Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Projet de règlement sur la
câblodistribution
Séance du jeudi 16 août 1973
(Dix heures seize minutes)
M. GIASSON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
La commission poursuit ses travaux sur la réglementation. Avant
de redonner la parole à celui qui la détenait au moment de
l'ajournement, la semaine dernière, je cède la parole, pour un
court moment, au ministre des Communications.
M. L'ALLIER: Sur un point technique, M. le Président, j'ai
reçu une communication du Conseil de développement des media
communautaires, qui souhaitait être entendu à un moment
déterminé de la journée de demain. Je crois qu'il a aussi
communiqué, à ma suggestion, avec le secrétariat des
commissions. Nous lui avons expliqué que c'était à la
commission de déterminer, suivant son calendrier, le moment où
l'on pourrait l'entendre et qu'on ne pouvait pas déterminer un moment
fixe sur ce point-là.
Je pense que l'on peut continuer maintenant l'audition.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Avant de céder la parole au
député de Chicoutimi, je voudrais signaler des remplacements sur
la liste des membres de la commission. M. Marchand remplace M. Cloutier
(Ahuntsic); M. Faucher remplace M. Phaneuf; M. Bacon remplace M. Saint-Germain;
M. Perreault remplace M. Veilleux.
Est-ce qu'il y a des remplacements chez les partis de l'Opposition? M.
Brochu?
M. LATULIPPE: Oui.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. Cloutier (Montmagny) remplace M.
Cardinal.
Bon, enfin. Lors de l'ajournement de la commission, ce n'est pas moi qui
étais à la table de la présidence. Mais, sauf erreur, on
m'informe que c'était le député de Chicoutimi qui
était à interroger M. de Grandpré? Est-ce ça?
UNE VOIX: M. de Gaspé Beaubien.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. de Gaspé Beaubien.
Association canadienne des radiodiffuseurs
(suite)
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- dent, au moment de la
suspension de nos travaux, la semaine dernière, je n'avais même
pas encore commencé d'interroger M. de Gaspé Beaubien. J'avais
exprimé le désir qu'il fût présent ce matin, ce qui
est le cas. Nous lui savons gré d'avoir compris qu'il était de
son devoir de venir devant nous.
Le mémoire, présenté par l'ACR et par l'ACRTF,
association qui est rattachée à la première, aurait pu
être une affaire sans histoire. Le mémoire tient en quelques pages
n'eût été des propositions fort concises mais
éminemment discutables qu'on y retrouve.
Je l'ai analysé en profondeur et je crois, M. le
Président, qu'il appelle quelques commentaires que je veux faire
brièvement, avant que d'interroger M. de Gaspé Beaubien.
Dans le second paragraphe de ce mémoire, et c'est cela qui m'a
accroché au départ, on y lit ceci: Que leur participation, celle
de l'ACR et de l'ACRTF, aux travaux de la commission ne doit pas être
interprétée comme une acceptation de la juridiction ou
compétence de l'autorité provinciale en ce domaine. Voilà
une affirmation périlleuse, osée et j'oserais dire, M. le
Président, qui ne manque pas et n'étaient les bonnes dispositions
de ceux que nous allons interroger ne manquerait pas d'insolence.
En effet, M. le Président, l'ACR, comme l'ACRTF, regroupe un
ensemble d'entreprises qui détiennent des permis du CRTC. Elles peuvent
donc, comme certains l'ont laissé entendre, laisser aux hommes
politiques, non pas aux politiciens aux hommes politiques les
politiciens brouillant tout déclarer qu'elles laissent aux hommes
politiques le soin de régler les disputes constitutionnelles. C'est de
fort bonne guerre, mais ce n'est pas là une preuve de courage, non plus
qu'une manifestation de l'intégration de ces entreprises et de ceux qui
les dirigent à la collectivité québécoise qui
mène actuellement, via son gouvernement, dans le domaine des
communications, une lutte difficile et dont l'issue est essentielle à la
survie de ce qu'on appelle l'identité québécoise. Je ne
pourrais donc accepter, et je suis désireux d'entendre ceux qui ont
écrit le texte que je viens de citer. Je suis donc surpris de constater
qu'on ne semble pas s'inquiéter plus que de raison des objectifs que le
ministère des Communications s'est donnés.
Certes, les hommes politiques sont appelés à trancher les
querelles politiques, sont appelés à plaider devant les instances
normales et ils ont des responsabilités qu'ils doivent assumer. Je ne
suis pas d'accord en tout point avec la politique du gouvernement qui nous
dirige actuellement, mais en ce qui concerne les objectifs formulés par
le ministre des Communications, qui sont sans doute l'expression de la
volonté de son gouvernement, je me dois d'être d'accord. Mais les
hommes politiques ne parlent pas à cette tribune de l'Assemblée
nationale ou des commissions parlementaires en leur nom; ils parlent au nom de
ceux qui les ont élus dans les différentes circonscriptions et
dans les régions
qu'ils représentent. Ils parlent, par conséquent, au nom
de l'ACR, au nom de l'ACRTF comme au nom de tous les citoyens et de toute la
collectivité québécoise. Ils ont besoin, pour être
des porte-parole autorisés, des porte-parole lucides, de connaître
l'avis de ceux dont ils sont les porte-parole.
Il ne peut donc pas être indifférent à l'ACR et
à l'ACRTF que le gouvernement central ait compétence en
matière d'ondes ou que ce soit le gouvernement du Québec qui ait
cette compétence. Nous avons besoin de savoir une fois pour toutes qui
doit occuper le champ des ondes. On nous ramènera sans doute à
ces jugements arbitraires, qui remontent déjà à 40
années, qui ont attribué le champ des ondes au gouvernement
central à une époque où il n'était peut-être
pas encore possible, et j'en doute, de prévoir que la radio et, plus
tard, la télévision auraient des répercussions
extrêmement importantes dans les domaines de l'éducation et de la
culture, dans le domaine du comportement socioculturel de notre
collectivité.
Il nous a donc fallu le ministre des Communications marchant sur
la battue de ses prédécesseurs reprendre le travail
à pied d'oeuvre et remettre en cause le problème de la
compétence constitutionnelle, problème dont personne ne peut se
désintéresser et encore moins ceux qui, détenteurs de
permis, occupent une partie de ce champ des ondes à un moment où
le gouvernement du Québec veut s'assurer d'une certaine aire
d'opération dans ce domaine éminemment stratégique.
Je ne peux non plus, M. le Président, séparer cette
question constitutionnelle de la question que pose la notion de service public
dont ne fait pas état le mémoire qu'a lu l'autre jour et
commenté M. de Gaspé Beaubien- Certes, si nous sommes favorables
à l'entreprise privée, si nous acceptons que l'entreprise
privée occupe une partie du champ des ondes, nous n'en croyons pas moins
que l'entreprise privée joue, à ce moment-là, le
rôle que pourrait jouer l'Etat. L'entreprise privée est donc, en
l'espèce, un service public. Nonobstant les contraintes
budgétaires, les contraintes financières qui peuvent être
les siennes, elle ne peut pas accaparer uniquement ce qui est rentable et
laisser à quiconque ce qui ne serait pas rentable.
C'est donc cet axe double du problème qui fera l'objet des
questions que je vais poser à M. de Gaspé Beaubien et à
ses collègues. Je ne leur demande pas de me répondre tout de
suite, mais je leur pose la question suivante: Est-ce que l'ACR et l'ACRTF sont
disposées à mener avec le gouvernement du Québec une
lutte, sans chercher de vaines querelles au gouvernement central, pour la
reconquête d'un champ de compétence constitutionnelle?
Est-ce que l'ACR et l'ACRTF, advenant le cas où le gouvernement
central opposerait une résistance ou une fin de non-recevoir
plutôt aux demandes du gouvernement du Québec, accepteraient
d'appuyer un gouvernement qui, pre- nant l'initiative des opérations,
occuperait une certaine partie du champ des ondes conformément aux
objectifs formulés dans le livre du gouvernement sur la politique
québécoise des communications?
D'autre part, est-ce que l'ACRTF se considère comme un service
public? Est-ce que l'ACR et l'ACRTF reconnaissent que le domaine qui est
actuellement le leur touche aux intérêts de tous les citoyens et
que les services que leurs entreprises donnent aux citoyens ont besoin
d'être étendus afin de permettre à tous les
Québécois de jouir des avantages de ces moyens modernes de
communication? Ce sont deux questions fondamentales qui nous permettront
d'orienter notre démarche.
Nous trouvons, dans le mémoire qu'a commenté l'autre jour
M. de Gaspé Beaubien, certaines observations relatives à des
articles précis de la réglementation, notamment en ce qui a trait
à la participation à ce qu'on appelle les entreprises
parallèles. Nous avons interrogé d'autres témoins et nous
considérons, pour notre part, qu'il y a là matière
à discussion et que la réglementation pourrait être
assouplie afin de rendre moins rigide cette exclusion des moyens de diffusion,
radio et télévision, cette désaffiliation, plutôt,
des autres entreprises de communication, journaux, etc.
Il y a aussi le problème de la propriété des
entreprises. Là encore, tout en articulant mes propos sur les objectifs
formulés par le ministre des Communications, qui restent
évidemment dans l'idéal des choses, je crois qu'il y a
matière à discussion.
Cependant, à la page 2 du mémoire de l'ACR, on y parle de
façon sous-entendue de représailles possibles, lorsqu'on dit, par
exemple, à la fin du paragraphe: "Une telle disposition risque
d'entrafner dans d'autres juridictions pareille limitation à
l'égard des Québécois qui voudraient étendre le
champ d'action de leurs entreprises et le rayonnement de leur production en
dehors des limites de la province de Québec". C'est une crainte qui est
peut-être fondée et nous serons très heureux d'entendre M.
de Gaspé Beaubien s'expliquer à ce sujet.
Qu'en est-il maintenant de la publicité? Le témoignage que
nous avons entendu l'autre jour était quand même assez
impressionnant, si on le prend en termes statistiques. Il reste, toutefois, que
ces statistiques ont besoin d'être analysées, d'être
commentées et nous entendrons avec plaisir M. de Gaspé Beaubien
le faire, ce qui nous permettra d'aller plus à fond dans cette
question.
Evidemment, on ne formule pas dans le mémoire d'opinion sur le
câble communautaire. On s'insurge contre la volonté du ministre
des Communications de permettre aux entreprises de câble communautaire,
de câblodistribution de recourir à la publicité à
des fins de financement. C'est, encore là, une question discutable,
d'autant plus que nous aurons à interroger le ministre sur la conception
qu'il se fait de la
qualité de la programmation qui sera mise de l'avant sur les
antennes dites communautaires.
A la page 3 du mémoire, j'allais dire in cauda venenum, se
trouvent des observations qui sont peut-être, avec celles que j'indiquais
au départ, sur le problème constitutionnel, les plus
dangereuses.
Nous aurons besoin de beaucoup d'explications pour comprendre que le
projet de règlement devrait prévoir des mécanismes pour
assurer aux groupes linguistiques minoritaires, sur le plan provincial, le
respect de certains droits. Ainsi, dans les régions à
majorité linguistique anglaise, l'ordre de priorité de l'article
21, paragraphe 2, devrait être modifié. Devrait être
modifié comment? On ne nous le dis pas. Il n'est pas de la seule
responsabilité des parlementaires de le faire. Il faut que les gens du
métier, les gens d'expérience, qui oeuvrent depuis des
années dans ce domaine, nous aident à établir ou à
rétablir un ordre de priorité, le cas échéant.
Au paragraphe 2 de ce paragraphe d), on poursuit en disant: "Dans tous
les cas, les émissions produites en une langue autre que le
français ne devraient pas être limitées comme elles le sont
par l'article 17." Comment? Quelle peut être, en l'espèce, la
formule de rechange? On n'en parle pas. On nous suggère des choses sans
les préciser et on se contente davantage de s'opposer, sans violence,
bien entendu, à cette disposition de l'article sans proposer, par
ailleurs, de formule de rechange.
Au paragraphe e) de la page 3 toujours, il est dit ceci: "Aucun
règlement applicable à des entreprises de communication du type
de la câblodistribution ne doit contenir de dispositions qui permettent
à une régie de contrôler totalement, comme l'implique la
rédaction actuelle de l'article 11, la programmation. Il s'agit
là d'une atteinte à des libertés d'information et de
communication. D'ailleurs rien, dans le présent règlement, ne
reconnaît ce droit." Je crois que cette observation provient d'une
compréhension peut-être un peu confuse de l'article en question et
je ne pense pas qu'il soit de l'intention du législateur d'exercer un
contrôle sur la programmation elle-même. Je crois que le
législateur veut s'assurer que le bloc de la programmation comportera
ceci et cela sans pour autant déterminer ce qui doit se trouver à
l'intérieur de ces blocs de programmation.
En conclusion, le mémoire déclare: Notre système de
communication est actuellement conçu comme un tout et la
réglementation actuelle tient compte de l'interdépendance des
composantes radio, TV, câble de ce système. Il faut
assurer que toute réglementation applicable à l'une ou l'autre
des composantes protège l'équilibre établi entre elles et
prévoit les mécanismes qui éviteront des conflits
où la duplication de réglementation. La duplication de
réglementation, c'est là que le bât blesse et c'est
précisément pour éviter la duplication, pour faire
disparaître celle qui existe ou existe- rait déjà, que le
gouvernement a formulé des objectifs qui, au départ, tiennent
tous à la redéfinition des pouvoirs des Etats membres de la
fédération à l'intérieur de la
fédération canadienne.
Ainsi, M. le Président, comme je le disais au départ, ce
mémoire qui tient en trois pages, est peut-être l'un des plus
importants que nous aurons à examiner puisqu'il émane de deux
associations qui ont quand même des responsabilités très
graves dans ce domaine des communications. Je voudrais donc entendre tout de
suite M. de Gaspé Beaubien me dire quelle est actuellement et quelle
sera ou quelle pourrait être l'attitude de son association et de
l'association de l'ACRTF advenant le cas où le gouvernement du
Québec déciderait d'exercer une compétence que le
gouvernement central s'obstine à ne pas lui reconnaître à
l'heure actuelle. Et ce n'est pas essayer de tirailler les radiodiffu-seurs et
les télédiffuseurs, ce n'est pas essayer de leur faire prendre
parti dans des querelles constitutionnelles que nous posons ces questions,
parce qu'il serait lâche de notre part de dire au gouvernement: Prenez
vos responsabilités, posez des gestes, on verra après. Nous
sommes ici comme citoyens du Québec et du Canada, mais comme citoyens du
Québec d'abord, appuyant le gouvernement du Québec. Nous sommes
ici pour définir avec des citoyens du Québec, engagés dans
des entreprises de communication, une politique des communications, d'où
l'importance que nous attachons à cette question constitutionnelle qui
est traitée par le pied dans le mémoire qui nous a
été lu l'autre jour et commenté par M. de Gaspé
Beaubien.
Alors, M. de Gaspé Beaubien, je souhaiterais vivement que vous
éclairiez ma lanterne aux fins de savoir si nous sommes sur la
même longueur d'onde, si vous êtes engagés avec le
gouvernement dans l'entreprise de reconquête constitutionnelle ou si
votre association veut bien manifester sa volonté de collaborer avec le
gouvernement tout en protégeant ses arrières, c'est-à-dire
un recours à ceux qui vous ont donné les permis que vous
détenez actuellement, c'est-à-dire le CRTC.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le Président, si vous me permettez,
j'aimerais répondre au député de Chicoutimi en prenant une
par une les questions qu'il vient de me poser. Le premier sujet, celui de la
constitutionnalité. Je dois vous dire que l'ACR est une association
nationale de radiodiffuseurs et c'est une association à adhésion
volontaire. Ce n'est pas un "holding" ou un conseil d'administration d'une
compagnie normale. Un conseil d'administration d'ACR, cela peut fournir toute
sorte d'aide à ses membres, aide au point de vue juridique, statistique,
cela peut même agir comme lien entre eux lorsqu'il y a des
différences d'opinion entre eux. Mais chacun des membres demeure libre
de prendre position sur des sujets bien
donnés. Le mandat que j'ai de l'ACR, qui est une association
nationale, et de l'ACRTF, le mandat qu'elles m'ont donné en venant vous
rencontrer au sujet, de ce projet de réglementation en cause
précise que nous ne devons pas en leur nom discuter du problème
constitutionnel ou de la juridiction que ce problème pose.
C'est pourquoi nous l'avons établi au départ dans la
lettre que nous avons adressée au ministre et que nous vous avons
remise. Nous avons été très heureux d'entendre le ministre
dire à deux reprises que ce problème politique serait
réglé par des hommes politiques. C'est dans l'esprit que le
ministre indiquait au début de la dernière séance que nous
sommes venus vous rencontrer, parce qu'on vous reconnaît le droit de
faire les lois. On vient simplement vous faire part de nos points de vue. Le
ministre répétait que c'est un processus de consultation, et
c'est ce que nous venons faire avec vous. Sur ce sujet-là, mon mandat
comme représentant d'une association nationale est clairement
indiqué que c'est un sujet qui devrait être tranché par des
hommes politiques.
Le deuxième paragraphe de la question, le deuxième point
de cette première question demande si on reconnaît la
radiodiffusion comme un droit public, comme un service public. Dans le sens
où l'on fait usage d'un privilège public et dans le sens que lui
donne la loi qui dit que les entreprises de radiodiffusion font usage de
fréquences qui sont du domaine public, et que de telles entreprises
constituent un système unique, ci-après appelé le
système de radiodiffusion canadien, comprenant le secteur public et
privé, dans ce sens, nous reconnaissons que la radiodiffusion est un
service public.
La troisième question qui nous a été posée
traite du service parallèle. Nous faisons nôtres et endossons
à ce sujet les remarques faites par un de nos membres, M. Henri Audet,
de la Télévision Saint-Maurice, relativement à la
collaboration précieuse qu'une station de radio et de
télévision privée peut apporter à une entreprise de
câblodistribution, dans un certain sens, quant à sa production,
ses ressources et son personnel.
M. le Président, M. le député de Chicoutimi, je
voudrais indiquer que nous espérons que le climat de collaboration qui
existe présentement à l'échelle de la province et qui
favorise une collaboration dans une localité quelconque entre le
propriétaire du câble et le propriétaire d'un poste de
radio et de télévision continue d'être aussi sain qu'il
l'est présentement. Nous croyons que le citoyen souffrirait si on voyait
s'établir une division entre ces deux éléments parce que
je crois que nous pouvons, comme radiodiffuseurs, leur apporter un
précieux appui. C'est le point qui a été soulevé
par M. Audet et nous l'appuyons.
Nous suggérons, toutefois, s'il y a des problèmes qui se
posent dans un cas particulier, qu'on devrait laisser à la régie
le choix d'apprécier chaque situation de façon à ne pas
directement ou indirectement priver le public d'une région en
particulier d'un service en particulier. Donc, on croit que c'est quelque chose
qui peut être laissé à la régie, qui doit prendre
une décision sur un point particulier.
Vous parlez, au point no 4, de la question de propriété.
Vous m'avez demandé, en particulier, de faire des commentaires à
ce sujet sur l'élément des représailles possibles.
Franchement, je ne veux pas reprendre tous les arguments qui ont
été exposés en ce domaine, mais je trouve que,
personnellement, si l'élément qui vous préoccupe est
l'élément de contrôle, 51 p.c, comme cela vous a
été indiqué, représentent le contrôle d'une
entreprise. Ce qui me préoccupait comme radiodiffuseur, c'est qu'un
radiodiffuseur veut également être le porte-parole du milieu dans
lequel il oeuvre et se refléter même en dehors des cadres du
Québec. Pour ma part, il m'a été donné de voir
plusieurs radiodiffuseurs du Canada français avoir la chance d'avoir des
émissions qui sont transmises dans d'autres parties du pays.
Je regretterais, pour ma part, qu'une attitude d'une province en
particulier puisse empêcher les radiodiffuseurs de cette province
d'exporter de la programmation ou d'étendre le champ de leurs
activités soit commerciales ou autres dans d'autres provinces à
cause de procédures et de lois qui sont adoptées. Cela s'est
passé dans d'autres domaines. Je n'ai pas de cas spécifiques, M.
le député, à vous donner aujourd'hui, mais je craindrais
que l'essor des Canadiens d'expression française puisse être
limité dans ce domaine. Ce serait quelque chose de normal qu'une autre
province adopte une loi qui rende ça plus difficile. Je trouverais
ça dommage parce que j'aimerais aussi pouvoir jouer un rôle
à une échelle plus grande que simplement celle du Québec
parce qu'on a un rôle à jouer également. C'est dans cet
esprit que je vous répondais au point no 4 sur le sujet de la
propriété.
Vous avez mentionné ensuite la question du câble
communautaire, des programmes sur les câbles communautaires. Vous nous
avez en quelque sorte invités à faire des commentaires
là-dessus. Je ne crois pas qu'on ait une compétence
particulière pour parler sur ce sujet, M. le député, mais
je crois qu'ils ont un rôle réel à jouer dans une
communauté. Ils peuvent représenter les intérêts des
gens qui sont là. Il y a des besoins qui ne peuvent pas
nécessairement être servis par des radiodiffuseurs,
peut-être faute de temps. Donc, je crois qu'ils ont un rôle
à jouer dans ce domaine.
Vous avez ensuite parlé, comme point no 7, de notre point d) en
page 3 à savoir, premièrement, "dans les régions à
majorité linguistique anglaise, l'ordre de priorité prévu
à l'article 21, paragraphe 2) devrait être modifié." Vous
avez semblé dire que nous n'avons pas apporté de suggestions
concrètes dans ce domaine. Franchement, le point qu'on a exposé
dans un
temps relativement court était que le projet de règlement
devrait prévoir des mécanismes qui devraient être, à
notre opinion, laissés à la régie selon les besoins du
temps et selon chaque cas et qu'elle pourrait mieux régler qu'une
réglementation ou qu'une loi en considération des
particularités dans chacune des régions. On disait simplement
que, dans un milieu linguistique à prédominance anglaise, l'ordre
de priorité que vous suggérez n'apporterait probablement pas,
pour un câble qui a des disponibilités limitées, le service
dans sa langue.
C'est le point qu'on suggérait. Pour ce qui est du no 2, nous
parlions des émissions produites par d'autres comme les émissions
italiennes ou autres; nous disions que la rédaction de l'article 17 ne
semblait pas permettre ces choses. On disait: Ecoutez, il faut prévoir
des mécanismes. On ne les a pas, nous, on vous les suggère. On
vient ici pour vous faire voir nos points de vue et c'est dans cet esprit qu'on
l'a fait; on ne croyait pas que nécessairement nous devrions entrer dans
les détails. C'est un point qu'on vous faisait valoir sur la
réglementation que vous proposez.
Vous avez, comme point no 8, parlé de la programmation. Nous
soulignons simplement dans notre dernière lettre que la rédaction
actuelle de l'article 11 c'est probablement la façon dont c'est
rédigé permet d'exercer un contrôle complet. A ce
sujet, nous apprécierions que le ministre précise sa
pensée; peut-être, alors, sera-t-il utile de revoir la
rédaction de cet article afin d'enlever toute ambiguïté
à ce sujet. Ce n'était pas le droit de regard, c'était la
question du contrôle complet qui nous préoccupait comme tel. Il se
lit: Une entreprise publique de câblodistribution ne peut offrir à
ses abonnés que la programmation pour laquelle elle est autorisée
par la régie. C'est un point que nous croyons important.
Vous soulignez, enfin, l'élément de notre dernier
paragraphe en parlant de l'équilibre et des mécanismes de
dédoublement de réglementation. Nous avons souligné cela
dans le premier point de notre réponse. Pour terminer, je voudrais
parler, puisque vous vous attendiez que je le fasse d'une façon
peut-être un peu plus approfondie, du domaine des statistiques que vous
attendiez. J'ai fait, lors de la dernière...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si M. de Gaspé
Beaubien me le permet, cet aspect statistique est un bloc en soi.
Peut-être me permettriez-vous, monsieur, de revenir sur une question que
je vous avais posée au départ, avant d'entrer dans le
détail de ces statistiques qui touchent au financement et aux revenus de
vos entreprises. Vous ne vous étonnerez pas que je sois insatisfait de
la réponse que vous m'avez donnée en ce qui concerne le
problème constitutionnel.
Vous arguez de votre mandat pour me dire que vous ne pouvez pas me dire
quoi que ce soit. Bon, vous représentez quand même un ensemble
d'entreprises. Ces entreprises vous ont prié de faire certaines
représentations mais je ne comprends pas que ceux qui vous ont
mandaté n'aient pas pensé que la démarche serait
orientée, au point de départ, sur cette question
constitutionnelle. Personnellement, j'entends bien que vous ne pouvez pas
parler au nom de tout le monde, c'est-à-dire de tous les membres de
votre association. Mais qui donc, autre que vous, peut parler au nom de l'ACR
si nous ne pouvons pas les rejoindre individuellement, si nous ne pouvons pas
avoir l'avis de chacun des membres de l'ACR, ici, à cette commission? Je
ne veux pas, comme je l'ai dit tout à l'heure, vous torturer mais vous
comprendrez que pour nous, le gouvernement de Québec ayant défini
des politiques et des objectifs, il est absolument essentiel que nous sachions
si les gens au nom de qui nous croyons parler sont d'accord avec nous sur les
objectifs proposés par le ministre des Communications.
Il n'est pas d'autre personne que vous qui puisse nous donner
réponse puisque vous êtes responsable d'une partie de ce champ des
ondes. Alors, M. de Gaspé Beaubien, je ne pousserai pas l'insolence
jusqu'à parler, dans votre cas, de dérobade mais, en ce qui
concerne l'association, c'en est une.
C'est une dérobade, puisque vous ne voulez pas toucher à
ce problème; vous avez même dit dans le mémoire que votre
présence ici est faite sous toute réserve des décisions
qui pourront être ultérieurement prises.
Or, le ministre a pris des décisions dans ce domaine
précis de la câblodistribution. Vous avez pris la peine de venir
ici. Vous comprendrez donc qu'il n'est que normal de vous interroger sur ce
qu'est votre position constitutionnelle.
Nous ne voulons pas que vous régliez les problèmes pour
nous, mais si vous nous demandez de les régler pour vous, nous voulons
les régler à votre satisfaction et pour cela, il faut savoir ce
que vous voulez.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, les radiodiffuseurs
ont confiance aux membres qu'ils élisent et je m'en remets aux paroles
du ministre; il a répété à deux reprises qu'il ne
veut pas que ce problème soit plaidé sur le dos des
radiodiffuseurs il nous a assurés que ce sera un problème qui
serait tranché entre politiciens et nous sommes heureux de constater sa
position. Et nous attendons avec hâte que ce problème soit
réglé entre les gens que nous avons élus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. de Gaspé Beaubien, si
d'aventure, les citoyens du Québec faisaient bloc derrière le
ministre et que vous ne fassiez point bloc derrière le ministre avec
l'ensemble des citoyens qui réclament le retour d'une compétence
au Québec, vous seriez assis entre deux chaises ou vous vous rabattriez
sur le CRTC pour mener une guerre parallèle.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, il n'y a rien qui dit
qu'on ne fait pas bloc. Nous avons dit que ce problème sera
réglé par des gens plus compétents que nous, entre
politiciens, et nous avons hâte qu'il soit réglé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Là, M. de Gaspé Beaubien, vous
me permettrez de ne pas être d'accord. Je vous remercie de la confiance
que vous nous faites et du certificat de compétence que vous nous
décernez ce matin, mais nous ne sommes compétents comme
législateurs que dans la mesure où nous légiférons
conformément aux intérêts des citoyens. Et les
intérêts des citoyens, nous les connaissons, lorsque ceux-ci
veulent bien nous les faire connaître. Certes, nous en avons une
connaissance de par notre expérience en milieu, dans certains milieux de
la collectivité, mais lorsqu'il s'agit de trancher des questions aussi
graves que celles-là, les hommes politiques ont besoin de
lumière.
Nous ne sommes pas des compétences dans le domaine de la
radiodiffusion.
M. DE GASPE BEAUBIEN: D'accord, M. le député, et je suis
certain, vous connaissant, que vous consulterez les radiodiffuseurs des
régions que vous représentez et c'est comme ça que les
radiodiffuseurs vont s'exprimer, individuellement, avec les gens qu'ils ont
élus, et non pas comme association.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Là, je ne suis pas encore d'accord, M.
de Gaspé Beaubien, parce que votre association vient devant nous pour
discuter d'un projet de réglementation, sous-tendu par les objectifs
dont nous avons parlé à plusieurs reprises.
Je veux bien consulter, moi, les radiodiffuseurs de ma région,
que je connais, mais vous les regroupez et comme vous êtes le
porte-parole de l'ensemble de ces radiodiffuseurs, j'imagine que vous avez
déjà quelque idée des attitudes qu'ils pourraient
prendre.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, je suis certain par
expérience que vous avez assisté à des séances.
Vous représentiez votre gouvernement et votre mandat était
réellement de parler sur un sujet donné ou dans des limites
données. C'est la position que je prends devant vous aujourd'hui. Je ne
fais pas de cachette; je vous dis simplement le mandat que mes associés
m'ont donné, 300 membres dans tout le pays et à celui-là,
je réponds aussi franchement et sincèrement que possible.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie bien de le faire, M. de
Gaspé Beaubien, sauf que je vous déclare bien carrément
que je ne suis pas satisfait et que je m'étonne qu'une association de
l'importance de la vôtre ne puisse pas se commettre et ne puisse pas dire
si elle est d'accord ou pas d'accord avec son gouvernement.
Je n'irai pas plus loin. Vous me dites que vous ne pouvez pas vous
prononcer. Je laisse à d'autres collègues le soin de vous
interroger sur ce sujet précis.
Je reviens à une question importante que j'avais posée,
soit celle des mécanismes, ce dont on parle à la page 3, qui
seraient de nature à assurer aux groupes linguistiques minoritaires, sur
le plan provincial, le respect de certains droits, etc. C'est ce que j'ai dit
tout à l'heure. Mais vous m'avez dit que vous nous suggériez des
mécanismes, ou d'inventer des mécanismes, d'en mettre en place.
Mais sur la base de quoi? Qu'est-ce qui, selon vous, dans cet article 21, qui
parle des priorités, serait de nature à mettre en cause les
droits linguistiques d'un groupe ou l'autre et quels seraient les
mécanismes qui, dans votre esprit, pourraient permettre au ministre
d'amender son projet de loi afin de satisfaire à des exigences
auxquelles vous semblez accorder beaucoup d'attention?
Encore là, les hommes politiques peuvent prendre leurs
responsabilités, le gouvernement le premier. Mais comme vous êtes
des spécialistes de la question, j'imagine que vous avez fait une
étude exhaustive et que les modifications que vous souhaiteriez voir
apporter à l'article 21 s'appuient sur des données de fait.
Quelles sont-elles?
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, d'abord, nous n'avons
pas fait des études exhaustives. On a eu peut-être un mois pour
faire les commentaires que nous vous avons faits. Nous avons appris, à
deux jours d'avis, que nous pouvions venir comparaître devant vous. Je
vous l'ai dit, que depuis que je vous ai laissés, je suis arrivé
depuis quelques heures de Vancouver.
On a simplement voulu vous exprimer qu'on croyait qu'une régie
qui aurait le droit de formuler certains règlements serait probablement
en meilleure posture, avec tous les détails particuliers d'une situation
individuelle, d'apporter des règlements qui correspondraient mieux aux
particularités d'une région, parce qu'elles sont très
vastes, très diverses et qu'elles s'expriment différemment.
Nous pouvions voir qu'avec la priorité que vous indiquiez au
paragraphe 2 de l'article 21 il serait possible qu'une région en
particulier, disons les Cantons de l'Est, prédominante au point de vue
anglais si on respecte cet ordre qui est indiqué à savoir:
a) les postes locaux de langue française, la société
Radio-Canada; b) les postes privés de langue française; c) les
postes régionaux éloignés de langue française; d)
les postes locaux de langue anglaise de la société Radio-Canada;
e) les postes privés locaux de langue anglaise ne puisse pas
avoir assez de disponibilités dans un cadre particulier pour avoir cette
préséance, si on considère l'ordre de priorité que
vous avez donné, soit les programmes d'éducation, les
émissions communautaires, les émissions locales, les
émissions d'intérêt
général que vous indiquez au paragraphe 1. On a simplement
dit: Plutôt que de placer cela dans le carcan d'une loi, ne serait-il pas
plus normal de laisser une régie qui pourrait probablement avoir plus
d'information décider de ce règlement? C'est ce qu'on a voulu
dire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne m'éclaire pas tellement, M. le
Président. J'aimerais peut-être que le ministre nous dise
clairement...
M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais, ici, préciser
une chose avant d'aller plus loin sur le même sujet. L'ordre de
priorité inscrit à l'article 21 est l'ordre de priorité
que l'entreprise doit suivre au moment de l'élaboration de sa
programmation et qu'elle doit soumettre pour l'obtention de son permis à
la Régie des services publics. Ce n'est donc pas la régie ou la
réglementation qui détermine qu'obligatoirement chacun des points
de l'ordre de priorité devra être établi et rien dans le
règlement n'indique qu'à chaque point de l'ordre de
priorité doit correspondre un canal. En d'autres mots, c'est à
l'entreprise elle-même qu'il revient d'établir sa programmation.
Si elle considère que le point a), le point b), le point c) ou le point
d) ne peut être suivi intégralement ou correspondre à un
canal, c'est sur elle que repose le fardeau de prouver pourquoi et c'est
à la régie qu'il appartient d'accepter une programmation qui,
dans son ensemble, soit conforme à l'ordre de priorité.
Donc, il ne s'agit pas ici d'imposer, au risque de faire éclater
le potentiel de diffusion et de production d'une entreprise, d'une façon
obscure et obtuse, un ordre de priorité, mais c'est l'ordre de
priorité qui doit être respecté dans l'élaboration
de la programmation. Si, effectivement, une station dit: En ce qui concerne la
programmation éducative, personne ne nous a demandé d'en faire,
nous n'avons pas les moyens d'en faire, il n'y en a pas de disponible pour
diffusion chez nous, il ne reste pas moins que, si, un jour, il y en a, on
devra considérer cela comme prioritaire et ainsi de suite.
Deuxièmement, sur la programmation comme telle, je tiens à
souligner parce qu'autrement on peut avoir l'impression qu'il s'agit
là d'un carcan absolument insupportable pour bon nombre d'entreprises,
beaucoup trop rigide, alors qu'effectivement c'est la régie qui verra si
cet ordre de priorité est respecté, compte tenu des moyens de
l'entreprise, compte tenu de ses disponibilités en termes de diffusion
au moment où elle soumet sa programmation que la programmation
qui doit être soumise à la régie est une programmation
type. Alors, quand on dit: II y a des dangers de contrôle de contenus ou
de sensure, c'est un fantôme qu'on fait souvent, d'ailleurs, naviguer
au-dessus des intentions du législateur québécois pour un
peu faire peur au monde, je dirais, lorsqu'il s'agit d'entrer dans ce secteur
d'activité que sont les communi- cations. Une programmation type, c'est
pour que la régie soit en mesure d'évaluer les proportions de
programmation et de production l'une par rapport à l'autre. Or, une
programmation type, cela peut être des journées prises ici et
là ou un bloc d'une semaine ou un bloc d'un mois. Il ne s'agit pas
d'entrer dans le détail de toute la programmation. Je tenais à
apporter ces deux précisions pour éviter
précisément qu'on n'ait l'impression que c'est une tentative de
contrôle des contenus par la régie ou par qui que ce soit.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Vous me permettez un commentaire, monsieur?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous en prie, monsieur.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le ministre, M. le député, M. le
Président, si les "compte tenu" que vient d'apporter le ministre
étaient inclus dans le projet de loi ou dans la loi, nous croyons que
cela répondrait aux inquiétudes que plusieurs pourraient avoir.
Nous sommes contents de voir que le processus de consultation est clair.
M. L'ALLIER: Je crois qu'ils sont contenus dans le règlement. Par
ailleurs, vous avez fait vôtre, je crois, une remarque ou un commentaire
de l'Association canadienne de télévision par câble sur
l'ordre de priorité fédéral et provincial en
matière de programmation. Dans l'ordre de priorité
fédéral, il n'est pas question de priorité linguistique.
Dans la réglementation ou dans les ordres du CRTC, il n'est pas question
de priorité linguistique. Nous ajoutons cette dimension à la
priorité dans le cadre de ce règlement et cela nous paraît
absolument essentiel de le faire. C'est la seule distinction, en fait.
Lorsqu'on dit: II ne faut pas qu'il y ait de conflit dans
l'établissement des ordres de priorité, sur le plan linguistique,
il n'y en a pas de priorité au niveau du CRTC. Il ne peut donc y avoir
de conflit.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. de Gaspé Beaubien, quand vous parlez
le ministre a apporté des précisions qui sont
précieuses et qui éclairent la commission de donner
à la régie un pouvoir de réglementation, est-ce que vous
avez bien pesé les termes? Est-ce que vous souhaiteriez...
M. DE GASPE BEAUBIEN: Non, M. le député. C'est un pouvoir
de décision.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Bon. Est-ce que vous ne pensez pas que le
pouvoir de réglementation ne peut pas être donné à
une régie? Ce serait de la part du gouvernement déléguer
ses responsabilités. Une régie peut avoir des règles de
pratique, mais non pas un pouvoir de réglementation en ce qui
concerne
une loi. C'est le gouvernement qui fait la réglementation Par
conséquent, c'est au gouvernement de déterminer quels sont ces
mécanismes qui permettront à la régie d'appliquer la loi.
Autrement, on s'en remettrait à une régie de l'application totale
de la loi et, à ce moment-là, il vaudrait mieux créer une
régie autonome qui serait une autre Société Radio-Canada
en matière de communications, alors que nous avons le ministère
des Communications.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, notre
préoccupation, c'était que la réglementation soit assez
souple pour permettre à la régie de l'appliquer selon les
particularités de cette industrie infiniment complexe. C'était la
préoccupation principale que nous avions.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, il ne s'agit pas de donner à la
régie un pouvoir de réglementation, contrairement à ce que
vous disiez au départ.
M. DE GASPE BEAUBIEN: J'ai précisé qu'il s'agissait du mot
"décision" plutôt que "réglementation".
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, même dans le cas des
décisions, il faut encore s'entendre là-dessus. Le pouvoir
décisionnel, cela touche drôlement aux prérogatives du
gouvernement.
La régie va agir dans un cadre qui va être
déterminé et par la loi et par la réglementation. Que vous
souhaitiez que cette réglementation soit assez souple pour
répondre aux objectifs que vous formulez dans votre mémoire, je
suis d'accord. Ce sera justement là le rôle des hommes politiques
de voir à satisfaire les exigences de tous les gens qui sont venus
devant nous comme celles des citoyens, afin de ne pas compromettre vos
entreprises. Mais en même temps, que vos entreprises soient
réellement ce qu'elles doivent être et j'aurais voulu que
vous fussiez plus explicites là-dessus soient réellement des
services publics, parce que ce que vous détenez actuellement comme
pouvoirs et comme privilèges, c'est une partie de ces droits qu'ont tous
les citoyens et que le gouvernement pourrait exercer motu proprio, et lui seul,
touchant la câblodistribution et même, éventuellement, la
radiodiffusion. Par conséquent, ce que nous avons à
protéger, c'est l'intérêt des citoyens, en même temps
que les vôtres puisque nous acceptons dans notre système
économique que l'entreprise privée joue le rôle qu'elle
joue actuellement.
Mais le domaine stratégique des ondes nous paraît d'une
telle importance que le ministère des Communications a
décidé de revoir l'activité des communications, aux fins
de s'assurer que tous ceux qui oeuvrent, et vous êtes de ceux-là,
donnent aux citoyens les services qu'ils sont en droit d'en attendre. Au titre
de la publicité par exemple, je vous ai dit qu'il y a des accommodements
qui sont possibles là-dedans. Je ne suis pas, vous savez, un maniaque
des mythes répandus par tous ceux qui vont crier que vous faites des
profits énormes. Vous nous avez donné des statistiques l'autre
jour, vous allez nous en donnez d'autres, et vous allez surtout les commenter,
nous avons bien hâte de les entendre. Cependant, je ne suis pas
prêt à refuser, selon la proposition de la réglementation
du ministre, aux entreprises de câblodistribution le droit de faire de la
publicité. Il vous appartient de nous dire quelles en seraient les
conséquences sur vos entreprises à vous, quelles en seraient les
conséquences en termes de service pour le public, et quelles en seraient
les conséquences si on place tout cela dans l'optique de la politique
générale des communications du ministère du gouvernement
du Québec. Sur ce chapitre vous pourrez nous apporter des
précisions, sans jamais oublier, comme je le souhaite, que vous vous
considérez comme des services publics. Même si votre rythme de
croissance doit être accordé à votre capacité
financière, il n'en demeure pas moins que l'idéal à
atteindre, c'est un service de plus en plus grand et toujours meilleur à
donner aux citoyens du Québec. Notre attitude, mon attitude en tout cas,
est très positive, elle est très sympathique à l'endroit
des radiodiffuseurs, sous toutes les réserves que j'ai faites
tantôt.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, la
réglementation qui est proposée vise le domaine de la
câblodistribution. Si nous venons devant vous, c'est parce qu'il y a
certains points, en particulier l'aspect économique, qui est d'une
importance capitale aux services que nous vous rendons dans chacune des
communautés que vous représentez. Je ne peux pas vous exprimer
d'une façon convaincante, au début, l'importance que cela
représente pour nous. Voyez-vous, dans le moment, les stations de radio
sur les marchés secondaires du Québec représentent 70
p.c., 72 p.c. de toutes les stations, 48 stations sur 67. Les revenus nets,
après impôt, de ces stations sur les marchés secondaires
sont de 5.4 p.c, 5 p.c.
Or, les revenus de ces postes de radio dépendent à 80 p.c.
de l'élément local dans la communauté, de la
publicité locale, de la publicité faite par l'équipe de
vente de ce poste. Le volume de publicité de ce poste est
déjà limité par une réglementation à
certaines minutes par heure, pas plus. Cette radio, dans ce territoire,
même pour la province de Québec, dans le moment, couvre 99.2 p.c.
de tous les citoyens du Québec et la télévision, 98.6 p.c.
Les services qu'elles rendent sont gratuits. On ne charge rien à
l'individu pour son poste de télévision ou son poste de radio. On
n'a comme seule source de revenus que la publicité. Alors, vous pouvez
vous imaginer! Lorsque vous parlez de ça, vous parlez de la survie d'un
système qui existe présentement et qui a des
problèmes. Il cherche à s'améliorer mais c'est
essentiel à sa survie. Les télédiffuseurs, en plus, ont
des privilèges de politique de substitution de certains programmes, de
certains commerciaux qui leur permettent une survie. Nous rappelons ces faits
et chiffres pour démontrer la vulnérabilité des
entreprises de radiodiffusion et de télédiffusion dans les
marchés secondaires, c'est-à-dire dans tous les marchés du
Québec sauf Montréal et Québec. Or, nos
appréhensions sont appuyées par un certain nombre d'études
et de facteurs que nous voulons, sommairement, très sommairement,
répéter ici, quitte à les analyser et à les
étudier davantage avec vous comme on le suggérait la semaine
dernière.
En effet, une étude menée en 1972 aux Etats-Unis par la
compagnie Rand Corporation pour le compte de la Ford Foundation démontre
que la seule présence du câble dans un territoire entrafne une
fragmentation d'auditoire qui résulte dans une diminution moyenne
d'à peu près 18 p.c. de l'auditoire pour le poste local de
télévision, diminution qui va jusqu'à 56 p.c. dans les
plus petits marchés. Nous proposons de mettre tous ces chiffres à
la disposition du service de la recherche ou des gens que vous pourrez indiquer
pour la recherche et nous réitérons que nous sommes
disposés à collaborer avec eux avec tout ce que nous avons,
actuellement.
Déjà, sans mesurer la perte de revenus qu'entranerait la
vente de publicité sur le câble, sans même la
publicité, on voit que la seule présence du câble entrafne,
à tout le moins, un gel de revenus, sinon une diminution à cause
de cette perte d'auditoire. Ce phénomène de fragmentation se
retrouve au Canada aussi selon une étude qui fut publiée par
Young & Rubicam, une agence de publicité du Canada, en 1972. Si,
maintenant, à ce fait de fragmentation dû à cette
présence, on ajoute l'effet de partage de revenus de publicité
que vous semblez vouloir leur accorder, on peut aisément mesurer
l'impact économique que cette situation créera dans les
marchés secondaires. D'ailleurs, une diminution de revenus publicitaires
d'au-delà de 20 p.c. dans ces marchés est facile à
prévoir. L'auditoire du câble le justifiera puisqu'on a vu de 18
p.c. à 56 p.c. de diminution, dans un autre marché, d'accord, aux
Etats-Unis, mais faisons la recherche ensemble. C'est ce à quoi nous
vous invitons aujourd'hui.
Deuxièmement, le câble pourra vendre sa publicité
à un taux qui pourrait ne pas être plus élevé que
celui de la radio, même beaucoup inférieur, n'ayant pas à
absorber les coûts de fonctionnement et de production de la radio et de
la télévision qui n'ont, d'ailleurs, d'autres sources de revenus
pour s'améliorer. Le câble vendra pour ce prix une image en plus
du son. J'ai moi-même fait quelques appels hier en revenant de Vancouver.
J'ai parlé à un confrère qui, à Toronto, est
vice-président d'une des plus grosses compagnies de câble au
Canada. Je lui ai dit: Ecoute, sans plus de recherche, dis-moi ce que tu penses
pouvoir prendre comme marché dans les marchés secondaires. Il m'a
dit: Philippe, je prendrais 20 p.c. d'un marché primaire et entre 35
p.c. et 40 p.c. d'un marché secondaire si j'avais ce droit et j'aimerais
beaucoup l'avoir. Il semble qu'une diminution de revenus non pas de l'ordre de
30 p.c. dont on parle, ce qui est possible, mais de 10 p.c. au plus, risquerait
si l'on tient compte des profits réalisés par les entreprises de
radio et de télévision dans les marchés secondaires du
Québec et, je le répète, c'est 5.4 p.c. pour la
radio et 4.3 p.c. pour la télévision de compromettre la
rentabilité de ces entreprises, sinon de les obliger à cesser
leurs activités.
J'ai regardé brièvement le rapport de Rand Corporation. Je
cite le dernier paragraphe de son étude, pour ce que ça vaut. Je
termine, M. le Président, ça ne sera pas long. Une conclusion m'a
frappé, ce matin. On lisait, comme conclusion no 3 on la mettra
à votre disposition; permettez-moi de la lire en anglais et de vous la
traduire Stations in smaller markets (les postes dans les plus petits
marchés) for which the FCC policy now provides no protection on
parle du FCC, c'est le CRTC would suffer severe revenue reduction due to
cable at ultimate penetration. (Elles souffriraient d'une réduction de
revenus très grave) Many might be forced either to discontinue service
or to continue only as a satellite of a larger station. Plusieurs d'entre elles
se verraient forcées soit de discontinuer leur service ou bien de le
continuer en étant affiliées à de plus gros postes. Tout
cela au profit d'une entreprise qui se développe, qui joue un rôle
et qui réalise des profits sans l'aide actuelle des revenus
publicitaires on parle, en moyenne, de 10 p.c. de profit après
impôt pour cette industrie dans le moment au profit d'une
entreprise qui dispose, elle, et non celle qu'on représente aujourd'hui,
d'autres sources de revenu que celle de la publicité puisqu'elle peut se
faire payer pour les frais d'installation, les frais d'abonnement, les frais de
nouveaux services qu'elle va offrir, qui vont être multiples et qu'on se
propose d'offrir, comme on a entendu le président de l'association nous
le dire, la semaine dernière.
On remarque avec intérêt qu'aucun des mémoires qu'on
a lus, M. le ministre, messieurs les députés, M. le
Président, ne demande cette faveur, ne demande ce privilège. Nous
attirons votre attention sur le fait que nous croyons réellement que,
tel que votre projet est rédigé, la réglementation
proposée risque de causer un tort irréparable à un
système de communications gratuit qui est accessible à tous,
alors que le câble ne l'est pas, un système qui rejoint
au-delà de 98 p.c. de toute la population du Québec, alors que
les études, très préliminaires, disponibles sur le
câble nous démontrent qu'il n'est accessible, présentement,
qu'à 23 p.c. des foyers. Aux Etats-Unis, on estime d'accord, ce
n'est pas ici qu'il ne pourra être accessible à plus de 45
p.c. de la population selon le FCC
américain. Nous croyons que ce sera inférieur à
cela au Québec à cause de la grandeur du territoire à
rejoindre; les rangs sont loin, les campagnes sont loin.
On pense que les usagers de la radiodiffusion sont satisfaits du
système qu'ils ont quoiqu'on réalise qu'il y a encore beaucoup
d'améliorations à faire et on veut les faire.
Conséquemment, cela mettrait en péril, en plus du système
qui dessert bien le milieu dans le moment, une industrie très importante
qui est l'industrie de la production québécoise, qui dispose
déjà, dans son seul secteur privé, d'un budget annuel
d'au-delà de $33 millions.
M. le ministre, M. le Président, messieurs les
députés, nous réitérons formellement notre
suggestion formulée la semaine dernière. On cherche à
faire la lumière, on cherche à découvrir les faits, on est
prêt à mettre à votre disposition l'information qu'on a.
J'aimerais déposer aujourd'hui l'information que je vous ai
donnée, les tableaux, les statistiques dont on dispose et apporter une
correction, alors que j'ai parlé de revenu au point de vue du poste de
télévision du Québec. Il est au troisième rang per
capita plutôt qu'au montant global.
Outre cela, on est à votre disposition, on est contents que vous
nous ayez entendus. On regrette de ne pas pouvoir répondre à
votre satisfaction à toutes les questions que vous posez, mais on est
éminemment inquiets, comme citoyens du Québec, de la situation
qui semble prévaloir de permettre la publicité sur les
câbles, ce qui va porter atteinte à une industrie qui, on le
croit, vous a bien servis jusqu'à présent. Je vous remercie de
m'avoir permis de développer ce point qui est si important pour
nous.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le ministre; suivront le
député de Richmond et le député de Lafontaine.
M. L'ALLIER : M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention les points que vient de soulever M. de Gaspé
Beaubien. Je pense c'est mon opinion et c'est peut-être normal
que le tableau est un peu noirci, en termes de l'impact que pourrait
avoir sur l'entreprise de radio-télédiffusion le fait de
permettre une certaine publicité aux entreprises de câble.
Le problème, à mon avis, est beaucoup plus complexe que de
faire tout simplement en sorte de protéger des marchés ou de
maintenir des rythmes de croissance. Les arguments qui sont invoqués
maintenant sont, en gros ceux qui ont été invoqués par les
entreprises de presse au moment de l'entrée de la radio et de la
télévision et particulièrement de la
télévision -- sur le marché de la publicité.
Lorsque la télévision est arrivée, cela permettait aux
citoyens d'élargir considérablement le champ de perception, les
situations de la nouvelle, de l'information. On a permis, à ce
moment-là, la publicité à la radio et à la
télévision.
Bien sûr, cela a eu des conséquences sur les entreprises de
presse, mais cela a eu aussi comme résultat final de fournir aux
citoyens une argumentation considérable de services en matière
d'information et de communication.
Les entreprises de câble, aujourd'hui, comme elles fonctionnent
aujourd'hui, fournissent des services. On peut voir la nature des services qui
sont fournis par les programmations types, disons d'une journée
donnée, celle du 10 juillet, à Montréal, à
Québec et ailleurs. On a distribué cela la semaine
dernière.
Avec ce qui est fourni maintenant par les entreprises de câble, on
peut, sans publicité, effectivement faire un revenu qui pourrait se
situer aux alentours de 10 p.c. après impôt. Ce qui
préoccupe, c'est que l'entreprise de câble est là pour se
développer et qu'elle va se développer en termes d'augmentation
du spectre de diffusion accessible aux citoyens.
Si nous ne permettons pas aux entreprises de câble de faire une
certaine publicité, elles auront tous les arguments pour nous dire que
les seules choses qu'elles peuvent faire, compte tenu des moyens dont elles
disposent et qui leur viennent essentiellement des abonnements vendus, c'est la
simple retransmission des postes éloignés ou des postes locaux.
Est-ce que cette situation, sur le plan culturel et sur le plan de la langue
française, en particulier de la culture québécoise, nous
est satisfaisante et est-ce qu'à moyen et à long terme, cela ne
joue pas contre nous? C'est la question que nous devons nous poser à ce
moment-ci.
En d'autres mots, dans un territoire donné, on est en mesure de
constater, au Québec, que l'avènement du câble a toujours
augmenté davantage les choix en anglais et en culture américaine
par rapport au choix en français et en culture canadienne et
québécoise.
L'accessibilité à la publicité pour les entreprises
de câble comporte, bien sûr, des revenus accrus, mais comporte du
même coup des obligations et c'est le sens de la réglementation
d'augmenter leur propre potentiel de production et de diffusion en
français de matière locale, pour tenter d'en arriver à
maintenir, s'il existe encore, un équilibre qui risque d'être
absolument néfaste, à moyen et à long terme, pour la
collectivité québécoise.
Cet équilibre, dans l'état actuel de la technologie du
câble, est rompu. Les dégâts si on peut parler de
dégâts sont limités à cause du peu de
pénétration du câble. D est évident qu'il y a une
fragmentation des auditoires, de la même façon qu'il y a une
fragmentation des auditoires quand on ajoute, dans un territoire donné,
telle ou telle station privée de radio ou de télévision ou
telle ou telle station de Radio-Canada. Le but ultime, c'est de faire en sorte
que l'augmentation des services fournis par le câble se fasse sans
compromettre d'une façon grave l'avenir écologique, culturel du
Québec. Cela est un des aspects à couvrir.
Si on regarde et je vous ai posé, la semaine
dernière, la question - les revenus publicitaires des entreprises
de radio-télédiffusion au Québec, il semble qu'ils
diminuent par rapport à ceux de l'ensemble du Canada. Je pense qu'il
faut voir si ça touche le revenu des stations francophones par rapport
aux stations anglophones. En d'autres mots, est-ce qu'il s'agit de constater ou
est-ce qu'on constatera que ce qui se passe de fait, c'est que la production
publicitaire qui était faite au Québec, disons en anglais, se
fait de plus en plus à Toronto, se fait de plus en plus en dehors de
chez nous, alors que la production publicitaire en français, elle,
augmente parce que le besoin de publicité en français
augmente?
Par ailleurs, on peut considérer que la publicité permise
ici ne frappe pas de front les principales sources publicitaires des
radio-télé-diffuseurs actuellement, comme la boisson, les tabacs,
etc., dans la même mesure où la publicité c'est le
dernier point que je voudrais souligner la valeur de la
publicité, le rendement de la publicité est essentiellement
fonction du degré de pénétration ou des cotes
d'écoute. Ce sont, en définitive, les cotes d'écoute qui
déterminent combien vaut une minute publicitaire sur un poste de radio
ou un poste de télévision. Dans la mesure où on peut assez
facilement vérifier les cotes de pénétration du
câble, précisément de par sa nature même, parce qu'il
offre des choix multiples, on doit conclure qu'une minute de publicité
sur le câble peut valoir beaucoup moins cher, donc rapporter beaucoup
moins à l'entreprise.
Mais je pense, quant à moi, que l'entreprise de câble a
besoin de cette source de financement précisément pour concentrer
le revenu additionnel sur l'amélioration du service local, de la
production locale ou de la production sui generis. Au bout du compte, c'est
cela qu'est l'objectif parce que le problème fondamental, c'est un
problème de potentiel de production de nos entreprises de communications
québécoises. C'est ça qu'est le problème de la
publicité.
Pour ma part, je ne crois pas que l'on puisse considérer que la
publicité qui serait permise sur le câble, qui devrait être
autorisée par la Régie des services publics au moment de la
présentation d'une programmation, et qui sera fonction
précisément du potentiel d'augmentation de la production locale,
puisse constituer un danger grave pour les radiodiffuseurs.
De toute façon, si je me place dans l'optique de
l'intérêt public, c'est un danger qui me paraît moins grave
que celui qu'on court par l'implantation d'un réseau de câbles qui
serait limité, compte tenu de ses ressources, à ne retransmettre,
à 80 p.c. ou 70 p.c, qu'une programmation extérieure dont les
contenus sont, très majoritairement, d'une autre culture que la
nôtre.
On fera des batailles dans la rue sur le plan linguistique. On pourra se
disputer et se bagarrer pour savoir si dans tel texte de loi on parle du
français prioritaire, ou langue nationale, ou langue officielle et tout
ce que vous voudrez. Pendant qu'on fera ce débat-là, la question
se décidera, en définitive, par les media de
pénétration que sont la télévision, le câble
et la radio. C'est, je pense, plus ou du moins aussi important de
considérer le problème dans cette optique, permettre d'augmenter
le potentiel de production locale pour faire le contrepoids avec les situations
que crée d'office l'implantation du câble, telle qu'elle se fait
maintenant. C'est le sens de notre intervention.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je comprends. Permettez-nous de différer
d'opinion sur le premier point quant à la gravité. Nous, nous
croyons, parce qu'on est vos représentants dans ce secteur de
l'économie, on n'a pas choisi la politique, on est dans le domaine des
communications, que c'est très grave. Tout le monde qui nous entend dire
cela, dès que c'est dit par un radio diffuseur: Ah bien, écoute,
tu veux protéger déjà tes droits acquis; et: Vous, vous
faites de l'argent à ne pas savoir quoi en faire. Je pense que j'ai
voulu vous donner des statistiques qui n'ont pas été
révélées souvent dans notre pays pour vous
démontrer que les idées préconçues qu'on avait
quant à la "profitabilité" des postes de radio et de
télévision, ne valent pas. C'est le premier point.
On pense réellement que cela va nous mettre en danger. Cela va
mettre plusieurs d'entre nous en danger sérieux. On semblait nous faire
dire qu'on est contre le développement du câble. On n'est pas
contre, on est en faveur du développement du câble. D'ailleurs, on
l'aide. On lui fournit gratuitement la programmation que l'on fait dans toute
la province. On dépense quelque $30 millions, dans cette province,
à faire de la programmation qu'on met à la disposition des gens
qui veulent s'en servir. C'est véhiculé sans qu'aucun des
câbles ait à payer pour cela. C'est distribué et c'est
retransmis. Donc, on ne peut pas dire qu'on est contre. Ce qui nous
préoccupe, c'est qu'on va mettre, d'après nous, en danger, dans
plusieurs des localités du Québec c'est sincère
quand on vous dit ça plusieurs des postes qui servent bien dans
le moment, sans charge au public. On n'a pas d'affaire à faire payer
à quelqu'un qui n'a pas les moyens l'abonnement ou l'installation ou un
service qui est complet. J'ai l'impression que notre système total va se
sentir plus faible à cause de ça. On compromet une industrie de
$33 millions en production.
Vous dites que vous voulez développer une industrie de production
dans le domaine du câble pour lui permettre de grandir et de se
développer. J'ai l'impression qu'il joue ce rôle maintenant en se
faisant le reflet de certaines communautés. Nous, ce qui nous
préoccupe, c'est que cette programmation ne serait probablement pas
répandue à plus de 40 p.c. de la population du Québec,
mettons 45 p.c, comme les Américains le disent, mais nous avons des
doutes à cause de l'étendue du territoire qu'on dessert. Cela
nous préoccupe énormément.
Vous avez excusez-moi, M. le ministre, je crois que c'est un
point important et je voulais que vous l'entendiez fait un commentaire
sur l'époque où la télévision a commencé.
Vous avez dit que les postes de radio et les autres media d'information
étaient inquiets, qu'ils ont fait, peut-être, les mêmes
représentations qu'on fait devant vous aujourd'hui et qu'on s'en trouve
plus riche aujourd'hui avec la pénétration de cet autre mode de
communication. Permettez-moi de faire quelques commentaires à ce sujet.
Le premier commentaire, c'est qu'au moment de la pénétration de
la télévision, vous vous souviendrez que dans la majeure partie
des cas la propriété était commune. Les gens qui
lançaient les postes de télévision étaient
propriétaires de cinémas ou propriétaires de postes de
radio et pouvaient, à ce moment-là, essayer de faire partager les
frais d'un service de nouvelles ou de choses conjointes pour permettre de
débuter. Deuxièmement, lorsqu'on a introduit la
télévision, le prix pour la télévision était
de beaucoup supérieur à ce qui se chargeait dans le domaine de la
radio à ce moment-là, le prix de la publicité. Les gens
disaient: C'est impossible que les gens payent ce montant-là. Ce qu'on
propose aujourd'hui risque d'être de beaucoup inférieur à
ce qui existe en ce moment, ce qui, à notre opinion, pourrait
détruire l'équilibre sérieusement.
M. L'ALLIER: Sur ce point-là, M. de Gaspé Beaubien, est-ce
que vous êtes d'accord si je me suis trompé, vous me le
direz que le prix de la publicité est essentiellement fonction de
son potentiel de pénétration? Si le prix est bas, c'est parce
qu'il y a peu d'auditoire. C'est comme cela qu'on établit la valeur
d'une minute publicitaire. Les heures de pointe et les heures de
non-pointe...
M. DE GASPE BEAUBIEN: Nous, nous sommes limités par cela, parce
qu'on est réglementé quant au nombre de minutes qu'on peut
passer, mais un propriétaire de câble ne l'est pas, ne le sera
pas. Il a déjà d'autres sources de revenus. Il n'a pas besoin de
la publicité autant qu'on en a besoin, comme on a fait état. Il a
d'autres sources de revenus que cela. Même il fait 10 p.c. de profit
après taxes, d'après les études, plus que la majeure
partie des postes, plus que les postes de radio et de télévision
qu'on représente ici, et sans publicité. Cela grandit, cela se
développe, cela devient une industrie dynamique; bravo, on s'en trouvera
plus riche, mais ils ont les moyens nécessaires puisqu'ils le font dans
le moment. D'accord, si vous leur faites un cadeau, ils vont être
très heureux, mais ce qu'on vient vous dire à vous, c'est qu'en
faisant cela rappelez-vous qu'on met peut-être en jeu quelque chose qui
nous est très précieux. On a dans ce pays un des meilleurs
système de communication. D'accord, il y a des fautes, mais on a le
système de l'Etat au point de vue de la radio, le système de
l'Etat au point de vue de la télévision et l'industrie
privée en télévision et en radio; en plus de cela on a
d'autres langues aussi. Les Canadiens se trouvent bien servis à
l'échelle du pays dans les modes de communication qu'ils ont, plus que,
je dirais, la majeure partie des pays du monde. Il n'y a pas un autre pays,
à ma connaissance, qui a cette prolifération de modes de
communication et le câble doit se développer, vous avez
raison.
Ce que nous disons, nous, M. le ministre, si vous projetez de leur
permettre la vente de publicité: On met en danger un
élément essentiel dans la communauté d'aujourd'hui qui
nous a bien servis jusqu'à maintenant, qui remplit son rôle, qui
cherche à s'améliorer mais qui joue un rôle important et
c'est gratuit pour la population de tout le Québec, plus de 99 p.c.
C'est cela qui nous inquiète, c'est cela qui nous préoccupe et on
ne vient pas dire: Ne le faites pas. On vient dire : Venez le chercher avec
nous. Venez, on va faire de la recherche ensemble avant d'adopter cette loi.
Venez, on va s'exposer à vous donner l'information, à mettre
l'information à votre disposition pour voir si on a raison ensemble.
Peut-être qu'on n'a pas raison, mais voulez-vous venir avec nous pour
voir si c'est la vérité ou non? Nous, nous pensons que cela l'est
avec le peu de recherche qu'on a. Le temps est venu d'en faire plus et on
s'offre pour en faire avec vous.
LE PRESIDENT (M. Giasson): M. le député de Richmond.
M. BROCHU: J'aurais également quelques questions à poser
à M. de Gaspé Beaubien. Premièrement, vous avez
établi tout à l'heure quel était votre mandat face
à la commission parlementaire sur la question constitutionnelle.
Cependant, j'aurais un point sur lequel j'aimerais avoir d'autres
informations.
Vous mentionnez dans la lettre que vous avez fait parvenir au ministre:
"Nos commentaires seront donc faits sous réserve de la décision
qui pourra être rendue et de l'entente qui pourrait intervenir sur cette
question, et notre participation aux travaux de la commission ne doit pas
être interprétée comme une acceptation de la juridiction de
l'autorité provinciale en ce domaine.
Tout à l'heure, lorsque vous avez défini votre mandat,
vous avez donc mentionné que votre rôle n'était pas, ce
matin, de prendre position sur cette question. La question qui me vient
à la suite de la lecture de ce paragraphe est celle-ci: Est-ce que cela
n'équivaudrait pas, à ce moment-ci, à dire tout
simplement: Que le Québec statut ou légifère, que le
législateur se prononce dans ce domaine de juridiction; quant à
nous, nous allons prendre une position définie, nous allons continuer
notre petit bonhomme de chemin? D'un côté, vous dites que vous ne
voulez pas prendre position, mais, par ailleurs, vous dites que votre
intervention ne doit pas
être interprétée comme l'acceptation de la
juridiction provinciale. Dans le projet de réglementation soumis par le
ministre, il s'agit, en fait, d'affirmer l'identité
québécoise en la matière concernée. La
déclaration que vous faites touche beaucoup plus que la
réglementation comme telle, mais même le principe de la
juridiction provinciale en la matière.
La question qui me vient, c'est qu'il me semble y avoir une
contradiction entre la déclaration, de principe que vous avez faite tout
à l'heure, en disant que votre mandat ne comprenait pas cette prise de
position, quand, par ailleurs, dans votre première lettre, vous
mentionnez que votre participation aux travaux ne doit pas être
interprétée comme une acceptation de la juridiction provinciale.
Est-ce que ce serait possible de donner une explication supplémentaire
là-dessus?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je crois avoir expliqué ce sujet-là
un peu plus tôt, en disant que mon mandat ne m'autorisait pas à
venir parler au nom de mes trois cents autres associés dans ce domaine;
que j'étais très heureux de voir que le ministre avait dit:
Ecoutez, cela va être un problème qui va être résolu
entre hommes politiques et cela va l'être. Alors, on attend. On attend
autant patiemment que vous que ce problème soit réglé.
M. BROCHU: Ce qui m'étonne je reprends cela d'une autre
façon c'est que le mandat ait été défini,
d'accord, et que la lettre que vous avez fait parvenir au ministre soit quand
même incluse dans votre mandat. Les choses que vous y dites sont quand
même reconnues par les membres de votre association. Or, à
l'intérieur de ces choses, vous dites ne pas vouloir interpréter
comme acceptable la juridiction provinciale dans la matière. A ce
moment-là, je me demande si ce n'est pas, justement, prendre position
à la fin de ce paragraphe.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Nous ne voulions pas prendre position en incluant
ce paragraphe. Un autre plaidoyer que celui-ci aurait peut-être pu
interpréter notre présence comme étant une reconnaissance
implicite de l'autorité. C'est pour cela que nous avons dit: Nous venons
comme citoyens vous exprimer des suggestions quant au projet que vous vous
proposez d'adopter. Ce n'est pas plus que cela.
M. BROCHU: C'est plutôt dans un souci de neutralité face au
domaine de la juridiction que vous avez inclus, à la fin du
deuxième paragraphe, cet élément afin que ce ne soit
interprété ni d 'un côté ni de l'autre.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Nous sommes contents que notre mandat ait pu
inclure les commentaires que nous avons faits, ce qui nous permet de vous
soumettre certains points de vue.
M. BROCHU: A présent, j'aurais une autre question. On a entendu
différents sons de cloche et, à la lecture de différents
documents, on sent que certaines définitions ne sont pas toujours les
mêmes quant au câble. Certains mentionnent que le câble doit
être défini surtout en fonction de son contenu, ce qui implique,
également, la programmation pour les câblodiffuseurs, ces
choses-là. D'autres sont portés à définir le
câble surtout comme un véhicule, c'est-à-dire que les
entreprises de câble devraient mettre à la disposition de ces
systèmes tous les instruments nécessaires, mais que la
programmation devrait venir d'ailleurs. Puisque nous' avons la chance de vous
rencontrer et que vous êtes un expert dans le domaine, j'aimerais savoir
quelle est l'opinion de votre association sur la définition du
câble comme tel. Est-ce que vous voyez surtout le câble comme un
véhicule ou est-ce que vous le définissez, au point de
départ, surtout en termes de contenu?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je pense que les radiodiffuseurs ne se sont jamais
penchés sur la définition du câble, mais je dirais, pour
parler pour une bonne partie d'entre eux du moins, qu'ils le
considéraient plutôt comme un véhicule de messages puisque
nous traitons avec eux comme véhicule. Ils prennent nos programmes, ils
prennent les éléments qu'on fait pour les retransmettre à
la population. Leur rôle n'est pas uniquement ça puisque
l'organisme présent du CRTC leur a demandé de faire de la
programmation locale qui, dans bien des cas, n'est pas faite par eux et de
mettre à la disposition des gens de la communauté qui veulent
faire de la programmation de l'équipement, des studios, des
caméras, pour que les gens viennent s'exprimer eux-mêmes. Je pense
que leur mandat de programmation est beaucoup moindre que celui de
véhicule. Je pense qu'ils se définiraient eux-mêmes surtout
comme un véhicule de la communication.
M. BROCHU: Comme ça, dans la réalité, dans les
faits, à l'heure actuelle, la collaboration qui existe entre vous et eux
se fait surtout du côté contenu, c'est-à-dire que vous leur
offrez, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure je pense, les
services de contenu, certaines programmations.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Ils les prennent même sans qu'on les offre.
Plusieurs d'entre nous veulent faire des expériences. Nous avons fait,
dans plusieurs postes à travers le Canada, des expériences avec
eux, conjointement avec eux, surtout en regard avec la nouvelle
réglementation de substitution des programmes. Pour ma part, je me
souviens d'expériences qui ont été faites, de relations
très étroites avec les propriétaires de câble de
notre région. On a souvent des rencontres avec eux. On a beau-
coup plus de choses en commun que de choses qui nous divisent. Mais je
peux vous assurer que si la publicité est permise au câble, le
dialogue cessera d'exister. Je trouve ça dommage parce qu'on n'est pas
assez riche pour se permettre de ne pas se servir de tous les talents qu'on a
chez nous.
M. BROCHU: A partir de la réalité, si je comprends bien,
votre définition va surtout dans le sens que le câble est surtout
un véhicule.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je pense que c'est ce qu'il fait le mieux.
M. BROCHU : J'ai une autre question. Vous avez mentionné, la
semaine dernière, lorsque vous avez comparu pour la première fois
devant la commission parlementaire, que vos revenus étaient rendus, en
termes de publicité, à 21 p.c.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je parlais, à ce moment-là, de la
part que les radio-diffuseurs du Québec allaient chercher dans toute la
publicité qui se faisait au pays. Nous avons donné ça, ce
matin, comme statistiques; autrefois c'était 25 p.c. et aujourd'hui,
c'est rendu à 21 p.c. On voudrait examiner avec vous pourquoi cela se
passe. C'est un des buts de vous en suggérer l'étude. Une des
raisons pour lesquelles on pense que ceci est vrai, c'est que, pour une bonne
partie des agences de publicité au pays, elles accordent leur
publicité d'après les trente plus importants marchés au
pays, d'après la population des villes, des centres et, parmi ces trente
centres importants sur lesquels on se base pour prendre les décisions,
il n'y en a que quatre au Québec et quatorze en Ontario. Je pense qu'en
Ontario, il y a huit ou neuf villes dont la population est aussi grosse que
celle de Québec alors qu'en dehors de Montréal, on n'a qu'une
ville comme ça, nous, au Québec, c'est celle de Québec,
celle dans laquelle nous sommes présentement. Je pense qu'il y en a
entre huit ou onze comme ça en Ontario. C'est ce qui explique que, parmi
les trente plus importants marchés qui existent au pays, l'Ontario en a
quatorze alors que nous n'en avons que quatre. C'est peut-être une des
raisons et, M. le ministre, on aimerait examiner ça et fouiller
ça d'une façon peut-être plus approfondie.
M. BROCHU: Les 21 p.c. dont vous parlez sont les 21 p.c. du volume de
publicité totale.
M. DE GASPE BEAUBIEN: C'est ça qui se dépense au Canada,
en publicité locale et nationale. De tout ce qui se dépense au
Canada, le Québec va chercher 21 p.c. Il y a cinq ou six ans,
c'était 25 p.c.
M. BROCHU: C'était 25 p.c. J'en arrive à l'autre point que
je voulais toucher et que vous avez abordé indirectement en
répondant à cette question. Vous avez mentionné à
différentes reprises la préoccupation, les soucis que vous aviez
de voir faire une étude ou une recherche à ce sujet pour qu'on
soit en mesure, ensuite, de statuer clairement et de respecter les
différentes entreprises en jeu à ce moment. Est-ce que vous
iriez, dans votre proposition, jusqu'à demander que soit suspendue
l'adoption du présent règlement pour que cette étude soit
faite? J'ai remarqué qu'à plusieurs reprises, vous êtes
revenu là-dessus. Je voudrais savoir le fond de votre pensée.
M. DE GASPE BEAUBIEN: La réponse est oui, surtout sur cet
article.
M. BROCHU: D'accord. C'est tout pour le moment, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, avant de poser certaines questions
à M. de Gaspé Beaubien, je voudrais simplement vous demander une
directive concernant le déroulement de cette commission. Je remarque que
nous avons commencé la séance à dix heures et quart
environ et que nous n'avons pu intervenir qu'à midi moins dix. Je sais
qu'on a essayé d'établir une coutume, de dire que le
représentant de l'Union Nationale doit parler en premier, etc., chose
que nous n'avons jamais acceptée comme coutume.
Quand même, nous la subissons et tôt ou tard, cela va
changer. Si on regarde l'évolution politique, tôt ou tard, cette
période va changer. Pour le moment, est-ce que cela ne serait pas plus
logique, si vous donniez le privilège au parti de l'Union Nationale de
parler le premier, que, au moins, pour la cohérence de la discussion, le
premier intervenant puisse toucher un des points et que les autres partis, sur
le même point, puissent intervenir avant qu'un même parti ait
passé tous les grands points importants où nous aurions pu
intervenir.
Je ne pense pas qu'aucun des partis soit capable d'affirmer qu'il peut
vider lui-même la question. Des questions, sur un même sujet,
venant d'un autre intervenant, permettraient à cet autre parti de
revenir avec des questions subséquentes. Autrement dit, quand on
écoute ou quand on interroge quelqu'un qui vient nous rencontrer ici,
sur les mêmes points, que chacun des partis puisse s'exprimer pour ne pas
revenir une heure et demie ou deux heures après, avec des questions qui
ne sont pas tout à fait complètes et sur lesquelles nous n'avons
pas pu apporter un éclairage différent. Je pense que ce serait
peut-être plus logique, si vous voulez garder quand même le
système de privilège, que ce soit au moins par point et non pas
tout passer d'un bloc comme cela a été le cas aujourd'hui: une
heure avec le même député, vingt minutes avec le ministre,
dix minutes avec le parti suivant. Il me semble que ce serait un peu plus
logique. En tout cas, je vous soumets
cela, M. le Président, très respectueusement, pour la
cohérence de la discussion.
Je voudrais d'abord toucher le premier point, très
brièvement, l'aspect constitutionnel. La réponse du
représentant de l'association ne me surprend pas. Vous avez actuellement
réagi devant ce problème en homme d'affaires uniquement ou
presque uniquement; c'est-à-dire que vous êtes aux prises avec un
dilemme et vous préférez ne pas vous mouiller pour le moment. On
est pris dans un système de fous, de deux juridictions, et c'est
sûr que vous êtes pris entre les deux. Si on vous demande de
prendre parti pour une des deux juridictions, pour le moment, si votre
réaction est une réaction d'homme d'affaires uniquement, vous ne
voudrez pas le faire. Si vous aviez d'autres réactions, peut-être
que vous pourriez le faire, mais vous avez une réaction d'homme
d'affaires dans tout ce qui a été présenté. C'est
sûr que quand il n'y aura qu'une seule juridiction, je ne vois pas qu'il
y ait de problème. Vous serez d'accord sur cette juridiction, pour vous
soumettre à la réglementation d'une seule juridiction.
Moi, je n'ai pas d'autre question à vous poser, ni à vous
torturer pour que vous disiez si vous prenez pour le Québec ou pour le
CRTC. Je pense que quand il y aura une seule juridiction, il n'y aura pas de
problème et on pourra parler réellement d'une politique
québécoise des communications. Je passe la parole une seconde
à mon collègue et je retiens mon droit de parole.
M. CHARRON: Sur cela, je voulais juste vous demander, M. De Gaspé
Beaubien, lorsque votre association témoigne devant le CRTC, par exemple
a l'ouverture des travaux de la commission vous avez dit aussi que votre
participation ne devait pas être interprétée comme une
acceptation de la juridiction de l'autorité fédérale en ce
domaine si vous prenez garde de même de ne pas trancher un
débat avant le temps?
M. DE GASPE BEAUBIEN: La réponse est non.
M. CHARRON: Autrement dit, malgré tous les "sparages" que vous
avez faits depuis ce matin pour éviter le sujet, l'affirmation que vous
faites de ne pas accepter l'autorité provinciale va conjointement avec
le fait que vous avez, depuis longtemps, accepté l'autorité
fédérale dans ce domaine-là?
M. DE GASPE BEAUBIEN: C'est la seule autorité qui existe dans le
moment dans ce domaine, d'une façon établie.
M. CHARRON: Je regrette, ce n'est pas la seule autorité qui
existe de cette façon. Je trouvais insolente, la semaine
dernière, votre façon de parler; ce matin, c'était plus
suave, mais le fond restait le même, à mon avis. Vous dites, dans
votre mémoire, que votre participation ne doit pas être
interprétée comme une acceptation. Le gouvernement du
Québec, qui en plus est l'Assemblée nationale du Québec
qui a voté unanimement les projets de loi dans lesquels
s'insérera cette réglementation, n'a pas à être
accepté ou à être reconnu, à être choyé
ou à être dorloté par une association canadienne de la
radiodiffusion.
Nous n'avons pas, je regrette, à subir votre acceptation ou non.
Il y a eu unanimité des partis de l'Assemblée nationale sur cette
question et vous n'aviez pas d'affaire à nous rappeler votre divergence
d'opinion. D'ailleurs, pendant que je vous écoutais, la semaine
dernière et ce matin encore, puisqu'on était dans le domaine des
communications, j'avais une image en tête, celle du symbole commercial de
la société RCA Victor, si vous voulez, la Voix de son
maître.
J'avais vraiment l'impression pendant un certain moment que
c'était le témoignage dilué de Gérard Pelletier que
nous entendions à travers l'association canadienne. Le
député déchu d'Hochelaga, qui est maintenant rendu aux
Communications, aurait certainement tenu les mêmes propos.
Je ne poursuivrai pas plus longtemps le suplice qu'on a essayé de
faire subir à d'autres témoins, la semaine dernière,
à savoir: Allez-vous appuyer l'autorité québécoise
ou non? C'est aux Québécois de se décider dans ce
domaine-là et l'Association canadienne des ra-diodiffuseurs devra un
jour aussi se plier à ce qui arrive au Québec. Maintenant, pour
les autres questions, mon collègue va prendre la relève.
M. LEGER: M. le Président, je vais m'adresser à M. de
Gaspé Beaubien. Quand vous avez mentionné le fait de ne pas
permettre plus de 20 p.c. de propriété à des
non-résidents du Québec, vous avez dit que c'est possible qu'il y
ait des représailles. D'après vous, quand le CRTC a interdit aux
Américains de posséder des stations de câble, est-ce que
cela a réellement provoqué des représailles venant des
Etats-Unis sur ce point-là? Est-ce que vous avez des exemples de
cela?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je ne crois pas, parce que je pense que les
Américains avaient la même réglementation envers les
Canadiens.
M. LEGER: Alors, à ce moment-là, le CRTC, en l'interdisant
aux Américains, l'a fait tout simplement pour une protection nationale
et il n'y a pas eu de représailles. Je ne vois pas pourquoi il y aurait
des représailles pour le Québec, qui, lui, veut protéger
son territoire dans le domaine des communications. En tout cas, c'est un
exemple que je voulais mettre de l'avant, parce que je pense qu'il faut tenir
compte qu'actuellement au Québec nous avons une collectivité qui
a des choses différentes à
protéger. La différence est encore beaucoup plus
marquée que celle existant entre les Canadiens et les
Américains.
Maintenant, M. de Gaspé Beaubien, est-ce que vous avez
actuellement en chiffres, vous avez plusieurs statistiques le
nombre de stations qui sont détenues par des Non-Québécois
et le nombre d'abonnés desservis par celles-ci?
M. DE GASPE BEAUBIEN: C'est difficile à dire. Est-ce que vous
parlez de postes de radio ou de postes de télévision?
M. LEGER: De radio et de télévision.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Vous parlez de postes de radio et de
télévision. Et vous parlez des postes de langue française
ou des postes de langue anglaise?
M. LEGER: Les deux.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Ecoutez, de mémoire, je n'ai pas ces
faits.
M. LEGER: Est-ce que vous les avez pour le câble?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Excusez-moi, non, je ne les ai pas pour le
câble.
M. LEGER: Vous n'avez pas cette...
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je n'ai pas cette information-là pour le
câble. Le câble n'appartient pas à notre association. Nous
ne sommes qu'une association de radiodiffuseurs privés, pour la majeure
partie des radiodiffuseurs. Mais, à ma connaissance, il y a quelques
compagnies qui ont fait des émissions publiques dernièrement et
dont certaines des actions sont détenues dans d'autres parties du
Canada. Cela devient de plus en plus populaire que d'intéresser le
public à posséder des actions des compagnies. Comme tel, je vois
la compagnie Télémétropole, qui a une émission de
capital. Télé-Capitale, ici, de Québec a invité les
gens à une participation. Je ne sais pas comment elle était
placée mais je dirais qu'il y a peut-être des gens de
l'extérieur qui ont certaines actions dans ces compagnies-là.
Il y a les postes de la société Radio-Canada qui sont la
propriété de l'Etat. Il y a, je pense, des postes dans le Nord du
Québec qui sont la propriété d'une compagnie qui est
incorporée dans une autre province, au Nouveau-Brunswick. Je passe
brièvement.
Je dirais que la grande majorité des postes qui fonctionnent au
Québec, dans le moment, les postes privés au Québec, sont
des propriétés québécoises.
M. LEGER: C'est ça. Actuellement, je pense qu'on peut dire que
les compagnies de câble, au Québec, sont à peu près
à 95 p.c. des propriétés québécoises et que
le règlement, actuellement, ne fait que renforcer un état de fait
qui existe déjà.
Maintenant, abordons un autre aspect de la question que vous avez
soulevée la dernière fois et un peu aujourd'hui, l'interdiction
projetée par le nouveau règlement aux compagnies, aux entreprises
de presse, de radio, de télévision VHF et de cinéma
d'acquérir une station de câblodiffusion.
Vous vous y opposez en disant que cela empêcherait "de tenir
compte du fait que la câblodistribution est une des voies d'expansion
naturelle des entreprises de radio et de télévision". Ne
trouvez-vous pas que cette mesure pourrait être une protection partielle
pour la population contre la concentration abusive des moyens de communication
et la formation de monopoles qui s'est encore accrue dernièrement? On a
vu cela récemment par l'achat de Montréal-Matin par la Presse. Je
voudrais vous signaler, d'ailleurs, une partie du jugement du CRTC, que vous
reconnaissez si bien au fédéral, à l'occasion même
de l'approbation de votre transaction. Je parle de l'acquisition de CKAC et de
CHLN.
Le CRTC avait alors dit ceci: "Le conseil ne cache cependant pas son
inquiétude devant la concentration de propriété, tant de
la radio que de la télévision, telle qu'elle est proposée
dans ces demandes et ainsi que devant les grands intérêts
financiers d'une société dont les directeurs possèdent une
importante participation dans d'autres moyens de communication". Alors, c'est
ce que craignait le CRTC; c'est sûr, et encore davantage, qu'au
Québec nous pouvons craindre la même chose. Alors, pour quelles
raisons vous opposeriez-vous à cela?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Nous avons simplement dit qu'une régie qui
prendrait en considération tous les éléments du temps ou
de la localité serait dans une meilleure position pour prendre des
jugements à ce moment-là. C'était ce que nous
suggérions.
Pour ce qui est de la mention de la décision du CRTC à mon
endroit personnel, je suis dans une mauvaise position pour y répondre.
Je vous fais part d'un autre commentaire que j'ai fait publiquement,
dernièrement à Ottawa, à une même question du CRTC,
mais je ne pense pas que je devrais aborder ma situation personnelle. Je
représente ici mes confrères radiodiffuseurs et j'aimerais m'en
tenir à ces réponses.
M. LEGER: Mais c'est simplement un exemple d'un problème que le
CRTC voyait lui-même et que le gouvernement québécois aussi
voit. Oui?
M. DE GASPE BEAUBIEN: C'est pour cela qu'une régie serait
peut-être dans une meilleure position pour apprécier les craintes
qu'elle peut avoir dans une localité quelconque.
M. LEGER: Maintenant, un argument de
base que vous aviez énoncé et que d'autres aussi avant
vous ont énoncé, c'est la possibilité d'utiliser
l'expérience de propriétaires de domaines connexes, comme la
presse, la radio-télévision, les possibilités d'enrichir
de cette expérience des domaines connexes comme celui du
câble.
A ce moment-là, est-ce que vous ne pensez pas qu'on peut obtenir,
quand même, cette qualité, cette même source
d'enrichissement ou d'amélioration par des contrats de service
plutôt que par, tout simplement, un droit de propriété ou
une partie de droit de propriété à une station?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je trouve que le climat qui va régner, si
vous acceptez cette partie des règlements, va faire en sorte qu'il va
s'établir une division profonde entre les propriétaires de postes
de radio et de télévision dans les localités et
l'équipe des vendeurs du câble. Je crois que toute collaboration
va cesser. Ce qui me préoccupe, c'est que ce sont deux
éléments essentiels pour établir un service complet, un
équilibre. On parlait de l'équilibre dans le dernier paragraphe
de notre présentation. C'est ce qui nous préoccupait, ne pas
détruire un système que d'autres pays envient. D'accord, il y a
des améliorations à apporter. Vous avez raison. On cherche, nous
aussi, tout le temps. Nous sommes humains, nous faisons des erreurs. Mais en
général, quand on va aux Etats-Unis, les gens disent: C'est vrai,
vous avez un service d'Etat et vous avez un service privé. Vous
êtes chanceux. Ils cherchent à le faire, eux aussi. C'est la
même chose dans d'autres pays d'Europe.
Alors, c'est cet équilibre qu'on cherche. Le câble est plus
développé au Canada qu'il ne l'est aux Etats-Unis. Dans plusieurs
cas, les Américains viennent voir ce que l'on est en train de faire ici.
Ils sont souvent surpris de voir le degré de collaboration qui peut
exister. Tout cela se fait dans l'entente entre les deux parties. C'est cela
qui les surprend.
M. LEGER: Vous dites que la collaboration sera moins grande et que les
groupes avec qui vous voulez transiger pour obtenir une partie de leur
expérience sont intéressés par des actions de
propriété plutôt que par des contrats de service. On ne
peut pas obtenir la même chose par un contrat de service? Autrement dit,
ils sont payés pour les services qu'ils vous donnent, mais on n'a pas,
à ce moment-là, ce contrôle dangereux, ce monopole.
M. DE GASPE BEAUBIEN: A ce moment-là, cela devient un concurrent.
Vous connaissez la réalité de la concurrence sur un
marché. Ce n'est pas la guerre, mais c'est une bataille ardue pour le
peu de revenus qui existent. Dans les plus grands centres, ce sera probablement
différent, mais ce qui me préoccupe, ce sont les centres moyens
et les plus petits centres. Là, il n'y en a pas beaucoup. Il y a une
limite au potentiel de publicité. Certaines gens pensent que la source
est intarissable, que tout ce qu'on a à faire c'est créer un
autre mode et que cela va répondre, mais ce n'est pas cela la
réalité. On a des réalités économiques
auxquelles il faut faire face, et si la source était intarissable je
dirais qu'il y a une possibilité de le faire mais pas dans le moment.
J'ai devant moi, une estimation que je vais vous fournir des pourcentages de
publicité dans les dix années à venir faite par des
statisticiens, au Canada. On y voit que, par rapport au produit national brut,
cela va baisser et non pas augmenter, c'est-à-dire que le nombre de
dollars qui vont se dépenser, à comparer au produit national
brut, dans les années 1975 à 1980, va aller en diminuant
plutôt qu'en augmentant. On est donc préoccupé de ce
côté-là.
M. LEGER: Mais vous semblez croire que la publicité par le
câble peut réellement acculer les postes de radio et de
télévision à la ruine.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Dans certains cas, oui.
M. LEGER: J'aimerais vous donner des chiffres. Vous m'avez sorti des
chiffres intéressants tantôt. Je note, d'après le rapport
Davey, que les recettes de la radio-télévision du Canada
nous n'avons pas les chiffres québécois se sont accrues
plus vite que les dépenses, entre 1967 et 1969. On a des chiffres
précis pour deux années. Le taux d'augmentation des recettes pour
la radio, entre 1967 et 1969, était de 21.7 p.c. alors que
l'augmentation des dépenses pour les mêmes années
était de 21.1 p.c. Donc les revenus augmentaient comparativement aux
dépenses. Le pourcentage des recettes totales était de 13.1
à 13.6 p.c. Pour la télévision, c'est encore plus
marqué. Le taux d'augmentation des recettes, entre 1967 et 1969, pour la
télévision, était de 12 p.c, alors que le taux
d'augmentation des dépenses pour les mêmes années
était de 6.7 p.c., ce qui faisait en pourcentage, des recettes totales,
entre 1967 et 1969, de 16.7 à 20.6 p.c.
Je vous donne des chiffres généraux, mais les chiffres que
vous nous avez montrés étaient plutôt des chiffres
comparatifs. C'est sûr que, comparativement, le Québec a toujours
été, dans bien des domaines, non pas dans les premiers rangs mais
dans les rangs moyens et inférieurs. Mais, en chiffres absolus, ce n'est
pas la même chose, et vous avez admis la semaine dernière qu'il y
avait quand même beaucoup de choses à faire et que même si
c'était, comparativement à d'autres provinces, un peu moins
rentable, les gens gagnaient très bien leur vie ici dans ce
domaine-là.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Si vous me permettez, les chiffres qui sont
cités dans le rapport Davey dans Statistique-Canada, ceux
que nous vous avons cités aujourd'hui aussi tirés de
Statistique-Canada et sont des chiffres de l'an dernier, ce qui est assez
récent, vous admettrez. Donc, il y a deux choses qui se sont
passées. La première chose, c'est que les chiffres étaient
d'il y a huit ans; deuxièmement, c'était des chiffres globaux et
non pas des chiffres par province. Nous vous avons fourni les deux aujourd'hui.
Troisièmement, il s'est passé beaucoup de choses depuis. Il y a
eu, de la part des télédiffuseurs, des problèmes
d'investissements dans la couleur; celle-ci leur a coûté
très cher et leur coûte encore très cher; il y a eu
l'extension des services de CTV, de TVA, d'autres réseaux privés
de radio qui sont les seuls au monde à se faire en radio, c'est ici au
Canada et au Québec. Il y a eu le développement du HF, il y a eu
la pénétration des câbles, il y a eu des règlements
quant au contenu canadien qu'il fallait faire sur les ondes, il y a beaucoup
plus de production locale et il y a eu beaucoup plus de permis de stations qui
ont été octroyés, surtout pour des satellites.
Même avec cela, je me permets de citer la conclusion du rapport
Davey dans ce domaine. Un paragraphe : La rentabilité de la diffusion au
Canada est en général reliée directement à la
taille des plus grosses stations. Plus grosse est la station, plus
élevé est le niveau de rentabilité, quelle que soit la
mesure adoptée pour évaluer les profits. Ainsi, en 1968, si l'on
tient compte de la présence de 221 stations de radio exploitées,
indépendamment des stations de télévision, 22 seulement,
soit 8.4 p.c, du total touchaient des recettes brutes de $1 million et plus.
Les 22 stations en question touchaient cependant un peu plus que 68 p.c. des
recettes totales nettes d'exploitation de toutes les stations.
La relation taille-rentabilité est encore plus frappante dans
l'industrie de la télévision. En 1968, alors qu'on comptait un
total de 29 stations de télévision exploitées
indépendamment des stations de radio, huit d'entre elles, soit 27 p.c.
du total, touchaient des recettes brutes de $1.5 million. Par ailleurs, les
huit stations en question touchaient 92 p.c. des recettes totales nettes
d'exploitation des 29 stations du groupe. C'est ce qui prouve exactement la
même chose, que, dans certains centres, certains postes plus importants
peuvent faire une certaine marge de profit. Ce dont on a essayé de
parler ensemble aujourd'hui, c'est des marchés autres que les
marchés Montréal-Québec, qui sont certainement atteints,
mais pas d'une façon aussi grave que les autres.
M. LEGER: Le problème de la taille de l'entreprise compte pour
beaucoup. D'ailleurs, les chiffres que vous venez de mentionner le prouvent, ce
qui démontre que, dans l'évolution du câble, il va falloir
tenir compte de cela, de la taille. Justement, je me demandais, étant
donné qu'on prévoit que très bientôt une grande
majorité de Québécois je pense qu'en 1980,
près de 80 p.c. auraient la possibilité d'avoir le câble
si on le considère comme un service, et il faut alors que le plus
de gens possible en possèdent l'accessibilité. Je reconnais quand
même, dans ce que vous avez dit, un point qui m'a frappé... C'est
vrai que la banque des possibilités de revenu de la publicité va
être obligée de se diviser. Le câble a ce que vous appelez
un revenu supplémentaire, qui est celui de l'abonné. Comme il ne
faudrait pas non plus que l'abonné soit parce que c'est un
service obligé de payer plus cher, s'il y avait une
possibilité d'équilibrer les revenus du câble par un revenu
publicitaire, cela allégerait davantage l'abonné, en ce sens
qu'il n'aurait pas à payer tellement plus cher que ce qu'il paie
actuellement. Je ne sais pas, mais je demanderais au ministre ce qu'il
penserait de la suggestion suivante. Je lance l'idée comme cela:
Plutôt que d'aller jusqu'à l'extrême que propose M. de
Gaspé Beaubien et d'interdire la publicité, le champ de
publicité au câble, est-ce qu'il n'y aurait pas une
possibilité de créer, pour les entreprises du câble, un
certain plafonnement d'heures en publicité, qui pourrait
équilibrer les revenus dont la radio et la télévision
peuvent avoir besoin? Le câble aurait aussi droit à un revenu
provenant de la publicité, mais selon un certain plafond, créant
un certain équilibre dans ses revenus et de l'abonné et de la
publicité et, en même temps, ne mettant pas de côté
complètement le problème qui est soumis par le domaine de la
radio.
M. L'ALLIER: Disons, sur ce point, M. le Président, que la
publicité dans le règlement est permise, pas obligatoire,
évidemment. Elle est permise, et l'article du règlement qui porte
sur la publicité comporte des limitations à l'intérieur
desquelles la publicité peut se faire. A partir de là, une
entreprise pourra faire de la publicité si, au moment de soumettre sa
programmation, elle demande d'y inclure de la publicité. C'est à
dessein que le règlement ne prévoit pas, dans une première
étape et à ce moment-ci, de limitations de volume, de
distribution de publicité, pour permettre à la Régie des
services publics de tenir compte de la dimension des entreprises et du spectre
extrêmement vaste de potentiel.
En d'autres mots, une entreprise qui demanderait à la
régie de faire énormément de publicité et qui ne
ferait pas un effort parallèle ou relatif à ça en termes
de production locale, à mon avis, se verrait refuser ce droit de faire
tel et tel volume de publicité. Nous avons préféré,
dans un premier temps, étant entendu que la régie peut faire
cette pondération, qu'au moment où une entreprise de câble,
dans un territoire donné, soumettra sa programmation pour obtenir un
permis elle indique si elle veut ou non faire de la publicité. Il est
entendu que le radiodiffuseur local, auquel faisait allusion M. de Gaspé
Beaubien tout à l'heure, pourra, lui, venir devant la régie et
dire de quelle façon cela
l'affecte. S'il ne vient pas, on pourra présumer que cela ne
l'affecte pas du tout. Tous ceux qui sont intéressés pourront
venir devant la régie. Tous ceux qui sont touchés de quelque
façon, que ce soit le groupe communautaire ou l'entreprise de
radiodiffusion locale, pourront venir devant la régie et indiquer de
quelle façon la programmation proposée, qui contient ou non de la
publicité ou qui souhaite ou non de la publicité, les affecte
localement. C'est à partir de ça que la régie pourra
déterminer quelles sont les volumes permissibles. Cela nous est apparu
la meilleure façon de garder ça à la fois souple et,
permissif.
M. LEGER: Actuellement, il y a déjà un plafond, je pense
bien, pour la radio et la télévision...
M. L'ALLIER: C'est ça!
M. LEGER: ...en nombre de minutes. Il y a déjà, quand
même, une limite.
M. L'ALLIER: C'est dans ce contexte je ne sais pas si je rejoins
ce que pense M. de Gaspé Beaubien que le radiodiffuseur pourra
faire un certain nombre de choix quand aux endroits où il va plaider ces
choses. Individuellement, il aura toute la liberté de décider de
venir ou non devant la régie, faire valoir ses intérêts ou
non. Mais c'est individuellement et localement que cela se décidera.
M. LEGER: En terminant, avant de céder la parole à mon
collègue, d'autre part, comme entreprise de radio, vous avez dit qu'il y
a un essor dans le domaine du câble. Comment estimez-vous qu'il est
possible de créer cet essor de la télévision communautaire
au Québec sans fournir aux câblodiffuseurs des revenus
supplémentaires?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je trouve qu'ils ont déjà plus de
profits que les radiodiffuseurs. Ils ont déjà des profits
beaucoup plus élevés que les radiodiffuseurs du pays,
malgré le développement et les investissements très lourds
qu'ils doivent faire dans le domaine de l'équipement. C'est très
coûteux d'établir les câbles.
Je voudrais apporter une précision, car vous venez de mentionner
que 80 p.c. des citoyens du Québec auront le câble d'ici à
quelques années. Nos statistiques démontrent que c'est 20 p.c.
dans le moment et, pour moi, si jamais cela se rend à 40 p.c, cela va
être beau, peut-être 45 p.c, d'après les données que
nous avons. Je ne sais pas où vous avez pris vos chiffres. Nous
aimerions beaucoup les voir. C'est pour cela que j'invite le ministre à
ce qu'on partage tous ensemble les statistiques que nous avons. Les Etats-Unis,
qui ont une population plus dense que la nôtre encore, projettent un
maximum de 45 p.c. Je doute fort que nous puissions d'une façon
économique pousser les câbles très loin dans les campagnes
ou dans certains petits endroits. 11 y a eu un cas typique dans la
région du Lac-Saint-Jean où une communauté avait
été extraordinaire par son dynamisme et par l'imagination de sa
programmation. Elle a même demandé un UHF, c'est-à-dire un
mode de communication régulier parce qu'elle ne pouvait pas
réussir à rejoindre d'une façon économique tous les
gens des campagnes autour. C'était trop coûteux d'établir
un câble partout. Les gens voulaient avoir un mode de distribution, un
mode de communication qui était le mode régulier qu'on
représente aujourd'hui. On vous dit que cela existe. Cela me porte
à penser qu'on veut aider à la programmation des câbles,
mais.
Je suis encouragé que Radio-Québec croie bon de ne pas se
servir uniquement du câble pour faire connaître sa programmation
mais qu'elle veut également se servir des moyens conventionnels pour
rejoindre plus de gens, sans frais, en se servant des modes de communication
que nous représentons aujourd'hui, ici, devant vous. C'est un peu ce
débat-là qu'on fait. On ne vous refuse pas cela mais on dit: De
grâce, je suis certain que vous ne voudrez pas, plus que nous, mettre en
danger quelque chose qui nous sert bien et dont on devrait être
très fier. C'est là mon message.
M. CHARRON: M. de Gaspé Beaubien, est-ce qu'il y a des
entreprises de votre association agissant au Québec qui ont
déclaré une baisse de revenu au cours des dernières
années, en particulier au cours de la dernière? Ou l'ensemble du
revenu total des radiodiffuseurs québécois, qui est passé
de $27 millions à $31 millions, s'est-il équitablement
réparti entre chacun, non pas équitablement mais, enfin, entre
chacun des radiodiffuseurs et chacun a-t-il affirmé un revenu
croissant?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Je dois vous dire que notre association ne
bénéficie pas de l'information volontaire de ses membres qui est
mise à la disposition de l'exécutif de l'association. Si les
renseignements sont disponibles, ils sont entre les mains d'un organisme tel
que les comptables, un organisme extérieur. Je puis vous dire,
d'expérience, qu'il y en a plusieurs qui ont eu une baisse continue de
leur revenu. Pour ma part, j'en connais plusieurs, dans les marchés du
Québec, qui trouvent cela difficile. Dans un groupe que je connais, il y
en a plusieurs qui fonctionnent à perte depuis déjà un bon
nombre d'années.
M. CHARRON: Si ce que vous me dites, d'expérience et sans
apporter des statistiques aussi précises que celles-là, est vrai,
je crois que cela plaiderait plus en faveur de la cause que vous
défendez que les chiffres de Statistique-Canada que vous nous avez
donnés. Entre autres, vous avez signalé, la semaine
dernière, à
la commission que le pourcentage québécois du revenu
pancanadien était tombé de 21.79 à 21.5 p.c.
M. DE GASPE BEAUBIEN: De 25 p.c, je pense, à 21 p.c.
M. CHARRON: De 25 p.c. à 21 p.c.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Depuis les années 1963 et suivantes.
M. CHARRON: Depuis 1963, d'accord. M. DE GASPE BEAUBIEN: C'est cela.
M. CHARRON: Pour nous, c'est moins important que de savoir que de $14
millions c'est passé à $31 millions. Le propriétaire, le
radio-diffuseur québécois, peu lui importe, somme toute, que la
partie québécoise du revenu pancanadien augmente ou baisse, si le
sien propre augmente. Je comprends très bien que le revenu
québécois ait diminué. Sans être un homme d'affaires
agissant dans le même domaine que vous, j'imagine fort bien que la
santé économique générale d'une province a des
effets sur la publicité qu'on peut se permettre à
l'intérieur de cela. La santé économique du Québec
allant en diminuant, il est bien certain que la santé économique
de la publicité va s'en ressentir. Avoir 21 p.c. au moment où
aussi notre part de la population du Canada diminue d'année en
année et que nous représentons de moins on moins, ça ne
fait que suivre la baisse que le Québec connaît dans tous les
autres domaines, y compris celui de la publicité.
Moi, ce qui m'intéresse plus, comparé aux autres
provinces, c'est le revenu total. C'est pour cela que je vous demandais si les
$31 millions en une seule année, cela a augmenté de $4
millions sur $27, soit presque 14 p.c. représentent, chez la
plupart des radiodiffu-seurs, une augmentation de revenu. J'imagine bien que
quelques-uns ont dû affirmer, pour des raisons, d'ailleurs, qu'il
faudrait peut-être étudier avant de les affirmer aussi
catégoriquement que cela, des baisses de revenu; est-ce à cause
d'une diminution de la population locale? J'imagine bien qu'en Gaspésie,
par exemple, alors que la population totale de la Gaspésie diminue,
qu'il y a exode de la jeunesse gaspé-sienne, en particulier, cela se
transpose dans la baisse de revenu des radiodiffuseurs en cette
région-là.
Il ne faudrait pas tenir le câble ou la venue de quoi que ce soit
d'autre responsable de la baisse de revenu. Moins il y a de population, moins,
donc, il y a de publicité à faire et c'est bien possible que les
revenus diminuent. Or, comme statistique, je crois, qui pourrait militer en
faveur de votre cause, si elle existe, cette statistique-là, ce serait
celle-là, soit d'identifier quels sont, chez les radiodiffuseurs
québécois je me fous, pour le moment, du reste du
Canada, parce que la réglementation ne s'applique qu'aux
Québécois; c'est d'eux qu'on parle les revenus qui ont
diminué et pour quelle raison? Après cela, on s'inquiétera
à bon droit ou à tort ; on verra bien.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Plusieurs éléments sont
mentionnés dans cette question. Les raisons, je ne les connais pas
toutes et c'est pour cela qu'on vous invite à l'étudier ensemble.
Il est certain que le nombre accru de postes dans ces régions a
peut-être augmenté le potentiel, le nombre, sans augmenter le
profit de chacun, avec les modes de publicité qui peuvent venir des
retransmetteurs dans des régions ou des choses comme cela.
Il est fort probable que les coûts de production ont doublé
ou triplé depuis ce moment-là, parce qu'il faut faire une
relation non seulement avec les revenus, mais avec les coûts à
l'intérieur d'une entreprise.
M. CHARRON: Ces coûts de production, le câble les aura
aussi.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Oui, mais je ne pense pas que ce seront les
mêmes. Le câble joindra des gens, mais on n'entre pas dans cela.
Combien d'heures pourra-t-il faire? Pour prendre certains postes en question,
vous parlez de dix pour qui ce n'est pas possible. Je n'aime pas me servir de
mon cas personnel, mais je suis au courant que plusieurs postes de
télévision font 25 heures par semaine, 30 heures par semaine de
programmation locale et que c'est très coûteux. Et il faut une
qualité, parce que cela rejoint tout le monde et que cela concurrence
les moyens normaux où on est mesuré par le BBM.
Mais je voulais vous dire qu'à mon avis on a une industrie
très vivante dans le domaine de la production, dans le moment. On est un
exemple pour toutes les autres provinces du pays. On nous cite tout le temps au
point de vue des programmes, au point de vue de la musique, au point de vue du
théâtre et on est en plein essor de ce
côté-là. Franchement, on devrait être fier de cette
industrie, de ce que des gens de chez nous font. Moi, ce qui me
préoccupe, c'est que loin de l'augmenter ou de le doubler, comme vous
semblez croire que cela va se passer, je vous dis: Cela va mettre en danger ce
qui existe dans le moment.
Vous allez mettre en danger ceux qui, réellement, sont en train
de le faire. Je crois qu'un propriétaire de câble, qui est
à l'aise et qui fait de l'argent, et qui, d'après ce que l'on
peut voir, n'a pas besoin d'autres sources de revenus pour faire son
développement tel qu'il le fait dans le moment, parce qu'il ne le
demande pas et qu'il fait plus de profits que les compagnies de radiodiffusion,
constitue un témoignage éloquent et prouve qu'on ne devrait pas
agir là-dessus avant d'être bien sûr de nos faits.
M. CHARRON: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: M. le Président, avant de commencer, le
député de Lafontaine aime bien vous demander des directives,
j'aimerais vous en demander une aussi. A la commission parlementaire, il y
avait une coutume, jusqu'à ce que le député de Lafontaine
la rejette, voulant que chaque parti ait son droit de parole, à tour de
rôle, suivant l'ordre de représentation à
l'Assemblée nationale. Il rejette cela. Vous remarquerez tout de
même que les deux députés du Parti québécois
ont accaparé la parole depuis midi moins vingt. J'aimerais vous demander
une directive en ce sens que je comprends surtout qu'ils aiment bien parler
avant l'ajournement, puisqu'un journaliste, la semaine dernière, a
mentionné que les députés qui n'avaient pas parlé
durant la matinée n'étaient pas intéressés.
J'aimerais bien faire valoir mon droit de parole et qu'on ait, les autres
députés, notre tour, après que les représentants de
chaque parti auraient parlé.
M. LEGER: M. le Président, sur ce point de règlement, je
veux simplement donner un exemple. A l'Assemblée nationale, comment
est-ce que cela fonctionne? A la période des premiers discours dans un
débat, dans la présentation d'un bill, chaque parti parle
à son tour. Après cela, très souvent, d'autres personnes
interviennent et pas nécessairement dans le même ordre. Alors,
c'est le débat. Moi, ce que je voulais, c'est que, sur les
différents points, plutôt que d'attendre qu'un parti ait
développé tous ses points, il y ait participation sur des points
importants, comme on le faisait souvent. D'ailleurs, cela a déjà
été la coutume. Je voyais souvent le député de
Chicoutimi dire: Sur ce point-là, me permettez-vous, de rajouter quelque
chose? C'est cela que je veux dire. Sur des points précis, que chaque
parti puisse s'exprimer, surtout quand il y a quatre ou cinq points majeurs
dans un projet de loi ou un projet de règlement, en incluant le parti
gouvernemental sur un point particulier. Après cela, on passe à
un deuxième point. C'est simplement cette remarque que je voulais
faire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous me permettez,
sur ce rappel au règlement, ce matin, nous avons procédé,
comme c'est la coutume, en faisant un tour de table pour avoir l'opinion des
différents partis, parce que, l'autre jour, lorsque M. de Gaspé
Beaubien a lu et commenté son mémoire, il n'avait pas
été loisible aux députés, puisque nous
étions au moment de l'ajournement, de faire les commentaires
généraux. Ce matin, justement pour gagner du temps, j'ai
conjugué à la fois mes commentaires généraux et mes
questions. Si le député de Lafontaine avait demandé la
parole pour poser une question, j'aurais accepté bien volontiers qu'il
m'interrompît.
M. LEGER: Je prends cela en note.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qui ne veut pas dire que j'accepte tout,
comme diraient les radiodiffuseurs.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: J'aimerais poser une question à M. de Gaspé
Beaubien.
Dans votre mémoire additionnel qui nous a été remis
ce matin, vous remarquez que malgré la production très
dispendieuse, la publicité a permis de maintenir l'expansion et la
vitalité des centres de production au point de vue de la programmation.
Alors, vous dites. Toute réduction sensible dans la publicité
risque de compromettre cette situation. Je me place maintenant dans l'optique
où il pourrait y avoir de la publicité dans le domaine de la
câblodiffusion. Ne croyez-vous pas que, s'il y avait de la
publicité, cette publicité ne devrait pas aller au secteur de la
distribution, la partie technique, le véhicule, mais irait plutôt
au secteur de la programmation et peut-être aussi au centre de
distribution, dans diverses régions de la province, afin de maintenir la
vitalité de ces centres de programmation? Si publicité il y
avait, on pourrait éviter qu'elle aille à la partie
véhiculaire et elle pourrait aller au secteur de la programmation des
centres de distribution.
M. DE GASPE BEAUBIEN: La réponse que je peux formuler est double.
D'abord, ils ont eu, je crois, la liberté de le faire jusqu'à
maintenant dans l'organisation de leur programmation communautaire. Ils ont, si
on peut en croire les statistiques générales, mais on ne les a
pas toutes, des marges de profit après taxes peut-être plus
intéressantes que celles des media conventionnels au Québec,
à savoir la radio et la télévision. Il n'ont pas cru bon
d'investir plus d'argent dans ce domaine. C'est le premier point que je
voudrais souligner. Le deuxième point, c'est que, d'accord, ils pourront
certes aller à l'industrie de la production. Nous émettons des
doutes quant à l'ampleur de leurs intentions dans ce domaine-là
pour encourager la production locale, mais ce n'est qu'un doute, on ne le sait
pas. Tout ce qu'on dit, c'est que, dans le moment, attention, on a quelque
chose qui va bien, on a une industrie qui est pleine de vitalité, qui
représente un bon montant et qui, d'après ce qu'on voit comme
recherche, semble répondre aux besoins de la communauté.
M. PERREAULT: La question que je vous ai posée est celle-ci: Dans
l'hypothèse où on permettrait la publicité à la
câblodiffusion, seriez-vous d'accord pour qu'elle soit
réglementée de façon que tous les revenus de la
publicité aillent à la programmation?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Vous allez nous tuer quand même. Vous me
demandez si je suis d'accord sur cela. Je ne peux pas être d'accord sur
une position qui va mettre en jeu beaucoup des plus petites entreprises au
Québec qui servent bien des communautés du Québec
actuellement, alors que c'est fait gratuitement, alors qu'on n'exige rien du
public dans ces domaines-là et alors qu'on leur rend service. Je n'ai
pas encore vu, moi, d'étude pour démontrer que le milieu n'est
pas bien servi.
M. PERREAULT: Je suis un peu en désaccord avec vous
là-dessus, parce que ces centres de production pourraient être
renforcés de manière régionale surtout si on additionnait
des revenus supplémentaires qui proviendraient de la publicité.
Parce que, même s'il y a des pertes de revenus, il reste que le volume
total de publicité a des chances d'augmenter quand on ajoute un
medium.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, dans notre opinion, ce
ne sera pas un volume additionnel, cela va être pris ailleurs. Cela va
être pris ailleurs, cela va être un déplacement, cela va
être un transfert de fonds qui est déjà bien placé
et qui vous sert bien, sans charge, partout.
M. PERREAULT: Je suis en désaccord avec vous là-dessus.
Dans ma région, par exemple, les annonceurs, les marchands n'annoncent
pas au poste de radio qui est le plus près, qui est à Joliette
parce que la diffusion ne se fait pas bien. Ils n'annoncent pas aux postes de
Montréal parce que c'est trop dilué. Cela coûte trop cher
parce que les postes de Montréal couvrent toute la région. Je le
sais, par la câblodiffusion, ils pourraient atteindre la population
régionale, acquérir des revenus supplémentaires de
publicité. Ces revenus pourraient être versés vers les
centres de production régionaux qui pourraient servir autant pour vous
que pour la câblodiffusion.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Ce qu'on fait dans le moment, c'est justement
cela, on fait la production dans les postes de télévision locaux,
et cette programmation est transmise gratuitement aux câbles, qui la
retransmettent gratuitement à leurs abonnés. Il n'y a pas de
charge. Ce qu'on craint, nous, ce qu'on semble déceler ici, c'est
l'idée qu'il n'y a qu'à créer un autre fonds de production
pour que cela augmente. On dit: Les revenus étant ce qu'ils sont dans
les marchés, ne vous attendez pas à ce que le pot devienne plus
gros. On va faire deux petits pots mais cela va être le même total,
à notre avis, qui va se développer. C'est là que je crains
qu'il y aura des problèmes.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Avant de suspendre nos travaux, une
dernière question. Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une brève
question au ministre des Communications. Tout à l'heure, quand il a fait
son plaidoyer en faveur de la câblodistribution je l'approuve en
partie, bien entendu lorsqu'il a abordé le problème de la
publicité et de la nécessité pour les
câblodistributeurs d'avoir des moyens qui leur permettent
d'améliorer leurs services, etc., est-ce que le ministre a songé
à une réglementation, d'abord, qui concerne la qualité de
ce qui est et de ce qui sera diffusé par les antennes dites
communautaires? Et est-ce que le revenu additionnel provenant de la
publicité pourrait, au désir du ministre, le revenu additionnel,
je dis bien, compte tenu des nécessités de développement
des entreprises de câblodistribution, être réinvesti dans
l'entreprise québécoise et non pas distribué à
droite ou à gauche, réinvesti dans des entreprises autres que
celle de la câblodiffusion? Et j'insiste toujours sur la question de
qualité.
Est-ce que, si l'on donne aux câblodistributeurs des moyens
financiers additionnels, le ministre entend soumettre une réglementation
qui déterminera les critères de qualité qu'on doit
normalement exiger de tous ceux qui exploitent une entreprise de services
publics?
M. L'ALLIER: M. le Président, pour répondre à la
question du député de Chicoutimi, qui est double, sur les
critères de qualité et sur le réinvestissement de revenus
supplémentaires qui viendraient du fait de l'utilisation de la
publicité, nous avons, dans le présent projet de
règlement, omis de préciser quant à la qualité de
même que quant au réinvestissement.
Nous avons préféré faire un cadre
général, parce que c'est en fait l'économie
générale de notre intervention sur le câble, un de ces
aspects principaux est précisément la consolidation et
l'augmentation du potentiel de production et l'amélioration des contenus
en français sur le câble. Si on regarde ce que c'est maintenant,
c'est assez grave. Il n'est exclu d'aucune espèce de façon que,
dans un deuxième bloc de réglementation, qui peut venir je ne
sais quand, mais à la lumière de ce qui se fera devant la
régie, nous ayons à préciser le règlement quant
à la publicité.
En ce qui concerne les volumes, en ce qui concerne la qualité et
également, c'est très important, comme vous l'avez
souligné, en ce qui concerne le réinvestissement aux fins de
production locale, dans un premier temps, nous avons
préféré laisser à la régie le soin de
recevoir les demandes éventuelles quant à la publicité. Et
comme le ministère des Communications peut, lui aussi, se
présenter devant la régie, à l'occasion de telle ou telle
demande ou de toutes les demandes, et faire valoir un point de vue, nous avons
préféré passer par ce mécanisme plutôt que
d'entrer dans une réglementation plus détaillée qui ne
peut, à mon avis, se faire qu'à l'expertise et qu'au
fonctionnement de la
publicité sur le câble parce que cela ne s'est jamais
fait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand le ministre parle de plus de
qualité, est-ce qu'il entend qualité de la publicité ou
qualité de la programmation générale? C'est parce que moi
j'ai à l'esprit...
M. L'ALLIER: Je m'excuse, M. le Président, je parle de la
qualité de la programmation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De la programmation.
M. L'ALLIER: H est entendu que la publicité est un
élément de programmation, mais ce n'est pas d'abord la
qualité publicitaire des messages.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais c'est la qualité de la
programmation.
M. L'ALLIER: Exactement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre, j'imagine, comme nous,
s'inquiète de ce qui sera diffusé par les câbles, afin que
les câbles ne soient pas simplement des lignes ouvertes où
discutent des madames qui n'ont pas d'autres choses à faire que
cela.
M. L'ALLIER: Je profite de l'occasion pour bien clarifier le point, si
jamais ce n'était pas clair, à l'effet qu'il n'est pas question,
par ce règlement, de vouloir enlever les services qui existent
déjà sur le câble. Ce serait impensable de vouloir dire: On
fait sauter tel ou tel poste américain qu'on peut, de toute
façon, prendre par antenne et pour lesquels les entreprises de
câble fournissent un service communautaire d'accessibilité. La
seule solution positive n'est pas, donc, de tenter, arbitrairement et sans
succès, j'en suis convaincu, de réduire cela, mais, au contraire,
d'augmenter les choix, en français, qui peuvent être offerts sur
le câble et de travailler à augmenter la qualité
générale de la programmation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En résumé, vous avez
l'intention, éventuellement, de présenter une
réglementation concernant les normes de qualité et
également cette exigence d'un réinvestissement.
M. L'ALLIER: Eventuellement, il faudra probablement réglementer
sur ce point, mais on verra, à l'analyse des opérations de la
régie et des demandes qui sont faites, de quelle façon. Le
règlement actuel prévoit, par exemple, que la programmation doit
être de haute qualité. C'est très général;
cela peut être considéré comme un voeu pieux et cela
indique tout simplement à la régie qu'il faut viser au maximum
dans ce domaine-là. Si la régie n'est pas équipée
ou si les demandes qui lui sont faites, dans leur application, nous indiquent
que le résultat n'est pas atteint, nous reviendrons via le même
processus devant cette commission et nous procéderons à des
règlements plus précis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je pose cette question, c'est pour qu'on
comprenne bien que ce qui existe à l'heure actuelle à la radio et
à la télévision, qui n'est pas nécessairement
toujours de très haute qualité, a quand même un certain
standard; cela respecte un certain standard de qualité. Nous ne
voudrions pas qu'en divisant les revenus, les possibilités de revenu, on
crée une série de moyens de communication qui, tous un peu
gênés financièrement, seraient obligés de
réduire...
M. L'ALLIER: Exact.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... les normes de qualité.
M. L'ALLIER: C'est dans ce sens-là qu'il serait important, dans
la mesure où il faudra apprécier cas par cas... D'abord, il est
possible que tous les câblodistributeurs ne décident pas de faire
de la publicité. Ceux qui le demanderont, ceux qui l'incluront dans leur
programmation viendront devant la régie, de même que toutes les
personnes intéressées, touchées par cela. Si une
entreprise considère que le fait d'accorder tel droit la met en danger,
fait disparaître son potentiel et la fait disparaître comme telle,
c'est son devoir de venir le dire, dans l'optique de la demande qui est
présentée devant la régie.
S i elle ne le fait pas, la régie sera en droit de
présumer qu'il n'y a aucun préjudice, de la même
façon que lorsque quelqu'un demande l'allocation d'un permis à la
Régie des alcools ou autrement. S'il n'y a pas d'intervention, c'est
qu'on présume que cela plaît à tout le monde.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.
LE PRESIDENT (M. Giasson): La commission suspend ses émissions
jusqu'à deux heures trente!
UNE VOIX: Ses émissions?
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le Président, est-ce que vous avez
l'intention de nous entendre après le dîner ou est-ce que nous
avons fini?
M. LEDUC: M. le Président, j'aurais trois ou quatre questions
à poser. Je regrette car j'ai l'impression que je vous retarde
probablement.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Non, c'est bien. Je voudrais savoir si vous
vouliez que nous demeurions après dfner ou si vous vouliez poser ces
questions.
M. LEDUC: Selon vos réponses, cela pourrait être court ou
long.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Est-ce que ce serait bref, M. le
député de Taillon?
M. LEDUC: Je pense que si l'on commence à discuter de la
définition d'une publicité locale et d'une publicité
régionale, cela peut être long.
LE PRESIDENT (M. Giasson): Vous n'avez pas d'objection
particulière à revenir à deux heures trente?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Non, monsieur. Je suis revenu de Vancouver, je
peux revenir de la salle à dfher.
(Suspension de la séance à 12 h 41)
Reprise de la séance à 14 h 44
M. CORNELLIER (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
La séance, qui avait été suspendue jusqu'à
14 h 30, reprend ses travaux. Au moment de la suspension, le
député de Taillon avait quelques questions à poser
à M. de Gaspé Beaubien.
M. LEDUC: Merci, M. le Président. En fait, c'est un commentaire
que je vais faire et essayer de nettoyer la confusion qui existe dans
l'interprétation du sous-paragraphe 3 de l'article 13. D'abord, je
voudrais mentionner que je suis d'accord avec M. de Gaspé Beaubien
lorsqu'il mentionne que ce n'est pas en créant un nouveau
débouché publicitaire que l'on augmente automatiquement la masse
monétaire disponible pour la publicité au Québec. Mon
expérience dans le domaine de la publicité me porte à
croire que les annonceurs locaux et nationaux cherchent beaucoup plus à
diminuer leurs coûts unitaires qu'à les augmenter.
Quant à l'article 13, j'aimerais savoir ce que l'on entend par
publicité locale. Est-ce que, par exemple, un propriétaire de
commerce à Trois-Rivières pourrait acheter de la publicité
du câblodiffuseur ou si cette publicité doit être faite par
des marchands qui exercent leur commerce dans ce territoire-là, à
l'intérieur des limites du territoire qui a été
accordé à la compagnie de câble?
Cela veut dire que mon exemple de tantôt ne peut pas servir...
Note de l'éditeur: A cause de difficultés techniques,
l'intervention de M. Leduc a été reconstituée par M. Leduc
au bureau de l'éditeur.
M. L'ALLIER: L'exemple a été apporté lorsqu'on a
entendu la Télévision Laurentienne, je crois, de Mont-Tremblant.
C'est le problème qui se posait pour la Télévision
Laurentienne, qui dessert un territoire qui est immédiatement adjacent
à la ville de Sainte-Adèle, par exemple, mais qui n'est pas
desservi et qui ne fait pas partie du territoire accordé aux
télédistributeurs de télévision Laurentienne.
Note de l'éditeur: Ce texte est incomplet, à cause de
difficultés techniques indépendantes de notre volonté.
Ce télédistributeur, en application de la
réglementation, ne pourrait pas solliciter ou faire de la
publicité se rapportant à des entreprises faisant commerce ou
pouvant faire de la publicité mais situées physiquement à
l'extérieur
du territoire desservi ou du territoire qui a été
accordé à l'entreprise de câblodistribution.
M. LEDUC: Lorsque la régie aura à émettre des
permis, elle va interpréter cet article comme les membres de la
commission, enfin comme nous l'interprétons.
M. L'ALLIER: Si, de ce qui est dit maintenant, on peut inférer
qu'il y a une trop grande imprécision quant au terme "local", au moment
de la rédaction finale nous pourrons tenter de préciser le texte,
mais sans changer d'aucune espèce de façon l'objectif qui est, en
fait, de permettre la publicité locale, c'est-à-dire la
publicité d'entreprises qui ne sont pas, par ailleurs, exclues par
l'article 13, et qui sont situées à l'intérieur du
territoire desservi ou pouvant être desservi par l'entreprise. J'ai
indiqué, au moment des auditions, au moment où nous avons entendu
la Télévision Laurentien-ne, que si, effectivement, pour de
toutes petites entreprises, cela posait un problème majeur, c'est une
chose que nous pourrons voir également, voir s'il n'y a pas lieu, dans
certains cas, avec la latitude dont pourrait disposer la régie, de
pondérer, dans des situations particulières, cette
chose-là.
Maintenant, ce n'est pas l'intention du législateur de l'inclure
comme règlement, c'est-à-dire de permettre la publicité
régionale, nationale ou provinciale. C'est local.
M. LEDUC: Pour autant qu'on peut s'assurer que la régie
interprétera cela ainsi, ce n'est pas nécessaire de changer le
texte. Quant à moi, j'ai l'impression je ne suis pas un avocat,
je n'ai pas un esprit légiste je ne suis qu'un publicitaire en
voyant cela, je pense que je trouverais quelques moyens pour passer à
côté, et aller un peu en dehors de l'endroit désigné
comme on vient de le faire. Alors, cela a peut-être une certaine
ambiguïté.
Une toute dernière question, celle-ci à M. Beaubien.
Est-ce que si on s'en tient au sens local de la publicité, vous croyez
que cela a le même impact que celui auquel vous avez pensé, ou que
j'ai cru que vous aviez décrit ce matin, pour autant qu'on ne touche pas
les grosses entreprises en dehors du territoire? Je ne parle pas
évidemment je m'excuse du territoire de Montréal et
de Québec qui, je crois, ne peut pas tellement jouir de la même
façon de procéder.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le député, je dois
répondre oui. Je pense que cela aurait toujours un impact
considérable sur le poste local. Je prends un exemple.
Il est dommage que le député ne soit plus ici. Ce matin,
on m'a posé une question; on m'a demandé quelle était la
publicité locale faite à Joliette. On semblait dire que cela ne
poserait pas un problème. Je n'ai pas eu cette information-là
plus tôt; j'ai pu vérifier par téléphone à
l'occasion du déjeuner et la personne préposée aux ventes
nous a précisé que les ventes locales, pour le poste de Joliette,
représentaient entre 90 p.c. et 92 p.c. de tous ses revenus. C'est un
territoire assez limité; donc, le point vaudrait encore.
M. LEDUC: Mon opinion personnelle, M. le ministre, si vous voulez
l'avoir...
M. L'ALLIER: M. le Président, dans la mesure où le
député de Taillon s'intéresse à cette question, je
pense qu'il serait utile aux membres de la commission de savoir ce que lui,
comme publiciste ou publicitaire, pense de cette question.
M. LEDUC: Disons qu'on a un vote libre. Quant à moi, il n'y
aurait pas de publicité faite sur les câbles. J'espère
qu'on va arrêter là, parce qu'autrement on pourrait s'embarquer
dans une discussion assez longue.
M. L'ALLIER: Est-ce que vous pensez qu'effectivement cela peut, comme le
pensent les radiodiffuseurs, causer un tort irréparable à la
radiodiffusion si, effectivement, il y a une publicité locale, tel que
je l'ai expliqué tout à l'heure?
M. LEDUC: J'ai tout lieu de croire que les membres de la commission sont
d'accord pour accepter les chiffres que M. de Gaspé Beaubien vient de
mentionner. S'il y a un câblodiffuseur dans la région, qui n'a pas
nécessairement le même coût de production à assumer,
son administration n'étant pas nécessairement la même qu'un
poste de radio, à ce moment-là, il va pouvoir donner un service
localement à un coût beaucoup moindre et couvrir le territoire
presque aussi bien. Cela peut enlever un montant d'argent assez
élevé. Je ne sais pas si ça répond comme il le faut
à la question, mais enfin...
M. LATULIPPE: J'aimerais poser une question au député de
Taillon là-dessus. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord
également que ça peut dépendre aussi de la cote
d'écoute que peut retenir une industrie de câblodiffusion? Si les
services qu'elle donne n'atteignent pas la qualité ou le standard auquel
le client s'attend, effectivement, elle n'aura peut-être pas une grosse
cote d'écoute. Je ne sais pas si le ministère a fait des
enquêtes là-dessus, mais je serais intéressé de
savoir quel est le rating des émissions diffusées par câble
en proportion des émissions des radiodiffuseurs.
Je pense qu'il y aurait peut-être un prorata puisque celui qui
paie pour la publicité est certainement intéressé à
aller chercher le maximum sur son investissement. Il y aurait peut-être
une étude à faire là-dessus qui serait peut-être
comprise dans celle qui est préconisée par M. de Gaspé
Beaubien.
M. LEDUC: Oui, mais il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, par
exemple, c'est que le câblodiffuseur, lui, combine deux choses: l'heb-do
local et la radio locale.
M. LATULIPPE: L'image et le son.
M. LEDUC: L'image et le son. Même si la cote d'écoute
pouvait être moindre chez le câblodiffuseur, le fait que vous voyez
l'image en même temps que vous avez le son, cela peut avoir un impact
beaucoup plus considérable que si vous écoutez la radio un peu en
sourdine ou en background, si on peut se permettre de se servir de ce
mot-là.
Si on regarde la télévision, c'est parce qu'à ce
moment-là on a accepté de s'asseoir et de regarder la
télévision. La radio peut jouer toute la journée sans
nécessairement créer le même impact que deux ou trois
heures devant la télévision.
M. LATULIPPE: Est-ce que vous croyez...
M. LEDUC: Cela devient une concurrence qui n'est pas du tout la
même, parce que le câblodiffuseur, lui, a l'hebdo qui sort toutes
les semaines. Cela est son image, l'écran.
M. LATULIPPE: En tant que spécialiste en publicité...
M. LEDUC: Je ne suis pas un spécialiste, mais...
M. LATULIPPE: ... est-ce que vous croyez qu'il est possible de faire,
tel que proposé par M. de Gaspé Beaubien, des études
à caractère économique sur les influences que peuvent
avoir certaines choses comme celles-là? Est-ce qu'il est possible d'en
faire et d'essayer de les compter, de les évaluer d'une certaine
façon pour arriver à quelque chose de valable?
M. LEDUC: Si on a un budget convenable, c'est facile de les faire, oui,
et si on a le temps. Cela ne se fera pas en quinze jours avec $5,000, mais cela
peut se faire; oui, cela peut se faire.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): M. le député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: II me semble, en somme, que la raison principale de la
câblovision est d'essayer de prendre des postes que les gens ne
pourraient pas capter avec une petite antenne à la maison. Donc, j'ai
l'impression que, sur douze canaux, par exemple, ou treize canaux, le
câble s'en réserve seulement un pour faire peut-être une
annonce locale ou simplement pour remplir des trous, mais j'ai aussi
l'impression que la cote d'écoute est pas mal faible à part de
regarder les prévisions du temps et de savoir quelle heure il est
exactement.
Je ne sais pas s'il y a autre chose. Je sais que chez moi, à
ville Saint-Laurent, par exemple, on a Cable TV; c'est à peu près
tout ce qu'il y a. De temps en temps, il y a des émissions
privées, mais la cote d'écoute n'est pas très
élevée, à moins qu'il n'y ait d'autres expériences
ailleurs.
M. LATULIPPE: Est-ce que vous me permettriez de faire une remarque
là-dessus?
M. PEARSON: Oui.
M. LATULIPPE: II y a un communiqué dans le dossier que le
ministre nous a remis, relativement à une décision rendue par le
CRTC, qui autorise, du moins c'est ce que j'ai compris, une industrie de
câblodiffusion à retrancher les annonces d'un certain poste pour y
placer, éventuellement, des annonces locales.
A ce moment-la, ça pourrait contrebalancer drôlement, parce
qu'on se sert de la programmation d'un radiodiffuseur à
l'extérieur, disons, qui est éloigné, et on y inclut de la
programmation qui pourrait être de source locale. A ce moment-là,
je suis d'accord pour retenir que cela pourrait avoir une influence assez
considérable sur l'impact publicitaire des autres entreprises locales
dans ce sens-là. Je pense que cela serait quelque chose qui
mériterait aussi d'être étudié. Je ne sais pas si
cette modalité sera retenue par la régie.
M. LEDUC: C'est pour cela qu'il y a un règlement qui dit
je ne me souviens pas lequel, de mémoire que le
câblodiffuseur doit diffuser en totalité ce qu'il prend sur un
autre poste, qui n'est pas son poste à lui. Si jamais, quant à
moi, on permettait, au Québec, à un câblodiffuseur de
retrancher la publicité qui se trouve à l'intérieur d'une
émission, au canal 11, par exemple, pour passer sa publicité
locale...
M. LATULIPPE: Est-ce que vous me permettez de lire ce que j'ai ici?
M.LEDUC: Peu importe ce que le CRTC permet, vous trichez l'annonceur
parce que l'annonceur aura probablement payé $10,000, $15,000, $20,000,
$30,000 pour cette émission-là et il est en droit...
M. LATULIPPE : C'est exactement cela qui se produit.
M. CHARRON: C'est exactement cela qui se produit.
M. LEDUC: On n'a pas le droit de retrancher cette annonce.
M. LATULIPPE: Le CRTC le fait effectivement. Non, ce n'est pas cela, M.
le ministre...
M. LEDUC: Quand même le CRTC le permettrait, je vous donne mon
opinion personnelle, c'est malhonnête.
M. LATULIPPE: Par une décision rendue le 8 juillet 1973, le CRTC
permet justement, je ne sais pas si c'est National Cablevision ou un
autre, je pense que c'est National Cablevision de "Construire à
sa tête de ligne des installations permettant la suppression des annonces
publicitaires dans les signaux de télévision en provenance de
stations de radiodiffusion qui ne détiennent pas une licence
d'exploitation pour le Canada."
M. CHARRON: C'est cela.
M. LATULIPPE: C'est clair comme de l'eau de roche.
M. LEDUC: Aucune importance; le principe, quant à moi, est
malhonnête.
M. LATULIPPE: Mais cela se fait actuellement.
M. LEDUC: Que cela se fasse ou non, je peux être d'accord ou pas
d'accord.
M. LATULIPPE : Donc, c'est quelque chose dont il faut tenir compte dans
notre discussion.
M. LEDUC: Le bonhomme qui a payé $30,000 pour son émission
a le droit d'avoir des résultats. Si vous êtes chez vous, vous
n'avez payé que le câble et l'entrée, vous ne payez pas
pour voir ces émissions, endurez l'annonce commerciale, qu'elle vous
plaise ou non, parce que c'est celui qui vous fait endurer une minute ou une
minute et demie qui vous permet de voir un très bon film, une
très bonne émission éducative.
M. LATULIPPE : Mais c'est quand même une dimension très
importante du problème.
M. LEDUC: C'est une dimension du problème qui est très
importante, qui pourrait faire plaisir aux câblodiffuseurs, je suis bien
d'accord sur cela, mais qui, à mon sens, est injuste pour
l'annonceur.
M. LATULIPPE: Je pense que c'est un peu à cela que se
référait M. de Gaspé Beaubien quand il voyait des
possibilités dans ce domaine-là.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. le Président, juste une remarque. Etant
donné qu'on parle de la possibilité, disons, de payer des
annonces, personnellement en somme, c'est une question de principe
je serais d'accord pour que la compagnie de cablevision soit
autorisée, disons, à accepter des annonces, à la condition
qu'elle soit elle-même productrice d'une émission;
c'est-à-dire que, si elle se réserve un canal, et présente
un film, lors de la présentation de ce film-là, personnellement,
je serais d'accord pour que des publicitaires puissent acheter du temps. Mais,
quand elle ne fait que transmettre les autres canaux de
télévision, je ne serais pas d'accord pour couper la
publicité qui est donnée par les autres postes de
télévision; elle n'a qu'un rôle simplement de transmission.
Mais, pour ce qu'elle produit elle-même, je serais d'accord. Je ne pense
pas qu'à ce moment cela puisse entrer en concurrence avec les autres
canaux de télévision. Il y a peut-être une concurrence,
mais je ne pense pas que cela puisse être aussi dramatique que ce que
disait M. de Gaspé Beaubien ce matin, si c'est simplement limité
à sa propre production.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le Président, on a mentionné le
chiffre de 50 p.c. de perte d'auditoire. Un calcul rapide nous amène
à constater qu'une diminution de 10 p.c. seulement dans les revenus
d'une compagnie de radio dans un plus petit marché réussirait
à la mettre dans une position déficitaire, pas 50 p.c. Vous
parliez de cote d'écoute tout à l'heure, on disait que ce serait
peut-être un des guides; pour ne prendre que l'exemple de Joliette que
nous discutions tout à l'heure, il n'y a pas de cote d'écoute qui
se prenne régulièrement à Joliette par le BBM pour mesurer
l'efficacité ou le rendement de ce poste. Voilà simplement deux
précisions que je voulais vous amener.
La troisième était sur le point que vous souleviez tout
à l'heure, prendre un canal et y faire de la programmation. Si un canal
de télévision voulait prendre des films français un peu
osés et les passer à coeur de jour, grâce à l'argent
additionnel qu'il puisse avoir, je suis certain qu'il réussirait
à susciter pas mal d'intérêt chez les gens dans le coin qui
essayent de faire de la production locale, quelque chose d'intéressant.
Comme concurrence, ce serait certainement un élément
intéressant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous en revendiquez
l'exclusivité?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Aucunement. On ne peut pas se le permettre, c'est
trop coûteux.
M. L'ALLIER; De toute façon, M. le Président, je ne crois
pas que ce soient les films français qui aillent actuellement le plus
loin de ce côté-là.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que les membres de la commission
auraient d'autres questions?
M. LATULIPPE: J'aurais une question à poser à M. de
Gaspé Beaubien, si vous le permettez. Vous avez vu certainement cette
directive qui a été émise par le CRTC autorisant une
compagnie. Je trouve que cela replace le
problème dans la même position et cela est fait par
l'autorité fédérale, celle que vous semblez respecter
d'une façon toute particulière. J'aimerais connaître votre
position face à ce problème-là, lorsqu'au Québec
vous semblez ne pas l'accepter.
M. DE GASPE BEAUBIEN: C'est une décision très
récente, elle a été rendue il y a deux semaines, je crois.
A ma connaissance, aucun des postes ne l'a adoptée mais il faut se
rappeler qu'il s'agit bien là de messages qui viennent d'un autre pays,
de programmes publicitaires qui viennent d'un autre pays.
Le problème était que plusieurs annonceurs canadiens
trouvaient ça beaucoup plus économique de pouvoir aller annoncer
aux Etats-Unis, sur un poste américain, en périphérie de
notre pays, pour que ces messages pénètrent dans notre pays
à des taux inférieurs. A ce moment-là, on a dit qu'on
voulait que la production reste chez nous. Cela ne s'applique pas aux stations
canadiennes; simplement aux stations américaines.
M. LATULIPPE: Quelle a été votre position? Est-ce que vous
avez fait des démarches quand cela s'est présenté au
CRTC?
M. DE GASPE BEAUBIEN: La décision vient d'être rendue et on
va voir les résultats, mais je crois que cela va être
adopté prochainement.
M. LATULIPPE: J'imagine que vous avez dû être appelé
à participer, à faire des oppositions à cette demande?
M. DE GASPE BEAUBIEN: Non. M. LATULIPPE: Pas du tout.
M. DE GASPE BEAUBIEN: La décision vient d'être rendue. Cela
va rapatrier beaucoup de la publicité qui va maintenant se faire au
pays, plutôt que de se faire ailleurs.
M. LATULIPPE: Cela permet à un câblodif-fuseur de faire de
la publicité sur son câble.
M. DE GASPE BEAUBIEN: Non.
M. LATULIPPE: Peut-être que j'ai mal interprété
cette décision. J'avais cru la comprendre dans ce sens-là.
M. DE GASPE BEAUBIEN: La réponse est non.
M. LATULIPPE: Merci beaucoup; cela répond à ma
question.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Au nom de tous les membres de la
commission, je remercie M. de Gaspé Beaubien et ses collaborateurs
d'être revenus ce matin, même de loin, pour participer aux travaux
de la commission, répondant ainsi au voeu qui avait été
émis, la semaine dernière, par le député de
Chicoutimi, ainsi que par tous les autres membres de la commission. Je vous
remercie, messieurs.
M. DE GASPE BEAUBIEN: M. le Président, au nom de mes
associés, au nom des radio-diffuseurs, nous vous remercions de la
courtoisie que vous nous avez montrée. Nous avons très hâte
d'entendre l'opinion du ministre pour savoir s'il verra d'un bon oeil l'offre
que nous lui avons faite de collaborer avec lui à l'édification
d'un projet de recherche avant que le projet de règlement ne soit
adopté.
M. L'ALLIER: J'ai pris note, M. le Président, de la demande qui a
été faite.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci, messieurs. Pour le
bénéfice des organismes qui sont ici et des membres de la
commission, disons que les travaux de la commission se poursuivront cet
après-midi jusqu'à 5 h 30, quitte à reprendre demain, s'il
y a lieu. Pour déterminer l'ordre des travaux de la commission, cet
après-midi, je cède immédiatement la parole à
l'honorable ministre.
M. L'ALLIER: M. le Président, nous pouvons revenir à
l'ordre que nous avions adopté au tout début, alors que nous
avions divisé en six catégories les mémoires qui nous sont
soumis. Dans le groupe des radiodiffuseurs, nous avons le mémoire 8M qui
n'a qu'une page et demie; c'est le mémoire de
Télé-Capitale Limitée. Je ne sais pas s'il y a des
représentants de Télé-Capitale dans la salle, je ne le
crois pas. Nous pourrions, dès maintenant, considérer ce
mémoire comme...
A ce moment-là, si vous voulez être entendu sur le
mémoire, nous allons continuer à l'ordre du jour plutôt que
d'escamoter indéfiniment National Cablevision qui attend
déjà depuis trois jours, à moins que ce ne soit
extrêmement bref. Nous pourrions disposer ainsi du bloc des
radiodiffuseurs.
M. PELLETIER: M. le Président, M. le ministre, je crois que nous
avons déjà signifié au secrétaire des commissions
parlementaires qu'il n'était pas de notre intention de
comparaître.
M. L'ALLIER: D'accord!
M. PELLETIER: Notre lettre couvrait tout le sujet que nous avons
élaboré en rapport avec nos remarques sur le
règlement.
M. L'ALLIER: Je vous remercie, M. Pelletier. De toute façon, le
mémoire est déposé et nous en tiendrons compte de la
même façon.
Ceci nous amènerait, M. le Président, à entendre
maintenant National Cablevision et, ensuite, les sociétés de
téléphone.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce qu'il y a un représentant de
National Cablevision qui veut bien prendre place à la table. Si je suis
bien informé, le porte-parole de cet organisme, National Cablevision
sera M. Poitras. Je lui cède la parole.
National Cablevision
M. POITRAS: M. le Président, je voudrais d'abord vous
présenter mes collègues. Je suis Jean-Marie Poitras,
président du conseil de National Cablevision. J'ai à ma gauche le
président de National, Pierre Levasseur, un membre du conseil et du
comité exécutif, M. Michel Paris, qui est directeur
général adjoint et directeur général
intérimaire de la Caisse de dépôt. J'ai à ma droite
Me Roger Beaulieu, membre du conseil et du comité exécutif; M.
Oscar Mercure, qui est membre du conseil d'administration et qui est le
président de l'assurance-vie Desjardins.
Au tout début, avec votre permission, nous vous avions
demandé s'il était possible de passer un court
résumé, un montage audio-visuel fait par notre
société pour peut-être vous indiquer l'orientation de la
câblodiffusion selon que nous la voyons. Avec votre permission, on
pourrait peut-être faire cette courte projection et vous faire quelques
propos en deuxième lieu.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Poitras, me permettez-vous une
question? A l'occasion de la projection audio-visuelle que vous allez faire,
avez-vous l'intention de commenter ceci, pour les fins du journal des
Débats ou si c'est simplement une présentation?
M. POITRAS: II y aura des commentaires, lors de la présentation,
que vous pourrez entendre et qui pourront être enregistrés. Pour
nous, nous n'aurons que quelques brefs propos sur le mémoire que nous
avons présenté.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): II serait opportun alors d'enregistrer,
pour fins du journal des Débats, la présentation audio-visuelle.
C'est très bien, M. Poitras.
M. POITRAS: Je croirais.
UNE VOIX: II a fallu deux générations à peine pour
que le Québec voie naître et se développer des
réalisations techniques et des machines qui ont bouleversé notre
vie.
L'efficacité avec laquelle ces appareils ont envahi notre
environnement et façonné notre vie de tous les jours est
absolument remarquable. Ce qui nous fascine davantage pourtant, c'est que le
Québécois s'y soit facilement adapté, ne connaissant de
ces innovations que ce qu'il voyait autour de lui. Il est bon qu'il en soit
ainsi.
Si l'on doit voir pour croire, on n'est pas traumatisé outre
mesure par les possibilités éventuelles d'une machine. Cependant,
l'homme de sciences, le technicien et l'homme politique doivent savoir. Il est
essentiel qu'ils sachent comment une innovation peut influencer la vie de la
population et qu'ils prennent les mesures nécessaires pour conserver ou
améliorer la qualité de cette vie.
Aujourd'hui, le Québécois ne connaît de la
câblodistribution que ce qu'il voit: Un service d'antenne qui lui permet
de recevoir plus de canaux qu'il n'en reçoit normalement; une
programmation d'intérêt communautaire. Il paie son abonnement et
l'on vient installer le câble sur son appareil. Or, l'abonné ne
connaît rien de la copie. Il ne sait pas que le câble qu'on lui
installe est un câble coaxial sur lequel on transmet les signaux
captés à l'aide d'une antenne. Il ignore que l'on doit renforcer
ces signaux en joignant au câble des milliers d'amplificateurs pour
maintenir une bande passante d'environ 300 millions de hertz. Pour
l'abonné, ce câble ressemble au câble qui le relie au
réseau téléphonique. Là aussi, il ne connaît
que ce qu'il voit: Un appareil téléphonique qui lui sert à
parler à quiconque en composant un numéro et un appareil qui
sonne quand on veut parler à quelqu'un et qu'on a composé le
sien. Il ignore que le câble téléphonique est
composé de paires de fils, que ces fils conduisent tous à un
commutateur central, que ce commutateur est relié à d'autres
commutateurs. Il ne sait pas enfin que la paire de fils qui entre chez lui a
une bande passante d'environ 3,000 hertz seulement.
Si l'on examine brièvement la structure de la communication que
permettent ces deux câbles qui se rendent chez l'abonné, on
s'aperçoit qu'il s'agit de champs d'action nettement distincts. La
communication téléphonique va d'un individu à un autre
individu en passant par un commutateur central. Quand la communication est
établie, elle devient bilatérale, allant du point A au point B et
du point B au point A.
La communication par câblodistribution va d'un centre vers tous
les abonnés. Aucun abonné ne peut communiquer avec un autre
abonné. Et si, éventuellement, il a la possibilité de
communiquer avec le centre, c'est-à-dire avec un ordinateur, celui-ci
devra diriger sa communication vers tous les abonnés pour lui
répondre. Si la plupart des gens ignorent la technique sous-jacente
à la câblodistribution, ils ignorent aussi les possibilités
inouïes de communication qu'elle représente.
Nous disions plus haut que la technique avait évolué
rapidement depuis deux générations. Dans le cas de la
câblodistribution, elle a vraiment dépassé tout ce que la
mise en marché pourra faire durant les cinq prochaines années. Le
câble coaxial permet à un abonné de syntoniser un nombre
incroyable de canaux différents sur lesquels il peut recevoir les
informations les plus diverses.
La recherche et les expériences tentées dans
les autres pays, en particulier aux Etats-Unis, montrent que la
câblodistribution peut offrir tous les services que l'on peut imaginer et
bien davantage.
Elle peut servir aux fins suivantes: Education à tous les
niveaux, renseignements pertinents à titre de services publics,
informations gouvernementales, par exemple, des renseignements concernant tous
les travaux publics en cours; rampes d'informations encyclopédiques, par
exemple, cartes géographiques de toutes les régions du monde avec
les données démographiques, climatiques, etc.; musées sur
écran; télévision qui permet, par exemple, de voir le film
que l'on veut en insérant une pièce ou une carte dans l'appareil;
informations à l'usage de professions et de métiers particuliers
comme le droit, la médecine, la police, le contrôle de la
circulation; nouvelles instantanées couvrant sans cesse
l'actualité; catalogue de produits à acheter à distance;
enfin, tout est possible. L'abonné peut choisir par
télécommande.
La câblodistribution, c'est un instrument de communication
extrêmement puissant, peut-être le plus puissant qui soit. On a
peine à imaginer comment un tel instrument pourrait influencer des
masses si l'on voulait s'en servir à des fins politiques.
La câblodistribution, c'est un instrument de communication qui va
permettre des innovations d'une portée sociale fantastique. C'est un
moyen de pénétrer dans les foyers, qui devient un outil de
libération et de culture pour l'individu. C'est un peu la presse,
l'école et la télévision réunies.
C'est un instrument de communication d'une nature totalement
différente du téléphone qui permet, lui, des conversations
privées. Si les gens ont vu un lien de parenté entre le
téléphone et la câblodistribution, cela ne tient
qu'à un fil.
Il y a une douzaine d'années, les compagnies de
téléphone auraient pu envahir le marché de la
câblodistribution. Mais une décision raisonnable a fait qu'elles
s'en sont retirées aussitôt laissant la libre entreprise et la
concurrence assurer à cette industrie une évolution saine. Si,
à certains moments, les compagnies de téléphone ont
essayé de s'infiltrer dans cette industrie, il faut croire que ce
n'était que par accident, ou simplement parce que les opérateurs
de câble utilisaient leurs poteaux. Enfin, peu importe, puisque sous peu
on arrivera à enfouir tous les câbles.
Aujourd'hui, les compagnies de téléphone, en citant des
raisons d'esthétique et d'économie, cherchent à
détenir la propriété des câbles coaxiaux. Nous
croyons qu'elles veulent exercer, par le biais de ce propriétariat, un
contrôle sur le développement de l'industrie de la
câblodistribution en limitant à l'avenir le rôle de notre
entreprise dans l'introduction et la distribution de nouveaux services. Les
compagnies de téléphone choisissent-elles qui aura ou n'aura pas
le droit d'utiliser un appareil téléphonique?
Dictent-elles ce que les abonnés pourront et ne pourront pas se
dire lors de conversations privées? Doivent-elles dicter aux
câblodistribu-teurs les services qu'ils auront le droit de
développer à l'avenir? Quoi qu'il en soit, la
câblodistribution est possible sur câble coaxial et non sur une
paire de fils. Il est bon de noter que, dans ce domaine, les compagnies de
câblodistribution sont déjà établies tandis que les
compagnies de téléphone ne le sont pas.
Parmi les provinces du Canada, le Québec est celle qui compte le
plus grand nombre de systèmes de télévision par
câble. On en compte présentement 145, desservant les
localités les plus éloignées comme les grands centres.
Environ 80 p.c. des foyers du Québec ont accès aux services.
Enfin, la bataille entre le téléphone et le câble a pris
fin. Quant aux Etats-Unis, le président Johnson a reçu le rapport
Rostof. Celui-ci déclarait qu'il était préférable
à tous les points de vue de laisser les deux systèmes fonctionner
séparément et se développer parallèlement l'un
à l'autre.
C'est un fait reconnu dans le monde entier que ces deux systèmes
fonctionnent séparément. Il serait absolument inconcevable qu'il
en soit autrement ici au Québec. Nous, de National Cablevision, nous
croyons à une saine concurrence, à la libre entreprise et
à la démocratie. Le nombre d'opérateurs de câble et
la concurrence à l'intérieur de cette industrie, ça nous
stimule plus que ça nous inquiète. Si les sociétés
de communication internationales ne s'approprient pas des systèmes qui
sont aujourd'hui la propriété de citoyens du Québec, la
câblodistribution servira vraiment l'épanouissement des
Québécois.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Poitras, je suppose que vous avez
maintenant des commentaires plus personnels à faire à la suite de
cette présentation audio-visuelle. Je vous cède donc la
parole.
M. POITRAS: Pour ce qui concerne cette présentation, je pense
qu'elle parle par elle-même. Je voudrais plutôt confiner mon propos
à quelques remarques générales que nous avons
formulées dans notre mémoire où il est question de la
propriété du câble ou des propriétaires, à
l'article 5 a). Il est question que tous les membres du conseil
d'administration soient des résidents du Québec.
Nous nous posons cette question. Est-ce bien nécessaire que tous
les membres d'un conseil d'administration soient du Québec pour que la
pensée du milieu, pour que la pensée québécoise
soit réellement représentée à ce conseil?
Il nous semble qu'il serait à propos d'élargir cette
définition et qu'il puisse, à un conseil de quinze ou de vingt
membres, y avoir quelques représentants qui pourraient être de
l'extérieur, particulièrement lorsqu'une compagnie, une
société veut aller plus loin que de survivre et que de vivre,
lorsqu'elle veut exercer un leadership
et faire rayonner le Québec en dehors de nos propres
frontières. Et c'est, pour National, notre cas.
Il y a également une autre question que nous voudrions voir
éclaircie, c'est celle de la définition de résident.
Quelle est la définition ou quelle sera la définition d'un
résident du Québec en ce qui concerne une compagnie? Est-ce qu'il
s'agit, pour une compagnie, d'avoir une charte québécoise pour
qu'elle soit considérée comme compagnie du Québec? C'est
une question qui ou restreint ou élargit la définition d'un
résident.
Al'article 5 c), il est question d'une propriété à
80 p.c. québécoise. Il nous semble qu'il ne soit pas
nécessaire, pour que les Québécois exercent un
contrôle certain et réel, que nous devions porter cette
propriété à 80 p.c. D'une part, il s'agit d'une entreprise
qui aura besoin de capitaux pendant de nombreuses années et vous
comprendrez qu'une société qui a le moyen d'investir
peut-être 20 p.c., 25 p.c. ou même 10 p.c. sur une capitalisation
de $1 million, ce n'est pas la même chose que si elle a à investir
les mêmes 10 p.c. pour une capitalisation de $10 millions. D'autre part,
il y a aussi, parmi les sociétés, en tout cas, susceptibles
d'investir dans ce secteur, de nombreuses sociétés
québécoises qui sont sous le coup d'autres législations
provinciales d'autres ministères.
Vous avez cette limitation, par exemple, de plusieurs
sociétés assujetties au ministère des Institutions
financières, d'un pourcentage n'excédant pas 25 p.c. en actions
de leurs actifs. Vous avez une autre limitation à 30 p.c. de
propriété dans une autre compagnie. Vous avez des restrictions
encore plus grandes pour ce qui concerne une compagnie dans le genre de la
câblodiffusion, ou bien qui est incorporée depuis moins de cinq
ans ou qui n'a pas gagné un minimum de 4 p.c. pendant les cinq
dernières années. Ce sont des actions, ce sont des
investissements que nous appelons des investissements selon une clause omnibus.
Le mot anglais est basket clause. Cela signifie que ce sont des investissements
dont le ministère veut qu'ils soient réduits à un
pourcentage global de tous les investissements d'une société
n'excédant pas 7 p.c. Autant de restrictions qui, pour une entreprise
qui aura besoin de millions de dollars de capitaux, laissent un champ d'action
quand même restreint. Même si nous avions tous les capitaux
nécessaires, pourquoi alors ne pas les diversifier, y investir le
montant suffisant pour un contrôle et exercer le contrôle dans de
plus nombreuses sociétés?
Ce sont des situations que nous voyons tous les jours. C'est pourquoi
nous nous interrogeons sur l'opportunité, au moins pour le moment, d'un
ordre de 80 p.c, quand 51 p.c. assurent le contrôle. Lorsque c'est
détenu par des mains, je dirais, privées, et lorsque c'est sur le
marché public, il y a possibilité, par plusieurs
réglementations, soit lorsque nous requérons un permis ou
autrement, de savoir qui sont les propriétai- res, lorsqu'il y a
transfert d'actions. Il y a justement un projet de loi qui est devant
l'Assemblée nationale, qui dit que, pour d'autres
sociétés, s'il y a transfert d'un bloc susceptible de
représenter 10 p.c. ou au delà, il devrait être
approuvé par l'autorité gouvernementale concernée.
Il y a plusieurs moyens de s'assurer un contrôle qui nous semble,
par contre, absolument justifiable et défendable.
A l'article 6, il est question d'entreprises parallèles. Je
comprends que, sous ce vocable, le législateur se préoccupe
d'éviter une trop grande concentration. Des entreprises qui nous ont
précédés ont montré certaines situations
d'espèce qui pouvaient se présenter. A notre sens, il y a deux
situations: II y a d'une part les entreprises déjà dans les
communications et qui contrôleraient des entreprises parallèles;
vous avez reçu des entreprises qui se situaient dans ce secteur. Il y a
aussi un deuxième type de sociétés ou un deuxième
type d'investissements: ceux qui amènent des capitaux, des entreprises
qui amènent des capitaux, qui ont à être réinvestis
cette fois dans un éventail de secteurs et d'entreprises. Vous avez, je
pense, ici, devant vous, certains de ces investisseurs qui peuvent investir un
pourcentage dans un éventail même d'entreprises de communication,
sans que ce soient des entreprises parallèles au sens du mot et qui
pourraient être bénéfiques au développement de notre
milieu. Il me semble que ce cas est quand même différent de celui
d'une entreprise directement intéressée dans la
communication.
Au secteur de la publicité, il en a été longuement
question, il nous semble qu'il ne faut pas surestimer quand même la part
de la publicité pour la câblodiffusion dans un proche avenir. Il y
a un apport, il y aurait un besoin, une possibilité d 'investir
davantage, mais il ne nous semble pas que cela puisse être au
détriment de l'un ou l'autre des marchés.
Dans l'ordre de priorité, à l'article 21, il nous semble
que cet ordre de priorité étant celui qui est mentionné
dans le projet, il y a à tenir compte des possibilités
immédiates de la câblodiffusion et de son rythme de
croissance.
Il est certain qu'aujourd'hui, les appareils de télévision
et les câbles qui sont installés sont limités. Les
appareils de télévision à domicile sont limités
à douze canaux. Il y a une limite et il y a aussi la période
nécessaire pour que les entreprises puissent installer des câbles
à plus grande capacité et pour une part, National fait toutes ses
installations nouvelles à partir d'une possibilité de trente
canaux.
Il y a un rythme pour rejoindre les secteurs déjà
installés par rapport aux nouveaux secteurs couverts et il nous semble
encore là que cet ordre de priorité est valable si nous tenons
compte des possibilités concrètes et du rythme de croissance.
Il y a enfin l'article 32 que nous voudrions relever, quant aux
conditions d'utilisation des
installations existantes. Je pense qu'on ne peut qu'être d'accord
pour éviter une prolifération d'attaches ou de
systèmes.
Il doit y avoir une cohérence. Mais, ce qui nous semble non moins
vital, c'est que chaque système proprement dit, c'est-à-dire en
l'occurrence le ou les fils conducteurs de son lieu d'origine au lieu de
destination, soit sous le contrôle complet de l'entreprise donnée.
Il ne nous semblerait pas pensable qu'une compagnie de téléphone,
par exemple, voie la propriété de ses fils détenue par
1'Hydro ou par une entreprise de câblodiffuseurs, pas plus que ceux de
l'Hydro soient la propriété d'une compagnie de
téléphone ou vice versa. Il nous semble absolument
nécessaire qu'une entreprise puisse contrôler son fil du lieu
d'origine jusqu'au lieu de destination, et les attaches, plutôt que les
installations, sont des accessoires qu'il a, qui peuvent être
partagés comme cela l'est régulièrement dans toutes les
nouvelles installations souterraines, par exemple.
Nous n'avons, ni un ni l'autre, quel que soit le type d'entreprise,
à être propriétaire du terrain de la municipalité
pour pouvoir passer sous terre un, deux, trois, cinq conduits pour des
fils.
Ce sont en résumé les quelques propos que nous voulions
vous tenir, et en vous remerciant de nous avoir reçus, nous sommes
à votre disposition pour répondre à vos questions. Je vous
remercie.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable ministre des
Communications.
M. L'ALLIER: Je vous remercie, M. Poitras. Pour ma part, je me
contenterai de vous poser des questions sur l'aspect plutôt technologique
du câble parce que nous allons entendre par la suite des
sociétés de téléphone et ce sont, en gros, les
mêmes questions que je vais leur poser. Je tiens pour acquis que ce que
vous avez dit sur les autres points du règlement qui posent des points
d'interrogation à l'article 5, la propriété, les
entreprises parallèles, c'est en gros ce qui a été dit par
l'association et je vous poserais en fait les mêmes questions. Pour ne
pas répéter, je m'en tiendrai à un aspect technique du
câble.
Jusqu'ici, M. Poitras, la société que vous
représentez est une des plus importantes en termes d'installation
technique, quant au câble. Pouvez-vous nous faire un résumé
de la situation, c'est-à-dire est-ce que le câble actuel vous
appartient, est-ce qu'il est loué, et deuxièmement, est-ce que la
tendance à se développer est un prolongement de ce qui existe
maintenant? En d'autres mots, si cela vous appartient, est-ce que vous
continuez à vouloir en être propriétaire, à le
développer? Sinon, si vous louez la majeure partie de vos
équipements, est-ce que c'est aussi la décision de votre
société, technologiquement, de continuer cette location?
M. POITRAS: M. le Président, si vous nous permettiez, je
demanderais peut-être à notre président de répondre
aux questions techniques, à moins que vous désiriez
particulièrement, pour l'une ou l'autre des questions, que j'y
réponde moi-même.
M. L'ALLIER: En fait, plutôt que de poser une série de
questions, je vais vous donner le but de ma question, de mon interrogation.
Dans l'exposé que vous nous avez présenté, vous avez
souligné, c'est ce que j'en retiens, qu'il y a une différence
assez fondamentale entre la technologie des fils téléphoniques et
la technologie du câble comme tel. Ce que je veux savoir c'est si vous
êtes en voie d'installer pour vous-même le câble coaxial et
si vous considérez que vous devez continuer à l'installer par
rapport à la situation présente où il y a de la location?
Deuxièmement, est-ce que du câble coaxial peut être ou a
été mis à votre disposition par les common carriers ou les
compagnies de téléphone en particulier?
M. LEVASSEUR: M. le ministre, pour répondre à votre
question, disons que dans le moment, dans l'ensemble de son réseau,
National a 2,770 milles de câble, ce qui est une superficie assez grande.
Ce ne sont pas tous les câbles du téléphone, naturellement,
mais pour notre entreprise, c'est assez vaste; 40 p.c. de ces câbles nous
appartiennent et les autres 60 p.c. sont loués à des
sociétés de téléphone. Je pense qu'il faut
préciser une chose.
Nous avons pris la décision en octobre dernier, qu'à
partir de maintenant toute nouvelle construction serait faite, pour autant que
cela est possible naturellement, sur les installations de l'Hydro-Québec
et que le câble nous appartiendrait. C'est-à-dire que tout le
réseau que l'on essaie de construire à 30 canaux, cela sera la
propriété de National. La raison pour laquelle nous avons pris
cette décision, c'est que nous avions un contrat avec la
société Bell Canada, en particulier. Quand est venu le moment de
renouveler ce contrat, la société Bell insistait pour y inclure
une clause qui limitait l'usage que l'on pouvait faire du câble à
la diffusion que l'on connaît aujourd'hui du câble,
c'est-à-dire la diffusion des images de télévision.
National, en compagnie d'autres sociétés, a inscrit une plainte
devant la Commission canadienne des transports, alléguant que la
société Bell Canada, par le biais de cette clause, voulait
sensiblement contrôler le développement de l'industrie du
câble. C'est d'ailleurs le thème que l'on a repris dans la
présentation audio-visuelle. Face, naturellement, à ce qui est
pour nous une menace au développement de notre société,
nous avons opté pour la propriété de nos câbles et
la construction par l'Hydro-Québec. Nous avons d'ailleurs signé
une entente avec l'Hydro-Québec qui couvre tous les endroits où
notre société a soit des divisions ou des filiales. Dans
l'ensemble de notre réseau, à l'avenir, nous serons
propriétaire du câble, où cela est possible naturellement.
Il faut bien se rendre compte
d'une chose, c'est qu'il y a des endroits où il est difficile de
circuler seulement sur les poteaux qui appartiennent à un des services
publics. Vous n'êtes pas sans savoir que Bell et l'Hydro partagent la
propriété de certains poteaux, ils ont des poteaux en commun. Il
y a un contrat administratif qui régit le comportement de Bell et de
l'Hydro, face à des tiers comme nous. Ce contrat permet dans certaines
instances notre accès à des poteaux qui sont la
propriété de Bell, mais en usage commun avec l'Hydro.
Je pense que les deux sociétés, Bell et Hydro, ont fait un
effort remarquable dans les années qui viennent de s'écouler pour
essayer de mettre en commun plusieurs des facilités de base. Mais comme
M. Poitras le soulignait, à ma connaissance, chacun est encore
propriétaire de son câble.
M. L'ALLIER: J'aurais deux sous-questions. La première, est-ce
que vous croyez que la technologie permet actuellement de regrouper dans un
même câble les besoins actuels et ceux qu'on peut prévoir
des sociétés de téléphone, ainsi que les besoins
actuels et ceux qu'on peut prévoir du câblodistributeur? Est-ce
que c'est possible? En d'autres mots, est-ce qu'on va se retrouver dans un
cheminement parallèle de câbles qui vont faire, à toutes
fins pratiques, double emploi ou être sous-utilisés tous les deux?
Ou est-ce que, au contraire, possible de retrouver cela dans un même
câble, quitte à savoir si c'est la compagnie de
téléphone ou la compagnie de câble qui en a la
propriété, la gérance?
M. LEVASSEUR: Je pense que dans le domaine technique il faut faire une
distinction entre ce qui est possible et ce qui est économiquement
rentable. Je suis certain que les sociétés de
téléphone vont vous dire que, techniquement, c'est
réalisable, dès aujourd'hui, qu'elles utilisent
déjà du câble coaxial entre leurs centres majeurs. Pour
nous, dans l'industrie de la câblodistribution, on a toujours
fonctionné, comme le dit d'ailleurs notre présentation, comme si
c'étaient deux entités complètement distinctes. Je pense
qu'on n'a pas encore la conviction que cette étape est franchie. On se
pose, essentiellement, la question suivante: Est-ce qu'il serait
économique pour la société en général que le
téléphone, qui a déjà des installations majeures,
de types différents, pour employer un mot anglais, si vous me le
permettez, qui nécessitent une fonction de switching qui n'existe pas
dans le domaine du câble, est-ce qu'il serait économique pour les
compagnies de téléphone de changer tout leur système et
d'adopter le câble coaxial, tout simplement pour pouvoir accommoder la
fonction visuelle de la câblovision telle qu'on la connaît
aujourd'hui?
Notre attitude n'est pas d'exclure cette possibilité-là.
Ce n'est pas d'exclure, non plus, dans les nouveaux services qu'on a
indiqués là, une participation conjointe des
sociétés de téléphone et de la câblovision
pour donner le meilleur service possible aux clients. D'ailleurs, je pense que,
dans d'autres provinces du Canada, il y a ce genre d'entente qui existe
déjà où on se partage les responsabilités et
où on essaie de travailler en commun pour développer les deux
secteurs au meilleur des connaissances.
Je pense que notre attitude, c'est de dire: Nous voulons une saine
concurrence. Nous ne voulons surtout pas que la régie soit forcée
par un règlement, l'article 32, d'en arriver à imposer à
une société de téléphone et, par le biais de la
société de téléphone, à la
société de câble, d'être le propriétaire de
toutes les installations, poteaux et câbles. Je voudrais ajouter un seul
point là-dessus. Vous êtes sans doute au courant parce que
je sais qu'il y a des gens de votre ministère qui ont suivi ce
projet-là qu'à un moment donné j'y ai
moi-même travaillé à Ottawa, il y a eu un projet qui
s'appelait The Wired City Concept, où on a essayé de
prévoir, dans une ville modèle, tous les systèmes
possibles dont pourraient bénéficier les citoyens à l'aide
des télécommunications.
Si ma mémoire est bonne, il reste qu'on en était venu
à la conclusion qu'il n'y avait pas qu'un câble qui entrerait dans
chaque maison. Au moins deux câbles seraient nécessités
pour remplir toutes les fonctions à domicile. Je pense qu'il y a
plusieurs instances ou même des gens... Je prends, par exemple, le
président de Bell Northern Research qui, je pense que c'est il y
a à peu près un an faisait, dans un discours, la
distinction très nette entre le téléphone et les
systèmes de câble, comme étant des choses à vocation
distincte. Il se peut fort bien que, par de nouveaux développements
technologiques, que ce soit par ceux qu'on nous annonce aux Etats-Unis de plus
en plus: les fibres optiques, le laser ou quoi que ce soit, on en arrive
à trouver d'autres formules de transmissions de signaux.
Comme gestionnaire d'une entreprise, je suis obligé de me fier au
présent, à la technologie actuelle. La technologie actuelle, pour
moi, me dit que les deux utilisations nécessitent deux câbles
différents. Je suis ouvert à l'avenir, mais, dans le moment,
c'est ce que ça me dit, c'est la route que je poursuis.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie la
Société nationale de câblodistribution Limitée, ici
intitulée National Ca-blevision Limited, de sa présentation
audiovisuelle, qui nous a permis de nous rendre compte de certains
problèmes d'ordre technologique au sujet desquels le ministre a
posé des questions fort utiles. Vous comprendrez que nous ne sommes pas
des spécialistes en ce domaine de la technologie. Avant de nous
prononcer sur le bien-fondé de ce qui est stipulé à
l'article 32, nous aurons besoin d'examiner
d'autres documents et d'entendre d'autres personnes, d'autres experts
nous expliquer pourquoi on doit utiliser tel système plutôt que
tel autre, encore que ce que vous venez de nous dire nous ait fourni des
indications suffisamment claires pour orienter notre recherche.
Le mémoire que vous avez présenté, M. Poitras, est,
à toutes fins utiles, la reprise de ceux que nous avons
déjà entendus. Du reste, vous avez été
exemplairement présent à toutes les séances de notre
commission, de sorte que vous connaissez à l'avance les positions que
nous avons prises et les questions que nous pourrions vous poser.
Vos inquiétudes portent sur le problème de la
propriété des entreprises, sur la question des résidents
du Québec dans les conseils d'administration et sur ce contrôle
des 80 p.c. québécois.
Je ne crois pas nécessaire de vous interroger là-dessus,
parce que les questions que je pourrais poser seraient exactement celles que
j'ai posées à l'association dont M. Levasseur a été
l'un des porte-parole et j'imagine que vous nous donneriez les réponses
que d'autres nous ont données. J'espère ne pas
présumer.
Je voudrais insister sur la question de ce qu'on appelle non pas les
organismes, mais les systèmes parallèles. Lors de sa
présentation, M. Audet nous a fait valoir des arguments importants. Nous
lui avions fait observer que ce qui nous préoccupait, c'était le
danger d'une monopolisation des entreprises de presse et des moyens de
communication. C'est un problème dont s'est déjà
occupée la commission parlementaire sur la liberté de la presse
et c'est un problème que nous devrons reprendre.
Il faudrait toutefois c'est la première fois,
peut-être que j'ai l'occasion de le dire faire attention ici de ne
pas s'accrocher à ce que j'appelle un mythe, soit celui que, dès
lors qu'un groupe détient un ensemble d'entreprises de presse, cela nuit
à l'information et en quantité et en qualité. Quand on lit
des journaux, qu'on suit la radio et la télévision et qu'on est
au courant de l'organisation interne de la rédaction dans les
entreprises de presse, qu'elle soit écrite ou électronique, on se
demande, au fait, si les patrons ont maintenant un tout petit peu à dire
dans la diffusion, la conception de la nouvelle, le choix, etc., de sorte que
ce danger de monopolisation est beaucoup plus d'ordre économique,
à mon sens, qu'il peut être d'ordre socioculturel. Cela reste un
danger et c'est une de nos préoccupations d'empêcher que de tels
monopoles ne naissent, ne se développent, ne s'accroissent comme
certains événements récents peuvent nous le laisser
penser.
Il y a cependant et nous en avons causé avec le ministre
responsable je crois, des accomodements ou, à tout le moins, des
adoucissements qui pourraient être apportés aux exigences que l'on
retrouve à l'article 6, pour les raisons que M. Audet a très bien
expliquées et compte tenu, évidemment, des problèmes qui
se sont posés au moment où ont été
créées les entreprises de radiodiffusion, de
télédiffusion et de câblodistribution et compte tenu aussi
des exigences du rythme normal de croissance des entreprises.
Nous avons ce matin et vous étiez là, M. Poitras
discuté assez longuement de ce problème de la
publicité. Je vais vous poser une question bien brutale: Est-ce que vous
voulez de la publicité ou non? Est-ce que vous êtes d'accord sur
l'article de la réglementation qui vous permettrait d'en avoir?
M. POITRAS: Je pense qu'il serait difficile de ne pas être
d'accord pour en avoir, lorsqu'on demande une réglementation plus souple
que celle qui nous est présentée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela répond à ma question, parce
qu'il m'a paru ce matin, dans le témoignage de M. de Gaspé
Beaubien, qu'il ne semblait pas que vous fussiez intéressé
à utiliser ce mode de financement de vos entreprises. Alors, vous m'avez
donné une réponse. Est-ce que vous êtes capable de me dire,
M. Poitras, grosso modo une sorte d'ordre de grandeur ce que
pourrait représenter, pour une entreprise de la nature de la vôtre
cette utilisation de la publicité à des fins de financement?
M. POITRAS: Nous n'avons pas fait de recherches. Nous n'avons pas
d'études. Je crois que la réponse, si nous l'avions, serait
nuancée, selon les endroits ou les systèmes que nous exploitons,
si cela se trouve dans un grand centre, dans un moyen ou dans un petit centre.
Je pense que ce sont là trois situations bien différentes. Je ne
sais pas si...
M. LEVASSEUR: J'ajouterais une autre nuance à celle-là. On
pourrait distinguer deux sortes de publicité. Par exemple, on a dit dans
notre présentation qu'on pouvait avoir des usages différents que
ceux que l'on connaît aujourd'hui pour le câble. Prenons le cas des
associations professionnelles. On pourrait consacrer un canal entier à
des professions comme le droit, la médecine, etc., et faire une
programmation qui leur soit utile, qui soit de l'information de recyclage
jusqu'à un certain point, une programmation qui, en somme, dessert une
communauté d'intérêt très spécifique. Je
pense qu'on pourrait trouver dans le marché des commanditaires pour ce
genre d'émissions, avec une publicité qui, à mon sens, ne
viendrait pas nuire du tout au bassin total de la publicité tel qu'il a
été énoncé par M. Philippe de Gaspé
Beaubien.
Quant à la publicité qui servirait à financer la
programmation locale et communautaire, je pense que cette publicité,
selon le centre dont on parle, pourrait ou ne pourrait pas venir en
contradiction avec le bassin actuel de publicité. Je pourrais donner un
exemple. A Montréal, je
suis certain que, si on en vient à faire une programmation
communautaire pour un quartier donné de la ville sur le canal 9 et que,
pendant cette même période, un autre quartier de la ville jouit
d'une autre émission communautaire sur le canal 9 aussi, parce qu'il
sera possible d'utiliser le même canal pendant les mêmes heures
pour des émissions différentes dans différentes
localités de la ville, je pense qu'à ce moment-là on
pourrait intéresser des commerçants du quartier, qui, en somme,
ne font aucune publicité, ni à la radio ni à la
télévision, à participer à la publicité ou
au financement de ces émissions, parce que cela s'adresse vraiment
à leur quartier.
Par contre, dans un centre comme Victoria-ville ou Sherbrooke
prenons Sherbrooke, c'est peut-être un exemple plus patent on
aurait peut-être des problèmes à trouver des annonceurs qui
viendraient faire le complément de ce qui existe déjà
à la radio et à la télévision locales. Cette
publicité, pour des fins communautaires ou des fins de financement des
émissions locales et communautaires, pourrait s'avérer beaucoup
plus difficile à trouver.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Levasseur ou M. Poitras, à supposer
que l'Assemblée nationale décide de vous interdire l'accès
à la publicité, est-ce que vos entreprises de
câblodistribution pourraient se développer normalement comme
certains témoins l'ont prétendu ici, en nous disant que vos
revenus sont supérieurs à ceux des radiodiffuseurs?
M. POITRAS: Je voudrais peut-être relever le point que notre
revenu soit supérieur à celui des radiodiffuseurs.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne l'ai pas pris à mon compte, M.
Poitras; je vous le répète, vous l'avez d'ailleurs entendu.
M. POITRAS: Ce n'est pas le cas en ce qui nous concerne. Nous ne croyons
pas que ce soit le cas pour la grande majorité des 145 entreprises du
Québec. Nous sommes peut-être dans une situation
privilégiée par rapport à d'autres et, encore là,
il ne nous est pas possible de payer de dividendes actuellement. Je ne vois pas
que des compagnies beaucoup plus marginales que la nôtre, qui ont de
très petits réseaux, puissent être tellement rentables.
Si nous tenons compte des investissements à venir, c'est un
investissement qu'on appelle communément spéculatif, à
longue portée, où il faut que les investisseurs puissent attendre
pour pouvoir développer l'entreprise. C'est ce genre d'investissements
dont il est question à notre sens.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez parlé tout à l'heure,
je ne sais pas si c'est vous-même ou M. Levasseur, je pense que c'est M.
Levasseur, du câble comme tel, enfin des lignes de distribution. On a
parlé de 40 p.c. qui sont votre propriété, à
l'heure actuelle, le reste étant loué à des entreprises de
téléphone. Vous avez dit que vous vous proposiez dans l'avenir
d'être les propriétaires de ces lignes de distribution, si je
m'exprime correctement, en termes technologiques.
Est-ce que vous avez une idée approximative du coût que
cela peut représenter d'ici trois ou cinq ans?
M. LEVASSEUR: Du coût global?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Du coût global, oui.
M. LEVASSEUR: Disons qu'on vient de compiler notre plan de
développement pour les cinq prochaines années, dans notre
société. Nous parlons d'investissements, dans l'ensemble de nos
divisions, pour la reconstruction du système à 30 canaux, d'une
somme de $27 millions à $30 millions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De $30 millions. Sur une période de
combien d'années, avez-vous dit?
M. LEVASSEUR: Jusqu'en 1976.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Jusqu'en 1976.
M. LEVASSEUR: Oui. Fin de 1976. Dans ce montant-là,
naturellement, il faut comprendre qu'il n'y a pas seulement le câble
lui-même. Mais il y a tous les amplificateurs que l'on a montrés
là, qui sont des pièces assez dispendieuses. Il y a la tête
de ligne à refaire. Il y a tous ces investissements qui sont d'ordre
technique, qui sont compris dans ce montant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, au sujet des priorités, de
l'ordre des priorités que l'on retrouve à l'article 21, vous avez
exprimé certaines réserves que j'aimerais vous voir expliciter ou
préciser. C'est M. Poitras qui en a parlé. J'aimerais bien
savoir, de façon nette, ce qu'il concevrait comme aménagement de
cet article et qui correspondrait à ce que vous en attendez.
M. POITRAS: Vu que c'est une question de canaux ou de
possibilités, une question technique, je demanderais à Pierre de
répondre.
M. LEVASSEUR: Voici ce qui nous a toujours inquiétés dans
l'ordre des priorités. J'étais fort heureux d'entendre M. le
ministre commenter cette question ce matin. C'est que la régie puisse,
par le biais de l'article 21, demander aux sociétés de
câble d'accommoder, de façon immédiate, en donnant un seul
canal à Radio-Québec, un seul canal aux groupes communautaires,
un seul canal pour les fins de
diffusion locale et d'intérêt public et, suivant l'ordre,
les stations de Radio-Canada, les stations éloignées et,
finalement, les postes américains. Tout ce que l'on dit, jusqu'à
présent, dans notre argumentation, c'est que, malgré qu'il y a 80
p.c. des foyers du Québec qui ont accès au câble, la
pénétration n'est que de 20 p.c. ou 22 p.c.
Nous savons fort bien chez nous, par exemple, que notre
pénétration la plus élevée à Montréal
est dans les secteurs anglophones et, par la suite, dans les secteurs bilingues
de Montréal et, par la suite, encore, dans les secteurs
francophones.
Cela nous apparaît refléter la notion que ce n'est pas
encore considéré par tout le monde comme un service public, c'est
facultatif. Et c'est facultatif au point où les gens s'en servent comme
d'un outil de divertissement. La réglementation veut en faire, à
la base de la réglementation, il y a...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un outil de divertissement, qu'est-ce que vous
voulez dire exactement?
M. LEVASSEUR: Je pense que la plupart des gens qui ont l'abonnement au
câble le font pour les programmes en provenance des Etats-Unis ou en
provenance d'autres localités du Canada pour avoir une gamme de
divertissements possibles.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne parlez pas des émissions
communautaires.
M. LEVASSEUR: Non. Je parle au sens de la retransmission des signaux de
télévision conventionnelle.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, cela va.
M. LEVASSEUR: Si cela est considéré par ces gens-là
comme un outil de divertissement et qu'à la base du projet de
réglementation, on veuille faire de la câblodistribution un outil
de développement socio-économique et culturel au Québec,
on a déjà dit, au nom de l'association, on l'a dit comme
compagnie, je pense qu'on ne peut pas s'opposer à cet ordre de
priorités. Cela nous semble logique, nous qui opérons au
Québec. Toutefois, il existe dans le moment un vacuum, en termes de
software, que la réglementation vise à combler en partie en
donnant la publicité qui va permettre de faire des émissions
locales et communautaires. Mais je pense qu'il y a aussi un vacuum au niveau de
la production qui se fait dans les grands réseaux tels que
Télé-Métropole et Radio-Canada. C'est-à-dire qu'on
n'a pas le bassin de population ici pour supporter trois ou quatre
réseaux ou trois ou quatre systèmes de production pour faire, en
somme, un équilibre entre le nombre de possibilités qui existent
en langue anglaise et en langue française. Tout ce qu'on demande, nous,
c'est de nous donner le temps de bâtir 30 canaux, de façon que, si
l'on nous impose cette décision de donner un canal, que le software soit
là ou non, on puisse le faire sans se tuer dans le processus. En somme,
ce que l'on dit, c'est que, si c'est un outil de divertissement dans le moment,
si vous nous enlevez cela, on perd nos abonnés, on ne peut pas
développer le système de câble comme vous aimeriez qu'on le
développe et on va se retrouver tous les deux avec des objectifs qui ne
seront jamais atteints. Alors, on veut tout simplement que cette règle
de l'article 21 soit administrée dans le temps, tenant compte des
possibilités technologiques d'entreprise.
On pourrait dire, par exemple, que, dans le moment, nous
réussissons à faire de la programmation locale communautaire et
éducative sur un seul canal. L'an dernier, ici à Québec et
à Montréal, sur le canal 9, qui est notre canal, et le canal 11,
à Québec, on diffusait Radio-Québec, deux heures par jour.
On diffusait de la programmation communautaire, on faisait des émissions
locales. Cette année, à Québec en particulier, on a
décidé de demander d'appliquer la politique de ne pas doubler,
c'est-à-dire que le réseau 13 de Trois-Rivières diffuse,
entre 7 heures et 10 heures, les mêmes émissions qui sont au canal
11 de Québec, Radio-Canada; alors, on a demandé la permission de
faire sauter ces émissions pendant trois heures pour donner une option
de plus aux téléspectateurs. En somme, le
téléspectateur aura à Québec, cette année,
Radio-Canada, il aura Radio- Québec sur le 13, parce qu'on a
éliminé les émissions qui sont en double et, en plus de
cela, il y aura un canal communautaire. Alors, vraiment, je pense qu'on
commence à élargir la gamme. C'est l'objectif que vous
poursuivez, mais il faut, je pense, être flexible dans cette chose. Je
vous garantis que, quand j'ai dit à M. Audet l'autre jour que je lui
faisais sauter son 13 à Québec pendant trois heures, il
était un peu malheureux. Cela se comprend parce que sa publicité
s'adresse à Québec autant qu'à Trois-Rivières.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Levasseur, M. Poitras, je
comprends les réserves que vous pouviez avoir au sujet de l'article 21.
Vous êtes des distributeurs, des véhicules auxquels on va imposer
un ordre de priorité qui touche évidemment la programmation.
Quelle est votre réaction ou plutôt quel cas faites-vous de ce
qu'on appelle les émissions communautaires?
Je vous pose la question ici, ayant à l'esprit les normes de
qualité que devront respecter les émissions dites communautaires,
ce qui m'inquiète sérieusement, je n'hésite pas à
le dire publiquement, ici.
M. LEVASSEUR: Si vous permettez, ça peut prendre quelques
instants, mais j'aimerais relater un peu l'expérience que nous avons
avec la
programmation communautaire, parce que vous allez peut-être
entendre un autre son de cloche aujourd'hui sur le même sujet. Nous avons
pris la décision, dans notre société, d'encourager la
programmation communautaire en mettant le moins d'obstacles possible à
sa réalisation; ce qui, pour nous, voulait dire de donner un
accès quasi total aux installations physiques, studios et
équipements, et aussi de ne jamais s'ingérer dans les
contenus.
Par contre, nous avons cru qu'il était de notre
responsabilité de vérifier l'élément technique de
l'émission. En d'autres termes, nous nous réservions le droit de
ne pas diffuser une émission qui, selon nous, n'atteignait pas un
certain standard minimum, acceptable aux téléspectateurs.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Technique?
M. LEVASSEUR: De qualité technique, oui; l'image qui saute et des
choses comme cela. Nous avons adopté cette position avec une nuance,
cependant, et je pense qu'elle est importante puisqu'on discute de
publicité et de choses comme celles-là. La réalisation de
ces émissions ne serait jamais et ne devrait jamais être de la
qualité de celles de Radio-Canada, de
Télé-Métropole ou de Radio-Québec; ce qu'on appelle
broadcast quality. La raison en est bien simple, c'est que les
équipements que l'on peut mettre à la disposition, qui doivent
être financés par la compagnie, le personnel, etc., on doit les
prendre à même nos profits, sans y tirer un revenu. En passant,
j'aimerais vous citer des chiffres pour vous donner une idée de ce qu'on
a fait. Disons que depuis les trois dernières années nous avons
dépensé au-desssus d'un demi-million en programmation
communautaire et locale, en termes d'équipements et de
main-d'oeuvre.
Les expériences que nous avons vécues sont variées;
celle de Québec ne se compare pas à celle de Sherbrooke, par
exemple, et les deux sont différentes de celle de Montréal. La
programmation communautaire doit vraiment émaner du milieu et ressembler
au milieu. Pour nous, en tout cas, c'est chose acquise qu'elles seront
distinctes. L'expérience qu'on a connue a été de nous
pencher, cette année, sur les mesures que l'on devait prendre, à
l'intérieur de la société pour, disons,
accélérer le développement de la programmation
communautaire. Nous en sommes venus à la conclusion que peut-être
la meilleure chose que l'on pouvait faire pour la communauté,
c'était de mettre à sa disposition des conseillers qui pouvaient
lui faciliter la tâche dans la préparation d'une émission.
Trop souvent, on a des groupes communautaires qui arrivent à un poste de
télévision et qui s'imaginent qu'une émission se
réalise en un tourne-main. Je pense que ceux qui y ont
goûté réalisent que ça prend du temps et que
ça prend aussi une certaine formation.
Nous avons donc accru les effectifs dans ce sens et aussi les effectifs
à caractère technique, les techniciens de studio, de façon
que la qualité technique des émissions soit valable et qu'elle
puisse intéresser les citoyens. Cela ne donne rien de produire une
émission qui intéresse cinq personnes. Si vraiment la
programmation communautaire doit survivre, je pense qu'elle doit s'adresser
à son public et étendre ce public. J'ai l'impression que la
programmation communautaire pourrait être développée
davantage par des mesures concrètes de la part du ministère des
Communications. Ce n'est peut-être pas le lieu pour en parler mais, si
vous le voulez, j'aimerais dire un mot là-dessus.
Il me semble, par exemple, que comme on a un programme, dans notre
entreprise, pour former des techniciens à l'emploi, qui est un programme
du ministère fédéral de la main-d'oeuvre, qui fonctionne
à merveille, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas adopter une
formule semblable pour former les gens de la télévision
communautaire à en faire, de la télévision communautaire,
les former chez nous. Ils doivent, pour pouvoir faire de la
télévision communautaire, faire un stage chez nous avant de
pouvoir manier l'équipement, avant de pouvoir vraiment se lancer
là-dedans. Cette année, on a eu énormément de bris
d'équipement, par exemple, qui nous ont coûté une petite
fortune, parce qu'un gars ne sait pas comment attacher deux bouts de la
caméra ensemble.
Je pense que ce sont des mesures concrètes qui ne viennent en
rien, à mon sens, nuire aux groupes communautaires, sinon aider leur
cause.
Vous allez peut-être entendre un autre son de cloche tantôt
qui va vous dire que l'entreprise, en somme, met tous les bâtons dans les
roues pour réaliser cela et que la télévision
communautaire doit être l'affaire de la communauté sans que la
compagnie soit impliquée du tout. Personnellement, je ne pense pas que
ce soit la formule.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Le-vasseur. Je vous remercie de ces
précisions. J'ai dit tout à l'heure que les normes de
qualité, en ce qui concerne les émissions communautaires,
m'inquiètaient sérieusement. Ce n'est pas un jugement de valeur
que je porte, parce que l'expérience est jeune, mais je m'adresse ici au
ministre. Je m'imagine que le gouvernement prendra toute disposition pour que
ces émissions, qui doivent refléter les divers milieux,
respectent quand même des normes de qualité minimales.
Vous fournissez, messieurs, des services techniques. Vous êtes
disposés à en fournir d'autres. Nous nous en réjouissons,
mais j'imagine que, sous l'égide du ministère des Communications
il pourrait y avoir, entre le ministère des Communications,
vous-mêmes, les câblodistributeurs, et les organismes de
télévision communautaire, une conjugaison des efforts, afin que
ce qui est
transmis, ce qui est véhiculé soit de qualité en
même temps que le reflet des citoyens, de leurs problèmes, de
leurs préoccupations. J'ai vu certaines de ces émissions. Il y en
a, comme vous dites, de toute nature, mais je ne voudrais pas que ces
émissions communautaires s'engagent sur les avenues qu'ont
adoptées certains radiodiffuseurs et deviennent à toutes fins
utiles des lignes ouvertes qui, elles, sont une version moderne de la lettre
anonyme.
M. le Président, j'avais une dernière question au sujet de
l'article 32 que M. Poitras a commenté, mais la présentation
audio-visuelle m'a apporté des réponses. Le ministre a
posé des questions. Il s'agit d'un problème éminemment
technique que nous aurons l'occasion de discuter avec les entreprises de
téléphone, ce qui m'interdit pour l'instant de prendre parti
parce que je ne suis pas un expert et que j'aurais mauvaise grâce de
vouloir trancher une question que je ne maîtrise pas.
M. le Président, j'en ai fini.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de
Frontenac.
M. LATULIPPE: M. le Président, j'aimerais revenir, si vous le
voulez bien, à la définition première que vous avez
soutenue au départ. J'aimerais vous faire répéter quelle
distinction vous faites, au point de vue majeur, dans la définition
même de ce qu'est la câblodiffusion et de ce qu'est le
téléphone. J'aimerais également que vous repreniez ce
sujet ou que vous le développiez davantage. Vous avez dit tout à
l'heure qu'une personnalité dans la recherche avait, aux Etats-Unis,
fait des études là-dessus et que, en termes pratiques, elle en
est arrivée à des conclusions là-dessus. Si possible,
j'aimerais que vous liiez le tout avec cette notion de contenu et de
véhicule. Je pense que vous n'êtes pas sans ignorer, j'ai lu cela
dans le mémoire des sociétés de téléphone,
qu'on semble lier les entreprises de câblodiffusion essentiellement au
contenu. Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée dans ce
sens-là?
M. LEVASSEUR: Est-ce que je peux répondre à la
deuxième question pour la régler tout de suite?
L'expert qu'on a cité dans le rapport est le professeur Rostoff,
qui était le conseiller du président Johnson. Il a
présidé une commission d'enquête pour lui sur le
développement des communications aux Etats-Unis et en particulier sur
les aspects du câble et du téléphone. Ses conclusions ont
été à l'effet que c'étaient deux systèmes
qui devaient se développer en parallèle, tout en n'excluant pas
qu'à l'avenir il puisse y avoir une conjugaison des deux dans un
même instrument ou dans un même véhicule.
Pour le moment, selon lui, avec toute l'expertise qu'il avait
rassemblée autour de lui, il valait mieux que les deux types
d'entreprise se développent en parallèle. Cela, c'est le bonhom-
me qu'on a cité. Vous m'avez demandé de parler de la distinction
entre le câble et le téléphone.
M. LATULIPPE: C'est votre définition à vous qui nous
intéresse. Probablement que d'autres interlocuteurs auront d'autres
définitions.
M. LEVASSEUR: La définition qu'on a exprimée dans la
présentation audio-visuelle, en somme, part de la distinction
très nette entre une fonction à communication privée d'une
personne à une personne, en regard d'un processus de communication de
masse. C'est essentiellement la différence. Nous, on dit que le
téléphone, c'est un instrument qui en somme, vous permet et me
permet peut-être de communiquer entre nous à distance; bien
entendu, avec les moyens techniques, on peut faire un appel-conférence,
mais on ne parle pas du même processus de diffusion où on atteint
par le même appareil des milliers ou des millions de gens. La petite
illustration qu'on a faite dans la présentation audio-visuelle montre
une communication qui part du point A pour aller au point B, et inversement;
tandis que le câble, c'est une diffusion qui part d'un point central vers
un nombre total d'abonnés. Si on parle de communication bidirectionnelle
on l'a mentionné là-dedans il faudrait que
l'abonné communique avec le centre, qui serait probablement un
ordinateur par exemple, et cette diffusion serait faite au retour à
l'ensemble des abonnés.
On parle vraiment d'un processus d'invidu en regard du processus de
masse.
M. LATULIPPE: Même pour l'avenir, selon votre conception des
câbles coaxiaux, il n'est pas possible, à l'aide de cet
instrument, d'établir le contact de personne à personne.
M. LEVASSEUR: Je ne dis pas que ce n'est pas possible, parce que la
technique aujourd'hui franchit des pas de géant dans le temps de le
dire.
M. LATULIPPE: Dans la conception des techniques actuelles, est-ce que
c'est possible actuellement?
M. LEVASSEUR: Disons que c'est peut-être possible, mais ce ne
serait certainement pas économiquement rentable, à mon sens.
M. LATULIPPE: Cela ne se fait nulle part. M. LEVASSEUR: Cela ne se fait
nulle part...
M. LATULIPPE: Vous avez mentionné que les sociétés
de téléphone utilisaient les câbles coaxiaux. Est-ce que
c'est un regroupement, à ce moment-là, qui circule sur...
M. LEVASSEUR: Entre deux centrales.
M. LATULIPPE: ... entre deux terminaux. A ce moment-là, il n'est
pas question d'une communication, et les câbles coaxiaux actuellement ne
sont pas utilisés pour les communications de personne à
personne.
M. LEVASSEUR: A ma connaissance, les câbles coaxiaux de Bell
Canada ne pénètrent pas dans le domicile actuellement.
M. LATULIPPE: Comment vous définissez-vous par rapport au
véhicule et au contenu? Est-ce que vous êtes une entreprise qui,
essentiellement, dans l'avenir, veut se définir en fonction du contenu,
sans par exemple vouloir identifier les mémoires qu'on va étudier
dans l'avenir, soit les mémoires des compagnies de
téléphone.
M. LEVASSEUR: Oui. Partons de l'origine, si on veut, du système
de câble. Au départ, cela a été un outil de
transmission, d'acheminement de signaux. La première fonction, la raison
d'être des systèmes de câble, ç'a été
de capter des signaux que les gens ne pouvaient pas capter, pour les
retransmettre, pour leur donner plus de clarté, pour faire cette
fonction. Naturellement, lorsque la notion d'un territoire type, disons d'une
concession, est arrivée, parce que, au départ, il y avait
plusieurs systèmes de câble qui pouvaient se chevaucher dans un
même endroit, on a voulu donner à ce nouveau medium de
communication une responsabilité qui était celle qui
correspondait aux limites géographiques de son territoire. C'est pour
cela que chacun des câblodiffuseurs je ne dirais pas chacun
mais la plupart ont une fréquence de diffusion pour l'intérieur
de leur territoire. En somme, ce qui est arrivé à ce moment,
c'est qu'on nous a dit: Vous jouissez d'un grand circuit fermé, comme il
en existe dans un bâtiment, excepté qu'il s'étend dans une
région géographique. Vous allez servir la communauté
où vous avez vos câbles. Alors on est devenu, à cause de
cette obligation, plus qu'un véhicule. On est devenu aussi, si on veut
je n'ose pas dire des experts des pratiquants du contenu. La
réglementation qu'on nous propose aujourd'hui, nous donne une tout autre
dimension. Si par la publicité, on veut accélérer le
développement de la programmation locale et communautaire, et en faire
un software particulier, on devient drôlement impliqué dans le
contenu et pas simplement le véhicule.
En somme, ce que vous nous faites faire par cette réglementation,
c'est de nous faire passer de compagnie de transmission à compagnie de
communications.
M. LATULIPPE: Mais dans le passé, votre société n'a
jamais été identifiée, jamais reconnue comme étant
une entreprise dont le principal objet était le contenu.
M. LEVASSEUR: Je pense que, en somme, si vous regardez ce qui s'est
passé, jusqu'à présent, dans la juridiction
fédérale, on n'a jamais voulu nous mettre soit dans l'un ou soit
dans l'autre. C'est un hybride que notre affaire. On n'a jamais dit: Vous
êtes un common carrier et on n'a jamais dit vous êtes comme les
télédiffuseurs. On nous a toujours traités comme un parent
pauvre des deux parties, si on veut, coincé entre les deux. Les
sociétés de téléphone disent qu'on est un
véhicule. Mais allez donc demander aux sociétés de
téléphone de vous donner un réseau de micro-ondes à
un prix abordable. Vous allez voir que, comme véhicule, on n'a pas un
grand choix d'options. Parce qu'on ne peut pas nous-mêmes le construire,
ce fameux système de micro-ondes. La permission a été
donnée, au Canada, dans 11 cas ou 17 cas, à des régions
très éloignées et, la plupart du temps, à au moins
deux utilisateurs en commun. C'est donc qu'on ne nous reconnaît pas non
plus comme un véhicule proprement dit. C'est bien entendu que les
sociétés de téléphone voudraient nous caser dans le
contenu et dire: Nous, nous allons prendre toutes les responsabilités
pour le véhicule. Mais nous, comme société, à ce
moment-là, de contenu, on serait encore à la merci, comme on
l'est actuellement, des sociétés véhicules.
M. LATULIPPE: Disons que cela m'embête un peu parce que vous
êtes à la fois le contenu et le véhicule, d'après ce
que vous dites.
M. LEVASSEUR: Oui.
M. LATULIPPE: Est-ce que vous êtes en mesure, selon l'objet de
votre entreprise qui est relié essentiellement à vos revenus, de
dire que vous pouvez vous définir plus comme contenu que comme
véhicule ou plus comme véhicule que comme contenu?
M. LEVASSEUR: Non. Je pense que, dans le moment, si on veut être
réaliste, on est beaucoup plus un véhicule qu'un contenu. Si on
regarde les investissements dans l'infrastructure, dans une région
donnée, par rapport aux investissements que l'on fait en programmation,
c'est bien clair qu'on est des véhicules.
M. LATULIPPE: Etes-vous en mesure de faire un parallèle entre les
investissements, disons, qui sont destinés justement à faire du
contenu des investissements qui sont destinés...
M. LAVASSEUR: Dans l'avenir?
M. LATULIPPE: Dans l'avenir ou actuels?
M. LEVASSEUR: Bien, je pense que je viens de le dire. La majorité
de nos investissements, c'est clair vont dans les infrastructures dans le
moment, parce que notre raison d'être vient de là. Ecoutez, pour
exister, nous, il faut être capables de donner un signal convenable
à
l'abonné qui lui permette soit d'obtenir des signaux qu'il n'a
pas, soit d'obtenir un signal d'une qualité meilleure, par exemple avec
la télévision en couleur. Cela nécessite que notre
préoccupation majeure soit dans le domaine des infrastructures de
véhicule, de transport. La programmation, on en fait dans le moment
parce qu'on a une responsabilité claire, nette et précise d'en
faire, et on n'hésite pas à s'embarquer dedans. Maintenant,
à l'avenir, avec la nouvelle réglementation, cela peut changer
mais cela ne dérangera pas, je pense, la proportion majoritaire de nos
efforts qui va devoir aller à l'infrastructure.
M. LATULIPPE: Est-ce que je peux...
M. LEVASSEUR: Quand je parle de l'infrastructure, je voudrais qu'on soit
bien clair. Je ne parle pas que du câble. Il y a plus que cela pour
exploiter un système de câble. Il y a un paquet de techniciens qui
doivent être spécialisés. Malheureusement, on n'en forme
pas dans nos écoles au Québec donc, il faut les former
nous-mêmes. Il y a un paquet de ces techniciens qui sont
spécialisés en audio, en visuel, qui sont des techniciens
d'installation, de réparation, d'entretien, de tout de que vous voudrez.
Ce n'est pas juste poser un câble que faire fonctionner un système
de télédistribution. C'est pas mal plus complexe que
ça.
M. LATULIPPE: J'aurais une autre question. Vous avez mentionné,
dès le départ, que 60 p.c. de vos équipements
étaient loués.
M. LEVASSEUR: Oui.
M. LATULIPPE: Ou quelque chose comme ça. Pourquoi?
M. LEVASSEUR: 60 p.c. des câbles, excusez.
M. LATULIPPE: Des câbles.
M. LEVASSEUR: Encore une fois, je fais une nuance parce que 60 p.c. des
câbles appartiennent à Bell Canada, sont loués de Bell
Canada. Mais les amplificateurs que vous avez vus illustrés sont
à nous. Ils peuvent être loués de Bell Canada en certaines
occasions. La majeure partie des câbles sont à nous parce que
c'est nous qui devons les entretenir, etc.
M. LATULIPPE: Les câbles, cela représente quel pourcentage
des investissements.
M. LEVASSEUR: Le câble en soi...
M. LATULIPPE: En gros, comme partie d'infrastructure.
M. LEVASSEUR: On a fait une étude comparative sur la pose du
câble avec Bell Canada et nous, avec les pièces
d'équipement et sans pièce d'équipement. On a dit, par
exemple: si on pose 5,000 pieds de câble d'une telle sorte et 5,000 pieds
de câble d'une autre sorte, à combien cela nous revient-il?
Seulement pour vous donner une idée, la pose du câble, ce qui
inclut le câble et la main-d'oeuvre, est de $2,695 à peu
près et l'équipement est sensiblement la même chose.
M. LATULIPPE: Pour un mille? Pour 1,000 pieds?
M. POITRAS: 5,000 pieds.
M. LEVASSEUR: Pour 5,000 pieds de câble. C'est une
étude...
M. LATULIPPE: Donc, c'est 50-50. M. LEVASSEUR: A peu près,
oui
M. LATULIPPE: Pourquoi, prenons le cas de votre industrie, à
Montréal, n'avez-vous pas, dès le départ,
procédé à l'investissement dans les câbles?
Maintenant, sans vouloir avoir une multitude d'adaptations, vous voulez vous
lancer dans ce secteur pour avoir la propriété des câbles.
Pourquoi, dès le départ, ne l'avez-vous pas fait?
M. POITRAS: Cette société était
contrôlée par d'autres investisseurs, principalement des
investisseurs américains. Deuxièmement, nous n'avons pas eu
à prendre la décision, pour les premières installations,
il y a plus de deux ans. Le deuxième problème est qu'au
toutdébut les questions qui se posent aujourd'hui ne se posaient pas.
Aujourd'hui, la technologie a avancé, nous parlons d'avoir trente
canaux, nous parlons d'avoir autre chose que de la transmission de signaux sur
nos câbles et c'est là qu'arrive l'impact d'un contrat
limité par la compagnie de téléphone qui nous permettrait
de retransmettre des signaux sans avoir les antres usages. C'est pourquoi nous
installons nos câbles où nous pouvons avoir l'entier usage de
ceux-ci.
M. LATULIPPE: Quand même, je ne trouve pas ça clair. Au
départ, vous n'étiez pas propriétaires. Vous étiez
satisfaits. Aujourd'hui, parce qu'il y a de nouveaux marchés, vous tenez
à être propriétaires pour jouir des services multiples.
M. POITRAS: Je pense qu'il ne faut pas se méprendre. Au
départ, il faut vous rappeler que nous, nous n'avons pas de poteaux.
Dans la plupart des municipalités ils essaient de décourager
celles-ci de multiplier les poteaux. On a cherché, naturellement,
à utiliser les installations communes des points d'attache. On a
signé un contrat avec la société Bell Canada, comme la
plupart des câblodiffuseurs. Il y en a qui sont allés plus loin
que d'autres dans les
contrats qu'ils ont signés. Il y en a qui ont signé ce
qu'on appelle un total system où la compagnie bâtissait le
réseau en entier, les amplificateurs et tout, et administrait et
entretenait le réseau, et le télédistributeur, tout
simplement, recueillait l'abonnement et taisait un virement de fonds à
la société Bell Canada.
Nous avons opté pour un système partiel,
c'est-à-dire où le câble est la propriété de
la Bell Canada et nous nous chargeons de l'entretien parce qu'on
considère que c'est notre responsabilité. Si le signal est
mauvais chez l'abonné, il n'ira pas appeler Bell Canada. Il va nous
appeler. On considère que c'est important d'avoir cette
responsabilité. D'ailleurs, la réglementation prévoit des
mesures additionnelles au service qu'on donne actuellement pour s'assurer que
c'est ce que nous faisons envers le client.
On a signé ce contrat et disons que cela allait assez bien dans
le meilleur des mondes jusqu'au moment où, soudainement, on vient pour
signer un nouveau contrat. On nous dit: Ecoutez, comme il va y avoir d'autres
usages sur ce câble à un moment donné, comme le câble
nous appartient, il serait normal que vous limitiez vos usages à la
télévision telle qu'on la connaît aujourd'hui. Quand on
regarde le prix de location qu'on a payé pour ce câble cela
a été reconnu par la commission sénatoriale
d'enquête, on a cité ça l'autre jour à l'association
le fameux câble, on l'a payé quelques fois. Finalement,
nous ne sommes pas propriétaires du câble, donc on ne peut pas
montrer ça dans nos livres pour fins d'expansion, pour fins d'emprunt.
Deuxièmement, on ne peut pas en jouir à pleine capacité
parce qu'il y a cette clause dans le contrat. C'est bien simple qu'on a
refusé de signer le contrat. On a pris la décision de bâtir
nos câbles nous-mêmes.
Ne feriez-vous pas la même chose, vous, si vous aviez une
entreprise et qu'à un moment donné on vous dise: Dans votre
entreprise, vous allez vous limiter à faire ça et ça,
parce que moi, je suis propriétaire, je ne sais pas, du comptoir, de la
bâtisse ou quoi que ce soit, vous changeriez de bâtisse et ce ne
serait pas long.
M. LATULIPPE: Je ne porterai pas de jugement de valeur là-dessus.
J'aurais une question relativement à votre mémoire, mais je
l'adresserai au ministre parce qu'elle porte sur une règle
d'interprétation. On nous dit à l'avant-dernière page:
"L'article 32 oblige les câblodistributeurs à se servir des
installations des autres entreprises publiques sous le contrôle de la
régie. Cette clause est acceptable si le mot installations exclut les
câbles et les amplificateurs." Est-ce qu'effectivement, dans votre
esprit, cette clause exclut les câbles et les amplificateurs?
M. L'ALLIER: C'est-à-dire que, tel que rédigé, le
texte porte sur les installations. Techniquement, cela n'exclut pas les
câbles et les amplificateurs.
M. LATULIPPE: Cela comprend tout?
M. L'ALLIER: Cela comprend tout. Mais on a bien indiqué, au
début si, encore une fois, il faut le préciser, on le fera
- que le but de l'article 32 n'était pas, à ce moment-ci, compte
tenu des connaissances que nous avions, de limiter les entreprises de
câble au simple développement de la partie audio-visuelle ou
à la transmission audio-visuelle de leurs opérations. Cela n'est
pas le but de l'article 32. Maintenant, tel que rédigé, des
installations, ce n'est pas limitatif aux poteaux et aux installations
physiques, aux supports techniques.
M. LATULIPPE: Maintenant, M. le ministre, j'aurais une autre question
à vous poser. Si, effectivement, on maintient cette disposition et que,
comme semble le dire la compagnie National Cablevision, effectivement le
système de câble passe, pour une raison ou pour une autre,
technique ou autre, dans les mains des entreprises de
télécommunication, de téléphone, est-ce que vous ne
croyez pas que cela peut certainement causer un préjudice aux
entreprises de câble, qui se verront privées d'un certain
pourcentage d'investissements?
M. L'ALLIER: C'est-à-dire, M. le Président, que c'est la
position des entreprises de câble. Nous entendrons les
sociétés de téléphone vraisemblablement dire autre
chose. Il y a tout l'éventail, en définitive. Une grande
entreprise de câble comme National Cablevision n'est certainement pas
dans la même position, sur le plan du développement technologique
et du potentiel de développement technologique, que la compagnie qui a
300 abonnés ou 1,000 abonnés, par exemple. Cela peut se poser
différemment.
M. LATULIPPE: Moi, je place cela face aux investisseurs. Je pense
à la Caisse de dépôt qui a investi, semble-t-il, un montant
important dans cette entreprise-là. Elle y voyait certainement un
potentiel, puisqu'on nous dit que l'entreprise actuellement n'est pas rentable
pour quelques années, parce qu'on y prévoit des investissements
fort importants. Si on adopte une loi comme celle-là, est-ce que les
investisseurs comme la Caisse de dépôt ne se voient pas
lésés d'une certaine façon, puisqu'ils auront investi dans
une entreprise qui, en fin de compte, ne sera peut-être pas
propriétaire...
M. L'ALLIER: Le but fondamental de l'article 32, c'est d'éviter
des duplications qui sont, en définitive, supportées par le
consommateur. La compagnie de téléphone tire en grande partie ses
revenus d'abonnements, en très grande partie. La compagnie de
câble tire ses revenus d'abonnements aussi. Le but de l'article 32, c'est
de permettre, chaque fois que c'est possible, les interconnexions ou les
utilisations conjointes d'équipement, de sorte qu'en définitive
le consommateur paie une fois pour une chose qui sert le plus largement
possible. Ceci dit, on ne veut pas, par l'article 32, pour régler
un problème, en créer un égal ou plus grand qui est
celui de cantonner et de limiter, à ce moment-ci, les entreprises de
câble à une seule fonction qui est celle de la retransmission
d'émissions de télévision.
On a indiqué dans le mémoire qui a
été présenté, cela a été
souligné - les utilisations multiples possibles, extrêmement
variées du câble. C'est pour demain ou c'est pour dans dix ou dans
quinze ans? C'est assez difficile à évaluer; cela dépend
d'énormément de facteurs. Quant à nous, on n'est pas en
mesure actuellement, au niveau du gouvernement, de prendre une option
définitive en disant: Ce sont les sociétés de
téléphone qui vont développer l'ensemble de
l'infrastructure ou ce sont les sociétés de câble. On n'est
pas en mesure de dire cela et on ne l'a pas dit jusqu'ici. Alors, si la
rédaction de l'article 32 peut comporter ce genre de risque, nous allons
faire en sorte de le réviser pour maintenir l'objectif de la
non-duplication des équipements, compte tenu de la qualité du
service, qui doit être maintenue et augmentée.
Deuxièmement, nous ferons en sorte que les entreprises puissent se
développer et avoir un champ de développement normal à
l'intérieur du système de l'entreprise privée et de
concurrence...
M. LATULIPPE: M. le Président, j'aurais une dernière
question. J'aimerais l'adresser à M. Paris en tant qu'investisseur et
copropriétaire de cette entreprise. Est-ce que vous partagez cette
crainte ou avez-vous des appréhensions relativement à ce qu'il y
ait une partie de la propriété d'une entreprise qui soit
soustraite au profit d'une autre qui, peut-être, aura aussi des droits
légitimes là-dessus?
M. PARIS: En tant qu'investisseur, il n'y a pas de doute que le fait que
la compagnie de câblodistribution doive dépendre d'une autre
compagnie dans la possession d'équipement essentiel à la
poursuite de son activité, c'est un désavantage. Dans les faits
actuels, cela représente un désavantage à plusieurs points
de vue; d'abord, au point de vue du coût, il est assurément plus
dispendieux de louer nos installations de Bell Canada que de les installer
nous-mêmes. Cela crée des difficultés au point de vue
technique et de la coordination également.
Au point de vue de l'investisseur, cela amène d'autres
difficultés et cela réduit l'attrait du placement. Tout d'abord,
lorsque nous louons de l'équipement de Bell Canada, on doit payer cet
équipement, de toute façon. Même si on le paie je
parle en tant que membre de National Cablevision on ne peut pas en jouir
dans nos bilans, dans nos états financiers, de sorte qu'on fait un
déboursé sans qu'il apparaisse quoi que ce soit à l'actif.
Si nous possédions ces câbles, cela faciliterait les
possibilités d'emprunt pour le développement du réseau et
les investissements; on vous parlait, tantôt, de $27 millions, mais il
faut avoir des actifs, il faut avoir un revenu pour pouvoir emprunter des
sommes comme celle-là.
M. LATULIPPE: Moi, il y a une question qui m'intéresse. Je ne
veux pas changer de sujet. Effectivement, ayant su qu'une partie des actifs
aurait été soustraite de la compagnie, est-ce que la Caisse de
dépôt aurait quand même investi dans ce secteur
d'activités?
M.PARIS: La compagnie n'aurait pas eu la même valeur, on n'aurait
pas payé le même prix si...
M. LATULIPPE: Vous aviez su cela.
M. PARIS: Oui, c'est cela. L'autre aspect qui est encore plus important
que tous ceux que je viens de vous mentionner, ce sont les possibilités
de diversification, d'offrir de nouveaux services. Voici qu'avec cette nouvelle
clause que Bell Canada veut insérer dans les contrats, nous sommes
privés de la possibilité de diversifier notre activité.
Or, c'est précisément dans les nouveaux services que
réside l'attrait de cette entreprise. Immédiatement, vous
confinez l'activité des compagnies de câblodistribution à
celle qui existe présentement. Cela crée une anomalie dans le
système alors qu'une entreprise privée doit s'en remettre
à une autre entreprise privée pour choisir, pour
déterminer son avenir. C'est tout à fait anormal, je ne crois pas
que cela existe nulle part ailleurs.
M. LATULIPPE: J'aurais, M. le Président, une autre question qui a
été abordée par le député de Chicoutimi, la
question de la monopolisation. Est-ce que, dans l'industrie de la
câblodiffusion, il existe un enchevêtrement au niveau des bureaux
administratifs et de la copropriété de telle sorte qu'on se
retrouve effectivement avec très peu de propriétaires pour
l'ensemble de l'industrie québécoise?
M. PARIS: C'est une préoccupation...
M. LATULIPPE: Dans l'industrie de la câblodiffusion au
Québec, à votre connaissance.
M.PARIS: ... de National Cabledivision. Nous avons fait des acquisitions
d'entreprises tout récemment et c'est notre politique d'en faire. Dans
chaque cas, on prend bien soin de créer des entités corporatives
locales et d'y amener non seulement des représentants locaux, mais de
permettre une participation financière aux localités que nous
desservons de façon à refléter le milieu, à amener
une participation tant pour le bénéfice des gens concernés
que pour le bénéfice de National Cablevision.
M. LATULIPPE: Mais vous vous orientez toujours vers le contrôle de
ces compagnies?
M. PARIS: Certainement.
M. LATULIPPE: Dans ce sens-là, est-ce qu'on ne peut pas dire
également que les sociétés de câblodiffusion
s'orientent, elles aussi, vers une monopolisation, c'est-à-dire de moins
en moins de propriétaires dans cette industrie qui s'en vient de plus en
plus importante?
M. PARIS: Je ne pourrais pas vous répondre. Je pense que,
présentement, nous sommes encore dans la phase où on va assister
à une multiplication du nombre d'entreprises.
Bien que certaines entreprises, déjà, augmentent le nombre
de réseaux qu'elles possèdent, le nombre total d'entreprises de
câble est appelé à croître. Cette phase
d'évolution de l'industrie n'est pas terminée. Je ne saurais pas
vous dire si cela va durer encore deux ans, cinq ans ou dix ans.
Eventuellement, il est certain qu'il va y avoir un regroupement de ces
entreprises, un peu comme le cheminement de la téléphonie. Mais
on n'est pas rendu au point où le nombre d'entreprises va cesser de
croître.
M. LATULIPPE: Quand, dans votre exposé, vous parliez de 145
entreprises, est-ce que c'est avec 145 propriétaires
différents?
M. PARIS: Oui, c'est exact.
M. LATULIPPE: Des propriétaires différents. Est-ce que
vous êtes en mesure de nous faire une relation entre les investissements
du câble on nous a dit $50 millions pour 1971 -et les
investissements des entreprises de téléphone au Québec,
toutes proportions gardées, pour connaître la taille de l'un par
rapport à l'autre?
M. PARIS: Non, je ne suis pas en mesure de faire cela.
M. LATULIPPE: J'aurais une dernière question qui concerne le
communiqué qui nous a été remis par le ministre
relativement à la directive du CRTC, où on vous enjoint de faire
des modifications à vos installations pour supprimer des annonces
publicitaires dans certains secteurs. Vous les remplacez par quoi?
M. PARIS: En fait, vous relatez le communiqué, nous
interprétons le communiqué comme ne nous permettant pas de faire
de la réclame...
M. LATULIPPE: Publicitaire.
M. PARIS: ... publicitaire, mais d'utiliser cette période de
temps qui vient d'être créée pour des messages
d'intérêt général, d'intérêt local.
M. LATULIPPE: Cela veut dire quoi? Cela veut dire de la publicité
pour les bonnes oeuvres ou des choses comme ça?
M. PARIS: Oui, entre autres, on pourrait annoncer notre programmation,
par exemple. Je pense que notre directeur de programmation pourrait vous
répondre. De toute façon, on ne peut pas utiliser cela à
des fins lucratives.
M. LATULIPPE: Ah bon! Donc, l'interprétation que j'en avais
faite, d'une façon primaire, était fausse.
Alors, je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Lafontaine.
M. POITRAS: M. le Président, me permettez-vous, peut-être
pour compléter...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, M. Poitras.
M. POITRAS: ... la question de tout à l'heure sur la Caisse de
dépôt et placement? Pour un moment, je pourrais peut-être
dire en tant qu'investisseur, en tant qu'actionnaire, et aussi mon
collègue, M. Mercure, que la situation qui se pose pour la Caisse de
dépôt et placement en tant qu'investisseur se pose pour les autres
investisseurs, particulièrement ceux de notre type. Une loi, d'un type
ou d'un autre, affecte, d'une façon directe, les investissements ou la
qualité de l'investissement ou des montants qu'on peut juger à
propos d'investir dans un secteur ou dans un autre. Je voulais ajouter une
note...
M. LATULIPPE: Est-ce que cela veut dire, M. le Président, que
vous, vous prétendez perdre quelque chose? Etes-vous capable
d'évaluer ces pertes, en pourcentage ou en volume?
M. POITRAS: Pour ma part, je ne crois pas que nous soyons en position de
les évaluer, c'est certain. Mais il y a des restrictions de
marchés que cela peut apporter. Cela peut également apporter des
problèmes d'investissements. Certainement que des conseils
d'administration d'entreprises du type de celle que je représente en
tant qu'actionnaire se poseront la question: Est-ce qu'il ne serait pas mieux
de diversifier ailleurs plutôt que de continuer à investir pour un
placement qui est déjà spéculatif?
M. LATULIPPE: J'aurais une dernière question. Iriez-vous
jusqu'à dire que cela peut même compromettre l'existence de votre
entreprise comme telle et que, définitivement, vous allez abandonner,
disons, l'investissement dans ce secteur d'activité pour laisser la
place aux compagnies de téléphone que vous jugerez, à ce
moment-là, beaucoup plus en position que vous autres de le faire?
M. POITRAS: Je pense que cela pose la remise en question des
investissements et surtout la remise en question d'investissements
futurs. Il faut bien se souvenir que, lorsqu'il y a eu une
réglementation du gouvernement fédéral, du CRTC,
vis-à-vis de compagnies et de sociétés américaines,
il n'a pas été facile de trouver des investisseurs du
Québec pour acheter ces entreprises. Cela a été
très difficile et nous avons eu nous-mêmes des situations
d'espèce où il a fallu que, entre autres, la Caisse de
dépôt et placement et nous-mêmes y mettions davantage que ce
que nous aurions voulu faire. Alors, je pense que cette situation serait
susceptible d'être mise en cause, compte tenu bien entendu, de toutes les
situations d'espèce qu'on ne peut pas prévoir
immédiatement.
M. LATULIPPE: A l'article 5, on parle de 80 p.c. des
Québécois. Selon vous, ce serait une industrie, d'après ce
que je peux interpréter, qui ne serait plus à la portée
des Québécois. De toute façon, de la manière dont
vous dites cela, je crois comprendre que vous interprétez que
l'entreprise, va se retrouver dans de drôles de positions. On dit,
à une certaine place, qu'il faut que 80 p.c. des résidents soient
québécois. Les sociétés de téléphone,
d'une part, n'ont certainement pas cette restriction, à ma connaissance.
Et vous dites que vous ne serez plus intéressé à ce
secteur d'activité là. Donc, vous allez vous retirer. Comment
voulez-vous qu'on concilie tout cela? Cela veut donc dire que vous jugez que
cette industrie, si elle reste dans les conditions actuelles, ne vous
intéresse pas. D'autre part, vous ne voyez pas que ce soit possible pour
des Québécois d'aller investir là-dedans, de telle sorte
qu'on va se retrouver avec une loi qui n'atteindra pas les buts qu'on
s'était fixés.
M. POITRAS: Ecoutez, dans toutes ces questions, il s'agit
d'équilibrer nos appétits, nos désirs, les étapes
à mettre en oeuvre, ce que nous voulons faire pour notre milieu avec les
possibilités d 'investissements également de notre milieu. Il est
certain que, selon la rapidité, les contraintes et la liquidité
de placements, nous pouvons... Comme je l'ai mentionné plus tôt,
il y a d'autres contraintes gouvernementales, venant d 'autres
ministères, nous limitant à certains types de placements. Nous
croyons qu'une loi doit prévoir toutes ces contraintes et faire en sorte
que les deux se développent en même temps pour atteindre les buts
que le législateur recherche. Je pense que c'est cela que je voulais
dire. Est-ce que c'est clair?
M. LATULIPPE: Oui, c'est tellement clair que, disons, je ne sais pas
où j'en suis. De toute façon, je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, M. Paris.
M. PARIS: M. le Président, il faudrait peut-être rappeler
l'attitude de la caisse vis-à-vis de ce placement. Dans mon propos,
tantôt, je n'ai peut-être pas fait ressortir suffisamment le fait
que, lorsque la Caisse de dépôt a investi dans National
Cablevision, c'était un placement à caractère
spéculatif. L'entreprise National Cablevision n'avait pas de profits,
elle avait un déficit. National Cablevision a encore un déficit.
On ne s'attendait pas à avoir de dividendes, à tirer de revenus
de cette entreprise-là pour de nombreuses années. La raison qui
nous a amenés à nous y intéresser est que c'est une
entreprise qui se situait dans un secteur que nous croyions alors être
d'avenir et que cela répondait à un besoin, le service de
câblodistri-bution. Si l'entreprise de câblodistribution se voyait
privée de possibilités de développement, ce
placement-là devrait être qualifié de mauvais placement; ce
serait une erreur.
M. LATULIPPE: Je ne voudrais pas prendre tout le temps de la
commission.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Une dernière question. Une
dernière, dernière.
M. LATULIPPE: Disons que cela semble un peu en dehors de cela.
Vous n'avez été influencé d'aucune façon ni
par le ministre des Communications, ni par le premier ministre pour justement
vous orienter dans ce secteur d'activité? Il s'agissait simplement, pour
vous, d'un placement spéculatif et non d'une politique du
ministère des Communications qui visait justement à s'approprier
ce secteur d'une certaine façon, directement ou indirectement, pour
peut-être, mieux établir une politique québécoise ou
l'asseoir sur des bases un peu plus solides, sur quelque chose de palpable pour
l'avenir?
M. PARIS: Je suis parfaitement à l'aide pour vous répondre
que ce n'était absolument pas le cas.
M. LATULIPPE: Merci beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Première question au
député de Lafontaine.
M. LEGER: Merci. Vous venez de dire que vous pourriez être
privés des possibilités de développement. Parmi ces
articles de la réglementation qui vous amèneraient à
conclure cela, il y a l'article 32, je pense, qui est important.
D'un côté, le ministre nous a dit la raison pour laquelle
il voulait que tous les équipements soient du même endroit et
éviter la duplication des équipements. C'est sûr que cela
crée des problèmes dans des localités où il y
aurait deux câbles, deux sortes de poteaux etc.
Il y a des problèmes de ce côté. Il y a des
règlements municipaux et même pour l'environnement, ce n'est pas
encore tout rendu sous terre. De votre côté, l'argument qui me
frappe, c'est la question d'une valeur négociable si vous
êtes propriétaire de cet équipement-là. Quand
vous voulez enlever comme amendement à l'article 32 tout simplement la
partie du câble et de l'amplificateur, est-ce que cela veut dire par
là que vous prévoyez utiliser les poteaux? Ces poteaux
appartiennent pour la plupart à Bell Canada ou à l'Hydro. Est-ce
qu'il s'agit uniquement de l'Hydro ou de Bell Canada également?
M. LEVASSEUR: Les deux.
M. PARIS: II n'est pas question d'avoir une duplication de poteaux. Je
crois qu'il y a eu un système au Québec où le
câblodistributeur a décidé d'installer ses poteaux. Je
crois que c'est à Drummondville et cela date de plus de dix ou douze
ans. C'est au tout début de l'industrie. Si on parle de duplication de
poteaux, c'est tout à fait hors de question. Si on parle de duplication
de câbles, c'est encore hors de question. C'est un faux problème.
C'est soit nous qui allons installer le câble sur les poteaux de Bell
Canada ou c'est Bell Canada qui va installer le câble sur ses poteaux. Il
va toujours y avoir un fil.
M. LEGER: Vous voulez dire par là que le fil
téléphonique sera à l'intérieur du
câble...
M. PARIS: Absolument pas. Cet argument a été avancé
et l'expérience actuelle démontre que si jamais la
téléphonie devait se faire par câble coaxial, il y aurait
probablement deux câbles coaxiaux, un pour le téléphone et
un pour la câblodistribution et peut-être un autre pour d'autres
choses.
M. LEGER: De toute façon, il y aurait toujours deux
câbles.
M. PARIS: Parce que le téléphone est un système
tout à fait différent, comme on a essayé de l'illustrer,
où vous avez une multiplicité de communications qui peuvent
parvenir d'une multiplicité de sources pour aller à une
multiplicité d'autres sources alors que la câblodistribution est
un réseau qui a une source et qui se distribue partout dans le
système. Cela ne demande pas de "switching".
M. LEGER: C'est donc dire que, définitivement, il y aurait deux
câbles quand même. Un câble, comme vous le dites, qui
pourrait être celui de votre entreprise et l'autre qui est un fil
téléphonique, comme vous dites, ou un câble
téléphonique. De toute façon quel que soit...
M. PARIS: Je ne suis pas en mesure de vous donner une expertise. Mais
les experts avec qui j'ai eu l'occasion de parler me disent que c'est
extrêmement complexe. Ce serait presque aussi difficile que de vouloir se
servir du même fil pour l'électricité de
l'Hydro-Québec et le téléphone en même temps.
M. LEGER: L'autre raison que vous appor- tez est la location. Je me
rappelle un chiffre qui avait été mentionné à la
réunion de jeudi dernier où vous aviez donné un exemple
typique. Je pense que c'était six milles pas 6,000 pieds
de longueur de câble et vous aviez dit un chiffre qui m'avait
frappé. Vous aviez dit que si vous étiez obligés de le
louer cela coûterait environ $450,000 et que si vous étiez
obligés de le construire vous-mêmes ou de le fabriquer
vous-mêmes ou de l'installer vous-mêmes il serait votre
propriété cela vous coûterait environ $350,000. Il y
a $100,000 de différence entre l'installation par vous-mêmes et
celle par Bell Canada. A ce moment-là, il y a une différence de
$100,000 alors que vous n'achetez même pas l'équipement. Comment
se fait-il que Bell Canada vous louerait un équipement, qu'elle vous
chargerait le prix avec profit alors que vous ne seriez même pas
propriétaire? Je ne dis pas si elle est obligée de le construire
et qu'elle le loue. Qu'elle vous charge le coût net de la construction,
d'accord, mais qu'elle vous charge un montant de $100,000
supplémentaire? Il y aurait un profit alors que vous ne seriez
même pas propriétaire. Voulez-vous m'expliquer comment peut
arriver cette chose?
M. PARIS: Une chose qui est encore plus surprenante que cela, c'est que
même avec ses tarifs qui, pour nous, représentent un
excédent de coûts, il semble que Bell Canada ne puisse même
pas faire un profit avec ça.
M. LEGER: Comment se fait-il que vous pouvez le faire à meilleur
marché qu'elle?
M. PARIS: En fait il y a bien des entreprises qui peuvent faire des
soumissions. Si vous avez un travail de construction à faire faire et
que vous demandez des soumissions, vous allez en avoir à tous les
niveaux. De la façon que Bell Canada fonctionne, elle a une grosse
machine à faire fonctionner et j'imagine qu'elle a des frais fixes
à amortir qui sont plus considérables que ceux que nous on peut
en avoir et qu'elle a une machinerie plus lourde que la nôtre.
Je ne vous dis pas que, dans 25 ans, ça ne nous coûtera pas
aussi cher qu'à elle, mais, dans le moment, ce sont les faits. Bell
Canada serait peut-être en mesure de vous dire comment il se fait que
ça lui coûte si cher que cela.
M. LEGER: Si vous étiez le locateur de ces câbles, il y
avait des clauses qui vous empêchaient de réaliser toutes les
possibilités. Vous seriez limités dans l'utilisation de ce
câble qui serait loué. Si vous prenez vous-mêmes votre
câble et que vous utilisez les poteaux de Bell ou de l'Hydro, il y aurait
quand même, possiblement, des restrictions.
M. PARIS: II y a une redevance.
M. LEGER: II y a une redevance, mais est-ce qu'il pourrait y avoir aussi
des restrictions dans les clauses? Est-ce qu'il en a été
question, de
cela avec Bell, concernant les poteaux, à supposer qu'elle
accepterait que vous payiez vous-mêmes votre câble et que vous
l'installiez vous-mêmes?
M. PARIS: A ce moment-là, il n'y aurait pas de restriction. Les
seules restrictions sont des restrictions techniques; que le câble serve
à transmettre des signaux d'une certaine nature, c'est-à-dire des
signaux de radiophonie par opposition à du courant de 550 volts, par
exemple.
M. LEGER: De toute façon, je pense qu'il y a une audition autour
du 6 novembre où vont ressortir ces problèmes et où ils
pourraient être tranchés. Même si c'est tranché, il y
a quand même une des parties qui ne relève pas, actuellement, du
Québec. Est-ce qu'il n'y a pas un obstacle, réellement? Est-ce
que vous n'êtes pas devant un mur, actuellement, avec cette
situation?
M. LEVASSEUR: On est devant un mur, certain. C'est pour cela que j'ai
dit tantôt à la commission qu'on avait décidé de
construire nous-mêmes notre câble. Ecoutez, l'an dernier, à
Montréal, il y avait 8 p.c. de notre territoire qui n'était pas
câblé. C'est par pochette; on appelle ainsi les petits endroits,
des pochettes. On a fait 32 demandes à Bell Canada pour installer le
câble dans ces pochettes et elles ont toutes été
refusées. Devant une telle situation, quand on a des obligations
à honorer face aux différents paliers de gouvernement et quand on
a des obligations face à notre clientèle, c'est bien clair qu'on
a intérêt, nous, à amener le service le plus rapidement
possible. A ce moment-là, il n'y a pas d'autre choix que de passer par
l'Hydro-Québec.
Vous parliez, tantôt, d'autres restrictions sur l'utilisation des
poteaux. Je pense que les autres restrictions sont normales,
c'est-à-dire les restrictions de distance qui doit exister entre le
câble coaxial pour les fins de télévision, le câble
de téléphone et le câble de l'Hydro-Québec. Cela
fait partie du guide administratif du contrat des poteaux détenus en
commun par Bell et l'Hydro-Québec, que j'ai mentionné tout
à l'heure. Cela, c'est normal; ce sont des restrictions normales.
M. LEGER: Tantôt, vous parliez d'un investissement de $27
millions. Cela, c'est un investissement, si vous posez et possédez votre
câble, je pense. Si c'est une location, est-ce que l'investissement est
le même ou beaucoup moindre?
M. LEVASSEUR: II peut être moindre au point de départ,
mais, comme je l'ai dit déjà en deux occasions, quand on aura
fait cinq ans, on va l'avoir payé, ce montant de $27 millions, de toute
façon. Pour nous, c'est le même montant, ce n'est pas grave.
M. LEGER: De toute façon, sur ce point-là, notre position
a été dite au début. Je ne pense pas qu'on doive toucher
à cet article-là avant que la régie ait eu l'occasion
d'entendre les parties et de démêler, peut-être, une partie
de ces problèmes-là. Dans ce projet de loi, est-ce la partie la
plus importante, celle qui vous cause le plus d'ennuis, concernant les
possibilités de développement, ou si c'est, en proportion, la
question des 80 p.c. de résidents québécois? Je pense que
vous en avez 60 p.c, actuellement. Est-ce que vous êtes réellement
sérieux je sais que vous voulez avoir le moins de contraintes
possible est-ce que cela peut être un élément de
poids pour les possibilités de développement d'avoir 20 p.c. de
plus de personnes résidant au Québec?
M. POITRAS: Je vais dans l'affirmative, nettement.
M. PARIS: II y a un aspect à cela, c'est que, dans le moment, il
n'y a pas de restriction sur la propriété. On veut amener une
restriction, avec des objectifs que l'on atteint avec 80 p.c, il n'y a pas
d'erreur. Mais ces mêmes objectifs, je pense qu'on peut les atteindre
avec beaucoup moins que cela. C'est sûr qu'on fait du tort aux
entreprises de câblodistribution en leur imposant une telle restriction,
parce que vous limitez nécessairement le marché des titres
qu'elles pourraient émettre. Or, si la réglementation stipulait,
par exemple, plus de 50 p.c. ou la majorité, je pense qu'on atteindrait
les mêmes buts.
Si le besoin est, il sera toujours possible plus tard d'augmenter ce
chiffre. Par contre, si on adopte 80 p.c. immédiatement, on fait un tort
qu'on ne pourra pas réparer plus tard.
M. LEGER: Est-ce que la Caisse de dépôt, actuellement, si
je me rappelle bien, est à un maximum de possibilités
d'investissement? Je pense...
M. PARIS: Présentement, à 30 p.c, c'est le maximum qu'il
nous est autorisé de détenir dans une compagnie.
M. LEGER: Ce règlement, est-ce un règlement
fédéral ou provincial?
M. PARIS: C'est la charte de la Caisse de dépôt.
M. LEGER: D'accord. La dernière question que je vais vous poser,
c'est concernant les entreprises parallèles, c'est-à-dire des
entreprises dans le domaine du cinéma, de la télévision,
etc., qui ne devraient pas être propriétaires dans le domaine du
câble. Je posais la question tantôt à M. Beaubien. Vous
aviez apporté, jeudi dernier l'argument que c'était vous priver
du know how de la connaissance, des techniques dans un domaine connexe. Est-ce
que cela ne
peut pas quand même atteindre le même but, par des contrats
ou des locations de services de ces groupes qui peuvent participer plutôt
que leur donner des actions dans l'entreprise?
M. PARIS: Cela limite la possibilité pour la compagnie de
développer des associations d'affaires, de diversifier ou de prendre des
intérêts dans des secteurs connexes. Dans un secteur nouveau comme
la câblodistribution, il y a bien des secteurs connexes qui, dans
l'avenir, peuvent devenir d'une importance capitale pour l'exercice des
affaires de National Cablevision. Or, si, dès le départ, on s'en
prive, on ne sait pas exactement de quoi on se prive, mais on sait qu'on ferme
la porte à un potentiel. Il y a un aspect dans les entreprises
parallèles, à l'article 6, qui me chicotte, en tant que
représentant de la Caisse de dépôt. Il y a deux parties
à cet article. C'est celui où l'on empêche les compagnies,
les entreprises de presse, de téléphone, de
télégraphe ou de radio d'exploiter une entreprise de câble.
On ajoute à cela: Et à toute entreprise ou personne
reliées à l'une d'elles, par participation financière ou
autrement. L'interprétation strict de cet article empêcherait la
Caisse de dépôt de détenir des actions dans National
Cablevision, tout simplement. La Caisse de dépôt possède un
portefeuille d'actions très diversifié et nous détenons
des actions dans des compagnies de téléphone, de presse, dans une
foule de ces entreprises. Dans certains cas, si je traduis bien ceux de
personnes reliées comme étant des insiders au sens de la Loi des
valeurs mobilières, c'est-à-dire qui possèdent 10 p.c. ou
plus, cela nous exclut. Il y aurait peut-être lieu, il y aurait
sûrement lieu de regarder cet article et de peut-être le modifier
pour permettre ce genre d'exception qui s'applique d'ailleurs aux compagnies
d'assurance qui sont également actionnaires et qui détiennent des
portefeuilles diversifiés.
M. LEGER: Le domaine de la publicité, actuellement, telle qu'elle
est proposée, est-ce que vous l'acceptez cet article? La
possibilité de vendre de la publicité?
M. PARIS: En fait, je partage les opinions qui vous ont
été émises, mais il y a un aspect qui n'a pas
été soulevé. C'est que, pour nous aussi, la
câblodistribution peut se développer normalement. On peut
prévoir que dans un avenir plus ou moins rapproché elle va
évoluer un peu comme les entreprises de publication ont
évolué. On a vu des publications d'intérêt
général perdre la faveur du public et on a vu l'émergence
d'une multitude de publications spécialisées. Il est tout
probable que dans la câblodistribution on va assister à un
même phénomène. Je peux très bien concevoir, par
exemple, que les médecins et les avocats puissent avoir des programmes
hautement spécialisés au sein desquels il serait tout à
fait normal, opportun et souhaitable qu'il y ait de la publicité encore
spécialisée. Je pense aux dentistes, par exemple.
Si vous avez une émission hebdomadaire de recyclage pour les
dentistes, je ne vois pas pourquoi une compagnie qui fabriquerait des
adhésifs pour fixer des couronnes ne pourrait pas avoir des commerciaux
à ces programmes-là. Or, la réglementation actuelle
empêcherait ce genre de publicité qui ne serait pas de la
publicité locale. C'est un cas bien spécifique et le
problème va se poser dans l'avenir.
M. LEGER: Mais, dans l'ensemble, est-ce que vous êtes du
même avis que les gens de la radio et de la télévision qui
disaient tantôt que s'ils sont obligés de diviser le champ de
publicité, avec la câblodistribution, chacun va y perdre? Est-ce
que vous êtes du même avis ou si vous croyez qu'il y a suffisamment
de possibilité...
M. PARIS: J'aimerais pouvoir vous répondre mais je n'ai pas
d'expertise dans ce domaine-là.
M. LEGER: Mais vous ne refusez pas, quand même, la
possibilité d'avoir de la publicité sur votre...
M. PARIS: Si nous avions la publicité, immédiatement, je
ne pense pas que cela créerait beaucoup d 'impact sur les revenus, parce
que, tout de même, les programmes au sein desquels on nous permet
d'insérer de la publicité ont une cote d'écoute
très minime pour ne pas dire infime, et, comme vous le savez, la
publicité est en fonction de la cote d'écoute. Alors, je ne pense
pas qu'à ce moment-ci cela puisse avoir une grosse influence. Dans
l'avenir, cela aura sûrement une influence.
M. LEGER: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de
l'Assomption.
M. PERREAULT: Voici la question que je voudrais vous poser. Je vois ici,
dans le rapport, que vous avez 36,300 abonnés...
M.PARIS: 170...
M. PERREAULT: Alors, cela représente une possibilité de
combien de foyers qui pourraient avoir le câble, dans le territoire?
M. LEVASSEUR: A Montréal, la pénétration moyenne de
notre système dans l'ensemble de la ville de Montréal est
d'à peu près 27 p.c. C'est-à-dire que sur un potentiel do
500,000 maisons ou 450,000 maisons, il y en a 27 p.c. qui prennent le
câble.
M. PERREAULT: Ma deuxième question: Je regarde le territoire que
vous couvrez dans le moment, je crois que vous couvrez surtout la
partie centre-est, la partie du boulevard Saint-Laurent jusqu'à
la ville d'Anjou. Quelles sont vos prévisions d'expansion à l'est
de ce territoire?
M. LEVASSEUR: La partie de l'extrémité est de l'île
doit être construite en 1974.
M. PERREAULT: L'an prochain.
M. LEVASSEUR: II y a 8,000 foyers qui n'ont pas le câble et
où on a l'intention d'en mettre.
M. PERREAULT: Ma troisième question est celle-ci, j'avais
posé la question à Cable TV l'autre jour, je vous pose la
même question: Est-ce que vous avez des ratings, des cotes
d'écoute à votre canal communautaire no 9?
M. LEVASSEUR: Non, monsieur.
M. PERREAULT: Je vais vous poser la question que j'ai posée ce
matin à M. de Gaspé Beaubien. Dans l'hypothèse où
vous auriez de la publicité permise, est-ce que vous seriez prêts
à consacrer ces revenus exclusivement au secteur de la
programmation?
M. LEVASSEUR: Cela dépend comment on définit la
programmation. S'il s'agit de programmation locale et communautaire et
d'intérêt public, je pense qu'on n'aurait aucune objection si les
revenus nous proviennent de cela. Il serait normal qu'ils y retournent en
termes de politique administrative.
M. PERREAULT: Vous avez mentionné, tout à l'heure, dans
votre exposé...
M. LEVASSEUR: Excusez-moi, mais cela ne veut pas dire qu'on limiterait
les fonds à seulement ceux qui nous viennent de la
publicité...
M. PERREAULT: Non, non.
M. LEVASSEUR: ... parce que, comme je l'ai dit tantôt,
déjà on dépense de l'argent sans avoir de revenus.
M. PERREAULT: C'est ça. L'assurance que je veux avoir, c'est que
vous seriez prêts non pas à mettre cela dans l'installation...
M. LEVASSEUR: Non, non. D'ailleurs, pendant qu'on y est, sur la question
de la publicité et de la production, je pense que le fait d'avoir droit
à la publicité et de nous amener dans les contenus
nécessiterait, à l'intérieur de notre propre entreprise,
une nouvelle dimension humaine que l'on n'a pas actuellement. Alors, il y
aurait tous les gens qu'il faudrait recruter et former pour ce secteur.
M. PERREAULT: Dans votre rapport, tout à l'heure, sur les
émissions communautaires, vous avez dit que vous passiez le contenu sans
droit de regard, sans examiner rien. Y a-t-il un droit de regard quelque part
et qui l'exerce?
M. LEVASSEUR: En fait, d'après les directives du CRTC, ou
l'énoncé de politique du CRTC plutôt, il est dit que le
câblodiffuseur a la responsabilité ultime de ce qui passe sur les
ondes. On a même la responsabilité légale de ce qui passe
sur les ondes. Alors, on a eu de nombreux débats, à
l'intérieur du conseil d'administration, sur cette question, à
savoir si on devait exercer un contrôle, étant donné qu'on
avait une responsabilité légale. Personnellement, j'ai toujours
cru, en tant qu'individu, qu'il y avait un nivellement qui se faisait dans la
société et que si un groupe communautaire allait trop loin lors
d'une émission communautaire, il y aurait un autre groupe qui lui
répondrait de façon quelconque. Je pense que l'expérience,
jusqu'à présent en tout cas, dans les groupes communautaires,
tend à prouver cette hypothèse.
M. PERREAULT: Maintenant, qui détermine la
représentativité de ces groupes communautaires?
M. LEVASSEUR: Cela, c'est un problème majeur. Je suis content que
vous abordiez ce sujet parce que cela me fatigue. En fait, pour le
câblodistributeur, c'est un fichu problème quand on nous dit: Vous
donnerez un canal à des fins communautaires. Parce que, pour nous, la
communauté, c'est autant vous que moi, que n'importe quel groupe
structuré.
M. PERREAULT: C'est ça.
M. LEVASSEUR: Dans certaines localités, cela marche d'une
façon différente d'autres localités. Prenons le cas de
Sherbrooke. Il y a des associations, dans Sherbrooke, qui se sont
réunies disons dans un comité plénier, qui se sont
donné comme nom "Intermédia" que vous allez entendre
tantôt. Eux, ils ont revendiqué, au nom de ces associations et de
toutes les associations qui ne font pas partie d'Intermédia,
l'appellation de "communauté". En somme, ils se sont dits capables de
représenter les intérêts de tout le monde. Notre position,
dans un cas comme celui-là, a été de dire: Bien, on est
prêt à tenter l'expérience mais nous, notre
responsabilité, c'est de voir à ce qu'il y ait un
équilibre dans la programmation. S'il y a trop de communautaires du
même type, un peu comme M. Tremblay mentionnait tantôt, des "hot
lines", il faudrait voir d'autres formules qui diversifieraient la
programmation communautaire, et si besoin est, faire appel à des groupes
qui ne sont pas membres de cette communauté.
M. PERREAULT: Dans le moment, à Montréal, comment cela se
passe-t-il? Vous avez parlé de Sherbrooke. Mais à
Montréal, comment cela se passe-t-il?
M. LEVASSEUR: A Montréal, c'est beaucoup plus fractionné.
Il y a une multitude de groupes. Il y en a dont on n'entend pas parler et qui
font un bien immense.
Il y en a d'autres, dont on entend parler énormément, tout
le temps. D faut essayer d'accommoder tous et chacun. Je vais vous donner un
exemple concret de Montréal. On fait beaucoup, nous autres, à
Montréal, d'émissions ethniques, parce qu'il y a quand même
des groupes ethniques importants.
Avant que j'arrive, il y avait un groupe ethnique qui avait le monopole
des ondes, chez les Grecs. Moi, il me semblait qu'il était bon qu'on ait
l'autre côté de la médaille. Il devait certainement y avoir
d'autres Grecs dans la communauté qui n'étaient pas pour le
régime du général, là-bas, qui étaient
peut-être pour la royauté ou... Prenons cela comme exemple. On est
intervenu dans ce domaine, en disant: On va donner un temps égal
à un autre groupe, disons à la contrepartie. Vous pouvez vous
imaginer la bataille qui en a résulté.
C'est toujours un problème pour nous, parce qu'on n'est pas plus
spécialistes là-dedans, à décider qui a le droit de
parole et qui est la communauté que, je pense, les groupes
communautaires eux-mêmes. Il y a deux théories ici, qui
s'affrontent. Il y a la théorie d'un mouvement communautaire; il y a la
théorie de la participation de la communauté et il y a la
théorie du pouvoir de la communauté.
Moi, dans mon entreprise, en tout cas, je suis souvent aux prises avec
celui du pouvoir de la communauté plutôt qu'avec celui de la
participation de la communauté.
M. PERREAULT: Ma question suivante est celle-ci: Quelle est, en
pourcentage, par rapport à vos revenus, l'allocation attribuée
à votre budget de recherche, tant au point de vue de
l'équipement, de l'appareillage qu'au point de vue de la
programmation?
M. LEVASSEUR: Jusqu'à maintenant, disons jusqu'en 1972, il n'y a
pas eu d'allocation pour la recherche, parce que les revenus ne le permettaient
pas. En 1972, on a commencé à faire des investissements dans la
recherche, pour mettre un chiffre global, ils sont d'environ, $100,000. De 1973
à 1976, en fonction des nouveaux services qui vont se développer,
c'est-à-dire que 1976, coincide avec la date à laquelle on pense
avoir le réseau complet à trente canaux, c'est clair qu'il va
falloir investir des sommes beaucoup plus considérables. Cela peut
aller, dans la première année, tout au moins, en 73/7 4,
jusqu'à un demi-million et peut-être un peu plus, un peu plus
tard.
Pour nous, ce sont des investissements stratégiques à long
terme; ce sont des investissements qui, comme l'équipement d'ailleurs
à trente canaux, sont des investissements dont on va
récupérer, à un moment donné, dans cinq ans, dix
ans, l'argent qu'on va placer dedans.
M. PERREAULT: Mais tous ces montants que vous mentionnez, doivent
être versés exclusivement à la recherche et à
l'appareillage?
M. LEVASSEUR: Non, quand je dis qu'en 73/74 on va passer à un
demi-million, je dirais que là-dessus, du côté technique,
on pourrait prendre les trois cinquièmes, $300,000 ou $200,000 en
ressources humaines additionnelles pour développer des concepts
nouveaux, des choses comme cela, qui sont, en somme, des ressources humaines
qui ne rapportent rien pour deux ou trois ans.
M. PERREAULT: Si on parle de l'an dernier, parce que c'est une situation
qui change très rapidement, quel pourcentage a été
alloué à votre budget de programmation?
M. LEVASSEUR: On se base sur tant par client, plutôt que sur un
budget total. Cela varie d'un centre à l'autre. Vous comprendrez, par
exemple, qu'avec le nombre d'abonnés qu'on a à Montréal,
le coût par client est pas mal moindre qu'il peut l'être à
Québec ou à Sherbrooke. Pour vous donner une idée,
à Québec, on a dépensé $6.50 par client en termes
d'installation et d'opération du studio, tenant compte naturellement,
que la programmation se fait par des groupes communautaires.
Il faut dire que les investissements que l'on fait là-dedans, ont
été en somme, pour se doter d'une installation physique, un
studio, et de quelques personnes ressources techniques pour manipuler
l'équipement et ces choses-là. Jusqu'à maintenant, cela
s'est limité à ça.
M. PERREAULT: Vous avez mentionné dans votre rapport et M.
Poitras, au début, l'a mentionné que la raison
d'être, au départ, de l'entreprise de la câblodiffusion
était la partie de l'installation. Dans votre rapport, vous semblez
maintenir que cela va demeurer cela. Dans l'avenir, est-ce que vous avez
envisagé de devenir plutôt des télédiffuseurs? Vous
avez une situation hybride. A un moment donné, peut-être qu'il va
falloir vous brancher.
M. POITRAS: Je pense, d'une part, qu'on aura toujours à
retransmettre un signal. Lorsque nous aurons trente canaux à notre
disposition, il y a peut-être, par exemple, un canal pour
émissions locales, un canal pour émissions communautaires, un
autre pour fins éducationnelles etc., ce qui demande des organisations,
des studios, aussi bien qu'un canal spécialisé pour certaines
techniques professionnelles. Je pense qu'avec cette orientation de la
régie il y a une vocation qui se dessine davantage.
M. PERREAULT: On peut dire qu'une fois ce stade atteint votre raison
d'être serait autant télédiffuseurs que...
M. LEVASSEUR: Je suis en train de me
poser une question, parce que votre question a été
posée par plusieurs personnes et, moi, cela me fascine qu'elle revienne
toujours: Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour laquelle vous voulez
nous caser dans l'un ou dans l'autre?
M. PERREAULT: Pas spécialement. J'en viens à ma question
suivante, c'est que vous avez adopté sans coup férir,
péremptoirement, le rapport Rostoff américain, qui s'applique
à des populations différentes, à des territoires
différents, à des densités différentes, et qui date
déjà de plus de sept ou huit ans. La technologie a fait de grands
pas depuis ce temps et vous l'appliquez ici comme vérité
d'Evangile aujourd'hui.
M. LEVASSEUR: Je m'excuse, mais, au début de mon
témoignage tout à l'heure, quand le ministre m'a demandé
si on fermait la porte à ce qu'un jour un seul câble fournisse les
deux fonctions, j'ai répondu là-dessus que nous étions
ouverts à la technologie. Ce que j'ai dit, toutefois, c'est que je ne
vois pas pourquoi on favoriserait une entreprise au détriment d'une
autre à ce moment-ci de la technologie.
M. PERREAULT: Je suis d'accord là-dessus, mais pas pour affirmer
que deux systèmes doivent continuer d'exister séparément
dans l'avenir, comme cela ressort de votre présentation; c'est forcer
les choses.
M. LEVASSEUR: Nous, on croit qu'il va exister deux systèmes
parallèles, mais cela ne veut pas dire qu'on se ferme les horizons
à tout jamais.
M. PERREAULT: J'arrive justement à ce que mentionnait M. Paris,
soit la complexité. Il la comparait à la transmission
électronique.
Certains experts ont dit cela. Je lui conseillerais de consulter
d'autres experts mieux que ceux qu'il a consultés.
A l'article 32, vous avez endossé le mémoire de l'ACTC et
National Cablevision endosse le même mémoire. Vous enlevez
à la régie et seulement à la requête de l'entreprise
publique de câblodistribution... Est-ce qu'il ne serait pas plus
avantageux de dire simplement que la régie peut, au lieu de doit,
étudier s'il doit y avoir un système parallèle ou non? Le
ministre l'a exprimé tout à l'heure, mais j'aimerais vous
entendre parler là-dessus. Le ministre a exprimé son idée,
vous n'avez pas exprimé la vôtre. Mais je crois qu'en soustrayant
toute la câblovision, le câble, comme vous le faites dans
l'article, vous enlevez à la régie le rôle de
déterminer les coûts d'utilisation pour l'usager.
M. LEVASSEUR: Je pense qu'on va s'entendre une fois pour toutes
là-dessus. Notre intention n'est pas de revendiquer quelque chose, un
monopole et de vouloir en exclure d'autres. Ce qu'on demande, c'est de ne pas
forcer la régie, comme l'article le dit dans le moment, à
trancher le débat en faveur de l'un ou l'autre. Dans ce cas-là,
c'est préférablement l'un, les sociétés
d'utilités publiques, parce qu'elles ont déjà les
infrastructures, les poteaux, etc. On pourrait nous dire: La régie devra
entendre les parties dans l'intérêt du citoyen, tenant compte de
la préoccupation de l'esthétique, des coûts, etc. pour en
arriver à une décision. Ce n'est pas la première fois
qu'on vit avec des tribunaux. On va aller devant le tribunal, on va faire nos
revendications, on espère qu'on va nous entendre, mais on ne voudrait
pas que le débat soit tranché d'avance. Si les
sociétés de téléphone, par exemple, prouvent
à la régie et nous prouvent à nous aussi qu'un seul
câble peut remplir les mêmes fonctions, je pense que la
régie, dans l'intérêt du public, devra décider de
quelle façon procéder à cette chose-là. Mais, dans
notre cas, dans le moment, compte tenu de toutes les préoccupations dont
mes actionnaires vous ont entretenus, l'article 32 nous semble favoriser une
industrie au départ contre une autre. C'est la seule chose qu'on veut
noter, c'est qu'on a des indications, ou du moins notre perception de la chose,
c'est qu'on devrait se développer parallèlement à moins
qu'une invention puisse nous permettre de le faire autrement.
M. PERREAULT: Je suis content de vous l'entendre dire parce que, dans
votre mémoire, ce n'est pas la même présentation
écrite que la présentation verbale que vous faites.
Vous excluez, au départ, toute l'installation de câble dans
l'article 32.
M. LEVASSEUR: Je vous dis que, conformément à ce qu'on
connaît aujourd'hui, on n'est pas intéressé à faire
autre chose que détenir la propriété du câble. Si on
nous force par une régie publique à le faire, parce que c'est
logique de le faire et que c'est au bénéfice du citoyen, on
jugera en conséquence.
M. PERREAULT: C'est cela. Alors, l'article devrait permettre à la
régie de décider, après audience, quel est
l'intérêt de l'usager, pour rendre sa décision. Je vous
remercie.
M. BACON: M. le Président, une courte question.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Trois-Rivières avec une courte question.
M. BACON: M. Paris, dans la question des 80 p.c, votre opposition
tantôt, si je l'ai bien perçue, c'est qu'en fait, dans votre
structure de capital-actions, vous trouvez que 20 p.c, cela ne laisse pas assez
de marge de manoeuvre pour comment dirais-je? diffuser votre
capital dans des compagnies qui pourraient vous aider ou qui pourraient
être un complément à la vôtre? Est-ce cela que vous
avez voulu exprimer?
M. PARIS: La question des 20 p.c. me semble bien étroite.
D'abord, elle crée un problème.
M. BACON: Excusez, juste une chose pour essayer d'être plus
explicite. En fait, les 80 p.c., que ce soient des actionnaires
québécois ou tous autres, ce sont des actionnaires quand
même. Est-ce que vous trouvez que cela restreint votre marge de
manoeuvre, à ce moment-là, dans votre structure de
capital-actions?
M. PARIS: D'abord, qu'est-ce que c'est? Je n'ai jamais vu, nulle part,
une restriction basée sur la géographie d'une province pour la
détention de valeurs mobilières; c'est un concept nouveau. Je ne
sais pas dans quelle mesure, de quelle façon il sera appliqué.
Cette chose-là mise à part, dès que vous limitez le nombre
de personnes qui peuvent détenir les actions d'une compagnie, vous
restreignez le marché. Si vous mettez une restriction à 80 p.c,
vous le restreignez plus que si vous la mettez à 50 p.c. Etant
donné que, dès maintenant, cela crée un problème,
étant donné qu'on a 40 p.c. de nos actionnaires qui ne sont pas
résidents du Québec, comme j'entends être résident
du Québec, tout de suite, c'est un problème.
En plus de cela, c'est un problème pour toute émission
future de titres que la compagnie voudrait faire. Je prétends qu'avec
une restriction moins sévère on atteindrait les buts
visés, quitte, plus tard, si jugé nécessaire, à la
resserrer.
M. BACON: Quand vous parlez de marché d'argent, vous parlez du
marché obligataire?
M. PARIS : Je parle de la Bourse. Je parle des marchés
boursiers.
M. BACON: En fait, c'est strictement votre structure de
capital-actions.
M. PARIS : Absolument.
M. MERCURE: M. le Président, dans le même ordre
d'idées, sur la question des 20 p.c, je voudrais juste vous donnez un
exemple très concret. Vous savez qu'actuellement on a deux actionnaires
qui ont déjà 20 p.c. chacun. En supposant que le règlement
soit adopté et qu'ils vendent leurs actions, on aura deux actionnaires
à 10 p.c. Imaginez-vous qu'on transforme la compagnie et qu'on en fait
une compagnie publique avec 30 actions sur la Bourse de Montréal. A ce
moment-là, je pense que c'est sain en soi, cela permet à plus de
gens de devenir propriétaires d'actions de compagnies de
câblodiffusion, mais si nos deux actionnaires actuels demeurent à
10 p.c, automatiquement, cela veut dire que toute transaction qui se fera
à la Bourse de Montréal ne devra se faire qu'avec des citoyens
québécois. Si vous poussez le raisonnement plus loin, si nos
actionnaires actuels décidaient de diminuer leur participa- tion
jusqu'à 8 p.c, par exemple; ensemble, ils ont 16 p.c, ce qui veut dire
qu'il reste une marge de 4 p.c. seulement à la Bourse de
Montréal, alors qu'on sait très bien qu'à la Bourse de
Montréal 80 p.c. des transactions ou peut-être plus que 80 p.c se
font par des gens qui sont autres que des Québécois comme tels.
Cela va dans l'autre sens. Si, à un moment donné, National
Cablevision opère ailleurs, dans d'autres provinces, vous voyez les
genres de problèmes qu'on a. Si on va au Nouveau-Brunswick ou si on va
en Ontario, on est vraiment gelé. Les actionnaires n'ont plus en leur
possession des titres qui sont négociables facilement.
M. BACON: Dans le même sens que vous parlez pour l'article en
question, on reprend l'article 6. Au lieu de parler des compagnies de
téléphone, de télégraphe, de radio, de
télévision, de presse ou de cinéma, on ne serait pas
mieux, à ce moment-là, de faire une énumération
d'institutions financières, puis de limiter leur participation dans ces
différentes compagnies de câble et toutes ces choses?
M. MERCURE: Vous voyez que, dès qu'on touche à des
restrictions... D'ailleurs, M. Paris l'a dit tout à l'heure et cela
s'applique à nous aussi. A l'Assurance-Vie Desjardins, on a des actions
dans des compagnies de téléphone, on a des actions dans des
compagnies de radio.
M. BACON: Seulement, à l'article 6, au lieu de faire
l'énumération qu'on fait, on serait mieux de dire: Telle
institution financière, compagnie de fiducie, compagnie d'assurance ne
devront pas détenir plus que tant pour cent d'actions.
M. MERCURE: Déjà, les compagnies, dans leur propre loi,
les ont, ces limitations. Une entreprise comme l'Assurance-Vie Desjardins, que
je représente, n'a pas le droit d'investir plus que 30 p.c. dans le
capital-actions d'une compagnie, tout comme la Caisse de dépôt,
d'ailleurs.
On a déjà ces genres de restrictions-là pour ce qui
est des entreprises d'assurance.
Vous voyez, à la minute où on touche à des
restrictions, on perturbe le marché normal de la
négociabilité des titres et cela devient des problèmes.
C'est pour cela qu'à mon sens, la norme de 80 p.c. n'est pas tellement
plus favorable qu'une norme à 51 p.c. La marge entre l'importance d'un
contrôle à 51 p.c. et à 80 p.c. n'a pas tellement de valeur
et cela enlève une négociabilité très importante
sur les titres, je crois.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une toute petite question, M. le
Président, à M. Paris. Tout à l'heure, vous avez
parlé de la diversifica-
tion de votre portefeuille et de la restriction que vous avez qui ne
vous permet pas d'investir plus que tant pour cent dans une entreprise. Etant
donné cette réalité qui est bien consacrée dans les
faits et dans les textes législatifs et administratifs, est-ce qu'avant
que ce projet soit promulgué, vous avez été
consultés par le ministre des Communications ou par quelqu'un de ses
fonctionnaires supérieurs?
M. PARIS: Tout d'abord, j'aimerais souligner que mon nom est Paris, bien
que les journaux aient rapporté mon nom différemment
récemment.
Effectivement, nous avons eu l'occasion de faire des
représentations auprès du ministre au moment où le premier
jet de ce projet avait été fait. Je ne crois pas qu'il y ait eu
une occasion de modifier le projet subséquemment à nos
représentations.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, M. Levasseur.
M. LEVASSEUR: M. le Président, j'aimerais, s'il n'y a pas
d'autres questions, corriger une chose qu'il m'apparaît essentielle de
corriger pour les membres de la commission. Vous avez derrière vous des
tableaux qui illustrent la programmation. Si ce sont les mêmes tableaux
que j'ai dans ma pochette d'information, j'aimerais noter que, dans les
colonnes de gauche, à Québec et à Montréal en
particulier, il faudrait, je pense, à juste titre, ajouter la
programmation qui s'est faite le 10 juillet, au total de 8 h 30 de
programmation, une programmation locale, une programmation communautaire et une
programmation de Radio-Québec. Je trouve inté- ressant que la
direction du génie du ministère des Communications n'ait pas
mentionné Radio-Québec dans notre programmation, alors qu'on
s'est fait un devoir de travailler avec Radio-Québec depuis un an et
qu'on le fait encore cette année.
Je pense que les membres de la commission devraient savoir qu'à
Montréal, le 10 juillet, il s'est fait huit heures et demie de
programmation communautaire locale et Radio-Québec et qu'à
Québec il s'en est fait trois heures trente le même jour.
M. L'ALLIER: M. le Président, on m'informe que lorsque les
tableaux ont été faits on a pris les sources d'information qui
sont disponibles au public sur la programmation en fait.
M. LEVASSEUR: Je m'excuse, M. le ministre, mais les émissions de
Radio-Québec sont dans le bottin de TV-Hebdo
régulièrement. Si c'est ça la source, ce n'est pas la
bonne.
M. L'ALLIER: Ce sera à vérifier.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, M. Poitras, M. Levasseur, M.
Paris, je vous remercie au nom de la commission de votre participation. Nul
doute que le ministre des Communications tiendra compte, comme pour les groupes
précédents, de vos commentaires, revendications, appelez
ça comme vous voulez.
La commission ajourne ses travaux et les reprendra demain à dix
heures, ici même, avec l'Association des compagnies de
téléphone indépendantes du Québec. Elle sera suivie
de Téléphone du Nord de Québec et Télébec
Ltée et, par la suite, des groupes communautaires.
Je vous remercie.
(Fin de la séance à 17 h 37)