maladroit de
vouloir apporter des changements à un système aussi complexe et
aussi coûteux, disons-le, sans véritablement avoir une vue
d'ensemble. J'ai jugé que plutôt que de créer une
commission royale d'enquête, plutôt que de convoquer des
commissions parlementaires où un débat politique aurait pu
s'engager, il valait mieux confier à une autorité, dont
l'importance n'est plus contestée si jamais elle l'a été,
le soin d'aller jusqu'au fond des choses et de faire certaines
recommandations.
De plus, le Conseil des universités, toujours dans l'optique de
cette vaste réflexion, vient de me remettre un très important
document sur l'évolution de l'enseignement supérieur au
Québec durant la décennie 1970. J'aurai, d'ici une semaine ou
deux, aussitôt que les crédits seront terminés, une
rencontre avec le Conseil supérieur des universités qui
sera suivie d'autres rencontres s'il le faut au cours de laquelle nous
explorerons ensemble les recommandations qui doivent être retenues,
celles qui peuvent recevoir une application immédiatement ou celles qui
doivent être mises de côté. Il ne faut pas oublier qu'il
appartient à des organismes comme le Conseil supérieur de
l'éducation et le Conseil des universités de proposer certaines
réflexions et même d'être à l'avant-garde des
administrateurs, mais il appartient aussi aux administrateurs de tenir compte
des ressources de la collectivité et des contraintes que l'on a trop
tendance à mettre de côté lorsqu'on est dans l'Opposition,
ce qui est certainement une joie que je connaîtrai peut-être un
jour.
Enfin, j'aimerais parler d'un certain nombre d'études qui sont
peut-être plus sectorielles et d'ordre administratif mais qui s'imposent
aussi. En effet, il a fallu, je ne dirai pas aller très vite
nécessairement, mais brûler les étapes dans l'implantation
de notre système scolaire, c'est dire que certaines initiatives ont
été prises parfois sans que l'on puisse mesurer toutes les
implications. Je pense non seulement au réseau collégial, mais
également à l'implantation de nos polyvalentes. C'est la raison
pour laquelle nous avons entrepris toute une série d'études qui
devraient nous apporter les données nécessaires pour envisager
les changements majeurs dont je parlais dans l'optique d'une
décentralisation. Je pense à une étude sur le
fonctionnement des commissions scolaires de moins de 3,000
élèves, commissions scolaires qui se trouvent, à cause de
la disparité, à avoir des difficultés particulières
dont on n'a peut-être pas suffisamment tenu compte dans les politiques
générales du ministère.
Je pense à une étude sur le fonctionnement et
l'organisation des écoles secondaires polyvalentes, le groupe poly. D va
de soi que nous aurons l'occasion de revenir, si c'est le souhait de la
commission, sur différentes études. Je pense à une
commission d'étude sur la classification des enseignants, sujet qui
semble déclencher énormément d'intérêt en ce
moment. Je pense également à deux commissions d'étude, une
sur la tâche des enseignants de l'enseignement élémentaire
et secondaire, qui est prévue au décret de décembre 1972
ainsi qu'une commission d'étude sur la tâche des enseignants de
l'enseignement collégial, qui est également prévue au
décret.
Voici par conséquent un certain nombre d'exemples qui manifestent
bien le désir du ministère de l'Education, non seulement de tenir
compte de la continuité qui doit exister dans toute entreprise humaine
qui se veut valable, mais en même temps des problèmes tels qu'ils
se posent et de s'orienter en fonction des véritables besoins de la
société québécoise. De même que je l'avais
fait, l'année dernière, en identifiant un certain nombre de
secteurs où j'espérais apporter des solutions au cours de mon
mandat ou tout au moins au cours de l'année qui se présentait, je
voudrais procéder de la même manière et déterminer
un certain nombre de responsabilités, un certain nombre de
priorités pour l'année qui est maintenant devant nous.
En premier lieu, il y a la question des milieux
défavorisés. Il me paraît extrêmement important de
compléter l'objectif initial de la démocratisation de
l'enseignement en améliorant les moyens de compenser les carences ou les
handicaps qui existent dans notre société, y compris les
disparités sociales. Je dois, à ce sujet, bien indiquer qu'il
n'appartiendra pas au ministère de l'Education d'appliquer ces
politiques, en particulier dans la zone métropolitaine de
Montréal, où le problème se pose avec peut-être plus
d'acuité qu'ailleurs. C'est le conseil scolaire, qui représente
une démarche extrêmement utile à ce point de vue, qui aura
à agir. Vous vous souviendrez que lors du débat de la loi 71 nous
avons bien pris soin d'indiquer que cette question des zones-priorités
devaient recevoir un traitement spécial. Je suis d'ailleurs heureux de
constater que le conseil a su prendre ses responsabilités à cet
égard. Cependant, ceci ne signifie pas que le ministère ne
pourrait pas en arriver à définir des politiques
générales, lesquelles pourraient se traduire par des normes et
également par une assistance financière. D'ailleurs, j'ajoute
qu'il serait faux de ramener le problème des zones
défavorisées uniquement aux grandes zones urbaines parce qu'il y
a également en milieu rural des zones défavorisées qui
exigent une attention particulière.
Je voudrais également parler de l'enfance inadaptée. Une
politique globale s'impose de ce point de vue, même s'il est probable que
nous ne pourrons pas d'emblée y mettre des sommes extrêmement
importantes. Mais, de même que les milieux défavorisés
doivent recevoir l'attention qu'ils méritent, l'enfance inadaptée
doit certainement faire l'objet d'une réflexion plus précise,
plus importante. Je cite également, comme priorité de
l'année, l'éducation des adultes. L'éducation des adultes
et nous l'avons bien manifesté en changeant l'année
dernière le nom de la Direction générale de
l'éducation permanente en Direction générale de
l'éducation des adultes constitue très certainement la
priorité du siècle.
Si nous avons voulu changer ce nom, c'est pour bien montrer que la
fonction éducation permanente doit être la fonction de tout le
ministère de l'Education et non simplement d'une de ses directions
générales ou d'un de ses services, ce qui n'exclut pas qu'il y
ait une de ses directions générales ou d'un de ses services,
qui reçoive le mandat plus précis d'organiser
l'éducation des adultes. H n'y a pas de politique cohérente de ce
point de vue, même s'il y a de très nombreuses démarches et
de très nombreuses initiatives depuis quelques années.
J'espère, sans en être absolument certain, pouvoir apporter
des solutions dès cette année. D'ailleurs nous aurons
l'occasion d'en parler en cours de route si la commission le souhaite
toute la question du programme Multi-Media doit être rattachée
à cette politique globale de l'éducation des adultes.
Je voudrais également citer ma préoccupation sur le
développement des relations publiques du ministère de
l'Education. Le ministère doit réussir à améliorer
ses contacts directs avec ses administrateurs, avec ses enseignants, avec les
étudiants qui vivent dans le système, en fait avec toutes les
ressources humaines qui oeuvrent en fonction de ce même objectif qui est
de permettre l'accès à l'éducation de tous les jeunes et,
à notre époque, de tous ceux qui constituent la
société québécoise.
Il y aurait, bien sûr, un bon nombre d'autres problèmes
dont nous pourrons parler. Je pense à tout le développement de
l'éducation au niveau préscolaire, par exemple. J'ai
préféré me limiter à trois ou quatre grandes
priorités, comme je l'ai fait l'année dernière.
Il y a eu un certain nombre de changements de structures sur lesquels je
passe rapidement. Je vous ai cité le changement de nom de la direction
générale de l'éducation permanente; le service
d'information est devenu le service général des communications.
Il y a eu création d'un service général des personnels des
organismes d'enseignement, ce qui constitue une initiative extrêmement
heureuse sur le plan administratif parce que les problèmes de personnel
prennent une importance que vous connaissez à notre époque et
qu'il devenait nécessaire de pouvoir centraliser tous les services qui
avaient à traiter ce genre de problèmes.
Il y a eu, également, le rapprochement du service des parents du
service des bureaux régionaux. Le service des parents, étant
maintenant relié aux bureaux régionaux, peut
bénéficier d'une extension dans toute la province en utilisant,
malgré un budget qui n'est pas sensiblement modifié, les moyens
et les ressources humaines mises à sa disposition.
Je vais vous faire distribuer une pochette dans laquelle vous trouverez
tout un ensemble de documents portant sur l'organigramme du ministère,
les éléments de programmes, les organigrammes des
différentes directions, les imputations, les programmes des
unités administratives, le changement de la structure des
crédits, la relation entre la structure des crédits 72/73 et
73/74, les prévisions détaillées 73/74 par
catégories de programmes, la clientèle scolaire, la politique
budgétaire dans les CEGEP, le cahier CEGEP 1973, certains renseignements
sur Multi-Media et, enfin, les effectifs. Je compte vous faire distribuer,
aussitôt que possi- ble, une liste des grandes études et des
recherches en cours au ministère de l'Education, laquelle est plus
copieuse que les quelques exemples que je vous ai donnés et,
également, le détail des services professionnels.
En effet, je me souviens que, fréquemment, l'année
dernière en tout cas, il y a eu des questions de ce point de vue et j'ai
l'impression que nous pourrions peut-être économiser un temps
précieux qui nous permettrait de nous axer vers certains points
susceptibles de vous intéresser si vous pouviez avoir ces documents
à l'avance.
De plus, je vous fais distribuer immédiatement le rapport annuel,
non pas sous sa forme définitive, puisqu'il n'est pas encore prêt;
il ne sera prêt qu'au début de mai, le 9 ou le 10.
Mais vous avez le texte, avec une reliure temporaire, qui vous permettra
également de prendre connaissance du bilan, pour ainsi dire, de
l'année précédente et des prospectives de l'année
à venir.
Quelques mots maintenant de la structure budgétaire 73/74. Cette
structure budgétaire, vous le constaterez, a fait l'objet de pas mal de
changements depuis l'année précédente, à cause du
budget-programmes. Comme principaux changements, notons la formulation des buts
généraux du ministère en matière d'enseignement, de
formation, d'aide aux étudiants, de promotion du sport, de
développement des loisirs, de promotion de la langue française,
de support technique et administratif, et le regroupement des budgets en
fonction des programmes d'activité comparativement au regroupement par
unité administrative et par nature de dépenses.
Ces changements ont eu pour effet d'amener les responsables du
ministère à réfléchir davantage sur les
finalités de leur action, et je crois qu'un certain nombre des
études que j'ai citées peuvent être reliées à
cette réflexion. Il en découle qu'il devient plus facile de
regrouper certaines activités en fonction d'objectifs communs. Il va
sans dire que nous en sommes à la première année et nous
comptons bien, l'an prochain, au cours du cycle budgétaire 74/75,
améliorer davantage la définition de nos objectifs, de
manière à pouvoir préciser nos orientations et nos
stratégies sur une période de trois ans.
Je vais vous faire distribuer une feuille qui porte sur la justification
des crédits 73/74 et qui vous propose un ordre de discussion. Il va de
soi que je n'ai pas du tout l'intention de vous l'imposer mais je vous le
suggère pour la raison suivante. Il se trouve qu'avec cette nouvelle
présentation certaines activités relevant de directions
générales je pense en particulier à la direction
générale de l'élémentaire et du secondaire
se retrouvent dans plusieurs programmes. J'ai pensé qu'il était
peut-être assez compliqué de suivre l'ordre des programmes et de
discuter à fond les activités de ces secteurs alors qu'on serait
peut-être obligé, dans un
autre programme, d'y revenir. Je vous proposerais, par
conséquent, si vous voulez plus tard me rendre une décision de ce
point de vue, que l'on procède par groupe, ce qui permettrait, en treize
groupes, de toucher tous les aspects des activités du ministère
mais d'une façon peut-être plus logique que si on suivait les
programmes un à un.
C'est ainsi, par exemple, que le groupe 2 vous permettrait de discuter
les points qui vous intéressent touchant l'élémentaire et
le secondaire. A ce moment-là, nous toucherions en même temps au
programme 6, au programme 10, au programme 7, au programme 11, au programme 8
et au programme 12. C'est une simple suggestion que je vous fais, que vous
pouvez peut-être trouver expédiente.
Enfin, M. le Président, je voudrais ajouter quelques commentaires
sur la croissance des budgets. Selon les crédits déposés,
les crédits bruts du ministère pour 73/74 s'élèvent
à $1,521,798,800, ce qui représente 27.3 p.c. de l'ensemble des
crédits prévus par le gouvernement, alors que ce pourcentage se
situait à 27.2 p.c. en 72/73.
Les crédits bruts ont augmenté de $149 millions par
rapport à 72/73, ce qui implique une variation de 10.9 p.c. Les
principales augmentations au budget brut se retrouvent surtout au chapitre
d'enseignement, les services aux étudiants, les services de soutien et
du service de la dette pour les programmes élémentaire et
secondaire.
Je m'arrête là. Et ma conclusion sera brève, elle
rejoindra mon introduction, en ce sens que je veux souligner clairement que je
suis à la disposition de la commission, ainsi que tous les
fonctionnaires qui se succéderont au cours de cette discussion pour
apporter le meilleur éclairage possible sur les activités du
ministère de l'Education et également sur les projets du
ministère de l'Education.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le ministre. Je cède
maintenant la parole au leader parlementaire de l'Opposition officielle, le
député de Maskinongé. Je demanderais aux porte-parole des
différents partis de l'Opposition de me donner leurs commentaires au
cours ou à la fin de leurs remarques sur la suggestion faite par le
ministre de faire l'étude des crédits selon le schéma
qu'il nous a fourni tout à l'heure.
M. PAUL: M. le Président, il n'est pas dans mes habitudes de
participer à l'étude des crédits du ministère de
l'Education. Et c'est pourquoi ce soir vous avez devant vous un primaire qui ne
s'y connaît pas beaucoup dans toute cette administration assez complexe
et qui, en quelque sorte, joue un rôle extrêmement important dans
l'éducation et la formation de notre jeunesse.
Vous me permettrez d'en revenir de cette asphyxie dont je viens
d'être sujet, de même que mes collègues, surtout de
l'Opposition, à la suite de la distribution volumineuse de la
documentation préparée avec soin par des fonctionnaires
compétents, que je veux remercier, ce qui valorise d'autant le ministre,
pour toute cette documentation qu'on vient de nous distribuer.
C'est très généreux de la part de l'honorable
ministre, de nous distribuer un budget le soir même du début de
l'étude des crédits du ministère de l'Education. De
même qu'il fut intéressant de prendre connaissance, il y a
quelques minutes, du rapport annuel du ministère de l'Education.
Ce qui me frappe dans toute cette documentation c'est la couleur de
l'étui qui contient une mine de renseignements aussi riches, qu'il nous
faudrait sans doute avoir le temps de scruter et d'analyser. Et si je ne
retenais pas mon audace, j'irais jusqu'à proposer l'ajournement de nos
travaux pour permettre de prendre connaissance de toute cette documentation qui
nous serait si utile pour pouvoir suivre le ministre dans son envolée
vers l'humanisation de son ministère, comme il en parlait si bien tout
à l'heure.
Des mots, des mots, des mots, de l'action point. Le ministre comprendra
que c'est sans aucune animosité personnelle que je fais ces remarques.
Mais plus tard, dans le cours de mes propos, j'aurai probablement l'occasion de
revenir sur ces déclarations pieuses qu'il m'est donné d'entendre
pour la seconde fois, parce que l'an dernier, j'étais venu en simple
touriste aux travaux de la commission parlementaire, et j'avais
été frappé par l'idéal de vie, d'action, de
dynamisme qui caractérisait le ministre de l'Education.
Je rejoins parfaitement l'exposé que nous a fait le ministre
lorsqu'il nous a dit que l'étude des crédits du ministère
devait être en quelque sorte un point de départ, d'orientation,
d'analyse, d'appréciation de toutes les politiques mises en application
par un ministre sous les sages conseils de ses fonctionnaires. C'est l'occasion
qui nous est Sonnée d'interroger le ministre sur les différents
programmes non réalisés dans l'année écoulée
et sur ceux qu'il projette mettre de l'avant pour l'année
financière qui débute.
L'an dernier, le ministre nous avait parlé de ces trois objectifs
qu'il nous a rappelés ce soir. D nous a parlé tout d'abord de
l'humanisation de l'enseignement dans les écoles, la langue
d'enseignement. C'est effrayant ce qu'on a glissé vite là-dessus
comme si c'était sur une pelure de banane! Il ne s'est pas
arrêté, il a escamoté brièvement le sujet et pour
cause, j'y reviendrai tout à l'heure. Il s'est arrêté
à cette loi je crois que c'est la loi 71, que nous avons votée
à l'approche de Noël. Elle prévoyait la restructuration
scolaire sur l'île de Montréal qui aboutira à une
élection à laquelle participera pour la première fois le
contribuable de la ville de Montréal dans le choix de ses commissaires
d'écoles.
M. le Président, cette loi 71 me rappelle l'occasion par
excellence que nous avions fournie au ministre de l'Education de poser un geste
tangible pour faire du français la langue de travail. Le ministre,
à ce moment-là, ne s'est pas compromis, il n'a pas voulu se
rendre à l'amendement que nous lui avions proposé,
suggéré. Il préférait attendre à ce qu'il
disait, la production du rapport de la commission Gendron qui, finalement, a
été remis pour le 31 décembre 1972.
Le ministre a beaucoup insisté sur la réforme scolaire sur
l'île de Montréal. Il nous a quelque peu parlé de la langue
d'enseignement; il ne nous a pas parlé du rapport Gendron. Probablement,
le gouvernement n'est pas encore prêt à agir même si le
premier ministre, dans une distraction en fin de semaine, disait que
prochainement il sera en mesure d'annoncer la politique de son gouvernement
qu'il présentera à l'Assemblée nationale,
consécutivement à la production du rapport Gendron. Le ministre
nous a rappelé avec beaucoup d'humilité ce grand programme qu'il
avait l'intention de mettre en application et concernant la langue
d'enseignement. C'était le 3 avril, si ma mémoire est bonne, que
le ministre donnait une conférence de presse et qu'il annonçait
une action positive, dynamique, efficace qu'il entendait prendre pour faire du
français la véritable langue d'enseignement, de culture, de
communication au Québec. Sans oublier pour tout cela, M. le
Président, le droit de certains immigrants.
Le ministre a sans doute pris connaissance d'un excellent commentaire
que faisait à la suite de sa déclaration mon collègue le
député de Chicoutimi alors qu'il disait que le ministre de
l'Education, dans sa politique nouvelle, n'avait rassuré personne; il
avait au contraire fait naître des soupçons et forcé des
citoyens à s'interroger davantage sur ce que sera l'attitude de son
gouvernement face aux recommandations de la commission Gendron. S'il est
essentiel et prioritaire, disait mon collègue député de
Chicoutimi, d'axer les efforts des pouvoirs publics sur l'enseignement du
français à l'école et sur la formation de ceux qui doivent
dispenser cet enseignement, il importe plus encore, dans la conjoncture
actuelle de s'occuper de l'environnement linguistique qui détruit
fatalement les effets de ce que l'enfant acquiert dans le domaine de la
langue.
J'espère que le ministre ne fera pas qu'applaudir, qu'il agira
également.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je suis entièrement d'accord, M. le
Président, avec la déclaration du député de
Chicoutimi.
M. PAUL: Rien d'étonnant à ce que nous nous sentions
obligés de demander au ministre de l'Education je
répète la demande que formulait mon collègue le
député de Chicoutimi quand et comment il s'attaquera au
problème de la langue de travail. C'est une autre chose, mais on
l'attend depuis longtemps, cette autre chose. Pourtant, c'était une
priorité du programme du Parti libéral. Vous avez
été élu, M. le Président, avec ce
programme-là: 100,000 nouveaux emplois; 250,000 chômeurs au
Québec. Deuxièmement, français langue de travail.
Jusqu'ici, nous n'avons pas encore beaucoup de législations de la part
du gouvernement qui tâtonne, qui hésite, qui a peur, qui est
craintif, gouvernement timoré.
Heureusement que le ministre de l'Education, lui, va un peu plus de
l'avant, mais il ne sait pas s'il plaira à Son Excellence M. Paul
Desrochers, dans ses déclarations, étant obligé, lui
aussi, de retraiter quelquefois, par discipline, afin qu'il ne soit pas aux
prises avec les mêmes problèmes que son collègue, le
ministre de l'Industrie et du Commerce.
De toute façon, M. le Président, le ministre de
l'Education devra nous faire connaître la politique qu'il a l'intention
de mettre de l'avant quans aux raisons sociales qui sont utilisées au
Québec, à la publicité* à la qualité du
français, des media d'information. C'est une tâche qui attend le
ministre qui est bien intentionné, mais qui n'a peut-être pas tout
l'espace voulu pour prendre cet élan qu'il voudrait apporter à la
solution du problème, captif qu'il est de la discipline autoritaire d'un
certain politicien qui ne laisse pas toujours liberté d'action et de
pensée aux ministres, aux membres de l'Exécutif.
Le ministre dans sa déclaration nous a parlé
d'humanisation dans les écoles et dans l'enseignement. Que c'est beau!
Si j'étais plus jeune, je ferais de cet axiome, de cet idéal de
vie, un programme d'action politique. Enfin, nous allons implanter, restaurer
de nouveau dans nos écoles de l'humanisation. Que c'est donc beau! Mais,
en fait, qu'est-ce que le ministre a réalisé depuis un an pour
atteindre cet objectif?
Répétition de déclarations pieuses ce soir, mais
c'est le temps malheureusement pour le ministre de rendre compte de son
administration, de son action. Comment s'est-il acquitté de cette
tâche qu'il s'était volontairement assignée? Est-ce que ses
fonctionnaires l'ont épaulé? Ont-ils déserté? Je
m'interroge.
M. le Président, le ministre dit: Avec la loi 27, nous allons
enfin être capables d'humaniser nos milieux scolaires par la formation de
comités de parents. Cela embarrasse certains fonctionnaires du
ministère de l'Education, parce qu'on a cru bon de leur donner un gros
budget dans les crédits 72/73, $37,000 pour les comités de
parents sur qui on compte enfin pour humaniser nos écoles, le milieu
scolaire.
Quel est le véritable rôle joué par les
comités de parents? Ils ne se sentent pas compris, ils se rendent compte
assez souvent que leurs recommandations, leurs suggestions, leurs demandes
tombent dans le désert. Ils ont beau crier, revendiquer,
réclamer, aucune action positive, aucune voie auditive dans le
ministère de l'Education.
Le ministre nous dit: Dans une rencontre que j'ai eue avec mes
fonctionnaires... Il l'a ouverte le 10 avril dernier, c'était à
l'approche de la semaine sainte, c'était normal que le ministre,
à cette occasion, pense à améliorer le système de
l'éducation au Québec. Il a convoqué ses fonctionnaires et
avec eux 3 a tenté d'établir, d'arrêter une politique
d'humanisation qu'il tentera de mettre en application. De ce
côté-là, le ministre pourra compter sur la vigilance de
l'Opposition pour l'appuyer mais il faudrait que le ministre aille beaucoup
plus loin que les déclarations pieuses comme celles qu'il nous a faites
ce soir. Il faudrait qu'il mit une politique en application, qu'il nous offrit
un programme détaillé, schématique de recommandations, de
décisions, de politiques nouvelles qu'il mettra en application dans son
ministère pour atteindre cet idéal qui pousse sur les sommets:
l'humanisation du milieu scolaire.
Le ministre nous a parlé de la qualité de
l'éducation; cette qualité, elle sera atteinte par la
modification des modes de gestion et des modes administratifs. Le ministre nous
a signalé l'optique de décentralisation qu'il faut maintenant
envisager au ministère de l'Education. Le ministre nous parle,
très brièvement, du comité de déclassification et
non pas de classification des enseignants. Le ministre nous parle de l'enfance
inadaptée. Quelles seront les mesures mises en application? Quel est le
programme qu'envisage son ministère pour s'occuper de cette classe
défavorisée de notre société? Le budget du
ministère de l'Education s'accapare 28.3 p.c. du budget total de la
province. Mes calculs n'étaient pas exacts parce que j'arrivais à
28.1 p.c Comme le ministre a toute une batterie de fonctionnaires, je suis
sûr que les chiffres qu'il nous a donnés de 28.3 p.c. sont plus
précis que les miens.
Depuis dix ans, M. le Président, nous avons été
témoins de grandes réformes dans le système de
l'éducation au Québec. Je n'ai pas l'intention de rappeler les
nouvelles structures, la création et la formation des CEGEP, de
l'université du Québec et combien d'autres mesures faisant suite
à la fameuse opération 55 du prédécesseur de l'un
des prédécesseurs du ministre actuel de l'Education. En dix ans,
à la suite de l'adoption de la loi 27, le nombre des commissions
scolaires est passé de 2,000 qu'il était à environ 285. Le
palier des commissions scolaires régionales fut créé.
Est-ce que nous avons obtenu le résultat espéré?
Je comprends qu'une période de rodage est nécessaire pour
aplanir toute cette difficulté administrative que l'on rencontre par
suite de cette fusion de nombreuses commissions scolaires, mais je crois qu'il
y a lieu d'espérer des résultats avantageux de cette
centralisation administrative des commissions scolaires. On a mis sur pied, M.
le Président, le niveau collégial et on a fondé
l'Université du Québec. Tout semble indiquer que les grandes
réformes de structure et les grands chambardements sont enfin
révo- lus. On a maintenant un nouveau système, une nouvelle
ossature au ministère de l'Education. Est-ce que cette ossature est
complète? Il semblerait que oui, possiblement que non, mais,
certainement, les grandes réformes que recommandait le rapport Parent
ont été réalisées. Il est devenu urgent et
nécessaire d'envisager maintenant l'aspect qualitatif du système
et des réformes. C'est avec regret que l'on constate un profond malaise
dans tout le secteur de l'éducation au Québec. Je ne voudrais pas
scandaliser le ministre. Il ne faudrait pas qu'il ait l'impression que tout se
déroule dans un monde merveilleux où il n'y a pas de friction,
où il n'y a pas de problème et que sous la houlette d'un
psychiatre tout s'efface, tout disparaît et que la baguette magique
apporte une solution heureuse à tous ces problèmes.
Je vous ai mentionné, tout à l'heure, que le ministre,
l'an dernier, nous parlait d'humanisation dans les écoles et, si ma
mémoire est bonne, à la suite d'une lecture assez rapide que j'ai
été dans l'obligation de faire, entre 4 heures et 6 heures cet
après-midi des débats qui se sont tenus l'an dernier à
l'occasion de l'étude des crédits du ministère de
l'Education, j'ai cru constater que le ministre qui était
fraîchement nommé, qui nous arrivait de la culture à
l'éducation, culture qu'il a retenue et retrouvée, et à un
tel point qu'on se demande si le ministère de l'Education n'est pas tout
simplement en voie d'absorber totalement le ministère des Affaires
culturelles. C'est le même ministre. On m'informe qu'il y a mariage et
imbrication de fonctionnaires de l'un et de l'autre ministères.
Quelqu'un me disait très récemment que c'était la
politique non avouée du ministre actuel de l'Education d'absorber le
ministère des Affaires culturelles.
Nous aurons sûrement l'occasion, pas moi hélas! d'en
apprendre beaucoup sur le ministère des Affaires culturelles. Une chose
certaine, même si le ministre doit se partager entre deux
responsabilités, le peu de temps qu'il donne au ministère des
Affaires culturelles est encore beaucoup plus efficace que le travaille de
l'ancien titulaire du ministère.
M. le Président, vous admettrez que c'est un compliment à
peine voilé que j'adresse au ministre. Cette année, le discours
inaugural nous annonçait que le ministre avait décidé de
revenir au vieux thème publicitaire: On humanisera nos écoles
encore une fois. On se rappelle que cette partie du discours de Son Excellence
le lieutenant-gouverneur a été entendu par nos collègues
du Parti québécois, parce que ce fut récité en
français par Son Excellence le lieutenant-gouverneur.
Mais encore là, comment, dans la législation, actualiser
cette déclaration de principe? Nous allons attendre parce que nous avons
un gouvernement qui nous présente des lois à la petite semaine,
à petite dose, suivant le feu de l'époque, sans beaucoup de
préparation. C'est une loi qui nous viendra sans doute en temps
opportun.
Le premier ministre, l'honorable Robert Bourassa, fils spirituel et
politique de M. Paul Desrochers, ce dernier père intellectuel du
député de Mercier, déclarait récemment que son
gouvernement avait adopté de nombreuses lois, au-delà de 300 en
1,000 jours. Si je m'en reporte au rapport préliminaire qui nous a
été remis ce soir, je constate, à la page non
numérotée de ce rapport, dans la section T-16, toute la liste des
lois adoptées entre le 1er avril 1971 et le 1er mars 1972: Loi
concernant le regroupement et la gestion des commissions scolaires,
sanctionnée le 10 juillet 1971; Loi modifiant la loi des collèges
d'enseignement général et professionnel, sanctionnée le 8
avril 1971; Loi modifiant la loi concernant les délégués
aux commissions scolaires régionales, sanctionnée le 18 juin
1971; Loi abrogeant certaines dispositions légi-latives en
matière d'éducation, sanctionnée le 1er décembre
1971; on n'a encore rien fait en 1972; Loi modifiant de nouveau la loi de
l'instruction publique et modifiant la loi concernant le regroupement et la
gestion des commissions scolaires, sanctionnée le 23 décembre
1971; Loi modifiant la loi concernant les commissaires d'écoles pour la
municipalité de ville d'Anjou, dans le comté de Lafontaine,
sanctionnée le 8 avril 1971; Loi modifiant la loi concernant la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, sanctionnée le 10 juillet 1971. C'est ce que j'appellerai
des "loi-settes". Ce n'est rien pour partir en grande campagne comme le faisait
un jour l'ancien député de Vaudreuil-Soulanges en disant: Nous
avons enfin une réforme dans l'éducation. Suivez-moi.
Je pense bien que nous n'avons que des mots alors qu'il faut une action
énergique positive et un besoin de décision et d'une
véritable politique qui s'impose au ministère de l'Education.
Je n'ai pas l'intention d'ajouter davantage, sauf que j'aurais
peut-être encore quelques remarques à vous faire quant à
différents problèmes que nous retrouvons dans le monde de
l'éducation. J'aimerais que tous ensemble nous nous demandions ce soir
comment il se fait que malgré la gratuité scolaire seulement 30
p.c. des jeunes vont au CEGEP. En 1973, dans notre économie moderne, 70
p.c. des jeunes choisissent de ne pas aller au CEGEP parce qu'ils sont
insatisfaits du système. Si c'est là la véritable raison,
je crois que c'est notre devoir à tous de nous asseoir autour d'une
table, de bien analyser froidement la situation et de chercher une
réponse à cette désertion de nos CEGEP. Les parents se
rendent compte qu'ils sont de plus en plus rejetés. Je disais tout
à l'heure que le ministère trouve que les comités de
parents, cela dérange le ministère.
Alors, on les éloigne. Je vous ai mentionné la
contribution plus que généreuse du ministère de
l'Education: $37,000, sur un budget de $1,370 millions en 72/73.
UNE VOIX: Ce n'est malheureusement pas vrai.
M. PAUL: Ce n'est malheureusement pas vrai, tant mieux. Le ministre
pourra me corriger.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Il faut ajouter un zéro.
M. PAUL: Pardon?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est simplement pour ne pas vous induire en
erreur, M. le Président, si le député de Maskinongé
me le permet. Vous oubliez un zéro.
UNE VOIX: A la fin.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): A la fin, oui. En fait, c'est autour de
$350,000, $375,000.
M. PAUL: $360,000, $375,000. Je m'excuse.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est $0.25 par étudiant.
M. PAUL: Je remercie le ministre d'avoir rétabli la
vérité. Mais, encore là, ce n'est pas suffisant. Au lieu
d'être un centième de 1 p.c, c'est un dizième de 1 p.c.
Mais ce n'est pas avec cela que vous allez humaniser l'enseignement.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Pas avec de l'argent, 'd'ailleurs.
M. PAUL: Non, c'est avec des principes. M. CLOUTIER (Ahuntsic):
Voilà!
M.PAUL: C'est avec des principes. C'est avec une politique de
compréhension entre, d'une part, les autorités du
ministère de l'Education, d'autre part, les enseignants,
troisièmement, les parents et, quatrièmement, les acteurs, qui
sont les étudiants. Lorsqu'on sera capable de faire tourner cette roue
dans un axe bien orienté, nous pourrons obtenir un résultat dans
la réforme scolaire.
Les professeurs font la grève perlée parce qu'ils ne sont
plus que des numéros, des objectifs programmés, sans
sécurité d'emploi et sans satisfaction. Au niveau universitaire,
c'est le même marasme, M. le Président, la même situation
qui se présente. Depuis trois ans je dis depuis trois ans, nous
sommes en 1973, trois ans, c'est 1970 il ne s'est pas passé une
année sans qu'il y ait une grève d'au moins trois semaines
à l'UQAM, sur un total de 30 semaines. A l'Université de
Montréal, c'est la même chose. Qn assiste à une absence
complète de direction et de leadership. Les programmes foisonnent sans
considération d'efficacité ou des besoins du milieu. Je crois que
c'est là l'erreur que l'on commet au ministère de
l'Education.
De l'an dernier à cette année, la classe des finissants en
génie civil, à Laval, est passée de
49 étudiants à neuf et on ne rationalise même pas
encore les programmes d'études. Des scandales similaires se retrouvent
dans le domaine de la recherche, avec l'Institut national de recherche
scientifique. On ne sait trop qui de l'université ou de l'Institut
national de recherche scientifique pourra assurer une rationalisation de la
recherche. C'est une lutte entre ces deux institutions. Les étudiants ne
trouvent pas de débouchés à leur sortie des études.
Pardon? Vous parlerez quand ce sera le temps. Pour le moment, c'est le grand
monde qui parle. Attendez.
M. VEILLEUX: Le député de Maskinongé devrait aller
faire un tour dans les écoles. Cela lui ferait du bien.
M. PAUL : Oui, j'y vais, dans les écoles.
M. VEILLEUX: Retournez-y, vous en avez besoin.
M. PAUL: Quant à ça, celui qui parle, M. le
Président, s'il y en a un qui a besoin de retourner à
l'école, c'est bien lui. Quand on considère son
inefficacité à l'Assemblée nationale, sa participation
béate et angélique aux débats de l'Assemblée
nationale, je crois qu'il n'est pas mûr pour siéger dans cette
Assemblée et les électeurs de son comté le jugeront en
temps opportun.
M. VEILLEUX: C'est encore mieux que de porter un menhir comme
Obélix!
M. PAUL: M. le Président, des discours! Et on laisse Ottawa les
embrigader dans des cataplasmes comme les Initiatives locales et
Perspectives-Jeunesse. C'est cela qui les attend, c'est cela le sort de nos
étudiants aujourd'hui, au lendemain de leurs études secondaires.
Pourquoi? Parce que le gouvernement, dans sa politique économique, n'a
rien à leur offrir et le ministère de l'Education ne prend pas
l'initiative de mettre sur pied un programme d'action, d'orientation pour ces
jeunes. Dans ce domaine, comme on l'a vu la semaine dernière, le
gouvernement provincial capitule, le ministère de l'Education retraite
et il laisse Ottawa prendre le champ de l'initiative de l'embauche dans des
programmes tels que Perspectives-Jeunesse.
Malgré le fait que les frais de scolarité au niveau de
l'université soient limités à $500 par année, moins
de 15 p.c. des jeunes vont à l'université.
Plus près de nous, il y a tout le problème du reclassement
des professeurs et des nombreuses mises à pied. La Commission des
écoles catholiques de Montréal mettra à pied 51
professeurs prochainement. Elle a décidé de ne pas
réengager 127 enseignants pour l'année scolaire 1972-1973.
Dans ma propre région, à Shawinigan, une
déclassification de 23 enseignants au CEGEP de Shawinigan. Qu'est-ce que
fait le ministre de l'Education en face du problème des CEGEP
actuellement? Le ministre avait, à un moment donné,
créé un certain espoir. On croyait avoir trouvé en lui un
interlocuteur valable. Je ne sais pas quelle main noire a arrêté
le ministre qui n'entend pas intervenir personnellement dans le conflit des
professeurs des CEGEP. On les déclassifie, on ne les classe pas.
C'est la déclassification des enseignants qui est la marque de
commerce du ministre actuel. Et le ministre dira: C'est une politique qui avait
été mise en application à la suite de l'adoption de la loi
25. Il y avait un mécanisme de prévu dans la convention
collective de 1968-1971, et voici que le ministre prolonge le cataplasme
jusqu'en 1974. Il a créé une commission qui fera rapport, je
crois, en 1975, si ma mémoire est bonne, ou peut-être 1974.
Vous savez, j'accepte toujours les corrections que le ministre me fait,
parce que s'il y a un ministre pour qui je nourris beaucoup d'admiration, c'est
bien l'honorable ministre de l'Education, étouffé comme il est
par les responsabilités, captif d'une politique qui ne lui plaît
pas. Mais en homme discipliné qu'il est, il accepte de servir.
Mais ce que les étudiants ne veulent pas, c'est d'être
asservis par l'autorité fédérale.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): L'autorité fédérale?
M. PAUL: Oui, l'autorité fédérale.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Ah bon! je n'ai pas suivi.
M. PAUL: Non, vous n'avez pas suivi. Demandez aux étudiants...
Pardon?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je suis très impressionné par la
dialectique.
M. PAUL: Non, allez voir les étudiants et demandez-leur quel est
le sort qui leur est réservé à la suite de ce fameux
programme d'éducation qui leur est offert, qui aboutit à quoi et
vers quoi? Nous n'avons pas le droit de rester indifférents devant une
situation qui se dégrade de jour en jour.
Il y a des réformes qui s'imposent et, personnellement, je suis
fort heureux de constater qu'il y a un retour à l'enseignement
privé qui, à toutes fins pratiques, coûte 85 p.c. de ce que
l'institution publique coûte. Il y a un retour à l'enseignement
privé parce que le ministre lorsqu'il nous a présenté son
budget supplémentaire, nous a bien spécifié que les
projections de septembre dernier avaient été
dépassées par la fréquentation scolaire dans les
institutions privées.
Et je me demande si le ministre ne devrait pas aller jusqu'à
octroyer des sommes d'argent pour le niveau primaire et le niveau
secondaire.
Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas signaler le silence
du ministre de l'Education sur l'efficacité du service de prêts et
bourses de son ministère. Je veux féliciter les fonctionnaires en
charge de ce service parce que je crois que le service de prêts et
bourses aux étudiants du ministère de l'Education a finalement
trouvé une voie rapide de solution des problèmes qui lui sont
soumis par de nombreux étudiants. Il y a une grande amélioration,
et j'espère que le ministre pourra citer à d'autres services de
son ministère l'efficacité de ce service de prêts et
bourses aux étudiants du ministère de l'Education. Ce n'est pas
encore parfait, il y a toujours sujet à amélioration, on est
toujours perfectible, mais si tous les services du ministère de
l'Education se distinguaient comme le service des prêts et bourses, je
crois que nous aurions moins de problèmes au ministère de
l'Education.
Multi-Media: silence de la part du ministre. Nous aurons l'occasion d'en
parler un peu plus tard parce que, l'an dernier, le ministre avait
contourné les questions. C'est dommage, je ne pourrai probablement pas
assister à toute l'étude...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Il ne faut pas manquer ça.
M. PAUL: Bien, c'est impossible.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Bien, voyons, faites un effort.
M. PAUL: M. le Président, demain je vais jouer dans une autre
commission...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): On vous attendra.
M. PAUL: ... la justice. M. le Président, je me sentirai plus
à l'aise, primaire que je suis devant toute cette cathédrale de
technocrates bien renseignés mais qui prennent soin cependant de combler
notre ignorance en nous distribuant, longtemps à l'avance cependant, une
riche documentation qui nous permet d'étudier avec beaucoup de
facilité les crédits du ministère de l'Education. Pas un
mot du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux sports et loisirs, mais sans
doute que le député de Vaudreuil-Soulanges reviendra pour que
nous ayons l'avantage de connaître la véritable politique du
gouvernement dans le domaine des sports et des loisirs.
M. le Président, je m'excuse si j'ai parlé à
bâtons rompus dans un domaine que je ne connais pas beaucoup, et le peu
de temps dont j'ai disposé m'a permis de prendre quelques notes afin
d'assurer cependant le ministre de l'Education d'une collaboration de notre
part pour une étude intelligente, pratique, rapide si possible, sans
qu'elle soit escamotée, de la politique que le ministre de l'Education a
l'intention de mettre en application pour la prochaine année scolaire.
Et tant et aussi longtemps que le ministre saura s'entourer de fonctionnaires
compétents, il pourra assez bien se débrouiller à la
tête du ministère de l'Education. Mais j'espère qu'il
n'avalera pas cependant la culture et qu'il se départira de cette lourde
responsabilité qu'il a acceptée généreusement au
départ de madame le ministre; ce n'est pas le manque de candidats, M. le
Président, il y a beaucoup d'aspirants ministres dans cette
équipe de 72. Je comprends que 26 ont déjà vu leur
rêve de jeunesse comblé; il y en a d'autres, M. le
Président, qui noient constamment leur déception, alors que le
ministre, dans un grand geste de désintéressement, de
démocrate, demande au premier ministre de le libérer de cette
double responsabilité qu'il a actuellement et je suis sûr qu'il
pourra se donner avec encore plus de générosité, plus de
temps à son ministère de choix, j'en suis sûr, celui de
l'Education.
Je ne parle pas de son ministère de préférence, je
parle de son ministère de choix, parce qu'il a accepté l'offre
généreuse que lui a faite le premier ministre d'assumer la
responsabilité du ministère de l'Education. Il a
été généreux. C'est vrai que ce n'était pas
une petite tâche qui l'attendait en voulant replâtrer tous les pots
cassés de son prédécesseur.
Le ministre de l'Education a toujours eu des tâches assez odieuses
depuis qu'il est avec nous. Remplacer le ministre des Affaires culturelles,
prendre la place dans l'administration du ministre de l'Industrie et du
Commerce. Mais le ministre est jovial, il est sincère, il est
honnête dans ses réponses, même si parfois il est incomplet,
même s'il parle souvent beaucoup. Si ses réponses sont longues,
elles ont la qualité d'être teintées de franchise.
Je suis sûr que c'est avec cette marque de commerce qu'il nous
livrera les réponses tant attendues aux nombreuses questions que nous
aurons à lui poser. Je vous remercie de votre patience, honorable
président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le porte-parole du Ralliement
créditiste, le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: M. le Président, je remplace ce soir M. Yvon Brochu.
J'ai su à la toute dernière minute que je devais venir à
la commission; je me bornerai donc à faire quelques remarques et surtout
à poser quelques questions au ministre. Il voudra bien répondre
lors de l'étude des crédits.
Est-ce que le ministre, M. le Président, est satisfait des
résultats obtenus jusqu'ici dans l'éducation? Je crois que
ça laisse un peu à désirer. Lui même nous l'a dit
par quelques remarques qu'il voulait par exemple pratiquer la
décentralisation. Je lui demanderais à ce niveau-là ce
qu'il veut dire par décentralisation. Est-ce qu'il juge qu'il a trop
centralisé? Est-ce qu'on a trop centralisé dans le passé,
puisqu'il désire une action future de décentralisation? Dans ce
programme colossal qui nous est remis ce soir pour étudier les
crédits du ministère de l'Educa-
tion, est-ce que le ministre est réellement satisfait de ce que
le ministère de l'Education lui apporte en ce qui concerne la
bureaucratie monumentale de ce ministère, je dirais même ce
monstre de l'éducation?
Est-ce que le mot est trop dur? Je me le demande. Le ministre disait
tout à l'heure aussi qu'on avait brûlé des étapes.
Si on a brûlé des étapes, quelles en ont été
les conséquences? Est-ce que les conséquences ont
été heureuses ou malheureuses? Pour se situer de bonne
façon en éducation, je crois que nous devons regarder les
résultats. C'est à ce niveau, je crois, que nous devons nous
demander si nous devons être fiers de ce que nous avons fait en
éducation depuis la dernière décennie.
Je veux parler ici un peu de l'école catholique. C'est un mot
assez bizarre de nos jours. Je dois dire que cela n'existe pratiquement plus.
J'ai un cousin qui est prêtre catholique et qui est actuellement
employé dans une polyvalente à Chicoutimi.
M. LESSARD: Pas l'abbé Otis?
M. AUDET: Je vois certains sourires.
M. LESSARD: Pas l'abbé Otis?
M. VINCENT: Cest quasiment surprenant que vous n'ayez pas
été candidat libéral dans ce coin-là.
M. AUDET: Ce même homme du clergé qui est l'un des
nôtres, un Canadien comme nous autres, un Canadien français, dit
qu'il n'a plus sa place à la polyvalente. La pastorale est
complètement exclue des heures de cours. Il est comme un chien dans un
jeu de quilles, comme on peut dire en bon canadien. On parle d'humanisation.
Admettons qu'il y a eu déshumanisation. Je crois que ma pensée
est correcte parce qu'on admet qu'il y a eu déshumanisation dans nos
écoles.
Je crois que sortir Dieu des écoles ne peut que conduire
l'éducation à un fiasco monumental. Le ministre se pose des
questions. Je me demande s'il trouve, lui, que Dieu est encore présent
dans l'école. L'éducation veut dire montrer à vivre,
montrer à aimer ses semblables, apprendre à se respecter et
à respecter les autres. Je crois que les élèves qui
sortent de nos écoles aujourd'hui ne savent pas cela; on ne leur a pas
appris ces choses-là. C'est l'éducation fondamentale, c'est ce
qui forme un être humain. En plus de lui apprendre à lire,
à compter et à écrire, on doit lui montrer à vivre.
De moins en moins nos enfants savent vivre comme du monde. C'est ce que je
voulais dire ce soir, M. le Président.
Ce sont les résultats que l'on a qu'on doit regarder. Les
résultats sont déplorables. Est-ce que notre école
actuelle se dirige vers ce but ou ne prend-elle pas une direction tout à
fait opposée?
Nous avons souvent dit dans notre groupement ici au Parlement que
l'élève était au service de la norme, est-ce que c'est
vrai, oui ou non, d'après les résultats obtenus? N'est-ce pas une
tentative de donner l'instruction sans l'éducation? C'est ça
qu'on se demande, M. le Président. Quand nous avons qualifié ce
ministère de ministère de l'Education, nous avons l'impression
qu'on voulait s'aligner justement vers une instruction sans éducation.
Au sujet de la brique qu'on nous a présentée ce soir, je la
qualifierai de passablement indigeste, parce que présentée
à la dernière minute surtout, je crois qu'elle est indigeste
autant pour le député de Maskinongé qu'il l'a
mentionné tout à l'heure, je crois que même pour le
ministre, elle est indigeste.
Maintenant, on parle beaucoup de comités de parents. Est-ce que
c'est simplement pour faire croire aux parents qu'ils ont encore un mot
à dire dans l'éducation? Qu'ils peuvent encore faire des
recommandations ou si c'est seulement pour les inviter à avoir
réellement un mot à dire, réellement les
écouter?
Si on fait tellement état des comités de parents, je crois
que leur faible voix est passablement ignorée de nos jours. J'en
profiterai pour mentionner ici des résolutions faites par un groupe de
parents de mon comté qui sont encore moins écoutés, je
crois, que beaucoup d'autres parents. J'en profiterai, à cette
commission parlementaire, pour mentionner quelques recommandations de ces
parents. Peut-être seront-ils écoutés, puisqu'à
cette commission sur l'éducation nous avons les vrais responsables, les
grands responsables de l'éducation, et peut-être que ces quelques
recommandations éveilleront l'attention de ces responsables.
M. le Président, je cite ici des recommandations de parents, d'un
groupe de parents: "Attendu qu'un grand nombre de parents considèrent
que le passage des élèves de la 6e année au secondaire I,
c'est-à-dire la disparition du grade 7 aux polyvalentes, est
"détrimentaire" à bien des points de vue à des enfants de
cet âge;" "Attendu que l'espace manque dans la plupart des écoles
polyvalentes pour accueillir les élèves du secondaire I au
secondaire II alors qu'il y a place pour eux dans les écoles locales;"
"Attendu que le Conseil supérieur de l'éducation a
recommandé qu'on ouvre des écoles satellites pour le premier
cycle du secondaire;" "Attendu que cette question de transfert
d'élèves, il y a lieu de tenir compte des difficultés
particulières que l'on va créer dans les milieux ruraux;"
"Attendu que les matières du programme de secondaire I et de secondaire
II permettent l'utilisation de lieux indépendants des polyvalentes et
que le règlement no 7 ne spécifie pas le lieu où doivent
se regrouper des secondaire I et secondaire II."
Le 8 juin 1972, lors d'un congrès regroupant 350 parents de 63
paroisses de l'Abitibi-Est et de l'Abitibi-Ouest, il fut proposé,
à l'unanimité,
dont une abstention, que le secondaire I et le secondaire II soient
organises de façon qu'ils puissent être accessibles aux
élèves concernés, soit dans les écoles locales
existantes, soit dans des sous-centres.
Attendu qu'un transport allongé imposé à des
élèves de l'élémentaire pour les conduire dans une
autre localité que la leur fatigue davantage inutilement
l'élève de cinq à douze ans;
Attendu qu'un repas à la boîte à lunch crée
un autre inconvénient à l'enfant et a certes des
répercussions sur sa santé;
Attendu que l'élève transporté dans une autre
localité que la sienne est éloigné inutilement de son
milieu familial, déraciné de son milieu social et mis en
état d'insécurité;
Attendu que nos efforts doivent concourir à créer le
meilleur climat possible à l'école, c'est-à-dire la rendre
plus humaine pour l'épanouissement complet de l'élève;
Attendu que nous croyons qu'il est possible pour un élève
faisant partie d'une classe à divisions multiples de réussir son
année scolaire même si nous sommes conscients du travail accru que
doit apporter le professeur.
Le 8 juin 1972, lors d'un congrès où se réunissait
350 parents de 63 paroisses de l'Abitibi-Est et de l'Abitibi-Ouest, il fut
proposé et accepté à l'unanimité que pour le bien
de nos enfants ils puissent recevoir l'instruction et l'éducation dans
leur milieu et que, par conséquent, que tout transport des
élèves de l'élémentaire dans une autre
localité soit évité.
Ici, quelques recommandations au sujet de la drogue.
Attendu que la drogue, y compris le cannabis, est reconnue par la
majorité des médecins, des psychiatres et des psychologues comme
étant nuisible à la santé psychique et psychologique de
ceux qui en font usage;
Attendu que les jeunes étudiants du secondaire et même de
l'élémentaire peuvent facilement se procurer de la drogue
même si le trafic en est interdit;
Attendu que le nombre de parents, dû â l'éloignement
des centres de renseignements, ignorent les effets et les méfaits de la
drogue chez les jeunes et que, par le fait même, ne réalisent pas
que leurs propres enfants en font usage;
Attendu qu'il est assez facile d'importer clandestinement de la drogue
vu le manque de contrôle sévère aux douanes;
Attendu qu'on déplore une trop grande tolérance dans
l'application de la loi qui régit les drogues et dans les sentences
données aux adultes reconnus comme trafiquants.
Le 8 juin 1972, lors du congrès groupant 350 parents de 63
paroisses de l'Abitibi Est et Ouest, il fut proposé et accepté
à l'unanimité que des pressions soient faites auprès des
autorités concernées pour qu'un contrôle plus
sévère soit effectué à l'importation de drogues et
que les sentences soient appliquées selon les exigences du code criminel
pour les adultes, spécialement les éducateurs qui font le trafic
de la drogue auprès des jeunes.
Deuxième résolution, que nous nous opposions à la
législation du cannabis, tel que suggéré dans le rapport
Le Dain parce qu'il est reconnu comme ayant des effets néfastes sur la
santé physique et psychologique de l'adolescent.
Troisième résolution, qu'une campagne d'information soit
organisée par l'OPTAT surtout dans les paroisses éloignées
des centres, afin de renseigner les parents et les adolescents sur les effets
et les méfaits de la drogue.
M. le Président, ce sont les quelques remarques, les quelques
résolutions que j'avais à apporter à cette commission
parlementaire, pour que soient réellement entendus, une fois parmi de
rares fois, les parents dont le ministère de l'Education se targue de
laisser autant de champ d'action. Je serais heureux de voir, de constater qu'on
a entendu ces quelques résolutions et qu'on les mettra à
l'étude pour en faire une amélioration dans le système
d'éducation. M. le Président, je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je remarque, messieurs, qu'il est dix heures
moins trois minutes. Est-ce que la commission pourrait ajourner ce soir
à...
M. CHARRON: Me donnez-vous les trois minutes, M. le Président? Je
ne veux pas aller plus loin que cela.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le porte-parole du Parti
québécois, le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je crois qu'à la prochaine
séance, je pourrai faire les remarques préliminaires suite
à celles du ministre, si vous voulez, mais j'aimerais demander au
ministre, avec qui j'ai eu de bonnes relations au cours de l'année, une
faveur avant l'ajournement. Ne serait-il pas possible que la prochaine
séance soit suffisamment éloignée de celle de ce soir pour
nous permettre au moins je ne veux pas dire l'étude exhaustive mais la
lecture, ne serait-ce que la lecture de quelques pages essentielles à
ça, à ça et à d'autres documents accumulés
au cours de l'année... Je n'accuse personne de mauvaise volonté.
Je crois que le ministre, à ce que j'ai su cet après-midi, a
été aussi surpris que moi d'apprendre que l'étude de ses
crédits commençaient ce soir. Tout le monde était
surpris.
Je ne pense pas que l'action du gouvernement soit paralysée par
le fait que notre commission accepterait, par exemple, de se donner la
journée de demain à toutes fins pratiques, c'est quatre
heures de séance, si on calcule que, demain soir, nous ne
siégeons pas et de reporter notre prochaine séance
à jeudi. Je sais bien que le leader du gouvernement n'a pas
été consulté pour nous donner la journée de
demain. Je suis convaincu que je respecterai l'état d'esprit qui a
animé les trois participations précédentes à
l'étude des crédits de la commission, et, comme celui qui
préside à l'étude que nous entreprenons ce soir, je veux
le faire de façon sereine, car c'est à peu près la seule
chose qui me reste que je trouve intéressante au Parlement. Je
demanderais, s'il est possible, de retarder à jeudi matin, dix heures ou
neuf heures et demie, peu importe, la prochaine séance. On se donne 24
heures.
LE PRESIDENT (M. Picard): Un instant, s'il vous plaît. J'aimerais
faire remarquer au député de Saint-Jacques que c'est un ordre de
la Chambre qui nous convoque pour demain matin à neuf heures trente.
Etant donné que la Chambre ne siégera pas avant trois heures
demain après-midi, nous ne pouvons pas aller à l'encontre d'un
ordre de la Chambre.
M. CHARRON: Est-ce que la commission ne peut pas d'elle-même
ajourner?
LE PRESIDENT (M. Picard): Pas lorsqu'il y a un ordre de la Chambre. S'il
y a un ordre de la Chambre de siéger demain matin à neuf heures
trente pour étudier les crédits du ministère de
l'Education, nous devons siéger demain matin à neuf heures
trente.
M. CHARRON: Cela n'a pas une maudite allure ; nous allons être
obligés de passer la nuit dans ces affaires-là.
LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Si je peux me permettre, je voudrais dire que je
comprends fort bien le député de Saint-Jacques. J'aurais
souhaité, pour ma part, avoir même une réunion
préliminaire quelques semaines avant la discussion des crédits
pour saisir les membres de la commission de certains aspects un peu
particuliers de la discussion, cette année.
Cependant, étant donné que nous sommes en présence
d'un ordre de la Chambre et étant donné que nous avons, au fond,
demain matin à ne siéger que trois heures, je n'ai pas
l'impression que ce soit vraiment catastrophique, puisque, demain matin, nous
aurons à entendre le député de Saint-Jacques qui n'a
manifestement pas besoin pour ses remarques préliminaires de faire une
étude exhaustive des documents.
De plus, si vous acceptez le plan de discussion, je souhaiterais que le
directeur général de la gestion puisse peut-être donner
certaines explications sur les postes budgétaires, et, ensuite, nous
commençons par le programme no 1, qui est le programme administratif du
ministère. Je ne crois pas que nous touchions les problèmes de
fond de l'élémentaire, du secondaire, du collégial avant
jeudi ou vendredi, de sorte que, même si nous n'avons pas le choix, j'ai
l'impression que ça ne nuira pas tellement.
M. CHARRON: Si c'est un ordre de la Chambre, je vais m'y plier.
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission ajourne ses travaux à
demain matin, neuf heures trente, même salle.
(Fin de la séance à 22 h 1 )