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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 6 juillet 1977 - Vol. 19 N° 145

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi no 1 :

Charte de la langue française

au Québec

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Bonjour, M. le ministre.

M. Laurin: Salut.

Le Président (M. Cardinal): Nous commençons une nouvelle séance — séance qui ne durera que jusqu'à midi; nous sommes mercredi — de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications.

Je fais l'appel des membres de la commission: M. Alfred (Papineau); M. Bertrand (Vanier), M. Bi-saillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbon-neau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes); M. Dussault (Châteauguay); M. Godin (Mercier) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Grenier (Mégantic-Compton); M. Guay (Taschereau); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Laplante (Bourassa); M. Laurin (Bourget); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Le Moignan (Gaspé); M. Paquette (Rosemont); M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je fais aussi l'appel des invités qui doivent comparaître devant cette commission: la Chambre de commerce du district de Montréal, qui était déjà présente hier. Bonjour. Vous pouvez déjà vous installer. Vous étiez déjà avec nous. Mémoire 15. Comité des kilomètres d'appui. Merci. Mémoire 206. Confédération des syndicats nationaux. Merci. Mémoire 37. Ordre des ingénieurs. Merci. Mémoire 230. Congrès juif canadien.

M. Ciaccia: Ils sont ici, M. le Président. Le Président (M. Cardinal): Ils sont ici où?

M. Ciaccia: Ils n'avaient pas été convoqués, selon eux, pour dix heures. Ils sont dehors...

Le Président (M. Cardinal): Pardon. Je m'excuse. Tout le monde est convoqué pour dix heures.

M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président. Me donneriez-vous un instant pour aller les chercher? Ils sont dans l'antichambre.

Le Président (M. Cardinal): Je puis suspendre les travaux de la commission pour deux minutes parce que je ne voudrais pas faire perdre un droit à un organisme.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Cardinal): La séance est suspendue pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

Reprise de la séance à 10 h 19

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Les travaux de la commission reprennent. J'appelais les représentants du Congrès juif. Merci d'être présents. Je m'excuse de cette technicité, -mais je ne voulais pas appliquer le règlement, pour que personne ne perde son tour.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): De rien, M. le député de Mont-Royal. D'ailleurs, j'ai justement quelques renseignements à donner avant que ne commence cette séance. C'est une séance qui ne dure que la matinée. Le mercredi, en vertu d'une entente entre les leaders parlementaires des partis, nous devons ajourner à midi et non pas à 13 heures. Le mercredi après-midi, c'est à l'Assemblée nationale la journée des députés. Il y a déjà une motion du député de Beauce-Sud devant l'Assemblée, ce qui fait que nous commençons toujours plus tard que les autres jours, certainement après 16 heures, pour continuer jusqu'à 18 heures. Nous reprendrons probablement — c'est une supposition, je n'ai pas encore la motion du leader parlementaire — à 20 heures. Nous devrons attendre, comme l'a mentionné d'ailleurs le député de Marguerite-Bourgeoys, nous ne fonctionnons qu'avec des ordres de la Chambre, qui sont quotidiens. Nous avons devant nous la Chambre de commerce, qui n'a pas encore commencé à présenter son mémoire. Par conséquent, aucun temps n'est calculé pour vous. Quant aux autres, ayant tous répondu à l'appel, il est bien sûr qu'ils ne passeront pas tous ce matin. Je ne puis pas officiellement vous donner congé; soyez non pas présents, mais prêts à vous faire entendre dès que la commission pourra le faire.

Je rappelle aussi que, devant la commission, il y a présentement une motion du député de Marguerite-Bourgeoys qui se lit comme suit: Que cette commission invite la mission — ou ses représentants — qui s'est récemment rendue en Europe, afin d'étudier le fonctionnement linguistique des sièges sociaux d'entreprises multinationales, à se faire entendre le 13 juillet 1977. Au moment de l'ajournement à 22 h 57, hier, la parole était au député de Marguerite-Bourgeoys que j'ai interrompu dans son élan, suivant ses propres paroles. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Motion pour entendre la mission

qui a étudié le fonctionnement

linguistique des sièges sociaux des

multinationales, en Europe (suite)

M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie. Mon élan ayant été interrompu, mais voulant aussi laisser aux invités le loisir de présenter leur mémoire, je suggérerais de suspendre le débat sur cette motion, tout en indiquant à la commission que, comptant sur la générosité du leader parlementaire du gouvernement de nous faire siéger ce soir, et espérant qu'il aura cette générosité à notre égard, on pourra reprendre la discussion de cette motion ce soir, à la reprise des travaux.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous sais gré de cette proposition, d'une part, et je demande immédiatement si j'ai le consentement de la commission pour que nous suspendions ce débat. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je ne serais pas en faveur de suspendre s'il est repris ce soir. Quant à perdre du temps, on va le perdre tout de suite et on va aller jusqu'au bout de cette motion.

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, j'ai une suggestion et je n'ai pas le consentement.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais essayer de convaincre le député de Bourassa en vue...

M. Laplante: Tu peux essayer de me convaincre, mais la seule façon de le faire, c'est d'arrêter de piétiner et de dire: On retire la motion.

M. Ciaccia: S'il veut me laisser finir, M. le Président. C'est parce que nous avons des invités ici ce matin. Par courtoisie, nous voulons les entendre, ils ont préparé leur mémoire. Je crois que ce n'est pas le député de Marguerite-Bourgeoys que vous allez affecter par cette attitude, ce sont surtout les invités qui sont ici ce matin, alors je vous demanderais de reconsidérer la question. Je sais que c'est tôt le matin et que ça fait longtemps qu'on siège, c'est peut-être juste par...

M. Laplante: Pour répondre au député de Mont-Royal, ce soir, on a encore des invités, ils ont été convoqués pour la journée. Je trouve ça indécent, à ce moment-ci, de reporter le débat à ce soir, avec un autre groupe d'invités qui sont encore ici aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. Il y a déjà plusieurs membres de la commission qui ont demandé la parole, je les note dans l'ordre que j'ai pu voir. Mme le député de L'Aca- die, M. le député de Rosemont, M. le député de Joliette-Montcalm. Mme le député de L'Acadie.

M. Chevrette: Question de privilège.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas de question de privilège ici.

M. Chevrette: J'aurais aimé avoir une directive.

Mme Lavoie-Roux: II m'a donné la parole. Le Président (M. Cardinal): Ecoutez...

M. Chevrette: Une directive, je ne veux pas vous couper la parole, madame, j'essaie de trouver une solution moi aussi.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne voulez pas me couper.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, sur une demande de directive, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Avec les nuances qui s'imposent, madame.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, allez, sur une demande de directive.

M. Chevrette: M. le Président, je ferais la suggestion suivante, permettre au groupe qui est là de se faire entendre, se réserver un temps bien précis pour faire le débat sur la motion. Est-ce que ça rallierait les gens?

Le Président (M. Cardinal): II faut, encore une fois, que j'aie un consentement unanime de la commission.

M. Chevrette: Peut-être que le député de Bourassa se rallierait avec nous...

M. Laplante: Celui qui est maître de sa motion, c'est le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que je pourrais, M. le Président, si la commission, contrairement à ce que j'avais prévu, ne désire pas avoir une idée d'avance de l'intention du député qui présente la motion, à savoir quand il a l'intention de demander à nouveau la reprise du débat, s'il ne désire pas le savoir, simplement suggérer de suspendre le débat de la motion, sans dire quand je vais redemander de le faire. Je le faisais simplement par simple courtoisie pour les membres de cette commission et surtout pour les invités. Si le député de Bourassa ne veut pas savoir quand on reprendra le débat là-dessus, je vais amender ma suggestion et dire: M. le Président, je suggère qu'on suspende le débat sur ma motion.

Le Président (M. Cardinal): Un moment. Je

vais demander la collaboration de tous. Oublions ce qui s'est passé, même si c'est au journal des Débats. Il y a une nouvelle suggestion du député de Marguerite-Bourgeoys, de suspendre, pour le moment, la motion présentée hier soir.

Sur une question de directive, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Sur une telle demande, M. le Président, est-ce qu'il faut voter ou s'il faut encore l'unanimité, vu qu'on arrête les travaux...

Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de vote, parce qu'il n'y a pas de motion. Je demande simplement le consentement de la commission, parce que ce n'est pas le...

M. Laplante: C'est le consentement unanime que vous demandez encore?

M. Chevette: Demande de directive. Le Président (M. Cardinal): C'est cela.

M. Laplante: S'il faut le consentement unanime, je suis encore contre, M. le Président.

M. Chevrette: Une directive, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je m'excuse. Cela n'a pas l'air de faire votre affaire, M. le Président, mais je suis obligé de le faire. Quand M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Lalonde: Marguerite-Bourgeoys.

M. Chevrette: Marguerite-Bourgeoys, excusez.

M. Lalonde: Ce sont deux dames quand même.

M. Chevrette: Souvent, j'ai dit "de grâce"... Il demande, immédiatement après le groupe des invités qui est ici, de reprendre le débat...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Ce qui est demandé présentement, c'est tout simplement de suspendre...

M. Chevrette: Oui, suspendre.

Le Président (M. Cardinal): ...sine die, si on veut employer des termes juridiques, le débat.

M. Chevrette: Oui, mais il pourrait revenir immédiatement avec le...

Le Président (M. Cardinal): Oui, il pourrait revenir avec...

M. Chevrette: Je vais terminer et vous allez peut-être pouvoir me donner une réponse plus précise.

Je suppose qu'il y a un groupe, ici dans la salle, qui est convoqué depuis trois fois et qui ne passe pas. Au moment où il arrive à la table, cela plaît moins au député de Marguerite-Bourgeoys et là il fait sa motion, formellement. Il va falloir le faire, le débat, un jour ou l'autre.

A partir de là, j'aime autant vider la question une fois pour toutes.

M. Lalonde: 96, je pense, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, pour autant qu'il puisse s'appliquer. Nous sommes dans un faux débat de procédure. Je vous donne quand même la parole.

M. Lalonde: Oui. Je pense que, peut-être inconsciemment, le député de Joliette-Montcalm a imputé des désirs indignes, à savoir que je choisirais le moment de nuire...

M. Chevrette: Ce n'est pas malhonnête. M. Lalonde: ...à certains invités.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas 96, c'est 99.

M. Lalonde: 99.

M. Chevrette: Je vais m'en servir moi aussi, M. le Président, parce que c'est vraiment inconscient.

M. Lalonde: Je n'ai pas terminé. C'est impossible pour moi de savoir qui va être là ce soir. C'est impossible pour moi de savoir. Quand j'ai dit: "à un moment donné, on reprendra le débat," je donnais l'avis simplement pour être gentil à l'endroit des membres de cette commission.

Lundi prochain, par exemple, je n'ai aucune idée qui le ministre invite, sauf la veille au soir. C'est, je pense, tout à fait injuste de m'imputer des intentions de nuire aux invités. Ce n'est pas cela que vous vouliez dire, je présume?

M. Guay: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, Mme le député de L'Acadie, avant de vous donner la parole, je voulais ajouter quand même un commentaire, seulement un instant.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Ah! excusez-moi.

Le Président (M. Cardinal): C'est que le député de Joliette-Montcalm n'a certainement pas tenu de propos indignes, mais il a fait une hypothèse et on ne peut pas vivre avec des hypothèses

en matière de procédure et de commissions parlementaires. Non, vous avez supposé que si tel groupe se présentait qui avait été invité depuis trois jours et que le député de Marguerite-Bourgeoys ne l'aimait pas... c'étaient trois hypothèses, c'étaient trois "si". Je ne veux pas du tout vous rappeler à l'ordre, je veux simplement indiquer que c'est une question purement hypothétique. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

M. Fallu: J'aurais une directive à vous demander, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: J'aimerais savoir, du point de vue de la procédure, si la motion qui a été déposée hier soir est effectivement devant nous ce matin.

Le Président (M. Cardinal): Oui, elle l'est; elle a été jugée recevable par celui qui me remplaçait à ce moment-là et, de plus, le député de Marguerite-Bourgeoys a même commencé à parler sur cette motion. Il a dû employer environ deux minutes et demie de son temps.

M. Fallu: J'aimerais savoir de plus, M. le Président, si, normalement, ce matin, cette motion serait débattable.

Le Président (M. Cardinal): Certainement, parce qu'à l'ajournement de la commission, le député de Marguerite-Bourgeoys avait la parole sur cette motion.

M. Fallu: Autre directive, M. le Président, pour qu'elle ne soit pas débattable, si je comprends bien, il faudrait un consentement unanime?

Le Président (M. Cardinal): II faudrait de deux choses l'une, ou un consentement unanime ou que la motion soit retirée, quitte — là, je n'en fais pas une hypothèse — à ce qu'elle soit représentée à une autre séance.

M. Fallu: Pour être retirée, M. le Président, quelles sont les exigences?

Le Président (M. Cardinal): Une seule exigence, c'est que le député lui-même qui a présenté la motion la retire.

M. Chevrette: Cela n'appartient pas à l'Assemblée?

Le Président (M. Cardinal): Non, nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale et, même à l'Assemblée nationale, vous savez que celui qui fait une motion peut toujours la retirer. Il y a de nombreux précédents; cela s'est fait très souvent. On l'a vu encore la semaine dernière.

Par conséquent, ce sont les deux seuls moyens d'en sortir. J'espère que cela répond aux questions.

M. Guay: M. le Président...

M. Fallu: En conséquence, M. le Président, je vous demanderais de nous donner collectivement une directive, à savoir si oui ou non nous débattons ce matin la motion immédiatement.

Le Président (M. Cardinal): Je n'en sais rien, cela dépend de ce qui va se passer à la suite des interventions. S'il n'y a pas moyen d'en sortir, nous allons la débattre ce matin. Mme le député de L'Acadie.

M. Guay: M. le Président, une directive s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Je vais demander une directive, je vais finir par avoir la parole.

M. Guay: Non, mais je veux avoir une précision.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Taschereau.

M. Guay: Je m'excuse, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Cela devient ridicule.

M. Lalonde: En fait, c'est compréhensible, ils ont besoin de beaucoup de directives.

M. Guay: Je veux simplement être très bien fixé quant à la nature de la proposition...

M. Chevrette: ... ridicule.

M. Guay: Laisse-moi donc parler, toi... Quant à la nature de la motion ou du souhait du député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que c'est votre interprétation, M. le Président — peut-être pouvez-vous, si besoin est, vous en référer au député de Marguerite-Bourgeoys — que le fait que le député de Marguerite-Bourgeoys ait modifié sa motion originale, si toutefois c'est une motion, mais qu'on ne la débatte pas ce matin — d'abord, ce n'est pas ce matin, mais ce soir, mais là, ce n'est pas du tout ce matin — est-ce que, dans votre esprit, cela veut dire qu'on n'en débattra pas du tout aujourd'hui et, en particulier, ce soir?

Le Président (M. Cardinal): Je n'en sais rien. Tout ce que je peux dire, c'est ceci, pour clarifier la situation: M. le député de Taschereau a fait un cours de droit, alors, on va essayer d'être très clair.

M. Guay: Avec vous, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys avait le choix simplement

de faire une suggestion, ce qui s'est fait souvent en commission parlementaire, qui aurait pu être acceptée par tous les membres de la commission. Alors, nous aurions entendu les porte-parole de la Chambre de commerce de Montréal. Ou il aurait pu faire une motion de suspension du débat sur sa motion, et nous aurions eu alors un débat sur la motion de suspension du débat. Sur ce, est-ce que cela répond...

M. Guay: Cela ne veut donc pas dire que le fait qu'il ait modifié son désir implique pour autant, dans son esprit, d'après la façon dont vous l'avez compris, que nous n'entendrons pas cette motion aujourd'hui? Il se peut qu'il revienne avec cette motion cet après-midi ou ce soir?

Le Président (M. Cardinal): Dans mon esprit, c'est possible.

M. Guay: Même si ce n'est pas mentionné.

Le Président (M. Cardinal): C'est à lui de décider, c'est cela.

M. Guay: Bon!

Le Président (M. Cardinal): J'ai mentionné que c'était une suggestion d'ajournement sine die du débat. J'ai mentionné au début de la séance que la séance se terminait à midi et que c'était une nouvelle séance qui recommencerait, je ne sais pas à quelle heure, à la suite d'une motion ou d'un avis qui sera donné en Chambre cet après-midi. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voulais simplement faire remarquer que l'Opposition officielle a toujours tenu compte, au moment de la présentation de ces motions, des invités qui étaient ici. Nous avons même donné des avis de 24 heures pour lesquels vous avez reconnu, je pense, que nous avions, dans les circonstances, fait preuve de courtoisie envers les invités. Je dois rappeler qu'hier soir, quant la motion a été présentée, il était 10 h 50 exactement et que, de toute façon, la Chambre de commerce qui, à ce moment, avait été invitée à faire ses représentations, n'aurait même pas eu le temps de finir la présentation de son mémoire, puisqu'on accorde 20 minutes aux organismes, s'ils veulent bien les utiliser. Je pense qu'à ce moment, imputer des motifs à savoir qu'on ne tient pas compte des invités, cela me paraît tout à fait injuste. C'est ce point que je voulais signaler au président.

Une Voix: ...école secondaire...

M. Paquette: Je m'excuse, c'est à moi...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, c'est sur le même sujet que vient de toucher le député de L'Acadie, quand elle dit qu'on accuse l'Opposition de nuire aux invités, je pense qu'on a parfaitement raison.

Vous savez très bien que cette motion, même si elle a pour but d'inviter des gens, va faire en sorte qu'on va en entendre moins qu'on en aurait entendu si on n'avait pas eu cette motion. Vous savez très bien qu'après un certain temps où tout le monde va avoir le temps de parler la motion va être défaite parce qu'on n'est pas d'accord. Bon! Vous le savez, ça. Vous la présentez quand même. C'est le jeu normal d'une Opposition...

Mme Lavoie-Roux: C'est la démocratie! M. Lalonde: On présume...

M. Paquette: ...qui veut faire un mini-filibuster, mais je tiens à dire que vous nuisez aux invités effectivement. Peut-être qu'on va entendre...

Mme Lavoie-Roux: Mais présentement, c'est vous autres.

M. Paquette: ...la Chambre de commerce ce matin, mais il y a d'autres groupes dans la salle qui sont ici depuis trois jours et qu'on n'entendra pas.

M. Laplante: Cinq.

M. Paquette: M. le Président, je demande la collaboration de l'Opposition. Je demande au député de Marguerite-Bourgeoys de retirer sa motion et de ne pas la représenter, parce qu'elle va être battue tôt ou tard, vous le savez très bien.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...ce qu'on vient d'entendre est absolument inouï. J'avais cru, M. le Président, que l'Opposition avait été invitée ici par le règlement, par la Loi de la Législature dont relève le règlement, pour participer aux travaux et avoir, naturellement, la chance de convaincre les membres du gouvernement du bien-fondé de nos représentations. Comment puis-je présumer que ma motion va être battue, alors que j'en ai fait une pour inviter le président de la régie, que j'ai dû parler 20 minutes la première fois que cela a été présenté, un mercredi soir, si je me souviens bien — coïncidence — et que c'est seulement à la reprise du débat que, tout à coup, le parti ministériel s'est déclaré en faveur. Cela m'a pris 20 minutes, cette fois, pour les convaincre. Cela va peut-être me prendre 40 minutes, cette fois-ci, je ne le sais pas. Je ne peux pas présumer de la mauvaise foi...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais en vertu de l'article 160, vous n'aurez pas plus de 20 minutes.

M. Lalonde: Non, mais je veux dire l'Opposition entre nous.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: Je ne peux pas présumer de la mauvaise foi du gouvernement, M. le Président. C'est ce que le député de Rosemont me demande de faire.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez...

M. Lalonde: Non, un instant, M. le Président! Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: Je trouve que c'est absolument injuste de dire que c'est l'Opposition, que c'est ma motion qui nuit aux travaux actuellement. C'est le gouvernement qui ne veut pas collaborer pour remettre à plus tard, sine die même, parce qu'il semblait que les scrupules du député de Bourassa étaient chatouillés d'une façon...

Mme Lavoie-Roux: Indue.

M. Lalonde: ...indue. Alors, j'ai enlevé l'avis. Tous le monde a eu le message. M. le député de Bourassa ne l'a pas eu. C'est tout simplement une motion de suspension, enfin, une suggestion de suspension que j'ai faite. On devrait compter sur la collaboration de tous les membres de l'assemblée pour ne pas faire poireauter les gens qui sont là. C'est sûrement le parti ministériel qui nuit aux travaux. Je vous demande une directive en terminant, M. le Président.

J'ai cru comprendre de vos propos tantôt, en réponse à des questions de députés ministériels, qu'une motion pouvait être retirée unilatéralement et que cela n'empêchait pas qu'elle soit représentée en tout temps.

Le Président (M. Cardinal): C'est exact et, comme président de la commission, je l'accepterai en tout temps.

Motion retirée

M. Lalonde: Pour mettre fin à cela et pour prouver au gouvernement qu'il ne pourra pas faire un filibuster inutile ce matin, je retire ma motion.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys et je vous assure que vous pourrez la présenter à nouveau pourvu que cela soit à une autre séance.

D'accord?

M. Laplante: On jugera.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre messieurs!

M. Laplante: On va voir ce soir leur sérieux.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Bourassa.

M. Lalonde: Vous n'avez rien vu encore.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: J'ai hâte d'en voir plus.

M. Lalonde: Vous allez voir que c'est l'Opposition qui mène.

Le Président (M. Cardinal): Voulez-vous que la séance soit suspendue par respect pour nos invités de façon qu'ils ne voient pas ce spectacle?

Messieurs les porte-parole de la Chambre de commerce du district de Montréal, je vous souhaite la bienvenue. Je vous prierais de vous identifier; ensuite, vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire et les députés auront 70 minutes pour vous poser des questions.

M. Charbonneau.

Chambre de commerce du district de Montréal

M. Charbonneau (Edgar): Edgar Charbonneau, président de la Chambre de commerce du district de Montréal. M. Marcel Paré, membre de la chambre de commerce et M. Claude Beauregard, directeur général de la chambre.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Nous commençons à 10 h 35.

M. Charbonneau (Edgar): J'aimerais peut-être préciser devant cette commission que, préalablement au mémoire que nous présentons ce matin, la chambre de commerce a fait appel à l'opinion de ses membres par voie de son organe interne.

Suite aux opinions reçues, nous avons formé un comité composé de six membres qui, croyons-nous, représentent parfaitement le tissu que forment les membres de la chambre de commerce.

Ce mémoire a été accepté et corrigé par le conseil d'administration de la chambre avant de vous être présenté ici ce matin.

Nous apprécions vivement être entendus en commission parlementaire dans une démarche démocratique, à caractère public. Nous sommes appelés à nous exprimer à un moment où un grand nombre d'organismes ont déjà fait connaître leurs vues au sujet du projet de loi no 1.

Plusieurs de nos préoccupations, voire de nos considérations et propositions auront été évoquées par d'autres avant nous, mais il demeure que la convergence et même les fondements des divergences entre intervenants qui ont établi leur position indépendamment les uns des autres sont de nature à éclairer l'opinion publique et les membres de l'Assemblée nationale, qui décideront en dernière analyse et à qui nous nous adressons en comparaissant devant la commission parlementaire.

Nous tenons pour hautement significatif et révélateur de la qualité du processus démocratique

que les représentations des divers intervenants aient amené les porte-parole gouvernementaux et notamment le ministre responsable du projet de loi no 1 à annoncer d'éventuelles modifications à certaines dispositions parmi celles que nous trouvons les plus discutables.

C'est dans l'espoir que notre apport puisse confirmer ces intentions et contribuer à identifier des solutions de rechange que nous nous mettons à votre disposition pour éclairer, par la discussion, les considérations et propositions consignées dans notre mémoire dont nous présumons que vous aurez déjà pris un peu connaissance.

La Chambre de commerce du district de Montréal choisit de voir dans le projet de loi no 1 une volonté gouvernementale d'assurer la sécurité linguistique et culturelle de la communauté francophone du Québec.

Il est peu probable qu'entre optimistes et pessimistes, on en vienne à s'entendre sur l'état exact de la situation dont plusieurs croient cependant qu'elle appelle des redressements. La Chambre^ pour sa part, souscrit à l'intention, énoncée dans le livre blanc et que le projet de loi no 1 vise à actualiser "de protéger, de développer dans sa plénitude une culture originale, un mode d'être, de penser, d'écrire, de créer, de se réunir, d'établir des relations entre les groupes et les personnes et même de conduire les affaires."

Déjà, en 1969 et en 1973, la Chambre avait fait des observations dont le législateur, dans la Loi sur la langue officielle de 1974, a, dans une certaine mesure, tenu compte, notamment au chapitre de la langue de travail. La Chambre avait dit croire que la cause fondamentale des problèmes auxquels devait faire face la majorité francophone du Québec, qu'il s'agisse de problèmes sociaux, économiques ou linguistiques, était le contrôle par la minorité anglophone des plus importantes entreprises économiques, de telle sorte que pour normaliser la situation sociale et économique des francophones du Québec et par là changer quelque chose au statut de la langue française, il fallait d'abord assurer un meilleur équilibre des forces au sein de ces entreprises. "L'important, disions-nous, est d'assurer, dans la mesure du possible, qu'à partir de maintenant, au Québec, la langue française et la langue anglaise aient toutes deux la place qui leur revient dans le secteur économique tout comme dans les autres secteurs d'activité, et surtout qu'aucun Québécois ne soit handicapé par son appartenance à un groupe linguistique plutôt qu'à l'autre et que tous aient des chances égales de réussir."

Nous continuons de croire cette approche valable. Elle sous-tendra d'ailleurs bon nombre des considérations que nous ferons à l'endroit du projet de loi no 1. Constatant toutefois le caractère démesuré de certains moyens proposés pour redresser une situation que nous avons nous-mêmes dénoncée, nous avons utilisé trois critères spécifiques dans notre analyse et évaluation du projet de loi.

Premièrement, en quoi telle mesure du projet de loi concourt-elle de façon nécessaire ou oppor- tune à la protection et à la promotion de la langue française au Québec?

Deuxièmement, en quoi telle mesure concourt-elle de façon nécessaire ou opportune à la promotion économique des Québécois francophones?

Troisièmement, dans quelle mesure, dans le cadre d'une loi statuant sur certains droits collectifs de la majorité, les dispositions retenues tiennent-elles compte des libertés individuelles et du "droit de cité" des minorités?

La Chambre de commerce du district de Montréal accepte qu'une loi que l'on veut efficace puisse comporter des obligations et des contraintes, pourvu que soient respectés les critères fondamentaux de justice et d'équité déjà évoqués et que ces mesures paraissent nécessaires et les mieux ordonnées à la réalisation des objectifs poursuivis une fois ces derniers convenablement définis et reconnus légitimes et opportuns.

Redresser des torts est une entreprise délicate et semée d'embûches. C'est encore en respectant les exigeantes perspectives que nous avons évoquées que l'Assemblée nationale pourra adopter un projet de loi modifié plus apte à rallier le plus grand nombre de citoyens sans distinction quant à leurs diverses appartenances et allégeances.

Dans les limites de notre compétence, et nous en tenant en règle générale à des dispositions que nous aimerions voir modifier, nous nous référerons par la suite aux articles du projet de loi, signalant à l'occasion certains qui nous paraissent particulièrement bien inspirés.

Préambule du projet de loi.

Dans sa formulation actuelle, le préambule fait une distinction implicite entre citoyens: ceux qui sont du peuple québécois et ceux qui n'en seraient pas, selon que la langue française est ou non leur langue.

La chambre estime cette approche contre-indiquée et propose que l'on se réfère à la langue de la majorité au Québec, qui a vocation de langue commune à tous les Québécois, plutôt qu'à l'expression langue du peuple québécois. Nous avons pris acte avec satisfaction de l'intention du ministre de reconsidérer la formulation du préambule.

Langue de la législation et de la justice. La chambre y voit un doute sérieux au plan constitutionnel ainsi qu'une certaine question d'équité. Elle propose de reformuler le contenu du chapitre et de n'y conserver que deux dispositions, l'une prévoyant que le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais ou la version anglaise, l'autre rééditant l'actuel article 12 du projet.

Langue de travail. Les articles 36 et 37 seront parmi les plus difficiles d'application. Les concepts d'emploi et de poste qui s'y retrouvent, empruntés au régime de la fonction publique et de la grande entreprise, collent mal à la réalité de la PME manufacturière et commerciale et des services. Sans porter atteinte à un objectif toujours recherché par la chambre de chances vraiment égales pour tous, les propositions de la chambre offrent des solutions de rechange plus fonctionnelles.

Là encore, nous avons éprouvé quelque satisfaction à entendre le ministre responsable du projet de loi évoquer la possibilité d'apporter certains assouplissements, au moins au niveau de la réglementation. Nous aimerions que soit considérée sérieusement notre proposition de modifier le texte même de la loi. Ainsi, il suffirait d'ajouter au premier alinéa de l'article 36 le dispositif d'exception qui suit pour maintenir la nécessaire protection contre l'arbitraire de l'employeur pour motif d'ordre linguistique, tout en permettant de tenir compte de l'évolution d'une entreprise: "En cas de congédiement ou de rétrogradation suite à des changements technologiques, à des changements de marché, ou à une réduction des effectifs, il incombe à l'employeur de prouver que la connaissance d'une autre langue devient nécessaire pour l'accomplissement de la fonction redéfinie et de l'emploi disponible, auquel cas, pour les fins du présent article, l'interdiction est levée".

A l'article 37, il s'agirait de reconnaître que, pour un nombre appréciable d'entreprises, notamment à Montréal et dans le secteur des services, ce dont l'employeur a absolument besoin, c'est d'une capacité de transiger dans une autre langue, habituellement l'anglais, chez une proportion plus ou moins importante de ses employés, d'où la proposition de la chambre d'ajouter au premier alinéa". "Dans l'entreprise où la tâche nécessitant la connaissance d'une langue autre que le français n'est pas impartie en permanence et en exclusivité à une personne mais doit être assumée selon les disponibilités par l'un ou l'autre membre du personnel, il est loisible à l'employeur d'exiger d'un certain nombre de ses employés la connaissance d'une autre langue pourvu que le nombre de ces employés ne dépasse les besoins de fonctionnement de l'entreprise".

Langue du commerce et des affaires. La chambre propose de s'en tenir à des mesures qui ne s'écartent pas sensiblement de celles retenues dans la Loi sur la langue officielle de 1974 et dont on retrouve d'ailleurs l'orientation essentielle au troisième alinéa de l'article 41 de l'actuel projet de loi. L'Office de la langue française peut réglementer l'utilisation d'autres langues, sous réserve que le français domine ou, à tout le moins, figure d'une façon aussi évidente que toute autre langue. Plus ouvertes à l'endroit de l'usage d'autres langues que ne le sont les propositions de l'actuel projet de loi, les modifications proposées par la chambre n'équivalent pas pour autant à proposer un modèle de bilinguisme institutionnel. La langue française y jouit toujours, dans l'ensemble, d'une préposition de prédominance. C'est ce que l'on peut constater à la lecture de notre proposition visant l'article 46 en page 16 de notre mémoire. Nous avons noté, là encore, que l'on a évoqué en commission parlementaire, le 29 juin, de nouveaux cas particuliers concernant l'affichage exclusivement en langue française.

Langue de l'enseignement. La chambre demande avec insistance que la loi reflète fidèlement l'avis émis en février 1977 par le Conseil supérieur de l'éducation touchant l'accès à l'enseignement en langue anglaise essentiellement à partir d'un critère de langue maternelle ainsi que l'enseignement de l'anglais et du français au titre de langues secondes.

Dans cette perspective appréciablement plus ouverte que celle qui se dégage du projet de loi, il va de soi que tous les ressortissants canadiens peuvent avoir accès à l'enseignement de la langue anglaise, aux mêmes conditions que leurs concitoyens de la province de Québec. La plus récente explication du Conseil supérieur, en date du 13 juin, nous paraît conforme à l'essentiel de son avis de février et nous y souscrivons.

L'Office de la langue française.

La chambre a été en mesure d'apprécier le travail accompli en peu de temps par la Régie de la langue française. Reconnaissant la compétence et l'attitude ouverte de la haute direction de l'actuelle régie, la chambre constate que la confiance et la coopération des milieux d'affaires, gage du succès de la régie ou de l'office dans l'exercice de son mandat, est aussi affaire de structures et d'organisation. La chambre récuse le caractère bureaucratique et non représentatif de l'Office de la langue française selon le modèle prévu dans le projet de loi; elle propose donc, pour l'essentiel, de s'en tenir au modèle de l'actuelle régie. Nous avons compris, avec satisfaction, que le ministre responsable entend apporter des modifications dans le sens de nos préoccupations déjà partagées par plusieurs.

A l'article 75, la chambre propose de conférer à l'office le pouvoir spécifique, non prévu dans le projet de loi, de prendre, de concert avec l'administration, ou de faire prendre par les services appropriés de cette dernière, toutes mesures nécessaires pour en arriver à une concertation efficace dans la mise au point de certains produits et instruments de travail en langue française.

A l'article 106, la chambre propose de modifier le paragraphe b), de telle sorte que tout en maintenant une contrainte, on élimine toute disposition qui entraînerait nécessairement la fermeture d'une entreprise, ce qui serait le cas si celle-ci se voyait refuser, entre autres choses, certains services d'utilité publique, électricité et gaz notamment.

A l'article 112, la Chambre insiste pour que soit apportée la précision fournie par le ministre au développement culturel hors de l'Assemblée nationale, savoir qu'au paragraphe b), lorsqu'on réfère à l'augmentation du nombre de Québécois, on veut dire et l'on dira plutôt effectivement, dans la loi, "du nombre de résidants au Québec ayant une connaissance d'usage de la langue officielle".

A l'article 113, la chambre indique qu'en plus des sièges sociaux, il faut considérer comme cas particuliers certaines unités de production à haute technologie, les centres de recherche industrielle et certains bureaux divisionnaires dont l'activité s'étend hors du Québec.

A l'article 114, la chambre dit considérer inutile et nettement contre-indiqué le comité de francisation lorsqu'il s'agit d'une entreprise qui est, à l'évidence, francophone; il y a là une question de

coûts appréciables à l'échelle du Québec. Enfin, en ce qui regarde le comité de francisation, la chambre estime qu'il n'y a pas lieu de privilégier un seul modèle de participation. Celui qu'imposerait la loi présente l'inconvénient de confondre responsabilité de gestion, qui relève de l'employeur, et relations de travail, champ tout indiqué d'action syndicale; l'implantation d'un programme de francisation devrait être intégrée aux objectifs de gestion de l'entreprise et il appartiendrait à l'employeur, à qui la loi pourrait en imposer l'obligation, d'établir à cet effet un comité représentant les divers niveaux de l'entreprise.

Dispositions transitoires et finales (article 172).

La chambre estime inconcevable que l'on accorde préséance à la Charte de la langue française au Québec sur la Charte des droits et libertés de la personne. Si besoin est — et nous n'en sommes pas à ce point convaincus — que l'on modifie plutôt la Charte des droits et libertés de la personne, car les dispositions de ce document fondamental ne sauraient être contredites ou amenuisées par aucune disposition externe, sous peine de laisser entendre que les personnes ne sont plus, au Québec, inviolables dans leurs droits les plus fondamentaux, dont la Charte des droits et libertés de la personne doit constituer la codification exemplaire.

Nous tenons, depuis le 27 juin, une assurance importante du ministre à cet égard, considérant qu'il a dit en être venu à la conclusion qu'il y a très peu de conflits à craindre entre les deux chartes, perspective qui s'avérera d'autant plus plausible que les modifications anticipées seront effectivement apportées à l'actuel projet de loi.

Là encore, il faudrait voir les nouvelles dispositions. Mais nous avons confiance que la loi, telle que finalement votée par l'Assemblée nationale, aura réussi à faire l'unanimité sur ce point fondamental.

J'aimerais faire remarquer à la commission parlementaire que ce mémoire n'a pas été rendu public avant ce matin.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie de votre exposé et je cède la parole au ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Merci. Je voudrais également remercier la Chambre de commerce de Montréal pour le mémoire documenté qu'elle nous apporte ce matin et pour l'approche positive et constructive dont il témoigne. Je les remercie aussi d'avoir attendu au moment de la présentation à la commission parlementaire pour rendre leur mémoire public, ce qui témoigne bien qu'ils ne sont pas en quête de publicité mais qu'ils cherchent sincèrement à aider le législateur à faire la meilleure loi possible et non pas à rompre des lances avec le gouvernement.

Il est bien évident, à les entendre, que non seulement ils ont étudié avec attention le livre blanc et chacun des articles du projet de loi, mais qu'ils ont également suivi scrupuleusement les séances de la commission et qu'ils tiennent compte de toutes les modifications qui y ont été annoncées implicitement. De cela aussi je les remercie et je pense que c'est à leur honneur et que cela témoigne du sens démocratique dont tout leur mémoire est par ailleurs inspiré.

J'ai été très intéressé par le passage sur le préambule du projet de loi. La position que défend la Chambre de commerce de Montréal n'est en effet pas nouvelle, puisqu'on la retrouve dans le mémoire qu'elle avait présenté lors de la discussion de la loi 22. Je suis bien d'accord avec elle pour dire que le but fondamental d'une telle loi, c'est d'assurer, bien sûr, la sécurité linguistique et culturelle du peuple québécois et particulièrement de sa majorité francophone, qui en avait bien besoin. Mais j'ajouterais peut-être que le but de cette loi est de marquer le caractère distinctif de la langue commune du peuple québécois et de marquer également le caractère distinctif de cette communauté québécoise qui, depuis trois siècles, a exploré, a bâti ce territoire.

Le but de cette loi, en somme, est de marquer que cette société est d'abord française et qu'elle entend fonctionner en ce sens avec tout le respect que cela comporte pour les individus, les groupes, les minorités qui se sont joints à la majorité francophone au fil des siècles.

Nous sommes aussi d'accord avec la chambre de commerce pour dire que la cause fondamentale des problèmes que nous avons vécus, particulièrement au cours du dernier siècle, se retrouve dans le contrôle, par la minorité anglophone, des plus importantes entreprises économiques et qu'il y a lieu de tenir compte de cette cause fondamentale et de tenter de la corriger par tous les moyens possibles, non seulement d'ailleurs par ce projet de loi que nous présentons actuellement, mais par toute une série de mesures, dispositifs, directives, politiques que les gouvernements du Québec seront appelés à mettre en oeuvre au cours des prochaines années. Car le but que nous visons est exactement celui que vous mentionnez dans votre préambule, c'est de faire en sorte qu'aucun Québécois ne soit handicapé par son appartenance à un groupe linguistique plutôt qu'à l'autre et que tous ici au Québec, anglophones comme francophones, aient des chances égales de réussir. Mais, pour que cet idéal soit atteint, c'est d'abord aux francophones qu'il nous fallait penser.

Même si nous prévoyons des mesures à cet effet, je pense qu'il est évident, et il deviendra de plus en plus évident que nous entendons le faire dans un esprit de justice et d'équité à l'endroit de tous les citoyens qui habitent aujourd'hui le Québec.

Venant après tant d'autres mémoires qui nous ont fait plusieurs recommandations et qui ont suscité les commentaires que vous savez de notre part, il est évident que nous n'avons pas à répéter aujourd'hui, à l'occasion des recommandations que vous nous faites, les commentaires ou modifications dont nous nous sommes déjà ouverts à la commission. Par exemple, en ce qui concerne les structures de l'Office de la langue française, en ce qui concerne les pouvoirs qui lui sont impartis, les structures qui seront celles de l'office pour s'acquitter de ses obligations, je pense que vous êtes

déjà au courant de ce que nous avons l'intention de présenter comme amendements. Il n'importe donc pas d'y revenir. C'est la raison pour laquelle je voudrais plutôt m'arrêter à celle de vos recommandations qui ont été moins touchées par les autres groupes qui nous ont présenté les leurs.

Je trouve, par exemple, intéressantes vos suggestions, en ce qui concerne la modification éventuelle des articles 26 et 45, dans votre mémoire. Vous avez vu, en effet, que peut-être le législateur n'arriverait pas au but qu'il se propose en formulant ces articles sous la forme passive, et comme vous le dites si bien dans votre mémoire, en faisant du francophone qui voudrait faire respecter ses droits une sorte de quémandeur. Je pense que votre suggestion est très opportune à cet égard et qu'il convient d'y donner suite.

Vous voudriez également que l'office, lorsqu'il croit opportun de demander un certificat de francisation à une entreprise de moins de cinquante employés, ne soit pas laissé à sa seule initiative et risque de succomber à l'arbitraire. Je pense que là aussi, c'est une suggestion opportune, valable. Nous ferons l'impossible pour aller dans le sens de votre recommandation. En effet, il peut s'avérer opportun pour des cas exceptionnels, selon la nature de telle ou telle entreprise, que l'office soumette une entreprise comptant moins de cinquante employés au processus de francisation. Il importerait quand même d'éviter, dans ces cas exceptionnels, tout risque d'arbitraire. Je pense qu'il importe de prévoir a cet effet les dispositifs appropriés.

J'ai été intéressé aussi par la recommandation que vous nous faites à l'article 58. Vous voudriez que la loi spécifie davantage ce que le législateur entend par "séjour limité". Même après avoir lu votre mémoire in extenso, j'avoue que je me pose encore quelques questions à cet égard. Je ne suis pas réfractaire à l'idée d'inscrire dans le projet de loi un nombre exact d'années, mais je me demande encore pourquoi vous avez opté pour cinq ans, plutôt que quatre ou plutôt que six, et quelles sont les raisons qui vous poussent à faire une addition, également, en ce qui concerne les annonces prédéterminées de séjour faites par une entreprise ou par l'autre. Sur ce point, j'aimerais vous demander des éclaircissements ou des additions à votre mémoire.

M. Charbonneau (Edgar): Est-ce que je réponds maintenant? D'abord, nous avons voulu déterminer une période pour qu'on ne pense pas que ce soit une façon d'ajouter du temps qui, finalement, ne soit indéterminé et semble vouloir s'éterniser. On a donc voulu, en indiquant une certaine période, considérer une période qui nous paraissait être valable et excellente. Pourquoi cinq ans et trois ans? On s'est dit que dans certaines entreprises, particulièrement dans des entreprises de recherche technologique, il arrive que des gens viennent pour travailler à un projet qui devrait avoir une durée de cinq années et qu'après coup, on s'aperçoive qu'il faudrait y consacrer quelques années additionnelles.

C'est cette idée d'ajouter, s'il y a un départ prédéterminé, donc suite à un projet de cinq ans, qu'on décide qu'il y a une autre année ou deux autres années qui s'ajoutent, suite à un départ prédéterminé; il appartient, à ce moment-là, de donner la possibilité aux gens de rester.

M. Laurin: Est-ce à dire que vous avez l'impression que cinq ans devraient être la limite maximale d'un séjour limité pour la plupart des cas? Est-ce que ce chiffre de cinq ans vous apparaît la limite du raisonnable, par exemple?

M. Charbonneau (Edgar): M. Beauregard va commenter cet aspect.

M. Beauregard (Claude): Effectivement, on peut penser que bon nombre de contrats, si on peut ainsi parler, sont offerts à des spécialistes, entre autres, de l'étranger ou des choses comme ça. J'ai moi-même bourlingué un peu dans ce sens-là, et, souvent, on a des affectations de trois, quatre, cinq ans. Cela dépasse assez rarement cinq ans. Cependant, il y a des projets et je serais curieux de savoir s'il n'en existe pas comme ça même dans le projet de la baie James et des choses comme ça; il y a probablement des gens qu'on a fait venir et on sait très bien que la période de leur engagement, leur affectation, ce pourquoi ils sont requis peut très bien prendre six, sept ans, mais on a l'impression que ça ne dépasserait pas habituellement huit ans. C'est aussi une façon de considérer le prédéterminé. Cela peut vouloir dire que, d'entrée de jeu, quelqu'un vient au Québec et vous savez déjà, au moment de son arrivée, qu'il va y passer sept ans. Vous le savez déjà, et ceci nous semblerait évidemment devoir être accepté également, puisque, dans tous les cas, il s'agit de gens qui viennent pour une période prédéterminée, donc en fonction d'un boulot, d'une tâche à accomplir, dans la majorité des cas.

M. Charbonneau (Edgar): Est-ce que ça répond à votre...

M. Laurin: Oui. Je voudrais vous dire aussi, en terminant, que nous apporterons toute l'attention désirable aux suggestions que vous nous faites en ce qui concerne les modifications éventuelles à l'article 106, à l'article 112, à celles que vous nous faites concernant le droit d'appel, droit d'appel portant surtout, si je comprends bien, sur le refus, la suspension ou l'annulation de certificats de francisation, et aussi en ce qui concerne l'article 172, dont nous essaierons de limiter au maximum la portée, pour qu'il devienne bien évident qu'il n'y a pas contradiction au niveau des principes entre le respect des droits collectifs et le respect des droits individuels.

Je veux remercier encore pour cette contribution éminemment positive que vous faites aux efforts du législateur.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, merci.

Mme le député de L'Acadie, vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la Chambre de commerce de la région de Montréal pour leur mémoire très ouvert, très pondéré et qui, je pense, explicite bien les difficultés du projet de loi 1 et recoupe, à maints égards, des représentations qui ont été faites ici mais qui sont loin d'être superflues.

Je trouve extrêmement intéressants les trois critères que vous énumérez à la page 3 et sur lesquels vous avez basé votre analyse-évaluation du projet de loi. Je pense que ceci révèle justement un esprit démocratique et vraiment un désir que le Québec ne soit pas seulement le Québec des francophones, mais le Québec de tous ceux qui y vivent, qui résident ici et qui partagent la vie des citoyens de cette province.

Je voudrais attirer l'attention, en particulier, à la page 2, sur le paragraphe où vous dites: "Redresser des torts est une entreprise délicate et semée d'embûches"... Je pense que vous avez vraiment mis là l'accent sur le dilemme que présente tout ce projet de loi, à savoir dans quelle mesure s'établit l'équilibre pour que, tout en respectant ce que les uns appellent la majorité, par contre, on ne le fasse pas dans un esprit revanchard, dans un esprit de reconquête, comme certains mémoires sont venus le dire ici, et je pense qu'il est important de le souligner de nouveau.

Par exemple, je me suis étonnée à plusieurs reprises que, devant certains mémoires, le ministre d'Etat au développement culturel non seulement ne s'est pas dissocié de certaines formulations qui étaient nettement revanchardes, pour ne pas utiliser d'autres expressions, mais a dit comment il se sentait profondément touché par les exposés qui lui étaient faits et les félicitait d'apporter des mémoires aussi complets, aussi étoffés et aussi lumineux dans tous les sujets qu'il aborde. Pour être plus précise, j'aimerais référer mes collègues de la commission, par exemple, à certaines parties du mémoire du Mouvement Québec français touchant la toponymie où — et je ne cite pas au texte — on devra remplacer ou changer les noms qui expriment ou symbolisent la conquête violente de ceux qui nous ont colonisés.

Ceci dit, je voudrais vous poser deux questions. La première est la suivante: à plusieurs reprises, vous faites allusion, particulièrement en ce qui touche la langue du commerce, la langue du travail, à la loi 22 et vous souhaitez même qu'à certains égards, on retourne à certaines dispositions de la loi 22 touchant ces domaines et je me demande si vous pourriez expliquer un peu. Avez-vous pu, dans une certaine mesure, évaluer, dans le monde du commerce, dans le monde du travail, certains effets de la loi 22, et quels sont les éléments dans ces deux domaines particuliers que vous souhaiteriez voir retenir d'une façon plus précise?

M. Beauregard (Claude): Peut-être que d'au- tres membres de la délégation voudront compléter mes commentaires là-dessus...

Etant près de ce milieu et ayant passé du volet d'application gouvernementale à titre de fonctionnaire à fonctionnaire d'une association maintenant, j'ai pu constater que, dans le domaine des entreprises, après un départ nécessairement difficile et des préventions certaines dans la communauté des affaires à l'endroit de tout ce qui vient nécessairement changer, modifier et bousculer les habitudes, après une période de réticence, dans le milieu des affaires, en relation avec les fonctionnaires de la régie, notamment, et les hommes politiques de l'époque, il y a eu une prise de conscience que les choses devaient être faites. J'ai participé moi-même à une foule de rencontres jusqu'au niveau technique où on était venu à arrêter des dispositions satisfaisantes, progressivement, l'expérience se faisant. Je pense que ce que les milieux d'affaires déploraient, comme d'autres, c'est qu'on sait la difficulté de mettre en branle une telle machine, et une fois qu'elle a acquis un certain élan, de l'interrompre, de l'arrêter. Cela rend les gens nécessairement perplexes ou un peu frustrés. On peut dire, à l'égard des mesures visant le milieu de travail, de la même façon que les mesures visant le monde de l'éducation, qu'il est peut-être dommage que la conjoncture ou d'autres éléments nous amènent, au fond, à quitter précipitamment une formule de redressement d'une situation sans en avoir vraiment vérifié les conséquences.

Autrement dit, on n'aura jamais été en mesure, historiquement parlant, de savoir si, oui ou non, le train de mesures prévues par la loi 22 allait être valables ou non, alors que dans un contexte autre que politique — au sens large du terme — dans un autre contexte expérimental, on aurait, normalement, laissé donner cours à un train de mesures pour en évaluer le rendement avant de convenir d'une correction de trajectoire ou d'une approche radicalement différente. A ce titre, on peut dire que c'est un peu comme si les gens s'étaient dit, et je l'ai entendu à de nombreuses reprises: Voici que dans mon entreprise A, B, C, D, E, etc, on était lancé, on allait fonctionner et on ne sait pas quel aurait été le rendement. Je dois dire que dans bien des cas, il y avait une attente assez optimiste, c'est normal, à l'effet que les mesures entreprises allaient, effectivement, atteindre les objectifs souhaités.

Alors, on n'a pas de démonstration probante. D'ailleurs, il est manifeste que, dans le domaine des affaires comme dans le domaine de l'éducation, la période d'application des nouvelles mesures a été beaucoup trop courte pour qu'on soit en mesure de l'évaluer.

Donc, plutôt que de procéder par correction de trajectoire, on est obligé de se lancer dans une autre approche, mais nous avons vu dans le texte, quand même, du nouveau projet de loi des possibilités de réconciliation, en quelque sorte. Au fond si tant est que les objectifs sont sensiblement les mêmes, à un moment donné je pense que d'un commun accord, autant à l'Assemblée nationale

que dans les milieux directement intéressés, on sera en mesure de se rendre compte que, si on veut atteindre tel objectif, c'est vraiment tel type de moyens qui y sont davantage ordonnés et c'est ceux-là qu'il faut choisir.

Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question touche la langue d'enseignement. Je vois que vous ne retenez pas le critère mis de l'avant par le gouvernement, à savoir la fréquentation scolaire des parents à l'élémentaire. Voici deux questions. Pourriez-vous me dire ce qui justifie de votre part ce rejet du critère retenu par le gouvernement? Deuxièmement, est-ce que, quand vous faites allusion au critère de la langue maternelle, vous l'appliquez uniquement aux enfants qui viendraient des autres provinces ou à tout autre enfant de culture et de langue maternelle anglaise, quelle que soit sa provenance?

M. Beauregard: Là-dessus, je pense qu'il vaut la peine d'établir, un peu comme on l'a fait dans notre document, je crois, une justification plus radicale de l'attitude de la Chambre de commerce de Montréal.

La Chambre de commerce de Montréal a déjà tenu, au moment de la commission Gendron, l'opinion qu'il fallait préserver le libre choix. Quand nous avons revu la situation, bien que nous ayons encore ce même attachement au libre choix, nous avons reconnu qu'il peut exister, pour des raisons de sécurité culturelle, objectives ou subjectives, des motifs justifiant une intervention de l'Etat pour redresser une certaine situation où d'aucuns décèlent un certain danger au plan culturel pour une collectivité. Reconnaissant ceci, on a quand même admis que la réalité socio-politique historique québécoise est celle où nous avons dans ce pays, et je l'entends d'une côte à l'autre d'ailleurs, des écoles anglaises et françaises. Il semble inscrit dans la logique, dans la normale des choses que les écoles anglaises sont destinées aux personnes de culture anglaise et les écoles françaises aux personnes de culture française, quelle que soit leur origine lointaine, quel que soit leur moment d'établissement au pays; des écoles françaises pour les Français, des écoles anglaises pour les Anglais. Il est tout à fait légitime de penser qu'on va à l'école anglaise ou française selon qu'on est Anglais ou Français. En ce qui concerne ce qu'on appelle les allophones, il n'y aurait rien d'aberrant du tout à concevoir qu'un allophone qui arrive au pays puisse choisir indifféremment l'une ou l'autre de ces écoles qui ont droit de cité en ce pays. On peut cependant alléguer que, pour les raisons de sécurité culturelle dont on parle, et nous l'avons accepté dans la conjoncture présente, le Québec se voit dans l'obligation de s'assurer que les allophones qui viennent s'établir au Québec s'intègrent au groupe majoritaire francophone, et c'est pour cela que nous acceptons l'idée que les allophones puissent être dirigés vers l'école française.

Nous tenons cependant à ce que tous les gens qui sont déjà anglophones, d'où qu'ils viennent, puissent avoir accès à l'école anglaise et nous ne croyons pas que ce faisant ce soit de nature à perturber les éléments démographiques et que cela porte vraiment atteinte à la sécurité culturelle. Pour rejoindre ce que je disais plus tôt au sujet de la langue de travail, on peut au moins penser que l'approche que propose la Chambre pourrait, si elle était adoptée, faire l'objet d'un suivi sérieux, sur une période d'années. Si on s'apercevait qu'effectivement la situation est insuffisamment redressée et qu'il y a encore une menace dont on pourrait faire la démonstration, à ce moment-là il serait toujours temps de réviser et on serait capable d'apporter à la population une démonstration adéquate qu'il faut le faire. Mais, dans le moment, il nous semble qu'il faut donner libre accès à tous les anglophones "authentiques".

Vous posez la question du critère de langue maternelle?

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire la fréquentation scolaire du parent comme étant le critère qui détermine l'accès à l'école anglaise.

M. Beauregard: Remarquez que ce n'est pas nécessairement spécifiquement à cela qu'on s'est attardé. On avait l'impression que le projet actuel, au fond, comme tous les autres projets antérieurs, est toujours aux prises avec le problème à déterminer quel est l'indice le plus plausible de la légitime appartenance à une communauté anglophone.

Celui choisi par le gouvernement, dans son projet de loi, ne m'apparaît pas impertinent ou mauvais en soi, mais il nous paraît, à la réflexion, que si on logeait au niveau des instances responsables de l'admission des élèves, la responsabilité de déterminer si on appartient à la culture anglophone déjà, si on est de langue maternelle anglaise, si c'est encore avec ce critère qu'on peut le mieux évaluer, je pense que de sens commun, ceux qui sont mêlés au processus d'admission savent, surtout au niveau d'un jeune enfant qui arrive à l'école, ce n'est pas tellement compliqué, s'apercevoir si on a affaire à un enfant qui, à toutes fins utiles, est anglophone ou ne l'est pas.

Bien que notre mémoire se réfère à la langue maternelle, sans préciser de quelle façon on vérifiera qu'effectivement, il s'agit bien de la langue maternelle, je suis porté à penser — nous pensons à la Chambre — comme le Conseil supérieur de l'éducation, qu'il faudrait peut-être recourir à un, deux ou trois moyens qui, par convergence ou recoupement, permettraient à l'autorité responsable de l'admission d'être satisfaite qu'il s'agit bien là d'une personne anglophone.

Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien, M. Beauregard, c'est que ce critère utilisé seul peut errer, c'est-à-dire que la réponse ne peut permettre de dire qu'un enfant appartient à la communauté anglophone. Ce n'est pas le seul critère qui doive être utilisé, il y en a d'autres, si on veut établir la langue maternelle, qui est utilisée?

M. Beauregard: Je crois que oui.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de vos réponses.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je voudrais partager les mêmes sentiments qui viennent d'être exprimés par le ministre et par l'Opposition officielle pour vous remercier de votre mémoire qui est très sérieux, très positif et surtout pour les nombreuses suggestions que vous apportez. Comme vous l'avez mentionné lors de la loi 22, si on a écouté vos suggestions, vos revendications, je crois que, cette fois-ci encore, le ton de votre mémoire peut inciter le gouvernement à scruter davantage les suggestions que vous faites.

A ce point de vue, je crois que nous avons lieu de vous féliciter pour avoir travaillé dans un objectif aussi positif et, surtout, pour un groupe aussi sérieux que le vôtre, d'apporter cette contribution que j'estime très valable.

Maintenant, suite à votre analyse et comme vous avez déjà contribué, avec vos remarques sur la loi 22, si vous considérez les deux projets de loi, quels changements importants croyez-vous que le projet de loi no 1 va apporter dans son ensemble à notre collectivité québécoise? De quelle façon voyez-vous ça. Est-ce qu'on avance ou si on demeure un peu au statu quo? Qu'est-ce que cela va nous donner en définitive?

M. Beauregard: C'est une question plus difficile. En tout cas, je vais commencer, pour compléter... C'est difficile à dire, je pense qu'il semble y avoir dans le projet de loi no 1, on l'a vu par le fait qu'il a été précédé d'un livre blanc, etc., une intention, qui comporte sans doute des aspects positifs, de prendre une approche peut-être plus formelle, plus déclaratoire ou plus affirmative. Il se peut que cela ait des effets d'entraînement au sens où plusieurs en ont parlé, d'une fierté plus marquée des Québécois, etc. C'est un choix, alors que la loi 22 nous paraissait peut-être une loi où on avait voulu s'inscrire davantage dans un processus plus évolutif. Quant à moi — je ne parle pas au nom de la chambre — tout compte fait, les objectifs me paraissant, au bout du compte, fondamentalement les mêmes. Que, d'un côté, un projet de loi ait voulu passer par une approche moins "spectaculaire" ou qu'on veuille procéder d'une façon plus affirmative, cela me semble deux approches.

Quant à nous, c'est la raison de nos commentaires, de l'approche retenue de notre mémoire. On se dit qu'au bout du compte, on peut bien avoir deux styles différents, ce qui nous intéresse, ce sont les trois critères d'analyse que nous avons posés. A cet égard, dans la mesure où le projet de loi no 1 en viendrait à s'aligner sur ces objectifs avec des moyens qui nous paraîtront à nous, maintenant, mesurés, ceci nous satisfait.

M. Charbonneau (Edgar): En somme, cela veut dire que le projet de loi no 1 est peut-être plus articulé que la loi 22 ne l'était et, dans la mesure où il respecte les critères qui sont la base même de notre mémoire, nous en sommes satisfaits.

M. Le Moignan: Je vois qu'en plusieurs endroits, vous placez l'insistance, soit du côté de la langue — vous avez étudié le sujet en détail — soit de l'affichage du travail. Je pourrais peut-être vous poser une petite question. Votre Chambre de commerce, est-ce qu'elle est bilingue? Est-ce qu'elle comprend des membres anglophones?

M. Charbonneau (Edgar): Elle comprend des membres anglophones, mais la Chambre de commerce est unilingue française. La Chambre de commerce de Montréal est unilingue française. Nous n'employons que le français.

M. Le Moignan: Alors, votre langue de travail, au sein de la chambre de commerce, est la langue française?

M. Charbonneau (Edgar): C'est la langue française.

M. Le Moignan: Je vous remercie. Mon voisin aura des questions plus tard.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau (Verchères): M. le Président, je ne parlerai pas trop longtemps, voulant laisser la parole à un autre de mes collègues qui a préparé son intervention. La seule chose que je voudrais indiquer, c'est ma très grande satisfaction devant le ton et l'approche de la Chambre de commerce du district de Montréal. Personnellement, cela va me faire changer d'idée quant à la nature et à la cote de crédibilité que j'avais décernées à la Chambre de commerce, à la suite d'une mauvaise expérience, il y a quelques semaines.

M. Charbonneau (Edgar): Pour laquelle nous n'étions pas responsables.

M. Charbonneau (Verchères): D'accord. Mais j'apprécie énormément l'attitude que vous avez ce matin. Je pense que c'est dans cette optique que le gouvernement actuel, quelles que soient — il ne faut pas se le cacher — les divergences de vues qu'on pourrait avoir sur des façons de concevoir l'avenir du Québec, pour le moment, et c'est ce qui est important, pourra entretenir un dialogue honnête et sincère avec la communauté des affaires, en particulier la communauté des affaires de Montréal.

Je suis particulièrement fier de voir que des hommes d'affaires de chez nous, Québécois francophones, sont capables de cette dignité. En terminant, je vous rappelle que, pour moi, vous remontez dans mon estime. J'espère qu'éventuellement, j'aurai l'occasion de reprendre un dialogue qui, malheureusement, n'a pas eu lieu la dernière fois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, ayant relevé l'estime du député de Verchères, je pense qu'on a compris quelque chose ce matin. Je voudrais remercier les membres de la Chambre de commerce de Montréal pour ce mémoire, cette présentation extrêmement positive et mesurée.

La participation de la Chambre de commerce de Montréal, en particulier dans la mise en marche, dans le processus de consultation qui a suivi la mise en application de la loi sur la langue officielle, en ce qui concerne la francisation des entreprises, demeurera toujours un des éléments majeurs; je comprends également dans mon esprit la Chambre de commerce du Québec, qui est l'organisme plus large, mais elle demeurera toujours un des éléments fondamentaux du succès que toute entreprise de francisation pourra escompter, que ce soit en vertu de la loi actuelle ou du projet de loi dont nous faisons l'étude actuellement. Je voulais le souligner, parce que, sans la coopération d'organismes comme le vôtre et d'autres associations, il est inutile de penser qu'on peut avoir du succès, qu'on puisse atteindre les objectifs recherchés. Vous le dites d'ailleurs dans votre mémoire, vous craignez, en parlant de la structure de la régie, que l'acquis à cet égard, depuis deux ans, la coopération, la confiance qui ont été créés entre la Régie de la langue française, d'une part, et le milieu que vous représentez, d'autre part, soient mis en danger par la création d'un organisme plus tatillon et dont la structure s'apparenterait plus à la fonction publique ou à un organisme de fonctionnaires, à comparer à l'organisme à direction collégiale que nous avons actuellement.

J'espère que la modération et l'articulation qui sous-tendent votre mémoire pourront convaincre le ministre, à cet égard, et à l'égard plus particulièrement de la structure de la régie, de la direction collégiale de la régie et c'est extrêmement important. Tout projet de loi comporte des défauts. Généralement, notre problème, c'est qu'on s'en aperçoit une fois qu'il est adopté. La loi 22 en a, et il aurait fallu, de toute façon, si le résultat des dernières élections avait été différent, apporter probablement des modifications à la loi 22.

Je ne parle pas de la langue d'enseignement, même en ce qui concerne la francisation des entreprises, la langue des affaires, etc., mais il importe de conserver avec beaucoup de soins le rapport qui doit exister entre l'organisme responsable de la mise en application d'une telle loi et le milieu. Pourquoi? Parce que ce n'est pas une loi comme une autre, la loi linguistique. C'est une loi de changement social. Ce n'est pas une loi pour le port de la ceinture de sécurité où, à un moment donné, on décide que tout le monde la porte et où on donne quelques infractions à un moment donné. Les habitudes changent. On ne francise pas Montréal, le milieu des affaires de Montréal surtout — je parle de Montréal, parce qu'on a vu hier, ici, qu'à Québec, ce n'est pas tellement un problème — du jour au lendemain, sans dommages économiques, à moins d'y apporter beaucoup d'attention.

Je pense que le gouvernement actuel devra tout d'abord apporter des amendements à ce pro- jet de loi. Ceux que vous suggérez, je pense, sont valables. J'y reviendrai plus tard. Lorsque le gouvernement aura apporté des amendements, il verra qu'une loi linguistique ne s'applique pas comme une loi de feu vert ou de feu rouge. De toute façon, quelle que soit la loi, la loi 22 ou la loi no 1, il va devoir concilier les deux impératifs, c'est-à-dire faire du français la langue de tous les jours, de toutes les activités au Québec, qui est l'impératif de ce gouvernement comme de l'ancien gouvernement, et l'impératif économique, c'est-à-dire de le faire aux moindres coûts possible.

C'est cela que les deux ans de consultations sur la loi 22 pour faire le programme de francisation, toute la structure de la francisation, du règlement de francisation des entreprises, c'est cela qui a présidé à cet effort de consultation. J'espère que le ministre s'en aperçoit. Je ne vous demande même pas de le reconnaître. En politique, vous savez, on ne peut pas reconnaître nos erreurs, quoique souvent, cela aide, cela rafraîchit la politique que de le faire. C'est pour cela qu'on peut déplorer le rejet, la suspension d'application du règlement de francisation que le ministre a fait de façon précipitée, je pense, en décembre dernier, mal conseillé sûrement, pour venir ensuite, dans la loi 1, au même mécanisme, à l'analyse linguistique, au programme de francisation et en y ajoutant naturellement des aménagements différents comme la coercition.

Je voulais simplement vous demander, peut-être à M. Beauregard que j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt tantôt, quand il a décrit les deux styles, le style spectaculaire contre le style peut-être un peu plus pragmatique de la loi 22, est-ce que le style spectaculaire de la loi 1 doit recourir à la coercition, en ce qui concerne la francisation des entreprises seulement? Je m'adresse à vous seulement là-dessus. En ce qui concerne le processus de francisation du monde des affaires, du monde du travail, est-ce que la coercition est indispensable?

M. Beauregard: Je ne crois pas que la coercition soit indispensable. A la lumière de cette question, j'aimerais quand même préciser, toujours pour garder la même dignité dont on a parlé jusqu'à maintenant, que je n'impliquais pas, en employant, entre guillemets d'ailleurs, le mot "spectaculaire", marquer une préférence morale ou dérogatoire ou autrement. Je signalais plutôt qu'il nous paraissait que le projet de loi no 1, dans son style et dans sa présentation, recherchait, en soi, un objectif au niveau de la conscience ou d'une fierté.

On mettait davantage l'accent là-dessus, qui est un choix, qui est une option. Je distingue ceci nettement de la dimension incitation ou coercition, côté des mesures à l'entreprise. Pour répondre directement à votre question, en ce qui concerne un processus réussi de francisation des entreprises, je crois qu'il faut au maximum utiliser l'approche incitative. Quant aux éléments de coercition qui demeureraient, comme nous l'indiquions dans notre mémoire nous reconnaissions cependant que, face aux récalcitrants, si on peut

ainsi parler, aux gens qui se traînent les pieds, les gens carrément de mauvaise volonté, il faut qu'il y ait dans la loi des dispositions coercitives, des obligations de créées, voire des sanctions, mais encore faut-il que les sanctions soiejit proportionnelles au délit, si on peut ainsi parler. Il faut vraiment qu'on attaque le mal à sa racine, c'est-à-dire chez ceux qui ne font pas preuve de bonne foi. Mais il me semble mauvais, dans toute loi d'ailleurs, de faire comme si l'ensemble du secteur visé ou l'ensemble de la collectivité était fondamentalement méchant et vicieux. Il faut plutôt tabler que, dans l'ensemble, on va se conformer à une loi et ce sont des cas d'exception qu'on ira viser par des dispositions prévues et connues de tous.

M. Lalonde: Merci beaucoup, M. Beauregard. Je voudrais laisser quelques minutes à mes collègues. Je vais simplement terminer en rappelant que même si plusieurs de vos remarques sont considérées par certains députés comme de la simple répétition, et que certains députés, par les vôtres, mais enfin le contenu de leurs remarques...

M. Paquette: Je m'excuse, c'est le contraire... M. Lalonde: Ecoutez, j'ai le droit de parole.

M. Paquette: On trouve énormément d'éléments nouveaux.

M. Lalonde: Le député de Rosemont n'est peut-être pas d'accord, mais je n'ai pas beaucoup de temps.

M. Paquette: On n'a rien dit. Comment pouvez-vous dire cela?

M. Lalonde: Alors, je me reformule. Même si des députés...

Mme Lavoie-Roux: Cela fait trois jours qu'ils l'ont dit...

M. Lalonde: ... et là, je vais le dire, des députés ministériels se sont déclarés suffisamment informés en ce qui concerne le domaine que vous représentez, c'est-à-dire le milieu des affaires. D'ailleurs, je vois que le député de Taschereau a été suffisamment informé, il n'est pas ici.

Mme Lavoie-Roux: II vient de moins en moins.

M. Lalonde: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Châteauguay...

M. Lalonde: La répétition, à ce moment, n'est pas nuisible, au contraire. Je pense que ce que vous dites à propos de la convergence des interventions, c'est important pour que la commission parlementaire et surtout le gouvernement, qui, en définitive, décide, soient bien informés. Souvent, c'est en répétant plusieurs fois qu'un gouvernement s'aperçoit que c'est une opinion générale et qu'il faisait fausse route. Ce n'est pas seulement à vous que je fais le message, mais à tous ceux qui viendront après vous, parce qu'il nous reste quand même 200 mémoires à examiner; il ne faut pas être gênés de le dire et de le répéter. Si vous avez raison, pourquoi ne pas le dire? Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, messieurs, quelques remarques. La fin de semaine passée, M. le premier ministre du Québec, M. Lévesque, disait que l'exode d'entreprises du Québec était dû à une mauvaise représentation des media anglophones du Québec. Comme représentant d'un comté anglophone, Pointe-Claire, j'ai vécu dans la situation dans laquelle on voit, dans ma rue, quatre maisons sur dix à vendre. Ces quatres personnes sont des personnes qui sont transférées du Québec. Alors, j'ai hâte d'avoir la chance de visiter mon comté avec M. Lévesque pour lui donner l'occasion de faire des entrevues avec les citoyens de Pointe-Claire pour savoir les dommages qui sont déjà faits. L'avenir du Québec, c'est de renverser ce mouvement d'entreprises du Québec, votre groupe s'occupe de l'économie du Québec, de Montréal, premièrement. Comme exemple, il y a 67% de l'industrie pharmaceutique du Canada à Montréal; prévoyez-vous, avec le Bill 1, que dans cinq ans, ces industries seront encore à Montréal?

M. Charbonneau (Edgar): Ecoutez, encore une fois, nous nous repportons aux critères fondamentaux de notre mémoire. Dans la mesure où les critères fondamentaux sont respectés, dans ces critères fondamentaux, le troisième dit bien qu'on s'intéresse particulièrement aux libertés individuelles.

Avec les recommandations que nous avons faites, si ces libertés individuelles sont respectées, nous ne voyons aucun inconvénient à ce que dans cinq ans les compagnies dont vous avez fait mention fassent encore partie du Québec.

Il est entendu que le problème linguistique est un problème très important, mais ce n'est pas le seul problème qui puisse faire que le Québec se trouve peut-être dans un état économique un peu difficile. Cela existe non seulement au Québec, mais dans d'autres provinces aussi, actuellement, et je pense qu'on n'est pas prêts, nous, en tout cas, à rattacher tout le problème économique présent à la seule question linguistique.

M. Shaw: Vous ne prévoyez pas, disons... J'ai parlé il y a quelques jours avec un responsable de Ayerst McKenna, qui disait: Avec 800 personnes dans la recherche, dans notre industrie, le langage commun de ces individus, c'est l'anglais. Maintenant, vu le coût pour chercher des gens qui viendront à Montréal, à cause du climat social qui est représenté par cette loi, il sera impossible de continuer avec le même climat. Prévoyez-vous que

nous pouvons faire, avec le sens de cette loi, un climat qui va être accepté par les industries de recherche, d'expertise du Québec? Est-ce qu'elles vont rester?

M. Charbonneau (Edgar): Dans votre mémoire, si vous remarquez, nous touchons cet aspect spécifique. Nous demandons qu'en plus des sièges sociaux, les centres de recherche soient privilégiés. Nous avons constaté dans notre étude que dans les services technologiques, l'anglais est une langue internationale, et on rencontre énormément de déplacements de gens qui sont appelés à travailler sur des projets, à court ou à long terme. Nous aimerions que les centres de recherche soient considérés au même niveau que les sièges sociaux dans le respect des libertés. Encore une fois, là, je pense qu'on touche un domaine qui est très spécifique. Mais dans l'ensemble de l'économie du Québec, encore une fois, si les critères que nous avons établis dans notre mémoire sont respectés, nous ne croyons pas que l'économie du Québec sera affectée.

M. Beauregard: Est-ce que je peux ajouter quelque chose en réponse? Je reviendrais à la question dont on a parlé en termes d'approche. Comme vient de le signaler notre président, nous avons voulu que certaines entreprises à haute technologie et les centres de recherche industrielle, de même que certains bureaux divisionnaires qui traitent à l'extérieur du Québec soient traités un peu de la même façon que les sièges sociaux. Toujours, il s'agit, bien sûr, de la façon de leur appliquer un programme de francisation. C'est donc dire que l'objectif d'une certaine francisation dans le fonctionnement interne doit être un objectif qui demeure, et nous invitons, bien sûr, l'Assemblée nationale, le gouvernement à faire bien attention à la façon d'appliquer des programmes de francisation, notamment dans ces cas que nous jugeons particuliers. Tout est une question d'approche. Si on a une approche évolutive, pour répondre à votre premier souci, je crois qu'il n'y a pas lieu de cacher que le style plus affirmatif, plus déclaratoire est sans doute de nature à se faire poser davantage de questions chez les gens. Dans la mesure où on a un style qui, d'une part, est plus affirmatif et, probablement, à certains égards, plus satisfaisant pour certains qui veulent mettre l'accent sur l'affirmation collective.

C'est d'autant inquiétant à certains égards pour ceux qui se demandent exactement à quel type de rajustement cela va donner lieu, mais si on retient dans les programmes de francisation pour ces milieux particuliers une approche évolutive où on tient vraiment compte des contraintes techniques réelles qui pèsent sur ces unités particulières, je crois qu'il y a moyen de minimiser ce que l'affirmation, par ailleurs, d'autres droits, peut avoir de quelque peu inquiétant ou traumatisant. A cet égard, je pense que le rôle des media d'information, le rôle des gens qui interviennent sur la place publique, fussent-ils des hommes de gouvernement ou des hommes d'association ou de simples citoyens, est particulièrement important dans le sens d'agir d'une façon responsable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Pointe-Claire, votre temps est expiré. M. le député de Mont-Royal, vous avez environ trois minutes.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais dire que j'apprécie particulièrement l'approche positive de votre mémoire. Vous démontrez une confiance dans vos entreprises et cela se reflète dans les suggestions que vous faites. Malheureusement, certains des articles du projet de loi ne semblent pas refléter cette confiance et, pour cette raison, parfois, cela suscite certaines réactions chez certains groupes.

Je suis particulièrement heureux de voir votre approche sur les libertés individuelles et les droits des minorités, parce que vous avez cette confiance. Cela découle de votre approche. Parfois, la panique ou la réaction parfois alarmiste est suscitée par certains articles du projet de loi et je note particulièrement vos recommandations sur l'article 112. Il y a beaucoup de jeunes gens qui n'ont pas un nom francophone et qui sont très préoccupés par cet article, et j'accepte entièrement vos suggestions. En terminant, puisque je n'ai pas beaucoup de temps, M. le Président, le ministre me permettrait-il de lui poser une question?

Il y a beaucoup de jeunes gens qui interprètent l'article 112 tel que rédigé d'une façon peut-être très ambiguë. Je voudrais demander au ministre s'il accepte l'interprétation et les recommandations de nos invités au sujet de l'article 112 et, si tel est le cas, pourrait-il nous dire s'il serait prêt à recommander certains amendements afin que l'article 112 puisse vraiment refléter les recommandations de nos témoins et les préoccupations qu'ont plusieurs personnes au sujet de l'application et de l'interprétation qui pourraient être données à l'article 112, tel que présentement rédigé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est toujours le même règlement. Le ministre peut répondre ou ne pas répondre à cette question.

M. Laurin: J'ai déjà dit à plusieurs reprises que l'article 112 avait été mal compris par certaines personnes, mais, si tel est le cas, je n'ai aucune objection à le reformuler pour qu'il conserve le même esprit mais ne crée aucune ambiguïté.

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre accepte l'interprétation que les témoins ont donnée? Je crois que c'est une interprétation qui protège et encourage la langue française mais qui, vraiment, serait juste et équitable envers tous les gens, tous les citoyens du Québec, de quelque culture ou quelque milieu que ce soit.

M. Laurin: J'ai tout lieu de croire que même le député de Mont-Royal sera satisfait de la nouvelle formulation.

M. Ciaccia: Mais vous ne vous engagez pas maintenant. C'est toujours dans l'avenir, vos pro-

messes. Les recommandations de nos invités sont concrètes et j'aurais aimé que vous acceptiez de dire: Oui, nos invités ont raison, j'accepte cet article.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Quelle est votre position sur le libre choix?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie beaucoup, M. le député de Mont-Royal d'avoir respecté votre période de temps. Une dernière intervention, et c'est celle du député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier les représentants de la Chambre de commerce de Montréal de leur mémoire extrêmement positif, que je considère comme un appui aux objectifs et aux intentions du projet de loi. Je pense que vous avez très bien compris les intentions du projet de loi. Je souhaiterais que, particulièrement dans l'Ouest de Montréal, on cesse de paniquer sur ce projet de loi. On se rend compte qu'à peu près tous les organismes patronaux ou d'affaires qui sont venus devant nous n'ont aucunement une attitude de panique, qu'ils sont très bien capables de vivre en français. Ils disent: Certaines opérations sont plus difficiles, donnez-nous un peu de souplesse de ce côté-ci, de ce côté-là, mais essentiellement, ils acceptent la francisation du Québec et sont prêts à s'y engager. Je pense que cela va nous inciter à réduire certains articles où il y a énormément de contrôles possibles. Là il aurait fallu voir comment cela se serait appliqué, mais il y avait une possibilité de contrôle bureaucratique assez grand, et peut-être un excès dans certaines sanctions prévues.

Je pense que vous avez très bien compris le projet de loi. Le député de Marguerite-Bourgeoys disait tantôt: "J'espère que le ministre a compris. Je pense que le ministre a compris". Nous avons compris. Vous avez très bien compris l'intention du projet de loi mais, malheureusement, on n'a pas d'indice que l'Opposition, elle, a très bien compris la différence essentielle entre la loi 22 et ce projet de loi. Cette différence essentielle, vous l'avez mentionné tantôt, c'est que ce projet de loi est clair, vigoureux et de nature à susciter la fierté des Québécois.

Mme Lavoie-Roux: ... tel qu'il est?

M. Paquette: Cela, il faudrait le prouver, Mme le député de L'Acadie.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. Non, ne commencez pas...

M. Paquette: C'est un des points que je veux toucher, de toute façon.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont, adressez-vous soit au président, soit aux invités, mais pas aux députés de l'Opposition.

M. Paquette: M. le Président...

M. Laplante: II y en a seulement un, il n'y en a pas deux.

Le Président (M. Cardinal): Non.

M. Paquette: ... sur l'intervention du député de L'Acadie, je vais revenir tantôt, parce que j'ai une question là-dessus. Je pense que la différence essentielle, vous l'avez dit tantôt, entre la loi 22 et la loi no 1, c'est qu'elle est de nature à susciter la fierté des Québécois. C'est également une réponse aux attentes des gens qui ont travaillé à la francisation, que ce soit dans les différentes entreprises ou au niveau de la Régie de la langue française, qui nous disaient, quand on a commencé le travail avec eux, la loi 22, c'est un pas dans la bonne direction, bien sûr, on est très content, et cela nous facilite la tâche aujourd'hui, mais il manquait — et c'est ce que nous disaient ces gens-là — une certaine volonté politique qu'on espère que le nouveau gouvernement va afficher clairement.

Je pense que c'est là la différence essentielle entre la loi 22 et la loi no 1. Je tiens à dire que la loi ne sera pas coercitive, dans la mesure où elle va susciter cette fierté et cet effet d'entraînement. Il n'y a aucune loi qui peut réaliser des changements politiques de cette importance s'il n'y a pas d'effets d'entraînement de la loi qui ne sont pas prévus dans les articles, mais qui tiennent au changement de climat. La manifestation devant le parlement quant au bill 63, a commencé à opérer un changement de climat, la loi 22 a poursuivi et je pense que la loi no 1 va nous permettre d'éviter toute espèce de coercition.

Je ne pense pas qu'il va y avoir d'entreprises récalcitrantes et, dans ce sens, on va pouvoir l'assouplir considérablement. Il y a beaucoup d'organismes qui nous l'ont demandé et je pense qu'il faut en tenir compte. Je pense d'ailleurs que 80% des recommandations que vous faites dans votre mémoire sont déjà acceptées par le ministre ou vont l'être et je pense que ça va aplanir l'essentiel des difficultés.

Maintenant, j'aimerais relever la suggestion extrêmement intéressante que vous nous faites à la page 6 de votre mémoire, au troisième paragraphe, à l'article 75. Vous proposez de conférer à l'office le pouvoir de prendre, de concert avec l'administration, ou de faire prendre par les services appropriés toute mesure nécessaire pour en arriver à une concertation efficace dans la mise au point de certains produits et instruments de travail en langue française. Je ne sais pas si c'est la même chose que cela évoque dans mon esprit; par exemple, est-ce que vous pensez à de la concertation sur le plan sectoriel quant à la terminologie? Il y a certains types d'entreprises qui se ressemblent beaucoup et qui auraient avantage à échanger leur processus de francisation, leur méthode. Est-ce que vous pensez à des choses comme ça, lorsque vous nous faites cette suggestion?

M. Beauregard: C'était surtout en termes de la production d'instruments de travail. Cela se ré-

férait moins à des éléments de terminologie, mais bien à des processus de fabrication. Un exemple très clair, c'est qu'il existe du matériel informatique en français, mais il est offert sous plusieurs formes et variétés non standardisées, alors que le produit anglais équivalent est internationalement standardisé, de telle sorte que cela amène des problèmes de communication d'ordinateur à ordinateur, des trucs comme ça. C'est un exemple.

Il y a beaucoup de produits comme ça et l'incitation est à une concertation plus ou moins stricte qui pourrait être effectuée pour profiter d'un certain pouvoir d'achat québécois, pas nécessairement de source gouvernementale d'ailleurs.

Il se pourrait que les gens qui font appel à des types de fournisseurs... L'exemple très simple qu'on peut donner, c'est: Pourquoi n'y avait-il pas, jusqu'à de récentes années, des indications en français pour les ascenseurs, les odomètres sur les voitures? Il n'y en a pas encore, dans bien des cas, et on peut penser que ce que de petites entreprises tenteraient d'obtenir de fournisseurs en ordre dispersé, elles ne l'obtiendront pas, sinon à des coûts très prohibitifs. Il y a du matériel qui pourrait être mis à la disposition des entreprises où une certaine concertation par incitation gouvernementale pourrait aider à se procurer du matériel adéquat standardisé, à des coûts raisonnablement comparatifs.

M. Paquette: II y a — ce que je pense être une suggestion extrêmement intéressante, j'espère que le ministre va en tenir compte — une différence entre la loi 22 et la loi no 1. C'est la clarté des objectifs de francisation. On énumère un certain nombre d'objectifs à atteindre par les entreprises, et, peut-être, un resserrement des délais et une volonté plus ferme d'appliquer les programmes de francisation. Est-ce que vous considérez, dans ces aspects, qu'il y a une certaine amélioration par rapport à la loi 22? Quelle est votre attitude face à ces aspects?

M. Charbonneau (Edgar): La question n'est pas facile. Je pense qu'on ne s'est pas vraiment attachés à cette question, à savoir s'il y avait eu une amélioration. On n'a fait aucune évaluation réelle dans ce sens-là. Répondre, ce serait...

M. Paquette: D'accord. Pour une entreprise, c'est quand même plus utile de savoir les intentions plus précises du gouvernement en termes d'objectif; qu'on sache que l'objectif, c'est d'arriver à telle proportion de cadres francophones, que tel genre d'activité se fasse en français. Est-ce que ce n'est pas plus facile pour une entreprise de savoir où elle s'en va, de planifier son évolution et ses modes de gestion pour atteindre des objectifs, ces objectifs étant précis?

M. Charbonneau (Edgar): Je serais porté à croire que non. Ce n'est pas un élément essentiel de gestion.

M. Paquette: Je vous mentionne cela parce qu'il y avait des responsables en francisation qui nous disaient que c'était très important.

M. Charbonneau (Edgar): Je pense qu'au niveau de la gestion, c'est une loi parmi d'autres qui devient... Une loi est une contrainte et il faut qu'ils s'y conforment. Le fait d'avoir certains délais plus ou moins longs ou appliqués de façon plus ou moins forte représente tout simplement une contrainte plus ou moins grande. Mais de là à déterminer les objectifs mêmes, non, je ne pense pas.

M. Beauregard: Si on peut se permettre, de ce côté-ci de la table, quelques facéties également, on dirait que les milieux d'affaires sont relativement peu sensibles à ce que j'ai appelé tout à l'heure le style plus déclaratoire ou plus affirmatif.

C'est la raison pour laquelle, constamment, vous avez dû entendre certains de nos prédécesseurs des milieux d'affaires vous dire: Ce qui nous intéresse, c'est la réglementation. C'est très important pour nous, la réglementation, parce que l'objectif présumément clair ou non clair inscrit dans la loi, on va en connaître l'impact réel quand on connaîtra la nature de la réglementation. Dans la mesure où la réglementation est claire, c'est là que le problème se pose.

M. Paquette: Je termine, M. le Président, par une dernère question qui va être reliée à l'interruption du député de L'Acadie tantôt. Elle considère que la charte est discriminatoire dans sa forme actuelle. Personnellement, je n'ai jamais été d'accord avec l'introduction de l'article 172, je suis donc heureux que vous en recommandiez, comme de nombreux autres organismes, l'abolition, et je suis d'autant plus d'accord que, chaque fois qu'un organisme s'est présenté devant nous, je lui ai demandé s'il pouvait nous montrer un exemple d'article où les deux chartes étaient contradictoires. A un moment donné, le député de L'Acadie, dans une interruption semblable à celle qu'elle a faite aujourd'hui, m'a lancé que l'article 52 est discriminatoire.

Le lendemain, la Commission des droits et libertés de la personne rendait public son mémoire et elle nous disait: L'article 52 n'est pas discriminatoire. J'aimerais vous demander, au-delà de votre proposition pour l'abolition de l'article 172, si vous avez noté, dans votre étude du projet de loi, certains articles qui seraient, selon vous, discriminatoires ou à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais, très rapidement, parce que la commission devra ajourner ses travaux.

M. Beauregard: Je pense qu'il y avait en tout cas des questions de doute au niveau des articles 36 et 37 où on parle des questions de congédiement ou autrement. Il y avait des possibilités de discrimination dans les deux sens.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous

permettez... A l'ordre, tout le monde! Je désire remercier M. Edgar Charbonneau, M. Claude Béau-regard et M. Marcel Paré, les porte-parole de la Chambre de commerce de Montréal, comme je l'ai fait souvent, de leur patience. Ils ont attendu, ils ont vu comment fonctionnait une commission parlementaire. J'ai déjà indiqué que c'était une longue patience que cet exercice de la démocratie, pour tous d'ailleurs, mais il faut l'apprendre. Ils sont maintenant libérés.

Je voudrais cependant faire quelques remarques, avant l'ajournement des travaux. Tout d'abord, le prochain organisme convoqué est le Comité des kilomètres d'appui, mémoire 206. Nous poursuivrons par la suite, mais je ne sais pas du tout à quelle heure. Je le rappelle, c'est mercredi. Ce sera certainement après 16 heures. Il faudrait se préparer en conséquence.

Dernière chose, suite à une question du député de Mégantic-Compton, hier, au sujet d'un télégramme provenant de l'Association des citoyens des Cantons de l'Est, j'avais mentionné que j'indi-querais, s'il y avait mémoire reçu, quel en serait le numéro. Il y a un mémoire de déposé, le no 106.

Je veux, de plus, indiquer que j'ai fait distribuer ce matin à chacun des membres de la commission une copie de ce télégramme, et que non seulement le cabinet du ministre, le secrétariat de la commission, mais que chacun des membres de la commission est informé de ce télégramme et que les dispositions nécessaires seront prises en temps et lieu. Sur ce, merci à tous. Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

M. Charbonneau (Edgar): M. le Président, j'aurais aimé...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vous en prie.

M. Charbonneau (Edgar): ...remercier la commission parlementaire de l'accueil qu'elle nous a fait, et nous espérons que nos travaux auront contribué à vous aider dans vos difficultés.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez été les bienvenus.

(Fin de la séance à 12 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 44

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît.

Je constate que nous avons quorum, et comme c'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, je fais l'appel des membres et indique les changements. Ces changements vaudront pour la séance de cet après-midi et celle de ce soir qui a été donnée en avis à l'Assemblée nationale.

M. Alfred (Papineau)...

M. Alfred: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee), ...

M. Charbonneau: M. Bisaillon (Sainte-Marie), toujours remplacé par...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas ce qu'on m'a... Attendez un peu.

M. Charbonneau: ... de Verchères.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas ce qu'on m'a indiqué. On m'a indiqué que vous remplaciez le député de Taschereau.

M. Charbonneau: Un ou l'autre, dans ce cas-là. On n'avait pas prévu...

Le Président (M. Cardinal): D'ailleurs, M. Bisaillon arrive à l'instant. Nous l'attendions. M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), remplacé par M. Gagnon (Champlain) — vous aurez le droit de poser des questions — M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau, remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Pa-quette (Rosemont), remplacé par M. Lacoste (Sainte-Anne). Je salue particulièrement M. Lacoste. C'est la deuxième fois qu'il vient. M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je n'ai pas besoin quand même de faire l'appel des invités. Cela a déjà été fait ce matin. Il ne faudrait pas être trop méticuleux sur ces questions, quand même.

Quant au programme, j'indique que nous suspendrons à 18 heures, et c'est une suspension sans consentement de la commission, quels que soient les incidents qui puissent arriver à ce moment-là, celui qui présidera se lèvera du fauteuil à 18 heures et la séance reprendra à 20 heures, à la suite d'un avis du leader parlementaire du

gouvernement, pour se poursuivre normalement jusqu'à 23 heures.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Juste un instant! Nous n'avons personne devant la commission. J'ai toujours appelé les gens.

M. Lalonde: C'est sur une chose que vous venez de dire.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est parce que j'ai cru comprendre que, de façon inusitée, le leader du gouvernement a mentionné tantôt—on peut vérifier ça à la transcription du journal des Débats — que la reprise des travaux ce soir serait à 20 h 15, comme la Chambre.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je n'étais pas là.

M. Lalonde: Comme la Chambre...

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, je prends votre parole, M. le député...

M. Lalonde: Je pense que le ministre...

Le Président (M. Cardinal): ... et je vous en remercie. Nous reprendrons à 20 h 15. Merci beaucoup, M. le député de Marguerite-Bourgeoys et sans autre procédure, j'invite l'organisme suivant: Comité pour des kilomètres d'appui, mémoire 206.

Si vous voulez bien vous identifier pour les membres de la commission. Vous savez que vous avez 20 minutes, au maximum, pour présenter votre mémoire. Evidemment, cela dépend de sa longueur. Si je regarde ce qu'il y a devant moi... Par la suite, les députés pourront vous poser des questions pendant 70 minutes.

Comité pour des kilomètres d'appui

M. Roy (Rodrigue): Le Comité pour des kilomètres d'appui est formé de quatre membres: M. Pierre Lalande, ici présent; Jean Lavoie, qui, malheureusement, est retenu chez lui pour des raisons personnelles; M. Claude Bouthillier, qui a attendu avec nous jusqu'à midi. C'est à regret qu'il a dû quitter, mais il me demande de préciser auprès de cette commission qu'il comprend très bien la situation et qu'il n'en tient rigueur à personne; et enfin moi-même, Rodrigue Roy.

Peut-être me permettrez-vous de donner quelques explications, de dire ce qu'est le Comité pour des kilomètres d'appui avant de commencer la lecture de notre mémoire.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, c'est dans l'ordre.

M. Roy (Rodrigue): Le Comité est formé, comme je viens de vous le dire, de quatre membres. Ce comité est né très spontanément autour d'une table où se retrouvaiegt quatre personnes qui se connaissaient. Toutes les quatre étaient d'accord avec le projet de loi no 1 et ont décidé, à un certain moment, d'écrire une lettre au ministre responsable. Ensuite, cette idée a pris des proportions un peu plus grandes et nous avons décidé de demander au plus grand nombre de gens possible, qui étaient d'accord, de l'écrire sur une lettre.

Ainsi, avec des moyens un peu artisanaux, nous avons réussi à ramasser ce que vous avez devant vous aujourd'hui. Le comité est né il y a environ un mois et demi. Il disparaîtra avec l'adoption du projet de loi no 1.

C'est donc un comité ad hoc.

Le Président (M. Cardinal): Nous souhaitons que votre mort ne soit pas une lente agonie pour les membres de la commission et de l'Assemblée nationale.

M. Roy (Rodrigue): Nous le souhaitons également.

Le Président (M. Cardinal): Alors, vous débutez. Nous commençons à 16 h 50.

M. Roy (Rodrigue): M. le Président, madame et messieurs les membres de cette commission parlementaire, comme le dit une chanson: "Les gens c'est nous et il n'y a que nous qui pouvons faire quelque chose pour nous". Voilà, madame, messieurs, exprimé en peu de mots, l'esprit qui a animé toute l'action de notre comité d'appui au projet de loi no 1.

Né d'un élan spontané et généreux, ce comité s'est donné comme tâche d'inviter les citoyens du Québec à exprimer leur soutien au projet de loi sur la langue. Des organismes influents, bien connus et solidement structurés auraient sans doute pu accomplir ce travail plus rapidement et d'une façon plus spectaculaire. Mais, alors, le résultat se serait avéré moins probant parce que plus discutable. Tandis qu'une idée soutenue simplement par quelques citoyens sans notoriété publique garde toute sa signification première en évitant ainsi que le véhicule prime sur le véhiculé. En fait, ce comité que vous avez devant vous s'est donné comme objectif de recueillir des milliers de lettres d'appui au projet de loi no 1 sur la langue française.

A écouter parler les Québécois, nous en sommes venus à constater qu'une grande majorité reconnaissait le bien-fondé de cette loi à ce moment-ci. Nous leur avons tout simplement demandé de faire entendre leurs voix afin que vous n'ayez pas seulement le son de cloche d'une minorité qui jouit d'un système de communication et de diffusion tellement disproportionné que cet aspect spectaculaire risque de nous faire oublier qu'ils sont peu nombreux.

Vous avez ici, madame et messieurs, le témoignage de milliers et de milliers de Québécois de la

Gaspésie jusqu'à Hull, de Sept-lles jusqu'à Rouyn — vous noterez une erreur de typographie — vous affirmant leur ferme volonté de parler français. Ils viennent aujourd'hui avec fierté exiger que vous respectiez le processus démocratique qui leur fut jadis imposé par les ancêtres de ce groupe qui crie maintenant à l'injustice. Ces Québécois de tous âges, de toutes allégeances et de tous milieux ont suspendu leurs préoccupations quotidiennes le temps, M. le ministre d'Etat au développement culturel, de vous écrire une lettre personnelle, et c'est ce qui fait la valeur historique de ce document que nous vous soumettons.

Pas la peine d'en tirer davantage, madame, messieurs, vous avez devant vous cinq kilomètres de cette route qu'il vous faut parcourir.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, M. Roy, concernant justement ces cinq kilomètres, quand vous vous retirerez, je vous prierais de vous organiser avec les services de sécurité pour qu'ils soient transmis à M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. le ministre d'Etat.

M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier évidemment les membres du Comité pour les kilomètres d'appui, mais surtout, par leur intermédiaire, remercier personnellement les quelque 20 000 Québécois qui m'ont manifesté leur appui dans la lutte que je poursuis pour la promotion du français au Québec.

C'est un témoignage extrêmement touchant et significatif et, si le temps m'en était permis, j'aimerais remercier personnellement, par cinq kilomètres de lettres, ceux qui ont pris la peine de m'écrire et de me manifester cet appui.

C'est un témoignage significatif également, en ce sens qu'il provient de citoyens ordinaires qui, comme vous le dites, n'ont pas toujours la chance de franchir la rampe de l'opinion publique, parce que les journalistes ne sont pas toujours là pour recueillir leur témoignage, étant donné qu'ils n'occupent pas des postes qui les mettent en vedette dans quelque organisme que ce soit.

Je pense qu'il convenait de fournir à ces citoyens ordinaires le moyen de s'exprimer sur un projet de loi qui les touche de près et qui va sûrement modifier leur existence, dans le sens de leurs besoins, dans le sens de leurs aspirations, dans le sens de leur goût de la fierté et de la dignité.

On pourrait espérer que, dans des temps ou dans une société autres, ces 20 000 témoignages auraient pu trouver accès à la tribune des lecteurs de quelque journaux que ce soient où ils auraient pu compenser, neutraliser d'autres témoignages venus, encore une fois, de personnages plus habitués à s'exprimer ou plus habitués à voir leurs lettres reçues par les journaux qui s'occupent de la tribune des lecteurs.

Malgré que ceci ne soit pas possible, je veux encore leur répéter, par votre entremise, à quel point ce témoignage me semble aussi important, sinon plus important, que le témoignage de centaines de personnalités ou de trois centaines de personnalités qui peuvent s'exprimer sur l'un ou l'autre des aspects des projets de loi. En ce sens, leur avis, et surtout leur appui m'apparaît être d'un grand poids dans le débat que nous poursuivons actuellement à l'Assemblée nationale.

Vous voudrez bien leur transmettre, si la chance vous en est donnée également, l'expression de notre reconnaissance et l'expression de la sécurité que nous éprouvons à nous voir appuyés par un nombre aussi élevé de citoyens qui suivent l'actualité, qui suivent l'action de leur gouvernement et qui sont encouragés par la direction que prend cette action.

Encore une fois, je pense bien que votre mémoire est davantage un témoignage qu'une expression d'opinion, mais ce témoignage, nous en avions besoin, à cette heure particulièrement importante de notre histoire et c'est vous-mêmes qui avez qualifié ce témoignage d'historique. Je le prends comme tel et à ce moment particulièrement important de notre histoire, ce témoignage est véritablement le bienvenu. Encore une fois, merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants du Comité pour des kilomètres d'appui, qui ont été extrêmement patients, parce que cela fait deux jours que je les observe au milieu de la salle. Ils ont eu d'autant plus de mérite à se rendre que j'imagine que cela a dû prendre un moyen de transport particulier pour apporter ici vos cinq kilomètres d'appui.

Ceci dit, je lis dans votre texte: "Les gens, c'est nous, il n'y a que nous qui pouvons faire quelque chose pour nous". Qui désignez-vous par "nous"? J'imagine que vous en excluez. Quel est le sens exact de ce verset?

M. Roy (Rodrigue): Au début, notre action s'adresse aux Québécois. On pense que par cette loi no 1 c'est le peuple québécois qui est concerné. On lui a alors demandé de s'exprimer. Il y en a qui crient, il y en a d'autres qui pourraient peut-être écrire. On a demandé aux gens qui étaient concernés. Je pense que c'est nous, les gens du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Pour vous, les Québécois, c'est qui?

M. Roy (Rodrigue): Je pense que c'est un peu détourner la question que de répondre à cela actuellement, parce que tout le monde se sent concerné par le projet de loi. Pour moi, les Québécois, ce sont tous les habitants de la province de Québec. C'est à tous ces gens que j'ai voulu donner l'occasion de s'exprimer.

Mme Lavoie-Roux: Comment avez-vous procédé? Est-ce que vous avez écrit aux gens ou si c'est par les journaux que vous avez demandé l'opinion ou ce témoignage de la part des citoyens du Québec?

M. Roy (Rodrigue): La majorité de ces lettres a été recueillie lors d'assemblées, de réunions, de manifestations, je dis bien la majorité; lors de ces assemblées, lors de ces réunions, se trouvaient très souvent des personnes qui venaient d'un peu partout à travers le Québec. Ils retournaient dans leurs régions avec une certaine note explicative de notre action et ils expliquaient cela à leurs gens, ce qui fait que nous avons reçu quelques milliers de lettres par la poste, mais la majorité, nous l'avons recueillie lors d'assemblées, c'est-à-dire par contact personnel avec les gens.

Mme Lavoie-Roux: De quels types de manifestations ou de réunions s'agissait-il?

M. Roy (Rodrigue): Je peux vous les énumérer en détail, de façon assez complète même. Nous avons "couvert", si je peux emprunter l'expression aux journalistes, le congrès de la CSN, par exemple; nous avons été invités à une manifestation par le monde à bicyclette; nous avons été invités à des vernissages. Cinquante ou soixante personnes, cela ne nous dérangeait pas, on y allait quand même. Nous avons été invités à une soirée "bénéfice" organisée par les meuniers. Nous avons parcouru les centres d'attraction lors des fêtes...

M. Lavoie-Roux: Nationales.

M. Roy (Rodrigue): ... de la Saint-Jean-Baptiste. Nous n'avons pas été invités, mais nous nous sommes invités au congrès du Parti québécois à Montréal. On s'est invité aussi au congrès du Mouvement national québécois à Chicoutimi.

Mme Lavoie-Roux: Doit-on conclure que c'est un appui inconditionnel au projet de loi no 1?

M. Roy (Rodrigue): Pour vous répondre bien sincèrement, beaucoup de gens nous ont donné un appui inconditionnel. Beaucoup de gens nous ont dit: Le projet de loi ne va pas même assez loin. Beaucoup de gens nous ont donné aussi — je dis beaucoup je ne devrais peut-être pas dire beaucoup — des gens nous ont donné un accord de principe.

Mme Lavoie-Roux: Alors, il y a des marges ou des différences d'opinions chez ces personnes qui se sont prononcées sur le principe même. Tout le monde, évidemment, était d'accord, puisqu'ils l'ont signé. Quant aux différents articles qui sont prévues aux différentes modalités d'application, ce pourrait peut-être être un consensus plus nuancé entre les individus, j'imagine.

M. Roy (Rodrigue): Ce serait vous mentir, Mme le député, que de vous dire que nous avons lu en entier toutes les lettres qui sont devant vous. Nous pouvons vous garantir que nous sommes persuadés que tout le monde donne un accord, mais il y a des lettres qui ont jusqu'à quatre pages. C'est déjà beaucoup de dépouiller le courrier, de coller toutes les lettres, on n'a pas eu le temps de lire les lettres en entier. Je ne peux pas vous dire les petites nuances qui seraient situées dans chaque lettre. Nous n'avons pas fait cette étude. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé et nous voulons suggérer au ministre d'Etat au développement culturel de déposer ces lettres aux archives nationales où tout le monde pourra les consulter. Je pense que des recherches intéressantes pourraient être faites.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous une remarque, à ce sujet, c'est une question de procédure, Mme le député, cela ne doit pas être déposé à cette commission parlementaire. Tout ce que vous pouvez suggérer au ministre, et là, je n'en fais pas la suggestion, je suis en dehors de ces questions à cause de mon rôle, c'est que, pour qu'elles soient déposées aux archives, il faudrait qu'il y ait dépôt à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, tantôt, je vous ai suggéré de remettre ces documents au cabinet du ministre d'Etat au développement culturel. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y a une phrase que je voudrais que vous m'interprétiez, qui est au bas de la page 2. "Ils viennent aujourd'hui, avec fierté, exiger que vous respectiez le processus démocratique qui leur fut jadis imposé par les ancêtres de ce groupe qui crie maintenant à l'injustice". Est-ce que vous pourriez développer un peu cette idée?

M. Roy (Rodrigue): Nous faisons ici un jugement de fait. C'est une constatation. Nous ne faisons pas un jugement de valeur. Nous constatons qu'ils viennent aujourd'hui avec fierté exiger de respecter ce processus démocratique. On constate. C'est vrai qu'il nous a été imposé. On ne dit pas qu'il est bon ou qu'il est mauvais. Peut-être qu'on le trouve bon. On fait une constatation. C'est vrai que nous n'avons pas inventé ce processus.

Mme Lavoie-Roux: Vous parlez des ancêtres de qui?

M. Roy (Rodrigue): Je parle des ancêtres de ceux qui crient à l'injustice.

Mme Lavoie-Roux: Mais qui sont-ils?

M. Lalande (Pierre): Ce sont ceux qui se sont élevés contre le bill 1, qui étaient généralement de la communauté anglophone.

Mme Lavoie-Roux: Vous respectez le processus démocratique qui leur fut jadis imposé par les ancêtres de ce groupe qui crie maintenant à l'injustice.

M. Lalande: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Le processus démocratique, qu'est-ce que vous voulez dire là-dedans? Il y a un élément de votre énoncé que je ne saisis pas.

M. Lalande: Le voeu de la majorité.

Mme Lavoie-Roux: Pardon?

M. Lalande: Le voeu de la majorité.

Mme Lavoie-Roux: Ah! Le voeu de la majorité.

M. Roy (Rodrigue): C'est une chose que je devrais peut-être ajouter. Au début du mémoire, nous avons dit que c'était suite à ce que nous entendions autour de nous que nous avions eu l'idée de commencer cette petite action. Notre action nous a confirmé ce que nous pensions et, sans chiffres très exacts, nous pouvons affirmer que ce que nous avons conclu de cette action, c'est que le sondage qui a été publié il y a peut-être un mois disant que 65% de la population francophone était en faveur du projet de loi no 1... Nous, sans plus de preuves à l'appui — on pourra peut-être parler plus scientifiquement — nous, nous sommes persuadés qu'il y a plus que 65% de la population francophone qui est d'accord. Quand nous parlons de processus démocratique, c'est ce à quoi on fait appel, comme dit M. Lalande.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui vous porte à conclure qu'il y a plus que 65% de la population qui était d'accord? Est-ce que vous mettez en doute ce sondage?

M. Roy (Rodrigue): Je ne mets pas en doute ce sondage, mais je dis que nous avons un échantillonnage qui est largement supérieur. Si un sondage, dit scientifique, se limite à un échantillonnage de 1000 à 1200 personnes, eh bien, nous, nous croyons avoir rencontré un échantillonnage qui dépasse largement ça et, dans les milliers de personnes que nous avons rencontrées, c'est très rare que nous ayons essuyé des refus catégoriques. Je vais vous dire une chose, cependant, qui nous a un petit peu surpris, c'est que beaucoup de gens sont d'accord, mais n'ont pas écrit. Les gens sont tellement persuadés que tout le monde est d'accord qu'ils nous ont dit, à maintes reprises: Ce n'est pas la peine d'écrire, il va être adopté, le bill. Tout le monde est d'accord avec ça. Ils ne se rendaient pas compte que c'était peut-être important qu'on le dise.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous savez sans doute que dans une recherche scientifique les règles qui sont choisies pour faire l'échantillonnage, que ce soit 1200 ou que ce soit 6000... Les résultats n'en sont pas changés. Vous, vous dites que parce que vous en avez rencontré plus, vous pensez que ça dépasse 65%. Alors, à ce moment-là, c'est que vous mettez en doute la façon dont l'échantillonnage a pu être fait par ce sondage.

M. Roy (Rodrigue): Remarquez que pour ma part, c'est une impression. Je ne suis pas un spécialiste des sondages, certainement pas. J'ai pensé ça. Nous avons pensé ça aussi.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'était bien humain de penser comme ça, parce que vous avez rencontré beaucoup de monde qui était sympathique...

M. Roy (Rodrigue): Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...mais je pense qu'on ne peut peut-être pas déduire qu'il y en ait nécessairement plus que 65%. Que votre réaction soit celle-là, je peux fort bien la comprendre.

Je veux simplement vous féliciter, en tout cas, pour votre initiative et votre sens de l'organisation et certainement pour les efforts que vous avez déployés pour atteindre l'objectif que vous poursuiviez.

Merci, messieurs.

M. Roy (Rodrigue): Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Evidemment, je dois me rendre à l'évidence quand je regarde ces kilomètres d'appui. Il y a certainement eu un geste très positif de posé de la part de toutes les personnes que vous avez réussi à rejoindre.

Je n'ai pas à présumer des intentions du député de Deux-Montagnes. Je pense bien que, s'il a lu ce mémoire, s'il était assis à la droite du président, il hésiterait peut-être à qualifier ce mémoire encore moins d'essai.

Je sais que c'est son privilège et c'est sa liberté. Il n'y a pas de débat sur ce point. Un témoignage...

M. Charbonneau: Des témoignages.

Une Voix: Merci, M. le député de Verchères.

M. Le Moignan: Merci d'avoir éclairé mon ignorance.

M. Charbonneau: On est à votre service.

M. Le Moignan: Quand je regarde le geste, évidemment, j'en suis à 100%, mais, quand je regarde certains mots, certains détails de votre témoignage, je suis porté à faire une certaine comparaison. Quand on pense à tous les mémoires qui nous ont été présentés depuis le début et comme il y a là une lampe qui éclaire très bien... Supposons une comparaison. Je me dis qu'une lampe de 2000 watts, c'est très puissant. Supposons que les bons mémoires qui nous ont été présentés, c'est 2000 watts. Je dis les bons mémoires. Je parle des mémoires positifs, constructifs, même s'ils ne sont pas entièrement d'accord avec le projet de loi no 1, parce qu'il y en a qui ont voulu aller peut-être un peu plus loin; d'autres, peut-être trop pessimistes ou qui voyaient là-dedans un élément de destruction...

A ce moment, je baisserais l'éclairage. Peut-être que cela serait 1000 watts, peut-être 500 watts ou peut-être 200 watts, mais ce que vous nous apportez comme éclairage alors que vous compa-

raissez devant la commission — je ne veux pas vous insulter; comme je vous le dis, c'est une comparaison — cela serait pour moi une petite lampe très faible qui ne vient pas du tout nous éclairer, une petite lampe qu'on voit parfois dans les greniers. Il ne faut pas confondre avec mon voisin... Une petite lampe assez faible. Vous avez parlé de minorités...

Le Président (M. Cardinal): Ne nommez pas un député, surtout avec cette expression.

M. Le Moignan: Dans un grenier. J'ai voulu dire un galetas.

M. Chevrette: On dit une veilleuse.

M. Le Moignan: Ce n'est peut-être pas français. Je pensais au mot grenier.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy (Rodrigue): Puis-je vous arrêter tout de suite?

M. Le Moignan: Oui.

M. Roy (Rodrigue): Pour voir clair, il faut d'abord actionner un commutateur. Pour voir clair, peut-être auriez-vous besoin, M. le député, de lire quelques-unes des lettres qui sont là. Peut-être que cela vous éclairerait.

M. Le Moignan: Je ne suis pas aveugle à ce point. Nous avons déjà écouté une centaine de groupes et des plus sérieux et nous avons été assez éclairés jusqu'à maintenant, même si l'éclairage n'est pas terminé.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: J'aimerais remercier le député de Gaspé pour ses derniers mots.

M. Le Moignan: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse.

M. Fallu: Non, à savoir qu'il se sent assez bien éclairé.

M. Le Moignan: J'ai dit: pas complètement éclairé.

M. Chevrette: II vous en manque un bout!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Le Moignan: II m'en manque...

Le Président (m. Cardinal): M. le député de Gaspé a la parole.

M. Chevrette: Dites-nous quel bout vous voulez...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Gaspé...

M. Le Moignan: J'aimerais qu'on me laisse continuer calmement.

Le Président (M. Cardinal): ... veuillez poursuivre, s'il vous plaît, sans tenir compte des interruptions.

M. Chevrette: Vous faites bien cela.

M. Le Moignan: Je ne veux pas entrer en conflit avec vous. Vous comprenez mon point de vue.

Quand vous parlez de cette minorité, vous parlez de la minorité... A ce moment, vous avez les anglophones à l'idée, mais nous avons eu ici des groupes, je pourrais même dire des opposants qui n'étaient pas du tout des anglophones, c'est-à-dire des groupes même francophones qui n'étaient pas entièrement d'accord avec les objectifs que poursuit le projet de loi.

Alors, le danger, c'est de polariser, justement, la question sur un seul groupe ethnique. En somme, ce conflit entre les Anglais et les Français. Il ne faudrait pas voir la question sous cet angle. Est-ce que vous pensez aux autres minorités non anglophones?

M. Roy (Rodrigue): Je pense que les francophones, dans ce cas-là, sont une minorité dans la minorité.

M. Le Moignan: Les francophones, qui ont fait beaucoup de réserve, ne sont pas contre la société québécoise. Ils se posent des points d'interrogation très sérieux.

M. Roy (Rodrigue): Ces gens qui sont venus présenter un mémoire ici étaient représentatifs de quoi? C'est ce qu'il faudrait savoir.

M. Le Moignan: II y en a qui étaient représentatifs, il suffirait de regarder la liste de groupes nombreux...

M. Roy (Rodrigue): Au point de vue nombre.

M. Le Moignan: ... ils représentaient tout de même un vaste...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. Non, je vous en prie. Si vous voulez prendre les invités au sérieux, je vous prierais d'écouter chacun des députés, d'écouter les invités et de ne pas interrompre ceux qui ont la parole.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je les prends au sérieux, même si je leur pose des questions.

M. Laplante: ... un sermon.

M. Le Moignan: Je comprends très bien — je l'ai dit — leur geste et tout cela, mais je veux simplement me faire éclairer sur l'idée parce que la petite minorité même francophone... parfois, on a des organismes qui représentent 40 000, 50 000 ou 60 000 personnes; je crois qu'ils sont très représentatifs. Je ne parle pas de ceux qui sont pour ou contre, je parle d'opinions pour éclairer cette commission.

Le Président (M. Cardinal): Une question de règlement?

M. Le Moignan: Est-ce que j'ai trahi le règlement?

M. Alfred: ... parler de la CEQ.

M. Le Moignan: Est-ce que j'ai dit quelque chose...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Papineau, je m'excuse. Ce n'est pas une question de règlement. Si vous voulez poser une question au député, vous devez lui demander la permission, mais ce n'est pas une question... C'est l'article 100.

M. Alfred: J'aimerais lui poser la question. Est-ce que vous me donnez la permission?

Le Président (M. Cardinal): C'est-à-dire que si le député vous donne la permission, vous pourrez l'interrompre. M. le député de Gaspé, est-ce que vous accordez votre permission pour une question?

M. Le Moignan: Est-ce que je perds mon temps avec cela?

Le Président (M. Cardinal): C'est à vous de décider si vous répondez ou non.

M. Le Moignan: Si la question est brève, une très très brève question, oui.

M. Alfred: Quand vous parlez de représentants de 50 000, 60 000 personnes, est-ce que vous parlez d'organismes comme la CEQ?

M. Le Moignan: Aucun organisme, parce qu'un des témoins, cette semaine, ou la semaine dernière, a dit: Nous représentons un million. Il n'avait peut-être pas consulté le million de personnes. Je parle de façon générale.

M. Alfred: Le Mouvement Québec français...

M. Le Moignan: J'aurais pu dire un million, j'aurais pu dire 300 000. Certains représentaient 3000 industries. J'ai pris un chiffre, le premier du bord. Cela répond à votre question?

Le Président (M. Cardinal): D'accord, veuillez poursuivre, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: C'est parce que mon voisin aura des questions tout à l'heure.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela. Présentement il reste à peine cinq minutes à tout le parti.

M. Le Moignan: On m'a dérangé à quelques reprises.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, j'en tiens compte.

M. Le Moignan: Merci. Maintenant, vous parlez de la valeur historique de ce document, je n'ai aucun doute là-dessus. Je suis d'accord avec votre raisonnement, mais, je crois que les 264 mémoires qui ont été soumis à cette commission — je n'ai pas eu le temps de tous les lire, je n'aurai peut-être jamais le temps — constituent aussi un document d'une très grande valeur historique, qu'on soit pour, qu'on soit contre, qu'on apporte des modifications dans un sens ou dans l'autre, la valeur historique réside dans ce que les témoins apportent à cette commission pour lui permettre de progresser dans ses travaux. C'est une simple remarque que je voulais faire, sans du tout vouloir mésestimer ou anéantir les efforts que vous avez faits. J'admire tout de même ceux qui appuient le projet de loi de façon aussi inconditionnelle et qui, dans la plupart des cas, n'ont probablement pas lu grand-chose du projet de loi. J'admire tout de même ces gens-là de faire confiance à ceux qui leur proposent un projet de loi. Merci.

M. Roy (Rodrigue): Nous n'avons pas la prétention d'être les seuls à présenter un mémoire avec une valeur historique, nous n'avons pas dit ça, je pense.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais souligner l'aspect sympathique du geste de nos invités. Il n'y a aucun doute que c'est tout à fait dans l'ordre de notre système démocratique que des citoyens, de leur propre initiative, posent un geste comme ça à l'endroit du gouvernement. Je trouve ça très rafraîchissant, il y a un petit côté spectaculaire qui n'est pas non plus pour déplaire, j'en suis sûr, au gouvernement, quoique je regrette que votre mémoire n'ait pas fait état des suggestions que vous avez mentionnées, qui seraient précieuses, et qui sont contenues dans ces lettres; j'ai entendu le chiffre de 20 000, est-ce que c'est ça, 20 000 lettres?

M. Roy (Rodrigue): Approximativement.

M. Lalonde: Je ne sais pas si le président de la commission peut s'engager envers les membres à leur fournir une copie de chacune de ces lettres?

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai indiqué, dès le début, qu'il n'y a pas de dépôt en commission parlementaire et j'ai demandé que l'on transmettre tout ceci au cabinet du ministre d'Etat au développement culturel. J'ai même prévenu l'un des collaborateurs du ministre de bien vouloir s'entendre avec ceux qui sont devant nous pour récupérer ces 20 000 lettres.

M. Lalonde: Remarquez, M. le Président, que ma question est quand même pertinente, parce que si ces gens, au lieu de sonner à la porte du ministre, avec leur rouleau de kilomètres, se sont adressés à la commission parlementaire, encore eût-il fallu qu'ils nous mettent dans la situation de pouvoir prendre connaissance de ces kilomètres. C'est pour ça que j'ai...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, est-ce que je peux ajouter que j'ai aussi dit que le ministre pouvait, s'il le désirait, en faire dépôt à l'Assemblée nationale, si c'était son désir?

M. Lalonde: Alors, je compte bien là-dessus, M. le Président, pour que, d'ici la fin de nos auditions, nous ayons l'occasion d'examiner une à une ces 20 000 lettres, surtout celles de trois ou quatre pages que vous avez mentionnées qui contiennent, d'après vous, des suggestions intéressantes.

Mais je dois quand même déplorer que votre mémoire lui-même ne soit qu'un témoignage d'appui sans discernement, je veux dire sans détail. C'est comme, par exemple... j'aurais aimé que vous me parliez de l'article 172. Est-ce que vous êtes d'accord avec cet article 172 de la loi? Etes-vous d'accord pour que le projet de loi no 1 mette de côté la Charte des droits et libertés de la personne?

M. Roy (Rodrigue): J'insiste, M. le député, sur l'aspect artisanal de notre structure. Nous ne formions un groupe que de quatre personnes, nous avons eu, bien sûr, quelques bénévoles qui nous ont aidés une journée ici et là. Nous avons reçu des lettres jusqu'à la dernière minute, c'est la raison pour laquelle il y a une pile en-dessous qui n'a pas été ajoutée au rouleau. Evidemment, nous n'avons pas pu ressortir l'essentiel. On y a pensé, remarquez, mais nous n'avons pas eu le temps. Je suis persuadé que si ce n'est pas le mémoire qui, aux yeux du député de Gaspé, est le plus illuminant, je suis sûr, sans me tromper, que c'est celui qui a dû demander le plus de travail, cependant.

Si nous avions eu une équipe très structurée, ce n'est pas cinq kilomètres que vous auriez eu devant vous, mais probablement 20, 30 ou 40 kilomètres.

M. Lalonde: M. le Président, M. Girouard...

Le Président (M. Cardinal): M. Roy, Rodrigue Roy.

M. Lalonde: M. Roy, je ne mets pas en doute, au contraire, j'ai sûrement.un sentiment d'admiration pour votre initiative et vos efforts et je me joins aux félicitations du député de L'Acadie à votre endroit. Que ce soit 20 kilomètres ou cinq kilomètres, cinq kilomètres, cela m'impressionne beaucoup déjà. J'aurais peut-être mis un mètre sur l'article 172. Peut-être qu'on peut trouver des réponses à l'article 172, dans vos cinq kilomètres, mais vous, qui avez quand même pris connaissance, de façon détaillée, du projet de loi pour pouvoir en faire une démonstration à ceux à qui vous avez demandé un appui, vous avez sûrement dit: Le projet de loi dit telle et telle chose. Qu'est-ce que vous pensez de l'article 172?

M. Lalande: Notre but n'était pas du tout de convaincre les gens du bien-fondé de la loi 1. C'était de recueillir des appuis. Il n'y a pas...

M. Lalonde: Alors, vous avez demandé aux gens: Est-ce que vous appuyez la loi 1, tout simplement?

M. Lalande: Est-ce que vous êtes d'accord avec le projet de loi no 1? Il n'était pas question ici de...

M. Lalonde: Cela me rassure beaucoup que vous ayez eu des appuis au congrès du Parti québécois — le contraire m'aurait beaucoup surpris, mais cela ne fait rien, cela me rassure — et aussi à la Société Saint-Jean-Baptiste, qui est déjà venue ici.

M. Lalande: Aux fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, pas à la société.

M. Lalonde: Mais est-ce qu'on n'a pas dit la Société Saint-Jean-Baptiste de Chicoutimi aussi?

M. Lalande: C'est une erreur, c'est aux fêtes de la Saint-Jean.

M. Lalonde: II y avait Chicoutimi.

Mme Lavoie-Roux: Les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste.

M. Roy (Rodrigue): Non le MNQ à Chicoutimi, le Mouvement du Québec français.

M. Lalonde: Et au Mouvement national des Québécois, cela fait plaisir qu'il ait donné son appui, étant donné qu'il a fait la même chose ici, en commission parlementaire.

M. Roy (Rodrigue): Ils sont du Québec, ces gens-là.

M. Lalonde: Alors, vous ne pourriez pas me

dire si vous êtes d'accord que l'administration publique publie une version anglaise des lois de l'Assemblée nationale?

M. Roy (Rodrigue): Je trouve que c'est tout à fait détourner la question. Je pense, M. le député, que nous, on aurait pu être contre le projet de loi et, pour notre plaisir, aller voir ceux qui étaient pour. Je n'ai peut-être pas compris votre...

M. Lalonde: Ecoutez, monsieur, je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, seulement, vous vous présentez à cette commission parlementaire pour nous éclairer.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Jonquière, sur une question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que, manifestement, nos invités s'en viennent ici comme étant des mandataires de 20 000 personnes qui ont écrit des lettres. Je pense que, manifestement également, leur prétention n'est pas de venir convaincre les membres de la commission, ni de les informer, mais simplement de venir rendre témoignage. Je pense que mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est lui-même avocat, comprendra, je pense, d'après les réponses données par les invités, que, manifestement, ils se comportent comme des mandataires qui ont reçu le mandat de 20 000 personnes de venir rendre ce témoignage.

M. Lalonde: M. le Président, sur cette question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Je pense que je serais d'accord avec le député de Jonquière. Mes questions l'ont démontré, c'était le but, étant donné que c'est un organisme quand même assez important, la commission parlementaire, j'aurais cru que ceux qui ont organisé cette initiative auraient quand même des opinions sur des points particuliers qui ont été soulevés par tous les organismes jusqu'à maintenant. Je voulais simplement savoir si je pourrais avoir un éclairage un peu plus convaincant que simplement l'aspect spectaculaire de ce geste. Je dois malheureusement appuyer la remarque du député de Gaspé relativement à la lueur de l'éclairage qui nous est donné.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Jonquière, vous me direz que c'est un jugement de Salomon, vous le prendrez comme vous voudrez, de dire que les deux députés ont raison.

Mme Lavoie-Roux: Cela m'apparaît un bon jugement.

M. Lalonde: C'est une des premières fois qu'une question de règlement nous réunit, M. le Président.

M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le Président. C'est peut-être parce que ce sont deux disciples de Thémis.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Lalonde: Vous raisonnez comme un président souvent aussi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, il reste quatre minutes à votre parti.

M. Grenier: Merci. Ce mémoire est un peu différent des autres et le protocole qui entoure votre mémoire attire davantage notre attention que d'autres. Il ressemble peut-être, dans son contexte, à d'autres, puisqu'il représente un groupe d'une vingtaine de mille personnes, comme vous nous le dites. Vous avez certainement des choses qui nous emballent. Quand je vois la fleur de lis que M. Duplessis a fait mettre sur son drapeau, j'applaudis à cela, et quand je vois surtout la couleur, le beau bleu que vous avez là me fait plaisir énormément aussi. Je vais vous dire que vous avez du goût.

Il y a à retenir aussi que, contrairement à d'autres associations qui ont représenté 20 000 membres, c'est que vous êtes assurés, vous autres, de l'appui de ces gens-là, je pense bien dans l'ensemble, c'est peut-être à 95%, ce qui est un chiffre que d'autres associations n'ont pas atteint. J'ai vu les gens de la Société Saint-Jean-Baptiste venir ici et M. Biron leur disait qu'ils représentaient l'exécutif surtout, et qu'on voit à pleine page que l'exécutif de la Société Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke qui dit: "Manifeste sur le libre choix des parents dans l'éducation", vous autres au moins vous avez le mérite, avec ces 20 000 lettres, que ces personnes sont favorables au projet de loi. C'est quelque chose et c'est quelque chose que d'autres associations n'ont peut-être pas pu nous donner.

Ce que disait le député de Gaspé, qu'il était appuyé, c'est que, pour le gouvernement, on ne peut pas sentir pour nous que c'est un éclairage bien important, en ce sens que cela n'apporte rien de neuf. Je me demandais si vous aviez participé à la composition de la loi. Est-ce que vous avez participé vous-mêmes à la composition de la loi? Est-ce que vous avez été invités par le gouvernement à donner votre point de vue? Parce qu'une loi, cela se prépare, surtout avec l'actuel gouvernement. On va dans le peuple pour préparer les lois. On se rend compte qu'on est retourné à plusieurs reprises devant le Parti québécois. Est-ce que vous avez participé à l'élaboration de la loi?

M. Roy (Rodrigue): Pas personnellement, non. Pourquoi?

M. Grenier: C'est étrange quand même, ce qu'on disait tout à l'heure, c'est étrange que vous n'ayez pas une seule recommandation. Tout correspond exactement à la loi. Vos demandes correspondent exactement à la loi. J'aurais aimé trouver quelque chose qui pouvait vous différencier sur certains aspects de la loi, certains points de la loi. Il me semble que cela aurait montré plus d'objectivité de la part de votre groupe, parce que vous savez qu'on peut venir...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, un instant, s'il vous plaît! M. le député de Verchères sur une question de règlement.

M. Charbonneau: Je pense que les deux dernières interventions sur les questions de règlement avaient très bien situé le type de gens qui sont devant nous. J'ai l'impression que, manifestement, le député de Mégantic-Compton n'a pas compris.

M. Grenier: Non, j'ai très bien compris...

M. Charbonneau: Ce n'est pas une association, ce sont 20 000 citoyens qui sont ici.

M. Grenier: ...ce sont des individus ordinaires.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! M. le député de Verchères, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Lalonde: Sur la question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur la question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement, je pense qu'on ne doit pas reprocher aux députés ici à cette table de poser des questions pertinentes. Si des reproches doivent êtres faits, ce n'est même pas à ces messieurs qui ont pris cette initiative pour laquelle, je pense, on a eu quand même des mots très encourageants et des félicitations. S'il y a des reproches à faire, c'est au ministre d'avoir invité les gens qui ne sont pas en mesure de nous éclairer. Je pense qu'on ne peut pas reprocher aux députés de poser des questions pour savoir ce que les gens pensent des articles de la loi. La loi, ce n'est pas seulement le titre, la Charte de la langue française au Québec, c'est 175 ou 180 articles.

Je pense, M. le Président, que les questions du député — vous me permettrez, M. le député de Mégantic-Compton de vous appuyer — sont tout à fait pertinentes.

Le Président (M. Cardinal): D'ailleurs, je cède la parole au député de Mégantic-Compton, considérant l'incident clos.

M. Grenier: Des lettres d'appui, on peut faire mourir quelqu'un avec une corde, comme on peut le faire mourir en l'étouffant de fleurs, vous savez, on meurt quand même. C'est plus intéressant de se faire étouffer de fleurs pour le ministre que de recevoir ici ces kilomètres qui viennent lui dire bravo, mais ces lettres peuvent être envoyées directement au cabinet, c'est à cela qu'on fait allusion. On peut passer avec vous, comme on a passé avec d'autres genres... J'aime mieux le vôtre, je ne vous le cache pas. J'aime mieux le vôtre que d'autres qu'on a reçus ici qui étaient des mémoires individuels, qui ne nous ont rien donné de neuf, si ce n'est qu'ils nous ont fait passer une heure et demie à perdre notre temps ici, comme on en a perdu quelques-uns.

M. Charbonneau: Vous les avez félicités...

M. Grenier: Pardon?

M. Charbonneau: Vous les avez félicités.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Non, je ne les ai pas félicités ceux-là.

Le Président (M. Cardinal): Monsieur, à l'ordre!

M. Grenier: Pourquoi ce député-là intervient-il toujours dans mes débats?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, veuillez ignorer cette intervention et poursuivre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Etes-vous capable d'empêcher ce député de toujours couper mes débats?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Grenier: Je perds mes idées et on n'a plus rien à dire avec des interventions qui arrivent...

M. Charbonneau: Soyez honnête avec vous-même, monsieur.

M. Grenier: Oui, je suis honnête, je le suis autant que le député en face de moi, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Verchères...

M. Charbonneau: Les gens qui sont venus seuls ici, vous les avez appuyés.

M. Grenier: ...qui n'a rien à dire et qui coupe mes propos quand même et vous le laissez faire.

M. Charbonneau: II y a toujours bien des limites pour charrier.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, je regrette. Vous savez que je n'ai jamais laissé personne interrompre qui que ce soit...

M. Grenier: Surveillez-le.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, je vous surveille tous.

M. Charbonneau: Je ne vous mangerai pas.

Le Président (M. Cardinal): Avec quand même beaucoup de sympathie, je vous prierais de poursuivre et de ne pas répondre à des interventions qui ne sont pas permises.

M. Charbonneau: Je vais vous en citer des témoins qui sont venus seuls.

M. Grenier: J'allais dire que ces lettres, M. le Président, devaient être envoyées directement au ministre. C'est cela que je voulais dire, parce qu'on n'apporte rien de neuf avec des lettres comme cela. C'est cela que je voulais dire. On n'apporte rien de neuf avec certains individus qui nous ont fait perdre une heure et demie à les écouter et on sera privé de bons mémoires tout à l'heure.

Je vais vous reposer la question avant la fin de l'après-midi. D'excellents mémoires qui nous viennent comme cela, des gens qui se sont penchés sur le problème sérieusement, on ne pourra pas les entendre. Là, on perd une heure et demie à recevoir des lettres qui auraient dû être envoyées au ministre. C'est cela. Je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Cardinal): Permettez-vous, M. le député de...

M. Grenier: Ce n'est pas cela, une commission parlementaire.

Le Président (M. Cardinal): Permettez-vous, M. le député de Mégantic-Compton? Si vous parlez de cette association des Cantons de l'Est, j'ai, à la fin de la séance de ce matin, distribué le télégramme et donné certains renseignements à ce sujet. J'ai informé et le cabinet du ministre et le secrétariat de la commission de la réception de ce télégramme. Sur ce, je cède la parole, en dernier lieu, pour terminer cette audition, à M. le député de Châteauguay.

M. Lalonde: Question de règlement. Est-ce qu'il nous reste du temps?

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Il vous reste du temps. Je m'excuse, l'élan du député de Mégantic-Compton m'a distrait pendant quelques secondes.

M. Grenier: La vérité du député de Mégantic-Compton.

M. Charbonneau: ... vous avez demandé du temps additionnel pour l'entente qui était...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères.

M. Grenier: Ce n'est pas du temps additionnel, je parle sur mon temps, M. le député.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Une heure et demie, oui! Une Voix: ... c'était pertinent, lui.

M. Grenier: A même le temps de l'Union Nationale.

M. Charbonneau: Une heure et demie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton, personne n'a parlé sur votre temps. Vous savez fort bien que cela fait quatre semaines que le temps des interventions non permises et des questions de règlement est enlevé du temps de chacun des partis.

M. Grenier: Je n'ai pas fait d'accusation, M. le Président, jamais. C'est le député qui soulève cela.

Le Président (M. Cardinal): Non, mais vous avez fait une affirmation. De toute façon, à l'ordre, s'il vous plaît, n'en parlons plus! M. le député D'Arcy McGee, vous avez la parole, il vous reste sept minutes.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Très se-reinement, je voudrais faire un préambule à mes questions. Je pense que du côté de l'Opposition officielle — et je ne critique pas d'autres députés en disant ceci, mais je n'ai pas le droit de parler pour d'autres que ceux qui constituent le groupe dont je suis membre — nous avons accueilli très courtoisement et avec intérêt la présentation de ce mémoire. Je soutiens respectueusement que, quand un témoignage est offert, il y a toujours une question de crédibilité. Ce n'est pas dans un sens péjoratif que je dis cela. Je voudrais que je sois bien compris à cet égard. Les membres d'une commission parlementaire, comme un juge qui siège pour présider un tribunal, ont le droit de savoir sur quoi se fondent les témoignages et quelle est la solidité, si vous voulez, de ce qui est présenté.

Voici que vous venez avec une série de lettres et ces lettres sont, si je comprends bien, et je n'en ai pas pris connaissance, essentiellement élogieu-ses à l'endroit du projet de loi et du gouvernement.

M. le Président, j'ouvre une parenthèse à cet égard, parce que c'est le ministre qui a laissé entendre, par ses commentaires, que voici le peuple

qui parle. Le peuple est favorable au projet de loi, tandis que ceux qui sont venus à tour de rôle s'exprimer en désaccord avec le gouvernement sont une petite minorité de privilégiés qui ont des intérêts à défendre.

M. Chevrette: ... j'en appelle au règlement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je serai calme. M. le Président, je voudrais souligner que le député de D'Arcy McGee déforme les paroles du ministre. Le ministre s'est adressé aux représentants ici. Il n'a jamais traité de non-représentatifs les autres représentants qui sont venus avec des points de vue différents. C'est absolument faux. Vous relirez le journal des Débats. C'est dans l'optique de la correction des faits que j'en appelle au règlement.

Le Président (m. Cardinal): D'accord.

M. Chevrette: C'est un procès d'intention qui est fait là, mais c'est absolument faux.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur la question de règlement.

M. Lalonde: Sur cette question de règlement, vous savez, on n'a pas la transcription immédiate des débats. Je pense que le député de D'Arcy McGee est parfaitement autorisé à exprimer l'interprétation qu'il a faite lui-même des paroles du ministre. Je sais que le ministre a mentionné le mot "notable". Il a fait part de quelque 300. Il faudrait quand même être sourd ou aveugle pour ne pas comprendre là une référence à d'autres interventions qui n'étaient pas favorables complètement au projet de loi, qui n'étaient pas complètement adorables... et je pense que le député de D'Arcy McGee est parfaitement dans son droit d'interpréter les paroles et de dire son désaccord avec l'attitude du ministre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Joliette-Montcalm, je vais prendre cette question de règlement en délibéré pour la raison suivante: Si ça intéresse les membres de la commission, il y avait, ce matin, au début de la séance, à 10 h et quelques minutes, 100 heures et 30 minutes de séance, 58 organismes ou individus qui avaient comparu. Quand j'aurai relu les 400 ou 600 pages du journal des Débats, je pourrai rendre ma décision.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je vous ai déjà fait des compliments sur votre façon de diriger nos travaux. Aujourd'hui, vous jouez le rôle de Salomon — c'est la deuxième fois — est-ce que c'est dans la perspective de l'arrivée du Congrès juif canadien?

Le Président (M. Cardinal): Je puis vous répondre. J'espère que la façon dont les membres de la commission fonctionneront nous permettra non seulement d'attendre, mais de constater cette arrivée.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président.

Voici la question que j'aimerais poser à ces messieurs qui nous présentent les 20 000 lettres. Quand vous êtes allés à des assemblées — vous en avez mentionné plusieurs — est-ce que vous avez apporté avec vous le texte du projet de loi et est-ce que vous en avez fait lecture aux intéressés? Est-ce que vous vous êtes assurés que les auteurs de ces lettres avaient effectivement lu le projet de loi et, donc, écrivaient en parfaite connaissance de cause?

M. Roy (Rodrigue): M. le député est-ce que vous me voyez dans le parc Jeanne-Mance, le soir de la Saint-Jean-Baptiste, expliquer le projet de loi no 1? Notre but n'était pas d'expliquer. Il y a des gens qui se sont promenés à travers la province pour expliquer — des spécialistes — le projet de loi no 1. Nous, après ces explications, après ce que les gens en ont connu par la radio, par les journaux, on veut savoir: Etes-vous d'accord avec le projet de loi no 1? Nous avions peu de temps pour agir, M. le député, et puis nous voulions recueillir le plus grand nombre de lettres possible, malgré nos moyens. Nous n'avions pas à expliquer. Il y a une chose que nous avons oublié de mentionner. Nous avons passé une semaine à la Place Desjardins. On nous a donné un petit emplacement, un kiosque. Plusieurs personnes nous ont demandé si on avait le projet de loi avec nous. On a dit: On ne l'a pas, mais si vous voulez, il y a un petit magasin... Comment cela s'appelle-t-il?

La librairie de l'éditeur, je ne sais quoi.

M. Goldbloom: L'éditeur officiel?

M. Roy (Rodrigue): Voilà! C'est juste à côté. Si vous voulez, allez là et vous viendrez écrire votre lettre après. Renseignez-vous, si vous n'êtes pas renseignés. Mon but, ce n'était pas de renseigner. J'ai dit: Vous l'avez lu. Vous le connaissez. Etes-vous d'accord? Point.

M. Goldbloom: Je tiens à vous expliquer — je me permets de croire que vous n'êtes pas souvent venus comme opinants devant une commission parlementaire — que nous avons, dans le passé, reçu de nombreux témoignages de cette même nature — c'est ce fait qui nous inspire ce genre de questions — où il était assez évident que les personnes s'exprimaient d'une façon générale, suivant des impressions récoltées de la lecture des journaux et de l'écoute de la radio et de la télévision. Je n'ai pas l'habitude de condamner les journalistes, mais je voudrais tout simplement réfléchir sur le fait que ce sont des êtres humains et qu'ils ont les imperfections que nous avons tous et que, des fois, quand on lit quelque chose dans un

journal ou quand on écoute quelque chose à la télévision pendant généralement 45 secondes — si c'est 90 secondes, c'est beaucoup — on n'est pas en pleine possession d'un document important et, pourtant, on s'exprime là-dessus.

C'est normal dans un pays démocratique qu'il en soit ainsi, mais tout contribue à nous donner une appréciation de la valeur des 20 000 lettres, et c'est cette appréciation que nous essayons de formuler. C'est le sens des questions.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee, vous avez terminé?

M. Goldbloom: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci. Oui, M. Roy.

M. Roy (Rodrigue): J'ajouterais un commentaire. Pour donner plus de crédibilité au geste de la personne qui a écrit sa lettre, nous lui avons demandé de signer et d'inscrire son adresse. Alors, il y a même moyen de contacter cette personne pour connaître le degré de conviction de son geste.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Roy, et pour terminer le débat, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Messieurs de ce mouvement, si on peut dire, des kilomètres d'appui, je tiens à vous dire que, malgré tout ce qu'on dira au Québec dans les prochains jours, les prochains mois, les prochaines années, rien n'arrivera à éteindre la fierté des Québécois.

Je vous avoue que cela fait énormément plaisir à des députés ministériels de voir devant eux ces rouleaux de kilomètres d'appui. Je pense que vous n'auriez pas écrit de mémoire, vous n'auriez rien dit ici aujourd'hui, que vous seriez demeurés les plus représentatifs des groupes qui sont venus nous parler ici car ces écrits-là, c'est ce que les gens pensent, c'est cela que vous venez nous porter: ce que les gens en pensent.

Ce geste prend beaucoup de sens pour nous pour les raisons suivantes: D'abord, ces témoignages ont du poids. Les lettres que les gens ont écrites sont plus engageantes que quelque pétition que nous pourrions recevoir. Vous savez ce qu'est une pétition? Habituellement, c'est un cadre réduit, un petit texte sur lequel on se prononce.

Les gens qui vous ont remis ces lettres ont réfléchi un peu, un certain temps, sur quelque chose et vous l'ont remis. Ils savaient en plus que leur pensée, le petit papier qu'ils vous remettaient, allait s'ajouter à d'autres papiers que d'autres allaient vous remettre. Ces gens savaient que leur papier allait s'ajouter à quelque chose qui serait une sorte de chaîne. Je pense qu'on peut dire que ce que vous nous apportez ici est un symbole, un symbole de solidarité. C'est dans ce sens, d'abord, qu'il faut prendre ce que vous venez nous livrer ici aujourd'hui.

C'est en somme le symbole d'une solidarité. C'est, en fin de compte, cinq kilomètres de fierté que vous avez enroulés, que vous êtes venus nous porter. C'est exactement comme cela que tous ici devrions prendre ce que vous nous apportez.

M. Goldbloom: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant. A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de D'Arcy McGee, sur une question de règlement.

M. Goldbloom: M. le Président, je n'ai pas voulu interrompre le député de Châteauguay, mais il a continué dans la même ligne d'arguments. Je ne voudrais pas que ses paroles soient comprises comme suggérant que ceux qui ne sont pas d'accord n'ont pas cette même fierté qu'il invoque. Je crois que c'est exactement de la même façon que nous avons interprété le geste posé. Ce n'est pas de façon désobligeante que nous l'avons fait. La fierté existe des deux côtés de la table et à un degré égal. Elle s'exprime un peu différemment selon le cas.

Le Président (M. Cardinal): Votre question de règlement est acceptée, M. le député de D'Arcy McGee, en vertu de l'article 96. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je laisse le député de D'Arcy McGee à ses interprétations; d'ailleurs, nous n'en serons pas à la première ici. Le chiffre de 20 000 que vous avez rapporté nous rappelle aussi — et je pense qu'il n'est pas mauvais de le rappeler — qu'il y a eu ici, devant l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la loi 22, 20 000 personnes qui sont venues manifester contre cette loi, qui ont aussi posé un geste concret, un geste aussi concret que celui que nous constatons ici. Les 20 000 reviennent, mais, cette fois-ci, avec une tout autre portée.

Je tiens, au nom de tous les députés du parti ministériel, à vous remercier de ce témoignage et soyez sûrs que nous allons nous souvenir de ce geste. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Est-ce que M. Roy ou son collègue a quelque chose à ajouter?

M. Roy (Rodrigue): Personnellement, je n'ai rien à ajouter.

M. Lalande: Nous vous remercions de nous avoir reçus à la commission parlementaire.

Le Président (M. Cardinal): Alors, M. Rodrigue Roy, M. Pierre Lalande, au nom de la commission, je vous remercie de votre témoignage. Je le prends dans ce sens et je vous remercie de votre patience. Je vais, pour aider la commission et aussi pour vous aider, suspendre les travaux de cette commission pendant deux minutes pour que vous puissiez transmettre, par la voie que vous jugez à propos, ces documents au ministre d'Etat au développement culturel.

Les travaux de cette commission sont suspendus pendant deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

Reprise de la séance à 17 h 49

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Puis-je demander à chacun de regagner son fauteuil?

Messieurs les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs les députés, à l'ordre, s'il vous plaît. Monsieur le député de Pointe-Claire. Même s'il n'est pas membre de la commission, il n'y a pas de conversation pendant que la séance se poursuit.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Un instant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys; pour que la commission fonctionne dans son mandat, j'invite tout d'abord les membres de la CSN à se présenter devant nous, c'est-à-dire la Confédération des syndicats nationaux, mémoire no 37. Pendant qu'ils se présentent, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, concernant le mémoire no 106, vous nous avez distribué une copie du télégramme ce matin, je crois; vous nous avez dit que c'était entre les mains du ministre, je crois?

Le Président (M. Cardinal): C'est ça.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez eu des nouvelles à savoir si ce groupe va être invité et quand?

Le Président (M. Cardinal): Non. Je n'ai aucune nouvelle à cet effet et je ne voudrais pas ici passer à côté de ce qui pourrait paraître une responsabilité. J'ai indiqué hier que volontairement, je n'avais les listes des gens invités que la veille ou au moment même du début d'une séance, parce que je ne voulais pas me mêler de la stratégie des partis. Par conséquent, je puis me renseigner, mais je ne suis pas en mesure, à ce moment-ci, sauf ce que j'en ai dit ce matin, de vous informer s'il y a eu suite à ma lettre et à mon message.

M. Grenier: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Permettez que je donne suite à la question que j'avais posée hier, relativement à ce mémoire de Eastern Township Citizen Association. On a 58 mémoires entendus, ce matin en tout cas, la question est qu'on entend de plus en plus parler... Chaque fois qu'on fait mention que l'éclai- rage est plus important pour nous, tout de suite, on tente de nous dire: Est-ce que vous êtes suffisamment éclairés? C'est rendu au point que ça nous fait sentir que la commission pourrait tirer à sa fin.

Si c'était ça, j'aimerais bien que vous nous le fassiez savoir, que vous soyez le porte-parole du ministre, à ce moment-là, ou qu'il vienne lui-même nous dire si c'est son intention de faire discontinuer les séances de cette commission, afin qu'on puisse juger, parmi les quelque 200 autres mémoires, lesquels il nous faudra entendre. J'ai bien l'impression qu'on ne pourra pas s'en tenir à ce qu'on a entendu jusqu'à présent. Il y a certainement d'autres mémoires importants. C'en est un parmi tant d'autres, le mémoire 106, qu'il faudra absolument entendre, de même que plusieurs dizaines d'autres.

Est-ce qu'il y aurait lieu d'avoir, ce soir, à la reprise de la commission, une indication qui nous laissera savoir combien de temps le gouvernement a l'intention de faire siéger la commission, parce que c'est quand même lui qui va décider, et quelles sortes de mémoires il a l'intention de nous faire entendre?

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, M. le député de Mégantic-Compton, vous savez que comme président, je ne puis répondre à votre question. Je ne représente pas le ministre, je ne représente pas le gouvernement. Je ne suis, comme je l'ai indiqué souvent, que celui qui sert l'Assemblée nationale en commission, présentement.

Je pense que votre question, si vous le permettez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, devrait s'adresser au ministre ce soir, au début de la séance à 20 h 15. Je ne puis certainement pas répondre en son nom. Je veux compléter ma réponse.

D'autre part, j'ai déjà indiqué dans le passé, et je reviens sur cette question et cette réponse: ce n'est pas nécessairement le gouvernement qui décide de la fin des travaux de la commission. C'est, soit la commission elle-même, en vertu de l'article 118-A, soit le leader parlementaire qui le demande, en vertu de l'article 156, soit une motion d'ajournement ou simplement le fait qu'on ne nous appelle pas, par avis ou par motion en Chambre. Je ne puis préjuger de ces décisions qui appartiennent, soit à la commission, soit au leader parlementaire, soit au ministre. Par conséquent, je vous inviterais, si vous êtes ici avec nous ce soir — je pense que vous y serez, parce que c'est une même séance — à poser la question au ministre.

J'ai reconnu d'abord le député de Marguerite-Bourgeoys, ensuite, Mme le député de L'Acadie.

M. Lalonde: M. le Président, c'est un peu dans la même foulée que les propos du député de Mégantic-Compton. On voit qu'il y a des députés qui sont tellement informés qu'ils ne se présentent plus à cette commission, comme le député de Taschereau. Naturellement, les occupations du ministre le retiennent à l'extérieur de la commis-

sion, d'après ce que je comprends. Il est venu recevoir ses hommages et ses compliments, et il est parti.

J'aimerais savoir, M. le Président — c'est seulement à vous que je puis m'adresser actuellement — si vous avez reçu d'autres demandes particulières, par télégramme ou autrement, d'organismes qui désirent se faire entendre.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et encore aujourd'hui. Chaque fois, j'emploie le même procédé: J'accuse immédiatement réception et j'envoie immédiatement copie au ministre d'Etat au développement culturel et au secrétariat de la commission. Je le fais "instanter".

M. Lalonde: Est-ce que aussi "instanter" — en fait, on ne peut pas vous le demander, mais au moins dans un délai relativement court — comme vous avez eu la gentillesse de le faire ce matin en nous distribuant une copie du télégramme relatif au mémoire no 106, vous pourriez nous informer du nombre de télégrammes que vous avez reçus et lesquels?

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Il se produit un problème et je vais être obligé de couper tout. Quand même, messieurs les porte-parole de la CSN, vers 18 heures il se produit toujours ce genre de chose. Vous reviendrez avec nous à 20 h 15.

Sur cela je dois suspendre les travaux de la commission jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

Reprise de la séance à 20 h 21

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Oui, M. le député de Gaspé? Sur quel problème?

Motion pour entendre l'Association des éducateurs de langue française

M. Le Moignan: C'est un problème qui est très facile à expliquer. Je voudrais profiter de la circonstance pour présenter une motion à l'avantage de cette commission et, en même temps, pour obtenir un meilleur éclairage, étant donné que nous tenons à être parfaitement renseignés sur les différents aspects du projet de loi sur la Charte de la langue. Nous constatons, en cours de route, que beaucoup de groupes importants qui ont une très grande influence, ici dans le Québec, pourraient certainement nous apporter de judicieux conseils et pourraient peut-être aider le gouvernement dans cette mission très noble, très louable, celle d'implanter une fois pour toutes un véritable projet de langue qui corresponde aux objectifs de cette société québécoise que, tous ensemble, nous aimerions fonder, ici au Québec. Parmi ces groupes, il en est un qui, je pense, a joué, au point de vue de la francophonie, un rôle très important. Ce serait dommage que nous n'invitions pas ce groupe à venir nous rencontrer. Si j'insiste sur ce point, ce n'est pas pour tuer le temps de la commission. C'est simplement pour vous dire l'importance de ce groupe que, déjà, plusieurs connaissent parmi les membres de cette commission. J'ai eu le bonheur d'en faire partie moi-même dans le passé, à différentes reprises. Je suis convaincu qu'avec le support que nous aurons, surtout cet autre son de cloche d'un groupe qui est très bien intentionné... On ne peut pas du tout juger de ses intentions.

Alors, je suis convaincu que ce groupe-là pourra nous apporter quelque chose de très positif. Le groupe — je peux le mentionner tout de suite — c'est l'ACELF, l'Association canadienne des éducateurs de langue française. C'est un groupe qui oeuvre non seulement ici au Québec, mais qui a des contacts très étroits avec tous les groupes francophones de tout le Canada. L'ACELF tient ses congrès annuels dans l'une ou l'autre des provinces du pays. Je crois qu'un groupement de ce genre pourrait très bien nous expliquer la situation des Canadiens français hors Québec et, surtout, nous parler de l'impact que ce projet de loi aura non seulement ici sur notre collectivité, mais surtout les réactions qui nous viennent de l'extérieur...

On a déjà dit que les Québécois ou les Canadiens français du Québec n'avaient pas à se préoccuper du sort de leurs frères. C'est un peu répéter les paroles de Caïn: Suis-je le gardien de mon frère? Mais s'il est vrai que nos minorités ne peuvent pas, dans certains milieux, compter sur l'appui de leurs gouvernements provinciaux, peut-être regardent-ils le Québec comme leur planche de salut. Quand nous aurons notre loi,

que nous voulons la plus parfaite possible, à ce moment-là, je suis convaincu que les provinces anglaises... Il ne faudrait pas oublier que certaines ont déjà commencé, comme le Nouveau-Brunswick. Admettons qu'il y ait 35% ou 38% de francophones qui aient leurs commissions scolaires françaises, le bilinguisme à l'Assemblée législative, comme à Fredericton, la traduction simultanée... Je crois que l'exemple de ces groupes serait de nature à nous aider, à nous stimuler, peut-être à nous faire mieux comprendre non seulement le problème des minorités, mais surtout notre problème, nous, de majorité, et le rôle que nous pourrions jouer au Québec, tenant compte un peu de toutes les minorités françaises.

Je vais vous lire cette motion, qui sera peut-être acceptée sans discussion. A ce moment-là, je n'aurai pas pris le temps des témoins qui ont hâte de se faire entendre. Est-ce que vous avez reçu la copie...

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez lire votre motion, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je vais lire cette motion que je transmets à l'instant même au président: "Que l'ACELF soit invitée à se présenter devant cette commission pour expliquer l'impact de la loi 1 sur l'ensemble des minorités françaises vivant au Canada, hors Québec...— "et s'il faut ajouter une date—"...le 15 juillet 1977".

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, je ne veux pas me prononcer immédiatement sur la recevabilité de la motion. J'étais en train de me demander si ce n'étaient pas les évê-ques que vous convoquiez devant la commission.

M. Le Moignan: Les évêques, c'est dans une autre motion. M. le Président, si vous le permettez... L'ACELF a déjà un mémoire, no 36...

Le Président (M. Cardinal): Exactement. C'est ce que je voulais vous souligner. L'Association canadienne d'éducation de langue française, a/s de M. Raymond Beauchemin, Secrétaire général, 980, chemin Saint-Louis, Sillery, Québec, a déjà présenté un mémoire, no 36.

M. Le Moignan: C'est parce que je n'avais pas la liste des mémoires et j'avais un sérieux doute. Alors, si elle est déjà inscrite... Je vous ai dit que cela prendrait une minute.

Le Président (M. Cardinal): Je pense que le député de Gaspé comprendra que la motion n'est pas recevable, parce que ces gens ont déjà déposé un mémoire et que, normalement, ils seraient convoqués dans l'ordre ordinaire.

Je vais être très candide, si on peut ainsi dire. Je ne pense pas que l'on puisse convoquer des gens qui déjà, volontairement, ont demandé à comparaître devant la commission.

Tout ce qu'on pourrait demander, si vous permettez que je termine, est qu'on accélère leur présentation, mais qu'on ne puisse pas les convoquer.

Oui, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Si vous permettez, M. le Président. On entend toutes sortes de rumeurs. On dit que cette commission, pourrait peut-être — peut-être, je ne mentionne pas le président qui parle, ce sont des rumeurs — se terminer cette semaine, peut-être la semaine prochaine. Personnellement, comme je l'ai dit au début, nous sommes intéressés à écouter tous les groupes qui ont sérieusement préparé un mémoire.

En supposant que vous ne puissiez pas disposer du temps nécessaire pour les 264 ou 270 mémoires, peut-être serait-il bon de retenir les groupes qui nous semblent les plus représentatifs, ceux qui ont à présider au choix de ces mémoires, et je crois que l'ACELF, sans lui envoyer une invitation spéciale, pourrait être convoquée, d'autant plus qu'elle a son mémoire.

Le Président (M. Cardinal): Avant que je ne rende une décision, je donne la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous avez déjà entamé légèrement la question de la recevabilité en indiquant qu'il s'agissait d'un organisme qui avait déjà envoyé un mémoire au secrétariat des commissions parlementaires.

Vos paroles, j'espère que j'interprète correctement, m'ont indiqué que vous faisiez une différence ertre des groupes qui avaient déjà indiqué leur intention d'être entendus en envoyant un mémoire et ceux qui n'auraient pas indiqué une telle intention. Je me demande, M. le Président, dans quelle mesure cette approche, cette attitude est compréhensible, dans quelle mesure une motion d'un député serait recevable s'il s'agissait de personnes qui n'ont pas l'intention de venir devant cette commission et ne serait pas recevable à l'égard d'organismes qui ont déjà indiqué leur intention. Je fais appel, M. le Président, à votre grande sagesse pour vous inviter à considérer recevable une motion de cette commission, une motion d'un député de cette commission, donc qui deviendrait, si elle était acceptée, une motion de la commission, une résolution de la commission; une telle résolution serait, je pense, recevable même à l'égard de quelqu'un qui a indiqué son intention d'être entendu. Il s'agit de déterminer qui va être entendu. Est-il possible de penser que les 264 mémoires feront l'objet de présentation ici? Je pense que oui, il n'y a rien dans nos règlements qui l'empêche. Mais qu'un député demande de façon formelle qu'une personne, qu'un organisme soit entendu, soit invité, je pense que c'est tout à fait recevable. La commission parlementaire est maîtresse de ses travaux en ce qui concerne qui va être entendu ou non. Je sais naturellement que jusqu'à maintenant et suivant la tradition, c'est le ministre qui fait un certain tri des invités et jusqu'à maintenant on en a entendu de toute sorte; mais je ne vois pas dans quelle mesure ou pour quelle raison, enfin je trouverais tout à fait incompréhensible qu'une motion d'un député, indiquant un mémoire en particulier, indiquant un intérêt, de-

mandant à la commission parlementaire de bien déterminer quels sont les mémoires que cette commission parlementaire veut entendre... Je ne vois pas comment, en vertu de quel règlement, cette motion ne serait pas recevable.

Le Président (M. Cardinal): M. te député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez raison, je me suis déjà engagé sur la voie, mais je n'ai pas dit qu'elle était non recevable. D'ailleurs, tous les voeux pieux venant du député de Gaspé pourraient être recevables. J'ai dit: voeux pieux.

M. Le Moignan: C'est beau ça, on va en formuler d'autres.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas terminé, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je n'ai pas dit ce soir.

Le Président (M. Cardinal): Vous savez quel est le mandat de la commission, je l'ai mentionné à plusieurs reprises. C'est d'entendre des témoins. Pour l'organisation même des travaux de cette commission, cette étape de convocation est en voie et, chaque jour, elle est exécutée. On a eu d'ailleurs des motions préliminaires et des motions additionnelles à ce sujet. Si on fait motion pour que tel témoin ou pour que tous les témoins soient entendus, je me permets de mentionner que la motion serait, je ne dis pas non recevable, je dis inutile, puisque c'est là l'ordre de la Chambre, le mandat de la commission.

Cette motion, ce soir, me paraît, pour le moins, prématurée puisque la commission ne s'est pas encore déclarée suffisamment informée en vertu de l'article 118-A, alinéa 6. La commission n'a pas encore signifié qu'elle ne voulait pas entendre tous les témoins et, dans ce cas, c'est un des témoins qui, volontairement, s'est offert à comparaître.

Si on fait motion pour entendre tel ou tel témoin, ce qui a déjà été fait à deux ou trois reprises, parfois sous forme de motion, parfois — comme le député de Mégantic-Compton l'a fait — sous forme de voeu — dans son cas, je ne sais pas si c'est pieux — avant tel autre ou de préférence à tel autre ou à tel autre, il est difficile de trancher cette question. Cela me paraît — si vous me permettez, je vais conclure rapidement — inadmissible, parce que l'ordre de convocation et l'ordre du jour, je le répète à chaque séance, sont assujettis non pas à la discrétion de la présidence, ni même à la discrétion du ministre d'Etat au développement culturel, mais à l'article 118-A.

D'autre part, j'admettrai que la commission... Je m'excuse, je m'interromps moi-même; j'ai vu que le député de Marguerite-Bourgeoys voulait lever la main. Je puis le laisser parler avant que je ne rende ma décision, parce qu'après, elle sera rendue.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Nous en sommes rendus là quand même.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, Mme le député de L'Acadie et M. le député de D'Arcy McGee.

M. Lalonde: M. le Président, je vous demande une directive qui m'est inspirée par vos dernières paroles. Vous avez dit, je dois le reconnaître, avec certaine raison, qu'il serait prématuré de désigner un des 200 autres mémoires qui n'ont pas été entendus, étant donné que c'est justement le mandat de la commission de les entendre. Vous avez mentionné surtout qu'il n'y avait pas eu de motion en vertu de l'article 118-A présentée à cette commission.

Ma demande de directive est la suivante: Si, dans l'hypothèse que je ne souhaite pas, les jours prochains, un membre de cette commission fasse motion en vertu de l'article 118-A — je crois que c'est le sixième paragraphe — est-ce qu'après que cette motion aurait été faite, une motion comme celle du député de Gaspé serait recevable?

Le Président (M. Cardinal): Je vais répondre. La question est facile, mais la réponse est plus difficile, parce qu'elle engage l'avenir. La commission est sans cesse à chacune des séances, mais dans le cadre de chacune des séances et suivant l'avis ou la motion ou l'ordre de l'assemblée, si nous dépassons la session. Il faut penser que la session pourrait se terminer, que la commission pourrait continuer et que nous pourrions vivre en vertu d'un ordre permanent de la Chambre.

Dans ce cadre, la commission, étant maîtresse de ses travaux, elle peut, à chaque nouvelle séance, sauf dans certains cas prévus par le règlement, établir, non pas de nouvelles règles concernant le règlement, mais de nouvelles convocations. Elle pourra même cesser ses travaux, je l'ai mentionné à plusieurs reprises.

Serait-il admissible qu'en vertu du principe que la commission est maîtresse de ses travaux, dans le cadre de son mandat reçu, l'on décide, dans une soirée, à telle heure et tel jour, de définir à tout jamais le cadre des débats de cette commission?

Vous voyez, je ne rends pas une décision à la suite de votre question, j'en pose une qui est plus grave.

M. Lalonde: Si vous me permettez, M. le Président, à ce moment-là, comment se fait-il qu'une motion pour entendre le président de la Régie de la langue française, le 20 juillet, ait été acceptée?

Le Président (M. Cardinal): Pardon. Elle a été déclarée recevable...

M. Lalonde: Elle a été acceptée après coup.

Le Président (M. Cardinal): ... et la commission l'a ensuite adoptée.

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Justement, je pense que c'est cohérent avec ce que je viens de mentionner. Nous ne savons pas quand les travaux de cette commission se termineront et ce que vous venez de dire, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, indique justement que la commission est maîtresse de ses travaux, tant que l'Assemblée nationale... ou que la commission elle-même— il y a une espèce de pétition de principe dans ce que je vais dire — n'ait pas décidé d'en faire autrement.

Nous pourrions décider ce soir, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, d'inviter le 30 août tel groupe, mais nous pourrions décider demain soir, article 118-A paragraphe 6, comme vous l'avez si bien mentionné, que nous sommes suffisamment informés...

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas vous interrompre, mais il me semble qu'il s'agit...

Le Président (M. Cardinal): Non, vous ne m'interrompez pas.

M. Lalonde: ... d'une espèce d'échange ici. D'accord. Autrement dit, le fait que la commission ait adopté une motion pour entendre un organisme ou une personne le 20 juillet pour les fins de la discussion n'empêche pas, quoique, à ce moment-là, je me réserve tous les arguments pour combattre un tel ajournement, mais...

Le Président (M. Cardinal): Je n'en doute point.

M. Lalonde: ... il reste que, quand même, au niveau de la recevabilité, la motion du député de Gaspé participe des mêmes caractères que la motion que j'avais faite et qui a été acceptée. Elle a d'abord été déclarée recevable, puis acceptée.

Le Président (M. Cardinal): Non. Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, nous avons un dialogue présentement, j'en suis fort aise et je vous en remercie. C'est que votre motion invitait quelqu'un qui n'était pas prévu dans la liste des mémoires déposés, tandis que la motion du député de Gaspé invite quelqu'un d'une façon préférentielle, parmi la liste des mémoires déposés.

M. Lalonde: M. le Président, je reviens à ma première question. Je trouverais incompréhensible qu'on ne puisse pas inviter particulièrement quelqu'un qui a déjà exprimé son intention d'être entendu, alors qu'on pourrait le faire à propos de quelqu'un qui ne sait même pas qu'il devait être invité.

Motion prise en délibéré

Le Président (M. Cardinal): C'est là toute la différence et, si vous me poussez au bout, je vais vous dire que cette motion étant très importante — vous y attachez beaucoup d'importance, M. le député de Marguerite-Bourgeoys — je la prendrai en délibéré.

M. Lalonde: M. le Président, vous indiquez que la recevabilité est prise en délibéré?

Le Président (M. Cardinal): C'est cela, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, vous allez prendre cela en délibéré maintenant ou vous allez rendre votre jugement plus tard?

Le Président (M. Cardinal): Quand je dis que c'est pris en délibéré, cela veut dire que je ne suspends pas, que nous continuons les travaux de la commission et qu'une fois que j'aurai suffisamment réfléchi, je rendrai la décision.

M. le député, sur une question de?

M. Grenier: Pour demander une directive...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ...suite à la question que je vous ai posée à 17 h 55. Etant donné que le ministre est ici — je sais qu'il était retenu cet après-midi par les travaux réguliers qui concernent le cabinet le mercredi après-midi — est-ce que je pourrais savoir du ministre si c'est son intention de convoquer et nous donner une date, si c'est possible... On reprend la question au complet sur ce qu'on entend dire de plus en plus; il serait peut-être bon qu'on arrête aussi ce qu'on entend dire en coulisse: Est-ce son intention de recevoir tous les mémoires? Il en reste au-delà de 200, à ce qu'on nous dit, est-ce son intention de recevoir The Eastern Townships Citizens Association, de façon à nous rendre la question bien claire sur ce dossier, et dans quel délai, si cela doit se faire?

M. Laurin: Ce groupe sera convoqué dès que possible.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que je comprends qu'il sera convoqué?

M. Laurin: Dès que possible.

M. Lalonde: C'est seulement la question de temps qu'on ne sait pas.

Une Voix: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Mme le député de L'Acadie avait demandé la parole.

Mme Lavoie-Roux: Etant donné que vous avez pris la question en délibéré, je ne sais pas si je puis encore... en fait, c'est relié d'une façon à la motion de...

Le Président (M. Cardinal): Non, je m'excuse, on ne peut plus parler de cette motion. Elle est prise en délibéré.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vais poser une question. Est-ce que, par exemple, on pourrait

avoir une certaine assurance — personne ne se fait d'illusion ici, à moins que nous ayons un mandat de siéger d'une façon permanente comme vous avez dit tout à l'heure — que nous allons entendre les 224 autres mémoires? Il reste que, au tout départ, vous vous en souviendrez, nous avions eu cette longue discussion au sujet de la procédure que nous utiliserions quant à la répartition du temps. Pour ma part, j'avais fait un souhait, sachant qu'un jour ou l'autre, il y aurait une limite imposée au nombre de mémoires que nous entendrions, pour que le ministre d'Etat au développement culturel, dans la mesure où c'est possible et selon les coutumes, puisse peut-être nous consulter, à savoir si on attachait plus d'importance, quand il s'agit de faire un choix plus restreint des mémoires qui peuvent être entendus. Si on avait une certaine assurance de la façon dont les événements vont se dérouler, peut-être que des motions comme celles du député de Gaspé ne surviendraient pas, de même que d'autres motions de même nature qui pourraient survenir et qui par.-tent — non pas comme certains pourront tenter de l'interpréter, en parlant ce matin de "mini-filibuster"— vraiment d'un intérêt précis pour certains mémoires. Je pourrais vous en nommer d'autres qui sont aussi d'un grand intérêt. S'il y en a qui ont pris connaissance du mémoire de la Chambre d'immeubles de Montréal, par exemple, il y a là plusieurs amendements recommandés, et je pourrais en nommer d'autres. Je pense que cela pourrait peut-être permettre de clore cette discussion beaucoup plus rapidement.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, je vous remercie beaucoup de votre intervention. Cela me permettra peut-être de clarifier une situation. Il y a deux catégories de témoins ou d'invités possibles.

Il y a ceux qui ont déjà volontairement — et cela a été dit à cette commission — présenté un mémoire et qui désireraient être entendus par cette commission et ceux que la commission, de son propre chef, avec ou sans débat, invite ou convoque. Parmi ceux qui, volontairement, ont présenté un mémoire, il peut y avoir, à mon humble opinion, le voeu de la commission que certains soient entendus de façon prioritaire. Cependant, il ne faut pas oublier que la commission est une commission assez, si on peut ainsi employer ce pléonasme, extraordinaire, en ce sens qu'elle est composée de 20 membres, que chacun des membres pourrait, vis-à-vis non pas de ses intérêts personnels, mais de ce qui l'intéresse d'une façon intellectuelle ou sentimentale ou autre, invoquer une préférence pour un groupe donné, ceci de nature non pas d'une motion — et là, je ne veux pas préjuger de ce que je rendrai comme décision vis-à-vis de la motion du député de Gaspé — mais invoquer une préférence qui ferait que j'aurais devant moi au moins 19 voeux de préférence. Or, j'ai mentionné à plusieurs reprises que, sauf pendant la deuxième semaine de la commission où la commission m'avait donné un mandat particulier, restreint et spécial, que sauf cette période-là, c'est au cabinet du ministre — et ce n'est pas parce que je veux lancer la balle au ministre, il le sait fort bien, il a accepté sa responsabilité — d'établir cette théorie — le mot est français — de convocation.

J'ai déjà mentionné à cette commission que nous avions tous ensemble tenté de convoquer des gens représentatifs de diverses sphères, diverses opinions, des groupes tantôt francophones, tantôt anglophones, tantôt de langues diverses. Nous savons quelle langue nous avons entendue hier soir, pour ceux qui l'ont comprise et, par conséquent, la question que vous m'adressez — je ne veux pas passer, comme on dit dans un langage plus ou moins vulgaire, le paquet à quelqu'un d'autre — est beaucoup plus adressée à celui qui, présentement, par ses fonctionnaires, par ses collaborateurs, établit les convocations. Vous savez qu'il y a déjà des convocations de prévues. Ce soir, je donnerai la liste des gens qui n'ont pas encore comparu et qui sont invités pour demain. A la suite de motions, vous savez qu'il y a déjà des gens d'invités pour des dates précises. Par conséquent, je ne peux pas, comme président, décider de la préséance d'un mémoire sur un autre, à moins que, ou bien le ministre n'émette son opinion ou que, parce que la commission est maîtresse de ses travaux, unanimement ou à la suite d'un vote, elle n'émette son désir d'une façon formelle.

Mme La voie-Roux: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, tous les groupes ou la théorie des groupes, comme vous le dites, seront invités, à tour de rôle, à présenter leurs mémoires devant la commission, mais je pense que, pour le moment, il serait poli et bienséant d'entendre les invités que nous avons devant nous, au lieu de tuer le temps par des motions qui pourraient parfaitement venir après que nous aurons entendu nos invités.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee et, ensuite, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Goldbloom: M. le Président, je reconnais le droit parfait du ministre d'exprimer son avis, mais je crois qu'il faut quand même accorder une importance considérable aux questions qui vous sont posées et que vous avez accepté de prendre en délibéré.

J'aimerais vous demander, en quelque sorte, une directive. Peut-être cela serait-il une question que vous voudrez ajouter à ce que vous avez déjà pris en délibéré.

Ma question s'inspire d'un commentaire que vous avez fait vous-même, il y a quelques instants. J'aimerais vous demander si, dans votre esprit, une motion, pour être recevable, doit répondre à un critère d'utilité. Je prends l'exemple des motions que nous avons de temps en temps en Chambre pour que soit substitué au nom d'un dé-

puté déjà inscrit à la liste des membres d'une commission le nom d'un autre député. Pourtant, la commission pourrait tout simplement faire cette substitution et la motion, à cet égard, ne serait pas nécessairement utile.

Le Président (M. Cardinal): Pourrais-je interrompre? Le permettez-vous? Il y a peut-être abus de cette procédure en Chambre. Normalement, cette motion en Chambre devrait être faite pour remplacer de façon permanente un membre d'une commission désigné par la commission de l'Assemblée nationale.

M. Goldbloom: Je comprends cela, M. le Président, mais le fait demeure qu'à ma mémoire personne n'a contesté la recevabilité d'une telle motion, parce qu'elle constitue en quelque sorte un pléonasme législatif. Je voudrais que vous vous penchiez sur cet aspect de la question. J'ai cru comprendre que vous évoquiez la possibilité qu'une motion ne soit pas recevable parce qu'aux yeux du président, aux yeux de la présidence, elle ne serait pas utile.

Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie de votre question, cela va me permettre de définir davantage ma position. Je viens déjà de donner une partie de la réponse en vous disant que l'Assemblée — et là, je n'attaque en rien la présidence, ou les députés, ou les partis — que les usages font — et l'article 4 vient le confirmer avec le temps — que nous utilisons régulièrement des procédés qui ne sont pas nécessaires.

On sait fort bien — et vous avez parfaitement raison, M. le député de D'Arcy McGee — qu'au début d'une séance de cette commission, j'accepte des remplacements pour la séance. C'est pourquoi j'ai mentionné tantôt qu'à l'Assemblée, on devrait se restreindre, comme on l'a fait, je pense, le ou vers le 6 juin, à remplacer, par exemple, le député de Laurier par le député de Jacques-Cartier. C'est une motion pour un remplacement permanent, ce qui n'empêche pas le député de Jacques-Cartier, à une séance de la commission, au début de cette séance, d'être remplacé ici.

D'autre part, vous parlez de l'utilité d'une motion. Je ne voudrais pas prendre la soirée, je pourrais faire un discours sur ce sujet de l'utilité des motions.

M. Laurin: Cela va faire plaisir aux libéraux, si vous en faites un.

Le Président (M. Cardinal): Non, je me retiendrai. Je suis quand même obligé d'expliquer certaines choses. Si un président a des doutes sur la recevabilité d'une motion, il a peu de moyens à sa disposition.

J'ai indiqué le 7 juin que j'invitais les membres de la commission à m'aider dans ces cas. Je l'ai fait à plusieurs reprises, particulièrement ce jour-là où cinq motions ont été déposées devant cette commission.

Je n'ai pris jusqu'à maintenant qu'une motion en délibéré. C'est la deuxième motion que je prends en délibéré. Je l'ai prise en délibéré sans suspendre les travaux, parce qu'elle engage l'avenir. Cela dépasse la question de l'utilité. Il est possible que d'ici la fin des travaux ae cette commission, il y en ait d'autres de ce genre. Je me rends fort bien compte, bien que nos invités puissent penser que certains s'amusent à la procédure, qu'une décision rendue est, dans notre droit britannique, un précédent. On peut bien être rapide, mais il faut être sage en même temps.

D'ailleurs, les délibérés que j'ai pris ont toujours fait l'objet de décisions à la séance suivante, bien que ce soir je n'aie pas indiqué que je le ferais, vu l'heure à laquelle nous sommes. Mais je pourrais dire que ce genre de motion, comme celle présentée par le député de Gaspé, sont de ces motions qui pourraient être présentées à une période ultérieure, c'est-à-dire que, si vous prenez toute l'hypothèse de travail, derrière ces motions et derrière les interventions des députés l'on présuppose — et je n'interprète rien, je prends les textes tels qu'ils sont — que les rumeurs de couloirs, que les rumeurs que l'on indique dans les moyens d'information font que, si je les avais crues, la commission, ce soir, aurait déjà terminé ses travaux, qu'elle les aurait terminés — c'est un "futurible" — demain soir, qu'elle les terminerait peut-être après-demain. Personnellement, je n'en sais rien. C'est pourquoi je dis que c'est le genre de motions qui, dans un certain sens, sont prématurées parce que l'on présume ou l'on préjuge de la fin des travaux de cette commission, ce qui n'est pas encore fait. L'on ne sait même pas, de tous les moyens que l'on puisse employer, comment la commission, le ministre, le leader du gouvernement ou l'assemblée, non pas décideront, mais provoqueront la fin des travaux de cette commission et c'est pourquoi, M. le député de D'Arcy McGee, j'ai pris cette motion en délibéré.

M. Grenier: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Considérant que vous avez gardé cette motion du député de Gaspé en délibéré...

Le Président (M. Cardinal): ... pas moi, c'est écrit dessus: en délibéré.

M. Grenier: Merci. Je voudrais vous laisser savoir que, sur cette motion, bien sûr, votre décision étant rendue, il n'est pas question de reparler de cette motion. C'est simplement pour vous dire que nous l'avons prévue et, si nous avons fait appel à cette motion pour amener ici l'ACELF, conscients que ce groupe avait préparé un mémoire... Mais, quand on entend certains propos, le ministre qui vient de me confirmer que l'Eastern Township Citizen Association sera convoquée dès que possible et qu'en Chambre, on entend le ministre de l'Education dire...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de

Mégantic-Compton. Je n'aime pas vous interrompre. Vous êtes tellement gentil, mais...

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Cardinal): ... j'ai rendu une décision...

M. Grenier: On a été élevé à la même école, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal):... dans le sens du délibéré et je ne pense pas que l'on puisse en parler à ce moment-là. Vous avez deux choses devant vous, cette invitation à l'association qui vous tient à coeur et cette motion à l'ACELF. Dans un cas, vous avez une réponse du ministre qui peut vous satisfaire, oui ou non, mais il n'y a pas de mini-débat en commission parlementaire après 23 heures, et vous avez, d'autre part, cette minidécision, si vous voulez. C'est la présidence qui vous dit: C'est pris en délibéré.

M. Grenier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie. Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je voulais quand même continuer...

Le Président (M. Cardinal): Cela dépend.

M. Grenier: Oui, bien sûr, pas sur ce sujet, puisque vous me l'interdisez. Vous m'excuserez si je n'ai pas la même formation de droit que celle que vous avez. On n'est pas passé par la même université.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, veuillez ne pas vous excuser. Veuillez plutôt m'excuser que la commission m'oblige a faire de telles choses.

M. Grenier: Comme dirait le député de Johnson, c'est une université de trottoir que j'ai faite; alors, je n'ai peut-être pas le sens de la procédure que vous pouvez avoir. Je dirai tout simplement que les propos qu'a tenus le ministre de l'Education me laissent un peu sceptique et c'est pour cela que je voudrais faire cette mise au point, à savoir si...

Le Président (M. Cardinal): Cela est en vertu de l'article 96.

M. Grenier: Ça doit. Je vous crois sur parole. Alors, en vertu de l'article 96, je dois vous dire que les propos du ministre de l'Education en Chambre, qui nous dit qu'il se servira de cette loi pour l'entrée des écoliers de langue anglaise dès l'automne... Il s'attend que cette loi sera votée au cours de l'été. Quand on voit le nombre de mémoires, au rythme où nous allons, 58 d'entendus, c'est donc dire qu'on en a à peine le quart. Il nous reste si peu de temps pour étudier les autres! C'est peut-être pour cela qu'on s'est interrogé et qu'on a voulu, dans la première motion, la motion du député de Gaspé, parler de ce mémoire de l'ACELF, mais je n'en parle pas, je n'ai pas le droit.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Mégantic-Compton. Nous en avions 58 à dix heures ce matin. Nous en avons entendu deux dans la journée.

Nous sommes déjà rendus à 60, s'il n'y avait pas eu ce débat, on serait peut-être rendus à 61.

M. Grenier: On reste quand même assez près du quart des mémoires qui sont présentés.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais il faut quand même se rappeler l'expérience du projet de loi 22. Et, ceci dit, le président ne participe pas aux débats et ne préjuge en rien de ce qui se produira. Si jamais, il y a une motion présentée à cette commission pour la fin de ces travaux, je devrai, comme toute autre motion, la déclarer recevable ou non, dans son libellé, tel qu'il sera.

M. Grenier: Suite à ceci, je voudrais vous dire, M. le Président, que j'aurais aimé et j'aimerais, dans des mémoires qui ne sont pas sur la liste de ceux qui doivent venir témoigner devant nous, ils sont nos invités...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Mégantic-Compton, et vous êtes un membre de la commission, j'ai distribué toute la liste des mémoires et je ne pense pas qu'on puisse dire que certains mémoires ne seront pas entendus.

M. Grenier: Non, ce n'est pas ce que je dis. Le Président (M. Cardinal): Ah bon! D'accord.

M. Grenier: On sera informé un peu plus tard. Ce que je vous dis, c'est qu'il y a un groupe qui n'est pas dans la liste et que notre parti serait désireux d'entendre ici, avec sans doute l'approbation de l'ensemble des membres de la commission. On entend ici, depuis le début, des personnes, des groupes venant... oui.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, est-ce que vous vous préparez à présenter une motion?

M. Grenier: Cela peut tourner ainsi, vous savez.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas ça, c'est parce que je veux être juste pour tous les membres de la commission. J'aurais aimé que le débat soit terminé sur ce qui vient de se produire et je sais qu'il y a d'autres intervenants.

M. Grenier: Sur le débat...

Le Président (M. Cardinal): Très honnêtement, je voudrais, si vous vous préparez à présen-

ter une motion, que l'on vide d'abord ce qui vient d'être dit et, ensuite, je vous donnerai le droit de parole.

M. Grenier: Parfait.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ce sera très bref, M. le Président. C'est suite aux explications très sérieuses que vous nous avez données, que j'apprécie et que je tente de comprendre.

Le Président (M. Cardinal): Pardon? Je vais recommencer, si ce n'est pas assez clair.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne dépend pas de vous, ça dépend de moi. C'est vous qui avez dit, et j'admets votre raisonnement, qu'étant donné que la commission n'est pas encore terminée, il serait prématuré de faire des motions de la nature de celle qu'a présentée le député de Gaspé...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse de vous interrompre...

Mme Lavoie-Roux: J'ai mal compris.

Le Président (M. Cardinal): Je ne suis pas allé jusque là. Non, non.

Mme Lavoie-Roux: Non.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas dit ça, madame. J'ai dit que je la prenais en délibéré, parce que, normalement...

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

Le Président (M. Cardinal): ...j'aurais pensé qu'elle serait venue à une période ultérieure. Mais la décision n'est pas rendue.

Mme Lavoie-Roux: II y a une question que je veux poser. Je suis d'accord que vous n'avez pas rendu la décision, mais on peut peut-être... Je pense que vous avez quand même exprimé que ça pouvait être un peu prématuré. Je me dis, tenant compte de l'article 118-A, que celui-ci peut être utilisé pour terminer les travaux de cette commission, et je sais que cette motion peut venir, pas nécessairement du ministre, mais d'un député. Si un député présente cette motion de clôture, et j'imagine que ce ne sera pas de son propre chef, il y aura eu une certaine entente entre les membres du côté ministériel, et si cette motion de clôture est acceptée, la question que je me pose, la motion aurait voulu faire, non seulement elle ne sera pas prématurée, mais elle sera devenue tardive.

Cela me pose un problème.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, deux remarques très brèves. D'une part, l'article 118-A n'est pas une motion de clôture, c'est une décision de la commission. C'est en vertu d'autres articles, en particulier l'article 156, et d'autres que je ne veux pas citer en série, je pourrais le faire, mais c'est fini les leçons de procédure, on pourrait faire une motion de clôture. D'ailleurs, quand vous avez comparu devant la commission, lors du projet de loi 22, vous savez que l'article 118-A a été utilisé après la première lecture et l'article 156 après la deuxième lecture.

Pour autant que les règlements du temps s'appliquaient, et M. le député de Laval, qui est ici, le sait fort bien et me corrigera si j'erre, le code Lavoie n'était pas encore adopté. C'est le 23 mars 1976 que les règles de pratique ont été rescindées et que l'article 118-A a été rédigé dans son texte actuel, ainsi que l'article 156, paragraphes 1 et 2.

Par conséquent, nous vivons dans du droit nouveau et si vous invoquez 118-A, je vous dis que c'est la commission qui décidera. Si vous lisez 118-A, paragraphe 6, c'est très clair: "Lorsqu'elle — la commission — croit être suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les auditions." Et je dis des ce soir, même si je m'encarcane d'avance, que si une motion était présentée uniquement — je souligne uniquement, exclusivement — en vertu de l'article 118-A, paragraphe 6, l'article 160 s'appliquerait et au moins 107 députés, en vertu d'une motion adoptée le 7 juin 1977, pourraient, pendant 20 minutes, s'exprimer sur cette motion.

M. Goldbloom: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: D'accord que les membres de l'Assemblée nationale pourraient s'exprimer sur une telle motion.

Le Président (M. Cardinal): Non, pas à l'Assemblée nationale, je m'excuse; à la commission, en vertu de la motion qui veut que les députés aient droit de parler sur...

M. Goldbloom: Les députés, d'accord, M. le Président. Mais ce que j'aimerais vous demander: Est-ce qu'une telle motion est susceptible d'être amendée? Est-ce que vous pouvez-nous dire, dans le sens de la question posée tout à l'heure par le député de L'Acadie, pourriez-vous nous dire... A ce moment-là, est-ce qu'on pourrait arriver avec le genre de motion dont vous avez invoqué la prématurité possible, le genre de motion présentée par le député de Gaspé? Est-ce qu'on pourrait introduire une telle motion comme amendement? Sinon, je soumets respectueusement à votre considération que ce ne serait pas juste à l'endroit des députés qui voudraient présenter de telles motions, de leur dire que c'est prématuré aujourd'hui, même si nous constatons que celui qui a commencé à parler du degré d'information de la commission a été mis à la discipline, paraît-il, parce qu'il n'est plus parmi nous.

M. Lalonde: II est en Europe.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lalonde: On l'a envoyé en Europe. Une Voix: Voilà.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Non, c'était prévu auparavant.

M. le député de D'Arcy McGee, c'est une bonne question que vous posez. Mais sans aller trop rapidement, je pourrais vous dire qu'elle ne pourrait certainement pas être amendée par une motion du genre de celle que vous mentionnez.

Elle pourrait être amendée suivant les règles générales, en retranchant, en ajoutant ou en modifiant des mots à la motion. Mais, c'est une hypothèse. Je n'ai pas devant moi une telle motion. L'on peut se demander — et je vous le demande personnellement — quel genre de motion, dans son texte, peut être présentée en vertu de l'article 118-A, alinéa 6. C'est à ce moment-là que la présidence, avec l'aide de la commission, doit décider de sa recevabilité et de la possibilité de son amendement et de son sous-amendement et rien au-delà de cela.

M. Goldbloom: M. le Président, une dernière question. Ne serait-il pas juste de dire que la recevabilité d'une motion équivaut à sa compatibilité avec le règlement et avec le mandat de la commission?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de D'Arcy McGee. Je ne sais pas si vous étiez présent le 7 juin. Je me suis permis un petit laïus à ce sujet, pour indiquer qu'une motion devait être conforme au mandat de la commission, aux ordres, avis ou motions de la Chambre, à la pertinence du débat. Ceci n'est pas décidé, ce sont purement des indications que j'ai données, des espèces de balises, au début du débat. Mais nous en sommes rendus tellement loin dans des hypothèses, que nous sommes en train de faire de la théorie de la procédure parlementaire, alors que ceci, en droit britannique, est très pragmatique.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, je pense que des deux côtés de cette table, personne n'est intéressé à faire de la procédure uniquement pour faire de la procédure et faire perdre le temps de tout le monde.

J'aimerais bien que le ministre puisse nous informer dès maintenant, nous dire son intention. Il est bien sûr que si ces débats arrivent autour de la table, c'est qu'il y a des gens qui se posent des questions. Si le ministre pouvait nous informer du jour où il a l'intention d'arrêter les mémoires ou de décider qu'il sera suffisamment informé, s'il pouvait nous donner un préavis de quinze jours, à partir de maintenant, je pense qu'on pourrait être satisfaits et que cela couperait peut-être court aux motions de ce soir, si c'était cela.

Le Président (M. Cardinal): Je vais d'abord, avant de laisser répondre le ministre, vous dire deux mots. D'une part, ce n'est pas sûr que ce sera le ministre qui décidera que la commission sera suffisamment informée. D'autre part, si le ministre veut vous donner son assurance, c'est purement, oserais-je dire, une faveur qu'il pourrait vous accorder. Je ne pense pas que l'on puisse vivre en commission parlementaire sur une base semblable. M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Pour le moment, M. le Président, je conclus de ce débat dilatoire que mène l'Opposition depuis une heure qu'elle veut humilier nos témoins ou qu'elle est tellement opposée ou qu'elle a tellement peur de leurs témoignages qu'elle ne veut même pas les entendre; mais pour répondre plus précisément à la question du député de Mégantic-Compton, je lui réponds, comme vous l'avez laissé subodorer, qu'il ne m'appartient pas de répondre à cette question, que cette réponse appartient à la commission.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Puis-je, à ce moment-là, demander au...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...je pense que les propos du ministre sont...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse; est-ce une question de règlement, une demande de directives ou...

M. Lalonde: Oui, une question de règlement. Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: II impute aux membres de l'Opposition des intentions indignes...

Le Président (M. Cardinal): Ouf!

M. Lalonde: ...y compris celle d'humilier les témoins.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: Comment, M. le Président — c'est une directive que je vous demande — des députés, qu'ils soient de l'Opposition ou du parti ministériel — je n'en vois pas beaucoup qui parlent ce soir, mais des fois, ils sont un peu plus bavards — peuvent-ils soulever des questions de règlement concernant les travaux de cette commission, sans, d'une certaine façon, bousculer un peu le programme qui a été établi par le ministre lui-même? S'il nous amène, sans nous consulter — le règlement n'impose pas une telle consultation — cinq, six ou sept témoins — on a vu, des jours, sept témoins par jour — comment voulez-vous que nous ayons la liberté de soulever des

questions concernant les travaux, comme nous le faisons ce soir — je vous ferai remarquer que c'est toute l'Opposition qui a participé, à ce moment-ci, au débat ce soir — sans, d'une certaine façon déranger quelqu'un? J'ai jusqu'à maintenant — j'insiste là-dessus, M. le Président — donné même jusqu'à 24 heures d'avis, qu'on aurait des motions à présenter à cette commission. Ce ne sont pas toujours des motions tellement dilatoires, puisque au moins deux ont été adoptées par les députés ministériels, celle concernant le Conseil supérieur de l'éducation et celle concernant le président de la Régie de la langue française. Il n'y a aucun caractère dilatoire, à ce moment-là.

Je m'élève vigoureusement contre les propos du ministre, je trouve que c'est de la petite démagogie qu'il fait en imputant des motifs de cette nature à l'Opposition. Nous ferons toutes les motions que nous croyons utiles aux travaux de cette commission, sans nous laisser impressionner par ce genre de petite politique de la part du ministre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez raison en tous les points, sauf un. Ce que l'article 99, alinéa 9 défend, ce n'est pas d'imputer des motifs à un parti, parce qu'on le fait continuellement. L'usage est vieux et immémorial à ce sujet. C'est d'imputer des motifs à un député en particulier ou de refuser d'accepter sa parole.

Par conséquent, je considère cet incident comme clos. Est-ce que je puis maintenant, MM. les membres... Non, M. le député de Mégantic-Compton? D'accord.

M. Grenier: M. le Président, vous savez que ces propos m'émeuvent assez peu, moi aussi, puisque j'ai été témoin, non pas comme député, mais comme invité assez assidu dans les galeries pendant que je voyais le gouvernement qui était l'Opposition... J'ai moins vu cela pendant que le ministre était député, mais le bout qui s'est fait en 1973 et 1976, je l'ai assez intensément vécu dans les galeries. J'ai vu ces gens de l'Opposition faire venir en Chambre toute la députation, le lendemain de Noël; vous savez, ce ne sont pas les débats de ce soir, les motions très fondées qu'on veut donner ce soir qui vont m'émouvoir et qui vont me faire sauter en l'air et j'aime mieux vous le dire tout de suite.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Grenier: Cela ne doit pas émouvoir les députés d'en face non plus, ils n'ont pas eu l'avantage de siéger pendant ce temps-là et il n'y en a peut-être pas beaucoup qui s'intéressaient aux débats, dans le sens qu'ils étaient mêlés moins activement à la politique.

S'ils avaient vu leurs députés en Chambre, la sorte de débats qu'on y faisait, ils ne seraient peut-être pas surpris de voir ce soir qu'on demande, par des motions, un peu plus d'éclairage sur les débats à venir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): ... vous pouvez voir que je ne suis en rien surpris et que j'ai tout accepté jusqu'à présent. Cependant, je pense que votre question n'est pas une question de règlement ni une question de privilège.

M. Grenier: Non, c'est une précision. Je voyais que dans l'ensemble, de l'autre côté de la table, on avait l'air de trouver, de se dire, qu'on perdait du temps, comme l'a laissé entendre tout à l'heure le ministre, qui était peut-être le porte-parole de ce groupe. Il faudrait penser que, quand on n'a pas plus de certitude concernant les gens qu'on veut rencontrer, qu'on n'a pas plus de certitude qu'on ne nous en a donnée... J'ai demandé au ministre de nous envoyer un préavis d'une quinzaine de jours; on n'a pas eu de réponse à cela. On nous a dit vaguement que les motions seront appelées, sans plus d'engagement. On peut alors se poser des questions. Si c'est ainsi, je dois vous dire que c'est mon intention de vous demander de convoquer un autre groupe qui n'a pas présenté de mémoire, mais qu'à mon sens on devrait l'entendre. C'est un groupe d'un milieu qui n'est pas sur la liste, mais qui correspond à des réalités québécoises, assez différentes de celles qu'on a entendues jusqu'à maintenant. Je vous fais ma motion.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, justement, puis-je vous demander d'en venir immédiatement à la motion, si tel est le cas?

Motion pour entendre l'Union des conseils de comté

M. Grenier: Ma motion se lit comme suit: Que cette commission invite l'Association des conseils de comté de la province de Québec à venir expliquer les implications de la loi 1 sur l'administration des municipalités rurales. Ce qui semble assez étrange...

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je pourrais avoir le texte de votre motion avant qu'on n'en débatte, s'il vous plaît?

M. Grenier: Oui. On ne l'a pas déjà envoyé?

Le Président (M. Cardinal): II y a quand même des étapes. Il faut d'abord que je le lise; deuxièmement, que la motion soit déclarée recevable. Ensuite on décide de la débattre ou non.

Alors, la motion du député de Mégantic-Compton se lit comme suit: "Que cette commission invite l'Association des conseils de comté de la province de Québec à venir expliquer les implications de la loi 1 sur l'administration des municipalités rurales". Pour éviter un débat sur la recevabilité, après toutes les motions qui ont été déclarées recevables ou irrecevables, je la déclare immédiatement recevable. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, sur cette motion, j'aimerais faire comprendre à ceux qui sont autour de cette table à quel point le sujet de cette loi qu'on a amenée devant nous est important, cette loi no 1. Ce sujet a fait l'objet de bien des discussions au Québec depuis près d'une dizaine d'années, que ce soit la loi 63, qui a été présentée vers les années 1969, la loi 22, qui est venue un peu plus tard, et maintenant celle-ci. Nous avons entendu des mémoires venant de divers milieux de la province de Québec. Inutile de vous dire que la plupart venaient de compagnies de différents secteurs. Les compagnies importantes sont venues nous dire l'implication que cela avait pour eux, de même que les sièges sociaux. Les milieux urbains nous ont longuement entretenus des implications de cette loi. Pour ce secteur de la province de Québec, ces conseils de comté, l'Association des conseils de comté, le gouvernement, le parti ministériel, est peut-être plus en mesure que n'importe quel parti politique autour de cette table de comprendre à quel point c'est important qu'on rencontre ces gens et qu'on connaisse le fond de leur pensée sur la loi no 1.

Le Parti québécois en congrès a largement dit qu'il voulait revaloriser le rôle des conseils de comté. Je comprends assez difficilement qu'à une commission comme celle-ci... Si on n'a pas présenté de mémoire, il me semble qu'on aurait dû faire une invitation, ou une certaine incitation, à cette association provinciale pour qu'elle vienne nous rencontrer. Plusieurs pourront prétendre, parce qu'elle n'a pas présenté de mémoire, que c'est tout simplement qu'elle s'est désintéressée de cette loi. Inutile de vous dire, et vous le savez, M. le Président, mieux que tout autre, que cette loi n'est peut-être pas la première demande des Québécois. On a souvent dit, on l'a dit en Chambre et tous les partis l'ont dit, le Ralliement créditiste, le PNP, l'Union Nationale et le Parti libéral... C'est le cas de vous dire que ce n'était peut-être pas la loi la plus urgente, mais que le plus urgent était bien d'avoir une loi dans le secteur économique, afin de relever ce milieu.

S'il est un groupe sensible aux problèmes de l'économie, je pense que ce sont nos conseils municipaux, qui sont personnellement affectés par l'économie de leurs municipalités; s'il est des gens dans la société québécoise capables de nous dire exactement l'implication de cette loi au niveau municipal, il serait, bien sûr, souhaitable d'avoir plus que l'exécutif des conseils de comté. On a reçu ici des exécutifs d'associations provinciales et on sait qu'ils étaient les porte-parole dans quelques cas — je ne dirai pas tous les groupes — de l'exécutif, et peut-être moins des membres de ces associations. On en témoignait cet après-midi, quand on parlait principalement de la Saint-Jean-Baptiste, alors qu'on voyait des régions qui avaient des volontés assez différentes de celles de l'exécutif provincial.

J'aurais aimé que l'Association des conseils de comté soit représentée par différentes régions du Québec, qu'on ait ici des gens... Parce que, même à l'intérieur des conseils de comté, s'il y a des représentants qui viennent du Bas-du-Fleuve, de la Côte-Nord, du Lac-Saint-Jean, des Cantons de l'Est ou de la rive nord du fleuve, de l'Outaouais ou bien de l'Abitibi, ce sont des gens qui ont des problèmes très différents les uns des autres.

J'aurais aimé que cette association qui a des regroupements au niveau des régions soit présente. On fera peut-être la preuve, avec une association de ce genre, que la loi 1, comme on l'a mentionné à plusieurs reprises, est une loi pour régler un problème tout à fait régional, qui ne se pose pas dans toutes les régions du Québec. On a été témoin, au cours de la semaine dernière, en célébrant la fête du Canada, on s'est rendu compte que ces régions, peut-être en dehors de la ville de Montréal, et je dirais même en dehors de l'ouest de la ville de Montréal, sont différentes de la métropole et que la coordination et la vie sont faciles avec les deux groupes ethniques en dehors de Montréal. Vous savez, M. le Président, que, dans la ville de Montréal, c'est toujours plus facile de dresser les deux groupes ethniques l'un contre l'autre, ce sont des gens qui se connaissent moins. Je peux vous dire qu'en section rurale les gens se connaissent, s'apprécient davantage, et on pourrait difficilement réussir à les monter les uns contre les autres, comme on sait le faire dans la métropole. Un groupement comme l'Association des conseils de comté groupe des gens vraiment enracinés, des gens qui se font élire au niveau du peuple, contrairement à certains exécutifs qui viennent devant nous, des exécutifs d'associations élus par un petit nombre d'élites de leurs associations. Au contraire, les maires de l'Association des conseils de comté sont directement élus par les contribuables et quand on a un mandat à rendre directement à la population, je pense qu'il faut être plus attentif aux besoins de notre population. C'est le cas des députés qui sont à cette table et c'est le cas des maires dans la province de Québec. Ce sont ces gens qui composent l'Association des conseils de comté.

Le monde rural, c'est dans les conseils de comté qu'on le reconnaît. Si on faisait le total des mémoires, sur les 60 que vous avez mentionnés tout à l'heure, on se rendrait sans doute compte qu'on a réuni ici, à cette table, comme invités, des gens qui venaient principalement des centres urbains. Encore une fois, on ferait peut-être la preuve que la loi 1 aurait peut-être pu être tout simplement des règlements qu'on aurait appliqués dans les régions où il y avait des problèmes, et on n'aurait peut-être pas eu besoin de chambarder tout le climat au Québec, un climat qui indirectement, comme vous le savez, influence énormément la situation économique.

Ce qui est assez étrange, ce qui me semble encore plus étrange, c'est que ce gouvernement, a dit, pendant sa campagne électorale, qu'on ne modifierait rien sans retourner à la population, sans retourner devant les organismes valables. S'il est des organismes valables, je pense que ce sont les conseils municipaux et, bien sûr, l'exécutif des conseils de comté. Ces gens sont des représentants, je comprends mal qu'on s'opposerait à les entendre. J'ai hâte d'entendre, de l'autre côté de la

table, les députés ministériels; j'ai hâte qu'on exprime des deux côtés de la table un désir d'entendre ces gens exposer ici les problèmes que pourrait causer par exemple aux municipalités, le problème de la signalisation.

Ces gens, ces préfets de comté, ces maires de municipalités réunies en conseils de comté sauraient vraiment nous parler des problèmes que cela peut engendrer, uniquement dans le secteur de la signalisation.

Le secteur des conseils municipaux... J'ai posé la question au ministre en Chambre. Je l'ai fait ici à la commission. Je l'ai fait lors de l'étude des crédits. L'application de la loi 1 rendra la vie difficile... Encore la semaine dernière, j'en parlais avec des représentants des municipalités de ma circonscription où il y a une forte majorité de contribuables qui sont anglophones. Il faut admettre que les minorités, peu importe où elles se situent, que cela soit une minorité dans les provinces anglophones, des minorités françaises comme cela se voit en Ontario ou la minorité anglophone au Québec, ont tendance à se regrouper, à se tenir ensemble. A partir de cela, elles ont peut-être moins de fenêtres ouvertes sur l'ensemble de la population. C'est ce qui fait que cette minorité... Des gens étaient peut-être scandalisés l'autre jour d'entendre un président de banque qui ne pouvait pas s'exprimer dans notre langue à cause de son travail de bureau, à cause du milieu et à cause du fait surtout que les minorités ont tendance à se tenir.

Quand on se sent... Certains prétendent ne pas être menacés ici au Québec, où la minorité anglophone... Mais d'autres prétendent le contraire. On est venu ici tenter de faire la preuve d'un côté comme de l'autre et c'est le cas des minorités à l'extérieur.

Il faut être capable de comprendre que certaines de nos minorités n'ont pas le personnel capable, au niveau des municipalités, de communiquer avec le gouvernement et, à ce moment, on les obligera, par une loi, à s'engager des traducteurs parce que la traduction donnée par un secrétaire ordinaire sera peut-être assez loin de la réalité, des motions votées au conseil municipal, et on en arrivera à des dépenses difficiles à absorber par les municipalités.

Cette motion que je vous fais, M. le Président, je pense qu'elle ne peut faire autrement que d'être jugée très sérieuse et vous en avez donné le ton en acceptant qu'elle soit discutée. Encore une fois, je pense que, si on pouvait avoir ici, dans un délai assez court... Ce ne sont peut-être pas des gens qui auront le temps de préparer un mémoire parce que le temps avance, mais...

M. L'Heureux (André): On en a un...

M. Grenier: Oui, je vous remercie. On aura certainement l'occasion de l'entendre.

M. L'Heureux: Grossier personnage!

M. Grenier: Cela peut être des deux côtés de la table, même des trois, si vous le voulez.

M. L'Heureux: Oui.

M. Grenier: On en a entendu d'autres depuis qu'on est ici.

Je voulais dire que ces gens auraient des choses à nous donner et qui seraient de nature à donner l'éclairage qu'on n'a pas eu avec les autres mémoires, depuis qu'on entend ces groupes autour de cette table.

Alors, si c'était là l'intention des membres de cette commission, j'aimerais bien que cette motion soit acceptée par l'ensemble des gens qui sont ici et qu'on demande à l'association des conseils de comté de bien vouloir se présenter devant nous et qu'on fixe une date pour que...

J'irais même jusqu'à dire que, s'il y a des mémoires de préparés actuellement qui viennent donner une version qui ressemble à celle qu'on a déjà reçue, parce qu'il y en a quand même... Je sais qu'on a reçu, par exemple, je pense — si je ne fais pas erreur — que c'est le Mouvement Québec français qui disait représenter une quinzaine d'associations, dont la CSN; donc, des gens qui sont peut-être ici ce soir. En tout cas, une image... Pardon?

M. L'Heureux: Depuis trois jours.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse auprès de nos invités, mais il y a une motion qui a été jugée recevable et sur laquelle tous les députés membres de la commission peuvent s'exprimer.

M. L'Heureux: D'accord.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Alors, on a vu des groupes qui sont venus ici et qui nous ont donné des sons de cloche qui étaient intéressants pour tous les membres de cette commission autour de la table. Inutile de vous dire que cela nous a donné des éclairages dont on avait besoin. Je pense que l'association des conseils de comté fournira aussi à cette table d'autres informations qu'on ne pourra pas prendre dans d'autres milieux. C'est pour cela que je vous dis, en terminant, que c'est un voeu — c'est une motion que j'ai faite — je souhaiterais que l'ensemble des députés soit favorable à ce que vous convoquiez, dans les délais requis, l'association des conseils de comté de la province de Québec.

Merci, M. le Président.

M. Laurin: M. le Président, un mot très bref. C'est un débat purement académique puisque l'Union des conseils de comté n'a pas jugé bon de présenter un mémoire à la commission. Je suis donc obligé de conclure que toute l'homélie du député de Mégantic-Compton se réduit à ce que disait un orateur célèbre: "Words, words", et rien d'autre. "La parole a été donnée à l'homme pour masquer sa pensée véritable" et je pense que le député de Mégantic-Compton, par son homélie, vient de prendre sur lui la responsabilité de ne pas entendre l'organisme très représentatif d'une centaine de milliers de travailleurs qui est devant nous.

Le Président (M. Marcoux): Le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, brièvement, comme vous le savez, même si j'ai eu l'avantage de siéger plusieurs fois au cours de ces délibérations, je n'ai pas été au départ des travaux de cette commission un membre permanent. Je n'ai donc pas eu l'avantage de recevoir toute la liste des mémoires qui ont été soumis. Le ministre invoque le fait que l'Union des conseils de comté n'a pas jugé bon de faire inscrire son nom et d'envoyer un mémoire, mais je trouve que ce que souligne le député de Mégantic-Compton est quand même d'une importance considérable en ce qui concerne notamment les municipalités rurales. Je ne plaiderai pas pour une grande ville qui, à mon sens, devrait être en mesure de communiquer avec les autres autorités publiques dans la langue commune du Québec et qui devrait pouvoir fournir des services à ses citoyens dans les deux langues, mais je pense justement à des municipalités qui sont relativement éloignées du centre des activités relativement éloignées des ressources qui permettraient une communication efficace. Je vais vous donner un exemple, M. le Président. Je pense à la municipalité de Shigawake, dans le comté de Bonaventure qui est, à toutes fins pratiques, une municipalité de quelques centaines d'âmes entièrement anglophone. Le maire est anglophone, je l'ai reçu à mon bureau à deux ou trois reprises, et j'ai même fait des traductions pour lui justement parce qu'il n'avait ni le personnel requis, ni lui-même l'expérience suffisante pour lui permettre de faire convenablement son travail. Il me semble que même si, pour des raisons qui lui sont propres, l'Union des conseils de comté du Québec, et M. le Président, j'espère que vous accepterez cette correction dans le texte de la motion, parce qu'il s'agit bien de l'Union des conseils de comté, pas de l'Association des conseils de comté...

Le Président (M. Cardinal): Je ne sais pas si j'accepte la correction, s'il n'y a pas de motion d'amendement qui permet de changer des mots ou d'ajouter des mots. S'il y a un consentement, je n'ai aucune objection.

M. Lavoie: Consentement.

Le Président (M. Cardinal): Consentement accordé. Alors, je vous prierais de répéter votre texte.

M. Goldbloom: II s'agit de l'Union des conseils de comté du Québec.

Le Président (M. Cardinal): Alors, nous changeons les mots "l'Association" par les mots "l'Union des conseils de comté" et "de la province de Québec" par les mots "du Québec".

M. Goldbloom: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, motion d'amendement adoptée, ce qui ne préjuge en rien de la motion principale.

M. Goldbloom: D'accord. Alors, M. le Président, je termine par l'exemple que j'ai offert d'une municipalité qui pourrait se trouver dans une situation difficile pour un certain temps. Il faudra une transition, je suis d'accord, mais il me semble que même si l'Union des conseils de comté ne s'est pas réunie en temps opportun pour envoyer un mémoire, connaissant cet organisme avec lequel j'ai travaillé pendant trois années et demie, je suis convaincu qu'il serait important, pour que la lanterne des membres de cette commission soit convenablement éclairée, que l'Union des conseils de comté vienne s'exprimer sur les effets de cette éventuelle loi notamment sur les petites municipalités rurales du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. Mme le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Cardinal): Pardon. Mme le député de L'Acadie avait demandé la parole auparavant. Qui cède la parole à l'autre? Merci de la politesse, Mme le député de L'Acadie. Je m'excuse de ce lapsus.

M. Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire appuyer la motion du député de Mégantic-Compton. Pour ma part, j'ai visité un comté de la province — en l'occurrence cela va intéresser le député du comté de Papineau — c'était le comté de l'Outaouais où nous avons eu une rencontre avec les membres des conseils de comté.

Ceux-ci nous ont exprimé, non pas dans un mémoire très élaboré, mais simplement à partir d'échanges, des considérations extrêmement intéressantes quant au problème que la loi 1 pouvait créer dans un grand nombre de leurs municipalités qui recrutent une partie de leur population de la province de l'Ontario et même des Etats-Unis, parce qu'elles ont une forte population estivale. Je pense que c'est exactement le cas d'autres petites municipalités du Québec, ce n'est là qu'un aspect des problèmes qu'elles auront à affronter. Je pense que ça pourrait être utile à la commission d'entendre, de vive voix, ces gens qui vivent les problèmes concrètement et qui, tous, s'ils se sont exprimés dans le sens de la nécessité ou de l'affirmation du français, voyaient quand même dans la loi 1, des implications pour le vécu quotidien de leur municipalité respective.

Je parlais de la région de l'Outaouais. Dans d'autres régions du Québec, il y a des municipalités où se trouvent des proportions plus ou moins grandes de population anglophone et où différentes mesures sont prévues, tant pour l'affichage en particulier que pour le fonctionnement de leur municipalité respective. J'identifierais par exemple le village de Hatley où vous retrouvez une popula-

tion de peut-être 300 ou 400 personnes qui sont très majoritairement de langue anglaise. Je pense que si certaines adaptations ne sont pas faites au projet de loi no 1 pour de telles municipalités où la moyenne d'âge est également très élevée. Ce sont de vieux villages qui ne se sont pas renouvelés, la population, d'une façon générale, émigrant vers les grands centres ou à l'extérieur du Québec. Ces gens voient venir l'application possible de la loi 1 telle qu'elle est rédigée avec beaucoup d'anxiété et une anxiété que l'on peut comprendre.

Il ne s'agit pas de municipalités qui, demandant peut-être certaines exemptions ou des mesures transitoires plus libérales que ne le prévoit la loi, compromettront tout le processus de francisation de la province qui est souhaitable, on le sait, dans des régions, telle la région métropolitaine. Mais pour ces municipalités, ces mesures présentent des difficultés sérieuses et elles semblent les mettre dans un état d'insécurité, compte tenu de la population restreinte qu'elles représentent, je le redis, elles ne constituent pas une menace dans tout ce processus général de la francisation au Québec.

Je pense aussi qu'un autre aspect de la loi, dans les quelques échanges que j'ai eus — justement dans des régions rurales avec des individus et à l'occasion, avec des représentants de certaines petites municipalités — le sous-chapitre touchant la toponymie est un autre objet d'inquiétude qui me semble également justifié. Je pense que ces gens auraient probablement des représentations intéressantes à nous faire quant à certaines modalités qui devraient être prévues dans la loi ou encore certaines modifications qui pourraient être apportées et une fois de plus, sans compromettre tous les objectifs de ce projet de loi.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, il me semble important que nous profitions de l'expérience de ces personnes. Le ministre nous disait: Si elles avaient été intéressées, elles seraient venues comme organisme, l'Association des conseils de comté du Québec, présenter un mémoire.

Mais quand vous rencontrez ces gens individuellement, vous voyez que pour eux, c'est déjà un projet assez considérable, compte tenu qu'ils sont répartis un peu partout, qu'ils ont souvent des problèmes de nature différente et des réactions différentes. Il est peut-être difficile pour eux de se regrouper et d'écrire un mémoire, compte tenu des ressources qu'ils ont à leur disposition.

Je pense que dans un échange et un dialogue très simple avec ces personnes, ou quelques-unes de ces personnes, non seulement la commission, mais éventuellement l'Assemblée nationale aurait tout à gagner d'avoir tenté ce rapprochement et ce dialogue avec ces personnes. Comme le député de Mégantic-Compton l'indiquait, les gens que nous avons reçus ici étaient très largement, sinon en quasi-totalité, des représentants des grands centres. De mémoire, je ne me souviens pas que nous ayons reçu des représentants de municipalités rurales non seulement de municipalités, mais d'agglomérations plus restreintes que celles des grands centres comme Montréal, Québec, et peut-être quelques autres.

Nous avons reçu hier, à mon point de vue, une leçon profitable du mémoire des anglophones de la ville de Québec. La plupart des membres de cette commission l'admettront, le problème de la loi 1 se présente pour eux dans une perspective tout à fait différente qu'il ne se présente pour ceux de la région métropolitaine, ou même de la région de l'Outaouais où le problème possible de l'angli-cisation peut avoir des dimensions beaucoup plus grandes.

Le mémoire de ce groupe de la ville de Québec a démontré qu'en nous rencontrant, les membres de ces municipalités pourraient voir diminuer leur anxiété vis-à-vis du contenu du projet de loi no 1.

A cet égard, le groupe de la ville de Québec hier — et cela a été rapporté par les journalistes qui ont même déploré que l'entretien n'ait pu durer plus longtemps — semblait avoir, au départ, une attitude assez réticente. Elle s'est peu à peu modifiée pour se changer en un véritable dialogue qui, s'il avait été poursuivi, je pense, aurait eu pour effet de diminuer non seulement l'anxiété de ces personnes, mais également leur agressivité. Le député de Mégantic-Compton faisait allusion tout à l'heure à ce qui semble se développer inutilement dans ces petites communautés qui vivent depuis des générations côte à côte, très souvent, et d'une façon très fraternelle où l'hospitalité des uns à l'égard des autres est très connue. Je pense qu'on aurait tout intérêt à pouvoir cerner d'un peu plus près les problèmes d'application que le projet de loi no 1 pose pour cette partie de la population.

Encore une fois, je désire, et très sincèrement, appuyer la motion du député de Mégantic-Compton.

Mme Lalonde (Francine): M. le Président... Le Président (M. Cardinal): Oui, madame.

Mme Lalonde: Je voudrais prier l'Opposition de nous dire si elle veut nous entendre ce soir. Cela fait la troisième journée que nous sommes ici. On pourrait faire le compte des heures. Nous sommes un organisme valable, fort représentatif. Nous représentons 200 000 travailleurs. Il nous semble que notre patience a assez duré et que continuer à endurer cela serait faire injure aux travailleurs que nous représentons.

Alors, nous voulons d'abord demander à l'Opposition si elle va continuer à refuser de nous entendre, auquel cas, nous prendrons les moyens de se faire entendre.

Le Président (M. Cardinal): Madame, vous savez que je ne puis point participer au débat. C'est un appel que vous faites, vous attendez comme moi la réponse.

M. Le Moignan: Puis-je vous demander une directive, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je comprends très bien l'angoisse du groupe, mais s'il attend ici depuis trois jours, il y a certainement eu un manque, une faiblesse quelque part, parce que, normalement, s'il a été convoqué pour une telle date, il aurait dû passer le même jour ou le lendemain.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le député de Gaspé, il y a des choses que je vais accepter et il y a des choses que je n'accepterai pas.

M. Le Moignan: Je vous demande simplement d'éclaircir la situation. On se pose une question.

Le Président (M. Cardinal): Justement, je vais vous dire pourquoi. Les convocations sont faites à sept jours d'avis, on le sait, c'est en vertu du règlement. Chaque soir, je donne la liste des invités du lendemain. Chaque matin, à l'ouverture de la séance, j'appelle chacun de ces organismes. Il est sûr que, comme président, je n'ai pu brimer aucun des partis. L'on pourrait même soutenir que je serais là pour permettre que l'Opposition joue son rôle vis-à-vis de l'exécutif.

Cependant, ce jeu parlementaire que j'ai exprimé souvent comme étant un patient exercice peut s'exercer tant qu'on le veut. C'est le mandat de la commission, permettez-moi, Mme le député de L'Acadie, je l'ai mentionné le 7 juin, et je puis répéter mon texte, si on le désire, j'ai répété à plusieurs reprises que je l'ai souligné à l'occasion où un témoin a souligné devant nous qu'au lieu d'écouter les témoins, nous causions entre nous. Je me permets de dire ce soir devant des témoins, que, tout en respectant les droits de chacun des députés, tout en respectant les droits de chacune des Oppositions, il faudrait quand même respecter aussi les droits des invités. J'ai terminé. M. le député de Gaspé, vous pouvez continuer.

M. Le Moignan: Non, c'est tout ce que je voulais vous demander.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme La voie-Roux: M. le Président...

Mme Lalonde: Je voulais souligner, s'il vous plaît!

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, je m'excuse.

Mme Lavoie-Roux: M. le...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, je m'excuse, question de règlement par le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je voulais profiter de cette question de règlement pour souligner, de toute façon, qu'il est 9 h 45, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, il faut que ce soit une véritable question de règlement.

M. Charbonneau: Je pense que déjà, M. le Président, on est certain de ne pas avoir suffisamment de temps pour entendre...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une question de règlement, M. le député de Verchères, je m'excuse, c'est une intervention, je ne pourrai pas la permettre. J'ai déjà permis beaucoup de choses. Mme le député de L'Acadie.

Suspension du débat

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas quelle sera la décision de l'Union Nationale, j'aimerais lui faire une suggestion que peut-être la discussion de la motion puisse être suspendue temporairement pour que nous entendions le groupe.

Le Président (M. Cardinal): Madame, il faudrait un consentement unanime.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je le demande.

M. Grenier: M. le Président, je suis bien d'accord, ce ne sont pas les hauts cris qui me tannent, j'en ai entendu bien d'autres, même des gens qui sont ici devant nous ce soir. Je me sens malheureux quand j'entends des gens venir nous traiter de grossiers personnages ici, quand on fait notre devoir de député — je ne suis pas agressif, je suis modéré — et je pense que la position que nous détenons ici, ces messieurs qui sont placés à la tête de la CSN en savent passablement long sur le rôle qu'on doit jouer ici dans l'Opposition, et le bout qu'ils ne savent pas, placés comme ils le sont, ils peuvent soupçonner le reste. Je pense que les gens qui sont là que je respecte, qui représentent un nombre de personnes important dans la province de Québec, contre qui je n'ai absolument rien, sont assez avertis. J'aime bien aussi qu'on comprenne que, quand on se fait donner des réponses aussi évasives — j'aimerais qu'on nous entende là-bas aussi, c'est important, c'est vous qu'on entretient et c'est pour cela l'explication que je donne... je comprends l'importance de votre mémoire et je veux qu'on entende votre mémoire. S'il y a lieu, on va tenter de l'entendre en grande partie, ce soir. Je suis prêt à collaborer, mais quand on se fait servir des réponses aussi évasives et des accusations comme on vient d'en avoir du ministre, à savoir qu'on fait du boycottage, il n'y a rien de plus faux, je vais vous dire cela, moi.

Ah oui! riez. Vous avez bien plus envie de brailler ce soir que de rire, parce que vous ne faites pas partie de la nouvelle équipe de ministres. J'aimerais vous dire ici que si c'est cela, je suis bien prêt à collaborer, pour une fois... C'est la première fois que cela m'arrive ici, mais je ne le ferai pas deux fois. La motion que j'ai faite ici ce

soir est sérieuse. Ce sont des gens qu'on doit entendre, quand on a affaire au milieu rural. Au milieu rural, ce sont des gens qui n'ont pas été prévenus de cela et cette loi est importante pour le milieu rural. Je suis sûr que ces gens-là auraient eu des choses importantes à nous dire.

Si ces personnes qui sont invitées ici ce soir semblent être victimes des discussions qu'on mène à cette table, je vais vous dire une chose, je suis bien prêt à céder pour ce soir et donner l'unanimité pour qu'on les entende, mais je ne le ferai pas une deuxième fois. Je n'ai pas assisté au premier débat de mercredi passé, et je ne le ferai pas une deuxième fois, j'aime mieux vous prévenir tout de suite, pas par des réponses comme j'ai eues du ministre tout à l'heure, à deux reprises, certainement pas deux fois. Ce gouvernement a dit trop longtemps dans la province qu'il changerait des choses au Québec. J'ai bien trop l'impression que cela ressemble au passé. Je veux qu'il se change des choses. Ce qui se dit là, ce ne sont pas des choses changées. Des réponses aussi évasi-ves... Dans deux semaines, les réponses que j'ai eues du ministre tout à l'heure, je vous dirai peut-être de quoi cela a l'air. C'est dommage que les mêmes témoins ne soient pas ici dans deux semaines. On verra peut-être les réponses que le ministre nous a données, la réalité et les réponses qu'on a ce soir. Je donne mon consentement pour entendre ces témoins, mais je vais vous dire tout de suite que c'est la dernière fois, sur des propos comme ce soir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, je vous remercie. Je comprends que vous demandez la suspension du débat et qu'il y a consentement unanime pour le faire.

M. Lalonde: M. le Président, j'avais quand même une intervention à faire. Cela me fait plaisir d'accéder à la suggestion du député de L'Acadie. Nous avions aussi des motions à présenter. Nous discutons actuellement une motion de l'Union Nationale. Si les témoins veulent bien intervenir actuellement, cela me fait plaisir de participer à l'unanimité pour la suspension du débat.

Le Président (M. Cardinal): J'ai l'unanimité. Est-ce que les témoins sont encore là? Merci, madame, messieurs les membres de la commission. Le débat sur cette motion est suspendu. Je suspens la séance pour trois minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 52)

(Reprise de la séance à 22 h 2)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Puis-je demander aux députés et à tous les invités de bien vouloir prendre leurs fauteuils?

Cela va prendre 30 secondes. Je reconnais donc que la commission, unanimement, suspend le débat sur la motion du député de Mégantic-

Compton. Il pourra y revenir en tout temps, sauf pendant cette séance.

Sur ce, la Confédération des syndicats nationaux étant devant nous, mémoire 37, je demanderai à ses représentants de bien vouloir s'identifier. Ils auront ensuite, à compter du moment où ils commenceront la lecture de leur mémoire ou le résumé du mémoire, 20 minutes pour l'exposer et, ensuite, les députés auront, pour autant que faire se peut ce soir, 70 minutes pour poser des questions.

Confédération des syndicats nationaux

Mme Lalonde (Francine): Je suis Francine Lalonde, première vice-présidente de la CSN. A ma gauche, André L'Heureux, vice-président, Michel Rioux, permanent; à ma droite, Léopold Beaulieu, trésorier.

M. le Président, je voudrais quand même dire, compte tenu de l'incident dont nous avons été l'objet, quant à nous, qu'il y a deux semaines, n'eût été d'un mercredi soir utilisé à la procédure, nous aurions pu nous faire entendre, au moins, dans la journée du lendemain. Nous étions pris le 23 au soir. Loin de nous de refuser à la démocratie ces aléas, y compris les débats de procédure, mais c'est un peu raide à avaler d'entendre discuter longuement de groupes qu'on devrait inviter quand, déjà, des représentants des travailleurs, dont nous sommes, je parle de notre groupe, sont là depuis un certain temps.

Le Président (M. Cardinal): Madame, si vous permettez, je me suis déjà, à plusieurs reprises, exprimé sur ce sujet. Je suis le premier malheureux, dans un sens, que ça se produise, mais, le mercredi soir, ce n'est pas le bon soir.

Mme Lalonde: Alors, c'est "jamais le mercredi".

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de... Oui, c'est ça: "Never on Wednesday". Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être extrêmement brève. Je n'avais pas l'intention de faire cette intervention à ce moment-ci, mais, puisque vous avez ouvert la porte, si j'ai demandé de retirer la motion, c'est que je réalisais fort bien que vous attendiez.

Mais moi, je dois rappeler qu'en 1970, je suis venue à cette commission parlementaire où on nous a fait revenir deux fois.

On devait revenir une troisième fois et nous n'assistions même pas à des discussions de motions. On assistait strictement à de la "procédu-rite" entre les députés.

Je dois vous dire que je me suis sentie comme vous vous êtes sentis aujourd'hui, mais il me semble que cela ne soit pas une chose qui soit nouvelle à l'Assemblée nationale et je pense que le président qui est à ma droite se rappellera de ces incidents et la troisième fois, comme je l'ai déjà dit au début de cette séance, les élections ont été dé-

clenchées. Alors, nous n'avons pas eu à revenir la troisième fois. Nous n'avons même pas eu la chance d'être entendus.

Le Président (M. Cardinal): Pour terminer, il est sûr que le président s'en rappelle. Il l'a vécu et il ne souhaite pas tellement le revivre.

M. Beaulieu: Je voudrais seulement, si vous permettez, indiquer que plus tôt ce matin, on parlait de revanche à éviter.

Le Président (M. Cardinal): Ne commencez pas un débat de procédure.

A l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant qu'il est 10 h 6, je voudrais bien que nous commencions.

Mme Lalonde.

Mme Lalonde: C'est cela; de notre point de vue, la distinction entre la "procédurite" et la discussion de motions est difficile à faire.

Alors, je vous demanderais d'abord le privilège que l'ensemble de notre mémoire soit annexé au journal des Débats, comme cela m'a semblé la coutume.

Le Président (M. Cardinal): Ceci vous est accordé immédiatement.

Mme Lalonde: Merci.

Le Président (M. Cardinal): II sera déposé en annexe au journal des Débats.

Mme Lalonde: Comme le temps nous est compté... Le Président (M. Cardinal): Pourriez-vous présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Mme Lalonde: C'est fait.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je m'excuse.

Mme Lalonde: A mon souvenir, en tout cas.

Le Président (M. Cardinal): Oui, vous avez raison. Alors, allez-y.

Mme Lalonde: Je vais d'abord, globalement, faire part de l'attitude de la CSN par rapport à l'ensemble du projet de loi pour tenter dans les minutes qui me sont comptées de faire part de la position relativement à la langue de travail qui est fondamentale pour nous et également, la langue de l'enseignement, entendu que les autres points dont nous avons fait mention ont été largement touchés par d'autres groupes.

En conclusion à la position de la CSN sur la loi 22, on pouvait lire: "Nous répétons... que la pente imprimée à l'histoire par le gouvernement en matière de langue nous conduit non seulement à notre disparition comme peuple, mais à notre subordination massive aux étrangers et aux dé- chéances morales, économiques et sociales qui attendent les peuples réduits à une condition de minoritaires, les travailleurs ne devant pas échapper aux conséquences de cette décadence, bien au contraire. La bourgoisie seule garderait des chances individuelles d'échapper au sort commun."

La question de la langue nous a toujours touchés de très près parce qu'elle compte tellement dans la vie quotidienne de centaines de milliers de travailleurs. Aujourd'hui, la CSN est heureuse devant ce projet de loi, symboliquement numéroté un, de constater la volonté du gouvernement de mettre un frein à la domination spécifique des travailleurs francophones en tant que travailleurs francophones.

Le gouvernement semble, à tout le moins, vouloir assurer de droit que la langue française soit un outil efficace et collectif de formation, d'expression, de communication au lieu d'être la seule langue de la culture et de la résistance.

Et si nous sommes d'autant plus à l'aise pour souligner le courage du gouvernement, c'est que nous nous sentons toujours tout aussi à l'aise de souligner à maintes reprises la timidité des gestes qu'il pose dans d'autres domaines qui ont aussi une grande importance pour les travailleurs.

La CSN et la langue. Il nous apparaît opportun d'expliquer rapidement pourquoi et dans quelle perspective la CSN, depuis longtemps, a attaché une importance spéciale à cette question de la langue et a participé à tous les débats qui ont agité le Québec depuis une dizaine d'années, sur cette question.

Nous sommes une centrale syndicale essentiellement québécoise. Nos membres affiliés aux quatre coins du territoire évoluent dans un contexte où la domination de l'appareil économique se manifeste de façon quotidienne. Ils la subissent comme travailleurs et comme consommateurs.

Il est donc normal que cette situation ait fini par être dénoncée dans les débats qui se déroulent à l'intérieur de nos instances démocratiques. Dès 1969, la CSN adoptait une position prônant l'unilinguisme français. Il ne s'agit donc pas pour nous d'un quelconque combat d'arrière-garde pour la défense d'une soi-disant culture à caractère élitiste. Au contraire. Les luttes en faveur de la langue française et le soutien que nous leur avons accordé s'inscrivent dans un combat plus large encore contre tous les types de domination et d'aliénation dont ont eu à souffrir et souffrent encore des générations de travailleurs québécois.

Pour la CSN, le français au travail est une lutte ouvrière en même temps que nationale car la langue est aussi un des éléments qui font qu'un travailleur est respecté dans son travail et dans sa vie. Pour un travailleur québécois francophone, travailler dans sa langue est un droit pour lequel il faut lutter au même titre que le droit à la santé et à des conditions de travail humaines.

Le mouvement syndical a soutenu plusieurs luttes pour le respect de ce droit de travailler dans sa langue, dans son propre pays, mais le fond du problème n'a jamais été réglé d'une façon colléc-

five. N'insistons pas sur les conséquences, elles sont trop bien connues. Des milliers se sont vu refuser un emploi ou ont été congédiés parce qu'ils ne connaissaient pas l'anglais ou ne le connaissaient pas suffisamment, ou n'ont pas pu avoir d'emploi. Des milliers ont dû demeurer au même poste, parce qu'ils n'alliaient pas à leur compétence technique la connaissance de la langue anglaise. Comment donner tout leur sens aux terribles statistiques du rapport Laurendeau-Dunton? Des statistiques plus récentes montrent même que la situation relative du revenu des travailleurs francophones s'est dégradée, ils sont maintenant les moins bien payés au Québec.

C'est pourquoi, sur cette question de la langue, le gouvernement pourra compter sur le soutien de notre organisation syndicale. Travailler dans sa langue, vivre dans sa langue ne règle pas tous les problèmes, mais la CSN ne pourra qu'être d'accord chaque fois qu'une injustice sera corrigée. Dans le cas particulier du français, l'injustice dure et durait trop longtemps pour que nous ne reconnaissions pas que la ferme volonté manifestée par le gouvernement tend à rétablir la situation en faveur de la majorité francophone. Cette volonté ferme doit cependant être accompagnée particulièrement en matière de langue de travail de la souplesse nécessaire quand il s'agit de lois ou de règlements appelés à régir les rapports entre les hommes. Dans cette perspective, il faut donner aux personnes qui occupent actuellement un emploi et qui ne maîtrisent pas la langue française le temps et les moyens de se recycler, de s'adapter à une situation nouvelle et, dans ce sens, il est évident que nous attendons impatiemment les règlements et autres manifestations de cette volonté gouvernementale.

Les articles 33 à 40 du projet de loi traitent de la langue du travail. Disons dès le départ que ce chapitre répond d'une façon adéquate aux problèmes que nous avons soulevés en introduction. Les remarques qui vont suivre n'ont pour but que d'amener des clarifications supplémentaires et ont pour objet de rendre plus facile l'application de la loi, en tout cas le sens que nous y trouvons. Il nous semble que, dès l'article 33, la précision apportée par le législateur en spécifiant que tout membre du personnel d'un employeur a le droit d'exiger que soient rédigées en français les communications écrites ouvre la porte à la possibilité qu'un contremaître, par exemple, s'adresse continuellement à des travailleurs dans une langue autre que le français oralement sans contrevenir aux dispositions du présent projet de loi. Cette restriction en ce qui a trait aux recommandations écrites nous semble de plus amoindrir la portée de l'article 4, qui établit que les travailleurs ont le droit fondamental d'exercer leurs activités en français.

Nous estimons donc que le gouvernement, si son intention est de faire en sorte qu'un travailleur puisse exercer ses occupations et recevoir des directives,- qu'elles soient orales ou écrites, en français, aurait intérêt à biffer de l'article 33 la restriction touchant les seules communications écrites. Par ailleurs, ce même article 33, qui stipule que tout membre du personnel a le droit d'exiger que soient rédigées en français les communications écrites qui lui sont adressées par ce dernier, garantit clairement ce droit au salarié — compris au sens du code du travail — cela n'est pas aussi clair cependant pour les cadres d'une entreprise, particulièrement en raison de l'article 109 du présent projet de loi qui parle de salariés. Si le gouvernement veut que les cadres soient couverts par les articles 36, 39 et 40, il devrait élargir davantage et de façon plus précise la notion de salarié.

L'article 36 prévoit qu'aucun employeur ne pourra congédier ou rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée autre que le français. L'article prévoit de plus qu'un salarié lésé pourra faire valoir ses droits auprès d'un commissaire enquêteur au même titre que s'il s'agissait d'un congédiement pour activité syndicale. Ces dispositions nous semblent heureuses. Toutefois, l'expérience nous apprend qu'il serait sans doute préférable d'enlever l'article seul pour éviter les "avocasseries" inutiles. Nous connaissons aussi de nombreux cas où des déplacements dans l'entreprise tiennent lieu de rétrogradation. La loi devrait être plus explicite sur ce point, le motif pouvant être la méconnaissance de la langue seconde, alors que le motif invoqué pourrait être autre chose. Alors, le mot seul, quant à la connaissance de la jurisprudence du travail que nous connaissons, serait de nature à ne pas protéger suffisamment le travailleur dans ce cas. Or, il nous semble fondamental que les droits des travailleurs soient véritablement protégés, autrement les droits qu'on veut assurer dans la loi pourraient ne pas être utilisés.

Dans notre condition quotidienne de travailleurs, nous savons fort bien faire la différence entre un droit reconnu dans un texte législatif et l'exercice de ce droit, je peux penser à la grève comme à la santé.

Il nous semble de plus qu'il serait préférable d'adapter expressément l'article 14 du Code du travail au lieu de ne s'en tenir qu'à un "mutatis mutandis". Ce n'est pas qu'on ait quelaue chose contre le latin, mais c'est vague, en l'occurrence, comme le prévoit l'article 36, car le renvoi aux articles 14 à 19 pourrait s'avérer plus difficile d'application. Ainsi, la présomption dont jouit le salarié pourrait ne pas être démontrée à la satisfaction du commissaire-enquêteur, ne pas être démontrée ou l'être difficilement.

Quant à l'article 40 qui prévoit que le présent chapitre est réputé faire partie intégrante de toute convention collective, nous y souscrivons, parce qu'il aura pour effet d'éviter à des milliers de travailleurs de devoir recommencer toujours des luttes pour que ces droits soient inscrits dans leurs conventions collectives. Il aura, en outre, l'avantage d'intéresser concrètement le travailleur et son syndicat en permettant l'utilisation de la procédure de grief pour que les droits inscrits au chapitre sur la langue de travail soit respectés.

Nous constatons cependant, et nous tenons à le souligner, que le gouvernement québécois continue à ne pas avoir de pouvoir sur les condi-

tions de travail de plusieurs milliers de travailleurs québécois francophones assujettis au code fédéral du travail, ce qui, sur cette question de la langue, risque de faire d'eux, dans ce cas précis, des travailleurs de seconde zone.

Nous avons également quelques remarques, importantes quant à nous, à formuler au sujet de l'article 114 qui traite des comités de francisation dans les entreprises. D'abord, en raison même de la structure industrielle du Québec, nous croyons qu'il serait absolument nécessaire que ces comités soient formés dans toute entreprise qui compte 50 employés. Nous ajoutons, dans notre position, et à la demande des employés, dans les entreprises qui comptent dix employés et plus.

La loi 49 prévoit qu'il y a des comités dans les entreprises où il y a dix employés et plus, le règlement 3787 sur la sécurité et la santé au travail prévoit qu'il y a des comités paritaires dans les entreprises où il y a 50 employés et plus. Evidemment, l'article 1050 est arbitraire, mais on pourra davantage étoffer tantôt ce pourquoi il nous semble important que de semblables comités existent, si on veut vraiment imposer un tournant à la situation de la langue au travail.

Ensuite, nous voyons mal pourquoi les travailleurs, premiers visés par une telle mesure, ne représenteraient que le tiers des membres de ces comités de francisation. La loi devra prévoir que les salariés de l'entreprise devront compter pour la moitié des membres de ces comités, d'autant plus qu'on prévoit ailleurs qu'il y aura des rencontres entre la direction et le comité de francisation. Alors, on voit mal comment un comité de francisation, qui soit très majoritairement composé de représentants de la direction, se rende compte lui-même quel rôle il reste alors aux travailleurs.

Enfin, la loi devra prévoir que les dépenses inhérentes à ces comités de francisation sont la responsabilité de l'entreprise; les moyens financiers forcément limités, de nombreux syndicats locaux en amèneraient plusieurs, notamment au chapitre des délibérations, à ne pouvoir participer à ces comités où, nous le répétons, les travailleurs sont intéressés au premier chef.

Avant de passer à la langue d'enseignement, rapidement, une remarque générale. Il nous semble qu'il faut que l'effort maximum soit mis pour que la langue de travail devienne véritablement, dans un certain laps de temps, la langue française. Autrement, les dispositions relatives à la langue d'enseignement, et je pense que de nombreux groupes en ont fait état, sont inacceptables, même pour les travailleurs francophones, parce qu'il est évident que ce sont les conditions économiques qui ont dicté les choix, finalement, politiques, en ce qui concerne l'ensemble de ceux qui ont choisi d'envoyer leurs enfants, qu'ils soient allophones ou francophones, à l'école anglaise.

Si bien que la position de la CSN sur la lanque de l'enseignement, c'est l'unilinguisme. Je pense que c'est une position qui est bien connue, qui s'assortit, au niveau primaire, d'une recherche de l'enseignement, pour ce qui est des allophones, dans leur langue maternelle. Nous persistons à croire que cette solution serait la plus logique.

Cependant, nous sommes conscients que la solution avancée par le gouvernement doit tenir compte de facteurs politiques. Dans la circonstance historique dans laquelle nous sommes placés, on comprend qu'on ait cru que c'était là le plus loin qu'on pouvait se permettre d'aller.

Il nous faut cependant souligner que, compte tenu que la loi prévoit qu'il n'y a pas de liberté de choix, ce avec quoi nous sommes d'accord, jusqu'à la fin du secondaire, il nous semble, encore une fois, que si l'effort maximum n'est pas fait pour que la langue française devienne la langue du travail, le libre choix qui est laissé, au niveau du CEGEP et de l'université pourrait créer une condition qu'on ne veut pas.

D'autre part, même si nous ne partageons pas les vues alarmistes de certains anglophones et francophones quant à la possibilité d'extinction à long terme de la communauté anglaise au Québec suite à l'adoption du projet de loi 1, compte tenu des conditions géographiques, économiques, etc., nous réitérons notre position toutefois, pour que les emplois soient préservés, aussi bien pour les enseignants que pour les autres personnels. S'il advenait que la clientèle scolaire anglophone soit réduite en raison des mesures reliées à l'application de la loi 1, nous voulons que les droits syndicaux des enseignants et autres travailleurs touchés soient préservés. Les mesures nécessaires devront être prévues, comme le recyclage, par exemple. Nous insistons de plus pour que ces dispositions soient inscrites dans la loi, dans le but de rassurer ces travailleurs.

Sur l'office de la langue, la position que nous soutenons est que le gouvernement devrait revenir sur sa décision de faire de l'office un organisme relevant du ministre et de son ministère.

Quant à la composition du conseil consultatif, nous pensons que les personnes appelées à y siéger — et c'est une position à laquelle nous tenons — devraient être nommées par les organismes eux-mêmes qui pourraient les rappeler s'ils estimaient qu'ils ne les représentaient plus.

Les droits de la personne. Il y a eu plusieurs interventions relativement à cette question, pas que nous pensions qu'il y ait opposition entre l'article 172 et la Charte des droits et libertés de la personne, mais nous partageons l'avis du ministre Laurin qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux chartes, c'est-à-dire que nous trouvons néanmoins le procédé déplaisant, parce qu'il enlève à la Charte des droits et libertés de la personne le caractère de quasi-inviolabilité qui lui confère en bonne partie sa valeur. C'est donc sur la forme et non sur le fond que nous soulignons notre désaccord. Le gouvernement a emprunté une mauvaise technique législative qu'il devra corriger, pensons-nous.

En conclusion, lorsque les débats d'une importance et d'une intensité comme celui qui se fait autour du projet de loi sur la langue occupe une collectivité, on peut vérifier par les diverses réactions où se situe l'intérêt général d'un peuple. On peut voir aussi comment se répartissent les blocs, de qui ils sont composés. Il est intéressant de constater aujourd'hui qui sont ceux qui appuient

globalement le projet de loi et ceux qui le combattent avec véhémence. Le peuple, les travailleurs et leurs organisations sont derrière le gouvernement. Le monde des affaires, les possédants anglophones ou francophones, ces derniers que le ministre Laurin qualifiait lui-même, le 8 avril, de rois-nègres à la solde de leurs patrons anglophones, le combattent.

Le comble de l'humiliation, quant à nous, c'est bien de voir un peuple, écrasé tout au long de son histoire, se voir accusé aujourd'hui de racisme et de xénophobie, parce qu'il veut simplement relever la tête. A cet égard, l'histoire se répète. On se permet de citer un extrait d'un livre intéressant. Le manifeste dont il est question, qui est le manifeste d'une association francophone de Québec en 1847, dix ans après les événements de 1837, retrace donc la véritable source de cette tendance à voir dans l'affirmation des droits d'un peuple un désir de domination.

On constate de plus que le penchant des Anglo-Saxons à écarter les revendications légitimes d'un peuple opprimé en les qualifiant dédaigneusement de nationalisme étroit ou de jalousie, portent la marque d'un autre nationalisme, celui du groupe dominant.

Notre collectivité a attendu trop longtemps avant oe se donner de véritables moyens de pouvoir vivre en français. Ce projet de loi est perçu par la population, estimons-nous, comme une affirmation indispensable de notre identité et nous fournit les moyens de nous présenter devant le tribunal de l'histoire autrement que comme un peuple diminué, finalement vaincu.

Nous exhortons donc le gouvernement à maintenir sa fermeté, sa volonté, dans cette entreprise, les travailleurs en ont saisi l'importance.

Le Président (M. Dussault): Mme Lalonde, je vous remercie de votre exposé. Je cède la parole à M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier la CSN, autant pour sa patience que pour le mémoire senti et équilibré qu'elle vient de nous présenter. Nous avons bien failli ne pas vous entendre et, n'eût été ce rétablissement de dernière heure, je pense bien que votre mémoire aurait été perdu pour la postérité. Je me félicite qu'il n'en ait pas été ainsi, car la commission y aurait sûrement beaucoup perdu.

Pour notre part, évidemment, nous sommes très satisfaits de l'appui global que votre association apporte au gouvernement. Nous sommes reconnaissants des substantifs que vous employez, lucidité, fermeté, courage, qui correspondent véritablement aux intentions du gouvernement, à la volonté qu'il avait de redresser efficacement, véritablement la situation à l'avantage d'une majorité qui, de fait, avait toujours eu le statut de minorité et s'était comportée aussi comme une minorité face aux obstacles auxquels elle faisait face.

Nous acceptons avec d'autant plus de plaisir votre appui que nous croyons que, autant il est malsain pour un gouvernement de légiférer contre l'ensemble des travailleurs, autant il est sain pour un gouvernement, lorsqu'il légifère, de sentir l'appui de la vaste majorité de l'ensemble des travail- leurs et je me réfère ici non seulement à votre mémoire, mais à celui de toutes les autres centrales syndicales, c'est-à-dire la FTQ, la Centrale de l'enseignement du Québec et même l'Union des producteurs agricoles que nous n'avons pas encore eu le plaisir d'entendre.

Nous croyons avec vous qu'il devenait urgent d'intervenir, qu'il devenait urgent pour l'Etat d'intervenir et d'intervenir d'une façon énergique sur le problème de la langue. En effet, trop longtemps les gouvernements ont laissé les organisations syndicales se débattre seules avec ce problème et, comme vous le soulignez vous-mêmes dans votre mémoire, les victoires remportées par les organismes syndicaux ont souvent été pénibles, partielles, incomplètes et parfois elles ne se sont pas produites du tout, dans un très grand nombre de cas.

Nous sommes d'accord avec vous lorsque vous dites que seul l'Etat, avec tous les instruments qu'il possède, peut vraiment intervenir, de tout son poids, pour rétablir, à l'avantage de la majorité, une situation qui, même si elle s'est améliorée à certains égards, sur d'autres points, ne cessait de se dégrader, de se détériorer.

Je suis aussi d'accord avec vous lorsque vous dites que la lutte ouvrière est en même temps une lutte nationale. On a voulu, souvent, dissocier les deux luttes et non seulement les dissocier, mais les opposer. On traitait de nationalistes ou de "na-tionaleux" ceux qui tentaient de promouvoir la cause du français et surtout de promouvoir la cause des francophones. Mais c'était une fausse opposition, car il arrivait justement que ceux qui souffraient, qui étaient victimes de l'aliénation sociale étaient en même temps les victimes de l'aliénation linguistique et que, bien souvent, ils étaient victimes de l'aliénation sociale parce qu'ils appartenaient à une certaine communauté linguistique. On ne saurait donc dissocier les deux combats. Nous sommes d'avis qu'il faut les mener de front, tous les deux, en même temps, et que, par ailleurs, il ne faut pas se contenter, bien sûr, de mener un combat linguistique, mais qu'il faut également que les gouvernements mettent tout en oeuvre pour, en même temps, d'une façon concomitante, éliminer tous les facteurs qui sont responsables de l'aliénation sociale des travailleurs ou, du moins, éliminer tous les facteurs qui sont responsables de leur infériorisation, qui sont responsables du fait que les travailleurs n'ont pas le même accès que les autres à la richesse collective et ne peuvent pas utiliser cette richesse collective pour l'épanouissement de leur personne, pour le développement de tous les talents qu'ils possèdent.

C'est là notre idéal social-démocrate et je pense qu'il est parfaitement compatible avec le travail de promotion linguistique que nous menons à l'heure actuelle. Je n'en veux d'autre preuve que celle que vous apportez dans votre mémoire et que celle que nous ont apportée d'ailleurs toutes les études que nous connaissons, les études scientifiques qui ont été faites sur le revenu des travailleurs québécois, car il est vrai que même si leur situation s'est améliorée en chiffres absolus, même si l'écart a diminué entre les reve-

nus des travailleurs francophones et des travailleurs appartenant à d'autres communautés linguistiques, il reste que, d'une façon relative, ils ont glissé au cours des dernières années au dernier rang et que ce seul fait appellerait une intervention énergique de l'Etat pour corriger tous les facteurs, tous les éléments, toutes les causes qui sont responsables de cet état de choses. Une des causes est incontestablement l'absence relative de francisation dans le milieu du travail.

Vous dites, à bon droit, dans votre mémoire, que si le gouvernement ne voulait améliorer que la situation linguistique au niveau du secteur de l'enseignement, cette réforme ne serait que superficielle et ne changerait pas fondamentalement la situation. Nous sommes d'accord avec vous qu'il faut d'abord changer le milieu du travail, le milieu de l'administration, qu'il faut franciser le plus complètement possible ces deux milieux afin qu'il devienne évident pour tous les citoyens du Québec que la langue française est non seulement la langue de la majorité, qu'elle est la langue de cette société dans laquelle nous vivons, mais également qu'elle est la langue utile, rentable, indispensable, la langue commune, la langue qu'il faut connaître pour non seulement communiquer les uns avec les autres, mais également qu'il faut connaître pour développer au maximum tout le potentiel que recèle chaque individu. C'est à cette réforme globale que nous entendons nous attaquer actuellement par une législation linguistique, bientôt par une législation sur le plan social et sur le plan économique, mais, dans notre esprit, les deux éléments sont indissociables.

Je vous remercie également pour les suggestions très précises que vous nous faites pour l'amélioration de tel ou tel article du projet de loi. Par exemple, vous nous demandez de clarifier l'article 33. Vous ne voudriez pas, en effet, que la francisation des rapports entre employeur et employé se limite aux seules communications verbales, mais qu'elle englobe également les communications écrites. Je peux vous dire d'ores et déjà que cette recommandation sera entérinée dans la nouvelle version que nous préparons, tout en vous soulignant, cependant, que déjà un article du projet de loi veillait à ce que cette recommandation s'incarne, se concrétise dans les faits. Je veux parler ici de l'article 112, qui énonçait les objectifs que doivent poursuivre les programmes de francisation. Dans ces programmes de francisation, il était bien indiqué que tout le personnel dirigeant et en particulier, les contremaîtres doivent posséder dans un délai fixé une connaissance de la langue française suffisante pour les habiliter à s'entretenir dans la langue française avec tous leurs employés francophones.

Il reste que votre recommandation nous amène à scruter avec un peu plus d'attention cet article et nous verrons à ce que votre voeu se réalise. De la même façon, vous nous mettez en garde contre l'équivoque qui pourrait résulter d'un emploi inconsidéré du mot "salarié", par exemple, par opposition au mot "cadre".

D'autres organismes avant vous nous ont fait part de cette ambiguïté possible et nous verrons à la corriger.

En ce qui concerne l'article 36, vous nous recommandez d'éliminer le mot "seule". Je vous avoue que nous avons longuement réfléchi sur le sujet. Nous avons hésité entre "pour la raison qu'il ne parle que le français", ou "pour la seule raison qu'il ne parle que le français", et nous avons tenté d'utiliser un jeu de scénario pour essayer de voir l'effet hypothétique de l'emploi de l'une ou de l'autre formule.

A nous, pour le moment, il nous semble qu'il est plus facile de protéger le travailleur en laissant le mot "seule", parce qu'alors, il deviendrait évident que l'employeur devrait prouver que c'est uniquement parce que l'employé parle le français qu'il est victime d'une discrimination, alors que si nous n'employons pas le mot "seule", il deviendra très difficile de prouver que c'est pour cette seule raison que l'employé ne connaît pas le français qu'il peut subir un préjudice. Mais comme nous ne prétendons pas à l'infaillibilité en ce domaine, j'aimerais vous demander d'expliciter davantage le raisonnement qui vous amène à nous suggérer l'élimination de cet adjectif?

Mme Lalonde: La jurisprudence qui s'est développée dans les cas de congédiement pour activités syndicales, par exemple, fait en sorte qu'on évalue qu'il y a congédiement pour activités syndicales quand tout autre motif pouvant justifier le congédiement a été éliminé, si bien que, effectivement, l'employé peut avoir été congédié pour activités syndicales — cela a été le motif réel du congédiement — sauf que — je dis hypothétique-ment — deux retards qui, jusque là, n'avaient pas été utilisés le sont, etc., si bien qu'il nous semble que ce qui fait que c'est extrêmement long et difficile de prouver un congédiement pour activités syndicales dans des cas patents où c'est le cas, si bien qu'il nous semble qu'il est absolument important que, dans cette matière, les travailleurs se sentent définitivement protégés. Autrement, nous semble-t-il, le droit qui est prévu dans la loi pourrait ne pas être exercé par le travailleur, parce qu'une fois que la loi est votée, ça commence. Là où le travailleur, dans son syndicat, ou là où il n'y a pas de syndicat, aura à poser des gestes en accord avec la loi, mais en désaccord avec son milieu, s'il est, et il sera passible, parce que l'employeur conserve toujours ses droits de gérance, s'il est passible de peine et que la défense est extrêmement longue et difficile, notamment — ça le sera de toute façon — mais notamment à cause de cet article, de cet adjectif, il nous semble qu'il faut enlever les motifs supplémentaires, qui feraient que la défense serait difficile à faire. C'est dans cette perspective qu'on demande d'enlever "seule".

M. Laurin: Bon! Je vous remercie de votre réponse.

Vous nous recommandez aussi de former des comités de francisation dans toute entreprise qui compte 50 employés et plus. Nous n'avons pas

jugé nécessaire, jusqu'ici, de prévoir des comités de francisation dans toutes les entreprises de 50 employés et plus, bien que nous soumettions cependant toutes ces entreprises à l'obligation de posséder un certificat de francisation. Donc, il devient évident que même si cet outil technique que constitue un comité de francisation n'est pas prévu à la loi, il reste que nous ne renonçons pas à l'objectif que poursuivent les programmes de francisation tels qu'entérinés par les certificats de francisation. Je pense qu'il faut signaler ça au départ.

La loi prévoit aussi, comme l'ancienne loi 22 d'ailleurs, que l'office peut soumettre certaines entreprises de 50 employés et plus au processus de francisation et exiger d'elles un certificat.

Nous pensions, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, à certaines entreprises un peu spéciales où, en effet, une telle obligation pouvait être perçue avec plus d'acuité, en particulier par les employés.

Il y a aussi le nombre des entreprises de 50 employés et plus qu'il faut considérer et les ressources, leur assiette financière qui, dans certains cas, peut laisser à ce point à désirer que les dépenses que postule l'établissement d'un tel comité peut comporter...

Il reste cependant — et je pense que c'est une suggestion que je voudrais vous faire cette fois comme centrale syndicale — que rien n'interdit à un organisme syndical ou à une association de salariés de s'adresser à l'Office de la langue française pour demander que telle ou telle entreprise de moins de 50 employés puisse être soumise à la francisation et rien n'interdit non plus à une organisation syndicale ou à une association de salariés de s'adresser à l'office pour le renseigner sur les conditions qui prévalent dans cette entreprise, même si elle ne possède pas un comité de francisation et je pense qu'étant donné les objectifs fixés dans la loi, les programmes également, l'esprit de la loi, l'office accueillera avec toute l'attention qu'il se doit une pareille demande.

Je me demande, cependant, s'il importe de prévoir davantage et, là aussi, j'aimerais peut-être que vous nous donniez des raisons additionnelles à l'appui de votre demande.

Mme Lalonde: Encore là, une fois ce projet de loi adopté, dans les modalités qui sont prévues là, la francisation effective, dans la réalité vivante, suppose, quant à nous, l'implication active des travailleurs des entreprises. Comme on l'a cru nécessaire dans la santé, par exemple, il nous semble que, pour cette matière, il serait aussi important que les travailleurs soient impliqués activement. Les travailleurs d'une entreprise sont conscients, savent, généralement parlant, les limites des possibilités d'une entreprise et, si le ministre Marois pouvait parler de six millions d'inspecteurs sur la santé au travail, il nous semble important d'impliquer les travailleurs dans cette question autrement que par une éventuelle demande à l'office, dont on sait qu'il aura une tâche importante relativement à cette question. C'est aussi pour cette même raison que nous demandons que ces comités soient paritaires, ce qui suppose, du côté syndical — en tout cas, là où il y aura des syndicats — que nous allons inciter les travailleurs à s'organiser sur ce plan comme sur le plan de la santé, comme sur le plan de l'ensemble des conditions de travail. Parce que encore une fois, si le français ne devient pas la langue du travail, le reste des dispositions est inacceptable pour les travailleurs.

Le Président (M. Dussault): Un instant, s'il vous plaît. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Juste pour vous préciser une chose. Je vois que l'heure avance et quand on arrive à 11 heures et qu'on est obligé d'avoir l'unanimité de la commission pour continuer... J'aimerais savoir si le ministre en a encore pour longtemps, sinon on pourrait peut-être commencer tout de suite à parler de partager le temps entre l'Opposition libérale et nous.

M. Laurin: Oui, je le conçois très bien, M. le Président. Je n'ai qu'une autre question. Une seule, une dernière.

Vous dites que même si vous êtes d'accord qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte du français, vous n'êtes pas d'accord sur la forme, sur la technique que prend le gouvernement pour concilier les deux chartes. Je voudrais vous demander, très brièvement, si vous auriez... J'ai déjà annoncé l'intention du gouvernement d'en arriver à une meilleure formulation que celle qui est actuellement inscrite dans le projet de loi. Je voudrais vous demander si vous avez une suggestion précise à nous formuler.

Mme Lalonde: Non. Nous ne sommes pas des spécialistes de cette question, mais ce qui nous semblait difficilement acceptable c'était de sembler limiter la portée de la Charte des droits et libertés de la personne par cette addition, ce qui semble d'ailleurs affirmer — cette addition — que le présent projet de loi devenu loi ne serait pas compatible avec les dispositions de la charte. Or, il nous semble qu'au Québec on a tellement à consolider — au Québec et ailleurs, mais on parle d'ici — on a tellement à consolider cette question du respect des droits de la personne et en même temps on a tellement à faire en sorte de ne pas laisser penser que de s'affirmer en tant que peuple français ce soit brimant pour d'autres, que pour toutes ces raisons, il n'est pas opportun que ce soit comme cela. Maintenant, quant à vous proposer une formulation précise, nous n'en sommes pas là. Nous pensons que vous êtes fort bien équipés en juristes de toute espèce.

M. Laurin: Merci.

Le Président (M. Dussault): Merci. Je cède la parole à Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. A mon tour, au nom de l'Opposition officielle, je

veux remercier les représentants de la CSN d'être venus à la commission. J'ai quelques questions. Est-ce que vous avez des statistiques à la CSN quant à l'usage du français comme langue de travail? Vous décrivez, en page 5, que pendant trop longtemps les travailleurs n'ont pas pu travailler dans leur langue, que cela a aussi été une cause de leur non-promotion et ceci probablement peut encore jouer, mais quant à la possibilité de travailler en français pour les travailleurs, dans le moment, est-ce que vous avez certaines statistiques? Est-ce que la plupart, maintenant, peuvent travailler dans leur langue ou...

Mme Lalonde: C'est évident qu'on n'a pas ces statistiques parce qu'on aurait fait participer la société québécoise, sauf que notre expérience quotidienne de négociation, par exemple, dans les conditions de travail ne marque pas partout. Il est évident que dans une épicerie à Rimouski, il y a de fortes présomptions que — à Gaspé, cela dépend — la langue de travail soit le français.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, je ne pensais pas à l'exemple particulier que vous venez d'apporter, parce que celui-là je pense que tout le monde est à même de l'observer quand on sort de la grande région métropolitaine d'une façon générale, mais je pensais plus à la grande industrie. Remarquez que ces gens sont peut-être membres de la FTQ.

Je pensais à General Motors — vous ne m'en voudrez pas, je ne sais pas exactement de qui chaque groupe relève — à la grande industrie de la région métropolitaine. Est-ce qu'il y a eu progression et dans quelle mesure, selon votre évaluation, même si elle n'est pas précise, les travailleurs peuvent travailler en langue française?

Mme Lalonde: C'est sûr qu'à la suite, notamment de batailles syndicales, il y a eu des progrès à des endroits. Dans l'industrie du papier, dans le temps, les négociations se déroulaient en anglais. Maintenant, il y a des usines qui sont complètement francisées. Mais tout à fait récemment, à QIT, fer et titane — les travailleurs ne disent pas fer et titane couramment — à QIT, les travailleurs considèrent comme une grande victoire d'avoir négocié une clause de non-discrimination par rapport à la langue. C'est encore un objet de revendication important, différemment ressenti, c'est évident, mais de façon suffisante pour que nous inscrivions ce qu'il y a dans ce rapport.

C'est évident que ce n'est pas la même chose en dehors de la région de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Selon vous, il y aurait encore des industries que vous pourriez — peut-être pas ce soir — identifier comme étant des industries où le travailleur ne peut pas travailler en français?

M. Rioux (Michel): Un exemple de cela s'est passé encore récemment — c'était en 1973 — au chantier maritime de Lauzon. A la suite d'une grève, il y a quatre travailleurs qui ont été congé- diés et l'arbitrage s'est déroulé uniquement en anglais, parce que les contremaîtres de la compagnie, appelés à témoigner, étaient unilingues anglais. Peut-être que la situation s'est rétablie depuis, mais ce n'est quand même pas tellement loin, 1973. C'est un exemple qu'on me souligne. C'est un fait qu'on n'a pas les moyens de compiler ce genre de statistiques, mais pour des faits comme ça, il s'agit de se promener dans des syndicats avec cette pensée en tête et il serait possible d'en colliger un certain nombre, assez rapidement.

Mme Lavoie-Roux: Au bas de la page 5, justement dans ce processus de francisation, vous dites: II faut donner aux personnes qui occupent actuellement un emploi et qui ne maîtrisent pas la langue française, le temps de se recycler et de s'adapter à une situation nouvelle.

Compte tenu de votre expérience dans le monde du travail, existe-t-il, non seulement dans votre esprit, mais peut-être dans les faits, des circonstances où, pour des travailleurs, ce recyclage linguistique serait difficile ou si vous croyez que, sauf des cas d'exception, ce serait possible de recycler tous les travailleurs sur le plan linguistique?

Mme Lalonde: Je pense qu'on peut tenir pour acquis qu'un enseignant de 58 ans, complètement unilingue anglophone pourrait mettre un certain temps avant de pouvoir enseigner en français, si tant est que les statistiques scolaires le menaient là.

Cependant, il nous semble que, dans la très grande majorité des cas, sinon tout le temps, cela sera possible, avec des conditions et des moyens, cependant. On n'a qu'à penser à tous les immigrants qui viennent de partout, de tous les âges, et pour lesquels, y compris à la CECM dans le temps, on avait des classes qui leur permettaient de s'initier au français et à l'anglais, dans le temps, dans les COFI, on a développé des méthodes qui font que nous sommes capables de faire acquérir une connaissance d'usage du français dans des délais qui seraient utiles.

Mais on pense évidemment à assurer cela et c'est au niveau de la réglementation ou des moyens mis en oeuvre par l'office qu'on verra comment le gouvernement entend donner suite à cela, mais il nous semble que c'est possible, dans la très grande majorité des cas.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que l'exemple que vous citez, celui des enseignants, ce sont peut-être d'une certaine façon, les plus privilégiés. Ils sont d'abord dans un milieu où c'est plus facile de mettre des ressources à leur disposition; j'avais davantage en tête les travailleurs de l'industrie.

Mme Lalonde: Je ne pense pas qu'ils soient les plus privilégiés parce que leur instrument de travail étant la langue, posséder une autre langue suffisamment pour communiquer un enseignement, quel qu'il soit, cela peut être compliqué. C'est pour cela que je donnais l'exemple de l'enseignant de 58 ans. Les autres travailleurs, dans l'ensemble, ne sont pas dans cette situation.

Mme Lavoie-Roux: Et quelle mesure...

Le Président (M. Dussault): Un instant, monsieur voudrait aussi répondre à la question.

M. Rioux: Exactement dans cette perspective, l'objectif que nous poursuivons en demandant que les travailleurs, on respecte la situation qu'ils occupent, l'emploi qu'ils occupent, et on demande aussi qu'ils ne soient pas pénalisés, c'est tout à fait le contraire d'une attitude revancharde. C'est tout simplement tenir pour acquise une situation qui était d'une certaine façon, historique, c'est-à-dire que si des Italiens ont appris l'anglais, c'est tout simplement parce que l'anglais leur était apparu comme utile, comme l'a souligné le ministre tout à l'heure.

Prenons un exemple concret, dans les hôpitaux, où la CSN représente plusieurs membres et où, dans l'ouest de Montréal, plusieurs de nos membres sont anglophones, la question n'est pas d'en faire des francophones parfaits du jour au lendemain. Mais on peut, à partir d'un exemple concret comme cela, essayer de se servir d'un peu d'imagination.

Pourquoi ne serait-il pas possible, par exemple, sur les lieux de travail, si on croit vraiment à cette question de la langue, durant les heures de travail, pendant un certain nombre d'heures par semaine, et même avec des travailleurs du lieu, de l'endroit, formés non pas nécessairement pour faire des spécialistes d'avions ou de pelotons, mais pour donner aux travailleurs anglophones ou allophones une connaissance suffisante, courante du français, pourquoi est-ce que ce ne seraient pas les travailleurs sur les lieux de travail, pendant un certain nombre d'heures, qui seraient appelés à former leurs compagnons de travail dans la langue française, pour leur enseigner les rudiments de la langue française? Il est sûr que l'Etat n'a certainement pas les moyens d'affecter 25 000 professeurs, du jour au lendemain, pour enseigner à tous les travailleurs les rudiments de la langue française. C'est peut-être une formule à explorer, il y en aura peut-être d'autres aussi, mais c'est dans une perspective comme celle-là qu'on fait ce genre de représentation.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question.

Le Président (M. Dussault): Un instant! Je m'excuse, à 23 heures le parti de l'Opposition officielle aura utilisé 13 minutes, le parti ministériel 22 minutes et l'Union Nationale n'en aura pas eu encore. Si on continue jusqu'à 23 heures, je devrai conclure à 23 heures que vous êtes prêts à équilibrer les choses, avant que nous ne nous quittions, sinon je devrai arrêter immédiatement la séance.

M. Lalonde: Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président "équilibrer"? Vous voulez dire qu'il faudrait continuer après?

Le Président (M. Dussault): Un peu, pour permettre à chacun de s'être exprimé.

M. Lalonde: Peut-on demander aux invités s'ils sont prêts à être là, demain matin?

Le Président (M. Dussault): Effectivement, il faut, à ce stade-ci, que je vous pose la question. Si on ne terminait pas, est-ce que vous seriez prêts à âtre là demain matin à 10 heures?

Mme Lalonde: Oui.

M. Grenier: Si vous permettez...

Le Président (M. Dussault): Si vous nous dites que vous pouvez être là demain matin à 10 heures, je continuerai jusqu'à 23 heures et, à 23 heures, je lèverai la séance jusqu'à demain matin.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ...afin de clarifier, vous avez toujours besoin que tous les partis se fassent entendre pous savoir vers quoi on se dirige, je pense que si le Parti libéral termine une de ses dernières questions, il y aura certainement moyen d'avoir le consensus pour qu'on puisse terminer après 23 heures pour les quelques minutes, afin de libérer, même s'ils sont prêts...

Le Président (M. Dussault): Avons-nous le consentement unanime? On nous signifie qu'on n'aura pas le consentement unanime. A 23 heures, nous lèverons la séance jusqu'à demain, 10 heures.

M. Lalonde: Nous autres, M. le Président, aurions été prêts à concourir à un consentement unanime.

M. Laplante: C'était à vous autres de concourir à 20 heures.

M. Lalonde: On voit où est l'intolérance. Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît!

M. Grenier: Un instant, M. le Président! Est-ce que je dois comprendre que le député de Bourassa vient de dire qu'il ne donne pas son consentement pour terminer ce soir?

Le Président (M. Cardinal): M. le député... M. Laplante: Au nom du côté ministériel.

Le Président (M. Cardinal): Ne faites pas un débat, s'il vous plaît. J'aurais pu simplement indiquer qu'en vertu de l'avis de la Chambre, nous devions ajourner à 23 heures.

Je veux simplement demander par politesse à ces gens qui sont ici depuis un temps que j'ignore s'ils sont encore désireux de vivre dans cette capitale du Québec.

Mme Lalonde: La question étant ainsi posée, nous pouvons répondre oui.

Le Président (M. Cardinal): Alors, nous vous reverrons demain à 10 heures. Restez là, s'il vous plaît, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Ecoutez, c'est simplement pour déplorer le fait que j'aurais voulu, et je pense que nos invités, nos témoins étaient prêts à continuer peut-être pour une dizaine de minutes. J'ai l'impression que le gouvernement avait à peu près terminé. Le Parti libéral a à peu près terminé. Nous avions des questions pour cinq ou six minutes.

M. Laurin: Si tous les partis sont terminé dans dix minutes, c'est bien sûr qu'on serait prêt à libérer.

M. Grenier: Oui, c'est cela que...

Mme La voie-Roux: II me reste une toute petite question.

M. Lalonde: Ils ont refusé.

M. Laplante: On a refusé de continuer jusqu'au bout, nous autres, parce qu'il vous restait encore une demi-heure, ensemble.

Mme Lavoie-Roux: Non, on venait de dire que...

M. Grenier: On vient de faire entendre qu'on a cinq ou six minutes.

M. Laplante: Si vous vous donnez une limite de huit à dix minutes, je pense qu'on est d'accord là-dessus.

M. Grenier: Cela va.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela qu'on avait dit.

M. Lalonde: Je comprends que le député de Bourassa revient sur sa parole.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Laplante: On n'a pas demandé d'argument là-dessus, c'est un consensus qu'on est capable de faire.

Le Président (M. Cardinal): D'après les notes que j'ai devant moi, il pourrait rester 25 minutes d'audition.

M. Grenier: Quatre ou cinq minutes, M. le Président, de notre côté.

Mme Lavoie-Roux: Monsieur...

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, nous avons déjà tenté ceci. Je ne me suis opposé à au- cune proposition. Nous avons déjà tenté ceci et j'ai constaté que, lorsqu'on demande à certains députés de résumer leurs interventions pour que chacun des partis s'exprime, parce que je veux que chacun des partis puisse s'exprimer, je n'aurais aucune objection à demander un consentement jusqu'à 23 h 15, mais il faudra, à ce moment, qu'aucun parti, d'une part, ne se sente brimé, Mme le député de L'Acadie, et, d'autre part, n'abuse de la situation. J'ai déjà vécu ceci, je dois le dire, malheureusement. Or, à nouveau, je dis que, si les partis veulent s'en tenir à 15 minutes d'audition en se restreignant chacun, je suis prêt à demander ce consentement. Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Des Voix: Consentement.

M. Lalonde: M. le Président, si vous m'accordez 15 secondes, au cas où on arrive à 11 h 15 et que vous n'auriez pas eu le temps de me donner le droit de parole, est-ce que vous allez, de toute façon, indiquer quels seront les invités demain?

Le Président (M. Cardinal): Oui, je le fais toujours en fin de soirée. Alors, est-ce que j'ai un consentement pour 15 minutes avec une collaboration très spéciale de chacun des partis, puisqu'il leur reste 25 minutes, ce qui est impossible en 15 minutes?

M. Lalonde: De l'Opposition officielle, oui, vous l'avez.

Mme Lavoie-Roux: On vous assure de notre collaboration.

Le Président (M. Cardinal): Bon!

M. Lalonde: 15 minutes.

Mme Lavoie-Roux: II me reste une toute petite question.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire si, parmi vos membres, vous avez un certain pourcentage d'anglophones ou de non-francophones ou de non-anglophones, d'allophones, comme on les appelle, justement?

Quand vous présentez un mémoire comme celui-ci, est-ce que vous avez un moyen de consultation auprès de ces membres?

Mme Lalonde: La position de la CSN sur la langue date de 1969. Elle a été discutée dans des conseils, dans des congrès, si bien que pour ce présent mémoire, on n'a pas eu besoin de faire une tournée générale. De toute façon, on n'en aurait pas eu le temps, mais les positions ont été amplement discutées sur cette question.

Mme Lavoie-Roux: Au niveau des assemblées générales.

Mme Lalonde: Pardon?

Mme La voie-Roux: Au niveau des assemblées générales.

Mme Lalonde: Nous supposons que les délégués font les débats, mais les positions étant connues, quand elles sont de nature litigieuses, la structure de la CSN est ainsi faite qu'il y a toutes sortes de moyens pour que nous en soyons informés.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, vous avez sept minutes, mais réduites par l'entente.

M. Grenier: Pas de problème! On va essayer de terminer en moins de sept minutes. Je voudrais faire savoir à nos invités qu'ils ont un mémoire qu'il aurait été pénible de ne pas avoir devant nous. Je dois vous dire que vous êtes placés un peu comme l'Union Nationale. Vous êtes le 60e mémoire et nous, on est toujours en troisième position pour vous poser des questions qui sont sou-ventefois posées par, ou bien le gouvernement, ou bien le Parti libéral.

Vous avez un mémoire qui répète peut-être des choses qu'on a entendues. Cela ne vous enlève pas de mérite, remarquez bien. Cela prouve une chose, c'est que vous n'êtes pas moins intelligents que les autres qui sont venus, peut-être davantage, puisqu'il a peut-être été préparé avant d'autres, mais il a eu le défaut de passer après. C'est la raison pour laquelle nous, de notre côté, nous avons des questions qui, parfois, sont coupées par d'autres personnes qui les posent. On se rend compte que vous donnez un éclairage ici, ce soir, sur plusieurs points qui n'ont pas été apportés, puisque vous vous situez au niveau de la pratique courante, de la pratique du travailleur, principalement du Québec, que plusieurs autres mémoires ne nous ont pas amené. J'aurais aimé avoir plus de temps pour l'étudier plus à fond et pour faire appel à l'étude que fait la CSN sur laquelle vous vous basez pour dire que les solutions de la CSN sont celles qui nous arriveront tout à l'heure à la page 9. Elles sont fort intéressantes et fort différentes de bien d'autres qui nous ont été proposées. J'aurai une question à vous poser là-dessus.

J'aimerais savoir si les chiffres que vous amenez, jusqu'en 1971, bien globalement — bien sûr, on n'ira pas dans les détails et on ne demandera pas à des démographes de nous fournir des chiffres — mais est-ce que vous sentez que de 1971 à 1977, le travailleur francophone est aussi... n'a certainement pas autant de difficultés, mais voyez-vous, à l'exemple d'autres mémoires, une amélioration vraiment sensible ou est-ce à peine sensible?

Il semble y avoir un courant... Depuis 1971, il y a une amélioration. Tout le monde semble s'entendre là-dessus. Il y a moins de difficultés. Le langage parlé est plus facile. Il semble y avoir, en plus du merveilleux travail qu'ont fait les syndi- cats — c'était peut-être le temps qu'ils fassent quelque chose — il y a aussi un sentiment, un courant général qui fait que la langue parlée... C'est plus facile d'avoir la langue parlée pour les francophones.

Mme Lalonde: Par rapport aux statistiques, il est difficile de répondre par des sentiments ou des impressions. Alors, je ne le ferai certainement pas.

M. Grenier: Mais vous avez des points de repère quand même.

Mme Lalonde: Je ne le ferai certainement pas. Il est évident que les batailles qu'on a faites sur la langue depuis 1969, qui ont soulevé des échos — et même en 1966 — un peu partout, quant à nous, ont donné certains résultats, mais nous exprimons clairement qu'il est important d'aller plus loin pour faire vraiment en sorte que le français devienne la langue du travail. Il nous semble que la meilleure réponse est que, relativement à la question de l'enseignement, par exemple, si le français était vraiment la langue de travail, vraiment la langue dans laquelle on ne s'exprime pas seulement, par exemple, dans les corridors du Hilton à Montréal, mais dans l'hôtel aussi... J'en passe et des meilleures... Il nous semble qu'on n'aurait pas les problèmes qu'on a relativement à la langue de l'enseignement et c'est cela qui peut être inquiétant. D'ailleurs, dans les représentations faites par plusieurs, il y a cette insistance sur la langue de l'enseignement qui manifeste qu'ils ont l'impression que rien ne changera relativement à la langue de travail.

Si la langue de travail était véritablement le français, tous auraient intérêt à en avoir la plus grande connaissance possible.

M. Grenier: Merci. Vous avez, à la page 5 — je passe un peu rapidement; vous voyez que notre temps est assez limité — des données de 1961 jusqu'en 1971, alors que vous avez une espèce de comparaison entre le travailleur italien et le travailleur francophone.

J'imagine que vous allez me dire qu'il y a eu encore un changement entre 1971 et 1977, mais ce changement est-il palpable pour les francophones?

M. L'Heureux: On n'a pas de statistiques récentes là-dessus pour le Québec, sauf qu'en gros, je pense que l'écart, sauf dans le secteur public et avec les améliorations qu'il y a eu depuis dans ce secteur, a dû se maintenir assez sensiblement. On aurait pu ajouter aussi une statistique qu'on avait ici. Il y a quelques mois encore, globalement, dans la plupart des secteurs, comparativement à l'Ontario par exemple, les salaires au Québec sont généralement — je dis généralement, il y a des exceptions — inférieurs pour le même emploi à ceux payés en Ontario. C'est une histoire.

On a chiffré cela, cette année, à un coût inférieur pour les travailleurs québécois de $500 millions en salaires. Si vous prenez, par exemple, un secteur comme le textile, qui est une industrie très

importante pour le Québec, installée en prédominance au Québec, je vais donner un cas très précis. A la Celanese à Drummondville, comparativement à l'usine de Kingston, Ontario, c'est le même type d'usines, mais il y avait un écart de salaires et il reste actuellement un écart du salaire qui va de $1.50 à $2 l'heure pour les mêmes usines de Celanese. On constate aussi le déplacement des emplois vers le textile synthétique en Ontario, qui paie plus aussi en Ontario qu'ici. Globalement, je pense bien que les travailleurs québécois ont subi des injustices à ce point de vue.

M. Grenier: Merci, M. L'Heureux. Je ne vous poserai pas de question, mais je signale quand même en passant qu'on en arrive à la toute dernière. A la page 7, vous signalez — c'est la première fois qu'on se fait dire cela ici — qu'il y a une différence assez importante entre le droit d'exiger des communications écrites et des communications orales. C'est un point qui me taquinait tout le temps. Je me disais: Dans des industries, est-ce possible de nos jours qu'un "foreman" s'adresse encore à un francophone en anglais? Vous le signalez à la page 7. C'est peut-être que cela existe encore. Si on avait plus de temps, ce serait intéressant d'en entendre parler. J'aime que vous l'ayez rapporté, c'est la première fois que cela nous arrive. A la page 9, vous avez une proposition. Il m'intéresserait de vous entendre parler plus longuement. On n'aura pas le temps, je pense que le président me regarde déjà, et vous avez deux choses. Sur les articles 1 et 2, j'aurais aimé vous rencontrer; si je le peux, je le ferai immédiatement après, s'il me reste un peu de temps pour vous demander votre assentiment. Vous laissez entendre, au paragraphe 1, que l'enseignement au primaire pourrait être fait dans la langue maternelle. Je ne sais pas si vous vous rangez avec cette école de pensée qui prétend que la langue d'apprentissage s'apprend mieux au primaire qu'au secondaire. J'aurais aimé avoir votre avis, mais je pense que cela va être une longue question, et j'aurais aimé connaître pourquoi. Est-ce à cause du danger de la majorité qui est menacée que vous avez dit, au paragraphe 2, qu'il ne devrait pas y avoir de subvention aux universités non francophones? Est-ce que vous pouvez y répondre brièvement? Je peux les rencontrer.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Enfin, il nous reste six minutes et il y a quand même deux députés qui ont demandé la parole. Vous savez que nous allons ajourner...

M. Grenier: M. le Président, si vous le permettez, je n'exigerai pas de réponse, j'irai rencontrer madame ou monsieur immédiatement après et j'aurai un entretien de quelques minutes, cela me suffira, pour mon parti, pour nous aider à éclairer notre position.

Le Président (M. Cardinal): Vous êtes rempli d'aménité, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le député de Gaspé veut compléter en laissant la place à un autre député?

M. Le Moignan: Je vais prendre 30 secondes. Le Président (M. Cardinal): Tout de suite.

M. Le Moignan: A la page 10, je vois une suggestion.

A moins d'erreur, je crois que c'est la première fois qu'il est proposé que l'Office de la langue relève de l'Assemblée nationale. Cette suggestion est très intéressante. En même temps, il y aurait peut-être lieu, après avoir regardé cette page, de faire une suggestion pour que cette recommandation soit retenue et prolongée par une autre-, et ceci concerne l'article 68: "L'office est dirigé par un président nommé par le gouvernement pour au plus dix ans". Nous avions pensé à ceci: L'office est dirigé par un président et deux vice-présidents, l'un venant du monde des travailleurs et l'autre venant du monde patronal et nommés par l'Assemblée nationale après consultation, un peu comme cela se fait pour le Protecteur du citoyen.

Dans ce sens, je trouve que votre remarque a une très grande valeur et je crois que vous êtes les premiers à le signaler. J'y suis allé d'un petit commentaire, mais j'ai terminé, M. le Président, mon intervention.

Le Président (M. Cardinal): Merci, je peux vous accorder deux ou trois minutes.

Mme Lalonde: Ce qui nous semblait important à ce chapitre, c'est la recommandation qu'on fait — celle que vous amenez, on pourrait y penser quant à nous — de faire en sorte que les représentants qui siègent au conseil consultatif soient nommés par les organismes et donc puissent être retirés par ces organismes; il nous semble que cela serait un principe important à affirmer. On y tiendrait décidément.

M. Le Moignan: Merci.

Le Président (M. Cardinal): Pour terminer, et brièvement, s'il vous plaît, parce que je dis tout de suite que j'aurai certains renseignements à fournir aux membres de la commission et à nos invités, M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Merci, M. le Président. Je voudrais, puisque l'occasion m'est donnée, saluer dans la vice-présidence de la CSN celle qui fut la présidente de ma propre fédération syndicale. La charte de la langue ne sera, à toutes fins pratiques, pour les travailleurs du Québec, qu'un outil qui leur sera donné pour pouvoir continuer la lutte qu'ils ont entreprise déjà depuis fort longtemps.

A tout prendre, il faut être bien réaliste, le véritable débat sur la langue va commencer au lendemain de sa sanction. C'est donc un outil qui est mieux adapté, mieux rodé aux circonstances et je voudrais qu'en partant, vous sachiez bien que ce

n'est pas la victoire des travailleurs québécois qui est assurée automatiquement par la Charte de la langue.

Je sais que, malgré toutes les prévisions du législateur, vous aurez encore grand-peine à assurer le combat localement, à la pièce, individu par individu, témoin après témoin, enquête après enquête, peut-être bien. Ce que je souhaite, à la limite, c'est que le tout se fasse dans un climat d'harmonie, d'une certaine santé, de telle sorte que les travailleurs y trouvent finalement un peu plus de dignité. Je vous remercie, au nom du parti ministériel, de votre patience et d'avoir présenté ce mémoire.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Terrebonne. Est-ce que vous avez un mot à ajouter?

Mme Lalonde: S'il vous plaît! L'ensemble de nos considérations, notamment sur la langue du travail, est justement inspiré par ce fait que la loi, même adoptée, n'est toujours qu'un papier qui reconnaît des droits, des droits qui ne se transforment en réalité vivante que quand, notamment, la grande majorité de la population que sont les travailleurs décidera de les faire respecter.

C'est pourquoi nous insistons pour que l'ensemble des dispositions sur le travail les implique au premier chef. C'est décidément seulement un instrument. Quant à nous, si nous saluons le geste que pose le gouvernement, nous continuerons à surveiller les moyens qu'il mettra vraiment en oeuvre pour que la langue de travail devienne le français. Autrement, je le répète, même les dispositions relativement à la langue d'enseignement pourraient se révéler injustes. C'est un mouvement historique effectivement qui, quant à nous, est lourd de responsabilités. De notre côté, on s'engage à faire tout ce qu'on peut au niveau de l'activité des travailleurs organisés sur cette question et nous vous assurons de notre surveillance pleine et entière du gouvernement sur cette question.

J'ai souligné, dans l'exposé de départ, une interrogation relativement à la liberté complète et entière de choix au niveau des CEGEP et de l'université. Dans la mesure aussi où la langue de travail deviendra la langue française, cette liberté pourra être moins problématique.

Mais dans la mesure où elle ne le deviendrait pas, nous pourrions nous trouver dans la situation où, à partir du moment où quelqu'un accède à l'étape sociale du technicien et plus, au statut, plutôt, de technicien et plus, il pourrait accéder à un monde qui est différent alors que, pour le monde ordinaire, il n'en serait pas ainsi. Nous ne pourrions pas être d'accord avec une telle vision des choses. C'est dans la mesure, encore une fois, où la langue de travail est le français et c'est donc dans la mesure où on fait tout pour qu'il en soit ainsi que ce projet est cohérent et conforme à l'intérêt des travailleurs.

La position de notre congrès là-dessus est claire, c'est le français au Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, madame.

Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai présumé du consentement de la commission pour continuer ce débat au-delà de 23 h 15. Je vous remercie, Mme Francine Lalonde, ainsi que ceux qui vous accompagnent, comme représentants de la CSN, et cela au nom de toute la commission. Je vous remercie pour tout, cela veut tout dire, dans les circonstances, et j'indique immédiatement que, suite à l'avis du leader parlementaire du gouvernement, nous entendrions, demain l'Ordre des ingénieurs, mémoire 230, le Congrès juif canadien, mémoire 112, le Grand conseil des Cris, mémoire 101 et, sur ce, marci... Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vois qu'il n'y a que trois organismes demain. Nous avons quand même sept ou huit heures de prévues. Est-ce qu'il y a d'autres organismes qui ont été invités pour vendredi?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'ai déjà répondu souvent à cette question. Vraiment, je n'en sais rien.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre pourrait nous éclairer là-dessus?

Le Président (M. Cardinal): S'il désire répondre.

M. Laurin: Je m'informerai.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ...demain, les heures prévues sont de 10 heures à 13 heures, normalement de 16 heures à 18 heures, et de 20 heures à 23 heures. Vous pouvez peut-être enlever une demi-heure à 16 heures, si vous le désirez.

Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez peut-être enlever plus qu'une demi-heure pour les deux motions.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, vous ne saviez pas ce soir qu'il y aurait ces deux motions?

Le Président (M. Cardinal): Non, madame.

Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il alors que, certains jours, on a convoqué jusqu'à sept groupes au moins et que, demain, avec le même nombre d'heures, on n'en convoque que trois?

Le Président (M. Cardinal): Madame, je regrette, vous savez que j'ai répondu souvent à cette question, on me la pose tous les jours, je vous dis que je n'ai vraiment rien à faire dans le problème, si c'en est un, des convocations...

M. Grenier: II y aurait anguille sous roche? M. Lalonde: M. le Président...

M. Grenier: J'avais demandé...

M. Lalonde: La réponse du ministre a peut-être été un peu drôle, mais on ne rit pas du monde comme cela. On est ici pour travailler. S'il le sait, c'est lui qui le sait et personne d'autre. Alors, je ne la trouve pas du tout sérieuse.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous savez comment j'ai tenté de ne jamais participer au débat. J'aimerais savoir combien d'organismes nous avons entendus aujourd'hui?

Mme Lavoie-Roux: Aujourd'hui, ce fut une journée plus courte que les autres, vous l'avez fait remarquer vous-même, M. le Président. Le mercredi, nous arrêtons à midi. Vous avez même averti les invités de ce matin que, le mercredi après-midi, il fallait toujours compter que ce soit plus court que les autres jours.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez raison, Mme le député de L'Acadie. Sur ce, on peut conti- nuer à interroger le président, qui ne saura que répondre, encore une fois.

M. Lalonde: Je comprends que le ministre ne sait pas s'il va y avoir des invités vendredi.

M. Laurin: Non, pas encore.

Le Président (M. Cardinal): Sur ce, est-ce que je puis remercier tout le monde et dire que...

M. Grenier: Ce n'est pas cela qu'on appelle exactement la transparence, je pense?

Des Voix: Non! Non!

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! Ne commencez pas à cette heure un débat, parce que je vais tout simplement me lever, mais je suis trop poli pour le faire immédiatement. Je déclare tout simplement que les travaux de la commission parlementaire sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 20)

ANNEXE 1

LA CHAMBRE DE COMMERCE DU DISTRICT DE MONTRÉAL

Projet de loi no 1 Charte de la langue française au Québec

Observations et propositions

présentées à la Commission parlementaire de

l'éducation, des affaires culturelles

et des communications

Montréal, mai 1977

Le texte de ces commentaires a été approuvé par le Conseil d'administration, lors de sa réunion régulière du 19 mai 1977, et constitue l'opinion officielle de la Chambre.

la Chambre de commerce du district de Montréal

La Chambre de commerce du district de Montréal, fondée en 1886 et inco.rporée en vertu du chapitre de la loi 58-59 Victoria, est, depuis le 8 novembre 1967, constituée par lettres patentes en corporation sous le régime de la Partie II de la Loi sur les corporations canadiennes.

Elle compte, en 1977, environ 1 200 membres individuels et plus de 4 000 délégués des sociétés adhérentes qui sont, elles-mêmes, au nombre de 800.

La Chambre de commerce du district de Montréal a pour but de contribuer à l'essor économique et à la prospérité du milieu dans le respect des valeurs humaines et sociales de la communauté. La Chambre centre son activité sur le développement et l'éducation économiques des citoyens du milieu métropolitain, ceux de langue française en particulier. De plus, à cause de sa position au sein de la communauté, elle s'intéresse aussi à des questions économiques et sociales de plus grande envergure. Elle touche donc au développement des intérêts de toute la collectivité québécoise dont Montréal constitue à bien des égards le principal élément moteur. Par son action communautaire, la Chambre contribue au progrès de tous les citoyens, qu'ils soient membres ou non de la Chambre.

Introduction

La Chambre de commerce du district de Montréal choisit de voir dans le projet de loi No I une volonté gouvernementale d'assurer la sécurité linguistique et culturelle de la communauté francophone du Québec. Il est peu probable qu'entre optimistes et pessimistes on en vienne à s'ntendre sur l'état exact de la situation, dont plusieurs croient cependant qu'elle appelle des redressements. La Chambre, pour sa part, souscrit à l'intention énoncée dans le Livre Blanc et que le projet de loi No I vise à actualiser "de protéger et de développer dans sa plénitude une culture originale: un mode d'être, de penser, d'écrire, de créer, de se réunir, d'établir des relations entre les groupes et les personnes, et même de conduire les affaires".

Déjà, en 1969 et en 1973, la Chambre avait fait des observations dont le législateur, dans la loi sur la langue officielle de 1974, a dans une certaine mesure tenu compte, notamment au chapitre de la langue de travail. La Chambre avait dit croire que la cause fondamentale des problèmes auxquels devait faire face la majorité francophone du Québec, qu'il s'agisse de problèmes sociaux, économiques ou linguistiques, était le contrôle par la minorité anglophone des plus importantes entreprises économiques. De telle sorte que, pour normaliser la situation sociale et économique des francophones du Québec et, par là, changer quelque chose au statut de la langue française, il fallait d'abord assurer un meilleur équilibre des forces au sein de ces entreprises. "L'important, disions-nous, est d'assurer, dans la mesure du possible, qu'à partir de maintenant, au Québec, la langue française et la langue anglaise aient toutes deux la place qui leur revient dans le secteur économique, tout comme dans les autres secteurs d'activité, et surtout qu'aucun Québécois ne soit handicapé par son appartenance à un groupe linguistique plutôt qu'à l'autre et que tous aient des chances égales de réussir..."

Nous continuons de croire cette approche valable; elle soustendra d'ailleurs bon nombre des considérations que nous ferons à l'endroit du projet de loi No I. Constatant toutefois le caractère démesuré de certains moyens proposés pour redresser une situation que nous avons nous-mêmes dénoncée, nous avons utilisé trois critères spécifiques dans notre analyse et évaluation du projet de loi: en quoi telle mesure du projet de loi concourt-elle de façon nécessaire ou opportune à la protection et à la promotion de la langue française au Québec? en quoi telle mesure concourt-elle de façon nécessaire ou opportune à la promotion économique des Québécois francophones? dans quelle mesure, dans le cadre d'une loi statuant sur certains droits collectifs de la majorité, les dispositions retenues tiennent-elles compte des libertés individuelles et du "droit de cité" des minorités?

La Chambre de commerce du district de Montréal accepte qu'une loi que l'on veut efficace puisse comporter des obligations et des contraintes, pourvu que soient respectés les critères fondamentaux de justice et d'équité déjà évoqués et que ces mesures paraissent nécessaires et les mieux ordonnées à la réalisation des objectifs poursuivis, une fois ces derniers convenablement définis et reconnus légitimes et opportuns.

Redresser des torts est une entreprise délicate et semée d'embûches; c'est encore en respectant les exigentes perspectives que nous avons évoquées que l'Assemblée nationale pourra adopter un projet de loi modifié plus apte à rallier le plus grand nombre de citoyens, sans distinction quant à leurs diverses appartenances et allégeances.

Dans les limites de notre compétence, et nous en tenant règle générale à des dispositions que nous aimerions voir modifier, nous nous référerons par la suite aux articles du projet de loi, signalant à l'occasion certains qui nous paraissent particulièrement bien inspirés.

Charte de la langue française au Québec Préambule

L'Assemblée nationale constate que la langue française est, depuis toujours, la langue du peuple québécois et que c'est elle qui lui permet d'exprimer son identité.

Proposition "L'Assemblée nationale constate que la langue française est, depuis toujours, la langue de la majorité au Québec, que c'est elle qui lui permet d'exprimer son identité et qu'elle a vocation de langue commune à tous les Québécois".

Explication

Dans sa formulation actuelle, le préambule fait une distinction implicite entre citoyens: ceux qui

sont du peuple québécois et ceux qui n'en sont pas, selon que la langue française est ou non leur langue.

Recourir à une telle distinction nous paraît carrément contre-indiqué, trop de dispositions du projet de loi prenant dès lors un caractère indûment menaçant et vexatoire.

En partant d'une telle prémisse dès le préambule du projet de loi, on fonde abusivement l'érosion appréciable des assises institutionnelles de la culture des anglophones à laquelle donnerait lieu son adoption dans sa formulation actuelle.

Titre premier — Chapitre III

La langue de la législation et de la justice

Art. 7.

Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec.

Art. 8.

Les projets de loi sont rédigés en français; ils sont, en français, déposés à l'Assemblée nationale, adoptés et sanctionnés.

Art. 9. Est seul officiel le texte français des lois du Québec.

Art. 10. Une version anglaise des textes de loi est imprimée et publiée par les soins de l'Administration.

Art. 11.

Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires; elles plaident devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à plaider en langue anglaise.

Art. 12.

Tout intéressé a droit que soient rédigées en français les citations, sommations, mises en demeure et assignations décernées par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires ou expédiées par les avocats exerçant devant eux.

Art. 13.

Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française du jugement est officielle.

Proposition

Reformuler le contenu du chapitre et n'y conserver que deux dispositions, l'une prévoyant que le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais (ou la version anglaise), l'autre ré-éditant l'actuel article 12.

Explication

Seul l'article 12 nous paraît d'une portée pratique appréciable, et dans le sens du respect des droits de la personne. Toutes les autres dispositions du chapître ne protègent rien en pratique et sont inutiles pour atteindre des objectifs autres que symboliques. Considérant qu'au demeurant certaines dispositions de ce chapître prêtent flanc à un doute très sérieux au plan constitutionnel, il vaudrait mieux revenir à la simple disposition prévue à l'article 2 de la loi sur la langue officielle de 1974 tout en retenant l'évidente mesure d'équité que constitue l'article 12 de l'actuel projet de loi.

L'article 2 de la loi sur la langue officielle de 1974 se lit comme suit: "En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais".

Art. 19.

Nul ne peut être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'Administration s'il n'a de la langue officielle une connaissance appropriée à la fonction qu'il postule.

Cette connaissance doit être prouvée suivant les prescriptions des règlements du gouvernement, lesquels peuvent pourvoir à la tenue d'examens et à la délivrance d'attestations.

Commentaire

Cet article repose à nos yeux sur un principe et une pratique inattaquables: pour être nommé, muté ou promu à une fonction, il faut répondre à toutes les exigences de la fonction, y compris les compétences linguistiques légitimement requises. Ce principe inscrit à l'article 30 se retrouve, dans une formulation différente, à l'article 37. Ce que nous tenons à signaler ici, c'est que lorsqu'évoqué dans le contexte protectionniste de l'article 37, il faudra tenir compte de l'intention d'une disposition de ce genre qui est essentiellement fonction du service au public, au client, au consommateur...

Art. 20.

Les services et organismes de l'Administration communiquent entre eux dans la langue officielle.

Proposition

Ajouter un deuxième alinéa: "Les organismes municipaux ou scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise peuvent cependant communiquer entre eux en anglais". ainsi qu'en troisième et quatrième alinéas, les dispositions des deuxième et troisième alinéas (modifiés comme suit) de l'actuel article 23: "Tout administré de ces organismes a toutefois le droit d'exiger d'eux, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, que soient rédigés en français les textes et documents qui lui sont destinés ou auxquels il a légalement accès". "Dans les organismes scolaires, le français et l'anglais peuvent être utilisés comme langue de communication interne des services chargés d'organiser ou de donner l'enseignement en anglais".

Explication

II y aurait lieu de prévoir ici une exception pour les organismes municipaux et scolaires à majorité anglophone. Certes un délai raisonnable est prévu à l'article 23, et on pourrait alléguer qu'il n'est pas nécessaire de prévoir des exceptions là où le bon sens devrait prévaloir et que personne n'entend ré-éditer en sens inverse les situations ridicules où deux francophones ont été trop souvent amenés dans le passé à communiquer entre eux en anglais. Mais est-ce bien le cas? La Chambre estime tout compte fait qu'il vaut mieux prévoir l'exception pour ces organismes à majorité anglophone, la provision du 2e alinéa de l'article 23 pouvant fort bien constituer la règle permanente sans que les ressortissants francophones de ces organismes ne s'en trouvent le moindrement lésés; agir autrement, ce que fait le projet de loi, c'est, sous prétexte de se mieux retrouver dans un Etat et une société au "visage français", affaiblir inutilement le caractère anglais d'une "institution".

Titre premier — Chapitre V

La langue de certains organismes parapublics Art. 25

Les services de santé, les services sociaux, les entreprises d'utilité publique et les ordres professionnels doivent offrir leurs services au public dans la langue officielle; ils doivent également utiliser la langue officielle pour s'adresser à l'Administration.

Art. 26

Tout intéressé peut exiger des services de santé, des services sociaux et des entreprises d'utilité publique qu'ils émettent dans la langue officielle les avis, communications, formulaires et imprimés destinés au public; le présent article s'applique également aux titres de transport.

Art. 27

Les ordres professionnels doivent communiquer en français avec leurs membres ainsi qu'avec le public.

Proposition

Modifier comme suite à l'article 26. "Sur demande de tout intéressé, les services de santé, les services sociaux et les entreprises d'utilité publique émettent dans la langue officielle les avis, communications, formulaires et imprimés destinés au public; le présent article s'applique également aux titres de transport".

Explication

Sans altérer le sens de l'article, notre proposition vise à créer une obligation pour les services en cause et à indiquer que c'est par la voie d'une demande, comme cela se pratique le plus souvent, que les intéressés font connaître leur attente de recevoir ces diverses communications périodiques ou occasionnelles en langue française. L'exigence et son efficacité n'en sont pas atténuées pour autant, et l'intéressé paraît moins placé en position de quémandeur.

Commentaire

La Chambre note avec satisfaction que l'on fait droit, aux articles 25 à 27, aux réclamations trop souvent non satisfaites du public francophone, et ce sans exclusive inutile qui interdirait de communiquer aussi en anglais ou dans toute autre langue, refoulant de plus en plus l'usage de ces langues au seul domaine privé, ce à quoi nous nous objecterions.

Titre premier — Chapitre VI

La langue du travail Art. 33

Tout membre du personnel d'un employeur a le droit d'exiger que soient rédigées en français les communications écrites qui lui sont adressées par ce dernier.

Proposition "Tout employeur rédige en français les communications écrites destinées aux membres francophones de son entreprise et aux autres membres qui auront logé une demande à cet effet".

Explication

En créant l'obligation pour l'employeur, on évite de placer les employés dans la position de perpétuels quémandeurs, dont le droit conféré à l'article 33 ne s'exercerait pas nécessairement sans encombre. Les membres non francophones de l'entrepise qui voudraient recevoir ces communications écrites en français peuvent facilement signifier leur demande à cet effet, comme cela se pratique couramment dans les communications des entreprises avec leur clientèle et le public auquel elles s'adressent. Tel est le sens de notre proposition, qui pourrait recevoir le cas échéant une forme juridique jugée plus appropriée.

Art. 36

II est interdit à tout employeur de congédier ou rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée, autre que le français.

Toute contravention au présent article, en plus de constituer une infraction à la présente loi, autorise le salarié à faire valoir ses droits auprès d'un commissaire-enquêteur nommé en vertu du Code du travail, au même titre que s'il s'agissait d'un congédiement pour activités syndicales; les articles 14 à 19 du Code du travail s'appliquent alors, mutatis mutandis.

Proposition

Ajouter au premier alinéa: "En cas de congédiement ou de rétrogration suite à des changements technologiques, à des changements de marché, ou à une réduction des effectifs, il incombe à l'employeur de prouver que la connaissance d'une autre langue devient nécessaire pour l'accomplissement de la fonction redéfinie et de l'emploi disponible auquel cas, pour les fins du présent article, l'interdiction est levée".

Explication

L'intention ici est de protéger l'employé francophone contre une décision arbitraire de son employeur qui invoquerait un motif de compétence linguistique. Si tel employeur avait l'intention de cacher derrière ce motif d'autres raisons, la disposition de l'article 36 l'obligera tout simplement à les formuler, permettant ainsi à tous les intéressés d'en évaluer le bien-fondé. Mais quel sens faudra-t-il donner à l'expression "pour la seule raison", dans le contexte de l'évolution d'une entreprise? Si, par exemple, des changements technologiques ou encore des contractions de certains de ses marchés nécessitaient une réduction des effectifs d'une entreprise, doit-on comprendre que les francophones unilingues, ou encore les moins compétents en "langue autre", seraient les plus protégés de façon absolue? Dans une conjoncture donnée, tel poste, telle fonction peuvent ne pas requérir la connaissance d'une langue autre que le français; un changement, présumément non temporaire, de la conjoncture pourrait faire que l'accomplissement de la même tâche nécessite désormais la connaissance suffisante d'une autre langue. Il y a donc lieu de prévoir au premier alinéa de l'article 36 qu'il incombe à l'employeur de prouver, en dérogation à la règle, que la connaissance d'une autre langue devient nécessaire pour l'accomplissement de la même tâche.

Art. 37

II est interdit à tout employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance d'une langue autre que le français, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite la connaissance de cette autre langue, conformément aux règlements adoptés à cet effet par l'Office de la langue française.

Il incombe à l'employeur de prouver que la connaissance de l'autre langue est nécessaire.

Proposition

Ajouter au premier alinéa: "Dans l'entreprise où la tâche nécessitant la connaissance d'une langue autre que le français n'est pas impartie en permanence et en exclusivité à une personne mais doit être assumée selon les disponibilités par l'un ou l'autre membre du personnel, il est loisible à l'employeur d'exiger d'un certain nombre de ses employés la connaissance d'une autre langue, pourvu que le nombre de ces employés ne dépasse pas les besoins de fonctionnement de l'entreprise".

Explication

L'entreprise, surtout petite ou moyenne, a rarement recours au concept des postes tel que l'utilise la Fonction publique et elle s'en accommodera que difficilement, et encore, si on le lui impose sous une forme ou sous une autre. Pour un grand nombre de ces entreprises, notamment à Montréal et dans le secteur des services, ce dont l'employeur a absolument besoin c'est d'une capacité de transiger dans une autre langue, habituellement l'anglais, chez une proportion plus ou moins importante de ses employés. C'est donc ce qu'il faut prévoir dans la loi, quitte à préciser les modalités par règlements.

Commentaire

Le sens de cet article, modifié ou non selon notre proposition, se comprend et se défend bien. Il reste que son application sera source de grande lourdeur administrative et d'incompréhension bureaucratique. La pratique des affaires rend hautement souhaitable sinon indispensable de pouvoir répondre au client dans sa langue, de telle sorte que la connaissance d'une autre langue peut légitimement devenir critère d'embauche; et ceci ne s'applique pas nécessairement qu'à la langue anglaise.

Si les règlements de l'Office allaient viser à interdire que ne soient vérifiées les aptitudes linguistiques des candidats là où la fonction n'est pas reconnue comme exigeant la connaissance d'une "autre langue", l'effet pourrait être d'inciter les employeurs à embaucher systématiquement des anglophones dont ils auraient vérifié par ailleurs une connaissance suffisante de la langue française. Comment parler alors de chances égales de réussite pour tous les Québécois, quelque soit leur appartenance à un groupe linguistique plutôt qu'à un autre...

L'appel est donc au plus grand soin à apporter aux règlements et politiques de l'Office en cette matière.

Titre premier — Chapitre VII

La langue du commerce et des affaires

Art. 41 Est reconnu aux consommateurs le droit d'être informés en français dans tous les cas suivants:

désignation des biens et services, offre, présentation, publicité écrite ou parlée, mode d'emploi, étendue et conditions de garantie.

Les mêmes dispositions s'appliquent aux catalogues, dépliants et brochures, aux étiquettes et inscriptions de caractère permanent, ainsi qu'à tout texte accompagnant les biens offerts au public.

L'Office de la langue française peut réglementer l'utilisation d'autres langues, sous réserve que le français domine ou à tout le moins figure d'une façon aussi évidente que toute autre langue.

Commentaire

Nous tenons à signaler que l'approche retenue, notamment au 3e alinéa, nous paraît excellente.

Art. 45

Est reconnu à toute personne le droit d'exiger que soient rédigés en français les bons de commande, factures, reçus et quittances qui lui sont présentés ainsi que les menus et cartes de vin.

Proposition

Reformuler comme suit l'alinéa: "Doivent être rédigés en français les bons de commande, factures, reçus et quittances ainsi que les menus et cartes de vin".

Ajouter à la fin du même alinéa: "L'utilisation simultanée d'autres langues n'est pas interdite, sous réserve que le français domine ou à tout le moins figure d'une façon aussi évidente que toute autre langue".

Explication

Cet article ne nous paraît pas comporter d'exclusive, tout en prescrivant l'usage du français; à ce double égard, une excellente mesure. Il y a cependant lieu de prévoir, comme au 3e alinéa de l'article 41, que le français domine ou à tout le moins figure d'une façon aussi évidente que toute autre langue.

Quant au premier alinéa tel qu'actuellement libellé à l'article 45, il vaut mieux créer l'obligation explicitement que de conférer un droit qui place le client dans une position de quémandeur.

Art. 46

L'affichage commercial doit se faire uniquement en français.

Par "affichage", on entend l'action d'exposer un texte à la vue du public aussi bien que le texte ainsi exposé, quelles qu'en soient la forme, la dimension ou la nature, le support matériel qui soutient le texte, ainsi que tout panneau-réclame et toute enseigne lumineuse, sous réserve toutefois des exceptions prévues aux règlements de l'Office de la langue française et portant notamment sur: a) les messages de caractère international; b) les messages destinés aux étrangers, à des particuliers en tant que tels ou à des groupes restreints; et c) les messages destinés à des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français.

Proposition

Reformuler comme suit le premier alinéa: "L'affichage commercial doit se faire en français, ou à la fois en français et dans une autre langue propre à la communauté locale, sous réserve que le français prédomine ou figure d'une façon aussi avantageuse".

Explication

Cet article pose la question de l'affichage à l'intention des divers groupes ethniques. L'objectif de faire, de Montréal notamment, une ville au visage largement français est louable, et même économiquement rentable si l'on pense à l'attrait touristique; mais n'est pas moins intéressant un certain visage cosmopolite de la métropole, si ce n'était de l'abus de l'unilinguisme anglais et d'un bilinguisme anglais-français parfois lourd et de mauvais goût. La juste mesure est difficile à atteindre et ne règlemente pas qui veut le bon goût!

Notre proposition vise néanmoins à généraliser l'utilisation du français dans l'affichage public et à lui accorder du même coup la prédominance, toute autre langue ne pouvant atteindre, même à la limite, qu'une parité de traitement circonscrite géographiquement dans certaines localités à concentration anglophone ou allophone.

Art. 48.

Les raisons sociales doivent être en langue française.

Quiconque utilise une raison sociale en infraction au présent article doit la modifier ou la faire modifier avant le (insérer ici la date qui suit de trois ans celle de l'entrée en vigueur de la présente loi).

Le présent article s'applique également à l'enregistrement des raisons sociales effectué en vertu de la Loi des déclarations des compagnies et sociétés (Statuts refondus, 1964, chapitre 272).

Proposition

Modifier comme suit le premier alinéa: "Les raisons sociales des compagnies incorporées au Québec doivent être en langue française. Les raisons sociales peuvent néanmoins être accompagnées d'une version anglaise".

Explication

La Chambre continue de préférer l'approche de l'article 30 de la loi de 1974; en effet, tel qu'actuellement libellé, l'article 48 peut poser des problèmes d'application en ce qui concerne les entreprises constituées sous le régime de lois autres que les lois du Québec et la loi sur les corporations commerciales canadiennes. Il n'est pas assuré que les précisions apportées au premier alinéa de l'article 50 permettraient de résoudre certains cas particuliers d'image de marque d'entreprises connues mondialement sous leur nom d'origine. On peut enfin imaginer une certaine incongruité dans le cas, par exemple, de petites entreprises aux propriétaires de langue maternelle autre que française.

Titre premier — Chapitre VIII

La langue de l'enseignement Art. 51.

L'enseignement se donne en français dans les écoles maternelles, primaires et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au présent chapitre.

Cette disposition vaut pour les écoles régies par la Loi de l'instruction publique (Statuts refondus, 1964, chapitre 235) et pour les organismes scolaires régis par la Loi de l'enseignement privé (1968, chapitre 67) et déclarés d'intérêt public ou reconnus admissibles à des subventions en vertu de cette dernière loi.

Commentaire

L'éducation relève de la compétence exclusive des provinces. La constitution du pays confère toutefois des droits en éducation aux confessions religieuses catholique et protestante; en matière d'éducation, elle ne comporte pas de garanties linguistiques. Il reste que le Québec est une province du Canada où sont maintenues depuis des générations, pour des raisons historiques et sociologiques, des écoles anglaises et des écoles françaises; le critère d'accès le plus normal a ces écoles est d'être de langue maternelle anglaise ou française respectivement, et d'appartenir de ce fait à l'une ou l'autre culture, que l'on soit installé au pays depuis des générations ou que l'on vienne d'y immigrer. Il n'est pas déraisonnable de concevoir que les immigrants allophones puissent avoir la liberté d'opter pour l'école française ou anglaise, deux écoles qui ont pleinement droit de cité et que l'on choisit librement en fonction de ses aspirations et de sa situation personnelle. Il n'est enfin pas répréhensible en soi que francophones et anglophones, se prévalant d'une situation de fait et d'une liberté appréciable et appréciée, puissent choisir pour un temps plus ou moins prolongé de fréquenter l'école de l'autre groupe. C'est cet ordre de chose qui a longtemps prévalu et c'est la situation qu'en principe la Chambre continue de préférer.

Mais les principes qui président à l'organisation de la chose publique ne sont pas des absolus, immuables dans l'espace et dans le temps; sans porter atteinte arbitrairement à ces principes, sans égard au processus démocratique et aux règles constitutionnelles, il est de la responsabilité du pouvoir politique dans sa compétence législative de les ordonner au bien commun, en tenant compte tant des droits de la personne que des droits collectifs, tant de la majorité que des minorités. Or on alléguait que la majorité francophone du Québec risquait de se trouver en minorité dans son Etat provincial, à moyen ou à long terme, si devait se maintenir la tendance de l'immigration à s'intégrer à la communauté anglophone, notamment en empruntant le chemin de l'école anglaise.

On sait que dans une première intervention gouvernementale en 1973, un redressernent appréciable a été amorcé par la mise en application d'un volet spécifique du plan de développement de l'enseignement des langues. Alors que la plus grande part des crédits de ce programme quinquennal de $100 millions allait à des mesures ordonnées à l'amélioration de l'enseignement du français langue maternelle, ainsi qu'à l'amélioration des langues secondes (français et anglais), des crédits suffisants

étaient alloués pour offrir à tous les enfants d'immigrants l'accès à la maternelle et pré-maternelle française dans des conditions qui ont effectivement constitué une incitation efficace. Dans la courte période qui a précédé l'adoption de la loi de 1974, donnant lieu à deux rentrées scolaires, la tendance vers l'intégration des enfants d'immigrants aux écoles anglaises était renversée, et l'on pouvait constater un taux de passage très élevé (80% et plus) de ces enfants de la maternelle française aux classes élémentaires françaises des commissions scolaires. On peut regretter que cette expérience ait fait place aux prescriptions de la loi de 1974 avant qu'elle ne puisse donner des résultats probants quant à ses effets à terme.

La loi de 1974 visait, par un critère relativement objectif mais combien difficile d'application, à limiter l'accès aux classes anglaises aux seuls enfants dont la connaissance suffisante de la langue anglaise indiquerait qu'à toutes fins utiles ils étaient déjà intégrés au groupe anglophone. A fortiori, les anglophones de la langue maternelle, d'où qu'ils viennent, étaient assurés de pouvoir fréquenter l'école anglaise, sans pour autant interdire l'école française à ceux qui la choisiraient ou l'avaient effectivement déjà choisie. Enfin, la loi de 1974 faisait obligation au ministre de l'Education d'assurer l'enseignement de l'anglais et du français au titre de langue seconde, voire, dans le cas du français, la connaissance (présumément suffisante) de cette langue, langue officielle du Québec.

Aujourd'hui, alors que la situation a évolué d'une façon difficilement réversible, la Chambre se rallie à la position du Conseil supérieur de l'Education dont l'avis ne saurait être écarté que pour des motifs extrêmement sérieux, dont le bien-fondé appellerait une démonstration probante.

Nous nous référons explicitement aux alinéas 4 et 8 du texte (Février 1977) de la recommandation du Conseil supérieur de l'Education au ministre de l'Education, qui se lisent comme suit:

Aux niveaux élémentaire et secondaire, le Conseil recommande l'adoption du principe suivant: la langue d'enseignement au Québec est le français pour tous ses résidents et pour tous ceux qui viendront s'y établir, sauf pour les enfants de langues maternelles amérindiennes ou inuit et pour les enfants de langue maternelle anglaise.

Les enfants qui se trouveront déjà inscrits dans des écoles de langue anglaise au moment de la promulgation de la loi pourront continuer de les fréquenter si leurs parents le demandent; leurs frères et soeurs pourront les y suivre.

A tout événement, la Chambre loge avec la plus grande fermeté deux réclamations que lui dictent les critères qu'elle s'est donnés pour analyser le projet de loi et sa conception de la sagesse politique dans le traitement de nos concitoyens canadiens des autres provinces. Ces réclamations sont les suivantes: que le projet de loi soit modifié pour inclure des dispositions analogues à celles que l'on retrouvait à l'article 44 de la loi de 1974; qu'il n'y ait pas de distinction faite entre résidents canadiens des autres provinces et résidents canadiens du Québec. Ce dernier résultat sera acquis si l'on adopte, comme nous le demandons également, la solution proposée par le Conseil supérieur de l'Education. Quant à l'enseignement du français et de l'anglais au titre de langue seconde, s'il s'impose comme allant de soi, il demeure opportun d'en spécifier l'obligation dans le texte de la loi, car il s'agit bien d'une reconnaissance officielle de portée aussi pratique que symbolique. La population, notamment à Montréal, réclame depuis longtemps une consécration adéquate d'un engagement efficace en matière d'enseignement de l'anglais et du français au titre de langue seconde.

Les dispositions de l'article 44 de la loi de 1974, voire l'exigence encore plus nette de la proposition du Conseil supérieur de l'Education en ce qui regarde l'anglais langue seconde, donneraient suite à cette réclamation de la population en ce qui a trait à l'enseignement des langues secondes.

Loi sur la langue officielle (1974)

Article 44 — Les programmes d'études doivent assurer la connaissance de la langue française, parlée et écrite, aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise, et le ministre de l'Education doit prendre les mesures nécessaires à cet effet.

Le ministre de l'Education doit également prendre les mesures nécessaires pour assurer l'enseignement de la langue anglaise, langue seconde, aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue française.

Avis du C.S.E. (Février 1977)

Article 11 — L'enseignement du français et de l'anglais, langues secondes doit être promu. 11.1 — Danses écoles de langue anglaise, les programmes d'étude assureront aux finissants du cours secondaire, comme une condition d'obtention du certificat, une connaissance d'usage du français. 11.2 — Dans les écoles de langue française, les programmes d'étude assureront aux finissants du cours secondaire, comme une condition d'obtention du certificat, une connaissance d'usage de l'anglais.

Art. 52.

Par dérogation à l'article 51, peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère: a)les enfants dont le père ou la mère a reçu, au Québec, l'enseignement primaire en anglais: b)les enfants qui, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont domiciliés au Québec, et

Proposition

Modifier comme suit le sous-alinéa b): "les enfants qui, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont domiciliés au Québec ou ailleurs au Canada, et"

Explication

En proposant, ici comme aux articles 55, 57 et 58, une modification au chapitre VIII sur la langue de l'enseignement, la Chambre n'abandonne ni ne limite en rien ses réclamations principales antérieurement formulées; elle indique qu'advenant une fin de non recevoir à ses propositions principales, certains articles du chapitre, notamment l'article 52, devraient être modifiés.

Les motifs de notre proposition, succinctement: la mobilité interprovinciale n'est pas telle qu'elle puisse menacer dans un avenir prévisible notre sécurité culturelle de communauté francophone; les Québécois francophones, lorsqu'ils s'établissent dans d'autres provinces canadiennes, s'attendent à la réciprocité, savoir, pouvoir inscrire leurs enfants dans les écoles françaises là où elles existent.

Art. 55

Le gouvernement peut, par règlement: a)statuer sur la procédure à suivre lorsque des parents invoquent l'article 52 et sur les éléments de preuve que ces derniers doivent apporter à l'appui de leur demande: b) prévoir un appel des décisions des organismes scolaires et des personnes désignées par le ministre portant sur l'application de l'article 52.

L'appel prévu ci-dessus est interjeté auprès d'une commission d'appel instituée à cette fin par le ministre. La décision de la commission d'appel est sans appel.

Proposition

Modifier le premier alinéa pour qu'il se lise comme suit: "Le gouvernement doit, par règlement:"

Explication

Dans une matière de cette importance, un droit d'appel s'impose, devant un organisme dont la compétence et l'intégrité devront être évidentes.

Art. 57.

Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut être délivré à l'élève qui n'a du français, parlé et écrit, la connaissance exigée par les programmes du ministère de l'éducation.

Proposition

Insérer, entre les mots "connaissance" et "exigée", l'expression suivante: "au titre de langue première ou de langue seconde selon le cas"

Ajouter un deuxième alinéa: "Le ministre de l'Education doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l'enseignement de la langue anglaise, langue seconde, aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue française et l'enseignement du français, langue seconde, aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise".

Explication

Même s'il est légitime et opportun de stipuler, comme le faisait l'article 44 de la loi de 1974, que les élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise doivent parvenir effectivement à un degré donné de connaissance de la langue française, parlée et écrite, le contexte (comme c'était le cas à l'article 44 de la loi de 1974) ou le texte (dans le cas de l'article 57, qui se présente différemment) doit indiquer qu'il s'agit d'un degré de connaissance associé à l'apprentissage d'une langue première ou d'une langue seconde selon qu'il s'agit respectivement d'élèves recevant l'enseignement en langue française ou en langue anglaise.

Art. 58.

Le présent chapitre ne s'applique pas aux personnes qui, aux conditions fixées par règlement du gouvernement, sont de passage au Québec ou y séjournent pour un temps limité.

Proposition

Ajouter à la fin de l'alinéa, après le mot "limité" à faire suivre d'une virgule: "ne dépassant pas cinq ans sauf lorsque la date de fin de séjour est préditerminée et n'implique pas une prolongation de plus de 3 ans".

Explication

Nous convenons qu'il est difficile de statuer sur ce qui, compte tenu des intentions de la présente loi, constitue la durée raisonnable "d'un temps limité; il ne sera pas plus facile d'y parvenir dans un règlement, bien qu'il soit plus simple dans ce dernier cas d'apporter des modifications à la lumière de l'expérience. Dans la perspective d'une certaine garantie de stabilité bien nécessaire tant pour les institutions que les personnes, il nous paraît néanmoins préférable d'inscrire la durée de ce temps limité dans le texte même de la loi.

Les règlements édictés en vertu de cet article devront sans doute préciser par ailleurs à quels critères et conditions on reconnaîtra qu'une personne n'est que de passage au Québec ou encore qu'elle n'y séjournera pas au-delà de la période prévue.

Titre premier — Chapitre IX

Dispositions diverses Art. 61.

Les avis de l'Administration dont une loi prescrit la publication en français et en anglais peuvent néanmoins être publiés uniquement en français.

De même, les avis de l'Administration dont une loi prescrit la publication dans un journal de langue française et dans un journal de langue anglaise peuvent être publiés uniquement dans un journal de langue française.

Commentaire

On doit certes prêter à l'Administration sens commun et bonne foi; mais le pouvoir discrétionnaire qui lui est ici laissé à l'égard de dispositions précises d'autres lois laisse le citoyen dans le doute quant à l'accès à des informations dont diverses lois lui disent qu'elles lui seront communiquées en anglais et dans un journal de langue anglaise. Ne vaudrait-il pas mieux tout simplement retirer cette exigence des textes de loi où l'obligation ne paraîtrait plus indiquée? Là où cette exigence d'une publication en langue anglaise ne paraîtra plus fondée, le droit des citoyens à l'information pourrait bien dicter la publication dans deux journaux de langue française.

Titre deuxième — Chapitre II

L'Office de la langue française section première Constitution et composition

Art. 67. Il est institué un Office de la langue française

Commentaire (article 67 et suivants)

La Chambre déplore vivement le caractère bureaucratique et non représentatif de l'Office de la langue française. Etablir par voie de l'Assemblée nationale un cadre législatif est une chose, en confier

l'application de certaines dispositions cruciales à un fonctionnaire dont l'activité n'est sujette qu'au recours très aléatoire prévu au quatrième alinéa de l'article 147 en est une autre! Il nous paraîtrait tellement plus sage de protéger davantage administrés et Administration en conférant à l'Office une légitimité plus évidente en lui donnant une structure de type collégial, comme on l'avait fait pour la Régie de la langue française.

L'Office exercera des pouvoirs considérables, dont certains demeureraient démesurés même s'ils étaient réservés à un organisme largement représentatif; voir, à titre d'exemple, le pouvoir de fermer littéralement une entreprise en interdisant son approvisionnement en électricité (article 106b). Cette contrainte abusive qu'il pourrait paraître opportun de faire peser sur une entreprise présumée "de mauvaise foi", a-t-on pensé à ce qu'elle compte d'odieux et de démotivant pour toutes les autres? Et que dire du climat coercitif et punisseur qu'elle instaure?

La Régie de la langue française, dont les cadres supérieurs ont su travailler en étroite relation avec les milieux d'affaires, a réussi à créer un climat de confiance qui déjà accélérait le rythme des réalisations intéressantes. C'est un témoignage qu'il convient de leur rendre, observant tout à la fois que la loi de 1974 leur établissait un cadre d'opération favorable. La haute direction de la Régie a mérité la confiance des milieux d'affaires; comme personnes, elles la conserveraient, mais jusqu'à quel point le nouveau cadre d'opération ne viendrait-il pas contrecarrer leurs efforts?

C'est dire, à plus forte raison, comment s'avère irrecevable pour la communauté des affaires la remise de tels pouvoirs aux mains d'un seul homme, fut-il un fonctionnaire de la plus haute compétence et de la plus grande intégrité. Au moins l'apparence de l'arbitraire ne saurait manquer d'être évoquée, quand ce ne seront des accusations de comportement plus ou moins dictatorial.

La légitimité de l'Office ne saurait reposer que sur un homme seul, quelles qu'en soient les qualités; c'est davantage une question de structures, qui doivent être convenablement collégiales et représentatives.

SECTION II POUVOIRS

Art. 75.

L'Office: h) reconnaît, pour l'application de l'article 23, les organismes municipaux et scolaires y visés, ainsi que les services qui, dans les organismes scolaires, sont chargés d'organiser ou de donner l'enseignement en anglais.

Commentaire

On y fonde le pouvoir considérable et virtuellement arbitraire de "reconnaître" les organismes municipaux et scolaires où il y aura "majorité de langue anglaise". N'y aurait-il pas là un objet de compétence de type judiciaire, relevant à ce titre d'un tribunal?

Proposition

Ajouter une disposition conférant à l'Office le pouvoir spécifique de prendre de concert avec l'Administration, ou de faire prendre par les services appropriés de cette dernière, toutes mesures nécessaires pour en arriver à une concertation efficace dans la mise au point de certains produits et instruments de travail en langue française.

Explication

II s'agit ici d'une entreprise de "normalisation" que la P.M.E., agissant en ordre dispersé, ne serait aucunement en mesure d'exiger des grands fournisseurs; on pense ici, à titre d'exemple, a du matériel informatique, certes disponible en français mais non standardisé, alors que le produit équivalent en langue anglaise est normalisé internationalement.

SECTION IV LA COMMISSION DE TOPONYMIE

Art. 90.

La Commission procède à l'inventaire et à la conservation des noms de lieux, vérifie la documentation officielle et, dès qu'elle le juge utile, dénomme les lieux géographiques ou en approuve la dénomination.

Dans les territoires organisés, la Commission ne change les noms de lieux qu'avec l'assentiment des autorités municipales concernées.

Commentaire

Nous tenons à signaler à l'égard du 2e alinéa qu'il s'agit là d'une disposition prudente et rassurante.

SECTION III PROGRAMMES ET CERTIFICATS DE FRANCISATION

Art. 106.

Toute entreprise de cinquante salariés ou plus, même d'utilité publique, doit, à compter de la date déterminée conformément à l'article 109, justifier de la possession d'un certificat de francisation délivré par l'Office. Sous réserve de tout recours pénal, l'entreprise doit justifier de la possession d'un pareil certificat: a) pour avoir le droit de recevoir de l'Administration les permis, primes, subventions, concessions ou avantages déterminés par règlement du gouvernement, ou b) pour conclure avec l'Administration ainsi qu'avec les services de santé, les services sociaux, les entreprises d'utilité publique, les universités et les collèges d'enseignement général et professionnel les contrats d'achat, de vente, de service, de location ou de transport public déterminés par règlement du gouvernement.

Proposition

Modifier le sous-alinéa b) pour le faire porter exclusivement sur les transactions et les diverses parties mentionnées au premier alinéa de l'article 28 de la loi de 1974.

Explication

Nous n'offrons pas un projet précis de rédaction, compte tenu de la difficulté pour des non-spécialistes de tenir compte des incidences particulières tant de l'actuel article 106 que de l'article 28 de la loi de 1974.

Tout en maintenant une contrainte, nous proposons d'éliminer toute disposition qui entraînerait nécessairement la fermeture d'une entreprise, ce qui serait le cas si celle-ci se voit refuser, entre autres choses, certains services d'utilité publique, électricité et gaz notamment.

SECTION III PROGRAMMES ET CERTIFICATS DE FRANCISATION

Art. 109.

Le gouvernement peut, par règlement, établir des catégories d'entreprises suivant le genre d'activités et l'importance du personnel et, pour chacune des catégories ainsi établies, fixer la date à laquelle les certificats de francisation deviennent exigibles, déterminer les modalités d'émission de ces certificats et statuer sur les conditions que doivent remplir les entreprises les possédant.

Le gouvernement peut, de la même façon, adopter des critères permettant de reconnaître les entreprises comme appartenant à la catégorie des entreprises de cinquante salariés ou plus ou à celles des entreprises de cent salariés ou plus et, à cette fin, définir les expressions "entreprise" et "salarié".

Commentaire

II vaudrait mieux que ces règlements et critères soient déposés avant l'adoption de la loi, voire que les expressions "entreprise" et "salarié" soient définies dans le texte même de la loi.

Art. 111.

L'Office peut exiger de toute entreprise de moins de cinquante salariés qu'elle procède à l'élaboration et à l'implantation d'un programme de francisation.

L'Office doit faire chaque année au ministre un rapport des démarches qu'il a ainsi faites et des mesures prises par les entreprises.

Proposition

Modifier le premier alinéa comme suit: "L'Office, qui a préalablement motivé son intervention par écrit auprès du ministre et de l'entre-

prise, peut exiger de toute entreprise de moins de cinquante salariés qu'elle procède à l'élaboration et à l'implantation d'un programme de francisation".

Ajouter, à la fin du deuxième alinéa: "L'Office fait aussi état de son intervention dans son rapport annuel".

Explication

Ici il nous paraît grave et contre-indiqué que l'on puisse viser des entreprises de petite taille, de 50 employés ou moins, alors que le Livre blanc, pour des motifs satisfaisants, prétendait qu'on n'y réglementer; it pas la langue interne de travail (Livre blanc, PP 42 et 53). Le Livre blanc disait bien "cas exceptionnel '; or rien n'indique ce caractère exceptionnel à l'article 111.

Art. 112.

Les programmes de francisation adoptés et appliqués par les entreprises conformément aux articles ci-dessus doivent permettre d'atteindre les objectifs suivants: a) une connaissance satisfaisante de la langue officielle chez les dirigeants et le personnel; b) l'augmentation du nombre de Québécois à tous les niveaux de l'entreprise, y compris au sein du conseil d'administration et au niveau des cadres supérieurs, de manière à assurer la généralisation de l'utilisation du français: c) l'utilisation du français dans les documents de travail de l'entreprise, notamment dans les manuels et les catalogues; d)l'utilisation du français dans les communications internes et dans les communications avec la clientèle, les fournisseurs et le public;

Proposition

Que l'article 112b) soit libellé comme suit: "l'augmentation, à tous les niveaux de l'entreprise, y compris au sein du Conseil d'administration et au niveau des cadres supérieurs, du nombre de résidents du Québec ayant une connaissance d'usage de la langue officielle, de manière à assurer la généralisation de l'utilisation du français".

Explication

La Chambre insiste pour que l'on substitue à "Québécois" la précision apportée par le ministre Laurin devant le C.D.E., savoir, "résidents du Québec en autant qu'ils aient une connaissance d'usage du français".

Art. 113.

Les programmes de francisation doivent tenir compte des relations de l'entreprise avec l'étranger et du cas particulier des sièges sociaux établis au Québec par des sociétés ou entreprises dont l'activité s'étend hors du Québec.

Proposition

Insérer entre les mots "particulier" et "des sièges sociaux" les mots: "de certaines unités de production à haute technologie, des centres de recherche industrielle et".

Explication

Avant même la publication du Livre blanc, la Chambre a mené une réflexion sur la situation de la recherche industrielle au Québec et notamment dans la région de Montréal; elle a commandité auprès de ressources particulièrement compétentes en la matière l'élaboration d'un dossier en vue des délibérations de son congrès du 9 au 12 juin 1977. Il ressort de cette démarche que les centres de recherche industrielle constituent des instruments de développement importants, qui ajoutent aux avantages comparatifs de Montréal comme foyer d'activité industrielle; or, à l'instar des sièges sociaux, ces unités spécialisées requièrent des dispositions spéciales en matière de pratique linguistique si l'on entend préserver leur fonctionnement optimal et leur offrir des avantages comparatifs moins disponibles ailleurs, notamment en termes de diversité linguistique et culturelle. Il en va de même pour certaines unités de production à haute technologie.

Commentaire

II y aurait également lieu de considérer comme siège social pour les fins du présent article

certains "bureaux dvisionnaires" dont l'activité s'étend hors du Québec. Certains bureaux d'achat de grandes entreprises qui desservent plus d'une province tombent dans cette catégorie; il faudrait à tout le moins que l'on tienne compte de cette particularité au moment d'établir leur programme de francisation.

Art. 114.

Toute entreprise de cent salariés ou plus doit, avant le (date qui suit de trois mois l'entrée en vigueur de la présente loi), instituer conformément aux règlements un comité de francisation dont au moins le tiers des membres sont nommés par les associations de salariés accréditées pour représenter les salariés de l'entreprise; en l'absence de pareilles associations ou d'entente entre les associations, ces membres sont élus par l'ensemble des salariés de l'entreprise.

Commentaire

La Chambre considère inutile et nettement contre-indiqué le comité de francisation prévu à l'article 114 lorsqu'il s'agit d'une entreprise qui est à l'évidence francophone, souvent d'ailleurs de notoriété publique. A défaut d'en prévoir l'exemption, on encourra, tant dans l'entreprise qu'à l'Office, des pertes de temps et d'argent appréciables et encore plus injustifiables si l'on pense à ce que cela pourra représenter à l'échelle de la province.

Là où le comité de francisation pourra jouer un rôle utile, ce qui en motive la mise en oeuvre, il conviendrait que les membres en soient désignées par l'employeur, qui aura l'obligation de voir à ce que sa composition reflète les divers échelons de l'entreprise. Il n'y a pas lieu de privilégier un seul modèle de participation et sans exclure celui qu'imposerait l'article 114, que certaines entreprises pourraient vouloir adopter de leur propre chef, il faut signaler que l'implantation d'un programme de francisation est essentiellement une opération de gestion, qui relève de la responsabilité de l'entreprise et qu'il n'y a pas lieu de faire émarger au domaine des relations de travail.

Titre troisième

La commission de surveillance et les enquêtes Art. 121.

Une Commission de surveillance de la langue française est instituée.

La Commission de surveillance est dirigée par un président et est formée de commissaires-enquêteurs, d'inspecteurs et de tous autres fonctionnaires et employés jugés nécessaires.

Commentaire (article 121 et suivants)

Force nous est de constater à l'article 121 et suivants que la Commission de surveillance présente les mêmes caractères bureaucratiques et non représentatifs que l'Office lui-même; ils n'y sont guère plus acceptables. Il pourrait peut-être en aller autrement si la Commission dépendait directement d'un Office qui aurait le caractère collégial et représentatif de la Régie établie par la loi de 1974.

Titre quatrième

Le conseil consultatif de la langue française Art. 147.

Le Conseil doit donner son avis au ministre sur les questions que celui-ci lui soumet touchant la situation de la langue française au Québec.

Il peut aussi, moyennant l'approbation préalable du ministre, entreprendre l'étude des questions se rattachant à la langue et effectuer ou faire effectuer les recherches qu'il juge utiles ou nécessaires.

Le Conseil peut recevoir et entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes sur les questions visées au présent article.

Il peut aussi recevoir les observations de toute entreprise sur la façon dont l'Office de la langue française applique les programmes de francisation prévus par la présente loi, et faire rapport au ministre.

Le Conseil peut informer le public sur les questions individuelles ou collectives concernant la langue au Québec.

Commentaire

II semble bien y avoir, au 4e alinéa, une intention d'octroyer un certain recours aux entreprises. Cependant, compte tenu des pouvoirs considérables conférés par la loi à l'Office — que l'on pense par

exemple à l'octroi des permis — c'est un véritable droit d'appel qu'il faudrait plutôt instaurer. La Chambre le réclame formellement.

Titre sixième

Dispositions transitoires et finales Art. 172.

L'article 52 de la Charte des droits et libertés de la personne (1975, chapitre 6) est modifié par l'addition à la fin, après le mot "Charte", des mots "ou à moins qu'il ne s'agisse de la Charte de la langue française au Québec (1977, chapitre insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no 1)".

Commentaire

La Chambre estime inconcevable que l'on accorde préséance à la Charte de la langue française au Québec sur la Charte des droits de la personne. Si besoin est— et nous n'en sommes pas à ce point convaincus — que l'on modifie plutôt la Charte des droits de la personne, car les dispositions de ce document fondamental ne sauraient être contredites ou amenuisées par aucune disposition externe, sous peine de laisser entendre que les personnes ne sont plus, au Québec, inviolables dans leurs droits les plus fondamentaux, dont la Charte des droits de la personne doit constituer la codification exemplaire.

ANNEXE 2

MÉMOIRE

de la Confédération des syndicats nationaux

sur le

Projet de loi no 1 Charte de la langue française au Québec

juin 1977

C'est une histoire fascinante que celle de ce peuple français d'Amérique du Nord, de cette colonie française conquise et devenue colonie anglaise au moment où d'autres arrachaient leur indépendance, provincialisée après avoir tenté l'indépendance et maintenant agitée, mal à son aise dans le carcan d'une fédération anglaise.

Ce n'est pourtant pas un miracle, il n'y en a pas en histoire.

Privés de tout pouvoir économique et politique par la conquête, les Français d'Amérique se sont multipliés en français sur leurs terres, profitant de la proximité des colonies récalcitrantes du sud pour récupérer leurs droits linguistiques en 1774.

En dépit des marchands anglais de Montréal, de quelques gouverneurs clairvoyants, les gestes politiques que Londres a posés, liés à l'attachement à la terre des Canadiens, qui sont devenus Canadiens-français vers 1840, ont fait en sorte que dans cette colonie anglaise se forme un peuple français pourtant sans aucune prise sur l'économie et auquel on abandonnera en 1867 un pouvoir politique réduit, un pouvoir régional.

Le développement de l'économie capitaliste moderne et la crise de l'agriculture ont amené les francophones en ville où ils ont dû apprendre l'anglais pour travailler pour les mêmes patrons que les loyalistes et les immigrants irlandais et bien d'autres qui viendront plus tard. Le départ vert l'ouest et les Etats-Unis de nombreux Québécois francophones, la diminution du rythme de natalité, l'urbanisation, les immigrants attirés par la recherche de la réussite, le contrôle de la presque totalité des leviers économiques par les employeurs anglais et américains ont fait en sorte que le peuple français de 1760 est entraîné dans un processus d'assimilation irréversible si des gestes concrets ne sont pas posés maintenant.

Plus près de nous

Cet envahissement, cette domination de fait de la langue anglaise, certains gouvernements ont réagi en voulant la confirmer par la loi, en la reconnaissant de droit. Nous avons connu, il y a huit ans, la loi 63, adoptée malgré les protestations véhémentes de tout un peuple qui avait trop bien vu le danger. Ce fut ensuite, il y a trois ans, la loi 22, elle aussi entreprise de bilinguisation et d'anglicisation rejetée

massivement par tout ce que le Québec peut compter de forces vives, mais quand même maintenue par un gouvernement prisonnier des intérêts étrangers.

Dans la position adoptée par la CSN à l'époque des discussions autour de la loi 22, on pouvait lire, en conclusion:

Nous aurions été trop heureux de saluer sur cette question fondamentale de la langue un gouvernement, quel qu'il fût, qui eût montré par un projet de loi son intention de s'engager, sans trop brusquer les choses mais décisivement tout de même, dans la voie de la reconnaissance nationale. Ce n'est pas le cas. Nous sommes en présence d'un gouvernement de la démission et de la vente en bloc du patrimoine québécois, âmes et biens, au bénéfice de l'étranger.

On y trouvait aussi la constatation suivante:

Nous répétons... que la pente imprimée à l'histoire par le gouvernement en matière de langue nous conduit non seulement à notre disparition comme peuple, mais à notre subordination massive aux étrangers et aux déchéances morales, économiques et sociales qui attendent les peuples réduits à une condition de minoritaires, les travailleurs ne devant pas échapper aux conséquences de cette décadence, bien au contraire. La bourgeoisie seule garderait des chances individuelles d'échapper au sort commun.

La question de la langue, on peut le constater, nous a toujours touchés de très près parce qu'elle compte tellement dans la vie quotidienne de centaines de milliers de travailleurs.

Aujourd'hui, la CSN est heureuse devant ce projet de loi symboliquement numéroté 1, de constater la volonté du gouvernement de mettre un frein à la domination spécifique des travailleurs francophones en tant que travailleurs francophones. Le gouvernement semble vouloir assurer de droit que la langue française soit un outil efficace et collectif de formation, d'expression et de communication au lieu d'être la seule langue de la culture et de la résistance.

Nous reconnaissons que le gouvernement et le ministre responsable ont su faire preuve de lucidité, de fermeté et de courage sur cette question. Un courage qui a été et qui sera encore nécessaire pour que soit menée à bien cette entreprise de redonner à un peuple la fierté d'être soi-même.

Nous avons été heureux de constater que le gouvernement et le ministre responsable ont compris, contrairement aux régimes précédents, l'urgence d'une intervention énergique de l'Etat sur la question de la langue.

(Nous nous sentons d'autant plus à l'aise de souligner le courage du gouvernement en cette matière que nous n'avons pas manqué, en tant qu'organisation syndicale, de souligner à maintes reprises la timidité des gestes posés par le présent gouvernement dans d'autres domaines qui ont, eux aussi, une grande importance pour les travailleurs).

La CSN et la langue

Avant de livrer nos commentaires sur certains aspects plus particuliers de la loi 1, il nous apparaît opportun d'expliquer rapidement pourquoi, et dans quelle perspective, la CSN, depuis longtemps, a attaché une importance spéciale à cette question de la langue et participé à tous les débats qui ont agité le Québec depuis une dizaine d'années.

Centrale syndicale essentiellement québécoise, rien de ce qui est québécois ne nous est étranger. Nos membres affiliés, aux quatre coins du territoire, évoluent dans un contexte où la domination de l'appareil économique se manifeste de façon quotidienne. Ils la subissent en tant que travailleurs, en tant que consommateurs.

Cette domination s'exerçant la plupart du temps dans la langue anglaise, il est normal qu'elle ait fini par se refléter dans les débats qui se déroulent à l'intérieur de nos instances démocratiques. Dès 1969, en effet, la CSN adoptait une position prônant l'unilinguisme français.

Il ne s'agit donc pas pour nous, on s'en apercevra, d'un quelconque combat d'arrière-garde pour la défense d'une soi-disant culture à caractère élitiste. Au contraire!

Les luttes en faveur de la langue française et le soutien que nous leur avons accordé s'inscrivent dans un combat plus large encore contre tous les types de domination et d'aliénation dont ont eu à souffrir des générations de travailleurs québécois.

C'est ainsi que dans son rapport adopté par le congrès de 1974, Marcel Pepin, alors président de la centrale, précisait le sens des luttes menées en faveur du français:

Le combat engagé par le mouvement syndical emprunte de multiples formes. Mais pour moi, la lutte pour la langue française, langue de travail n'est pas seulement une lutte nécessaire à l'agrandissement des perspectives pratiques des travailleurs et à l'obtention de conditions de travail plus favorables. C'est aussi une lutte, un levier parmi d'autres de la lutte québécoise contre les forces de domination économique, politique et sociale. Elle est un levier du combat contre la domination capitaliste.

Pour la CSN, on le voit, le français au travail est une lutte ouvrière en même temps que natio-

nale. Car la langue est aussi un des éléments qui font qu'un travailleur est respecté dans son travail et dans sa vie. Pour un travailleur québécois francophone, travailler dans sa langue est un droit pour lequel il faut lutter au même titre que le droit à la santé et à des conditions de travail humaines.

Le mouvement syndical a soutenu plusieurs luttes pour le respect de ce droit à travailler dans sa langue dans son propre pays, mais le fond du problème n'a jamais été réglé d'une façon collective, avec les instruments que seul un Etat possède; il nous a toujours fallu nous contenter, jusqu'ici, d'ententes partielles, de demi-victoires, en attendant que l'Etat intervienne avec le poids nécessaire.

N'insistons pas sur les conséquences. Elles sont trop bien connues. Des milliers se sont vu refuser un emploi, ou ont été congédiés, parce qu'ils ne connaissaient pas l'anglais ou ne le connaissaient pas suffisamment. Des milliers ont dû demeurer au même endroit parce qu'ils n'alliaient pas à leur compétence technique la connaissance de la langue anglaise.

Et comment donner tout leur sens aux terribles statistiques du rapport Laurendeau-Dunton? Des statistiques plus récentes montrent même que la situation relative du revenu des travailleurs francophones s'est dégradée. Ils sont maintenant les moins bien payés au Québec.

En 1961, le travailleur francophone au Québec occupait le 8e rang sur 9 en ce qui a trait au revenu; il gagnait $3,185 alors que le travailleur d'origine italienne gagnait $2,938. En 1971, le francophone était passé au dernier rang, gagnant $6,009 alors que le travailleur d'origine italienne gagnait $6,214. (F. Vaillancourt, La Presse, 30 avril 1977).

Que la langue de travail ne soit pas encore devenue, de droit, le français au Québec entraîne donc pour un grand nombre des torts considérables, en plus de l'humiliation quotidienne. Tout cela est intolérable.

Cependant, parce qu'il diffère, par ses appuis populaires et par ses racines, des régimes précédents, le présent gouvernement a pu aborder de front la question de la langue et légiférer en faveur d'une majorité que l'histoire n'avait pas particulièrement choyée jusqu'à présent.

C'est pourquoi, sur cette question de la langue, le gouvernement pourra compter sur le soutien de notre organisation syndicale. Travailler dans sa langue, vivre dans sa langue ne règle pas tous les problèmes, cela est certain. Mais la CSN ne pourra qu'être d'accord chaque fois qu'une injustice sera corrigée. Dans le cas particulier du français, l'injustice durait depuis trop longtemps pour que nous ne reconnaissions pas que la ferme volonté manifestée par le gouvernement tend à rétablir la situation en faveur de la collectivité francophone.

Cette volonté ferme doit cependant être accompagnée, particulièrement en matière de langue de travail, de la souplesse nécessaire quand il s'agit de lois ou de règlements appelés à régir les rapports entre les hommes.

Dans cette perspective, il faut donner aux personnes qui occupent actuellement un emploi et qui ne maîtrisent pas la langue française le temps de se recycler, de s'adapter à une situation nouvelle.

La loi 1

Nous livrerons maintenant nos commentaires sur quelques aspects qui nous touchent plus particulièrement dans le projet de loi 1.

Loi statutaire

Le gouvernement n'a pas retenu la suggestion faite par plusieurs organismes, dont la CSN, à l'effet de décréter, par un texte de portée constitutionnelle, le français comme étant la seule langue officielle au Québec.

Il s'agit ici d'une loi statutaire, susceptible donc d'être modifiée plus facilement par des gouvernements qui pourraient intervenir dans l'avenir.

L'article 133 de l'AANB

Le rapport de la Commission Gendron a établi une forte présomption sur le droit pour le Québec de modifier seul l'article 133 de l'AANB, en ce qui concerne les droits conférés à l'anglais au Québec. Cet article se lit comme suit:

Dans les chambres du Parlement du Canada et les chambres de la Législature de Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais, dans la rédaction des registres, procès-verbaux et journaux respectifs de ces chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire. En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux du Canada établis sous l'autorité de présent acte ou émanant des tribunaux, et devant les tribunaux de Québec, ou émanant de ces derniers, il pourra être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues.

Les lois du Parlement du Canada et de la Législature du Québec devront être imprimées et publiées dans ces deux langues.

Ce sont les articles 7 à 13 du présent projet de loi qui sont touchés sous cet aspect.

Dans ses interventions sur cette question, la CSN a défendu la position à l'effet que la langue anglaise doit être considérée comme une langue de fait, et non de droit. C'est pourquoi, pour éviter que le débat ne soit faussé, nous aurions préféré que le gouvernement abroge l'article 133. Le débat pourra être faussé et ne pas porter sur les vraies questions puisqu'il pourra porter sur la concordance ou non de la loi 1 avec cet article 133. Si, comme on peut le supposer, ce débat devait être porté devant la Cour suprême du Canada, celle-ci pourra éviter le noeud du problème, à savoir le droit pour le Québec d'amender, s'en tenant à statuer sur la priorité de l'article 133 sur une loi statutaire du Québec.

Pour éviter ce faux débat, nous suggérons au gouvernement d'introduire dans son projet de loi un article spécifiant que cette loi rend inopérantes pour le Québec les prescriptions de l'article 133 afin qu'il soit clairement établi que les articles 7 à 13 de la loi en tiennent lieu.

La langue du travail

Les articles 33 à 40 du projet de loi 1 traitent de la langue du travail.

Il nous semble, dès l'article 33, que la précision apportée par le législateur en spécifiant que tout membre du personnel d'un employeur a le droit d'exiger que soient rédigées en français... les communications écrites... ouvre la porte à la possibilité qu'un contremaître, par exemple, s'adresse continuellement à des travailleurs dans une langue autre que le français, oralement, sans contrevenir aux dispositions du présent projet de loi.

Cette restriction en ce qui a trait aux recommandations écrites nous semble de plus amoindrir la portée de l'article 4 qui établit que les travailleurs ont le droit fondamental d'exercer leurs activités en français...

Nous estimons donc que le gouvernement, si son intention est de faire en sorte qu'un travailleur puisse exercer ses occupations et recevoir des directives, qu'elles soient orales ou écrites, en français, aurait intérêt à biffer de l'article 33 la restriction touchant les seules communications écrites.

Disons, dès le départ, que ce chapitre répond d'une façon adéquate aux problèmes que nous avons soulevés en introduction. Les remarques qui vont suivre n'ont pour but que d'amener des clarifications supplémentaires et ont pour objet de rendre plus facile l'application de la loi.

L'article 33, qui stipule que tout membre du personnel a le droit d'exiger que soient rédigées en français les communications écrites qui lui sont adressées par ce dernier, garantit clairement ce droit aux salaries compris au sens du Code du travail. Cela n'est pas aussi clair cependant pour les cadres d'une entreprise, particulièrement en raison de l'article 109 du présent projet de loi. Si le gouvernement veut que les cadres soient couverts par les articles 36, 39 et 40, il devra élargir davantage la notion de salarié.

L'article 36 prévoit qu'aucun employeur ne pourra congédier ou rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée, autre que le français. L'article prévoit de plus qu'un salarié lésé pourra faire valoir ses droits auprès d'un commissaire-enquêteur au même titre que s'il s'agissait d'un congédiement pour activités syndicales.

Ces dispositions nous semblent heureuses. Toutefois, l'expérience nous apprend qu'il serait sans doute préférable d'enlever de l'article seul, pour éviter les avocasseries inutiles. Nous connaissons aussi de nombreux cas où des déplacements dans l'entreprise tiennent lieu de rétrogradation. La loi devra être plus explicite sur ce point.

Il nous semble de plus qu'il serait préférable d'adapter expressément l'article 14 du Code du travail au lieu de ne s'en tenir qu'à un mutatis mutandis, comme le prévoit l'article 36, car le renvoi aux articles 14 à 19 du Code du travail pourrait s'avérer difficile d'application. Ainsi, la présomption dont jouit le salarié pourrait ne pas être démontrée à la satisfaction du commissaire-enquêteur.

Quant à l'article 40, qui prévoit que le présent chapitre est réputé faire partie intégrale de toute convention collective, nous y souscrivons parce qu'il aura pour effet d'éviter à des milliers de travailleurs de devoir recommencer toujours des luttes pour que ces droits soient inscrits dans leur convention collective.

Il aura en outre l'avantage d'intéresser concrètement le travailleur et son syndicat, en permettant l'utilisation de la procédure de grief pour que les droits inscrits au chapitre sur la langue du travail soient respectés.

Nous constatons cependant, et nous tenons à le souligner, que le gouvernement québécois continue à ne pas avoir de pouvoirs sur les conditions de travail de plusieurs milliers de travailleurs québécois francophones assujettis au Code fédéral du travail, ce qui, sur cette question de la langue, risque de faire d'eux des travailleurs de seconde zone.

Des cas patents se posent en effet aujourd'hui même. Qu'adviendra-t-il, même lorsque la Charte sera adoptée, des mécaniciens à l'emploi d'Air Canada à Montréal, par exemple, qui luttent actuellement pour le simple droit de pouvoir communiquer en français?

Nous avons aussi quelques remarques à formuler au sujet de l'article 114, qui traite des comités de francisation dans les entreprises.

D'abord, en raison même de la structure industrielle du Québec, nous croyons qu'il serait absolument nécessaire que ces comités soient formés dans toute entreprise qui compte cinquante employés, et non pas seulement dans celles qui en comptent cent, tel qu'il est prévu dans la Charte.

Ensuite, nous voyons mal pourquoi les travailleurs, premiers visés par une telle mesure, ne

représenteraient que le tiers des membres de ces comités de francisation. La loi devra prévoir que les salariés de l'entreprise devront compter pour la moitié des membres de ces comités.

Enfin, la loi devra prévoir que les dépenses inhérentes à ces comités de francisation sont la responsabilité de l'entreprise. Les moyens financiers forcément limités de nombreux syndicats locaux en amèneraient plusieurs à ne pas pouvoir participer à ces comités où, nous le répétons, les travailleurs sont intéressés au premier chef.

La langue de l'enseignement

Les articles 51 à 59 portent sur la langue de l'enseignement. La solution proposée par le projet de loi 1 en matière de langue d'enseignement est assez éloignée de celle mise de l'avant par la CSN, et qui s'appuie sur les deux principes suivants: 1)Au niveau primaire, l'enseignement serait donné dans la langue maternelle de l'élève, partout où il y aurait une concentration de population suffisante dans une langue donnée pour constituer des classes, et l'on préparerait les élèves, par un enseignement suffisant du français, à leur passage aux autres niveaux d'enseignement. 2) A tous les autres niveaux supérieurs au primaire, université comprise, les seules institutions scolaires subventionnées par l'Etat seraient celles ou l'enseignement serait donné en français, mais on y enseignerait une langue seconde.

Nous persistons à croire que cette solution, tout en respectant les différentes cultures et en facilitant les transitions nécessaires, s'avérerait la plus logique et la plus juste, tout en étant beaucoup plus facile d'application que toutes les solutions proposées jusqu'ici.

Nous sommes conscients, toutefois, que la solution avancée par le gouvernement dans son projet de loi 1 doit tenir compte de facteurs politiques et que, dans la circonstance historique dans laquelle nous sommes placés, on ait cru que c'était là le plus loin où on pouvait se permettre d'aller. Il faut aussi souligner que les mesures proposées mettent fin au rôle assimilateur joué à ce jour par l'école anglaise.

Il s'agit cependant à nos yeux d'un strict minimum et nous exhortons le gouvernement à ne pas aller en deçà de ce qui est contenu dans le projet de loi. Sur cet aspect précis, nous partageons entièrement les remarques et les inquiétudes contenues dans le mémoire soumis par le Mouvement Québec Français, dont nous sommes membres.

D'autre part, même si nous ne partageons pas les vues alarmistes de certains anglophones et francophones quant à la possibilité d'extinction, à long terme, de la communauté anglaise au Québec suite à l'adoption du projet de loi 1, nous réitérons toutefois notre position à l'effet que les emplois soient préservés. S'il advenait que la clientèle scolaire anglophone soit réduite en raison des mesures reliées à l'application de la loi 1, nous voulons que les droits syndicaux des enseignants touchés, particulièrement leur droit à un emploi soit intégralement préservé. Les mesures nécessaires, comme le recyclage, devront être prévues et mises à la disposition de ceux qui voudront s'en prévaloir. Nous insistons de plus pour que ces dispositions soient inscrites dans la loi.

Office de la langue

Nous invitons le gouvernement à revenir sur sa décision de faire de l'Office de la langue française un organisme relevant du ministre et de son ministère.

Nous estimons en effet que la crédibilité de cet organisme serait d'autant plus grande qu'il ne serait pas identifié à quelque gouvernement ou parti politique que ce soit. Dans toutes les tâches qui seront siennes, d'ailleurs, il ne sera pas de trop que le pouvoir moral de l'Office soit au-dessus de tout soupçon de partisanerie politique. Que l'on pense, par exemple, aux certificats de francisation qu'il aura la charge de décerner. C'est pourquoi nous préférerions que l'office de la langue relève de l'Assemblée nationale.

Quant à la composition du Conseil consultatif de la langue française, dont le projet de loi prévoit la création, nous pensons que les personnes appelées à y siéger devraient être nommées par les organismes eux-mêmes, et que ces organismes aient un droit de rappel sur ces personnes dans le cas où, pour une raison ou pour une autre, l'organisme n'était plus satisfait soit du Conseil lui-même, soit de la personne qu'il y a déléguée.

Les droits de la personne

Tous les peuples, à des degrés divers qui tiennent tant à l'histoire qu'à la géographie, sont aux prises avec le problème de trouver le meilleur équilibre possible entre les droits individuels et les droits collectifs. Le projet de loi 1, on a pu le constater par le débat qu'il a suscité, a soulevé cette question.

Plusieurs ont soulevé, avec raison, croyons-nous, l'introduction de l'article 172 qui prévoit que

l'article 52 de la Charte des droits et libertés de la personne est modifié par l'addition, à la fin, après le mot "Charte", des mots "ou à moins qu'il ne s'agisse de la Charte de la langue française au Québec.

Si bien intentionnée soit-elle, nous voyons dans cette mesure une maladresse, à tout le moins. Nous partageons l'avis du ministre Laurin, exprimé publiquement, à l'effet qu'il n'y a pas d'incompatibilités entre les deux Chartes. Nous trouvons néanmoins le procédé déplaisant parce qu'il enlève à la Charte des droits et libertés de la personne le caractère de quasi inviolabilité qui lui confère en bonne partie sa valeur.

C'est donc sur la forme, et non sur le fond, que nous soulignons notre désaccord; le gouvernement a emprunté une mauvaise technique législative qu'il devra corriger.

Nous demeurons persuadés que la Charte du français ne contient pas de dispositions qui pourraient avoir des effets discriminatoires prohibés par la Charte des libertés et droits de la personne. Comme le souligne le vice-président de la commission des droits de la personne, monsieur Maurice Champagne-Gilbert,"la notion de droit collectif est fondée, comme celle des droits individuels, sur la satisfaction de besoins reconnus comme légitimes à tel ou tel moment, ou fondamentalement, pour une société donnée. La notion de droit collectif est directement liée à la notion de bien commun, de bien collectif, de bien-être général?" Il ajoute:"Le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec est explicite à cet égard; il soumet à la "volonté collective" la garantie et la protection des droits et libertés reconnus par la Charte.''ll affirme également que les droits et libertés de la personne sont inséparables du bien-être général. C'est à partir de tels fondements que la liberté de choix de la langue d'enseignement doit être restreinte, c'est-à-dire au nom du bien-être général et du droit de la majorité.

Or, nous savons qu'ici au Québec, ce ne sqnt pas, sur cette question de la langue, les droits de la minorité qui sont menacés mais bien plutôt l'avenir même de la majorité. Nous suggérons donc au gouvernement de procéder autrement qu'il ne l'a fait dans son article 172.

Conclusion

Lorsque des débats d'une importance et d'une intensité comme celui qui se fait autour du projet de loi sur la langue occupent une collectivité, on peut vérifier, par les diverses réactions, où se situe l'intérêt général d'un peuple.

On peut voir aussi comment se répartissent les blocs, et de qui ils sont composés. Il est intéressant de constater aujourd'hui qui sont ceux qui appuient globalement le projet de loi et ceux qui le combattent avec véhémence. Le peuple, les travailleurs et leurs organisations sont derrière le gouvernement. Le monde des affaires, les possédants, anglophones ou francophones, ces derniers que le ministre Laurin qualifiait lui-même le 8 avril de rois nègres à la solde de leurs patrons anglophones, le combattent.

Et le comble de l'humiliation, c'est bien de voir un peuple écrasé tout au long de son histoire se voir accusé aujourd'hui de racisme et de xénophobie parce qu'il veut simplement relever la tête. A cet égard, l'histoire se répète.

Le manifeste (d'une association francophone de Québec, en 1847), retrace donc la véritable source de cette tendance, à voir dans l'affirmation des droits d'un peuple un désir de domination. On constate de plus que le penchant des Anglo-saxonsà écarter les revendications légitimes d'un peuple opprimé, en les qualifiant dédaigneusement de nationalisme étroit ou de jalousie, porte la marque d'un autre nationalisme, celui du groupe dominant. (Stanley-Brébaut Ryer-son, Le capitalisme et la Confédération, Parti-Pris, 1972, page 218).

Notre collectivité a attendu trop longtemps avant de se donner de véritables moyens de pouvoir vivre en français. Ce projet de loi est perçu par la population comme une affirmation indispensable de notre identité et nous fournit les moyens de nous présenter devant le tribunal de l'histoire autrement que comme un peuple diminué, et finalement vaincu.

Nous exhortons donc le gouvernement de maintenir sa fermeté et sa volonté dans cette entreprise. Les travailleurs en ont saisi l'importance.

Montréal, juin 1977

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