L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 15 juin 1976 - Vol. 17 N° 94

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires culturelles


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des

communications

Etude des crédits du ministère des Affaires culturelles

Séance du mardi 15 juin 1976 (Dix heures cinquante minutes)

M. Pilote (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications est réunie aujourd'hui pour étudier les crédits du ministère des Affaires culturelles.

Sont membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson), M. Bérard (Saint-Maurice), M. Charron (Saint-Jacques), M. Choquette (Outremont), M. Côté (Matane), M. Dufour (Vanier) remplace M. Bonnier (Taschereau); M. Sylvain (Beauce-Nord) remplace M. Déom (Laporte); M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Léger (Lafontaine), M. Parent (Prévost), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Bellemare (Rosemont) remplace M. Tardif (Anjou); M. Massicotte (Lotbinière) remplace M. Veilleux (Saint-Jean) et M. L'Allier remplace M. Bienvenue (Crémazie) évidemment.

M. Houde (Limoilou): J'attire l'attention du Président. Je remplace quelqu'un, parce qu'on m'a demandé.

Le Président (M. Pilote): M. Houde (Limoilou) remplace M. Parent (Prévost).

Je crois que le ministre des Affaires culturelles a à faire un tour d'horizon sur son ministère.

M. L'Allier: Pourrait-on commencer par l'Office franco-québécois pour la jeunesse?

M. Charron: M. le Président, je n'ai aucune objection à commencer par l'office. Je l'expliquerai au ministre en détail plus tard ce matin, si nous pouvions nous en tenir à ses remarques préliminaires et aux miennes par la suite, avant de nous engager dans les programmes plutôt cet après-midi, cela me conviendrait beaucoup. Je n'ai pas d'objection à ce que nous étudiions l'Office franco-québécois immédiatement, si vous le voulez aussi.

Le Président (M. Pilote): Comme rapporteur, est-ce que M. Côté (Matane) sourirait aux membres de la commission?

Une Voix: Unanimement.

Le Président: (M. Pilote): Adopté. Le ministre des Affaires culturelles.

Office franco-québécois pour la jeunesse

M. L'Allier: M. le Président, au moment de l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, le programme 3 du secteur des relations intergouvernementales, l'Office franco-québécois pour la jeunesse, avait été réservé pour être étudié à ce moment-ci. En d'autres mots, les crédits du ministère des Affaires intergouvernementales ont été approuvés, sous réserve de l'approbation de ce programme 3, l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Si vous êtes d'accord, M. le Président, nous allons commencer par l'étude de ce programme 3, pour libérer ce secteur des Affaires intergouvernementales.

Vous notez que le budget consacré par le gouvernement du Québec à l'Office franco-québécois pour la jeunesse passe de $1 139 000 à $1 267 000, ceci, sur les recommandations du conseil d'administration de l'office et aussi pour assurer la participation paritaire des deux gouvernements français et québécois à cet organisme. En d'autres mots, une des règles de l'office a toujours été de tendre et de réaliser dans les faits la parité des contributions des deux gouvernements à cet organisme, parité qui s'est traduite également par la parité dans les échanges qui sont faits, à quelque dizaines de personnes près, en cinq ans, ou à peu près.

C'est ce qui justifie cette augmentation de crédits à l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Il y a ici, avec moi, M. Pierre Bernier, secrétaire général de l'office, qui pourrait répondre d'une façon plus spécifique aux questions qui pourraient être posées sur cet organisme.

M. Charron: M. le Président, l'année dernière, le ministre nous avait informés que le Québec avait décidé d'augmenter de 15% sa participation financière à l'Office franco-québécois pour la jeunesse, même si, de l'autre côté, le partenaire français, pour toutes sortes de raisons, avait décidé de s'abstenir d'une pareille augmentation.

Je tiens à le rappeler aux membres de la commission, on avait bien précisé, du côté québécois, que, si le Québec augmentait sa contribution sans parité du côté français, cela pouvait servir uniquement à des voyages de Québécois en France, surtout dans le cadre de nouveaux programmes d'aide à la francisation des entreprises, entre autres, nés des accords entre le premier ministre du Québec et celui de la France.

On espérait que, dès l'année suivante, c'est-à-dire cette année, la France pourrait rétablir la parité qui a toujours caractérisé le financement et l'activité de l'office. Qu'en est-il exactement, cette année? Cette augmentation que vient de signaler le ministre des Affaires culturelles aura-t-elle son correspondant français, ou si la France, à nouveau cette année, s'abstient d'augmenter sa contribution à l'Office franco-québécois pour la jeunesse?

M. L'Allier: De fait, le gouvernement français, effectivement, a été un peu réticent, l'an passé, à

suivre l'effort financier souhaité par le gouvernement du Québec.

Au cours de l'automne 1975, le gouvernement français a ajouté des crédits suite à toute une série de prises de position au niveau du Sénat français. Il a été même possible de lire dans les journaux que des sénateurs français se sont inquiétés de l'état dans lequel on risquait de laisser l'Office franco-québécois pour la jeunesse si, au moins, on ne faisait pas du côté français un effort suffisant pour permettre de faire face aux augmentations des coûts dus strictement à l'inflation et à toute autre variable du même ordre. On a tenu d'ailleurs dans ce contexte, au sein du Sénat français, à souligner toute la différence qu'il peut y avoir entre un organisme comme l'Office franco-québécois pour la jeunesse et un autre comme l'Office franco-allemand pour la jeunesse, qui, bien sûr, vise d'autres types d'objectifs. L'histoire et l'origine de cet organisme sont, quand même, très éloignées des objectifs qui étaient poursuivis quand on a créé l'Office franco-québécois pour la jeunesse.

Donc, suite à une prise de position du Sénat et suite surtout au fait que le Sénat français, sur ses propres crédits, a souhaité remettre au gouvernement, pour affectation à l'OFQJ, une rallonge d'environ $125 000 — donc, qui ont été injectés au budget de l'Office franco-québécois pour la jeunesse par le gouvernement sur proposition du Sénat — on peut maintenant considérer que pour l'année 1976, tout au moins, il y a effectivement parité. C'est en ce sens que nous avons été, du côté québécois, amenés à proposer, devant cette commission, dans le cadre du budget des Affaires intergouvernementales, une subvention d'un montant de $1 267 000.

M. Charron: Je ne veux pas quitter le sujet, mais l'approfondir par une autre question. Du côté français, s'est-on montré, à l'ocrasion, insatisfait de la qualité des stages que les jeunes Français faisaient au Québec pour que cela ait pu conduire à mettre en veilleuse la participation officielle gouvernementale française à l'office? Ainsi cela ferait qu'aujourd'hui on pourrait espérer cette parité uniquement sur la presssion de quelques influents sénateurs qui fournissent, à partir des crédits mêmes du Sénat, une contribution qui, autrement, devrait venir comme de notre côté du fonds consolidé, c'est-à-dire des revenus généraux de la société française.

M. L'Allier: Non, je ne le pense pas. Evidemment, je ne suis pas au fait de ce que le gouvernement français ou des membres du gouvernement français peuvent au fond d'eux-mêmes penser à l'égard d'un organisme comme l'Office franco-québécois pour la jeunesse.

Voici ce que je sais, et c'est une information qui provient du ministère des Affaires étrangères, au niveau des déclarations d'intention officielles, par exemple, dans le cadre de la Commission permanente de coopération franco-québécoise, dont l'OFQJ n'est pas partie, mais il doit, conformément à la tradition, faire un rapport sur l'état de ses activités. A chaque fois que les représentants des Affaires étrangères ont été directement ou indirectement saisis de l'état un peu difficile, au cours de 1975, au plan financier de l'office, ils ont tenu à réaffirmer la volonté du gouvernement français, évidemment, au moins, celle de leur ministère, de permettre à l'OFQJ de fonctionner et de s'épanouir de façon tout à fait efficace et souhaitable.

S'il y a eu une difficulté, et là évidemment c'est sous toute réserve, surtout à la lumière des résultats des discussions au sein du conseil d'administration et l'office— cela reste pour le secrétaire général de l'office la ressource principale d'information, du moins officielle— voici où il faut chercher une explication à cette situation où le gouvernement français a un peu marqué le pas l'an passé il faut plutôt chercher la réponse dans une réorganisation du Secrétariat d'Etat à la jeunesse et aux sports.

Pour toutes sortes de raisons qui relèvent des impératifs et des priorités politiques internes à la France, on s'est retrouvé, suite à l'adoption de la loi Mazeaud sur les sports et sur la réorganisation de l'enseignement de l'éducation physique en France, dans une situation où ce secrétariat d'Etat a dû définir des priorités qui ont mis en veilleuse non seulement certains organismes internationaux comme l'OFQJ et l'Office franco-allemand, mais également tout son secteur des loisirs socioculturels, enfin de ce qu'on pourrait appeler ici les loisirs socio-culturels. Le rythme d'augmentation des crédits qui étaient mis à la disposition de ces services a été inférieur à ce qui a été mis à la disposition du secteur sportif et des équipements qui en découlent.

Je pense qu'on ne se tromperait pas beaucoup en considérant que d'une façon générale, l'explication la plus importante découle beaucoup plus de cette problématique d'un organisme comme l'office rattaché à un secrétaire d'Etat, lui-même rattaché à un ministère, qui est celui de la qualité de la vie, et à toute la problématique de l'obtention de crédits pour le petit secrétariat d'Etat qui a d'immenses priorités et d'immenses objectifs, plutôt qu'à une analyse qui consisterait à dire que le gouvernement français s'est désintéressé de l'Office franco-québécois.

M. Charron: M. le Président, cette réponse est satisfaisante, mais elle le serait encore plus si nous avions, en même temps, l'assurance que la parité rétablie pour l'année 1976 comporte en soi un engagement à être poursuivi également sur le même plan, c'est-à-dire que les deux gouvernements injecteront au fur et à mesure des sommes additionnelles.

M. L'Allier: Je peux répondre là-dessus. A la dernière réunion du conseil d'administration de l'office, j'ai eu de nombreuses conversations et à l'intérieur des séances du conseil et à l'extérieur avec le ministre français qui nous a fait part très franchement des difficultés auxquelles faisait allusion M. Bernier, il y a un instant, difficultés de réorganisation, d'aménagement budgétaire, situation de l'Office franco-québécois par rapport à l'Office

franco-allemand, en nous indiquant la volonté très ferme qu'il avait lui, véhiculant la volonté de son gouvernement, semble-t-il, de maintenir cette parité et de maintenir l'office au seuil de rentabilité de ces échanges qui se situent — c'est constant au niveau des conseils d'administration — à environ 1400 ou 1500 stagiaires. Ainsi, cette année, les budgets qui sont alloués par les deux gouvernements devraient permettre d'atteindre 1450 stagiaires qui est le seuil de rentabilité, la vitesse de croisière. On pourrait aller à 2000 stagiaires, mais il faudrait, de chaque côté, augmenter d'à peu près 20% les budgets, en plus de l'augmentation annuelle qui se situe autour de 10% à 11% par année. Il faut noter que, dans cette augmentation budgétaire consentie par les gouvernements, il y a aussi une augmentation de la contribution financière des stagiaires de l'office, qui, en 1973, a été de 8%, en 1974, de 5%, en 1975, de 20% et, en 1976, de 17%. C'est-à-dire qu'un stagiaire doit fournir en moyenne $275 pour un stage en 1976, alors qu'en 1973 il fournissait $185. Du côté des augmentations par les gouvernements, la moyenne serait autour de 11,5% ou 12%.

M. Charron: Est-ce que la durée est toujours la même? C'est trois semaines.

M. L'Allier: Oui.

M. Charron: Un mois au maximum.

M. L'Allier: C'est trois semaines. Il y a quelques stages d'exception qui ont une durée de deux semaines à cause de la nature des stagiaires, soit des travailleurs, soit des agriculteurs, qui ne peuvent pas se libérer pour trois semaines consécutives.

M. Charron: Si je prends à témoin le rapport annuel, en 1974, il y a eu 1600 stages. Cela a été un sommet, je pense, de l'Office franco-québécois. On en annonce 1450 pour 1976. C'est une diminution relative. Est-elle imposée par le budget?

M. L'Allier: Elle est, bien sûr, imposée en partie par le budget, mais c'est sur la notion de diminution versus 1974 qu'il est peut-être intéressant d'apporter une information.

Du côté québécois, 1974 est une année où on a eu 1630 stagiaires, alors que, du côté français, ils n'ont pu avoir que 1300 stagiaires, pour un total de 2900 stagiaires. Si on fait le total des stagiaires de cette année, 1450 de part et d'autre, on arrive à 2900 également. En 1974, on se souviendra peut-être de la raison pour laquelle la partie québécoise a réussi à dépasser ses objectifs et ses prévisions.

Cela découle directement du fait que, pendant une période de presque un mois et demi, sinon deux mois, on n'a pas pu réaliser de stages de Français au Québec suite au fait que le personnel de la section du Québec, étant rendu à une étape décisive de négociation, avait souhaité quitter le travail pour accentuer et promouvoir les objectifs qu'il poursuivait. Par le fait même, on s'est retrouvé dans une situation où, à l'automne, comme on avait dû annuler des groupes de Français qui ne pouvaient être rajustés, la partie québécoise a, par entente entre les secrétaires généraux, accru son nombre, de façon à éponger complètement les budgets et à éviter qu'on enregistre des surplus absolument non fondés.

M. Charron: Sur un autre sujet qui touche la clientèle de l'Office franco-québécois, M. le Président, de 1971 — cela fait déjà quelques années que je fais ces crédits — à 1974, nous avons vu successivement une baisse du pourcentage du nombre d'étudiants qui font partie des stages de l'Office franco-québécois. Cette politique, si j'ai bien compris le ministre qui l'a expliquée, est vue d'une façon assez favorable par le Québec puisque, effectivement, elle permet de faire voyager d'autre monde que les étudiants, mais elle est vue, dit-on, beaucoup moins favorablement du côté français. Un accord serait intervenu — on m'en informe à l'instant — pour fixer à un minimum de 25% la clientèle de stagiaires qui serait de classe étudiante. Est-ce exact? Quelle est la nature exacte de l'entente? Porte-t-elle sur plusieurs années? Est-elle venue à la demande des Français?

M. L'Allier: L'entente que vous évoquez et qui, finalement, découle plus d'un consensus que d'une négociation ou que du résultat d'une longue négociation entre les deux parties, découle d'une volonté du conseil d'administration de s'assurer que les principes d'accessibilité générale qui ont toujours été propres à l'OFQJ puissent, lorsqu'on les applique au monde étudiant, se concrétiser par un pourcentage qui permette tout autant de continuer d'affirmer — et cela autant du côté français que du côté québécois — que la priorité, à l'OFQJ, contrairement à d'autres organismes semblables qu'on retrouve évidemment beaucoup plus en France et en Europe qu'ici au Québec, que cet objectif de priorité, dis-je, est maintenu. Par ailleurs, il était quand même souhaitable d'en arriver là, pour éviter, si vous voulez, de se retrouver dans une situation où le monde étudiant se serait trouvé complètement exclu parce que — il faut quand même le noter — même si, au départ, cela a été assez difficile de pénétrer le milieu des jeunes travailleurs, il n'en demeure pas moins qu'actuellement, si on ne faisait que refléter la demande qui prévoient du milieu des travailleurs, je pense que cela pourrait aller, en termes de pourcentage, plus loin que 75% de l'effectif total. Le milieu des jeunes travailleurs, dans tous les secteurs d'activité, dans les différents milieux, les différents sous-secteurs' je pense qu'on a réussi à s'en faire une idée et à identifier comme il le faut les mécanismes qui permettraient de soumettre des projets à l'office et, par le fait même, aussi, tout l'intérêt...

Cela, on peut le noter également par le fait que, par exemple, l'appui des employeurs, comme c'est évoqué dans ce rapport, s'est accru de 10% en trois ans pour faciliter la réalisation des stages. Nous comptabilisons actuellement sur 1975. On se rend compte qu'en 1975, de fait, c'est presque 35% des employeurs qui ont appuyé, financièrement ou en facilitant la prise de congé avec demi-solde, la participation de stagiaires jeunes travailleurs à des stages de l'OFQJ.

Pour revenir à votre question du début, je pense que le consensus qui s'est développé a été tout simplement d'essayer de bien situer les différents blocs et d'arriver à déterminer qu'effectivement le monde étudiant et surtout le monde du CEGEP, pour la moitié, mais le CEGEP professionnel et le monde étudiant universitaire pouvait représenter ou devait normalement représenter environ 20% ou 25%, comme les travailleurs peu spécialisés, c'est-à-dire ceux ayant le secondaire et moins doivent représenter environ 25% à 27%' les techniciens 30% à 32%. C'est dans ces proportions, finalement, que depuis 1970 et 1971, on évolue tout doucement.

Mais il n'en demeure pas moins que si, du côté québécois, on a pu assez rapidement pénétrer, du moins dans certains secteurs, le milieu des jeunes travailleurs, la difficulté a été beaucoup plus grande du côté français parce qu'on avait d'autres habitudes de voyage, et ce sont surtout les étudiants qui avaient développé des réactions et des mécanismes pour pouvoir se payer, par exemple, un voyage annuel, à la fin d'une session ou à la fin d'un cours, carrément.

M. Charron: Du côté français, lorsque nous les recevons ici au Québec, pouvez-vous, par une statistique ou par un pourcentage approximatif, nous indiquer le nombre de stages de jeunes Français qui s'éloignent de Québec ou de Montréal en particulier? C'est-à-dire à qui d'autres régions du Québec sont ouvertes?

M. L'Allier: Je dirais que, dans 80% ou 85% des cas, tous les groupes passent par Montréal, passent par Québec et découvrent ou se rendent dans une autre région pour étudier le thème qui fait l'objet de leur stage; c'est dans une proportion aussi élevée que cela. Les seuls groupes qui restent dans la région de Montréal ou dans la région de Québec,*ce sont des groupes qui, de par leur thème, cherchent ou souhaitent ou une intégration en milieu professionnel ou en milieu industriel, ou encore que leur thème nécessite absolument une présence dans la région de Montréal ou dans la région de Québec, étant donné qu'il y a absence, je ne sais pas, d'industries de pointe dans certains cas, dans certaines régions. C'est vraiment impossible...

M. Charron: ... à Montréal maintenant.

M. L'Allier: A Montréal, durant la période de l'été, la majorité des stagiaires logent à l'Université de Montréal dans une des résidences de l'université, une résidence d'étudiants. Au printemps et à l'automne, ils sont logés à l'hôtel De La Salle, pour la plupart, qui est situé rue Drummond. Et là, on retrouve évidemment toute une série d'appréciations de la part des stagiaires, si vous me permettez ce commentaire, compte tenu des objectifs poursuivis par ces stagiaires, de leurs préoccupations en termes d'activités de loisirs. Dans un cas, c'est l'Université de Montréal pour ceux qui souhaitent la verdure, l'aération et la détente en fin de journée de stage, en fin de journée de travail; ils s'y plaisent énormément. Par ailleurs, ceux qui souhaitent une vie plus active trouvent que la distance est un peu longue. Il n'en demeure pas moins que grosso modo, compte tenu des types de clientèle que nous avons, et durant l'été et au printemps et à l'automne, les deux situations géographiques font en sorte que globalement parlant on peut penser qu'il y a eu une appréciation assez importante, du moins en 1975 et en 1974, à ce point de vue. D'ailleurs, les statistiques publiées dans le rapport annuel de 1974 l'indiquent.

M. Charron: J'ai une dernière question, M. le Président qui s'adresse au ministre des Affaires culturelles. C'est lui qui, en février 1975, je pense, avait exprimé le voeu que l'office puisse patronner des échanges avec d'autres pays que la France. Je pense que ce thème a été repris par le secrétaire québécois de l'office. Où en est-on dans ce voeu? Est-ce que des démarches concrètes ont été entreprises auprès d'autres gouvernements pour faire réaliser ces échanges ou si le ministre répétera ce voeu, ce matin?

M. L'Allier: Ce que j'avais indiqué, à ce moment, M. le Président, était ceci. Ce n'était pas nécessairement l'office; d'ailleurs, si on l'a compris comme cela, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas que l'Office franco-québécois pour la jeunesse comme tel assume lui-même l'organisation de l'échange avec d'autres pays, puisque ce serait pratiquement contre sa structure même, son organisation même. L'office étant une organisme paritaire créé par deux gouvernements et sans la participation d'aucune autre source gouvernementale canadienne ou étrangère, il doit se limiter aux échanges avec la France. Ceci dit, ce que j'ai voulu dire à ce moment, c'est que l'expérience des échanges de l'office, la qualité de la prestation de travail ou intellectuelle fournie aux stagiaires devraient amener le gouvernement du Québec et en particulier le ministère des Affaires intergouvernementales à songer sérieusement à étendre cette formule à d'autres lieux d'accueil, mais pas nécessairement par l'office. En d'autres mots, si la formule qui est développée par l'office de permettre à des jeunes de deux milieux différents, de deux pays différents de se rencontrer ou d'aller dans le pays de l'un et de l'autre et d'échanger sur leurs secteurs professionnels, sur leurs activités de loisirs, sur tout ce qui les intéresse, si cette formule en elle-même est valable, pourquoi ne pas s'en inspirer pour favoriser les échanges, par exemple, avec les Etats-Unis, par exemple, avec d'autres pays francophones? Comme membre du gouvernement, cela demeure une de de mes préoccupations et ce n'est pas, cependant, la responsabilité de l'Office franco-québécois de le faire. J'avais indiqué toutefois que l'Office franco-québécois, compte tenu de son expertise technique, pourrait très bien, du moins dans sa partie québécoise, favoriser des expériences conduites par le ministère des Affaires intergouvernementales dans ce domaine.

Pour ma part, c'en est resté là. Je ne connais pas l'état de ce dossier au ministère des Affaires

intergouvernementales. Je ne pense pas que l'on ait fait appel jusqu'ici à l'office pour piloter des opérations expérimentales avec d'autres pays, mais si l'office le faisait, ce serait uniquement comme structure technique et dans sa partie québécoise, pour éviter qu'on recrée à côté un organisme dont on ne sait pas exactement où il s'en irait.

M. Charron: Si je soulevais cette question, ce n'est pas uniquement parce que le ministre l'avait déjà soulevée publiquement, en s'adressant à l'Association des étudiants en sciences économiques, je pense, mais aussi parce que j'ai eu l'occasion— je vois le député de Fabre qui faisait partie du groupe— l'année dernière, de faire partie d'une délégation parlementaire qui s'est rendue, entre autres, en Belgique. Avec des parlementaires belges, qui nous avaient fort bien reçus, on avait, dans la conversation, évoqué cette possibilité d'un office belgo-québécois pour la jeunesse qui pourrait prendre la forme de l'Office franco-québécois ou une autre.

Le moins que je puisse dire — le député de Fabre peut peut-être en témoigner — c'est qu'on était très réceptif à l'idée.

M. Houde (Fabre): D'ailleurs, c'est la même chose pour l'Italie. Les gens connaissent de plus en plus les avantages de l'Office franco-québécois. Effectivement, en Belgique, à l'occasion d'une réunion avec les parlementaires, cela nous a été carrément demandé. Nous en avions fait un rapport à qui de droit à notre retour et, moi aussi, cela m'intéresserait de savoir s'il y a eu des suites ou si quelqu'un prend le leadership dans ce sens-là. Peu importent les modalités.

Je pense qu'actuellement il y a un besoin et une demande de la part d'autres pays pour des expériences semblables.

M. L'Allier: Personnellement, je crois qu'on devrait le faire. Encore une fois, tout ce qu'on peut faire, c'est mettre la structure d'accueil, la mécanique de l'office du côté québécois à la disposition de ceux qui voudraient, aux Affaires intergouvernementales, faire de telles expériences. Si j'avais une indication à donner, je leur suggérerais de procéder ainsi plutôt que de vouloir mettre sur pied une structure parallèle à roder. Parce qu'une structure comme celle de l'office, qui a l'air toute simple et qui fonctionne bien, est quand même une structure à la fois complexe et fragile, même si elle est petite.

A partir de là, si le Québec voulait effectivement échanger avec la Belgique ou avec d'autres pays, ce serait relativement facile d'organiser les services d'accueil de l'Office franco-québécois et de travailler un peu comme des sous-contractants auprès des Affaires intergouvernementales, comme on l'a fait à l'occasion, pour des voyages organisés de la Louisiane vers le Québec et des choses comme celle-là. Je pense que là-dessus, il y a un consensus.

M. Charron: Combien y a-t-il d'employés maintenant à l'Office franco-québécois, permanents et occasionnels ensemble?

M. L'Allier: D'employés permanents, il y en a 22, si on exclut les trois cadres, et d'occasionnels, il y en a entre 25 et 30. Ce sont les accompagnateurs de groupes, ce sont les animateurs que nous utilisons dans les séances de préparations des stagiaires avant leur séjour.

M. Charron: Je n'ai plus d'autre question, sauf que souhaiter bonne chance aux activités de l'office.

M. Houde (Fabre): Juste une question. Je voudrais savoir quel est le rôle de l'office dans le cadre des Jeux olympiques qui s'en viennent.

M. L'Allier: A l'occasion des Jeux olympiques, la section du Québec, l'office dans son ensemble, a souhaité — il ne s'est pas saisi de la question à la toute veille — depuis deux ans, encourager et soutenir un projet collectif franco-québécois composé, en fait, d'une quinzaine de professeurs d'éducation physique membres de l'APAPQ et d'autant de Français membres d'une association analogue en France qui se sont préparés pendant deux ans à venir observer pendant la tenue des Olympiques, et évidemment, par la suite, à venir chercher de la matière qui permettra à ces professeurs d'étudier toute une série de mouvements, bien sûr, mais aussi dans le but surtout de permettre à ces professeurs de développer et de définir des pédagogies d'apprentissage de techniques liées à l'athlétisme ou à n'importe quelle des autres disciplines olympiques.

Par ailleurs, durant la tenue des Jeux olympiques comme tels, l'office réalisera deux stages: un premier composé de jeunes qui, dans tous les coins de la France, ont eu au cours de la dernière année des performances remarquables au plan, bien sûr, des activités ou des disciplines qu'on retrouve au sein des Jeux olympiques et qui viendront observer les compétitions ici, au Québec.

Il y a un autre stage qui, lui, est composé d'instructeurs et de personnes qui enseignent les différentes disciplines sportives qu'on retrouve aux jeux mais qui, eux, sont regroupés au sein du Secrétariat d'Etat. Il s'agit donc de personnes de cadre au niveau des différentes régions françaises. Alors ce sont les trois stages que nous réalisons sur l'opération des Jeux olympiques comme tels.

Le Président (M. Pilote): Alors le programme 3, Office franco-québécois pour la jeunesse, aux Affaires intergouvernementales, est adopté ainsi que les éléments?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): Alors nous revenons aux Affaires culturelles. Si le ministre veut faire son tour d'horizon.

Remarques générales du ministre

M. L'Allier: M. le Président, tel que nous en

avons convenu il y a un instant, on pourrait prendre la séance de ce matin pour échanger des vues, d'une façon générale, sur les Affaires culturelles, quitte à aborder, cet après-midi, l'étude programme par programme, et activité par activité. J'ai demandé qu'on vous distribue ce matin, un document d'une quinzaine de pages, de 15 à 20 pages, 26 pages, en fait, qui est la présentation générale des prévisions budgétaires 1976/77 du ministère des Affaires culturelles. C'est le document que j'ai devant moi et que je pourrais vous lire en détail. Je préfère vous le donner pour que vous puissiez vous-même le consulter et poser vos questions à partir de là.

Je voudrais tout simplement au départ, M. le Président, rappeler que le cycle budgétaire de tous les ministères, y compris du ministère des Affaires culturelles, est un cycle qui se situe sur une année. En d'autres mots, la préparation des prévisions budgétaires que nous étudions maintenant a commencé l'été dernier, comme nous amorçons actuellement la préparation du budget de l'an prochain. Ainsi donc ce qui est proposé pour adoption aux membres de cette commission et à l'Assemblée nationale correspond, si je peux employer l'expression, à l'évolution traditionnelle du ministère des Affaires culturelles.

Il nous faudra, au fur et à mesure de l'implantation des orientations prévues au livre vert, modifier, en cours d'année, des allocations budgétaires. Mais pour l'essentiel, les priorités qui sont traduites ici se situent dans le prolongement normal du ministère, sauf à quelques endroits où vous voyez les priorités qui sont davantage affirmées, notamment quant à.la sauvegarde du patrimoine, quant aux livres et aux autres imprimés, au développement des bibliothèques publiques.

C'est donc un exercice double que nous devons faire au moment de l'étude de ces crédits. Je n'ai pas l'intention, pour ma part, de passer tellement de temps à fouiller le passé ou à porter des jugements ou des critiques ou des commentaires dans un sens ou dans l'autre sur ce qui a pu se faire. Je pense que l'activité du ministère des Affaires culturelles se situe essentiellement dans un processus d'évolution complexe et difficile mais dans un processus d'évolution.

La préparation du livre vert, qui a commencé, elle aussi, au mois d'octobre dernier et qui s'est traduite par le dépôt à l'Assemblée nationale, le 26 ou 27 mai dernier, du livre vert, propose et à cette commission et à l'Assemblée nationale un plan d'action pour l'intervention de l'Etat en matière culturelle.

Il s'agit d'un document de synthèse qui permet à ceux qui suivent ce dossier et qui s'y intéressent, à ceux qui s'intéressent à la vie culturelle au Québec, de situer les propositions que nous faisons aujourd'hui et, aussi, de porter des jugements. C'est un document de consultation également, parce que ce qui s'y retrouve constitue essentiellement une proposition politique dont il faudra débattre chacun des aspects et chacun des éléments au fur et à mesure de la création soit des organismes qui sont proposés dans le livre vert, soit de l'allocation des crédits qui correspondront à la création de ces organismes.

C'est ainsi que, dans le budget de cette année, qui vous est proposé pour étude actuellement, vous ne retrouvez pas comme tel de budget pour la création du Conseil de la culture, pour la création de la Régie du patrimoine, pour la création des différentes commissions. Il a été convenu, tant au niveau du Conseil du trésor que du Conseil des ministres, qu'au fur et à mesure de la présentation devant l'Assemblée nationale des lois permettant la création de ces organismes, les fonds nécessaires à leur création et à leur mise en place soient également votés au même moment. En d'autres mots, ces fonds viendront s'ajouter à ceux qui sont actuellement prévus au budget et qui permettent, eux, la continuation de ce que j'appellerais les activités courantes du ministère.

Il est évident, également, que si nous procédons, au cours de l'exercice budgétaire actuel, à la création des organismes proposés, le budget total des Affaires culturelles en fin d'exercice 1976/77 devrait être considérablement augmenté par rapport à ce qu'il est maintenant.

Considérablement quand on parle des Affaires culturelles, c'est toujours une question de quelques millions; ce n'est pas une question de dizaines ou de centaines de millions, par rapport à d'autres ministères. Cela veut dire essentiellement que le Conseil de la culture se verra doter, dans sa législation, des ressources puisées au fonds consolidé et, à ce moment-là, on pourra discuter de l'exiguïté ou de la justesse de ses ressources, de même que pour la Régie du patrimoine.

Pour le reste, l'action du ministère des Affaires culturelles, dès maintenant, d'ailleurs, depuis quelque temps, est essentiellement axée sur la réorganisation proposée par le livre vert et sur l'aménagement nouveau des responsabilités. Si j'avais à faire un discours de quelques heures, je prendrais le livre vert pour vous en donner un résumé. Vous l'avez déjà devant vous; je n'ai pas l'intention, ici, de le reprendre en détail, sauf peut-être pour souligner la volonté que nous avons de départager, d'une façon la plus définitive possible, mais, en même temps, en ayant à l'esprit un souci d'efficacité en termes de services, les responsabilités de gestion et d'administration des ressources culturelles et, d'autre part, les responsabilités politiques qui sont celles du gouvernement et de l'Assemblée nationale.

C'est la ligne de force, je pense, de la création de ces institutions de soustraire aux soubresauts des changements politiques la gestion des ressources aux fins de la vie culturelle au Québec. Ainsi, un Conseil de la culture, tel qu'il est proposé, majoritairement composé de présidents régionaux, fait donc une place importante à la régionalisation, mais permet à un organisme, qui n'est contrôlé ni par le ministre, ni par le ministère des Affaires culturelles, qui est en liaison directe avec les différents milieux de la création, d'administrer et de gérer des ressources dans le cadre de politiques qui, elles, sont et doivent être établies

par le gouvernement et par des lois de l'Assemblée nationale.

La Régie du patrimoine, qui, actuellement, n'existe pas, sera un tribunal quasi judiciaire qui sera le seul habilité à décider du classement et de la reconnaissance des biens à l'intérieur des lois et règlements qui seront édictés. Cela permet essentiellement au citoyen, à partir de critères et de normes, à partir de règles connues et ouvertes, d'intervenir au moment où les décisions se prennent en cette matière, alors qu'actuellement, dans ce domaine comme dans les autres, la responsabilité décisionnelle en matière d'allocation de ressources culturelles est remise presque exclusivement entre les mains du ministre des Affaires culturelles, sans qu'il y ait possibilité ou d'auditions publiques ou, pour les parties, de se faire entendre. C'est là aussi la ligne de force de la création de cet organisme. Ainsi, la Commission des biens culturels actuelle, qui est consultative, donnera naissance ou sera transformée radicalement pour donner naissance à cette Régie du patrimoine.

La création du ministère du Tourisme, des Loisirs et des Parcs entraîne la disparition comme telle du secteur des activités socio-culturelles qui sont actuellement au ministère des Affaires culturelles. C'est ce nouveau ministère, responsable de l'ensemble des politiques de loisirs au sein du gouvernement, qui verra à administrer la politique des loisirs socio-culturels, au même titre qu'il administre la politique des loisirs sportifs ou la politique de plein air. Il nous apparaît logique, au moment où le gouvernement décide de créer un tel ministère, de ne pas rechigner et de ne pas être impérialiste en voulant garder chez nous tout ce qui touche aux loisirs socio-culturels. C'était normal que le ministère s'en préoccupe, précisément parce qu'il n'y avait pas, comme tel, de lieu de regroupement. Dans la mesure où un ministère des loisirs est créé, il appartiendra dorénavant à ce ministère de s'occuper des loisirs socio-culturels. Il appartiendra, par ailleurs, au ministère des Affaires culturelles de s'assurer, par coordination intergouvernementale notamment, que les contraintes qui sont inhérentes au développement de la vie culturelle au Québec soient respectées, au moment où les ressources culturelles sont utilisées ou sont proposées à l'utilisation des citoyens à des fins de loisirs.

Ce rôle d'intervention du ministère des Affaires culturelles se traduit, bien sûr, dans le secteur des loisirs, mais il devrait également se traduire dans les autres secteurs d'activités gouvernementales. C'est ainsi un des choix importants qui est fait par le livre vert et qui est proposé au gouvernement que de faire en sorte que le ministère des Affaires culturelles, qui a toujours été, par la force des choses, marginal — et les budgets qui y ont été consacrés par les gouvernements successifs depuis 1961 l'indiquent bien — que ce ministère, qui s'était avec le temps introverti, assume le risque et la responsabilité d'être un ministère d'intervention auprès de tous les ministères du gouvernement pour que chacun de ces autres ministères ne se sente pas libéré de sa responsabilité de respecter un certain nombre de contraintes, encore une fois, qui sont nécessaires au développement culturel. C'est ainsi que, dans ce contexte, toute la question des industries culturelles doit être une responsabilité sur le plan de l'industrie culturelle, du ministère de l'Industrie et du Commerce et des organismes qui en dépendent.

Le ministère des Affaires culturelles, quant à lui, étant responsable de l'aspect culturel de ces industries, les deux aspects étant indissociables, on pourrait convenir que le ministère de l'Industrie et du Commerce s'occupe des deux aspects, comme on pourrait convenir que le ministère des Affaires culturelles s'occupe également de la partie industrie de certaines formes d'expression culturelle.

Le choix que nous faisons c'est d'en arriver à faire en sorte que le ministère de l'Industrie et du Commerce reconnaisse sa responsabilité dans le respect des contraintes culturelles et fasse aux industries culturelles une place parmi les groupes d'industries qu'il entend aider, en d'autres mots, le disque, le livre et d'autres formes d'expression culturelle qui s'appuient pour se développer sur la mécanique industrielle d'offres et de demandes, les mécanismes de marché. Donc, que le ministère de l'Industrie et du Commerce tienne compte des contraintes particulières imposées par le fait qu'il s'agit d'industries appliquées au secteur culturel.

On pourra faire le tour de plusieurs ministères de cette façon. En fait, ce que nous souhaitons, c'est d'assumer, nous, au ministère, la responsabilité de l'orientation des politiques culturelles et aussi la responsabilité de faire en sorte que l'Etat, dans l'ensemble de ses manifestations et de ses actions, respecte avec le temps les contraintes qui sont inhérentes à la culture québécoise.

Une autre des caractéristiques du livre vert c'est, bien sûr, de faire une place importante au développement culturel régional. Non pas qu'il s'agisse pour le ministère lui-même d'assumer la culture régionale. Il ne s'agit pas pour le ministère d'aller en région et d'organiser la culture dans les régions, ce qui, mon avis, serait une espèce de mise en tutelle permanente de la volonté des citoyens de s'organiser dans les régions. Nous proposons, au contraire, la création de conseils régionaux de la culture, qui seront consultatifs au Conseil de la culture, leur président étant d'office membre du Conseil de la culture, mais qui auraient— et c'est, je pense, aussi une discussion qui aura sa place au moment de la discussion de la Loi créant le Conseil de la culture et les conseils régionaux— un rôle de décision sur une partie, un pourcentage du budget global du Conseil de la culture, étant entendu que les conseils régionaux, pour une partie de ce budget global, seraient les dernières instances décisionnelles quant à l'établissement de priorités régionales et quant à l'allocation de ressources au sein de ces régions.

En d'autres mots, le Conseil de la culture, dans son ensemble, devra s'occuper de la gestion et de l'administration des ressources aux fins du développement culturel sur l'ensemble du territoire, mais il ne pourrait pas, avec des normes communes, avec des priorités communes à toutes les régions, faire face aux demandes et besoins

des régions en ces matières. Nous reconnaissons que chaque région peut avoir des priorités spécifiques et différentes d'une autre région. Je pense que la meilleure façon de reconnaître cette réalité, c'est d'accorder à chacune des régions le pouvoir de dépenser des sommes qui pourront varier de 8% à 15% du budget total du Conseil de la culture, des sommes, donc, à des fins proprement régionales. Si, dans la Beauce, on veut s'intéresser plus particulièrement aux archives, au patrimoine et moins au théâtre, libre aux gens de cette région de consacrer ce budget régional à des activités qui leur sont plus spécifiques.

Il en va ainsi pour chacune des régions. Je n'ai pas ici à faire un long exposé sur la diversité des régions québécoise, mais je pense que tous nous sommes convaincus que la vie culturelle au Québec passe largement, non seulement par la protection, mais par le développement de la vie culturelle en région.

Lorsque je parle de régions, j'inclus aux fins de la discussion sur les programmes culturels des villes comme Montréal et Québec, en ce sens qu'on a peut-être toujours considéré que Montréal et Québec étaient sur le plan culturel bien nanties et que les grandes dépenses s'y faisaient beaucoup plus qu'ailleurs.

A certains points de vue c'est exact, c'est-à-dire que les grands équipements sont situés dans ces villes. Mais de là à conclure que les citoyens de Montréal ou de Québec, par quartier ou par région urbaine, ont un meilleur accès aux ressources publiques aux fins de leur propre expression culturelle de quartier régional, il y a un pas que je ne peux, pour ma part, franchir. En d'autres mots, je pense que c'est se raconter des histoires que de s'imaginer que les citoyens des quartiers urbains, ont, par rapport aux sources d'expression culturelle, un meilleur accès que les citoyens des régions en dehors de Québec et de Montréal. Ils ont, bien sûr, un accès plus facile à la consommation culturelle, qu'il s'agisse de théâtre, de musique, de cinéma, d'imprimés, de librairies, etc.

Là n'est pas vraiment la question. Avoir accès à la consommation culturelle est une chose, avoir accès aux moyens qui permettent l'expression, la création et la diffusion à partir de besoins régionaux, c'est une autre chose. C'est cette autre chose, quant à nous, en termes de priorités, qui nous intéresse. Si on prenait les moyens pour que les Québécois ne soient en définitive que des consommateurs de culture, nous en arriverions assez vite à être obligés de conclure que nous acceptons que cette consommation culturelle soit d'abord la consommation de l'expression culturelle des autres, et non pas de notre propre culture.

Entre d'une part créer à partir du Québec un ghetto qui nous enfermerait dans ce qu'il est convenu d'appeler la culture québécoise en disant qu'il n'y a que cela qu'il faut favoriser et, d'autre part, être permissif au point de ne considérer que le critère de la plus haute qualité dans la prestation culturelle, il y a un équilibre à maintenir. Cet équilibre veut que, dans bien des domaines, les Québécois devront accepter que les ressources nouvelles soient consacrées à l'accès à la création. Je fais allusion en particulier à des problèmes comme ceux de l'Orchestre symphonique de Montréal qui se posent d'une façon aiguë, au problème du droit d'auteur, au problème du droit au travail des comédiens ou des interprètes en matière musicale ou en matière d'art lyrique, etc.

Nous avons comme ministère, comme gouvernement, comme Assemblée nationale aussi, une double responsabilité, celle de nous assurer que les frontières québécoises ne sont pas étan-ches au point de nous empêcher de participer à la culture des autres dans ce qu'elle a de valable, dans ce qu'elle a de souhaité par les citoyens du Québec, mais surtout de nous assurer qu'au fur et à mesure de leur besoin et de leur envie de le faire les citoyens du Québec puissent voir protéger leurs droits à la création, à l'interprétation culturelle. C'est essentiellement ce que sous-tend le livre vert et c'est à partir de quoi nous allons travailler au cours de cette année. Voilà ce que j'avais à vous dire très sommairement, M. le Président. Pour le reste, tout est dans le livre vert en ce qui nous concerne et je n'ai rien à ajouter à ce moment là-dessus. Je vous ai indiqué que c'était un document de consultation. Au fur et à mesure des réactions que provoquera le livre vert, nous allons, dans toute la mesure du possible, tenter d'en tenir compte dans la mesure où ces réactions nous seront connues et faire en sorte que construire, avec le temps, une politique culturelle qui soit conforme au droit à la création des Québécois et au droit à la diffusion de la culture québécoise ici.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jacques.

Commentaires de l'Opposition

M. Charron: M. le Président, vous me permettrez d'abord de saluer le nouveau ministre qui s'est bien acquitté de sa tâche depuis qu'il l'occupe; le nouveau sous-ministre également, cruellement arraché à Radio-Québec au mois d'août dernier, et les hauts fonctionnaires qu'il nous fait plaisir de retrouver à chaque année à la table de la commission des affaires culturelles.

Effectivement, M. le Président, l'introduction de cette année à l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles est à la fois facilitée et compliquée par rapport aux précédentes séances de cette commission, puisque c'est la septième année que je fais les crédits du ministère des Affaires culturelles. Facilitée dans le sens que, là où par mille questions au prédécesseur du ministre actuel, il nous fallait aller littéralement arracher les intentions du gouvernement et une analyse un tant soit peu critique de la situation des ressources culturelles au Québec, cette année, nous disposons effectivement depuis presque un mois du document appelé le livre vert, celui qui porte comme titre "Pour l'évolution de la politique culturelle ", un document de travail qui, dans son ensemble, n'a pas évité les sujets difficiles, a accepté plusieurs critiques auparavant rejetées du revers de la main par des ministres que je dirais plus pré-

tentieux et accepté d'envisager, en même temps, un début de solution. Cette étude est compliquée, par contre, M. le Président, parce que ce document s'est voulu une oeuvre de référence, ce qui pourrait nous entraîner dans une discussion sur le seul concept de culture, qui va revenir sans doute dans nos discussions pas moins d'un millier de fois avant que vous ne terminiez les travaux de cette commission et qui, dès le début de ce document de travail, est déposé avec beaucoup de recherche et beaucoup de discussion en vue.

Effectivement, M. le Président, cette étude est compliquée aussi par le fait que le livre s'est voulu une couverture générale de tout ce que le ministère des Affaires culturelles peut être appelé à toucher, déjà ou dans ses prévisions, ce qui fait qu'à certains endroits — vous me direz que c'est le revers de la médaille inévitable — on est effectivement extrêmement général quant aux intentions. Il nous faudra sans doute aller beaucoup plus loin, d'autant plus que le livre vert vient lui-même apporter d'autres lumières sur les différents sujets que nous allons aborder dans les différents programmes que vous allez appeler.

Il reste, M. le Président — il faut le dire puisque l'oeuvre a aussi été fort bien accueillie dans les différents milieux qui l'ont commentée — qu'il s'agit d'une oeuvre à saluer parce qu'elle n'a pas évité les sujets difficiles. C'est, je crois, le document le plus important publié sous le régime Bourassa, celui qui n'essaie pas d'amoindrir mais qui essaie plutôt d'ouvrir et d'améliorer.

Je me permettrai quand même d'y apporter un commentaire général quant à la portée réelle d'un pareil document, maintenant qu'il nous est remis entre les mains et qu'effectivement, il présidera à nos discussions.

J'ai lu le livre de la couverture à la dernière page et ayant lu beaucoup de livres verts, jaunes, blancs ou de toutes les couleurs de ce gouvernement, vous vous imaginez bien que je le fais avec un oeil extrêmement critique. En fait, je mentionnais cette oeuvre comme unique dans les publications sous le régime Bourassa, qui a été marqué par une médiocrité intellectuelle invraisemblable, mais il reste peut-être une autre oeuvre plus importante. Je pense au rapport Castonguay sur la politique d'habitation. On dirait que les livres verts, jaunes ou blancs qui ont le plus de consistance, qui vont le plus loin dans les problèmes et qui, voyez-vous, à l'occasion, suggèrent des politiques qui ne sont pas facilement adaptables aux cadrages électoraux et aux préoccupations électorales, ce sont malheureusement ces oeuvres qui nous passent entre les mains et que nous ne revoyons plus.

Oh dirait que ce sont des sources permanentes de contestation laissées aux mains de l'Opposition qui, à un moment ou à un autre, fait resurgir telle recommandation d'un rapport publié il y a cinq ou six ans, qui, si elle avait été appliquée, aurait conduit à des résultats qui aujourd'hui ne nous amèneraient pas à soulever la question à nouveau. Mais on dirait que ces oeuvres majeures conduisent rarement à des décisions politiques importantes. C'est comme si on se défoulait, en se permettant, à l'occasion, de dire: Bien, vous voyez bien qu'à l'occasion on peut voir plus loin que notre nez; on peut réfléchir globalement sur une situation. On produit une oeuvre. Cela devient, en même temps, une espèce de fourre-tout, M. le Président, une espèce d'échappatoire. En effet, lorsqu'une critique un peu vive et un peu articulée va se faire sur certaines politiques menées par un ministre ou par un ministère, on va référer élégamment au livre vert, jaune ou blanc, en disant que tout cela a été envisagé dans le livre vert et qu'actuellement un comité étudie les recommandations du groupe de recherche sur cette affaire. Cela s'appelle noyer le poisson, M. le Président. Très souvent, des livres verts, c'est fait pour noyer le poisson également.

Je n'en ajouterai pas plus mais je dois dire que, s'il est un endroit où le même petit jeu serait absolument inacceptable, ce serait dans le domaine culturel et avec ce livre vert en particulier. Il faut que celui-ci — je dirai pourquoi je pense qu'il peut le faire tantôt — conduise à des actions et à des décisions, qu'il ne soit pas uniquement un livre de référence pour contemplateurs, mais qu'effectivement il soit appliqué d'ici à quelques années, je ne dis pas des décennies. Que ce régime Bourassa s'achève, qu'on en entreprenne un autre par la suite, mais qu'au plus tard à la chevauchée de ces deux régimes un ministre des Affaires culturelles puisse un jour arriver et déposer le livre à l'envers, en disant: Voilà, nous avons à 90% à 95%, pourquoi pas à 100%, réalisé les politiques qui étaient à l'intérieur, parce qu'il est réalisable et qu'il doit être réalisé également.

C'est le deuxième livre vert que parraine à l'Assemblée nationale le député de Deux-Montagnes. Il ne me fera pas grief de faire une comparaison entre les deux, puisque les deux sont éminemment d'actualité. L'autre livre vert s'appelait: Pour que le Québec devienne maître d'oeuvre de ses communications. Ai-je besoin de vous dire le sort fait à ce livre vert? S'il en est un qui est devenu un objet de référence, une lecture de bibliothèque — d'ailleurs, l'actuel ministre des Communications gagnerait à le lire — c'est bien celui dont je parle.

Je pense que le ministre en face de moi me permettra cette comparaison que je ne veux absolument pas blessante. Cela peut-être l'image même, aujourd'hui, du vieux proverbe qui dit que chat échaudé craint l'eau froide. Celui-ci est beaucoup plus modeste cette fois-ci. Il sait très bien qu'il ne peut pas demander au Québec d'être maître d'oeuvre de sa culture dans le régime actuel, car l'échec cinglant qu'il a reçu à la conférence fédérale-provinciale, l'année dernière, lorsqu'il était titulaire des Communications, qui nous vaut le plaisir de le retrouver aujourd'hui à la table des Affaires culturelles, ne peut être répété de façon constante.

Au contraire, si je dis que ce livre est réalisable c'est que je crois que son auteur — j'en fais porter la paternité au ministre des Affaires culturelles lui-même, évidemment — a voulu, cette fois, s'en tenir à ce qui se faisait déjà à ce qui pouvait se faire sans déranger trop de monde, à ce qui

pouvait se faire avec un petit peu d'imagination, avec un peu moins de pétage de broue ou pétage de bretelles, ce qui a presque été la règle commune des ministres des Affaires culturelles depuis que ce ministère existe.

A un niveau concret d'action, d'administration qui ne nécessite pas des budgets que, par ailleurs, il se sait incapable d'aller chercher, il s'est donc cantonné dans une politique réalisable. En faisant cela, il a fait une bonne oeuvre. Je pense qu'aucun des ministres ne gagne à exciter les Québécois vers des horizons que le régime actuel interdit d'atteindre. Tant qu'on mettra sur table les obligations pour le Québec et qu'on écrira que le Québec doit faire ceci, doit faire cela alors qu'on est des artisans mêmes et des défenseurs mêmes du régime qui interdit au Québec de l'atteindre, c'est s'adresser aux Québécois avec un sans-gêne inexcusable aujourd'hui et intenable.

Je dis au ministre, qui a voulu fuir— et c'est à son mérite— la tentation de généraliser et d'affirmer, ce qui aurait pu être d'ailleurs fait, que s'il est un terrain où ce document aurait pu s'appeler Vers la souveraineté culturelle ou autre titre que les funambules du vocabulaire multiplient, je pense qu'il a choisi de se contenir et il s'est en même temps mis lui-même des obligations. Il n'a pas voulu aller plus loin. Il n'a pas voulu nous leurer vers une souveraineté culturelle par ailleurs décrite dans ce document comme inatteignable et irréalisable dans le contexte du fédéralisme actuel. Il a voulu s'en tenir à des actions immédiates, concrètes, réalisables par un ministère des Affaires culturelles, avec le budget que nous nous apprêtons à lui voter. C'est à lui, maintenant, de le faire.

Si cela n'est pas fait, si cela ne se fait pas au cours des prochains mois, puisque l'action ne nécessite pas des bouleversements constitutionnels — aucune des actions annoncées là-dedans ne l'exige — il sera donc à suivre. Lorsque nous nous reverrons, l'année prochaine, si je suis encore le porte-parole de l'Opposition à cette table de la commission des Affaires culturelles, tous les membres de la commission seront en mesure d'exiger un compte rendu d'actions cantonnées dans le cadre du réalisable immédiatement.

J'ajoute un dernier commentaire non pas pour toujours ajouter la note discordante mais, je pense bien, pour compléter le tableau tel qu'esquissé par le ministre des Affaires culturelles lui-même tout à l'heure. Je dis ce texte basé sur une analyse réaliste de la situation des ressources culturelles du Québec. Je dis les propositions de ce texte. On verra à la pièce, au fur et à mesure des programmes. Je dis, dans l'ensemble, les propositions contenues dans ce livre, sont réalisables. Bientôt. Je dis même de façon urgente, parce que la réalité aussi dépasse largement la couverture de ce livre. Elle est un peu camouflée, la réalité de la situation culturelles des Québécois, malgré tout, dans ce livre. Même si elle a été conduite très honnêtement, elle est un peu camouflée dans le sens qu'on passe très vite vis-à-vis du trou béant de notre sécurité culturelle, là par où s'engouffre notre sécurité culturelle et qui fait que ce peuple est nerveux, que ce peuple est tendu et que ce peuple se cherche.

Il y a, bien sûr, ce texte de cet artisan émérite des Affaires culturelles, M. Guy Frégault qui, en quittant le ministère des Affaires culturelles, après, somme toute, une dizaine d'années de sa vie, je pense, consacrées à l'édification et à structuration de ce ministère avec des ministres probablement difficiles, à l'occasion aussi, chacun y allant de sa pomponnade, trouve quand même le moyen, dans un texte réalisé à la demande du ministre actuel, je pense, en septembre 1975, de signaler on ne peut plus clairement.

C'est l'homme qui a travaillé pendant dix ans è l'intérieur du ministère, qui a été celui qui a survécu à différents régimes, donc à différents intérêts aux Affaires culturelles. A l'occasion c'était la bebelle à Lapalme, cela a été, à un autre moment, la chasse gardée à Jean-Noël, cela a été le terrain de prédilection à François et cela a été la tour de Babel à Denis, mais cela a rarement été un ministère d'intervention. Cet homme qui a vécu tous les régimes et tous les caprices dit, en quittant le ministère: Quelles que soient les politiques que l'on établisse, n'oublions jamais que de l'autre côté — et c'est à partir de son expérience qu'il le rappelle — ils disposent de dix fois plus d'argent que nous pour intervenir sur le terrain culturel des Québécois.

Il dit, l'ancien sous-ministre des Affaires culturelles, qu'ils le font avec un sans-gêne que permet l'argent, que permet le pouvoir et que permet aussi surtout la volonté tenace d'inclure et de maintenir l'identité québécoise dans cette unité "Canadian", artificielle, mais pour laquelle, comme le disait le ministre des Communications, lorsque j'étudiais son budget avec lui, les gens en place à Ottawa ont décidé coûte que coûte de remporter la victoire.

N'oublions pas et gardons à l'esprit ce rappel de l'ancien sous-ministre des Affaires culturelles. Quand l'actuel ministre se mettra à l'oeuvre, à réaliser certaines des propositions, je dis réalisables de ce document, en même temps, à la même heure — et quel que soit le concours que l'Opposition apporte aux lois annoncées et qui devront être présentées à l'Assemblée Nationale — malgré les bonnes intentions et malgré la décision sans doute très ferme de certains des membres québécois de cette commission des affaires culturelles, tout cela risque d'être une goutte dans un vase par ailleurs abondamment déversé à partir du niveau fédéral, ne l'oublions pas.

N'oublions pas ce que Godbout dit dans ce texte qui est largement cité ici dans le document de travail, un texte qui a été écrit il y a plusieurs années et qui se termine en disant: Si nous n'agissons pas vite, en parlant des décisions et de l'ingérence fédérale dans le domaine culturel, nos enfants de 1980 ne nous le pardonneront pas. C'est la conclusion de son texte. Nous sommes à quelques années de 1980, M. lé Président. A l'heure où nous nous parlons, le Québec n'a pas sa souveraineté culturelle, ne possède pas de moyens autres que ceux décrits dans ce document d'être le maître d'oeuvre de sa vie culturelle chez lui. Et que

penser aussi de ce verdict — je pense que le mot ne peut être mieux chois — de ce verdict du tribunal de la culture également cité dans ce document sur l'insuffisance financière chronique de tous ceux qui veulent agir dans le domaine culturel, sur cette disproportion de moyens par rapport à ce qu'a fait le gouvernement canadien à partir du Conseil des arts du Canada, en particulier?

Ce rapport publié dans la revue Liberté et qu'on reprend en bonne partie dans le document était très clair également. Comment espérer, disent-ils, qu'un gouvernement lui-même vendu à la soumission, vendu à la dépendance puisse être, par une espèce de soupape qui lui aurait échappé et qui s'appellerait le ministère des Affaires culturelles, artisan de la liberté des Québécois, artisan de leur épanouissement, sinon penser qu'il ne le fait qu'occasionnellement dans ses limites et dans ce qu'on appelle ses affaires culturelles?

Ceci risque de le cantonner là où il a toujours été cantonné. Le ministre annonce son intention d'en faire un ministère d'intervention. M y a six ans au moins que nous attendons ce virage.

Il ne nous a peut-être jamais été promis de façon aussi ferme que ne le fait le ministre des Affaires culturelles aujourd'hui, mais je dis quand même: Je suis aussi chat échaudé, en ce sens que ce n'est quand même pas la première fois que j'en entends parler. Qu'en est-il arrivé? Comment se fait-il que tous ceux-là passent et ne demeurent jamais longtemps et que tous ceux qui arrivent disent qu'ils réussiront à faire ce que les autres n'ont pas fait?

Bien sûr, il y a la confiance qui doit sans doute animer un homme qui arrive à un nouveau poste, mais, aussi, je crois beaucoup de naïveté dans ce cas. Naïveté que la vie concrète à l'intérieur du régime réussit très rapidement à faire perdre. Quand je dis régime, je ne parle pas seulement du régime constitutionnel, mais je parle du régime libéral québécois qui fait qu'un ministre des Affaires culturelles est aussi, dans ce régime, un ministre préposé aux musées et un ministre préposé aux chrysanthèmes. Il est rarement un homme d'importance. Il l'est rarement aux yeux du ministre des Finances — nous avons encore eu l'occasion de nous en apercevoir lors du dépôt du budget — il l'est rarement, aussi, dans l'attention que lui accordent les autres ministres membres du Conseil des ministres et avec la collaboration desquels, je veux conclure sur cette unanimité, avec le contenu du libre et avec ce qu'a dit le ministre, sans l'appui desquels, dis-je, nous ne pouvons espérer réaliser une politique culturelle d'ensemble. Parce que la culture n'est pas qu'affaire de musées, qu'affaire de disques ou qu'affaire de libres, elle est, comme l'a déjà affirmé un ministre de ce régime Bourassa en parlant à l'Assemblée nationale, une politique culturelle, une politique de la personne, une politique d'un groupe humain. Elle nécessite la coordination de tous, y compris ceux qui chapeautent des ministères dits à vocation strictement économique.

Pas plus qu'on ne peut faire de souveraineté culturelle sans une souveraineté politique, pas plus on ne peut mener une politique culturelle sans une politique d'ensemble à l'égard de la collectivité québécoise. C'est ce à quoi — je l'espère, M. le Président— s'appliquera le ministre des Affaires culturelles, c'est ce, à quoi, moi, à tout le moins, je m'apprêterai à travailler, lorsque vous appellerez les différents programmes à la reprise de la séance cet après-midi.

Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre...

M. Houde (Fabre): Je voudrais ajouter quelques mots à ce que vient de dire le député de Saint-Jacques. A vrai dire, dans mon for intérieur et en mon âme et conscience, il n'y a pas tellement de choses que je pourrais nier dans ce qui a été dit. Mais, indépendamment de nos différends sur le plan politique, je voudrais ajouter ceci. Je crois sincèrement que, plus que jamais, le nouveau ministre, ou le ministre actuel des Affaires culturelles peut et doit se sentir appuyé par une bonne proportion, en tout cas, de mes collègues députés de la formation politique à laquelle j'appartiens.

Il n'y a pas que les membres de l'Opposition qui ont ce souci d'une politique concrète, fort simple dans certains de ces éléments, concernant la culture des Québécois. Peut-être que, malheureusement, dans le passé, notre formation politique n'a pas donné suffisamment l'impression, par des moyens extérieurs, ou n'a pas voulu, pour toutes sortes de raisons peut-être, dont j'ignore les causes, s'extérioriser comme l'a fait, par exemple, le député de Saint-Jacques il y a quelques minutes. Cependant, aujourd'hui et depuis quelque temps en particulier, cela fait partie, pour nous aussi, de nos préoccupations. Il n'y a pas que les députés de l'Opposition qui ont à coeur le succès de ce ministère des Affaires culturelles.

Je suis arrivé, il y a quelques jours, avec d'autres collègues, d'une tournée, dans une région qui s'appelle les Laurentides. Dans cette région des Laurentides, M. le ministre, nous avons rencontré environ 43 maires et des échevins; nous avons visité des centres d'accueil, des industries.

Nous avons rencontré des étudiants, des étudiantes, et s'il y a un sujet actuellement important ou un sujet d'actualité, c'est bien celui dont nous discutons ce matin.

Egalement, si cela peut encourager les hauts fonctionnaires et les cadres de ce ministère, il y a aussi les militants, une formation politique qui n'est pas celle du député de Saint-Jacques, mais des militants qui, également, et on le voit de plus en plus, ont pris à coeur cette question. Cela a évolué à un rythme tel qu'il n'y a pas tellement longtemps, et c'est peut-être là la plus grande victoire que l'on puisse concéder à Jean-Paul L'Allier, pour le nommer par son nom c'est qu'aujourd'hui, de notre côté, il est fort possible d'aborder des sujets comme ceux de ce matin sans nécessairement passer pour des gens d'une autre formation politique.

Je ne sais pas si je me mets les pieds dans les

plats en disant cela, mais, de toute façon, je tiens à dire qu'il n'y a pas tellement d'années, chaque fois que l'on abordait une question comme les Affaires culturelles, comme la culture des Québécois, très souvent, lorsqu'on ajoutait au bout d'une phrase, le mot "francophone" ou le mot "Québécois," nous étions pointés du doigt, soit par certains collègues, soit par certains ministres, soit par certains militants, et nous passions tout simplement pour des indépendantistes ou des séparatistes.

Je pense que cette époque est maintenant révolue. Il reste peut-être quelques fanatiques. Dans tous les partis, il y a des fanatiques, mais je tenais à ajouter que l'ensemble des militants que nous rencontrons, que l'ensemble des députés libéraux sont drôlement d'accord et que notre conception, qui est différente de celle du député de Saint-Jacques, nous permet aujourd'hui, nous aussi, d'appuyer le ministre des Affaires culturelles. Elle nous permettra sans doute de faire batailles, s'il le faut. Elle nous permettra sans doute aussi de collaborer à être les porte-parole de cette politique que l'on attend depuis trop longtemps.

Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires culturelles.

Réplique du ministre

M. L'Allier: Je vous remercie, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qu'ont dit le député de Saint-Jacques et mon collègue Gilles Houde. Pour ma part, j'en retiens une chose. La politique culturelle, quelles que soient sa présentation et sa forme, est finalement une chose qui doit déborder le cadre des partis politiques comme tels et elle tend actuellement à devenir une opposition collective au Québec, chacun la voyant dans son optique, bien sûr, mais, en tout état de cause, absolument essentielle. Qu'après quinze ans, on en arrive à un livre vert, jaune ou bleu, et qu'on en soit arrivé là après dix ans ou après dix-sept ans, cela a relativement peu d'importance à ce moment-ci, sauf peut-être pour ceux qui feront l'histoire et qui auront à porter des jugements sur les hommes et sur les institutions.

Ce qui est important actuellement, c'est, s'il y a eu des retards — et il y en a eu, s'il y a eu des attitudes à changer, et n y en a — que nous procédions le plus rapidement possible.

Le député de Saint-Jacques faisait allusion à mon habitude de faire des livres verts. Il y a une erreur dans ce qu'il a dit, parce que celui que je propose ici n'est pas le deuxième, mais le troisième.

Le premier a été fait au ministère des Communications en 1971 et il avait à peu près la même modestie que celui-ci. Il était encore plus modeste. Il n'avait qu'une centaine de pages. Il n'abordait pas comme tel le problème fédéral-provincial constitutionnel et tout.

Celui de 1971, on peut aujourd'hui — je le dis entre parenthèses parce que c'est au niveau du ministère des Communications — constater que, malgré toute sa modestie, il a quand même été réalisé à 80%. Celui qu'on avait proposé comme plan d'action de la mise en place du ministère des Communications, si on revoit ce livre vert de 1971, a effectivement été réalisé à peu près à 80%.

Le Deuxième livre vert "Maître d'oeuvre des communications au Québec," portait essentiellement sur le dossier fédéral-provincial et le dossier constitutionnel. On connaît actuellement la situation. Mon collègue des Communications a dit des choses que je n'aurais en aucun point reniées au moment où il a présenté ses crédits.

Le problème au niveau des communications est maintenant, en termes d'action, un problème constitutionnel et un problème de gouvernement.

Au niveau du ministère des Affaires culturelles, j'ai tenu, au début de ce livre vert, à faire un rapprochement non pas avec le deuxième, mais avec le premier livre vert, celui de 1971, aux Communications, essentiellement pour indiquer qu'il s'agissait maintenant, en faisant la synthèse de ce qui s'était fait au ministère, de ce qui s'était dit à l'extérieur ou de ce qui s'était fait à l'extérieur, de proposer un programme d'action qui, en-tout état de cause, se veut réaliste. Je suis content que le député de Saint-Jacques l'ait reconnu. Je pense que c'est un document réaliste et réalisable. Les projets de loi qu'il suppose devraient être déposés au cours des prochaines semaines, au moins pour celui du Conseil de la culture, à l'Assemblée nationale. Nous serons en mesure de déposer à l'automne les lois qui touchent le patrimoine et les différentes commissions, notamment la commission de la bibliothèque et la commission des musées. Pour le reste, nous n'avons pas, comme tel, besoin de lois et il s'agit d'organiser le ministère de l'intérieur pour qu'il puisse réaliser les objectifs qui sont ici énoncés et qui, encore une fois, ne sont pas une oeuvre d'imagination du ministre des Affaires culturelles, mais puisent très largement dans les problèmes tels que perçus par les fonctionnaires, tels que perçus par le milieu et qui essaient de traduire d'une façon cohérente les situations telles qu'elles sont vécues quotidiennement par ceux qui oeuvrent dans le domaine culturel. Donc, la seule garantie de réalisation que j'aie quant à ce livre vert, c'est, d'une part, la volonté de plus en plus précise, au niveau du gouvernement, au niveau des députés, de voir se réaliser une politique culturelle qui leur est souvent très largement demandée et souvent très largement inspirée par leur propre région. L'atout sur lequel nous misons actuellement, ce n'est pas une volonté imaginative du gouvernement, mais bien le même besoin du plus grand nombre et du nombre de plus en plus grand de Québécois de s'identifier, de s'exprimer et de s'organiser sur le plan culturel. Au fur et à mesure qu'on souligne, dans tout le Québec, certaines faiblesses, par exemple l'enseignement de l'histoire, le sort qui était réservé et qui est encore réservé souvent au patrimoine, du même coup, on souligne la nécessité d'une action, non seulement activiste, mais d'une action de plus en plus cohérente, soutenue. Et c'est la problématique du livre vert.

Les lacunes qu'on peut reprocher au gouvernement peuvent être reprochées, à mon avis, à tous les partis politiques. Le réalisme dont on essaie de faire preuve ici, ressemble également au réalisme dont semble faire preuve le parti de l'Opposition lui-même quant à ses objectifs. Au moment d'inscrire dans sa problématique le référendum comme étant la barrière à franchir avant d'en arriver à l'indépendance, il a fait preuve de réalisme. Certains, à l'intérieur de ses cadres ou de ses membres, verront dans cette mesure le même type de mesure dilatoire que le député de Saint-Jacques peut reprocher au gouvernement par rapport à son action en matière culturelle, par exemple.

Quoi qu'il en soit, les ressources financières, au niveau du gouvernement, ne deviendront disponibles qu'au fur et à mesure que les actions proposées, que les politiques proposées seront perçues comme réalisables et souhaitées par la population. C'est donc ce que nous recherchons dans un premier temps, c'est-à-dire susciter l'adhésion ou la critique pour en arriver à corriger les choses proposées au niveau du plus grand nombre possible de citoyens. On est mal placé, comme ministre des Affaires culturelles, dans la situation que nous connaissons sur le plan économique, dans la problématique des priorités économiques, matérielles par rapport au culturel, on est mal placé pour demander des augmentations budgétaires considérables, si on n'a pas, par ailleurs, à proposer un plan d'action soutenu et relié, article par article, les uns aux autres. Je pense que ce document de travail, comme l'a dit le député de Saint-Jacques et comme l'a souligné le député de Fabre, est un document qui devrait engager et qui engagera le gouvernement. De deux choses l'une: ou le livre vert prend la voie des tablettes comme d'autres livres on pu le faire et, à ce moment-là, à moins que quelqu'un ne propose ailleurs une proposition politique meilleure que celle-là tout le monde sera en mesure de juger de l'action du gouvernement ou de sa volonté de faire les choses.

Ou alors, il est réalisé étapes par étapes, morceaux par morceaux et effectivement, les ressources pour y arriver, devront être augmentées considérablement. A la page 87 du livre vert, vous avez, année après année, le pourcentage budgétaire consacré aux Affaires culturelles. Ce sont des chiffres qui sont à la fois significatifs et en même temps relativement faux. Parce que le ministère des Affaires culturelles, dans ses assises, s'est déplacé considérablement. Il était responsable, au début, d'un certain nombre de programmes qui grevaient son budget, comme l'Office de la langue française, le Canada français d'outre-frontière, etc.

Ces programmes sont maintenant assumés ailleurs, à partir d'autres budgets et le pourcentage des fonds publics consacré aux Affaires culturelles est demeuré à peu près constant depuis 1960/61 jusqu'à 1976/77. En d'autres mots, ce pourcentage s'applique à de nouvelles activités alors que celles qui étaient exercées par le ministère se sont dispersées dans l'administration pu- blique, depuis l'origine. Le budget proposé de cette année est de 0,44% du budget de la province. Celui de l'an dernier était de 0,46 et ainsi de suite, la moyenne se situant autour d'à peu près 0,46 ou 0,45.

On peut reprocher au gouvernement de ne pas consentir davantage au budget des Affaires culturelles. Je ne m'arrêterai pas là-dessus tant et aussi lontemps que, face à chacune des propositions qui sont faites, j'aurai les ressources pour les réaliser. Je préférerai regarder le budget des Affaires culturelles en fin d'année budgétaire pour savoir quel est l'effort qui a été consenti par le gouvernement.

Mais sans vouloir le blesser d'aucune espèce de façon, je sais que le député de Saint-Jacques est en fait un des principaux conseillers en matière d'éducation et de culture au sein de son parti, je lui demanderais de revoir lui-même la proportion qui était consacrée aux Affaires culturelles dans le budget de l'an 1 du Parti québécois. Elle se situe, si ma mémoire est exacte, autour de 4,2 ou 4,3 de 1%. C'était, en 1973, le budget qui était théoriquement proposé à l'analyse des Québécois et qui aurait été celui du Québec indépendant si la chose s'était faite à ce moment-là. On voit donc qu'au niveau des volontés politiques, au niveau de l'importance proportionnelle accordée au secteur traditionnel de la culture, ce n'est pas une question de parti. Dans son budget de l'an 1, le Parti québécois avait la même proportion dans la même moyenne que les budgets des 17 ou des 15 années alors, à l'époque, du ministère des Affaires culturelles.

Je pense cependant que les propositions que nous faisons maintenant devraient au cours des deux ou trois prochaines années, augmenter ce petit pourcentage du budget de la province mais ce qui compte encore davantage, ce n'est pas tellement le chiffre total en termes de budget qui peut être inscrit au ministère des Affaires culturelles, c'est davantage de réussir cette opération d'intervention auprès de l'ensemble de l'administration pour ne pas qu'un ministère comme celui de la Voirie ou des Travaux publics détruise, sur une signature d'un chef de service, l'action qui-peut être péniblement conduite à la sauvegarde du patrimoine dans une région au moment de la construction d'une route. C'est ça la responsabilité urgente du ministère, savoir faire en sorte que l'action de l'ensemble des services de l'administration publique ne vienne pas détruire, mais au contraire, respecte et s'additionne à ce qui doit être fait pour la culture. Que les budgets culturels soient répartis entre les 23 ministères du gouvernement, j'en serais très heureux finalement, si chacun peut contribuer, à partir de son propre budget, à des actions qui convergent vers le développement culturel. Que le ministère des Affaires culturelles ne dispose quant à lui, une fois que ses réformes seront réalisées, que de la moitié du personnel dont il dispose maintenant, que de la moitié du budget dont il dispose maintenant est, à mon avis, sans importance si, par ailleurs, les ressources se retrouvent dans les différents organis-

mes et même dans les différents ministères et convergent, par l'action du ministère des Affaires culturelles, vers une action culturelle cohérente.

C'est une question de développement du Québec dans son ensemble que le développement de la vie culturelle chez nous. Ce n'est pas une question de choix théorique, nationaliste ou autrement, c'est une question collective. Si nous souhaitons, comme nous le souhaitons tous, voir le Québec se développer au niveau de sa collectivité d'une façon conforme à ce qu'il est, è partir de là, la logique veut que quels que soient les partis qui forment le gouvernement, les ressources éclatent dans les différents ministères, dans les organismes qui sont créés pour la gestion de ces ressources et surtout qu'il y ait un ministère qui se préoccupe de la vie culturelle au Québec, non seulement en faisant face aux urgences mais qui propose à l'action de l'Etat de se conformer aux besoins du moment bien sûr, mais à des orientations générales qui, elles, sont à peu près constantes dans la société, même si leur forme d'expression varie.

On peut ajouter, M. le Président, à ce que je viens de dire, que le ministère des Affaires culturelles a devant lui un défi considérable, mais que c'est davantage un défi de gouvernement, encore une fois, quels que soient les partis qui forment le gouvernement. Ce défi, c'est celui de la société dans son ensemble.

Des aspects du livre vert passent peut-être inaperçus à côté de certains autres plus spectaculaires, et on les retrouve surtout à la fin du document, lorsque, par exemple, on dit que le ministère des Affaires culturelles doit se préoccuper de l'environnement culturel des Québécois, de ce qui crée notre environnement culturel, du design de l'habitation, de l'urbanisme, indirectement, et peut-être directement aussi.

Ces aspects m'apparaissent être, pour l'avenir, les plus importants auxquels un ministère des Affaires culturelles devra s'attacher. C'est dans cet environnement que se créent les lieux propices ou non au développement culturel. Jusqu'ici, étant à la fois responsable des politiques et de leur gestion, le ministère devait passer 75% ou 80% de son temps et de ses ressources à la gestion des politiques culturelles. Cela laissait peu de temps, peu de ressources, peu de budget, pour se pencher sur des questions qui sont aujourd'hui de plus en plus importantes.

J'aborde enfin, dans le livre vert, la question de la politique scientifique. C'est un sujet qui fera aussi l'objet de discussions— probablement davantage au niveau des universités— mais je souhaite quand même, pour ma part, porter ce débat rapidement au niveau du gouvernement dans son ensemble.

Je pense que de regrouper au sein du ministère des Affaires culturelles les préoccupations en regard de la politique scientifique, c'est beaucoup plus qu'une question de réaménagement de structures, c'est reconnaître à la recherche scientifique un rôle qui n'est pas théorique, mais un rôle qui doit s'adapter aux besoins de la collectivité qué- bécoise. Comme la recherche scientifique et la création culturelle s'approvisionnent finalement au même type de ressources intellectuelles, la création appliquée aux arts et à l'expression culturelle ou à la recherche, je propose ici que nous étudiions rapidement la possibilité de regrouper au sein du ministère, qui deviendrait à ce moment-là, un ministère de la culture et des sciences, ces deux types de préoccupation, la deuxième, la recherche scientifique, étant, pour bien des raisons, largement orpheline d'une pensée politique, au niveau du gouvernement.

On parle également — c'est un point qui passe assez facilement inaperçu — de la création possible d'un institut d'histoire et de civilisation du Québec. Là aussi, il ne s'agit pas d'un organisme théorique pour satisfaire les intellectuels en mal d'expression ou de recherche, à l'abri de toutes les contraintes quotidiennes. Bien au contraire, la proposition qui est faite l'est avec un point d'interrogation et ne se réalisera que s'il y a un large consensus quant à la faisabilité de cet institut. Si on ne peut pas créer un institut qui soit au-dessus des chapelles et des querelles intellectuelles, il n'y aura pas d'institut.

Si, au contraire, on peut le créer, de telle sorte qu'il devienne, par sa seule force, par sa seule qualité, par sa seule compétence, un lieu de réflexion et d'orientation qui touche l'ensemble de la collectivité, nous verrons, avec toute l'énergie possible, à ce qu'il soit créé rapidement. En ce sens, on annonce, dans le livre vert, qu'un groupe de travail devrait être créé pour étudier rapidement la possibilité de créer cet institut. Ce groupe de travail devrait être effectivement créé d'ici une quinzaine de jours et commencer son travail immédiatement, pour faire rapport à la fin de l'année 1976 sur ce dossier.

En fait, comme l'a dit le député de Saint-Jacques, ce qui est contenu dans ce document est effectivement réalisable presque entièrement. Certaines propositions sont davantage des préjugés que des propositions basées sur une constatation scientifique des situations. L'important est que ces propositions suscitent la discussion, notamment au niveau de la politique du livre, de la lecture par exemple, de sorte que nous puissions, sans nous perdre pendant des mois, dans de très longues discussions, en arriver à poser des gestes et à corriger l'action au fur et à mesure de l'action elle-même.

Il n'est pas temps, maintenant, de nous asseoir dans de longues discussions intellectuelles au ministère, pour essayer de trouver les meilleures formules, parce qu'au moment où on les trouve, elles sont toujours largement dépassées.

Je Pense que nous devons être à la fois réalistes et pragmatiques, poser des gestes, amorcer des politiques, réaliser des actions, voir à ce que l'action elle-même soit corrigée par son propre résultat. C'est ce que nous chercherons à faire, mais je pense que si les crédits tels que nous allons les étudier ne correspondent pas toujours — le député de Saint-Jacques aurait raison de le souligner — aux objectifs qui sont contenus dans ce li-

vre vert, la mise en garde que j'ai faite au début, à savoir le processus de préparation des crédits, en regard de ce cheminement parallèle, finalement, du livre vert, notre responsabilité sera de faire, au cours de l'année, les mariages, étant entendu que les propositions qui sont faites dans le livre vert devraient, pour une grande partie d'entre elles, se réaliser, se mettre en forme, au cours de cette année budgétaire. C'est la prochaine année budgétaire, dans le cycle de préparation que nous commençons maintenant, qui verra de quelle façon se traduisent effectivement les ressources de chacun des organismes dont on propose la création.

Voilà ce que j'avais à dire, M. le Président, brièvement.

Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux sine die.

M. L'Allier: On recommence vers 16 heures.

Le Président (M. Pilote): Oui, cela prend un ordre de la Chambre.

(Fin de la séance à 12 h 25)

Reprise de la séance à 16 h 40

M. Pilote (président de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications continue l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles. Sont membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson), M. Bérard (Saint-Maurice), M. L'Allier (Deux-Montagnes), M. Charron (Saint-Jacques), M. Choquette (Outremont), M. Côté (Matane), M. Bonnier (Taschereau), M. Déom (Laporte), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Léger (Lafontaine), M. Parent (Prévost), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif (Anjou), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux (Saint-Jean).

Nous étions rendus à l'étude des programmes, article par article. Programme 1 : Livres et autres imprimés. Elément 1 : Aide à la publication et à la vente du livre.

Livres et autres imprimés

M. L'Allier: M. le Président, ce programme, livres et autres imprimés, est divisé en trois éléments: L'aide à la publication et à la vente du livre, le développement du réseau des bibliothèques publiques et la Bibliothèque nationale.

Vous pouvez noter une augmentation des crédits à ce programme qui est essentiellement due à la réalisation telle qu'approuvée, il y a déjà maintenant deux ans ou trois ans, par le Conseil du trésor du plan de développement des bibliothèques publiques.

Pour le reste, il s'agit d'une augmentation normale des crédits dans le cadre des programmes existants.

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: ... l'année dernière, lorsque vous aviez appelé le programme, j'avais dénoncé ou énoncé toute une série de problèmes dans le domaine de l'édition québécoise, problèmes qui, avions-nous convenu, devaient être réglés d'une façon urgente afin que ceux qui composent le milieu de l'édition, les écrivains, les libraires, le Conseil supérieur du livre, dans sa dimension toujours ambivalente, culturelle et économique, puissent survivre décemment au Québec.

J'avais, entre autres, souligné une liste de problèmes de la hausse du coût des livres causée par l'agrégation de libraires et l'obligation par les institutions d'enseignement d'acheter leurs livres de celles-ci et ensuite, la possibilité pour les commissions scolaires de former la centrale d'aide à l'approvisionnement des maisons d'éducation du Québec.

Je rappelle que j'avais souligné au ministre toute la question du genre d'interventions que

l'Etat peut effectuer dans le domaine de l'édition, à l'aide du pouvoir d'achat important des commissions scolaires et des bibliothèques publiques.

Effectivement, quand on sait que la part du marché affecté par ces achats — il y a à peu près un million de volumes, soit 20% du marché... Cette question devient non seulement des plus importantes, mais aussi des plus envisageables.

Nous avions parlé, l'ancien ministre et moi, à l'époque, d'une éventuelle centrale d'achat des bibliothèques publiques. Que dire également de la politique de la présence étrangère dans le domaine de l'édition surtout au niveau de la distribution, problème qui n'est pas étranger à un autre phénomène, celui de la concentration des maisons d'édition.

Le ministre n'est pas sans savoir, puisque c'est d'ailleurs dans un rapport du ministère que je puise cette information — le rapport sur la distribution des périodiques et du livre de poche au Québec, d'octobre ou de décembre 1972 — que le réseau de messagerie des distributions québécoises est complètement dominé par les compagnies étrangères, sauf peut-être les Editions de l'Homme, dont Benjamin News Company et Hachette International.

Le marché de la messagerie, par exemple, représente un marché de $50 millions par année. Les entreprises étrangères en contrôlent $35 millions. Quant aux revues et aux livres de poche venant des Etats-Unis ou d'Europe, ils sont distribués presque exclusivement par des messageries possédées par Benjamin News Company et Hachette International.

Ces mêmes compagnies contrôlent de façon quasi exclusive quelque 15 000 points de vente au Québec, quasiment plus de 2000 publications étrangères avec l'aide de moyens de pression aussi efficaces que, par exemple, la menace de couper l'approvisionnement parce que ces points de vente sont, pour la plupart du temps, situés dans des pharmacies, et dans des débits de tabac

Inutile de dire également que les distributeurs régionaux n'ont guère le choix et doivent se plier aux exigences des grands distributeurs.

Je sais que ce ne sont que des exemples, que ceux-ci touchent le phénomène de la distribution du livre de poche ou de périodiques, mais c'est certainement une distribution extrêmement importante au Québec et ce n'est pas la grande littérature qui est directement touchée. Quand je vois que la mainmise étrangère est aussi forte sur la distribution, cela m'inquiète de penser à ce que doit être la réalité au niveau des ventes de livres à l'édition en temps que tels. Tous ces problèmes que je rappelle, M. le Président, ce n'est pas pour le plaisir de me citer de nouveau ou de renouveler les propos que je tiens à la commission parlementaire depuis quelques années déjà, mais c'est parce qu'il y a un an, nous avions convenu d'une politique du livre et d'une loi devant s'amener pour toucher, un tant soit peu, ces problèmes que je viens d'énumérer de nouveau. Cette fameuse loi-cadre sur le livre dont l'élaboration, avait-on dit, allait être terminée cette année... Le ministre appuyait alors cette promesse sur le fait que le sous-ministre adjoint, M. Claude Trudel, travaillait à temps plein à l'élaboration de la politique devant être contenue dans cette loi-cadre et que de nombreuses études avaient de toute façon déjà été faites.

Outre celle que je viens de vous citer sur la mainmise étrangère dans le domaine de la distribution, M. le Président, c'est-à-dire ce document — on parlait ce matin de livres verts qui sont à l'occasion restés lettres mortes — que dire de ce document, émanant du Conseil exécutif, de septembre 1973 qui portait comme titre: Le cadre et les moyens d'une politique québécoise concernant les investissements étrangers? Outre, donc, cette publication dans laquelle on pouvait, à tout le moins, déceler une volonté politique d'intervention de la part du gouvernement, il y a aussi celle de M. Melançon sur les aspects économiques et financiers d'une loi-cadre sur le livre, une de M. Pierre De Grandpré, concernant aussi la présence d'intérêts étrangers dans l'industrie de la distribution des revues et périodiques au Québec, celle de M. Contant sur les moyens de distribution des revues et périodiques en Europe et, dans l'espace d'un an, surtout sous la conduite d'un sous-ministre adjoint qu'on me disait voué à temps plein à ce problème, plusieurs autres études ont sans doute été effectuées par les fonctionnaires du ministère.

Nous attendons toujours cette fameuse loi-cadre. On nous avait dit, je m'en souviens encore, l'année dernière, lorsqu'on nous avait fait adopter à la vapeur la loi des prêts garantis à l'édition dont on discutera un peu plus tard, que cette loi, bien imparfaite à sa face même, n'allait s'appliquer que pendant un certain temps puisque la loi-cadre s'en venait. La loi-cadre n'étant pas venue, l'imperfection, c'est le moins qu'on puisse dire, de la loi des prêts garantis à l'édition continue donc de s'appliquer. J'adresse donc les questions suivantes, M. le Président, au ministre des Affaires culturelles pour m'informer quand cette fameuse loi-cadre qu'on avait promise avant la fin de l'année financière 1975/76 sera présentée à l'Assemblée nationale, si le ministre peut me dire, en me donnant les objections que la rédaction de cette loi a probablement connues sur son chemin, ce qui explique son retard à être présentée, peut-être pourra-t- il nous donner, en contrepartie, les grands éléments de la politique du livre qu'il voudrait y voir contenir et la façon dont cette loi entend s'attaquer aux problèmes concrets comme ceux que j'ai mentionnés lorsque vous m'avez donné la parole, M. le Président.

M. L'Allier: Merci, M. le Président. Pour ce qui est de la politique du livre, j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, ce matin, brièvement, qu'un des facteurs qui avait ralenti l'élaboration de la politique du livre a été précisément le fait que nous avons voulu, que j'ai voulu personnellement, en tout cas, élargir le cadre de la discussion autour de la politique du livre et proposer davantage une politique de la lecture qu'une politique du livre, ce qui n'exclut pas la première, bien sûr.

En d'autres mots, on peut s'asseoir et essayer

de définir une politique du livre qui tourne essentiellement autour de l'industrie du livre parce que c'est en définitive ce dont il s'agit, fabrication d'écrits, mise en marché, etc., protection du marché intérieur contre le dumping extérieur et tous les éléments que cela comporte.

Je ne pense pas que, malgré toute la bonne volonté et les ressources dont on peut disposer, nous puissions régler le problème auquel ont à faire face les Québécois dans le cadre d'une politique culturelle qui est plus vaste que celui d'accéder au livre et à la production littéraire, d'abord québécoise et ensuite francophone et, en troisième lieu, extérieure au Québec et non francophone.

Une politique de la lecture, ça veut dire qu'il ne suffit pas de se contenter d'aider auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques, mais il faut s'assurer qu'au bout de course, en fin d'exercice, le lecteur, le citoyen qui veut lire ait accès au livre. Or, malgré le programme de développement que nous avons adopté pour les bibliothèques publiques et que nous avons l'intention de continuer à réaliser tel quel parce qu'il n'a rien d'ambitieux, ni dans ses ressources ni même dans ses objectifs, nous souhaitons, dans un premier temps, élargir la vocation des bibliothèques dites traditionnelles, pour en faire des lieux de culture plus polyvalents que de simples lieux de conservation du livre et d'accessibilité à certains ouvrages.

Prenons un exemple concret. Si M. X vient de publier au Québec un ouvrage susceptible d'intéresser bon nombre de citoyens, donc un ouvrage populaire, compte tenu de son contenu et compte tenu de l'information qui est faite à son sujet, dans les meilleurs conditions possibles, les bibliothèques publiques ne peuvent l'offrir que quelques semaines plus tard à leurs lecteurs et encore là, dans les meilleurs conditions possibles, sous la forme d'un ou peut-être de deux exemplaires.

La bibliothèque, dans ce contexte, est avant tout un lieu de conservation du livre. C'est un lieu de diffusion culturelle, mais c'est un lieu de conservation en ce sens que si dans un village ou dans une ville, 50 citoyens veulent en même temps aller à la bibliothèque parce qu'on vient de publier tel livre et qu'on veut le lire, il y en a un ou deux exemplaires qui est prêté pendant une semaine ou deux semaines. Donc, on n'atteint pas l'objectif de la lecture. Deuxièmement, on a réalisé depuis quelques années une expérience qui est plus qu'une expérience, c'est un programme des bibliothèques centrales de prêts qui touchent les populations rurales dans les centres de moins de 5000 habitants et encore, pas partout au Québec.

Ces expériences soulignent la polyvalence de l'accès non seulement au livre, mais à d'autres formes de prestation culturelle, comme par exemple, dans certaines bibliothèques centrales de prêts l'accès aux oeuvres d'art, aux reproductions, aux jouets pour les enfants d'âge prématernel, etc. Quoiqu'il en soit, pour répondre directement à la question, ce qui fait que la politique du livre n'est pas au point et que nous ne sommes pas prêts à dire qu'elle est telle ou telle chose, c'est premiè- rement le fait que des orientations différentes, sinon nouvelles sont proposées dans le livre vert, deuxièmement qu'un groupe de travail commencera à se pencher sur le problème du livre, mais surtout une politique de la lecture à compter du 1er juillet et devra faire rapport au 1er décembre, en tenant compte des avis donnés par le livre vert et qui déborde ce qu'il a été convenu d'appeler jusqu'ici au ministère des Affaires culturelles, la politique du livre.

Dans ce contexte, quant à revenir à la politique traditionnelle, je peux vous dire qu'au niveau de l'aide à la publication et à la vente du livre, par exemple, le budget qui l'an dernier, était de $604 000 passe à $1 299 000 cette année, c'est-à-dire qu'il est, à toutes fins pratiques, doublé. Donc, plutôt que de nous asseoir et regarder uniquement les études qui sont en cours, il est une chose certaine, c'est qu'il faut augmenter la participation du ministère à l'aide à la publication et à la vente. Ce budget est augmenté de près de $600 000.

De même dans les autres activités relatives au livre, vous verrez que l'assistance financière à la création littéraire, où les sommes du ministère sont effectivement très modestes, va passer cette année de $65 000 à $100 000. Il est entendu que la création du conseil de la culture devrait multiplier encore une fois ses budgets, parce que c'est là un accès direct à la création pour les Québécois. L'assistance financière à l'édition va passer de $100 000 à $228 000 pour 1976/77 et, ainsi de suite, pour les autres éléments de ce programme.

Répondre différemment au député de Saint-Jacques serait l'induire en erreur. Les éléments de la politique du livre, personnellement, compte tenu des objectifs énoncés dans le livre vert, je ne les ai pas. Le dossier qui était prêt, à toutes fins pratiques, sous la direction de M. Trudel, proposait, quant à moi, davantage une politique d'aide à l'industrie du livre alors que l'objectif du ministère doit déborder celui-là et toucher la politique de la lecture. C'est pourquoi le livre vert y consacre environ 25 pages en détail.

Sur ces points, j'attends les réactions qui viendront sans doute de la part des libraires, des éditeurs, mais surtout des groupes culturels dans les régions qui nous indiqueront si le service qui leur est proposé ici est un service qu'ils attendent ou qu'ils souhaitent.

J'ai déjà fait une première consultation, notamment sur la Côte-Nord et à Trois-Rivières, et l'esquisse de ces politiques me semble correspondre assez parfaitement aux exigences de ceux qui, au bout de la ligne, veulent acheter des livres.

En fait, le problème est assez simple. On a une population qui ne permet pas de faire vivre une saine industrie du livre, parce que, précisément, on n'est pas assez nombreux. Il faut ouvrir le marché étranger et il faut aussi protéger le marché intérieur comme ce qui vient de l'extérieur. Première chose.

Deuxièmement, la politique de développement des bibliothèques est essentiellement une politique incitative auprès des municipalités, puisque

la participation du ministère ne dépasse rarement 20% du coût du fonctionnement et est inférieure à 20%, pour ce qui est des dépenses d'immobilisation, la plupart du temps, dans le cas de construction des bibliothèques.

Troisièmement, même en développant d'une façon accélérée le réseau des bibliothèques, vous en arrivez toujours au même résultat en bout de piste. La bibliothèque ne permet pas un accès facile en volume, aux livres publiés au Québec, d'où insuffisance du volume de publication, parce que le marché est insuffisant, aide artificielle à la création, à l'édition, une aide artificielle à un circuit. Au bout du compte, le citoyen qui a son chèque de paie, en fin de semaine et qui en a une partie, peut-être, à consacrer à la consommation culturelle, se trouve face à des livres qui se vendent en librairie ou en tabagie, non plus $2.50, mais $6, $7, $8, $9, $10. C'est une dépense qui devient souvent, dans l'optique de ceux qui ont à la faire, exagérée par rapport à ce qu'ils ont à en retirer.

L'objectif est donc pour nous de voir s'il est possible que l'Etat achète une partie importante de la production de livres québécois, à partir de comités de sélection qui existent déjà, d'ailleurs, pour les bibliothèques centrales de prêt, où le comité choisit les livres qu'il veut avoir dans sa bibliothèque et que l'Etat, en collaboration avec les municipalités, mette ces livres gratuitement à la disposition des citoyens dans des comptoirs de prêt, dans des points de dépôt, où les livres seront accessibles en volume, c'est-à-dire cinq, sept, huit, dix exemplaires par ouvrage, de telle sorte qu'on pourra les emprunter aussi facilement que lorsque vous en avez besoin, vous allez dans un Perrette ou chez un dépanneur, dans telle épicerie, par rapport à l'épicerie principale. C'est une image qui vaut ce que valent les images.

Ceci étant dit, si on réussit cette opération avec les municipalités, on sortirait du circuit de subventions à l'industrie du livre, parce que, précisément, c'est une industrie qui aurait sa clientèle.

En, fin d'année, il n'est pas question pour l'Etat de construire des entrepôts pour "stocker" tous ces livres très nombreux qui n'auraient pas subi le traitement spécialisé qu'on fait subir aux ouvrages dans les bibliothèques, c'est-à-dire codification, classement, analyse, fiches, etc. Il suffira que ce soit fait une fois par les bibliothèques, c'est tout.

En fin d'année, ces livres pourraient être remis en circulation par vente usagée, avec la collaboration des libraires et seraient, en bout de piste aussi, gardés par les citoyens qui voudraient les acquérir à un prix très bas, parce qu'usagés et aussi parce qu'ils les garderaient chez eux, qu'ils seraient gardés dans les bibliothèques privées des gens.

L'objectif qu'on poursuit n'est pas d'essayer de raffiner une politique d'aide et de subventions qu'on considère comme éternelle à l'industrie du livre, à l'industrie des libraires, à l'industrie des éditeurs, mais, bien au contraire, d'essayer d'en sortir, de faire en sorte que le marché québécois si ce n'est pas possible par achat direct des citoyens, suffise lui-même à la consommation du livre d'ici. C'est cela qu'on essaie de faire et c'est pour cela qu'on forme maintenant un groupe de travail qui partira de ce qui s'est fait, qui prendra les objectifs qui sont énoncés dans le livre vert, qui verra à rencontrer, à recevoir les réactions du milieu aux propositions contenues dans le livre vert et qui devra nous faire un rapport le 1er décembre.

C'est entendu que si cette politique voyait le jour tel que je viens d'essayer de la résumer rapidement, elle coûte passablement plus cher que celle qui est en place actuellement. Il faut parler ici de quelques millions de dollars de plus. Mais plutôt que de dépenser de l'argent pour faire écrire, imprimer et, ensuite, garder sur les tablettes des livres qui, finalement, ne se vendent pas ou se vendent peu, on aurait des livres qui seraient accessibles au prêt, directement et facilement.

M. Bonnier: M. le Président, je voudrais seulement poser une question au ministre. Est-ce que cela voudrait dire qu'au lieu de donner des subventions aux éditeurs pour l'édition de livres, l'éditeur les éditerait, mais il serait assuré, en retour, d'un marché minimum qui garantirait les frais encourus?

M. L'Allier: Tel que j'ai cru le comprendre, M. le Président, un éditeur qui tire à 3000 exemplaires commence à faire ses frais, à condition qu'il vende 3000 exemplaires. S'il en vend 2000, il faut subventionner l'équivalent de 1000 exemplaires, si on veut que l'éditeur continue à éditer. Ce n'est pas la situation actuellement. Rarement, on vend... il y a des pointes, mais il y a aussi beaucoup de creux là-dedans.

On vise précisément à garantir un marché à la publication. Mais ce marché, ce ne sera pas le caprice du ministre, ce serait partiellement, via le Conseil de la culture, mais essentiellement à partir soit des bibliothèques, soit des bibliothèques municipales, soit des bibliothèques centrales de prêts et des comités de lecture. On pourrait, par exemple, convenir avec les éditeurs qu'il y a une sorte de préédition, c'est-à-dire qu'un mois avant que le livre ne soit lancé sur le marché, il y en ait 100 — il s'agit de déceler les programmes de mise en marché — 200 ou 500 exemplaires qui seraient disponibles à des comités de lecture et dire: On en veut cinquante de celui-là, dix de celui-là et cinq de celui-là; ce qui conditionnerait le marché.

M. Bonnier: Mais même l'éditeur disparaîtrait.

M. L'Allier: Avec le temps, je voudrais qu'on en arrive à cela, sauf, à ce moment, pour des types d'éditions spécifiques et bien particulières. On peut entrer dans l'édition artistique, de luxe, par exemple, là où il y a un travail d'artisan. On peut viser l'édition d'art, on peut viser la poésie. On peut, quant à l'aide à l'édition, aider des secteurs qui, dans tous les pays, même les mieux organisés, ne sont pas en eux-mêmes viables, alors qu'actuellement, c'est "at large" qu'il faut le faire.

M. Charron: M. le Président, quand nous discutions l'année dernière de l'urgence d'une loi-cadre pour la politique du livre au Québec, il n'y avait pas, je dirais même pas principalement comme objectif, de la part de ceux qui réclamaient une loi-cadre, celui que veut atteindre le ministre des Affaires culturelles actuel. En fait, sans loi-cadre, le ministre des Affaires culturelles peut réaliser cette politique que son prédécesseur, l'eût-il voulu, aurait pu réaliser aussi. Il s'agit de modifier, dans les sommes dont dispose le ministère le site de l'allocation, en fin de compte.

Est-ce que, comme vient de le signaler le député de Taschereau, on subventionne l'éditeur pour ensuite laisser sans réponse, quant à l'oeuvre, à sa vente, à sa publication, à sa diffusion ou si, plutôt, on subventionne, si vous me permettez encore l'image boiteuse, le consommateur à l'autre bout, pour que le livre lui soit plus accessible?

Il s'agit d'un choix politique effectivement. L'orientation que prend le ministre à travers le livre vert de la politique culturelle est certainement souhaitable, mais ce n'était pas pour cela une loi-cadre. Cela ne rend pas non plus important qu'il y ait une loi-cadre maintenant.

L'autre aspect sur lequel j'insistais à l'ouverture de cette discussion, c'est-à-dire la protection de l'industrie québécoise et là, j'emploie les mots industrie québécoise, parce qu'il y va en même temps de la souveraineté culturelle des Québécois, de leur sécurité culturelle, c'est-à-dire que les Québécois ne voient pas des approvisionnements venant de l'étranger et, en particulier, les deux exemples sautent aux yeux, l'approvisionnement normal à partir des pays francophones, parce que c'est la langue du pays et l'approvisionnement normal en vertu de la proximité, mais peut-être beaucoup moins souhaitable pour la sécurité culturelle des Québécois, celui de la proximité américaine...

Lorsque nous parlions d'une loi-cadre, lorsque nous définissons, par exemple, le réseau de distribution actuel, qui nous abreuve de quoi, qui décide de nous abreuver de quoi, qui nous fait entrer ici quoi, qui inonde les bibliothèques de quoi et qui inonde les librairies ici de quoi? Lorsque nous faisons ce tableau, il était peu reluisant pour la protection culturelle des Québécois.

Autrement dit, la loi-cadre avait peut-être, parmi ces objets, une politique d'aide à l'édition et ie maintien de ce qu'est une édition québécoise, mais il y avait aussi comme objet, je dirais, prioritaire et urgent — s'il l'était l'année dernière, il l'est sûrement encore cette année — de protéger le marché québécois de ce qui actuellement nous est déversé sans aucun contrôle du gouvernement du Québec.

Or, cette loi-cadre avait donc pour objectif de dire, je l'imagine, dans un de ses articles ou dans un de ses chapitres: Si on veut oeuvrer dans le marché du livre sur le territoire québécois, il faudra se plier à telles et telles conditions, il faudra présenter telles et telles lettres de créance.

Il faudra éviter des monopoles, ce qui fera que chaque ville recevra le même contingent de volu- mes sans qu'elle puisse avoir accès à un autre. Enfin, tout cela est certainement présent à l'esprit du ministre. Je sais que c'est plausible aussi dans le livre vert quand on fait l'analyse de la situation actuelle.

Le ministre m'a répondu de façon satisfaisante lorsqu'il m'a dit comment il entend orienter l'aide à l'édition; plutôt qu'à l'éditeur même, elle se dirigerait plutôt vers le consommateur , ce qui multiplie les succès si elle est bien dirigée et bien réussie. Je n'ai rien contre cela. Mon objectif, l'objectif qui était celui de la commission l'année dernière, lorsqu'on a étudié le budget du ministère, d'une loi-cadre au plus sacrant pour protéger et encadrer, le mot le dit, la politique du livre québécois sur le territoire du Québec, cette politique demeure tout aussi urgente. Je pense que le ministre devra aussi faire diligence là-dedans, reprendre le dossier de M. Trudel, le compléter probablement avec nombre d'études qui ont dû être faites dans ce domaine. Je crois qu'effectivement, l'Assemblée nationale devrait être saisie prochainement, cela devait l'être au cours de la dernière année, cela ne l'a pas été, d'une loi-cadre, étayant en partie ce qui est une politique du livre ou, comme le dit le ministre, une politique de la lecture.

M. L'Allier: M. le Président, là-dessus, je vais être très franc. Je ne pense pas, pour ma part, qu'une telle loi puisse être déposée, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, avant le début de 1977, parce qu'il y a plusieurs éléments. On reprend dans le livre vert, à la page 163, on ne fait pas la problématique, mais on fait référence au rapport Bouchard de 1963, où il était question de la création d'une centrale d'achat de livres. On prend, à la page 170, la question d'un réseau de distribution en disant qu'il devient possible, dans le contexte de l'implantation de points de dépôt et de points de prêt, de penser à la création d'un réseau de distribution qui pourrait même, si c'est nécessaire, s'étendre aux périodiques. Ce que je veux dire ici, c'est qu'on pourrait très bien présenter une politique du livre, une loi-cadre sur l'édition à l'Assemblée nationale, pour arriver six mois plus tard avec une loi complémentaire ou des amendements.

Les augmentations de budget que nous sollicitons cette année vont permettre d'améliorer légèrement la situation. La loi de prêt garanti permet aussi, une fois rodée, d'aider l'éditeur. Pour le reste, c'est un choix qu'on fait. C'est une priorité qu'on se donne. Plutôt que de consacrer encore six mois à l'élaboration d'une politique boiteusement industrielle du livre, nous devons, pour en arriver à une politique industrielle valable du livre, premièrement, mettre au point les mécanismes d'une politique de la lecture; deuxièmement, associer le ministère de l'Industrie et du Commerce beaucoup plus qu'on ne l'a fait dans le passé à la réalisation d'une politique d'aide à l'industrie du livre.

Il ne faut pas que ce ministère— j'aurai l'occasion d'y revenir à d'autres sujets — se sente li-

béré de sa responsabilité de tout ce qui touche la culture en matière industrielle; au contraire, même si ses ressources sont modestes, on doit l'associer. La réaction des milieux devrait nous guider quant aux problèmes les plus urgents à régler au cours de ces six mois qui viennent. Je ne pense pas que ce soit jouer de tour à personne que de suivre le plan qu'on propose ici; bien au contraire. On aura une politique du livre quand le livre sera viable au Québec. Pour le reste, on aura une politique qui serait finalement toujours boiteuse, peut-être réalisable à court terme, peut-être même satisfaisante pour l'éditeur.

Je pense qu'on pourrait proposer une loi dès le mois de septembre qui pourrait largement satisfaire l'éditeur, et peut-être aussi le libraire. Mais on n'aura rien réglé du problème qui nous confronte actuellement, qui fait que les gens ont peu de ressources pour vivre, de moins en moins de moyens pour s'acheter des livres et que, finalement, on se crée un marché artificiel.

Le député de Saint-Jacques, peut-être volontairement, n'a pas abordé dans ce contexte, par exemple, le problème — il l'a fait les années dernières — du livre scolaire, du livre scientifique. On ne peut pas dissocier ce problème du problème d'une politique du livre. C'est là qu'on a des choses à dire et à faire avec le ministère de l'Education. On indique dans le livre vert que, finalement, l'école ou le consommateur officiel du livre est peut-être actuellement l'otage du libraire agréé. Cela veut dire qu'il est obligé de passer par lui et cela lui coûte X% de plus. On fait supporter indirectement par le consommateur officiel de livres, donc la bibliothèque et le réseau scolaire, les coûts d'une politique du livre.

Je pense qu'il faut sortir le plus vite possible de ce cercle vicieux et faire payer ceux qui doivent porter la responsabilité de cela.

Donc, il faut associer le ministère de l'Education — ce ne sera peut-être pas facile, mais on va tenter d'y arriver — de l'Industrie et du Commerce — ce sera relativement plus facile — garder comme objectif une politique de la lecture et, finalement, faire, au cours des prochains mois, la synthèse de ces éléments pour proposer une loi où il y aura peut-être plus que Je ministère des Affaires culturelles qui aura à intervenir.

M. Charron: Parlant justement de l'intervention du ministère de l'Industrie et du Commerce dans ce dossier, la loi adoptée l'année dernière des prêts garantis à l'édition impliquait pour la première fois la Société de développement industriel dans une vocation qui n'était pas la sienne. C'est tellement vrai que cela a nécessité un amendement à sa loi constituante. Présenteent, c'est donc la Société de développement industriel qui s'occupe de garantir des prêts aux éditeurs.

J'aimerais savoir si cette société s'est acquitée convenablement de sa tâche depuis que la loi a été adoptée.

M. L'Allier: En 1975/76, il n'y a eu aucune de- mande de prêts garantis. Il y eu treize demandes de prêts qui ont été faites. La SDI n'en a accordé aucun. Du côté du ministère, on a senti un certain nombre de difficultés d'ajustement avec la SDI, et je ne voudrais pas faire l'autopsie de cette situation que je connais mal. Peut-être que M. Matte pourrait nous en parler, ainsi que M. Boucher. Mais je pense qu'essentiellement, au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, c'est le type de problème qu'on peut difficilement aborder à la pièce. On arrive avec le livre, et, ensuite, il faut arriver avec le disque. Ensuite, on va arriver avec l'artisinat au ministère de l'Industrie et du Commerce et à la Main-d'Oeuvre, et ainsi de suite. Si, au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, on établit un schéma de travail permanent entre les deux ministères, ce qu'on a commencé à faire, qu'il s'agisse de design, qu'il s'agisse d'architecture, de livres, de disques, des industries culturelles, il est possible que plutôt que d'essayer d'ajouter un article à la loi de la SDI, ce soient des changements plus considérables qui soient apportés dans cette structure pour qu'il y ait une section de l'industrie culturelle et qui s'occupe de l'industrie culturelle surtout...

M. Charron: Située à l'intérieur même du ministère.

M. L'Allier: A l'intérieur du ministère de l'Industrie et du Commerce ou à l'intérieur de la SDI...

M. Charron: Oui, parce que, pour la SDI, la statistique que vous donnez n'est guère encou-rangeante... Je me souviens de mon intervention en deuxième lecture lors de la présentation de la loi. Tout en lui étant favorable, je signalais que ce n'était pas la vocation de la SDI, que je ne m'attendais pas à ce que la SDI y accède très volontiers. Le ministre en convenait avec moi, mais il me disait que l'urgence imposait pareille modification, parce que la loi-cadre s'en venait et qu'il fallait agir immédiatement. J'espère que ce n'est pas là une indication de la collaboration que vous recevrez du ministère de l'Industrie et du Commerce lorsque vous aborderez le dossier de l'industrie culturelle.

M. L'Allier: II faut d'abord, M. le Président, que nous nous équipions nous-mêmes pour pouvoir traiter avec ces ministères à vocation différente de la nôtre et qu'on veut associer à la politique culturelle. C'est pourquoi une des réformes qui est proposée est de créer, au ministère des Affaires culturelles, une direction des relations interministérielles où on aura peut-être huit ou dix personnes qui seront hautement spécialisées dans chacun des secteurs impliqués. Si on est capable d'aller chercher un fonctionnaire du ministère de l'Industrie et du Commerce qui connaît à fond la mécanique de ce ministère et un autre fonctionnaire qui connaît, lui, l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire l'industrie au Québec comme telle et que ces deux personnes ensemble deviennent notre agent de liaison avec le secteur industriel si on

fait la même chose dans l'Education, aux Affaires sociales, dans les loisirs, on aura une équipe d'intervention à la fois sectorielle et polyvalente qui serait notre agent de liaison. La multiplication des communications entre ministères n'est jamais facilitée quand on n'a pas les bons interlocuteurs. C'est toujours le problème permanent qui se pose.

M. Charron: Se peut-il que le choix de la SDI ait été un mauvais choix? Enfin, on peut certainement être tenté de conclure à cela si on regarde la statistique que vous m'avez donnée, dans le sens que la SDI, habituée, comme je l'ai dit tout à l'heure, à d'autres dossiers, a peut-être imposé à l'industrie culturelle les mêmes critères de rentabilité et tout autre critère qui sont les siens, lorsqu'il s'agit pour elle d'appuyer l'entreprise d'ordre purement économique comme une manufacture de bottines, une cidrerie qui veut ouvrir ses portes et qui... Je pense que, parlant de ces relations interministérielles qui pourront aller jusqu'à créer une direction à l'intérieur du ministère, il y a aussi beaucoup de "lobbying" interministériel à faire dans ce sens de les prévenir de ne pas s'attendre à découvir des industries culturelles fonctionnant sur le principe d'une boîte de bottines ou quelque chose comme cela.

M. L'Allier: Exactement. Le mot, je l'emploie familièrement quand je discute au ministère, mais cette direction des relations interministérielles aura comme principale fonction de faire ce lobbying des industries culturelles auprès des ministères en question. Et c'est pourquoi on dit, lorsqu'on parle du ministère des Affaires culturelles comme ministère d'interventions qu'il faut d'abord, nous, intervenir dans ces ministères, mais quand les gens viennent nous voir, qu'il s'agisse du livre scolaire, qu'il s'agisse de l'industrie culturelle ou qu'il s'agisse d'autres choses, on ne les renverra pas au ministère de l'Industrie et du Commerce, on ne les renverra pas au ministère de l'Education. On va s'asseoir avec eux. On va étudier avec eux le problème, on sera équipé pour le faire et on ira avec eux au ministère de l'Industrie et du Commerce pour nous assurer que la place qui leur revient est faite et que les contraintes inhérentes à ce secteur particulier de l'industrie soient respectées, ces contraintes étant, quant à nous, culturelles et c'est ce qui est peut-être nouveau dans cette approche interministérielle qui ne se pratique pas souvent.

On a toujours tendance à renvoyer les gens d'une place à l'autre et nous, on va essayer de briser ce mouvement et comme nous sommes un petit ministère, on va peut-être réussir.

M. Charron: Entre-temps, est-ce que les refus de la Société de développement industriel de prêts garantis à certains éditeurs a conduit des éditeurs à la faillite ou à la fermeture ou cela leur a-t-il causé des pertes considérables?

M. L'Allier: Je n'ai pas de renseignement là-dessus. Je peux vous faire sortir les renseignements, si vous voulez, mais je ne les ai pas ici.

M. Charron: II serait intéressant de le savoir parce que c'est quand même une loi votée par l'Assemblée nationale et on s'aperçoit que cela n'a conduit à rien, comme résultat.

M. L'Allier: Cela a conduit à étudier treize demandes, mais qui ont été refusées.

M. Charron: Mais, pour l'édition...

M. L'Allier: Je vais essayer de vous les avoir pour après le souper ou pour demain matin, si vous voulez. Je vais essayer de vous avoir le détail de chacune de ces demandes et les motifs qui ont été invoqués ainsi que les conséquences que cela a pu avoir pour les demandeurs qui se sont vu refuser.

M. Charron: J'aimerais assurer une certaine continuité dans notre discussion en abordant maintenant le sujet de l'exportation du livre québécois à l'étranger et au sujet duquel, à mon avis, le ministre, l'année dernière, a donné des réponses fort évasives et insatisfaisantes.

Commençons d'abord par l'expérience de livres du Canada du Secrétariat d'Etat fédéral. Le ministre ne doit pas être sans savoir que cette expérience a été un échec quasi total qui engloutit près de $2 millions de l'argent des contribuables en trois points de diffusion, Paris, Londres et New York.

L'expérience de Paris, qui est sans doute vitale pour l'image du livre québécois, est particulièrement désastreuse. On dit là-bas qu'il y a un très fort pourcentage de livres invendus. On accuse la société de mauvaises relations commerciales. Flammarion s'est retiré du projet pour toutes sortes de raisons. C'est administré par des intérêts anglophones. On parle d'un manque d'indépendance de la succursale parisienne, d'une mauvaise connaissance de la culture québécoise et quoi encore.

J'aimerais tout d'abord savoir si cette année, le Québec a enfin eu son mot à dire dans la diffusion du livre québécois à l'étranger ou le Québec et Ottawa continuent-ils à faire bande à part souvent avec des politiques contradictoires aux frais du contribuable québécois.

M. L'Allier: On m'informe que la situation est rigoureusement la même que celle que vient de décrire le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Et devant ce résultat fracassant de la collaboration fédérale-provinciale, le ministère des Affaires culturelles a-t-il initié, de lui-même, des activités menant à la diffusion du livre québécois à l'étranger, en particulier sur le marché français ou sur le marché francophone?

M. L'Allier: Sur ce point, je souhaite, encore une fois... Et c'est une autre illustration du problème que nous avons à régler, le ministère des Affaires culturelles seul ne pourrait que débattre la question et essayer de rencontrer des gens.

L'interlocuteur principal du gouvernement fédéral en matière de marchés étrangers, protection du marché québécois et d'ouverture de marchés étrangers, au niveau de l'Etat québécois, ce n'est pas le ministère des Affaires culturelles, c'est le ministère de l'Industrie et du Commerce et, très indirectement, le ministère des Affaires intergouvernementales.

Si on fouille dans les dossiers du ministère des Affaires culturelles, on se rend compte qu'il n'y a pas eu beaucoup plus de communications soutenues entre l'Industrie et le Commerce et les Affaires culturelles qu'il a pu y avoir entre le fédéral et le provincial de ce côté-là. Commençons par mettre de l'ordre dans nos choses ici et, ensuite, par l'industrie et le Commerce, on verra ce qu'il y a à faire.

Le problème de la diffusion du livre québécois à l'étranger peut reposer sur une question de structures et de mise en marché, etc., mais il faut dire, et le député de Saint-Jacques le sait très bien, que lorsqu'on arrive en Europe, notamment à Paris, cela vaut pour le disque québécois et cela vaut pour le design québécois, cela vaut pour la création industrielle et culturelle québécoise. De ce côté-là, on n'a pas encore trouvé les formules qui permettraient de percer ce marché. Je donne une des choses que, pour ma part, je souhaite que nous fassions, je pense que la chose a été ou sinon sera annoncée bientôt par le ministère des Affaires intergouvernementales. Nous avons analysé à fond la qualité de la représentation québécoise dans cette délégation au niveau culturel, pour nous rendre compte finalement que si on prend un pays comme la France, les Français ont besoin d'un type d'interlocuteur bien précis au niveau des Affaires culturelles, qui est une espèce d'ambassadeur de la culture, qui peut avoir des contacts avec les grandes institutions françaises et tout. C'est le type de conseiller culturel que nous avons eu, d'une façon traditionnelle. Mais il a été seul dans cette fonction. Lorsqu'il s'agissait de prendre des contacts avec ceux qui s'occupent d'industrie culturelle en France, qu'il s'agisse de livres, de disques ou d'autre chose, ce même interlocuteur n'a pas la polyvalence, la plupart du temps, qui permet de faire les deux fonctions. En d'autres mots, vous connaissez nos amis français. Si vous êtes celui qui a accès à la table du secrétaire général de l'Académie française, vous ne pouvez pas être le même qui va faire de l'antichambre chez Barclay avec les disques. Cela ne peut pas être la même personne. Cela va de soi. Si vous allez chez Barclay, vous ne serez pas reçu à l'Académie française. Ce n'est pas parce qu'on ne vous aime pas, c'est parce qu'il y a des niveaux et des hiérarchies à respecter. Je pense qu'on ne blesse personne en reconnaissant cette réalité. A partir de là, j'ai recommandé aux Affaires intergouvernementales, et la recommandation a été acceptée, que, dorénavant, dans les changements de structures qui sont en cours ou qui vont se produire au niveau notamment de la délégation à Paris, la représentation culturelle soit double. Qu'il y ait l'attaché ou le conseiller culturel tel qu'il est requis par la pré- sence du Québec en France sur le plan du prestige culturel, etc., soit, mais qu'il y ait aussi un pendant à cette personne et qu'il y ait au moins un conseiller, commençons pas un, qui s'occupe d'une façon spécifique et à plein temps — parce qu'il en a les qualités et la compétence — des industries culturelles. C'est peut-être le pas le plus important que l'on pourrait franchir au niveau de la présence québécoise, notamment en France, cette année. Si, au bout d'un an, on se rend compte que cela donne des résultats en France, on verra s'il n'y a pas lieu de faire la même chose dans les autres pays, mais commençons par la France, parce que c'est là qu'est le marché pour nous.

Incidemment, ces changements vont se faire au cours de l'été et il y aura, je pense, dès le mois de septembre, deux personnes plutôt qu'une à Paris, dont une sera chargée des Industries culturelles, et l'autre assumera les fonctions traditionnelles de conseiller culturel.

M. Charron: M. le Président, le ministre a signalé tout à l'heure que le budget de l'aide à la publication et à la vente du livre avait presque doublé cette année. J'aimerais qu'il explicite les raisons qui ont conduit à cette progression considérable. Je voudrais savoir sur quoi on s'est basé, à partir de quelle expérience, pour doubler l'aide à la publication et aux livres cette année. Est-ce parce que les fonds de l'année dernière, par exemple, ont été complètement épuisés et rapidement?

M. L'Allier: Essentiellement, les demandes qui nous sont présentées par des écrivains ou par des auteurs dans le cas de l'aide à la création littéraire et par des éditeurs dans le cas de l'aide à l'édition sont toujours deux fois, trois fois et parfois quatre fois supérieures aux ressources disponibles.

M. Charron: Quel est le partage entre l'aide à l'écrivain et l'aide à l'éditeur?

M. L'Allier: En 1976/77, l'aide financière à proprement parler se présentera de la manière suivante: L'assistance financière à la création sera de $140 000; l'aide financière à l'édition, de $548 000. Evidemment, il faut tenir compte du fait que l'assistance financière à l'édition revient toujours, d'une certaine façon, au créateur. Si on n'aidait pas l'éditeur, le créateur lui-même ne pourrait pas rédiger ou compléter son oeuvre. Mais les chiffres sont ceux-là, ce qui veut dire que, pour l'aide à la création, l'aide financière passe de $105 000 à $140 000 de 1975/76 à 1976/77 pour une augmentation de 33% et l'aide financière à l'édition passe de $139 000 à $548 000 pour une augmentation de 294%. Cela tient compte évidemment des demandes qui nous avaient été formulées dans le passé.

M. Charron: Est-ce que l'aide à l'édition se fait sur demande des maisons d'édition ou sur demande des écrivains pour édition de l'oeuvre?

M. L'Allier: Les deux cas sont possibles. Souvent, toutefois, l'interlocuteur privilégié du ministère est l'éditeur qui s'est vu soumettre un manuscrit par l'auteur et qui, présumant que le marché québécois ne réussirait pas à lui faire payer les frais de l'édition, demande une aide financière au ministère. C'est généralement l'éditeur qui est le principal interlocuteur du ministère plutôt que l'écrivain lui-même.

M. Charron: Pour ce qui est du budget d'aide à l'écrivain, il s'agit d'une véritable aide à la rédaction, c'est-à-dire d'un montant versé à certains écrivains indépendamment de l'édition future du livre pour qu'il le rédige. Donc, en fin de compte, c'est une bourse.

M. L'Allier: Il y a des jurys constitués pour examiner les demandes qui sont faites par des écrivains, mais toujours, l'aide est versée en fonction d'une demande très précise formulée pour la rédaction d'un ouvrage donné.

M. Bonnier: Est-ce qu'il ne s'agit pas à ce moment-là d'une aide à la recherche nécessaire à la publication d'un ouvrage?

M. L'Allier: Tout dépend de...

M. Bonnier: II me semble que c'était un peu ça dans le passé, on l'a interprété comme ça.

M. L'Allier: C'est-à-dire qu'on essaie de se donner des critères, on va au mieux, c'est la salière.

Tout dépend de l'auteur. Evidemment, si la demande est faite par un romancier, l'utilisation de la subvention ne sera pas la même que s'il s'agit d'un universitaire qui veut publier un ouvrage scientifique. Dans un cas, il s'agira de financer le manque à gagner de celui qui veut consacrer une partie de son temps à rédiger son oeuvre, tandis que, dans l'autre cas, ce sera pour financer des assistants de recherche, des travaux personnels de l'individu.

M. Charron: Les jurys sont formés quand, annuellement? Ils sont renouvelés annuellement?

M. L'Allier: Les jurys sont formés sur une base annuelle, à partir de listes de personnes qui sont soumises par les différents milieux. J'ai sur mon bureau de longues listes avec des recommandations du service et on essaie, autant que possible, année par année, de remplacer une partie des membres du jury, mais, encore là, on pourrait en parler très longtemps, c'est précisément une des choses que vise à corriger le Conseil de la culture. Il faut que les jurys soient connus, que les dates de formation des jurys soient connues, que les critères d'évaluation soient connus, que les montants disponibles à être distribués soient connus et que les critères d'allocation soient connus et il faut aussi qu'on ait une pondération régionale. On a, par exemple, une demande d'aide, de temps en temps, pour la publication d'ouvrages strictement régionaux, qui portent sur l'histoire de telle paroisse ou de telle chose.

Ces ouvrages tombent rarement dans les grilles d'aide du ministère, parce que ce n'est pas, en soi, de la littérature. Mais ce sera vendu à 1500 ou 2000 exemplaires, ce sera vendu dans la moyenne de ce qui se vend et de ce qu'il aide au Québec. Comme ça vient d'une région, que ça porte sur une ville, que cela a été écrit par un curé, ses marguilliers et que c'est la petite histoire, ça ne tombe pas dans les grilles. Il faut, par le régional, aider ce genre de choses.

Je ne peux pas en dire plus au député de Saint-Jacques là-dessus. C'est une situation. Qu'il s'agisse d'aide à la création, d'aide à l'édition où on a demandé par le passé à des gens qui s'y connaissent, de bonne volonté, qui sont eux-mêmes des écrivains ou qui sont des personnes reconnues, de faire partie de jurys, de donner des grilles d'évaluation, à partir d'une demande totale, disons de $500 000 de dépenser $50 000 ou $60 000 au mieux, en donnant des points à chacun; c'est comme ça que ça fonctionne. On donne des points et, au total, ceux qui ont plus de 70% ont droit à $1000, ceux qui ont plus de 80 ont droit à $2000 et ceux qui ont plus de 90, à $5000.

M. Charron: M. le Président...

M. Bonnier: Le maximum est de 5000?

M. L'Allier: Alors, cela peut aller légèrement plus haut que cela. Je vous donne cela comme exemple. Ce sont, en fait, des moyens d'administrer des ressources insuffisantes et à partir de critères qui ne sont pas généralement connus, mais qui sont basés essentiellement sur l'évaluation que les membres qui composent un jury se font de ce qu'il faut faire pour aider tel type d'expression culturelle.

M. Bonnier: Une petite question, M. le Président. Est-ce que, selon les commentaires que vous recevez de la part des écrivains, des poètes, etc., ces derniers aimeraient mieux que l'argent leur soit versé directement par le ministère pour les aider à écrire ou subventionner même leurs livres, plutôt que d'être versé à l'éditeur qui, bien souvent, porte un jugement de valeur sur l'oeuvre et qui peut la refuser?

M. L'Allier: Je n'ai pas de renseignements personnellement là-dessus, M. le Président. Les échos que j'ai des créateurs, c'est que, ce qu'ils demandent, dans un premier temps, c'est de savoir où s'adresser, comment s'adresser, à qui s'adresser, quels sont les normes et critères pour poser une candidature.

Que l'aide soit versée à l'éditeur, si les gens le savent à l'avance et s'ils connaissent les grilles à partir desquelles cette aide est versée, ils vont peut-être accepter les règles du jeu, sauf qu'actuellement, un jury peut décider, valablement — et cela libère largement le ministre de sa responsabi-

lité, bien que ce soit lui, qui, en définitive, prenne la décision — que le jury ne fait que recommander — couvre souvent l'absence de moyens d'intervention.

Le même problème se pose au niveau du Conseil fédéral des arts. On n'est pas ici pour étudier ces crédits, mais mon opinion est qu'au niveau du Conseil fédéral des arts, cela fonctionne à peu près de la même façon. Ce qui fait qu'il s'en sauve avec un peu plus d'honneur, c'est qu'il a plus d'argent et qu'il réussit finalement à satisfaire tous ceux qui méritent de l'être. On n'exige pas, à ce moment-là, d'avoir de politique très serrée quand on a l'argent pour aller avec. Comme nous, on n'a pas de ressources, c'est plus difficile.

M. Charron: M. le Président, pour conclure ce premier élément du programme, puis-je demander au ministre le montant des subventions versées cette année aux organismes professionnels du livre? Je sais que le ministère avait comme objectif de ne plus subventionner ces organismes, sauf pour des projets spécifiques. Il y a, entre autres, comme information recherchée, le montant accordé à la Foire internationale du livre de Montréal et au Salon du livre du Québec.

M. L'Allier: J'ai ici des montants qui ont été versés au cours de l'année 1975/76, parce que les demandes ne nous ont pas toutes été formulées pour 1976/77. Les associations du livre ont reçu $110 000. Je peux vous les donner par association, tandis que les expositions, les salons, les foires du livre ont reçu exactement le double, soit $220 000.

M. Charron: Comment le partage-t-on entre la Foire internationale du livre de Montréal et le cinquième Salon du livre de Québec?

M. L'Allier: En 1975/76, la Foire internationale du livre de Montréal a reçu $125 000 et le Salon du livre de Québec $80 000.

M. Charron: Dans le premier cas, celui de la Foire internationale du livre, est-ce qu'il y a eu une contribution fédérale?

M. L'Allier: Oui, il y en a eu une, mais je ne pourrais vous donner le montant exact.

M. Charron: L'année précédente, elle avait été de $500 000. Savez-vous si elle a été augmentée ou diminuée? On nous avait dit, ici, à la commission, que cela se ferait maintenant en concertation.

M. L'Allier: Je ne peux pas répondre à la question.

M. Charron: Quant au Salon international du livre de Québec, le ministre avait posé comme condition que les deux groupes qui revendiquent la paternité et cet événement maintenant devenu annuel s'entendent avant de verser quelque contribution que ce soit. Est-ce que la condition a été réalisée?

M. L'Allier: La condition a été réalisée, M. le Président, en ce sens qu'il y a un des deux groupes qui est mort de sa belle mort quelques jours avant la date limite pour l'entente. A vrai dire, il ne restait qu'un groupe en place; on a travaillé avec celui-là.

M. Charron: Est-ce qu'on peut s'attendre, sur le budget que nous sommes disposés à voter, que des sommes sont également prévues pour la Foire internationale de Montréal, si elle doit reprendre, et pour le Salon international de Québec, qui doit avoir lieu au printemps, donc sur cet exercice financier?

M. L'Allier: M. le Président, pour ce qui est de la foire de Montréal, les montants d'argent prévus au budget actuel, au budget qui vous est proposé pour adoption, sont pour défrayer les coûts de l'opération qui vient de se terminer, puisqu'il faut évidemment regarder les chiffres, les bilans de la foire du livre. On n'a pas d'engagement de pris pour la troisième foire du livre de Montréal, pas plus qu'on n'a d'engagement de pris pour le salon du livre de Québec.

L'engagement, si on peut parler d'engagement, pour ce qui est de chacun des deux organismes, est, quant au salon du livre de Québec, de rencontrer, dès l'automne les responsables de l'organisation du dernier salon, de nous assurer avec eux que l'organisation d'un éventuel salon soit représentative de l'ensemble des milieux, à Québec, qui s'intéressent au livre. Donc qu'on sorte de ces querelles de chapelle, moi-je-le-fais, toi-tu-ne-le-fais-pas et des choses comme cela. Troisièmement, que le salon du livre de Québec élargisse considérablement sa vocation culturelle et présente, d'une façon accessoire, d'autres types de manifestations culturelles non contradictoires avec un salon du livre.

J'ai parlé par exemple de disques. Il ne s'agit évidemment pas de construire autour des kiosques des discothèques où les gens pourront écouter des disques, mais il faut situer le disque parmi l'édition québécoise, puisqu'il y a un certain nombre d'éditions québécoises en matière de disques, et faire les liens entre cela.

J'ai indiqué au salon du livre de Québec que la participation financière du ministère ne serait pas augmentée, sauf pour tenir compte de cet aspect. En d'autres mots, si vous avez un groupe représentatif de ceux qui, à Québec, ont le souci de la promotion du livre, ils auront ou pourront bénéficier, pour l'organisation d'un prochain salon, de l'aide du ministère dans les mêmes dimensions que pour celui de cette année. Nous augmenterons notre participation, s'il y a augmentation de l'éventail des activités culturelles.

Pour ce qui est de la foire internationale du livre de Montréal, le problème est plus complexe. J'ai l'intention de l'aborder avec Guy Saint-Pierre, de l'Industrie et du Commerce, qui y était, à un moment donné, associé pour voir si, effectivement, c'est bien là la responsabilité du ministère des Affaires culturelles de verser une subvention de $100 000 ou $200 000 pour que se tienne à

Montréal ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'un salon de l'automobile appliqué au livre, c'est-à-dire la majorité de ce qui y est présenté, est, bien sûr, de l'édition francophone, mais proportionnellement, l'édition québécoise y trouve rarement son compte. L'éditeur québécois peut y trouver son compte à l'occasion. Le libraire québécois peut aussi faire des affaires, mais c'est d'abord et avant tout une foire commerciale internationale. Est-ce qu'il appartient au ministère des Affaires culturelles de fournir les ressources pour que se tienne une telle manifestation internationale? C'est ce que j'ai l'intention de revoir avec mon collègue Guy Saint-Pierre.

M. Charron: M. le Président...

M. L'Allier: Pour ma part, je n'ai pas de...

M. Charron: ... à l'élément 1...

Le Président (M. Pilote): L'élément 1 est adopté.

Bibliothèques publiques

M. Charron: Quant aux bibliothèques publiques, peut-être, un son de cloche désagréable à entendre. Rappelons-nous que le Québec est le bon dernier en ce qui concerne le réseau de bibliothèques publiques. Les dernières statistiques fédérales disponibles démontrent que, par habitant, comparativement à l'Ontario qui, elle, est, comme on le devine, la province la mieux nantie dans ce domaine, les bibliothèques publiques avaient trois fois et demie moins de livres, possédaient deux fois et demie moins d'imprimés, comptaient quatre fois moins de personnel, dont six fois moins de bibliothécaires professionnels. Enfin, notre bibliothèque aurait un budget total de $8 599 000, c'est-à-dire la contribution des municipalités comprises, contre $51 millions mis au même service dans la province, souventefois, comparée au Québec.

En Ontario 815 endroits différents dispensaient des services alors qu'au Québec nous avions, selon nos statistiques, 326 centres.

Je m'arrête là, parce que je sais que le ministre est aussi au courant que moi de cette situation déplorable. D'ailleurs, les dernières statistiques émanant du ministère même confirment une légère amélioration. La population a augmenté de 19,6%, le nombre de prêts a connu une hausse de 18%, le nombre de bibliothèques est passé de 71 à 110 et les livres ont fait un bond d'environ $1,8 million à plus de $5 millions.

J'aimerais cependant poser quelques questions pour vérifier s'il y a effectivement tendance au rattrapage au Québec dans ce domaine. Premièrement, en vertu du programme d'investissements quinquennal, accepté par le Conseil du trésor, le Québec devait avoir rejoint le reste du Canada il y a déjà quelques années.

Est-ce que la croissance du budget s'effectue normalement ou s'il y a restriction budgétaire qui nous retarde encore indéfiniment? Ces sommes seront-elles indexées et modifiées?

M. L'Allier: M. le Président, j'en profite d'ailleurs pour vous présenter, ce que j'aurais dû faire au début, mes collaborateurs qui sont ici avec moi: Claude Trudel, qui est sous-ministre adjoint; Pierre Boucher, qui était là tout à l'heure, qui est sous-ministre adjoint également; M. Barbin, qui est sous-ministre; Claude Fortin, mon directeur de cabinet; M. Matte, qui est directeur du service de la bibliothèque publique et M. Claude Monette, là-bas, qui est directeur général des arts d'interprétation et directeur du développement régional.

Pour la question des bibliothèques, vous savez que le Conseil du trésor a accepté un plan de développement des bibliothèques. La situation est telle que l'a décrite le député de Saint-Jacques. Pour une fois qu'on aurait un problème qui n'est pas dû à la gérance ou à l'ingérance du gouvernement fédéral, mais qui est un problème strictement québécois et depuis toujours, on peut peut-être en parler bien entre nous.

Nous avons effectivement énormément de rattrapage à faire, à tel point que, malgré le même ordre de programmes approuvés par le Conseil du trésor, c'est, quant à moi, ce qui m'a amené à me poser la question en regard de la politique du livre et de l'associer avec la politique de développement des bibliothèques publiques.

Les bibliothèques publiques, dans le Québec, subissent, parce que ce sont d'abord des bâtiments au moment de prendre des décisions, les mêmes contraintes que tous les lieux à construire, c'est-à-dire que les ressources pour y arriver augmentent actuellement moins rapidement que les coûts de construction. Or, une municipalité, qui a le choix entre une bibliothèque publique et une aréna et qui, il y a cinq ans, pouvait faire les deux, mais qui, maintenant, doit choisir entre les deux, compte tenu de l'aide qui est apportée à une aréna et de l'aide qui est apportée aux bibliothèques publiques, laquelle est inférieure à ce qui est apporté à une àréna, a bien des chances de choisir l'éducation physique et la glace artificielle qui, elles, peuvent, à certains points de vue, même s'autofinancer, ce qui n'est jamais le cas d'une bibliothèque publique. C'est ce qui m'a amené dans la livre vert à faire ce lien entre la bibliothèque publique et une politique de la lecture et une politique du livre. En d'autres mots, est-ce qu'on doit continuer à favoriser le développement des bibliothèques publiques à partir du plan de 1973? Ou est-ce qu'on ne doit pas voir si, un peu comme en Afrique, il n'y a pas des étapes qu'il faut franchir, c'est-à-dire que les Africains sont passés de la communication au tambour à la télévision sans passer nécessairement par le cristal de galène et la TSF qu'on a connus, etc.

J'en suis arrivé à la conclusion qu'il fallait maintenir le programme de développement des bibliothèques publiques tel qu'il avait été approuvé, même s'il devait lui-même connaître des ralentissements dus à l'augmentation des coûts aux municipalités pour fins de construire des bibliothèques.

En maintenant ce programme, toutefois, la proposition que je fais ici est de ne pas en augmenter les ressources d'une façon considéra-

ble autrement que tel que prévu dans le mémoire des programmes et l'augmentation des ressources venant donc favoriser, au sein de ces bibliothèques, un élargissement de leur vocation culturelle et leur polyvalence culturelle, un peu comme on a dit pour le salon du livre. Si la bibliothèque dans telle municipalité se développe suivant le plan de développement, elle aura droit aux ressources prévues au plan de développement. Si, par ailleurs, elle propose d'étendre son champ d'activités culturelles pour devenir un lieu où on fait plus que ce qu'on fait traditionnellement, il y aura des ressources supplémentaires qui y seront consacrées.

Quant à nous, les augmentations de budget que nous allons solliciter au cours des prochaines années et que nous allons voir seulement réaménager dès cette année, iront, si les conclusions sont positives évidemment au développement de ces points de dépôt de livres, de ces points de prêts qui vient donc suppléer à une des fonctions de la bibliothèque. Il est entendu que, dans ces points de dépôt, vous n'auriez pas accès uniquement aux livres courants, mais vous pourriez avoir accès sur catalogue à ce qui est disponible en bibliothèque. Ceci étant dit, c'est un peu une note préliminaire, je voudrais céder la parole à M. Matte qui pourrait répondre directement à vos questions sur les bibliothèques, puisqu'il est directeur du service.

M. le Président, le député de Saint-Jacques faisait mention tantôt de dépenses totales de $8 776 000 pour les bibliothèques publiques et cette statistique datait de 1973. L'an dernier, la statistique était de $10 millions, et, cette année, elle a augmenté de $3 millions et se situe maintenant à $13 395 500. Evidemment, c'est encore loin des $51 millions de l'Ontario. Mais je tiens à signaler ici que l'Ontario est considérée en Amérique du Nord comme un des Etats où les subventions sont considérables, même plus que dans certains Etats des Etats-Unis. C'est un système modèle si vous voulez, à la grandeur de l'Amérique du Nord. Evidemment, si nous comparons le Québec, nous sommes partis passablement en retard, mais je pense que nous arrivons et que nous suivons, et le plan de quinze ans qui avait été tracé dans le mémoire de programme se développe couramment, et je crois...

M. Charron: Avec la collaboration du Conseil du trésor à la réalisation du plan tel que présenté il y a quelques années.

M. L'Allier: Jusqu'ici, oui, sauf que dans le mémoire de programme, évidemment il n'avait pas été prévu l'augmentation considérable de l'inflation.

M. Charron: Est-ce que les nouvelles normes dont on avait parlé l'année dernière ont été officialisées et sont connues de tous?

M. L'Allier: Oui, M. le Président. Les subventions ont été accordées, cette année d'après les règles qui ont été émises et sanctionnées par le Conseil du trésor.

M. Charron: Dans le rapport annuel, je pense, on dit qu'on a octroyé des subventions cette année— je parle de l'année dernière, l'année dont on parle dans le rapport annuel— à 106 bibliothèques publiques, alors que, l'année précédente, on avait le chiffre de 111.

M. L'Allier: Oui.

M. Charron: Je suis étonné de cette diminution.

M. L'Allier: Oui, il disparaît de temps en temps certaines petites bibliothèques municipales qui ne peuvent pas tenir le coup par rapport aux subventions municipales, parce que vous savez que, dans les règles, il faut qu'une municipalité donne au moins $0.02 des $100 d'évaluation foncière imposable ramenée à 100%. Il arrive que certaines petites municipalités ne peuvent pas supporter cela. Mais, dans le cas de cette année, la diminution est plutôt due au regroupement des municipalités. Il y a certaines municipalités qui ont été regroupées. Evidemment, le nombre a diminué...

M. Charron: Comme Jonquière, Arvida, Kénogami...

M. L'Allier: Exactement!

M. Charron: ...qui sont devenues une seule ville.

M. L'Allier: Le cas de Gatineau, par exemple. M. Charron: Oui.

M. L'Allier: Donc, certaines municipalités étaient desservies par la Bibliothèque centrale de prêt de l'Outaouais, les petites municipalités qui sont devenues maintenant la ville de Gatineau. Tout ça fait qu'il y a diminution de municipalités desservies, mais, par ailleurs, une augmentation des populations desservies.

M. Charron: C'est l'explication que je cherchais. Il y a eu entente entre le ministère de l'Education et le ministère des Affaires culturelles quant aux bibliothèques de CEGEP et des commissions scolaires. De quel ordre est cette entente? De quelle nature est cette entente survenue entre les deux ministères?

M. L'Allier: Cette entente touchait les municipalités de moins de 20 000 habitants qui n'étaient pas capables de supporter une bibliothèque municipale, à condition qu'elles se conforment à l'article 2a comme toute bibliothèque municipale et qu'elle donne aux CEGEP une contribution municipale de $0.02 les $100 d'évaluation foncière imposable.

Il n'y a qu'un cas où on a manifesté le désir

d'organiser une telle bibliothèque. C'était dans la ville de Gaspé, qui est la ville regroupée, je pense, une des villes les plus considérables du Canada. Il y a des petites municipalités situées à peu près à 80 milles de Gaspé même. Je pense que c'est un cas spécial qu'il faudra traiter d'une façon spéciale avec la bibliothèque centrale de prêts. Nous sommes allés sur place et, après avoir discuté de la chose pendant un après-midi, le maire et les autorités du CEGEP ont conlu que, finalement, il valait peut-être mieux attendre plutôt que de s'impliquer dans un tel projet.

M. Charron: J'ai lu quelque part, dans un document émanant de Multi-Media, de groupes travaillant à l'intérieur de Multi-Media — je la donne sous toute réserve, mais il me semble que la statistique est importante et j'aimerais entendre vos commentaires — sur une étude effectuée auprès de 279 bibliothèques d'écoles secondaires, que 26% seulement de ces bibliothèques se déclaraient ouvertes à la population, c'est-à-dire qu'en plus des étudiants fréquentant l'institution, seulement 6% ouvraient en soirée et 0,4 ouvraient le samedi.

Je ne sais pas si c'est la statistique générale encore là, mais c'est certainement une indication de la part des autorités scolaires, si on calcule les réserves intellectuelles en livres qu'elles possèdent et si on souhaite, comme la plupart des membres de la commission le souhaitent, l'ouverture de ces ressources à la population parce que c'est finalement elle qui paie, est-ce que cette proportion est réaliste ou non? J'ai dit que je la donnais sous toute réserve. Et quels ont été les gestes émanant de la direction générale du ministère pour favoriser l'accès du public aux bibliothèques scolaires?

M. L'Allier: Evidemment, l'accès des bibliothèques scolaires ne peut être faite parce qu'au fond, ce sont les mêmes taxes, je pense, qui sont versées par les contribuales. Alors, n'importe quelle commission scolaire pourrait... Elle peut très bien ouvrir ses locaux à la population puisque ce sont des taxes provenant de la population.

M. Charron: Pour les commissaires qui décideraient une pareille chose, il leur faut, évidemment, prévoir du personnel.

M. L'Allier: Sur ce point, M. le Président, si je peux ajouter ceci. C'est un des problèmes, effectivement, que nous avons constatés et qui m'ont frappé de façon considérable.

Les spécialistes en bibliothéconomie vous diront que les clientèles, pour les bibliothèques scolaires et pour une bibliothèque publique, ne sont pas les mêmes, que les exigences de conservation ne sont pas les mêmes, que les contenus des deux bibliothèques doivent être différents et sont effectivement différents, ce qui peut, probablement se vérifier.

Il n'en reste pas moins que le problème qu'on a soulevé dans le cadre du développement des bi- bliothèques publiques ne peut pas se dissocier, je pense, d'un sondage ou d'une étude assez profonde auprès du ministère de l'Education dans la révision, éventuellement, de ses normes d'implantation de bibliothèques scolaires. Si on regarde les ressources qui sont consacrées aux bibliothèques scolaires, c'est hors de proportion avec les ressources consacrées à la lecture publique. Or, ce problème, on peut le traîner, on peut garder le ministère de l'Education dans son propre circuit, mais on peut aussi proposer, au risque de se faire renvoyer comme des malotrus, d'étudier la révision complète de ce qui est maintenant une bibliothèque scolaire, compte tenu du fait que les étudiants ou les élèves ne passent plus de temps à l'école, finalement. Ils y vont pour les leçons et ils en sortent à 3 h 30. La bibliothèque, automatiquement, devient un lieu de référence à partir d'un certain niveau, dans certains secteurs spécialisés. Alors, les ressources pour l'acquisition de livres se retrouvent beaucoup plus là que dans les bibliothèques publiques. De la même façon qu'on peut le faire dans d'autres domaines. La question que je pose, en tout cas, dans le livre vert, est la suivante: Est-ce qu'on ne devrait pas, carrément, revoir toute cette question et faire en sorte que la bibliothèque publique soit la bibliothèque accessible à tous les citoyens, même ceux d'âge scolaire, ne conservant dans les écoles que des comptoirs de prêts s'approvisionnant dans les bibliothèques, pour ce qui est du livre de consultation, ou certains ouvrages plus directement reliés à l'enseignement? C'est une chose qu'il faudra étudier au risque de froisser et d'offenser même les bibliothéraires spécialisés. Les ressources nous obligent à faire ce genre de réflexion. Si on était déjà en avance sur tout le monde, on n'aurait pas à réfléchir ainsi, mais les ressources disponibles nous obligent à faire ce genre de réflexion.

M. Déom: II y aurait peut-être eu la solution inverse, qui permettrait de pallier les problèmes de construction, parce que les bibliothèques scolaires sont déjà en place. Vous parliez tantôt des coûts de construction et de la difficulté de suivre. Il y a peut-être l'inverse à faire, c'est de forcer... Peut-être pas forcer, mais je veux dire...

M. L'Allier: II faut certainement revoir cela...

M. Déom: ... les commissions scolaires à ouvrir leurs bibliothèques ou à changer les normes de...

M. L'Allier: On va peut-être le répéter souvent, M. le Président, mais quand on parle d'un rôle d'intervention au ministère des Affaires culturelles, c'est précisément ce que cela veut dire au niveau du ministère de l'Education. C'est exactement ce que cela veut dire, en ce qui me concerne, savoir faire en sorte que les ressources du ministère de l'Education ne soient pas cantonnées et limitées aux simples exigences pédagogiques ou professionnelles du milieu pédagogique, mais qu'elles servent aussi, dans toute la mesure où les maria-

ges sont possibles, aux fins de la diffusion culturelle. C'est peut-être là un des gros problèmes qu'on aura à régler avec le ministère de l'Education. Je ne sais pas comment ces gens réagiront aux propositions de discussion qu'on leur fera, mais j'ai bien l'intention de l'aborder de front avec eux.

M. Lapointe: Est-ce qu'on peut savoir combien il existe d'ententes entre les municipalités et les commissions scolaires pour l'utilisation des bibliothèques scolaires? A ma connaissance, dans ma région, il existe une municipalité, L'Annonciation, qui a une entente avec la Commission scolaire régionale Henri-Bourassa et la bibliothèque de la polyvalente est ouverte au public. Est-ce que vous connaissez plusieurs cas à travers le Québec?

M. L'Allier: II n'y a pas de statistiques précises là-dessus, parce que, évidemment, les commissions scolaires ne sont pas du ressort des... Mais les municipalités peuvent passer des ententes avec les commissions scolaires sans que nous le sachions. Parce qu'à ce moment-là, il ne s'agit pas de bibliothèques publiques, il s'agit d'une entente entre une municipalité et une commission scolaire. Je sais, par ailleurs, qu'il y a certaines ententes, par exemple, dans le nord de Montréal, avec les commissions scolaires, mais nous n'avons pas de statistiques précises là-dessus, parce qu'il s'agit d'une chose du ministère de l'Education.

M. Lapointe: Ce serait facile d'obtenir des chiffres par le ministère de l'Education, ce serait intéressant de savoir de quelle façon sont utilisées toutes les ressources...

M. L'Allier: Je crois que le ministre en parle dans son livre vert et il serait très important de savoir les collaborations qui existent à l'heure actuelle de ce côté et ce que cela a donné. Il y a eu certaines expériences qui ont été faites au Québec et ailleurs dans ce domaine et disons que, jusqu'ici, les résultats n'ont pas été tellement probants en faveur de la fusion...

Cela se comprend assez bien, parce que ce qui est, la plupart du temps, acquis par les bibliothèques scolaires, n'est pas nécessairement ce qui intéresse une population locale ou ce qui intéresse la population locale s'y retrouve d'une façon tellement parcimonieuse que les citoyens qui se présentent à la bibliothèque scolaire nouvellement ouverte et qui demandent tel ou tel ouvrage qui n'est pas disponible, un deuxième qui n'est pas disponible, s'ils font ça quatre ou cinq fois, ils n'y vont plus, parce que le service n'est pas là. Par ailleurs, lorsqu'ils voient sur les rayons des milliers d'ouvrages, ils se demandent ce qu'on fait effectivement et ce qu'on achète. Parce qu'ils veulent lire un livre dans l'année et elle ne l'a pas. Ils parlent avec leur voisin qui a eu le même problème et avec le cousin qui a eu la même chose.

M. Charron: Cela implique évidemment un échange de vocation; un jour, si la bibliothèque scolaire s'ouvre à l'ensemble du public, ça varie un peu ses acquisitions.

M. L'Allier: Cela change les normes, mais ça rejoint la politique de lecture, ça rejoint la politique du livre. C'est pour ça que ces choses sont interreliées.

M. Charron: M. le Président, j'aurais une dernière question au sujet des bibliothèques, avant la suspension des travaux. Ce ne sont pas toutes les populations, toutes les municipalités, qui peuvent avoir une bibliothèque, quelles que soient les normes. Plusieurs d'entre elles — en fait, c'est presque 40% de la population — sont des municipalités qui doivent plutôt compter sur les services de la banque centrale de bibliothèques publiques.

Je voudrais savoir si l'échéancier prévoyant l'établissement de douze bibliothèques centrales, alors qu'il y en a quatre actuellement, sera suivi ou est affecté par les restrictions budgétaires.

M. L'Allier: II est suivi, il est parfaitement suivi et, cette année, nous installerons la bibliothèque centrale de prêts du Nord-Ouest du Québec. Evidemment, nous essayons de couvrir les régions les plus vastes et les plus démunies au point de vue de bibliothèques publiques. Après avoir installé celle du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, c'est maintenant le tour de la bibliothèque du Nord-Ouest.

J'ajouterais à cela que non seulement il est suivi, M. le Président, mais s'il est possible, en cours d'année, de procéder à des réaménagements budgétaires, ce programme sera, quant à moi, accéléré.

M. Charron: Bien, M. le Président, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Pilote): L'élément 2 est adopté. Elément 3: Bibliothèque nationale?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Pilote): Adopté. Alors, nous serons rendus au programme 2. La commission ajourne ses travaux à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 30

M. Pilote (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'odre, messieurs!

La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications continue l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles.

Sont membres de la commission: M. Bellemare (Johnson), M. Bérard (Saint-Maurice), M. L'Allier (Deux-Montagnes), M. Charron (Saint-Jacques), M. Choquette (Outremont), M. Côté (Matane), M. Bonnier (Taschereau), M. Déom (Laporte), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Morin (Sauvé) qui remplace M. Léger (Lafontaine); M. Parent (Prévost), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Tardif (Anjou), M. Veilieux (Saint-Jean).

Nous étions rendus au programme 2, sauvegarde et mise en valeur des biens culturels, élément 1, conservation et utilisation des archives.

Les archives

M. Morin: M. le Président, avec votre permission, j'aurais quelques observations à faire au sujet des archives.

Avant d'aborder la question de la gestion des archives administratives, à laquelle je voudrais consacrer quelque temps, j'aimerais examiner l'état des archives au Québec et la question de l'accès donné aux citoyens qui veulent les utiliser. Vous savez qu'il y a trois grands dépôts d'archives au Québec: Trois-Rivières, Québec et Montréal. Ceux de Québec et Montréal renferment les greffes de tous les notaires qui ont pratiqué avant 1875, ainsi que tous les registres d'état civil établis avant cette date. Je dis tous les registres, c'est une façon de parler. On peut dire qu'en principe tous les registres de l'état civil y sont, mais, de fait, beaucoup de documents ont été détruits ou égarés, de sorte qu'une consultation, même rapide, de la section de généalogie, par exemple, montre qu'il existe des lacunes importantes, qu'il faudra s'employer à combler un jour ou l'autre.

A l'heure actuelle, le service offert à Montréal n'est pas disponible à Québec le soir. Il semble qu'en raison des restrictions budgétaires, les archives ferment le soir après cinq heures, de même que les fins de semaine. Cela peut paraître un problème mineur, mais, pour les chercheurs qui, souvent, doivent travailler pendant la journée et se consacrent à leurs recherches le soir ou en fin de semaine, il paraît aberrant qu'un tel service ne soit offert que de 9 heures à 5. Pour beaucoup c'est, dans les faits, leur enlever la possibilité de se servir des archives, lesquelles existent justement pour permettre la consultation populaire.

Récemment, je recevais, comme d'autres usagers des salles de consultation, un formulaire du responsable de la section des manuscrits qui nous apprenait qu'en raison des mesures d'austérité, "le ministère des Travaux publics nous annonce qu'un surveillant sera retiré de son poste à la salle de consultation". Il s'agit de la salle située au musée des Champs de bataille, à Québec. Cette mesure entraînerait la fermeture de la salle, à l'heure du midi, et le soir, de 5 à 11 heures, ainsi que les fins de semaine. On sait que les archives étaient ouvertes tous les soirs, jusqu'à 11 heures, ce qui les rendait accessibles à beaucoup de gens, qui ne peuvent les fréquenter pendant la journée. Effectivement, il m'est arrivé de trouver, le soir, cette salle littéralement remplie de chercheurs.

Ma première question serait la suivante: Est-il possible de revenir à une solution plus civilisée que celle qui prévaut à l'heure actuelle? Quelles sont les intentions du ministre? Veut-il maintenir ce régime d'austérité fort peu favorable à la recherche ou songe-t-il à trouver un moyen de rendre les archives accessibles le soir et en fin de semaine?

M. L'Allier: Je réponds maintenant. M. le Président, pour répondre à cette première question du chef de l'Opposition, je dois lui dire que la situation qu'il signale est en tout point déplorable. Mais il l'a indiqué lui-même, par l'avis qu'il a reçu, c'est une décision qui vient des mesures d'austérité au ministère des Travaux publics et c'est le ministère des Travaux publics qui assume la surveillance physique des lieux où les archives peuvent être accessibles au public et en particulier aux chercheurs. Dans cette optique, nous allons par tous les moyens tenter de corriger cette situation et de faire en sorte que les archives soient disponibles aux chercheurs en tout temps où les chercheurs ont besoin d'y accéder.

Deuxième point corollaire à cette question, la question d'accessibilité aux archives suppose évidemment des réaménagements de locaux et de lieux pour les archives et nous travaillons actuellement — on pourra vous donner plus de détails si cela vous intéresse — à relocaliser les archives à Québec, du moins partiellement, pour faire en sorte que ces archives puissent être traitées et rendues accessibles à ceux qui veulent les consulter. Tout le problème des archives est extrêmement complexe et, en même temps, il est simple. C'est un problème de ressources, c'est un problème de sensibilisation de ceux qui, au ministère, mais surtout au niveau des autorités décisionnelles en matière budgétaire, le Conseil du trésor en particulier, ne sont pas toujours — il faut l'admettre — conscients de l'importance qu'il y a, non seulement de conserver les documents, mais de les traiter et de les rendre accessibles.

Le problème se pose à Montréal d'une façon aiguë. Nous avons commencé une opération de régionalisation et ce que nous indiquons comme intentions dans le livre vert au sujet des archives, de leur traitement, de leur mise en valeur, constitue pour nous le guide d'action, non seulement pour cette année, mais pour les quelques prochaines années en matière d'archivistique.

Le document qui se retrouve au livre vert est très largement inspiré du rapport annuel du conservateur en chef des archives, M. Vachon, qui n'occupe plus son poste, qui a démissionné, pour retourner...

M. Morin: L'ancien conservateur?

M. L'Allier: L'ancien conservateur. C'est largement inspiré de ses commentaires. D'ailleurs, je l'ai indiqué au livre vert, au début du chapitre sur les archives, j'ai indiqué que les propositions d'action que nous retenons sont effectivement celles de celui qui a dirigé les archives et qui, mieux que n'importe qui, en conçoit à la fois les problèmes et l'importance pour le Québec.

M. Morin: Son départ est un vilain coup pour les archives, mais je reviendrai là-dessus, plus tard. Pour l'instant, je voudrais demander au ministre ce qu'il compte faire de concret à l'égard des Travaux publics. C'est tout de même une situation paradoxale que la surveillance des archives soit confiée aux Travaux publics. Quand on songe qu'aux archives publiques du Canada, par exemple, certaines sections sont ouvertes 24 heures sur 24, pour faciliter la recherche! Nous nous trouvons devant une situation, vous le reconnaissez vous-même, M. le ministre, tout à fait inacceptable. Allez-vous tenter de récupérer ces postes de surveillants pour le ministère des Affaires culturelles de sorte que vous ayez l'autorité sur ces personnes ou vous en remettre aux Travaux publics?

M. L'Allier: Sur ce point, je demanderais à M. Barbin de répondre en détail à votre question, mais cela fait partie aussi de l'orientation que nous prenons, à savoir, bien sûr, récupérer ces forces; mais d'une façon peut-être plus positive et, à long terme, intervenir auprès du ministère des Travaux plublics pour que ce ministère tienne compte d'un certain nombre de contraintes propres au développement du secteur culturel, qu'il s'agisse de conservation ou de mise en valeur de biens culturels, dont les archives sont partie.

Toutes les démarches ont été entreprises depuis plusieurs mois auprès des Travaux publics pour obtenir de reloger convenablement, et d'une façon plus prestigieuse et plus pratique aussi pour les chercheurs, les archives qui sont actuellement à Québec, isolées et séparées à trois ou quatre endroits.

Les Travaux publics nous assurent que d'ici quelque temps, et assez rapidement, on saura trouver aux archives un site à la hauteur de l'importance qu'on veut leur confier. Quant au personnel qu'on doit leur affecter, tenant compte des gels des effectifs, il reste, pour nous, cette bataille importante devant le Conseil du trésor, et nous la livrons actuellement. Je crois que, du côté du Conseil du trésor, on est de plus en plus convaincu qu'on doit donner aux archives administratives et historiques l'importance et la place qui leur conviennent. C'est une question de mois, avant de régler ce problème qui traîne depuis trop longtemps.

M. Morin: Puisque vous abordez la question du lieu, puis-je vous demander une précision? On dit, dans les milieux des archives, qu'il est question de les reloger au palais de justice de Québec. Est-ce effectivement une possibilité?

M. L'Allier: Ce n'est pas exact, à court terme. Je ne pourrais me prononcer sur un lieu, parce qu'il y a des négociations actuellement en cours avec des locateurs. L'hypothèse voudrait que l'on essaie de situer les archives à un endroit où on pourrait asses rapidement, d'ici quelques mois, d'ici l'automne, pouvoir les loger près des lieux où se trouve le plus grand nombre de chercheurs, et les rendre accessibles au public. Faisons l'hypothèse que ce pourrait être dans l'environnement de l'Université Laval et à un endroit très accessible au public.

Les autres hypothèses qu'on peut bâtir sont plausibles, mais d'ici quelques années seulement. Ce n'est pas possible pour nous, à ce moment-ci, parce que le problème est trop urgent. Il faut essayer de le régler dès cet automne.

M. Morin: L'environnement de l'Université Laval est certainement favorable, mais avez-vous songé qu'il y a de nombreux fonctionnaires qui fréquentent ces archives? Avez-vous songé aussi qu'un jour les archives administratives, dont j'ai l'intention de vous entretenir tout à l'heure, devront être intégrées aux archives du Québec, de sorte que l'Université Laval n'étant pas située exactement dans le voisinage des édifices gouvernementaux, cela pourrait créer un problème?

M. L'Allier: Nous avons songé à cela, mais il y a des problèmes urgents qui font que les édifices disponibles, et qui pourraient se situer près des édifices parlementaires ou du centre-ville, ne le seront pas avant quelques années. On a fait des études pour situer à l'ancienne Université Laval. Les études des ingénieurs nous révèlent que ce n'est pas possible, sans faire des transformations trop importantes à de vieux bâtiments, parce qu'il y a des exigences d'ingénieurs, des exigences techniques assez considérables pour loger des archives. Toutes ces contraintes font que nous essayons de trouver la meilleure solution, dans le plus court terme.

Si nous étions capables de réaliser ce que vous dites, nous le ferions sûrement; mais il y a des contraintes que nous ne pouvons contrôler.

M. Morin: Dans une perspective plus lointaine, avez-vous songé à loger vos archives dans un bâtiment spécialement conçu à cette fin, et affecté exclusivement aux archives de l'Etat?

M. L'Allier: Nous pouvons dire que nous avons songé à bien des choses, par rapport à cela, mais il y a des contraintes qui s'appellent les Travaux publics, auxquels nous sommes soumis, comme tout ministère. Ce ministère n'a pas l'intention de nous donner des fonds pour construire de nouveaux édifices au cours des prochaines années. On me dit que c'est une politique gouvernementale. Devant ces contraintes, il nous faut essayer de trouver les locaux à louer qui correspondent aux besoins des archives. La liberté d'action que nous avons actuellement est assez limité.

M. Morin: Du côté de l'Université Laval, il y a

très peu de vieux bâtiments. Parliez-vous du nouveau campus ou de l'ancienne Université Laval?

M. L'Allier: J'ai parlé de l'environnement. M. le Président, je pense qu'on ne peut pas aller tellement plus loin dans la désignation des lieux. Il s'agit esentiellement de bâtiments relativement neufs, qui ont peut-être une quinzaine d'années d'existence tout au plus, ceux auxquels on songe. Comme les négociations sont en cours, cela risquerait de créer des situations. Je pourrai personnellement le dire tout à l'heure au chef de l'Opposition, mais il s'agit essentiellement d'espace sur plain-pied et qui serait facilement accessible à pied de l'université. C'est une solution à court terme, les solutions à long terme comportant soit le recyclage de bâtiments nouveaux dans l'optique d'une construction d'un palais de justice à Québec, par exemple, sous d'autres formes d'utilisation de bâtiments anciens et la construction nouvelle d'un bâtiment spécifiquement affecté aux archives étant dans cette optique considérée comme une des dernières solutions.

En fait, nous essayons, chaque fois que c'est possible, d'utiliser des bâtiments existants aux fins de leur mise en valeur utilitaire au cours des années présentes plutôt que de les condamner et de ne pas savoir quoi en faire. Le sous-ministre l'a indiqué, la conservation des archives suppose des contraintes physiques assez importantes, la por-tance des lieux au pied carré, des choses comme cela. Donc, on ne peut effectivement, sans construire de bâtiments neufs, loger des archives sur plusieurs étages de bâtiments anciens, par exemple, à cause du poids des documents, à cause de toute une série de contraintes imposées par la technologie. A court terme, je pense que nous pourrons trouver dès l'automne la solution à nos problèmes, si cette négociation aboutit, telle qu'elle est engagée, et cette solution augmenterait considérablement les espaces disponibles pour les archives, tout en les rendant accessibles, dans un premier temps en tout cas, au monde universitaire.

M. Morin: Serait-ce l'occasion de regrouper non seulement les archives qui se trouvent aux Plaines, mais également les services de la rue Ber-thelet et ceux de la côte de La Montagne, le service iconographique également?

M. L'Allier: Exactement.

M. Morin: Je voudrais aborder un problème connexe, celui des archives privées. Il y a, au Québec, de très nombreuses archives qui se trouvent encore dans les familles. Récemment, j'ai pu voir, aux archives de Montréal, un lot informe déposé dans un coin. C'étaient les archives d'Honoré Mercier, qui ont été récupérées tout à fait par hasard, parce qu'une descendante, je ne sais plus si c'est une fille ou une petite-fille de l'ancien premier ministre, a décidé d'appeler les archives avant de jeter "tout cela". Cette personne a été plus intelligente que beaucoup d'autres qui ont jeté leurs archives. Je pense que le ministre en connaît des exemples comme moi. Il y a un greffe de notaire, qui, il y a quelque temps, a de la sorte été jeté comme constituant autant de "vieux papiers" par un descendant du notaire en question.

Cela pose le problème de la récupération par les archives du Québec, parce que, bien sûr, si nous sommes négligents, d'autres sont à l'affût. Je voyais récemment, par exemple, Radio-Canada organiser un genre de concours de correspondance ancienne, laquelle pourrait donner lieu à des reconstitutions historiques et à des programmes de Radio-Canada fondés sur cette correspondance. C'est une façon fort intelligente d'aller chercher des dépôts d'archives et de correspondance qui sont souvent importants. J'ai moi-même vécu une ou deux expériences inusitées récemment, qui m'ont permis de constater que, dans les greniers de certaines familles, se trouvent des papiers, de la correspondance, des contrats, des expéditions de notaires, toutes archives qui me paraissent importantes, quand ce ne sont pas, en outre, des archives iconographiques.

N'y aurait-il pas intérêt à ce que vos services d'archives fassent une campagne— je ne sais si le meilleur moyen serait une campagne de publicité— de récupération de toutes ces archives privées, en faisant savoir aux Québécois que s'ils ont de vieux papiers dans leur grenier ou dans leur sous-sol, de ne pas les jeter sans avoir attiré l'attention des archives sur leur contenu. Il s'est déjà perdu beaucoup de choses importantes. Il serait temps que l'Etat prenne l'initiative de récupérer cela.

M. L'Allier: Je pense que la question du chef de l'Opposition est très pertinente, cependant, elle va un peu à l'encontre de l'action que nous proposons au livre vert. Je ne sais pas s'il sera d'accord avec l'action que nous proposons, mais plutôt que de chercher au niveau du ministère des Affaires culturelles ou des archives nationales à assumer directement la responsabilité de ce type d'archives, archives privées, qui doivent être soumises à un préarchivage assez important, et pour lequel il faut des ressources considérables, que nous n'avons pas actuellement, nous souhaitons faire ce genre de campagne, mais par l'entremise des sociétés locales de conservation, des sociétés historiques, en leur donnant des ressources qui permettent d'associer une forme de bénévolat qui se rend de plus en plus disponible au traitement primaire des archives. C'est en ce sens que nous voulons travailler.

En d'autres mots, nous souhaitons associer de très nombreuses sociétés historiques, des sociétés de conservation, qui existent en région, pour que puissent se traiter sur place, là où elles existent, ces questions d'archives et de patrimoine en général, mais d'archives en particulier et trouver avec elles des lieux de conservation intérimaires, quitte à ce que, dans les années qui viennent, les spécialistes en archivistique puissent visiter ces dépôts, analyser ce qui mérite de faire partie des archives nationales, identifier ce qui doit faire

partie des archives régionales — c'est un autre aspect du livre vert — nous souhaitons favoriser le maintien d'archives régionales qui font que cette région puisse avoir son propre patrimoine identifié à la région. Je pense, en particulier ici, aux archives des notaires, aux dépôts des greffes des notaires. C'est par le biais des sociétés et des groupes existants que nous souhaitons avoir l'action que propose le chef de l'Opposition.

Il a fait mention de Radio-Canada. Je m'en voudrais de ne pas saisir cette occasion pour souligner que, si Radio-Canada veut s'intéresser aux archives, j'en suis fort heureux, mais elle devrait s'intéresser à ses propres archives. Quand on sait qu'il y a des émissions de télévision, en particulier, qui sont détruites presque automatiquement après cinq ans et que des séries comme Les Plouffe ne font plus partie des archives de Radio-Canada. Radio-Canada a un problème à régler avec ses propres archives. Qu'on s'occupe d'abord de conserver ce qui, dans les archives de Radio-Canada, mérite de l'être, je pense qu'après cela Radio-Canada pourra s'occuper des archives privées de M. X et de Mme Y.

Quoi qu'il en soit, le fait qu'il souligne est exact. De notre côté, de la même façon que nous avons suscité cette année la tenue, pour la première fois, d'une semaine du patrimoine, nous souhaitons greffer autour de cette semaine du patrimoine, dans les années à venir — semaine qui, en passant, n'est pas organisée par le ministère, mais favorisée par le ministère, rendue possible, dans bien des cas, par le ministère, semaine qui est sous la responsabilité de tous ceux qui chez eux, dans leurs régions, localement, veulent regrouper, dans la semaine qui précède la semaine nationale, des activités qui touchent le patrimoine— dans le cadre de ce type d'activités, éveiller l'attention des citoyens à la conservation de leurs biens, à l'identification de leurs biens et, dans un deuxième temps, à la mise en valeur de ces biens.

C'est donc extrêmement important, et si j'avais à faire des choix dans l'ensemble des activités du ministère, y compris à l'intérieur du patrimoine, je pense que le domaine des archives, précisément parce qu'il n'a aucune ou très peu de perception globale, au niveau des administrations, et même de la population, est un problème dont il faut s'occuper très rapidement. Ces pièces s'envolent, elles vont faire partie des archives à l'étranger ou au gouvernement fédéral. Quant à nous, ce sont des documents extrêmement importants qui disparaissent.

Il y a tout le problème de l'accessibilité aux archives. Je pense que le chef de l'Opposition a eu l'occasion comme moi d'aller visiter les archives à Montréal. Il faut dire qu'on peut le faire, mais il ne faut pas avoir peur des rats ni des souris pour aller visiter les archives de Montréal. Les conditions de conservation et de mise en valeur des archives sont absolument déplorables et, dans bien des cas, pénibles.

Or, il est un aspect qu'il m'apparaît important de mettre de l'avant, du côté des archives, c'est précisément de trouver des façons d'en arriver à ce que les gens comprennent que les archives leur appartiennent, elles n'appartiennent pas à l'Etat, que ce n'est pas la responsabilité exclusive de l'Etat que de conserver et de mettre en valeur les archives, mais que nous ne sommes là souvent que pour les aider à le faire. Ce message, nous ne l'inventons pas, nous le prenonsde ceux qui déjà, en régions s'occupent, commencent à s'occuper de leurs propres affaires dans ce domaine. Il faut donc aller dans cette direction et, d'une façon accélérée, reconnaître que la centralisation des archives n'est pas la solution, que nous devons favoriser des dépôts régionaux d'archives, la régionalisation de nos ressources en matière de conservation et de mise en valeur. Nous aurons, au cours des prochains mois, l'occasion, je pense, de montrer, à partir de projets concrets qui viennent des régions, notre volonté de respecter la volonté régionale de conservation et de mise en valeur des archives.

M. Morin: Dans mon esprit, il ne s'agit pas de tout centraliser à Montréal ou à Québec et d'aller chercher les papiers anciens partout où ils se trouvent. On peut souhaiter que les familles conservent les dépôts d'archives qu'elles possèdent, sauf s'il s'agit de pièces de première importance qui doivent être mises en sûreté. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'archives locales. D'ailleurs, il en existe un ou deux cas au Québec. Je pense en particulier au petit musée qui a été mis en place grâce aux efforts de la Société d'histoire de Longueuil. C'est un début. Il doit également exister des archives régionales. Enfin, pour les pièces les plus importantes, les archives nationales sont indiquées. Mais, le sens de ma question était autre. Je voudrais faire sentir au ministre l'urgence qu'il peut y avoir de sauver certains dépôts d'archives avant que les gens ne mettent "tout cela" à la poubelle, comme cela s'est vu...

M. L'Allier: Et on en fera des poubelles.

M. Morin: Ou bien qu'ils ne vendent au premier venu qui se présente en lui disant: "Vous n'auriez pas des vieux papiers? Je paie cela à tant la livre". Ou bien encore les Archives publiques du Canada sont déjà passées. On peut imaginer toute une série de catastrophes de ce genre. C'est pour ces raisons que je veux souligner l'urgence de sensibiliser la population à l'importance de certains "vieux papiers" qu'elle peut avoir entre les mains. Il y a dix ans, les gens n'étaient pas sensibles, par exemple, aux vieux meubles qui étaient au grenier. Ils se sont fait vider leurs greniers. Aujourd'hui, dans les campagnes québécoises, ou les gens nous disent: Ah! Si on avait su! Mais, s'ils savaient, justement, que leurs vieux papiers sont peut-être même plus importants que leurs vieux meubles, je crois qu'on pourrait éviter certains avatars.

Le ministre ne croit-il pas opportun, sinon de récupérer, pour les gens qui seraient enclins à jeter leurs papiers, du moins sensibiliser les gens à

l'importance de conserver ces papiers et, après en avoir fait le dénombrement, d'en faire connaître l'existence au moins à une société d'histoire locale, sinon à l'Etat même? Le ministre a sans doute circulé un peu dans les dépôts d'archives, au Québec. Il y en a qui sont fort importants. J'ai eu moi-même l'occasion, il y a quelques années, de découvrir un dépôt d'archives au Séminaire de Saint-Hyacinthe, dont le contenu est à peine connu des archives nationales du Québec. Il y a là de la correspondance de Papineau, d'Augustin-Norbert Morin, il y a des choses fort importantes pour la période de 1837 et la période de l'Union des deux Canadas. Là, il n'y a pas de danger, parce que les dirigeants du Séminaire connaissent la valeur de ce qu'ils ont entre les mains; ils voudraient même que Québec s'y intéresse plus que ce n'est le cas. Je songe avant tout aux dépôts privés, aux familles qui ont encore des papiers, ne devrait-il pas y avoir une campagne? Je ne sais pas, je ne connais pas les moyens, c'est aux spécialistes à nous dire ce qui serait utile. Une campagne de publicité qu'on pourrait faire sur le thème: Ne jetez pas vos vieux papiers, ils ont peut-être de la valeur.

M. L'Allier: Je suis entièrement d'accord avec le chef de l'Opposition là-dessus, mais, encore une fois, nous souhaitons le faire à partir des liens que nous commençons maintenant à établir avec les sociétés de conservation et avec les sociétés d'histoire pour que, précisément, ce soient ces sociétés représentant beaucoup plus les régions et les gens eux-mêmes que le ministère ne peut le faire, qui en prennent l'initiative. Dans la mesure où nous pouvons procéder des cadres d'information, ces sociétés pourraient s'y insérer, comme on le fait pour la semaine du patrimoine à l'intérieur de laquelle il y a au-delà de 300 manifestations dont seulement huit ou dix sont organisées par le ministère. Cela pose un problème indirect, celui de la conservation effective du traitement et de la mise en valeur de ces archives. Je vous donne un exemple: les archives du chanoine Groulx et les archives de Laurendeau, qui sont au même endroit, sont situées, de par la volonté même de ceux qui gèrent les biens du chanoine Groulx et son testament, dans la maison du chanoine Groulx, à Outremont. Cette maison n'est pas...

M. Morin: L'Institut d'histoire de l'Amérique française?

M. L'Allier: Oui. Cette maison n'est pas à l'épreuve du feu. Il y a bien là une voûte, bien sûr, qui pourrait évidemment empêcher les métaux de fondre ou des choses comme celles-là, mais je ne suis pas sûr, compte tenu des normes habituellement respectées dans ce domaine, que les lieux sont propices à la conservation. En d'autres mots, s'il y avait là un incendie, je suis convaincu que nous pourrions perdre bon nombre de ces documents. Or, la société, comme ceux qui administrent le fonds d'archives, s'oppose au déplace- ment du fonds d'archives du chanoine et de Laurendeau, aux Archives nationales, par exemple. Pour des raisons extrêmement valables, on nous dit: Ces archives sont ici protégées, avec beaucoup de soin, mises en valeur, les chercheurs peuvent venir, ce qui ne serait par le cas si on les déménageait dans le deuxième sous-sol du palais de justice à Montréal, bien qu'elles soient là protégées contre l'incendie, mais par contre les souris, probablement. Donc, chacun a raison. Doit-on reconstruire une maison autour de l'ancienne résidence du chanoine Groulx pour protéger tout cela? Le jour où nous aurons des dépôts d'archives valables qui permettront à ces gens d'aller sur place prêter aux-mêmes leurs propres archives, je vois très bien, par exemple, que si nous avons à Montréal d'autres lieux pour loger les archives, et que si certaines archives privées ont effectivement de la valeur pour le Québec, que ceux qui en sont les dépositaires puissent disposer d'espace,' mais continuent sur place à les gérer, à les rendre disponibles. On n'aura peut-être pas le plus parfait organigramme d'organisation de ces lieux. On aura quand même des gens qui ont à coeur tel dépôt d'archives ou telle chose à mettre en valeur, telle recherche à y faire et qui s'y consacreront, l'Etat mettant à leur disposition des ressources matérielles pour le faire.

M. Morin: Dans le cas des archives du chanoine Groulx, la solution serait probablement du côté de l'Université de Montréal, qui a déjà logé des collections comme celle de la famille Baby ou encore la collection Melzac. S'il y a de la place pour ces collections, qui sont admirables, il devrait y avoir également de la place pour des gens qui ont été associés de si près à ce qu'on appelle l'Ecole de Montréal, en histoire. Ce serait plutôt de ce côté que je chercherais une solution.

M. L'Allier: Cela a été envisagé, je crois, mais cela a été déjà rejeté, parce que comme vous savez, l'Ecole de Montréal, semble-t-il a aussi évolué, certains maîtres n'y ont plus tellement leur place. Il faudra probablement qu'il se fasse encore quelques années pour que les querelles de chapelles universitaires s'estompent et qu'on réhabilite la mémoire de ceux— le chanoine Groulx, Laurendeau ou d'autres— qui y ont travaillé. Le chef de l'Opposition étant universitaire saura à quoi je fais allusion.

M. Morin: Oui, mais il ne faut pas non plus dramatiser outre mesure les quelques différences qui peuvent exister. Je suis bien sûr que c'est plutôt une question matérielle, une question de manque de temps.

M. L'Allier: Une question de générations, M. Morin.

M. Morin: Passant maintenant au problème de la restauration des documents anciens. Le ministre n'ignore pas qu'une bonne partie de nos archives tombe déjà en poussière, attaquée par l'humi-

dite, par les champignons microscopiques, toutes ces maladies que les vieux papiers peuvent connaître.

Nous avons environ — je pense être très conservateur dans l'estimation qui en a été faite — plus de quatre millions de documents anciens, aussi bien dans les greffes des notaires que dans les actes de l'état civil. Le chiffre est peut-être même supérieur à cela, mais des archivistes m'ont parlé de 4 millions de documents. Là-dessus, il y en a certainement le quart qui sont déjà en danger. Il suffit d'ouvrir une boîte d'actes de l'état civil pour le savoir; tous ceux du XVIle siècle, en particulier, sont menacés. Le problème de la restauration est donc considérable. La restauration a pour but de conserver, car un document qui est déjà à moitié mangé par les champignons— vous savez que le mal s'accélère avec le temps— n'existe plus après quelques années.

En ce moment, il existe un service tout à fait remarquable, je dois le dire, qui est nouveau, sous la direction de Mme Stanojlovic, à Montréal. Le ministre a certainement vu comme moi les résultats de ses travaux de conservation. C'est absolument remarquable. Elle confère, à des documents qu'on croyait perdus, une vie de peut-être plusieurs centaines d'années. De plus, elle utilise un procédé qui n'est pas irréversible, comme on le fait à Ottawa, avec la lamination des documents, de sorte que le document peut toujours être remis dans son état original. Il suffit d'enlever les soies et l'amidon et on retrouve le document. On peut toujours d'ailleurs le compléter, si, par hasard, d'autres morceaux du document viennent à être découverts.

Malheureusement, Mme Stanojlovic est presque seule. Elle a un adjoint maintenant. Le travail de conservation n'avance pas vite, malgré toute sa bonne volonté, de sorte que les champignons travaillent plus vite qu'elle.

M. L'Allier: Ils sont plus nombreux.

M. Morin: Ils sont infiniment plus nombreux. J'aimerais demander au ministre s'il ne pense pas devoir élargir considérablement le champ de la restauration au Québec, en organisant, par exemple, des cours de restauration. Je pense qu'il y aurait du travail pour une vingtaine de restaurateurs bien formés; si tant est qu'il y ait 4 millions de documents, il n'y a qu'à faire le calcul; on peut certainement tenir plusieurs dizaines de personnes occupées pendant des dizaines d'années à restaurer les documents et à les préserver pour les générations futures.

Puis-je demander au ministre quelles sont ses intentions dans ce domaine?

M. L'Allier: Le problème posé par le chef de l'Opposition est absolument exact. C'est d'abord une question de ressources, de personnel aussi et de spécialistes qui n'existent pas toujours et qu'il faut former avant tout. Il faut les former à partir de ceux qui y travaillent déjà, dont le responsable de la restauration à Montréal.

Ce que nous envisageons pour régler le problème d'une façon probablement permanente, et surtout à long terme, sinon permanente, est de dégager les archives nationales de l'ensemble des carcans administratifs où les archives se situent actuellement. Le chef de l'Opposition sait, par exemple, que la bibliothèque nationale ou les archives nationales, ces deux institutions qu'on qualifie de nationales ont, sur le plan administratif, un statut qui est souvent inférieur à celui qui est fait aux bibliothèques municipales, locales, régionales, ou encore à des musées privés ou à des archives privées. Les archives dépendent actuellement d'un service qui dépend d'une direction générale, et ainsi de suite, à l'intérieur du ministère. Les archives, comme la bibliothèque nationale, sont soumises à toutes les contraintes de l'administration publique qui, elles, ne sont pas faites pour tenir compte de situations aussi particulières que celles-là.

A partir de là, nous proposons dans le livre vert la création d'une commission des archives et de la bibliothèque nationale qui transporterait la responsabilité, qui est actuellement celle de l'administration publique et du ministre des Affaires culturelles, en particulier, de voir à l'administration et au fonctionnement des archives, vers cette commission, qui donnerait du même coup aux archives un statut très largement autonome sur le plan administratif, permettant d'y associer les chercheurs, les universitaires et de pointer les orientations à prendre, de sorte que l'Assemblée nationale, directement et annuellement, verrait à accorder aux archives nationales les ressources dont elles ont besoin pour se développer sur une longue période et en dehors des soubresauts et des contraintes qui sont celles de l'administration courante du ministère.

C'est la formule que nous envisageons et ces commissions devraient normalement être créées par l'adoption d'une loi dès l'automne.

M. Morin: Et la restauration?

M. L'Allier: La restauration se fera... Evidemment, nous allons essayer d'augmenter les effectifs, mais, encore là, nous sommes soumis aux mêmes contraintes et qu'il s'agisse d'archives, de musique, de théâtre ou d'autre chose, vu du Conseil du trésor ou du ministère de la Fonction publique, cela n'a aucune espèce d'importance, ces choses étant égales quant à eux. Il s'agit d'affecter un budget en pourcentage et un volume de personnel correspondant à ce budget. Tant que nous ne sortirons pas de ce circuit, je pense que les archives pourront, à l'occasion, sur la foi ou sur le dynamisme de leur directeur ou de telle ou telle personne, avoir des soubresauts de développement. Mais, aussi longtemps que nous ne donnerons pas à ces institutions nationales le statut d'institution nationale, nous sommes condamnés, bien sûr, à y ajouter peut-être deux ou trois personnes cette année, des experts, à permettre des budgets qui feront la formation de quelques personnes, mais à court terme; la solution qui pour-

rait régler pendant six mois le problème que vous posez ou temporairement l'accélérer ne constituerait pas une solution à long terme.

C'est cette commission, à mon avis, qui est la formule qui permettra aux archives, comme dans tous les pays adultes, de se développer et d'avoir le statut que doivent avoir des institutions nationales.

M. Morin: Oui, le problème de la restauration est lié bien sûr à tout ce que vous venez de dire, mais d'un autre côté, est autonome aussi. En tout cas, les champignons, eux, se sentent parfaitement autonomes.

M. L'Allier: Parfaitement.

M. Morin: Ce dont je vous parlais, c'est de la possibilité d'instituer un enseignement qui pourrait constituer une option que certains étudiants prendraient au cours de leurs études, au niveau du CEGEP...

M. L'Allier: Oui.

M. Morin: ... et qui serait destinée à les initier à la restauration des documents anciens. Votre ministère a-t-il eu des entretiens à ce sujet avec le ministère de l'Education, afin d'examiner s'il serait possible d'aménager un enseignement de cette sorte?

M. L'Allier: Sans avoir eu de discussion directement avec le ministère de l'Education, il y a déjà eu un certain nombre d'échanges avec l'Université Laval qui était intéressée, il y a quelque temps, à s'associer à l'Institut fédéral de conservation. Notre position, là-dessus, a été plutôt d'échanger et de voir comment créer, auprès du ministère des Affaires culturelles et peut-être du ministère de l'Education, un réseau de formation, soit universitaire en liaison avec Laval ou encore avec l'Université du Québec, ou soit encore au niveau des CEGEP. C'est un projet qui fait partie, je pense, d'un certain nombre de priorités du ministère, dans le domaine de la formation, que ce soit au niveau de la conservation, au niveau de la muséologie, au niveau des guides touristiques; il y a tout un équipement humain qu'il nous faut absolument bâtir. La conservation de documents fait partie de ce réseau-là. Nous n'avons pas eu encore d'échanges particuliers sur le secteur, mais je crois que nous devrions le faire dans nos priorités de cet automne.

M. Morin: Avais-je raison, tout à l'heure, de parler de quatre millions de documents? Avez-vous une idée du nombre de documents anciens qui vous sont confiés?

M. L'Allier: En termes de pages de documents, probablement, oui.

M. Morin: En termes de pages, sans doute, oui. Un registre peut être considéré comme un document, mais il contient quelquefois une centaine de pages.

M. L'Allier: C'est cela.

M. Morin: Vos archivistes vous ont sans doute...

M. L'Allier: On a parlé...

t'. Morin: ... donné des chiffres.

M. L'Allier: Les chiffres dont je dispose de mémoire sont à peu près de cet ordre, puisqu'ils m'ont été donnés en référence à l'urgence de procéder au microfilmage de ces documents et que le microfilmage se fait par page de documents. Je pense que c'est dans cet ordre. C'est une autre des priorités, d'ailleurs, qu'il nous faudra pousser beaucoup plus avant, celle du microfilmage de ces documents pour les rendre...

M. Morin: 11 ne suffit pas d'en parler aussi, parce que ce n'est pas fait encore.

M. L'Allier: Ce n'est pas fait encore. On commence, on en fait un peu, mais, encore là, il faut augmenter les ressources. En fait, le budget— comme je l'ai dit cet après-midi — ici, aux Archives nationales, par exemple, ne traduit d'aucune espèce de façon — je l'admets volontiers— les priorités que nous donnons aux archives dans le livre vert.

Vous verrez au budget des archives, ici, une augmentation qui est, à toutes fins pratiques, une indexation du budget de l'ordre de 10% à peu près, mais nous considérons que les ressources qui doivent être consacrées aux archives, au cours de cette année et des années à venir, doivent être beaucoup plus considérables.

C'est à l'occasion de la loi qui créera la commission des archives et de la bibliothèque nationale qu'il sera possible, je pense, dans un premier temps, d'obtenir des ressources supplémentaires spécifiques à la création de cette commission, qui devrait voir à la mise en place des moyens de formation et à l'élaboration de ces priorités. Je pense qu'on devrait, au cours des deux prochaines années, voir une augmentation considérable, sinon voir doubler les budgets qui sont actuellement consacrés aux archives.

M. Morin: Je partage les soucis du ministre, j'espère seulement que les Jeux olympiques et la baie James ne viendront pas étouffer tous ces projets.

M. L'Allier: Au contraire, je pense que les Olympiques et la baie James, curieusement, peuvent nous servir, en ce sens que la nature même de ces projets fait en sorte qu'on se rend compte qu'il y a peut-être effectivement autre chose que du béton à faire au Québec. Le fait qu'on a énormément dépensé dans ces domaines oblige bon nombre de gens à réfléchir et à être conscients

qu'à cause de cela on a peut-être précisément négligé d'autres secteurs. Je me sens, en tout cas, dans une conjoncture assez favorable pour faire augmenter les ressources qui vont au secteur culturel.

M. Morin: Si je vous comprends bien, vous donnez aux Olympiques et à la baie James le rôle de repoussoir.

M. L'Allier: Oui.

M. Morin: Cela repousse effectivement beaucoup de gens.

M. L'Allier: Du côté positif.

M. Morin: M. le Président, j'aimerais aborder la question de la gestion des archives administratives, je veux dire les archives des différents organismes de l'Etat, tant les ministères que les commissions.

D'après le livre vert, la situation des archives n'est pas des plus réjouissantes. Je me permets de citer quelques lignes empruntées à la page 174; "II n'est pas exagéré de dire que malgré les efforts qui sont faits depuis quelques années, les archives nationales du Québec sont dans un état de conservation et de mise en valeur qui ne serait nulle part acceptable. Beaucoup de documents sont ignorés. Beaucoup trop sont détruits. Beaucoup sont cédés, qui nous appauvrissent."

En 1971, vous vous souviendrez que le ministère des Affaires culturelles avait défini une politique de régionalisation, dont vous m'avez d'ailleurs entretenu tout à l'heure, visant à assurer la récupération des archives. A la page 177 du livre vert, on nous dit ceci: "Nous tenterons par tous les moyens de rétablir, si possible cette année, les projets d'implantation des archives nationales à Chicoutimi et à Rimouski. Il faudra ici encore augmenter les ressources prévues."

Il semble qu'il revienne comme un leitmotiv, ce problème des ressources. Les archives nationales longtemps négligées devraient devenir une priorité. J'espère que les assurances que me donnait le ministre il y a un instant pourront se concrétiser.

Il est évidemment inutile de songer à une politique culturelle cohérente en matière de patrimoine, de musées, de bibliothèques, sans reconnaître l'importance et la prépondérance des archives. Malheureusement, l'augmentation dont vous nous parliez tout à l'heure, au budget de l'élément 1, n'est pas tout à fait de 10%, elle est de 7,7%, passant de $917 100 à $988 600. J'avoue, en passant, que ce n'est certainement pas là reconnaître l'importance et la prépondérance des archives, en termes d'urgence, comme nous le dit le livre vert.

Plus spécifiquement, les archives administratives devraient être considérées comme une partie importante du patrimoine national. On devrait pouvoir y récupérer, y retrouver, y retracer l'essentiel de la vie des administrateurs et des gouvernements du Québec, depuis les tout débuts.

Or, les nombreuses démarches qui ont été faites jusqu'ici, nous dit le livre vert, pour obtenir un préarchivage des documents gouvernementaux depuis la confédération, sont définitivement confiées aux Archives nationales du Québec — je m'excuse, j'ai mal cité — soient définitivement confiées aux Archives nationales du Québec, n'ont pas donné de résultat." De sorte que je suis amené à m'interroger sur le cadre législatif relatif aux archives de l'Etat, aux archives administratives.

Ce cadre, essentiellement, est constitué par la Loi du ministère des Affaires culturelles qui se trouve au chapitre 57 des statuts refondus de 1964. L'article 25 nous apprend que les archives nationales du Québec comprennent les documents de nature publique ou privée, ainsi que les documents historiques que le conservateur acquiert ou qui sont confiés à sa garde, "conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements adoptés en vertu de la présente section par le lieutenant-gouverneur en conseil."

A l'article 28, on nous dit que le conservateur a également la garde de tous les documents des ministères et organismes du gouvernement qui ne servent plus à leur administration courante et qui lui sont confiés, conformément aux règlements adoptés à cette fin, en vertu de la première section.

Cet article 28 est en vigueur depuis maintenant beaucoup plus que dix ans. Il y est question de règlements qui n'ont jamais été adoptés, de sorte que les archives de l'Etat proprement dit, les archives administratives, se trouvent dispersées aux quatre vents. Aucun règlement n'a donc été adopté à ce jour. Pourtant un tel règlement est prévu en toutes lettres, par l'article 34 de la Loi du ministère des Affaires culturelles destinée à mettre en oeuvre l'article 28 de la même loi.

Quelle est la situation qui prévaut à l'heure actuelle aux archives administratives? J'ai tenté, ces jours-ci, de m'enquérir auprès d'un certain nombre de personnes de l'état dans lequel elles se trouvent. J'ai confié la chose à l'un de mes recher-chistes qui a établi des contacts à travers l'administration publique pour pouvoir se faire un tableau d'ensemble de ce qui se passe.

Il n'existe effectivement à l'heure actuelle — c'est la conclusion générale qui se dégage de cette étude — aucun cadre réglementaire concernant la gestion des archives administratives. Chaque ministère dispose de ses archives à sa façon. Certains font des versements aux archives nationales. Il y en a d'ailleurs qui y parviennent de la façon la plus inattendue. Je ne sais pas si le ministre a vu les registres congelés du ministère de la Justice, entreposés dans un congélateur aux archives de Montréal. S'il n'y avait pas eu un incendie, au cours duquel on a cru bon de faire appel aux pompiers, lesquels ont complètement noyé une partie des archives du ministère de la Justice et si, par la suite, on n'avait pas estimé que le meilleur moyen de les conserver était de congeler le tout, jamais les documents de la Justice ne seraient parvenus aux archives. C'est un spectacle

de toute beauté, de voir cela aux archives de Montréal. On y a installé un système d'éventails qui produisent un fort courant d'air. On installe devant ces éventails les registres congelés qu'on sort du congélateur et après quelques heures, on voit les registres rendus à leur état initial. C'est fortuit: c'est grâce à un incendie, si je puis m'exprimer ainsi, que les archives du ministère de la Justice — cette partie en tout cas — sont maintenant aux archives du Québec.

Depuis deux ans, un comité siège, semble-t-il, sur cette question, qui serait composé des personnes suivantes: Le conservateur des archives nationales ou son représentant, le Vérificateur général ou son représentant, un représentant du secrétariat du Conseil du trésor, un représentant des ministères des Richesses naturelles, de la Justice, des Transports, des Travaux publics et un conseiller juridique provenant du contentieux du ministère de la Justice. Le comité en question a reçu mandat, semble-t-il, du Conseil du trésor, d'étudier la question de la conservation et de la destruction des documents gouvernementaux et de préparer un projet de réglementation qui se fait toujours attendre. Nous avons pu savoir que le comité a procédé à l'élaboration d'un projet de règlement. Il lui reste, maintenant, à déterminer le cadre légal et administratif dans lequel ce règlement va s'insérer, soit la Loi du ministère des Affaires culturelles, soit la Loi sur l'administration financière. J'aimerais connaître l'attitude de votre ministère là-dessus.

Le règlement, semble-t-il, définira les responsabilités respectives des ministères et organismes intéressés par la conservation des archives administratives et il devrait s'appliquer à tous les ministères et organismes qui tombent sous la juridiction du Conseil du trésor et probablement aux régies gouvernementales.

Depuis septembre dernier, le Conseil du trésor a demandé aux ministères un calendrier de conservation, une évaluation du temps actif et semi-actif de leurs dossiers et ce qu'il advient, par la suite, de ces dossiers. Cet inventaire, semble-t-il, n'a pas encore été terminé. Je me permets de vous décrire quelques cas précis, en plus de celui des archives de la Justice, que je vous mentionnais tout à l'heure: Aux Affaires municipales, les documents, lorsque jugés inactifs par le service où ils se trouvent, sont expédiés dans un entrepôt gouvernemental, qui est l'édifice Dalton, à Sainte-Foy. Ils s'empilent là-dedans, sans que personne ne connaisse trop leur contenu. Aux Affaires sociales, il existe une autre solution: Les documents, selon qu'ils sont jugés plus ou moins confidentiels, sont conservés à la direction générale de la planification du ministère ou déposés aux archives du ministère ou encore déposés à la bibliothèque du ministère. Il est intéressant de voir la politique du ministère des Affaires culturelles: "Plusieurs documents relatifs à l'inventaire des biens culturels sont conservés par leur auteur lorsqu'ils ne sont pas déposés au centre de documentation du ministère". Voilà une politique d'archives tout-à-fait remarquable!

Je pourrais, de la sorte, continuer avec les Affaires intergouvernementales, le ministère de l'Industrie et du Commerce, les Finances. Bref, il semble que ce soit, comme eût dit le général, "la chienlit". Le ministre a-t-il une politique, en voie d'élaboration, quant aux archives administratives?

M. L'Allier: M. le Président, tout ce que je peux vous dire, c'est que le rapport du chef de l'Opposition est aussi complet que celui que j'ai en main et que je suis en tout point d'accord avec le constat de fait qu'il fait de la situation des archives. Si, effectivement, chaque ministère essaie au mieux de conserver ses documents, c'est essentiellement parce que nous ne disposons pas, encore une fois, de locaux permettant de recevoir tout cela, de personnel permettant de les traiter et, d'une façon générale, d'une politique de conservation de mise en valeur des archives administratives.

Je peux, toutefois, ajouter à son document ce qu'il ne sait sans doute pas, c'est que le Conseil du trésor qui, effectivement, a commandé cette recherche est actuellement saisi des documents nécessaires à l'élaboration des règlements et que le Conseil du trésor devrait statuer au cours des prochaines semaines, sinon des prochains mois, sur cette question. Je rassurerai le chef de l'Opposition en lui disant que nous n'avons pas l'intention de mettre le feu à nos archives pour en arriver à les faire conserver par voie de congélation et que l'incendie qui a eu lieu au ministère de la Justice a quand même permis de découvrir, semble-t-il, des méthodes de conservation qui n'étaient pas courantes.

M. Morin: Tout à fait inédites.

M. L'Allier: Tout à fait inédites. C'est probablement comme cela que se font les plus grandes découvertes. Quoi qu'il en soit, j'ai eu moi aussi, l'occasion de voir ces résultats à Montréal et quand on voit qu'on vous... Ce serait intéressant que les membres de la commission, d'ailleurs, qui vont à Montréal et qui ont deux heures puissent aller aux archives, on leur indiquera de quelle façon il est possible de voler le testament de Jeanne Mance, sans jamais être pris par personne, parce qu'il est actuellement à peu près accessible à quiconque connaît le lieu de sa situation géographique dans l'immeuble. Pour le reste, les archives congelées, c'est effectivement vrai. Cela ne pose que le problème des archives en général au niveau administratif. Le Conseil du trésor devrait donc, statuer sur ces règlements. Quelques semaines après mon arrivée au ministère des Affaires culturelles, j'ai demandé à M. Gariépy, qui était sous-ministre adjoint à l'administration, de s'occuper personnellement, à cause de l'intérêt qu'il porte sur le plan professionnel aux archives, de sa compétence en ce domaine et de ses 30 années comme fonctionnaire, notamment au ministère des Finances et au bureau du vérificateur, donc de sa connaissance approfondie des archives gouvernementales, de s'occuper lui-même, au niveai1

des archives nationales, de toute la question des archives administratives. J'espère que M. Gariépy sera en mesure de nous indiquer en plan d'action, en tout cas, sur quelques années, permettant, une fois les règlements du Conseil du trésor approuvés, qui devrait non seulement reconnaître la responsabilité du ministère des Affaires culturelles, mais lui donner des moyens d'action et d'intervention auprès des autres ministères, devrait nous proposer une politique d'action de ce côté.

C'est secondaire à la discussion que nous avons, mais, avec l'arrivée, depuis quelques années, de la photocopie, qui est un mal et un bien en même temps, au niveau du gouvernement, le problème des archives se pose d'une façon encore plus complexes, au niveau des archives administratives et de la multiplication des documents et très souvent même la disparition des originaux au bénéfice des photocopies font que nous avons à traiter sur le plan administratif, des masses inédites en volume et en poids de documents absolument incomparables à tout ce qui a pu s'accumuler comme documents, il y a dix ou quinze ans.

C'est un problème supplémentaire, il faudra y faire face comme au reste. C'est la situation actuelle telle que l'a décrite le chef de l'Opposition.

M. Morin: II y a là tout de même, un certain nombre de problèmes distincts. Le premier est de s'assurer qu'en attendant la création d'un véritable service d'archives gouvernementales certains documents ne disparaissent sans prétendre qu'on ne sait pas quoi en faire. Ce n'est pas aussi simple que cela. J'aimerais demander au ministre, en attendant que son ministère ait à sa disposition tous les moyens financiers nécessaires à l'entreposage, au préarchivage, à la classification de ces documents gouvernementaux, s'il n'est pas opportun qu'il prenne l'initiative de rédiger des directives à l'intention des divers ministères.

M. L'Allier: Ce n'est pas un livre vert.

M. Morin: II n'est pas nécessaire que cela prenne également la forme d'un autre livre vert, mais je songe que beaucoup de ministères ne savent tout simplement pas quoi faire de leurs archives.

M. L'Allier: C'est exactement ce qui est en train d'être élaboré par le Conseil du trésor, en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles. Encore là, on rejoint une question d'éducation. C'est beau de mettre sur papier qu'il faut conserver tel ou tel type de document, encore faut-il avoir finalement, dans les ministères, des fonctionnaires qui sont des spécialistes des archives. Tous les documents ne sont pas à conserver. Je vous donne un exemple très personnel; au moment de quitter le ministère des Communications, j'ai évidemment transmis des dizaines et des centaines de dossiers à mon successeur, le ministre des Communications actuel. Mais il y avait, au sein de mon cabinet, un certain nombre de documents qui étaient ou confidentiels ou plus person- nels, de recherches, de correspondances avec le gouvernement fédéral, des choses comme cela, dont lui avait copie sur le plan du travail.

En faisant le tour des documents à transmettre, j'en suis arrivé à peu près à quatre ou cinq caisses de documents dont il avait copie pour faire le travail et qui constituaient les originaux. Plutôt que de risquer que ce soit mis de côté, n'étant pas sur place avec mes collaborateurs pour identifier que tel document était important et que tel autre ne l'était pas, nous avons acheminé ces caisses de documents aux archives. Au moment où cela arrive aux archives, on a reçu un appel téléphonique nous disant: Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse avec cela cinq caisses de documents qui viennent d'un ministère?

J'ai par la suite vérifié. On a placé cela dans un entrepôt en indiquant: Communications, telle année. C'est tout, cela s'arrête là. Vous imaginez le travail de bénédiction qu'il faut pour classer et pour identifier les pièces importantes dans cinq caisses de documents? Il y a peut-être dans cela, aux fins des archives, l'équivalent de 200 pages qui valent la peine d'être conservées pour l'avenir, pas plus. Je ne suis pas en mesure, pas plus que mes collaborateurs, dans le quotidien, d'identifier ces documents.

M. Morin: Cela soulève toute la question de la politique d'archives au sein des ministères.

M. L'Allier: Exactement.

M. Morin: Je pense qu'on devrait envisager tôt ou tard la présence d'un délégué des archives dans chaque ministère, qui aurait les qualités professionnelles requises pour savoir choisir ce qui est important et éliminer ce qui est accessoire ou sans importance.

M. L'Allier: Oui. Comme objectif, je suis entièrement d'accord avec le chef de l'Opposition. Cela suppose toutefois le règlement de problèmes qui ne sont pas du tout du ressort du ministère des Affaires culturelles que ce fonctionnaire ou ce spécialiste qui pourrait être affecté au différents ministères ait accès aux documents en question, à un moment bien précis, qui est celui où on les détruit ou on les conserve. Cela suppose du même coup qu'il y ait dans les ministères des systèmes de classement des dossiers; c'est le moins qu'on puisse exiger pour faire partie d'une politique de classement et de conservation des dossiers qui n'existe pas au gouvernement du Québec. Le chef de l'Opposition est sans doute conscient du fait que chaque ministère a son propre système de dossiers et qu'à l'intérieur de chaque ministère il est fréquent de trouver des directions générales qui ont leur propre système de dossiers. Je suis convaincu que le système de dossiers du chef de l'Opposition est différent de celui du chef de l'Opposition qui l'a précédé et qui, lui-même, a quitté l'administration avec l'ensemble de ses dossiers. Vous avez dû, sans doute, trouver un bureau absolument vierge.

M. Morin: II ne m'a pas laissé beaucoup de fonds de tiroirs, effectivement...

M. L'Allier: Oui.

M. Morin: ... qui, d'ailleurs, n'auraient été peu utiles.

M. L'Allier: Le problème des archives administratives n'est pas facilement dissociable sauf dans le cas des documents déjà assez anciens où il y a un problème de classification, de conservation de dossiers administratifs vivants. Là, il faut nous associer avec je ne sais quel ministère — ce n'est pas le ministère des Travaux publics, ce n'est pas le ministère de la Fonction publique — qui, au gouvernement, conseille l'Etat, que ce soit le chef de l'Opposition ou les ministères, dans la conservation des dossiers.

Dans l'étude des crédits, je ne participe pas à l'étude de tous les ministères, bien sûr, mais je pense que vous ne réussirez pas à identifier une source qui conseille l'Etat, qui est probablement le plus grand producteur et consommateur de documents, dans sa gestion de documents. C'est à peu près commun à toutes les administrations publiques y compris au niveau du gouvernement fédéral et fait, au niveau des archives administratives, un des problèmes les plus importants.

M. Morin: Justement, votre ministère ne devrait-il pas se considérer comme un peu chargé de mission dans ce domaine? Ne devrait-il pas prendre l'initiative de mettre sur pied un système de sélection, de classification des documents de l'Etat?

M. L'Allier: II faudrait sans doute que les Archives nationales le fassent dans l'optique de la conservation. Mais ce serait une action qui serait probablement vouée à l'échec, malgré les meilleures intentions, si on n'a pas parallèlement une action— et cela ne peut pas être nous qui l'ayons, je ne pense pas— au niveau de l'utilisation et de la gestion courante des documents. En d'autres mots, il nous faudrait autant de politiques d'archives qu'il peut y avoir de politiques de conservation et de classement des documents dans les ministères à des fins actives. Parce que les documents n'arrivent pas dans les mêmes formes. C'est pour cela que je soulignais, ce qui peut paraître secondaire mais qui est quand même très important, toute l'intervention de la polycopie en ces matières aujourd'hui. Il n'y a pas de système de classement et d'utilisation des dossiers qui soit vraiment efficace parce que l'Etat, malgré son volume, ne s'est pas donné de système cohérent de classement de dossiers. Chacun se fait des copies de documents et on perd très rapidement les originaux puisque les photocopies acquièrent très souvent la valeur d'originaux aux fins de l'administration publique. L'original d'une lettre est disparu, cela n'a pas d'importance. Il en existe 43 copies, chacun ayant la sienne. Si chacune de ces personnes est éduquée et a le réflexe d'envoyer ses documents, on se retrouve devant des tonnes de documents dont un bon nombre sont des duplicata sans pouvoir effectivement retrouver les originaux.

Il suffit de voir un haut fonctionnaire qui quitte ses fonctions, par exemple, et qui conserve avec lui une copie des principaux documents qui sont de son origine. Cela veut dire des caisses de documents, finalement. On pourrait en parler à ceux que vous connaissez qui ont quitté la fonction publique dans ce domaine. Ce sont tous des documents qui n'appartiennent pas à l'Etat. Ils ont les originaux, les copies étant dans les dossiers aux fins d'utilisation administrative. Aux fins d'archives, ce qui nous intéresse, ce sont les originaux.

M. Morin: Bien sûr. Vous reconnaissez le problème. Est-ce que, justement, il ne conviendrait pas que quelqu'un prenne l'initiative de sensibiliser les divers ministères à ce problème de conservation? Je vois que vous avez énormément de bonne volonté pour identifier le problème, mais pour trouver une solution, assez rapidement...

M. L'Allier: Pour trouver une solution, il y a premièrement le Conseil du trésor, comme je vous l'ai dit, qui doit, au cours des prochaines semaines, statuer sur un règlement. Deuxièmement, nous avons misé, nous, très largement sur la Commission des archives et de la bibliothèque nationale qui sera composée de personnes qui penseront exclusivement à ce type de problèmes, alors qu'actuellement, les archives sont sur le même pied que n'importe quel autre service du ministère et soumises au même type de contraintes. En donnant aux Archives nationales, qui s'occuperont bien sûr aussi des archives administratives, un statut d'institution nationale, il appartiendra à ces gens, parce qu'ils auront la liberté d'action que requiert la nature même des archives nationales, la possibilité non seulement de faire des recommandations mais de poser des gestes et d'avoir des ressources pour arriver à cela.

C'est d'abord une question d'éducation. Deuxièmement, c'est une question d'organisation. C'est ensuite une question technique de récupération, d'identification et de mise en valeur des archives. Mon objectif, comme ministre des Affaires culturelles, c'est bien sûr, la conservation des archives, mais si j'avais à choisir une priorité, c'est la mise en valeur des archives. C'est leur accessibilité à ceux à qui elles sont utiles. Pour y arriver, il faut passer par la conservation. Mais, l'objectif ultime, c'est la mise en valeur; je ne peux pas m'ar-rêter à la conservation.

M. Morin: Les propos que vous venez de tenir, les appliquez-vous également aux autres organismes d'Etat, comme les commissions d'enquête, les commissions qui ont un statut quasi judiciaire, éventuellement les sociétés d'Etat, l'Hydro-Québec, par exemple?

M. L'Allier: On est soumis actuellement beau-

coup plus à la bonne volonté de ceux qui sont dans ces institutions qu'à des politiques connues, cohérentes. Elles n'existent pas, ces politiques, ni ces normes, ni ces critères, ni ces contraintes. On pourrait passer la soirée à le constater et cela ne changerait rien à la situation. Commençons par obtenir ces règlements du Conseil du trésor, ce qui viendra dans les semaines à venir. Voyons ensuite à former une commission dynamique composée à la fois de chercheurs et de spécialistes et aussi de représentants des utilisateurs qui ne sont pas nécessairement des spécialistes, et cette commission prendra en main globalement le problème des archives. Vous faites allusion aux commissions d'enquête. Evidemment, le problème se pose. Mais il est doublé ici très souvent du problème des archives électroniques. Si on veut pousser la discussion, pensons à la commission Cliche, par exemple. Pensons à des commissions de cette nature. Les archives de telles commissions vont où, exactement? Est-ce que c'est le juge Cliche qui garde cela chez lui? Est-ce que cela va au ministère de la Justice?

M. Morin: C'est la question que je posais.

M. L'Allier: Oui. Et sur cette question, on m'indique ici qu'on a, malgré les faibles ressources dont on dispose, travaillé déjà sur les documents de quatorze commissions d'enquête.

M. Morin: Parmi ces quatorze commissions, trouve-t-on, par exemple, la commission Tremblay qui a joué un rôle historique fort important? Je crois savoir que tout a disparu.

M. L'Allier: Sur les problèmes constitutionnels?

M. Morin: Oui, la commission Tremblay sur les problèmes constitutionnels, qui a déposé son rapport en 1956, qui a été active de 1953 à 1956.

M. L'Allier: Je ne sais pas, on n'a pas la liste ici. Effectivement, c'est un exemple qui est bien choisi parce que s'il y a une commission qui doit disposer de documents importants, c'est bien celle-là.

M. Morin: C'est un document important pour la recherche.

M. L'Allier: On pourrait vous fournir la liste demain matin.

M. Morin: Est-ce que je pourrais l'avoir? M. L'Allier: Oui.

M. Morin: D'accord, soit demain matin, soit à une séance subséquente. Je ne sais si nous pourrons terminer ces questions ce soir.

La conclusion qui se dégage pour l'instant, c'est qu'on est sur le point d'aboutir. Le Conseil du trésor a préparé une réglementation et vous espérez que d'ici quelques semaines, au plus tard dans quelques mois, nous aurons enfin une réglementation dans ce domaine?

M. L'Ailler: Nous aurons un texte qui n'aura rien changé en lui-même à l'éducation qu'il faut faire auprès des fonctionnaires, auprès des hommes politiques, auprès de tous ceux qui doivent s'associer d'une façon positive à la conservation et à l'identification des archives. On pourrait en parler très longtemps. On pourrait parler, par exemple, du rôle du ministère de l'Education, au regard des archives, dans le réseau de l'enseignement. C'est un autre débat qu'on pourrait tenir. Cela rejoint une des préoccupations majeures du livre vert que de faire du ministère des Affaires culturelles au ministère d'intervention. Notre responsabilité étant la protection et la mise en valeur des ressources culturelles, dont font partie les archives et le patrimoine, nous devrons intervenir auprès des différents ministères, dont l'Education, pour que dans le cycle de formation, on fasse cette éducation au patrimoine et aux Archives nationales du Québec en particulier, et qu'au lieu d'aller visiter des chaînes de restaurants ou des choses inutiles, on établisse des pistes régulières qui conduisent de l'école au centre d'archives. Cela va de soi.

M. Morin: Je pense que cela commence à être urgent. J'imagine, par exemple — c'est purement hypothétique — la situation suivante qui confinerait au père Ubu: les documents de la commission Tremblay sur les problèmes constitutionnels faisant partie désormais des archives publiques du Canada! Cela paraît invraisemblable, mais c'est le genre de situation qui pourrait se produire. Etant donné certains documents qui se trouvent déjà aux Archives publiques, il ne faudrait pas écarter le fait qu'on y ait déjà songé, que ce soit déjà accompli...

M. L'Allier: Mais si vous me placez dans l'optique d'un universitaire ou d'un spécialiste qui n'a pas de préoccupation politique, il vous dira qu'il est préférable de conserver les archives de la commission Tremblay aux archives du Canada que de ne pas les conserver du tout. Et que si elles sont accessibles là-bas alors qu'ici elles ne le sont pas, il est préférable de les consulter là-bas que de ne pas y avoir accès du tout.

M. Morin: Je suis parfaitement d'accord, mais de là à se donner pour toute politique de laisser les choses filer vers les Archives publiques du Canada plutôt que de les récupérer, il y a de la marge.

Pour l'instant, traitons cela comme un propos d'étape sur les archives. J'espère bien y revenir l'année prochaine, alors que nous aurons été témoins de progrès dans ce domaine.

M. L'Allier: J'espère que l'on pourra compter aussi sur les archives du chef de l'Opposition.

M. Morin: Nous verrons éventuellement ce

qu'il conviendra d'en faire. Tout dépendra. Resteront-elles interminablement des archives d'Opposition ou deviendront-elles un jour des archives gouvernementales?

M. L'Allier: C'est pour cela que je dis qu'il y aura probablement une brisure à ce moment-là et que les archives du chef de l'Opposition, d'après sa propre évaluation dans le temps, devraient assez rapidement devenir des archives.

M. Morin: Ce n'est pas à moi de décider ce qui est important ou ne l'est pas.

J'ai constaté, tout à l'heure, que vous aviez effectivement eu le souci d'envoyer aux archives nationales cinq caisses de documents représentant l'essentiel de votre administration pendant que vous étiez aux Communications. Dois-je comprendre que votre successeur n'a pas eu accès à ces cinq caisses, ce qui expliquerait l'hiatus qu'il y a entre ses politiques et les vôtres?

M. L'Allier: Je vais vous donner un exemple pour illustrer ce que j'ai dit. Au moment de la préparation du livre vert sur les communications, de la position provinciale sur les communications, nous avons, évidemment, accumulé passablement de documents, d'échanges de correspondance, de textes, de recherches et de choses comme cela. Au ministère des Communications, comme dans tous les ministères, nous sommes équipés pour conserver des documents actifs. Dans la mesure où le livre vert lui-même est publié, les documents qui ont donné naissance à ce livre vert, à la position québécoise en matière de communications et les documents annexes, à mon avis, ne font plus partie des dossiers actifs.

Dans la mesure où, au ministère, on dispose de copies des principaux documents et du résultat de la recherche, les caisses de documents, qui sont des études de juristes, des études de spécialistes, ont été regroupées. La liste en a été faite et communiquée au ministère. Les documents eux-mêmes, plutôt que de les laisser traîner dans le cabinet, au risque de les voir prendre la voie de l'incinérateur, ont été acheminés aux archives.

M. Morin: Je me tourne maintenant vers le patrimoine.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Beauce-Nord.

M. Sylvain; M. le Président...

M. Morin: Je ne voudrais pas empêcher un collègue de parler.

M. Sylvain: ... avant de quitter le milieu des archives, parce qu'il nous est donné souvent, dans le milieu rural, de parler plus d'asphalte, de voirie et de fossés que d'archives, j'aimerais, même si le chef de l'Opposition a abordé le problème de la mauvaise administration des archives au Québec, revenir sur le plan de la région de la Beauce et poser peut-être des questions que d'autres auraient aimé poser au ministre des Affaires culturelles.

Puis-je vous demander ce qui a primé la conclusion d'un protocole d'entente, il y a quelques mois, entre le ministère de la Justice, par M. Robert Normand, et le ministère des Affaires culturelles, par M. Guy Frégault, à l'effet que les archives notariales et les archives judiciaires, ces documents ne servant plus à l'administration de la justice, en général, dans les palais de justice, devaient être transportées aux Archives nationales, à Québec? Quelle est l'idée maîtresse? Je voudrais m'exprimer plus longuement sur ce sujet, en vous disant que, déjà, le ministère de la Justice avait exprimé, dans la région de la Beauce en particulier—je peux prendre l'exemple du palais de justice de Saint-Joseph-de-Beauce — son intention de voir disparaître les archives, puisqu'elles occupaient certains locaux à l'intérieur du palais de justice, notamment le sous-sol qui aurait été disponible à l'administration de la justice dans la Beauce.

Vous avez été prévenu, comme je l'ai été et comme sans doute d'autres l'ont été, de l'idée des Beaucerons de conserver les archives notariales ou les archives judiciaires dans la Beauce. Je tiens à rendre hommage à un défenseur du patrimoine de la Beauce, un jeune historien, qui a pris l'initiative, avec huit autres personnes, de faire la restauration des archives notariales — à peu près 5000 ou 6000 depuis l'automne dernier — avec des moyens très rudimentaires et des ressources financières, surtout, très restreintes.

Même si on vous prête la bonne foi de dire que vous désirez régionaliser les dossiers et à en laisser l'administration à des sociétés historiques— quand même ce serait la société historique La Chaudière ou une nouvelle société historique qui s'appelle, en termes fédéraux, Héritage Beauce— jusqu'à quel point pouvez-vous m'assurer de la conservation des archives dans leur milieu, alors que le ministère de la Justice compte sur un protocole d'entente à l'effet que ces archives pourraient être déménagées dans une ville où il y a déjà des installations ou des dépôts des archives nationales?

M. L'Allier: Si j'ai bien compris les dossiers dont j'ai pris connaissance en arrivant au ministère, la situation était la suivante: effectivement, le ministère de la Justice, à un moment donné, considérait comme quelque chose de possible la destruction de certaines archives judiciaires anciennes, faute d'espace. Le ministère des Affaires culturelles a négocié avec le ministère de la Justice pour en arriver à une entente, à l'effet que toutes les archives judiciaires soient sous la responsabilité des archives nationales. Or les locaux des archives nationales étant à Québec et n'étant pas disponibles en région, en Beauce, à Rimouski et peut-être dans une ou deux autres régions, faisaient partie de ce protocole d'entente, je pense. Il a été convenu, à court terme, que les archives, plutôt que d'être détruites ou placées en état potentiel de destruction, soient conservées au dépôt national d'archives à Québec.

A partir de là, c'est mon intention, telle qu'indiquée aussi dans le livre vert, de nous assurer,

chaque fois que les ressources seront disponibles en région, une participation directe de la population par les sociétés d'histoire, les sociétés de conservation. Nous prendrons les moyens de créer sur place ou de favoriser la création sur place de dépôts d'archives régionales. En d'autres mots, si les archives judiciaires de la Beauce sont d'intérêt pour les archives nationales, il n'est pas obligatoire, à mon avis, qu'elles soient situées physiquement à Québec.

On peut, par microfilms ou autrement, dans le temps, les rendre accessibles au dépôt principal des archives à Québec. Mais il m'apparaît important que ces archives soient conservées sur une base régionale, et nous verrons, avec le ministère des Travaux publics, à utiliser des locaux disponibles, des locaux désaffectés d'écoles, de palais de justice, etc., pour la conservation de ces archives. Le but que nous recherchons n'est pas que le ministère aille en Beauce conserver les archives, mais de fournir éventuellement des services professionnels à des gens de la région qui voudront eux-mêmes assumer la conservation de leurs propres archives régionales.

Nous aurons donc un rôle de service auprès des instances locales ou des citoyens regroupés dans des associations pour leur permettre d'accéder aux ressources qui permettraient elles, de conserver régionalement les archives, notre responsabilité consistant alors à indiquer à ceux que cela intéresse où sont ces archives, de quelle façon elles sont disponibles, etc.

J'ai l'intention d'ailleurs de rencontrer ce groupe de personnes, je pense, d'ici une dizaine de jours, et d'établir avec elles une mécanique de travail qui permettrait de réaliser ce projet. En d'autres mots, l'objectif n'est pas la centralisation à Québec, mais la conservation et la mise en valeur des archives. Dans chaque cas où on nous indiquera que c'est physiquement possible en région, nous le ferons en région.

M. Sylvain: C'est peut-être le premier groupe, sur le plan régional — à moins que ma connaissance au niveau provincial ne soit pas parfaite — c'est peut-être le premier groupe à s'intéresser autant à ce problème de déménagement éventuel d'archives, non seulement à s'intéresser au problème du déménagement possible des archives mais aussi bien à la restauration. Même avec des moyens rudimentaires, le groupe s'est déjà procuré des ressources financières d'au-delà d'une trentaine de milliers de dollars pour restaurer 5000 actes. Et à ce qu'on m'a dit, après avoir fait la visite des archives, autant les archives judiciaires que les documents ou les actes de notaire, dans ce palais de justice on y compterait plus de 400 000 actes, que ce soient des procédures judiciaires provenant des dossiers ou des actes de notaire.

Je me demande jusqu'à quel point, même si on en fait une restauration, ensuite un inventaire, par greffe de notaire, ce qui est très loin d'être fait. On pourrait arriver financièrement à les restaurer, à les inventorier.

M. L'Allier: S'il y a une chose qui identifie bien la Beauce, M. le Président, ce sont effectivement ses actions judiciaires et ses procès, et ce serait dommage que les archives judiciaires de Beauce quittent ce territoire. Les Beaucerons y sont identifiés autant qu'au théâtre et à l'artisanat.

M. Sylvain: C'est peut-être dans ce sens que tous les notaires et tous les avocats du district judiciaire de Beauce, y compris le Barreau, y compris la Chambre des notaires du Québec, y compris le député de Beauce-Nord et sa troupe — et on sait comme elle est grande dans la Beauce — ont signé, fort valablement, le document présenté par l'historien. Nous, des comtés ruraux, nous avons toujours, vis-à-vis du gouvernement, la petite phrase suivante qui nous identifie: On a si peu, qu'on nous laisse ce que nous avons. Alors, c'est un petit peu dans la même philosophie de pensée que je dis que l'histoire de la Beauce est constituée de folklore, que la province connaît, mais est constituée surtout de ces documents auxquels peu d'historiens — c'est dommage de le dire — viennent s'y référer. Mais c'est absolument important. En tout cas, nous aurons l'occasion d'en discuter sûrement; je ne voudrais pas allonger les travaux de la commission. Peut-être que, la Beauce ayant autre chose que des archives, aussi ayant des pièces, des meubles, des instruments de forgeron, etc., il y aurait lieu de prévoir dans la Beauce ou dans la région de La Chaudière, sans avoir de site précis, un musée qui pourrait être réparti sur deux sections. Une section qui servirait à la recherche où on entreprose-rait, de façon fort valable, toute cette documentation historique, ces archives du palais de justice, en particulier. D'une autre façon aussi on libérerait effectivement certains locaux du palais de justice qui pourraient servir à un réaménagement, à une meilleure administration de la justice.

Puisque vous me dites que vous allez rencontrer les principaux intéressés dans ce projet, parce que tout le monde a été un peu ébranlé de savoir que ce projet...

M. L'Allier: ... le 22, je pense.

M. Sylvain: ... que le protocole d'entente faisait l'objet d'un déménagement éventuel d'archives de la Beauce vers Québec. Les quelques petits...

M. L'Allier: Vous comprendrez, par exemple, M. le Président, que cet éveil à la qualité et à l'importance des archives n'est pas actuellement au même niveau dans toutes les régions. Il est certains lieux ou certaines régions du Québec où, pour protéger les archives, il faudrait procéder à un rapatriement temporaire vers la capitale. Chaque fois que se manifestera, dans les régions, une volonté aussi ferme et aussi précise physiquement que celle-là, notre objectif sera de confier à cette région la gestion de son propre patrimoine. C'est vraiment l'objectif premier de toute cette problématique.

M. Morin: M. le Président, pourrais-je demander au ministre s'il fait une distinction entre les archives judiciaires proprement dites, si abondantes en Beauce, et, d'autre part, les actes de l'état civil ou les greffes de notaires? Ou, lorsqu'il nous dit qu'il entend procéder à cette politique de décentralisation, entend-il par là couvrir tous les documents anciens?

M. L'Allier: Je ne pense pas, M. le Président, de mémoire, que l'entente avec le ministère de la Justice couvre les actes d'état civil actuellement. Il s'agit des archives judiciaires.

M. Morin: C'est ce que je pensais également. M. L'Allier: Oui.

M. Morin: Donc, ce dont vous parlez, lorsque vous mentionnez la possibilité de décentraliser les archives, c'est essentiellement des pièces judiciaires, si j'ai bien compris.

M. L'Allier: II s'agit, dans le cas présent, des pièces judiciaires. Pour ce qui est des archives de l'état civil, je n'exclus pas, bien au contraire, que nous puissions nous entendre avec le ministère de la Justice. Il est entendu que, si mes connaissances juridiques ne sont pas trop estompées, ces actes sont toujours faits en deux copies...

M. Morin: Oui.

M. L'Allier: ... dont une copie vient automatiquement à Québec ou qui est transférée, par les registres, à Québec, à un moment donné, la deuxième copie demeurant en région...

M. Morin: La première copie reste à la cure et la seconde devait être déposée au palais de justice du chef-lieu.

M. L'Allier: C'est cela, mais qui, après un certain temps, pouvait les acheminer au ministère de la Justice.

M. Morin: Depuis un an ou deux maintenant, on les transmet automatiquement, sauf les 100 dernières années. En principe, à l'heure actuelle, se trouvent à la rue Berthelot, à Québec, les documents allant jusqu'à 1875.

M. L'Allier: C'est cela.

M. Morin: Mais je vous pose une question précise: Les actes de l'état civil des paroisses de la Beauce, qu'on appelle quelquefois "de catholicité" les greffes notariaux de la Beauce sont-ils actuellement à Québec ou à Saint-Joseph-de-Beauce? J'ai l'impression qu'ils sont déjà rendus à Québec.

M. L'Allier: Je ne pourrais pas vous répondre là-dessus, M. le Président, je ne sais pas si M. Ju-nius peut le faire.

M. Morin: M. Junius pourrait-il s'assurer de ce petit détail? Je suggérerais au ministre qu'il y a peut-être lieu de faire une distinction entre les archives judiciaires, d'une part, et, d'autre part, les greffes de notaires et les actes de l'état civil.

Je songe en particulier aux greffes des notaires et à la nécessité de confier la restauration à des gens qui pratiquent cet art avec expertise. J'ai vu, et le ministre a, sans doute, vu, lui aussi, trop de documents réparés au "scotch tape", ce qui a, vous le savez, l'effet de les détruire après quelques années, pour qu'on puisse s'en remettre à des moyens de fortune. Ce n'est pas mettre en doute la bonne foi ni la bonne volonté qu'on trouve dans les régions que de dire que ces choses doivent être faites avec expertise.

M. L'Allier: II y a peut-être plus intérêt, en tout cas, je le vois comme cela à ce moment-ci, à déplacer des experts pour les faire travailler dans les régions que de déplacer des dépôts d'archives qui sont d'abord utilisables en région.

M. Morin: Mais tant que vous n'aurez qu'une restauratrice...

M. L'Allier: C'est cela, elle ne pourra pas traiter des dépôts d'archives de la Beauce sans qu'on les lui apporte.

M. Morin: Forcément, elle pourra encore moins se déplacer pour aller à Saint-Joseph traiter tous ces documents.

M. L'Allier: Je suis d'accord avec vous, mais en supposant que nous ayons les ressources pour le faire à un endroit ou à l'autre, ma proposition actuelle va davantage dans le sens de la régionalisation des dépôts d'archives, quitte à ce que, par les profils ou autrement, avec le temps, on puisse avoir accès aux documents pour faire une recherche ailleurs.

Si des gens de la Beauce souhaitent conserver des archives notariales et souhaitent bénéficier des services d'un expert pour les aider, je pense que nous pouvons convenir avec eux de ces choses. Si dans d'autres régions la chose est possible, la conservation primera, mais là où il y a une volonté régionale et une disponibilité d'expertise, je donnerai priorité à l'implantation de dépôts régionaux d'archives.

M. Sylvain: Je dirai simplement au chef de l'Opposition que, du moins à ma connaissance, après une visite la semaine dernière, il y a le traitement d'actes notariaux, il y a même l'inventaire des greffes de la Beauce qui sont faits à partir des actes; il n'y a pas de traitement d'actes de notaire en tant que tels ou en les défigurant. C'est simplement l'inclusion de l'acte de notaire dans une chemise qui est fabriquée d'un papier qui n'est pas destructible et auquel les maladies que vous décriviez tantôt... et c'est une classification en classeurs. Enfin, c'est beaucoup plus une classification qu'un traitement et...

M. L'Allier: C'est le type de conseils qu'on peut fournir et qui s'avèrent des mesures conservatoires intérimaires, si on peut parler de la sorte en regard de leur...

M. Sylvain: On a la chance d'avoir à la tête de ce mouvement un type de 26 ans qui est un historien du patrimoine, qui, malheureusement, ne s'est pas trouvé, comme on dit en bon français, de job ailleurs et qui a décidé de prendre une initiative personnelle et de s'adjoindre beaucoup de gens autour de lui; c'est pour cela qu'il...

M. Morin: C'est ce qu'il faudrait souhaiter partout à travers le Québec.

M. L'Allier: Et encourager le personnel de la région qui veut se former à travailler là-dessus.

M. Morin: M. le Président, avec la permission de mon collègue de Beauce-Nord, nous pourrions passer au patrimoine.

Le Président (M. Pilote): L'élément 1 est adopté. Elément 2.

M. Morin: Je n'ai pas d'objection à ce que nous adoptions l'élément 1.

Le Président (M. Pilote): Adopté. Elément 2. Le patrimoine

M. Morin: L'élément 2 porte sur le patrimoine. Lors de son passage devant la Chambre de commerce de Montréal le 2 mars dernier, le ministre a prononcé un discours dans lequel il définissait la façon dont il concevait le rôle du ministère des Affaires culturelles en matière de patrimoine ainsi que le genre d'intervention du ministère dans ce domaine.

Le ministre a identifié l'une des grandes faiblesses en matière de protection du patrimoine, qui est l'absence de mécanisme de consultation populaire dans le processus juridique, qui devrait être également un processus social, de classement d'une maison ou de l'établissement d'un quartier ou d'une région comme arrondissement historique.

En vertu de la Loi sur les biens culturels, le ministre le reconnaît d'ailleurs dans son livre vert, il peut tout faire à sa discrétion. Ce qui est pire, c'est qu'il n'y a aucun mécanisme pour obliger le ministre à entendre certaines personnes et groupes et à accéder à leurs arguments. Il en va de même pour les municipalités qui ne peuvent pas être contraintes à tenir compte de certaines réalités sociales et humaines dans l'élaboration de projets qui touchent de près la population de certains quartiers.

Nous avons déjà, dans le passé, notamment lors de l'adoption du projet de loi no 91, soutenu cette thèse, le ministre s'en souviendra.

Il semble qu'une refonte de la loi s'impose de toute urgence. J'aimerais à cet égard connaître les .intentions précises du ministre. Il y a, dans le livre vert, je le sais, plusieurs considérations portant sur le patrimoine, sur les nouvelles structures que le ministre envisage, mais j'aimerais connaître, de façon plus précise, le calendrier, l'échéancier de travail du ministre en matière de patrimoine.

J'aimerais aussi connaître, à la lumière de ce qui est dit dans le livre vert, la place qui pourrait occuper la Commission des biens culturels dans une refonte de la loi. A l'heure acutelle, elle n'est que consultative. Cette commission jouerait-elle encore un rôle par rapport à la régie qui est à l'état de projet ou encore par rapport à la Société de gestion des biens culturels? Quel avenir réserve-t-on à cette commission, et sera-t-elle dotée, un jour où l'autre, de véritables pouvoirs décisionnels ou si le tout sera confié à la nouvelle régie du patrimoine? Ce sont mes premières questions, M. le Président.

M. L'Allier: Pour répondre brièvement à ces questions, je dirai, pour ce qui est du calendrier, que nous prévoyons déposer et si possible, avec le concours de l'Opposition, faire adopter à l'automne l'ensemble de la législation touchant le patrimoine et, par la suite, mettre en place les structures créées par ces lois, notamment, une régie du patrimoine, des commissions régionales des biens culturels, une société de gestion pour l'ensemble des biens culturels appartenant à l'Etat et, éventuellement, des sociétés filiales de gestion pour le patrimoine à la fois québécois et montréalais, appartenant aux deux villes situées sur le territoire soit des villes, soit des communautés urbaines.

Pour ce qui est de la Commission des biens culturels, la réponse à la question se trouve à la page 199 du livre vert où on y lit: Cette commission disparaîtra au moment de la création de la régie du patrimoine dont il est ici question. En effet, la nouvelle régie, en plus d'assumer les responsabilités actuelles de la Commission des biens culturels, sera un organisme décisionnel autonome et quasi judiciaire.

M. Morin: Le rôle consultatif de la commission fera place désormais à une régie qui prendra des décisions.

M. L'Allier: Une régie qui s'inspirera largement, dans sa formation, dans toute la mesure du possible, de la Régie des services publics du Québec qui prend des décisions et dont les décisions sont sans appel, sauf en droit, et à ce moment, devant la Cour d'appel.

M. Morin: Le ministre a également fait allusion à la possibilité d'associer les autres ministères du gouvernement au projet du ministère des Affaires culturelles, à ce qu'il nous disait, "pour faire travailler l'argent des autres".

Bien sûr, cette initiative est excellente, surtout en matière de recyclage des bâtiments anciens pour l'usage des ministères. C'est certainement mieux que de louer ou de faire construire des bâtiments neufs, et c'est une solution au problème

des grands bâtiments qui sont devenus trop onéreux pour leurs propriétaires. On voit, par exemple, en France, une politique systématique qui consiste à loger les services gouvernementaux dans des bâtiments anciens. Les autres ministères sont-ils réceptifs à cette idée?

Je songeais en particulier à un bâtiment dont on m'a dit — je ne sais si c'est exact — qu'il avait été acquis par les Affaires culturelles ou que les Affaires culturelles songeaient à l'acquérir, qui est le Morrin College à l'intérieur de la vieille ville de Québec. Voilà un bâtiment qui pourrait certainement être fort utile, qui pourrait loger des services, éventuellement même certains dépôts d'archives, peut-être, étant donné qu'on y trouve des voûtes considérables, des voûtes souterraines dont je ne connais pas l'état, cependant et qui sont peut-être trop humides pour entreposer les documents. Je prends cela à titre d'exemple. Le ministre peut-il nous donner plus de précisions sur cette façon dont il compte s'associer aux autres ministères?

M. L'Allier: Je pense, M. le Président, que le chef de l'Opposition a donné à peu près l'essentiel de ce côté. Nous souhaitons associer les autres ministères un peu comme nous l'avons fait jusqu'ici, et jusqu'ici les expériences que nous avons tentées se sont avérées heureuses. J'en veux donner pour exemple le cas de la prison des patriotes à Montréal, dont la sauvegarde supposera une dépense supplémentaire de près de $2 millions au ministère des Transports, qui a donc été associé, par le ministère des Affaires culturelles, à cette opération; le recyclage éventuel du couvent des Soeurs Grises, sur la rue Guy, pour une utilisation sinon totale du moins partielle par le ministère des Affaires sociales aux fins d'en faire un foyer d'hébergement pour personnes âgées à l'intérieur des coûts habituellement consacrés par le ministère des Affaires sociales, par lit, pour ce type d'établissement; le haut-commissariat, futur ministère des loisirs, qui a dès cette année à son budget une somme de $200 000 à $300 000, si ma mémoire est exacte, qui devra être consacrée à la restauration et à la mise en valeur de bâtiments historiques identifiés comme tels par le ministère des Affaires culturelles et désignés par le ministère des Affaires culturelles comme pouvant servir à des fins de loisirs socioculturels.

Nous allons donc dresser ces listes et le haut-commissariat verra, à l'intérieur de ces bâtiments, lesquels il souhaite lui-même utiliser pu proposer à des instances locales ou régionales à des fins de loisirs socio-culturels.

On peut continuer les exemples de cette nature. Il y a la vieille prison, à Québec, qui était propriété de l'Etat, par le ministère des Travaux publics, et qui a été cédée pour $1 au ministère des Affaires culturelles qui y travaille actuellement pour voir de quelle façon on peut l'utiliser comme annexe au Musée du Québec. Des travaux préliminaires sont en cours à ce sujet. On peut parler...

M. Morin: Des travaux préliminaires. Vous ex- plorez les possibilités d'utilisation ou en êtes-vous venus déjà à des conclusions?

M. L'Allier: On a des travaux qui sont en cours.

M. Morin: De transformation?

M. L'Ailier: Oui. On a commencé des travaux là-dessus, au moins de nettoyage.

M. Morin: A quelles fins? La création d'un musée?

M. L'Allier: Eventuellement — le projet n'est pas suffisamment complété en termes d'autorisation des différentes instances gouvernementales pour y procéder — la vieille prison pourrait, d'après nous, servir d'annexe au Musée' du Québec, qui est situé tout à côté, aux fins d'exposition et de présentation de certaines pièces et aussi comme lieu de travail de restauration, etc.

C'est donc un bâtiment qui est voisin du musée, qui offre en principe un espace au moins égal à celui du musée actuel, qui permettrait donc de doubler les espaces dont dispose le Musée du Québec et qui est accessible dans un même lieu. C'est ce genre de collaboration à laquelle nous songeons.

Une deuxième phase de collaboration consiste non seulement à aller au plus pressé, comme dans les cas que je viens d'indiquer, mais, par le biais d'une direction des relations interministérielles qui n'aurait que cette fonction, à faire le pont entre le ministère des Affaires culturelles et les autres ministères, à établir des plans d'action à plus long terme et touchant les équipements du ministère de la Justice, la vieille prison de Trois-Rivières, le recyclage du palais de justice de Saint-Jérôme, qui pourrait être transféré à la ville, qui en ferait son hôtel de ville, le ministère récupérant l'hôtel de ville actuel, etc.

C'est dans cette voie, je pense, que nous devons aller. C'est la logique même qui commande que nous essayions de recycler, d'utiliser ou de proposer à l'utilisation des bâtiments qui sont encore extrêmement valables et dont, par exemple, une ville comme Montréal foisonne.

Si on ne songe qu'à Montréal, il y a tout près de quarante bâtiments conventuels qui, au cours des prochaines années, seront largement désaffectés. Il y a des dizaines et des centaines d'églises à Montréal, dont certaines doivent être conservées, dont d'autres doivent être détruites ou démolies. Vous voyez l'ampleur du problème que cela pose. J'ai rencontré, la semaine dernière, avec le sous-ministre, l'archevêque de Montréal précisément sur cette question. Nous avons convenu d'établir un mécanisme permanent de travail entre les autorités ecclésiastiques de l'archidiocèse de Montréal et le ministère. Je dois rencontrer prochainement l'archevêque de Québec, le cardinal Roy, aux mêmes fins, pour faire en sorte que les principaux dépositaires du patrimoine, qui sont encore les religieux ou les admi-

nistrateurs de biens religieux, s'associent à cette politique de conservation et de mise en valeur du patrimoine.

M. Morin: Pour ce qui est du Morrin College, quelles sont les intentions du ministère?

M. L'Allier: Pour ce qui est du Morrin College, actuellement, nous sommes avec le ministère des Travaux publics en négociation pour acquérir cette propriété qui est, comme vous le savez, en vente. Elle est située à l'intérieur du périmètre, de l'arrondissement historique; donc, elle ne peut être vendue sans autorisation ou sans avis au ministère. Nous avons effectivement, au cours des derniers jours, fait une proposition d'achat.

M. Morin: Et à quelles fins?

M. L'Allier: Aux fins d'une utilisation soit par des services du ministère, par exemple, en faire la maison du patrimoine ou y loger les services du patrimoine. Eventuellement, peut-être, y loger aussi la Société historique de Québec et la société anglophone historique de Québec, qui a des liens historiques, c'est le cas de le dire, avec ces lieux, et voir à ce que cela devienne un lieu public qui soit utilisé à des fins générales de conservation et de mise en valeur du patrimoine ou à des fins reliées à des objectifs culturels, plutôt que de devenir un "steak house" ou un restaurant ou d'avoir d'autres formes d'utilisation, ce qui était, semble-t-il, dans les projets d'autres candidats acheteurs.

M. Morin: Ce serait tout à fait bien, un steak house dans les anciennes prisons...

M. L'Allier: Le Morrin steak house.

M. Morin: ... qui se trouvent dans les sous-sol. Ce serait une dénaturation après bien d'autres.

Mais est-ce que le bâtiment en question viendrait avec ses accessoires, c'est-à-dire avec toutes les petites maisons qui sont situées derrière, ou bien s'il viendrait seul?

M. L'Allier: Non, c'est l'ensemble.

M. Morin: C'est l'ensemble. Je crois que l'ensemble forme effectivement un tout qu'il ne faudrait pas diviser en morceaux.

M. L'Allier: Exactement. Je profite de l'occasion pour souligner rapidement que, si nous le faisons dans le cas du Morrin College et si nous pouvons le faire ailleurs à l'occasion, nous avons deux motifs qui nous guident essentiellement, c'est, d'abord, lorsqu'il s'agit d'un lieu d'une importance telle qu'il doive effectivement faire partie du patrimoine de l'Etat, c'est-à-dire être propriété publique, conservé et mis en valeur par les ressources de l'Etat à tout point de vue ou, alors, parce que c'est un bâtiment d'une valeur historique et culturelle certaine, et dont nous pou- vons, à court terme, trouver une utilisation concrète de rentabilisation. En d'autres mots, nous ne disposons pas, bien loin de là, des ressources qui nous permettraient d'acheter ou de conserver des biens au fur et à mesure qu'ils sont identifiés comme étant en danger. Là aussi, le ministère devra associer les autorités municipales et trouver — c'est prévu au livre blanc — des formules d'incitation beaucoup plus qu'il n'en existe maintenant pour que les citoyens privés, qui acquièrent et veulent restaurer un bien, bénéficient d'avantages fiscaux qui les encouragent à le faire.

M. Morin: Tout à l'heure, je vous ai entretenu du problème qui consiste à associer la population à la protection du patrimoine. Vous m'avez longuement parlé des commissions régionales, de vos tentatives de décentraliser la protection du patrimoine aussi bien que les archives. Mais est-ce que vous avez songé à des mécanismes précis permettant d'associer la population à la protection du patrimoine? J'entends en dehors ou en plus des sociétés historiques.

M. L'Allier: Nous proposons la création de commissions régionales des biens culturels, qui seraient des lieux où seraient regroupés, dans la mesure où elles le souhaiteraient les sociétés historiques, les sociétés de mise en valeur et tous les citoyens d'une région donnée.

Ces commissions auraient, bien sûr, dans notre esprit un rôle consultatif à la régie du patrimoine et aussi consultatif au ministère. Nous ne voulons pas, cependant, en faire uniquement des commissions consultatives. Nous souhaitons qu'elles puissent assumer certains des pouvoirs qui sont actuellement réservés au ministre des Affaires culturelles, notamment le pouvoir de reconnaître, dans les régions, des biens culturels à être conservés.

Vous connaissez la distinction entre le classement et la reconnaissance. Un bien reconnu est celui dont on ne peut disposer sans en aviser les autorités publiques. C'est actuellement le ministre qui a le pouvoir et de reconnaître et de classer. Je pense qu'il serait possible de confier à ces commissions régionales le pouvoir de reconnaître des biens, donc d'assumer une mesure conservatoire sur des biens identifiés par eux. Nous souhaitons aussi les associer directement, sinon leur confier directement la responsabilité de faire les préinventaires ou le dépistage des biens culturels à conserver dans une région. En tout état de cause, il est proposé dans le livre vert que lorsque la régie des biens culturels aura à rendre une décision touchant un bien culturel, ce bien étant forcément situé dans l'une des régions du Québec, le président de la commission régionale des biens culturels siégera d'office sur le banc de la régie en région, là où est situé le bien au sujet duquel la décision est proposée.

Actuellement, à court terme, nous avons amorcé cette opération, notamment, en favorisant la création de comités de sauvegarde, par exemple, à l'île d'Orléans ou ailleurs. Je pourrais don-

ner au chef de l'Opposition un exemple intéressant de ce que nous avons fait sans intervention très poussée des spécialistes du ministère, précisément dans cette optique de tenter de laisser aux régions le soin de s'assumer. Il s'agit du moulin Gariépy qui est situé à Grondines, si je me souviens bien. A Deschambault. Le moulin Gariépy qui, incidemment, appartenait à Mathieu, propriétaire de la Butte à Mathieu.

M. Morin: Gariépy ou Gaudreault? M. L'Allier: Gariépy. Une Voix: C'est le même.

M. Morin: C'est le même moulin qui a porté plusieurs noms? En 1927, il s'appelait le moulin Gaudreault.

M. L'Allier: C'est un moulin qui appartenait donc à Mathieu, de la Butte à Mathieu; Mathieu l'ayant acquis en 1963 ou 1964, il s'en est complètement désintéressé pendant une dizaine d'années.

M. Morin: II tombait en ruines.

M. L'Allier: II tombait en ruines. Les biens qui s'y trouvaient, les meubles en particulier, semblent avoir été vendus, dilapidés et on se retrouve avec la carcasse d'un bâtiment — la société historique locale peut le démontrer par une série de photographies — qui a eu une valeur extrêmement grande, qui en a encore une, mais qui nécessite des fonds...

M. Morin: Je suis heureux d'entendre le ministre; je le dis en passant. Le moulin Gaudreault en question, nous en avons parlé pour la première fois à cette commission l'année dernière.

M. L'Allier: Je suis heureux de dire au chef de l'Opposition ce que nous avons fait à ce sujet-là.

M. Morin: Et j'écoute avec beaucoup d'attention.

M. L'Allier: On a cherché une formule originale. Le moulin n'était pas classé, il n'était pas reconnu non plus parce que nous sommes à compléter l'inventaire des moulins au Québec. Il appartient à Mathieu et il est donc impossible au ministère des Affaires culturelles de donner une subvention au propriétaire bonifiant sa propriété qui n'est même pas un bien reconnu aux fins de la loi. Donc, je n'ai pas le droit, le ministère n'a pas le droit de donner une subvention au propriétaire pour la restauration ou même essentiellement pour la conservation des lieux.

J'ai rencontré la population sur place et nous avons discuté de l'ensemble des choses à faire. Finalement, nous avons convenu d'accorder une subvention pouvant aller jusqu'à $5000 à la Société du vieux presbytère de Deschambault qui était prête à assumer la responsabilité des mesures conservatoires. Cette subvention était accordée à la société pour payer les frais de matériel, c'est-à-dire les matériaux et ce qui était nécessaire et les experts, la main-d'oeuvre devant être une main-d'oeuvre locale, ce que la société était d'accord pour faire également, à la condition toutefois que le propriétaire du moulin accepte de consentir, sur le bien bonifié de cette façon, une hypothèque égale au montant de la subvention en faveur de la société historique, ce qui a été accepté par le propriétaire. Les travaux se sont faits, le moulin a été, semble-t-il, vendu plus cher qu'il l'aurait vendu s'il n'avait pas été restauré. La société historique a négocié un taux d'intérêt et a maintenant une hypothèque qu'elle peut récupérer du nouveau propriétaire au cours des cinq prochaines années.

En d'autres mots, une subvention de $5000...

M. Morin: Qui est le nouveau propriétaire? M. L'Allier: Je ne sais pas.

M. Morin: Mais les toitures ont-elles été réparées récemment?

M. L'Allier: Oui.

M. Morin: Elles l'ont été.

M. L'Allier: Ils ont empêché le tout de tomber. Cela s'est fait de l'intérieur. Cela a coûté en matériaux, je pense, $4800 ou quelque chose comme cela.

M. Morin: C'est pour l'empêcher de tomber, parce, quand ils vont vouloir faire les toitures correctement, il y a des poutres fort abîmées...

M. L'Allier: Ils l'ont refermé de l'intérieur. Le ministère n'a rien eu à voir avec les travaux; c'est la société elle-même qui a été le maître d'oeuvre, qui a recruté le personnel qui a fait les travaux. La main-d'oeuvre gratuite, qui a été à court terme fournie par la société, ses membres ou ceux qu'elle a associés avec elle, parce qu'il s'agissait, en fait, de faire l'équivalent d'une corvée locale, se trouve directement compensée par le fait que la société maintenant dispose d'un capital de $5000 qui sont les mêmes $5000 de la subvention qui a servi aux travaux.

En poussant cette expérience plus loin ou en nous en servant pour illustrer la façon dont les gens dans une région peuvent s'associer à la sauvegarde du patrimoine, je pense que nous allons dans la bonne direction. Ainsi, le ministère n'a pas eu à passer par les Travaux publics ou par Pierre, Jean et Jacques pour faire les travaux. Les travaux se sont faits sous la surveillance directe et sévère de ceux qui ont intérêt à la sauvegarde du patrimoine. Ces gens, sachant qu'ils avaient, quant à nous, un montant maximum de $5000 pour le faire, l'ont fait à l'intérieur de ce montant et à un coût inférieur à ce montant, mais ils disposent du

même capital aux fins de la Société du vieux presbytère, sans contrainte du ministère des Affaires culturelles.

M. Morin: Je me réjouis beaucoup de ces nouvelles. C'était pitié de voir cela. On peut prévoir, donc, que ce moulin sera un jour utilisé à des fins communautaires peut-être.

M. L'Allier: Je présume que oui, mais je ne sais pas ce que le propriétaire veut en faire.

M. Morin: Enfin, l'essentiel, pour l'instant c'était de le sauver.

M. L'Allier: Exactement.

M. Morin: Les toitures étaient sur le point de s'effondrer. Bien, nous reviendrons sur certaines maisons spécifiques par la suite.

Je ne veux m'attarder sur aucun bâtiment en particulier, pour l'instant. J'en suis encore à tenter de déblayer les politiques générales du ministère en matière de patrimoine. Lors de son passage à Montréal pour le dévoilement d'une plaque commémorative en l'honneur de l'un des fondateurs de la Banque de Montréal, le ministre des Affaires indiennes et responsable de Parcs Canada, M. Judd Buchanan, qui a fait parler de lui récemment à l'Assemblée nationale à la suite d'une lettre qu'il envoyait à l'un de ses collègues et dans laquelle il était question du Québec, a clairement exprimé l'intention du gouvernement fédéral de participer beaucoup plus activement à la protection du patrimoine à l'intérieur des limites du Québec.

Et cet intérêt se traduit de deux façons. Premièrement, le gouvernement fédéral veut mettre la main sur plusieurs emplacements, surtout dans la région de Montréal. Je mentionne, entre autres, le canal de Chambly, le site des batailles de Châteauguay, les maisons de Cartier, de Papineau, à Montréal, le canal Lachine, la maison de Laurier à Saint-Lin, la maison du premier ministre Saint-Laurent, à Compton.

On sait que le gouvernement fédéral a déjà mis la patte sur les vieilles forges du Saint-Maurice et qu'il préside à la restauration du Parc de l'artillerie à Québec. Il y a également d'autres projets qui sont en voie d'élaboration, dont nous pourrons parler par la suite. Deuxièmement, le gouvernement fédéral songe à mettre sur pied un programme de conservation, fondé sur la création d'un répertoire canadien des biens historiques, permettant l'octroi de subventions fédérales à la rénovation et à l'élaboration de concepts d'arrondissements historiques fédéraux.

Si on ajoute à cela, maintenant, les déclarations encore plus récentes du député Joyal, prononcées à Joliette le 25 janvier 1976 et, plus récemment, le 10 juin, on constate que le gouvernement fédéral pourrait aller très loin dans cette direction.

Je suis bien obligé de penser que le gouvernement fédéral pourrait même en arriver non pas à se substituer entièrement aux efforts du Québec, mais, étant donné qu'il dispose de fonds considérables, à s'intéresser à nombre de monuments qui, tout normalement, devraient être sous la responsabilité du gouvernement du Québec. Je sais qu'on songe, par exemple, à l'église Notre-Dame de Montréal, on songe également à plusieurs autres monuments importants de notre histoire collective.

Il devient de plus en plus évident, à la lumière de toutes ces déclarations, que le gouvernement fédéral, avec un budget beaucoup plus considérable, pour ne pas mentionner celui d'Héritage Canada, a fermement l'intention de profiter des imprécisions de la constitution dans ce domaine et d'envahir tranquillement, mais de façon certaine, ce domaine où il est vital, à notre avis en tout cas, que les Québécois soient les seuls maîtres d'oeuvre.

Le 2 mars dernier, le ministre a insisté sur la collaboration et non sur la concurrence qui devrait prévaloir entre Québec et Ottawa, en matière de patrimoine, et le fait que le Québec se devait d'être le premier maître d'oeuvre en matière de patrimoine. Il a cependant été, de façon étonnante, sur la défensive, à notre avis, dans un domaine où les biens visés sont la propriété collective des Québécois, en ne niant pas la thèse de "l'intérêt national" appliquée à certains biens historiques, par rapport à l'intérêt purement québécois de certains autres. Thèse qui est chère au ministre Buchanan.

Je constate, à notre avis en tout cas, qu'il n'a pas été suffisamment clair en ne s'opposant pas carrément, en n'opposant pas une fin de non-recevoir aux demandes du gouvernement fédéral, en n'exigeant pas que toutes les sommes d'argent dépensées par le gouvernement central pour le patrimoine soient versées intégralement au Québec qui, lui seul, est en mesure de coordonner adéquatement les efforts dans ce domaine, qui doit être le seul responsable de l'utilisation des fonds engagés. J'aimerais que le ministre nous précise à nouveau les intentions de son ministère à ce sujet.

Il semble que cette offensive fédérale soit appelée à se développer, si j'en crois les toutes dernières déclarations du député Joyal, qui sont rapportées dans les journaux du 10 juin. Cette politique va être de plus en plus active, le gouvernement fédéral va être de plus en plus présent dans les questions de patrimoine. J'aimerais qu'il nous précise également son attitude à l'égard d'Héritage Canada.

M. L'Allier: M. le Président, je vais commencer par la fin. Mon attitude à l'égard d'Héritage Canada est décrite, si ma mémoire est exacte, dans les pages 104 ou 105 du livre vert. Je pourrais lire cela tout à l'heure; je vais le trouver.

Deuxièmement, ce que vient de dire le chef de l'Opposition vient de semer un doute dans mon esprit. J'ai l'impression que je l'ai peut-être mal cité au cours des dernières semaines en me référant, de mémoire, à des positions que, dans mon esprit en tout cas, il avait prises à l'Assemblée nationale, à l'effet que la constitution actuelle, quelle que soit la façon dont on la triture, ne reconnaît

pas la juridiction exclusive des provinces en matière culturelle. Est-ce que c'est exact? Je voudrais éclaircir ce point?

M. Morin: II n'y a rien de précis dans le British America Act sur les questions culturelles, mais on peut dire que l'esprit de ce vieux document est à l'effet que les questions culturelles relèvent, avant tout, des provinces, compte tenu du fait que l'éducation est de compétence provinciale et que les institutions locales sont considérées comme relevant de la compétence provinciale.

M. L'Allier: Donc, ma mémoire est assez exacte. Je me souviens de la source, c'était, je pense, dans le journal des Débats, à l'occasion des crédits de l'an dernier ou de l'année précédente.

Si nous nous placions sur une base de contestation judiciaire, nous avions peu de chance d'établir que la culture était de responsabilité exclusive des provinces.

M. Morin: Surtout devant la Cour suprême du Canada, c'est bien évident.

M. L'Allier: Au même endroit, plaçons-nous au niveau de la faculté.

M. Morin: Au niveau de la faculté, nous pourrions soutenir que c'est un domaine de compétence, prioritairement provincial, à tout le moins...

M. L'Allier: Prioritairement. A partir de là, la revendication du transfert fiscal que nous pourrions faire se ramène, à toutes fins pratiques, à une revendication constitutionnelle, à une discussion constitutionnelle. Nous pouvons, bien sûr, nous entendre avec le gouvernement fédéral sur des transferts fiscaux, mais vous connaissez comme moi l'attitude du gouvernement fédéral à ce sujet. Même dans les domaines où nous croyons avoir une juridiction exclusive — je pense en particulier à la câblodistribution — les dossiers n'avancent pas tellement. Donc, réclamer à ce moment-ci les transferts fiscaux aux fins de la conservation du patrimoine, lui-même se situant à l'intérieur d'une parité culturelle qui n'est pas, nous le reconnaissons, de juridiction exclusive du Québec, est effectivement amorcer une discussion constitutionnelle.

M. Morin: Je regrette les propos du ministre. J'estime que l'un de ses devoirs est d'affirmer sans ambages qu'il s'agit là d'une compétence exclusive du Québec.

M. L'Allier: Nous pouvons l'affirmer, mais vous nous avez souvent reproché que de l'affirmer ne menait à rien.

M. Morin: Entendons-nous bien. Je pense qu'on peut le soutenir dans ce cas. Vous pouvez, à tout le moins, le revendiquer.

M. L'Allier: Nous pouvons le soutenir politi- quement, mais sur le plan juridique, nous ne pouvons pas, dans l'état actuel de la constitution, prétendre que la culture est de juridiction exclusive des provinces.

M. Morin: Depuis la commission fédérale sur la culture — j'oublie le nom — depuis la commission Massey l'intrusion fédérale est tellement ample qu'aujourd'hui nous sommes devant un problème politique majeur.

M. L'Allier: C'est-à-dire qu'il faut passer par le détour de l'Education pour en arriver à pouvoir prétendre à une juridiction exclusive des provinces, ce que j'accepte, pour ma part, de faire volontiers. Je ne veux pas faire de débat de sémantique en disant que la culture est une responsabilité partagée; d'ailleurs, je l'indique à quelques reprises dans le livre vert. Il va de soi que, dans l'état actuel de développement au Québec, il est essentiel que les responsabilités, que la maîtrise d'oeuvre en matière culturelle soit la responsabilité de l'Etat québécois. Ceci dit, je n'ai pas l'intention de poser le problème en ces termes comme la priorité à régler avant de faire quoi que ce soit. On a parlé jusqu'ici des archives, on a parlé du patrimoine, on a parlé ce matin d'autres sujets culturels. Dans bien des cas, ce sont des problèmes que nous pouvons régler ici. La question des archives nécessite d'abord des réponses ici; la question du patrimoine nécessite d'abord que nous nous organisions nous-mêmes pour sauvegarder le patrimoine. Encore une fois, les spécialistes, ceux qui s'intéressent à ces questions ne pourront pas faire grief au gouvernement fédéral de conserver les choses si nous n'avons pas nous-mêmes des politiques culturelles de conservation et de mise en valeur. C'est pourquoi c'est d'abord cela que j'ai voulu proposer dans le livre vert.

Ceci dit, pour ce qui est de revenir aux volontés d'intrusion et à l'intrusion réelle du gouvernement fédéral dans le domaine du patrimoine, la question se pose dans les termes suivants. Il s'agit de propriétés privées ou de propriétés publiques. S'il s'agit de propriétés privées, évidemment, les propriétaires, en droit civil, peuvent en disposer à leur guise, et le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique ou le gouvernement du Pakistan peuvent les acquérir au Québec, actuellement. Il n'y a pas de règles qui empêchent l'acquisition de la propriété privée par qui que ce soit dans la mesure où on respecte le droit civil et peut-être même certaines autres règles fiscales.

S'il s'agit de propriétés publiques, ce sont des propriétés publiques provinciales, québécoises ou municipales. Parlons des propriétés publiques provinciales. Elles ont pu, à l'occasion, être transférées dans le passé au gouvernement fédéral. En ce qui me concerne, les propriétés publiques qui appartiennent au gouvernement et qui ont un rapport quelconque avec le patrimoine ou le secteur culturel ne doivent pas être transférées à quelque gouvernement que ce soit.

S'il s'agit de propriétés publiques ou privées, eHes sont classées ou non classées. Si elles sont

non classées, ce que je viens de dire s'applique intégralement en ce sens qu'un bien, qu'il soit privé ou public, peut théoriquement être vendu à n'importe quel acheteur qui accepte d'en payer le prix et qui accepte de se conformer au droit civil. S'il s'agit d'un bien public classé, le cas s'est posé entre le gouvernement fédéral et un propriétaire d'un bien classé au sujet de la maison Papineau à Montréal. M. McLean en est le propriétaire. C'est une propriété privée à la restauration de laquelle nous avons participé financièrement. Nous avons posé une condition très simple au gouvernement fédéral avant d'autoriser la cession de ce bien au gouvernement fédéral par le propriétaire. Cette condition était la suivante: II faut que le gouvernement fédéral accepte, dans le contrat d'acquisition et comme nouveau propriétaire, de se soumettre, maintenant et pour l'avenir, aux lois et règlements du Québec en matière de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine. Ce que le gouvernement fédéral, vérification faite et à l'appui de ce que je vous dis — nous avons une copie de l'avis juridique qui a été fourni par le greffier de la Chambre des communes à Ottawa au gouvernement fédéral — peut légalement faire. En d'autre mots, le gouvernement fédéral peut accepter de se soumettre aux lois et règlements d'une province...

M. Morin: Veut-il le faire?

M. L'Allier: II peut le faire et c'est pourquoi nous avons posé cette condition qui devient pour nous un principe en matière de patrimoine. Chaque fois que le gouvernement fédéral voudra acquérir un bien classé, quel que soit le propriétaire, nous poserons, quant à moi, cette condition: Qu'il accepte de se placer sur le même pied que n'importe quel propriétaire, y compris l'Etat québécois. Il a refusé de le faire dans le cas de la maison Papineau. Nous en faisons également état au livre vert comme d'un exemple et la vente ne s'est pas faite. Ce sont les mesures que nous pouvons prendre dans l'état actuel des choses pour protéger Te patrimoine classé bien culturel.

Pour le reste des propriétés, c'est une question politique qui touche l'ensemble du gouvernement et non pas le ministère des Affaires culturelles. Je n'ai pas l'intention de refaire ici les débats qui ont pu avoir lieu autour de l'acquisition du parc du Saguenay ou de la cession de territoire à Trois-Rivières ou d'échange de territoires. Je donnerai comme exemple, pour illustrer nos intentions, les très longues discussions qui ont eu lieu ici même à Québec pour le gouvernement fédéral et la Corporation de l'Hôtel-Dieu de Québec. Le gouvernement fédéral voulait acquérir un espace situé près de l'Hôtel-Dieu, appartenant à l'Hôtel-Dieu, pour compléter le parc de l'Artillerie. Comme s'il s'agissait d'un immeuble situé dans le périmètre du Québec historique, l'autorisation du ministère était nécessaire. Nous avons refusé l'autorisation de céder le bien et je pense que, finalement, une entente est intervenue pour une location par les propriétaires actuels au gouvernement fédéral aux fins d'aménagement.

M. Morin: N'estimez-vous pas que la réaction, le refus d'Ottawa d'accepter la condition pourtant raisonnable que vous lui proposiez, compte tenu de toutes les circonstances, dénote une certaine rigidité de sa part? Ce qui m'inquiète, c'est que vous semblez prêt à collaborer, à rechercher des modes de fonctionnement qui associeraient le Québec à la protection du patrimoine, tandis que le gouvernement fédéral ne semble pas du tout entrer dans ce jeu.

M. L'Allier: Libre à lui de le faire.

M. Morin: Ne s'apprête-t-il pas, depuis quelques mois, d'après tout ce qu'on a pu voir, à envahir littéralement le Québec avec sa politique de protection du patrimoine?

M. L'Allier: Qu'il s'apprête à le faire ou non, qu'il ait les budgets ou non pour le faire, que ce soit ou non ses priorités, c'est relativement peu important dans la mesure où nous nous donnons les moyens d'identifier ce patrimoine et de le classer. C'est là qu'est pour nous la priorité. Dès que l'immeuble est classé, il est protégé par la législation québécoise. Nous avons l'intention, à chaque fois que le gouvernement fédéral voudra s'en porter acquéreur, si nous-mêmes ou des Québécois ne peuvent ou ne veulent s'en porter acquéreur, de le protéger de la façon que j'ai indiquée et qui est celle que nous avons utilisée dans le cas de la maison Papineau. Il est possible que nous n'ayons pas les ressources, que personne au Québec ne soit suffisamment intéressé pour investir des ressources dans la conservation du patrimoine.

Le problème se pose au niveau politique supérieur. Doit-on procéder à des transferts de fonds des ententes constitutionnelles? Ce n'est pas à mon niveau que ce problème se pose. Quant à moi, l'urgence consiste à identifier le patrimoine, à le classer, à le reconnaître et, à partir de là, à le protéger contre quiconque voudrait l'utiliser d'une façon qui n'est pas conforme aux objectifs du ministère.

Mais si le gouvernement fédéral, comme propriétaire, accepte de se conformer aux lois, exigences et règlements du Québec, maintenant et pour l'avenir, en termes d'utilisation, de mise en valeur, de conservation, de protection, je ne vois pas quelle est la différence entre l'investisseur fédéral et l'investisseur ontarien ou pakistanais.

M. Morin: Vous pensez bien que cela est fait en vue d'objectifs politiques très précis...

M. L'Allier: Très précis.

M. Morin: ... qui sont liés à ceux de Parcs Canada. La différence, c'est évidemment que vous verrez de façon très obvie la présence fédérale...

M. L'Allier: oui...

M. Morin: ... et le drapeau canadien flotter sur le tout pour consacrer cette présence.

M. L'Allier: ... M. le Président, s'il s'agit de biens qui font partie du patrimoine et si le propriétaire éventuel, quel qu'il soit, accepte de se soumettre aux législations et aux règlements, il nous appartient à nous de faire les législations et les règlements qui mettent en valeur ce patrimoine suivant nos objectifs et nos priorités.

Si on en arrive à la conclusion que le drapeau québécois doit flotter sur les immeubles classés, le drapeau québécois devra flotter sur les immeubles classés.

M. Morin: Evidemment, on touche à la question de l'inventaire sur laquelle j'ai l'intention de revenir plus tard parce que, dans la mesure où l'inventaire fédéral est plus avancé — du moins dans certains secteurs — que l'inventaire québécois, bien sûr, le fédéral a une foulée d'avance.

M. L'Allier: Je pense que ce n'est pas exact, M. le Président.

M. Morin: J'aimerais que vous me le disiez clairement.

M. L'Allier: Je vais laisser M. Junius vous parler des inventaires. Même M. Joyal, avec toutes les visées que vous lui prêtez, reconnaît très volontiers, en même temps que Mme Sauvé, M. Buchanan et bon nombre d'autres qui s'intéressent à ces questions, qu'en matière de patrimoine, le Québec a de l'avance, et une longue foulée d'avance, sur les volontés fédérales.

M. Morin: N'est-il pas arrivé que vous utilisiez vous-mêmes les inventaires fédéraux à l'occasion?

M. L'Allier: Chaque fois que ce sera possible et qu'ils seront faits, nous allons le faire, bien sûr. Pourquoi répéter le même travail? C'est le même argent. Si l'inventaire des églises est terminé, je ne vois pas qu'on découvre des églises qu'il n'aurait pas vues. Si cela existe dans les documents et qu'on peut les obtenir, on va s'en servir, quitte à compléter.

M. Morin: II ne semble pas être si en retard que cela pour ce qui est des églises, en tout cas!

M. L'Allier: Je vous cite M. Joyal qui reconnaît lui-même que son gouvernement est en retard; je vous cite Mme Sauvé qui l'a dit à Joliette au moment de l'inauguration du musée et...

M. Morin: II est en retard par rapport à ses objectifs, bien sûr.

M. L'Allier: Par rapport aux politiques du Québec en matière de patrimoine. C'est ce qu'ils ont dit. Maintenant, vous pouvez les contester aux crédits de M. Buchanan. Moi, je ne serai pas là.

M. Morin: Au point de vue de l'inventaire? Enfin, écoutons M. Junius.

M. L'Allier: M. le Président, en ce qui concerne les inventaires, il est évident que le gouvernement fédéral a travaillé, par un programme spécial qui a été mis en marche, je pense, par, le ministre Jean Chrétien à l'époque, dans les années soixante-dix. On a commencé un inventaire qui était un inventaire pancanadien et, pour ce faire, le gouvernement du Canada a distribué son argent de façon inégale à travers les provinces, en attribuant un tiers, pratiquement, de la dépense pour le Québec.

Cependant, quand on parle d'inventaire canadien, on est ici en présence d'un tout premier repérage ou d'à peine un préinventaire; les fiches que nous avons vues à Ottawa — nous sommes allés les visite — font montre véritablement de préliminaires de préinventaire.

Je pourrais parler d'un repérage général à travers le Québec. Ce travail a été fait par des spécialistes à Ottawa mais, sur le terrain en général, a été fait avec de la main-d'oeuvre étudiante. Il y a de nombreuses erreurs dans l'inventaire canadien. Nous en avons repéré quelques-unes. Cependant, ce repérage étant utile pour nos fins, nous avons négocié au niveau des fonctionnaires — puisqu'on est en relation, je ne dirais pas tous les jours, mais il arrive qu'on soit en relation avec des fonctionnaires fédéraux — et nous avons fait avec eux un protocole stipulant que l'inventaire ou le préinventaire canadien, qui concerne le Québec, nous soit remis. Nous avons une copie complète, dans nos bureaux, des 30 000 ou 40 000 bâtiments qui ont été photographiés et dont quelques fiches techniques, si vous voulez, quelsques documents ou données techniques ont été indiqués sur la fiche d'inventaire.

En ce qui concerne les églises, je ne prendrai qu'un exemple qui est l'île de Montréal. Il y a 250 églises de Montréal qui ont été faites par nos soins, qui ont été terminées cette année et, en même temps que l'inventaire assez approfondi des documents.

Nous avons, en plus, l'inventaire de tous les biens mobiliers de l'église et parfois même du presbytère. Je ne parle pas des communautés; on ne l'a pas fait. Il y a 250 églises. Cela nous a pris une année pour réaliser ce programme, avec un personnel malheureusement insuffisant. Mais, en ce qui concerne les églises, je puis vous assurer qu'à Montréal, où la pression se fait la plus forte, on va être en mesure de présenter au ministre, assez prochainement, un dossier qui montre la situation des églises, celles qui sont à recommander pour classement, celles qu'il sera recommandé de conserver à cause de leur situation géographique parfois uniquement; c'est intéressant pour le paysage, mais l'église ne l'est pas sur le plan architectural. Enfin, il y a tout un train de mesures en ce qui concerne le mobilier, les oeuvres d'art, l'orfèvrerie, l'ébénisterie, etc. Je parle de l'île de Montréal.

Le diocèse de Saint-Hyacinthe, aussi, par exemple, a vu son préinventaire complété par nous, mais de façon plus approfondie que l'inventaire canadien, l'année passée. Il y en a d'autres

aussi; je pourrais vous en donner peut-être une liste que j'ai ici, d'ailleurs.

M. Morin: Pour être spécifique, ce que je craindrais, c'est que les fédéraux n'en viennent, eux aussi, à procéder au classement, de sorte que nous nous trouvions un jour devant deux classements parallèles. Alors, il y aurait de beaux problèmes juridiques. Les édifices classés par le gouvernement fédéral seraient-ils sujets à la législation québécoise sur les biens culturels? Voilà une fort belle question.

M. L'Allier: Exactement, mais sans vouloir offenser le chef de l'Opposition, c'est une question que je poserais en faculté plus qu'ici. Je trouve que j'ai assez de problèmes et qu'on a assez de problèmes actuellement à régler sans vouloir régler un problème hypothétique. Le jour où le gouvernement fédéral proposera d'avoir son propre classement avec une législation qui touche le patrimoine, nous aurons effectivement un problème qui devra se régler, encore une fois, au niveau du gouvernement. Ajoutons cela à la liste du contentieux fédéral-provincial. Si on le règle, cela ne vous rend pas service et, si on ne le règle pas, vous vous rapprochez du but.

M. Morin: C'est une façon d'envisager les choses. De toute façon, naturellement, les biens publics fédéraux, d'après les règles de la succession d'Etat, passeraient à un Québec indépendant.

M. L'Allier: Oui, mais avec... M. Morin: Mais en attendant...

M. L'Allier: ... les 0,72% que vous aviez prévus au budget de l'an 1, vous n'iriez pas très loin dans le classement. 0,72%, c'est-à-dire le troisième du vrai budget en dix-sept ans.

M. Morin: En chiffres absolus, je crois que le montant était important.

M. L'Allier: Oui, mais avec les dépenses absolues que vous aviez aussi.

M. Morin: Bien sûr. De toute façon, le ministre conviendra que c'est probablement de ce côté qu'il faudra chercher la solution. Je sais que lui-même n'y est pas à ce point rebelle qu'il n'y ait songé dans le passé.

Pour ce qui est de la maison Papineau, j'aimerais revenir sur l'entente entre les deux gouvernements. Il semble que le gouvernement fédéral ait refusé, si j'ai bien compris le ministre, d'acheter la maison de M. MacLean.

M. L'Allier: Oui.

M. Morin: Bon. Est-ce que je dois en conclure que, désormais, il y a une possibilité que le gouvernement fédéral ne s'aventure plus à acheter une maison ou un bien qui est déjà classé par vos services?

M. L'Allier: C'est une question d'interprétation. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, depuis l'aventure de la maison MacLean, M. Buchanan semble être occupé ailleurs et il n'y a pas eu, par le gouvernement fédéral, de propositions d'achat de biens classés, à ma connaissance.

M. Morin: Avez-vous une idée de ce qu'il adviendra de la maison Papineau désormais? M. MacLean la conservera-t-il tout simplement?

M. L'Allier: M. MacLean la conserve actuellement. Bien que ce ne soit pas notre fonction première, nous cherchons à voir si, d'éventuels acheteurs québécois, notamment au sein de fondations privées, seraient disposés à procéder à l'achat ou même à s'associer à un achat qui pourrait être fait par le ministère, à condition que ce soit en participation, mais pas nécessairement au prix offert par le gouvernement fédéral, puisque nous avons déjà investi dans ces lieux $60 000 aux fins de restauration dans le cadre de la Loi sur les biens culturels. Le prix proposé par le gouvernement fédéral, si c'était une acquisition québécoise, est un peu exagéré.

M. Morin: Récemment, le gouvernement fédéral a adopté une loi qui tente de mettre un frein à la fuite des biens culturels canadiens ou québécois vers les pays étrangers. Etant donné la situation constitutionnelle, ce n'était pas une mauvaise initiative. J'aimerais vous demander ce qu'il faut penser d'un autre problème qui est celui de l'exode des biens culturels québécois vers les autres provinces ou vers Ottawa.

Ne serait-il pas opportun que des mécanismes soient instaurés pour faire en sorte que les biens en question ne puissent prendre le chemin des autres provinces et trouvent preneur prioritairement au Québec? '

M. L'Allier: Pour répondre précisément à la question, oui, ce serait opportun que des mécanismes soient mis au point. Encore faudrait-il qu'on en vérifie l'efficacité dans le fonctionnement. En d'autres mots, cela suppose essentiellement que nous savons où sont ces biens et que nous sommes informés, ou susceptibles de l'être, quant à leur déplacement. Je vous donne l'exemple de la bibliothèque du Artic Institute, à Montréal, dont on a appris le départ au moment où effectivement le dernier camion quittait Montréal. A moins d'avoir une police du patrimoine qui se situe aux frontières, on a un problème.

Si on se place dans le contexte actuel où nous avons toutes les difficultés du monde à empêcher non pas le départ mais la démolition d'une église dont on est sûr qu'elle ne disparaîtra pas d'elle-même, vous imaginez que pour un tableau, une pièce d'orfèvrerie ou pour un meuble, la situation est drôlement plus compliquée. Je pense que la réponse, si réponse il y a, se situe bien davantage

au niveau d'une association du ministère via les commissions régionales des biens culturels, avec les sociétés historiques et au niveau des préinventaires et du dépistage qui peut se faire localement par les gens du lieu qui connaissent ces biens,.

En donnant aux commissions régionales des biens culturels certains pouvoirs ou un pouvoir de reconnaissance des biens, on assure déjà une première surveillance des lieux. On pourra même aller jusqu'à reconnaître à ces organismes des pouvoirs de conservation physique au cas de départ des biens. Mais si on essaie de mettre en place des structures administratives pouvant gérer cette immense opération de sauvegarde, qui ne peut être viable que si elle est appuyée sur une volonté individuelle des Québécois de sauver leur patrimoine, qui ne peuvent donc que s'appuyer sur une éducation permanente, tous les moyens qu'on pourrait mettre en place sont voués à l'échec.

Je pourrais élaborer là-dessus longtemps. Dans les arrondissements historiques, actuellement, on a toute la difficulté du monde à convaincre les résidents ou les propriétaires de prendre les mesures de conservation des lieux, des bâtiments, des maisons, des constructions, et tout. L'éducation est à faire et il faut davantage leur donner, à eux, les ressources de le faire plutôt que de nous imposer, nous, comme une contrainte et comme un gardien exclusif et jaloux du patrimoine. L'exemple de l'île d'Orléans. Si on parle de cela, quand je suis arrivé au ministère, il y avait 40 ou 45 poursuites judiciaires en cours contre des résidents de l'île. Ce n'est pas comme cela qu'on va sauver l'île d'Orléans. Il faut d'abord avoir une action d'éducation, confier à des citoyens, localement, cette responsabilité à la société historique et peut-être, à ce moment-là, si les gens le veulent bien, que le patrimoine sera conservé.

M. Morin: Je suis d'accord avec le ministre que tout cela est affaire d'éducation, fondamentalement, mais n'est-il pas d'avis qu'il faudra tout de même, un jour, envisager des sanctions pour prévenir l'exode de certains biens?

M. L'Allier: Oui, mais la sanction doit suivre le service, l'inventaire, le répertoriage et le conseil qu'on donne aux gens. Je pense qu'il n'est pas souhaitable de faire précéder la sanction, d'imposer des règlements qui sont largement méconnus ou inconnus. La loi actuelle prévoit qu'un bien reconnu ne peut quitter le Québec sans autorisation. La loi actuelle le prévoit à l'article 17: "Aucun bien reconnu ne peut être transporté hors du Québec sans la permission du ministre qui prend l'avis de la commission dans chaque cas." Vous imaginez!

M. Morin: II n'y a pas de sanction.

M. L'Allier: La commission se réunit une fois par mois. Bien oui, il y a des sanctions prévues par la loi, mais ce sont des sanctions modestes. La commission se réunit une fois par mois et le bien, qui est un bien mobilier, est sur le point, est en voie de quitter le Québec. Je peux l'empêcher à la condition d'avoir été avisé de son départ et d'avoir sollicité l'avis de la commission. C'est absolument inopérant.

M. Morin: M. le Président, dans le même ordre d'idées, puis-je demander au ministre si l'on contrôle actuellement l'exode vers les Etats-Unis ou même vers Ottawa de biens culturels amérindiens ou inuit, surtout ceux qui ont une grande valeur ethnologique ou archéologique?

M. L'Allier: A ma connaissance, pas plus que les autres, de la même façon que le député de Beauce-Nord, tout à l'heure, parlait des problèmes qui se posent chez-lui; ce sont dans les zones frontières que ces choses se passent la plupart du temps. Si on ne donne pas à ces sociétés historiques des régions frontalières les responsabilités, les moyens d'assumer ces responsabilités, on sera témoin de cet exode et on retrouvera dans des musées étrangers les pièces de nos collections, de la même façon que les Egyptiens qui se promènent à Paris sont heureux de retrouver au Louvre les plus grandes collections d'art égyptien.

M. Morin: C'est une maigre consolation.

M. L'Allier: Je le sais. Pour les Egyptiens aussi.

M. Morin: M. le Président, je voudrais en venir à un dossier dont il a été longuement question l'année dernière et qui est la conservation du vieux Sillery.

M. L'Allier: Etant donné qu'il est onze heures, est-ce qu'on ne pourrait pas continuer demain matin?

M. Morin: II est onze heures et je n'aurais pas d'objection à ce que vous ajourniez. J'ai encore suffisamment de questions pour occuper probablement une autre séance de la commission. Sans doute, demain matin, ce sera le député de Saint-Jacques qui procédera avec ses propres questions sur d'autres programmes. Mais j'aimerais revenir par la suite, une heure et demie ou deux heures pour peut-être; je pourrais terminer le patrimoine.

M. L'Allier: Si vous êtes acheteur pour un tas de terre on vous fait un prix raisonnable.

M. Morin: A Sillery? M. L'Allier: A Sillery.

M. Morin: C'est votre solution? Elle est maigre.

M. L'Allier: Pour $1 et autres considérations, on pourrait vous céder cela.

Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à demain dix heures.

(Fin de la séance 23 h 2)

Document(s) associé(s) à la séance