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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le vendredi 12 août 1977 - Vol. 19 N° 173

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 101 - Charte de la langue française


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 101:

Charte de la langue française

(Dix heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Si vous permettez, je vais suivre le règlement et je vais commencer par faire l'appel des membres pour que je sache qui peut prendre la parole et, par la suite, je répondrai à toutes vos questions et même peut-être que je répondrai avant que vous ne...

M. Grenier: Pour le nom des membres, il serait peut-être important de savoir si c'est la même séance pour la journée.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais accéder à votre demande. Aujourd'hui, nous avons une seule séance, qui se terminerait normalement, si j'ai bien compris la motion, à 20 heures, sauf suspension à 13 heures jusqu'à 15 heures.

Demain, ce sera une nouvelle séance et cela en vertu d'un ordre de la Chambre, qui commencerait à 10 heures, avec suspension à 13 heures, reprise à 15 heures et ajournement à 17 heures. Lundi, ce serait une nouvelle séance qui commencerait à 10 heures et qui sera ajournée sine die à 13 heures.

Cela répond à vos questions?

J'appelle les membres de la commission, pour cette séance d'aujourd'hui qui, sauf cette suspension que je viens d'indiquer, se terminera ce soir à 20 heures.

M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Morin (Sauvé). M. Bertrand (Vanier).

M. Bertrand: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Morin (Louis-Hébert).

M. Morin (Louis-Hébert): Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques). M. Chevrette (Joliette-Montcalm) remplacé par M. de Belleval (Charlesbourg).

M. de Belleval: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière).

M. Vaillancourt (Jonquière): Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay).

M. Dussault: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau). M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys). M. La-plante (Bourassa).

M. Laplante: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget).

M. Laurin: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme Lavoie-Roux: Présente.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé).

M. Le Moignan: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).

A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué.

M. Charron: M. le Président, je voudrais d'abord signaler humblement à nos collègues de l'Opposition qu'ils s'apprêtent à une fin de semaine de travail avec nous. Ils ont, ce matin, la présence de cinq ministres pour répondre à leurs questions sur les différents articles du projet de loi. La présence du ministre des Affaires intergouvernementales, personne-ressource indispensable au gouvernement, s'explique particulièrement par le fait, que, comme l'Opposition en est sans doute saisie, vous appellerez dans quelques instants, M. le Président, l'article 81 où le gouvernement a déjà annoncé une modification d'importance qui va dans le sens d'une ouverture aux autres provinces du Canada. J'ai pensé inviter le ministre des Affaires intergouvernementales à nos travaux pour que réponses soient données aux questions et objec-

tions que pourrait susciter l'inclusion de ce nouveau texte 81 aux yeux de l'Opposition, en particulier, je pense, de l'Opposition officielle.

Une dernière remarque, M. le Président, avant le début des travaux.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Comme il est convenu, si nous —"si" doit toujours marcher au conditionnel — si nous achevons le chapitre de la langue d'enseignement au cours de cette séance, comme la motion qui nous a valu de nous y rendre stipulait que les articles de 7 à 67 étaient suspendus en attendant l'étude de ce chapitre, nous reviendrions donc immédiatement, à la fin du chapitre de la langue de l'enseignement, soit l'adoption de l'article 83, y compris l'article 79 qui est actuellement suspendu, à l'article 7 pour suivre ensuite les articles dans l'ordre, à moins que l'Opposition n'ait une proposition contraire.

Dernière remarque, M. le Président. Je pense qu'il est essentiel de mettre, encore une fois, les cartes sur table. Il n'est pas question de modifier aujourd'hui l'horaire de travail qui vient d'être indiqué par le leader du gouvernement à l'Assemblée. Nous achevons donc, ce soir, nos travaux à 20 heures, après les avoir commencés à 15 heures.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre délégué et député de Saint-Jacques, je vous remercie de votre collaboration parce que vous avez mentionné plusieurs choses que j'aurais pu mentionner. Je me permettrai d'apporter certains détails sans faire perdre de temps a la commission. Lorsque nous avons ajourné nos travaux hier soir, nous avons adopté l'article 80.

Je rappelle que l'article 79 est suspendu. Je mentionne que c'est un amendement à l'article 81, qui se présente sous forme de 81a, qui est proposé par le gouvernement. Comme je l'ai déjà indiqué, pour fins de législation, j'espère que ce projet de loi sera réimprimé et qu'on enlèvera les articles qui possèdent un a) parce que c'est une mauvaise façon de légiférer; il suffira simplement de rétablir l'ordre des articles.

Cependant, je puis être au service de la commission et j'aimerais savoir quel est le désir de la commission. Nous avons suspendu l'étude de l'article 79. Nous avons adopté l'article 80. Je puis appeler l'article 81?

Article 80 (suite)

M. Grenier: Avant l'appel de l'article 81, nous avions un nouvel article proposé, qui aurait pu être 80a, celui que j'ai eu l'occasion de lire hier, si je ne me trompe, et qui, finalement, a été la motion d'amendement à l'article 80 proposée par le parti libéral. Cet article avait été partiellement retiré quant au premier paragraphe et ensuite discuté pour le deuxième et rejeté à la fin...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de

Mégantic-Compton, vous me posez un véritable problème. L'amendement de Mme le député de L'Acadie a été rejeté à la suite d'un appel nominal. L'article 80 a été adopté.

M. Grenier: La partie... vous avez terminé? Je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): Je me demande... c'est que je n'ai pas devant moi ce projet d'amendement dont vous parlez.

M. Grenier: La partie recevable de ce...

Mme Lavoie-Roux: On a juste discuté de la partie recevable.

M. Grenier: Vous aviez dit à ce moment que la partie recevable était à ce moment prématurée, elle n'est pas rejetée.

Le Président (M. Cardinal): C'est exact. J'aimerais le recevoir officiellement...

M. Charron: A l'article 81, M. le Président, je propose que...

Le Président (M. Cardinal): Un instant... M. Charron: Allons-y.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends que vous êtes pressé, mais...

Le Président (M. Cardinal): J'ai devant moi, M. le député de Mégantic-Compton, l'article 81a et non pas l'article 80.

M. Grenier: L'article 80a.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Si nous ne voulons pas perdre de temps dans ce week-end, j'aimerais bien que l'on sache d'où nous partons et où nous arrivons.

J'ai devant moi une proposition d'amendement. C'est l'article 80a. Il faudrait que la motion soit rédigée autrement. Il faudrait que l'on m'indique...

Des Voix: ...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! MM. les ministres...

Il faudrait que l'on m'indique, dans la motion, que l'on veut, suivant l'article 70 du règlement, ajouter, entre tel article et tel autre ou, après tel article, tel texte. Le libellé que j'ai devant moi, techniquement, ne peut pas être reçu. Je ne refuse pas sur le fond, je dis simplement — vous savez qu'en vertu de l'article 65b, je pourrais moi-même modifier le texte — que je préfère que le parrain de l'article, comme l'on dit dans le journal des Débats, le fasse lui-même. Je n'ai pas l'intention de suspendre.

M. Grenier: Pourrais-je tout simplement, pour la rendre plus acceptable, dire que l'article 80a s'ajoute à l'article 80 déjà adopté?

Le Président (M. Cardinal): Vous seriez mieux de dire qu'entre...

M. Grenier: C'est-à-dire ajouter entre l'article 80 et 81...

Le Président (M. Cardinal): ...l'article 80 tel qu'adopté et l'article 81 vous voulez ajouter les mots suivants, qui constitueront l'article 80a, pour le moment.

M. Grenier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas-là, je vais lire la proposition et je rendrai une décision sur sa recevabilité. Ce qui est proposé, c'est qu'entre l'article 80 et l'article 81, l'on ajoute le texte suivant: "Le ministre de l'Education doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la fréquence et la qualité des cours de français dispensés aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise soient de nature à donner à ceux-ci une connaissance suffisante de la langue française. Le ministre de l'Education doit également prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la fréquence et la qualité des cours d'anglais dispensés aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue française soient de nature à donner à ceux-ci une connaissance suffisante de la langue anglaise".

Je ne ferai pas de débat sur la recevabilité, je vais me prononcer immédiatement, même si c'est une chose qui, en soi, est peu agréable.

Le projet d'amendement est divisé en deux paragraphes.

Le premier paragraphe est tout à fait receva-ble, le second paragraphe me paraît aller totalement en dehors du principe du projet de loi. A ma connaissance — et là, c'est toujours la difficulté de ne pas se prononcer sur le fond — à ma connaissance, dis-je, il n'est pas question, dans ce projet de loi 101, Charte de la langue française... Parce que j'ai oublié de le dire au début, cette commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications étudie ce projet adopté en deuxième lecture, dont le principe a été accepté à la majorité de l'Assemblée et, par conséquent, vous savez que le président, en vertu de l'article 39, est tenu de faire observer tous les règlements de cette assemblée et en particulier de voir à ce qu'une motion, après deuxième lecture, se rapporte directement au principe d'un projet de loi. Il se pose une deuxième question. Est-ce qu'une motion, et cela s'est produit hier soir, peut être divisée ou si, au contraire, le fait qu'une partie de la motion ne soit pas recevable fasse que la motion ne soit pas du tout recevable? Je suggérerais à M. le député de Mégantic-Compton, parce que je veux quand même respecter les droits de tous les membres de cette commission, de retirer lui-même, s'il le désire, la deuxième partie de son amendement, sans quoi je devrai déclarer tout l'amendement irrecevable.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Pour des raisons qui me semblent évidentes et qui sont celles dont nous avons discuté hier soir, sur l'amendement apporté par le Parti libéral, je pense qu'il n'est pas question de faire de batailles pour conserver cette première partie; donc, je la retire.

Le Président (M. Cardinal): Vous retirez quoi?

M. Grenier: La deuxième partie de l'article 80a qui se lit: "Le ministre de l'Education doit également prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la fréquence et la qualité des cours d'anglais dispensés aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue française soient de nature à donner à ceux-ci une connaissance suffisante de la langue anglaise."

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant encore, parce que ce n'est pas terminé à ce point-là. J'ai reconnu M. le député de Vanier et ensuite M. le député de Saint-Jacques. Je pense que c'est sur la question de règlement ou de recevabilité.

M. Bertrand: De recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Vanier.

M. Bertrand: C'est une directive. Vous dites que vous ne jugeriez pas recevable la deuxième partie de la motion, mais que la première pourrait être discutée, évaluée, quant à sa recevabilité. C'est là-dessus que je voudrais vous demander une directive.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je pourrais demander que ce soit bref quand même...

M. Bertrand: Très bref.

Le Président (M. Cardinal): ...parce que je ne veux pas être informé pendant une heure pour savoir si c'est recevable ou pas.

M. Bertrand: Très brièvement, M. le Président. Je veux simplement savoir si, à votre avis, du fait que nous avons étudié, hier soir, une motion similaire, semblable, je dirais presque identique, qui venait de l'Opposition officielle et qui est reprise à peu près dans les mêmes termes par le député de Mégantic-Compton, qui a lui-même combattu la motion d'amendement...

M. Lalonde:...

M. Bertrand: ...de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: ...est-elle recevable dans ce contexte, M. le Président?

Mme Lavoie-Roux: Si on avait la copie...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais, avant de répondre à la question, que le texte en soit distribué, si M. le député de Mégantic-Compton a des copies. Ensuite, je répondrai à la question.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, le député de Vanier vient de m'arracher les mots de la bouche, puisque la commission a rejeté un texte similaire hier soir, à 11 heures moins cinq...

M. Lalonde: Non.

M. Charron: ...et je me demande ce que l'amendement apporte de plus.

M. Lalonde: Non, M. le Président, ce n'est pas la même chose du tout.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, écoutez, je vais permettre une intervention, bien qu'il y en ait eu deux du côté ministériel... Je ne permettrai pas à tout le monde de la commission d'intervenir sur la recevabilité. Je prendrai mes responsabilités en temps et lieu, et quand je le jugerai à propos.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux simplement éclairer la commission, M. le Président. Il semble qu'il y ait une équivoque dans le premier paragraphe de l'amendement du député de Mégantic-Compton. Il s'agit de la qualité des cours de français dispensés aux élèves qui reçoivent l'enseignement dans la langue anglaise, alors que dans notre motion d'hier, qui a été défaite, il s'agissait de la qualité de l'enseignement du français aux francophones, c'est-à-dire à ceux qui reçoivent l'enseignement en langue française. Donc, nous sommes en face d'une motion ayant trait à la langue seconde, contrairement à celle d'hier.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. En vertu de l'article 63, une motion ne doit pas soulever une question identique, au fond, à une question dont l'assemblée a décidé pendant la session en cours, à moins qu'elle n'indique des faits nouveaux. Sur ce premier alinéa de l'article 63, je dois indiquer que l'article 163 s'applique aux commissions parlementaires, comme la même règle s'applique à l'Assemblée nationale. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question identique. Le terme est assez fort.

Le deuxième alinéa de l'article 63 nous permet de présenter un projet semblable et, déjà, à l'Assemblée nationale, une décision a été rendue à ce sujet, l'on s'en rappelle, il y a peu de semaines.

Par conséquent, je suis lié, et par le règlement, et par la jurisprudence.

Cependant, il peut se poser une autre question, et je vais en disposer rapidement. On pourrait se demander si le texte tel que libellé est ce qu'on appelle un projet de loi en matière monétaire, "a money bill". Est-ce que l'article tel que rédigé... "doit prendre les mesures nécessaires..." suppose un budget?

Je vais rappeler la jurisprudence. Si on avait dit les moyens nécessaires, j'aurais peut-être hésité plus longtemps. Nous avons eu des amendements semblables, mais non identiques. Ils ont été déclarés recevables par la présidence et je dois déclarer cet amendement recevable et donner la parole à M. le député de Mégantic-Compton. Nous suivrons les dispositions de l'article 160 pour le débat sur cette motion.

M. Grenier: Je n'ai pas l'intention de faire un débat très long, parce que la motion que nous venons d'apporter a eu le même sort que celle d'hier. Il y en a une partie qui a été jugée irrecevable, mais comme nous tenons à ce qu'on enseigne la langue seconde, qu'on mette l'accent et que le ministre s'engage davantage à l'enseignement de la langue seconde et à plus de perfectionnement dans ce secteur, nous voyons le sort qui peut lui arriver, parce qu'hier, on a consenti, à cause de la division de l'amendement apporté par le Parti libéral... Nous avons admis, dis-je, que cet article n'ajoutait à peu près rien à l'article 80 déjà existant. On venait redire dans d'autres termes... Cette motion a été défaite.

Alors, étant donné que cette motion reçoit le même sort que celle d'hier et qu'on a retiré la deuxième partie qui a été jugée non recevable, je vous demanderai tout simplement, M. le Président, de retirer également cette première partie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, merci.

M. le député de Sauvé et ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, puisque le député a retiré le premier paragraphe de l'article 80a dont il avait la paternité, je me contenterai de le féliciter quant à l'intention que manifestait ce projet d'article.

Malheureusement, cela relève de la politique du ministère plutôt que d'un projet de loi. Je puis l'assurer d'une chose. Le ministère de l'Education est déjà très sensible à la question qu'il a soulevée. Les commissions scolaires anglophones, d'ailleurs, ont déjà fait de grands progrès pour ce qui est d'un meilleur apprentissage de la langue de la majorité dans leurs écoles. Certaines pratiquent même l'immersion de façon très étendue, de sorte que le souhait qui est exprimé dans ce paragraphe est déjà, pour une bonne part, réalisé et, dans la mesure où nous pouvons ou le ministère de l'Education peut pousser encore davantage sur le chemin qui nous est indiqué par le député de Mégantic-Compton, il le fera. Je puis lui en donner

l'assurance, mais je suis heureux qu'il ait retiré le paragraphe parce qu'à vrai dire, la place d'un tel énoncé de politique éducative n'est pas dans un projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président... Le Président (M. Cardinal): Allez-y.

Mme Lavoie-Roux: ... je voulais poser une question au ministre de l'Education. Il paraît qu'il faut que je vous interrompe pendant que vous parlez et j'hésite toujours à le faire...

Le Président (M. Cardinal): Vous l'avez presque fait. De toute façon, je permets un débat qui n'est pas tout à fait conforme aux règlements. Je voudrais, Mme le député de L'Acadie, avant, avec beaucoup de générosité, de vous accorder la parole, souligner que, d'une part, M. le député de Mégantic-Compton a retiré sa motion d'amendement, ce sur quoi je me permets de féliciter l'Union Nationale, ce qui aide aux travaux de la commission.

M. le ministre s'est permis de faire une réplique qui n'était pas permise. J'ai présumé du consentement unanime de la commission pour qu'il puisse le faire et, de la même façon, madame, j'espère que la commission vous permettra de poser votre question au ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on sait que votre générosité devient légendaire, alors, je vous remercie. La question que je voulais poser au ministre de l'Education, c'est qu'il fait justement état des efforts faits par les commissions scolaires anglaises pour assurer de plus en plus un enseignement adéquat du français. Mais, lors des auditions en commission parlementaire, quelques-unes, du moins celles qu'on a entendues, des commissions scolaires anglaises qui sont venues ont exprimé des inquiétudes sur le fait que les efforts qu'elles devaient faire financièrement et au plan des ressources pour assurer ce bon enseignement du français dans leurs écoles, ces efforts devaient se faire au détriment d'autres apprentissages, soit l'éducation physique, la musique et autres matières, parce qu'on ne leur accordait pas, dans les faits, des ressources supplémentaires. Ceci n'est pas un problème qui dépend uniquement du gouvernement actuel, c'est un problème de longue date.

Est-il dans les intentions du ministère de l'Education ou du ministre de l'Education de corriger cette situation qui fait, que les enfants ont sans doute des spécialistes en français, mais, à ce moment-là, au détriment de l'apprentissage de d'autres matières que, du côté francophone, on juge également très importantes?

C'était là ma question.

Le Président (M. Cardinal): Nous sommes en train d'établir une nouvelle pratique. Il y a une période des questions en commission parlementaire? Je permettrai au ministre de répondre à vo- tre question, mais brièvement, s'il vous plaît, pour que nous revenions au mandat de la commission, qui est d'appeler chacun des articles, l'un après l'autre.

M. Morin (Sauvé): Je serai très bref, M. le Président, effectivement, l'absence de ressources constitue un obstacle très important pour l'apprentissage des langues secondes, qu'il s'agisse du français destiné aux anglophones ou de l'anglais destiné aux francophones. Nous en avons d'ailleurs parlé lors de l'étude des crédits de mon ministère. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de se donner pour priorités à la fois l'enseignement de la langue maternelle, l'enseignement du français, dont on sait qu'il a fortement besoin d'être mis en valeur et, d'autre part, l'enseignement des langues secondes. Au cours de l'année qui va commencer au début du mois de septembre, le gouvernement va consacrer quelques millions de dollars à ces priorités. Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure au député de Mégantic-Compton.

Il y a une autre difficulté qui tient aux rapports fédéraux-provinciaux. Le gouvernement fédéral verse des subventions modestes, mais tout de même importantes, pour l'enseignement des langues secondes. Le Québec a toujours soutenu que ces subventions fédérales lui sont versées sans condition et que ces montants peuvent être utilisés à des fins d'éducation, à toutes fins utiles. De fait, nous dépensons évidemment beaucoup plus pour l'apprentissage des langues secondes que les subventions reçues du gouvernement fédéral. Nous avons toujours refusé d'ajouter par-dessus ce que nous dépensons déjà des sommes venues d'Ottawa, parce que le problème de l'apprentissage des langues secondes ne se situe pas au Québec, il se situe surtout dans les autres provinces. L'argent qu'Ottawa verse aux autres provinces s'en va directement à l'apprentissage des langues secondes. Ici au Québec cet apprentissage existait déjà de sorte que nous soutenons que les sommes reçues d'Ottawa nous sont versées sous forme inconditionnelle. Cela ne nous empêchera pas de consacrer de plus en plus d'argent à l'apprentissage des langues secondes au cours des années qui viennent.

Le Président (M. Cardinal): Comme j'ai permis à deux partis de s'exprimer, je permettrai au député de Mégantic-Compton de conclure.

M. Grenier: Une minute seulement M. le Président. Cela ne demandera pas de réponse de la part du ministre. C'est uniquement pour vous dire qu'on vient de faire la preuve, en présentant un amendement, de notre souci d'un meilleur enseignement du français et de la langue seconde. Le ministre, dans sa réponse, nous a témoigné de sa compréhension et de sa collaboration. Je pense que l'article 80, tel que présenté actuellement, est trop sec pour dire que tout cela va nous permettre d'améliorer l'enseignement de la langue seconde. On suppose que cela sera soutenu par d'autres ef-

forts. On accorde une large confiance au gouvernement sur cet article. Nous avons trop vécu, ici au Québec, des situations pénibles dans les deux secteurs, tant les anglophones, qui ont difficilement réussi à apprendre le français, que les francophones, qui ont peu appris l'anglais.

En retirant notre amendement qui a été jugé, dans l'ensemble, irrecevable, nous avons voulu faire la preuve de l'esprit positif qui anime l'Union Nationale.

Article 81

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. J'appelle, pour suivre le mandat de la commission, j'appelle immédiatement et automatiquement l'article 81.

M. Charron: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Je voudrais rappeler aux membres de la commission que l'article 81 n'est pas celui qui figure dans le texte du projet de loi, mais bien un nouvel article qui est...

Mme Lavoie-Roux: C'est un nouveau, n'est-ce pas?

M. Charron: C'est cela... qui est le nouveau texte du projet de loi.

Le Président (M. Cardinal): Voulez-vous le lire?

M. Charron: Le nouveau texte du projet de loi, M. le Président, est le suivant: "Le gouvernement peut faire des règlements pour étendre l'application de l'article 69 aux personnes visées par une entente de réciprocité...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas 81a, c'est pour remplacer 81.

M. Laurin: Qu'il soit inséré entre l'article 81 et l'article 82.

Le Président (M. Cardinal): Justement, il y a deux choses.

M. Lalonde: Entendez-vous.

M. Charron: Nous ajoutons au texte de l'article 81 un nouveau paragraphe qui serait 81a...

M. Lalonde: A ce moment-là — excusez-moi, M. le Président, je déteste interrompre — mais c'est un nouvel article. Il faudra adopter 81 avant d'en arriver à 81a.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez. Non, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je diffère légèrement d'opinion avec vous. Je considère que M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué vient tout simplement, parlant sur la motion principale de l'article 81 dont le texte n'est pas changé, de faire une motion pour qu'il y ait un amendement à 81 et que soit inséré entre l'article 81 et l'article 82, un article 81a qui se lirait de la façon dont il a commencé à le dire.

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, si vous permettez, je reviens à l'article 81.

M. Charron: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Je me prononcerai tantôt sur la recevabilité de cet amendement.

M. Charron: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il quelqu'un du côté ministériel qui veut s'exprimer sur l'article 81?

M. Laurin: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: ... l'article, je crois, est assez clair. Son intention est de permettre à certaines entreprises qui nous en ont fait d'ailleurs plusieurs fois la demande, d'assurer une certaine mobilité des cadres pour des postes très spécialisés pour lesquels ils ont de la difficulté à trouver les compétences appropriées dans la province de Québec, dans l'Etat du Québec. Il a pour but également de permettre à certaines catégories de personnes qui ont été mentionnées ici devant cette commission, par exemple, les diplomates ou les employés de certaines organisations internationales, de travailler au Québec et d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, à l'école anglophone.

C'est justement dans un esprit de souplesse en même temps que dans un sain souci de réalisme, eu égard à la situation économique du Québec au sein de l'ensemble canadien, que nous avons consenti cette concession qui, par ailleurs, sera spécifiée par les règlements.

Le Président (M. Cardinal): Avant que nous continuions, je vais quand même souligner une chose, c'est qu'il y a eu un amendement de proposé dès le début de l'étude de l'article 81. Je voudrais tout de suite, le lire pour que les membres de la commission puissent en prendre connaissance — j'en ai déjà autorisé la distribution — et me prononcer immédiatement sur la recevabilité pour tenter de sauver du temps.

Que soit inséré entre l'article 81 et l'article 82 un article 81a qui se lirait comme suit: "Le gouvernement peut faire des règlements pour étendre l'application de l'article 69 aux personnes visées par une entente de réciprocité conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre province.

Malgré l'article 89, ces règlements peuvent entrer en vigueur dès la date de leur publication dans la Gazette officielle."

Une seule remarque. Techniquement, en vertu de l'article 70, l'amendement est recevable. Mais, à moins qu'il ne s'agisse d'un nouveau style de législation, le mot "malgré" devrait normalement être remplacé par le mot "nonobstant". Si le gouvernement tient à garder "malgré", je lui dirai que ce n'est pas le style juridique et, s'il veut prendre un nouveau style juridique...

M. Laurin: C'est le nouveau style.

Une Voix: De toute façon, je ne connais rien là-dedans.

Le Président (M. Cardinal): Vous y tenez? Une Voix: C'est pour rendre normal.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Dans ce cas, je déclare quand même... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent.

M. Morin (Sauvé): C'est bien mon avis. M. Laurin: La question a été évoquée.

Le Président (M. Cardinal): Je déclare... A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: De l'agrément.

Le Président (M. Cardinal): Je déclare, dans ce cas, la motion techniquement recevable et nous en discuterons en temps et lieu.

Sur l'article 81, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, l'article 81, de toute évidence, a pour but de permettre à des personnes qui sont de passage, non pas comme touristes mais comme travailleurs, pour un an ou quelques années, de leur permettre d'être exemptées des dispositions de la loi. Je pense que le ministre et le gouvernement l'ont proposé un peu en réaction à des représentations qui avaient été faites, même avant le projet de loi no 1, et selon lesquelles la clause Québec, en particulier, pourrait empêcher de nombreux cadres de venir temporairement ici au Québec, dans nos sièges sociaux, et ainsi tarir cette source essentielle pour le maintien de notre économie. Donc, en principe, quant à l'intention, je pense que c'est une suggestion positive. Il y a seulement une chose, M. le Président, dont vous allez vous rendre compte assez rapidement à la lecture de l'article 81, c'est qu'il n'y a pas de critères. Plusieurs organismes, à l'étude de la loi no 1, ont déploré le langage utilisé dans la loi no 1 qui n'est pas le même que celui-ci. On parlait, je pense, pour une période déterminée. Ici, on dit: "séjournant de façon temporaire". On avait suggéré, de part et d'autre, d'être un peu plus précis, justement pour enlever le caractère arbitraire d'un tel article. C'est malheureux qu'une intention qui est pourtant si positive soit ainsi entachée d'un défaut que le législateur tente normalement d'enlever à ses lois, c'est-à-dire le caractère arbitraire.

Aucun critère n'est offert à l'article 81 et j'avoue que, n'ayant pas la responsabilité du gouvernement et n'ayant pas participé à l'élaboration de ce projet de loi, j'aurais de la difficulté à proposer un amendement — je dis tout de suite que je n'ai pas d'amendement à proposer à cet article — parce que je ne connais pas quelle est, au fond, l'inspiration du gouvernement. La seule chose que je veux souligner, et je pense que tous les membres de cette commission devraient considérer cette remarque de façon positive, c'est que c'est très arbitraire. Et je ne sais pas comment le gouvernement va faire pour exempter ou même pour faire les règlements. Il n'y a pas de critères. La loi, le législateur devrait dire au gouvernement: "Vous allez faire les règlements suivant tels, tels critères et, ensuite, le gouvernement, pour l'application de la loi, doit faire les règlements; c'est l'essentiel. Mais il est lié à ces critères. Là, on donne un blanc-seing au gouvernement. Je ne sais même pas dans quelle mesure ces règlements pourront être faits, étant donné que la loi ne donne pas de critères. Peut-être que le ministre a des réponses aux interrogations que je fais et je le fais simplement pour la bonne administration de cette loi, pour que le gouvernement puisse faire des règlements valides, des règlements sensés, des règlements qui vont suivre le désir du législateur.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Pas tout de suite.

Le Président (M. Cardinal): Pas tout de suite? Du côté ministériel, M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, j'accueille avec respect les observations du député de Marguerite-Bourgeoys. Mais je pense que la meilleure réponse qu'on pourra lui donner, c'est que ces règlements sont presque prêts maintenant et ils attendent d'être soumis au Conseil des ministres. C'est donc dire que nous n'avons pas trouvé, dans la rédaction de ces règlements, les difficultés que nous laissent anticiper les observations du député de Marguerite-Bourgeoys et j'espère pouvoir déposer ces règlements avant que la loi soit adoptée. Il pourra donc voir lui-même, lorsque les règlements seront déposés, que les inquiétudes légitimes qu'il nous soumet ne sont pas fondées puisque nous avons réussi, en tout cas nous pensons pouvoir réussir, à les apaiser.

Par ailleurs, l'absence de critères à laquelle se réfère le député de Marguerite-Bourgeoys ne nous semble pas réelle puisqu'il nous semble que, dans ces quatre lignes de l'article, il y a un critère.

Le critère, c'est le séjour temporaire. Il nous reste, évidemment, dans le règlement, à préciser l'application de ce critère par l'énoncé, par exemple, d'un certain nombre d'années, deux, trois, quatre, cinq, ou la répétition, le renouvellement d'un pareil permis, comme cela existe dans le règlement sur les professions, par exemple.

C'est dans cet esprit que nous avons abordé la rédaction des règlements. J'espère bien, encore une fois, que, lorsque le règlement sera déposé en Chambre, l'Opposition officielle en sera satisfaite.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: II se souvient que, lors de l'une de nos premières séances, j'avais proposé une motion pour demander au gouvernement de déposer les règlements avant l'examen de la loi et, suite à une suggestion du député de Saint-Jacques, le leader adjoint du gouvernement, j'avais retiré cette motion, parce que cette suggestion m'apparaissait fort positive, à savoir que le gouvernement — il avait dit dans la mesure du possible, je pense — voit à distribuer aux membres de cette commission les projets de règlements avant qu'on en arrive aux articles qui en parlent. Je n'ai pas soulevé cette question avant d'arriver à l'article 81. Maintenant que le ministre nous dit que ces règlements sont presque prêts, aurait-il objection...

M. Laurin: Ils n'ont pas encore été soumis au Conseil des ministres.

M. Lalonde: Ils n'ont pas encore été soumis au Conseil... Aurait-il objection à suspendre, conformément, je dirais, à l'entente de principe, au moins, entre les membres de cette commission, appuyée sur la parole du député de Saint-Jacques, à suspendre l'examen de l'article 81. On sera sûrement encore ici la semaine prochaine, et on aura le loisir de voir les règlements. Peut-être que ce sera beaucoup plus facile de nous convaincre.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Laurin: J'aimerais bien pouvoir accéder à la demande du député de Marguerite-Bourgeoys, mais je pense que ce que j'ai pu dévoiler de la rédaction des règlements dans mes commentaires devrait lui suffire pour voir dans quel esprit nous avons rédigé ce règlement et l'essentiel de son contenu. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de retarder l'adoption de l'article pour contenter davantage le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Cardinal): Je comprends qu'il n'y a pas consentement de la commission pour suspendre l'étude et l'adoption de l'article 81.

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'ai tenté de le faire gentiment, et je déplore l'absence temporaire du député de Saint-Jacques, parce que c'était sur sa suggestion que j'avais retiré ma motion pour que l'on connaisse les règlements. Je suis convaincu, sans vouloir faire une interprétation large de l'entente qui était intervenue à cette commission parlementaire lors de cette réunion, qu'il s'agit là d'un cas où le gouvernement devrait avoir une ouverture plus grande, à ma suggestion.

Je ne sais pas comment traiter de cette question. Est-ce que je devrais ramener ma motion pour dépôt de règlements et retarder les travaux de cette commission? Est-ce que c'est ce à quoi le gouvernement m'invite?

M. le Président, je demande au ministre de reconsidérer cela. Je suis bien sûr que si le député de Saint-Jacques, étant donné que c'est lui qui a donné, en quelque sorte, sa parole, dans la mesure du possible... Que les règlements soient déposés, soient distribués avant l'adoption des articles. Il me semble que c'est justement quelque chose de fort possible que de suspendre les articles qui traitent des règlements dont on n'a pas connu le contenu jusqu'à maintenant. Je veux protester vigoureusement contre l'attitude hermétique du ministre d'Etat au développement culturel à ce sujet.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez droit de le faire. Je ne sais pas si j'accepterai une motion dans ce sens. Sur la question de règlement, dans l'ordre, M. le député de Bourassa et M. le député de Rosemont.

M. Laplante: M. le Président, au sujet de l'interprétation des paroles du député de Saint-Jacques, il a toujours dit "dans la possibilité que les règlements soient prêts". Actuellement, il n'y a pas possibilité que les règlements soient prêts, dans la mesure du possible. Il faut nuancer aussi.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Très brièvement. C'est dans le même sens, M. le Président. Le ministre vient de nous dire que les règlements n'avaient pas encore été adoptés par le Conseil des ministres. Vous allez reconnaître avec nous l'importance d'accélérer les travaux de cette commission pour une rentrée scolaire harmonieuse.

Je pense que ce serait absolument... Il faudrait attendre encore deux semaines, deux semaines et demie, trois semaines, peut-être plus, pour avoir ce règlement.

Le ministre a dit qu'il espérait pouvoir nous le déposer avant l'adoption du projet de loi, mais ce n'est pas certain. Alors, ce n'est pas un manque d'ouverture, je ne pense pas, et j'aimerais qu'on puisse adopter assez rapidement cet article.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez,

pour qu'il n'y ait pas de débat sur la question de règlement, j'ai déjà constaté que deux personnes veulent encore s'exprimer. Ce seront les deux derniers membres de la commission qui s'exprimeront.

Mme le député de L'Acadie et M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et ce sera tout sur la question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: Je suis certaine de ce que le député de Saint-Jacques nous a dit — et c'est ce qui nous a convaincus à ce moment de retirer notre motion parce que ceci semblait très raisonnable et on comprenait qu'il pouvait y avoir certains délais à l'égard des règlements qui devaient être produits pour certains articles, mais quand j'entends le député de Rosemont qui nous dit que ce sera peut-être deux semaines et demie à trois semaines, je pense — c'est une hypothèse — que le député de Rosemont travaille à l'élaboration de certains de ces règlements.

M. Paquette: Absolument pas.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que lorsqu'on nous a dit au début qu'on nous les déposerait au fur et à mesure des articles et qu'après dix jours de travail, on nous dit: C'est encore deux ou trois semaines, à ce moment, je me permets de douter des intentions du député de Saint-Jacques et du sérieux de l'invitation qu'il nous a faite et à laquelle on a répondu que, pour les règlements, nous étions prêts à nous soumettre à la convention qu'il nous offrait.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, brièvement, s'il vous plaît.

M. Lalonde: Le député de Saint-Jacques et ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports est revenu — j'en suis fort aise — parce que je me référais justement à une espèce d'entente, ou à une proposition qu'il avait faite lors de la présentation de ma motion, pour que les projets de règlement nous soient transmis. Ici, nous arrivons à un article qui traite justement de règlements dont nous n'avons pas connaissance.

Le ministre d'Etat au développement culturel nous indique que, fort possiblement, le texte de ces règlements serait prêt avant l'adoption de la loi. Je suggérerais donc qu'on suspende l'examen de cet article, justement parce que le député de Saint-Jacques avait dit: Dans la mesure du possible, ils vous seront soumis avant qu'on arrive aux articles qui en parlent. Or, on arrive à un article qui parle de règlements qu'on n'a pas. Le ministre d'Etat au développement culturel nous dit: On peut les avoir avant la fin de l'étude, article par article ou avant l'adoption de la loi, donc, quoi de plus simple pour concilier la possibilité que ces règlements soient prêts d'ici une semaine ou dix jours et le critère qui m'avait été suggéré par le député de Saint-Jacques que cela soit dans la mesure du possible, que de suspendre l'examen de cet article, surtout qu'on parle de règlements de façon très large, sans critères, et qu'il est important qu'on les connaisse.

Je pense qu'on devrait avoir le consentement unanime du gouvernement, une attitude beaucoup plus ouverte du gouvernement à ce sujet.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, malgré ce que je viens de dire et à cause du retour de M. le député de Saint-Jacques, je vais lui permettre de répondre à la question et moi-même, je reposerai la question sur le consentement quant à la suspension de l'étude de l'article.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Voilà un cas où la prudence que j'avais exprimée aux membres de la commission, avant d'affirmer que tous les règlements seraient déposés, est utile, puisque j'avais dit effectivement, comme mes collègues l'ont rappelé, dans la mesure du possible.

C'est un cas où l'affirmation que vient de faire le ministre d'Etat au développement culturel à savoir que, possiblement, mercredi prochain, au Conseil des ministres, ledit règlement serait adopté, donc il serait déposé avant la fin de l'étude, article par article. Je crois bien que nous serons encore en commission à ce moment, ce qui veut dire que je comprends le souci... Par contre, je m'opposerai à la demande de suspension, parce qu'il est vraisemblable qu'au cours de cette fin de semaine de travail que nous entamons, à moins de malheurs qui s'abattraient sur la commission, le chapitre de la langue d'enseignement sera adopté dans son entier, et un des principes les plus importants du chapitre de la langue d'enseignement est effectivement cette souplesse ouverte réclamée par un grand nombre de Québécois, en particulier la minorité anglophone, qui sont souvent appelés à recevoir, ici à cause des raisons économiques que tout le monde connaît, des gens faisant un séjour temporaire au Québec, et que l'image du travail de la commission et de l'intention de l'Assemblée nationale sur la langue d'enseignement serait gravement incomplète si nous laissions en suspens, parce que nous ne disposons pas des règlements actuellement, ce principe fondamental qui est inscrit à l'article 81, selon lequel le gouvernement, se donne, à l'égard d'un certain nombre de citoyens en séjour temporaire chez nous des exceptions qu'il réglementera par la suite.

M. le Président, je m'oppose à la demande de suspension faite par le député parce que je voudrais que toute la langue d'enseignement soit un chapitre complet.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre me permet une question?

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le ministre permet?

M. Charron: Oui, je lui permets, M. le Président.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre se rend compte que son attitude, actuellement, peut m'obliger à représenter une motion pour que les règlements soient présentés et que cela va faire perdre le temps à la commission, je ne sais pas pour combien d'heures?

M. Charron: Je ne suis pas responsable des actions du député de Marguerite-Bourgeoys, M. le Président.

M. Lalonde: Je l'avais retirée parce que j'avais eu confiance en votre bonne foi. Mais, l'attitude fermée que vous avez actuellement me fait changer d'idée.

M. Charron: M. le Président, je n'ai pas de question de privilège, mais je peux...

Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de question de privilège.

M. Charron: ... compléter mon intervention en disant que, quand le député dit qu'il avait eu confiance en ma bonne foi, je ne le trompe pas non plus.

M. Lalonde: ... de suspension.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: J'avais pris sur moi-même les exceptions prévues et on les a ce matin.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai permis ce débat pour donner l'occasion tant aux partis de l'Opposition qu'au parti ministériel de s'expliquer sur ce problème du dépôt de règlements. S'il veut vraiment en faire une question du dépôt des règlements afférents à la loi, si on en fait vraiment une question de règlements, je me souviens fort bien, et là je pense que tout le monde sera d'accord, que M. le député de Saint-Jacques avait dit qu'il souhaitait déposer les règlements — il avait même offert de les déposer vers 20 heures, ce soir où nous avons ajourné à une autre séance — .

M. Charron: Vous errez, M. le Président. Le Président (M. Cardinal): D'accord! M. Charron: Ce sont les amendements.

Le Président (M. Cardinal): Les amendements, je m'excuse. Oui. Enfin, il avait suggéré de déposer les règlements, mais il avait ajouté "dans la mesure du possible". J'ai voulu rétablir les faits. Je pense que tout le monde sera d'accord avec cette décision. Je reviens à l'article 81 et, dans l'ordre, immédiatement, vous avez M. le député de Saint-Laurent, qui a demandé la parole, M. le député de Taschereau, M. le député de Gaspé et M. le député de Mont-Royal. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Le ministre, tout à l'heure, au moment où il s'apprêtait presque à aborder le fond du sujet...

Le Président (M. Cardinal): Approchez votre micro, s'il vous plaît!

M. Forget: Le ministre d'Etat a indiqué que, dans la rédaction des règlements auxquels donne ouverture l'article 81, il n'avait éprouvé aucune difficulté, aucune des difficultés en particulier qu'avaient soulevées mon collègue de Marguerite-Bourgeoys. C'est une affirmation qui est certainement "the understatement of the year" dans un certain sens, puisqu'il serait difficile d'imaginer qui pourrait trouver des difficultés à rédiger des règlements qui se conforment à cet article. En effet, il n'y a aucune espèce de restriction, et pourvu que cela parle vaguement de gens qui viennent au Québec pour une raison ou pour une autre, à un moment dans leur vie et qui pourraient peut-être s'intéresser au problème de l'éducation de leurs enfants, le règlement sera ultra vires, tel que prévu par la loi. C'est donc ne pas dire grand-chose que de dire qu'il n'y a pas eu de difficultés de rédaction. Le contraire serait plutôt surprenant.

M. le Président, jusqu'à il y a quelques années, on avait l'habitude de rédiger, dans les lois du Québec, une disposition omnibus à la fin qui disait que le Conseil des ministres ou le lieutenant-gouverneur en conseil pouvait adopter tous les règlements qui sont nécessaires à la mise en application de la loi. Comme cela, on n'oubliait rien et on pouvait ramasser tout ce que ceux qui avaient rédigé la loi avaient oublié en cours de route ou tout ce à quoi ils pourraient penser sub-séquemment à l'adoption de la loi sans être obligé de la faire modifier. C'est un style de réglementation qui a été condamné à juste titre, non seulement par les organismes tel que le Barreau, mais également par tous les observateurs de la scène politique, puisque c'est la façon la plus simple de se déplacer graduellement vers un gouvernement par décret plutôt qu'un gouvernement qui gouverne selon les lois. C'est bien la situation devant laquelle on se trouve maintenant.

On a une possibilité de décréter des conditions qui peuvent être aussi généreuses ou aussi mesquines que possible, selon l'inclination et les goûts personnels du ministre du moment.

Je crois que, si l'on parle d'une charte, si l'on croit que véritablement ce qu'on adopte maintenant est une charte plutôt que simplement une simple loi cadre à caractère administratif, alors il faut être un peu plus ambitieux quant aux objectifs qu'on poursuit et ne pas se contenter simplement d'une clause omnibus qui permet au gouvernement de faire ce que bon lui semble au moment où cela lui semble opportun.

C'est la raison pour laquelle je suis fondamentalement en désaccord avec un article rédigé de cette façon, indépendamment de la loi dans laquelle l'article se trouve. Par hasard, on se trouve dans le projet de loi 101, mais on pourrait se retrouver dans quelque autre sorte de loi qu'on

veuille bien mentionner et un même article serait pareillement inacceptable. Mais à plus forte raison, dans une loi qui affecte assez profondément un tas d'individus et sur un point sur lequel — est-il besoin de le dire — ils sont extrêmement sensibles.

Pour donner des exemples de ce qu'on pourrait retrouver dans un article comme celui-là, et sans nécessairement vouloir faire des amendements formels, puisqu'il y a des aspects techniques, administratifs, etc., qui devraient normalement entrer en considération, on peut citer au moins trois ensembles de restrictions ou de conditions qui devraient se trouver présentes dans un tel article. En particulier on pourrait envisager que cette disposition couvre un certain nombre de catégories professionnelles. On mentionne des personnes ou catégories de personnes, cependant on pourrait expliciter un peu plus ce qu'on entend par catégories de personnes, au minimum.

Ce que l'article dans sa formulation actuelle permet au gouvernement de faire, c'est de faire des distinctions. On dit: II y aura dans le règlement des catégories de personnes. On ne dit pas ce que les catégories sont. On annonce d'avance qu'il y en aura. Donc, on fera des règles permettant d'échapper aux dispositions impératives de l'article 69, qui seront relâchées dans une certaine mesure, inconnues et non spécifiées dans la loi, pour une catégorie de personnes, et qui seront relâchées, dans une autre mesure, que l'on ne connaît pas davantage, mais de façon différente, pour une deuxième catégorie et peut-être une troisième, une quatrième ou une cinquième catégorie de personnes.

Si l'on a cru bon de spécifier qu'il y aura des catégories, on doit avoir à l'esprit quelles sont ces catégories et effectivement, le ministre a mentionné les cadres. J'imagine qu'il désigne par là les employés de caractère administratif des entreprises; également il a mentionné les diplomates en poste au Qébec, c'est-à-dire les membres du personnel des consulats, les délégations commerciales, offices de tourisme, etc., qui se retrouvent sur le territoire du Québec et qui ne sont pas des ressortissants nationaux. Enfin les employés d'organismes internationaux, je crois que nous en avons un ou deux qui sont particulièrement importants à Montréal, c'est-à-dire l'OACI et l'IATA.

Il peut y avoir de telles catégories. Il peut également y en avoir d'autres, je pense en particulier au personnel technique et scientifique qui se trouve temporairement, qui n'occupe pas nécessairement des postes de cadre et qui se trouve temporairement à occuper des fonctions quelque part au Québec, etc. Je crois qu'il y a une énumération qui est nécessaire, mais encore faut-il savoir si, effectivement, l'intention du législateur est de couvrir toutes et chacune des ces catégories ou si le décret qui sera éventuellement publié n'en couvrira que quelques-unes, puisque la réponse que le ministre prétend apporter aujourd'hui par un tel article n'est pas une réponse tant et aussi longtemps que le décret ne viendra pas le préciser.

Un deuxième ensemble de considérations qu'on pourrait retrouver, ce sont des considérations relatives à la durée et au caractère renouvelable ou non de cette espèce d'exemption qui est envisagée dans l'article 81. Le ministre a dit: On s'interroge pour savoir si cela devrait être un an, deux ans, trois ans ou quatre ans. Il a fait un parallèle instructif entre le délai auquel il pensait pour cet article et les délais qui sont inscrits au Code des professions. L'on sait quels sont ces délais. Ils sont uniformes.

Enfin, il faut tout de suite se souvenir que, dans le cas du personnel de certaines organisations internationales qui sont en poste au Québec, on se trouve en face de situations assez curieuses, puisqu'il est reconnu que ces organismes et leurs personnels non nationaux jouissent d'une certaine forme d'extraterritorialité. Effectivement, on connaît, je pense, plus ou moins tous des membres, par exemple, du personnel de l'OACI qui, tout en étant des ressortissants étrangers, en conservant leur nationalité étrangère, en étant à l'emploi d'un organisme international, ont séjourné ici près de vingt ans, ont élevé une famille effectivement au Québec, et on peut se demander jusqu'à quel point les dérogations qu'envisage le ministre dans son décret pourraient faire place à des délais aussi longs. Enfin, c'est certainement une question que ces gens se posent et c'est certainement une question qui a un certain intérêt.

Enfin, parmi d'autres catégories ou un autre ensemble de considérations qu'on pourrait retrouver présentes, il y en a qui portent sur le motif ou le type d'entreprise. C'est ici peut-être que les questions les plus intéressantes se posent. En effet, il y a des distinctions imaginables et le décret nous révélera probablement entre des raisons différentes pour que des personnels appartenant à une classification professionnelle déterminée soient présents ou non au Québec. Je pense en particulier — je l'ai indiqué tout à l'heure — au personnel scientifique, qui est à la fois une catégorie professionnelle et aussi une raison d'être pour leur présence au Québec, mais lorsqu'il s'agit de cadres, par exemple, de types d'occupations ou de professions qui ne sont pas très spécifiques, on peut se demander jusqu'à quel point le règlement voudra faire des distinctions selon les entreprises, selon l'activité des entreprises. Est-ce que le ministre d'Etat a à l'esprit de distinguer entre les sièges sociaux de certaines entreprises pour les cadres et des cadres qui ne seraient pas membres de sièges sociaux?

Il est clair que les implications de l'une et l'autre option ne sont pas les mêmes, puisque s'il veut faire une distinction formelle entre les sièges sociaux et les autres types d'entreprises, les règlements devront comporter des définitions assez rigoureuses de ce qui constitue, aux yeux du gouvernement, un siège social d'envergure nationale, etc., et on s'embarque, comme on le voit, dans une discussion extrêmement longue et difficile, mais aussi extrêmement importante.

M. le Président, j'ai fait tous ces développements pour montrer que, lorsque l'on dit que ce

texte est vague, ce n'est pas simplement un reproche théorique que l'on fait, mais c'est qu'on a à l'esprit des notions très précises qui devaient se retrouver dans la loi de manière à nous donner les garanties que tout le monde y recherche.

Sur le fond même des exonérations, il est peut-être à peine besoin de mentionner, puisque le gouvernement l'a inscrit dans la loi, combien sont importantes, pour l'ensemble des Québécois et non pas seulement pour les anglophones ou pour les bénéficiaires immédiats, des dispositions de ce type.

Les Québécois francophones sont aussi des Nord-Américains et ils veulent, peut-être pas tous, mais certains d'entre eux veulent avoir accès, soit sur le plan professionnel, soit sur le plan scientifique, soit sur le plan économique, à l'univers nord-américain qui les entoure. La présence, au Québec, d'un certain nombre d'organismes, qu'il s'agisse de sièges sociaux d'entreprises, qu'il s'agisse de certains petits organismes de recherche scientifique, de bureaux d'étude, a été, pour les Québécois francophones, et ceci en nombre de plus en plus considérable, une fenêtre ouverte sur le reste de l'Amérique du Nord et une fenêtre ouverte chez eux.

Il ne fait pas de doute dans mon esprit que ceux qui se sont intéressés à ces domaines, s'ils ne trouvent pas chez eux les possibilités de s'insérer dans ces circuits de connaissances, dans les circuits économiques ou autres, iront les chercher à l'extérieur du Québec et pousseront peut-être des racines sous ces autres cieux, de sorte que l'absence d'une telle disposition constituerait, non pas seulement une perte pour ces individus, mais une perte permanente et définitive pour le Québec.

Nous avons donc tous un intérêt très grand, même si nous n'avons pas l'intention de nous en prévaloir nous-mêmes, bien évidemment, nous avons tous un très grand intérêt à ce que ces fenêtres soient ouvertes le plus largement possible et, ceci en fonction de favoriser le maintien et même le développement de ces activités chez nous, qui donnent au Québec une occasion, un avantage comparatif extraordinaire, c'est-à-dire la possibilité de participer à deux civilisations, la civilisation du monde francophone et celle du monde anglophone et du monde nord-américain qui l'entoure.

C'est donc avec énormément d'insistance que je plaide auprès du ministre pour que, lorsqu'il en viendra à rédiger et à adopter de façon définitive ce décret — et il nous dit que c'est pour bientôt — il le fasse avec le souci d'assurer que les portes soient ouvertes le plus largement possible.

En effet, il s'agit de quelques centaines d'individus, tout au plus, donc sur le plan de l'équilibre démographique ou autre, cela n'a aucune espèce d'importance, quelles que soient les conclusions, quels que soient les chiffres auxquels on veut se référer, cela n'a aucune espèce de conséquence sur ce plan. Mais, cela a une conséquence énorme sur le plan de l'ouverture du Québec au monde nord-américain qui l'entoure et même au monde entier, puisque souvent ce monde entier véhicule la langue anglaise pour s'exprimer et communi- quer avec les autres. Je pense que la rédaction de ce règlement est un symbole de la volonté d'ouverture que prétend avoir le ministre d'Etat et que je souhaite personnellement qu'il ait le plus fortement et le plus sincèrement possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, comme nous avançons dans ce chapitre de la langue d'enseignement, je crois qu'on est en état de mesurer toute la valeur non seulement de la langue française mais de toutes les langues, quelles qu'elles soient, puisqu'elles nous permettent d'avoir une très grande ouverture sur le monde qui nous entoure. Cet article 81, tel que rédigé, va dissiper, je crois, beaucoup de craintes, si on se souvient des différents témoins qui ont circulé lors de l'audition de mémoires.

On se posait des questions, à ce moment-là, non seulement pour les anglophones, mais pour des ouvriers, des spécialistes. On s'éloignait même de l'idée des cadres, afin que la venue au Québec de ces personnes, pour un temps limité, temporaire, puisse leur enlever justement cette crainte. Je crois que l'article 81 nous prouve que le ministre, dans un souci de flexibilité, va permettre à ces enfants, qui vont séjourner temporairement au Québec, non seulement d'avoir l'accès à l'école anglaise, mais je crois aussi que ces personnes vont profiter de leur séjour chez nous pour, peut-être, ouvrir leurs portes à l'apprentissage de la langue française.

Quand on sait que, très souvent, ces spécialistes ou ces employés de nationales ou de multinationales sont appelés à voyager ailleurs dans le monde entier, il ne serait pas superflu de croire que l'apprentissage du français, si c'est leur première visite ici, au Québec, va peut-être leur permettre de continuer ailleurs dans le monde, là où ils auront l'occasion de séjourner, de poursuivre l'étude de cette langue. Alors, j'y vois de multiples avantages, et, comme le député de Saint-Laurent vient de le mentionner, le nombre en sera tout de même assez réduit, mais le fait, pour le ministère, d'ouvrir cette porte, cela nous indique que le Québec ne se privera pas de spécialistes, qu'une fois cette crainte dissipée, on viendra chez nous en toute confiance, que ce soit dans les sièges sociaux, dans les multinationales ou encore pour d'autres spécialistes, ou encore des employés qui viendront ici pour quelques années. A ce moment-là, ils n'auront pas la crainte de se voir fermer les portes des écoles.

On réalise aussi qu'avec l'article 81, le Québec manifeste certainement une ouverture sur le monde, et on sait qu'on a été taxé, ou le gouvernement a été taxé, d'être fermé à la langue anglaise; c'est un épouvantail qu'il faudrait dissiper. Je ne doute pas des bonnes intentions du gouvernement dans ce domaine, et surtout quand on voit que la portée de l'article 81, avec l'amendement qui suivra ou l'article 81a — nous en parlerons à ce moment-là — ouvre non seulement les portes aux personnes des autres provinces canadien-

nés — c'était déjà notre préoccupation lors de l'étude de l'article 69 — mais, plus on avance — nous sommes presque à la conclusion de l'étude de ce chapitre — plus on se rend compte, avec les explications qu'on nous donne, qu'il ne manque tout de même pas grand-chose pour rendre la Charte de la langue française, quant au chapitre spécifique de l'enseignement, dont l'étude est assez avancée déjà, pour revenir à ce que nous avons suggéré au début, pour y voir la possibilité d'un véritable projet collectif. Nous l'avons dit; nous sommes pour l'étude de la langue française, pour une meilleure qualité de la langue française. On en a discuté à l'article 80, et il n'y a pas de doute qu'il faut commencer chez nous, dans nos propres écoles.

Si on a cette fierté, cette noblesse, ce désir de bien apprendre notre langue au départ, je crois que le jour où on pourra convaincre, par exemple, les Canadiens français d'étudier l'anglais, l'espagnol ou une autre langue, ils en comprendront mieux l'utilité. Si nos Canadiens français abondent dans ce sens, nos anglophones... On l'a mentionné hier, on semble noter des progrès. C'est très encourageant de voir que de plus en plus les anglophones s'intéressent à l'étude de la langue française, à cette culture française. Le jour où ils auront pris un véritable goût pour la culture française, ils en viendront, automatiquement, à apprendre la langue. Je crois que cet article 81, en tenant compte de toutes les catégories de personnes, de celles qui viendront s'ajouter ici, de façon temporaire, puisque c'est le but de l'article, je crois qu'à ce moment les craintes — c'est ce qui est important — étant dissipées, ceci contribuera à créer un meilleur climat. Personnellement, dans ma région, où ces problèmes ne se posent pas, nos anglophones, pris de panique, commencent tout de même à être rassurés, à être moins craintifs. Quand on peut leur expliquer les dispositions du projet de la charte, je crois que cela aide beaucoup, surtout dans les régions éloignées. Je limite là mon intervention puisque nous aurons l'occasion, surtout avec l'article 81a, d'approfondir davantage l'article que nous avons en ce moment.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Gaspé. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord discuter de l'expression "façon temporaire", les mots "séjournant de façon temporaire", qui sont inclus dans l'article 81.

Plusieurs mémoires soumis à la commission parlementaire lorsque nous avons étudié le projet de loi no 1, du point de vue et des francophones et des anglophones — ce n'était pas limité seulement, à un groupe linguistique — plusieurs mémoires de groupes d'hommes d'affaires se sont opposés à cette notion de faire des exceptions pour des raisons temporaires, et ils ont expliqué pourquoi.

En théorie, on peut dire qu'il est vrai que des gens viennent ici pour remplir certains postes clés, certains emplois, que ce soient des profes- sions, que ce soit dans le domaine scientifique, de la recherche, etc. Mais, au point de vue pratique, ces organismes nous ont souligné que ce n'était pas leur façon de procéder. Quand une personne recevait un transfert d'une industrie à une autre ou d'une compagnie à une autre, pour venir au Canada, dans son esprit, il lui fallait déménager sa famille, faire un déplacement. Il y avait toujours la question que ce ne serait peut-être pas temporaire et que si on imposait cette notion de "temporaire", cela découragerait les gens, et dans la plupart des cas, cela rendrait difficile, sinon impossible, d'effectuer les transferts nécessaires.

Il me semble que le gouvernement n'a pas compris les représentations que le monde des affaires nous a apportées au sujet du séjour temporaire. Dans le domaine pratique, ce n'est pas de cette façon que se prennent les décisions. Je vois qu'on a gardé cette notion de "façon temporaire" et cela ne répond pas du tout aux demandes, aux préoccupations de ces industries. C'est malheureux, je ne ferai pas d'amendement, parce que, encore une fois, cela dépend des principes que nous acceptons au départ. Il semble que la façon dont laquelle nous abordons le projet de loi ici, ce n'est pas tout à fait selon les mêmes principes au sujet de l'article 81 que du côté ministériel.

M. le Président, hier, une motion d'urgence a été adoptée pour discuter du chômage. Un article comme l'article 81 va affecter directement l'emploi. Si une compagnie a un poste clé, pour une raison ou pour une autre cela n'a rien à faire avec le fait de ne pas donner cet emploi à quelqu'un au Québec, c'est parce que, pour plusieurs raisons qui ont très bien été expliquées, c'est nécessaire de chercher cette expertise et de la chercher en dehors du Québec, et souvent même hors du Canada, c'est la façon d'oeuvrer de ces compagnies.

Chaque fois que nous avons un poste clé, il faut que le gouvernement réalise que cet emploi va créer d'autres emplois et les bénéficiaires des autres emplois ne seront pas les gens en dehors du Québec, ce seront les citoyens du Québec, ce seront dans la plupart des cas, des francophones. Si le poste clé est perdu, tous les autres emplois sont perdus, mais si le poste cadre demeure, si l'emploi demeure, non seulement les autres emplois vont demeurer, mais tous les francophones pourront y accéder éventuellement, même à ce poste qui, pour le moment est rempli par un autre.

C'est une façon de penser qu'on semble écarter, que le gouvernement ne semble pas prendre en considération. Les notions pratiques, les effets pratiques de la portée de cet article. On ne peut pas dire naturellement, c'est seulement cet article ou un autre, mais c'est tout l'ensemble de l'approche qui résulte en l'effet que cela cause des problèmes de chômage, cela cause des problèmes d'emploi au Québec.

L'autre aspect, M. le Président, c'est qu'on n'établit pas de principe dans l'article 81. Il n'y a pas de principe d'établi. On dit que le gouvernement peut faire des règlements pour des personnes qui séjournent ici de façon temporaire. Sur quelle base? Chaque exception que le gouvernement veut faire à un principe établi, par exemple,

les principes de l'article 69 ou autre; il faut qu'il ait un point d'appui, un principe sur lequel quelqu'un peut se baser pour se prévaloir de la loi. Tel que rédigé, M. le Président, l'article 81, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut tout dire et cela ne veut rien dire. Ce n'est pas la façon dont on doit rédiger une loi.

M. le Président, pourrais-je proposer la suspension?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, comme M. le Président Cardinal l'a déjà dit, c'est d'office, c'est automatique. Je suspends jusqu'à 15 heures les travaux de cette commission.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

Reprise de la séance à 15 h 6

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs!

Le quorum étant déjà constaté, même s'il n'a pas besoin d'être constaté, puisqu'en vertu de l'article 145, il peut être présumé, nous allons immédiatement commencer la suite de cette séance qui sera ajournée à 20 heures ce soir.

Je n'ai pas besoin de rappeler les membres de la commission.

Au moment de la suspension, M. le député de Mont-Royal s'exprimait sur l'article 81. M. le député de Mont-Royal, il vous reste treize minutes.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Votre micro, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: Merci. M. le Président. Je notais et je faisais remarquer aux membres de la commission que la notion des six jours temporaires avait suscité des problèmes aux représentants des hommes d'affaires de la communauté des affaires du Québec, tant anglophone que francophone. Ils ont suggéré au ministre d'Etat au développement culturel de trouver un autre moyen de donner ce droit, faire cette exception, même si c'est par l'entremise du règlement, pour que cela réponde aux préoccupations de ceux qui seront transférés ici par les différentes compagnies faisant affaires au Québec.

J'ai aussi souligné l'obligation pour le gouvernement de faire tout son possible, en tenant compte des principes du projet de loi, mais de le faire de telle façon que, tout en sauvegardant ses principes, cela ne cause pas d'ennuis, de difficultés qui augmentent les problèmes des hommes d'affaires et le taux de chômage, résultant directement de l'application d'un article comme l'article 81 qui ne contient pas, à mon avis, de principe. On y dit seulement que le gouvernement peut faire des règlements; on ne précise pas pour qui; il ne précise pas même pourquoi. Quand on dit "le séjour de façon temporaire", ce n'est même pas spécifié que cela concerne ceux qui viennent travailler au Québec. Cela peut être pour une variété d'autres raisons.

Je crois qu'on aura besoin de cette assurance du gouvernement. Qu'il établisse certains principes à l'article 81.

Je voudrais faire remarquer au gouvernement qu'il peut y avoir deux catégories de personnes qui viennent au Québec, de l'extérieur du Québec.

Il y a celles qui viennent parce qu'elles sont transférées par les compagnies pour prendre des postes dans des domaines où la demande d'une certaine expérience exige leur présence. Il y a un autre groupe, celles qui — je ne veux pas appeler immigrants des gens qui viennent de l'extérieur du Québec; immigrants ce serait ceux qui viennent de l'extérieur du pays — mais il y a une certaine mobilité qui n'est pas directement rattachée au domaine des affaires. Alors il me semble qu'on devrait faire une distinction dans le principe de l'article 81 entre ces deux catégories de personnes. Je

comprends les principes de l'article 69, et la première catégorie de gens qui ne sont pas spécifiquement transférés pour des raisons d'expérience ne va pas vraiment à l'encontre de l'article 69. La raison pour laquelle le gouvernement a pris l'option Québec plutôt que l'option Canada... On n'est pas d'accord, mais même si on admet ce principe... La façon dont on peut traiter ces gens est spécifiée dans l'article 69. On n'a pas besoin de l'article 81 et dans l'article 81, nous devrions être plus libéraux, plus... Libéral, dans tous les sens.

M. Grenier: Dans le bon sens.

M. Ciaccia: Dans le bon sens. Il n'y a qu'un sens. C'est le bon.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je n'en doute point. Continuez.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vois que vous comprenez. Etablir ce principe, parce que la deuxième catégorie, c'est-à-dire ceux qui sont transférés ici pour des raisons spécifiques, on ne peut pas dire qu'ils vont causer des problèmes démographiques. On a déjà posé assez de restrictions à l'accès aux écoles anglaises, sans être préoccupé par certains sièges sociaux, certaines personnes d'expérience dans le domaine scientifique ou dans le domaine professionnel. Il me semble qu'on aurait pu ouvrir la porte un peu. Etre plus accueillant, aider les entreprises, l'économie. Parce qu'on n'aide pas seulement les individus. L'individu, s'il voit un article comme celui-là et sait que c'est une question de temps dira: pourquoi me déplacer, déplacer ma famille, mes enfants? Je ne viendrai pas.

Alors, si la position est perdue, si l'emploi est perdu, ce n'est pas lui qui perd, c'est l'économie en général, et je trouve, M. le Président, qu'on a déjà assez de principes et de restrictions d'établis dans le projet de loi sans en ajouter d'autres inutilement. Naturellement, on peut commencer sur la base de deux différents principes. Un principe serait que nous avons deux réseaux d'enseignement ici, deux cultures, et il y a certains avantages à en tirer. On peut prendre l'autre principe, à savoir qu'on veut restreindre, réduire, ne pas s'occuper, réduire autant que possible l'une des cultures, la culture minoritaire. Or, il me semble, M. le Président, que le principe de vouloir prendre avantage des deux réseaux d'enseignement, une fois que les principes de l'article 69, une fois que les principes fondamentaux des articles 1 à 6 ont été acceptés — nous les avons acceptés, les principes fondamentaux, dans le premier chapitre — je crois qu'on devrait accepter l'approche, à savoir profiter des réseaux d'enseignement qui font de Montréal, par exemple, une ville internationale, qui lui donnent cette ouverture au monde, qui lui donnent la possibilité d'attirer des entreprises, des personnes, des dirigeants, des emplois qui, normalement, ne viendraient pas ici.

M. le Président, il y a de la concurrence. Il y a concurrence terrible pour les sièges sociaux entre les différentes villes du Canada et même entre les villes du secteur de l'Est des Etats-Unis. Tout ce que nous faisons pour rendre la vie plus difficile à ces entreprises n'irait pas dans les intérêts des Québécois. Je ne crois pas, M. le Président, que ce soit une critique de la majorité francophone au Québec que de suggérer qu'on puisse profiter d'une économie qui profiterait de tous les talents de 22 millions ou de 300 millions de personnes sur le continent nord-américain, plutôt que de se restreindre seulement à une économie de cinq ou six millions, tout en acceptant les principes de la promotion de la langue française et en acceptant les autres principes de la charte.

M. le Président, pour ces raisons, je crois que le gouvernement devrait au moins nous faire part des règlements, mais, encore plus important que ça... Parce qu'il y a trop de règlements.

Gouverner seulement par règlement, sans savoir sur quel principe ils sont basés, ce n'est pas une façon légitime de gouverner. Non seulement ce gouvernement-ci, mais d'autres se sont fait critiquer parce qu'ils énonçaient des principes de règlements sans donner le principe de la loi, sans donner les conditions dans lesquelles ces règlements devaient être promulgués.

Pour ces raisons, je recommanderais fortement au gouvernement de s'attaquer, premièrement à la question de savoir ce qu'il veut dire par les mots "de façon temporaire", d'enlever cette notion de temporaire et d'énoncer, à l'article 81, certains principes fondamentaux selon lesquels il accordera les exemptions visées par cet article.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier le député de Gaspé de l'appui qu'il accorde à l'article tel qu'énoncé et surtout des raisons pour lesquelles il a fait valoir son appui. Il a reconnu que son gouvernement a écouté les divers groupes qui se sont présentés en commission parlementaire. Il a reconnu la validité des raisons qu'ils apportaient à l'appui de leurs demandes. Il a reconnu que le gouvernement avait fait montre de souplesse et de réalisme, en l'occurrence.

C'est exactement d'ailleurs, comme je l'avais dit au début, le but de cet article, de montrer que le gouvernement reconnaît les demandes légitimes lorsqu'elles lui sont présentées.

Quant au député de Mont-Royal, on sent très bien qu'il serait d'accord avec l'article si l'article stipulait les conditions auxquelles certaines personnes ou catégories de personnes séjourneraient de façon permanente au Québec.

J'ai bien écouté ses raisons, mais c'est là aller complètement à l'encontre de l'esprit aussi bien que de la lettre de l'article puisque le critère dont on parle tant est précisément situé à cet endroit de l'article, que le critère principal, pour ne pas dire

unique, est le critère de la durée. Donc, accepter ses vues serait accepter de renoncer à l'article, ce serait accepter, en somme, de le biffer, ce que nous ne sommes pas prêts à le faire.

J'ai été également très intéressé par l'intervention du député de Saint-Laurent. Je reconnais avec lui qu'il est opportun pour le législateur de limiter au maximum le nombre et l'étendue des règlements auxquels peuvent donner ouverture les articles d'une loi.

J'ai lu, comme lui, toutes les protestations, représentations qui ont été faites à l'endroit des gouvernements successifs par un grand nombre d'associations et, en particulier, par le Barreau du Québec. Je pense que je souscris avec lui aux intentions malheureusement pas toujours suivies d'actes, des gouvernements précédents, à l'effet de limiter au maximum le pouvoir réglementaire du gouvernement. Je pense en effet qu'il est toujours plus intéressant de voir inscrite en clair dans une loi l'intention du législateur, que de voir ensuite des règlements venir surprendre, sinon ta bonne foi, du moins l'attente de la population. Je crois d'ailleurs qu'il aurait eu intérêt, lorsqu'il était ministre des Affaires sociales à s'appliquer cette recommandation, car s'il est un ministère qui a abusé, au cours des dernières années du pouvoir réglementaire, c'est bien le ministère des Affaires sociales, puisqu'on ne connaît guère de ministère où il y a autant de lois qui ont donné ouverture à des règlements. Je souscris à la rectitude de cette orientation et je veux le rassurer que nous y avons constamment songé dans l'élaboration et la rédaction de ce projet de loi.

En effet, comme il le sait et comme il le reconnaît sûrement, ce projet de loi couvre énormément de terrain, il s'intéresse à un très grand nombre de secteurs, de sphères de la vie collective et il était prévisible, si on en croit les exemples antérieurs, qu'il aurait pu donner ouverture a un très grand nombre de règlements. D'ailleurs la loi 22 donnait ouverture à un très grand nombre de règlements. Règlements dont l'élaboration a été tardive, dont l'élaboration a été ardue et à un point tel, M. le Président, que certains de ces règlements ont été déposés près de deux ans après l'adoption de la loi 22. Il y a même certains règlements que prévoyaient certains articles qui n'ont jamais pu être élaborés, qui n'ont jamais été déposés à l'Assemblée nationale. Je pense par exemple aux articles 14 et 57 où on prévoyait des règlements sur lesquels on était encore en train de travailler au mois de novembre.

Nous avons donc essayé de donner le moins possible d'ouverture au règlement, d'une part, et, deuxièmement, de préparer, de rédiger les règlements en même temps que la loi dans toute la mesure du possible, et je pense que nous y sommes quand même passablement parvenus puisqu'il ne reste que deux ou trois règlements à rédiger pour rendre encore plus clairs, explicites les divers articles de la loi.

Donc, en ce sens, je pense que le gouvernement a pris ses responsabilités, qu'il a fait son devoir, mais qu'il devenait quand même impossible de rédiger une loi d'une telle ampleur sans, en même temps, laisser ouverture dans quelques articles à certains règlements, même si nous avons tenté de les limiter dans toute la mesure du possible.

Quant au contenu de l'article lui-même, M. le Président, je continue à croire que le critère, que le principe, dont quelques membres de l'Opposition officielle ont parlé, y est véritablement inscrit. Ce critère, ce principe, c'est la durée limitée d'un séjour au Québec pour des raisons précises que le règlement déterminera, mais que j'ai quand même dévoilées en partie dans ma présentation de l'article, par exemple, lorsque j'ai mentionné qu'il pouvait s'appliquer aux diplomates, aux membres des organisations internationales, à des travailleurs spécialisés, à des professionnels qui, en raison des intérêts légitimes de certaines entreprises, pouvaient être appelés à venir travailler au Québec. Je pense que c'est là l'essentiel des catégories de personnes que nous visons.

Quant à l'application du critère lui-même, j'ai dit que nous étions en train de considérer les avantages et désavantages réciproques de tel ou tel chiffre, ou encore d'un renouvellement pour une période donnée. Notre réflexion se continue, nous procédons encore à quelques dernières consultations et, comme je l'ai déjà dit, j'espère bien pouvoir présenter, dès la semaine prochaine, le texte final du règlement au Conseil des ministres.

Je sais, évidemment, que ce règlement ne couvrira pas toutes les catégories de personnes auxquelles pense l'Opposition officielle, cela est bien possible. Je sais aussi qu'il ne couvrira pas ces catégories de personnes dont quelques-uns ont parlé et qui exigent un transfert permanent, par exemple, dans les sièges sociaux. Dans ce dernier cas, nous pensons que, si quelqu'un vient s'installer d'une façon permanente à un siège social, il y aurait intérêt pour lui, et je l'ai déjà dit, à profiter des avantages que donne une école française, qui pourrait enseigner à ses enfants une langue qui est une des plus grandes langues de la civilisation mondiale, pendant que le milieu familial et tout l'entourage peuvent quand même contribuera permettre, non seulement le maintien, mais le développement de sa culture d'origine et de sa langue d'origine.

Je ne sache pas, M. le Président, que ces professionnels ou ces travailleurs qui viendraient au Québec souffriraient davantage de leur séjour plus ou moins long dans notre pays, qu'ils ne seraient appelés à souffrir d'un séjour similaire dans n'importe quel pays normal au monde, que ce soit la France, l'Italie, l'Allemagne, où l'habitude est d'envoyer ses enfants à l'école nationale, à l'école du pays, pour le plus grand bénéfice, d'ailleurs, des enfants de ces professionnels qui peuvent ainsi connaître une autre langue et s'acclimater à une autre culture.

Ce n'est pas un cataclysme pour personne que de profiter des bienfaits de l'école française au Québec. Je pense que, lorsque les anglophones du Québec, aussi bien que du reste du Canada, auront compris cet avantage, renonçant peut-être pour cela à certaines idées reçues, à cer-

taines habitudes, ils y verront un avantage au lieu d'y voir un inconvénient.

Je crois donc que l'article, tel que rédigé, répond exactement aux exigences du gouvernement aussi bien qu'aux exigences que peuvent faire valoir les entreprises ou certaines catégories de personnes, et, en l'occurrence, je ne vois aucune nécessité pour le rejeter ou pour l'amender.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, toujours sur l'article 81.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Tous se souviendront que le ministre, avant le dépôt du projet de loi no 1 ou au moment de ce dépôt, avait annoncé qu'il déposerait les règlements — je pense même que c'était après le livre blanc — en même temps que le projet de loi no 1. Ceci n'a pu être réalisé. Je comprends que !e ministre ait pu être soumis à certaines contraintes et je l'accepte.

Par contre, quand nous sommes arrivés en commission parlementaire — et je ne relaterai pas les faits. Cela a été fait par les collègues qui m'ont précédée...

Néanmoins, au chapitre de la langue d'enseignement, il n'y avait que deux séries de règlements prévus, une à l'article 77 et l'autre à l'article 81. Dans le cas de l'article 77 et des règlements qui devaient l'accompagner, on a déposé des règlements mais qui étaient une version corrigée de la première version que le ministre de l'Education avait déjà déposée depuis un certain temps. Je pense que la motivation qui a permis que ces règlements soient prêts à temps était simplement le fait qu'il faut voir à la rentrée scolaire. C'est malheureux qu'il n'y ait pas eu les mêmes motivations pour les autres règlements, peut-être qu'on les aurait eus.

Ceci est d'autant plus surprenant qu'on ne les ait pas aujourd'hui, que le ministre d'Etat au développement culturel, dans une intervention qu'il a faite ce matin, réassure le député de Marguerite-Bourgeoys et lui dit: Ne vous inquiétez pas, je pense que nous avons pris soin de toutes ces appréhensions dont vous parlez. Ceci, je pense, explique difficilement qu'il ne soit pas prêt à les déposer aujourd'hui.

Le ministre a également reproché, non ce n'est pas exact, le ministre a rappelé que, quant à la loi 22, les règlements qui devaient l'accompagner n'ont pas tous été déposés avec rapidité. Je pense que ce point particulier a déjà été discuté ici à cette commission et, si je le rappelle, c'est qu'il peut y avoir ici d'autres personnes qui resteraient avec l'impression que c'était là de la négligence.

Néanmoins, au cours de cette discussion antérieure que nous avions eue, le ministre d'Etat au développement culturel, je crois, avait reconnu que, quant à l'élaboration de certains règlements, particulièrement touchant la francisation des entreprises et d'autres secteurs, le gouvernement antérieur partait du néant dans ce domaine, alors que celui-ci, je pense — il le reconnaît, je crois — profite de l'expérience et des nombreuses études qui ont été faites particulièrement par la Régie de la langue française touchant l'élaboration de ces règlements.

Le ministre félicite le député de Gaspé, c'est certainement à bon droit, mais en disant: Vous voyez comme on a bien écouté en commission parlementaire; on a pris soin de se rendre aux représentations qui nous ont été faites lors des auditions. Quand vous regardez le projet de loi 1 — c'est l'article 58 qui traite de ce sujet — et que vous regardez le projet de loi 101 où le même sujet est traité à l'article 81, si ce n'est que pour une formulation différente quant à la façon dont les règlements vont être élaborés, je pense que c'est absolument le même article à savoir que certaines personnes seront soustraites à l'application du chapitre de l'enseignement si elles ne doivent séjourner ici que pour un temps temporaire.

Cela nous donne un exemple de la façon dont le gouvernement a bien écouté les nombreuses modifications qu'il prétend avoir apportées au projet de loi 101. Je pense que c'est un bon exemple de la compréhension au gouvernement.

Je voudrais simplement suggérer au ministre d'Etat au développement culturel qui a mentionné certaines catégories qui seront soustraites à l'application de la loi et la plupart, évidemment, se rapportent à des familles qui viennent temporairement travailler au Québec, que ce soit des diplomates, des cadres, des ouvriers, des techniciens spécialisés et autres. Je voudrais faire une suggestion au ministre d'Etat au développement culturel avant que toutes ces catégories ne soient absolument arrêtées. Il devrait songer à laisser une porte ouverte à des enfants qui, pour une raison familiale ou autre, peuvent être appelés, pour un temps temporaire aussi, à venir habiter au Québec. Ce sont des situations qui se produisent et je me demande s'il n'y aurait pas moyen d'examiner cette avenue également.

M. le Président, la dernière remarque que je voudrais faire, c'est un peu l'étonnement de voir qu'à l'article 81, sans doute le gouvernement peut faire des règlements, mais on se souviendra que lors de la discussion des mesures que l'on voulait prévoir pour les enfants handicapés, le gouvernement s'est entêté pendant longtemps à dire "peut prévoir des règlements". Pour ma part, j'aurais préféré une obligation plus grande que simplement ce pouvoir et y retrouver une obligation. Ce sont les remarques que je voulais faire à ce moment-ci du débat.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Les principales remarques des opinants, jusqu'à maintenant, sur l'article 81 ont surtout porté sur la substance de l'article, mais je voudrais simplement mentionner le point qui vient d'être soulevé par le député de L'Acadie. On se souvient qu'en ce qui concerne les droits de l'enfance handicapée, la première proposition du gouvernement, comme amendement à l'article 77, utilisait justement le mot "peut", n'engageait en aucune façon le gouvernement à le faire. Ce n'est

qu'après plusieurs heures de lente persuasion que nous avons pu convaincre le gouvernement, grâce à la bonne volonté des membres de cette commission, surtout du côté ministériel, de créer un droit et de l'inscrire dans la loi et non pas simplement créer pour le gouvernement un droit de faire quelque chose. C'est pour cette raison que je crois que cet article est insuffisant. On dit: "Le gouvernement peut faire des règlements", non seulement on dit: "le gouvernement peut faire des règlements", mais si vous allez plus loin, vous allez voir qu'on a une autre faille, une autre brèche très large, quand on dit à quelles conditions, certaines personnes ou catégories de personnes séjournant de façon temporaire au Québec ou leurs enfants peuvent être soustraits à l'application du présent chapitre.

On n'a que des pouvoirs, M. le Président, et on n'a pas de devoirs de la part du gouvernement à l'égard de ces personnes que l'on veut soustraire à l'application du chapitre sur la langue de l'enseignement.

Si les arguments des citoyens, des Québécois qui sont venus devant nous à la commission parlementaire pour étudier le projet de loi no 1, si ces arguments sont valables au point que le gouvernement les a acceptés dans son projet de loi no 1 et, d'une façon différente, dans le projet de loi no 101, il me semble que cela devrait être assez valable pour que le gouvernement s'impose... c'est-à-dire pour que la loi — on ne parle pas du gouvernement, ici, on parle de la loi; c'est beaucoup plus important que le gouvernement— impose au gouvernement un devoir de le faire. Autrement, cela peut simplement rester lettre morte.

Le gouvernement pourrait en faire et pourrait ne pas en faire, et toutes les représentations qui ont été faites, lors des auditions de la commission parlementaire, toutes les recommandations qui nous ont été faites par différents organismes, différentes associations, sur la nécessité — pas la possibilité — d'ouvrir un peu cette loi rigide en ce qui concerne la langue de l'enseignement pour les gens qui séjournent temporairement ici, et qui, n'ayant pas l'obligation de venir au Québec, auraient le choix de ne pas venir au Québec s'ils ne devaient pas avoir le choix d'envoyer leurs enfants à l'école de leur langue...

Alors, justement, M. le Président, je parlais d'enfants qui peuvent être soustraits à l'application du présent chapitre, et j'ai l'intention de proposer un amendement qui changerait le mot "peut", à la première ligne, par le mot "doit", et qui changerait les mots "peuvent être", aux troisième et quatrième lignes, par le mot "sont", de sorte que l'article devrait se lire... Si le gouvernement est d'accord au départ, à ce moment-là, je n'aurais même pas besoin de vous l'écrire. Cela se lirait: "Le gouvernement doit faire des règlements pour déterminer à quelles conditions certaines personnes ou catégories de personnes séjournant de façon temporaire au Québec ou leurs enfants sont soustraites à l'application du présent chapitre."

Le Président (M. Cardinal):... le texte de votre amendement, s'il vous plaît?

M. Lalonde: Oui, M. le Président.

M. Guay:... la recevabilité de la motion.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Je veux quand même voir la motion auparavant. Merci. L'amendement proposé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys est le suivant: "Que l'article 81 est amendé"— j'aurais préféré: qu'il soit amendé, parce que, quand même, c'est un jeu de l'Opposition officielle — "en remplaçant, à la première ligne, après les mots "le gouvernement"...

M. Lalonde:... présomptueux, M. le Président, je le reconnais.

Le Président (M. Cardinal): ... "le mot "peut" par le mot "doit", et en remplaçant, aux troisième et quatrième lignes, après les mots "ou leurs enfants", les mots "peuvent être", par le mot "sont". L'article amendé, parce que c'est un amendement, véritablement, dans ce cas-là, se lirait comme suit: "Le gouvernement doit faire des règlements pour déterminer à quelles conditions certaines personnes ou catégories de personnes séjournant de façon temporaire au Québec ou leurs enfants sont soustraites à l'application du présent chapitre."

Sur la recevabilité, M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, j'ai l'impression que cette motion est irrecevable, et je vous en présente les raisons. L'argumentation de l'Opposition officielle, jusqu'à maintenant, avait porté sur le fait que l'article pouvait être vague et, donc, ouvrir la porte à toutes sortes de choses qu'elle soupçonne, fort à tort, ainsi que sur le fait qu'il n'y avait pas encore de règlements, et, effectivement, les règlements n'ont pas encore été adoptés par le Conseil des ministres à ce sujet, et qu'elle aurait voulu les voir auparavant.

Voici qu'on nous propose maintenant un amendement, non pas sur le caractère vague, ou apparemment vague, ou pseudo-vague de l'article, ou sur le fait qu'il n'y ait pas de règlements, mais on voudrait remplacer "peut" par "doit". Je fais remarquer, en l'occurrence, que cet amendement est répétitif par rapport à l'article actuel. Par conséquent, il ne constitue pas vraiment un amendement, à moins que l'Opposition ne veuille ouvrir la porte à un autre débat lui permettant d'utiliser des périodes de 20 minutes et, donc, de faire un autre "filibuster". Mais l'amendement lui-même, tel que proposé, n'ajoute rien ou n'enlève rien à l'article puisque, que le gouvernement puisse ou doive, cela revient exactement au même.

Y aura-t-il certaines personnes ou certaines catégories de personnes qui pourront ou qui devront être soustraites à l'application de la loi? Que

le gouvernement puisse ou doive le faire, cela revient rigoureusement au même, à partir du moment où il y a ou il n'y a pas de catégories de personnes.

Donc, le fait d'obliger le gouvernement par "doit" plutôt que par "peut" ne change rigoureusement rien à l'article. Il est inutilement répétitif et constitue, à mon humble avis, une perte de temps.

Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: Oui, M. le Président. Sur la recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité.

M. Lalonde: Oui. Sur la recevabilité. Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: Si je regarde l'article 70, on dit qu'on peut remplacer des mots. Donc, dans ce sens, que l'amendement plaise ou non au député de Taschereau, qu'il lui apparaisse superflu ou entaché de tous les défauts qu'il croit, c'est une autre question.

Quant à la recevabilité, je pense que l'amendement a pour effet de remplacer les mots par d'autres. Il n'a pas pour effet d'écarter la question principale, la question principale étant de permettre à des personnes qui séjournent de façon temporaire au Québec d'être soustraites au chapitre dont il est question. Mais qu'il change quelque chose à l'article, oui. C'est justement cela.

Si le député de Taschereau pense qu'un pouvoir et un devoir, c'est la même chose, à ce moment, je ne peux plus argumenter.

M. Guay: Toujours sur la recevabilité. Il est exact que l'article 70 dit bien que le but d'un amendement est de retrancher, d'ajouter des mots ou, de les remplacer par d'autres. Encore faut-il que ces mots, qu'on veut retrancher ou remplacer par d'autres, n'aient pas le même sens, sinon, à ce moment, on pourrait faire des amendements pour chaque mot de chaque article, et on serait encore ici en l'an 1985.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Taschereau, mais cela pourrait être une technique que toute formation politique utilise.

J'ai déjà mentionné, en cette commission, que l'article 70 n'était pas le seul article s'appliquant à la recevabilité d'un amendement. J'ai mentionné qu'il y avait purement cette technique de l'amendement qui consiste à retrancher des mots, à ajouter des mots.

J'ai aussi mentionné le fait qu'un amendement devait amender, et ceci est une question de fond quant à la forme, ce qui est assez singulier.

J'ai aussi mentionné que le règlement prévoyait qu'un amendement ne devait pas changer le principe de ce qui avait déjà été décidé à l'Assem- blée nationale ou de ce qui avait déjà été mentionné au projet de loi.

Dans le cas présent, je me sens suffisamment informé pour rendre la décision suivante: Bien sûr, ne pouvant pas me prononcer sur le fond, malgré toute...

M. Paquette: ... l'indulgence que vous ayez...

Le Président (M. Cardinal): Non. S'il vous plaît! ...malgré tout ce que ma déformation juridique pourrait m'apporter quant au remplacement du mot "peut" par le mot "doit", surtout dans un article semblable, malgré cela, je dois dire que, et techniquement, et quant au fond, non pas de l'article 81, mais de l'amendement, je dois le déclarer recevable.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Dans l'introduction à l'amendement, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles je le faisais. Alors, je n'ai pas autre chose... Je ne veux pas expliciter davantage avant d'avoir entendu la réaction du gouvernement.

M. Laplante: Vote.

Le Président (M. Cardinal): Non. Un instant. J'ai reconnu M. le député de Vanier qui veut parler sur la motion d'amendement. Ensuite, M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Bertrand: Je vais dire pourquoi on va voter contre. C'est parce qu'on a essayé de faire une analogie entre le droit que nous avions reconnu à un article précédent pour les enfants souffrant de problèmes graves d'apprentissage et... On essaie d'appliquer le même principe dans le cas de cet article.

Je ferai donc valoir que si on devait inscrire le mot "doit", c'est donc qu'on voudrait en faire un devoir du gouvernement parce qu'on reconnaîtrait un droit à ces personnes d'aller, par exemple, à l'école anglaise.

Je voudrais vous faire valoir, M. le Président, qu'il n'en est rien. C'est un privilège que le gouvernement veut bien reconnaître à certaines personnes ou certaines catégories de personnes. Et puisque ce n'est qu'un privilège, je crois qu'on doit se limiter au terme de "pouvoir" du gouvernement de faire une telle chose. A cause de cette simple raison, M. le Président, je pense qu'il n'est pas dans l'ordre que nous mettions le mot "doit" à la place du mot "peut".

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, je souscris entièrement à l'opinion que vient d'énoncer le député de Vanier. En fait, s'il ne l'avait énoncée avant moi, je l'aurais exprimée dans les mêmes termes, très exactement. Je m'oppose, de plus, à cette motion parce que, à sa face même, c'est une motion dilatoire qui est destinée à faire perdre le temps de la commission.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur votre motion.

M. Lalonde: C'est assez court comme argument, M. le Président. De toute évidence, ce n'est pas — et au risque de décevoir et le ministre et le député de Taschereau — pour faire un "filibuster", je l'ai démontré...

Le Président (M. Cardinal): Pas le député de Taschereau, de Vanier.

M. Lalonde: Non, de Taschereau tantôt qui, sur la recevabilité, avait rejoint...

Le Président (M. Cardinal): La recevabilité est réglée.

M. Lalonde: Oui, mais quand il argumentait sur la recevabilité, il rejoignait les grandes hauteurs, la profondeur1 de l'argumentation qu'on vient d'entendre tantôt.

M. le Président, donc au risque de les décevoir, nous n'allons pas argumenter longtemps là-dessus. Je pense que l'engagement que le ministre a pris à l'égard des Québécois, non pas d'accorder des privilèges à des gens de l'extérieur, mais de créer une situation telle que les Québécois ne souffriront pas de l'aspect fermé de ce projet de loi et de cette loi lorsque ce projet sera adopté, mais voir cette condition, comme le député de Vanier le fait, comme étant un privilège qu'avec toute notre magnanimité on daigne bien condescendamment accorder à des étrangers — c'est à peu près l'attitude quand on parle d'un privilège — c'est bien méconnaître la réalité économique du Québec qu'on veut non seulement maintenir mais développer. Il me semble que ce serait simplement être francs, être naturellement ouverts que de dire, voici on s'est engagé, nous du gouvernement, à l'égard de tout un milieu, à ce que les restrictions fermées du chapitre de la langue d'enseignement ne viennent pas créer une contrainte additionnelle quant à la mobilité des cadres, entre autres. Voici, on le met dans la loi et la loi, qui est le maître du gouvernement, va forcer le gouvernement à faire des règlements, à tenir sa parole.

Si les législateurs autour de la table s'en remettent au bon vouloir du gouvernement, ils prennent un risque. Quant à moi, je ne suis pas prêt à prendre ce risque, c'est pourquoi j'ai offert cet amendement et j'aurais aimé avoir des arguments un peu plus sérieux que celui que le ministre nous a offert tantôt.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton sur la motion de l'amendement.

M. Grenier: Très brièvement, M. le Président, nous nous sommes dit, avant l'heure du lunch, que nous étions satisfaits des explications qui avaient été fournies par le gouvernement. Nous respectons l'argumentation du Parti libéral qui se défend, bien sûr, et je demanderais qu'on passe au vote immédiatement.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que cette motion d'amendement de M. le député de Marguerite-Bourgeoys sera adoptée?

M. Charron: Rejetée sur division, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Rejetée sur division, d'accord, nous revenons à la motion principale.

M. Charron: Je propose que l'article 81 soit adopté, M. le Président.

M. Bertrand: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît, il y a quand même des choses à écrire.

Si vous permettez, vous vous rappellerez que, ce matin, nous avions convenu, à moins que je ne me trompe que nous appelions l'article 81.

M. Laplante: M. le Président, je veux savoir si cela a été accepté sur division ou à l'unanimité?

Le Président (M. Cardinal): Sur division. Non, l'article a été adopté à l'unanimité, je pense.

M. Laplante: A l'unanimité?

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais l'amendement est rejeté sur division. Je le répète, amendement rejeté sur division, article accepté à l'unanimité sans vote, sans appel nominal.

Motion d'amendement au sujet des ententes de réciprocité

Le Président (M. Cardinal): Ce matin, j'avais rendu une directive et j'avais obtenu l'assentiment de la commission à savoir qu'à la suite de l'article 81, nous prenions en considération une motion d'amendement pour que soit inséré entre l'article 81 et l'article 82 un article 81a qui se lirait comme suit: "Le gouvernement peut faire des règlements pour étendre l'application de l'article 69 aux personnes visées par une entente de réciprocité conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre province. "Malgré l'article 89, ces règlements peuvent entrer en vigueur dès la date de leur publication dans la Gazette officielle."

Cette motion d'amendement avait été proposée par M. le député de Bourget, ministre d'Etat au développement culturel. Vous avez donc la parole, M. le ministre.

M. Grenier: Je m'excuse, M. le ministre, sur une directive.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je vous fais part d'un détail, je ne sais pas si j'aurai le consentement unanime. Je devrai quitter vers 16 h 45 pour un rendez-vous que je ne peux vraiment pas décommander, même si j'en ai annulé deux autres pour demain, afin d'être ici, au cours de la journée. Il faut que je me

rende dans mon comté. Si je disais au gouvernement que c'est pour recevoir M. Doris Lussier, cela le mettrait peut-être plus sensible à ma demande, ce soir, à 19 heures. Si c'était possible, sur l'amendement, de me passer immédiatement, parce que je pense qu'on attend peut-être une autre personnalité ici pour le débat de l'article 81a, mais je pense que je pourrais facilement fournir des notes de mon exposé, si on me permettait de donner mon intervention pour me permettre de quitter plus tôt.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Jacques et ministre d'Etat.

M. Charron: M. le Président, il n'est que 15 h 55, je pense que la présentation du nouvel article par le ministre d'Etat au développement culturel va être très courte et je n'ai aucune objection, si l'Opposition consent, à ce qu'on procède immédiatement au député de l'Union Nationale par courtoisie. Le ministre des Affaires intergouvernementales, qui était avec nous ce matin, a dû quitter pour des engagements radiophoniques, mais il m'assure de sa présence dans quelques minutes, cet après-midi, pour engager le dialogue avec les membres de l'Opposition. Or, j'aimerais que le ministre d'Etat livre en quelques minutes sa pensée et nous procéderons tout de suite à...

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, pour être parfaitement sûr et pour accorder entièrement ma collaboration à la commission, ai-je le consentement de la commission pour que M. le ministre d'Etat nous livre ses considérations sur l'amendement qu'il a lui-même proposé, ce qui est son droit strict?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous n'accordons pas notre consentement. Je pense que nous serons très brefs dans cette première intervention. Nous voulons conserver le droit à cette première intervention et qu'elle soit courte pour que vous puissiez vous exprimer, M. le député de Mégantic-Compton, à moins que l'intervention du ministre soit si longue que, de toute façon, vous n'en ayez pas le temps.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je m'excuse, mais je reconnais que Mme le député de L'Acadie est en train de prendre le roulis du Parti libéral pas mal, et cela me fait de la peine de voir que c'est elle surtout qui fait cela, même si c'est pour reprendre le point que j'ai soulevé hier pour le député de Saint-Laurent qui n'était absolument pas du même ordre. J'avais des raisons peut-être tout à fait différentes. Je pense qu'on le comprend. Je ne demande pas ici une intervention supplémentaire de 20 minutes pour notre parti, ce qui avait pu être le cas hier. Je prends bonne note et, bien sûr que je me soumets au règlement. Mais moi aussi j'aurai bonne mémoire.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une question de règlement, c'est-à-dire ce que vous avez dit, c'est une question de règlement. La façon dont nous procédons n'est pas une question de règlement au sens strict.

M. Grenier: Mme le député de L'Acadie est une résidante de mon comté et je pense qu'il me semble qu'elle a beaucoup de jugement, d'abord cela dépasse la moyenne du Parti libéral et j'aurais pensé qu'elle aurait pu...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! C'est encore l'heure de la récréation jusqu'à 16 heures ou quoi?

Si vous me permettez. Ce n'est pas une question de règlement, sauf si on en fait une question d'usage en vertu de l'article 4. C'est-à-dire que, normalement, la parole est à M. le ministre d'Etat au développement culturel en tant que proposeur. Si on avait pu avoir un consentement, j'aurais donné la parole avec plaisir, non pas que j'aurais eu plus de plaisir à le faire qu'avec d'autres, mais avec plaisir, à M. le député de Mégantic-Compton. Dans les circonstances, est-ce que je comprends que Mme le député de L'Acadie demande la parole après M. le ministre d'Etat au développement culturel?

Mme Lavoie-Roux: Le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Cardinal): Ce sera, dans l'ordre, M. le ministre d'Etat au développement culturel, M. le député de Saint-Laurent et M. le député de Mégantic-Compton.

M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, le gouvernement a établi sa politique linguistique en matière d'enseignement à l'article 68 où il est dit que l'enseignement se donne en français dans les classes maternelles, dans les écoles primaires et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au présent chapitre. C'est à l'article 69 que le gouvernement a établi les dérogations qu'il consentait à faire à ce principe. Dans cet article 69, si vous vous en souvenez bien, nous avons établi certaines catégories d'enfants qui pouvaient bénéficier de l'accès à l'école anglaise. Cette politique a été établie après une longue réflexion où le gouvernement a tenté de tenir compte de tous les aspects de la question. Le principe fondamental qui est le nôtre, c'est que l'école anglaise devrait être réservée, au Québec, aux héritiers de ceux qui ont fondé cette école anglaise et qui sont encore avec nous, depuis 150 ou 200 ans, pour participer au développement du Québec. C'était là une façon de reconnaître l'héritage anglophone au Québec, c'était là aussi une façon de reconnaître l'apport précieux qu'a ap-

porté la minorité anglophone au développement du Québec.

C'était donc pour des raisons historiques, à la fois, et pour des raisons de reconnaissance que nous accordions, aux catégories d'enfants définies à l'article 69, l'accès à l'école anglaise. Par ailleurs, dans la discussion qui a entouré la présentation de ces articles, aussi bien que la défense de ces articles en commission, nous avons fait valoir, bien sûr, d'autres arguments, comme, par exemple, des arguments qui tiennent compte de l'équilibre économique relatif entre les deux communautés, francophone et anglophone. Nous avons tenu compte également des mouvements démographiques qui ont eu lieu dans le passé et qui, conjugués aux facteurs que j'ai mentionnés tout à l'heure, pouvaient, non pas menacer la survie de la majorité francophone, mais constituer quand même un risque pour cet équilibre démographique pour le développement de notre culture.

Nous avons été très clairs sur tous les points de cette argumentation, aussi bien pendant les délibérations de la commission que dans le livre blanc, que dans toutes les discussions qui ont suivi, par la suite, lors des rencontres que nous avons eues avec les divers groupes ethniques du Québec. C'est donc là la politique linguistique du gouvernement en matière d'enseignement qui a été préparée par le cabinet et qui a fait l'unanimité au cabinet.

Par ailleurs, nous n'avons jamais caché que nous étions également ouverts à la prise en considération d'autres facteurs.

Et un de ces facteurs qui nous a amenés à discuter, depuis déjà plusieurs mois, des ententes de réciprocité, a été précisément le cas de ces Québécois francophones engagés dans le milieu des affaires en particulier et qui, en raison des circonstances ou des situations qui prévalent dans certaines provinces canadiennes, n'ont jamais pu avoir cette mobilité, cette liberté que d'aucuns prétendent maintenant vouloir revendiquer pour les anglophones du Québec.

Il a été porté à notre attention, à plusieurs reprises, qu'il existe plusieurs cas, des centaines, pour ne pas dire des milliers de cas de francophones qui auraient pu aller, à la demande de leur employeur, dans d'autres provinces, dans leur profil de carrière, pour améliorer leur position, pour aller chercher une expérience à Toronto, à Calgary, à Vancouver, qui leur aurait été très précieuse aussi bien pour leur épanouissement personnel que pour l'augmentation de leurs chances de succès dans la carrière qu'ils avaient choisie. Il nous a été dit, avec preuves à l'appui, que, très souvent, ces Québécois francophones ont dû refuser les offres alléchantes qu'on leur faisait, parce que ces Québécois avaient une famille et que, dans la ville qu'on leur assignait ou dans la ville où on leur demandait d'aller, il n'existait pas pour leurs enfants, des écoles françaises, soit des maternelles françaises, élémentaires françaises, secondaires françaises où ils auraient aimé envoyer leurs enfants. De même que, bien souvent, ils ne pouvaient pas bénéficier de certaines institu- tions culturelles qui leur auraient été également d'un grand apport.

Ces cas sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit. Une enquête est faite actuellement pour en déterminer le nombre exact et j'espère bien que, dans les quelques mois qui suivront, nous aurons des chiffres plus précis à ce sujet. Mais le problème est quand même assez sérieux pour que le gouvernement y accorde, au nom de l'intérêt commun, une grande attention, et je pense, M. le Président, que le nombre de ces Québécois francophones est appelé à augmenter dans l'avenir, car, au fur et à mesure que certaines de nos compagnies de la couronne, si on peut employer ce terme, nos compagnies d'Etat augmentent, le nombre des échanges ou des transferts entre le Québec et les autres provinces est appelé à augmenter. Au fur et à mesure que se développe le secteur privé également de nos entreprises. Ces entreprises ont déjà fondé des filiales dans les autres provinces et sont appelées à fonder d'autres filiales.

Donc, aussi bien pour ce qui concerne les entreprises d'Etat qui ont acheté ou qui établissent des entreprises dans d'autres provinces que dans le cas des entreprises du secteur privé où le nombre de francophones appelés à acquérir une expérience dans les autres provinces se multiplie, le problème que je mentionnais au début se pose avec une acuité de plus en plus grande.

Nous pensons, M. le Président, le gouvernement croit qu'il est temps que les Québécois francophones, dans les autres provinces du Canada, bénéficient des mêmes avantages que le Québec a toujours consentis aux anglophones qui ont travaillé ici dans le secteur de l'entreprise privée. C'est une question d'échange de stricte justice, c'est une question d'égalité, de véritable égalité, et je pense que les hypocrisies, le règne de l'hypocrisie doit se terminer en 1977 et que le Québec a parfaitement le droit d'exiger, pour ses ressortissants qui se rendent ailleurs dans les autres provinces, ce qu'il a toujours donné aux ressortissants anglophones qui sont ici.

C'est là la première raison qui nous a fait penser à proposer aux autres provinces des accords de réciprocité.

Notre autre raison, M. le Président, c'est celle de notre appartenance à un ensemble qui s'appelle le Canada. Que le Québec y soit indépendant, comme c'est notre intention d'y parvenir, ou que ce soit dans un régime fédéral renouvelé, c'est-à-dire où la base de la territorialité sera enfin reconnue comme la véritable base sur laquelle peut s'instituer un régime, ou que ce soit simplement à l'intérieur du régime actuel où l'autonomie complète est laissée aux provinces en matière d'éducation, le Québec a parfaitement le droit de légiférer en cette matière, de négocier avec les autres provinces des accords dans ce domaine.

Mais, si nous avons pensé à ces accords de réciprocité, c'est parce que nous voulons montrer au reste du Canada, aux autres provinces, que nous entendons, dans l'avenir aussi bien qu'actuellement, négocier nos relations dans un esprit d'ouverture, dans un esprit d'échange, dans un

esprit positif. Il nous semble tout à fait normal que le régime que le Québec a toujours consenti à ses anglophones au Québec même soit dorénavant consenti aux Québécois francophones qui se rendent dans les autres provinces, quitte à ce que les francophones déjà installés dans les autres provinces en bénéficient d'une façon indirecte.

Je ne veux pas être trop long dans cet exposé initial, M. le Président, mais je tenais quand même à bien faire la part des choses. Il ne s'agit pas de déroger en quoi que ce soit à la politique linguistique établie par le gouvernement en matière d'enseignement, d'une part. D'autre part, nous avons des raisons légitimes, ressortissant à l'intérêt des Québécois, de négocier de pareilles ententes. Pour l'avenir, nous entendons également par là montrer aux autres provinces que nous envisageons l'avenir de nos relations dans un esprit de justice, d'échange, de bonne foi et d'ouverture.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vais limiter, dans un premier temps, mes remarques à quelques points généraux pour faire suite aux indications qu'a fournies ma collègue de L'Acadie, de manière à permettre au député de Mégantic-Compton d'adresser la parole relativement à cet article avant son départ. Avec votre permission, je reviendrai sur le sujet après que le député de Mégantic-Compton se sera exprimé.

M. le Président, il y a une incompatibilité évidente, et qui a frappé tous les observateurs, pas seulement ceux de l'Assemblée nationale, entre, d'une part, les motifs qui ont été évoqués par le gouvernement et particulièrement par le ministre d'Etat lorsqu'il a présenté, à l'Assemblée nationale et à la population, la Charte de la langue française, et, d'autre part, les raisons qu'il invoque à l'appui de cet article. En effet, nous avons entendu à plusieurs reprises le ministre d'Etat sortir de tous les placards, qu'il s'agisse des placards du Parti québécois lui-même ou des placards de tous les groupes nationalistes qu'a connus le Québec au cours des années, et même des placards de l'Union Nationale, toutes les raisons de fierté nationale, d'affirmation de soi, etc., qui semblaient à l'origine de cette Charte de la langue française. Nous avons entendu et surtout lu, ceux qui en ont eu la patience du moins, des exposés prétendument savants sur l'évolution démographique du Québec qui faisait ressortir, du moins c'était la prétention de leurs auteurs et de ceux qui les citaient, le caractère irrémédiable des tendances démographiques qui faisaient que, à moins d'un coup de barre absolument brutal, il serait impossible d'envisager le maintien, à l'état majoritaire au moins, de la collectivité francophone en Amérique du Nord.

Le caractère fondamental de ces raisons, qu'il s'agisse des arguments psychologiques, des arguments tirés de la fierté nationale, de l'affirmation de soi, ou le caractère fondamental des tendances historiques qu'on a voulu apporter à l'ap- pui de la Charte du français laissait présager qu'on était en face de principes absolument inébranlables, absolument indiscutables et de droits linguistiques pour les francophones qu'on voulait absolument inaliénables et certainement pas négociables. C'est ce qui a fait que la plupart des observateurs, dès qu'à partir de la mi-juillet on s'est mis à parler publiquement de cette possibilité de négociation, se sont interrogés sur les intentions véritables du gouvernement et se sont demandé si les raisons qui étaient précédemment invoquées étaient de la poudre aux yeux ou si, finalement, le gouvernement, quoique croyant toujours en ces grands principes, ne pouvait résister à la tentation de marquer quelques points sur un autre plateau, sur une autre scène, la scène des débats constitutionnels et d'utiliser, d'exploiter en quelque sorte l'occasion, qui était fort belle — il faut le dire — pour démontrer ses thèses sur le plan de négociation de gouvernement en gouvernement en dehors et en l'absence du gouvernement central.

C'est une contradiction apparente, qui s'éclaircit cependant progressivement, puisqu'il semble bien que les ministériels, le ministre d'Etat en particulier, n'a rien dit, dans la présentation de cet article, qui tendrait à démontrer que le Parti québécois, que le gouvernement actuel a abandonné en quoi que ce soit les thèses qu'il défendait jadis, à savoir que les minorités francophones des autres provinces doivent être laissées à leur propre sort, que leur survie comme communauté linguistique est absolument sans espoir et qu'il s'agit là de considérations qui ne doivent pas retenir un seul instant l'attention des Québécois, quel que soit le sujet qu'ils considèrent, que ce soit la politique linguistique, ou que ce soit l'avenir des liens qui lient le Québec au reste du Canada.

En effet, il semble bien que le caractère que l'on veut donner à ces ententes de réciprocité est tellement étroit, est tellement restreint, vise une clientèle tellement réduite que, effectivement, il est possible de les envisager sans, pour autant, y voir quelque avantage que ce soit sur le plan de l'aide ou de l'appui à apporter ou qui pourrait être apporté aux minorités francophones des autres provinces.

Cependant, on se trouve sur un plan plus formel, sur le plan des textes qui sont devant nous, et si on écarte pour l'instant l'effort qu'on pourrait faire pour réconcilier tous ces principes qui sont apportés à différents moments, par le parti au pouvoir, le gouvernement actuel, on se trouve devant une situation très paradoxale. A la limite, M. le Président, on pourrait faire même le raisonnement que l'article 81a est effectivement un article non recevable dans le contexte. Sans en faire un point formel de règlement, je ferais observer malgré tout, que l'article 81a est essentiellement un article qui permet des ententes administratives de gouvernement à gouvernement, sur des sujets qui sont largement étrangers à l'esprit de la Charte de la langue française.

C'est un sujet qui est certainement aussi étranger que d'autres qu'on a jugés tels lorsqu'on

a déclaré non recevables certains sujets et surtout, ce qui est plus pertinent encore, c'est que l'article 81a fait effectivement double emploi avec l'article précédent qui vient d'être adopté.

En effet, nous avons débattu pendant plus d'une heure un article qui donne au gouvernement le pouvoir et non pas l'obligation, donc le pouvoir dans les circonstances et selon les modalités qui lui paraissent appropriées, mais non pas l'obligation, de faire des règlements pour dispenser de l'application de l'article 69 les catégories qu'il désigne. Le gouvernement dispose donc, en vertu de l'article 81 tel qu'adopté, de tout ce dont il a besoin dans la loi pour lever les restrictions de l'article 69. L'article 81 ne dit pas dans quelles circonstances le gouvernement veut le faire. Nous avions d'ailleurs suggéré que des indications plus précises soient insérées à l'article 81 à ce sujet. Le gouvernement a préféré se donner les coudées franches pour faire ce qu'il lui semblait bon, de la façon dont ça lui semblait bon. Donc, il est capable, avec l'article 81, de donner effet à des ententes administratives, à des ententes de réciprocité ou à n'importe quoi ou même à des décisions unilatérales de sa part ayant l'effet de suspendre, pour des catégories qu'il désigne, la façon dont il les désigne, les règles de l'article 69.

Je ne vois donc pas, à première vue, tenant compte en particulier du fait qu'il ne s'agit pas de réciprocité quant aux droits linguistiques et aux droits relatifs à l'éducation des minorités francophones en dehors du Québec par rapport aux droits à l'éducation en anglais d'une minorité anglophone au Québec; il ne s'agit pas de cela du tout.

Il s'agit simplement de la possibilité pour quelques centaines de Québécois qui se trouvent, temporairement, dans d'autres provinces, d'envoyer leurs enfants dans des écoles françaises et vice versa, pour quelques centaines d'individus qui se trouvent au Québec, d'envoyer leurs enfants dans des écoles anglaises. Il ne s'agit que de cela.

Donc, il ne semble pas nécessaire d'avoir un deuxième article et, pour cette seule raison de forme, on pourrait développer l'argument que l'article est non recevable.

Cependant, ce n'est pas là mon intention. Si le gouvernement, dans ce cas comme dans d'autres, veut être redondant, il a tout le loisir de l'être. Il ne s'agit pas d'être puriste et il y a suffisamment de choses à dire sur le fond de cet article pour, de toute manière, éclaircir suffisamment les intentions du gouvernement et aussi éclairer les options et les alternatives qui s'ouvrent au gouvernement dans la conclusion de ces ententes de réciprocité, mais je crois qu'il est nécessaire de souligner ici que c'est une ambition très modeste qui est celle du gouvernement en cette matière, contrairement à l'impression qu'il a voulu créer de chercher un nouveau "deal", de nouvelles façons d'envisager les droits des minorités dans l'ensemble des provinces du Canada. Il ne s'agit pas de cela du tout. Il s'agit d'une entente administrative pour couvrir la situation de quelques cadres qui sont temporairement à l'extérieur des frontières d'une province. C'est donc un sujet fort limité dans son intérêt et un sujet qui, quant au Québec lui-même et quant à la question de l'enseignement, était déjà traité par l'article 81 complètement et pleinement, sans nécessité de soulever cette question des accords de réciprocité.

Si on le soulève, c'est sans aucun doute pour d'autres buts, d'autres intentions. C'est pour pouvoir, encore une fois, marquer des points sur une autre scène, un autre débat, et on comprend facilement les motifs qui poussent le gouvernement à agir de cette façon et, d'ailleurs, on a eu une indication presque amusante de cette hésitation du gouvernement à se situer de façon claire sur cette question, puisqu'au moment où, ce matin même, on nous a présenté l'article 81a, il y a eu un flottement que tous ont pu observer, à savoir s'il s'agissait d'un amendement à l'article 81 ou s'il s'agissait d'un nouvel article parce que, carrément, plusieurs des membres mêmes du gouvernement n'étaient pas trop clairs eux-mêmes. Qu'est-ce que cet article venait faire dans le projet de loi?

C'est évident qu'il ne vient rien faire dans le projet de loi lui-même. Il vient faire bien des choses sur le plan politique et, évidemment, c'est l'objet du débat beaucoup plus que l'amendement à la Charte de la langue française.

M. Bertrand: Vous êtes pour ou contre?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Comme Québécois et comme Canadiens — disons-le tout de suite — nous, de l'Union Nationale, voterons pour l'article 81a.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Aucune manifestation en commission parlementaire.

M. Bertrand: C'est clair.

M. Grenier: Procéder autrement, quels qu'en soient les motifs, cela serait nier le droit de tout gouvernement provincial de conclure des accords de réciprocité dans le domaine de ses compétences.

Battre cet article serait hypothéquer le droit de tout gouvernement provincial de conclure des accords de réciprocité, non seulement en matière linguistique, mais, éventuellement, en toute autre matière d'ordre socio-économique relevant de sa compétence.

Je me permets de livrer ici, en primeur, l'essentiel du message que le chef de l'Union Nationale, M. Biron, livre demain à Moncton, Nouveau-Brunswick, où, en compagnie, notamment, du premier ministre Hatfield, il participe à un colloque sur le thème "Canada Tomorrow".

Pour les fins de mon argumentation ici, je cite les propos de mon chef, à savoir: "Je lance un appel à tous les premiers ministres provinciaux qui seront appelés à se prononcer à St. Andrews sur les accords de réciprocité en matière d'éduca-

tion proposés par le gouvernement Lévesque pour qu'ils affirment, sans hésitation et avec fermeté, leur intention de maintenir intacte leur compétence exclusive dans le domaine de l'éducation et pour qu'ils opposent une fin de non-recevoir au gouvernement fédéral relativement au transfert par les provinces de leurs responsabilités constitutionnelles en ce qui concerne les droits à l'éducation des minorités sur leur territoire."

M. Laplante: Cela, c'est constructif!

M. Grenier: "Je demande..." — poursuivra M. Biron — "...aux premiers ministres d'écouter avec ouverture d'esprit les propositions du Québec et d'y penser deux fois avant de les rejeter..."

Et de conclure notre chef, à l'endroit de son auditoire: "Si vous tenez au Québec et aux Québécois avec autant d'attachement que je tiens au Canada, réveillez-vous et passez à l'action".

Voilà, M. le Président, les propos — propos que je fais miens — d'un homme qui sait se tenir debout, d'un homme qui en peu de temps a compris le malaise canadien, d'un homme qui a capté le message des Franco-canadiens, d'un homme qui a su comprendre le rapport "Les héritiers de Lord Durham", d'un homme qui vit à l'heure du Québec d'aujourd'hui, les propos d'un chef d'Opposition authentiquement québécois et d'un Canadien francophone courageux, lucide et franc. "Cette position, qui est nôtre, ne fait que rejoindre dans un esprit de continuité ce que nos prédécesseurs, dès 1969, à savoir MM. Daniel Johnson, Jean-Jacques Bertrand, avaient amorcé auprès du premier ministre Robarts, de l'Ontario, en matière d'accords interprovinciaux. Cette position, qui est nôtre, confirme notre approche à savoir que nous ne pouvons analyser l'article 81a du projet de loi 101 sans l'évaluer à travers une orientation, une philosophie politique globale ou à travers une approche, à l'avenir du Canada et du Québec, qui soit réfléchie.

Pour certains, cet avenir doit passer par la souveraineté-association, pour d'autres cet avenir doit passer de façon à peine dissimulée sous la forme de pieuses et vagues promesses de fédéralisme décentralisé par le maintien du statu quo où on est encore à la recherche d'une solution miracle, qui, le cas échéant, risque de venir trop tard, une fois le référendum tenu.

Pour nous, nous n'avons pas le droit de prendre le risque, qu'au moment du référendum, les Québécois n'aient le choix qu'entre la souveraineté-association et le statu quo que tout le monde ou presque décrie. C'est pourquoi le chef de l'Union Nationale intervenant à nouveau sur ce sujet demain dira à son auditoire: "II est urgent de reprendre immédiatement des discussions constitutionnelles en profondeur afin d'offrir une alternative réaliste à la thèse du Parti québécois. Sans qu'on établisse ici toute notre politique constitutionnelle, d'autres temps et d'autres lieux seront plus pertinents, nous pouvons dire que l'Union Nationale réclame notamment un réaménagement complet du partage des pouvoirs entre

Ottawa et les provinces et surtout la limitation du pouvoir de dépenser du gouvernement central".

Voilà, M. le Président, c'est dans cette approche générale et large que l'on analyse et qu'on apprécie la clause de réciprocité que nous soumet le gouvernement. Du point de vue idéologique pour autant, encore et toujours l'Union Nationale défend et préconise l'option Canada qui implique une défense morale des francophones hors Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, vous étiez revenu à l'amendement, mais je pense que vous vous en éloignez. Je vous demanderais de vous en tenir à l'accord de réciprocité.

M. Guay: M. le Président, les propos du député de Mégantic-Compton se rapportent aux minorités francophones dans les autres provinces, ce qui est très pertinents à l'article 81a.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai demandé au député de Mégantic-Compton. Je suis sûr qu'il a compris le message. A l'ordre!

M. Grenier: Du point de vue pratique, l'Union Nationale se trouve impliquée dans un débat linguistique introduit par un gouvernement qui n'a pas cru bon de retenir l'approche qu'on lui présentait comme parti, l'approche option Canada.

Dans le style d'Opposition qui la caractérise, l'Union Nationale entend participer aux débats d'une façon positive et constructive. Elle voit dans la thèse de réciprocité un moyen d'atteindre, en préconisant l'option Canada, en partie, le but qu'elle se fixait, forte de son expérience passée en la matière, convaincue de la bonne foi des premiers ministres des autres provinces, assurée de la volonté de tous de tout mettre en oeuvre pour assurer respect et dignité aux représentants des deux grandes nations fondatrices du Canada par tout le territoire canadien. Au-delà des divergences et options politiques, les gouvernements doivent avoir constamment à coeur le bien-être de leurs administrés. L'humain et le respect qui leur est dû doivent guider la réflexion. La raison d'Etat ne peut faire fi du bien collectif. Tous les premiers ministres doivent concerter leurs efforts vers la satisfaction des aspirations et revendications des citoyens.

Que faites-vous donc dans le cadre de votre prise de position en faveur de l'option Canada des enfants de parents qui viendraient au Québec d'une province qui n'aurait pas conclu d'accord de réciprocité avec le Québec? Je l'ai dit déjà dit, si le gouvernement avait adopté notre position en faveur de l'option Canada, le problème ne se poserait pas.

Compte tenu du gouvernement, il faut se rendre à l'évidence qu'il y a encore espoir que, de ce côté-là, le gouvernement nous propose une autre option incomplète et très partielle par rapport à notre proposition initiale, mais qui, à notre humble avis, est mieux que rien du tout.

C'est le droit de toute province, y compris le Québec, de conclure des accords de réciprocité avec les autres provinces dans les domaines de sa compétence, et si, par ce biais, il n'est possible de rejoindre que partiellement notre option initiale, je crois qu'il est de notre devoir, en toute logique, d'y souscrire. Il appartiendra au gouvernement du Québec et des autres gouvernements provinciaux de s'entendre sur les modalités d'application de ces accords. Si un gouvernement provincial décide, comme c'est son droit, de ne pas conclure d'accord avec le Québec, il en portera l'odieux envers ses propres citoyens, et le gouvernement du Québec assumera alors ses responsabilités et les responsabilités de son option.

M. le Président, pour ces motifs donnés, repris tantôt, et non pour des motifs en partie différents de ceux des ministériels, bien sûr, nous voterons pour l'article 81a, tel que formulé, article que nous avons devant nous, et je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. M. le député de Louis-Hébert.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne suis pas membre régulier de cette commission, alors je me considère un peu comme un invité technique. Je voudrais dire essentiellement trois choses aussi rapidement que possible, sans répéter ce que d'autres ont pu dire avant. Quels sont les motifs qui nous ont guidés pour qu'on en arrive à cette proposition relativement à la réciprocité? Je dirai quelques mots, non pas de l'application mais de la problématique de ces accords, comment on peut les mettre en oeuvre. A ce sujet, il faudrait que je tienne compte du fait que cela n'a pas été présenté encore au Conseil des ministres. Quelques mots aussi de la négociation qui commencera peut-être la semaine prochaine au Nouveau-Brunswick.

Pour ce qui est des motifs, il y a un motif de base que tout le monde comprend. On vit dans une société où il y a une mobilité de main-d'oeuvre entre le Québec et d'autres provinces, de même qu'entre le Québec et d'autres pays, alors on ne fait que reconnaître une réalité évidente qui ne demande pas, je pense, à être prouvée. Maintenant, au-delà de cela, il y a d'autres motifs. Tantôt, j'entendais des interventions faites par un honorable collègue de l'Opposition qui se demandait quels pouvaient être nos motifs. Je vais vous en donner quelques-uns. J'espère que ceux qu'il cherchait vont se trouver là-dedans. D'une part, sur le plan des principes, et je rejoins ce que vient de dire le député de Mégantic-Compton, en sain fédéralisme — pas saint, mais sain — il est parfaitement normal, plausible, acceptable et reconnu qu'une province d'une fédération, dans les domaines de sa compétence, veuille aller de l'avant avec des accords qui la lient avec d'autres Etats fédérés, et je pense que c'est ce qui s'applique maintenant.

Donc, c'est une manifestation normale de compréhension normale du fédéralisme normal. D'ailleurs, c'est conforme à un souhait qu'avait exprimé à l'époque M. Trudeau lui-même dans plusieurs de ses publications. J'ai retrouvé hier une autre citation, mais je ne l'ai pas ici. De toute façon, ce n'est pas le sujet, mais je la mentionne. Il y a un autre facteur qui entre en ligne de compte, et cela rejoint une des remarques qui a été faite précédemment. Bien sûr que, techniquement, les accords de réciprocité — on le verra tantôt — touchent les gens qui voyagent, c'est-à-dire les gens qui vont du Québec vers l'extérieur, de l'extérieur vers le Québec, mais il faut être un peu réaliste. Si une province est d'accord pour signer une telle entente de réciprocité avec nous, de ce fait, elle devra mettre sur pied des structures d'enseignement, s'il n'y en a pas, et, ainsi, rendre disponible, et normalement le fera, ses structures d'enseignement aux minorités francophones de l'extérieur du Québec.

Je pense que le geste que nous voulons poser est un des gestes les plus importants que le Québec ait jamais posé par rapport aux minorités francophones des autres provinces, se servant en cela de son pouvoir politique qui est quand même important. D'ailleurs, les minorités l'ont bien compris puisqu'elles ont tout de suite applaudi à cette idée et elles ont manifesté le désir — vous avez peut-être remarqué cela — d'être présentes la semaine prochaine à ces discussions qui auront lieu au Nouveau-Brunswick.

Donc, c'est une proposition de nature à aider les minorités francophones des autres provinces. Il y a une autre méthode de procédure qui aurait été de dire aux autres provinces: Nous allons accorder à la minorité anglophone du Québec des droits comparables à ceux que vous accordez à notre minorité francophone à l'extérieur, mais je vois d'ici les hurlements de l'Opposition libérale qui aurait crié aux otages et à l'échange de prisonniers, en fait, toutes sortes de choses qui ont été évoquées de façon plus ou moins heureuse à l'Assemblée nationale par moments. Alors, on a pris une autre méthode, on se fait encore crier après, mais que voulez-vous qu'on fasse?

Il n'y a pas moyen de contenter tout le monde, alors, on s'en console quand même.

La proposition que nous avançons aujourd'hui est une proposition qui a été — vous vous en souviendrez aussi — reconnue comme fort valable par au moins cinq ministres de l'Education de quelques provinces. Il y a à peu près un mois, dans le journal the Gazette, un samedi matin, j'ai vu cela, et on a vu de leur côté une velléité, un intérêt envers la réciprocité avec le Québec. Cela nous a incités, je dois dire, à aller de l'avant. On s'est dit: II y a une ouverture d'esprit de ce côté, ce ne serait peut-être pas négligeable. D'autant plus que l'idée de la réciprocité avait été suggérée par des intervenants dans des mémoires à la commission parlementaire. Ce n'est pas une idée qui est entièrement nouvelle. Même M. Trudeau l'a eue déjà, lui, à un moment donné, donc d'autres peuvent l'avoir.

Il faut dire aussi — et c'est peut-être plus important encore — que j'ai été, avec le chef de l'Opposition et d'autres représentants de l'Assemblée nationale du Québec, à une conférence qui

s'appelait Destinée Canada, à Toronto, à la fin du mois de juin. J'ai aussi eu l'occasion, au cours des derniers mois, d'aller dans l'Ouest du Canada parler à des premiers ministres puis à d'autre monde.

Tout chacun est là qui se fend en quatre pour tâcher de trouver un moyen, pour tâcher de nous faire plaisir, ce qui nous rassure, dans un certain sens, mais qui, d'autre part, n'est pas très convaincant parce que, à un moment donné, quand on leur dit: "Vous avez des bonnes intentions, vous faites des résolutions sur l'enseignement en français aux francophones, mais là on va vous demander de livrer la marchandise que vous promettez." A ce moment, cela les inquiète davantage et puis à partir du moment où on a l'air sérieux en voulant, en quelque sorte, donner suite à leurs propres manifestations d'intérêt, on sent qu'il y a une réticence, comme si c'est bon tant que ce sont des principes, mais cela devient inquiétant et difficile d'appliquer dès qu'il s'agit de les concrétiser. Là on va voir ce qui va se passer, on leur fait des propositions — je vais arriver à cela dans une seconde — la semaine prochaine.

Toutes ces déclarations d'intentions, la conférence Destinée Canada, 1967 où j'étais là aussi avec M. Robarts, à l'époque, à la conférence de Canada de demain avec M. Johnson, M. Bertrand aussi, toutes ces manifestations de bonne volonté, on a peut-être cru que cela existait nous autres et on s'est dit: On va voir. D'où les accords qu'on veut proposer.

J'arrive maintenant au deuxième sujet que je voulais aborder, c'est-à-dire ces accords eux-mêmes, comment cela peut-il s'appliquer. Je veux tout de suite vous dire d'avance que, pour des raisons que vous allez vite comprendre — puisque le cabinet n'en a pas encore été saisi — que je ne peux pas vous dire, parce que je ne le sais pas, quelle va être la proposition précise que le gouvernement du Québec va présenter la semaine prochaine.

Ce que je peux vous dire, c'est un peu quelle est la problématique, qu'est-ce que cela touche, comment est-ce que cela peut et quel est l'univers qui est en cause. Il y a trois sujets: l'étendue des accords, les délais de mise en oeuvre de ces accords, puis le contrôle de leur mise en oeuvre.

L'étendue. Il y a toutes sortes d'accords possibles. Il y a des accords de réciprocité totale. Cela veut dire qu'à ce moment c'est 100% d'un côté et 100% de l'autre. Voici ce que je veux préciser. On a ici, au Québec, un système d'éducation qui garantit l'enseignement anglais aux niveaux primaire, secondaire et universitaire. Un accord de réciprocité totale voudrait dire que les autres provinces devraient donner chez elles à nos gens qui vont là-bas le même genre de système d'éducation. Si on veut faire une sorte d'évaluation, on a 100 points du côté du Québec, parce que notre système est bon et complet, et on leur demande d'avoir 100 points de leur côté aussi, si on veut qu'il y ait accord de réciprocité. C'est une méthode. Cela est ce que j'appelle la réciprocité totale et entière. C'est une proposition possible. Je ne sais pas si c'est celle-là qu'on va retenir, c'en est une qui est possible.

Il y en a une autre qui est possible, c'est une proposition qui consisterait, pour nous, à donner l'accès à ces 100% que je viens de mentionner ou les 100 points que je viens de mentionner du côté du Québec, mais, de leur côté, à se montrer gentil, en disant: Ecoutez vous autres, c'est bien sûr vous n'avez pas eu le temps d'organiser cela, cela ne fait que 110 ans que le Canada existe, par conséquent on comprend cela et dans cette perspective, on va être d'accord pour vous donner 100 si vous consentez, de votre côté, à donner l'équivalent de 25 ou de 50. C'est une réciprocité qui est totale de notre côté pour les anglophones, mais qui est partielle de leur côté pour les francophones. Deuxième méthode.

Il y a une troisième méthode et là il y a un tas de variantes possibles. C'est d'avoir une réciprocité partielle mais égale, c'est-à-dire 50 d'un côté, 50 de l'autre, 25 d'un côté, 25 de l'autre, 10-10 ou 1-1, si vous voulez, s'il faut absolument qu'on aille à la limite logique ou 0-0.

Mais ce que je veux mentionner par là, c'est que l'étendue — c'est cela le point, au-delà des boutades qu'on peut faire — de la réciprocité peut aller de totale-totale à partielle-partielle, en passant par toutes sortes de variantes.

Je ne sais pas ce que le cabinet va décider et, dans certains cas, il y a des difficultés administratives de part et d'autre. C'est bien sûr qu'il y a des provinces qui seraient absolument incapables, aujourd'hui, de nous donner une réciprocité totale. Je pense, par exemple, à l'Alberta où il n'y a pas beaucoup de francophones. On n'est quand même pas tombé tout à fait sur la tête. On sait très bien que, dans certains cas, ce n'est pas possible, ce qui introduit une autre dimension. Est-ce que les accords doivent être identiques d'une province à l'autre, c'est-à-dire qu'on ait un accord type pour tout le Canada, ou cela devrait-il être variable? C'est une autre question dont le cabinet va décider la semaine prochaine. C'est l'étendue.

Deuxième question, le délai. Cela ne sera pas long à partir de maintenant, parce que j'ai moins de choses à dire. L'accord va-t-il commencer pour le 1er septembre qui vient? Je ne pense pas qu'on arrive à cela tout de suite, mais, en tout cas, c'est une question qui peut se poser. Est-ce que ce serait le 1er septembre l'année prochaine? Quel est, en somme, le délai que vont réclamer une province, dix provinces ou huit provinces? Je ne le sais pas, mais c'est une question qu'on doit se poser.

Troisième élément de la problématique, le contrôle. Cela, ça fatigue du monde. C'est-à-dire que c'est bien beau d'avoir des déclarations de principe, mais, si c'est un accord qu'on a avec une autre province, il va de soi qu'il y a des mécanismes, comme on en a d'ailleurs avec l'Ontario et avec le Nouveau-Brunswick — avec l'Ontario, cela marche mieux qu'avec le Nouveau-Brunswick — qu'il peut y avoir des comités qui existent, ce qu'on appelle des commissions de coopération, qui peuvent, de part et d'autre, sur-

veiller l'application de ces accords. Est-ce que cela doit être au niveau ministériel? Est-ce que cela doit être au niveau des fonctionnaires? Est-ce que cela doit être au niveau de quelqu'un d'autre? Je ne le sais pas, mais c'est une question qui devra être abordée, parce qu'on n'a absolument pas l'intention, nous autres, de nous contenter de déclarations de bonne volonté, parce qu'on va les avoir, les déclarations de bonne volonté; on les a eues déjà; cela fait dix ans que j'en vois, de telle sorte qu'il faudrait mesurer si la bonne volonté se concrétise.

Cela pose un problème politique; cela pose un problème technique; cela pose un problème administratif. On va tout regarder cela, aussi la semaine prochaine. C'est évident aussi qu'on va en parler avec les autres provinces, d'où mon troisième point — j'arrête avec cela — la négociation.

La semaine prochaine — je ne veux pas minimiser la conférence qui s'en vient, mais il faut tout de même être réaliste — c'est une conférence de deux jours, c'est-à-dire, pour être plus exact, de deux demi-journées, jeudi et vendredi, parce que c'est comme cela que cette conférence est faite. Que voulez-vous? Cela devrait durer une semaine, mais cela dure deux jours et deux demi-journées.

A l'intérieur de cela, il y a aussi une demi-journée, en plus, qui est consacrée aux premiers ministres seuls. Ils parlent de choses et d'autres, sans témoins. Si on ne sait pas ce dont il va être question là, on ne peut pas faire d'ordre du jour pour cela, mais l'ordre du jour qui touche les accords de réciprocité, cela a lieu vendredi prochain; donc, dans une semaine, et ce sera une partie de la matinée; d'où la question: La négociation commence-t-elle la semaine prochaine ou se termine-t-elle la semaine prochaine?

Nous autres, on a l'impression qu'il y a beaucoup de provinces qui ont compris, parce qu'ils n'avaient pas lu la lettre avant de la commenter — M. Trudeau leur a dit quoi dire dans certains cas; cela facilitait les choses — il reste tout de même que beaucoup ont pu être incitées à avoir une réaction que je pourrais qualifier, pour être très franc, de plutôt négative, en partant de l'idée qu'on leur demandait une chose impossible.

Je pense qu'on ne leur demandera peut-être pas des choses impossibles, elles vont peut-être, la semaine prochaine, changer d'avis. C'est à elles de décider. Cela ne m'empêchera pas de dormir, ni personne; on va leur proposer vraiment quelque chose qui est conforme au fédéralisme, quelque chose qui comporte des précédents. On a déjà quand même un accord avec le Nouveau-Brunswick et un autre avec l'Ontario, sauf qu'on veut l'étendre à l'éducation. Si on pense que cela va aider les minorités francophones — d'ailleurs, ce sont elles qui l'ont manifesté, puisqu'elles ont été très heureuses de cette suggestion — on va essayer d'en parler intelligemment la semaine prochaine, on va essayer de se faire comprendre. Peut-être que la négociation va arrêter là et qu'elles vont dire que cela n'a pas de bon sens. On va comprendre. On va dire: Très bien, on va fermer les cahiers, ou, au contraire, elles vont dire: II y a une conférence de ministres de l'Education, jus- tement, qui a lieu au début d'octobre, si je me souviens bien. Pourquoi eux autres ne regarderaient-ils pas cela? Cela va être transféré à l'autre conférence des ministres de l'Education.

Je me méfie, parce qu'une fois rendu là, les tas de myriades et de sous-comités et de comités de fonctionnaires, on peut se perdre en cours de route, le long de la fédération canadienne, on ne sait jamais, mais, de toute façon, cela peut commencer la semaine prochaine et se terminer la semaine prochaine, parce qu'elles ne voudront pas, ou commencer la semaine prochaine et se continuer à l'automne; je ne le sais pas.

C'est, en gros, là où nous en sommes aujourd'hui, mais, honnêtement, je ne sais pas ce que le cabinet va décider. J'ai la proposition ici, en dessous. Je la travaille en fin de semaine pour la terminer et elle va être soumise mercredi prochain au Conseil des ministres. Voilà ce que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre des Affaires intergouvernementales. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales nous a souligné une série de difficultés qu'il y aurait à conclure certaines ententes de réciprocité avec les autres provinces. Il n'y a aucun doute que, de la façon dont il l'a présenté, il existe certainement une série de difficultés, mais, ce qui est malheureux, c'est qu'avant de commencer à discuter de toute cette série de difficultés, il faut retourner au principe que le ministre d'Etat au développement culturel a énoncé.

Et c'est là, M. le Président, que je dois vous avouer que je suis profondément déçu des propos du ministre d'Etat, parce que, de la façon que le premier ministre a fait connaître le contenu de sa lettre et de la façon que vous avez introduit un article additionnel, je m'attendais vraiment que le principe que vous auriez énoncé devrait vraiment protéger les minorités dans les autres provinces, les minorités francophones dans les autres provinces. Ma réaction initiale était qu'on ne devrait pas trafiquer, c'est ce que j'avais dit, les droits des minorités. Malgré cela, et malgré les inquiétudes que j'aurais quant à la question de la souveraineté-association, etc., et les motifs du gouvernement, je peux vous assurer que j'étais vraiment venu ici pour discuter, d'une façon positive, des droits des minorités. J'avais considéré, dans mon esprit, que la question de ces droits, des droits fondamentaux, étaient plus importante et que la question de souveraineté-association, si c'était une tactique, j'étais prêt à l'oublier la question de la tactique, parce que les droits individuels, les droits humains, les droits des minorités dans les autres provinces étaient trop importants pour s'arrêter à la question de ne pas le faire par ruse politique. Il faut être au-dessus de cela. C'est pour cela que je suis profondément déçu quand j'entends les propos du ministre d'Etat, ce ne sont pas du tout les droits des minorités qu'il veut protéger. Cela n'a rien à faire. C'est ce qu'on appelle-

rait un "trade exchange", un échange commercial. C'est seulement cela, pour que certains employés de l'Etat ou d'autres entreprises aient le droit d'aller travailler dans des entreprises dans les autres provinces. Ce n'est pas de cette façon que je perçois les droits des minorités. Je peux assurer le ministre des Affaires intergouvernementales que moi aussi j'ai oeuvré plusieurs années pour les minorités, non seulement les minorités ici au Québec, mais les minorités d'autres endroits. Quand on commence à comprendre les angoisses de ces gens, on peut voir quelle déception profonde ils peuvent avoir quand on soulève des espoirs et c'est trop important pour jouer avec cette question. Dans les autres provinces, il y a des problèmes. Non seulement les minorités francophones, mais plusieurs autres minorités. J'avais espéré, pensé qu'on aurait vraiment commencé un débat, une façon de procéder pour arriver à des principes, peut-être idéalistes, mais des principes, pour vraiment aider des personnes qui ont leurs aspirations linguistiques, leurs aspirations culturelles, leur identité, et que nous aurions peut-être pu faire un pas en avant.

C'est dans ce sens, M. le Président, que je veux dire au gouvernement ma déception profonde. Je ne crois pas que ce soient des sujets qu'on devrait traiter de cette façon. On ne devrait pas créer d'espoirs, on ne devrait pas donner l'image que nous allons protéger un certain concept pour des fins politiques. Si vraiment le gouvernement avait été sincère, premièrement, cela n'aurait pas été présenté de cette façon et, malgré les difficultés que le ministre aux Affaires intergouvernementales souligne, il faut retourner à la position de base du gouvernement, il faut retourner aux propos du ministre d'Etat. Pour le moment, je vais terminer mon intervention, en disant seulement au gouvernement qu'il a causé une déception profonde à ceux qui comprennent ce qu'est le droit des minorités et qui étaient prêts à travailler et à apporter des suggestions positives pour protéger ces minorités.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. le ministre de la Fonction publique et député de Charlesbourg.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je pourrais demander...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition officielle, excusez-moi...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je pourrais, à ce moment-ci...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'il appartient à une autre personne que vous de faire la demande que, je présume, vous voulez faire.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, après l'autre intervention... Oui...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant donné que j'ai reconnu le député de Charlesbourg, celui-ci peut adresser la parole et, par la suite vous ferez la demande en question.

M. Levesque (Bonaventure):... leur donner la chance d'y penser.

M. de Belleval: M. le Président, dans une question, malgré tout, aussi fondamentale, le danger, bien sûr, c'est, dans le cadre de nos débats politiques, de ratatiner le débat à des considérations que l'on peut appeler tactiques, machiavéliques ou, à ce qu'on assimile actuellement trop souvent dans l'esprit de certains membres de l'Opposition, à des manoeuvres.

Cependant, je pense que la question est trop importante pour que nous cachions, ici même, mais qu'au contraire nous expliquions, de la façon la plus sincère et la plus ouverte possible, la motivation profonde qui nous a amenés, après un débat important, après une réflexion de plusieurs semaines, à modifier le projet de loi original et à introduire cette disposition.

Notre réflexion en cette matière a été basée sur deux axes principaux. Tout d'abord, l'axe que j'appellerais historique et, à cet égard, je pense que tous les membres du gouvernement, en légiférant, en préparant ensemble le projet de loi sur la langue, ont été très conscients et ont parlé entre eux du poids historique qu'a dû subir le Québec au Canada depuis 300 ans et, bien sûr, depuis surtout 200 ans, le poids historique donc qu'il a dû subir pour assurer sa survie et son progrès au Canada.

Nous n'avons pu oublier, en légiférant, les tentatives de génocide culturel, à toutes fins pratiques, la spoliation, la déportation même, et, à l'occasion, les traités, les constitutions qui ont été déchirés, en ce qui concerne les droits des francophones, les pactes, les coutumes, les traditions qui ont aussi été foulés aux pieds en cette matière.

Nous nous sommes rappelés, bien sûr, le règlement 17 en Ontario qui a aboli, à toutes fins pratiques, les droits linguistiques des francophones dans le domaine scolaire. Nous nous sommes rappelés aussi, M. le Président, qu'au Manitoba la constitution même de la province a été déchirée, et que, là encore, comme dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nouveau-Brunswick, les droits linguistiques des francophones, à toutes fins pratiques, ont été annihilés. Le résultat de ces efforts, de la part d'une majorité oppressive, a été, bien sûr, l'assimilation massive, et parfois irréversible, d'un groupe francophone fort dans de nombreuses provinces. Cela, c'est le passé, M. le Président, et nous n'avons pu l'oublier en rédigeant nos propositions.

Mais vous me direz: Le passé, c'est le passé, et il y a le présent. Même là, M. le Président, en regardant le présent, nous n'avons pu oublier non plus les exemples récents où, par exemple, dans le cas des contrôleurs aériens ou des pilotes, un gouvernement, pourtant dirigé par des francophones, a dû, ignominieusement, rendre compte à une opinion publique majoritairement anglophone et empêcher qu'au Québec même les droits des francophones ne soient respectés.

Nous n'avons pu oublier non plus les incidents récents où de nos compatriotes francophones, dans le Sud de l'Ontario, n'ont pu obtenir une école qu'à la suite, encore, de nombreuses difficultés, que Radio-Canada, à Vancouver, n'a pu établir, récemment, une station de télévision que contre les hurlements de personnes bigotes et antifrançaises.

Nous n'avons pu oublier non plus les incidents populaires récents, lors d'une simple partie de hockey, par exemple, à Toronto. Nous ne pouvons pas oublier non plus que, dans la capitale même des Acadiens, le député et le maire, qui représentent la majorité anglophone, entretiennent aussi des sentiments hostiles à notre culture et à notre nationalité.

Cette voie aurait pu être pour nous la voie de la haine et de la vengeance, mais ce sont des sentiments qui nous sont étrangers. Mais la colère, et la colère juste, et le chagrin, sont-ce là des sentiments qui sont déshonorables? Je ne pense pas.

Toutefois, nous avons voulu seulement tirer des leçons du passé et de cette voie historique pour nous tourner vers une autre voie qui est celle de la voie de l'avenir et qui est la voie de l'espoir.

Nous avons tiré, cependant, comme je le dis, une leçon. La leçon est que la force de notre culture doit venir de nous-mêmes et non pas de gouvernements qui sont soumis à des majorités populaires étrangères à notre propre culture.

La deuxième leçon est qu'il nous revient d'utiliser de façon intelligente et mesurée cette force à notre avantage et accessoirement, mais aussi de façon essentielle, à l'avantage de nos frères des autres provinces pour obtenir des compensations importantes sur le plan culturel, des avantages plus tangibles, plus précis et plus concrets et susceptibles d'évolution et d'amélioration au fil des années.

Cette force de négociation, nous voulons aussi l'utiliser dans un contexte, comme je l'ai dit, d'ouverture, d'espoir et de confiance, conscients, en effet, que, dans de nombreuses élites, du côté anglophone, des progrès sensibles ont été faits en ce qui concerne l'ouverture à la culture française, aux progrès des Québécois de langue française et des minorités de langue française; conscients aussi qu'il n'existe pas de peuples voisins, si étrangers les uns aux autres, qui n'entretiennent pas entre eux des liens multiples et étroits dans tous les domaines, y compris dans le domaine culturel.

La proposition qui est devant nous est conforme à la nature de nos liens historiques et culturels avec le reste du Canada, conforme aussi à notre projet politique — nous n'avons pas à nous en cacher — en matière d'association, conforme aussi, malgré les injustices du passé, à nos espoirs de réparation et de collaboration, compte tenu de l'évolution de nombreux milieux anglophones, y compris des gouvernements anglophones dans ce pays.

Ce que nous voulons pratiquer, donc, c'est la politique de la main tendue, mais sur une base de stricte égalité, comme il convient de le faire entre partenaires dont les rapports reposent sur la base du respect mutuel.

Le gouvernement fédéral, pour sa part, sera sévèrement jugé partout au Canada, mais particulièrement ici au Québec s'il continuait à inciter les autres provinces à refuser de serrer cette main tendue.

M. le Président, il suffit d'espérer pour entreprendre, et c'est ce que nous faisons. C'est ce que fera le premier ministre, la semaine prochaine. Nous espérons donc sincèrement que cette main tendue ne se refermera pas sur le vide, mais plutôt — comme je le disais tout à l'heure — les regrets et les chagrins du passé seront définitivement lavés.

Serait-ce trop présomptueux, M. le Président, de solliciter instamment l'approbation de l'ensemble de la commission dans une manière aussi vitale pour l'intérêt du Québec et du reste du Canada? C'est le voeu que je formule en terminant mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre de la Fonction publique. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander si la commission accorderait son consentement pour que le chef de l'Opposition officielle puisse avoir le droit de parole.

M. Laurin: M. le Président, étant donné qu'il s'agit de mon bon ami, le député de Bonaventure, dont les lumières nous sont bien connues, étant donné qu'il s'agit aussi du chef du Parti libéral, étant donné également l'importance du débat, il me fait grandement plaisir d'accéder à la requête du député de L'Acadie.

M. Laplante: M. le Président, on aimerait à ce bout-ci de la table, que ce soit considéré comme un cas exceptionnel, réservé à des chefs de parti. Si un autre chef de parti voulait parler, comme par exemple celui de l'Union Nationale, il ne faudrait pas que ce droit lui soit refusé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que la commission décidera en temps et lieu. De toute façon, la question ne se posera pas, puisque le chef de l'Union Nationale a l'habitude de s'inscrire comme membre de cette commission.

M. Laplante: Non, mais j'aimerais que vous le considériez comme cas exceptionnel.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, le président n'a rien à considérer, c'est la commission qui est maîtresse de cette décision. Le président n'a absolument rien à dire sinon de constater l'unanimité et le consentement unanime des membres de la commission. J'accorde la parole au député de Bonaventure et chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais remercier la commission de l'autorisation qu'elle me donne de participer à l'étude de l'amendement proposé par le ministre d'Etat au développement culturel, amendement que je considère suffisamment important pour qu'on lui accorde une attention particulière.

Je voudrais tout d'abord exprimer, si on me le permet, mon regret que la commission ait jugé à propos de traiter, comme elle l'a fait, l'article 69, ce qui nous amène évidemment à passer à cet amendement qui est suggéré par le gouvernement. C'eût été tellement plus facile, M. le Président, de s'en tenir au moins à la clause Canada, ce qui aurait réglé complètement cette discussion et nous ne serions pas où nous en sommes présentement. D'ailleurs, M. le Président, je voudrais rappeler à cette commission qu'il y a quelque chose d'assez curieux dans le processus qui nous a amenés à l'amendement suggéré. Nous avons tous été témoins du livre blanc déposé par le ministre d'Etat au développement culturel, nous avons également été témoins du dépôt du projet de loi no 1 et nous avons également été témoins du dépôt du projet de loi no 101, tout cela sans qu'il soit mention, du tout, de ce processus de réciprocité ou de cette idée de réciprocité qui nous arrive depuis quelques jours. Cela mûrissait.

M. le Président, ce qui me frappe encore, et je pense que le député de Saint-Laurent l'a bien souligné, c'est que pour justifier l'article 69 et la clause Québec, on nous avait amené des arguments qu'on disait bien fondés, basés sur des études démographiques que l'on jugeait très sérieuses.

Alors, je dis, M. le Président, ou bien que c'était vrai, que c'était bon, que cela servait un meilleur équilibre démographique, ou que ce n'était pas tellement important puisque cela peut se négocier. Si c'était aussi fondamental, assez fondamental pour que le gouvernement lui-même, par son chef, se dise tiraillé, au moins, personnellement, le chef du gouvernement s'est dit tiraillé, je ne m'imagine pas qu'il était tiraillé par le dernier article de la loi qui parle de l'entrée en vigueur, mais peut-être que c'est cela qui le tiraillait?

M. Morin (Louis-Hébert): On ne le sait pas.

M. Levesque (Bonaventure): Peut-être que c'est l'ensemble du projet de loi, mais ce que nous avons compris, c'est que l'une des dispositions qui constituaient ou qui provoquaient ce tiraillement chez le chef du gouvernement, c'était précisément l'option Québec par rapport à l'option Canada ou l'option monde.

Qu'est-ce qui nous amène à étudier cet amendement aujourd'hui? Je pense bien qu'il est clair, il est évident que le gouvernement a voulu recourir à une procédure de diversion que l'on attribuerait, d'après certains journalistes à l'imagination fertile du ministre de la Fonction publique, qui vient d'ailleurs de nous donner le fond de sa pensée...

M. Laurin: Excellente!

M. Levesque (Bonaventure): Excellente, oui. Ma présomption est excellente également. Je me dis que, à ce moment-là, lorsqu'on apporte cette procédure et que l'on suggère la réciprocité, on est en train de soumettre à la volonté d'un tiers, qui n'est pas le gouvernement du Québec, le sort de nouveaux Québécois canadiens; on est en train, présentement, de ne pas assumer pleinement ses responsabilités vis-à-vis de tous les Québécois. Lorsqu'on légifère, on ne légifère pas pour la journée même de la discussion d'un projet de loi, on légifère normalement d'une façon relativement permanente. Cela veut dire qu'on légifère présentement sur des droits de Québécois, et que l'on dit à ces Québécois, nouveaux Québécois, Québécois de quelques années, si l'on s'en tient à une législation relativement permanente: Vos droits sont soumis à une volonté d'un gouvernement d'une autre province. C'est ce que nous sommes en train de dire.

Une Voix: ...

M. Levesque (Bonaventure): Si vous voulez, vous aurez l'occasion. On est en train également, M. le Président, de nous demander d'approuver, nous le ferons peut-être et j'expliquerai pourquoi nous approuverons possiblement cet amendement, mais nous voulons justifier notre vote ou le vote de mes collègues à la commission et, éventuellement, à l'Assemblée nationale. On nous présente ce qu'on appelle un accord de réciprocité éventuel. D'après le ministre des Affaires intergouvernementales, d'après ce qu'il nous a dit, il l'a bien admis, il ne sait pas encore ce qu'il y aura dans cette proposition d'accord de réciprocité. Il a dit qu'on pourrait, au Conseil des ministres, la semaine prochaine, parler de l'étendue de cet accord ou de la proposition, etc., mais de ses propres mots et je les ai soulignés, il a dit qu'il ne le savait pas.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne sais pas trop comment cela s'applique.

M. Levesque (Bonaventure): II n'y a pas de question de...

Des Voix: Article 96.

M. Morin (Louis-Hébert): Article 96.

M. Levesque (Bonaventure): Mais une fois que j'ai terminé de parler, vous avez droit à l'article 96.

M. Vaillancourt (Jonquière): A moins que le chef de l'Opposition officielle... S'il vous plaît! Effectivement, c'est l'article 96, à la fin de l'intervention du chef de l'Opposition, à moins que celui-ci n'y consente immédiatement.

M. Levesque (Bonaventure): C'est cela, vous savez le règlement.

M. Morin (Louis-Hébert): En tout cas, il doit y avoir un article quelque part qui couvre...

M. Levesque (Bonaventure): Vous avez été tellement gentil pour me laisser parler que je ne peux pas vous refuser cela.

M. Morin (Louis-Hébert): Ah, que c'est gentil!

M. Levesque (Bonaventure): Mais je voudrais que ce ne soit pas pris sur mon temps.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, cela va prendre quatorze grosses secondes. Je n'ai jamais dit ce que M. le chef de l'Opposition officielle est en train de prétendre, je n'ai pas dit que je ne savais pas ce qu'il y avait dedans; j'ai dit que je ne savais pas encore ce que le Conseil des ministres allait décider à partir d'un certain nombre de variables et de propositions. Fin de mon intervention.

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre est le seul à savoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): ... ce qu'il y a dedans, et il demande à la Commission, M. le Président, de se prononcer aujourd'hui sur une proposition qui sera à l'origine d'un accord, c'est plutôt sur l'accord éventuel et possible et même peut-être impossible, parce qu'il a dit lui-même que cela se terminerait peut-être vendredi prochain, ou cela commencerait, on ne le sait pas encore, et il demande à la commission présentement un chèque en blanc, parce qu'on ne sait pas de quoi il s'agit.

On demande un chèque en blanc et non pas seulement sur un accord dont on ne connaît pas les termes, mais également on voudrait avoir ce chèque en blanc pour pouvoir passer n'importe quel règlement en vertu de cet amendement — je tiens à le rappeler — qui se lit comme suit: "Le gouvernement peut faire des règlements pour étendre l'application de l'article 69..." Alors que je vous soumets que c'était tellement important que cela ne pouvait pas se changer, tellement l'équilibre démographique était impliqué là-dedans, tellement le sort des Québécois francophones était menacé. Là on pourra étendre et changer complètement cela. "... étendre l'application de l'article 69 aux personnes visées par une entente de réciprocité concrète entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre province. Malgré l'article 89, ces règlements peuvent entrer en vigueur dès la date de leur publication dans la Gazette officielle."

Je soumets, M. le Président, qu'on nous demande d'abord ce chèque en blanc. Deuxièmement, je dis que si l'on veut réellement aider les Québécois qui vont dans d'autres provinces afin qu'ils puissent obtenir des droits pour leurs enfants à l'école française s'ils le désirent, nous sommes pleinement d'accord. D'ailleurs, il faut rappeler que le Parti libéral du Québec s'est tou- jours, contrairement au Parti québécois, préoccupé des minorités francophones à travers le Canada.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Non seulement nous nous sommes préoccupés, mais nous avons posé des gestes, aux Affaires culturelles, à l'Office du Canada français outre-frontières. Celui qui est maintenant le ministre des Affaires intergouvernementales le sait fort bien, parce qu'il était même un des meilleurs collaborateurs dans cet exercice qui était celui d'un gouvernement précédent et qui s'est ouvert aux minorités francophones. Le Parti québécois, rappelons-le, a toujours répondu, lorsque l'on disait: Ecoutez, messieurs du Parti Québécois, vous voulez séparer le Québec du reste du Canada, mais qu'est-ce que vous faites des minorités francophones à l'extérieur du Québec?

M. Morin (Louis-Hébert): La réponse est là.

M. Levesque (Bonaventure): La réponse venait continuellement du Parti québécois et de son chef: Les minorités francophones sont perdues, de toute façon, il faut absolument que l'on sépare le Québec et que tout le Canada français devienne le Québec, un Québec français un Québec indépendant. Puis les minorités au Nouveau-Brunswick, les minorités en Ontario, les minorités en Colombie-Britannique, etc., c'est peine perdue, ils sont en décroissance rapide. C'est cela qui se disait continuellement.

D'où vient, aujourd'hui, cet intérêt soudain pour les minorités francophones? Or, il faut revenir aux paroles du ministre d'Etat au développement culturel. Lui est logique avec sa pensée et avec la pensée originale du Parti québécois. C'est qu'il ne dit pas, lui, que c'est pour les minorités francophones du reste du pays. Ce qu'il dit, lui, c'est pour les quelques centaines de Québécois qui s'en vont à l'extérieur occasionnellement. Et il dit: Si cela peut aider les autres, tant mieux.

Et là je reviens à notre ami de l'Union Nationale, le député de Mégantic-Compton, qui parlait de la déclaration que son chef ferait demain relativement aux minorités francophones. Il n'a pas compris la philosophie derrière le gouvernement actuel ou particulièrement, devrais-je dire, la philosophie que véhicule le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: C'est question d'accent.

M. Levesque (Bonaventure): C'est une question d'accent très importante et où l'on revoit la philosophie du ministre et qui ne concorde pas avec celle du ministre des Affaires intergouvernementales ni celle du premier ministre s'il était venu parler à cette table.

Une Voix: Article 96.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): II dit des choses qui n'ont pas de bon sens.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je sais que ce que je dis ne fait pas l'affaire du ministre, mais je ne suis pas ici pour faire l'affaire du gouvernement. Je tiens simplement à rappeler les faits.

Notre politique linguistique est basée sur l'existence de deux communautés linguistiques, M. le Président, et c'est pour cela que nous avons toujours fait en sorte que les deux communautés linguistiques puissent être nourries, si l'on veut, naturellement. Il faut bien comprendre que, du côté de la minorité anglophone, il y a des gens qui quittent le Québec régulièrement, parce qu'il y a une mobilité considérable à travers le Canada. Nous disons que la disposition que nous avons adoptée, contre laquelle nous nous sommes élevés cependant à l'article 69, ne permet pas, s'il n'y a pas cette entrée normale vis-à-vis des Canadiens des autres provinces à l'école anglaise au Québec... Si cela est coupé, cela veut dire qu'à mesure que les anglophones quitteront le Québec, dans cette mobilité, pour aller occuper des emplois ailleurs et s'il n'y a pas une correspondance, à ce moment-là, on affectera directement les droits d'une communauté linguistique.

M. le Président, je voudrais rappeler simplement un autre point avant de terminer, c'est l'article 133 de la constitution. Lorsque l'on parle de protéger, dans la constitution, les droits des minorités, on voit que le gouvernement s'oppose à cela, sous le prétexte que cela toucherait des droits qui sont exclusivement des droits provinciaux, c'est-à-dire que cela toucherait le domaine de l'éducation.

Je soutiens, M. le Président, que déjà, dans la constitution, il y a des protections pour les minorités sur le plan confessionnel et jamais n'a-t-on dit que le gouvernement du Québec n'avait pas une autorité exclusive en matière d'éducation.

M. de Belleval: Dans notre constitution.

M. Levesque (Bonaventure): Cela dépend des interprétations juridiques, mais dans la constitution, dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, il y a des dispositions à l'article 133 qui font en sorte qu'il y ait, dans cette constitution et dans cet article, des dispositions qui protègent les minorités non pas sur le côté linguistique, mais plutôt sur le côté confessionnel lorsque la constitution a été écrite.

Pourtant, jamais — je le répète — n'a-t-on dit que la province de Québec ou que le gouvernement du Québec n'avait pas pleine autorité en matière d'éducation. Je pose la question: Comment le gouvernement actuel, sur quelle base se défend-il pour refuser — c'est important, on admettra cela, parce que ce sera peut-être soulevé à la conférence de la semaine prochaine — se refuserait-il à ce que, dans la constitution, il y ait une protection... Je crois que c'est plutôt l'article 93.

Une Voix: L'article 93.

M. Levesque (Bonaventure): Voulez-vous le changer dans le journal des Débats, lorsque je parlais de l'article 133.

M. Laurin:...

M. Levesque (Bonaventure): Dans l'article 133, c'est la législation et les tribunaux.

M. de Belleval: Vous n'êtes pas un expert constitutionnel, de toute façon.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!.

M. Levesque (Bonaventure): Je connais la substance, vous connaissez peut-être les numéros.

M. le Président, je reviens encore à cet article 93, je demanderais que, dans le journal des Débats, on fasse la correction, si l'on veut bien. Comment pourrait-on s'opposer à ce que, dans l'article 93, on puisse donner ces garanties constitutionnelles aux minorités à travers le pays, ce qui inclurait les minorités francophones à l'extérieur du Québec, ce qui inclurait les minorités anglophones au Québec? Pourquoi nous opposerions-nous, si toutes les provinces du Canada concouraient à cette proposition? C'est une question que je pose.

Je voudrais, finalement, indiquer que, même si nous ne voulons pas nous associer à ce "pace saving", si vous voulez, de la part du gouvernement, c'est clair — j'ai le droit d'employer ce mot — que le gouvernement a voulu, devant les divisions évidentes à l'intérieur du cabinet, utiliser cette sortie, cette excursion vers l'extérieur. Même si nous ne voulons pas nous associer à cet exercice, nous croyons cependant, et cela en pleine logique et en toute continuité, que tout ce qui pourrait être apporté ou présenté ou adopté pour aider, d'une part, les minorités anglophones au Québec ou francophones à l'extérieur, nous allons l'appuyer, non pas à la façon que cela a été apporté, non pas le but dans lequel cela a été fait, non pas le motif qui l'a inspiré, mais, devant la fermeture de l'article 69, une fermeture complète, nous pourrions, à ce moment-là, juger à propos de l'appuyer — avec ou sans amendement ou sous-amendement, on verra; ce sont les membres de la commission qui le jugeront, à la lumière de la discussion — si nous le faisons, nous le ferons dans le sens que, si on ne peut avoir plus, on accepte le moins. Comme disait un député il y a quelques années, autour de cette table: Quand on ne peut pas avoir un gros pain, on prend un petit pain. C'est dans ce sens-que, si nous concourons à cette suggestion, nous le ferons avec ces réserves, tout en souhaitant, cependant, qu'à la réunion de St. Andrews, se dégage un consensus véritable pour qu'à travers le Canada, ici comme ailleurs, les droits des minorités soient sauvegardés, respectés. Nous espérons un plein succès à cette réunion de St. Andrews.

Il ne faudrait pas que, lorsqu'on reviendra de St. Andrews, on revienne avec le statu quo. Ce n'est pas ça l'idée, je pense bien, que l'on retrouve dans cette affaire de réciprocité. Il faut bien

comprendre qu'en Ontario, aujourd'hui, et au Nouveau-Brunswick, si vous vous rendez dans ces provinces, vous avez le droit, les enfants francophones ont le droit, les Québécois ont le droit de s'inscrire à l'école francophone. Peut-être que le réseau n'est pas aussi complet qu'il devrait l'être, mais il y a là une liberté de choix qui est accordée, ne l'oublions pas, aux enfants québécois qui vont en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Je comprends, cependant, comme on l'a mentionné tout à l'heure, que, dans certaines provinces canadiennes, l'équipement est assez petit et restreint, d'autant plus que les minorités sont assez infimes au point de vue du nombre de francophones dans ces provinces. Je songe en particulier à la Saskatchewan et à d'autres provinces qui n'ont pas tellement de population francophone.

Pour terminer, encore une fois, je voulais faire simplement ces réflexions, pour ce qu'elles valent, avec l'idée de rappeler au gouvernement que nous ne pouvons pas ne pas regretter son attitude, particulièrement à l'article 69, qui nous amène à cette proposition-ci, et, devant cette proposition-ci, nous prenons une attitude positive, mais non sans avoir les yeux ouverts et en essayant de rappeler au gouvernement et à la commission ce qui a pu inspirer le gouvernement dans cet exercice, qui aurait pu tellement bien être évité, si, au lieu de la clause Québec, on avait accepté au moins la clause Canada, sinon la clause monde. Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le chef de l'Opposition officielle. Je vous ferai remarquer deux choses, que j'ai présumé le consentement unanime de la commission pour vous laisser dépasser votre temps de trois minutes et que nous sommes...

Non, c'est accepté. Ce n'est pas méchant du tout...

M. Levesque (Bonaventure): II est arrogant... Il est poison...

Le Président (M. Cardinal): ... et que, d'autre part, nous sommes présentement devant un amendement et que nous ne pourrions pas aller au-delà d'un sous-amendement. Sur ce, M. le ministre des Affaires intergouvernementales, je vous ferais remarquer que vous n'avez pas besoin d'invoquer l'article 96. Il vous reste encore sept minutes.

M. Morin (Louis-Hébert): En tout cas, 96... J'ai une question seulement, M. le Président, à poser au chef de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Cardinal): II n'est pas obligé d'y répondre.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, il n'est pas obligé, mais ça peut le faire réfléchir en fin de semaine; c'est toujours bon.

Tout à l'heure, par la voix du député de Mégantic-Compton, nous apprenions que le chef de l'Union Nationale allait, demain, dans une in- tervention je ne sais trop où, au Nouveau-Brunswick, je pense...

M. de Belleval: A Moncton.

M. Morin (Louis-Hébert): ... à Moncton, demander aux autres provinces de donner suite à ces accords de réciprocité. Vu que vous souhaitez, et vous l'avez mentionné, d'ailleurs, que ça réussisse, cette réunion de la semaine prochaine, et que vous avez manifesté quand même des sentiments fort valables à cet égard, est-ce que vous seriez d'accord pour vous associer avec lui, de telle sorte que vous puissiez faire savoir aux premiers ministres des autres provinces que, vous aussi, vous aimeriez que les autres provinces regardent avec attention, intérêt et de façon positive, quitte à y donner suite en les signant, ces accords de réciprocité?

M. Levesque (Bonaventure): J'ai plus de prudence que le chef de l'Union Nationale. Je ne connais pas les accords en question. Je ne connais pas la proposition en question...

Des Voix: Ah!

M. de Belleval: ... des accords de principe.

M. Morin (Louis-Hébert): ... de principe.

M. Levesque (Bonaventure): ... mais je dis, cependant, et même en principe, tel qu'il provient du parrain du projet de loi, je le crains, parce qu'il ne s'occupe que d'un nombre infime de personnes. Il ne s'occupe, dans son esprit, que des Québécois, de quelques centaines ou de milliers de Québécois — je ne suis pas encore sûr du chiffre; il va nous le donner — qui vont dans les autres provinces. Il ne s'intéresse pas à ce qui, à mon sens, est extrêmement plus important, c'est l'ensemble du Canada français. C'est l'ensemble des minorités francophones à travers le pays. Il ne s'en occupe pas; il ne s'en préoccupe pas. Il dit que c'est tant mieux si ça aide, tant mieux. C'est une conséquence indirecte, dit-il, mais, quant à nous...

M. Laurin: 96, 96, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Non, n'invoquez pas 96. Ecoutez! J'ai permis, à cause de la personnalité qui est avec nous cet après-midi, M. le chef de l'Opposition officielle, qu'on lui posât une question et qu'il puisse y répondre. Il avait déjà dépassé son temps. Par conséquent, je ne voudrais pas qu'on en soit rendu à un duo entre M. le ministre des Affaires intergouvernementales...

M. Levesque (Bonaventure): Mais je serais d'accord...

Le Président (M. Cardinal): ... et M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Le Moignan: Pour rétablir...

M. Levesque (Bonaventure): ... M. le ministre

d'Etat au développement culturel voulait rétablir des faits...

M. Laurin: M. le Président, je veux rétablir les faits.

Le Président (M. Cardinal): Bon! Comme vous avez déjà fait une intervention, M. le ministre d'Etat du développement culturel sur l'article 81a, par conséquent, vous avez le droit d'invoquer l'article 96.

M. Laurin: Oui, sans apporter, quand même, trop d'eau au moulin du député de Bonaventure, je veux quand même lui dire qu'il me fait un procès d'intention. Je n'ai jamais dit que je ne me préoccupais pas du sort des minorités; bien au contraire. J'ai dit simplement que notre première préoccupation ici, au gouvernement du Québec, c'était de nous occuper de nos ressortissants, de nous occuper du bien-être, du développement des francophones québécois, en l'occurrence, mais que si, d'une façon indirecte, ces accords de réciprocité bénéficiaient au plus grand nombre possible de francophones établis dans les autres provinces, tant mieux. Mais si j'ai dit ça, c'est simplement parce que ce n'est pas de la responsabilité, de la compétence, de la juridiction du gouvernement du Québec d'aller se mêler des affaires de l'Ontario, du Manitoba pour légiférer à leur place, et sur ça, il y a un accord parfait au sein du cabinet. Mais ce n'est pas un manque d'intérêt, c'est le respect des juridictions des autres provinces. Ce n'est pas la même chose.

M. Levesque (Bonaventure): Alors...

M. Laurin: Au contraire, mon coeur déborde d'affection, d'intérêt et de sympathie pour le sort qui est fait aux francophones dans les autres provinces du Canada et je le déplore et je l'ai déploré à plusieurs occasions. J'ai trouvé ce traitement indigne, scandaleux, et je n'aurais pas de plus grande ambition que de le corriger dans toute la mesure du possible...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Laurin: ... par les mesures, les accords de réciprocité...

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, à l'ordre! L'article 96...

M. Levesque (Bonaventure): Je vais compléter ma réponse.

Le Président (M. Cardinal): ... monsieur, avec votre expérience, vous savez bien qu'il n'y a pas de réponse...

M. Levesque (Bonaventure): On m'a posé une question.

Le Président (M. Cardinal): ... à une intervention en vertu de l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): Si la commission y consent, je suis d'accord. J'ai le consentement.

M. Bertrand: Brièvement.

M. Levesque (Bonaventure): Brièvement, pour ne pas abuser de la permission qui est donnée. Je suis heureux d'entendre le ministre se dire en faveur des minorités francophones. Je suis également touché du fait qu'il ne veut pas légiférer pour l'extérieur. J'ai simplement à revenir sur un point. C'est lui-même qui m'y amène. Cependant, s'il ne veut pas légiférer pour l'extérieur, il doit cependant légiférer pour les Québécois du Québec. Lorsqu'il légifère pour les Québécois du Québec, il ne doit pas faire en sorte que leurs droits de Québécois soient soumis à la volonté d'un autre gouvernement d'une autre province. C'est ce que je voulais dire.

Et quant à la question qui m'a été posée par le ministre des Affaires intergouvernementales, je lui dis que je ne connais pas les propositions qui sont faites. Je ne connais pas les accords. Donc, à ce moment, je ne peux pas dire si je dois les encourager. Mais ce que je dois dire, et je le répète: J'encourage tous les premiers ministres, à St. Andrews, à prendre l'engagement, s'ils ne l'ont pas fait dans leur province, de s'occuper pleinement et de donner plein droit aux minorités francophones dans tout le Canada, et qu'ils le disent formellement. Cela doit-il se traduire par des accords ou autrement ou dans des amendements constitutionnels? Ils le jugeront. Ils prendront leurs responsabilités. Mais je dis qu'ils doivent faire en sorte, tous et chacun, incluant notre premier ministre, de voir à ce que les droits des minorités dans tout le Canada soient respectés.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Bonaventure...

M. Levesque (Bonaventure): C'est moi qui vous remercie et je remercie la commission.

Le Président (M. Cardinal): ...et chef de l'Opposition officielle et pour éviter toute discussion sur le droit de parole...

M. Bertrand: C'est malheureux que vous partiez!

Le Président (M. Cardinal):... je donne immédiatement l'ordre: M. le député de Taschereau, suivi de M. le député de Gaspé et de Mme le député de L'Acadie.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une demande de directive.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Très brièvement. Je me suis laissé dire, alors que j'étais absent de cette commission, étant à la commission de la justice hier matin, qu'on aurait conclu un accord ici, à la commis-

sion, pour traiter les nouveaux articles présentés par le gouvernement comme étant des motions principales.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Dans le cas de l'article 81a, ce n'est pas le cas. Je suis obligé de le dire immédiatement. L'article 81a a été proposé aujourd'hui comme une motion d'amendement à l'article 81. Dans le cas de toutes les autres propositions qui ont été soumises et dont vous avez le texte, il a été décidé, par la commission et non pas par la présidence, que c'étaient des motions principales.

M. de Belleval:...

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le ministre de la Fonction publique. Cela a été accepté. On pourrait faire sortir la transcription du journal des Débats pour constater que le texte que j'ai lu est le suivant: Que soit inséré, entre l'article 81 et l'article 82, un article 80a qui se lirait comme suit, et le texte est précédé d'un titre qui s'appelle: Motion d'amendement au projet de loi no 101, et c'est ainsi que cela a été présenté. Cela a été le seul cas. Tous les autres articles ont été présentés comme étant des articles remplaçant les articles antérieurs. Je dois ajouter ceci. Dans le cas de l'article 81a, il serait surprenant que ce soit un article qui remplace un autre article puisque c'est un nouvel article qui se situe entre deux articles.

Je vous demande pourquoi vous me posez cette question de directive.

M. Lalonde: C'est parce que cela a un certain effet sur nos travaux. Je vois la surprise sur le visage de certains membres de l'équipe ministérielle. Si on voulait, avec l'accord unanime de la commission, offrir, proposer, du côté ministériel, que ce soit une motion principale, nous n'aurions sûrement pas d'objection.

M. Charron: Non.

Le Président (M. Cardinal): Non. Attendez un instant. Un fauteuil, s'il vous plaît, et devant le micro. Il faudrait que la commission s'entende, parce qu'il est sûr que cela a des effets.

J'ai mentionné, en réponse à M. le député de Bonaventure, que l'on ne pouvait faire qu'un sous-amendement et non pas un sous sous-amendement.

Mais je dois rappeler que, comme président, j'ai présenté ce texte très précisément comme un amendement. J'en appelle tout simplement au texte du journal des Débats. Ce n'est pas une demande de directive, ce n'est pas une décision. Il est tout simplement normal qu'un article qui n'existe pas ne puisse pas être un article principal.

Mme le député de L'Acadie sur la demande de directive.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est peut-être que je vous ai mal compris, mais hier on nous a déposé cela au complet.

Le Président (M. Cardinal): Sauf... Mme Lavoie-Roux: Non, il est dedans.

Le Président (M. Cardinal): L'article 81a, je ne l'ai pas, madame.

Mme Lavoie-Roux: Oui, regardez.

Le Président (M. Cardinal): Non, c'était un autre texte qui a été retiré.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il s'appelait 81a?

Le Président (M. Cardinal): Non, écoutez, je m'excuse madame...

M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez?

Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous le permets.

M. Charron: La situation, telle que je la vois, c'est que la différence—c'est vous-même qui me l'avez rappelé tantôt et le député de Marguerite-Bourgeoys a essayé de le stigmatiser— est à l'effet qu'il s'agit effectivement d'un nouvel article que nous avons baptisé de 81a en attendant son numéro officiel, lorsque la loi sera sanctionnée, à la différence d'autres articles que le gouvernement présente comme étant un remplacement d'un article dans le texte initial. Nous n'avons rien remplacé, nous introduisons effectivement un tout nouvel article et à ce chapitre, c'est un amendement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! On m'a demandé une directive, je vais revenir là-dessus très brièvement.

L'article 81a qui apparaissait dans le texte qui vous a été distribué a été retiré avant même d'être présenté, il n'existe pas devant la commission. J'en ai été informé et, encore une fois, j'aimerais avoir le texte du journal des Débats devant moi pour vous rappeler que j'ai lu ceci: Motion d'amendement à l'article 81. Je l'ai dit très clairement et j'en ai bon souvenir et bonne souvenance. J'ai même lu le texte pour que soit inséré, entre l'article 81 et l'article 82, un article 81a qui se lirait comme suit: ... je voudrais bien qu'on ne croit pas que la présidence ait quelque coopération particulière avec quelque formation politique. Je l'ai reçu comme vous, sur cette table, et je comprends que l'on ait certaines difficultés à interpréter exactement ce qui se passe, mais je ne reviendrai pas sur cette décision, elle est rendue, c'est un amendement. Je n'accepte pas autre chose qu'un sous-amendement. Si jamais il se passait autre chose, ce dont je ne peux pas préjuger.

Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Conséquemment, je pense que vous avez raison dans la description de ce qui s'est passé ici, c'est pourquoi j'ai posé la question d'ailleurs. Quand vous dites que seulement un

sous-amendement peut être apporté, c'est-à-dire qu'on ne peut pas proposer un sous-amendement à ce sous-amendement. On peut proposer plusieurs sous-amendements.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, cela est autre chose. Vous pouvez proposer un sous-amendement, il peut être battu ou rejeté, vous pouvez en proposer un autre, vous pouvez le faire 25 ou septante fois.

M. Paquette: Dieu nous en garde!

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une suggestion qui est faite à quelque parti que ce soit.

M. Charron: M. le Président je propose que l'article 81a soit adopté.

Le Président (M. Cardinal): J'ai donné la parole, j'avais reconnu M. le député de Taschereau sur cet amendement à l'article 81.

M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, j'ai été très heureux d'entendre le chef de l'Opposition officielle venir nous entretenir de ses lumières intellectuelles au sujet de l'article 81a et je regrette sincèrement qu'il nous quitte si prématurément. Il nous a fait valoir au cours de son intervention qu'il avait les yeux ouverts. Je souhaiterais, pour ma part, qu'il ait également les oreilles ouvertes pour mieux comprendre un peu le but de l'article 81a.

Il y a quelque temps, en cette commission, il y a un autre député de ce parti, le député de Jacques-Cartier, qui avait trouvé le moyen de parler contre une motion pendant 20 minutes pour finalement voter en faveur de la motion. Je pensais que c'était un cas unique dans notre Assemblée nationale.

Je m'aperçois qu'en fait, l'exemple vient de très haut puisque, en effet, le chef de l'Opposition a parlé pendant vingt minutes contre l'article 81a ou contre la motion d'amendement à l'article 81, et voici qu'il nous annonce, en terminant, qu'il va voter, enfin, que son parti votera pour cet amendement. Bien sûr, M. le Président, ce n'est pas la première fois que l'on assiste à des contradictions au sein du Parti libéral, cette commission nous a fourni maintes occasions d'en constater plusieurs et particulièrement au chapitre de la langue d'enseignement.

Il faut toutefois retenir du remarquable spectacle du chef de l'Opposition, car il est bon comédien, à défaut d'avoir beaucoup de contenu, qu'il a dû faire son cours classique, à l'époque, chez les bons Pères jésuites, parce que, posséder à ce degré l'art du sophisme, apparemment, cela relève effectivement des cours que donnaient les Jésuites, sans porter préjudice à cette auguste communauté.

Mme Lavoie-Roux: Etes-vous aussi un ancien des Jésuites?

M. Guay: Oui, mais je suis allé ailleurs aussi.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, je m'excuse, vous n'aviez pas le droit de parole. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: C'est une directive que je vous demande. Est-ce que les propos anti-cléricaux sont antiparlementaires, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Non.

M. Guay: M. le Président, si vous saviez...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! On me demande une directive. Tout Cardinal que je sois, je déclare qu'en vertu du règlement, seuls les propos qui attaquent d'une façon insultante ou autrement les membres de la deputation sont refusés, conformément à l'article 99, si je m'en souviens bien, par conséquent, de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée. Je n'ai reconnu, dans les propos de M. le député de Taschereau — à l'ordre, M. le député de Saint-Laurent — rien qui soit blessant envers l'Assemblée ou envers qui que ce soit. On peut bien reconnaître que quelqu'un puisse être jésuite ou être catholique.

M. Guay: M. le Président, je dois dire que j'ai la plus haute estime et la plus noble considération pour la Société de Jésus parce que j'y ai même fait, à l'instar du député de Marguerite-Bourgeoys, deux années d'étude et non pas tout mon cours.

Mme Lavoie-Roux: Cela paraît!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: Mais je suis également passé par le collège Stanislas où on apprenait le cartésianisme; cela a beaucoup d'avantages.

Mme Lavoie-Roux: Oh! Un collège français.

M. Guay: Oui, Mme le député de L'Acadie, un collège français.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: Je n'ai pas honte d'être passé par un collège français, au contraire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, veuillez ne pas...

M. Guay: M. le Président, oui.

Le Président (M. Cardinal): ...accepter ces interruptions. Je rappelle aux députés que les articles 26 et 100 leur demandent de vous écouter et non pas de vous interrompre.

M. Guay: D'ailleurs, M. le Président, vous êtes bien aimable, je relevais tout simplement la chose, parce que je croyais dénoter chez le Parti libéral un sentiment anti-français que je trouvais mal à propos.

Le chef de l'Opposition, M. le Président, nous a tenu, parmi tous ces sophismes, un qui était particulièrement de taille. Il nous a fait valoir, en effet, que l'article 81a soumettait à la volonté d'un tiers, en l'occurrence d'un autre gouvernement au Canada, le sort d'un nouveau Québécois, c'est-à-dire d'un hypothétique éventuel citoyen qui viendrait possiblement à s'établir éventuellement un jour, très hypothétiquement, au Québec, et que, à ce point de vue, nous soumettions le droit de cet éventuel et hypothétique citoyen du Québec au sort d'un autre gouvernement.

M. le Président, de toute évidence, le chef de l'Opposition n'a rien compris à l'article 81a. L'article 81a vise, au contraire, non pas à protéger les droits d'éventuels et hypothétiques citoyens qui, un jour, dans un lointain ou proche avenir, pourraient s'établir au Québec, mais aux citoyens du Québec qui vivent au Québec à l'heure actuelle et qui attendent de leur gouvernement que ce dernier protège leurs droits, et ce sont ces droits que nous visons à faire protéger par l'article 81a, à les faire protéger non seulement au Québec, bien sûr, mais aussi à les faire protéger dans la mesure du possible à l'extérieur du Québec, dans d'autres provinces du Canada, de la même façon que nous sommes disposés moyennant réciprocité, et c'est le but de ces ententes, à protéger au Québec les droits des citoyens d'autres provinces qui seraient appelés un jour, hypothétiquement, peut-être, à venir s'établir au Québec. C'est toute la différence au monde, M. le Président.

Ce que nous demandons à la commission, ce n'est pas de se prononcer sur le contenu spécifique et d'accords intergouvernementaux qui sont encore à être détaillés et à être négociés, mais sur le principe que de tels accords puissent être négociés entre les provinces du Canada, c'est-à-dire entre le Québec et les autres Etats membres de la fédération canadienne.

Toutefois, M. le Président, là où le chef de l'Opposition a atteint probablement le sommet de l'humour, c'est lorsqu'il a fait valoir que le Parti libéral s'était toujours préoccupé du sort des minorités françaises au Canada.

Pendant les six longues, terriblement longues, interminables années au cours desquelles le Parti libéral s'est vu confier la gestion de la chose publique au Québec, les minorités françaises des autres provinces ont attendu en vain que le gouvernement du Québec élabore à leur endroit une politique, pas nécessairement une grande politique, pas nécessairement un vaste et grand dessin, mais au moins une politique. Elles ont attendu en vain.

Il fut mentionné à un moment donné que lors de la Biennale de la langue française qui a eu lieu, il y a deux ans, je pense, à Chicoutimi, le gouvernement du Québec en profiterait — le gouvernement d'alors — pour annoncer cette politique tant attendue et jamais pondue. Pourtant, M. le Président, plutôt que d'énoncer une politique à l'en- droit des minorités françaises du Canada à cette occasion, l'ancien Solliciteur général, le député de Marguerite-Bourgeoys, nous révéla le contenu de la souveraineté culturelle, ce qui provoque évidemment un sentiment d'hilarité à la grandeur du Canada et en particulier au sein des officines libérales à Ottawa.

M. le Président, je trouve à tout le moins paradoxal que le Parti libéral, l'Opposition officielle, le chef de l'Opposition officielle depuis qu'il forme l'Opposition officielle, à chaque occasion à l'Assemblée nationale, et en particulier lors de la période de questions, lors de ses exercices quotidiens qui lui permettent de gesticuler et de hurler, ne manque jamais l'occasion de demander au gouvernement d'être un bon, un véritable gouvernement provincial et d'entreprendre des négociations avec les autres gouvernements dans le cadre d'un véritable esprit fédéraliste pour respecter le mandat que nous aurions reçu d'être un bon et un vrai gouvernement provincial. Or, voici que c'est précisément ce que nous cherchons à faire, voici que fort du mandat que nous avons reçu d'être un bon et un vrai — pour faire changement — gouvernement provincial, nous voulons effectivement entamer des négociations avec d'autres provinces du Canada. Et voilà que l'on trouve matière à redire.

Alors qu'on nous dit: Négociez donc! Au moment où on s'apprête à négocier, on dit: Non, vous ne négociez pas sur la bonne affaire, ou ce n'est pas assez, ou ce n'est jamais suffisant, ou ce n'est pas correct, ou cela devrait être autrement.

M. le Président, il est évident qu'un parti qui se nourrit de contradictions aussi constantes et aussi profondes ne peut pas être pris au sérieux. Ce qui est plus profond, M. le Président, derrière tout cela, c'est évidemment la différence qui existe entre un gouvernement provincial, bien sûr, qui vise à ne plus l'être, certainement, et qui ne le sera plus le jour où le peuple du Québec en décidera ainsi par référendum; c'est la différence entre un gouvernement du Québec qui se tient debout et qui, par le fait qu'il se tient debout, peut venir effectivement en aide aux minorités francophones, notamment celles qui sont situées le long de ses frontières et également les autres qui sont situées ailleurs au Canada — c'est toute la différence au monde — et un gouvernement comme on en a connu un pendant six ans, qui était plus préoccupé de gouverner à Québec pour défendre les intérêts d'Ottawa. Depuis le 15 novembre, nous avons à Québec un gouvernement provincial qui se tient debout pour défendre les intérêts du Québec, les intérêts des Québécois au Québec et aussi ailleurs dans le monde et notamment au Canada. C'est une différence fondamentale. C'est évidemment une différence que le Parti libéral ne saisit pas, compte tenu du passé, et c'est une différence, évidemment, qu'il a beaucoup de difficulté à accepter, compte tenu de la position que le chef du Parti libéral, M. Trudeau, a adoptée concernant l'article 81a.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Il est dommage que le député de Bonaventure ait quitté cette salle...

M. Bertrand: Très dommage.

M. Le Moignan: ... parce que je n'aime pas beaucoup parler dans le dos des absents, mais il aura l'occasion de lire le journal des Débats. Je ne veux pas engager de polémique avec le député de Taschereau, je ne parlerai pas des Jésuites. Mais avec le député de Bonaventure, j'ai eu l'occasion de faire une partie de mes études sous la direction des Clercs de Saint-Viateur et je crois que le député de Bonaventure et moi-même en avons gardé le meilleur des souvenirs. Comme je vous le dis, c'est un de mes amis, c'est mon voisin de comté, c'est le seul réchappé de la grande tempête du 15 novembre dans l'Est du Québec.

Mon intention est de lui porter secours dans la mesure du possible. Quand...

M. Guay: A l'impossible nul n'est tenu.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Le Moignan: ...le député de Bonaventure parle du chef de l'Union Nationale... Je crois que, dans son appel, notre chef est très prudent, même s'il ne connaît pas du tout les détails de l'entente. Le chef est demeuré sur le principe même, il ne peut pas en être autrement.

Il n'y a pas beaucoup de monde, dans le moment, excepté le ministre des Affaires intergouvernementales qui connaît les grands secrets. Il n'a pas dû les livrer à notre chef, mais si le chef de l'Union Nationale lui fait confiance, dans une certaine mesure, c'est qu'il estime que quelque chose de positif sortira de cette rencontre.

Si notre chef a été aussi spontané, c'est peut-être parce qu'il n'a pas agi sous l'empire de la crainte.

Une Voix: Voilà.

M. Le Moignan: II n'a pas eu peur de déplaire à quelqu'un d'Ottawa que je ne nommerai pas; il n'a pas eu peur peut-être de déplaire à M. Trudeau. C'est pour cela que j'ai été un peu surpris tout à l'heure quand le chef de l'Opposition libérale est venu reprocher aux ministériels d'apporter, de façon tout à fait soudaine, un article à caractère positif. Je me dis: Peut-être qu'il n'y a pas souvent d'article positif, si, en fait, on nous en présente un, réjouissons-nous, d'autant plus que cet article 81a on ne le lisait pas dans le livre blanc, ni dans le projet de loi no 1, ni non plus dans le projet de loi 101. Je crois qu'à ce moment-là, c'est un réel progrès.

Quant à nous de l'Union Nationale, nous allons toujours constater, je pense, avec une certaine joie, chaque fois que le parti ministériel apportera quelque chose de nouveau, un point nouveau, que cela provienne de nous ou des libéraux, des pénépistes ou des créditistes...

Une Voix: ...

M. Le Moignan: C'est vrai, ils ne sont pas là, mais cela ne fait rien. Même si cela vient des ministériels, si c'est quelque chose qui vient éclairer davantage ce projet de loi et qui vient donner peut-être plus de satisfaction aux Québécois de quelque origine qu'ils soient, nous avons, à ce moment-là, tout lieu de nous réjouir. C'est ainsi qu'en toute légitimité nous nous attendons à ce que certains chapitres, comme par exemple ceux traitant de la justice et de l'administration, qu'à ce moment-là aussi on y découvre des points nouveaux. On sait que durant l'audition des mémoires, de nombreuses suggestions ont été faites et on pouvait se faire une idée un peu du projet de loi et on pouvait à ce moment-là surtout souhaiter certains amendements que le ministre d'Etat aux Affaires culturelles pourrait peut-être nous apporter.

Je suis sûr que, depuis ce temps-là, beaucoup de choses ont mûri dans son esprit. De toute façon nous sommes censés aborder ces articles très bientôt, pas avant 18 heures, mais ces jours-ci. Je crois que le gouvernement devrait nous réserver, tant mieux pour nous, tant mieux pour la loi, des surprises aussi agréables.

Nous voulons accueillir, avec d'autant plus d'empressement l'article 81a. C'est qu'il s'agit ici d'un principe et, quand le chef de l'Opposition dit que l'Union Nationale n'a pas compris la philosophie que véhiculait le ministre d'Etat aux Affaires culturelles, je crois qu'il nous prend un peu pour des naïfs. Il devrait se rassurer. Nous n'avons peut-être pas le droit d'accepter tous les chèques en blanc que va nous donner le gouvernement, comme le député de Bonaventure l'a mentionné, mais je voudrais qu'il comprenne aussi que nous savons très bien que le but premier de cet article concerne la question aussi de la mobilité de la main-d'oeuvre et s'il y a cette entente de réciprocité — je ne veux pas entrer dans les domaines dont le ministre de la Fonction publique a traité tout à l'heure — que ce soit 5%, 10%, 15%, 20% ou 100%, la réponse revient aux autres provinces.

Je crois que, si les autres provinces veulent réellement collaborer, la démarche du Québec ne sera certainement pas vaine. On le sait par les études, par les écrits ou par le mémoire de l'ACELP, ils désiraient ardemment, eux, demeurer en contact avec nous. Je crois que c'est une entente de réciprocité qui serait de nature à nous aider et à permettre à la francophonie, je pense en termes du Québec, mais je pense aussi en termes beaucoup plus larges.

Ceci étant dit, il ne faut pas être aveugle pour comprendre que, par ricochet, on va certainement aider ces minorités, surtout si les gouvernements des provinces voisines veulent signer cette entente avec nous.

En terminant, M. le Président, notre appui à l'article 81 est d'autant plus nécessaire, si nous voulons assurer un minimum de respect de la réalité canadienne. Si nous voulons ne pas nous limiter à la seule et stricte option Québec du Parti québécois, que sous-entend l'article 69, option toujours en place, puisque nous n'avons pas

réussi à faire entendre raison aux ministériels quand à notre option Canada.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais rappeler un fait au député de Gaspé. Si ma mémoire est bonne, il était présent avec moi à cette rencontre à laquelle nous avions été invités avec certains députés ministériels et qui a eu lieu probablement au début de mars, où nous avions rencontré des journalistes africains. Ces journalistes africains posaient des questions, entre autres quel serait le sort réservé aux minorités francophones si le Québec devenait indépendant; quelles étaient les préoccupations d'un gouvernement indépendantiste à cet égard. Je pense que vous étiez là, M. le député de Gaspé...

M. Le Moignan: Continuez, je répondrai après.

Mme Lavoie-Roux: Si votre mémoire est bonne, vous vous souviendrez, sans doute, que les réponses qu'on donnait à ce moment-là étaient à peu près les suivantes, elles se situaient dans la ligne classique des leaders péquistes ou des nombreux militants péquistes avec lesquels j'ai eu l'occasion, dans différentes circonstances, d'aborder ce problème à savoir que les francophones à l'extérieur du Québec étaient décomptés à plus ou moins long terme, mais que s'ils voulaient éventuellement — on n'a peut-être pas utilisé le terme "immigré" — venir se joindre aux effectifs du Québec, ils seraient certainement les bienvenus, et que, de plus, le Québec leur fournirait un point de ressourcement ou un foyer de res-sourcement au plan culturel et que, certainement, on voudrait, autant que possible, qu'ils puissent puiser cette ressource culturelle.

Je me souviens d'avoir dû, à ce moment-là, répondre ou à mon point de vue, rétablir certains faits qui, je le croyais, étaient partagés par mon parti et selon lesquels justement il me semblait tout à fait difficile d'accepter que, dans un contexte canadien ou même nord-américain, où on ne retrouvait que 6 millions de francophones, on puisse aussi facilement mettre de côté un million de francophones quand on pense à l'ensemble du continent, qui dépasse les 225 millions d'anglophones. Il y avait eu à ce moment-là un certain échange. Mais j'avais cru à la nécessité de rétablir ces faits. Que s'est-il passé? C'est peut-être dans ce sens-là qu'on se pose des questions sur la motivation du gouvernement. Evidemment, il y a eu saint Paul sur le chemin de Damas, ce fut un grand miracle, une conversion subite.

Est-ce une répétition? C'est fort possible. A ce moment-là, je ne devrais même pas mettre en doute la valeur de cette conversion.

Mais, plus sérieusement, la motivation du gouvernement demeure assez obscure, malgré les explications du ministre des Affaires intergouvernementales. Pendant assez longtemps — et je pense que tous s'en souviendront — le gouvernement justifiait les restrictions qu'il incluait dans son projet de loi linguistique à l'égard des citoyens des autres provinces en répétant à satiété que le traitement que l'on réservait à la minorité anglophone était encore bien supérieur à celui que les autres provinces avaient accordé à leur minorité francophone. Après que nous leur ayons fait valoir, à plusieurs occasions — et c'est peut-être, évidemment, s'attribuer là un mérite que l'on n'a pas — après leur avoir eu fait valoir à plusieurs occasions que l'injustice des autres ne devait pas être le fondement des rapports sociaux que l'on tentait d'établir à l'intérieur d'une société adulte, tolérante et respectueuse des citoyens, puisqu'il s'agissait bien de citoyens lorsqu'on parlait des citoyens des autres provinces — on est quand même encore à l'intérieur du Canada — lorsque ces citoyens faisaient le choix de venir se joindre à elle, d'une façon temporaire ou permanente, peu à peu, l'argument n'a plus été utilisé. On ne l'a presque plus entendu en commission parlementaire où, dans les débuts, il revenait, Dieu sait! presque tous les jours. On pouvait croire qu'enfin le gouvernement avait compris. Mais c'était s'illusionner, puisque aujourd'hui on ne parle plus, on agit. Si vous êtes justes, on sera juste.

M. de Belleval: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Lavoie-Roux: J'entendais le ministre de la Fonction publique rappeler les différents événements historiques où les autres provinces non seulement ne se sont pas acquittées de leurs responsabilités envers leur minorité francophone, mais ont également posé des gestes répréhensi-bles, que ce soit la loi 17, que ce soit l'abolition, au Manitoba, des droits des francophones, événements que j'ai, d'ailleurs, moi-même rappelés dans mon discours de deuxième lecture sur le projet de loi 101. Mais, toujours, et à chaque fois, on semble arriver à des conclusions différentes.

Dans le cas du ministre d'Etat au développement culturel, pour lui — enfin, c'est la façon dont il s'était exprimé — tous ces événements nous mènent inéluctablement vers l'indépendance. Pour le ministre de la fonction publique, puisque, enfin, c'est le premier échange qu'on a la chance d'avoir avec lui sur le sujet, il semble bien que toutes ces injustices doivent enfin se régler. Elles doivent se régler et, à partir de demain, on va — je voudrais retrouver l'expression; je l'avais mise quelque part — cela va être un statut d'égalité entre les deux groupes. Enfin, je pense que ce sont à peu près les termes que vous avez utilisés.

Je pense que c'est un objectif normal; c'est un objectif légitime, mais je voudrais qu'on le joue sur toute la ligne, et je ne suis pas sûre que l'objectif que vous essayez de rejoindre, à ce moment-ci, qui, à première vue, peut paraître légitime, n'aura pas certains effets contraires à ceux que vous voulez atteindre. Par exemple, quelle certitude avez-vous qu'au lieu d'aider les minorités vous ne leur nuirez pas? Parce qu'il ne faut quand même pas oublier qu'au-delà de ces accords de réciprocité — c'est ce que je déplore — peut-être

amèneront-ils ou conduiront-ils à des accords de réciprocité qui seraient plus larges.

Mais comme ils sont limités strictement à la question des échanges de cadres pour répondre aux besoins d'éducation des gens qui se déplacent d'une province à l'autre, il ne faut pas oublier qu'à l'intérieur des autres provinces — et on va nommer celles où évidemment c'est plus exact: le Nouveau-Brunswick et l'Ontario— vous avez deux systèmes. Vous avez des écoles françaises et vous avez même, au Nouveau-Brunswick, des commissions scolaires françaises. A ce moment, je pense que ce qui peut arriver, c'est que ces systèmes qui ne sont pas fermés aux francophones, d'où qu'ils viennent, sauf évidemment s'il n'y a pas d'écoles, mais on essaie quand même au Nouveau-Brunswick — il faut essayer d'en convenir — de répondre, à tous les niveaux d'éducation, aux besoins des minorités... pourraient dans l'avenir leur fermer les portes.

Comment avez-vous la certitude que par votre attitude rigide, en restreignant l'admissibilité à l'école anglaise aux enfants du Québec et en imposant la clause Québec, dans un contexte plus large, vous ne créez pas dans ces autres provinces de l'hostilité à l'égard des minorités francophones? Dans ce sens, je pense que la proposition que vous faites est extrêmement limitée. On peut, comme je le disais au départ, se demander quelle est la motivation du gouvernement. Dieu sait pendant combien de temps le ministre d'Etat au développement culturel nous a servi abondamment — c'était son droit et je pense que cela a pu être utile — des statistiques pour faire valoir le choix de la clause Québec, et tout à coup, une des objections principales qu'il faisait valoir était cette mobilité très grande ou ces migrations interprovinciales si grandes que cela menaçait la survie du groupe francophone au Québec. Il n'est peut-être pas allé aussi loin que cela, mais c'était quand même une des raisons principales qu'on a invoquées pour choisir la clause Québec.

A ce moment, tout à coup — je ne dis pas que c'est mauvais — on est motivé et on ouvre cette clause de réciprocité qui, si on arrivait à des accords, produirait exactement les résultats que le ministre d'Etat au développement culturel a voulu éviter en imposant la clause Québec et en s'ap-puyant sur ce problème des migrations interprovinciales qui, à son avis, sont trop nombreuses et sont défavorables au Québec.

J'aimerais ici citer — vous l'avez sans doute lu ou certains l'ont sans doute lu — des remarques que j'ai lues dans l'éditorial de Montréal-Matin, de Marc Laurendeau qui, je pense, développe le même thème en disant: "On croyait savoir que M. Camille Laurin s'appuyait sur de solides analyses démographiques pour conclure qu'il fallait retenir la clause Québec comme critère d'admission des enfants à l'école anglaise plutôt que la norme de parents ayant fait leurs études élémentaires en anglais au Canada. Or, si le flot d'immigration anglophone venant des autres provinces menace vraiment la proportion des francophones au Québec, pourquoi se mettre à troquer une protection qu'on disait essentielle?"

Il reste que je pense que le gouvernement doit admettre que cet argument a été utilisé maintes fois et d'une façon vigoureuse pour justifier la clause Québec. Je continue. "M. Laurin soulignait à titre d'avantage de la clause de réciprocité la possibilité que des cadres francophones puissent en toute quiétude aller assumer des postes supérieurs dans les autres provinces en envoyant leurs enfants à l'école française. Mais ceci ne conjure aucunement la menace de l'immigration anglophone venue des autres provinces."

Et il conclut en disant: "La clause de réciprocité est peut-être le fruit d'un jeu politique habile, mais elle est loin de donner à la charte du français ses assises les plus logiques."

Et je pense que sa conclusion est basée sur le fait qu'il a observé l'argumentation démographique que le ministre d'Etat au développement culturel a utilisée tout au cours des débats que nous avons eus sur les projets des lois 1 et 101.

Je pense que nous nous posions des questions quant à la motivation profonde du gouvernement. Quant aux objectifs politiques qu'il poursuit, c'est tout à fait légitime. Qu'entre temps des accords de réciprocité soient signés ou qu'on en vienne à certains accords, je pense qu'on aurait mauvaise grâce de s'y opposer, je pense que c'est cela que le chef de l'Opposition officielle a laissé entendre tout à l'heure. Mais il faut bien reconnaître que ce n'est même pas le petit pain dont il parlait, ce sont à peine des miettes. A part cela, il faut se demander, et je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales en est très conscient, dans quelles mesures les autres provinces pourront répondre à ceci: la difficulté des contrôles, non pas tellement pour nos deux provinces voisines, mais pour les autres provinces où les populations francophones sont minimes. Je pense que ce sont là des questions qu'il faut se poser. Quand le gouvernement essaie de faire valoir qu'avec cela il y a des chances qu'on protège davantage les minorités francophones, je pense qu'on essaye, au plan politique, de vendre une idée. Il ne faut pas se leurrer, la majorité de ces échanges se fait entre les grandes villes, Edmonton, Toronto, Winnipeg, Vancouver et évidemment le Nouveau-Brunswick parce que le plus grand nombre de ces échanges interprovinciaux viennent du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Si je me rappelle certaines statistiques que j'ai lues, ce sont justement ces deux provinces où déjà des ressources sur le plan éducatif existent pour les enfants de langue française.

Je pense qu'on essaye vraiment de faire — je sais que le gouvernement n'aimera pas que je dise cela mais c'est ma perception des choses — un gros ballon politique, de, tout à coup, se poser en sauveur des minorités francophones alors que tous les gestes et les opinions qu'il a donnés dans le passé — peut-être pas tous et chacun des membres du gouvernement, je ne saurais le dire — mais quand même, la perception générale que les gens ont eue du Parti québécois n'était vraiment pas à l'effet que les minorités francophones étaient une préoccupation très importante,

que c'était d'abord important pour lui de faire l'indépendance et que le reste, peut-être, viendrait par surcroît.

C'est dans ce sens que, moi-même, je me dis: Si certains gains minimes peuvent être réalisés, je pense qu'il faut y concourir. Mais essayer de donner à ce geste l'importance que le gouvernement essaye de lui donner en faisant valoir qu'il se pose en défenseur des minorités francophones, c'est vraiment fausser la réalité des choses. Tout ce qu'on fait, c'est vraiment uniquement toucher les échanges et non pas toucher le problème de fond des francophones des autres provinces qui y vivent en permanence et qui ont choisi de faire des autres provinces leur lieu de résidence, le lieu où ils vont vivre, travailler, etc.

Je pense que c'est dans ce sens que, comme Opposition officielle, nous nous permettons de soulever ces points de vue et que nous refusons, somme toute, de penser qu'on va trouver là une réponse à la demande que nous avons faite depuis le début de l'étude des projets de loi 1 et 101, à savoir que le gouvernement montre beaucoup plus de générosité à l'égard des autres citoyens de ce pays, mais il s'y est refusé.

Quand le chef de l'Opposition officielle parle du tiraillement du premier ministre, il a tout à fait raison de croire qu'on a trouvé là un compromis qui peut être satisfaisant pour ceux qui voulaient, à l'intérieur du gouvernement, maintenir une attitude tout à fait rigide, et quand même essayer de rallier l'adhésion du premier ministre qui, lui-même, s'il n'est plus déchiré, se sent encore, au moins, mal à l'aise vis-à-vis de l'option finale que le gouvernement a choisie dans tout ce débat entourant la langue d'enseignement dans le projet de loi 101.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le député de L'Acadie. Vous avez utilisé tout votre temps mais rien de plus que votre temps.

M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, en vertu de l'article 96, j'aimerais rectifier très brièvement certains faits. Au début de l'intervention, j'ai pris mon mal en patience pour respecter le règlement.

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député de Rosemont, vous ne pouvez pas.

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Non, vous ne pouvez pas. Il faudrait que vous ayez fait un discours ou une intervention.

M. Paquette: On ne peut pas rectifier certains faits à l'aide de l'article 96?

Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de question de privilège ici et l'article 96, ce n'est que si vous étiez vous-même intervenu. Cependant, je vous donne une perche. Je vous donne la parole et vous avez l'article 160 qui, au lieu de l'article 96, vous permet de vous exprimer.

M. Paquette: Bon, d'accord, M. le Président. Je vais commencer par ce projet. Au début de son intervention, le député de L'Acadie a évoqué une réunion avec des journalistes africains des pays francophones à laquelle j'assistais, et où je suis intervenu, et je me rappelle très bien ce que j'ai dit, à ce moment-là. Nous trouvions important de sensibiliser ces personnes des pays francophones au phénomène d'assimilation des minorités francophones dans les autres provinces, nous avons même affirmé que, dans certains cas, il était possible que la chose soit irréversible, effectivement, quand le député de L'Acadie a parlé d'un million de francophones à l'extérieur du Québec, il s'agit d'un million de personnes d'origine française, mais environ, si je me rappelle bien, 600 000 de ces personnes déclarent encore parler le français à la maison.

Donc, nous avons attiré l'attention des journalistes africains sur le phénomène d'assimilation qui nous paraissaient irréversible dans certaines provinces, mais je me rappelle très bien avoir également affirmé que, dans une optique de souveraineté-association, nous souhaitons — en tout cas, c'était mon opinion personnelle, elle est partagée, je pense, par un très grand nombre de députés du Parti québécois — faire en sorte que dans les accords d'associations il y ait une partie de ces accords qui porte sur la protection respective des minorités, de la minorité anglophone du Québec et des minorités francophones des autres provinces.

Depuis presque le début que je suis en politique, à chaque fois que j'ai l'occasion de parler du sujet dans des assemblées publiques, je répète également la même chose, beaucoup de mes collègues le font, je pense, entre autres, au député de Mercier, en particulier. Et ce n'est donc pas un volte-face, ce n'est donc pas un changement d'attitude récent que cette préoccupation que le Parti québécois a envers les minorités francophones. Seulement, je pense qu'il faut se rappeler des Etats généraux de 1966 — en tout cas, je ne me rappelle pas, aux environs de ce temps-là — alors que le virage a été pris dans les mouvements nationalistes québécois, et ensuite le Parti québécois a adopté la même attitude, soit celle de dire: Pensons d'abord au Québec; c'est dans la mesure — je me rappelle avoir dit cela également à cette réunion — où nous aurons un Québec fondamentalement français, vigoureusement français que nous pourrons appuyer le développement des minorités francophones hors Québec, et on est en train de le prouver, justement, avec cet article 81a. Dans la mesure où nous allons asseoir le français au Québec, nous pouvons nous permettre certains accomodements, et précisément parce que ce projet de loi est suffisamment vigoureux dans le domaine du travail, dans le domaine de l'administration, dans le domaine de la consommation, dans le domaine de la publicité, nous pouvons nous permettre une solution plus défavorable sur le plan démographique, éventuellement, tout dépend de ce qui va arriver avec les accords de réciprocité, plus défavorable dans le sens où elle pourrait nous ramener à la limite pratiquement à la clause

Canada, mais après avoir obtenu, en échange, un statut d'égalité en ce qui concerne, en tout cas, les ressortissants du Québec qui s'en iront à l'étranger, et peut-être, par ricochet, parce que c'est impossible de le faire autrement dans le contexte actuel, indirectement, en ce qui concerne les droits des minorités francophones hors du Québec.

M. le Président, ce n'est pas là une attitude nouvelle que le désir du gouvernement de protéger les minorités francophones. Nous pouvons nous le permettre, actuellement, malgré que les études démographiques que le ministre a déposées nous démontrent qu'au moins pendant les dix prochaines années, possiblement, si on était ramené à la clause Canada à la suite des accords de réciprocité, pendant un certain temps, la proportion de francophones au Québec diminuerait. Nous pensons qu'elle pourrait remonter par la suite mais elle diminuerait pendant un certain temps.

Par conséquent, c'est parce qu'on a un projet de loi suffisamment vigoureux qui a pris clairement parti pour un Québec vigoureusement français que nous pouvons nous permettre d'aller négocier avec les autres provinces des accords de réciprocité.

Maintenant, j'ai été heureux de constater la prise de position de l'Union Nationale et, de façon plus mitigée, celle du chef de l'Opposition officielle qui nous disent: Puisqu'on ne peut pas avoir la clause Canada, nous allons nous rabattre sur ces accords de réciprocité. Je trouve cela tout à fait aberrant comme attitude dans l'optique de partis qui disent: Ecoutez, il y a énormément de choses à faire actuellement dans le cadre du fédéralisme actuel, il y a moyen par négociations avec les autres provinces, avec le gouvernement fédéral d'obtenir toute la marge de manoeuvre politique nécessaire dont le gouvernement du Québec a besoin pour assurer le développement du peuple québécois. On dit cela, et à chaque fois qu'il y a un moyen de le faire, on semble ne pas le voir. Moi, je me dis que si ces gens étaient au gouvernement, actuellement, il se passerait exactement la même chose que pendant les six ans du régime Bourassa. On dirait: Ils sont trop forts, ils sont trop nombreux et on va commencer par leur faire des concessions avant de leur demander de donner la même chose dans une optique d'égalité. C'est exactement cela qui se passe.

L'autre jour, le député de Marguerite-Bourgeoys — il n'est malheureusement pas ici — nous a comparés à des petits garçons qui se rendaient compte de leur force et qui voulaient boxer tout le monde, qui mettaient leurs gants de boxe et voulaient se battre avec tout le monde. Je dirais que l'attitude des partis de l'Opposition est plutôt de refuser en fait de monter dans l'arène et de dire: On va laisser tomber les gants de boxe, et on va abandonner et on va espérer qu'un arbitre quelconque va nous déclarer gagnants et va nous consacrer une espèce de statut d'égalité. C'est exactement ce qui se serait passé si ces gens étaient au gouvernement. Ils auraient mis la clause Canada immédiatement dans le projet de loi et, après cela, est-ce que vous pensez que cela aurait changé dans les autres provinces?

Mme le député de L'Acadie, vous avez proposé un amendement — je vous donne seulement cet exemple, on dit que c'est mineur ce qui est contenu dans l'article 81a — pour les autres, pour les enfants handicapés qui arrivent au Québec et qui devraient y trouver la meilleure institution. Qu'elle soit de langue française ou de langue anglaise, cela n'a aucune importance, dans ces cas, je suis d'accord avec vous. Mais il faudrait penser aussi, et on n'y a jamais pensé au Québec, aux enfants de Québécois qui s'en vont à l'extérieur dans les autres provinces...

M. Bertrand: Handicapés.

M. Paquette: Les enfants handicapés qui ne pourraient pas trouver d'institution adaptée à leur cas. Ces accords de réciprocité devraient tenir compte de ces facteurs aussi et nous assurer que les enfants québécois qui vont sortir du Québec pourront trouver dans la mesure du possible un traitement adéquat. On n'aurait pas pu faire cela si on avait accepté la clause Canada. Je dis la même chose aux gens de l'Union Nationale. Si on avait accepté tout de suite la clause Canada, cela aurait continué comme avant et on n'aurait pas pu aller négocier un statut d'égalité pour les Québécois.

Le même argument vaut pour la mobilité des personnes. Vous voulez la mobilité des personnes. Nous aussi, mais on ne la veut pas à sens unique. C'est bien beau dire: Les cadres, le personnel scientifique spécialisé, enfin les gens qui viennent au Québec devraient pouvoir bénéficier des avantages de l'école anglaise, avantages qui ne sont pas accordés dans beaucoup de pays, soit dit en passant.

Il me semble que le même raisonnement vaut et qu'il faut nous assurer que les Québécois qui vont dans les autres provinces trouveront les mêmes avantages. Ce n'est pas négligeable.

Je suis satisfait de la formulation assez générale de l'article 81a où on parle tout simplement d'ententes de réciprocité sans spécifier s'il s'agit uniquement d'ententes de réciprocité concernant la langue d'enseignement, parce que même si on négociait une réciprocité sur le plan de la langue d'enseignement uniquement, le Québec ne serait pas nécessairement gagnant et ce qu'on pourrait obtenir, c'est ce qu'on donne déjà à la minorité anglophone.

J'espère que ces discussions, que ces négociations vont permettre d'ouvrir tous les autres aspects de la vie collective. Combien de francophones, quittant le Québec et s'en allant dans une autre province, peuvent communiquer avec l'administration publique provinciale ou même fédérale, en français? Il y a combien de personnes — on l'a vu tout récemment dans le cas du procès de Gérard Filion en Ontario — qui peuvent avoir une chose aussi fondamentale qui est dans toutes les chartes des droits de l'homme un peu partout, le droit d'être jugé dans sa langue devant les tribunaux? Voilà une chose qui devrait être garantie et

on devrait essayer d'y toucher, au cours de ces accords de réciprocité.

On dit que ce n'est pas suffisant. Il y a énormément de choses déjà là-dedans qu'on peut faire et on dit que ce n'est pas encore suffisant. Je suis d'accord, mais commençons par là. Cela va peut-être permettre aux premiers ministres des autres provinces et à l'opinion publique canadienne-anglaise de se rendre compte du statut fondamental d'inégalité que les francophones ont encore au Canada et nous permettre de toucher aux problèmes constitutionnels plus profonds qu'évoquait le député de Mont-Royal. Je suis d'accord qu'éventuellement, les droits linguistiques des minorités soient reconnus, même dans un contexte de souveraineté-association dans des accords spécifiques. Je pense que le programme de notre parti qui parle d'une constitution du Québec exige que nous inscrivions les droits des minorités dans cette constitution.

Pour ce, il faut en arriver à pouvoir discuter sur un statut d'égalité, ce qu'on n'a jamais eu. Cela m'étonne encore une fois que les partis de l'Opposition n'acceptent pas, même dans une optique fédéraliste, alors qu'un commissaire aux langues officielles, un professeur — vous avez vu cela — de l'Université Simon Fraser en Colombie-Britannique dit: C'est peut-être une des dernières chances du fédéralisme. C'est vrai, c'est peut-être la dernière chance que vous avez, parce que si les francophones n'ont pas un statut d'égalité au Canada, ne vous en faites pas, les Québécois vont savoir comment voter.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement les nombreuses interventions du côté ministériel cet après-midi. Vous me permettrez seulement une remarque qui n'est pas du tout méchante, mais qui, je pense bien, est appuyée par les faits. J'avais cru que les débats de cette commission étaient entièrement occupés par de longs discours venant des membres de l'Opposition, à qui on attribuait, dans les plus noirs desseins, l'objectif de retarder les travaux de la commission.

M. Paquette: ...en temps et lieu.

M. Forget: Pour ma première journée complète à cette commission, je dois me rendre compte que, si on faisait les statistiques en termes de minutes du temps occupé par l'intervention des ministériels, on arriverait probablement, en étant généreux à l'égalité et, comme la journée n'est pas finie... De toute façon, je ne voudrais pas décourager le zèle admirable des membres ministériels de cette commission, je vois que le tableau réel est un peu différent du tableau de la commune renommée.

M. Bertrand: II a fallu relever le niveau de la commission.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Cela étant dit, je rappelle à M. le député de Saint-Laurent qu'il lui reste six minutes.

M. Forget: Merci, M. le Président. D'une part, j'ai quelques observations à faire. J'ai remarqué avec combien d'ardeur touchante les ministériels qui se sont exprimés sur le sujet, accueillaient les signes d'approbation qui leur sont venus des représentants des divers partis d'Opposition à des degrés divers et exprimés de façons diverses.

Je dois leur dire qu'ils ne doivent pas se surprendre que les partis d'Opposition les appuient et les approuvent dans leur volonté nouvelle de parler au reste du Canada. Comme vous le savez, nous avons depuis le début de la session, et on s'est un peu lassé de le faire devant l'absence d'écho que cela avait du côté ministériel, on a à de nombreuses reprises invité le gouvernement à nouer le dialogue avec les autres provinces, le gouvernement fédéral de manière à faire évoluer une situation que le gouvernement dit vouloir faire évoluer de façon radicale, mais qui, selon nous, peut évoluer de bien des façons. Donc, on se réjouit, bien sûr, si cela peut vous faire plaisir, encore à plus forte raison allons-nous vous dire qu'on vous encourage à discuter, à négocier de manière à faire évoluer les choses. Cette satisfaction d'amour propre étant acquise pour les membres du gouvernement, il y a un certain nombre d'autres constatations qui s'imposent dans le contexte de la proposition qui est faite.

Une deuxième constatation en plus de ce plaisir à recevoir l'approbation des membres de l'Opposition qui est un sentiment bien humain, c'est qu'il est tout à fait exact, et personne ne l'a nié, que le but essentiel, le but premier de cet article 81a est de favoriser la mobilité des cadres et des professionnels, d'un groupe relativement mince de Québécois et de Canadiens plus généralement d'une province à l'autre. Ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas des retombées, et bien sûr, les ministériels ont insisté avec abondance sur les retombées possibles de tels accords de réciprocité, même avec leur effet et leur objectif très limité sur l'ensemble des collectivités francophones des autres provinces.

On pourrait longuement s'interroger sur le réalisme des espoirs que les ministériels placent sur ces retombées. En effet, interrogeons-nous un peu sur le lieu de destination des cadres et des professionnels qui peuvent quitter le Québec pour se rendre dans les autres provinces. Ces gens n'iront pas dans de petits patelins, dans des coins reculés, ils vont s'en aller, dans l'immense majorité d'entre eux, dans des villes où existent déjà pour les minorités francophones un rudiment et parfois plus qu'un rudiment d'institutions scolaires francophones. C'est le cas des grandes villes de l'Ontario, certainement de Toronto. Je ne crois pas qu'on puisse prétendre qu'il soit impossible pour un francophone qui va vivre à Toronto d'obtenir pour ses enfants l'éducation en français. Je crois qu'il n'est pas possible de le prétendre non plus pour ceux qui iraient, par exemple, à Edmon-

ton ou à Calgary. Il est sûr que s'ils vont dans un troisième village avec 5000 habitants ils vont éprouver des difficultés. Ce ne sont pas les accords de réciprocité que le gouvernement peut signer qui vont pouvoir surmonter ces difficultés.

M. de Belleval: Est-ce que je peux seulement vous donner un renseignement là-dessus?

M. Forget: Non, tout à l'heure.

M. de Belleval: Tout à l'heure, d'accord! Comme vous voudrez.

M. Forget: Sur le plan des faits, je ne vois pas jusqu'à quel point cette mesure limitée peut avoir des effets. Cependant, même si on admet tout cela ou même si on le conteste, il reste qu'on n'a pas démenti, non plus, la notion selon laquelle le gouvernement dispose déjà, soit dans la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales, soit par l'article 81 qui lui donne un pouvoir de réglementer et de dispenser qui il veut de l'application de l'article 69, on n'a pas nié que, dans le fond, tous les instruments sont déjà là, et que l'article 81 est purement redondant. Au-delà de cela, même sans l'article 81, même sans la Loi des Affaires intergouvernementales, c'est une des prérogatives du pouvoir exécutif de conclure des ententes avec d'autres gouvernements même sans autorisation spécifique dans une loi à cet effet.

Donc, il n'y a absolument pas...

M. de Belleval: Avec l'Ouest.

M. Forget: ... de besoins, si on a seulement des objectifs limités, d'avoir une disposition spéciale. Cependant, j'ai écouté avec attention, comme je l'ai dit, l'insistance qu'ont placée les membres ministériels sur les effets généraux et leur sympathie à l'endroit des minorités francophones. J'ai eu un peu l'impression, M. le Président, qu'au-delà du but avoué et public et, évidemment fort limité, que le gouvernement s'est donné dans cette initiative de négociations, le gouvernement sans le dire, et peut-être craignant un peu l'échec, et donc sans l'annoncer d'avance de manière à ne pas perdre la face si jamais ses efforts étaient sans issue, espère probablement, c'est du moins le sens qu'on peut lui donner, faire déboucher ces accords de réciprocité sur quelque chose de plus large que simplement la mobilité des cadres et des professionnels. C'est du moins le seul sens que je peux trouver à un amendement comme celui-là.

Le sens apparent, le sens explicite que le gouvernement a donné à cet amendement n'est pas suffisant pour le justifier. C'est la raison qui m'amène à dire que si, évidemment, on veut déboucher et qu'on débouche effectivement, un jour, sur des accords de réciprocité qui débordent leur objectif relativement étroit, quoique valable, mais étroit néanmoins — je crois qu'on ne peut pas le nier — à ce moment-là, on va toucher des aspects beaucoup plus fondamentaux de la Charte de la langue française. On va aller près de l'os, en quel- que sorte. On va aller près des principes de base qui ont inspiré le gouvernement, quelles que soient les réserves que nous ayons; ce sont, malgré tout, les principes de base du gouvernement dans la rédaction de l'article 69 en particulier. Et si on va toucher à ces principes importants, à ce moment-là, M. le Président, je crois qu'on a besoin — c'est le but que je vise en présentant un amendement — de spécifier davantage le sens de la loi, et c'est la raison pour laquelle...

Le Président (M. Cardinal): Très rapidement, parce que déjà le temps est écoulé.

M. Forget: M. le Président, j'imagine que j'aurai un droit de parole pour expliquer l'amendement. Je ne vais qu'en faire la lecture...

Le Président (M. Cardinal): Cela a déjà été rendu; s'il vous plaît, oui.

M. Forget: ... et je vais demander qu'on fasse circuler l'amendement:

Que soit inséré après le premier alinéa, une disposition qui se lirait comme suit: "Une telle entente de réciprocité ne peut entrer en vigueur avant d'avoir été ratifiée par un vote majoritaire de l'Assemblée nationale".

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez bien me remettre votre amendement, s'il vous plaît, je voudrais tout d'abord souligner qu'il s'agit d'un sous-amendement. D'ailleurs, j'ai pris la précaution, quand je suis monté à mon bureau tantôt, de sortir le journal des Débats du 12 août 1977, 12 h 52, où je dis ceci, en tant que président: "Avant que nous continuions, je vais quand même souligner une chose. C'est qu'il y a eu un amendement de proposé dès le début de l'article 81." Je voudrais tout de suite le lire pour que les membres de la commission puissent en prendre connaissance — j'en ai déjà autorisé la distribution — et me prononcer immédiatement sur la recevabilité, pour tenter de sauver du temps.

Par conséquent, nous en sommes à un sous-amendement, et l'article 160 s'appliquera sur le sous-amendement.

Le sous-amendement proposé à l'article 81a, qui est déjà un amendement, se lit comme suit: "Que soit insérée après le premier alinéa, une disposition qui se lirait comme suit: "Une telle entente de réciprocité ne peut entrer en vigueur avant d'avoir été ratifiée par un vote majoritaire de l'Assemblée nationale".

En vertu de l'article 70, je dois dire qu'en pure technique parlementaire, l'amendement est rece-vable.

M. le député de Saint-Laurent, vous pouvez parler sur votre sous-amendement.

M. Forget: M. le Président, le but de cet amendement est de tirer tout simplement les conséquences, sur le plan législatif, de l'espoir implicite que l'on peut déceler du côté gouvernemental si, du moins, on doit donner un sens à l'article 81a, comme je l'indiquais tout à l'heure. Il

faut y voir plus que le but relativement modeste et presque administratif que le ministre d'Etat et le ministre responsable des Affaires intergouvernementales lui ont donné.

Je peux comprendre les raisons qui peuvent inciter le gouvernement à ne pas pouvoir se compromettre plus explicitement quant à des objectifs plus ambitieux, mais il reste que si on veut lui donner un sens, on doit supposer que, éventuellement, de tels accords de réciprocité pourraient aller très loin pour modifier l'application et, donc, le sens de certains articles fondamentaux de la loi.

Si cela était, et si nous adoptions sans modification l'article 81a, nous nous trouverions, dans ce cas-ci, à donner au gouvernement, par le moyen de négociations intergouvernementales, le moyen, effectivement, de modifier la loi, d'amender la loi en tout temps après son adoption.

Si l'on juge que ces principes sont suffisamment importants pour faire l'objet d'une loi aussi laborieusement étudiée et rédigée que celle-là et aussi volumineuse, je crois qu'on doit également prétendre que l'Assemblée nationale devrait être appelée à se prononcer et à débattre tout projet d'entente qui aurait un effet aussi considérable.

Ceci ne changerait en rien la possibilité du gouvernement de prendre l'initiative et de négocier de telles ententes, mais permettrait au moins de renseigner l'opinion publique, de sensibiliser cette opinion sur la position des différentes formations politiques sur l'opportunité de telles ententes, sur leur application, permettrait d'en préciser le sens et donnerait tous les délais voulus pour que son application se fasse de manière à respecter pleinement la volonté démocratique qui s'exprime par les lois et qui ne devrait être modifiée que par un mécanisme également rigoureux, également exigeant.

C'est donc dans ce sens qu'il m'apparaît nécessaire de prévoir un vote majoritaire de l'Assemblée nationale. On s'opposera peut-être en disant qu'il s'agirait d'un précédent que de créer un tel pouvoir de ratification, d'entente intergouvernementale par l'Assemblée nationale.

Je crois que c'est tout à fait exact. Il s'agirait, à ma connaissance, d'un précédent pour ce qui est du Québec et pour ce qui est des ententes interprovinciales.

Cette objection est-elle véritablement une objection qui doit être retenue? Jusqu'à maintenant, les ententes intergouvernementales auxquelles a été partie le Québec ont été largement et presque unanimement des ententes de caractère administratif et financier dont les principaux points d'application étaient constitués par le gouvernement lui-même, par ses ministères, qu'il s'agisse d'accords en vertu des ententes pour le développement régional, qu'il s'agisse des ententes pour le financement conjoint de certains programmes de dépenses publiques; la population comme telle n'a jamais vraiment été impliquée dans les retombées de telles ententes, mais pour la première fois, nous nous retrouvons devant un projet de loi et un projet d'articles qui donnent au gouvernement le pouvoir de modifier une loi, loi qui elle-même, af- fecte directement ses citoyens et non pas sur un point de détail, non pas sur une simple formalité administrative, mais sur des droits que le gouvernement lui-même juge fondamentaux, comme justifiant une description, une spécification extrêmement précise, et qui ne permet pas d'ailleurs de dérogation, sauf celles qui sont explicitement prévues par les règlements et qui ont fait l'objet d'ailleurs déjà, aujourd'hui même — je pense en particulier à l'article 81, je pense aux débats qui ont entouré l'article 77 — à des débats extrêmement longs et extrêmement complexes.

Cependant, dans un domaine comme celui de la réciprocité, et dans la mesure où l'entente est réciproque, le gouvernement recevrait le pouvoir de tout modifier, presque sans exception, puisque contrairement à l'article précédent où il y avait malgré tout une intention déclarée d'exempter certaines personnes qui séjournaient de façon temporaire au Québec, l'article envisagé par le gouvernement — 81a — a une portée possiblement beaucoup plus grande. Je dis possiblement, encore une fois, parce qu'un tel amendement ne serait évidemment pas justifié si le ministre d'Etat nous affirmait de façon absolument catégorique que jamais et en aucune façon, les accords de réciprocité ne pourraient dépasser ou déborder le cadre strict de mesures destinées à favoriser la mobilité des travailleurs professionnels ou des travailleurs cadres d'une province à l'autre.

Si c'est tout ce qu'on voulait faire, si on n'avait pas d'objectif tant soit peu ambitieux que celui-là, on n'aurait vraiment pas besoin d'une ratification par l'Assemblée nationale. Mais j'ai senti dans les propos des députés ministériels une espèce de déchirement entre le désir de nous en dire plus et de dévoiler vraiment le caractère de leurs ambitions dans ce domaine qui est vraiment d'ouvrir la porte à un nouveau "deal" entre les provinces, à un nouveau "deal" pour les minorités et, d'autre part, le souci qu'ils ont que, s'ils dévoilent tout de suite leurs intentions possibles et si jamais l'amorce de discussion au nouveau-Brunswick était encourageante, ils se seraient compromis, ils auraient un peu risqué leur crédibilité dans le processus.

Comprenant cette espèce d'ambivalence dans les réponses qu'ils nous ont données, j'ai cru qu'il serait important que, si jamais ces espoirs plus grands mais non explicites avaient des suites, si jamais les provinces autres que le Québec se montraient disposées à négocier plus largement que ces ententes vraiment très larges et de très grande conséquence pour tous les Québécois, tant majoritaires que minoritaires, il faudrait essentiellement voir ces conséquences ratifiées par l'Assemblée nationale afin que l'exécutif ne dispose pas d'un pouvoir excessif via des ententes avec d'autres gouvernements.

C'est d'ailleurs une rationnelle que l'on trouve dans les procédures législatives d'un très grand nombre d'Etats, c'est une pratique établie en droit public que des ententes intergouvemementales, des contrats intergouvernementaux ou des traités non officiels, lorsqu'il s'agit d'Etats vraiment souverains, fassent l'objet d'une ratification par une

des Chambres législatives ou par les deux. Evidemment, dans le cas du Québec, le problème ne se pose pas, cette ratification devrait venir de l'Assemblée nationale, et c'est la raison de cet amendement.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, j'accepterais l'amendement du député de Saint-Laurent si le Québec était déjà un pays indépendant car, dans les pays indépendants, les traités conclus entre Etats souverains doivent être approuvés par l'Assemblée nationale des pays concernés. Mais, comme nous ne sommes pas encore indépendants, que ceci va tarder encore de quelques années, deux ou trois ans, nous sommes obligés de nous conformer aux us, coutumes et lois en vigueur. A ce moment, nous sommes obligés de suivre les précédents qu'ont établis les anciens gouvernements, c'est-à-dire que l'exécutif avait pleine autorité pour négocier des ententes, à l'intérieur de leur juridiction, de leur compétence, avec les autres entités juridiques, qu'il s'agisse de provinces ou d'Etats, sans avoir à les soumettre à l'Assemblée nationale. Nous suivrons donc en cela les précédents établis par les gouvernements précédents et nous ne croyons pas opportun d'accepter l'amendement du député de Saint-Laurent.

Notre deuxième raison pour ne pas l'accepter, c'est qu'évidemment cet amendement, venant d'un parti qui a assumé, à plusieurs reprises dans le passé, la responsabilité du pouvoir, donc qui présente cet amendement en toute connaissance de cause, sachant les précédents qu'ils ont eux-mêmes établis, ne peut être qu'interprété que comme une motion dilatoire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Le sens de cet amendement, face à l'article 81a, porte sur le principe. Quant aux motifs que l'on vient d'alléguer, quant à la publicité autour de l'éventuelle entente afin de favoriser la solidarité des Québécois, il semble qu'on peut y arriver par les moyens, par les façons coutumières de procéder à l'Assemblée nationale où l'on demandera, au besoin, tout dépôt de documents qui seraient reliés à la matière en question. Enfin, nous voulons croire qu'il ne s'agit pas d'une autre façon de parler quatre fois durant 20 minutes, si nous regardons l'horloge.

Evidemment, je ne veux pas brimer la liberté de l'Opposition officielle. Elle n'a pas de conseils à me demander dans cela, mais, si on court à la guillotine, cela viendra peut-être. On est près des Inuit. La guillotine est arrivée la première fois avec les Inuit. Est-ce le même sort encore? Pourtant, les Inuit ne nous font pas dommage. J'espère que la chose ne se produira pas. Est-ce qu'on court à la guillotine ou à un projet collectif que nous aimerions voir sensé et raisonnable? Nous avons hâte, quant à nous, de procéder à l'adoption de l'article 81a, que le chef de l'Opposition lui-même, tout à l'heure, a semblé approuver. Je crois qu'il a même semblé, si j'ai bien saisi ses paroles, souhaiter voir voter cet article en dépit des réserves qu'il a tout de même formulées. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'autre intervenant?

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas eu le loisir d'intervenir sur la motion principale, ou le principal amendement, mais il me paraît que cet amendement dissipe un peu le scepticisme que j'avais à l'égard de la motion d'amendement du gouvernement.

En effet, le caractère très préliminaire du projet de réciprocité avec les autres provinces qu'on veut toucher par cet article 81a a inspiré certains propos ici, à savoir qu'on n'est pas encore en connaissance de l'état de la situation, et la description que le ministre des Affaires intergouvernementales a donnée du dossier soutient les propos que je tiens actuellement à l'égard de ce projet. On ne sait pas ce qu'il y aura dans ces accords de réciprocité. On ne sait pas l'étendue de ces accords, on ne sait même pas quel genre de contrôle, ce sera par exemple — on pourra en parler sur la motion d'amendement principale — mais c'est un aspect qui est extrêmement important, si on veut que de tels accords ne restent pas lettre morte.

La vertu du sous-amendement du député de Saint-Laurent — et j'aurais espéré que le gouvernement réagisse plus positivement à son égard — est justement de donner un peu de connaissance au législateur, en ce qui concerne le contenu de ces accords, c'est-à-dire à l'institution la plus solennelle de notre régime démocratique, de l'Etat, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, il donne à l'Assemblée nationale l'occasion non seulement de se prononcer, on peut tout de suite prévoir — dans l'hypothèse où le ministre de l'Education, par exemple, présenterait à l'Assemblée nationale un accord de réciprocité, on peut d'avance prévoir que cet accord de réciprocité recevrait l'assentiment de l'Assemblée nationale, à cause de la majorité, mais cela donne l'occasion à tous les élus de parlementer, il s'agit d'un Parlement, de prendre connaissance du contenu, peut-être de faire des suggestions au gouvernement. Cela donne un caractère beaucoup plus solennel, un contenu beaucoup plus solide au projet de réciprocité qu'on nous présente.

Quant à la réponse du ministre d'Etat au développement culturel, elle me surprend. Il invoque le fait que le Québec n'est pas un pays souverain pour rejeter la proposition du député de Saint-Laurent, alors que, dans d'autres occasions, ce gouvernement ne manque pas, à bon droit, comme les gouvernements qui l'ont précédé, de la souligner et d'insister sur la juridiction exclusive du Québec en matière d'éducation. Par extension, justement, puisque ce projet d'accord de réciprocité couvert par l'article 81a a trait à la langue de l'enseignement, de toute évidence, puisqu'on l'in-

clut dans le chapitre de la langue de l'enseignement, on ne peut donc pas présumer que ces accords de réciprocité, sauf en ce qui concerne les propos du député de Rosemont qui a un peu ouvert la porte et qui a dit que ces accords pourraient peut-être couvrir d'autres domaines, d'autres secteurs d'activité, on doit, dis-je, étant donné que le gouvernement nous propose l'amendement à l'article 81a, présumer qu'il s'agit de questions d'éducation.

En éducation, le gouvernement provincial a pleine autorité, a pleine souveraineté législative, et je crois que, par extension, on pourrait sûrement accepter la proposition du député de Saint-Laurent aux fins d'assujettir l'adoption ou la conclusion de tels accords de réciprocité à l'autorisation de l'Assemblée nationale.

Je pense que c'est un amendement positif qui donne un caractère encore plus solennel à ce qu'on a déjà tenté ici, par cette proposition de l'article 81a, de donner à ce projet d'accords de réciprocité, et je m'étonne que le gouvernement réagisse négativement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement, je crois que les propos qui sont traités dans l'article 81a sont d'une importance majeure et que tous les membres de l'Assemblée nationale devraient avoir l'occasion d'examiner toute entente que le gouvernement pourrait signer avec d'autres provinces.

Il y a des implications non seulement au projet de loi ici qui peuvent être affectées. Le député de Saint-Laurent s'est référé à certaines implications et conséquences sur le projet de loi actuel. Mais il se peut qu'une telle entente puisse avoir des effets sur d'autres lois existantes au Québec. Je crois que, si cela est le cas, il serait plus normal qu'on puisse examiner cette entente à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est absolument essentiel d'avoir une discussion publique sur des droits des minorités, sur les droits qu'on veut affecter, sur les erreurs des autres gouvernements, parce que c'est cela que les députés ministériels disent, qu'ils ont commis des erreurs dans le passé, mais je crois que c'est important que le public puisse en discuter et la façon d'en discuter publiquement, c'est de l'amener à l'Assemblée nationale.

Il y a un autre effet et je pense que le député de Rosemont l'a touché tantôt, c'est qu'une telle entente pourrait avoir un effet éducatif sur la population. Quand on parle de la mobilité des francophones hors du Québec, de la nécessité de reconnaître ces droits, en effet, ce qu'on dit, d'après ce qui résulte de tant d'années d'injustices dans d'autres provinces, on veut vraiment dire qu'il y a des mentalités, des attitudes qui doivent changer. Cela veut dire que le législateur non seulement légifère mais a un rôle éducatif. Je crois que c'est important de donner le plus de publicité, le plus de discussion en public à une entente de ce genre. Je crois que la meilleure façon de le faire, dans le contexte actuel, ce serait de l'amener à l'Assem- blée nationale, où tous les membres pourront apporter leur point de vue, et où les média d'information vont donner le point de vue soit des députés ministériels, soit des députés de l'Opposition, et cela ne sera pas restreint cette discussion seulement dans le cadre du Québec.

Cela va être donné aux autres provinces et, spécifiquement, à la province impliquée et aussi peut-être aux autres provinces qui n'ont pas encore ou hésitent à avoir ou à entamer de tels propos. Je pense que ce se serait peut-être une des raisons les plus importantes, un des effets les plus importants que cela pourrait avoir, une discussion d'une telle entente à l'Assemblée nationale. Cela donnerait un rôle éducatif et cela pourrait encourager et même apporter certaines pressions sur les autres provinces pour entamer de telles discussions.

Le député de Rosemont a très bien dit qu'il faut avoir l'égalité des droits; il faut que les francophones du Québec puissent avoir les mêmes droits que les anglophones en ce qui concerne la liberté d'aller d'une province à l'autre. Seulement pour souligner les propos que moi-même je partage avec lui et pour donner un exemple à certains députés ministériels qui, des fois, nous accusent, de ce côté-ci, de ne pas défendre assez le droit d'une minorité francophone, je voudrais seulement lui citer les paroles que j'ai dites à un groupe anglophone. Le but, M. le Président, ce n'est pas parce que je veux me citer, mais je crois que les personnes qui vont entendre ces paroles vont comprendre de quoi je parle.

Je voudrais le dire en anglais, parce que mes paroles originales étaient en anglais: "The face of Canada must change if we hope to give meaning to our good intentions of equality of opportunity for everyone. The French-speaking Quebecer must feel at home in all parts of this country and he must have the right, when he seeks economic opportunity outside of Quebec, or when he is transferred by his employer outside of Quebec, to be able to have the same rights as an English Canadian has in this province, that is to send his children to a school of his own language provided of course that the number warrants it and the number does warrant it across many of the major centres or this country, and this right must be protected and enshrined in our Constitution.

If we are not prepared to do this, if we are not prepared to give the same rights to French Canadians as to English Canadians, we need not look further for the cure of separatism."

Je crois que je rejoins les propos du député de Rosemont, et je crois que c'est un rôle éducatif que nous avons. Il faut vivre ensemble, qu'on soit anglophone, francophone, que ce soit avec les autres provinces, peu importe le régime pour lequel on puisse opter, mais le rôle éducatif de changement de mentalité, dans le domaine de la protection des droits des minorités, le respect des minorités...

M. Laurin: M. le Président, j'aurais une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Laurin: J'ai l'impression que le député de Mont-Royal s'égare et qu'il ne parle pas du tout des ententes de réciprocité, mais de l'amendement 81a lui même, c'est-à-dire du fond du problème.

M. Ciaccia: Non, M. le Président, je parle de la raison pour laquelle j'appuie l'amendement du député de Saint-Laurent; je donne les raisons pour lesquelles une telle entente devrait être ratifiée par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, si vous parlez de cela, je suis entièrement d'accord.

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si vous parlez de l'article 81a, la motion principale est mise de côté pour le moment.

M. Ciaccia: Non, je parle de la nécessité d'apporter cela à l'Assemblée nationale, du rôle éducatif de telle entente, du contenu d'une telle entente parce que c'est encore plus important... Ce n'est assez d'inclure dans un projet de loi ou dans une entente, M. le Président, certains articles. Il faut que la population les accepte. Une des façons de les faire accepter par la population, c'est de le débattre à l'Assemblée nationale, de donner le pour et le contre, de voir les avantages, et, si nécessaire, de les modifier. C'est pour cette raison que c'est peut-être un des rôles les plus importants qu'on puisse avoir à l'Assemblée nationale, ce rôle éducatif de la population.

C'est aussi, je crois, un respect de la démocratie. Je ne pense pas qu'un individu, dans des droits aussi précieux que les droits personnels, linguistiques et culturels, je ne pense pas que cela devrait faire partie d'une entente secrète. Je ne pense pas qu'on devrait se réveiller un jour et apprendre que quelqu'un a négocié nos droits. Je pense qu'on fait une faveur du côté ministériel. Je pense bien que, lui non plus, n'aimerait pas se réveiller un matin et apprendre que, par une entente, l'Exécutif a négocié ses droits dans une autre province. Je crois qu'il aurait préféré avoir le contenu par ceux qui sont élus à l'Assemblée nationale, ils auraient pu faire des représentations. Cela donnerait même l'occasion au gouvernement de faire siéger une commission parlementaire pour discuter de l'entente, apporter certains changements si nécessaire, entendre des mémoires qui seraient présentés par les groupes intéressés. Tout cela serait sous le contrôle du gouvernement. On ne dit pas par un vote des deux tiers, des trois quarts, mais strictement par un vote majoritaire.

Le gouvernement n'a rien à craindre. Il n'a absolument rien à craindre par notre amendement. Il est au pouvoir. Il a la majorité. C'est lui qui contrôle les travaux de l'Assemblée nationale. Cela démontrerait de la bonne foi. On dit que la portée de l'article 81a est restreinte. Avec l'amendement que nous proposons, nous donnons l'oc- casion au gouvernement de démontrer sa transparence, de démontrer qu'il n'a rien à craindre, de démontrer qu'il n'a pas peur de soumettre au scrutin public une entente qui peut affecter les droits des minorités les droits linguistiques, les droits culturels, les droits des francophones. On parle ici des droits des francophones. Il ne devrait y avoir aucune hésitation, de la part du gouvernement, d'accepter un tel amendement. Je dirais que voter contre un tel amendement serait quasiment un signe de mauvaise foi. Pourquoi avoir peur de soumettre cela au scrutin public? Pourquoi avoir peur d'analyser cela?

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement. Effectivement, c'est la deuxième fois que...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député. Un instant, M. le député de Taschereau, sur une question de règlement.

M. Guay: M. le Président, je ne suis pas certain. Je pensais avoir mal compris, mais je viens d'entendre, pour la deuxième fois, "scrutin public". Est-ce que le député de Mont-Royal propose un sous-amendement pour faire en sorte qu'il y ait un référendum sur chaque entente?

M. Ciaccia: Excusez...

Le Président (M. Cardinal): S'il proposait cela, il n'aurait pas le droit de le faire.

M. Ciaccia: C'est probablement une traduction de "public scrutiny" qui veut dire...

M. Guay: Ah, excusez-moi! D'accord.

M. Ciaccia: Examen public. Excusez-moi, j'ai traduit littéralement "public scrutiny". Je doute que le député de Bourassa n'a pas encore changé.

Le Président (M. Cardinal): Oubliez cela! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'essaie de donner les raisons pour lesquelles le gouvernement devrait accepter un tel amendement. Je crois que ce sont des raisons positives. Si le député de Bourassa n'est pas d'accord, il aura tout le temps voulu pour apporter des arguments contre ce que je viens de soumettre.

Une Voix: II n'y en a pas.

M. Laplante: II vient de se réveiller.

M. Ciaccia: Je serais heureux, M. le Président, de voir les opinions sur ce que j'ai dit, comment il pourrait contredire cela, comment il pourrait démontrer que les suggestions positives que j'ai apportées ne s'appliqueraient pas ou iraient à l'encontre des intérêts québécois pu iraient à l'encon-tre des intérêts du déroulement des travaux de l'Assemblée nationale.

Pour ces raisons, M. le Président, je vais ap-

puyer le sous-amendement proposé par le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne répéterai pas les arguments qui ont été mis de l'avant par mes collègues. Tout ce que je veux dire, à ce moment-ci, je pense que l'amendement qui est proposé... Non, ce sous-amendement, pardon...

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, madame, toujours votre micro. Vous avez tellement une belle voix qu'il faut la mettre en valeur.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Paquette: Surtout quand elle est choquée.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que vous avez peur.

Je disais, M. le Président, que j'appuie évidemment l'amendement proposé par mon collègue de Saint-Laurent. Il me semble justifié. Je voudrais simplement dire qu'il est justifié parce que, à mon point de vue, tel que rédigé, l'article 81a, si on n'accepte pas l'amendement, est une porte ouverte à des accords beaucoup plus étendus et qui échapperaient à tout regard de l'Assemblée nationale. Il est important, dans cette optique, qu'on puisse permettre que le Parlement examine ces ententes avant acceptation finale par les partis, afin qu'on puisse en mesurer clairement les conséquences administratives, sociales et, peut-être davantage, politiques.

Une analyse des aspects politiques de ces formules d'accords éventuels qui seront signés devrait être portée à l'attention de toute la population du Québec, parce que je pense qu'il s'agit là d'une question qui intéresse tous les citoyens.

Je pense également que, compte tenu de l'orientation constitutionnelle du gouvernement qui, on le sait, le répète tous les jours et de plus en plus, qu'on s'en va vers l'indépendance, il est encore plus important que la population soit mise dans une position où elle puisse faire la distinction très nette entre des ententes qui pourraient à caractère partisan de la part du gouvernement, poser des jalons qui, éventuellement, conduiraient vers l'indépendance. Je pense que ceci, compte tenu que le Parti québécois ou le gouvernement n'a obtenu que 41% des voix et ne représente pas la majorité des citoyens du Québec, du moins au scrutin universel, son option, très particulière, nous oblige à plus de prudence. Mais, de toute façon, le fait que le gouvernement ne veut pas se rendre à aucun des arguments qui sont mis de l'avant, est un aveu de l'objectif limité qui est vraiment contenu dans cet amendement, même si le député de Rosemont a laissé entendre, et que moi, j'ai souhaité que, peut-être, il puisse mener plus loin, je pense que s'il allait vraiment au-delà de cet objectif limité qui, de toute façon, était déjà contenu dans l'article 80, à savoir permettre la mobilité de certaines catégories de travailleurs professionnels ou autres...

M. Paquette: En séjour temporaire.

Mme Lavoie-Roux: En séjour temporaire...

M. Paquette: ... la différence.

Mme Lavoie-Roux: ... et que si cet objectif était plus large, on recevrait peut-être plus favorablement cet amendement.

Même si on essaie de faire miroiter aux yeux de la population qu'il s'agit là d'un geste qui va révolutionner les conditions qui sont faites aux minorités francophones dans les autres provinces, je pense qu'on réalisera très rapidement, bien que je ne le souhaite pas, qu'il s'agit là uniquement de jeter de la poudre aux yeux du public. Je ne puis que regretter que le gouvernement n'accepte pas de considérer plus sérieusement cet amendement qui est proposé, et j'aurais souhaité qu'il puisse déboucher sur des accords éventuellement beaucoup plus considérables dans ce domaine; mais je pense que le gouvernement n'a probablement pas l'intention de les réaliser.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le député de L'Acadie. Puis-je mettre aux voix la motion de sous-amendement à l'amendement à l'article 81 et qu'on appelle l'article 81a et qui se lit comme suit: "Qu'une telle entente de réciprocité ne peut entrer en vigueur avant d'avoir été ratifiée par le vote majoritaire de l'Assemblée?" Le vote est-il pris nominalement ou...

M. Charron: Rejeté sur division, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Rejeté sur division.

M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection à ce que cela s'applique ainsi. On sait comment le Parti libéral va voter. Cela dépend si l'Union Nationale insiste pour un appel nominal.

M. Charron: L'Union Nationale a dit comme nous qu'il s'agissait d'une motion uniquement faite pour perdre du temps.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Alors, rejeté sur division. D'accord. Nous revenons...

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 81a.

Le Président (M. Cardinal): Vous proposez l'adoption de l'amendement à l'article 81?

M. Charron: L'amendement à l'article 81. Je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de MargueriteBourgeoys...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Sur l'article 81a, il y a déjà une motion d'amendement.

M. Lalonde: Je n'ai pas eu le loisir...

Le Président (M. Cardinal): C'est exact. Vous avez 20 minutes.

M. Lalonde:... d'exprimer mes vues sur la motion d'amendement. Les députés ministériels se sont succédé cet après-midi pour exprimer leur assentiment, et quant à moi, je suis entièrement d'accord et sans ambages avec la motion d'amendement du gouvernement.

Je pense que conclure des accords de réciprocité dans l'intérêt de tous, c'est strictement dans l'ordre des choses. On peut le faire pour différentes activités, pour différentes fins. Cela existe dans différents Etats, quelque soit leur statut de juridiction.

Pourvu que cela soit dans les domaines de notre juridiction, encore là, c'est d'autant plus correct, d'autant plus désirable, et je me demande comment il se fait que le gouvernement ait fait toute cette parade pour en arriver à ce petit amendement 81a...

M. Paquette: Cela prend ça pour faire...

M. Lalonde: ... alors qu'on se souvient très bien qu'un ancien gouvernement en 1969 avait conclu un accord de réciprocité — je ne veux pas me prononcer sur le fond pour le mérite de cet accord — avec l'Ontario, accord qui n'a pas fait de bruit, qui a peut-être été appliqué d'une façon plus discrète...

M. de Belleval: ... pas été appliqué par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! L'amendement a été rejeté, M. le ministre de la Fonction publique.

M. Lalonde: ... et qu'on a tout à coup découvert lorsque le gouvernement, par grande déclaration "premier ministérielle" en Chambre, dépôt de lettres à des premiers ministres, comme si on découvrait le monde une deuxième fois...

Je pense que c'est tout à fait désirable qu'on recherche à l'intérieur de nos juridictions, et Dieu sait que dans le domaine de l'éducation, c'est totalement et sans aucun doute de juridiction provinciale, et que l'on recherche, à ce moment, des accords de réciprocité pour mettre de l'avant les objectifs du gouvernement.

Je pense que cela ne devrait même pas faire l'objet d'un débat. On pourrait le faire en vertu de 81, mais on décidé de le faire à 81a, voilà.

Le seul problème que j'ai avec 81a, M. le Président, c'est qu'on n'en sait pas quoi, on ne sait pas ce qu'il y a dedans. On a vu le ministre des Affaires intergouvernementales nous faire une avant-première, nous faire une annonce absolument so-lonelle qu'il allait étudier son dossier en fin de semaine et qu'il allait essayer de mettre un peu de contenu dans l'offre qui va être faite aux premiers ministres à St. Andrews. Il nous a quand même fait une démonstration assez intéressante à savoir quels sont les problèmes. Cela nous intéresse comme commission parlementaire, étant donné que nous sommes appelé à discuter de 81a. Il y a le contenu, il y a le terme, il y a le contrôle aussi, le contrôle qui, je le crains, peut créer un certain nombre de problèmes, puisque nous ne faisons affaires avec ni des biens, ni des services, ni de la marchandise, mais avec des êtres humains.

Je pense qu'on peut profiter, M. le Président, de la discussion de cet amendement pour donner quelques conseils au gouvernement. Quant au contenu, il s'agit évidemment d'une question de négociation. La réception que cette suggestion a eue n'est pas très encourageante, mais j'ose croire, comme tous les chefs des partis l'ont demandé, que les premiers ministres provinciaux, à St. Andrews, auront une attitude positive à cet égard, n'y verront pas de tentative de jouer autre chose que le jeu de la constitution et qu'ils considéreront à leur mérite et sans arrière-pensée les propositions du gouvernement.

Je demande surtout au gouvernement d'être extrêmement prudent quant au contrôle de l'application de tels accords. C'est l'application de tels accords qui peut devenir odieuse si on ne fait pas preuve de prudence et d'inquiétude humanitaire. En effet, comment un accord qui assurerait l'enseignement en français en Alberta, par hypothèse, pourrait-il être appliqué et quelles seraient les pénalités? Quelle serait la contre-partie négative au cas de défaut de la part d'un gouvernement, j'ai pris l'Alberta, j'aurais pu en prendre un autre, par pure hypothèse — ou Terre-Neuve ou l'lle-du-Prince-Edouard — et quelle serait la capacité du gouvernement de la province de Québec de faire appliquer cet accord si, tout à coup, par exemple, on apprend, que ce soit à travers l'organisme de coopération, le ministre des Affaires intergouvernementales a fait quelques hypothèses à ce propos, ou autrement, on apprend qu'un francophone est parti du Québec, est allé s'installer à 180 milles d'Edmonton et n'a pas pu avoir d'enseignement en français? A ce moment, est-ce que tous les Albertains qui sont rendus ici — Edmonton est en Alberta, oui? Calgary aussi.

M. de Belleval: Voulez-vous qu'on aille vous chercher une carte?

M. Lalonde: Vous perdez la carte assez souvent, je n'ai pas besoin de vos cartes. Non, mais la question est sérieuse, M. le Président, quel serait le sort qu'on ferait aux Albertains qu'on a accueillis dans les écoles anglaises, si on apprend qu'une violation de l'accord a eu lieu en Alberta? C'est fa-

cile naturellement aujourd'hui de donner un blanc-seing au gouvernement, de simplement dire: Oui, d'accord, avec 81a le gouvernement peut faire des règlements dans ce sens-là, mais il faut quand même se préoccuper, quand on donne ce blanc-seing au gouvernement de savoir comment il va s'en servir. C'est ce que je déplore, la façon dont on procède actuellement, alors qu'on ne sait même pas ce qu'il va y avoir dans ces accords.

On nous demande, ici, en commission parlementaire, de dire oui, de dire: Allons donc, allez-y, faites ce que vous voulez. La seule chose que le représentant officiel, le plus officiel, le plus solennel, qui est le ministre des Affaires intergouvemementales, en ce qui concerne le contenu et les négociations, la seule qu'il peut nous dire, c'est qu'il ne sait pas ce qu'il va y avoir dedans.

Je pense qu'il est tout à fait pertinent, de la part de l'Opposition officielle, de se montrer sceptique tout simplement. L'Union Nationale a d'emblée, comme moi, approuvé cette démarche, M. le Président, tout en disant, tout de suite après, le député de Mégantic-Compton l'a fait, et je cite ses paroles, qu'il trouve quand même la proposition "incomplète et très partielle". Et il dit: C'est mieux que rien du tout. M. le Président, même l'Union Nationale qui avait quand même une certaine éloquence, je dois l'avouer, cela frappe au moins, disons que la forme est là, le style. Quand le contenu est moins fort, on s'attache au style.

Même l'Union Nationale dit: C'est mieux que rien du tout, c'est incomplet et très partiel.

M. de Belleval: ...

M. Lalonde: M. le Président, pourriez-vous rappeler à l'ordre le ministre fatigué de la Fonction publique, s'il vous plaît?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: Je vous pose une question. Vous n'êtes pas obligé de répondre, je l'admets.

Le Président (M. Cardinal): Non.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: On a tenté — et je ne reviendrai pas là-dessus, autrement je serais hors d'ordre — par un amendemerît, tantôt, de donner un peu de viande à ce projet, de lui donner un caractère plus solennel, plus officiel que simplement le fait que le gouvernement peut faire des règlements qui vont trouver leur suite dans des accords de réciprocité. Oui, on est intéressé à ce que les Québécois qui vont en Alberta puissent avoir un traitement égal à ce que l'Albertain a quand il vient ici. Je suis totalement d'accord avec l'approche et la préoccupation du député de Rosemont et du ministre d'Etat au développement culturel qui se sont exprimés dans ce sens, mais il faut aller plus loin parce que cela est très partiel. Réellement, cela concerne quelques centaines de gens peut-être, et pour plusieurs provinces, cela concerne- rait peut-être quelques dizaines sinon quelques personnes au cours d'une année.

Ce qui, je pense, est beaucoup plus important dans l'évolution actuelle de la situation linguistique au Québec et la situation linguistique au Canada, c'est la protection des droits linguistiques fondamentaux, et quand on parle de protection de la jouissance des droits linguistiques fondamentaux, on parle naturellement des minorités parce que les majorités sont à même de s'assurer leur propre protection.

Dans ce sens, je pense que pour exprimer la préoccupation de cette commission, préoccupation qui a été aussi exprimée par des députés, dont le député de Rosemont, quant à l'importance de protéger les droits linguistiques fondamentaux, je proposerais un amendement qui va exprimer notre désir à tous ici, à cette commission, qu'on aille plus loin, qu'on fasse davantage. C'est une façon d'exprimer notre désir que, éventuellement, tous ces droits soient inscrits dans la constitution. C'est la seule façon réelle de protéger des droits, que ce soient des droits linguistiques ou autres mais des droits fondamentaux et surtout ceux des minorités.

L'appel que le chef de l'Opposition officielle a fait aujourd'hui aux premiers ministres des provinces du Canada, je veux dire de considérer très favorablement la question, et surtout d'aboutir éventuellement à un accord pour que ces droits linguistiques soient inscrits dans la constitution, je pense que cet appel va bien servir de préambule à l'amendement que je vais proposer, M. le Président.

Je propose que soit ajouté à la fin de l'article 81a un alinéa qui se lirait comme suit: Le présent article deviendra caduc...

M. Le Moignan: Un instant, M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Gaspé sur une question de règlement.

M. Le Moignan: Le député de Marguerite-Bourgeoys — c'est seulement pour apporter une correction — vient de dire que le chef de l'Opposition officielle vient de lancer un appel à M. Trudeau, est-ce que ce ne serait pas le chef de l'Union Nationale?

M. Lalonde: D'accord, ce n'était pas à M. Trudeau, c'était aux premiers ministres des provinces — je me suis corrigé. Je ne veux pas naturellement dire que votre chef n'a pas fait des appels. Vous avez vos ténors pour les transmettre, je n'ai pas besoin de le faire.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il n'y a pas de discussion sur une question de règlement qui n'en est même pas une.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, si vous voulez me présenter votre motion, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Que soit ajouté, à la fin de l'arti-

de 81a, un alinéa qui se lirait comme suit: "Le présent article deviendra caduc dès la promulgation d'un amendement à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ayant pour effet de garantir dans toute province ou territoire du Canada et à tous les citoyens la jouissance des droits linguistiques fondamentaux".

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez me présenter le texte, s'il vous plaît!

J'aimerais qu'on distribue cet amendement à tous les membres de la commission.

M. de Belleval: Est-ce que l'opposition pourrait déposer tous ses amendements comme nous l'avons fait, d'avance, pour que nous puissions les étudier.

On pourrait avoir tout le paquet.

Mme Lavoie-Roux: Pour le parrain du projet...

M. Laurin: C'est de la vieille histoire, pour moi.

M. Charron: M. le Président, est-ce que je peux vous interroger sur la recevabilité de cet amendement dilatoire?

Le Président (M. Cardinal: Je vais tout de suite énoncer un principe. Je vais permettre à un représentant de chacun des partis à cette table de s'exprimer sur la recevabilité. Ce que je dis est ceci: C'est qu'il y a déjà eu, ce n'est pas la première fois, on l'a vu lors du projet de loi no 22, lors du projet de loi no 1, des amendements qui référaient à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je ne me prononcerai pas immédiatement sur le sort que l'on a fait ou que l'on fera à ce genre de motion et j'écouterai brièvement un membre de chaque parti sur la recevabilité de la motion.

En vertu de l'article 92, non pas de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais de notre règlement, M. le député de Saint-Jacques, ministre d'Etat au Haut-Commissariat, à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, je vous donne la parole.

M. Charron: Je voulais juste attirer votre attention, M. le Président, sur le fait que dans sa volonté de faire perdre le temps de la commission, l'Opposition officielle cette fois, marche dans les sentiers irréguliers et propose un amendement qui est irrecevable. Dommage pour les 80 minutes qu'ils perdront et qui seront d'autant de temps gagné à l'Opposition si vous vous rendez à mon opinion; mais il est absolument irrégulier et leur imagination va faire perdre le temps de la commission, elle devra se mettre à l'oeuvre sur autre chose. Il est absolument irrégulier qu'un article proclame lui-même dans sa rédaction une condition au-delà de laquelle il devient caduc par l'entremise d'une autre loi, et même d'une autre autorité législative en tout cas que celle qui peut amender cette constitution.

Il est invraisemblable qu'un article...

M. Bertrand: II faut aller à Londres.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Saint-Jacques a la parole.

M. Charron: II est invraisemblable qu'un article porte de lui-même l'affirmation de sa pérénité d'une part et, deuxièmement, qu'il attache la pérénité à autre chose que ce qui peut être contenu dans la loi elle-même. Autrement dit, ailleurs dans la loi, une disposition devant entrer en vigueur ferait qu'elle remplacerait une autre partie de la loi, cela peut être envisageable.

Mais le geste qui rendrait caduc qu'une disposition votée par une Assemblée législative soit contenue dans un projet de loi et que ce geste soit d'une autre autorité législative, sur le plan de la stricte logique de nos lois, l'économie de nos lois, votées par cette Assemblée, depuis qu'elle existe, il est absolument irrégulier qu'on propose une telle affirmation.

J'invite donc votre jugement à être sévère à l'égard de cette manoeuvre dilatoire de l'Opposition. J'invite aussi les quatre cerveaux brillants, mais visiblement fatigués, en face de nous, à se mettre à l'oeuvre pour faire perdre le temps de la commission sur des motions au moins peut-être insignifiantes, comme la précédente, mais régulières, à l'esprit du règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé sur... à l'ordre, s'il vous plaît. C'est vrai que nous sommes tous fatigués, il faut l'admettre, mais il faut le prendre comme c'est. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Oui, M. le Président, ce sera très bref. Etant donné que le député de Saint-Jacques n'a pas mentionné que j'étais fatigué, je n'abuserai pas non plus du temps.

Personnellement, je déclare la motion irrecevable.

Le Président (M. Cardinal): Vous ne pouvez pas la déclarer...

M. Le Moignan: Je suis donc fatigué. Je m'inscris donc parmi ceux qui sont fatigués, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez le suggérer.

M. Le Moignan: Personnellement, j'y suis opposé, peut-être pas au sens parlementaire du terme, mais je trouve cela surprenant de l'ancien Solliciteur général qui connaît le sens des lois. Il connaît toutes ces choses beaucoup mieux que moi. Il me semble qu'au point de vue de l'intelligence du débat et du temps que nous perdons, je ne voudrais pas vous faire perdre une minute de plus, mais je m'inscris en faux.

M. Laplante:... retarder, dans ce cas-là?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. A l'ordre, s'il vous plaît, M.

le député de Bourassa! A l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur la recevabilité.

M. Lalonde: M. le Président, il pourrait y avoir deux arguments. En fait, il y en a un au moins qui a été mentionné par le ministre, leader parlementaire adjoint, à savoir qu'une loi ne peut pas contenir, à l'intérieur de ses dispositions, des conditions de pérennité, pour employer son terme, son expression, de ses propres articles.

Je pense que nulle part, dans le règlement, on ne trouve une disposition qui empêcherait un tel amendement. Au contraire, je pense que si l'autorité législative est suffisante pour adopter un article, ce pouvoir d'adopter un article, d'en faire une loi, comprend aussi le pouvoir de délimiter l'application de cet article, de déterminer quand cet article cessera d'avoir effet, si c'est là la volonté du législateur.

Naturellement, le député de Saint-Jacques a un peu exprimé son opinion sur l'opportunité d'un tel article, mais ce n'est pas cela que vous demandez actuellement, c'est sur la recevabilité.

L'autre argument, peut-être, qui ferait peur à certains, sûrement pas à vous, M. le Président, pourrait être le fait qu'on fait référence, dans l'amendement, à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Là-dessus, non plus je ne vois dans le règlement rien qui l'empêche. Je voudrais vous citer un précédent où, lors de l'examen article par article, je crois, de la Loi sur la langue officielle actuelle, il y avait eu une motion faite par M. Léger, le député de Lafontaine. C'était une motion d'amendement à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et qui disait ceci:

Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: "L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique cesse d'avoir effet, etc.

Cela avait été accepté.

Le Président (M. Cardinal): Le 20 juillet 1974.

M. Lalonde: Je n'ai pas la date, je vous remercie, M. le Président. Cela avait été accepté et le ministre délégué au Haut-Commissariat avait lui-même proposé un sous-amendement à l'amendement. Dans ce temps-là, on faisait des "filibusters" et on se sous-amendait.

Il y avait eu un sous-amendement et les deux avaient été défaits. Je veux dire simplement que ce précédent existe en ce qui concerne la référence dans un amendement ou dans un projet de loi, puisque si cet amendement ou ce sous-amendement avait été adopté, on aurait trouvé dans la loi sur la langue officielle une référence, une mention de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je ne trouve aucune raison de déclarer ce sous-amendement irrecevable, d'autant plus qu'il ne va pas, d'après l'article 70, contre le principe. On dit simplement quelle sera la limite de cet article. On l'adopte. On est d'accord, mais il va cesser à telle date. Ce sont les arguments que je veux apporter, M. le Président, en faveur de la recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Merci, messieurs, de m'avoir informé. Il y a au moins trois points, s'il n'y en n'a pas d'autres. Le premier. Il est exact que le 20 juillet 1974, et c'est reporté au journal des Débats à la page B-6007 lors d'une motion d'amendement du projet de loi 22 qui se lisait comme suit: "Que l'article 1 — notez — que l'article 1 soit amendé en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: L'article 133 de l'AANB — c'était ainsi qu'était rédigé l'amendement — 1867 cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec". Le président avait alors dit ceci et je le cite textuellement: "Je voudrais dire dès à présent que, compte tenu de la diversité des opinions des éminents juristes sur cette question, je déclare cette motion recevable." Un conseiller parlementaire avait ajouté: "II n'y a pas de risque à laisser débattre une motion lorsqu'on a des doutes sur sa recevabilité". Je réponds à l'argument de M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Deuxièmement, en vertu de l'article 70, qui n'est purement qu'un article de technique d'amendement et non pas de fond d'amendement, parce que l'on pourrait se servir de l'article 70 pour ajouter des mots absoluments inutiles ou retrancher des mots, ou remplacer des mots. L'article 70 — vous m'accorderez quelques minutes parce que, de toute façon, il faut vider la question, je pourrais la prendre en délibéré et je ne sais pas où l'on irait — je le rappelle, se lit comme suit: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée". Je répète: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants: — c'est là la technique — retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement". C'est la règle générale qui veut qu'on n'aille pas plus loin qu'un sous-amendement. Or, nous sommes devant un sous-amendement. C'est donc la même règle qui s'applique.

Troisièmement, j'ai relu avec beaucoup d'attention la motion de sous-amendement qui est proposée à cette commission. Encore une fois, la présidence ne pouvant se prononcer sur le fond, mais devant quand même lire ce qu'est l'amendement et ce qu'il contient, je dois très sérieusement élever non pas un doute, mais un très fort doute sur sa recevabilité.

Un doute tellement fort que je me demande si le texte qui est proposé et qui est présentement devant moi se rapporte à l'amendement qui est déjà devant nous. Que cet amendement me vienne d'une autre façon, soit un nouvel article incorporé dans le projet de loi, peut-être, peut-être que ma réaction serait différente, mais qu'il vienne amender l'amendement à l'article 81, je dois, à ce moment-là, le déclarer irrerevable.

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 81a, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais un instant, s'il vous plaît!

M. Morin (Sauvé): Ils en ont un autre.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Chaque fois qu'une décision est rendue, il faut prendre une petite période avant de recommencer et savoir où nous en sommes.

M. le député de Mont-Royal, sur quel sujet désirez-vous parler, s'il vous plaît?

M. Ciaccia: Je voudrais premièrement demander combien de temps il me reste sur le temps qui m'est alloué.

Le Président (M. Cardinal): Je vais vous le donner, M. le député de Mont-Royal. Il vous reste, sur la motion d'amendement à 81a, quinze minutes.

M. de Belleval: Ce n'est pas possible! Le Président (M. Cardinal): C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Moi, il ne m'en reste plus? Vous êtes chanceux.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, il ne vous en reste point. Vous avez raison. Cela répond à votre question, M. le député de Mont-Royal?

M. Guay: Enfin, une bonne nouvelle!

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que l'amendement, qui s'appelle 81a...

Une Voix: Le vote!

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Est-ce que l'amendement à l'article 81, que l'on a appelé 81a, sera adopté?

M. Ciaccia: Je demande le droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Bon! Vous avez le droit de parole, M. le député de Mont-Royal et, comme je vous l'ai dit, il vous reste quinze minutes.

M. Le Moignan: Me reste-t-il du temps, M. le Président?

M. Morin (Sauvé): There goes the old record!

M. Le Moignan: II me reste combien de minutes, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): D'accord, je vais vous répondre, M. le député de Gaspé. Il vous reste treize minutes.

M. Le Moignan: Merci.

M. Morin (Sauvé): There goes the old record!

M. Ciaccia: M. le Président, voulez-vous rappeler le député de Sauvé à l'ordre?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, employez vos quinze minutes à bon escient, s'il vous plaît!

M. Charron: Smoke gets in your eyes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, c'est vrai que le député de Saint-Jacques a dit que nous sommes fatigués, mais cela n'empêche pas que nous voulons participer aux travaux de cette commission; si nous sommes fatigués, c'est à cause des heures qui nous sont imposées par les ministériels.

M. le Président, l'amendement à l'article 81a, ou l'article 81a, tel que proposé par le gouvernement, laisse des doutes quant à sa portée... Non seulement il laisse des doutes, mais maintenant que le ministre d'Etat au développement culturel a parlé et expliqué la portée de l'amendement, il nous a dit clairement que ce n'était pas une question... Oui?

Le Président (M. Cardinal): Allez! Allez!

M. Ciaccia: ...de protéger les droits minoritaires, c'était strictement une question d'accommoder — et il a donné le nombre — quelque centaines de personnes qui pourraient être transférées ou qui pourraient aller dans d'autres provinces.

J'ai dit que j'étais profondément déçu de voir que le but du gouvernement n'était pas de s'attaquer au problème fondamental des droits des minorités, mais c'était seulement de discuter ou de permettre — et il s'est même référé à des employés de sociétés d'Etat — à un nombre limité de personnes d'avoir une mobilité dans les autres provinces.

Je ne veux pas dire que ces personnes ne devraient pas avoir ces droits, mais je crois que, lorsqu'on apporte un amendement comme l'article 81a, on devrait certainement avoir des motifs plus nobles et plus étendus que seulement pour accommoder quelques centaines de personnes, spécialement quand on a laissé entendre, par l'entremise des journaux, par des lettres du premier ministre invitant les autres provinces à négocier, qu'on parlait vraiment de quelque chose de fondamental.

C'est malheureux de devoir discuter de cela tard comme ça, à ce stade-ci, parce que c'est un problème sérieux. J'aurais préféré discuter de cela à un moment où nous aurions été plus reposés, pour recevoir moins d'insultes du député de Bourassa, mais, pour moi, la question des droits des minorités est très importante.

M. de Belleval: C'est pour cela que vous ne voulez pas d'entente.

M. Ciaccia: Cela veut dire quelque chose de plus que de permettre à quelques employés-cadres d'aller s'installer dans d'autres provinces.

Le ministre de la Fonction publique s'est référé aux injustices que les autres provinces ont commises dans le passé. C'est vrai, mais je ne sais pas dans quel but il a soulevé ces questions. S'il avait soulevé ces questions pour faire de l'article 81a l'intention du gouvernement de protéger les droits de ceux dont il a parlé, dont les droits ont été lésés...

M. de Belleval: C'est du pareil au même.

M. Ciaccia: ...je pourrais comprendre, mais...

M. de Belleval: C'est ce que j'ai dit.

M. Ciaccia: C'est ce que vous avez dit, mais...

M. de Belleval: C'est ce que j'ai dit.

M. Ciaccia: C'est ce que vous avez dit. M. le Président, s'il vous plaît! Il ne faudrait pas m'interrompre. Mais ce n'est pas cela que le ministre d'Etat au développement culturel a dit lorsqu'il a expliqué les objectifs de cet article.

M. Bertrand: Oui.

M. Ciaccia: Non. Indirectement, cela pourrait donner certains bénéfices aux personnes, aux minorités, aux francophones dans les autres provinces, et ce n'est pas une question de le faire indirectement, c'est une question d'attaquer le problème d'une façon positive, d'apporter des suggestions aux autres provinces, leur dire comment elles pourraient faire pour protéger leurs minorités et pour accorder des droits à leurs minorités de la même façon que le Québec a accordé des droits dans le passé, à sa minorité ou à ses minorités.

Je ne parle pas maintenant de la façon dont le Québec veut traiter sa minorité d'après le projet de loi 101. Je parle avant que le projet de loi 101 soit déposé. Cela aurait été une façon qui aurait été louable. Cela aurait été une façon admirable et personne n'aurait pu s'interroger sur les motifs de ce gouvernement s'il avait insisté auprès des autres provinces M. le Président, pourque ces provinces accordent le même traitement à sa minorité que le Québec a historiquement accordé aux siennes. Je ne partage pas tout à fait le raisonnement du député de Rosemont qui dit: II a fallu qu'on garde un "bargaining power", on a pris l'option Québec, parce que si on avait pris l'option Canada, on aurait perdu cette manoeuvre.

Je crois que si on veut parler de "bargaining power" dans ce domaine, il y a d'autres moyens, dans le contexte actuel, M. le Président, de faire comprendre aux autres provinces l'intérêt qu'elles ont, spécialement dans le contexte politique actuel. Il y a d'autres moyens, même si, dans le passé, elles ont été injustes, même si, dans le passé, elles ne se sont pas occupées du tout des droits des minorités. Le temps est venu, maintenant, d'agir avec justice, avec équité. Les autres provinces, M. le Président, ont des intérêts particuliers à le faire, je puis vous en assurer. Ce n'est pas nécessaire de se retenir un "bargaining power" parce que, dans un tel cas, c'est presque oeil pour oeil, dent pour dent. Cela cause des confrontations, cela cause des conflits. Dans ce domaine, c'est l'exemple qu'il faut donner. Cela peut sembler idéaliste, M. le Président, mais c'est l'exemple qu'il faut donner.

Dans le passé, peut-être même dans l'exemple que nous avons donné, les situations étaient différentes, on n'a pas obligé les autres provinces à suivre cet exemple. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans la situation politique où nous sommes où une personne d'une minorité — et je ne parle pas seulement des minorités francophones, M. le Président, il y a beaucoup de minorités qui ne se sentent pas chez elles dans différentes parties du Canada — mais spécialement un membre de la minorité francophone, c'est malheureux qu'il puisse aller dans d'autres provinces et qu'il puisse sentir qu'il n'a pas les mêmes droits que les autres citoyens canadiens. C'est cela, je pense, qui a contribué au problème du séparatisme que nous avons maintenant. Les autres exemples que le ministre de la Fonction publique a donnés, je déplore aussi la question des gens de l'air et je dois vous assurer...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Ciaccia:... je vais y revenir. M. le Président, parce que je considère que l'article 81a doit être plus spécifique, doit traiter des droits des minorités francophones, dans les autres provinces, que cela doit être le but, l'objectif du gouvernement et non seulement d'assister quelques employés-cadres.

Je propose l'amendement suivant, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi je voulais vous prévenir.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je propose que l'article 80a soit amendé en ajoutant, après les mots "d'une autre province"...

M. de Belleval: Donnez-le moi, je vais vous le lire.

M. Ciaccia: Je vous remercie pour votre aide. "D'une autre province", à la fin du premier paragraphe — je vais prendre le mien, je lis mieux mon écriture — les mots: "une telle entente devant avoir pour but de protéger les droits de la minorité francophone existante et future résidant dans cette autre province."

Le Président (M. Cardinal): Veuillez écrire votre motion, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Non, pas domiciliaire, résident.

M. Laplante: En attendant, M. le Président, pourrais-je poser une question à M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Non, résident c'est plus étendu, domicilaire c'est plus restreint.

M. Laplante: C'est juste pour lui demander s'il est conscient que, cet après-midi, depuis quinze heures, il a coûté $5000 à la province pour les folies qu'il fait là.

M. Ciaccia: Je n'ai pas compris votre question.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: C'est à moi ou au président que vous le demandez?

M. Laplante: Si vous êtes conscient de cela? L'argent du peuple, vous autres, cela ne vous fait rien du tout?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Conscient de quoi?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Bourassa, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: C'est l'administration de 1970 à 1976.

Le Président (M. Cardinal): J'ai devant moi un sous-amendement à l'amendement à l'article 81. Ce sous-amendement se lirait comme suit, et je le lis tel que je l'ai reçu: "L'article 81a est amendé en ajoutant, après les mots "d'une autre province", à la fin du premier paragraphe, les mots "une telle entente devant avoir pour but de protéger les droits de la minorité francophone existante et future résidant dans cette autre province". Encore une fois, pour le peu de temps qu'il nous reste aujourd'hui, sur la recevabilité, je suis prêt à entendre un représentant uniquement de chacun des partis.

M. Charron: M. le Président, j'estime que cette manoeuvre dilatoire est techniquement recevable.

M. de Belleval: Et nous en félicitons l'Opposition.

M. Charron: Cette fois ils sont dans le bon chemin. Ils peuvent continuer à nous faire perdre notre temps légalement.

M. Lalonde: Elle est recevable, cela précise la portée de l'article et cela ne nie pas le principe.

Le Président (M. Cardinal): Je vais quand même utiliser l'article 65.2. C'est rare que cela arrive, mais une deuxième fois, je vais le faire. L'arti- cle 65.2, je vais vous le lire: "Le président peut également modifier dans sa forme une motion pour la rendre recevable."

M. Laplante: J'espère qu'il ne le fera pas.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas dit que je la rendrais recevable.

M. le député de Gaspé sur la recevabilité.

M. Le Moignan: Je vais être plus prudent que tout à l'heure, M. le Président. Je n'ai que mon humble point de vue. Cette motion serait recevable, mais je la considère très indigeste.

Je ne dirai pas...

M. de Belleval: II n'y a pas d'article du règlement contre cela.

M. Le Moignan: Je ne veux pas jouer avec le règlement, parce qu'on va me rappeler à l'ordre trop vite.

M. de Belleval: M. le Président, est-ce qu'il y a un article du règlement qui prévoit les motions indigestes?

M. Le Moignan: Ne faites pas perdre le précieux temps.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, poursuivez.

M. Le Moignan: II ne reste que cinq minutes. Si mon compagnon de Mégantic-Compton était ici, peut-être qu'il accuserait l'Opposition officielle d'être composée de farceurs, mais je n'aurais pas ce courage, parce que c'est antiparlementaire, je crois; mais, ils ne sont même pas des habiles acteurs, parce qu'on tourne en rond. Je me demande s'ils sont vraiment conscients du rôle qu'ils jouent en ce moment. Je sais très bien qu'on peut tuer du temps, qu'on peut abuser du temps, qu'on peut retarder indûment...

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement.

M. Le Moignan: Et puis le moment...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, vous avez demandé des avis sur la recevabilité et on est en train d'admonester l'Opposition officielle. Quelle que soit l'opinion du député de Gaspé sur l'Opposition officielle et sur sa façon de travailler, cela n'a pas d'importance, cela n'a aucune influence sur la recevabilité de la motion.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y aurait d'autres questions de règlement d'ici vingt heures?

M. Le Moignan: J'achève, M. le Président. Si vous voulez me laisser terminer.

M. Bertrand: Une directive, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier, sur une demande de directive.

M. Bertrand: M. le Président, vous qui êtes un savant juriste, homme politique d'une longue tradition, puisqu'on doit prendre la parole de l'Opposition qu'il ne s'agit pas d'un "filibuster", comment doit-on appeler ce qui se passe dans le moment?

M. Lalonde: Une tentative d'améliorer une mauvaise loi.

M. Ciaccia: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys a répondu à ma place.

M. le député de Mont-Royal sur une question de règlement.

M. Ciaccia: Oui, article 96, on a imputé que c'est une motion dilatoire.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une question de règlement, c'est une question de privilège. Vous ferez un avis à l'Assemblée nationale mardi prochain, s'il y a lieu.

M. Ciaccia: M. le député...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Très bien.

M. Le Moignan: Pouvez-vous m'accorder soixante secondes, M. le Président? Je vais terminer.

Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité, s'il vous plaît!

M. Le Moignan: Sur la recevabilité, parce que je m'aperçois, et tout le monde le constate, qu'il y a tellement d'autres articles beaucoup plus importants dans le projet de loi 101, langue de travail, de la législation, de l'administration que, au train où vont les choses, nous n'aurons peut-être pas le temps de les aborder. Je me demande si on est vraiment conscient de tout cela. Quand j'ai parlé de guillotine tout à l'heure, le mot "guillotine", je le vois toujours. Je ne veux pas l'oublier. C'est cela qui va nous arriver et on n'aura même pas traité des points importants.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, je dois aussi vous rappeler à l'ordre, vous ne parlez pas de la recevabilité. Si vous permettez...

M. Guay: Mais néanmoins pertinents.

Le Président (M. Cardinal): ...j'ai été fort informé par cette Assemblée, je dois dire que, tel que libellé, je ne la recevrais pas. Cependant, invoquant comme je l'ai fait tantôt, l'article 65, paragraphe 2, je pourrais ajouter que, comme cela vous donnera — la nuit portant conseil — le temps de réfléchir, je ne vois pas comment, dans une législation — je le dis en tant que président d'une commission qui fait de la législation — on puisse avoir, dans la rédaction et la motion de sous-amendement les mots "existantes et futures". Si l'on avait une telle entente devant avoir pour but de protéger les droits de la minorité francophone résidant dans cette autre province, je n'y aurais peut-être pas d'objection, mais...

Une Voix: Quelle province?

Le Président (M. Cardinal): J'ai dit peut-être. Je ne me prononce jamais d'avance sur des hypothèses de travail, hypothèses...

M. de Belleval: Prudent comme le serpent.

Le Président (M. Cardinal): "Existantes et futures" dans un texte de loi, comme gardien de la législation, j'ai beaucoup de difficulté à recevoir cette motion.

M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le député de Mont-Royal n'étant pas, comme votre serviteur d'ailleurs, un expert légiste, je pense que vous pourriez peut-être quand même... J'accueille le fait d'invoquer l'article 65, deuxième alinéa, avec plaisir. Peut-être que le député de Mont-Royal voudrait simplement retirer ces deux mots dans sa motion.

Le Président (M. Cardinal): Ce sont trois mots "existantes et futures".

M. Lalonde: "Existantes et futures."

Le Président (M. Cardinal): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je le ferais volontairement, M. le Président, si vous pouviez m'assurer — je crois que vous pourriez le faire — qu'en retirant ces trois mots la motion serait recevable.

M. Laurin: Elle n'a plus de sens, à ce moment-là.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Comme il est vingt heures, je prends la question de recevabilité en délibéré et — un instant, s'il vous plaît, quelques minutes — avant d'ajourner les travaux de la commission à demain, dix heures, alors que nous procéderons encore à l'étude, article par article, du projet de loi 101, de 10 à 13

heures, et de 15 à 17 heures. Je désire souligner qu'au début de cette séance, ce matin, ignorant ce qui s'était passé à l'Assemblée nationale, j'ai indiqué qu'il y aurait ajournement sine die, lundi, à 13 heures, ce qui est faux. L'ordre de la Chambre, c'est que lundi, il y a une seule séance qui dure de 10 heures à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 23 heures.

Cela étant dit, les travaux de cette commission sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 2)

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