Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des
communications
Etude des crédits du ministère des
Affaires culturelles
Séance du mardi 15 juin 1976 (Dix heures
cinquante minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'ordre, messieurs!
La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications est réunie aujourd'hui pour étudier les
crédits du ministère des Affaires culturelles.
Sont membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson), M.
Bérard (Saint-Maurice), M. Charron (Saint-Jacques), M. Choquette
(Outremont), M. Côté (Matane), M. Dufour (Vanier) remplace M.
Bonnier (Taschereau); M. Sylvain (Beauce-Nord) remplace M. Déom
(Laporte); M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Léger (Lafontaine), M.
Parent (Prévost), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Bellemare (Rosemont) remplace M. Tardif (Anjou); M.
Massicotte (Lotbinière) remplace M. Veilleux (Saint-Jean) et M. L'Allier
remplace M. Bienvenue (Crémazie) évidemment.
M. Houde (Limoilou): J'attire l'attention du Président. Je
remplace quelqu'un, parce qu'on m'a demandé.
Le Président (M. Pilote): M. Houde (Limoilou) remplace M.
Parent (Prévost).
Je crois que le ministre des Affaires culturelles a à faire un
tour d'horizon sur son ministère.
M. L'Allier: Pourrait-on commencer par l'Office
franco-québécois pour la jeunesse?
M. Charron: M. le Président, je n'ai aucune objection
à commencer par l'office. Je l'expliquerai au ministre en détail
plus tard ce matin, si nous pouvions nous en tenir à ses remarques
préliminaires et aux miennes par la suite, avant de nous engager dans
les programmes plutôt cet après-midi, cela me conviendrait
beaucoup. Je n'ai pas d'objection à ce que nous étudiions
l'Office franco-québécois immédiatement, si vous le voulez
aussi.
Le Président (M. Pilote): Comme rapporteur, est-ce que M.
Côté (Matane) sourirait aux membres de la commission?
Une Voix: Unanimement.
Le Président: (M. Pilote): Adopté. Le ministre des
Affaires culturelles.
Office franco-québécois pour la
jeunesse
M. L'Allier: M. le Président, au moment de l'étude
des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, le
programme 3 du secteur des relations intergouvernementales, l'Office
franco-québécois pour la jeunesse, avait été
réservé pour être étudié à ce
moment-ci. En d'autres mots, les crédits du ministère des
Affaires intergouvernementales ont été approuvés, sous
réserve de l'approbation de ce programme 3, l'Office
franco-québécois pour la jeunesse. Si vous êtes d'accord,
M. le Président, nous allons commencer par l'étude de ce
programme 3, pour libérer ce secteur des Affaires
intergouvernementales.
Vous notez que le budget consacré par le gouvernement du
Québec à l'Office franco-québécois pour la jeunesse
passe de $1 139 000 à $1 267 000, ceci, sur les recommandations du
conseil d'administration de l'office et aussi pour assurer la participation
paritaire des deux gouvernements français et québécois
à cet organisme. En d'autres mots, une des règles de l'office a
toujours été de tendre et de réaliser dans les faits la
parité des contributions des deux gouvernements à cet organisme,
parité qui s'est traduite également par la parité dans les
échanges qui sont faits, à quelque dizaines de personnes
près, en cinq ans, ou à peu près.
C'est ce qui justifie cette augmentation de crédits à
l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Il y a ici, avec moi,
M. Pierre Bernier, secrétaire général de l'office, qui
pourrait répondre d'une façon plus spécifique aux
questions qui pourraient être posées sur cet organisme.
M. Charron: M. le Président, l'année
dernière, le ministre nous avait informés que le Québec
avait décidé d'augmenter de 15% sa participation
financière à l'Office franco-québécois pour la
jeunesse, même si, de l'autre côté, le partenaire
français, pour toutes sortes de raisons, avait décidé de
s'abstenir d'une pareille augmentation.
Je tiens à le rappeler aux membres de la commission, on avait
bien précisé, du côté québécois, que,
si le Québec augmentait sa contribution sans parité du
côté français, cela pouvait servir uniquement à des
voyages de Québécois en France, surtout dans le cadre de nouveaux
programmes d'aide à la francisation des entreprises, entre autres,
nés des accords entre le premier ministre du Québec et celui de
la France.
On espérait que, dès l'année suivante,
c'est-à-dire cette année, la France pourrait rétablir la
parité qui a toujours caractérisé le financement et
l'activité de l'office. Qu'en est-il exactement, cette année?
Cette augmentation que vient de signaler le ministre des Affaires culturelles
aura-t-elle son correspondant français, ou si la France, à
nouveau cette année, s'abstient d'augmenter sa contribution à
l'Office franco-québécois pour la jeunesse?
M. L'Allier: De fait, le gouvernement français,
effectivement, a été un peu réticent, l'an passé,
à
suivre l'effort financier souhaité par le gouvernement du
Québec.
Au cours de l'automne 1975, le gouvernement français a
ajouté des crédits suite à toute une série de
prises de position au niveau du Sénat français. Il a
été même possible de lire dans les journaux que des
sénateurs français se sont inquiétés de
l'état dans lequel on risquait de laisser l'Office
franco-québécois pour la jeunesse si, au moins, on ne faisait pas
du côté français un effort suffisant pour permettre de
faire face aux augmentations des coûts dus strictement à
l'inflation et à toute autre variable du même ordre. On a tenu
d'ailleurs dans ce contexte, au sein du Sénat français, à
souligner toute la différence qu'il peut y avoir entre un organisme
comme l'Office franco-québécois pour la jeunesse et un autre
comme l'Office franco-allemand pour la jeunesse, qui, bien sûr, vise
d'autres types d'objectifs. L'histoire et l'origine de cet organisme sont,
quand même, très éloignées des objectifs qui
étaient poursuivis quand on a créé l'Office
franco-québécois pour la jeunesse.
Donc, suite à une prise de position du Sénat et suite
surtout au fait que le Sénat français, sur ses propres
crédits, a souhaité remettre au gouvernement, pour affectation
à l'OFQJ, une rallonge d'environ $125 000 donc, qui ont
été injectés au budget de l'Office
franco-québécois pour la jeunesse par le gouvernement sur
proposition du Sénat on peut maintenant considérer que
pour l'année 1976, tout au moins, il y a effectivement parité.
C'est en ce sens que nous avons été, du côté
québécois, amenés à proposer, devant cette
commission, dans le cadre du budget des Affaires intergouvernementales, une
subvention d'un montant de $1 267 000.
M. Charron: Je ne veux pas quitter le sujet, mais l'approfondir
par une autre question. Du côté français, s'est-on
montré, à l'ocrasion, insatisfait de la qualité des stages
que les jeunes Français faisaient au Québec pour que cela ait pu
conduire à mettre en veilleuse la participation officielle
gouvernementale française à l'office? Ainsi cela ferait
qu'aujourd'hui on pourrait espérer cette parité uniquement sur la
presssion de quelques influents sénateurs qui fournissent, à
partir des crédits mêmes du Sénat, une contribution qui,
autrement, devrait venir comme de notre côté du fonds
consolidé, c'est-à-dire des revenus généraux de la
société française.
M. L'Allier: Non, je ne le pense pas. Evidemment, je ne suis pas
au fait de ce que le gouvernement français ou des membres du
gouvernement français peuvent au fond d'eux-mêmes penser à
l'égard d'un organisme comme l'Office franco-québécois
pour la jeunesse.
Voici ce que je sais, et c'est une information qui provient du
ministère des Affaires étrangères, au niveau des
déclarations d'intention officielles, par exemple, dans le cadre de la
Commission permanente de coopération franco-québécoise,
dont l'OFQJ n'est pas partie, mais il doit, conformément à la
tradition, faire un rapport sur l'état de ses activités. A chaque
fois que les représentants des Affaires étrangères ont
été directement ou indirectement saisis de l'état un peu
difficile, au cours de 1975, au plan financier de l'office, ils ont tenu
à réaffirmer la volonté du gouvernement français,
évidemment, au moins, celle de leur ministère, de permettre
à l'OFQJ de fonctionner et de s'épanouir de façon tout
à fait efficace et souhaitable.
S'il y a eu une difficulté, et là évidemment c'est
sous toute réserve, surtout à la lumière des
résultats des discussions au sein du conseil d'administration et
l'office cela reste pour le secrétaire général de
l'office la ressource principale d'information, du moins officielle voici
où il faut chercher une explication à cette situation où
le gouvernement français a un peu marqué le pas l'an passé
il faut plutôt chercher la réponse dans une réorganisation
du Secrétariat d'Etat à la jeunesse et aux sports.
Pour toutes sortes de raisons qui relèvent des impératifs
et des priorités politiques internes à la France, on s'est
retrouvé, suite à l'adoption de la loi Mazeaud sur les sports et
sur la réorganisation de l'enseignement de l'éducation physique
en France, dans une situation où ce secrétariat d'Etat a dû
définir des priorités qui ont mis en veilleuse non seulement
certains organismes internationaux comme l'OFQJ et l'Office franco-allemand,
mais également tout son secteur des loisirs socioculturels, enfin de ce
qu'on pourrait appeler ici les loisirs socio-culturels. Le rythme
d'augmentation des crédits qui étaient mis à la
disposition de ces services a été inférieur à ce
qui a été mis à la disposition du secteur sportif et des
équipements qui en découlent.
Je pense qu'on ne se tromperait pas beaucoup en considérant que
d'une façon générale, l'explication la plus importante
découle beaucoup plus de cette problématique d'un organisme comme
l'office rattaché à un secrétaire d'Etat, lui-même
rattaché à un ministère, qui est celui de la
qualité de la vie, et à toute la problématique de
l'obtention de crédits pour le petit secrétariat d'Etat qui a
d'immenses priorités et d'immenses objectifs, plutôt qu'à
une analyse qui consisterait à dire que le gouvernement français
s'est désintéressé de l'Office
franco-québécois.
M. Charron: M. le Président, cette réponse est
satisfaisante, mais elle le serait encore plus si nous avions, en même
temps, l'assurance que la parité rétablie pour l'année
1976 comporte en soi un engagement à être poursuivi
également sur le même plan, c'est-à-dire que les deux
gouvernements injecteront au fur et à mesure des sommes
additionnelles.
M. L'Allier: Je peux répondre là-dessus. A la
dernière réunion du conseil d'administration de l'office, j'ai eu
de nombreuses conversations et à l'intérieur des séances
du conseil et à l'extérieur avec le ministre français qui
nous a fait part très franchement des difficultés auxquelles
faisait allusion M. Bernier, il y a un instant, difficultés de
réorganisation, d'aménagement budgétaire, situation de
l'Office franco-québécois par rapport à l'Office
franco-allemand, en nous indiquant la volonté très ferme
qu'il avait lui, véhiculant la volonté de son gouvernement,
semble-t-il, de maintenir cette parité et de maintenir l'office au seuil
de rentabilité de ces échanges qui se situent c'est
constant au niveau des conseils d'administration à environ 1400
ou 1500 stagiaires. Ainsi, cette année, les budgets qui sont
alloués par les deux gouvernements devraient permettre d'atteindre 1450
stagiaires qui est le seuil de rentabilité, la vitesse de
croisière. On pourrait aller à 2000 stagiaires, mais il faudrait,
de chaque côté, augmenter d'à peu près 20% les
budgets, en plus de l'augmentation annuelle qui se situe autour de 10% à
11% par année. Il faut noter que, dans cette augmentation
budgétaire consentie par les gouvernements, il y a aussi une
augmentation de la contribution financière des stagiaires de l'office,
qui, en 1973, a été de 8%, en 1974, de 5%, en 1975, de 20% et, en
1976, de 17%. C'est-à-dire qu'un stagiaire doit fournir en moyenne $275
pour un stage en 1976, alors qu'en 1973 il fournissait $185. Du
côté des augmentations par les gouvernements, la moyenne serait
autour de 11,5% ou 12%.
M. Charron: Est-ce que la durée est toujours la
même? C'est trois semaines.
M. L'Allier: Oui.
M. Charron: Un mois au maximum.
M. L'Allier: C'est trois semaines. Il y a quelques stages
d'exception qui ont une durée de deux semaines à cause de la
nature des stagiaires, soit des travailleurs, soit des agriculteurs, qui ne
peuvent pas se libérer pour trois semaines consécutives.
M. Charron: Si je prends à témoin le rapport
annuel, en 1974, il y a eu 1600 stages. Cela a été un sommet, je
pense, de l'Office franco-québécois. On en annonce 1450 pour
1976. C'est une diminution relative. Est-elle imposée par le budget?
M. L'Allier: Elle est, bien sûr, imposée en partie
par le budget, mais c'est sur la notion de diminution versus 1974 qu'il est
peut-être intéressant d'apporter une information.
Du côté québécois, 1974 est une année
où on a eu 1630 stagiaires, alors que, du côté
français, ils n'ont pu avoir que 1300 stagiaires, pour un total de 2900
stagiaires. Si on fait le total des stagiaires de cette année, 1450 de
part et d'autre, on arrive à 2900 également. En 1974, on se
souviendra peut-être de la raison pour laquelle la partie
québécoise a réussi à dépasser ses objectifs
et ses prévisions.
Cela découle directement du fait que, pendant une période
de presque un mois et demi, sinon deux mois, on n'a pas pu réaliser de
stages de Français au Québec suite au fait que le personnel de la
section du Québec, étant rendu à une étape
décisive de négociation, avait souhaité quitter le travail
pour accentuer et promouvoir les objectifs qu'il poursuivait. Par le fait
même, on s'est retrouvé dans une situation où, à
l'automne, comme on avait dû annuler des groupes de Français qui
ne pouvaient être rajustés, la partie québécoise a,
par entente entre les secrétaires généraux, accru son
nombre, de façon à éponger complètement les budgets
et à éviter qu'on enregistre des surplus absolument non
fondés.
M. Charron: Sur un autre sujet qui touche la clientèle de
l'Office franco-québécois, M. le Président, de 1971
cela fait déjà quelques années que je fais ces
crédits à 1974, nous avons vu successivement une baisse du
pourcentage du nombre d'étudiants qui font partie des stages de l'Office
franco-québécois. Cette politique, si j'ai bien compris le
ministre qui l'a expliquée, est vue d'une façon assez favorable
par le Québec puisque, effectivement, elle permet de faire voyager
d'autre monde que les étudiants, mais elle est vue, dit-on, beaucoup
moins favorablement du côté français. Un accord serait
intervenu on m'en informe à l'instant pour fixer à
un minimum de 25% la clientèle de stagiaires qui serait de classe
étudiante. Est-ce exact? Quelle est la nature exacte de l'entente?
Porte-t-elle sur plusieurs années? Est-elle venue à la demande
des Français?
M. L'Allier: L'entente que vous évoquez et qui,
finalement, découle plus d'un consensus que d'une négociation ou
que du résultat d'une longue négociation entre les deux parties,
découle d'une volonté du conseil d'administration de s'assurer
que les principes d'accessibilité générale qui ont
toujours été propres à l'OFQJ puissent, lorsqu'on les
applique au monde étudiant, se concrétiser par un pourcentage qui
permette tout autant de continuer d'affirmer et cela autant du
côté français que du côté
québécois que la priorité, à l'OFQJ,
contrairement à d'autres organismes semblables qu'on retrouve
évidemment beaucoup plus en France et en Europe qu'ici au Québec,
que cet objectif de priorité, dis-je, est maintenu. Par ailleurs, il
était quand même souhaitable d'en arriver là, pour
éviter, si vous voulez, de se retrouver dans une situation où le
monde étudiant se serait trouvé complètement exclu parce
que il faut quand même le noter même si, au
départ, cela a été assez difficile de
pénétrer le milieu des jeunes travailleurs, il n'en demeure pas
moins qu'actuellement, si on ne faisait que refléter la demande qui
prévoient du milieu des travailleurs, je pense que cela pourrait aller,
en termes de pourcentage, plus loin que 75% de l'effectif total. Le milieu des
jeunes travailleurs, dans tous les secteurs d'activité, dans les
différents milieux, les différents sous-secteurs' je pense qu'on
a réussi à s'en faire une idée et à identifier
comme il le faut les mécanismes qui permettraient de soumettre des
projets à l'office et, par le fait même, aussi, tout
l'intérêt...
Cela, on peut le noter également par le fait que, par exemple,
l'appui des employeurs, comme c'est évoqué dans ce rapport, s'est
accru de 10% en trois ans pour faciliter la réalisation des stages. Nous
comptabilisons actuellement sur 1975. On se rend compte qu'en 1975, de fait,
c'est presque 35% des employeurs qui ont appuyé, financièrement
ou en facilitant la prise de congé avec demi-solde, la participation de
stagiaires jeunes travailleurs à des stages de l'OFQJ.
Pour revenir à votre question du début, je pense que le
consensus qui s'est développé a été tout simplement
d'essayer de bien situer les différents blocs et d'arriver à
déterminer qu'effectivement le monde étudiant et surtout le monde
du CEGEP, pour la moitié, mais le CEGEP professionnel et le monde
étudiant universitaire pouvait représenter ou devait normalement
représenter environ 20% ou 25%, comme les travailleurs peu
spécialisés, c'est-à-dire ceux ayant le secondaire et
moins doivent représenter environ 25% à 27%' les techniciens 30%
à 32%. C'est dans ces proportions, finalement, que depuis 1970 et 1971,
on évolue tout doucement.
Mais il n'en demeure pas moins que si, du côté
québécois, on a pu assez rapidement pénétrer, du
moins dans certains secteurs, le milieu des jeunes travailleurs, la
difficulté a été beaucoup plus grande du côté
français parce qu'on avait d'autres habitudes de voyage, et ce sont
surtout les étudiants qui avaient développé des
réactions et des mécanismes pour pouvoir se payer, par exemple,
un voyage annuel, à la fin d'une session ou à la fin d'un cours,
carrément.
M. Charron: Du côté français, lorsque nous
les recevons ici au Québec, pouvez-vous, par une statistique ou par un
pourcentage approximatif, nous indiquer le nombre de stages de jeunes
Français qui s'éloignent de Québec ou de Montréal
en particulier? C'est-à-dire à qui d'autres régions du
Québec sont ouvertes?
M. L'Allier: Je dirais que, dans 80% ou 85% des cas, tous les
groupes passent par Montréal, passent par Québec et
découvrent ou se rendent dans une autre région pour
étudier le thème qui fait l'objet de leur stage; c'est dans une
proportion aussi élevée que cela. Les seuls groupes qui restent
dans la région de Montréal ou dans la région de
Québec,*ce sont des groupes qui, de par leur thème, cherchent ou
souhaitent ou une intégration en milieu professionnel ou en milieu
industriel, ou encore que leur thème nécessite absolument une
présence dans la région de Montréal ou dans la
région de Québec, étant donné qu'il y a absence, je
ne sais pas, d'industries de pointe dans certains cas, dans certaines
régions. C'est vraiment impossible...
M. Charron: ... à Montréal maintenant.
M. L'Allier: A Montréal, durant la période de
l'été, la majorité des stagiaires logent à
l'Université de Montréal dans une des résidences de
l'université, une résidence d'étudiants. Au printemps et
à l'automne, ils sont logés à l'hôtel De La Salle,
pour la plupart, qui est situé rue Drummond. Et là, on retrouve
évidemment toute une série d'appréciations de la part des
stagiaires, si vous me permettez ce commentaire, compte tenu des objectifs
poursuivis par ces stagiaires, de leurs préoccupations en termes
d'activités de loisirs. Dans un cas, c'est l'Université de
Montréal pour ceux qui souhaitent la verdure, l'aération et la
détente en fin de journée de stage, en fin de journée de
travail; ils s'y plaisent énormément. Par ailleurs, ceux qui
souhaitent une vie plus active trouvent que la distance est un peu longue. Il
n'en demeure pas moins que grosso modo, compte tenu des types de
clientèle que nous avons, et durant l'été et au printemps
et à l'automne, les deux situations géographiques font en sorte
que globalement parlant on peut penser qu'il y a eu une appréciation
assez importante, du moins en 1975 et en 1974, à ce point de vue.
D'ailleurs, les statistiques publiées dans le rapport annuel de 1974
l'indiquent.
M. Charron: J'ai une dernière question, M. le
Président qui s'adresse au ministre des Affaires culturelles. C'est lui
qui, en février 1975, je pense, avait exprimé le voeu que
l'office puisse patronner des échanges avec d'autres pays que la France.
Je pense que ce thème a été repris par le
secrétaire québécois de l'office. Où en est-on dans
ce voeu? Est-ce que des démarches concrètes ont été
entreprises auprès d'autres gouvernements pour faire réaliser ces
échanges ou si le ministre répétera ce voeu, ce matin?
M. L'Allier: Ce que j'avais indiqué, à ce moment,
M. le Président, était ceci. Ce n'était pas
nécessairement l'office; d'ailleurs, si on l'a compris comme cela, ce
n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas que l'Office
franco-québécois pour la jeunesse comme tel assume lui-même
l'organisation de l'échange avec d'autres pays, puisque ce serait
pratiquement contre sa structure même, son organisation même.
L'office étant une organisme paritaire créé par deux
gouvernements et sans la participation d'aucune autre source gouvernementale
canadienne ou étrangère, il doit se limiter aux échanges
avec la France. Ceci dit, ce que j'ai voulu dire à ce moment, c'est que
l'expérience des échanges de l'office, la qualité de la
prestation de travail ou intellectuelle fournie aux stagiaires devraient amener
le gouvernement du Québec et en particulier le ministère des
Affaires intergouvernementales à songer sérieusement à
étendre cette formule à d'autres lieux d'accueil, mais pas
nécessairement par l'office. En d'autres mots, si la formule qui est
développée par l'office de permettre à des jeunes de deux
milieux différents, de deux pays différents de se rencontrer ou
d'aller dans le pays de l'un et de l'autre et d'échanger sur leurs
secteurs professionnels, sur leurs activités de loisirs, sur tout ce qui
les intéresse, si cette formule en elle-même est valable, pourquoi
ne pas s'en inspirer pour favoriser les échanges, par exemple, avec les
Etats-Unis, par exemple, avec d'autres pays francophones? Comme membre du
gouvernement, cela demeure une de de mes préoccupations et ce n'est pas,
cependant, la responsabilité de l'Office franco-québécois
de le faire. J'avais indiqué toutefois que l'Office
franco-québécois, compte tenu de son expertise technique,
pourrait très bien, du moins dans sa partie québécoise,
favoriser des expériences conduites par le ministère des Affaires
intergouvernementales dans ce domaine.
Pour ma part, c'en est resté là. Je ne connais pas
l'état de ce dossier au ministère des Affaires
intergouvernementales. Je ne pense pas que l'on ait fait appel jusqu'ici
à l'office pour piloter des opérations expérimentales avec
d'autres pays, mais si l'office le faisait, ce serait uniquement comme
structure technique et dans sa partie québécoise, pour
éviter qu'on recrée à côté un organisme dont
on ne sait pas exactement où il s'en irait.
M. Charron: Si je soulevais cette question, ce n'est pas
uniquement parce que le ministre l'avait déjà soulevée
publiquement, en s'adressant à l'Association des étudiants en
sciences économiques, je pense, mais aussi parce que j'ai eu
l'occasion je vois le député de Fabre qui faisait partie du
groupe l'année dernière, de faire partie d'une
délégation parlementaire qui s'est rendue, entre autres, en
Belgique. Avec des parlementaires belges, qui nous avaient fort bien
reçus, on avait, dans la conversation, évoqué cette
possibilité d'un office belgo-québécois pour la jeunesse
qui pourrait prendre la forme de l'Office franco-québécois ou une
autre.
Le moins que je puisse dire le député de Fabre peut
peut-être en témoigner c'est qu'on était très
réceptif à l'idée.
M. Houde (Fabre): D'ailleurs, c'est la même chose pour
l'Italie. Les gens connaissent de plus en plus les avantages de l'Office
franco-québécois. Effectivement, en Belgique, à l'occasion
d'une réunion avec les parlementaires, cela nous a été
carrément demandé. Nous en avions fait un rapport à qui de
droit à notre retour et, moi aussi, cela m'intéresserait de
savoir s'il y a eu des suites ou si quelqu'un prend le leadership dans ce
sens-là. Peu importent les modalités.
Je pense qu'actuellement il y a un besoin et une demande de la part
d'autres pays pour des expériences semblables.
M. L'Allier: Personnellement, je crois qu'on devrait le faire.
Encore une fois, tout ce qu'on peut faire, c'est mettre la structure d'accueil,
la mécanique de l'office du côté québécois
à la disposition de ceux qui voudraient, aux Affaires
intergouvernementales, faire de telles expériences. Si j'avais une
indication à donner, je leur suggérerais de procéder ainsi
plutôt que de vouloir mettre sur pied une structure parallèle
à roder. Parce qu'une structure comme celle de l'office, qui a l'air
toute simple et qui fonctionne bien, est quand même une structure
à la fois complexe et fragile, même si elle est petite.
A partir de là, si le Québec voulait effectivement
échanger avec la Belgique ou avec d'autres pays, ce serait relativement
facile d'organiser les services d'accueil de l'Office
franco-québécois et de travailler un peu comme des
sous-contractants auprès des Affaires intergouvernementales, comme on
l'a fait à l'occasion, pour des voyages organisés de la Louisiane
vers le Québec et des choses comme celle-là. Je pense que
là-dessus, il y a un consensus.
M. Charron: Combien y a-t-il d'employés maintenant
à l'Office franco-québécois, permanents et occasionnels
ensemble?
M. L'Allier: D'employés permanents, il y en a 22, si on
exclut les trois cadres, et d'occasionnels, il y en a entre 25 et 30. Ce sont
les accompagnateurs de groupes, ce sont les animateurs que nous utilisons dans
les séances de préparations des stagiaires avant leur
séjour.
M. Charron: Je n'ai plus d'autre question, sauf que souhaiter
bonne chance aux activités de l'office.
M. Houde (Fabre): Juste une question. Je voudrais savoir quel est
le rôle de l'office dans le cadre des Jeux olympiques qui s'en
viennent.
M. L'Allier: A l'occasion des Jeux olympiques, la section du
Québec, l'office dans son ensemble, a souhaité il ne s'est
pas saisi de la question à la toute veille depuis deux ans,
encourager et soutenir un projet collectif franco-québécois
composé, en fait, d'une quinzaine de professeurs d'éducation
physique membres de l'APAPQ et d'autant de Français membres d'une
association analogue en France qui se sont préparés pendant deux
ans à venir observer pendant la tenue des Olympiques, et
évidemment, par la suite, à venir chercher de la matière
qui permettra à ces professeurs d'étudier toute une série
de mouvements, bien sûr, mais aussi dans le but surtout de permettre
à ces professeurs de développer et de définir des
pédagogies d'apprentissage de techniques liées à
l'athlétisme ou à n'importe quelle des autres disciplines
olympiques.
Par ailleurs, durant la tenue des Jeux olympiques comme tels, l'office
réalisera deux stages: un premier composé de jeunes qui, dans
tous les coins de la France, ont eu au cours de la dernière année
des performances remarquables au plan, bien sûr, des activités ou
des disciplines qu'on retrouve au sein des Jeux olympiques et qui viendront
observer les compétitions ici, au Québec.
Il y a un autre stage qui, lui, est composé d'instructeurs et de
personnes qui enseignent les différentes disciplines sportives qu'on
retrouve aux jeux mais qui, eux, sont regroupés au sein du
Secrétariat d'Etat. Il s'agit donc de personnes de cadre au niveau des
différentes régions françaises. Alors ce sont les trois
stages que nous réalisons sur l'opération des Jeux olympiques
comme tels.
Le Président (M. Pilote): Alors le programme 3, Office
franco-québécois pour la jeunesse, aux Affaires
intergouvernementales, est adopté ainsi que les
éléments?
M. Charron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): Alors nous revenons aux Affaires
culturelles. Si le ministre veut faire son tour d'horizon.
Remarques générales du ministre
M. L'Allier: M. le Président, tel que nous en
avons convenu il y a un instant, on pourrait prendre la séance de
ce matin pour échanger des vues, d'une façon
générale, sur les Affaires culturelles, quitte à aborder,
cet après-midi, l'étude programme par programme, et
activité par activité. J'ai demandé qu'on vous distribue
ce matin, un document d'une quinzaine de pages, de 15 à 20 pages, 26
pages, en fait, qui est la présentation générale des
prévisions budgétaires 1976/77 du ministère des Affaires
culturelles. C'est le document que j'ai devant moi et que je pourrais vous lire
en détail. Je préfère vous le donner pour que vous
puissiez vous-même le consulter et poser vos questions à partir de
là.
Je voudrais tout simplement au départ, M. le Président,
rappeler que le cycle budgétaire de tous les ministères, y
compris du ministère des Affaires culturelles, est un cycle qui se situe
sur une année. En d'autres mots, la préparation des
prévisions budgétaires que nous étudions maintenant a
commencé l'été dernier, comme nous amorçons
actuellement la préparation du budget de l'an prochain. Ainsi donc ce
qui est proposé pour adoption aux membres de cette commission et
à l'Assemblée nationale correspond, si je peux employer
l'expression, à l'évolution traditionnelle du ministère
des Affaires culturelles.
Il nous faudra, au fur et à mesure de l'implantation des
orientations prévues au livre vert, modifier, en cours d'année,
des allocations budgétaires. Mais pour l'essentiel, les priorités
qui sont traduites ici se situent dans le prolongement normal du
ministère, sauf à quelques endroits où vous voyez les
priorités qui sont davantage affirmées, notamment quant
à.la sauvegarde du patrimoine, quant aux livres et aux autres
imprimés, au développement des bibliothèques
publiques.
C'est donc un exercice double que nous devons faire au moment de
l'étude de ces crédits. Je n'ai pas l'intention, pour ma part, de
passer tellement de temps à fouiller le passé ou à porter
des jugements ou des critiques ou des commentaires dans un sens ou dans l'autre
sur ce qui a pu se faire. Je pense que l'activité du ministère
des Affaires culturelles se situe essentiellement dans un processus
d'évolution complexe et difficile mais dans un processus
d'évolution.
La préparation du livre vert, qui a commencé, elle aussi,
au mois d'octobre dernier et qui s'est traduite par le dépôt
à l'Assemblée nationale, le 26 ou 27 mai dernier, du livre vert,
propose et à cette commission et à l'Assemblée nationale
un plan d'action pour l'intervention de l'Etat en matière
culturelle.
Il s'agit d'un document de synthèse qui permet à ceux qui
suivent ce dossier et qui s'y intéressent, à ceux qui
s'intéressent à la vie culturelle au Québec, de situer les
propositions que nous faisons aujourd'hui et, aussi, de porter des jugements.
C'est un document de consultation également, parce que ce qui s'y
retrouve constitue essentiellement une proposition politique dont il faudra
débattre chacun des aspects et chacun des éléments au fur
et à mesure de la création soit des organismes qui sont
proposés dans le livre vert, soit de l'allocation des crédits qui
correspondront à la création de ces organismes.
C'est ainsi que, dans le budget de cette année, qui vous est
proposé pour étude actuellement, vous ne retrouvez pas comme tel
de budget pour la création du Conseil de la culture, pour la
création de la Régie du patrimoine, pour la création des
différentes commissions. Il a été convenu, tant au niveau
du Conseil du trésor que du Conseil des ministres, qu'au fur et à
mesure de la présentation devant l'Assemblée nationale des lois
permettant la création de ces organismes, les fonds nécessaires
à leur création et à leur mise en place soient
également votés au même moment. En d'autres mots, ces fonds
viendront s'ajouter à ceux qui sont actuellement prévus au budget
et qui permettent, eux, la continuation de ce que j'appellerais les
activités courantes du ministère.
Il est évident, également, que si nous procédons,
au cours de l'exercice budgétaire actuel, à la création
des organismes proposés, le budget total des Affaires culturelles en fin
d'exercice 1976/77 devrait être considérablement augmenté
par rapport à ce qu'il est maintenant.
Considérablement quand on parle des Affaires culturelles, c'est
toujours une question de quelques millions; ce n'est pas une question de
dizaines ou de centaines de millions, par rapport à d'autres
ministères. Cela veut dire essentiellement que le Conseil de la culture
se verra doter, dans sa législation, des ressources puisées au
fonds consolidé et, à ce moment-là, on pourra discuter de
l'exiguïté ou de la justesse de ses ressources, de même que
pour la Régie du patrimoine.
Pour le reste, l'action du ministère des Affaires culturelles,
dès maintenant, d'ailleurs, depuis quelque temps, est essentiellement
axée sur la réorganisation proposée par le livre vert et
sur l'aménagement nouveau des responsabilités. Si j'avais
à faire un discours de quelques heures, je prendrais le livre vert pour
vous en donner un résumé. Vous l'avez déjà devant
vous; je n'ai pas l'intention, ici, de le reprendre en détail, sauf
peut-être pour souligner la volonté que nous avons de
départager, d'une façon la plus définitive possible, mais,
en même temps, en ayant à l'esprit un souci d'efficacité en
termes de services, les responsabilités de gestion et d'administration
des ressources culturelles et, d'autre part, les responsabilités
politiques qui sont celles du gouvernement et de l'Assemblée
nationale.
C'est la ligne de force, je pense, de la création de ces
institutions de soustraire aux soubresauts des changements politiques la
gestion des ressources aux fins de la vie culturelle au Québec. Ainsi,
un Conseil de la culture, tel qu'il est proposé, majoritairement
composé de présidents régionaux, fait donc une place
importante à la régionalisation, mais permet à un
organisme, qui n'est contrôlé ni par le ministre, ni par le
ministère des Affaires culturelles, qui est en liaison directe avec les
différents milieux de la création, d'administrer et de
gérer des ressources dans le cadre de politiques qui, elles, sont et
doivent être établies
par le gouvernement et par des lois de l'Assemblée nationale.
La Régie du patrimoine, qui, actuellement, n'existe pas, sera un
tribunal quasi judiciaire qui sera le seul habilité à
décider du classement et de la reconnaissance des biens à
l'intérieur des lois et règlements qui seront
édictés. Cela permet essentiellement au citoyen, à partir
de critères et de normes, à partir de règles connues et
ouvertes, d'intervenir au moment où les décisions se prennent en
cette matière, alors qu'actuellement, dans ce domaine comme dans les
autres, la responsabilité décisionnelle en matière
d'allocation de ressources culturelles est remise presque exclusivement entre
les mains du ministre des Affaires culturelles, sans qu'il y ait
possibilité ou d'auditions publiques ou, pour les parties, de se faire
entendre. C'est là aussi la ligne de force de la création de cet
organisme. Ainsi, la Commission des biens culturels actuelle, qui est
consultative, donnera naissance ou sera transformée radicalement pour
donner naissance à cette Régie du patrimoine.
La création du ministère du Tourisme, des Loisirs et des
Parcs entraîne la disparition comme telle du secteur des activités
socio-culturelles qui sont actuellement au ministère des Affaires
culturelles. C'est ce nouveau ministère, responsable de l'ensemble des
politiques de loisirs au sein du gouvernement, qui verra à administrer
la politique des loisirs socio-culturels, au même titre qu'il administre
la politique des loisirs sportifs ou la politique de plein air. Il nous
apparaît logique, au moment où le gouvernement décide de
créer un tel ministère, de ne pas rechigner et de ne pas
être impérialiste en voulant garder chez nous tout ce qui touche
aux loisirs socio-culturels. C'était normal que le ministère s'en
préoccupe, précisément parce qu'il n'y avait pas, comme
tel, de lieu de regroupement. Dans la mesure où un ministère des
loisirs est créé, il appartiendra dorénavant à ce
ministère de s'occuper des loisirs socio-culturels. Il appartiendra, par
ailleurs, au ministère des Affaires culturelles de s'assurer, par
coordination intergouvernementale notamment, que les contraintes qui sont
inhérentes au développement de la vie culturelle au Québec
soient respectées, au moment où les ressources culturelles sont
utilisées ou sont proposées à l'utilisation des citoyens
à des fins de loisirs.
Ce rôle d'intervention du ministère des Affaires
culturelles se traduit, bien sûr, dans le secteur des loisirs, mais il
devrait également se traduire dans les autres secteurs
d'activités gouvernementales. C'est ainsi un des choix importants qui
est fait par le livre vert et qui est proposé au gouvernement que de
faire en sorte que le ministère des Affaires culturelles, qui a toujours
été, par la force des choses, marginal et les budgets qui
y ont été consacrés par les gouvernements successifs
depuis 1961 l'indiquent bien que ce ministère, qui s'était
avec le temps introverti, assume le risque et la responsabilité
d'être un ministère d'intervention auprès de tous les
ministères du gouvernement pour que chacun de ces autres
ministères ne se sente pas libéré de sa
responsabilité de respecter un certain nombre de contraintes, encore une
fois, qui sont nécessaires au développement culturel. C'est ainsi
que, dans ce contexte, toute la question des industries culturelles doit
être une responsabilité sur le plan de l'industrie culturelle, du
ministère de l'Industrie et du Commerce et des organismes qui en
dépendent.
Le ministère des Affaires culturelles, quant à lui,
étant responsable de l'aspect culturel de ces industries, les deux
aspects étant indissociables, on pourrait convenir que le
ministère de l'Industrie et du Commerce s'occupe des deux aspects, comme
on pourrait convenir que le ministère des Affaires culturelles s'occupe
également de la partie industrie de certaines formes d'expression
culturelle.
Le choix que nous faisons c'est d'en arriver à faire en sorte que
le ministère de l'Industrie et du Commerce reconnaisse sa
responsabilité dans le respect des contraintes culturelles et fasse aux
industries culturelles une place parmi les groupes d'industries qu'il entend
aider, en d'autres mots, le disque, le livre et d'autres formes d'expression
culturelle qui s'appuient pour se développer sur la mécanique
industrielle d'offres et de demandes, les mécanismes de marché.
Donc, que le ministère de l'Industrie et du Commerce tienne compte des
contraintes particulières imposées par le fait qu'il s'agit
d'industries appliquées au secteur culturel.
On pourra faire le tour de plusieurs ministères de cette
façon. En fait, ce que nous souhaitons, c'est d'assumer, nous, au
ministère, la responsabilité de l'orientation des politiques
culturelles et aussi la responsabilité de faire en sorte que l'Etat,
dans l'ensemble de ses manifestations et de ses actions, respecte avec le temps
les contraintes qui sont inhérentes à la culture
québécoise.
Une autre des caractéristiques du livre vert c'est, bien
sûr, de faire une place importante au développement culturel
régional. Non pas qu'il s'agisse pour le ministère lui-même
d'assumer la culture régionale. Il ne s'agit pas pour le
ministère d'aller en région et d'organiser la culture dans les
régions, ce qui, mon avis, serait une espèce de mise en tutelle
permanente de la volonté des citoyens de s'organiser dans les
régions. Nous proposons, au contraire, la création de conseils
régionaux de la culture, qui seront consultatifs au Conseil de la
culture, leur président étant d'office membre du Conseil de la
culture, mais qui auraient et c'est, je pense, aussi une discussion qui
aura sa place au moment de la discussion de la Loi créant le Conseil de
la culture et les conseils régionaux un rôle de
décision sur une partie, un pourcentage du budget global du Conseil de
la culture, étant entendu que les conseils régionaux, pour une
partie de ce budget global, seraient les dernières instances
décisionnelles quant à l'établissement de priorités
régionales et quant à l'allocation de ressources au sein de ces
régions.
En d'autres mots, le Conseil de la culture, dans son ensemble, devra
s'occuper de la gestion et de l'administration des ressources aux fins du
développement culturel sur l'ensemble du territoire, mais il ne pourrait
pas, avec des normes communes, avec des priorités communes à
toutes les régions, faire face aux demandes et besoins
des régions en ces matières. Nous reconnaissons que chaque
région peut avoir des priorités spécifiques et
différentes d'une autre région. Je pense que la meilleure
façon de reconnaître cette réalité, c'est d'accorder
à chacune des régions le pouvoir de dépenser des sommes
qui pourront varier de 8% à 15% du budget total du Conseil de la
culture, des sommes, donc, à des fins proprement régionales. Si,
dans la Beauce, on veut s'intéresser plus particulièrement aux
archives, au patrimoine et moins au théâtre, libre aux gens de
cette région de consacrer ce budget régional à des
activités qui leur sont plus spécifiques.
Il en va ainsi pour chacune des régions. Je n'ai pas ici à
faire un long exposé sur la diversité des régions
québécoise, mais je pense que tous nous sommes convaincus que la
vie culturelle au Québec passe largement, non seulement par la
protection, mais par le développement de la vie culturelle en
région.
Lorsque je parle de régions, j'inclus aux fins de la discussion
sur les programmes culturels des villes comme Montréal et Québec,
en ce sens qu'on a peut-être toujours considéré que
Montréal et Québec étaient sur le plan culturel bien
nanties et que les grandes dépenses s'y faisaient beaucoup plus
qu'ailleurs.
A certains points de vue c'est exact, c'est-à-dire que les grands
équipements sont situés dans ces villes. Mais de là
à conclure que les citoyens de Montréal ou de Québec, par
quartier ou par région urbaine, ont un meilleur accès aux
ressources publiques aux fins de leur propre expression culturelle de quartier
régional, il y a un pas que je ne peux, pour ma part, franchir. En
d'autres mots, je pense que c'est se raconter des histoires que de s'imaginer
que les citoyens des quartiers urbains, ont, par rapport aux sources
d'expression culturelle, un meilleur accès que les citoyens des
régions en dehors de Québec et de Montréal. Ils ont, bien
sûr, un accès plus facile à la consommation culturelle,
qu'il s'agisse de théâtre, de musique, de cinéma,
d'imprimés, de librairies, etc.
Là n'est pas vraiment la question. Avoir accès à la
consommation culturelle est une chose, avoir accès aux moyens qui
permettent l'expression, la création et la diffusion à partir de
besoins régionaux, c'est une autre chose. C'est cette autre chose, quant
à nous, en termes de priorités, qui nous intéresse. Si on
prenait les moyens pour que les Québécois ne soient en
définitive que des consommateurs de culture, nous en arriverions assez
vite à être obligés de conclure que nous acceptons que
cette consommation culturelle soit d'abord la consommation de l'expression
culturelle des autres, et non pas de notre propre culture.
Entre d'une part créer à partir du Québec un ghetto
qui nous enfermerait dans ce qu'il est convenu d'appeler la culture
québécoise en disant qu'il n'y a que cela qu'il faut favoriser
et, d'autre part, être permissif au point de ne considérer que le
critère de la plus haute qualité dans la prestation culturelle,
il y a un équilibre à maintenir. Cet équilibre veut que,
dans bien des domaines, les Québécois devront accepter que les
ressources nouvelles soient consacrées à l'accès à
la création. Je fais allusion en particulier à des
problèmes comme ceux de l'Orchestre symphonique de Montréal qui
se posent d'une façon aiguë, au problème du droit d'auteur,
au problème du droit au travail des comédiens ou des
interprètes en matière musicale ou en matière d'art
lyrique, etc.
Nous avons comme ministère, comme gouvernement, comme
Assemblée nationale aussi, une double responsabilité, celle de
nous assurer que les frontières québécoises ne sont pas
étan-ches au point de nous empêcher de participer à la
culture des autres dans ce qu'elle a de valable, dans ce qu'elle a de
souhaité par les citoyens du Québec, mais surtout de nous assurer
qu'au fur et à mesure de leur besoin et de leur envie de le faire les
citoyens du Québec puissent voir protéger leurs droits à
la création, à l'interprétation culturelle. C'est
essentiellement ce que sous-tend le livre vert et c'est à partir de quoi
nous allons travailler au cours de cette année. Voilà ce que
j'avais à vous dire très sommairement, M. le Président.
Pour le reste, tout est dans le livre vert en ce qui nous concerne et je n'ai
rien à ajouter à ce moment là-dessus. Je vous ai
indiqué que c'était un document de consultation. Au fur et
à mesure des réactions que provoquera le livre vert, nous allons,
dans toute la mesure du possible, tenter d'en tenir compte dans la mesure
où ces réactions nous seront connues et faire en sorte que
construire, avec le temps, une politique culturelle qui soit conforme au droit
à la création des Québécois et au droit à la
diffusion de la culture québécoise ici.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Saint-Jacques.
Commentaires de l'Opposition
M. Charron: M. le Président, vous me permettrez d'abord de
saluer le nouveau ministre qui s'est bien acquitté de sa tâche
depuis qu'il l'occupe; le nouveau sous-ministre également, cruellement
arraché à Radio-Québec au mois d'août dernier, et
les hauts fonctionnaires qu'il nous fait plaisir de retrouver à chaque
année à la table de la commission des affaires culturelles.
Effectivement, M. le Président, l'introduction de cette
année à l'étude des crédits du ministère des
Affaires culturelles est à la fois facilitée et compliquée
par rapport aux précédentes séances de cette commission,
puisque c'est la septième année que je fais les crédits du
ministère des Affaires culturelles. Facilitée dans le sens que,
là où par mille questions au prédécesseur du
ministre actuel, il nous fallait aller littéralement arracher les
intentions du gouvernement et une analyse un tant soit peu critique de la
situation des ressources culturelles au Québec, cette année, nous
disposons effectivement depuis presque un mois du document appelé le
livre vert, celui qui porte comme titre "Pour l'évolution de la
politique culturelle ", un document de travail qui, dans son ensemble, n'a pas
évité les sujets difficiles, a accepté plusieurs critiques
auparavant rejetées du revers de la main par des ministres que je dirais
plus pré-
tentieux et accepté d'envisager, en même temps, un
début de solution. Cette étude est compliquée, par contre,
M. le Président, parce que ce document s'est voulu une oeuvre de
référence, ce qui pourrait nous entraîner dans une
discussion sur le seul concept de culture, qui va revenir sans doute dans nos
discussions pas moins d'un millier de fois avant que vous ne terminiez les
travaux de cette commission et qui, dès le début de ce document
de travail, est déposé avec beaucoup de recherche et beaucoup de
discussion en vue.
Effectivement, M. le Président, cette étude est
compliquée aussi par le fait que le livre s'est voulu une couverture
générale de tout ce que le ministère des Affaires
culturelles peut être appelé à toucher, déjà
ou dans ses prévisions, ce qui fait qu'à certains endroits
vous me direz que c'est le revers de la médaille inévitable
on est effectivement extrêmement général quant aux
intentions. Il nous faudra sans doute aller beaucoup plus loin, d'autant plus
que le livre vert vient lui-même apporter d'autres lumières sur
les différents sujets que nous allons aborder dans les différents
programmes que vous allez appeler.
Il reste, M. le Président il faut le dire puisque l'oeuvre
a aussi été fort bien accueillie dans les différents
milieux qui l'ont commentée qu'il s'agit d'une oeuvre à
saluer parce qu'elle n'a pas évité les sujets difficiles. C'est,
je crois, le document le plus important publié sous le régime
Bourassa, celui qui n'essaie pas d'amoindrir mais qui essaie plutôt
d'ouvrir et d'améliorer.
Je me permettrai quand même d'y apporter un commentaire
général quant à la portée réelle d'un pareil
document, maintenant qu'il nous est remis entre les mains et qu'effectivement,
il présidera à nos discussions.
J'ai lu le livre de la couverture à la dernière page et
ayant lu beaucoup de livres verts, jaunes, blancs ou de toutes les couleurs de
ce gouvernement, vous vous imaginez bien que je le fais avec un oeil
extrêmement critique. En fait, je mentionnais cette oeuvre comme unique
dans les publications sous le régime Bourassa, qui a été
marqué par une médiocrité intellectuelle invraisemblable,
mais il reste peut-être une autre oeuvre plus importante. Je pense au
rapport Castonguay sur la politique d'habitation. On dirait que les livres
verts, jaunes ou blancs qui ont le plus de consistance, qui vont le plus loin
dans les problèmes et qui, voyez-vous, à l'occasion,
suggèrent des politiques qui ne sont pas facilement adaptables aux
cadrages électoraux et aux préoccupations électorales, ce
sont malheureusement ces oeuvres qui nous passent entre les mains et que nous
ne revoyons plus.
Oh dirait que ce sont des sources permanentes de contestation
laissées aux mains de l'Opposition qui, à un moment ou à
un autre, fait resurgir telle recommandation d'un rapport publié il y a
cinq ou six ans, qui, si elle avait été appliquée, aurait
conduit à des résultats qui aujourd'hui ne nous
amèneraient pas à soulever la question à nouveau. Mais on
dirait que ces oeuvres majeures conduisent rarement à des
décisions politiques importantes. C'est comme si on se défoulait,
en se permettant, à l'occasion, de dire: Bien, vous voyez bien
qu'à l'occasion on peut voir plus loin que notre nez; on peut
réfléchir globalement sur une situation. On produit une oeuvre.
Cela devient, en même temps, une espèce de fourre-tout, M. le
Président, une espèce d'échappatoire. En effet, lorsqu'une
critique un peu vive et un peu articulée va se faire sur certaines
politiques menées par un ministre ou par un ministère, on va
référer élégamment au livre vert, jaune ou blanc,
en disant que tout cela a été envisagé dans le livre vert
et qu'actuellement un comité étudie les recommandations du groupe
de recherche sur cette affaire. Cela s'appelle noyer le poisson, M. le
Président. Très souvent, des livres verts, c'est fait pour noyer
le poisson également.
Je n'en ajouterai pas plus mais je dois dire que, s'il est un endroit
où le même petit jeu serait absolument inacceptable, ce serait
dans le domaine culturel et avec ce livre vert en particulier. Il faut que
celui-ci je dirai pourquoi je pense qu'il peut le faire tantôt
conduise à des actions et à des décisions, qu'il ne
soit pas uniquement un livre de référence pour contemplateurs,
mais qu'effectivement il soit appliqué d'ici à quelques
années, je ne dis pas des décennies. Que ce régime
Bourassa s'achève, qu'on en entreprenne un autre par la suite, mais
qu'au plus tard à la chevauchée de ces deux régimes un
ministre des Affaires culturelles puisse un jour arriver et déposer le
livre à l'envers, en disant: Voilà, nous avons à 90%
à 95%, pourquoi pas à 100%, réalisé les politiques
qui étaient à l'intérieur, parce qu'il est
réalisable et qu'il doit être réalisé
également.
C'est le deuxième livre vert que parraine à
l'Assemblée nationale le député de Deux-Montagnes. Il ne
me fera pas grief de faire une comparaison entre les deux, puisque les deux
sont éminemment d'actualité. L'autre livre vert s'appelait: Pour
que le Québec devienne maître d'oeuvre de ses communications.
Ai-je besoin de vous dire le sort fait à ce livre vert? S'il en est un
qui est devenu un objet de référence, une lecture de
bibliothèque d'ailleurs, l'actuel ministre des Communications
gagnerait à le lire c'est bien celui dont je parle.
Je pense que le ministre en face de moi me permettra cette comparaison
que je ne veux absolument pas blessante. Cela peut-être l'image
même, aujourd'hui, du vieux proverbe qui dit que chat
échaudé craint l'eau froide. Celui-ci est beaucoup plus modeste
cette fois-ci. Il sait très bien qu'il ne peut pas demander au
Québec d'être maître d'oeuvre de sa culture dans le
régime actuel, car l'échec cinglant qu'il a reçu à
la conférence fédérale-provinciale, l'année
dernière, lorsqu'il était titulaire des Communications, qui nous
vaut le plaisir de le retrouver aujourd'hui à la table des Affaires
culturelles, ne peut être répété de façon
constante.
Au contraire, si je dis que ce livre est réalisable c'est que je
crois que son auteur j'en fais porter la paternité au ministre
des Affaires culturelles lui-même, évidemment a voulu,
cette fois, s'en tenir à ce qui se faisait déjà à
ce qui pouvait se faire sans déranger trop de monde, à ce qui
pouvait se faire avec un petit peu d'imagination, avec un peu moins de
pétage de broue ou pétage de bretelles, ce qui a presque
été la règle commune des ministres des Affaires
culturelles depuis que ce ministère existe.
A un niveau concret d'action, d'administration qui ne nécessite
pas des budgets que, par ailleurs, il se sait incapable d'aller chercher, il
s'est donc cantonné dans une politique réalisable. En faisant
cela, il a fait une bonne oeuvre. Je pense qu'aucun des ministres ne gagne
à exciter les Québécois vers des horizons que le
régime actuel interdit d'atteindre. Tant qu'on mettra sur table les
obligations pour le Québec et qu'on écrira que le Québec
doit faire ceci, doit faire cela alors qu'on est des artisans mêmes et
des défenseurs mêmes du régime qui interdit au
Québec de l'atteindre, c'est s'adresser aux Québécois avec
un sans-gêne inexcusable aujourd'hui et intenable.
Je dis au ministre, qui a voulu fuir et c'est à son
mérite la tentation de généraliser et d'affirmer, ce
qui aurait pu être d'ailleurs fait, que s'il est un terrain où ce
document aurait pu s'appeler Vers la souveraineté culturelle ou autre
titre que les funambules du vocabulaire multiplient, je pense qu'il a choisi de
se contenir et il s'est en même temps mis lui-même des obligations.
Il n'a pas voulu aller plus loin. Il n'a pas voulu nous leurer vers une
souveraineté culturelle par ailleurs décrite dans ce document
comme inatteignable et irréalisable dans le contexte du
fédéralisme actuel. Il a voulu s'en tenir à des actions
immédiates, concrètes, réalisables par un ministère
des Affaires culturelles, avec le budget que nous nous apprêtons à
lui voter. C'est à lui, maintenant, de le faire.
Si cela n'est pas fait, si cela ne se fait pas au cours des prochains
mois, puisque l'action ne nécessite pas des bouleversements
constitutionnels aucune des actions annoncées là-dedans ne
l'exige il sera donc à suivre. Lorsque nous nous reverrons,
l'année prochaine, si je suis encore le porte-parole de l'Opposition
à cette table de la commission des Affaires culturelles, tous les
membres de la commission seront en mesure d'exiger un compte rendu d'actions
cantonnées dans le cadre du réalisable immédiatement.
J'ajoute un dernier commentaire non pas pour toujours ajouter la note
discordante mais, je pense bien, pour compléter le tableau tel
qu'esquissé par le ministre des Affaires culturelles lui-même tout
à l'heure. Je dis ce texte basé sur une analyse réaliste
de la situation des ressources culturelles du Québec. Je dis les
propositions de ce texte. On verra à la pièce, au fur et à
mesure des programmes. Je dis, dans l'ensemble, les propositions contenues dans
ce livre, sont réalisables. Bientôt. Je dis même de
façon urgente, parce que la réalité aussi dépasse
largement la couverture de ce livre. Elle est un peu camouflée, la
réalité de la situation culturelles des Québécois,
malgré tout, dans ce livre. Même si elle a été
conduite très honnêtement, elle est un peu camouflée dans
le sens qu'on passe très vite vis-à-vis du trou béant de
notre sécurité culturelle, là par où s'engouffre
notre sécurité culturelle et qui fait que ce peuple est nerveux,
que ce peuple est tendu et que ce peuple se cherche.
Il y a, bien sûr, ce texte de cet artisan émérite
des Affaires culturelles, M. Guy Frégault qui, en quittant le
ministère des Affaires culturelles, après, somme toute, une
dizaine d'années de sa vie, je pense, consacrées à
l'édification et à structuration de ce ministère avec des
ministres probablement difficiles, à l'occasion aussi, chacun y allant
de sa pomponnade, trouve quand même le moyen, dans un texte
réalisé à la demande du ministre actuel, je pense, en
septembre 1975, de signaler on ne peut plus clairement.
C'est l'homme qui a travaillé pendant dix ans è
l'intérieur du ministère, qui a été celui qui a
survécu à différents régimes, donc à
différents intérêts aux Affaires culturelles. A l'occasion
c'était la bebelle à Lapalme, cela a été, à
un autre moment, la chasse gardée à Jean-Noël, cela a
été le terrain de prédilection à François et
cela a été la tour de Babel à Denis, mais cela a rarement
été un ministère d'intervention. Cet homme qui a
vécu tous les régimes et tous les caprices dit, en quittant le
ministère: Quelles que soient les politiques que l'on établisse,
n'oublions jamais que de l'autre côté et c'est à
partir de son expérience qu'il le rappelle ils disposent de dix
fois plus d'argent que nous pour intervenir sur le terrain culturel des
Québécois.
Il dit, l'ancien sous-ministre des Affaires culturelles, qu'ils le font
avec un sans-gêne que permet l'argent, que permet le pouvoir et que
permet aussi surtout la volonté tenace d'inclure et de maintenir
l'identité québécoise dans cette unité "Canadian",
artificielle, mais pour laquelle, comme le disait le ministre des
Communications, lorsque j'étudiais son budget avec lui, les gens en
place à Ottawa ont décidé coûte que coûte de
remporter la victoire.
N'oublions pas et gardons à l'esprit ce rappel de l'ancien
sous-ministre des Affaires culturelles. Quand l'actuel ministre se mettra
à l'oeuvre, à réaliser certaines des propositions, je dis
réalisables de ce document, en même temps, à la même
heure et quel que soit le concours que l'Opposition apporte aux lois
annoncées et qui devront être présentées à
l'Assemblée Nationale malgré les bonnes intentions et
malgré la décision sans doute très ferme de certains des
membres québécois de cette commission des affaires culturelles,
tout cela risque d'être une goutte dans un vase par ailleurs abondamment
déversé à partir du niveau fédéral, ne
l'oublions pas.
N'oublions pas ce que Godbout dit dans ce texte qui est largement
cité ici dans le document de travail, un texte qui a été
écrit il y a plusieurs années et qui se termine en disant: Si
nous n'agissons pas vite, en parlant des décisions et de
l'ingérence fédérale dans le domaine culturel, nos enfants
de 1980 ne nous le pardonneront pas. C'est la conclusion de son texte. Nous
sommes à quelques années de 1980, M. lé Président.
A l'heure où nous nous parlons, le Québec n'a pas sa
souveraineté culturelle, ne possède pas de moyens autres que ceux
décrits dans ce document d'être le maître d'oeuvre de sa vie
culturelle chez lui. Et que
penser aussi de ce verdict je pense que le mot ne peut être
mieux chois de ce verdict du tribunal de la culture également
cité dans ce document sur l'insuffisance financière chronique de
tous ceux qui veulent agir dans le domaine culturel, sur cette disproportion de
moyens par rapport à ce qu'a fait le gouvernement canadien à
partir du Conseil des arts du Canada, en particulier?
Ce rapport publié dans la revue Liberté et qu'on reprend
en bonne partie dans le document était très clair
également. Comment espérer, disent-ils, qu'un gouvernement
lui-même vendu à la soumission, vendu à la
dépendance puisse être, par une espèce de soupape qui lui
aurait échappé et qui s'appellerait le ministère des
Affaires culturelles, artisan de la liberté des Québécois,
artisan de leur épanouissement, sinon penser qu'il ne le fait
qu'occasionnellement dans ses limites et dans ce qu'on appelle ses affaires
culturelles?
Ceci risque de le cantonner là où il a toujours
été cantonné. Le ministre annonce son intention d'en faire
un ministère d'intervention. M y a six ans au moins que nous attendons
ce virage.
Il ne nous a peut-être jamais été promis de
façon aussi ferme que ne le fait le ministre des Affaires culturelles
aujourd'hui, mais je dis quand même: Je suis aussi chat
échaudé, en ce sens que ce n'est quand même pas la
première fois que j'en entends parler. Qu'en est-il arrivé?
Comment se fait-il que tous ceux-là passent et ne demeurent jamais
longtemps et que tous ceux qui arrivent disent qu'ils réussiront
à faire ce que les autres n'ont pas fait?
Bien sûr, il y a la confiance qui doit sans doute animer un homme
qui arrive à un nouveau poste, mais, aussi, je crois beaucoup de
naïveté dans ce cas. Naïveté que la vie concrète
à l'intérieur du régime réussit très
rapidement à faire perdre. Quand je dis régime, je ne parle pas
seulement du régime constitutionnel, mais je parle du régime
libéral québécois qui fait qu'un ministre des Affaires
culturelles est aussi, dans ce régime, un ministre préposé
aux musées et un ministre préposé aux
chrysanthèmes. Il est rarement un homme d'importance. Il l'est rarement
aux yeux du ministre des Finances nous avons encore eu l'occasion de
nous en apercevoir lors du dépôt du budget il l'est
rarement, aussi, dans l'attention que lui accordent les autres ministres
membres du Conseil des ministres et avec la collaboration desquels, je veux
conclure sur cette unanimité, avec le contenu du libre et avec ce qu'a
dit le ministre, sans l'appui desquels, dis-je, nous ne pouvons espérer
réaliser une politique culturelle d'ensemble. Parce que la culture n'est
pas qu'affaire de musées, qu'affaire de disques ou qu'affaire de libres,
elle est, comme l'a déjà affirmé un ministre de ce
régime Bourassa en parlant à l'Assemblée nationale, une
politique culturelle, une politique de la personne, une politique d'un groupe
humain. Elle nécessite la coordination de tous, y compris ceux qui
chapeautent des ministères dits à vocation strictement
économique.
Pas plus qu'on ne peut faire de souveraineté culturelle sans une
souveraineté politique, pas plus on ne peut mener une politique
culturelle sans une politique d'ensemble à l'égard de la
collectivité québécoise. C'est ce à quoi je
l'espère, M. le Président s'appliquera le ministre des
Affaires culturelles, c'est ce, à quoi, moi, à tout le moins, je
m'apprêterai à travailler, lorsque vous appellerez les
différents programmes à la reprise de la séance cet
après-midi.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre...
M. Houde (Fabre): Je voudrais ajouter quelques mots à ce
que vient de dire le député de Saint-Jacques. A vrai dire, dans
mon for intérieur et en mon âme et conscience, il n'y a pas
tellement de choses que je pourrais nier dans ce qui a été dit.
Mais, indépendamment de nos différends sur le plan politique, je
voudrais ajouter ceci. Je crois sincèrement que, plus que jamais, le
nouveau ministre, ou le ministre actuel des Affaires culturelles peut et doit
se sentir appuyé par une bonne proportion, en tout cas, de mes
collègues députés de la formation politique à
laquelle j'appartiens.
Il n'y a pas que les membres de l'Opposition qui ont ce souci d'une
politique concrète, fort simple dans certains de ces
éléments, concernant la culture des Québécois.
Peut-être que, malheureusement, dans le passé, notre formation
politique n'a pas donné suffisamment l'impression, par des moyens
extérieurs, ou n'a pas voulu, pour toutes sortes de raisons
peut-être, dont j'ignore les causes, s'extérioriser comme l'a
fait, par exemple, le député de Saint-Jacques il y a quelques
minutes. Cependant, aujourd'hui et depuis quelque temps en particulier, cela
fait partie, pour nous aussi, de nos préoccupations. Il n'y a pas que
les députés de l'Opposition qui ont à coeur le
succès de ce ministère des Affaires culturelles.
Je suis arrivé, il y a quelques jours, avec d'autres
collègues, d'une tournée, dans une région qui s'appelle
les Laurentides. Dans cette région des Laurentides, M. le ministre, nous
avons rencontré environ 43 maires et des échevins; nous avons
visité des centres d'accueil, des industries.
Nous avons rencontré des étudiants, des étudiantes,
et s'il y a un sujet actuellement important ou un sujet d'actualité,
c'est bien celui dont nous discutons ce matin.
Egalement, si cela peut encourager les hauts fonctionnaires et les
cadres de ce ministère, il y a aussi les militants, une formation
politique qui n'est pas celle du député de Saint-Jacques, mais
des militants qui, également, et on le voit de plus en plus, ont pris
à coeur cette question. Cela a évolué à un rythme
tel qu'il n'y a pas tellement longtemps, et c'est peut-être là la
plus grande victoire que l'on puisse concéder à Jean-Paul
L'Allier, pour le nommer par son nom c'est qu'aujourd'hui, de notre
côté, il est fort possible d'aborder des sujets comme ceux de ce
matin sans nécessairement passer pour des gens d'une autre formation
politique.
Je ne sais pas si je me mets les pieds dans les
plats en disant cela, mais, de toute façon, je tiens à
dire qu'il n'y a pas tellement d'années, chaque fois que l'on abordait
une question comme les Affaires culturelles, comme la culture des
Québécois, très souvent, lorsqu'on ajoutait au bout d'une
phrase, le mot "francophone" ou le mot "Québécois," nous
étions pointés du doigt, soit par certains collègues, soit
par certains ministres, soit par certains militants, et nous passions tout
simplement pour des indépendantistes ou des séparatistes.
Je pense que cette époque est maintenant révolue. Il reste
peut-être quelques fanatiques. Dans tous les partis, il y a des
fanatiques, mais je tenais à ajouter que l'ensemble des militants que
nous rencontrons, que l'ensemble des députés libéraux sont
drôlement d'accord et que notre conception, qui est différente de
celle du député de Saint-Jacques, nous permet aujourd'hui, nous
aussi, d'appuyer le ministre des Affaires culturelles. Elle nous permettra sans
doute de faire batailles, s'il le faut. Elle nous permettra sans doute aussi de
collaborer à être les porte-parole de cette politique que l'on
attend depuis trop longtemps.
Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires
culturelles.
Réplique du ministre
M. L'Allier: Je vous remercie, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention ce qu'ont dit le
député de Saint-Jacques et mon collègue Gilles Houde. Pour
ma part, j'en retiens une chose. La politique culturelle, quelles que soient sa
présentation et sa forme, est finalement une chose qui doit
déborder le cadre des partis politiques comme tels et elle tend
actuellement à devenir une opposition collective au Québec,
chacun la voyant dans son optique, bien sûr, mais, en tout état de
cause, absolument essentielle. Qu'après quinze ans, on en arrive
à un livre vert, jaune ou bleu, et qu'on en soit arrivé là
après dix ans ou après dix-sept ans, cela a relativement peu
d'importance à ce moment-ci, sauf peut-être pour ceux qui feront
l'histoire et qui auront à porter des jugements sur les hommes et sur
les institutions.
Ce qui est important actuellement, c'est, s'il y a eu des retards
et il y en a eu, s'il y a eu des attitudes à changer, et n y en a
que nous procédions le plus rapidement possible.
Le député de Saint-Jacques faisait allusion à mon
habitude de faire des livres verts. Il y a une erreur dans ce qu'il a dit,
parce que celui que je propose ici n'est pas le deuxième, mais le
troisième.
Le premier a été fait au ministère des
Communications en 1971 et il avait à peu près la même
modestie que celui-ci. Il était encore plus modeste. Il n'avait qu'une
centaine de pages. Il n'abordait pas comme tel le problème
fédéral-provincial constitutionnel et tout.
Celui de 1971, on peut aujourd'hui je le dis entre
parenthèses parce que c'est au niveau du ministère des
Communications constater que, malgré toute sa modestie, il a
quand même été réalisé à 80%. Celui
qu'on avait proposé comme plan d'action de la mise en place du
ministère des Communications, si on revoit ce livre vert de 1971, a
effectivement été réalisé à peu près
à 80%.
Le Deuxième livre vert "Maître d'oeuvre des communications
au Québec," portait essentiellement sur le dossier
fédéral-provincial et le dossier constitutionnel. On
connaît actuellement la situation. Mon collègue des Communications
a dit des choses que je n'aurais en aucun point reniées au moment
où il a présenté ses crédits.
Le problème au niveau des communications est maintenant, en
termes d'action, un problème constitutionnel et un problème de
gouvernement.
Au niveau du ministère des Affaires culturelles, j'ai tenu, au
début de ce livre vert, à faire un rapprochement non pas avec le
deuxième, mais avec le premier livre vert, celui de 1971, aux
Communications, essentiellement pour indiquer qu'il s'agissait maintenant, en
faisant la synthèse de ce qui s'était fait au ministère,
de ce qui s'était dit à l'extérieur ou de ce qui
s'était fait à l'extérieur, de proposer un programme
d'action qui, en-tout état de cause, se veut réaliste. Je suis
content que le député de Saint-Jacques l'ait reconnu. Je pense
que c'est un document réaliste et réalisable. Les projets de loi
qu'il suppose devraient être déposés au cours des
prochaines semaines, au moins pour celui du Conseil de la culture, à
l'Assemblée nationale. Nous serons en mesure de déposer à
l'automne les lois qui touchent le patrimoine et les différentes
commissions, notamment la commission de la bibliothèque et la commission
des musées. Pour le reste, nous n'avons pas, comme tel, besoin de lois
et il s'agit d'organiser le ministère de l'intérieur pour qu'il
puisse réaliser les objectifs qui sont ici énoncés et qui,
encore une fois, ne sont pas une oeuvre d'imagination du ministre des Affaires
culturelles, mais puisent très largement dans les problèmes tels
que perçus par les fonctionnaires, tels que perçus par le milieu
et qui essaient de traduire d'une façon cohérente les situations
telles qu'elles sont vécues quotidiennement par ceux qui oeuvrent dans
le domaine culturel. Donc, la seule garantie de réalisation que j'aie
quant à ce livre vert, c'est, d'une part, la volonté de plus en
plus précise, au niveau du gouvernement, au niveau des
députés, de voir se réaliser une politique culturelle qui
leur est souvent très largement demandée et souvent très
largement inspirée par leur propre région. L'atout sur lequel
nous misons actuellement, ce n'est pas une volonté imaginative du
gouvernement, mais bien le même besoin du plus grand nombre et du nombre
de plus en plus grand de Québécois de s'identifier, de s'exprimer
et de s'organiser sur le plan culturel. Au fur et à mesure qu'on
souligne, dans tout le Québec, certaines faiblesses, par exemple
l'enseignement de l'histoire, le sort qui était réservé et
qui est encore réservé souvent au patrimoine, du même coup,
on souligne la nécessité d'une action, non seulement activiste,
mais d'une action de plus en plus cohérente, soutenue. Et c'est la
problématique du livre vert.
Les lacunes qu'on peut reprocher au gouvernement peuvent être
reprochées, à mon avis, à tous les partis politiques. Le
réalisme dont on essaie de faire preuve ici, ressemble également
au réalisme dont semble faire preuve le parti de l'Opposition
lui-même quant à ses objectifs. Au moment d'inscrire dans sa
problématique le référendum comme étant la
barrière à franchir avant d'en arriver à
l'indépendance, il a fait preuve de réalisme. Certains, à
l'intérieur de ses cadres ou de ses membres, verront dans cette mesure
le même type de mesure dilatoire que le député de
Saint-Jacques peut reprocher au gouvernement par rapport à son action en
matière culturelle, par exemple.
Quoi qu'il en soit, les ressources financières, au niveau du
gouvernement, ne deviendront disponibles qu'au fur et à mesure que les
actions proposées, que les politiques proposées seront
perçues comme réalisables et souhaitées par la population.
C'est donc ce que nous recherchons dans un premier temps, c'est-à-dire
susciter l'adhésion ou la critique pour en arriver à corriger les
choses proposées au niveau du plus grand nombre possible de citoyens. On
est mal placé, comme ministre des Affaires culturelles, dans la
situation que nous connaissons sur le plan économique, dans la
problématique des priorités économiques,
matérielles par rapport au culturel, on est mal placé pour
demander des augmentations budgétaires considérables, si on n'a
pas, par ailleurs, à proposer un plan d'action soutenu et relié,
article par article, les uns aux autres. Je pense que ce document de travail,
comme l'a dit le député de Saint-Jacques et comme l'a
souligné le député de Fabre, est un document qui devrait
engager et qui engagera le gouvernement. De deux choses l'une: ou le livre vert
prend la voie des tablettes comme d'autres livres on pu le faire et, à
ce moment-là, à moins que quelqu'un ne propose ailleurs une
proposition politique meilleure que celle-là tout le monde sera en
mesure de juger de l'action du gouvernement ou de sa volonté de faire
les choses.
Ou alors, il est réalisé étapes par étapes,
morceaux par morceaux et effectivement, les ressources pour y arriver, devront
être augmentées considérablement. A la page 87 du livre
vert, vous avez, année après année, le pourcentage
budgétaire consacré aux Affaires culturelles. Ce sont des
chiffres qui sont à la fois significatifs et en même temps
relativement faux. Parce que le ministère des Affaires culturelles, dans
ses assises, s'est déplacé considérablement. Il
était responsable, au début, d'un certain nombre de programmes
qui grevaient son budget, comme l'Office de la langue française, le
Canada français d'outre-frontière, etc.
Ces programmes sont maintenant assumés ailleurs, à partir
d'autres budgets et le pourcentage des fonds publics consacré aux
Affaires culturelles est demeuré à peu près constant
depuis 1960/61 jusqu'à 1976/77. En d'autres mots, ce pourcentage
s'applique à de nouvelles activités alors que celles qui
étaient exercées par le ministère se sont
dispersées dans l'administration pu- blique, depuis l'origine. Le budget
proposé de cette année est de 0,44% du budget de la province.
Celui de l'an dernier était de 0,46 et ainsi de suite, la moyenne se
situant autour d'à peu près 0,46 ou 0,45.
On peut reprocher au gouvernement de ne pas consentir davantage au
budget des Affaires culturelles. Je ne m'arrêterai pas là-dessus
tant et aussi lontemps que, face à chacune des propositions qui sont
faites, j'aurai les ressources pour les réaliser. Je
préférerai regarder le budget des Affaires culturelles en fin
d'année budgétaire pour savoir quel est l'effort qui a
été consenti par le gouvernement.
Mais sans vouloir le blesser d'aucune espèce de façon, je
sais que le député de Saint-Jacques est en fait un des principaux
conseillers en matière d'éducation et de culture au sein de son
parti, je lui demanderais de revoir lui-même la proportion qui
était consacrée aux Affaires culturelles dans le budget de l'an 1
du Parti québécois. Elle se situe, si ma mémoire est
exacte, autour de 4,2 ou 4,3 de 1%. C'était, en 1973, le budget qui
était théoriquement proposé à l'analyse des
Québécois et qui aurait été celui du Québec
indépendant si la chose s'était faite à ce
moment-là. On voit donc qu'au niveau des volontés politiques, au
niveau de l'importance proportionnelle accordée au secteur traditionnel
de la culture, ce n'est pas une question de parti. Dans son budget de l'an 1,
le Parti québécois avait la même proportion dans la
même moyenne que les budgets des 17 ou des 15 années alors,
à l'époque, du ministère des Affaires culturelles.
Je pense cependant que les propositions que nous faisons maintenant
devraient au cours des deux ou trois prochaines années, augmenter ce
petit pourcentage du budget de la province mais ce qui compte encore davantage,
ce n'est pas tellement le chiffre total en termes de budget qui peut être
inscrit au ministère des Affaires culturelles, c'est davantage de
réussir cette opération d'intervention auprès de
l'ensemble de l'administration pour ne pas qu'un ministère comme celui
de la Voirie ou des Travaux publics détruise, sur une signature d'un
chef de service, l'action qui-peut être péniblement conduite
à la sauvegarde du patrimoine dans une région au moment de la
construction d'une route. C'est ça la responsabilité urgente du
ministère, savoir faire en sorte que l'action de l'ensemble des services
de l'administration publique ne vienne pas détruire, mais au contraire,
respecte et s'additionne à ce qui doit être fait pour la culture.
Que les budgets culturels soient répartis entre les 23 ministères
du gouvernement, j'en serais très heureux finalement, si chacun peut
contribuer, à partir de son propre budget, à des actions qui
convergent vers le développement culturel. Que le ministère des
Affaires culturelles ne dispose quant à lui, une fois que ses
réformes seront réalisées, que de la moitié du
personnel dont il dispose maintenant, que de la moitié du budget dont il
dispose maintenant est, à mon avis, sans importance si, par ailleurs,
les ressources se retrouvent dans les différents organis-
mes et même dans les différents ministères et
convergent, par l'action du ministère des Affaires culturelles, vers une
action culturelle cohérente.
C'est une question de développement du Québec dans son
ensemble que le développement de la vie culturelle chez nous. Ce n'est
pas une question de choix théorique, nationaliste ou autrement, c'est
une question collective. Si nous souhaitons, comme nous le souhaitons tous,
voir le Québec se développer au niveau de sa collectivité
d'une façon conforme à ce qu'il est, è partir de
là, la logique veut que quels que soient les partis qui forment le
gouvernement, les ressources éclatent dans les différents
ministères, dans les organismes qui sont créés pour la
gestion de ces ressources et surtout qu'il y ait un ministère qui se
préoccupe de la vie culturelle au Québec, non seulement en
faisant face aux urgences mais qui propose à l'action de l'Etat de se
conformer aux besoins du moment bien sûr, mais à des orientations
générales qui, elles, sont à peu près constantes
dans la société, même si leur forme d'expression varie.
On peut ajouter, M. le Président, à ce que je viens de
dire, que le ministère des Affaires culturelles a devant lui un
défi considérable, mais que c'est davantage un défi de
gouvernement, encore une fois, quels que soient les partis qui forment le
gouvernement. Ce défi, c'est celui de la société dans son
ensemble.
Des aspects du livre vert passent peut-être inaperçus
à côté de certains autres plus spectaculaires, et on les
retrouve surtout à la fin du document, lorsque, par exemple, on dit que
le ministère des Affaires culturelles doit se préoccuper de
l'environnement culturel des Québécois, de ce qui crée
notre environnement culturel, du design de l'habitation, de l'urbanisme,
indirectement, et peut-être directement aussi.
Ces aspects m'apparaissent être, pour l'avenir, les plus
importants auxquels un ministère des Affaires culturelles devra
s'attacher. C'est dans cet environnement que se créent les lieux
propices ou non au développement culturel. Jusqu'ici, étant
à la fois responsable des politiques et de leur gestion, le
ministère devait passer 75% ou 80% de son temps et de ses ressources
à la gestion des politiques culturelles. Cela laissait peu de temps, peu
de ressources, peu de budget, pour se pencher sur des questions qui sont
aujourd'hui de plus en plus importantes.
J'aborde enfin, dans le livre vert, la question de la politique
scientifique. C'est un sujet qui fera aussi l'objet de discussions
probablement davantage au niveau des universités mais je souhaite
quand même, pour ma part, porter ce débat rapidement au niveau du
gouvernement dans son ensemble.
Je pense que de regrouper au sein du ministère des Affaires
culturelles les préoccupations en regard de la politique scientifique,
c'est beaucoup plus qu'une question de réaménagement de
structures, c'est reconnaître à la recherche scientifique un
rôle qui n'est pas théorique, mais un rôle qui doit
s'adapter aux besoins de la collectivité qué- bécoise.
Comme la recherche scientifique et la création culturelle
s'approvisionnent finalement au même type de ressources intellectuelles,
la création appliquée aux arts et à l'expression
culturelle ou à la recherche, je propose ici que nous étudiions
rapidement la possibilité de regrouper au sein du ministère, qui
deviendrait à ce moment-là, un ministère de la culture et
des sciences, ces deux types de préoccupation, la deuxième, la
recherche scientifique, étant, pour bien des raisons, largement
orpheline d'une pensée politique, au niveau du gouvernement.
On parle également c'est un point qui passe assez
facilement inaperçu de la création possible d'un institut
d'histoire et de civilisation du Québec. Là aussi, il ne s'agit
pas d'un organisme théorique pour satisfaire les intellectuels en mal
d'expression ou de recherche, à l'abri de toutes les contraintes
quotidiennes. Bien au contraire, la proposition qui est faite l'est avec un
point d'interrogation et ne se réalisera que s'il y a un large consensus
quant à la faisabilité de cet institut. Si on ne peut pas
créer un institut qui soit au-dessus des chapelles et des querelles
intellectuelles, il n'y aura pas d'institut.
Si, au contraire, on peut le créer, de telle sorte qu'il
devienne, par sa seule force, par sa seule qualité, par sa seule
compétence, un lieu de réflexion et d'orientation qui touche
l'ensemble de la collectivité, nous verrons, avec toute l'énergie
possible, à ce qu'il soit créé rapidement. En ce sens, on
annonce, dans le livre vert, qu'un groupe de travail devrait être
créé pour étudier rapidement la possibilité de
créer cet institut. Ce groupe de travail devrait être
effectivement créé d'ici une quinzaine de jours et commencer son
travail immédiatement, pour faire rapport à la fin de
l'année 1976 sur ce dossier.
En fait, comme l'a dit le député de Saint-Jacques, ce qui
est contenu dans ce document est effectivement réalisable presque
entièrement. Certaines propositions sont davantage des
préjugés que des propositions basées sur une constatation
scientifique des situations. L'important est que ces propositions suscitent la
discussion, notamment au niveau de la politique du livre, de la lecture par
exemple, de sorte que nous puissions, sans nous perdre pendant des mois, dans
de très longues discussions, en arriver à poser des gestes et
à corriger l'action au fur et à mesure de l'action
elle-même.
Il n'est pas temps, maintenant, de nous asseoir dans de longues
discussions intellectuelles au ministère, pour essayer de trouver les
meilleures formules, parce qu'au moment où on les trouve, elles sont
toujours largement dépassées.
Je Pense que nous devons être à la fois réalistes et
pragmatiques, poser des gestes, amorcer des politiques, réaliser des
actions, voir à ce que l'action elle-même soit corrigée par
son propre résultat. C'est ce que nous chercherons à faire, mais
je pense que si les crédits tels que nous allons les étudier ne
correspondent pas toujours le député de Saint-Jacques
aurait raison de le souligner aux objectifs qui sont contenus dans ce
li-
vre vert, la mise en garde que j'ai faite au début, à
savoir le processus de préparation des crédits, en regard de ce
cheminement parallèle, finalement, du livre vert, notre
responsabilité sera de faire, au cours de l'année, les mariages,
étant entendu que les propositions qui sont faites dans le livre vert
devraient, pour une grande partie d'entre elles, se réaliser, se mettre
en forme, au cours de cette année budgétaire. C'est la prochaine
année budgétaire, dans le cycle de préparation que nous
commençons maintenant, qui verra de quelle façon se traduisent
effectivement les ressources de chacun des organismes dont on propose la
création.
Voilà ce que j'avais à dire, M. le Président,
brièvement.
Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses
travaux sine die.
M. L'Allier: On recommence vers 16 heures.
Le Président (M. Pilote): Oui, cela prend un ordre de la
Chambre.
(Fin de la séance à 12 h 25)
Reprise de la séance à 16 h 40
M. Pilote (président de la commission de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!
La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications continue l'étude des crédits du ministère
des Affaires culturelles. Sont membres de cette commission: M. Bellemare
(Johnson), M. Bérard (Saint-Maurice), M. L'Allier (Deux-Montagnes), M.
Charron (Saint-Jacques), M. Choquette (Outremont), M. Côté
(Matane), M. Bonnier (Taschereau), M. Déom (Laporte), M. Lapointe
(Laurentides-Labelle), M. Léger (Lafontaine), M. Parent
(Prévost), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif (Anjou), M.
Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux (Saint-Jean).
Nous étions rendus à l'étude des programmes,
article par article. Programme 1 : Livres et autres imprimés.
Elément 1 : Aide à la publication et à la vente du
livre.
Livres et autres imprimés
M. L'Allier: M. le Président, ce programme, livres et
autres imprimés, est divisé en trois éléments:
L'aide à la publication et à la vente du livre, le
développement du réseau des bibliothèques publiques et la
Bibliothèque nationale.
Vous pouvez noter une augmentation des crédits à ce
programme qui est essentiellement due à la réalisation telle
qu'approuvée, il y a déjà maintenant deux ans ou trois
ans, par le Conseil du trésor du plan de développement des
bibliothèques publiques.
Pour le reste, il s'agit d'une augmentation normale des crédits
dans le cadre des programmes existants.
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: ... l'année dernière, lorsque vous
aviez appelé le programme, j'avais dénoncé ou
énoncé toute une série de problèmes dans le domaine
de l'édition québécoise, problèmes qui, avions-nous
convenu, devaient être réglés d'une façon urgente
afin que ceux qui composent le milieu de l'édition, les
écrivains, les libraires, le Conseil supérieur du livre, dans sa
dimension toujours ambivalente, culturelle et économique, puissent
survivre décemment au Québec.
J'avais, entre autres, souligné une liste de problèmes de
la hausse du coût des livres causée par l'agrégation de
libraires et l'obligation par les institutions d'enseignement d'acheter leurs
livres de celles-ci et ensuite, la possibilité pour les commissions
scolaires de former la centrale d'aide à l'approvisionnement des maisons
d'éducation du Québec.
Je rappelle que j'avais souligné au ministre toute la question du
genre d'interventions que
l'Etat peut effectuer dans le domaine de l'édition, à
l'aide du pouvoir d'achat important des commissions scolaires et des
bibliothèques publiques.
Effectivement, quand on sait que la part du marché affecté
par ces achats il y a à peu près un million de volumes,
soit 20% du marché... Cette question devient non seulement des plus
importantes, mais aussi des plus envisageables.
Nous avions parlé, l'ancien ministre et moi, à
l'époque, d'une éventuelle centrale d'achat des
bibliothèques publiques. Que dire également de la politique de la
présence étrangère dans le domaine de l'édition
surtout au niveau de la distribution, problème qui n'est pas
étranger à un autre phénomène, celui de la
concentration des maisons d'édition.
Le ministre n'est pas sans savoir, puisque c'est d'ailleurs dans un
rapport du ministère que je puise cette information le rapport
sur la distribution des périodiques et du livre de poche au
Québec, d'octobre ou de décembre 1972 que le réseau
de messagerie des distributions québécoises est
complètement dominé par les compagnies étrangères,
sauf peut-être les Editions de l'Homme, dont Benjamin News Company et
Hachette International.
Le marché de la messagerie, par exemple, représente un
marché de $50 millions par année. Les entreprises
étrangères en contrôlent $35 millions. Quant aux revues et
aux livres de poche venant des Etats-Unis ou d'Europe, ils sont
distribués presque exclusivement par des messageries
possédées par Benjamin News Company et Hachette
International.
Ces mêmes compagnies contrôlent de façon quasi
exclusive quelque 15 000 points de vente au Québec, quasiment plus de
2000 publications étrangères avec l'aide de moyens de pression
aussi efficaces que, par exemple, la menace de couper l'approvisionnement parce
que ces points de vente sont, pour la plupart du temps, situés dans des
pharmacies, et dans des débits de tabac
Inutile de dire également que les distributeurs régionaux
n'ont guère le choix et doivent se plier aux exigences des grands
distributeurs.
Je sais que ce ne sont que des exemples, que ceux-ci touchent le
phénomène de la distribution du livre de poche ou de
périodiques, mais c'est certainement une distribution extrêmement
importante au Québec et ce n'est pas la grande littérature qui
est directement touchée. Quand je vois que la mainmise
étrangère est aussi forte sur la distribution, cela
m'inquiète de penser à ce que doit être la
réalité au niveau des ventes de livres à l'édition
en temps que tels. Tous ces problèmes que je rappelle, M. le
Président, ce n'est pas pour le plaisir de me citer de nouveau ou de
renouveler les propos que je tiens à la commission parlementaire depuis
quelques années déjà, mais c'est parce qu'il y a un an,
nous avions convenu d'une politique du livre et d'une loi devant s'amener pour
toucher, un tant soit peu, ces problèmes que je viens
d'énumérer de nouveau. Cette fameuse loi-cadre sur le livre dont
l'élaboration, avait-on dit, allait être terminée cette
année... Le ministre appuyait alors cette promesse sur le fait que le
sous-ministre adjoint, M. Claude Trudel, travaillait à temps plein
à l'élaboration de la politique devant être contenue dans
cette loi-cadre et que de nombreuses études avaient de toute
façon déjà été faites.
Outre celle que je viens de vous citer sur la mainmise
étrangère dans le domaine de la distribution, M. le
Président, c'est-à-dire ce document on parlait ce matin de
livres verts qui sont à l'occasion restés lettres mortes
que dire de ce document, émanant du Conseil exécutif, de
septembre 1973 qui portait comme titre: Le cadre et les moyens d'une politique
québécoise concernant les investissements étrangers?
Outre, donc, cette publication dans laquelle on pouvait, à tout le
moins, déceler une volonté politique d'intervention de la part du
gouvernement, il y a aussi celle de M. Melançon sur les aspects
économiques et financiers d'une loi-cadre sur le livre, une de M. Pierre
De Grandpré, concernant aussi la présence d'intérêts
étrangers dans l'industrie de la distribution des revues et
périodiques au Québec, celle de M. Contant sur les moyens de
distribution des revues et périodiques en Europe et, dans l'espace d'un
an, surtout sous la conduite d'un sous-ministre adjoint qu'on me disait
voué à temps plein à ce problème, plusieurs autres
études ont sans doute été effectuées par les
fonctionnaires du ministère.
Nous attendons toujours cette fameuse loi-cadre. On nous avait dit, je
m'en souviens encore, l'année dernière, lorsqu'on nous avait fait
adopter à la vapeur la loi des prêts garantis à
l'édition dont on discutera un peu plus tard, que cette loi, bien
imparfaite à sa face même, n'allait s'appliquer que pendant un
certain temps puisque la loi-cadre s'en venait. La loi-cadre n'étant pas
venue, l'imperfection, c'est le moins qu'on puisse dire, de la loi des
prêts garantis à l'édition continue donc de s'appliquer.
J'adresse donc les questions suivantes, M. le Président, au ministre des
Affaires culturelles pour m'informer quand cette fameuse loi-cadre qu'on avait
promise avant la fin de l'année financière 1975/76 sera
présentée à l'Assemblée nationale, si le ministre
peut me dire, en me donnant les objections que la rédaction de cette loi
a probablement connues sur son chemin, ce qui explique son retard à
être présentée, peut-être pourra-t- il nous donner,
en contrepartie, les grands éléments de la politique du livre
qu'il voudrait y voir contenir et la façon dont cette loi entend
s'attaquer aux problèmes concrets comme ceux que j'ai mentionnés
lorsque vous m'avez donné la parole, M. le Président.
M. L'Allier: Merci, M. le Président. Pour ce qui est de la
politique du livre, j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, ce matin,
brièvement, qu'un des facteurs qui avait ralenti l'élaboration de
la politique du livre a été précisément le fait que
nous avons voulu, que j'ai voulu personnellement, en tout cas, élargir
le cadre de la discussion autour de la politique du livre et proposer davantage
une politique de la lecture qu'une politique du livre, ce qui n'exclut pas la
première, bien sûr.
En d'autres mots, on peut s'asseoir et essayer
de définir une politique du livre qui tourne essentiellement
autour de l'industrie du livre parce que c'est en définitive ce dont il
s'agit, fabrication d'écrits, mise en marché, etc., protection du
marché intérieur contre le dumping extérieur et tous les
éléments que cela comporte.
Je ne pense pas que, malgré toute la bonne volonté et les
ressources dont on peut disposer, nous puissions régler le
problème auquel ont à faire face les Québécois dans
le cadre d'une politique culturelle qui est plus vaste que celui
d'accéder au livre et à la production littéraire, d'abord
québécoise et ensuite francophone et, en troisième lieu,
extérieure au Québec et non francophone.
Une politique de la lecture, ça veut dire qu'il ne suffit pas de
se contenter d'aider auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques,
mais il faut s'assurer qu'au bout de course, en fin d'exercice, le lecteur, le
citoyen qui veut lire ait accès au livre. Or, malgré le programme
de développement que nous avons adopté pour les
bibliothèques publiques et que nous avons l'intention de continuer
à réaliser tel quel parce qu'il n'a rien d'ambitieux, ni dans ses
ressources ni même dans ses objectifs, nous souhaitons, dans un premier
temps, élargir la vocation des bibliothèques dites
traditionnelles, pour en faire des lieux de culture plus polyvalents que de
simples lieux de conservation du livre et d'accessibilité à
certains ouvrages.
Prenons un exemple concret. Si M. X vient de publier au Québec un
ouvrage susceptible d'intéresser bon nombre de citoyens, donc un ouvrage
populaire, compte tenu de son contenu et compte tenu de l'information qui est
faite à son sujet, dans les meilleurs conditions possibles, les
bibliothèques publiques ne peuvent l'offrir que quelques semaines plus
tard à leurs lecteurs et encore là, dans les meilleurs conditions
possibles, sous la forme d'un ou peut-être de deux exemplaires.
La bibliothèque, dans ce contexte, est avant tout un lieu de
conservation du livre. C'est un lieu de diffusion culturelle, mais c'est un
lieu de conservation en ce sens que si dans un village ou dans une ville, 50
citoyens veulent en même temps aller à la bibliothèque
parce qu'on vient de publier tel livre et qu'on veut le lire, il y en a un ou
deux exemplaires qui est prêté pendant une semaine ou deux
semaines. Donc, on n'atteint pas l'objectif de la lecture. Deuxièmement,
on a réalisé depuis quelques années une expérience
qui est plus qu'une expérience, c'est un programme des
bibliothèques centrales de prêts qui touchent les populations
rurales dans les centres de moins de 5000 habitants et encore, pas partout au
Québec.
Ces expériences soulignent la polyvalence de l'accès non
seulement au livre, mais à d'autres formes de prestation culturelle,
comme par exemple, dans certaines bibliothèques centrales de prêts
l'accès aux oeuvres d'art, aux reproductions, aux jouets pour les
enfants d'âge prématernel, etc. Quoiqu'il en soit, pour
répondre directement à la question, ce qui fait que la politique
du livre n'est pas au point et que nous ne sommes pas prêts à dire
qu'elle est telle ou telle chose, c'est premiè- rement le fait que des
orientations différentes, sinon nouvelles sont proposées dans le
livre vert, deuxièmement qu'un groupe de travail commencera à se
pencher sur le problème du livre, mais surtout une politique de la
lecture à compter du 1er juillet et devra faire rapport au 1er
décembre, en tenant compte des avis donnés par le livre vert et
qui déborde ce qu'il a été convenu d'appeler jusqu'ici au
ministère des Affaires culturelles, la politique du livre.
Dans ce contexte, quant à revenir à la politique
traditionnelle, je peux vous dire qu'au niveau de l'aide à la
publication et à la vente du livre, par exemple, le budget qui l'an
dernier, était de $604 000 passe à $1 299 000 cette année,
c'est-à-dire qu'il est, à toutes fins pratiques, doublé.
Donc, plutôt que de nous asseoir et regarder uniquement les études
qui sont en cours, il est une chose certaine, c'est qu'il faut augmenter la
participation du ministère à l'aide à la publication et
à la vente. Ce budget est augmenté de près de $600
000.
De même dans les autres activités relatives au livre, vous
verrez que l'assistance financière à la création
littéraire, où les sommes du ministère sont effectivement
très modestes, va passer cette année de $65 000 à $100
000. Il est entendu que la création du conseil de la culture devrait
multiplier encore une fois ses budgets, parce que c'est là un
accès direct à la création pour les
Québécois. L'assistance financière à
l'édition va passer de $100 000 à $228 000 pour 1976/77 et, ainsi
de suite, pour les autres éléments de ce programme.
Répondre différemment au député de
Saint-Jacques serait l'induire en erreur. Les éléments de la
politique du livre, personnellement, compte tenu des objectifs
énoncés dans le livre vert, je ne les ai pas. Le dossier qui
était prêt, à toutes fins pratiques, sous la direction de
M. Trudel, proposait, quant à moi, davantage une politique d'aide
à l'industrie du livre alors que l'objectif du ministère doit
déborder celui-là et toucher la politique de la lecture. C'est
pourquoi le livre vert y consacre environ 25 pages en détail.
Sur ces points, j'attends les réactions qui viendront sans doute
de la part des libraires, des éditeurs, mais surtout des groupes
culturels dans les régions qui nous indiqueront si le service qui leur
est proposé ici est un service qu'ils attendent ou qu'ils
souhaitent.
J'ai déjà fait une première consultation, notamment
sur la Côte-Nord et à Trois-Rivières, et l'esquisse de ces
politiques me semble correspondre assez parfaitement aux exigences de ceux qui,
au bout de la ligne, veulent acheter des livres.
En fait, le problème est assez simple. On a une population qui ne
permet pas de faire vivre une saine industrie du livre, parce que,
précisément, on n'est pas assez nombreux. Il faut ouvrir le
marché étranger et il faut aussi protéger le marché
intérieur comme ce qui vient de l'extérieur. Première
chose.
Deuxièmement, la politique de développement des
bibliothèques est essentiellement une politique incitative auprès
des municipalités, puisque
la participation du ministère ne dépasse rarement 20% du
coût du fonctionnement et est inférieure à 20%, pour ce qui
est des dépenses d'immobilisation, la plupart du temps, dans le cas de
construction des bibliothèques.
Troisièmement, même en développant d'une
façon accélérée le réseau des
bibliothèques, vous en arrivez toujours au même résultat en
bout de piste. La bibliothèque ne permet pas un accès facile en
volume, aux livres publiés au Québec, d'où insuffisance du
volume de publication, parce que le marché est insuffisant, aide
artificielle à la création, à l'édition, une aide
artificielle à un circuit. Au bout du compte, le citoyen qui a son
chèque de paie, en fin de semaine et qui en a une partie,
peut-être, à consacrer à la consommation culturelle, se
trouve face à des livres qui se vendent en librairie ou en tabagie, non
plus $2.50, mais $6, $7, $8, $9, $10. C'est une dépense qui devient
souvent, dans l'optique de ceux qui ont à la faire,
exagérée par rapport à ce qu'ils ont à en
retirer.
L'objectif est donc pour nous de voir s'il est possible que l'Etat
achète une partie importante de la production de livres
québécois, à partir de comités de sélection
qui existent déjà, d'ailleurs, pour les bibliothèques
centrales de prêt, où le comité choisit les livres qu'il
veut avoir dans sa bibliothèque et que l'Etat, en collaboration avec les
municipalités, mette ces livres gratuitement à la disposition des
citoyens dans des comptoirs de prêt, dans des points de
dépôt, où les livres seront accessibles en volume,
c'est-à-dire cinq, sept, huit, dix exemplaires par ouvrage, de telle
sorte qu'on pourra les emprunter aussi facilement que lorsque vous en avez
besoin, vous allez dans un Perrette ou chez un dépanneur, dans telle
épicerie, par rapport à l'épicerie principale. C'est une
image qui vaut ce que valent les images.
Ceci étant dit, si on réussit cette opération avec
les municipalités, on sortirait du circuit de subventions à
l'industrie du livre, parce que, précisément, c'est une industrie
qui aurait sa clientèle.
En, fin d'année, il n'est pas question pour l'Etat de construire
des entrepôts pour "stocker" tous ces livres très nombreux qui
n'auraient pas subi le traitement spécialisé qu'on fait subir aux
ouvrages dans les bibliothèques, c'est-à-dire codification,
classement, analyse, fiches, etc. Il suffira que ce soit fait une fois par les
bibliothèques, c'est tout.
En fin d'année, ces livres pourraient être remis en
circulation par vente usagée, avec la collaboration des libraires et
seraient, en bout de piste aussi, gardés par les citoyens qui voudraient
les acquérir à un prix très bas, parce qu'usagés et
aussi parce qu'ils les garderaient chez eux, qu'ils seraient gardés dans
les bibliothèques privées des gens.
L'objectif qu'on poursuit n'est pas d'essayer de raffiner une politique
d'aide et de subventions qu'on considère comme éternelle à
l'industrie du livre, à l'industrie des libraires, à l'industrie
des éditeurs, mais, bien au contraire, d'essayer d'en sortir, de faire
en sorte que le marché québécois si ce n'est pas possible
par achat direct des citoyens, suffise lui-même à la consommation
du livre d'ici. C'est cela qu'on essaie de faire et c'est pour cela qu'on forme
maintenant un groupe de travail qui partira de ce qui s'est fait, qui prendra
les objectifs qui sont énoncés dans le livre vert, qui verra
à rencontrer, à recevoir les réactions du milieu aux
propositions contenues dans le livre vert et qui devra nous faire un rapport le
1er décembre.
C'est entendu que si cette politique voyait le jour tel que je viens
d'essayer de la résumer rapidement, elle coûte passablement plus
cher que celle qui est en place actuellement. Il faut parler ici de quelques
millions de dollars de plus. Mais plutôt que de dépenser de
l'argent pour faire écrire, imprimer et, ensuite, garder sur les
tablettes des livres qui, finalement, ne se vendent pas ou se vendent peu, on
aurait des livres qui seraient accessibles au prêt, directement et
facilement.
M. Bonnier: M. le Président, je voudrais seulement poser
une question au ministre. Est-ce que cela voudrait dire qu'au lieu de donner
des subventions aux éditeurs pour l'édition de livres,
l'éditeur les éditerait, mais il serait assuré, en retour,
d'un marché minimum qui garantirait les frais encourus?
M. L'Allier: Tel que j'ai cru le comprendre, M. le
Président, un éditeur qui tire à 3000 exemplaires commence
à faire ses frais, à condition qu'il vende 3000 exemplaires. S'il
en vend 2000, il faut subventionner l'équivalent de 1000 exemplaires, si
on veut que l'éditeur continue à éditer. Ce n'est pas la
situation actuellement. Rarement, on vend... il y a des pointes, mais il y a
aussi beaucoup de creux là-dedans.
On vise précisément à garantir un marché
à la publication. Mais ce marché, ce ne sera pas le caprice du
ministre, ce serait partiellement, via le Conseil de la culture, mais
essentiellement à partir soit des bibliothèques, soit des
bibliothèques municipales, soit des bibliothèques centrales de
prêts et des comités de lecture. On pourrait, par exemple,
convenir avec les éditeurs qu'il y a une sorte de
préédition, c'est-à-dire qu'un mois avant que le livre ne
soit lancé sur le marché, il y en ait 100 il s'agit de
déceler les programmes de mise en marché 200 ou 500
exemplaires qui seraient disponibles à des comités de lecture et
dire: On en veut cinquante de celui-là, dix de celui-là et cinq
de celui-là; ce qui conditionnerait le marché.
M. Bonnier: Mais même l'éditeur
disparaîtrait.
M. L'Allier: Avec le temps, je voudrais qu'on en arrive à
cela, sauf, à ce moment, pour des types d'éditions
spécifiques et bien particulières. On peut entrer dans
l'édition artistique, de luxe, par exemple, là où il y a
un travail d'artisan. On peut viser l'édition d'art, on peut viser la
poésie. On peut, quant à l'aide à l'édition, aider
des secteurs qui, dans tous les pays, même les mieux organisés, ne
sont pas en eux-mêmes viables, alors qu'actuellement, c'est "at large"
qu'il faut le faire.
M. Charron: M. le Président, quand nous discutions
l'année dernière de l'urgence d'une loi-cadre pour la politique
du livre au Québec, il n'y avait pas, je dirais même pas
principalement comme objectif, de la part de ceux qui réclamaient une
loi-cadre, celui que veut atteindre le ministre des Affaires culturelles
actuel. En fait, sans loi-cadre, le ministre des Affaires culturelles peut
réaliser cette politique que son prédécesseur,
l'eût-il voulu, aurait pu réaliser aussi. Il s'agit de modifier,
dans les sommes dont dispose le ministère le site de l'allocation, en
fin de compte.
Est-ce que, comme vient de le signaler le député de
Taschereau, on subventionne l'éditeur pour ensuite laisser sans
réponse, quant à l'oeuvre, à sa vente, à sa
publication, à sa diffusion ou si, plutôt, on subventionne, si
vous me permettez encore l'image boiteuse, le consommateur à l'autre
bout, pour que le livre lui soit plus accessible?
Il s'agit d'un choix politique effectivement. L'orientation que prend le
ministre à travers le livre vert de la politique culturelle est
certainement souhaitable, mais ce n'était pas pour cela une loi-cadre.
Cela ne rend pas non plus important qu'il y ait une loi-cadre maintenant.
L'autre aspect sur lequel j'insistais à l'ouverture de cette
discussion, c'est-à-dire la protection de l'industrie
québécoise et là, j'emploie les mots industrie
québécoise, parce qu'il y va en même temps de la
souveraineté culturelle des Québécois, de leur
sécurité culturelle, c'est-à-dire que les
Québécois ne voient pas des approvisionnements venant de
l'étranger et, en particulier, les deux exemples sautent aux yeux,
l'approvisionnement normal à partir des pays francophones, parce que
c'est la langue du pays et l'approvisionnement normal en vertu de la
proximité, mais peut-être beaucoup moins souhaitable pour la
sécurité culturelle des Québécois, celui de la
proximité américaine...
Lorsque nous parlions d'une loi-cadre, lorsque nous définissons,
par exemple, le réseau de distribution actuel, qui nous abreuve de quoi,
qui décide de nous abreuver de quoi, qui nous fait entrer ici quoi, qui
inonde les bibliothèques de quoi et qui inonde les librairies ici de
quoi? Lorsque nous faisons ce tableau, il était peu reluisant pour la
protection culturelle des Québécois.
Autrement dit, la loi-cadre avait peut-être, parmi ces objets, une
politique d'aide à l'édition et ie maintien de ce qu'est une
édition québécoise, mais il y avait aussi comme objet, je
dirais, prioritaire et urgent s'il l'était l'année
dernière, il l'est sûrement encore cette année de
protéger le marché québécois de ce qui actuellement
nous est déversé sans aucun contrôle du gouvernement du
Québec.
Or, cette loi-cadre avait donc pour objectif de dire, je l'imagine, dans
un de ses articles ou dans un de ses chapitres: Si on veut oeuvrer dans le
marché du livre sur le territoire québécois, il faudra se
plier à telles et telles conditions, il faudra présenter telles
et telles lettres de créance.
Il faudra éviter des monopoles, ce qui fera que chaque ville
recevra le même contingent de volu- mes sans qu'elle puisse avoir
accès à un autre. Enfin, tout cela est certainement
présent à l'esprit du ministre. Je sais que c'est plausible aussi
dans le livre vert quand on fait l'analyse de la situation actuelle.
Le ministre m'a répondu de façon satisfaisante lorsqu'il
m'a dit comment il entend orienter l'aide à l'édition;
plutôt qu'à l'éditeur même, elle se dirigerait
plutôt vers le consommateur , ce qui multiplie les succès si elle
est bien dirigée et bien réussie. Je n'ai rien contre cela. Mon
objectif, l'objectif qui était celui de la commission l'année
dernière, lorsqu'on a étudié le budget du
ministère, d'une loi-cadre au plus sacrant pour protéger et
encadrer, le mot le dit, la politique du livre québécois sur le
territoire du Québec, cette politique demeure tout aussi urgente. Je
pense que le ministre devra aussi faire diligence là-dedans, reprendre
le dossier de M. Trudel, le compléter probablement avec nombre
d'études qui ont dû être faites dans ce domaine. Je crois
qu'effectivement, l'Assemblée nationale devrait être saisie
prochainement, cela devait l'être au cours de la dernière
année, cela ne l'a pas été, d'une loi-cadre,
étayant en partie ce qui est une politique du livre ou, comme le dit le
ministre, une politique de la lecture.
M. L'Allier: M. le Président, là-dessus, je vais
être très franc. Je ne pense pas, pour ma part, qu'une telle loi
puisse être déposée, compte tenu de ce que j'ai dit tout
à l'heure, avant le début de 1977, parce qu'il y a plusieurs
éléments. On reprend dans le livre vert, à la page 163, on
ne fait pas la problématique, mais on fait référence au
rapport Bouchard de 1963, où il était question de la
création d'une centrale d'achat de livres. On prend, à la page
170, la question d'un réseau de distribution en disant qu'il devient
possible, dans le contexte de l'implantation de points de dépôt et
de points de prêt, de penser à la création d'un
réseau de distribution qui pourrait même, si c'est
nécessaire, s'étendre aux périodiques. Ce que je veux dire
ici, c'est qu'on pourrait très bien présenter une politique du
livre, une loi-cadre sur l'édition à l'Assemblée
nationale, pour arriver six mois plus tard avec une loi complémentaire
ou des amendements.
Les augmentations de budget que nous sollicitons cette année vont
permettre d'améliorer légèrement la situation. La loi de
prêt garanti permet aussi, une fois rodée, d'aider
l'éditeur. Pour le reste, c'est un choix qu'on fait. C'est une
priorité qu'on se donne. Plutôt que de consacrer encore six mois
à l'élaboration d'une politique boiteusement industrielle du
livre, nous devons, pour en arriver à une politique industrielle valable
du livre, premièrement, mettre au point les mécanismes d'une
politique de la lecture; deuxièmement, associer le ministère de
l'Industrie et du Commerce beaucoup plus qu'on ne l'a fait dans le passé
à la réalisation d'une politique d'aide à l'industrie du
livre.
Il ne faut pas que ce ministère j'aurai l'occasion d'y
revenir à d'autres sujets se sente li-
béré de sa responsabilité de tout ce qui touche la
culture en matière industrielle; au contraire, même si ses
ressources sont modestes, on doit l'associer. La réaction des milieux
devrait nous guider quant aux problèmes les plus urgents à
régler au cours de ces six mois qui viennent. Je ne pense pas que ce
soit jouer de tour à personne que de suivre le plan qu'on propose ici;
bien au contraire. On aura une politique du livre quand le livre sera viable au
Québec. Pour le reste, on aura une politique qui serait finalement
toujours boiteuse, peut-être réalisable à court terme,
peut-être même satisfaisante pour l'éditeur.
Je pense qu'on pourrait proposer une loi dès le mois de septembre
qui pourrait largement satisfaire l'éditeur, et peut-être aussi le
libraire. Mais on n'aura rien réglé du problème qui nous
confronte actuellement, qui fait que les gens ont peu de ressources pour vivre,
de moins en moins de moyens pour s'acheter des livres et que, finalement, on se
crée un marché artificiel.
Le député de Saint-Jacques, peut-être
volontairement, n'a pas abordé dans ce contexte, par exemple, le
problème il l'a fait les années dernières du
livre scolaire, du livre scientifique. On ne peut pas dissocier ce
problème du problème d'une politique du livre. C'est là
qu'on a des choses à dire et à faire avec le ministère de
l'Education. On indique dans le livre vert que, finalement, l'école ou
le consommateur officiel du livre est peut-être actuellement l'otage du
libraire agréé. Cela veut dire qu'il est obligé de passer
par lui et cela lui coûte X% de plus. On fait supporter indirectement par
le consommateur officiel de livres, donc la bibliothèque et le
réseau scolaire, les coûts d'une politique du livre.
Je pense qu'il faut sortir le plus vite possible de ce cercle vicieux et
faire payer ceux qui doivent porter la responsabilité de cela.
Donc, il faut associer le ministère de l'Education ce ne
sera peut-être pas facile, mais on va tenter d'y arriver de
l'Industrie et du Commerce ce sera relativement plus facile
garder comme objectif une politique de la lecture et, finalement, faire, au
cours des prochains mois, la synthèse de ces éléments pour
proposer une loi où il y aura peut-être plus que Je
ministère des Affaires culturelles qui aura à intervenir.
M. Charron: Parlant justement de l'intervention du
ministère de l'Industrie et du Commerce dans ce dossier, la loi
adoptée l'année dernière des prêts garantis à
l'édition impliquait pour la première fois la
Société de développement industriel dans une vocation qui
n'était pas la sienne. C'est tellement vrai que cela a
nécessité un amendement à sa loi constituante.
Présenteent, c'est donc la Société de développement
industriel qui s'occupe de garantir des prêts aux éditeurs.
J'aimerais savoir si cette société s'est acquitée
convenablement de sa tâche depuis que la loi a été
adoptée.
M. L'Allier: En 1975/76, il n'y a eu aucune de- mande de
prêts garantis. Il y eu treize demandes de prêts qui ont
été faites. La SDI n'en a accordé aucun. Du
côté du ministère, on a senti un certain nombre de
difficultés d'ajustement avec la SDI, et je ne voudrais pas faire
l'autopsie de cette situation que je connais mal. Peut-être que M. Matte
pourrait nous en parler, ainsi que M. Boucher. Mais je pense
qu'essentiellement, au niveau du ministère de l'Industrie et du
Commerce, c'est le type de problème qu'on peut difficilement aborder
à la pièce. On arrive avec le livre, et, ensuite, il faut arriver
avec le disque. Ensuite, on va arriver avec l'artisinat au ministère de
l'Industrie et du Commerce et à la Main-d'Oeuvre, et ainsi de suite. Si,
au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, on établit
un schéma de travail permanent entre les deux ministères, ce
qu'on a commencé à faire, qu'il s'agisse de design, qu'il
s'agisse d'architecture, de livres, de disques, des industries culturelles, il
est possible que plutôt que d'essayer d'ajouter un article à la
loi de la SDI, ce soient des changements plus considérables qui soient
apportés dans cette structure pour qu'il y ait une section de
l'industrie culturelle et qui s'occupe de l'industrie culturelle surtout...
M. Charron: Située à l'intérieur même
du ministère.
M. L'Allier: A l'intérieur du ministère de
l'Industrie et du Commerce ou à l'intérieur de la SDI...
M. Charron: Oui, parce que, pour la SDI, la statistique que vous
donnez n'est guère encou-rangeante... Je me souviens de mon intervention
en deuxième lecture lors de la présentation de la loi. Tout en
lui étant favorable, je signalais que ce n'était pas la vocation
de la SDI, que je ne m'attendais pas à ce que la SDI y accède
très volontiers. Le ministre en convenait avec moi, mais il me disait
que l'urgence imposait pareille modification, parce que la loi-cadre s'en
venait et qu'il fallait agir immédiatement. J'espère que ce n'est
pas là une indication de la collaboration que vous recevrez du
ministère de l'Industrie et du Commerce lorsque vous aborderez le
dossier de l'industrie culturelle.
M. L'Allier: II faut d'abord, M. le Président, que nous
nous équipions nous-mêmes pour pouvoir traiter avec ces
ministères à vocation différente de la nôtre et
qu'on veut associer à la politique culturelle. C'est pourquoi une des
réformes qui est proposée est de créer, au
ministère des Affaires culturelles, une direction des relations
interministérielles où on aura peut-être huit ou dix
personnes qui seront hautement spécialisées dans chacun des
secteurs impliqués. Si on est capable d'aller chercher un fonctionnaire
du ministère de l'Industrie et du Commerce qui connaît à
fond la mécanique de ce ministère et un autre fonctionnaire qui
connaît, lui, l'autre côté de la médaille,
c'est-à-dire l'industrie au Québec comme telle et que ces deux
personnes ensemble deviennent notre agent de liaison avec le secteur industriel
si on
fait la même chose dans l'Education, aux Affaires sociales, dans
les loisirs, on aura une équipe d'intervention à la fois
sectorielle et polyvalente qui serait notre agent de liaison. La multiplication
des communications entre ministères n'est jamais facilitée quand
on n'a pas les bons interlocuteurs. C'est toujours le problème permanent
qui se pose.
M. Charron: Se peut-il que le choix de la SDI ait
été un mauvais choix? Enfin, on peut certainement être
tenté de conclure à cela si on regarde la statistique que vous
m'avez donnée, dans le sens que la SDI, habituée, comme je l'ai
dit tout à l'heure, à d'autres dossiers, a peut-être
imposé à l'industrie culturelle les mêmes critères
de rentabilité et tout autre critère qui sont les siens,
lorsqu'il s'agit pour elle d'appuyer l'entreprise d'ordre purement
économique comme une manufacture de bottines, une cidrerie qui veut
ouvrir ses portes et qui... Je pense que, parlant de ces relations
interministérielles qui pourront aller jusqu'à créer une
direction à l'intérieur du ministère, il y a aussi
beaucoup de "lobbying" interministériel à faire dans ce sens de
les prévenir de ne pas s'attendre à découvir des
industries culturelles fonctionnant sur le principe d'une boîte de
bottines ou quelque chose comme cela.
M. L'Allier: Exactement. Le mot, je l'emploie
familièrement quand je discute au ministère, mais cette direction
des relations interministérielles aura comme principale fonction de
faire ce lobbying des industries culturelles auprès des
ministères en question. Et c'est pourquoi on dit, lorsqu'on parle du
ministère des Affaires culturelles comme ministère
d'interventions qu'il faut d'abord, nous, intervenir dans ces
ministères, mais quand les gens viennent nous voir, qu'il s'agisse du
livre scolaire, qu'il s'agisse de l'industrie culturelle ou qu'il s'agisse
d'autres choses, on ne les renverra pas au ministère de l'Industrie et
du Commerce, on ne les renverra pas au ministère de l'Education. On va
s'asseoir avec eux. On va étudier avec eux le problème, on sera
équipé pour le faire et on ira avec eux au ministère de
l'Industrie et du Commerce pour nous assurer que la place qui leur revient est
faite et que les contraintes inhérentes à ce secteur particulier
de l'industrie soient respectées, ces contraintes étant, quant
à nous, culturelles et c'est ce qui est peut-être nouveau dans
cette approche interministérielle qui ne se pratique pas souvent.
On a toujours tendance à renvoyer les gens d'une place à
l'autre et nous, on va essayer de briser ce mouvement et comme nous sommes un
petit ministère, on va peut-être réussir.
M. Charron: Entre-temps, est-ce que les refus de la
Société de développement industriel de prêts
garantis à certains éditeurs a conduit des éditeurs
à la faillite ou à la fermeture ou cela leur a-t-il causé
des pertes considérables?
M. L'Allier: Je n'ai pas de renseignement là-dessus. Je
peux vous faire sortir les renseignements, si vous voulez, mais je ne les ai
pas ici.
M. Charron: II serait intéressant de le savoir parce que
c'est quand même une loi votée par l'Assemblée nationale et
on s'aperçoit que cela n'a conduit à rien, comme
résultat.
M. L'Allier: Cela a conduit à étudier treize
demandes, mais qui ont été refusées.
M. Charron: Mais, pour l'édition...
M. L'Allier: Je vais essayer de vous les avoir pour après
le souper ou pour demain matin, si vous voulez. Je vais essayer de vous avoir
le détail de chacune de ces demandes et les motifs qui ont
été invoqués ainsi que les conséquences que cela a
pu avoir pour les demandeurs qui se sont vu refuser.
M. Charron: J'aimerais assurer une certaine continuité
dans notre discussion en abordant maintenant le sujet de l'exportation du livre
québécois à l'étranger et au sujet duquel, à
mon avis, le ministre, l'année dernière, a donné des
réponses fort évasives et insatisfaisantes.
Commençons d'abord par l'expérience de livres du Canada du
Secrétariat d'Etat fédéral. Le ministre ne doit pas
être sans savoir que cette expérience a été un
échec quasi total qui engloutit près de $2 millions de l'argent
des contribuables en trois points de diffusion, Paris, Londres et New York.
L'expérience de Paris, qui est sans doute vitale pour l'image du
livre québécois, est particulièrement désastreuse.
On dit là-bas qu'il y a un très fort pourcentage de livres
invendus. On accuse la société de mauvaises relations
commerciales. Flammarion s'est retiré du projet pour toutes sortes de
raisons. C'est administré par des intérêts anglophones. On
parle d'un manque d'indépendance de la succursale parisienne, d'une
mauvaise connaissance de la culture québécoise et quoi
encore.
J'aimerais tout d'abord savoir si cette année, le Québec a
enfin eu son mot à dire dans la diffusion du livre
québécois à l'étranger ou le Québec et
Ottawa continuent-ils à faire bande à part souvent avec des
politiques contradictoires aux frais du contribuable
québécois.
M. L'Allier: On m'informe que la situation est rigoureusement la
même que celle que vient de décrire le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: Et devant ce résultat fracassant de la
collaboration fédérale-provinciale, le ministère des
Affaires culturelles a-t-il initié, de lui-même, des
activités menant à la diffusion du livre québécois
à l'étranger, en particulier sur le marché français
ou sur le marché francophone?
M. L'Allier: Sur ce point, je souhaite, encore une fois... Et
c'est une autre illustration du problème que nous avons à
régler, le ministère des Affaires culturelles seul ne pourrait
que débattre la question et essayer de rencontrer des gens.
L'interlocuteur principal du gouvernement fédéral en
matière de marchés étrangers, protection du marché
québécois et d'ouverture de marchés étrangers, au
niveau de l'Etat québécois, ce n'est pas le ministère des
Affaires culturelles, c'est le ministère de l'Industrie et du Commerce
et, très indirectement, le ministère des Affaires
intergouvernementales.
Si on fouille dans les dossiers du ministère des Affaires
culturelles, on se rend compte qu'il n'y a pas eu beaucoup plus de
communications soutenues entre l'Industrie et le Commerce et les Affaires
culturelles qu'il a pu y avoir entre le fédéral et le provincial
de ce côté-là. Commençons par mettre de l'ordre dans
nos choses ici et, ensuite, par l'industrie et le Commerce, on verra ce qu'il y
a à faire.
Le problème de la diffusion du livre québécois
à l'étranger peut reposer sur une question de structures et de
mise en marché, etc., mais il faut dire, et le député de
Saint-Jacques le sait très bien, que lorsqu'on arrive en Europe,
notamment à Paris, cela vaut pour le disque québécois et
cela vaut pour le design québécois, cela vaut pour la
création industrielle et culturelle québécoise. De ce
côté-là, on n'a pas encore trouvé les formules qui
permettraient de percer ce marché. Je donne une des choses que, pour ma
part, je souhaite que nous fassions, je pense que la chose a été
ou sinon sera annoncée bientôt par le ministère des
Affaires intergouvernementales. Nous avons analysé à fond la
qualité de la représentation québécoise dans cette
délégation au niveau culturel, pour nous rendre compte finalement
que si on prend un pays comme la France, les Français ont besoin d'un
type d'interlocuteur bien précis au niveau des Affaires culturelles, qui
est une espèce d'ambassadeur de la culture, qui peut avoir des contacts
avec les grandes institutions françaises et tout. C'est le type de
conseiller culturel que nous avons eu, d'une façon traditionnelle. Mais
il a été seul dans cette fonction. Lorsqu'il s'agissait de
prendre des contacts avec ceux qui s'occupent d'industrie culturelle en France,
qu'il s'agisse de livres, de disques ou d'autre chose, ce même
interlocuteur n'a pas la polyvalence, la plupart du temps, qui permet de faire
les deux fonctions. En d'autres mots, vous connaissez nos amis français.
Si vous êtes celui qui a accès à la table du
secrétaire général de l'Académie française,
vous ne pouvez pas être le même qui va faire de l'antichambre chez
Barclay avec les disques. Cela ne peut pas être la même personne.
Cela va de soi. Si vous allez chez Barclay, vous ne serez pas reçu
à l'Académie française. Ce n'est pas parce qu'on ne vous
aime pas, c'est parce qu'il y a des niveaux et des hiérarchies à
respecter. Je pense qu'on ne blesse personne en reconnaissant cette
réalité. A partir de là, j'ai recommandé aux
Affaires intergouvernementales, et la recommandation a été
acceptée, que, dorénavant, dans les changements de structures qui
sont en cours ou qui vont se produire au niveau notamment de la
délégation à Paris, la représentation culturelle
soit double. Qu'il y ait l'attaché ou le conseiller culturel tel qu'il
est requis par la pré- sence du Québec en France sur le plan du
prestige culturel, etc., soit, mais qu'il y ait aussi un pendant à cette
personne et qu'il y ait au moins un conseiller, commençons pas un, qui
s'occupe d'une façon spécifique et à plein temps
parce qu'il en a les qualités et la compétence des
industries culturelles. C'est peut-être le pas le plus important que l'on
pourrait franchir au niveau de la présence québécoise,
notamment en France, cette année. Si, au bout d'un an, on se rend compte
que cela donne des résultats en France, on verra s'il n'y a pas lieu de
faire la même chose dans les autres pays, mais commençons par la
France, parce que c'est là qu'est le marché pour nous.
Incidemment, ces changements vont se faire au cours de
l'été et il y aura, je pense, dès le mois de septembre,
deux personnes plutôt qu'une à Paris, dont une sera chargée
des Industries culturelles, et l'autre assumera les fonctions traditionnelles
de conseiller culturel.
M. Charron: M. le Président, le ministre a signalé
tout à l'heure que le budget de l'aide à la publication et
à la vente du livre avait presque doublé cette année.
J'aimerais qu'il explicite les raisons qui ont conduit à cette
progression considérable. Je voudrais savoir sur quoi on s'est
basé, à partir de quelle expérience, pour doubler l'aide
à la publication et aux livres cette année. Est-ce parce que les
fonds de l'année dernière, par exemple, ont été
complètement épuisés et rapidement?
M. L'Allier: Essentiellement, les demandes qui nous sont
présentées par des écrivains ou par des auteurs dans le
cas de l'aide à la création littéraire et par des
éditeurs dans le cas de l'aide à l'édition sont toujours
deux fois, trois fois et parfois quatre fois supérieures aux ressources
disponibles.
M. Charron: Quel est le partage entre l'aide à
l'écrivain et l'aide à l'éditeur?
M. L'Allier: En 1976/77, l'aide financière à
proprement parler se présentera de la manière suivante:
L'assistance financière à la création sera de $140 000;
l'aide financière à l'édition, de $548 000. Evidemment, il
faut tenir compte du fait que l'assistance financière à
l'édition revient toujours, d'une certaine façon, au
créateur. Si on n'aidait pas l'éditeur, le créateur
lui-même ne pourrait pas rédiger ou compléter son oeuvre.
Mais les chiffres sont ceux-là, ce qui veut dire que, pour l'aide
à la création, l'aide financière passe de $105 000
à $140 000 de 1975/76 à 1976/77 pour une augmentation de 33% et
l'aide financière à l'édition passe de $139 000 à
$548 000 pour une augmentation de 294%. Cela tient compte évidemment des
demandes qui nous avaient été formulées dans le
passé.
M. Charron: Est-ce que l'aide à l'édition se fait
sur demande des maisons d'édition ou sur demande des écrivains
pour édition de l'oeuvre?
M. L'Allier: Les deux cas sont possibles. Souvent, toutefois,
l'interlocuteur privilégié du ministère est
l'éditeur qui s'est vu soumettre un manuscrit par l'auteur et qui,
présumant que le marché québécois ne
réussirait pas à lui faire payer les frais de l'édition,
demande une aide financière au ministère. C'est
généralement l'éditeur qui est le principal interlocuteur
du ministère plutôt que l'écrivain lui-même.
M. Charron: Pour ce qui est du budget d'aide à
l'écrivain, il s'agit d'une véritable aide à la
rédaction, c'est-à-dire d'un montant versé à
certains écrivains indépendamment de l'édition future du
livre pour qu'il le rédige. Donc, en fin de compte, c'est une
bourse.
M. L'Allier: Il y a des jurys constitués pour examiner les
demandes qui sont faites par des écrivains, mais toujours, l'aide est
versée en fonction d'une demande très précise
formulée pour la rédaction d'un ouvrage donné.
M. Bonnier: Est-ce qu'il ne s'agit pas à ce
moment-là d'une aide à la recherche nécessaire à la
publication d'un ouvrage?
M. L'Allier: Tout dépend de...
M. Bonnier: II me semble que c'était un peu ça dans
le passé, on l'a interprété comme ça.
M. L'Allier: C'est-à-dire qu'on essaie de se donner des
critères, on va au mieux, c'est la salière.
Tout dépend de l'auteur. Evidemment, si la demande est faite par
un romancier, l'utilisation de la subvention ne sera pas la même que s'il
s'agit d'un universitaire qui veut publier un ouvrage scientifique. Dans un
cas, il s'agira de financer le manque à gagner de celui qui veut
consacrer une partie de son temps à rédiger son oeuvre, tandis
que, dans l'autre cas, ce sera pour financer des assistants de recherche, des
travaux personnels de l'individu.
M. Charron: Les jurys sont formés quand, annuellement? Ils
sont renouvelés annuellement?
M. L'Allier: Les jurys sont formés sur une base annuelle,
à partir de listes de personnes qui sont soumises par les
différents milieux. J'ai sur mon bureau de longues listes avec des
recommandations du service et on essaie, autant que possible, année par
année, de remplacer une partie des membres du jury, mais, encore
là, on pourrait en parler très longtemps, c'est
précisément une des choses que vise à corriger le Conseil
de la culture. Il faut que les jurys soient connus, que les dates de formation
des jurys soient connues, que les critères d'évaluation soient
connus, que les montants disponibles à être distribués
soient connus et que les critères d'allocation soient connus et il faut
aussi qu'on ait une pondération régionale. On a, par exemple, une
demande d'aide, de temps en temps, pour la publication d'ouvrages strictement
régionaux, qui portent sur l'histoire de telle paroisse ou de telle
chose.
Ces ouvrages tombent rarement dans les grilles d'aide du
ministère, parce que ce n'est pas, en soi, de la littérature.
Mais ce sera vendu à 1500 ou 2000 exemplaires, ce sera vendu dans la
moyenne de ce qui se vend et de ce qu'il aide au Québec. Comme ça
vient d'une région, que ça porte sur une ville, que cela a
été écrit par un curé, ses marguilliers et que
c'est la petite histoire, ça ne tombe pas dans les grilles. Il faut, par
le régional, aider ce genre de choses.
Je ne peux pas en dire plus au député de Saint-Jacques
là-dessus. C'est une situation. Qu'il s'agisse d'aide à la
création, d'aide à l'édition où on a demandé
par le passé à des gens qui s'y connaissent, de bonne
volonté, qui sont eux-mêmes des écrivains ou qui sont des
personnes reconnues, de faire partie de jurys, de donner des grilles
d'évaluation, à partir d'une demande totale, disons de $500 000
de dépenser $50 000 ou $60 000 au mieux, en donnant des points à
chacun; c'est comme ça que ça fonctionne. On donne des points et,
au total, ceux qui ont plus de 70% ont droit à $1000, ceux qui ont plus
de 80 ont droit à $2000 et ceux qui ont plus de 90, à $5000.
M. Charron: M. le Président...
M. Bonnier: Le maximum est de 5000?
M. L'Allier: Alors, cela peut aller légèrement plus
haut que cela. Je vous donne cela comme exemple. Ce sont, en fait, des moyens
d'administrer des ressources insuffisantes et à partir de
critères qui ne sont pas généralement connus, mais qui
sont basés essentiellement sur l'évaluation que les membres qui
composent un jury se font de ce qu'il faut faire pour aider tel type
d'expression culturelle.
M. Bonnier: Une petite question, M. le Président. Est-ce
que, selon les commentaires que vous recevez de la part des écrivains,
des poètes, etc., ces derniers aimeraient mieux que l'argent leur soit
versé directement par le ministère pour les aider à
écrire ou subventionner même leurs livres, plutôt que
d'être versé à l'éditeur qui, bien souvent, porte un
jugement de valeur sur l'oeuvre et qui peut la refuser?
M. L'Allier: Je n'ai pas de renseignements personnellement
là-dessus, M. le Président. Les échos que j'ai des
créateurs, c'est que, ce qu'ils demandent, dans un premier temps, c'est
de savoir où s'adresser, comment s'adresser, à qui s'adresser,
quels sont les normes et critères pour poser une candidature.
Que l'aide soit versée à l'éditeur, si les gens le
savent à l'avance et s'ils connaissent les grilles à partir
desquelles cette aide est versée, ils vont peut-être accepter les
règles du jeu, sauf qu'actuellement, un jury peut décider,
valablement et cela libère largement le ministre de sa
responsabi-
lité, bien que ce soit lui, qui, en définitive, prenne la
décision que le jury ne fait que recommander couvre
souvent l'absence de moyens d'intervention.
Le même problème se pose au niveau du Conseil
fédéral des arts. On n'est pas ici pour étudier ces
crédits, mais mon opinion est qu'au niveau du Conseil
fédéral des arts, cela fonctionne à peu près de la
même façon. Ce qui fait qu'il s'en sauve avec un peu plus
d'honneur, c'est qu'il a plus d'argent et qu'il réussit finalement
à satisfaire tous ceux qui méritent de l'être. On n'exige
pas, à ce moment-là, d'avoir de politique très
serrée quand on a l'argent pour aller avec. Comme nous, on n'a pas de
ressources, c'est plus difficile.
M. Charron: M. le Président, pour conclure ce premier
élément du programme, puis-je demander au ministre le montant des
subventions versées cette année aux organismes professionnels du
livre? Je sais que le ministère avait comme objectif de ne plus
subventionner ces organismes, sauf pour des projets spécifiques. Il y a,
entre autres, comme information recherchée, le montant accordé
à la Foire internationale du livre de Montréal et au Salon du
livre du Québec.
M. L'Allier: J'ai ici des montants qui ont été
versés au cours de l'année 1975/76, parce que les demandes ne
nous ont pas toutes été formulées pour 1976/77. Les
associations du livre ont reçu $110 000. Je peux vous les donner par
association, tandis que les expositions, les salons, les foires du livre ont
reçu exactement le double, soit $220 000.
M. Charron: Comment le partage-t-on entre la Foire internationale
du livre de Montréal et le cinquième Salon du livre de
Québec?
M. L'Allier: En 1975/76, la Foire internationale du livre de
Montréal a reçu $125 000 et le Salon du livre de Québec
$80 000.
M. Charron: Dans le premier cas, celui de la Foire internationale
du livre, est-ce qu'il y a eu une contribution fédérale?
M. L'Allier: Oui, il y en a eu une, mais je ne pourrais vous
donner le montant exact.
M. Charron: L'année précédente, elle avait
été de $500 000. Savez-vous si elle a été
augmentée ou diminuée? On nous avait dit, ici, à la
commission, que cela se ferait maintenant en concertation.
M. L'Allier: Je ne peux pas répondre à la
question.
M. Charron: Quant au Salon international du livre de
Québec, le ministre avait posé comme condition que les deux
groupes qui revendiquent la paternité et cet événement
maintenant devenu annuel s'entendent avant de verser quelque contribution que
ce soit. Est-ce que la condition a été
réalisée?
M. L'Allier: La condition a été
réalisée, M. le Président, en ce sens qu'il y a un des
deux groupes qui est mort de sa belle mort quelques jours avant la date limite
pour l'entente. A vrai dire, il ne restait qu'un groupe en place; on a
travaillé avec celui-là.
M. Charron: Est-ce qu'on peut s'attendre, sur le budget que nous
sommes disposés à voter, que des sommes sont également
prévues pour la Foire internationale de Montréal, si elle doit
reprendre, et pour le Salon international de Québec, qui doit avoir lieu
au printemps, donc sur cet exercice financier?
M. L'Allier: M. le Président, pour ce qui est de la foire
de Montréal, les montants d'argent prévus au budget actuel, au
budget qui vous est proposé pour adoption, sont pour défrayer les
coûts de l'opération qui vient de se terminer, puisqu'il faut
évidemment regarder les chiffres, les bilans de la foire du livre. On
n'a pas d'engagement de pris pour la troisième foire du livre de
Montréal, pas plus qu'on n'a d'engagement de pris pour le salon du livre
de Québec.
L'engagement, si on peut parler d'engagement, pour ce qui est de chacun
des deux organismes, est, quant au salon du livre de Québec, de
rencontrer, dès l'automne les responsables de l'organisation du dernier
salon, de nous assurer avec eux que l'organisation d'un éventuel salon
soit représentative de l'ensemble des milieux, à Québec,
qui s'intéressent au livre. Donc qu'on sorte de ces querelles de
chapelle, moi-je-le-fais, toi-tu-ne-le-fais-pas et des choses comme cela.
Troisièmement, que le salon du livre de Québec élargisse
considérablement sa vocation culturelle et présente, d'une
façon accessoire, d'autres types de manifestations culturelles non
contradictoires avec un salon du livre.
J'ai parlé par exemple de disques. Il ne s'agit évidemment
pas de construire autour des kiosques des discothèques où les
gens pourront écouter des disques, mais il faut situer le disque parmi
l'édition québécoise, puisqu'il y a un certain nombre
d'éditions québécoises en matière de disques, et
faire les liens entre cela.
J'ai indiqué au salon du livre de Québec que la
participation financière du ministère ne serait pas
augmentée, sauf pour tenir compte de cet aspect. En d'autres mots, si
vous avez un groupe représentatif de ceux qui, à Québec,
ont le souci de la promotion du livre, ils auront ou pourront
bénéficier, pour l'organisation d'un prochain salon, de l'aide du
ministère dans les mêmes dimensions que pour celui de cette
année. Nous augmenterons notre participation, s'il y a augmentation de
l'éventail des activités culturelles.
Pour ce qui est de la foire internationale du livre de Montréal,
le problème est plus complexe. J'ai l'intention de l'aborder avec Guy
Saint-Pierre, de l'Industrie et du Commerce, qui y était, à un
moment donné, associé pour voir si, effectivement, c'est bien
là la responsabilité du ministère des Affaires culturelles
de verser une subvention de $100 000 ou $200 000 pour que se tienne
à
Montréal ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'un salon de
l'automobile appliqué au livre, c'est-à-dire la majorité
de ce qui y est présenté, est, bien sûr, de
l'édition francophone, mais proportionnellement, l'édition
québécoise y trouve rarement son compte. L'éditeur
québécois peut y trouver son compte à l'occasion. Le
libraire québécois peut aussi faire des affaires, mais c'est
d'abord et avant tout une foire commerciale internationale. Est-ce qu'il
appartient au ministère des Affaires culturelles de fournir les
ressources pour que se tienne une telle manifestation internationale? C'est ce
que j'ai l'intention de revoir avec mon collègue Guy Saint-Pierre.
M. Charron: M. le Président...
M. L'Allier: Pour ma part, je n'ai pas de...
M. Charron: ... à l'élément 1...
Le Président (M. Pilote): L'élément 1 est
adopté.
Bibliothèques publiques
M. Charron: Quant aux bibliothèques publiques,
peut-être, un son de cloche désagréable à entendre.
Rappelons-nous que le Québec est le bon dernier en ce qui concerne le
réseau de bibliothèques publiques. Les dernières
statistiques fédérales disponibles démontrent que, par
habitant, comparativement à l'Ontario qui, elle, est, comme on le
devine, la province la mieux nantie dans ce domaine, les bibliothèques
publiques avaient trois fois et demie moins de livres, possédaient deux
fois et demie moins d'imprimés, comptaient quatre fois moins de
personnel, dont six fois moins de bibliothécaires professionnels. Enfin,
notre bibliothèque aurait un budget total de $8 599 000,
c'est-à-dire la contribution des municipalités comprises, contre
$51 millions mis au même service dans la province, souventefois,
comparée au Québec.
En Ontario 815 endroits différents dispensaient des services
alors qu'au Québec nous avions, selon nos statistiques, 326 centres.
Je m'arrête là, parce que je sais que le ministre est aussi
au courant que moi de cette situation déplorable. D'ailleurs, les
dernières statistiques émanant du ministère même
confirment une légère amélioration. La population a
augmenté de 19,6%, le nombre de prêts a connu une hausse de 18%,
le nombre de bibliothèques est passé de 71 à 110 et les
livres ont fait un bond d'environ $1,8 million à plus de $5
millions.
J'aimerais cependant poser quelques questions pour vérifier s'il
y a effectivement tendance au rattrapage au Québec dans ce domaine.
Premièrement, en vertu du programme d'investissements quinquennal,
accepté par le Conseil du trésor, le Québec devait avoir
rejoint le reste du Canada il y a déjà quelques
années.
Est-ce que la croissance du budget s'effectue normalement ou s'il y a
restriction budgétaire qui nous retarde encore indéfiniment? Ces
sommes seront-elles indexées et modifiées?
M. L'Allier: M. le Président, j'en profite d'ailleurs pour
vous présenter, ce que j'aurais dû faire au début, mes
collaborateurs qui sont ici avec moi: Claude Trudel, qui est sous-ministre
adjoint; Pierre Boucher, qui était là tout à l'heure, qui
est sous-ministre adjoint également; M. Barbin, qui est sous-ministre;
Claude Fortin, mon directeur de cabinet; M. Matte, qui est directeur du service
de la bibliothèque publique et M. Claude Monette, là-bas, qui est
directeur général des arts d'interprétation et directeur
du développement régional.
Pour la question des bibliothèques, vous savez que le Conseil du
trésor a accepté un plan de développement des
bibliothèques. La situation est telle que l'a décrite le
député de Saint-Jacques. Pour une fois qu'on aurait un
problème qui n'est pas dû à la gérance ou à
l'ingérance du gouvernement fédéral, mais qui est un
problème strictement québécois et depuis toujours, on peut
peut-être en parler bien entre nous.
Nous avons effectivement énormément de rattrapage à
faire, à tel point que, malgré le même ordre de programmes
approuvés par le Conseil du trésor, c'est, quant à moi, ce
qui m'a amené à me poser la question en regard de la politique du
livre et de l'associer avec la politique de développement des
bibliothèques publiques.
Les bibliothèques publiques, dans le Québec, subissent,
parce que ce sont d'abord des bâtiments au moment de prendre des
décisions, les mêmes contraintes que tous les lieux à
construire, c'est-à-dire que les ressources pour y arriver augmentent
actuellement moins rapidement que les coûts de construction. Or, une
municipalité, qui a le choix entre une bibliothèque publique et
une aréna et qui, il y a cinq ans, pouvait faire les deux, mais qui,
maintenant, doit choisir entre les deux, compte tenu de l'aide qui est
apportée à une aréna et de l'aide qui est apportée
aux bibliothèques publiques, laquelle est inférieure à ce
qui est apporté à une àréna, a bien des chances de
choisir l'éducation physique et la glace artificielle qui, elles,
peuvent, à certains points de vue, même s'autofinancer, ce qui
n'est jamais le cas d'une bibliothèque publique. C'est ce qui m'a
amené dans la livre vert à faire ce lien entre la
bibliothèque publique et une politique de la lecture et une politique du
livre. En d'autres mots, est-ce qu'on doit continuer à favoriser le
développement des bibliothèques publiques à partir du plan
de 1973? Ou est-ce qu'on ne doit pas voir si, un peu comme en Afrique, il n'y a
pas des étapes qu'il faut franchir, c'est-à-dire que les
Africains sont passés de la communication au tambour à la
télévision sans passer nécessairement par le cristal de
galène et la TSF qu'on a connus, etc.
J'en suis arrivé à la conclusion qu'il fallait maintenir
le programme de développement des bibliothèques publiques tel
qu'il avait été approuvé, même s'il devait
lui-même connaître des ralentissements dus à l'augmentation
des coûts aux municipalités pour fins de construire des
bibliothèques.
En maintenant ce programme, toutefois, la proposition que je fais ici
est de ne pas en augmenter les ressources d'une façon
considéra-
ble autrement que tel que prévu dans le mémoire des
programmes et l'augmentation des ressources venant donc favoriser, au sein de
ces bibliothèques, un élargissement de leur vocation culturelle
et leur polyvalence culturelle, un peu comme on a dit pour le salon du livre.
Si la bibliothèque dans telle municipalité se développe
suivant le plan de développement, elle aura droit aux ressources
prévues au plan de développement. Si, par ailleurs, elle propose
d'étendre son champ d'activités culturelles pour devenir un lieu
où on fait plus que ce qu'on fait traditionnellement, il y aura des
ressources supplémentaires qui y seront consacrées.
Quant à nous, les augmentations de budget que nous allons
solliciter au cours des prochaines années et que nous allons voir
seulement réaménager dès cette année, iront, si les
conclusions sont positives évidemment au développement de ces
points de dépôt de livres, de ces points de prêts qui vient
donc suppléer à une des fonctions de la bibliothèque. Il
est entendu que, dans ces points de dépôt, vous n'auriez pas
accès uniquement aux livres courants, mais vous pourriez avoir
accès sur catalogue à ce qui est disponible en
bibliothèque. Ceci étant dit, c'est un peu une note
préliminaire, je voudrais céder la parole à M. Matte qui
pourrait répondre directement à vos questions sur les
bibliothèques, puisqu'il est directeur du service.
M. le Président, le député de Saint-Jacques faisait
mention tantôt de dépenses totales de $8 776 000 pour les
bibliothèques publiques et cette statistique datait de 1973. L'an
dernier, la statistique était de $10 millions, et, cette année,
elle a augmenté de $3 millions et se situe maintenant à $13 395
500. Evidemment, c'est encore loin des $51 millions de l'Ontario. Mais je tiens
à signaler ici que l'Ontario est considérée en
Amérique du Nord comme un des Etats où les subventions sont
considérables, même plus que dans certains Etats des Etats-Unis.
C'est un système modèle si vous voulez, à la grandeur de
l'Amérique du Nord. Evidemment, si nous comparons le Québec, nous
sommes partis passablement en retard, mais je pense que nous arrivons et que
nous suivons, et le plan de quinze ans qui avait été tracé
dans le mémoire de programme se développe couramment, et je
crois...
M. Charron: Avec la collaboration du Conseil du trésor
à la réalisation du plan tel que présenté il y a
quelques années.
M. L'Allier: Jusqu'ici, oui, sauf que dans le mémoire de
programme, évidemment il n'avait pas été prévu
l'augmentation considérable de l'inflation.
M. Charron: Est-ce que les nouvelles normes dont on avait
parlé l'année dernière ont été
officialisées et sont connues de tous?
M. L'Allier: Oui, M. le Président. Les subventions ont
été accordées, cette année d'après les
règles qui ont été émises et sanctionnées
par le Conseil du trésor.
M. Charron: Dans le rapport annuel, je pense, on dit qu'on a
octroyé des subventions cette année je parle de
l'année dernière, l'année dont on parle dans le rapport
annuel à 106 bibliothèques publiques, alors que,
l'année précédente, on avait le chiffre de 111.
M. L'Allier: Oui.
M. Charron: Je suis étonné de cette diminution.
M. L'Allier: Oui, il disparaît de temps en temps certaines
petites bibliothèques municipales qui ne peuvent pas tenir le coup par
rapport aux subventions municipales, parce que vous savez que, dans les
règles, il faut qu'une municipalité donne au moins $0.02 des $100
d'évaluation foncière imposable ramenée à 100%. Il
arrive que certaines petites municipalités ne peuvent pas supporter
cela. Mais, dans le cas de cette année, la diminution est plutôt
due au regroupement des municipalités. Il y a certaines
municipalités qui ont été regroupées. Evidemment,
le nombre a diminué...
M. Charron: Comme Jonquière, Arvida,
Kénogami...
M. L'Allier: Exactement!
M. Charron: ...qui sont devenues une seule ville.
M. L'Allier: Le cas de Gatineau, par exemple. M. Charron:
Oui.
M. L'Allier: Donc, certaines municipalités étaient
desservies par la Bibliothèque centrale de prêt de l'Outaouais,
les petites municipalités qui sont devenues maintenant la ville de
Gatineau. Tout ça fait qu'il y a diminution de municipalités
desservies, mais, par ailleurs, une augmentation des populations
desservies.
M. Charron: C'est l'explication que je cherchais. Il y a eu
entente entre le ministère de l'Education et le ministère des
Affaires culturelles quant aux bibliothèques de CEGEP et des commissions
scolaires. De quel ordre est cette entente? De quelle nature est cette entente
survenue entre les deux ministères?
M. L'Allier: Cette entente touchait les municipalités de
moins de 20 000 habitants qui n'étaient pas capables de supporter une
bibliothèque municipale, à condition qu'elles se conforment
à l'article 2a comme toute bibliothèque municipale et qu'elle
donne aux CEGEP une contribution municipale de $0.02 les $100
d'évaluation foncière imposable.
Il n'y a qu'un cas où on a manifesté le désir
d'organiser une telle bibliothèque. C'était dans la ville
de Gaspé, qui est la ville regroupée, je pense, une des villes
les plus considérables du Canada. Il y a des petites
municipalités situées à peu près à 80 milles
de Gaspé même. Je pense que c'est un cas spécial qu'il
faudra traiter d'une façon spéciale avec la bibliothèque
centrale de prêts. Nous sommes allés sur place et, après
avoir discuté de la chose pendant un après-midi, le maire et les
autorités du CEGEP ont conlu que, finalement, il valait peut-être
mieux attendre plutôt que de s'impliquer dans un tel projet.
M. Charron: J'ai lu quelque part, dans un document émanant
de Multi-Media, de groupes travaillant à l'intérieur de
Multi-Media je la donne sous toute réserve, mais il me semble que
la statistique est importante et j'aimerais entendre vos commentaires
sur une étude effectuée auprès de 279 bibliothèques
d'écoles secondaires, que 26% seulement de ces bibliothèques se
déclaraient ouvertes à la population, c'est-à-dire qu'en
plus des étudiants fréquentant l'institution, seulement 6%
ouvraient en soirée et 0,4 ouvraient le samedi.
Je ne sais pas si c'est la statistique générale encore
là, mais c'est certainement une indication de la part des
autorités scolaires, si on calcule les réserves intellectuelles
en livres qu'elles possèdent et si on souhaite, comme la plupart des
membres de la commission le souhaitent, l'ouverture de ces ressources à
la population parce que c'est finalement elle qui paie, est-ce que cette
proportion est réaliste ou non? J'ai dit que je la donnais sous toute
réserve. Et quels ont été les gestes émanant de la
direction générale du ministère pour favoriser
l'accès du public aux bibliothèques scolaires?
M. L'Allier: Evidemment, l'accès des bibliothèques
scolaires ne peut être faite parce qu'au fond, ce sont les mêmes
taxes, je pense, qui sont versées par les contribuales. Alors, n'importe
quelle commission scolaire pourrait... Elle peut très bien ouvrir ses
locaux à la population puisque ce sont des taxes provenant de la
population.
M. Charron: Pour les commissaires qui décideraient une
pareille chose, il leur faut, évidemment, prévoir du
personnel.
M. L'Allier: Sur ce point, M. le Président, si je peux
ajouter ceci. C'est un des problèmes, effectivement, que nous avons
constatés et qui m'ont frappé de façon
considérable.
Les spécialistes en bibliothéconomie vous diront que les
clientèles, pour les bibliothèques scolaires et pour une
bibliothèque publique, ne sont pas les mêmes, que les exigences de
conservation ne sont pas les mêmes, que les contenus des deux
bibliothèques doivent être différents et sont effectivement
différents, ce qui peut, probablement se vérifier.
Il n'en reste pas moins que le problème qu'on a soulevé
dans le cadre du développement des bi- bliothèques publiques ne
peut pas se dissocier, je pense, d'un sondage ou d'une étude assez
profonde auprès du ministère de l'Education dans la
révision, éventuellement, de ses normes d'implantation de
bibliothèques scolaires. Si on regarde les ressources qui sont
consacrées aux bibliothèques scolaires, c'est hors de proportion
avec les ressources consacrées à la lecture publique. Or, ce
problème, on peut le traîner, on peut garder le ministère
de l'Education dans son propre circuit, mais on peut aussi proposer, au risque
de se faire renvoyer comme des malotrus, d'étudier la révision
complète de ce qui est maintenant une bibliothèque scolaire,
compte tenu du fait que les étudiants ou les élèves ne
passent plus de temps à l'école, finalement. Ils y vont pour les
leçons et ils en sortent à 3 h 30. La bibliothèque,
automatiquement, devient un lieu de référence à partir
d'un certain niveau, dans certains secteurs spécialisés. Alors,
les ressources pour l'acquisition de livres se retrouvent beaucoup plus
là que dans les bibliothèques publiques. De la même
façon qu'on peut le faire dans d'autres domaines. La question que je
pose, en tout cas, dans le livre vert, est la suivante: Est-ce qu'on ne devrait
pas, carrément, revoir toute cette question et faire en sorte que la
bibliothèque publique soit la bibliothèque accessible à
tous les citoyens, même ceux d'âge scolaire, ne conservant dans les
écoles que des comptoirs de prêts s'approvisionnant dans les
bibliothèques, pour ce qui est du livre de consultation, ou certains
ouvrages plus directement reliés à l'enseignement? C'est une
chose qu'il faudra étudier au risque de froisser et d'offenser
même les bibliothéraires spécialisés. Les ressources
nous obligent à faire ce genre de réflexion. Si on était
déjà en avance sur tout le monde, on n'aurait pas à
réfléchir ainsi, mais les ressources disponibles nous obligent
à faire ce genre de réflexion.
M. Déom: II y aurait peut-être eu la solution
inverse, qui permettrait de pallier les problèmes de construction, parce
que les bibliothèques scolaires sont déjà en place. Vous
parliez tantôt des coûts de construction et de la difficulté
de suivre. Il y a peut-être l'inverse à faire, c'est de forcer...
Peut-être pas forcer, mais je veux dire...
M. L'Allier: II faut certainement revoir cela...
M. Déom: ... les commissions scolaires à ouvrir
leurs bibliothèques ou à changer les normes de...
M. L'Allier: On va peut-être le répéter
souvent, M. le Président, mais quand on parle d'un rôle
d'intervention au ministère des Affaires culturelles, c'est
précisément ce que cela veut dire au niveau du ministère
de l'Education. C'est exactement ce que cela veut dire, en ce qui me concerne,
savoir faire en sorte que les ressources du ministère de l'Education ne
soient pas cantonnées et limitées aux simples exigences
pédagogiques ou professionnelles du milieu pédagogique, mais
qu'elles servent aussi, dans toute la mesure où les maria-
ges sont possibles, aux fins de la diffusion culturelle. C'est
peut-être là un des gros problèmes qu'on aura à
régler avec le ministère de l'Education. Je ne sais pas comment
ces gens réagiront aux propositions de discussion qu'on leur fera, mais
j'ai bien l'intention de l'aborder de front avec eux.
M. Lapointe: Est-ce qu'on peut savoir combien il existe
d'ententes entre les municipalités et les commissions scolaires pour
l'utilisation des bibliothèques scolaires? A ma connaissance, dans ma
région, il existe une municipalité, L'Annonciation, qui a une
entente avec la Commission scolaire régionale Henri-Bourassa et la
bibliothèque de la polyvalente est ouverte au public. Est-ce que vous
connaissez plusieurs cas à travers le Québec?
M. L'Allier: II n'y a pas de statistiques précises
là-dessus, parce que, évidemment, les commissions scolaires ne
sont pas du ressort des... Mais les municipalités peuvent passer des
ententes avec les commissions scolaires sans que nous le sachions. Parce
qu'à ce moment-là, il ne s'agit pas de bibliothèques
publiques, il s'agit d'une entente entre une municipalité et une
commission scolaire. Je sais, par ailleurs, qu'il y a certaines ententes, par
exemple, dans le nord de Montréal, avec les commissions scolaires, mais
nous n'avons pas de statistiques précises là-dessus, parce qu'il
s'agit d'une chose du ministère de l'Education.
M. Lapointe: Ce serait facile d'obtenir des chiffres par le
ministère de l'Education, ce serait intéressant de savoir de
quelle façon sont utilisées toutes les ressources...
M. L'Allier: Je crois que le ministre en parle dans son livre
vert et il serait très important de savoir les collaborations qui
existent à l'heure actuelle de ce côté et ce que cela a
donné. Il y a eu certaines expériences qui ont été
faites au Québec et ailleurs dans ce domaine et disons que, jusqu'ici,
les résultats n'ont pas été tellement probants en faveur
de la fusion...
Cela se comprend assez bien, parce que ce qui est, la plupart du temps,
acquis par les bibliothèques scolaires, n'est pas nécessairement
ce qui intéresse une population locale ou ce qui intéresse la
population locale s'y retrouve d'une façon tellement parcimonieuse que
les citoyens qui se présentent à la bibliothèque scolaire
nouvellement ouverte et qui demandent tel ou tel ouvrage qui n'est pas
disponible, un deuxième qui n'est pas disponible, s'ils font ça
quatre ou cinq fois, ils n'y vont plus, parce que le service n'est pas
là. Par ailleurs, lorsqu'ils voient sur les rayons des milliers
d'ouvrages, ils se demandent ce qu'on fait effectivement et ce qu'on
achète. Parce qu'ils veulent lire un livre dans l'année et elle
ne l'a pas. Ils parlent avec leur voisin qui a eu le même problème
et avec le cousin qui a eu la même chose.
M. Charron: Cela implique évidemment un échange de
vocation; un jour, si la bibliothèque scolaire s'ouvre à
l'ensemble du public, ça varie un peu ses acquisitions.
M. L'Allier: Cela change les normes, mais ça rejoint la
politique de lecture, ça rejoint la politique du livre. C'est pour
ça que ces choses sont interreliées.
M. Charron: M. le Président, j'aurais une dernière
question au sujet des bibliothèques, avant la suspension des travaux. Ce
ne sont pas toutes les populations, toutes les municipalités, qui
peuvent avoir une bibliothèque, quelles que soient les normes. Plusieurs
d'entre elles en fait, c'est presque 40% de la population sont
des municipalités qui doivent plutôt compter sur les services de
la banque centrale de bibliothèques publiques.
Je voudrais savoir si l'échéancier prévoyant
l'établissement de douze bibliothèques centrales, alors qu'il y
en a quatre actuellement, sera suivi ou est affecté par les restrictions
budgétaires.
M. L'Allier: II est suivi, il est parfaitement suivi et, cette
année, nous installerons la bibliothèque centrale de prêts
du Nord-Ouest du Québec. Evidemment, nous essayons de couvrir les
régions les plus vastes et les plus démunies au point de vue de
bibliothèques publiques. Après avoir installé celle du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, c'est maintenant le tour de la
bibliothèque du Nord-Ouest.
J'ajouterais à cela que non seulement il est suivi, M. le
Président, mais s'il est possible, en cours d'année, de
procéder à des réaménagements budgétaires,
ce programme sera, quant à moi, accéléré.
M. Charron: Bien, M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions.
Le Président (M. Pilote): L'élément 2 est
adopté. Elément 3: Bibliothèque nationale?
M. Charron: Adopté.
Le Président (M. Pilote): Adopté. Alors, nous
serons rendus au programme 2. La commission ajourne ses travaux à 20 h
15.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 30
M. Pilote (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'odre, messieurs!
La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications continue l'étude des crédits du ministère
des Affaires culturelles.
Sont membres de la commission: M. Bellemare (Johnson), M. Bérard
(Saint-Maurice), M. L'Allier (Deux-Montagnes), M. Charron (Saint-Jacques), M.
Choquette (Outremont), M. Côté (Matane), M. Bonnier (Taschereau),
M. Déom (Laporte), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Morin
(Sauvé) qui remplace M. Léger (Lafontaine); M. Parent
(Prévost), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Tardif (Anjou), M. Veilieux (Saint-Jean).
Nous étions rendus au programme 2, sauvegarde et mise en valeur
des biens culturels, élément 1, conservation et utilisation des
archives.
Les archives
M. Morin: M. le Président, avec votre permission, j'aurais
quelques observations à faire au sujet des archives.
Avant d'aborder la question de la gestion des archives administratives,
à laquelle je voudrais consacrer quelque temps, j'aimerais examiner
l'état des archives au Québec et la question de l'accès
donné aux citoyens qui veulent les utiliser. Vous savez qu'il y a trois
grands dépôts d'archives au Québec: Trois-Rivières,
Québec et Montréal. Ceux de Québec et Montréal
renferment les greffes de tous les notaires qui ont pratiqué avant 1875,
ainsi que tous les registres d'état civil établis avant cette
date. Je dis tous les registres, c'est une façon de parler. On peut dire
qu'en principe tous les registres de l'état civil y sont, mais, de fait,
beaucoup de documents ont été détruits ou
égarés, de sorte qu'une consultation, même rapide, de la
section de généalogie, par exemple, montre qu'il existe des
lacunes importantes, qu'il faudra s'employer à combler un jour ou
l'autre.
A l'heure actuelle, le service offert à Montréal n'est pas
disponible à Québec le soir. Il semble qu'en raison des
restrictions budgétaires, les archives ferment le soir après cinq
heures, de même que les fins de semaine. Cela peut paraître un
problème mineur, mais, pour les chercheurs qui, souvent, doivent
travailler pendant la journée et se consacrent à leurs recherches
le soir ou en fin de semaine, il paraît aberrant qu'un tel service ne
soit offert que de 9 heures à 5. Pour beaucoup c'est, dans les faits,
leur enlever la possibilité de se servir des archives, lesquelles
existent justement pour permettre la consultation populaire.
Récemment, je recevais, comme d'autres usagers des salles de
consultation, un formulaire du responsable de la section des manuscrits qui
nous apprenait qu'en raison des mesures d'austérité, "le
ministère des Travaux publics nous annonce qu'un surveillant sera
retiré de son poste à la salle de consultation". Il s'agit de la
salle située au musée des Champs de bataille, à
Québec. Cette mesure entraînerait la fermeture de la salle,
à l'heure du midi, et le soir, de 5 à 11 heures, ainsi que les
fins de semaine. On sait que les archives étaient ouvertes tous les
soirs, jusqu'à 11 heures, ce qui les rendait accessibles à
beaucoup de gens, qui ne peuvent les fréquenter pendant la
journée. Effectivement, il m'est arrivé de trouver, le soir,
cette salle littéralement remplie de chercheurs.
Ma première question serait la suivante: Est-il possible de
revenir à une solution plus civilisée que celle qui
prévaut à l'heure actuelle? Quelles sont les intentions du
ministre? Veut-il maintenir ce régime d'austérité fort peu
favorable à la recherche ou songe-t-il à trouver un moyen de
rendre les archives accessibles le soir et en fin de semaine?
M. L'Allier: Je réponds maintenant. M. le
Président, pour répondre à cette première question
du chef de l'Opposition, je dois lui dire que la situation qu'il signale est en
tout point déplorable. Mais il l'a indiqué lui-même, par
l'avis qu'il a reçu, c'est une décision qui vient des mesures
d'austérité au ministère des Travaux publics et c'est le
ministère des Travaux publics qui assume la surveillance physique des
lieux où les archives peuvent être accessibles au public et en
particulier aux chercheurs. Dans cette optique, nous allons par tous les moyens
tenter de corriger cette situation et de faire en sorte que les archives soient
disponibles aux chercheurs en tout temps où les chercheurs ont besoin
d'y accéder.
Deuxième point corollaire à cette question, la question
d'accessibilité aux archives suppose évidemment des
réaménagements de locaux et de lieux pour les archives et nous
travaillons actuellement on pourra vous donner plus de détails si
cela vous intéresse à relocaliser les archives à
Québec, du moins partiellement, pour faire en sorte que ces archives
puissent être traitées et rendues accessibles à ceux qui
veulent les consulter. Tout le problème des archives est
extrêmement complexe et, en même temps, il est simple. C'est un
problème de ressources, c'est un problème de sensibilisation de
ceux qui, au ministère, mais surtout au niveau des autorités
décisionnelles en matière budgétaire, le Conseil du
trésor en particulier, ne sont pas toujours il faut l'admettre
conscients de l'importance qu'il y a, non seulement de conserver les
documents, mais de les traiter et de les rendre accessibles.
Le problème se pose à Montréal d'une façon
aiguë. Nous avons commencé une opération de
régionalisation et ce que nous indiquons comme intentions dans le livre
vert au sujet des archives, de leur traitement, de leur mise en valeur,
constitue pour nous le guide d'action, non seulement pour cette année,
mais pour les quelques prochaines années en matière
d'archivistique.
Le document qui se retrouve au livre vert est très largement
inspiré du rapport annuel du conservateur en chef des archives, M.
Vachon, qui n'occupe plus son poste, qui a démissionné, pour
retourner...
M. Morin: L'ancien conservateur?
M. L'Allier: L'ancien conservateur. C'est largement
inspiré de ses commentaires. D'ailleurs, je l'ai indiqué au livre
vert, au début du chapitre sur les archives, j'ai indiqué que les
propositions d'action que nous retenons sont effectivement celles de celui qui
a dirigé les archives et qui, mieux que n'importe qui, en conçoit
à la fois les problèmes et l'importance pour le
Québec.
M. Morin: Son départ est un vilain coup pour les archives,
mais je reviendrai là-dessus, plus tard. Pour l'instant, je voudrais
demander au ministre ce qu'il compte faire de concret à l'égard
des Travaux publics. C'est tout de même une situation paradoxale que la
surveillance des archives soit confiée aux Travaux publics. Quand on
songe qu'aux archives publiques du Canada, par exemple, certaines sections sont
ouvertes 24 heures sur 24, pour faciliter la recherche! Nous nous trouvons
devant une situation, vous le reconnaissez vous-même, M. le ministre,
tout à fait inacceptable. Allez-vous tenter de récupérer
ces postes de surveillants pour le ministère des Affaires culturelles de
sorte que vous ayez l'autorité sur ces personnes ou vous en remettre aux
Travaux publics?
M. L'Allier: Sur ce point, je demanderais à M. Barbin de
répondre en détail à votre question, mais cela fait partie
aussi de l'orientation que nous prenons, à savoir, bien sûr,
récupérer ces forces; mais d'une façon peut-être
plus positive et, à long terme, intervenir auprès du
ministère des Travaux plublics pour que ce ministère tienne
compte d'un certain nombre de contraintes propres au développement du
secteur culturel, qu'il s'agisse de conservation ou de mise en valeur de biens
culturels, dont les archives sont partie.
Toutes les démarches ont été entreprises depuis
plusieurs mois auprès des Travaux publics pour obtenir de reloger
convenablement, et d'une façon plus prestigieuse et plus pratique aussi
pour les chercheurs, les archives qui sont actuellement à Québec,
isolées et séparées à trois ou quatre endroits.
Les Travaux publics nous assurent que d'ici quelque temps, et assez
rapidement, on saura trouver aux archives un site à la hauteur de
l'importance qu'on veut leur confier. Quant au personnel qu'on doit leur
affecter, tenant compte des gels des effectifs, il reste, pour nous, cette
bataille importante devant le Conseil du trésor, et nous la livrons
actuellement. Je crois que, du côté du Conseil du trésor,
on est de plus en plus convaincu qu'on doit donner aux archives administratives
et historiques l'importance et la place qui leur conviennent. C'est une
question de mois, avant de régler ce problème qui traîne
depuis trop longtemps.
M. Morin: Puisque vous abordez la question du lieu, puis-je vous
demander une précision? On dit, dans les milieux des archives, qu'il est
question de les reloger au palais de justice de Québec. Est-ce
effectivement une possibilité?
M. L'Allier: Ce n'est pas exact, à court terme. Je ne
pourrais me prononcer sur un lieu, parce qu'il y a des négociations
actuellement en cours avec des locateurs. L'hypothèse voudrait que l'on
essaie de situer les archives à un endroit où on pourrait asses
rapidement, d'ici quelques mois, d'ici l'automne, pouvoir les loger près
des lieux où se trouve le plus grand nombre de chercheurs, et les rendre
accessibles au public. Faisons l'hypothèse que ce pourrait être
dans l'environnement de l'Université Laval et à un endroit
très accessible au public.
Les autres hypothèses qu'on peut bâtir sont plausibles,
mais d'ici quelques années seulement. Ce n'est pas possible pour nous,
à ce moment-ci, parce que le problème est trop urgent. Il faut
essayer de le régler dès cet automne.
M. Morin: L'environnement de l'Université Laval est
certainement favorable, mais avez-vous songé qu'il y a de nombreux
fonctionnaires qui fréquentent ces archives? Avez-vous songé
aussi qu'un jour les archives administratives, dont j'ai l'intention de vous
entretenir tout à l'heure, devront être intégrées
aux archives du Québec, de sorte que l'Université Laval
n'étant pas située exactement dans le voisinage des
édifices gouvernementaux, cela pourrait créer un
problème?
M. L'Allier: Nous avons songé à cela, mais il y a
des problèmes urgents qui font que les édifices disponibles, et
qui pourraient se situer près des édifices parlementaires ou du
centre-ville, ne le seront pas avant quelques années. On a fait des
études pour situer à l'ancienne Université Laval. Les
études des ingénieurs nous révèlent que ce n'est
pas possible, sans faire des transformations trop importantes à de vieux
bâtiments, parce qu'il y a des exigences d'ingénieurs, des
exigences techniques assez considérables pour loger des archives. Toutes
ces contraintes font que nous essayons de trouver la meilleure solution, dans
le plus court terme.
Si nous étions capables de réaliser ce que vous dites,
nous le ferions sûrement; mais il y a des contraintes que nous ne pouvons
contrôler.
M. Morin: Dans une perspective plus lointaine, avez-vous
songé à loger vos archives dans un bâtiment
spécialement conçu à cette fin, et affecté
exclusivement aux archives de l'Etat?
M. L'Allier: Nous pouvons dire que nous avons songé
à bien des choses, par rapport à cela, mais il y a des
contraintes qui s'appellent les Travaux publics, auxquels nous sommes soumis,
comme tout ministère. Ce ministère n'a pas l'intention de nous
donner des fonds pour construire de nouveaux édifices au cours des
prochaines années. On me dit que c'est une politique gouvernementale.
Devant ces contraintes, il nous faut essayer de trouver les locaux à
louer qui correspondent aux besoins des archives. La liberté d'action
que nous avons actuellement est assez limité.
M. Morin: Du côté de l'Université Laval, il y
a
très peu de vieux bâtiments. Parliez-vous du nouveau campus
ou de l'ancienne Université Laval?
M. L'Allier: J'ai parlé de l'environnement. M. le
Président, je pense qu'on ne peut pas aller tellement plus loin dans la
désignation des lieux. Il s'agit esentiellement de bâtiments
relativement neufs, qui ont peut-être une quinzaine d'années
d'existence tout au plus, ceux auxquels on songe. Comme les négociations
sont en cours, cela risquerait de créer des situations. Je pourrai
personnellement le dire tout à l'heure au chef de l'Opposition, mais il
s'agit essentiellement d'espace sur plain-pied et qui serait facilement
accessible à pied de l'université. C'est une solution à
court terme, les solutions à long terme comportant soit le recyclage de
bâtiments nouveaux dans l'optique d'une construction d'un palais de
justice à Québec, par exemple, sous d'autres formes d'utilisation
de bâtiments anciens et la construction nouvelle d'un bâtiment
spécifiquement affecté aux archives étant dans cette
optique considérée comme une des dernières solutions.
En fait, nous essayons, chaque fois que c'est possible, d'utiliser des
bâtiments existants aux fins de leur mise en valeur utilitaire au cours
des années présentes plutôt que de les condamner et de ne
pas savoir quoi en faire. Le sous-ministre l'a indiqué, la conservation
des archives suppose des contraintes physiques assez importantes, la por-tance
des lieux au pied carré, des choses comme cela. Donc, on ne peut
effectivement, sans construire de bâtiments neufs, loger des archives sur
plusieurs étages de bâtiments anciens, par exemple, à cause
du poids des documents, à cause de toute une série de contraintes
imposées par la technologie. A court terme, je pense que nous pourrons
trouver dès l'automne la solution à nos problèmes, si
cette négociation aboutit, telle qu'elle est engagée, et cette
solution augmenterait considérablement les espaces disponibles pour les
archives, tout en les rendant accessibles, dans un premier temps en tout cas,
au monde universitaire.
M. Morin: Serait-ce l'occasion de regrouper non seulement les
archives qui se trouvent aux Plaines, mais également les services de la
rue Ber-thelet et ceux de la côte de La Montagne, le service
iconographique également?
M. L'Allier: Exactement.
M. Morin: Je voudrais aborder un problème connexe, celui
des archives privées. Il y a, au Québec, de très
nombreuses archives qui se trouvent encore dans les familles. Récemment,
j'ai pu voir, aux archives de Montréal, un lot informe
déposé dans un coin. C'étaient les archives
d'Honoré Mercier, qui ont été
récupérées tout à fait par hasard, parce qu'une
descendante, je ne sais plus si c'est une fille ou une petite-fille de l'ancien
premier ministre, a décidé d'appeler les archives avant de jeter
"tout cela". Cette personne a été plus intelligente que beaucoup
d'autres qui ont jeté leurs archives. Je pense que le ministre en
connaît des exemples comme moi. Il y a un greffe de notaire, qui, il y a
quelque temps, a de la sorte été jeté comme constituant
autant de "vieux papiers" par un descendant du notaire en question.
Cela pose le problème de la récupération par les
archives du Québec, parce que, bien sûr, si nous sommes
négligents, d'autres sont à l'affût. Je voyais
récemment, par exemple, Radio-Canada organiser un genre de concours de
correspondance ancienne, laquelle pourrait donner lieu à des
reconstitutions historiques et à des programmes de Radio-Canada
fondés sur cette correspondance. C'est une façon fort
intelligente d'aller chercher des dépôts d'archives et de
correspondance qui sont souvent importants. J'ai moi-même vécu une
ou deux expériences inusitées récemment, qui m'ont permis
de constater que, dans les greniers de certaines familles, se trouvent des
papiers, de la correspondance, des contrats, des expéditions de
notaires, toutes archives qui me paraissent importantes, quand ce ne sont pas,
en outre, des archives iconographiques.
N'y aurait-il pas intérêt à ce que vos services
d'archives fassent une campagne je ne sais si le meilleur moyen serait
une campagne de publicité de récupération de toutes
ces archives privées, en faisant savoir aux Québécois que
s'ils ont de vieux papiers dans leur grenier ou dans leur sous-sol, de ne pas
les jeter sans avoir attiré l'attention des archives sur leur contenu.
Il s'est déjà perdu beaucoup de choses importantes. Il serait
temps que l'Etat prenne l'initiative de récupérer cela.
M. L'Allier: Je pense que la question du chef de l'Opposition est
très pertinente, cependant, elle va un peu à l'encontre de
l'action que nous proposons au livre vert. Je ne sais pas s'il sera d'accord
avec l'action que nous proposons, mais plutôt que de chercher au niveau
du ministère des Affaires culturelles ou des archives nationales
à assumer directement la responsabilité de ce type d'archives,
archives privées, qui doivent être soumises à un
préarchivage assez important, et pour lequel il faut des ressources
considérables, que nous n'avons pas actuellement, nous souhaitons faire
ce genre de campagne, mais par l'entremise des sociétés locales
de conservation, des sociétés historiques, en leur donnant des
ressources qui permettent d'associer une forme de bénévolat qui
se rend de plus en plus disponible au traitement primaire des archives. C'est
en ce sens que nous voulons travailler.
En d'autres mots, nous souhaitons associer de très nombreuses
sociétés historiques, des sociétés de conservation,
qui existent en région, pour que puissent se traiter sur place,
là où elles existent, ces questions d'archives et de patrimoine
en général, mais d'archives en particulier et trouver avec elles
des lieux de conservation intérimaires, quitte à ce que, dans les
années qui viennent, les spécialistes en archivistique puissent
visiter ces dépôts, analyser ce qui mérite de faire partie
des archives nationales, identifier ce qui doit faire
partie des archives régionales c'est un autre aspect du
livre vert nous souhaitons favoriser le maintien d'archives
régionales qui font que cette région puisse avoir son propre
patrimoine identifié à la région. Je pense, en particulier
ici, aux archives des notaires, aux dépôts des greffes des
notaires. C'est par le biais des sociétés et des groupes
existants que nous souhaitons avoir l'action que propose le chef de
l'Opposition.
Il a fait mention de Radio-Canada. Je m'en voudrais de ne pas saisir
cette occasion pour souligner que, si Radio-Canada veut s'intéresser aux
archives, j'en suis fort heureux, mais elle devrait s'intéresser
à ses propres archives. Quand on sait qu'il y a des émissions de
télévision, en particulier, qui sont détruites presque
automatiquement après cinq ans et que des séries comme Les
Plouffe ne font plus partie des archives de Radio-Canada. Radio-Canada a un
problème à régler avec ses propres archives. Qu'on
s'occupe d'abord de conserver ce qui, dans les archives de Radio-Canada,
mérite de l'être, je pense qu'après cela Radio-Canada
pourra s'occuper des archives privées de M. X et de Mme Y.
Quoi qu'il en soit, le fait qu'il souligne est exact. De notre
côté, de la même façon que nous avons suscité
cette année la tenue, pour la première fois, d'une semaine du
patrimoine, nous souhaitons greffer autour de cette semaine du patrimoine, dans
les années à venir semaine qui, en passant, n'est pas
organisée par le ministère, mais favorisée par le
ministère, rendue possible, dans bien des cas, par le ministère,
semaine qui est sous la responsabilité de tous ceux qui chez eux, dans
leurs régions, localement, veulent regrouper, dans la semaine qui
précède la semaine nationale, des activités qui touchent
le patrimoine dans le cadre de ce type d'activités,
éveiller l'attention des citoyens à la conservation de leurs
biens, à l'identification de leurs biens et, dans un deuxième
temps, à la mise en valeur de ces biens.
C'est donc extrêmement important, et si j'avais à faire des
choix dans l'ensemble des activités du ministère, y compris
à l'intérieur du patrimoine, je pense que le domaine des
archives, précisément parce qu'il n'a aucune ou très peu
de perception globale, au niveau des administrations, et même de la
population, est un problème dont il faut s'occuper très
rapidement. Ces pièces s'envolent, elles vont faire partie des archives
à l'étranger ou au gouvernement fédéral. Quant
à nous, ce sont des documents extrêmement importants qui
disparaissent.
Il y a tout le problème de l'accessibilité aux archives.
Je pense que le chef de l'Opposition a eu l'occasion comme moi d'aller visiter
les archives à Montréal. Il faut dire qu'on peut le faire, mais
il ne faut pas avoir peur des rats ni des souris pour aller visiter les
archives de Montréal. Les conditions de conservation et de mise en
valeur des archives sont absolument déplorables et, dans bien des cas,
pénibles.
Or, il est un aspect qu'il m'apparaît important de mettre de
l'avant, du côté des archives, c'est précisément de
trouver des façons d'en arriver à ce que les gens comprennent que
les archives leur appartiennent, elles n'appartiennent pas à l'Etat, que
ce n'est pas la responsabilité exclusive de l'Etat que de conserver et
de mettre en valeur les archives, mais que nous ne sommes là souvent que
pour les aider à le faire. Ce message, nous ne l'inventons pas, nous le
prenonsde ceux qui déjà, en régions s'occupent, commencent
à s'occuper de leurs propres affaires dans ce domaine. Il faut donc
aller dans cette direction et, d'une façon
accélérée, reconnaître que la centralisation des
archives n'est pas la solution, que nous devons favoriser des
dépôts régionaux d'archives, la régionalisation de
nos ressources en matière de conservation et de mise en valeur. Nous
aurons, au cours des prochains mois, l'occasion, je pense, de montrer, à
partir de projets concrets qui viennent des régions, notre
volonté de respecter la volonté régionale de conservation
et de mise en valeur des archives.
M. Morin: Dans mon esprit, il ne s'agit pas de tout centraliser
à Montréal ou à Québec et d'aller chercher les
papiers anciens partout où ils se trouvent. On peut souhaiter que les
familles conservent les dépôts d'archives qu'elles
possèdent, sauf s'il s'agit de pièces de première
importance qui doivent être mises en sûreté. Je suis tout
à fait d'accord avec l'idée d'archives locales. D'ailleurs, il en
existe un ou deux cas au Québec. Je pense en particulier au petit
musée qui a été mis en place grâce aux efforts de la
Société d'histoire de Longueuil. C'est un début. Il doit
également exister des archives régionales. Enfin, pour les
pièces les plus importantes, les archives nationales sont
indiquées. Mais, le sens de ma question était autre. Je voudrais
faire sentir au ministre l'urgence qu'il peut y avoir de sauver certains
dépôts d'archives avant que les gens ne mettent "tout cela"
à la poubelle, comme cela s'est vu...
M. L'Allier: Et on en fera des poubelles.
M. Morin: Ou bien qu'ils ne vendent au premier venu qui se
présente en lui disant: "Vous n'auriez pas des vieux papiers? Je paie
cela à tant la livre". Ou bien encore les Archives publiques du Canada
sont déjà passées. On peut imaginer toute une série
de catastrophes de ce genre. C'est pour ces raisons que je veux souligner
l'urgence de sensibiliser la population à l'importance de certains
"vieux papiers" qu'elle peut avoir entre les mains. Il y a dix ans, les gens
n'étaient pas sensibles, par exemple, aux vieux meubles qui
étaient au grenier. Ils se sont fait vider leurs greniers. Aujourd'hui,
dans les campagnes québécoises, ou les gens nous disent: Ah! Si
on avait su! Mais, s'ils savaient, justement, que leurs vieux papiers sont
peut-être même plus importants que leurs vieux meubles, je crois
qu'on pourrait éviter certains avatars.
Le ministre ne croit-il pas opportun, sinon de récupérer,
pour les gens qui seraient enclins à jeter leurs papiers, du moins
sensibiliser les gens à
l'importance de conserver ces papiers et, après en avoir fait le
dénombrement, d'en faire connaître l'existence au moins à
une société d'histoire locale, sinon à l'Etat même?
Le ministre a sans doute circulé un peu dans les dépôts
d'archives, au Québec. Il y en a qui sont fort importants. J'ai eu
moi-même l'occasion, il y a quelques années, de découvrir
un dépôt d'archives au Séminaire de Saint-Hyacinthe, dont
le contenu est à peine connu des archives nationales du Québec.
Il y a là de la correspondance de Papineau, d'Augustin-Norbert Morin, il
y a des choses fort importantes pour la période de 1837 et la
période de l'Union des deux Canadas. Là, il n'y a pas de danger,
parce que les dirigeants du Séminaire connaissent la valeur de ce qu'ils
ont entre les mains; ils voudraient même que Québec s'y
intéresse plus que ce n'est le cas. Je songe avant tout aux
dépôts privés, aux familles qui ont encore des papiers, ne
devrait-il pas y avoir une campagne? Je ne sais pas, je ne connais pas les
moyens, c'est aux spécialistes à nous dire ce qui serait utile.
Une campagne de publicité qu'on pourrait faire sur le thème: Ne
jetez pas vos vieux papiers, ils ont peut-être de la valeur.
M. L'Allier: Je suis entièrement d'accord avec le chef de
l'Opposition là-dessus, mais, encore une fois, nous souhaitons le faire
à partir des liens que nous commençons maintenant à
établir avec les sociétés de conservation et avec les
sociétés d'histoire pour que, précisément, ce
soient ces sociétés représentant beaucoup plus les
régions et les gens eux-mêmes que le ministère ne peut le
faire, qui en prennent l'initiative. Dans la mesure où nous pouvons
procéder des cadres d'information, ces sociétés pourraient
s'y insérer, comme on le fait pour la semaine du patrimoine à
l'intérieur de laquelle il y a au-delà de 300 manifestations dont
seulement huit ou dix sont organisées par le ministère. Cela pose
un problème indirect, celui de la conservation effective du traitement
et de la mise en valeur de ces archives. Je vous donne un exemple: les archives
du chanoine Groulx et les archives de Laurendeau, qui sont au même
endroit, sont situées, de par la volonté même de ceux qui
gèrent les biens du chanoine Groulx et son testament, dans la maison du
chanoine Groulx, à Outremont. Cette maison n'est pas...
M. Morin: L'Institut d'histoire de l'Amérique
française?
M. L'Allier: Oui. Cette maison n'est pas à
l'épreuve du feu. Il y a bien là une voûte, bien sûr,
qui pourrait évidemment empêcher les métaux de fondre ou
des choses comme celles-là, mais je ne suis pas sûr, compte tenu
des normes habituellement respectées dans ce domaine, que les lieux sont
propices à la conservation. En d'autres mots, s'il y avait là un
incendie, je suis convaincu que nous pourrions perdre bon nombre de ces
documents. Or, la société, comme ceux qui administrent le fonds
d'archives, s'oppose au déplace- ment du fonds d'archives du chanoine et
de Laurendeau, aux Archives nationales, par exemple. Pour des raisons
extrêmement valables, on nous dit: Ces archives sont ici
protégées, avec beaucoup de soin, mises en valeur, les chercheurs
peuvent venir, ce qui ne serait par le cas si on les déménageait
dans le deuxième sous-sol du palais de justice à Montréal,
bien qu'elles soient là protégées contre l'incendie, mais
par contre les souris, probablement. Donc, chacun a raison. Doit-on
reconstruire une maison autour de l'ancienne résidence du chanoine
Groulx pour protéger tout cela? Le jour où nous aurons des
dépôts d'archives valables qui permettront à ces gens
d'aller sur place prêter aux-mêmes leurs propres archives, je vois
très bien, par exemple, que si nous avons à Montréal
d'autres lieux pour loger les archives, et que si certaines archives
privées ont effectivement de la valeur pour le Québec, que ceux
qui en sont les dépositaires puissent disposer d'espace,' mais
continuent sur place à les gérer, à les rendre
disponibles. On n'aura peut-être pas le plus parfait organigramme
d'organisation de ces lieux. On aura quand même des gens qui ont à
coeur tel dépôt d'archives ou telle chose à mettre en
valeur, telle recherche à y faire et qui s'y consacreront, l'Etat
mettant à leur disposition des ressources matérielles pour le
faire.
M. Morin: Dans le cas des archives du chanoine Groulx, la
solution serait probablement du côté de l'Université de
Montréal, qui a déjà logé des collections comme
celle de la famille Baby ou encore la collection Melzac. S'il y a de la place
pour ces collections, qui sont admirables, il devrait y avoir également
de la place pour des gens qui ont été associés de si
près à ce qu'on appelle l'Ecole de Montréal, en histoire.
Ce serait plutôt de ce côté que je chercherais une
solution.
M. L'Allier: Cela a été envisagé, je crois,
mais cela a été déjà rejeté, parce que comme
vous savez, l'Ecole de Montréal, semble-t-il a aussi
évolué, certains maîtres n'y ont plus tellement leur place.
Il faudra probablement qu'il se fasse encore quelques années pour que
les querelles de chapelles universitaires s'estompent et qu'on
réhabilite la mémoire de ceux le chanoine Groulx,
Laurendeau ou d'autres qui y ont travaillé. Le chef de
l'Opposition étant universitaire saura à quoi je fais
allusion.
M. Morin: Oui, mais il ne faut pas non plus dramatiser outre
mesure les quelques différences qui peuvent exister. Je suis bien
sûr que c'est plutôt une question matérielle, une question
de manque de temps.
M. L'Allier: Une question de générations, M.
Morin.
M. Morin: Passant maintenant au problème de la
restauration des documents anciens. Le ministre n'ignore pas qu'une bonne
partie de nos archives tombe déjà en poussière,
attaquée par l'humi-
dite, par les champignons microscopiques, toutes ces maladies que les
vieux papiers peuvent connaître.
Nous avons environ je pense être très conservateur
dans l'estimation qui en a été faite plus de quatre
millions de documents anciens, aussi bien dans les greffes des notaires que
dans les actes de l'état civil. Le chiffre est peut-être
même supérieur à cela, mais des archivistes m'ont
parlé de 4 millions de documents. Là-dessus, il y en a
certainement le quart qui sont déjà en danger. Il suffit d'ouvrir
une boîte d'actes de l'état civil pour le savoir; tous ceux du
XVIle siècle, en particulier, sont menacés. Le problème de
la restauration est donc considérable. La restauration a pour but de
conserver, car un document qui est déjà à moitié
mangé par les champignons vous savez que le mal
s'accélère avec le temps n'existe plus après
quelques années.
En ce moment, il existe un service tout à fait remarquable, je
dois le dire, qui est nouveau, sous la direction de Mme Stanojlovic, à
Montréal. Le ministre a certainement vu comme moi les résultats
de ses travaux de conservation. C'est absolument remarquable. Elle
confère, à des documents qu'on croyait perdus, une vie de
peut-être plusieurs centaines d'années. De plus, elle utilise un
procédé qui n'est pas irréversible, comme on le fait
à Ottawa, avec la lamination des documents, de sorte que le document
peut toujours être remis dans son état original. Il suffit
d'enlever les soies et l'amidon et on retrouve le document. On peut toujours
d'ailleurs le compléter, si, par hasard, d'autres morceaux du document
viennent à être découverts.
Malheureusement, Mme Stanojlovic est presque seule. Elle a un adjoint
maintenant. Le travail de conservation n'avance pas vite, malgré toute
sa bonne volonté, de sorte que les champignons travaillent plus vite
qu'elle.
M. L'Allier: Ils sont plus nombreux.
M. Morin: Ils sont infiniment plus nombreux. J'aimerais demander
au ministre s'il ne pense pas devoir élargir considérablement le
champ de la restauration au Québec, en organisant, par exemple, des
cours de restauration. Je pense qu'il y aurait du travail pour une vingtaine de
restaurateurs bien formés; si tant est qu'il y ait 4 millions de
documents, il n'y a qu'à faire le calcul; on peut certainement tenir
plusieurs dizaines de personnes occupées pendant des dizaines
d'années à restaurer les documents et à les
préserver pour les générations futures.
Puis-je demander au ministre quelles sont ses intentions dans ce
domaine?
M. L'Allier: Le problème posé par le chef de
l'Opposition est absolument exact. C'est d'abord une question de ressources, de
personnel aussi et de spécialistes qui n'existent pas toujours et qu'il
faut former avant tout. Il faut les former à partir de ceux qui y
travaillent déjà, dont le responsable de la restauration à
Montréal.
Ce que nous envisageons pour régler le problème d'une
façon probablement permanente, et surtout à long terme, sinon
permanente, est de dégager les archives nationales de l'ensemble des
carcans administratifs où les archives se situent actuellement. Le chef
de l'Opposition sait, par exemple, que la bibliothèque nationale ou les
archives nationales, ces deux institutions qu'on qualifie de nationales ont,
sur le plan administratif, un statut qui est souvent inférieur à
celui qui est fait aux bibliothèques municipales, locales,
régionales, ou encore à des musées privés ou
à des archives privées. Les archives dépendent
actuellement d'un service qui dépend d'une direction
générale, et ainsi de suite, à l'intérieur du
ministère. Les archives, comme la bibliothèque nationale, sont
soumises à toutes les contraintes de l'administration publique qui,
elles, ne sont pas faites pour tenir compte de situations aussi
particulières que celles-là.
A partir de là, nous proposons dans le livre vert la
création d'une commission des archives et de la bibliothèque
nationale qui transporterait la responsabilité, qui est actuellement
celle de l'administration publique et du ministre des Affaires culturelles, en
particulier, de voir à l'administration et au fonctionnement des
archives, vers cette commission, qui donnerait du même coup aux archives
un statut très largement autonome sur le plan administratif, permettant
d'y associer les chercheurs, les universitaires et de pointer les orientations
à prendre, de sorte que l'Assemblée nationale, directement et
annuellement, verrait à accorder aux archives nationales les ressources
dont elles ont besoin pour se développer sur une longue période
et en dehors des soubresauts et des contraintes qui sont celles de
l'administration courante du ministère.
C'est la formule que nous envisageons et ces commissions devraient
normalement être créées par l'adoption d'une loi dès
l'automne.
M. Morin: Et la restauration?
M. L'Allier: La restauration se fera... Evidemment, nous allons
essayer d'augmenter les effectifs, mais, encore là, nous sommes soumis
aux mêmes contraintes et qu'il s'agisse d'archives, de musique, de
théâtre ou d'autre chose, vu du Conseil du trésor ou du
ministère de la Fonction publique, cela n'a aucune espèce
d'importance, ces choses étant égales quant à eux. Il
s'agit d'affecter un budget en pourcentage et un volume de personnel
correspondant à ce budget. Tant que nous ne sortirons pas de ce circuit,
je pense que les archives pourront, à l'occasion, sur la foi ou sur le
dynamisme de leur directeur ou de telle ou telle personne, avoir des
soubresauts de développement. Mais, aussi longtemps que nous ne
donnerons pas à ces institutions nationales le statut d'institution
nationale, nous sommes condamnés, bien sûr, à y ajouter
peut-être deux ou trois personnes cette année, des experts,
à permettre des budgets qui feront la formation de quelques personnes,
mais à court terme; la solution qui pour-
rait régler pendant six mois le problème que vous posez ou
temporairement l'accélérer ne constituerait pas une solution
à long terme.
C'est cette commission, à mon avis, qui est la formule qui
permettra aux archives, comme dans tous les pays adultes, de se
développer et d'avoir le statut que doivent avoir des institutions
nationales.
M. Morin: Oui, le problème de la restauration est
lié bien sûr à tout ce que vous venez de dire, mais d'un
autre côté, est autonome aussi. En tout cas, les champignons, eux,
se sentent parfaitement autonomes.
M. L'Allier: Parfaitement.
M. Morin: Ce dont je vous parlais, c'est de la possibilité
d'instituer un enseignement qui pourrait constituer une option que certains
étudiants prendraient au cours de leurs études, au niveau du
CEGEP...
M. L'Allier: Oui.
M. Morin: ... et qui serait destinée à les initier
à la restauration des documents anciens. Votre ministère a-t-il
eu des entretiens à ce sujet avec le ministère de l'Education,
afin d'examiner s'il serait possible d'aménager un enseignement de cette
sorte?
M. L'Allier: Sans avoir eu de discussion directement avec le
ministère de l'Education, il y a déjà eu un certain nombre
d'échanges avec l'Université Laval qui était
intéressée, il y a quelque temps, à s'associer à
l'Institut fédéral de conservation. Notre position,
là-dessus, a été plutôt d'échanger et de voir
comment créer, auprès du ministère des Affaires
culturelles et peut-être du ministère de l'Education, un
réseau de formation, soit universitaire en liaison avec Laval ou encore
avec l'Université du Québec, ou soit encore au niveau des CEGEP.
C'est un projet qui fait partie, je pense, d'un certain nombre de
priorités du ministère, dans le domaine de la formation, que ce
soit au niveau de la conservation, au niveau de la muséologie, au niveau
des guides touristiques; il y a tout un équipement humain qu'il nous
faut absolument bâtir. La conservation de documents fait partie de ce
réseau-là. Nous n'avons pas eu encore d'échanges
particuliers sur le secteur, mais je crois que nous devrions le faire dans nos
priorités de cet automne.
M. Morin: Avais-je raison, tout à l'heure, de parler de
quatre millions de documents? Avez-vous une idée du nombre de documents
anciens qui vous sont confiés?
M. L'Allier: En termes de pages de documents, probablement,
oui.
M. Morin: En termes de pages, sans doute, oui. Un registre peut
être considéré comme un document, mais il contient
quelquefois une centaine de pages.
M. L'Allier: C'est cela.
M. Morin: Vos archivistes vous ont sans doute...
M. L'Allier: On a parlé...
t'. Morin: ... donné des chiffres.
M. L'Allier: Les chiffres dont je dispose de mémoire sont
à peu près de cet ordre, puisqu'ils m'ont été
donnés en référence à l'urgence de procéder
au microfilmage de ces documents et que le microfilmage se fait par page de
documents. Je pense que c'est dans cet ordre. C'est une autre des
priorités, d'ailleurs, qu'il nous faudra pousser beaucoup plus avant,
celle du microfilmage de ces documents pour les rendre...
M. Morin: 11 ne suffit pas d'en parler aussi, parce que ce n'est
pas fait encore.
M. L'Allier: Ce n'est pas fait encore. On commence, on en fait un
peu, mais, encore là, il faut augmenter les ressources. En fait, le
budget comme je l'ai dit cet après-midi ici, aux Archives
nationales, par exemple, ne traduit d'aucune espèce de façon
je l'admets volontiers les priorités que nous donnons aux
archives dans le livre vert.
Vous verrez au budget des archives, ici, une augmentation qui est,
à toutes fins pratiques, une indexation du budget de l'ordre de 10%
à peu près, mais nous considérons que les ressources qui
doivent être consacrées aux archives, au cours de cette
année et des années à venir, doivent être beaucoup
plus considérables.
C'est à l'occasion de la loi qui créera la commission des
archives et de la bibliothèque nationale qu'il sera possible, je pense,
dans un premier temps, d'obtenir des ressources supplémentaires
spécifiques à la création de cette commission, qui devrait
voir à la mise en place des moyens de formation et à
l'élaboration de ces priorités. Je pense qu'on devrait, au cours
des deux prochaines années, voir une augmentation considérable,
sinon voir doubler les budgets qui sont actuellement consacrés aux
archives.
M. Morin: Je partage les soucis du ministre, j'espère
seulement que les Jeux olympiques et la baie James ne viendront pas
étouffer tous ces projets.
M. L'Allier: Au contraire, je pense que les Olympiques et la baie
James, curieusement, peuvent nous servir, en ce sens que la nature même
de ces projets fait en sorte qu'on se rend compte qu'il y a peut-être
effectivement autre chose que du béton à faire au Québec.
Le fait qu'on a énormément dépensé dans ces
domaines oblige bon nombre de gens à réfléchir et à
être conscients
qu'à cause de cela on a peut-être précisément
négligé d'autres secteurs. Je me sens, en tout cas, dans une
conjoncture assez favorable pour faire augmenter les ressources qui vont au
secteur culturel.
M. Morin: Si je vous comprends bien, vous donnez aux Olympiques
et à la baie James le rôle de repoussoir.
M. L'Allier: Oui.
M. Morin: Cela repousse effectivement beaucoup de gens.
M. L'Allier: Du côté positif.
M. Morin: M. le Président, j'aimerais aborder la question
de la gestion des archives administratives, je veux dire les archives des
différents organismes de l'Etat, tant les ministères que les
commissions.
D'après le livre vert, la situation des archives n'est pas des
plus réjouissantes. Je me permets de citer quelques lignes
empruntées à la page 174; "II n'est pas exagéré de
dire que malgré les efforts qui sont faits depuis quelques
années, les archives nationales du Québec sont dans un
état de conservation et de mise en valeur qui ne serait nulle part
acceptable. Beaucoup de documents sont ignorés. Beaucoup trop sont
détruits. Beaucoup sont cédés, qui nous
appauvrissent."
En 1971, vous vous souviendrez que le ministère des Affaires
culturelles avait défini une politique de régionalisation, dont
vous m'avez d'ailleurs entretenu tout à l'heure, visant à assurer
la récupération des archives. A la page 177 du livre vert, on
nous dit ceci: "Nous tenterons par tous les moyens de rétablir, si
possible cette année, les projets d'implantation des archives nationales
à Chicoutimi et à Rimouski. Il faudra ici encore augmenter les
ressources prévues."
Il semble qu'il revienne comme un leitmotiv, ce problème des
ressources. Les archives nationales longtemps négligées devraient
devenir une priorité. J'espère que les assurances que me donnait
le ministre il y a un instant pourront se concrétiser.
Il est évidemment inutile de songer à une politique
culturelle cohérente en matière de patrimoine, de musées,
de bibliothèques, sans reconnaître l'importance et la
prépondérance des archives. Malheureusement, l'augmentation dont
vous nous parliez tout à l'heure, au budget de l'élément
1, n'est pas tout à fait de 10%, elle est de 7,7%, passant de $917 100
à $988 600. J'avoue, en passant, que ce n'est certainement pas là
reconnaître l'importance et la prépondérance des archives,
en termes d'urgence, comme nous le dit le livre vert.
Plus spécifiquement, les archives administratives devraient
être considérées comme une partie importante du patrimoine
national. On devrait pouvoir y récupérer, y retrouver, y retracer
l'essentiel de la vie des administrateurs et des gouvernements du
Québec, depuis les tout débuts.
Or, les nombreuses démarches qui ont été faites
jusqu'ici, nous dit le livre vert, pour obtenir un préarchivage des
documents gouvernementaux depuis la confédération, sont
définitivement confiées aux Archives nationales du Québec
je m'excuse, j'ai mal cité soient définitivement
confiées aux Archives nationales du Québec, n'ont pas
donné de résultat." De sorte que je suis amené à
m'interroger sur le cadre législatif relatif aux archives de l'Etat, aux
archives administratives.
Ce cadre, essentiellement, est constitué par la Loi du
ministère des Affaires culturelles qui se trouve au chapitre 57 des
statuts refondus de 1964. L'article 25 nous apprend que les archives nationales
du Québec comprennent les documents de nature publique ou privée,
ainsi que les documents historiques que le conservateur acquiert ou qui sont
confiés à sa garde, "conformément aux dispositions de la
présente loi et des règlements adoptés en vertu de la
présente section par le lieutenant-gouverneur en conseil."
A l'article 28, on nous dit que le conservateur a également la
garde de tous les documents des ministères et organismes du gouvernement
qui ne servent plus à leur administration courante et qui lui sont
confiés, conformément aux règlements adoptés
à cette fin, en vertu de la première section.
Cet article 28 est en vigueur depuis maintenant beaucoup plus que dix
ans. Il y est question de règlements qui n'ont jamais été
adoptés, de sorte que les archives de l'Etat proprement dit, les
archives administratives, se trouvent dispersées aux quatre vents. Aucun
règlement n'a donc été adopté à ce jour.
Pourtant un tel règlement est prévu en toutes lettres, par
l'article 34 de la Loi du ministère des Affaires culturelles
destinée à mettre en oeuvre l'article 28 de la même
loi.
Quelle est la situation qui prévaut à l'heure actuelle aux
archives administratives? J'ai tenté, ces jours-ci, de m'enquérir
auprès d'un certain nombre de personnes de l'état dans lequel
elles se trouvent. J'ai confié la chose à l'un de mes
recher-chistes qui a établi des contacts à travers
l'administration publique pour pouvoir se faire un tableau d'ensemble de ce qui
se passe.
Il n'existe effectivement à l'heure actuelle c'est la
conclusion générale qui se dégage de cette étude
aucun cadre réglementaire concernant la gestion des archives
administratives. Chaque ministère dispose de ses archives à sa
façon. Certains font des versements aux archives nationales. Il y en a
d'ailleurs qui y parviennent de la façon la plus inattendue. Je ne sais
pas si le ministre a vu les registres congelés du ministère de la
Justice, entreposés dans un congélateur aux archives de
Montréal. S'il n'y avait pas eu un incendie, au cours duquel on a cru
bon de faire appel aux pompiers, lesquels ont complètement noyé
une partie des archives du ministère de la Justice et si, par la suite,
on n'avait pas estimé que le meilleur moyen de les conserver
était de congeler le tout, jamais les documents de la Justice ne
seraient parvenus aux archives. C'est un spectacle
de toute beauté, de voir cela aux archives de Montréal. On
y a installé un système d'éventails qui produisent un fort
courant d'air. On installe devant ces éventails les registres
congelés qu'on sort du congélateur et après quelques
heures, on voit les registres rendus à leur état initial. C'est
fortuit: c'est grâce à un incendie, si je puis m'exprimer ainsi,
que les archives du ministère de la Justice cette partie en tout
cas sont maintenant aux archives du Québec.
Depuis deux ans, un comité siège, semble-t-il, sur cette
question, qui serait composé des personnes suivantes: Le conservateur
des archives nationales ou son représentant, le Vérificateur
général ou son représentant, un représentant du
secrétariat du Conseil du trésor, un représentant des
ministères des Richesses naturelles, de la Justice, des Transports, des
Travaux publics et un conseiller juridique provenant du contentieux du
ministère de la Justice. Le comité en question a reçu
mandat, semble-t-il, du Conseil du trésor, d'étudier la question
de la conservation et de la destruction des documents gouvernementaux et de
préparer un projet de réglementation qui se fait toujours
attendre. Nous avons pu savoir que le comité a procédé
à l'élaboration d'un projet de règlement. Il lui reste,
maintenant, à déterminer le cadre légal et administratif
dans lequel ce règlement va s'insérer, soit la Loi du
ministère des Affaires culturelles, soit la Loi sur l'administration
financière. J'aimerais connaître l'attitude de votre
ministère là-dessus.
Le règlement, semble-t-il, définira les
responsabilités respectives des ministères et organismes
intéressés par la conservation des archives administratives et il
devrait s'appliquer à tous les ministères et organismes qui
tombent sous la juridiction du Conseil du trésor et probablement aux
régies gouvernementales.
Depuis septembre dernier, le Conseil du trésor a demandé
aux ministères un calendrier de conservation, une évaluation du
temps actif et semi-actif de leurs dossiers et ce qu'il advient, par la suite,
de ces dossiers. Cet inventaire, semble-t-il, n'a pas encore été
terminé. Je me permets de vous décrire quelques cas
précis, en plus de celui des archives de la Justice, que je vous
mentionnais tout à l'heure: Aux Affaires municipales, les documents,
lorsque jugés inactifs par le service où ils se trouvent, sont
expédiés dans un entrepôt gouvernemental, qui est
l'édifice Dalton, à Sainte-Foy. Ils s'empilent là-dedans,
sans que personne ne connaisse trop leur contenu. Aux Affaires sociales, il
existe une autre solution: Les documents, selon qu'ils sont jugés plus
ou moins confidentiels, sont conservés à la direction
générale de la planification du ministère ou
déposés aux archives du ministère ou encore
déposés à la bibliothèque du ministère. Il
est intéressant de voir la politique du ministère des Affaires
culturelles: "Plusieurs documents relatifs à l'inventaire des biens
culturels sont conservés par leur auteur lorsqu'ils ne sont pas
déposés au centre de documentation du ministère".
Voilà une politique d'archives tout-à-fait remarquable!
Je pourrais, de la sorte, continuer avec les Affaires
intergouvernementales, le ministère de l'Industrie et du Commerce, les
Finances. Bref, il semble que ce soit, comme eût dit le
général, "la chienlit". Le ministre a-t-il une politique, en voie
d'élaboration, quant aux archives administratives?
M. L'Allier: M. le Président, tout ce que je peux vous
dire, c'est que le rapport du chef de l'Opposition est aussi complet que celui
que j'ai en main et que je suis en tout point d'accord avec le constat de fait
qu'il fait de la situation des archives. Si, effectivement, chaque
ministère essaie au mieux de conserver ses documents, c'est
essentiellement parce que nous ne disposons pas, encore une fois, de locaux
permettant de recevoir tout cela, de personnel permettant de les traiter et,
d'une façon générale, d'une politique de conservation de
mise en valeur des archives administratives.
Je peux, toutefois, ajouter à son document ce qu'il ne sait sans
doute pas, c'est que le Conseil du trésor qui, effectivement, a
commandé cette recherche est actuellement saisi des documents
nécessaires à l'élaboration des règlements et que
le Conseil du trésor devrait statuer au cours des prochaines semaines,
sinon des prochains mois, sur cette question. Je rassurerai le chef de
l'Opposition en lui disant que nous n'avons pas l'intention de mettre le feu
à nos archives pour en arriver à les faire conserver par voie de
congélation et que l'incendie qui a eu lieu au ministère de la
Justice a quand même permis de découvrir, semble-t-il, des
méthodes de conservation qui n'étaient pas courantes.
M. Morin: Tout à fait inédites.
M. L'Allier: Tout à fait inédites. C'est
probablement comme cela que se font les plus grandes découvertes. Quoi
qu'il en soit, j'ai eu moi aussi, l'occasion de voir ces résultats
à Montréal et quand on voit qu'on vous... Ce serait
intéressant que les membres de la commission, d'ailleurs, qui vont
à Montréal et qui ont deux heures puissent aller aux archives, on
leur indiquera de quelle façon il est possible de voler le testament de
Jeanne Mance, sans jamais être pris par personne, parce qu'il est
actuellement à peu près accessible à quiconque
connaît le lieu de sa situation géographique dans l'immeuble. Pour
le reste, les archives congelées, c'est effectivement vrai. Cela ne pose
que le problème des archives en général au niveau
administratif. Le Conseil du trésor devrait donc, statuer sur ces
règlements. Quelques semaines après mon arrivée au
ministère des Affaires culturelles, j'ai demandé à M.
Gariépy, qui était sous-ministre adjoint à
l'administration, de s'occuper personnellement, à cause de
l'intérêt qu'il porte sur le plan professionnel aux archives, de
sa compétence en ce domaine et de ses 30 années comme
fonctionnaire, notamment au ministère des Finances et au bureau du
vérificateur, donc de sa connaissance approfondie des archives
gouvernementales, de s'occuper lui-même, au niveai1
des archives nationales, de toute la question des archives
administratives. J'espère que M. Gariépy sera en mesure de nous
indiquer en plan d'action, en tout cas, sur quelques années, permettant,
une fois les règlements du Conseil du trésor approuvés,
qui devrait non seulement reconnaître la responsabilité du
ministère des Affaires culturelles, mais lui donner des moyens d'action
et d'intervention auprès des autres ministères, devrait nous
proposer une politique d'action de ce côté.
C'est secondaire à la discussion que nous avons, mais, avec
l'arrivée, depuis quelques années, de la photocopie, qui est un
mal et un bien en même temps, au niveau du gouvernement, le
problème des archives se pose d'une façon encore plus complexes,
au niveau des archives administratives et de la multiplication des documents et
très souvent même la disparition des originaux au
bénéfice des photocopies font que nous avons à traiter sur
le plan administratif, des masses inédites en volume et en poids de
documents absolument incomparables à tout ce qui a pu s'accumuler comme
documents, il y a dix ou quinze ans.
C'est un problème supplémentaire, il faudra y faire face
comme au reste. C'est la situation actuelle telle que l'a décrite le
chef de l'Opposition.
M. Morin: II y a là tout de même, un certain nombre
de problèmes distincts. Le premier est de s'assurer qu'en attendant la
création d'un véritable service d'archives gouvernementales
certains documents ne disparaissent sans prétendre qu'on ne sait pas
quoi en faire. Ce n'est pas aussi simple que cela. J'aimerais demander au
ministre, en attendant que son ministère ait à sa disposition
tous les moyens financiers nécessaires à l'entreposage, au
préarchivage, à la classification de ces documents
gouvernementaux, s'il n'est pas opportun qu'il prenne l'initiative de
rédiger des directives à l'intention des divers
ministères.
M. L'Allier: Ce n'est pas un livre vert.
M. Morin: II n'est pas nécessaire que cela prenne
également la forme d'un autre livre vert, mais je songe que beaucoup de
ministères ne savent tout simplement pas quoi faire de leurs
archives.
M. L'Allier: C'est exactement ce qui est en train d'être
élaboré par le Conseil du trésor, en collaboration avec le
ministère des Affaires culturelles. Encore là, on rejoint une
question d'éducation. C'est beau de mettre sur papier qu'il faut
conserver tel ou tel type de document, encore faut-il avoir finalement, dans
les ministères, des fonctionnaires qui sont des spécialistes des
archives. Tous les documents ne sont pas à conserver. Je vous donne un
exemple très personnel; au moment de quitter le ministère des
Communications, j'ai évidemment transmis des dizaines et des centaines
de dossiers à mon successeur, le ministre des Communications actuel.
Mais il y avait, au sein de mon cabinet, un certain nombre de documents qui
étaient ou confidentiels ou plus person- nels, de recherches, de
correspondances avec le gouvernement fédéral, des choses comme
cela, dont lui avait copie sur le plan du travail.
En faisant le tour des documents à transmettre, j'en suis
arrivé à peu près à quatre ou cinq caisses de
documents dont il avait copie pour faire le travail et qui constituaient les
originaux. Plutôt que de risquer que ce soit mis de côté,
n'étant pas sur place avec mes collaborateurs pour identifier que tel
document était important et que tel autre ne l'était pas, nous
avons acheminé ces caisses de documents aux archives. Au moment
où cela arrive aux archives, on a reçu un appel
téléphonique nous disant: Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse
avec cela cinq caisses de documents qui viennent d'un ministère?
J'ai par la suite vérifié. On a placé cela dans un
entrepôt en indiquant: Communications, telle année. C'est tout,
cela s'arrête là. Vous imaginez le travail de
bénédiction qu'il faut pour classer et pour identifier les
pièces importantes dans cinq caisses de documents? Il y a
peut-être dans cela, aux fins des archives, l'équivalent de 200
pages qui valent la peine d'être conservées pour l'avenir, pas
plus. Je ne suis pas en mesure, pas plus que mes collaborateurs, dans le
quotidien, d'identifier ces documents.
M. Morin: Cela soulève toute la question de la politique
d'archives au sein des ministères.
M. L'Allier: Exactement.
M. Morin: Je pense qu'on devrait envisager tôt ou tard la
présence d'un délégué des archives dans chaque
ministère, qui aurait les qualités professionnelles requises pour
savoir choisir ce qui est important et éliminer ce qui est accessoire ou
sans importance.
M. L'Allier: Oui. Comme objectif, je suis entièrement
d'accord avec le chef de l'Opposition. Cela suppose toutefois le
règlement de problèmes qui ne sont pas du tout du ressort du
ministère des Affaires culturelles que ce fonctionnaire ou ce
spécialiste qui pourrait être affecté au différents
ministères ait accès aux documents en question, à un
moment bien précis, qui est celui où on les détruit ou on
les conserve. Cela suppose du même coup qu'il y ait dans les
ministères des systèmes de classement des dossiers; c'est le
moins qu'on puisse exiger pour faire partie d'une politique de classement et de
conservation des dossiers qui n'existe pas au gouvernement du Québec. Le
chef de l'Opposition est sans doute conscient du fait que chaque
ministère a son propre système de dossiers et qu'à
l'intérieur de chaque ministère il est fréquent de trouver
des directions générales qui ont leur propre système de
dossiers. Je suis convaincu que le système de dossiers du chef de
l'Opposition est différent de celui du chef de l'Opposition qui l'a
précédé et qui, lui-même, a quitté
l'administration avec l'ensemble de ses dossiers. Vous avez dû, sans
doute, trouver un bureau absolument vierge.
M. Morin: II ne m'a pas laissé beaucoup de fonds de
tiroirs, effectivement...
M. L'Allier: Oui.
M. Morin: ... qui, d'ailleurs, n'auraient été peu
utiles.
M. L'Allier: Le problème des archives administratives
n'est pas facilement dissociable sauf dans le cas des documents
déjà assez anciens où il y a un problème de
classification, de conservation de dossiers administratifs vivants. Là,
il faut nous associer avec je ne sais quel ministère ce n'est pas
le ministère des Travaux publics, ce n'est pas le ministère de la
Fonction publique qui, au gouvernement, conseille l'Etat, que ce soit le
chef de l'Opposition ou les ministères, dans la conservation des
dossiers.
Dans l'étude des crédits, je ne participe pas à
l'étude de tous les ministères, bien sûr, mais je pense que
vous ne réussirez pas à identifier une source qui conseille
l'Etat, qui est probablement le plus grand producteur et consommateur de
documents, dans sa gestion de documents. C'est à peu près commun
à toutes les administrations publiques y compris au niveau du
gouvernement fédéral et fait, au niveau des archives
administratives, un des problèmes les plus importants.
M. Morin: Justement, votre ministère ne devrait-il pas se
considérer comme un peu chargé de mission dans ce domaine? Ne
devrait-il pas prendre l'initiative de mettre sur pied un système de
sélection, de classification des documents de l'Etat?
M. L'Allier: II faudrait sans doute que les Archives nationales
le fassent dans l'optique de la conservation. Mais ce serait une action qui
serait probablement vouée à l'échec, malgré les
meilleures intentions, si on n'a pas parallèlement une action et
cela ne peut pas être nous qui l'ayons, je ne pense pas au niveau
de l'utilisation et de la gestion courante des documents. En d'autres mots, il
nous faudrait autant de politiques d'archives qu'il peut y avoir de politiques
de conservation et de classement des documents dans les ministères
à des fins actives. Parce que les documents n'arrivent pas dans les
mêmes formes. C'est pour cela que je soulignais, ce qui peut
paraître secondaire mais qui est quand même très important,
toute l'intervention de la polycopie en ces matières aujourd'hui. Il n'y
a pas de système de classement et d'utilisation des dossiers qui soit
vraiment efficace parce que l'Etat, malgré son volume, ne s'est pas
donné de système cohérent de classement de dossiers.
Chacun se fait des copies de documents et on perd très rapidement les
originaux puisque les photocopies acquièrent très souvent la
valeur d'originaux aux fins de l'administration publique. L'original d'une
lettre est disparu, cela n'a pas d'importance. Il en existe 43 copies, chacun
ayant la sienne. Si chacune de ces personnes est éduquée et a le
réflexe d'envoyer ses documents, on se retrouve devant des tonnes de
documents dont un bon nombre sont des duplicata sans pouvoir effectivement
retrouver les originaux.
Il suffit de voir un haut fonctionnaire qui quitte ses fonctions, par
exemple, et qui conserve avec lui une copie des principaux documents qui sont
de son origine. Cela veut dire des caisses de documents, finalement. On
pourrait en parler à ceux que vous connaissez qui ont quitté la
fonction publique dans ce domaine. Ce sont tous des documents qui
n'appartiennent pas à l'Etat. Ils ont les originaux, les copies
étant dans les dossiers aux fins d'utilisation administrative. Aux fins
d'archives, ce qui nous intéresse, ce sont les originaux.
M. Morin: Bien sûr. Vous reconnaissez le problème.
Est-ce que, justement, il ne conviendrait pas que quelqu'un prenne l'initiative
de sensibiliser les divers ministères à ce problème de
conservation? Je vois que vous avez énormément de bonne
volonté pour identifier le problème, mais pour trouver une
solution, assez rapidement...
M. L'Allier: Pour trouver une solution, il y a
premièrement le Conseil du trésor, comme je vous l'ai dit, qui
doit, au cours des prochaines semaines, statuer sur un règlement.
Deuxièmement, nous avons misé, nous, très largement sur la
Commission des archives et de la bibliothèque nationale qui sera
composée de personnes qui penseront exclusivement à ce type de
problèmes, alors qu'actuellement, les archives sont sur le même
pied que n'importe quel autre service du ministère et soumises au
même type de contraintes. En donnant aux Archives nationales, qui
s'occuperont bien sûr aussi des archives administratives, un statut
d'institution nationale, il appartiendra à ces gens, parce qu'ils auront
la liberté d'action que requiert la nature même des archives
nationales, la possibilité non seulement de faire des recommandations
mais de poser des gestes et d'avoir des ressources pour arriver à
cela.
C'est d'abord une question d'éducation. Deuxièmement,
c'est une question d'organisation. C'est ensuite une question technique de
récupération, d'identification et de mise en valeur des archives.
Mon objectif, comme ministre des Affaires culturelles, c'est bien sûr, la
conservation des archives, mais si j'avais à choisir une
priorité, c'est la mise en valeur des archives. C'est leur
accessibilité à ceux à qui elles sont utiles. Pour y
arriver, il faut passer par la conservation. Mais, l'objectif ultime, c'est la
mise en valeur; je ne peux pas m'ar-rêter à la conservation.
M. Morin: Les propos que vous venez de tenir, les appliquez-vous
également aux autres organismes d'Etat, comme les commissions
d'enquête, les commissions qui ont un statut quasi judiciaire,
éventuellement les sociétés d'Etat, l'Hydro-Québec,
par exemple?
M. L'Allier: On est soumis actuellement beau-
coup plus à la bonne volonté de ceux qui sont dans ces
institutions qu'à des politiques connues, cohérentes. Elles
n'existent pas, ces politiques, ni ces normes, ni ces critères, ni ces
contraintes. On pourrait passer la soirée à le constater et cela
ne changerait rien à la situation. Commençons par obtenir ces
règlements du Conseil du trésor, ce qui viendra dans les semaines
à venir. Voyons ensuite à former une commission dynamique
composée à la fois de chercheurs et de spécialistes et
aussi de représentants des utilisateurs qui ne sont pas
nécessairement des spécialistes, et cette commission prendra en
main globalement le problème des archives. Vous faites allusion aux
commissions d'enquête. Evidemment, le problème se pose. Mais il
est doublé ici très souvent du problème des archives
électroniques. Si on veut pousser la discussion, pensons à la
commission Cliche, par exemple. Pensons à des commissions de cette
nature. Les archives de telles commissions vont où, exactement? Est-ce
que c'est le juge Cliche qui garde cela chez lui? Est-ce que cela va au
ministère de la Justice?
M. Morin: C'est la question que je posais.
M. L'Allier: Oui. Et sur cette question, on m'indique ici qu'on
a, malgré les faibles ressources dont on dispose, travaillé
déjà sur les documents de quatorze commissions
d'enquête.
M. Morin: Parmi ces quatorze commissions, trouve-t-on, par
exemple, la commission Tremblay qui a joué un rôle historique fort
important? Je crois savoir que tout a disparu.
M. L'Allier: Sur les problèmes constitutionnels?
M. Morin: Oui, la commission Tremblay sur les problèmes
constitutionnels, qui a déposé son rapport en 1956, qui a
été active de 1953 à 1956.
M. L'Allier: Je ne sais pas, on n'a pas la liste ici.
Effectivement, c'est un exemple qui est bien choisi parce que s'il y a une
commission qui doit disposer de documents importants, c'est bien
celle-là.
M. Morin: C'est un document important pour la recherche.
M. L'Allier: On pourrait vous fournir la liste demain matin.
M. Morin: Est-ce que je pourrais l'avoir? M. L'Allier:
Oui.
M. Morin: D'accord, soit demain matin, soit à une
séance subséquente. Je ne sais si nous pourrons terminer ces
questions ce soir.
La conclusion qui se dégage pour l'instant, c'est qu'on est sur
le point d'aboutir. Le Conseil du trésor a préparé une
réglementation et vous espérez que d'ici quelques semaines, au
plus tard dans quelques mois, nous aurons enfin une réglementation dans
ce domaine?
M. L'Ailler: Nous aurons un texte qui n'aura rien changé
en lui-même à l'éducation qu'il faut faire auprès
des fonctionnaires, auprès des hommes politiques, auprès de tous
ceux qui doivent s'associer d'une façon positive à la
conservation et à l'identification des archives. On pourrait en parler
très longtemps. On pourrait parler, par exemple, du rôle du
ministère de l'Education, au regard des archives, dans le réseau
de l'enseignement. C'est un autre débat qu'on pourrait tenir. Cela
rejoint une des préoccupations majeures du livre vert que de faire du
ministère des Affaires culturelles au ministère d'intervention.
Notre responsabilité étant la protection et la mise en valeur des
ressources culturelles, dont font partie les archives et le patrimoine, nous
devrons intervenir auprès des différents ministères, dont
l'Education, pour que dans le cycle de formation, on fasse cette
éducation au patrimoine et aux Archives nationales du Québec en
particulier, et qu'au lieu d'aller visiter des chaînes de restaurants ou
des choses inutiles, on établisse des pistes régulières
qui conduisent de l'école au centre d'archives. Cela va de soi.
M. Morin: Je pense que cela commence à être urgent.
J'imagine, par exemple c'est purement hypothétique la
situation suivante qui confinerait au père Ubu: les documents de la
commission Tremblay sur les problèmes constitutionnels faisant partie
désormais des archives publiques du Canada! Cela paraît
invraisemblable, mais c'est le genre de situation qui pourrait se produire.
Etant donné certains documents qui se trouvent déjà aux
Archives publiques, il ne faudrait pas écarter le fait qu'on y ait
déjà songé, que ce soit déjà accompli...
M. L'Allier: Mais si vous me placez dans l'optique d'un
universitaire ou d'un spécialiste qui n'a pas de préoccupation
politique, il vous dira qu'il est préférable de conserver les
archives de la commission Tremblay aux archives du Canada que de ne pas les
conserver du tout. Et que si elles sont accessibles là-bas alors qu'ici
elles ne le sont pas, il est préférable de les consulter
là-bas que de ne pas y avoir accès du tout.
M. Morin: Je suis parfaitement d'accord, mais de là
à se donner pour toute politique de laisser les choses filer vers les
Archives publiques du Canada plutôt que de les récupérer,
il y a de la marge.
Pour l'instant, traitons cela comme un propos d'étape sur les
archives. J'espère bien y revenir l'année prochaine, alors que
nous aurons été témoins de progrès dans ce
domaine.
M. L'Allier: J'espère que l'on pourra compter aussi sur
les archives du chef de l'Opposition.
M. Morin: Nous verrons éventuellement ce
qu'il conviendra d'en faire. Tout dépendra. Resteront-elles
interminablement des archives d'Opposition ou deviendront-elles un jour des
archives gouvernementales?
M. L'Allier: C'est pour cela que je dis qu'il y aura probablement
une brisure à ce moment-là et que les archives du chef de
l'Opposition, d'après sa propre évaluation dans le temps,
devraient assez rapidement devenir des archives.
M. Morin: Ce n'est pas à moi de décider ce qui est
important ou ne l'est pas.
J'ai constaté, tout à l'heure, que vous aviez
effectivement eu le souci d'envoyer aux archives nationales cinq caisses de
documents représentant l'essentiel de votre administration pendant que
vous étiez aux Communications. Dois-je comprendre que votre successeur
n'a pas eu accès à ces cinq caisses, ce qui expliquerait l'hiatus
qu'il y a entre ses politiques et les vôtres?
M. L'Allier: Je vais vous donner un exemple pour illustrer ce que
j'ai dit. Au moment de la préparation du livre vert sur les
communications, de la position provinciale sur les communications, nous avons,
évidemment, accumulé passablement de documents, d'échanges
de correspondance, de textes, de recherches et de choses comme cela. Au
ministère des Communications, comme dans tous les ministères,
nous sommes équipés pour conserver des documents actifs. Dans la
mesure où le livre vert lui-même est publié, les documents
qui ont donné naissance à ce livre vert, à la position
québécoise en matière de communications et les documents
annexes, à mon avis, ne font plus partie des dossiers actifs.
Dans la mesure où, au ministère, on dispose de copies des
principaux documents et du résultat de la recherche, les caisses de
documents, qui sont des études de juristes, des études de
spécialistes, ont été regroupées. La liste en a
été faite et communiquée au ministère. Les
documents eux-mêmes, plutôt que de les laisser traîner dans
le cabinet, au risque de les voir prendre la voie de l'incinérateur, ont
été acheminés aux archives.
M. Morin: Je me tourne maintenant vers le patrimoine.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Beauce-Nord.
M. Sylvain; M. le Président...
M. Morin: Je ne voudrais pas empêcher un collègue de
parler.
M. Sylvain: ... avant de quitter le milieu des archives, parce
qu'il nous est donné souvent, dans le milieu rural, de parler plus
d'asphalte, de voirie et de fossés que d'archives, j'aimerais,
même si le chef de l'Opposition a abordé le problème de la
mauvaise administration des archives au Québec, revenir sur le plan de
la région de la Beauce et poser peut-être des questions que
d'autres auraient aimé poser au ministre des Affaires culturelles.
Puis-je vous demander ce qui a primé la conclusion d'un protocole
d'entente, il y a quelques mois, entre le ministère de la Justice, par
M. Robert Normand, et le ministère des Affaires culturelles, par M. Guy
Frégault, à l'effet que les archives notariales et les archives
judiciaires, ces documents ne servant plus à l'administration de la
justice, en général, dans les palais de justice, devaient
être transportées aux Archives nationales, à Québec?
Quelle est l'idée maîtresse? Je voudrais m'exprimer plus
longuement sur ce sujet, en vous disant que, déjà, le
ministère de la Justice avait exprimé, dans la région de
la Beauce en particulierje peux prendre l'exemple du palais de justice de
Saint-Joseph-de-Beauce son intention de voir disparaître les
archives, puisqu'elles occupaient certains locaux à l'intérieur
du palais de justice, notamment le sous-sol qui aurait été
disponible à l'administration de la justice dans la Beauce.
Vous avez été prévenu, comme je l'ai
été et comme sans doute d'autres l'ont été, de
l'idée des Beaucerons de conserver les archives notariales ou les
archives judiciaires dans la Beauce. Je tiens à rendre hommage à
un défenseur du patrimoine de la Beauce, un jeune historien, qui a pris
l'initiative, avec huit autres personnes, de faire la restauration des archives
notariales à peu près 5000 ou 6000 depuis l'automne
dernier avec des moyens très rudimentaires et des ressources
financières, surtout, très restreintes.
Même si on vous prête la bonne foi de dire que vous
désirez régionaliser les dossiers et à en laisser
l'administration à des sociétés historiques quand
même ce serait la société historique La Chaudière ou
une nouvelle société historique qui s'appelle, en termes
fédéraux, Héritage Beauce jusqu'à quel point
pouvez-vous m'assurer de la conservation des archives dans leur milieu, alors
que le ministère de la Justice compte sur un protocole d'entente
à l'effet que ces archives pourraient être
déménagées dans une ville où il y a
déjà des installations ou des dépôts des archives
nationales?
M. L'Allier: Si j'ai bien compris les dossiers dont j'ai pris
connaissance en arrivant au ministère, la situation était la
suivante: effectivement, le ministère de la Justice, à un moment
donné, considérait comme quelque chose de possible la destruction
de certaines archives judiciaires anciennes, faute d'espace. Le
ministère des Affaires culturelles a négocié avec le
ministère de la Justice pour en arriver à une entente, à
l'effet que toutes les archives judiciaires soient sous la
responsabilité des archives nationales. Or les locaux des archives
nationales étant à Québec et n'étant pas
disponibles en région, en Beauce, à Rimouski et peut-être
dans une ou deux autres régions, faisaient partie de ce protocole
d'entente, je pense. Il a été convenu, à court terme, que
les archives, plutôt que d'être détruites ou placées
en état potentiel de destruction, soient conservées au
dépôt national d'archives à Québec.
A partir de là, c'est mon intention, telle qu'indiquée
aussi dans le livre vert, de nous assurer,
chaque fois que les ressources seront disponibles en région, une
participation directe de la population par les sociétés
d'histoire, les sociétés de conservation. Nous prendrons les
moyens de créer sur place ou de favoriser la création sur place
de dépôts d'archives régionales. En d'autres mots, si les
archives judiciaires de la Beauce sont d'intérêt pour les archives
nationales, il n'est pas obligatoire, à mon avis, qu'elles soient
situées physiquement à Québec.
On peut, par microfilms ou autrement, dans le temps, les rendre
accessibles au dépôt principal des archives à
Québec. Mais il m'apparaît important que ces archives soient
conservées sur une base régionale, et nous verrons, avec le
ministère des Travaux publics, à utiliser des locaux disponibles,
des locaux désaffectés d'écoles, de palais de justice,
etc., pour la conservation de ces archives. Le but que nous recherchons n'est
pas que le ministère aille en Beauce conserver les archives, mais de
fournir éventuellement des services professionnels à des gens de
la région qui voudront eux-mêmes assumer la conservation de leurs
propres archives régionales.
Nous aurons donc un rôle de service auprès des instances
locales ou des citoyens regroupés dans des associations pour leur
permettre d'accéder aux ressources qui permettraient elles, de conserver
régionalement les archives, notre responsabilité consistant alors
à indiquer à ceux que cela intéresse où sont ces
archives, de quelle façon elles sont disponibles, etc.
J'ai l'intention d'ailleurs de rencontrer ce groupe de personnes, je
pense, d'ici une dizaine de jours, et d'établir avec elles une
mécanique de travail qui permettrait de réaliser ce projet. En
d'autres mots, l'objectif n'est pas la centralisation à Québec,
mais la conservation et la mise en valeur des archives. Dans chaque cas
où on nous indiquera que c'est physiquement possible en région,
nous le ferons en région.
M. Sylvain: C'est peut-être le premier groupe, sur le plan
régional à moins que ma connaissance au niveau provincial
ne soit pas parfaite c'est peut-être le premier groupe à
s'intéresser autant à ce problème de
déménagement éventuel d'archives, non seulement à
s'intéresser au problème du déménagement possible
des archives mais aussi bien à la restauration. Même avec des
moyens rudimentaires, le groupe s'est déjà procuré des
ressources financières d'au-delà d'une trentaine de milliers de
dollars pour restaurer 5000 actes. Et à ce qu'on m'a dit, après
avoir fait la visite des archives, autant les archives judiciaires que les
documents ou les actes de notaire, dans ce palais de justice on y compterait
plus de 400 000 actes, que ce soient des procédures judiciaires
provenant des dossiers ou des actes de notaire.
Je me demande jusqu'à quel point, même si on en fait une
restauration, ensuite un inventaire, par greffe de notaire, ce qui est
très loin d'être fait. On pourrait arriver financièrement
à les restaurer, à les inventorier.
M. L'Allier: S'il y a une chose qui identifie bien la Beauce, M.
le Président, ce sont effectivement ses actions judiciaires et ses
procès, et ce serait dommage que les archives judiciaires de Beauce
quittent ce territoire. Les Beaucerons y sont identifiés autant qu'au
théâtre et à l'artisanat.
M. Sylvain: C'est peut-être dans ce sens que tous les
notaires et tous les avocats du district judiciaire de Beauce, y compris le
Barreau, y compris la Chambre des notaires du Québec, y compris le
député de Beauce-Nord et sa troupe et on sait comme elle
est grande dans la Beauce ont signé, fort valablement, le
document présenté par l'historien. Nous, des comtés
ruraux, nous avons toujours, vis-à-vis du gouvernement, la petite phrase
suivante qui nous identifie: On a si peu, qu'on nous laisse ce que nous avons.
Alors, c'est un petit peu dans la même philosophie de pensée que
je dis que l'histoire de la Beauce est constituée de folklore, que la
province connaît, mais est constituée surtout de ces documents
auxquels peu d'historiens c'est dommage de le dire viennent s'y
référer. Mais c'est absolument important. En tout cas, nous
aurons l'occasion d'en discuter sûrement; je ne voudrais pas allonger les
travaux de la commission. Peut-être que, la Beauce ayant autre chose que
des archives, aussi ayant des pièces, des meubles, des instruments de
forgeron, etc., il y aurait lieu de prévoir dans la Beauce ou dans la
région de La Chaudière, sans avoir de site précis, un
musée qui pourrait être réparti sur deux sections. Une
section qui servirait à la recherche où on entreprose-rait, de
façon fort valable, toute cette documentation historique, ces archives
du palais de justice, en particulier. D'une autre façon aussi on
libérerait effectivement certains locaux du palais de justice qui
pourraient servir à un réaménagement, à une
meilleure administration de la justice.
Puisque vous me dites que vous allez rencontrer les principaux
intéressés dans ce projet, parce que tout le monde a
été un peu ébranlé de savoir que ce projet...
M. L'Allier: ... le 22, je pense.
M. Sylvain: ... que le protocole d'entente faisait l'objet d'un
déménagement éventuel d'archives de la Beauce vers
Québec. Les quelques petits...
M. L'Allier: Vous comprendrez, par exemple, M. le
Président, que cet éveil à la qualité et à
l'importance des archives n'est pas actuellement au même niveau dans
toutes les régions. Il est certains lieux ou certaines régions du
Québec où, pour protéger les archives, il faudrait
procéder à un rapatriement temporaire vers la capitale. Chaque
fois que se manifestera, dans les régions, une volonté aussi
ferme et aussi précise physiquement que celle-là, notre objectif
sera de confier à cette région la gestion de son propre
patrimoine. C'est vraiment l'objectif premier de toute cette
problématique.
M. Morin: M. le Président, pourrais-je demander au
ministre s'il fait une distinction entre les archives judiciaires proprement
dites, si abondantes en Beauce, et, d'autre part, les actes de l'état
civil ou les greffes de notaires? Ou, lorsqu'il nous dit qu'il entend
procéder à cette politique de décentralisation, entend-il
par là couvrir tous les documents anciens?
M. L'Allier: Je ne pense pas, M. le Président, de
mémoire, que l'entente avec le ministère de la Justice couvre les
actes d'état civil actuellement. Il s'agit des archives judiciaires.
M. Morin: C'est ce que je pensais également. M. L'Allier:
Oui.
M. Morin: Donc, ce dont vous parlez, lorsque vous mentionnez la
possibilité de décentraliser les archives, c'est essentiellement
des pièces judiciaires, si j'ai bien compris.
M. L'Allier: II s'agit, dans le cas présent, des
pièces judiciaires. Pour ce qui est des archives de l'état civil,
je n'exclus pas, bien au contraire, que nous puissions nous entendre avec le
ministère de la Justice. Il est entendu que, si mes connaissances
juridiques ne sont pas trop estompées, ces actes sont toujours faits en
deux copies...
M. Morin: Oui.
M. L'Allier: ... dont une copie vient automatiquement à
Québec ou qui est transférée, par les registres, à
Québec, à un moment donné, la deuxième copie
demeurant en région...
M. Morin: La première copie reste à la cure et la
seconde devait être déposée au palais de justice du
chef-lieu.
M. L'Allier: C'est cela, mais qui, après un certain temps,
pouvait les acheminer au ministère de la Justice.
M. Morin: Depuis un an ou deux maintenant, on les transmet
automatiquement, sauf les 100 dernières années. En principe,
à l'heure actuelle, se trouvent à la rue Berthelot, à
Québec, les documents allant jusqu'à 1875.
M. L'Allier: C'est cela.
M. Morin: Mais je vous pose une question précise: Les
actes de l'état civil des paroisses de la Beauce, qu'on appelle
quelquefois "de catholicité" les greffes notariaux de la Beauce sont-ils
actuellement à Québec ou à Saint-Joseph-de-Beauce? J'ai
l'impression qu'ils sont déjà rendus à Québec.
M. L'Allier: Je ne pourrais pas vous répondre
là-dessus, M. le Président, je ne sais pas si M. Ju-nius peut le
faire.
M. Morin: M. Junius pourrait-il s'assurer de ce petit
détail? Je suggérerais au ministre qu'il y a peut-être lieu
de faire une distinction entre les archives judiciaires, d'une part, et,
d'autre part, les greffes de notaires et les actes de l'état civil.
Je songe en particulier aux greffes des notaires et à la
nécessité de confier la restauration à des gens qui
pratiquent cet art avec expertise. J'ai vu, et le ministre a, sans doute, vu,
lui aussi, trop de documents réparés au "scotch tape", ce qui a,
vous le savez, l'effet de les détruire après quelques
années, pour qu'on puisse s'en remettre à des moyens de fortune.
Ce n'est pas mettre en doute la bonne foi ni la bonne volonté qu'on
trouve dans les régions que de dire que ces choses doivent être
faites avec expertise.
M. L'Allier: II y a peut-être plus intérêt, en
tout cas, je le vois comme cela à ce moment-ci, à déplacer
des experts pour les faire travailler dans les régions que de
déplacer des dépôts d'archives qui sont d'abord utilisables
en région.
M. Morin: Mais tant que vous n'aurez qu'une restauratrice...
M. L'Allier: C'est cela, elle ne pourra pas traiter des
dépôts d'archives de la Beauce sans qu'on les lui apporte.
M. Morin: Forcément, elle pourra encore moins se
déplacer pour aller à Saint-Joseph traiter tous ces
documents.
M. L'Allier: Je suis d'accord avec vous, mais en supposant que
nous ayons les ressources pour le faire à un endroit ou à
l'autre, ma proposition actuelle va davantage dans le sens de la
régionalisation des dépôts d'archives, quitte à ce
que, par les profils ou autrement, avec le temps, on puisse avoir accès
aux documents pour faire une recherche ailleurs.
Si des gens de la Beauce souhaitent conserver des archives notariales et
souhaitent bénéficier des services d'un expert pour les aider, je
pense que nous pouvons convenir avec eux de ces choses. Si dans d'autres
régions la chose est possible, la conservation primera, mais là
où il y a une volonté régionale et une
disponibilité d'expertise, je donnerai priorité à
l'implantation de dépôts régionaux d'archives.
M. Sylvain: Je dirai simplement au chef de l'Opposition que, du
moins à ma connaissance, après une visite la semaine
dernière, il y a le traitement d'actes notariaux, il y a même
l'inventaire des greffes de la Beauce qui sont faits à partir des actes;
il n'y a pas de traitement d'actes de notaire en tant que tels ou en les
défigurant. C'est simplement l'inclusion de l'acte de notaire dans une
chemise qui est fabriquée d'un papier qui n'est pas destructible et
auquel les maladies que vous décriviez tantôt... et c'est une
classification en classeurs. Enfin, c'est beaucoup plus une classification
qu'un traitement et...
M. L'Allier: C'est le type de conseils qu'on peut fournir et qui
s'avèrent des mesures conservatoires intérimaires, si on peut
parler de la sorte en regard de leur...
M. Sylvain: On a la chance d'avoir à la tête de ce
mouvement un type de 26 ans qui est un historien du patrimoine, qui,
malheureusement, ne s'est pas trouvé, comme on dit en bon
français, de job ailleurs et qui a décidé de prendre une
initiative personnelle et de s'adjoindre beaucoup de gens autour de lui; c'est
pour cela qu'il...
M. Morin: C'est ce qu'il faudrait souhaiter partout à
travers le Québec.
M. L'Allier: Et encourager le personnel de la région qui
veut se former à travailler là-dessus.
M. Morin: M. le Président, avec la permission de mon
collègue de Beauce-Nord, nous pourrions passer au patrimoine.
Le Président (M. Pilote): L'élément 1 est
adopté. Elément 2.
M. Morin: Je n'ai pas d'objection à ce que nous adoptions
l'élément 1.
Le Président (M. Pilote): Adopté. Elément 2.
Le patrimoine
M. Morin: L'élément 2 porte sur le patrimoine. Lors
de son passage devant la Chambre de commerce de Montréal le 2 mars
dernier, le ministre a prononcé un discours dans lequel il
définissait la façon dont il concevait le rôle du
ministère des Affaires culturelles en matière de patrimoine ainsi
que le genre d'intervention du ministère dans ce domaine.
Le ministre a identifié l'une des grandes faiblesses en
matière de protection du patrimoine, qui est l'absence de
mécanisme de consultation populaire dans le processus juridique, qui
devrait être également un processus social, de classement d'une
maison ou de l'établissement d'un quartier ou d'une région comme
arrondissement historique.
En vertu de la Loi sur les biens culturels, le ministre le
reconnaît d'ailleurs dans son livre vert, il peut tout faire à sa
discrétion. Ce qui est pire, c'est qu'il n'y a aucun mécanisme
pour obliger le ministre à entendre certaines personnes et groupes et
à accéder à leurs arguments. Il en va de même pour
les municipalités qui ne peuvent pas être contraintes à
tenir compte de certaines réalités sociales et humaines dans
l'élaboration de projets qui touchent de près la population de
certains quartiers.
Nous avons déjà, dans le passé, notamment lors de
l'adoption du projet de loi no 91, soutenu cette thèse, le ministre s'en
souviendra.
Il semble qu'une refonte de la loi s'impose de toute urgence. J'aimerais
à cet égard connaître les .intentions précises du
ministre. Il y a, dans le livre vert, je le sais, plusieurs
considérations portant sur le patrimoine, sur les nouvelles structures
que le ministre envisage, mais j'aimerais connaître, de façon plus
précise, le calendrier, l'échéancier de travail du
ministre en matière de patrimoine.
J'aimerais aussi connaître, à la lumière de ce qui
est dit dans le livre vert, la place qui pourrait occuper la Commission des
biens culturels dans une refonte de la loi. A l'heure acutelle, elle n'est que
consultative. Cette commission jouerait-elle encore un rôle par rapport
à la régie qui est à l'état de projet ou encore par
rapport à la Société de gestion des biens culturels? Quel
avenir réserve-t-on à cette commission, et sera-t-elle
dotée, un jour où l'autre, de véritables pouvoirs
décisionnels ou si le tout sera confié à la nouvelle
régie du patrimoine? Ce sont mes premières questions, M. le
Président.
M. L'Allier: Pour répondre brièvement à ces
questions, je dirai, pour ce qui est du calendrier, que nous prévoyons
déposer et si possible, avec le concours de l'Opposition, faire adopter
à l'automne l'ensemble de la législation touchant le patrimoine
et, par la suite, mettre en place les structures créées par ces
lois, notamment, une régie du patrimoine, des commissions
régionales des biens culturels, une société de gestion
pour l'ensemble des biens culturels appartenant à l'Etat et,
éventuellement, des sociétés filiales de gestion pour le
patrimoine à la fois québécois et montréalais,
appartenant aux deux villes situées sur le territoire soit des villes,
soit des communautés urbaines.
Pour ce qui est de la Commission des biens culturels, la réponse
à la question se trouve à la page 199 du livre vert où on
y lit: Cette commission disparaîtra au moment de la création de la
régie du patrimoine dont il est ici question. En effet, la nouvelle
régie, en plus d'assumer les responsabilités actuelles de la
Commission des biens culturels, sera un organisme décisionnel autonome
et quasi judiciaire.
M. Morin: Le rôle consultatif de la commission fera place
désormais à une régie qui prendra des
décisions.
M. L'Allier: Une régie qui s'inspirera largement, dans sa
formation, dans toute la mesure du possible, de la Régie des services
publics du Québec qui prend des décisions et dont les
décisions sont sans appel, sauf en droit, et à ce moment, devant
la Cour d'appel.
M. Morin: Le ministre a également fait allusion à
la possibilité d'associer les autres ministères du gouvernement
au projet du ministère des Affaires culturelles, à ce qu'il nous
disait, "pour faire travailler l'argent des autres".
Bien sûr, cette initiative est excellente, surtout en
matière de recyclage des bâtiments anciens pour l'usage des
ministères. C'est certainement mieux que de louer ou de faire construire
des bâtiments neufs, et c'est une solution au problème
des grands bâtiments qui sont devenus trop onéreux pour
leurs propriétaires. On voit, par exemple, en France, une politique
systématique qui consiste à loger les services gouvernementaux
dans des bâtiments anciens. Les autres ministères sont-ils
réceptifs à cette idée?
Je songeais en particulier à un bâtiment dont on m'a dit
je ne sais si c'est exact qu'il avait été acquis
par les Affaires culturelles ou que les Affaires culturelles songeaient
à l'acquérir, qui est le Morrin College à
l'intérieur de la vieille ville de Québec. Voilà un
bâtiment qui pourrait certainement être fort utile, qui pourrait
loger des services, éventuellement même certains
dépôts d'archives, peut-être, étant donné
qu'on y trouve des voûtes considérables, des voûtes
souterraines dont je ne connais pas l'état, cependant et qui sont
peut-être trop humides pour entreposer les documents. Je prends cela
à titre d'exemple. Le ministre peut-il nous donner plus de
précisions sur cette façon dont il compte s'associer aux autres
ministères?
M. L'Allier: Je pense, M. le Président, que le chef de
l'Opposition a donné à peu près l'essentiel de ce
côté. Nous souhaitons associer les autres ministères un peu
comme nous l'avons fait jusqu'ici, et jusqu'ici les expériences que nous
avons tentées se sont avérées heureuses. J'en veux donner
pour exemple le cas de la prison des patriotes à Montréal, dont
la sauvegarde supposera une dépense supplémentaire de près
de $2 millions au ministère des Transports, qui a donc été
associé, par le ministère des Affaires culturelles, à
cette opération; le recyclage éventuel du couvent des Soeurs
Grises, sur la rue Guy, pour une utilisation sinon totale du moins partielle
par le ministère des Affaires sociales aux fins d'en faire un foyer
d'hébergement pour personnes âgées à
l'intérieur des coûts habituellement consacrés par le
ministère des Affaires sociales, par lit, pour ce type
d'établissement; le haut-commissariat, futur ministère des
loisirs, qui a dès cette année à son budget une somme de
$200 000 à $300 000, si ma mémoire est exacte, qui devra
être consacrée à la restauration et à la mise en
valeur de bâtiments historiques identifiés comme tels par le
ministère des Affaires culturelles et désignés par le
ministère des Affaires culturelles comme pouvant servir à des
fins de loisirs socioculturels.
Nous allons donc dresser ces listes et le haut-commissariat verra,
à l'intérieur de ces bâtiments, lesquels il souhaite
lui-même utiliser pu proposer à des instances locales ou
régionales à des fins de loisirs socio-culturels.
On peut continuer les exemples de cette nature. Il y a la vieille
prison, à Québec, qui était propriété de
l'Etat, par le ministère des Travaux publics, et qui a été
cédée pour $1 au ministère des Affaires culturelles qui y
travaille actuellement pour voir de quelle façon on peut l'utiliser
comme annexe au Musée du Québec. Des travaux préliminaires
sont en cours à ce sujet. On peut parler...
M. Morin: Des travaux préliminaires. Vous ex- plorez les
possibilités d'utilisation ou en êtes-vous venus
déjà à des conclusions?
M. L'Allier: On a des travaux qui sont en cours.
M. Morin: De transformation?
M. L'Ailier: Oui. On a commencé des travaux
là-dessus, au moins de nettoyage.
M. Morin: A quelles fins? La création d'un
musée?
M. L'Allier: Eventuellement le projet n'est pas
suffisamment complété en termes d'autorisation des
différentes instances gouvernementales pour y procéder la
vieille prison pourrait, d'après nous, servir d'annexe au Musée'
du Québec, qui est situé tout à côté, aux
fins d'exposition et de présentation de certaines pièces et aussi
comme lieu de travail de restauration, etc.
C'est donc un bâtiment qui est voisin du musée, qui offre
en principe un espace au moins égal à celui du musée
actuel, qui permettrait donc de doubler les espaces dont dispose le
Musée du Québec et qui est accessible dans un même lieu.
C'est ce genre de collaboration à laquelle nous songeons.
Une deuxième phase de collaboration consiste non seulement
à aller au plus pressé, comme dans les cas que je viens
d'indiquer, mais, par le biais d'une direction des relations
interministérielles qui n'aurait que cette fonction, à faire le
pont entre le ministère des Affaires culturelles et les autres
ministères, à établir des plans d'action à plus
long terme et touchant les équipements du ministère de la
Justice, la vieille prison de Trois-Rivières, le recyclage du palais de
justice de Saint-Jérôme, qui pourrait être
transféré à la ville, qui en ferait son hôtel de
ville, le ministère récupérant l'hôtel de ville
actuel, etc.
C'est dans cette voie, je pense, que nous devons aller. C'est la logique
même qui commande que nous essayions de recycler, d'utiliser ou de
proposer à l'utilisation des bâtiments qui sont encore
extrêmement valables et dont, par exemple, une ville comme
Montréal foisonne.
Si on ne songe qu'à Montréal, il y a tout près de
quarante bâtiments conventuels qui, au cours des prochaines
années, seront largement désaffectés. Il y a des dizaines
et des centaines d'églises à Montréal, dont certaines
doivent être conservées, dont d'autres doivent être
détruites ou démolies. Vous voyez l'ampleur du problème
que cela pose. J'ai rencontré, la semaine dernière, avec le
sous-ministre, l'archevêque de Montréal précisément
sur cette question. Nous avons convenu d'établir un mécanisme
permanent de travail entre les autorités ecclésiastiques de
l'archidiocèse de Montréal et le ministère. Je dois
rencontrer prochainement l'archevêque de Québec, le cardinal Roy,
aux mêmes fins, pour faire en sorte que les principaux
dépositaires du patrimoine, qui sont encore les religieux ou les
admi-
nistrateurs de biens religieux, s'associent à cette politique de
conservation et de mise en valeur du patrimoine.
M. Morin: Pour ce qui est du Morrin College, quelles sont les
intentions du ministère?
M. L'Allier: Pour ce qui est du Morrin College, actuellement,
nous sommes avec le ministère des Travaux publics en négociation
pour acquérir cette propriété qui est, comme vous le
savez, en vente. Elle est située à l'intérieur du
périmètre, de l'arrondissement historique; donc, elle ne peut
être vendue sans autorisation ou sans avis au ministère. Nous
avons effectivement, au cours des derniers jours, fait une proposition
d'achat.
M. Morin: Et à quelles fins?
M. L'Allier: Aux fins d'une utilisation soit par des services du
ministère, par exemple, en faire la maison du patrimoine ou y loger les
services du patrimoine. Eventuellement, peut-être, y loger aussi la
Société historique de Québec et la société
anglophone historique de Québec, qui a des liens historiques, c'est le
cas de le dire, avec ces lieux, et voir à ce que cela devienne un lieu
public qui soit utilisé à des fins générales de
conservation et de mise en valeur du patrimoine ou à des fins
reliées à des objectifs culturels, plutôt que de devenir un
"steak house" ou un restaurant ou d'avoir d'autres formes d'utilisation, ce qui
était, semble-t-il, dans les projets d'autres candidats acheteurs.
M. Morin: Ce serait tout à fait bien, un steak house dans
les anciennes prisons...
M. L'Allier: Le Morrin steak house.
M. Morin: ... qui se trouvent dans les sous-sol. Ce serait une
dénaturation après bien d'autres.
Mais est-ce que le bâtiment en question viendrait avec ses
accessoires, c'est-à-dire avec toutes les petites maisons qui sont
situées derrière, ou bien s'il viendrait seul?
M. L'Allier: Non, c'est l'ensemble.
M. Morin: C'est l'ensemble. Je crois que l'ensemble forme
effectivement un tout qu'il ne faudrait pas diviser en morceaux.
M. L'Allier: Exactement. Je profite de l'occasion pour souligner
rapidement que, si nous le faisons dans le cas du Morrin College et si nous
pouvons le faire ailleurs à l'occasion, nous avons deux motifs qui nous
guident essentiellement, c'est, d'abord, lorsqu'il s'agit d'un lieu d'une
importance telle qu'il doive effectivement faire partie du patrimoine de
l'Etat, c'est-à-dire être propriété publique,
conservé et mis en valeur par les ressources de l'Etat à tout
point de vue ou, alors, parce que c'est un bâtiment d'une valeur
historique et culturelle certaine, et dont nous pou- vons, à court
terme, trouver une utilisation concrète de rentabilisation. En d'autres
mots, nous ne disposons pas, bien loin de là, des ressources qui nous
permettraient d'acheter ou de conserver des biens au fur et à mesure
qu'ils sont identifiés comme étant en danger. Là aussi, le
ministère devra associer les autorités municipales et trouver
c'est prévu au livre blanc des formules d'incitation
beaucoup plus qu'il n'en existe maintenant pour que les citoyens privés,
qui acquièrent et veulent restaurer un bien, bénéficient
d'avantages fiscaux qui les encouragent à le faire.
M. Morin: Tout à l'heure, je vous ai entretenu du
problème qui consiste à associer la population à la
protection du patrimoine. Vous m'avez longuement parlé des commissions
régionales, de vos tentatives de décentraliser la protection du
patrimoine aussi bien que les archives. Mais est-ce que vous avez songé
à des mécanismes précis permettant d'associer la
population à la protection du patrimoine? J'entends en dehors ou en plus
des sociétés historiques.
M. L'Allier: Nous proposons la création de commissions
régionales des biens culturels, qui seraient des lieux où
seraient regroupés, dans la mesure où elles le souhaiteraient les
sociétés historiques, les sociétés de mise en
valeur et tous les citoyens d'une région donnée.
Ces commissions auraient, bien sûr, dans notre esprit un
rôle consultatif à la régie du patrimoine et aussi
consultatif au ministère. Nous ne voulons pas, cependant, en faire
uniquement des commissions consultatives. Nous souhaitons qu'elles puissent
assumer certains des pouvoirs qui sont actuellement réservés au
ministre des Affaires culturelles, notamment le pouvoir de reconnaître,
dans les régions, des biens culturels à être
conservés.
Vous connaissez la distinction entre le classement et la reconnaissance.
Un bien reconnu est celui dont on ne peut disposer sans en aviser les
autorités publiques. C'est actuellement le ministre qui a le pouvoir et
de reconnaître et de classer. Je pense qu'il serait possible de confier
à ces commissions régionales le pouvoir de reconnaître des
biens, donc d'assumer une mesure conservatoire sur des biens identifiés
par eux. Nous souhaitons aussi les associer directement, sinon leur confier
directement la responsabilité de faire les préinventaires ou le
dépistage des biens culturels à conserver dans une région.
En tout état de cause, il est proposé dans le livre vert que
lorsque la régie des biens culturels aura à rendre une
décision touchant un bien culturel, ce bien étant
forcément situé dans l'une des régions du Québec,
le président de la commission régionale des biens culturels
siégera d'office sur le banc de la régie en région,
là où est situé le bien au sujet duquel la décision
est proposée.
Actuellement, à court terme, nous avons amorcé cette
opération, notamment, en favorisant la création de comités
de sauvegarde, par exemple, à l'île d'Orléans ou ailleurs.
Je pourrais don-
ner au chef de l'Opposition un exemple intéressant de ce que nous
avons fait sans intervention très poussée des spécialistes
du ministère, précisément dans cette optique de tenter de
laisser aux régions le soin de s'assumer. Il s'agit du moulin
Gariépy qui est situé à Grondines, si je me souviens bien.
A Deschambault. Le moulin Gariépy qui, incidemment, appartenait à
Mathieu, propriétaire de la Butte à Mathieu.
M. Morin: Gariépy ou Gaudreault? M. L'Allier:
Gariépy. Une Voix: C'est le même.
M. Morin: C'est le même moulin qui a porté plusieurs
noms? En 1927, il s'appelait le moulin Gaudreault.
M. L'Allier: C'est un moulin qui appartenait donc à
Mathieu, de la Butte à Mathieu; Mathieu l'ayant acquis en 1963 ou 1964,
il s'en est complètement désintéressé pendant une
dizaine d'années.
M. Morin: II tombait en ruines.
M. L'Allier: II tombait en ruines. Les biens qui s'y trouvaient,
les meubles en particulier, semblent avoir été vendus,
dilapidés et on se retrouve avec la carcasse d'un bâtiment
la société historique locale peut le démontrer par une
série de photographies qui a eu une valeur extrêmement
grande, qui en a encore une, mais qui nécessite des fonds...
M. Morin: Je suis heureux d'entendre le ministre; je le dis en
passant. Le moulin Gaudreault en question, nous en avons parlé pour la
première fois à cette commission l'année
dernière.
M. L'Allier: Je suis heureux de dire au chef de l'Opposition ce
que nous avons fait à ce sujet-là.
M. Morin: Et j'écoute avec beaucoup d'attention.
M. L'Allier: On a cherché une formule originale. Le moulin
n'était pas classé, il n'était pas reconnu non plus parce
que nous sommes à compléter l'inventaire des moulins au
Québec. Il appartient à Mathieu et il est donc impossible au
ministère des Affaires culturelles de donner une subvention au
propriétaire bonifiant sa propriété qui n'est même
pas un bien reconnu aux fins de la loi. Donc, je n'ai pas le droit, le
ministère n'a pas le droit de donner une subvention au
propriétaire pour la restauration ou même essentiellement pour la
conservation des lieux.
J'ai rencontré la population sur place et nous avons
discuté de l'ensemble des choses à faire. Finalement, nous avons
convenu d'accorder une subvention pouvant aller jusqu'à $5000 à
la Société du vieux presbytère de Deschambault qui
était prête à assumer la responsabilité des mesures
conservatoires. Cette subvention était accordée à la
société pour payer les frais de matériel,
c'est-à-dire les matériaux et ce qui était
nécessaire et les experts, la main-d'oeuvre devant être une
main-d'oeuvre locale, ce que la société était d'accord
pour faire également, à la condition toutefois que le
propriétaire du moulin accepte de consentir, sur le bien bonifié
de cette façon, une hypothèque égale au montant de la
subvention en faveur de la société historique, ce qui a
été accepté par le propriétaire. Les travaux se
sont faits, le moulin a été, semble-t-il, vendu plus cher qu'il
l'aurait vendu s'il n'avait pas été restauré. La
société historique a négocié un taux
d'intérêt et a maintenant une hypothèque qu'elle peut
récupérer du nouveau propriétaire au cours des cinq
prochaines années.
En d'autres mots, une subvention de $5000...
M. Morin: Qui est le nouveau propriétaire? M. L'Allier:
Je ne sais pas.
M. Morin: Mais les toitures ont-elles été
réparées récemment?
M. L'Allier: Oui.
M. Morin: Elles l'ont été.
M. L'Allier: Ils ont empêché le tout de tomber. Cela
s'est fait de l'intérieur. Cela a coûté en
matériaux, je pense, $4800 ou quelque chose comme cela.
M. Morin: C'est pour l'empêcher de tomber, parce, quand ils
vont vouloir faire les toitures correctement, il y a des poutres fort
abîmées...
M. L'Allier: Ils l'ont refermé de l'intérieur. Le
ministère n'a rien eu à voir avec les travaux; c'est la
société elle-même qui a été le maître
d'oeuvre, qui a recruté le personnel qui a fait les travaux. La
main-d'oeuvre gratuite, qui a été à court terme fournie
par la société, ses membres ou ceux qu'elle a associés
avec elle, parce qu'il s'agissait, en fait, de faire l'équivalent d'une
corvée locale, se trouve directement compensée par le fait que la
société maintenant dispose d'un capital de $5000 qui sont les
mêmes $5000 de la subvention qui a servi aux travaux.
En poussant cette expérience plus loin ou en nous en servant pour
illustrer la façon dont les gens dans une région peuvent
s'associer à la sauvegarde du patrimoine, je pense que nous allons dans
la bonne direction. Ainsi, le ministère n'a pas eu à passer par
les Travaux publics ou par Pierre, Jean et Jacques pour faire les travaux. Les
travaux se sont faits sous la surveillance directe et sévère de
ceux qui ont intérêt à la sauvegarde du patrimoine. Ces
gens, sachant qu'ils avaient, quant à nous, un montant maximum de $5000
pour le faire, l'ont fait à l'intérieur de ce montant et à
un coût inférieur à ce montant, mais ils disposent du
même capital aux fins de la Société du vieux
presbytère, sans contrainte du ministère des Affaires
culturelles.
M. Morin: Je me réjouis beaucoup de ces nouvelles.
C'était pitié de voir cela. On peut prévoir, donc, que ce
moulin sera un jour utilisé à des fins communautaires
peut-être.
M. L'Allier: Je présume que oui, mais je ne sais pas ce
que le propriétaire veut en faire.
M. Morin: Enfin, l'essentiel, pour l'instant c'était de le
sauver.
M. L'Allier: Exactement.
M. Morin: Les toitures étaient sur le point de
s'effondrer. Bien, nous reviendrons sur certaines maisons spécifiques
par la suite.
Je ne veux m'attarder sur aucun bâtiment en particulier, pour
l'instant. J'en suis encore à tenter de déblayer les politiques
générales du ministère en matière de patrimoine.
Lors de son passage à Montréal pour le dévoilement d'une
plaque commémorative en l'honneur de l'un des fondateurs de la Banque de
Montréal, le ministre des Affaires indiennes et responsable de Parcs
Canada, M. Judd Buchanan, qui a fait parler de lui récemment à
l'Assemblée nationale à la suite d'une lettre qu'il envoyait
à l'un de ses collègues et dans laquelle il était question
du Québec, a clairement exprimé l'intention du gouvernement
fédéral de participer beaucoup plus activement à la
protection du patrimoine à l'intérieur des limites du
Québec.
Et cet intérêt se traduit de deux façons.
Premièrement, le gouvernement fédéral veut mettre la main
sur plusieurs emplacements, surtout dans la région de Montréal.
Je mentionne, entre autres, le canal de Chambly, le site des batailles de
Châteauguay, les maisons de Cartier, de Papineau, à
Montréal, le canal Lachine, la maison de Laurier à Saint-Lin, la
maison du premier ministre Saint-Laurent, à Compton.
On sait que le gouvernement fédéral a déjà
mis la patte sur les vieilles forges du Saint-Maurice et qu'il préside
à la restauration du Parc de l'artillerie à Québec. Il y a
également d'autres projets qui sont en voie d'élaboration, dont
nous pourrons parler par la suite. Deuxièmement, le gouvernement
fédéral songe à mettre sur pied un programme de
conservation, fondé sur la création d'un répertoire
canadien des biens historiques, permettant l'octroi de subventions
fédérales à la rénovation et à
l'élaboration de concepts d'arrondissements historiques
fédéraux.
Si on ajoute à cela, maintenant, les déclarations encore
plus récentes du député Joyal, prononcées à
Joliette le 25 janvier 1976 et, plus récemment, le 10 juin, on constate
que le gouvernement fédéral pourrait aller très loin dans
cette direction.
Je suis bien obligé de penser que le gouvernement
fédéral pourrait même en arriver non pas à se
substituer entièrement aux efforts du Québec, mais, étant
donné qu'il dispose de fonds considérables, à
s'intéresser à nombre de monuments qui, tout normalement,
devraient être sous la responsabilité du gouvernement du
Québec. Je sais qu'on songe, par exemple, à l'église
Notre-Dame de Montréal, on songe également à plusieurs
autres monuments importants de notre histoire collective.
Il devient de plus en plus évident, à la lumière de
toutes ces déclarations, que le gouvernement fédéral, avec
un budget beaucoup plus considérable, pour ne pas mentionner celui
d'Héritage Canada, a fermement l'intention de profiter des
imprécisions de la constitution dans ce domaine et d'envahir
tranquillement, mais de façon certaine, ce domaine où il est
vital, à notre avis en tout cas, que les Québécois soient
les seuls maîtres d'oeuvre.
Le 2 mars dernier, le ministre a insisté sur la collaboration et
non sur la concurrence qui devrait prévaloir entre Québec et
Ottawa, en matière de patrimoine, et le fait que le Québec se
devait d'être le premier maître d'oeuvre en matière de
patrimoine. Il a cependant été, de façon étonnante,
sur la défensive, à notre avis, dans un domaine où les
biens visés sont la propriété collective des
Québécois, en ne niant pas la thèse de
"l'intérêt national" appliquée à certains biens
historiques, par rapport à l'intérêt purement
québécois de certains autres. Thèse qui est chère
au ministre Buchanan.
Je constate, à notre avis en tout cas, qu'il n'a pas
été suffisamment clair en ne s'opposant pas carrément, en
n'opposant pas une fin de non-recevoir aux demandes du gouvernement
fédéral, en n'exigeant pas que toutes les sommes d'argent
dépensées par le gouvernement central pour le patrimoine soient
versées intégralement au Québec qui, lui seul, est en
mesure de coordonner adéquatement les efforts dans ce domaine, qui doit
être le seul responsable de l'utilisation des fonds engagés.
J'aimerais que le ministre nous précise à nouveau les intentions
de son ministère à ce sujet.
Il semble que cette offensive fédérale soit appelée
à se développer, si j'en crois les toutes dernières
déclarations du député Joyal, qui sont rapportées
dans les journaux du 10 juin. Cette politique va être de plus en plus
active, le gouvernement fédéral va être de plus en plus
présent dans les questions de patrimoine. J'aimerais qu'il nous
précise également son attitude à l'égard
d'Héritage Canada.
M. L'Allier: M. le Président, je vais commencer par la
fin. Mon attitude à l'égard d'Héritage Canada est
décrite, si ma mémoire est exacte, dans les pages 104 ou 105 du
livre vert. Je pourrais lire cela tout à l'heure; je vais le
trouver.
Deuxièmement, ce que vient de dire le chef de l'Opposition vient
de semer un doute dans mon esprit. J'ai l'impression que je l'ai
peut-être mal cité au cours des dernières semaines en me
référant, de mémoire, à des positions que, dans mon
esprit en tout cas, il avait prises à l'Assemblée nationale,
à l'effet que la constitution actuelle, quelle que soit la façon
dont on la triture, ne reconnaît
pas la juridiction exclusive des provinces en matière culturelle.
Est-ce que c'est exact? Je voudrais éclaircir ce point?
M. Morin: II n'y a rien de précis dans le British America
Act sur les questions culturelles, mais on peut dire que l'esprit de ce vieux
document est à l'effet que les questions culturelles relèvent,
avant tout, des provinces, compte tenu du fait que l'éducation est de
compétence provinciale et que les institutions locales sont
considérées comme relevant de la compétence
provinciale.
M. L'Allier: Donc, ma mémoire est assez exacte. Je me
souviens de la source, c'était, je pense, dans le journal des
Débats, à l'occasion des crédits de l'an dernier ou de
l'année précédente.
Si nous nous placions sur une base de contestation judiciaire, nous
avions peu de chance d'établir que la culture était de
responsabilité exclusive des provinces.
M. Morin: Surtout devant la Cour suprême du Canada, c'est
bien évident.
M. L'Allier: Au même endroit, plaçons-nous au niveau
de la faculté.
M. Morin: Au niveau de la faculté, nous pourrions soutenir
que c'est un domaine de compétence, prioritairement provincial, à
tout le moins...
M. L'Allier: Prioritairement. A partir de là, la
revendication du transfert fiscal que nous pourrions faire se ramène,
à toutes fins pratiques, à une revendication constitutionnelle,
à une discussion constitutionnelle. Nous pouvons, bien sûr, nous
entendre avec le gouvernement fédéral sur des transferts fiscaux,
mais vous connaissez comme moi l'attitude du gouvernement fédéral
à ce sujet. Même dans les domaines où nous croyons avoir
une juridiction exclusive je pense en particulier à la
câblodistribution les dossiers n'avancent pas tellement. Donc,
réclamer à ce moment-ci les transferts fiscaux aux fins de la
conservation du patrimoine, lui-même se situant à
l'intérieur d'une parité culturelle qui n'est pas, nous le
reconnaissons, de juridiction exclusive du Québec, est effectivement
amorcer une discussion constitutionnelle.
M. Morin: Je regrette les propos du ministre. J'estime que l'un
de ses devoirs est d'affirmer sans ambages qu'il s'agit là d'une
compétence exclusive du Québec.
M. L'Allier: Nous pouvons l'affirmer, mais vous nous avez souvent
reproché que de l'affirmer ne menait à rien.
M. Morin: Entendons-nous bien. Je pense qu'on peut le soutenir
dans ce cas. Vous pouvez, à tout le moins, le revendiquer.
M. L'Allier: Nous pouvons le soutenir politi- quement, mais sur
le plan juridique, nous ne pouvons pas, dans l'état actuel de la
constitution, prétendre que la culture est de juridiction exclusive des
provinces.
M. Morin: Depuis la commission fédérale sur la
culture j'oublie le nom depuis la commission Massey l'intrusion
fédérale est tellement ample qu'aujourd'hui nous sommes devant un
problème politique majeur.
M. L'Allier: C'est-à-dire qu'il faut passer par le
détour de l'Education pour en arriver à pouvoir prétendre
à une juridiction exclusive des provinces, ce que j'accepte, pour ma
part, de faire volontiers. Je ne veux pas faire de débat de
sémantique en disant que la culture est une responsabilité
partagée; d'ailleurs, je l'indique à quelques reprises dans le
livre vert. Il va de soi que, dans l'état actuel de développement
au Québec, il est essentiel que les responsabilités, que la
maîtrise d'oeuvre en matière culturelle soit la
responsabilité de l'Etat québécois. Ceci dit, je n'ai pas
l'intention de poser le problème en ces termes comme la priorité
à régler avant de faire quoi que ce soit. On a parlé
jusqu'ici des archives, on a parlé du patrimoine, on a parlé ce
matin d'autres sujets culturels. Dans bien des cas, ce sont des
problèmes que nous pouvons régler ici. La question des archives
nécessite d'abord des réponses ici; la question du patrimoine
nécessite d'abord que nous nous organisions nous-mêmes pour
sauvegarder le patrimoine. Encore une fois, les spécialistes, ceux qui
s'intéressent à ces questions ne pourront pas faire grief au
gouvernement fédéral de conserver les choses si nous n'avons pas
nous-mêmes des politiques culturelles de conservation et de mise en
valeur. C'est pourquoi c'est d'abord cela que j'ai voulu proposer dans le livre
vert.
Ceci dit, pour ce qui est de revenir aux volontés d'intrusion et
à l'intrusion réelle du gouvernement fédéral dans
le domaine du patrimoine, la question se pose dans les termes suivants. Il
s'agit de propriétés privées ou de
propriétés publiques. S'il s'agit de propriétés
privées, évidemment, les propriétaires, en droit civil,
peuvent en disposer à leur guise, et le gouvernement
fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique ou le
gouvernement du Pakistan peuvent les acquérir au Québec,
actuellement. Il n'y a pas de règles qui empêchent l'acquisition
de la propriété privée par qui que ce soit dans la mesure
où on respecte le droit civil et peut-être même certaines
autres règles fiscales.
S'il s'agit de propriétés publiques, ce sont des
propriétés publiques provinciales, québécoises ou
municipales. Parlons des propriétés publiques provinciales. Elles
ont pu, à l'occasion, être transférées dans le
passé au gouvernement fédéral. En ce qui me concerne, les
propriétés publiques qui appartiennent au gouvernement et qui ont
un rapport quelconque avec le patrimoine ou le secteur culturel ne doivent pas
être transférées à quelque gouvernement que ce
soit.
S'il s'agit de propriétés publiques ou privées,
eHes sont classées ou non classées. Si elles sont
non classées, ce que je viens de dire s'applique
intégralement en ce sens qu'un bien, qu'il soit privé ou public,
peut théoriquement être vendu à n'importe quel acheteur qui
accepte d'en payer le prix et qui accepte de se conformer au droit civil. S'il
s'agit d'un bien public classé, le cas s'est posé entre le
gouvernement fédéral et un propriétaire d'un bien
classé au sujet de la maison Papineau à Montréal. M.
McLean en est le propriétaire. C'est une propriété
privée à la restauration de laquelle nous avons participé
financièrement. Nous avons posé une condition très simple
au gouvernement fédéral avant d'autoriser la cession de ce bien
au gouvernement fédéral par le propriétaire. Cette
condition était la suivante: II faut que le gouvernement
fédéral accepte, dans le contrat d'acquisition et comme nouveau
propriétaire, de se soumettre, maintenant et pour l'avenir, aux lois et
règlements du Québec en matière de sauvegarde et de mise
en valeur du patrimoine. Ce que le gouvernement fédéral,
vérification faite et à l'appui de ce que je vous dis nous
avons une copie de l'avis juridique qui a été fourni par le
greffier de la Chambre des communes à Ottawa au gouvernement
fédéral peut légalement faire. En d'autre mots, le
gouvernement fédéral peut accepter de se soumettre aux lois et
règlements d'une province...
M. Morin: Veut-il le faire?
M. L'Allier: II peut le faire et c'est pourquoi nous avons
posé cette condition qui devient pour nous un principe en matière
de patrimoine. Chaque fois que le gouvernement fédéral voudra
acquérir un bien classé, quel que soit le propriétaire,
nous poserons, quant à moi, cette condition: Qu'il accepte de se placer
sur le même pied que n'importe quel propriétaire, y compris l'Etat
québécois. Il a refusé de le faire dans le cas de la
maison Papineau. Nous en faisons également état au livre vert
comme d'un exemple et la vente ne s'est pas faite. Ce sont les mesures que nous
pouvons prendre dans l'état actuel des choses pour protéger Te
patrimoine classé bien culturel.
Pour le reste des propriétés, c'est une question politique
qui touche l'ensemble du gouvernement et non pas le ministère des
Affaires culturelles. Je n'ai pas l'intention de refaire ici les débats
qui ont pu avoir lieu autour de l'acquisition du parc du Saguenay ou de la
cession de territoire à Trois-Rivières ou d'échange de
territoires. Je donnerai comme exemple, pour illustrer nos intentions, les
très longues discussions qui ont eu lieu ici même à
Québec pour le gouvernement fédéral et la Corporation de
l'Hôtel-Dieu de Québec. Le gouvernement fédéral
voulait acquérir un espace situé près de
l'Hôtel-Dieu, appartenant à l'Hôtel-Dieu, pour
compléter le parc de l'Artillerie. Comme s'il s'agissait d'un immeuble
situé dans le périmètre du Québec historique,
l'autorisation du ministère était nécessaire. Nous avons
refusé l'autorisation de céder le bien et je pense que,
finalement, une entente est intervenue pour une location par les
propriétaires actuels au gouvernement fédéral aux fins
d'aménagement.
M. Morin: N'estimez-vous pas que la réaction, le refus
d'Ottawa d'accepter la condition pourtant raisonnable que vous lui proposiez,
compte tenu de toutes les circonstances, dénote une certaine
rigidité de sa part? Ce qui m'inquiète, c'est que vous semblez
prêt à collaborer, à rechercher des modes de fonctionnement
qui associeraient le Québec à la protection du patrimoine, tandis
que le gouvernement fédéral ne semble pas du tout entrer dans ce
jeu.
M. L'Allier: Libre à lui de le faire.
M. Morin: Ne s'apprête-t-il pas, depuis quelques mois,
d'après tout ce qu'on a pu voir, à envahir littéralement
le Québec avec sa politique de protection du patrimoine?
M. L'Allier: Qu'il s'apprête à le faire ou non,
qu'il ait les budgets ou non pour le faire, que ce soit ou non ses
priorités, c'est relativement peu important dans la mesure où
nous nous donnons les moyens d'identifier ce patrimoine et de le classer. C'est
là qu'est pour nous la priorité. Dès que l'immeuble est
classé, il est protégé par la législation
québécoise. Nous avons l'intention, à chaque fois que le
gouvernement fédéral voudra s'en porter acquéreur, si
nous-mêmes ou des Québécois ne peuvent ou ne veulent s'en
porter acquéreur, de le protéger de la façon que j'ai
indiquée et qui est celle que nous avons utilisée dans le cas de
la maison Papineau. Il est possible que nous n'ayons pas les ressources, que
personne au Québec ne soit suffisamment intéressé pour
investir des ressources dans la conservation du patrimoine.
Le problème se pose au niveau politique supérieur. Doit-on
procéder à des transferts de fonds des ententes
constitutionnelles? Ce n'est pas à mon niveau que ce problème se
pose. Quant à moi, l'urgence consiste à identifier le patrimoine,
à le classer, à le reconnaître et, à partir de
là, à le protéger contre quiconque voudrait l'utiliser
d'une façon qui n'est pas conforme aux objectifs du
ministère.
Mais si le gouvernement fédéral, comme
propriétaire, accepte de se conformer aux lois, exigences et
règlements du Québec, maintenant et pour l'avenir, en termes
d'utilisation, de mise en valeur, de conservation, de protection, je ne vois
pas quelle est la différence entre l'investisseur fédéral
et l'investisseur ontarien ou pakistanais.
M. Morin: Vous pensez bien que cela est fait en vue d'objectifs
politiques très précis...
M. L'Allier: Très précis.
M. Morin: ... qui sont liés à ceux de Parcs Canada.
La différence, c'est évidemment que vous verrez de façon
très obvie la présence fédérale...
M. L'Allier: oui...
M. Morin: ... et le drapeau canadien flotter sur le tout pour
consacrer cette présence.
M. L'Allier: ... M. le Président, s'il s'agit de biens qui
font partie du patrimoine et si le propriétaire éventuel, quel
qu'il soit, accepte de se soumettre aux législations et aux
règlements, il nous appartient à nous de faire les
législations et les règlements qui mettent en valeur ce
patrimoine suivant nos objectifs et nos priorités.
Si on en arrive à la conclusion que le drapeau
québécois doit flotter sur les immeubles classés, le
drapeau québécois devra flotter sur les immeubles
classés.
M. Morin: Evidemment, on touche à la question de
l'inventaire sur laquelle j'ai l'intention de revenir plus tard parce que, dans
la mesure où l'inventaire fédéral est plus avancé
du moins dans certains secteurs que l'inventaire
québécois, bien sûr, le fédéral a une
foulée d'avance.
M. L'Allier: Je pense que ce n'est pas exact, M. le
Président.
M. Morin: J'aimerais que vous me le disiez clairement.
M. L'Allier: Je vais laisser M. Junius vous parler des
inventaires. Même M. Joyal, avec toutes les visées que vous lui
prêtez, reconnaît très volontiers, en même temps que
Mme Sauvé, M. Buchanan et bon nombre d'autres qui s'intéressent
à ces questions, qu'en matière de patrimoine, le Québec a
de l'avance, et une longue foulée d'avance, sur les volontés
fédérales.
M. Morin: N'est-il pas arrivé que vous utilisiez
vous-mêmes les inventaires fédéraux à
l'occasion?
M. L'Allier: Chaque fois que ce sera possible et qu'ils seront
faits, nous allons le faire, bien sûr. Pourquoi répéter le
même travail? C'est le même argent. Si l'inventaire des
églises est terminé, je ne vois pas qu'on découvre des
églises qu'il n'aurait pas vues. Si cela existe dans les documents et
qu'on peut les obtenir, on va s'en servir, quitte à
compléter.
M. Morin: II ne semble pas être si en retard que cela pour
ce qui est des églises, en tout cas!
M. L'Allier: Je vous cite M. Joyal qui reconnaît
lui-même que son gouvernement est en retard; je vous cite Mme
Sauvé qui l'a dit à Joliette au moment de l'inauguration du
musée et...
M. Morin: II est en retard par rapport à ses objectifs,
bien sûr.
M. L'Allier: Par rapport aux politiques du Québec en
matière de patrimoine. C'est ce qu'ils ont dit. Maintenant, vous pouvez
les contester aux crédits de M. Buchanan. Moi, je ne serai pas
là.
M. Morin: Au point de vue de l'inventaire? Enfin, écoutons
M. Junius.
M. L'Allier: M. le Président, en ce qui concerne les
inventaires, il est évident que le gouvernement fédéral a
travaillé, par un programme spécial qui a été mis
en marche, je pense, par, le ministre Jean Chrétien à
l'époque, dans les années soixante-dix. On a commencé un
inventaire qui était un inventaire pancanadien et, pour ce faire, le
gouvernement du Canada a distribué son argent de façon
inégale à travers les provinces, en attribuant un tiers,
pratiquement, de la dépense pour le Québec.
Cependant, quand on parle d'inventaire canadien, on est ici en
présence d'un tout premier repérage ou d'à peine un
préinventaire; les fiches que nous avons vues à Ottawa
nous sommes allés les visite font montre véritablement de
préliminaires de préinventaire.
Je pourrais parler d'un repérage général à
travers le Québec. Ce travail a été fait par des
spécialistes à Ottawa mais, sur le terrain en
général, a été fait avec de la main-d'oeuvre
étudiante. Il y a de nombreuses erreurs dans l'inventaire canadien. Nous
en avons repéré quelques-unes. Cependant, ce repérage
étant utile pour nos fins, nous avons négocié au niveau
des fonctionnaires puisqu'on est en relation, je ne dirais pas tous les
jours, mais il arrive qu'on soit en relation avec des fonctionnaires
fédéraux et nous avons fait avec eux un protocole
stipulant que l'inventaire ou le préinventaire canadien, qui concerne le
Québec, nous soit remis. Nous avons une copie complète, dans nos
bureaux, des 30 000 ou 40 000 bâtiments qui ont été
photographiés et dont quelques fiches techniques, si vous voulez,
quelsques documents ou données techniques ont été
indiqués sur la fiche d'inventaire.
En ce qui concerne les églises, je ne prendrai qu'un exemple qui
est l'île de Montréal. Il y a 250 églises de
Montréal qui ont été faites par nos soins, qui ont
été terminées cette année et, en même temps
que l'inventaire assez approfondi des documents.
Nous avons, en plus, l'inventaire de tous les biens mobiliers de
l'église et parfois même du presbytère. Je ne parle pas des
communautés; on ne l'a pas fait. Il y a 250 églises. Cela nous a
pris une année pour réaliser ce programme, avec un personnel
malheureusement insuffisant. Mais, en ce qui concerne les églises, je
puis vous assurer qu'à Montréal, où la pression se fait la
plus forte, on va être en mesure de présenter au ministre, assez
prochainement, un dossier qui montre la situation des églises, celles
qui sont à recommander pour classement, celles qu'il sera
recommandé de conserver à cause de leur situation
géographique parfois uniquement; c'est intéressant pour le
paysage, mais l'église ne l'est pas sur le plan architectural. Enfin, il
y a tout un train de mesures en ce qui concerne le mobilier, les oeuvres d'art,
l'orfèvrerie, l'ébénisterie, etc. Je parle de l'île
de Montréal.
Le diocèse de Saint-Hyacinthe, aussi, par exemple, a vu son
préinventaire complété par nous, mais de façon plus
approfondie que l'inventaire canadien, l'année passée. Il y en a
d'autres
aussi; je pourrais vous en donner peut-être une liste que j'ai
ici, d'ailleurs.
M. Morin: Pour être spécifique, ce que je
craindrais, c'est que les fédéraux n'en viennent, eux aussi,
à procéder au classement, de sorte que nous nous trouvions un
jour devant deux classements parallèles. Alors, il y aurait de beaux
problèmes juridiques. Les édifices classés par le
gouvernement fédéral seraient-ils sujets à la
législation québécoise sur les biens culturels?
Voilà une fort belle question.
M. L'Allier: Exactement, mais sans vouloir offenser le chef de
l'Opposition, c'est une question que je poserais en faculté plus qu'ici.
Je trouve que j'ai assez de problèmes et qu'on a assez de
problèmes actuellement à régler sans vouloir régler
un problème hypothétique. Le jour où le gouvernement
fédéral proposera d'avoir son propre classement avec une
législation qui touche le patrimoine, nous aurons effectivement un
problème qui devra se régler, encore une fois, au niveau du
gouvernement. Ajoutons cela à la liste du contentieux
fédéral-provincial. Si on le règle, cela ne vous rend pas
service et, si on ne le règle pas, vous vous rapprochez du but.
M. Morin: C'est une façon d'envisager les choses. De toute
façon, naturellement, les biens publics fédéraux,
d'après les règles de la succession d'Etat, passeraient à
un Québec indépendant.
M. L'Allier: Oui, mais avec... M. Morin: Mais en
attendant...
M. L'Allier: ... les 0,72% que vous aviez prévus au budget
de l'an 1, vous n'iriez pas très loin dans le classement. 0,72%,
c'est-à-dire le troisième du vrai budget en dix-sept ans.
M. Morin: En chiffres absolus, je crois que le montant
était important.
M. L'Allier: Oui, mais avec les dépenses absolues que vous
aviez aussi.
M. Morin: Bien sûr. De toute façon, le ministre
conviendra que c'est probablement de ce côté qu'il faudra chercher
la solution. Je sais que lui-même n'y est pas à ce point rebelle
qu'il n'y ait songé dans le passé.
Pour ce qui est de la maison Papineau, j'aimerais revenir sur l'entente
entre les deux gouvernements. Il semble que le gouvernement
fédéral ait refusé, si j'ai bien compris le ministre,
d'acheter la maison de M. MacLean.
M. L'Allier: Oui.
M. Morin: Bon. Est-ce que je dois en conclure que,
désormais, il y a une possibilité que le gouvernement
fédéral ne s'aventure plus à acheter une maison ou un bien
qui est déjà classé par vos services?
M. L'Allier: C'est une question d'interprétation. Tout ce
que je peux vous dire, c'est que, depuis l'aventure de la maison MacLean, M.
Buchanan semble être occupé ailleurs et il n'y a pas eu, par le
gouvernement fédéral, de propositions d'achat de biens
classés, à ma connaissance.
M. Morin: Avez-vous une idée de ce qu'il adviendra de la
maison Papineau désormais? M. MacLean la conservera-t-il tout
simplement?
M. L'Allier: M. MacLean la conserve actuellement. Bien que ce ne
soit pas notre fonction première, nous cherchons à voir si,
d'éventuels acheteurs québécois, notamment au sein de
fondations privées, seraient disposés à procéder
à l'achat ou même à s'associer à un achat qui
pourrait être fait par le ministère, à condition que ce
soit en participation, mais pas nécessairement au prix offert par le
gouvernement fédéral, puisque nous avons déjà
investi dans ces lieux $60 000 aux fins de restauration dans le cadre de la Loi
sur les biens culturels. Le prix proposé par le gouvernement
fédéral, si c'était une acquisition
québécoise, est un peu exagéré.
M. Morin: Récemment, le gouvernement fédéral
a adopté une loi qui tente de mettre un frein à la fuite des
biens culturels canadiens ou québécois vers les pays
étrangers. Etant donné la situation constitutionnelle, ce
n'était pas une mauvaise initiative. J'aimerais vous demander ce qu'il
faut penser d'un autre problème qui est celui de l'exode des biens
culturels québécois vers les autres provinces ou vers Ottawa.
Ne serait-il pas opportun que des mécanismes soient
instaurés pour faire en sorte que les biens en question ne puissent
prendre le chemin des autres provinces et trouvent preneur prioritairement au
Québec? '
M. L'Allier: Pour répondre précisément
à la question, oui, ce serait opportun que des mécanismes soient
mis au point. Encore faudrait-il qu'on en vérifie l'efficacité
dans le fonctionnement. En d'autres mots, cela suppose essentiellement que nous
savons où sont ces biens et que nous sommes informés, ou
susceptibles de l'être, quant à leur déplacement. Je vous
donne l'exemple de la bibliothèque du Artic Institute, à
Montréal, dont on a appris le départ au moment où
effectivement le dernier camion quittait Montréal. A moins d'avoir une
police du patrimoine qui se situe aux frontières, on a un
problème.
Si on se place dans le contexte actuel où nous avons toutes les
difficultés du monde à empêcher non pas le départ
mais la démolition d'une église dont on est sûr qu'elle ne
disparaîtra pas d'elle-même, vous imaginez que pour un tableau, une
pièce d'orfèvrerie ou pour un meuble, la situation est
drôlement plus compliquée. Je pense que la réponse, si
réponse il y a, se situe bien davantage
au niveau d'une association du ministère via les commissions
régionales des biens culturels, avec les sociétés
historiques et au niveau des préinventaires et du dépistage qui
peut se faire localement par les gens du lieu qui connaissent ces biens,.
En donnant aux commissions régionales des biens culturels
certains pouvoirs ou un pouvoir de reconnaissance des biens, on assure
déjà une première surveillance des lieux. On pourra
même aller jusqu'à reconnaître à ces organismes des
pouvoirs de conservation physique au cas de départ des biens. Mais si on
essaie de mettre en place des structures administratives pouvant gérer
cette immense opération de sauvegarde, qui ne peut être viable que
si elle est appuyée sur une volonté individuelle des
Québécois de sauver leur patrimoine, qui ne peuvent donc que
s'appuyer sur une éducation permanente, tous les moyens qu'on pourrait
mettre en place sont voués à l'échec.
Je pourrais élaborer là-dessus longtemps. Dans les
arrondissements historiques, actuellement, on a toute la difficulté du
monde à convaincre les résidents ou les propriétaires de
prendre les mesures de conservation des lieux, des bâtiments, des
maisons, des constructions, et tout. L'éducation est à faire et
il faut davantage leur donner, à eux, les ressources de le faire
plutôt que de nous imposer, nous, comme une contrainte et comme un
gardien exclusif et jaloux du patrimoine. L'exemple de l'île
d'Orléans. Si on parle de cela, quand je suis arrivé au
ministère, il y avait 40 ou 45 poursuites judiciaires en cours contre
des résidents de l'île. Ce n'est pas comme cela qu'on va sauver
l'île d'Orléans. Il faut d'abord avoir une action
d'éducation, confier à des citoyens, localement, cette
responsabilité à la société historique et
peut-être, à ce moment-là, si les gens le veulent bien, que
le patrimoine sera conservé.
M. Morin: Je suis d'accord avec le ministre que tout cela est
affaire d'éducation, fondamentalement, mais n'est-il pas d'avis qu'il
faudra tout de même, un jour, envisager des sanctions pour
prévenir l'exode de certains biens?
M. L'Allier: Oui, mais la sanction doit suivre le service,
l'inventaire, le répertoriage et le conseil qu'on donne aux gens. Je
pense qu'il n'est pas souhaitable de faire précéder la sanction,
d'imposer des règlements qui sont largement méconnus ou inconnus.
La loi actuelle prévoit qu'un bien reconnu ne peut quitter le
Québec sans autorisation. La loi actuelle le prévoit à
l'article 17: "Aucun bien reconnu ne peut être transporté hors du
Québec sans la permission du ministre qui prend l'avis de la commission
dans chaque cas." Vous imaginez!
M. Morin: II n'y a pas de sanction.
M. L'Allier: La commission se réunit une fois par mois.
Bien oui, il y a des sanctions prévues par la loi, mais ce sont des
sanctions modestes. La commission se réunit une fois par mois et le
bien, qui est un bien mobilier, est sur le point, est en voie de quitter le
Québec. Je peux l'empêcher à la condition d'avoir
été avisé de son départ et d'avoir sollicité
l'avis de la commission. C'est absolument inopérant.
M. Morin: M. le Président, dans le même ordre
d'idées, puis-je demander au ministre si l'on contrôle
actuellement l'exode vers les Etats-Unis ou même vers Ottawa de biens
culturels amérindiens ou inuit, surtout ceux qui ont une grande valeur
ethnologique ou archéologique?
M. L'Allier: A ma connaissance, pas plus que les autres, de la
même façon que le député de Beauce-Nord, tout
à l'heure, parlait des problèmes qui se posent chez-lui; ce sont
dans les zones frontières que ces choses se passent la plupart du temps.
Si on ne donne pas à ces sociétés historiques des
régions frontalières les responsabilités, les moyens
d'assumer ces responsabilités, on sera témoin de cet exode et on
retrouvera dans des musées étrangers les pièces de nos
collections, de la même façon que les Egyptiens qui se
promènent à Paris sont heureux de retrouver au Louvre les plus
grandes collections d'art égyptien.
M. Morin: C'est une maigre consolation.
M. L'Allier: Je le sais. Pour les Egyptiens aussi.
M. Morin: M. le Président, je voudrais en venir à
un dossier dont il a été longuement question l'année
dernière et qui est la conservation du vieux Sillery.
M. L'Allier: Etant donné qu'il est onze heures, est-ce
qu'on ne pourrait pas continuer demain matin?
M. Morin: II est onze heures et je n'aurais pas d'objection
à ce que vous ajourniez. J'ai encore suffisamment de questions pour
occuper probablement une autre séance de la commission. Sans doute,
demain matin, ce sera le député de Saint-Jacques qui
procédera avec ses propres questions sur d'autres programmes. Mais
j'aimerais revenir par la suite, une heure et demie ou deux heures pour
peut-être; je pourrais terminer le patrimoine.
M. L'Allier: Si vous êtes acheteur pour un tas de terre on
vous fait un prix raisonnable.
M. Morin: A Sillery? M. L'Allier: A Sillery.
M. Morin: C'est votre solution? Elle est maigre.
M. L'Allier: Pour $1 et autres considérations, on pourrait
vous céder cela.
Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses
travaux à demain dix heures.
(Fin de la séance 23 h 2)