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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le lundi 8 août 1977 - Vol. 19 N° 163

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 101 - Charte de la langue française


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 101:

Charte de la langue française

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Une nouvelle semaine, mais la même commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour l'étude du projet de loi no 101, après la deuxième lecture.

Je vais d'abord appeler la liste des membres de la commission. Ensuite, je vous indiquerai où nous en sommes dans l'étude de ce projet de loi.

M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Burns (Maisonneuve); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont) remplacé par M. Michaud (Laprairie), M. Roy (Beauce-Sud). Est-ce que je comprends que M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) est remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee)?

M. Lalonde: Oui, M. le Président, vous comprenez bien.

Le Président (M. Cardinal): J'ai deviné cela. Je commence à vous connaître.

M. Lalonde: On lui fera parvenir vos...

Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous faire une motion?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Samson (Rouyn-Noranda).

Au moment de l'ajournement, vendredi dernier, vingt heures, nous étudiions une motion d'ajournement à l'article 69, paragraphe a) qui se lisait comme suit: Que le paragraphe a) de l'article 69 soit modifié en ajoutant dans la première ligne après le mot "Québec" les mots "ou ailleurs". Le paragraphe amendé se lirait donc comme suit, paragraphe a): "Les enfants dont le père ou la mère a reçu au Québec ou ailleurs l'enseignement primaire en anglais."

Cette motion avait été présentée à 19 heures 41 minutes par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Au moment de l'ajournement, M. le ministre d'Etat au développement culturel avait demandé la parole.

Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je devrais vous faire remarquer que vendredi dernier, en Chambre, je me suis op- posé à ce que la commission siège vendredi soir et lundi matin. Ce matin, j'attire votre attention sur le fait qu'après avoir voté contre, l'équipe de l'Union Nationale est complète, l'équipe libérale également, et qu'il manque MM. Bertrand, Burns, Chevrette, Paquette, qui ont appuyé la motion pour siéger le vendredi soir et le lundi matin. J'aime à vous faire savoir que si la motion revient vendredi, je devrai attirer votre attention en Chambre, l'attention du président en Chambre, sur le fait que ce sont ceux qui ont appuyé la motion qui manquent à la commission, de même que les deux députés indépendants, MM. Roy et Samson.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député.

M. Grenier: Je ne dis pas cela pour être méchant ni pour être mesquin, mais je pense que si on veut être logique, si on veut faire des propositions de ce genre, il appartient au gouvernement d'être présent à la commission pour nous donner l'exemple à nous, les partis de l'Opposition, qui nous opposons à de pareilles sessions à des heures qui n'ont pas de bon sens.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, le message est inscrit au journal des Débats.

M. Guay: J'aimerais, M. le Président, pour les fins du journal des Débats justement, corriger l'impression que donne le député de Mégantic-Compton. D'abord, il faut remarquer que le parti ministériel a la majorité à cette commission, à l'heure actuelle. Donc, il est d'ores et déjà bien présent. D'autre part le député de Joliette-Montcalm est présent, même s'il est physiquement absent pour quelques minutes. Il en est de même pour le leader du gouvernement. Le député de Mégantic-Compton sait fort bien que des députés peuvent être appelés à l'occasion au téléphone ou ailleurs et qu'il leur est impossible d'être physiquement immédiatement présent, mais il n'en demeure pas moins que le parti ministériel a la majorité autour de cette table et conséquemment qu'il est on ne peut plus présent.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant! M. le député de Taschereau a lui aussi donné son message. Je vais permettre à Madame le député de L'Acadie d'ajouter le sien, puisqu'elle représente un autre parti, celui de l'Opposition officielle. Alors, allez-y!

Mme Lavoie-Roux: Une question de règlement, M. le Président. Je trouve très intéressantes les explications du député de Taschereau. Je pense qu'il ne suffit pas d'être présent dans l'édifice pour se déclarer présent à la commission parlementaire. Moi aussi j'aimerais bien pouvoir être dans mon bureau à vaquer à d'autres occupations auxquelles je suis empêchée de vaquer depuis trois mois. Je trouve que c'est une explication bien faible, M. le député de Taschereau.

M. Guay: Le député de Mont-Royal, où est-il?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il est remplacé.

Mme Lavoie-Roux: II est remplacé...

M. Lalonde: II était à l'appel.

M. Guay: II est parti au téléphone, lui aussi.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je considère, non pas l'incident, parce que ce n'est pas un incident, que les messages ont été passés de part et d'autre et je donne la parole à M. le ministre qui a conservé son plein droit de parole sur cet amendement.

Motion d'amendement M. Fernand Lalonde (suite)

M. Laurin: Merci, M. le Président. Dans mon discours de deuxième lecture et dans mon exposé liminaire sur l'article 69, j'ai donné toutes les raisons pour lesquelles le gouvernement entendait réserver pour l'avenir l'école anglaise aux enfants des parents qui avaient fait leurs étude primaires au Québec.

Je ne les rappellerai donc que brièvement.

Le gouvernement se reconnaît des devoirs à l'endroit de ces diverses minorités et il s'en est longuement expliqué dans le livre blanc. Il considère qu'elles constituent un héritage et un apport précieux pour la culture québécoise. Il espère que ces minorités conserveront et développeront au plus haut point et d'une façon moderne et dynamique leurs caractéristiques culturelles. Pour qu'elles ne s'isolent pas, pour qu'elles ne constituent pas des enclaves ou des ghettos socioculturels, pour qu'elles participent à part entière au grand courant de la vie collective et à l'édification de la meilleure société québécoise qui soit, il veut leur tendre la main, les convier à une réflexion commune sur notre situation et notre devenir, les associer au travail commun dans les multiples organismes politiques et administratifs qu'il crée ou qu'il anime, favoriser l'enseignement de leur langue maternelle au niveau primaire et l'approfondissement de leur culture d'origine à tous les niveaux de l'enseignement jusqu'au niveau universitaire, encourager et subventionner toutes les formes d'expression de leur génie propre, que ce soit dans le domaine des arts, de la littérature, du journalisme ou de la culture populaire.

C'est là notre conception du pluralisme culturel qui n'a rien de contradictoire avec la construction d'une société québécoise où la langue française n'est pas que la langue officielle, courante et la langue de la cohésion sociale, mais aussi celle qui permet au peuple québécois d'exprimer son identité. Si cela est vrai pour la minorité italienne, grecque, portugaise, ukrainienne, hongroise, roumaine, arabe, chinoise et le reste, cela l'est encore bien plus pour la minorité anglaise, la plus nombreuse, la plus importante, la plus puissante et dont les racines au Québec sont les plus profondes.

Il faut donc être aveugle ou de mauvaise foi, ou être victime de ses peurs, de ses frustrations ou de ses aigreurs pour prétendre que le gouvernement du Québec veut humilier la minorité anglaise, se venger d'elle, la brimer, la persécuter et vouloir sa disparition. Le Québec le voudrait-il qu'il n'y arriverait pas, puisque cette minorité s'appuie sur un continent des plus riches, populeux, dynamique et ultra-développé sur tous les plans.

Mais il ne le veut pas, aussi bien au nom de la justice et de l'équité qu'en raison de ses intérêts politiques et culturels. Ce que veut cependant le gouvernement du Québec, exprimant tout particulièrement en cela les aspirations séculaires et la volonté de sa majorité francophone, c'est construire un pays qui lui ressemble, un pays qui donne à chacun ce dont il a besoin pour son bonheur et son épanouissement, c'est-à-dire l'identité, le respect de soi et des autres, la fierté, la confiance, la maîtrise, l'usage et l'enrichissement constant de sa langue, la possession de son milieu et l'utilisation optimale et maximale de ses ressources, la participation à la vie du monde par le développement de sa propre originalité.

C'est là une démarche positive inscrite dans révolution du peuple québécois qui n'a rien du repli, de la défense ou de l'attaque. C'est une démarche normale marquée au coin de la maturité. C'est pourquoi le gouvernement peut se montrer juste, respectueux et accueillant à l'endroit des minorités, et en particulier de la minorité anglaise.

La société québécoise essentiellement française permettra donc à la minorité anglo-québécoise de conserver ses écoles que pourront fréquenter également ceux qu'elle s'est intégrés ou assimilés, allophones et même francophones, parce qu'elle dominait la vie économique, parce que la politique d'immigration du gouvernement fédéral orientait vers elle les nouveaux immigrants, parce que le Québec n'était pas considéré comme un pays français, mais comme une simple subdivision territoriale du grand tout canadien et américain. Mais si le peuple québécois se reconnaît des devoirs à l'égard de sa minorité anglaise, il ne se reconnaît aucune obligation à l'endroit des anglophones du Canada, de l'Amérique du Nord ou d'ailleurs. Il n'estime pas que ceux-ci ont le droit de profiter gratuitement d'un système scolaire qui émarge entièrement au budget du Québec et qui coûte de plus en plus cher aux contribuables québécois.

Cette générosité lui coûterait d'ailleurs d'autant plus cher que le Québec vit dans une mer anglophone et que le nombre de ces anglophones des autres provinces, du continent américain et des autres pays du monde qui s'inscrivent à l'école anglaise au Québec a toujours été très élevé.

En plus de payer très cher pour leur éducation, il est loin de n'en retirer que des avantages soit parce que ces familles quittent le Québec après quelques années, soit parce qu'elles ajou-

tent leur poids démographique et politique à une minorité qui a fait jusqu'ici trop souvent obstacle aux aspirations normales et légitimes de la majorité.

Si le gouvernement du Québec reconnaît par ailleurs aux Anglo-Québécois le droit de conserver leurs écoles, il ne reconnaît pas au système scolaire anglo-québécois en tant que tel le droit de maintenir ou augmenter ses effectifs à même les apports canadiens, américains, britanniques, australiens ou autres.

Aucun pays n'accorde de tels avantages à sa minorité. Il est peu de pays où la minorité puisse ainsi profiter d'apports aussi proches et aussi considérables. Si le Québec tient à protéger son identité et l'équilibre démographique approprié, il lui faut ici faire montre de logique et de réalisme, d'autant plus que le fait, pour les nouveaux arrivants, d'où qu'ils viennent, de s'inscrire à l'école primaire et secondaire française ne signifie pas que ceux-ci vont nécessairement s'intégrer à la majorité francophone. La minorité anglo-québécoise possède, en effet, de solides infrastructures économiques et socio-culturelles, par exemple, nombreuses stations de radio-télévision, journaux et revues de prestige à grand tirage, domination du secteur privé de l'économie, etc.

A quoi il faut ajouter que l'accès aux institutions scolaires, collégiales et universitaires anglophones subventionnées demeurent ouvert à tous et que leur taux de fréquentation y dépasse de beaucoup actuellement le pourcentage de la population anglophone, et il ne serait pas surprenant que cette tendance se maintienne.

C'est là, en tout cas, une autre raison pour laquelle la menace d'une extinction prochaine de la minorité anglo-québécoise nous apparaît mal fondée et servir plus ou moins consciemment d'épou-vantail pour des fins stratégiques.

Là où je suis d'accord, cependant, avec l'Opposition officielle, c'est que si on reconnaît à la collectivité anglophone en tant que telle le droit à son réseau scolaire, du fait qu'elle est une minorité articulée, comme le dirait le chef de l'Union Nationale, il devient, en effet illogique, impensable et impossible d'en limiter l'accès aux seuls anglophones des autres provinces. Il n'y a plus de bonnes raisons alors, d'en fermer l'accès à ceux qui sont aussi anglophones que les citoyens de l'Ontario et du Manitoba et qui habitent aux Etats-Unis, dans les Caraïbes, aux Indes ou au Pakistan. C'est bien, d'ailleurs, partiellement pour cette raison que le gouvernement a opté pour la clause Québec et entend la maintenir.

Il faut tenir compte également du critère que nous avons choisi, celui de la scolarité des parents. S'il est de vérification relativement aisée au Québec, cette vérification devient plus difficile pour le Canada, encore plus difficile pour certains pays voisins et quasi impossible pour d'autres, plus éloignés ou dont la structure linguistique est éminemment complexe.

Sur un autre plan, il conviendrait aussi de se poser la question suivante: Pourquoi serait-ce une grande aberration ou un si grand malheur pour un cadre anglophone ontarien ou manitobain qui viendrait s'installer au Québec d'inscrire ses enfants à l'école française?

N'est-ce pas là un geste normal pour un nouvel arrivant d'inscrire son enfant à l'école nationale du pays où il s'installe pour un séjour limité ou permanent? N'est-ce pas ce que font, chaque année, des milliers de cadres américains en France, en Suisse, en Allemagne ou en Italie?

N'est-ce pas un avantage extraordinaire, pour l'anglophone de ce continent d'inscrire son enfant à une école où il pourra apprendre l'une des plus grandes langues de la civilisation mondiale, la langue commune d'un grand nombre de pays importants, une langue qui a été la "lingua franca" de l'hémisphère occidental, bien avant que la langue anglaise ne le devienne, pour les affaires et la technologie, une langue dont est sortie une des plus riches cultures qui soit?

Une fois que les provinces canadiennes auront perdu leurs réflexes de colonisateurs à l'endroit du Québec, une fois qu'elles auront accepté de le reconnaître comme un pays français, à l'intérieur ou à l'extérieur du régime fédéral, une fois qu'elles auront consenti à se départir de leurs habitudes et à regarder la réalité québécoise pour ce qu'elle est, peut-être, enfin, voudront-elles profiter de ce que le Québec a de différent, de ce qu'il a d'unique à offrir, et qui peut s'avérer pour elles aussi précieux que profitable?

Si ces cadres s'y refusent, par ailleurs, ils pourront toujours imiter l'exemple que leur fournissent certains et inscrire, comme dans les autres pays, à l'école privée anglophone, non subventionnée, leurs enfants, à moins, évidemment, que le Québec ne signe avec ses voisins des accords de réciprocité.

L'optique serait, à ce moment, différente. Dans ces échanges, le Québec aurait autant à gagner qu'à donner. Il possède lui aussi ses cadres francophones, bien plus nombreux qu'on ne le pense et dont le nombre s'accroîtra, qui ont dû et doivent encore refuser des promotions qui les amèneraient dans des villes canadiennes anglophones parce qu'ils ne peuvent y trouver les écoles françaises et le milieu culturel qu'ils estiment nécessaires pour leurs enfants.

Le Québec pourrait donner à ses voisins des avantages identiques à ceux que ceux-ci lui consentiraient. Il pourrait même donner davantage en retour de bénéfices plus marqués sur d'autres plans et témoigner ainsi de sa volonté de collaboration et d'ouverture à l'échelle canadienne.

J'attire aussi l'attention du député de Marguerite-Bourgeoys sur l'article 81 qui permet à des cadres anglophones qui viendraient au Québec pour un séjour limité d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, ce qui assure quand même une certaine mobilité à ces cadres.

Quoi qu'il en soit, la politique linguistique du Québec ne peut que s'avérer bénéfique pour les Québécois. Il est vrai que, dans un premier temps, le recrutement des cadres, tel qu'il s'est toujours effectué, pourra s'avérer difficile pour certaines entreprises, mais faut-il le déplorer à tous égards?

Peut-être cela incitera-t-il certaines entreprises à prospecter davantage du côté des universités francophones, de la fonction publique québécoise, de certains organismes parapublics québécois et des entreprises francophones pour y trouver les spécialistes dont elles ont besoin et qui peuvent s'y trouver déjà et en nombre plus considérable qu'elles ne le croient elles-mêmes.

Le Québec s'est saigné à blanc depuis quinze ans pour se doter d'un système d'enseignement supérieur, moderne et dynamique. De ces établissements sortent, chaque année, des milliers de diplômés. Parce que les entreprises du secteur privé leur étaient plus ou moins fermées jusqu'ici et, en conséquence, étrangères ou peu accueillantes, ils ont inondé le secteur public et le secteur privé francophones. Mais ce marché est désormais saturé. Il faut maintenant que s'ouvre à eux le secteur privé de la grande entreprise anglophone. Ils peuvent y exceller si on les accueille, si on les assiste, si on les respecte. Leur apport sera d'autant plus précieux qu'ils ont une connaissance profonde de leur milieu et peuvent en faire profiter leur employeur. Aussi bien, donc, pour des fins de rentabilité que de justice et d'évolution normale et inévitable, il importe que la grande entreprise anglophone québécoise se recycle, change son fusil d'épaule, envisage d'un regard neuf le problème de la mobilité des cadres et fasse toute la place qu'il faut, pour son plus grand profit, aux spécialistes québécois de toutes disciplines.

Voilà donc, en résumé, M. le Président, toutes les bonnes raisons que nous avons de nous opposer à l'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys et de nous en tenir à notre position originelle.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je ne reviendrai pas sur les raisons économiques évoquées par le député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que nombre d'organismes responsables et qui jouent un rôle important dans le domaine économique sont venus en faire la preuve devant la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi no 1.

Les raisons historiques: Je pense que le gouvernement veut bien les reconnaître et reconnaître à la communauté anglophone sa place dans l'histoire du Québec. Cependant, en dépit de ses affirmations qu'il veut se montrer généreux — je pense qu'écouter simplement les propos que vient de tenir le ministre d'Etat au développement culturel... lorsqu'il nous dit: Nous reconnaissons la communauté anglophone, mais nous ne nous reconnaissons pas d'obligations à l'égard de ceux qui viennent du reste du Canada — on peut en douter.

Evidemment, il se situe dans cette perspective d'un Québec indépendant. Pour lui un citoyen du Québec et un citoyen de l'Ontario, en dépit du fait qu'ils habitent le même pays, ne sont pas considérés sur un même pied.

Je trouve un peu surprenant qu'il dise: "Pourquoi ferions-nous profiter gratuitement du système d'enseignement à des anglophones ou à des membres de la communauté anglophone qui viendraient s'établir au Québec?" Je regrette, mais je pense que les membres de la communauté anglophone qui sont établis au Québec paient leur juste part des frais du système d'enseignement. Je ne pense pas que ce soit dans l'esprit de la résolution de demander que ceux qui viendraient de l'extérieur s'établir au Québec, soient exemptés des mêmes responsabilités quant au financement du système d'enseignement. C'est un argument qui me semble un peu faible pour le moins.

Ensuite, le ministre dit: "II y a d'autres raisons que nous pouvons invoquer. Ces anglophones qui viennent d'ailleurs, risquent de nous quitter ou encore d'alourdir ou de faire sentir davantage le poids de l'influence de la communauté anglophone. Il continue en disant: De toute façon nous ne nous trouvons pas de responsabilités à maintenir la communauté anglophone ou à l'accroître". Dans les paroles mêmes, c'est une négation de la communauté anglophone. On dit: On ne veut pas qu'elle se maintienne, à partir d'effectifs qui lui appartiennent, de gens qui partagent sa culture et qui partagent sa langue. A moins que sa conception de la communauté anglophone ou d'une communauté — laissons le qualificatif en l'occurrence — soit très différente dans ses termes qu'elle ne l'est dans la population en général. Tout le monde sait fort bien qu'une communauté, c'est un groupe d'individus qui partagent ensemble une langue, des coutumes, des traditions. C'est une notion quand même mobile.

D'ailleurs, c'est ce qui explique que la communauté francophone, ayant été une communauté mobile, ait intégrée des Burns, des O'Neill et des Johnson, sans nommer les autres. Une communauté, ce n'est pas quelque chose de statique, c'est quelque chose qui évolue. Alors, quand on dit qu'on ne veut pas laisser cette communauté intégrer des personnes qui partagent la langue et la culture, le ministre d'Etat au développement culturel a bien raison de dire: Nous ne nous sentons pas l'obligation de la maintenir et encore moins de l'accroître.

Dans le cas du maintien de cette communauté anglophone, c'était, dans le fond, à long terme; il lui importe peu que le rôle qu'elle ait à jouer au Québec soit plus ou moins important. Là où je suis d'accord avec le gouvernement, c'est qu'il restera toujours au Québec, enfin dans la mesure où on peut le prévoir, des anglophones. On ne fait pas disparaître un million de population sur une période de 10, 15 ou 20 ans, mais on pourra le réduire, à ce moment, à un rôle de groupe minoritaire qui ne produira plus autant qu'il produisait, ne participera plus, ne contribuera plus autant qu'il l'a fait.

Evidemment, on s'attarde — et c'est le jeu du gouvernement — à montrer ce que la communauté anglophone a pu jouer comme rôle qui, non seulement aux yeux du gouvernement, mais, je pense, aux yeux d'un grand nombre de Québécois, peut

être vu comme des abus au plan économique; à ce moment, on s'efforce bien de refaire l'histoire jusqu'en 1760 et auparavant, si on pouvait, pour essayer d'étayer cette thèse. Je pense que ce que le gouvernement, et ce que le ministre d'Etat au développement culturel ne veulent pas voir, se refusent a voir, c'est l'évolution de cette communauté, ses efforts pour vivre au rythme du Québec et de partager, dans la mesure du possible, la culture et le mode de vie des Québécois.

Mais ceci, je pense, le ministre vient de le dire clairement, non seulement on ne veut pas l'accroître, on ne veut pas la maintenir. A ce moment, si on ne veut pas maintenir une communauté, je pense qu'on s'achemine vers la disparition de cette communauté ou encore à rendre son rôle tellement insignifiant qu'on peut l'identifier à un rôle de toute minorité dont les membres conservent leur culture en termes folkloriques ou autres. Je pense que, si, au plan démographique, toutes les données ont été apportées — là, je voudrais me référer pendant quelques secondes aux études démographiques très savantes — de part et d'autre, quant à cela, qui ont été mises de l'avant — j'ai cependant lu en fin de semaine la dernière pile de documents que le ministre nous avait remis pour cette fois réfuter M. Henripin, M. Lachapelle, M. Springland, je pense que c'est son nom, et enfin tous les autres, la Chambre de commerce, etc. — Singerland, je vous remercie, pour réfuter ces gens qui, eux, réfutaient les experts du gouvernement. Mais, de tout ceci, il me semble qu'il ressort une chose. Je ne veux pas trancher le débat, mais même les démographes du gouvernement, dont je ne veux pas mettre en doute la qualité du travail et la valeur au plan professionnel, semblent s'entendre, même avec M. Henripin, M. Lachapelle, puisqu'ils font leurs les paroles de M. Henripin en le citant pour dire qu'ils trouvent M. Henripin très sévère de les avoir critiqués. "Les techniques d'analyse démographique se sont, elles aussi, grandement perfectionnées, mais nous sommes encore bien loin de prévoir prédire avec un minimum de rigueur l'évolution de la fécondité et des migrations. On ne peut s'empêcher d'être convaincu que la réalité démentira ceux qui ont osé devancer le temps". Ce sont les paroles de M. Henripin, mais qu'à son tour M. Amyot cite pour dénoncer la sévérité de MM. Henripin et Lachapelle.

Enfin, je pense que ce que ceci prouve c'est que pour que des gens très responsables au plan professionnel — je pense que personne ne le met en doute — arrivent dans cette sorte de conflit. C'est qu'on part de l'établissement de scénarios extrêmement complexes et il n'est pas étonnant, compte tenu du paragraphe que je viens de citer, que les résultats ne soient pas toujours identiques et que les uns mettent en question les données de l'autre. Tout ceci pour dire que si on partait de la réalité, si on partait des gens qui sont bien comptés et non pas de scénarios très sophistiqués, je l'ai mentionné au ministre d'Etat au développement culturel, qui m'a entendue le dire en Chambre, et je voudrais le lui rappeler...

Lorsque tous ces débats de l'intégration à l'école française des non anglophones ou encore le problème du risque de déséquilibre démographique dans les populations scolaires qui pourrait éventuellement conduire à une rupture de l'équilibre démographique dans l'ensemble de la population ont été soulevés, il n'y a jamais eu d'autres groupes qui ont été mis en cause, sauf ceux pour qui les transferts linguistiques ne semblaient pas légitimes, soit dans le cas des gens ne parlant ni français ni anglais qui s'intégraient massivement du côté anglais. D'autre part, la loi 63 avait aussi donné lieu à une augmentation de la fréquentation des écoles anglaises par la population française, quoiqu'il y en avait toujours eu un pourcentage minime dans les régions là où il y avait des écoles anglaises. Je pense que c'était de l'ordre de 1% à 1 1/2% de francophones qui allaient à l'école anglaise, et ceci avait augmenté pour se rendre, je pense, en 1972, à environ 2,5% de francophones qui allaient à l'école anglaise.

Mais encore là on n'avait jamais étudié la persévérance de ces enfants à l'école anglophone, non plus qu'on n'a jamais eu les moyens d'établir si vraiment ces enfants s'étaient intégrés à la communauté anglophone. C'étaient vraiment là les deux objets d'inquiétude principaux qui avaient été dans le temps la raison ou la motivation en particulier de la Commission des écoles catholiques de Montréal de faire des représentations auprès du gouvernement. Mais aujourd'hui, je lis que, par le truchement des classes d'accueil, et je cite le directeur des classes d'accueil de la CECM d'après les statistiques que le ministre nous a remises, la majorité des allophones sont dans les classes d'accueil de la CECM: "L'application de la loi 22, malgré ses lacunes, a permis d'acheminer, en 1975, vers le réseau des écoles françaises la plupart des nouveaux venus par le truchement des classes d'accueil, alors que pendant des années, la grande majorité d'enfants allophones étaient dirigés vers des écoles anglaises". Et il conclut: "La presque totalité des jeunes immigrants allophones arrivant à Québec fréquentent les classes d'accueil et la grande majorité d'entre eux se dirigent ensuite vers les écoles françaises de leur quartier. Les résultats de l'année scolaire 1976-1977 démontrent un succès que les responsables qualifient de total. En effet, au-delà de 90% de tous les enfants immigrants allophones d'âge scolaire arrivés au Québec durant cette année ont été reçus dans les classes d'accueil de la CECM. Et ceux qui n'y sont pas — entre les 90% et les 100%— ne sont pas nécessairement intégrés aux écoles anglaises, puisqu'on n'en dénombre que dix-neuf. Parmi les autres il y en a qui ont tout simplement quitté l'école, qui sont retournés dans leur pays, enfin, il y a toutes ces autres circonstances qui surviennent".

Du côté de l'intégration des enfants francophones, alors que durant les années 1970 à 1974. le nombre de demandes de transferts linguistiques d'enfants francophones vers le secteur anglophone était de l'ordre de 1200, pour l'année scolaire 1975-1976 ou 1976-1977 — il faudrait que je

vérifie —on n'en retrouve plus que 200. Et parmi ces 200, il peut y avoir des enfants qui sont de langue maternelle anglaise, parce que, comme je l'ai dit, dans les écoles anglaises de la CECM, il y avait, en 1975-1976, 48,8% d'enfants de langue maternelle anglaise, alors que les autres 52% se retrouvaient dans les écoles anglaises.

Il y a là, et je tiens à le rappeler même si cela ne semble pas avoir eu grand effet sur le ministre, que ce sont des faits vérifiables aujourd'hui, sans, comme je disais tout à l'heure, élaboration de grands scénarios. De plus, il y a les tendances de l'immigration qui démontrent que l'immigration unilingue française progresse et que l'immigration unilingue anglaise diminue au point qu'elle est même devenue inférieure, alors que le reste est constitué d'immigrants qui ne parlent ni anglais, ni français. Je pense que ce sont également des faits qui indiquent qu'il y a ce que j'appelle le renversement de la vapeur, cette amorce d'un mouvement pour que l'école française devienne de plus en plus l'école de tous.

Je pense que ce sont là des données suffisantes qui devraient influencer le gouvernement et l'inciter à modifier son attitude rigide. S'il croit la situation si grave ou s'il a encore des doutes, qu'il permette un délai de quelques années pour vérifier si ce mouvement qui est amorcé va être progressif ou s'il n'est que temporaire. Dans ce sens, si on avait eu plus de temps pour examiner l'influence de la loi 22 et des autres mesures de francisation qui m'apparaissent très importantes au niveau du travail et qui déjà se font sentir dans la motivation de l'orientation des enfants vers l'école française, puisque cela devient de plus en plus difficile—je pense qu'un grand nombre le reconnaîtra et c'est normal — pour un unilingue anglais de se trouver de l'emploi au Québec, je pense qu'on aurait eu là suffisamment d'indices qui auraient permis au gouvernement d'avoir une attitude beaucoup moins rigide. Mais tous se souviendront de l'attitude du ministre d'Etat au développement culturel. Quand des groupes ultra-nationalistes, venus devant la commission parlementaire, demandaient d'enlever les écoles anglaises, il leur fallait justifier la position du gouvernement de la conserver. Mais, quand un groupe comme le MQF a dit qu'il ne devrait y avoir qu'un système français à l'intérieur duquel il y aurait des classes où une partie de l'enseignement se donnerait en anglais, ce qui était la position du MQF, silence de la part du ministre d'Etat au développement culturel.

Si telle est l'attitude du gouvernement et si c'est ce vers quoi on s'achemine, certains peuvent peut-être se scandaliser des récriminations de la communauté anglophone, mais ce que la communauté anglophone sent, c'est que c'est le commencement de mesures qui deviendront de plus en plus sévères et rigoureuses.

H y a un dernier aspect que je voudrais invoquer et qu'on n'invoque pas suffisamment ici, c'est l'aspect pédagogique. Je pense que refuser à des enfants qui sont de langue et de culture anglaises l'accès à l'école anglaise, alors que la démographie ne prouve pas qu'à ce moment ils soient une menace à la survie de l'école française ou, enfin, à la survie du fait français au Québec, c'est vraiment ne montrer aucune considération pour les valeurs pédagogiques. Cela démontre, une fois de plus, que ce sont les considérations politiques et non pas la considération des individus et de leurs besoins qui prédominent dans tout ce débat. J'ai bien hâte de voir si le gouvernement, si tout le reste échoue, ce qui semble se profiler à l'horizon, aura la même rigidité à l'égard des enfants qui ont des troubles d'apprentissage? Je définirai quelle catégorie d'enfants à ce moment-là. Mais je pense qu'en dehors de tout ce débat politique certains devraient considérer cet ordre de préoccupations. J'aimerais demander aux participants autour de cette table, s'ils avaient un enfant d'âge scolaire qui était déjà dans le système scolaire, particulièrement au secondaire, s'ils n'hésiteraient pas avant de lui faire faire un bond dans un autre système d'enseignement, c'est-à-dire de langue différente, à moins que les circonstances ne soient celles où se trouvent les immigrants al-lophones qui arrivent ici et qui, de toute façon, devront faire le choix d'une autre langue. Je me demande vraiment si vous n'hésiteriez pas, comme parents, chacun d'entre vous, à dire: En secondaire II, je l'envoie dans un autre système linguistique d'enseignement, à moins, comme je le disais tout à l'heure qu'il ne soit obligé!

Mais ce débat linguistique a de telles proportions politiques que cet ordre de considération est complètement banni des préoccupations du gouvernement... J'aimerais qu'il puisse, quelquefois, y songer. J'arrête ici pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Sur la motion, vous avez pris exactement les vingt minutes. M. le député de Mégantic-Compton et, tout de suite, j'indique que le suivant sera M. le député de Verchères.

M. Grenier: M. le Président, pour terminer l'argumentation qu'avait commencée M. le chef de l'Union Nationale à cette commission, vendredi soir, je voudrais d'abord faire savoir que toute l'argumentation que le ministre nous donnait tout à l'heure, à mon sens, ne tient qu'à un fil, à savoir celui de sa volonté de construire un pays, expression qu'il a utilisée et volonté que ne partage pas l'ensemble de la population qui lui a donné le mandat, à mon sens, non pas de faire l'indépendance, mais d'administrer, comme on l'a dit à plusieurs reprises, comme un bon et vrai gouvernement. Notre position à nous s'inscrit dans la volonté populaire et réelle, à savoir celle de tout faire pour que le Canada respecte mieux le Québec et que le Québec trouve mieux sa place dans un Canada renouvelé, mais toujours dans le Canada.

L'amendement proposé par l'équipe libérale a pour but, à mon sens, d'ouvrir l'école anglaise aux enfants dont le père ou la mère a reçu l'enseignement primaire en anglais. Ce matin, même s'il y a des journaux qui ne font toujours pas l'affaire des ministériels, je veux quand même citer un article

du journal The Gazette, qui se lit comme suit: "The question now is not whether French will have its proper place in Quebec, but whether that place will be achieved in a context of perceived justice and humanity that encourages acceptance, or in a context of injustice and meanness of spirit that can encourage only resentment and bitterness. "That is the present challenge to the National Assembly in general and to the government of Premier René Lévesque in particular".

A mon sens, M. le Président, cette partie d'article justifie assez bien la motion proposée ce matin et sur laquelle nous discutons.

Ainsi, en ouvrant la porte aux véritables anglophones, soit ceux proposés par l'amendement, qui ont fait leur cours primaire en anglais, ce n'est pas l'assimilation des Canadiens français que nous avons ici, mais il semble que cette proposition a l'avantage d'être moins arbitraire.

Ce n'est pas une porte ouverte, comme je le disais, pour l'ensemble des francophones qui vivent au Québec ou encore des immigrants qui arrivent. Déjà, c'est réglé dans une autre partie de l'article. Ce qui compte, c'est que les propositions qui sont faites ici se rapprochent d'assez près à l'article que nous avions proposé. L'amendement que nous avons proposé a l'article 69, au paragraphe b), disait qu'à travers le monde, c'est tant au niveau des principes qu'au niveau des modalités, l'amendement que nous proposons, dis-je, était d'apporter, c'était au paragraphe b), c'est comme cela qu'on peut facilement supporter cet amendement, c'était en fait, le nôtre qu'on devait apporter à ce paragraphe b) qui va suivre dans quelques instants.

Le gouvernement ne semble pas suffisamment confiant dans l'effet d'entraînement qu'aura cette loi. C'est vrai au niveau de la langue de travail, c'est également vrai au niveau de la francisation des entreprises. Ce n'est pas moins vrai non plus quant aux dispositions tant dans le commerce que dans les affaires.

En fait, c'est surtout là qu'on verra que le Québec peut vraiment se donner un visage français. Si le gouvernement voulait bien nous dire clairement s'il amendera la clause Québec au monde ou au moins au reste du Canada, c'est à cause de la réalité canadienne, et la réponse du ministre sur l'accord de réciprocité fait partie de la philosophie du gouvernement sur cette partie de la langue d'enseignement.

Pour nous, une chose est claire, au niveau des principes, on ne connaît pas encore, cependant, les modalités qui seront déposées à St. Andrews. L'éducation, bien sûr, est de juridiction provinciale. Comme l'Union Nationale l'avait fait en 1969 avec l'Ontario, sous le gouvernement de M. Bertrand, ce n'est pas notre intention de nier le pouvoir qu'ont les provinces de faire de tels accords.

Même si les accords de réciprocité se font avec quelques provinces ou avec toutes les provinces, cela ne règle pas le problème de la clause Québec que nous rencontrons à l'article 69. Autrement, ce ne serait plus faire preuve de générosité, comme l'a dit le premier ministre, dans son discours inaugural mais au contraire, ce serait faire preuve de calcul politique. Le vieil adage "Oeil pour oeil, dent pour dent" aurait sa place.

Servir la minorité francophone hors du Québec, oui, mais ne pas s'en servir à des fins partisanes, comme cela semble être le cas dans cette clause de réciprocité pour faire avancer la thèse de souveraineté-association. A cela, l'Union Nationale dit non.

A mon sens, on l'a dit depuis le début, et cela arrivera à plusieurs reprises qu'on devra répéter les mêmes choses, l'option du Parti québécois manque de confiance dans l'effet d'entraînement de l'ensemble des autres articles du projet de loi qui visent, on ne peut plus, la prééminence du français au Québec. Car on ose nous parler ici des dangers d'assimilation que représenterait l'accès à l'école anglaise des éventuels Canadiens ou anglophones venant d'autres pays. On ignore, ou on feint d'ignorer, que le gouvernement du Québec peut, à l'intérieur du système actuel, avec la même détermination qu'il met à défendre sa position sur le dossier linguistique, agir dans le domaine de l'immigration et notamment sur la sélection des immigrants. C'est un pouvoir qu'on s'est donné en 1969. Il me semble qu'il y a là une autorité assez importante qu'on peut exercer et qui peut influencer considérablement l'immigration au Québec.

Et je termine avec ce que M. Biron, le chef de l'Union Nationale, nous disait au cours de la semaine dernière: "Le gouvernement se montre complexé sur ce sujet en dressant une espèce de barrière symbolique dans une attitude qu'on doit qualifier de séparatiste, qui ne tient pas compte, en fait, de la réalité canadienne".

Je dois vous dire que cet amendement apporté ce matin au paragraphe a) était à peu près le même que celui que nous devions apporter au paragraphe b). C'est pour cela que l'Union Nationale votera pour l'amendement proposé par le Parti libéral.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: La première réflexion que je voudrais faire, c'est que je suis assez choqué, je dirais même scandalisé, de voir des gens de ma nationalité proposer ce genre d'amendement.

J'aurais compris que le député de Mont-Royal ou que le député de D'Arcy McGee la présente. Je n'aurais pas été d'accord pour autant, mais j'aurais compris qu'ils ne partagent pas certaines aspirations ou certaines communautés de pensée, une certaine communauté de pensée, une certaine appartenance à une nation. Mais quand je vois des gens de ma propre nationalité présenter un tel amendement, je ne peux faire autrement que d'être profondément choqué, parce que, finalement, ce qu'on nous propose ici, ce n'est même plus l'option Canada par rapport à l'option Québec, c'est l'option monde. C'est l'option de la communauté anglophone à travers le monde, de venir s'établir au Québec et d'avoir, après coup, le

libre choix. Je pense que peu de groupes, même anglophones, devant la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi no 1, ont osé aller jusque là.

Beaucoup de gens ont réclamé, avec insistance, la clause Canada, mais rares sont ceux qui ont osé aller jusqu'à réclamer le libre choix pour tous les anglophones dans le monde, de venir choisir le système d'instruction et d'éducation au Québec. Je pense que c'est inacceptable.

Je pourrais comprendre à la rigueur que des gens partageant le même pays que nous, pas nécessairement la même nation, mais le même pays, nous retournent un peu l'argument suivant: Vous nous proposez la souveraineté-association. Pourquoi n'accepteriez-vous pas la clause Canada? Cet argument pourrait se défendre, mais je ne vois pas avec quel argument on pourrait défendre, par ailleurs, le fait de considérer sur le même plan ou d'éventuellement considérer sur le même plan les Canadiens des autres provinces et des anglophones, des Britanniques, des gens d'Australie, de la Nouvelle-Zélande et d'ailleurs. Je n'arrive pas à comprendre avec quelle logique on peut en arriver à un tel tour de passe-passe intellectuel pour justifier un tel amendement.

Nous, ce qu'on dit aux gens c'est: Ecoutez! A priori, on a des arguments fort importants pour justifier l'option Québec. Cependant, pour deux raisons, on croit qu'il y a avantage, de votre côté autant que du nôtre, peut-être, à regarder des accords de réciprocité. Maintenant, on nous renvoie ces accords ou ces offres d'accords en nous disant: On utilise les minorités francophones à des fins partisanes. On veut implanter, avant le référendum, l'indépendance politique, la souveraineté politique du Québec.

Ce qu'on n'a pas compris, c'est qu'on a une responsabilité particulière — j'ai eu l'occasion déjà de le dire et je le répète encore — non seulement de faire en sorte que les Québécois qui vont à l'extérieur du Québec, sur le sol canadien, jouissent des mêmes avantages que nous, on est prêts à accorder aux autres Canadiens qui viennent chez nous, au Québec, mais que, également, on a une responsabilité de gouvernement national de protéger nos minorités nationales à l'extérieur du territoire national du Québec. Cela, c'est important. Il va peut-être falloir, que l'union Nationale autant que le Parti libéral, mettent, une fois pour toutes, sur la table, comme je l'ai réclamé la semaine dernière, leur conception de ce que c'est, une nation, un Etat et un pays.

Peut-être qu'après, on pourra se rendre compte de la profondeur des désaccords et des divergences de vues. Mais pourquoi a-t-on ces divergences de vues? Jusqu'à maintenant, on se camoufle devant toutes sortes d'argumentations intellectuelles, d'abord, pour ne pas approfondir les notions de base, qui sont pourtant fondamentales dans un débat comme celui-là. C'est dans ce sens qu'une certaine logique, qu'une certaine histoire pourraient justifier de considérer les anglophones du Canada non pas sur un pied différent des anglophones de l'extérieur du Canada, mais, comme je l'ai indiqué, il n'y a absolument aucune logique... D'ailleurs, quand Mme le député de L'Acadie parlait, j'avais plutôt l'impression qu'elle défendait la thèse Canada que l'option monde qu'on présente dans cet amendement.

Quand on nous parle des Ontariens pour nous dire que ce sont des Canadiens eux aussi, on défend l'option Canada, mais on ne parle pas de l'option monde comme on en parle quand on essaie d'introduire le mot "ailleurs".

Par ailleurs, on nous a servi abondamment l'argument économique en disant: Les sources de cadres des entreprises sont importantes et le bassin anglophone du Québec est minime. Il faut donc avoir recours à d'autres anglophones pour faire fonctionner nos entreprises à des échelons supérieurs. C'est, en fait, ce qu'on nous a dit.

M. Lalonde: Non.

M. Charbonneau: Oui, c'est exactement ce que vous nous avez dit. Vous nous avez dit que les entreprises seraient très mal prises si on fermait nos frontières à toutes les entreprises qui en ont le besoin pour des raisons économiques.

M. Lalonde: C'est différent.

M. Charbonneau: C'est la même chose.

M. Lalonde: Vous relirez...

M. Charbonneau: Vous parlerez à votre tour. J'ai l'impression que vous avez souvent l'habitude d'interrompre les gens, comme vous reprochez de le faire aux députés ministériels.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont les journaux qui ont dit que vous étiez méchant.

M. Ciaccia: II commence de bonne heure.

M. Charbonneau: Vous êtes en forme, le lundi matin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Je me suis reposée deux jours.

M. Charbonneau: Pardon?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Donc, M. le Président, j'ai rencontré plusieurs personnes dans le milieu des affaires, y compris des gens de certaines multinationales dont les entreprises, les succursales sont installées dans mon comté. Certaines ont tenté de me défendre l'option Canada, mais aucune n'a eu la hardiesse — ni même n'y a cru vraiment — aucun n'a osé défendre devant moi l'option monde. Personne! Comme je l'ai indiqué tantôt, si on peut

comprendre les gens, dans le milieu des affaires ou ailleurs, qui nous proposent l'option Canada, on ne peut pas comprendre les gens qui, dans ce milieu-là et ailleurs, nous proposeraient l'option monde, le monde anglo-saxon.

Mme Lavoie-Roux parlait tantôt...

Mme Lavoie-Roux: Le député de L'Acadie.

M. Charbonneau: Excusez-moi, le député de L'Acadie. Vous m'avez tellement provoqué que j'en suis revenu aux sources...

M. Lalonde: Cela n'a pas de bon sens. Elle est provocante!

M. Charbonneau: Elle a parlé d'aspects pédagogiques.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas dans mes intentions...

M. Charbonneau: De quoi?

Mme Lavoie-Roux: ...de vous provoquer.

M. Charbonneau: Vous savez, lundi matin, on va vous passer cela.

M. Chevrette: On va vous passer cela!

Une Voix: II y a une vulgarité épouvantable autour de la table!

M. Charbonneau: On vous en a tellement passé jusqu'à maintenant, surtout quand on essaie de nous passer cet amendement.

De toute façon, quand le député de L'Acadie nous parle d'aspects pédagogiques pour défendre l'option monde, en nous disant: II y a peut-être des gens qui ont des troubles d'apprentissage, là encore, je ne vois pas très bien quel rapport cela a avec l'ajout du mot "ailleurs" dans le projet de loi. Il me semble, s'il y a des gens qui ont des troubles d'apprentissage parce qu'ils arrivent au Québec dans un territoire et dans un Etat français et qu'ils sont d'une autre langue, que les problèmes seraient les mêmes pour des gens d'origine italienne, d'origine ukrainienne ou d'origine australienne.

M. Alfred: Une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une question de règlement sur quoi, M. le député de Papineau?

M. Alfred: C'est pour dire qu'un commissaire d'écoles n'est pas nécessairement un pédagogue.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est dit.

M. le député de Verchères, vous reprenez la parole.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie, il ne faudrait pas suivre l'exemple du député de Papineau dans ce domaine.

Mme Lavoie-Roux: C'est tellement élémentaire que ce n'est même pas une question pédagogique; c'est une question de bon sens.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais que Mme le député de L'Acadie ou un de ses confrères nous expliquent dans le bon sens quelle est la différence entre les problèmes que pourrait avoir un jeune Italien qui arriverait ici et qui serait un peu désemparé dans un milieu qui n'est pas le sien, une langue qui est étrangère et un Australien qui arriverait ici, pour qui la langue française serait aussi étrangère que le français est étranger pour un Italien. Je voudrais voir dans quelle logique pédagogique on peut faire un raisonnement différent pour un Italien ou un Australien. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas vu cette logique pédagogique.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez rien compris.

M. Charbonneau: C'est vous qui n'avez rien compris. Vous voulez essayer, par des biais pédagogiques, de nous imposer des notions qui ne tiennent absolument pas compte de la réalité. Les problèmes pédagogiques d'apprentissage sont vrais pour tout le monde ou ils ne sont vrais pour personne. Ce n'est pas parce que des gens parlent anglais que, tout d'un coup, ils ont plus de problèmes pédagogiques que les autres.

Quand on nous dit également: On devrait, au lieu de partir de scénarios basés sur des études statistiques, partir de la réalité, c'est exactement ce qu'on fait. On analyse la réalité et on se rend compte qu'il y a effectivement peut-être des raisons d'être méfiants face à l'avenir. On nous accuse de ne pas être confiants; cela a été un des deux arguments majeurs qui nous ont été servis par le député de Mégantic-Compton. On nous dit: Avec tout ce que vous avez dans le projet de loi no 101, vous n'avez pas de raisons de craindre dans le domaine de la langue d'enseignement.

Je vais vous dire une chose. J'ai demeuré dans un quartier italien, le quartier Saint-Michel, pendant onze ans.

Mme Lavoie-Roux: Ils ont dû être contents de le voir partir.

M. Charbonneau: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai rien dit.

M. Charbonneau: Vous n'avez pas le courage de le répéter, madame.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Verchères, reprenez le droit de parole que vous avez.

M. Lalonde: C'est vous qui l'avez provoquée, là.

M. Charbonneau: Vous êtes parfaite.

Mme Lavoie-Roux: Ne vous inquiétez pas, je suis...

M. Charbonneau: M. le Président, je disais qu'effectivement on a peut-être des raisons d'être méfiants de l'avenir quand on regarde le passé et le présent également.

J'indiquais que j'ai demeuré pendant onze ans dans un quartier — je ne dirai pas à forte prédominance — où une bonne partie de la population était d'origine italienne. C'était une des parties de la petite Italie de Montréal. Je peux vous dire que j'ai constaté, en vivant une douzaine d'années dans ce milieu, qu'il y avait une différence entre l'apprentissage d'une langue seconde, puis l'assimilation. Moi, j'ai vu des jeunes Italiens qui, à sept ou huit ans, étaient trilingues; ils parlaient français, anglais et italien. Ce n'était pas pour apprendre l'anglais qu'ils allaient à l'école anglaise; bien souvent, ils le savaient déjà au départ, à cause de leurs frères et soeurs qui étaient plus vieux. Ce que j'ai constaté, c'est qu'en entrant dans le système anglophone ces jeunes Italiens, lorsqu'ils sortaient à l'université ou au niveau collégial, ce n'étaient plus finalement des jeunes Italiens; c'étaient des jeunes anglophones. Ils avaient choisi une des deux nations du Canada. Ils avaient cessé d'appartenir à la nationalité italienne pour devenir des gens de nationalité anglo-canadienne. On nous dit que cela prend deux ou trois générations avant que des gens quittent ou perdent une nationalité pour en acquérir une autre.

Je peux vous dire que des gens, lorsqu'ils entrent dans le système d'instruction anglais à la maternelle, à l'âge de cinq ans, à Montréal, lorsqu'ils sortent à l'université, au troisième ou quatrième "grade", au McQill College, ce sont des anglophones, ce ne sont plus des Italiens. C'est cela qui est grave. C'est cela qui a fait en sorte...

M. Grenier: C'est vraiment une question de règlement, M. le Président. Je pense bien que le député de Verchères a une excellente argumentation. Je ne répéterai pas ce que je disais l'autre jour, "bene curreris sed extra viam," mais il est en train de nous parler d'une chose qui n'est absolument pas dans l'amendement. On ne parle pas des Italiens ici, on parle des Anglais, on ne parle pas des Italiens émigrés à Montréal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je comprends que M. le député de Verchères se serve de certaines expériences vécues pour supporter son argumentation. Je lui redonne la parole.

M. Charbonneau: Pour réfuter, M. le Prési- dent, l'argumentation qui disait: Vous n'avez pas confiance et vous prenez donc un certain nombre d'attitudes, j'ai dit: Effectivement, nous sommes méfiants à juste droit. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé du cas de la communauté italienne, que je connais particulièrement bien. Si vous trouvez que cette argumentation ne répond pas à la vôtre, libre à vous.

M. Grenier: On a toujours été d'accord des deux côtés de la table.

M. Charbonneau: On ne partage certainement pas l'attitude de confiance extrême que vous manifestez. J'ai tenté, j'espère que je ne me fais pas d'illusion devant le succès que j'ai pu obtenir de l'autre côté de la table, certainement qu'eux ne se font pas d'illusions lorsqu'ils interviennent, j'ai tenté dis-je, d'expliquer pourquoi nous sommes particulièrement méfiants, compte tenu du passé, compte tenu de ce qu'on a vécu. Quand on nous dit qu'il y a une différence, je pense, entre ne pas vouloir accroître une minorité anglophone, une minorité d'une autre nation dont le territoire national et les institutions politiques sont ailleurs qu'au Québec et ne pas vouloir la maintenir. On a raison de ne pas vouloir accroître cette minorité, mais il y a une différence entre ne pas vouloir accroître cette minorité et ne pas vouloir la maintenir.

Ce qui est arrivé au cours des dernières années, c'est que cette minorité, par l'apport de nouveaux immigrants et notamment de gens du milieu britannique, du monde anglophone à l'étranger, est venue grossir de plus en plus les rangs de cette minorité au point où on se rend compte qu'aujourd'hui le pourcentage d'anglophones continue d'augmenter même si les gens, de plus en plus, deviennent bilingues. La question, ce n'est pas que tous les anglophones de Montréal ou du Québec soient bilingues, parce qu'il y a une différence. Ils pourraient tous être bilingues demain matin, mais cela ne changerait pas, pour autant, le fait qu'ils sont des anglophones et qu'ils pensent et vivent en anglais. Ils se retrouvent, un moment donné, au Québec par l'apport artificiel, en particulier, du monde anglophone à travers la planète.

Si on se retrouve, à un moment donné, avec une situation démographique déséquilibrée et si, à un moment donné, les Canadiens français, les Québécois francophones, dont le territoire québécois est le seul territoire national, le seul qu'ils puissent contrôler, qu'ils contrôlent en partie, le seul qu'ils puissent aspirer posséder, si un jour, notamment par cette clause, ils pouvaient se trouver en danger parce que, et vous parlez de scénario, il y a eu toutes sortes de scénarios dans l'histoire de l'humanité, on pourrait imaginer également un scénario qui ferait en sorte qu'on utilise cette clause pour éventuellement grossir, en quelques années, considérablement et artificiellement le nombre d'anglophones au Québec. Cela peut . paraître farfelu et je l'admets, mais si on fait faire des scénarios inverses et aussi farfelus dans l'autre sens, on peut également en faire avec celui-ci dans un sens tout aussi extrême.

Je pense que, dans un texte de loi et je l'ai déjà dit dans un discours en deuxième lecture, qui se veut une loi protectionniste et non pas une loi revancharde, dans un type de loi comme celle-là, je pense que ce genre de clause n'est absolument pas justifié et, au contraire, est condamnable. Pour revenir à ce que je disais au départ, j'aimerais qu'on m'explique la logique de l'option monde par rapport à l'option Canada.

Je pourrais comprendre, à la limite, les gens qui défendent l'option Canada dans le contexte actuel, mais je ne pourrais pas comprendre que des Québécois francophones, des Canadiens français viennent défendre l'option monde et menacer leur territoire national et leur Etat national. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Verchères. M. le député des Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, au début de la séance de ce matin M. le ministre d'Etat au développement culturel a fait allusion, et je crois que c'était extrêmement opportun, à la place des minorités dans le Québec qui se fait. Mme le député de L'Acadie a aussi fait allusion à des questions de cet ordre. Elle a rappelé les propositions que le Mouvement Québec français a présentées. Elle a fait allusion à ce qu'elle a décrit comme le silence du ministre. Je pense que le ministre a déjà rompu ce silence, ce matin même. J'aimerais rappeler à ce propos que les propositions que le Mouvement Québec français a soutenues sont dans la parfaite continuité des positions soutenues en 1974, au moment de l'étude du projet de loi 22, par un front commun d'organismes dont le MQF faisait partie et qui était, je crois, dirigé principalement, à l'époque, par la Ligue des droits de l'homme. Ce front commun dirigé par la Ligue des droits de l'homme avait soutenu comme position que nos structures scolaires devaient évoluer vers la création d'un régime unique, un régime unique d'enseignement qui serait essentiellement français.

Il arrive, M. le Président, que ce sont des questions auxquelles, quant à moi, je m'intéresse depuis de nombreuses années, longtemps avant que je ne me mêle de politique. Je voudrais parler un peu de ces questions de régimes scolaires qui sont reliées très étroitement à la fois à l'article 69 et à la proposition d'amendement que nous avons devant nous. Je voudrais vous parler d'une proposition qui ne fait pas partie de la politique de l'actuel gouvernement du Québec, mais qui est en train de faire son cheminement à l'intérieur des structures du Parti québécois. Ces propositions sont groupées sous un nom bien imparfait que je leur ai donné: l'école ramifiée.

Je voudrais dire, dès le départ, que cette école ramifiée est essentiellement différente de ce qu'on appelle généralement le régime scolaire unique. Mais avant de la définir plus avant, je voudrais expliquer que, comme je viens de le dire, ces propositions font leur cheminement à l'intérieur des structures du Parti québécois. Au dernier congrès national au mois de mai, les idées essentielles qui la constituent ont été adoptées, approuvées par la commission qui étudiait ces questions, mais la structure du congrès n'a pas permis de les adopter ensuite en plénière. Ce sont quand même des idées dont le cheminement continue, mais qu'il est peut-être difficile d'envisager comme devant faire l'objet d'une mise en oeuvre prochaine, parce qu'elles entraîneraient une vaste réforme.

Or, nous savons tous que la société québécoise a vécu durant la décennie précédente une vaste réforme de l'enseignement et des structures scolaires qui a peut-être laissé jusqu'à un certain point des effets traumatiques, ce qui explique une certaine réticence à aborder les questions scolaires, à la lumière de propositions de vastes réformes. Ce à quoi le régime de l'école ramifiée entend porter remède, c'est à la situation actuelle: II y a au Québec, dans le domaine scolaire, ce qu'on pourrait appeler un régime de triple ségrégation. Il y a d'abord ségrégation selon la religion, en vertu de la constitution du Canada, enfin, du document qui tient lieu de constitution du Canada; il y a ségrégation selon la langue, en vertu de vieilles habi-tures, en vertu de ce qui constitue sans doute une tradition. Il y a aussi, de plus en plus, une ségrégation un peu plus diffuse, mais qui repose principalement, sans doute, sur les moyens des parents: c'est la ségrégation entre l'enseignement privé et l'enseignement public.

A une époque où nous parlons — en tout cas de ce côté-ci de la table — de bâtir un pays, on peut s'inquiéter des effets de cette triple ségrégation sur la population, des effets psychologiques de cette triple ségrégation. Les petits Québécois vont à l'école pour apprendre aussitôt qu'ils sont différents d'autres petits Québécois, et on s'empresse de les départager, de les "ségréguer" selon ces différences-là. Les petits Québécois catholiques francophones ne vont pas à la même école que les petits Québécois catholiques anglophones; ils ne vont pas à la même école que les petits Québécois protestants et, s'ils sont à l'école privée, c'est qu'en général les moyens de leurs parents leur ont permis de fréquenter une école qui a peut-être un certain fondement élitiste et dont l'existence est à cet égard sûrement déplorable dans la mesure où c'est cela son fondement.

Cela veut dire que la ségrégation de la société québécoise se perpétue et s'amplifie peut-être par l'action de ce régime scolaire de la triple ségrégation. Je maintiens que cette ségrégation des enfants à l'école a des effets psychologiques néfastes et que, lorsqu'on réfléchit à l'évolution à long terme de nos structures scolaires, nous devons nous interroger là-dessus. Dans ce sens, M. le Président, je conçois, quant à moi, certaines dispositions du projet de loi no 101, par exemple, l'article 69 et, évidemment, l'amendement que nous discutons, comme des dispositions qui, de toute façon, sont transitoires dans le sens où, avec l'adoption du projet de loi no 101, nous aurons fait face aux exigences actuelles de la situation, mais nous n'aurons pas encore fait le pas essentiel vers

les améliorations fondamentales de notre régime scolaire. Ce sont des mesures transitoires indispensables, mais, dans mon esprit, elles doivent être inscrites dans une continuité dans la poursuite d'un but, et le but c'est d'en arriver à un régime scolaire beaucoup plus profondément démocratique, exempt des ségrégations que j'ai décrites, un régime scolaire que, pour le moment, quant à moi, j'appelle le régime de l'école ramifiée.

J'en viens donc à définir un peu mieux ce que serait l'école ramifiée. A l'école ramifiée, il y aurait deux types d'enseignement: l'enseignement du tronc commun, dispensé en français à tous les élèves québécois où qu'ils soient au Québec, et il y aurait, deuxièmement, l'enseignement des rameaux, à ne pas confondre avec les options, parce que l'enseignement des rameaux serait tout aussi obligatoire, pour les élèves inscrits, que l'enseignement du tronc commun.

La caractéristique essentielle de l'enseignement des rameaux, c'est qu'il serait établi selon le profil démographique. Dans chaque localité scolaire, grâce à l'enseignement du tronc commun, le français et l'anglais seraient enseignés à tous les élèves, partout au Québec. L'enseignement du tronc commun comporterait l'enseignement du français et des autres matières considérées essentielles qui pourraient être les mathématiques, l'histoire, la géographie...

Mme Lavoie-Roux: C'est un nouveau ministre de l'Education.

M. de Bellefeuille: ...et tout cela serait... Pardon, madame?

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous dire, je me demandais...

M. de Bellefeuille: C'est à moi, madame, que vous pouvez demander si vous pouvez poser une question.

Mme Lavoie-Roux: Puis-je vous poser une question?

M. de Bellefeuille: Oui, madame.

Mme Lavoie-Roux: Je me demandais, à écouter votre long discours, qui est intéressant d'ailleurs, si vous vous apprêtiez à succéder au ministre de l'Education.

M. de Bellefeuille: Nullement, madame. J'ai déjà expliqué qu'il s'agit de propositions qui se heurtent à beaucoup de réticence, pour les raisons que j'ai expliquées, et je vous réfère, madame, au journal des Débats.

L'enseignement du tronc commun se donne donc en français partout au Québec. On y enseigne les matières de base en français, par exemple l'histoire, la géographie, les mathématiques. On y enseigne le français, bien entendu, en français, et on y enseigne l'anglais, en anglais, bien entendu, partout au Québec.

A cet enseignement du tronc commun s'ajoutent les rameaux à l'intérieur desquels, selon le profil démographique, on ajoute les compléments d'enseignement des langues, les compléments d'enseignement des cultures et l'enseignement religieux selon le profil démographique de chaque localité scolaire, ce qui exige une grande souplesse et qui a l'avantage d'entraîner un pouvoir scolaire local élargi. On réclame, depuis longtemps, une plus grande autonomie scolaire locale; voilà une façon de la réaliser.

Pour être plus précis, par exemple à Westmount, il va sans dire que les jeunes Westmountais, à l'école, recevraient l'enseignement du tronc commun et en plus des rameaux d'enseignement qui, de toute évidence, selon la composition, le profil démographique de Westmount, comporteraient un enseignement plus poussé de l'anglais, un enseignement plus poussé de la culture anglaise, des matières correspondantes à la culture anglaise et, selon les demandes à Westmount, l'enseignement des diverses confessions religieuses qui sont représentées dans cette population.

De la même façon, à Saint-Léonard par exemple, dans les rameaux d'enseignement, enseignement de la langue italienne et de la culture italienne. Dans certains arrondissements scolaires qui gravitent autour du boulevard Saint-Laurent, on peut imaginer qu'il y aurait enseignement de la langue grecque et de la culture grecque, enseignement de la langue portugaise et de la culture ou autres, selon le profil démographique établi dans chaque arrondissement.

Il y a encore, je crois, dans l'Outaouais, une localité appelée Namur où il y a une proportion importante de la population qui est composée de protestants de langue française. Alors,là, on aurait des écoles tout à fait françaises où l'enseignement religieux serait l'enseignement de la religion protestante.

Je sais, M. le Président, que ce genre de proposition risquerait — j'ai fait allusion à certaines réticences et, là, j'emploie un mot plus fort que le mot "réticence" — de provoquer des levées de boucliers chez ceux qui sont très attachés au caractère confessionnel de l'enseignement.

J'ai le plus grand respect pour les personnes qui sont attachées au caractère confessionnel de l'enseignement, mais à ceux qui voudraient lever le bouclier je voudrais signaler tout de suite qu'à mon sens il vaut beaucoup mieux avoir un véritable enseignement religieux là où on le réclame, là où les élèves et les parents le réclament, que de faire semblant. En effet, dans les écoles dites catholiques, à l'heure actuelle, l'enseignement catholique, très souvent, c'est plus ou moins du faire semblant.

Livrer l'enseignement religieux au faire semblant, c'est déplorable, c'est grave vu l'importance de la religion comme élément de la vie sociale. Les rameaux d'enseignement nous permettraient d'établir un enseignement catholique beaucoup plus poussé que ce que l'on trouve à l'heure actuelle dans nos écoles. Cela nous permettrait, là où ce serait réclamé, d'avoir un enseignement de la religion protestante, ce qui au Québec, M. le

Président, à l'heure actuelle, est inexistant. Je vous mets au défi de me signaler un cas précis. Il y a peut-être quelques très rares exceptions, mais ce ne sont que de très rares exceptions. La religion protestante, malgré le nom du régime d'enseignement du secteur protestant, n'est à peu près pas enseignée au Québec à l'heure actuelle. Il en va de même pour d'autres confessions, la religion judaïque et d'autres religions qui sont représentées dans la population. L'enseignement ramifié permettrait de les enseigner là où ce serait demandé.

A propos de l'enseignement des langues et des cultures, je voudrais faire une allusion rapide à une déclaration du député de Mont-Royal qui, il y a quelque temps, nous parlait d'enfants d'immigrants qui, arrivant au Québec, se verraient contraints d'apprendre le français. M. le député de Mont-Royal s'exclamait avec l'éloquence que nous lui connaissons: Que vous vouliez ou non les en empêcher, ces enfants vont devenir bilingues!

Ce que je veux faire observer par votre intermédiaire, M. le Président, au député de Mont-Royal, c'est que les enfants dont il parle ne deviendront pas bilingues. Ils vont devenir trilingues, quadrilingues, quintilingues ou plus, et je déplore cette tendance, au Québec comme au Canada, à faire comme s'il n'existait que deux langues dignes de mention, l'anglais, pour ce qui est du Canada, et le français, pour ce qui est du Québec, le français minoritaire au Canada et l'anglais minoritaire au Québec.

Il y a au Québec, société multiculturelle, d'autres langues. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, dans le débat de deuxième lecture du projet de loi no 101, j'invite les représentants des groupes minoritaires autres que ceux dont les droits sont déjà garantis comme les Amérindiens, les Inuit et les anglophones, à réclamer l'enseignement de leur langue et de leur culture, et M. le ministre d'Etat au développement culturel, ce matin, a parlé dans le même sens.

Je souhaite vivement que, dans un esprit non partisan, tous les membres de cette commission et tous ceux qui s'intéressent à ces questions, examinent ce genre de problèmes, qui nous viennent de la triple ségrégation de notre régime scolaire, examinent les propositions comme celles que je mets devant vous ce matin dans un esprit de respect des minorités, pour leur assurer des conditions favorables à leur épanouissement. Au risque de scandaliser beaucoup certains députés autour de cette table, peut-être plus des députés de l'Opposition que des députés ministériels, je voudrais me déclarer très légèrement en désaccord avec la fin de l'intervention de mon collègue de Verchères lorsqu'il insistait sur la différence entre vouloir maintenir et ne pas vouloir accroître.

Je sais qu'on peut fort bien établir cette différence, mais, quant à moi, je ne veux pas la faire. Je ne veux pas faire cette différence. Je vois très bien que, dans le Québec en devenir, les minorités s'accroissent. Je ne vois rien dans le projet de loi no 101 qui soit destiné à empêcher leur accroissement. Au contraire. Je considère que le projet de loi no 101 vise à l'épanouissement des minorités, mais à une condition essentielle. C'est toute la structure, l'économie, la philosophie du projet de loi no 101 qui vise à réaliser cette condition essentielle: Que ces minorités s'épanouissent et, selon les hasards de l'existence, en viennent à s'ac-croîte, mais dans une société française dans laquelle la majorité francophone ne sera plus menacée.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Ce sera très bref. C'est simplement pour indiquer au député de L'Acadie qu'à l'audition de ses propos, tantôt, je l'ai vue relever l'expression "politique", lorsqu'il s'agissait de mentionner les choix que le gouvernement avait faits dans ce débat sur la question linguistique.

Je veux simplement lui dire que je suis d'accord avec elle et que je considère effectivement que les propositions apportées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi no 101 s'inscrivent dans un contexte politique, mais je voudrais que, du même coup, le député de L'Acadie soit assez honnête pour admettre que toute son argumentation relève d'un choix politique. En d'autres mots, je ne crois pas que, pour quelque loi que ce soit, dans le cadre de quelque débat que ce soit, nous fassions autre chose que des choix politiques étant entendu que le mot "politique", évidemment, peut signifier autre chose que ce que vous sous-entendiez. J'ai eu l'impression que vous vouliez en souligner le caractère partisan plus que le caractère politique. Dans ce contexte, j'aimerais peut-être, dans le cadre d'un autre article que vous pourriez débattre, parce que vous avez malheureusement épuisé votre temps, ce qui n'est pas votre habitude...

Mme Lavoie-Roux: ... qu'importe.

M. Bertrand: Je ne veux pas profiter justement de ce fait pour faire l'intervention que je fais, mais simplement pour vous souligner que je suis, fondamentalement, d'accord pour que, dans le cadre d'un projet de loi aussi important que celui portant sur la question linguistique, il y soit question de politique. Je trouve cela normal. Je trouve même que nous ne serions pas ici à cette place si nous n'en faisions pas.

Tout est de savoir ce qu'on met évidemment dans ce mot-là. S'il s'agit de développer toute une réflexion sur les nations, les nationalismes, les communautés nationales et qu'on veut inférer un certain nombre de principes sur le plan des langues officielles, une langue officielle, deux langues officielles; et si on veut parler des droits acquis ou des droits non acquis, je pense qu'on se situe, de toute façon, quelle que soit notre argumentation, dans un contexte, dans un cadre politique et que, autant pour appuyer vos demandes, vos revendications que nous, pour défendre les nôtres, nous exerçons des choix qui sont tout à fait de nature politique.

Nos choix étant politiques, il s'agit donc de comprendre que, dans le cadre de ce projet de loi no 101, nous avons voulu, très nettement et en l'inscrivant surtout à l'article premier, pour que tout le projet de loi s'en inspire, très nettement marquer qu'il y a une langue officielle, une seule langue officielle au Québec, qui est le français, marquer... Pardon?

M. Ciaccia: ... c'est la même chose qu'en 1974.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, à l'ordre! A l'ordre!

M. Bertrand: Oui, mais la... M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Je ne réponds pas, mais je veux simplement dire, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Non, parce que la parole d'un autre s'entend bien dans son silence propre.

M. le député de Vanier.

M. Grenier: Vous avez lu le Devoir, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Cardinal): Quand il y en a un qui parle, c'est un; le règlement le prévoit. Tout le reste le prévoit, d'ailleurs.

M. Bertrand: Alors, simplement...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'était pas pour vous en particulier.

M. Bertrand: Non, j'avais compris ça.

Simplement pour dire, M. le Président, que le principe dont s'inspire le gouvernement dans sa politique linguistique part évidemment d'un choix qui supposait qu'on reconnaisse que la présence de la communauté francophone du Québec, majoritaire, fait en sorte que nous devons, ici, construire un Québec qui soit français et qu'à cause de ça, il ne peut être question, en tout cas dans notre argumentation à nous, qui repose sur un choix politique, de reconnaître à la communauté anglophone le même type de droits que le député de L'Acadie voudrait lui voir reconnaître. En d'autres mots, quand vous demandiez, dans un des amendements précédents, qui a été rejeté, qu'on reconnaisse le droit à l'école anglaise pour la communauté anglophone, vous parliez donc d'une communauté anglophone et vous vouliez sans doute reconnaître à cette communauté anglophone un statut qui était un statut particulier à l'intérieur du Québec, comparativement aux autres minorités existantes, et toute votre argumentation sur cette motion d'amendement qui voudrait que l'enseignement en anglais puisse être donné aux enfants dont le père ou la mère a reçu cet enseignement au Québec ou ailleurs en anglais, c'est évident que, dans cet "ou ailleurs", il y a un choix politique que vous avez fait, qui est le vôtre et que je respecte. C'est votre droit le plus souverain que de faire un tel choix.

Mais tout ça pour conclure que nous nous trouvons placés devant deux choix politiques qui, étant tout à fait différents l'un de l'autre, supposent évidemment que nous n'allons pas inclure dans l'article 69, mais que vous voudriez inclure dans l'article 69, des éléments qui feraient en sorte que nous nous retrouverions devant une situation tout à fait différente; autant le gouvernement a voulu,, je pense, respecter un critère de justice et d'équité face aux anglophones qui résident à l'heure actuelle au Québec et qui ont acquis, de par le passé, un certain nombre de reconnaissances législatives, reconnaissances sur le plan de l'enseignement, nous avons fait en sorte que l'article 69 permette que ceux qui ont vécu dans ce type de système depuis des dizaines d'années puissent continuer de s'en prévaloir.

Mais, pour ce qui est de la clause "Canada", parce que c'est implicite dans votre amendement dans ces mots "ou ailleurs" je pense que le gouvernement du Québec, voulant se montrer, d'une certaine façon, respectueux d'un principe qu'il veut reconnaître, à savoir le principe d'association dans quelque contexte que ce soit, parce que, pour répondre à quelqu'un tantôt, je pense même que dans le contexte fédéral, il y a aussi partage des souverainetés et il y a association dans un certain nombre de domaines, je pense qu'il était normal que nous fassions valoir ce principe aussi sur le plan canadien, et l'accord de réciprocité, qui est proposé aux autres provinces, m'apparaît tout à fait respectueux non seulement du principe de l'association, mais respectueux aussi, d'une espèce de reconnaissance des réalités canadiennes.

Dans ce contexte, la proposition gouvernementale, la proposition québécoise me paraît répondre tout à fait à un critère de justice pour les minorités existantes au Canada, et aussi respectueux de la volonté de chacune des majorités dans chacune des provinces de voir affirmé son caractère majoritaire et voir reconnu son caractère majoritaire.

Pour ce qui est du troisième élément contenu dans le mot "ailleurs", cette question dont parlait le député de Verchères, la communauté anglophone mondiale, il faudrait peut-être, à un moment donné, s'interroger de façon un peu plus adéquate avec le député de L'Acadie sur son choix politique; parce qu'il y a un choix politique là-dedans, le fait de reconnaître qu'il y aurait deux classes d'immigrants. A toutes fins pratiques, ce ne peut être que cela. Il y aurait les immigrants de souche anglophone et les immigrants d'autres souches: italienne, espagnole, portugaise, allemande, à qui on ne reconnaîtrait pas les mêmes droits à cause d'un choix politique que vous avez fait qui est de reconnaître l'existence d'une communauté...

Mme Lavoie-Roux: C'est une réalité historique.

Le Président (M. Cardinal):A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: Quelle réalité historique? M. Bertrand: ...l'existence...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!

M. Charbonneau: Quelle réalité historique?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le député de Verchères.

M. Chevrette: Vous influencez M. le député de Laurier, Mme le député de L'Acadie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Joliette-Montcalm, s'il vous plaît.

M. Lalonde: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Serait-il possible, M. le Président, que le député de Vanier ne soit pas interrompu par le député de Verchères et le député de Joliette-Montcalm.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, ce n'était pas nécessaire...

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Chevrette: J'en appelle au règlement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! s'il vous plaît!

Ce n'est pas une question de règlement qui est invoquée par le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Chevrette: M. le Président, vous présumez.

Le Président (M. Cardinal): Non, je ne présume pas, je rends une décision. Je ne dis pas que je ne vous donne pas la parole, je dis que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas invoqué une question de règlement.

Le président avait déjà rappelé un certain nombre de députés à l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas besoin d'ajouter à ce que la présidence fait déjà.

M. le député de Joliette-Montcalm sur une question de règlement.

M. Chevrette: Je veux rétablir un fait, c'est un appel au règlement.

Le Président (M. Cardinal): Non, si vous voulez rétablir un fait, vous avez l'article 96 ou une question de privilège. La question de privilège vous ne pouvez la poser qu'à l'Assemblée nationale. Si vous faites un discours vous pourrez invoquer l'article 96.

M. Chevrette: En vertu de l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): Non, il faudrait que vous ayez fait un discours sur la motion. Je m'excuse. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Vanier, vous n'aviez pas terminé, je crois.

M. Bertrand: J'avais presque terminé.

J'en étais à dire que le député de L'Acadie, à toutes fins pratiques — ou il faudrait m'expliquer comment ce ne pourrait être cela — reconnaît deux catégories d'immigrants et voudrait administrer aux immigrants anglophones un traitement différent du traitement qu'elle administrerait aux immigrants venant d'autres nationalités.

Je pense que c'est une idée qu'en toute justice le gouvernement du Québec ne peut pas accepter. Evidemment, le député de L'Acadie en fait une question politique, éminemment politique. Dès lors qu'on veut reconnaître un statut d'égalité à la communauté anglophone à l'intérieur du Québec, il est bien clair que sur tous les plans il faut, dans les articles, reconnaître ce statut d'égalité et faire en sorte qu'à partir d'un principe qui voudrait qu'il y ait deux nations au Québec, à partir du caractère historique de la présence de la communauté anglophone, il faudrait donc avoir un projet de loi qui soit totalement différent de celui-là.

D'ailleurs, cela me fait comprendre un peu mieux pourquoi, dans tout son machiavélisme, la loi 22, qui affirmait un principe à l'article 1, reconnaissait une toute autre réalité dans les articles qui suivaient. Donc, dans ce contexte, je pense que c'est une question de justice pour le gouvernement du Québec de faire en sorte que tous les immigrants soient traités sur un pied d'égalité. De faire en sorte que dès lors qu'on sait que la nature même d'un immigrant c'est de vouloir choisir un autre milieu dans lequel il voudrait vivre, la justice pour le gouvernement du Québec, ce n'est pas d'administrer deux systèmes différents pour des immigrants, mais de les informer de la même réalité, avant qu'ils quittent leur pays et de leur faire comprendre qu'en arrivant au Québec ils s'intègrent dans une communauté à majorité francophone. Je pense même que c'est un service à leur rendre, parce que pour un immigrant, soit-il anglophone, qui viendrait d'Angleterre, de Nouvelle-Zélande ou d'Australie, je pense que c'est un service à lui rendre que de lui faire comprendre que le Québec est français et que s'il désire vraiment venir travailler ici et s'intégrer au Québec, il est plus avantageux pour lui de s'intégrer à l'école française que de s'intégrer à l'école anglaise.

Donc, M. le Président, je pense que le gouvernement s'est appuyé sur la justice la plus fondamentale dans l'inspiration de son projet de loi. Il

reconnaît pour les résidants anglophones actuels du Québec un certain nombre de privilèges acquis évidemment à partir d'une notion de droit assez confuse à travers l'histoire. Deuxièmement, il reconnaît une réalité canadienne qui ferait en sorte que toutes les minorités, dans chacune des provinces, aient un statut égal qui leur soit reconnu. Troisièmement, il fait en sorte que le gouvernement agisse avec justice face à tous les immigrants qui viennent de l'extérieur du Canada afin qu'à ce titre il n'y ait pas deux caisses d'immigrants, M. le Président, mais un seul groupe d'immigrants qui soient traités avec la même justice.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Grenier: M. le Président, est-ce que je peux vous demander une directive?

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Grenier: Je suis un petit peu éberlué, ce matin. Sous la plume de l'excellent journaliste du Devoir, Rodolphe Morissette — d'ailleurs, ils sont tous excellents — on lit: "Les sept députés péquis-tes...

M. Burns: N'importe quoi pour un article.

M. Grenier: Bien oui. S'ils ne m'en écrivent pas, je ne leur en voudrai pas, mais, s'ils m'en écrivent un, je serai bien content.

Le Président (M. Cardinal): N'invoquez pas une question de privilège, mais demandez votre directive.

M. Grenier: Oui. M. le Président, on lit ceci: Les sept députés péquistes d'arrière-ban qui siègent à la commission se trouvent condamnés au silence le plus complet par la stratégie ministérielle, on veut gagner le plus de temps possible. Mais cette loi du silence souffre bien des exceptions, puisque les jeunes députés péquistes, frustrés de plus en plus de ne pouvoir s'exprimer sur une loi qui leur tient sans doute à coeur, tendent de plus en plus à se défouler par le biais de l'indiscipline...

M. Burns: M. le Président, il n'y a pas de directive là-dedans.

M. Grenier: Oui, cela vient. ...des petites farces et des remarques saugrenues sur ce qui se passe parmi "les grands, à l'autre extrémité de la table".

M. Burns: Un parti démocratique. Cela vous surprend, un parti démocratique? Vous n'avez jamais vu cela?

M. Grenier: Loin de leur reprocher, M. le Président, d'intervenir ce matin, je suis en train de me demander s'ils ne sont pas en train d'organiser un "filibuster". Si cela devait être cela...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Grenier: Si cela devait être cela, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Je suis vraiment frustré en cette salle, avec cette table où je n'ai pas le droit de me lever pour que les gens puissent se taire. Quand même, je vous remercie d'obtempérer aux appels à l'ordre. Ce n'est pas une demande de directive, vous le savez bien. Encore une fois, le message est passé et la parole est à M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le premier point que je voudrais exposer sur l'amendement proposé par, je crois, le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est que le fait que nous sommes en faveur de cet amendement ne veut pas dire que nous ne réalisons pas le fait français, la primauté du français et tout ce qui découle de cela au Québec. Il y a eu je ne dirais pas des accusations, mais du fait que nous voulons que les enfants des parents anglophones qui ont suivi leur cours élémentaire ailleurs aient le droit d'aller aux écoles anglaises ici au Québec, on nous impute des motifs en disant qu'on ne réalise pas que le Québec est français, qu'il y a la primauté du français.

Je voudrais clarifier cela. Premièrement, en donnant ce droit, en donnant accès à l'enseignement en anglais à ceux qui ont fréquenté les écoles anglaises ailleurs qu'au Québec pour l'élémentaire, c'est encore pas mal limitatif. Tous les autres immigrants non anglophones seront dirigés vers les écoles françaises. Si on prend cette clause avec les données de l'Université McGill, M. le Président, on voit qu'il n'y a aucun danger et que le système anglophone n'ira pas en augmentant, mais plutôt en diminuant. C'est une question de maintenir leur système, de maintenir leurs écoles et leurs institutions.

Je voudrais rappeler aussi au côté ministériel que nous avons appuyé les six premiers articles du projet de loi qui traitaient des droits fondamentaux, de la question de la langue officielle, du droit de travailler en français, etc. Il n'est pas question pour nous de ne pas reconnaître la primauté du français. En plus, nous appuierons l'article dans le projet de loi, quand nous allons y venir, qui va obliger les écoles anglophones à enseigner le français.

Alors, même si les gens vont fréquenter, vont avoir accès à ces écoles anglophones, ils vont être obligés d'avoir une connaissance du français. Est-ce que je peux...

M. Burns: Etes-vous bons?

M. Ciaccia: Oui, nous sommes excellents dans cet aspect-là. Nous reconnaissons la réalité et nous souhaitons l'améliorer. Et je pourrais faire remarquer qu'il n'y a pas, dans les écoles francophones, ce droit, je crois que c'est un droit, d'apprendre la langue seconde. Alors, le français est établi, il ne sera pas menacé par notre proposition.

Si le gouvernement a reconnu qu'il ne fallait pas diviser les familles, je crois qu'on devrait le féliciter pour avoir appuyé ce principe, il devrait reconnaître aussi qu'on ne peut pas diviser une collectivité, une communauté. C'est le même principe, M. le Président. C'est pour cela que nous appuyons, que nous avons suggéré cet amendement. C'est basé sur le fait qu'on reconnaît qu'il y a deux collectivités principales au Québec. C'est vrai qu'il y a d'autres minorités, mais il y en a deux principales. Une fois qu'on a admis cela, comme le ministre d'Etat au développement culturel l'admet, il dit qu'il veut protéger les droits de la minorité anglophone, une fois que c'est admis, je ne vois pas comment on peut commencer à diviser la collectivité sans se contredire dans le principe original.

Ou on va obliger tous les anglophones à aller aux écoles françaises, ou bien, une fois qu'on a admis leur existence, leurs institutions, leurs écoles... On ne devrait pas créer différents anglophones et essayer de diviser les membres de cette culture. Une autre raison, et peut-être une des raisons importantes... Je crois qu'on aurait dû, M. le Président, discuter de la question de la langue de travail avant de discuter de la langue d'enseignement. Plusieurs mémoires qui ont été présentés par des groupes tant anglophones, que francophones, ont soutenu que d'avoir ici, au Québec, les deux réseaux d'enseignement, anglais et français, c'était un avantage qui n'existait pas ailleurs.

On a insisté sur la nécessité de la langue anglaise dans certaines communications internationales. On nous a dit que si le projet de loi n'avait pas d'amendement, si les gens venant de l'extérieur du pays ne pouvaient avoir droit aux écoles anglaises, cela affecterait certaines industries. Alors, pour des raisons économiques... Cette industrie, M. le Président, je peux comprendre un peu, je ne dirais pas la frustration, oui, je dirais la frustration, de certains qui disent: Ecoutez, qu'on parle donc français au Québec. Ce n'est pas la question qu'on ne veut pas parler français, ce n'est pas cela du tout. C'est la réalité de l'économie internationale, de certaines industries dont la langue de communication est anglais. Elles ne s'y opposent pas, elles veulent et elles parlent français aussi. Nous l'avons vu quand ces invités sont venus à la commission parlementaire. Prenez par exemple le cas de l'Alcan, son centre de recherche déménage à Kingston. Cela doit être fâchant pour quelqu'un, au Québec, de voir un tel événement se produire. Quand le ministre parle que la politique linguistique doit être bénéfique pour tous les Québécois, je crois qu'il devrait prendre en considération les représentations des différents groupes qui font affaires au Québec, non pas qu'ils s'opposent à la primauté du français, au fait français, mais ils disent qu'ils veulent avoir, qu'ils doivent utiliser l'autre langue, l'anglais, et que le projet de loi 101 ne correspond pas aux exigences du personnel, aux exigences qu'ont différentes compagnies pour faire affaires au Québec.

Je ne crois pas que cela va travailler à l'avantage des Québécois de faire un projet de loi qui va forcer, va obliger ou va réduire ces compagnies à s'en aller du Québec, parce que les diplômés des différentes universités, que ce soit l'Université de Montréal, l'Ecole des hautes études commerciales, s'ils n'y a pas de compagnies ici, M. le Président, qui font affaires, où ces diplômés peuvent trouver de l'emploi, même dans leur propre langue, qu'est-ce que ces gens vont faire? C'est là travailler contre les intérêts de tous les Québécois que d'avoir un projet de loi linguistique qui va réduire les occasions d'emploi et qui va changer la façon de ces compagnies d'oeuvrer ici. Je crois que c'est quelque chose qu'on ne veut pas prendre en considération. Je ne crois pas qu'on puisse dire que ce soit du chantage, c'est la réalité.

S'il y avait eu seulement une compagnie qui soit venue dire cela, là, on pourrait prendre cette attitude, mais c'est une approche qui a été prise par différents groupes et ils ont tous donné les mêmes raisons. Il y a même l'Association canadienne d'éducation de langue française qui recommande que le gouvernement reconnaisse et sanctionne les droits de sa communauté anglophone et que, pour la communauté anglophone, cela va même encore plus loin que l'amendement que nous discutons maintenant, la langue d'enseignement puisse être l'anglais.

M. le Président, pour ces raisons, je vais appuyer l'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je me permettrai d'abord de faire un commentaire d'ordre personnel. Il ne m'était pas facile de me lever avant 6 heures ce matin pour prendre l'autobus de 7 heures afin dé me rendre ici. Je suis heureux d'avoir fait cet effort et d'avoir pu entendre l'intervention remarquable du député de Deux-Montagnes.

C'est une contribution intellectuelle passablement exceptionnelle que nous avons entendue à un point tel, M. le Président, que j'ai réprimé une tentation que j'avais, à un moment donné, mais que j'ai vite écartée, de suggérer qu'il allait à l'encontre du règlement. Son intervention était drôlement pertinente, pas tout à fait à l'amendement en discussion, mais j'ai d'autant plus de raisons d'être heureux de l'avoir entendue.

Il me semble, M. le Président, qu'à travers ce long débat, il nous a manqué, à certains moments, des discussions de fond sur ce que nous sommes, sur nos institutions et sur ce que nous voulons en faire. Je ne veux pas être provocateur en faisant un contraste, mais, tout à l'heure, au début de la séance de ce matin, j'ai entendu le ministre d'Etat au développement culturel parler de tendre la main aux minorités. M. le Président, vous vous rappellerez peut-être que, dans le débat de deuxième lecture sur ce projet de loi, j'ai conclu mes remarques en utilisant la même expression. J'ai été vivement malheureux, M. le Président — je le dit en toute amitié, mais en toute sincérité, par votre intermédiaire, au ministre — quand je l'ai entendu utiliser son droit de réplique sans vraiment réagir, sans répondre positivement à ce geste intellectuel que j'avais posé. J'ai été malheureux

d'entendre le ministre d'Etat au développement culturel terminer le débat de deuxième lecture sur un tel projet de loi, sur une telle note, ce qui m'amène à réagir davantage à ce qu'il a dit ce matin, parce qu'il a utilisé un mot qui m'a frappé, un verbe, un participe présent, si vous voulez, qu'il a utilisé comme adjectif.

Le ministre a utilisé le mot "accueillant".

M. le Président, mes connaissances de la langue française peuvent toujours comporter des lacunes, mais, à mon sens, on accueille quelqu'un qui arrive. On n'accueille pas quelqu'un qui est déjà là. Quand le ministre a parlé d'accueil, il a mis l'accent sur l'éventail de cultures d'origines ethniques qui constituent, aujourd'hui, la société québécoise. Nous sommes, effectivement, le député de Deux-Montagnes l'a souligné, une société mul-ticulturelle.

Le ministre a évité, intentionnellement — il l'a dit si je l'ai bien compris — de faire quelque distinction que ce soit entre la minorité qui, à ses yeux, est la minorité anglophone et les autres. Pourtant, il y a des différences. Surtout quant aux effets prévisibles de ce projet de loi, de cette éventuelle loi, il y a une importante différence. C'est qu'en accueillant quelqu'un qui n'est ni anglophone, ni francophone on peut l'attirer vers la majorité, l'intégrer à la vie de cette majorité et intégrer ses enfants au système scolaire de cette majorité. C'est un changement pour cette famille. C'est un changement voulu, accepté d'avance, pace que quand on quitte son pays d'origine pour se rendre dans un autre où la langue est différente, on accepte d'emblée, d'avance, que la vie ne sera plus la même et que la vie ne se déroulera plus, fondamentalement, dans la langue du pays d'origine.

Pourtant, dans le cas de l'anglophone, il y a déjà ici des institutions, une tradition, des rapports avec les autres partis du Canada où l'anglais est la langue majoritaire. Plusieurs députés du côté ministériel, notamment notre collègue de Vanier, ont parlé de cette réalité, de la notion d'association et donc de la justesse avec laquelle le gouvernement met de l'avant la notion de réciprocité. Je ne reviendrai pas sur mon discours de deuxième lecture au cours duquel j'ai exposé des failles, un manque de logique dans cette notion par rapport aux arguments invoqués pour justifier la présentation du projet de loi no 101 tel que nous l'avons devant les yeux.

Il me semble que si l'on examine l'article 69, auquel nous proposons une modification, nous sommes obligés de reconnaître que le gouvernement peut prétendre qu'il n'empêche pas le milieu anglophone du Québec de s'accroître, mais nous devons, en même temps, reconnaître que cet accroissement, selon le texte actuel du paragraphe a) de l'article 69, ne pourrait avoir lieu que par la seule fécondité des gens déjà ici, des gens définis par l'article 69 comme ayant accès au milieu scolaire de langue anglaise. C'est pour cela que nous croyons qu'il est injuste à l'endroit de cette communauté historique d'être limitée à sa seule fécondité pour son accroissement.

J'ai l'impression depuis mon arrivée ici ce matin que les ministériels n'envisagent pas du tout — d'ailleurs, le ministre l'a dit — une modification possible au paragraphe a) de l'article 69, quels que soient les arguments qui peuvent être offerts.

Il me semble, quand même, que nous devons essayer de percer ce mur de résistance et de dire au gouvernement: Voici un amendement que j'appuie, que mes collègues appuient. Si c'est une question de degré, il y a une marge pour la discussion. Si la porte est complètement fermée, je trouverais cela une étroitesse d'esprit malheureuse, à mon sens. En effet je décèle dans l'attitude des ministériels — là, malgré ce que j'ai dit il y a quelques instants, je vais revenir très brièvement à l'argument que j'ai avancé pour démontrer la faiblesse de la thèse de la réciprocité — dans les discours que nous avons entendus ce matin, un certain manque de cohérence ou d'unité de pensée, parce que tantôt on parle de nation en termes de tous ceux qui ont une origine commune et qui sont éparpillés sur tout le territoire du Canada et l'on pourrait même aller jusqu'à englober le territoire de l'Amérique du Nord parce qu'il y a un million Franco-Américains de l'autre côté de la frontière; tantôt on parle d'une appartenance essentiellement territoriale. On dit: Tous ceux qui sont ici, qui parlent le français et, pour utiliser l'expression du premier ministre, qui paient leurs taxes, s'ils peuvent se le permettre, sont des Québécois à part entière, participent à la vie de cette collectivité et font partie de la nation québécoise.

Je voudrais tout simplement soutenir respectueusement que la motion d'amendement trouve sa justification, surtout...

M. Charbonneau: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères, question de règlement.

M. Charbonneau: Le député de D'Arcy McGee me permettrait-il une question?

Le Président (M. Cardinal): C'est son droit.

M. Charbonneau: Je lui demande la permission, comme le veut le règlement, en fait.

M. Goldbloom: D'accord, M. le Président. Je n'ai pas l'habitude d'interrompre le débit des autres députés, mais par exception, oui.

M. Charbonneau: Ce n'est pas pour vous interrompre, mais je sais, par ailleurs, que vous êtes un de ceux avec qui c'est intéressant de discuter, même si on ne partage pas les mêmes opinions.

Vous avez parlé de certains concepts qui sont différents. J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par le concept de nation. On a parlé de nationalisme, de nation, de toutes sortes de choses. Qu'est-ce que vous entendez par cela, d'une part? Deuxièmement, je vous réfère à un

discours que j'ai prononcé en deuxième lecture, en Chambre, et à des interventions que j'ai faites la semaine dernière. Je vous demande si vous avez pris connaissance de cela et si vous avez confronté votre appréciation ou votre notion avec celles-là.

Mais, auparavant, j'aimerais connaître, parce que vous venez d'en parler, quelle est pour vous la signification du terme "nation", dans la façon dont vous, vous l'employez et l'utilisez?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, la meilleure réponse que je peux donner se trouve dans un discours fait, si ma mémoire est fidèle, au cours du débat sur le projet de loi no 1. Je peux me tromper, mais j'irai aux sources et je retracerai le texte. Il a été prononcé par le député de Jean-Talon, et il a cité un auteur français, dont le nom m'échappe malheureusement, qui a donné une définition. C'était surtout celle d'une aspiration partagée, d'un éventail d'aspirations partagées, si vous voulez, plutôt que cette notion d'origine commune ou de langue commune au départ, langue commune pour pouvoir communiquer, oui, mais pas nécessairement langue commune au départ, et pas nécessairement une communauté d'expériences non plus. C'était plutôt une définition territoriale, avec un régime gouvernemental qui serait nécessairement commun, parce que les régimes gouvernementaux sont définis par rapport à un territoire, en l'occurrence le Québec et le Canada, les deux considérations qui sont devant nous. Pour moi, tous ceux qui, habitant ce territoire, partageant la responsabilité du même gouvernement — parce que les électeurs, les citoyens partagent cette responsabilité — doivent, en même temps, partager des aspirations, partager une vie et se considérer et être considérés comme hommes d'une même nation.

M. Charbonneau: Est-ce que vous vous rendez compte que c'est...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Dans la même ligne, si...

M. Goldbloom: J'accepte une deuxième question, mais une dernière, M. le Président.

M. Charbonneau: Une dernière, et je n'abuserai pas de votre temps.

Le Président (M. Cardinal): C'est que je suis lié par l'article 160. Le député de Verchères a droit de poser deux, trois, cinq questions. Vous avez droit de les accepter...

M. Charbonneau: Je n'abuserai pas, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ...mais je ne peux pas enlever ça du temps, comme ça. M. le député de Verchères.

M. Goldbloom: D'accord!

M. Charbonneau: Est-ce que vous vous rendez compte que, justement, vous venez de nous dire que votre définition de la nation, c'est qu'au Canada, il y a une nation et que notre concept de base, nous, c'est qu'il y en a deux et que tout ça, finalement, fait que l'on a peut-être des approches différentes, parce qu'on conçoit la nation d'une façon différente de vous.

M. Goldbloom: Non, là, M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai parlé surtout du Québec, j'ai parlé de régimes gouvernementaux qui existent à deux paliers ici. Je ne crois pas...

M. Charbonneau: Mais c'est parce qu'il y aurait une nation ontarienne dans ce sens-là.

M. Goldbloom: ...qu'il soit opportun que nous poursuivions ce dialogue, qui nous éloigne un peu de la considération en question. J'aimerais bien la poursuivre à un autre moment. Mais, en terminant, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): II y aura la troisième lecture, si on y arrive.

M. Goldbloom: Ce n'est quand même pas le même genre de dialogue qui peut avoir lieu dans un tel contexte, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais c'est que...

M. Charbonneau: Vous avez raison.

Le Président (M. Cardinal): ...la commission parlementaire n'est pas une assemblée de "brains-torming".

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, c'est avec absolument tout le respect que je vous dois que je me permets de dire que c'est dommage que tel ne puisse pas être le cas, parce que, justement, nous n'avons pas cette possibilité en Chambre; le règlement est trop restrictif, et, en commission parlementaire, nous pouvons avoir des échanges qui peuvent être fructueux. Mais, de toute façon, M. le Président, je termine tout simplement en disant: De nos jours, soyons objectifs. Partout, dans le monde, la fécondité a une tendance à la baisse et notamment dans les pays évolués et notamment en Amérique du Nord. Au Québec, la fécondité est très basse, et nous avons même des inquiétudes que, personnellement, je partage, à l'égard de ce bas niveau de fécondité.

Il me semble que si, pour renverser ce qui est perçu jusqu'à maintenant par les ministériels, comme un déséquilibre, si nous disons:

Nous permettrons à la majorité de connaître un accroissement par deux moyens, par la fécon-

dite et par l'assimilation de ceux qui viendront et qui seront accueillis, mais la communauté anglophone comme telle, le milieu anglophone, aura seulement sa fécondité pour pouvoir s'accroître, je trouverais que le déséquilibre serait renversé d'une façon exagérée, que l'on irait trop loin, et c'est pour cela que j'appuie la motion d'amendement.

M. Laurin: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à moins que...

M. Lalonde: Je laisse volontiers la parole au ministre.

M. Laurin: Je voudrais juste réagir brièvement à quelques interventions. Je voudrais d'abord dire au député de D'Arcy McGee que j'avais écouté avec beaucoup d'attention son intervention en deuxième lecture et que j'avais été sensible à cette intervention. Mais j'ai plutôt réagi dans ma réplique à l'ensemble des interventions du côté de l'Opposition officielle et non à la sienne non plus qu'à celles de quelques autres députés dont les interventions avaient constitué des exceptions.

Ce que j'ai dit ce matin, je le pense profondément et je suis heureux qu'il l'ait souligné. Je voudrais aussi revenir brièvement sur quelques aspects démographiques qu'a voulu commenter le député de L'Acadie. Elle a cité à ce propos encore une fois le nom du démographe Jacques Henripin et je voudrais lui rappeler une intervention que le démographe Jacques Henripin a faite devant le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes en 1975. M. Henripin y disait les choses suivantes: "Même dans cette province du Québec, je dois ajouter que le pourcentage relatif des francophones diminuera. Il diminuera pour à peu près les mêmes raisons qu'il diminue dans le reste du Canada. Les immigrants au Québec choisiront aussi l'anglais plutôt que le français. L'accroissement naturel est à peu près le même pour tous les groupes et le seul facteur qui peut apporter un changement, c'est le choix de la langue que les nouveaux arrivants font. "Même dans la province de Québec, environ les deux tiers d'immigrants choisissent l'anglais et le tiers le français. A mon avis, si on veut conserver aux francophones une importance relative dans la province de Québec, qui est la seule place au Canada où le français a des chances de survie, il faudra trouver des moyens de convaincre les nouveaux immigrants qui peuvent venir de pays étrangers ou d'autres provinces du Canada — c'est moi qui souligne — de choisir le français plutôt que l'anglais." "Je ne veux pas donner de conseil particulier sur les moyens de les convaincre, mais ce sera à mon avis la seule façon de conserver une importance relative à la communauté française dans la province de Québec. Même si les chiffres peuvent être mis en doute, les tendances sont relativement solides, car elles sont fondées sur des tendances étudiées depuis de nombreuses années déjà."

Je n'ai pas besoin de vous dire que ce passage de la déposition de M. Henripin nous était parfaitement connu quand nous avons élaboré le projet de loi et qu'il nous a fortement incités à adopter la clause Québec. En fait, nous avons trouvé dans cette intervention du démographe Henripin non seulement une suggestion, mais un appui fort important à la clause Québec et, en fait, à ma connaissance, c'est le seul démographe qui ait appuyé avec autant de précision et autant de force la clause Québec.

D'ailleurs, dans un témoignage ultérieur qu'il rendait, pas plus tard que cette année, en février 1977, devant un tribunal qui étudiait la cause des mécaniciens à Air Canada, M. Henripin est revenu sur le même sujet et il a signalé la baisse progressive de la proportion des francophones à Montréal, et en parlant à ce sujet d'assimilation possible. Il terminait son intervention en cour en disant que même si le processus n'est pas encore menaçant, il est quand même engagé et qu'il était temps d'agir si l'on voulait arrêter la tendance actuelle.

On a voulu opposer récemment les témoignages du démographe Henripin à ceux d'autres démographes, mais si l'on prend l'ensemble de ces contributions au sujet, je suis au contraire d'avis que ce sont les interventions de même que les écrits passés du démographe Jacques Henripin qui constituent peut-être le meilleur appui scientifique possible à la thèse que nous défendons.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Au départ, simplement pour rassurer les facultés au scandale du député de Verchères...

Le Président (M. Cardinal): Justement, avant que vous ne débutiez, je voudrais souligner que ce n'est pas un droit de réplique; cela n'existe pas en commission parlementaire. Il vous reste simplement sept minutes et je vous les accorde évidemment.

M. Lalonde: Oui, M. le Président. Le député de Verchères aurait peut-être trouvé normal que ce soit un député anglophone qui présente cet amendement, mais venant du député de Marguerite-Bourgeoys, il était profondément choqué. Je voudrais dire simplement que cette réaction du député de Verchères semble procéder d'une façon de penser qu'on voit trop souvent, surtout dans ce débat, voulant que si on est d'accord avec le gouvernement, on est un bon Québécois, surtout si on est francophone; que si on n'est pas d'accord avec le gouvernement, tout en étant francophone, on est soit inféodé à ('"establishment" anglophone ou tout simplement des traîtres coupés de la réalité, et tout le reste. Je ne veux pas suivre le député de Verchères à ce niveau, je ne pense pas que cela apporterait une contribution valable au débat.

Revenant à un niveau plus respirable, je vais vous dire qu'il est très difficile de trouver une

trame logique et cohérente dans la position du gouvernement. Dans un premier temps, nous avons tenté de faire reconnaître l'accès à l'école anglaise pour les enfants de la communauté anglophone. On nous a dit: Vos critères seraient difficiles d'application, on a choisi une formule mécanique; on rejette donc votre suggestion. Dans un deuxième temps, on a dit: Bon, le gouvernement a fait son lit, il tient absolument à ce que ce soit la fréquentation scolaire des parents qui détermine l'appartenance à la communauté anglophone; allons de ce côté et, simplement en acceptant ce critère, reconnaissons l'accès à l'école anglaise pour les enfants de la communauté anglophone. Là, on nous dit: Ah, non! La communauté anglophone, c'est celle du Québec seulement.

Le gouvernement, selon la proposition qu'on fait, change de lit à chaque fois. Les raisons que le ministre d'Etat au développement culturel mentionnait ne tiennent pas. Les données démographiques ne justifient pas, à mon sens, une attitude aussi isolée, fermée et timorée. Ces données pourraient être modifiées, dans l'avenir, par des politiques d'immigration. Quant aux migrations elles-mêmes, on a vu, après la démonstration du député d'Outremont, que les apports interprovinciaux sont loin de constituer un danger pour la majorité francophone. Si un tel danger existait ou avait existé, il n'y a aucun doute... S'il y avait un danger réel de minorisation des francophones au Québec, il n'y a aucun doute que la position du Parti libéral, de l'Opposition officielle, y compris la mienne, serait fondamentalement modifiée.

Le ministre a dit qu'il était inacceptable que les nouveaux arrivants profitent gratuitement d'un système scolaire anglais. A mon sens, ce n'est pas un argument qui tient. S'ils ne peuvent pas profiter gratuitement d'un système scolaire anglais, on va les faire profiter gratuitement d'un système scolaire français? Est-ce le fait de profiter gratuitement qu'on leur reproche? Quelqu'un avant moi a fait remarquer que les nouveaux arrivants, une fois arrivés, sont simplement des Québécois comme tout le monde et qu'ils paient leurs taxes.

On a dit: Pourquoi serait-ce anormal, pour un cadre arrivant au Québec d'inscrire ses enfants à l'école française? C'est un fait qu'individuellement les parents de tels enfants, devant venir travailler à Montréal, pourraient trouver avantageux, temporairement, pour le temps qu'ils restent au Québec, d'envoyer leurs enfants à l'école française pour leur faire apprendre la langue française, mais la réalité, de façon générale, est tout autre. L'attrait de Montréal comme capitale des sièges sociaux au Canada a considérablement diminué depuis les années cinquante; cela n'a rien à voir avec le fait français. Cela a tout simplement été le déplacement du pôle d'attraction de Montréal à Toronto lorsque l'économie américaine a investi massivement au Canada, après la deuxième Grande guerre.

Dire que les francophones remplaceraient les anglophones qui partiraient, en principe je serais d'accord et probablement que c'est vrai pour une partie. D'ailleurs, depuis la loi 22, tous les échos qu'on a du milieu de la grande entreprise sont à l'effet que les francophones sont beaucoup plus en demande au niveau de l'administration de la grande entreprise qu'auparavant. Mais ce serait le fait d'une ignorance totale du milieu des affaires de penser qu'un siège social d'une entreprise pourra ou voudra, même s'il le pouvait, remplacer par des Québécois, des Québécois francophones en l'occurrence ou anglophones, dépendant des disponibilités, les cadres qu'elle doit avoir régulièrement, soit pour remplir des vacances ou pour leur faire occuper des nouvelles fonctions.

Le siège social d'une entreprise tend à refléter les marchés de cette grande entreprise. Je parle de la grande entreprise, c'est-à-dire de celle qui fait des affaires non seulement au Québec, mais à l'extérieur du Québec, dans d'autres provinces ou dans d'autres pays. Ainsi, même si son siège social est au Québec, la grande entreprise, au niveau des cadres, pas nécessairement au niveau subalterne où elle puisera au bassin plus immédiatement disponible, voudra conserver un reflet de ses marchés. Si 80% de ses affaires sont à l'extérieur du Québec, vous verrez une bonne proportion de ses cadres qui viendront de l'extérieur du Québec, qui viendront au siège social, souvent temporairement, pour un certain entraînement, une certaine formation, un certain recyclage et, ensuite, pour assumer des responsabilités à l'extérieur. Alors, l'entreprise qui se verrait tarir la source de cette mobilité aurait beaucoup plus tendance à déménager qu'à faire appel à des francophones ici et c'est le danger que j'ai décrit lorsque j'ai présenté la motion, vendredi dernier.

On a dit: Bien, la grande entreprise va se recycler. Oui, elle a déjà commencé à se recycler, à franciser et à francophoniser.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Verchères sur une question de règlement.

M. Charbonneau: Je vous soumets qu'actuellement on discute de la langue d'enseignement et qu'il y a un autre article dans la loi, qui prévoit la discussion sur les cadres et les sièges sociaux. Là, il faudrait qu'on nous dise comment — laissez-moi terminer, M. le Président, mon intervention — pour des cadres, c'est important d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. C'est cela, la langue d'enseignement. Là, on ne nous parle pas des enfants des cadres qui vont aller ou non à l'école anglaise, on nous parle des sièges sociaux. Il y a un autre article dans la loi qui prévoit cela et on devrait en discuter à ce moment-là.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, je...

M. Lalonde: Sur la question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Sur la question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, si le règlement me permettait de reprendre le temps que j'avais

vendredi, lorsque j'ai fait justement cette explication. Je ne sais pas si le député de Verchères était là, mais je n'ai pas le temps actuellement.

M. Charbonneau: Vous n'avez pas parlé des enfants des cadres qui iraient à l'école anglaise; vous n'avez jamais parlé de cela.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je ne rendrai pas de directive sur cette question, parce que je m'avancerais sur le fond. J'indiquerai, cependant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, qu'au moment de l'interruption il vous restait à peine trente secondes.

M. Lalonde: Alors, M. le Président, je veux dire que le danger que représente cette clause est réel, quant au milieu économique et surtout aux sièges sociaux de Montréal. On ne peut pas du revers de la main simplement l'oublier. Je pense que le coût économique est important pour les francophones comme pour les anglophones, parce qu'il faut que les sièges sociaux soient à Montréal pour que les francophones y aient accès, chez eux. Cette clause étant dangereuse, j'invite les membres de cette commission à voter en faveur de l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): Alors, est-ce que je pourrais mettre cette motion d'amendement aux voix? Est-ce qu'il y a un appel nominal?

Une Voix: Oui, d'accord.

Vote sur la motion

Le Président (M. Cardinal): II s'agit de l'amendement proposé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Nous avons discuté assez longuement pour qu'il ne soit pas nécessaire que je relise cet amendement. M. Alfred (Papineau)?

M. Alfred: Fermement contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)? Absent.

Mme Lavoie-Roux: Une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, madame.

Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être davantage une directive. Est-ce qu'il est permis de qualifier son vote?

Le Président (M. Cardinal): Non, madame. M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Michaud (Laprairie), absent; M. Roy (Beauce-Sud), absent; M. Goldbloom (D'Arcy McGee)?

M. Goldbloom: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda), absent.

Pour ou en faveur de la motion: 6 Contre: 9

La motion est rejetée. Je rappelle le processus que nous suivons. Je reviens a la motion principale avec ce qualificatif que nous avions décidé...

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous que je termine, M. le député de Bourassa? Nous étudions cet article alinéa par alinéa. Oui, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je crois que, sur le vote... Vous avez dit que nous étions combien du côté ministériel?

Le Président (M. Cardinal): 9

Une Voix: Nous sommes 10.

M. Laplante: Pourtant, nous sommes 10.

Le Président (M. Cardinal): Je vais répéter le vote. M. Alfred (Papineau), cela fait 1. M. Bertrand (Vanier)...

M. Lalonde: C'est possible que le ministre de l'Education ne soit pas membre.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de l'Education n'est pas membre.

M. Burns: M. le ministre de l'Education n'est pas membre pour la séance de ce matin.

Mme Lavoie-Roux: II est venu nous écouter.

Le Président (M. Cardinal): J'ai mentionné ce matin que c'était une nouvelle séance. Cette commission qui a été instituée le 9 mars a été modifiée au moins à trois reprises; vous m'éviterez de vous rappeler chacune des modifications, ce qui indique le résultat.

Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Le député du comté de Taschereau est-il membre de la commission?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Avez-vous voté, ce matin? M. Guay: Avec plaisir.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je m'excuse. M. Guay: J'ai voté contre.

M. Grenier: Je n'en doute pas, j'avais été distrait.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si le ministre de l'Education désire parler, je comprends qu'il devra, étant donné qu'on a éventuellement battu ma motion et, dès le début, demander la permission...

M. Laplante: ...demander à la commission.

M. Lalonde: ...mais, d'avance, je vous dis que l'Opposition officielle, sera en faveur du droit de parole du ministre de l'Education, que je trouve un peu silencieux.

M. Burns: Le ministre de l'Education est un peu plus loquace.

M. Lalonde: Sauf quand...

M. Morin (Sauvé): Je ne voudrais pas aider le "filibuster" de l'Opposition, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais, aujourd'hui, c'était le "filibuster" du gouvernement.

M. Lalonde: Vous avez parlé plus longtemps que nous autres.

M. Grenier: Le Parti libéral donne son entière confiance, quant à l'Union Nationale, on jugera en temps et lieu.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. Burns: ...cet après-midi.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est pour me protéger, c'est pour nous protéger.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Dois-je comprendre que le paragraphe a) de l'article 69 est adopté?

M. Ciaccia: Non, je veux faire une intervention, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Pardon, M. le député?

M. Ciaccia: Je voudrais parler sur l'article 69a.

Le Président (M. Cardinal): Attendez un peu, je vais vous donner le temps, sur l'alinéa a). M. le ministre d'Etat au développement culturel, il lui reste une minute; Mme le député de L'Acadie, il lui reste quatre minutes; M. le député de Lotbinière, qui n'est pas ici, il lui reste quatre minutes. M. le député de Mont-Royal, vous avez donc le droit de parler sur la motion principale.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Paragraphe a).

M. Ciaccia: Je n'ai pas parlé sur le paragraphe a).

Le Président (M. Cardinal): Non, d'accord, je vous donne le droit de parole.

M. Ciaccia: M. le Président, nous trouvons que le paragraphe a) du projet de loi ne va pas assez loin, ne répond pas aux exigences, aux besoins non seulement de la communauté anglophone, de ceux qui devraient avoir le droit d'accès aux écoles anglaises, mais il ne répond pas non plus aux exigences de tous les autres Québécois quant aux effets de cet article sur notre société et sur notre économie.

M. le Président, je proposerais...

Le Président (M. Cardinal): Je vais faire un rappel à l'ordre, quand même. A l'ordre, s'il vous plaît! Il y a beaucoup de mini-caucus qui se déroulent. D'ailleurs, je veux me corriger — je fais mon mea culpa d'une erreur que je viens de commettre — en disant à M. le ministre d'Etat au développement culturel, qu'il lui reste une minute. En vertu de l'article 160, alinéa 2, il a un temps illimité.

M. le député de Mont-Royal, je m'excuse de cette interruption au tout début de votre exposé. Je considère donc qu'il vous reste tout votre temps.

Motion d'amendement M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Puisque nous sommes d'opinion que cet article 69a ne répond pas aux exigences de notre société, nous avons essayé de faire des amendements pour élargir l'accès aux écoles anglaises. Premièrement, nous avons suggéré que tous ceux qui sont membres de la communauté anglophone... et, quand cela a été rejeté, nous avons pris le critère de facilité d'administration. Nous avons suggéré que l'accès à ces écoles soit pour les enfants dont les parents ont fréquenté les écoles élémentaires ailleurs qu'au Québec. Cela aussi a été rejeté par le gouvernement.

M. le Président, je proposerais en amendement à l'article 69, "Que le paragraphe a) de l'article 69 soit modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "Québec" par le mot "Canada".

Le paragraphe amendé se lirait comme suit:

M. Burns: Quelle surprise!

M. Ciaccia: "a) les enfants dont le père ou la mère a reçu au Canada l'enseignement primaire en anglais."

M. Burns: On ne s'attendait pas à cela pas du tout. Qu'est-ce qui vous a pris?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le bénéfice des membres de la commission, il est proposé par le député de Mont-Royal, la mo- tion d'amendement suivante à l'article 69 a). "Que le paragraphe a) de l'article 69 soit modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "Québec" par le mot "Canada".

S'il était adopté, le paragraphe amendé se lirait comme suit: "a) les enfants dont le père ou la mère a reçu au Canada l'enseignement primaire en anglais," et je déclare immédiatement cette motion d'amendement recevable et reçue.

M. Grenier: M. le Président, afin de sauver du temps à la commission, j'ai cru saisir que certains ministériels semblaient donner leur adhésion à la motion. Avant tous les discours, on pourrait peut-être demander le vote immédiatement.

M. Laurin: M. le Président, nous voterons contre cet amendement exactement pour les mêmes raisons que j'ai apportées ce matin à l'encon-tre de l'amendement qui nous avait été proposé antérieurement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a des députés qui voudraient intervenir sur l'amendement proposé par le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais intervenir au tout début, parce que, vendredi dernier, le député de Saint-Jacques s'est référé à moi d'une façon que je trouve inacceptable. Il m'a imputé certains motifs, il a laissé croire qu'un discours que j'avais prononcé à Niagara Falls n'était pas admissible en ce qui concernait les francophones du Québec. Je voudrais, à l'appui de ma motion, citer quelques extraits de ce discours que j'ai donné à Niagara Falls. Je voudrais préciser, M. le Président, que je ne suis pas un habitué du français, je l'ai donné en anglais, M. le député de Maisonneuve, mais je vais le traduire.

M. Burns: Allez-vous nous le donner en français?

M. Ciaccia: Oui. Ce n'est pas mon habitude, mais je pourrais vous le donner... Naïvement, j'essaie de vous répondre, mais je pourrais vous ignorer.

M. Morin (Sauvé): Est-ce vraiment le seul discours que vous puissiez nous citer?

M. Ciaccia: Non ce n'est pas le seul. J'en ai d'autres, mais la raison...

M. Morin (Sauvé): Ah! vous en avez d'autres!

M. Ciaccia: ... pour laquelle je cite celui-ci, c'est que le député de Saint-Jacques s'y est référé.

M. Grenier: M. le Président, question de règlement. Je me rends compte que le ministre de l'Education pose des questions, alors qu'on ne lui a pas encore accordé le droit de parole.

M. Morin (Sauvé): Je m'en excuse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La parole est au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Ce n'est pas mon habitude de citer mes propres discours. Si je le fais, c'est parce qu'il y a eu des motifs qui ont été soulevés par le député de Saint-Jacques. Je me trouve dans l'obligation de corriger des propos du député à mon égard qui n'étaient pas justes du tout, ils étaient erronés et je ne peux pas accepter ce qu'il a laissé entendre vendredi soir.

Premièrement pour situer le discours dans le contexte... Le député de Saint-Jacques a laissé entendre que lorsque je parle à des anglophones, il ne voudrait pas être là parce qu'il trouverait inadmissible ce que je leur dis, suggérant que je leur dirais des choses qui seraient anti-francophones.

Je voudrais situer ce discours. Il a été fait, à Niagara Falls, devant un groupe d'anglophones de tous les coins du Canada et du Québec, et je l'ai fait en anglais. Ce matin, j'ai une traduction.

Je disais donc: "Pour comprendre la nature des ajustements nécessaires du Canada" — entre parenthèses, ces propos sont aussi à l'appui de la motion que je présente — " aux nouvelles conditions sociales du Québec, essayons brièvement de regarder la Confédération par les yeux des Canadiens français. Isolés des grands courants de la pensée et de la culture françaises dans ce qu'ils appellent une mer anglaise, il est compréhensible que les Canadiens français éprouvent un certain sentiment d'insécurité."

Et plus tard, je disais: "A l'époque de la Confédération, les Canadiens français hors du Québec formaient un assez fort pourcentage de la population. Depuis lors, des millions d'immigrants venus au Canada se sont joints à la collectivité anglophone, réduisant la population canadienne-française à une fraction du total en dehors de la belle province. Non seulement les immigrants ont-ils ajouté à la population anglophone, mais nombre de Canadiens français hors du Québec ont été assimilés par elle. Ce n'est que tout récemment que l'on a commencé à freiner cette tendance inquiétante, en partie grâce à une véritable renaissance de la culture et des arts français, en partie, aussi, grâce à la législation et à l'aide fédérale et provinciale.

Une autre conception que se font les Canadiens-français de la Confédération, c'est que le monde des affaires, anglophone, a dominé, pour ne pas dire exploité, économiquement, les Canadiens français du Québec. Les Canadiens français se considèrent comme l'un des peuples fondateurs du Canada. Après tout, ils furent les premiers à s'établir au pays et à le coloniser.

C'est pourquoi les francophones hors du Québec n'accepteront jamais de n'être considérés que comme un autre groupe ethnique hors du courant anglais."

Et plus tard, je disais: "On peut retracer, avant même la Confédération, cette alliance unique de deux peuples. Les Pères de la Confédération ont reconnu l'association politique des deux peuples fondateurs. On le sait par une lettre de Sir John A. Macdonald au directeur de la Montreal Gazette. A l'époque, l'élite anglophone du monde des affaires de Montréal était mécontente de l'alliance politique entre Macdonald et Cartier. Quelques années plus tôt, ce même groupe avait brûlé le parlement que présidait Lord Elgin pour protester contre une autre coalition anglo-française, le gouvernement réformiste de Lafontaine et de Baldwin."

Et Macdonald écrivait aux Anglais de Montréal. "Vous ne pouvez oublier que vous avez été suprêmes. Vous luttez pour conserver cette ascendance. Traitez-les — les Canadiens-français — comme une nation et ils réagiront comme réagit généralement un peuple libre, avec générosité. Traitez-les comme une simple faction et ils réagiront de même." Ces paroles semblent bien prophétiques à la lumière du projet de loi du Dr Laurin sur la langue.

Les Canadiens anglais et les Canadiens français devraient se rappeler que la Confédération ne serait probablement jamais née sans la participation et l'appui des Canadiens français.

C'est, en grande partie, grâce aux Canadiens français que la Confédération fut conçue comme un système qui subordonne la totalité de la nation aux intérêts de ses groupes composants. Pour que fonctionne la Confédération, le Canada devait devenir un pays où les Canadiens français conserveraient leur nationalité. Les immigrants comme moi peuvent remercier les francophones de ce pays de ce qu'il soit la mosaïque culturelle dont on a tant parlé plutôt qu'un "melting pot". Pour les francophones du Canada, la Confédération est une entente, un accord, un contrat entre les deux peuples fondateurs, une association, non une fusion. Malheureusement, comme sir John A. Macdonald l'avait prédit, l'écart s'est élargi entre l'idée et la réalité ".

M. le Président, je souligne ces paroles, parce que je crois que le député de Saint-Jacques a laissé une fausse impression quant à l'approche que je prends face au projet de loi no 101. Je crois que c'est assez difficile, aujourd'hui, d'essayer de trouver un juste milieu dans la situation politique et dans le contexte actuel pour ne pas se faire accuser et ne pas créer l'impression que le député de Saint-Jacques a créée.

M. le Président, ces propos expliquent aussi la raison pour laquelle je fais cet amendement. Je ne veux pas traiter le Canada comme étant déjà divisé en deux pays, le Québec et le reste. Je crois que, malgré les difficultés qui ont existé, le présent gouvernement n'a pas reçu le mandat de faire des projets de lois qui présupposeraient que le Québec est déjà séparé. C'est ça que l'article 69 a) du projet de loi, tel que rédigé par le gouvernement, présuppose. Il présuppose qu'il y a déjà, dans ce domaine, une division, une séparation en-

tre le Québec et le reste du Canada. Je crois que ce n'est pas le mandat du gouvernement. C'est plutôt, je croirais, symbolique que la réalité. En effet, même si nous prenons les données démographiques de l'Université McGill — je demanderais même au ministre d'Etat au développement culturel de nous le dire vraiment s'il n'est pas d'accord avec ces données — si nous limitons le réseau anglophone — c'est déjà beaucoup de limiter cela à ceux du Canada seulement, à ceux qui ont fréquenté les écoles élémentaires au Canada — nous voyons que ce n'est pas cela qui constituera une menace au nombre de francophones et au réseau des francophones au Québec.

Par exemple, selon le mémoire de l'Université McGill, les transferts nets entre groupes linguistiques se font de l'anglais au français, pas l'inverse. Il mentionne le pourcentage de migration interprovinciale qui est affecté et il y a plutôt un départ des anglophones du Québec vers les autres provinces plutôt qu'une immigration ou une entrée au Québec.

Pour ces raisons, je ne vois pas pourquoi on limite l'accès à l'enseignement de l'anglais de la façon que le fait le projet de loi, et spécialement si on prend en considération déjà la lettre du premier ministre aux autres provinces. Si cela n'avait pas été introduit, on pourrait dire que vraiment le ministre d'Etat est préoccupé par le nombre des anglophones des autres provinces qui pourraient venir au Québec et augmenter le réseau anglais et réduire le pourcentage de francophones. Mais on voit que ce n'est pas ce principe qui motive les gestes du gouvernement, le gouvernement ne semble pas être motivé par la crainte du nombre d'anglophones qui vont venir. Si telle n'est pas sa préoccupation, on peut se demander pourquoi il limite ainsi l'article 69.

La lettre du premier ministre invite les autres provinces à faire des ententes avec le Québec pour que les autres provinces accordent aux francophones les même droits que la province de Québec accorde ici aux anglophones.

Premièrement, pour qu'il n'y ait pas de fausse interprétation, je crois qu'on est tout autant préoccupé que le gouvernement par la situation des francophones en dehors du Québec. En commission parlementaire des affaires culturelles, j'avais demandé au ministre des Communications et des Affaires culturelles ce qu'il allait faire puisqu'il était désormais en position d'aider les francophones des autres provinces par l'entremise des différents programmes de son ministère, ce qu'il allait faire pour essayer de promouvoir leurs intérêts, de promouvoir les programmes culturels, les droits des francophones en dehors du Québec. A ce moment, le ministre des Communications — c'était au mois de mars ou au mois d'avril — avait laissé entendre que ce n'était pas sa préoccupation et que cela ne devrait pas être la préoccupation du gouvernement.

Maintenant, nous voyons que le gouvernement a changé d'attitude, au moins publiquement, que le premier ministre a cette préoccupation et que je crois que c'est quelque chose dont il doit se préoccuper, que c'est bien fondé de vouloir donner aux francophones hors du Québec les droits linguistiques et le droit aux écoles que les anglophones ont ici, au Québec, tenant compte naturellement du nombre, de la situation et de l'endroit où ils se situent.

Afin de rétablir un équilibre, il existe déjà — je crois que plusieurs membres à cette table sont au courant — dans les autres provinces des écoles pour les francophones. Naturellement, ce n'est pas au même niveau, ce n'est pas de la même façon et je suis tout à fait conscient des lacunes qu'il peut y avoir, mais il ne faudrait pas laisser dans l'esprit du public l'idée que cela n'existe pas du tout.

Par exemple, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont des lois qui assurent l'éducation en français et ce droit à l'éducation est compris dans les lois de ces différentes provinces. Ces trois provinces rassemblent 80% de tous les francophones hors du Québec. En Ontario, d'après les derniers chiffres, ceux du recensement de 1971, il y avait 110 000 étudiants qui ont fait leur instruction en français. Les écoles élémentaires francophones se chiffraient à 310, les écoles secondaires francophones se chiffraient à 24 et les écoles secondaires qui dispensaient aussi l'enseignement francophone, étaient au nombre de 36, ceci pour une population de 482 000 francophones, dont, comme je le disais, 110 000 étudiants.

Au Nouveau-Brunswick, la population francophone se chiffre à 217 725; les étudiants qui reçoivent l'enseignement en français y sont au nombre de 54 000 et les étudiants anglophones y sont à peu près 106 000. Cela représente approximativement, la population francophone et anglophone de cette province.

Au Manitoba — on parle souvent de cette province — la population francophone est de 60 000, la population d'étudiants est de 10 158, qui reçoivent l'instruction en français, il y a 40 écoles élémentaires où l'éducation est donnée principalement en français, il y a quinze écoles secondaires où l'éducation est donnée principalement en anglais et il y a un collège francophone, le collège Saint-Boniface.

Dans les autres provinces, M. le Président, il y a aussi des écoles francophones sauf que —je ne suis pas certain — je pense qu'en Colombie-Britannique, il ne semble pas y en avoir. Mais la plupart des autres provinces en ont. La tendance est d'augmenter et d'accroître ces écoles et le droit des francophones de les fréquenter.

M. le Président, pour ces raisons, nous voyons que la tendance est de donner l'école française dans les autres provinces et je crois que le ministre ne nous a pas vraiment donné de bonnes raisons valables à savoir pourquoi il limite l'école élémentaire à ceux qui l'ont fréquentée au Québec seulement. Je crois que peut-être il ne veut plus avoir certaines réserves quant à la définition de la communauté anglophone, mais une fois qu'il accepte le principe d'avoir des écoles du réseau anglophone, c'est difficile à comprendre pourquoi il fait cette division entre ceux du Québec et ceux du

reste du Canada, spécialement quand son premier ministre lui-même a ouvert la porte pour donner de tels droits aux anglophones...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste 45 secondes pour conclure.

M. Ciaccia: Très bien, en terminant, M. le Président, je crois qu'on devrait modifier... Même en admettant que les ententes se feraient entre les différentes provinces, comment cela pourrait-il être administré? Cela va créer différentes catégories de citoyens. Quelqu'un qui va venir d'une province où il y a une entente n'aura pas les mêmes droits qu'un autre qui vient d'une province où il y a cette entente. Comment le gouvernement va-t-il l'administrer? Comment peut-il dire qu'il ne crée pas différentes catégories, différentes classes de citoyens?

C'est une discrimination évidente et je crois que tous ces problèmes pourraient être évités en acceptant notre motion et en changeant le mot "Québec", en admettant aux écoles de langue anglaise ceux qui ont reçu leur enseignement non seulement au Québec, mais au Canada aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Etant donné qu'il ne reste que deux minutes avant 13 heures, y aurait-il consentement unanime pour qu'on ajourne les travaux sine die?

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 16 h 26

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Nous commençons une autre de ces séances de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications sur le projet de loi 101.

Nous en sommes à l'article 69, alinéa a) et nous avons devant nous une motion pour que le paragraphe a) soit modifié pour remplacer le mot "Québec" par le mot "Canada". La parole est à M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Avant de commencer, je voudrais ouvrir une...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! J'ai oublié quelque chose. Je veux être bien sûr des membres de la commission, puisque c'est une nouvelle séance.

M. Alfred (Papineau).

M. Alfred: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier).

M. Bertrand: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Morin (Sauvé); M. Charron (Saint-Jacques), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes).

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay).

M. Dussault: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa).

M. Lalonde: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget).

M. Laurin: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme La voie-Roux: Présente.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé).

M. Le Moignan: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Raynauld (Outremont).

M. Raynauld: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Burns (Maisonneuve).

Je m'excuse, M. le député de Gaspé, mais c'est une procédure nécessaire pour la poursuite de nos travaux.

M. Le Moignan: Je vous comprends, M. le Président.

Avant de commencer, je voudrais simplement ouvrir une petite parenthèse pour ne pas être accusé d'être trop anglophone. Je devrais dire que j'ai reçu mon enseignement primaire à l'école anglaise, tout en recevant en même temps l'enseignement dans la langue française, ce qui ne m'empêche pas pour autant de privilégier le fait français et d'être en accord sur plusieurs aspects du projet de loi qui fait l'objet de notre débat en ce moment.

M. Morin (Sauvé): Vos enfants auront-ils le droit au libre choix, M. le député?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Le Moignan: M. le ministre, j'apporterai des précisions quant à ma progéniture plus tard.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je participe à cet amendement qui a pour but de permettre l'accès à l'école anglaise aux enfants dont le père ou la mère a reçu l'enseignement primaire en anglais, non seulement au Québec, mais également à n'importe quel endroit ici au Canada.

Je voudrais apporter quelques brèves raisons pour dire que je suis tout à fait d'accord avec cet amendement qui faisait déjà partie des études que l'Union Nationale a faites récemment et qui sont inscrites dans ce livre bleu que nous avons déjà soumis à l'attention des membres de la presse et aussi de plusieurs députés d'ailleurs qui en ont pris connaissance.

Si j'ai accepté de prendre la parole à ce moment-ci, c'est que je m'inspire un peu de cette générosité dont a parlé le premier ministre dans son message inaugural et, tout dernièrement encore, à l'Assemblée nationale. Je le fais aussi pour favoriser, au moins en cette matière, un consensus de tous les Québécois dans le sens d'un projet collectif. Et puisqu'on a précisé que les Québécois, ce sont non seulement les Canadiens français, mais comme je l'ai mentionné à l'Assemblée nationale, tous les anglophones, à ce moment-là, j'ai donné l'exemple des gens de la côte de Gaspé, dont une partie de mes ancêtres, qui sont fiers aussi aujourd'hui d'être Québécois, d'être bilingues et d'apporter leur contribution à cette collectivité.

Je crois que nous devons aborder l'étude pour éviter certaines incongruités, comme celles aussi que nous avons déjà mentionnées, que de véritables anglophones des autres provinces canadiennes ou encore de la Nouvelle-Zélande, si vous voulez, se verront refuser l'accès à l'école anglaise au Québec tandis que leurs voisins provenant d'autres origines y auront trouvé leur place.

Nous pensons en ce moment à un autre fait qui a été mentionné, celui que de nombreux fonctionnaires du gouvernement fédéral qui demeurent au Québec et qui, selon la date de l'adoption de cette charte, soit avant ou après, se verront refuser également l'accès de leurs enfants à cette école anglaise.

Comme le député de Mégantic-Compton l'a mentionné ce matin, par souci de confiance dans l'effet d'entraînement des autres dispositions du projet de loi no 1, je crois qu'il faut tout de même regarder l'ensemble de la charte comme quelque chose de positif. Nous l'avons vu dans ce sens, le ministre d'Etat au développement culturel l'a lui-même mentionné. Mais il reste que nous avons l'intention de proposer encore certains amendements. Si l'on doit voter cette Charte de la langue française, dans notre optique, cela devrait être quelque chose de permanent, quelque chose de définitif, afin que les Québécois puissent enfin avoir une loi qui ne sera pas à reprendre dans un an ou deux. Cette loi, en même temps, devra tenir compte non seulement du groupe francophone, mais des anglophones qui ont apporté leur contribution, déjà depuis 200 ans, dans bien des cas, tout en regardant aussi ies autres groupes qui se sont ajoutés, les allophones, qui ont déjà leurs enfants à l'école anglaise.

Notre politique, quant aux futurs immigrants, est déjà connue et je crois qu'elle rejoint celle des autres partis. L'option du Parti québécois semble manquer un peu de confiance dans l'effet d'entraînement de l'ensemble des autres articles du projet de loi qui vise, on ne peut plus, la prééminence du français au Québec, car on ose nous parler ici des dangers d'assimilation que représenterait l'accès à l'école anglaise des éventuels Canadiens ou des anglophones, autrement dit. Mais, on sait très bien qu'avec ce projet de loi — et c'est notre souhait — la langue française sera, une fois pour toutes, définitivement installée dans ses

droits, dans ses prérogatives, et qu'elle pourra continuer de se développer. Quand on regarde les chiffres qui nous ont été fournis, même pour le ministre, il y a encore des craintes pour l'avenir. On sait très bien que du côté anglophone... Je crois bien que, sans vouloir stopper leur marche, il n'y a aucun doute que cette nouvelle charte va certainement leur permettre de se développer là où les anglophones véritables existent, mais peut-être que dans les grands centrés comme Montréal, ils auront à affronter certains obstacles. Je ne veux pas entrer dans ces détails.

On sait que le gouvernement apporte une grande détermination à assurer non seulement ce réflexe de défense, mais, je pense, cette intention positive de consolider le fait français et, ici, je ne pense pas seulement à la langue de l'enseignement, mais je pense aussi à tous les aspects, si l'on veut réellement bâtir cette collectivité québécoise. A ce sujet-là, l'Union Nationale concourt à 100%. C'est bien notre désir légitime de voir la loi remplir les objectifs pour lesquels elle a été proposée.

Maintenant, pour des motifs, sinon de magnanimité ou de lucidité, tout au moins d'hospitalité, le gouvernement s'apprête à obtenir des associés, des partenaires chez les autres gouvernements provinciaux. Il est peut-être trop tôt pour se prononcer. Il faudra attendre les résultats des négociations, et ceci aura, une fois de plus, certains effets positifs si des provinces, comme le Nouveau-Brunswick, où les francophones, qui représentent peut-être 36% ou 38% et qui ont déjà des droits très acquis, reconnus par la Législature provinciale du Nouveau-Brunswick... Je pense qu'ils seront les premiers à bénéficier de certaines ententes surtout quand on sait qu'à la Législature de Frédéricton, les deux langues sont officielles, qu'il y a traduction simultanée. A ce moment-là, je crois que nous pourrons rendre un immense service à cette collectivité francophone du Nouveau-Brunswick et même aux quelque 700 000 ou 800 000 francophones de la province de l'Ontario qui comptent certainement sur le Québec, à ce moment-ci. Je laisse de côté les provinces où la situation sera beaucoup plus difficile, à cause de cette minorité francophone qui compte pour très peu.

On a parlé des statistiques; on a parlé des études démographiques, quelles qu'elles soient, avec toutes leurs contradictions. Ceci nous incite, je pense, à considérer comme une nécessité de toute urgence de recourir non seulement à cette option Québec, mais surtout à cette option Canada. Si, ce matin, l'option monde a été battue, là, nous en sommes réduits à notre pays. Comme il y a deux langues officielles, si on considère l'ensemble des dix provinces canadiennes, nous devons un peu, à ce moment-ci, fonctionner dans ce sens.

Un projet de loi dans lequel on se sent un peu coincé, si l'on se sent un peu serré, je crois que ce projet est exigeant dans son ensemble et une politique de langue de l'enseignement qui donnerait aux anglophones un goût de s'intégrer à la majorité québécoise, un peu comme c'est le cas, en- core une fois, dans mon milieu que je connais très bien, où on s'aperçoit que, depuis dix ans, les anglophones s'intègrent de plus en plus à la majorité francophone, nos anglophones, chez nous, n'ont pas le goût de s'opposer aux principes du projet de loi tel quel, mais, tout de même, ils n'aimeraient pas être contraints à devenir ce qu'ils appellent des Québécois parce que les mesures seraient trop coercitives dans certains cas.

Et ici j'apporte une autre raison.

On parle toujours de cette possibilité d'une vague d'immigration venant des autres provinces, mais il me semble qu'à ce moment-ci, à la lecture des journaux, à l'écoute des media d'information, il y a un danger, si on peut l'appeler danger. Je ne dis pas les immigrants, puisque je conçois difficilement qu'un citoyen de Toronto, de Moncton ou de Campbellton soit considéré comme immigrant, alors qu'il vit aux frontières du Québec, je laisse le mot immigrant à ceux qui habitent en dehors du Canada. Pour nous, les anglophones quelle que soit leur provenance, d'un bout à l'autre du Canada, je les considère déjà comme des Canadiens, et quand je traverse le pont qui relie le Nouveau-Brunswick et le Québec, dans la Baie des Chaleurs, cela prend deux minutes, je me sens chez moi à Campbellton et dans la région tout autant, je l'imagine, que tous nos francophones de cette région du nord du Nouveau-Brunswick se sentent chez eux quand ils pénètrent dans la Baie des Chaleurs.

Ce sont des points très importants qu'il ne faut pas perdre de vue, nous qui vivons dans la Baie des Chaleurs, ce phénomène, ce contact quotidien avec des milliers de francophones du Nouveau-Brunswick et même d'anglophones aussi qui ont appris à parler le français au cours peut-être des dix ou quinze dernières années, parce qu'ils entretiennent de nombreuses relations avec la Baie des Chaleurs.

Pour éviter d'instituer des distinctions odieuses entre les Canadiens qui ont fréquenté l'école élémentaire anglaise au Québec ou qui en sont natifs et les autres Canadiens qui sont originaires des autres provinces et qui ont également fréquenté l'école anglaise. S'il est vrai qu'à ce moment-là, pour nous, la langue française est un milieu de vie, et j'y crois, je pense que, pour les anglophones également qui vont venir ici au Québec, si les parents ne parlent pas un seul mot de français et si l'on contraint leurs enfants à s'inscrire à l'école française, ceci va certainement représenter, du moins dans les premières années, un obstacle majeur et de nature à dérouter les autres anglophones du Canada à venir s'installer chez nous au Québec. Pour bâtir notre pays, notre futur pays, — cela dépend de quel côté de la table nous sommes assis — je crois qu'il nous faut en même temps cette collaboration non seulement d'anglophones, mais d'immigrants qui vont venir de l'extérieur du Canada. S'il est vrai, toujours d'après certaines statistiques qui nous ont été soumises, qu'un certain nombre de Québécois canadiens-français ont tendance à quitter le Québec chaque année, il faut tout de même déplorer ce fait et essayer de promouvoir les moyens de

garder chez nous tous nos Québécois et, comme on l'a fait peut-être à la fin du siècle dernier, rapatrier chez nous tous nos francophones qui sont déjà installés en dehors du Québec.

Comme l'a écrit Daniel Latouche, et je cite ses paroles: "Le Parti québécois n'a pas réalisé qu'il était crucial pour le dynamisme d'un Québec français qu'il se crée une culture québécoise anglophone qui soit vivante et distincte de la culture anglophone américaine ou canadienne." Je crois que ceci est très important, ceci, je l'ai déjà prêché ou enseigné dans notre milieu où nous avons travaillé avec les anglophones pour les inciter à se développer selon les aspirations québécoises. Je n'ai pas à vous dire quelles sont leurs difficultés, coupés qu'ils sont de la réalité parce qu'ils n'ont pas de radio ni de télévision qui soient strictement québécoises, ils sont alimentés par les canaux des Maritimes. C'est un fait qu'ils déplorent et nos anglophones de la Gaspésie, qui sont tout de même de 10 000 à 12 000, aimeraient bien, un jour, être en contact plus direct avec notre réalité québécoise, afin de pouvoir vivre à la même heure que nous et comprendre davantage quels sont les aspirations et les buts que poursuit le gouvernement en ce moment, quand on parle de la Charte de la langue.

En circulant un peu dans le comté, dans la région, on est surpris que les gens, à l'extérieur du Québec, aient tellement de difficulté, qu'ils aient même des préjugés parfois, parce que même les journaux qu'ils reçoivent ne sont pas nécessairement des journaux du Québec. Ce sont des points de vue très importants qu'il ne faudrait pas oublier de considérer.

Maintenant, je crois que le Québec n'a pas le droit de mettre sur le même pied les Canadiens des autres provinces et les immigrants, ceux qui nous viennent d'autres pays. Il y a toute une distinction à faire dans cela et nos portes, ici, devraient être ouvertes plus grandes, même nos écoles, aux Canadiens d'expression anglaise, qui vont se retrouver chez eux, ici, dans un milieu de vie qui leur est tout à fait normal, naturel. Ce n'est pas une injustice, je crois, pour un Mexicain, pour un Ukrainien, pour un Italien ou un autre, s'il ne connaît ni la langue française, ni la langue anglaise, de devoir apprendre une nouvelle langue; c'est tout à fait normal qu'il s'intègre à la communauté québécoise canadienne-française.

Je voudrais reprendre ici quelques arguments de Jacques Roy, qui est membre, je crois, du Parti québécois. Je les résume en trois phases. C'est un article qui a été publié dans le Devoir du 26 avril. M. Roy prétend, premièrement, que la survie du français au Québec n'en serait pas menacée pour autant, si nous ouvrions nos écoles aux anglophones de tout le Canada.

Deuxièmement, les principes fondamentaux sur lesquels repose la charte ne seraient d'aucune façon affectés.

Troisièmement, le ressac appréhendé des autres provinces envers les minorités francophones serait atténué, sinon évité.

Il y a un autre point primordial essentiel, c'est que le droit d'appartenance à une communauté, à une culture, quelle qu'elle soit, est antérieur et même supérieur à la volonté de n'importe quel gouvernement ou législateur. Il ne faudrait pas oublier ce point de vue, surtout au chapitre de la langue de l'enseignement. Comme on le verra un peu plus loin, il nous répugne de traiter différemment deux enfants anglophones pour des raisons liées uniquement à l'histoire de leur famille. Si nous sommes en faveur de la clause Canada, c'est que nous voulons faciliter cette viabilité ou cette applicabilité — si le mot est français — application, je ne suis pas certain...

M. Alfred: Non, la pertinence.

M. Le Moignan: La pertinence si vous voulez, la pertinence de la charte du français. Particulièrement auprès des syndicats...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, c'est la pertinence du débat sur l'amendement.

M. Le Moignan: On m'a induit en erreur. Je reprends donc, je ne suis pas mêlé. Il prend plaisir à me mêler. J'ai juste quelques mots devant moi, mais cela ne fait rien, on va recommencer.

Alors, si nous voulons accepter la clause Canada, c'est parce que nous voulons justement faciliter cette viabilité de la Charte du français, particulièrement auprès des syndicats de professeurs anglophones et des commissions scolaires anglaises. C'est un aspect très important, parce qu'ils auront à négocier, et très bientôt, sur les clauses ou les modifications nouvelles que la charte de la langue doit leur apporter.

Peut-être pour terminer, il y a cet aspect d'économie qui, j'oserais dire, très florissante au Québec, mais on va dire que cela est faux, je vais donc dire, parce que notre économie est malade dans le moment, qu'elle y gagnerait en santé si nous regardions les choses face aux mémoires qui nous ont été présentés par des groupes très au courant des grands problèmes actuels de notre économie. Je n'ai pas à les énumérer, mais le gouvernement a certainement étudié la situation économique et il sait que cette question de la langue, pour les Canadiens français, est tout à fait primordiale. On sait très bien que, de Québec à Rivière-au-Renard, nos jeunes n'ont pas tellement de chance d'étudier la langue anglaise. On sait, par contre, que, dans les milieux anglophones, ils vont étudier et apprendre le français beaucoup plus vite que les nôtres. Je crains qu'avec le temps, ce soient encore les anglophones qui nous devancent, dans les positions qui seront offertes, soit dans les multinationales, soit dans les grandes compagnies. Ceci n'est peut-être pas à négliger dans l'étude de la question de la langue de l'enseignement.

En conclusion, le gouvernement pourrait apporter cette ouverture d'esprit nécessaire. Il pourrait se baser un peu sur la justice, sur l'équité et sur le bon sens, question d'humanisme en d'autres termes, pour adopter avec nous cet amende-

ment que l'on peut qualifier d'option Canada. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Gaspé. Vous avez employé 30 secondes de plus que votre temps, c'est...

M. Le Moignan: De plus ou de moins?

Le Président (M. Cardinal): De plus. C'est une bonne collaboration. J'ai présumé, comme d'habitude, du consentement, vu l'intérêt qu'apportaient tous les membres à votre exposé.

Mme le député de L'Acadie, vous commencez à 16 h 50.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Ce matin, lorsque j'ai mentionné les conflits quant aux statistiques exposées par les différents démographes qui se sont penchés sur ce problème de la langue de l'enseignement, le ministre d'Etat au développement culturel en réponse m'a cité un article dans lequel on reproduit des citations du démographe Henripin dans lesquelles citations, le démographe en question s'inquiète justement de la tendance de la communauté française à diminuer dans la province son importance relative.

Dans une deuxième citation où il est appelé comme expert au procès des mécaniciens d'Air Canada, on le cite de nouveau en disant que M. Henripin a déclaré que le dénominateur commun des études démographiques se caractérisait par une baisse de la proportion des francophones à Montréal et que nous ne sommes pas encore menacés d'assimilation, mais que le processus est engagé et qu'il est temps d'agir si l'on veut arrêter la tendance actuelle. Il s'agit d'une déclaration faite le 24 février 1977.

Depuis le début de cette commission ou, en particulier, depuis le début de l'étude sur le chapitre de l'enseignement, il a été énoncé clairement par l'Opposition officielle que des chiffres indiquent qu'il y a cette tendance et que des mesures de redressement s'imposent. Je comprends que le gouvernement s'inquiéterait si rien n'avait été fait. Il y a quand même des mesures qui ont été prises, au moment de l'adoption de la loi 22. J'ai essayé, ce matin, d'en démontrer certains effets.

On se demande à ce moment-ci pourquoi le gouvernement s'obstine, même s'il est légitime de continuer à prendre ces mesures de redressement, ' à vouloir fermer l'accès à l'école anglaise aux anglophones du reste du Canada. C'est là où il est difficile d'interpréter le geste du gouvernement autrement que par un désir, comme le disait ce matin le ministre d'Etat au développement culturel, de ne pas maintenir cette communauté anglophone et encore moins, évidemment, de l'accroître. Si on considère, par exemple, que, tel qu'il a été dit par plusieurs démographes, les migrations interprovinciales se font au désavantage du Québec dans une proportion de 3 à 2, ceci veut dire que le Québec, quant à sa situation linguistique, ne semble vraiment pas menacé par les migrations interprovinciales.

Au contraire, ce qui semble vraiment menacer le Québec, c'est une perte de population générale, quelle que soit l'origine des gens, qu'ils soient francophones ou anglophones, au profit des autres provinces. Je me demande si ce n'est pas le premier problème auquel devrait s'attaquer le gouvernement. Il semble résulter, comme certains économistes le disent, de la situation économique plus difficile et précaire, du moins depuis un certain temps, du Québec.

Je ne m'étendrai pas sur des données démographiques. J'ai un collègue qui aura l'occasion d'y revenir beaucoup plus abondamment et avec beaucoup plus de compétences que je ne saurais le faire.

Je ne voudrais pas non plus revenir aux arguments pédagogiques dont j'ai parlé ce matin.

Ce que j'invoquais, c'est la possibilité, pour un enfant qui parle une langue, et qui a, à proximité de chez lui, une école où l'enseignement se donne dans cette langue, de lui en donner l'accès. J'en profiterais à ce moment-ci pour dire au député de Vanier qui, justement, interprétait que j'avais dit que c'était une décision politique et non pédagogique, et dans ce genre de décision il y a toujours des implications politiques; je suis tout à fait d'accord pour dire que l'ensemble du projet de loi 101 est définitivement un geste politique et une décision prise dans un contexte politique que l'on veut orienter d'une façon ou d'une autre. Ce que je reprochais, ce matin, au gouvernement, c'est que, quand on touche aux enfants et qu'on touche aux aspects de développement intellectuel et personnel des enfants, on ne doit pas, à ce moment-là, soumettre le pédagogique au politique. C'est le sens de mes paroles.

Comment s'expliquer pourquoi le gouvernement s'obstine à refuser d'ouvrir au reste de la communauté anglophone du Canada, la porte des écoles anglaises, compte tenu que les données démographiques ne sont pas menaçantes, sinon par un aveu répété du ministre d'Etat au développement culturel — à quelques reprises, il nous l'a dit — à l'effet qu'il était déjà difficile de vérifier la preuve de fréquentation scolaire des parents de l'extérieur du Québec, même dans le contexte du projet de loi actuel, puiqu'il prévoit l'admission à l'école anglaise, même des enfants des parents qui ont fait leurs études hors du Québec, pourvu qu'ils habitent au Québec au moment de l'adoption de la loi. Il nous a dit hier, c'est peut-être vendredi maintenant, qu'il n'avait évidemment pas de pouvoir pour demander aux autres provinces ou aux autres pays où l'anglais serait ' la langue d'usage, de leur imposer certaines façons de tenir leurs dossiers ou exiger d'eux certaines explications. Ceci m'apparaît, d'une part, la difficulté première à laquelle se heurte le gouvernement devant l'application d'un critère difficilement vérifiable, même si on nous a affirmé que cela ne présentait pas de problèmes d'un critère difficilement vérifiable et qui le devient davantage quand on va à l'extérieur du Québec.

D'ailleurs, ceci m'amène à reparler de ce fameux critère qui, on nous l'a démontré vendredi dernier, est très fragile. D'une part, le critère s'ap-

puie sur le principe que l'enseignement en anglais soit réservé aux Anglo-Québécois actuels et à leurs descendants. On se réclame de cette fréquentation scolaire à l'élémentaire pour déterminer que ces enfants sont membres de la communauté anglophone. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que le ministre nous a dit qu'évidemment, ceci s'appliquait au niveau de l'élémentaire, parce que c'était le geste le plus naturel, le plus normal, le geste premier qui consistait à envoyer son enfant à l'école anglaise, qui lui permettait au primaire de déduire que c'était un critère significatif de l'appartenance à la communauté anglophone. A ce moment-ci on peut s'interroger. Pourquoi faire une telle déduction, quand il s'agit d'enfants qui ont fréquenté les écoles élémentaires, alors que la probabilité qu'ils s'intègrent à la communauté anglophone est encore beaucoup plus grande lorsqu'il s'agit d'enfants qui font leur secondaire en anglais. Je pense que le ministre et ses collègues savent fort bien que les identifications que l'on établit et que les liens qu'on crée au secondaire ont un caractère beaucoup plus permanent au plan du réseau des relations sociales que l'on établit à l'âge adulte que ceux que l'on établit au niveau élémentaire. Devant une motion de l'Union Nationale qui demandait de l'étendre au secondaire, immédiatement, le ministre d'Etat au développement culturel, entre autres objections, a fait valoir qu'à ce moment-là ce serait élargir beaucoup trop, puisqu'un grand nombre de francophones se trouvent dans des écoles secondaires.

Par le fait même, ce serait reconnaître à un plus grand nombre de gens l'appartenance à la communauté anglophone. Ceci indique fort bien que même le raisonnement fait à l'égard de l'école primaire ne tient pas, parce qu'il s'appliquerait encore davantage à l'école secondaire. Tout ceci pour dire que le gouvernement est vraiment pris avec son critère, qui est difficilement vérifiable, et qui, de plus, on le voit, réservera l'école anglaise non pas à ceux pour qui elle a été créée et pour qui elle existe, mais bien davantage pour tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, pourront se raccrocher à ce fameux critère de fréquentation scolaire à l'élémentaire.

Ce matin le député de Vanier, encore une fois, lorsque nous débattions la motion sur l'admission à l'école anglaise des enfants appartenant à la communauté anglophone, mais même de l'extérieur du Canada, disait que nous voulions faire une différence entre les immigrants et que ceci était très répréhensible.

D'abord, je voudrais lui rappeler — je suis certaine qu'il le sait fort bien — que, même avec le critère retenu actuellement, il y aura une différence entre les immigrants puisque, au moment de l'adoption de la loi, celui qui est ici acquerra pour ses descendants le droit à l'école anglaise et celui qui viendra ne l'aura pas. Mais s'il épouse quelqu'un qui a, dans sa dot, le passeport pour l'école anglaise, ses descendants, par le fait même, acquerront le droit à l'école anglaise, même si on épouse un francophone ou une francophone qui, par le hasard de la vie ou de son histoire, est allé à l'école anglaise.

Cette différence, que vous pensiez qu'on pouvait faire entre les immigrants et qui existe exactement avec le projet de loi no 101, à mon point de vue, devient encore plus sérieuse, car vous la faites entre les citoyens. Lorsque vous refusez aux enfants des autres provinces anglophones d'aller à l'école anglaise, vous faites cette différence entre des citoyens d'un même pays, et ceci m'apparaît beaucoup plus sérieux. D'ailleurs, cette question de constitutionnalité a été soulevée — évidemment, il resterait aux tribunaux de passer jugement — dans les études de la commission Gen-dron; elle a également été soulevée par le professeur Herbert Marx, de l'Université de Montréal. Je pense que c'est quand même une réalité dont il faut tenir compte.

L'autre point que je voudrais soulever, face à l'objection que le ministre a faite à plusieurs reprises, à savoir que c'est difficilement vérifiable d'établir la fréquentation scolaire des parents qui viennent de l'extérieur du Québec ou de l'extérieur du Canada, dans le cas présent, du Canada, je m'explique mal que ceci devienne soudainement plus difficile à établir après la loi que ça ne l'est avant la loi, alors que c'est prévu qu'avant la loi, il faudra le faire tel que rédigé à l'article 69.

En terminant, pour le moment du moins, je pense qu'ils sont nombreux ceux qui sont d'accord pour que le gouvernement étende au reste du Canada l'accès à l'école anglaise. Parmi ces personnes nombreuses qui sont venues devant la commission parlementaire — malheureusement, je n'ai pas pu en faire le compte, mais je pense que ceux qui y étaient s'en souviendront — il s'en trouvait qui étaient en faveur du critère retenu par le gouvernement — fréquentation scolaire — et d'autres qui ne l'étaient pas, qui préféraient plutôt une référence à la communauté anglophone ou à la langue maternelle anglaise.

Mais dans un cas comme dans l'autre, la presque totalité, sauf pour certains groupes — et je les ai décomptés — cinq ou six, qui disent que, de toute façon, à court ou à long terme, l'école anglaise devrait disparaître et, dans le cas des autres, je dirais que c'est la grande majorité qui comprenait mal cette restriction et qui demandait au gouvernement d'étendre cette possibilité d'accès à l'école anglaise aux citoyens des autres provinces. Je pense que la résistance que ceci crée, en donnant l'impression que déjà la séparation est une chose faite, que l'indépendance est une chose faite, ne fait qu'aggraver la résistance que l'on sent bien, que tous ceux qui n'auront plus accès à l'école anglaise ont développée et ils ne pourront pas, à ce moment, offrir la collaboration raisonnable qu'il nous faudra attendre d'eux si on veut réussir cette intégration des enfants à l'école française.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Même si on a beaucoup parlé sur le fond de la question de l'article 69 dans l'option monde, lassez-moi expri-

mer ma surprise de voir toutes les pirouettes du député de L'Acadie à venir jusqu'à maintenant.

Si on se réfère à la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications de 1974, lorsque le député de Sauvé lui posait la question: "Vous avez le souci de la collectivité et de l'avenir de la collectivité?" Mme le député de L'Acadie répondait à ce moment: "Je pense que c'est là le sens premier de notre démarche."

Elle parlait au nom de la Commission des écoles catholiques de Montréal, dont elle n'est pas encore sortie. Chacune de ses interventions a fait référence à la CECM. Elle ne s'est pas préoccupée beaucoup du reste de la province, de ce qui s'y vit actuellement dans le fait français du Québec. C'est regrettable, parce qu'il y aurait beaucoup à dire pour le reste du Québec ici.

Elle n'a pas parlé du secteur de Sept-lles, où les inscriptions anglaises ont augmenté. Elle n'a à peu près pas parlé de l'Outaouais. Lorsqu'elle a parlé de la CECM, elle s'est basée sur 1974-1975, 1975-1976, mais elle s'est cependant gardée de dire que beaucoup d'élèves, beaucoup de parents abdiquaient la religion catholique pour s'en aller au PSBGM. Elle n'a pas dit non plus qu'au secteur anglophone de la CECM, il y avait une diminution moindre, en pourcentage, d'élèves qu'au secteur francophone. Elle n'a pas dit non plus qu'au PSBGM, il y avait eu une diminution moindre aussi qu'au secteur francophone de Montréal. De tous ces chiffres, ce sont des faits qui sont là, il aurait fallu aussi qu'elle en parle, si elle croit aux droits de la collectivité.

Mme Lavoie-Roux: J'ai dit qu'elle était plus grande dans le secteur anglais que français.

M. Laplante: Lorsque le député de Gaspé parle aussi de la générosité du premier ministre, dans l'option Canada, certes, il y a une générosité, mais il n'y a pas de naïveté là-dedans.

Il faut s'assurer, au Québec, de la réciprocité avec le reste du Canada; pour une fois, que le reste du Canada entende le Québec, voie que le Québec existe, c'est pour cela que la réciprocité est demandée.

Il n'est pas question de discrimination dans ce qu'on veut. C'est une question de fait, de reconnaissance. On a vécu, on a vu ce qui existe dans les autres provinces. Si les autres provinces disaient demain matin: On adopte la loi 101 pour nous, on serait heureux. C'est ce qu'on voudrait. Les minorités des autres provinces seraient à peu près à l'égal de ce qu'on veut établir au Québec. On croit dans le respect de ces gens. On croit aussi qu'au Québec, s'ils veulent une intégration, cela commence aussi par le scolaire. Des gens qui viennent travailler ici, environ 35% de francophones peuvent venir des autres provinces contre 65% d'allophones et d'anglophones, ce qui est un danger immédiat pour la culture du Québec.

Si le député de L'Acadie était elle-même consciente, avec toutes les positions qui ont été prises du temps qu'elle était présidente de la

Commission des écoles catholiques de Montréal, où pendant trois ans, elle s'est fait le leadership de cette commission en matière culturelle et linguistique. Aujourd'hui, elle ne jouerait pas par opportunisme dans un parti, elle serait exactement à la place où elle devrait être: défendre les intérêts des Québécois francophones. C'est ce qu'elle hésite à faire actuellement au nom d'un parti politique, c'est ce que je trouve très regrettable de sa part. Elle était la première à ce moment-là à vouloir critiquer, elle a descendu, ouvertement — dommage que les débats à ce moment-là n'aient pas été enregistrés — le gouvernement libéral du temps. Le seul temps où elle s'est refusée à blâmer le gouvernement a été quelques jours avant l'annonce des élections dans un télégramme qu'il aurait fallu envoyer au ministre de l'Education pour contester l'application de la loi 22. Elle se garde bien de dire ces choses. Elle emploie abondamment toutes sortes d'idées nouvelles qui sont difficiles à suivre quand on connaît bien la personne. Ce sont là les quelques mots que je voulais dire pour montrer surtout...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Laplante: Mme le député de L'Acadie, jusqu'à maintenant je n'aurais pas voulu en faire une question de personnalité, mais à force d'entendre tout ce que vous dites depuis quatre mois, il fallait une mise au point, il fallait montrer votre vrai visage...

Mme Lavoie-Roux: Oh!

M. Laplante: ... en matière linguistique.

Une Voix: Vous vous faites parler là!

M. Laplante: II est temps, je crois, de vous redresser encore et de penser que les idées que vous aviez à la Commission des écoles catholiques de Montréal sont encore bonnes aujourd'hui. Les francophones sont encore là, le Québec est encore là. Vous avez à défendre en matière d'éducation des choses que vous connaissez bien, et c'est pourquoi je vous demanderais, très logiquement, de donner suite à ce que vous avez fait au point de vue des travaux durant les trois ans où j'ai même travaillé avec vous à l'intérieur de la CECM.

Mme Lavoie-Roux: Vous ennuyez-vous de moi, M. le député?

M. Laplante: Non.

M. Bertrand: Vous vous êtes retrouvés.

M. Alfred: ... que vous ayez de la suite dans les idées.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député de Bourassa, vous avez encore la parole.

M. Laplante: Cela va finir là, M. le Président. On va entendre autre chose.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Bourassa.

M. le député de Mégantic-Compton.

Une Voix: Cela allait bien.

M. Grenier: M. le Président, le débat actuel sur l'opportunité d'accepter ou non la clause option Canada à l'article 69 du présent projet de loi consacre plus clairement que jamais la philosophie qui caractérise l'un et l'autre des deux côtés de cette table de travail. D'un côté, le nôtre, celui de l'Opposition, nous qui travaillons à l'édification et à la construction d'un Canada où tous les partenaires soient davantage heureux, à l'aise. D'un autre côté, en face de nous, celui des ministériels, où on travaille à l'édification et à la construction d'un nouveau pays hypothétique, un Québec séparé. Donc, de part et d'autre, de notre côté comme de leur côté, on est cohérent, on est consistant, logique avec la philosophie, avec l'option qui est respectivement nôtre. Là où se situe le problème, c'est que nous, de ce côté-ci de la table, nous sommes mandatés pour favoriser la prééminence du français et ce, à l'intérieur de la fédération canadienne, une fédération canadienne qui soit renouvelée à l'intérieur de la fédération canadienne, alors qu'eux, les ministériels, ne sont pas mandatés pour arrêter une politique linguistique à ce point française qu'elle implique, à leur propre dire, une indépendance politique du reste du Canada. Ce n'est pas parce que l'éducation, ce qui est évidemment vrai, relève des provinces, ce n'est pas non plus parce que, dans d'autres provinces, on a ignoré ou bafoué les minorités que l'on doit ignorer, nier la réalité Canada, ou encore que l'on doit dans un esprit revanchard, oeil pour oeil dent pour dent, se limiter aux vertus...

M. Alfred: ...

M. Le Moignan: Voyons! Voyons!

M. Grenier: Vous relirez la clause Québec-Canada, M. le député de Papineau. ... se limiter aux vertus de la signature éventuelle d'accords de réciprocité entre le Québec et certains gouvernements provinciaux.

Cette option de réciprocité qui pourrait être une habile manoeuvre sur le plan politique, pour répondre à un besoin légitime de coopération interprovinciale, amorcée d'ailleurs sous l'Union Nationale par Johnson et Bertrand, ne peut et ne doit pas être la seule porte par laquelle doivent passer les enfants des parents anglophones des autres provinces, car, le cas échéant, on ferait payer à des enfants et à des parents venant d'une province donnée, le fait possible, sinon probable, que cette province, sans avoir consulté ses électeurs là-dessus, aurait, à tort ou à raison, annoncé une fin de non-recevoir à l'offre de réciprocité du Québec.

Si Action Canada doit vivre son cheminement, notamment à travers des ententes de réciprocité, elle doit d'abord vivre et survivre en vertu d'une philosophie de base, qui doit sous-tendre le tout.

Croit-on ou pas à l'option Québec-Canada? Bien sûr, je ne parle pas ici du mouvement Québec-Canada, mais de l'option. Si oui, nous devons voter en faveur de l'amendement actuellement à l'étude. Si non, bien sûr, on votera contre l'amendement proposé, mais, du même souffle, on usurpera la volonté populaire, on trahira le mandat sollicité et obtenu le 15 novembre dernier.

Si le PQ maintient au chapitre de la langue d'enseignement sa clause restrictive option Québec, en plus de ne pas avoir confiance dans l'effet d'entraînement des autres dispositions de son projet de loi 101, il se donne donc un mandat plus fort que celui qu'il a recherché et obtenu. Par ailleurs, en agissant ainsi, le PQ, qui reconnaît ne pas avoir les pouvoirs juridiques et le "bargaining power" nécessaire de limiter l'influence des media anglophones, TV ou autres, canadiens ou américains, au Québec, intervient au nom de nos concitoyens canadiens qui ne sont pas encore ici, c'est facile, pour ne pas dire lâche.

Que l'on me permette de livrer ici quelques extraits publiés dans le Montréal-Matin du 10 avril 1977. Ce texte est de quelqu'un qu'on ne peut qualifier de droite, ou encore de fédéraliste, il s'agit de Daniel Latouche — C'est un homme de grand jugement, je trouve, comme bien d'autres, d'ailleurs...

M. Chevrette:... fédéraliste...

M. Grenier: Vous avez lu M. Latouche?

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Je vous demanderais de vous former un jugement à l'aide de M. Latouche. Il n'est pas bête, le gars!

M. Guay: Au contraire.

M. Grenier: "Ainsi, le PQ n'a pas réalisé qu'il était crucial, pour le dynamisme d'un Québec français, qu'il se crée une culture québécoise très vivante, et surtout distincte de la culture anglophone américaine ou canadienne. "Dans le livre blanc, on ne nie pas l'importance, pour les Québécois francophones, d'avoir accès à la culture anglophone, mais on n'indique pas laquelle. C'est la vie culturelle des Richler, des Leonard Cohen, du Bronfman Centre et d'autres dont il faut favoriser l'épanouissement. C'est à cette vie culturelle anglophone locale que les francophones doivent se frotter, pas uniquement à celle de Kojak ou du Hit Parade américain. "Sur ce dernier point, le livre blanc a complètement manqué le bateau." Et je cite toujours Daniel Latouche. "Il ne s'agit pas de restreindre le développement de la communauté anglophone

par toutes sortes de mesures, tout aussi contraignantes qu'inutiles, mais de s'assurer que cette communauté devienne québécoise à sa façon et, si possible, aussi distincte de la culture canadienne et américaine que la culture française diffère de l'anglaise."

Toujours selon M. Latouche, "tant que l'on persistera à voir dans tous les anglophones autant d'ennemis, l'on se condamnera soi-même à des positions défensives."

A la suite de toutes ces observations, et en concluant, j'accuse donc le gouvernement pé-quiste d'agir, en matière de langue d'enseignement, et ce, contrairement à l'esprit qui l'animait au Sommet économique de Pointe-au-Pic, d'agir comme s'il dirigeait déjà un Québec séparé. Je défie le gouvernement actuel, sinon de déclencher une élection générale, du moins d'ouvrir, par le truchement d'élections partielles, quelques comtés du Québec sur l'enjeu de son choix linguistique.

Pour l'instant, ce seul argument devrait suffire.

M. Laplante: Pointe-Claire.

M. Grenier: Notre mandat à tous est tel qu'il nous faut voter, pour option Canada, sinon, c'est une espèce de "hold up".

M. Laplante: On va changer ces comtés.

M: Grenier: Vous allez en avoir chez vous assez prochainement. C'est ce qu'on lit dans les journaux présentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: S'il y a des députés de l'Opposition qui démissionnent, on pourra faire un échange.

M. Grenier: Je conviens bien que s'il y a des coins qui peuvent faire mal, il faut quand même le prendre quand cela passe.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grenier: Messieurs les ministériels ni les observateurs ne doivent se surprendre de notre insistance à cet article, du projet de loi 101, à l'article 69, de notre insistance à vouloir ébranler le gouvernement. Des arguments de toute nature, de tout ordre lui sont offerts pour lui faire comprendre qu'il n'a pas la majorité de l'opinion publique avec lui en cette matière précise dont nous parlons actuellement.

Une Voix: 45%

M. Grenier: Nous sommes depuis le matin au plus vif du sujet, au centre et à la fois au coeur du projet de loi 101. Ou bien le gouvernement se rend à la raison, et ce au-dessus des lignes partisanes, ou il se sert de sa majorité en commission et éventuellement en Chambre, et, alors, il ne fait que retarder l'échéance du verdict sévère avec lequel la population l'attend.

M. le Président, ce qui fait différent de ce qu'on a entendu pendant une campagne électorale est la sévérité de cet article 69 qui dénote — et je le prends dans le journal assez bien connu ici au Québec, la revue qui s'appelle Le Programme d'action politique, c'est-à-dire le programme du Parti québécois, avec la photo du premier ministre en première page. C'était bien important, puisque c'était dans l'ordre de présentation. Le PQ devrait se rendre compte de la justesse des propos de son chef qui désirait, dans le programme officiel, s'en servir lors de la dernière campagne électorale, j'imagine. Je ne peux pas le citer textuellement, je l'ai ici, je ne sais pas dans quel comté, de quoi on s'est servi, mais, ici, au texte, on a cela: "En cours de route, la démarche qui nous mène peut avoir à s'ajuster plus adéquatement aux exigences de l'opinion publique. Rien là que de normal, puisqu'il s'agit d'un tournant que le Québec ne prendra jamais qu'avec l'assentiment majoritaire et non équivoque des Québécois eux-mêmes". Cela est signé par le premier ministre.

Comme le disait encore le document du Parti québécois, "Nous n'avons pas la prétention d'avoir réussi comme il le faudrait à concilier ces éléments. Loin de là, les problèmes qui s'aggravent, les prises de conscience qui s'accélèrent, tout cela nous force à réviser sans cesse notre démarche pour l'accorder le moins mal possible à l'évolution des choses et des idées, car il demeure vital d'agir d'une façon réfléchie, sans nous laisser bousculer et sans nous-mêmes chercher à bousculer les esprits".

M. le Président, tenant compte de ce programme électoral qui a fait élire 71 députés pé-quistes avec 41% des voix, je voudrais qu'on s'arrête et qu'on réfléchisse à ce qui a porté le gouvernement au pouvoir, connaissant le contexte du temps, connaissant le contexte d'un gouvernement qui était désavoué sous plusieurs aspects, et ces 41% des voix qui ont été donnés à l'actuel gouvernement de 71 députés ont donné une majorité fort importante. Je l'ai déjà dit et je le signale encore pour un meilleur éclairage, il faut se rappeler que l'Union Nationale a récolté presque la moitié des voix du gouvernement actuel et cela ne lui a donné que 11 députés. Cela aurait pu lui en donner entre 30 et 35.

M. Chevrette: En 1966, vous avez été portés au pouvoir...

M. Grenier: Je ne pleure pas sur le passé, je parle de la réalité. Les PQ ont assez braillé sur le passé, j'ai assez entendu cela en Chambre, j'étais dans les tribunes et j'écoutais cela. Six voix avec environ 30% du vote. Cela s'est dit dans le temps et c'était très juste.

M. Guay: Vous avez eu le pouvoir avec quel pourcentage du vote en 1966? 42%.

M. Grenier: Pour moi, cela n'est pas important, je parle de l'actuel. Je dis qu'actuellement, si c'était vrai, qu'on n'en avait pas suffisamment dans le temps, ce n'est pas mieux actuellement. Je demande un moment de réflexion au gouvernement et, sur l'article 69, à ce sommet du projet de loi, d'écouter l'Opposition, qui représente 60% de la population. Il y a des amendements qui pourraient s'apporter ici. On a suggéré à l'article 69 des amendements qui étaient sérieux, des amendements qui n'étaient pas à mon sens d'une importance qui changeait l'optique de l'actuel gouvernement, mais qui auraient pu donner satisfaction à différentes couches de notre société. Jusqu'à date, cela a été non. Ici, j'attire d'une façon bien particulière, au nom de notre parti, l'attention des ministériels. L'avenir jugera du vote que nous donnerons en troisième lecture sur la loi 101.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je voudrais également appuyer cet amendement.

M. Chevrette: Une directive...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voudrais demander une directive qui serait dans le sens suivant; Quand on se fait remplacer à la commission, et qu'un amendement a été mis en discussion, un parti peut-il changer ses personnages et arriver à dépasser le terme de 80 minutes, s'ils sont quatre avec des changements?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, parce que, selon un consensus qui a été établi entre ceux qui président à cette commission, si un député remplace un autre député qui a parlé auparavant sur un article, un amendement ou une motion, le remplaçant ne peut utiliser que le temps de parole qui restait à l'autre député. C'est une règle que nous avons l'intention de suivre pour cette commission.

M. Lalonde: Un renseignement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je voudrais savoir si le député d'Outremont remplace quelqu'un.

M. Lalonde: C'est-à-dire qu'il remplace M. Noël Saint-Germain, de Jacques-Cartier, qui n'a pas parlé là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II faut bien comprendre que nous sommes sur l'amendement de M. le député de Mont-Royal, à savoir...

Mme Lavoie-Roux: II en avait parlé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Est-ce que vous remplacez le député, M. Goldbloom?

M. Lalonde: De Jacques-Cartier.

Mme Lavoie-Roux: M. Goldbloom n'a pas parlé...

M. Raynauld: Je remplace le député de Jacques-Cartier, qui n'a pas parlé sur le sujet et on me dit que M. Goldbloom a parlé sur un autre amendement.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II a parlé, je pense, sur l'amendement pour ajouter le mot "ailleurs" à l'article 69a, alors qu'actuellement nous sommes à remplacer le mot "Québec" par le mot "Canada".

Etant donné que cette question s'applique à chaque amendement et à chaque article, M. le député d'Outremont, vous avez, comme tous les députés, vingt minutes pour parler de cet amendement.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Comme je le disais, je voudrais appuyer l'amendement de mon collègue, le député de Mont-Royal, à l'effet d'étendre la portée de l'article 69 à ceux dont le père ou la mère a reçu l'instruction en langue anglaise dans les autres provinces du Canada.

J'ai trois raisons principales pour appuyer cet amendement, la première, c'est que je trouve que la restriction, telle qu'elle est à l'heure actuelle dans le projet de loi, est excessive, compte tenu des mouvements de clientèles scolaires sur lesquelles je reviendrai dans un moment. En second lieu, j'essaierai de montrer que cette restriction aura des effets négatifs sur l'économie du Québec et, en particulier, sur les francophones — puisqu'on nous accuse souvent de vouloir simplement défendre les minorités, j'essaierai de montrer que ces restrictions excessives affectent également la majorité — et enfin, troisièmement, j'essaierai de montrer que c'est un geste qui a une valeur de symbole sur le plan politique et qu'il nous appartient également de dénoncer ce symbole.

Sur le premier point, je voudrais en quelque sorte — mais ici d'une façon peut-être plus simple, puisque le problème est rétréci à celui des migrations interprovinciales — revenir sur un certain nombre de réalités que j'ai essayé d'exposer antérieurement. Ces réalités se résument très aisément en disant, d'une part, que les mouvements de clientèles scolaires se sont soldés, depuis 1961 et 1962, depuis donc quinze ans, par une sortie nette d'élèves d'âge scolaire de la province de Québec.

Il est donc impossible, étant donné que ces mouvements se soldent par des sorties au total d'enfants du Québec, que cette immigration des

autres provinces puisse contribuer à l'assimilation des francophones du Québec ou à la réduction de la proportion des francophones dans la population totale du Québec.

Si on prend simplement les entrées brutes, j'ai montré, l'autre jour, qu'il y avait, sur une base annuelle, pour la période 1961-1976, 5229 enfants d'âge scolaire qui rentraient au Québec en provenance des autres provinces et qui étaient de langue anglaise. En même temps, il en sortait 7970, pour un solde négatif de 2741 enfants. Si cette période n'est pas jugée suffisamment représentative, on peut prendre l'ensemble de la période 1961-1962 à 1976 et on s'aperçoit que le solde négatif des enfants anglophones d'âge scolaire est de 2603 enfants sur une base annuelle.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous n'avez pas déjà dit cela?

M. Raynauld: J'ai déjà dit cela.

Une Voix: Vous ne l'avez pas compris.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Lalonde: Vous ne comprenez pas vite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Je pense qu'il vaut la peine de réaffirmer certains faits...

M. Morin (Sauvé): Ah!

M. Raynauld: ...puisque, semble-t-il, il est très difficile de faire comprendre ces réalités relativement élémentaires. Par exemple, le ministre a répondu, vendredi dernier, à ces chiffres, en disant qu'il n'était pas d'accord. Je m'excuse, je ne peux pas lui permettre de ne pas être d'accord sur des faits; je peux lui permettre d'être en désaccord sur des hypothèses et je pense que le ministre a le droit de dire que peut-être qu'à l'avenir ce sera différent, mais, dans les chiffres que je cite, il n'y a pas de scénario pour l'avenir.

Je me réfère à des choses qui se sont produites. Dans les hypothèses que nous faisons, il y en a une qui est négligeable à partir des chiffres publiés par Statistiques Canada sur l'immigration des enfants. Il y a une hypothèse négligeable, c'est celle de la proportion de ces enfants qui sont d'âge scolaire. On applique un taux, et c'est la première hypothèse, mais elle est négligeable.

Là où il y a une hypothèse importante, c'est sur la répartition de ces migrants, de ces enfants d'âge scolaire, suivant la langue maternelle. Là, il y a une hypothèse dans le sens suivant: On prend les migrations par langue maternelle qui se sont produites au cours de la période 1966 à 1971 et on l'applique à la période 1961-1962 à 1975-1976. C'est une hypothèse importante. On pourrait dire: Peut-être que cette hypothèse ne s'applique pas à l'ensemble de la période et peut-être qu'elle ne s'appliquerait pas non plus pour l'avenir.

Je mentionnerai cependant deux choses là-dessus. Premièrement, cette hypothèse a été utilisée par le groupe ad hoc du ministère dans l'étude de ses prévisions des clientèles scolaires du réseau public suivant les cinq scénarios. Cette hypothèse a été utilisée concernant la répartition par langue maternelle. Il y a une bonne raison à cela, c'est que c'est la seule dont nous disposions. On n'en a pas d'autres. On n'a pas d'autres sources qui nous permettent de faire une répartition aussi bonne que celle-là.

Deuxièmement, quand on ne veut pas admettre une tendance passée ou une hypothèse qui se rapporte au passé, il faut avancer de fichues bonnes raisons pour dire qu'à l'avenir cela ne se produira pas comme cela. Je n'ai pas encore entendu de raisons. Je n'ai pas encore vu une seule raison, parmi tous les documents qui ont été déposés depuis le début et qui se rapportent à ces questions, je n'ai pas encore vu de raisons qui aient été apportées, des raisons sérieuses, disant que cette répartition ne se reproduirait pas pour telle ou telle raison. Je n'en ai pas encore vu.

Donc, je me dis: Aussi longtemps qu'on n'apportera pas de raisons pour dire, pour invalider l'application de cette réalité des années 1966-1971, je devrai continuer de croire que les tendances passées sont pertinentes à l'étude de la question. Je dis donc là-dessus... Au fond, si je prends l'ensemble de la période, les quinze ans, de 1961-1962 à 1975-1976, en fait il est sorti plus d'enfants d'âge scolaire anglophones qu'il n'en est entré. Je répète donc que cette restriction placée dans le projet de loi apparaît tout au moins excessive puisqu'elle n'affecte et ne peut affecter la composition linguistique de notre population scolaire dans la province de Québec. Je ne vois donc pas pourquoi cette restriction serait si importante aux yeux du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi on maintiendrait des restrictions qui sont, somme toute, inutiles.

Je voudrais soulever un deuxième point: Cette restriction me paraît également dommageable à l'économie du Québec. Je pense, en effet, qu'une restriction de ce genre va réduire la mobilité des cadres, ce qui va affecter le développement économique de la province de Québec. Lorsqu'on réduit ainsi la mobilité des gens, qu'on diminue les ressources humaines disponibles dans un certain territoire, on provoque nécessairement des conséquences qui sont identifiables, dont on n'a pas encore parlé jusqu'à maintenant.

Il y a deux conséquences que je voudrais mentionner parmi plusieurs autres. La première, c'est que, lorsqu'on réduit la mobilité de la main-d'oeuvre, qualifiée en particulier, on se trouve en fait à augmenter le coût de cette main-d'oeuvre qualifiée. On augmente le coût de cette main-d'oeuvre et ce coût devra être financé et supporté par quelqu'un. Il va être supporté par qui? Il va être supporté par l'ensemble de l'économie du Québec et c'est là que cela va finir par affecter non seulement la communauté anglophone, mais aussi la communauté francophone. Ce coût va ensuite se traduire par des profits plus élevés pour les entreprises.

Les entreprises vont exiger des profits plus élevés pour faire des opérations au Québec, compte tenu de cette réduction de la mobilité. Est-ce que c'est ça que nous voulons, faire augmenter, si vous voulez, le coût d'exploitation et, par la suite, les profits des entreprises? Je ne le pense pas. On a souvent dit, à cet égard, que ce genre d'argument n'était pas très sérieux, puisque les gens allaient dans bien d'autres pays qui étaient bien plus risqués, et sur le plan politique et sur le plan social. Je ne sais plus qui a dit, un jour: Regardez donc l'Arabie Saoudite; les Américains vont bien là. Pourquoi ne viendraient-ils pas au Québec?

Ce que je voudrais dire là-dessus, c'est que ce n'est pas sérieux, ce genre de références, pour plusieurs raisons, et je pense qu'elles sont évidentes.

La première, c'est que, justement, quand on va dans des pays où les risques de faire des opérations sont très élevés, on exige évidemment des taux de profits très élevés, et ça confirme donc le raisonnement que je viens de vous faire, et c'est précisément ce dont beaucoup de pays sous-développés se plaignent. Quand ils disent qu'ils sont exploités par les entreprises étrangères, ça veut dire quoi? Dans la mesure où ça existe, ça veut dire que les profits sont plus élevés dans ces pays qu'ils ne le sont dans les pays développés, et pourquoi les profits sont-ils plus élevés? Justement à cause de toutes sortes d'inconvénients qui sont imposés aux opérations des entreprises, y compris, justement, le besoin de certains cadres de se déplacer, d'aller à l'étranger, où ils vont exiger des salaires beaucoup plus élevés que s'ils étaient restés chez eux, et vont aussi entraîner, donc, des coûts plus élevés pour les entreprises qu'ils exploitent.

Une deuxième conséquence de cette réduction de la mobilité, c'est sur le commerce, sur les liens de commerce. On sait que le commerce entre des régions, comme entre des pays, ne se fait pas seulement dans l'abstrait, sur la base de profits, que l'on peut vendre, que l'on ne peut pas vendre, qu'on peut fabriquer ou ne pas fabriquer, ça repose également sur des liens qui sont basés sur les personnes, et la réduction de la mobilité de la main-d'oeuvre va entraîner, à mon avis, une réduction du commerce interprovincial au Canada. Ces réductions de commerce interprovincial, ces flux de commerce, cette réduction du commerce vont entraîner à leur tour une diminution dans le dynamisme de l'économie québécoise, et cela va se reporter, là encore, sur la majorité francophone au Québec et pas seulement sur la minorité anglophone.

Enfin, je voudrais mentionner qu'il y a beaucoup de catégories particulières de main-d'oeuvre qui seront plus directement touchées par une clause comme celle-là. On a fait allusion tout à l'heure — je pense que c'est mon collègue de gauche qui a fait cette allusion — aux fonctionnaires. On pourrait mentionner aussi les gens qui peuvent venir au Québec dans des fonctions tout à fait spéciales, comme celles, par exemple, d'écrire, d'enseigner, dans des fonctions comme le journalisme où ils sont obligés d'utiliser la langue anglaise, et ces gens qui vont venir ici, vont être directement pénalisés et là aussi, dans la mesure où ces services sont des services authentiques et non pas des services inventés pour la population, à ce moment-là, ça va pénaliser également l'ensemble de la population du Québec. Sur le plan économique, cette restriction qui, non seulement était inutile sur le plan démographique, mais sur le plan économique, me paraît dommageable, elle va avoir des effets négatifs sur l'économie du Québec, et je pense qu'on n'a pas à se payer ce luxe, dans les circonstances actuelles.

Enfin, mon troisième point porte sur ce que j'ai appelé tout à l'heure la valeur de symbole politique que représente cette restriction. S'il est permis au gouvernement de transformer un projet de loi linguistique en symbole politique, je pense qu'il est également loisible à l'Opposition de relever ce fait-là et de dénoncer la précipitation avec laquelle le gouvernement veut considérer les autres provinces du Canada comme des provinces étrangères au Québec. Je pense qu'il y a une question de légitimité qui se pose également à cet égard. Est-ce qu'il est possible, au gouvernement, sans en avoir reçu encore le mandat, sans avoir lui-même suivi les procédures qu'il entend suivre pour décider de cette question, est-ce qu'il est possible à un gouvernement, dis-je, avant toutes ces procédures qui prendront un certain temps, sans doute, d'introduire une restriction de ce genre où, encore une fois, à l'occasion d'un projet de loi sur la langue, on essaie d'exclure les gens qui viennent du reste du Canada au même titre que s'ils étaient des immigrants en provenance de n'importe quel pays du monde.

Je me pose la question. Je pense qu'elle devrait faire également réfléchir le gouvernement sur ce symbole. Encore une fois, je ne pense pas que les nombres en jeu et en cause soient suffisants pour que le gouvernement croit nécessaire d'imposer une telle clause, et si ce n'est pas à cause des nombres en jeu et si la communauté francophone n'est pas en danger sur le plan scolaire, à cet égard, je suis bien obligé de conclure qu'il doit y avoir d'autres raisons qui militent en faveur d'une telle restriction, et elles ne peuvent être que politiques. Je pense qu'à ce stade-ci, il faut dénoncer cette précipitation excessive de vouloir faire la séparation du Québec avant la lettre et avant les procédures que le gouvernement lui-même s'est engagé à suivre.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député d'Outremont. La parole est au député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, à écouter les porte-parole de l'Opposition, j'ai de plus en plus l'impression qu'on doit maintenir la clause Québec dans le projet de loi. Je me demande même si on aurait dû offrir aux autres provinces les accords de réciprocité.

Il y a une chose que les gens de l'Opposition n'ont pas comprise et je peux le leur dire, parce

qu'on a été plusieurs à participer à la préparation de ce projet. Nous ne sommes pas d'abord partis de données démographiques pour essayer de déterminer si on allait essayer d'arriver à telle proportion de francophones ou telle proportion d'anglophones pour essayer de réduire la proportion de la minorité anglophone. Cela n'a jamais été notre intention.

On est parti de ce qui est peut-être nouveau pour beaucoup de Québécois et peut-être même certains membres de l'Opposition, avec un comportement de majoritaires et on s'est dit: On est ici, dans le Québec. Il y a 80% de la population qui est francophone. Il y a 20%, il y a 10% d'anglophones. Cela va peut-être augmenter, cela va peut-être diminuer. On est au courant des données démographiques et on les a regardées aussi, mais ce n'est pas cela qui nous a guidés d'abord. On a dit: II y a 10% d'anglophones et il y a 10% de gens d'autres origines qui se sont assimilés à la minorité anglophone. Pourquoi est-ce ainsi? On regarde dans l'histoire et on regarde comment cela s'est passé à partir du moment où on avait tenté, après la conquête, d'installer l'unilinguisme anglais au Québec et comment l'état de choc, comment notre peuple a évolué, et tout cela, et on s'est dit: Maintenant, on est rendu à un âge adulte, tout à fait indépendant du débat sur l'indépendance.

On a pas mal évolué, on a fait pas mal d'évolution, pas mal de bouts de chemin depuis 1960 et on n'est pas dans une situation normale. Je sais que le député de Marguerite-Bourgeoys n'aime pas ces mots, situation normale, mais il est vrai qu'on n'est pas dans une situation normale.

Quand vous avez, sur un territoire donné, qu'il soit indépendant ou non — prenez l'exemple de la Belgique ou ailleurs — 80% de la population qui n'arrivent pas à avoir une force d'attraction suffisante, qui sont absents des centres de décisions économiques, qui ont une moitié d'Etat, qui n'ont pas d'outils politiques suffisants pour assurer leur développement culturel et qu'on regarde les immigrants qui arrivent et qui s'intègrent à la minorité anglophone, on se dit qu'on n'est pas dans une situation normale, et que cela prend l'intervention de l'Etat pour redresser cette situation. Cela ne se fera pas tout seul. Il y a eu une certaine évolution. Il y en a qui se mettent à dire d'un autre côté que l'évolution est finie, que c'est nécessairement irréversible, que la situation du français est assurée, que son développement est assuré, que son rayonnement est assuré. Il n'y a absolument rien qui nous permette de dire cela. Il y a eu une certaine évolution. Alors on est parti d'un comportement de majoritaires.

Quand je regarde les arguments que nous amène l'Opposition je retrouve, je n'emploierai pas le mot "colonisés", je trouve cela un peu trop fort, mais je retrouve un comportement de minoritaires. On dit: Le projet de loi est revanchard, tout simplement parce qu'on regarde dans le livre blanc comment cela s'est passé dans le passé. Bien sûr, on veut savoir où l'on s'en va. On veut savoir les causes de la situation actuelle, pourquoi le français a aussi peu de force d'attraction au Québec. Alors, on regarde dans le passé, on regarde dans l'histoire, mais ce n'est pas un projet de loi revanchard.

Il n'y a aucun endroit dans le projet de loi où on pourchasse les minorités. Il y a même des droits qui leurs sont reconnus explicitement. On leur reconnaît un réseau d'écoles de la maternelle à l'université. On leur reconnaît des institutions sociales, des institutions de santé. En fait, il y a moyen pour un anglophone au Québec, et il y aura encore moyen après l'adoption du projet de loi 101, de vivre toute sa vie en anglais, s'il le veut. Evidemment, pour communiquer avec la majorité, il va falloir qu'il utilise le français, mais cela est normal. C'est cela se comporter en majoritaire. C'est de dire: Bien, le fardeau du bilinguisme ce n'est pas aux membres de la majorité à l'assumer bien que le bilinguisme soit nécessaire, on le reconnaît. Ce n'est pas à eux à l'assumer dans les relations intergroupes, c'est aux minoritaires à parler français au Québec. C'est comme cela que ça se passe partout et c'est extrêmement dangereux de penser autrement parce qu'on va...

M. Grenier: M. le Président, les propos du député de Rosemont m'intéressent, bien sûr. Il dit des choses fort intelligentes, mais j'aimerais bien qu'il en vienne à la clause, à celle dont on discute présentement. On a plusieurs articles sur lesquels on est d'accord de ce côté-ci de la table, mais cette clause, spécifiquement, les anglophones qui viennent des autres provinces.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Mégantic-Compton. Cependant, je ne voudrais pas être plus sévère pour le député de Rosemont que pour les députés de tous les autres partis. Depuis vendredi soir que nous étudions amendements après amendements, et ce n'est pas une critique envers vous, M. le député de Mégantic-Compton, soyez-en sûr, et je ne vous inclus pas dans ceux qui ont pu faire de ce débat sur les amendements un débat de deuxième lecture... Je l'ai supporté jusqu'à présent, je l'ai supporté, non pas dans un sens péjoratif, mais simplement parce qu'en commission parlementaire, il faut être quand même plus souple qu'à l'Assemblée nationale. Chaque fois qu'un amendement est proposé, même si je ne veux pas parler du fond, il me semble quand même que c'est presque tout le fond de la loi qui est mis en cause. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Merci, M. le Président. J'étais justement à parler des accusations que le député de Mégantic-Compton vient tout juste de reprendre, d'ailleurs, dans son exposé de tantôt. Il disait que le projet de loi était revanchard, justement à cause de cette clause Québec principalement. J'étais en train de lui dire que ce n'était pas du tout notre attitude. C'est un projet de loi où on part d'un comportement de minoritaires. Par exemple, quand on dit: Les Anglais vont nous devancer s'il n'y a pas la clause Canada — quelqu'un

a dit cela tantôt, je crois que c'est le député de Gaspé — les Anglais vont nous devancer, parce qu'ils seront bilingues, parce que nous allons devenir unilingues français et nous serons démunis dans la vie.

Je regrette, mais cela n'a rien à voir avec la clause Canada. Cela dépend de ce qu'on fera à l'école française, qui sera l'école de la majorité, l'école de tout le monde. Il est peut-être plus important de songer à une éducation économique, à l'école française, que de passer six ans à enseigner l'anglais, alors que, dans des écoles privées, on peut très bien, en changeant les méthodes pédagogiques, apprendre une langue en quelques mois. A plus forte raison, n'est-il par nécessaire d'ouvrir l'école anglaise à tout le monde. Je ne vois pas ce que cela nous donne.

Ou encore, quand le député d'Outremont dit que si nous n'avons pas la clause Canada, cela nuira à l'économie, parce que les gens des multinationales qui sont déplacés ne trouveront pas un milieu accueillant ici, ils ne pourront pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Sauf erreur, je pense que la majorité des gens qui viennent travailler dans les entreprises, dans les sièges sociaux des multinationales, viennent des Etats-Unis. Ils vont avoir le même problème. Il faudrait retomber, encore une fois, dans la clause monde, et accepter tout le monde, sous prétexte qu'il y a des cadres qui déménagent. On a posé la question à la commission parlementaire, lorsqu'on a entendu les mémoires, à plusieurs représentants d'industries. On a même envoyé une mission en Europe pour voir ce qui se passe ailleurs. Généralement, quand les gens veulent une école anglaise, ils se la paient. On est même prêt, peut-être, à mettre certains ajustements dans le projet de loi pour faire cela, mais, de là à dire que le fait de donner un milieu accueillant pour les cadres nécessite la clause Canada, je ne vous suis pas du tout. Je pense que cela ne se fait dans aucun pays et que c'est un préjudice grave à faire à la majorité francophone que d'aller aussi loin pour satisfaire quelques cadres.

Je ne pense pas que ce soit le désastre économique si on n'a pas la clause Canada.

On a également affirmé que c'est dans la mesure où on aura une culture anglaise vigoureuse au Québec que la culture française au Québec pourra s'affirmer. Je suis partisan d'une culture anglaise vigoureuse au Québec. Je pense que cela va enrichir notre société. Ce n'est pas seulement une culture anglaise, mais c'est une culture italienne, grecque. Tous les gens de culture différente de la nôtre, de différente origine ethnique, ont des choses à nous apporter. On affirme cela depuis le début, depuis le dépôt du livre blanc. Mais de là à dire que c'est parce que nous aurons une culture anglaise vigoureuse que nous pourrons nous développer, c'est penser que nous nous développons d'abord en nous comparant aux autres, mais nous sommes entourés de 200 millions d'anglophones. Nous sommes en contact tous les jours avec la culture américaine, avec la culture anglo-canadienne. Dieu sait que nous avons ce stimulant d'une culture étrangère autour de nous pour nous développer! Au contraire, nous pouvons même nous demander si nous ne l'avons pas peut-être trop. Ce n'est pas dans la mesure où la culture anglaise sera vigoureuse au Québec que la culture française va se développer. C'est dans la mesure où nous serons dynamiques. C'est dans la mesure où nous allons développer nous-mêmes notre économie et où nous allons nous donner les moyens pour développer cette économie. C'est dans cette mesure que nous allons avoir une culture française au Québec qui soit dynamique.

Finalement, on amène l'argument que le projet de loi sera séparatiste avant la lettre, et le député de Mégantic-Compton a élaboré beaucoup pour dire que le gouvernement québécois trahissait son mandat. Je pourrais lui répliquer que Daniel Johnson, qui avait été élu avec à peu près le même pourcentage du vote, a lancé, à un moment donné: Egalité ou indépendance. Je pense que vous étiez d'accord avec cela dans le temps. On peut se demander quel mandat il avait eu de la population!

Nous, on procède de façon beaucoup plus démocratique, on dit: On n'a pas eu l'égalité, alors, ce qu'on veut maintenant, c'est l'indépendance. Maintenant, avant, on va procéder démocratiquement et on va faire un référendum, mais je tiens à vous dire que ce n'est pas relié au projet de loi 101. Vous avez des pays même unitaires, qui ne sont même pas des fédérations, dont tout le pouvoir repose entre les mains du gouvernement central, qui ont adopté, et dans des situations beaucoup moins critiques que celle du Québec, des projets de loi même plus vigoureux que la loi 101. Je pense en particulier à la Belgique. Vous avez là deux minorités de taille à peu près égale, l'une appuyée sur la France, l'autre appuyée sur la Hollande, où les gens parlent une langue assez similaire, et où on a une loi linguistique infiniment plus rigoureuse. J'ai même été à l'Université de Lou-vain, la neuve, qui a dû déménager son campus en territoire wallon, parce qu'elle était une université francophone en territoire flamand. Imaginez si on décidait de déménager McGill en Ontario. Cela vous donne une idée de la rigueur des lois linguistiques belges dans une situation beaucoup moins critique qu'au Québec. Quelqu'un qui arrive de Wallonie en Flandre est obligé d'envoyer ses enfants à l'école flamande de la même façon qu'un Français, qui est pourtant d'un autre pays. Alors, le refrain sur le fait qu'on nierait notre beau pays, le Canada, c'est le vôtre, vous avez droit de penser ainsi, mais de dire que la loi 101 fait cela, c'est faux. Je ne pense pas...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Rosemont, ne tombez pas dans le piège. On vous a indiqué tantôt que vous étiez peut-être en dehors du sujet. Restez dans le sujet.

M. Paquette: M. le Président, je suis en train de répondre... Si je suis hors d'ordre, tous les députés de l'Opposition seraient hors d'ordre parce que je reprends chacun de leurs arguments.

M. Lalonde: Vous êtes extrêmement intéressant, poursuivez vos questions de règlement sur ce propos.

M. Paquette: Très bien.

M. Morin (Sauvé): Ils sont heureux que vous participiez au "filibuster" d'ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: II fait bien cela. Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais simplement dire au député de Mégantic-Compton que ce projet de loi n'est pas du séparatisme avant la lettre; je vous dirais même, et je pense que c'est l'opinion de la plupart des députés du Parti québécois, que nous sommes en faveur, tout à fait en faveur de la protection des minorités, de garantir des droits, mais dans un sens d'égalité, aux minorités francophones; au Canada anglais, il y a des minorités anglophones, il me semble que cela devrait faire partie, éventuellement, dans l'hypothèse de la souveraineté, des accords d'association, cela devrait être ratifié, si les accords ont lieu avant. Je pense que faire l'équation entre le projet de loi 101 et l'idée d'indépendance, cela ne colle aucunement et ce n'est aucunement dans notre esprit.

Au contraire, on est très ouvert là-dessus et on a décidé d'ouvrir des discussions concernant la réciprocité avec les autres provinces.

Je pense que ce n'est pas très brillant pour le Québec, parce que tout ce qu'on peut faire, c'est y perdre. Jamais les autres provinces ne pourront donner à leur minorité francophone autant que le projet de loi 101 accorde à la minorité anglophone et, même si elles le faisaient, je ne pense pas que cela empêcherait l'assimilation de certaines minorités dans d'autres provinces, mais il me semble que l'Opposition, nous proposant la clause Canada, est un peu comme un syndicat qui est en train de négocier une convention collective, et elle dit, alors que l'exécutif vient de commencer les négociations: On accepte une diminution de salaires et on accepte les offres patronales immédiatement. C'est exactement ce que vous faites.

Pourquoi est-ce que, pour une fois, vous ne laissez pas le Québec se placer en position de "bargaining power" et aller défendre ses opinions, avoir quelque chose en échange? Vous dites que c'est du marchandage de droits. Il y en a qui disent cela. Tous les droits se discutent et dépendent de la force politique des peuples qui les défendent. C'est comme cela qu'on a perdu nos droits, dans le passé, et c'est comme cela qu'on va les reconquérir, en se plaçant dans une position d'égalité.

M. le Président, je termine là-dessus; je pense que les réactions défensives, les réactions de minoritaires, ce sont les gens de l'Opposition qui les ont et non pas les membres du parti ministériel. D'autre part, cet amendement est prématuré, étant donné les négociations qui s'amorcent avec les autres provinces dans une situation qu'on n'a ja- mais eue au Québec; on ne s'est jamais placé en position de force et, pour cette raison, je voterai contre l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Sauvé et ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, ne voulant point contribuer à l'obstruction systématique de l'Opposition, je serai très bref.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde:... nous aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Ne recommencez pas...

M. Lalonde: Vous n'avez rien vu, si c'est cela que vous voulez.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Morin (Sauvé): Je voudrais, au cours des quelques minutes qui restent, avant la suspension de la séance, préciser les fondements juridiques et moraux de cet article 69 que nous débattons en ce moment et, en particulier, de ce que nous appelons l'option Québec en tant que critère d'admission à l'école anglaise.

L'objectif du gouvernement, le ministre d'Etat et moi-même, ainsi que d'autres députés ministériels avons eu l'occasion de le rappeler abondamment et d'assurer les droits de la majorité, mais également ceux de la minorité anglophone.

Il a donc fallu rechercher les fondements juridiques et moraux des droits de la minorité. Qui fait partie de la communauté minoritaire? Qui a le droit d'aller à l'école anglaise? La minorité anglophone du Québec? La majorité anglophone canadienne? C'est une question morale autant que juridique. Et c'est une question qui est tout à fait distincte de celle de l'indépendance. Quel que soit l'avenir — et personne autour de cette table ne peut le lire — quel que soit l'avenir, ce projet de loi marque un tournant, marquera un tournant dans l'histoire du Québec. Si, comme nous le souhaitons, nous aboutissons à l'indépendance, ce sera toujours cela de pris. Si, par malheur, nous n'y aboutissions pas, ce serait encore cela de pris. Je pense que les députés de l'Opposition ne sont pas sans s'en rendre compte.

Le député d'Outremont nous disait que nous traitions les autres provinces comme étant étrangères. A mon avis, si on scrute un peu l'histoire de ce pays, et en particulier celle des autres provinces, on s'aperçoit que ce serait plutôt elles qui auraient traité le Québec en étranger, et continuent dans bien des cas de le faire. Mais la question n'est pas là. Il nous a paru que seuls les Québécois anglophones, historiquement installés au Québec, pouvaient prétendre, moralement, avoir le droit d'aller à l'école anglaise. Et devant ce droit moral, nous nous inclinons. Ce droit moral et historique nous paraît certain.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, excusez-moi d'interrompre...

M. Morin (Sauvé): Je demande la suspension de la séance.

Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas besoin de la demander, un instant... Je ne dirai pas sous l'empire, mais en vertu de l'article 31, je suspends les travaux de cette séance jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 2

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Je m'excuse, on m'a posé une question. J'aurais pu commencer sans le quorum, parce qu'en vertu de l'article 145, en commission parlementaire, au cours d'une même séance, le quorum est présumé, à moins que quelqu'un ne l'invoque et ne le souligne au président. Mais comme il y avait quorum au moment de notre suspension, la parole était à M. le député de Sauvé et ministre de l'Education, à qui il reste 17 minutes.

M. Morin (Sauvé): Au moment de la suspension de la séance, M. le Président, j'étais à dire que seuls les Québécois anglophones, historiquement enracinés dans la vie québécoise, peuvent prétendre avoir un droit moral d'exiger la protection de leurs droits sur le plan de la langue d'enseignement. Ce en quoi notre comportement, notre attitude à l'égard de la minorité anglophone du Québec me paraît d'ailleurs infiniment plus morale et civilisée que l'attitude qu'on trouve dans les autres provinces à l'endroit de leurs minorités francophones.

Puis-je prendre un exemple? On dit souvent que le Nouveau-Brunswick est un modèle à suivre quant aux efforts déployés pour assurer le respect des droits scolaires de la minorité francophone. Mais qu'en est-il au juste? Dans un quotidien, on trouvait l'autre jour l'opinion de M. André Landry, de Tracadie...

Mme Lavoie-Roux: Un quotidien fort respectable.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Sauvé): Oui, fort respectable, effectivement, puisque je me permets de le citer...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton...

Une Voix: Depuis ce soir...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît, s'il vous plaît. Je sais que c'est le soir et que c'est plus difficile, après une longue et chaude journée, mais j'aimerais que l'on accorde à M. le député de Sauvé, ministre de l'Education, la même courtoisie qui a été accordée à tous les autres opinants au cours de la journée.

M. le député de Sauvé.

Mme Lavoie-Roux: Certainement, M. le Président.

M. Morin (Sauvé): M. Landry dénonçait, dans cette libre opinion, ce qu'il appelle l'hypocrisie du système scolaire soi-disant francophone du Nouveau-Brunswick, dans lequel le jeu des subventions fédérales en faveur des programmes

d'immersion totale dans la langue seconde, l'anglais en l'occurrence, fait en sorte que les écoles francophones sont forcées dans les faits de pratiquer l'immersion totale en anglais. M. Landry concluait — je me permets de le citer: "Quand on est le moindrement conscient de la situation de la langue maternelle de la minorité française au Nouveau-Brunswick dans les écoles, on ne trouve pas si farfelus les accords de réciprocité que propose le gouvernement du Québec."

En effet, si les anglophones non québécois ne peuvent prétendre avoir un droit moral à l'enseignement en anglais au Québec, on ne saurait fonder leur droit que sur un traitement réciproque accordé par les provinces anglophones aux minorités francophones.

Dans le cas du Québec, je crois qu'il nous faut reconnaître que les droits que nous reconnaissons à la minorité anglophone ont un fondement moral. Nous ne pouvons pas écarter ces droits. Il n'existe aucun tel fondement moral dans le cas des Anglo-Canadiens. Le seul fondement moral ou juridique ne peut être que le traitement juridique.

Ils auraient sûrement amélioré leurs revendications morales s'ils traitaient mieux les minorités francophones dont ils ont la responsabilité, mais ce n'est pas le cas.

Permettez-moi d'aborder maintenant un autre thème rapidement. M. le député d'Outremont s'inquiétait tout à l'heure de la réduction de la mobilité des cadres et il y voyait poindre le danger d'une réduction des ressources humaines par rapport au développement du Québec.

Le député oublie ou fait semblant d'oublier — je ne sais trop — l'article 81 du projet de charte sur les séjours temporaires, les enfants se trouvant alors soustraits à l'application du chapitre VIII.

Il y a plus. Comme je le disais, il y a un instant, il tient pour acquis, semble-t-il, que la réciprocité sera impossible et que l'Ontario, par exemple, sera privée de son côté des ressources humaines en provenance du Québec.

Cela pourrait avoir des effets négatifs pour le développement de l'Ontario aussi.

M. Alfred: N'est-ce pas vrai, monsieur? M. Raynauld: Non.

M. Morin (Sauvé): Si le député d'Outremont se soucie du développement économique du Québec...

M. Alfred: Je pose la question. M. Ciaccia: On vous répond.

M. Morin (Sauvé): ...il devrait sûrement se soucier du développement économique de l'Ontario, mais il devrait surtout se soucier d'obtenir pour les francophones qui devront aller travailler en Ontario, qui ne seront pas nécessairement des cadres mais des Québécois qui souvent n'ont pas eu l'occasion d'acquérir aussi pleinement que les cadres la connaissance d'une langue seconde, il devrait se soucier que ces Québécois puissent envoyer leurs enfants à l'école française tout comme il affiche ce souci unilatéral et à sens unique en faveur des anglophones canadiens.

M. le Président, il est évident que par le jeu de l'article 81 et de la réciprocité nous pourrons mettre un terme, nous pourrons répondre aux craintes plaintives du député d'Outremont. Ce n'est pas ce genre d'argument qu'il a apporté ce soir qui pourra amener le gouvernement à changer d'idée au sujet de l'article 69. Je vous remercie.

M. Raynauld: Est-ce que je pourrais poser une question, M. le Président, une question de fait?

Le Président (M. Cardinal): Remarquez bien que je vais être très large. Vous auriez dû la poser pendant que M. le député de Sauvé faisait son discours. Mais s'il veut vous répondre, je n'ai pas d'objection.

M. Morin (Sauvé): Je n'ai pas d'objection. Cela dépend. Si c'est une question de statistique, M. le Président, je ne les ai pas nécessairement sous la main.

Le Président (M. Cardinal): Pourvu que cela ne crée pas de débat. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Non, ce n'est pas une question de statistique, c'est juste une question de fait sur le plan juridique, puisque vous vous placez sur ce plan. Existe-t-il une province au Canada où soit en vigueur une loi qui interdit à des francophones en provenance du Québec de s'inscrire à une école française? Sur le plan juridique, est-ce qu'il y en a une?

M. Morin (Sauvé): Je puis vous dire qu'en Colombie-Britannique, par exemple, la loi est ainsi faite qu'un francophone ne peut avoir accès à l'école française.

M. Raynauld: Cela, c'est dans les faits.

M. Morin (Sauvé): Jamais, écoutez, vous savez comment fonctionnent les provinces anglophones, jamais elles ne vont interdire clairement l'accès à l'école française, mais cherchez-en une. Evidemment tous les francophones québécois qui émigrent dans les autres provinces n'ont pas la chance qu'a eue le député d'Outremont quand il vivait à Ottawa d'avoir des collèges et des écoles francophones à leur disposition.

De ce point de vue, il est plus confortable d'occuper un haut poste de commis de l'Etat à Ottawa que de se déplacer pour aller travailler, par exemple, dans le nord de l'Ontario ou dans le nord du Manitoba.

M. Raynauld: J'ai eu la réponse à la question que je posais.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, justement, je ne voudrais pas commencer avec un

chronomètre à calculer les quarts de minute et tout le reste. Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: Non, de Marguerite-Bourgeoys. Je n'ai pas encore abandonné mon siège.

Le Président (M. Cardinal): De Marguerite-Bourgeoys, pardon, je m'excuse, de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'avais préparé quelques notes à l'appui de l'amendement du député de Mont-Royal, jusqu'à l'intervention du député de Rosemont. Jusque là, j'avais l'intention d'appuyer surtout les propositions du député d'Outremont, en ce qui concerne la mobilité au niveau du développement du Québec, la mobilité si indispensable, surtout au niveau des cadres et en ce qui concerne plus particulièrement les sièges sociaux, mais l'intervention du député de Rosemont m'a révélé un aspect nouveau dans le débat. Jusque là, nous nous étions livrés, avec le ministre d'Etat au développement culturel, à la guerre des chiffres, batailles rangées des démographes, scénarios pessimistes ici, hypothèses optimistes là, et à faire des rapports quasi hebdomadaires plus chiffrés les uns que les autres.

Tout cela était pour la galerie, c'était la façade.

Mme Lavoie-Roux: Je ne le sais pas, je ne le sais pas encore.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: A moins que le ministre d'Etat au développement culturel ne daigne contredire son député.

M. Paquette: M. le Président, est-ce le moment de rectifier des faits? Je pense qu'on me fait dire des choses que je n'ai pas dites.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit d'invoquer l'article 96, M. le député de Rosemont, parce que vous avez fait un discours.

M. Paquette: Je le fais, M. le Président. M. Ciaccia: Une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Non, une question de règlement peut être posée à tout moment.

M. Ciaccia: L'article 96, est-ce que ce n'est pas après que le député de Marguerite-Bourgeoys a fini son exposé?

Le Président (M. Cardinal): II faut que je recommence la leçon de la procédure parlementaire. M. le député de Rosemont a fait un discours. On vient d'invoquer ses paroles, en vertu de l'article 96, si vous voulez le lire, je n'ai pas l'intention de le lire, il peut, sans question de privilège, et c'est tout ce qui est permis en commission parlementaire, immédiatement, sur une question de règlement, rectifier, pourvu qu'il le fasse brièvement.

M. Paquette: Ce sera très bref, M. le Président. Ce que j'ai dit avant de souper, c'est que la base de notre raisonnement, au début de nos travaux, reposait sur un comportement de majoritaires.

J'ai bien dit — et il suffira de consulter le journal des Débats par la suite — qu'on s'est intéressé aux questions juridiques, aux questions démographiques, aux questions de statistiques et que, par conséquent, il ne faudrait pas me faire dire que la guerre de statistiques ou les documents qui ont été communiqués par le ministre d'Etat ne jouent aucun rôle dans la décision qu'on a prise. Ce n'est pas ce que j'ai dit, j'ai dit que la raison plus profonde qui nous séparait de l'Opposition était beaucoup plus fondamentale, c'était que nous, on partait d'un comportement de majoritaires tout en voulant traiter justement nos minorités.

M. Alfred: C'est exactement cela.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Rosemont. M. le député de Mont-Royal, je regrette de ne pas vous avoir accordé la parole, mais je considère personnellement qu'il n'y a pas de question de règlement sur une question de règlement, sans quoi on n'en finirait jamais. C'est la simple logique qui me le dicte, mais est-ce que quand même vous auriez une nouvelle question de règlement, et en vertu de quel règlement?

M. Ciaccia: Le règlement 96, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, vous vous êtes exprimé...

M. Ciaccia: Une directive, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, parce que vous...

M. Ciaccia: Vendredi soir, je m'en suis tenu à l'interprétation que je vais vous donner et je vous demande si, d'après l'article 96, le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé, c'est-à-dire comme le député de Rosemont vient de le faire, d'après l'article 96, ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé, c'est-à-dire que le discours du député de Marguerite-Bourgeoys est terminé. D'après l'article 96, à moins que celui qui le prononce ne consente à être interrompu.

Le Président (M. Cardinal): Exactement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Cela ne voudrait pas dire que le député de Rosemont aurait dû demander la permission au député de Marguerite-Bourgeoys, et si le député de Marguerite-Bourgeoys ne le lui avait

pas accordée, cela voudrait dire que le député de Rosemont n'aurait pu soulever l'article 96 qu'après que le député de Marguerite-Bourgeoys ait eut terminé son discours.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal, mais, en vertu de l'article 4, il y a une longue tradition parlementaire qui veut que l'on invoque, et on l'a fait je ne sais combien de fois lors de l'étude du projet de loi 1 et lors de l'étude du projet de loi 101, sans que personne n'invoque la question de privilège que vous avez soulevée, vous avez parfaitement le droit de le faire. Si vous voulez qu'à l'avenir l'on s'en tienne strictement au texte de l'article 96, je demanderai à chaque fois la permission à celui qui est interrompu s'il permet une question de règlement. La difficulté, c'est que lorsque quelqu'un soulève une question de règlement, vous ne savez pas d'avance quelle est la question. Ce n'est que lorsqu'elle est terminée que vous le savez. Comment pouvez-vous, sans savoir d'avance ce qu'il va dire, demander la permission à quelqu'un? S'il fallait que à chaque fois qu'une question de règlement, et non pas de privilège, est invoquée je demande la permission à celui qui parle, il n'y aurait jamais de question de règlement.

M. Ciaccia: A moins que la personne qui soulève la question de règlement ne spécifie que c'est sur l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): C'est exactement pourquoi, à plusieurs reprises, j'ai demandé aux membres de cette commission — je m'excuse de prendre quelques minutes — ce sur quoi ils allaient parler. Vous comprendrez que c'est peu facile. Cela dit, je pense que c'est terminé et que M. le député, non pas de Mont-Royal, mais de Marguerite-Bourgeoys peut continuer.

M. Lalonde: M. le Président, cela ne sera pas pris sur mon temps, j'espère, les trois ou quatre minutes de discussions sur la question de règlement, je n'ai rien à faire là-dedans.

Le Président (M. Cardinal): J'ai déjà donné une directive à ce sujet. Je puis enlever le temps que j'ai utilisé, mais je ne peux enlever le temps que les députés utilisent.

M. Lalonde: Ce n'est peut-être pas aussi long que cela.

Le Président (M. Cardinal): Cependant, vous connaissez ma générosité qu'on a appelée, un certain soir...

M. Lalonde: Oui, votre libéralité.

Le Président (M. Cardinal): ...légendaire dont j'ai dit qu'elle ne me rajeunissait pas.

M. Lalonde: M. le Président, au fond, même si vous m'enlevez quelques secondes, je ne serai pas malheureux, parce que l'intervention du député de Rosemont m'éclaire davantage.

Au départ, c'était le comportement, de majoritaires, ensuite cela a été la bataille des démographes et on est revenu au comportement majoritaire, parce que la bataille des démographes, si j'en crois les chiffres, les nombres mentionnés par le député d'Outremont, est perdue pour le gouvernement.

Je ne pense pas que les chiffres qui ont été mentionnés supportent en effet, appuient l'option très restreinte, très restrictive — je veux dire l'option Québec — que l'on retrouve actuellement au paragraphe a) de l'article 69.

C'est donc le comportement de majoritaires, M. le Président. On a décidé qu'on était majoritaire et qu'on allait montrer aux autres comment on se comporte quand on est majoritaire.

Le député d'Outremont, de Rosemont — excusez-moi, M. le député d'Outremont — a dit que la situation n'était pas normale. Il a dit que les immigrants, en quelque sorte, ont démontré que le français manquait d'attrait, que la langue française manquait d'attrait, enfin, que l'attrait de la langue française était à la baisse, surtout dans le domaine du travail. Cela a été démontré bien avant le Parti québécois par la Commission Gendron, et la loi 22 en a pris soin. La francisation des entreprises, qui est une vaste démarche entreprise depuis déjà deux ans qui, jusqu'en décembre dernier était en plein progrès, le démontre, je pense, de façon évidente.

Mais, ceci dit, on revient au comportement de majoritaires, M. le Président. Il faut, étant donné qu'on s'aperçoit, tout à coup, comme le petit bonhomme à qui on met des gants de boxe à un moment donné, frapper quelqu'un, frapper quelque part. Alors, allons-y! On frappe n'importe où. Il faut surtout montrer ses muscles. On dit: Le comportement de minoritaires de l'Opposition. L'Opposition a un comportement de minoritaires, parce qu'elle fait appel à la justice, à l'équité. M. le Président, c'est l'opposé qui est vrai.

M. Morin (Sauvé):... vertu.

M. Lalonde: Un comportement de minoritaires est inspiré de peur généralement, de crainte, de manque de confiance, alors que c'est l'Opposition qui propose une solution de générosité, une solution de maturité collective, alors que celle qui nous est proposée par le gouvernement est une proposition timorée, une proposition... On regarde autour pour savoir si on n'est pas entouré. C'est la loi du plus fort. Le comportement du majoritaire, c'est la loi du plus fort. On pense, parce qu'on n'a pas assez de maturité dans ce gouvernement, qu'il faut imposer la loi du plus fort pour trouver une certaine satisfaction, une certaine réalisation de ses aspirations. Voilà le comportement du majoritaire pour un gouvernement péquiste, M. le Président.

M. Chevrette: Timorés!

M. Alfred: C'est de la démagogie!

M. Lalonde: M. le Président, je me demande jusqu'à quel point maintenant les arguments apportés par le député d'Outremont peuvent encore être pertinents ici...

M. de Bellefeuille: En effet, d'accord. Vous le démontrez.

M. Lalonde: II a démontré par des chiffres, en ce qui concerne la démographie, qu'il n'y a aucun danger d'accepter les enfants provenant des autres provinces à l'école anglaise. Cela ne représente aucun danger pour notre avenir, l'avenir des francophones au Québec, mais il semble que, si j'en crois le député de Rosemont, cet argument est rendu sous la table. On en a parlé un peu, mais on n'en parle plus.

Il a mentionné l'argument économique, mais, qu'est-ce que vous voulez, M. le Président, quand on est rendus majoritaires et qu'on se regarde le nombril, qu'est-ce que vous voulez que ça fasse, ça, 30 000 "jobs"? Ce n'est pas important. Ce n'est pas important, 30 000 "jobs". Ce qui importe, c'est de se montrer nos gants de boxe et de frapper quelque part, dans les portes ouvertes s'il le faut, mais ça n'a pas d'importance.

Une Voix: Les 100 000 emplois.

M. Lalonde: C'est 30 000, M. le Président, que l'étude de SECOR avait comptés directement et indirectement, si la loi 1 était adoptée telle quelle.

NI. Chevrette: 70 000...

M. Lalonde: Les quelques aménagements du projet de loi no 101 n'ont rien changé.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Ils n'ont rien changé. Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Lalonde: Mais ça, est-ce que c'est réellement pertinent, M. le Président? Si je vous dis que la mobilité, au niveau du développement du Québec, est extrêmement importante, est-ce qu'on va nous écouter?

M. Alfred: Ils sont à court d'arguments.

M. Lalonde: J'aimerais que le premier ministre soit ici ce soir, s'il n'était pas en train de se faire chauffer les cuisses sur les plages d'Ogunquit. J'aimerais qu'il soit ici. Il a promis l'ouverture, lui, à plusieurs reprises en Chambre, en particulier à des questions que je lui posais: Allez en commission parlementaire, qu'il disait, on va faire preuve d'ouverture. L'ouverture, M. le Président, ça fait quatre jours qu'on est ici avec des amendements importants. C'est hermétique; placide, mais hermétique.

Mme Lavoie-Roux: Placide...

M. Lalonde: II n'y a rien qui passe, M. le Président. Générosité?

Le député de Mégantic-Compton, je pense, a mentionné la générosité du discours inaugural. Où voyez-vous la générosité là-dedans? Ce n'est pas important, la générosité, quand on a les gants de boxe dans les mains. Ce n'est pas important! On est généreux quand on est obligé, mais là, non, on a les gants de boxe dans les mains et allons-y, il faut "varger" dans le tas, comme on dit.

J'avais pourtant des bons arguments sur la mobilité...

M. Chevrette: C'est vous qui le dites!

M. Lalonde: Que cela soit à l'intérieur du Canada... Et j'étais prêt. J'étais prêt même à faire des hypothèses, des hypothèses dans le sens de leur lubie.

Mme Lavoie-Roux: Des scénarios!

M. Lalonde: Des scénarios, je les leur laisse. J'avais des hypothèses dans leur sens... Je vais vous le dire à vous, M. le Président, et non pas à tout le monde!

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: Des hypothèses romantiques...

Le Président (M. Cardinal): Surtout à moi. C'est la règle, M. le député.

M. Lalonde: ...vous ne me croirez pas. Des hypothèses qui disaient que peut-être on serait, à un certain moment, associé et peut-être qu'on serait autre chose, mais des hypothèses quand même. Les romantiques aiment les hypothèses, les chimères. J'en avais pour eux ce soir, mais, avec la démonstration du député de Rosemont, je ne sais pas à quoi cela sert. Des gants de boxe contre des hypothèses, qu'est-ce que cela vaut?

Mme Lavoie-Roux: C'est comme des chimères.

M. Lalonde: J'avais... J'allais dire, par exemple, que cela soit à l'intérieur du Canada actuel, dans une confédération différente ou dans une association, si, par pure hypothèse — et même la pureté était là — le Québec devenait un associé du Canada, la nature même des éléments essentiels d'une économie de libre marché qui est la nôtre exige une mobilité complète autant au niveau des capitaux, des biens que de la main-d'oeuvre.

Or, une association économique avec le Canada — autre hypothèse, j'étais généreux comme le discours inaugural — avec les Etats-Unis, donc une association économique avec le Canada ou les Etats-Unis ne pourrait se faire que dans le cadre d'un tel régime économique.

Autrement, on ne parlerait pas d'association. Comment pourrait-on associer des économies qui feraient appel à des règles essentiellement diffé-

rentes? Donc, en tout état de cause, la mobilité est essentielle, avec les autres pays, dans une certaine mesure assujettie à des contraintes fort connues, mais surtout avec son pays et son pays associé.

Que l'on considère le Canada le pays ou l'associé du Québec, il demeurera toujours essentiel de maintenir avec le Canada des relations d'ouverture, d'accueil et d'amitié.

Or, refuser aux anglophones du reste du Canada, qui forment une très grande majorité de Canadiens à l'extérieur du Québec, l'accès aux écoles anglaises au Québec, équivaut à réduire considérablement la mobilité des gens du Canada au Québec.

J'ai tenté de convaincre le gouvernement d'ouvrir la porte en faveur de tout anglophone qui viendrait au Québec, étant bien entendu que les politiques d'immigration et une vigoureuse promotion du français dans l'entreprise sont amplement suffisantes à la protection et au développement du fait français au Québec.

Les ministériels n'ont pas compris. J'ai pensé à un certain moment qu'ils étaient entêtés. A un autre moment, j'ai pensé qu'ils étaient bouchés. Maintenant, je pense qu'ils sont les deux.

Nous en sommes maintenant rendus à l'amendement qui permettrait aux enfants de ceux ayant reçu l'enseignement primaire en anglais au Canada de fréquenter l'école anglaise.

M. Chevrette: Tu ne te forces pas, le diable! M. Alfred: ...

M. Lalonde: Les représentations que j'ai faites en faveur de la mobilité à l'égard du reste du monde sont encore plus pertinentes en ce qui concerne le Canada. J'ai entendu un député, et je n'ose pas prêter ces propos au député de Rosemont — c'est possible que quelqu'un d'autres les ait tenus — dire que la majorité des cadres qui viennent de l'extérieur au Québec viennent des Etats-Unis.

Je demanderais au député de me démontrer ses prétentions. Je pense plutôt qu'ils viennent du reste du Canada. La très grande majorité des cadres qui viennent de l'extérieur du Québec viennent du Canada, M. le Président. Nous avons un nombre assez impressionnant de sociétés, d'entreprises qui ont des opérations nationales et internationales et dont les sièges sociaux sont ici au Québec et qui comptent sur leurs effectifs qui appartiennent à tous leurs marchés pour éventuellement, de temps à autre, pas nécessairement de façon permanente, assumer des fonctions à leur siège social.

On a parlé de l'article 81. On n'est pas rendu là, mais cela ne fait rien, le ministre de l'Education, qui a quand même un certain prestige ici à cette commission, mérite qu'on lui porte un peu d'attention.

Je vais vous lire l'article 81: "Le gouvernement peut faire des règlements pour déterminer à quelles conditions certaines personnes ou catégories de personnes séjournant de façon temporaire au Québec ou leurs enfants peuvent être soustraits à l'application du présent chapitre."

M. le Président, cela a l'air qu'on peut faire bien des affaires avec l'article 81, mais ce n'est pas sûr, ce qu'on va faire. L'article 81 est insuffisant, il est arbitraire le gouvernement n'est pas obligé de faire des règlements, mais il peut en faire. Une fois qu'il les aura faits, on verra ce que les gens peuvent faire. Il est rempli de discrétion au niveau du gouvernement et ne constitue aucune garantie législative. D'ailleurs, lorsque nous arriverons à cet article nous aurons un amendement à proposer. Le député de Sauvé ne l'a pas fait, mais je pourrais mentionner ici la disposition d'un article qui est, je crois, l'article 135, deuxième alinéa, en ce qui concerne les sièges sociaux. C'est sibyllin, M. le Président, cela ne vaut rien dans les faits.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Voulez-vous parler de l'article 69, alinéa a)?

M. Lalonde: Je reviens à l'alinéa a), M. le Président, tout cela parce que j'avais été invité par le député de Sauvé, vous allez quand même le reconnaître, à aller à l'article 81.

M. le Président, un autre élément me porte à appuyer l'amendement, c'est que la clause Québec ne doit pas être si essentielle puisque le gouvernement s'est déclaré prêt à la laisser tomber en échange de services à l'extérieur du Québec, pas de services au Québec, il ne s'agit pas d'échanger des biens ou des services qui pourraient être ici, soit de participer à la mise sur pied d'une structure industrielle, même sociale, même dans le domaine de l'éducation. Il ne s'agit pas de services au Québec. Il s'agit de services à l'extérieur du Québec. On est prêt à laisser tomber, comme disait quand même avec une certaine candeur — il faut reconnaître que le député de Rosemont — j'aime cela, quand il parle, parce qu'il dit la vérité, combien de fois j'aimerais qu'il parle plus souvent — il disait quand même avec une candeur certaine sinon avec une certaine candeur qu'on va se servir de cela pour du "bargaining power". C'est l'affrontement qu'on cherche. On ne cherche pas à s'associer avec des gens qui vivent avec nous, on va les affronter, on va essayer de faire un "deal".

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à compter du moment présent, je vous accorde les minutes que j'ai employées pour répondre à vos questions de règlement. Je vous prierais de conclure.

M. Lalonde: Je vais conclure, M. le Président. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de passer à travers mes notes, parce que j'ai été distrait par le député de Rosemont. Il reste que cette clause de réciprocité démontre bien que le gouvernement n'y tient pas tellement. Si c'était une question de vie ou de mort, on ne la vendrait pas pour donner quelques services d'enseignement à quelques Québécois qui vont aller à Saskatoon.

Quand même! C'est important, ou cela ne l'est pas.

Si ce n'est pas important, à ce moment, on est prêt à la troquer pour autre chose. C'est ce qu'on fait avec les fameuses offres de réciprocité. Si c'était important, on ne l'offrirait pas comme cela. Je pense que cet amendement est un des plus importants de cette loi. L'on verra, à l'avenir, au traitement que cette loi souffrira, ou à celui dont elle sera favorisée, selon l'accueil qu'on fera à l'amendement, jusqu'à quel point le gouvernement est prêt à démontrer la générosité, la maturité et l'ouverture qui nous ont été promises par le premier ministre.

Le Président (M. Cardinal): Merci de votre collaboration, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Mégantic-Compton, en vous rappelant qu'ayant déjà exercé votre droit de parole, il vous reste huit minutes. Vous commencez à 20 h 34.

M. Grenier: M. le Président, nous sommes toujours, comme vous le constatez, en complet désaccord sur la clause option Québec, telle que rédigée, en vous faisant remarquer que le PQ ne fait aucun gain Ià-dessus, alors que les opposants — il s'agit de rencontrer les gens ordinaires et de suivre les media d'information pour s'en rendre compte — ont fait d'énormes gains sur cette clause option Québec.

Pour autant que l'Union Nationale est concernée, elle ne répétera pas dans ses arguments, ni ne donnera de chance aux ministériels de se répéter, parce que ce serait faire inutilement un discours stérile, selon elle. Le gouvernement, ayant fait son nid, il ne semble plus vouloir rien entendre. Pour nous de l'Union Nationale, et du Parti libéral, semble-t-il, il n'est plus question de faire confiance à des gens qui disent et redisent... Comme l'ont dit les éditorialistes du Devoir, de la Presse, du Soleil, du Montréal-Matin, de la Gazette, il est clair, maintenant, que le gouvernement a décidé de faire son nid. Déjà, on a annoncé que cette motion serait battue. Cela a été la première parole prononcée par le ministre d'Etat au développement culturel.

Ceci dit, nous ne présenterons pas notre amendement 69b, puisque vous l'aviez reconnu. Il a paru dans notre livre bleu. C'est à peu près celui-là que nous venons de discuter à 69a, non pas parce que nous n'avons pas confiance en cet amendement, en sa valeur et en nos arguments pour le défendre, mais parce que nous n'avons pas confiance dans l'attitude du gouvernement en cette matière, à cette commission. Je pense que la preuve commence à être établie.

Ainsi, on le notera, nous ne ferons pas perdre le temps de cette commission. Que le gouvernement, éventuellement, paie le prix de son comportement. L'Union Nationale a payé cela avec sa loi 63 et le Parti libéral a payé son entêtement avec sa loi 22. Je peux vous garantir que le Parti québécois va payer cela avec son projet de loi 101.

Mme Lavoie-Roux: Cela va prendre un autre parti.

M. Grenier: Pardon?

Une Voix: ...

M. Grenier: Vous verrez, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Grenier: ... la position de l'Opposition, tant libérale que celle de l'Union Nationale, n'en est pas une de colonisée, comme a semblé le dire le député de Rosemont qui témoigne d'un comportement de minoritaires, mais, au contraire, en est une de comportement de majoritaires... Voulez-vous arrêter de poulailler de croasser ici, M. le Président? Il n'y a pas moyen de parler tranquillement à ce bout-ci de la table; il y a toujours une couple de "back-benchers" qui se font aller la margoulette et il n'y a pas moyen de dire un mot sérieux. S'ils sont vraiment fatigués, qu'ils aillent prendre l'air; on est mieux dehors que dans la salle ce soir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, la table est étroite et longue.

M. Grenier: On veut dire des choses un peu sensées et on ne voudrait plus répéter les mêmes arguments. Il faudrait que le Parti québécois change de recherchistes; on entend les mêmes choses de l'autre côté. On tâche de dire des choses intelligentes, auxquelles on a pensé d'avance; on écrit quelques notes et on est entrecoupé régulièrement par deux ou trois députés, ici en face, et que vous n'entendez peut-être pas, M. le Président. Je ne vous en fais pas de reproche, vous ne les entendez peut-être pas. Si vous les entendiez, vous les comprendriez, parce que vous êtes intelligent.

Je vais vous dire qu'au contraire, ici, c'est un comportement de majoritaires qu'on a; arrivés sur les plans physique, mental, intellectuel et politique à l'âge de la maturité, conscients d'eux-mêmes, de leurs ressources et de leur potentiel, alors que, justement, le comportement des ministériels, à l'article 69b, en est un de colonisés posthumes, d'anachroniques qui n'ont pas suivi ni compris — on a vu cela pendant tout le défilé d'une très grande partie des mémoires qui nous ont été présentés pendant la première partie de l'étude de la commission sur le projet de loi no 1 — on n'a pas suivi la marche de l'histoire depuis une dizaine d'années, parce que vous savez que le Québec n'a pas marqué le pas depuis une dizaine d'années et, pourtant, les données que nous avons reçues, les données sérieuses, les données qui ont largement influencé le gouvernement sont celles qui ont prévalu avant 1970.

Je peux dire, M. le Président, qu'ici, on semble vouloir accuser les gens de ce côté-ci de la table de gens qui n'ont pas évolué. Je pense que, si on

voulait revoir la situation depuis une dizaine d'années, on penserait peut-être de façon différente, alors qu'on a, de l'autre côté, un comportement de gens frustrés, pour les uns et de gens têtus, aveugles et sourds pour d'autres. On a, chez les ministériels, un comportement de gens qui ont peur et on sent cela depuis ce matin, principalement. On agit, on l'a dit, par peur des effets d'entraînement par les autres parties de ce projet de loi et on a peur de courir le risque de voir l'essentiel de ses objectifs atteint sans avoir à recourir aux règles séparatistes, en connaissant les effets d'entraînement dans les autres parties de ce projet de loi.

Enfin, je pense qu'il faut noter que, pour la première fois, le gouvernement, par le nombre de ses intervenants, est tombé sur la partie défensive depuis ce matin. Il semble bien que seule la majorité numérique pourrait sauver cela. C'est assez difficile. Pour combien de temps?

Je voudrais, M. le Président, vous dire qu'ici, je fais une pause au nom de notre parti... M. le député de Papineau, vous ne pourriez pas aller vous reposer pour quelques minutes? Cela soulagerait la commission; cela ferait bien du bien à la commission, à moi en tout cas, peut-être à d'autres aussi.

Je vais vous dire une chose, M. le Président, c'est difficile d'analyser une situation dans une salle comme ici; c'est extrêmement difficile; il faut se promener dans le Québec pour le savoir. Je ne veux pas faire de prévision, je ne suis pas un tireur de cartes, mais je peux vous dire une chose, sans avoir fait de sondage, sans avoir fait de recherche, comme le gouvernement peut-être devrait en faire, il faut se rendre dans le Québec pour se rendre compte qu'une clause comme celle-là, celle proposée par le gouvernement, n'est pas populaire et elle ne le sera jamais. Le gouvernement qui prendra la place de celui-là devra revenir sur cette clause.

J'aimerais, le soir des élections, être capable d'entrer dans les foyers de plusieurs députés ministériels après leur défaite. Ils pourraient peut-être relire ce que je leur dis ce soir, d'y aller tranquillement. Quand on joue dans les moeurs des gens, y aller lentement. Il se peut qu'on demande au gouvernement — on le demande avec grande attention ce soir — ... Il y en a qui ont parlé de "filibuster". Ce n'est pas vrai. On est à un point important, aujourd'hui, de la loi, et si on ne réussit pas à attirer l'attention du gouvernement sur ce point, il vaut peut-être aussi bien jeter les armes. Si on ne sait pas considérer sur ce point bien précis l'aspect sérieux et important qu'on veut donner aux autres Canadiens qui aimeraient vivre ici, au Québec, si on ne sait pas donner plus de sérieux que cela, on paiera ça cher, M. le Président, et le soir des élections, la défaite... Lors de la prochaine élection, même si on a voulu voter la loi la première année du mandat du gouvernement, alors que l'Union Nationale l'avait adoptée pendant son avant-dernière année, la même chose pour le Parti libéral, on se rendra compte que les Québécois ont bon jugement et surtout bonne mémoire. On se rendra compte que même adoptée trois ans avant la prochaine élection, les gens s'en souvien- dront. La période d'éducation — vous en avez été témoin, vous, M. le Président... On a bousculé les moeurs des Québécois. Une chose qui aurait dû prendre un quart de siècle, on a voulu la régler en dix ans. Vous savez combien de gouvernements se sont succédé et se sont fait battre, en très grande partie, à cause de cette révolution en éducation.

Cet article de ce soir ne s'analysera pas le soir de l'élection. J'aimerais, encore une fois, entrer chez les comités des candidats péquistes défaits le soir des élections, et si le député de Johnson — je termine avec ça, parce que cela a l'air trop sérieux — était ici, il vous dirait, c ins sa traduction qu'il donne lui-même: Mane, thecel, phares. Le soir de l'élection, vous aurez été pesés, jugés et trouvés trop légers.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. Vous ne terminez pas parce que vous n'avez plus d'inspiration, mais parce que le temps est épuisé.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je prendrai deux des quatre minutes qui me sont laissées...

Le Président (M. Cardinal): Quatre minutes, c'est ça.

Mme Lavoie-Roux: ...pour répondre au député de Bourassa qui, comme d'habitude, incapable de parler sur le fond d'un amendement, s'est lancé dans une attaque quelque peu confuse contre le député de L'Acadie. Je n'aurais même pas relevé les propos du député, parce qu'il revêtait ce même manque de rigueur intellectuelle qu'on lui a toujours connue. Cependant, il me semble important de rétablir certains faits, quand, par exemple, il dit: Vous n'avez pas mentionné qu'à la CECM le secteur anglais diminuait moins rapidement que le secteur français. Bien, s'il avait écouté — je ne peux pas le blâmer de ne pas avoir écouté tous les discours — les discours en deuxième lecture, il aurait su que durant l'année 1975-1976 le secteur anglais, pour la première fois, a diminué plus rapidement que le secteur français, soit dans une proportion de 8,6% pour le premier et de 6,8% pour le second. Cela, c'était en 1975-1976. Il faudrait aller voir en 1976-1977. Evidemment, on n'a pas ceux de l'année qui s'en vient. Mais il aurait fallu que quelqu'un aille lui déposer cela sur un plateau d'argent pour qu'il le connaisse.

Quant aux positions contradictoires dont il m'accuse, au début de cette commission, au moment de l'adoption de l'article 68, j'ai fait état de ce qu'avait été ma position en commission parlementaire au moment de la loi 28 et je ne suis pas pour la relire ce soir. Quant à la dernière position officielle que j'ai prise, elle remonte au mois d'octobre — peut-être septembre — dans laquelle je souscrivais à la position du comité de restructuration du conseil scolaire de l'île. Je ne lis que quelques lignes: "Considérant, à cause d'une situation historique plus que séculaire, qu'il y a lieu

pour le législateur québécois de continuer à accorder à la communauté anglophone actuelle et future le droit d'éduquer ses enfants dans les écoles anglaises"... Si ceci n'est pas assez clair pour le député de Bourassa, il faudra commencer par lui montrer à lire.

Deuxième point — il y a une autre chose — ce serait le temps que le député de Bourassa réalise que je ne suis plus présidente de la CECM, que je suis membre d'un parti politique et que, étant membre d'un parti politique, je travaille avec ce parti politique. Ceci ne me met pas en contradiction avec ce principe de la reconnaissance de la communauté anglophone actuelle, présente et future, que j'ai toujours défendu, en dépit du fait que je pense, compte tenu du contexte, que des restrictions à l'admission scolaire dans le système anglophone semblent être légitimes à ce moment-ci de notre histoire. Ceci dit, monsieur...

M. Laplante: C'est une contradiction, Madame. Cinq contradictions.

Mme Lavoie-Roux: Ceci dit, je pense que, tout à l'heure...

M. Laplante: Je peux vous les lire, si vous voulez.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, tout à l'heure, je ne l'avais pas dit, mais cela semble tout à fait évident, je souscrirai à la position et appuierai la motion du député de Mont-Royal touchant l'extension de l'accès à l'école anglaise pour les enfants anglophones du reste du Canada.

M. Laplante: En voulez-vous une copie, Madame? J'en ai cinq...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre s'il vous plaît! M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Avec des votes. Je vais vous les donner. Avec des votes pris en commission, tout cela.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Bourassa, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Le pouls de la table bat très fort depuis que le député de Mégantic-Compton a décidé cet après-midi de faire de l'article 69 l'article "cardiaque" de ce projet de loi. Je lui en sais gré, parce que je pense effectivement qu'il a mis le doigt sur l'aspect central de ce projet de loi qui dévoile à la face de ceux qui assistent aux délibérations de cette commission que dès lors que nous abordons la discussion de cet article 69, nous nous voyons mis les uns face aux autres dans la situation très claire des positions qui sont les nôtres et dans la situation très claire aussi des principes qui guident notre action politique.

Je remercie vraiment, très sincèrement, le député de Mégantic-Compton d'avoir fait cette intervention. Elle permet aux gens des deux côtés de la table d'exprimer beaucoup plus clairement qu'on ne l'a peut-être fait jusqu'à maintenant le fond de leur pensée sur la question linguistique et peut-être même sur la place du Québec dans la confédération canadienne. Je voudrais, M. le député de Mégantic-Compton, simplement me servir de votre intervention de cet après-midi, couronnée par celle de ce soir, pour faire valoir à quel point, effectivement, vous nous aidez d'une certaine façon à préciser ce qui nous a animés dans la préparation de ce projet de loi. Je n'ai pas du tout le sentiment, en faisant cette argumentation, de me défendre de quelque façon que ce soit ou d'attaquer de quelque façon que ce soit, mais simplement d'exprimer ce qui, je pense, a toujours animé les députés ministériels et qui trouve aujourd'hui son écho dans une politique linguistique que, pour certains, on veut qualifier de volonté majoritaire de s'affirmer, que, pour d'autres, on veut qualifier de crainte d'être larges et généreux à l'endroit des minorités, mais toujours est-il qu'à mon avis, ce projet de loi, dans une situation fort délicate et dramatique qui est celle de la langue au Québec, a réussi quant à moi en tout cas à trouver un juste équilibre pour les deux parties, la majorité francophone et la minorité anglophone. Vous aviez, à un moment de votre intervention, M. le député de Mégantic-Compton, affirmé: "Ce n'est pas parce que l'éducation, ce qui est évidemment vrai, relève des provinces, ce n'est pas non plus parce que, dans d'autres provinces, l'on a ignoré ou bafoué les minorités que l'on doit ignorer et nier la réalité Canada."

Je voudrais simplement vous dire, M. le député de Mégantic-Compton, par votre intermédiaire, M. le Président — j'ai souvent tendance à vous oublier, mais ne craignez point — ...

Le Président (M. Cardinal): J'étais pour vous le rappeler.

M. Bertrand: Je fais passer par vos oreilles les propos que j'adresse au député de Mégantic-Compton. Je voudrais seulement signaler, M. le député de Mégantic-Compton, que c'est justement parce que nous n'avons pas voulu ignorer la réalité "Canada" que vous assistez à la volonté du gouvernement d'établir des accords de réciprocité avec les gouvernements des autres provinces canadiennes.

C'est justement parce que nous connaissons la réalité canadienne, parce que nous l'avons vécue, parce que nous l'avons comprise, qu'aujourd'hui vous nous voyez placés dans la situation de ne pouvoir accepter la clause "Canada" telle que vous l'entendez.

Je vais même vous faire une confidence, M. le député de Mégantic-Compton, si M. le Président veut bien vous la transmettre. La clause "Canada", ou la clause "Québec", selon le point de vue où elle est prise, personnellement, je vous l'avoue, j'avais des doutes, et je ne me cacherai pas pour vous dire: j'étais un de ceux qui se posaient de grosses questions sur la présence de cette clause "Québec" par rapport à une éventuelle clause "Canada" à l'intérieur du projet de loi 101.

Je me suis d'ailleurs, peut-être à un certain moment, posé les mêmes questions que l'éditorialiste Daniel Latouche, que vous avez si admirablement cité cet après-midi. Mais je vous avouerai aussi que mes craintes et mes inquiétudes se sont dissipées dès lors que le gouvernement, dans dans un acte qui m'apparaît tout à fait respectueux de la réalité canadienne, a décidé d'offrir aux autres provinces canadiennes d'établir un accord de réciprocité avec le Québec sur la question linguistique. Je pense n'avoir pas été le seul, M. le député de Mégantic-Compton, parce que l'éditorialiste que vous avez cité cet après-midi a lui aussi évolué. Lui aussi devait se rendre compte qu'avec la position adoptée par le gouvernement, la situation se trouvait changée.

Je voudrais seulement vous citer deux brefs extraits d'éditoriaux qui ont suivi cet éditorial du mois d'avril, dont vous faisiez mention tantôt. L'un remonte au 26 juillet 1977 et s'intitule: "La bonne politique et la mauvaise." Et je vous en lis deux paragraphes: "Pourquoi faut-il que, dès qu'un gouvernement québécois, qu'il soit indépendantiste ou pas, décide de faire de la politique, il soit accusé de vouloir faire du chantage? Par quelle fatalité divine les Québécois auraient-ils été jugés inaptes à faire de la politique? Pourquoi les mêmes considérations et les mêmes décisions, lorsqu'elles originent d'Ottawa, de Washington, ou de Toronto, sont-elles perçues comme normales, mais sont jugées comme symptômes de noirs desseins si c'est un ministre québécois qui en est l'auteur? "Lorsque MM. Laurin et Lévesque proposent aux autres provinces canadiennes de régler une fois pour toutes l'épineuse question des droits linguistiques des minorités, on les accuse de machiavélisme et de faire de la politique sur le dos des enfants. Pourtant, M. Trudeau propose de tenir une conférence fédérale-provinciale sur le sujet, de faire du gouvernement fédéral le protecteur des minorités et d'amender la constitution, s'il le faut. Rien de tout cela ne lui paraît répréhensible."

Je vous en cite un second: quelques jours après, le mardi 2 août 1977, cela s'intitule: "Premières réactions". On y fait cette mention, dans un premier paragraphe: "On ne peut pas dire que les premières réponses à la lettre de M. René Lévesque soient très encourageantes; seulement deux missives sont parvenues au gouvernement du Québec, cela de M. Davis, de l'Ontario, et celle de M. Blakeney, de la Saskatchewan." On y fait l'analyse de ces deux réponses et on ajoute plus loin: "Nous en sommes donc revenus à notre point de départ. Des porte-parole officiels du Canada anglais continuent à nier la réalité binationale du pays et refusent d'admettre que le Québec n'est pas une province comme les autres. Cela fait un argument de plus en faveur de la thèse péquiste."

Or, donc, ce qu'il faut constater c'est que, chez bien des Québécois, et c'est sans doute à ces Québécois que le député de Mégantic-Compton faisait référence tantôt, quand il disait qu'à se promener dans les coins du Québec, dans le milieu rural ou urbain, dans la région des Cantons de l'Est, à Montréal, ou à Québec, on sentait que les gens pouvaient avoir des doutes sur la pertinence des décisions prises par le gouvernement. J'avais moi-même — et peut-être que j'exprimais en cela certaines des angoisses, des inquiétudes des Québécois — des doutes sur la clause Québec, telle que formulée dans le projet de loi 101. Mais, maintenant que le gouvernement a fait son lit d'une façon qui, quant à moi, est claire, respectueuse des principes qui sous-tendent notre politique linguistique et surtout respectueuse d'une très profonde connaissance de cette réalité canadienne que vous voulez nous voir respecter, je dis que le député de Mégantic-Compton, membre d'un parti politique nationaliste, membre d'un parti qui a une longue tradition d'autonomie provinciale, de revendications, de luttes pour la défense des droits des francophones, à l'intérieur du Canada, a une position qui aurait certainement dû être différente de celle qu'il adopte aujourd'hui, parce que, pour reprendre même l'histoire de l'Union Nationale, ce n'est pas une référence à l'indépendance qui se trouve contenue dans cet article 69, je dirais que c'est une référence à l'égalité dont faisait mention l'ex-premier ministre du Québec, M. Daniel Johnson.

Quand il écrivit son volume "Egalité ou indépendance", je me disais: Ils ont toujours, encore que les hommes politiques qui ont prononcé ces paroles soient disparus, toute la latitude pour choisir entre égalité ou indépendance.

Je respecte votre décision de ne pas avoir choisi l'indépendance. Cela vous regarde, c'est un choix politique, c'est celui de l'Union Nationale. Je le respecte, mais je ne comprendrais pas que vous ne vous repliiez pas au moins sur la notion d'égalité.

Je dis que dans ce projet de loi no 101, à l'article 69, et à travers la proposition de réciprocité qui est faite par le gouvernement du Québec, c'est tout le concept d'égalité des deux nations à l'intérieur de la fédération canadienne qui se trouve contenu, et nous sommes respectueux d'une réalité canadienne que j'aimerais vous voir respecter, parce que quand vous refusez, avec la position que vous tenez maintenant, de soutenir cet accord de réciprocité, quand vous refusez de lever le petit doigt pour appuyer le gouvernement sur cette question, vous êtes en train de jouer un jeu fort dangereux qui, bien loin d'aider une position qui serait la vôtre dans le contexte présent, risque, au contraire, de la desservir, parce que vous aviez la chance, en vous appuyant sur cet accord de réciprocité, de faire valoir votre volonté d'assurer la présence francophone à l'intérieur du Canada.

Une des grandes craintes exprimées par les Québécois avant d'élire un gouvernement du Parti québécois, c'était de dire: Si jamais les Québécois avaient le malheur de voter pour ce gouvernement séparatiste, ce serait la fin des minorités francophones dans le Canada. C'est la fin de la défense du Québec pour les minorités francophones dans les autres provinces canadiennes, et combien de fois je l'ai entendu? Méfiez-vous, dans les autres provinces du Canada c'en est fini de la présence francophone si jamais vous élisez un gouvernement séparatiste.

Or, bien au contraire, ce à quoi nous assistons depuis le 15 novembre, c'est à une recrudescence de la présence des minorités francophones à l'intérieur des provinces canadiennes. Le rapport faisant état des héritiers de Lord Durham, c'est depuis le 15 novembre que c'est paru. La lutte des minorités francophones hors Québec pour la défense de leurs droits, c'est depuis le 15 novembre que ça se traduit de façon plus concrète. La rencontre avec le premier ministre Trudeau aurait-elle été possible sans l'avènement du Parti québécois au Québec lorsqu'il a été question d'aller discuter de ces droits des francophones dans les autres provinces canadiennes?

Est-ce que vous n'avez pas pris connaissance, M. le député de Mégantic-Compton, par votre intermédiaire, M. le Président, des réactions des minorités francophones hors Québec depuis que nous avons accouché de cette politique sur les accords de réciprocité? Est-ce que vous n'avez pas pris conscience de leur volonté d'être présentes à Saint Andrews, de rencontrer les premiers ministres de leur province pour leur faire valoir que la position du Québec est raisonnable? En d'autres mots, rappelez-vous les déclarations du premier ministre Johnson quand il disait: II s'agit de construire un Canada à deux et non pas un Canada à dix. Il s'agit de faire prendre conscience aux Canadiens francophones qu'ils peuvent s'appuyer sur le Québec francophone, fortement francophone pour être en mesure de faire véritablement valoir leurs droits dans leur province. C'est justement parce qu'il y a, aujourd'hui, un gouvernement du Québec qui s'appuie fortement sur son pouvoir de gouvernement, qui s'appuie fortement sur la volonté de la collectivité francophone de faire valoir ses droits que nous pouvons espérer un meilleur avenir pour les minorités francophones hors Québec.

Donc, je dis que cette politique du gouvernement actuel, à travers les accords de réciprocité, est profondément respectueuse de l'esprit fédéral, de la réalité canadienne et, presque au risque d'avoir l'air paradoxal, je dirais que, dans le contexte actuel, et sans renier notre volonté de souveraineté-association qui, de toute façon, est indépendante de la discussion de la question linguistique, peut-être sommes-nous en ce moment les vrais fédéralistes? Peut-être sommes-nous, en ce moment, ceux qui, à travers l'analyse de la réalité canadienne, tentons, par notre attitude, qui peut vous apparaître extrêmement discriminatoire à l'endroit des minorités, peut-être sommes-nous ceux qui sont en train de défendre les minorités francophones des autres provinces? A ce point de vue-là, nous jouons le jeu de la réalité canadienne. Quand vous disiez... C'est le député d'Outremont qui m'a presque fourni l'argument, et je pense qu'il me l'a fourni, quand il disait lui-même que, de toute façon, il n'y avait aucun risque à mettre la clause Canada dans le projet de loi no 101, parce que, de toute façon, d'après ses analyses à lui et son interprétation des données démographiques, il partirait plus de Québécois anglophones du Québec qu'il n'en entre, venant des autres provinces canadiennes. Si c'est tellement vrai, pourquoi faudrait-il donc que ce soit la clause "Canada" que nous mettions dans le projet de loi no 101? Pourquoi ne serait-ce pas plutôt la clause "Québec" que nous maintenions dans le projet de loi no 101, tout en disant que nous avons profondément avantage à ce que, par cette attitude, nous puissions enfin faire en sorte que les minorités francophones dans les autres provinces espèrent un meilleur avenir?

Je dirai que je souhaite, pour l'Union Nationale, que le pèlerinage de Trois-Rivières au mois de septembre soit l'occasion de miracles. J'espère que, tel que le souhaite le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale, ce soit l'occasion d'un retour aux sources, que vous retrouviez les élans de ce chef, Maurice Duplessis, qui, en 1954, était capable comme un grand garçon, de se tenir debout, devant le gouvernement fédéral, et d'aller chercher 10% de l'impôt sur le revenu, sans même négocier, sans même quémander.

Puissiez-vous retourner aux sources!

Il est tellement symbolique que, depuis quelques semaines, René Lévesque et Maurice Duplessis communiquent par la voie des media d'information à travers la chronique de Jean Lesage. Il y a — Gilles Lesage, je m'excuse du lapsus —

Une Voix: C'est également un disparu.

M. Bertrand: C'est également un disparu. Il y a une continuité beaucoup plus grande entre le Parti québécois d'aujourd'hui et l'Union Nationale d'hier qu'il n'y en a entre l'Union Nationale d'aujourd'hui et l'Union Nationale d'hier. Je dis que je me sens très à l'aise aujourd'hui de pouvoir justifier mon appartenance au Parti québécois en pouvant ainsi m'adresser au député de Mégantic-Compton, parce que sur ces deux questions fondamentales qui ont été soulevées par le projet de loi 101, le premier article sur la langue officielle et cette notion d'accord de réciprocité sur laquelle l'Union Nationale n'ose pas lever le petit doigt pour appuyer le gouvernement... Je pense que le retour aux sources de Trois-Rivières sera une occasion d'aller rechercher dans le passé, dans l'histoire nationaliste et autonomiste de l'Union Nationale, j'espère, un regain de vigueur pour être en mesure de défendre le gouvernement du Québec qui, lui-même, essaie de s'inspirer de la tradition nationaliste de l'Union Nationale.

M. Grenier: Me reste-t-il du temps? Le Président (M. Cardinal): Pardon? M. Grenier: Me reste-t-il du temps?

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Je vais vous dire cela. Non, M. le député de Mégantic-Compton, vous avez terminé votre temps. Vous avez épuisé toutes vos ressources du point de vue du temps.

M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, les arguments des

Oppositions conjuguées à l'appui de la clause Canada m'ont surpris par Jeur maigreur, leur stéréo-typie et leur faiblesse. Les appels à la solidarité et à l'unité canadienne sont on ne peut plus naïfs, irréalistes, sentimentaux et romantiques.

Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, il me semble que je l'ai déjà entendu, M. le député de Sauvé.

M. Laurin: Le solde migratoire négatif peut certes constituer un danger pour le Québec, mais c'est dans les années 1966-1971 qu'il a été le plus important.

Les chiffres récents ne sont pas inquiétants, dans la période de chômage que nous traversons. Par ailleurs, la loi C-24, au fédéral, n'est pas la trouvaille du siècle. C'est au Québec qu'il devrait revenir d'établir sa propre politique d'immigration et je ne doute pas que, le moment venu, celle-ci soit davantage positive et conforme à nos besoins que ne l'a été une politique fédérale qui nous a systématiquement desservis sur tous les plans.

De toute façon cette politique n'a que très peu à voir avec notre politique linguistique et scolaire, et nous le prouverons bien un jour dans les faits.

Il est vrai qu'accepter tous les nouveaux arrivants à l'école anglo-québécoise serait la solution commode et facile puisque cette école est déjà là, qui les attend. Mais c'est précisément cette facilité, cette commodité, ou, devrais-je plutôt dire, cette rationalisation et ce prétexte qui nous ont masqué les principes, les réalités, les glissements et les dangers qui auraient dû inspirer notre politique et nos décisions. Car le régime de la porte ouverte dans un pays et un continent massivement anglophones, dans un Québec où l'anglais était la langue de la domination économique, de la technologie, du commerce et des affaires, ne pouvait aboutir qu'à cette infiltration et à cet endettement progressif que nous avons connus avec le résultat que 90% des nouveaux arrivants venaient finalement s'intégrer ou s'assimiler à la minorité anglophone.

Il faut au contraire procéder à une analyse rigoureuse et rationnelle de la réalité, en fonction d'impératifs axés sur le maintien de notre identité et notre développement collectif puis ensuite procéder vigoureusement aux redressements qui s'imposent dans le sens de nos véritables intérêts.

Le député de L'Acadie a raison de souligner que le fait, pour un élève, de poursuivre ses études secondaires en anglais peut constituer un facteur plus important d'intégration ou d'assimilation à la communauté anglophone que s'il y poursuivait ses études primaires. Je ne suis pas sûr, pourtant, que ceci soit vrai, car l'importance des apprentissages fondamentaux peut l'emporter comme facteur de structuration et d'orientation ultérieures sur le réseau d'amitié dont elle a parlé. Il serait, en tout cas intéressant d'approfondir cette question, mais cet intérêt n'est qu'académique en l'occurrence, car ce qu'oublie le député de L'Acadie, c'est que, dans la société québécoise que nous avons connue, ce sont souvent les mêmes élèves ou les divers enfants d'une même famille qui s'inscrivent à l'école secondaire anglophone après y avoir poursuivi leurs études primaires.

Encore une fois, ce sont les arguments démographiques qui paraissent les plus sérieux, parce que plus scientifiques, mais, hélas, pour le député d'Outremont, ses démonstrations ne sont qu'un leurre. Sans vouloir revenir sur les études nombreuses et étoffées et qui tiennent encore, nonobstant les critiques, qu'ont effectuées les professionnels du groupe ad hoc et que le député d'Outremont devrait relire et creuser, il importe de rappeler ici quelques vérités fondamentales.

Premièrement, pour la période 1970-1975, les écoles anglaises n'ont perdu que 10 000 élèves, soit moins de 5% pour cinq ans, moins de 1% par an, en moyenne, pendant que les classes françaises subissaient de leur côté une diminution de 175 000 élèves, soit plus de 13%.

Deuxièmement, on semble oublier de considérer que la part relative du réseau anglophone atteint près de 17% de la clientèle scolaire totale, soit plus que ne représentent, dans la population québécoise, les anglophones de langue maternelle, c'est-à-dire 13,1% ou les anglophones d'origine, c'est-à-dire à peu près 10%.

Troisièmement...

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Pourrais-je poser une question au ministre?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le ministre est d'accord.

M. Laurin: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une question très compliquée. Quand vous dites que le réseau français a diminué de — enfin, je n'ai pas les chiffres — 175 000, et que le réseau anglais n'a diminué que de... Cela, c'est depuis...

M. Laurin: En cinq ans.

Mme Lavoie-Roux: ... les cinq dernières années. Ne croyez-vous pas qu'un des facteurs, sans que ce soit le seul... je suis prête à admettre qu'il y a eu l'intégration massive des immigrants.

M. Laurin: C'est cela le principal facteur.

Mme Lavoie-Roux: N'y a-t-il pas eu le fait que la baisse de natalité a été, pendant une période donnée, compte tenu du haut taux de la natalité que les Québécois avaient connu, aussi un facteur important dans cette baisse tout à coup très rapide de...

M. Laurin: II faudrait, bien sûr, comparer les taux de natalité. Durant cette période, les taux de natalité étaient à peu près équivalents dans la majorité anglophone.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais, antérieurement, ces taux de natalité antérieurs.

M. Laurin: Bien sûr, il reste que durant les

cinq années, 1970-1975, la chute dans le secteur scolaire francophone a été de beaucoup supérieure à la chute scolaire du côté anglophone. Toutes les études tendent à prouver que le principal facteur, pour ne pas dire le facteur prédominant, a été cette intégration massive de tous les nouveaux arrivants au secteur anglophone qui permettait, au fur et à mesure, de compenser les pertes dues à la natalité.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas, je pense qu'il y a eu la combinaison des deux facteurs. Evidemment, il faudrait...

M. Laurin: Mais votre question est intéressante et je la retiens.

Mme Lavoie-Roux: ... les soupeser.

M. Laurin: Troisièmement, dans les calculs prévisionnels de clientèles scolaires qu'on oppose aux nôtres, on ne tient pas assez compte des effets des transferts linguistiques sur la population née au Québec de langue maternelle autre, mais de langue d'usage anglaise.

N'oublions pas, par exemple, que 65% des jeunes Italiens de 25 ans et moins qui ont effectué un transfert linguistique vers l'anglais sont de langue maternelle italienne, mais de langue d'usage anglaise. Ne peut-on pas présumer que, pour une bonne part, ces jeunes ont étudié en anglais au Québec et que, lorsqu'ils auront à identifier eux-mêmes leur langue maternelle au prochain recensement, ils répondront l'anglais?

Quatrièmement: Ce n'est pas parce que le solde migratoire du Québec est négatif que l'immigration a peu d'importance dans l'accroissement et la composition de la population. C'est oublier un peu rapidement que ces immigrants, qui s'installent ici, ont des enfants, et que ces enfants se sont intégrés, beaucoup plus encore que leurs parents, à la communauté anglophone. C'est oublier que, malgré la migration nette négative, 36% de la population de la région métropolitaine de Montréal se composaient, en 1971, d'immigrants et de fils d'immigrants.

Cinquièmement: Durant la période 1961 à 1976, 509 094 anglophones seraient sortis du Québec, amenant un appauvrissement de la communauté anglophone de près de 200 000 personnes au cours de cette période. Ces estimations, tirées des critiques de nos adversaires, sont très fortes, trop fortes et fortement contestables. En effet, on a appliqué la structure linguistique des migrants de la période 1966-1971 à tous les migrants de la période 1961-1976, et pourtant, cette structure a varié au cours de cette période. Par exemple, de 1961 à 1971, la migration nette totale a été favorable aux anglophones et défavorables aux francophones. D'autre part, la communauté anglophone ne comptait qu'environ 700 000 personnes en 1961, et pourtant, malgré ce prétendu solde migratoire négatif, celle-ci s'est accrue, entre 1961 et 1971, de 90 000 personnes.

Sixièmement: Et encore, malgré ce prétendu solde migratoire négatif, la clientèle scolaire des classes anglaises n'en a été que fort peu affectée. En effet, entre le 30 septembre 1970 et le 30 sep- tembre 1976, les écoles publiques anglaises ont vu leur clientèle diminuer de 9%, alors que la clientèle des écoles françaises baissait de 17,3%.

Il y aurait bien d'autres chiffres à rappeler au député d'Outremont et j'y reviendrai peut-être. Mais ces quelques rappels suffisent à prouver que ces démonstrations reposent, à tout le moins, sur de l'argile. Quant à sa vision cataclysmique des flux commerciaux interprovinciaux, je crois qu'elle est tout aussi romantique et non fondée que ces calculs arithmétiques.

La loi d'airain des échanges commerciaux, c'est d'abord l'intérêt, et cette loi reprendra tous ses droits dès que cessera l'agitation et la nervosité des commerçants dérangés, pour un moment, dans leurs habitudes, car ces gens ne devraient pas appartenir, après tout, à cette catégorie de citoyens que notre premier ministre canadien qualifiait de "bleeding hearts with trembling knees".

Je rappelle aussi au député de Mégantic-Compton, qui s'inquiète de la discrimination dont pourraient souffrir les fonctionnaires fédéraux travaillant dans la région de Hull, par suite de la loi 101, que la région de Hull compte 83% de francophones et 15% d'anglophones, et pourtant, dans les transferts linguistiques, les francophones perdent plus de 2000 locuteurs nets depuis quelques années, alors que les anglophones font des gains de plus de 3300 locuteurs. Par ailleurs, le taux d'anglicisation des jeunes adultes dans la région ne cesse d'augmenter dans toutes les localités, et avec le transfert promis de 25 000 autres fonctionnaires, en majorité anglophone, au cours des cinq prochaines années, c'est un renversement de la majorité francophone auquel il faudrait s'attendre, si ce n'était des effets frénateurs et salvateurs de la loi 101.

Par ailleurs, le Québec ne se comporte pas plus en Etat séparé en adoptant la loi 101 que ne le fait la Colombie-Britannique en refusant tout accès à l'école française subventionnée à son importante minorité francophone de près de 100 000 citoyens. On pourrait dire la même chose, d'ailleurs, de la Nouvelle-Ecosse, de l'Ile-du-Prince-Edouard et de Terre-Neuve, qui mesurent, on ne peut plus chichement, les écoles françaises à leurs minorités francophones.

Rappelons aussi que le Manitoba venait juste d'entrer dans la Confédération et n'avait donc aucune envie d'en sortir quand il a aboli, d'un seul coup, l'enseignement en français des écoles françaises.

Le député de Mégantic-Compton prétend, enfin, nous empêcher d'adopter la loi 101, parce qu'une majorité populaire s'y opposerait et que le Parti québécois n'a pas le droit de changer ainsi le cours de l'histoire en ne s'appuyant que sur le vote de 41% qu'il a reçu lors du dernier scrutin.

On peut affirmer à coup sûr, en tout cas, que ce n'est pas en raison de sa politique linguistique que l'Union Nationale a fait élire ses onze députés en novembre 1976. Je mets en effet au défi n'importe lequel des citoyens d'avoir compris quoi que ce soit aux positions ambiguës, glissantes et obscures en matières linguistiques, positions qui variaient d'ailleurs selon que le chef de l'Union Nationale s'adressait à des auditoires francophones

ou anglophones, positions qui aboutissaient à faire parler son parti avec deux langues, des deux côtés de la bouche quand elles ne constituaient pas des palinodies successives à la manière des aurores boréales.

Tout à l'opposé, la position linguistique du Parti québécois est connue pour l'essentiel depuis sa fondation. Elle est claire, elle est comprise de la population. C'est donc en parfaite connaissance de cause que le peuple québécois a choisi de porter au pouvoir le seul parti qui soit capable, parce qu'assez libre et assez fort, d'élaborer cette politique linguistique qui répond à ses besoins, intérêts et aspirations, et surtout de la faire passer du plan des principes au plan de l'action. C'est pourquoi, M. le Président, plus que jamais, au terme de ce débat, nous maintenons notre position qui nous semble, en l'occurrence, la plus juste et la plus équilibrée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre. Je cède la parole au dernier député de l'Opposition à avoir quelques minutes. M. le député d'Outremont, avec quatre minutes.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas faire de la politique sur le dos du système scolaire et même des enfants québécois, je vais essayer de m'en tenir à certaines observations vérifiables, autant que possible, sur les migrations.

Le ministre a parlé tout à l'heure d'un prétendu solde. Sur cela je m'inscris en faux, il n'y a pas de prétendu solde. Il y a un solde négatif et celui-là est établi. Ce qui n'est pas établi, c'est la langue maternelle des migrants. Cela repose sur une hypothèse. Mais il n'y a pas de prétendu solde négatif. Il y en a 200 000 qui sont partis, il y en a... J'ai donné les chiffres pour cela, de 1961 à 1976 c'est 69 000 migrations totales nettes interprovinciales et internationales. Ce sont les chiffres que j'ai donnés et je ne voudrais pas revenir sur tous les autres.

Mais ce qui repose sur une hypothèse, c'est la distribution par langue. Or, ce qu'on me dit, c'est que de 1966 à 1971, il se peut que cette répartition de fait, pas une hypothèse, mais de fait, ne s'applique pas à l'ensemble de la période. On répond: En effet, de 1961 à 1966, cela a été défavorable aux francophones. Cette affirmation-là, à moins qu'on ne me donne des éléments nouveaux, est basée sur un calcul entièrement discrédité. Elle est basée sur un calcul de changement de 1961 à 1971 par des taux de survie. Cela est discrédité, parce qu'on a fait des calculs sur de très grosses masses et toute erreur sur des grosses masses se répercute dans un résidu avec des variations considérables. Je pourrais démontrer avec une petite erreur de 1% que le résidu pourrait être du simple au double. C'est une méthode discréditée, et qui est remplacée par Statistique Canada, qui ne la prend plus maintenant et qui essaie de recourir à des calculs directs de migrations. Je n'accepte pas cette histoire-là. Je suis obligé de m'en tenir aux répartitions par langue des migrations que j'ai données, parce qu'on n'a rien de meilleur que cela.

L'autre objection que l'on fait à cela est que si c'était vrai, on aurait dû revoir cela dans les clientèles scolaires. On dit: La clientèle anglophone a baissé de 9% et la clientèle francophone a baissé de 17%. On donne des chiffres selon lesquels la communauté anglophone aurait augmenté de 90 000 entre 1961 et 1971. Or, c'est une réponse qui n'est pas adéquate, parce que les clientèles scolaires et les inscriptions aux écoles dépendent non seulement des migrations, mais aussi des taux de fécondité, de la structure des familles, autrement dit, de dix autres facteurs dont on n'a pas parlé. A ce moment-là, on ne peut pas opposer un argument comme celui-là qui repose sur bien d'autres choses, un argument particulier, spécifique, qui porte sur les migrations.

A mon avis, on ne peut pas rejeter l'argument des migrations sur la base des clientèles scolaires, ce n'est pas un argument assez proche de l'autre pour être une réponse.

Enfin, j'ajouterai seulement un mot sur la question de la mobilité du commerce. Bien sûr, cela n'est pas quantifiable et je n'ai pas essayé de le quantifier. Ce n'est pas romantique pour tout cela. Je pense qu'il y a une certaine logique dans les choses et la logique indique une direction. Elle n'indique pas de nombres, mais elle indique une direction.

Si on réduit la mobilité des gens et qu'on empêche des gens de l'Ontario de venir s'établir au Québec, souvent dans des entreprises canadiennes, c'est-à-dire qui ont des opérations à travers toutes les provinces, je pense qu'il est évident, sur la base de la logique, que ceci devrait se répercuter par des échanges moins lourds, moins importants.

Je ne peux pas donner de chiffres, je n'en ai pas et je pense que cela serait idiot d'essayer de quantifier une telle chose, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas vrai, parce qu'on n'est pas capable de mettre un chiffre au bout.

Merci, M. le Président.

Vote sur la motion

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député d'Outremont. Je pense qu'aucun député n'ayant manifesté l'intention de parler, je puis maintenant demander le vote sur la motion d'amendement à l'article 69a qui se lisait comme suit: "Que le paragraphe a) de l'article 69 soit modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "... Québec" par le mot "... Canada..."

M. de Bellefeuille: Rejeté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Appel nominal. M. Alfred (Papineau).

M. Alfred: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bertrand (Vanier).

M. Bertrand: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Morin (Sauvé).

M. Morin: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Burns (Maisonneuve). M. Chevrette (Joliette-Montcalm).

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes).

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dussault (Châteauguay).

M. Dussault: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laplante (Bourassa).

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laurin (Bourget).

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le Moignan (Gaspé).

M. Le Moignan: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roy (Beauce-Sud). M. Raynauld (Outremont).

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Samson (Rouyn-Noranda) étant absent... La présidence constate que l'amendement est rejeté.

Mme Lavoie-Roux: Combien à combien, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Contre: 10—Pour: 6.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas si mal! M. Lalonde: Cela nous fait notre 60%.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Je vous informe que cet amendement étant rejeté, nous en revenons à la motion principale qui se trouve être l'article 69a.

L'article 69, paragraphe a) est-il adopté?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Etant donné qu'on a commencé à étudier l'article 69a il y a déjà quelques heures, pourriez-vous m'indiquer s'il reste du temps aux divers membres de la commission pour...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai ici devant moi le nom des personnes qui seraient intervenues sur la motion principale, qui se trouve être l'article 69a. Il reste à Mme le député de L'Acadie quatre minutes et à M. le député de Lotbinière quatre minutes. Il reste à M. le député de Mont-Royal 17 minutes et en ce qui concerne le reste des autres députés, je n'ai aucune mention sur la feuille que j'ai devant moi, de telle sorte que je dois présumer que tous les autres députés ont le droit de parole.

M. Lalonde: Alors, vous me reconnaissez 20 minutes?

M. Laurin: Alors, il nous en reste...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins que vous ne m'avouiez que vous avez parlé 20 minutes.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas parlé.

M. Lalonde: Je suis prêt à vous faire un petit aveu, mais pas de 20 minutes. Un aveu de quelques minutes sûrement, mais le ministre d'Etat au développement culturel m'indique qu'il ne m'en resterait pas. Je ne sais pas s'il tient compte lui aussi du temps.

M. Laurin: II ne vous en reste pas beaucoup, parce que c'est à la fin que vous aviez fait... On avait même eu une discussion de procédure là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: C'est moi qui ai parlé de la discussion de procédure. Lui, il lui en reste vingt.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce que je dois vous dire et cela a été dit par M. le Président, c'est que votre nom n'apparaît pas ici comme étant un des intervenants étant intervenus sur la motion principale, qui se trouve être l'article 69a.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Dans la discussion de la clause Canada et de la clause Québec, on s'est souvent référé aux autres provinces, à la situation des autres provinces, et on a semblé faire beaucoup d'arguments pour et contre.

Je voudrais seulement rappeler aux membres de la commission parlementaire que leurs préoccupations avec les francophones des autres provinces, quoique très louables, oublient un peu la représentation qui a été soumise à la commission parlementaire par l'Association canadienne d'éducation de langue française qui est la seule association qui a présenté un mémoire représentant les francophones en dehors du Québec.

Dans son mémoire, elle reconnaît le progrès qu'on fait les provinces de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et même le Manitoba, et elle recommande, au nom des francophones hors du Québec, l'option Canada.

M. le Président, les francophones en dehors du Québec sont contre l'option Québec telle que contenue dans l'article 69a et, d'après eux, la politique du projet de loi 101 va en opposition avec leurs recommandations. Si le gouvernement est préoccupé, tel qu'il semble l'être ou qu'il prétend l'être, par la condition, la situation des francophones hors du Québec, je crois qu'il devrait très sérieusement prendre en considération les recommandations qu'ils font. Vous ne pouvez pas prétendre vous préoccuper de leurs intérêts, de leurs préoccupations et ignorer totalement ce qu'ils vous disent.

Deuxièmement, quant à la question des autres provinces, on a mentionné que la Colombie-Britannique ne reconnaît pas ou ne veut pas donner l'école française à sa population francophone d'approximativement 100 000 personnes, mais il ne faut pas prendre comme exemple l'unique province au Canada qui n'a pas d'école francophone.

Par exemple, en Alberta, il y a une croissance de 20% par année du nombre d'élèves francophones qui reçoivent leur enseignement en français, ainsi que dans toutes les autres provinces. La Colombie-Britannique est la seule qui n'ait pas l'enseignement pour les francophones, toutes les autres provinces l'ont. Ceci n'est pas pour dire qu'il faut imiter les autres provinces; ceci n'est pas pour dire qu'on en donne moins ou qu'on en donne plus ou que les autres provinces ne doivent pas s'occuper plus de la question des francophones dans leur milieu, mais quand on dit que les autres provinces devraient être contentes d'avoir un projet comme le projet de loi 101, je crois qu'on oublie totalement la condition au Nouveau-Brunswick, où il y a deux langues officielles et où la langue d'enseignement est donnée pour les francophones et les anglophones, sans les restrictions qui existent dans le projet de loi 101.

L'impression qu'on a, c'est qu'on ne veut pas vraiment se préoccuper de la question des francophones dans les autres provinces, mais qu'on essaie plutôt de susciter une confrontation. Par exemple, on sait bien que, du point de vue pédagogique — le député de L'Acadie l'a bien souligné — il faut s'attendre à ce que quelqu'un qui va venir au Québec, qu'il soit en 4e, 5e ou n'importe quelle année à l'école, sera capable de passer d'une langue à une autre; je ne crois pas que ce soit réaliste et je crois que, du point de vue pédagogique, il ne l'acceptera pas.

Vraiment, quand on veut promouvoir l'article 69a, le message qu'on donne aux anglophones des autres provinces, c'est de ne pas venir au Québec, parce qu'on sait que les conditions ne permettront pas à ces gens de continuer leurs études. Il ne faut pas traiter les anglophones des autres provinces comme des immigrants qui peuvent venir des autres pays. Quand un immigrant vient d'un autre pays, il s'attend, parce qu'il change de pays... Psychologiquement, il sait qu'il va apprendre une autre langue, qu'il changera ses coutumes et ses moeurs et que sa langue ne sera pas la même que celle qu'il avait dans son propre pays.

Ce n'est pas la situation, ce n'est pas l'approche des gens des autres provinces. Quand ils vont d'une province à l'autre, que ce soit au Manitoba à l'Ile-du-Prince-Edouard ou au Québec, ils n'ont pas la mentalité des immigrants; ils ne s'attendent pas de changer de langue; ils ne s'attendent pas de changer de pays.

On semble totalement écarter et ne pas prendre en considération cette situation avec l'article 69a tel qu'il est rédigé.

Quant à la communauté des hommes d'affaires, je dirais que les arguments présentés par le côté ministériel sont un peu contradictoires. Ou on veut reconnaître qu'il y a un problème, ou on veut reconnaître que c'est un problème démographique ou ça ne l'est pas. Il faudrait au moins être honnête avec la population. Il faudrait au moins lui dire, comme le député de Rosemont l'a dit: Nous sommes majoritaires, ceci est notre option.

Cela aura des répercussions sur le plan économique, certainement, puis, d'après ses propos, je crois qu'il a admis implicitement qu'il peut y avoir des conséquences, mais, au moins, que le gouvernement le dise: Nous avons cette option, l'option Québec, malgré qu'il y aura des conséquences économi-

ques, c'est notre option tout de même. Que la population, au moins, sache et ait connaissance des répercussions et des conséquences de cette option.

Mais il ne faudrait pas que le gouvernement essaie de jouer des deux côtés et dise: Nous allons prendre l'option Québec et, après ça, essayer de prouver qu'il n'y aura pas de conséquences économiques.

Je voudrais seulement, M. le Président, faire référence à des mémoires soumis par plusieurs groupes au sujet des conséquences néfastes qui pourraient survenir si on adoptait l'article 69a. Au moment où les mémoires ont été présentés, c'était aux articles 51 et 52, je crois, du projet de loi no 1.

Il y a un nombre de compagnies assez imposantes, tant anglophones que francophones, qui ont souligné que si nous n'acceptions pas et si le gouvernement n'accepte pas d'amender l'article 69a, cela aurait des résultats négatifs pour ces compagnies.

Déjà, on commence à en avoir un peu les résultats. Quand une compagnie comme l'Alcan, qui a pourtant son siège social au Québec, se voit obligée de déménager son centre de recherche à Kingston, Ontario, parce qu'elle ne peut pas attirer le personnel requis pour un centre de recherche, je me pose des questions. Je crois que le gouvernement n'est pas réaliste et ne répond pas aux demandes, aux exigences, aux nécessités économiques. On dit: Ecoutez! Cela, c'est notre option, et quels que soient les résultats économiques, c'est notre option tout de même.

Je voudrais seulement donner le nom de quelques compagnies. Il y en a plus que 30 qui ont fait des représentations contre l'article 69a. Il faudrait être aveugle, il faut vraiment ne pas prendre en considération les résultats qui en découlent pour notre société, pour ne pas donner effet du tout aux représentations faites par ces différents groupes.

Il y avait Aviation Electric; il y avait Canadair; la CIL;il y avait Celanese Canada;il y avait le Comité des directeurs de centres de recherche industrielle au Québec. Elles ont soumis un mémoire très positif et démontré les résultats qui pourraient se produire pour cette industrie. Ce n'est pas une question d'affecter les anglophones. Ce n'est pas une question de donner des droits aux anglophones. Du point de vue économique,c'est une question internationale,c'est d'obtenir le meilleur personnel possible, parce que les sièges sociaux des compagnies multinationales, M. le Président, ne sont pas obligés d'être au Québec. Quand une compagnie fait affaires dans le monde entier, elle va prendre l'endroit où les conditions sont le plus propices pour ses activités. Si ce siège social ne fait que 5%, 10%, 20%, ou 30% de ses affaires au Québecet que la plupart de ses activités se font en dehors du Québec, il n'y a aucune nécessité pour cette compagnie de demeurer au Québec.

C'est ce qu'on a souligné. L'avantage qu'on a au Québec, c'est qu'on a les deux réseaux d'enseignement. Il y a le réseau anglais et le réseau français. C'est un avantage qu'a le Québec et qu'aucun autre endroit n'a sur le continent nord-américain. D'un seul coup, en trois lignes dans un projet de loi, on veut enlever tous les avantages que cela peut comporter. C'est vrai qu'il y a eu des abus dans le passé, que les cadres dans ces compagnies n'ont pas pris assez en considération la présence francophone, mais la réponse à cela n'est pas d'enlever l'anglais totalement et de forcer ces compagnies à s'en aller, parce que ce sont les francophones les premiers qui vont en souffrir.

La réponse à cela, c'est d'essayer d'apporter des améliorations pour, premièrement, garder ces compagnies ici, et, deuxièmement, le faire de telle façon que les francophones puissent avoir leur propre place parmi les cadres de ces compagnies. On ne le fera jamais avec l'article 69a.

Unanimement, toutes ces compagnies, tous les différents groupes nous ont demandé de faire des améliorations, de faire des changements. L'Association internationale, l'IATA, a voulu une exception totale du projet de loi 101. Quand on a parlé d'autres pays, on a mentionné la Suisse. En Suisse, il y a une exemption totale pour les sièges sociaux, comme cette compagnie. Ce n'est pas réaliste de notre point de vue de dire: Non, nous n'écoutons rien du tout. Toutes les représentations qui ont été faites ici... On nous l'a dit d'avance, même avant que nous commencions à donner des arguments, du côté ministériel, le ministre a dit: C'est l'article 69a. Nous gardons cette position. Nous ne la changerons pas. Ce n'est pas la façon de procéder que de dire d'avance que malgré les meilleurs arguments, les représentations, les conséquences qui peuvent arriver au Québec, c'est notre option. Cela prouve que c'est une option strictement politique pour des buts autres que la question de la langue, pour des buts autres que la question du bénéfice que cela peut donner aux Québécois.

En plus de ces compagnies, il y avait Canadian Electronic, RCA, et Canatom, qui est une compagnie canadienne-française, dont la SNC, une des plus grandes compagnies d'ingénierie au Québec qui a des intérêts considérables. La SNC même, qui est une compagnie d'ingénierie fondée par des francophones québécois, encore contrôlée par des francophones québécois, vient nous dire: L'article 69a va oeuvrer contre nous. Ce sera difficile pour nous d'oeuvrer. On ne veut pas de cette restriction. Le groupe Shawinigan, l'Université McGill, la faculté de médecine et nombre d'autres...

M. le Président, même les chiffres que les démographes de McGill ont soumis ne semblent pas être en conformité avec la série de chiffres qu'on semble recevoir tous les jours du ministre d'Etat au développement culturel. D'après les chiffres qui ont été présentés par l'Université McGill, sans le projet de loi 101, le réseau anglophone serait réduit de 17%, même avec le développement et la diminution naturelle, après le projet de loi, après la loi 22, et après toutes les autres conditions qui existent au Québec. On a démontré qu'avec le projet de loi 101, il va être réduit de 49%. Si ces chiffres sont contestés... Il me semble que l'Université McGill ne créerait pas des chiffres seulement pour apeurer les gens. C'est une université assez bien reconnue, qui a une assez bonne réputation.

Je pourrais suggérer au ministre de rencontrer les représentants de l'Université McGill pour voir vraiment si ces chiffres sont exacts ou non; il

me semble que si c'est une science, si c'est quelque chose de scientifique, on ne devrait pas avoir différents chiffres de différentes représentations. Il me semble qu'il devrait être en mesure de rencontrer ces gens, afin de voir vraiment si les chiffres de l'Université McGill sont vrais ou ne le sont pas.

M. le Président, il me semble que l'article 69a va oeuvrer contre les intérêts de notre société. Ce n'est pas seulement la question des droits des anglophones, parce que, quand nous sommes arrivés à opter seulement pour l'option canadienne, on ne parle même plus de l'option d'ailleurs, de l'option monde.

On ne parle pas de la communauté anglophone, et on voit qu'il y a une migration nette hors du Québec. Ce n'est pas une question d'envahissement par les anglophones des autres provinces, mais c'est une possibilité, spécialement dans le domaine des affaires, de donner aux cadres, au personnel de ces entreprises la mobilité, les avantages de deux réseaux d'enseignement. Il faudrait accepter, M. le Président, que les deux communautés culturelles au Québec, la majorité francophone et la minorité anglophone sont une richesse pour le Québec. Il faudrait accepter qu'il ne faut pas détruire cette richesse. Et même si on veut attirer les immigrants au réseau francophone, il va falloir qu'on ait une économie, M. le Président, qui donnera l'occasion à tous les Québécois et, à moins qu'on l'ait, ce sont non seulement les francophones, mais tous les résidants du Québec, anglophones, francophones ou les immigrants, qui vont en souffrir. Pour cette raison, M. le Président, je crois que l'article 69a devrait être amendé par le gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. Vous avez épuisé votre droit de parole.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, quelques mots seulement pour m'élever contre le paragraphe a) de l'article 69 qui, à mon sens, illustre le plus clairement la vision timorée que le Parti québécois se fait de l'histoire. Alors que tout devrait ouvrir le Québec au monde, le Parti québécois fait preuve de peur, de crainte à l'égard de l'avenir. Pourquoi ne pas prendre des mesures positives pour régler le problème de la langue au Québec? Il y en a un; il ne faut pas se le cacher. Ceux qui l'ont démontré le plus clairement, je pense, et de la façon la plus objective sont ceux qui faisaient partie de la commission Gendron. Des dispositions positives devaient être prises, et elles ont été prises lors de l'adoption de la Loi sur la langue officielle.

Alors, pourquoi recourir à une mesure à la fois, inutile, petite, mesquine, recroquevillée sur elle-même, qui semble craindre son avenir, alors qu'on pourrait simplement, en prenant des dispositions vigoureuses à l'égard de la francisation des entreprises, conserver, quant à l'admission des enfants à l'école anglaise, une attitude, un comportement beaucoup plus conforme à notre histoire et aussi à nos intérêts?

Lorsqu'on parle de société, de commerce, on a naturellement, chez les membres du parti ministériel, cette réaction défavorable, comme si tout ce qui touche le commerce devait être inacceptable, sale et qu'on n'y touche pas. Oui, parlons de commerce. Parlons des emplois qu'on doit créer, quotidiennement, chaque année, pour nos jeunes. Parlons d'économie, parlons aussi des entreprises qui ne nous appartiennent pas toujours, mais qui, ici, au Québec, font participer des centaines et des milliers de Québécois, dont une grande majorité de francophones, surtout à des niveaux qui ne sont pas encore acceptables pour nous, surtout à des niveaux plus subalternes — on le sait, le rapport Gendron le révèle — mais qui, de plus en plus, grâce aux dispositions positives qui ont été prises, surtout depuis l'adoption et la mise en place des mesures qui ont suivi la Loi sur la langue officielle, ouvrent la porte maintenant aux francophones.

Si la mobilité est réduite au point où les sièges sociaux des entreprises qui ont des activités à l'extérieur de la province — ce ne sont pas toujours des entreprises immenses, les multinationales, qu'on a appris à détester dans certains milieux, ou les entreprises canadiennes que, dans d'autres milieux, on va considérer comme étrangères, mais ce sont souvent des entreprises strictement "québécoises", quoique la définition n'en soit pas facile — des entreprises qui appartiennent à des gens qui restent ici, qui travaillent ici au Québec et qui ont des activités à l'extérieur du Québec...

Si la mobilité leur est reniée, on devra simplement déménager le siège social; ce n'est pas une menace, c'est un fait de vie. Il n'y a rien de plus mobile qu'un siège social; il n'y a rien de plus facile que de déplacer le siège social d'une entreprise canadienne de Montréal vers l'extérieur du Québec, je n'ose pas dire Toronto. L'histoire relativement récente, surtout depuis les années cinquante, du déplacement de la zone d'influence financière et industrielle de Montréal qui avait naturellement l'attrait qu'on lui connaissait au début du siècle, vers Toronto, après la deuxième grande guerre, on a su jusqu'à quel point il était facile, il était naturel pour ces entreprises de simplement déménager leurs pénates à l'extérieur, laissant ici des gens n'ayant plus d'emplois et laissant ici aussi des emplois indirects en plan.

Naturellement, quand on discute de la langue, on se demande ce qu'on vient faire avec le commerce et l'économie. Nous avons sûrement, au comité qui a pensé ce projet de loi, des esprits éduqués, bien formés qui ont pu contribuer à faire de ce projet de loi ce que ce groupe politique voulait qu'il soit.

Je me demande, par exemple, si on a fait appel à l'expérience de la Régie de la langue française, si on a fait appel à l'expérience en économie, à l'expérience en commerce qu'on aurait pu trouver autour. Lorsqu'on examine ce projet de loi, on y voit la preuve flagrante d'une ignorance crasse de l'Etat de la question commerciale, industrielle, économique au Québec.

Le prix semble assez léger à quiconque a une vue intellectuelle de la situation et a, dans son esprit, une solution plutôt abstraite. Après tout, dans

l'histoire d'un peuple, qu'est-ce que c'est que quelques milliers d'emplois, M. le Président? On a quand même passé 200 ans d'histoire et, si on revenait en arrière, par exemple, avec ce qu'on sait du Québécois et du peuple québécois actuel, probablement que ce serait encore beaucoup plus d'emplois, et des emplois beaucoup plus rémunérateurs, qu'on aurait à offrir à notre population ou qu'on aurait eu à lui offrir. Mais je pense, M. le Président, qu'il faut quand même voir ce projet de loi dans le contexte actuel, un contexte économique qui n'est pas très favorable, un contexte de chômage qui ne peut être oublié.

Nous sommes ici à discuter, depuis des heures et des jours, des questions linguistiques pour satisfaire qui a une vue un peu plus romantique de l'histoire, qui en a une un peu plus réelle, un peu plus concrète, alors que des centaines de milliers de Québécois n'ont pas de travail, tout simplement, pour gagner leur vie.

M. le Président, c'est un aspect, c'est une dimension qu'on ne peut pas oublier et ce projet de loi l'oublie. Même si on avait inscrit ce qu'on a promis, par exemple, au groupe du Centre de recherche que le ministre a accueilli, que la commission parlementaire a accueilli avec beaucoup d'égards, envers lequel la commission a eu une réaction tout à fait favorable.

Si on pense aussi aux sièges sociaux et si on revoyait aussi dans ce projet de loi non seulement pour les centres de recherche mais aussi pour les sièges sociaux des dispositions complètement acceptables qui...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 69a... M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Oui, M. le Président, je suis à l'article 69a et, par référence, je faisais une hypothèse. Je ne me réfère pas à la loi parce que ce n'est dans la loi, ce dont je parle, mais, par hypothèse, même si on retrouvait dans la loi des dispositions tout à fait favorables au maintien des sièges sociaux, au maintien des centres de recherche, la seule clause 69a, et là je pense que je vous fais plaisir, même si j'entends rire le ministre, qui est sûrement satisfait de ma pertinence...

M. Laurin: De votre performance.

M. Lalonde: ...la seule clause 69a serait suffisante pour faire lettre morte de toute autre disposition soi-disant favorable au maintien des sièges sociaux et des centres de recherche, parce que la clause 69a a une vision fermée, une vision qui, si on voulait qu'elle soit réellement efficace, exigerait même qu'on ferme les frontières pour arrêter la mobilité essentielle au régime économique que l'on connaît.

Je ne sais pas comment je pourrais convaincre mes amis d'en face de l'importance de cet aspect, je crains qu'ils ne votent en faveur de ce paragraphe, étant donné qu'ils ont défait les amendements que nous leur avions offerts. Il reste, M. le Président, que je voudrais qu'avant de voter en faveur de cet article, ils soient bien conscients de son importance politique. On a parlé tantôt de l'aspect symbole et du contexte politique, mais aussi de l'aspect économique qui frappe nos Québécois tous les jours. Qu'on ne revienne pas dans un an ou dans deux ans se plaindre à nous, de l'Opposition officielle, en disant: Pourquoi n'avez-vous pas averti le gouvernement à ce moment-là? Pourquoi n'avez-vous pas dit au gouvernement quels seraient les effets négatifs? Nous, du Parti québécois, on ne connaît pas cela.

Mme Lavoie-Roux: Vous pensez qu'ils vont jamais admettre cela?

M. Lalonde: On ne connaît pas cela, nous du Parti québécois, vous le savez, l'Opposition officielle. Pourquoi? C'était à vous à nous le dire. Mais nous, du Parti québécois, on ne connaît pas cela, le commerce, l'économie. Des choses comme cela, on ne s'en occupe pas. On s'occupe de choses importantes. On s'occupe du nationalisme romantique.

Mme Lavoie-Roux: Du référendum.

M. Lalonde: Du référendum, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 69a.

M. Lalonde: M. le Président, je suis sûr que, dans quelques années, le gouvernement va venir se plaindre à l'Opposition officielle et nous dire, concernant l'article 69a: Pourquoi n'avez-vous pas indiqué au gouvernement l'écueil qui se posait là devant nous et que, nous, en aveugles, on n'a pas vu? M. le Président, je ne veux pas qu'on nous fasse ce reproche. C'est pourquoi je crois sérieusement de mon devoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! La bonne foi se présume...

M. Lalonde: Je crois de mon devoir, M. le Président, d'avertir cordialement et démocratiquement le gouvernement qu'il fait une erreur actuellement. Je n'aime pas entendre ces rires. Peut-être que le propos que j'ai fait tantôt en a amené quelques-uns à sourire, mais, au fond, c'est beaucoup plus sérieux que cela. C'est beaucoup plus sérieux, parce qu'en plus de donner une taloche à ceux avec qui il...

M. Laurin: De minimus non curat praetor.

M. Lalonde: De minimus non curat praetor, M. le Président, mais cela, ce n'est pas minimis, je vous le dis. C'est l'avenir du Québec ici dans ce mot au paragraphe a) de l'article 69, le mot "Québec". C'est extrêmement important. En plus de fermer le Québec, de dresser un mur autour du Québec en ce qui concerne la mobilité, on est en train de faire du séparatisme à petit feu avec cette clause et qu'on n'a pas le mandat de faire cela. On n'a pas le mandat de faire cela et je m'élève contre

ce genre d'approche, de comportement qui n'est pas du tout autorisé par le mandat que ce gouvernement a reçu de 41% des électeurs.

M. le Président, on ne pourra mesurer les effets de cette erreur que dans un avenir plus ou moins prochain. Mais je sais que ce gouvernement cherche une association, cherche un ami parce que les sondages ne sont pas très favorables quand on parle de séparatisme et de séparation. Cela frise les 11%. Quand on ajoute une association, M. le Président, et j'arrive à ce 69a...

M. Morin (Sauvé): Cela me rappelle autre chose.

M. Lalonde: Quand on arrive à l'association, là, c'est un petit peu mieux. C'est un petit peu mieux quand on parle d'association, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, à l'ordre! Laissez la dernière minute au député de Mont-Royal.

M. Lalonde: De Marguerite-Bourgeoys, M. le Président, si vous n'avez pas d'objection. Vous ne voulez pas que je vous parle de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela fait deux fois qu'on vous change de comté ce soir.

M. Ciaccia: C'était tellement brillant, son intervention, que vous pensiez que c'était le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: Mes électeurs s'opposeraient, M. le Président. On cherche un associé pour sauver un semblant de souveraineté qu'on essaie de faire accepter aux gens actuellement par toutes sortes de parades. Et l'associé, il est là, à côté de nous, il s'appelle le Canada et, par cette clause, on lui donne une taloche. Pensez-vous, M. le Président, qu'on prépare bien son association quand on dit au restant du Canada: Vous ne rentrerez pas chez nous, aux écoles anglophones, même si vous êtes anglais? Non, M. le Président. C'est une erreur grossière et le gouvernement va se rendre compte de son importance bientôt, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce que l'article 69a est adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il ne me reste que quatre minutes, alors, ils n'ont pas à craindre que je sois très longue. Je voudrais simplement vous faire remarquer que c'est le gouvernement qui l'a fait ce soir. Je voudrais simplement dire quelques mots pour indiquer comment je trouve que le gouvernement est absolument intraitable, entêté et qu'il refuse de voir l'évolution positive du Québec dans le domaine de la francisation dans les dix dernières années.

M. Grenier: M. le Président, si madame pouvait parler dans son micro... Elle dit des choses fort intelligentes, j'aimerais les comprendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs les députés, à l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Pour le député de Mégantic-Compton, je disais que le gouvernement s'entêtait, avait une attitude intraitable et refusait de voir l'évolution positive du Québec dans le domaine de la francisation depuis les dix dernières années.

M. Grenier: On trouve les mêmes choses.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton et tous les députés, je comprends qu'il est dix heures, mais laissez le droit de parole à Mme le député de L'Acadie, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il ne faut peut-être pas trop s'en étonner car les données démographiques, on les a rejetées du revers de la main, même celles plus humbles que j'ai apportées et dans lesquelles j'ai fait voir au ministre que tous les allophones allaient maintenant à l'école française et je lui ai donné quelques autres indications. Mais cela ne compte pas et il continue à prétendre qu'il n'y a aucun indice selon lequel le renversement se fait dans le sens d'une francisation du Québec et particulièrement une francisation de l'école.

Je pense que le gouvernement s'est encar-cané dans un critère qui est extrêmement fragile, discriminatoire, qui est discriminatoire entre les personnes de même langue et de même culture, et discriminatoire entre les futurs immigrants et les résidants du Québec et entre les résidants du Québec eux-mêmes. Je trouve vraiment irraisonnable, de la part du gouvernement, de s'entêter quant à la clause Canada puisque rien, jusqu'à maintenant, de la part du gouvernement, prouve que ces appréhensions sont justifiées; bien au contraire. L'attitude que l'on prend, c'est que le gouvernement fait la preuve qu'avec sa majorité, il peut appliquer sans discernement la règle du plus fort comme étant la règle la meilleure.

J'ose espérer qu'il n'aura pas à s'en repentir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais dire simplement deux mots. Je ne prendrai pas les vingt minutes.

M. Dussault: M. le Président, est-ce que vous avez un calcul en main qui nous permettrait de sa-

voir combien de temps ont duré les performances du député de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député...

Une Voix: Je n'ai pas dit un mot. M. Dussault: ... qui le remplace.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Châteauguay, nous avons tous ces calculs en main, et ils m'indiquent que le député de Jacques-Cartier n'est aucunement intervenu sur la motion principale de l'article 69a, de telle sorte que le député d'Outremont, qui le remplace, a vingt minutes sur cette motion.

M. Lalonde: Est-ce que le député de Châteauguay voudrait inviter le député de Jacques-Cartier pour qu'il vienne nous parler vingt minutes?

M. Dussault: Non, merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député de Joliette et tous les députés. Je voudrais assurer tous les membres de la commission que depuis le début, toutes les interventions sont calculées et même chronométrées par les deux présidents, de telle sorte que le député d'Outremont remplace, selon la feuille que j'ai sous les yeux, le député de Jacques-Cartier, M. Saint-Germain qui n'est aucunement intervenu sur l'article 69a.

M. Dussault: M. le Président, quand même, M. le député de Jacques-Cartier a été remplacé successivement par M. le député de D'Arcy McGee, donc on devrait aussi compter le temps, s'il en a pris, évidemment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais pour la présente séance, parce que chaque séance est autonome, M. le député d'Outremont remplace le député de Jacques-Cartier.

M. Dussault: D'accord, mais pour l'article 69a le temps est cumulatif, parce que vous l'avez dit, cet après-midi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, ma feuille m'indique qu'en supposant même qu'il remplacerait le député de D'Arcy McGee, celui-ci n'est pas intervenu sur la motion principale, mais sur une motion d'amendement.

M. Dussault: Je vous remercie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sur une question de règlement ou pour une directive, plutôt. Ne croyez-vous pas que selon la façon adroite dont le député de Châteauguay est capable de dresser successivement qui a précédé qui et qui, vous pourriez peut-être lui confier le soin de dresser les arbres généalogiques des enfants qui iront à l'école française et qui voudront conserver leurs droits à l'école anglaise?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont, vous avez la parole.

M. Chevrette: C'est une bonne intervention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, MM. les députés, pour la dernière fois, à l'ordre! S'il vous plaît!

Depuis quelques minutes, on constate que le climat de cette commission est passablement changé. Il nous reste une heure de travail et j'ose espérer que ce travail sera positif et constructif. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, j'avais justement décidé de parler seulement quelques minutes, parce que je trouve que dans cette atmosphère de collégiens en vacances, il est absolument impossible de parler sérieusement sur, peut-être, le point central du projet du siècle du gouvernement. Je me limiterai donc à dire deux phrases. Je veux simplement exprimer mon désappointement parce que le gouvernement n'a pas jugé à propos de présenter un amendement sur cette clause après avoir laissé entendre, depuis plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, qu'il apporterait des modifications.

Lorsque la charte a été déposée, on a laissé croire à la population que le projet de loi serait modifié. Lorsque le projet de loi no 1 a été présenté, on a dit: On va le modifier dans le projet de loi no 101. Quand le projet de loi no 101 a été présenté, on a dit: On va le modifier en commission parlementaire. Je pense que tout le monde a compris que s'il y avait un article qui devait être changé, c'était l'article 69.

Je voulais simplement exprimer mon désappointement à la suite du fait que le gouvernement ait laissé croire à la population, pendant tout ce temps, que des amendements seraient apportés. En plus, sur le fond, je veux également réaffirmer ici la gravité d'une décision comme celle-là. Je pense que c'est une décision qui n'était pas nécessaire, c'était une décision qui n'était pas commandée par les faits que nous connaissons, elle n'était pas commandée non plus par les intérêts bien compris du Québec, puisqu'il s'agit d'un petit nombre de personnes à qui on enlève des droits historiques qui ont été exercés pendant 200 ans et que nous avons, comme Canadiens français, exercés, réclamés aussi pendant 200 ans.

Je m'en tiendrai à cela, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel qui a un temps illimité.

M. Laurin: M. le Président, je ne veux pas m'attarder aux circonvolutions alambiquées et épuisantes du député de Marguerite-Bourgeoys. Il serait lui-même étonné que je le "fisse". Je voudrais surtout...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas "que je le fis?"

M. Laurin: ... m'attarder quelques instants à l'intervention du député de Mont-Royal pour souligner, encore une fois à quel point il est malheureux dans ses citations et ses affirmations.

L'autre jour quand il citait la constitution de la République populaire de Tchécoslovaquie, il a cessé de le faire dès qu'il se fût aperçu que le ministre de l'Education avait en main la constitution de la République populaire de Tchécoslovaquie craignant, probablement, qu'il se fit renvoyer quelques remarques qui...

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Mont-Royal soulève une question de règlement en vertu de l'article 96?

M. Ciaccia: En vertu de l'article 96. M. Laurin: Je n'ai pas fini de parler.

Le Président (M. Cardinal): Non, mais c'est une question de règlement.

M. Ciaccia: Article 4 aussi. Non, l'article 96. J'ai référé à la constitution de la Tchécoslovaquie, non pas comme modèle mais disant: Au moins eux, ils font cela et j'y ai référé à d'autres occasions, mais ce n'est pas exact. C'est totalement faux même de dire que j'ai arrêté d'y référer parce que le ministre de l'Education avait une copie de la constitution.

Alors, je voulais seulement rétablir ce fait.

Le Président (M. Cardinal): Vous rétablissez l'interprétation que l'on a faite de vos paroles.

M. Ciaccia: Les plus exactes. Très bien.

M. Laurin: Le député de Mont-Royal a probablement cessé de le faire par une simple frayeur à ce moment-là.

De toute façon, encore une fois, il récidive aujourd'hui en citant le mémoire de l'Association d'éducation de langue française. Malheureusement pour lui, j'ai aussi lu ce mémoire, et il nous en a sorti une des conclusions, mais il s'est bien gardé de lire le reste du mémoire.

Par exemple, cette partie du mémoire où on dit qu'il n'y a que 20 écoles bilingues en Alberta, que les francophones n'ont pas droit à plus d'écoles bilingues que les autres minorités ethniques, et que la proportion de l'enseignement du français vient d'être haussée — Oh, grande générosité! — à 80% du temps.

M. Ciaccia: Cela ne change pas la recommandation.

M. Laurin: Ah non! Cela ne change rien, bien sûr.

Le Président (M. Cardinal): Là, vous n'invoquez pas l'article 96. Vous violez les articles 26 et 100.

Le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Ciaccia: J'aurais pu l'invoquer, M. le Président, mais je crois que c'était plus vite.

M. Laurin: II n'a pas cité non plus cette autre page, la page 8, où on dit: "Si, comme francophones canadiens, nous n'obtenons pas dans toutes les provinces canadiennes ce droit fordamental à un enseignement intégral dans notre langue, nous ne voyons pas pourquoi le gouvernement du Québec devrait maintenir plus longtemps tous les privilèges qui accompagnent le respect de ce même droit aux anglophones canadiens sur son territoire."

Il n'a surtout pas cité la dernière recommandation de cette association où elle recommande au gouvernement du Québec de s'assurer, par voie de négociation avec les autres provinces, des garanties similaires envers les francophones canadiens."

M. Ciaccia: Le ministre me permettrait-il une question?

Le Président (M. Cardinal): S'il le permet, oui. A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Mont-Royal, une question au ministre qui y consent.

M. Ciaccia: La partie que j'ai citée... M. Laurin: ... qui fait votre affaire. M. Ciaccia: ... était-elle exacte? M. Laurin: Ah oui!

M. Ciaccia: Je parlais seulement de l'article 69a. Je citerai les autres en parlant sur les autres articles.

M. Laurin: Vous savez qu'on peut faire pendre n'importe qui en sortant d'un texte deux ou trois lignes?

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre...

M. Ciaccia: Je vous remercie d'avoir admis que j'ai cité correctement le mémoire.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, M. le député, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laurin: Vous avez fait quelques omissions intéressantes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Laurin: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant.

M. Laurin: Ah bon!

Mme Lavoie-Roux: Le ministre devient nerveux.

Le Président (M. Cardinal): Que les émotivités se calment! Vous savez que la parole, la structure, les distances entre les personnes lesquelles à cette table sont très faibles physiquement...

Mme Lavoie-Roux: Elle est solide.

Le Président (M. Cardinal): ... mais émotivement et politiquement, je pense qu'elle s'agrandit avec l'heure.

M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Le député de Mont-Royal a fait un autre grave péché d'omission quand il a parlé du mémoire qu'a présenté l'Université McGill à la commission parlementaire. Pourtant, il était présent et je ne comprends pas qu'il ait oublié l'échange de vues qui a duré près d'une demi-heure entre le ministre d'Etat au développement culturel et les représentants de l'Université McGill.

M. Ciaccia: Article 96, M. le Président. M. Laurin: J'ai apporté la réponse...

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je m'excuse.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...comme j'ai dû aller à Rimouski parce que mon enfant a eu un accident cette journée-là, je n'étais pas présent quand l'Université McGill a présenté son mémoire. Les chiffres que j'ai cités, je les ai cités en me basant sur le • mémoire que j'ai lu. Je n'étais pas présent quand ': on a fait la présentation verbale.

M. Laurin: C'est un péché d'omission encore plus grave, car il aurait dû lire le journal des Débats.

M. Ciaccia: C'est un péché d'omission de votre part d'avoir pensé que j'étais là quand je n'y étais pas.

M. Laurin: De toute façon, j'ai aussi rencontré les représentants de l'IATA et je dois vous dire que les représentations que j'ai soumises à ces représentants, dont le projet de loi fait état, ont semblé complètement les satisfaire. Tout ceci simplement pour conclure que, dans l'intervention du député de Mont-Royal, je n'ai vu que du vent.

Le Président (M. Cardinal): Dois-je comprendre que nous pouvons mettre aux voix l'article 69, paragraphe a)?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Est-ce que l'article 69, alinéa a) est adopté?

M. Lalonde: Appel nominal.

Vote sur l'alinéa "a" de l'article 69

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Soyons clairs. Je dois vous dire que, si j'étais absent, c'est que je suis monté à mon bureau et que j'ai relu le journal des Débats. Au début, nous avons convenu que chacun des paragraphes ou alinéas de cet article serait pris séparément. Le temps a été compté justement sur l'article 69a. Je mets aux voix l'article 69a. Nous recommencerons à l'année 0 avec l'article 69b. Alors, on vote sur l'article 69a tel que rédigé. Pour que ce soit encore plus clair, on m'indiquera si on est en faveur ou contre.

M. Alfred (Papineau)?

M. Alfred: Très en faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin (Sauvé): En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Burns (Maisonneuve) est à l'Assemblée nationale. M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Favorable.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud), absent.

M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda, absent.

Le résultat du vote est le suivant: 10 voix favorables et 6 voix défavorables. La motion est adoptée. L'alinéa a) de l'article 69 est adopté.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Oui, un instant. Nous passons à l'article 69b selon les mêmes règles. M. le député de Mégantic-Compton, en m'indiquant sur quoi vous voulez parler.

M. Grenier: Une demande de directive. Si j'ai bien compris, tout à l'heure — je pense que j'ai peut-être mal compris — vous avez dit qu'on recommençait à l'an 0. Cela ne veut pas dire que les députés qui ont parlé sur l'article 69a voient maintenant leur temps annulé et qu'on recommence à zéro.

Le Président (M. Cardinal): Oui. Nous l'avons convenu. Je vous ai dit et je répète — j'ai relu le journal des Débats pour connaître l'entente de cette commission — que nous avons convenu que chacun des alinéas de l'article 69 était considéré comme un article. Nous prenons l'article 69b et, selon l'usage, je donne la parole à M. le ministre d'Etat au développement culturel, à moins que cet article 69b ne soit adopté.

Des Voix: Adopté. M. Laplante: Adopté.

M. Lalonde: J'aurais quelques questions à poser au ministre. Le ministre peut-il nous expliquer exactement la portée de cet article b)?

Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le député de Marguerite-Bourgeoys! Je vous permets de poser des questions, avec la permission du ministre, pendant qu'il fait un discours. Si vous prenez la parole pour lui poser des questions, je devrai compter le temps et de vos questions et des réponses du ministre sur l'article 69b.

M. Lalonde: C'est sur mon temps, jela n'a pas d'importance. J'ai cru comprendre que le ministre n'avait pas l'intention de parler.

Le Président (M. Cardinal): Bon, c'est cela.

M. Lalonde: C'est pour cela que je peux parler.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, vous avez le droit de parole.

M. Lalonde: Je voudrais simplement demander au ministre quelle est la portée exacte du sous-paragraphe b) de l'article 69?

M. Laurin: Je pense que c'est clair, j'aimerais mieux connaître les inquiétudes ou les préoccupations du député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Lavoie-Roux: Fais l'analyse, mon vieux!

M. Lalonde: M. le Président, je pensais que le ministre avait participé à la rédaction de la loi et qu'il avait de ce sous-paragraphe une opinion tout à fait favorable. Alors, je me demandais s'il pourrait nous expliquer, à nous qui avons simplement reçu ce dépôt du projet de loi, les raisons pour lesquelles il a cru bon de permettre l'enseignement en anglais aux enfants dont le père ou la mère est, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais. Est-ce que le ministre peut nous donner une indication pour savoir combien de personnes, par exemple, cela touche, un tel amendement?

M. Laurin: Cela touche tous ceux qui sont domiciliés au Québec, au moment de l'adoption de la loi, et qui ont reçu hors du Québec l'enseignement primaire en anglais.

M. Lalonde: M. le Président, cette réponse du ministre m'éclaire beaucoup et je remercie le ministre de sa coopération. Je crois qu'il oublie qu'il a été mandaté par toute une population pour tenter d'avoir une attitude un petit peu plus ouverte à cette commission. Est-ce qu'il a une idée du nombre de pères ou de mères?

M. Laurin: Non, M. le Président, parce que, comme c'était une clause omnibus qui touchait toutes les catégories de personnes intéressées, je ne pense pas que, pour cette mesure qui nous pa-

raît juste autant que généreuse, il était nécessaire de faire le décompte de toutes les personnes que cela pourrait toucher.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, si vous permettez, je ne calcule pas le temps du ministre, mais le temps du député de Marguerite-Bourgeoys, à cause de l'article 160 alinéa 2. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Votre générosité, M. le Président, m'étonne toujours.

Le Président (M. Cardinal): Non, non, ce n'est pas de la générosité, c'est le règlement.

M. Lalonde: Alors, je l'accepte. M. le Président, la commission des droits et des libertés de la personne avait, dans son mémoire du 6 juin 1977, recommandé au gouvernement de remplacer le concept juridique de domicile par celui de résidence, dans l'article correspondant au projet de loi no 1. Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi le gouvernement a maintenu le domicile qui, comme vous le savez et plusieurs le savent, est une vérité beaucoup plus stricte qui exige la réalisation de circonstances plus nombreuses que le concept juridique de résidence? Peut-être que le ministre de l'Education pourrait...

Le Président (M. Cardinal): Je pense que le ministre de l'Education, député de Sauvé et grand juriste, pourra répondre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas tort de penser que le domicile est un concept plus strict que celui de la simple résidence. Effectivement, le domicile comporte à la fois un élément de fait qui est la résidence et un élément intentionnel, un élément psychologique qui est celui qui consiste dans l'intention de la personne de rester ou de revenir à cet endroit. Si nous avons adopté cette conception plus stricte du domicile, c'est que nous pensions que seuls les parlant anglais qui, non seulement résident au Québec, mais ont l'intention d'en faire leur domicile, ont l'intention d'y rester, devraient être traités avec les égards que comporte le paragraphe b).

Pour les autres, ceux qui sont simplement résidants au Québec, alors, s'appliqueront les articles 80 et 81 et s'appliqueront également les ententes de réciprocité éventuelles.

Le Président (M. Cardinal): Alors, le non moins grand juriste, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je lis ici, à la page 47 du mémoire de la Commission des droits de la personne, au bas de la page, le texte suivant, dont le titre est: "Le critère du domicile à remplacer par celui de résidence: Nous croyons que dans l'article 52 — c'était l'article de la loi no 1 — le mot "domicile" devrait être remplacé par celui de "résidence" pour éviter la recherche de l'intention, critère de changement de domicile en vertu du droit civil québécois et qui donne lieu à tant de problèmes de preuve."

M. Morin (Sauvé): Non, il doit y avoir erreur sur l'article, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, je vais vous demander de cesser ce duo ou ce dialogue parce que ce n'est pas compris dans le mandat de la commission. Nous ne sommes pas ici à la période de questions de l'Assemblée nationale. Nous sommes ici pour l'étude article par article... Si, ou M. le député de Marguerite-Bourgeoys ou M. le ministre d'Etat au développement culturel ou M. le ministre de l'Education veut s'exprimer sur l'article 69b, nous le ferons. Vous savez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, que vous pouvez poser des questions pour une fois, suivant le règlement, au moment où quelqu'un prononce un discours. Comme personne n'en prononce, je vous prierais soit de prononcer un discours vous-même, soit de cesser la période de questions.

M. Lalonde: M. le Président, je vais me comporter comme le règlement me l'ordonne ainsi que vous-même, sauf que j'aurais cru qu'à ce stade de nos discussions les lumières du gouvernement pourraient être utiles. M. le Président, dans cet article 69b il y a justement le concept juridique de domicile qu'on a conservé, qu'on retrouvait à l'article 52, paragraphe b), sous-paragraphe ii, et que la Commission des droits de la personne avait rejeté, enfin, dont elle avait recommandé le remplacement par le concept de résidence. Je lis et je répète la lecture que je viens de donner: "...pour éviter la recherche de l'intention, critère de changement de domicile en vertu du droit civil québécois et qui donne lieu à tant de problèmes de preuve".

M. le Président, je me pose des questions puisque je ne peux les poser au gouvernement.

Le Président (M. Cardinal): Posez-les au Président.

M. Lalonde: M. le Président, je vous pose la question et je sais que si vous n'étiez pas actuellement en train de remplir la fonction de président vous seriez probablement le plus compétent juriste pour répondre à ma question.

Le Président (M. Cardinal): Vous êtes trop gentil, j'aurais beaucoup de plaisir à le faire, mais vous savez, je vous l'ai dit, toute ma frustration dans ce rôle.

M. Lalonde: Je le sais et c'est aussi frustrant pour moi, M. le Président, de ne pas pouvoir avoir de réponse. Quand même, je vous dis que je me pose la question: Comment le gouvernement fera-t-il la preuve du changement, c'est-à-dire, de l'intention, alors qu'on sait dans les faits jusqu'à

quel point cette preuve est difficile à faire, jusqu'à quel point cette preuve doit s'appuyer sur un tas de circonstances de fait, que ce soit l'achat d'une maison, que ce soit l'inscription dans un club de golf, que ce soit la fonction ou le poste d'un membre de la famille dans une entreprise? On sait jusqu'à quel point cela donne lieu, dans les litiges actuellement devant nos cours, à des problèmes de preuve.

Est-ce que le gouvernement va établir un système de police, de vérification complexe, lourd, bureaucratique, pour vérifier chaque anglophone, chaque enfant "dont le père ou la mère est, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, domicilié au Québec — toi tu es domicilié, toi tu ne l'es pas — et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais?"

M. le Président, je pense que le gouvernement aurait dû écouter la Commission des droits de la personne. Je suis fort tenté de proposer un amendement. Naturellement il est 10 heures 25. Peut-être que le gouvernement pourrait, d'ici la troisième lecture, réviser sa position là-dessus et s'assurer que la décision qu'il a prise à l'égard du concept juridique qu'il a utilisé soit changée pour qu'elle soit meilleure, plus facile d'application, qu'elle donne lieu à moins d'interventions, de vérifications, de contrôles.

Dieu sait si, à la lecture de ce projet de loi, c'est rempli de contrôles, d'interventions bureaucratiques, de décisions arbitraires.

M. le Président, pour l'instant je vais terminer, mais j'espère que le gouvernement va réagir à ma suggestion.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, je pense bien qu'il est assez compliqué, comme vous le voyez de parler de b) sans parler de a) parce que les deux se tiennent de façon très serrée et je voudrais bien quand même qu'on s'explique.

Dans l'intervention de tout à l'heure, sur a), la réponse du député de Vanier m'a donné l'impression qu'on aura tout entendu et il semble maintenant, à écouter le député de Vanier, que la clause de réciprocité, habile et légitime manoeuvre du Parti québécois, deviendrait le canal du nouveau fédéralisme canadien et un peu plus. Le député de Vanier, dans sa réplique à mes propos, nous annonçait que le PQ, parce qu'au pouvoir, allait favoriser la réélection de M. Trudeau et que M. Trudeau était rendu nécessaire.

Quant à la clause de réciprocité, vous le savez, nous y avons dit oui; il faut, incidemment, même à l'intérieur des cadres du fédéralisme actuel multiplier les accords interprovinciaux, non seulement sur le plan culturel, mais également sur le plan économique...

M. Guay: M. le Président, je me vois dans l'obligation d'invoquer le règlement. Nous traitons actuellement de l'alinéa b) de l'article 69 et non plus de l'alinéa a) dont nous avons disposé. Le député de Mégantic-Compton cherche, par un subterfuge, à répliquer aux propos du député de Vanier qui portaient sur l'alinéa 1. Je vous demanderais s'il n'y a pas lieu de rappeler le député de Mégantic-Compton à l'ordre pour qu'il parle de l'alinéa b) que nous sommes en train d'étudier.

Le Président (M. Cardinal): Je suis de très près, comme toujours d'ailleurs, l'intervention de M. le député de Mégantic-Compton. Lui-même a fait un quasi-aveu, mais cependant je vais le laisser poursuivre pendant un certain temps avant de l'interrompre sur une question de règlement.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: D'ailleurs, M. le Président, je n'ai que quelques mots à ajouter. C'est une intervention qui est bien brève, même si vous m'avez assuré que le temps tombait à zéro après chaque lettre de l'article, je n'ai pas l'intention d'utiliser mes 20 minutes, même pas 5 minutes.

Cela dit, même à l'intérieur du cadre fédéraliste actuel, multiplier les accords interprovinciaux, on est d'accord, non seulement sur le plan culturel...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, dites donc tout simplement que vous parlez de l'alinéa b) et continuez.

M. Grenier: Merci, M. le Président.

Car, à l'alinéa b), où on parle des enfants, des pères et mères de famille, je dois vous dire qu'on est d'accord sur le plan culturel, M. le Président. Mais, on l'est également sur le plan économique.

Là où nous ne sommes plus d'accord, c'est au niveau de l'application brutale et immédiate de cette clause, par l'article 69 du projet de loi no 101; car, le cas échéant, ce serait s'exposer — c'est peut-être important, les trois lignes que je vous donne ici — à avoir deux sortes de Canadiens quant à l'accès à l'école anglaise au Québec. D'abord, si on se fie à la clause, et si elle était acceptée, ceux d'une province ayant signé une entente avec le Québec et ceux d'une province n'ayant pas signé d'entente avec le Québec. On établirait ainsi deux sortes de citoyens devant la loi 101, des citoyens inégaux devant la loi.

M. Guay: Je m'excuse mais l'alinéa b) ne traite absolument pas d'accord de réciprocité. J'invoque le règlement de nouveau.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Taschereau. Si, aujourd'hui, des trois côtés de cette table — pour autant qu'elle en ait trois — on n'avait pas parlé justement de traité de réciprocité sans invoquer de question de règlement, j'arrêterais M. le député de Mégantic-Compton. Cependant, j'aime autant que l'on vide la question sur 69b, c'est purement une décision qui n'est pas dans l'ordre du règlement. Il faut donner à chacun la même chance tout simplement.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le député de Taschereau est in-

tervenu juste une seconde trop tard, j'étais rendu à ces lettres et je les lis: Pour autant, nous ne reviendrons plus sur le sujet. J'étais là M. le député.

M. Guay: Voilà qui est bien.

M. Grenier: Nous ne reviendrons plus sur le sujet, alors que nous le pourrions.

M. Guay: Je suis intervenu au bon moment.

M. Grenier: Nous avions prévu, M. le Président, à l'article 69b un amendement qui a été discuté à 69b, l'option Canada.

A cause de cela, il est sûr que vous allez comprendre qu'on votera pour l'article 69b dans le contexte actuel parce que la clause qu'on avait amenée là a été défaite à l'article 69a auquel nous nous sommes opposés. Maintenant, l'article 69b, nous devrons voter pour, bien sûr. Cependant, pour la poursuite des travaux, j'aimerais que le ministre d'Etat au développement culturel attache davantage d'importance aux propos de l'Opposition et s'efforce moins de trouver à se défendre. Alors qu'on parle en haut en qualifiant le ministre des Terres et Forêts de ministre des épinettes, ici, on est rendu, avec la loi sur la langue, avec un ministre des épithètes. J'aimerais bien qu'on trouve, vis-à-vis de l'Opposition, un petit peu plus de jus, peut-être, parce que je ne vous cacherai pas qu'il me semble qu'on fournit des arguments qui sont valables. Il me semble que ce n'est pas en répondant à l'Opposition avec une série d'épithè-tes, en tentant de la coller au mur en se servant d'un vocabulaire fort riche, je l'admets, de la part de la députation ministérielle qui nous accompagne ici, que ce soit le ministre d'Etat au développement culturel ou...

Mme Lavoie-Roux: C'est leur mesure de tolérance, M. le député.

M. Grenier: ... bien que ce soit le ministre de l'Education, ou bien que ce soit le ministre délégué au haut-commissariat... Je trouve désagréable, M. le Président, qu'on tente de répondre uniquement par du vocabulaire bien choisi qui manque souvent d'argumentation. Autant j'estime l'artillerie du Parti québécois à votre droite dans ses répliques, autant je trouve désagréable l'arrogance avec laquelle parfois on traite l'Opposition qui n'est pourtant pas loin, de l'autre côté de la table. Il me semble qu'on pourrait relever nos discours sans toujours tenter de coller l'Opposition et souvent attaquer le programme du parti, et on ne sait quoi...

Quand on a parlé de l'Union Nationale, c'était le ministre d'Etat au développement culturel. J'aimerais qu'il se rapporte à ses propres sondages qu'il a faits il y a moins de deux semaines, et on apprendra sans doute, à la suite du sondage du PQ, que le seul parti à avoir fait des gains depuis le 15 novembre dernier, c'est l'Union Nationale. Cette position était peut-être assez claire dans les sondages. Ce n'est pas parce que c'est dit de ce côté-ci de la table que cela n'a pas de bon sens.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaîtl

Mme Lavoie-Roux: Les sondages... M. Lalonde: Les sondages maisons.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, Mme le député de L'Acadie, et aussi M. le député de Mégantic-Compton. Cette fois-ci, vraiment, vous avez franchi la clôture et vous ne parlez plus de l'article 69b.

M. Grenier: Je suis assez loin de l'article 69b, vous trouvez?

Le Président (M. Cardinal): Ah, oui! Vous êtes rendu à la prochaine élection.

M. Grenier: Vous vous en êtes plaints tout à l'heure. Il y a bien des articles qui sont violés et je conseillerais fortement aux filles qui sont sur la rue Saint-Jean, ce soir, de s'en venir au Parlement, elles ont bien plus de chances d'être violées ici que sur la rue Saint-Jean.

Le Président (M. Cardinal): Attention, il y a des journalistes qui vont vous attrapper! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Remarquez bien que je n'ai pas mis de noms. M. le Président...

M. Bertrand: Vous venez de glisser.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas encore mercredi soir.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: M. le Président...

M. Morin (Sauvé): C'est cela que vous appelez du contenu dans les discours?

M. Grenier:... si on relevait toutes les données qui sont faites de l'autre côté, je pense bien que cela s'équivaudrait.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, là, on peut vous permettre, après cette longue journée, quand même, et qui approche de sa fin...

Une Voix: Oui?

M. Grenier: On est rendu aux nouvelles.

Le Président (M. Cardinal):... oui, on finit à 23 heures... quelques secondes d'incursion dans d'autres domaines, mais, M. le député de Mégantic-Compton, veuillez revenir, s'il vous plaît, à l'article 69b. M. le député de Bourassa, à l'ordre, s'il vous plaît! Il ne s'agit pas de cela. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je suggère le député de Gaspé, mon moralisateur.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je vois que M. le député de Gaspé est en train de conseiller affectueusement son confrère.

M. Grenier: Je devrais quitter la rue Saint-Jean.

M. Le Moignan: Je lui donne de bons conseils, M. le Président.

M. Guay: II est passablement rouge, en tout cas!

M. Grenier: En plus de me confesser.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Le Moignan: Je veux qu'il quitte la rue Saint-Jean.

M. Grenier: En plus de me confesser, le curé me dit de quitter la rue Saint-Jean et de venir sur la Grande-Allée. M. le Président, je termine, bien sûr. Uniquement pour vous dire que cet article, on vous l'a dit peut-être de l'autre côté, à b), c'est un minimum. Ce n'est peut-être pas ce qu'on aurait voulu mais c'est un minimum, nous allons bien sûr l'appuyer et nous aurons à discuter de l'article au paragraphe c) avec l'amendement que le parti ministériel nous a fait parvenir il y a quelques instants. Nous allons discuter du paragraphe c), l'amendement qui est proposé là, mais le paragraphe b), quant à nous, on est prêt à le mettre aux voix.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement dire que l'article d), tel qu'il a été...

Le Président (M. Cardinal): Pardon?

Mme Lavoie-Roux: L'article b) — je m'excuse du bégaiement — tel qu'il a été modifié en comparaison avec la loi 1, nous semble un progrès et répond, en tous les cas, à une remarque que nous avons faite à plusieurs occasions qu'on traitait différemment deux anglophones qui résidaient au Québec, au moment de l'adoption de la loi, qui étaient citoyens au même titre et dont certains avaient des enfants, d'autres n'en avaient pas. C'était un élément de discrimination supplémentaire à ce projet de loi. Et même si nous avons encore beaucoup de réticence — évidemment, nous la conserverons jusqu'à la fin — sur le critère de l'enseignement primaire en anglais, ceci devrait probablement nous motiver à voter contre le paragraphe b), mais pour montrer quand même un esprit de collaboration et reconnaître ce petit effort, parce qu'il corrige un élément discriminatoire dans ce projet de loi, nous voterons pour l'alinéa b).

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le ministre d'Etat au développement culturel et le ministre de l'Education me permettront-ils une courte question?

Le Président (M. Cardinal): S'ils veulent bien répondre. Remarquez que ce n'est pas tout à fait conforme au règlement. Mais, si cela ne retourne pas comme au début, en un débat, je vais l'accepter.

M. Ciaccia: Le paragraphe b) veut-il dire que s'il y a un jeune homme, ou une jeune femme de 13, 14, 15 ans...

M. Morin (Sauvé): Sur la Grande-Allée? Ou sur la rue Saint-Jean?

M. Ciaccia: Non, non.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: ...à Québec, qui viennent d'en dehors du Québec, est-ce que leurs enfants, à l'avenir, que ce soit dans dix, quinze ou vingt ans, d'après le paragraphe b), pourront recevoir l'enseignement en anglais?

M. Laurin: Oui, M. le Président, en fait, nous avons précisé la formulation antérieure, pour que ce soit bien clair.

M. Morin (Sauvé): Pourvu qu'ils soient domiciliés au Québec, au moment de l'entrée en vigueur de la loi.

M. Ciaccia: Les parents ne doivent pas être nécessairement mariés. Très bien, c'est une clarification que je voulais avoir.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Ciaccia: M. le Président, le paragraphe b) semble... b) comme dans bou-bou...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Mont-Royal!

M. Morin: Essayez de nous le ramener!

M. Ciaccia: Le paragraphe b) semble contenir un principe qui va à l'encontre du paragraphe a). Il semble reconnaître le caractère bi-national du Canada. Je crois que ce caractère, qui ne peut être reconnu qu'en reconnaissant les droits des minorités dans les autres provinces, du paragraphe b) semble faire un pas à cet égard. Mais, c'est ce que je ne comprends pas, pourquoi une demi-reconnaissance? Si on veut prôner ou promouvoir

la francophonie qui doit s'étendre d'un bout à l'autre du Canada, la seule façon de le faire, c'est en reconnaissant les droits des minorités dans toutes les provinces.

M. Morin (Sauvé): C'est pour cela, quand il y aura la réciprocité.

M. Ciaccia: Et maintenant que les revendications faites par les francophones dans les autres provinces depuis plusieurs années commencent à toucher ces provinces, qu'elles commencent à s'en rendre compte, maintenant que les autres gouvernements provinciaux essaient, je crois, de bonne foi, il faut présumer...

M. Morin (Sauvé): On va voir cela.

M. Ciaccia: ...d'améliorer les possibilités d'enseignement en français, il semble que nous sommes la première province en train de légiférer des restrictions contre la disponibilité d'une autre langue, la langue des minorités dans les écoles. Quoique je sois pour le paragraphe b), à moins que nous ayons le même esprit que celui contenu dans le paragraphe b) et dans les autres articles du projet de loi, ce serait une trahison de cette reconnaissance et de ce désir des autres provinces canadiennes de redresser les inégalités qui ont existé dans le passé et qui pourraient causer les amertumes qui pourraient encore durer pendant de nombreuses années.

Je voterai pour l'alinéa b), mais j'espère que le gouvernement va prendre le principe qui y est contenu et va l'inclure dans les autres. Je sais que nous avons déjà voté sur l'article 69a, mais c'est seulement en deuxième lecture. J'espère que ce principe qui est reconnu dans l'alinéa b) sera reconnu par le gouvernement dans les autres aspects du projet de loi.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. Dois-je comprendre que l'article 69b, est adopté? Pardon! M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je vais dire seulement quelques mots.

Le Président (M. Cardinal): Certainement.

M. Raynauld: Je suis favorable à cet alinéa b). Je voulais simplement noter, un peu dans la lignée de mon collègue de Mont-Royal, qu'en acceptant l'alinéa b), on introduit, me semble-t-il, au moins un écart, je ne voudrais pas dire une divergence, entre l'alinéa b) et l'alinéa a). Il me semble que le seul alinéa a) qui aurait été logique avec l'alinéa b), cela aurait été le concept de communauté anglophone, avec l'enseignement primaire en anglais, si vous voulez, comme critère...

Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le député d'Outremont! Je ne me prononce pas sur le fond, mais vous êtes dans les futuribles, parce que l'article 69a a déjà été adopté.

M. Raynauld: Je vais le mettre au passé, je vais dire que l'alinéa b) est incohérent avec l'alinéa a) qui a été adopté, parce que l'alinéa b) reconnaît des droits à des gens qui sont ici et qui ont reçu un enseignement primaire en anglais en dehors du Québec.

Je dis que ceci n'est pas conforme, si vous voulez, à ce qui a été adopté à l'alinéa a), mais je voterai quand même pour.

M. Morin: Cela ne vise pas le même monde.

M. Lalonde: Ce n'est pas la seule incohérence...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que l'article 69...

M. Ciaccia: Incohérence, intransigeance, inadvertance.

M. Lalonde: ... depuis trois ou quatre jours.

Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pourrais-je poser une question au ministre d'Etat au développement culturel?

Le Président (M. Cardinal): J'ai indiqué tantôt que ce n'était pas conforme au règlement, mais je le permets, vu l'importance de cet article, pourvu que cela ne se développe pas en débat.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une question difficile, M. le Président.

M. Morin (Sauvé): Peut-être connaît-elle déjà la réponse?

Mme Lavoie-Roux: Non, je voudrais demander... Je m'adresse au ministre d'Etat au développement culturel; en fait, c'est peut-être davantage au gouvernement ou même au ministre de l'Education. L'alinéa b) est quand même un point, je ne dirais pas qu'il est subtil, mais, pour en faire la publicité... Parce que, plus les gens que vous voulez viser ici vont s'écarter de cette date où ils vont réclamer leurs droits ou faire valoir leurs droits à l'école anglaise, je pense, plus la preuve va devenir difficile. Y a-t-il des moyens que vous entendez prendre pour vulgariser ce genre d'article qui, quand même, pour le commun des mortels, peut être assez complexe? Je pense que, plus on en retarde la vulgarisation, plus on s'expose à des complications tout simplement.

Le Président (M. Cardinal): J'ai senti que M. le ministre de l'Education désirait répondre.

M. Morin (Sauvé): Oui, M. le Président, très brièvement. Le gouvernement, effectivement, songe à faire connaître les critères d'admission à l'école anglaise en utilisant certains moyens de publicité, notamment dans les journaux, lorsque le

projet de loi aura été adopté. Autrement dit, il portera à la connaissance des intéressés, par plusieurs moyens, ces conditions qui doivent être remplies.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que l'article 69b est adopté?

Une Voix: Adopté.

M. Morin (Sauvé): M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Oui, est-ce que vous voulez parlez sur l'article 69b?

M. Morin (Sauvé): 69c.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre de l'Education et député de Sauvé, vous avez la parole et nous savons tous — vous me permettez quand même, pour gagner du temps, même si je prends 30 secondes — que nous avons un amendement devant nous. Je ne veux pas précéder vos paroles, mais je présume que vous allez nous parler de cet amendement.

Motion d'amendement à l'alinéa "c" de l'article 69

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): Exactement, M. le Président. J'ai fait distribuer, l'autre jour, vous vous en souviendrez, une copie de la motion d'amendement à l'article 69c et, pour le cas où les députés auraient égaré le texte, je demanderai à la secrétaire de la commission de faire distribuer l'article 69, tel qu'il se lirait une fois modifié.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le ministre de l'Education, justement pour simplifier les procédures, que je lise votre amendement tout de suite...

M. Morin (Sauvé): Volontiers.

Le Président (M. Cardinal): ... que je lise ensuite le texte que vous faites distribuer? De toute façon, on le distribue présentement. Or...

M. Grenier: ... me permettrait peut-être une question? Il dit: Tel qu'il se lirait une fois voté. Est-ce qu'on ne devrait pas comprendre "qu'il se lira", tel qu'on est habitué depuis le début?

M. Morin (Sauvé): Si le député s'apprête à voter en faveur, le futur serait plus indiqué. Mais comme je ne voulais pas préjuger des débats de la commission, j'ai utilisé le conditionnel.

M. Grenier: Merci, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): C'était un conditionnel de politesse.

M. Grenier: C'est ce que j'avais compris. M. Lalonde: Cela va être un vote libre.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, si vous permettez! La motion d'amendement proposée par le député de Sauvé à l'article 69c du projet de loi no 101, se lit comme suit: "Que l'article 69 soit modifié en ajoutant au paragraphe c), après le mot "scolarité" et avant les mots "avant l'entrée en vigueur", les mots "au Québec" et en retranchant après les mots "recevaient légalement" et avant les mots "l'enseignement en anglais", le mot "Québec". Techniquement, en vertu de l'article 70, cette façon de rédiger un amendement est parfaitement recevable, mais à cause de "l'ésotérie"...

M. Morin (Sauvé): Le caractère ésotérique.

Le Président (M. Cardinal): Le caractère ésotérique de ce genre d'amendement... J'emploie des néologismes, M. le ministre, parfois, mais...

M. Morin (Sauvé): Je n'ai pas voulu signifier par là que j'étais d'accord que mon amendement était ésotérique.

Le Président (M. Cardinal): Non, mais à cause du caractère technique et ésotérique de l'amendement, je me permettrai de le lire, pour l'avantage des membres de la commission et de ceux qui assistent à nos débats. A ce moment-là, l'article 69 du projet de loi no 101 se lirait comme suit: "Par dérogation à l'article 68, peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère: a) les enfants dont le père ou la mère a reçu au Québec, l'enseignement primaire en anglais. Cela étant adopté, b) les enfants dont le père ou la mère est, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais. Cela est adopté, et, enfin, c) les enfants qui, lors de leur dernière année de scolarité au Québec avant l'entrée en vigueur de la présente loi, recevaient légalement l'enseignement en anglais dans une classe maternelle publique ou à l'école primaire ou secondaire. Quant à l'alinéa d), je ne le lirai pas, ce serait présumer des travaux de cette commission.

M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, l'objet de cet amendement est de déplacer les mots "... au Québec..." en vue de rendre cet article 69c plus, comment dire, libéral dans le bon sens du mot, dans le vrai sens du mot.

En effet, si vous lisez ce paragraphe c) tel que rédigé, en ce moment, vous constaterez qu'il ne permet pas à un enfant qui a commencé ses études en anglais au Québec, de les continuer dans cette langue, si en 1976-1977, il étudiait ailleurs qu'au Québec, ayant suivi ses parents à l'étranger, par exemple.

Nous avons donc déplacé l'expression "... au Québec..." de façon à couvrir ce cas, de façon que cet étudiant puisse continuer ses études en anglais, même s'il s'est absenté du Québec.

Donc, c'est vraiment dans le sens qu'aurait pu, j'imagine, souhaiter ceux qui sont favorables à ce qu'un enfant qui a commencé ses études en anglais puisse les continuer dans cette langue.

Voilà. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est un amendement qui change l'esprit de la loi.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Vous n'en avez pas d'autres?

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie...

M. Raynauld: Vous n'en avez pas d'autres un peu plus substantiels?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Cela fait quatre jours qu'on est ici.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: Vous êtes insatiables!

Le Président (M. Cardinal): Avec tout le respect, l'amitié, la déférence que je vous dois, Mme le député de L'Acadie, vous ne pouvez pas dire que cela change l'esprit de la loi quand le président a déclaré l'amendement recevable, et ceci dit sans rancune, j'espère, de votre part.

Cet article 69c tel qu'amendé sera adopté?

Des Voix: Adopté.

M. Ciaccia: Si j'en ai, ce n'est pas sur l'amendement du ministre.

M. Lalonde: "... lors de leur dernière année de scolarité au Québec..."

Le Président (M. Cardinal): Voulez-vous une suspension de deux minutes pour y penser?

M. Morin (Sauvé): ... lire les deux versions consécutivement et vous constaterez la différence.

Adoption de l'amendement

Le Président (M. Cardinal): L'article 69c tel qu'amendé...

M. Lalonde: L'amendement est adopte... Mme Lavoie-Roux: Seulement l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je suis bien d'accord.

M. Lalonde: L'amendement est adopté.

Le Président (M. Cardinal): Alors, l'amendement de M. le député de Sauvé et ministre de l'Education, proposé à 10 h 47, en ce 8 août 1977 — et je n'ai pas besoin de relire, est donc adopté?

M. Ciaccia: Si je comprends bien, le paragraphe c)... un amendement tel que proposé par le ministre pour couvrir les cas où un étudiant aurait été à l'école anglaise au Québec et se serait absenté, aurait continué ses études en dehors du Québec et il peut revenir... A ce moment, il aura le droit de continuer tandis que le paragraphe c), tel que rédigé dans le projet de loi ne permettait pas...

M. Morin (Sauvé): ... ne le permettait pas. C'est un défaut de rédaction, et en le relisant attentivement, nos conseillers juridiques nous ont souligné ce problème et nous avons voulu y apporter une solution.

M. Ciaccia: Une générosité...

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, il faut savoir d'où nous allons partir maintenant. Nous allons maintenant discuter d'un article amendé; le texte de l'article amendé tel qu'il serait après l'amendement et maintenant tel qu'il se lira, M. le député de Mégantic-Compton, après l'amendement est donc adopté.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aurais une question au ministre de l'Education pour être bien sûr...

Une Voix: ...

Le Président (M. Cardinal): Non, pas encore.

M. Paquette: ...du sens du paragraphe c) tel qu'amendé. Si je comprends bien le sens de l'article, cela veut dire que tous les enfants actuellement à l'école anglaise, partout au monde, au Canada comme à l'étranger, si leurs parents émigrent ou déménagent au Québec, dans le cas d'une autre province canadienne, cela veut dire que ces enfants seraient admissibles à l'école anglaise?

M. Lalonde: M. le Président, le député de Rosemont a plus de problèmes que le député de Mont-Royal.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. te Président, la condition demeure que ces enfants doivent avoir reçu légalement l'enseignement en anglais dans une classe maternelle publique ou à l'école primaire ou secondaire.

Une Voix: Au Québec.

M. Ciaccia: J'accepterais l'interprétation du député de Rosemont.

M. Paquette: Dans la feuille que vous nous avez distribuée...

M. Morin (Sauvé): Non. Pas nécessairement au Québec. Avec l'amendement que nous avons apporté, ce n'est pas nécessairement au Québec à condition que, lors de leur dernière année d'études au Québec, ils se soient trouvés à l'école anglaise.

M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que vient de dire le député de Rosemont.

Le Président (M. Cardinal): Croyez que, jadis, le Conseil législatif avait sa raison d'être. Il révisait les lois.

M. Ciaccia: Cela démontre qu'il y a un esprit un peu plus large.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: De très bonnes décisions ont été prises par un gouvernement sous lequel vous avez siégé, dont l'abolition du Conseil législatif.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas attaqué ces décisions, M. le député de Vanier, au contraire, vous savez que je les ai acceptées.

M. Lalonde: Cela ne vous dérange pas? Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Lalonde: On ne vous dérange pas!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Vous allez me donner une directive ici puisque, dans notre parti, on a un avocat, mais il siège ailleurs ce soir. Pourriez-vous me dire si mon amendement que vous avez prévu dans notre livre bleu, qui soustrairait le mot "légalement" au paragraphe c) de cet article, je dois le passer comme sous-amendement ou comme un nouvel amendement après l'adoption de cet article?

Le Président (M. Cardinal): Que l'on prenne une solution ou l'autre, cela arrive au même. Si l'amendement est immédiatement adopté, que nous prenions un sous-amendement, ou un nouvel amendement, en vertu de l'article 160, le temps sera le même, et quant à moi, j'accepterai l'une ou l'autre des techniques.

M. Lalonde: M. le Président, vous ne pouvez pas faire une question de règlement, mais j'imagine que le sous-amendement doit changer quelque chose à l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, c'est pourquoi...

M. Lalonde: ... alors que si vous enlevez le mot "légalement", vous n'enlevez rien à l'amendement du ministre de l'Education.

Le Président (M. Cardinal): Si on procède par sous-amendement.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, ce n'est pas un sous-amendement. C'est un nouvel amendement. C'est bien clair.

M. Lalonde: C'est cela, c'est un nouvel amendement.

Le Président (M. Cardinal): Parce que si nous procédons par sous-amendement, nous allons changer la procédure de cette Assemblée. Si vous le permettez, M. le ministre, je devrai suspendre l'adoption, non pas la séance, suspendre l'adoption de l'amendement, adopter un sous-amendement et nous allons perdre un temps assez important; c'est pourquoi j'ai dit que j'acceptais l'une ou l'autre technique. Ce n'est pas le président qui donne des suggestions aux formations politiques; cependant, si vous voulez en faire un amendement, je pense que la commission ne le refuserait pas quant à la forme, mais pour en discuter quant au fond.

Ma réponse vous convient-elle, M. le député de Mégantic-Compton?

M. Grenier: Je pense que oui. Maintenant, comme ce sont des termes, j'aurais voulu consulter des gens de notre entourage avant. Et pour ce faire, étant donné...

Le Président (M. Cardinal): Non, je m'engage dès le moment présent, M. le député de Mégantic-Compton. Je vous dis, et je ne pousse pas l'adoption de cet amendement, je vous dis que si c'est accepté et que vous faites un nouvel amendement au nouvel article, que je vais le recevoir.

M. Grenier: Une fois que nous aurons voté l'article.

M. Lalonde: C'est l'assurance que le député voulait avoir et je pense que c'est très bien.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela. C'est ce que je lui donne.

M. Grenier: Cela me va, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Cet amendement, proposé par le ministre de l'Education, est-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): La motion est adoptée. Je la signe immédiatement. Un instant. J'en ai trois en même temps.

M. Morin (Sauvé): Je n'avais pas terminé mon exposé.

Le Président (M. Cardinal): Sur l'article 69c?

M. Morin (Sauvé): Je n'avais pas terminé mon exposé, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Non, vous aviez encore du temps devant vous.

M. Morin (Sauvé): Et j'aimerais justement, commentant ce paragraphe c), m'adresser en particulier au député de Mégantic-Compton, qui se propose de nous offrir un amendement au terme duquel le mot "légalement" serait supprimé du paragraphe.

Ce n'est pas par hasard que ce mot "légalement" s'y trouve. Mme le député...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le ministre, nous sommes rendus à parler d'un amendement qui n'a pas encore été déposé devant nous.

M. Morin (Sauvé): Non, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): On doit simplement indiquer que je n'ai pas permis qu'on parle de votre amendement qui était prématuré quand vous l'avez déposé.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je vais donc parler d'un mot qui se trouve actuellement dans le paragraphe c), le mot "légalement".

Le Président (M. Cardinal): D'accord, parfait. Que les gens de cette commission sont intelligents! M. le ministre, très brièvement.

M. Morin (Sauvé): Merci. Je voudrais expliquer aux membres de la commission, très brièvement, et au député de Mégantic-Compton en particulier, pourquoi ce mot se trouve là. Il se trouve que l'an dernier un certain nombre de commissions scolaires, dont le Protestant School Board of Greater Montreal, en particulier, ont admis dans leurs écoles des enfants qui n'avaient pas le droit de s'y trouver, parce qu'ils avaient, soit échoué les tests, soit refusé de s'y présenter, bien qu'ayant été convoqués à trois reprises.

Il y a dans les écoles du PSBGM quelques centaines d'élèves s'y trouvant illégalement. Si nous allions reconnaître à ces enfants, ei. nous inclinant, en quelque sorte, devant le caractère illégal de l'acte qui a été posé par les parents et par le PSBGM, le droit d'entrer à l'école anglaise cette année et, de surcroît, de rendre aptes à recevoir l'enseignement en anglais leurs frères et soeurs cadets, je crois que nous aboutirions à un cas de discrimination qui pourrait avoir des conséquences considérables.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, si vous permettez, comme je dois ajourner les travaux, je me permets d'ajouter un mot pour sécuriser particulièrement M. le député de Mégantic-Compton. Après ce que vient de dire M. le ministre, je décide maintenant que si vous proposez d'enlever le mot "légalement" ce n'est pas un sous-amendement, mais vraiment un amendement, parce que l'amendement, M. le ministre, laissait le terme tel quel dans le texte de l'article.

M. Morin (Sauvé): C'est exact.

Le Président (M. Cardinal): Sur ce, les travaux de cette commission sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 1)

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