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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 10 août 1977 - Vol. 19 N° 167

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 101 - Charte de la langue française


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 101:

Charte de la langue française

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Oui, nous sommes déjà en retard.

A l'ordre, s'il vous plaît! C'est une nouvelle séance. Comme d'habitude, la journée sera occupée par deux séances. Cette première séance, comme c'est un mercredi, sera ajournée à midi, à la suite d'une entente entre les partis politiques.

Je fais donc l'appel des membres de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications siégeant pour l'étude du projet de loi no 101 après deuxième lecture.

M. Alfred (Papineau)?

M. Alfred: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)? M. Charbonneau (Verchères)? M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Toujours ici.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), remplacé par...

M. Raynauld: Raynauld, député d'Outremont.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Raynauld, (Outremont).

Mme Lavoie-Roux: M. Lalonde était retenu à la commission sur la justice, je pense.

Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa), remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière). M. Laurin (Bourget)? Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), remplacé par M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce).

Une Voix: C'est Bryce Mackasey...

M. Grenier: Est-il nécessaire de signifier la présence du ministre Morin...

Le Président (M. Cardinal): Pas du tout... Je le ferai...

M. Charbonneau (Verchères), remplacé par M. Morin (Sauvé) et, enfin, M. Samson (Rouyn-Noranda). Le rapporteur est toujours M. le député de Deux-Montagnes.

A l'ajournement, hier soir, nous en étions à une motion d'amendement proposée par M. le député de Mont-Royal, à l'article 69... Je l'ai refaite.

Une Voix: D'accord.

Motion d'amendement à l'article 69

M. John Ciaccia (suite)

Le Président (M. Cardinal): Bon! Alors, pour rendre service... D'autres l'ont fait, mais je l'ai fait aussi, et pour rendre service à la commission, j'ai fait réimprimer l'amendement tel que corrigé, et je demande qu'on le distribue, s'il y a quelqu'un qui veut bien le faire. On n'a pas d'aide ce matin?

M. Paquette: Est-ce la rédaction finale, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Oui, parce que la motion est maintenant devant la table et on ne peut plus faire autre chose que...

M. Grenier: La plus récente.

Le Président (M. Cardinal): ... l'amender. Ecoutez! Je pense qu'il n'y a même pas de fonctionnaires pour en faire la distribution. Alors, vous pouvez la passer autour de la table.

Cette motion se lit comme suit—je la lis pour qu'on soit sûr du texte — "Que l'article..."— à l'ordre, s'il vous plaît... cela aété une motion corrigée par le président en vertu de l'article 65 — "Que l'article 69 soit modifié en ajoutant après le paragraphe d) le paragraphe suivant: "Les enfants allophones, rési-

dant au Québec au 31 décembre 1977 et non encore inscrits à l'école ainsi que leurs frères et soeurs". Sur cette motion s'est exprimé M. le député de Mont-Royal à qui il reste trois minutes; à l'ajournement des travaux, M. le député de Mégantic-Compton avait la parole et il lui reste quinze minutes.

M. Grenier: Seulement quinze minutes?

Le Président (M. Cardinal): Vous avez parlé cinq minutes hier soir. C'était tellement intéressant que vous ne vous en êtes pas aperçu vous-même.

M. Grenier: J'avais commencé mon histoire sur ma tante Georgina. Je ne la terminerai pas ce matin. Je le ferai plutôt dans ma deuxième intervention.

M. Guay: Elle est retournée aux "Etats"?

M. Grenier: Elle est retournée... La nuit portant conseil, j'ai changé ma stratégie un peu et je ferai deux interventions, celle de ce matin qui durera trois ou quatre minutes, pour revenir un peu plus tard, quand on aura connu les arguments de l'Opposition libérale qui viendra défendre sa motion dilatoire qui veut ce matin, suite à la motion d'hier soir, que les enfants allophones résidant au Québec au 31 décembre 1977 et non inscrits à l'école ainsi que leurs frères et soeurs...

Il est bien évident qu'il n'y a pas un parti politique qui a osé parler de cela jusqu'à maintenant et qui prétend qu'on va donner des droits à des allophones qu'on ne donne même pas aux deux groupes reconnus, soit les francophones et les anglophones du Québec.

De toute évidence, il est clair que nous n'appuierons pas cette motion et je demanderais une chose au Parti libéral qui présente cette motion. Hier, la position de l'amendement sur les handicapés se défendait et on a fait une guerre importante. Le gouvernement a décidé de reporter cela à 77 et c'est là qu'on verra véritablement ce qu'il a envie de faire à cet article.

Quant à une motion de ce genre, il est évident qu'on perd du temps et je pense que je serais surpris que le député de L'Acadie utilise ses 20 minutes sur une telle motion. Cela peut être le cas d'autres députés de l'Opposition libérale, mais le député de L'Acadie ne perdra pas ses 20 minutes sur une telle motion. Elle est trop consciente que pour le bien d'un parti politique, on ne peut se permettre de jouer un jeu comme celui-là. J'aimerais faire savoir au Parti libéral qu'il y a quand même une limite à jouer au masochiste.

Rendu à 11%, après une telle motion, vous allez vous ramasser à 6% ou 7%, et c'est votre famille qui va voter pour vous autres. Ce ne sera plus par conviction. Ce sera par sympathie.

Une Voix: On va peut-être avoir...

M. Grenier: Plus loin que cela, vous allez devenir plus intéressants à fusionner.

Une Voix: ...faire plaisir aux péquistes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, depuis hier, on se rend compte que le Parti libéral court après le bâillon à tout prix. Il veut absolument voir imposer la loi du bâillon pour se donner bonne figure, bonne contenance et, de l'autre côté, on voit circuler le leader depuis une couple de jours, comme on dit, et on attend juste la raison donnée pour faire tomber la hache. On a l'impression que tout le monde court après le bâillon de quelque façon. Il n'y a pratiquement que nous qui courons après une politique linguistique. C'est assez étrange. J'aimerais bien que le Parti libéral, qui a ses recherchistes ici, fasse comme l'Union Nationale et qu'il paie ses recherchistes à l'année. On dirait qu'il les paie à la motion. Quand il y en a une de votée, ils en sortent une autre. Si le parti a décidé de les payer à la motion, j'aimerais qu'il change juste un peu sa stratégie et qu'il les paie aux motions recevables. Ah là, ils vont travailler! Si, vraiment, ils sont pour continuer à donner des motions de ce genre...

M. Ciaccia: C'est...

M. Grenier: ...nos recherchistes, qui sont moins nombreux, bien sûr, que ceux du Parti libéral, et vous le savez, vous êtes au courant, travaillent 18 heures par jour et on leur permettra, aux nôtres, de travailler deux heures de plus et d'aider l'Opposition officielle à donner quelque chose de plus sérieux.

Je ne vais pas plus loin dans le débat. Je vais attendre la savante argumentation qu'on nous donnera du côté libéral et j'interviendrai à la toute fin du débat. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, il faut se rappeler que la loi 22 avait fortement mécontenté les allophones et la présidente de la CECM à l'époque. Celle-ci trouvait, en effet, que la loi favorisait par trop...

M. Guay: Est-ce que M. le ministre pourrait parler dans le micro?

M. Laurin: Oui. La loi 22 avait fortement mécontenté les allophones et la présidente de la CECM à l'époque. Celle-ci trouvait que la loi favorisait par trop les allophones et elle s'en était longuement expliquée, d'ailleurs, à la commission parlementaire de 1974. Les allophones, pour leur part, estimaient que la loi 22 ne faisait pas du français au Québec la seule langue officielle, une langue rentable, utile, commune et, pour tout dire, indispensable. La loi 22 ne rétablissait pas véritablement l'équilibre en faveur du français. En conséquence, les allophones n'y voyaient aucune raison pour changer leurs habitudes qui les inclinaient davantage vers l'intégration ou l'assimila-

tion à la minorité, à la collectivité anglophone. Ils ont donc violemment dénoncé cette loi, ni chair ni poisson, mi-figue, mi-raisin, ce compromis boiteux et hypocrite, ce bloc enfariné qu'ils soupçonnaient de cacher pour eux un poison.

En plus de l'ambiguïté de la loi, ils ont dénoncé avec encore plus de vigueur le caractère agressif et sournois que son chapitre de l'enseignement constituait pour leurs enfants et leurs familles.

Il leur paraissait injuste que la loi ne mette pas sur le même pied les Anglais de souche et les Anglais d'adoption qu'il voulait constituer, qu'elle fasse des allophones des citoyens de seconde zone par rapport aux anglophones, qu'elle fasse montre de discrimination à l'endroit des allophones, qu'elle ne dise pas franchement qu'elle voulait orienter les allophones vers l'école française et qu'au lieu de cela, elle leur rende plus difficile l'accès à l'école anglaise, qu'elle utilise le moyen détourné de la connaissance suffisante de l'anglais en choisissant d'appliquer ce critère à des enfants, qu'elle torture ces enfants même d'âge préscolaire en les soumettant à des tests qui n'étaient pas de leur âge, qui les stressaient, les bouleversaient, perturbaient leurs parents et dressaient même parfois les parents contre ceux de leurs enfants qui ne parvenaient pas, malgré leurs efforts, à franchir ce cap difficile et à se conformer ainsi au désir et à la volonté de leurs parents.

Les allophones dénonçaient enfin avec rage les conséquences de cette politique néfaste qui aboutissait à diviser les familles, à rompre l'unité familiale, à mettre en danger un système de valeurs séculaire en poussant tel enfant vers l'école française et tel autre vers l'école anglaise.

Il n'est pas étonnant que cette loi ait produit chez les allophones des fruits empoisonnés: occupation d'écoles, classes clandestines, fausses déclarations, abjuration et conversion du jour au lendemain à la foi protestante, trafic d'inscriptions entre les deux secteurs catholique et protestant et j'en passe.

C'est maintenant ce même Parti libéral qui a plongé le Québec dans le désordre et le chaos qui prétend faire la leçon au gouvernement. Il n'a rien de constructif à proposer. Il n'est parvenu à rétablir une fragile unité que pour attaquer et démolir; il s'oppose à la loi par tous les moyens en menant son "filibuster" à la façon d'un sous-marin en plongée qui se tient toujours entre deux eaux afin qu'au moins le gouvernement ne triomphe pas là où il a lui-même échoué, afin de savourer au moins la dernière satisfaction, qui est celle d'entraîner avec lui dans l'abîme un adversaire qui l'a justement vaincu, dussent l'intérêt et le bien commun en être profondément atteints.

Le député de L'Acadie semble participer allègrement à ce sombre complot. Elle accepte de renoncer a ses convictions. Elle adore ce qu'elle a brûlé. Elle brûle l'édifice qu'elle avait commencé à construire. Elle succombe à des tentations qu'elle ne peut même plus reconnaître.

Combien plus juste, humaine, réaliste, M. le Président, apparaît ici la politique du gouverne- ment. Il ne fait pas mystère de ses intentions, il rétablit clairement dans ses droits, à sa juste place, la langue française qui est celle de la majorité du peuple québécois. Il en fait, sans aucune équivoque, la langue de la vie collective, la langue officielle et commune, la langue nécessaire qu'il faut connaître si l'on veut participer à part entière à la construction de notre société. Atteindre à son plein développement et à sa pleine réussite sur le plan individuel. Il accorde à la minorité anglo-québécoise, en raison de son enracinement historique au Québec, le droit de maintenir ses écoles, de la maternelle à l'université, tout en espérant qu'elle ne s'isole pas pour son plus grand malheur dans une enclave ou un ghetto socio-culturel.

Pour respecter les choix qu'ont jusqu'à ce moment effectués les allophones, soit parce qu'on les avait mal informés, soit parce que les gouvernements antérieurs n'avaient pas assumé leurs responsabilités à l'endroit de la majorité francophone, soit parce qu'ils trouvaient plus rentable d'opter pour une minorité qui constituait en fait une majorité sur le plan socio-économique, le gouvernement permet maintenant aux allophones qui ont commencé ou poursuivent déjà leurs études à l'école anglaise de continuer dans la même voie, s'ils le désirent. Il aurait pu, comme bien des groupes francophones le lui ont recommandé, comme la plupart des pays le font déjà, orienter tous ces élèves vers l'école française et les cours internationaux, aussi bien que le bon sens et la logique lui auraient donné raison. Mais ce gouvernement, que le Parti libéral veut à tout prix faire passer pour intransigeant, répressif, dogmatique, et même fanatique, a préféré une autre logique, plus humaine, plus généreuse, respectueuse des anciennes réalités et des conditionnements que celles-ci ont créés, il compte sur cette générosité et cette persuasion plus que sur la logique formelle et sur la force, pour convaincre les allophones de sa compréhension et de son estime à leur égard. Pour les inciter à faire oeuvre commune avec lui, pour leur faire voir le nouveau chemin où s'engage maintenant le Québec d'une façon résolue et définitive. Nouveau chemin où il espère bien les avoir avec lui comme compagnons de route pour leur intérêt comme pour celui de la collectivité.

Le gouvernement met ainsi un terme, pour l'essentiel, à la discrimination dont les allophones avaient été victimes sous l'empire de la loi 22. Ceux qui veulent demeurer à l'école anglaise y resteront, s'ils le désirent, tout comme les anglophones de souche. Lorsqu'ils se compareront désormais aux anglophones, ils ne pourront plus se décrire, comme auparavant, comme des citoyens de seconde zone.

De même, ils se retrouveront sur le même pied cube pour l'avenir, puisque tous les nouveaux arrivants anglophones ou allophones, de quelque province canadienne ou pays qu'ils proviennent, seront soumis à la même obligation d'inscrire leurs enfants à l'école nationale, à l'école française, à l'école du pays, comme cela se fait dans tous les pays normaux.

Non content d'accorder aux allophones cette concession qu'ils avaient réclamée en vain du gouvernement antérieur le gouvernement se doit, à leur autre demande, de garder intact le lien familial, les valeurs familiales en permettant aux cadets de fréquenter les mêmes écoles que leurs aînés. Bien des groupes francophones nous l'ont reproché, arguant d'une façon fort logique que cette réunion des enfants cadets ou aînés d'une même famille pouvait se faire aussi bien à l'école française. Mais ici encore le gouvernement a préféré obéir à une autre logique, précisément celle que nous ont fait valoir les allophones, qui consiste à tenir compte du passé, des désirs, habitudes et conditionnements des intéressés, du rejet des mutations trop soudaines et trop brusques, de la nécessité d'une évolution graduelle, réfléchie et volontaire vers de nouveaux buts qui prennent au fur et à mesure toute leur importance.

Lors de ma tournée du Québec, j'ai longuement exposé cette nouvelle politique aux allophones. Je ne puis dire qu'ils y ont souscrit entièrement et de gaieté de coeur; je les comprends d'ailleurs, car cette politique constitue un changement majeur. Même si celui-ci leur apparaît, comme c'est, j'en suis sûr, le cas, rationnel, logique et légitime, il n'en est pas moins difficile à accepter, surtout pour des allophones qui avaient déjà fait l'effort d'apprendre une autre langue et auraient bien voulu s'éviter les efforts qu'entraînent inévitablement de nouveaux choix, de nouveaux apprentissages, de nouvelles adaptations. Mais ce que je sais aussi, c'est que la très grande majorité des allophones ne dénoncent pas la loi 101, comme ils ont dénoncé la loi 22, qu'ils ne s'y opposent pas fondamentalement et qu'ils l'acceptent même. Ils l'accepteront plus facilement qu'ils savent gré au gouvernement d'avoir fait montre à leur endroit de fidélité à ses promesses, de respect, de sympathie, de compréhension et de générosité à leur endroit.

Cette générosité doit-elle s'étendre maintenant aux enfants allophones non encore inscrits à l'école, comme le demande l'amendement du député de Mont-Royal? Nous ne le croyons pas, car le principe qui a inspiré notre concession au sujet des frères cadets ne s'applique plus alors. Si aucun enfant n'est encore inscrit à l'école anglaise, il n'y a plus ici de familles à réunir ou, négativement, à éviter de diviser.

S'il fallait accorder cette nouvelle concession, ce devrait être au nom d'un autre principe, qui ne peut certainement pas être celui de l'appartenance à la communauté anglophone, puisque les allophones, on le dit et le répète, ont leur propre identité, et que, s'ils doivent incliner vers un groupe, cela ne peut être, logiquement et normalement, que vers le groupe majoritaire. On voit encore ici le caractère inconséquent et décadent de la position libérale. Pour que celle-ci soit administrativement applicable, il faudrait définir, en effet, au préalable, ce qu'est un allophone, ce qui peut s'avérer aussi difficile, sinon plus, que pour la définition d'un anglophone. Il faudrait donc revenir, en conséquence, aux mesures de vérification, de contrôle, en d'autres termes, aux tests. Les libéraux ne peuvent se débarasser des tests. Comme la tunique de Nessus, ces tests leur collent à la peau ou ils leur restent dans la peau. Au temps de Jean Lesage, les libéraux étaient des "taxeux". Depuis Robert Bourassa, ils sont devenus des "testeux". Quand ils chassent les tests par la porte d'en avant, comme durant la dernière campagne électorale, ces tests reviennent par la porte d'en arrière, comme ce fut le cas à La Malbaie.

Par ailleurs, c'est là une position décadente, car elle nous ramène en-deça de la loi 22. Celle-ci avait pour intention, bien que par de mauvais mécanismes, d'orienter les allophones vers l'école française, et elle y a réussi jusqu'à un certain point. Mais, depuis sa défaite, le Parti libéral a retraité, abandonne son option francophone pourtant déjà bien édulcorée, et c'est l'option anglophone qui prévaut désormais. Les vues des députés de Mont-Royal, Westmount, NDG, Saint-Louis ont prévalu sur celles des députés de L'Acadie, Outremont, Marguerite-Bourgeoys, probablement pour la raison bien explicable et bien opportuniste que ceux-ci n'auraient jamais été élus sans le vote anglophone. Et encore, l'amendement ne fait aucune mention de la petite phrase concoctée au caucus de La Malbaie, je cite: "En attendant l'intégration progressive des allophones à l'école française."

Devant la levée générale de boucliers qu'a provoquée ce petit membre de phrase...

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le député de Mont-Royal sur une question de règlement.

M. Ciaccia: Quand nous avons tenté d'inclure dans la motion que c'étaient des mesures transitoires, c'était pour corriger 96...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'accepte la question de règlement.

M. Ciaccia: On a tenté d'inclure que c'étaient des mesures transitoires, mais on nous a dit que ce n'était pas recevable, alors on ne peut pas se faire accuser maintenant d'avoir omis certains mots qu'on a été obligés d'enlever. On nous impute des motifs. On les a enlevés pour assurer que la motion soit recevable.

M. de Bellefeuille: II ne s'agit pas d'un discours...

Le Président (M. Cardinal): Excusez-moi. Le député de Mont-Royal s'est déjà exprimé pendant 17 minutes, il a le droit de corriger ce que le député de Bourget explique présentement.

Et je voudrais rappeler les faits. J'avais mentionné, M. le député de Mont-Royal — je dois apporter une correction à votre question de règlement — que la motion était non pas irrecevable,

mais était prématurée, telle que rédigée. Je pense que les faits sont rétablis. Je redonne la parole à M. le ministre d'Etat.

M. Laurin: M. le Président, devant la levée générale de boucliers qu'avait provoquée ce petit membre de phrase, les libéraux ont bien fait de le retirer. C'était là, en effet, une improvisation irresponsable et odieuse. On ne savait ni quand, ni comment se serait effectuée cette intégration, ni au prix de quels procédés tatillons et tracassiers. Mais maintenant que cette horreur a disparu, la situation n'est pas meilleure. Elle signifie que les libéraux renoncent à toute idée d'intégration des al-lophones à la communauté francophone, ce qui les fait glisser encore plus irrémédiablement sur la pente savonneuse où les entraînent les députés de Mont-Royal et autres, qui sont les vrais chefs du Parti libéral.

Enfin, M. le Président, nous ne pouvons accepter l'amendement de l'Opposition officielle parce qu'il implique des transferts linguistiques ou scolaires beaucoup plus nombreux qu'on veut bien le dire. Nous avons procédé, pour notre part, aux calculs que tout gouvernement responsable doit s'imposer, et voici les résultats que nous devons maintenant considérer.

Il y a chaque année, en moyenne, au Québec, un nombre de naissances qui s'élève à peu près à 93 500 enfants. De ce nombre total de naissances, il y a à peu près 5900 naissances allophones, si on multiplie 93 500 par le taux reconnu de 0,06. Si l'on continue les calculs, on se rend compte que le nombre moyen annuel d'enfants allophones d'âge préscolaire, la catégorie d'élèves couverts par l'amendement, qui n'ont pas de frères et soeurs déjà inscrits à l'école, s'élève à peu près à 2900, c'est-à-dire 5918 multiplié par le coefficient usuel choisi dans les circonstances, c'est-à-dire 0,49.

Si, maintenant, on passe au nombre moyen annuel de naissances hors Québec, nombre moyen annuel d'enfants allophones d'âge préscolaire nés en dehors du Québec, on aboutit, avec les mêmes bases de calcul, à 441 enfants. Si on additionne les deux chiffres, 2901 plus 441, on aboutit au chiffre total de 3342, et comme c'est un chiffre annuel et qu'il faut calculer ça pour les enfants âgés actuellement, au 31 décembre 1977, de zéro à cinq ans, puisque les effets se feront sentir pour les cinq prochaines années, on peut donc prévoir, comme chiffre possible pour la période 1977-1982, le chiffre total de 16 710 enfants allophones d'âge préscolaire qui pourraient être inscrits à l'école.

Je vous signale, M. le Président, que ce n'est pas un chiffre négligeable, et il faut qu'en l'occurrence, le gouvernement assume ses responsabilités, et aussi bien au nom des principes qu'au nom de cette réalité numérique et statistique, je pense qu'il n'y a pas lieu de considérer d'un oeil favorable l'amendement qui nous est proposé. C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que nous rejetterons l'amendement du député de Mont-Royal.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. On vient d'assister à l'oraison matutinale du...

Le Président (M. Cardinal): ...de parler dans le micro.

Mme Lavoie-Roux: ... ministre d'Etat au développement culturel, marqué au coin, comme il aime dire de la générosité, de la rationalité et de la logique en ce qui touche le gouvernement, et de toutes les autres épithètes et invectives dont il est capable à l'égard de l'Opposition avec son timbre de voix recto tono; mais de toute façon, c'est au moins la huitième édition, alors, je commence à m'y habituer.

Comme il me disait hier — il me soufflait— chacun son tour. C'était une bonne leçon.

Ceci dit, je voudrais rappeler que durant la commission parlementaire qui a entendu les mémoires relatifs au projet de loi no 1, nous avons reçu plusieurs groupes représentant les minorités ethniques, les principaux étant la Fédération des groupes ethniques, la communauté grecque et la communauté italienne.

Je pense que tous, on a senti chez eux une résistance à envoyer leurs enfants à l'école française, résistance que nous connaissions avant même qu'ils ne se présentent. Même s'ils reconnaissaient dans leurs propos le bien-fondé du désir de la majorité francophone de mettre un frein à l'érosion démographique qui les touche, les deux principaux arguments que, d'une façon générale, ils faisaient valoir à ce moment pour s'opposer à l'intégration de leurs enfants à l'école française étaient les suivants: Premièrement, ils étaient venus ici alors que les conditions d'admission étaient autres, et le deuxième motif invoqué était ce qu'ils considèrent un enseignement inadéquat de la langue seconde dans les écoles françaises.

Il est vrai que le premier — et ceci, d'autres l'ont invoqué — que le premier argument qu'ils utilisent, à savoir que des conditions autres existaient avant qu'ils n'arrivent, mettrait tout gouvernement dans la position ou dans l'impossibilité de légiférer parce qu'il y aura toujours des gens qui étaient là avant une loi, et qui y sont encore après, ou de nouveaux qui arrivent après.

Alors ce n'est évidemment pas un argument qui peut être utilisé. Quant au deuxième, qui est la qualité de l'enseignement de la langue seconde dans les écoles françaises, et leur désir — il faut le reconnaître — que leurs enfants soient mobiles et qu'ils puissent acquérir une connaissance d'usage des deux langues, je pense qu'il est plus que légitime.

Mais à travers tout cela, à travers ces motifs qu'ils invoquent, ce qu'il faut surtout voir, c'est la résistance des gens qui sont ici et qui ont des enfants à s'intégrer à l'école française, et je veux bien le reconnaître ici. Cette résistance, pour ceux qui étaient ici, soit avant la loi 22, soit avant le projet de loi no 101, est une hypothèque pour tous les gouvernements quand il s'agit de résoudre ce problème.

Chez les francophones, il y avait — et ceci s'est accentué avec la loi 63, mais même aux

beaux jours de la loi 63, si on peut parler de beaux jours — à peu près 2,5% de francophones — je pense que c'est le maximum — qui allaient à l'école française et d'ailleurs, on ne sait pas dans quelle mesure...

Je m'excuse. 2,5% de francophones qui allaient à l'école anglaise. Dans le cas des immigrants, c'était massivement que ces derniers allaient à l'école anglaise et on a relevé des proportions — je pense qu'on s'entendra là-dessus — de 90% d'immigrants qui allaient à l'école anglaise, ce qui explique, je pense, aujourd'hui, la résistance et les arguments que les groupes ethniques font valoir quant à leur refus ou leur résistance à intégrer leurs enfants à l'école française.

Il faut comprendre, et le gouvernement l'a compris dans une certaine mesure, que des mesures transitoires peuvent avoir leur bien-fondé, même si, en elles-mêmes, elles portent des contradictions que je suis prête à reconnaître. Quand on pense, par exemple, au principe qu'on a mis de l'avant, la non-division des familles, avec lequel je suis d'accord, on se souviendra qu'au mois d'avril je disais que celui-ci aussi apporterait de la discrimination, mais qu'on l'acceptait pour des raisons humaines et des raisons de réalisme. On apporte des discriminations que nous allons revivre au mois de septembre, quand on songera ou on observera à la porte des écoles que parmi les occupants des écoles de l'année dernière, vont se retrouver une partie d'enfants, qui, parce qu'ils ont un frère ou une soeur, ont leur entrée à l'école anglaise, et d'autres qui, parce que leurs parents ont fait leurs études primaires à l'école anglaise, pourront aussi aller à l'école anglaise. Il restera, des 1000 ou 1200 enfants, environ 400 qui ne répondront à aucun de ces critères. Il y a déjà là un élément de discrimination. Je l'ai reconnu au mois d'avril. C'est uniquement à cause de considérations humaines, d'ailleurs, que j'ai voté très volontiers avec le gouvernement là-dessus hier. C'est, je pense, dans le même esprit que le député de Mont-Royal a fait sa proposition.

J'aimerais lire ici un extrait de l'étude du comité de restructuration scolaire de Montréal qui s'est longuement penché sur ce problème de l'intégration des non-francophones, à l'école française. On disait, après de longues réflexions — vous avez sûrement le rapport entre les mains, vous pourrez y référer, mais je cite cette phrase particulière: — "II ne sera pas inutile de se rappeler que, dans les matières qui concernent l'avenir des enfants, les brusqueries sont à éviter et les pédagogies sociales s'imposent." Ceci est d'autant plus vrai pour les allophones et, d'une manière générale, pour tous les non-francophones qui devraient ou voudraient, selon le cas, s'inscrire à l'école française.

Je pense que, si ceci peut apparaître aux yeux du gouvernement une bonne mesure, c'est à lui de le juger, si on veut faire des allophones, qui étaient ici avant l'adoption de ces deux lois, des citoyens qui vont s'intégrer de la façon la plus harmonieuse possible au Québec... Si on ne les brusque pas, si, on ne leur impose pas quelque chose qu'ils ne comprendront pas, ce sera plus constructif.

Dans les écoles italiennes, j'en avais trois dans mon quartier dans le temps, on respectait les objectifs des francophones. J'essayais, moi, de comprendre leur résistance, mais il reste qu'il y a un chemin, un pont, extrêmement difficile à parcourir pour eux à l'égard de ce qu'ils considèrent comme un objectif fondamental pour leurs enfants.

C'est dans ce sens que j'appuierai l'amendement du député de Mont-Royal comme une mesure transitoire contenant ces contradictions mais n'apportant pas le libre choix en dépit de ce que certains voudront prétendre, ceux qui ont une certaine honnêteté intellectuelle le reconnaîtront. Mais cette mesure qui peut peut-être se présenter comme un moyen qui finira par résoudre ce problème épineux de la façon la plus positive possible en ce qui touche un certain nombre d'enfants d'al-lophones qui étaient ici avant l'adoption de la loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Grenier: Si vous nous le permettiez, on laisserait les propositions du Parti libéral sortir afin de se faire une idée plus pratique. Il faut admettre que Mme le député de L'Acadie nous a ébranlés, mais pas encore suffisamment fort pour nous permettre de faire une intervention valable.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Dans ce cas, M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, je tiens à vous rassurer que mon intervention sera brève. J'ai assisté à l'improvisation encore de l'Opposition libérale quant à la rédaction de cet amendement.

Cette improvisation est la caractéristique même de ce gouvernement qui a dirigé notre province pendant six ans. Nous avons vu comment il a improvisé pendant son mandat et cette improvisation a conduit à son échec le 15 novembre dernier. Mais revenons au sujet.

Nous devons rejeter cet amendement pour deux raisons fondamentales. La première, parce qu'il va à rencontre même du principe premier de notre projet de loi qui se lit ainsi: "Le français est la langue officielle du Québec" et le second, parce que la langue de travail au Québec est dorénavant le français.

M. Ciaccia: C'est la langue du chômage, ce n'est pas la langue du travail.

M. Alfred: Lorsque vous amenez un tel amendement, M. le député de Mont-Royal, vous voulez, handicaper les enfants des allophones dans le Québec à venir. D'ailleurs, hier, vous avez parlé des enfants handicapés et voilà que maintenant vous voulez handicaper l'avenir et le devenir même des Québécois.

Cet amendement, M. le député de Mont-Royal, est, premièrement, une méprise pour les franco-

phones, qui constituent 81% de la nation québécoise, deuxièmement, c'est une duperie pour les allophones. Vous les trompez, quand vous prétendez qu'en les inscrivant à l'école anglaise, vous allez les défendre. Je dirai plus tard pourquoi c'est une duperie.

Troisièmement, cet amendement dénote quelqu'un d'origine autre qu'anglaise, venant au Québec, qui s'est assimilé à la communauté anglophone au mépris même de la collectivité francophone. J'ai dit que c'est une méprise pour les francophones, une méprise, parce que vous dites: "Les écoles françaises sont incapables de former des citoyens normaux", une méprise encore pour les francophones, quand vous dites que c'est pour consolider l'avenir et le devenir des enfants allophones que vous leur demandez d'aller à l'école anglaise.

Devant de telles interventions, un francophone québécois qui entend cela résiste et vous le traitez de xénophobe. Vous vous trompez, M. le député de Mont-Royal, et, malheureusement, votre tromperie a été endossée par Mme le député de L'Acadie, M. le député d'Outremont et M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Raynauld: Sur une question de privilège.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Alfred: Pourquoi trompez-vous les allophones quand vous faites un "filibuster", quand vous faites un "show" et, par ces "shows", pour nous faire rester ici, pour nous faire perdre notre temps, vous prétendez défendre les Québécois d'origine hongroise, d'origine italienne et autres?

C'est que les allophones — ce que vous appelez les allophones, les Québécois d'origine hongroise, d'origine italienne, d'origine arménienne, etc. — devraient savoir que, depuis le 15 novembre, les jeux sont clairs; tout est changé depuis le 15 novembre. Ils savent très bien que, désormais, le Québec est un Etat français, la langue de travail sera le français et il faut, pour s'intégrer réellement à la collectivité québécoise, qu'ils maîtrisent la langue française qui est pour eux une deuxième langue; à ce que je sache, la première langue n'est pas la langue française. Quand vous prétendez, monsieur, que vous reposez votre amendement sur l'argumentation qu'il faut qu'ils apprennent très bien la langue seconde, l'anglais, vous les trompez encore. C'est comme si le ministre de l'Education ne prenait pas les moyens pour que la langue seconde soit bien enseignée dans nos écoles françaises.

Dans le projet de loi, vous ne verrez pas la notion de langue anglaise comme langue seconde parce que nous ne sommes pas assez ignorants pour ne pas savoir que, dans le contexte nord-américain où nous sommes, la langue seconde qui sera la plus utilisée par les Québécois, sera, bien sûr, la langue anglaise. Cependant, quand cette langue seconde sera-t-elle enseignée? Il ne vous appartient pas, M. le député de Mont-Royal, de le dire. Il appartient aux pédagogues, au ministre de l'Education et aux linguistes de déterminer à quel moment est plus rentable et pour l'Etat et pour l'enfant l'apprentissage d'une langue autre que la langue française.

Mme Lavoie-Roux: Mais, la population... Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Alfred: Bien sûr... Mme Lavoie-Roux: Vous avez raison.

M. Alfred: ... cela dénote votre à-plat-ventrisme devant la communauté anglophone et je n'ai pas besoin de parler beaucoup là-dessus.

Ce que les allophones devraient savoir de vous, l'Opposition libérale, c'est que vous avez encore un style de politique qui est médiéval, dépassé. Vous jouez. Etre homme politique, cela signifie dire clairement à la population ce que vous pensez. Vous faites un "show" et, malheureusement, Mme le député de L'Acadie accepte de jouer ce jeu.

M. Raynauld: Question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Sur une question de règlement, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Serait-il possible que le député s'en tienne à l'amendement? On est rendu au Moyen Age. Franchement, cela déborde un peu le cadre de l'amendement.

M. Alfred: C'est-à-dire que j'ai dit que le style de politique que vous adoptez en Chambre est un style de politique médiévale.

M. Raynauld: Cela n'a rien à voir avec l'amendement, M. le député.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Outremont, si vous aviez été constamment avec nous, vous auriez constaté que nous sommes partis d'Adam et Eve et nous nous sommes rendus à l'an 2000. M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, nous sommes contre des mythes comme: contexte nord-américain, dans le contexte canadien... Parce que, comme nous vivons dans ce contexte, nous devons démystifier ce qu'on appelle la langue anglaise comme langue salvatrice. Je me rappelle, malheureusement, à partir de cet amendement, une intervention du chef de l'Opposition de l'Union Nationale, quand il disait: "Pour avoir de l'argent dans ses poches, il faut parler anglais au Québec." Pour nous, Québécois — et les allophones devraient le savoir — pour vivre, nous épanouir, nous intégrer réellement à la collectivité québécoise, il faut d'abord maîtriser la langue française.

M. le député de Mont-Royal, nous n'avons rien contre la langue anglaise, je vous le répète.

M. Mackasey :... but now that you support us... Continuez!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je conclus en disant que l'amendement du député de Mont-Royal est une insulte à la population francophone, aux écoles françaises...

M. Ciaccia: Ce n'est pas l'intention, M. le Président.

M. Alfred: ... aux professeurs de langue française, parce que vous dites, dans votre amendement, aux allophones, mais ceux-ci ne se laisseront pas tromper par vous quand vous dites que s'ils ne vont a l'école anglaise, leur avenir n'est pas assuré.

C'est regrettable, M. le député de Mont-Royal, que vous parliez ainsi, parce qu'en étant élu, vous représentez toute la collectivité québécoise.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement, c'est important. Je n'ai pas dit que s'ils ne vont pas à l'école anglaise, leur avenir n'est pas assuré, j'ai spécifié l'apprentissage de la langue anglaise. C'est un point que je voulais rétablir.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je termine, M. le député de Mont-Royal, pour vous dire que je regrette, comme immigrant, que vous ayez apporté un tel amendement, qui est une méprise profonde à l'endroit du peuple québécois, de la nation québécoise, et je crois que je vais moi aussi me faire l'interprète des immigrants qui sont au Québec. Je pense que, personnellement, je vais leur dire ce que vous refusez de leur dire, parce que vous êtes assimilé. Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. A l'ordre!

M. le député d'Outremont. Connaissez-vous les usages parlementaires d'une commission?

M. Raynauld: Non, je ne les connais pas.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a aucune démonstration...

Mme Lavoie-Roux: Une par jour!

Le Président (M. Cardinal): permise. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le Président, je ne prendrai pas avantage de cette occasion pour recommencer la campagne électorale, c'est terminé. Nous sommes ici pour améliorer, si possible. Je vous félicite, M. le ministre, pour votre beau discours à Terre-Neuve, un discours que tous les Canadiens du pays ont appuyé. Vous l'avez rendu avec émo- tion. C'est fameux. C'est un discours que tous les Canadiens étaient très heureux d'entendre de votre part. Je vous félicite au nom de tous les Canadiens qui vivent ici au Québec.

Une Voix: On comprend cela.

M. Mackasey: M. le Président, je m'adresse plutôt à l'amendement, je pense que c'est le but de cette assemblée, sauf que si le gouvernement veut qu'on recommence à discuter de la campagne, d'accord, nous avons tout le temps, mais cela n'avance rien. Quand, par exemple, le député de Papineau parle des allophones, nous sommes tous des allophones, moi-même, le président, le ministre, sauf que, peut-être durant la nuit, un Esquimau, un Inuit ou un Indien est arrivé et a pris ici la place d'un député. Je pense que nous sommes tous des allophones; je pense que le ministre serait le premier à dire, avec fierté, que ses racines sont en France, les miennes en Irlande. Le député de Mont-Royal, c'est l'Italie.

M. Paquette: Savez-vous ce que cela veut dire "allophone"?

M. Mackasey: Même, que, quand il est arrivé ici, il a reçu sa formation à l'école française, non pas à l'école anglaise. Quand on parle du mot "allophone" — ce n'est pas un mot qu'on aime — on le trouve, par exemple, dans l'amendement. Comme le ministre l'a souligné tout à l'heure, c'est très difficile de décrire qui sont des allophones, qui ne sont pas des allophones. Vraiment, nous sommes tous des allophones, sauf ceux qui étaient ici, comme les Inuit, comme les Indiens et les autres.

M. Paquette: Cela étend considérablement la portée de l'article.

M. Mackasey: Je félicite le gouvernement de les protéger dans la ' loi. Quand le député de Mégantic-Compton parle d'une motion dilatoire, il verra pourquoi la motion a été soumise.

Il faut souligner dès le départ, M. le Président, que j'accepte cela.

Je l'ai même dit au mois d'octobre, quand la question m'a été posée par un journaliste, quand je suis arrivé ici, pendant la campagne électorale, que je n'avais aucune objection, que je partage même les sentiments de ceux qui prétendaient que les immigrants qui viendraient au Canada, à l'avenir, avant de quitter leur pays, sachent d'avance que s'ils viennent au Québec ils vont aller à l'école française, qu'ils sachent d'avance que s'ils veulent aller en Ontario, ils vont aller à l'école anglaise. Qu'ils fassent leur choix, qu'ils décident de leur sort économique, de leur culture. Ils décideront de bien des choses. Et là, ils décideront s'ils veulent aller au Québec, en Ontario, au Manitoba. Là, il n'y a pas de choix. Vous allez à l'école anglaise. Je me demande pourquoi on ne peut pas dire exactement les mêmes critères à ceux qui vivent encore dans un autre pays, mais songent à venir au Canada, si, par exemple, c'est acceptable,

selon les critères établis par le gouvernement fédéral en collaboration avec les provinces.

Sur la base du principe, il n'y a aucune réserve du fait qu'on déciderait que ceux qui viendront au Canada, à l'avenir, des autres pays, des immigrants, iront à l'école française parce que, comme le ministre l'a souligné tout à l'heure, il y a une question d'équilibre entre les anglophones, ce qui comprend ceux qui sont assimilés, si vous voulez, et les Français qui vivent ici au Québec. J'accepte sans réserve cette proposition. Je l'ai toujours acceptée, ce n'est pas depuis le commencement de nos séances ici, je l'ai toujours appuyée.

J'ai déjà été, comme vous le savez, ministre de l'Immigration. Je comprends un peu les immigrants. En général, vous le savez autant que moi, M. le ministre, je sais qu'on partage cela, c'est avantageux pour une province, pour un pays. Ils viennent ici pour travailler fort. Ils viennent ici et pas seulement les pauvres. Une année, je me rappelle, quand j'étais ministre de l'Immigration, les immigrants avaient apporté avec eux $500 millions d'investissements. C'est beaucoup d'argent. Nous avons besoin des immigrants dans tout le pays, et cela comprend le Québec.

En 1971, quand j'ai eu l'occasion de discuter le problème avec le ministre de l'Immigration du temps, je pense que c'était M. Bienvenue, je ne me rappelle plus le nom de son comté, à peine 14% des immigrants avaient des connaissances en français. Et là, je cite des chiffres de McGill, M. le ministre, je pense et j'espère qu'ils sont exacts. Pour les trois premiers mois de 1977, ce chiffre de 14% des immigrants qui ont maintenant des connaissances en français est rendu à 32%. Que représentent les changements dans les critères? Avec raison. Mais, quand même, cela va les aider à faire la transition, vous le savez autant que moi, au système d'écoles françaises. Quand on discute de la langue, de la religion, des relations industrielles, c'est difficile, parce que ces discussions engendrent souvent des émotions chez les participants aux débats et c'est très difficile de rester objectif sur ces sujets.

J'essaie de le faire ce matin. J'espère qu'on peut avoir une journée où — moi y compris — on pourra parler sans émotion et se consacrer au concept d'amélioration de la loi. De quoi parlons-nous exactement ici? On ne parle pas de ceux qui viendraient au Canada à l'avenir. On parle de ceux qui sont déjà arrivés au Canada et qui, heureusement pour tout le monde, je pense, vivent ici au Québec. Quand on parle de ce qu'est un allophone, pour moi, c'est un Canadien ou peut-être quelqu'un qui sera un Canadien un jour, c'est un immigrant qui n'est pas encore un citoyen canadien. Cela comprend aussi des Canadiens originaires, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'un autre pays que le Canada. Le seul mot "abrasive" comme on dit en anglais, mais, que voulez-vous? Il faut l'employer. C'est au moins un terme générique, si vous voulez!

On parle maintenant seulement sur la motion d'amendement du député de Mont-Royal. On parle seulement de ceux qui sont déjà ici; qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, quand ils ont décidé de venir au Canada, quand ils ont décidé de venir dans la province de Québec, et ça, après des discussions avec les fonctionnaires dans leur pays, les fonctionnaires qui représentaient le ministère de l'Immigration du Canada, le ministère de l'Immigration de la province de Québec... Et nous n'avons qu'à souligner les discours du leader du gouvernement, que j'ai lus moi-même il y a trois ou quatre jours, quand il a félicité les fonctionnaires de la province de Québec, dans un discours en Chambre, pour leur compétence pour les examens des futurs immigrants de la province de Québec. Alors, ceux qui sont venus dans ce pays, dans cette province, étaient conseillés en ce sens que s'ils venaient au Québec, ils avaient le choix de décider eux-mêmes ce qu'ils pensaient être dans le meilleur intérêt pour leurs enfants et non pas à l'Etat de décider ça pour eux.

Quand le député de Papineau parle de la nécessité de parler français à l'avenir dans la province de Québec, je suis complètement d'accord avec lui, et ça, c'était le principe du rapport Gen-dron. Du moment que c'est nécessaire, obligatoire, autant que possible parler français dans les grandes entreprises, dans le domaine du commerce; c'est normal et logique que les immigrants accepteront d'apprendre la langue de travail. C'est normal, et le fait que maintenant 32% ont déjà une compétence dans cette langue, aidera encore. On ne parle pas de ceux qui arriveront prochainement. On parle de ceux qui sont déjà ici et qui pensaient qu'en venant ici, dans la province de Québec — nous sommes tous, d'abord, encore des Canadiens — quand ils sont arrivés au Canada et quand ils ont décidé de venir au Québec, ils savaient d'avance qu'ils avaient le choix. Ils auraient dû avoir ce choix ou non, ce n'est pas la question. On ne veut pas les affecter, M. le ministre, avec une proposition bien fondée, mais en même temps rétroactive. Alors, quand on discute de l'amendement du député de Mont-Royal, on ne discute pas une motion dilatoire. Peut-être que l'Union Nationale pense que toutes les motions dilatoires, ce sont celles qu'elle défend pour elle-même. Mais je ne suis pas ici pour me chicaner avec mon ami de Mégantic-Compton, parce que c'est rare qu'on ne s'entend pas.

M. Grenier: ... on ne s'entendait pas à East Angus. Vous ne disiez pas la même chose qu'aujourd'hui.

M. Mackasey: Non, le ministre est...

M. Grenier: Vous jouiez au Bonhomme Sept Heures. Vous faisiez peur aux Anglais.

M. Mackasey: Depuis quelques jours, je pense, le ministre a attrapé le rhume. Il travaille trop fort. Je ne sais pas ce qu'a le député de Mégantic-Compton...

M. Grenier: Ce ne sont pas vous autres qui nous donnez de l'ouvrage. Vous ne faites rien.

M. Mackasey: II n'est pas ici pour décider si une motion est dilatoire ou non. Il est ici pour dire s'il est en faveur ou pas de l'amendement, et en donner les raisons.

Quand le député de Mont-Royal a souligné le fait que les enfants allophones — je pense qu'il veut parler des enfants des immigrants qui sont au Québec, des Canadiens qui sont au Québec, ou de ceux qui ne sont plus des immigrants et qui sont des citoyens du Québec et, par accident, ne sont pas des Inuit, ne sont pas des Indiens, parce que tous les autres sont compris dans cette définition — que les enfants de ces parents qui résident au Québec ne sont pas encore inscrits à l'école, les parents devraient avoir le choix de décider s'ils vont aller à l'école anglaise, peut-être à cause qu'ils sont entièrement compétents en français, déjà, comme par exemple, beaucoup de Tunisiens, si vous voulez; ou s'ils veulent aller — et je leur conseille de le faire — dans le système français, à cause de la nécessité de travailler en français à l'avenir; c'est logique, et je ne suis pas contre ce concept non plus. Alors, le député de Mont-Royal, tout ce qu'il veut faire par l'entremise de son amendement, c'est de régler une question de transition pour ceux qui sont déjà ici. Cela ne concerne pas tous les immigrants qui viendraient au Canada à l'avenir, mais ça regarde tout simplement ceux qui sont déjà ici.

Comme le député de Papineau l'a dit, ne pas donner la compétence en français, c'est handicaper un enfant pour l'avenir, s'il veut rester au Québec. Il faut avoir la compétence en français, mais que les parents décident si c'est un handicap pour les enfants et non pas l'Etat. Peut-être que c'est là la différence entre vous et moi, M. le député.

Je pense que c'est la responsabilité des parents de décider si c'est un handicap ou non, non pas celle de l'Etat. C'est peut-être différent à travers la ville, la philosophie des collectivités... les droits d'une personne à décider elle-même. C'est la philosophie. On ne peut pas régler cela par des lois, même pas par des discussions amicales.

Alors, je demande à tous ceux qui sont ici aujourd'hui d'étudier cet amendement dans cet esprit. On parle de ceux qui sont déjà arrivés au Québec. Ils savaient à l'avance les règles du jeu, que s'ils venaient au Québec, ils avaient le choix, parfois avec leur argent, leur finance, leurs moyens, que s'ils étaient prêts à travailler fort, dans les métros et faire les autres emplois qu'on ne veut pas parce qu'on se pense trop instruit... des positions... Il y a peut-être quelques milliers de fonctionnaires qui remplissent ces positions, qui travaillent à temps plein dans différents bureaux. Ils sont prêts à tout faire pour que les enfants reçoivent un bon enseignement, pour que leurs enfants aient l'éducation pour avancer dans les professions et ne pas toujours rester ouvriers.

Je comprends les motivations des immigrants. J'en ai passé des heures et des heures avec des immigrants qui entraient au pays illégalement en 1970, en 1971. Ils avaient au moins le courage de l'accepter comme Canadiens... encore qui se présentent... les fonctionnaires, pour être reçus comme immigrants acceptables au Canada... 92% ont passé les examens une deuxième fois parce qu'ils avaient été refusés la première fois. C'est normal que je comprenne leurs problèmes, et que je partage leurs craintes. Je n'ai pas dit que c'était réaliste. Je ne parle même pas de ceux qui viendront ici après l'adoption du projet de loi. J'accepte le concept. Quelqu'un qui n'est pas encore parti de l'Irlande, ou du Portugal, ou de l'Italie, ou de la Yougoslavie, ou de l'Ukraine, ou de la Pologne sait à l'avance que s'il vient au Canada et qu'il décide d'aller en Ontario, ses enfants iront à l'école anglaise, et s'il vient au Québec, ils iront à l'école française. J'accepte cela sans réserves depuis longtemps, mais actuellement, on parle de ceux qui sont ici au Canada. ... enseignés ou rassurés par les fonctionnaires du gouvernement fédéral, par les fonctionnaires du gouvernement provincial que, s'ils décidaient de venir au Québec, les parents auraient le choix d'envoyer leurs enfants à l'école française ou à l'école anglaise.

Je sais que c'est à leur avantage d'être bilingues. J'espère qu'ils comprendront la nécessité d'aller à l'école française, surtout quand le ministre a assuré l'Assemblée nationale qu'ils auraient l'habileté, la compétence d'apprendre les deux langues, les facilités d'apprendre les deux langues dans le système français. On n'entend pas souvent maintenant de cette province... Cela aiderait les allophones, si une bonne journée, le ministre de l'Education avait le courage de dire aux syndicats: "Vous commencerez l'enseignement d'une deuxième langue en 2ème ou en 3ème année". Je ne dis pas la 10ème ou la 12ème année, parce que cela ne fait pas l'affaire de ses membres... Il doit respecter les droits des parents au lieu des droits des syndicats, mais c'est autre chose. Cela aiderait aussi à faire accepter la loi.

En terminant, pour le moment, je m'adresse directement... à l'amendement. Je ne suis pas ici pour l'échange et le combat... que j'ai livré au mois de novembre, ni pour échanger des insultes... parce que j'ai toujours le désavantage... mais je parle pour appuyer cet amendement. Si la date du 31 décembre 1977 est trop éloignée, si vous voulez que ce soit, lorsque le projet de loi sera adopté, au mois d'octobre ou de novembre, ce sera la même chose.

La date ne m'intéresse pas autant que la question de "retroactive legislation". Ce n'est pas la bonne loi, M. le ministre, et vous le savez autant que moi. Ce que l'amendement essaie de faire, c'est de respecter l'engagement que le Canada et la province de Québec ont pris en disant: Demandez, ou insistez, ou encouragez ces immigrants non seulement à venir au Canada mais aussi à venir à Québec. On a dit: Si vous venez au Québec, voilà les avantages et voilà les désavantages, dans le même sens qu'il y a des avantages et des désavantages pour un immigrant qui va s'installer en Colombie-Britannique ou à Terre-Neuve, si vous voulez. Des avantages et des désavantages, il y en a partout au Canada. Un des avantages pour lui à ce temps-là, c'était le droit de décider pour ses enfants s'ils devaient recevoir leur enseignement en français ou en anglais. Si, et cela est souvent le cas, les immigrants avaient déjà des connaissan-

ces de la langue française, peut-être y verraient-ils des avantages pour leurs enfants s'ils allaient à l'école anglaise. Si les immigrants n'avaient aucune connaissance du français, peut-être penseraient-ils que c'est avantageux pour leurs enfants de les envoyer à l'autre système. Tout ce que nous demandons ici n'est pas de régler le cas des allophones pour l'avenir, mais de respecter l'engagement pris.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voulez-vous conclure, s'il vous plaît?

M. Mackasey: C'est de respecter l'engagement envers les allophones qui sont déjà au Québec et qui prétendent qu'il y a un engagement solennel de la part de la province de Québec de respecter leur droit de décider eux-mêmes et non pas l'Etat s'ils doivent envoyer leurs enfants à l'école française ou à l'école anglaise.

En terminant, comme le dit le député de Papineau, peut-être partage-t-il ce sentiment que ces enfants sont handicapés, s'ils sont unilingues. S'ils sont handicapés, ce sera à cause de la décision de leurs parents et non pas à cause de la décision de l'Etat. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député de Taschereau.

M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. Nous devons donc étudier un autre amendement proposé, une fois de plus, par un député libéral, amendement, cette fois-ci, improvisé, scribouillé sur le coin de la table et aussi mai rédigé que le fut la motion tristement célèbre du député de Laval à l'endroit du ministre d'Etat au développement culturel et du ministre d'Etat à la réforme parlementaire, que l'Assemblée nationale, fort heureusement, avait repoussée, mais dont la rédaction, on s'en souviendra, avait nécessité l'intervention de la présidence, tant elle était mal faite, nonobstant le fait que le député de Laval se perçoit comme un grand pontife de la procédure. Il en est ainsi également de cet amendement. Il était si mal rédigé qu'il a fallu que la présidence intervienne afin de le remettre à l'endroit si tant est qu'il peut être à l'endroit, en tout cas, quant à la forme.

M. Ciaccia: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Relativement à la première motion d'amendement que nous avons soumise, ce n'était pas une question qu'elle était mal rédigée et c'était même pas une question de savoir si elle était recevable ou non, la suggestion avait été faite que peut-être elle était prématurée. Alors, pour éviter tout doute, qu'elle soit prématurée ou non, nous avons changé l'amendement.

M. Guay: M. le Président, ce n'est pas une question de règlement.

M. Ciaccia: C'est une question de règlement.

M. Guay: On se souviendra, là-dessus, de toute façon, que le député de Mont-Royal voulait en faire l'alinéa e), ce qui était également inconcevable, et cet amendement a dû être rédigé à nouveau avec l'aide de la présidence à plusieurs reprises, tellement il était mal scribouillé. Quoi qu'il en soit, M. le Président, il est évident qu'une fois de plus nous faisons face à une tentative de prolonger ce "filibuster" que le député de Marguerite-Bourgeoys nous a si bien annoncé hier soir, puisque le résultat net de cet amendement est évidemment de retarder davantage les travaux de cette commission.

Mais la raison pour laquelle j'interviens sur l'amendement se rapporte à l'intervention du député de Mont-Royal, hier soir, alors que, soutenant son amendement, invoquant des arguments à la faveur de cet amendement, si tant est qu'on peut en trouver, il a déclaré à cette commission, et je cite: "On refuse d'être unilingues français — on parlait, je présume, des immigrants — on refuse d'être handicapés".

Je veux bien croire que, suite au discours-fleuve du Parti libéral d'hier soir, les handicapés étaient à la mode. Je comprends parfaitement que, venant de ce parti les handicaps soient effectivement de l'essence du Parti libéral.

Il n'en demeure pas moins qu'on vient nous dire ici, à une commission de l'Assemblée nationale du Québec, qu'être unilingue français au Québec, c'est être handicapé. Je trouve cela profondément insultant.

En même temps, je dois dire que le député de Mont-Royal, dans ce que je veux bien croire être sa candeur, nous a aussi fait un aveu, en quelques mots, sur la véritable nature de ce pays qu'il défend si chèrement, le Canada.

En effet, unilingue français au Canada, au Québec même, c'est un handicap. Unilingue anglais, bien sûr, cela fait partie de la quintessence de la civilisation.

M. Raynauld: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Pourrais-je demander qu'on traite de l'amendement, s'il vous plaît?

M. Guay: Je traite de l'amendement puisque je parle de l'argument que le député de Mont-Royal a invoqué à la faveur de son amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'autre président a dit tout à l'heure, M. le député d'Outremont, que, si vous aviez été ici tout le long des débats, vous vous seriez aperçu que tous les députés, quels que soient les partis, avaient la tolérance de la présidence lorsque, pour quelques secondes, ils déviaient du sujet. Je pense qu'il est très difficile, surtout que, dans ce cas, le député de Taschereau fait continuellement référence à

des propos déjà tenus par un autre député qui présentait cet amendement. Compte tenu de tout cela...

M. Ciaccia: Je suis contre l'unilinguisme anglais, pour l'information du député de Taschereau. Si cela peut l'aider, je suis contre l'unilinguisme anglais ou français.

M. Guay: Je constate, M. le Président, qu'en disant cela à l'appui de l'amendement du député de Mont-Royal, en disant qu'être unilingue français au Québec, c'est un handicap, il en dit long sur la nature de la société québécoise à l'heure actuelle, et sur la nature de la société québécoise à l'intérieur de ce beau et grand Canada.

Je me sens insulté par des propos de cette nature, non pas que je ne sois pas favorable à l'apprentissage d'autres langues, bien au contraire. Il est évident que, plus une personne connaît d'autres langues vivantes, que ce soit l'anglais, bien sûr, que ce soit l'espagnol, l'allemand, le russe et même le chinois, plus une personne se trouve, personnellement, enrichie, mais dire que quelqu'un au Québec qui possède le français à l'exclusion de toute autre langue est une personne handicapée, je trouve cela invraisemblable car cet argument utilisé pour soutenir l'amendement que nous étudions s'adresse directement à ce bien commun qui est peut-être le plus précieux que nous ayons collectivement, cette langue française qui fait intimement partie de ce que nous sommes, de ce que nous avons été et de ce que nous voulons être. S'il y a un bien qui s'identifie étroitement, intimement à la personnalité québécoise, c'est bien la langue française, cette langue pour laquelle nos ancêtres se sont battus et pour laquelle certains d'entre eux ont payé de leur vie.

On vient nous dire aujourd'hui que la posséder à l'exclusion d'une autre langue au Québec, c'est être handicapé. On oublie peut-être que ce handicap que nous aurions si nous étions unilin-gues français, ce n'est pas celui de posséder un quelconque dialecte qui ne s'étendrait pas au-delà des frontières du Québec c'est posséder une des grandes langues internationales, certainement la langue d'une des plus grandes civilisations que le monde ait connues, une langue dont la précision, la beauté et la noblesse est telle qu'elle fut longtemps et qu'elle est encore, à maints égards, la langue de la diplomatie internationale, une langue que l'on retrouve presque partout sur le globe et qui, bien sûr, n'a plus l'universalité de la langue anglaise, mais qui, néanmoins, n'est pas un quelconque dialecte qui nous handicaperait si nous le possédions à l'exclusion d'autres langues, mais, au contraire, elle est une langue internationale.

Quand j'entends le député de Mont-Royal soutenir son amendement en nous disant que nous sommes handicapés, je trouve que, non seulement c'est invraisemblable, mais qu'en même temps, en disant cela, le député de Mont-Royal nous donne peut-être la meilleure définition en quelques mots de ce qu'est le colonianisme au Québec.

Il nous prouve, en même temps, puisque la langue française, à l'exclusion de toute autre lan- gue serait un handicap, de façon fort éloquente et fort rapide, la nécessité de l'approbation la plus rapide par l'Assemblée nationale de la loi 101 qui vise à remettre conséquemment les choses à l'endroit et à cesser, dans les termes du député de Mont-Royal, de faire des handicapés des unilin-gues français au Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président, je vais essayer de m'en tenir à l'amendement autant que possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'aurai la même tolérance que j'ai eue à l'égard de tout le monde.

M. Raynauld: Je pense que vous n'en aurez pas besoin, je l'espère!

Cet amendement qui est proposé est un amendement qui fait partie de mesures transitoires proposées pour assurer justement un passage d'un régime à un autre un plus harmonieux et un peu plus paisible qu'on pourrait craindre, si on n'y prête pas attention.

Je ne voudrais pas en faire une question de principe parce qu'en réalité c'est une dérogation aux principes généraux et de la position que nous avons prise au Parti libéral sur la question de la langue et sur le projet de loi 101 tel qu'il est présenté, une dérogation aux principes généraux, mais on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de principe en arrière de cet amendement. Le principe, c'est de reconnaître un certain statut à ceux qui sont déjà ici par opposition à ceux qui vont arriver à l'avenir. Des dérogations comme celles-là, il y en a déjà dans le projet de loi 101, à l'article 69. Il y en a plusieurs, il y en a une qui est inscrite dans la loi elle-même, c'est-à-dire le paragraphe c), où l'on dit que, indépendamment du fait que les parents aient reçu ou non l'enseignement primaire en anglais, ceux qui "au cours de la dernière année de scolarité avant l'entrée en vigueur de la présente loi, recevaient l'enseignement en anglais dans une classe maternelle publique et à l'école primaire ou secondaire", cet alinéa est une exception, est une dérogation aux principes généraux, et l'amendement que nous proposons n'est pas une dérogation plus fondamentale et plus inacceptable que la dérogation du paragraphe c) de l'article 69.

Dans les faits, il y a aussi des dérogations qui sont acceptées par le gouvernement. Je pense ici, par exemple, aux francophones qui iront dans les écoles anglaises en vertu du paragraphe a), les enfants dont le père ou la mère a reçu au Québec l'enseignement primaire en anglais. Bien sûr qu'on ne voulait pas et sûrement que le gouvernement ne voulait pas que des francophones reçoivent l'accès libre à l'école anglaise. C'est une dérogation de fait au principe général. Etant donné qu'on avait choisi de baser toute la loi sur l'inscription de l'un des parents à une école anglaise, au niveau primaire, étant donné qu'on choisissait cela, cela avait comme conséquence

que certaines catégories de personnes se trouvaient à avoir accès à l'école anglaise et cela n'était pas prévu. Les frères et soeurs qui sont à l'école française à cause de la loi 22 vont avoir la permission de retourner à l'école anglaise l'année prochaine en vertu de l'article 69. Cela aussi est une dérogation aux principes généraux. A ce moment, je ne pense pas que l'amendement que nous présentons n'ait aucune validité. Je pense que c'est une mesure d'exception, parce que c'est une mesure de transition, mais ce n'est pas plus fondamental que bien d'autres mesures d'exception qui sont déjà inscrites dans la loi.

Cet amendement va-t-il poser des problèmes beaucoup plus graves que ceux qui vont se poser suite à l'application de l'article 69? A cette question, je voudrais répondre que non. Il n'y aura pas plus de problèmes qu'il va y en avoir lorsque les dossiers auront été perdus. Il n'y aura pas plus de problèmes que lorsqu'on appliquera le paragraphe b) où on dira que quelqu'un qui a reçu l'enseignement primaire en anglais hors du Québec pourra avoir accès à l'école anglaise. Dans ces dossiers, on ne parle plus des dossiers du Québec à ce moment, on parle de dossiers qu'il faudra trouver probablement à travers le monde entier. Je ne pense pas que cela sera une opération facile. Je crois que là aussi il va y avoir du trafic d'inscriptions. Je pense que, là aussi, il va y avoir des mensonges. Peut-être y aura-t-il un peu de torture des enfants mis en cause par ce genre de loi. Je ne pense pas qu'on devrait juger l'amendement que nous présentons comme un amendement infâme, compte tenu de toutes les procédures qui devront être mises en place en vertu du projet de loi 101, et qui vont poser effectivement des problèmes considérables.

C'est pour cela qu'à cet égard je suis surpris du langage que tient le ministre d'Etat au développement culturel. Son langage est un langage fondamentaliste. On affirme des choses, des grands principes quand, en réalité, on essaie, du mieux qu'on peut et peut-être d'une façon maladroite, et du côté libéral et du côté du gouvernement, de résoudre un problème extrêmement difficile.

Je n'aime pas qu'on essaie toujours de qualifier la position du gouvernement de généreuse, de vraiment axée...

Mme Lavoie-Roux: Rationnelle, logique.

M. Raynauld: ...rationnelle, logique, normale, et les positions de l'Opposition sur ce sujet d'incohérentes. Je ne pense pas qu'il y ait plus d'incohérence dans les amendements que nous avons présentés, au contraire. J'ai l'impression que l'ensemble des amendements que nous avons présentés jusqu'à maintenant, sur l'article 69, s'inspiraient d'une stratégie générale, fondée sur des principes qu'on peut ne pas vouloir accepter. Mais, sûrement, je n'accepterai pas que l'ensemble des positions que nous avons présentées sur la politique linguistique sont incohérentes. Je pense qu'elles sont aussi cohérentes que celle que le gouvernement présente aujourd'hui.

Malheureusement, le ministre essaie de qualifier cela et, sans aller, évidemment, dans les détails, en pensant probablement à cette phrase célèbre que je vais modifier un pe.u: Répétez, répétez toujours, il en restera toujours quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: II est très poli, très gentil, n'est-ce pas?

M. Raynauld: Le problème va-t-il être considérable en termes, par exemple, du nombre impliqué? Je remercie le ministre de nous avoir donné une estimation du nombre de personnes concernées par un amendement comme celui-là. J'ai essayé, depuis une journée ou deux, de calculer ce nombre et je dois dire que je suis arrivé pas très loin de son chiffre, mais par des méthodes que vous n'auriez probablement pas acceptées comme valables. Je suis heureux que vous ayez présenté les chiffres.

On dit finalement, au total, que cela implique 3000 enfants par année; pour à peu près cinq ans, 16 710 enfants. On nous dit que ce nombre n'est pas négligeable. Les frères et soeurs sont déjà compris. Les frères et soeurs cadets des enfants visés au paragraphe c) sont déjà là. 16 710 enfants, c'est le chiffre cité par le ministre et que j'accepte. Je ne veux pas contester ce chiffre. Je veux simplement montrer que 16 000 enfants sur cinq ans, 3000 enfants par année, lorsqu'il y a 1,3 million, 1,5 — l'année dernière — enfants inscrits dans les écoles, si on n'appelle pas cela négligeable, je me demande bien ce qui est négligeable. C'est deux dizièmes pour cent.

Une autre chose très importante: Parce que c'est une mesure transitoire, ce ne sont pas des nombres qui vont se répéter indéfiniment, cela se répète. On a un nombre fixe: 16 710. C'est un peu comme sur le volume d'une rivière qui coule. Ce n'est pas parce qu'on met trois ou quatre chaudières d'eau dedans que...

M. Laurin: Cela s'appliquera, par la suite, aux enfants de ceux qui sont inscrits à l'école.

M. Raynauld: Si je comprends bien, cela retombe, suivant les autres articles, les autres alinéas...

Une Voix: D'accord.

M. Raynauld: ...de l'article 69 avec lesquels on n'était pas d'accord.

Mme Lavoie-Roux: On n'était pas d'accord.

M. Raynauld: En réalité...

Non, ils ont accès à l'école anglaise. C'est un nombre maximal d'enfants qui peut aller à l'école anglaise.

M. Ciaccia: Parce que, normalement, c'est l'école française.

M. Raynauld: C'est un nombre maximal qui va opter pour l'école française. Par conséquent, c'est

un nombre maximal. Un nombre maximal, c'est 3000.

Pour revenir à mon image, quand on essaie de voir ce qui affecte le volume d'eau, ce n'est pas une chaudière ou deux que l'on met dans la rivière qui vont affecter le volume, ce sera la source qui se renouvelle continuellement qui fait qu'on a un volume d'eau plus ou moins élevé. Même si on ajoute un nombre fini de personnes, 16 710, dans un système qui se renouvelle chaque année par les naissances, je pense que c'est proprement négligeable. Chose certaine, ce n'est pas pour les riches du tout, cela n'a rien à voir avec les riches ou les pauvres, c'est un nombre négligeable du point de vue de l'influence que pourrait avoir le choix, par ces enfants, de l'école anglaise sur l'ensemble du système scolaire francophone de la province de Québec. C'est dans ce sens que je dis que c'est négligeable. Cela n'a rien à voir avec la question de savoir si ce sont des riches ou des pauvres.

Enfin, comme conclusion, je réaffirmerai simplement que cet amendement est proposé pour assurer une transition plus facile, une transition plus harmonieuse que ce serait le cas autrement pour reconnaître que les gens qui sont déjà ici peuvent avoir un traitement différent de ceux qui vont arriver à l'avenir. Cela a été reconnu, d'ailleurs, même par le premier ministre actuel du Québec, cela été reconnu que les immigrants qui sont déjà ici auraient un traitement différent de ceux qui vont arriver à l'avenir. Finalement, c'est le seul objet de cet amendement, et je ne pense pas que cet amendement soit simplement présenté pour retarder les travaux ou simplement pour embarrasser le gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Quand j'ai regardé l'amendement proposé hier soir, ce n'est pas sans surprise que ce libellé m'a frappé un peu. Surtout quand on dit: "Les enfants allophones résidant au Québec au 31 décembre 1977". Immédiatement, j'ai vu entrer par centaines et par milliers, j'étais probablement dans l'erreur, de nouveaux immigrants, de nouveaux allophones qui, à ce moment-là, auraient certainement le droit de s'inscrire à l'école plus tard. Mais, ayant écouté le député de Mont-Royal, j'y ai tout de même relevé un aspect très positif, cette compréhension, cet amour, qu'il a témoignés pour les immigrants. On connaît leurs problèmes dans le passé, on connaît leurs difficultés d'adaptation ici au Qué-bec, j'en ai eu connaissance, et ils ont certainement trimé bien dur pour essayer de tracer leur route, de s'imposer un peu. Je sais qu'après coup, alors que les immigrants, dans les débuts, avaient accès à l'école française et qu'à un moment donné, pour des raisons d'ordre pratique, pour des raisons d'avancement dans la société, plusieurs immigrants me l'ont affirmé déjà en parlant avec moi dans le passé, on leur a dit que, pour avoir des chances d'avancement, il fallait à tout prix qu'ils aillent à l'école anglaise, autrement dit, s'intégrer de plus en plus à la minorité anglophone. Je n'ai pas l'intention de blâmer tous les immigrants du passé, tous ceux qui ont envoyé leurs enfants à l'école anglaise, parce qu'ils voulaient vivre et qu'on leur avait dit que, dans notre contexte nord-américain, l'anglais était une clé, un passe-partout et, dans le fond, ce n'était pas tellement faux.

Mais, si on regarde notre propre position, et on a blâmé l'Union Nationale d'avoir retiré le libre choix de la langue d'enseignement, je pense que si on l'a fait, c'est après certaines douleurs, après avoir examiné davantage tout le fond du problème; on s'est aperçu qu'en fonction de la loi 22, et surtout de la Charte de la langue, du projet de loi no 1, il fallait rajuster notre tir. Si nous voulions être conséquents avec nous-mêmes, si on voulait refuser aux futurs immigrants le droit de s'intégrer à l'école anglaise, à ce moment-là, c'était bien gênant pour les francophones de continuer d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. C'est un point sur lequel on nous a reproché d'avoir "viré capot", d'avoir changé tellement notre politique, et je crois que nous n'avons pas tellement changé, si ce n'est que, sur ce point-là, en nous ajustant aussi à la politique de tous les autres partis qui existent dans le moment.

Pour les allophones, et je crois que ceci existe de façon générale, plusieurs nous l'ont affirmé lors de l'audition des mémoires sur le projet de loi no 1, et nous avons eu aussi l'occasion de le lire souvent, les citoyens d'origine italienne nous l'ont aussi affirmé, ils sont prêts, ils reconnaissent le fait français ici au Québec. Quand on regarde le Devoir de ce matin, on voit M. Lopinski, le président de l'Alliance polonaise au Canada, qui nous déclare ceci et je cite: "Les Canadiens polonais comprennent très bien les aspirations des Canadiens français en général, et des Québécois en particulier, ainsi que leur volonté de maintenir une identité culturelle distincte au milieu de la vaste société anglo-saxonne qui les entoure."

Alors, si le gouvernement actuel et les législateurs tendent à favoriser l'intégration des allophones à la majorité francophone du Québec, je crois que ceci est tout à fait normal et je crois, ici, que nous sommes tout à fait d'accord. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui me surprend un peu, ce qui n'est pas clair — on a mentionné tout à l'heure qu'on avait modifié les dates — ce sont les futurs immigrants qui entreront au pays en 1977, quels que soient leur race, leur origine ou encore leur pays.

Maintenant, comme je l'ai mentionné, la position de l'Union Nationale... Nous l'avions inscrite, d'ailleurs, à notre programme, sauf pour les allophones vivant déjà au Québec et qui ont déjà opté pour l'école anglaise. Il n'est pas question de libre choix pour les allophones, tout comme il n'en est pas question pour les francophones. Et c'est là qu'on réalise peut-être que les francophones sont un peu handicapés, ceux qui avaient pris cette habitude d'envoyer leurs enfants dans les écoles anglaises. Mais, comme le gouvernement nous assure, pour des raisons d'ordre culturel, pour des

raisons aussi d'ordre pratique, étant donné le contexte nord-américain dans lequel nous vivons, si on donne, dans nos écoles, un meilleur enseignement de la langue anglaise pour ceux qui, évidemment, voudront apprendre cette langue, ce serait déjà quelque chose d'acquis et, quand on regarde l'aspect économique, on sait très bien que nous avons un rôle à jouer. On peut vivre au Québec seulement en français, et il y a une très grande partie de la population qui, probablement, ne parlera jamais la langue anglaise.

Chez les Anglais, on le sent, et je crois que c'est un courant général dans le moment, il y a certainement des progrès d'accomplis et nul doute que le projet de loi no 101 va les aider, de façon non pas coercitive, mais va peut-être les convaincre, et je crois que c'est encore la meilleure méthode, à s'intégrer davantage à la communauté francophone et, tout en gardant leur culture, à nous apporter des richesses de leur propre culture.

Quand on revient aux allophones — les Italiens nous l'ont dit, d'ailleurs, à l'audition des mémoires, un peu comme les francophones — ils vont venir vers nous avec d'autant plus de spontanéité. Ils viendront à l'école française si, comme ils nous l'ont dit aussi, il se donne un meilleur enseignement de la langue anglaise. Je crois que c'est primordial du côté du gouvernement, parce que les allophones, qui tendent à une spécialisation, comprennent peut-être mieux que nous, les Canadiens français, cette nécessité d'avoir une connaissance approfondie de la langue anglaise s'ils veulent se tailler, comme je l'ai mentionné cette semaine, une véritable place dans le monde de la finance et surtout du côté des affaires internationales.

Maintenant, la motion libérale, telle que présentée, nous invite à revivre, de façon un peu anachronique, puis-je dire, une ère que nous ne voulons plus revivre, celle que l'Union Nationale a connue en 1969 avec le bill 63. L'Union Nationale a peut-être commis une erreur à ce moment-là. Je ne l'accuse pas parce que j'étais en dehors de la politique. C'est un fait. J'appartiens à l'Union Nationale. Mais, tout ce que je puis dire, c'est que, pour régler un petit bobo, l'Union Nationale est allée directement du salon funéraire au cimetière.

M. Grenier: En passant pas l'église, M. le curé.

M. Le Moignan: Ce n'est pas sûr qu'elle a eu la bénéfiction de l'Eglise à ce moment-là.

Mais, mon intervention, et je croirais que c'est celle de tous les membres de cette commission, c'est de bien servir les allophones et, si nous voulons les bien servir, il faut que nous soyons un peu solidaires avec eux.

Si nous voulons les intégrer à notre collectivité, nous allons le faire dans la mesure où ils constateront que nous avons un grand respect pour leurs droits et pour leur culture, pour ce qu'ils nous apportent et qu'ils nous ont déjà apporté... Il faut que, pour le Québec tout entier, nous puissions profiter, non seulement de la culture anglophone, mais de ce que les autres grou- pes ethniques peuvent nous donner. Je vous donne encore un exemple local... En Gaspésie, après la révolution de 1956 en Hongrie, nous avons reçu sept ou huit familles hongroises. Vous allez peut-être me dire que c'est facile de s'intégrer en Gaspésie, et de fait, ils se sont intégrés. Ils sont allés à l'école française et la plupart ont épousé des Canadiennes françaises. Ceci s'est fait sans problème, sans difficulté et nous sommes très heureux de les compter dans notre milieu parce qu'ils nous apportent leur talent, parce qu'ils nous apportent, non pas leur argent parce qu'ils sont arrivés nus comme des vers, raides pauvres, si on veut...

M. Guay: Pas à ce point-là.

M. Le Moignan: ...mais ces gens aujourd'hui sont fiers d'être Québécois. Ils sont fiers d'appartenir à notre communauté et ils sont très heureux de vivre. Je sais que le véritable problème se situe à Montréal, mais c'est difficile... Nous avons travaillé au compte-gouttes parce qu'ils n'étaient pas nombreux; mais si on peut, dans les grands milieux, travailler avec eux de cette façon, à ce moment, on verra toute la richesse que ceci pourrait nous procurer.

Le danger qu'il y a dans nos plaidoyers ici est de nous servir des allophones à des fins purement électorales ou encore à des fins de "filibuster", peut-être — je n'en suis pas tellement certain — mais c'est pour ça que cette motion libérale nous fait dire que c'est par de telles positions — la position qu'ils prennent en ce moment, ce style un peu ambivalent du bill 22 — et le Parti québécois leur doit peut-être une certaine reconnaissance parce que si l'Union Nationale est allée au cimetière, les libéraux n'y sont pas allés complètement. Ils sont tout de même allés presque aux portes et ils ont peut-être favorisé, dans une très large mesure, l'élection du Parti québécois, le 15 novembre dernier. Il ne faudrait pas que les libéraux, en continuant leur même tactique, fassent oublier aux Québécois quels sont les véritables arguments du parti ministériel et c'est pour cela que nous avons peut-être intérêt à unir nos forces un peu du côté de l'Opposition.

Vous n'êtes pas prêts à vous intégrer, à vous ajuster à entrer dans notre parti, et le but de mon invitation n'est pas là ce matin. Je crois que par une bonne politique ici, à la commission parlementaire, nous devons éclairer la population aussi sur les véritables motifs, même les motifs cachés surtout du Parti québécois, face à la charte de la langue.

Et ce n'est pas la non-acceptation formelle de la communauté anglophone réelle du Québec, ni de la réalité continentale sur un certain plan, qui nous donnera plus de puissance sur le terrain économique; dans le sens de la crédibilité et dans le sens aussi de la marche un peu de l'histoire du Québec et de l'histoire du Canada.

Tout cela nous commande, nous, de l'Union Nationale, de voter contre cette motion des libéraux parce que cette motion, une fois battue, va peut-être nous aider à favoriser la reprise à un ryth-

me un peu plus accéléré des débats sur les autres articles de la loi et, à ce moment-là, je leur demanderais de ne pas trop multiplier les amendements parce qu'il y a beaucoup d'autres articles dans le projet de loi. Nous aurons des amendements, vous en aurez et, à ce moment-là, il nous fera plaisir de discuter avec vous et d'essayer de conjuguer nos efforts parce qu'il n'y a pas eu tellement d'amendements qui ont été adoptés jusqu'à maintenant, même parmi les vôtres et parmi ceux que nous avons tenté de présenter.

Mme Lavoie-Roux: Nous allons conjuguer nos efforts.

M. Le Moignan: Nous allons conjuguer, Mme le député de L'Acadie. Nous allons commencer ce matin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Gaspé. M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, avant que le député de L'Acadie et le député de Gaspé ne se conjuguent, je voulais rappeler et conclure, en fin de compte, la position gouvernementale sur ce sujet et vous inviter, après que les droits de parole auront été utilisés à satisfaction, à amener cette motion au vote. Nous puisons une partie de notre argumentation, visant à refuser cet amendement que le député de Mont-Royal a fait accepter à son caucus dernièrement, dans un échange extrêmement intéressant que j'ai eu avec Mme le député de L'Acadie alors qu'elle était présidente de la Commission des écoles catholiques de Montréal et qu'elle se présentait devant nous le 26 juin 1974. J'étais alors le porte-parole de l'Opposition sur la loi 22 et nous avons abordé cette question des allophones en puisant à même le mémoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

A la page B-4237 du mercredi 26 juin 1974, Mme le député engageait une réponse à une de de mes questions sur la situation des non-francophones et des non-anglophones. Elle nous faisait part de cette statistique, c'est elle-même qui nous le disait — c'est une statistique que vous n'avez pas jusqu'ici — et je cite Mme le député qui était alors présidente de la Commission des écoles catholiques de Montréal: "On sait que, dans nos classes d'accueil, cette année, 72% des enfants qui y sont inscrits — je ne parle plus des maternelles et des prématernelles; je parle des classes d'accueil — 72% seulement s'inscriront à l'école française d'une façon définitive ou plus ou moins définitive. Ce sera quand même un résultat très encourageant si on tient compte de ce qui se passait il y a cinq ou six ans. Mais, si on examine ce pourcentage d'un peu plus près, on réalise que ces 72% ne sont que le tiers des enfants d'âge scolaire, immigrants ou non anglophones —j 'aimerais mieux parler de non-anglophones — qui arrivent ici au Québec." Je lui demandais alors: "II n'est donc que de 33% ou à peu près" et Mme Lavoie-Roux me répondait: "Entre 30% et 35%, disons."

Je revenais à la charge et disait: "De 30% à 35% d'enfants d'âge scolaire ont choisi le secteur francophone actuellement et ils sont dans des classes d'accueil?" Mme Lavoie-Roux me répondait: "Oui". Je revenais avec une nouvelle question: "Sur ces 30% ou 35%, il n'y en a que 72% qui décident de maintenir cette inscription à l'école francophone. Les autres, donc, après un stage, les quelque 30%, après un séjour dans les classes d'accueil francophones de la Commission des écoles catholiques de Montréal, se dirigeront ou vont manifester l'intention de se diriger au secteur anglophone. Est-ce exact?" Madame Lavoie-Roux me répondait: "C'est exact!"

Je revenais à la charge et je disais: "Cela donne une dimension relative". J'admets avec vous, comme vous le signaliez, que, comparé avec il y a cinq ans, la proportion de ces 70% de ces 30%... Il y a peut-être une amélioration, mais j'en venais à cette question: Dans l'ensemble, et c'est sur le plan collectif de l'action, est-ce que vous jugez encore le résultat insuffisant et croyez-vous nécessaire une intervention législative dans ce domaine? Mme Lavoie-Roux me répondait: "Assurément". M. le Président, nous rejetterons l'amendement de l'Opposition libérale, je devrais dire de l'Opposition à l'intérieur du Parti libéral pour nous rendre aux arguments que Mme Lavoie-Roux a elle-même défendus, si elle est logique avec ses positions à l'intérieur de son caucus. C'est parce que nous soutenons sa position plutôt que celle du député de Mont-Royal que nous rejetterons l'amendement.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Attention, est-ce une question de privilège ou de règlement?

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Je vais vous écouter.

Mme Lavoie-Roux: Je ne peux pas vous dire que vous êtes plus libéral, cela pourrait être mal interprété. Vous qui êtes si gentil, si magnanime...

Tout ce que le député de Saint-Jacques a dit est absolument exact, mais ce dernier se rappellera peut-être qu'en discours de deuxième lecture, et ici à cette commission — c'est dommage, je n'ai pas mon discours; je l'ai eu longtemps, mais je ne l'ai plus ce matin — j'ai cité — maintenant je dois le dire de mémoire, mais les chiffres seront exacts — les chiffres pour les années 1975-1976 et 1976-1977. Les allophones, et tous les allophones cette fois-là, se sont intégrés à partir des classes d'accueil, dans une proportion de 90%, aux écoles françaises. Les gens qui sont en charge des classes d'accueil ont qualifié ceci de succès total. Des 90% aux 100%, il ne faut pas conclure qu'il y en a 10 qui sont allés à l'école anglaise. En fait, sur ce nombre, 1700 ou quelque chose comme cela, il y en a eu 19. Les autres, comme vous le savez, sont retournés dans leur pays d'origine, sont allés dans

d'autres provinces ou sur le marché du travail. Ce que je disais en 1974, et ce que vous avez rapporté est absolument exact, s'est modifié. Est-ce la loi 22? Est-ce que ce sont les classes d'accueil? C'est une combinaison des deux. Je suis fort heureuse que le président me permette de rappeler que ce renversement est fait, et dans le sens où nous le souhaitons tous.

Le Président (M. Cardinal): C'était vraiment une question de règlement en vertu de l'article 96, parce que vous avez prononcé un discours sur cette motion. M. le ministre.

M. Charron: Mme le député me permettrait-elle une question? Je n'ai pas en mémoire son discours de deuxième lecture.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je ne sais pas si je dois recommencer ce jeu.

M. Charron: Alors, je ferai une affirmation à l'intérieur de mes 20 minutes.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Charron: Je me réjouis — c'est peut-être dû aux efforts de la Commission des écoles catholiques de Montréal en particulier, et même du séjour qu'y a fait Mme le député — que la proportion de 72% de permanents dans le système francophone après le passage à la classe d'accueil ait augmenté au cours des dernières années. Je me demande toujours si la proportion de 30% d'enfants allophones qui choisissaient les classes d'accueil francophones et de laquelle seulement 70% restaient... Est-ce que la proportion de 30% de jeunes enfants allophones qui choisissent des classes d'accueil francophones a été modifiée? Cela, je me le demande.

Mme Lavoie-Roux: C'est la totalité, moins 10% qui ne sont pas dans les classes d'accueil de la CECM.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Ne faites pas un débat sur une question de règlement. Vous allez utiliser le temps qui vous reste.

Mme Lavoie-Roux: Je n'en ai plus.

Le Président (M. Cardinal): Oui, il vous reste...

Mme Lavoie-Roux: Ah! oui, j'avais oublié cela. J'y avais renoncé, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Alors, quel est le prochain intervenant?

M. Charron: Je pense que M. le député de Mont-Royal va conclure, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Alors, M. le député de Mont-Royal. Encore une fois, ce n'est pas une réplique, c'est peut-être une conclusion; je n'en sais rien.

M. Ciaccia: J'ai encore un peu de temps et j'aurais voulu soulever une question de règlement à l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, il vous reste trois minutes.

M. Ciaccia: Je demanderais un peu votre indulgence. J'ai été un peu blessé par les propos du député de Taschereau qui a interprété mon intervention d'hier. Je donnais le point de vue — malheureusement, cela n'a pas été, je crois, compris — d'un allophone qui considérait pour lui-même qu'être unilingue était un handicap. Malheureusement, cela a été interprété comme si je disais cela pour tous les francophones. Je voudrais corriger cette impression, je crois que j'ai trop de respect pour les droits individuels, pour les aspirations linguistiques de tous les groupes pour faire de telles affirmations.

M. le Président, il faut se rappeler que la langue française n'est pas ma langue maternelle et, parfois, mes paroles vont au-delà de ma pensée. Je voudrais rectifier cela. C'est un désavantage, mais je donnais le point de vue d'un immigrant.

En conclusion, M. le Président, la raison d'amendement, ce n'est pas une motion dilatoire, je sens trop les besoins des allophones tels qu'ils les ont présentés à la commission parlementaire. C'est qu'ils sont contre l'unilinguisme, ils ne sont pas contre la langue française, ils ne sont pas contre les francophones, mais ils veulent s'intégrer à la société québécoise avec tout ce que cela comporte. Il ne faudrait pas croire que, quand on veut critiquer une politique du Parti québécois, on critique nécessairement les francophones. J'appuie les propos qui ont été cités par le député de Gaspé, venant du président de la communauté polonaise, relativement à la reconnaissance de l'identité québécoise. La question est: Comment allons-nous y arriver? Je dis que c'est par incitation, ce n'est pas par coercition; c'est en comprenant les problèmes des allophones. Ils ont déjà un désavantage ici — c'est ce que je voulais dire hier — et l'unilinguisme, pour eux, ce serait un double désavantage. Les groupes ethniques on dénoncé le projet de loi 101 pour les raisons que je viens de vous donner, non pas parce qu'ils étaient contre le fait français ou contre les francophones du Québec. Je voudrais — en dehors d'un esprit de partisanerie, car cela est trop important — qu'on comprenne cela, M. le Président.

C'est une mesure transitoire; cela répond aux besoins qu'ils perçoivent, cela répond aussi aux promesses que le premier ministre a faites le 25 octobre et à celles du ministre de l'Education, quand il est allé à Notre-Dame-de-Pompéi, le 7 novembre, et a promis aux Italiens d'utiliser le recensement de la langue parlée à la maison comme critère d'admissibilité. Ce n'est pas une demande de retourner au libre choix, mais c'est une reconnaissance des besoins que ce groupe, M. le Président,

c'est dans ce sens que j'ai fait cet amendement et j'espère que c'est dans ce sens que cela sera interprété par les membres de la commission.

Le Président (M. Cardinal): Merci de votre collaboration, M. le député de Mont-Royal. Puis-je mettre la motion d'amendement du député de Mont-Royal aux voix? Non.

M. Grenier: Seulement une minute pour terminer. Peut-être qu'on pourrait voter, même avant le dîner...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, allez-y.

M. Grenier: ...non pas pour utiliser du temps, bien sûr, mais pour dire que cette proposition rejoint exactement, on ne peut plus, la position que j'ai combattue à l'intérieur du bill 63. C'est exactement sur ce fait-là que j'étais allé voir le premier ministre du temps pour lui demander d'ajuster cet article, afin que je puisse voter pour la loi 63. On touche justement à cela, ce matin. Comme vous voyez, c'est une vieille affaire qui traîne depuis 1969 et qui est difficilement conciliable...

Le Président (M. Cardinal): Nous traînons présentement sur l'article 69.

M. Grenier: Oui, aussi. Vous l'avez aussi vécue, cette période, M. le Président. Je trouve un peu étrange que, dans les discours purement théoriques, les grands discours, tout le monde à cette table soit pour la promotion du français mais, quand on arrive dans les faits, qu'on s'accroche toujours à un article comme celui-là. Je pense que si on veut l'être en théorie, il va falloir l'être en pratique aussi. Je pense qu'il n'y a rien, comme on le signalait, sur ces centaines de petits allophones, mais, finalement, cela finit par en faire 16 000 et il faut que la loi commence quelque part.

Je pense que c'est le temps qu'on décide que cet article, qui ressemble étrangement à l'article de la loi 63, qui a été rejeté par l'équipe libérale, en 1974, qu'on n'y revienne pas, et je pense bien que ce serait tout à fait dans l'ordre, que ce qu'on a convenu tout à l'heure, cette erre d'aller qu'ont les allophones qui arrivent, de s'incorporer à la communauté canadienne-française, ils n'en exigent pas tant, ils n'exigent même pas une motion ce matin, puisqu'on dit que, dans ce groupe bien spécifique, les chiffres sont énormément changés, depuis la comparution déjà de la CECM de Montréal. Raison de plus justement de ne pas amener une motion ce matin pour dire qu'on veut leur donner des droits qu'ils exigeaient il y a cinq ou six ans et qu'ils ne veulent déjà plus. Je me demande pourquoi on en donne plus que le client en demande.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Alors, madame et messieurs, est-ce que je puis mettre aux voix la motion de M. le député de Mont-Royal?

M. Grenier: Est-ce qu'on peut voter avant de partir?

Le Président (M. Cardinal): II faudrait voter deux fois. Il faut suivre la technique. Il faudrait voter sur la motion et voter ensuite sur tout l'article tel qu'amendé.

Non, on a demandé l'appel nominal.

Vote sur la motion

Le Président (M. Cardinal): Alors, sur la motion de M. le député de Mont-Royal, je n'ai pas besoin de relire, nous en avons parlé suffisamment longtemps, je pense, vous m'indiquerez si vous êtes favorables... Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, est-ce qu'on va faire les deux votes avant de suspendre?

Le Président (M. Cardinal): Je voudrais tenter de le faire.

M. Paquette: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Alors, sur la motion d'amendement. M. Alfred (Papineau)?

M. Alfred: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier); M. Morin (Sauvé), M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm).

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille

(Deux-Montagnes).

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay).

M. Dussault: Absolument contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Raynauld (Outremont).

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Vaillancourt (Jonquière).

M. Vaillancourt (Jonquière): Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget).

M. Laurin (Bourget): Contre.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé).

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Raquette (Rosemont).

M. Paquette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud), absent. M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Mackasey: M. le Président Cardinal, pour.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. Samson (Rouyn-Noranda), absent.

Le résultat du vote sur la motion d'amendement est le suivant: Contre: 11; Favorables: 4; La motion est rejetée.

Etes-vous prêts à adopter, en bloc, l'article 69 tel qu'amendé.

M. Charron: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Demandez-vous un vote ou si...

M. Ciaccia: Un vote nominal.

M. Charron: Un vote nominal, M. le Président.

Vote sur l'article 69 tel qu'amendé

Le Président (M. Cardinal): Alors, pour l'article 69, tel qu'amendé à l'alinéa c), vous m'indiquerez si vous êtes favorables ou défavorables.

M. Alfred (Papineau)?

M. Alfred: Favorable.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Charron: C'est l'amendement du ministre de l'Education.

M. Mackasey: Est-ce que c'est un amendement ou une question de...

M. Charron: C'est de changer les mots "au Québec" de place. Le député devrait s'en rappeler, il était...

Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est un amendement... Si vous permettez, je peux le sortir de nouveau, c'est au journal des Débats.

M. Charron: Mais, vous vous rappelez. Ne faites donc pas exprès pour allonger inutilement... Servez-vous de votre tête enfin.

Le Président (M. Cardinal): Je vous ai tous distribué ce texte. Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce n'était pas présent; c'est parce que vous avez remplacé M. le député de Jacques-Cartier.

M. Laurin:... au Québec en anglais et qu'il les continue en anglais à l'étranger, de revenir les poursuivre au Québec en anglais, lorsqu'il revient. Vous auriez sûrement voté pour.

M. Mackasey: M. le Président, seulement pour......les arguments de tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: Une minute! On ne s'entend pas sur le vote.

M. Ciaccia: M. le Président, on veut savoir vraiment pourquoi nous votons. Ce n'est pas pour perdre du temps.

Le Président (M. Cardinal): Bon! Je vais... Ecoutez!

M. Ciaccia: Est-ce qu'on vote pour l'article 69 globalement...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Pourquoi a-t-il dit ça?

Le Président (M. Cardinal): Je peux vous lire l'article en entier, si vous voulez.

M. Ciaccia: Non, non.

Le Président (M. Cardinal): Bien, c'est le seul moyen parce que j'ai distribué, à tous et chacun, le texte de l'article amendé. Je comprends qu'il y a des remplacements, et je ne voudrais pas que, sur une question de procédure...

M. Ciaccia: Non.

Le Président (M. Cardinal):... l'on retardât un vote.

M. Ciaccia: Non, M. le Président, ce n'est pas l'intention. Vous avez fait référence à l'article 69...

Le Président (M. Cardinal): Cela a besoin d'être très bref, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: ... c). Est-ce que nous votons maintenant sur le paragraphe c) seulement ou si...

Le Président (M. Cardinal): Non, nous votons sur l'article 69 en entier.

M. Ciaccia: Bon! Très bien! Merci! C'est tout ce que je voulais savoir, M. le Président. Vous n'avez pas besoin de vous énerver.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! D'accord! Le tout sans violence!

Article 69 en entier, mais tel qu'amendé, parce qu'il y a eu un amendement. Bon! M. Alfred (Papineau)?

M. Alfred: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)? Absent. M. Morin (Sauvé)? Absent. M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Depuis longtemps pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Favorable.

Le Président (M. Cardinal): M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Vaillancourt (Jonquière)?

M. Vaillancourt (Jonquière): Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud), absent. M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Mackasey: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda), absent.

Le résultat du vote sur l'article 69 est le suivant: Pour: 9 — Contre: 6.

L'article 69 est adopté, et les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 3)

Reprise de la séance à 16 h 58

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Messieurs les ministres et députés, si vous voulez bien regagner vos fauteuils. C'est une nouvelle séance de la Commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour l'étude du projet de loi 101, Charte de la langue française, après la deuxième lecture.

Je vais faire l'appel des membres de la commission. M. Alfred (Papineau).

M. Alfred: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier). M. Charbonneau (Verchères). M. Charron (Saint-Jacques).

M. Charron: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm) remplacé par M. Morin (Sauvé).

M. Morin (Sauvé): Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal). M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes).

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay).

M. Dussault: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys). M. Laplante (Bourassa). M. Laurin (Bourget).

M. Laurin: Cela va.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé).

M. Le Moignan: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Mackasey: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Mackasey: Ce nom vous intrigue, M. Cardinal.

Le Président (M. Cardinal): II est aussi difficile de prononcer mon nom en anglais que de prononcer le vôtre en français. Sur ce...

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant, si vous le permettez, je vous donnerai la parole immédiatement après.

Nous commençons cette séance qui se continuera selon et à la fois, la motion qui vient d'être adoptée en Chambre et le désir de la commission jusqu'au moment où celle-ci en décidera. Ce sera une seule séance, de toute façon. Il y aura ensuite ajournement à demain dix heures, suite à l'avis donné en Chambre. Sur ce, M. le leader parlementaire adjoint.

M. Charron: M. le Président, autant ne pas faire de cachotterie à personne et organiser rationnellement la séance de travail qui débute fort tard pour une séance d'après-midi. Puisque la motion qui vient d'être votée par l'Assemblée nous en donne le loisir, je crois que nous en bénéficierons pour avancer dans nos travaux. Nous ajournerons, vraisemblablement, dans 45 minutes pour aller participer au vote sur la motion...

Le Président (M. Cardinal): Nous suspendrons.

M. Charron: Nous suspendrons, je m'excuse, M. le Président, nos travaux vers 17 h 45 pour aller voter sur la motion présentée par le leader de l'Opposition à l'Assemblée et nous reprendrons nos travaux de 20 heures à 23 heures ce soir.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, monsieur...

Mme Lavoie-Roux: ...consentement unanime.

Le Président (M. Cardinal): Non, un instant! M. le député de Saint-Jacques.

Auparavant, je voudrais souligner que je viens d'apprendre du whip de votre parti que M. Bertrand (Vanier) est remplacé par M. Vaillancourt

(Jonquière). Je veux le souligner, pour les fins des écritures.

Vous venez de faire, je ne sais si c'est une suggestion, un voeu ou une motion, mais, évidemment, c'est à la commission à en décider, elle est maîtresse de ses travaux. J'aimerais que nous ne prenions pas de 17 heures...

M. Charron: A décider de cela.

Le Président (M. Cardinal): C'est un peu comme l'autre soir. Il y a eu une discussion semblable et on aurait pu discuter jusqu'à 22 heures, pour savoir si nous siégions jusqu'à 20 heures.

Oui, M. le député de Mont-Royal, sur la même question:

M. Ciaccia: Sur la même question, je voudrais seulement faire remarquer à la présidence que, d'après la motion que le leader parlementaire a faite et les explications qu'il a données, il a dit: La commission décidera elle-même, selon ses travaux. Je me demande si c'est prématuré. Nous n'avons même pas commencé et on nous dit maintenant: Nous allons siéger ce soir. L'implication claire du leader parlementaire était que, le tout dépendant des travaux de cet après-midi, on déciderait à 18 heures ce que nous devions faire ce soir.

Si on nous le dit aussitôt que nous entrons ici, il aurait été mieux de le dire en Chambre, au moins, on aurait su à quoi s'attendre. Cela aurait été plus honnête, M. le Président. Franchement!

M. Morin (Sauvé): C'est parce qu'il y a trois commissions.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas trois commissions. Il n'y en a que deux. Il n'est pas possible qu'il y en ait trois pendant que la Chambre siège. Il y a deux commissions qui siègent cet après-midi et sans doute ce soir.

M. Charron: M. le Président, je pense que je sais...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! J'avais reconnu Mme le député de L'Acadie auparavant et, tout de suite après, M. le député de Saint-Jacques.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux quand même vous donner nos intentions, à ce moment-ci. J'abonde un peu dans le sens du député de Mont-Royal que ce qui a été dit en Chambre devient un peu inutile. Je veux quand même vous faire part des intentions du Parti libéral, pour les articles qui suivent. Peut-être qu'à ce moment on pourrait voir et ensuite prendre une décision. Je ne sais pas si votre motion est formelle sur la table. C'est une autre affaire.

C'était une directive d'ailleurs que je voulais vous demander, M. le Président. Pour les articles 70, 71, 72, 73, 74, 75, il n'y aurait que de petites questions d'information que nous aimerions poser. Si on procédait comme cela, si on peut s'éloi- gner de la formule de discussion habituelle et simplement poser des questions, ceci à notre point de vue, pourrait être très court.

Après cela, à l'article 76, nous avons un amendement. Je crois que le ministre en a un à l'article 77, si je ne m'abuse, si je me réfère à ce qui a été dit hier soir.

Dans les autres qui suivent, de mémoire, je ne peux pas vous dire, on a probablement un ou deux autres amendements, mais on n'en a pas avant 76 et on serait bien prêt à procéder rapidement pour se rendre à 76. Vous nous dites, que selon la façon dont vont se dérouler les travaux, vous déciderez ce que vous faites après le souper et vous venez de nous annoncer qu'on siège de 8 heures à 11 heures. On arrivait avec de bonnes intentions et vous nous donnez un peu une douche d'eau froide.

Le Président (M. Cardinal): Ecoutez juste un très bref commentaire. C'est la commission qui doit décider, ce n'est pas un ministre ou un député. J'ai reconnu, dans l'ordre, M. le député de Saint-Jacques et M. le député de Mégantic-Compton.

M. Charron: M. le Président, j'avais essayé de gagner du temps et on va être obligé d'expliquer encore une fois. Je prends bonne note des intentions de l'Opposition officielle exprimées sur les articles auxquels nous sommes arrivés maintenant, depuis que nous avons disposé de 69. Tant mieux. Je rappelle simplement à Mme le député que l'article que nous avons pris deux jours et demi à adopter n'était que le huitième que nous adoptions dans un projet de loi qui en compte 219. Je n'ai pas besoin d'attendre jusqu'à 6 heures pour savoir que cette commission a besoin de toute la latitude que la motion du gouvernement vient de lui offrir. La latitude, ce serait aux collègues des Affaires municipales qui siègent en même temps que nous, peut-être, de l'utiliser à discrétion, mais cela saute aux yeux que, quand on a déjà pris une semaine, à peu près, de travaux complets — cette commission en est à son sixième jour de travail — et qu'on a adopté huit articles dans un projet de loi qui en compte 219 et que pareille motion appelle de la latitude, je sais d'avance, je n'ai pas besoin d'attendre à 6 heures moins le quart pour savoir que j'ai besoin des trois heures de travail de ce soir.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous faites un peu fi de ce que le leader a dit!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Mégantic-Compton et, ensuite, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Grenier: M. le Président, entre la décision prise en Chambre et ce qui se produit ici, il y a une marge. Pour nous, quant au rythme accéléré de la commission, bien sûr, en principe, il n'y a pas un député qui va dire qu'il est contre parce qu'il y a des journalistes qui assistent à la séance. En pratique, on se rend compte que les moyens adoptés

sont des moyens de bulldozer et on aurait aimé le savoir avant. Quand on voit qu'on a perdu une soirée, comme on en a perdu une hier soir, parce que le gouvernement ne réussit pas à déposer ses amendements...

M. Guay: Ils sont devant vous.

M. Grenier: ...qu'on perd son temps comme on l'a fait hier soir à discuter d'une motion qui aurait peut-être dû être retirée au tout début et qu'on a perdu presque trois heures à discuter d'une motion proposée qui avait sa place, à mon sens, celle du député de L'Acadie, c'est difficile d'arriver le lendemain et de demander la collaboration de tout le monde, c'est-à-dire reprendre encore à 17 heures et de siéger, comme on le propose, jusqu'à 20 heures.

Personnellement, je trouve que les offres qui nous ont été faites en Chambre... Puisqu'on arrive ici, j'aurais voulu qu'on avance, qu'on se dirige vers des articles et qu'on décide, avant le souper, ce qu'on va faire après.

S'il y avait lieu, encore une fois, que le gouvernement nous dise vers quoi il se dirige, il me semble qu'on travaillerait plus clairement. Qu'on ait sur la table des propositions sur lesquelles les partis de l'Opposition puissent se pencher pour faire avancer les travaux.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, et ensuite M. le député de Mont-Royal.

M. Mackasey: Je partage, M. le Président, un peu les sentiments du ministre, le député de Saint-Jacques, dans le sens que je pense qu'on ne fait pas beaucoup de progrès sur le projet de loi 101. C'est peut-être parce qu'on commence chaque séance dans une atmosphère positive, mais, après deux ou trois minutes, nous sommes devenus des adversaires comme si on était dans un débat à l'Assemblée nationale. C'est vraiment la forme pour faire les débats...

Nous sommes ici pour améliorer un projet de loi. J'ai toujours été prêt à accepter les amendements, qu'ils viennent de l'Union Nationale, du gouvernement, ou du ministre, si, à ma connaissance, c'est pour l'amélioration du projet de loi. Je n'ai jamais vu une loi tellement parfaite qu'il n'était pas nécessaire d'aller en commission pour y faire des améliorations, y apporter des précisions. C'est mieux qu'on prenne un peu plus de temps sur quelques articles de la loi pour prévenir les injustices prévues par personne et que personne ne désire, certainement pas le ministre. La conséquence de cela, c'est de revenir avec un bill qui est embarrassant pour tous les ministres, je le sais par expérience. Cela arrive.

Le but de notre commission, c'est de travailler ensemble, autant que possible. Je ne peux pas dire que nous ne sommes pas d'accord, de temps en temps, sur l'interprétation d'un article, mais j'ai pris de bonne foi les déclarations du leader du gouvernement, cet après-midi, et j'ai essayé, justement, pour ne pas venir discuter trop longtemps ici ou travailler sur le bill...

Ce que vraiment le leader du gouvernement voulait dire? J'ai essayé, à deux ou trois reprises, de lui poser une question dans ce sens, quand il parlait des commissions, si on allait siéger ce soir, entre 5 heures et 8 heures ou de 8 heures à 11 heures, je me demande si vraiment le leader avait même la permission ou le droit, et vous êtes plus savant que moi dans les règlements, s'il avait le droit, dis-je, de céder ce pouvoir à la commission qui, normalement, devrait être décidé à l'Assemblée nationale. C'est la première question que je voulais lui poser.

Deuxièmement, quand on parle de commission, on est aussi bien de parler du gouvernement dans le sens que nous ne sommes pas majoritaires. Nous sommes minoritaires. Je voulais demander au leader du gouvernement, qui est un homme raisonnable, s'il prend vraiment en considération les heures, surtout pour mes collègues qui ont siégé le lundi, le mercredi, etc., qu'au moins la décision selon laquelle on siège ou pas soit prise par un vote unanime. Sinon, le point de vue de l'Opposition ne vaut pas grand-chose.

Nous sommes minoritaires et si, par exemple, le gouvernement dit que si nous sommes de bons amis, si nous passons onze, douze, treize articles, peut-être qu'à 6 heures, on va songer à nous récompenser comme des enfants d'école avec un congé ce soir. Cela ne va pas. Je pense que cela ne crée pas l'atmosphère qu'on désire. Quand arrive le temps de décider si on travaille entre 5 heures et 8 heures, si on ne travaille pas du tout ce soir, ou si on travaille de 6 heures à 11 heures, cela prendrait une motion. Cette motion, on peut la discuter. J'espère que ce n'est pas nécessaire. J'espère vraiment qu'on peut avancer sur...

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, justement, comme président je suis présentement très mal à l'aise. J'ai maintenant devant moi une motion formelle, rédigée par écrit, conformément au règlement. Nous pouvons, vous pouvez discuter de cette motion, en vertu de l'article 160, et nous pouvons perdre tout le temps à décider de cette motion. Vous avez raison, dans un sens, il est bien évident que lorsqu'elle ira au vote, la majorité en décidera, comme c'est la règle. Cela aurait pu se faire à l'Assemblée nationale. Le leader parlementaire a décidé de remettre cette décision à la commission, probablement — ce n'est pas une imputation d'intention — pour que l'Assemblée puisse continuer ses travaux.

Je puis tout simplement faire un appel aux membres de la commission pour qu'une décision soit rapidement prise à ce sujet, mais les membres de la commission ne sont pas liés par mon appel, et je n'ai pas l'intention de faire un discours qui prendrait le temps des députés de la commission, mais je vais immédiatement lire la motion qui est devant moi. Je dis tout de suite, parce que je ne veux brimer aucun droit, que j'ai reconnu ensuite M. le député de Mont-Royal et Mme le député de L'Acadie.

Or, la motion de M. le député de Saint-Jacques se lit comme suit: "Que la commission

suspende ses travaux de 18 heures à 20 heures et reprenne ensuite ses travaux de 20 heures à 23 heures."

Sur cette motion, et rien d'autre, M. le député de Mont-Royal.

M. Mackasey: Notre-Dame-de-Grâce, je pense.

M. Ciaccia: II n'avait pas terminé, excusez. Le Président (M. Cardinal): Bien, monsieur...

M. Mackasey: Je vous ai posé une question, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: ... c'est seulement pour une information, parce que vous savez plus que moi, avec votre expérience à l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mackasey: Vous n'avez pas coupé...

Le Président (M. Cardinal): Non, j'aimerais bien comprendre le député de Notre-Dame-de-Grâce, et j'aimerais que les autres députés écoutent pendant que le député de Notre-Dame-de-Grâce s'exprime.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je vous remercie, M. le Président, parce que les règlements de l'Assemblée nationale sont ceux de l'Assemblée nationale et ils sont peut être un peu en variation avec les règlements, mais probablement que c'est mieux pour l'Assemblée nationale. Alors, je prends votre conseil.

Il me semble que, pour les parlementaires, la jurisprudence, c'est très important, et je pense que nous sommes en train de créer de la jurisprudence ici. Dans ce sens, M. le Président, je n'ai aucune autre objection à ce qu'on crée de la jurisprudence par une décision prise ici, que ce soit...... parce que, sans doute, ce sera la base des décisions à l'avenir.

Vous savez mieux que moi qu'il y a l'article 150, qui est un petit peu ambigu, et que nous sommes en train, à l'heure actuelle, de discuter, n'est-ce pas?

Partant de l'article 150 du règlement, qui est ambigu, ce n'est pas la faute du président, c'est la faute du député, c'est à lui de clarifier ce qu'il voulait dire par l'article 150, il cède quand même le pouvoir au leader du gouvernement, selon l'article 150; il est peut-être défectueux, non pas par la faute du président, encore une fois, de dire: On va siéger...

Le gouvernement, malgré les autres lois, a le droit de décider par... malgré les autres lois, peut décider si une commission va siéger en dehors des heures régulières, mais aujourd'hui, le leader du gouvernement a cédé ce pouvoir...et même, nous ne sommes pas tout à fait d'accord sur sa façon de procéder... Il cède à la commission...

Il me semble que c'est un geste complètement en dehors et illégal. Le précédent est qu'à l'avenir, une commission, sans les instructions implicites de l'Assemblée nationale, puisque cette jurisprudence, décide elle-même... la majorité peut elle-même décider de siéger samedi, dimanche, lundi soir, au mois de novembre, à Noël, si vous voulez, du moment qu'on a établi ici une autre méthode de décider si...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, demandez-vous une directive ou parlez-vous sur la motion?

M. Mackasey: ...je ne faisais que poser la question. On n'a pas encore discuté de la motion. Même la motion... quand j'ai commencé à parler, mais le président est au courant de cela et il dit cela en vérité...

Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi je vous pose la question.

M. Mackasey: Si vous voulez que je commence par une question...

Le Président (M. Cardinal): Non.

M. Mackasey: ...je laisserai commencer un autre et je prendrai mes 20 minutes tout à l'heure.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous m'avez posé une double question. Je répondrai... Je vais tenter d'y répondre brièvement — la question est longue — en trois points. Premièrement, le règlement prévoit que la commission est maîtresse de ses travaux dans les limites d'un ordre de la Chambre, des règlements et des usages.

Or — c'est le deuxième point — les usages dans le passé... Lorsque les commissions parlementaires ont commencé en 1968, l'ordre de la Chambre était plutôt vague et les commissions décidaient de leurs heures de séance, non pas de leurs jours de séance, parce que chaque jour constitue en soi une séance et même, parfois, deux séances.

Deuxième point. Il est exact que, pendant que vous me demandez cette directive, à l'Assemblée nationale, l'on discute d'une motion de M. le député de Laval à savoir si l'article 150 doit être modifié pour indiquer que les commissions siégeront à certaines heures fixées dans cette motion. Je ne veux pas préjuger du vote qui sera pris vers 17 h 45.

Le troisième point, c'est qu'il y a eu une motion d'adoptée à l'Assemblée nationale il y a quelques minutes et, à ce moment-là, comme président, quels que soient mes impressions, mes intentions ou mes désirs, je suis lié par cette motion qui nous dit deux choses: que nous devions commencer à siéger immédiatement, ce que nous avons fait, et que la commission elle-même déciderait si, à 18 heures, elle suspendrait ses travaux

ou si, à 18 heures, elle continuerait ses travaux ou si, à 18 heures, elle déciderait de siéger dans la soirée.

Ma directive est que la commission est liée par cette motion adoptée par l'Assemblée nationale et que nous devons maintenant discuter de la motion de M. le député de Saint-Jacques, selon laquelle nous siégerions jusqu'à 18 heures, suspendrions à 18 heures, reprendrions les travaux à 20 heures jusqu'à 23 heures. Maintenant, j'aimerais que nous parlions de la motion.

M. le député de...

M. Mackasey: Est-ce que la motion est recevable? C'est ce que je veux savoir.

Le Président (M. Cardinal): La motion est certainement recevable, en vertu du mandat que nous avons reçu de l'Assemblée nationale.

M. Mackasey: De l'Assemblée nationale ou du leader du gouvernement?

Le Président (M. Cardinal): Non, de l'Assemblée nationale. Je m'excuse. Je viens de rendre une directive suite à votre question. J'ai dit que nous étions...

M. Mackasey: Je pose une question. J'ai seulement... Ce n'est pas vous.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paquette: Ne soulevez pas un débat! Vous n'étiez pas là.

Le Président (M. Cardinal): J'ai dit que nous étions liés par un vote pris à l'Assemblée nationale. M. le député de Mont-Royal avait demandé la parole sur la motion.

M. Ciaccia: Non.

Le Président (M. Cardinal): Vous cédez votre droit de parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys ou de L'Acadie?

M. Lalonde: M. le Président, je ne comprends pas le gouvernement à ce stade-ci. Nous sommes arrivés ici à 17 h 15, nous sommes arrivés ici pour discuter des articles, d'après ce qu'on m'a dit...

Le Président (M. Cardinal): A 17 h 13.

M. Lalonde: Oui, à 17 h 13. On m'a dit — j'ai été absent ce matin, je devais aller à la commission parlementaire de la justice sur un autre projet de loi— on m'a dit que l'article 69 était adopté ou enfin qu'on a disposé d'un dernier amendement que nous avions.

Mme Lavoie-Roux: II a été adopté.

M. Lalonde: Le député de L'Acadie a déjà indiqué qu'on n'a pas de problèmes majeurs, qu'on n'a pas d'amendements à proposer aux articles 70 à 76, je pense, exclusivement, et, tout à coup, il semble que, lorsque le député de Saint-Jacques s'occupe de procédure, on s'embourbe quelque part. Qu'on se souvienne du retrait du projet de loi 1. Pourquoi si c'est le désir du gouvernement de nous faire siéger ce soir, ne pas l'avoir dit en haut? C'est aussi simple que cela. Nous, nous ne voulons pas siéger le mercredi soir, on l'a dit depuis le début. Alors, qu'on ne nous le demande pas. C'est non. Si on avait au moins vu que les travaux étaient embourbés, et qu'aux articles 70 et 71, on traîne une heure là-dessus, ou une demi-heure, là, on aurait pu dire: On ne va pas assez vite, on va siéger ce soir. Mais on n'a même pas eu la décence d'attaquer l'article 70 après notre indication, notre volonté, notre intention d'étudier l'article 70, de faire avancer ce projet de loi. L'article 69, on le sait, est un article extrêmement controversé et on en a disposé après plusieurs heures de débat et sans aucun sous-amendement.

Mais, M. le Président, on nous demande actuellement de perdre le temps précieux de cette commission et de tous les gens qui sont ici pour discuter simplement d'une motion pour ajourner les travaux à 20 heures.

M. Paquette: Arrêtez d'en parler. M. Guay: Arrêtez d'en perdre.

M. Lalonde: Nous ne comprenons pas ce que vous avez dans la tête.

Une Voix: Pour rétablir les faits...

M. Lalonde: Etudions la loi.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Lalonde: Etudions la loi, et si vous nous demandez...

M. Paquette: Adoptons la motion, et je vais vous le dire dans deux minutes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Tout le monde.

M. Guay: Le "filibuster" est-il commencé?

M. Lalonde: Ce n'est pas un "filibuster". M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et les autres, à l'ordre, s'il vous plaît! Ecoutez, je sais à quoi m'attendre ce soir. Par conséquent, vous pouvez chacun prendre votre stratégie, ce n'est pas à moi à vous donner des conseils, mais je voudrais que l'on discute de la motion. C'est ce que fait présentement M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Il a le droit, en le faisant, d'attaquer le gouvernement. C'est la règle du jeu, et je voudrais qu'on lui laisse la parole.

M. Lalonde: M. le Président, cela peut être aussi une manoeuvre. Naturellement, avec ce gouvernement de scénario et de parade, on sait très bien qu'on va tenter de démontrer que ces vingt minutes pendant lesquelles nous allons nous opposer à l'ajournement des travaux à 20 heures... on va dire que c'est un "filibuster". On connaît le député de Taschereau. Hier soir, par sa brillante intervention, après mon discours, on s'en souvient... On veut démontrer qu'on fait un "filibuster" simplement parce qu'on va s'opposer pendant quelques minutes à une motion qui n'a pas de bon sens.

M. le Président — excusez-moi si je vous appelle Mme, je viens de parler à une Mme le Président en haut — c'est clair, nous n'avons jamais consenti à siéger le mercredi soir. Nous l'avons fait, forcés par le gouvernement. Nous avons accepté pour les lundis. Nous avions même voté pour siéger le lundi, mais pas le mercredi soir, et pour des raisons qui sont connues et qui sont fort traditionnelles.

Je sais qu'on va tenter de démontrer que l'Opposition officielle fait un "filibuster". Imaginez-vous! Il faudrait quand même que les députés ministériels aillent à l'école. Qu'ils demandent au député de Saint-Jacques ce que c'est qu'un "filibuster". Lui, il le sait. Lui, il en a fait. Lisez les Débats au moins, si vous n'avez pas eu le bonheur de l'entendre, parce que je vous dis qu'il faisait cela très bien, sûrement, et je lui rends hommage.

M. Charron: Merci beaucoup.

M. Lalonde: J'ai appris, à relire les débats sur la loi 22, que je n'ai pas suivis, seulement pour savoir comment ne pas faire un "filibuster".

Le député de Saint-Jacques sait comment se fait un "filibuster". Je suis convaincu que les gens ne se laisseront pas prendre par ce nouveau scénario d'un gouvernement d'images, d'un gouvernement de parade, d'un gouvernement de pirouettes.

M. Guay: Comment va Bourassa de ce temps-ci?

M. Lalonde: M. le Président, je ne voterai pas en faveur de cette motion, pour travailler à l'étude de ce projet de loi ce soir, de 20 heures à 23 heures.

M. Paquette: Auriez-vous voté pour en Chambre?

M. Lalonde: Je ne voterai pas. C'est le choix du gouvernement.

M. Paquette: Auriez-vous voté pour en Chambre?

M. Lalonde: Le gouvernement a choisi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de

Rosemont, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je n'aurais pas été appelé à voter pour parce qu'une motion...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'on pourrait au moins, pendant que le président parle, le laisser parler? M. le député de Rosemont a le droit de vous poser une question. J'ai le droit de dire si vous allez lui répondre ou non.

M. Lalonde: Je vais répondre, M. le Président. Je pense que sa question n'est pas pertinente. Je ne veux pas dire impertinente. Elle n'est pas pertinente dans le sens — et le président pourra me corriger — que pour faire siéger la commission ce soir, cela aurait pris un avis du leader et non pas une motion. La motion, c'est seulement pour faire siéger la commission pendant que la Chambre siège, alors qu'un avis dit simplement... Donc, je n'aurais pas été appelé à voter sur un avis du leader du gouvernement.

M. le Président, c'est clair. Nous voulons avancer.

Nous aurions espéré que le gouvernement prenne les 45 minutes qui nous ont été offertes par l'Assemblée nationale, presque unanimement, je crois, pour étudier le projet de loi, article par article, au lieu de transporter le débat sur les travaux de la Chambre ici, à cette commission, alors qu'on a autre chose à faire.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement dire que, moi non plus, je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je suis arrivée ici immédiatement, je vous ai demandé la parole avant même que qui que ce soit ouvre la bouche pour vous faire connaître les intentions de l'Opposition officielle de procéder, pour voir où nous nous rendrions. Pour moi, il n'y avait aucune objection, pour autant que l'Opposition officielle était concernée, il n'y avait pas de difficulté à accepter les articles 70, 71, 72, 73, 74, 75 avant le souper et, à ce moment, on aurait pu décider si nous continuions après le souper.

M. Charron: Madame, me prenez-vous pour un enfant de la dernière pluie?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Pendant ce temps, que fait le député de Saint-Jacques? Il nous dit: Je n'ai pas besoin d'avoir votre avis, je sais qu'il faut qu'on siège après le souper. Quelle est la comédie qu'on a faite en haut en disant à la commission de décider ce qu'elle va faire, alors que vous venez nous dire: Je n'ai pas besoin de connaître votre avis, je sais qu'il faut qu'on siège après le souper? Et il

s'efforce de dire: Cela fait une semaine qu'on est à l'article 69. D'abord, première des choses, si vous aviez été ici plus souvent, cela ne fait pas une semaine qu'on est à 69 et vous savez fort bien que c'est l'article noeud et l'article le plus important de toute cette loi. L'article le plus controversé, nous l'avons adopté ce matin et nous étions prêts à continuer. Je vous ai parlé d'une motion à l'article 76 que nous aurions faite et qui, je pense, n'aurait pas suscité non plus de longues discussions. A ce moment, nous serions arrivés à l'article 77 et c'est le ministre de l'Education qui, je pense, veut présenter un amendement. Je trouve qu'essayer de déplacer d'un endroit à l'autre ce genre de discussion, pour ensuite nous en faire porter l'odieux, ce sont des manoeuvres qui ressemblent à celles qu'on a vues il y a à peu près trois semaines.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal et ensuite M. le député de Rosemont.

M. Ciaccia: M. le Président, le leader parlementaire nous a clairement laissé entendre, il nous a dit que nous allions commencer à siéger et, selon le déroulement des travaux de la commission, la commission prendrait la décision de siéger ou de ne pas siéger ce soir. Je m'attendais, M. le Président, de venir ici et de commencer à discuter des articles, en commençant avec l'article 70. Nous avions pleinement l'intention, comme le député de L'Acadie l'a dit, de poser quelques questions — on n'a pas d'amendement — et de passer aussi vite que possible sur les articles qui ne sont pas controversés.

M. le Président, même avant qu'on commence la discussion d'un article, on nous annonce qu'on fait une motion pour siéger ce soir. M. le Président, le gouvernement agit ici de mauvaise foi. C'est vraiment de la mauvaise foi que de nous avoir laissé entendre en Chambre que cela dépendait de notre bonne foi. Le public, les gens qui ont entendu le leader parlementaire, quand ils sauront qu'on siège ce soir, que diront-ils? Ils diront: Encore les libéraux, c'est la faute des libéraux qui n'ont pas voulu faire que les travaux se déroulent convenablement et le gouvernement a été obligé de siéger. Ce n'est pas cela du tout et c'est pour cela qu'on l'explique. Quand on explique un geste du gouvernement, immédiatement, on se fait accuser de "filibuster". Ce n'est pas juste, M. le Président, je ne peux pas accepter cela et je dois protester contre cette façon d'agir, contre cette façon de nous bousculer, de nous pousser et d'essayer de nous prêter des intentions et des actes que nous n'avons pas. Le député de Saint-Jacques nous accuse et nous dit qu'on a passé une semaine sur huit articles.

M. le Président, franchement, en anglais on dit: "The pot calls the kettle black". Parce que c'est le député de Saint-Jacques qui avait, je crois, avec ses collègues, passé deux semaines sur un article concernant la loi 22.

On a quand même, sur des articles fondamentaux comme les articles 1 à 6, les droits fondamen- taux dont le gouvernement nous a dit clairement qu'il était important de discuter, même avant de discuter de la langue d'enseignement... Nous les avons passés ces articles et je veux rappeler que nous avons voté pour. Nous avons eu certaines questions; nous avons soulevé certains points d'ordre technique, mais les principes et les articles eux-mêmes, nous avons voté pour. Quand nous sommes venus à l'article 69 qui est un article fondamental et important qui va décider des droits des citoyens du Québec, et qui va décider qui peut aller à certaines écoles ou non et qui va affecter les communautés et les groupes ethniques, les minorités, les collectivités au Québec; on ne peut pas nous accuser d'avoir pris trop de temps pour discuter de cet article.

Si on n'en avait pas discuté, le gouvernement nous aurait accusé d'irresponsabilité et nous ne sommes pas irresponsables.

M. Guay: La pertinence du débat, M. le Président.

M. Ciaccia: Nous avons apporté des arguments fort valables et si nous avions voulu faire un "filibuster", on aurait pu faire d'autres amendements à l'article 69; nous serions encore à l'alinéa a). Ce n'est pas cela notre intention, mais je m'oppose à la façon d'agir du gouvernement qui essaie de toujours nous faire porter l'odieux, de démontrer de la mauvaise foi, de ne pas nous donner l'occasion de vraiment être positifs et de travailler au déroulement de cette commission dans une atmosphère plus détendue que celle que le côté ministériel essaie de créer et de, clairement, aller à l'inverse, à rencontre, à l'opposé total de ce qu'a dit le leader parlementaire, de ce qu'il nous avait laissé entendre.

Même le député de Notre-Dame-de-Grâce — je pense qu'il va revenir là-dessus — voulait poser une question au leader parlementaire. Nous autres, on lui a dit: Non, laisse faire. On est de bonne foi, on présume de la bonne foi; on va discuter et, à 18 heures, on va déterminer si nous n'avons pas fait assez de progrès.

M. le Président, je ne peux pas accepter la façon d'agir, la méthode que les ministériels essaient de nous imposer.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Rosemont auparavant, et ensuite M. le député de Mégantic-Compton.

M. Paquette: M. le Président, ce sera très bref, parce que je n'ai pas l'intention d'alimenter ce débat stérile. On nous prête toutes sortes d'intentions, c'est une chose que je déplore à cette commission. On a toujours — je le dis pour les deux côtés de la table — l'impression que l'autre a les plus sombres desseins. Tel n'est pas le cas, M. le Président.

Lorsque le leader du gouvernement a proposé sa motion pour laisser la commission décider de ses heures de travail, la situation était différente; nous ne savions pas, à ce moment-là, qu'on allait

avoir seulement une demi-heure, et il reste actuellement dix minutes.

M. Ciaccia: II le savait, il était 17 heures quand il a fait sa motion.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre! M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je vous réaffirme qu'à ce moment-là, ces faits n'étaient pas connus du leader du gouvernement. On ne pensait pas n'avoir qu'une demi-heure pour discuter des articles du projet de loi. Il reste actuellement dix minutes. Si vous suggérez pourquoi on n'a pas commencé à étudier les articles pour attendre et pour savoir si on allait continuer ce soir, la raison est bien simple, et elle est éloquente, avec tout ce débat. Si on avait attendu à 6 heures moins 10, vous savez très bien que si le débat se poursuit, même à 6 heures moins quart, on ne pourra pas siéger ce soir. Nous voulons donner la chance à tous les partis de faire le meilleur travail possible sur ce projet de loi-là. C'est pourquoi nous avons voulu faire ce débat sur le fait de siéger ce soir dès le début, dès la rentrée, quand on a vu qu'il ne nous resterait pas assez de temps. Je pense que si le Parti libéral ne cesse pas ses interventions, c'est la dernière que je ferai, on a encore 10 minutes, rendu à 6 heures moins quart, c'est fini, on ne siégera pas ce soir. On ne siégera pas ce soir, mais on va perdre énormément de temps et on va avoir un projet de loi moins efficace, moins valable que ce qu'on pourrait faire si on se mettait tous ensemble à travailler là-dessus ce soir. C'est bien clair. Il n'y a pas de mauvais desseins de la part du gouvernement et je vous conjure d'arrêter de parler de cette motion.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: II y a des paroles sages qui viennent de sortir de la bouche du député de Rosemont, peut-être pas dans le sens qu'il les entendait. Si on voulait "désassombrir" ces noirs desseins, je pense que ce soir serait peut-être une soirée de relâche pour permettre au gouvernement de nous donner demain matin ses amendements et qu'on arrête de perdre du temps ici à cette table. Je l'ai dit tout à l'heure un peu en vitesse, on a passé hier soir trois heures à débattre une motion qui était des plus justifiées, proposée par le député de L'Acadie, qu'on a appuyée, pour apprendre qu'il y aurait un amendement dont on connaît très peu la teneur, qui sera proposé à l'article 77 et qui pourrait venir répondre partiellement à ce que...

Le Président (M. Cardinal): Madame, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je pense que la sorte de débat qu'on tient à cette table, inutile de se le cacher, tout le monde le sait d'après les procédures, cela ne pourra pas durer après 6 heures moins quart. C'était pourtant l'intention du gouvernement de nous faire siéger ici jusqu'à 6 heures et, ce soir, nous permettre de faire autre chose. Mais cette espèce de rouleau compresseur qu'on met sur la commission de l'éducation, je pense que ce n'est pas d'un gouvernement responsable d'agir ainsi. J'ai vu le premier ministre nous déclarer, avant de partir en vacances, que ce n'était pas trop de travailler dix mois par année. J'ai à répondre là-dessus que ce n'est pas dix mois, c'est douze mois par année que je travaille. A partir de là, on nous fait travailler le lundi matin, et je me souviens de ce qui s'est passé ici lundi matin. Notre parti avait voté contre le fait de siéger le lundi. On arrive ici et c'est l'Opposition qui a composé le quorum. Voici à quelle heure les gens de la grosse batterie sont arrivés ici. Le ministre responsable du dossier est arrivé ici à 10 h 5 au moment du début de la commission. Le leader parlementaire qui composait la commission est arrivé ici à 10 h 45 et le ministre de l'Education qui composait la commission est arrivé ici à midi moins cinq.

M. Guay: La pertinence du débat, M. le Président.

M. Grenier: Oui, M. le Président, la pertinence du débat pour savoir si on siège ici ce soir.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Cela fait deux fois qu'on invoque cette question. J'avoue que je suis très malheureux de parler de la pertinence du débat.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, cela sent l'irresponsabilité de la part du gouvernement. On dirait qu'on a appris des anciens gouvernements, tant le nôtre que le libéral. On a peut-être appris dans le passé que cela devait se faire ainsi a la fin des sessions, employer un rouleau compresseur. Depuis que ce gouvernement est élu, on nous dit qu'il faut changer des choses.

C'en est une que je suis d'accord pour changer. C'en est une chose qu'on doit changer, de mettre des rouleaux compresseurs à la fin de l'année et d'arriver ici avec des lois qui sont importantes, de vouloir faire travailler les gens 18 heures par jour. Quand j'ai travaillé... M. le Président, je suis parti de chez nous le lundi matin à 5 heures et je travaille le soir jusqu'à minuit ici, à Québec. On n'arrête pas le mercredi soir et on veut nous faire siéger jusqu'au samedi soir. C'est inhumain. Le mercredi soir... je me suis opposé en Chambre... S'il y avait eu un vote en Chambre, j'aurais vote contre. Je n'ai pas honte d'expliquer ça à mes électeurs, chez nous. Je n'ai pas honte d'expliquer à mes électeurs que le lundi on doit être au bureau pour les rencontrer, quand le rouleau compresseur du gouvernement nous dit qu'on doit être ici pour siéger à la commission de l'éducation. Cela se dit... Ah! On parle toujours devant les journalistes: II faut cacher ça. Il faut donner l'impression qu'on travaille. C'est la malhonnêteté des hommes

qui sont depuis trop longtemps en politique, ça. Je vais vous dire honnêtement: On fait des journées de fous ici à Québec. Si on veut "se ressourcer" un peu, il faut se reposer de temps en temps. Hier soir, j'ai terminé à minuit, comme la plupart des gens qui sont ici. Ce matin, à 8 heures, il fallait être sur la "go" et repartir. Demandez ça à un homme d'être capable de fournir, de donner et de donner des six jours par semaine, à part ce qui l'attend dans son comté en fin de semaine.

Une Voix: Cela se fait.

M. Grenier: Si les députés qui siègent à cette commission et, qui sont des députés de la ville de Montréal, par exemple, ont besoin d'une secrétaire pour trois députés parce qu'ils n'ont pas de travail d'administration, nous, on a besoin de trois secrétaires par député, ce qui est l'inverse. Il y a cet aspect à ne pas négliger non plus.

Arriver ici avec un rouleau et nous dire: Vous siégez le mercredi soir et vous siégez le lundi matin, on a la majorité et on va le passer... Si cela s'était passé en Chambre, j'aurais voté contre, et je vous le dis, j'aurais demandé à mon parti de voter contre cette motion.

On a besoin de "se ressourcer" de temps en temps. On a besoin de se reposer quelques heures aussi, même si ça presse, et même si le gouvernement veut adopter cette loi 101 pour se donner trois ans pour la faire oublier, parce qu'il sait que les électeurs ne seront pas satisfaits. Ce n'est pas une raison quand même pour faire mourir le monde de la commission. C'est de l'amateurisme, de l'irresponsabilité. Les visiteurs qui sont ici, qui viennent nous voir discuter, nous voir perdre une heure autour de la table, vont se rendre compte que mon intervention a pas mal de bon sens.

M. Paquette: ...dossiers...

M. Grenier: M. le député de Rosemont, vous viendrez me montrer les dossiers de votre comté et je vous montrerai les miens. Vous verrez que j'ai autre chose à faire, moi, que de siéger autour de la table de la commission de l'éducation...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!

M. Grenier: ...aussi. Je dois remplir mon mandat de député.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre! Là, vraiment, ce n'est plus dans la pertinence du débat.

Est-ce que le député de Mégantic-Compton a terminé?

M. Grenier: Non, une minute seulement. Le Président (M. Cardinal): Bon! D'accord!

M. Grenier: Je voudrais dire au gouvernement, ce soir, de s'asseoir avec ses membres, de tenir un caucus avec les membres de la commission et de nous donner, demain matin, les amendements...

Le Président (M. Cardinal): Sauf le président.

M. Grenier: Pas le président. Non, M. le Président, vous n'êtes pas témoin de ça, vous. Sauf vous, M. le Président, mais que les autres membres de la commission de l'éducation s'asseoient ce soir et nous les produisent, les amendements, et c'est là que cela va être efficace; c'est là que le gouvernement va être transparent, comme on doit s'y attendre depuis qu'on siège ici.

On nous dit que c'est un gouvernement transparent, qu'on nous dépose les amendements pour qu'on sache où on s'en va de ce côté-ci de la table. On a fait connaître les nôtres et on n'a pas eu honte. On les défend à mesure qu'ils arrivent. A chacun des articles, on défend nos amendements dans le livre bleu. Que le gouvernement fasse donc la même chose.

M. Guay: ...

M. Grenier: Je parle au gouvernement aussi. Pourquoi ne les dépose-t-on pas du côté du gouvernement? Est-ce irréel et insensé ce que je demande? Cela se justifie-t-il?

Demandez donc aux gens de la presse qui sont ici? Demandez donc aux gens qui sont de l'autre côté de la barrière ici? Demandez-leur donc s'ils ne seraient pas intéressés à connaître les amendements que le gouvernement a envie d'amener à sa loi? Il nous en promet des substantiels. Est-ce que ce ne serait pas jugé bon de connaître cela? Pour des gens qui sont des élus du peuple, on n'a rien pour travailler. On ne les a pas encore produits et on va les donner au compte-gouttes, ces amendements.

M. Charron: M. le Président...

M. Grenier: Je vous dis une chose. J'aimerais bien qu'on en vienne...

M. Paquette: On peut vous les donner, mais si on siège ce soir.

M. Grenier:... à déposer ces amendements et qu'on nous permette de travailler ici avec tous les outils dont on a besoin.

J'ai terminé.

Le Président (M. Cardinal): M. le député "de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Pour continuer dans le même sens que tout à l'heure, ce n'est pas seulement, pour moi, la question de la Charte de la langue française. Vous savez, la semaine prochaine ou dans deux ou trois semaines, la Charte de la langue française sera adoptée avec ou sans amendement et, quand une minorité prend avantage des règlements pour faire du "filibuster", le gouvernement a toujours à sa disposition la motion de

clôture dont on se sert souvent au Parlement d'Angleterre. Mais, pour moi, il y a une chose plus importante. Il est sûr que je ne suis pas le seul membre de la commission qui pense que le problème de la Charte de la langue française, pour moi, est moins important que le processus parlementaire.

Je pense que je partage un peu avec vous ces sentiments. Que l'avenir du Québec soit dans la Confédération ou que le Québec soit indépendant, il faut avoir un système de travail. Il faut avoir une procédure pour protéger la minorité, l'Opposition, même s'il n'y a qu'un ou deux députés dans l'Opposition, comme c'est arrivé en Alberta et dans d'autres provinces.

Si nous n'avons aucun respect pour le processus parlementaire, le système parlementaire, malheureusement, cela n'existe plus et là, nous aurons un gouvernement qui va faire ce qu'il veut, quand il veut.

C'est pour cela que j'insiste. Ce n'est pas parce que je ne veux pas travailler ce soir. J'insiste sur le fait que si vous voulez dans notre Parlement une opposition efficace, que ce soit une opposition de cinq membres, trois membres, cinquante membres, il faut avoir des règlements, et, autant que possible, que ces règlements soient là pour faire respecter les droits des individus élus comme tous les autres pour représenter un tel nombre de concitoyens de toute expression et de toute philosophie. Alors, M. le Président, il est important pour moi à chaque occasion où cela se présente à la commission et même à l'Assemblée nationale, d'intervenir quand c'est mon droit, pas par mauvaise foi, mais quand on crée, quand nous sommes en train de créer une jurisprudence qui joue encore, qui impose encore des restrictions à l'Opposition, aux députés, aux minorités et les empêche d'agir comme une minorité efficace, sans respect pour les lois et surtout, vous le savez autant que moi, la responsabilité de la présidence est primordiale dans notre système. Qu'est-ce que nous avons ici...

Une Voix: C'est le vote qui va nous faire...

M. Mackasey: ... nous sommes en train d'établir une jurisprudence. Je sais, M. le Président, que vous aimeriez mieux écouter le témoin plutôt qu'écouter le ministre, sauf votre respect, je sais que je suis un simple député ici, mais j'ai quand même le droit de parole, c'est encore un droit des individus de parler au moins au président. Vous êtes d'accord, je le sais...

M. Guay: Vous parlez longtemps!

M. Mackasey: Je sais. Ne commencez pas, vous! Nous sommes de bons amis et...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député de...

M. Mackasey:... et je veux que cela continue. Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Notre-.Dame-de-Grâce, vous vous adressez au président, qui vous écoute avec beaucoup d'attention.

Une Voix: ... il va le sortir!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le Président, le point est très important... On va aller prendre une bière ensemble tout à l'heure, mais il va payer, par exemple. M. le Président, le point important ici est de savoir si on veut ou si on ne veut pas qu'une commission ait le pouvoir, même par la procédure...

Une Voix: ...

Le Président (M. Cardinal): Une directive?

M. Mackasey: ...par la procédure. Non, pas seulement la recevabilité. La logique de la recevabilité, si vous voulez, M. le Président... Quand vous avez la majorité à l'Assemblée nationale, vous pouvez adopter n'importe quelle loi, que ce soit une bonne ou une mauvaise. On peut plaider l'injustice de cette loi. C'est justement pour cela que je demande qu'on respecte les lois et surtout le processus parlementaire.

La procédure parlementaire permet aux minorités, parce que nous ne sommes pas en nombre aussi élevé que le gouvernement, avec les lois à sa disposition, de travailler. Quand nous sommes obligés, parce que le gouvernement a la majorité, à cause de l'ambiguïté de l'article 150... nous sommes un peu les prisonniers de la majorité. Pas seulement les prisonniers de l'Assemblée, mais les prisonniers des membres de la commission. Par exemple — et je ne dis pas cela pour imputer des motifs — si on savait que la motion arrivait, comme le député de Rosemont l'a dit tout à l'heure, seulement à six heures moins quart, sans qu'on dise: Soyez de bons garçons, entre 5 heures et 5 h 45, soyez de bons garçons, passez donc dix ou quinze articles et on va vous féliciter à six heures moins quart, comme de bons membres de l'Assemblée. On va vous récompenser et vous permettre de ne pas siéger mercredi soir, quand, normalement, on ne siège pas le mercredi soir. L'article 150, vous le savez autant que moi, existe seulement en cas d'urgence, pour permettre à l'Assemblée, et surtout au leader du gouvernement, d'agir avec prudence, parce que, si ce n'est pas avec prudence, on n'a pas besoin de l'article 150. On n'a qu'à faire un règlement omnibus, si vous voulez, qui dise: Voilà les heures, etc., et n'avoir aucun article 150.

C'est plutôt dans l'esprit de protéger les droits des minorités, de protéger les droits des individus, de protéger les droits des citoyens. Vous en avez eu l'occasion, quand l'Opposition n'était pas plus nombreuse que six ou sept membres. C'était par l'entremise des règlements, par l'entremise de la sagesse du président qui appliquait ces lois, afin que les droits des minorités soient respectés.

Si ce n'était pas de la présence du Président et de la sagesse avec laquelle il fait l'interpréta-

tion des règlements, une minorité de 5, 10, 15, 20 est à la disposition de la majorité et celle-ci pourrait faire ce qu'elle veut s'il n'y avait pas le règlement.

En terminant, M. le Président, si on n'a pas de respect pour le processus parlementaire, si on ignore complètement le règlement, si on joue avec le règlement, si on l'interprète contre l'esprit du respect de la minorité... Malheureusement, je suis en train de préparer un discours que je vais prononcer bientôt à Montréal et j'ai 18 exemples où les droits des minorités, les droits des individus, les droits des citoyens dans cette province sont mis de côté au nom de la collectivité.

M. Charron: J'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Jacques sur une question de règlement.

M. Charron: C'est sur une question de règlement. Je pense que le député s'éloigne du sujet de la motion que j'ai présentée et qu'on y gagnerait à la mettre aux voix le plus rapidement possible.

M. Mackasey: Quant à moi, il n'y aura pas de vote. Je vais vous le dire carrément parce que je suis ainsi, je suis fait ainsi. L'affaire est très simple. Nous sommes une minorité devant une majorité qui, si elle veut prendre un avantage numérique — pas nécessairement par son intelligence — peut détruire complètement, entièrement les droits des minorités dans un système parlementaire.

M. Charron: Avez-vous peur de vous prononcer sur la motion?

M. Mackasey: Je parle au Président. Je répète encore, M. le Président. Dans votre sagesse, vous êtes encore capable, au moins, de protéger un droit qui est là pour défendre les minorités, ou cette commission peut encore détruire cette protection que le système parlementaire met à la disposition des minorités. Je n'ai jamais vu une commission avec l'autorité de décider elle-même de ses heures. Si, à l'Assemblée, aujourd'hui, le gouvernement avait décidé, par l'entremise du leader, de dire: Vous travaillerez jusqu'à 6 heures et vous travaillerez de 8 heures à 11 heures, là, au moins nous serions en règle, mais, quand on dit: Vous déciderez vous-mêmes, à la commission, c'est une jurisprudence inacceptable, on veut continuer, a l'Assemblée nationale, de suivre un système qui est basé sur le système britannique, dont le ministre de l'Education parlait l'autre soir en disant aux citoyens de suivre les règlements de la province de Québec.

J'insiste, M. le Président, pour que l'on respecte ces droits et, comme je l'ai déjà dit, pour moi, c'est même plus important que la Charte de la langue française, parce que, quand nous aurons terminé avec la Charte de la langue française, sans doute qu'il y aura dix autres projets de loi que, à tort ou à raison, on trouvera inacceptables pour bien des raisons.

M. Paquette: M. le Président, j'ai une directive à vous demander, je ne sais pas si le député a terminé.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Paquette: Avant que la cloche ne sonne...

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Paquette: ... J'aimerais tenter une dernière tentative pour qu'on puisse travailler un peu sur le projet de loi. En discutant avec le député de L'Acadie tantôt, il m'a semblé que peut-être certains députés de l'Opposition seraient d'accord sur une autre motion qui permettrait de sauver le mercredi; peut-être que l'Union Nationale serait d'accord également.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paquette: ...Si on décidait... Laissez-moi terminer. Je vous suggère, M. le Président, de demander le consentement unanime pour qu'on retire cette motion et qu'on accepte unanimement de siéger d'ici à 20 heures et de ne pas revenir ce soir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont, je réponds immédiatement à votre demande. Il y a trois moyens de sortir de cette impasse, et je les qualifie. Le premier, c'est un consentement unanime de la commission pour siéger, sans suspension, comme on l'a fait vendredi soir, jusqu'à 20 heures, sauf la suspension pour le vote qui aura lieu à l'Assemblée nationale.

Il y a une deuxième solution — je l'indique maintenant, parce que je veux que ce soit très honnête et très précis — c'est évidemment que l'on cesse de discuter de la motion et qu'on la vote.

Il y a une troisième solution qui est peut-être celle qui peut arriver et je la dis tout de suite. La présidence, à l'Assemblée nationale, a accepté la motion du leader parlementaire. Cette motion a été votée et, comme président de la commission, j'ai été lié par cette motion. Je devrai, par conséquent, lors de la suspension pour le vote, ou à 18 heures, prendre une décision sur les travaux de la commission si la commission n'a pas pris de décision.

Immédiatement, je demande...

Oui, M. le député de Saint-Jacques, sur la question de règlement?

M. Charron: Non, pas sur la question de règlement, M. le Président, sur la motion.

Le Président (M. Cardinal): Non, sur la motion.

M. Charron: Je pense que le député avait terminé et j'étais le prochain intervenant.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais je demande s'il y a consentement unanime pour que nous siégions jusqu'à 20 heures, sans suspension, sauf pour le vote.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais beaucoup...

M. Charron: Y a-t-il...

Le Président (M. Cardinal): Sans discussion, je demande seulement s'il y a consentement unanime. Dès que quelqu'un dit non...

M. Lalonde: Je ne peux pas donner mon consentement, à cause d'autres engagements.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a alors pas de consentement, c'est réglé. M. le député de Saint-Jacques, sur votre motion.

M. Charron: M. le Président, il n'y a pas de consentement pour 18 heures à 20 heures. Manifestement, l'Opposition libérale utilise tous ses artifices de phrases creuses pour perdre du temps jusqu'à ce que le vote nous rappelle à l'Assemblée nationale.

Nous prenons note que l'Opposition libérale, qui joue au scandale aisément, refuse trois heures supplémentaires de travail ce soir. Nous lui offrirons vraisemblablement d'autres occasions d'étudier la loi. Le Conseil des ministres s'est prononcé ce matin sur les derniers amendements. Nous les avons en bandoulière. Nous sommes prêts à les déposer pour discussion. Nous croyons que cette loi mérite toute l'attention de tout le monde et je ne fais aucun grief, même si certains amendements avaient un caractère douteux quant à leur pertinence, et surtout quant à la longueur de temps qu'on mettait à les défendre, je ne fais aucun grief sur les travaux jusqu'ici, surtout sur l'article 69, qui était fondamental. Je rappelle seulement que l'Opposition s'est même opposée à ce que nous étudions l'article 69, elle qui s'est fait aller à n'en plus savoir que faire, une fois que la commission a eu tranché la question de la soumettre à la discussion, comme quoi nous avons bien fait de passer outre aux divisions à l'intérieur du Parti libéral.

Je pense, encore une fois, que nous devrions procéder au vote immédiatement sur ma motion parce que, ce soir, j'ai bon espoir qu'avec les trois heures qui nous restent, nous pourrions achever, ou tout le moins — je n'ai pas autant de prétention — avancer largement dans l'important chapitre de la langue d'enseignement. Le député de Marguerite-Bourgeoys nous a signalé des amendements, des questions sur les articles que nous avons suspendus. Nous les prendrions dès demain matin avec l'accord de tout le monde. Les députés ministériels sont prêts. Je vous demande, M. le Président, de procéder à l'appel nominal sur ma motion.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai entendu trois personnes en même temps. Le premier que j'ai entendu, en vertu de l'article 92, c'est le député de Mégantic-Compton, parce qu'il s'est adressé à la présidence en la désignant par son titre. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Une question brève. J'ai vu que le gouvernement a bougé. On vient de nous informer, par la voix du ministre responsable au haut-commissariat, que des amendements étaient prêts. J'aimerais savoir de l'un ou l'autre des trois ministres qui sont ici si on est prêt dès demain matin, à 10 heures, à déposer ces amendements?

M. Morin (Sauvé): Ce soir, à 8 heures.

M. Charron: Ce soir, à tout le moins sur le chapitre de la langue d'enseignement, je m'y engage, nous les déposerons, à l'ouverture des travaux à 8 heures, dès que la motion sera votée, je vous demande encore une fois, M. le Président, de procéder à l'appel nominal...

Le Président (M. Cardinal): Si, dans 30 secondes, vous n'avez pas pris une décision, je vais être obligé d'en prendre une!

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La question du député de Mégantic-Compton est-elle terminée?

Le Président (M. Cardinal): La réponse a été donnée.

M. Grenier: Elle est terminée, s'il y avait lieu d'avoir ces amendements ici pour qu'on puisse commencer à les étudier, j'aimerais bien que ce soit déposé immédiatement.

M. Charron: A 8 heures, M. le Président, je peux même les fournir au bureau du député à l'heure du dîner, pour qu'il en ait déjà pris connaissance à 8 heures.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Marguerite-Bourgeoys. Sur quelle question?

M. Lalonde: Sur la motion.

Le Président (M. Cardinal): Bien, si c'est sur la motion, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vais être obligé, immédiatement, de rendre une décision. D'ailleurs, la cloche sonne. Je vous demande d'attendre quelques secondes. Vous avez le temps de vous y rendre.

M. Charron: On peut procéder au vote, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): La commission n'ayant pas voté, n'ayant pas pris de décision, je suis lié par l'article 31, alinéa 1, et, par conséquent, je dois non seulement suspendre les tra- vaux pour le vote, mais ajourner les travaux de la commission à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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