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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Projet de règlement sur la
câblodistribution
Séance du mercredi 12 septembre 1973
(Dix heures une minute)
M. PILOTE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
LE PRESIDENT (M. Pilote): Sur la liste des mémoires de ce matin,
nous avons le Publicité-Club de Montréal; Brunelle, Lambert et
Associés Inc.; l'Association des propriétaires de cinémas
du Québec Inc., et les Quotidiens du Québec Inc. Est-ce que des
représentants de ces firmes sont présents?
La parole est au ministre des Communications.
M. L'ALLIER: Les mémoires, que vous venez de nous annoncer et
pour lesquels vous avez demandé s'il y avait des intervenants
présents dans la salle, ont été déposés et
la commission en a pris connaissance.
Je ne sais pas si quelqu'un effectivement veut présenter tel ou
tel point sur les mémoires déjà annoncés. Si tel
était le cas, il faudrait les entendre. Sinon, la commission pourrait
considérer avoir pris connaissance de ces documents et, quant à
moi, j'en tiendrai compte dans la rédaction finale du
règlement.
LE PRESIDENT (M. Pilote): S'il y en a qui sont présents, je les
invite à venir...
M. L'ALLIER: Vous pourriez peut-être le répéter.
LE PRESIDENT (M. Pilote): S'il y en a qui sont présents qui
veulent parler...
M. L'ALLIER: Sur les mémoires.
LE PRESIDENT (M. Pilote): ... sur les mémoires, je les invite
à venir ici pour nous donner leur opinion.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Publicité-Club.
LE PRESIDENT (M. Pilote): II y a Publicité-Club, Brunelle et
Lambert, l'Association des propriétaires de cinémas du
Québec Inc., et des Quotidiens du Québec Inc.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On déclare forfait.
M. LEDUC: M. le Président, est-ce que ces associations ont averti
le secrétaire des commissions qu'elles ne seraient pas présentes
ce matin? Cela me surprend que les quatre qui devraient être
présentes ne soient pas ici.
M. L'ALLIER: Elles n'avaient pas nécessairement dit qu'elles
seraient présentes. Elles ont déposé un
mémoire.
LE PRESIDENT (M. Pilote): II y en a qui arrivent. Si vous voulez vous
identifier et dire quel organisme vous représentez.
Brunelle, Lambert et Associés Inc.
M. BRUNELLE: Mon nom est Jacques Brunelle. Je représente la firme
Brunelle, Lambert et Associés Inc. M. le Président, nous tenons,
tout d'abord, à remercier votre commission de l'occasion qu'elle nous
fournit d'intervenir auprès d'elle en rapport avec le projet de
réglementation du ministère des Communications du Québec,
relativement à la câblodistribution.
Un mot, tout d'abord, pour expliquer la nature de l'entreprise que nous
représentons. Nous sommes une firme de conseillers oeuvrant, entre
autres, auprès d'entreprises de câblodistribution au Canada dans
les questions d'ingénierie et de mise en oeuvre de gestion de
réseaux de câblodistribution.
La nature de l'intervention que nous désirons faire devant votre
commission, comporte trois volets dont nous avons communiqué la teneur
à votre secrétaire, dans une lettre en date du 2 août 1973.
Le premier volet a trait à l'appui que nous désirons apporter
à chacune des recommandations et suggestions contenues dans le
mémoire de l'Association canadienne de télévision par
câble, relativement au projet du ministère des Communications du
Québec de réglementer cette matière. Nous pourrions, M. le
Président, reprendre pour notre compte pratiquement chacun des sujets
traités par l'Association canadienne de télévision par
câble, dans son mémoire et ses exposés auprès de
votre commission. Certains grands thèmes qui nous viennent
particulièrement à l'esprit ont trait à la
propriété des entreprises de câblodistribution. Les
exigences du projet de réglementation nous apparaissent en effet
excessives et non, selon nos recherches, dépendantes dans aucun autre
secteur économique au Québec tombant sous la juridiction de son
ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives. Nous craignons en effet que de telles exigences, si elles
étaient maintenues dans le projet final, imposeraient une
dépréciation accrue à la valeur du capital-action des
entreprises de câblodistribution. b) à la télévision
communautaire. Nous croyons que l'évolution de la matière
requiert
de consacrer l'autonomie financière et administrative de la
télévision communautaire, pourvu qu'on s'assure de la
représentativité du ou des groupes qui l'animent.
Toutefois, puisque tout a à peu près été dit
sur cette question, nous avons voulu concentrer notre intervention sur un
aspect particulier de la réglementation, celui ayant trait aux relations
existantes ou pouvant exister entre une entreprise de câblodistribution
et une compagnie de téléphone. Cet aspect particulier de la
réglementation constituera le deuxième volet de notre
intervention.
A la lecture du projet de réglementation, notre attention a
été plus particulièrement attirée par les articles
6 et 32 du projet. L'article 6, en effet, exclut les entreprises de
téléphone comme exploitants possibles en vertu de la
réglementation proposée par le gouvernement du Québec
relativement aux entreprises de câblodistribution. D'autre part,
l'article 32 stipule: "Lorsque des installations d'une autre entreprise
publique assujettie à la régie, sont disponibles, la régie
doit ordonner leur utilisation par l'entreprise publique de
câblodistribution." Nous considérons, M. le Président, ces
deux articles du projet de règlement comme antithétiques. En
effet, nous croyons anormal de consentir aux compagnies de
téléphone, indirectement, un privilège qu'on leur refuse
directement.
En effet, si on nie aux compagnies de téléphone le
privilège et le droit d'exploiter des systèmes de
câblodistribution, on ne devrait pas par ailleurs leur consentir en
pratique un privilège quasi exclusif d'en posséder tous les
éléments matériels, soit les câbles, les
amplificateurs, etc.
Nous croyons donc qu'il n'y a aucune justification, ni technique ni
économique ni sociologique, à toute hégémonie
partielle ou totale des compagnies de téléphone sur les
installations matérielles d'un réseau de câblodistribution
et nous nous en expliquons sur ce rapport de la manière suivante.
Du point de vue technique, il est tout à fait possible de
construire des réseaux parallèles de téléphonie, de
câblodistribution et d'hydroélectricité. Depuis plusieurs
décennies en effet les réseaux de téléphonie et
d'hydro-électricité coexistent sans interférence notoire
sur les mêmes supports, soit les poteaux, les conduits, les
tranchées. Il n'existe aucun problème technique de voir un
troisième réseau s'intercaler entre les deux premiers, soit un
réseau de câblodistribution en plus des réseaux de
téléphonie et d'hydro-électricité existants.
Du point de vue économique, il est de notoriété
publique que les coûts d'implantation des réseaux de
câblodistribution ont été largement augmentés en
raison de l'hégémonie traditionnellement pratiquée par les
compagnies de téléphone relativement à l'installation des
câbles d'alimentation et de distribution. D'autre part, le financement de
la plupart des entrepri- ses de câblodistribution fonctionnant
présentement au Québec et en Ontario, et partant leur croissance
et leur expansion ont été largement handicapés par le fait
que quoiqu'elles aient à payer pour les coûts d'implantation des
câbles et à l'occasion des autres accessoires de leur
réseau de câblodistribution, elles n'en étaient pas
propriétaires et partant ne pouvaient ni hypothéquer, ni nantir,
ni offrir en gage contre prêt les installations matérielles
servant à fournir le service à leurs abonnés.
Nous sommes d'avis qu'une attitude plus conciliante des compagnies de
téléphone et plus particulièrement de Bell Canada aurait
résulté en un coût de service de câblodistribution
à l'abonné bien inférieur à celui que nous
connaissons présentement.
Enfin, du point de vue sociologique, nous croyons que ce ne soit pas le
voeu de la population de voir les compagnies de téléphone
augmenter et accroitre leurs investissements dans le domaine de la
câblodistribution. Bien plus, nous croyons que la perpétuation des
propriétés conjointes des réseaux de
câblodistribution, soit par exemple les câbles de distribution
d'alimentation appartenant à Bell Canada, les éléments
électroniques coactifs du système appartenant à
l'opérateur, ne peut que résulter dans des difficultés
d'exploitation qui ne sont certainement pas de nature à faciliter le
maintien de services de la plus haute qualité. A en juger par les
nombreux projets d'installation de réseaux de câblodistribution
dont nous avons été saisis au cours des derniers mois, nous en
venons à conclure à une grande impatience du public canadien et
québécois, qui ne jouit pas présentement d'un service de
câblodistribution, d'avoir accès à un tel service.
En conséquence, nous sommes d'avis que tout nouveau projet de
réglementation doit se soucier, en priorité, de garantir au
public un accès élargi et facilité aux services de
câblodistribution que le public réclame. Sous ce rapport, il nous
paraît que consacrer par voie de réglementation
l'hégénomie des compagnies de téléphone sur les
installations de câblodistribution est absolument contraire à la
poursuite d'un tel objectif.
Nous avons suivi avec assiduité toutes et chacune des
séances de la présente commission depuis le début du mois
d'août. Nous ne pouvons nous empêcher de nous prononcer sur
certaines affirmations et allégations des représentants des
compagnies de téléphone du Québec qui paraissent comme des
véritables insultes à l'intelligence des membres de la
commission. Parmi ces affirmations et allégations, nous retenons plus
particulièrement: a) La réalité de la polyvalence des
réseaux de distribution par câble coaxial. Une telle
réalité est absolument inexistante dans les faits et dans les
termes où les compagnies de téléphone ont tenté de
le définir devant la présente commission. Les
représentants de l'Association des compagnies de téléphone
indépendantes du
Québec il s'agit, à notre avis, d'un titre
très élaboré pour parler, en pratique, de Québec
Téléphone, compagnie tombant sous la juridiction de la
Régie des services publics mais appartenant, dans les faits, à
des financiers américains ont fait référence
à de vagues expériences ou réalisations du Japon. Les
représentants des compagnies Téléphone du Nord et
Télébec Ltée ont parlé d'une expérience
pilote de leur maison mère, Bell Canada, dans la région de
Montréal. Il s'agit, dans l'un et l'autre cas, de faits
extrêmement isolés et aucunement représentatifs de
l'évolution technologique actuelle.
Fait à signaler, pour les seules fins de la
câblodistribution, il s'avère, dans plusieurs cas, plus
économique de poser plus d'un câble coaxial. Plusieurs
expériences sous ce rapport ont lieu présentement aux Etats-Unis,
où , en vertu de la réglementation en vigueur, il faut fournir un
minimum de 20 canaux. Plusieurs câblodistributeurs optent pour
l'installation de deux câbles parallèles servant exclusivement
à la câblodistribution.
Il est aussi à signaler, indépendamment des
allégations qui ont pu être faites devant cette commission, qu'il
y a des limites économiques certaines à la capacité d'un
câble coaxial, qu'on ne peut pas, dans les faits, rendre aussi polyvalent
qu'on le voudrait. b) Le privilège de transporteur exclusif de
télécommunication à l'intérieur du territoire. La
demande d'octroi d'un tel privilège aux compagnies de
téléphone, parce qu'il s'agit bien des compagnies de
téléphone et non de compagnies de
télécommunication, quelles qu'en soient leurs prétentions,
semble dirigée exclusivement vers la câblodistribution. Ces
compagnies ne jouissent pas, présentement, d'un tel privilège. En
effet, le gouvernement du Québec lui-même agit, à travers
le Québec, comme transporteur de communications. Nous faisons ici
référence à l'Hydro-Québec, qui exploite des
systèmes de micro-ondes et des systèmes à ondes porteuses
sur des lignes de transmission à haute tension à travers tout le
Québec.
Nous faisons aussi référence aux divers ministères
du gouvernement du Québec, qui disposent de divers systèmes de
radiotéléphonie, par exemple, à travers le Québec.
Dans le même ordre d'idées, nous pourrions faire
référence au gouvernement du Canada, au service de
télécommunications du Canadien national et du Canadien pacifique,
au service de réponse au téléphone, plus
familièrement appelé TAS, "Telephone Answering Service", aux
compagnies manufacturières d'appareillage
radiotélé-phonique, qui louent des services de radio-chasseur ou
de radio mobile à des particuliers, sans compter les entreprises de
câblodistribution qui disposent déjà d'investissements
extrêmement considérables dans les systèmes de transport ou
de transmission de communications.
L'octroi aux compagnies de téléphone d'un privilège
de transporteurs exclusifs de communications est, à notre avis,
rétrograde. Nous nous opposons à un tel projet devant cette
commission et nous avons l'intention de le faire aussi devant la Régie
des services publics du Québec. c) Les coûts des professions. Les
affirmations des compagnies de téléphone, sous ce rapport,
trahissent, à notre avis, soit une totale incompétence en
effet, les compagnies de téléphone indépendantes du
Québec n'ont jamais oeuvré dans le domaine de la
câblodistribution; elles sont ignorantes dans ce domaine et n'y
possèdent aucun investissement soit une candeur bien
désarmante.
Toutes les fois qu'il s'est agi de comparer sur une base
financière, pour le compte d'une entreprise de câblodistribution,
les avantages respectifs de la location ou de l'achat des
éléments matériels d'un réseau de
câblodistribution, on en est venu invariablement et dans tous les cas
sans exception à conclure à l'avantage marqué de l'achat
et de l'installation par le câblodistributeur de son réseau de
câblodistribution.
Si les propositions, en général, formulées par les
compagnies de téléphone sous ce rapport étaient nettement
avantageuses, ne croyez-vous pas que les câblodistributeurs en bons
hommes d'affaires, y feraient automatiquement référence? Ne
trouvez-vous pas suspect que les compagnies de téléphone doivent
s'adresser au législateur pour faire élargir le champ de leurs
privilèges pour demeurer indirectement dans le domaine de la
câblodistribution?
Enfin, M. le Président, le troisième volet de notre
intervention devant votre commission de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications a trait au point de vue des promoteurs de
systèmes de télévision à antenne collective, que
notre bureau représente, qui ne détiennent pas encore de permis
d'exploitation des autorités compétentes et qui, partant, ne font
pas partie de l'Association canadienne de télévision par
câble.
L'intérêt de ces promoteurs nous dicte d'abord un appui
inconditionnel au mémoire présenté par l'Association
canadienne de télévision par câble. De plus, ces derniers
nous font part, par notre intermédiaire, de leur grande
perplexité devant le contentieux Canada-Québec relativement aux
questions de câblodistribution. Ces promoteurs souhaitent, en effet, que
toute cette question en vienne à un règlement harmonieux entre
les deux paliers de gouvernement, de manière â leur assurer les
conditions les plus favorables aux investissements importants qu'ils se
proposent de réaliser dans le domaine, pour le mieux-être de la
population québécoise.
Le tout, M. le Président, respectueusement soumis à votre
commission pour considération.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je laisse la parole à notre ministre
des Communications.
M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai pris connaissance des
mémoires qui ont été présentés, notamment
des notes présentées par la firme Brunelle, Lambert &
Associés, Incorporée, j'ai entendu avec intérêt ce
que l'on vient de nous dire. En fait, cela recoupe très largement, comme
on l'a indiqué, la position des câblodistributeurs en fournissant
un certain nombre de données techniques assez précises quant
à si j'ai bien compris l'incompatibilité
présente des deux besoins, des deux canaux, des deux réseaux de
communication. Incompatibilité en ce sens qu'il vous parait
technologiquement impossible dans l'immédiat, compte tenu de l'urgence
des besoins, de prévoir l'implantation d'un seul réseau et d'une
seule mécanique de diffusion à la fois utilisable pour les fins
téléphoniques et pour les fins de câble. En d'autres mots,
si j'ai bien compris l'essentiel de votre intervention, vous croyez
précisément que, dans un avenir rapproché, en tout cas, il
faut prévoir le développement de deux réseaux.
M. BRUNELLE: Absolument, M. le ministre.
M. L'ALLIER: C'est le point que je retiens de l'intervention, quant
à moi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas grand-chose
non plus à ajouter, parce que les arguments qu'on vient de faire valoir
nous ont été servis à plusieurs reprises par les
entreprises qui ont comparu devant nous. Il appartiendra au ministre d'assumer
ses responsabilités en ce domaine.
En ce qui nous concerne, après avoir longuement interrogé
les représentants des compagnies de téléphone et des
câblodistributeurs, nous en sommes venus à la conclusion que le
ministère des Communications et le gouvernement devaient s'assurer que
l'une et l'autre des entreprises assurent aux citoyens les moyens qui
permettent d'acheminer les signaux qui doivent servir à la transmission
des émissions à caractère socio-culturel, éducatif,
etc. Nous avons pris bonne note de vos observations et nous espérons que
le ministre, dans la nouvelle rédaction de ses règlements,
apportera les correctifs nécessaires et tentera de concilier des points
de vue qui nous sont apparus nettement divergents, particulièrement au
chapitre de la technologie qui oppose actuellement deux tendances.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Je n'aurai pas non plus de longues questions parce que, en
fin de compte, ce serait reprendre le débat qui a déjà eu
lieu avec des câblodiffuseurs, spécialement avec National
Cablevision. Je pense que votre exposé résume à peu
près ce qu'on nous a dit, mais je m'interroge sur le fait que vous
faites seulement de la consultation comme firme.
M. BRUNELLE: Oui, dans le domaine de la communication en
général, câblodistribution, radio-télévision,
les réseaux de communications, micro-ondes ou autres, les réseaux
de téléphone, nous oeuvrons au Canada et à
l'étranger dans ce domaine. Il y a des bureaux à Montréal
et à Québec.
M. LATULIPPE: Alors, cela résume à peu près.
J'aurais peut-être une autre question. Est-ce que, en tant que
conseiller, vous êtes en mesure de savoir, parce que c'est une question
à laquelle personne n'a répondu directement, personne n'a
été en mesure de nous dire, par exemple, tant les
propriétaires, les actionnaires sous le contrôle des compagnies de
téléphone, que ceux qui contrôlent les
sociétés de câblovi-sion, quel est le coût de
reconversion d'un système de téléphonie actuel pour en
faire un système intégré totalement sur un processus d'un
câble coaxial par abonné, quelque chose comme ça, ou pour
le...
M. BRUNELLE: Si les réseaux... excusez-moi, je vous ai
peut-être interrompu.
M. LATULIPPE: Non.
M. BRUNELLE: Si les compagnies de téléphone qui oeuvrent
actuellement au Québec devaient passer du mode de transmission, qui est
le plus généralement employé, de fils torsadés dans
une enveloppe protectrice à un mode de transmission par câble
coaxial, il faudrait qu'elles possèdent actuellement des investissements
de peut-être $3 milliards ou $4 milliards. Pour réaliser les
mêmes fins, mais sans offrir de services additionnels en utilisant le
câble coaxial tel que préconisé, il faudrait parler d'un
facteur de multiplication de l'ordre de dix, c'est-à-dire qu'il faudrait
qu'elles investissent peut-être $30 milliards ou $40 milliards. Cela veut
dire que le compte de téléphone, en particulier, devrait monter
par un même facteur. Cette conversion n'est démontrée, dans
les faits, comme on a essayé de le faire ressortir, par aucune
expérience valable réalisée ni en Amérique, ni en
Europe, ni en Afrique, peut-être en Asie on parle du Japon
mais personnellement, je n'ai jamais entendu parler de cette expérience.
Nous croyons être assez au fait de ce qui se passe
généralement dans le domaine parce que nous oeuvrons, comme je le
disais tantôt, dans tout le Canada. Nous sommes en communication avec
tous les gens, les fabricants et les firmes, qui oeuvrent dans le domaine des
communications un peu partout dans le monde.
C'est un deus ex machina, c'est-à-dire qui n'est absolument pas
supporté par un fait. Mais si, théoriquement,
hypothétiquement, une telle entreprise était
réalisée, les investissements à être
effectués par les compagnies de téléphone seraient un
facteur de multiplication de dix comparativement à ce qu'elles ont
présentement par les techniques conventionnelles de fils
torsadés dans une enveloppe de polyéthylène.
M. LATULIPPE: Ce chiffre, vous le situez seulement pour le
Québec.
M. BRUNELLE: Pour le Québec, c'est-à-dire...
M. LATULIPPE: Maintenant, vous êtes certainement d'accord pour
reconnaître que l'évolution va nécessairement amener les
compagnies de téléphone à s'orienter vers ce secteur
d'activité pour des raisons d'économie également.
M. BRUNELLE: C'est-à-dire que la prospective est difficile
à définir dans n'importe quel domaine, autant dans celui des
communications que dans un autre. Les personnes qui puissent se taxer de
pouvoir prévoir avec exactitude ce qui se passera dans les vingt
prochaines années... Mais il reste que, comme pour les fins de
téléphonie conventionnelle, les compagnies de
téléphone, sur les mêmes structures, c'est-à-dire
sur les mêmes routes, établissent au cours des années
plusieurs câbles de téléphone, dans le cas de câbles
de téléphone conventionnel; dans le cas des câbles
coaxiaux, on doit, même pour des fins actuellement de réseau et de
câblodis-tribution étaler cela à plusieurs endroits,
jusqu'à quatre ou cinq câbles parallèles pour un seul
réseau. Donc, qu'il y ait plusieurs câbles sur une même
route, c'est-à-dire qu'ils servent à différentes fins ou
tous à la même fin, ce sont des choses qui sont dans l'ordre de la
simple logique.
Maintenant, il y a un seuil économique qu'on ne peut pas
dépasser. Au-delà de ce que la technologie peut permettre, il y a
un seuil économique qu'on ne peut pas dépasser dans l'utilisation
de moyens de transport, c'est-à-dire, comme sur un réseau de
câbles, il faut considérer le coût des
éléments passifs versus le coût des éléments
actifs, soit les éléments électroniques d'amplification,
de conversion ou autres.
Il arrive un point où il est plus économique de
dépenser plus de métal et moins d'électronique. Si le fait
d'installer un seul câble vous revient à $2 le pied, alors que si
vous installez deux câbles avec moins d'amplification, moins de gadgets
électroniques, ça vous revient à $1.50 automatiquement le
choix est simple à faire. Si vous installez deux, six, dix ou cinquante
câbles, s'il y a besoin, et si cela s'avère économiquement
plus rentable de le faire avec des câbles distincts, il y a
évidemment des limites, sinon technologiques, économiques
à l'utilisation de tout moyen de transport. C'est aussi vrai pour une
route que pour un espace de circulation dans un édifice. La
capacité d'un corridor qu'on a à côté d'une section
a une capacité limitée. En théorie vous pourriez faire
passer toute la ville de Québec. Vous savez fort bien quel genre
d'engorgement ça supposerait.
Les données de prospective que les compagnies de
téléphone ont étalées devant vous ne sont pas
supportées par des faits. C'est ce qu'on voulait souligner devant la
commission.
M. LATULIPPE: Quant à moi, je n'ai pas d'autres questions.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez
assisté assidûment à toutes les séances, mais j'ai
remarqué, hier après-midi, lorsqu'on vous a appelé, que
vous n'étiez pas présent.
M. BRUNELLE: Oui, j'y étais, oui. Ah oui!
M. PERREAULT: Je veux souligner un point, vous avez dit tout à
l'heure qu'il était technologiquement, hypothétiquement
impossible dans le moment... Est-ce que vous êtes témoin que, dans
le moment, les compagnies de téléphone nous ont dit hier qu'elles
faisaient l'expérience actuelle sur la rive sud de Montréal,
expérience pratique de polyvalence de la téléphonie et
de...
M. BRUNELLE: Je suis au fait, je l'ai appris. Il n'y a pas eu
énormément de publicité autour de l'entreprise. J'ai
entendu les représentants de Télébec et la Compagnie de
Téléphone du Nord en faire état et c'est à notre
avis une entreprise absolument expérimentale.
L'ensemble des compagnies de téléphone qui oeuvrent en
Amérique du Nord, ne s'acheminent pas dans cette voie;
c'est-à-dire ce qu'on appelle le "Bell System" et l'ITT depuis
déjà quelques années se sont retirés
complètement de ce réseau à câbles coaxiaux qui ont
des centaines de milliards de dollars d'investissements en réseaux de
communication à travers l'Amérique et personne actuellement ne
prévoit utiliser à court terme une telle technologie. Donc, il
s'agit, comme en Ontario, d'un cas extrêmement isolé, purement
expérimental qui, j'en suis certain, sera démontré comme
non économiquement réalisable, à ce stade-ci de
l'étude.
M. PERREAULT: Je me demande comment vous pouvez affirmer si facilement,
lorsqu'il n'y a pas eu d'expérience faite, d'une manière si
nette, que les coûts d'entrainement seraient d'un facteur de 10 pour
installer un tel système? Je pense que vos avancés ne sont
prouvés par aucun chiffre.
M. BRUNELLE: Non, comme l'inverse est vrai aussi; c'est-à-dire
que les compagnies de téléphone, même si elles ont des
ressources, 1,500 ingénieurs et je ne sais pas combien de milliers de
technologistes à leur emploi, n'ont pas fait état devant votre
commission d'aucun chiffre, ni devant le public, d'aucun chiffre précis
comparativement aux coûts d'implanta-
tion à l'exploitation et au coût corrélatif à
l'abonné. Par contre, je dois faire état ici, devant cette
commission, que les opérations d'une compagnie de
téléphone me sont bien connues. J'ai personnellement
oeuvré à titre d'ingénieur à l'intérieur de
compagnies de téléphone pendant cinq ans, dans les services
d'ingénierie, de trafic, de marketing à l'intérieur de la
compagnie Bell Canada. Des initiatives analogues ont été
tentées par le passé, comme dans les secteurs ruraux. Des
systèmes à ondes porteuses qui utilisent en général
des techniques analogues à celles qui seraient proposées pour
l'utilisation d'un câble coaxial, ont été depuis plusieurs
années retirés du marché pour différentes raisons.
Les coûts d'implantation étaient moindres, par exemple, et
ça ne permettait pas d'offrir un bon service à l'abonné,
à un coût raisonnable. Ce sont des choses qui ont
été tentées suivant différentes modalités
par le passé et ont toutes été abandonnées pour des
raisons d'économie et de garantie de service à
l'abonné.
M. PERREAULT: Je vais vous répondre en tant que moi-même
ingénieur en communications. Au point de vue de carriers, d'ondes
porteuses, cela a été abandonné dans le temps parce que
l'équipement n'était pas adéquat, mais aujourd'hui,
l'équipement est adéquat pour réaliser ce type de choses.
Je suis bien d'accord avec vous que ce n'était pas techniquement fiable,
il y a quelques années, mais il faut regarder aussi les progrès
technologiques qui s'accomplissent aujourd'hui.
M. BRUNELLE: Dans les zones urbaines, par exemple, c'est le coût
de la boucle à l'abonné; c'est-à-dire de l'utilisation
d'un câble coaxial, lorsqu'on parle d'une bande large,
c'est-à-dire l'utilisation de 300 mégahertz dans un câble
coaxial n'est que théorique. Pour l'utiliser, pour des fins de service
à l'abonné, service téléphonique conventionnel
à l'abonné, il faut recourir à toutes sortes de
méthodes de multiplexage, de décodage, de conversion et, si vous
faites de l'économique, comparativement au cost over loops, le
coût de la boucle à l'abonné, l'affaire de fils qui se rend
chez l'abonné, le coût du cuivre, c'est-à-dire du fil
conventionnel, comparativement à la fraction du coût d'un
câble coaxial... Admettons que vous avez 5,000 abonnés dans un
seul câble, il y a 1/5000 du câble qui devrait être
chargé à cet abonné, comparativement au coût de
l'échafaudage électronique dont vous auriez besoin au bout au
bureau central que chez l'abonné pour l'utiliser dans des modes
conventionnels.
C'est-à-dire que par simple inspection, il est bien
évident que vous ne pourriez jamais concurrencer le coût
d'implantation d'un fil conventionnel qu'on connaît très bien
autant au point de vue de l'alimentation qu'au point de vue du service.
Lorsqu'on parlait de juguler dans un même câble, dans un seul
câble possiblement 30 canaux de télévision, des circuits
donnés, des circuits spéciaux, des circuits de programmes, plus
des circuits pour le service conventionnel aux abonnés, c'est un
échafaudage qui répugne à une ingénierie
sensée de réseaux. C'est beaucoup trop de congestion. Il y a
l'interrelation. Déjà, véhiculer 12 canaux de
télévision dans un câble n'est pas une mince tâche.
Pour ceux qui sont abonnés à la câblodis-tribution,
malgré l'état technologique présentement, la question des
appareils de très haute qualité qui sont installés sur ces
réseaux, cela demande des mises au point, cela demeure une technologie
relativement critique, qui va en s'améliorant, qui s'est
améliorée depuis les dix dernières années, mais qui
demeure critique. D y a un seuil de rentabilité économique pour
l'utilisation de n'importe quel fil porteur.
Si on pousse le raisonnement, vous savez fort bien qu'à la
rigueur un circuit téléphonique régulier peut, pour une
courte distance, transporter un canal de télévision. Il s'agit de
faire des égalisations, il s'agit d'avoir des dispositifs.
L'expérience a déjà été tentée. Cela
aussi est théorique, parce qu'en réalité ces techniques
ont déjà été essayées. Technologiquement
c'est possible, mais économiquement cela revenait à un multiple
du coût d'implantation d'un câble coaxial ou un multiple du
coût d'implantation d'un système de micro-ondes. Donc ces
solutions ont été effectivement écartées. H y a
deux choses. D'abord, il y a l'économie. Vous savez cela. Comme
ingénieur, il y a des choses qu'on peut penser, des élucubrations
auxquelles on peut arriver mais il faut toujours les jauger en relation avec
les facteurs économiques. On fait cela. Il y a bien des choses qui, en
théorie, ont l'air bien alléchantes, mais, en pratique, on ne
peut pas les introduire sur le marché. C'est vrai non seulement en
communication, mais c'est vrai dans tous les domaines.
M. PERREAULT: Oui, c'est vrai. Je suis d'accord avec vous, c'est vrai.
Je n'argumenterai pas longtemps là-dessus, c'est vrai. Je pense que dans
votre exposé vous discutez de choses qui avaient cours il y a une
dizaine d'années et que vous ne tenez pas compte des progrès
technologiques accomplis aujourd'hui, en 1973. Vous ne tenez pas compte, non
plus, quand vous parlez d'un réseau séparé dans votre
mémoire, de bidirectionnalité dans les signaux. Vous restez au
statu quo de l'unidirectionnalité.
M. BRUNELLE: Pas obligatoirement. On ne s'est pas prononcé sur la
bidirectionnalité. Pour l'entreprise de câblodistribution, il est
convenable au point de vue de l'ingénierie d'établir toutes les
ingénieries de systèmes que nous faisons. Nous en faisons
actuellement, au Québec, peut-être dans 40 ou 50 villes, qui sont
sur la table à dessin. Nous sommes assez actifs dans ce domaine au
Canada, c'est-à-dire dans l'est du Canada et même en Ontario. La
conception de ces réseaux est obligatoirement sur une base
bidirectionnelle. Le besoin le plus flagrant est identifié, pour
la bidirectionnalité des réseaux et des embranchements, en
direction des institutions d'enseignement. Il devient de plus en plus populaire
au Canada que des institutions d'enseignement utilisent à temps partiel
pour leurs propres fins, à l'intention de la population ou autrement, un
canal dit éducatif qui doit être réservé par les
câblodistributeurs. Donc, au lieu d'établir des câbles
séparés, on a un circuit de retour à partir
généralement des universités et des collèges, des
écoles secondaires. Nous avons aussi des circuits de retour en
provenance généralement des hôtels de ville. Pour les fins
de programmation locale, il y a intérêt à retransmettre en
direct dans ce circuit privé les séances de conseils municipaux.
C'est une chose qui se pratique couramment au Canada et c'est pour
établir un circuit de retour. Le type d'amplificateurs qui sont
sélectionnés permet d'établir des modules permettant en
pratique tous les embranchements éventuellement et l'ingénierie
est faite en conséquence, permettant d'établir des circuits de
retour de n'importe quel point du réseau.
M. PERREAULT: Oui, cette bidirectionnalité que vous faites dans
vos systèmes, dont vous faites le design dans le moment est en circuit
fermé.
M. BRUNELLE: Oui, quand on parle des nouveaux services, ce sont encore
des données de prospective. Il y a des expériences pilotes qui
sont nées principalement aux Etats-Unis.
Nous en avons visité certaines et même nous sommes en
relation avec les progrès de ces expériences, des études
de mise en marché, des études technologiques, c'est-à-dire
le développement des équipements par les manufacturiers.
L'état de l'art progresse rapidement. Le marché réel est
encore incertain. Les milieux financiers accusent ces nouveaux services de blue
sky, c'est-à-dire que c'est le genre de choses que vous pouvez avoir
devant vous mais dont vous n'êtes pas certains, qui sont une prospective
générale qui permet de qualifier une industrie au point de vue
des risques, c'est-à-dire comme une industrie terminale n'ayant pas
d'autre débouché en avant. Non, ce sont des
débouchés possibles. D'ici à ce qu'on les atteigne, il y
aura peut-être d'autres choses.
On pourrait s'attendre, comme cela se pratique aux Etats-Unis, que dans
la fourniture de ces nouveaux services, en faisant le partage, le concordat, si
vous voulez, entre les compagnies de téléphone et les entreprises
de câblodistribu-tion, il y ait une concurrence souhaitable dans la
fourniture des services spécialisés, comme cela se pratique,
disons, aux Etats-Unis. Les Américains n'ont pas toujours tort. Le
public, en somme, pourra avoir à meilleur compte un service de meilleure
qualité, c'est-à-dire comme les choses de surveillance, la
télé-écoute qu'on appelle la
télésurveillance contre le feu et le vol, c'est-à-dire les
systèmes de protection des maisons des particuliers qui, actuellement,
sont à des coûts prohibitifs parce que les coûts de location
de circuit sont extrêmement élevés. Quand
différentes entreprises sont mises en concurrence, c'est-à-dire
la compagnie de téléphone et l'entreprise de câble, pour
vous fournir ce service jusqu'au poste de police, probablement que cela va
garantir l'accès, cela va certainement en élargir l'accès.
C'est le jeu de tout notre système économique. Il est
fondé sur la concurrence. C'est-à-dire que c'est malheureux de
confiner à des privilèges exclusifs un champ de plus en plus
élargi de notre activité économique.
Il y a une régulation qui s'établit logiquement lorsqu'on
laisse les forces vives économiques s'entrechoquer, et pour le
mieux-être de la population.
M. PERREAULT: Vous avez lancé un grand principe là.
Seriez-vous en faveur aussi que l'Hydro-Québec fasse la même
chose, qu'il y ait une concurrence, que deux compagnies que puissent servir le
même abonné?
M. BRUNELLE: C'est-à-dire dans certains services. Je ne conteste
pas la compétence d'une compagnie de téléphone dans le
domaine de la téléphonie.
M. PERREAULT: Je ne parle pas de compétence. Vous affirmez des
choses qui se font aux Etats-Unis. Vous ne tenez pas compte de la
densité de population du Québec à comparer à celle
des Etats-Unis. C'est là qu'est leur point fondamental. Certaines
solutions de concurrence peuvent être appliquées dans de grands
centres où la densité de population au mille carré est
grande.
M. BRUNELLE: Bien, disons...
M. PERREAULT: II faut ramener cela au Québec aussi.
M. BRUNELLE: Obligatoirement. Mais est-ce que, en réclamant cette
mainmise indirecte sur la câblodistribution, les compagnies de
téléphone recherchent indirectement un mode de subvention des
activités régulières? Si tel est le cas, il n'est pas
nécessaire de leur donner le câble. Admettons qu'elles ont besoin
de subventions et admettons que les abonnés de câblodistribution
doivent payer un supplément à leur loyer de base pour être
versé à une compagnie de téléphone qui a de la
misère à exploiter ou que le gouvernement ou d'autres organismes
subventionnent directement les compagnies de téléphone. Il est
définitivement prouvé, je veux dire qu'on a fait l'exercice, je
ne sais pas combien de dizaines de fois, qu'elles ne peuvent pas vous
avez des gens qui ont défilé ici et ils pourraient vous dire la
même chose être concurrentielles sur les coûts
d'implantation de réseaux.
Cela coûte beaucoup plus cher quand vous faites affaires avec Bell
Canada et vous n'êtes pas propriétaire, en plus. Les
abonnés de câblodistribution, ils paient pour ça. Je veux
dire que personne ne donne des subventions à la câblodistribution.
C'est l'abonné qui paie pour ça. Est-ce que Bell Canada en tire
des profits? Je n'aimerais pas l'affirmer mais je suis certain que si les
compagnies de téléphone déposaient ici leurs études
de rentabilité sur la fourniture de services de câblodistribution,
je suis pas mal convaincu que depuis dix ou quinze ans qu'elles sont dans ce
domaine-là, ces services accusent un déficit. Cela coûte
plus cher à l'abonné et non seulement les abonnés à
téléphone régulier qui sont obligés de combler les
déficit sur l'exploitation de ça. Donc, qui est-ce qui paie? On
parle d'économie. Actuellement, peut-être 10 p.c. à 20 p.c.
des coûts de câblodistribution seraient enlevés.
C'est-à-dire qu'on peut aller, dans mon estimation, à 80 p.c.
à 90 p.c. d'une compagnie présentement, peut-être
même 75 p.c, si les compagnies de téléphone
n'étaient pas là.
D'ailleurs, vous voulez les faire témoigner en commission, je
veux dire qu'ici ces personnes ne témoignent pas sous serment. Mais
devant la régie ou autrement, vous pouvez certainement sortir des faits
qui seraient plutôt troublants sous ce rapport.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je me joins à mon
collègue, le député de Chicoutimi, de même qu'aux
députés de Dubuc et de Montmagny, pour souhaiter que le ministre
tienne compte des recommandations et de l'expérience de M. Brunelle, qui
nous a donné ce matin des statistiques fort intéressantes et qui
nous a fait connaître son point de vue sur tout le problème de la
câblodiffusion.
Il ne faudrait pas que M. Brunelle soit offusqué si, ce matin, il
n'y a pas de représentant péquiste autour de cette table, parce
qu'en lisant votre lettre du 2 août 1973, il était facile de
constater que votre mémoire n'inviterait pas à la contestation ou
à l'agitation sociale. C'est pourquoi les péquistes ne sont pas
ici ce matin, d'autant plus qu'ils sont cruellement dans le deuil par suite du
suicide du président Allende du Chili.
Il ne faudrait pas, pour tout cela, que vous ayez l'impression de nous
avoir présenté un mémoire qui n'avait pas de valeur. Au
contraire, nous vous remercions pour cet apport précieux et
nécessaire devant notre commission parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que nous ne
terminions ces séances de la commission, je voudrais rappeler à
tous nos collègues les déclarations inaugurales que nous avons
faites, qui font partie intégrante du programme que notre parti a
annoncé, il y a déjà quelque temps, et dont nous avons
fait, à maintes reprises, état au cours des discussions en
Chambre ou aux commissions parlementaires.
Dans son discours d'ouverture devant les membres de cette commission, le
ministre des Communications nous a fait part des grands objectifs de la
politique gouvernementale à l'égard des entreprises de
câblodistribution au Québec. Les représentations des divers
organismes qui ont passé devant nous depuis le 9 août ont
confirmé dans notre esprit certains faits des plus importants.
En premier lieu, il nous paraît absolument nécessaire, dans
l'intérêt de tous les citoyens québécois, que le
ministre demeure ferme au niveau des principes. H n'est plus question de
remettre en cause les objectifs poursuivis par le ministre. Ceux-ci ont
été endossés à maintes reprises par tous les partis
politiques ici présents et par bon nombre des personnes qui se sont
exprimées devant nous.
Un recul, même minime, du gouvernement, au moment où les
autres provinces canadiennes se rallient à la thèse du
Québec, serait inacceptable. Il est donc nécessaire que le
ministre règle une fois pour toutes ce contentieux constitutionnel
très difficile le mot le dit et qu'il apporte, en
collaboration avec les divers organismes qui ont comme nous part à la
promotion du Québec, une solution qui sera acceptable, qui
n'entraînera pas des disputes stériles et dont les citoyens ne
seront pas appelés à faire les frais, encore que ceux-ci doivent
nous faire connaître leur attitude et appuyer le gouvernement du
Québec dans toutes les initiatives qui concernent cette reconquête
d'un champ de compétence qui nous est normalement dévolu par la
constitution canadienne.
La politique de notre parti en cette matière est très
claire: le Québec doit contrôler et rapatrier tous les instruments
de communication nécessaires à sa mission d'éducation et
de culture. La câblodistribution fait partie de ces instruments que nous
jugeons nécessaires et essentiels.
Notre attitude n'est pas nouvelle, et encore moins est-elle
opportuniste. Elle est fidèle à l'esprit qui a toujours
animé l'Union Nationale, comme en témoigne d'ailleurs la
déclaration que faisait l'honorable Duplessis lors du 25e anniversaire
de la station CKAC, en 1948, déclaration dont le ministre des
Communications nous a fait l'hommage au début de nos discussions.
M. Duplessis disait, en parlant de la radiodiffusion: "Dans ce domaine
comme dans tous les autres, elle considère il s'agit du
Québec que la centralisation de la radiodiffusion entre les mains
de la bureaucratie fédérale va à l'encontre des principes
fondamentaux ratifiés
par la constitution canadienne et les pères de la
Confédération qui réservent aux provinces le plein domaine
de l'éducation sous toutes ses formes.
Le peuple de la province de Québec, par son gouvernement, affirme
encore une fois ses droits en matière de radiodiffusion provinciale.
Cette déclaration, qui peut paraître avoir vieilli dans ses
termes, n'a pas vieilli dans ses principes et dans ses objectifs. Aujourd'hui,
alors que nous avons célébré récemment le 50e
anniversaire de cette même station CKAC, le gouvernement actuel du
Québec se réveille, voit l'évidence et emprunte la voie
qui avait été tracée par ses prédécesseurs.
Pour une fois qu'il est dans le droit chemin, le gouvernement doit être
courageux et surmonter les tentations multiples qui ne tarderont pas à
l'assaillir. Un péché, même véniel je l'ai
dit au ministre qui a une conscience délicate qui le porterait,
à ce moment-ci, à dévier quelque peu des objectifs
annoncés serait fatal pour l'avenir du Québec et
l'épanouissement culturel de ses citoyens.
Si nous partageons les préoccupations du ministre au niveau des
principes, force nous est de constater que nous divergeons d'opinion sur
certaines modalités d'application. Suite aux observations de nombreux
organismes sur plusieurs articles du projet de règlement, nous sommes
persuadés que le ministre devra faire preuve d'une grande souplesse et
de plus de réalisme dans l'élaboration définitive des
règlements. Les commentaires des individus et des organismes qui sont
venus devant nous nous ont permis de mieux saisir et d'approfondir plusieurs
aspects nébuleux du projet de règlement.
Certes, nous ne sommes pas des experts en matière de
câblodistribution et nous avons été aidés par les
spécialistes qui ont comparu devant nous. Néanmoins, avec les
renseignements additionnels qui nous ont été soumis, il nous sera
beaucoup plus facile et définitivement plus agréable d'aider le
ministre à parfaire son projet de règlement. Que le ministre
décide de procéder ou non à une analyse
détaillée du projet de règlement, article par article, ce
à quoi nous l'encourageons fortement, nous voulons dès maintenant
lui faire part des modifications que nous jugeons indispensables au bon
fonctionnement de la loi. Nous sommes d'avis que le ministre devrait
préciser la définition retenue pour "émission
d'intérêt général". Une attitude positive qui irait
dans le sens de la recommandation de l'ACTC, laquelle reprend une
définition du CRTC, nous semble plus réaliste et
définitivement moins ambiguë.
A l'article 5, nous sommes persuadés que le ministre pourrait
atteindre le même objectif à l'égard de la
propriété québécoise, en exigeant de la part des
entreprises publiques de câblodistribution que a) les
propriétaires de toute entreprise publique de câblodistribution
soient résidents du Québec dans une proportion de -60 p.c.; b)
que la majorité des membres du conseil d'administration, ainsi que tous
les membres de la direction d'une entreprise publique de
câblodistribution soient des résidents du Québec.
Ces deux modifications assureraient à la collectivité
québécoise un contrôle suffisant sur le
développement de l'industrie du câble au Québec et
permettraient aux entreprises de câblodistribution de jouir d'une plus
grande flexibilité par rapport aux investissements étrangers qui
lui sont nécessaires pour demeurer à la fine pointe de la
technologie. Les commentaires de la majorité des entreprises de
câblodistribution nous ont convaincus que les dispositions de l'article
6, relatives aux entreprises parallèles, étaient trop rigides. Le
ministre peut rejoindre le même but en limitant â un
intérêt minoritaire, par exemple 20 p.c. ou 25 p.c.,
l'investissement des entreprises dites parallèles dans une entreprise
publique de câblodistribution. De cette façon, une entreprise de
presse, de téléphone, de télégraphe, de radio, de
télévision ou de cinéma pourrait participer activement
à l'évolution de l'industrie du câble sans menacer celle-ci
éventuellement d'un contrôle monopolisateur.
On a parlé beaucoup de monopole de presse, de concentration des
entreprises de presse. Nous avons déjà déclaré que
nous sommes contre toute forme de monopole.
Mais encore faut-il s'interroger sur la nature de ces monopoles et sur
les dangers réels que présente la concentration des entreprises
de presse dans un domaine où l'organisation syndicale donne quand
même aux journalistes la possibilité d'informer objectivement,
sûrement et sur tous les sujets les citoyens du Québec dans tous
les domaines qui les intéressent. Il ne faudrait pas faire un mythe de
cette question des monopoles de presse. Il ne faudrait surtout pas inciter les
citoyens à voir encore un nouveau mythe dans le fait qu'un certain
nombre de citoyens du Québec soient les propriétaires de
plusieurs entreprises de communication, journaux, radio,
télévision, etc. L'on a insisté beaucoup sur des formules,
sans toutefois aller au fond des problèmes, en disant que la
collectivité devrait par le mode de la coopération, etc. devenir
propriétaire des entreprises de presse. C'est une chose qu'il faut
analyser, qu'il faut étudier, qu'il faut promouvoir dans tous les cas
où cela est possible, en se rappelant toutefois que les fonds
disponibles des Québécois sont limités et que le
représentant de la Caisse de dépôt nous a indiqué
lui-même la nécessité qu'il y avait pour l'ensemble des
grandes entreprises industrielles et commerciales et particulièrement
les entreprises bancaires de diversifier les portefeuilles.
La position que nous prenons n'est pas une position d'appui à
l'endroit de ceux qui voudraient créer des monopoles de presse. Elle
vise à apporter une réponse à ceux qui dénoncent
les monopoles de presse mais qui en même temps travaillent à gros
prix pour des journaux dont les propriétaires sont en train de
consti-
tuer eux-mêmes des monopoles. Je n'ai pas besoin de mentionner de
qui je veux parler. Tout le monde a à l'esprit le nouveau messie
déplumé qui prêchait il y a quelques mois les bienfaits et
les avantages du régime communiste Allende.
En ce qui concerne la publicité, M. le Président, notre
attitude reste encore imprécise. Est-ce qu'il faut donner aux
entreprises de câblodistribution la permission de faire de la
publicité? Nous n'avons pas les données suffisantes qui nous
permettraient de nous prononcer à ce' sujet. Il y a le danger de jeter
par terre des entreprises de radio, de journaux, particulièrement les
journaux régionaux. Il faudrait que le gouvernement, comme on le lui a
demandé, poursuive des études et recueille des données qui
lui permettent de prendre en cette matière de la publicité une
décision qui ne soit pas préjudiciable à l'ensemble des
entreprises actuellement existantes, mais, d'autre part, qu'il donne aux moyens
de communication de la câblodistribution ce dont ils ont besoin pour se
financer adéquatement et pour se développer au rythme de la
technologie moderne.
Nous appuyons entièrement la recommandation de l'ACTC concernant
les litiges qui peuvent surgir entre les parties intéressées lors
d'une émission à des fins communautaires et éducatives.
Nous rappelons ici, pour mémoire, ce que nous disions hier concernant le
devoir qu'a le gouvernement, non seulement d'encourager, de défendre,
mais de promouvoir la création des entreprises de
télévision communautaire. Dans le but de protéger les
droits de toutes les parties intéressées, en cas de litige,
l'ACTC propose à l'article 5 que la Régie des services publics
soit tenue d'entendre les parties et de décider d'un agencement
quelconque.
La garantie d'un règlement par un tribunal impartial et objectif,
inciterait les parties en cause à éviter les mesures trop
arbitraires ou nettement discrimatoires. Nous avons entendu hier un
mémoire où on a fait état de ce qu'on appelle les pouvoirs
publics et un témoin déclarait que les pouvoirs publics
signifiaient le peuple. C'est vrai, mais il faut encore comprendre que le
peuple délègue ces pouvoirs à un ensemble de
représentants qui sont chargés, après consultation,
dialogue et participation, à prendre les responsabilités qui lui
sont dévolues par le peuple lui-même.
L'article 21, concernant l'ordre de priorité que devra suivre
toute entreprise publique de câblodistribution dans sa programmation
sonore, visuelle ou audio-visuelle, a été critiqué par
presque tous les organismes qui ont soumis des mémoires à la
commission. Suite à une question de mon collègue, le
député de Maskinongé, sur le sens et l'application de cet
article, le ministre disait ce qui suit: L'ordre de priorité qui est
indiqué dans l'article 21 est l'ordre de priorité à
l'intérieur duquel la régie des services publics, au moment
d'attribuer un permis d'exploitation et sur présentation de la preuve
faite par l'entreprise, détermine si elle doit ou non accepter la
programmation telle que proposée ou suggérer des modifications.
C'est, en d'autres mots, à l'entreprise qu'il appartient de
démontrer sa viabilité à partir d'une programmation
qu'elle propose. Et la régie des services publics, dans sa
décision, va tenir compte en même temps de l'ordre de
priorité, mais aussi, et c'est un facteur essentiel de la
viabilité de l'entreprise, en fonction de la programmation
proposée par l'entreprise, de sorte que le fardeau, en fait, repose sur
chaque entreprise de démontrer et de prouver à la régie ce
qui, pour elle, est viable sur le plan économique et sur le plan de son
développement. C'est la régie qui devra faire la
pondération entre l'ordre de priorité et le potentiel de
distribution et le développement de l'entreprise. En d'autres mots, la
régie ne peut pas imposer à une entreprise ce serait
contraire à l'économie de la loi et des règlements et
contraire à l'intérêt public un fardeau tel qu'elle
ne puisse pas se développer et continuer de fournir le service ou les
services qu'elle fournit déjà.
Nous reprenons à ce moment la suggestion du député
de Maskinongé à l'effet que le ministre considère le texte
tel que rédigé pour que justement il soit clair dans l'esprit de
tous que la régie a cette flexibilité pour rencontrer les
objectifs que vise le gouvernement. A l'article 32, nous invitons le ministre
à faire preuve d'une plus grande souplesse. Ne serait-il pas
préférable et beaucoup plus logique, lorsque des installations
d'une autre entreprise publique assujettie à la régie sont
disponibles, que la régie ait le pouvoir et non l'obligation, dans le
meilleur intérêt du public, d'ordonner leur utilisation par
l'entreprise publique de câblodistribution à un coût juste
et raisonnable. Je laisse le soin au ministre de répondre à cette
question. Ce sont là les principales recommandations que nous voulions
soumettre au ministre à ce stade-ci. Je réitère au
ministre notre volonté de participer immédiatement à une
étude exhaustive du projet de règlement si tel est son
souhait.
Je termine mes propos, M. le Président, en remerciant encore une
fois les individus et les divers organismes qui ont bien voulu nous soumettre
leurs observations sur le projet de règlement relatif aux entreprises de
câblodistribution.
Si vous me le permettez, M. le Président, il y a eu une erreur de
typographie. A la page 4, j'ai parlé de l'article 5 alors qu'il s'agit
de l'article 15. Excusez-moi, c'est la page 7. Qu'on veuille bien faire la
correction, à la page 7, j'ai parlé d'article 5 alors qu'il
s'agit d'article 15, à la fin de la sixième ligne; pour les fins
du journal des Débats, sixième ligne, page 7. Merci, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre des Communications.
Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Je voudrais faire un court exposé. Ce n'est pas mon
intention d'aller jusqu'à proposer une rédaction article par
article, parce qu'étant donné ma situation personnelle, on
risquerait peut-être de me taxer d'intéressé. Alors, je
résisterai donc à cette tentation.
Cependant, j'aimerais mentionner que nous sommes d'accord et tout
à fait disposés à soutenir le ministre dans ses efforts en
vue d'implanter au Québec une politique des communications qui soit
vraiment québécoise. Je sais qu'il y a des problèmes
fondamentaux à régler, notamment du côté de la
propriété, et j'estime qu'une politique des communications qui
n'est pas assise sur la pierre angulaire qu'est la propriété des
Québécois sera nécessairement déficiente d'une
façon ou d'une autre à long terme. Alors, M. le Président,
j'appuierai les efforts du ministre dans tous les domaines où il le
jugera nécessaire face à l'implantation de cette politique
québécoise.
Le problème qui se pose maintenant, face à l'étude
de la réglementation qui nous a été proposée et qui
veut seulement régir, qu'on le veuille ou non, la
câblodistribution, afin de donner justement certains services
additionnels à la population, à mon point de vue, se
répartit en trois phases.
Il y a justement ce problème des compagnies de
téléphone qui veulent une certaine part de
propriété qui est également revendiquée par les
compagnies de câblodistribution. D'autre part, on situe ce dernier
service au niveau soit du véhicule ou du contenu, selon qu'on est d'un
côté ou de l'autre. Finalement, il y a d'autres organismes qui
veulent revendiquer essentiellement la programmation et le contenu des
émissions qui peuvent être acheminées par voie de
câblodistribution. On se retrouve donc face à un problème
qui est fortement controversé; il est extrêmement difficile de
donner raison à l'un sans renier l'autre. De chaque côté,
j'estime qu'il y a des arguments valables.
Il en résulte donc que la position du ministre, à mon
sens, devrait être d'accorder à la régie
énormément de souplesse. En fin de compte, ce sera la
régie qui sera appelée pratiquement à être le
maître d'oeuvre de chaque situation particulière qu'on devra
rencontrer au Québec. Si on adoptait une autre politique face au projet
de réglementation qui nous est soumis, je pense que ce serait, du coup,
saboter délibérément l'avenir d'une politique
québécoise des communications. Je sais que ça ne peut pas
se faire d'un coup sec. Il y a du terrain à gagner. La tentative qui a
été faite par le gouvernement du Québec, je dois l'avouer,
est un premier pas et elle correspond certainement à une première
dans ce domaine, qui sera suivie par d'autres provinces canadiennes. Dans la
mesure où l'ensemble du pays emboîtera le pas,
nécessairement les autorités fédérales devront
graduellement se retirer de ce champ d'activité pour le laisser aux
autorités provinciales.
Dans ce sens, M. le Président, nous appuierons les efforts du
gouvernement. Je dois avouer que, dans l'ensemble, personnellement, en tant
qu'intéressé d'une façon indirecte à l'industrie de
la câblodistribution, laisser le problème en plan relativement
à la propriété tel que voulu dans l'ensemble du projet de
réglementation qui nous est soumis, ce serait dangereux. Je
prétends donc que le ministre, à la lumière des divers
exposés qui nous ont été faits, devra
nécessairement réviser un bon nombre d'articles pour les rajuster
de façon qu'ils soient le plus équitables possible, tout en
étant le mieux définis possible. Ce qui ne pourra être
défini, comme je le disais tout à l'heure, devra revenir de plein
droit à la régie qui devra décider dans chaque situation.
C'est un peu dans ce sens que je vois que ce sera possible d'orienter la
réglementation et j'enjoins le ministre à ne pas hésiter
à le faire. C'est assez rare que je suis d'accord pour reconnaître
de donner des pouvoirs à un organisme comme celui-là, mais, dans
la situation présente, étant donné la complexité de
ce qui est en cause actuellement, j'estime que c'est la seule façon
vraiment équitable de le faire sans trop brusquer les choses et sans
compromettre et vouer à la faillite cette politique des communications.
On a des grands principes. Il reste qu'au niveau des techniques, c'est
difficile. Alors, je conçois qu'une attitude de prudence s'avère
nécessaire. Je vous remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président...
M. LEDUC: II arrive, à 11 h 7.
M. LEGER : J'arrive avec une grippe.
M. LEDUC: Une grippe et un deuil sur la conscience.
M. LEGER: De toute façon, j'espère que, comme d'habitude,
je n'ai pas perdu grand-chose ici. Mes savants confrères...
M. PAUL: Vous avez encore moins gagné au restaurant depuis dix
heures moins quart.
M. LEGER: On voit qu'on est en période d'excitation; on sait que
ce sont les derniers moments.
M. le Président, je veux simplement faire un résumé
très rapide, très succinct. Dans le domaine des communications,
je pense qu'un peuple qui est bien informé, c'est un peuple qui peut
choisir. Pour permettre à un peuple d'être bien informé, il
faut qu'il soit capable d'avoir tous les rouages de fonctionnement, les centres
de décision dans le domaine particulier et celui qui nous touche
particulièrement, aujourd'hui, c'est celui des communications. Je pense
que c'est une étape dans le contrôle de la câblodif-
fusion et de la câblodistribution. C'est une étape qui doit
nous amener, dans un avenir rapproché à l'entière
juridiction dans le domaine des communications, que ce soit dans le domaine de
la radio, de la télévision, de téléinformatique, du
câble, même d'une agence de presse québécoise. Il
faut que tout ça relève d'un organisme qui aurait entière
juridiction et qu'on ne soit pas court-circuité, qu'on ne voit pas, par
exemple, comme des nouvelles actuellement à Radio-Canada, où au
domaine de l'information, sur quinze minutes de nouvelles, il y a douze minutes
de nouvelles internationales et on conclut, à la fin, en disant: Et
maintenant les nouvelles régionales; ce sont les nouvelles du
Québec. Moi, ça m'insulte quand j'entends: les nouvelles
régionales. Le Québec, le peuple québécois c'est
une région, moi...
M. LEDUC: Vous ne regardez jamais le 24 heures de Radio-Canada,
où c'est strictement des nouvelles locales à tous les jours.
M. LEGER : ... j'ai de la difficulté à accepter... M. le
Président, est-ce que j'ai la parole? M. le Président, est-ce que
j'ai la parole?
Je veux simplement noter par là jusqu'à quel point le
peuple québécois a besoin du contrôle de ses
communications, avec les rouages nécessaires empêchant les
monopoles, empêchant une dictature, empêchant toutes les
difficultés inhérentes à ce domaine. Mais je dis que le
peuple québécois doit avoir l'entière juridiction sur le
domaine des communications. Je pense que la réglementation actuelle qui
n'est pas parfaite et qui amène quand même des difficultés
d'entente dans les différents groupes qui auront à se coordonner
là-dedans... J'ai fait admettre hier à un interlocuteur que c'est
beaucoup plus facile que, sur ce plan technique que nous donne une
réglementation, les personnes, les groupes qui sont
intéressés à l'intérieur de cela, ça veut
dire le domaine de radio-télédiffusion, le domaine de la
téléphonie, le domaine des compagnies de câble, le domaine
de ceux qui font du programme, le côté communautaire, tout
ça ensemble... C'est un peu difficile pour eux de concevoir une solution
à leurs problèmes, quand une certaine partie de ce groupement
dépend d'une juridiction différente. C'est sûr, je disais
hier: Nous autres, notre choix est fait. C'est clair, c'est naturel, c'est le
peuple québécois, c'est le Québec qui doit décider,
mais dans l'ensemble, juste pour le fonctionnement normal de tout ce milieu,
eux-mêmes admettent que, sous deux juridictions, c'est un
désavantage, c'est une difficulté majeure. C'est pour ça
que je dis au ministre que je lui souhaite bonne chance d'essayer de faire son
possible pour réglementer ce domaine. Mais tant qu'il n'y aura pas
qu'une seule juridiction ce qui ne peut être autre chose que celle
du Québec il y aura des difficultés à avoir des
communications qui soient réellement une possibilité à un
peuple de communiquer entre eux.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au ministre des
Communications.
M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais d'abord remercier M.
Brunelle pour son exposé qui a été extrêmement utile
et les données techniques qu'il a fournies, complètent en fait ou
corroborent certaines de celles que nous avons entendues.
Il est agréable de souligner que nous avons de plus en plus, au
Québec, de techniciens, de spécialistes, d'ingénieurs qui
sont versés dans le domaine des communications et que leur apport
à l'élaboration d'une politique de communication dans leur
sphère d'activité, est absolument essentiel. On pourrait parler
de rapatriement de juridiction. Si nous n'avons pas chez nous des personnes
compétentes pour traiter des communications et pour voir dans leur
sphère d'activité à un développement rationnel et
moderne des communications, ce serait une juridiction en fait que nous
pourrions théoriquement avoir, mais qui jouerait en définitive
contre nous, nous amenant, à toutes fins pratiques, à
n'être limités qu'aux expertises des fournisseurs et des vendeurs
d'équipement. Je profite donc de la commission pour souligner ce
point.
M. le Président, la commission parlementaire qui s'est
penchée sur le projet de la réglementation sur la
câblodistribution, dans mon esprit, a atteint ses objectifs. D'abord, il
s'agissait d'informer les membres de la commission parlementaire des
problèmes complexes que pose le développement des
télécommunications et, en particulier, de l'interrelation qui
existe entre tous les secteurs des communications.
Nous avons eu, par ailleurs, l'occasion d'entendre les principaux
intéressés à la câblodistribution nous faire part de
leurs commentaires, de leurs craintes et aussi de leurs objectifs quant au
développement de cette technologie.
Le projet de règlement que nous avons proposé à la
commission parlementaire pour étude, comme je l'ai dit, est une
première, en ce sens qu'il n'existe pas de précédent
valable, dans le contexte où nous devons travailler, qui nous permette
de nous appuyer sur des expertises ou des expériences faites ailleurs et
qui pourraient s'appliquer à 50 p.c. ou à 60 p.c. chez nous.
C'est donc pour cela que nous avons convenu de procéder avec
prudence et de faire un règlement qui soit suffisamment
général pour permettre à la Régie des services
publics, c'est une des caractéristiques de ce règlement
qui, elle-même, doit fonctionner à l'intérieur d'une loi,
à l'intérieur d'un certain nombre de principes qui sont
énoncés dans sa loi, de faire les pondérations
nécessaires à cette implantation progressive d'une politique de
communication, particulièrement dans le domaine de la
câblodistribution.
Les principes énoncés dans le règlement, pour ma
part, demeurent. Malgré les interventions que nous avons pu entendre et
certaines
qui pouvaient les mettre en doute, les principes contenus dans ce
règlement ne seront pas modifiés tels qu'ils sont
présentés. Je suis, cependant, sensible à la fois aux
commentaires des membres de cette commission et à certains commentaires
des intervenants quant aux précisions à apporter à un
certain nombre d'entre eux et aussi quant aux assouplissements
nécessaires à la bonne compréhension de la
réglementation et surtout à son application efficace par la
Régie des services publics.
Nous procéderons à l'analyse exhaustive de tout ce qui
s'est dit devant cette commission parlementaire et, au fur et à mesure
de cette analyse, nous procéderons à des modifications
d'assouplissement sur certains points ou de précision sur d'autres quant
à la réglementation.
Le projet de règlement définitif sera publié dans
la Gazette officielle du Québec, tel que prévu dans la loi.
Même si la loi prévoit que le projet peut, au moment de sa
deuxième publication, entrer en vigueur immédiatement il
n'y a pas de délai prévu dans la loi pour une entrée en
vigueur il y a, cependant, cette possibilité d'assortir la
publication d'un délai d'entrée en vigueur. Comme il s'agit d'un
premier règlement, j'ai l'intention d'inclure dans la publication un
délai d'entrée en vigueur qui ne sera pas nécessairement
très long, mais qui pourra être de 30 ou 45 jours, permettant
à chacun de prendre connaissance de façon exhaustive du texte
final du règlement et permettant aussi à la Régie des
services publics, comme aux entreprises concernées, de prendre les
dispositions nécessaires à son application sans enfermer, si vous
voulez, les entreprises de câblodistribution dans des contraintes qu'il
leur serait difficile de respecter.
J'ai souligné le rôle de la régie. Je voudrais, en
terminant, M. le Président, insérer ce bloc de
réglementation sur la câblodistribution dans le contexte de la
politique de communications. Il est une chose qu'il faut souligner aussi
souvent que possible, notamment à notre gouvernement
fédéral, c'est qu'il y a, sur ce point de la
responsabilité de l'Etat provincial en matière de communications,
une entente sur un dénominateur commun au Québec de tous les
partis politiques. Comme je l'ai déjà dit, certains vont plus
loin que d'autres, mais il y a, quand même un consensus, une
unanimité sur un dénominateur commun, à savoir que les
communications, si j'ai bien bompris les exposés de chacun des partis,
sont un facteur essentiel au développement culturel,
éducationnel, social et économique du Québec et que,
partant, nous devons avoir chez nous la responsabilité
décisionnelle quant au développement des communications sur notre
territoire.
Cette position unanime du Parlement, de l'Assemblée nationale
québécoise devrait être prise en considération par
le gouvernement central au moment des prochaines discussions ou
négociations qui auront lieu au mois de novembre, à l'occasion de
la première conféren- ce fédérale-provinciale des
communications. On ne pourra pas traiter, à ce moment-là, les
prétentions québécoises comme étant celles d'un
ministre passager ou d'un gouvernement passager.
Mais c'est en fait, comme l'a souligné le député de
Chicoutimi, le résultat et l'aboutissement normal de positions
politiques québécoises qui n'ont pas été
changées et qui n'ont pas varié, essentiellement, depuis que l'on
se sensibilise de plus en plus au monde des communications.
D'ailleurs et je le souligne ici dans le même sens
les provinces canadiennes, qui, de plus en plus, s'intéressent au
secteur des communications, pour des motifs qui peuvent varier des nôtres
mais qui se rejoignent, en fin de course, dont l'Ontario en particulier,
partagent de plus en plus les principales préoccupations
québécoises même si, pour elles, le problème de
l'impact culturel des communications ne se pose pas de la même
façon.
Effectivement, toutes les provinces canadiennes reconnaissent, dans le
gouvernement central, un gouvernement qui, par définition, sera toujours
issu de leur majorité culturelle alors que, pour le Québec, ce
gouvernement, par définition, sera toujours le gouvernement d'une autre
majorité culturelle. Par conséquent, sur ce point, la
sensibilisation ou les préoccupations des autres provinces canadiennes
sont beaucoup moindres.
Indépendamment de cela, le gouvernement de l'Ontario, par son
ministre des Communications, a déjà, à l'Assemblée
nationale ou à la Législature ontarienne, dans un discours
à l'occasion du discours sur le budget, énoncé ses
positions principales. Il a dit, notamment, qu'il appuyait les politiques
québécoises en matière de communication tout en ne
partageant pas nécessairement les mêmes priorités.
Il y a donc cette unanimité politique, au Québec, sur un
dénominateur commun que nous croyons, au sein du gouvernement,
représenter, dans la politique québécoise des
communications. Il y a aussi cet appui que nous donne la province la plus
importante, parmi les anglophones, l'Ontario, à cette même
politique de communication. Tous ces facteurs devraient faire en sorte qu'une
véritable négociation s'engage avec le gouvernement central pour
qu'on puisse, comme l'a indiqué le premier ministre, rapatrier les
centres de décision en matière de communication, afin que les
communications se développent d'une façon conforme à nos
priorités sociales et culturelles.
Cette conférence fédérale-provinciale sera le
véritable test de la volonté fédérale en
matière de communication d'être sensible aux exigences, aux
besoins et aux responsabilités des provinces, notamment du
Québec. Nous verrons, à ce moment-là, si effectivement, la
politique fédérale est de centraliser les pouvoirs de
décision, quitte à laisser aux provinces un rôle
consultatif élargi. Une telle position je
l'ai déjà indiqué ne nous serait pas
acceptable, pas plus qu'elle ne serait acceptable, je pense, à aucun des
partis de l'Assemblée nationale.
M. le Président, je remercie les membres de la commission, je
remercie tous ceux qui ont participé au débat. Ce fut, quant
à nous, au ministère des Communications, un débat
extrêmement enrichissant et positif.
C'est, en fait, le sens que nous voulons donner à toutes les
démarches qui nous amèneront à préciser la
politique de communication et à procéder ultérieurement
à l'élaboration de règlements plus précis sur tel
ou tel aspect de la câblodistribution ou d'autres secteurs de
communication.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Jacques Brunelle,
représentant de la maison Brunelle et Lambert. Soyez assuré, M.
Brunelle, que la commission prendra en considération vos
recommandations. Est-ce que d'autres organismes seraient
intéressés à se faire entendre? La séance est
ajournée sine die.
(Fin de la séance à 11 h 19)