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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mercredi 12 septembre 1973 - Vol. 13 N° 126

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de règlement sur la câblodistribution


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Projet de règlement sur la câblodistribution

Séance du mercredi 12 septembre 1973

(Dix heures une minute)

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

LE PRESIDENT (M. Pilote): Sur la liste des mémoires de ce matin, nous avons le Publicité-Club de Montréal; Brunelle, Lambert et Associés Inc.; l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc., et les Quotidiens du Québec Inc. Est-ce que des représentants de ces firmes sont présents?

La parole est au ministre des Communications.

M. L'ALLIER: Les mémoires, que vous venez de nous annoncer et pour lesquels vous avez demandé s'il y avait des intervenants présents dans la salle, ont été déposés et la commission en a pris connaissance.

Je ne sais pas si quelqu'un effectivement veut présenter tel ou tel point sur les mémoires déjà annoncés. Si tel était le cas, il faudrait les entendre. Sinon, la commission pourrait considérer avoir pris connaissance de ces documents et, quant à moi, j'en tiendrai compte dans la rédaction finale du règlement.

LE PRESIDENT (M. Pilote): S'il y en a qui sont présents, je les invite à venir...

M. L'ALLIER: Vous pourriez peut-être le répéter.

LE PRESIDENT (M. Pilote): S'il y en a qui sont présents qui veulent parler...

M. L'ALLIER: Sur les mémoires.

LE PRESIDENT (M. Pilote): ... sur les mémoires, je les invite à venir ici pour nous donner leur opinion.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Publicité-Club.

LE PRESIDENT (M. Pilote): II y a Publicité-Club, Brunelle et Lambert, l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc., et des Quotidiens du Québec Inc.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On déclare forfait.

M. LEDUC: M. le Président, est-ce que ces associations ont averti le secrétaire des commissions qu'elles ne seraient pas présentes ce matin? Cela me surprend que les quatre qui devraient être présentes ne soient pas ici.

M. L'ALLIER: Elles n'avaient pas nécessairement dit qu'elles seraient présentes. Elles ont déposé un mémoire.

LE PRESIDENT (M. Pilote): II y en a qui arrivent. Si vous voulez vous identifier et dire quel organisme vous représentez.

Brunelle, Lambert et Associés Inc.

M. BRUNELLE: Mon nom est Jacques Brunelle. Je représente la firme Brunelle, Lambert et Associés Inc. M. le Président, nous tenons, tout d'abord, à remercier votre commission de l'occasion qu'elle nous fournit d'intervenir auprès d'elle en rapport avec le projet de réglementation du ministère des Communications du Québec, relativement à la câblodistribution.

Un mot, tout d'abord, pour expliquer la nature de l'entreprise que nous représentons. Nous sommes une firme de conseillers oeuvrant, entre autres, auprès d'entreprises de câblodistribution au Canada dans les questions d'ingénierie et de mise en oeuvre de gestion de réseaux de câblodistribution.

La nature de l'intervention que nous désirons faire devant votre commission, comporte trois volets dont nous avons communiqué la teneur à votre secrétaire, dans une lettre en date du 2 août 1973. Le premier volet a trait à l'appui que nous désirons apporter à chacune des recommandations et suggestions contenues dans le mémoire de l'Association canadienne de télévision par câble, relativement au projet du ministère des Communications du Québec de réglementer cette matière. Nous pourrions, M. le Président, reprendre pour notre compte pratiquement chacun des sujets traités par l'Association canadienne de télévision par câble, dans son mémoire et ses exposés auprès de votre commission. Certains grands thèmes qui nous viennent particulièrement à l'esprit ont trait à la propriété des entreprises de câblodistribution. Les exigences du projet de réglementation nous apparaissent en effet excessives et non, selon nos recherches, dépendantes dans aucun autre secteur économique au Québec tombant sous la juridiction de son ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Nous craignons en effet que de telles exigences, si elles étaient maintenues dans le projet final, imposeraient une dépréciation accrue à la valeur du capital-action des entreprises de câblodistribution. b) à la télévision communautaire. Nous croyons que l'évolution de la matière requiert

de consacrer l'autonomie financière et administrative de la télévision communautaire, pourvu qu'on s'assure de la représentativité du ou des groupes qui l'animent.

Toutefois, puisque tout a à peu près été dit sur cette question, nous avons voulu concentrer notre intervention sur un aspect particulier de la réglementation, celui ayant trait aux relations existantes ou pouvant exister entre une entreprise de câblodistribution et une compagnie de téléphone. Cet aspect particulier de la réglementation constituera le deuxième volet de notre intervention.

A la lecture du projet de réglementation, notre attention a été plus particulièrement attirée par les articles 6 et 32 du projet. L'article 6, en effet, exclut les entreprises de téléphone comme exploitants possibles en vertu de la réglementation proposée par le gouvernement du Québec relativement aux entreprises de câblodistribution. D'autre part, l'article 32 stipule: "Lorsque des installations d'une autre entreprise publique assujettie à la régie, sont disponibles, la régie doit ordonner leur utilisation par l'entreprise publique de câblodistribution." Nous considérons, M. le Président, ces deux articles du projet de règlement comme antithétiques. En effet, nous croyons anormal de consentir aux compagnies de téléphone, indirectement, un privilège qu'on leur refuse directement.

En effet, si on nie aux compagnies de téléphone le privilège et le droit d'exploiter des systèmes de câblodistribution, on ne devrait pas par ailleurs leur consentir en pratique un privilège quasi exclusif d'en posséder tous les éléments matériels, soit les câbles, les amplificateurs, etc.

Nous croyons donc qu'il n'y a aucune justification, ni technique ni économique ni sociologique, à toute hégémonie partielle ou totale des compagnies de téléphone sur les installations matérielles d'un réseau de câblodistribution et nous nous en expliquons sur ce rapport de la manière suivante.

Du point de vue technique, il est tout à fait possible de construire des réseaux parallèles de téléphonie, de câblodistribution et d'hydroélectricité. Depuis plusieurs décennies en effet les réseaux de téléphonie et d'hydro-électricité coexistent sans interférence notoire sur les mêmes supports, soit les poteaux, les conduits, les tranchées. Il n'existe aucun problème technique de voir un troisième réseau s'intercaler entre les deux premiers, soit un réseau de câblodistribution en plus des réseaux de téléphonie et d'hydro-électricité existants.

Du point de vue économique, il est de notoriété publique que les coûts d'implantation des réseaux de câblodistribution ont été largement augmentés en raison de l'hégémonie traditionnellement pratiquée par les compagnies de téléphone relativement à l'installation des câbles d'alimentation et de distribution. D'autre part, le financement de la plupart des entrepri- ses de câblodistribution fonctionnant présentement au Québec et en Ontario, et partant leur croissance et leur expansion ont été largement handicapés par le fait que quoiqu'elles aient à payer pour les coûts d'implantation des câbles et à l'occasion des autres accessoires de leur réseau de câblodistribution, elles n'en étaient pas propriétaires et partant ne pouvaient ni hypothéquer, ni nantir, ni offrir en gage contre prêt les installations matérielles servant à fournir le service à leurs abonnés.

Nous sommes d'avis qu'une attitude plus conciliante des compagnies de téléphone et plus particulièrement de Bell Canada aurait résulté en un coût de service de câblodistribution à l'abonné bien inférieur à celui que nous connaissons présentement.

Enfin, du point de vue sociologique, nous croyons que ce ne soit pas le voeu de la population de voir les compagnies de téléphone augmenter et accroitre leurs investissements dans le domaine de la câblodistribution. Bien plus, nous croyons que la perpétuation des propriétés conjointes des réseaux de câblodistribution, soit par exemple les câbles de distribution d'alimentation appartenant à Bell Canada, les éléments électroniques coactifs du système appartenant à l'opérateur, ne peut que résulter dans des difficultés d'exploitation qui ne sont certainement pas de nature à faciliter le maintien de services de la plus haute qualité. A en juger par les nombreux projets d'installation de réseaux de câblodistribution dont nous avons été saisis au cours des derniers mois, nous en venons à conclure à une grande impatience du public canadien et québécois, qui ne jouit pas présentement d'un service de câblodistribution, d'avoir accès à un tel service.

En conséquence, nous sommes d'avis que tout nouveau projet de réglementation doit se soucier, en priorité, de garantir au public un accès élargi et facilité aux services de câblodistribution que le public réclame. Sous ce rapport, il nous paraît que consacrer par voie de réglementation l'hégénomie des compagnies de téléphone sur les installations de câblodistribution est absolument contraire à la poursuite d'un tel objectif.

Nous avons suivi avec assiduité toutes et chacune des séances de la présente commission depuis le début du mois d'août. Nous ne pouvons nous empêcher de nous prononcer sur certaines affirmations et allégations des représentants des compagnies de téléphone du Québec qui paraissent comme des véritables insultes à l'intelligence des membres de la commission. Parmi ces affirmations et allégations, nous retenons plus particulièrement: a) La réalité de la polyvalence des réseaux de distribution par câble coaxial. Une telle réalité est absolument inexistante dans les faits et dans les termes où les compagnies de téléphone ont tenté de le définir devant la présente commission. Les représentants de l'Association des compagnies de téléphone indépendantes du

Québec — il s'agit, à notre avis, d'un titre très élaboré pour parler, en pratique, de Québec Téléphone, compagnie tombant sous la juridiction de la Régie des services publics mais appartenant, dans les faits, à des financiers américains — ont fait référence à de vagues expériences ou réalisations du Japon. Les représentants des compagnies Téléphone du Nord et Télébec Ltée ont parlé d'une expérience pilote de leur maison mère, Bell Canada, dans la région de Montréal. Il s'agit, dans l'un et l'autre cas, de faits extrêmement isolés et aucunement représentatifs de l'évolution technologique actuelle.

Fait à signaler, pour les seules fins de la câblodistribution, il s'avère, dans plusieurs cas, plus économique de poser plus d'un câble coaxial. Plusieurs expériences sous ce rapport ont lieu présentement aux Etats-Unis, où , en vertu de la réglementation en vigueur, il faut fournir un minimum de 20 canaux. Plusieurs câblodistributeurs optent pour l'installation de deux câbles parallèles servant exclusivement à la câblodistribution.

Il est aussi à signaler, indépendamment des allégations qui ont pu être faites devant cette commission, qu'il y a des limites économiques certaines à la capacité d'un câble coaxial, qu'on ne peut pas, dans les faits, rendre aussi polyvalent qu'on le voudrait. b) Le privilège de transporteur exclusif de télécommunication à l'intérieur du territoire. La demande d'octroi d'un tel privilège aux compagnies de téléphone, parce qu'il s'agit bien des compagnies de téléphone et non de compagnies de télécommunication, quelles qu'en soient leurs prétentions, semble dirigée exclusivement vers la câblodistribution. Ces compagnies ne jouissent pas, présentement, d'un tel privilège. En effet, le gouvernement du Québec lui-même agit, à travers le Québec, comme transporteur de communications. Nous faisons ici référence à l'Hydro-Québec, qui exploite des systèmes de micro-ondes et des systèmes à ondes porteuses sur des lignes de transmission à haute tension à travers tout le Québec.

Nous faisons aussi référence aux divers ministères du gouvernement du Québec, qui disposent de divers systèmes de radiotéléphonie, par exemple, à travers le Québec. Dans le même ordre d'idées, nous pourrions faire référence au gouvernement du Canada, au service de télécommunications du Canadien national et du Canadien pacifique, au service de réponse au téléphone, plus familièrement appelé TAS, "Telephone Answering Service", aux compagnies manufacturières d'appareillage radiotélé-phonique, qui louent des services de radio-chasseur ou de radio mobile à des particuliers, sans compter les entreprises de câblodistribution qui disposent déjà d'investissements extrêmement considérables dans les systèmes de transport ou de transmission de communications.

L'octroi aux compagnies de téléphone d'un privilège de transporteurs exclusifs de communications est, à notre avis, rétrograde. Nous nous opposons à un tel projet devant cette commission et nous avons l'intention de le faire aussi devant la Régie des services publics du Québec. c) Les coûts des professions. Les affirmations des compagnies de téléphone, sous ce rapport, trahissent, à notre avis, soit une totale incompétence — en effet, les compagnies de téléphone indépendantes du Québec n'ont jamais oeuvré dans le domaine de la câblodistribution; elles sont ignorantes dans ce domaine et n'y possèdent aucun investissement — soit une candeur bien désarmante.

Toutes les fois qu'il s'est agi de comparer sur une base financière, pour le compte d'une entreprise de câblodistribution, les avantages respectifs de la location ou de l'achat des éléments matériels d'un réseau de câblodistribution, on en est venu invariablement et dans tous les cas sans exception à conclure à l'avantage marqué de l'achat et de l'installation par le câblodistributeur de son réseau de câblodistribution.

Si les propositions, en général, formulées par les compagnies de téléphone sous ce rapport étaient nettement avantageuses, ne croyez-vous pas que les câblodistributeurs en bons hommes d'affaires, y feraient automatiquement référence? Ne trouvez-vous pas suspect que les compagnies de téléphone doivent s'adresser au législateur pour faire élargir le champ de leurs privilèges pour demeurer indirectement dans le domaine de la câblodistribution?

Enfin, M. le Président, le troisième volet de notre intervention devant votre commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications a trait au point de vue des promoteurs de systèmes de télévision à antenne collective, que notre bureau représente, qui ne détiennent pas encore de permis d'exploitation des autorités compétentes et qui, partant, ne font pas partie de l'Association canadienne de télévision par câble.

L'intérêt de ces promoteurs nous dicte d'abord un appui inconditionnel au mémoire présenté par l'Association canadienne de télévision par câble. De plus, ces derniers nous font part, par notre intermédiaire, de leur grande perplexité devant le contentieux Canada-Québec relativement aux questions de câblodistribution. Ces promoteurs souhaitent, en effet, que toute cette question en vienne à un règlement harmonieux entre les deux paliers de gouvernement, de manière â leur assurer les conditions les plus favorables aux investissements importants qu'ils se proposent de réaliser dans le domaine, pour le mieux-être de la population québécoise.

Le tout, M. le Président, respectueusement soumis à votre commission pour considération.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je laisse la parole à notre ministre des Communications.

M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai pris connaissance des mémoires qui ont été présentés, notamment des notes présentées par la firme Brunelle, Lambert & Associés, Incorporée, j'ai entendu avec intérêt ce que l'on vient de nous dire. En fait, cela recoupe très largement, comme on l'a indiqué, la position des câblodistributeurs en fournissant un certain nombre de données techniques assez précises quant à — si j'ai bien compris — l'incompatibilité présente des deux besoins, des deux canaux, des deux réseaux de communication. Incompatibilité en ce sens qu'il vous parait technologiquement impossible dans l'immédiat, compte tenu de l'urgence des besoins, de prévoir l'implantation d'un seul réseau et d'une seule mécanique de diffusion à la fois utilisable pour les fins téléphoniques et pour les fins de câble. En d'autres mots, si j'ai bien compris l'essentiel de votre intervention, vous croyez précisément que, dans un avenir rapproché, en tout cas, il faut prévoir le développement de deux réseaux.

M. BRUNELLE: Absolument, M. le ministre.

M. L'ALLIER: C'est le point que je retiens de l'intervention, quant à moi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas grand-chose non plus à ajouter, parce que les arguments qu'on vient de faire valoir nous ont été servis à plusieurs reprises par les entreprises qui ont comparu devant nous. Il appartiendra au ministre d'assumer ses responsabilités en ce domaine.

En ce qui nous concerne, après avoir longuement interrogé les représentants des compagnies de téléphone et des câblodistributeurs, nous en sommes venus à la conclusion que le ministère des Communications et le gouvernement devaient s'assurer que l'une et l'autre des entreprises assurent aux citoyens les moyens qui permettent d'acheminer les signaux qui doivent servir à la transmission des émissions à caractère socio-culturel, éducatif, etc. Nous avons pris bonne note de vos observations et nous espérons que le ministre, dans la nouvelle rédaction de ses règlements, apportera les correctifs nécessaires et tentera de concilier des points de vue qui nous sont apparus nettement divergents, particulièrement au chapitre de la technologie qui oppose actuellement deux tendances.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je n'aurai pas non plus de longues questions parce que, en fin de compte, ce serait reprendre le débat qui a déjà eu lieu avec des câblodiffuseurs, spécialement avec National Cablevision. Je pense que votre exposé résume à peu près ce qu'on nous a dit, mais je m'interroge sur le fait que vous faites seulement de la consultation comme firme.

M. BRUNELLE: Oui, dans le domaine de la communication en général, câblodistribution, radio-télévision, les réseaux de communications, micro-ondes ou autres, les réseaux de téléphone, nous oeuvrons au Canada et à l'étranger dans ce domaine. Il y a des bureaux à Montréal et à Québec.

M. LATULIPPE: Alors, cela résume à peu près. J'aurais peut-être une autre question. Est-ce que, en tant que conseiller, vous êtes en mesure de savoir, parce que c'est une question à laquelle personne n'a répondu directement, personne n'a été en mesure de nous dire, par exemple, tant les propriétaires, les actionnaires sous le contrôle des compagnies de téléphone, que ceux qui contrôlent les sociétés de câblovi-sion, quel est le coût de reconversion d'un système de téléphonie actuel pour en faire un système intégré totalement sur un processus d'un câble coaxial par abonné, quelque chose comme ça, ou pour le...

M. BRUNELLE: Si les réseaux... excusez-moi, je vous ai peut-être interrompu.

M. LATULIPPE: Non.

M. BRUNELLE: Si les compagnies de téléphone qui oeuvrent actuellement au Québec devaient passer du mode de transmission, qui est le plus généralement employé, de fils torsadés dans une enveloppe protectrice à un mode de transmission par câble coaxial, il faudrait qu'elles possèdent actuellement des investissements de peut-être $3 milliards ou $4 milliards. Pour réaliser les mêmes fins, mais sans offrir de services additionnels en utilisant le câble coaxial tel que préconisé, il faudrait parler d'un facteur de multiplication de l'ordre de dix, c'est-à-dire qu'il faudrait qu'elles investissent peut-être $30 milliards ou $40 milliards. Cela veut dire que le compte de téléphone, en particulier, devrait monter par un même facteur. Cette conversion n'est démontrée, dans les faits, comme on a essayé de le faire ressortir, par aucune expérience valable réalisée ni en Amérique, ni en Europe, ni en Afrique, peut-être en Asie — on parle du Japon — mais personnellement, je n'ai jamais entendu parler de cette expérience. Nous croyons être assez au fait de ce qui se passe généralement dans le domaine parce que nous oeuvrons, comme je le disais tantôt, dans tout le Canada. Nous sommes en communication avec tous les gens, les fabricants et les firmes, qui oeuvrent dans le domaine des communications un peu partout dans le monde.

C'est un deus ex machina, c'est-à-dire qui n'est absolument pas supporté par un fait. Mais si, théoriquement, hypothétiquement, une telle entreprise était réalisée, les investissements à être effectués par les compagnies de téléphone seraient un facteur de multiplication de dix comparativement à ce qu'elles ont présentement par les techniques conventionnelles de fils

torsadés dans une enveloppe de polyéthylène.

M. LATULIPPE: Ce chiffre, vous le situez seulement pour le Québec.

M. BRUNELLE: Pour le Québec, c'est-à-dire...

M. LATULIPPE: Maintenant, vous êtes certainement d'accord pour reconnaître que l'évolution va nécessairement amener les compagnies de téléphone à s'orienter vers ce secteur d'activité pour des raisons d'économie également.

M. BRUNELLE: C'est-à-dire que la prospective est difficile à définir dans n'importe quel domaine, autant dans celui des communications que dans un autre. Les personnes qui puissent se taxer de pouvoir prévoir avec exactitude ce qui se passera dans les vingt prochaines années... Mais il reste que, comme pour les fins de téléphonie conventionnelle, les compagnies de téléphone, sur les mêmes structures, c'est-à-dire sur les mêmes routes, établissent au cours des années plusieurs câbles de téléphone, dans le cas de câbles de téléphone conventionnel; dans le cas des câbles coaxiaux, on doit, même pour des fins actuellement de réseau et de câblodis-tribution étaler cela à plusieurs endroits, jusqu'à quatre ou cinq câbles parallèles pour un seul réseau. Donc, qu'il y ait plusieurs câbles sur une même route, c'est-à-dire qu'ils servent à différentes fins ou tous à la même fin, ce sont des choses qui sont dans l'ordre de la simple logique.

Maintenant, il y a un seuil économique qu'on ne peut pas dépasser. Au-delà de ce que la technologie peut permettre, il y a un seuil économique qu'on ne peut pas dépasser dans l'utilisation de moyens de transport, c'est-à-dire, comme sur un réseau de câbles, il faut considérer le coût des éléments passifs versus le coût des éléments actifs, soit les éléments électroniques d'amplification, de conversion ou autres.

Il arrive un point où il est plus économique de dépenser plus de métal et moins d'électronique. Si le fait d'installer un seul câble vous revient à $2 le pied, alors que si vous installez deux câbles avec moins d'amplification, moins de gadgets électroniques, ça vous revient à $1.50 automatiquement le choix est simple à faire. Si vous installez deux, six, dix ou cinquante câbles, s'il y a besoin, et si cela s'avère économiquement plus rentable de le faire avec des câbles distincts, il y a évidemment des limites, sinon technologiques, économiques à l'utilisation de tout moyen de transport. C'est aussi vrai pour une route que pour un espace de circulation dans un édifice. La capacité d'un corridor qu'on a à côté d'une section a une capacité limitée. En théorie vous pourriez faire passer toute la ville de Québec. Vous savez fort bien quel genre d'engorgement ça supposerait.

Les données de prospective que les compagnies de téléphone ont étalées devant vous ne sont pas supportées par des faits. C'est ce qu'on voulait souligner devant la commission.

M. LATULIPPE: Quant à moi, je n'ai pas d'autres questions.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez assisté assidûment à toutes les séances, mais j'ai remarqué, hier après-midi, lorsqu'on vous a appelé, que vous n'étiez pas présent.

M. BRUNELLE: Oui, j'y étais, oui. Ah oui!

M. PERREAULT: Je veux souligner un point, vous avez dit tout à l'heure qu'il était technologiquement, hypothétiquement impossible dans le moment... Est-ce que vous êtes témoin que, dans le moment, les compagnies de téléphone nous ont dit hier qu'elles faisaient l'expérience actuelle sur la rive sud de Montréal, expérience pratique de polyvalence de la téléphonie et de...

M. BRUNELLE: Je suis au fait, je l'ai appris. Il n'y a pas eu énormément de publicité autour de l'entreprise. J'ai entendu les représentants de Télébec et la Compagnie de Téléphone du Nord en faire état et c'est à notre avis une entreprise absolument expérimentale.

L'ensemble des compagnies de téléphone qui oeuvrent en Amérique du Nord, ne s'acheminent pas dans cette voie; c'est-à-dire ce qu'on appelle le "Bell System" et l'ITT depuis déjà quelques années se sont retirés complètement de ce réseau à câbles coaxiaux qui ont des centaines de milliards de dollars d'investissements en réseaux de communication à travers l'Amérique et personne actuellement ne prévoit utiliser à court terme une telle technologie. Donc, il s'agit, comme en Ontario, d'un cas extrêmement isolé, purement expérimental qui, j'en suis certain, sera démontré comme non économiquement réalisable, à ce stade-ci de l'étude.

M. PERREAULT: Je me demande comment vous pouvez affirmer si facilement, lorsqu'il n'y a pas eu d'expérience faite, d'une manière si nette, que les coûts d'entrainement seraient d'un facteur de 10 pour installer un tel système? Je pense que vos avancés ne sont prouvés par aucun chiffre.

M. BRUNELLE: Non, comme l'inverse est vrai aussi; c'est-à-dire que les compagnies de téléphone, même si elles ont des ressources, 1,500 ingénieurs et je ne sais pas combien de milliers de technologistes à leur emploi, n'ont pas fait état devant votre commission d'aucun chiffre, ni devant le public, d'aucun chiffre précis comparativement aux coûts d'implanta-

tion à l'exploitation et au coût corrélatif à l'abonné. Par contre, je dois faire état ici, devant cette commission, que les opérations d'une compagnie de téléphone me sont bien connues. J'ai personnellement oeuvré à titre d'ingénieur à l'intérieur de compagnies de téléphone pendant cinq ans, dans les services d'ingénierie, de trafic, de marketing à l'intérieur de la compagnie Bell Canada. Des initiatives analogues ont été tentées par le passé, comme dans les secteurs ruraux. Des systèmes à ondes porteuses qui utilisent en général des techniques analogues à celles qui seraient proposées pour l'utilisation d'un câble coaxial, ont été depuis plusieurs années retirés du marché pour différentes raisons. Les coûts d'implantation étaient moindres, par exemple, et ça ne permettait pas d'offrir un bon service à l'abonné, à un coût raisonnable. Ce sont des choses qui ont été tentées suivant différentes modalités par le passé et ont toutes été abandonnées pour des raisons d'économie et de garantie de service à l'abonné.

M. PERREAULT: Je vais vous répondre en tant que moi-même ingénieur en communications. Au point de vue de carriers, d'ondes porteuses, cela a été abandonné dans le temps parce que l'équipement n'était pas adéquat, mais aujourd'hui, l'équipement est adéquat pour réaliser ce type de choses. Je suis bien d'accord avec vous que ce n'était pas techniquement fiable, il y a quelques années, mais il faut regarder aussi les progrès technologiques qui s'accomplissent aujourd'hui.

M. BRUNELLE: Dans les zones urbaines, par exemple, c'est le coût de la boucle à l'abonné; c'est-à-dire de l'utilisation d'un câble coaxial, lorsqu'on parle d'une bande large, c'est-à-dire l'utilisation de 300 mégahertz dans un câble coaxial n'est que théorique. Pour l'utiliser, pour des fins de service à l'abonné, service téléphonique conventionnel à l'abonné, il faut recourir à toutes sortes de méthodes de multiplexage, de décodage, de conversion et, si vous faites de l'économique, comparativement au cost over loops, le coût de la boucle à l'abonné, l'affaire de fils qui se rend chez l'abonné, le coût du cuivre, c'est-à-dire du fil conventionnel, comparativement à la fraction du coût d'un câble coaxial... Admettons que vous avez 5,000 abonnés dans un seul câble, il y a 1/5000 du câble qui devrait être chargé à cet abonné, comparativement au coût de l'échafaudage électronique dont vous auriez besoin au bout au bureau central que chez l'abonné pour l'utiliser dans des modes conventionnels.

C'est-à-dire que par simple inspection, il est bien évident que vous ne pourriez jamais concurrencer le coût d'implantation d'un fil conventionnel qu'on connaît très bien autant au point de vue de l'alimentation qu'au point de vue du service. Lorsqu'on parlait de juguler dans un même câble, dans un seul câble possiblement 30 canaux de télévision, des circuits donnés, des circuits spéciaux, des circuits de programmes, plus des circuits pour le service conventionnel aux abonnés, c'est un échafaudage qui répugne à une ingénierie sensée de réseaux. C'est beaucoup trop de congestion. Il y a l'interrelation. Déjà, véhiculer 12 canaux de télévision dans un câble n'est pas une mince tâche. Pour ceux qui sont abonnés à la câblodis-tribution, malgré l'état technologique présentement, la question des appareils de très haute qualité qui sont installés sur ces réseaux, cela demande des mises au point, cela demeure une technologie relativement critique, qui va en s'améliorant, qui s'est améliorée depuis les dix dernières années, mais qui demeure critique. D y a un seuil de rentabilité économique pour l'utilisation de n'importe quel fil porteur.

Si on pousse le raisonnement, vous savez fort bien qu'à la rigueur un circuit téléphonique régulier peut, pour une courte distance, transporter un canal de télévision. Il s'agit de faire des égalisations, il s'agit d'avoir des dispositifs. L'expérience a déjà été tentée. Cela aussi est théorique, parce qu'en réalité ces techniques ont déjà été essayées. Technologiquement c'est possible, mais économiquement cela revenait à un multiple du coût d'implantation d'un câble coaxial ou un multiple du coût d'implantation d'un système de micro-ondes. Donc ces solutions ont été effectivement écartées. H y a deux choses. D'abord, il y a l'économie. Vous savez cela. Comme ingénieur, il y a des choses qu'on peut penser, des élucubrations auxquelles on peut arriver mais il faut toujours les jauger en relation avec les facteurs économiques. On fait cela. Il y a bien des choses qui, en théorie, ont l'air bien alléchantes, mais, en pratique, on ne peut pas les introduire sur le marché. C'est vrai non seulement en communication, mais c'est vrai dans tous les domaines.

M. PERREAULT: Oui, c'est vrai. Je suis d'accord avec vous, c'est vrai. Je n'argumenterai pas longtemps là-dessus, c'est vrai. Je pense que dans votre exposé vous discutez de choses qui avaient cours il y a une dizaine d'années et que vous ne tenez pas compte des progrès technologiques accomplis aujourd'hui, en 1973. Vous ne tenez pas compte, non plus, quand vous parlez d'un réseau séparé dans votre mémoire, de bidirectionnalité dans les signaux. Vous restez au statu quo de l'unidirectionnalité.

M. BRUNELLE: Pas obligatoirement. On ne s'est pas prononcé sur la bidirectionnalité. Pour l'entreprise de câblodistribution, il est convenable au point de vue de l'ingénierie d'établir toutes les ingénieries de systèmes que nous faisons. Nous en faisons actuellement, au Québec, peut-être dans 40 ou 50 villes, qui sont sur la table à dessin. Nous sommes assez actifs dans ce domaine au Canada, c'est-à-dire dans l'est du Canada et même en Ontario. La conception de ces réseaux est obligatoirement sur une base

bidirectionnelle. Le besoin le plus flagrant est identifié, pour la bidirectionnalité des réseaux et des embranchements, en direction des institutions d'enseignement. Il devient de plus en plus populaire au Canada que des institutions d'enseignement utilisent à temps partiel pour leurs propres fins, à l'intention de la population ou autrement, un canal dit éducatif qui doit être réservé par les câblodistributeurs. Donc, au lieu d'établir des câbles séparés, on a un circuit de retour à partir généralement des universités et des collèges, des écoles secondaires. Nous avons aussi des circuits de retour en provenance généralement des hôtels de ville. Pour les fins de programmation locale, il y a intérêt à retransmettre en direct dans ce circuit privé les séances de conseils municipaux. C'est une chose qui se pratique couramment au Canada et c'est pour établir un circuit de retour. Le type d'amplificateurs qui sont sélectionnés permet d'établir des modules permettant en pratique tous les embranchements éventuellement et l'ingénierie est faite en conséquence, permettant d'établir des circuits de retour de n'importe quel point du réseau.

M. PERREAULT: Oui, cette bidirectionnalité que vous faites dans vos systèmes, dont vous faites le design dans le moment est en circuit fermé.

M. BRUNELLE: Oui, quand on parle des nouveaux services, ce sont encore des données de prospective. Il y a des expériences pilotes qui sont nées principalement aux Etats-Unis.

Nous en avons visité certaines et même nous sommes en relation avec les progrès de ces expériences, des études de mise en marché, des études technologiques, c'est-à-dire le développement des équipements par les manufacturiers. L'état de l'art progresse rapidement. Le marché réel est encore incertain. Les milieux financiers accusent ces nouveaux services de blue sky, c'est-à-dire que c'est le genre de choses que vous pouvez avoir devant vous mais dont vous n'êtes pas certains, qui sont une prospective générale qui permet de qualifier une industrie au point de vue des risques, c'est-à-dire comme une industrie terminale n'ayant pas d'autre débouché en avant. Non, ce sont des débouchés possibles. D'ici à ce qu'on les atteigne, il y aura peut-être d'autres choses.

On pourrait s'attendre, comme cela se pratique aux Etats-Unis, que dans la fourniture de ces nouveaux services, en faisant le partage, le concordat, si vous voulez, entre les compagnies de téléphone et les entreprises de câblodistribu-tion, il y ait une concurrence souhaitable dans la fourniture des services spécialisés, comme cela se pratique, disons, aux Etats-Unis. Les Américains n'ont pas toujours tort. Le public, en somme, pourra avoir à meilleur compte un service de meilleure qualité, c'est-à-dire comme les choses de surveillance, la télé-écoute qu'on appelle la télésurveillance contre le feu et le vol, c'est-à-dire les systèmes de protection des maisons des particuliers qui, actuellement, sont à des coûts prohibitifs parce que les coûts de location de circuit sont extrêmement élevés. Quand différentes entreprises sont mises en concurrence, c'est-à-dire la compagnie de téléphone et l'entreprise de câble, pour vous fournir ce service jusqu'au poste de police, probablement que cela va garantir l'accès, cela va certainement en élargir l'accès. C'est le jeu de tout notre système économique. Il est fondé sur la concurrence. C'est-à-dire que c'est malheureux de confiner à des privilèges exclusifs un champ de plus en plus élargi de notre activité économique.

Il y a une régulation qui s'établit logiquement lorsqu'on laisse les forces vives économiques s'entrechoquer, et pour le mieux-être de la population.

M. PERREAULT: Vous avez lancé un grand principe là. Seriez-vous en faveur aussi que l'Hydro-Québec fasse la même chose, qu'il y ait une concurrence, que deux compagnies que puissent servir le même abonné?

M. BRUNELLE: C'est-à-dire dans certains services. Je ne conteste pas la compétence d'une compagnie de téléphone dans le domaine de la téléphonie.

M. PERREAULT: Je ne parle pas de compétence. Vous affirmez des choses qui se font aux Etats-Unis. Vous ne tenez pas compte de la densité de population du Québec à comparer à celle des Etats-Unis. C'est là qu'est leur point fondamental. Certaines solutions de concurrence peuvent être appliquées dans de grands centres où la densité de population au mille carré est grande.

M. BRUNELLE: Bien, disons...

M. PERREAULT: II faut ramener cela au Québec aussi.

M. BRUNELLE: Obligatoirement. Mais est-ce que, en réclamant cette mainmise indirecte sur la câblodistribution, les compagnies de téléphone recherchent indirectement un mode de subvention des activités régulières? Si tel est le cas, il n'est pas nécessaire de leur donner le câble. Admettons qu'elles ont besoin de subventions et admettons que les abonnés de câblodistribution doivent payer un supplément à leur loyer de base pour être versé à une compagnie de téléphone qui a de la misère à exploiter ou que le gouvernement ou d'autres organismes subventionnent directement les compagnies de téléphone. Il est définitivement prouvé, je veux dire qu'on a fait l'exercice, je ne sais pas combien de dizaines de fois, qu'elles ne peuvent pas — vous avez des gens qui ont défilé ici et ils pourraient vous dire la même chose — être concurrentielles sur les coûts d'implantation de réseaux.

Cela coûte beaucoup plus cher quand vous faites affaires avec Bell Canada et vous n'êtes pas propriétaire, en plus. Les abonnés de câblodistribution, ils paient pour ça. Je veux dire que personne ne donne des subventions à la câblodistribution. C'est l'abonné qui paie pour ça. Est-ce que Bell Canada en tire des profits? Je n'aimerais pas l'affirmer mais je suis certain que si les compagnies de téléphone déposaient ici leurs études de rentabilité sur la fourniture de services de câblodistribution, je suis pas mal convaincu que depuis dix ou quinze ans qu'elles sont dans ce domaine-là, ces services accusent un déficit. Cela coûte plus cher à l'abonné et non seulement les abonnés à téléphone régulier qui sont obligés de combler les déficit sur l'exploitation de ça. Donc, qui est-ce qui paie? On parle d'économie. Actuellement, peut-être 10 p.c. à 20 p.c. des coûts de câblodistribution seraient enlevés. C'est-à-dire qu'on peut aller, dans mon estimation, à 80 p.c. à 90 p.c. d'une compagnie présentement, peut-être même 75 p.c, si les compagnies de téléphone n'étaient pas là.

D'ailleurs, vous voulez les faire témoigner en commission, je veux dire qu'ici ces personnes ne témoignent pas sous serment. Mais devant la régie ou autrement, vous pouvez certainement sortir des faits qui seraient plutôt troublants sous ce rapport.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je me joins à mon collègue, le député de Chicoutimi, de même qu'aux députés de Dubuc et de Montmagny, pour souhaiter que le ministre tienne compte des recommandations et de l'expérience de M. Brunelle, qui nous a donné ce matin des statistiques fort intéressantes et qui nous a fait connaître son point de vue sur tout le problème de la câblodiffusion.

Il ne faudrait pas que M. Brunelle soit offusqué si, ce matin, il n'y a pas de représentant péquiste autour de cette table, parce qu'en lisant votre lettre du 2 août 1973, il était facile de constater que votre mémoire n'inviterait pas à la contestation ou à l'agitation sociale. C'est pourquoi les péquistes ne sont pas ici ce matin, d'autant plus qu'ils sont cruellement dans le deuil par suite du suicide du président Allende du Chili.

Il ne faudrait pas, pour tout cela, que vous ayez l'impression de nous avoir présenté un mémoire qui n'avait pas de valeur. Au contraire, nous vous remercions pour cet apport précieux et nécessaire devant notre commission parlementaire.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que nous ne terminions ces séances de la commission, je voudrais rappeler à tous nos collègues les déclarations inaugurales que nous avons faites, qui font partie intégrante du programme que notre parti a annoncé, il y a déjà quelque temps, et dont nous avons fait, à maintes reprises, état au cours des discussions en Chambre ou aux commissions parlementaires.

Dans son discours d'ouverture devant les membres de cette commission, le ministre des Communications nous a fait part des grands objectifs de la politique gouvernementale à l'égard des entreprises de câblodistribution au Québec. Les représentations des divers organismes qui ont passé devant nous depuis le 9 août ont confirmé dans notre esprit certains faits des plus importants.

En premier lieu, il nous paraît absolument nécessaire, dans l'intérêt de tous les citoyens québécois, que le ministre demeure ferme au niveau des principes. H n'est plus question de remettre en cause les objectifs poursuivis par le ministre. Ceux-ci ont été endossés à maintes reprises par tous les partis politiques ici présents et par bon nombre des personnes qui se sont exprimées devant nous.

Un recul, même minime, du gouvernement, au moment où les autres provinces canadiennes se rallient à la thèse du Québec, serait inacceptable. Il est donc nécessaire que le ministre règle une fois pour toutes ce contentieux constitutionnel très difficile — le mot le dit — et qu'il apporte, en collaboration avec les divers organismes qui ont comme nous part à la promotion du Québec, une solution qui sera acceptable, qui n'entraînera pas des disputes stériles et dont les citoyens ne seront pas appelés à faire les frais, encore que ceux-ci doivent nous faire connaître leur attitude et appuyer le gouvernement du Québec dans toutes les initiatives qui concernent cette reconquête d'un champ de compétence qui nous est normalement dévolu par la constitution canadienne.

La politique de notre parti en cette matière est très claire: le Québec doit contrôler et rapatrier tous les instruments de communication nécessaires à sa mission d'éducation et de culture. La câblodistribution fait partie de ces instruments que nous jugeons nécessaires et essentiels.

Notre attitude n'est pas nouvelle, et encore moins est-elle opportuniste. Elle est fidèle à l'esprit qui a toujours animé l'Union Nationale, comme en témoigne d'ailleurs la déclaration que faisait l'honorable Duplessis lors du 25e anniversaire de la station CKAC, en 1948, déclaration dont le ministre des Communications nous a fait l'hommage au début de nos discussions.

M. Duplessis disait, en parlant de la radiodiffusion: "Dans ce domaine comme dans tous les autres, elle considère — il s'agit du Québec — que la centralisation de la radiodiffusion entre les mains de la bureaucratie fédérale va à l'encontre des principes fondamentaux ratifiés

par la constitution canadienne et les pères de la Confédération qui réservent aux provinces le plein domaine de l'éducation sous toutes ses formes.

Le peuple de la province de Québec, par son gouvernement, affirme encore une fois ses droits en matière de radiodiffusion provinciale. Cette déclaration, qui peut paraître avoir vieilli dans ses termes, n'a pas vieilli dans ses principes et dans ses objectifs. Aujourd'hui, alors que nous avons célébré récemment le 50e anniversaire de cette même station CKAC, le gouvernement actuel du Québec se réveille, voit l'évidence et emprunte la voie qui avait été tracée par ses prédécesseurs. Pour une fois qu'il est dans le droit chemin, le gouvernement doit être courageux et surmonter les tentations multiples qui ne tarderont pas à l'assaillir. Un péché, même véniel — je l'ai dit au ministre qui a une conscience délicate — qui le porterait, à ce moment-ci, à dévier quelque peu des objectifs annoncés serait fatal pour l'avenir du Québec et l'épanouissement culturel de ses citoyens.

Si nous partageons les préoccupations du ministre au niveau des principes, force nous est de constater que nous divergeons d'opinion sur certaines modalités d'application. Suite aux observations de nombreux organismes sur plusieurs articles du projet de règlement, nous sommes persuadés que le ministre devra faire preuve d'une grande souplesse et de plus de réalisme dans l'élaboration définitive des règlements. Les commentaires des individus et des organismes qui sont venus devant nous nous ont permis de mieux saisir et d'approfondir plusieurs aspects nébuleux du projet de règlement.

Certes, nous ne sommes pas des experts en matière de câblodistribution et nous avons été aidés par les spécialistes qui ont comparu devant nous. Néanmoins, avec les renseignements additionnels qui nous ont été soumis, il nous sera beaucoup plus facile et définitivement plus agréable d'aider le ministre à parfaire son projet de règlement. Que le ministre décide de procéder ou non à une analyse détaillée du projet de règlement, article par article, ce à quoi nous l'encourageons fortement, nous voulons dès maintenant lui faire part des modifications que nous jugeons indispensables au bon fonctionnement de la loi. Nous sommes d'avis que le ministre devrait préciser la définition retenue pour "émission d'intérêt général". Une attitude positive qui irait dans le sens de la recommandation de l'ACTC, laquelle reprend une définition du CRTC, nous semble plus réaliste et définitivement moins ambiguë.

A l'article 5, nous sommes persuadés que le ministre pourrait atteindre le même objectif à l'égard de la propriété québécoise, en exigeant de la part des entreprises publiques de câblodistribution que a) les propriétaires de toute entreprise publique de câblodistribution soient résidents du Québec dans une proportion de -60 p.c.; b) que la majorité des membres du conseil d'administration, ainsi que tous les membres de la direction d'une entreprise publique de câblodistribution soient des résidents du Québec.

Ces deux modifications assureraient à la collectivité québécoise un contrôle suffisant sur le développement de l'industrie du câble au Québec et permettraient aux entreprises de câblodistribution de jouir d'une plus grande flexibilité par rapport aux investissements étrangers qui lui sont nécessaires pour demeurer à la fine pointe de la technologie. Les commentaires de la majorité des entreprises de câblodistribution nous ont convaincus que les dispositions de l'article 6, relatives aux entreprises parallèles, étaient trop rigides. Le ministre peut rejoindre le même but en limitant â un intérêt minoritaire, par exemple 20 p.c. ou 25 p.c., l'investissement des entreprises dites parallèles dans une entreprise publique de câblodistribution. De cette façon, une entreprise de presse, de téléphone, de télégraphe, de radio, de télévision ou de cinéma pourrait participer activement à l'évolution de l'industrie du câble sans menacer celle-ci éventuellement d'un contrôle monopolisateur.

On a parlé beaucoup de monopole de presse, de concentration des entreprises de presse. Nous avons déjà déclaré que nous sommes contre toute forme de monopole.

Mais encore faut-il s'interroger sur la nature de ces monopoles et sur les dangers réels que présente la concentration des entreprises de presse dans un domaine où l'organisation syndicale donne quand même aux journalistes la possibilité d'informer objectivement, sûrement et sur tous les sujets les citoyens du Québec dans tous les domaines qui les intéressent. Il ne faudrait pas faire un mythe de cette question des monopoles de presse. Il ne faudrait surtout pas inciter les citoyens à voir encore un nouveau mythe dans le fait qu'un certain nombre de citoyens du Québec soient les propriétaires de plusieurs entreprises de communication, journaux, radio, télévision, etc. L'on a insisté beaucoup sur des formules, sans toutefois aller au fond des problèmes, en disant que la collectivité devrait par le mode de la coopération, etc. devenir propriétaire des entreprises de presse. C'est une chose qu'il faut analyser, qu'il faut étudier, qu'il faut promouvoir dans tous les cas où cela est possible, en se rappelant toutefois que les fonds disponibles des Québécois sont limités et que le représentant de la Caisse de dépôt nous a indiqué lui-même la nécessité qu'il y avait pour l'ensemble des grandes entreprises industrielles et commerciales et particulièrement les entreprises bancaires de diversifier les portefeuilles.

La position que nous prenons n'est pas une position d'appui à l'endroit de ceux qui voudraient créer des monopoles de presse. Elle vise à apporter une réponse à ceux qui dénoncent les monopoles de presse mais qui en même temps travaillent à gros prix pour des journaux dont les propriétaires sont en train de consti-

tuer eux-mêmes des monopoles. Je n'ai pas besoin de mentionner de qui je veux parler. Tout le monde a à l'esprit le nouveau messie déplumé qui prêchait il y a quelques mois les bienfaits et les avantages du régime communiste Allende.

En ce qui concerne la publicité, M. le Président, notre attitude reste encore imprécise. Est-ce qu'il faut donner aux entreprises de câblodistribution la permission de faire de la publicité? Nous n'avons pas les données suffisantes qui nous permettraient de nous prononcer à ce' sujet. Il y a le danger de jeter par terre des entreprises de radio, de journaux, particulièrement les journaux régionaux. Il faudrait que le gouvernement, comme on le lui a demandé, poursuive des études et recueille des données qui lui permettent de prendre en cette matière de la publicité une décision qui ne soit pas préjudiciable à l'ensemble des entreprises actuellement existantes, mais, d'autre part, qu'il donne aux moyens de communication de la câblodistribution ce dont ils ont besoin pour se financer adéquatement et pour se développer au rythme de la technologie moderne.

Nous appuyons entièrement la recommandation de l'ACTC concernant les litiges qui peuvent surgir entre les parties intéressées lors d'une émission à des fins communautaires et éducatives. Nous rappelons ici, pour mémoire, ce que nous disions hier concernant le devoir qu'a le gouvernement, non seulement d'encourager, de défendre, mais de promouvoir la création des entreprises de télévision communautaire. Dans le but de protéger les droits de toutes les parties intéressées, en cas de litige, l'ACTC propose à l'article 5 que la Régie des services publics soit tenue d'entendre les parties et de décider d'un agencement quelconque.

La garantie d'un règlement par un tribunal impartial et objectif, inciterait les parties en cause à éviter les mesures trop arbitraires ou nettement discrimatoires. Nous avons entendu hier un mémoire où on a fait état de ce qu'on appelle les pouvoirs publics et un témoin déclarait que les pouvoirs publics signifiaient le peuple. C'est vrai, mais il faut encore comprendre que le peuple délègue ces pouvoirs à un ensemble de représentants qui sont chargés, après consultation, dialogue et participation, à prendre les responsabilités qui lui sont dévolues par le peuple lui-même.

L'article 21, concernant l'ordre de priorité que devra suivre toute entreprise publique de câblodistribution dans sa programmation sonore, visuelle ou audio-visuelle, a été critiqué par presque tous les organismes qui ont soumis des mémoires à la commission. Suite à une question de mon collègue, le député de Maskinongé, sur le sens et l'application de cet article, le ministre disait ce qui suit: L'ordre de priorité qui est indiqué dans l'article 21 est l'ordre de priorité à l'intérieur duquel la régie des services publics, au moment d'attribuer un permis d'exploitation et sur présentation de la preuve faite par l'entreprise, détermine si elle doit ou non accepter la programmation telle que proposée ou suggérer des modifications. C'est, en d'autres mots, à l'entreprise qu'il appartient de démontrer sa viabilité à partir d'une programmation qu'elle propose. Et la régie des services publics, dans sa décision, va tenir compte en même temps de l'ordre de priorité, mais aussi, et c'est un facteur essentiel de la viabilité de l'entreprise, en fonction de la programmation proposée par l'entreprise, de sorte que le fardeau, en fait, repose sur chaque entreprise de démontrer et de prouver à la régie ce qui, pour elle, est viable sur le plan économique et sur le plan de son développement. C'est la régie qui devra faire la pondération entre l'ordre de priorité et le potentiel de distribution et le développement de l'entreprise. En d'autres mots, la régie ne peut pas imposer à une entreprise — ce serait contraire à l'économie de la loi et des règlements et contraire à l'intérêt public — un fardeau tel qu'elle ne puisse pas se développer et continuer de fournir le service ou les services qu'elle fournit déjà.

Nous reprenons à ce moment la suggestion du député de Maskinongé à l'effet que le ministre considère le texte tel que rédigé pour que justement il soit clair dans l'esprit de tous que la régie a cette flexibilité pour rencontrer les objectifs que vise le gouvernement. A l'article 32, nous invitons le ministre à faire preuve d'une plus grande souplesse. Ne serait-il pas préférable et beaucoup plus logique, lorsque des installations d'une autre entreprise publique assujettie à la régie sont disponibles, que la régie ait le pouvoir et non l'obligation, dans le meilleur intérêt du public, d'ordonner leur utilisation par l'entreprise publique de câblodistribution à un coût juste et raisonnable. Je laisse le soin au ministre de répondre à cette question. Ce sont là les principales recommandations que nous voulions soumettre au ministre à ce stade-ci. Je réitère au ministre notre volonté de participer immédiatement à une étude exhaustive du projet de règlement si tel est son souhait.

Je termine mes propos, M. le Président, en remerciant encore une fois les individus et les divers organismes qui ont bien voulu nous soumettre leurs observations sur le projet de règlement relatif aux entreprises de câblodistribution.

Si vous me le permettez, M. le Président, il y a eu une erreur de typographie. A la page 4, j'ai parlé de l'article 5 alors qu'il s'agit de l'article 15. Excusez-moi, c'est la page 7. Qu'on veuille bien faire la correction, à la page 7, j'ai parlé d'article 5 alors qu'il s'agit d'article 15, à la fin de la sixième ligne; pour les fins du journal des Débats, sixième ligne, page 7. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre des Communications.

Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je voudrais faire un court exposé. Ce n'est pas mon intention d'aller jusqu'à proposer une rédaction article par article, parce qu'étant donné ma situation personnelle, on risquerait peut-être de me taxer d'intéressé. Alors, je résisterai donc à cette tentation.

Cependant, j'aimerais mentionner que nous sommes d'accord et tout à fait disposés à soutenir le ministre dans ses efforts en vue d'implanter au Québec une politique des communications qui soit vraiment québécoise. Je sais qu'il y a des problèmes fondamentaux à régler, notamment du côté de la propriété, et j'estime qu'une politique des communications qui n'est pas assise sur la pierre angulaire qu'est la propriété des Québécois sera nécessairement déficiente d'une façon ou d'une autre à long terme. Alors, M. le Président, j'appuierai les efforts du ministre dans tous les domaines où il le jugera nécessaire face à l'implantation de cette politique québécoise.

Le problème qui se pose maintenant, face à l'étude de la réglementation qui nous a été proposée et qui veut seulement régir, qu'on le veuille ou non, la câblodistribution, afin de donner justement certains services additionnels à la population, à mon point de vue, se répartit en trois phases.

Il y a justement ce problème des compagnies de téléphone qui veulent une certaine part de propriété qui est également revendiquée par les compagnies de câblodistribution. D'autre part, on situe ce dernier service au niveau soit du véhicule ou du contenu, selon qu'on est d'un côté ou de l'autre. Finalement, il y a d'autres organismes qui veulent revendiquer essentiellement la programmation et le contenu des émissions qui peuvent être acheminées par voie de câblodistribution. On se retrouve donc face à un problème qui est fortement controversé; il est extrêmement difficile de donner raison à l'un sans renier l'autre. De chaque côté, j'estime qu'il y a des arguments valables.

Il en résulte donc que la position du ministre, à mon sens, devrait être d'accorder à la régie énormément de souplesse. En fin de compte, ce sera la régie qui sera appelée pratiquement à être le maître d'oeuvre de chaque situation particulière qu'on devra rencontrer au Québec. Si on adoptait une autre politique face au projet de réglementation qui nous est soumis, je pense que ce serait, du coup, saboter délibérément l'avenir d'une politique québécoise des communications. Je sais que ça ne peut pas se faire d'un coup sec. Il y a du terrain à gagner. La tentative qui a été faite par le gouvernement du Québec, je dois l'avouer, est un premier pas et elle correspond certainement à une première dans ce domaine, qui sera suivie par d'autres provinces canadiennes. Dans la mesure où l'ensemble du pays emboîtera le pas, nécessairement les autorités fédérales devront graduellement se retirer de ce champ d'activité pour le laisser aux autorités provinciales.

Dans ce sens, M. le Président, nous appuierons les efforts du gouvernement. Je dois avouer que, dans l'ensemble, personnellement, en tant qu'intéressé d'une façon indirecte à l'industrie de la câblodistribution, laisser le problème en plan relativement à la propriété tel que voulu dans l'ensemble du projet de réglementation qui nous est soumis, ce serait dangereux. Je prétends donc que le ministre, à la lumière des divers exposés qui nous ont été faits, devra nécessairement réviser un bon nombre d'articles pour les rajuster de façon qu'ils soient le plus équitables possible, tout en étant le mieux définis possible. Ce qui ne pourra être défini, comme je le disais tout à l'heure, devra revenir de plein droit à la régie qui devra décider dans chaque situation. C'est un peu dans ce sens que je vois que ce sera possible d'orienter la réglementation et j'enjoins le ministre à ne pas hésiter à le faire. C'est assez rare que je suis d'accord pour reconnaître de donner des pouvoirs à un organisme comme celui-là, mais, dans la situation présente, étant donné la complexité de ce qui est en cause actuellement, j'estime que c'est la seule façon vraiment équitable de le faire sans trop brusquer les choses et sans compromettre et vouer à la faillite cette politique des communications. On a des grands principes. Il reste qu'au niveau des techniques, c'est difficile. Alors, je conçois qu'une attitude de prudence s'avère nécessaire. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président...

M. LEDUC: II arrive, à 11 h 7.

M. LEGER : J'arrive avec une grippe.

M. LEDUC: Une grippe et un deuil sur la conscience.

M. LEGER: De toute façon, j'espère que, comme d'habitude, je n'ai pas perdu grand-chose ici. Mes savants confrères...

M. PAUL: Vous avez encore moins gagné au restaurant depuis dix heures moins quart.

M. LEGER: On voit qu'on est en période d'excitation; on sait que ce sont les derniers moments.

M. le Président, je veux simplement faire un résumé très rapide, très succinct. Dans le domaine des communications, je pense qu'un peuple qui est bien informé, c'est un peuple qui peut choisir. Pour permettre à un peuple d'être bien informé, il faut qu'il soit capable d'avoir tous les rouages de fonctionnement, les centres de décision dans le domaine particulier et celui qui nous touche particulièrement, aujourd'hui, c'est celui des communications. Je pense que c'est une étape dans le contrôle de la câblodif-

fusion et de la câblodistribution. C'est une étape qui doit nous amener, dans un avenir rapproché à l'entière juridiction dans le domaine des communications, que ce soit dans le domaine de la radio, de la télévision, de téléinformatique, du câble, même d'une agence de presse québécoise. Il faut que tout ça relève d'un organisme qui aurait entière juridiction et qu'on ne soit pas court-circuité, qu'on ne voit pas, par exemple, comme des nouvelles actuellement à Radio-Canada, où au domaine de l'information, sur quinze minutes de nouvelles, il y a douze minutes de nouvelles internationales et on conclut, à la fin, en disant: Et maintenant les nouvelles régionales; ce sont les nouvelles du Québec. Moi, ça m'insulte quand j'entends: les nouvelles régionales. Le Québec, le peuple québécois c'est une région, moi...

M. LEDUC: Vous ne regardez jamais le 24 heures de Radio-Canada, où c'est strictement des nouvelles locales à tous les jours.

M. LEGER : ... j'ai de la difficulté à accepter... M. le Président, est-ce que j'ai la parole? M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

Je veux simplement noter par là jusqu'à quel point le peuple québécois a besoin du contrôle de ses communications, avec les rouages nécessaires empêchant les monopoles, empêchant une dictature, empêchant toutes les difficultés inhérentes à ce domaine. Mais je dis que le peuple québécois doit avoir l'entière juridiction sur le domaine des communications. Je pense que la réglementation actuelle qui n'est pas parfaite et qui amène quand même des difficultés d'entente dans les différents groupes qui auront à se coordonner là-dedans... J'ai fait admettre hier à un interlocuteur que c'est beaucoup plus facile que, sur ce plan technique que nous donne une réglementation, les personnes, les groupes qui sont intéressés à l'intérieur de cela, ça veut dire le domaine de radio-télédiffusion, le domaine de la téléphonie, le domaine des compagnies de câble, le domaine de ceux qui font du programme, le côté communautaire, tout ça ensemble... C'est un peu difficile pour eux de concevoir une solution à leurs problèmes, quand une certaine partie de ce groupement dépend d'une juridiction différente. C'est sûr, je disais hier: Nous autres, notre choix est fait. C'est clair, c'est naturel, c'est le peuple québécois, c'est le Québec qui doit décider, mais dans l'ensemble, juste pour le fonctionnement normal de tout ce milieu, eux-mêmes admettent que, sous deux juridictions, c'est un désavantage, c'est une difficulté majeure. C'est pour ça que je dis au ministre que je lui souhaite bonne chance d'essayer de faire son possible pour réglementer ce domaine. Mais tant qu'il n'y aura pas qu'une seule juridiction — ce qui ne peut être autre chose que celle du Québec — il y aura des difficultés à avoir des communications qui soient réellement une possibilité à un peuple de communiquer entre eux.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au ministre des Communications.

M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Brunelle pour son exposé qui a été extrêmement utile et les données techniques qu'il a fournies, complètent en fait ou corroborent certaines de celles que nous avons entendues.

Il est agréable de souligner que nous avons de plus en plus, au Québec, de techniciens, de spécialistes, d'ingénieurs qui sont versés dans le domaine des communications et que leur apport à l'élaboration d'une politique de communication dans leur sphère d'activité, est absolument essentiel. On pourrait parler de rapatriement de juridiction. Si nous n'avons pas chez nous des personnes compétentes pour traiter des communications et pour voir dans leur sphère d'activité à un développement rationnel et moderne des communications, ce serait une juridiction en fait que nous pourrions théoriquement avoir, mais qui jouerait en définitive contre nous, nous amenant, à toutes fins pratiques, à n'être limités qu'aux expertises des fournisseurs et des vendeurs d'équipement. Je profite donc de la commission pour souligner ce point.

M. le Président, la commission parlementaire qui s'est penchée sur le projet de la réglementation sur la câblodistribution, dans mon esprit, a atteint ses objectifs. D'abord, il s'agissait d'informer les membres de la commission parlementaire des problèmes complexes que pose le développement des télécommunications et, en particulier, de l'interrelation qui existe entre tous les secteurs des communications.

Nous avons eu, par ailleurs, l'occasion d'entendre les principaux intéressés à la câblodistribution nous faire part de leurs commentaires, de leurs craintes et aussi de leurs objectifs quant au développement de cette technologie.

Le projet de règlement que nous avons proposé à la commission parlementaire pour étude, comme je l'ai dit, est une première, en ce sens qu'il n'existe pas de précédent valable, dans le contexte où nous devons travailler, qui nous permette de nous appuyer sur des expertises ou des expériences faites ailleurs et qui pourraient s'appliquer à 50 p.c. ou à 60 p.c. chez nous.

C'est donc pour cela que nous avons convenu de procéder avec prudence et de faire un règlement qui soit suffisamment général pour permettre à la Régie des services publics, c'est une des caractéristiques de ce règlement — qui, elle-même, doit fonctionner à l'intérieur d'une loi, à l'intérieur d'un certain nombre de principes qui sont énoncés dans sa loi, de faire les pondérations nécessaires à cette implantation progressive d'une politique de communication, particulièrement dans le domaine de la câblodistribution.

Les principes énoncés dans le règlement, pour ma part, demeurent. Malgré les interventions que nous avons pu entendre et certaines

qui pouvaient les mettre en doute, les principes contenus dans ce règlement ne seront pas modifiés tels qu'ils sont présentés. Je suis, cependant, sensible à la fois aux commentaires des membres de cette commission et à certains commentaires des intervenants quant aux précisions à apporter à un certain nombre d'entre eux et aussi quant aux assouplissements nécessaires à la bonne compréhension de la réglementation et surtout à son application efficace par la Régie des services publics.

Nous procéderons à l'analyse exhaustive de tout ce qui s'est dit devant cette commission parlementaire et, au fur et à mesure de cette analyse, nous procéderons à des modifications d'assouplissement sur certains points ou de précision sur d'autres quant à la réglementation.

Le projet de règlement définitif sera publié dans la Gazette officielle du Québec, tel que prévu dans la loi. Même si la loi prévoit que le projet peut, au moment de sa deuxième publication, entrer en vigueur immédiatement — il n'y a pas de délai prévu dans la loi pour une entrée en vigueur — il y a, cependant, cette possibilité d'assortir la publication d'un délai d'entrée en vigueur. Comme il s'agit d'un premier règlement, j'ai l'intention d'inclure dans la publication un délai d'entrée en vigueur qui ne sera pas nécessairement très long, mais qui pourra être de 30 ou 45 jours, permettant à chacun de prendre connaissance de façon exhaustive du texte final du règlement et permettant aussi à la Régie des services publics, comme aux entreprises concernées, de prendre les dispositions nécessaires à son application sans enfermer, si vous voulez, les entreprises de câblodistribution dans des contraintes qu'il leur serait difficile de respecter.

J'ai souligné le rôle de la régie. Je voudrais, en terminant, M. le Président, insérer ce bloc de réglementation sur la câblodistribution dans le contexte de la politique de communications. Il est une chose qu'il faut souligner aussi souvent que possible, notamment à notre gouvernement fédéral, c'est qu'il y a, sur ce point de la responsabilité de l'Etat provincial en matière de communications, une entente sur un dénominateur commun au Québec de tous les partis politiques. Comme je l'ai déjà dit, certains vont plus loin que d'autres, mais il y a, quand même un consensus, une unanimité sur un dénominateur commun, à savoir que les communications, si j'ai bien bompris les exposés de chacun des partis, sont un facteur essentiel au développement culturel, éducationnel, social et économique du Québec et que, partant, nous devons avoir chez nous la responsabilité décisionnelle quant au développement des communications sur notre territoire.

Cette position unanime du Parlement, de l'Assemblée nationale québécoise devrait être prise en considération par le gouvernement central au moment des prochaines discussions ou négociations qui auront lieu au mois de novembre, à l'occasion de la première conféren- ce fédérale-provinciale des communications. On ne pourra pas traiter, à ce moment-là, les prétentions québécoises comme étant celles d'un ministre passager ou d'un gouvernement passager.

Mais c'est en fait, comme l'a souligné le député de Chicoutimi, le résultat et l'aboutissement normal de positions politiques québécoises qui n'ont pas été changées et qui n'ont pas varié, essentiellement, depuis que l'on se sensibilise de plus en plus au monde des communications.

D'ailleurs — et je le souligne ici dans le même sens— les provinces canadiennes, qui, de plus en plus, s'intéressent au secteur des communications, pour des motifs qui peuvent varier des nôtres mais qui se rejoignent, en fin de course, dont l'Ontario en particulier, partagent de plus en plus les principales préoccupations québécoises même si, pour elles, le problème de l'impact culturel des communications ne se pose pas de la même façon.

Effectivement, toutes les provinces canadiennes reconnaissent, dans le gouvernement central, un gouvernement qui, par définition, sera toujours issu de leur majorité culturelle alors que, pour le Québec, ce gouvernement, par définition, sera toujours le gouvernement d'une autre majorité culturelle. Par conséquent, sur ce point, la sensibilisation ou les préoccupations des autres provinces canadiennes sont beaucoup moindres.

Indépendamment de cela, le gouvernement de l'Ontario, par son ministre des Communications, a déjà, à l'Assemblée nationale ou à la Législature ontarienne, dans un discours à l'occasion du discours sur le budget, énoncé ses positions principales. Il a dit, notamment, qu'il appuyait les politiques québécoises en matière de communication tout en ne partageant pas nécessairement les mêmes priorités.

Il y a donc cette unanimité politique, au Québec, sur un dénominateur commun que nous croyons, au sein du gouvernement, représenter, dans la politique québécoise des communications. Il y a aussi cet appui que nous donne la province la plus importante, parmi les anglophones, l'Ontario, à cette même politique de communication. Tous ces facteurs devraient faire en sorte qu'une véritable négociation s'engage avec le gouvernement central pour qu'on puisse, comme l'a indiqué le premier ministre, rapatrier les centres de décision en matière de communication, afin que les communications se développent d'une façon conforme à nos priorités sociales et culturelles.

Cette conférence fédérale-provinciale sera le véritable test de la volonté fédérale en matière de communication d'être sensible aux exigences, aux besoins et aux responsabilités des provinces, notamment du Québec. Nous verrons, à ce moment-là, si effectivement, la politique fédérale est de centraliser les pouvoirs de décision, quitte à laisser aux provinces un rôle consultatif élargi. Une telle position — je

l'ai déjà indiqué — ne nous serait pas acceptable, pas plus qu'elle ne serait acceptable, je pense, à aucun des partis de l'Assemblée nationale.

M. le Président, je remercie les membres de la commission, je remercie tous ceux qui ont participé au débat. Ce fut, quant à nous, au ministère des Communications, un débat extrêmement enrichissant et positif.

C'est, en fait, le sens que nous voulons donner à toutes les démarches qui nous amèneront à préciser la politique de communication et à procéder ultérieurement à l'élaboration de règlements plus précis sur tel ou tel aspect de la câblodistribution ou d'autres secteurs de communication.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Jacques Brunelle, représentant de la maison Brunelle et Lambert. Soyez assuré, M. Brunelle, que la commission prendra en considération vos recommandations. Est-ce que d'autres organismes seraient intéressés à se faire entendre? La séance est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 11 h 19)

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