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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mardi 11 septembre 1973 - Vol. 13 N° 125

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de règlement sur la câblodistribution


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Projet de règlement sur la câblodistribution

Séance du mardi 11 septembre 1973

(Dix heures six minutes 1

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Avant que ne débute la séance, je voudrais signaler les changements suivants parmi les membres de la commission: M. Latulippe (Frontenac) remplace M. Brochu (Richmond); M. Paul (Maskinongé) remplace M. Cardinal (Bagot); M. Faucher (Yamaska) remplace M. Pearson (Saint-Laurent); M. Bacon (Trois-Rivières) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges); M. Cornellier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Jean Perreault (L'Assomption) remplace M. Leduc (Taillon).

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui remplace le PQ?

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je signale leur absence.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. PAUL: Ce n'est pas suffisant de le noter comme cela, M. le Président. Pour l'information de nos visiteurs, ce matin, je constate une fois de plus le désintéressement total du Parti québécois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils sont contre l'entreprise privée.

M. LACROIX: Ils sont à la recherche d'argent pour leur caisse électorale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils sont quelque part en Biélorussie. Ils ont le goût du Q.

Compagnie de téléphone

du Nord du Québec Inc.

et Télébec Inc.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs! Le député de Yamaska sera le rapporteur de cette commission. J'inviterais à présent M. Michel Racicot de la compagnie Téléphone du Nord du Québec Inc. et de Télébec Limitée à venir présenter son mémoire. M. Racicot.

M. RACICOT: M. le Président, M. le Ministre, MM. de la commission, mon nom est Michel Racicot, avocat; je représente Téléphone du

Nord du Québec inc. et Télébec limitée. A mes côtés se trouve M. Claude Duhamel président des deux compagnies et également vice-président à l'administration de Bell Canada.

Nous avons également demandé à M. Gilles Tanguay, ingénieur à la planification de Bell Canada d'être présent. M. Tanguay était auparavant président de la Corporation des ingénieurs du Québec.

Nos propos ce matin seront très brefs et traiteront particulièrement des articles 1 a), 32 et 25 du règlement à l'étude. Nous avons entendu, lors de la dernière séance de cette commission, la prise de position de l'Association des compagnies de téléphone indépendantes du Québec et, dans son ensemble, Téléphone du Nord du Québec et Télébec sont d'accord avec leur ligne de pensée. Pour se situer dans le contexte, il est bon de rappeler que Téléphone du Nord de Québec et Télébec ont des territoires représentatifs du Québec non métropolitain parce que Téléphone du Nord dessert la majeure partie du Nord-Ouest québécois tandis que Télébec limitée a un territoire morcelé qui s'étend de Mont-Laurier jusqu'aux Iles-de-la-Madeleine en passant par La Tuque et plusieurs autres villes et villages du Québec.

Nous sommes convaincus que la population québécoise doit avoir accès à la câblodistribution ainsi qu'aux nouveaux services audio-visuels qui sont en voie de développement à l'heure actuelle.

Cette disponibilité de tous les services de télécommunication pour l'ensemble de la population présuppose une séparation des tâches entre les diffuseurs et les transporteurs de communication, de manière à avoir la meilleure allocation possible des ressources québécoises disponibles tant en main-d'oeuvre qu'en capital et matériel.

Ceci implique également que les câblodistri-buteurs et les transporteurs de communication s'acquittent de leurs obligations de services publics, c'est-à-dire desservir tous ceux qui le demandent et ce même s'il s'agit de services facultatifs et même si certaines localités ne peuvent être desservies de façon rentable.

Ainsi dans le cadre de l'ordonnance no 8743 de la Régie des services publics, les compagnies de téléphone qui lui sont soumises, dépenseront d'ici 1975 environ $22 millions pour abaisser le nombre d'abonnés en secteur rural à un maximum de quatre par ligne. Il peut être intéressant de noter ce que la régie disait dans son ordonnance: "Pour être plus précis, l'entreprise communément appelée la compagnie de téléphone a un devoir et des responsabilités sociales qui excèdent de beaucoup ceux d'autres entreprises de communication qui par ailleurs, historiquement lui font une drôle de concurrence en lui raflant pour ainsi dire des revenus provenant de la clientèle la plus payante sans, par ailleurs, partager aucun devoir en matière de services déficitaires, ni assumer un égal fardeau dans le devoir social. Certaines ont des fardeaux que

d'autres n'ont pas. Ainsi, seules les sociétés générales de téléphone sont tenues de fournir obligatoirement le service partout sur le territoire et, par exemple, dans le secteur rural.

D'autres entreprises ne partageant pas ce type d'obligations souvent lourdes économiquement à supporter, sont cependant autorisées à écrémer le secteur plus rentable dont la totalité des revenus, toujours selon des taux plafonnés d'ailleurs par l'autorité publique, sont nécessaires à l'équilibre économique et financier desdites sociétés". Fin de la citation.

Cette obligation de desservir toute la population laisse d'abord supposer qu'une conception tarifaire de type service public s'applique de façon générale et non seulement aux quelques 45 p.c. des foyers québécois qui n'ont pas encore accès à la câblodistribution et qui représentent les zones où un tel service serait moins rentable sinon déficitaire, si on le considère isolément. Or, au sujet des compagnies de téléphone, M. le ministre L'Allier énonçait ce qui suit en annexe à son livre vert: "Mais elles peuvent absorber la technologie du câble.

Elles possèdent déjà l'infrastructure nécessaire, l'accès aux capitaux à bon compte, la puissance de pénétration dans un maximum de foyers et une conception tarifaire qui rencontre déjà les exigences du bien commun".

Une des caractéristiques principales de cette conception tarifaire, c'est la répartition des taux sous forme de moyenne, ce qui permet de facturer les abonnés du secteur moins rentable à des taux raisonnables. Cette conception sous-entend que les territoires accordés aux entreprises publiques soient assez vastes et diversifiés pour permettre un tel système de péréquation. Or, les compagnies de télécommunication appliquent déjà cette conception tarifaire au service téléphonique et pourraient fort aisément le faire pour les services qu'elles loueraient en exclusivité aux câblodistributeurs. En retour, ceci éviterait la possibilité d'une trop grande disparité dans les taux d'abonnement à la câblodistribution et ce, pour l'ensemble de la population québécoise. Quant au contenu, notre position concorde avec le livre vert: "II n'est pas question que les sociétés de téléphone deviennent des entreprises de câble. Le contenu ne les concerne pas".

L'article 6 du règlement à l'étude consacre ce principe en interdisant, entre autres, aux compagnies de télécommunication, qu'on appelle ici de téléphone, d'exploiter une entreprise de câblodistribution. Nous sommes d'accord sur cette prise de position qui reconnaît la vocation propre de chaque entreprise mentionnée à l'article 6. Comme disait le ministre lors d'une précédente séance de cette commission, l'objectif de l'article 6 est de procéder à l'identification d'une entreprise de câblodistribution autonome, en même temps d'éviter des regroupements sur le plan éventuel du contrôle de la propriété et, du même coup, des contenus. Cependant, cette logique doit également s'appliquer aux entreprises de câblo- distribution elles-mêmes. Il est en effet impérieux que les câblodistributeurs concentrent leurs efforts à développer la vocation qui leur est propre, soit la programmation, tandis que l'industrie des télécommunications devra leur assurer tous les moyens de transmission dont ils auront besoin pour s'acquitter de leurs fonctions. Cette séparation des tâches entre les spécialistes du contenu et les spécialistes du contenant offre, à notre avis, la ligne de démarcation idéale pour départager les responsabilités des câblodistributeurs de celles des transporteurs de communication. A la lumière de ce que nous venons d'énoncer, la définition de câblodistribution, à l'article 1 a), peut prêter à équivoque. Certains pourraient en effet comprendre que les transporteurs publics qui fournissent aux câblodistributeurs, aux radio diffuseurs, aux télédiffuseurs les moyens de transmission dont ces entreprises ont besoin font de la transmission de sons ou d'images contenant la programmation et, à ce titre, exploitent une entreprise de câblodistribution.

Selon cette interprétation, l'industrie de télécommunication devrait alors cesser de fournir de tels services par l'application de l'article 6.

Nous soumettons que cette équivoque peut être dissipée en ajoutant, à l'article 1 a) du règlement à l'étude, les mots suivants: "être propriétaire ou fournir les installations nécessaires à l'émission, la transmission ou la réception de sons ou d'images ne constitue pas en soi de la câblodistribution."

L'industrie téléphonique — et c'est un fait à noter — utilise déjà des câbles coaxiaux à des fins de communication. Elle fournit, depuis les débuts de la câblodistribution, une partie importante des moyens de transmission requis à cette fin. Son réseau de câble coaxial sert déjà pour la télévision en circuit fermé, la télésurveillance et plusieurs autres services qu'il serait trop long d'énumérer ici. Radio-Québec, cependant, utilise actuellement le réseau de câbles coaxiaux de l'industrie téléphonique pour relier ses studios aux réseaux des câblodistributeurs à Québec et Montréal et, d'ici 1976, Radio-Québec nous confirme qu'elle atteindra ainsi plus de 85 p.c. de la population québécoise.

L'industrie a par ailleurs mené une expérience comportant le transport simultané sur les mêmes câbles coaxiaux de communications téléphoniques, de signaux de télévision et de données. Cette expérience s'est avérée un tel succès qu'un réseau de ce genre est maintenant exploité sur une base commerciale. L'application de ces connaissances scientifiques pour fournir tous les services de communication, qu'on parle de téléphone, de câblodistribution, de télé-emplettes, de télésurveillance, et que sais-je d'autres, permet d'affirmer que tous les Québécois pourront jouir de ces services à un coût moindre si un seul réseau coaxial intégré et polyvalent est construit.

Les services audio-visuels de l'avenir requerront un réseau qui devra posséder toutes les

caractéristiques du réseau téléphonique actuel: entre autres, un réseau qui puisse fonctionner dans les deux directions et qui puisse être commuté, ce qui est fort différent des réseaux actuels de câblodistribution. A cet égard, Téléphone du Nord et Télébec sont déjà disposées à louer leur réseau à tout usager aux taux, prix, loyer et conditions que la Régie des services publics voudra bien approuver. Téléphone du Nord et Télébec croient que les moyens de transmissions requis pour la câblodistribution, entre autres les câbles, les amplificateurs et les fils d'entrée devraient être la propriété de l'industrie des télécommunications.

A ceux qui craindraient que les compagnies de télécommunication augmentent le coût de leurs services aux câblodistributeurs ou exercent un contrôle indu, il est utile de rappeler qu'en vertu de l'article 27 e) du règlement "tout contrat entre un câblodistributeur et une compagnie de téléphone, même non soumise à la juridiction de la régie, devrait être approuvé par la régie".

L'article 32 veut reconnaître le principe que les installations devraient appartenir aux compagnies de télécommunications. Mais, pour le rendre plus complet et pour éviter tout dédoublement de réseaux, de même que pour respecter le principe de la séparation des tâches entre diffuseurs et transporteurs de communications et également pour reconnaître l'obligation des entreprises de télécommunication de fournir le service sur demande, Téléphone du Nord et Télébec suggèrent que cet article 32 soit modifié, comme il a déjà été mentionné par l'Association des compagnies de téléphone indépendantes du Québec.

A cet égard, il est bon de reprendre le texte qui a été suggéré comme suit: "Lorsqu'une entreprise téléphonique dispose de câbles ou autres installations propres à la transmission de sons ou d'images, la régie doit ordonner leur utilisation par l'entreprise publique de câblodistribution; lorsque de telles installations ne sont pas disponibles, l'entreprise téléphonique desservant ce territoire devra en assurer la disponibilité et la régie devra en ordonner l'utilisation par l'entreprise publique de câblodistribution".

Finalement, le Téléphone du Nord et Télébec recommandent de modifier l'article 25 et ceci dans le but de préciser que l'abonné détermine l'endroit où le câble sera installé à l'intérieur des lieux qu'il occupe, tandis que ce droit appartient conjointement au propriétaire des lieux et au propriétaire du câble lorsqu'il s'agit d'installations à l'extérieur.

Par ailleurs, le texte suggéré reconnaît que le déplacement se fera par "l'entreprise publique" plutôt que par "l'entreprise publique de câblodistribution", ce qui permettrait à l'entreprise propriétaire du câble d'effectuer ce déplacement. La modification que nous suggérons à l'article 25 se lirait comme suit: "Le câble situé dans les locaux occupés par l'abonné est installé à l'endroit qu'il désigne, le câble à l'extérieur desdits locaux est installé à l'endroit agréé mutuellement par le propriétaire des lieux et l'entreprise publique. Subséquement, si l'abonné ou le propriétaire des lieux veut faire déplacer le câble, ce déplacement doit être fait par l'entreprise publique aux frais de l'abonné ou du propriétaire des lieux, selon le cas".

En terminant, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous voulons remercier cette commission de nous avoir permis de faire valoir notre point de vue et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à toute question qui pourra nous être posée.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je remercie Me Racicot de l'exposé qu'il a fait au nom des sociétés dont il est procureur. J'aimerais lui poser quelques questions parce que son mémoire parait comporter, aux pages 3, 8 et 9, une certaine contradiction.

Me Racicot, vous établissez une distinction très nette entre le contenant et le contenu. Vos entreprises de téléphone, nous dites-vous, sont des contenants ou, si vous voulez, des instruments qui servent à transmettre des signaux. Vous prétendez d'autre part, et cela s'infère de votre mémoire, que les câblodistributeurs sont aussi des contenants.

M. RACICOT: Je pense que nous avons prétendu que la vocation propre — et ce n'est pas notre prétention — c'est ce qui était énoncé au livre vert de M. L'Allier...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. RACICOT: Nous avons dit que la vocation réelle, la vocation propre des câblodistributeurs était dans le contenu. Cela ne veut pas dire que ce soit la vocation exclusive cependant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, dans cette optique-là, vous feriez des câblodistributeurs, à toutes fins utiles, des radio diffuseurs ou télédiffuseurs?

M. RACICOT: Je pense qu'on nous a parfois accusés de tenter de contrôler cette industrie, et ce n'est pas à nous de placer dans une catégorie ou dans une définition la vocation des câblodistributeurs. C'est en ce sens-là que nous nous sommes contentés de nous référer aux propos de M. le ministre.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. C'est fort commode, mais cela ne règle pas le problème qui a surgit dans mon esprit quand aux pages 8 et 9 vous faites la suggestion suivante: "Lorsqu'une entreprise téléphonique dispose de câbles ou autres installations propres à la transmission de sons ou d'images, la régie

doit ordonner leur utilisation par l'entreprise publique de câblodistribution; lorsque de telles installations ne sont pas disponibles, l'entreprise téléphonique desservant ce territoire devra en assurer la disponibilité et la régie devra en ordonner l'utilisation par l'entreprise publique de câblodistribution".

Alors, il y a une équivoque ici certainement dans votre proposition puisque si, d'une part, vous revendiquez le privilège d'être les instruments ou le contenant, comme vous avez dit, quelle tâche sera dévolue aux câblodistributeurs qui devront forcément devenir simplement des agents de diffusion responsables de la programmation de ce qui serait transmis sur nos lignes téléphoniques.

M. RACICOT: Je pense qu'il a été démontré, et il le sera sans doute de plus en plus dans l'avenir, qu'il serait économiquement non rentable d'avoir deux réseaux parallèles, un pour la câblodistribution et un pour les télécommunications dans leur ensemble. C'est en ce sens que nous disons, nous, que dans l'intérêt public, il ne devrait y avoir qu'un seul réseau coaxial, puisque le coût social associé à ces services sera amoindri. Cela, c'est dans l'intérêt autant des abonnés à la câblodistribution que des abonnés au téléphone et aux autres services qui viendront dans l'avenir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. Cela ne règle toutefois pas le problème, mais le gouvernement aura à trancher cette question, la régie aura à le faire, mais pour nous, les législateurs, qui aurons à approuver un texte de règlements, c'est assez difficile de comprendre. Les prétentions que vous avez d'être les uniques instruments de transmission nous laissent perplexes quant à l'avenir de la câblodistribution qui réclame, elle aussi, le droit de faire ses installations à des coûts, dit-elle, moindres que ceux que des entreprises comme Bell, par exemple, sont capables d'établir.

M. RACICOT: Je pense que M. Duhamel aura peut-être quelque chose à commenter sur les coûts qui auront été cités par les câblodistributeurs.

M. DUHAMEL: Si vous me permettez, M. Tremblay, quant à la première question, tout ce que l'on veut dire, c'est qu'il serait préférable et à l'avantage du public qu'il n'y ait qu'une entreprise qui s'occupe du contenant. Je crois qu'il resterait suffisamment de vocation pour les câblodistributeurs, de par les règlements qui ont été énoncés, en fait. Si vous voulez réellement remplir les buts que vous vous fixez quant à la culture, quant à l'aspect social puis éducatif. Eux s'occupent du contenant. Je ne voudrais pas chercher leur vocation à eux. Tout ce que l'on voulait dire de par l'article 102 de notre mémoire, c'est que s'il y avait seulement une entreprise de télécommunication qui four- nissait tous les moyens de transmission, autant pour la câblodistribution que pour le téléphone et pour les services à venir, il en résulterait un coût social qui serait moindre.

Si, par contre, les câblodistributeurs veulent d'abord être des entreprises qui véhiculent les communications, comme ils l'ont dit, qui va s'occuper réellement de la programmation? S'ils sont réellement des entreprises de télécommunications, est-ce qu'il devrait être interdit, d'après l'article 6, même de faire de la câblodistribution?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Duhamel, ce matin, cela se complique et cela devient confus. Les câblodistributeurs sont venus devant nous et ont déclaré qu'ils voulaient être des véhicules de transmission de signaux de toute nature, qu'ils n'avaient pas l'intention de se substituer aux entreprises téléphoniques. Ils prétendent, d'autre part, que, pour être des véhicules adéquats, ils doivent être en mesure de faire eux-mêmes leurs installations, les coûts de ces installations, nous ont-ils dit, étant moindres que ceux qu'exigent actuellement les sociétés de téléphone.

Vos sociétés, ce matin, nous disent que, non seulement elles veulent être les véhicules, mais qu'elles sont prêtes à accepter l'obligation qui leur serait faite par les pouvoirs publics d'installer les systèmes de transmission partout, là même où ils n'existent pas à l'heure actuelle, et de les mettre à la disposition des câblodistributeurs.

On se demande alors quelle serait la place des câblodistributeurs. Si les entreprises de téléphone fournissent toutes les installations et tous les véhicules, les câblodistributeurs devront certainement modifier leur vocation et devenir des programmateurs ou des responsables du contenu. Alors, vous comprendrez que cela nous incite à nous interroger. Je ne juge pas vos propositions au mérite; j'essaie de concilier des attitudes qui ont été prises ici, devant cette commission.

Alors, si vous revendiquez l'exclusivité du véhicule, les câblodistributeurs, pour leur part, demandent d'avoir leurs propres véhicules, parce que, disent-ils, ils les auraient à un coût moindre s'ils les installaient eux-mêmes.

Alors, à supposer que le gouvernement décide d'acquiescer à votre demande, il faudrait que le gouvernement indique aux câblodistributeurs quelle serait leur nouvelle vocation dans l'optique qui a surgi tout à coup au moment où j'entendais Me Racicot nous faire la proposition qu'on trouve aux page 8 et 9 de votre mémoire.

M. DUHAMEL: Encore là, quant à la vocation, je croyais que le gouvernement s'était fixé des buts et que les câblodistributeurs avaient, quant au contenu, une responsabilité et une vocation qui leur étaient propres. Les compagnies de téléphone et de télécommunication,

aussi bien l'Association des compagnies indépendantes que Télébec et Téléphone du Nord, voudraient vous dire qu'elles sont convaincues qu'il serait dans l'intérêt public de n'avoir qu'un seul transporteur commun. Le coût social serait certainement moindre. Essayer de le prouver par des coûts ou des chiffres comme ceux qui ont été cités jusqu'à maintenant, ce serait peine perdue, je crois. Déjà des chiffres ont été cités qui vont de $6,000 à $7,000, vous en avez de $3,500 le mille et vous allez en voir de toutes les couleurs de ces chiffres-là. A certains endroits ça pourrait monter à $100,000 le mille, dans le centre de New York, par exemple.

Alors, sans le bénéfice d'un contre-interrogatoire serré sur des coûts, on peut facilement se leurrer. A quel moment de l'année cette construction a-t-elle été faite? Est-ce que ce fut en hiver ou en été? Est-ce que ç'a été une construction souterraine dans des conduits ou simplement des fils enfouis? Est-ce que ç'a été une construction aérienne? Quelle a été la proportion des frais généraux qui ont été inclus dans leurs coûts? Il y a une foule de facteurs et de critères qu'il faudrait connaître avant d'accepter ou de rejeter quelque coût qui vous soit cité ici. C'est pour ça que je ne voudrais pas en citer, Téléphone du Nord et Télébec ayant une expérience assez limitée dans le domaine; ces chiffres ne vaudraient pas plus que simplement le chiffre que je pourrais vous citer.

Ce que je puis vous dire, par exemple, comme, je crois, le ministère des Communications dans la politique qu'il a fait connaître, c'est que si on se replace au début de la téléphonie, ou encore si on regarde le téléphone, on est convaincu aujourd'hui sans avoir à citer de coût que, s'il n'y a qu'une entreprise de téléphone dans un territoire donné, le coût est moindre. Si on a raison de dire qu'un câblodis-tributeur doit avoir une licence dans un territoire et qu'elle doit-être unique — c'est dire qu'il ne doit pas y avoir de concurrence — c'est parce qu'ils sont convaincus, comme nous aussi, qu'il ne doit y en avoir qu'une. Ils n'ont pas à le démontrer par des coûts, c'est évident. En ce qui concerne les moyens de transmission, on sait qu'avec le câble coaxial on se dirige vers une certaine polyvalence qui va nous permettre d'en faire un usage téléphonique, en plus de louer certains canaux, en plus de permettre à des compagnies ou des entreprises qui le voudront de relier une maison avec un ordinateur quelconque, en plus des autres services de l'avenir. Nous sommes convaincus que tous ces services résulteront en un coût moindre pour tous les usagers.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, Me Duhamel, je ne veux pas, moi non plus, entrer dans cette question éminemment difficile et technique des coûts. Nous avons eu des chiffres qui nous ont forcés à faire des études comparatives. Il est assez difficile, comme vous l'indiquez, d'arrêter des montants et de dire: ça coûte tant et tant, selon les conditions de terrain, de climat, de saison, etc. Mais, il nous a été dit également — et je voudrais attirer votre attention là-dessus et obtenir de vous une réponse — par des entreprises de câblodistribu-tion que des sociétés téléphoniques étaient incapables de fournir les services à l'heure actuelle, refusaient de les fournir ou encore prenaient un tel temps à les donner que le service de câblodistribution s'en trouvait compromis.

Or, vous affirmez dans votre mémoire qu'il est important d'étendre à tout le territoire du Québec les services de la câblodistribution. Est-il exact que la société Bell, par exemple, soit incapable, à Montréal et dans la région de Montréal, de fournir les services aux câblodistri-buteurs qui les requerraient, et est-ce que les autres entreprises qui sont représentées, et dont M. Racicot a été le porte-parole, Téléphone du Nord de Québec, par exemple, sont capables, à l'heure actuelle, techniquement, financièrement, de fournir les services aux câblodistribu-teurs qui les demanderaient?

M. DUHAMEL: Je ne connais pas de cas, que ce soit Télébec ou Téléphone du Nord ou Bell, où la compagnie de téléphone ou la compagnie de télécommunication a refusé de fournir un service en autant que ceux qui en faisaient la demande étaient prêts à respecter les conditions d'un contrat qui avait déjà été approuvé par leur association.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Vous comprenez, M. Duhamel, que ça c'est une réponse commode aussi. Il nous a été affirmé catégoriquement que des entreprises téléphoniques quelles qu'elles soient n'étaient pas capables de fournir les services ou se comportaient de telle façon qu'on retardait indéfiniment le moment d'apporter les services là où les entreprises de câbles les exigeaient, ce qui a disposé, c'est ce qu'on nous a affirmé ici, les câblodistributeurs à se munir eux-mêmes d'installations appropriées.

Evidemment, moi, je ne puis pas entrer dans le détail. Je ne sais pas ce qui se passe entre vous. Est-ce que vous avez eu des discussions avec les câblodistributeurs? Est-ce que vous continuez d'en avoir? Est-ce qu'il y a eu des ententes? Là, je n'en sais rien. Il s'agit de régie interne, mais avant que de nous prononcer sur l'à-propos d'une réglementation, nous entendrons justement toutes les parties en toute objectivité. Moi, je ne fais ni votre procès ni celui des câblodistributeurs, mais nous essayons de concilier des versions qui, à bien des égards, sont contradictoires.

M. DUHAMEL: Je ne voudrais pas non plus prendre avantage du fait que les câblodistributeurs n'auraient peut-être pas la chance de répliquer. Voici la façon dont je vois les choses, c'est peut-être un peu simpliste. C'est un peu la situation de quelqu'un qui a un bail et refuse de le

renouveler et à qui le propriétaire dit: Ecoutez un peu, on va vous garder en attendant d'en venir à une entente. Cependant, ne me demandez pas de bâtir une chambre additionnelle. Vous savez, c'est un peu la même situation. C'est une question que les câblodistributeurs, qui se sont plaints de cette situation, ont carrément refusée. Après avoir été invités à renouveler leur contrat, ils ont décidé de ne pas le faire pour des raisons qui sont leurs. Je ne veux pas leur dire qu'ils ont tort ou raison, mais en réalité, il s'agit simplement de leur refus de signer un nouveau contrat. Nous continuons quand même à donner du service là où on en fournissait. Cependant, on a dit: Ecoutez un peu, si vous voulez que l'on fasse des exten-tions, renouvelons le contrat avant qu'on continue de bâtir ou de construire de nouvelles facilités. Les raisons pour lesquelles ils ne veulent pas signer le contrat sont leurs, mais s'ils acceptaient jamais de signer un contrat avec Bell, le contrat qui a été négocié avec l'association qui les représente, il n'y aurait aucune difficulté. D'ailleurs, tous les câblodistributeurs de l'Ontario ou ailleurs, dans le territoire que l'on dessert, se sont conformés à la signature de ce contrat.

Ce qui rend la difficulté plus grande pour Bell, c'est justement le fait que si on acceptait de continuer sans contrat avec un câblodistribu-teur pendant que les autres en ont signé un, finalement, les gens diraient: Cela ne sert à rien de signer des contrats parce qu'on a les mêmes privilèges, on peut avoir les mêmes services, tout ça, sans contrat aussi bien qu'avec un contrat.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Duhamel, grosso modo, si on résume votre position, vous voulez devenir les véhicules exclusifs de la transmission des signaux.

M. DUHAMEL: C'est bien cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est bien cela. Comme les câblodistributeurs ont la prétention d'être eux aussi des véhicules de signaux, sans vous prononcer sur leur vocation, mettez-vous à notre place. Quelle vocation allons-nous assigner aux câblodistributeurs? Celle d'être, si vous me permettez cette expression anglaise, les dispatchers des émissions, les orienteurs des émissions? Autrement, ils n'auraient plus de raison d'être, nous ont-ils dit. Notre objectif est un service aux citoyens par tout le territoire du Québec, un service de qualité et à un coût minimum. C'est notre objectif. Que ce soit vous ou les câblodistributeurs ou n'importe quelle entreprise qui le donne, l'objectif du gouvernement serait atteint si on répondait aux conditions que je viens de vous indiquer.

Mais il y a un conflit, c'est bien clair, entre les câblodistributeurs et les entreprises téléphoniques. Si on devait vous donner l'exclusivité de ce véhicule de transmission, il faudrait que les câblodistributeurs changent leur optique et soient, à toutes fins utiles, des gens responsables d'un contenu. Contenu qu'ils n'auraient peut-être même pas la possibilité d'établir puisqu'il leur suffirait simplement de bâtir des calendriers d'émissions, c'est tout, prenant la programmation à droite et à gauche. Alors, vous voyez la difficulté dans laquelle nous sommes. C'est pour ça que je vous demande: Est-ce que votre prétention d'être exclusivement propriétaire des entreprises de transmission, c'est une volonté ferme et c'est ce que vous demandez au gouvernement?

M. DUHAMEL: Oui. Cependant, j'irai même plus loin. Vous me demandez si je suis convaincu — justement d'après la question que vous posez — que ce serait à l'avantage des Québécois. Je vous répondrai sans aucune difficulté que je suis convaincu que le coût social serait moindre pour les services que vous avez. Là où je suis surpris, c'est de vous entendre dire qu'en ce qui concerne le contenu, il resterait si peu à faire. D'après moi, c'était là l'importance de la câblodistribution pour le Québec. Sur la question éducative, sur la question sociale, sur la question culturelle, je croyais que c'était là qu'il y avait beaucoup de boulot à faire. Nous autres, on ne connaît rien là-dedans. Si les autres voulaient s'occuper de leur boulot, je pense que les objectifs du Québec seraient mieux atteints; cela coûterait meilleur marché s'il y avait seulement un transporteur commun. Pour aujourd'hui et pour l'avenir, je suis convaincu que c'est dans l'intérêt du public. Je me demande même si c'est nécessairement dans l'intérêt des compagnies de téléphone de se mettre à blanc, de s'exposer à câbler peut-être 40 p.c. du territoire du Québec, où on peut dire que c'est peut-être le petit lait, au point de vue économique, c'est-à-dire de la construction rurale et tout ça, sans savoir si au moins les 55 p.c. où il y a déjà des câbles ne sont pas aussi changés et que dans les secteurs qui sont déjà câblés, on n'en viendra pas à une transition au cours des dix, douze ou quinze prochaines années pour que l'on revienne réellement à la question d'avoir seulement un transporteur commun et que ceux qui s'occupent du contenu fassent leur travail dans ce sens.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Duhamel, ce que vous dites là, évidemment, tout le monde le pense. Vous comprenez que le problème du contenu nous préoccupe au plus haut point. Mais nous avons entendu par ailleurs les radiodiffuseurs et télédiffuseurs qui, eux aussi, revendiquent l'exclusivité en certains domaines, notamment en celui du contenu. Alors, il va être assez difficile pour le ministre et le gouvernement de partager les responsabilités, parce que les câblodistributeurs ont à faire un choix pour le contenu des émissions, ils ont à

faire un choix dans un ensemble de programmes. Est-ce que ce sera leur seule tâche? Je ne sais pas. J'aimerais ici poser une question au ministre, à la lumière de ce que nous venons d'entendre, à savoir comment il conçoit la vocation des câblodistributeurs dans l'hypothèse où il n'y aurait qu'un transporteur.

M. L'ALLIER: M. le Président, avant de répondre à la question du député de Chicoutimi, j'aimerais, s'il me le permet, poser, moi aussi, un certain nombre de questions à M. Duhamel et à M. Racicot. Relativement à la question du député de Chicoutimi, la position que nous avons prise jusqu'ici était précisément de faire en sorte que le règlement ne crée pas d'obligation réglementaire à la Régie des services publics de trancher a priori en faveur de l'une ou l'autre, à savoir les entreprises de télécommunication et les entreprises de télédistribution, précisément parce que nous appuyons notre position sur le fait que ces entreprises, dans le domaine du câble coaxial, sont à leur début en définitive, et que les entreprises de télédistribution comme les entreprises de télécommunication ou de téléphone ont commencé à développer des réseaux de câbles coaxiaux. Il nous paraît que sur le plan territorial, comme sur le plan des zones urbaines en particulier, les situations peuvent varier à l'infini. Il nous paraît que les compagnies de câble à certains endroits donnés peuvent souhaiter que le réseau coaxial nécessaire â leur fonctionnement appartienne à une société de télécommunication, alors qu'ailleurs, d'autres sociétés de câblodistribution peuvent souhaiter, sur le plan économique, être elles-mêmes propriétaires. Cette pondération qui doit exister entre les deux, il ne me parait pas possible de la faire dans un règlement d'application générale, dans un règlement qui, en fait, obligerait la régie à opter automatiquement avant même d'avoir entendu les parties pour l'une ou l'autre catégorie d'entreprises.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais vous n'avez pas dit que la régie n'avait pas le devoir de trancher?

M. L'ALLIER: Non, absolument pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parce que l'article 32 l'oblige.

M. L'ALLIER: Je crois que la pondération la plus intelligente qui puisse être faite peut l'être par la Régie des services publics, compte tenu du fait qu'elle pourrait faire des audiences cas par cas et, sur le territoire, dans une première phase au développement. Il n'est pas impossible qu'après une, deux ou trois années d'expérimentation, on se rende compte qu'il se développe effectivement de par le consensus des entreprises ou de par les décisions de la régie une orientation en faveur de l'une ou l'autre catégo- rie d'entreprises, mais à la suite d'expertises et de preuves faites devant la Régie des services publics.

La commission parlementaire n'est pas un lieu où on peut effectivement établir des preuves techniques, et c'est pourquoi je souhaite que le règlement soit suffisamment précis pour éviter de créer, non seulement des présomptions, mais des obligations réglementaires qui trancheraient au préalable une question qui est beaucoup plus complexe qu'on peut l'imaginer à la simple lecture des règlements.

Cela m'amène à poser une question à M. Duhamel, si vous me permettez, M. le Président. Quelle est, actuellement, la proportion de vos réseaux de fils ou de câbles qui pourrait immédiatement ou dans les deux ans, par exemple, servir aux fins des entreprises de câblodistribution et en même temps à vos propres fins?

M. DUHAMEL: Je pense que M. Tanguay, ici, qui est ingénieur à la planification à long terme, pourrait, peut-être, répondre à cette question. Mais, si je la comprends bien, vous demandez à quel moment est-ce que l'on pourrait faire un usage pratique de la polyvalence du câble coaxial. Est-ce bien ça?

M. L'ALLIER: C'est exact. Voyez-vous, les entreprises de câble nous ont dit: Dans l'état actuel du développement technologique, les installations que peuvent nous fournir à court terme les entreprises de télécommunication et de téléphone, ne sont pas adéquates pour répondre à nos besoins comme câblodistributeurs. Deuxièmement, on nous a dit aussi que les installations techniques, qui sont possibles à court et à moyen termes, compte tenu du développement technologique et, même au sein des entreprises de télécommunication, ces installations que l'on pourrait faire, ne correspondraient pas au potentiel de développement de la télédistribution qui est différent de celui de la téléphonie.

M. DUHAMEL: Oui.

M. L'ALLIER: Dans cette optique, vous prétendez que le câble coaxial peut avoir un usage polyvalent et multiple...

M. DUHAMEL: C'est ça.

M. L'ALLIER: ... et qu'il peut en même temps satisfaire aux besoins prévisibles des entreprises de télécommunication et satisfaire en même temps aux besoins prévisibles et actuels des entreprises de télédistribution. C'est donc le sens de ma question. Quelle est actuellement la proportion, ou la partie, ou le pourcentage de vos installations, de vos réseaux qui pourrait, d'après vous, satisfaire en même temps vos besoins et ceux de la télédistribution?

M. DUHAMEL: M. Tanguay.

M. TANGUAY: Depuis quelque temps, les compagnies de télécommunication font des expériences assez exhaustives sur l'emploi du câble coaxial comme outil polyvalent de transmission de télécommunications.

Dans tout le territoire du Québec — je parle pour la compagnie que je représente comme employé ici — nous avons environ 4,300 milles de câble coaxial qui peut se prêter à la transmission simultanée de câblodistribution ou de câblodiffusion et de d'autres signaux de télécommunication. J'aimerais ici vous mentionner deux choses qui fonctionnent dans le moment: Par exemple, dans la région de Montréal, entre deux centrales téléphoniques, sur le même câble coaxial, nous transmettons à la fois les signaux de Radio-Québec, nous transmettons 96 conversations téléphoniques ordinaires, nous transmettons aussi des signaux de télésurveillance et nous transmettons finalement des données. Cela fonctionne très bien. Nous avons même réussi à réduire dans la transmission des données, la marge d'erreur qui est inhérente à tout système de transmission semblable.

M. LEGER: Toujours sur le même câble coaxial?

M. TANGUAY: Sur le même câble coaxial qui est gros comme ça.

M. L'ALLIER: Juste une sous-question sur ce point. Si l'entreprise de télédistribution vous demandait les 16 ou 18 canaux dont elle a besoin pour fournir le service qu'elle offre à la population, est-ce que le câble coaxial, dont vous parlez, qui me semble être le plus développé, pourrait maintenant supporter ce service supplémentaire?

M. TANGUAY: Oui, aisément, parce qu'aujourd'hui, avec les équipements de lignes, les équipements terminaux, qui sont utilisés, on peut aller facilement jusqu'à 30 canaux.

Alors, la capacité d'un câble — qui est cela ici — c'est 30 canaux de télévision ou son équivalent. Alors, par exemple, vous pourriez, pour trouver le nombre total de conversations téléphoniques à transmettre sur cela, multiplier 144 par 30, ce qui est quand même un chiffre effarant. Pour vous donner une idée très réaliste de ce que cela veut dire, entre des centraux téléphoniques à haute densité comme dans la région de Montréal, ce sont les câbles que nous posons. Il y a 3,000 paires dans cela. Il y a 6,000 fils de cuivre; c'est très pesant et cela coûte très cher. Un câble coaxial, comme celui qui circule, peut en remplacer deux. Alors, quand on parle d'économies substantielles qui rapportent aux citoyens au point de vue social, au point de vue des télécommunications, c'est ce qu'on veut dire. Cela, c'est la première expérience.

La deuxième expérience qui débutera très bientôt, ce sera la transmission directement chez des abonnés, des résidences et des bureaux, au moyen du câble coaxial, de ce qu'on appelle la conversation téléphonique ordinaire ou d'autres services téléphoniques dans les bandes de fréquence très basses, en même temps que les signaux vidéo. Cette expérience qui débutera très bientôt et se poursuivra pendant peut-être un an a pour but de regarder tout l'aspect technique de la question, de voir quelles en sont les difficultés et aussi de déterminer les coûts pratiques, les coûts réalisables pour des installations dans l'avenir.

Evidemment, le problème qui se pose au tout début, lorsqu'on emploie des équipements en quantité très limitée pour la première fois, c'est le coût terrible, en réalité, de la première installation, mais, lorsqu'on multiplie ces installations et le nombre de clients qui sont desservis par des milliers et des milliers, cela baisse, évidemment. Un exemple assez typique, c'est qu'on parle chez nous de fournir un réseau de câblodistribution pour tous les signaux qui doivent être transmis, non pas simplement pour le vidéo. Ce sera un réseau bidirectionnel, un réseau commuté où les clients abonnés pourront se rejoindre d'un point à l'autre, un peu comme on fait aujourd'hui avec les signaux de télécommunications. Alors, cela prendra une caméra dans chacune des résidences, dans chacun des bureaux, caméra qui sera peut-être très petite, mais dont le coût ne saurait probablement, à la longue, dépasser l'équivalent d'un appareil téléphonique usuel, peut-être un peu plus, peut-être dans les $50 ou $60. Il faudrait quand même se souvenir qu'il y a 10 ans un appareil enregistreur comme une caméra de télévision, c'était quelque chose dans les milliers et les milliers de dollars.

Alors, le but de ces expériences, c'est de faire ces choses-là et de trouver l'équipement de meilleure qualité, de pousser la recherche et d'essayer d'abaisser les coûts pour que cela devienne rentable pour les citoyens en général, les abonnés en général.

M. L'ALLIER: Maintenant, vous nous parlez là d'un développement de pointe qui, je le présume, se situe au niveau de Bell Canada.

M. TANGUAY: Au niveau des compagnies de télécommunications.

M. L'ALLIER: Mais est-ce Bell Canada comme telle qui procède?

M. TANGUAY: Dans ce cas-ci, oui.

M. L'ALLIER: Quel serait le délai nécessaire à l'implantation de services qui pourraient répondre aux besoins immédiats des câblodistri-buteurs en termes de canaux, 16, 30 éventuellement?

M. TANGUAY: Pour 30 canaux, il n'y aurait aucun problème pour poser les équipements et pour le faire fonctionner immédiatement. C'est plutôt du côté polyvalence, combiner le réseau de télécommunications à basses fréquences.

M. L'ALLIER: Oui. C'est cela.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Mais dans quel délai par tout le territoire du Québec? Est-ce que ce serait immédiatement, comme vous le dites?

M. TANGUAY: Dépendant de questions financières qui ne sont pas réellement de mon ressort, à mesure qu'on peut obtenir le câble et les équipements, on peut les poser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais à supposer qu'une entreprise vous fasse la demande pour la région de Chicoutimi, de Hull, etc., est-ce que demain vous êtes en mesure de donner le service qu'on demande?

M. TANGUAY: Demain, non, si le câble n'est pas installé. Si le câble doit être installé en dedans d'une période de quelques mois, le temps de faire la conception du système de transmission, d'obtenir les équipements, de les poser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que semblable demande vous a déjà été présentée?

M. TANGUAY: Je ne pourrais pas répondre. Je vais demander à M. Duhamel de répondre à cette question, si vous le permettez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. L'ALLIER: M. le Président, vous me permettrez d'interrompre 30 secondes les travaux de la commission pour souligner la présence, dans la salle, de représentants de la délégation de la Commission spéciale des comptes publics de l'Assemblée nationale française, M. Baral, M. Guillermin, M. Desprez, M. Tessier qui sont parmi nous et qui assistent à nos travaux parlementaires.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous nous joignons, M. le Président, au ministre pour saluer nos collègues français, en souhaitant qu'ils tirent partie de nos séances pour faire rapport à leur gouvernement et apporter à notre ministre l'argent qui lui manque.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Alors M. Duhamel, si vous voulez fournir la réponse.

M. DUHAMEL : Je ne vois pas d'empêchement, comme M. Tanguay le disait. Si un câblodiffuseur nous demandait de faire la pose de câbles en quelques semaines, le temps de l'acheter, de le poser, il n'y a pas de problème du tout, d'ici quelques mois.

M. RACICOT: Avec votre permission, M. le Président, on faisait allusion tantôt à Bell Canada où il y avait des installations coaxiales, je ne pense pas que M. Tanguay soit au courant de ce fait, mais je suis personnellement au courant que dans le territoire de Téléphone du Nord, entre Val-d'Or, Chibougamau et Lebel-sur-Quévillon, il y a un câble coaxial d'installé qui sert à la transmission de conversations téléphoniques entre ces centres. Je voulais porter ces faits à la connaissance de la commission.

M. LEGER: II y a des possibilités techniques, d'après ce que vous dites, pour installer le câble coaxial, sur le territoire couvert par les deux compagnies que vous représentez, le Téléphone du Nord et Télébec, et celui couvert par Bell Téléphone. Cela recoupe quel pourcentage du territoire de la province et quel pourcentage des abonnés totaux du Québec?

M. RACICOT: Je peux vous donner... M. LEGER: ... incluant Bell Canada...

M. RACICOT: Bell Canada a environ 3 millions d'abonnés au Québec. Quant à Téléphone du Nord, il avait, le 31 décembre 1972...

M. LEGER: 93,000.

M. RACICOT: Téléphone du Nord, 40,123 abonnés, et Télébec 31,848 abonnés. Cela représente la grosse majorité des abonnés. Au point de vue du territoire, si vous me permettez de le décrire grosso modo, Télébec Limitée dessert les Iles-de-la-Madeleine, Mont-Laurier, La Tuque et une multitude de villes et villages à partir de Bécancour en montant jusqu'à nos régions de Québec. Quant à Téléphone du Nord, cette compagnie dessert tout le nord-ouest québécois, et l'autre partie est couverte par Bell, c'est-à-dire le sud de la province. Maintenant, il reste pour certaines petites compagnies des pochettes de territoire et il reste, évidemment, toute la partie du territoire de la Gaspésie, de la Basse Côte-Nord qui est desservie par Québec Téléphone.

M. LEGER: En pourcentage, les trois compagnies, c'est-à-dire Bell et ses deux filiales, en pourcentage des abonnés, des territoires, avez-vous un chiffre, est-ce les 4/5?

M. RACICOT: Si vous me permettez de continuer...

M. LEGER: 89?

M.DUHAMEL: 89 p.c, 90 p.c. des téléphones dans le Québec sont Bell, Télébec et Téléphone du Nord. Quant au territoire, au point de vue géographique, je pense que c'est peut-être 60 p.c. ou 50 p.c.

M. LEGER: Voici dans les difficultés que nous avons pu remarquer chez les câblodiffuseurs et les distributeurs. Il y avait le problème du fameux contrat que vous avez à signer avec la compagnie Bell, et je présume que c'est le même contrat ou à peu près avec Télébec et Téléphone du Nord. Ces contraintes-là, est-ce qu'elles sont des conditions sine qua non à l'entente entre les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone?

M. DUHAMEL: Oui. Il n'y a qu'un genre de contrat, et il est le même pour tous les câblodistributeurs du Québec et de l'Ontario. C'est un contrat qui a été négocié, d'ailleurs, qui date de 1952, 1953, qui a été modifié au cours des années après des discussions, et puis finalement, chaque fois, le comité de négociation qui représentait l'Association le recommandait à ses membres. Ces membres n'étaient pas tenus nécessairement de l'accepter ou de ne pas l'accepter. Il n'y avait rien pour eux qui les liait parce que l'Association négociait en leur nom.

M. LEGER: Est-ce que vous voyez quand même un problème actuellement, du fait que la régie...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je crois que le ministre des Communications avait la parole. Vous avez posé une question supplémentaire...

M. L'ALLIER: Question sur le plan technologique, et j'aimerais, si le député de Lafontaine est d'accord...

M. LEGER: II me restait juste deux questions, je vais terminer, M. le ministre. Me permettez-vous de terminer mes deux questions? Etant donné que l'article 32 recommande aux compagnies de câble d'utiliser ce qui existe déjà, c'est-à-dire vos facilités, d'une part, et que la régie du Québec aurait autorité sur le domaine des communications dans le câble, et que d'un autre côté, elle n'aurait, la régie, de contrôle que sur Télébec et Téléphone du Nord, et non pas sur le Bell Téléphone, est-ce que vous ne voyez pas un imbroglio assez difficile à démêler devant ce conflit qui existe?

M. DUHAMEL: Je pense que cela pourrait quand même se faire parce que la Régie pourrait indiquer que ces installations doivent être utilisées selon des termes et conditions qu'elle devra approuver. Alors si la compagnie Bell, par exemple, n'était pas en mesure de répondre aux exigences énoncées par la Régie des services publics, il ne pourrait pas y avoir de contrat et le câblodistributeur pourrait faire ce qu'il veut; mais il ne serait pas tenu par la régie de se servir des installations, à moins que ce ne soit à des conditions convenables et acceptables à la Régie des services publics.

M. RACICOT: Avec votre permission, M. le Président, juste pour renchérir sur la réponse de M. Duhamel pour le député de Lafontaine, vous avez fait état de certaines restrictions dans l'utilisation du câble. Je dois vous dire que les contrats dont on a fait état auparavant devant la commission et qui disaient que l'on restreignait, que Bell, en tout cas, restreignait les câblodistributeurs à leur fonction de transmettre uniquement des émissions de télévision conventionnelles, ces contrats sont les contrats qui sont expirés. On parlait de contrats de 1957 à 1962, ce sont des contrats de 10 ans; à ma connaissance ils n'ont pas été renouvelés. Par ailleurs, les contrats qui sont offerts aux câblodistributeurs depuis 1968, et en particulier le contrat qui est actuellement offert, permettent aux câblodistributeurs d'offrir tous les services qui ont été mentionnés lors de leur présentation audio-visuelle. J'ai personnellement pris le texte des contrats et l'ai comparé avec les dix services qui y étaient mentionnés, et tous ces services peuvent actuellement être fournis en vertu des contrats. Alors je vois mal la difficulté pour les câblodistributeurs de fournir ces services et de dire qu'une compagnie de téléphone quelle qu'elle soit contrôle leur développement.

M. L'ALLIER: D'accord. M. le Président, ma question s'adresse soit à M. Duhamel, soit à M. Racicot ou à M. Tremblay. Est-ce que vous avez actuellement des contrats ou des ententes qui font que vous installez des câbles pour les sociétés de télédistribution?

M. DUHAMEL: Si nous avons des contrats actuellement?

M. L'ALLIER: Si vous installez actuellement des câbles pour les sociétés de télédistribution?

M. DUHAMEL: Oui.

M. L'ALLIER: Est-ce que ces câbles sont les mêmes, non pas technologiquement mais d'utilisation conjointe avec le câble téléphonique ou si vous installez un deuxième fil?

M. DUHAMEL: Un deuxième câble.

M. L'ALLIER: Vous installez deux câbles?

M. DUHAMEL: Deux câbles. Si un câblodistributeur nous demande de lui fournir le service de câblodistribution, on va installer un câble coaxial pour son usage, d'après le contrat actuel.

M. L'ALLIER: Oui mais il n'y a pas actuellement polyvalence d'utilisation d'un équipement?

M. DUHAMEL: Non, pas actuellement.

M. L'ALLIER: Alors la question du député de Chicoutimi est la mienne et elle était la

suivante: Pour quand cette polyvalence d'une façon pratique et concrète? A quel moment sera-t-il rentable pour vous, indépendamment de la demande qui vous est faite d'installer, au même coût ou à un coût inférieur, l'instrument polyvalent qui est la base, en fait, de la réclamation d'exclusivité que vous avez?

M. DUHAMEL: A l'heure actuelle on a des câbles polyvalents qui réunissent deux centraux à Montréal mais pour dire que nous avons, dans un même câble, un service de câblodistribution et qu'il serve en même temps à la téléphonie, non.

M. L'ALLIER: En d'autres mots, ce qui s'installe maintenant, ce câble parallèle qui s'installe maintenant est, en gros, le même que la société de câble installe pour elle-même lorsqu'elle a les moyens financiers de le faire?

M. DUHAMEL: C'est exact.

M. L'ALLIER: Vous faites pour elle actuellement le travail qu'elle ferait si elle avait le potentiel économique ou technologique pour le faire? C'est la situation présente.

M. DUHAMEL: C'est cela, oui.

M. RACICOT: M. le ministre, cette situation se justifie par la nature des contrats actuellement que les câblodistributeurs ont. Il s'agit de contrats de type partiel dans lesquels le câble appartient aux compagnies de télécommunication, mais les amplificateurs, eux, appartiennent aux câblodistributeurs. C'est la raison pour laquelle les compagnies de télécommunication ne peuvent pas se servir de ces câbles pour l'application de la polyvalence.

Ce qui arrive c'est que les compagnies de télécommunication ont des bouts de câble entre des amplificateurs qui appartiennent aux câblodistributeurs, ça c'est en vertu des contrats partiels. Peut-être que M. Tanguay aurait quelque chose à dire sur l'aspect technique.

M. TANGUAY: M. le ministre, un câble est, de par sa nature, polyvalent; il passera ce que l'on voudra bien lui transmettre; ce qui fait que le câble peut servir à d'autres choses que la transmission, la retransmission de signaux vidéo, ce que l'on voudra bien lui mettre: les amplificateurs de ligne, les amplificateurs de terminaison, les équipements de protection automatique qui en font réellement un système non seulement polyvalent mais sûr.

Au point de vue des télécommunications, ce n'est pas tout de donner un service d'un point à un autre ou d'un point à une masse de points; il faut aussi, quand même, s'assurer de la permanence et de la fiabilité des circuits. Cela n'existe pas dans le moment pour la câblodistribution telle qu'on la connaît et cela devra exister dans l'avenir comme ça existe aujourd'hui pour les systèmes de télécommunications.

Alors, la polyvalence se décrit plus par cet ensemble de choses que simplement en affirmant qu'on aura le service de téléphone ou de transmission de données avec le ou les signaux vidéo.

M. L'ALLIER: Maintenant, le dédoublement coûteux que vous craignez... Sur un autre plan des télécommunications, au niveau du réseau de micro-ondes, est-ce qu'il existe actuellement un dédoublement partiel entre les services fournis par les sociétés de télécommunications, de téléphone et CN-CP, par exemple?

M. TANGUAY: Le réseau CN-CP sur microondes ou le faisceau hertzien existe, oui, aussi comme réseau parallèle à celui des systèmes de télécommunications à travers le pays.

M. L'ALLIER: Est-ce que, dans votre esprit, ça constitue un dédoublement qui pourrait cesser ou si c'est un dédoublement normal et économique?

M. TANGUAY: Pour nous, c'était un dédoublement qui n'était pas nécessaire au moment où le réseau CN-CP a décidé de construire ce réseau de faisceaux hertziens.

M. L'ALLIER: Et maintenant?

M. TANGUAY: Encore la même chose. Moi, comme ingénieur, je ne changerai pas d'idée; c'est encore la même chose.

M. L'ALLIER: Et dans l'avenir prévisible, la même chose?

M. TANGUAY: Oui.

M. L'ALLIER: II y a donc dédoublement, quant à vous, d'équipement pour ce qui est des réseaux de micro-ondes.

M. TANGUAY: II y a dédoublement en termes de réseau de micro-ondes, en termes de coûts. Evidemment, celui qui est propriétaire d'un deuxième réseau doit assumer tous les coûts et frais d'installation, de construction, d'entretien, de réparation de ce réseau de micro-ondes et faire payer les abonnés qui, en fin de compte, sont les mêmes que les abonnés des autres compagnies de télécommunications, pour un même territoire.

M. L'ALLIER: Cela déborde un peu le cadre, mais ça permet d'expliquer — ça me permet de comprendre, quant à moi, en tout cas — les dangers éventuels d'un dédoublement. Est-ce que le dédoublement des réseaux de microondes, dans votre esprit, comporte des coûts supplémentaires considérables pour la société et l'utilisateur ou si c'est, en fait, négligeable?

M. TANGUAY: Cela comporte des coûts supplémentaires qui peuvent être exorbitants.

Le problème avec un deuxième ou un troisième réseau parallèle, c'est de le remplir. Tout réseau qui n'est pas rempli est un investissement de capital qui coûte énormément cher et qu'on doit, quand même, repayer à des taux d'intérêts qui sont assez élevés.

Pour la deuxième compagnie qui vient s'installer et qui essaie de gruger dans le même contenant d'abonnés, c'est quand même assez difficile. Si elle réussit à le faire, elle le fait aux dépens de la ou des deux premières qui existaient déjà et aux dépens des abonnés de ces deux premières compagnies.

M. L'ALLIER: Et les réseaux de microondes actuels, dans votre esprit, toujours pour poursuivre mon exemple, ne sont pas sur le point d'être remplis de façon à atteindre une rentabilité sociale, disons, pour l'utilisateur?

M. TANGUAY: Vous parlez des nôtres? M. L'ALLIER: De CN-CP et Bell.

M. TANGUAY: Je ne connais pas l'état de contenance ou le contenu des réseaux de micro-ondres de CN-CP, mais nous opérons le nôtre à la plus grande capacité possible, qui est très près du maximum.

M. L'ALLIER: Mais, si vous opérez à pleine capacité, il n'y a pas dédoublement et, à ce moment-là, on a besoin d'un deuxième réseau.

M. TANGUAY: On peut toujours ajouter, à un système qui existe, des amplificateurs de lignes qui font que sa capacité devient plus grande.

Quand le réseau de micro-ondes a été inauguré en 1958, c'était un réseau qui pouvait transporter six canaux de micro-ondes ou, si vous voulez, pour que ça fasse un peu image, six voies de télévision. Aujourd'hui, on est rendu à dix-huit. Evidemment, ces voies ne servent pas toutes à la télévision; elles servent au transport des conversations téléphoniques d'un point à l'autre du territoire du pays et cela peut s'amplifier.

Evidemment, à un moment donné, la boite ne peut plus s'agrandir et ça prend peut-être, à ce moment-là, un deuxième réseau. Il faut quand même reconnaître que, pour les réseaux de micro-ondes, il y a ce que j'appelais tantôt le problème de la fiabilité. A ce moment-là, nous-mêmes, nous devrons — qu'il existe un autre réseau ou non — dédoubler pour permettre la protection des communications.

M. L'ALLIER: Le réseau initial. M. TANGUAY: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je voudrais revenir sur cet- te question des facilités techniques. Justement, sur ce problème du dédoublement, vous avez dit que les coaxiaux actuellement pouvaient contenir jusqu'à un maximum technique de trente canaux.

Est-ce que c'est la maximum à l'heure actuelle, par coaxial?

M. TANGUAY: Par percoaxial, c'est-à-dire ce que vous avez vu tantôt, actuellement ce sont trente canaux de télévision. Toutefois, il existe sur le marché depuis très peu de temps des amplificateurs de lignes qui peuvent permettre d'aller jusqu'à 35. Il y en aura d'ici un an ou deux qui permettront d'aller jusqu'à quarante et, si on développe de nouvelles techniques d'amplification, on ira encore plus haut pour remplir la bande de fréquences complètes qui s'étend jusqu'à 300 méga-hertz. Actuellement, on peut aller jusqu'à 35, parce que ça commence à exister.

M. LATULIPPE: Donc, dans des conditions actuelles — c'est une conclusion que je tire sur le réseau de câblovision à Montréal — si vous décidiez de vous servir des coaxiaux pour fins de téléphonie, ça supposerait, étant donné qu'eux peuvent justement implanter un réseau de trente canaux immédiatement, que dès le départ, il y aurait un dédoublement de coaxiaux dû au fait que les facilités techniques, au niveau des amplificateurs, ne permettraient pas actuellement de remplir ça.

Dans ce sens, est-ce que vous envisagez qu'effectivement, là aussi, même dans le domaine des coaxiaux il y aura un dédoublement au niveau des câbles, soit pour des raisons de fiabilité ou des raisons techniques, qui devra se faire?

M. TANGUAY: II y aura éventuellement un dédoublement du réseau qui se fera à cause de la capacité de transmettre du nombre de canaux à transmission. Lorsqu'on dépassera la limite du câble coaxial, ça prendra un autre tube coaxial ou un autre câble coaxial. Toutefois, en planifiant, en regardant vers l'avenir, en regardant les prévisions, les besoins qui peuvent être exprimés, qu'on peut transposer dans les prochaines années, rien n'empêche d'installer un câble qui comprendra deux tubes coaxiaux ou trois tubes coaxiaux.

Permettez-moi de vous donner ici l'analogie des communications longues distances. Les compagnies de télécommunication installent présentement, entre les points majeurs de leur réseau, du câble coaxial pour acheminer les communications interurbaines, quelque soit la nature du signal, par autre chose que le système de faisceaux hertziens ou de micro-ondes.

On installe du câble coaxial et ce câble coaxial est un câble qui peut être gros comme ça, dans lequel il y a plusieurs percoaxiaux. Cela peut aller jusqu'à douze ou quatorze percoaxiaux. Ce qui donne évidemment les quantités fantastiques de signaux qui peuvent être

transmis. On parle de 40,000 à 50,000, à 60,000 conversations téléphoniques simultanées qui pourraient être transmises. La même chose devra se faire par analogie dans le domaine régional, local ou urbain et dans le résidentiel et pour les bureaux d'affaires, parce qu'on prévoit qu'un jour, les communications qui s'achemineront vers un lieu donné, où vous demeurez, où vous travaillez, ce sera autre chose que ce que vous connaissez aujourd'hui; ce ne sera plus le système de communication téléphonique qui lui, servira à envoyer simplement de la codification pour faire fonctionner le video et les transmissions de données.

On aura besoin, à ce moment-là, énormément de canaux, non pas pour retransmettre comme on le fait aujourd'hui, les dix canaux de télévision dont cinq sont un double des cinq autres, mais pour transmettre des choses tout à fait particulières. Il faut aussi prévoir que les abonnés, soit les résidents, soit les bureaux d'affaires et surtout les bureaux d'affaires, voudront louer, à un moment donné, d'un coin à l'autre du territoire local ou régional, des canaux pour leur propre utilisation. Quand vous parlez de dédoublement, il faut prévoir un dédoublement, mais ce sera à l'intérieur du même câble. Il faudra poser, à cause de la capacité demandée, peut-être plus qu'un tube coaxial.

M. LATULIPPE: Donc, dès le départ— dans le secteur de Montréal pour le besoin de la câblodiffusion, on envisage déjà trente canaux — vous poseriez deux coaxiaux immédiatement pour répondre à vos besoins?

M. TANGUAY: Dépendant de la planification que nous faisons, des prévisions que nous entrevoyons, lorsque nous installons des structures, nous essayons d'installer nos structures pour que ça dure dix ans, quinze ans pour en amortir les coûts sur une longue période pour que ça coûte moins cher aux abonnés. Dépendant de ça, on poserait un tube, ou deux tubes, ou trois tubes. Dans les secteurs résidentiels ou les secteurs très populeux, évidemment, il ne serait peut-être pas question de poser seulement un tube. Je relatais, il y a quelques instants, l'expérience d'un transport de communications entre deux centrales de Montréal, assez éloignées l'une de l'autre. Nous, on ne peut pas risquer de voir les communications tomber parce qu'il y a un bris quelque part ou que l'amplificateur est en panne. Il y a deux tubes coaxiaux, deux câbles coaxiaux, si vous le voulez, qui se complètent l'un l'autre. On dit que l'un est en stand by automatiquement par rapport à l'autre.

Alors, il y aura toutes sortes de considérations comme ça dont il faudra tenir compte. Un fait est certain, c'est qu'avec l'accroissement continuel des communications, de la masse d'information qu'il faut transporter, ça va disparaître, comme ont disparu les fils nus, les fils à découvert qu'on voyait il y a 30 ou 35 ans sur les poteaux le long des routes ou le long des rues. Ils ont disparu et celui-là aussi disparaîtra.

M. LATULIPPE: Vous avez dit qu'éventuellement il y aurait un seul réseau commercial de coaxiaux. Disons qu'on part du fait qu'actuellement on est dans un système de paire de fils et qu'on s'oriente vers les coaxiaux. Quand prévoyez-vous qu'au Québec il sera possible et rentable, dans votre esprit ou selon les études que vous avez faites, d'étendre à la grandeur du Québec un système de coaxiaux, parce qu'actuellement j'imagine que tant qu'il restera un nombre assez important des abonnés qui ne seront pas sur coaxiaux, le service ne sera pas étendu? Quand prévoyez-vous que cela pourra être fait globalement ou quand prévoyez-vous commencer à entrer chez le client un coaxial au lieu d'une paire de fils? En tenant compte des possibilités techniques et des conditions de rentabilité.

M. TANGUAY: Je vous parlais de l'expérience que nous commençons et qui se poursuivra pendant quelques mois, où nous allons entrer chez un groupe sélectionné d'abonnés un câble coaxial, qui servira à leur fournir la conversation téléphonique, la transmission téléphonique en même temps que les 5, 10 ou 12 canaux de télévision transmis par — je le suppose — un câblodistributeur. Selon les résultats pratiques, techniques et économiques de cette expérience, on pourra vous dire ce qu'on pourra exactement faire, pour quand et pour combien. Mais, dans le moment, ce n'est pas facile à dire.

M. LATULIPPE: Est-ce que vous êtes au courant de l'expérience, dont un câblodiffuseur nous a parlé, qui aurait eu lieu en Ontario il y a quelques années, où on a essayé de câbler tout un secteur résidentiel? Pour une raison ou pour une autre — j'ignore les raisons, vous pourriez peut-être nous les dire — finalement, on a opté pour un système où il y avait duplication du coaxial et de la paire de fils, au plan technique. Donc, ce sont des études qui ont déjà été faites et, pour une raison ou pour une autre, soit pour une raison de rentabilité ou de technique, ça n'a pas marché.

M. TANGUAY: Un instant, s'il vous plaît.

M. RACICOT: On a parlé de cette étude qu'on appelait Wired City Concept et qui n'était pas une étude faite sous forme de chantier. C'était une étude sur papier et qui était beaucoup plus une étude futuriste qu'une étude technique. C'est ce qu'on entrevoyait. C'est dans ce sens que M. Levasseur ou quelqu'un d'autre a dit que dans cette étude on prévoyait que deux câbles entraient dans les résidences: un câble coaxial et un câble de paire téléphonique. Dans l'expérience, technique cette fois, économique, qui va commencer très

bientôt, un seul câble va entrer dans la maison et ça va être un câble coaxial, tant pour le téléphone que pour les autres fins. Maintenant, je ne pourrais pas vous donner les détails techniques.

M. L'ALLIER: Une question complémentaire à ça. Un seul câble, mais un ou deux amplificateurs?

M.TANGUAY: II y aurait seulement un amplificateur, M. le ministre. Tout le long du câble, ce serait le même amplificateur à des points bien déterminés. A l'arrivée chez le client, il faudra séparer les pommes et les poires et les bananes et là il y aura ce qu'on appellerait un filtre et un démodulateur. Le démodulateur permet de séparer les différents signaux et de les acheminer à l'intérieur de l'édifice; à certains appareils, les signaux vidéo et à d'autres, les conversations téléphoniques.

M. LATULIPPE: Est-ce que vous avez une idée du coût que ça peut représenter d'entrer un seul câble, un coaxial pour fins téléphoniques, par abonné au Québec?

M.TANGUAY: Personnellement, je n'aurai pas de coût tant que ces expériences n'auront pas été faites.

M. LATULIPPE: Est-ce que ce sont des études qui ont déjà été faites, approximativement sur papier?

M. TANGUAY: Ce sont des études qui sont en train de se faire chez nous. Mais il y a quand même des gens, dans le domaine des communications, qui ont fait des études. Je pourrais peut-être vous référer à un document du ministère des Communications d'Ottawa, une étude faite par le Dr De Mercado qui parle des investissements, des coûts, des possibilités techniques et pratiques qu'il voit pour les prochaines années?

M. LATULIPPE: Quel est l'ordre de grandeur de ces études, de ces coûts? Le coût est quand même très important, j'estime. C'est bien beau de dire qu'on va éviter un doublement, mais si ça coûte plus cher pour éviter le doublement que pour continuer le réseau actuel... Parce que je pense que toute votre argumentation est basée sur une question d'économie pour le consommateur, une économie sociale.

M. TANGUAY: Le Dr De Mercado parle de coûts qui iront chez le client aux investissements de $100 à $120 ou de $160 à $210 dépendant du système qui est utilisé. Dans ça on parle du câble, des attaches, des fils de branchement mais on ne comprend pas, par exemple, les appareils à l'intérieur qui serviront à transmettre à l'abonné les différentes informa- tions. Lorsqu'on considère cet aspect de la question, on parle de convertisseurs, des câbles, des caméras et ainsi de suite. Cela peut monter quand même assez cher dans le point de vue actuel quand on considère le coût des appareils aujourd'hui. II faut quand même se souvenir qu'à la longue, à force de les utiliser et de les utiliser à des milliers d'exemplaires le coût baissera, c'est ça qui est important. Quand on parle de câble évidemment, on peut retourner l'argument et dire à deux compagnies ou deux groupes qui utilisent un nombre effarant de câbles pour dédoubler le réseau: Ça coûtera moins cher le pied de câble. Mais il y a quand même une limite qu'on atteint un moment donné puis tout se met à augmenter. C'est toujours, encore une fois, le citoyen, toujours le même qui est l'abonné des deux qui paie deux fois le coût alors qu'il pourrait payer seulement une fois.

Un autre point aussi qu'il faudrait peut-être souligner ici, comme je le disais, aujourd'hui un câble a une capacité technique de 30 canaux. La question qu'on pourrait peut-être poser et à laquelle je n'ai pas de réponse : Lorsqu'on veut transmettre 12 canaux pourquoi installer un câble et avoir 18 canaux qui ne font rien? Pourquoi, à ce moment-là, par exemple, ne pas louer 12 canaux? Les 18 autres pourraient servir à un tas d'autres fins pratiquement et immédiatement. C'est le genre de questions à laquelle, moi, comme ingénieur, je n'ai pas de réponse mais que je me pose quand même comme citoyen et je n'ai pas de réponse. C'est une façon de diminuer les coûts ça.

M. LATULIPPE: J'aimerais revenir sur une question qui touche le contenu. Est-ce que vous n'estimez pas que le message téléphonique comme tel est aussi en soi une forme de contenu?

M. RACICOT: Dans ce sens, d'un point de vue juridique sinon technique, il faut concevoir que le message est acheminé par l'abonné et non pas pas la compagnie de téléphone. La compagnie de téléphone met à la disposition de l'abonné un appareil et c'est l'abonné qui transmet son propre message. En ce sens, les compagnies de télécommunication n'ont pas de contrôle sur le contenu. Je pense que l'analogie tient encore.

M. LATULIPPE: Oui, on nous a dit aussi un peu la même chose vis-à-vis des câblodiffuseurs. Ils ne voulaient pas, eux, prendre la responsabilité de la programmation, d'une certaine façon. Ils voulaient reporter ça sur les épaules du public au niveau de la communauté qui utilisait ces facilités.

M. RACICOT: Ce n'est pas à nous de dire qui sera responsable de quoi, je pense.

M. LATULIPPE: Dans ce sens, est-ce que

vous seriez favorables à ce qu'il y ait au Québec une seule compagnie qui serait propriétaire de tous les équipements au niveau de l'infrastructure du domaine des câbles qui serviront à la communication? Pour les services téléphoniques comme tels, soit les interurbains et autres, le personnel nécessaire serait d'une autre entreprise. Il y aurait, en fin de compte, une seule entreprise au Québec qui serait propriétaire de l'infrastructure des télécommunications sous toutes ses formes. C'est un peu dans ce sens que j'interprète la façon de voir que vous élaborez dans votre mémoire, où on veut que les diverses personnes qui ont accès au service de télécommunication sous une forme ou une autre ne soient pas propriétaires de l'infrastructure des media tandis qu'on veut que les personnes qui s'en servent soient des espèces de compagnies qui soient spécialisées dans certains domaines.

M. RACICOT: Evidemment, il faudrait demander l'opinion de toutes les parties concernées, non seulement de toutes les compagnies de télécommunication et autres utilisateurs de ces services. Une chose est certaine, c'est de cette chose que je me fais l'avocat, il est éminemment rentable économiquement d'avoir une seule entreprise qui soit propriétaire des infrastructures.

Maintenant, est-ce que cela veut dire une seule entreprise à la grandeur du territoire du Québec ou si cela peut être une seule entreprise à l'intérieur d'un territoire donné et que dans d'autres territoires il s'agisse d'une autre entreprise, si on parle de structures corporatives? Ici, il faudrait demander l'opinion de toutes les parties concernées.

Peut-être que M. Duhamel aurait autre chose.

M. DUHAMEL: Non, je pense que c'est un ensemble. Parce qu'on a essayé de résumer dans notre mémoire... Les compagnies de télécommunication qui exercent un monopole à l'intérieur d'un territoire donné, qu'elles soient propriétaires de l'infrastructure. Je ne vois pas quel avantage il y aurait s'il y avait nécessairement une seule compagnie à la grandeur de la province. Cela fonctionne bien pour le téléphone, aujourd'hui. Alors,...

M. LATULIPPE: Bien, je ne pensais pas nécessairement aux compagnies de téléphone, je pensais aussi en fonction de l'avenir et de toutes les autres possibilités d'innovation dans le domaine des communications, parce qu'il semble que ce soit un peu ça que vous tentez...

M.DUHAMEL: Oui.

M. LATULIPPE: ... de dissocier...

M. DUHAMEL: En réalité, ce qu'on...

M. LATULIPPE: En réalité, on sera en face des câblodistributeurs et d'autres possibilités, par exemple, d'avoir accès à des ordinateurs, avoir accès à d'autres genres de services. Il semble, à la lecture de votre mémoire, que vous voulez que ce soient des sociétés séparées. Peut-être que j'interprète mal votre mémoire.

M. DUHAMEL: Non. On pense que nous, les compagnies de télécommunication, fournirions seulement les moyens de transmission, que ce soit aux câblodistributeurs, dans le cas de la câblodistribution, pour les compagnies ou les sociétés d'ordinateurs qui donneront des services à même leurs ordinateurs à l'avenir. Elles aussi s'adresseront aux compagnies de télécommunication pour obtenir les moyens de transmission. S'il s'agit de sociétés qui font de la télésurveillance, ou tout autre service de cette nature, que ces gens s'adresseront à un seul transporteur commun et c'est là que l'on pourra réaliser les économies dont je vous parlais tout à l'heure.

M. LATULIPPE: J'aimerais vous interroger, dans un autre ordre d'idées, qui se rattache tout de même à ça. Les câblodistributeurs nous ont dit que vous tentiez, à l'intérieur de vos contrats, d'une certaine façon, de limiter le contenu ou, si vous voulez, l'avenir ou la vocation des câblodiffuseurs à transporter simplement des signaux de radio et de télévision. Est-ce effectivement le cas?

M. DUHAMEL: Bien, écoutez. Il y a une clause, à laquelle Me Racicot a fait allusion tout à l'heure. Cependant, on a aussi démontré qu'il y avait eu beaucoup de changements qui avaient été apportés à cette clause. Contrairement à ce qu'on a laissé entendre, il ne s'est pas agi de resserrer cette clause. Elle a été constamment libéralisée au point où je ne crois pas que les câblodistributeurs puissent citer, comme Me Racicot disait tout à l'heure, un seul service que la clause les empêche de fournir. Et si, éventuellement, il y avait quelques services, dans l'avenir, et qu'en vertu de cette clause ils ne pourraient pas la remplir, je suis sûr que ce ne serait pas long avant qu'ils reviennent pour essayer de négocier de nouveau cette clause.

Alors, à l'heure actuelle, pour faire ce qu'ils sont autorisés à faire, il n'y a aucun obstacle pour eux dans ça.

M. LATULIPPE: J'aimerais, s'il vous plaît, tenter... Ce matin, on nous a remis un document. Les câblodiffuseurs nous ont remis un document qui traite justement de la définition des contrats, contrats complets, contrats partiels. A cet effet, on parle des contrats de 1961, de 1959 et on remonte jusqu'en 1970. Quant aux contrats de 1970, y en a-t-il encore en vigueur ou si un nouveau contrat a été signé en 1972?

M. DUHAMEL: II y a sûrement des contrats

de 1970. La version 1970 des contrats est vieille seulement de trois ans. Ce sont des contrats de dix ans. Alors, il doit y en avoir une assez bonne quantité encore en vigueur.

M. LATULIPPE: Je sais qu'à citer seulement un paragraphe, on peut difficilement avoir une vue d'ensemble sur l'aspect général. Mais on cite, à la page 3 du mémoire qui nous est soumis, ce qui concerne directement les contrats de Bell Canada; pour ma part je suis enclin à l'interpréter comme une limite du contenu. On y lit, par exemple: Pour la première fois, le domaine interdit est indiqué clairement, toujours dans le même paragraphe. Ils réfèrent à la page 2 de l'annexe 7, paragraphe 3, utilisation des installations, sur le contrat de 1970, la dernière édition du contrat proposé par Bell Canada, soit la version 1970. Il n'y a rien dans le présent contrat qui puisse être interprété de façon à permettre la transmission de données qui ne feraient pas partie ou qui ne seraient pas complémentaires d'une émission de télévision ou d'une émission de radio transmise par câble ou par radio.

Donc, est-ce que ce n'est pas justement une espèce de cloisonnement à la vocation de l'industrie de la câblodiffusion qui est opérée...?

Donc c'est un contingentement sur le contenu qui est inséré à même vos contrats que vous négociez aux abonnés.

M. DUHAMEL: Est-ce que d'après vous, M. le député, il y a quelque chose dans cette clause-là qui empêche un câblodistributeur d'exercer pleinement son permis?

M. LATULIPPE: Non, actuellement. Par contre, j'interprète cela de cette façon. A l'avenir d'autres sociétés — peut-être que je me trompe— ou une société de câble comme National câblovision, qui voudront se donner d'autres services ne pourront le faire, automatiquement ce sera une autre société qui sera appelée à cause des limites contenues dans votre contrat. Donc, ce sera là aussi une forme de dédoublement d'activités.

M. DUHAMEL: Pour le moment, cette clause-là ne cause aucune restriction. Lorsqu'il y avait des restrictions qui empêchaient les câblodistributeurs de donner des programmes de point à point et qu'à un moment donné ils ont pensé qu'ils pouvaient en faire une utilisation ou se servir du câble de cette façon-là... Il y aurait aussi une limitation quant à l'utilisation du spectre du câble. A un moment donné les câblodistributeurs ont pensé qu'ils devaient peut-être utiliser tout le spectre. Le contrat a été amendé en ce sens-là et si au cours des années... Actuellement ils ne font pas, avec le câble, toutes les utilisations dont ils ont parlé. Avant que cette clause-là ne soit réellement un obstacle, je suis sûr qu'ils auront l'occasion de renégocier de nouveaux contrats.

M. LATULIPPE: En d'autres mots, est-ce l'intention de votre société d'occuper ces divers champs, par exemple, comme la télémesure, possibilité de communication avec un ordinateur, banque de données et autres? Est-ce l'intention de votre société d'offrir ces services-là...

M. DUHAMEL: Justement.

M. LATULIPPE: ... ou de passer par d'autres intermédiaires?

M. DUHAMEL: Non. On pourra être grossiste, comme c'est le cas aujourd'hui dans le cas de la câblodistribution ou on pourra faire du détail; mais comme cela se fait aujourd'hui pour la câblodistribution, on fournit à un intermédiaire les moyens de transmission. Dans le cas de la télésurveillance, où cela se fait déjà, quelqu'un vient nous voir et nous demande les possibilités de donner un certain service et, dans l'avenir, cela pourrait être les compagnies d'ordinateurs qui pourraient demander la même chose. En même temps, on ne voudrait pas dire qu'une compagnie de télécommunication ne pourrait pas fournir directement quelques services de cette nature-là.

M. LATULIPPE: N'êtes-vous pas d'accord que cela devient très difficile de définir le contenu comme étant de juridiction exclusive d'une partie ou de l'autre? Par exemple, une banque de données, sans être en soi une programmation, est quand même une forme de contenu au bout de la course parce que le client peut quand même...

M. DUHAMEL: Mais des compagnies de communication encore ne seraient pas celles qui détermineraient ce qui sera retenu dans la mémoire de l'ordinateur. Cela serait fait par d'autres. Encore une fois, comme dans le cas de la câblodistribution, nous limiterons notre rôle à fournir les moyens de communication ou les moyens de transmission.

M. LATULIPPE: Je pense, M. le Président, que cela résume à peu près les questions que je voulais poser.

M. RACICOT: Si vous le permettez, M. le Président. M. le député de Lafontaine, vous vous êtes référé au contrat de juillet 1970 et à un mémoire qui vient de vous être soumis. Je n'en ai pas de copie, je m'en procurerai une tantôt. Cependant, il est peut-être important lorsqu'on cite cette clause du contrat de juillet 1970 de regarder quelle est la définition qui est apportée au mot "émission". Je ne sais pas si elle est incluse dans ce mémoire-là. On dit qu'il n'y a rien dans le présent contrat qui puisse être interprété de façon à permettre la transmission de données qui ne feraient pas partie ou qui ne seraient pas complémentaires de l'émission de

télévision ou d'une émission de radio transmise par câble ou par radio.

Le mot émission n'est pas entendu ici dans le sens couramment employé. Il ne s'agit pas d'une émission de type programmation. Je vous donne la définition. L'émission désigne — c'est la définition qui est incluse au contrat au tout début — une présentation d'images ou de sons destinés à renseigner ou d'ordre éducatif, sportif, culturel ou artistique. Il est essentiel que toute l'émission, ou partie de celle-ci, revête un caractère intelligible pour le public ou pour une partie représentative du public et que le sujet traité intéresse les spectateurs ou les auditeurs du point de vue éducation, information, divertissement. Cela vise beaucoup plus que l'émission. Prenons l'exemple des télé-emplettes qui est un service où les câblodistributeurs ont fait état de leur intérêt. Si un magasin présente sur l'écran une marchandise en vente et que l'abonné presse un bouton, il s'agit de transmission de données, bien sûr, mais la transmission de données est associée ici à une émission et, en ce sens-là, il n'y a aucune restriction pour tous les services qui ont déjà été mentionnés par les câblodistributeurs.

M. LEGER: Autrement dit, dans le mot émission, vous avez inclus la plus large définition possible.

M. RACICOT: C'est bien cela. Ce qui est visé, c'est toute présentation visuelle d'ordre éducatif, culturel, sportif ou artistique. Je pense que c'est très vaste. D'ailleurs, ce contrat a été négocié avec l'Association canadienne de télévision par câble.

M. LATULIPPE: Actuellement, est-ce que l'Association de télévision par câble signe ce contrat, est-ce que tout le monde a...?

M. RACICOT: L'Association ne signe pas le contrat. Pour autant que je le sache, elle n'a pas de pouvoirs coercitifs sur ses membres. Chaque membre juge selon ses préférences.

M. LATULIPPE: Est-ce qu'il y a beaucoup de contrats actuellement qui sont en litige? On nous a dit que pour la National Cablevision il y avait sept, huit ou neuf contrats que la compagnie refusait de signer pour diverses raisons. Je ne sais pas si c'est celle-là.

M. RACICOT: Je ne pourrais pas vous donner la raison pour laquelle la National refuse de signer les contrats. Je pense que je ne pourrais pas parler pour elle. Ce que je veux dire, c'est que pour la National, même s'il s'agit de sept, huit ou neuf contrats, ce sont des contrats qui sont situés dans les limites de l'île de Montréal, ou à peu près, avec une partie de la rive sud. Historiquement, cela provient du fait qu'autrefois il s'agissait de contrats avec plusieurs compagnies différentes, contrats qui sont venus à échéance à différentes dates. Maintenant, il n'y a qu'une seule entité qui s'appelle National Clablevision.

M. LATULIPPE: Est-ce que si vous faites signer ce contrat avec cette clause, cela ne limite pas pour la compagnie de câblodiffusion les possibilités de varier à l'infini le contenu? Cela limite le contenu que peuvent offrir les câblodiffuseurs, actuellement, dans ce qu'ils font, et cela les élimine...

M. RACICOT: Pas pour ce qu'ils font, mais pour ce qu'ils voudraient faire, qu'ils ont mentionné...

M. LATULIPPE: Cela les élimine des champs possibles pour l'avenir, telles les banques de données et autres. Donc, par le fait de signer avec votre organisme un contrat de cet ordre, automatiquement l'entreprise qui est censée, elle, s'occuper essentiellement de contenu, se voit limiter dans son contenu face à son devenir possible ou à l'expansion possible de son entreprise.

M. RACICOT: II faut dire que ces contrats, au début, se réfèrent aux permis détenus par les câblodistributeurs et que l'on suit les contours de ces permis pour déterminer ce qui fera l'objet du contrat.

M. LATULIPPE: Est-ce que vous soulignez, de cette façon, que ça ne limite pas le contenu? C'est un point que j'aimerais connaître. Est-ce qu'on peut interpréter votre contrat comme une certaine forme de limite du contenu; est-ce que, par le biais de votre contrat, vous arrivez à contrôler le contenu des entreprises, peut-être avec la ratification de la régie ou du service, ou est-ce que c'est...?

M. RACICOT: Je ne pense pas qu'il s'agisse là de limite au contenu puisque tous les services dont on a dit qu'ils étaient des services qu'on voulait offrir pour l'avenir, peuvent être offerts en vertu de ce contrat. Maintenant, je pense que tout contrat peut être négocié.

M. LATULIPPE: Alors, pourquoi avez-vous parlé d'exclusion? Vous avez même ajouté, ce que je n'ai pas sur cette feuille, que les compagnies n'ont pas le droit de transmettre de télé-données et vous avez parlé aussi d'achats par circuits fermés.

M. RACICOT: Ce n'était pas dans le contrat. Je donnais ça à titre d'exemple de choses qui ont été mentionnées lors de la présentation audio-visuelle. Je prenais ça à titre d'exemple et je disais que c'est permis.

M. LATULIPPE; De toute façon, je vous remercie beaucoup.

M. LEGER: Pour l'ensemble des compagnies de câble, il y avait le problème de la contrainte qu'elles voyaient dans le contrat. Il y avait un deuxième point aussi, c'était le fait que ça leur coûterait plus cher de louer que de produire elles-mêmes. En d'autres mots, on m'a sorti un chiffre qui était, je pense, pour un certain nombre d'années. Je ne me souviens pas si c'était dix ans ou vingt ans, je ne me souviens pas du nombre d'années, mais cela coûterait environ $100,000 de plus pour elles de louer que de produire elles-mêmes l'équipement. Autrement dit, le coût que vous facturiez à ces compagnies de câble serait plus élevé. Elles disent que c'est pour deux raisons; premièrement parce que votre personnel technique doit être payé plus cher que le leur et aussi, possiblement, parce qu'il y aurait un profit que la compagnie prendrait sur l'équipement à mettre en place pour ensuite le louer. Est-ce exact?

M. RACICOT: M Duhamel va répondre à cette question.

M. DUHAMEL: C'est une question extrêmement complexe et à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure. Vous avez eu toute une gamme de chiffres qui vous ont été cités et à moins de savoir ce qu'ils contiennent...

Je n'y ajouterais aucune fois, pas plus que je ne vous demanderais d'ajouter foi à un chiffre que je pourrais vous donner qui serait peut-être inférieur à celui-là, à moins de savoir réellement ce qu'il contient et dans quelles conditions on a fait cette construction, de quelle nature elle est. Lorsque vous parlez, cela peut être un câble tout à fait différent que vous avez à l'idée, surtout si vous allez un peu plus loin et que vous dites: Cela comprend les amplificateurs. Bien, les amplificateurs, leur prix peut varier de $500 à $1,500. Alors, il y a une foule de facteurs lorsqu'on discute d'un mille de construction pour le câble coaxial, vous savez. Je vous demanderais de n'avoir aucune foi même dans les chiffres que je vous donne, surtout si vous voulez faire une comparaison qui serait valable avec un autre chiffre qui a été donné.

M. LEGER: Alors, restons dans le domaine des principes, dans ce cas-là, puisque les chiffres présentés dans chacun des mémoires ne sont pas comparables. Est-ce que vous vendez ou facturez l'équipement au même prix que cela vous coûte ou si vous prenez une marge de profit, alors que vous ne le vendez pas, mais que vous allez, après cela, le louer?

M. DUHAMEL: On s'assure surtout que le fait de fournir ce service pour la câblodistribu-tion ne sera pas un fardeau pour l'usager du téléphone. On prend en considération les coûts marginaux. Comme vous le savez, les taux de rendement pour les compagnies de téléphone sont traditionnellement très raisonnables.

M. LEGER: Je prends votre affirmation. Vous semblez être un bon politicien. C'est une réponse politique. Maintenant, est-ce que cela comprend le prix de l'installation de l'équipement et le remplacement à cause de l'usure? On nous disait qu'un câble ou un équipement technique, amplificateur, etc., pouvait être usé au point de devoir être remplacé en dedans de quinze ans, de dix ans et de vingt ans. Une fois que vous avez chargé le prix et, par la suite, une location annuelle, cela comprend-il le changement régulier de tout cet équipement qui va s'user à la longue ou si vous rechargez le prix de la réparation ou du changement de l'équipement?

M. DUHAMEL: Les taux d'amortissement sont établis d'avance, qu'est-ce que vous voulez. Si on s'engage à louer le câble à $0.26 le cent pieds par mois, au moment où l'on fait cela, on se base sur la vie, d'après l'expérience, de ces câbles ou des autres outillages dont on se sert.

Il se peut qu'au cours des années on se rende compte, avec l'expérience, qu'un câble doit être remplacé tous les sept ans au lieu de tous les dix ans ou tous les douze ans au lieu de tous les quinze ans; la même chose peut arriver aux amplificateurs ou aux autres fournitures. Alors, là, ces taux d'amortissement sont ajustés et puis, si on se rend compte que $0.26 par cent pieds par mois est un tarif qui ne nous permet pas de fournir au moins un service à un taux qui serait compensatoire, à ce moment-là, on s'adressera aux autorités pour faire augmenter de $0.26 peut-être à $0.30, je ne sais pas. C'est basé sur...

M. LEGER: Sur le coût de location? M. DUHAMEL: C'est cela.

M. LEGER: Maintenant, tout le monde sait le problème de juridiction dans lequel nous vivons. Je vais vous poser une question indiscrète. On sait fort bien que les intervenants, les groupes impliqués là-dedans, c'est-à-dire ceux du domaine de la téléphonie, ceux du domaine des communications, sont soumis à la juridiction fédérale ou provinciale pour certains d'entre eux. Parfois, il y a double juridiction sur le même groupe. Je parle de Québec Téléphone, de Télébec ainsi que de Téléphone du Nord, d'une part, qui relèvent du gouvernement québécois et de Bell Téléphone qui relève du gouvernement fédéral. Est-ce que, actuellement, il y a des pourparlers? Est-ce qu'il y a des études qui se font sur la possibilité que Bell Téléphone, comme telle, transmette son territoire québécois à une de ses compagnies filiales pour tomber complètement sous la juridiction provinciale? Est-ce qu'il y a des études qui se font actuellement à Télébec, à Bell Téléphone ou à Téléphone du Nord en ce sens?

M. DUHAMEL: D'abord, Télébec, autant

que Bell ou Téléphone du Nord ou les autres compagnies que vous avez mentionnées ne sont pas soumises présentement à une double juridiction, pas plus que Bell, d'ailleurs.

M. LEGER: Chacune a sa juridiction.

M. DUHAMEL: Quant à la possibilité qu'il y ait juridiction provinciale pour Bell, je me réfère à ce que le ministre a dit, je pense, au cours des derniers jours des commissions parlementaires, à savoir que c'est une décision qui devra être prise, qui est à l'étude. Le gouvernement étudie cela, il y a eu des discussions avec Bell et il y en aura certainement avec Ottawa lors des conférences.

C'est une décision que l'on croit nous, d'abord, du ressort politique. Le ministre a fait allusion à ce que l'on faisait appel quant aux changements de structure. Il est vrai que l'on en a fait des changements de structure pour donner à l'organisation régionale du Québec ou de l'Ontario une plus grande économie, c'était pour donner un meilleur service aux clients et mieux administrer. Mais, en même temps, si au point de vue politique il y a des changements qui feront que Bell sera assujettie à une juridiction provinciale, nous ne ferons aucune réticence, aucune objection. Nous serons peut-être plus près de par ces changements que nous l'aurions été sans ces changements.

M. LEGER: Alors, est-ce que vous pourriez conclure, c'est une opinion personnelle que j'émets, du fait de l'expérience que vous avez dans le domaine de la téléphonie, que pour le bien général du domaine des communications, soit la télécommunication ou la radiocommunication, ou du domaine du téléphone, qu'il n'y ait qu'une seule juridiction, ce serait beaucoup plus facile pour tout l'ensemble alors qu'il n'y aurait qu'un seul interlocuteur, qu'une seule régie? Est-ce que vous trouvez qu'idéalement, dans le fonctionnement quotidien, il serait préférable que tout ce monde-là soit sous une même et seule juridiction?

M. DUHAMEL: Si vous posez la question comme vous la posez, que vous mettez de côté l'aspect politique et que vous pensez surtout â l'abonné, au coût de son service, je ne pourrais pas pencher de ce côté parce que, vous savez, c'est difficile de dire que c'est la question de juridiction qui a fait défaut dans le Québec, par exemple, au point de vue de la téléphonie. On peut assurément l'affirmer, au point de vue téléphonique on a, au Québec, le meilleur service téléphonique au monde et au coût le plus bas au monde.

M. LEGER: Ma question était la suivante. Vous avez différents groupes impliqués et chacun relève d'une juridiction différente. Pour avoir une politique globale, d'ensemble, dans le domaine des communications, que ce soit fédé- ral — vous connaissez mon objectif, ma priorité...

M. DUHAMEL: Oui.

M. LEGER: ... mais que ce soit fédéral ou provincial, le domaine des communications est-ce que, d'après vous, il ne serait pas idéal que ça ne relève que d'une seule juridiction, quelle qu'elle soit?

M. DUHAMEL: Encore une fois, pour ce qui est de Bell, si vous pensez que 95 p.c. — au-delà de 90 p.c, c'est probablement 95 p.c. — de tous les revenus des télécommunications vont à Bell, il n'y a pas de doute qu'une juridiction est mieux que deux.

M. LEGER: Vous avez répondu à ma question.

M. DUHAMEL: Mais, Bell est sous une juridiction à l'heure actuelle.

M. LEGER: Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: En tant qu'ingénieur je m'intéresse à la question technique et je voudrais poser des questions à l'ingénieur, M. Gilles Tanguay.

Alors, M. Tanguay, vous avez dit tout à l'heure que vous procédez à une expérience pilote, dans le moment, sur la rive sud où vous amenez le câble coaxial chez l'abonné téléphonique lui-même. Dans cette expérience est-ce que le service téléphonique est compris avec les signaux de télévision?

M. TANGUAY: Oui, le service téléphonique sera compris avec la télédistribution normale que voudra bien donner le câblodistributeur. Cela pourra être cinq, dix ou douze canaux. On pourra même expérimenter d'autres systèmes, à ce moment-là, si on le veut.

M. PERREAULT: Cette expérience va durer combien de temps?

M. TANGUAY: L'expérience durera au moins six mois pour mener à bon terme toutes les études et vérifier la théorie que nous avons élaborée et tous les calculs que nous avons faits.

M. PERREAULT: En plus d'être une expérience technique, est-ce qu'elle servira à établir des coûts, des prolongements?

M. TANGUAY: Oui, exactement. Le territoire que nous prévoyons avoir comme sujet d'étude, englobe à la fois ce qu'on pourrait appeler l'abonné urbain, semi-urbain et aussi rural. Je sais qu'il n'y a pas très longtemps on

discutait assez fortement d'abonnés ruraux et qu'on veut abaisser, par exemple, le nombre d'abonnés par ligne. Alors, c'est une méthode qui sera peut-être assez élégante et assez peu coûteuse à comparer aux services conventionnels. Avec ce que l'avenir offre cela nous permettra peut-être de la continuer à très bon compte pour tous les abonnés.

M. PERREAULT: J'aimerais vous poser une autre question. Compte tenu de la gamme de fréquence des signaux de télévision et de la gamme de fréquence des appels téléphoniques — vous avez dit qu'un câble coaxial peut aller jusqu'à 30 canaux dans le moment, peut-être 35 plus tard — combien de circuits téléphoniques un canal peut-il contenir?

M. TANGUAY: Un canal video sur le câble coaxial a une bande de fréquence de six mega-hertz ou 6 millions de cycles. Dans ces six millions de cycles, on pourra inclure 144 conversations téléphoniques avec les technologies présentes de modulation de multiplexage, ce qui n'enlève pas le fait qu'on pourra en mettre peut-être beaucoup plus plus tard.

M. PERREAULT: Ce qui veut dire qu'en théorie vous pourriez multiplier cela par 30 fois et ça vous donne tout près de 4,000 liaisons.

M. TANGUAY: C'est ça, entre 4,000 et 5,000 liaisons.

M. PERREAULT: Maintenant, on semble figés depuis le début de la discussion. Un ingénieur doit se tenir au courant des progrès. On semble figés, dans l'avenir, par le câble coaxial. D'après vous, est-ce que le câble coaxial sera toujours la technique de la communication dans l'avenir?

M. TANGUAY: C'est une technique qui est tout au plus temporaire, même si une période de dix ans ou quinze ans ne semble pas temporaire. Ce sera remplacé par des moyens comme la fibre optique ou le laser et cela même sera remplacé par d'autres choses. Avec le processus d'accélération des recherches et les conclusions auxquelles ces recherches amènent les scientifiques et les ingénieurs, dix ans ou quinze ans au plus et la technique du câble coaxial deviendra une technique périmée comme le fil à découvert est devenu une technique périmée pour la télégraphie et la téléphonie.

M. PERREAULT: Maintenant, j'ai une autre question à vous poser ici. On en a parlé l'autre jour, les câblodiffuseurs ont parlé du rapport Rostoff qui recommandait deux systèmes. Est-ce un fait reconnu à travers le monde que les deux systèmes soient appliqués séparément?

M. TANGUAY: J'ignore réellement quel en est le statut au point de vue global, universel.

Ce que je sais, c'est que dernièrement — je crois, samedi dernier — on lisait dans les journaux des articles qui faisaient état de la création en France, sous l'égide des PTT, la compagnie de télécommunication, d'une compagnie de télédistribution nationale qui s'abreuverait ou s'approvisionnerait à même le budget des télécommunications. Ce qui semble indiquer à mon point de vue qu'en France, à tout le moins, la société des télécommunications sera aussi le véhicule pour le transport de signaux. Je ne saurais affirmer avec exactitude si c'est le cas un peu partout dans le monde mais, si ma mémoire m'est fidèle, il y a peut-être aussi une autre province ici où la compagnie de téléphone est en même temps le propriétaire des installations de câblodistribution.

J'aimerais faire un point ici sur le propriéta-riat des installations de câblodistribution. On a dit à des séances précédentes qu'être propriétaire de ces biens, c'était un gage pour aller ramasser les sommes d'argent qui étaient nécessaires pour financer, par exemple, les entreprises. Chez nous, la compagnie vaut des millions ou un milliard ou quelque chose comme ça. Ce ne sont pas les installations qui sont garantes des emprunts qu'on puisse faire en réalité parce que ces installations sont sujettes à devenir vétustes et à perdre leur utilité.

Nous avons des installations, par exemple, de commutation qui ont été mises en place il y a 30 ou 35 ans et qui fonctionnent encore; mais lorsqu'on s'en débarrasse, on n'est pas capable d'avoir un sous pour elles, ça ne vaut absolument rien. Il faut même payer pour s'en débarrasser. Un câble coaxial, après dix ans, aura perdu la presque totalité de sa valeur. On ne peut pas emprunter, par exemple, beaucoup d'argent sur une automobile qui est vieille de cinq ou six ans parce qu'elle ne vaut rien, même si eue est encore utile. Ce qui fait plutôt, à mon point de vue, la force d'une compagnie de télécommunication, de télédiffusion et ainsi de suite, ce sont plutôt les abonnés, ou les clients, qui rapportent des revenus à tant par mois ou à tant par année.

Dans d'autres pays, on tient compte de ces choses et c'est pour ça qu'à certains endroits la câblodistribution devient plutôt de la câblodif-fusion et qu'il y a un propriétaire des véhicules de communication assigné aux communications.

M. PERREAULT: Vous faites de la planification, je pense. Quand vous planifiez un réseau de télécommunications, comme celui dont vous êtes responsables, quels sont les facteurs dont vous devez tenir compte?

M. TANGUAY: II y a des facteurs démographiques, la population elle-même, c'est-à-dire qu'on doit consulter Statistiques Canada et les statistiques du gouvernement du Québec. Il faut faire appel aux statistiques des municipalités qui sont souvent plus ou moins adéquates.

II faut savoir aussi le genre de besoins en télécommunication qu'aura besoin cette population, c'est-à-dire prédire des choses qui n'existent pas encore aujourd'hui. Il faut tenir compte du revenu des gens, de ce qu'ils pourront payer. Il faut aussi tenir compte de nos possibilités financières sur le marché de l'argent. Il faut tenir compte d'un tas de facteurs qui sont en fait des facteurs sociaux, démographiques, culturels et aussi politiques. Peut-être qu'on pourrait prendre comme exemple la planification de l'extension des services régionaux autour des groupes métropolitains dans la province, comme Québec, Trois-Rivières, ainsi de suite. Nous avons des plans, nous faisons de la planification pour étendre ces services. Bien souvent, il n'y a aucune considération économique qui, en théorie, devrait nous faire faire ces choses parce que ça ne rapportera pas ou ça ne rapportera jamais. Mais il y a quand même des considérations sociales et culturelles qui entrent en ligne de compte. Ces facteurs sont tous des facteurs dont on doit tenir compte dans la planification. Evidemment, le facteur dont je pourrais parler plus en détail, si c'était nécessaire, c'est le facteur technologique: qu'aura-t-on comme équipement pour desservir les besoins en télécommunication de la population de la région?

M. PERREAULT: II y a une autre question que je voudrais vous poser. Il a été mentionné tout à l'heure, à la suite d'une question d'un député, qu'actuellement la câblodiffusion se faisait de point à point et vous avez parlé de cette absence de bidirectionnel en ce sens que la communication se ferait dans les deux sens. On a parlé de l'usage de 30 canaux, ce qui pourrait venir pour l'éducation où on aurait besoin d'être bidirectionnel pour pouvoir poser des questions, pouvoir, par un code sur le téléphone, faire venir un programme donné. Pourriez-vous développer ça un peu?

M. TANGUAY: La câblodistribution, aujourd'hui, ce n'est pas de point à point. C'est d'un point à une masse de points. Personnellement, je ne vois pas cet état de choses continuer à exister très longtemps. Il faudra pouvoir permettre aux abonnés de communiquer de l'un à l'autre visuellement. Il faudra permettre aux abonnés d'avoir accès, au moment où ils le désireront, à des services audio-visuels. Prenons l'exemple de ce qu'on appelle aujourd'hui la télé-éducation. La télé-éducation se fait dans un sens, aujourd'hui. On transmet une émission qui a été préparée ou enregistrée à l'avance, où un professeur donne à ses élèves qu'il ne connaît pas et ne voit pas des notions qu'il essaie de rendre le plus claires possible et qu'il croit être parfaitement acceptables par ceux qui seront à l'autre bout. Cependant, au point de vue de l'éducation, si je ne m'abuse — bien que ce ne soit pas mon domaine, mais j'ai déjà été étudiant — le meilleur moyen d'enseigner est quand même le face à face, le contact. Ce qui veut dire que si on voulait appliquer le même principe à la télé-éducation, il faudrait permettre à un élève ou à un étudiant de pouvoir communiquer dans l'autre direction avec celui qui enseigne ou qui a préparé le programme. Il n'est pas nécessaire de le faire à ce moment précis mais peut-être que cela devra se faire au moment qui conviendra en même temps à l'étudiant et au professeur.

De plus, aujourd'hui, la télé-éducation se fait à des heures qui sont très strictes. A 10 heures, on a un programme de télé-éducation; malheureusement, ceux qui peut-être en profiteraient le plus ne sont pas là; ils sont malades, ils sont au travail. Peut-être que pour eux c'est à 10 heures, 10 h 30 ou 11 heures du soir qu'on pourrait le faire. A ce moment-là, il faudra donner le moyen à ces abonnés d'avoir accès à la bande magnétoscopique qui permet de recevoir le cours ou visualiser le professeur et son enseignement; permettre par exemple, au professeur, sans que l'élève sorte de chez lui, de constater quels sont les travaux que l'étudiant a fait, ce qui, en poussant plus loin dans l'avenir, peut amener la disparition même des universités et des grandes écoles où on ne garderait peut-être directement que la formation des professeurs et les laboratoires de recherche. Il en est ainsi dans à peu près chaque champ d'activité humaine qu'on veut considérer aujourd'hui. Il faut pouvoir laisser le loisir aux abonnés, quels qu'ils soient, de communiquer instantanément et de la façon qu'ils le désirent d'un point à un autre, d'un abonné à un groupe d'abonnés ou d'un groupe d'abonnés à un seul abonné. Autrement, on restera avec un système comme celui qu'on connaît aujourd'hui, qui est dans l'enfance de l'art, en réalité.

M. PERREAULT: D'après vous, figer le système dans le Québec, dans le moment, à l'aube de cette révolution technique, ce serait dangereux et ce serait, pour le progrès social et culturel du Québec, dangereux de geler le système et l'empêcher d'évoluer?

M. TANGUAY: Très dangereux. Il faut prévoir qu'un jour lorsque les abonnés voudront communiquer entre eux, ils pourront le faire au moyen d'appareils de signalisation qui devront passer nécessairement par des commutateurs ou switcher. Si on ne le fait pas, quelqu'un le fera. Il faudra que quelqu'un le fasse. Aujourd'hui, le problème est quand même très grave et très important. Permettez-moi de prendre l'exemple de Radio-Québec qui veut transmettre à toute la population quelle qu'elle soit et où qu'elle soit les mêmes émissions pour que toute la population puisse en bénéficier. Nous avons, par notre système de câbles coaxiaux, à partir des studios de Radio-Québec, sur la rue Fullum à Montréal, édifié un réseau qui nous permet d'apporter ces émissions à National, à Câble T.V. ; nous avons, par notre réseau local coaxial ainsi que notre réseau interurbain,

acheminé ces émissions à Québec; et bientôt la région de la Gatineau sera aussi servie par Radio-Québec grâce à ce réseau qui existe et sur lequel nous pouvons faire aujourd'hui de la commutation qui n'est pas automatique mais qui est manuelle.

M. PERREAULT: Alors, on peut conclure qu'un système téléphonique à pleine capacité avec commutation permettrait de donner des services que les câblodiffuseurs ne pourront jamais donner?

M. TANGUAY: Les câblodistributeurs pourraient donner ces services seulement en faisant une duplication totale et complète du réseau téléphonique qui existe et en construisant et en édifiant un réseau avec centres de commutation un peu partout, centres locaux, centres régionaux, centres interurbains.

Ma prétention est que ces centres existent depuis déjà vingt ou vingt-cinq ans, nous faisons de la commutation sur le câble coaxial pour les signaux vidéo qui sont utilisés sur l'interurbain. Les technologies ne sont pas différentes, les technologies sont un peu plus poussées. Ce qui a retardé jusqu'ici l'implantation de ces réseaux ce sont les coûts qui étaient quand même assez fantastiques. Une fois que ces coûts auront été abaissés, il y aura une utilisation de plus en plus grande de tous les amplificateurs et des câbles coaxiaux pour le simple service de téléphonie ordinaire et pour la transmission des programmes de radio que nous faisons depuis des temps immémoriaux et toutes sortes d'autres services à mesure que les clients pourront penser à les créer et à les demander.

Nous avons des services, par exemple, à Montréal sur le coaxial qui sont des services de point à point sur le coaxial, alors que la câblo distribution, comme on la connaît, est d'un point de transmission à des centaines, voire même à des milliers d'abonnés. Le service dont je parle est un service de télésurveillance et puis c'est un point dans la région de Montréal à un autre point. C'est le jeu de la caméra et de l'écran. Cela peut être utilisé par n'importe qui désireux de louer un canal et qui peut se permettre de disposer de caméras et disposer d'écrans ou de moniteurs.

M. PERREAULT: C'est à peu près tout pour le moment.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: On a posé à peu près toutes les questions que je voulais poser. Mais à la suite de toutes les réponses qui ont été apportées ça nous place dans un certain dilemme comme législateurs, c'est qu'on peut prévoir la polyvalence éventuelle du fameux câble coaxial. On se demande qu'est-ce qu'on doit faire, est-ce qu'on doit agir ou tout simplement attendre que les compagnies de téléphone soient financièrement capables d'installer de tels câbles ou que leurs recherches soient à point, ou bien combien de temps ça pourrait prendre? Si le législateur leur donnait l'exclusivité, ça voudrait dire quoi? Est-ce que ça les aiderait à donner plus vite les autres services en plus de la télévision par câble, les autres services qui ont été mentionnés tantôt? Est-ce que c'est un peu dans ce sens? Quelles seraient les conséquences d'une législation qui vous donnerait l'exclusivité?

M. DUHAMEL: Ce que l'on prétend dans notre mémoire, c'est que si on s'en remet à une seule compagnie qui fournirait les moyens de transmission, ayant comme base dix ou douze canaux qui pourraient être loués à des câblodistributeurs, il est bien entendu que la compagnie de télécommunication est en meilleure posture pour réellement fournir d'autres services, se servir des canaux qui seraient disponibles.

En somme, le résumé justement pour vous dire, en tant que compagnies de téléphone, ce que l'on pensait et la façon dont on a cru que l'article 32 devrait être amendé. Nous voulions vous donner au moins la façon dont on concevait les choses.

M PEARSON: Maintenant, si, actuellement, le câble était installé dans toute la province par les compagnies de téléphone, les autres services ou les progrès futurs que vous avez mentionnés tantôt, est-ce que vous pourriez les donner actuellement ou plus vite?

M. DUHAMEL: Bien, on pourrait les donner plus vite, bien entendu. Si on pose un câble coaxial et que l'on peut s'assurer de $2 ou $2.50 de revenu par maison, comme base, il sera beaucoup plus facile et cela ira beaucoup plus vite d'introduire les autres services que l'on considère aujourd'hui comme des services de l'avenir, mais qui seront assez répandus.

Il ne faut pas faire un point au sujet de la recherche, vous savez. Il ne faut pas s'attendre que la recherche va être, à un certain moment, complétée, rien de ça.

M. PEARSON: Non.

M. DUHAMEL: On peut, demain, avoir un amplificateur bien supérieur à celui d'hier et qui sera désuet dans très peu de temps. Cela a été l'histoire du téléphone. On a commencé avec la commutation manuelle; ensuite, on a pensé qu'avec l'équipement de pas-à-pas on avait trouvé une solution; à peine avait-on franchi cette étape il y a une couple d'années, cette génération, qu'on a eu la barre transversale; maintenant, on en est rendu à l'électronique et on ne sait pas ce qui va arriver demain. La recherche ne sera jamais à point, comme vous dites. On en fait continuellement. Mais, aussitôt qu'on aura découvert quelque chose, c'est comme dans tous les autres domaines, fort

probablement que ce ne sera pas long avant qu'on soit à la recherche d'autres procédés.

M. PEARSON: D'accord. Mais ce que j'aimerais savoir, c'est ceci. Une fois ce câble installé par vous, vous avez mentionné que sa moyenne de vie peut être d'à peu près sept à douze ans — mettons une moyenne de dix ans — ce même câble, s'il est installé exclusivement, disons, pour les fins de la télévision, ne pourra pas servir à autre chose, mais, à l'intérieur de cette vie de dix ans, avec les résultats de vos recherches actuellement, et c'est connu un peu partout ailleurs, est-ce que vous considérez qu'il pourrait s'ajouter d'autres services pour le même coût d'installation?

M. DUHAMEL: Oui. Si le service que l'on offrira... Vous savez...

M. PEARSON: Le même câble pourra vous servir à l'intérieur de ces dix ans.

M. DUHAMEL: Oui.

M. PEARSON: Vous êtes capable de prévoir qu'il y aura des découvertes...

M. DUHAMEL: Absolument.

M PEARSON: ... et que ce ne sera pas dans 25 ans, mais peut-être...

M DUHAMEL: Oui.

M. PEARSON: ... dans quelques années au point de vue des applications et le même câble pourra servir dans un avenir assez rapproché.

M. DUHAMEL: Oui. Si l'on faisait, dans Rouyn-Noranda, une installation et que le câblodistributeur en question, qui détient le permis, venait nous trouver et disait : Là, on va s'entendre sur un prix pour un minimum de canaux, et qu'on déterminait quel est le prix pour quinze canaux, disons, et qu'il nous reste quinze canaux à louer, bien entendu, on pourra activer la mise en marché et essayer d'utiliser les quinze canaux qui seront encore disponibles dans ce câble. Cela pour autant que l'article 32 sera modifié et que l'on se dirigera vers un système complet, c'est-à-dire que tous les moyens de télécommunication, les moyens de transmission seront fournis par la compagnie de télécommunications. Cette même chose ne pourrait pas être possible avec le système qui est en vigueur actuellement, c'est-à-dire selon le contrat partiel où on a divisé le bébé en deux et où les câblodistributeurs sont propriétaires des amplificateurs et les compagnies de téléphone sont propriétaires des câbles.

M. PEARSON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Saint-Laurent, avez vous terminé?

M. PEARSON: Oui.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, l'audition du mémoire et les explications qui nous ont été fournies nous convainquent de l'importance de l'article 32, de son importance, sinon de sa nécessité absolue, soit le privilège ou le droit qui serait donné à la régie de décider de l'utilisation des véhicules ou des systèmes techniques de transmission des signaux.

Nous avons entendu divers organismes et entreprises qui ont tous insisté sur l'importance de la câblodistribution. Nous avons essayé d'avoir des chiffres pour établir les rapports de coûts, les aspects techniques. Nous avons entendu, ce matin, des spécialistes nous parler de l'aspect technique du problème.

Evidemment, cela ne rend pas facile la tâche du législateur qui a à s'occuper de la qualité et du coût des services. Il nous serait donc très difficile ce matin, en ce qui nous concerne, en tout cas, de dire aux personnes qui se sont fait entendre que nous sommes disposés à accepter leur suggestion, la suggestion qui se trouve aux pages 8 et 9 de leur mémoire et qui réclame en fait l'exclusivité des moyens techniques de transmission. Je pense que c'est encore la régie qui sera la mieux placée pour décider, lorsque les requérants se présenteront devant elle, compte tenu des situations existantes, qui pourra, devra utiliser tel ou tel véhicule. Parce que toute l'argumentation que l'on a faite ce matin visait à démontrer la valeur des services fournis par les entreprises de téléphonie, à démontrer que les coûts en seraient moindres, encore que cela ne soit pas très convaincant. Nous sommes donc dans l'obligation de demander au ministre de revoir cet article 32 à la lumière des renseignements qui nous ont été donnés mais nous ne pourrions pas souscrire, sans un examen très approfondi, à la requête qui a été soumise ce matin parce que nous aurions alors à nous poser le problème de l'avenir de la câblodistribution, plus précisément de la vocation de la câblodistribution.

Dans les échanges qui ont eu lieu nous avons entendu un de nos collègues en particulier défendre la câblodistribution. Nous savons qu'il est intéressé, soit lui-même ou par sa famille, il connaît le problème. Alors, c'est face à ces intérêts que je qualifierai de divergents que nous sommes obligés de retenir, pour le moment, le jugement que nous aurons à porter. Mais nous croyons, pour l'instant, que la régie, avec tous les pouvoirs qui lui seront impartis, sera encore l'organisme le mieux placé pour déterminer qui devra faire quoi parce qu'à mesure que nous entendons des mémoires les choses se compliquent et le tableau devient de moins en moins clair. Alors, j'imagine que le ministre va projeter son laser sur cette complexité technologique, socio-économique, etc.

et nous rendre réponse dans les délais les plus brefs.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: J'ai une question à poser en tant que résident de L'Assomption. Je ne vois pas le câble venir chez moi très vite actuellement. On attend depuis des années et je ne le vois pas poindre avant 10 ou 15 ans. Alors, si je comprends bien votre énoncé, autrement dit les transporteurs communs sont prêts à installer le câble coaxial immédiatement et ceci pourra accélérer la polyvalence, à l'avenir, de façon à diminuer les coûts du coaxial dans les régions de plus faible densité.

Je pense bien que le grand problème dans le moment, pour l'expansion du câble, ce sont les régions où la densité de la population est la moins grande parce que les coûts sont beaucoup plus grands, il y a moins de population au mille carré. Alors, j'aimerais savoir de vous si, en alliant les usages et en confiant aux transporteurs communs l'installation des coaxiaux, des régions comme la mienne pourraient avoir la câblodiffusion plus vite?

M. DUHAMEL: En autant que la compagnie qui dessert ce territoire est concernée. Du moment que l'on recevra une demande d'un entrepreneur qui détiendra un permis des autorités compétentes, comme on le disait tout à l'heure, ce sera une question de semaines avant que l'on ne pose le câble coaxial qui vous apportera le service que vous désirez.

M. PERREAULT: Seriez-vous prêts à ne louer que quelques canaux, six, huit ou douze canaux sur vos trente canaux?

M. DUHAMEL: Oui. Vous savez, c'est le genre de système où l'on croit devoir se diriger. Non pas le système de contrat partiel tel qu'il existe actuellement, parce qu'il est reconnu des deux parties qu'il n'est pas bon, mais ce serait exactement ce que l'on a. J'ai eu des discussions avec d'autres qui ont obtenu d'autres permis mais les câblodistributeurs, pour des raisons qu'il faut reconnaître si l'on était dans leur industrie aussi, ne veulent réellement pas entendre parler du système que j'essaie de décrire qui est celui en vertu duquel les compagnies de télécommunication fourniraient les moyens de transmission.

M. PERREAULT: Une autre question pour finir, en ce qui me concerne. Un député a parlé tout à l'heure de la clause de restriction. Est-ce que, si une compagnie de câblodiffusion venait avec un programme de transmission de télééducation vous seriez prêts à accorder la possibilité d'employer des canaux pour cet usage?

M. DUHAMEL: C'est déjà prévu. Il n'y a aucune restriction en autant que tous les services, comme Me Racicot disait tout, à l'heure, qui ont été mentionnés dans la présentation des câblodistributeurs, peuvent être donnés à l'heure actuelle. D'ailleurs cette question de restriction, vous savez, elle fait partie d'un contrat qui, à mon sens, est désuet. Si un câblodistributeur ou tout autre entrepreneur s'adressait à une compagnie de télécommunication, demandait un minimum de 12 canaux pour tel ou tel usage, et demandait 5 canaux additionnels pour tel autre usage, comme on le fait actuellement pour ce qui est du service téléphonique ou tout autre service de communication que l'on fournit, il en fait l'usage qu'il veut.

M. PERREAULT: C'est un peu comme lorsque vous louez des canaux à l'Hydro-Québec, il en fait l'usage qu'il veut pour la transmission de données ou pour des téléindications?

M. DUHAMEL: Absolument.

M. PERREAULT: Alors, vous permettez cela. Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Pour un renseignement personnel, vous êtes revenu, c'était la question du député de L'Assomption, sur les limites du contenu. Pourtant, quand je relis encore cette section du mémoire qui nous a été soumis ce matin, on nous dit: "II n'y a rien dans le présent contrat qui puisse être interprété de façon à permettre la transmission de données qui ne ferait pas partie ou qui ne serait pas complémentaire d'une émission de télévision ou d'une émission de radio transmise par câble".

Dans ce sens, ne croyez-vous pas que c'est un peu exercer sous une certaine forme un droit de veto sur le contenu, qui ne répond pas nécessairement aux besoins actuels, mais qui contingente les possibilités futures.

M.DUHAMEL: M. le député, s'il s'agissait d'une entreprise comme celle de votre famille ou peu importe et que cette clause était, en ce qui vous concerne, un obstacle, c'est la régie qui déciderait si la clause est raisonnable ou non. Maintenant, cette clause, en réalité, fait partie d'un contrat ou de l'approche à un service et j'ai dit tout à l'heure, que je la croyais désuète ou pas idéale.

Où la compagnie de télécommunication, en fournissant un câble, dira-t-elle: faites-en l'usage que vous voulez? S'ils étaient des télédistributeurs, mais si, comme ils le prétendent — et c'est bien leur affaire — ce sont des compagnies qui véhiculent les signaux, avez-vous vu des compagnies semblables offrir des services à des concurrents, en disant: Avec nos câbles, venez-nous faire concurrence dans l'avenir?

Elles ont aussi indiqué qu'il y avait des contrats d'attache aux poteaux dans d'autres provinces où c'était tellement supérieur. Mais, en réalité, même des compagnies de télécommunication, dans d'autres provinces où l'on permet des attaches aux poteaux, y vont de leurs restrictions aussi, et c'est normal. Elles vont dire: Vous pouvez vous servir de nos poteaux, mais pas pour nous faire concurrence.

En réalité, je reconnais que l'avantage particulier de l'industrie du câble est qu'elle voudrait augmenter son rendement au détriment des compagnies de télécommunication et le faire sur nos poteaux, avec nos facilités.

Alors, la position des compagnies de téléphone est celle que vous connaissez mais, encore une fois, je vous dis que cet article, je ne le vois pas comme empêchant les câblodistributeurs de remplir toutes les fonctions qui leur sont dévolues par leur permis actuellement.

M. LATULIPPE: Dans ces conditions, M. Duhamel, pourriez-vous développer un peu? Par exemple, prenons le cas de National Cable-vision qui nous a dit qu'elle avait huit ou neuf contrats qui n'étaient pas renouvelés soit avec votre société ou avec des confrères au niveau des corporations. Savez-vous pourquoi National Cablevision refuse de renouveler le contrat tel qu'il est bâti actuellement?

M. DUHAMEL: C'est parce qu'elle ne trouve pas les termes du contrat acceptables, je présume. C est bien ce qu'ils ont dit. Encore une fois, les contrats qui ont été négociés par leur association ne leur sont pas acceptables. Ils ne désirent pas s'engager pour une période de dix ans, ce que d'autres ont fait. La version de 1970 du contrat dont on parle a été signée par 50 ou 55 entrepreneurs actuellement dans l'Ontario et dans le Québec.

M. LATULIPPE: Au Québec, combien, environ? On a dit qu'il y avait 145 câblodiffuseurs au Québec actuellement.

M. DUHAMEL: Je n'ai pas les chiffres pour le Québec.

M. LATULIPPE: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. CorneUier): M. le ministre.

M. L'ALLIER: M. le Président, moi, je n'ai pas d'autres questions à poser. Je remercie les intervenants des réponses qu'ils ont données à nos questions et de la présentation qu'ils ont faite de leur mémoire. Si les membres de la commission sont d'accord, nous pourrions suspendre nos travaux pour les reprendre à quatorze heures trente jusqu'à dix-sept heures et demie et entendre, dès la reprise de la séance, M. Robert Routhier, du Conseil de développement des media communautaires.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, la commission suspend ses travaux et les reprendra à quatorze heures trente jusqu'à dix-sept heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

Reprise de la séance à 14 h 38

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): Nous allons entendre à présent les groupes communautaires, à savoir : Le Conseil de développement des média communautaires du Québec; deuxièmement, le Conseil des média communautaires de la Mauri-cie et du centre du Québec, la Communication Inter-Media Sherbrooke, le SCRAM et la Télévision communautaire de Saint-Félicien Inc. Le porte-parole principal est M. Robert Routhier. Je demanderais aux autres personnes qui représentent ces organismes de bien vouloir s'identifier. M. Routhier.

Conseil de développement des media communautaires du Québec

M. ROUTHIER: M. le Président, messieurs les membres de la commission, si vous permettez, je vais vous présenter les autres personnes qui constituent le groupe. D'abord, il y a M. Pierre Allard de la région no 4 qui était également membre de l'exécutif du Conseil de développement des média communautaires du Québec; M. Maurice Vallée, de la région no 4, également de la Télévision de Drummond; MM. André Castonguay et Jean Fortier, d'Inter-Media Sherbrooke.

Quand vous nommez le groupe de Saint-Félicien, ces gens sont peut-être dans la salle, mais pas à notre connaissance.

LE PRESIDENT (M. Pilote): S'ils sont présents, je les inviterais à venir s'asseoir.

UNE VOIX: Ils sont absents.

M. ROUTHIER: Avec votre permission, nous avons pensé vous présenter un rapport succinct de l'essentiel des idées véhiculées dans les divers rapports, supposant que vous avez eu l'occasion d'en prendre attentivement connaissance, quitte à ce que dans un deuxième temps, nous ayons l'occasion de répondre à des questions, soit de clarification ou soit encore d'une autre nature. Ici, tel que vous me l'avez suggéré tout à l'heure, on n'entend pas faire état du second rapport présenté par le Conseil de développement des media communautaires en réaction aux propos tenus par les câblodistributeurs, de même que par les radiodiffuseurs. On tient pour acquis encore là, que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance.

Très rapidement, si vous permettez, je vais vous présenter un document que je vais appeler maintenant le CDMCQ, j'entend le Conseil de développement des media communautaires du Québec. L'essentiel du document tient au fait suivant: Nous sommes d'avis qu'il faut considérer le câble comme un médium qui veut être un instrument de développement pour la collectivi- té et ça c'est conforme à ce qui est présenté comme projet de réglementation et enfin c'est un service public.

Alors, pour la majorité de ces points, nous nous appuyons sur l'essentiel des idées présentées dans la réglementation. Ce triptyque nous amène à appuyer la deuxième partie de notre mémoire, en disant qu'un câblodistributeur, à notre avis, est un diffuseur. A ce moment-là, la population, de même que d'autres groupes deviennent des producteurs, ce qui nous amène à introduire une distinction importante dans le projet de réglementation et tout le reste de notre argumentation en dépend. Cela signifie tant pour les mesures prévues que pour la publicité et pour tous les mécanismes prévus concernant la programmation que les câblodis-tributeurs, dans le cadre de la réglementation, ne sont pas concernés comme tels, si on retient cette distinction fondamentale, à notre point de vue. Eux ne sont, alors, que les gens qui permettent que dans ce medium soit véhiculée une programmation qui tantôt vient de grandes chaînes, comme Radio-Canada ou TVA, ou bien d'une population sur une base locale. On est tout à fait disposé à s'accommoder d'une distinction telle que l'ACTC vous la propose en ce qui regarde les émissions locales, les émissions communautaires, les émissions d'intérêt général. Pour nous, si on retient ce mode de présentation sur une base locale, ces distinctions n'ont plus tellement leur raison d'être, parce que c'est la population locale qui devient le producteur d'émissions et on ne parle plus d'émissions d'intérêt général ou communautaires ou d'émissions locales.

D'ailleurs, dans cette perspective, il nous paraissait tout à fait contreindiqué de vouloir confier aux câblodistributeurs la production d'émissions locales, du moins de façon aussi spécifique, quand on sait que, quand même, il y a des stations de télévision dans pratiquement toutes les régions quand il n'y en a pas deux. Il leur incombe d'assurer la production d'émissions locales et non seulement d'être alimentées par les grands réseaux. Quand je dis émissions locales, j'entends information, pas strictement des petites variétés ou des talents locaux. A la population reviendrait le fait de produire, j'entends d'assumer la responsabilité d'une production communautaire.

A cette fin, à part le fait d'énoncer ce principe, on prévoit trois moyens, dans le sens que cela suppose, sur une base locale, l'organisation de la population, et que ce ne soit pas des intérêts particuliers qui disent représenter la population. Il devrait être prévu des mécanismes pour que toute la population soit représentée de la façon la plus acceptable possible pour constituer un comité de la production communautaire.

Ce comité, il s'agit de le doter des moyens nécessaires pour lui permettre d'oeuvrer. On pense oeuvrer dans le sens de rejoindre la population, savoir ce qu'elle désire, comment

elle entend s'y impliquer, et pour qu'elle participe à cette programmation qu'on appelle communautaire.

Dans un troisième temps, ça suppose qu'ils disposent des ressources pour ce faire. Je disais tout à l'heure que la publicité, d'après nous, n'a pas à être un revenu supplémentaire aux câblodistributeurs qui, à notre point de vue, sont déjà très bien pourvus. Entre autres, la publicité pourrait contribuer à financer cette production communautaire, du moins à assurer au comité de programmation l'argent nécessaire pour permettre cette production communautaire, argent nécessaire qui permettrait de se procurer et du personnel et des ressources dans le sens d'équipement et tout et tout. Et on rejoint les préoccupations des câblodistributeurs à l'effet qu'il ne leur revient peut-être pas strictement à eux de rendre disponibles toutes ces facilités ou toutes ces ressources pour permettre une production jugée souhaitable par le CRTC et par la présente réglementation jugée comme nécessaire.

Le rôle de la Régie des services publics dans la câblodistribution nous parait être, selon les propos tenus jusqu'à maintenant, en définitive, qu'il lui reviendrait de tenir compte des contingences territoriales et des diverses populations. A notre point de vue, il faudrait que la réglementation, même générale, dite de principe, soit quand même suffisamment articulée pour qu'il ne soit pas laissé à la régie de s'accommoder ou d'interpréter de façon aussi large qu'on l'a vu ici depuis le début des travaux de la commission, les divers articles prévus.

Si vous me permettez, de façon très rapide, je vais faire la lecture des quelques recommandations, comme M. Tremblay me le suggérait tout à l'heure, qui devraient être possiblement la pièce de résistance pour fins de discussion.

Alors, les recommandations du CDMCQ se lisent comme ceci, à la toute fin de votre document: La Régie des services publics doit d'abord laisser à la population la responsabilité de toute la production locale; ainsi, doit-on comprendre que tous les éléments de programmation, tels que définis dans l'article 1, à l'exception de la programmation éducative, doivent être sous la responsabilité du comité de programmation communautaire. 2)Le câblodistributeur demeure, par le fait même, le diffuseur sans plus et, par conséquent, n'a ni le droit exclusif de décider de l'orientation de la programmation, ni la responsabilité des contenus de la production communautaire. 3) Le câblodistributeur demeure obligé de fournir gratuitement à la population le ou les canaux, le matériel et les studios, nécessaires à la diffusion, ainsi que les ressources nécessaires à la production. 4) L'entreprise de câblodistribution, en tant que service public, verse une partie, à déterminer, de son revenu brut d'exploitation au profit de la production communautaire au comité de programmation. 5) Avant d'accorder un permis d'exploitation à une entreprise de câblodistribution, la Régie des services publics doit s'assurer de la formation d'un comité de programmation responsable et représentatif de la collectivité concernée, de son pouvoir effectif de décision et de ses moyens matériels et techniques pour atteindre ces objectifs. 6) La Régie des services publics doit définir ses critères d'évaluation de qualité de technique, en termes de loi. Spécialement, il en est question aux articles 10, 17 a) et 31. 7) En tant que diffuseur, l'entreprise de câblodistribution ne doit pas être tenue de produire des émissions et, par conséquent, le recours à la publicité doit lui être défendu, le taux de rentabilité de ces entreprises étant nettement élevé.

A ce sujet-là, on a été beaucoup plus explicite dans le second rapport qui vous a été remis. 8) La publicité étant en fait un soutien à la production, le CDMCQ considère qu'il revient au comité de programmation communautaire plutôt qu'au câblodistributeur de pouvoir bénéficier de cette ressource financière. 9) Toute entreprise de câblodistribution doit faire approuver par la régie, en plus des transactions contenues dans l'article 27, tout changement de tarif d'abonnement et de frais d'établissement de câble. 10) Ne serait-il pas plus juste que les droits perçus par la régie, selon la section 1 de l'article 30, soient versés au comité de programmation de la communauté ou, tout au moins, que la régie justifie la perception de tels droits? 11) Enfin, certains termes du règlement pourraient être définis ainsi... je vais m'abstenir d'en faire la lecture.

Alors, en guise de conclusion, on insistait, à notre point de vue, sur l'importance vitale de la présente commission et du projet de réglementation qui est soumis même s'il va revenir à la régie de voir à l'application plus immédiate de cette réglementation.

On y est d'autant plus sensible qu'à un autre niveau qui vous a précédé dans ce domaine, j'entends au CRTC, on a convenu de généralités. En tout cas on s'est accommodé de très grands principes, ce qui fait que les câblodistributeurs peuvent faire à peu près ce qu'ils veulent à l'intérieur. On souhaiterait bien, dans la présente réglementation, que ce soit davantage articulé et qu'il ne soit pas laissé à tout chacun la possibilité de faire une interprétation dans le sens qu'il veut bien favoriser.

Alors, en vous remerciant de votre attention, si vous permettez nous allons entendre M. Vallée, de la région no 04.

Télévisions communautaires de la région 04

M. VALLEE: Nous, de la région 04, on regroupe les télévisions communautaires du

coin, Shawinigan, Sainte-Thècle, Grand'Mère, des expériences qui se font là-bas. Il y a aussi Victoriaville, où cela commence et Drummondville, où cela marche depuis un an. Il y a, à Manseau, une autre expérience vidéo et on fonctionne avec tout ce monde-là. Il y a aussi des projets de journaux communautaires, des journaux de quartier qui se sont regroupés à l'intérieur du Conseil de développement des media communautaires. On essaie de planifier quelque peu tout ce qui se passe au niveau de la région, les subventions qui arrivent d'un bord et de l'autre, les projets PIL, les projets PJ pour essayer de voir ce qu'on fait avec cela et où on s'en va.

Face au projet de réglementation de la Régie des services publics, on s'est posé des questions. Au CDMCQ, on trouve qu'il y a une distinction fondamentale qui n'a pas été faite entre la câblodistribution et la production d'émissions locales, les producteurs et les câblodiffuseurs. On trouve curieux qu'on donne aux câblodiffuseurs le rôle de producteur, de créateur au niveau du canal communautaire, en tout cas pour ce qui concerne les émissions locales. On considère les câblodiffuseurs comme des distributeurs de signaux et non pas des producteurs. Les producteurs, pour nous, ce sont les gens qui font les émissions, ce sont les gens qui y travaillent, qui les conçoivent, qui les réalisent et qui même parfois suppléent au travail des câblodiffuseurs pour les diffuser sur le câble. C'est arrivé assez souvent entre autres à Drummondville. C'est nous-mêmes qui faisions partir les machines et on diffusait. Alors, on trouve curieux que la responsabilité de ces choses-là soit remise entre les mains des câblodiffuseurs alors que c'est nous qui faisons la production.

On considère qu'on est capable d'en être responsable. A ce même titre, on propose qu'il y ait, au niveau des localités où il y a des télévisions, où il y a des câbles, que ce soit un comité local de programmation qui s'occupe du canal communautaire et qui soit responsable du contenu de ce qui est dit sur ce canal et de la programmation qui est faite, et que le câblodiffuseur n'ait rien à dire là-dessus, parce que, en fin du compte, il n'est pas impliqué dans la production de ces choses; bien souvent même, il derreure en dehors de la ville, il connaît très peu les gens qui sont impliqués là-dedans, et il connaît très peu aussi les besoins du milieu au niveau des communications. Il y a des groupes communautaires qui travaillent; il y a des groupes qui ont besoin d'information; il y a des groupes qui ont besoin de communiquer avec les autres groupes; et ce sont des problèmes que les câblodiffuseurs ou câblodistributeurs ne voient pas et ne perçoivent pas parce qu'ils ne vivent pas dans le milieu, avec les gens quotidiennement.

Dans ce sens, on appuie intégralement le mémoire du CDMCQ. Il y a certaines différences qu'on fait, entre autres, surtout au niveau de la publicité et du financement. Le CDMCQ considère que la publicité devrait financer le comité de programmation locale. On a essayé de faire une petite analyse, on a essayé d'imaginer un peu ce qui se passerait lors de la diffusion des émissions communautaires.

La plupart de ces émissions discutent des problèmes, par exemple du chômage ou des assistés sociaux ou encore des problèmes au niveau des municipalités. Certains groupes essaient de faire percevoir à la population qu'il existe des problèmes, et qu'il faut que ces problèmes se règlent. Si on passe de la publicité entre ces messages, on trouve que c'est contradictoire, parce que la publicité, pour nous, après étude, nous dit qu'on vit dans un monde merveilleux, c'est un paradis, il n'y a pas de problème, cela n'existe pas. Vous achetez des Mustang, quelque chose du genre, et vos problèmes sont réglés. L'essentiel de tous nos messages c'est qu'il existe des problèmes, il faut qu'ils se règlent, il faut qu'on trouve des solutions. Alors que l'autre message dit: II n'y a pas de problème, puis il n'y a pas de solution à trouver, et vous êtes bien.

Alors, cela vient en contradiction avec tout ce que l'on fait. Dans ce sens, s'il y a de la publicité sur le câble, nous, cela ne nous intéresse plus de passer par un medium comme celui-là, parce que la publicité, en fin de compte, est beaucoup plus forte que les citoyens. La publicité fonctionne avec l'argent, alors que les citoyens fonctionnent avec de l'énergie bénévole; c'est du temps que des gens consacrent à informer d'autres gens, à faire naître, en tout cas, une participation des citoyens, une prise en main des responsabilités. Or, la publicité dit justement: Ne prenez pas vos responsabilités; vous êtes heureux comme cela. Cela est une petite analyse de l'affaire.

Là, je saute à un autre sujet. Il y a le comité de programmation, il y a le câblodiffuseur et la régie. La programmation s'occupe de tout ce qui est programmation sur le canal communautaire. J'ai l'impression que les citoyens aimeraient bien, à un moment donné, avoir un mot à dire dans tout ce qui va être diffusé sur le câble. Par exemple, je sais qu'à Drummondville ou dans d'autres TVC on pense diffuser un, deux, trois ou cinq canaux américains. Cela fait plus ou moins l'affaire des citoyens. Ils aimeraient bien avoir un mot à dire aussi sur la diffusion qui va se faire, par exemple, des émissions de Radio-Québec. En gros, ils sont d'accord, mais que le câblodiffuseur dise: Bon, cela passe à telle heure et vous autres, vous allez passer à telle autre heure, c'est moins bon. Il y a des contacts à faire et il y a des ententes à réaliser, en tout cas.

Dans le rôle de la programmation aussi, les gens ressentent un besoin de savoir ce qui se passe, ce qui arrive avec le câble, ce qui va passer dessus. Il y a un manque d'information et de communication entre les câblodiffuseurs et les citoyens chez qui ces câbles se sont implantés. Les câblodiffuseurs ont des projets à

long terme; ils voient cela de très loin. Tantôt, on parlait de 35 canaux, de transmission de données, etc., et les citoyens sont complètement en dehors de tout cela. Ils ne savent pas ce qui s'en vient et cela leur fait peur dans un sens.

Cela, c'est pour le comité de programmation. Vu les profits souvent énormes qu'ils peuvent réaliser par l'exploitation de leur entreprise, on pense qu'il y aurait possibilité que les câblodif-fuseurs réinvestissent quelque peu de cet argent pour développer cette communauté, développer des liens entre des groupes de citoyens et les individus eux-mêmes.

On pense que les câblodiffuseurs devraient financer, comme le CDMCQ l'a dit tantôt, à la fois un canal, c'est-à-dire un modulateur, etc., ce qui est très peu, le matériel de production et même un, deux ou trois techniciens, selon la grosseur de la localité.

Le câblodiffuseur, pour nous, fournit tout ce qui est technique, tout ce qui est entretien et tout ça. Le rôle de la régie là-dedans serait un rôle d'observateur, de surveillant, en quelque sorte, de la représentativité des comités de programmation au niveau local.

En gros, c'est ce que nous disons. Cela s'appuie sur des expériences très, très concrètes au niveau de la région, des expériences pratiques, vécues au jour le jour avec les gens, et ce ne sont pas des représentants des classes favorisées, en tout cas, pour ce qui concerne les expériences de télévision communautaire qui se font dans notre région.

Souvent vous avez, à la tête de ces organismes, des gens qui ont très peu d'instruction, qui ont une communication verbale et non pas écrite, littéraire et tout ça. La communication audiovisuelle pour eux, est une chose pas mal importante pour se faire comprendre des autres et exprimer leurs besoins. C'est pour ça qu'ils s'impliquent là-dedans et je pense que la commission devrait se préoccuper beaucoup plus de la représentativité de ceux qui ont la responsabilité des câbles, du canal communautaire. Merci beaucoup.

Communication Inter-Media Sherbrooke

M CASTONGUAY (André): Le mémoire que je veux présenter est au nom de Communication Inter-Media Sherbrooke, au sujet de la réglementation relative aux entreprises publiques de câblodistribution. Il se situe en trois points, comme vous avez pu le remarquer: à savoir un premier point qui veut marquer vraiment l'intérêt de Communication InterMedia pour présenter un mémoire à la commission parlementaire; un autre point qui veut soulever certains points à l'intérieur du projet, qui veut exprimer notre compréhension de ces points-là, dire comment nous les voyons, et un dernier élément à la suite de cette constatation qui serait de proposer des solutions ou des ajouts que nous croyons heureux.

D'abord, pour nous situer, il faut dire que

Communication Inter-Media Sherbrooke est un organisme à but non lucratif.

Nos objectifs généraux sont de favoriser l'expression et la communication entre les citoyens de Sherbrooke et des environs, de sorte que nous nous faisons un devoir de contribuer au développement du milieu selon les intérêts de la population, à savoir les citoyens exclus des mécanismes de décision. Ce sont nos principales préoccupations.

Pour arriver à cette fin, nous voulons orienter nos actions dans le sens suivant, à savoir créer un centre de production sans but lucratif qui soit accessible à tous les citoyens de la zone concernée pour tout document audio et vidéo, que ce soit le magnétoscope, la photographie ou l'imprimé, et aussi, sans but lucratif, diffuser des productions audio et vidéo du centre par tous les canaux appropriés, à savoir, par exemple, salle publique ou semi-privée, câbles communautaires, postes locaux de radio et les journaux du milieu. Nous voulons intensifier notre action cette année en vue surtout de travailler à la promotion d'une véritable information et auto-information, de même que de travailler à la création d'une place publique en regard des questions vitales du milieu.

Dans cette ligne, nous avons travaillé déjà depuis plus d'un an. Notre expérience repose sur des relations établies déjà avec Câblevision Sherbrooke depuis tout ce temps-là, de même que sur la production d'émissions communautaires.

Je pense qu'il serait bon de souligner que, cette année, dans toutes les productions communautaires qui ont eu lieu sur le canal 11, à Sherbrooke, sept heures et demie d'émissions ont été assurées par des groupes se rattachant à Inter-Media, alors qu'il y a seulement deux heures d'émissions locales qui ont été assurés par Câblevision.

Il est bon de souligner aussi que 30 groupes ou organismes différents travaillent activement avec Communication Inter-Media Sherbrooke et que, finalement, notre action, cette année, a regroupé 22 équipes de production rejoignant ainsi près de 200 personnes. Tout cela pour dire que nous nous situons vraiment dans cette participation des gens, que notre attitude se veut une représentation du milieu et de ses besoins et qu'elle se veut aussi vraiment constructive.

Pour passer au deuxième point, à savoir notre compréhension face à certains points qui sont soulevés dans le projet de la réglementation, nous nous situons, d'ailleurs, comme le projet lui-même, dans la ligne du livre vert sur les communications, qui a été publié en mai 1971. Ses lignes principales étaient les suivantes, simplement pour les rappeler: "Quant aux citoyens, le ministère des Communications doit assurer le droit inaliénable pour les citoyens du Québec à la communication selon leurs besoins culturels, sociaux, économiques et politiques.

"Quant à l'Etat, le ministère des Communications doit pourvoir directement ou indirectement le gouvernement et ses organismes d'un système moderne de communications leur permettant d'assumer pleinement toutes leurs responsabilités envers la population du Québec. "Et, quant à la collectivité, le ministère des Communications doit promouvoir et maintenir un système québécois de communications, intégré aux systèmes extra-territoriaux ou internationaux, qui facilite et contribue à l'épanouissement de tous et à la réalisation des objectifs du Québec."

Face à ces orientations qui sont, d'ailleurs, soulignées dans le projet, nous dégageons ce qui suit. Nous voulons particulièrement souligner l'article 5 qui dit: "Toute entreprise publique de câblodistribution doit être un instrument permanent de développement social, culturel et économique de la collectivité". Or, il nous semble que ceci est insuffisant, à savoir que la formulation des diverses formes de participation prévues n'offre aucune garantie que la population d'un milieu donné sera associée à la prise de décisions relatives à l'entreprise de câblodistribution, à moins que ne soit assuré que ce soit appuyé par des obligations spécifiées, par des critères et des mécanismes précis, qu'on y ajoute ça.

Autrement, on ne voit pas comment les gens pourraient avoir droit de regard là-dessus et y participer. Un mécanisme qui pourrait être soulevé entre autres, c'est un comité de programmation qui vienne vraiment du milieu. D'ailleurs, on y reviendra un peu plus tard dans les solutions que nous proposerons. Je pense qu'il faut se rappeler une autre difficulté: — on ne peut pas tellement y faire de reproches — celle que les câblodistributeurs aient envie de faire un peu la monopolisation, à savoir s'étendre à des réseaux, avoir une action plus étendue. Par contre, cette monopolisation amène, en même temps, un élargissement territorial et un anonymat, ce qui nous semble, rendrait beaucoup plus difficile la participation d'un milieu donné à l'orientation, au développement du milieu à travers ces media.

Autre point à souligner, on rappelle dans l'article 21, que c'est la priorité aux émissions éducatives et communautaires qui doit être dans les conditions. Or, d'autre part, dans l'article 13, on défend la publicité pour ce qui est de ce genre d'émissions sans pour autant assurer une autre source permettant de financer ou de produire des émissions communautaires. Si on prend le milieu de l'éducation, ça ne pose pas tellement de problèmes pour eux-même s'il n'y a pas de ressources qui soient prévues parce qu'on sait qu'ils sont quand même assez pourvus de ce côté. La chose n'est pas identique pour ce qui est des groupements communautaires, des groupements de base qui n'ont pas derrière eux tous ces moyens financiers. Nous croyons qu'il y a vraiment des services qui devraient être établis. J'en cite quelques-uns, à savoir qu'il importe de faire la promotion dans un milieu donné, de posséder la mobilisation de groupes, d'assurer une formation de base aux fonctions de réalisation et autres, outre la manipulation des appareils pour un certain nombre de personnes, de veiller aussi à un follow up permettant un perfectionnement nécessaire et d'autres besoins, ce qui n'est pas sans mobiliser un tas de ressources humaines et matérielles.

D'ailleurs, à Sherbrooke, l'expérience dans cette ligne s'est avérée un peu difficile parce qu'un groupe comme le nôtre, qui était assez jeune à ce moment-là, a dû pour la majorité assurer tous ces services qui n'étaient pas faits par câblovision, à savoir la formation des gens, la mobilisation, tous les services qui sont donnés ici ont été faits en grande majorité par Communication Inter-Media.

Il faut se dire en même temps que face à la rentabilité possible, les câblodistributeurs seront davantage portés à s'orienter vers des émissions de type local ou d'intérêt général. Mais sur ce point, il ne faut pas oublier que ça pourrait facilement faire emploi avec les autres postes locaux qui existent déjà ou qui sont à venir, soit un deuxième poste de télévision à Sherbrooke, qui ont justement pour vocation, entre autres, de produire des émissions locales.

J'en viens maintenant aux propositions que nous faisons face à ces remarques. Le sens de nos propositions, c'est qu'on croit vraiment que c'est une responsabilité du gouvernement du Québec d'énoncer des principes généraux et aussi d'aller plus loin dans la précision de ces principes pour en assurer l'application.

Nous souhaitons qu'il y ait vraiment des garanties que les citoyens pourront décider en matière de câblodistribution suivant leurs besoins et que les ressources nécessaires à leur réalisation seront rendues disponibles en vue du développement auquel ils aspirent.

Donc, nous proposons, premièrement, que la Régie des services publics fasse une obligation aux câblodistributeurs d'affecter un canal d'abord et avant tout aux émissions communautaires, quitte à ce que d'autres types d'émissions complètent la programmation de ce canal.

Deuxièmement, nous proposons que la Régie des services publics fassent aussi une obligation aux câblodistributeurs de former un comité composé de représentants voués aux intérêts des propriétaires et surtout de représentants voués aux intérêts de la communauté locale chargée de la complète responsabilité de la programmation du canal affecté d'abord aux émissions communautaires. Les représentants du milieu au comité doivent provenir, à notre avis, des secteurs suivants: social, religieux, économie, travail, éducation, groupes populaires, loisirs et culture, information. Ce comité doit être, à notre avis, décisionnel et non pas consultatif pour la compagnie propriétaire.

A cette responsabilité au niveau de la programmation sur ce canal doit être ajoutée celle

de décider de l'affectation des sommes d'argent procurées au comité par les câblodistributeurs, à qui la régie doit faire une obligation de verser un montant suffisant à la réalisation d'émissions communautaires dans une proportion correspondant à un certain pourcentage du revenu annuel brut de ces mêmes câblodistributeurs. Ainsi, les câblodistributeurs sont appelés à garantir directement, et selon un montant significatif par rapport à l'envergure de leur entreprise, les sommes d'argent nécessaires à l'affectation de ressources humaines et matérielles en vue d'assurer les services jugés essentiels par le comité pour la réalisation d'émissions communautaires.

Par la suite, le milieu, avec l'assistance financière gouvernementale et autres compléteraient cet apport de la compagnie propriétaire ainsi préoccupée de développement autant que de profit.

Troisième proposition. Là où existe déjà une station ou plus de télévision locale, la régie doit signifier sa volonté aux câblodistributeurs concernés de s'abstenir de procéder à la réalisation d'émissions locales. Normalement, ces stations de télévision locales doivent produire de telles émissions. De plus, il nous parait que la production d'émissions locales au sujet desquelles la publicité n'est pas exclue constituera le plus beau prétexte pour les câblodistributeurs de n'investir que très faiblement dans les émissions communautaires.

Quatrième proposition. La Régie des services publics doit faire une obligation aux câblodistributeurs de se doter d'un comité de programmation de niveau décisionnel en regard de la programmation de tous les canaux offerts par l'entreprise de câblodistribution. Une communauté donnée ne peut confier le soin de toute la programmation offerte par les câblodistributeurs à une minorité. Le milieu doit être associé quant au choix de la programmation globale de l'entreprise, et cela au niveau décisionnel. Peut-être que ce dernier comité prévu pour les émissions communautaires, dont on a parlé tout à l'heure, devrait assumer cette tâche qui est dans le même ordre.

Cinquième proposition. Pour le bénéfice de tous, la population comme les câblodistributeurs et la régie, un certain nombre de termes et/ou d'articles doivent être précisés dans le projet de règlement. D'abord, à l'article 1 c) et à l'article 21 d), la définition retenue pour "émissions d'intérêt général" nous inquiète parce que trop résiduelle, pas suffisamment précise. Cela constitue une échappatoire trop facile pour les câblodistributeurs.

Aux articles 9 et 10, nous aimerions être informés clairement des critères selon lesquels sera appréciée la qualité du service.

A l'article 11.2, il importe que la régie s'assure de certaines garanties que la programmation autorisée par la régie sera réellement offerte, tellement d'événements permettent aux câblodistributeurs de s'excuser de changements d'importance dans leur programmation. Le co- mité proposé à l'article 3.4 constitue un élément de garantie appréciable, à notre point de vue.

A l'article 31, nous sommes d'avis que les normes techniques auxquelles sont tenues de se conformer les entreprises de câblodistribution doivent être diffusées le plus possible et connues du grand public. Ces précisions et ces garanties, loin de nous paraître comme de simples modalités, constituent des aspects importants du projet de réglementation. Autrement, les câblodistributeurs s'accommodent de ces principes généraux que l'absence d'une réglementation précise évite de cerner, le plus souvent au détriment des communautés locales.

La reconnaissance aux câblodistributeurs d'une marge de profit raisonnable ne nous empêche pas de prévoir des mécanismes garantissant des services adéquats à la population. Alors, ce sont les points que nous aimerions souligner. Nous croyons que ce serait vraiment important pour le règlement de préciser ces points pour vraiment assurer l'orientation de base de tout le projet. Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est à l'honorable ministre des Communications.

M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai entendu, avec intérêt, les exposés qui viennent d'être faits. Je voudrais d'abord préciser, pour les membres de la commission, résumer, en fait, ce que nous savons déjà, à savoir quelle est l'étendue de l'intervention du législateur par voie de réglementation au niveau de la télévision communautaire.

D'abord, vous avez à l'article 15 du règlement un article général qui prévoit que pour les fins d'émission communautaire et de programmation éducative l'entreprise publique de câblodistribution doit mettre gratuitement un ou plusieurs canaux à la disposition de la communauté ou d'un organisme chargé de faire de la programmation éducative. Ce qui veut dire que, dans la mesure où l'on parle de un ou plusieurs canaux qui doivent être mis gratuitement à la disposition de la télévision communautaire ou de la télévision éducative, il ne s'agit pas nécessairement de l'ensemble des frais — j'explique le règlement tel qu'il est rédigé maintenant — qui peuvent être inhérents à telle production communautaire ou éducative. C'est la disponibilité d'un ou de plusieurs canaux.

Pourquoi dit-on un ou plusieurs canaux? Précisément pour laisser à la Régie des services publics cette marge de manoeuvre qui permet d'évaluer l'ensemble de la programmation proposée sur plusieurs canaux et de voir s'il est possible ou souhaitable d'avoir un canal éducatif, un canal communautaire ou même deux canaux communautaires et un canal éducatif ou, à l'inverse, deux canaux éducatifs et un communautaire.

C'est le sens de l'article 15, qui doit être publié en même temps que les articles 18 et 21.

A l'article 18, on parle de la programmation,

de la production minimale. On dit: La production de toute entreprise publique de câblodistribution doit, outre la programmation éducative, être d'une durée minimum de dix heures par semaine et comprendre obligatoirement des émissions communautaires, deuxièmement, des émissions locales. Le règlement ne fait pas aux câblodistributeurs une obligation de faire de la production. En d'autres mots, un câblodistribu-teur peut, dans la programmation qu'il soumet à la Régie des services publics, proposer uniquement de faire de la retransmission d'émissions déjà produites ou de canaux déjà existants. Cela se justifie par la très grande divergence de dimension qui existe entre les entreprises de câblodistribution existantes sur le territoire québécois. Cependant, si un câblodistributeur décide qu'il peut faire de la production, nous avons indiqué, ici, que cette production devait être d'une durée minimale de dix heures. C'est en gros sur les indications qui nous ont été données par les câblodistributeurs que c'était, en fait, un minimum, un seuil, si vous voulez, à partir duquel on pouvait commencer à parler de production, en deça duquel on ne peut pas parler véritablement de production que nous avons indiqué ceci.

Des émissions communautaires, donc, sont obligatoires de même que des émissions locales. Il n'y a pas de répartition de temps par rapport à l'une ou l'autre catégorie. J'ai indiqué, au début de la commission parlementaire, des amendements de concordance que nous apportons maintenant à cet article et qui font ajouter, après les mots "des émissions communautaires", les mots suivants "et prévoir des émissions consacrées", etc. et d). En d'autres mots, c) et d) sont facultatifs, a) et b) sont obligatoires à l'intérieur de la production qui serait proposée par un câblodistributeur, laquelle production se situe, elle, à l'intérieur d'une programmation qui est majoritairement de la retransmission.

Le troisième article qui est pertinent au sujet qui nous intéresse maintenant est l'article 21, où on dit — c'est l'ordre de priorités, en fait — Toute entreprise publique de câblodistribution doit offrir sa programmation, tant audio que visuelle, selon l'ordre de priorités suivant: a), b), c), d), e), f ), g) étant, par référence, précisé dans le deuxième paragraphe. La programmation éducative, c'est donc a); b), les émissions communautaires; c) les émissions locales; d) les émissions d'intérêt général. C'est essentiellement à la régie qu'il appartient, au moment d'étudier une programmation proposée par un câblodistributeur, de voir à ce que l'économie générale de cet ordre de priorités soit respecté, compte tenu du potentiel de production, de la dimension de l'entreprise et de tous les facteurs qui jouent et qui font, en fait, qu'il n'y a pas deux entreprises de câble qui sont semblables au Québec à ce point de vue.

Donc, sur ce point, l'économie générale du règlement est la suivante. Nous avons voulu, d'une part, assurer la collectivité québécoise que l'entreprise de câblodistribution soit obligée de mettre gratuitement un ou plusieurs canaux à la disposition de la communication communautaire et éducative. Deuxièmement, nous avons voulu faire en sorte que ce soit la Régie des services publics, à ce stade-ci, qui soit l'autorité finale pour faire l'arbitrage dans la pondération de la programmation et de voir quel pourcentage devait être consacré à tel ou tel aspect.

Quant à la publicité à laquelle vous avez fait allusion, nous avons voulu, dans le règlement, la rendre accessible aux câblodistributeurs mais dans des conditions extrêmement précises qui sont contenues à l'article 13. Lorsque vous avez mentionné tout à l'heure que la publicité était interdite pendant ou à l'occasion des émissions communautaires, il y a une légère inexactitude. Ce qui est prévu dans le règlement, c'est que la publicité est interdite lors d'émissions communautaires ou dans le contenu d'une émission communautaires; elle n'est pas interdite pour une émission communautaire, avant ou après une émission communautaire. On ne pourrait pas couper une émission communautaire pour passer un message commercial. En d'autres mots, prendre l'auditoire qui s'intéresse à telle émission communautaire et profiter de sa captivité temporaire pour lui passer un message publicitaire. Le but était de restreindre la publicité au moment de la production communautaire.

Ce que je retiens des exposés qui ont été faits, j'en oublie certainement mais ce que je retiens essentiellement, c'est ceci. Un point que je partage évidemment, parce qu'on l'a énoncé au moins dans son principe dans le livre vert, c'est que la télévision par câble de tous les moyens audiovisuels de communication de masse est peut-être celui, à ce moment-ci, qui a, toutes proportions gardées, le plus de possibilités de participation des citoyens en regard de la télévision traditionnelle ou de la radio traditionnelle, même en regard des journaux.

A partir de là et dans la mesure où c'est une chose dont nous sommes conscients, comme vous, vous l'indiquez, si, effectivement, on doit avoir de la programmation communautaire, il faut prévoir dès ce règlement et à ce moment-ci un mécanisme qui garantisse la participation de la communauté à l'élaboration plus ou moins grande, suivant les exposés qui viennent d'être faits, de la programmation. Certains souhaitent que cette participation de la collectivité desservie soit décisionnelle sur l'ensemble de la programmation de tous les canaux, d'autres indiquent que cela pourrait se limiter à la production locale. Quoi qu'il en soit, il y a un désir d'insérer dans un projet de règlement, à ce moment-ci, un mécanisme qui obligerait soit la régie, soit les câblodistributeurs à traiter avec un comité de production communautaire dont le rôle pourrait varier suivant les exposés qui sont faits. Ce comité de production communau-

taire, en tenant pour acquis qu'essentiellement le dénominateur commun veut qu'il s'occupe de la production communautaire du canal, donc réservé à la production communautaire — c'est la conséquence logique de la première partie de votre exposé — devrait pouvoir disposer d'un certain nombre de moyens financiers pour agir. Vous faites référence à la porte ouverte à la publicité en disant: Si vous ouvrez une porte à la publicité, pourquoi ne pas faire en sorte que cette porte s'ouvre surtout, ou essentiellement ou uniquement sur le communautaire.

Le troisième point que je retiens, c'est que vous considérez qu'il est important, à ce moment-ci, de limiter le pouvoir discrétionnaire de la Régie des services publics afin que vous ayez dès maintenant, dans une loi ou dans un règlement, des garanties sur les deux points énoncés précédemment et que la discrétion de la régie pourrait bien ne pas s'exercer dans le sens que vous souhaitez, après tout, et qu'en conséquence il vaudrait mieux prévoir maintenant une réglementation en ce sens-là.

Je voudrais faire un très bref commentaire sur l'ensemble, M. le Président, et réserver par la suite mon intervention à la fin, s'il y a lieu, sur un certain nombre de points. On pourrait porter un jugement global sur les exposés que vous avez faits en disant que c'est peut-être une vue idyllique de la société idéale que vous proposez dans cette utilisation à peu près parfaite des moyens de communication aux fins de communication par les citoyens entre eux et de gestion. Ceci dit, il faut bien se rendre compte que, poussant cela au bout, il faudrait l'étendre à la radio, à la télévision, à tous les journaux et à tout ce qui parle dans la société, c'est-à-dire à tout le monde.

Sans porter de jugement là-dessus, je souligne, tout simplement, que c'est un certain nombre de questions que je me pose, quant à moi. Essentiellement, comme j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises à certains membres des média communautaires, tout tourne, en fait, autour de la définition de la communauté. C'est quoi, la communauté, à un moment donné, face à l'utilisation de tels ou tels media de communications? Ce qu'on veut, en définitive — c'est l'objectif que nous poursuivons — c'est faire en sorte que les moyens de communications ne servent pas à abrutir la collectivité, mais, au contraire, qu'on puisse, dans toute la mesure du possible, faire en sorte que la démocratie, en fait, s'en trouve améliorée et que le citoyen assume les moyens de communications pour son épanouissement individuel et collectif. Disons que c'est un objectif un peu angélique; tout le monde est d'accord sur cela.

Le développement très inégal des media communautaires ou des groupes de communication communautaire me fait, quant à moi, hésiter très sérieusement quant à la portée positive que pourrait avoir une réglementation aussi précise que celle que vous souhaitez à ce moment-ci.

Deuxièmement, le développement aussi inégal des entreprises de câblodistribution sur le territoire m'amène à avoir les mêmes restrictions. Ma conclusion, quant à moi, c'est que, dans un premier temps en tout cas, il me paraît plus utile et peut-être plus sage que ce soit effectivement la Régie des services publics qui, dans chaque cas particulier, sur chaque parcelle de territoire desservi par une entreprise de câble à l'intérieur de laquelle existent ou n'existent pas des groupes communautaires, détermine — parce que c'est quand même son mandat — dans l'intérêt de la collectivité, les modalités d'utilisation par la communauté de telles ou telles facilités techniques aux fins de communications communautaires.

Cela n'exclut pas que, dans un deuxième temps, nous puissions conjointement, en consultation et après l'expertise de la régie, élaborer une réglementation plus précise et plus serrée, si vous voulez, sur le développement et sur la communication communautaire. Cela n'exclut pas cela du tout. A ce moment-ci, l'option que nous avons choisie et qui se traduit dans le règlement, c'est précisément de donner à la régie — qui est d'abord un organisme d'adjudication, qui a tout un mécanisme pour faire des auditions publiques, pour entendre des parties, pour entendre des témoins, pour entendre des exposés contradictoires ou complémentaires — tous les pouvoirs pour décider, pour des périodes de temps limitées, de quelle façon doivent se développer les communications dans leur utilisation et dans leur infrastructure. Il nous apparaît que ce mécanisme est beaucoup plus souple que le simple jeu d'une réglementation qui, par la force des choses, doit être générale et doit s'appliquer à l'ensemble du territoire québécois. C'est un peu l'économie que je voulais souligner, M. le Président, de ce règlement.

Ma conclusion est que les points soulevés par les groupes communautaires, encore une fois, sont complexes et mettent de côté, a priori, un certain nombre de choses avec lesquelles nous, on est obligé de vivre, comme la responsabilité publique du diffiseur, par exemple, en termes de libelle, en termes légaux. Ce sont des choses avec lesquelles on doit vivre, parce que cela existe maintenant. Les préoccupations, donc, des groupes de communication communautaires, pour légitimes qu'elles soient, auront vraiment réponse ou une réception constructive en termes concrets sur le terrain devant la Régie des services publics, dans cette première phase de la réglementation.

Si imparfait cela puisse-t-il être, cela nous paraît, quand même, être la voie la plus prudente dans le développement des media communautaires. Il faudrait éviter, dans ce domaine, de poser des gestes qui ont l'effet contraire de ceux qui sont recherchés et qui bousillent, à toutes fins pratiques, d'une façon sinon définitive, du moins pour des périodes de temps insupportables, une insertion de plus en plus précise et souhaitable de la communauté

dans les media de communications. Reste à savoir, encore une fois — c'est toujours la question "ballon" qu'on peut lancer et qui n'a pas de réponse, moi, je n'en ai pas, en tout cas — de quelle façon, dans un contexte socio-économique donné, définit-on une société. Est-ce que la chambre de commerce fait partie de la communauté, comme j'ai eu l'occasion de le dire?

Est-ce que le Kiwanis, qui a des objectifs et une charte à but non lucratif pour le développement social, etc., d'une région ou d'un groupe donné de citoyens et même pas d'un groupe professionnel donné, fait partie de la communauté? C'est qui, la communauté? Ce n'est pas le but de la commission de définir ce qu'est la communauté. A mon avis, il n'en existe pas, comme tel, de définition de la communauté, que l'on peut mettre dans un règlement. Encore une fois, c'est la régie qui peut apprécier localement ce qui constitue, en fait, un groupe ou des groupes communautaires de communication et quelle est la dimension ou la proportion des moyens que l'on peut et que l'on doit mettre à leur disposition aux fins du développement donné d'une région. On sait que les rythmes de développement et que les priorités peuvent varier sensiblement d'une région à l'autre, que ce soit de Sherbrooke au Lac-Saint-Jean ou du Lac-Saint-Jean en Abitibi ou à Montréal ou à Québec. Les problèmes sont différents, les priorités sont différentes, les sensibilisations des citoyens sont différentes.

C'est ce que je voulais dire sur l'économie du règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Chicoutimi.

M TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai porté grande attention aux exposés qui ont été faits par les associations qui représentent les groupes communautaires. Disons, au départ, que nous accordons beaucoup d'importance au développement de ces moyens de communication dits communautaires, parce qu'ils permettent aux citoyens une meilleure information, de meilleures relations les uns avec les autres et, par voie de conséquence, un élargissement de leurs horizons jusqu'aux frontières internationales. Dans cette optique, il est bien évident que les citoyens seront appelés de plus en plus à participer à ce que l'on peut appeler l'information, aux émissions d'ordres éducatif, culturel, socio-écononique, etc. Ils disposeront, pour ce faire, des moyens que la science et la technologie moderne mettent maintenant à notre disposition et qui sont appelés à s'accroître et à s'améliorer.

Dans l'optique de la responsabilité des pouvoirs publics, on comprendra que les législateurs ont le devoir de s'interroger sur la notion de communauté qui est sous-jacente aux propositions qui nous ont été soumises. La communauté, c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde.

Mais qui peut revendiquer le droit, le privilège, la qualité de représentant le plus authentique et le plus autorisé de la communauté? C'est là un sujet qu'évoquait tout à l'heure le ministre et qu'il ne serait pas facile de trancher en inscrivant une définition de la communauté dans un texte législatif. Il y a, par exemple, des paliers de gouvernement: fédéral, provincial, municipal, scolaire. On peut donc dire que les gens qui sont, à ces divers paliers, des législateurs et des responsables de l'administration sont des membres de la communauté et en sont également des représentants authentiques.

Il se peut faire que la représentativité des hommes qui siègent aux divers paliers de gouvernement soit mise en cause et il y a des moyens démocratiques pour corriger les abus ou l'absence de représentativité des gens qui représentent la communauté à ces divers paliers.

Nous sommes donc en principe d'accord pour que le gouvernement prenne tous les moyens qui sont à sa disposition aux fins de promouvoir le développement de la télévision communautaire. C'est quelque chose d'assez neuf. Les expériences que l'on a poursuivies jusqu'à présent s'avèrent, en bien des cas, concluantes et nous incitent à les poursuivre. Il faut toutefois les replacer dans un contexte administratif, dans un contexte public assez vaste, assez large et tenir compte de ce qui existe à l'heure actuelle en d'autres secteurs.

Il y a quand même la radio, la télévision, les journaux qui ont certainement eux aussi la prétention de croire qu'ils représentent la communauté ou, à tout le moins, qu'ils expriment avec le plus d'objectivité, de fidélité possible, la pensée de la communauté ou d'une partie de la communauté.

Les entreprises de télévision communautaire s'inscrivent donc dans ce contexte. Un contexte nouveau, très vaste, dont on n'a pas exploré encore toutes les avenues et dont on ne connaît pas tous les moyens. C'est pourquoi le projet de réglementation qu'a soumis le ministre des Communications est un projet expérimental, puisque nous avons légiféré il y a quelques mois dans un domaine que le Québec considère comme de sa compétence, considère comme le sien et nous en sommes maintenant à la phase d'application du projet de loi, ce qui explique la naissance du règlement que vous avez examiné et dont vous avez fait la critique tout à l'heure. Critique en partie fondée et à laquelle nous pourrions souscrire, n'étant les exigences qui sont les nôtres de devoir nous interroger sur les conséquences des propositions pratiques que vous nous faites.

Je pense qu'un bon nombre de vos propositions, de vos critiques ou de vos observations positives proviennent d'une interprétation trop restrictive des articles de la réglementation. Articles de cette réglementation dont nous avons dit au ministre qu'ils devaient être revus, refondus et repris le cas échéant, à la lumière des propositions qui allaient nous être soumises

par l'ensemble des organismes qui ont comparu jusqu'à présent.

Vous êtes de ceux-là et votre contribution nous sera extrêmement utile pour définir, notamment, à l'article 1, les mots câblodistribu-tion, émission communautaire, production, programmation. Ce sont là des ternies que l'on retrouve dans vos mémoires et qui ont besoin d'être repensés à la lumière de ce que nous avons entendu.

De même, à l'article 5, il est question de la propriété des entreprises. Nous avons déjà fait des suggestions au ministre à la suite des mémoires qui nous avaient été présentés.

Le ministre, pour sa part, tout à l'heure, a souligné l'importance de l'article 15, qui donne quand même, au moyen de télévision communautaire, des moyens qui nous apparaissent assez clairs mais qui ont besoin d'être précisés, comme vous le demandez.

A l'article 18, de la même façon, lorsqu'il est question de production minimale, vous verrez que l'on s'est préoccupé des émissions communautaires et que la régie aura à se prononcer sur ces sujets.

Il est dit aussi, à l'article 20 — et le ministre ne l'a pas rappelé — que toute entreprise publique de câblodistribution peut être autorisée par la régie à se servir des canaux non utilisés pour transmettre la météo, l'heure, des avis d'intérêt communautaire et tout autre renseignement similaire. Cet article aurait besoin probablement d'être précisé; le champ aurait besoin d'en être élargi, le cas échéant, afin de satisfaire aux exigences que vous avez exprimées.

L'ordre de priorité vous a peut-être fait achopper comme il nous a fait achopper, nous aussi, nous et la plupart des organismes qui ont comparu devant nous. H est bien précisé que toute entreprise publique de câblodistribution doit offrir sa programmation, tant audio que visuelle, selon l'ordre de priorité suivant: programmation éducative, émission communautaire, émission locale, émission d'intérêt général, etc. C est là un article clé de la réglementation, et la révision de cet article nous permettra d'intégrer probablement un ensemble de propositions que vous nous soumettez aujourd'hui.

Vous avez insisté tout à l'heure sur le problème de la diffusion et de la programmation. L'entreprise de câblodistribution est une entreprise de diffusion, c'est bien clair, une entreprise de diffusion qui doit cependant respecter, dans la programmation qu'elle véhicule, par le truchement de ses moyens techniques et technologiques, un ordre de priorité qui constitue la programmation. Mais une entreprise de câblodistribution n'a pas, contrairement à ce qu'on pourrait prétendre, un rôle de production. A moins que je ne m'abuse, elle n'a pas un rôle véritable de production. Et je ne sache point qu'il lui soit dévolu un rôle de production en ce qui concerne les émissions communautaires.

Ce qui vous inquiète, et vous avez, à bien des égards, raison, c'est l'importance que l'on accordera, dans cet ordre de priorité, aux émissions dites communautaires. Vous avez raison de vous en inquiéter parce que vous avez vécu des expériences dans vos milieux et vous voulez que la télévision communautaire soit le véhicule et le porte-parole d'une collectivité que vous connaissez, que vous identifiez et que ces émissions communautaires rendent compte des problèmes bien identifiés d'une société donnée par tout le territoire du Québec, les problèmes étant différents, similaires, analogues ou identiques selon les régions du Québec.

Il y aura donc lieu de voir de quelle façon l'on pourra articuler cette programmation sur les besoins des communautés locales. Il ne faut cependant pas oublier l'ensemble des problèmes de la communauté dont vous parliez tout à l'heure. L'un d'entre vous, un monsieur qui représentait la région de Drummond, enfin ce secteur-là disait qu'il y a beaucoup de publicité; on nous dit que tout va bien, tout va bien, alors qu'il y a beaucoup de problèmes qui inquiètent les gens. Nous sommes d'accord là-dessus, que les citoyens soient renseignés sur ce qui ne va pas, mais il serait important aussi qu'ils le soient sur ce qui va bien, parce que si on se réfère à la radio, à la télévision, aux journaux, à l'ensemble des moyens conventionnels de diffusion et d'information, on assiste beaucoup plus souvent à la litanie des catastrophes qu'à l'évocation des situations qui pourraient être réconfortantes pour les gens.

Il y a donc là une pondération qu'il importe d'apporter à la programmation qui sera offerte par les entreprises de câblodistribution et par les entreprises de télévision communautaire. Vous avez parlé assez longuement d'un comité de programmation, comité de programmation à pouvoirs décisionnels. C'est une proposition qui n'est pas à rejeter, loin de là, mais c'est une proposition qui n'est pas inconciliable avec les pouvoirs de la régie. Il est possible que les comités de programmation que vous avez constitués dans vos régions puissent se faire entendre devant la régie. Rien n'interdit que ces comités de programmation aillent devant la régie et discutent avec les commissaires de la régie, de la programmation que suggéreront ou que demanderont d'approuver certaines entreprises de presse. C'est à ce palier de la régie et au moment des audiences que votre comité de programmation, que les comités de programmation des diverses sociétés que vous représentez pourront avoir du poids et pourront vraiment faire comprendre à ceux qui sont responsables de l'émission des permis, quelle est l'importance des media communautaires. Vous pensez, semble-t-il, que la régie a trop de pouvoirs. Il faudrait s'entendre ici sur la question de pouvoirs. Est-ce le gouvernement qui doit déterminer quelle est la programmation que, dans le détail, doit offrir une entreprise de câblodistribution? Est-ce que c'est le gouvernement qui doit dire: Vous allez faire ceci, ceci ou

cela, auxquels cas les audiences devraient se tenir devant l'Assemblée nationale et l'on aurait tôt fait de considérer les décisions de l'Assemblée nationale comme des décisions rigoureusement politiques? C'est pourquoi on a préféré accorder ce pouvoir à une régie qui, en toute connaissance de cause, à la suite d'audiences publiques — vous serez habilités comme n'importe qui à comparaître devant la régie — établira la programmation, programmation qui sera au départ forcément expérimentale et qui ne vous satisfera pas, j'en suis sûr, ou qui ne satisfera pas un grand nombre de citoyens. Mais comme je le disais au départ, nous en sommes au tout début de cette expérience de télévision communautaire. Ce que vos comités de programmation imagineront, concevront, sera-t-il accepté par la communauté et si c'est accepté par la communauté, par quelle communauté, par quel secteur de la communauté, par quelle fraction de la communauté? D'où l'importance que le ministre et moi-même attachons à cette notion de communauté. Quand on examine ce qu'on appelle les cotes d'écoute des media traditionnels d'information, on se rend compte que tous les goûts sont dans la nature. C'est pourquoi les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs sont obligés de patiner sur des glaces assez minces et se tenir sur des cordes raides. Il est difficile de contenter tout le monde et son père. Il y a aussi et il est bon d'insister là-dessus — vous le faites d'ailleurs dans vos mémoires — la question de la qualité. Il y a une question de qualité technique, évidemment, puisqu'on va transmettre des signaux qui devront être de qualité, c'est-à-dire perceptibles, visibles et audibles.

Il y a la qualité du contenu également, parce que j'imagine que, comme nous, vous êtes soucieux d'animer, produire des émissions qui satisfassent les besoins socio-culturels des citoyens, que ce soit au niveau de la langue, que ce soit au niveau de ce qu'on appelle la culture au sens esthétique du terme, que ce soit au niveau de la culture au sens anthropologique du terme. Vous êtes soucieux de la qualité. Qui va déterminer la qualité? Les comités de programmation seuls ou les comités de programmation avec les membres de la régie? Ou ces comités de programmation avec les membres de la régie, avec en plus, peut-être, un conseil québécois de la câblodistribution et de la télévision communautaire afin que l'on atteigne cet objectif qu'a formulé le ministre et qui fait partie de sa politique des communications?

Ce sont autant de questions que nous nous posons, que nous vous posons et que vous vous êtes posées afin de vous faire comprendre que le problème n'est pas facile à résoudre et qu'il faudra un temps d'expérience pour intégrer l'ensemble des media communautaires dans cette immense machine qui est en train de devenir la câblodistribution et tout ce qui s'y rattache.

Je ne veux pas pousser plus avant ces observations, mais je ne voudrais pas conclure sans vous dire, sans vous exprimer toute la sympathie que nous avons à l'endroit des organismes comme les vôtres et la volonté qui est la nôtre de vous aider à obtenir satisfaction. Vous avez parlé du financement, vous avez parlé des profits des câblodistributeurs, vous avez esquissé, enfin vous avez fait une petite virée dans le domaine de ce que vous appelez les gens favorisés versus les moins favorisés; évidemment, c'est là matière d'appréciation assez difficile. Il appartient aux pouvoirs publics de pondérer dans ce domaine les moyens économiques et de s'assurer que chaque organisme qui veut vraiment oeuvrer pour la collectivité ait les moyens appropriés.

Je ne veux pas interpréter votre mémoire, c'est-à-dire aller au-delà du texte, je ne veux pas faire d'exégèse en lisant entre les lignes, mais peut-être y a-t-il sous-jacente à l'ensemble des mémoires que j'ai examinés l'idée d'une subvention de l'Etat aux entreprises communautaires. C'est une idée qui a été lancée à maintes reprises, dont certaines personnes se sont faites les propagandistes et les défenseurs, mais vous comprendrez que les moyens de l'Etat, qui sont les vôtres et les miens, sont limités. Avant de prendre une position ferme et catégorique sur l'obligation qu'aurait le gouvernement du Québec de subventionner les entreprises de télévision communautaire, il nous faudrait faire des études assez détaillées et en même temps pousser beaucoup plus loin nos recherches sur ce que la télévision communautaire a donné jusqu'à présent, sur ce qu'elle se propose de faire et ce qu'elle pourra devenir dans un temps que je ne suis pas capable de déterminer.

Pour résumer, M. le Président, je tiens à dire à l'ensemble des représentants des entreprises de télévision communautaire que leurs mémoires sont positifs, qu'ils élargissent considérablement nos horizons et qu'ils vont nous obliger à demander au ministre de revoir sa réglementation aux fins de la préciser, de l'améliorer dans le sens des représentations qui nous ont été faites, à condition toutefois que l'interprétation qui en est donnée dans les différents mémoires n'aille pas au-delà du texte lui-même, ce que je soulignais au départ. Ce que j'ai fait au début, en invoquant certains articles, avait pour but d'inciter les représentants des organismes de télévision communautaire à bien peser le sens des termes qui se trouvent dans une réglementation incomplète, imparfaite — le ministre en convenait lui-même — mais qu'avec vous il nous sera possible d'améliorer. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Frontenac.

M. LATUL1PPE: Très brièvement, M. le Président, sans reprendre tout ce qui a été dit, nous aussi, nous croyons bien que les divers commentaires que l'on vient d'entendre de la part des

organismes communautaires constituent un apport très sérieux aux travaux de la commission. On sent bien que ces gens entendent participer à la vie communautaire d'une façon tout à fait spéciale et veulent jouer un rôle de levier face au développement possible de leur milieu. Ils veulent contribuer, si vous voulez, un peu à la conscience collective du milieu, à la connaissance des gens du milieu, en somme faire participer la communauté à un nouvel essor. C'est un outil de développement qui, jusqu'à présent, n'a pas été exploité, qui est encore méconnu, qui n'est pas non plus en usage dans beaucoup de milieux.

Dans ce sens, je crois bien que c'est une des pierres d'assise de la politique des communications du Québec. Elle doit certainement retenir l'attention du ministre. D'ailleurs — il nous l'avoue lui-même — nous comprenons qu'à cette fin également il y ait des problèmes financiers qui vont venir en ligne de compte. D'après les mémoires qui nous ont été présentés, sous d'autres aspects, en plus de vouloir inculquer au milieu une certaine responsabilité face au développement, on veut se réserver certain accès à des moyens financiers pour être capable d'exercer les prérogatives qu'on veut se donner.

Dans ce sens, nous sommes donc heureux de la participation des communautés. Nous osons croire que les principes qu'elles nous ont surtout proposés et les réserves qu'elles nous ont adressées auront retenu l'attention du ministre.

A cet effet, j'aimerais poser une question au ministre. Dans son exposé, il a pratiquement balayé tous les secteurs qui ont été développés par nos interlocuteurs. Par contre, il n'a pas, d'une façon directe, abordé le problème du comité qui aurait des pouvoirs décisionnels et qui ne serait pas consultatif vis-à-vis des propriétaires des diverses organisations de câblodiffusion.

Il a parlé surtout du rôle de la régie qui devait être non seulement d'arbitrer, mais de voir à l'équilibre. Je crois bien, en contrepartie, que les organismes qui sont devant nous vont nous demander, bien entendu, si la régie est appelée à jouer un rôle, si ce sera un rôle qui sera exercé de loin et qui, dans les détails, ne sera pas aussi présent que pourrait l'être celui d'un comité organisé dans le milieu même où doivent agir les divers organismes communautaires.

Dans ce sens est-ce que votre ministère a déjà étudié, sous une forme ou sous une autre, la possibilité d'introduire cette nouvelle modalité et de lui donner certains privilèges à l'intérieur de la réglementation?

M. L'ALLIER: M. le Président, à la question qui est posée, le comité de production communautaire, comme je l'ai dit, tel que je l'ai compris, pouvait, suivant tel ou tel mémoire, prendre une dimension plus ou moins grande.

On peut diviser la question en trois points. J'essaie de couvrir l'ensemble du champ là- dessus. On peut songer, d'abord, à des comités consultatifs ou à des comités décisionnels. Indépendamment de l'un ou de l'autre, on peut avoir un comité qui a une responsabilité consultative ou décisionnelle sur l'ensemble de la programmation offerte par une entreprise de câble, c'est-à-dire les 8, 9, 10 ou 12 canaux. Il est aussi possible de restreindre cela à la partie production. Conformément à la définition à l'article 1, la production est cette partie de la programmation qui est offerte à l'abonné à partir des locaux ou studios de l'entreprise publique de câblodistribution ou dans laquelle cette dernière joue un rôle de création". Donc, réduire le rôle d'un comité de programmation, consultatif ou décisionnel, à tout ce qui n'est pas retransmission de canaux d'autres chafnes de télévision, d'autres stations de télévision. On peut restreindre encore davantage et avoir un comité consultatif ou décisionnel qui porte uniquement, à l'intérieur de la production, sur la partie de la production que constituent les émissions communautaires. C'est le schéma général. Sur l'ensemble de la production, tous les canaux, je crois que c'est essentiellement à l'entreprise de câble qu'il appartient de proposer sa programmation et à la Régie des services publics de déterminer si cette programmation est ou non conforme aux priorités établies dans le règlement.

On pourrait concevoir un comité qui soit consultatif pour l'ensemble de la production locale, de la production au sens de la définition et même — c'est souvent ce qui existe, je pense — décisionnel sur cette partie de la production que constituent les émissions communautaires. A ce moment-là, je reviens à l'un ou l'autre des exposés — je ne me souviens pas duquel — où on dit : Dans cette optique-là, l'émission communautaire, cela ne devrait pas être uniquement ce que nous autres on produit; cela devrait être tout ce qui se produit. Cela revient, en fait, à la production. La position du gouvernement et ma position là-dessus est la suivante: dans la mesure où il y a, d'une région à l'autre, une variété de situations — il y a 135 ou 140 compagnies de câble, il n'y a pas 135 groupes de communication communautaires — rien n'empêche la régie, dans la réglementation actuelle, de considérer que, dans telle situation donnée, là où il existe d'une façon structurée et satisfaisante pour l'intérêt public un groupe ou des groupes de communication communautaires, que tel groupe de production communautaire soit inséré dans le permis accordé à tel câblodistributeur et non pas à tel autre de telle autre région où il n'existe absolument aucune structure, aucun groupe de communication communautaire. C'est dans cette phase initiale du développement du câble et des media communautaires que nous devons nous situer.

C'est pour cela que je n'ai pas d'opinion générale qui pourrait s'appliquer à tout le monde et imposer des obligations qui, en fait, ne pourraient pas être respectées par une

entreprise de câble ou même par des groupes communautaires. Cela dit, si j'ai pu laisser des ambiguïtés sur le contenu de la programmation communautaire au sens du règlement ici, c'est-à-dire, tel qu'indiqué, ce qui est moins que la production locale, mais qui est, en fait, le bloc fait par et pour la communauté, c'est qu'il me paraît que c'est à la communauté qu'il appartient de décider ce qu'elle doit faire ou non. Le mécanisme qui permet d'identifier, aux fins d'une région donnée, telle communauté ou qu'est-ce que c'est la communauté et permettre à ce groupe d'utiliser tel potentiel de diffusion, c'est, encore une fois, à la régie de le déterminer. On ne peut pas, dans un règlement, prévoir le détail de ces situations.

C'est peut-être un peu complexe, si vous voulez, mais, encore une fois, je crois que nous avons ici, dans ce règlement qui peut être précisé sur certains points évidemment, dans la mesure où l'on considère que la régie est un instrument du bien public et qu'elle travaille dans l'intérêt public, suffisamment de moyens mis à la disposition des communautés pour utiliser dans une phase initiale les moyens de communications. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. LATULIPPE : Oui, cela répond très bien à ma question. Je vous remercie beaucoup.

J'aurais une dernière question à poser à ces messieurs qui représentent les divers corps cummunautaires dans cette nouvelle aventure de la câblodiffusion. J'ai bien compris que vous voulez, autant que possible, essayer de développer une conscience collective, essayer de transporter l'initiative chez les gens du milieu. Vous revendiquez à cette fin certains privilèges, notamment d'abord des possibilités financières. J'imagine certainement que les possibilités financières qu'on vous offrira seront peut-être, d'un certain côté, proportionnelles à votre apport face à l'ensemble du domaine communautaire. Dans ce sens, est-ce que vous avez déjà étudié la portion de la cote d'écoute que vous avez face aux autres media de télécommunication ou de télévision dans votre milieu? On va s'interroger. Est-ce que d'abord vous êtes réellement des interlocuteurs valables face à ces modalités-là? Est-ce que c'est une étude qui a déjà été faite par vos services ou par des programmations que vous avez faites en vue d'amener une participation populaire?

M. ROUTHIER: Si vous permettez, nous n'avons pas d'études spécifiques pour nous permettre de répondre à une question aussi précise. On en a en cours et très prochainement nous allons être en mesure dans certains milieux d'indiquer ce que cela représente. On voudrait éviter de tomber dans le piège de la cote d'écoute et se voir dans l'obligation de se comparer aux puissants mass media auxquels vous pourriez vous référer. Par contre, pensons à des organismes plus humbles comme Radio-

Canada, en particulier ses émissions d'affaires publiques. Quant aux cotes d'écoute de certaines émissions produites dans le cadre de Radio-Canada à fort coûts, il est vraisemblable qu'on peut rejoindre des cotes d'écoute de cet ordre-là sur le plan régional. La cote d'écoute de Radio-Canada c'est 12 p.c. Quant on pense à des régions comme celles d'où je viens, en particulier, dans la région de Sherbrooke, on imagine que pour le rayon, le territoire qu'on atteint, vraisemblablement, cela peut se comparer. Mais, de façon beaucoup plus précise, on pourra vous acheminer des résultats, des statistiques précises là-dessus pour pouvoir vous donner satisfaction. Je soupçonne, à l'arrière de votre question...

M. LATULIPPE: Je parle surtout du milieu où vous avez une action bien précise. Naturellement, je comprends qu'une institution communautaire n'a pas un débordement très vaste. Par exemple, prenons le milieu de Sherbrooke, que je connais mieux. On fait sept heures de programmation par semaine, maintenant? Est-ce que vous avez eu, vous autres, certaines études qui ont été faites dans ce domaine-là pour essayer de mesurer l'importance ou l'effet d'entraînement que pourrait avoir votre programmation actuellement?

M. FORTIER (Jean): A Sherbrooke, on a dit qu'il s'est produit neuf heures et demie d'émission, l'an dernier, pour la première année d'expérience de télévision communautaire, et sept heures et demie qui étaient produites par des groupes du milieu.

Dans le cadre d'un projet Perspectives Jeunesse, il s'est fait un sondage et une évaluation de ces émissions. Je peux vous donner quelques chiffres rapidement. L'étude a été faite sur 500 personnes, sur un échantillon représentatif de population; 40 p.c. des interrogés ont regardé des émissions une fois, plusieurs fois, ou occasionnellement. Ceux qui ont regardé des émissions occasionnellement, cela nous donnerait, si on extrapole la partie de l'échantillon, 30 p.c. de la population. Ceux qui ont regardé des émissions régulièrement, cela nous donnerait 3 p.c. de la population. Ainsi le tiers de la population a regardé la télévision communautaire. Il faut considérer les abonnés au câble, évidemment. C'est plus logique de considérer ceux qui ont regardé les émissions sur le total des abonnés au câble, puisqu'il faut être abonné au câble pour regarder la télévision communautaire. Un abonné au câble sur deux en aurait regardé à l'occasion, une fois ou régulièrement des émissions. Si on ne retient que ceux qui ont regardé régulièrement, cela représenterait 3 p.c. de la population.

En extrapolant à Sherbrooke la population adulte de plus de 18 ans, cela ferait 1,300 spectateurs réguliers.

M. LATULIPPE: Selon le même barème,

cela représenterait combien pour les abonnés, ces 3 p.c?

M. FORTIER (Jean): Ces 3 p.c. sont 3 p.c. des abonnés; c'est que 84 p.c. de la population à Sherbrooke est abonnée au câble.

M. LATULIPPE: J'aurais une dernière question à poser assez rapidement. Je sais que le député de Saint-Jacques est pressé. Dans votre mémoire, en page 13, vous dites: Là où il existe une station ou plus de télévision locale, la régie doit signifier sa volonté aux câblodistributeurs concernés de s'abstenir de procéder à la réalisation d'émissions locales.

Or les câblodiffuseurs nous ont dit, à un moment donné, surtout dans la région de Montréal, qu'ils pouvaient même faire, comment dirais-je, des programmations de quartier et qu'ils ne concevaient pas qu'une telle mesure, justement, éliminerait cette possibilité pour les câblodiffuseurs de faire des programmations de quartier, surtout dans les grandes agglomérations?

M. FORTIER (Jean): Si on répond pour Sherbrooke, la situation est telle que la télévision communautaire, l'année passée, sauf pour deux heures, était faite par le milieu. Cette année, la situation change. La compagnie a décidé d'engager toute une équipe de production de sorte qu'elle a déjà commencé à réaliser et à stocker des émissions pour la télévision communautaire. Etant donné la façon dont ça va, l'entreprise de câble devient une entreprise de production, de sorte que dans quelques jours, à la mi-septembre, quand le poste ouvrira, la télévision communautaire sera toute faite en "kit", elle sera prête... La compagnie de câble est devenue producteur, elle a engagé une équipe de sept à huit techniciens qui ont réalisé des émissions, ce qui était impossible l'an dernier parce qu'on n'avait pas engagé d'équipe.

Mais nous, on s'interroge justement: Comment se fait-il qu'à un moment donné un câblodistributeur devient un producteur? Est-ce que ce sera des mini Radio-Canada un peu partout dans la région? On croyait comprendre que la télévision communautaire était pour les citoyens, pour que les citoyens puissent s'exprimer. L'an dernier, à Sherbrooke, on ne peut pas dire que les citoyens ne se sont pas exprimés. Si les citoyens ont produit sept heures et demie d'émissions par semaine, cela veut dire beaucoup d'équipes, beaucoup de jeunes mobilisés qui avaient des choses à dire et qui ont utilisé le câble. Evidemment, sept heures et demie de production par semaine, quand on sait ce que veut dire faire une émission de trente minutes, cela fait beaucoup de travail. Je crois qu'il n'y a pas de raison pour qu'un câblodistributeur, à un moment donné, décide de devenir producteur, engage des équipes de production et produise des documents. Est-ce qu'il s'agirait pour lui de faire de façon plus simple la télévision commu- nautaire pour la communauté? On s'interroge beaucoup sur cela. A la lueur de l'expérience de l'année dernière, sur les neuf heures et demie, dont les deux heures d'émissions locales, la seule différence que l'on a vue entre les émissions locales et les émissions communautaires est que, dans le cas de quatre émissions, ce sont des individus plutôt que des groupes qui sont allés voir la compagnie qui a essayé de trouver des gens intéressés à la technique pour réaliser des émissions. Ce sont des individus, je pourrais les nommer: c'est une dame qui est intéressée à faire une émission de varitétés, c'est l'agent de relations publiques de la ville de Sherbrooke, etc. La seule distinction qui a existé à Sherbrooke au niveau des émissions communautaires et locales est que les émissions communautaires ont été produites par des groupes, les émissions locales étaient produites par un individu qui allait demander à la compagnie de câble de réaliser des émissions. Or, ce qui se dessine cette année et ce qui est dangereux, c'est que déjà la compagnie a engagé une équipe et commence à répondre à une série de demandes comme cela, de sorte qu'on a des émissions préparées qui nous attendent, sur la météo, sur les fleurs, etc.

Mais nous, on croit que les canaux 7 et 9, qui vont être bientôt à Sherbrooke, leur vocation est de faire ces types d'émissions. Il n'y a aucun besoin pour les câblodistributeurs de se munir d'équipes de production. On ne voit qu'une raison à cela: c'est que, peut-être, dans le fond, Câblevision Sherbrooke est intéressée à produire des émissions locales pour les revendre au canal 9 qui va ouvrir bientôt. Mais là, c'est de la télévision commerciale.

Selon nous, il devrait y avoir au niveau de la production locale quelque chose de différent de la production commerciale. Pourquoi utiliserait-on le câble pour faire les mêmes choses que les deux autres canaux commerciaux?

M. LATULIPPE: Est-ce que votre production, en tant qu'agent communautaire, a été restreinte au niveau de l'utilisation des équipements et des heures de diffusion?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II va sortir son aiguille.

M. FORTIER (Jean): Non. L'an dernier, les groupes qui ont voulu s'exprimer à la télévision communautaire ont pu le faire. Ce n'est pas le problème. Le problème est de savoir qui aura le droit de s'exprimer, qui n'en aura pas le droit. Celui qui répond à cette question est la compagnie de câble. Il nous paraît très dangereux qu'une telle minorité, soit la compagnie de câble, décide que tel groupe va parler, que tel autre ne parlera pas.

L'an dernier, à Sherbrooke, on a réussi quelque chose et je crois que c'est important de l'apporter, on parlait de ce qu'est la communauté et la vue idyllique. Même si on pourrait avoir

une vue idyllique de ce qu'est la communauté, pratiquement, à Sherbrooke, il nous a fallu vivre avec ça et depuis deux ans nous avons trouvé une solution. Elle n'est pas parfaite, mais de concert avec la compagnie on a contacté les 56 organismes dont j'ai la liste, qui étaient susceptibles de produire des émissions, et 42 directeurs généraux ou présidents ont mandaté des personnes qui ont élu un comité consultatif de programmation.

Même si de façon théorique on pense que la communauté, c'est très flou, c'est le public finalement, la responsabilité devrait aller à une personne qui est la compagnie, qui est bien concrète. Des mécanismes ont été expérimentés à Sherbrooke qui nous font dire qu'il est possible de cerner la communauté et de se donner une organisation pratique pour traduire cette communauté-là.

Cependant, après avoir dit ça, je dois ajouter que le fameux comité consultatif que les groupes du milieu ont arraché à la compagnie l'année passée, cette année la compagnie a décidé de l'abolir. Alors, nous, les groupes dans la communauté, face à ça, que faisons-nous? Nous sommes devant une situation, c'est qu'en câblodistribution, celui qui décide, c'est le propriétaire et nous n'avons qu'à suivre ce que veut le propriétaire. Nous avons hâte que les règlements que vous êtes en train d'étudier précisent qu'il n'y a pas que les compagnies de câble qui existent, il y a moyen de penser à des organisations qui représentent la communauté et qui pourraient elles-mêmes choisir et gérer la programmation communautaire et locale. Ce qui s'est fait l'année passée, à Sherbrooke, a déplu à la compagnie à un tel point qu'elle a décidé que c'était assez.

M. LATULIPPE: Je ne veux pas prendre tout le temps de la commission, mais connaissez-vous les raisons pour lesquelles la compagnie a décidé de ne plus entrevoir le comité comme un interlocuteur valable?

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais le député de Frontenac à poser ses questions un peu plus fort, nous avons de la difficulté à comprendre.

M. LATULIPPE: Cela me fera plaisir. Je demandais si vous connaissez les raisons pour lesquelles la compagnie a décidé d'abolir le comité consultatif que vous aviez formé, qui fonctionnait depuis deux ans?

M. FORTIER (Jean): Depuis un an. M. LATULIPPE: Depuis un an.

M. ROUTHIER: Si vous me le permettez, je vais tenter de répondre. En définitive, partager le pouvoir de décision, c'est toujours fatigant, non seulement pour les gouvernants mais pour les directeurs de compagnies; c'est aussi simple que ça. Au niveau de la programmation, la compagnie se voit face à un milieu organisé et tient bien à ne pas trop le laisser aller. En particulier, la compagnie est une succursale de National Cablevision, propriété de M. Levas-seur, qui est particulièrement puissant dans le groupe de l'ACTC qui est venue vous présenter un mémoire l'autre jour.

Surtout avec une réglementation aussi floue que celle présentée ici, il est très accommodant pour la compagnie de s'en aller avec cette réglementation, l'évoquer pour justifier le fait qu'on n'a pas besoin d'un tel comité.

Effectivement, il serait malhabile de la part des directeurs s'ils n'en désirent pas, de créer un précédent dans un lieu que l'on pourrait ensuite évoquer un peu partout dans la province pour commander de tels comités.

Il revient justement à une commission ici, au niveau d'une réglementation et non pas une régie qui va s'occuper de modalités, de prévoir de tels mécanismes qui feront que la population effectivement pourra détenir un minimum de contrôle sur un tel instrument de développement.

C'est avec cette insistance qu'on veut vraiment que la réglementation soit précisée.

M. ALLARD: J'aimerais ajouter quelque chose à une question, à la première question du député de Frontenac. Vous avez associé la représentativité du comité de programmation à la cote d'écoute du canal de production communautaire. Une chose dont le CDMCQ s'étonne — c'est tout simplement une interrogation — c'est avec quel pointillement chacun des députés et l'honorable ministre, qui ont fait des interventions aujourd'hui, se sont questionnés sur les communautés comme telles et la représentativité des citoyens dans ces comités. Par contre, l'immense pouvoir que vous donnez par cette réglementation aux compagnies de câble qui vont décider du contenu général des programmes qui vont passer sur le câble; c'est-à-dire qu'ils vont pouvoir imposer avec la collaboration de la régie — même si les citoyens peuvent se faire entendre et tant que ce mécanisme ne sera pas institué, ça va être eux qui vont l'imposer — diverses formes de programmations, que ce soit les canaux québécois, ontariens ou américains et qui vont pouvoir aussi former des comités consultatifs de programmation et les abolir ensuite comme on l'a fait à Sherbrooke. Vous ne vous souciez pas tellement de la représentativité de ces individus, qui sont là pour en tirer un profit, alors que du moment que des citoyens cherchent à s'organiser pour se donner des moyens, vous vous interrogez immédiatement sur leur représentativité, sur la forme, sur l'étendue de la communauté. C'est une interrogation qui nous fait un peu peur, je dois l'avouer.

M. LATULIPPE: M. le Président, je ne voudrais pas revenir sur la question. Ce n'était pas

mon but d'essayer de relier les deux, l'aspect du "rating" et l'aspect de la représentativité de la communauté; loin de là, c'était seulement en vue de mesurer justement l'impact et le travail qu'ils faisaient au niveau de la responsabilité qu'ils voulaient se donner comme agents de développement régional, comme agents de développement local, face aux problèmes et aux diverses modalités qu'ils voulaient. En somme, j'entrevois les groupes communautaires comme un levier important au niveau de notre société, justement en vue de développer une conscience collective face à certains problèmes et justement de travailler à certaines solutions.

Dans ce sens, M. le Président, j'entrevois les communautés locales qui pourront participer au travail dans le domaine de la câblodiffusion, comme étant essentielles. Je suis persuadé qu'elles méritent une place importante et qu'elles seront certainement participantes comme pierre angulaire ou pierre d'assise, d'une certaine manière, à la politique de la communication. Je ne veux pas prendre tout le temps de la commission. Je sais que le député de Saint-Jacques est pressé, il a...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Merci. M. le Président, en écoutant le mémoire présenté par les différents organismes qui se sont groupés derrière cette association, je ressentais un peu ce qu'ils pouvaient ressentir eux-mêmes. Je me rappelais, lorsque nous avons étudié à l'Assemblée nationale, il y a déjà maintenant presque deux ans, le bill 45 qui s'appelle La protection du consommateur. A ce moment-là, j'avais fait remarquer que notre parti était favorable. On a même essayé à plusieurs reprises d'améliorer les côtés touchant la protection du consommateur. On avait fait remarquer au ministre des Institutions financières qui défendait le projet de loi à ce moment-là, qu'on en était toujours à la phase défensive — la loi elle-même s'appelait "Protection du consommateur" — mais que les mesures pour organiser les consommateurs pour les porter à l'attaque, pour les mettre gérants de l'économie, pour leur faire jouer le rôle véritable qu'ils ont par leur pouvoir d'achat, ce gouvernement, comme tout le gouvernement précédent, d'ailleurs, n'en a que très peu fait.

Ici, dans la réglementation, on veut protéger — et on le fait tant bien que mal; vous avez bien raison de souligner des défauts — cet élément nouveau dans notre vie collective québécoise qui s'appelle la télévision communautaire. On sent que c'est la force des choses qui a obligé la réglementation à lui céder une place à certains endroits. Le ministre a mentionné les articles à partir desquels on peut extrapoler pour voir là une protection de la télévision communautaire.

Vous avez raison de dire qu'elle protège mal, même si elle ne devait être que là. Elle protège mal, et je pense en particulier à l'exemple de

Sherbrooke et du comité de programmation qui est disparu, qui peut disparaître ailleurs aussi du jour au lendemain, vu les intérêts financiers qui sont toujours à l'arrière et qui ont été — vous avez raison de le dire aussi — admirablement bien défendus par ceux qui possèdent ces entreprises.

Je ne parle pas du mémoire suave de l'Association canadienne des radiotélédiffuseurs, mais je veux dire même des autres, des entreprises de câbles, ce sont des entreprises financières qui se défendent, comme toutes les autres d'ailleurs, et dont les intérêts recoupent très rarement ceux que vous défendez cet après-midi ici. Là où vous essayez d'améliorer la protection que voulait vous donner le projet de loi, je crois que, dans l'ensemble, vous avez raison. D'ailleurs, quand le Parti québécois dit, dans son programme, qu'il s'engage à favoriser, dans le secteur privé de la radio et de la télévision, la propriété coopérative et l'expérience des zones communautaires afin de répondre davantage aux besoins du milieu, et quand il s'engage à assurer, dans le domaine de la câblodiffusion, aux citoyens éventuellement réunis en coopérative de programmation, l'utilisation prioritaire et exclusive d'au moins un canal consacré à poursuivre l'expérience des zones communautaires, c'est qu'il a décidé aussi, comme vous, non seulement de protéger cette entreprise mais aussi de la faire passer un peu à l'attaque.

J'étais à peu près certain également, lorsque je vous ai vu vous présenter et amener votre mémoire, que l'un ou l'autre membre de cette digne commission allait achopper sur la définition de communauté. C'est un piège à ours évidemment, pour à peu près chaque groupe de citoyens organisés, que de tester ici le degré de représentativité de ces gens. On l'a fait beaucoup moins, je dois vous dire — et vous étiez témoins lorsque l'Association canadienne de radiotélédiffuseurs est venue nous dire en pleine face que ce n'était même pas de notre juridiction — on a été beaucoup moins pointilleux, vous aviez raison de le souligner tout à l'heure, quant à vérifier le fondement de ces allégations.

Je prendrais, moi, à partir de la philosophie de votre mémoire et de l'expérience que j'ai eu l'occasion de suivre dans d'autres domaines — peut-être pour faciliter la chose sans vouloir en faire une définition qui soit ex cathedra et finale — je prendrais comme définition de cette communauté, idéalement, ceux qui sont dans l'autre télévision: les consommateurs. Ceux que nous ne voyons jamais à l'autre télévision, ce sont ceux-là qui devraient être les directeurs, les artistes, si vous voulez, de celle-ci. Prenons comme communauté, le sens large de consommateurs de la télévision commerciale que produisent les réseaux privés, même le réseau d'Etat. Je dis: ceux que nous ne voyons pas; nous les voyons à l'occasion, bien sûr. Les émissions d'affaires publiques vont, à quelques occasions, leur laisser une place mais avec un

filtrage bien certain et avec un encadrement et un animateur qui interprétera à l'avance l'opinion que les gens émettront sur bobines plus tard. Ou alors, on les voit, ces mêmes consommateurs, applaudir bêtement les conneries de Claude Blanchard ou d'un autre. Mais ils sont ainsi traités et aliénés publiquement face à d'autres consommateurs de la télévision, ridiculisés dans des jeux stupides de M. Banco pour gagner un frigidaire électrique ou d'autres choses comme ça. Ce sont ces gens, que l'autre télévision utilise comme consommateurs, comme clients et dont elle abuse, qui devraient être, dans une télévision communautaire, ceux qui la dirigent et ceux qui la font vivre.

Cette expérience que vous menez vous incite nécessairement, au niveau de chacune des régions, j'imagine, dans votre volonté de rejoindre cette communauté, à entrer en conflit — l'expérience de Sherbrooke en est peut-être un exemple— avec ceux qui sont, d'une certaine façon, les petits potentats locaux et qui, eux, à cause d'un titre qu'ils ont souvent, de façon plus ou moins honnêtement, usurpé, se prétendent les porte-parole de la communauté et ne pourraient accepter qu'il existe une télévision communautaire sans qu'on ne les appelle, eux, M. le député provincial, eux, M. le député fédéral, eux, M. le maire, eux, M. l'échevin, eux, M. le commissaire. Parce qu'ils ont été élus administrateurs à un niveau ou à l'autre, ils se croient porte-parole de la communauté et refusent très difficilement à la communauté elle-même de parler, même pendant le temps de leur mandat.

Je suis convaincu qu'au niveau de chacune des expériences de télévision communautaire au Québec, on a eu affaire à ces jeux de coulisse. Et c'est exactement pour ça, aujourd'hui, que vous demandez non seulement qu'on protège cette entreprise mais qu'on lui donne des moyens financiers de vivre qui ont probablement été tout le temps ceux auxquels vous avez eu à faire face. Je crois que s'il y a une télévision, c'est la télévision non pas où le législateur devrait aller comme porte-parole de la communauté, c'est la télévision que le législateur devrait écouter. C'est à peu près l'endroit où le législateur devrait le moins aller.

J'admets qu'à certaines occasions, il serait intéressant, justement, au cours d'une expérience de télévision communautaire, de mesurer l'opinion de la communauté elle-même que vous captez vivante dans une région qui s'exprime et de ceux qui se prétendent quotidiennement et à chaque jour autour de cette table les porte-parole de cette communauté. Souvent, la population aurait l'occasion admirable d'apprécier comment ceux qui se disent ses porte-parole sont parfois effrontément éloignés de ce qu'elle pense réellement. Ce sont les objectifs d'une télévision communautaire, je pense, mais, à cause de leur nombre, vous ne les réaliserez pas facilement. Quand on argumentera auprès de la Régie des services publics, lorsque viendra le temps de défendre votre programmation, de la qualité des émissions, je suis convaincu que vous aurez à faire preuve de beaucoup plus de finesse que Télé-Métropole n'en a eu pour défendre Claude Blanchard quant à la qualité de son émission. Très rarement, on va prendre la télévision commerciale et l'obliger à fournir un exemple de qualité de programmation. La vôtre, je crois, doit reposer — je crois aussi l'avoir compris dans votre mémoire, comme vous l'avez défendu — sur le fait que ce soit le plus souvent possible, le plus honnêtement possible également tout le monde qui puisse parler à cette télévision communautaire.

Je ne veux pas être moraliste à la fin, mais je suis convaincu que vous ne pouvez pas nous donner cette leçon que vous nous apportez aujourd'hui sans qu'en retour on ne vous invite à faire un examen, vous aussi, ou à vous en donner une. C'est que pour certains groupes qui travaillent —je pense à un en particulier avec lequel j'ai travaillé d'assez près lorsque j'étais étudiant — dans cette expérience communautaire, il faudra — même si la communauté que l'on veut faire parler n'est pas exactement ce que l'on souhaiterait qu'elle soit, ne pense pas exactement comme on voudrait qu'elle pense, même si on la trouve encore plus aliénée qu'on n'aurait voulu qu'elle soit ou qu'on la trouve encore plus éprise de principes qui, pour nous, artisans de cette production sont déjà dépassés — constamment respecter ça. A cet effet, la cote d'écoute a très peu d'importance. Que la télévision communautaire reflète totalement, et parfois même à l'encontre de ceux qui la font vivre, les opinions de la véritable communauté, je pense que c'est l'objectif premier que vous devez avoir.

Moi, j'ai compris quand, par exemple, mon parti a adopté les points que je vous lisais tantôt dans mon programme que c'était ce que nous nous engagions de faire et que ça devait évidemment figurer dans les budgets que nous aurions à présenter. Mais, pour le reste, l'aspect protection du consommateur, protection de votre entreprise de télévision communautaire, je crois que le ministre a tout intérêt à prendre, en particulier sur le chapitre du comité de la programmation, certainement les recommandations que vous lui faites. Tant que nous n'aurons pas cet encouragement massif à la télévision communautaire, il faudra, comme le règlement tente de le faire, s'appliquer à la protéger. Si on veut véritablement le moindrement la protéger, dans cette première étape —parce qu'à plusieurs reprises le ministre nous a rappelé que ce n'était qu'une première étape de la réglementation de la câblodistribution —je crois que cette première étape doit elle-même comporter un chapitre ou un article ou une précision — les articles flous sont nombreux dans la réglementation; il y a donc intérêt à le faire et place pour le faire —où on protégera cette liberté, cette autonomie des comités de

programmation communautaire. Sinon, ça risque d'être une protection tout à fait fausse et des choses comme celles qui sont arrivées à Sherbrooke risqueraient de se produire même si unanimement nous devions adopter le projet de réglementation.

M. le Président, je crois que mon collègue de Lafontaine a des questions à poser. Mon intervention à moi est terminée. Il devra compléter celle de mon parti. Merci.

M. LEGER: M. le Président, je pense bien que vous avez donné dans votre présentation l'essence même d'une politique des communications et, plus spécialement pour le câble, c'est celle de permettre aux Québécois de communiquer entre eux. Vous faites face au problème majeur que l'adversaire dans le fond, c'est un monopole possible axé justement sur un profit qui est la première incitation à réaliser quelque chose dans le domaine des communications. On oublie souvent ou on est en contrepartie en défensive devant ce rôle de service public qu'on a à donner.

Malheureusement, je pense que trop souvent, dans le but de rendre rentable une émission ou un programme, ceux qui n'ont qu'un profit ou une cote d'écoute comme base, c'est peut-être souvent parce qu'ils ont essayé de niveler par le bas l'échelle des valeurs de la population qu'ils ont à desservir. C'est le grand danger. Et l'avantage que je vois dans une programmation où la communauté a quelque chose à dire, il y a une possibilité peut-être d'élever un peu ce niveau des goûts d'une population. Il faut lui permettre de connaître mieux pour s'assurer qu'elle va aimer et augmenter une cote d'écoute et non pas l'ayant nivelée par le bas.

Alors, de quelle façon voyez-vous votre conseil du développement des media communautaires au Québec, que ce devrait être une garantie de développement socioculturel de la population québécoise, du milieu desservi? Comment pourriez-vous exprimer cette possibilité où vous pourriez faire mieux que si la programmation était uniquement entre les mains de ceux qui sont des câblodistributeurs ou câblodiffuseurs?

M. ROUTHIER: Si vous me permettez, je crois que justement le principe de la composition du comité est une garantie en ce sens-là. Je vous réfère, en particulier, à l'expérience qu'on signalait tout à l'heure. J'imagine qu'une cinquantaine d'organismes du milieu, catégorisés selon des secteurs d'activités, que ce soit la scène syndicale, du côté du bien-être ou du côté des affaires économiques, il arrive que ces organismes du milieu sont particulièrement en connaissance de ce qui devrait être abordé dans le milieu au profit de la population et ce, de façon beaucoup plus adéquate que souvent un propriétaire, ou par son intermédiaire, le directeur de la programmation pourrait le faire, lui qui souvent vient de l'extérieur de la région en question.

Alors, le directeur de la programmation en question, on ne lui demande pas d'évacuer les lieux. On lui demande de faire partie intégrante d'un comité qui serait vraiment représentatif de la population et non pas laisser le soin — peut-être comme certains membres ici, autour de la table, pourraient être portés à le croire — à quelques jeunes, ici et là, qui, dans un an, ne seront plus dans le décor, mais vraiment articuler sur le milieu que sans doute l'OPDQ voulait voir surgir par le biais des CRD, et tout et tout, et cela, appliqué dans le domaine des communications. Enfin, quant à la programmation, il nous parait qu'elle a beaucoup plus de chances de coller au milieu si elle émane d'un organisme qui regroupe des catégories d'organismes et cela sans aucune réserve.

M. LEGER: Mais comment voyez-vous cela dans la réglementation proposée? Avez-vous un amendement précis ou une façon de déterminer cette réglementation, permettant justement aux endroits qui peuvent le faire de participer à la décision relativement au contenu de la programmation?

M. ROUTHIER: Effectivement, on n'a pas eu une approche légale. Nous avions observé dans nos mémoires qu'on ne disposait pas d'équipe, dans notre organisation, comme l'ATC a pu le faire, pour vous décoder les articles les uns après les autres. Alors, nous laissons le soin à l'excellente équipe du ministère des Communications de traduire, dans des cas bien précis, ce que l'on veut signifier, quitte à ce que l'on puisse réagir par la suite s'il nous paraît que la formulation, telle qu'adoptée à ce moment-là, correspond à ce que nous souhaitons.

M. LEGER: Maintenant, pour faire face à des difficultés que n'importe quel groupe communautaire peut rencontrer dans un système capitaliste, est-ce que vous pensez que des subventions gouvernementales sont absolument essentielles ou si les gens du milieu peuvent d'eux-mêmes suffire ou s'autosuffire au point de vue du financement?

M. ROUTHIER: Voilà. Là-dessus, j'aimerais vous faire observer certains faits. Sans trop d'hésitations, même si depuis une couple d'années, en particulier au Québec, on commence à se poser des questions, on se tourne de bord et on investit $1,500,000,000 dans l'éducation, on regarde aller cela et on commence à se questionner un peu.

Du côté des communications, surtout pour un champ dit aussi vital que tous les partis tombent d'accord, c'est d'un ridicule extraordinaire; j'entends aucune profession de foi n'est faite ici depuis deux ans qui va permettre d'être réalisée si l'Etat du Québec n'investit pas de façon intéressante dans le domaine, et pas seulement par un biais comme Radio-Québec, mais vraiment articuler sur la population.

D'autre part, il nous paraîtrait très difficile de défendre le fait que les câblodistributeurs doivent, à eux seuls, par une partie de leur profit brut, financer les opérations, pas plus que l'un et l'autre; j'entends que cela provienne des instances gouvernementales ou que cela provienne de la compagnie, pas plus cela devrait se réaliser sans un effort au moins minime de la part des organismes du milieu, un milieu relativement articulé.

Dans un milieu où cela débute, c'est beaucoup plus difficile de le faire. En plus, il y a la publicité qui pourrait en sortir, pas une publicité telle qu'on la connaît actuellement, mais repensée et peut-être à caractère plus institutionnel que celle qu'on connaît actuellement et qui sollicite continuellement les individus. Alors, cela paraîtrait quatre sources de revenu qu'il faudrait aménager de façon correspondante. De par son obligation d'assurer, en particulier dans la situation du Québec, un moyen propice au développement culturel, il n'y a pas d'erreur que l'Etat devrait investir plus que cela.

M. LEGER: Avez-vous l'impression aussi...

M. ROUTHIER: Si vous le permettez, il va compléter.

M. VALLEE: En parlant de ressources du milieu, je prends l'expérience de Drummondville, par exemple. La Société nationale des Québécois, l'ancienne Société Saint-Jean-Baptiste, a investi dans la télévision communautaire par le prêt de locaux, chauffage, téléphone etc., et par le salaire d'un de ses permanents qui est prêté à la télévision communautaire. Dans très peu de temps, les caisses populaires du coin vont investir dans la télévision communautaire. Peu à peu des ressources communautaires d'une région donnée s'aperçoivent que la télévision communautaire, c'est quelque chose et que c'est important au niveau des communications. Alors, ils commencent à s'intéresser à l'affaire et à y participer financièrement. Dans ce sens-là, c'est pas mal important.

Je vais revenir aussi sur ce que vous disiez tantôt: La différence entre les câblodiffuseurs et les producteurs communautaires. S'il y a production communautaire sur le câble, c'est que c'est venu en réaction contre les media traditionnels. Si le câblodiffuseur devient leur producteur, le canal communautaire devient un medium traditionnel. Les télévisions communautaires sont nées parce que les media traditionnels ne répondaient pas aux besoins de communication des citoyens. Je peux vous citer des centaines d'exemples dans ma région. Les télévisions communautaires sont nées à cause de cela. Si on remet entre les mains du câblodiffuseur la responsabilité de la production, on retombe dans le même bateau. Par exemple, on est venu, à un moment donné, pour expliquer la télévision communautaire au poste de radio local et il nous demandait $250. Il y a un paquet d'exemples comme cela. Les groupes communautaires n'ont pas d'argent pour se faire entendre dans les media traditionnels. Il y a même des cas où des journalistes, à des conférences de presse, se sont presque ri des groupes communautaires. Alors, tout cela a fait qu'à un moment donné les groupes communautaires en ont eu assez des media traditionnels et ils ne veulent plus rien savoir de la clique présente dans ces media-là. C'est pour cela que les télévisions communautaires sont nées. C'est pour libérer l'expression des citoyens. Ils veulent dire ce qu'ils ressentent et ils vont prendre leur medium à eux.

M. LEGER: Autrement dit...

M. FORTIER (Jean): Sur l'implication financière, juste pour compléter, l'apport du milieu à Sherbrooke, c'est simple; depuis deux ans, quatre personnes payées à plein temps ont été mobilisés pour préparer l'expérience et donner tous les services nécessaires. Au niveau de la production l'an dernier, il y a eu 5 1/2 personnes. Des organismes ont payé 5 1/2 personnes pour réaliser pour eux des émissions, c'est-à-dire la commission scolaire locale, l'agence de service social, etc. C'est sans compter toutes les autres émissions. C'est donc dire que le milieu s'est impliqué financièrement et considère très sérieusement la télévision communautaire comme une alternative pour s'informer et pour communiquer. Si la régionale, si l'agence de service social, si toutes ces insitutions-là mettent autant d'argent là-dedans, c'est donc dire que c'est sérieux. Mais on n'a aucune garantie; c'est toujours le même problème. On investit de l'argent là-dedans, mais on n'a aucune garantie, face à la compagnie de câble, qu'on va pouvoir utiliser cela en fonction de nos besoins. Je trouve que c'est bien important de souligner qu'à Sherbrooke il y a une grosse mobilisation financière du milieu. Il se fait là une grande préparation, mais cela souligne d'un autre côté face à cela, quelles garanties on a. C'est, d'ailleurs, le point crucial qu'on voit à Sherbrooke et la raison pour laquelle on est ici.

M. LEGER: En d'autres mots, la solution pour vous, ce serait une protection par une réglementation précise. Deuxièmement, qu'il y ait une possibilité de subvention statutaire pour ne pas dépendre de choix partisans ou autres; que ce soit quelque chose de statutaire, basé sur des critères bien définis pour que cet argent-là ne soit pas jeté à l'eau, mais soit versé à des organismes sérieux qui ont prouvé qu'ils sont issus du milieu et qui sont représentatifs du milieu.

Finalement, cela peut amener, selon vous, une mobilisation des gens du milieu donc, un dynamisme nouveau, et responsabiliser les gens du milieu à cette programmation qui amènera une possibilité pour que les Québécois d'un milieu communiquent entre eux, que ça devien-

ne eux. Ils peuvent s'identifier d'ailleurs dans ces émissions, et peut-être niveler par le haut cette fameuse cote d'écoute qui amène justement comme premier objectif un profit plutôt que réellement une responsabilité sociale dans le milieu. C'est un équilibre de tout cela que vous voulez obtenir par la réglementation et une subvention possible.

M. FORTIER: Quant à la responsabilité du milieu, la programmation l'an dernier, à Sherbrooke, était faite par les groupes, donc, les 56 organismes, directeurs généraux ou présidents qui ont mandaté officiellement des personnes à l'élection du comité consultatif de programmation du canal 11. Il y a eu un mécanisme, ces sept représentants étant en communication constante avec les groupes, la programmation a été la responsabilité totale du milieu. Dans chaque secteur, ce sont les groupes, ce sont les organismes ensemble qui se sont dit: Si tu fais telle émission, bien, je ne la ferai pas, je vais faire plutôt celle-là. On a vu plusieurs émissions conjointes, donc il est possible de penser que le milieu peut prendre en charge toute l'opération de la programmation. Cette année, ce qui nous fait peur un peu, c'est qu'on a constaté qu'on nous avait laissé mettre le pied dans la porte, et on nous écrase le pied.

M. LATULIPPE : Si vous me permettez une couple de corrections à la perception que vous véhiculez. Quand vous parlez de subvention du ministère, il semble qu'il s'en dessine. Mais c'est relativement mince par rapport aux besoins à satisfaire, et il n'y a pas que la télévision communautaire qui existe comme media communautaire. Il y a des imprimés, j'entends des journaux, il pourrait être question de radio, enfin, les media communautaires, pour une bonne part, sont à inventer. Alors, quand on pense en termes de subvention, je n'ai pas de difficultés à vous mobiliser l'imagination, à savoir qu'est-ce que cela pourra représenter dans un avenir pas trop éloigné, mais justement c'est cela qui est en train de prendre forme actuellement.

M. LEGER: On parle de câble aujourd'hui, mais au niveau communautaire, il y a toutes sortes de communications entre les gens d'un milieu et c'est pour éviter ce dont on parlait justement dans les journaux dernièrement, un monopole journalistique; vous voulez prévenir un monopole dans le domaine du câble. Le problème qu'on vit actuellement, c'est comme l'expérience qu'il y a en Suède actuellement au niveau des media de journaux, le gouvernement, de façon statutaire, donne des subventions à des journaux de deuxième force ou puissance, quel que soit le parti politique. Il y a des critères bien définis. Si c'est le parti au pouvoir qui a le journal en deuxième puissance, bien, il a l'octroi statutaire. Si c'est le parti d'opposition qui est là, ou si c'est un journal qui est absolument apolitique, le deuxième a une subvention. Ce sont des critères bien définis que vous voulez avoir, permettant à un milieu de pouvoir s'exprimer. Aujourd'hui on parle du câble, mais cela veut dire aussi la télévision, la radio, les journaux, etc.

M. LATULIPPE: Si vous me permettez, vous avez intercalé dans votre réponse le mot "monopole" ou "concentration". Nous nous permettons de faire une mise en garde du fait par exemple qu'on a entendu le représentant d'une compagnie du côté de Trois-Rivières venir défendre l'idée, et sans doute au nom de tous les câblodistributeurs, que ce n'est pas trop dangereux de posséder une station de télévision, peut-être deux, et d'autres media et, en plus, avoir la câblodistribution. On a les comptes rendus ici des rencontres qui montrent que même des membres de la commission, à toutes fins pratiques, souscrivaient à cette approche. Pour nous, il n'est pas du tout certain, en tout cas, il ne nous apparaît pas clair du tout qu'il faut aller dans ce sens-là, même s'ils peuvent évoquer le fait qu'ils disposent d'un software particulièrement intéressant dans un milieu donné, etc.

Au niveau des intentions, on ne leur en prête pas. Il nous paraît assez clair que c'est ouvrir la porte, de toute façon, si ce n'en est pas, à ce qui pourrait en devenir très très rapidement.

M. LEGER: En ce qui me concerne, je suis pleinement d'accord avec les points que vous avez défendus, et j'espère que le ministre — je pense qu'il a été touché par ces arguments-là — tiendra compte de cela dans sa réglementation.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: J'aimerais savoir, dans une population par exemple, comme Montréal, Québec ou Laval, comment cela pourrait fonctionner pour permettre à une population locale, puisqu'il y a plusieurs localités à l'intérieur d'une île comme Montréal, de pouvoir s'exprimer?

Comment cela pourrait-il fonctionner? Cela m'intéresse.

M. ALLARD: Je pense que j'ai entendu une proposition qui venait des câblodistributeurs mêmes. C'est que dans une région comme Montréal, il existe quand même des réalités que l'on peut appeler de quartiers, et de plus en plus les gens de la région de Montréal commencent à s'organiser autour de ces entités que l'on appelle "quartiers". Le câble pourrait très bien desservir des productions communautaires sous forme de quartiers, c'est-à-dire sectoriels.

M. LEGER: ... et dans le comté de Lafontaine, la ville de Pointe-aux-Trembles avait deux heures par semaine par câble, des émissions

pour les gens de Pointe-aux-Trembles. Alors, cela peut se faire facilement. Il y a tellement de canaux possibles avec les nouvelles méthodes.

M. ALLARD: II y a même une expérience à Montréal où on pense... On est en train de réaliser, je crois, une expérience de télévision communautaire à l'intérieur d'un HLM et on étend cela aux quadrilatères environnants. Alors, il serait possible de penser une télévision communautaire même en deçà d'un quartier, parce que, à Montréal, un quartier peut comprendre une fois ou deux la ville de Sherbrooke.

M. PEARSON: Est-ce qu'une expérience comme telle a vraiment été tentée dans Pointe-aux-Trembles?

M. LEGER: Régulièrement les gens de Pointe-aux-Trembles savaient qu'à telle heure, deux heures par semaine, c'était des nouvelles de Pointe-aux-Trembles et comme les gens vivent réellement un esprit de communauté depuis très longtemps, les nouvelles de Pointe-aux-Trembles les touchent et le canal avait une très haute cote d'écoute. Je pense que National Câblevision pourrait affirmer la même chose. Même des séances du Conseil de ville étaient très suivies. Ce serait peut-être bon pour l'Assemblée nationale aussi.

M. LAHAIE: Pour la région de Montréal, nous avons toujours essayé de lui donner une représentativité des diverses parties. Nous avons eu Ville Laval, c'était mené par le CEGEP et en particulier un professeur qui s'est groupé avec une vingtaine de jeunes hommes, qui nous donnait une programmation pour les gens de Laval. Après cela, nous avons organisé un groupe sur la rive sud pour tâcher de nous donner au moins une heure par semaine pour Longueuil, Saint-Lambert, Préville, Greenfield Park, Brassard, Châteauguay; la même chose dans l'île de Montréal, Pointe-aux-Trembles, Montréal-Est. Alors, finalement on a réussi à avoir toutes les parties. Seulement de là, il n'y aurait pas moyen de donner un canal par municipalité. Il y en a 21.

M. PEARSON: Je suis d'accord. Ce qui fait la différence entre ce que vous dites et ce qui a été exprimé par les organismes devant nous, c'est ceci: Ces gens ont dit qu'ils ont regroupé 56 organismes différents qui sont, d'après eux, véritablement, représentatifs du milieu, tandis que, dans votre cas, c'est vous qui avez décidé, qui êtes allé voir à Longueuil et qui leur avez demandé: Produisez-nous quelque chose, une heure ou deux. A Pointe-aux-Trembles, est-ce que c'est un peu comme cela? Alors comment cela pourrait-il fonctionner à l'intérieur d'une ville comme Montréal? Serait-il possible de regrouper justement tous ces organismes parce que la participation est sûrement beaucoup moins forte, en tout cas, dans une ville comme

Montréal qu'à un endroit désigné comme Sherbrooke ou comme au Lac Saint-Jean où il y a une espèce d'affinité, une communion beaucoup plus forte, en tout cas, que dans une île comme Montréal...

M. LEGER: ... de Saint-Henri, il y a une communauté; des gens ont quelque chose en commun. Alors, dans le contenu, si la possibilité est là, il s'agit de savoir ce que l'on va donner, par exemple, aux citoyens de Pointe-aux-Trembles? Est-ce que, si il y a un organisme comme on nous présente aujourd'hui, il a le droit de déterminer le contenu de cette programmation? Il va le faire selon un niveau qui va et intéresser les gens de Pointe-aux-Trembles, et qui tiendrait compte aussi de la qualité du milieu, et qui serait par la suite approuvé selon un mode quelconque avec les gens du câble. Mais ce qui compte c'est de ne pas dire simplement: On vous donne cela à vous, les gens de Pointe-aux-Trembles, donnez-nous n'importe quoi là-dedans ou donnez-nous quelque chose qui est intéressant.

C'est le contenu qu'il faut vérifier et c'est là, je pense bien que le groupe veut surtout avoir accès dans la programmation de ce qui va être transmis par le câble.

M. LAHAIE: Monsieur, je pourrais vous dire que dans le contenu, jamais nous n'avons déterminé le contenu en attirant les groupes de Montréal. Le contenu est toujours laissé à la discrétion du directeur de ce programme et il y avait une moyenne de 500 personnes par semaine au temps où je dirigeais cette compagnie à Montréal. 500 personnes par semaine apparaissaient au canal communautaire et le contenu était toujours le leur.

M. FORTIER (Jean): Pour compléter la question, pour mettre sur pied la télévision communautaire à Montréal, je crois qu'il y a un principe. A Sherbrooke, je parlais de 56 organisations. Ce qui s'est passé c'est que, devant la facilité qui était annoncée que le câble mettrait un canal local à la disposition de la communauté, l'initiative est venue du milieu lui-même. Les organismes se sont concertés entre eux et c'est ce regroupement qui est allé rencontrer la compagnie, qui s'est informé et qui a dit: Nous voulons faire tant d'émissions. Je crois que c'est bien important. Si, à Montréal, ça devait se faire d'une façon quelconque, ça ne devrait pas être le propriétaire du câble qui se mette à aller faire de l'animation dans le milieu, aller chercher les gens qu'il connaît dans le milieu, parce que ça donne de la production locale.

C'est un peu ce que nous avons vécu à Sherbrooke. Parallèlement à ce regroupement qui est venu faire des émissions, le directeur de la programmation qui a été engagé par la compagnie est allé voir le milieu qu'il connaissait et ça a donné deux heures d'émissions mais ça a donné deux heures d'émissions qui n'étaient pas

du tout comme les autres. C'étaient des émissions sur les fleurs, sur la météo, une émission de variété mais c'étaient vraiment des émissions qui tenaient à un individu que le directeur de la programmation connaissait. Je crois que ce qui est important pour lancer la télévision communautaire quelque part c'est que ça parte d'un besoin, du milieu lui-même, des organismes qui ressentent des lacunes dans l'information ou des besoins de s'exprimer.

M. PEARSON: Ce que je voudrais savoir, on n'est pas capable de le définir ici, mais vous avez fait une expérience. D'après cette expérience, vous ne croyez pas que la quantité de personnes ou la grandeur d'une ville comme Montréal soit une objection fondamentale au fait que ça pourrait se réaliser, peut-être de façon différente, peut-être avec certaines difficultés. Mais d'après votre expérience ça peut se faire dans des grandes agglomérations comme Montréal, Laval ou Québec?

M. FORTIER (Jean): II ne s'agit pas pour moi de défendre fondamentalement la télévision communautaire, dire si c'est possible à Montréal. Mais fondamentalement ce qui est important c'est que, là où il peut se faire de la télévision communautaire, la responsabilité ne soit pas donnée à une minorité qui est le propriétaire du câble avec son directeur de la programmation engagé mais que la responsabilité soit vraiment donnée au milieu par des mécanismes. Et des mécanismes, il est possible d'en mettre au point et c'est encore bien mieux qu'une ou deux ou trois personnes qui décident ce que sera la programmation du canal.

Concernant la possibilité de la télévision communautaire à Montréal, là-dessus, nous pourrions parler beaucoup mais je pense que nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin que ce que monsieur a dit tout à l'heure à savoir qu'à ce jour, à Montréal, il n'y en a pas de télévision communautaire. Ce qui est en train de se penser chez les groupes là-bas, les besoins qui sont en train de se préciser, ça va surtout au niveau des communautés locales comme Saint-Henri ou les autres quartiers à Montréal.

M. ALLARD: Pour ajouter, c'est certainement aux gens de Montréal de définir eux-mêmes quels media ils auront à employer, qu'ils trouveront le plus facile d'employer. Je pense qu'on ne peut pas se borner seulement au câble, il y a aussi de l'animation aux media comme tels. Le UHF à faible puissance s'en vient, il y a toutes sortes de secteurs que des gens expérimentent un peu partout. Ce qui est important dans tout ça, c'est de prévoir des mécanismes "facilitateurs". Ce n'est pas de faire de l'impérialisme et dire: Vous allez vous organiser de telle façon. Mais il faut prévoir des moyens pour que les gens qui veulent s'organiser puissent le faire. Cela, c'est le but d'une réglementation.

C'est pour ça que nous la souhaitons plus rigide jusqu'à un certain point, pour permettre justement aux communautés qui débutent de ne pas tomber sur les mêmes obstacles qu'on rencontrés Sherbrooke, Drummond. Partout dans le Québec où on a tenté de mettre sur pied une télévision communautaire, on a eu des difficultés avec les propriétaires de câble. Nous croyons sincèrement qu'il faut que cette réglementation soit beaucoup plus qu'un acte de bonne volonté, laisse beaucoup moins de la latitude aux propriétaires de câble qu'à l'heure actuelle.

M. CASTONGUAY (André): Dans la même ligne, je rappellerais ce que le ministre L'Allier soulignait tout à l'heure alors qu'il disait que ça devrait plutôt dépendre de la régie de décider dans chaque cas particulier s'il y aurait ou non un organisme représentatif du milieu, un comité consultatif et qu'à ce moment-là ce soit inséré dans le permis accordé.

Je pense que c'est vraiment utopique de penser que la compagnie de câbles va partir comme ça à faire de la publicité sur une grande échelle. Il faut dire aux gens de venir. On est intéressé à ce que vous participiez et que vous décidiez, en ce qui concerne la télévision communautaire. On sait bien que l'expérience qu'on a eue à Sherbrooke avec National Cable-vision a été tout à fait contraire. Il a fallu que ça vienne du milieu et qu'on se batte pour que la compagnie finisse par accepter que le milieu se rassemble et élise un comité consultatif. Je pense que ça doit être vraiment inséré dans les principes généraux, de sorte qu'une compagnie devrait, à ce moment-là, voir à ce qu'il y ait la publicité autour de ça et que ce soit vraiment inclus dans ces politiques.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. lé Président, dès le début des audiences de cette commission, le parti que je représente a fait valoir sa position concernant la télévision communautaire. Notre attitude, contrairement à ce que laissait entendre un membre d'un parti présent ici, n'a jamais été — et dans aucun cas pour les autres partis — une attitude protectionniste. Nous n'avons jamais adopté des positions qui indiquent que nous voulons simplement protéger la télévision communautaire. Nous avons demandé au ministre d'assurer à la télévision communautaire les moyens de se développer, de prendre sa place dans l'ensemble des moyens de communication dont doit disposer la communauté..

On a tout à l'heure fait allusion — et je crois nécessaire d'y revenir — à une idée que le ministre avait suggérée et que j'ai reprise, la question de la représentativité en ce qui concerne la communauté. Il est important, en hommes lucides et responsables, les représentants de

collectivités qui sont la communauté, de s'interroger sur ce terme. Chacun peut prétendre représenter la communauté, mais les pouvoirs publics ont le devoir d'établir des frontières, de déterminer des seuils pour que la communauté à tous ses paliers soit représentée, y ait des moyens d'expression.

Le député de Saint-Jacques, en nous récitant, tout à l'heure, le petit catéchisme du parfait anarchiste, déclarait que nous n'avions pas été tâtillons et très méchants à l'endroit des radiodiffuseurs et des télédiffuseurs. Je crois que ceux qui ont lu attentivement, sans préjugé et sans préoccupation partisane électoraliste, les comptes rendus des séances de cette commission, se sont rendu compte que non seulement nous avons été plus que tâtillons, mais que nous avons été brutaux à l'endroit des radiodiffuseurs, des télédiffuseurs, des câblodistributeurs à qui nous avons demandé, de façon très nette, et je l'ai fait à maintes reprises: Est-ce que vous vous sentez responsables de la communauté québécoise et est-ce que vous êtes disposés à collaborer avec elle et avec le gouvernement qui la dirige? Je tiens à faire cette mise au point pour qu'il n'y ait pas d'équivoque. Tous, tant que nous sommes, nous représentons des citoyens. Je représente, pour ma part, 37,000 électeurs, ce qui veut dire au-delà de 50,000 personnes, et je suis bien conscient des problèmes qui se posent dans le milieu qui est le mien. C'est le cas de tous les députés qui sont à cette table. Mais les choses étant ce qu'elles sont, nous avons entendu des organismes de téléphonie, de câblodistribution, de radiodiffusion, de télédiffusion et nous leur avons à tous posé la même question, à savoir quel était le cas qu'ils faisaient de leurs responsabilités.

Particulièrement en ce qui me concerne, je les ai tous interrogés sur l'attention qu'ils allaient apporter aux moyens de communication communautaires. Il faut bien s'entendre. Lorsque j'entends dire: Bon, les directeurs de la programmation de telle ou telle entreprise veulent défendre leurs intérêts, je suis d'accord pour que d'autres intérêts s'expriment. Si chaque citoyen de la communauté a des besoins à exprimer et des intérêts à défendre, il faut reconnaître que les entreprises de câblodistribution, de diffusion, de radiodiffusion ou de télédiffusion ont également des intérêts qui peuvent être aussi valables que ceux des autres. Nous sommes ici pour essayer d'établir un équilibre et une pondération. C'est dans cette perspective que nous avons à maintes reprises demandé au ministre de revoir la réglementation afférente à la loi 35 pour que non seulement la télévision communautaire soit protégée, mais que la télévision communautaire se développe selon un rythme de croissance qu'elle établira, que les moyens communautaires établiront dans les divers secteurs où ils oeuvrent en collaboration avec le gouvernement et avec l'aide du gouvernement.

Le ministre a été d'ailleurs très explicite à ce sujet, mais il a insisté sur le fait que nous sommes encore en terrain vierge, que nous avons à inventer de nouveaux moyens et que nov.s avons à tenir compte de situations difficiles qu'il n'est pas aisé de mettre de côté. C'est un écheveau très compliqué et nous nous sommes rendus compte à la suite des auditions que nous avons tenues qu'il y avait une imbrication de problèmes, d'intérêts. Notre responsabilité à nous sera de les régler, ces problèmes, à l'avantage de la communauté, la communauté étant entendue au sens de l'ensemble de la population du Québec à l'intérieur de laquelle se trouvent des groupes qui, comme on l'a souligné, n'ont pas eu, jusqu'à présent, voix au chapitre. Notre position comme parti politique est donc très claire. Elle est non seulement positive, mais elle est même agressive et elle va dans le sens de l'ensemble des propositions qui nous ont été soumises et qui exigent de notre part un examen plus approfondi pour que l'on puisse inventer des mécanismes qui permettent aux entreprises de se développer et en même temps aux citoyens d'avoir ces moyens démocratiques de s'exprimer par le truchement des ondes. Ceci étant dit, M. le Président, je tiens à répéter que j'ai été très heureux d'entendre les représentants des organismes communautaires. Il me plaît de les assurer de notre collaboration positive et de notre collaboration dynamique, sous la réserve suivante qu'ils veulent bien faire auprès de nous le lobbying qu'ils ont fait auprès d'autres partis politique.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Rou-thier, vous avez demandé la parole.

M. ROUTHIER: Je désirerais, dans une dernière remarque, attirer votre attention sur deux points. D'abord, à plusieurs reprises, les membres de la commission sont intervenus pour faire état du caractère expérimental de la réglementation en question. Ce qu'il ne faut pas négliger, c'est qu'en particulier du côté du CRTC, il y a déjà, depuis deux ou trois ans, des expériences de faites. Le terrain n'est pas aussi vierge qu'il en a l'air. Déjà, il y a des expériences qui sont nettement indicatives quant à des embûches à éviter et des avenues à explorer. Et de un. Quant au deuxième point, ceux qui nous ont précédés, vous les avez interrogés à savoir quelle serait leur attitude en cas de conflit entre la réglementation adoptée ici et celle adoptée à Ottawa. Dans le second rapport que nous vous avons acheminé, nous avons fait état d'une position que j'aimerais expliciter rapidement sur le contentieux fédéral-provincial en matière de communications.

A notre point de vue, il n'y a justement pas lieu de chercher à éviter de toutes sortes de façons des problèmes possibles du fait que, selon que l'une ou l'autre des réglementations sera plus sérieuse ou exigeante que l'autre, elle embrassera forcément les exigences de l'autre, ce qui ne devrait pas la fatiguer pour autant. En

cas de conflit, en particulier pour ce qui est de la publicité, il nous paraît justement qu'avec les mécanismes qu'on favorise au niveau de la programmation et ce, dans les diverses régions du Québec, avec les comités nettement représentatifs de la population, sur une courte période, vraisemblablement pas plus de trois ans, il se pourrait fort bien que les deux gouvernements en cause trouvent des arbitres beaucoup plus neutres qui pourraient indiquer nettement ce qu'ils souhaitent, plutôt que d'engendrer des débats stériles qui accouchent d'une souris.

En ce sens, il nous paraît justement que des organismes qui vont devenir de plus en plus représentatifs comme le nôtre pourraient être des acteurs importants à mettre à la table au moment d'aborder ces choses-là, plutôt que de continuer à alimenter un débat dont les citoyens font les frais en définitive. Merci.

M. VALLEE: Moi, j'ai une suggestion à faire à la commission. On parle souvent de pouvoirs publics. Je suggère à la commission de remettre ce pouvoir justement au public selon les mécanismes qu'il voudra et non pas de remettre ce pouvoir à une structure technocratique faite par le gouvernement ou encore entre les mains de financiers.

M. FORTIER (Jean): Je voudrais compléter ce que M. le président disait. Tout à l'heure, vous disiez que la vision idyllique des media communautaires devait se mettre en relation avec les contraintes de la réalité, notamment en ce qui concerne la responsabilité publique du diffuseur. Je voudrais juste porter une petite remarque à votre attention, en disant comment, à Sherbrooke, le président, M. Levasseur, nous a donné sa réaction. Lors de la première réunion du comité consultatif dont j'étais un des membres élus, M. Levasseur déplorait justement la contradiction dans les énoncés du CRTC selon lesquels les émissions communautaires sont faites par le milieu, alors la responsabilité légale, elle, revient à la compagnie. Selon M. Levasseur, la responsabilité devrait être reconnue aux groupes communautaires et, quant à lui, la question de la poursuite en libelle ne lui faisait aucunement peur. On parle théoriquement de la responsabilité juridique, mais à Sherbrooke on a vécu de cette façon. Le président de la compagnie nous a dit de façon très claire que, quant à eux, cette question ne les préoccupait pas. D'après les études qu'ils ont faites, c'étaient des risques négligeables, d'après l'expérimentation pratique. A Sherbrooke, on a vécu avec ça. Le comité consultatif a fait la programmation et on n'a pas eu de difficulté avec cette question de responsabilité juridique ou de responsabilité publique du diffuseur. Même si, en théorie, ça pouvait être possible, la compagnie n'accordait pas plus d'importance que ça à cet aspect, pour dire: Ecoutez, on ne peut pas vous donner la responsabilité sur la programmation. C'est un élément vécu, et c'était pour compléter.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable ministre des Communications.

M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai entendu avec intérêt ce qui a été dit. Je n'ai pas l'intention, à ce moment-ci, de donner d'opinion ou de décision en ce qui concerne quelque article du règlement que ce soit, notamment compte tenu de ce qui a été dit dans les dernières interventions, dans les résumés, si vous voulez, de ce que les intervenants ont dit.

On a parlé de débats dont les citoyens font les frais entre les niveaux de gouvernement. En ce qui me concerne, les groupes de citoyens, qu'ils soient organisés ou non organisés, sont relativement semblables sur certains points. C'est qu'ils essaient — je ne les blâme pas pour ça — de trouver avantage de toutes les situations, de la même façon qu'au haut-commissariat, avec des organismes de loisirs, on avait des gens qui venaient nous demander une subvention et qui, par la suite, allaient la compléter au gouvernement fédéral en disant: Le problème est politique, c'est votre affaire. C'est une conception de l'Etat qu'on doit avoir ou qu'on n'a pas. En ce sens, je ne m'arrête pas à l'étiquette de tel et tel groupes pour savoir s'ils ont ou s'ils n'ont pas cette conception de l'Etat.

Deuxièmement, pour ce qui est de remettre entre les mains des citoyens, et non pas entre les mains des technocrates ou des financiers, les pouvoirs décisionnels quant au câble, c'est une question aussi qui peut être débattue. En définitive, toute la question est de savoir où sont les citoyens dans cette histoire, qui, en fait, les représentent et de quelle façon ils se manifestent.

Quant à moi, je dois dire qu'aussi longtemps que j'aurai la responsabilité de ce secteur, je n'ai pas l'intention de travailler d'une façon intuitive — au risque d'être impopulaire — d'une façon émotive ou sentimentale en matière de communications. Nous devons, quand nous posons des gestes réglementaires et des gestes législatifs, nous asseoir sur les expériences qui existent et sur les données les plus complètes possible dont nous pouvons disposer. La réglementation que vous avez devant vous, aussi modeste soit-elle, aussi insatisfaisante et aussi timide puisse-t-elle paraître, est quand même la plus avancée qui existe à l'intérieur de ce pays et même à l'étranger, notamment quant à la garantie qui est donnée, au principe qui est énoncé à l'article 5 sur les objectifs sociaux et culturels qui doivent être poursuivis, article auquel la régie est soumise et à partir duquel elle doit motiver ses décisions.

Ce geste, donc, timide par rapport à ce que vous souhaitez ou ce que d'autres peuvent souhaiter, est quand même beaucoup moins timide si on le compare à ce qui se fait ailleurs. Pour cette raison, entre autres, je crois que nous devons procéder avec prudence, même si le mot n'est pas populaire, prudence qui nous amène non pas à prendre, comme on l'a dit tout à

l'heure, uniquement des mesures protectionnistes, mais bien prudence dans la mesure où on risquerait, par des interventions émotives au niveau de la réglementation ou de la législation, de poser des gestes dont tout le monde, par la suite, aurait à regretter les conséquences. Je ne pense pas là à l'utilisation qui est faite ou qui peut être faite des media par tel ou tel groupe. Au contraire, je pense à la population québécoise qui, elle-même, a toutes les difficultés du monde, comme toutes les populations, souvent, à s'adapter aux changements extrêmement rapides de la technologie et des moyens utilisés.

En ce qui me concerne, aussi populaire et aussi représentatifs que peuvent être les groupes de télévision communautaire, il n'en demeure pas moins que, sous eux comme sous n'importe quelle personne qui est ou qui se dit représentante de la collectivité, il y a une masse de citoyens qui, elle, est presque apolitique, non politisée, qui est mal informée, qui est mal structurée, qui n'est pas structurée.

Ce qu'il nous faut considérer comme gouvernement et comme responsables de la législation et de la réglementation, c'est d'éviter de poser des gestes qui, pour ces citoyens qu'on veut de bonne foi informer, qu'on veut amener à un plus haut niveau d'éducation sociale et politique, n'auront pour effet que de faire passer, en définitive, tel ou tel contrôle existant ou présumé dans des mains plutôt que dans d'autres.

Cette prudence qu'on retrouve, bien sûr, dans la législation est à la limite des moyens dont nous disposons pour faire cette législation et cette réglementation. Quant à moi — je l'ai bien indiqué et je termine là-dessus, M. le Président — il s'agit là d'une première réglementation. Nous allons tenter par tous les moyens d'atteindre les objectifs qui sont poursuivis par les groupes communautaires, comme par tous ceux qui s'intéressent au développement des communications. Nous allons faire en sorte que cette législation et cette réglementation évoluent au rythme que nous pouvons donner et qui est acceptable par l'ensemble de la population québécoise.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au député de Lafontaine.

M. LEGER: L'article 5 dit: "Toute entreprise publique de câblodistribution doit être un instrument permanent de développement social, culturel et économique de la collectivité" et on ne parle que des membres du conseil d'administration d'une corporation, des propriétaires. Est-ce que le ministre veut dire par là que la régie sera le seul juge pour déterminer si cette corporation ou cette entreprise aura réellement atteint son objectif d'être un instrument de développement du milieu? Est-ce qu'il y a une façon dont on peut s'assurer que le milieu comme tel aura pu réellement proposer des choses qui sont acceptées par cette entreprise qui voit au développement du milieu? Qui, en dernier ressort, pourra déterminer que le développement du milieu, elle le fait bien ou pas?

M. L'ALLIER: M. le Président, si le député de Lafontaine était juriste, je ferais appel à ses connaissances juridiques pour souligner qu'à l'article 5, dans le premier paragraphe, on dit: "Toute entreprise publique de câblodistribution doit être un instrument permanent de développement social, culturel et économique; à cet effet..." Ce n'est pas limitatif. Entre autres choses, il doit sur ces points particuliers intervenir. L'article 5 donne à la régie un cadre de développement des communications que la régie devra respecter et qui se retrouve, par ailleurs, non seulement dans les textes législatifs, mais dans les décisions qui seront, au fur et à mesure de son travail, rendues par la régie, que ce soit en téléphonie ou ailleurs. On a pu le constater; cela a pu blesser, dans certains cas, même les administrateurs publics. On n'a qu'à regarder, par exemple, les décisions qui ont été rendues en expropriation par la régie dans le cas de Forillon, et d'autres décisions qui ont été rendues à l'encontre de sociétés de téléphone, les obligeant à des développements qui, dans des régions, ne sont pas rentables, comme la réduction du nombre d'abonnés à quatre. C'est la seule régie provinciale qui a agi en ce sens-là. La Commission canadienne des transports ne l'a pas fait encore pour Bell Canada et ainsi de suite. La régie est soumise à une économie générale de services publics et de biens publics. Elle est là pour surveiller l'application, bien sûr, de lois et de règlements, mais pour faire en sorte que les instruments collectifs, qui sont des services publics, soient utilisés par des groupes ou par des individus, par des sociétés économiques, par des compagnies ou par des collectivités, dans l'intérêt général. La régie est composée d'hommes. Bien sûr, la régie peut ne pas avoir toute la dynamique qu'on pourrait lui souhaiter; bien sûr, la régie est limitée comme n'importe quelle organisation, n'importe quel mécanisme décisionnel.

Il n'en reste pas moins que nous devons travailler avec les instruments dont nous disposons. En ce qui me concerne, le passé de la régie m'amène à conclure que nous devons lui donner une présomption de bonne conduite pour l'avenir.

M. LEGER: Je pense que le ministre a raison de dire que le passé de la régie est quand même positif dans ce sens. Mais il n'y a aucun endroit dans cette réglementation — on parle de l'article 5, on peut parler de l'article 11 aussi— où on parle de programmation, d'horaires, etc. Tout cela, c'est encore la régie qui définira si la programmation est réellement conforme au bien du milieu.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous remercie, messieurs, de vos mémoires et j'inviterais à

présent les autres. Il est cinq heures et vingt-cinq, est-ce que Publicité-Club de Montréal est ici? Brunelle, Lambert et Associés Inc. L'Association des propriétaires de cinémas du Québec et Les Quotidiens du Québec Inc. Je les invite demain et j'invite le secrétaire, M. Pouliot, à communiquer avec ces organismes pour voir s'ils désirent venir présenter leurs mémoires. La commission ajourne ses travaux à dix heures demain matin.

(Fin de la séance à 17 h 23)

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