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Commission permanente
de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications
Projet de règlement sur la
câblodistribution
Séance du jeudi 9 août 1973
(Dix heures quinze minutes)
M. GIASSON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Avant de donner la parole immédiatement au ministre des
Communications, j'aimerais signaler les remplacements qui m'ont
été soumis sur la liste des membres de la commission permanente.
M. Cloutier (Montmagny) remplace M. Cardinal; M. Léger remplace M.
Charron; M. Lacroix remplace M. Cloutier (Ahuntsic); M. Caron remplace M.
Leduc; M. Ostiguy remplace M. Phaneuf; M. Perreault remplace M.
Saint-Germain.
M. le Ministre.
M. L'ALLIER: M. le Président, messieurs, la commission
parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications se réunit, ce matin, pour entendre tous ceux qui ont
manifesté le désir d'être entendus sur le projet de
règlements, publié dans la Gazette officielle et qui constitue,
en fait, le premier bloc de règlements du gouvernement à
l'intérieur duquel la Régie des services publics exercera sa
fonction au sujet de la câblodistribution.
Nous avons, en 1971, énoncé les principes d'une politique
de communication. Je n'ai pas l'intention de m'étendre très
longuement là-dessus. Ce document est connu. Il a été
largement diffusé. Rappelons simplement qu'il était dit, dans
cette politique, que les communications sont un instrument fondamental du
développement québécois sur le plan économique,
mais aussi sur les plans social, culturel et éducatif.
A l'intérieur du bloc technologique des communications, à
l'intérieur de l'ensemble des moyens de communications, la
câblodistribution prend une place de plus en plus importante. Elle
connaît un développement accéléré et est le
commencement d'une évolution dont il est impossible, aujourd'hui, de
connaître tous les effets et toutes les ramifications.
Nous connaissons l'importance actuelle du câble. Nous pouvons
deviner l'importance future de cet instrument de communication. Il est
impossible d'en prévoir toutes les conséquences. Les
communications techniques c'est un autre des principes
énoncés dans ce document de travail, dans cette politique
québécoise des communications si elles doivent se
développer suivant les schémas industriels acceptés par
notre société, doivent, avant tout, être au service des
communications humaines.
La câblodistribution, la câblodiffusion, dans cette optique,
est considérée et est un service public, service public au sens
du téléphone, au sens de l'électricité. Bien
sûr, l'analyse du développement actuel de l'entreprise de
télédistribution peut amener certains à conclure qu'il ne
s'agit pas, à ce moment-ci, d'un service public, mais d'un service
facultatif. Techniquement, l'électricité comme le
téléphone sont un service facultatif, mais sont en même
temps un service public.
Service public et propriété privée. C'est aussi une
chose qui a été reconnue dans l'énoncé de politique
sur la câblodistribution. Cette propriété privée,
elle doit se développer comme telle dans ce domaine, mais à
l'intérieur des contingences et des contraintes qu'impose la fourniture
d'un service public. Propriété privée exclut
nationalisation, étatisation d'une entreprise. Cela n'exclut pas
cependant la participation collective par des fonds québécois,
par des institutions financières québécoises à la
propriété des entreprises.
Ainsi, et nous en avons déjà des exemples, certaines
grandes sociétés de câblodistribution ont comme partenaires
principaux des institutions financières québécoises comme
des sociétés d'assurance, comme la caisse de dépôt,
comme d'autres organismes de même nature. Par ce biais, il est possible
de faire participer un plus grand nombre de Québécois à la
propriété de ces entreprises.
On disait, dans le document de travail sur le câble, ceci: "II
pourrait donc s'agir d'un régime d'entreprises, financièrement
vigoureuses, peut-être moins nombreuses, mais plus vastes en termes de
territoire, et qui seraient, en définitive, la propriété
de la collectivité québécoise, par ses institutions, au
réservoir économique populaire, telles, par exemple, la caisse de
dépôt, nos sociétés d'assurances, nos caisses
populaires, nos propres institutions financières. Il s'agit là
d'un objectif et cet objectif est en voie de réalisation."
La question des relations et des interrelations entre les
sociétés de téléphone et les compagnies de
câble se pose et se posera avec plus de précision et
peut-être plus d'acuité à l'avenir. Le document de travail
sur le câble, publié en 1971, présume que les
sociétés de téléphone sont mieux placées
pour procéder au développement technologique du câble que
ne peuvent l'être les sociétés de câble. C'est un
document de 1971. Il s'agit là d'une présomption et non pas d'un
énoncé de politique.
Il est important que la preuve puisse être entendue et que les
sociétés de téléphone, comme les
sociétés de câble, puissent également et sur un
même pied faire connaître leurs prétentions, leurs moyens,
leurs objectifs face au développement de l'infrastructure des
communications au Québec.
Nous n'avons d'aucune façon décidé politiquement,
dans l'énoncé de 1971, pas plus que dans les présents
règlements, de confiner les entreprises de câble à la seule
utilisation des
équipements des compagnies de téléphone, d'autres
services publics ou de leur propre équipement aux fins de
télédistribution. Nous ne disposons pas actuellement de preuves
suffisantes pour prendre une telle décision qui engage l'avenir d'une
façon déterminante.
La politique actuelle du gouvernement sur ce point doit être
clairement entendue: laisser aux entreprises de communication, qu'elles soient
de câble ou de téléphone, le temps et les moyens de
démontrer, tant à la satisfaction du gouvernement que de la
régie, que leur intervention proposée dans le domaine des
infrastructures de communication est dans l'intérêt public, dans
l'intérêt économique, social et culturel de notre
collectivité. C'est un point qu'il est important de clarifier et de bien
faire connaître ici.
Nous avons, en mai 1971, déposé une loi; au même
moment, nous avons fait connaître la politique à laquelle je me
référais. En décembre 1972, les projets de loi 35, 36 et
37 étaient adoptés. Le projet de loi 35, adopté à
l'unanimité par l'Assemblée nationale, élargissait et
précisait les responsabilités de la Régie des services
publics quant à la câblodistribution. Il est prévu, dans ce
projet de loi, la publication préalable dans la Gazette officielle, pour
un délai minimum de 30 jours, de tout le projet de règlement.
C'est ce processus de consultation qui est actuellement en cours et c'est le
but de cette commission parlementaire, M. le Président, que d'entendre
les parties sur ce projet de règlement.
Les buts de la loi ont été longuement exposés au
moment de l'étude des projets de loi. Quant à la
réglementation pouvant émaner du lieutenant-gouverneur en
conseil, en application des lois 35 et 37, j'ai déjà clairement
indiqué qu'il s'agirait d'une réglementation
générale à l'intérieur de laquelle le gouvernement
fixerait les cadres et les priorités dans le développement de sa
politique des communications par câble.
C'est à l'intérieur de cette loi, de même que dans
l'esprit de la loi, des politiques énoncées et de la
réglementation, que la Régie des services publics intervient
conformément à sa loi pour préciser et compléter
les modalités d'implantation et de réalisation de cette
politique. Il ne s'agit donc pas maintenant d'entrer dans le détail des
modalités de fonctionnement des entreprises publiques de
câblodistribution à l'intérieur d'un territoire
donné, pas plus qu'il ne s'agit d'entrer dans les modalités de
fixation des priorités qui peuvent de fait être suivies par ces
entreprises dans leur programmation.
Il s'agit encore moins de déterminer les modalités
d'utilisation du potentiel de diffusion ou de distribution des entreprises de
câbles à des fins communautaires, à l'intérieur d'un
territoire donné. C'est à la régie qu'il appartiendra, au
moment d'approuver la programmation et le plan de fonctionnement et de
développement d'une entreprise de câblodistribution, de voir
à ce que ces modalités se réalisent concrètement,
dans un contexte géographique donné, en tenant compte des besoins
sociaux et culturels donnés et en tenant compte en même temps du
potentiel de développement et des moyens économiques et
financiers dont dispose ou peut disposer l'entreprise publique. Le
présent projet de règlement ne fait ici que fixer et
préciser le principe de l'utilisation dans l'intérêt de la
communauté d'une partie du potentiel de diffusion et de distribution de
l'entreprise. C'est devant la régie qu'il faudrait débattre, tant
au niveau de l'entreprise qu'au niveau des intérêts
communautaires, des modalités d'utilisation du câble aux fins
communautaires et c'est à la régie qu'il appartiendra de
procéder aux audiences publiques qu'elle jugera nécessaires afin
que soit respecté l'intérêt public.
Il est essentiel que chacun comprenne bien son rôle et accepte de
présumer de la bonne foi des autres dans cette opération. Sans
cette concertation dans la recherche des meilleurs moyens à prendre pour
favoriser le développement accéléré de notre
infrastructure de communication d'une façon rationnelle et conforme
à nos moyens et à nos besoins, dans le respect des contraintes
inhérentes à l'exercice de nos responsabilités
gouvernementales et collectives et aussi de celles qui sont inhérentes
à notre système économique et au sain développement
d'une entreprise privée à l'intérieur de laquelle nos
institutions économiques collectives jouent déjà un
rôle important et qui pourrait être accru et étendu; il
n'est pas question de faire porter sur quiconque le fardeau du conflit
fédéral-provincial. Nous sommes plus que quiconque conscients des
insatisfactions et des inquiétudes que peut susciter le fait que cette
question ne soit pas réglée. Il s'agit là d'un
problème politique et il appartient aux hommes politiques de le
régler et le plus rapidement possible.
Les objectifs de cette réglementation visent à assurer un
contrôle québécois, non pas gouvernemental, mais collectif
québécois sur l'infrastructure de communication de la
câblodistribution. Ces objectifs sont aussi le maintien des
caractéristiques existantes des entreprises et visent à favoriser
leur développement.
L'objectif est également de favoriser l'équilibre culturel
ou de tenter de rétablir partiellement parce que
complètement n'est pas possible l'équilibre culturel et
linguistique entre les contenus diffusés par câble
actuellement.
Nous ne voulons pas limiter, c'est un autre objectif, les chances de
développement des entreprises de câblodistribution en faveur
d'autres entreprises de communication. Ces grands objectifs, en fait,
correspondent à la réglementation qui est proposée. Dans
la mesure où ces objectifs peuvent être atteints, dans la
même mesure nous allons analyser, comme nous l'avons déjà
fait d'ailleurs, les mémoires et les exposés qui sont faits.
Nous sommes disposés, parce qu'il s'agit d'une opération
de consultation, nous sommes tout à fait disposés à
modifier les règlements, s'il y a lieu, pour faire en sorte qu'ils
puissent être viables pour tous les intéressés. Ces
modifications ne peuvent pas porter sur les objectifs fondamentaux; ils peuvent
cependant porter sur les modalités de réalisation de ces
objectifs.
J'ai déjà fait une analyse des mémoires qui ont
été présentés et je peux dire ici que cette
première analyse m'amène à la conclusion qu'il n'y a pas
d'opposition fondamentale par rapport à ces objectifs avec les principes
énoncés ou les mémoires présentés par les
intervenants. Je m'en réjouis, ce qui permet effectivement de
considérer que nous pourrons en arriver à des solutions
satisfaisantes, tout en tenant compte, avant toute chose, de
l'intérêt public.
Dix-sept mémoires ont, en fait, été soumis à
la commission parlementaire. Afin de faciliter les travaux de la commission et
pour une meilleure cohérence dans l'audition des mémoires, je
suggérerais, M. le Président, que nous regroupions ces
mémoires en six catégories, que nous entendions d'abord les
câblodistributeurs, ensuite les sociétés de
téléphone, ensuite les radiodiffuseurs, ensuite les groupes
communautaires, ensuite les publicitaires et finalement les autres
intervenants.
Il faut souligner la collaboration généralement positive,
très positive des intervenants au moment de la préparation et au
moment de la présentation de ces règlements. Le sens cons-tructif
des mémoires permet, comme je l'ai dit, d'espérer que nous en
arriverons à des solutions satisfaisantes pour tous.
Dans la mesure où le projet de règlement est
déposé pour consultation, le but de cette commission
parlementaire, M. le Président, m'apparaît évident. C'est
celui comme je l'ai dit d'entendre les intervenants.
Il n'est pas question de modifier, ici, sur place, et d'une façon
improvisée, le projet de règlements. Le fait que nous ne
procédions pas maintenant à ces modifications ne veut pas dire,
au contraire, qu'elles n'auront pas lieu. Cela signifie qu'il nous faudra, pour
procéder à des modifications, analyser soigneusement le sens des
interventions qui seront faites en relation avec les mémoires qui sont
déjà déposés devant la commission.
Voilà ce que j'avais à dire, M. le Président, en
présentation, si vous voulez, de l'opération dans laquelle nous
nous engageons maintenant. A partir des mémoires qui nous ont
été distribués, j'ai suggéré à la
commission un ordre d'audition; si cet ordre agrée à la
commission, nous poumons, à l'intérieur de cet ordre, entendre
les câblodistributeurs et, par la suite, les autres. A l'intérieur
du bloc des câblodistributeurs, tel qu'on l'a déjà
distribuée, une liste suggérant cet ordre d'auditions
consisterait à entendre l'Association canadienne de
télévision par câble et, ensuite, M. Denis Filion,
Rivière-du-Loup Câble Limitée, la Télévision
Saint-Maurice et la Belle-Vision, Câble TV et National Cablevision.
M. le Président, j'ai ici à faire connaître aux
membres de la commission un certain nombre d'amendements de concordance qui ne
portent d'aucune façon sur le fond des règlements, mais qui sont
des amendements corrigeant la qualité du texte français ou
apportant certaines précisions linguistiques à un texte qui, sur
certains points, était souffrant. Je demanderais que ce soit
distribué aux membres de la commission et aussi à ceux qui
souhaiteraient en avoir une copie. Pour donner un exemple de ces modifications,
l'article 1 est modifié au paragraphe f) en enlevant à la
deuxième ligne, après le mot production, les mots audio ou
visuel. On les remplace par les mots sonore, visuel ou audiovisuel. C'est ce
genre de modifications, en fait, que nous déposons maintenant. Ce sont
des amendements de concordance, à toutes fins pratiques.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Messieurs, avant de céder la parole au
député de Chicoutimi, j'aimerais soumettre aux membres de la
commission la suggestion qu'on a faite de nommer Jacques Veilleux comme
rapporteur de notre commission; est-ce que ce nom est accepté par les
membres?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Agrée'.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Agréé. Nous écoutons le
député de Chicoutimi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je sais gré au
ministre d'avoir respecté la promesse qu'il avait faite de soumettre le
projet de réglementation à la commission parlementaire de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications.
En faisant son exposé, le ministre a précisé des
objectifs qui doivent retenir notre attention au moment où nous abordons
l'examen de ce projet de réglementation. Il est toutefois important de
rappeler au ministre que le problème constitutionnel continue de nous
préoccuper, comme il le préoccupe lui-même, puisque ce
problème n'est pas encore réglé et risque de paralyser
l'action du gouvernement.
Le ministre disait tout à l'heure qu'il s'agit d'une
décision politique et que le fardeau de ces échanges, de ces
disputes et de ces négociations ne doit pas peser sur le dos de ceux qui
sont propriétaires d'entreprises de câblodistri-bution ou d'autres
entreprises analogues.
Je suis bien d'accord avec le ministre, à condition cependant que
les chefs d'entreprises dans ce domaine veuillent bien collaborer, comme ils
l'ont fait jusqu'à présent, aux initiatives gouvernementales qui
visent à assurer l'autonomie du gouvernement du Québec en cette
matière éminemment stratégique de l'éducation et de
la culture.
Il est donc important de se pencher sur le problème du
contentieux constitutionnel, ce qui ne peut pas faire évidemment
aujourd'hui l'objet de l'examen de la commission, mais il est
important de s'interroger sur la propriété des
entreprises, sur le financement de ces entreprises de câblodistribution,
sur leur programmation, en termes de contenu et en termes de
qualité.
A cet effet, M. le Président, nous désirons rappeler aux
membres de la commission ainsi qu'à tous les citoyens du Québec
que notre parti ne reconnaît pas la compétence
fédérale sur la câblodistribution et n'approuve pas, non
plus, la loi fédérale donnant la responsabilité au Conseil
de la radio et télévision canadienne sur la
télédiffusion par câble.
Nous croyons que le Québec doit contrôler et rapatrier tous
les instruments de communication nécessaires à sa mission
d'éducation et de culture. La câblodistribution fait partie de ces
instruments que nous jugeons nécessaires et essentiels.
Le câble est en effet un médium qui fragmente les
auditoires en mettant un nombre de canaux plus élevé à la
disposition des spectateurs. On prévoit ces chiffres peuvent
être corrigés qu'en 1975, 50 p.c. des foyers
québécois seront abonnés à des câbles
coaxiaux de 27 canaux et qu'en 1980, l'ensemble des foyers
québécois pourra être abonné à un
réseau câblé de 80 canaux, potentiellement.
Le problème principal, celui qui devrait nous préoccuper
davantage, nous semble être, outre celui de la propriété et
du financement, celui de la programmation puisque plus de 27 canaux exigeront
300 heures d'émission par jour. On peut évaluer à 80
heures environ la programmation des réseaux télé actuels.
La câblodistribution est donc un médium qui risque de mettre en
danger notre identité nationale si la programmation des émissions
diffusées sur ces canaux est trop exclusivement
anglo-américaine.
Notre parti estime donc qu'il est du rôle du ministère des
Communications, non seulement d'encourager, mais de faire en sorte que la
programmation soit une programmation à caractère
spécifiquement québécois.
Nous proposons, d'autre part, que d'ici 1975, un canal soit
réservé et régi par le ministère des Communications
afin de fournir au public des renseignements administratifs utiles. Nous
voudrions également que d'ici 1975, un canal communautaire soit
accordé à toute collectivité locale de plus de 5,000
personnes comme cela se fait aux Etats-Unis. Ce canal devra être
accordé gratuitement à la localité par l'entreprise
privée de câble.
Ce sont là quelques-unes des idées ou des propositions que
nous formulons au nom de notre parti au moment d'entendre les
représentants des entreprises de câblodistribution. L'objet de
notre rencontre est d'examiner la réglementation qu'a soumise le
ministre et, pour ce faire, d'entendre les parties intéressées
qui ont soumis des mémoires que nous serons heureux d'étudier,
d'analyser et de discuter avec elles.
C'est en cours d'exercice que nous pourrons préciser certains
points qui font l'objet de nos préoccupations particulières,
d'interroger, d'autre part, le ministre sur les gestes que son gouvernement a
posés jusqu'à présent et sur ceux qu'il entend poser dans
l'avenir afin d'assurer la suprématie politique du Québec en
cette matière éminemment essentielle de la
câblodistribution.
M. le Président, je serai donc tout ouie afin de connaître
les vues des organismes représentatifs dont nous avons
déjà reçu les mémoires. Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Richmond.
M. BROCHU: M. le Président, le projet de réglementation,
soumis par le ministre, comporte des implications assez importantes à
court terme et également à long terme.
Je pense que nous devrons clairement établir les nuances qui
s'imposent en cours de route lors de l'audition des différents
mémoires, d'où l'importance, je pense, de cette commission
parlementaire que nous tenons aujourd'hui, et dont nous avons été
les tenants à l'Assemblée nationale pour voir tous les aspects et
toutes les implications du projet de réglementation qui nous a
été soumis.
Je pense que l'importance de cette commission n'est pas à
discuter et, en ce qui nous concerne, nous sommes prêts à entendre
les différents sons de cloche des intéressés à ce
sujet et, en cours de route, de poser les questions pertinentes au ministre et
à ceux qui viendront déposer devant nous pour en arriver à
trouver la meilleure solution possible au problème de la
câblodiffusion.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, j'aimerais, au nom du Parti
québécois, avant d'écouter les différents
représentants des différents groupes intéressés
à cette politique nouvelle québécoise de la
câblodistribution, donner notre perception de cette nouvelle industrie
dans le sens de ses possibilités.
Tout d'abord, le Parti québécois se réjouit
fortement de la présentation à cette commission de la
réglementation de la Régie des services publics, en rapport avec
la câblodistribution, tel que le stipule la loi 35. Cette affirmation
claire et nette de la juridiction du gouvernement national des
Québécois sur un organe essentiel à son essor culturel,
vient peut-être tard, mais elle arrive bien. Ce serait mesquin pour nous
de le nier. De fait, on y retrouve presque textuellement plusieurs des
principes et même des modalités que le futur gouvernement du Parti
québécois s'est engagé à généraliser
et à mettre en place en les étendant à toute la
radio-télévision du Québec.
Sans entrer dans le détail de la réglementa-
tion projetée, l'affirmation du caractère public et
communautaire de la câblodistribution, de sa qualité de service
public aux collectivités locales, est un pas certain vers une sorte de
décentralisation culturelle, aussi bien au point de vue
géographique qu'à celui de l'élargissement et de la
définition des groupes de notre société qui devraient
pouvoir s'exprimer sur les écrans de télévision.
Ce souci communautaire qui s'oppose aux simples préoccupations
mercantiles et commerciales qui, malgré quelques déclarations de
principes, ont caractérisé, jusqu'à maintenant, l'action
du CRTC fédéral dans la câblodiffu-sion, ce souci
communautaire, donc, dans la présente réglementation, est bien
visible, surtout par cette obligation d'accorder un canal gratuit pour fins
éducatives, et aussi dans la priorité accordée pour les
futurs permis à des groupes locaux et communautaires. Mais ces
intentions frafches et pieuses du législateur, il ne faudrait pas
qu'elles soient gâchées par de mauvais utilisateurs de la
production communautaire. Il revient, je pense, à la Régie des
services publics à voir à ce que le contenu communautaire n'ait
pas de communautaire que l'étiquette. Il est difficile de dire si on
peut se fier sur les entreprises de câblodistribution elles-mêmes
pour discriminer l'élément communautaire du non-communautaire.
Une part importante de cette politique reviendra à la régie.
Alors on se demande sur quels principes, sur quelles lignes de force.
J'aimerais que le ministre et les régisseurs se penchent sur ce
problème, peut-être par des auditions publiques
subséquentes à celles que nous avons aujourd'hui, où les
câblodiffuseurs, les groupes communautaires eux-mêmes, et encore
davantage les responsables actuels de la programmation communautaire pourraient
nous aider à tracer un corridor flexible, mais réel, sur la
notion même d'émissions communautaires.
Pour le moment, je voudrais souligner au ministre à ce sujet cinq
principes de base que le groupe de télévision communautaire de
Normandin, que l'on peut considérer comme pionnier dans ce domaine,
soumettait dans un mémoire adressé au CRTC.
Le premier principe était le suivant: la communauté a la
responsabilité entière de la production de ses
émissions.
Le deuxième principe: cette communauté doit fournir
complètement les ressources humaines et voir à s'organiser
financièrement pour assurer sa production.
Un troisième principe pourrait être que la production doit
être orientée vers des objectifs communautaires précis.
Un quatrième principe c'est que le fonctionnement doit faire
appel au plus grand nombre possible de ses membres, idéalement n'importe
qui dans la communauté peut participer à tous les niveaux de
responsabilité d'organisation.
Le cinquième principe c'est que les personnes chargées du
fonctionnement immédiat de la télévision communautaire le
soient à des fins exclusives pour éviter des conflits
d'intérêts.
D'autre part, en ce qui concerne les futurs permis accordés de
préférence à des groupes communautaires locaux, selon
l'avant-projet, je tiens à mettre le ministre en garde. Il ne suffit pas
d'en établir le principe, même si c'est déjà
appréciable, il faudrait qu'en collaboration étroite avec le
ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives la régie suscite et stimule, chez une
collectivité donnée, la structuration efficace et
cohérente des groupes communautaires intéressés à
utiliser la câblodistribution et la câblodiffusion.
L'expérience de La Belle Vision, à Trois-Rivières,
devrait servir de mise en garde sur la difficulté pour les groupes
communautaires, sans aide technique du gouvernement, à battre de vitesse
des intérêts financiers en place quand il s'agit d'accorder la
propriété d'un réseau câblé existant ou
projeté. Ils le peuvent exceptionnellement, comme cela a
été le cas, on l'a vu d'ailleurs dans l'Outaouais, mais
généralement la régie devrait inclure dans son mandat un
rôle d'architecte et de coordonnateur des intérêts
communautaires du moins pour les faire démarrer en projets
précis.
D'autre part, le Parti québécois estime fort
satisfaisantes les exigences de la réglementation sur la
propriété québécoise des systèmes
câblés de même que sur le contenu résolument
québécois de l'ordre de priorité de la production
diffusée. Ses intentions, encore là, rejoignent
précisément les orientations du programme de notre parti.
Un autre point important, c'est la permission accordée aux
câblodiffuseurs de diffuser de la publicité sur leur
système allant ainsi à l'encontre de la politique du CRTC
d'Ottawa. Nous sommes d'accord avec cette position pour deux raisons. D'abord,
il s'agit d'une publicité restrictive, c'est-à-dire
empêchant la publicité pour les enfants ou pour des fins de
médicaments, etc., et qui, de ce point de vue, est beaucoup plus
civilisée et avancée que les exigences actuelles du CRTC pour le
réseau VHF.
Deuxièmement, l'apport financier de cette publicité
permettra aux câblodiffuseurs de mettre réellement en application
l'obligation faite d'un minimum de dix heures de production éducative et
communautaire sans être obligés d'en reporter le coût sur
les usagers.
Au sujet des câblodiffuseurs, j'ai noté que la régie
tiendra le 6 novembre des auditions publiques sur deux causes impliquant les
relations futures entre les entreprises téléphoniques et les
câblodistributeurs. D'autre part, la réglementation à
l'article 6, bannit les entreprises parallèles dans l'exploitation, ce
qui constitue une des dimensions, je pense, des auditions de la
régie.
Je crois qu'il serait peu sage de trancher ce point dès
maintenant et qu'il voudrait peut-être mieux laisser la régie
entendre les parties intéressées parce que le problème que
je vois
d'abord, c'est un problème constitutionnel. Si les compagnies de
câble avaient des difficultés à s'entendre avec des
compagnies de téléphone et qu'elles décident
elles-mêmes de voir à l'implantation de leur propre réseau
de câble, cela amènerait un coût supérieur
d'investissement et déjà cela mettrait des difficultés
pour les groupes communautaires qui auraient des sommes à engager, de
capitalisation qu'ils n'auraien,t pas s'ils avaient à louer des espaces
sur les réseaux déjà installés de
téléphone.
D'un autre côté, M. le Président, il faut tenir
compte aussi que, s'il y a une utilisation des câbles de
téléphone, il ne faudrait pas laisser les compagnies de
téléphone, décider en dernier du coût qui peut
être prohibitif et à ce moment-là, la régie,
malheureusement n'a juridiction pour surveiller ce domaine-là que sur
une partie des compagnies de téléphone. Cela crée encore
un problème fédéral-provincial. Bell Canada n'étant
pas sous la juridiction provinciale, la surveillance de la régie sur ce
domaine-là serait beaucoup plus inférieure comparativement
à sa juridiction sur les autres compagnies de
téléphone.
A ce propos, M. le Président, il y aurait lieu d'étudier
non seulement la définition des groupes communautaires qui devraient
réaliser directement ou non la production locale, régionale et
communautaire, mais aussi le contenu d'une émission dite communautaire,
en particulier la réglementation inclut, à juste titre, un temps
consacré à la politique québécoise. Nous
reviendrons à l'étude plus détaillée des articles
mais d'ici là, M. le Président, je demanderais au ministre de se
pencher plus avant sur cet aspect en le précisait pour nos futurs
travaux car ce n'est pas un simple détail. Je pense à la
répartition de temps entre les partis reconnus et je pense aussi
à un minimum de temps consacré sur ces dix heures.
En somme, M. le Président, le ministre constate avec plaisir,
j'en suis sûr, que le Parti Québécois applaudit à sa
réglementation et n'apporte des réserves que sur des
modalités. Toutefois, nous ne nous faisons pas d'illusion sur la
possibilité réelle de mettre en pratique cette magnifique
réglementation à l'intérieur du fédéralisme
à la canadienne.
Tout au plus, le ministre réussira à soumettre la
câblodiffusion à une double juridiction coûteuse et
chicanière, où le CRTC et la régie surenchériront
dans les concessions et la stérilité pour tirer vers eux la
sympathie des entreprises de câblodiffusion, d'où une juridiction
coûteuse qui rejoindra celle des maisons du Québec et des
ambassades canadiennes, des deux ministères de l'Agriculture, des
doubles politiques économiques, des doubles politiques
énergétiques, etc. Je ne le lui souhaite pas cependant puisque la
mise en place de la régie et de ses instruments serait une chose
à faire en moins après l'indépendance. Mais tout en
souhaitant bonne chance au ministre, je tiens à lui dire que nous
retiendrons soigneusement le texte de sa réglementation pour la
préindépendance, une fois débarrassés du carcan
fédéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est de la télévision en
couleur!
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable ministre des
Communications.
M. L'ALLIER: M. le Président, je ne veux pas faire ici de
commentaires sur les commentaires et les exposés qui ont
été faits par les représentants de chaque parti. En
badinant, je soulignerais au député de Lafontaine qu'il a bien
passé son message publicitaire à la fin. En définitive, on
peut dire que c'est une innovation parce que c'est peut-être le premier
message publicitaire sur la câblodistribution.
M. HARDY: Ce sont des propos légers!
M. L'ALLIER: Je crois, M. le Président, que nous pouvons
procéder maintenant à l'audition des témoins et des
intervenants. Si les membres de la commission étaient d 'accord, nous
pourrions entendre dans un premier temps le groupe des câblodistributeurs
en commençant par l'Association canadienne de télévision
par câble, et ensuite M. Denis Filion, Rivière-du-Loup Câble
Ltée, Télévision Saint-Maurice, Cable TV Limited et
National Cablevision Limitée. Certains des exposants ont
manifesté le désir d'utiliser des moyens audio-visuels et il est
évident que cette chose est possible.
Par ailleurs, certains groupes ou certaines personnes ont indiqué
leur désir de faire connaf-tre à la commission des points de vue
ou des mémoires qu'ils n'ont pas eu l'occasion de présenter
jusqu'ici.
Je crois, M. le Président, que les membres de la commission
seront disposés à recevoir ces mémoires par écrit,
à recevoir ces documents, et je peux assurer ces personnes que nous en
tiendrons compte au même titre que les autres mémoires qui ont
été déposés et au sujet desquels il y aura
présentation ce matin. Alors je ne sais pas s'il y en a dans la salle
qui...
Association des journaux quotidiens
M. TOBAN: M. le Président, mon nom est Edmond Toban, je suis
secrétaire et conseiller juridique de l'Association des journaux
quotidiens. Nous demandons un délai d'une semaine pour déposer
notre mémoire à la commission, s'il vous plaît?
M. L'ALLIER: Je serais d'accord, M. le Président, avec ce
dépôt dans la mesure où les membres de la commission en
seront saisis. Quant à nous, nous en tiendrons compte au moment de la
rédaction finale du projet de règlement.
M. TOBAN: Merci!
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que cette proposition est
agréée par les membres de la commission?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord!
Association canadienne de télévision par
câble
M. L'ALLIER: Le représentant de l'Association canadienne de
télévision par câble.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors nous allons entendre le
représentant de l'Association canadienne de câblodiffusion. Les
porte-parole voudront bien s'identifier au début de leurs remarques.
M. GONTHIER: M. le Président, Charles Gonthier, avocat de
Montréal.
Je représente, ici, ce matin, avec mon associé, Me Michael
Cuddihy, l'Association canadienne de télévision par câble.
J'ai à ma gauche M. Orner Girard, de Transvision Magog, qui est le
président de la section du Québec de l'association. M. Girard
vous présentera à l'instant les autres membres de la
délégation qui vous expliqueront eux-mêmes d'abord la
position générale de l'association vis-à-vis du projet de
règlement dans son ensemble, puis vis-à-vis de certaines
dispositions qui paraissent particulièrement importantes dans leurs
conséquences comme nous les envisageons.
L'association a déjà produit un mémoire et un
sommaire de ce mémoire, préparé et produit d'urgence. Elle
a depuis voulu y apporter quelques corrections de détail et
précisions qui paraissent dans le sommaire révisé et les
errata aux mémoires qui ont également été produits
ce matin. Nous n'entendons pas traiter, dans la présentation, devant
vous aujourd'hui de tous les aspects du mémoire, mais nous serons
évidemment prêts à répondre aux questions qui
pourront être posées.
Pour répondre à vos propos en particulier, M. le ministre,
je crois que l'association pourra le faire généralement de
façon très positive. De fait, nous avons conçu notre
présentation, je crois, dans l'optique que vous avez indiquée,
c'est-à-dire non pas une optique d'examen en détail des diverses
dispositions, mais plutôt une optique des modalités, des
possibilités de réalisation des objectifs que vous avez
exposés.
Nous sommes donc devant vous, faisant abstraction du débat
constitutionnel que nous connaissons tous, dans un esprit d'entière
collaboration avec la commission pour vous faire part de notre
expérience dans cette industrie en vue d'établir une
réglementation qui soit aussi bien adaptée que possible aux
besoins, compte tenu des nombreux facteurs et objectifs dont il a
été fait état.
Je demanderais maintenant à M. Girard de nous présenter
les autres membres de la délégation et l'association fera
elle-même sa présentation.
Merci, M. le Président.
M. GIRARD: M. le Président, messieurs de la commission, les
représentants de notre délégation sont les suivants: M.
Pierre Levasseur, président de National Cablevision; M. Marc Lahaie,
vice-président aux affaires corporatives de National Cablevision; M.
Conrad Tourigny, président de Cablevision, Asbestos; M. André
Chagnon, président de Videotron; et moi-même, président de
Transvision Magog, tous faisant partie du comité exécutif du
Québec de l'Association canadienne de télévision par
câble.
Nous sommes parfaitement conscients de l'importance que vous attachez
à ce projet de règlement et c'est pourquoi nous vous avons soumis
un mémoire qui a été minutieusement préparé.
Cependant, nous croyons utile et important d'élaborer avec plus
d'insistance sur certains aspects du projet de règlement. Nous voulons
être très positifs dans nos recommandations afin d'assurer le
développement harmonieux de la câblodistribution et
protéger ainsi l'intérêt de tous les
Québécois.
Après avoir traité certains articles particuliers du
projet de règlement, il nous fera plaisir de répondre à
vos questions. J'inviterais donc maintenant M. Pierre Levasseur,
président de National Cablevision, à vous adresser la parole.
M. LEVASSEUR: M. le Président, Messieurs les membres de la
commission, l'Association canadienne de télévision par
câble représente ici aujourd'hui 55 opérateurs de
câblodistribution desservant 90 p.c. de ceux qui ont adhéré
à ce type de services au Québec. Le rôle de l'association
est de faire connaître des préoccupations communes à tous
ses membres, quelle que soit la taille de leurs entreprises; c'est dans ce but
que son exécutif est présent devant vous ce matin.
Nous tenons à remercier les membres de cette commission de nous
avoir invités à déposer un mémoire et de nous
donner l'occasion d'exposer, de vive voix, quelques commentaires. Je crois
qu'il est important de bien situer notre intervention d'aujourd'hui. Disons
tout d'abord, pour dissiper les doutes que certains pourraient entretenir, que
nous tenons à faire écho à l'esprit et au désir de
collaboration et de recherche si bien exprimés par le ministre des
Communications dans ses propos.
Il va sans dire que, comme entrepreneur oeuvrant dans le secteur
privé, au sein d'une industrie jeune et en pleine évolution, dans
un des secteurs de pointe que l'on cherche à développer au
Québec, nous avons des préoccupations parfois fondamentalement
distinctes de celles des législateurs. Alors que nous, nous nous
réclamons de l'autoréglementation, par exemple, l'Etat, lui, a
décidé de procéder autrement. Nous comprenons cependant
les
préoccupations de l'Etat au chapitre des communications et nous
reconnaissons que, dans notre secteur, en particulier, une
réglementation est inévitable et peut-être même
nécessaire pour l'Etat dans le contexte plus vaste de ses
préoccupations socio-économiques et culturelles.
Qu'il soit donc clair que les membres de l'association ne s'opposent
pas, en principe, à ce qu'une telle réglementation existe; ce
à quoi nous devons nous opposer, cependant, c'est qu'il y ait, à
l'intérieur de la réglementation proposée, des
dispositions qui imposent à notre industrie un carcan qui pourrait
retarder ou ralentir le rythme de développement qui lui est
nécessaire pour atteindre les objectifs que l'Etat entend poursuivre par
le biais de la câ-blodistribution.
L'exécutif de l'association s'est donc penché sur le
projet de réglementation avec une attitude qui se voulait constructive.
En somme, notre but est de sensibiliser le législateur et de l'aider
à éviter de s'engager dans certaines voies qui pourraient
s'avérer désastreuses par la suite. Nous ne réclamons par
le monopole des connaissances dans le domaine, mais nous osons croire que le
fruit de nos expériences collectives devraient être utile aux
législateurs.
Ce mémoire se veut, en fait, une indication des effets et
conséquences possibles de l'application immédiate de la
réglementation telle qu'elle nous est présentement
proposée. Les recommandations très détaillées,
contenues dans notre mémoire, touchent les articles suivants: La
clarification des définitions, l'article 1; la composition des conseils
d'administration, l'article 5; le lieu de résidence des actionnaires,
l'article 5; les droits acquis de l'entreprise, les articles 4 et 6 ; les
entreprises connexes, article 6; l'exclusivité des territoires, article
8; la programmation, l'horaire et l'accessibilité, articles 1, 11, 12,
15, 16 et 18; l'utilisation des canaux, article 20; l'ordre des
priorités, article 21; la promotion, articles 24 et 34; le type des
réseaux, la grandeur des réseaux, article 26 ; l'approbation des
transactions à la production de rapports, articles 27 et 29; la fixation
des droits et redevances, article 30; l'établissement des normes
techniques, article 31; la propriété et la gestion des
équipements, l'installation et les supports de distribution, article
32.
Ce n'est pas notre intention de revoir en détail tous ces
articles aujourd'hui, mais nous croyons qu'il est opportun et nécessaire
de traiter, de façon particulière, quatre de ces articles en
raison de leurs multiples incidences et de leur portée sur l'avenir de
notre industrie. Il s'agit des articles portant sur la propriété
de l'entreprise, article 5, les entreprises parallèles, article 6,
l'ordre des priorités de la programmation, article 21, et finalement,
peut-être le plus important pour notre industrie, la
propriété des installations et l'accès aux supports de
distribution. Ces articles seront commentés brièvement par mes
collègues à la fin de mon exposé.
D'ailleurs, d'autres mémoires d'autres compagnies viendront
étayer davantage des aspects inquiétants de ces articles tels
qu'ils sont présentement formulés.
En résumé, donc, l'association a cru bon de faire
connaître, d'une façon très détaillée, les
préoccupations qui reflètent d'ailleurs l'état
d'inquiétude de l'industrie face à la réglementation
proposée. Cette inquiétude est née du fait que
l'application immédiate de toutes les dispositions prévues
pourrait s'avérer désastreuse autant pour l'industrie que pour
l'Etat et les objectifs qu'il poursuit. En ce qui nous touche, une mise en
application inopportune indiquerait, de la part des autorités
gouvernementales, une méconnaissance de l'évolution technologique
et de la nature réelle de notre industrie. Un exemple concret, pour
illustrer un tel danger, est celui posé par l'application de l'article
21 portant sur l'ordre des priorités de la programmation.
Nous sommes d'accord sur l'objectif socioculturel sous-jacent à
cet article. Toutefois, si l'autorité est chargée d'appliquer
cette disposition demander aux entreprises de se conformer dès
maintenant à l'ordre de priorité indiqué l'objectif
visé par cet ordre risquerait d'être compromis, l'entreprise
perdant une partie de sa clientèle qui lui est nécessaire
aujourd'hui pour assurer la possibilité de faire demain tout ce que la
réglementation vise.
Il est clair que, pour atteindre l'objectif visé par l'ordre de
priorité, certaines entreprises qui sont déjà en voie
d'augmenter la capacité de leur réseau primaire devront
accélérer ces travaux. Une fois cette nouvelle capacité
atteinte, l'entreprise devrait, par ailleurs, se conformer à l'ordre de
priorité indiqué.
Cet exemple illustre bien que le règlement devrait donc
comprendre des dispositions transitoires dans le cas des articles qui
impliquent des mises de fonds additionnelles, des changements dans les modes
d'opération ou des changements de structures de l'entreprise. L'absence,
entre autres, de tels articles ou dispositions transitoires, nous a
amenés à recommander que la promulgation du règlement soit
reportée afin que les autorités compétentes
étudient, en coopération avec nos membres, l'impact sur les
structures et le financement des entreprises, compte tenu de tous les
investissements qui seront requis au cours des prochaines années et qui
seront nécessaires afin d'assurer aux Québécois les
mêmes niveaux de qualité et la même gamme de services
additionnels dont jouissent et jouiront les citoyens des autres provinces, et
ceci au même rythme de développement que dans les autres
provinces.
Que la commission accepte ou rejette cette recommandation, il nous
paraît essentiel que certaines modifications majeures soient
apportées aux différents articles du règlement. Même
des dispositions transitoires ne sauraient atténuer dans certains cas
l'impact à long terme de certaines dispositions dudit
règlement.
Nous tenons à assurer cette commission, le ministre des
Communications et ses hauts fonctionnaires de notre entière
coopération pour poursuivre 1'élucidation des points litigieux.
Merci.
Je voudrais maintenant vous présenter M. Conrad Tourigny.
M. TOURIGNY: M. le Président et MM. les membres de la commission,
bien que notre analyse détaillée du projet de règlement
traite particulièrement des articles 5a) et 5c), nous voudrions ajouter
ici quelques commentaires additionnels concernant ces deux articles.
D'abord, l'article 5c) du projet de règlement, qui se lit comme
suit: "Les propriétaires de toute entreprise publique de
câblodistribution doivent être, dans une proportion de 80 p.c, des
résidents du Québec".
Nous croyons qu'il s'agit là d'une réglementation unique
dans un secteur de l'industrie québécoise. En effet, aucune
règle semblable n'existe dans aucune autre entreprise, même dans
les entreprises dites parallèles à la câblodistribution et
je citerai, par exemple, la compagnie
Québec-Téléphone.
Bien sûr, les distributeurs sont intéressés à
motiver le plus grand nombre possible de Québécois à
participer a développement de leur industrie, par contre, les
réalités économiques peuvent nécessiter une
participation supérieure à 20 p.c. de l'extérieur du
Québec, tout en demeurant canadienne.
Les préoccupations dont nous faisons état dans notre
analyse détaillée du présent projet de règlement se
situent principalement au niveau des sources de capitaux. Le présent
article, tel que rédigé, limitera la circulation
éventuelle d'actions et d'obligations sur le marché public.
D'autre part, les institutions financières sont
généralement réticentes devant une entreprise
sévèrement réglementée dans ses possibilités
d'expansion. De plus, une telle limitation en-trafnerait possiblement une
attitude négative, voire même des représailles, de la part
de nos voisins canadiens.
Enfin, il nous semble que cette restriction va à lencontre de la
politique incitatrice prônée par le gouvernement
québécois à l'endroit des investissements étrangers
dans les industries de pointe du Québec. Conséquemment,
l'association recommande qu'à 5c) du présent projet de
règlement, l'on substitue aux termes résidents du Québec,
les mots suivants: résidents du Canada.
Revenons maintenant à l'article 5a).
Il va de soi, croyons-nous, que les mêmes motifs, invoqués
à 5c), s'appliquent également à 5a). On ne peut certes
refuser la possibilité aux intérêts minoritaires d'une
entreprise de participer au conseil d'administration de cette même
entreprise. Ce serait, à coup sûr, chasser toute
possibilité de participation à des non-résidents du
Québec.
D'autre part, nous reconnaissons que la majorité des
administrateurs devraient être Québécois. C'est
précisément là la suggestion que nous proposons en
conclusion de nos observations sur la proposition faite dans le projet de
règlements que nous vous avons soumis concernant l'article 5a).
Voilà les quelques commentaires additionnels que nous voulions apporter
à notre analyse détaillée concernant ces deux
articles.
Je cède maintenant la parole à M. Marc Lahaie.
M. LAHAIE: M. le Président, MM. les membres de la commission,
j'aimerais faire quelques commentaires sur l'article 6 concernant
l'interdiction d'investissement par certaines entreprises dites
parallèles, lequel article apporte encore plus de restrictions sur les
investissements dans la câblodistribution.
L'industrie, étant axée sur la distribution de sons et
d'images et étant techniquement outillée pour la distribution de
formules, de données et d'informations diverses, n'est pas, par contre,
la conductrice du contenu à une seule exception: Le canal communautaire,
lequel n'existe pas dans tous les systèmes.
Les industries de télévision, de radio, de cinéma
et de presse produisent le contenu qui est utilisé sur les voies
électroniques et câblodistributeurs et une participation
deviendrait nécessaire dans l'avenir. Ces entreprises sont
complémentaires à la câblodistribution. Donc, au lieu
d'exclure ces média, il serait préférable de juger chaque
cas en particulier lors d'une audience de la régie et de ne pas refuser
une affiliation qui serait bénéfique à la
société québécoise.
De toute façon, les droits acquis devraient être reconnus
et certaines compagnies intéressées feront des
représentations en ce sens.
Enfin, la fin de l'article, interdisant l'investissement par des
sociétés reliées aux entreprises mentionnées plus
haut, empêcherait les prêts par des sociétés
financières spécialisées, telles les banques, les
compagnies d'assurances, les compagnies de fiducie qui ont des portefeuilles
diversifiés, d'investir dans cette industrie.
Merci. Je passe maintenant la parole à M. André
Chagnon.
M. CHAGNON: M. le Président, nous aimerions faire connaître
nos préoccupations sur l'ordre de priorités de l'article 21 du
projet de règlements.
L'association a recommandé, dans son énoncé de
principe du 6 avril 1973, qui est contenu au présent mémoire, ce
qui suit: "L'entreprise de télédistribution, tant et aussi
longtemps que subsistera un doute quant à la compétence
juridictionnelle en matière de réception et de retransmission des
émissions radiodiffusées, s'attend, en fonction de ce qui,
jusqu'ici, existait et de ce qui s'implantera par la suite, à ce qu'on
n'exige pas d'elle deux ordres de priorités de retransmission d'axiaux
parallèles et/ou contradictoires.
Le législateur omet vraisemblablement de contenir cette
prescription dans le cadre de deux paramètres suivants, à savoir
un nombre raisonnable et techniquement disponible de canaux de transmission et
un certain revenu disponible.
Enfin, le législateur aurait vraisemblablement
intérêt à préciser ce que sont un poste local, un
poste régional et un poste éloigné. Un poste
éloigné pourrait être aussi éloigné que
Vancouver ou Paris. Il y aurait peut-être lieu de ne pas obliger, en ce
sens, le télédistributeur à offrir deux postes d'une
même chaîne et à programmation identique.
Il n'y a qu'un nombre limité de canaux disponibles sur un
câble. Par ailleurs, on peut s'interroger sur le fondement des
données socio-statistiques sur lesquelles repose l'établissement
de l'ordre de priorité proposé. Conséquemment,
l'association réitère son voeu quant à une collaboration
étroite des gouvernements exerçant une juridiction dans le champ
en vue de déterminer conjointement un seul et même ordre de
priorité. Ce n'est pas à l'industrie de débattre ce
problème qui place l'exploitant dans une situation impossible. C'est un
problème politique et il appartient aux politiciens de trouver des
solutions. Nous retenons que M. le ministre a mentionné dans son
introduction qu'il ne laissera pas l'industrie supporter le fardeau de cette
double réglementation. L'association recommande que, avant de
déterminer tel ou tel ordre de priorité, l'on procède
à une étude sérieuse des besoins et des désirs de
la population consommatrice de services de télédistribution, en
vue de réfléter les tendances du milieu lors de
l'établissement de l'ordre de priorité.
Merci, M. le Président. Je donne la parole à notre
président, M. Orner Girard.
M. GIRARD: M. le Président, MM. de la commission, nous vous avons
soumis plusieurs recommandations concernant votre projet de
réglementation. Nous aimerions souligner que l'article 32 est d'une
importance capitale pour le public québécois et notre industrie.
Si vous le permettez, nous aimerions commenter cet article qui ne semble pas
prendre en considération la différence technologique qui existe
entre la câblodistribution et la téléphonie.
Le problème soulevé ici entre les compagnies de
câblodistribution et les compagnies de téléphone a
été également soulevé aux Etats-Unis et a
été résolu.
Le jugement suivant rendu par la 5e cour fédérale d'Appel
dans la cause General Telephone versus NCTA, américain, en fait foi: "La
concurrence sert l'intérêt public. Dès lors, les compagnies
de téléphone ne devraient pas être autorisées
à s'approprier le marché du câble coaxial à larges
bandes de fréquence, à raison du contrôle qu'elles ont des
moyens de distribution."
Il ne s'avère pas pratique, du point de vue technique,
économique et administratif d'intégrer en un réseau unique
les réseaux offrant le service téléphonique et de
câblodistribution. Le réseau téléphonique fait usage
de paires de fils reliant les abonnés entre eux, en passant par un
centre de commutation, tandis que le réseau de
télédistribution relie un centre à des abonnés sans
qu'il y ait de commutation et ne permet pas à un abonné de
communiquer avec un autre abonné.
Les compagnies de téléphone ont, en général,
restreint l'usage des câbles coaxiaux à la liaison des centres de
commutation. Elles ont laissé savoir leur intention de continuer
à offrir la majorité de leurs services, y compris le picture
phone, en utilisant des paires de fils.
Une solution logique, qui a, à son actif, un aspect
économique et qui élimine toute possibilité de
dédoublement, verrait l'évolution parallèle du
réseau téléphonique employé pour la distribution
des sons, des données et des images, dans le cas du picture phone, et
d'un réseau de distribution de communications
télévisées à bande large employant du câble
coaxial, dans la mesure où l'on utiliserait les mêmes structures,
c'est-à-dire celles employées pour la pose du câble
aérien dans les conduits souterrains ou enfouis, pour desservir un
même groupe communautaire. Ce genre de partage existe déjà
en certains endroits.
En présence des faits tels que nous les connaissons maintenant,
il y aurait malhonnêteté intellectuelle à prévoir
une complète amalgamation, en un système de câbles coaxiaux
à larges bandes de fréquence, de toutes les compagnies de
téléphone et de tous les réseaux de
télédistribution.
Depuis plusieurs décennies, il existe au Canada deux
systèmes parallèles: l'un distribue l'énergie
électrique; l'autre l'acheminement des communications
téléphoniques.
Dans la mesure où les deux systèmes collaborent et
utilisent les mêmes poteaux et les mêmes conduits souterrains,
personne ne songerait à y redire. Maintenant qu'évolue un
troisième système, un câble coaxial possédant des
caractéristiques spécifiques, il ne saurait exister de raisons
techniques ou économiques qui puissent justifier la prétention de
combiner ce nouveau service à l'un ou l'autre des systèmes
antérieurs, sauf peut-être sous l'aspect de l'usage harmonieux et
commun des poteaux et des conduits.
J'aimerais illustrer ici les différences physiques existantes
entre les trois systèmes. Voici un câble électrique,
employé par l'Hydro-Québec; un câble
téléphonique, composé de paires de fils et un câble
coaxial, employé pour la télédistribution; ce dernier n'a
qu'un seul fil, au centre.
L'industrie du câble a ouvert la voie aux communications à
larges bandes de fréquences et les télédistributeurs n'ont
pas l'intention de faire concurrence aux compagnies de téléphone,
mais d'autre part, ils ne croient pas devoir
abandonner leurs perspectives de marché domestique au profit de
ces dernières.
Lors de l'audience générale du CRTC en avril 1971,
l'Association canadienne de téléphone a tenté
d'établir la ligne de démarcation entre le véhicule du
message et le message de la télédistribution et
suggéré que les télédistributeurs limitent leurs
efforts à la programmation. Les télédistributeurs font de
la distribution électronique, ce fut leur intention première de
le faire, mais ils opèrent avant toute chose un service de
télécommunication. Que les compagnies de téléphone
obtiennent demain le contrôle total de la télédistribution,
sans doute elles offriront encore deux réseaux distincts, le câble
coaxial relié au téléviseur et paire de fils reliée
au téléphone.
Le Canada bat la marche dans l'industrie de la
télédistribution. Il est un pionnier dans cette industrie. Le
Canada devrait se voir reconnaître le droit de continuer son oeuvre. Que
de fois le Canada a-t-il dû compter sur les percées d'autres pays!
Néanmoins, cette fois, même après 21 ans, le Canada bat
toujours la marche au niveau de la conception, de la gestion des
systèmes coaxiaux de communication à larges bandes de
fréquences que nécessite la télédistribution.
Au seul chapitre de la compétence, rien ne justifie d'enlever les
responsabilités techniques du télédistributeur pour les
donner aux compagnies de téléphone moins
expérimentées. Des compagnies canadiennes de
télédistribution conçoivent, construisent, gèrent
et possèdent des réseaux en Europe et aux Etats-Unis sans compter
que, à tout moment, les autres pays font appel aux connaissances des
Canadiens en la matière. Déjà, les systèmes
canadiens de câbles coaxiaux s'étendent devant 80 p.c. des
résidences potentielles des territoires délimités par les
permis fédéraux d'exploitation. L'imagination, l'énergie
et les dollars canadiens ont contribué à leur
établissement et ils assurent maintenant un entretien constant qui les
maintiennent en parfait état. Les compagnies de téléphone
n'ont qu'une faible part à jouer, celle de louer les poteaux ou, dans
certains cas, celle de s'octroyer, sans justification aucune, le titre de
propriété d'une partie de l'équipement pour l'installation
duquel elles ont déjà reçu une compensation, installation
qu'elles ont dû faire en prenant en considération des
spécifications particulières de la
télédistribution.
De plus en plus, les télédistributeurs possèdent
leur réseau et font pression afin que les compagnies de
téléphone leur accordent la permission d'utiliser les poteaux et
les conduits souterrains qu'elles détiennent en servitude et dont elles
ont la garde publique. Un exemple dans d'autres provinces: les contrats de
l'Alber-ta Telephone et de BC Telephone. Elles donnent l'exemple, en ce sens,
qu'elles permettent l'accès aux poteaux.
Déjà, le télédistributeur canadien a
construit du moins prévoit-il le faire un réseau
qui puisse desservir les quatre cinquièmes des familles canadiennes.
Dès lors, au niveau du contrôle de la situation et des
installations, il a déjà dépassé l'étape de
la planification classique du débutant. L'évolution technologique
lui ayant donné un plein essor, il songe déjà aux moyens
d'améliorer l'état actuel des choses. Ces réseaux
canadiens de télécommunications des 21 dernières
années portent maintenant le nom de réseaux de
télédistribution. Les trois quarts de l'équipement de
distribution appartiennent, de plein titre, aux télédistributeurs
canadiens. Les compagnies de téléphone, du moins certaines
d'entre elles, s'obstinent à conserver le droit de
propriété de l'autre quart, c'est-à-dire du quart
principal de distribution, dans le but de conserver un moyen de contrôler
le réseau.
Obstination qualifie bien leur conduite car, si un manufacturier devait
afficher la même attitude, il serait accusé de faire une
concurrence déloyale et illégale et de restreindre la libre
entreprise.
Lorsque les télédistributeurs doivent avoir recours aux
compagnies de téléphone pour établir leur système
de câblodistribution, des restrictions leur sont imposées quant
aux comment et aux pourquoi de l'utilisation de ces installations. Ils sont, de
plus, soumis à des charges et contraintes financières sur
lesquelles ils n'exercent aucun contrôle.
Cet exposé se doit de réfuter certains des arguments
formulés par les compagnies de téléphone au cours des deux
dernières années. Des compagnies de téléphone
affirment qu'elles devraient posséder et exploiter les réseaux de
télédistribution et louer aux détenteurs de permis
d'exploitation le droit d'utiliser les canaux disponibles, devenir les
télédistributeurs de fait, posséder le contrôle et
la gestion des exploitations, prendre en main les moyens physiques qui fondent
cette industrie pour ne laisser aux détenteurs de permis que le nom de
télédistributeur, les réduisant alors à vendre des
abonnements et à percevoir des comptes.
Les arguments dont elles se servent pourraient aussi bien s'appliquer
à la prise en tutelle de la mécanographie, des bornes de
communication, des communications par satellites, du CN et du CP, secteur des
communications, et de tout ce qu'elles désirent inclure à leur
monopole actuel. Elles prétendent vouloir s'occuper de l'aspect
technique des communications afin de laisser aux
télédistributeurs le loisir de faire de la programmation. Elles
vont même jusqu'à suggérer que, si des réseaux leur
appartenaient, ils pourraient servir à transporter en un même
véhicule des communications sonores et visuelles du
téléphone et de la télédistribution. Mais pourtant
elles n'ignorent pas que deux systèmes complémentaires vont
continuer d'exister, l'un permettant la commutation et acheminant les
communications téléphoniques, même les communications
visuelles que nécessite le picture phone, et une multitude de services,
de données et d'informations. Un système qui évoluera
à partir du système actuel et dont des compagnies de
téléphone ont déjà commencé la
planifica-
tion et la construction. L'autre aura pour caractéristique
spéciale une bande passante large pouvant accommoder une quantité
impressionnante d'informations dont plusieurs signaux à sens unique,
télévisés ou autres, les quelques incidences de
communication à double voix nécessitant un minimum de
commutations; une évolution qui peut se faire à partir du
système que nous connaissons maintenant.
On pense souvent à l'intégration en affirmant que les
compagnies de téléphone rendraient la vie de tout le monde plus
simple si elles faisaient tout pour lui. Qu'elles le veuillent ou non, les
compagnies de téléphone ne deviendront jamais les interlocuteurs
valables des systèmes mécanographiques, des reproducteurs, des
télédistributeurs et de l'homme. Les
télédistributeurs canadiens ne demandent qu'à pouvoir
posséder et exploiter une industrie à laquelle ils ont
donné naissance sans les obstacles ou le contrôle des compagnies
de téléphone. Ces dernières ont déjà fait
l'essai de leur théorie au Québec, mais sans trop de
succès.
Ainsi, à Sherbrooke, LaSalle, Roxboro, Bou-cherville, Shawinigan,
Trois-Rivières, les câblodiffuseurs, pour améliorer la
qualité de leur service ou même le maintenir, ont dû mettre
fin à leur contrôle avec Bell Canada pour prendre à leur
propre charge l'équipement de distribution, son entretien et le
branchement aux résidences.
Au lieu d'un contrat dit complet, que les entreprises que je viens de
mentionner avaient, elles ont choisi un contrat qu'on appelle partiel. Alors la
compagnie de téléphone, dans un contrat complet, possède
toutes les installations et l'équipement, à part le site
d'antenne, tandis qu'en vertu d'un contrat dit partiel le
télédistributeur possède un titre de
propriété tout l'équipement électronique du
réseau de télédistribution mais pas le câble.
L'association a dû faire appel à la Commission canadienne
des transports pour obtenir une autre forme d'accord basé sur un tarif
de location de l'accès aux poteaux. La raison de cette demande est
clairement définie par le comité spécial du Sénat
sur les moyens de communication de masse aux pages 248 et 249 du premier volume
de son rapport et je cite, en traduction: "Un aspect de cette industrie qui
nous a fortement vexés est son degré d'enchevêtrement avec
les sociétés de téléphone. La plupart des
réseaux de câbles louent une partie de leurs câbles des
entreprises de téléphone. Quelques exploitants ont pu faire des
arrangements avec les compagnies d'électricité ou avec les
services publics locaux, mais la plupart ont dû traiter avec des
entreprises de téléphone qui exigent d'eux qu'ils leur laissent
la propriété du câble principal et se bornent à en
louer une partie. "Les effets possibles de cette attitude nous rendent mal
à l'aise. Tout d'abord, cette situation revient à dire: Une seule
entreprise géante, la société Bell Canada, possède
une portion excessive de la structure de base de la diffusion par câble
au Canada. Prenons un exemple imaginaire fondé sur des chiffres
réels, celui d'un réseau de câbles qui requiert 100 milles
de câble coaxial. Le premier paiement à la société
de services publics sera d'environ $450,000 et le loyer annuel sera
approximativement de $20,000. Le contrat a une durée de dix ans, ce qui
veut dire que l'entreprise de télévision par câble aura
déboursé en tout $650,000 mais l'accroissement réel de la
valeur de son installation est égal à zéro. "Le service
public a la propriété du réseau même si c'est
l'exploitant qui l'a payé. Si pareil arrangement contient une sorte de
logique, ce ne peut être que celle de Pickwick. Ce qui le rend encore
plus exemplicable c'est que l'entreprise de diffusion par câble pourrait
acheter et installer elle-même le câble coaxial pour environ
$350,000. Elle devrait encore payer le loyer des poteaux et conduits mais elle
possèderait le cable et aurait un bien réel qu'elle pourrait
donner en gage lorsqu'elle voudrait emprunter de l'argent."
L'association est convaincue que l'on ne devrait pas permettre aux
compagnies de téléphone de s'approprier le marché du
câble de retransmission, du simple fait qu'elles détiennent le
contrôle des poteaux en franchise fédérale ou provinciale,
comme un bien public à utiliser dans l'intérêt public.
L'usage multiple des structures de distribution par tous les services
nécessaires à une communauté est essentiel à
l'intérêt public. Le partage des frais de structure de
distribution, poteaux ou conduits souterrains pourrait réduire les prix
que les consommateurs doivent payer pour le câble, le
téléphone et l'électricité.
La Commission canadienne des transports peut déterminer si
certaines des exigences prescrites par la compagnie sont raisonnables ou non et
rejeter toute exigence de ce genre. Notre industrie est d'avis que Bell Canada
doit consentir que les câbles de retransmission soient placés sur
ces poteaux, sujets bien sûr à toute exigence raisonnable.
Bell Canada restreint l'usage des conduits loués et refuse
d'accepter des conditions raisonnables d'utilisation des poteaux, en violation,
selon nous, de sa propre charte. Bell Canada refuse même de discuter de
conditions raisonnables pour que les compagnies de câbles puissent
utiliser ses installations et a même eu recours au sectionnement du
câble d'un cablodistributeur qui refusait de se plier à ses
exigences. Cette action a donné lieu à une injonction de la
Commission canadienne des transports, qui étudie présentement ces
questions.
Cette attitude de Bell Canada est unique en son genre sur ce continent.
En général, les services publics et les transporteurs
d'informations s'accordent sur des conditions de locations justes pour le
client, la compagnie de téléphone et le service public ou la
compagnie de téléphone propriétaire des poteaux.
L'ATNT et ses succursales Bell aux Etats-Unis ont, avec les compagnies
de câble, des
contrats d'accès raisonnable et il en est de même des
compagnies canadiennes de téléphone en Alberta et en
Colombie-Britannique. Les compagnies d'électricité au Canada
démontrent beaucoup plus de maturité. Les compagnies de
câble ont des contrats avantageux avec l'Hydro-Québec, la
commission hydro-électrique de l'Ontario, la Commission des services
publics de l'Ontario permettant un usage multiple des structures de
distribution dans l'intérêt public.
Bell Canada a même exercé des pressions sur l'exploitant du
câble indépendant l'obligeant à accepter des conditions de
location très onéreuses. En réalité, il paie pour
l'équipement et son installation initiale et renonce à son droit
de propriétaire. Par la suite, il doit payer une location pour un
système qu'il a déjà payé mais qui ne lui
appartient pas. Bell Canada a imposé des restrictions arbitraires
à l'utilisation et à l'entretien du système de
distribution restreignant le commerce opérationnel. Bell Canada, ayant
des intérêts investis dans la technologie et les services, tente
de prévenir et de limiter l'évolution de nouveaux services de
câble sans doute pour ainsi se ménager une position de
sécurité dans l'industrie.
Northern Electric, à cause du contrat de propriété
partielle avec Bell Canada, fournit le câble de façon non
compétitive et il en est de même des coûts de construction
puisqu'on utilise la main-d'oeuvre de Bell.
Nous devons donc conclure, premièrement, qu'on ne peut accepter
la prétention, qu'ont les compagnies de téléphone, de
s'occuper de communication tandis que les télédistributeurs font
de la programmation. On a tenté de séparer contenu et contenant,
message et véhicule, programmation et distribution, radiodiffusion et
transport public pour affirmer que la télédistribution
relève de la catégorie contenu, message, programmation,
ra-diodiffuseur et que l'aspect communication pur fait partie de la
compétence des compagnies de téléphone; il n'y a pas
d'erreur plus grossière. Les télédistributeurs,
aujourd'hui comme hier, fournissent surtout le contenant, le véhicule et
le moyen de distribuer la programmation. Ils assurent, avant tout, un service
de télécommunications qui effectue la réception et la
transmission de signaux radiodiffusés. Toute autre définition de
leur raison d'être n'a pas le moindre sens.
Deuxièmement, les prétentions qui veulent séparer
programmation et véhicule, afin de les remettre entre les mains de deux
différentes industries, ne font que limiter les efforts en programmation
alors qu'ils ne commencent qu'à se faire sentir. On prétend que
la télédistribution fait du télédistributeur un
directeur de programmation et qu'il devient, à ce moment, incapable de
s'occuper d'un réseau de communications. Un tel argument met en danger
très sérieux l'avenir de ce nouvel aspect de la
télédistribution. On ne peut trancher la question
où finissent les contenus, messa- ge et programmation, et où
commencent les contenants, véhicule et réseau de communication
bien qu'il ne fasse aucun doute que le télédistributeur
appartienne tout d'abord à l'industrie de communications.
Dans le cadre de la télédistribution, on ne peut effectuer
une séparation artificielle et irréalisable. Il faut adopter le
concept du système hybride et se rendre à l'évidence: Le
télédistributeur exploite un réseau très
spécialisé de télécommunications et s'il fait de la
programmation, il le fait par surcroit et dans l'intérêt de son
public.
Troisièmement, la prétention à un système
simple et unifié des communications n'a pas encore à son appui
les arguments qui le justifierait aux yeux de tous. Des faits
irréfutables provenant de la conférence de M. E.-B.
Rostow, professeur de droit à l'université Yale aux
États-Unis et président de la commission des communications,
nommé par le président Johnson en 1967-1968 donnent les
raisons d'être de notre pensée. M. Rostow assistait à notre
congrès, à Toronto, le 23 mai 1973;c'est alors qu'il a
donné cette conférence.
Ces faits indiquent l'émergence de deux types de réseaux
de communication en Amérique du Nord, un réseau à double
voie, à commutation, à potentiel image et son, auquel donnera
naissance le réseau téléphonique actuel, et un
réseau coaxial à sens unique pouvant accommoder une très
grande quantité de fréquences évoluant du réseau de
télédistribution tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Voilà qui réfute l'argument qui voudrait faire des compagnies de
téléphone les seules responsables des services canadiens de
communication.
Quatrièmement, le contrôle de la
télédistribution par les compagnies de téléphone
irait à l'encontre de l'intérêt public. Si les compagnies
de téléphone devaient posséder et exploiter les
réseaux de télédistribution, elles auraient en même
temps le contrôle presque total des raisons physiques de leur existence
sur le marché économique, ne laissant aux détenteurs que
le rôle de commis, vendeurs et percepteurs.
Dans de telles circonstances, le télédistributeur n'arait
plus le contrôle des moyens d'assumer ses responsabilités
auprès de ses abonnés, des gouvernements et de l'industrie en
général. Il lui faudrait se soumettre aux dictées
unilatérales des compagnies de téléphone, y compris
à leur théorie de la propriété des terminaux,
d'où il en résulterait une industrie stagnante.
L'on ne peut trouver meilleure illustration d'une industrie canadienne
qui offre à tous les mêmes degrés de chances
économiques que la télédistribution. Il faudrait lui
donner tous les droits qu'elle mérite. Des individus ont fait
connaître leurs désirs relativement au service de
télédistribution. Une saturation de 22 p.c. du marché
québécois en comparaison de 10 p.c. du marché
américain illustre bien ce fait.
En dernière analyse, ce qui importe dans
l'intérêt public, c'est de fournir un service qui
répond aux besoins et aux désirs du public.
Merci, M. le Président et les membres de la commission.
LE PRESIDENT (M. Giasson): L'honorable député de
Chicoutimi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M. Girard
de l'exposé qu'il a fait. Le mémoire qui nous est soumis est
certainement l'un des plus importants et il est nécessaire que nous le
commentions et surtout que nous interrogions les représentants de
l'association qui vient de s'exprimer.
Tout en affirmant sa volonté de collaboration avec le
ministère des Communications, votre association, M. Girard, remet en
cause certains principes de base de la loi qui a provoqué le projet de
réglementation que nous avons à étudier. Peut-être
qu'à l'analyse et en discutant avec vous, il nous sera possible de
constater dans quelle mesure vous avez l'intention de collaborer à
l'instauration d'une politique québécoise des communications.
Ce que je vous dis là n'est pas un reproche, mais simplement
l'expression des idées qui me sont venues à la lecture du
mémoire et à l'écoute des diverses interventions.
Je voudrais au départ vous poser une question concernant la
notion de services publics puisqu'il m'est apparu et vous me corrigerez
si mon impression n'est pas exacte que la notion de services publics,
selon votre association, ne semblerait pas s'appliquer aux entreprises de
câblodistribution. C'est la première question que je vous
pose.
M. GIRARD: Nous indiquons dans notre mémoire que, si la notion
d'entreprise publique veut dire l'obligation de desservir totalement, dans leur
ensemble, les territoires, il arrive que, vu que le service actuellement
demeure facultatif dans beaucoup d'endroits qui peuvent capter autant de postes
sur une antenne que sur le câble de télévision, il en
résulterait une perte d'argent pour celui qui ferait l'installation et
ne récolterait pas nécessairement suffisamment d'abonnés
pour payer son investissement. C'est dans ce sens.
On estime qu'éventuellement, et si on se reporte aux
années quatre-vingt, tel qu'il a été mentionné,
d'autres services additionnels rendront l'utilité du câble
beaucoup plus nécessaire dans chaque foyer; dans un tel cas, la notion
de services publics sera peut-être plus réelle qu'elle ne l'est
actuellement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie de cette précision M.
Girard. Mais il reste que le gouvernement a indiqué son intention de
doter les diverses collectivités québécoises des services
de câblodistribution. Dans cette perspective, même en tenant compte
des situations existantes, de la situation financière, technique, etc.,
des entreprises actuelles de câblodistribution, est-ce qu'il ne vous
apparaît pas nécessaire d'articuler vos politiques et vos
programmes de développement sur cette politique énoncée,
mise de l'avant par le ministre des Communications qui a manifesté
l'intention de doter toutes les collectivités québécoises,
dans un délai qu'il assez difficile de prévoir, de ce service de
câblodistribution? Est-ce que votre orientation actuelle va dans le sens
de cette rencontre ou de cette jonction de vos intérêts avec
l'intérêt public, tel que l'a exprimé le ministre des
Communications lorsqu'il a parlé de câblodistribution comme d'un
service public essentiel?
M. GIRARD: Voici. Nous avons manifesté l'intention de travailler
avec M. le ministre. Mais je pense que le procédé
démocratique veut que, justement, lors de la présentation d'un
document particulier, tel que le projet de réglementation, l'industrie
puisse y contribuer et même modifier, même montrer aux
législateurs une autre manière de le faire, peut-être sur
une période transitoire, qui permettrait justement à cette
industrie d'évoluer, parce que notre industrie est jeune.
Lorsque vous manifestez l'intention de câbler tous les endroits de
la province de Québec, c'est évident que nous ne sommes pas
contre ce principe. Il reste une chose, c'est que le progrès
technologique, actuellement, doit permettre l'autofinancement des compagnies
privées et doit se faire également dans le but d'être en
mesure de répondre à ces exigences. Alors, on ne s'oppose pas du
tout au projet de réglementation. Ce que l'on fait, tout simplement,
c'est ajouter des suggestions, des modalités en vue de rendre ce
règlement plus flexible, dans le but d'atteindre, justement, les
objectifs proposés par le ministère des Communications.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, si je comprends bien, M. Girard, vous
admettez le principe énoncé par le ministre et qui sous-tend,
d'ailleurs, le projet de loi qui a fait l'objet de cette réglementation.
Mais vous voudriez que, par le truchement de dispositions transitoires, vos
entreprises puissent, petit à petit, s'adapter aux
réalités existantes, mais en même temps poursuivre
l'objectif qui est de doter toutes les collectivités
québécoises de services de câblodistribution.
M. GIRARD: Certainement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, vous avez évoqué,
cela au tout début de votre exposé, le problème de la
propriété québécoise et des difficultés
financières que cela impliquerait. J'aimerais obtenir de vous des
renseignements additionnels ou des précisions en ce qui concerne ce que
vous avez appelé les embûches inhérentes à la
promulgation du projet de règlements.
Particulièrement à l'article 4, vous dites que
ce projet, s'il était appliqué, restreint l'investissement
des Canadiens dans l'entreprise québécoise de
télédistribution. Est-ce qu'il vous est possible, ce matin, de
nous donner une idée de ces investissements, c'est-à-dire
d'établir quelle peut être, en pourcentage, la contribution des
entreprises québécoises à tous les systèmes de
câblodistribution versus la contribution des entreprises canadiennes ou
étrangères? Est-ce qu'en termes statistiques vous êtes
capable de nous donner des renseignements à ce sujet?
M. GIRARD: J'aimerais demander à M. Pierre Levasseur, de
National, qui est touché par cette question, de répondre à
votre question, si vous n'avez pas d'objection.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Certainement.
M. LEVASSEUR: Je ne peux pas répondre pour l'ensemble des
entreprises de télédistribution au Québec. Je pense que je
pourrais utiliser l'exemple de National Cablevision pour illustrer un peu le
problème qui peut se poser ici. Dans le cas de National Cablevision, 60
p.c. de l'entreprise est déjà détenu par des
Québécois. Les Québécois qui se sont portés
acquéreurs de cette entreprise l'ont fait de la société
américaine Columbia Broadcasting System, d'une société
anglaise de radiodiffusion. Ils ont gardé avec eux comme partenaire un
actionnaire de l'Ouest, de Vancouver plus précisément, qui
lui-même est considéré comme le pionnier de la
télédistribution au Canada.
Il nous apparaît important dans un domaine comme le nôtre,
où la technologie évolue continuellement, de pouvoir avoir
accès, par le biais du conseil d'administration par exemple, à
des expertises qui viennent de l'extérieur du Québec. C'est dans
cet esprit que nous avons fait des recommandations sur la majorité des
membres du conseil d'administration.
Je pense qu'il est important aussi de réaliser là
je parle encore pour National Cablevision Ltée que notre
entreprise exerce un leadership qui, de plus en plus, dépasse les
limites du Québec. Cette possibilité d'étendre nos
activités au-delà du Québec se fait dans le contexte
canadien ou étranger, d'habitude en considérant une participation
financière ou une participation à des conseils d'administration
qui, je pense, est bénéfique, à long terme, pour le
Québec.
Ce que nous voulons ici préserver, en faisant les recommandations
que nous avons faites, c'est justement cet influx de connaissances, d'une part,
et la possibilité de manoeuvrer dans des ententes possibles à
l'extérieur du Québec qui font que le contrôle de
l'entreprise demeure québécois, que l'entreprise
québécoise exerce un rôle à l'extérieur du
Québec et qu'en même temps, on bénéficie de la
technologie ou des conseils de personnes qui exercent le même genre
d'activités ou des enterprises connexes dans d'autres parties du monde
entier.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Levasseur, lorsque l'on parle dans votre
mémoire, à la page 11: "Que le projet de règlement, s'il
était appliqué, restreint l'investissement d'autres secteurs
économiques d'importance dans l'entreprise québécoise de
télédistribution", est-ce que vous pourriez expliciter cette
proposition que vous soumettez à la commission?
M. LEVASSEUR: A ce moment-là, on commente l'article 6 qui, en
somme, a deux parties. La première partie, c'est celle qui propose que
certaines entreprises ne puissent être détentrices d'un permis de
câblodistribution et nous retrouvons dans cette préoccupation
celle de l'Etat d'éviter la concentration des média.
Jusque-là, je pense qu'on peut partager cette préoccupation.
La deuxième partie de l'article et c'est peut-être
la rédaction qui porte à confusion et c'est cela que nous
voulions soumettre au législateur cette deuxième partie
peut dans l'avenir nous empêcher de conclure certaines ententes avec des
entreprises qui sont dans le même domaine. Si l'on prend, par exemple,
une des préoccupations du règlement, qui est celle de
créer de toutes pièces, si on veut parce qu'il n'existe
pas comme on l'envisage du software québécois, du contenu
québécois, je pense qu à certains moments, il va falloir
permettre à l'entreprise de câblodistribution une certaine
flexibilité pour qu'elle puisse entrer par entente, même par
participation financière, dans des ententes avec des compagnies qui sont
dans le domaine du software; et nous voulons mettre le législateur en
garde contre cela.
C'est dans la rédaction, telle qu'elle est actuellement, il nous
semble, que ce danger existe, c'est-à-dire qu'on en élimine la
possibilité dans l'avenir, d'une part; mais aussi l'article peut
s'interpréter même, peut-être d'une façon plus grave
encore, dans notre cas en particulier; mais la rédaction, si on la
comprend comme il faut... Si, par exemple, on dit, par le biais de l'article,
qu'un instrument comme une société d'assurance, qui aurait aussi
des actions dans une société de presse, ne pourrait pas
être actionnaire d'une société de câblodistribution,
cela commence à restreindre pas mal les sources d'investissement qu'il
serait possible d'intégrer dans le capital-actions d'une entreprise
comme la nôtre. Nous croyons que ce n'est pas le but du
législateur, nous croyons que la rédaction porte à
confusion et nous aimerions la voir clarifiée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand vous parlez de software, vous parlez de
contenu en termes de programmation, en terme d'émissions et vous avez
laissé entendre que vos entreprises pourraient, par voie d'ententes,
louer des émissions que vous appelez du software.
M. LEVASSEUR: J'irais plus loin que cela. Un autre article de la
réglementation telle qu'elle nous est proposée nous incite
à essayer
de développer le cinéma québécois. Je pense
que la télévision par souscription, par exemple, qui est celle de
permettre à l'abonné de voir le film qu'il veut voir au moment
où il veut le voir, c'est possible. Est-ce que ce sera du film
québécois ou si cela sera autre chose? Nous, nous pensons que le
film québécois devrait être privilégié. Pour
le favoriser et pour vraiment lancer l'industrie, je pense qu'il va falloir,
dans des cas comme cela, songer à des participations de
sociétés de câble avec des sociétés de
cinéma ou avec des sociétés de télévision ou
avec des postes de télévision, et c'est cela que je vise quand je
parle de software.
Je ne parle pas seulement de la programmation communautaire comme telle
qui existe déjà ou qui est en voie d'évolution ou de
nouveaux softwares qui pourraient être développés. Je donne
l'exemple du cinéma. Je ne me rappelle pas le numéro de
l'article, 19 je pense, nous incite justement à encourager...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le cinéma. M. LEVASSEUR: ...le
cinéma.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Levasseur, ou M. Girard,
toujours au sujet de la propriété québécoise et de
ses conséquences, des résidents du Québec et tout ce qui
se greffe à cet article, vous avez déclaré, soit M. Girard
ou un autre, je ne me souviens pas, que, si la réglementation
était appliquée telle quelle, vous craindriez des
représailles de ce que vous avez qualifié de voisins canadiens.
Qu'est-ce que vous entendez par représailles et est-ce que vous avez des
exemples qui pourraient illustrer votre avancé?
M. LEVASSEUR: Lorsqu'on parle de représailles d'autres citoyens
du Canada, je pense que tout à l'heure j'ai dit que, dans notre cas en
particulier, nous aimerions étendre nos activités au-delà
de la province. Je pense qu'il est bien sûr que, si on avait un
règlement qui proposait que l'entière, la totale, la grande
partie ou 80 p.c. doit être détenu par des
Québécois, je pense qu'il est normal qu'on s'attende à la
même réaction dans une autre province. Nous avons
déjà eu une indication à cet effet-là que
l'entreprise là-bas verrait d'un mauvais oeil qu'on essaie d'aller
s'implanter dans un secteur où, selon elle, le gouvernement, son
gouvernement devrait faire ou adopter la même politique que nous.
S'il s'agit d'une participation minoritaire, je pense bien que le
problème est moins grave mais, s'il s'agit d'un désir d'une
participation majoritaire ou d'une participation importante, c'est
certainement, je pense, indicateur de l'attitude que prendront certaines autres
provinces.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Levasseur, est-ce que
l'expérience que vous avez acquise dans ce domaine et
l'expérience de l'association à laquelle vous appartenez vous
indiquent que les investisseurs québécois ou les capitaux
québécois sont, à l'heure actuelle, insuffisants et que
les entreprises de câblodistri-bution ne pourraient pas, à l'heure
présente, compter pour leur financement uniquement sur des sources
québécoises d'investissement?
M. LEVASSEUR: Non, je pense que, jusqu'à maintenant, l'industrie
québécoise a réussi parfois de peine et de misère
à s'autofinancer. Ce qui vraiment va conditionner la continuité
du flot d'argent dans l'entreprise, je pense, c'est le type de
réglementation ou le cadre dans lequel on devra fonctionner. Nos fonds
vont devoir provenir de plus en plus d'émissions publiques et
l'investisseur québécois, en particulier, n'est pas reconnu comme
étant un investisseur qui plonge dans les actions. Nous devrons compter
sur un cadre réglementaire qui permet à l'entreprise
d'évoluer, qui permet à l'entreprise d'indiquer à ces
investisseurs potentiels que ce sont des entreprises viables, que
l'investissement qu'ils considèrent en est un qui peut être
rentable pour eux. Ce sont, je pense, toutes les conditions que nous visons
à assurer pour que cet autofinancement existe.
Revenons à votre première question en termes de notion de
services publics. Cette notion, par exemple, si elle donnait lieu à une
indication précise aux sociétés de développer des
secteurs non rentables prioritairement, une politique de ce genre pourrait
avoir un effet négatif, je pense, sur les possibilités de
financement par le biais du marché de la Bourse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Outre, M. le Président, les...
M. LEGER: Est-ce que le député me permettrait seulement
une sous-question pour comprendre l'exemple qu'il vient de donner?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, s'il vous plaît ! Je vais
poser une autre question et peut-être que cela va vous aider. C'est parce
que je ne veux pas prendre tout le temps, je vais vous laisser la parole
bientôt.
Est-ce que, M. Levasseur, quand vous parlez d'investissements, vous
parlez simplement en termes de capitalisation? La crainte que vous avez de voir
réduite la masse des investissements, est-ce que, dans votre esprit,
cela s'exprime simplement en termes de capitalisation ou si cela s'exprime
également en termes de commandites, par exemple, de revenus qui
proviendraient de l'annonce ou de la réclame publicitaire, etc.? Est-ce
que vos craintes vont des deux côtés?
M. LEVASSEUR: Disons que pour les revenus qui pourraient provenir de la
réclame, ce domaine est tout à fait nouveau pour nous parce que
nous n'en avons pas dans le moment.
Alors, il est difficile pour moi de commenter les montants que cela va
nous rapporter.
Disons que la préoccupation dans le financement est celle de
trouver les capitaux nécessaires à, continuellement, faire la
mise à jour de nos réseaux, la reconstruction. Je pense, par
exemple, pour donner une indication, qu'un mille de câble coûte
$6,000 et cela s'en va rapidement vers $7,000 à cause des charges, etc.,
qui augmentent.
Nous avons parlé tout à l'heure de services additionnels.
Nous avons parlé, dans notre exposé d'ouverture, d'être
capables d'accéder à l'ordre de priorité. Vous allez voir,
dans la présentation d'autres groupes, en particulier, l'impact
financier qu'exige la reconstruction d'un réseau dans la ville de
Montréal pour le faire passer de douze à trente canaux. Ce sont
des investissements de grande envergure et l'autofinancement par le biais de
l'abonnement, surtout que le taux d'abonnement n'a pas changé depuis
1968 dans la plupart des entreprises, est quand même limité comme
source. Il faut aller en chercher à l'extérieur et je pense en
passant qu'on vient de souligner que plusieurs personnes ont cette impression
que les compagnies de câbles sont très rentables. Moi,
j'administre une compagnie et je peux vous dire le contraire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous pourriez nous donner des chiffres? Vous
dites ceci: Présuppose un niveau de profit non fondé pour
l'entreprise québécoise de télédistribution.
Là, vous touchez le problème de vos revenus. Vous venez d'ailleur
de l'évoquer ce problème. Est-ce que vous avez des tableaux qui
nous permettraient de voir s'il y a profit ou non et quelle est l'importance de
ces profits?
M. LEVASSEUR: Si vous le voulez bien, j'aimerais que vous posiez la
question aux actionnaires des entreprises plutôt que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien, remarquez monsieur, vous
représentez quand même une association importante. Je ne puis pas
requérir l'avis de tous les actionnaires, ne les connaissant pas et
sachant qu'ils ne sont pas ici présents. Or, vous êtes les
porte-parole des diverses associations et, partant, des actionnaires
eux-mêmes, il est donc important que nous connaissions, du moins dans ses
grandes lignes, l'état financier de ces entreprises de
télédistribution dont vous nous dites qu'elles ne font pas les
profits que l'on présuppose.
M. LEVASSEUR: La raison pour laquelle j'hésite à
répondre, naturellement, c'est qu'entre nous, on s'échange des
informations, mais on n'a jamais, entre nous, établi nos états
financiers, de l'un à l'autre.
Je pense qu'il est important de faire une distinction entre la grandeur
de l'entreprise, son territoire d'exploitation, la qualité du
réseau.
Vous donnez un chiffre qui représente le rendement
général des entreprises, je pense que ce serait peut-être
remplacer une mauvaise impression par une autre qui est peut-être mal
fondée. D'ailleurs, l'objet de notre deuxième recommandation,
dans notre mémoire, si vous vous en souvenez, était de
procéder à une étude justement qui permettrait de revoir
toutes ces choses. Mais la raison pour laquelle je vous ai mentionné
tantôt que vous devriez peut-être poser des questions à des
actionnaires, c'est que lors de la présentation du mémoire de
Cable TV Ltd et de National Cablevision les actionnaires seront
présents.
Alors, si, à ce moment-là, vous jugez bon de poser la
question à une compagnie en particulier, je. pense que ce serait le
temps idéal.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne veux pas priver
mes collègues de leur droit de parole; nous aurons
énormément de questions à poser parce que, au fait, vous
n'avez pas l'air très sympathique au développement des
réseaux communautaires. Vous mettez en cause le bien-fondé de la
législation en ce qui concerne les priorités établies par
la réglementation, par le projet de réglementation, la
programmation, etc., et il y a cet énorme problème, puisque c'en
est un, de vos relations avec les sociétés de
téléphone.
Vous vous imaginez bien que ce n'est pas en quelques heures que nous
pourrons épuiser ensemble les questions que nous avons à vous
poser vu l'importance des groupes que vous représentez.
M. le Président, je n'insiste pas pour le moment. J'y reviendrai
ou mes collègues y reviendront mais je laisse la parole à
d'autres représentants des partis.
LE PRESIDENT (M. Giasson): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le droit de parole est retenu.
M. LEGER: ... M. Levasseur disait tantôt, en ce qui concerne la
compagnie qu'il représente je crois que c'est National
Cablevision que vous aviez déjà 60 p.c. d'actions
détenues par des Québécois et qu'il n'y avait qu'un
propriétaire qui possédait à peu près 40 p.c. et
qui est en dehors du Canada. Est-ce que j'ai bien compris?
M. LEVASSEUR: Non, je m'excuse, je n'ai pas donné la
réponse au complet. 60 p.c. des actions sont détenues par des
Québécois, 20 p.c. par la Columbia Broadcasting System, de
laquelle on a acheté la compagnie, en partie, et 20 p.c. sont
détenues par le groupe Welch de Vancouver, qui sont justement les
pionniers que je mentionnais tout à l'heure.
M. LEGER: C'est cela. Je vois qu'il y a peut-être 120 entreprises
de câble dont deux ou trois regroupent 70 p. c. de la clientèle,
entre autres, Cable TV. Est-ce que le représentant de Cable TV est
ici?
M. FERGUSON: Oui.
M. LEGER: Est-ce que vous pourriez nous dire quel est, actuellement, le
pourcentage d'intérêts québécois qui
contrôlent Cable Television? Je pense bien qu'à vous deux vous
avez au-delà de 200,000 abonnés.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Si le député de Lafontaine nous
le permettait, je crois que ces gens ont déposé un mémoire
et, tout à l'heure, ils vont le commenter.
M. LEGER: Juste cette question-là.
M. FERGUSON: Tous les actionnaires de Cable TV sont des résidents
du Québec.
M. LEGER: Parfait, merci. Une autre question, peut-être, à
l'association comme telle, soit M. Girard ou M. Levasseur. Vous êtes dans
ce domaine depuis quand même assez longtemps pour connaître
certaines données dans le domaine des investissements. Etes-vous au
courant de la quantité d'intérêts québécois
qui sont investis dans des compagnies de cable en dehors du Québec, un
pourcentage approximatif? D'abord, est-ce qu'il y en a et est-ce que cela
représente un certain pourcentage?
M. GIRARD: Personnellement, je ne suis pas au courant du pourcentage
qu'il pourrait y avoir dans d'autres provinces. Je ne sais pas si d'autres des
directeurs pourraient apporter une réponse à cette question.
M. LAHAIE: M. le Président, vous demandez quels sont les
investissements de câblodistribu-teurs du Québec en dehors du
Québec.
M. LEGER: C'est-à-dire des intérêts
québécois qui seraient dans des entreprises de
câblodistribution en dehors du Québec.
M. LAHAIE: En dehors du Québec, il y a déjà un
exemple ici.
M. LEVASSEUR: Je pense que M. Ferguson peut vous répondre.
M. FERGUSON: Je parle pour une seule compagnie, Cable TV Limited. Nous
avons une moitié du système à Brockville en Ontario et
presque 24 p.c. d'un des deux systèmes à Ottawa.
M. LEGER: C'est donc dire qu'il y a déjà des
Québécois qui s'intéressent à investir en dehors du
Québec. Je vois que les deux plus grosses, du moins, compagnies de
câble actuellement ont, l'une 60 p.c. de ses intérêts
québécois et l'autre 100 p.c. de ses intérêts
québécois. Alors, où est la peur de ne pas être
capable d'obtenir 80 p.c. d'intérêts québécois,
alors que déjà une compagnie est très près et
l'autre l'a entièrement?
M. LEVASSEUR: Disons qu'on ne veut pas fermer la porte, tout simplement.
On dit: Pour que le contrôle soit détenu par les
Québécois, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire
d'avoir 80 p.c. comme tel. La notion de contrôle se définit de
façon différente pour certaines personnes, mais dans le domaine
du contrôle d'une compagnie, il se présente deux cas: le cas d'une
compagnie dont les actionnaires sont privés et le cas d'une compagnie
dont les actionnaires sont publics. Vous pouvez exercer le contrôle dans
le cas d'une entreprise dont les actionnaires sont diffusés largement
avec un bloc de 15 p.c. ou de 20 p.c; dans le cas d'une société
qui a des actions détenues en privé, 51 p.c. donnent
effectivement le contrôle.
Tout ce que nous disons, c'est que si on a déjà le
contrôle et si on n'a pas l'intention de le laisser partir, si on veut
ouvrir des portes pour aller à l'extérieur... Je pourrais donner
un exemple, suite à votre première question. Nous sommes
impliqués dans la propriété d'un manufacturier
d'équipement de câblodistribution. Cela nous parait important
qu'on soit impliqué dans un manufacturier qui n'est pas au
Québec, qui est en dehors du Québec. Cela nous paraît
important, parce qu'un jour peut-être, par cette participation-là,
on pourra ramener une partie ou la totalité de cela au Québec; on
ne veut pas fermer cette porte-là.
M. LEGER: Vous croyez que cela la fermerait? Vous faisiez allusion,
tantôt, aux représailles et au fait qu'il pourrait y avoir une
réglementation semblable en Ontario
M. LEVASSEUR: Disons que cela peut la fermer sur ce plan-là, mais
cela peut aussi, je pense, inquiéter les investisseurs probables, lors
d'une émission publique, si les 80 p.c. doivent être
détenus par des Québécois, parce que le marché de
la Bourse c'est international.
M. LEGER: Maintenant, le domaine des communications avec le
problème de la barrière de la langue ou de la culture qui est
différente, ce n'est pas la même chose que d'avoir des
intérêts dans des compagnies complémentaires à votre
industrie.
M. LEVASSEUR: Je pense que j'ai noté ça dans notre
déclaration d'ouverture quand j'ai dit qu'au chapitre des communications
il nous paraît essentiel que l'Etat cherche, je pense, à avoir des
mesures qui assurent un contrôle québécois dans ce domaine.
Nous ne sommes pas contre ça.
M. CHARRON: Je veux vous faire remarquer que M. Ferguson, de Cable TV,
vient de donner un exemple contraire à ce que vous venez d'affirmer en
disant que cette compagnie ayant 100 p.c. de ses actionnaires résidant
au Québec a quand même réussi à investir à
l'extérieur du Québec, à Brockville.
M. LEVASSEUR: II a dit 24 p.c.
M. CHARRON: Oui, il a dit 24 p.c. presque maintenant, j'imagine qu'ils
sont encore sur le jeu du marché ontarien et qu'ils peuvent devenir
actionnaires bientôt dans des entreprises de ce genre.
M. LEVASSEUR: II n'est pas dit que le gouvernement de l'Ontario
n'introduira pas une réglementation lui disant de vendre ses actifs en
Ontario, par exemple.
M. CHARRON: II est possible toujours pour un gouvernement de faire cette
protection à cause du domaine bien particulier et c'est justement
pourquoi on est à étudier un projet de réglementation.
C'est une nécessité pour toutes les collectivités de se
donner une réglementation. Je pense que là-dessus vous n'avez pas
lésiné, vous avez endossé le principe d'un projet de
réglementation à cause du sujet bien particulier de la
télévision et du projet communautaire. Le gouvernement de
l'Ontario, il nous a peut-être dans certains domaines devancés
dans la protection de sa collectivité. Le gouvernement canadien a une
protection de la collectivité par rapport à l'envahisseur
américain. Toutes les collectivités le font. La nôtre,
à son tour, vient se donner une protection. Vous avez parfaitement
raison de dire qu'il est possible que les gouvernements autres, à
l'intérieur de la confédération canadienne, se donnent une
réglementation de ce type. Moi, je dis: C'est parfaitement normal aussi
qu'ils le fassent. Partout il y a ce réflexe de la collectivité
de se protéger et tout le monde sent que l'instrument essentiel pour sa
protection comme en même temps son épanouissement, c'est la
télévision et la télévision par câble.
M. LEVASSEUR: Je pense qu'en principe...
M. LEGER: Le danger est quand même inverse pour la
collectivité anglophone. Je ne pense pas qu'il y aurait un danger
à cause des intérêts québécois dans le
domaine des communications en Ontario, qu'il y aurait un danger comme ça
peut être le cas pour la langue anglaise auprès de la
collectivité québécoise. Il n'y aurait pas le même
danger du ; côté de l'Ontario.
M. LEVASSEUR: Je pense qu'en principe nous ne sommes pas en
désaccord. Notre rôle comme membres de l'association, comme
câblodiffuseurs dans un secteur de pointe qui est en train de se
développer, qui veut se développer rapidement et qui veut
s'étendre à l'ensemble du Québec, le plus rapidement
possible, je pense que c'est notre devoir de vous dire: Comme entrepreneurs on
voit tel risque, tel risque, tel risque. Ce sera au législateur de nous
dire ce qu'il veut, mais nous venons ici pour vous mettre en garde contre ce
risque. Si vous, dans votre analyse, vous en déduisez qu'il n'en a pas
de risque ou que le risque que vous venez de décrire est plus important,
ce n'est pas à nous de décider c'est au législateur.
M. LEGER: D'accord. Vous avez donné plus loin je pense que
c'est M. Girard qui le disait tantôt un cas typique avec des
chiffres réels, avec une projection ou une situation imaginée.
100 milles de câble loués, mettons, coûteraient $450,000 de
base plus $20,000 de loyer; donc, en 10 ans, $650,000. Cela revenait à
vos $6,000 du mille. Cela est pour la location. Avez-vous évalué
sur 100 milles de câble combien ça coûterait
d'investissement total, non pas pour une location, mais pour une implantation
d'infrastructure sur un territoire de 100 milles?
M. GIRARD: Voici, ce qu'on vous a soumis ça provenait d'une
citation du comité du Sénat. Le coût d'installation du
câble, de capitalisation est d'environ $6,000 de mille.
M. LEGER: L'installation? M. GIRARD: L'installation.
M. LEGER: Tantôt c'était plutôt le coût du
loyer.
M. GIRARD: Non, on vous a dit que pour 100 milles de câble
ça coûtait $450,000 d'investissement plus $20,000 de loyer par
année. Un contrat de dix ans avec une compagnie de
téléphone voulait dire $200,000 de plus, ce qui faisait un tout
de $650,000, capitalisation et loyer, sur une période de dix ans. Mais
l'opérateur de câble n'avait comme valeur réelle que
zéro, parce qu'il avait payé la compagnie de
téléphone pour l'installation du câble et la
propriété demeurait au téléphone.
M. LEGER: Ah, vous voulez dire par là que les $450,000 pour
l'installation, qui serait faite par une compagnie de téléphone,
ce coût, qui est un coût que la compagnie de
téléphone a à subir, elle le réclame, elle le
facture à la compagnie de câble en plus du loyer.
M. LEVASSEUR: Oui.
M. LEGER: Alors, ce n'est pas uniquement $200,000 que cela
coûterait de location; cela coûterait $650,000 et vous n'êtes
pas propriétaire.
M. LEVASSEUR: C'est ça. Il ne nous reste plus d'actif.
M. LEGER: Ce problème, comme de raison, est infiniment complexe.
J'ai souligné tantôt, dans ma déclaration d'ouverture,
qu'un investissement de départ d'une infrastructure pour un groupe
communautaire, c'est une limitation ou une contrainte difficile. Ils n'ont
peut-être pas les mêmes capitaux. Pour une compagnie privée,
qui travaille dans un domaine public, c'est peut-être aussi un
investissement. C'est peut-être moins onéreux.
Mais pour vous, jusqu'à présent, il y a un problème
quant à cette location, parce que sur le plan d'un bilan, pour pouvoir
faire des emprunts, vous n'auriez pas une image de capitalisation, de valeurs,
de garanties. Je pense, comme je le disais tantôt, que c'est quelque
chose de très complexe. Il y a des solutions intermédiaires qui
pourraient, je ne sais pas... entre autres, que le câble central ou
coaxial pourrait appartenir à une compagnie de téléphone
et rejoindre les foyers par des câbles qui seraient la
propriété de la compagnie de distribution. Il y a plusieurs
solutions intermédiaires à trouver. Je trouve que c'est une chose
qui devrait être laissée à la régie et que cet
article ne devrait pas être adopté avant que l'on ait entendu
toutes les personnes, tous les groupes intéressés
là-dedans.
C'est assez complexe. Vous m'avez quand même touché sur ce
point-là mais cela ne règle pas le problème de la
télévision communautaire.
Un dernier point que je voudrais poser avant de laisser la parole...
M. GIRARD: Seulement un instant. Si on installait les mêmes 100
milles de câble nous-mêmes, cela nous coûterait $350,000. Il
y a tout de même une différence de $100,000.
M. LEGER: Ah, c'est le chiffre que je voulais avoir tantôt. C'est
ça.
M. GIRARD: Ce que vous avez mentionné tantôt, au
début, vous parliez d'un montant total de $650,000. Alors, c'est
pourquoi je l'ai réexpliqué. Si on fait l'installation de notre
propre câble, notre propre usage, notre propre maintenance,
évidemment, cela nous coûte meilleur marché et on...
M. LEGER: Cela coûte meilleur marché que si Bell Canada, ou
une autre compagnie de téléphone l'avait fait.
M. GIRARD: Oui.
M. LEGER: Quant à elle, cela lui coûterait $100,000 de
plus...
M. GIRARD: C'est ça.
M. LEGER: ... parce qu'elle exige probablement plus que le prix que cela
lui coûte.
M. GIRARD: Oui.
M. LEGER: Maintenant, l'autre question porte sur l'article 32. Vous
parliez, à cet article 32, de l'obligation de la régie: "Que la
régie doit ordonner l'utilisation par l'entreprise publique de
câblodistribution...". A ce moment-là, vous vous sentiriez
obligés d'utiliser les services ou la structure ou l'infrastructure
d'une compagnie de téléphone. Est-ce que si c'était,
peut-être, je ne sais pas, une obligation pour la compagnie de
téléphone de le louer sans que vous soyez obligés de la
louer mais que vous ayez le choix de le faire vous-mêmes, est-ce que cela
vous conviendrait mieux?
M.GIRARD: Notre suggestion est celle-ci: D'ailleurs, l'étude
américaine, qui a été faite à ce sujet par le
FCC... on a obligé les compagnies de téléphone à
permettre l'accès aux poteaux parce que c'est un privilège de
droit public qu'il y ait un poteau là. Nous avons fait la même
demande, évidemment, à la Commission canadienne des transports.
Alors, sur le poteau, autrefois, vous aviez l'Hydro-Québec et les
compagnies de communications. De là, vous avez un troisième
service que vous appelez "services publics" actuellement. Alors ce
privilège d'avoir un poteau sur les voies publiques, évidemment,
il devait être accessible au troisième service qui est
nous-mêmes. C'est la raison pour laquelle on le suggère dans notre
mémoire.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Frontenac.
M. LAHAIE: M. le Président, simplement une précision. Vous
parlez simplement de coût comparatif pour le câble, la compagnie de
câble ou le téléphone. Ce n'est pas tout. Le plus
important, c'est la contrainte dans l'emploi de ce câble. C'est que si
quelqu'un d'autre est propriétaire, à ce moment, la compagnie de
câblodistribution n'aura pas la latitude de développer tous les
services additionnels qu'elle voudrait développer sur ce câble,
parce qu'elle pourra toujours être empêchée par la compagnie
de téléphone de dire: Non, nous allons le faire nous-mêmes.
C'est surtout le point important cela, et nous croyons que, dans la libre
entreprise, il y aura plus de chances pour les deux compagnies de se faire
concurrence si elles le veulent, mais la concurrence ne dure pas longtemps. En
effet, si le téléphone peut rendre un service mieux que nous,
qu'il le fasse. Par contre, si nous pouvons le faire plus économiquement
que le téléphone, ce serait peut-être à nous de le
faire.
M. LEGER: Le grand problème, c'est qu'on ne sait pas
jusqu'où l'industrie du câble peut aller. L'avenir est grand et il
y a des contraintes qu'on pourrait se donner avant d'avoir
vérifié toutes les possibilités.
M. LAHAIE: Oui, je crois d'ailleurs que nous avons des exemples concrets
dans le moment. Si nous prenons ce qui se fait aux Etats-Unis, dans certains
domaines techniques, ils nous ont devancés maintenant, seulement depuis
quel-
ques années. On peut prendre l'exemple du système Mitre de
Washington. Prenons certaines des villes, là-bas. On voit tous les
services qu'ils ajoutent. Aujourd'hui, la technique permet, par la
câblodistribution, d'amener énormément plus de services
qu'on peut faire maintenant. Les équipements existent. Il s'agit
simplement de pouvoir en avoir la demande. Nous visons à cela. Ce n'est
pas simplement un rêve. C'est une chose d'aujourd'hui.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Pour rester sur le même sujet, j'aimerais demander
à M. Girard s'ils ont fait une évaluation. Advenant le cas
où les compagnies de câblodiffusion auraient la
propriété intégrée de tous les équipements
et la mise en service, est-ce que cela leur permettrait de réduire leur
coût au consommateur d'une façon appréciable ou si elles
envisagent tout simplement d'augmenter leurs profits?
M. GIRARD: Par le fait de posséder notre propre câble,
évidemment, nous pourrions couvrir des territoires beaucoup plus que
nous ne le faisons actuellement, parce que cela nous donnerait de l'argent
supplémentaire pour couvrir ces territoires. Le fait que le coût
actuel d'installation nous revient plus cher nous oblige à planifier sur
de plus longues années l'installation des câbles. Tout à
l'heure, M. Tremblay a mentionné que nous ne semblions pas être
sympathiques à leur installation dans tout le Québec. Nous y
sommes sympathiques. Il reste que l'on couvre, actuellement, dans les plus
grandes villes, 90 p.c. des abonnés du Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Girard, si vous me le permettez, quand j'ai
fait, tout à l'heure, l'observation que vous venez de relever, c'est que
vous semblez être opposé à l'idée d'obligation qui
est inscrite et dans le projet de loi et dans le projet de règlement. Il
y a le mot obligation. Vous avez bien parlé de services facultatifs
versus services obligatoires, ce qui me permettait de conclure que vous aviez
quelques réticences en ce qui concerne l'obligation qui vous serait
faite d'implanter des services de câblodistribution là où
il y a les communautés, les collectivités importantes. Cela
s'infère de vos propos. Je vous ai dit qu'il vous appartiendrait de
dissiper les équivoques.
M. GIRARD: Peut-être que je me suis mal exprimé. Disons que
tous les principaux centres du Québec sont couverts actuellement. Les
demandes ont été faites et elles ont été
accordées. Il y a 145 entreprises, au Québec, de
câblodistribution. D'autres demandes vont venir pour d'autres endroits,
mais c'est évident que les centres urbains, les plus grands centres en
premier, étaient ceux auxquels on pouvait s'attaquer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous n'avez rien contre l'obligation qui
pourrait vous être faite par voie de loi ou de réglementation
d'installer des câbles par tout le territoire du Québec, là
où, évidemment, il y a une population importante à
desservir?
M. GIRARD: Evidemment, nous n'aurions pas d'objection.
M. LEVASSEUR: Je pense que le législateur devrait quand
même être conscient de l'impact d'une telle obligation. C'est cela
qu'on a voulu faire ressortir, je pense, M. Tremblay. Je trouve un peu
déplorable que vous interprétiez nos interventions comme
étant négatives.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Messieurs, je voudrais bien préciser. Il
ne s'agit pas d'interprétation négative. Il s'agit de tirer les
conclusions de ce que vous avez dit et il vous appartient, à vous, de
nous désabuser si nous le sommes. Vous parlez de l'impact. Vous pouvez,
en accordant un minimum d'intelligence aux législateurs, croire que les
législateurs sont conscients de l'impact particulièrement en ce
qui concerne l'entreprise privée et vous avez devant vous un
défenseur de l'entreprise privée.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Messieurs, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
Reprise de la séance à 14 h 40
M. GIASSON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
La commission poursuit ses travaux et, au moment de suspendre la
séance, la parole était au député de Frontenac. Je
l'invite à continuer son interrogatoire.
M. LATULIPPE: J'étais sur la question relative à l'article
32, où on parle de la propriété des équipements de
base ou de l'infrastructure des câbles. J'aimerais demander à M.
Girard si, effectivement, puisqu'il nous a dit que, d'une part, la situation
actuelle équivalait à une hausse accrue des coûts, il nous
a dit également que, si l'entreprise privée
récupérait, je veux dire l'entreprise autre que celle de
l'entreprise de télécommunication ou de téléphone,
autre que celle des propriétaires de câbles,
récupérait cette infrastructure, cela ne signifiait pas
nécessairement une baisse pour les usagers mais que, d'autre part, cela
signifiait peut-être une augmentation de la qualité des services,
est-ce que vous seriez en mesure de nous donner des exemples? Parce que cette
expérience a déjà été vécue par le
passé où les entreprises de câblodiffusion... Vous avez
mentionné tout à l'heure Sherbrooke qui avait
délaissé les entreprises de télécommunication au
niveau de la propriété du secteur principal ou de
l'infrastructure de l'entreprise, au niveau du "main" que j'oserais appeler.
Est-ce que vous savez exactement pour quelles raisons les Sherbrookois ou ceux
qui sont propriétaires de l'entreprise à Sherbrooke ont
été appelés à délaisser les services du Bell
pour s'orienter eux-mêmes vers leur propre structure au niveau de
l'infrastructure de leurs services?
M. GIRARD: Je crois que vous référez à la
différence qui existe entre un système complet et un
système partiel avec la compagnie Bell Canada.
M. LATULIPPE: Je sais que vous avez abordé cette question, mais
je parle surtout des avantages pour les clients. Je veux référer
surtout aussi à la qualité des services, quoiqu'il serait
peut-être bon également que vous nous parliez de cette distinction
qu'il y a entre le contrat complet et le contrat partiel que certains de vos
membres effectuent avec Bell Canada.
M. GIRARD: Voici. Si on se réfère au cas de Sherbrooke que
vous avez mentionné et aux autres cas que j'ai mentionnés dans la
présentation, ces systèmes avaient un contrat que l'on appelait
complet, autrefois, dans lequel la compagnie Bell Canada détenait les
équipements de distribution, les câbles et les embranchements aux
résidences. Le service ou la maintenance, l'entretien du câble
était fait par les équipes de Bell Canada.
Alors ce qui arrivait, c'est que la qualité du service en
était réduite en ce sens que probablement l'efficacité, si
vous le voulez, à ce niveau de la part de certains employés de la
compagnie téléphonique n'était pas aussi bonne que
l'entreprise privée lorsqu'elle a un système qu'elle entretient
elle-même. Et c'est la raison pour laquelle la plupart de ces
systèmes ont changé. On est passé du système
complet au système partiel, parce que, dans un tel cas,
l'opérateur de câbles entretient l'équipement de
distribution. Il ne possède pas encore le câble, parce que le
câble appartient encore à la compagnie de
téléphone.
Mais les embranchements, il les fait lui-même et il entretient
l'équipement. Il peut donc le faire plus rapidement et peut donner une
meilleure qualité de services. Ce sont les raisons primordiales qui ont
amené ces systèmes de câbles à passer d'un
système complet à un système partiel.
M. LATULIPPE: A Sherbrooke, on s'imagine que, si le service a
été meilleur, il y a eu aussi un accroissement du potentiel ou du
nombre de clients qui se sont raccordés. Est-ce que vous pourriez nous
donner un aperçu si effectivement il y a eu un accroissement à
Sherbrooke depuis que...
M. GIRARD: Bien voici...
M. LATULIPPE: ... il y a eu un changement?
M. GIRARD: ... de là à délimiter exactement le
pourcentage d'augmentation dû à ceci, il y a beaucoup de choses
qui sont arrivées entretemps, si vous le voulez. Le système, dans
ce temps-là, avait été vendu à Rediffusion. Le
groupe de Rediffusion a abandonné le système complet pour un
système partiel et il y a eu une augmentation d'abonnés,
nécessairement, qui est due à différents facteurs. La
qualité du service est certainement un facteur. Après, le CRTC a
obligé les compagnies à se départir des capitaux
étrangers. Eh bien, ce système-là aujourd'hui, appartient
à la National Cablevision.
Alors, il y a eu une augmentation de clients si vous le voulez depuis
ces dates. Je crois que je ne peux pas dire que l'augmentation de clients est
due simplement aux changements. Cela a été un facteur si vous le
voulez.
M. LATULIPPE: Le contrat partiel a été une
amélioration.
M. GIRARD: Le contrat partiel est une amélioration.
M. LATULIPPE: Est-ce qu'il répond à vos exigences ou si
vous préféreriez l'abolir complètement? Est-ce qu'en
définitive cela vous per-
met de donner à vos clients un service d'aussi bonne
qualité que si vous aviez vous-mêmes l'entretien, la charge, la
pleine propriété des embranchements principaux?
M. GIRARD: Le système partiel, tel qu'il nous est offert
actuellement, ne nous satisfait pas complètement. Ce qu'on veut c'est
l'accès aux poteaux ou aux structures. C'est ce qu'on demande parce que
là on contrôle le tout. Au point de vue des investissements, au
point de vue des emprunts, évidemment c'est notre
propriété. Au point de vue de l'entretien, évidemment on a
l'entretien total de notre propriété et de notre système.
C'est la raison pour laquelle plusieurs opérateurs refusent actuellement
de signer un nouveau contrat avec Bell Canada.
M. LATULIPPE: Vous dites "l'entretien total"; cela veut donc dire que
vous avez également l'entretien du secteur principal, même s'il ne
vous appartient pas.
M. GIRARD: Oui, sur un système partiel, vous avez l'entretien du
site de l'antenne qui vous appartient, vous avez l'entretien de
l'équipement électronique qui amplifie les signaux, vous avez
également l'entretien des embranchements qui vont aux résidences,
mais le câble principal appartient à Bell Canada et on doit, s'il
y a certains troubles sur ce câble-là, se référer
à Bel! Canada pour faire les modifications ou changer ce
câble.
M. LATULIPPE: Disons qu'il arrive une panne sur le câble
principal, qu'est-ce qui. se produit? S'il ne vous appartient pas, à ce
moment-là, vous êtes obligés de vous référer
à la compagnie Bell Canada qui envoie quelqu'un pour réparer
cela?
M. GIRARD: Oui, on doit se référer à Bell Canada
pour qu'elle vienne réparer un câble principal, par exemple, qui
serait sectionné.
M. LATULIPPE: Cela amène des délais
supplémentaires?
M. GIRARD: Cela amène des délais
supplémentaires.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Chicoutimi.
M. LATULIPPE: Je n'ai pas terminé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
UNE VOIX: II n'a pas terminé.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, excusez-moi, M. Latulippe, je vous en
prie.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: J'aurais aimé savoir également comment M.
Girard arrivait à concilier l'attitude qu'il avait à l'article 6
et à l'article 32. D'une part, vous semblez rejeter la
réglementation qui est proposée relativement aux entreprises
parallèles; à l'article 32, on nous propose quelque chose qui,
à mon sens, est contradictoire et vous le rejetez aussi. Je ne sais pas
si vous saisissez exactement ce vers quoi je veux m'orienter. Comment
arrivez-vous à une attitude semblable?
Il me semble que l'article 6, que vous rejetez, vous donnerait une
certaine satisfaction. D'autre part, à l'article 32, où on
consacre la propriété des câbles principaux aux entreprises
de télécommunications, de téléphone, autrement dit,
vous êtes également réticent. Disons que je trouve cela un
peu contradictoire.
M. GIRARD: Est-ce que vous permettez que je demande à M.
Levasseur de répondre à cette question?
M. LEVASSEUR: A l'article 6, en somme, on dit qu'un permis pour
exploiter une compagnie de télédistribution ne devrait pas
être donné à une société de
téléphone; à ma connaissance, on ne s'oppose pas à
cela. On a commenté surtout la deuxième partie de l'article 6 en
disant: Gardez la porte ouverte pour des unions possibles avec des entreprises
de presse ou de cinéma et permettez que les investisseurs aient dans
leur portefeuille des actions de sociétés qui pourraient
être en contradiction dans l'article 6.
Quant à l'article 32, par contre, parce que là il faut
bien s'entendre sur une chose, il est possible qu'un permis soit donné
à une entreprise et cela nous paraît être notre rôle,
mais l'article 32 rend possible pour le téléphone de
contrôler le développement éventuel des
sociétés de câble par le propriétariat du
câble lui-même.
Nous venons de compléter une étude, par exemple, des
contrats, depuis 1957 ou 1962, des compagnies de téléphone et ces
contrats contiennent des stipulations à l'effet que nous devons utiliser
le câble qui leur appartient, selon le système partiel, seulement
pour faire de la télévision, de la transmission d 'images
télévisées. Bien entendu, l'article 32 parle de
l'utilisation des moyens, des soutiens, etc. Je pense que dans les termes on
comprend la propriété du câble. Par exemple, on dit:
Lorsque des installations d'une autre entreprise publique... Par installations,
nous comprenons que ça contient les soutiens mais ça comprend
aussi le câble lui-même, ça fait partie des installations.
Si le téléphone est propriétaire du câble et s'il
continue à vouloir nous imposer des restrictions dans le
développement de nouveaux services additionnels par le biais d'une
clause dans son contrat avec nous, c'est bien entendu qu'il faut s'y opposer,
parce qu'il nous parait que c'est rendre une société responsable
de l'orientation
et du développement d'une autre société, toutes les
deux dans le secteur privé.
M. LATULIPPE: Est-ce que, à votre connaissance, il existe au
Canada ou ailleurs des mesures semblables, dans des législations un peu
semblables, ou encore dans d'autres secteurs, peut-être par le biais du
ministère des Transports ou autres, où on arrive justement
à consacrer ce fait, où l'entreprise peut être, comme le
consacre l'article 32, propriétaire du secteur principal, de
l'équipement principal alors que l'entreprise qui en fait la promotion
et la vente devient en sorte une entreprise de facturation?
M. LEVASSEUR: A notre connaissance, c'est la tendance inverse qui est en
train de se faire.
On a cité ce matin dans notre déclaration les jugements
qui ont été portés sur ces questions aux Etats-Unis et
même certaines autres provinces où, justement, on demande à
la société d'utilité publique de permettre le droit
d'attache des installations des opérateurs de câble sur les
poteaux de façon qu'il n'y ait pas prolifération de poteaux.
Mais, à ma connaissance...
M. LATULIPPE: Qu'est-ce qui se fait là-dessus?
M. LEVASSEUR: En Ontario, là aussi, les opérateurs
travaillent avec Bell Canada et ils font comme nous, ils essaient justement
d'utiliser davantage les facilités de l'Hydro-Ontario, comme nous le
faisons avec l'Hydro-Québec.
M. LATULIPPE: Est-ce que, en Ontario, une partie de l'équipement,
les poteaux et autres appartiennent également à Bell Canada et
l'autre partie à l'Hydro-Ontario?
M. LEVASSEUR: Comme c'est le cas au Québec.
M. LATULIPPE: C'est exactement la même chose.
M. LEVASSEUR: Oui.
M. LATULIPPE: Est-ce que les propriétaires de câble,
là-bas, ont le droit de s'accrocher, comme vous vouliez l'avoir ici au
Québec, sur les équipements des installations, tant sur ceux de
Bell Canada que sur ceux de l'Hydro-Ontario?
M. LEVASSEUR: Dans le cas de l'Hydro-Ontario, il n'y a pas de
problème comme c'est le cas avec l'Hydro-Québec. Les ententes
fonctionnent très bien. Les opérateurs de câble, en
Ontario, ont le même problème que nous parce qu'ils font aussi
affaires avec Bell Canada qui essaie de leur imposer le même genre de
contrat qu'elle essaie de nous imposer, à nous.
M. LATULIPPE: Encore dans le même sujet, mais cela relève
plus spécifiquement de l'article 5c) où vous aviez abordé
cette question. Est-ce que cela existe dans d'autres provinces où on
exige, comme ça, 80 p.c, à votre connaissance, de la
propriété des gens du milieu, ou des provinciaux, pour avoir le
droit de participer à une entreprise comme celle-là? Parce qu'ici
on exige 80 p.c. des résidents du Québec.
M. LEVASSEUR: Disons que...
M. LATULIPPE: 80 p.c. des propriétaires doivent être des
résidents du Québec.
M. LEVASSEUR: ... à ma connaissance, le Québec est la
première province à avoir une réglementation, dans le
secteur des communications, aussi précise que celle-là.
Maintenant, est-ce que cette règle s'applique à d'autres
entreprises ou d'autres secteurs d'activités économiques? Je ne
pourrais pas vous dire.
M. LATULIPPE: J'aurais également une autre question. Cela
concerne un peu le recoupage avec la réglementation
fédérale. Je vais prendre seulement l'exemple de la
publicité. D'un côté, avec la présente
réglementation, vous allez avoir le droit de faire des frais et, de
l'autre côté, vous n'aurez pas le droit de réclamer quoi
que ce soit. De quelle façon allez-vous interpréter cela à
l'association? Qu'est-ce que vous allez faire là-dedans?
M. LEVASSEUR: C'est le genre de problèmes auxquels on fait face
depuis que la réglementation a été promulguée. Vous
avez sans doute noté que tout au long du débat, nous n'avons pas
pris position, ni pour le gouvernement fédéral, ni pour le
gouvernement provincial, de façon concrète. M. le ministre des
Communications, au départ, dit qu'il y avait, des conflits
juridictionnels et que c'était un problème politique que les
politiciens se devaient de régler, et si possible pas sur le dos de
l'entreprise.
C'est une secteur où justement on attend beaucoup de votre aide
pour nous éclairer dans ce domaine.
M. LATULIPPE: Donc, on ne saura pas exactement où iront vos
préférences, de prime abord, sur le même sujet.
M. CHARRON: J'ai une toute petite question qui fait suite à
celle-là. Dans l'hypothèse où je pense que c'est ce
que le député de Frontenac voulait vous demander les
politiciens ne régleraient pas ce conflit politique, ce ne serait
pas nouveau quel sera le comportement des entreprises de
câblodiffu-sion, si les réglementations fédérales et
provinciales sont contradictoires sur certains aspects? Est-ce à croire
que, en attendant qu'il y ait un conflit tranché par les tribunaux, ou
je ne sais
quoi, on se comportera avec la réglementation qui vous semble la
plus favorable?
M. LEVASSEUR: C'est difficile de répondre de façon
globale. Je pense qu'on va devoir y faire face quasiment cas par cas. Disons
que, quand la réglementation sera promulguée de façon
définitive, les situations vont commencer à se présenter
où il va falloir, justement, si le débat n'est par
réglé on espère bien qu'il sera réglé
faire une espèce de gymnastique intellectuelle pour en arriver
à des conclusions concrètes.
M. CHARRON: Je sais que, pour votre propre interprétation, ce
serait une gymnastique intellectuelle, mais dans le comportement quotidien, les
décisions du conseil d'administration de chacune de ces entreprises,
j'ai l'impression qu'on ira vers la version la plus favorable, comme je viens
de vous le dire, en attendant que ce soit tranché par les tribunaux, ou
que les politiciens aient fait une entente.
Supposons que vous, demain matin, membre d'un conseil d'administration
comme vous l'êtes, vous devez vous plier au projet de
réglementation tel qu'il est là actuellement, et que, dans la
version fédérale du CATC ou d'autres organismes qui vous
touchent, vous sentez une porte de sortie qui vous permettrait
d'échapper à une réglementation trop sévère
venant du gouvernement provincial, j'imagine bien que, comme homme d'affaires,
comme membre d'un conseil d'administration, vous allez ne pas vous plier
à la réglementation provinciale. Lorsqu'on vous rappellera
à l'ordre, vous direz tout simplement que la réglementation
fédérale vous permettait de le faire, et vous direz: Moi, puisque
j'ai deux gouvernements, j'ai"pris celui qui m'était le plus favorable,
à vous de vous arranger maintenant. Vous allez amener cela devant les
tribunaux, n'est-ce pas?
M. LEVASSEUR: Ce serait plaisant si c'était aussi simple que
cela, mais ce ne l'est pas.
M. CHARRON: Vous allez le faire comme...
M. LEVASSEUR: Je pense que je ne suis pas en mesure, M. Charron, de vous
répondre de façon concrète.
Je pense que mes collègues et moi, comme vous le dites, nous
sommes des hommes d'affaires. On n'associe pas nécessairement quelque
chose de favorable de la même façon que vous l'avez
définie, c'est-à-dire favorable au sens où cela nous
rapporte plus dans un secteur ou dans l'autre, d'un côté ou de
l'autre. Je pense qu'on est conscient d'une chose, c'est qu'on est dans un
domaine très important au Québec, celui des communications. On
est conscient aussi la réglementation le prouve et les
commentaires des membres de la commission le prouvent aussi que c'est un
secteur qui doit préoccuper l'Etat dans une politique d'ensemble qui a
des aspects culturels, qui a des aspects socio-économiques. Je pense que
l'entreprise se doit d'essayer de bien se situer à l'intérieur de
ces préoccupations-là et d'agir en bon citoyen.
Je ne voudrais pas m'engager devant la commission ici au nom de notre
compagnie à poursuivre une course donnée quand on n'a pas
vraiment le problème devant nous.
M. CHARRON: Ce que je remettais en question, M. Levasseur, ce
n'était pas le comportement de "bon citoyen" que peuvent avoir des
entreprises, mais la difficulté que peuvent avoir ces bons citoyens
à l'établir. Lorsqu'ils sont soumis à des
réglementations contradictoires, même s'ils veulent être de
bons citoyens, si vous êtes bon citoyen à l'égard du
gouvernement québécois, vous ne le serez probablement pas
à l'égard du gouvernement fédéral ou vice versa
dans certains points de réglementation. Voici ce que je vous demande:
Comme bon citoyen, comment allez-vous réagir quand les objets de
contradiction sont déjà annoncés, sont déjà
apparents dans certaines dispositions du règlement?
On parle de quelque chose de très concret; peut-être que
tantôt j'ai simplifié, mais je sais que dans l'administration
courante vous aurez à vous soumettre aux deux. Ce n'est pas la
première fois d'ailleurs. Dans d'autres domaines de l'activité,
on a essayé de concilier...
Je me rappelle quand on a modifié, par exemple, toute
l'échelle fiscale à Ottawa, on a eu des modifications pour que,
justement, les entreprises ne soient pas face à une chose permise par un
gouvernement et défendue par l'autre. Ici, dans ce secteur bien
précis des communications où, comme vous le dites, il y a
beaucoup de culturel, de socio-économique c'est pour cela que
c'est un secteur tellement palpitant et intéressant il va y en
avoir des contradictions et les conseils d'administration de vos entreprises et
d'autres entreprises et d'autres types de gens qui militent dans ce milieu et
qu'on rencontrera plus tard, devront travailler avec. Je me demande comment un
bon citoyen peut répondre face à des dispositions
contradictoires.
M. GHAGNON: M. Charron, vous avez mentionné le mot
publicité. La réglementation proposée dit: La
câblodistribution peut inclure...
M. CHARRON: Bon! En voilà un exemple.
M. GHAGNON: Alors, dans mon cas, je crois que je n'en ferais pas de
publicité.
M. CHARRON: Vous n'en ferez pas? M. CHAGNON: Je règle le
problème.
M. CHARRON: Parce que là, on vous l'interdit.
M. CHAGNON: Cela règle mon problème temporairement
jusqu'à ce que le problème soit réglé à
l'échelle de deux gouvernements. Je crois que plusieurs cas peuvent
être réglés temporairement jusqu'à ce que le
problème soit réglé sur une base juridictionnelle. Je
crois qu'il y a beaucoup d'autres... même s'il y a un conflit...
M. CHARRON: Autrement dit, le droit que semble vous accorder cette
disposition de la publicité, dans le règlement
québécois, à toutes fins pratiques, pour un membre de
conseil d'administration, pour un industriel qui ne veut pas avoir de conflit,
est tout à fait théorique parce qu'il n'a à peu
près pas la possibilité pratique de l'utiliser, comme vous le
faites, pour éviter les conflits...
M. CHAGNON: Présentement.
M. CHARRON: ... puisque vous savez que le CRTC va vous taper sur les
doigts parce que, lui, interdit la publicité, vous n'utiliserez pas
cette loi. Autrement dit, le gouvernement québécois peut se
permettre de faire des réglementations de droit théorique,
sachant très bien que, pratiquement, les entrepreneurs ne les
utiliseront pas, parce que l'autre droit qui les concerne l'interdit. Vous
prenez donc une solution, vous me donnez un exemple à ma question de
comportement face à une disposition contradictoire. Vous cherchez
à éviter les conflits.
M. CHAGNON: C'est difficile!
M. CHARRON: Alors, qu'est-ce que cela nous donne à nous ce
n'est pas à vous que je devrais le demander, c'est plutôt au
ministre...
M. L'ALLIER: Préparez la question!
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le ministre...
M. CHARRON: On peut donc se demander dans ces cas, sans élever le
débat trop loin, que nous vaut de nous mettre des dispositions comme
celles-là dans le projet de réglementation si on est à peu
près assuré que les gens concernés, comme ceux qui
témoignent actuellement, hésiteront à profiter de cette
réglementation, parce qu'ils savent, eux, dans le milieu par-dessus la
tête, qu'il y a une réglementation contradictoire à un
autre échelon? Quelle est l'utilité du gouvernement du
Québec de mettre ces pouvoirs théoriques quand il sait qu'il y a
à peu près impossibilité pratique pour ceux qui sont dans
le milieu de les utiliser?
M. L'ALLIER: D'abord, M. le Président, la question peut se poser
sur le plan des textes qui sont ici. On peut voir un certain nombre, quelques
contradictions peut-être, notamment sur le plan de la publicité.
Il restera à voir la façon dont chacun interprétera sa
responsabilité face à la réglementation. Je n'accepte pas
que l'on prête des intentions au gouvernement en disant: Vous pouvez
faire des règlements parce que vous savez qu'ils ne seront pas
respectés ou, au contraire, parce que vous savez qu'ils ne seront pas
applicables. Les gens ne pourront pas les appliquer tant que le problème
ne sera pas réglé.
Le but que nous poursuivons par cette réglementation n'est pas de
placer les entreprises dans des situations qui les obligeront, de fait,
à prendre position dans un sens ou dans l'autre. Nous nous comportons
dans ce secteur, sur décision du gouvernement et compte tenu des
analyses et des expertises que nous avons faites, nous nous comportons comme
nous le faisons parce que nous sommes convaincus que nous avons cette
responsabilité et cette juridiction. Il a d'ailleurs été
reconnu unanimement par l'Assemblée nationale... Que le règlement
du CRTC défende une chose qui soit partiellement permise par ledit
règlement, ici, les entreprises pourront, à mon avis, le faire ou
ne pas le faire.
Si une entreprise fait de la publicité alors que le
règlement du CRTC l'en empêche, le CRTC pourra
éventuellement intervenir pour l'empêcher de le faire. Cela
placera éventuellement cette entreprise dans une situation
délicate. Ce que j'espère, pour ma part, c'est que rapidement
nous puissions convaincre le gouvernement fédéral du
bien-fondé de notre position pour l'amener progressivement à se
retirer d'un champ de juridiction qui ne lui appartient pas. Est-ce que cela se
passera ou ne se passera pas? Le député de Saint-Jacques ne peut
pas le dire plus que moi.
M. CHARRON: Mais cela fait trois ans...
M. L'ALLIER: Moi, j'y travaille et lui n'y travaille pas; c'est la
différence entre les deux.
M. CHARRON: Cela fait trois ans, M. le ministre, que vous occupez ce
fauteuil-là et que vous le faites et cela n'a pas avancé au point
qu'aujourd'hui on fait une réglementation contradictoire.
M. L'ALLIER: II y a des choses, à un moment donné, qu'il
faut planifier sur des périodes un peu plus longues que six mois ou un
an et ce sont des choses qu'on apprend avec le temps. Mon expertise dans le
domaine des communications est que cela n'a peut-être pas avancé,
mais, si on fait une espèce de rétrospection sur trois ans, on a
quand même fait passablement de chemin dans le domaine des communications
au Québec et on commence dans ce domaine.
Le but de cette réglementation est précisément
d'asseoir les bases d'une concertation entre les pouvoirs publics, l'entreprise
privée et
les utilisateurs pour la développer, cette politique de
communication. Au fur et à mesure qu'elle se structurera d'une
façon réaliste, au fur et à mesure nous aurons des moyens
et des arguments pour expliquer à nos collègues des autres
provinces et du gouvernement fédéral le bien-fondé d'une
attitude québécoise en matière de communications.
M. CHARRON: Si vous me le permettez, je trouve que ce que vous avez fait
depuis trois ans dans le domaine des communications et ce qu'a fait le
Québec depuis qu'il est doté d'un ministère des
Communications a été et c'est pourquoi on a endossé
le projet ce matin de justement prouver qu'on a la capacité
d'avoir une politique des communications. Tout ce qui nous manque au
Québec, c'est le pouvoir de le faire, mais on s'est prouvé
à soi-même comme Québécois qu'on avait la
capacité dans ce domaine comme dans d'autres d'avoir une
réglementation qui nous met dans certains domaines à
l'avant-garde de la protection d'une culture. A ce moment-là, je suis
complètement prêt à endosser vos efforts depuis trois ans,
efforts internes ici. La direction que vous avez offerte à ce
ministère et le travail qui s'est fait dans ce ministère nous ont
prouvé notre capacité de décider dans ces matières.
Il nous manque le pouvoir. C'est une fois de plus la situation qui est sur la
table.
M. L'ALLIER: Je voudrais apporter une précision, M. le
Président, si vous me le permettez, sur un point technique, c'est
très technique. Pour éviter les ambiguïtés, le CRTC
actuellement n'a pas, à ma connaissance, de règlement interdisant
la publicité. C'est un énoncé de politique, mais il n'y a
pas comme tel un règlement précis auquel on contreviendrait si on
faisait de la publicité conformément à ce
règlement-ci. Le point technique, c'est cela.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Sur le même sujet, j'aimerais demander ceci au
ministre, parce que, par le projet qu'il nous a soumis, il me semble qu'il y a
quelque chose qui est important. Une intention semble percer, c'est que le
Québec vise essentiellement par le projet qui nous est soumis surtout
à réglementer le contenu des possibilités que le
câble peut offrir, alors qu'essentiellement le CRTC jusqu'à
maintenant, à mon point de vue, s'est limité à
réglementer surtout l'aspect technique et commercial de l'entreprise.
Dans ce sens, j'aimerais demander au ministre si c'est l'intention justement de
son ministère de continuer à essayer de faire un mariage possible
des deux réglementations, quitte à ce que, même
éventuellement, il y ait peut-être un dédoublement ou une
uniformisation en ce qui concerne les aspects techniques, pour justement
arriver à créer une certaine forme d'harmonie. Personnellement,
tout de même, je ne trouve pas que le projet de loi qui nous est soumis,
dans son ensemble, sauf sur certains points bien particuliers, va
essentiellement à l'encontre des objectifs fédéraux.
On voit, à mon point de vue, que c'est une tentative de marier
une situation pour donner au Québec une possibilité
d'élaborer une politique québécoise des communications,
surtout pour arriver à des résultats dans le domaine de
l'éducation, de la culture et autres.
M. L'ALLIER: M. le Président, quand l'Etat intervient dans le
domaine des communications, si on continue à se placer dans un contexte
économique d'entreprise privée, l'intervention de l'Etat ne peut
se situer que dans le contexte aussi d'un service public. Si on peut dissocier
sur le plan réglementaire contenant et contenu, cela ne veut pas dire
qu'on ne doit s'occuper que de l'un ou de l'autre secteur. En d'autres mots,
l'infrastructure des communications, la complexité du
développement des communications sur le plan technologique
nécessitent une intervention de l'Etat pour que s'exerce une certaine
planification parce qu'en définitive, c'est chaque citoyen, par ses
abonnements ou autrement, qui paie l'infrastructure des communications.
Quant au contenu, le but de la réglementation cela a
été énoncé au moment de l'étude des projets
de loi n'est pas d'entrer dans le détail de telle ou telle
programmation ou de contrôler tel ou tel contenu, c'est dans les blocs de
contenus. En ce sens-là, le CRTC, de son côté, intervient
exactement de la même façon mais à partir d'autres
prémisses, à partir de la notion de l'unité canadienne et
de l'ensemble de la nation canadienne. Nous nous plaçons, parce que
c'est notre responsabilité, dans le contexte québécois. Le
CRTC vient de rendre une décision qui exclut, à toutes fins
pratiques, la publicité américaine des stations de
télévision par câble dans la région de
Montréal comme il l'avait fait pour Vancouver. Cela touche le contenu.
Quand le CRTC indique que le contenu doit être X p.c. canadien et qu'il
doit y avoir tel ordre de priorités à respecter, cela touche le
contenu.
Nous devons, à partir de grands principes qui sont admis partout,
dans tous les pays, en définitive, appliquer ces grands
principes-là à nos priorités et à nos objectifs de
collectivité québécoise. Il est possible qu'il y ait des
chevauchements, il est possible aussi qu'à certains moments où
c'est marqué canadien ce soit marqué québécois pour
les mêmes motifs de fonds; l'intervention sur les contenus ne
dépasse pas cela.
M. LATULIPPE: M. le Président, j'aurais une dernière
question qui concerne un problème soulevé par le
député de Chicoutimi et qui me préoccupe passablement. M.
Girard disait tout à l'heure qu'il voyait le système de
câblodiffusion comme un service; il semblait dire que c'était
un service obligatoire. Dans son esprit, est-ce qu'on ira, par le texte
qu'il nous a proposé, jusqu'à obliger les entreprises de
câble à faire de la programmation? Est-ce dans ce sens-là
que vous voyez l'obligation? Actuellement, l'obligation se limite à
donner accès aux services du câble mais est-ce que vous croyez
également que l'obligation ira jusqu'à forcer les entreprises
à donner une certaine programmation locale?
M. GIRARD: Beaucoup d'opérateurs font déjà de la
programmation locale et donnent accès à la TV communautaire
également dans les endroits où il y a un circuit fermé de
télévision. Evidemment, on a mentionné dans notre
mémoire qu'on aimerait que les opérateurs avec 3,000
abonnés et plus en fassent simplement quoiqu'il y a des systèmes
avec un nombre beaucoup moindre d'abonnés qui en font à titre
facultatif; c'est dans ce sens-là que vous avez posé votre
question.
M. LATULIPPE: Vous n'interprétez pas la réglementation
actuelle comme étant obligatoire sous cet aspect-là pour une
entreprise de câblodiffusion de donner ces services-là, soit une
programmation locale et autres?
M. GIRARD: Dans les priorités, on indique qu'il doit y avoir de
la programmation communautaire, de la programmation locale, de la programmation
éducative, de la programmation d'intérêt
général. Nous avons mentionné que nous étions
prêts à répondre à ces priorités-là
sur une période peut-être transitoire dans laquelle on pourrait
changer jusqu'à 30 canaux, que nous ayons l'équipement de 30
canaux de télévision parce que plusieurs systèmes n'ont
que de l'équipement à douze canaux. Un changement immédiat
serait très onéreux et ne permettrait pas à plusieurs
systèmes de le faire. C'est pourquoi on a mentionné que cette
priorité-là, on est prêt à y satisfaire mais sur une
période de temps, si vous voulez.
M. LATULIPPE: J'ai lu cela et je me suis posé la question. Je ne
la vois pas d'une façon draconienne, dans la réglementation qui
est proposée, cette obligation que vous mentionnez justement. A mon
point de vue, je m'explique mal comment vous arrivez à concevoir que
c'est effectivement obligatoire. Si on lit l'article 18, c'est marqué
"la programmation de toute entreprise publique de câblodiffusion doit",
disons que c'est sans concerner les priorités; les priorités
arrivent seulement à l'article 21. A ce moment-là, je vois
difficilement où se trouvent cette obligation-là.
Disons que vous avez certainement plus d'expérience que je puis
en avoir là-dedans mais, si, effectivement, cela équivaut
à une obligation pour toutes les entreprises de le faire, cela peut
devenir très onéreux. A mon point de vue, nombre de petites
entreprises ne seront certainement pas capables de donner un service qui va
automatiquement amener l'élimination d'entreprises ou certains
regroupements. Disons que je n'arrive pas à concilier cela pour que ce
soit l'intention du législateur.
M. GIRARD: Je lis l'article 18: "La production de toute entreprise
publique de câblodistri-bution doit, outre la programmation
éducative, être d'une durée minimale de dix heures par
semaine et comprendre des émissions communautaires, des émissions
locales, des émissions consacrées équitablement à
la politique partisane du Québec, des discussions au cours desquelles
les opinions sur des sujets d'intérêt public sont traitées
équitablement.
De là on va à l'ordre de priorité, de l'article 21
qui mentionne, à a) la programmation éducative; b) les
émissions communautaires; c) les émissions locales; d) les
émissions d'intérêt général; e) les
programmes de postes locaux, etc. Dans l'obligation de donner une durée
minimale de dix heures de programmation par semaine, il n'est pas
mentionné la grosseur de câble.
M. LATULIPPE: Est-ce que je pourrais demander au ministre si
effectivement il interprète la réglementation comme étant
justement obligatoire à cet effet-là?
M. L'ALLIER: Voici, M. le Président. Sur ce point, c'est une
question technique et je vois que le député de Frontenac
connaît particulièrement les modalités de fonctionnement
d'une entreprise de câble.
C'est l'article 21 qui indique un ordre de priorité. C'est la
Régie des services publics, sur présentation d'une demande
à partir d'un projet de programmation proposé par une entreprise,
qui détermine dans cet ordre de priorité quelles sont les choses
qui peuvent être faites, compte tenu des moyens de l'entreprise, compte
tenu de ses disponibilités. Donc, c'est fixé au moment de
l'audience par la Régie des services publics.
Si la Régie des services publics, après audience, en
arrive à la conclusion qu'il peut ou qu'il doit y avoir production,
c'est-à-dire des choses faites par l'entreprise de câble en dehors
de la simple retransmission, à ce moment-là, c'est la production
minimale prévue à l'article 18 qui s'applique.
En d'autres mots, il n'y a pas, dans le règlement ici, une
obligation de faire de la production locale. C'est à la régie
d'interpréter, compte tenu de la dimension des systèmes, des
potentiels, compte tenu des populations à desservir, au moment où
une entreprise vient faire une demande de permis, de voir si elle peut ou non
faire de la programmation locale.
Nous avons indiqué une durée minimale de dix heures par
semaine; c'est une question sur laquelle nous aimons avoir l'opinion des
télédistributeurs. Effectivement ça peut être trop.
Nous avions indiqué, dix heures par semaine,
pour éviter précisément qu'une entreprise, au
moment de faire sa publicité et sa vente, indique qu'elle offre une
programmation autre que la simple retransmission d'antenne et que ça se
résume à une demi-heure en définitive par semaine. Dix
heures nous paraissaient un bloc minimum nécessaire pour que, lorsqu'on
parlera de production locale, ça vaille la peine de dire: on en fait, et
on en fait dix heures. Si c'est trop, si c'est incompatible, on pourra, suite
aux audiences, modifier ça. C'est quand même la régie, au
moment de l'attribution de chaque permis, qui détermine, à partir
d'un ordre de priorité, les choses qui sont faisables.
M. LATULIPPE: Pour quelle raison n'avez-vous pas jugé, vous ou
vos fonctionnaires, jugé bon d'arrêter une norme bien
spécifique? On vient de mentionner 3,000 abonnés, par
exemple.
M. L'ALLIER: M. le Président, c'est parce que nous avons
tenté de vivre avec la réalité actuelle des entreprises de
câbles au Québec. Si vous regardez les statistiques et les
données, vous avez les entreprises qui ont de 150 ou 200 abonnés
et celles qui ont 70,000 ou 75,000 abonnés. Or toute norme ou toute
règle générale qu'on voudrait appliquer à ce genre
d'entreprise risque d'être inadéquate. C'est pourquoi existe la
Régie des services publics en particulier pour adapter, si vous voulez,
des normes, des règles générales à des situations
particulières.
Le but de cette réglementation n'est pas de chambarder la
situation présente sur le plan économique. Il y a de tout petits
systèmes de télédistribution comme il y en a de
très importants. L'éventail des 125 ou 130 entreprises de
télédistribution au Québec est tel qu'il est difficile,
dans une réglementaiton, d'être détaillé de telle
sorte qu'on puisse atteindre les normes, comme vous le souhaitez, je pense.
Maintenant, il est possible qu'à la suite de ces auditions on se
rende compte que... Oui, c'est possible de mettre un règlement qui
satisfasse l'association, les membres, les petits et les grands dans ça.
A ce moment, on sera tout à fait disposé à le faire.
M. LATULIPPE: Je ne fais pas un réquisitoire, je m'informe
seulement. Là on dit: II y a sûrement des situations, la
régie va s'adapter aux diverses circonstances. Mais, par exemple,
à l'article 6, je sais que c'est dans un tout autre ordre d'idée,
on veut avoir des dispositions semblables puis on voudrait que la
régie... Je dis on, tout à l'heure ceux qui ont
déposé un mémoire disaient qu'ils voulaient que la
régie se prononce sur des faits spécifiques selon les
circonstances, autoriser ou ne pas autoriser certaines transactions en ce qui
concerne les entreprises parallèles.
Ce point de vue a dû être abordé par les
fonctionnaires, pourquoi n'a-t-il pas été retenu?
M. L'ALLIER: Les modifications au sujet de l'article 6?
M. LATULIPPE: Si vous voulez. Qu'est-ce qui motive, par exemple,
qu'à l'article 6 on propose que tel genre d'entreprises
parallèles n'ait pas accès, sous aucune forme, y compris le
financement, parce que c'est ce que j'ai cru comprendre lors des discussions,
ce matin, au capital d'une entreprise? Qu'est-ce que l'Association des
câbles demandait justement?
M. L'ALLIER: L'objectif, M. le Président, de l'article 6,
était justement de procéder à l'identification d'une
industrie de câblodistri-bution autonome; en même temps
d'éviter des regroupements qui, sur le plan éventuel du
contrôle de la propriété et du même coup des contenus
parce que c'est quand même le télédistributeur, ou
le radiodiffuseur, ou le propriétaire de journal qui est responsable de
son contenu feraient qu'on en arrive à des concentrations qui ne
seraient pas souhaitables. Voilà l'objectif.
Est-ce que les dispositions de l'article 6, tel que rédigé
maintenant, sont, en ce sens, trop sévères? Est-ce qu'elles ont
des effets secondaires qui deviennent des effets principaux en termes d'un
équilibre de portefeuille, en termes de propriétés par
exemple? Est-ce qu'on pourrait, plutôt que d'exclure toute participation,
prévoir un mécanisme ou des pourcentages de participation dans la
mesure où il n'y a pas contrôle d'une entreprise sur l'autre? Il
faudra, à ce moment-là, tenir compte des entreprises qui sont
à capital-actions et des entreprises qui sont non sur le marché.
Tous ces facteurs, c'est ce que nous voulons entendre maintenant.
C'est pourquoi lorsque les représentants des
sociétés de téléphone ou d'autres intervenants
s'exprimeront, ils auront peut-être des opinions à exprimer sur le
point no 6. En d'autres mots, l'article 6, comme les autres, sont susceptibles
de modifications aussi longtemps qu'on ne s'éloigne pas de l'objectif:
Eviter les concentrations indues, et quant au contenu malsain, si vous voulez;
et, deuxièmement, identifier une entreprise qui demande à se
développer et qui demande d'avoir, au départ, pas plus d'entraves
que les sociétés de téléphone ou d'autres.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je reviens sur une
question qu'a posée tout à l'heure le député de
Saint-Jacques, qui a repris, d'ailleurs, les propos que nous avons maintes fois
tenus en commission parlementaire, ou en Chambre, concernant les conflits de
compétence qui peuvent naître de l'application d'une
réglementation fédérale et d'une réglementation
provinciale.
Je sais que l'association que vous représentez regroupe des
hommes d'affaires qui tiennent compte des faits, qui ont une expérience
et qui,
jusqu'à présent du moins, on peut le croire, acceptent de
vivre en régime fédéraliste et en acceptent aussi les
conséquences. Ils ne souhaitent pas non plus vivre à Cuba ou
ailleurs.
Mais étant donné l'effort que le Québec a fait
jusqu'à présent pour se donner une politique des communications,
même si vous avez été très prudents en ce qui
concerne les conflits de compétences, est-ce que votre association est
disposée, ou serait disposée, à accepter de mettre en
application toute réglementation provinciale promulguée
après examen, comme nous le faisons actuellement, nonobstant des
dispositions contraires du CRTC?
M. GIRARD: Si vous vous référez en particulier à la
question de publicité d'origine locale, les opinions sur l'usage de la
publicité sont variées. Certains exploitants
préfèrent avoir la publicité. Certains autres se demandent
si réellement cela en vaut la peine.
Alors, tout en...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Girard, si vous me permettez.
M. GIRARD: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avant que nous n'alliez plus avant, j'aimerais
que vous répondiez directement à la question que je vous ai
posée sans la reprendre de façon parcellaire.
Il s'agit d'un problème de principe que j'ai posé, et qui
est le suivant. Est-ce que, étant donné les initiatives que le
Québec a prises et entend poursuivre dans le domaine des communications,
est-ce que, nonobstant toute réglementation au contraire du CRTC ou de
l'ACTC, votre association est disposée à se ranger du
côté du ministre québécois des Communications, ce
qui sera une façon d'occuper le champ et en même temps de faire
comprendre à nos interlocuteurs fédéraux que le
Québec a pris des responsabilités en une matière dont il
semble bien que, juridiquement, elle soit de la compétence du
gouvernement du Québec? Je parle de la câblodistribution.
M. GIRARD: Je crois que je peux répondre à ceci que chaque
compagnie, chaque groupe d'administrateurs voudront peut-être
décider eux-mêmes de mettre en application, totalement ou non, la
réglementation du Québec et celle du fédéral.
A titre d'association, je pense que je peux difficilement, comme
président, dire que chacune des compagnies concernées,
opérant au Québec, sera en mesure de satisfaire totalement
à la réglementation proposée. C'est pourquoi j'ai
référé à la question sur la publicité tout
à l'heure, qui est un exemple que M. Charron avait amené, parce
que certains jugent utile de voir leur publicité d'origine locale et
certains autres n'y voient pas de différence, qu'ils l'aient ou non. Ils
s'abstiendraient de le faire, non pas nécessairement parce que cela
entrerait en conflit avec le CRTC, mais tout simplement parce qu'ils ne jugent
pas, dans le moment, qu'elle leur serait utile.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Girard, si vous me le permettez, vous avez
répondu partiellement à ma question. Il y a un faux-fuyant dans
votre réponse. Vous nous avez dit à plusieurs reprises ce matin,
et les membres de votre association ou d'entreprises de la nature de celles que
vous regroupez nous ont déjà dit qu'ils n'entendaient pas se
mêler à des querelles politiques. Vous nous avez
répété ce matin que vous laissiez aux hommes politiques le
soin de trancher le débat ou de régler le problème entre
eux.
Remarquez que c'est une attitude prudente, mais ne pensez-vous pas que
les hommes politiques ont besoin de votre opinion et de votre appui pour
régler ce problème à votre satisfaction et à la
satisfaction des citoyens que le ministère des Communications est
appelé à servir? C'est pourquoi je vous demande ceci: Dans
l'hypothèse où il y aurait conflit entre l'organisme
fédéral et le ministère des Communications du
Québec, est-ce que vous êtes prêt à faire bloc avec
le gouvernement du Québec pour que celui-ci profite du moment qui est
actuellement favorable et occupe un champ qu'il a commencé d'occuper
grâce à vous?
M. GIRARD: Pourriez-vous me donner un exemple concret de conflit dans
lequel on aurait à prendre une position?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien, vous avez parlé tout à
l'heure de la réclame commerciale.
M. GIRARD: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans un cas comme celui-là, qui est
aussi simple que celui de la réclame, est-ce que vous seriez prêt,
si le gouvernement du Québec décidait que c'est lui qui doit
réglementer ce secteur, est-ce que vous seriez prêt à
appuyer le gouvernement du Québec? Remarquez, M. Girard, que je ne veux
pas vous engager dans un débat constitutionnel. Il est important pour
nous de savoir quelle serait éventuellement votre attitude, puisque nous
avons une rude bataille à mener et nous avons un enjeu très
important.
M.GIRARD: Voici.
M. LEGER: Pourrez-vous aller jusqu'à donner une consigne à
vos membres?
M. GIRARD: Non. On peut difficilement donner une consigne sur la
question de la réclame actuellement pour la simple raison que...
M. LEGER: Votre association serait-elle pré-
te à donner une consigne à ses membres pour faire bloc
avec le gouvernement québécois?
M. GIRARD: Je parle d'un exemple concret à obtenir pour vous
donner une réponse concrète. On a parlé de
publicité, de réclame sur le canal communautaire; certains
opérateurs le désirent, la veulent cette
publicité-là. Leur décision personnelle de l'employer
reste une décision personnelle d'administrateur de compagnie. Si une
autre compagnie ne voit pas l'utilité de l'avoir ou estime que cela ne
lui donnera pas grand-chose, elle n'est pas obligée de s'en servir. Elle
est peut-être contente qu'elle soit là, mais elle n'est pas
obligée de s'en servir.
M. LEGER: Etre content qu'elle soit là, c'est aller
jusqu'à faire une consigne de faire bloc devant cette
réglementation même s'ils ne l'utilisent pas, même si les
entreprises membres de votre association peuvent être divisées sur
l'utilisation possible? Comme association, est-ce que vous seriez prête
à donner la consigne de faire bloc avec le gouvernement
québécois sur cette réglementation?
M. GIRARD: Je crois qu'on n'est pas en mesure de le faire, pour la
simple raison que c'est une décision personnelle de chaque
opérateur de décider s'il veut se servir de la réclame ou
de ne pas s'en servir.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Girard, vous demandiez qu'on vous
donnât des exemples précis. A l'article 5 a) et c), il est dit
ceci à c) notamment: Les propriétaires de toute entreprise
publique de câblodistribution doivent être, dans une proportion de
80 p.c, des résidents du Québec.
Alors, supposons que cela ne soit pas l'avis du CRTC, est-ce que vous
accepteriez que le gouvernement du Québec vous impose cette obligation?
Vous en avez discuté d'ailleurs ce matin et cela se trouve dans votre
mémoire. Vous avez exprimé des réserves au sujet de cette
qualité de résident.
M. GIRARD: Disons qu'on va tous se conformer aux lois autant du
Québec que du fédéral dans le moment parce qu'on a
à subir les deux. Tel que mentionné ce matin, on aimerait que la
décision soit prise par le législateur au point de vue
constitutionnel. Maintenant, à titre d'association, de la à
ordonner à nos compagnies... Les compangies qui sont affectées
par l'article 5 sont minimes parmi les entreprises dans l'association. La
majorité des entreprises de télédistribution au
Québec satisfont déjà à ce qui existe ici.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Girard, je ne veux pas vous torturer avec
cette question-là, mais nous sommes réunis ici,
législateurs et hommes d'affaires, chefs d'entreprises, pour discuter
d'un problème qui intéresse toute la collectivité.
Vous êtes Canadien, vous êtes Québécois comme
nous tous et voici que notre gouvernement prend des dispositions afin de
s'assurer un contrôle sur une entreprise relativement jeune. Vous avez le
devoir de servir le public et vous avez beaucoup de poids sur l'opinion
publique. Je ne sais pas si vous pouvez me répondre, mais il me parait
que votre association, compte tenu de son importance, devrait être en
mesure d'affirmer catégoriquement que, si son coeur balance quelquefois
entre une allégeance fédérale et une allégeance
provinciale, en l'espèce, il ne devrait pas y avoir
d'hésitation.
Vous devriez nous dire carrément si vous êtes consentant
à faire prévaloir la législation du Québec sur
toute autre législation, cela dût-il vous causer, pendant un
certain temps, des inconvénients?
M. GIRARD: Voici, je crois que l'on doit se conformer aux lois
canadiennes et aux lois québécoises. Nous n'avons pas d'autre
choix, je crois, à titre de Canadiens et de Québécois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais si l'une dit noir et l'autre blanc?
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le ministre des Communications.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai d'autres questions, M. le
Président.
M. L'ALLIER: On me pose des questions à la romaine.
M. LEGER: II faut dire que le ministre est blanc !
M. L'ALLIER: La question, M. le Président, qui est posée
par le député de Chicoutimi, en fait, devait s'adresser au
ministre des Communications. Le projet de règlement qui...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): S'il est déterminé à
parler, j'en suis fort aise.
M. L'ALLIER: Vous ne devriez pas faire cela. On ne sait pas quand cela
arrête. Le règlement, qui est présenté ici pour
commentaires et qui est le projet de règlement du gouvernement, ne
comporte aucune disposition qui soit contradictoire avec la législation
ou la réglementation, si elle existe, ou les politiques du gouvernement
fédéral en cette matière. Ce qui ne veut pas dire que les
dispositions seront identiques.
Le résultat net amène certainement dans certains cas, en
tout cas sur certains points, des obligations supplémentaires pour les
entreprises de câble ou plus spécifiquement
québécoises. C'est à dessein que nous n'avons pas voulu,
dans un projet de règlement ou dans les règlements qui suivront,
poser des gestes qui soient contradictoires avec la réglementation
fédérale à ce moment-ci, tant et aussi longtemps que le
problème politique ne sera pas réglé.
Si nous déterminions volontairement des règlements
contradictoires qui étaient ensuite adoptés par le gouvernement,
nous aurions décidé politiquement de faire porter le fardeau du
règlement du conflit sur les entreprises ou sur les utilisateurs, sur
toute autre personne intéressée que l'Etat.
En d'autres mots, en faisant un règlement qui est nettement
contradictoire et qui oblige l'entreprise à choisir entre l'une ou
l'autre allégeance, nous nous départissons de la
responsabilité politique que nous avons.
Je crois qu'à ce stade-ci il y a encore suffisamment de chances
de régler ce problème politique au niveau politique et dans des
délais raisonnables pour ne pas avoir à recourir à des
moyens qui sont, en définitive, une fuite en avant et qui feraient
porter sur l'entreprise le fardeau de plaider pour nous les positions que nous
voulons voir accepter pour le Québec.
Ceci dit, s'il y avait dans les règlements qui sont ici non pas
des contradictions, parce que je sais qu'il n'y en a pas, mais des points comme
celui de la publicité, par exemple et qu'une entreprise
québécoise, se conformant à la réglementation
québécoise en publicité, encourt des poursuites ou des
actions de contrainte de la part du gouvernement fédéral, je
crois que, dans la mesure où précisément nous avons fait
ce règlement, dans la mesure où les entreprises
québécoises s'y sont conformées, dans la même
mesure, nous aurions l'obligation de faire front avec elles et de les aider par
tous les moyens à régler le problème s'il devenait
judiciaire, devant les tribunaux.
En d'autres mots, ces entreprises pourraient compter sur notre appui
technique.
M. LEGER: J'ai une courte question là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Chicoutimi avait
demandé de garder son droit de parole lorsqu'il a cédé son
droit de parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai posé une question au ministre, il
l'a prise comme telle. C'était une observation, mais il a
décidé de parler; je veux donc compléter ce que je voulais
demander au ministre. J'admire sa prudence et le souci qu'il a de ne pas causer
d'ennuis aux entreprises de câblodistribution, mais le ministre a fait
des énoncés politiques.
Il entend, semble-t-il, mettre en application ce qui se trouve dans le
livre vert, et il sera fatalement amené à promulguer une
réglementation qui, un jour ou l'autre, provoquera des conflits.
Le ministre dit qu'il est disposé à fournir de l'aide
technique, peut-être financière il pourra s'en expliquer
aux entreprises qui auraient à faire face à des poursuites
devant les tribunaux. Est-ce que le ministre pourrait nous fournir des
renseignements plus précis sur les intentions de son gouvernement?
Est-ce que le ministre est bien décidé à prendre
l'initiative des opérations, dût-il faire face à des
poursuites, des actions, etc.? Parce que cela s'est vu en 1954 où l'on
a, pendant un certain temps, fait porter le fardeau d'une double imposition aux
citoyens, ce qui a obligé le gouvernement central à reculer.
Alors, en prenant l'initiative le ministre pourrait peut-être faire
reculer le gouvernement plutôt que d'attendre que l'on institue des
poursuites.
M. L'ALLIER: Encore une fois, M. le Président, je me vois dans
l'obligation de répéter que nous ne placerons pas, à ce
moment-ci, des entreprises dans la position où elles seront
coincées, au moment d'une réglementation, entre la
désobéissance à l'une ou à l'autre loi.
Si, par ailleurs, des actions judiciaires étaient prises contre
une entreprise québécoise de câblodistribution qui a
respecté la réglementation ou les ordonnances de la régie
ou la loi québécoise, nous serions intervenants dans cette
cause.
Par ailleurs, nous n'avons pas l'intention de prendre nous-mêmes
l'initiative de porter devant les tribunaux la question de juridiction en
matière de câblodistribution parce que nous sommes convaincus
qu'il ne s'agit pas d'une question judiciaire mais d'une question
politique.
En d'autres mots, la dernière référence valable en
termes de jurisprudence ou en termes de textes qui ont force de loi ou,
à toutes fins pratiques, l'équivalent, la dernière
décision de quelque importance est la décision du conseil
privé de 1932 et cette décision portait exclusivement sur la TSF
à l'époque, la radiodiffusion.
Les juges du conseil privé, les savants juges du conseil
privé, ont repris les paroles des juges de la cour Suprême qui
avaient décidé à trois contre deux en 1931 de
reconnaître la responsabilité fédérale en cette
matière. Ils les ont reprises sur un point particulier en disant que le
jugement de 1932 ne pouvait s'appliquer qu'à la radiodiffusion, telle
que connue à l'époque, et qu'on ne pouvait pas en tirer des
conclusions pour l'avenir. C'est la dernière référence de
quelque importance en termes décisionnels.
C'est pourquoi je n'accepte pas qu'on puisse valablement chercher une
solution à un problème qui est beaucoup plus fondamental, qui est
celui du partage des pouvoirs décisionnels en matière de
communication entre deux niveaux de gouvernement et non pas celui de la
répartition des mécanismes consultatifs, qu'on cherche donc une
solution par la voie judiciaire. La solution se trouve dans la
négociation politique. Il se peut, théoriquement, que, le temps
passant, on en vienne à une situation où, le problème
n'étant pas réglé, il faille effectivement poser des
gestes de réglementation, qui, à ce moment-là, seront
contradictoires.
J'ai bon espoir que nous n'aurons pas à aller jusque là.
Si cela se produisait, tel règlement subirait le même
mécanisme que nous connais-
sons maintenant, reviendrait ici, serait discuté et, dans un tel
cas, au moment où le conflit se poserait et du fait de l'application de
tel règlement, c'est l'autorité fédérale qui aurait
à décider: ou de laisser s'appliquer le règlement
québécois et de ne pas poursuivre l'application de son
règlement, ou, au contraire, de poursuivre devant le tribunal telle
entreprise qui a respecté le règlement québécois et
non pas le règlement fédéral et, à ce
moment-là, le gouvernement fédéral prenant l'initiative
d'une poursuite, nous serions intervenants dans une telle cause. C'est le plus
clairement possible que je...
M. CHARRON: Ne croyez-vous pas que d'ici ce temps-là la
population aura tranché le débat que les politiciens tardent
à trancher?
M. L'ALLIER: Chacun peut avoir là-dessus son opinion. Pour ce qui
est de la mienne, si vous le voulez, je vais continuer à travailler pour
faire en sorte qu'on règle ce problème et le plus rapidement
possible dans le sens que j'ai déjà indiqué. La population
juge toujours, en définitive.
M. CHARRON: Je crois qu'elle arrivera avant vous.
M. L'ALLIER: Mais elle peut juger dans tous les sens.
M. LEGER: Est-ce que la règle de non contrariété
avec le gouvernement fédéral ne risque pas justement d'amputer le
pouvoir de réglementation québécois actuellement?
M. L'ALLIER: Disons que compte tenu des moyens dont nous disposons, nous
sommes tout à fait conscients qu'il est impossible vous avez pu
constater, ce matin, la complexité du domaine des communications et nous
serons en mesure de le constater à nouveau dans les interventions qui
viendront nous ne sommes pas en mesure, d'un bloc, de faire une
réglementation qui couvre absolument tous les champs d'activité.
Il est donc possible, à la fois, compte tenu de nos moyens, des
connaissances que nous avons du milieu des communications et des connaissances
que tout le monde a, de procéder par étapes. Nous avons un laps
de temps que j'évalue suffisamment long pour nous permettre d'en
arriver, pendant ce temps-là, à un règlement politique du
problème.
M. LEGER : Est-ce que vous voulez dire par là que, jusqu'à
présent, la réglementation qui nous est
présentée... Est-ce que vous avez écarté des
mesures qui auraient été avantageuses pour le Québec
actuellement, sous prétexte de le faire par étapes?
M. L'ALLIER: Non, M. le Président, on n'a rien
écarté du tout.
M. LEGER : Actuellement, dans la réglementation, il n'y a pas eu
d'autres réglementations qui auraient pu être inscrites, mais que
vous n'avez pas osé faire parce que cela aurait pu être en
contradiction avec la politique fédérale?
M. L'ALLIER: Dans l'état actuel de nos connaissances, de nos
moyens, des consultations que nous avons eues avec ceux qui sont
intéressés par ce champ de communications, le présent
projet de règlement vous pouvez le constater et le
vérifier est, en fait, le plus complet qui existe au pays, ici,
et c'est l'étape la plus importante que nous pensons pouvoir franchir
à ce moment-ci. Il y aura d'autres règlements qui viendront, il y
en aura d'autres et, au fur et à mesure que nous serons prêts
à les proposer, nous le ferons.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voulais poser
d'autres questions à M. Girard dans un autre ordre d'idées. En ce
qui concerne l'article 21, l'ordre de priorités, soit vous-même ou
vos collaborateurs avez exprimé des réserves ce matin au sujet de
cet ordre de priorités. Est-ce que vous pourriez parler davantage sur ce
sujet?
M. GIRARD: Si vous permettez que M. Chagnon réponde...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous en prie.
M. CHAGNON: M. Tremblay, notre mémoire confirme que l'association
trouve très louable l'ordre de priorités qui nous est
présenté. On constate, à l'article 21, que c'est la
programmation qu'on indique dans l'ordre des priorités et non des
canaux.
Notre seule préoccupation, au stade de la technologie, est que la
majorité des systèmes présentement ont douze canaux.
Présentement, la majorité des systèmes, en ordre de
priorités, soit la programmation éducative, les émissions
communautaires, les émissions locales et d'intérêt
général sont données par ces entreprises sur un canal.
La seule préoccupation qu'on exposait ce matin, c'est que la
régie nous demanderait de fournir des canaux différents pour
chacun de ces articles. Notre technologie, présentement, nous permet de
transporter douze canaux, mais plusieurs entreprises modifient
présentement leurs installations pour fournir jusqu'à trente
canaux. En plus, je crois que c'est un processus qui va évoluer
progressivement. Présentement, ces quatre sujets-là ne
remplissent pas un canal au complet durant la journée ou durant la
semaine.
Avec les années, la programmation communautaire va augmenter, les
émissions de télévision locales vont augmenter.
Radio-Québec, la télévision éducative ou les
écoles vont s'en servir de plus en plus, mais c'est un processus qui va
avancer avec les années.
Je pense que l'association a tout simplement exprimé, ce matin,
sa préoccupation, à ce stade-ci, de ne pas avoir à fournir
quatre canaux pour les quatre points prioritaires mentionnés, mais par
contre, on trouvait très louable cette priorité dans la
réglementation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je comprends bien, M. Chagnon, vos
préoccupations sont simplement d'ordre technique et vous êtes
d'accord...
M. CHAGNON: Exactement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... sur l'ordre de priorités
établi dans le projet de règlement, à l'article 21.
Maintenant, M. Girard, ce matin, nous avions abordé assez
rapidement nous n'avons pas fait le tour de la question le
problème de la programmation communautaire. Vous avez repris, dans votre
mémoire, le texte que vous aviez présenté à la
commission parlementaire fédérale sur la radiodiffusion. Vous
dites ceci, à la page deux de cette section: "La valeur
intrinsèque des émissions réalisées dans le cadre
de la programmation communautaire ne correspond, à l'encontre des
émissions radiodiffusées, construites en fonction d'une cote
d'écoute maximalisée, qu'à l'intérêt seul et
exprimé du public communautaire auquel elles s'adressent. "Nous
estimons, conséquemment, que la programmation communautaire devrait
être encouragée, mais non pas imposée." Vous ajoutez: "Les
télédistributeurs engagés dans la programmation
communautaire et/ou locale devraient se voir accorder la faculté de
commercialiser leur temps d'antenne."
J'aimerais connaître de façon plus précise la
position de votre association en ce qui concerne ce service communautaire dont
vous dites qu'il ne doit pas être imposé. Nous comprenons que le
client est libre de s'abonner ou pas. Si le gouvernement du Québec veut
en faire un service public et vous demande de le donner ce service, quelle
sera, compte tenu naturellement du développement normal de vos
entreprises, votre attitude?
M. CHAGNON: Dans notre esprit, la télévision communautaire
c'est permettre à la minorité d'avoir accès à un
medium de communication. Essentiellement, c'est un désir de la
population de communiquer et je crois que l'entreprise de câble peut
à ce moment-là fournir des facilités qui permettraient
à la population de communiquer si elle le désire.
Je crois que l'entreprise peut favoriser par des installations
techniques, peut-être à l'occasion par de l'aide de
réalisateurs, un groupe communautaire qui voudraient être entendu,
être vu sur un sujet donné.
Mais l'entreprise a un rôle je crois qui est assez passif
lorsqu'on parle de télévision communautaire parce que c'est un
besoin de la communauté qui veut s'exprimer. A ce jour peut-être
elle s'est exprimée par écrit dans le journal local; maintenant,
avec le truchement du câble de télévision, elle pourrait se
servir de la facilité qu'est la télévision pour
communiquer avec la communauté.
Le rôle du câblodiffuseur est de fournir peut-être une
aide technique mais son rôle est assez limité quand même si
la population ne désire pas se servir de ses facilités. Je crois
que les câblodiffuseurs au Québec ont prouvé, ont fait des
efforts louables pour favoriser la télévision communautaire en
fournissant de l'équipement, de la main-d'oeuvre pour inciter les
groupes à produire des émissions, le contenu étant
toujours leur responsabilité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant si le gouvernement vous demandait
par exemple de fournir des services afin de donner aux citoyens des
renseignements d'ordre administratif quelle serait l'attitude de vos
associations ou de votre association?
M. CHAGNON: Peut-être, pour certaines entreprises, il a
été mentionné que la réclame publicitaire pourrait
les aider, sans surcharger, augmenter le tarif, à obtenir des revenus
additionnels qui pourraient être consacrés à du personnel
administratif pour seconder des groupes communautaires qui voudraient
réaliser à ce moment-là de la programmation.
Dans mon cas, mon entreprise exploite de petits systèmes de
câble de télévision qui sont à Mont-Laurier,
à Gatineau, Buckingham, Beloeil. L'intérêt communautaire
varie d'un endroit à l'autre et l'intérêt communautaire
varie peut-être d'une période de l'année à l'autre.
A certaines occasions, je vous donne raison, s'il y avait du personnel
administratif pour les seconder en plus grande quantité il y aurait
peut-être certaines personnes qui pourraient se servir un peu plus de ces
facilités.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, Oui, M. Levasseur?
M. LEVASSEUR: Je pourrais peut-être ajouter un exemple. Dans le
moment, plusieurs dans nos sociétés coopèrent
déjà avec Radio-Québec à la diffusion des
émissions à caractère éducatif et je pense que cela
reflète l'état d'esprit des entreprises au Québec.
Radio-Québec nous a pressentis en nous demandant de mettre du temps
d'antenne à sa disposition et cela gratuitement. Nous avons
collaboré l'an dernier et nous reprenons l'expérience cette
année. Je pense que peut-être cela peut répondre à
votre question. Si le gouvernement nous demandait un moment donné de
rendre un service au public du même type que celui qui est rendu par
Radio-Québec, je pense que vous trouveriez une certaine
collaboration.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): La réglemen-
tation souligne à l'article 17, que la production offerte par
toute entreprise publique de câblodistribution doit répondre aux
exigences suivantes: Etre de haute qualité, utiliser des ressources
locales, être de langue française y compris la musique vocale,
à moins que dans le cas de programmation éducative et
d'émissions communautaires la régie n'ait autorisé l'usage
d'une autre langue, promouvoir la création et la diffusion de disques de
toute autre production audio-visuelle du Québec. Est-ce que vous avez
des commentaires concernant cet article particulièrement en ce qui
concerne la qualité des émissions? Est-ce que vous y voyez des
difficultés? Et en ce qui concerne l'usage d'une langue, la langue
française, par exemple?
M. CHAGNON: Au Québec, il y a plus de 140 entreprises de
télédiffusion par câble, mais il y a peut-être trois
grandes entreprises. C'est-à-dire que la très grande
majorité des entreprises desservent peut-être moins de 3,000
abonnés. Avec les ressources financières dont elles disposent,
même si on ajoutait la réclame publicitaire, ce qui va être
très limité quand même, ce ne serait pas suffisant. Je
prends une municipalité comme Buckingham. Si on décidait de
vendre la réclame publicitaire à Buckingham, ce serait
très limité et peut-être ça ne couvrirait pas les
frais du personnel pour vendre la réclame et produire un message
publicitaire. Cela veut dire que les revenus qui peuvent être
consacrés à la programmation locale et communautaire sont
très limités.
Lorsqu'on parle de qualité, il y a de l'équipement non
professionnel dans le demi-pouce entre autres qui est employé par les
petits systèmes et qui, je crois, à ce stade-ci répond aux
besoins des personnes qui veulent communiquer.
Un journal local dans une petite municipalité n'a peut-être
pas le calibre du quotidien dans la grande ville mais il remplit quand
même le besoin de fournir l'information qu'on attend de lui. La question
de qualité pourra varier, naturellement.
National Cablevision Montreal peut se permettre d'installer un
système je ne l'engage pas, mais je le crois qui
peut-être coûtera au-dessus de $200,000 et un autre système
qui va desservir 1,000 abonnés ou moins, parce qu'il y a des
systèmes où il n'y a qu'une centaine d 'abonnés. Il ne
pourra pas se permettre finalement d'obtenir peut-être d'autre chose
qu'un portefaix qui va lui coûter $2,000 avec naturellement une
qualité qui va être différente. Mais, au moins, il aura un
outil qui, au Québec, a servi aux gens pour communiquer entre eux et qui
va s'améliorer avec les années.
Donc, la qualité va être variable, il n'y a pas de doute
à ce moment-là, selon la grosseur des systèmes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand je parle de qualité,
évidemment, je ne parle pas seulement de la qualité de
l'équipement et de l'image, etc. Je parle du contenu. Est-ce que vous
vous êtes penchés sur ce problème des normes de
qualité en ce qui concerne le contenu de ce que vous diffusez?
M. CHAGNON: M. Tremblay, si on parle de programmation communautaire,
l'entreprise de câble ne devrait pas s'ingérer dans le contenu
parce qu'à ce moment-là c'est une censure qu'on va appliquer. Si
les gens de la communauté veulent s'exprimer, ils s'expriment de la
façon dont ils considèrent qu'ils devraient s'exprimer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, vous considérez votre
rôle, dans ce domaine, comme un rôle de distributeur. Vous
êtes un véhicule, à ce moment-là, qui achemine des
émissions.
M. CHAGNON: M. Tremblay, je parle toujours de programmation
communautaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Communautaire, c'est ce que j'entends.
M. CHAGNON: Parce que le câblodiffuseur interprète que la
télévision locale, dans l'ensemble, est sa responsabilité
et il y a des standards qui vont régir, à ce moment-là,
son opération.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui ne relèvent pas de vous.
D'accord.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: J'aurai d'abord une question qui s'adressera au ministre et
qui fait suite à son énoncé de tout à l'heure; par
la suite, une à M. Levasseur sur une affirmation de cet
après-midi.
Le ministre il faut le rappeler aux membres parce que nous avons
un peu quitté le sujet momentanément tout à
l'heure, à la suite des questions adressées à M. Girard
sur le comportement de l'association dans le cas d'une contradiction ou d'un
conflit entre les deux juridictions, a affirmé que le gouvernement du
Québec s'engageait à apporter un appui technique aux entreprises
si jamais cela devait aller jusque devant les tribunaux.
Cela apparaît donc comme une déclaration de principe, mais
cette déclaration est en même temps un peu coulée, elle
perd un peu de sa valeur par le fait qu'un autre énoncé du
ministre nous disait qu'un des principes qui a conduit à la
rédaction et à l'élaboration de cette politique et
le ministère des Communications n'est pas le seul; c'est la marque de
commerce de ce gouvernement a été d'éviter les
affrontements avec le gouvernement fédéral en cette
matière.
L'appui qu'il promet aux entreprises n'a donc que peu de chances de se
matérialiser, puisqu'il est prêt à affirmer qu'il n'y a pas
ou à
peu près pas de points de litige dans le projet de
réglementation qu'il nous a présenté cet
après-midi.
Je veux demander au ministre si cette habitude ou ce principe
d'éviter les conflits qui devraient entraîner les citoyens dans
des affrontements entre les deux niveaux de gouvernement et qui, d'une certaine
façon, fait oublier aux citoyens les contradictions inhérentes au
système politique dans lequel nous vivons comme le demandait le
député de Lafontaine, tout à l'heure vous a
amené à abandonner des choses qui devraient figurer dans cette
réglementation et que vous n'avez pas inscrites pour éviter les
conflits.
Vous avez déjà partiellement répondu tout à
l'heure à mon collègue: Non, il n'y a rien que nous avons
abandonné. Je voudrais vous demander, à la suite de cette
réponse, si vous considérez le rôle du Québec, dans
la réglementation de la câblodiffusion, comme simplement
complémentaire à une réglementation issue du gouvernement
fédéral.
Dans la réglementation du gouvernement fédéral, du
CRTC, qui touche l'ensemble de la câblodiffusion et de la
télévision, y a-t-il des dispositions de cette
réglementation qui entrent en contradiction, selon vous, avec les
intérêts et la volonté québécoise? Si oui,
quand attaque-rez-vous ces dispositions contradictoires aux
intérêts québécois du gouvernement
fédéral?
Attendrez-vous que le conflit politique, que la négociation
politique soit intervenue à terme ou si, dans une prochaine
réglementation, nous trouverons véritablement une décision
québécoise qui est prête à affronter le gouvernement
fédéral sur un terrain que lui-même occupe
déjà et que ne lui reconnaît pas le gouvernement
québécois, et à amener le conflit dans ses
véritables proportions ou si la prochaine étape des
réglementations de la câblodiffusion sera encore un effort pour
éviter les conflits avec l'administration fédérale?
M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais relever un certain
nombre de choses dans les observations du député de
Saint-Jacques. D'abord, je lui rappelle, c'est probablement un lapsus, qu'il
n'existe pas de réglementation fédérale du CRTC. Il y a
des politiques, des énoncés, des décisions qui
fonctionnent par jurisprudence et... Deuxièmement, je n'ai pas dit que
nous avions adopté comme politique en matière de communication
d'éviter les conflits avec le gouvernement fédéral.
J'ai dit qu'au moment de la préparation de ce premier bloc de
règlements, nous avions volontairement évité de faire des
règlements qui soient contradictoires et qui, en fait, libèrent
le gouvernement de sa responsabilité politique de vider la question avec
le gouvernement fédéral en la faisant porter sur les entreprises,
en leur disant: Maintenant, vous êtes coincées, allez-y devant le
tribunal, on vous aidera. J'ai voulu éviter cela dans un premier
temps.
Troisièmement, nous n'avons pas, dans cette opération, mis
de côté des règlements qui, à ce moment-ci, nous
apparaîtraient essentiels et qui, à ce moment-ci, nous
apparaîtraient pouvoir, d'une façon réaliste, s'appliquer.
Je ne dis pas que, si le conflit ne se règle pas et si cela dure, nous
n'aurons pas à en arriver là. Je souhaite éviter cela,
parce que, à ce moment-là, c'est directement impliquer les
citoyens, leur faire supporter un fardeau qu'ils n'ont pas à supporter.
C'est déjà assez lourd comme cela, le système.
M. LEGER: A ce moment-ci, mais vous en voyez venir.
M. L'ALLIER: Cela peut arriver. Nous allons essayer de
l'éviter.
M. CHARRON: A votre connaissance...
M. L'ALLIER: On avait le choix de faire deux choses. On avait le choix
dans un premier règlement qui aurait pu être encore plus bref que
cela de poser des gestes réglementaires contradictoires, de regarder les
entreprises de câble se démerder excusez l'expression
se débrouiller dans le conflit et de voir comment c'est
tranché par le tribunal.
Nous avons, avant toutes choses, opté pour une solution politique
de ce problème, et non pas pour une solution judiciaire. Tout en disant
que, si l'autorité fédérale, de quelque façon,
amenait la question devant le tribunal, nous ne serions pas
indifférents. Même si nous devons aller devant le tribunal, nous
continuons de penser que c'est une mauvaise voie pour trouver une solution qui
n'en sera pas une, parce que basée sur des principes qui n'ont rien
à voir avec la réalité des communications.
M. L'ALLIER: Je vais terminer là-dessus. Pour ce qui est des
principes qui sont sous-jacents à la politique québécoise
de communication, le député de Saint-Jacques sait comme moi qu'il
y a plusieurs de nos principes qui sont contradictoires avec ceux du
gouvernement fédéral actuellement. Nous n'avons pas voulu parce
que ce n'était pas utile et aussi pour ne pas faire porter le fardeau
politique, le faire supporter par les entreprises de câble à ce
moment-ci.
M. CHARRON: C'est cette dernière partie qui m'incite à
vous poser une autre question. Ces principes que, dans votre esprit dans
l'esprit que je pourrais même étendre à celui du
gouvernement s'il en a un ces principes, qui sont d'intérêt
québécois, quand pourrons-nous les appliquer chez nous?
M. L'ALLIER: Je peux vous donner un exemple. Une chose qui,
techniquement, aurait
peut-être pu être faite ici, mais nous ne sommes pas
équipés pour la voir se réaliser maintenant et qui aurait
posé des problèmes considérables.
Le gouvernement fédéral, dans ses politiques,
considère que la télédistribution, la distribution de
télévision par câble doit être subordonnée,
à toutes fins pratiques, à la radiodiffusion et à la
télédiffusion, parce qu'en définitive, c'est la
radiodiffusion et la télédiffusion qu'il faut encourager en
termes de production.
Nous avons déjà dit... Nous croyons il n'y a pas de
raison à ce moment-ci de changer d'idée que cette
situation nous serait défavorable au Québec et qu'au contraire,
il faut donner à la télédistribution des moyens
d'améliorer et d'augmenter, par la publicité en particulier, son
potentiel de production, parce que la production de la télévision
sera dans la très grande majorité des cas, en français et
de culture française et québécoise, alors que d'encourager
la production des systèmes de radio et de télédiffusion
peut, dans le résultat final, encourager, en fait, l'augmentation du
volume de production anglophone par rapport au volume de production
francophone.
C'est un concept que nous avons. C'est une idée que nous avons.
Nous n'avons pas voulu la traduire ici parce que nous ne sommes pas
prêts. Cela comporte trop de technicités. Cela comporte trop de
changements radicaux et le faire ici aurait davantage créé des
problèmes et cela aurait surtout comporté de passer la balle, si
vous voulez, aux entreprises de câble.
C'est une question, cependant, que nous continuons de penser importante.
Il n'est pas impossible, dans un prochain temps, que nous le fassions.
J'espère qu'entre les deux on pourra régler le cas.
M. CHARRON: Je vais conserver cet exemple précis que vous
apportez. Quant à ce concept qui est québécois, qui
représente nos intérêts québécois. Est-ce
que, lorsque les détails techniques qui nous permettront de le
réaliser, seront prêts, admettons que cette étape-là
est passée, la volonté politique, elle, existera-t-elle avant la
fin des négociations ou si elle attend les négociations pour
pouvoir se réaliser?
Autrement dit, mettrez-vous un jour, lorsque le technique sera
prêt, le fédéralisme dans sa situation de contradiction,
par une réglementation de ce genre-là? Aurez-vous le cran de
faire une réglementation qui amènera nécessairement une
contradiction avec les politiques fédérales, ou si, même
quand les détails techniques de l'application de ce concept seront
terminés, ils devront rester sur les tablettes parce que la
négociation politique, elle, n'aura pas encore abouti?
M. L'ALLIER: Vous soulevez là, en fait, ce qui sera à ce
moment-là une décision politique. Comme vous le dites, c'est
là-dessus que la population aura à décider si elle
continue avec ce gouvernement ou avec un autre. Comme vous l'avez dit,
peut-être qu'on ne sera pas là, à ce moment-là.
M. CHARRON: Je vous remercie. Je vais maintenant poser la question
à M. Levasseur, cela va peut-être nous ramener un peu en
arrière, mais c'est sur les 80 p.c. de propriétaires,
actionnaires, résidents québécois que vous avez
contestés ce matin. Dans votre cas, notez bien que j'ai parfaitement
compris, parce que, quand vous avez décrit l'échantillonnage
d'actionnaires de la compagnie que vous représentez, il est bien
évident que si l'on devait accepter la modification que vous proposez,
80 p.c. de résidents du Canada, votre 20 p.c. de Vancouver se trouverait
ajouté à votre 60 p.c, CBS pourrait continuer à garder son
20 p.c. extérieur et votre entreprise ne serait pas
dérangée par l'application de ce règlement. Je ne vous
fais aucunement grief d'essayer d'éviter des problèmes dans votre
propre entreprise.
Vous avez entendu mon collègue de Lafontaine exprimer l'opinion
de notre parti, ce matin, aussi là-dessus. C'est un point sur lequel
nous sommes tout à fait solidaires du gouvernement et je n'ai pas
besoin, vous êtes assez impliqué dans le milieu, d'expliquer
comment nous considérons l'importance dans ce type d'entreprise en
particulier, que le taux de propriété de résidents
québécois soit aussi élevé que 80 p.c. Evitons donc
les affirmations théoriques et passons aux questions.
Dans vos justifications, ce matin, à l'encon-tre du projet de
réglementation, vous avez évoqué, en deuxième lieu,
la possibilité de représailles. On en a partiellement
discuté. Mais le premier argument que vous aviez apporté
était l'utilité quant à la mise à jour
nécessaire, essentielle à une entreprise de ce genre-là,
d'être à la fine pointe du développement technologique.
Vous avez fait état que le développement technologique dans cette
matière est essentiellement, comme on le devine, américain et
qu'il est essentiel, en plusieurs occasions, d'avoir des intérêts
étrangers siégeant ou comme actionnaires, ou siégeant
même au conseil d'administration.
Cet argument, M. Levasseur, m'apparaît un peu comme de la poudre
aux yeux. Je pense que c'est très facilement dit, mais dans la
réalité concrète des entreprises là, je n'ai
pas l'expérience que vous avez je ne crois pas que ce soit aussi
fondé que cela. Je m'explique. J'ai l'impression qu'une entreprise peut
facilement rester en contact avec les dernières découvertes de la
technologie, sans nécessairement avoir parmi ses actionnaires plus de 20
p.c. d'étrangers, dussent-ils venir tous de la mère patrie du
développement technologique.
D'autre part, comme M. Girard l'a affirmé tout à l'heure,
plusieurs entreprises, membres de cette association, ont déjà, je
pense à Cable TV, jusqu'à 100 p.c. d'actionnaires
québécois. Ces entreprises, on ne les a pas encore enten-
dues, mais je ne pense pas qu'elles s'avouent en retard du
développement technologique parce qu'elles ont accepté 100 p.c.
de Québécois chez elles. Je trouve que l'argument est de poids
aux yeux des profanes parce que, évidemment, au premier abord, on fait
le rapport... Oui, ce sont des Américains, donc on est mieux d'avoir des
Américains avec nous. Toujours l'avantage d'avoir le plus fort de son
côté. Mais je crois que l'essentiel des échanges et du
développement se fait et les autres entreprises qui sont dans
l'association se sont tout aussi bien développées sans avoir
cela.
Permettez-moi d'ajouter, avant de vous céder la parole, le fait
que les 80 p.c, j'en suis convaincu, ne nous écartent pas du
développement technologique, mais en plus de cela, nous assurent de
garder dans ce domaine très précis une possibilité
québécoise de développement à notre manière
et à notre façon.
La technologie, vous le savez, ce n'est pas international; la
technologie, dans chacun des pays, prend sa propre version. Je dis que
l'avantage d'une réglementation qui obligerait les entreprises de
câblodiffusion à avoir 80 p.c. de résidents
québécois ne les écarterait pas du développement
technologique, mais permettrait même aux Québécois de se
développer dans ce développement technologique, de se
perfectionner dans ce développement technologique et parfois même
de contribuer au développement technologique, plutôt que d'ouvrir
toutes grandes nos portes à l'étranger qui a ce
développement technologique, qui se contente de venir l'appliquer chez
nous, sans jamais nous l'apprendre et sans jamais nous donner l'occasion d'y
participer.
Je crois que 80 p.c. de Québécois, de résidents
québécois actionnaires d'une entreprise, et j'espère
l'équivalent à un conseil d'administration, feront que cette
technologie où l'on restera toujours lié aura des chances de se
québécoiser en s'en allant. Je vous donne l'occasion de reprendre
votre argument de ce matin.
M. LEVASSEUR: M. Charron, je pense qu'il y a des choses que je laisserai
le soin de débattre aux actionnaires chez nous, en particulier,
peut-être, ententes qui existent déjà avec d'autres
actionnaires, comme CBS, et l'impact de la réglementation sur ces
ententes.
Je pense que vous avez mentionné que l'on peut avoir accès
à la technologie sans avoir une participation ou sans accepter de donner
une participation à des entreprises étrangères et
là-dessus, je vous concède que, dans la réalité,
dans le domaine du câble, on fait beaucoup de shoppings. On se
promène, on cherche et finalement on trouve un équipement ou un
produit qui nous satisfait et on n'a pas besoin d'offrir un siège au
conseil pour acheter l'équipement. Ils sont très heureux de nous
vendre l'équipement et cela continue.
Je pense que ce à quoi on faisait allusion dans nos commentaires
et ce que j'ai moi-même dit ce matin, c'est que l'on cherche à ne
pas fermer la porte à une participation des étrangers chez nous
ou à notre participation à l'étranger.
En somme, l'ensemble de votre argument réside autour du
pourcentage, parce que je pense que, nous comme vous, cherchons à
développer au Québec des techniques dans le domaine du
câble qui nous placent à l'avant-garde. Nous cherchons à
développer des entreprises connexes qui viendront, soit fournir
l'équipement ou soit faire des développements. Chez nous, par
exemple, cette année, pour la première fois, on consacre un
budget assez intéressant à la recherche. Je pense que le principe
que l'on a invoqué est de ne pas fermer les portes dans ce champ-ci, ce
qui pourrait avoir comme effet, peut-être, de fermer les portes dans
d'autres champs d'activité économique aussi.
Je pense que les actionnaires de National tantôt pourront
expliciter davantage la position des 80 p.c, mais l'association a fait la
recommandation.
D m'apparaft que c'est peut-être l'orientation qu'on a
donnée à la plupart de nos commentaires, en particulier sur le
32, de ne pas fermer la porte parce qu'il y a des développements
technologiques nouveaux qui continuellement se font. Par exemple, dans les
nouveaux services, on a parlé tout à l'heure de ce qu'on mettrait
sur les 30 canaux, sur l'ordre de priorité. Il y a aussi des nouveaux
services, qui vont être illustrés d'ailleurs dans la
présentation du visuel de tout à l'heure.
Ces nouveaux services demandent très souvent des applications
technologiques ou techniques qu'on n'a pas encore développées au
Québec, qui sont en voie de développement aux Etats-Unis. Cela
est l'exemple d'une technique ou d'une technologie qu'il faut aller chercher.
Si on s'y met à partir d'aujourd'hui et si on décide en se
servant d'instruments comme le Centre de recherches industrielles du
Québec, par exemple, de consacrer des efforts spécifiques sur ce
secteur de pointe, de façon à ce qu'ils servent les
Québécois disons au même rythme de développement que
dans les autres provinces, je pense qu'on va peut-être arrêter
d'importer de la technologie.
Tout ce qu'on dit c'est que la réglementation, dans le moment,
peut être un cadre qui peut déjouer vos objectifs si vous le
faites trop serré. Cela devrait être un cadre que vous
prévoyez utiliser en conjonction avec d'autres instruments comme le
CRIQ. On vous demande tout simplement de laisser la porte ouverte.
M. CHARRON: En un mot, l'association considère que pour 80 p.c.
la porte est fermée.
M. LEVASSEUR: Disons que l'association dit que le contrôle
québécois de l'entreprise se gagne par 51 p.c. dans le cas d'une
entreprise qui a des actions en privé et par un mécanisme
sur le contrôle du transfert des blocs de propriétés
si c'est en public.
Puis nous autres on dit: Si c'est de cela qu'on a besoin pour faire
effectuer un contrôle, pourquoi aller mettre 80 p.c. et se mettre un
paquet d'investisseurs possibles à dos? Je pense que l'association dans
son affirmation poursuit le même objectif que vous dans le sens que vous
avez dit : D'accord, il faut que cela soit contrôlé par les
Québécois. Nous on dit: Oui, la mesure effective est de 51
p.c.
M. CHARRON: D'accord, j'ai compris votre argument.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je reviens sur une
question qui a été évoquée assez longuement et que
le ministre a développée, le problème des conflits
possibles entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
d'Ottawa.
Ce matin, le député de Lafontaine parlait du paradis de
l'indépendance. C'est bien son droit de le faire. On a chacun ses
croyances et ses dogmes quelqu'en soit la morale, mais je me disais
après coup: II va falloir négocier. Le gouvernement actuel
négocie avec le gouvernement central dans ce domaine des communications.
Il négocie avec un succès relatif, tout le monde le constate,
mais avec l'espoir d'en arriver à des résultats plus percutants
et plus convaincants.
Mais un gouvernement qui serait indépendant, si ce malheur
arrivait, aurait également à négocier. Il aurait à
négocier en des domaines où nos contribuables auraient à
porter le fardeau de la plus grave querelle constitutionnelle qui soit, soit la
sécession. Il aurait à négocier dans le domaine des
transports aériens, ferroviaires, ports nationaux, etc.
Alors je pense que l'attitude du ministre s'inspire d'un réalisme
qu'on voudrait peut-être un peu plus dynamique mais tient compte d'une
situation de fait. Même si nous le pressons de régler cette
question, il n'échappe pas à notre attention que tous les
contribuables du Québec seraient appelés à faire les frais
de ces attitudes rigides, inspirées d'un idéalisme
peut-être louable mais qui aboutit souvent à un sectarisme
désastreux pour l'ensemble des contribuables.
Tout ce que je voulais savoir, lorsque je vous ai interrogé
M. Girard et les membres de votre délégation
c'était ceci: Est-ce que, dans le cas de conflit, vous seriez
disposés à appuyer à 100 p.c. le gouvernement du
Québec dans son entreprise difficile de négociation? Vous m'avez
répondu, je vous en sais gré et je ne voudrais pas vous laisser
partir vous allez assister à ce qui va suivre, j'imagine
sans vous remercier de votre mémoire et sans vous féliciter de
l'approche qui est la vôtre.
On peut être d'accord ou pas d'accord sur certains points mais je
crois que dans l'ensemble vous avez compris dans quel sens s'infléchit
la politique du gouvernement que nous, les hommes politiques, avons la
responsabilité de critiquer et de combattre, le cas
échéant.
M. LATULIPPE: M. le Président, je voudrais également
joindre mes remerciements à l'Association des câblodiffuseurs pour
son apport positif aux travaux de cette commission. On ose espérer que
cela va leur donner satisfaction également.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le ministre.
M. L'ALLIER: M. le Président, nous allons continuer, si tout le
monde est d'accord, l'audition des intervenants, mais je tiens à
souligner ici, à mon tour, la très bonne collaboration que nous
avons eue et que nous avons constamment de l'Association de
télévision par câble du Canada. Nous avons eu des
discussions, nous sommes partis de loin, mais finalement, je crois que sur les
objectifs que nous poursuivons il n'y a pas, comme je l'ai dit,
d'opposition.
L'association, ses membres et en particulier la section
québécoise comprennent la situation et nos problèmes et
jusqu'ici je peux le dire publiquement et j'en suis heureux ils
ont tout fait pour nous faciliter le travail et pour expliquer à leurs
membres le sens de nos interventions.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Messieurs, merci. Nous invitons maintenant
à la table M. Denis Filion. M. Filion, nous vous écoutons.
Télévision Laurentienne
M. FILION: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres
de la commission, mon nom est Denis Filion, propriétaire d'un
système de câblodistribution à Mont-Tremblant. Vous venez
d'entendre la grosse machine, la grosse cloche; voici maintenant que la
très petite cloche de la province de Québec va donner son opinion
puisque j'ai seulement 200 abonnés à mon câble, sur une
distance de 14 milles.
J'aimerais, pour débuter vous féliciter et vous remercier
sincèrement de l'occasion que vous nous offrez de nous exprimer. Je
tiens à vous mentionner que je l'apprécie beaucoup et cela en mon
nom personnel et aussi au nom de mes collègues, les petits qui à
mon humble avis, auraient dû en faire autant, cela aurait facilité
la tâche, je crois.
Etant donné que vous avez tous mon exposé, vous vous
êtes sans doute rendu compte qu'il est d'une ampleur égale
à mon entreprise. Vous avez sûrement remarqué qu'il est
axé non pas taxé vers la télévision
communautaire, la réglementation de la programmation et la commandite
puisque c'est plutôt dans ce domaine que je suis réellement
touché.
Messieurs, je vous avoue franchement ici que vous avez actuellement la
clef de l'avenir de la télévision communautaire chez les petits
dans mon cas comme dans celui de mes collègues.
Comme je suis le plus petit, encore une fois, câblodistributeur au
Québec à avoir un investissement si fort dans ce domaine,
c'est-à-dire studio et équipement ou tout autre, j'ai cru bon de
prendre position personnellement, puisque je crois que personne ne
connaît mieux ses problèmes que lui-même. Non pas,
Messieurs, que je n'ai pas confiance en mes collègues,
c'est-à-dire les grosses machines, l'association, au contraire, je les
appuie sans réserve, mais je crois tout simplement que le
câblodistributeur moyen, ou encore le gros, ne rencontre certainement pas
les mêmes difficultés financières.
Il est bien évident qu'il négocie davantage selon son
niveau, selon ses revenus à lui. Je crois que c'est tout à fait
normal.
Messieurs, je vous remercie de votre bonne tolérance envers moi
et si vous jugez bon que je vous relise mon exposé, ou encore si vous
avez des questions, il me fera plaisir d'essayer de vous éclairer sur
mon cas.
Avant de terminer, je vous fait remarquer que je suis très
optimiste quant à votre décision puisque je suis certain et
persuadé même de votre bonne compréhension et
collaboration. Je suis à votre entière disposition si vous avez
des questions à mon sujet.
Merci.
M. LATULIPPE: Est-ce que je pourrais demander à M. Filion de
résumer l'essentiel de son mémoire, sans prendre le temps de le
lire, parce que je crois que vous...
M. FILION: Je le dis, il est axé sur la commandite et la
programmation communautaire. C'est ce que je viens de vous dire, il est
axé là-dessus.
M. LATULIPPE: M. Filion, est-ce que vous jugez que les propositions qui
sont faites dans le règlement à l'étude actuellement vous
satisfont?
M. FILION: Je m'excuse, Monsieur, mais je vous comprends mal.
M. LATULIPPE: Est-ce que vous jugez que la réglementation qui
vous est proposée vous donne satisfaction?
M. FILION: Dans l'ensemble?
M. LATULIPPE: Dans l'ensemble, parce qu'on va vous permettre
effectivement de pouvoir retirer certains frais publicitaires. Est-ce que cela
va vous permettre de couvrir ou de faire vos frais?
M. FILION: Si j'ai gain de cause, oui.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le ministre des Communications.
M. L'ALLIER: J'ai pris connaissance du mémoire de M. Filion. Je
voudrais d'abord féliciter M. Filion de l'effort considérable qui
est fait par la télévision de la communauté
Télé Laurentides en termes de participation communautaire. Vous
avez, comme vous l'avez dit, un petit système, mais vous êtes
quand même équipé pour fournir un service communautaire
proportionnellement mieux que n'importe qui. Je pense qu'il faut le
reconnaître. C'est un effort qui devrait être fait par l'ensemble
des câblodistributeurs, proportionnellement à leurs moyens.
La question principale que j'ai cru déceler dans votre
mémoire vous me direz si c'est exact c'est l'obligation
qui pourrait être faite de faire un minimum de dix heures par semaine de
programmation locale. Sur ce point, tout à l'heure, j'ai donné
les explications et je peux, encore une fois, vous rassurer. Il n'y a pas, ni
dans l'esprit, ni dans le texte de la réglementation même
si cela peut être complexe à faire des recoupements, il faut quand
même rester à l'intérieur du vocabulaire juridique
d'obligation de faire dix heures de programmation par semaine.
Au moment d'obtenir un permis de la régie, la régie doit
suivre un ordre de priorité en tenant compte du potentiel de
clientèle et de distribution que vous avez. A ce moment-là, vous
pouvez soumettre, en demandant votre permis, une programmation qui ne comporte
pas, d'aucune façon, de programmation communautaire et la régie
pourra l'accepter comme tel. C'est à vous de déterminer en
définitive la programmation qui vous paraît acceptable au moment
de demander votre permis. C'est comme ça que cela se passe de toute
façon dans le CRTC.
La régie pourra vous poser des questions et vérifier si
effectivement vous ne voulez pas faire de télévision
communautaire si vous n'avez pas les moyens de le faire, mais si vous n'avez
pas les moyens de le faire, c'est à vous d'en déterminer la
preuve. Vous ne serez pas obligé de le faire.
Nous avons indiqué dix heures pour éviter
précisément qu'il y ait des entreprises de bonne foi qui fassent
de la publicité en disant: Nous avons une programmation communautaire;
alors qu'elle est d'une heure, deux heures ou d'une demi-heure par semaine. En
d'autres mots, on s'est dit: On ne peut pas parler de programmation
communautaire à moins que ce soit dix heures par semaine.
C'est un point que nous allons continuer de regarder compte tenu de vos
observations et il est possible, sur le volume de dix heures, qu 'il y ait des
modifications compte tenu de l'ensemble des mémoires.
Encore une fois, il n'y a rien, dans cette
réglementation ni dans son esprit, qui constitue une contrainte
telle que vous soyez obligé de fermer boutique parce qu'il y a des
choses que vous ne pouvez pas faire et qu'on vous obligerait à
faire.
La relation que vous faisiez ensuite avec la publicité va un peu
dans le même sens. Ce sont les moyens qui sont disponibles pour
réaliser cette programmation. La publicité, si vous
décidez d'en faire, est permise par cette réglementation.
Alors, c'est en gros ce que je retenais de votre mémoire. S'il y
a d'autres points, vous pouvez nous les souligner ou, si cela n'est pas exact,
vous pouvez nous le dire aussi.
M. FILION: M. le Ministre, c'est très exact, ce que vous venez
d'affirmer. Mais au point de vue commandite, je ne sais pas si vous avez
capté mon message. J'ai surtout axé mon intervention sur la
commandite pas seulement locale, mais régionale.
J'avoue avec vous que cela ne peut peut-être pas s'adapter
partout. Mais, dans mon cas, avec le bassin de marchands qu'il v ? dans
Saint-Jovite, c'est tout à fait évident qu'on ne peut pas
survivre avec ça. Il faut considérer aussi que l'on se
dérange beaucoup. Remarquez bien que ce n'est pas un reproche pour
personne et cela me fait plaisir de prendre, de Saint-Jérôme
à l'Annonciation, toutes les activités des clubs sociaux
quelconques. Même, vous en avez une preuve; votre collègue, Me
Denis Hardy, mon député, que je salue en passant, souvent je me
rends à Saint-Jérôme pour prendre ses conférences de
presse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela pose un problème...
M. FILION: Oui, cela arrive.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de qualité, M. Filion!
M. FILION: Pardon, M. le Président, j'aimerais répondre
à M. Tremblay. La qualité des conférences...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Filion... M. FILION: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... c'est une blague que j'ai faite à
l'intention de mon collègue.
M. FILION: Je peux vous en faire une autre, si cela ne vous fait
rien.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On continuera.
M. FILION: Si vous parlez de la qualité des conférences de
presse de Me Hardy, vous savez que Me Hardy porte le nom de Denis, il a une
grande facilité de parole. Lorsque je me rends à
Saint-Jérôme pour enregistrer quelquefois deux heures de
programmation, c'est mon programme le plus facile à monter, puisque,
lorsque Me Hardy commence à parler, il ne finit plus et il n'y a pas de
coupures. Alors, je n'ai qu'à passer le programme.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous félicite de votre patience, M.
Filion! Deux heures de conférence de presse!
M. HARDY: Ce sont des réalisations.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On n'en a jamais entendu parler!
M. FILION: C'est la raison pour laquelle, M. le Président,
j'insiste tellement pour avoir une commandite régionale pour pouvoir
suffire aux dépenses de tout ça.
M. L'ALLIER: J'en prends note. M. FILION: Merci beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Est-ce que vous pensez réellement que vous allez
avoir un apport financier de la part de la commandite qui va combler vos
frais?
M. FILION: Je n'ai pas compris votre question. Excusez-moi.
UNE VOIX: Vous n'êtes pas le seul.
M. LATULIPPE: Est-ce que vous pensez que la vente de publicité va
vous fournir suffisamment d'argent pour faire vos frais dans le domaine de la
production?
M. FILION: Cela fait déjà deux ans que j'opère et,
en deux ans, sans publicité, j'ai construit un studio, je l'ai
opéré et j'ai monté toute l'affaire. Alors, cela en
prendrait juste un peu plus avec l'arrondissement et je me charge du reste.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Filion, est-ce que...
M. FILION: II y a seulement des solutions, mon cher ami.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était la question de mon
collègue. Qu'est-ce que vous escomptez tirer de la publicité que
vous réclamez ici de la commandite? Quel est, enfin, approximativement
le montant qui pourrait vous venir de cela?
M. FILION: Premièrement, il faudrait en
avoir assez pour pouvoir me payer un employé à plein
temps, ce qu'actuellement je ne peux pas faire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas cela que je veux dire. Je ne
parle pas de l'usage que vous pourriez en faire, mais est-ce que vous avez,
enfin, une étude aux fins de savoir ce que cette publicité vous
apporterait en revenus additionnels pour exploiter votre entreprise?
M. FILION: Je crois que, malheureusement, je n'ai pas le dossier ici. Je
dois vous avouer que je travaille souvent la nuit, depuis un bon quinze jours,
sur ce projet de règlements et j'ai complètement oublié
ça. J'ai fait une étude là-dessus et je crois qu'il doit y
avoir moyen, mais pas seulement avec le local, car, avec le local, c'est
définitif, je ne peux pas arriver. Cela n'est pas seulement en mon
nom.
Le petit qui a 200, 300, ou 1,000 abonnés, c'est impossible qu'il
arrive dans une localité avec quelque 80 marchands, c'est impossible.
Parce que, vous savez, le marchand du coin, vous allez lui demander $50 pour
une semaine, il va vous les accorder, mais n'allez pas lui demander une
série de trois mois, à $50 par semaine, il n'est pas capable.
M. HARDY : Qu'est-ce que la publicité locale veut dire dans votre
esprit?
M. FILION: Dans mon esprit, la publicité locale, d'après
ce que j'ai pu voir dans le projet de règlement, c'est la
localité que nous desservons c'est Saint-Jovite, dans mon cas, et
comme Me Hardy connaît très bien Saint-Jovite, le potentiel, le
bassin des marchands ne suffit pas à cela, c'est absolument
impossible.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va demander à M. Hardy de vous payer
des émissions!
M. HARDY: M. le Président, la proposition de mon collègue
de Chicoutimi cadrerait avec mes principes sur la limitation des
dépenses des partis politiques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est nouveau cela chez vous.
M. LATULIPPE: La présente réglementation ne limite pas la
perception de commandites aux territoires spécifiques où
l'entreprise fait des affaires actuellement?
M. L'ALLIER: C'est exact, la prochaine réglementation permet la
publicité d'une entreprise sur le territoire qu'elle dessert. Il est
évident à ce moment-là que, pour une grande entreprise,
par exemple, qui dessert l'est ou l'ouest de Montréal, cela peut devenir
un territoire intéressant. Pour une toute petite entreprise, c'est
proportionnel au territoire desservi. C'est le projet qui est actuellement
devant nous maintenant.
Comme je vous l'ai dit, j'ai pris connaissance de ce mémoire qui,
en gros, représente l'opinion de tous ceux qui sont dans la situation
d'exploiter des réseaux de moins de 1,500 ou 2,000 personnes, 2,000
abonnés. C'est une question que nous allons analyser. Il n'y a rien qui
empêche cependant des ententes d'intervenir entre les petits
câblodistributeurs, les petites entreprises entre elles pour des
échanges.
M. LATULIPPE: Le petit distributeur en vertu de la réglementation
telle qu'elle est faite, est-ce qu'il peut solliciter par exemple, une
commandite de Coca-Cola à Montréal?
M. L'ALLIER: II ne pourrait pas solliciter une commandite de Coca-Cola
à Montréal, il pourrait solliciter une commandite de celui qui le
vend chez lui.
M. LATULIPPE: Essentiellement.
M. L'ALLIER: Vous comprenez que ce sont les distributeurs locaux qui
pourraient...
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Terrebonne.
M. HARDY : Dans l'étude de ce problème, quand on parle du
territoire desservi, actuellement, ce que la réglementation
prévoit, c'est le territoire où résident les
abonnés. Mais comme M. Filion l'a expliqué tantôt, au point
de vue de l'information, c'est-à-dire comme source d'information, il va
chercher de l'information en-dehors de ce territoire, c'est-à-dire qu'il
va chercher de l'information à Sainte-Adèle, à..., de
différents organismes.
Alors, je me demande s'il n'y aurait pas lieu je ne sais pas dans
quelle mesure cela peut être défini de définir la
région où l'on peut aller chercher de la publicité comme
étant la région où le câble prend son information.
C'est-à-dire que si M. Filion ou d'autres donnent de l'information sur
le territoire allant de Saint-Jovite à Saint-Jérôme,
c'est-à-dire si c'est là sa source d'information, s'il donne de
l'information sur les activités syndicales de Saint-Jérôme,
sur les activités de la Chambre de commerce de Sainte-Adèle,
etc., il serait peut-être normal que ce territoire lui serve de source
d'approvisionnement en publicité.
M. L'ALLIER: C'est une chose, M. le Président, que nous
n'excluons pas et que nous allons étudier précisément
à partir de maintenant.
M. FILION: M. le Président, me permettez-vous de donner seulement
un exemple auquel Me Hardy me fait penser? En parlant de Sainte-Adèle,
justement, à compter de la fin de semaine, nous allons être
là six jours dans l'autre semaine pour le festival d'été.
Deux hommes s'en vont là, ils passeront les grandes journées
complètes, pour couvrir le festival
d'été de Sainte-Adèle. Ils ne nous paient pas pour
ça, mais c'est dans la région, c'est la région des
Laurentides, quoi. On se fait un devoir de le faire pour informer la
population.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Messieurs, d'autres questions à
l'endroit de M. Filion? M. Filion nous vous remercions.
M. FILION: C'est moi qui vous remercie, messieurs.
LE PRESIDENT (M. Giasson): J'invite maintenant le ou la
représentante de Rivière-du-Loup Câble Ltée. Il
semblerait que les représentants de Rivière-du-Loup Câble
Ltée ne sont pas dans la salle. Donc, Télévision
Saint-Maurice Inc., La Belle Vision. Monsieur, si vous voulez vous
identifier.
Télévision Saint-Maurice
M. BEAUMIER: M. le Président, M. le ministre, messieurs les
membres de la commission, messieurs, mon nom est Marcel Beaumier, je suis
l'avocat de Télévision Saint-Maurice Inc. J'ai avec moi le
président de la compagnie qui est à ma droite, M. Henri Audet,
son assistant et collaborateur immédiat, M. Robert Bonneau, dont je vous
parlerai tantôt, et également deux administrateurs des
câbles, M. Jean Brousseau et M. Jacques Gauthier, de Shawinigan et de
Trois-Rivières.
L'objet principal de notre intervention se rapporte uniquement à
l'article 6 de la réglementation. Je connais personnellement M. Audet,
qui est une autorité en matière de radio,
télévision et câblodistribution, parce qu'il oeuvre dans ce
champ-là depuis près de 30 ans maintenant. Il a à son
crédit de nombreuses années de service à la
société Radio-Canada pour avoir organisé et dirigé
les services techniques de Radio-Canada à Montréal et dès
les débuts de sa pratique, il s'est occupé activement de
l'organisation de la télévision au Canada. Dès le
début également il a fait partie d'un groupe de cinq
représentants chargés par Radio-Canada de faire enquête sur
la télévision au Canada, aux Etats-Unis et en Europe. Il
possède donc le sujet de façon très profonde. Depuis 1953,
jusqu'en 1957, il a dirigé les services techniques de Radio-Canada
à la télévision de toute la province de Québec. Il
a fait partie également du comité conjoint de Radio-Canada et de
la compagnie de téléphone Bell qui a organisé et
dirigé l'opération des réseaux de télévision
de Radio-Canada d'un océan à l'autre. Il a fait également
partie d'un comité spécial de télévision de
Radio-Canada qui dirigeait les activités de télévision de
tout le Canada. En octobre 1957, il a laissé Radio-Canada pour organiser
et diriger Télévision Saint-Maurice au coeur du Québec. Il
en est le président et le directeur général.
Cependant, il ne s'est pas arrêté là dans son
expérience des communications au Canada et au Québec puisqu'il a
été président de l'Association canadienne des
radiodiffuseurs et télédiffuseurs de langue française. Il
a participé à des voyages d'études organisés par
différentes organisations aux Etats-Unis, en Angleterre, en
Suède, en Italie et en France afin de recueillir des renseignements sur
l'utilisation de la télévision éducative dans ces pays.
Vous voyez donc que M. Audet, qui dirige une compagnie progressive, est
extrêmement qualifié pour vous parler du sujet dont nous allons
vous parler.
Son assistant, M. Bonneau, est dans le métier depuis 20 ans, il a
fait lui aussi ses débuts à Radio-Canada et il a à son
crédit d'avoir construit et dirigé les débuts des stations
de Vancouver et d'Ottawa. A ce titre-là également, il est
qualifié pour discuter de toute la réglementation avec vous si
vous avez des questions à leur poser dans d'autres domaines, mais notre
présentation, comme vous l'avez constaté dans notre
mémoire, se limite strictement à l'article 6, qui concerne notre
compagnie et qui concerne également énormément le milieu
dans lequel nous évoluons.
Je laisse donc la parole à M. Henri Audet et à M. Bonneau,
qui feront eux-mêmes la présentation de notre mémoire.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. Audet.
M. AUDET: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, j'aimerais vous remercier de cette occasion que vous nous donnez de
vous présenter nos vues en marge du règlement proposé pour
les télécommunications et spécifiquement la
câblodistribution au Québec.
Comme vous le savez, nous ne nous proposons pas de discuter de toute la
réglementation proposée, d'autres l'ont fait avant nous; en
particulier, notre Association des câbles vous a présenté
un mémoire qui contient les buts de tous les membres
câblodiffuseurs du Québec. Nous appuyons dans l'ensemble ce
mémoire présenté par notre association.
Nous désirons surtout souligner par notre présence l'effet
qu'aurait cette réglementation sur notre compagnie et vous souligner que
ce règlement, s'il était adopté sans modification, en
particulier le règlement ou l'article 6, risquerait de compromettre le
service de télévision que notre entreprise fournit
présentement à la région de Trois-Rivières.
Pour vous expliquer comment cette réglementation affecterait
notre service de télévision dans la région de
Trois-Rivières, j'aimerais vous présenter M. Robert Bonneau,
administrateur de Télévision Saint-Maurice. M. Bonneau.
M. BONNEAU: M. le Président, messieurs de la commission, je vous
ferai grâce de la lecture de l'article 6 et j'enchaine. D'après
nous, le texte de cet article ne répond pas à
l'intérêt de
la collectivité de notre région, ne tient pas compte des
facteurs importants que sont la conceptualisation des émissions, de la
technologie et des réalités économiques auxquelles ont
à faire face des entreprises de télévision et de
câblodiffusion dans une région comme la nôtre.
De plus, si l'on considère toute la réglementation dans
son ensemble, la partie de l'article 6 qui concerne les entreprises de presse,
de radio, de télévision et de cinéma nous parait
superflue. Regardons tout d'abord l'intérêt de la
collectivité.
A la lecture du règlement dans son ensemble, on constate
facilement que le législateur s'est soucié de
l'intérêt de la collectivité, comme c'était
d'ailleurs son devoir de le faire. Nous croyons cependant que cette partie de
l'article 6 qui concerne les entreprises de presse, radio,
télévision et cinéma constitue une entrave à cet
intérêt. L'intérêt public semble bien servi si les
abonnés d'un câble ont accès au plus grand nombre possible
de programmes de qualité.
Le projet de règlement définit la nature et l'ordre de
priorité de ces programmes et indique comment ils doivent être mis
à la disposition du public. Le projet de règlement prescrit
même un minimum d'heures de programmation que devrait produire le
câblodiffuseur. Toutefois, ce service de programmes, que laisse entrevoir
à l'abonné l'ensemble de la réglementation
proposée, semble subitement et inutilement amputé de ses racines
et de ses sources les plus dynamiques par l'interdiction qui est faite à
la régie d'attribuer des autorisations à des entreprises de
presse, radio, télévision et cinéma et à toute
entreprise ou personne reliée à l'une d'elles par participation
financière ou autrement.
En effet, les entreprises de presse, radio, télévision et
cinéma constituent certaines des sources d'approvisionnement de
programmes les plus importantes et les plus dynamiques puisqu'elles
possèdent déjà les ressources humaines, technologiques et
financières appropriées à la production de programmes. Ces
entreprises possèdent également l'expérience et la
formation professionnelle essentielles à la production de programmes qui
satisfassent aux besoins du public et qui assurent à ce public une
information intègre et de qualité.
Le cloisonnement artificiel proposé par l'article 6 entre la
câblodistribution et les entreprises de radio, de
télévision et de cinéma semble, d'une part, interdire au
public l'accès à des programmes de valeur, et, d'autre part,
interdire à des professionnels de la programmation la
présentation de leurs oeuvres à un public plus large.
Ceci nous semble constituer une injustice pour le public, les artistes
et les professionnels de la télévision et du cinéma. Ce
cloisonnement artificiel proposé par l'article 6 nous parait conduire
à un éparpillement des efforts et à un gaspillage des
ressources régionales au détriment de toute la
communauté.
Le gaspillage de talents et de ressources culturelles n'est admissible
nulle part. Dans une région comme la nôtre qui ne possède
pas les ressources de grands centres comme Montréal, le gaspillage de
ressources humaines et financières nous semble particulièrement
à éviter. Pour soutenir nos institutions régionales, nous
devons faire appel à des solutions pratiques qui permettent le
groupement et l'utilisation de toutes les bonnes volontés et de tous les
moyens disponibles.
La modification de l'article 6 par l'élimination des mots "de
presse, de radio, de télévision, de cinéma et à
toute entreprise ou personne reliée à l'une d'elles par
participation financière ou autrement" permettra ce genre d'approche aux
problèmes de la télévision dans notre milieu.
Regardons maintenant l'aspect technologique. Pour être en mesure
d'exploiter une entreprise de presse, de radio, de télévision et
de cinéma, il faut posséder les moyens technologiques et
économiques considérables. Ainsi, l'entreprise doit utiliser les
services continus d'hommes, de programmes, de réalisateurs,
d'ingénieurs, de techniciens, d'annonceurs, d'artistes en art graphique
et de spécialistes dans le film, de photographe, de caméramen,
d'aiguilleurs, de spécialistes du son et d'administrateurs, etc., tous
hautement qualifiés.
Tous ont dû faire de longues études et, quotidiennement,
ils s'adonnent à la recherche afin d'améliorer constamment la
qualité de leurs programmes et ainsi faire bénéficier le
public d'une qualité toujours grandissante de production. Inutile de
signaler également qu'au simple niveau de l'administration quotidienne
ces entreprises de presse, radio, télévision et cinéma
reçoivent l'aide efficace d'un personnel administratif
déjà rompu à la bonne marche de ce genre d'entreprise.
Pour répondre aux exigences du règlement proposé,
une entreprise de câblodistribution a besoin de la contribution
d'individus possédant ce genre de connaissances et de
compétences; il nous parait malheureux et contraire à
l'intérêt public d'interdire la meilleure utilisation des
ressources disponibles, limitées dans une région comme la
nôtre.
Les réalités économiques. Passons maintenant
à l'aspect économique. Il est reconnu que l'industrie de la
câblodistribution requiert des capitaux considérables pour son
établissement, son expansion et sa modernisation. L'évolution de
la technologie en télévision est tellement rapide qu'elle exige
le remplacement à courte échéance d'équipement qui
se voit frappé prématurément de désuétude.
On peut prévoir que ce rythme d'investissement en capital se maintiendra
pour de nombreuses années à venir.
Si l'on songe à exclure les investissements possibles par toutes
les entreprises ou personnes ayant des intérêts dans des
entreprises de presse, de radio télévision, cinéma au
Québec, on prive, par le fait même, la câblodistribution
de sa source la plus naturelle de capitalisation tant pour le
présent que pour l'avenir.
La conceptualisation des émissions. Il en est de même quand
on envisage tous les problèmes de la conceptualisation des
émissions. En effet, toute entreprise de radio, de
télévision et de cinéma exige de ses directeurs de
programmes qu'ils conçoivent à un rythme sans cesse
accéléré des productions d'une qualité toujours
plus poussée pour répondre à la demande d'un public
toujours plus exigeant.
Si, également dans ce domaine, on divise les efforts en ne
permettant pas à une entreprise qui possède déjà
tous les moyens d'action d'exploiter également une entreprise de
câblodistribution qui devra, elle aussi, un jour ou l'autre avoir toute
cette aide technique pour préparer ses programmes afin de se conformer
à la loi et aux règlements, nous aurons, encore là, un
éparpillement d'efforts et, par le fait même, un appauvrissement
global de la qualité des émissions présentées au
public.
Nous disons qu'il n'y a pas d'inconvénient qu'une entreprise de
presse, de radio, de télévision et de cinéma exploite
également une entreprise de câblodistribution. Nous venons de voir
qu'il existe de sérieux avantages à exploiter conjointement la
télévision et la câblodistribution dans une région
comme la nôtre.
Bien plus, à notre avis, rien ne s'oppose à ce qu'une
entreprise de presse, de radio, de télévision ou de cinéma
opère en même temps une entreprise publique de
câblodistribution, et ce pour le plus grand avantage et au profit de la
communauté.
A titre d'exemple, permettez-nous de vous proposer le cas de notre
compagnie. Télévision Saint-Maurice Inc., rencontre toutes les
exigences de propriété édictées par l'article 5 du
règlement proposé.
En effet, depuis sa fondation, notre compagnie s'est toujours voulue un
instrument permanent de développement social, culturel et
économique de la collectivité. Elle s'est toujours fait un souci
de donner au public des programmes de qualité à tous les points
de vue. Elle a invité et encouragé les citoyens de la
région à venir partager avec leurs concitoyens le fruit de leurs
expériences et de leurs connaissances, et le public a répondu
à cette invitation en participant activement à ces
activités.
Notre câble a son service son directeur des programmes qui dirige
la programmation sur les câbles de Trois-Rivières et de
Shawinigan. Actuellement, à Trois-Rivières, notre câble
présente sur un de ses canaux des émissions éducatives du
niveau CEGEP, au rythme d'environ 70 heures par semaine. Il produit
déjà à Trois-Rivières et à Shawinigan
pendant trois heures par semaine des émissions de type communautaire.
Des négociations sont présentement en cours à Shawinigan
pour y présenter des émissions éducatives semblables
à celles qui sont présentées à
Trois-Rivières.
Juste quelques exemples pour illustrer le genre d'activités de
notre programmation communautaire. Je ne ferai qu'esquisser quelques genres
d'émissions qui ont été produites au cours des derniers
mois. Par exemple, le témoignage des hommes tombés
prématurément à la retraite par la fermeture d'une
industrie locale, la Gulf, qui malheureusement a dû fermer ses portes; le
déroulement des séances du concile diocésain; les
objections et les inquiétudes d'un groupe de citoyens au sujet du
tracé d'une autoroute qui coupait leur quartier; une analyse par des
étudiants du CEGEP, faite sous forme mi-dramatique, mi-panel, des
problèmes de leurs dettes accumulées à cause de leur
prêt pendant leurs études; les principales parties du
congrès de la CSN tenu à Shawinigan; un colloque de l'ACEF,
l'Association coopérative d'économie familiale, sur les
compagnies multinationales; des sujets aussi variés qu'une
élection à une caisse populaire et tout son processus, une
séance d'information sur le bill 65, le sport amateur, le
théâtre amateur, et je vous fais grâce d'autres
exemples.
Nous prévoyons également que les émissions
éducatives dans ces deux villes incluront bientôt le niveau
universitaire et le niveau primaire. Tous les membres du conseil
d'administration et ceux de la direction sont des résidents du
Québec. Le siège social de notre compagnie est situé au
Québec et sa raison sociale est exclusivement et typiquement
française. Enfin, la propriété de notre entreprise
appartient à des résidents du Québec dans une proportion
de 100 p.c, dont 88 p.c. sont détenus dans les territoires précis
qu'elle dessert.
L'équipe qui dirige les opérations de notre compagnie
possède déjà une longue expérience en
télévision et des états de service assez remarquables.
Certains de ses membres ont même contribué à mettre sur
pied le service de télévision au Québec et au Canada et
ont assumé des fonctions de chef de file dans les différents
secteurs de la télévision, tant au Québec que dans le
reste du Canada. L'équipe de télévision Saint-Maurice fait
plus que répondre aux désirs exprimés dans le projet de
règlements relatif aux entreprises de câblodistribution puisque
ses administrateurs et son personnel vivent au sein même de la
communauté qu'ils servent et contribuent, de façon active, au
développement social, culturel et économique de cette
collectivité. Notre compagnie a déjà énoncé
et mis en application sa politique en matière de
câblodistribution. De ce fait, elle a démontré, de
façon positive, sa détermination à favoriser le
développement social, culturel et économique de la
collectivité qu'elle dessert.
Nous avons déjà dit et annoncé publiquement que
dans le domaine important de la programmation, notre compagnie a
créé, dans chacun des deux centres, un service de programmation
communautaire. Dans notre esprit, l'expression programmation communautaire
signifie une programmation conçue et réalisée par
les citoyens du milieu, secondée par la compétence
technique et l'équipement mis gratuitement à leur disposition par
nous. Ces programmes communautaires, de même que l'équipement
technique nécessaire à leur production sont propres à
chacun des deux centres. Nous assurons ainsi le caractère
particulièrement local du service supplémentaire offert à
chacune de ces agglomérations urbaines. Nous donnons aussi dans chacun
des deux centres un service de programmation locale, tels que des programmes
d'affaires publiques et d'information, exemple que je n'ai pas cité
tantôt, l'enregistrement des séances municipales de la ville de
Shawinigan-Sud.
Nous ajoutons à ce service celui de la distribution de six canaux
FM, service offert gratuitement, sans charge mensuelle additionnelle. Ainsi,
elle remplit à tout point, nous croyons, les objectifs
énoncés par le règlement proposé.
La partie de l'article 6 qui concerne les entreprises de presse, de
radio, de télévision et de cinéma, d'après notre
présentation, est superflue.
A ceux qui nous objecteraient que cette partie de l'article 6 a
été insérée dans la réglementation par souci
de l'intégrité de l'information, nous soumettons bien humblement
qu'elle est totalement inutile pour les raisons suivantes:
D'abord, nous ne sommes pas convaincus qu'une entreprise de
câblodistribution dans laquelle ne serait pas une entreprise de presse,
de radio, de télévision et de cinéma, offre de meilleures
garanties de l'intégrité de l'information.
De plus, dans notre région, comme dans la plupart des autres
régions du Québec, il y a d'autres media d'information
indépendants qui garantissent au public une information complète.
Chez nous tout particulièrement, il existe trois postes privés de
radio, un quotidien et plusieurs hebdomadaires, sans compter l'importation
électronique par simple récepteur domestique de près de 25
postes de radio et de multiples postes de télévision.
A la lecture du deuxième alinéa de l'article 21, on
constate que toute entreprise publique de câblodistribution doit donner
priorité à différents postes et encore là,
l'intérêt de la communauté est sauvegardé.
Il ne faut pas oublier qu'une entreprise comme la nôtre se veut
professionnelle et qu'elle considère comme partie de son mandat de voir
à ce que les citoyens de la communauté soient bien
informés et à prévenir toute tentative de distorsion des
nouvelles, d'où qu'elle vienne.
Ne croyez-vous pas qu'il est inutile de restreindre ce champ
d'entreprise en excluant les entreprises de presse, radio,
télévision et cinéma, puisque, de toute façon,
partout ailleurs dans le projet de la Régie des services publics,
à qui a été confiée l'administration de la loi et
de ses règlements, a en main tous les moyens nécessaires pour
prévenir quelque abus que ce soit de la part de quiconque?
On pourrait également vous objecter que la qualité des
services de câblodistribution serait sacrifiée pour tout autre
canal au bénéfice de celui par lequel la compagnie de production
entend émettre ses ondes. A cela, nous répondrions que la
réglementation proposée y a également pourvu et à
ce sujet, nous vous référons à l'article 10, qui parle de
la qualité des services et à l'article 31, qui parle des normes
techniques.
En conclusion, M. Paul Audet.
M. AUDET: Comme nous vous l'avons dit un peu plus haut, nous vous avons
démontré, au meilleur de notre connaissance, que l'adoption de
l'article 6 sans modification risquerait de compromettre le service de
télévision que nous donnons présentement dans notre
région et que cela compromettrait également l'avenir de notre
entreprise qui est déjà si bien amorcée.
Nous désirons donc appuyer fortement cette partie en particulier,
du mémoire de l'Association canadienne de télévision par
câble qui suggère de retrancher, dans le projet de l'article 6,
les termes suivants: De presse, de radio, de télévision, de
cinéma et à toute entreprise ou personne reliée à
l'une d'elles par participation financière ou autrement.
Nous croyons que la modification à cet article,
recommandée par l'Association canadienne des câbles, permettra
à notre compagnie de poursuivre l'oeuvre qu'elle a entreprise tout en
préservant les objectifs énoncés dans la Loi de la
régie des services publics et dans le projet de règlement sur la
câblodistribution. Je n'ai pas besoin de vous dire que toute notre
équipe est désireuse de continuer l'oeuvre déjà
entreprise et nous vous soumettons ces commentaires bien humblement en
espérant que, grâce à votre considération favorable,
nous pourrons continuer et voir progresser le service de
télévision que nous donnons déjà dans la
région de Trois-Rivières. Je vous remercie, M. le
Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le ministre.
M. L'ALLIER: Très brièvement, M. le Président, je
voudrais remercier les représentants de la Télévision
Saint-Maurice Inc. de leur présentation. Je voudrais leur dire
également que je suis conscient du problème particulier que pose
chez eux l'application du règlement que nous avons ici. Nous
étudierons très attentivement les commentaires qui sont faits
dans ce document qui complète, en fait, les présentations
antérieures et, quant à moi, ce document est clair. Je n'aurai
pas de questions à vous poser. Je suis parfaitement conscient du
problème.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. LEGER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Giasson): La coutume veut qu'en commission
parlementaire, on respecte l'ordre des partis. Le député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais être très bref, M. le
Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention, j'avais
lu d'ailleurs ce matin votre mémoire M. Audet. Je vous félicite
de sa clarté. Il pose, évidemment, un problème assez
sérieux. Quand nous avons examiné toute la question, nous avons
insisté sur cet aspect du danger de la création des monopoles
dans les entreprises de communication, télévision, etc. Par
ailleurs, les arguments que vous apportez à l'appui de votre
thèse sont, je dois le dire, plus qu'impressionnants. A certains
égards, ils me convaincraient de prendre votre part.
J'estime que la présentation que vous avez faite,
particulièrement en ce qui concerne les données technologiques,
l'aspect économique du problème, le service à la
collectivité également, m'incite à m'interroger sur la
validité de cet article 6 qui est quand même assez restrictif. Je
reste quand même inquiet si l'on devait accepter vos propositions, de ce
qui pourrait survenir, soit la création ou la poursuite de monopoles en
matière de communication.
Est-ce qu'il est possible de trouver un accommodement,
c'est-à-dire un texte de réglementation qui pourrait
préserver certaines situations de fait, bénéfiques
d'ailleurs à la collectivité que vous déservez, tout en
éliminant le danger de la création, du maintien de la
création de monopoles en matière de communication?
Je crois que votre mémoire, fort sérieux, va exiger de
notre part une analyse attentive et une discussion aussi assez suivie avec le
ministre responsable. Parce que les arguments que vous apportez sont
très sérieux et vous situez votre plaidoyer dans le cadre d'une
collectivité bien déterminée, dont je connais d'ailleurs
les services, ceux que vous donnez notamment.
Alors, sans me déclarer absolument d'accord sur votre
mémoire, je me dois de vous dire qu'il nous incite à la
réflexion et qu'il va probablement nous obliger à rediscuter le
problème avec le ministre et à remettre en cause peut-être
certains principes auxquels nous tenions, notamment celui que j'ai
évoqué tout à l'heure, soit la préservation des...
enfin l'élimination du danger des monopoles.
Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais remercier et
féliciter encore une fois M. Audet et ses collaborateurs de nous avoir
présenté un mémoire aussi clair, aussi simple et en
même temps aussi explicite sur une question d'ordre technique qui
échappe à la compétence de la plupart d'entre nous.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: M. le Président, j'avais cru comprendre que le
député de Chicoutimi, peut-être que je me suis
trompé, demandait à M. Audet si, effectivement, il avait une
proposition qui arriverait à concilier les deux objectifs. Ce qui est
proposé par l'association des antennes communautaires je ne sais
pas si c'est le nom exact enfin de compte il vise essentiellement
à éloigner les compagnies de téléphone et de
télégraphe.
A ce moment-là, lors de l'exposé, on nous avait dit: Que
chaque cas ou cela revenait à dire ça soit
étudié au mérite. A ce moment-là, est-ce que vous
avez pensé à une formulation qui pourrait concilier ces objectifs
pour répondre également aux objectifs que vous avez fournis parce
que votre mémoire est très explicite, très clair et il me
semble fondé?
M. AUDET (Henri): M. le Président, comme nous l'avons
indiqué dans notre mémoire, à notre avis le
problème serait réglé et la situation, dans notre cas,
serait améliorée d'une façon générale si on
éliminait certains mots que nous avons dis tout à l'heure,
presse, radio, télévision, etc.
Nous croyons que la Régie des services publics aura de toute
façon tous les pouvoirs qui lui sont donnés dans d'autres parties
du règlement pour s'assurer qu'il n'y ait pas de monopole. Nous
réalisons tous ensemble, je crois, le danger qu'il y aurait pour une
population de voir son information contrôlée par un seul groupe.
Je crois qu'au Québec dans le moment, tout de même, si on parle de
câblodis-tribution, ce danger ne semble pas, est-ce que je peux dire un
danger prioritaire? C'est une possibilité que l'on peut
considérer pour un avenir très éloigné. De toute
façon, dans l'octroi des permis et dans la modification des permis
existants, il nous semble que la régie pourrait tenir compte du fait
qu'il ne faut pas qu'il y ait de monopole.
Excusez si un profane parle de loi; je présume qu'ailleurs dans
la loi on doit pouvoir trouver des articles pour éviter que l'on prive
la population de certains renseignements à cause de
l'établissement d'un monopole possible.
Cela me paraît dans le moment, pour autant que nous sommes
concernés, une question un peu hypothétique. Je
préférerais pour répondre à votre question
de façon plus directe ne pas suggérer un texte, mais
plutôt, comme nous l'avons indiqué précédemment,
présenter nos réflexions pour considération et
étude par votre commission.
M. LATULIPPE: A ce moment-là, pourquoi souscrivez-vous à
la proposition qui veut justement indentifier les compagnies de
téléphone et de télégraphe comme devant être
exclues?
Pourquoi elles, à ce moment-là? Pourquoi ne pas simplement
proposer de biffer l'article 6? Vous venez de dire que dans d'autres textes la
régie aura suffisamment de pouvoirs pour, d'une façon
peut-être un peu discrétionnaire à l'occasion, mais
équitable, rendre justice aux Québécois.
M. AUDET: D me parait essentiel, à ce moment-ci, de faire une
distinction très claire entre d 'une part, la position de la
radiodiffusion ou de la presse ou du cinéma versus la
câblodistribution, et, d'autre part, la question de
téléphone et télégraphe versus la
câblodistribution. Dans le premier cas, il y a de grands
éléments complémentaires et, pour être
réaliste je pense qu'on pourrait appliquer cela pas mal en
général au Québec il faut se servir de tous les
moyens, de toutes les ressources humaines ou économiques dont nous
disposons pour réellement bâtir une industrie des communications
viable et valable.
Du côté du téléphone, la situation se pose
d'une façon différente. Les compagnies de
téléphone, contrôlant les câbles sur lesquels nous
devons transmettre nos renseignements, enfin, tiennent dans leurs mains notre
lifeline, si vous me permettez de dire un mot anglais dans cette enceinte.
Je crois que, là, il faut réfléchir
sérieusement et s'assurer qu'à aucun moment les compagnies de
téléphone ne puissent compromettre la viabilité de
l'entreprise de câblodistribution à leur profit. Remarquez bien
que je ne leur prête pas d'intentions qu'ils n'ont pas. Je veux
simplement indiquer puisque vous me posez la question; j'aurais
préféré ne pas être celui qui y réponde
qu'on peut peut-être entrevoir un danger. On pourrait penser,
comme quelqu'un l'a dit avant moi, qu'on puisse monter les taux jusqu'à
ce que cela devienne prohibitif pour les câblodistributeurs et
peut-être, à ce moment-là, les évincer.
Du côté des radiodiffuseurs et du cinéma, imaginons,
pour le moment, qu'un producteur de film demande trop cher pour ses films; tout
simplement, les câblodistributeurs ne les achèteront pas et
ça ne compromettra pas leur avenir. Le marché rétablira
l'équilibre de lui-même.
Alors j'espère avoir répondu à votre question,
à votre satisfaction.
M. LATULIPPE: Je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je rejoins l'inquié- tude de mon
collègue, le député (le Chicoutimi, dans cette crainte que
nous devons avoir en lace de l'établissement de certains monopoles ou de
contrôle de la câblodiffusion. D'un autre côté nous
avons entendu un mémoire qui est plus que réel. Il s'agit de
vivre à Trois-Rivières ou à Shawinigan pour
apprécier la qualité des programmes présentés par
l'organisme qui nous soumet aujourd'hui le mémoire, soit la
Télévision Saint-Maurice Inc.
En principe, nous devrions retenir l'article fi, mais peut-être
que les conseillers du ministre pourraient envisager un amendement à
l'article 6 qui pourrait se lire comme suit: "Cependant, tel permis peut
être accordé à une entreprise qui rencontre toutes les
exigences de l'article 7."
A ce moment-là, nous n'aurions aucune crainte quant à la
survie de Télévision Saint Maurice Inc., à la
lumière des exigences de l'article 7 et surtout quant à la
compétence des administrateurs de cet organisme, quant à la
production des émissions et quant à la participation
communautaire.
M. Bonneau nous a donné des renseignements qui peuvent être
parfaitement contrôlés et qui sont très
appréciés par la population de Trois-Rivières et de
Shawinigan. Je suis sûr que les conseillers du ministre trouveront moyen,
pour ne pas frapper par une mesure aussi sévère que les
dispositions de l'article 6 qui, dans leur ensemble, doivent être
maintenues, mais qui, d'un autre côté doivent être
également assez souples pour reconnaître la compétence et
l'efficacité de ceux qui oeuvrent dans la câblodiffusion depuis
plusieurs années et dont les succès ont été assez
retentissants et qui, par le service qu'ils donnent à leurs
abonnés et à la population, constitue un actif pour le milieu
qu'ils desservent tant au point de vue économique et socio-culturel.
C'est pourquoi, tout en retenant la logique des propos de mon
collègue, le député de Chicoutimi, j'inviterais le
ministre à retenir, dans son entier, le mémoire qui nous a
été présenté cet après-midi et qui a
été, en quelque sorte, une ouverture d'une opération qui,
chez nous, fait l'orgueil des citoyens de la Mauricie, en même temps
qu'il est à la louange de ceux qui en sont les administrateurs.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Messieurs, autres questions?
Nous remercions les représentants de Télévision
Saint-Maurice Inc. La commission ajourne ses travaux à demain, dix
heures.
(Fin de la séance à 17 h 20)