L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'énergie

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'énergie

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 27 septembre 1978 - Vol. 20 N° 162

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du rapport de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James


Journal des débats

 

Étude du rapport de l'Hydro-Québec

et de la Société d'énergie

de la baie James

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, madame et messieurs!

Nous allons commencer les travaux de la commission parlementaire de l'énergie ayant le mandat de faire l'étude du rapport annuel de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James.

Sont membres de cette commission, M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Desbiens (Dubuc); M. Gendron (Abitibi-Ouest) remplace M. Godin (Mercier); M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Gratton (Gatineau); le ministre, M. Joron (Mille-Îles), M. Mercier (Berthier), M. Rancourt (Saint-François), M. Raynauld (Outremont).

Pourraient intervenir, M. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Michaud (Laprairie), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Avant de commencer nos travaux, il faudrait nommer un rapporteur pour cette commission. Messieurs de la commission, avez-vous une suggestion à nous faire?

M. Gendron: Je propose M. Hubert Desbiens.

Le Président (M. Dussault): M. Desbiens est proposé. Est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour que M. Desbiens devienne le rapporteur de cette commission?

Des voix: D'accord!

Le Président (M. Dussault): M. Desbiens va donc agir comme rapporteur. Avant de commencer nos travaux, il faudrait aussi convenir d'un horaire de travail. Je sais qu'il y a eu des pourparlers entre les parties. M. le ministre, est-ce qu'il y a une convention quant à l'horaire de travail?

M. Joron: Après une brève consultation, M. le Président, il semble qu'il serait satisfaisant aux parties concernées de siéger aujourd'hui jusqu'à 18 heures, de reprendre ce soir à 20 heures, jusqu'à 22 heures ou 23 heures, selon le cas. Demain matin, nous reprendrions à 11 heures pour suspendre à 13 heures pour le lunch et reprendre ensuite à 15 heures demain après-midi jusqu'à la fin de l'après-midi et, si nécessaire, demain soir. On verra où on sera rendu demain.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que cet horaire convient à la commission.

M. Ciaccia: Oui, M. le ministre.

Le Président (M. Dussault): Nous suivrons donc cet horaire. Quant au déroulement des travaux, je donnerais, au départ, la parole à chacun des partis en commençant par M. le ministre, ensuite, aux représentants de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James. En troisième lieu, il y aurait les questions des membres de la commission. Est-ce que cela convient aux membres de la commission?

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Président: S'il n'y a rien d'autre à ajouter, je laisse la parole à M. le ministre de l'énergie.

Remarques préliminaires M. Guy Joron

M. Joron: Merci, M. le Président. Au moment d'entreprendre nos travaux, permettez-moi de rappeler brièvement certains faits qui modifient sensiblement le contexte habituel de cette commission parlementaire. Le premier fait d'importance, c'est la dernière activité officielle de la Commission hydroélectrique de Québec. Comme vous le savez, la loi 41, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en juin dernier, modifiait les structures supérieures de direction et les mandats de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James remplaçant la Commission hydroélectrique par un conseil d'administration. Comme le fut l'achat des compagnies privées d'électricité il y a maintenant quinze ans, c'est une étape importante que nous franchissons cette année.

Je voudrais, au nom du gouvernement et en mon nom personnel, auquel je pense bien pouvoir ajouter ceux des membres de cette commission parlementaire, remercier chacun des membres de la commission pour leur travail et leur dévouement en commençant, si vous le permettez, par leur doyen, M. Dozois, qui après avoir servi le Québec comme député et ministre, a fait bénéficier l'Hydro-Québec de son expérience pendant dix ans, puis la Société d'énergie de la Baie James et la Churchill Falls Corporation également. À 70 ans et après une vie aussi active, il a certes mérité de prendre un peu plus de temps pour lui-même. Nous continuerons néanmoins de bénéficier de son expérience, puisque M. Dozois a accepté de participer au comité gouvernemental sur la politique d'achat, politique dont M. Dozois s'était fait, à l'Hydro-Québec, l'un des principaux artisans.

M. Gauvreau, après avoir oeuvré pour le développement social et économique de sa Gaspésie natale, sert l'entreprise depuis 1962 à titre de commissaire. Préoccupé de l'amélioration constante des relations humaines au sein de l'Hydro-Québec, il fut un précieux intervenant dans l'organisation de la société et de la direction du personnel. Nul doute qu'il sera un précieux apport pour le nouveau conseil d'administration dont il est membre.

M. Monty est au service de l'Hydro-Québec depuis 1946. Après avoir même travaillé comme étudiant pour la Montréal Light, Heat and Power, il n'a cessé de faire profiter l'entreprise de son travail acharné et de son grand jugement. Comme responsable du programme d'équipement de l'Hydro-Québec, il fut l'un des principaux artisans des grandes réalisations de l'entreprise. M. Monty fut nommé au conseil d'administration par arrêté en conseil la semaine dernière complétant ainsi les onze membres du nouveau conseil d'administration. Le conseil pourra donc profiter de son expérience. Je suis assuré de la bonne marche du dossier de Hydro-Québec international dont il est déjà responsable depuis le début de cette année.

M. Lemieux, depuis 1945 à l'Hydro-Québec, a occupé tour à tour tous les postes en finance et comptabilité pour devenir directeur de ce service et enfin commissaire, l'année dernière. Sa compétence et son expérience continueront sûrement d'être très bénéfiques à l'entreprise dans les responsabilités qu'il assumera bientôt lors de la réorganisation prochaine de la direction de l'Hydro-Québec.

Enfin, M. Boyd, que j'ai été à même d'apprécier grandement et à l'Hydro-Québec et à la Société d'énergie de la baie James depuis ma nomination comme ministre délégué à l'Energie. Sa connaissance de l'entreprise, après 34 ans de service, son grand jugement et l'efficacité de son travail, en font l'un des hommes les plus précieux de la société d'État. C'est avec plaisir que j'entrevois la continuité de nos rapports, dans sa nouvelle tâche de président-directeur général de l'Hydro-Québec. À tous, donc, nos plus sincères remerciements.

Le deuxième fait d'importance, M. le Président, qu'il faut souligner et qui change le contexte habituel de cette commission, c'est la publication par le gouvernement du livre blanc sur l'énergie. En effet, c'est la première fois au Québec qu'une commission parlementaire discutera du rapport d'activités de l'Hydro-Québec et de sa proposition tarifaire, ainsi que de la revue générale des activités de la Société d'énergie de la baie James, en ayant comme toile de fond une politique énergétique définie. C'est d'ailleurs à la lumière de cette politique générale et plus particulièrement le chapitre relatif à la tarification que le gouvernement étudiera les propositions tarifaires que nous soumet aujourd'hui l'Hydro-Québec et qu'il prendra, dans les semaines qui viennent, ses décisions.

J'ose croire également que ces critères définis dans le livre blanc sur la politique énergétique ont implicitement été acceptés par l'Opposition, puisque l'Opposition, n'ayant pas manifesté, depuis le mois de juin, de réactions officielles, en tout cas défavorables, à la publication de la politique énergétique, je tiens pour acquis que MM. les membres de l'Opposition...

M. Ciaccia: Cela viendra, M. le Président, cela viendra.

M. Joron: ... sont satisfaits de cette politique énergétique. Je me permets de rappeler les principaux critères, tels que décrits dans le livre blanc, qui présideront à cette analyse. En premier lieu, le gouvernement tentera d'assurer un traitement égal à tous les clients de l'Hydro-Québec présentant les mêmes caractéristiques de demandes. En deuxième lieu, le gouvernement considère raisonnable de faire supporter par chaque catégorie d'utilisateurs les frais que sa consommation entraîne. Il faut rappeler à cet égard que l'existence d'une différence entre les tarifs industriels et les tarifs résidentiels ou domestiques s'explique évidemment par des caractéristiques différentes de consommation.

En troisième lieu, il est essentiel de permettre à l'Hydro-Québec d'obtenir des revenus suffisants pour assurer son équilibre financier. La société d'État est engagée dans un programme d'aménagement énergétique qui requiert un effort financier particulièrement important. L'ampleur même de ces développements nécessite une assise financière solide. Plus spécifiquement, il est évident que l'Hydro-Québec ne peut financer ces investissements uniquement en ayant recours à des emprunts. Elle doit, comme par le passé, y contribuer, à partir de ses propres réserves, dans une proportion suffisante. L'effort financier accru auquel les consommateurs contribuent ainsi découle, bien sûr, du coût de production de l'énergie, à des coûts croissants, correspondra donc un effort financier plus grand.

En quatrième lieu, il semble opportun pour le gouvernement d'éliminer la dégressivité des tarifs, dans les catégories où cela est justifiable.

Voilà donc, rapidement donné, dans quel esprit le gouvernement regardera la proposition tarifaire que nous soumet aujourd'hui l'Hydro-Québec.

On me permettra enfin de rappeler quel est le but de cette commission, qui est de permettre aux représentants élus de la population de faire une revue générale des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James. Cette coutume annuelle, bien que non prescrite par la loi, est, je pense, une excellente occasion, tant pour les membres de l'Assemblée nationale que pour les dirigeants des deux entreprises, d'échanger franchement informations et commentaires. Je suis assuré d'ailleurs, connaissant l'intérêt de tous, que nos travaux seront des plus profitables.

Mais, avant de terminer, M. le Président, j'aimerais — puisque je crois que c'est la première fois que les membres de la commission parlementaire en ont l'occasion — leur présenter les membres du nouveau conseil d'administration de l'Hydro-Québec, dont plusieurs sont ici présents.

D'abord, le président du conseil d'administration, sur lequel je ne serai pas très loquace, parce qu'il n'a nullement besoin de présentation, sa carrière étant bien connue, M. Lucien Saulnier. Est-ce que M. Saulnier est là? M. Saulnier.

En deuxième lieu, M. Claude Laliberté, qui est membre d'office du conseil d'administration à titre de président-directeur général de la Société d'énergie de la baie James. Est-ce que M. Laliberté

est là? Il est là. M. Laliberté a participé, entre autres, au projet de Churchill Falls comme ingénieur, à la direction génie et construction. De 1973 à 1977, il fut délégué à la Société d'énergie de la baie James, comme chef de service aux avant-projets, avant d'être nommé directeur de la direction générale de l'Electricité et des énergies nouvelles à la direction générale de l'énergie. Il entre donc en fonction le 1er octobre prochain.

Un autre membre qui n'a pas besoin de longue présentation, c'est M. Roland Giroux. Est-ce que M. Giroux est présent? Il était là tout à l'heure. M. Giroux, rappelons-le, en 1966, était nommé commissaire de l'Hydro-Québec et conseiller économique au Conseil exécutif du gouvernement du Québec. En 1969, il devint président de l'Hydro-Québec, poste qu'il occupa jusqu'en 1977. M. Giroux est en outre président du conseil d'administration de la Consolidated Bathurst & Paper Limited. Il est également administrateur, vous le savez, de diverses autres compagnies.

M. André Thibodeau est, depuis 1975 — est-ce que M. Thibodeau est là? — directeur du service d'administration et d'organisation des ressources humaines à l'École des hautes études commerciales, où il est professeur, depuis 1968, en relations de travail et administration du personnel. Précédemment, M. Thibodeau avait occupé des postes permanents dans le mouvement syndical. Il fut, entre autres, trésorier de la FTQ, puis secrétaire général et, enfin, vice-président. Il fut par ailleurs procureur aux arbitrages de la ville de Montréal ainsi qu'à l'Hydro-Québec.

M. Hervé Hébert est président de la Fiducie du Québec, administrateur de la Fédération de Québec des Caisses populaires Desjardins, de la Société d'investissements Desjardins, de la Nationale, compagnie d'assurance, ainsi que du Crédit industriel Desjardins. Antérieurement, M. Hébert fut président d'un bureau d'actuaires-conseils, administrateur et vice-président de la Banque provinciale du Canada ainsi que président de la Banque populaire et des Placements collectifs. M. Hébert fut membre du comité d'étude des régimes supplémentaires de rentes des employés des villes et municipalités ainsi que président du comité d'étude sur le financement du Régime de rentes de Québec et sur les régimes supplémentaires de rentes.

M. Claude Roquet, après — M. Roquet est-il présent? — une brillante carrière diplomatique, principalement au Moyen-Orient, fut nommé en 1976 sous-ministre adjoint aux Affaires étrangères à Ottawa, poste qu'il quittera en 1977 pour devenir depuis un an conseiller-cadre auprès du sous-ministre délégué à l'Energie à Québec.

M. Pierre Laferrière — est-ce que M. Laferrière est là? — après des études en sciences sociales et une maîtrise en administration, est associé senior dans un bureau de conseillers en gestion, investissements et organisation. Ces différents travaux l'ont amené à travailler en plusieurs régions du pays, aux États-Unis, en Europe et dans le tiers-monde. Nul doute que son expérience en matière d'organisation et sa connaissance des marchés étrangers sauront être d'un précieux apport tant à l'Hydro-Québec qu'à éventuellement Hydro-Québec international.

Mme Nicole Forget — est-ce que Mme Forget est présente? — a eu une carrière fort bien remplie. Elle me permettra de la reprendre à partir de 1967/68, au moment où elle est membre fondateur et secrétaire de la Fédération des femmes du Québec. Par la suite, Mme Forget oeuvre principalement à l'Association des consommateurs du Canada, d'abord comme secrétaire francophone de la division du Québec, puis vice-présidente, et de 1975 à cette année, comme présidente. (15 h 30)

Enfin, comme je le mentionnais tout à l'heure, MM. Boyd, Gauvreau et Monty sont également membres de ce conseil. C'est d'ailleurs à partir du 1er octobre, soit la semaine prochaine, que ce nouveau conseil prend charge des affaires de l'entreprise. Je me permets donc, au nom de tous les membres de cette commission, de transmettre nos meilleurs souhaits aux membres du nouveau conseil d'administration, qui auront des défis importants et exaltants à relever. Ne signalons, entre autres, que le fait que nous ambitionnons de doubler la part de l'électricité dans le bilan énergétique du Québec d'ici 1990, ce qui n'est pas une ambition modeste. C'est un défi important. D'autres défis s'ouvrent également sur la scène internationale, à titre d'exemple, et bien d'autres encore. Alors, en votre nom, messieurs, je me permets de souhaiter le meilleur succès possible aux membres du nouveau conseil d'administration.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, au nom de l'Opposition officielle, je voudrais me joindre au ministre pour remercier les commissaires qui vont quitter leurs fonctions prochainement et ceux qui vont assumer leurs nouvelles fonctions au sein du conseil d'administration. Il y en a plusieurs parmi vous. Je remarque M. Dozois, M. Boyd, avec qui j'ai eu l'honneur de travailler assez intimement durant les négociations. Je peux témoigner que les membres de cette commission prenaient leurs responsabilités et qu'ils oeuvraient vraiment dans l'intérêt de la société et dans l'intérêt du Québec. Ils ont accompli leur devoir. Je voudrais féliciter aussi les nouveaux membres du conseil d'administration. Je voudrais peut-être féliciter particulièrement M. Claude Laliberté, aussi de la Société d'énergie de la baie James, avec qui aussi j'ai eu l'honneur et le plaisir de travailler dans le passé. Je remercie ceux qui, au nom de l'Opposition, vont m'écouter. Je félicite les nouveaux membres du conseil d'administration et j'espère que nous allons pouvoir oeuvrer ensemble dans les meilleurs objectifs de chacun de nous.

M. le Président, je voudrais faire quelques remarques préliminaires avant d'entreprendre les études et le mandat de cette commission.

L'Hydro-Québec fait la fierté de tous les Québécois et elle a, jusqu'ici, admirablement rempli son mandat, qui est de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles et commerciales et à tous les citoyens du Québec, aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière.

Non seulement l'Hydro-Québec a-t-elle réussi à fournir aux Québécois l'électricité au taux le plus bas en Amérique du Nord, mais de tous les fournisseurs d'électricité en Amérique, l'Hydro jouit de la plus forte réputation financière.

Ces deux réussites exceptionnelles sont maintenant menacées par les politiques, les influences et les pressions du gouvernement.

L'Hydro-Québec nous demande des augmentations de tarif importantes. Or, souvenons-nous que, l'année dernière, le gouvernement actuel accordait déjà une demande de l'Hydro-Québec pour une augmentation de 20%. Je crois que l'augmentation actuelle a été de 18,5%; si je me trompe, vous me corrigerez. Le contribuable québécois se souviendra également des augmentations précédentes. Pour 1974, aucune augmentation n'était demandée. Pour 1975, 10% d'augmentation étaient accordés à l'Hydro-Québec. Pour 1976, un montant égal, soit 10%, était également accordé. Pour 1977, à nouveau, une troisième somme de 10% était accordée, ce qui nous donne un total approximatif, pour ces quatre dernières années, de 34%, parce que c'est cumulatif et par rapport à la dernière année avant que ces augmentations soient accordées, ça faisait une augmentation globale de 34%.

Pour l'année 1978, par contre, nous voyons la demande de tarif doublée à 20% et elle a été accordée par le gouvernement actuel. Nous sommes aujourd'hui à nouveau devant des demandes substantielles, soit de 15,9% pour l'année 1979, 15,8% pour l'année 1980 et 10% pour l'année 1981.

Si ces demandes sont accordées par le gouvernement actuel, nous constatons qu'à la fin de 1981, le contribuable québécois se trouvera à payer près de 75% de plus pour son électricité qu'il ne payait à la fin de 1976.

Nul ne nous tiendra rigueur de nous inquiéter devant cet accroissement substantiel des coûts. De plus, si l'on se rappelle, de 1974 à 1975, le programme d'emprunt de l'Hydro-Québec pour le développement de la baie James était plus considérable qu'il ne le fut en 1977, de 1974 à 1976.

Force est de constater que cette augmentation nous paraît encore plus considérable aujourd'hui. Cette inquiétude, importante en soi, revêt un caractère encore beaucoup plus sérieux lorsqu'on constate un autre changement fondamental relativement aux sources d'emprunt auxquelles fait maintenant appel l'Hydro-Québec.

Traditionnellement, M. le président, l'Hydro-Québec négociait la très grande majorité de ses emprunts sur les marchés canadiens et américains. La stabilité continentale, la haute réputation de gestion de l'Hydro-Québec, en un mot, la confiance dans l'avenir politique du Québec permettait ces emprunts et reflétait une administration saine des deniers publics.

C'est ainsi qu'en 1974, 57% des emprunts provenaient du marché américain, 41% du marché canadien et la totalité des emprunts auprès des autres marchés d'outre-mer n'atteignait que 18%.

En 1975, on pouvait noter une approche encore plus "conservatrice" pour cette année-là. L'Hydro empruntait 37,7% de ses besoins sur le marché canadien, 55,7% sur le marché américain et seulement 6,6%, soit un tiers de l'année précédente, sur les marchés d'outremer.

En 1976, finalement, 8,9% étaient empruntés au Canada, 82% aux États-Unis et 9% sur les autres marchés.

Le 15 novembre 1976, le gouvernement séparatiste du Parti québécois était porté au pouvoir. Or, en 1977, que constatons-nous? Nous constatons que l'Hydro-Québec modifie substantiellement sa méthode d'emprunt.

En 1977, l'Hydro-Québec baisse son pourcentage d'emprunt sur le marché canadien à 11,45%, son pourcentage sur le marché américain à 39,8% et augmente son pourcentage d'emprunt sur les marchés d'outre-mer, soit au Japon, en Suisse, en Allemagne, à 48,74%.

Quelles raisons ont pu motiver un pareil revirement? Certes, pas le total des sommes empruntées, parce qu'en 1977, l'Hydro-Québec n'a eu besoin que de moins de la moitié de la somme empruntée en 1976.

Comment donc expliquer un départ aussi marqué des marchés traditionnels dont jouissait l'Hydro-Québec jusqu'à ce moment-là? La réponse est, selon nous, évidente. À la suite du premier geste posé par le présent gouvernement, à la suite particulièrement de certaines déclarations-clés — et je pense au fameux discours du premier ministre à New York — à la suite des énoncés politiques gouvernementaux qui s'ensuivirent, l'Hydro-Québec n'avait pas d'autre choix que de recourir à de nouveaux marchés, à de nouveaux prêteurs, moins inquiets, loin de nos problèmes.

Les portes des marchés américains, autrefois grandes ouvertes, ne se trouvaient plus qu'entrouvertes. Il n'est pas moins évident que la marge de manoeuvre de l'Hydro-Québec devint, à partir de ce moment-là, victime des gestes politiques posés par le gouvernement. Nous ne pouvons en blâmer l'Hydro-Québec, elle a pris la meilleure décision possible dans ce contexte.

Depuis, nous avons été témoins, témoins inquiets, d'une part, de la chute du dollar canadien vis-à-vis du dollar américain, d'autre part, de la dégringolade non moins inquiétante du dollar américain par rapport au yen japonais, au mark allemand et au franc suisse.

Que signifient, de façon concrète, ces accroissements de l'écart dans les taux de change? Cela signifie un accroissement considérable des coûts de ces emprunts. Il est évident qu'il nous faudra déduire de cet accroissement l'avantage d'emprunter, dans des monnaies fortes, à faible taux d'intérêt.

Cependant, cet avantage comporte deux désavantages non moins significatifs: celui, d'une part, du double risque d'emprunter en dehors du Canada et d'être donc sujet aux fluctuations entre les

deux dollars et d'être, dans un deuxième temps, également sujet aux fluctuations entre le dollar américain et les autres monnaies fortes d'outremer.

Le deuxième désavantage est évidemment celui d'emprunter à court terme. En effet, comment s'expliquer qu'une des plus grandes sociétés énergétiques au monde, probablement la plus grande, et qui fonctionne essentiellement à long terme, se trouve obligée de recourir soudainement à des modes d'emprunts à court terme?

Il y a là une anomalie sérieuse. Il est intéressant, M. le Président, de remarquer qu'au même moment l'Hydro-Ontario se voyait accorder des emprunts à très long terme, la plupart venant à échéance au début des années 2000. Comment peut-on ici ne pas penser à la stabilité politique de notre voisin et à la confiance que celle-ci suscite sur les marchés d'emprunt et dont bénéficie visiblement l'Hydro-Ontario, un organisme pourtant moindre, en termes internationaux, que son pendant québécois.

À ce moment-ci, M. le Président, j'aimerais soulever un seul autre exemple qui vient nous démontrer que les politiques du gouvernement, vraisemblablement, peuvent avoir dans l'avenir des conséquences sur le marché et le développement de la société d'État. Je veux parler du différend important qui semble exister entre le ministre d'État à l'énergie et la société d'État sur l'évaluation respective de la croissance de la demande d'électricité au Québec dans les prochaines années. Peut-être que nous pourrons en discuter plus longuement avec nos invités. Au cours de sa présentation devant cette commission parlementaire en février 1977, M. Robert Boyd, alors vice-président de l'Hydro-Québec, prévoyait au nom de la société: "Cette faible marge de variations alliée à des considérations démographiques et économiques ont conduit l'Hydro-Québec à retenir un scénario de croissance de la demande électrique de 7,75% par année d'ici 1985."

Plus tard, suite aux séances de cette commission, le ministre délégué à l'énergie publiait son livre blanc auquel il s'est référé ce matin et pour la même période, c'est-à-dire d'ici 1985, il évaluait la croissance de la demande électrique au Québec à 6,4% par année. Vous comprendrez le point d'interrogation que ceci soulève. En effet, si la différence dans ses prévisions est aussi grande, en d'autres termes, si le ministre prévoit moins que la société d'État, comment donnera-t-il à celle-ci les moyens de répondre à la demande qui est prévue? Nous sommes tentés de penser qu'il ne lui donnera pas les moyens qui s'imposeraient. À ce moment-là comment évaluer les coûts additionnels de rattrapage qui s'imposeraient lorsque le gouvernement serait obligé de constater l'écart par lui-même entre l'offre et la demande? Comment mesurer les conséquences économiques d'un tel écart entre la demande et les possibilités de l'Hydro d'y répondre. Cette autre question soulève le débat fondamental qui devra s'engager autour du livre blanc.

Cette commission n'est certes pas le forum, dans le peu de temps dont elle dispose, pour engager le débat sur le livre blanc. Néanmoins, nous ne pouvions éviter de soulever cette question puisqu'il nous est impossible de discuter du rapport annuel de l'Hydro-Québec sans discuter de l'avenir de cette société et des politiques gouvernementales qui vont affecter son avenir. À ce moment-ci, nous nous sentons obligés, M. le Président, de soulever la question fondamentale qui semble sous-tendre les décisions prises par le gouvernement et qui affecte la marche de la société d'État. Le gouvernement ne met-il pas constamment l'accent sur son propre objectif politique au lieu d'en rester à des considérations purement économiques? En d'autres termes, dans le cas qui nous préoccupe, c'est-à-dire la politique énergétique du Québec, relativement à l'Hydro et l'électricité, le gouvernement se demande-t-il de quelle façon le consommateur québécois sera le mieux servi, au meilleur coût, avec la plus grande efficacité ou ne s'est-il pas plutôt fixé un objectif purement partisan préalable à sa politique énergétique, soit la séparation, pour ensuite diviser les politiques qui viennent justifier cet objectif.

Comment pouvons-nous nous expliquer autrement, M. le Président, la façon malhabile avec laquelle le gouvernement tente, à travers sa politique énergétique, telle qu'annoncée dans son livre blanc, de minimiser le lien canadien? Comment pouvons-nous autrement nous expliquer le peu d'importance que le gouvernement attache aux immenses richesses énergétiques dont dispose la fédération canadienne et dont nous sommes et serons, jusqu'à ce que nous soyons autrement mandatés par le peuple, les copropriétaires. Les Québécois ont un droit à ces richesses, droit qu'ils ne semblent pas vouloir aliéner, mais auquel le gouvernement semble avoir renoncé pour eux et ceci sans consultation. Le gouvernement n'induit-il pas la population en erreur quand il met une croix sur une grande partie de ces richesses. En se voyant amputé de ses projets nucléaires par le gouvernement, l'Hydro arrivera-t-elle vraiment à pouvoir atteindre les objectifs mis de l'avant dans le livre blanc. Nous nous devons de demander au gouvernement s'il peut, aujourd'hui, nous donner l'assurance que d'autres priorités pour la population du Québec, non moins importantes, ne subiront pas demain un préjudice sérieux à cause du fardeau d'emprunt exceptionnellement lourd qu'il faudra alors assumer pour mettre en application les politiques énergétiques du gouvernement actuel. Le gouvernement doit aussi s'interroger sur les coûts du développement de l'Hydro-Québec, faire des études et satisfaire le Québec, la population, et ne pas négliger le développement d'autres sources énergétiques, dans le contexte du lien canadien, de la fédération canadienne. (15 h 45)

J'ai mentionné l'augmentation croissante des coûts de l'électricité pour les contribuables du Québec, j'ai parlé de ce qui nous semble être la nouvelle politique d'emprunt du gouvernement, laquelle a des conséquences importantes pour l'Hydro-Québec et qui en aura de toutes aussi importantes pour le consommateur et le contribuable québécois. J'ai soulevé quelques-unes des nom-

breuses contradictions qui semblent exister entre les prévisions de la société d'État et celles du gouvernement, tout ceci arrive à deux choses: le grand danger que les ingérences idéologiques et politiques du gouvernement viennent remettre en question la grande réputation de la société d'État et viennent affecter, de façon très sérieuse, son développement.

L'autre facteur est la difficulté qu'une commission qui ne siège que quelques heures puisse faire une étude professionnelle et approfondie de questions aussi techniques et complexes que celle de la tarification. N'y a-t-il pas lieu de songer à un mécanisme qui permette aux intéressés de se faire entendre sur une question aussi importante qui les affecte tous, entendre les témoins, les experts et voir toute la documentation à l'appui d'une telle augmentation. Le moment est venu de réviser sérieusement la façon dont le gouvernement en arrive à ces décisions sur les hausses de tarif de l'électricité.

Il est impensable que le gouvernement, qui dispose du pouvoir décisionnel ultime et qui prétend arriver à des décisions d'une façon démocratique et transparente, maintienne plus longtemps un tel artifice. Pour toutes ces raisons, nous proposons la mise sur pied d'une véritable régie de l'énergie, dotée de pouvoirs pour étudier, à l'aide d'experts, d'une façon non partisane, la demande de hausse des tarifs de l'électricité et de faire les recommandations qui s'imposent au gouvernement, compte tenu des centaines de millions de dollars dont il s'agit maintenant.

La participation des citoyens nous semble maintenant indispensable; certains nous diront qu'une telle proposition est déjà contenue dans le livre blanc du gouvernement. Il n'en est rien. L'extension des pouvoirs de la régie de l'électricité et du gaz du Québec, proposée dans le livre blanc du gouvernement, est minime, incomplète et ne vient en rien régler le problème que nous traitons aujourd'hui. Le gouvernement ne fait que donner à la régie actuelle quelques petits pouvoirs additionnels. Il exclut spécifiquement les recommandations sur la tarification de l'électricité.

Nous nous devons finalement de dissiper toutes les ambiguïtés potentielles en ce qui concerne notre attitude vis-à-vis du développement de l'Hydro-Québec. L'Opposition officielle, que j'ai l'honneur de représenter dans ce débat, avec mon collègue, le député d'Outremont, n'a pas à faire la preuve de sa fierté envers ce grand agent économique et québécois, ni à répéter qu'elle est hautement favorable au développement rationnel et ordonné de nos ressources hydroélectriques.

Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est simplement que le gouvernement agisse de façon responsable. Ce que nous exigeons aujourd'hui, c'est que le gouvernement mette les intérêts des Québécois au-dessus de ses propres visées idéologiques.

Motion proposant ta création d'une régie de l'énergie

M. le Président, pour donner suite à notre sug- gestion et à notre insistance à ce que la tarification devrait faire le sujet d'une étude plus approfondie et le sujet d'auditions devant une régie, je voudrais faire la motion suivante: "Que cette commission est d'avis que le gouvernement doit créer, sans délai, la régie de l'énergie, proposée dans le livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie et confier à cette régie la responsabilité d'étudier les demandes d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec et de faire des recommandations au gouvernement, que la présente demande d'augmentation de tarifs de l'électricité soit référée à cette régie le moment venu."

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal, je vais accepter votre motion pour le moment, en tant que texte que vous me soumettez, mais je vais quand même donner la parole à M. le député de Richmond. Nous reviendrons à cette motion. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. Une fois de plus, notre grande société d'État revient devant cette commission de l'Assemblée nationale. On sait très bien qu'elle n'y est aucunement tenue, aucunement obligée par la loi, mais la coutume est maintenant établie, depuis nombre d'années, qu'une fois l'an, cette grande société d'État revient devant l'Assemblée nationale pour faire, en quelque sorte, le point sur ses activités et permettre aux élus des différentes formations politiques de poser les questions qu'ils jugent pertinentes sur l'état de la situation de cette société d'État.

M. le Président, j'aimerais, au nom de l'Union Nationale et avec votre permission, émettre certains commentaires et certaines prises de position de notre formation politique pendant les séances de cette commission. Ceux-ci porteront sur plusieurs domaines et nous en avons retenu certains qui sont d'intérêt majeur pour la formation politique que je représente et également qui sont d'intérêt majeur pour l'ensemble des citoyens du Québec. Il y a, entre autres, la question de la tarification, l'administration interne de la société, le réajustement à la suite des coupures du gouvernement fédéral et enfin, l'Hydro-Québec comme facteur de développement économique.

En premier lieu, nous nous intéresserons aux nouvelles propositions tarifaires qui auront cours durant la prochaine année ainsi qu'à celles qui furent proposées et appliquées l'an dernier. Incidemment, nous voudrions savoir quelles furent les conséquences réelles, pratiques, des hausses de l'an dernier en ce qui concerne l'autofinancement et, en particulier, la couverture des intérêts qui avait soulevé une assez longue discussion lors des débats de la commission parlementaire l'année dernière. À ce propos, je demanderai, au cours de nos entretiens, à M. Boyd si la détérioration graduelle sur le taux de coupure des intérêts que l'Hydro-Québec subissait depuis déjà quatre ans, c'est-à-dire depuis 1974 si ma mémoire est bonne, a été finalement stoppée et s'il y a eu rattrapage à 1,33%, comme le prévoyait M. Joron l'année dernière au cours de nos discussions.

Dans tout ceci, je fais manifestement référence, comme je l'ai indiqué, à la déposition même du ministre d'État délégué à l'énergie, figurant dans le journal des Débats de l'an dernier, à la page B-5330, où celui-ci déclarait qu'un accroissement du taux de couverture des intérêts conditionnait la situation financière de l'Hydro-Québec directement.

Pour continuer sur ce sujet de la tarification qui n'intéresse pas que nous, j'aborderai une optique de ce thème qui touche plusieurs citoyens et qui se situe à un niveau plus pratique. Il s'agit, M. le Président, du fameux mode de facturation auquel on a fait référence, souventefois décrit comme arbitraire, mode qui ne concorde pas toujours avec la consommation effective. Je suis intervenu à différentes occasions et je pense que c'est encore la tribune où on doit refaire le point sur cette question, à savoir quelles modifications, à quel stade on en est rendu dans ce processus de réorganisation au niveau du mode de facturation.

Je demanderai également aux dirigeants de l'Hydro-Québec, tout autant qu'au ministre lui-même, de faire tout en leur pouvoir pour que ces pratiques puissent être corrigées le plus rapidement possible, de façon complète.

En guise de dernier mot à ce volet, je demanderais au ministre où il en est en ce qui regarde le dossier sur l'abolition des taux dégressifs dont on a largement fait état. Je me rappelle fort bien que vous aviez fait état l'an dernier que cette pratique du taux dégressif était une aberration et qu'il y avait une nécessité urgente d'y mettre fin, pour éviter — et je vous rappelle les propos, à ce moment-là — la consommation abusive dans le domaine énergétique. On touche, par le biais de cette question, la tarification et la conservation. Je vous demande de mettre cette commission parlementaire au courant de vos démarches ainsi que des décisions et des résultats qui en découlent, dans la pratique.

En second lieu, mon intervention portera sur l'administration interne de la société d'État, et j'entends par ce fait l'Hydro-Québec et la SEBJ. M. le Président, je demanderais que soit confirmé si, effectivement, les années 1977 et 1978 furent véritablement consacrées au rattrapage en ce qui concerne l'évaluation des travaux de la baie James.

Les informations qui sont disponibles à l'heure actuelle nous permettent de croire que l'opération rattrapage a été concluante, même très concluante et qu'à toutes fins utiles nous serions même en avance sur l'échéancier prévu. Je pense que dans le rapport qui nous a été remis, le président en fait état. Mais j'aimerais qu'on puisse peut-être préciser davantage les opérations qui ont permis d'arriver à des conclusions aussi intéressantes.

Il convient à ce chapitre de féliciter, M. le Président, tous les dirigeants de la SEBJ du succès de cette opération. Dans ce sens, nous serions curieux de savoir sur quel facteur vous avez pu intervenir pour en arriver à de tels résultats étant donné qu'au point de départ ce problème était vraiment de taille.

Pour ce qui concerne le coût total du projet, le président de l'entreprise déclarait récemment que l'estimation totale du complexe hydroélectrique se situait toujours à $16 153 000 000 et qu'elle restait inchangée. Mais, si j'ajoute à ce chiffre un taux annuel d'inflation de 8% à 10%, c'est-à-dire le taux moyen que nous subissons depuis l'année 1974, serait-il plus logique de croire qu'en perspective, nous pourrions atteindre des montants substantiellement plus élevés? En d'autres termes, dans les $16 milliards, d'estimation totale, est-il prévu une marge de manoeuvre à l'intérieur de ce montant permettant d'absorber de façon plus ou moins automatique ce taux d'inflation ou si l'on devra en cours de route réévaluer et rajuster nos prévisions?

De plus, en parcourant le rapport annuel de l'Hydro-Québec 1977 ainsi qu'un article paru dans la revue En Grande relatant le rapport de la SEBJ pour la même année, il m'est apparu que certains chiffres mentionnés dans lesdites revues ne semblaient pas, du moins de prime abord, concorder. J'aimerais peut-être qu'en cours de route on puisse apporter certains éclaircissements à ce sujet.

Effectivement, le rapport annuel 1977 de l'Hydro-Québec, à la page F13 mentionne qu'un montant de $3 385 000 000 a déjà été investi dans les travaux, et cela, en date du 31 décembre 1977.

D'autre part, ce qui semble toujours directement relié au même sujet, dans la revue "En Grande", début juillet 1978, à la page 12, relatant le rapport annuel de la SEBJ, on rapporte que la totalité des sommes déjà engagées se situerait à $7 milliards, au 31 décembre 1977. Ce dernier chiffre représente évidemment une marge passablement importante sur la première donnée qui nous avait été fournie. Peut-être que j'interprète mal les données qui nous sont soumises, mais j'aimerais qu'on puisse établir ce qui existe exactement de ce côté-là. Peut-être que, d'un côté, on n'a pas inclus la SDBJ. J'aimerais qu'on me donne la structure interne de ces données qui nous ont été fournies.

Par ailleurs, la société d'État semble fonctionner parfois sous une forme un peu discrète à certains égards. Pour soutenir une telle affirmation, je m'en réfère à une étude faite par M. Pierre Fournier, de l'Université du Québec, à Montréal, qui reproche en quelque sorte à l'Hydro-Québec une trop grande autonomie vis-à-vis du gouvernement. Je m'en réfère justement à cette étude, à la 104 plus précisément, où on dit ceci: "Deux autres aspects du fonctionnement de l'Hydro-Québec méritent une étude plus approfondie. D'une part, le gouvernement devrait probablement prendre des mesures pour contrôler sa société d'électricité davantage". Gilles Massé, qui était alors ministre des Richesses naturelles, en 1972, déclarait ceci: "Le problème principal qui se pose est celui de l'harmonisation des politiques de l'Hydro-Québec avec celles du gouvernement. Les contrôles actuels de l'État sur l'Hydro-Québec n'ont jamais été très efficaces." Fin de la citation de M. Massé.

Je continue le texte de M. Fournier: "Un des exemples de cette trop grande autonomie s'est manifesté lors des négociations entre la direction

et le Syndicat des employés de l'Hydro. Le gouvernement a eu énormément de difficultés à faire accepter par la direction le contrat que son médiateur avait négocié. D'autre part — c'est un problème directement relié au précédent — l'Hydro fonctionne dans le secret quasi absolu. Plusieurs décisions importantes n'ont jamais été suffisamment justifiées. La décision de confier la gérance des travaux de la baie James à la firme Bechtel, par exemple. Le gouvernement devra se doter des moyens nécessaires pour obtenir plus d'information sur les activités de sa société d'État. Les données disponibles, par exemple, ne nous permettent pas de savoir si l'Hydro exploite au maximum son pouvoir d'achat." (16 heures)

Dans cette réflexion, on peut se demander si le gouvernement, dans ses relations avec sa société d'État, a à sa disposition suffisamment de données ou s'il existe trop de zones grises en ce qui concerne l'accessibilité de certaines données; je me réfère également à un article de journal qui a paru dans le Devoir du mercredi 10 mai 1978, sous la plume de Michel Vastel, qui indique ceci: "L'Hydro-Québec sous-estime grandement ses coûts." On fait référence au rapport des deux experts du MEER, au rapport Boyer-Martin. Je cite ici un extrait de cet article paru dans le Devoir: "Toute l'étude de Boyer-Martin vise donc à établir pour l'Hydro-Québec une méthode de tarification qui tienne mieux compte des coûts réellement supportés par la société québécoise. Les auteurs précisent que leur étude pourrait sans doute être encore raffinée mais — ceci en dit long sur le comportement de l'Hydro-Québec — ils se plaignent, à plusieurs reprises, dans leur rapport de ne pas avoir eu accès à des renseignements de base indispensables."

J'ai voulu délibérement mettre en parallèle ces deux textes pour vous indiquer qu'il est peut-être temps aussi pour le gouvernement de revoir son mode d'approche en ce qui concerne non seulement l'Hydro-Québec mais l'ensemble de ces sociétés d'État. Si le ministre Tardif, le ministre des Affaires municipales, a cru bon d'exiger de certaines municipalités qui ont des budgets beaucoup plus restreints que nos sociétés d'État, qu'elles lui soumettent des plans de développement immobilier s'échelonnant sur trois ans, comme le veut la loi 54, sanctionné le 15 février 1977, on peut alors se demander justement si le gouvernement ne devrait pas exiger cela en vertu du même principe, de ses sociétés d'État et, en particulier, en ce qui concerne les travaux et l'exécution des travaux de la baie James.

Dans la même optique, je vous rappellerai que, le 22 février dernier, j'avais déposé au feuilleton de l'Assemblée nationale certaines questions portant sur l'évaluation des coûts, surtout plus précisément en termes de contrôle, en ce qui concerne les chantiers de la baie James. Je ne vous cacherai pas, dans cette même optique, que certaines données nous sont très difficilement accessibles que j'attends encore et qu'il me semble — peut-être suis-je pessimiste — que je vais peut-être attendre encore un bout de temps. J'attends encore, avec une certaine impatience, cette réponse sur le sujet. Je me permets, avec votre permission, de souligner encore cette question et de vous rappeler le texte de ces questions.

Premièrement, j'ai demandé au ministre: "Depuis le 1er janvier 1978, le gouvernement a-t-il pris des mesures concrètes pour se donner un meilleur instrument de contrôle des coûts des travaux de la baie James? Dans l'affirmative, quelles sont ces mesures et qui veillera à leur application? "Deuxièmement:" À titre de société de gérance, la Société d'énergie de la baie James a-t-elle remis au gouvernement son plan de développement pour les cinq prochaines années? "Troisièmement, je demandais au ministre:" À ce moment, dans l'affirmative, quelle est la nature et la portée financière de ce plan de développement, particulièrement au niveau des immobilisations?"

Mon attitude peut paraître exigeante au point de départ. Cependant, concernant tout ceci, elle comporte deux buts bien spécifiques et étroitement liés. D'abord, il est de toute première nécessité que la population québécoise sache. En conséquence, on doit rappeler au présent gouvernement ses promesses formelles quant à la transparence d'un bon gouvernement. Au rythme où vont les choses, la transparence, de plus en plus, s'impose.

Comme troisième volet à mon intervention, j'aimerais me situer à un niveau plus général que les précédentes: il s'agit des fameuses coupures budgétaires du gouvernement fédéral concernant l'usine LaPrade. Une telle décision signifie-t-elle une réévaluation complète de tout le développement hydroélectrique dans l'immédiat? Dans quelle mesure l'Hydro-Québec devra-t-elle se tourner vers d'autres sources de financement pour faire face aux exigences énergétiques dans son plan d'ici les années 1990? Quels sont plus spécifiquement les intentions et le mode d'action que le ministre de l'énergie a l'intention de prendre pour faire face à une telle situation?

Enfin, une remarque sur l'Hydro-Québec en tant que facteur de développement industriel. Vous n'ignorez pas que le secteur secondaire de l'économie se cherche véritablement une place au soleil.

Je n'ignore pas, de mon côté, que plusieurs mesures sont nécessaires pour assurer ce désir bien légitime. Une de ces mesures pourrait être de faire en sorte que l'Hydro-Québec fasse jouer davantage les marchés dont elle dispose à ce jour en faveur de la PME, car je le rappelle, la PME est le seul maître-d'oeuvre de l'économie québécoise contrôlée par les Québécois eux-mêmes, hormis les sociétés gouvernementales, telle la vôtre.

Une telle démarche contribuerait grandement à rendre de plus en plus autonome l'économie québécoise et à lui assurer, par le fait même, une diffusion économique nationale.

Dans le même esprit, nous appuierions toute initiative de l'Hydro-Québec visant à commercialiser les découvertes faites à son institut de recherche et qui auraient pour conséquence une prise en main québécoise de l'outillage industriel, com-

mercial et ménager dans le domaine de l'électricité.

Cette requête va dans le sens du rapport qu'a présenté l'OPDQ dans une évaluation préliminaire que cet organisme faisait sur les sociétés d'État et les objectifs économiques du Québec. Finalement, comme mesure supplémentaire, l'Hydro-Québec pourrait s'engager encore plus loin en accélérant — ce à quoi on a fait allusion récemment — la création d'un consortium de sociétés québécoises pour l'étude et la réalisation des travaux hydroélectriques au plan international.

En fin de semaine dernière, le premier ministre a annoncé une telle initiative et nous souhaitons voir le plan d'application d'une telle intention.

La formation politique que je représente appuie ces objectifs, en vue de faire de l'Hydro-Québec un agent encore plus efficace, encore plus enraciné, et dont nous aurions encore davantage raison d'être fiers.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Richmond.

Sur la motion qu'a présentée le député de Mont-Royal, j'ai demandé certains documents au secrétariat des commissions avant de pouvoir m'exprimer sur cette question. Je suppose que le ministre s'attend que je lui donne la parole...

M. Joron: J'allais vous la demander, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, après cela, je vais rendre ma décision quant à la recevabilité de la motion qu'a présentée le député de Mont-Royal, et ensuite, je vais donner la parole aux représentants de I'Hydro.

M. le ministre.

M. Guy Joron

M. Joron: Merci. M. le Président, en attendant de reprendre ou non la discussion sur la question de la motion, j'aimerais quand même prendre quelques minutes pour répondre à certaines questions qui ont été posées, tant par le député de Mont-Royal que par le député de Richmond. Mais, avant de le faire, je voudrais signaler que, par inadvertance, tout à l'heure, en lisant mon texte, j'ai commis un oubli. J'ai oublié de mentionner, parce que j'avais le texte de l'Hydro-Québec, mais je n'ai pas vu que j'avais une page également sur la Société d'énergie de la baie James que le nouveau conseil d'administration qui prend charge, lundi prochain, des deux sociétés, remplace, dans le cas de l'Hydro-Québec, de la Commission hydroélectrique mais aussi, dans le cas de la Société d'énergie de la baie James, l'actuel conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James. Parmi ces personnes il y a quelqu'un qui est présent à cette table et que je voudrais remercier pour ses services, c'est M. Charles Boulva.

M. Boulva ne nous quitte pas tout à fait, puisque, à titre de président de la Société de développement de la baie James, il reste évidemment en étroit contact avec les activités dans cette région.

Je m'excuse personnellement, M. Boulva, auprès de vous de cet oubli inqualifiable.

M. le Président, je voudrais, en réponse à certains points soulevés par le député de Mont-Royal et qui m'ont rendu fort perplexe, dire ceci. J'ai trouvé bizarre, d'une part, qu'il commence son intervention en adressant des félicitations aux commissaires et que, quelques phrases plus tard, il qualifie leur proposition tarifaire d'irresponsable et d'assujettie aux objectifs partisans du gouvernement.

Cela m'apparaît un petit peu bizarre. Ce que je trouve très bizarre également, aussi...

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous interrompre, mais je n'ai pas qualifié les commissaires d'irresponsables...

M. Joron: Non, vous avez qualifié...

M. Ciaccia: ... mais bien les actions du gouvernement.

M. Joron: ... la proposition tarifaire qui nous est soumise d'irresponsable. Or, la proposition tarifaire en question, vous le savez bien, vient de la Commission hydroélectrique; elle ne vient pas du gouvernement.

M. Ciaccia: Je vais vous relire ce que je vous ai dit.

M. Joron: Deuxièmement, l'an dernier, le porte-parole de votre parti à cette même commission laissait entendre que les hausses de tarif que nous considérions à ce moment-là étaient peut-être, insuffisantes et qu'il fallait plutôt se diriger vers le coût marginal de l'électricité; voici que, cette année, le Parti libéral fait un revirement complet et, maintenant, met tous ces chiffres en cause en tentant, comme l'a fait le député de Mont-Royal, de les relier directement à des événements politiques ou électoraux.

Je sais que le député de Mont-Royal fait de fort mauvais rêves depuis le 15 novembre 1976, mais je ne pensais pas que ses rêves le suivraient encore deux ans plus tard, jusque dans cette commission parlementaire.

Vous savez très bien; comment pouvez-vous expliquer, alors que vous tentiez de relier les hausses de tarifs que vous avez évoquées de l'année dernière et des années précédentes, celle de l'année dernière, en particulier, et celles qui nous sont proposées pour les années qui s'en viennent, à l'élection du Parti québécois, alors que vous savez fort bien que c'est avant l'élection du Parti québécois que l'Hydro-Québec, devant cette même commission parlementaire, annonçait déjà à l'avance ses propositions de hausse pour la fin des années 1970.

Il y a déjà trois ans — et avant l'avènement du Parti québécois — qu'on savait à l'avance, compte tenu de la planification des investissements nécessaires pour réaliser, dans des délais donnés,

les travaux sur le complexe La Grande, le niveau des tarifs qui seraient requis alors. Vous voyez fort bien que cela n'a rien à voir avec des changements de nature électorale.

Il faut dire à nouveau, puisque vous semblez l'avoir oublié, que tout cela était planifié dès le début de la planification originale du complexe La Grande. On savait très bien que des niveaux d'investissements croissants, et croissants de façon dramatique au cours des années 1970, pour réaliser ce complexe, allaient correspondre, bien entendu, à un effort d'autofinancement croissant en parallèle. Il n'y avait pas de magie là-dedans. Ces données de base inévitables restent donc inchangées.

Un deuxième point que le député de Mont-Royal a tenté de rattacher à l'avènement au pouvoir du Parti québécois, c'est le fait qu'au cours de l'année dernière, plus particulièrement, l'Hydro-Québec ait fait appel à plusieurs marchés financiers, par opposition à la pratique antérieure de faire appel principalement, et même presque exclusivement, au marché de New York.

Je ne sais pas si le député de Mont-Royal sait que de petits changements sont intervenus dans le monde depuis quatre ou cinq ans et que des transferts de capitaux se sont faits entre les pays, principalement depuis la crise du pétrole, et que des marchés financiers inactifs sont devenus actifs et que les capitaux se déplacent sur la planète.

Je ne pense pas que ce soit le Parti québécois qui télécommande les mouvements de capitaux à l'échelle internationale, vous le savez comme moi!

Si l'Hydro cette année est allée au Japon, en Suisse, en Allemagne, à Londres, c'est parce qu'elle a fait comme tout le monde, comme tous les emprunteurs dans le monde entier, elle est allée là où l'argent se trouve. Cela n'a rien à voir avec New-York ou pas.

Vous savez fort bien que là où se trouve l'argent aujourd'hui, vous savez que depuis quelques années les États-Unis ont un déficit dans leur balance commerciale qui se chiffre à des dizaines de milliards par année, alors que l'inverse est vrai pour le Japon et l'Allemagne de l'Ouest en particulier. Bon! Il est clair que des marchés financiers, d'une ampleur inexistante auparavant, se sont développés et qu'il faut maintenant faire comme tout le monde fait sur la planète, c'est-à-dire courtiser, si vous voulez, ou s'intéresser à toutes les places financières.

Il n'y a donc, encore une fois, aucune relation entre l'avènement au pouvoir du Parti québécois et ces développements sur la scène financière internationale.

Un troisième point soulevé par le député de Mont-Royal — et celui-là m'étonne beaucoup, je ne sais pas comment il a pu lire le livre blanc — c'est qu'il a fait état d'une différence, dans la période d'ici à 1985, entre la planification de l'Hydro-Québec et celle du livre blanc, alors qu'en toutes lettres il est écrit dans le livre blanc que le programme de développement de l'Hydro-Québec, le programme d'équipement de l'Hydro-Québec, pour répondre à cette croissance de la demande, et tel qu'établi jusqu'en 1985, demeure inchangé et c'est celui-là que nous allons réaliser.

Je pense que ce qui a peut-être confondu, parce que vous avez évoqué un chiffre d'environ 7% et un autre d'environ 6%, c'est probablement que le député a fait une confusion entre la croissance de l'appel maximal de puissance qui est différent de la croissance des ventes d'énergie à chaque année. (16 h 15)

Cette distinction existe à l'Hydro-Québec également et, sur la période de 1985. vous avez tout à fait tort de dire qu'il y a des différences de vues sur cette croissance de la demande entre l'Hydro-Québec et le gouvernement. Il n'y en a aucune puisque nous avons approuvé le programme d'équipement pour répondre à cette demande, exactement telle qu'elle avait été formulée précédemment par l'Hydro-Québec.

Un dernier point a trait au dernier commentaire du député de Mont-Royal alors qu'il dit: II ne faut pas que le gouvernement essaie de faire que sa politique énergétique serve des objectifs politiques, alors qu'en toutes lettres... Si le député était honnête, il verrait très bien que l'objectif principal de cette politique est avant tout économique et, tant de fois je l'ai répété, il n'a rien à voir non plus... Il n'y aurait fort probablement aucune différence, quel que soit le statut constitutionnel du Québec, parce que l'objectif que cette politique énergétique tend à servir est le même, je le répète, le même, ce sont les mêmes objectifs que tous les gouvernements du monde, de quelque pays, région ou province que ce soit.

Devant l'insécurité croissante des approvisionnements énergétiques et la cherté croissante de l'énergie, tous les gouvernements du monde cherchent à développer des sources locales d'énergie, de façon à protéger leurs populations contre les insécurités d'approvisionnement. Or, notre objectif est basé sur la sécurité des approvisionnements pour le Québec. Nous avons heureusement le moyen de fournir plus d'énergie encore aux Québécois à partir d'une source locale dont toutes les retombées économiques, dont le plus de retombées économiques se font ici même au Québec. Au moment où on a des problèmes de chômage et que, ce faisant, on est capable de faire cela tout en procurant aux Québécois l'électricité la moins chère du monde, vous osez qualifier cette politique de vassale, d'objectif partisan, d'objectif constitutionnel ou d'objectif politique alors qu'elle sert les intérêts économiques les plus fondamentaux des Québécois?

Le député de Richmond a évoqué quelques questions auxquelles je ne tenterai pas de répondre de façon extensive tout de suite parce que plusieurs d'entre elles vont revenir au cours des discussions. Par exemple, l'abolition des taux dégressifs; au moment où on entrera dans le coeur de la proposition tarifaire, on aura l'occasion d'en parler. Le député a mentionné également l'utilité de revoir le fonctionnement de l'ensemble des sociétés d'État. À cet effet, d'ailleurs, une loi sur l'administration financière qui va

couvrir l'ensemble des sociétés d'État sera présentée à l'Assemblée nationale sous peu, tel qu'on l'avait déjà annoncé le printemps dernier. Vous me demandiez, en ce qui concerne le meilleur contrôle des coûts à la baie James, ce qui a été fait, quels en sont les résultats, quels moyens ont été pris. Il y a une partie de la réponse que vous connaissez déjà.

Évidemment, il y a un changement de structure. On a voulu axer la Société d'énergie de la baie James sur un rôle de gérance, précisément pour la spécialiser, la concentrer sur cette tâche de gérance des travaux, voir à respecter des échéanciers, des coûts, et ainsi de suite. Alors, cette réforme entre en vigueur à compter de la semaine prochaine. Vous demandiez que la Société d'énergie de la baie James soumette son plan de développement. Vous l'avez, il est effectivement inclus dans le plan de développement de l'Hydro-Québec; les équipements dont la Société d'énergie de la baie James a la gérance, les travaux dont elle a la gérance, sont pour mettre en place les équipements prévus au programme de développement de l'Hydro-Québec dont nous allons discuter. Vous aviez une dernière question sur LaPrade. Est-ce que vous pourriez me la répéter?

M. Brochu: C'était pour savoir, à ce stade-ci, étant donné les décisions du gouvernement fédéral, la portée des annonces des coupures financières, quelles vont être les attitudes du ministère de l'énergie face à cela, face aux besoins énergétiques qu'on doit, d'une façon ou d'une autre, satisfaire, quels sont maintenant vos intentions? Est-ce que vous avez des plans précis de réactions face à cette décision? Qu'est-ce qui va se passer maintenant?

M. Joron: Rappelons encore une fois que ce que nous savons de cette histoire jusqu'à maintenant, c'est l'intention annoncée par le gouvernement fédéral — et les mots sont importants — de demander à l'Energie atomique du Canada Ltée d'entrer en négociation avec l'Hydro-Québec dans le but de revoir l'échéancier des travaux de la construction de cette usine, ce à quoi nous nous opposons.

Nous avons d'ailleurs demandé à l'Hydro-Québec de ne pas entrer dans de telles négociations. Entendons-nous, on ne veut pas dire qu'ils n'ont pas le droit de se parler, mais de se mettre à négocier un nouveau calendrier. Cela nous semble devoir être exclu, en raison du fait que l'Energie atomique du Canada et indirectement le gouvernement fédéral sont liés par un contrat qui a été signé en bonne et due forme au début de cette année et que nous entendons faire respecter.

Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de bris unilatéral de contrat. Au moment où on se parle, les travaux se poursuivent, donc, il n'y a pas eu de suite donnée à cette intention. S'il y avait bris de contrat unilatéralement, évidemment, à ce moment-là, il faudrait voir quelles options nous sont offertes, et on verra à ce moment-là. Mais elles n'impliquent pas de conséquences à ce point importantes sur l'ensemble du programme du développement de l'Hydro-Québec de toute façon. Si votre question était reliée à la manière dont cela affecterait les équipements devant être mis en production dans les années 1985-1990, cela change quelque chose, mais ça ne change pas l'essentiel. On pourra entrer dans plus...

M. Brochu: Étant donné que le ministre a pris la peine de mettre entre guillemets l'intention du gouvernement fédéral dans ce domaine, étant donné qu'on sait que si jamais cette intention était mise de l'avant, il y aurait des conséquences précises, est-ce que, à la suite de cette annonce d'intentions, votre ministère a entrepris des pourparlers avec le gouvernement fédéral pour voir jusqu'où vont ces intentions et dans quelle mesure on veut vraiment les rendre dans les faits?

M. Joron: Effectivement, on s'est parlé et ça reste des intentions exprimées. Il y a une intention que nous avons fait connaître, de notre part, c'est celle de faire respecter le contrat. Pour l'instant, c'en est là.

M. Brochu: Alors, tout continue comme prévu, comme si l'intention n'avait pas été annoncée, tout simplement.

M. Joron: C'est ça.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: J'invoque l'article 96.

Le Président (M. Dussault): Vous invoquez l'article 96, oui. Un instant, s'il vous plaît! Je voudrais être bien sûr de ce que dit l'article 96.

M. Ciaccia: Cela me permet de rétablir les faits, M. le Président.

M. Joron: Vous en avez besoin.

M. Ciaccia: J'en ai besoin, parce que les propos...

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît, si vous permettez.

M. Ciaccia: Certainement, M. le Président. M. Joron: On cause pendant ce temps. M. Ciaccia: On se parle là, calmement.

Le Président (M. Dussault): Je vous donne la parole, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Les règles de la commission parlementaire ne me permettent

pas d'entreprendre un débat maintenant sur les déclarations du ministre, sauf qu'elles me permettent de rétablir les faits, à la suite des déclarations qu'il a faites, à la suite des paroles qu'il m'a imputées. Spécifiquement, il m'a accusé d'avoir dit que la demande de l'Hydro-Québec était irresponsable. Je n'ai absolument pas dit ça, M. le Président, et même, j'aimerais citer le ministre. Je voudrais dire les paroles que j'ai prononcées lors de mes commentaires préliminaires.

J'ai dit: "Nous ne pouvons en blâmer l'Hydro-Québec, elle a pris la meilleure décision possible dans ce contexte." Quand je me réfère à la demande de tarification, ce n'est pas la demande de l'Hydro que je trouve irresponsable, c'est plutôt l'attitude du ministre et la suggestion qu'il fait en ce qui concerne la régie. Mais nous allons revenir à ça, les points qu'il a soulevés, par exemple, quand il a dit que l'Opposition officielle savait que l'Hydro-Québec était pour demander des augmentations. On le savait certainement, mais les augmentations qu'il nous avait dit qu'il demanderait, pour les années 1979 et 1980, étaient des augmentations de 10% et je peux lui citer...

M. Joron: Mais non.

M. Ciaccia: ... le journal des Débats.

M. Joron: Où est-ce que vous avez pris ça?

M. Ciaccia: Nous soulevons seulement...

M. Joron: Où est-ce que vous avez pris ça?

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, messieurs!

M. Ciaccia: Je vais vous citer le journal des Débats, M. Giroux, en 1977.

M. Joron: 17%, 17%, 17% vous ne vous souvenez pas de ça?

M. Ciaccia: II leur a été accordé 10%, 10%. Elle a dit qu'elle allait demander encore 10%.

M. Joron: On parle de 1978, 1979 et 1980, c'était 17%, 17% et 17%.

M. Ciaccia: Nous allons revenir à ça.

M. Joron: Dans le temps de votre gouvernement, à part ça.

M. Ciaccia: Oui, et il lui a été accordé 10%, et M. Giroux, je vais vous trouver sa citation, c'était pour 1979 et 1980, disait que l'Hydro-Québec aurait besoin d'un minimum de 10% de plus.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Je vais conclure sur le rétablissement...

Le Président (M. Dussault):... je vous demanderais de revenir à la raison que vous avez invoquée, à savoir l'article 96, pour rétablir des paroles, au cas où vous auriez été mal cité.

M. Ciaccia: Exactement, je n'ai pas accusé... M. le Président, ce n'est pas une question d'irresponsabilité, c'est une question pour laquelle la commission parlementaire, quant à la discussion de la tarification, n'est pas dotée des outils pour faire un examen approprié et c'est pour cette raison que j'ai fait la suggestion que cela doit aller devant une régie et que j'ai fait la motion sur laquelle vous allez statuer tantôt.

Mais, M. le Président, je peux assurer le ministre que toute la réaction qu'il a eue à mes propos, nous allons y répondre au fur et à mesure du déroulement des travaux de cette commission.

Le Président (M. Dussault): Messieurs, l'esprit de la convocation de cette commission devrait nous amener très rapidement à écouter les représentants de l'Hydro-Québec, puisque, selon l'avis de convocation, nous sommes réunis afin d'étudier le rapport de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James.

J'ai, devant moi, une motion que je vais relire, parce que j'avais tout d'abord un texte qui était un peu difficile à lire. C'est pour cette raison que j'ai retardé un peu ma décision sur la recevabilité. J'ai demandé, en même temps qu'on écrive à nouveau le texte, pour qu'on puisse s'y retrouver très bien.

La motion dit ceci: Que cette commission est d'avis que le gouvernement doit créer, sans délai, la régie de l'énergie, proposée dans le livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie et confier à cette régie la responsabilité d'étudier les demandes d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec, et de faire des recommandations au gouvernement. Que la présente demande d'augmentation de tarifs d'électricité soit référée à cette régie le moment venu.

Si je m'en réfère à l'article 140 de notre règlement, je dois faire en sorte, comme président de commission, que l'on fonctionne de façon que le mandat de cette commission soit respecté.

M. Ciaccia: Quel article?

Le Président (M. Dussault): L'article 140 que je pourrais vous lire, M. le député.

M. Ciaccia: Non, je suis capable de lire, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): En me référant à cet article de notre règlement, j'ai des doutes. Je n'ai pas la certitude que cette motion que vous nous faites aujourd'hui soit vraiment reliée au mandat de la commission. Mais comme je ne veux pas vous priver de votre droit de parlementaire à cette commission et que je ne voudrais pas que vous soyez victime de mes doutes, je vais prendre en délibéré cette décision sur la recevabilité de la motion et je vais rendre ma décision à la reprise

de nos travaux, à 20 heures ce soir, ce qui va nous permettre entre-temps, quand même, d'écouter les représentants de l'Hydro. Je pense que cela n'aura pas vraiment d'effet négatif sur nos travaux.

M. Ciaccia: Me permettez-vous un petit commentaire?

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est pour vous aider dans vos délibérations, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Oui, à la condition que ce ne soit pas une forme d'appel de ma décision.

M. Ciaccia: Non. Je veux seulement vous faire remarquer que l'article 140 que vous citez — et ce n'est pas un appel de votre décision, c'est une référence à un article que vous-même avez cité — dit seulement la façon par laquelle une commission est convoquée par le secrétaire des commissions, à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La demande et l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet de la réunion et aucun autre sujet ne peut y être discuté...

Le Président (M. Dussault): C'est effectivement là, vous comprendrez, que mes doutes commencent à naître. On dit: Et aucun autre sujet ne peut y être discuté.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): Je ne suis pas sûr qu'on discuterait vraiment d'un sujet qui est relatif à celui qui doit nous occuper. Oui, M. le député.

M. Ciaccia: Si vous permettez, même dans la documentation que nous avons reçue, j'ai fait très attention de relier ma motion à un sujet qui est référé dans les documents qui nous ont été soumis. Or, un des documents qui nous a été soumis est la demande et les commentaires que nous allons entendre tantôt, je suppose, de la part de M. Boyd, sur la tarification. J'espère que vous prendrez cela en considération, les documents qui ont été remis à l'Opposition officielle, à tous les membres de la commission, je crois, quant au déroulement et quant au contenu de cette commission.

C'est pour cette raison qu'après avoir étudié ces documents et avoir vu la demande de tarification que l'Hydro-Québec avait l'intention de faire aujourd'hui, je me suis vu dans la nécessité de m'y référer et la motion réfère spécifiquement à un sujet mentionné dans les documents qui nous ont été soumis et qui font partie du mandat de la commission. (16 h 30)

Le Président (M. Dussault): D'ailleurs, M. le député de Mont-Royal, c'est un des éléments que j'avais à l'esprit quant aux vérifications que je dois faire pour rendre ma décision lors de la reprise de nos travaux, à 20 heures.

M. le président de l'Hydro-Québec, je vous cède maintenant la parole. Pour les fins du journal des Débats, je vous prierais s'il vous plaît de nous présenter vos collègues.

Rapport de l'Hydro-Québec M. Robert A. Boyd

M. Boyd (Robert A.): Merci, M. le Président! Les membres de la commission qui sont ici avec moi, sont: à ma droite, M. Paul Dozois et M. Georges Gauvreau; à ma gauche, M. Guy Monty, M. Edmond Lemieux, M. Boulva qui est un peu plus loin et qui est membre du conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James. Ce sont les membres qui représentent l'Hydro-Québec, à l'exception de M. Boulva.

Puisque nous allons également parler de la Société d'énergie, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James est composé de M. Dozois, de M. Lemieux, de M. Boulva et de moi-même. Ce sont les deux conseils d'administration qui sont représentés à cette table, c'est-à-dire l'Hydro-Québec et la Société d'énergie.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, mesdames, messieurs, mes collègues et moi-même vivons un moment historique. Pour la dernière fois en tant que membres de la Commission hydroélectrique du Québec, nous venons rendre compte de notre administration devant les membres de cette commission parlementaire.

Je me permettrai donc de déroger quelque peu à la tradition en vous invitant à faire non seulement l'examen de notre bilan annuel dont vous avez reçu un exemplaire récemment, mais surtout à faire une réflexion sur l'évolution que l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James ont connue depuis leur création respective.

Ce rappel historique m'amènera à souligner certaines répercussions que les décisions antérieures de ces deux organismes auront sur notre avenir énergétique tant dans l'immédiat, en ce qui a trait aux tarifs d'électricité, que dans un avenir plus éloigné, en termes des options qui s'offriront à nous après l'aménagement du complexe La Grande.

Enfin, puisque la loi 41 modifie le type de gestion à l'Hydro-Québec et les modalités de relations entre le gouvernement et la société d'État, il m'apparaît opportun d'évoquer l'encadrement qui permettra à l'Hydro-Québec de remplir son mandat dans l'intérêt de l'ensemble des Québécois.

Créée en 1944, l'Hydro-Québec recevait du législateur le mandat de fournir l'électricité pour combler les besoins de la population aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière. Ce n'est pas dans un climat des plus sereins qu'elle héritait des biens de la Montréal Light, Heat and Power. Bien que souhai-

tée par le public, cette intervention de l'État québécois d'une portée sans précédent était plutôt mal vue et même décriée par certains milieux d'affaires.

Pour ces derniers, en effet, une entreprise d'État était inévitablement vouée à l'inefficacité. Les interminables procédures d'expropriation, qui ne devaient se compléter qu'en 1953, n'ont guère aidé à atténuer ce climat de méfiance à l'égard de l'Hydro-Québec. En dépit de ce handicap, l'Hydro-Québec posait les gestes qui allaient graduellement lui gagner la confiance du gouvernement et du public ainsi que le respect des milieux d'affaires.

Dès 1944, en effet, elle abaissait les tarifs d'électricité et entreprenait l'aménagement de la deuxième section de Beauharnois afin de répondre aux besoins croissants d'énergie de la région de Montréal. La mise en valeur de la rivière Bersimis, à compter de 1953, lui donnait ensuite l'occasion de vivre l'expérience d'un chantier sur un site éloigné des grands centres de consommation. Elle se lançait du même coup dans le transport de grandes quantités d'énergie sur de longues distances à un niveau de tension très élevé pour l'époque, soit 315 000 volts.

À la fin des années cinquante, elle complétait la troisième section de Beauharnois et érigeait la centrale Carillon sur l'Outaouais. Mais l'action de l'Hydro-Québec durant cette période a aussi rejoint d'autres abonnés que ceux du territoire de Montréal. À la demande du gouvernement, l'entreprise prenait des mesures pour répondre aux besoins d'électricité des régions les plus démunies en ressources hydroélectriques: l'Abitibi et le Bas-Saint-Laurent.

Au début des années soixante, le gouvernement instaurait une politique visant à donner préséance à l'Hydro-Québec pour l'aménagement des rivières dont les droits d'exploitation n'avaient pas encore été concédés à des compagnies privées. Le but d'un tel geste était de s'assurer que tous les Québécois tireraient pleinement avantage du développement des ressources hydroélectriques de leur territoire.

Dès lors, l'entreprise détenait tous les atouts pour se voir attribuer, en 1963, la tâche d'acquérir et d'intégrer l'ensemble des distributeurs privés d'électricité du Québec. Cette seconde nationalisation, ou plus précisément cette acquisition de gré à gré des actions des compagnies, lui conférait un champ d'action à l'étendue du Québec. Sous plus d'un rapport, sa taille était doublée. Du jour au lendemain, le nombre de ses abonnés passait de 590 000 à 1 360 000. Les défis auxquels elle devait faire face pour remplir son mandat étaient multiples.

Le premier de ces défis consistait à former une seule entreprise à partir de plusieurs compagnies et coopératives dispersées sur un vaste territoire. Ces dernières possédaient pour la plupart des traditions solidement établies, des méthodes de travail distinctes, des pratiques d'affaires différentes et des tarifs fort variés. Chaque réseau présentait aussi des caractéristiques propres.

La cohésion d'objectifs entre ces diverses entités ne pouvait être imposée d'autorité. Ce n'est que graduellement qu'on pouvait espérer y parvenir. Il fallait que les employés des entreprises acquises soient traités avec équité et que les abonnés puissent compter sur un service de qualité, même pendant cette période de transition. Le travail d'intégration des employés de toutes ces entreprises au personnel de l'Hydro-Québec posait un problème humain d'autant plus grand que, pour nombre d'entre eux, l'anglais avait constitué jusqu'alors la langue de travail.

Avec quinze ans de recul, on peut dire que les promesses de la nationalisation n'ont pas été sans lendemain. Dès 1963, en effet, l'Hydro-Québec abaissait les tarifs d'électricité pour la quasi-totalité de ses "nouveaux " abonnés et amorçait une réforme tarifaire en profondeur qui allait se traduire par l'élimination progressive de quelque 85 tarifs domestiques et 80 tarifs d'usage général. Elle effectuait sans tarder la conversion de fréquence de 25 à 60 cycles du réseau nord-ouest. Elle rénovait selon les normes les plus exigeantes de son réseau et standardisait plusieurs lignes de transport et de distribution, assurant ainsi une meilleure fiabilité du service pour l'ensemble des abonnés. Elle réalisait des économies substantielles en intégrant la gestion de toutes les centrales et réserves d'eau placées sous sa responsabilité, tout en établissant un plan de développement des ressources hydroélectriques du Québec.

La centralisation de ses approvisionnements et sa politique d'achat lui permettaient de maximiser sa contribution au développement économique du Québec. Dans l'ensemble, on peut dire que les grands objectifs de la nationalisation sont aujourd'hui atteints.

Il serait faut de prétendre, toutefois, qu'aucun problème ne subsiste. Ainsi, bien que les avantages sociaux soient les mêmes pour tous les employés depuis le 1er janvier 1966, les bénéfices de retraite des employés des compagnies acquises pour les années de service antérieures à cette date demeurent un objet de préoccupation, même si nous y avons apporté déjà des mesures correctives. En outre, les défaillances du réseau sont trop nombreuses à notre gré, même si nous tentons constamment d'en diminuer le nombre et la durée.

Enfin, certaines de nos pratiques d'affaires étaient jusqu'à tout récemment l'objet de critiques répétées de la part des abonnés ainsi que de divers organismes. À la réunion précédente de la commission parlementaire, nous vous faisions part de notre intention de modifier certaines d'entre elles.

C'est ainsi qu'au cours de l'année, nous avons remplacé par un intérêt mensuel le traditionnel 10% de majoration pour paiement après échéance. Nous avons également restreint l'application de la politique de dépôt garanti aux seuls cas où l'historique de paiement de l'abonné le justifie.

D'autres améliorations à nos pratiques d'affaires sont déjà prévues. Tous les abonnés domestiques pourront désormais se prévaloir du régime de paiements égaux, alors que cet avantage était

autrefois réservé aux seuls abonnés munis du chauffage électrique. De plus, à compter de l'an prochain, nous serons en mesure de faire parvenir à nos abonnés une facture qui leur permettra d'effectuer plus facilement le calcul de leur compte d'électricité.

Sur le plan financier, l'acquisition des distributeurs privés d'électricité constituait un autre défi de taille. En plus d'assumer la dette des compagnies nationalisées, l'Hydro-Québec devait rembourser sans délai la valeur des titres détenus par les actionnaires de ces compagnies. Il importait également de trouver les fonds nécessaires à l'expansion du réseau, expansion qui promettait d'être d'autant plus importante que l'entreprise devait maintenant répondre aux besoins de l'ensemble du Québec.

Le financement de "l'opération-nationalisation" fut réalisé grâce à une émission de $300 millions d'obligations sur le marché américain. Le placement était si considérable pour l'époque que le versement en fut échelonné sur une période de quinze mois, le gouvernement des États-Unis désirant en diminuer l'effet immédiat sur la balance des paiements.

L'expansion de l'entreprise durant les années soixante provoquait un accroissement régulier de ses emprunts et lui imposait de se tailler une place auprès des milieux de la finance internationale. Vers la fin des années soixante, l'Hydro-Québec empruntait, tant au Canada qu'aux États-Unis, environ $250 millions annuellement et ce, bien que l'aménagement des chutes Churchill lui ait permis de réduire momentanément les emprunts qu'exigeait son programme d'équipement.

Prévoyant la croissance de ses besoins de capitaux dans les années soixante-dix, l'Hydro-Québec commençait dès 1969 à diversifier ses sources de financement en se faisant progressivement connaître sur les marchés d'Europe. C'est grâce à cette stratégie financière que l'Hydro-Québec peut maintenant s'adapter aux conditions du marché, dans une période où ses emprunts doivent atteindre les $2 milliards par année.

Ainsi, malgré l'importance des montants en jeu, nous sommes en mesure de vous annoncer que notre programme d'emprunts de $1,8 milliard pour l'année en cours est déjà complété, même si les conditions du marché sont difficiles. Ceci constitue la plus récente illustration de la solidité financière de l'entreprise, qui repose sur l'importance grandissante de l'électricité dans le bilan énergétique du Québec, sur le caractère hydroélectrique de ses moyens de production, ainsi que sur l'appui constant que le gouvernement lui a manifesté à l'égard de sa politique tant financière que tarifaire.

Les résultats atteints depuis 1963 sur les plans administratif et financier seraient une piètre consolation pour les abonnés si l'entreprise n'avait d'abord relevé le défi que lui imposait son mandat, soit répondre à la demande d'électricité. Tout en intégrant les diverses compagnies qu'elle venait d'acquérir et tout en consolidant sa position financière, elle devait faire en sorte que l'énergie électrique nécessaire soit disponible au moindre coût et en temps requis. Ce faisant, elle dut aménager des sites de plus en plus éloignés, souvent dans des conditions très difficiles.

Je vous ferai grâce d'un récit détaillé des réalisations techniques de l'Hydro-Québec durant les quinze dernières années. Je me permets cependant de rappeler que, sur les chantiers de Manic-Outardes, comme aux chutes Churchill, les travailleurs québécois, des manoeuvres aux ingénieurs, se sont taillé une réputation enviable dans le domaine des grands ouvrages hydroélectriques. La conception et la construction de lignes de transport d'électricité à 735 000 volts a également contribué de façon significative à faire connaître l'Hydro-Québec aux quatre coins du monde. (16 h 45)

Dans le cours de ces réalisations, l'Hydro-Québec prenait conscience de l'importance des activités de recherche et de développement dans le domaine de l'électricité. C'est pourquoi, avec la collaboration des gouvernements du Québec et du Canada, elle mettait sur pied un centre de recherches qui a fait rapidement ses preuves, l'IREQ. C'est notamment par le biais de cet institut qu'elle a continué d'affirmer son ouverture sur le monde, en collaborant, à titre de conseiller ou de participant, à des projets de recherche regroupant des organismes de plusieurs pays. Ces contacts de plus en plus nombreux avec des organismes étrangers ouvraient tout naturellement la voie à la création d'une filiale à vocation internationale, chargée d'exporter le savoir-faire acquis durant toutes ces années. La loi 41 prévoit d'ailleurs la création d'un tel organisme.

Ces contacts ont permis à l'Hydro-Québec d'explorer les possibilités qu'offrent les techniques de rechange en matière de production d'énergie électrique. C'est ainsi que l'Hydro-Québec a collaboré avec l'Energie atomique du Canada Limitée pour construire le prototype Gentilly 1, première centrale nucléaire du Québec. La construction de Gentilly 2, dont l'intégration au réseau est prévue pour 1981, et celle de Gentilly 3 répondent pour leur part à la nécessité de maintenir au Québec l'expérience déjà acquise dans ce domaine. Dans la même veine, l'Hydro-Québec a amorcé certaines études concernant l'utilisation du vent et du soleil comme sources d'énergie.

Bien que l'Hydro-Québec juge toujours opportun de n'écarter aucune source potentielle d'énergie, il n'en demeure pas moins que ses efforts portent avant tout sur la mise en valeur de nos ressources hydroélectriques. Il y a quelques jours à peine, l'inauguration officielle d'Outardes 2 couronnait vingt ans de travaux sur la rivière Manic-Outardes. Les citoyens de la région ont sans doute appris avec plaisir, à cette occasion, que la Manic connaîtrait sous peu un regain de vie avec l'addition de 1 000 mégawatts de puissance de pointe à la centrale Manic 5.

Entre-temps, l'activité atteint son sommet sur le complexe La Grande. J'aimerais maintenant faire le point sur ces travaux. Démarrés il y a quelque sept ans, ils sont déjà complétés à près

de 30%. Pour sa part, la valeur des contrats octroyés atteint 50% du coût prévu du complexe. En considérant le travail accompli depuis la création de la SEBJ, c'est avec plaisir qu'à titre de président de la Société, je vous ai fait parvenir notre plus récent rapport annuel d'activité.

Bien que l'expérience de chantiers sur des sites éloignés ne fût pas chose neuve au Québec, le projet La Grande a été la source de nouveaux défis. Pour une première fois en effet, l'entreprise a dû explicitement intégrer à son processus de planification des préoccupations concernant la protection de l'environnement humain et bio-physique.

C'est ainsi que s'est vite posé le problème des répercussions qu'un projet aussi gigantesque pourrait avoir sur les habitudes de vie, la culture et l'environnement des populations affectées par sa réalisation. Dès la mi-novembre 1973, les Cris et les Inuit obtenaient une injonction interlocutoire qui avait pour effet de paralyser toute activité sur le territoire de la baie James. Même si l'injonction était suspendue quelques jours plus tard, il n'en reste pas moins qu'il fallait trouver une solution qui respecterait les habitudes de vie et les aspirations des autochtones.

Des rencontres furent entamées en vue d'étudier des modifications possibles au projet et de formuler des propositions dans le cadre des négociations entre le gouvernement et les autochtones. Une entente de principe intervenait en 1974 et la signature de l'entente finale, un an plus tard, marquait l'aboutissement des négociations intenses commencées deux ans plus tôt.

Cette entente a créé un précédent. Depuis sa signature, elle a été maintes fois citée un peu partout à travers le Canada. L'objectif du gouvernement et des sociétés gouvernementales impliquées, dont la SEBJ, était de permettre aux Cris et aux Inuit de poursuivre leurs activités traditionnelles, tout en permettant à ceux qui le désirent, de participer au développement économique de la région. Il serait prématuré d'affirmer que ces objectifs ont été pleinement atteints. Mais je crois cependant que nous avons fait des pas dans la bonne direction.

Les autochtones possèdent maintenant les droits exclusifs sur certaines parties du territoire, de sorte qu'ils peuvent poursuivre à leur gré des activités de chasse, de pêche et de trappe. Ils collaborent aussi à l'aménagement du complexe.

La SOTRAC, la Société des travaux de correction du complexe La Grande, est chargée de remédier à certains effets moins désirables des travaux. Elle est exploitée conjointement par la SEBJ et les Cris. En outre, la SEBJ accorde plusieurs contrats de déboisement à une société autochtone et plusieurs Cris et Inuit sont employés sur les divers sites du complexe. Animée des mêmes principes, soit la protection de l'environnement, la SEBJ a veillé à minimiser les impacts du développement sur le milieu. De fait, le territoire de la baie James constitue aujourd'hui un terrain d'expérimentation unique à cet égard. L'éloignement du site constitue un autre aspect de l'aménagement de la baie James dont on ne saurait trop souligner l'importance. Des chantiers de la Bersimis à ceux de la Manic, puis à ceux du complexe La Grande, le climat et la distance ont imposé aux bâtisseurs des difficultés de plus en plus grandes.

On oublie trop aisément la somme d'efforts qu'il a fallu déployer pour mettre en place l'infrastructure requise afin que l'activité puisse démarrer sur tous les points névralgiques du chantier. Toute la vie quotidienne d'un chantier aussi vaste que celui du complexe La Grande repose sur cette infrastructure qui permet d'acheminer matériaux, équipements et nourriture en temps voulu, en quantités souhaitées et aux endroits requis.

Dès 1972, on s'appliquait à construire les routes et les aéroports et à ériger les campements. Deux ans plus tard, la route principale entre Matagami et LG2 était achevée. En 1977, le chantier de LG4 fut relié aux autres points du complexe par réseau routier.

Au fur et à mesure que l'infrastructure facilitait l'accès aux divers sites du chantier, il a été possible d'y améliorer les conditions de vie. Nous l'avons fait en tenant compte des besoins et des désirs des travailleurs. Qu'il me suffise de mentionner qu'il faut débourser pour chaque travailleur près de $60 par jour pour lui assurer logement, nourriture et toute une gamme de services communautaires.

Permettez-moi, M. le Président, de m'écarter quelques instants de mon propos pour vous faire part de la consternation avec laquelle nous avons appris le terrible accident survenu vendredi dernier au chantier de LG 2, accident qui a causé la mort de trois employés en plus d'infliger des blessures à trois autres. Aux familles éprouvées, nous adressons nos témoignages de plus vive sympathie.

Ces derniers temps, la fatalité n'a pas épargné les chantiers de l'Hydro-Québec et de la SEBJ. Non seulement comptons-nous renforcer les normes de sécurité, mais surtout nous assurer qu'elles sont scrupuleusement respectées par toutes les parties en cause.

Les dimensions inédites du chantier de la baie James et le nouveau type de défi qu'il représentait ont d'autant plus capté l'intérêt du public que les travaux ont dû être interrompus ou ralentis à trois reprises, au cours de ses premières années d'existence.

En 1973, l'injonction interlocutoire obtenue par les autochtones — événement auquel je faisais allusion il y a quelques instants — nous forçait à arrêter nos activités pour une première fois. Cette interruption fut de courte durée. Les problèmes de relations de travail, toutefois, ont eu des conséquences plus graves sur l'échéancier des travaux. Le saccage de LG 2, survenu en 1974, a paralysé le chantier pendant 51 jours. L'impact final sur l'échéancier aurait été beaucoup plus sérieux si l'entreprise n'avait intégré des mesures de rattrapage au programme des travaux de LG 2. En une troisième occasion, en août 1976, LG 2 était le théâtre d'une évacuation volontaire d'une partie

des travailleurs lors des négociations du décret de la construction. Malgré ces difficultés de parcours et ces contretemps coûteux, le chantier a continué de progresser.

Vous avez pu prendre connaissance de l'avancement des travaux sur les divers sites du complexe dans la brochure intitulée "La baie James d'hier à aujourd'hui". Qu'il me suffise donc de rappeler que l'année 1977 nous a permis de rattraper tous les retards accumulés, de telle sorte que la mise en service des quatre premiers groupes de la centrale LG 2 sera effectuée dès l'automne 1979 plutôt qu'au printemps 1980.

En 1978, par ailleurs, le complexe connaît ses moments d'activité les plus intenses. Les travaux progressent sur tous les sites et quelque 23 000 emplois-année sont attribuables à l'aménagement du complexe, tant sur les chantiers que chez nos fournisseurs.

Nos travaux d'optimisation, vous vous en souviendrez, avaient fait l'objet de discussions à la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, il y a deux ans. À cette occasion, nous avions annoncé que le complexe ajouterait 10 190 mégawatts à la puissance installée de l'Hydro-Québec et produirait annuellement 67,8 milliards de kilowatts-heures. Le coût total des travaux était évalué à $16 153 000 000.

Je voudrais maintenant vous faire part des modifications que nous avons apportées à la configuration du complexe La Grande au début de cette année. L'analyse de l'évolution récente de la demande d'électricité au Québec nous a amenés à repenser certaines caractéristiques des centrales du complexe La Grande. En effet, on a pu constater que le taux de croissance des besoins de puissance se maintenait, alors que celui des besoins d'énergie fléchissait légèrement. Les études ont démontré que, dans un tel contexte, il devenait avantageux d'augmenter la puissance du complexe et d'en réduire le facteur d'utilisation.

Nous avons donc décidé d'ajouter deux groupes turboalternateurs à chacune des centrales LG 3 et LG 4. De cette façon, la puissance combinée des centrales LG 2, LG 3 et LG 4 sera de 10 269 mégawatts, soit une puissance suffisante pour répondre à la demande jusqu'en 1985. Cette puissance est légèrement supérieure à celle du projet annoncé deux ans plus tôt.

Au terme d'une première phase des travaux du complexe La Grande, seules les centrales LG 2, LG 3 et LG 4 seront donc en service. Elles produiront annuellement 62,2 milliards de kilowatts-heures.

La construction de la centrale LG 1, pour sa part, est reportée à une phase ultérieure. À la suite d'une entente conclue avec les autochtones, il nous sera possible de la situer au kilomètre 37 et d'en tirer ainsi une puissance additionnelle de 230 mégawatts.

Cette modification à la configuration du complexe et l'analyse des plus récentes tendances dans nos coûts nous ont amenés à ajuster notre prévision. Tenant compte de nos plus récentes hypothèses relatives à l'évolution de l'inflation, nous établissons maintenant le coût de la phase initiale du complexe La Grande à $15 129 000 000. L'écart entre cette dernière évaluation et celle dont nous avions fait état en 1976 a une origine double. D'abord, l'exclusion des coûts de LG 1 et l'addition de ceux du suréquipement de LG 3 et LG 4 font passer la prévision de $16 153 000 000 à $15 488 000 000.

De plus, l'évolution récente des travaux de construction nous permet d'annoncer une réduction additionnelle de coût de $359 millions, réduction entièrement imputable au réseau de transport d'énergie.

La construction des lignes en provenance de la baie James progresse à un rythme assez rapide pour répondre à la nouvelle échéance de la mise en service des premiers groupes de LG 2. La troisième ligne du réseau sera l'occasion d'une innovation. Pour une première fois sur une aussi vaste échelle, le pylône à chaînette sera utilisé pour le transport d'énergie.

Voilà donc, en quelques mots, la situation sur le chantier. L'expérience que la Société d'énergie de la baie James y acquiert pourra être mise à profit sur d'autres sites grâce au mandat que l'Hydro-Québec pourra désormais lui confier en vertu de la loi 41.

Cette rétrospective des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James ne peut fournir tous les éléments qui permettent d'évaluer pleinement l'administration de ces deux sociétés. Il importe en effet de s'interroger également sur les répercussions que les décisions antérieures de ces entreprises auront sur les tarifs d'électricité et sur le développement des ressources dans la phase qui suivra l'aménagement du complexe La Grande. (17 heures)

Si l'Hydro-Québec a pu poursuivre son expansion sans augmenter ses tarifs entre 1944 et 1967, il n'en est malheureusement plus ainsi, particulièrement depuis 1975. En effet, l'éloignement des sites aménageables, l'inflation, l'importance de notre programme d'équipement, l'augmentation des frais d'exploitation associés aux exigences des marchés financiers face à nos besoins de capitaux et, plus récemment, le comportement du dollar canadien sur le marché des changes sont autant de facteurs qui ont poussé l'Hydro-Québec à soumettre chaque année des demandes de hausse de tarifs au gouvernement. Malgré les hausses successives — et parfois substantielles — de nos tarifs depuis trois ans, le coût de l'électricité pour le consommateur québécois demeure inférieur à celui déboursé par la majorité des consommateurs des autres provinces canadiennes ou des États-Unis.

Ainsi que vous avez pu le constater à la lecture du sommaire du mémoire tarifaire transmis au ministre délégué à l'énergie, cette année encore, nous avons soumis à l'approbation du gouvernement une demande de hausse de tarifs qui porte une fois de plus sur une période de trois ans. Il nous apparaît souhaitable de fixer les tarifs pour une telle période afin que les abonnés et les

bailleurs de fonds sachent à quoi s'en tenir pour les prochaines années.

Les hausses proposées sont importantes, il faut le reconnaître, et le résumé du mémoire tarifaire que vous avez en main vous en fournit l'explication. Mes collègues de la commission et moi-même serons à votre disposition pour répondre à toute question que vous pourriez soulever à cet égard.

Le mandat de l'Hydro-Québec, la nature de ses activités et les délais de mise en place de l'équipement requis nous obligent à engager l'avenir plusieurs années à l'avance. Tout comme les décisions prises il y a plusieurs années nous influencent aujourd'hui, les gestes que nous posons maintenant auront leur prolongement dans quinze, vingt et même cinquante ans. C'est là une responsabilité dont nous saisissons tout le poids et qui a incité l'Hydro-Québec à entreprendre des actions qui, tout en répondant aux besoins de la population, lui facilitaient l'accès à des options prometteuses pour l'avenir.

C'est ainsi que l'aménagement du complexe La Grande nous a fourni l'occasion d'ouvrir un nouveau territoire, de nous familiariser avec une région à peine connue jusqu'alors et d'en préciser le potentiel énergétique. Désormais dotée d'une infrastructure adéquate, cette région pourra se prêter à d'autres développements hydroélectriques.

Nous nous sommes efforcés, au cours des années, d'élargir notre connaissance du potentiel hydroélectrique non aménagé du Québec de telle sorte que l'éventail des options qui s'offriront à nous pour prendre la relève du complexe La Grande se dessine de plus en plus clairement. Cet effort a porté non seulement sur les grands cours d'eau du Québec, mais également sur des sites possibles de centrales de pompage qui pourraient combler nos besoins de pointe. Nous pouvons maintenant identifier avec plus de précision les obstacles, qu'ils soient d'ordre économique, technique ou écologique, que l'aménagement de ces rivières ou de ces sites présentera.

Enfin, c'est par souci de se préparer à l'avance à toujours bien remplir son mandat que l'Hydro-Québec a amorcé une expérience dans le domaine nucléaire et qu'elle suit de près les progrès réalisés, au pays comme à l'étranger, dans l'utilisation de sources d'énergie telles que le vent, le soleil, le bois, la biomasse et la fusion nucléaire.

En conclusion, il faut souligner que les actions antérieures de l'Hydo-Québec, même dans ce qu'elles ont de plus engageant pour l'avenir, demeurent compatibles avec les visées du livre blanc sur la politique énergétique. À titre d'exemples, mentionnons notre intérêt pour les nouvelles formes d'énergie et notre participation active aux programmes d'économie d'énergie du gouvernement.

Cette convergence de vues sur les objectifs à atteindre revêt d'autant plus d'importance que nous faisons face à des défis d'un ordre nouveau. Elle n'exclut pas, toutefois, la possibilité que des différences d'opinions puissent exister sur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs.

Même assujetti aux impératifs d'une politique énergétique, le mandat de l'Hydro-Québec demeure essentiellement le même, soit de répondre aux besoins d'électricité des Québécois au coût le plus bas possible. Par contre, sa réalisation passe désormais par la recherche d'un équilibre, d'une part entre le pouvoir d'intervention de l'État et la liberté de manoeuvre de l'entreprise, et, d'autre part, entre les aspirations des communautés affectées par les projets de l'Hydro-Québec et la nécessité pour l'entreprise de répondre aux besoins de l'ensemble de la population. La loi 41 renouvelle à l'égard du conseil d'administration la confiance que le gouvernement a toujours manifestée à l'endroit de la Commission hydroélectrique de Québec. L'Hydro-Québec pourra donc continuer à bénéficier d'une liberté de manoeuvre suffisante pour pouvoir s'adapter aux conditions changeantes du contexte énergétique.

Mais cette liberté de manoeuvre est aussi tributaire d'un équilibre à atteindre entre la sauvegarde des intérêts de groupes particuliers et les exigences du mandat de l'Hydro-Québec, qui lui impose d'agir en fonction des besoins de l'ensemble de la population. S'il importe que les individus puissent faire entendre leur voix sur les projets de l'entreprise, il importe aussi de conserver à cette dernière une liberté d'action sans laquelle elle ne pourrait remplir son mandat.

Qu'il me soit permis, en terminant, d'adresser mes remerciements au personnel de l'Hydro-Québec, à celui de la Société d'énergie de la baie James et plus particulièrement à mes collègues de la Commission hydroélectrique de Québec et du conseil d'administration de la SEBJ. Pour avoir oeuvré avec eux pendant de longues années, je sais que MM. Gauvreau, Dozois, Monty, Lemieux et Boulva ont le sentiment d'avoir été associés à des réalisations dont le Québec a raison d'être fier.

Nous adressons enfin nos meilleurs voeux de succès au nouveau conseil d'administration de l'Hydro-Québec et nous l'assurons à l'avance de notre plus entière collaboration et de celle de notre personnel. Je suis persuadé qu'ensemble nous saurons relever les défis qui nous attendent avec le même enthousiasme que par le passé.

M. le Président, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des membres de cette commission.

Le Président (M. Dussault): M. le président de l'Hydro-Québec, je vous remercie. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Joron: Pour engager la période des questions et de réponses, M. le Président, peut-être serait-il opportun de demander à M. Boyd un peu plus d'explications, pour le bénéfice des membres de la commission, sur l'importante annonce qu'il a faite d'une réduction de près de $1 milliard sur les coûts de ce qu'on appelle la phase l du complexe La Grande. Je ne sais pas si vous

voudriez, M. Boyd, expliquer davantage le fait que la nouvelle planification du complexe est ajustée pour répondre davantage à une demande de pointe, en partie, puisque la puissance est même augmentée par rapport à l'ancienne. Par contre, dans l'énergie, le facteur d'utilisation baisse et l'énergie produite sera un peu moindre. Pourriez-vous, peut-être pour nous situer, nous dire de quelles observations ou de quelles analyses découle ce réajustement?

M. Boyd: M. le Président, M. le ministre, il me fait plaisir de donner plus d'explications. En fait, nous avons préparé des tableaux. Ils nous permettront d'expliciter davantage. Mais, en attendant qu'on les place, je disais dans le mémoire que nous nous sommes rendu compte qu'il serait avantageux d'optimiser le complexe La Grande en lui donnant davantage de puissance, parce que nous avons besoin de plus de puissance car nos besoins sont plus grands, c'est-à-dire qu'il y a de plus en plus de pointe et l'énergie était de moins en moins requise, relativement parlant.

La Société d'énergie, en accord avec l'Hydro-Québec, a décidé d'ajouter deux unités à la centrale de LG 3 et deux unités à la centrale de LG 4, ce qui permettait d'atteindre un total de puissance installée légèrement supérieure à celle qu'on avait dans le complexe annoncé précédemment.

Le complexe, au départ, en 1976, tel qu'annoncé, comportait 10 190 mégawatts, avec quatre centrales, LG 1, LG 2, LG 3 et LG 4. Nous avons décidé, en accord avec l'Hydro, qu'il y aurait intérêt à installer de la puissance additionnelle à LG 3 et LG 4 et de retarder le développement de LG 1 d'un an et demi à deux ans. Donc, pour les besoins d'ici 1985, le nouveau complexe comportant LG2, LG3, LG4 seulement répond à nos besoins. De ce fait, le complexe qui, autrefois, était de 10190 mégawatts, totalisant $16 153 000 000, se répartissait ainsi: $12 017 000 000 pour le complexe et $4136 000 000 pour les lignes. Étant donné que nous pouvions retarder, pour répondre aux besoins de l'Hydro-Québec, la centrale LG 1, nous avions donc un complexe qui correspondait à 9 299 mégawatts; en y ajoutant les quatre unités dont j'ai parlé tout à l'heure, le nouveau complexe devient de 10 269 mégawatts. En enlevant LG 1 du complexe, c'est-à-dire pour 9 299 mégawatts, nous avons un coût total de $15 051 000 000, soit $10915000000 pour le complexe et $4136000000 pour les lignes. Le suréquipement de LG 3 et LG 4 ajoute $437 millions, ce qui fait que la nouvelle estimation est de $15 488 000 000 pour 10 269 mégawatts, le complexe s'élevant à $11 352 000 000 plus $4 136 000 000, ce qui vous donne le total de $15 488 000 000.

Maintenant, il a été possible de réviser le coût des lignes de transport venant de la baie James et, à partir de $4 136 000 000, de le réduire de $359 millions pour le reporter à $3 777 000 000, ce qui vous donne un nouveau total de $15 129 000 000. Nous avons donc un nouveau portrait qui nous donne la quantité de puissance légèrement supé- rieure et correspondant à nos besoins jusqu'en 1985 avec un peu moins d'énergie et pour $1 milliard de moins. C'est une optimisation très favorable, je pense, pour le complexe et pour l'ensemble du Québec.

Évidemment, si nous regardons d'autres caractéristiques de ces complexes, le complexe La Grande 1976, avec ses 10 190 mégawatts et 67,8 milliards de kilowatts-heures et $16 153 000 000, avait un coût de $1585 par kilowatt, nous donnant 24,0 mills par kilowatt-heure. Si nous regardons le nouveau complexe La Grande, phase 1, tel que révisé, nous avons 10 269 mégawatts, 62,2 milliards de kilowatts-heures et $15 129 000 000, pour un coût moyen de $1473 le kilowatt installé, et un coût par kilowatt-heure, de 24,5 mills. Si nous y incluons les frais d'exploitation de La Grande, projet 1976, c'était de 27,7 mills le kilowatt-heure, alors que la phase dont nous parlons est de 28,2 mills par kilowatt-heure. (17 h 15)

M. Joron: M. Boyd, est-ce que je pourrais ajouter une question à la précédente?

Si je comprends bien, la modification tient compte du fait que l'évolution prévue de la demande en ce qui concerne la puissance, l'appel de puissance, reste inchangée ou même est peut-être très légèrement supérieure, puisqu'on veut maintenir le même chiffre de puissance installée, alors qu'on a observé un léger fléchissement dans la demande en énergie, ce qui, je pense, peut répondre partiellement à la question qu'évoquait le député de Mont-Royal, à savoir qu'il y avait une différence entre les taux de croissance de ces deux notions, qui ne sont pas les mêmes.

Deux autres questions que je voulais vous poser. Est-il possible, lorsqu'on évalue l'énergie pouvant être produite... Évidemment, ça tient compte des réserves d'eau, en quelque sorte, qui vont pouvoir activer les turbines. Dans quelle mesure l'expérience passée a-t-elle pu permettre de voir un accroissement dans l'énergie, finalement, possiblement produite qu'on n'aurait pas deviné au départ? En d'autres mots, est-ce qu'il y a un facteur, quand on installe tant de puissance, c'est fixe, on sait combien de puissance on installe... L'énergie qu'on pourra en tirer dépend évidemment de ce qui va activer ces turbines. On a évidemment des études hydrologiques et tout ça. Quelle marge d'erreur dans le temps peut s'introduire?

M. Boyd: Évidemment, l'hydrologie est très variable. C'est toujours à long terme qu'on mesure la capacité d'une rivière et des années de pointe viennent souvent changer ça. Nous avons eu, par exemple, cette année, une année très pluvieuse à la baie James et avons atteint des débits presque records. Mais les études hydrologiques qui nous permettent d'établir les régimes et les capacités des réservoirs et des rivières se basent souvent sur des études de quinze ans, vingt ans et plus, qui nous permettent d'établir des débits moyens. Par rapport à ces débits moyens, on peut avoir des extrêmes, mais heureusement, sur la Côte-Nord,

on n'a jamais eu d'expérience malheureuse où on a eu des années très sèches. Par contre, sur l'Outaouais, les débits sont beaucoup plus variables d'une année à l'autre et on a eu des années sèches.

Je ne sais pas si on peut ajouter plus de précisions. M. Monty, voudriez-vous ajouter plus de précisions?

M. Joron: Peut-être que ma question était très hypothétique. Je me demandais si... Se pourrait-il que l'énergie produite soit finalement supérieure à celle qu'on prévoit aujourd'hui?

M. Boyd: Oui, je pense que dans certaines années, l'énergie produite pourrait être supérieure à celle que l'on prévoit, parce que, habituellement, nos calculs sont basés sur des moyennes à long terme.

Pour répondre à votre première question, M. le ministre, notre prévision à long terme durant cette période, disons jusqu'à 1985, prévoit 7,7% par année en puissance et 7,4% en énergie.

M. Joron: Une toute dernière question, peut-être. J'imagine que les autres membres de la commission ont des questions.

Cette réduction dans les coûts de la phase I du complexe, est-ce que c'est cette réduction à laquelle il faut attribuer la baisse dans le degré d'augmentation de tarifs que vous proposez? Je me réfère à 1976; à cette commission, l'Hydro Québec avait déposé ses prévisions en ce qui concernait l'ordre de grandeur d'augmentation tarifaire pour les trois dernières années de la décennie, c'est-à-dire 1978, 1979 et 1980.

À ce moment-là, vous aviez indiqué que vous auriez besoin de hausses de l'ordre de 17%, 17% et 17%. On parle des deux dernières années qui restent, ce n'est plus 17% maintenant, c'est 15,9% et 15,8%. Est-ce que c'est à cette révision dans les coûts du projet que l'on peut attribuer le fait que votre proposition tarifaire est moindre que celle qui avait été précédemment obtenue?

M. Boyd: Je n'ai pas les chiffres pour répondre à votre comparaison. J'en ai fait une autre qui est, je pense, dans le même sens. Il est su que, l'année passée, nous avions parlé de trois fois 20% et le gouvernement nous a accordé 20% pour 1978...

M. Joron: C'était environ 18%, cela s'est terminé à environ 18%.

M. Boyd:... mais la demande était de trois fois 20% mais les investissements qui correspondaient à cette demande ont été réduits depuis l'année dernière, et c'est ce qui fait que nous demandons maintenant deux fois 15% et 10%.

Pour répondre à votre question, il y a dans nos investissements pour les années 1979 et 1980, par rapport à nos investissements annoncés l'année dernière, une différence de $884 millions, dont la plus grande partie est due aux changements dont je viens de parler, c'est-à-dire $359 millions pour les lignes, $301 millions pour le complexe La Grande et environ $140 millions pour l'ensemble du réseau du transport, puisque nous avons comprimé nos budgets à l'Hydro-Québec, afin d'arriver avec des demandes de tarifs les moins hautes possible, et une autre somme de $100 millions environ dans nos immobilisations de distribution et de dépenses générales.

C'est ce qui fait quant à la déposition que nous avions faite l'année dernière où il était question d'une demande de trois fois 20% et celle que nous faisons aujourd'hui, si on compare les investissements des années 1979 et 1980, qu'il y a une différence de $884 millions.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Outremont!

M. André Raynauld

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord dire quelques mots, très brièvement, pour indiquer l'embarras devant lequel on peut être placé dans une commission parlementaire comme celle-ci, pour évaluer une demande aussi grosse de conséquences et aussi complexe que celle qui nous est faite aujourd'hui.

Il me semble que c'est un forum qui ne permet pas, dans les délais que nous avons, qui sont très courts, d'examiner cette question à son vrai mérite. Je voudrais donc m'excuser un peu si, au départ, je dois quand même poser quelques questions dont je devrais connaître déjà les réponses, si seulement j'avais eu le temps et si d'autres avaient eu le temps d'étudier cette question de façon approfondie.

D'abord, ma première question s'adresse à M. Boyd, bien sûr.

M. le Président, ma première question est pour savoir les recettes additionnelles qui va procurer à l'Hydro-Québec l'augmentation demandée de 15.9% dans les tarifs.

M. Boyd: C'est parce que c'est dans le résumé du mémoire que vous avez, à la page 16, annexe 2: Revenus, ventes d'électricité, si vous allez à la sixième ou septième ligne: Revenus additionnels requis, vous avez pour 1979 $256 millions; 1980 $599,9 millions. C'est cumulatif. 1981 $895,8 millions. Ces montants, évidemment sont cumulatifs.

M. Joron: Pour trois ans, c'est $895 millions, pour l'ensemble.

M. Boyd: C'est cela, pour les trois années, c'est $895 millions.

M. Raynauld: Donc, la demande que vous nous faites aujourd'hui, c'est pour trois ans. C'est une augmentation dans les recettes de l'Hydro-Québec de près de $900 millions. De ce montant, ces $900 millions, la presque totalité, si je ne me trompe — vous me corrigerez — devra être payée par les consommateurs du Québec puisque les ventes à l'extérieur sont très faibles. C'est cela?

M. Boyd: La presque totalité...

M. Raynauld: J'ai vu rapidement les choses. Les recettes provenant de l'extérieur du Québec paraissaient très minimes.

M. Boyd: Oui, c'est un fait que la majorité de cette demande additionnelle devra être payée par les abonnés du Québec.

M. Raynauld: Est-ce que ce serait exagéré de penser que sur les $900 millions, cela fait à peu près $800 millions ou quelque chose du genre qui seraient payés? Cela représente une augmentation de fardeau pour les consommateurs québécois d'environ $800 millions. C'est cela?

M. Boyd: Oui, sans doute.

M. Raynauld: Alors, je voudrais simplement souligner par cette question l'importance de la demande. Je pense que $900 millions sur trois ans ou même seulement si on le prend pour la première année $256 millions, c'est une augmentation très considérable du coût de l'électricité pour les consommateurs du Québec. C'est une taxe assez lourde qui vient peut-être compenser un certain nombre des abaissements de taxes que M. Parizeau nous annonce ou nous a annoncés au mois d'avril.

Ma deuxième question se rapporte — je pense que j'arrive au coeur du problème — à la façon dont vous calculez les besoins que vous avez de recettes nettes. Si je comprends bien, vous avez deux coefficients importants à cet égard; le premier, ce sont les recettes nettes disponibles pour le paiement des intérêts et vous demandez que ce coefficient augmente au cours des trois prochaines années. Il a été autour de 1,25 depuis un certain temps et vous demandez de l'accroître de façon assez significative. L'autre, c'est celui des ressources propres dont vous disposez pour financer des investissements, coefficients que vous avez, qui sont à peu près autour de 21% ou 22%. À cet égard, sur la base de ces deux coefficients, je voudrais vous demander en fait si, pour faire la question bien générale, vous croyez vraiment que c'est nécessaire d'augmenter ces coefficients-là lorsqu'on lit, dans le rapport de Kidder, Peabody, par exemple, que vous connaissez bien sans doute, qu'en 1977: Hydro-Quebec's present interest coverages approximate those of TVA and are adequate. Since the new government has stated that he will strongly support the financial policies of Hydro-Quebec, with respect to the maintenance of their present interest coverage levels". (17 h 30)

Autrement dit, Kidder, Peabody disait que 1,25 était adéquat comme ouverture et n'en demandait pas plus. Dans le même rapport, en plus, on estime que la façon dont vous calculez ce coefficient de 1,25 est ultraconservateur. Il est tellement conservateur que, si je comprends bien la page qui suit dans ce rapport de Kidder, Peabody, on dit que, si vous calculiez ce coefficient de la façon que d'autres calculent ce coefficient, vous pourriez monter jusqu'à 1,65 et, dans le cas de Moody's et Security's Exchange Commission Formulas, 1,63, ce serait votre politique et votre pratique, 1,65 en 1975, 1,63 en 1976 et, si vous le calculiez d'une autre façon, en ce qui concerne la dépréciation, ce coefficient pourrait monter jusqu'à 2,34.

Ces deux exemples indiquent bien que, non seulement vous avez, aux yeux des experts financiers, un coefficient suffisant et adéquat, mais, en plus, la façon dont vous le calculez, c'est une façon très conservatrice; en fait, ce coefficient est déjà plus élevé que celui qu'ils considèrent comme étant adéquat.

Je me pose donc la question: Dans quelle mesure et pour quelle raison estimez-vous que ce coefficient est encore trop faible lorsque des experts financiers viennent vous dire qu'il est suffisant? Je voudrais bien indiquer ici que vous êtes bien conscient qu'on peut avoir une situation financière absolument extraordinaire, mais que ça se fait évidemment au prix d'une tarification qui est nécessairement beaucoup plus élevée. Ce n'est pas un bien absolu; la sécurité financière d'une entreprise ne pourrait quand même pas être infinie sans qu'on pénalise les générations présentes aux dépens de générations futures. Je pense qu'il y a un arbitrage à faire et vous êtes bien conscient de ça, j'en suis sûr. À ce moment-là, il faut donc exercer un certain jugement sur les recettes dont vous avez besoin, à vos yeux, mais ce sont des recettes dont vous n'avez pas nécessairement besoin.

C'est un besoin qui est fondé sur un jugement de type financier — vous me corrigerez si je fais erreur — or, ce jugement de type financier est tel que votre demande, peut-être, n'aurait pas besoin d'être faite.

M. Boyd: M. le Président, je demanderai tout à l'heure à mon confrère, M. Lemieux, d'ajouter quelque chose aux commentaires que je vais faire et j'aimerais en faire quelques-uns d'abord. Quand vous parlez, M. le député, de $800 millions ou de $900 millions de fardeau additionnel que l'on met sur le dos des contribuables, évidemment, ce sont des sommes qui sont réinvesties au Québec en grande partie. Cet argent que l'on tire des abonnés est quand même utilisé à 77% pour créer des industries et des emplois au Québec. Vous n'avez donc pas perdu.

Mais, pour en revenir au ratio, c'est un élément dans nos considérations, mais il est moins important qu'il l'a déjà été. Celui qui prend plus d'importance, c'est l'autofinancement. Kidder, Peabody, nous les aimons bien parce qu'ils ont fait un rapport très flatteur à notre sujet, mais, lorsque nous allons n'importe où, à New York, au Canada ou ailleurs pour emprunter, on nous dit: II y a une limite à ce que vous pouvez emprunter annuellement. Si vous allez à la page 16, dans ce cas-là, au bas de la page, on parle de couverture d'intérêts; en 1978, on estime que la couverture sera de 1,24; en 1979, 1,31; en 1980, 1,44; en 1981, 1,47.

Ce qu'il est important aussi de noter, c'est que pour arriver à cela, il faut des emprunts — c'est quatre lignes plus bas — de $1 960 000 000 en 1979, $2 058 000 000 en 1980 et $1 889 000 000 en 1981.

Si vous tournez la page et que vous regardez le tableau que nous y avons fait, suivant les politiques traditionnelles, c'est-à-dire en gardant un ratio de 1,25 pour les trois prochaines années, vous verrez qu'il faut, dans ce cas, emprunter $2 021 000 000, $2 274 000 000 et $2 168 000 000.

C'est là un facteur extrêmement important puisque nos conseil financiers, incluant Kidder, Peabody, nous disent qu'il est très difficile, excessivement difficile, pour les trois prochaines années, d'avoir à emprunter $2 milliards par année. C'est le chiffre que nos conseils financiers et M. Lemieux nous conseillent de ne pas dépasser, indépendamment du ratio.

J'aimerais que M. Lemieux ajoute ses commentaires.

M. Lemieux (Edmond): J'aimerais commenter la question des différentes méthodes de calculer les couvertures. Vous avez parlé de la méthode du SEC, où on a 1,65 fois la couverture. Mais si vous comparez la couverture de cette année-là avec ce que nous avions eu dans les années précédentes, je crois que vous allez trouver que cela n'a pas augmenté. En effet, cela a probablement diminué. C'est la tendance, autant que le montant actuel, qui est importante.

Je dois dire aussi qu'une couverture de 1,65 se compare avec une couverture de trois fois ou de quatre fois, pour une compagnie ordinaire. Lorsque nous avons proposé une couverture de 1,25, basée sur un calcul fait de façon conservatrice, nous avons proposé un taux qu'on considère comme minimum acceptable aux prêteurs.

Si cela va en bas de ce taux, comme en 1976, 1,23, en 1977, 1,16, ce n'est pas fatal, pourvu que le prêteur constate que la compagnie peut aller chercher des augmentations de tarifs pour leur permettre de revenir au niveau voulu.

Cependant, comme M. Boyd le disait, la vraie contrainte, c'est un montant absolu de $2 milliards d'emprunt qui est déjà un montant dépassant tout ce que nous avons déjà emprunté et qu'on doit sûrement ne pas chercher à dépasser. Si vous voulez réduire les augmentations de tarifs, ce serait en réduisant les investissements. En effet, c'est cela qui s'est passé avec la révision de tous nos investissements depuis la dernière réunion de ce comité.

M. Raynauld: M. le Président, je pense bien qu'il ne faudrait pas exagérer ici. Il ne faudrait pas mettre en parallèle une augmentation de tarifs, en nous disant que si l'augmentation n'est pas donnée à 15,9, les investissements vont en souffrir. Vous parlez ici d'une augmentation, d'après vos propres chiffres, pour 1979, de $80 millions, sur des emprunts proposés de $2 milliards. Je pense bien qu'on ne parle pas de réduire les investissements de $2 milliards à zéro. Ce que vous voulez dire, c'est que cela pourrait réduire les investissements de $80 millions.

M. Boyd: En 1980, nos investissements sont prévus de $3 013 000 000 avec un autofinancement de $738 millions, ce qui laisse...

M. Raynauld: $2 275 000 000...

M. Boyd: Excusez-moi, je dois retourner à la page 16.

M. Raynauld: ... par rapport à $2 058 000 000.

M. Boyd: C'est quand même un investissement de $3 013 000 000, un autofinancement de $955 millions. Il nous reste $2 058 000 000. C'est ce que nous proposons.

Si nous retournions à une politique de 1,25 et que nous gardions les mêmes investissements, c'est $2 274 000 000 qu'il faudrait emprunter. Les $274 millions, il est très difficile d'aller les chercher quand vous êtes déjà allés chercher $2 milliards.

L'année suivante, il faudrait encore y aller pour $2 168 000 000.

L'année 1979, il faudrait y aller pour $2 milliards.

Ce que je veux dire — c'est ce que M. Lemieux disait également — c'est que ce n'est pas le fait d'aller chercher $2 milliards une fois, c'est le fait d'aller chercher $2 milliards en 1979; $2 milliards en 1980; $2 milliards en 1981 et possiblement $2 milliards en 1982, ce qui est une charge extrêmement lourde et que les marchés vont difficilement accepter. Si elle est plus lourde, on croit que cela ne pourra pas passer. C'est le jugement que nous avons et c'est le jugement de nos conseillers, de nos gérants et de nos courtiers qu'il faut se limiter à $2 milliards. Si on ne peut pas obtenir autant d'augmentation qu'on demande et qu'on est limité à $2 milliards pour ces trois années, la seule place où nous pouvons réduire, c'est dans les investissements.

M. Raynauld: Comme on est là, M. le Président, je ne voudrais pas laisser supposer que cette commission, ou même, si j'en avais le pouvoir, moi seul, est en train de dire que vous n'auriez aucune augmentation pendant trois ans. Je pense qu'on n'est pas à ces extrêmes. Il faut bien comprendre cela. On ne discute pas zéro pendant trois ans par rapport à vos demandes actuelles, mais cela pourrait se situer entre les deux et cela pourrait être un peu moins que ce que vous demandez. À ce moment-là, les impacts seraient évidemment moins négatifs que ce que vous nous dites.

Je voudrais avoir quelques explications supplémentaires là-dessus, justement pour apprécier cela. En 1979, l'augmentation de tarifs vous donne $256 millions additionnels. Cela vous permet, en 1979, de faire $60 millions d'investissements additionnels, d'après vos chiffres. Vous allez chercher $256 millions de recettes additionnelles. La différence, est-ce que ce sont des augmentations de

dépenses associées à l'augmentation de taux? Est-ce que cela coûte si cher que cela à aller chercher l'argent, étant donné qu'il n'y a pas d'autres incidences immédiates, sauf si vous vous servez de cette augmentation pour augmenter les coûts plus que prévu, ce que je ne pense pas que vous vouliez faire? Où va le reste?

M. Boyd: Les $60 millions dont vous parlez, c'est la différence entre les emprunts d'un tableau à l'autre.

M. Raynauld: Je compare la page 17 à la page 16. Pour 1979, les emprunts annuels sont de $2 021 000 000, si vous restez à 1,25 et, si on vous accorde l'augmentation, cela réduit votre besoin d'emprunt à $1 960 000 000. Donc, cela fait $60 millions.

Je vous ai dit $80 millions tout à l'heure, je m'étais trompé, c'était $60 millions additionnels d'investissement qui seraient requis, si vous vous en tenez à ce coefficient de 1,25, ce qui n'est d'ailleurs pas écrit dans le ciel, mais en supposant cela.

M. Boyd: Dans les deux cas, M. Raynauld, on estime le même investissement à $2 837 000 000. Évidemment, s'il s'agissait d'une seule année, s'il ne s'agissait pas d'établir un impact et d'augmenter notre autofinancement, parce qu'on ne peut pas être limité à penser seulement à 1979, il faut penser à la répercussion, parce que ces augmentations de 1979 qui sont cumulatives sur les deux années à venir sont ce qui fait qu'on doit essayer graduellement d'obtenir ces montants. (17 h 45)

M. Raynauld: Vous me corrigerez si je fais erreur, j'interprète votre dernière affirmation, votre dernière déclaration, vous dites, somme toute, que vous prenez de l'avance sur les années qui suivent. Vous voulez avoir un petit coussin.

M. Boyd: On se limite le plus près possible des $2 milliards, ce qui est la marge qui nous est fixée. Ce n'est pas à quelques millions près, mais, comme le disait M. Lemieux tout à l'heure, on voit cela avec beaucoup de difficultés, parce qu'on n'a jamais emprunté $2 milliards. On voit revenir avec suffisamment de difficultés le fait d'avoir, trois années de suite, à emprunter $2 milliards. Le portrait qu'on retrouve à la page 17 nous ferait trois années de suite où on dépasserait assez considérablement l'ensemble des trois...

M. Raynauld: Sauf si, l'année prochaine, on vous donnait l'augmentation que vous demandez. Je vous ai dit tout à l'heure que je ne mets pas en cause... Ne raisonnez pas toujours en disant: Zéro pendant trois ans. Je voudrais savoir quel est l'impact pour 1979. En 1979 ou en 1980, il est bien possible que vous ayez une augmentation. Je pense bien qu'on ne discute pas encore une fois de savoir si vous n'aurez pas d'augmentation du tout pendant trois ans. J'essaie de voir dans quelle mesure cela sert. Vous me répondez en disant:

Cela va affecter le programme d'investissement. Je comprends cela, mais j'essaie de voir si ce programme d'investissement, d'après vos chiffres, fait augmenter cela de $60 millions pour l'année prochaine. Étant donné que la demande de recettes additionnelles pour cette année est de $256 millions, je vous le dis, j'essaie de raisonner avec vous — je ne vous fais pas cela comme des affirmations ex cathedra — cela vous donne $200 millions de plus, que vous voulez appliquer à l'année suivante. Je veux savoir si c'est exact, cette interprétation.

M. Joron: Si vous permettez, cela peut aider les débats, il y a deux choses qui augmentent aussi entre 1978 et 1979, les dépenses d'exploitation et la charge d'intérêt sur la dette, évidemment, ce qui produit un résultat d'opération. Là, vous prenez toute l'augmentation sans tenir compte que cette augmentation est grugée pas seulement par l'augmentation des investissements, mais aussi par les dépenses d'exploitation et par l'augmentation des charges d'intérêt.

Vous voyez ces lignes, dans le même tableau, à la page 16. Les dépenses d'exploitation passent, d'une année à l'autre, de $719 millions à $822 millions. Vous avez un peu plus de $100 millions là et, un peu plus bas, on voit l'intérêt sur la dette à long terme qui passe de $784 millions à $977 millions. Vous avez un autre montant de $100 millions là. Alors, de vos $260 millions, il en reste $60 millions. C'est l'augmentation des investissements.

M. Raynauld: Je me basais sur une autre ligne: Revenu net avant attributions aux réserves. Continuez votre lecture.

M. Joron: Oui.

M. Raynauld: Revenu net avant attributions aux réserves, 1978, c'est $564 millions, et, en 1979, ça passe à $859 millions. Si mes calculs sont bons, ça fait une augmentation de $295 millions. C'est pourquoi je ne voulais pas faire intervenir les dépenses d'exploitation.

M. Joron: Oui, d'accord.

M. Raynauld: Voici une autre question que je voudrais poser à M. Boyd, toujours dans le même domaine.

M. Boyd: On me donne une réponse ici. Dans le cas du tableau à la page 17 où on voit 1,25, supposons que ce serait un cas, pour obtenir un revenu additionnel de $197 millions en 1979, au lieu de $256 millions, c'est-à-dire les $60 millions dont vous parliez tout à l'heure, il faudrait quand même aller chercher 12,3% d'augmentation de tarif au lieu de 15,9%.

Dans un cas, vous obtenez 1,25 avec 12,3% pour l'année 1979, et avec 15,9%, vous obtenez 1,31. En 1979, ce n'est pas tellement le ratio qu'il est important de voir changer, mais si vous voulez ne pas avoir à faire $2 274 000 et $2 168 000 d'em-

prunt dans les années 1980-81, il faut augmenter davantage dans l'année 1979, pour ne pas avoir à revenir en 1980 avec une augmentation plus forte. Premièrement, comparativement à ce qu'on avait demandé l'année passée, trois fois vingt, on a comprimé nos investissements. Deuxièmement, on a fait une demande pour trois ans, à 15,9%, 15,8%, et la dernière à 10%, qui est quand même une indication qu'on est en train de passer une pointe et, si vous nous demandez ce qui arrive avec 12,3% et 1,25, la pointe, on va la passer plus tard, un an plus tard au lieu de... Et peut-être qu'au lieu des 10% en 1981, il faudrait avoir 12%, 13% ou 14%, je n'ai pas les chiffres. Mais on a voulu maintenir notre taux d'emprunt à $2 milliards, et la meilleure façon de le faire, c'était la façon dont nous l'avons demandé, d'après nos calculs, et indiquant quand même que le pire était fait et que nous allons vers 10% et, nous osons l'espérer, des augmentations moins importantes à l'avenir. ,

Mais si vous repoussez ce problème à plus tard, il peut même s'aggraver, parce que si en 1979 on est en mauvaise position vis-à-vis les marchés financiers, on le deviendra davantage en 1980et en 1981.

M. Raynauld: M. le Président, à cet égard-là...

M. Lemieux: Si, par exemple, on suivait les suggestions de la page 17, avec les augmentations de 12,3%, 9,4% et 9,8%, les emprunts nécessaires pour l'ensemble des trois ans dépasseront la moyenne de $2 milliards par un montant de $464 millions. C'est presque un demi-milliard en plus d'un montant de $2 milliards par année, ce qui est déjà un énorme défi.

M. Raynauld: Maintenant, M. le Président, je voudrais dire là-dessus qu'il est sûr qu'on a toujours l'air un peu timoré lorsqu'on se fait dire: Si vous reportez le problème à plus tard. Mais je voudrais quand même dire là-dessus qu'on reporte des choses à plus tard, mais toute votre programmation est faite avec des hypothèses. Ces hypothèses-là peuvent tourner pour le mieux ou pour le pire. Il ne faudrait pas non plus qu'on dise: On repousse le problème à plus tard et cela coûtera encore plus cher à ce moment-là. Ce n'est pas sûr du tout que cela coûterait plus cher à ce moment-là. Cela dépend du taux d'inflation, par exemple, et le taux d'inflation que vous avez varie de deux points pendant les trois prochaines années et toute votre affaire est complètement changée.

Bien sûr, cela pourrait être pire mais cela pourrait aussi être mieux. On a traversé une période tellement difficile, depuis quatre ou cinq ans, qu'on a de la difficulté à penser que cela pourrait s'améliorer, mais ce n'est pas impensable, cela a toujours été ainsi dans le passé. Il y a eu des fluctuations et toute votre programmation, tous vos calculs, même de 1,25, cela suppose une certaine consommation d'énergie, cela suppose un certain prix, cela suppose une certaine inflation et ce sont toutes des hypothèques, et des hypothèses qui seront véridiques, qui se vérifieront ou pas. Mais qu'on se donne une petite marge de 2% ou 3% dans le taux d'inflation — et je prends ceci seulement comme exemple — cela pourrait avoir une portée très grande sur la facilité ou la difficulté que l'Hydro-Québec pourrait avoir d'emprunter sur les marchés.

M. Boyd: Je suis d'accord, M. le Président, que tous ces calculs sont basés sur des hypothèses, mais ce sont quand même les meilleures hypothèses qu'on peut trouver dans le moment et elles nous indiquent que nous devons faire les recommandations que nous avons faites.

La situation peut devenir meilleure ou pire, mais, comme c'est tellement lourd de conséquences, nous essayons de prendre des hypothèses qui sont plausibles, espérant que la situation ne sera pas pire.

M. Raynauld: Est-ce que la hausse que vous demandez va réduire la consommation d'énergie et réduire les recettes de l'Hydro-Québec?

M. Boyd: C'est un autre facteur que l'on mentionne dans nos raisons pour obtenir ces tarifs. Nous pensons qu'il faut encourager l'économie de l'énergie et nous pensons que les gens commencent à réaliser que l'énergie à très bon marché, il n'y en a plus. Il se peut que, dans certains secteurs, la hausse entraîne des réductions de consommation.

M. Raynauld: Mais quel impact avez-vous?

M. Boyd: Mais quelle est l'hypothèse et dans quelle mesure? Ce n'est pas facilement palpable. La hausse de 20% de l'année passée, on ne sait pas encore si cela a eu une influence sur la consommation parce que vous avez tous les autres facteurs de température et surtout d'économie qui influencent probablement encore plus.

M. Raynauld: Mais quelle est l'hypothèse que vous avez faite pour arriver à dire que, si on n'accordait pas les augmentations, cela augmenterait les besoins d'emprunt? Vous avez fait une hypothèse, vous avez dit... Peut-être que vous avez pu prendre une hypothèse selon laquelle cela n'affectait rien; à ce moment-là, vos recettes sont augmentées de $256 millions, mais si, par contre, en augmentant vos tarifs, vous réduisez la consommation et que cela réduit les recettes en proportion, à ce moment-là, vous n'êtes peut-être pas mieux qu'avant sur le plan financier.

M. Joron: Je pourrais peut-être répondre à une petite partie de cette question. C'est juste ce que vous dites, mais c'est que, parallèlement à cela, il se produit un autre phénomène et c'est la substitution venant d'autres formes d'énergie vers l'électricité, compte tenu que, jusqu'à maintenant, on a évoqué tout à l'heure les hausses de tarifs d'électricité depuis un certain nombre d'années.

On aurait pu évoquer, dans la même période, les hausses à peu près trois fois plus importantes dans les autres formes d'énergie, ce qui a provoqué la substitution, quoique la hausse des coûts de l'énergie, globalement, c'est vrai pour l'électricité comme pour les autres formes d'énergie, ait peut-être tendance à rendre le consommateur plus conscient à prendre des mesures pour économiser l'énergie; d'autre part, en même temps, la position concurrentielle améliorée de l'électricité nous amène chaque année de nouveaux clients, également, qui étaient autrefois au pétrole, et peut-être moins dans le cas du gaz.

En fait, la constance de la demande qui est implicite là-dedans est très substantiellement, sinon exclusivement, à cause de la substitution.

M. Raynauld: Est-ce que vous avez les chiffres sur les prévisions que vous faites pour 1978 et les années suivantes, de l'augmentation de la consommation d'électricité? En 1977, j'ai noté que c'était 7,3% dans le rapport et en 1976, 12,1%. M. le ministre, de 12,1%, cela a baissé à 7%, c'est la conjoncture qui a fait ça. La conjoncture influence également cette consommation. S'il y a de la substitution, ça va faire augmenter le taux et l'augmentation du prix va la faire baisser, alors... Cela fait quoi, rendu au total?

Le Président (M. Dussault): Mesdames, messieurs, il est tout près de 18 heures et c'est l'heure où il faut mettre fin à nos travaux pour les reprendre plus tard.

M. Joron: On va avoir la réponse à 20 heures.

Le Président (M. Dussault): Nous aurons la réponse à 20 heures, si vous permettez. La commission suspend ses travaux à 20 heures ce soir.

(Fin de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

Motion proposant la création d'une régie de l'énergie (suite)

Nous allons reprendre les travaux de la commission parlementaire de l'énergie, qui a le mandat d'étudier le rapport de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James. Lors des travaux de cet après-midi, j'avais pris en délibéré une décision relativement à la recevabilité d'une motion qu'avait faite le député de Mont-Royal et que je vais relire. "Que cette commission est d'avis que le gouvernement doit créer sans délai la régie de l'énergie proposée dans le livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie et confier à cette régie la responsabilité d'étudier les demandes d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec et de faire des recommandations au gouvernement. Que la présente demande d'augmentation de tarifs d'électricité soit référée à cette régie le moment venu."

On se rappellera que j'ai émis des doutes quant à la recevabilité. Après avoir étudié la question longuement, pendant ma digestion, ce qui ne l'a peut-être pas facilitée d'ailleurs...

M. Raynauld: Vous avez eu le temps de manger toujours?

Le Président (M. Dussault): J'ai quand même eu le temps de manger. J'ai décidé de faire bénéficier du doute le proposeur de cette motion. Je vais donc la déclarer recevable.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. La raison pour laquelle nous avons fait cette motion, M. le Président, c'est justement parce que nous ne sommes pas en mesure, aujourd'hui, de vraiment étudier en profondeur toutes les implications, tout ce qui est contenu dans la demande de l'Hydro-Québec quant à l'augmentation de ses tarifs.

Il ne faudrait pas interpréter notre motion, M. le Président, comme étant une façon de l'Opposition officielle d'être contre les augmentations de tarifs. Je crois que nous sommes assez réalistes, assez responsables, pour réaliser qu'il y a des augmentations à tous les niveaux, spécialement dans le domaine énergétique.

Le but de notre motion n'est pas de refuser une demande de l'Hydro-Québec, mais plutôt de donner l'occasion, premièrement, d'obtenir tous les renseignements nécessaires quant à la demande de l'Hydro-Québec et, deuxièmement, de donner l'occasion à ceux qui sont affectés, non seulement les consommateurs, l'industrie et tous les autres secteurs qui pourraient faire des représentations, leur donner l'occasion de se présenter devant la régie et de faire valoir certaines représentations de leurs intérêts et des problèmes qui les préoccupent.

Nous avons vu que les demandes d'augmentation de tarifs pourraient atteindre environ $900 millions dans les trois prochaines années, grosso modo. C'est une somme assez considérable à aller chercher chez les contribuables du Québec. Dans ce sens, je trouve irresponsable — je veux préciser cela, je l'ai déjà fait — non pas l'approche ou la demande de l'Hydro-Québec, mais la réaction et la politique du gouvernement qui, d'un côté, sans vouloir donner l'impression qu'il veut la participation de la population, qui invite la participation de la population dans le livre blanc sur l'énergie... Il y a des passages de ce livre blanc consacrés à la nécessité de participation de tous les Québécois aux décisions énergétiques qui vont s'imposer au cours des années prochaines et on donne l'illusion de la création d'une régie d'énergie et on lui donne tous les pouvoirs, sauf les pouvoirs importants.

C'est bien beau de lui donner le pouvoir de

réglementer le gaz naturel, quand le gaz naturel est réglementé hors de notre juridiction et que seulement la différence des coûts d'exploitation peut être sujette à une réglementation du Québec, mais il me semble que ce serait tout à fait logique et même absolument nécessaire d'avoir une régie qui serait dotée des pouvoirs d'examiner à fond cette tarification. (20 h 15)

Si nous regardons les autres juridictions du Canada, dans les autres provinces, on voit qu'il y en a quelques-unes, c'est vrai, la pratique n'est pas la même dans toutes les provinces, mais si nous regardons les juridictions importantes, je crois que nous allons voir qu'à ces endroits il y a une forme de régie. Le but de la régie, ce n'est pas de prendre la décision finale. Cette responsabilité appartient certainement au gouvernement.

Le but et le pouvoir de la régie, c'est de faire des recommandations après avoir donné l'occasion, premièrement, à l'Hydro-Québec, de se justifier, de se documenter, de donner tous les renseignements nécessaires; deuxièmement, donner le droit à ceux qui vont être obligés de payer la note de faire aussi leurs représentations, parce qu'ici nous avons un monopole de décisions. Le gouvernement ne peut pas dire: Cela appartient au gouvernement de prendre ces décisions, parce qu'il y peut y avoir un peu de conflit. C'est pour cela que, pour essayer d'enlever ces conflits d'intérêts, on crée une régie non partisane à laquelle les experts peuvent participer, où il peut y avoir des contre-interrogatoires, où on peut avoir le temps nécessaire, parce que, si vous remarquez, à la commission parlementaire, nous sommes très limités dans nos interventions. Le ministre a le droit d'intervenir en tout temps et de faire toutes les déclarations qu'il veut pour justifier sa position, donner des explications, des opinions. De notre côté, nous n'avons pas ce droit, c'est très limité.

Dans les vingt minutes ou la demi-heure, par consentement, qu'on nous accorde, c'est impossible de vraiment faire ressortir tous les points importants, tous les renseignements que le public a le droit d'avoir. Je crois, à mon point de vue, qu'un tel exercice, une telle régie ne pourrait qu'ajouter à la crédibilité de l'Hydro-Québec, parce qu'elle irait devant la régie, donnerait tous ses chiffres et toute la documentation, toutes les raisons. Une fois que la recommandation est faite par la régie, ce serait au gouvernement de prendre les responsabilités et la décision.

M. le Président, le but de cette motion, ce n'est pas de prendre le temps de nos invités, mais c'est de souligner l'importance... Je crois même que le Parti québécois, quand il était dans l'Opposition, en 1975, avait fait la même demande. Il avait reproché au gouvernement libéral de ne pas avoir un régie, de ne pas donner l'occasion à tous ceux qui seraient affectés par l'augmentation de tarifs de se présenter et de faire des représentations. À ce moment, on ne parlait pas de sommes d'argent comme celles dont nous parlons aujourd'hui. Pourtant, on dit que la décision du gouvernement... La demande de l'Hydro-Québec, si le gouvernement l'accorde, peut impliquer les sommes dont on vient de parler. Je crois que cela mérite plus qu'une journée et demie en commission parlementaire. Soyons responsables, agissons comme des responsables. Le gouvernement doit administrer les deniers publics. Non seulement, il doit faire justice, mais il doit aussi donner l'apparence que justice est faite.

On commence à 3 heures de l'après-midi, on espère finir demain après-midi d'examiner le bilan, d'examiner le rapport annuel de l'Hydro-Québec avec tous les travaux qu'elle a faits, avec tous les différents projets qui existent. Avec des revenus de plus de $1 milliard, je crois que ce n'est pas trop de demander que ces décisions soient prises d'une façon un peu plus responsable; si, dans le passé, elles ne l'ont pas été, ce n'est pas une excuse pour aujourd'hui. On a différents problèmes, on a différentes sommes d'argent, différents pourcentages, différentes décisions à prendre aujourd'hui. Je crois que c'est le temps de prendre ses responsabilités, de ne pas donner l'apparence qu'on est transparent, qu'on veut agir d'une façon démocratique, qu'on veut protéger la population et continuer dans cette illusion de participation, parce que c'est ça. C'est une illusion, ici. Ne nous leurrons pas. C'est une illusion que l'Hydro-Québec est venue faire son rapport — remarquez bien que je ne blâme pas l'Hydro-Québec — et le gouvernement a donné l'occasion aux élus du peuple d'examiner, et ça donne un semblant de justification.

Mais si vous me demandiez aujourd'hui: Est-ce que vous devriez avoir l'augmentation de tarifs ou non? Je ne serais pas responsable si je vous disais oui ou non. Les deux réponses seraient irresponsables de ma part, parce que c'est impossible et je ne vous demanderai pas de répondre ouvertement, mais je pense que, vous-mêmes, vous le réalisez, ça, et tous ceux autour de cette table-ci le réalisent.

Ce que j'ai dit ce matin, à savoir que la politique énergétique du gouvernement, c'est très bien. Le ministre va le nier. Il prend seulement des décisions économiques. Il n'y a pas de politique dans ses décisions. Il pourrait le prouver, ça, en instituant cette régie, en la dotant de pouvoirs de recommandation, je ne dis pas de pouvoirs décisionnels, mais au moins en la dotant des outils où toute la population pourrait aller devant cette régie avec les experts, les personnes qui seraient nécessaires et là, on verrait vraiment si les décisions finales du gouvernement sont basées sur une question économique ou si c'est vraiment... Cela fait l'affaire du gouvernement de prendre ces décisions, parce qu'il ne faut pas utiliser l'Hydro-Québec...

Jusqu'à novembre 1976, l'Hydro-Québec n'a jamais été utilisée pour des fins politiques. Personne ne peut me persuader du contraire. Mais je n'en suis pas certain aujourd'hui, et ça, ce n'est pas la faute de l'Hydro-Québec. Le ministre peut rire, naturellement, il a son opinion et j'ai la mienne. Alors, je dirais au ministre: Si vous voulez

prouver que vous êtes sincère dans ce que vous dites — votre gouvernement, parce que je n'attaque pas la sincérité personnelle du ministre — mais si le gouvernement veut vraiment agir d'une façon qu'il prétend transparente et prendre des décisions dans l'intérêt de la population dans ce domaine, en se basant sur des raisons économiques, je ne vois pas pourquoi il s'opposerait à la création d'une telle régie.

On pourrait poser des questions à une telle régie, faire des représentations sur l'effet que cela aurait sur l'industrie. N'oubliez pas que cela a toujours été un des atouts du Québec pour l'industrie d'avoir de l'énergie à un prix plus raisonnable, à un meilleur prix que les autres.

Nous sommes dans une période inflationniste, nous sommes dans une période où il y a beaucoup de chômage. Quel va être l'effet sur l'économie d'une telle augmentation de tarifs? Je ne doute pas que l'Hydro-Québec pour arriver à ses conclusions, a agi d'une façon responsable. Elle a pris plusieurs facteurs en considération, mais elle l'a fait de son propre point de vue. On pourrait vous blâmer, si vous le faisiez autrement. Vous n'avez vraiment pas le mandat de prendre les décisions pour toute la population. Vous devez regarder, prendre certains facteurs en considération, mais c'est toujours le point de vue de l'Hydro-Québec, c'est toujours la saine administration, ce sont les intérêts de l'Hydro-Québec. J'accepte cela complètement. C'est pour cela que, pour équilibrer la position de l'Hydro-Québec, quand vous avez dit tantôt que, pour maintenir votre taux de couverture à 1,25 vous pouviez vous satisfaire d'un taux d'augmentation de 12,59%, je peux présumer que la raison pour laquelle vous demandez 15,9%, c'est pour vous donner une marge de sécurité.

Franchement, si j'étais dans votre position, si je ne savais pas ce que le gouvernement va faire du jour au lendemain, moi aussi, je voudrais cette marge de sécurité. On ne sait pas quelles déclarations seront faites la semaine prochaine et ce qui va arriver au taux d'emprunt et aux marchés d'emprunt nord-américain, canadien et américain. Je ne vous blâme pas d'être très conservateurs, très prudents et de vouloir essayer, dans la marge du raisonnable, d'obtenir autant de réserves, autant de revenus que possible aujourd'hui pour faire face aux incertitudes de l'avenir. Mais, il y a d'autres intérêts à prendre en considération: le consommateur, les industries, l'effet sur l'emploi, l'effet sur l'économie en général. On n'a pas le temps ici, ce n'est pas à la commission parlementaire, dans une journée et demie, que nous pouvons discuter et arriver à des décisions sur tous ces points très importants pour tous ceux qui sont concernés et tous ceux qui seront affectés.

Alors, pour ces raisons, M. le Président, je crois que ce serait un geste de responsabilité de la part du gouvernement de procéder immédiatement à la création d'une telle régie, d'y référer la demande de tarification de l'Hydro et d'obtenir une recommandation de la régie suite à laquelle le gouvernement pourrait prendre ses décisions.

M. Joron: M. le Président. Le Président (M. Dussault): M. le ministre. M. Guy Joron

M. Joron: D'abord il est peut-être utile de préciser une chose. On n'est pas ici pour prendre une décision. On n'est pas ici pour décider dés tarifs de l'année prochaine. C'est le cabinet qui va faire cela dans les semaines qui viennent après avoir entendu les opinions exprimées autour de cette table. Alors, il ne faudrait pas tenir pour acquis que ces séances vont se terminer par une décision et que cette décision va être mot à mot la proposition qui est devant nous aujourd'hui. C'est la première chose.

Je vais répondre à votre motion. Vous souhaitez un élargissement des pouvoirs de la régie. Nous nous sommes déjà engagés à un tel élargissement des pouvoirs de la régie et nous pensons pouvoir soumettre de la législation dès cet automne à cet effet. Vous souhaiteriez que cet élargissement comprenne d'habiliter la régie à entendre les représentations du public en général et permettre à la régie de faire des recommandations au gouvernement en ce qui a trait aux tarifs d'électricité. Vous avez évoqué, par contre, comme un des motifs à l'appui de votre motion que vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui de vous prononcer définitivement étant donné le peu de temps à notre disposition, etc. Déjà, cela me laisse perplexe. Est-ce qu'on va modifier les éventuels pouvoirs d'une régie pour permettre à la régie de faire le travail que l'Opposition n'a pas eu le temps de faire? Je trouve cela bizarre comme raisonnement.

M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais...

M. Joron: Vous parlez d'irresponsabilité. Je vais vous retourner votre argument et je pense que nous avons été parfaitement logiques et cohérents et conséquents avec nous-mêmes lorsque nous avons parlé dans le livre blanc des raisons pour lesquelles nous pensions que la détermination des tarifs de l'électricité doit rester une prérogative du gouvernement, que le gouvernement n'a pas l'intention de se soustraire, à cet égard, à ses responsabilités.

D'autre part, nous souhaitons trouver des forums nécessaires pour que la population puisse s'exprimer, non seulement sur cet unique point précis, mais sur tout ce qui peut concerner les différents aspects d'une politique énergétique, par la voie d'une commission parlementaire qui pourrait devenir itinérante, à l'avenir, et en élargissant, d'autre part, le pouvoir de la régie pour lui permettre d'interpréter les règlements tarifaires de l'Hydro-Québec.

C'est bizarre, c'est plutôt vous que je trouve irresponsables, puisqu'il y a à peine quatre mois, même pas, trois mois, je ne sais pas si vous vous en souvenez, vous avez voté à l'unanimité le projet

de loi no 41. À l'article 22 du projet de loi 41. que vous avez voté et que vous avez accepté, il est prévu quel sera le mode de détermination des tarifs d'électricité, ce sera par le lieutenant-gouverneur, par arrêté en conseil. Il y a à peine trois mois, vous étiez d'accord avec ça et, aujourd'hui, ce processus ne fonctionne plus. Je trouve que c'est un peu rapide comme revirement et cela m'apparaît dicté un peu par l'opportunisme, enfin, les circonstances actuelles.

D'ailleurs, il est important de préciser un certain nombre de choses. Vous évoquez des expériences qui ont lieu à l'étranger, où effectivement, dans certaines provinces et dans certains États américains, il existe de telles régies habilitées, non seulement à faire des recommandations, mais à déterminer des tarifs. Il est important de savoir pourquoi il en est ainsi, dans certains États américains, par exemple, et pourquoi il n'en est pas ainsi au Québec.

Si je prends l'exemple de l'État de New York, un État voisin, où vous avez de multiples intervenants dans le secteur énergétique, des compagnies privées distributrices d'électricité, un organisme étatique qui est une espèce de grossiste entre ces compagnies privées, vous avez une multitude d'intervenants, là, ça se comprend, parce qu'il y a plusieurs intervenants et ce ne sont pas tous des intervenants publics, il y a des intervenants privés également. (20 h 30)

Forcément, comme le prévoit le Public Service Act de l'État de New York, par exemple, on a créé une telle régie ou un tel "board", si vous voulez, mais ce faisant, on a donné des critères à ce "board". Alors, je me demande quels critères vous donneriez à une telle régie au Québec.

M. Ciaccia: Acceptez le principe, puis on va discuter des critères.

M. Joron: Ce qui m'étonne, c'est que presque quatre mois après la publication du livre blanc, l'Opposition officielle n'a pas émis un seul commentaire à cet égard. L'Opposition officielle...

M. Ciaccia: Ne charriez pas, on en fait des commentaires maintenant. Ne nous reprochez pas le fait qu'on n'a pas fait de commentaires jusqu'à maintenant. Ce n'est pas une excuse pour ne pas agir maintenant. Voyons donc, vous le savez bien, M. le ministre!

M. Joron: L'Opposition officielle, qui, à l'occasion, intervient constamment et en particulier...

M. Ciaccia: ... deux semaines.

M. Joron: ... le député d'Outremont, quelquefois dans des sujets de nature économique. Chaque fois qu'il y a une statistique nouvelle publiée par Statistique Canada, cela donne droit immédiatement à des questions et à des interventions du député d'Outremont, entre autres.

Mais voici que le gouvernement a publié, il y a quatre mois, non seulement un élément central, mais un élément pivot de toute politique économique, mais on n'a pas eu de réponse de l'Opposition. Pourtant, dans cette politique énergétique, les critères qui doivent gouverner...

M. Ciaccia: Cela vous a pris plus de quatre mois à la préparer, cela peut nous prendre plus de quatre mois à y répondre. Nous sommes responsables...

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est à M. le ministre. Il vous reste du temps, M. le député de Mont-Royal, si vous voulez ajouter vos commentaires.

M. Joron: Les critères qui doivent gouverner, par exemple, la tarification de l'électricité, ont été clairement exprimés au public en général, à l'Opposition également, il y a déjà passablement de temps. Il n'y a pas de cachette là-dedans.

La différence entre la situation dans certaines autres provinces ou États américains et le Québec, c'est qu'ici il n'y a pas une multiplicité d'intervenants dans le secteur énergétique et en monopole d'État, un monopole public, en plus de cela, ce qui fait que, finalement, l'abonné est en même temps le contribuable et vice versa. Il s'agit de faire des arbitrages de nature très générale, c'est très important.

Par exemple, quand une régie doit déterminer des augmentations de tarifs, forcément, l'autorité législative donne un tel mandat à une régie et lui fournit des critères. Elle lui dit: Vous allez avoir mandat de contrôler les objectifs des utilités publiques d'électricité, par exemple leur orientation, leurs programmes d'équipement, vous allez pouvoir poser des questions sur la qualité de leur administration, toutes sortes de choses semblables.

Dans notre cas, c'est passablement différent et il faut comprendre qu'aujourd'hui — ce n'est pas particulier au Québec, c'est vrai un peu partout — la politique énergétique est l'un des éléments déterminants de toute politique économique. Mais les éléments les plus importants de la politique énergétique, les choix impliqués là-dedans, les choix d'objectifs, desquels objectifs découlent des programmes d'équipement, desquels programmes d'équipement découlent des niveaux de tarifs, etc., ces objectifs comportent des arbitrages pour des questions d'environnement, des arbitrages sur l'allocation des investissements publics, où cela devrait aller, etc., des arbitrages où la protection du consommateur est en cause par rapport à d'autres objectifs de croissance économique, etc. Tout cela doit être arbitré. Quel meilleur forum pour arbitrer cela que les élus du peuple? Je me le demande.

Croiriez-vous sincèrement, à cet égard, étant donné le fait que la distribution de l'électricité au Québec est un monopole d'État, étant donné le fait qu'une politique énergétique définie existe, est rendue publique, étant donné que les critères devant définir la tarification de l'électricité sont

également de nature publique, que le public serait vraiment mieux protégé en substituant le pouvoir public, ou les élus du peuple, à des régisseurs nommés pour dix ans? Je ne le crois pas du tout.

Je pense qu'il faut faire face à ces responsabilités et le gouvernement est conscient qu'aucun pays au monde, aujourd'hui, ne peut se passer de politique énergétique. C'est probablement ce qui fera que les pays qui réussiront ou ne réussiront pas dans les prochaines années seront ceux qui auront ou qui n'auront pas de politique énergétique cohérente. On voit ce qui se passe à l'heure actuelle aux États-Unis, à quel point la question énergétique est cruciale pour le président Carter. On voit très bien toute l'importance de cela.

Une fois cela dit, comment un gouvernement, alors qu'une des pièces maîtresses de l'avenir des sociétés, aujourd'hui, consistent justement dans l'élaboration de cette politique énergétique et qu'à l'intérieur d'une telle politique énergétique les questions de prix sont un des instruments de gestion de la politique énergétique les plus capitaux, les plus vitaux, les plus importants, comment pourrions-nous prendre cela et dire: On va confier cela à des régisseurs nommés pour dix ans? Je vous dis: Selon quels critères? Définissez-moi les critères. Vous allez probablement revenir aux mêmes que l'on trouve dans le livre blanc.

Nous n'avons pas voulu soustraire au processus politique ce qui appartient au processus politique. C'est notre avis que cette question cruciale de la politique énergétique, dont la tarification est un des éléments les plus essentiels, doit rester la prérogative des hommes publics élus, c'est-à-dire les parlementaires de l'Assemblée nationale. On est ici pour cela.

Je pense que la motion est en quelque sorte dilatoire. Elle m'apparaît procéder d'une volonté de ne pas vouloir faire face à des responsabilités et de les refiler à quelqu'un d'autre. Allons transporter la discussion dans un autre forum. Cet autre forum fera des recommandations au gouvernement et là, on aura noyé le poisson. Nous ne voyons pas du tout la question comme cela. On pense que c'est notre responsabilité de répondre à cette question, étant donné, encore une fois, que la situation est différente de celle de plusieurs de nos voisins à cet égard, du fait que la distribution de l'électricité est un monopole d'État public et que c'est la responsabilité des hommes publics de régler ces questions.

Par contre — je le répète en terminant — on se rend bien compte qu'il faut assurer au public en général la possibilité d'avoir le maximum d'input possible sur la décision des hommes politiques, mais, si l'Opposition n'a peut-être pas eu beaucoup de réactions jusqu'à maintenant au livre blanc sur l'énergie, je peux vous dire que la population en a eu. Les milieux d'experts en ont eu. D'ailleurs, vous avez sans doute pu vous rendre compte que les principaux agents du secteur énergétique au Québec ont accueilli avec passablement d'enthousiasme cette politique énergétique et la population également. Je ne sais pas ce que vous avez fait depuis trois ou quatre mois, mais, en tout cas! Là, je ne vous pose pas de question et je ne vous adresse pas de blâme, mais, pour notre part, on s'est passablement promené dans la population. On a eu des réactions sur toutes ces questions. Encore une fois, je parle sur cette partie de votre motion qui parle d'une extension du mandat de la régie. Il y a une partie de la motion sur laquelle je suis d'accord. Oui, on veut créer une régie; oui, on veut lui donner un mandat accru par rapport à ce qu'elle a, mais non lui donner le pouvoir sur les tarifs.

M. Ciaccia: Décisionnel.

M. Joron: Oui, vous me dites...

M. Ciaccia: Ce n'est pas la même chose, c'est en conformité avec...

M. Joron: Le pouvoir de recommandation, qu'est-ce que cela va donner? Un pouvoir de recommandation; on va faire de la régie un forum, un forum qui existe déjà, finalement, qui est le forum de vos électeurs dans votre comté, des miens et de tous ceux des autres parlementaires. Vous allez faire de la régie un forum, parce que vous n'êtes pas capable de nous dire aujourd'hui ce que vous pensez de la proposition tarifaire de l'Hydro-Québec. Je pense que c'est simplement une mesure dilatoire. Je ne vois aucune raison pour laquelle, M. le Président, je souscrirais à une telle motion.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Richmond. J'ai dans l'ordre, ensuite, M. le député d'Abitibi-Ouest et M. le député d'Outremont.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: M. le Président, je vous remercie. Lorsque j'ai eu l'occasion de faire quelques remarques préliminaires au début de l'après-midi, à l'ouverture des travaux de cette commission, j'ai fait allusion au besoin qui me semble de plus en plus apparent pour le gouvernement de penser à nouveau à son type de relations avec non pas seulement l'Hydro-Québec, mais avec l'ensemble de ses sociétés d'État pour avoir, en quelque sorte, accès plus directement et peut-être de façon plus régulière encore à tous les renseignements pertinents.

Par contre, il est clair, dans le cas de l'Hydro-Québec, qu'on ne peut éviter certaines augmentations. C'est impossible. Ce serait tout simplement de refuser de voir la réalité telle qu'elle est, la réalité des besoins énergétiques, de la situation énergétique comme telle. Ce serait en même temps refuser de voir aussi la réalité de l'augmentation des coûts en termes de travaux et d'équipement. J'ai eu l'occasion récemment de rencontrer certains parlementaires à l'intérieur de l'Association des parlementaires du Commonwealth. Il y a eu différents échanges, à ce moment, d'expériences que j'ai trouvées passablement intéressantes. En particulier, une remarque nous a été faite, à un

moment donné, par des gens qui ont assisté à plusieurs changements de gouvernement. On nous disait que, lorsque les députés sont dans l'Opposition, ils devraient aussi avoir la prévoyance de voir la situation des gouvernements comme s'ils devaient demain être ceux qui justement assumeraient cette responsabilité. De la sorte à ce moment, on discute vraiment des problèmes eux-mêmes en essayant de trouver la meilleure solution possible, plutôt que de rechercher un affrontement politique à un autre niveau. Cette remarque m'est revenue à l'esprit lorsque j'entendais les délibérations de tout à l'heure. Cela me confirmait qu'on doit voir la réalité telle qu'elle est. C'est sûr qu'il n'y a pas une situation parfaite. On doit rechercher de plus en plus et dans la mesure du possible, les meilleurs moyens pour l'État d'administrer, d'une part, et également, pour ces sociétés, elles, de fonctionner et d'avoir la marge de manoeuvre suffisante pour assumer les responsabilités qu'on leur donne à l'intérieur d'un mandat. Évidemment, dans cette question, lorsque je disais qu'on doit reconnaître la réalité, c'est sûr qu'on est loin aussi pour l'Hydro-Québec, par exemple, des emprunts auxquels M. Boyd faisait allusion, au début des années soixante. Pour quelques centaines de millions, on étalait alors sur une période de temps assez longue pour éviter certains débalancements, l'arrivée des fonds en question.

C'est vous dire que la situation évolue très rapidement. Dans un sens, on doit admettre en même temps — d'ailleurs, de tels propos ont été tenus à d'autres commissions parlementaires aussi face à l'augmentation nécessaire des tarifs — que plus la croissance est rapide, plus le prix de l'électricité est fixé relativement à son coût marginal, c'est-à-dire au coût de la nouvelle installation pour la produire. C'est dans cette optique aussi qu'il faut voir la question.

Il est clair, dans ce sens, que toute hausse, quelle qu'elle soit est délicate, autant pour l'Hydro, sur le plan administratif, autant pour le gouvernement, quel qu'il soit, sur le plan politique. Par contre, en dessous de cela, je place la réalité, les besoins énergétiques et les situations auxquelles on doit faire face.

La situation énergétique constitue et va continuer de constituer de plus en plus une problématique en soi qu'il va falloir regarder de front. C'est sûr qu'on cherche à ce moment à se donner en tant que gouvernement les moyens les plus au point possible pour contrôler ces situations et laisser le moins de zones grises possible et assumer le plus possible toute sa responsabilité. On parle ici, dans la motion qui nous est présentée, de la création d'une régie qui aurait pour but — je le cite ici, qui se rattache au livre blanc de l'énergie — d'étudier les demandes d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec et de faire des recommandations au gouvernement, que la présente demande d'augmentation des tarifs de l'électricité, par exemple, soit immédiatement référée à cette régie.

Je remarque, dans ce cadre, que cette proposition se limite quand même simplement à la question du coût de l'énergie comme telle. Donc, il m'apparaît que c'est passablement limitatif, parce que la question de la tarification et des coûts de l'énergie, dans toute la problématique énergétique, je pense que c'est seulement la pointe de l'iceberg. Si on veut vraiment se doter d'outils efficaces et qui atteignent vraiment des buts précis, il me semble que cette régie devrait avoir un mandat beaucoup plus large ou qu'on devrait penser une autre formule que celle-là. Au point de départ, évidemment, s'il n'y a pas d'autre alternative cela pourrait être une chose à envisager. (20 h 45)

Par contre, les réflexions qu'il m'a été donné de faire récemment et les discussions également que j'ai eues avec d'autres personnes nous laissent croire qu'on devrait envisager d'autres formules et d'autres sentiers. J'aurai l'occasion, d'ailleurs, d'y revenir assez prochainement à l'Assemblée nationale.

Le député de Mont-Royal a indiqué que cette commission parlementaire, aujourd'hui, a un mandat passablement limité et que ses possibilités sont restreintes pour faire ressortir toute l'information. Il est sûr que sur le plan pratique, les législateurs qui ont à travailler sur l'ensemble de la législation au cours de toute une année, qui se réunissent quelques jours malgré les études préparatoires à une telle commission, ne sont certainement pas dans la même mesure de discussion possible que les interlocuteurs qui sont devant nous, qui oeuvrent à temps plein et qui ont l'expérience qu'on leur connaît. Cela va rester la réalité tout le temps, je pense.

Mais c'est ce qui m'amène à dire qu'on a peut-être besoin d'avoir une autre formule qui soit, elle, plus large et peut-être mieux définie que la proposition qu'on a devant nous, pour que l'administration gouvernementale ait peut-être un regard plus direct et des moyens plus faciles d'accès en ce qui concerne l'ensemble de ses sociétés. C'est un peu ma façon de voir dans le contexte présent.

J'appuierai la présente motion. C'est quand même un pas, mais je tiens à souligner qu'en ce qui concerne ma préoccupation et la préoccupation de l'Union Nationale dans ce domaine des sociétés d'État, non seulement l'Hydro-Québec, j'aurai certaines autres propositions à faire concernant un mandat beaucoup plus large pour un rôle beaucoup plus précis du gouvernement et une relation beaucoup plus constante avec ses sociétés d'État.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je vais être assez bref. Je voudrais indiquer quelques raisons, parce que, éventuellement, nous aurons à nous prononcer par un vote. J'aimerais bien que les gens sachent pourquoi exactement il m'apparaît inconvenant, dans les circonstances, d'être en faveur d'une telle proposition.

Évidemment, j'épouse en totalité les réflexions qui ont été faites par le ministre délégué à l'énergie. J'ai à ajouter quelques éléments, que j'aimerais faire ressortir d'une façon personnelle.

Je pense que, dans la proposition telle qu'elle est formulée, à savoir que, tout de suite, on confie la responsabilité d'étudier les demandes d'augmentation de tarif de l'Hydro-Québec à une régie, c'est vraiment déplacer le problème et, pour ma part, pour vivre dans un milieu, dans une collectivité, il est sûr que depuis que le livre blanc est connu, cela a permis, je pense, un vaste débat sur la place publique pour ceux qui, en tout cas, avaient des préoccupations de cet ordre-là, pour ceux qui voulaient discuter les orientations du livre blanc. Je pense qu'il y avait d'excellentes occasions de faire connaître des réactions du type de celle que le député de Mont-Royal nous fait connaître ce soir.

L'autre point de vue. Il est clair, quand il mentionne qu'une commission parlementaire, telle que celle de l'énergie, ne donne pas amplement de temps de faire le tour de toutes ces questions surtout si on utilise ce temps pour faire autre chose que ce que nous devons faire, à savoir le mandat de la commission, je pense qu'il est assez clair, c'était une occasion pour discuter, avec, je vais les appeler, les responsables des différents dossiers qu'on nous a remis, que ce soit le rapport annuel de l'Hydro-Québec, que ce soit le rapport d'activité de l'Hydro-Québec ou encore le rapport d'activité de la SEBJ. C'était dans ce sens qu'on avait le mandat d'élargir notre compétence pour éventuellement avoir une meilleure idée, mais, bien sûr, non pas prétendre qu'après deux jours, il faille prendre les décisions sur place, en se prétendant totalement et presque rompu ou repu d'information qui nous permette de devenir des spécialistes pour statuer sur les tarifs.

Je pense que la responsabilité du gouvernement, de même que de l'ensemble des membres de la commission de l'énergie, c'était d'échanger avec les gens qui nous font rapport et peut-être mettre plus de temps sur la préparation de cette séance pour éventuellement être en mesure de vérifier certaines interrogations que tout parlementaire membre de la commission peut avoir. Suite à ces vérifications, la responsabilité du gouvernement, c'était de retourner dans son milieu et, éventuellement, d'élargir, encore là, ses consultations, si sa prétention était de ne pas avoir l'éclairage suffisant pour porter un jugement définitif sur la question de tarification. Mais je ne comprends pas, et je ne serais pas d'accord, pour ma part, qu'on se soustraie à notre responsabilité comme élus du peuple. Par contre, gouverner, c'est également prévoir, et une de nos responsabilités, si on prétend qu'on n'a pas tout ce qu'il faut, il n'y a rien qui empêche un Conseil des ministres ou qui empêche les responsables de dossiers d'élargir leurs consultations pour s'assurer, au minimum, que cela ressemble exactement à ce que le député de Mont-Royal préconise; reporter le débat ailleurs et confronter des gens qu'on sait, de toute façon, qu'ils ont des opinions.

La régie, éventuellement, M. le député de

Mont-Royal mentionnait qu'elle pourra entendre des experts, des spécialistes. Possiblement que, déjà, on a une bonne idée du type de recommandation que ces experts ou ces spécialistes pourraient faire. Je suis pas mal convaincu que cela ressemblerait à ce que nous avons dans les dossiers actuellement.

L'autre point de vue, celui du consommateur, je dis: Les députés représentent tous, à ma connaissance, une circonscription électorale. La plupart devraient, en tout cas, le plus fréquemment possible, être en contact avec leurs électeurs. Il y a toujours moyen de faire ce type de vérification, surtout pour l'aspect bien restrictif de la tarification, parce que la proposition s'en tient uniquement à la tarification, chose encore qui, selon moi, ne permet pas de considérer au mérite cette recommandation puisque c'est beaucoup trop restrictif. Alors, j'allais dire que le point de vue des consommateurs, éventuellement, sur une hausse de tarifs, on n'a pas besoin de très longs échanges pour le connaître. C'est quelque chose qui nous apparaît assez évident. Je ne blâme pas les gens. Je suis tout à fait d'accord avec eux, parce que c'est toujours une sortie d'argent de leur porte-monnaie. Mais il me semble qu'un gouvernement responsable qui va entériner la décision, dans un sens ou dans l'autre, avec des nuances — je pense qu'on est là pour en faire — sera toujours en mesure de retourner voir son électorat et d'expliquer ou de lui donner les grandes orientations — et il y en a déjà pas mal dans la politique du livre blanc — sur lesquelles on s'est appuyé pour justifier la demande de l'Hydro-Québec d'autant plus que, comme M. le ministre le mentionnait, on n'a pas, chez nous, au Québec, à faire affaires — si vous me permettez l'expression — avec une multitude de fournisseurs au niveau de ressources énergétiques. C'est le même fournisseur presque pour l'ensemble des Québécois.

Alors, je pense que, fondamentalement, si on veut profiter de la présence des gens qui sont ici ce soir, il faudrait rejeter la motion et peut-être profiter de l'occasion pour travailler davantage les dossiers en profondeur pour être en mesure demain de poser certaines questions de fond, s'il manque des éclairages, mais en sachant toujours qu'on est tout à fait conscient que ce ne sera jamais suffisant. On n'a pas la prétention de sortir, après cette séance de la commission parlementaire et, le lendemain, être en mesure de faire des recommandations très étoffées, très articulées parce que, là, on a le monopole de la vérité. Entre les deux, il m'apparaît que le moyen qui a été choisi nous permet cette souplesse de faire les consultations que nous devons faire pour prendre la décision la plus éclairée possible. C'est pourquoi je serai contre la motion.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Oui, M. le Président. Je regrette, comme sûrement beaucoup d'autres ici, que nous

devions, à l'occasion d'un débat particulier, soulever des questions plus générales et d'orientation plus fondamentale, en tout cas. La raison pour laquelle on le fait comme cela, c'est qu'on n'a pas l'occasion de le faire autrement. Je pense bien qu'un débat comme celui-ci, sur une motion comme celle qui a été présentée, ce n'est pas particulièrement approprié de la présenter lorsque nous avons des gens qui sont ici et qui viennent nous présenter une demande particulière pour laquelle ils sont bien en droit d'avoir au moins des réactions et une réponse.

Encore une fois, les procédures parlementaires sont telles qu'on ne peut pas faire autrement. Sur les sociétés d'État, on n'a même pas la possibilité d'étudier en commission pour les crédits, de faire venir les représentants des sociétés d'État si ces sociétés d'État n'ont pas de projets de loi particuliers ou ne demandent pas de subventions. C'est quand même extraordinaire quand on pense à cela et qu'on se fait dire par un ministre que les députés de l'Opposition ne veulent pas exercer leurs responsabilités. C'est quand même extraordinaire parce que les procédures sont telles qu'on n'est pas capable de les exercer, ces responsabilités, dans certains cas précis qui impliquent justement des sociétés d'État. Par conséquent, on est bien obligé de saisir les occasions lorsqu'elles se présentent et nous avons une occasion qui se présente ce soir d'essayer d'améliorer le processus de décision au sein du gouvernement du Québec.

Ce n'est pas une mesure dilatoire, c'est une mesure fondamentale où, pour une fois, on se pose des questions pour savoir si c'est bien la meilleure façon de procéder à des décisions qui impliquent, comme on l'a vu, $900 millions sans que personne dans le public, ne soit invité à présenter ses vues devant la commission parlementaire, sans que le ministre ait demandé un mémoire à qui que ce soit dans la province de Québec. Qu'après cela, on vienne nous dire qu'on ne fait pas son devoir et qu'on présente des motions dilatoires, je trouve que c'est absolument extraordinaire de se faire dire des choses pareilles.

En fait, ce qui arrive, c'est qu'en ce qui concerne le public, on veut faire passer cette décision le plus rapidement possible et on veut justement la soustraire à l'attention du public, c'est ce qu'on veut faire. On fait des commissions parlementaires pour régler le cas de la Commonwealth Plywood. On a eu une commission parlementaire hier qui intéresse une centaine de personnes.

Ici, cela intéresse tous les Québécois, $900 millions, sur trois ans. On n'a même pas pensé que peut-être il y aurait des parties, des gens intéressés qui auraient voulu présenter un mémoire et qui auraient voulu présenter leurs vues sur cette question.

La réponse du ministre là-dessus: Nous, pendant quatre mois, nous nous sommes promenés à travers la province. Nous, nous avons eu des réactions.

Bien sûr! C'est bien plus facile d'aller chercher des réactions quand on est tout seul, quand l'Opposition n'est pas là, quand l'Assemblée nationale ne siège pas. Qu'est-ce que le ministre fait? Il fait de la propagande, il va voir ses militants péquistes et il pense que c'est la population du Québec cela. Quand il a eu la réaction de ses militants, il dit: Je sais ce que la population veut.

Ce n'est pas comme cela. La procédure parlementaire n'est pas faite ainsi. La procédure parlementaire est faite autour d'une Assemblée nationale, d'une commission parlementaire qui pourrait peut-être avoir son mot à dire sur la procédure à suivre et sur la façon d'entendre les gens. Encore une fois, je pense...

Je m'excuse, M. le ministre, de vous dire cela, mais je pense qu'il faut être un peu effronté pour venir nous reprocher à nous de soulever une question comme celle-là à l'occasion d'une demande aussi importante que cela, lorsqu'en réalité nous n'avons pu en aucune façon avoir l'expertise nécessaire. D'ailleurs, vous savez très bien que l'Opposition n'a pas d'expertise; on le sait, les parlementaires ne sont d'ailleurs pas faits pour avoir de l'expertise, c'est fait pour juger, c'est fait pour faire des arbitrages, comme vous l'avez si bien dit, mais il faut pour cela pouvoir entendre les parties intéressées. Or, cela, vous l'avez sciemment évité.

Vous n'avez pas voulu qu'il y ait des mémoires présentés. Cela a été une décision consciente de votre part. Vous n'avez pas voulu qu'il y ait de l'expertise qui vienne devant nous pour nous éclairer, pour examiner les différentes facettes de ce problème et, aujourd'hui, vous nous dites: C'est une mesure dilatoire, vous n'êtes pas capable de vous décider dans trois heures, qu'est-ce que c'est que cela? Vous voulez passer la balle à un autre, comme le député d'Abitibi-Est qui a repris la même phrase, on veut passer "pass the buck to the other guy".

Ce n'est pas ce qu'on veut faire. Ce n'est pas cela du tout. C'est parce qu'on voudrait, on aurait voulu que cela se passe ici à la commission parlementaire, mais comme il n'y avait pas de mémoires, comme il n'y avait pas de gens invités à venir exprimer leurs vues et devant lesquels nous aurions pu exercer un certain jugement, on a décidé de présenter une motion. C'est la première chose. La deuxième, sur le fond de la motion. Est-ce que c'est une bonne chose d'avoir une régie qui serait habilitée justement à examiner les questions sur un plan technique avec l'expertise nécessaire? Est-ce que c'est une bonne chose ou est-ce que c'est une mauvaise chose?

Je pense, là-dessus, que la pratique est assez généralisée, à peu près partout dans le monde, qu'il existe des régies, que, dans le cas de monopoles d'État, on soumet ces entreprises à des jugements aussi impartiaux que possible dans les mains de gens, de régisseurs, qui sont habilités justement à examiner, mois après mois, dans un domaine qu'ils finissent par connaître bien, des questions techniques.

Le ministre nous dit qu'ici ce n'est pas une

question technique de décider si cela devra être 15,9% d'augmentation de tarifs ou si cela va être 15%, que ce n'est pas une question technique, c'est une question politique. Je m'excuse, ce n'est pas une question politique, rendu là, c'est une question technique.

Les questions politiques, elles sont exprimées, et vous avez raison de le souligner, dans un document comme celui de la politique énergétique au Québec, le livre blanc. Il y a des objectifs indiqués là. Il y a de grandes orientations. On dit à cette société d'État: Tâchez d'examiner la situation en tenant compte du fait que nous voulons que la société, par exemple, s'autofinance. C'est un principe fondamental. On demande cela à la société de l'Hydro-Québec. Le gouvernement dit: C'est cela que nous voulons comme politique. Ce sont des orientations générales. (21 heures)

Mais qu'on ne vienne pas me dire qu'on est capable de dégager de ces principes qui nous sont présentés aujourd'hui, quel serait le taux d'augmentation des tarifs qui serait approprié. Je vous défie de prouver ça. C'est une autre décision qui doit être prise à un autre niveau, compte tenu de tout un ensemble technique, un ensemble d'expertises que nous n'avons pas aujourd'hui et que nous ne pourrons même pas examiner.

Encore une fois, je pense que des parlementaires sont capables d'exercer leur jugement, ils ne sont pas nécessairement des experts sur des questions, mais pour exercer un jugement, il faut qu'ils entendent différentes parties et il faut qu'ils entendent justement ces experts venir leur expliquer de quoi ça retourne. Là encore, il n'est pas possible de faire ça dans le cadre actuel où on dit qu'on va passer une journée et demie à examiner une question comme celle-là.

Pour revenir à l'idée de la régie, il y a énormément de gouvernements dans le monde qui recourent à ce processus de décision. Notre recommandation ne va même pas aussi loin que les pouvoirs qui sont accordés à certaines régies. Nous ne disons pas que la régie va décider cela, mais on voudrait que la régie fasse des recommandations au gouvernement. Toutes les remarques que le ministre a faites disant que c'est au gouvernement de prendre une décision, je suis entièrement d'accord avec lui. C'est au gouvernement de prendre une décision, la motion dit que c'est encore le gouvernement qui va prendre la décision. Mais il va prendre une décision après une recommandation écrite et publique, après que les parties auront été entendues, après que la population sera venue s'exprimer sur le sujet. Puis le gouvernement prendra une décision. Il prendra sa décision.

Par exemple, s'il veut conserver la tarification, comme il le dit lui-même, comme instrument de gestion, ça se discute, si on voulait que cet instrument de gestion soit dans les mains du gouvernement exclusivement, sans qu'il y ait jamais aucun jugement apporté de l'extérieur, sans qu'il y ait une régie qui puisse estimer que la gestion, dans ce cas-là, est une gestion qui pourrait faire du tort aux usagers, c'est une gestion qui pourrait être faite, mais dans une certaine direction et pas une autre.

Encore une fois, la responsabilité finale va rester au gouvernement, mais le public sera mieux en mesure de juger si le gouvernement a pris une bonne décision, s'il y a un rapport écrit, s'il y a des gens qui ont eu l'occasion de se prononcer sur les demandes et qui sont en mesure ensuite de juger et la recommandation de la régie et la décision du gouvernement.

Enfin, j'arrive à l'article 22 de cette loi 41 sur lequel le ministre se fonde pour dire que nous avons vraiment des attitudes opportunistes. Je veux absolument lire cet article 22, il faut le lire pour montrer dans quelle mesure on peut être inconséquent avec soi-même, dans quelle mesure l'Opposition peut être opportuniste dans les circonstances. L'article 22, que nous avons voté, se lit en effet comme suit: "Pour la réalisation de ces objets, la société prévoit les besoins du Québec — c'est la société de l'Hydro-Québec — en énergie et les moyens de les satisfaire dans le cadre des politiques énergétiques, que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par ailleurs, établir." C'est extraordinaire, c'est clair. On a toute la politique du gouvernement là-dedans.

Si on a voté cet article 22, c'est évident qu'on ne pouvait pas voter en faveur d'une motion comme celle qu'on a présentée ce soir. C'est une évidence. Là-dedans, on avait dit comment la tarification se ferait, c'est ce que le ministre vient de nous dire. Il dit: Vous avez voté l'article 22, par lequel on indiquait comment la tarification se ferait. Vous n'avez pas besoin de nous entendre davantage. Écoutez donc. À ce moment-là, on dit: Qu'est-ce qu'il y a comme tarification là-dedans? Il n'y a même pas de mot, il n'y a absolument rien là-dedans.

On dit que la société va essayer de prévoir les besoins, les moyens de les satisfaire et dans le cadre des politiques énergétiques. Les politiques énergétiques, au moment où ce projet de loi a été voté, sanctionné le 13 juin 1978, est-ce que la politique du gouvernement était publiée?

M. Joron: Ce que vous avez à prouver, ce n'est pas l'article que vous venez de lire.

M. Raynauld: C'est celui que vous avez mentionné.

M. Joron: C'est celui qui dit que parmi les règlements de la société qui doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil, il y a le règlement tarifaire. Vous étiez d'accord que le règlement tarifaire soit de ceux qui doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Raynauld: On n'a jamais contesté cela. La motion ne le conteste pas non plus. Elle dit que la régie va faire des recommandations au lieutenant-gouverneur en conseil. Voyons donc! Il n'y a absolument rien.

En ce qui concerne la politique énergétique du gouvernement, à ce moment-là, on était dans l'obscurité la plus complète, elle n'était pas sortie. On a fait confiance au gouvernement à ce moment-là. C'est cela qu'on a fait. On a dit: Très bien, votre livre blanc n'est pas prêt, on va vous faire confiance, on discutera et on se chicanera là-dessus le temps venu. Pour le moment, nous étions prêts à accepter que les politiques énergétiques que le lieutenant-gouverneur pouvait établir avaient quand même une certaine applicabilité dans le cas présent et avaient un certain bon sens. C'est pour cela qu'on a voté pour l'article 22 et la motion que nous présentons aujourd'hui n'a absolument rien de contradictoire, ni avec l'article 22, ni avec ce que vous venez d'ajouter, règlement suivant lequel la tarification serait approuvée par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Donc, il n'y a pas de revirement, il n'y a pas d'opportunisme, il y a simplement une occasion qui s'est présentée ce soir, d'essayer de faire réfléchir, de nous faire réfléchir, M. le ministre, parce que j'aurais pensé que sur une question comme celle-là, ce n'était pas une question partisane, au départ, c'était une question où on dirait: Est-ce qu'on a vraiment le meilleur processus de décision? Est-ce que c'est vraiment comme cela qu'on doit approuver des augmentations de tarifs de l'Hydro-Québec? Je ne pense pas que ce soit la meilleure façon et il me semble qu'on pourrait peut-être essayer d'imaginer des méthodes meilleures. Et si vous en avez encore des meilleures que celle-là, on sera même heureux de retirer la motion qu'on a présentée ce soir, M. le ministre, si cela peut vous encourager. Si vous arrivez avec des idées meilleures que celles-là, nous sommes prêts à les examiner.

Encore une fois, vous nous avez dit qu'on n'avait rien à décider ici. Si on n'a rien à décider, on n'a pas beaucoup de responsabilité à exercer. Et si cette motion était refusée ce soir, j'espère qu'on aura peut-être d'autres occasions pour la présenter de nouveau, dans un autre contexte, pour qu'on en vienne à discuter de ces problèmes, parce que ce sont des problèmes fondamentaux. Ce n'est pas, encore une fois, une question de vouloir empêcher une décision d'être prise ce soir, vous nous avez dit qu'il n'y en avait pas, de toute façon. Qu'est-ce que cela peut faire? On vient icipour bavarder quoi! On n'a pas de décision à prendre. Si on n'a pas de décision à prendre, cela ne retarde rien.

Deuxièmement, si on était capable d'avoir un autre forum qui serait plus adéquat pour discuter de cette question, j'aimerais qu'on utilise cet autre forum, pour ne pas retarder inutilement les procédures particulières qui sont là. Et si, encore une fois, la motion était refusée, le gouvernement pourrait répondre à cette attente, s'il pense que le problème est important. Il pourrait avoir d'autres façons d'y répondre. Il pourrait dire: On va laisser passer l'augmentation de tarifs cette année, mais entre-temps on va examiner cette question. Ce serait une autre façon de répondre à la motion qui est là. On ne tient pas absolument à ce que vous l'adoptiez ce soir. C'est une question qui est plus importante que cela. On ne voudrait pas non plus, même si vous la refusez, que cela veuille dire que vous vous fermez complètement à l'opportunité de réexaminer cette question et de voir si, encore une fois, on a vraiment trouvé la meilleure formule pour décider de questions aussi importantes que celles-là.

M. Joron: M. le Président.

Le Président (M. Dussault): II y avait le député de Mont-Royal qui voulait à nouveau prendre la parole.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Très brièvement, M. le Président, pour répondre à quelques-unes des déclarations que le ministre a faites. Premièrement, je pense que le ministre doit comprendre le rôle d'une régie. Ce n'est pas seulement un forum pour entendre ceux qui sont contre la tarification, qui sont contre l'augmentation. Vous savez comme moi qu'une régie, ce n'est pas une question d'avoir le pouvoir décisionnel. On peut voter pour l'article 22. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui a le pouvoir décisionnel. On ne veut pas lui enlever cela. C'est le gouvernement qui doit prendre ses décisions. La seule chose qu'on dit, c'est qu'avant d'en arriver à de telles décisions, faites-le en donnant l'opportunité d'avoir l'information possible à tous ceux qui sont impliqués.

Vous connaissez comme moi le pouvoir d'une régie. Et de dire que dans d'autres juridictions les régies existent où il y a des sociétés privées, ce n'est pas le cas dans toutes les juridictions, ce n'est pas le cas en Ontario. Il y a une régie en Ontario, il y en a une à l'Île-du-Prince-Édouard, il y en a une en Alberta. Et même en Saskatchewan, il y a eu un appel d'une décision de la Manitoba Hydro qui est allée devant la régie.

Même où il y a monopole, je dirais surtout parce qu'il y a monopole de l'Hydro, c'est important d'avoir une régie qui fera des recommandations pour que ce ne soit pas le monopole de l'utilité publique et le monopole décisionnel du gouvernement et que le public ne sache rien. C'est cela le danger.

Le but de cette motion, la raison d'avoir une régie, ce n'est pas seulement pour remplir le rôle d'une commission parlementaire itinérante. Voyons, M. le ministre, vous voulez rire de nous autres! Je ne suis pas plus pour une commission parlementaire itinérante. Qu'est-ce que cela va donner? On peut bien inviter les gens ici pour qu'ils viennent nous dire qu'ils ne veulent pas d'augmentation. Ce n'est pas le but d'une régie, vous le savez, c'est d'avoir la possibilité de recevoir des experts pour obtenir toutes les informations. Quand ils auront donné toutes les informations... Même vous, dans le livre blanc, vous dites que les prix de l'électricité pourraient alors être discutés en même temps que les investissements à consentir et leurs implications financiè-

res. Après que les experts auront pu examiner cela à fond, la recommandation sera faite au gouvernement et, à ce moment-là, vous pourrez revenir devant une commission parlementaire et nous serons en mesure d'avoir les discussions que nous avons ce soir.

Je voudrais vous dire que ce n'est pas nous qui avons changé notre approche. Au mois de septembre dernier, à une commission parlementaire sur l'énergie, devant le même genre de problème, je vous avais posé la question. J'ai dit: Je pense que la question de l'augmentation de tarifs ne peut pas être décidée de cette façon. Je sais que les discussions ne sont pas décisionnelles ici. Vous avez vous-même dit: "Moi aussi je suis insatisfait des mécanismes d'approbation de ces tarifs". Si vous êtes insatisfait, acceptez notre motion ou donnez-nous un autre mécanisme. Ne continuez pas... On ne parlait pas de $900 millions, l'année dernière, je vais vous le rappeler.

M. le Président, ce sont les raisons qui nous ont motivés. Je pense que le ministre s'est laissé emporter en disant qu'on ne s'est pas opposé à son livre blanc dans les quatre derniers mois. Je pense qu'on va s'y opposer tellement, en commençant par ici, qu'il va regretter de nous avoir reproché de ne pas nous y être opposés.

M. Joron: Venez-vous en.

M. Ciaccia: On va vous donner des raisons très valables, mais il a fallu qu'on se prépare. On veut que ces décisions du gouvernement ne soient pas prises à la cache-cache, ce sont des décisions trop importantes. Elles doivent être prises en toute connaissance de cause par tous ceux qui sont impliqués et affectés par cela.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Joron: M. le Président, le député de Mont-Royal a, à juste titre, rappelé ce que je disais l'année dernière, que j'étais insatisfait des mécanismes qui ne permettaient pas suffisamment au public un forum pour pouvoir exprimer son opinion sur ces questions en général, pas seulement sur la tarification, parce qu'il y a des implications. Quand on décide du tarif, en même temps, on décide un tas de choses. C'est justement la raison pour laquelle le livre blanc a fait un choix entre une régie qui a des fonctions spécifiques et une commission parlementaire que l'on souhaite à l'avenir être itinérante pour pouvoir entendre les représentations du public pas seulement sur le niveau des tarifs d'électricité pour les années à venir, mais sur toute autre question qui concerne l'énergie, parce que vous savez bien que, quand on décide d'un certain niveau de tarifs — on en discutait justement cet après-midi — un certain niveau de tarifs a des effets au niveau des investissements ou au niveau des emprunts. Au niveau des emprunts, l'Hydro-Québec a à son tour des effets au niveau des emprunts du gouvernement qui, à son tour, a des effets sur le budget du gouvernement, etc. Je veux dire qu'il y a toute une série de choses qui sont impliquées, qui sont très larges.

M. Ciaccia: Me permettriez-vous une question, M. le ministre?

M. Joron: Oui.

M. Ciaccia: Si vous voulez faire ce travail devant une commission parlementaire, seriez-vous prêt à doter la commission parlementaire des outils nécessaires pour vraiment examiner la question — parce que je ne parle pas seulement d'une commission parlementaire — à un forum où les gens vont venir donner leur opinion? Premièrement, pour doter la commission d'outils nécessaires, je pourrais faire venir un expert, je pourrais fair venir un autre témoin. Est-ce que vous seriez prêt à changer les règlements pour ne pas limiter le débat? Cela veut dire que vous donneriez à la commission parlementaire les mêmes pouvoirs que vous donneriez à une régie. (21 h 15)

M. Joron: II me semble que la solution d'une commission parlementaire, avec un mandat plus large, telle que je la définissais, ce n'est pas du tout une mauvaise suggestion que vous faites là. Je suis bien prêt à la considérer. Elle n'est pas de mon unique ressort, parce que ce n'est pas moi qui régis le fonctionnement des commissions parlementaires comme telles. Ce que vous invoquez là...

M. Ciaccia: Je ne fais pas la suggestion. Je demande si vous seriez prêt à lui donner les outils nécessaires.

M. Joron: Je trouve que cela a beaucoup de bon sens, ce que vous venez de dire, c'est-à-dire de permettre de meilleurs outils aux membres d'une commission parlementaire, qu'ils soient du côté du gouvernement ou de l'Opposition, de pouvoir...

M. Raynauld: Ce qui nous manque, c'est le temps, M. le ministre.

M. Joron: Ah oui! Le temps fait défaut partout dans nos activités, vous le savez bien.

M. Raynauld: Ces gens sont des professionnels qui travaillent là-dedans depuis trente ans. Nous autres, on arrive là-dedans et on a trois jours. Que voulez-vous faire?

M. Joron: Je relevais des inconsistances dans les motifs que vous invoquez à l'appui de votre motion. Tantôt, vous vous êtes replié sur la nécessité pour le public d'avoir un forum lui permettant d'émettre ses opinions, ce sur quoi nous sommes parfaitement d'accord. C'est pourquoi on a jugé que c'est un élargissement du rôle de notre commission parlementaire qui serait le moyen de répondre à cela. D'autre part, des fois, vous dites: Des régisseurs, eux, seraient probablement outil-

lés ou accompagnés d'experts qui leur permettraient de questionner plus à fond les témoins, en l'occurrence, pour le cas qui nous concerne, l'Hydro-Québec, et ces choses. Le gouvernement, en tout cas, a ces experts. C'est ce à quoi servent les fonctionnaires de la direction générale de l'énergie. Peut-être qu'il serait utile de...

M. Ciaccia: Ils ne sont pas tout à fait impartiaux, vos experts.

M. Joron: Non, mais peut-être qu'il serait utile de faire profiter l'Opposition d'outils supplémentaires pour lui permettre de faire une meilleure analyse, plus en profondeur. Je vais être d'accord sur cela. La solution, à ce moment, ce n'est pas une régie. On n'est pas pour faire un travail qui se fait déjà, qui existe déjà, en transférant cela à une régie et tout recommencer ailleurs. Le député d'Outremont disait tout à l'heure — il a dit bien des choses, entre autres, en se laissant peut-être emporter un peu — que j'avais évoqué le fait qu'on a fait beaucoup de tournées depuis quelques mois et qu'on a rencontré des électeurs. Il a dit: Cela ne vaut rien, ces tournées. Vous allez seulement rencontrer les militants de votre parti. J'ai fait une tournée dans votre comté, justement, M. le député d'Outremont. Ce ne sont pas des militants péquistes que je suis allé rencontrer. Je suis même allé rencontrer votre ancien chef, M. Bourassa, d'ailleurs.

M. Raynauld: Vous n'êtes pas venu me voir?

M. Joron: II n'est pas encore militant péquiste. J'ai recueilli des opinions des électeurs d'Outremont et je vous assure...

M. Ciaccia: ... on verra cela. Retournez à la motion, s'il vous plaît!

M. Joron: ... que j'ai rencontré, dans le comté d'Outremont, plus de libéraux que de péquistes. D'ailleurs, c'est normal, c'est la raison pour laquelle vous êtes là. S'il en avait été autrement, vous n'y seriez pas.

M. Ciaccia: Vous ne dites pas que vous n'y êtes pas allé pour faire de la propagande, par exemple, comme on vous a dit. Vous ne vouliez pas cela.

M. Joron: J'y suis allé pour recueillir l'opinion de la population, quelles que soient les couleurs politiques de mes interlocuteurs. Vous avez évoqué également, et vous dites que c'est important... Il y a $900 millions en cause dans les trois prochaines années là-dedans. Donc, il faut un forum qui permet à la population de venir s'exprimer, etc. Ce n'est pas du chiffre en soi que découle automatiquement que cela doit se passer ainsi. Quand on analyse le budget de l'État, qui est de $12 milliards, c'est encore plus important que les $900 millions. Il n'y a pas de forum, il n'y a pas de régie qui permet à la population de venir donner son opinion autrement que d'aller le dire à ses élus, par exemple. La sanction, c'est de mettre le gouvernement à la porte à la prochaine occasion. C'est cela, la sanction. Cela vous paraît peut-être long...

M. Ciaccia: Vous avez toujours une porte de sortie. Vous blâmez l'Hydro-Québec. Vous dites: C'est l'Hydro-Québec qui a besoin de plus d'argent à emprunter. Ce n'est pas de notre faute au gouvernement.

M. Joron: Vous remarquerez, M. le député de Mont-Royal, que je n'ai pas dit cela jusqu'à maintenant. L'Hydro-Québec est ici. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour soutenir la proposition de l'Hydro-Québec. On est ici pour l'entendre tous ensemble, pour poser les questions nécessaires et, après cela, à la lumière de tout ce qui sera dit, à la lumière de l'expertise de nos fonctionnaires, dont vous ne bénéficiez pas, c'est vrai, puisque vous n'êtes pas au gouvernement, à la lumière des représentations faites par l'ensemble de la population — et en ce qui me concerne personnellement, et les électeurs du comté d'Outremont aussi — et des témoignages qui sont apportés à tous les députés, pas seulement ceux de la commission parlementaire...

M. Ciaccia: On vient d'apprendre aujourd'hui qu'il va y avoir une augmentation, la population...

M. Joron: ... mais on se rend compte, en caucus également, les députés de chaque parti, chacun fait part des réactions, dans son milieu, de ses électeurs à ces choses. Il ne faut pas dire que, parce que la régie, telle que vous la définissez, de façon un peu restrictive, n'existe pas dans le moment, il n'y a aucun canal pour que la population se fasse entendre, ça ne m'apparaît pas être le cas tout de suite. Quoi qu'il en soit, M. le Président, telle que formulée, la motion me semble n'apporter aucune solution au problème auquel on a à répondre. Il y en a un auquel on a à répondre, c'est de trouver les mécanismes, justement, d'une part — mais il ne faut pas mêler les deux choses — des mécanismes qui permettent aux membres d'une commission parlementaire ceux de l'Opposition, entre autres, de faire peut-être mieux leur travail, ça, c'est une chose dont je conviendrai, et, d'autre part, des mécanismes qui permettent à la population de se faire entendre et d'exprimer des opinions. On l'a dit, noir sur blanc, dans le livre blanc. On veut élargir considérablement le rôle d'une commission parlementaire comme la nôtre dans l'avenir et de permettre ça...

M. Ciaccia: Ne mettez pas des paroles dans notre bouche. Ce n'est pas qu'on veut mieux faire notre travail...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal, je m'excuse...

M. Ciaccia: M. le Président, me permettez-vous...

Le Président (M. Dussault): ... si vous prenez à nouveau la parole, c'est que vous aurez le consentement de la commission, parce que vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre me permettrait un commentaire?

M. Joron: J'avais épuisé ce que j'avais à dire également, M. le Président. Si le député de Mont-Royal veut demander la parole, j'avais terminé.

M. Ciaccia: Ce n'était pas seulement, M. le Président, pour avoir un forum qu'on a fait cette motion. C'était pour permettre un examen en profondeur. Ce n'est pas pour dire que l'Opposition a besoin de plus de temps, qu'elle ne peut pas faire son travail. C'est tout le rôle de la régie; c'est ça que j'ai essayé d'expliquer. Il ne faut pas détourner ça. Ce n'est pas seulement un forum qu'on demande pour que la population se fasse entendre, c'est un examen en profondeur que cette commission ne peut pas faire.

M. Joron: J'ai compris ça.

M. Ciaccia: C'est pour ça qu'il y a d'autres régies dans d'autres juridictions qui font leurs recommandations. Après ça, on peut faire les discussions qu'on a ce soir.

M. Joron: Maintenant, attention! Il y a d'autres régies dans d'autres juridictions, vous avez mentionné l'Alberta, par exemple. L'Alberta, encore une fois, a plusieurs compagnies privées de distribution de l'électricité. Là, je comprends...

M. Ciaccia: Oui, mais dans l'Ontario, c'est un monopole.

M. Joron: Oui, dans l'Ontario, ça, c'est vrai, mais, finalement, ce que je n'aime pas de votre motion, c'est que vous isolez la question des tarifs C'est sûr qu'on peut très bien prévoir la réaction des consommateurs. Tous les consommateurs, moi inclus et vous inclus, j'en suis bien sûr, préféreraient qu'il n'y ait pas du tout d'augmentation des tarifs d'électricité. Cela, c'est évident, on le sait d'avance que...

Mais, ce qu'il y a d'impliqué, ce n'est pas rien que ça. C'est qu'une décision à l'égard des tarifs a des conséquences au niveau des emprunts publics, au niveau des investissements, sur l'allocation des ressources, sur un tas de choses qui sont des choix politiques, qui appartiennent aux élus du peuple, parce qu'ils sont trop globaux, ces choix. C'est tout ce que je dis. Puisque de tels choix appartiennent aux élus, à mon avis, la responsabilité doit rester dans un forum d'élus de la population. C'est pourquoi ce à quoi on devrait songer, c'est à un élargissement peut-être du rôle et des outils dont dispose cette commission parlementaire, ça, oui, mais pas d'aller confier ça à des régisseurs extérieurs et indépendants.

M. Raynauld: Pourquoi avez-vous l'Hydro-Québec? La même question pourrait se poser. Pourquoi avez-vous l'Hydro-Québec?

M. Joron: Plutôt qu'un ministère?

M. Raynauld: Bien oui, plutôt que les élus du peuple? À partir de ce moment-là, il n'y a pas de fin.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que le député d'Outremont désire prendre à nouveau la parole?

M. Ciaccia: Non

Vote sur la motion

Le Président (M. Dussault): S'il n'y a pas d'autres intervenants, nous allons passer au vote sur la motion. Il s'agira de dire si vous êtes pour ou contre.

M. Bordeleau?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Dussault): M. Brochu?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Dussault): M. Desbiens?

M. Desbiens: Contre.

Le Président (M. Dussault): M. Gendron?

M. Gendron: Contre.

Le Président (M. Dussault): M. Ciaccia?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Dussault): M. Joron?

M. Joron: Contre.

Le Président (M. Dussault): M. Raynauld?

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Dussault): Nous avons quatre contre et trois pour; la motion est donc rejetée. Nous revenons à nos travaux de ce matin, tels que nous les avions laissés. Nous étions à la période de questions, et, au moment où nous avions suspendu nos travaux jusqu'à 20 heures, nous attendions une réponse de M. le Président de l'Hydro-Québec.

M. Boyd: M. le Président, je crois qu'on nous avait demandé quel était le pourcentage de l'augmentation des ventes prévue, en kilowatts-heures ou en énergie et également en puissance.

Pour l'année 1978, dans le mémoire que nous

présentons, nous prévoyons une augmentation de 7,3% pour l'énergie; pour 1979, 8,3%; pour 1980, 8,2% et pour 1981, 7,9%. Pour la puissance en 1978, 1,4%; en 1979, 7,7%; en 1980, 7,7% et en 1981, 7,7%.

Le Président (M. Dussault): La question avait été posée par M. le député d'Outremont. Avez-vous d'autres questions à poser, M. le député?

M. Raynauld: Les chiffres que vous venez de donner pour la consommation d'énergie, c'est en dollars courants, en valeurs ou en kilowatts-heures?

M. Boyd: C'est en kilowatts-heures.

M. Raynauld: En kilowatts-heures, en termes physiques.

M. Boyd: Pour l'énergie.

M. Raynauld: D'accord. Merci. Quel est le taux d'inflation prévu pour les mêmes années, s'il vous plaît, selon vos calculs, si vous les avez?

M. Boyd: Les indices que nous employons sont pour le prix de construction des équipements de l'Hydro-Québec, de 1972 à 1981.

M. Raynauld: Je pensais à l'indice des prix à la consommation bien simplement. Je ne voulais pas entrer dans trop de détails. Je voulais simplement voir dans quelle mesure...

M. Boyd: Alors, l'indice des prix à la consommation, pour 1978 on prévoit 9,5%; pour 1979, 8,4% et pour 1980, 6,5%.

M. Raynauld: Bon. Je voudrais poser une question peut-être un peu plus générale, M. le Président. On a annoncé récemment qu'à compter du 1er janvier 1979 le prix du pétrole ne serait pas augmenté comme il avait été prévu auparavant. Est-ce que cela affecte vos décisions, soit le rapport qui peut exister entre le prix courant du pétrole ou du gaz naturel et le prix de l'électricité? Cet après-midi, le ministre a fait une remarque très pertinente sur la substitution qui peut se faire. Je me demandais, si le prix monte moins vite pour le pétrole, si cela n'aurait pas été une raison pour que, de votre côté, vous puissiez envisager des hausses moins rapides dans le prix de l'électricité.

M. Boyd: Nous avons actuellement la substitution; c'est-à-dire que la transformation de l'huile à l'électricité se fait au rythme d'environ 17 000 domiciles par année.

M. Raynauld: Pardon? (21 h 30)

M. Boyd: 17 000 abonnés convertissent actuellement du pétrole à l'électricité. C'est surtout au domestique que vous pensez, j'imagine. Si on compare les différentes formes de pétrole ou de gaz ou d'électricité pour le chauffage des domiciles, il faut non seulement considérer le coût de l'énergie, mais également de l'installation. Évidemment, nous demeurons compétitifs. Nous sommes dans le moment compétitifs avec les deux autres formes. Pour répondre plus spécifiquement à votre question, si le pétrole est gelé, comme il a été annoncé, et que ce gel se poursuivait au-delà de 1979, en 1981 l'électricité deviendrait à parité ou peut-être moins compétitive que le pétrole. Mais on ne croit pas que ce gel ou cet arrêt de la montée du carburant va se maintenir. Évidemment, il y a non seulement le coût de l'installation et de l'opération qui compte, il y a également le choix que les personnes font de leur méthode de chauffage selon la qualité du produit. De plus en plus, les gens préfèrent le chauffage à l'électricité, non seulement pour des raisons économiques, mais pour d'autres raisons.

M. Raynauld: En d'autres termes, vous ne pensez pas que cette décision modifie, en tout cas pour les trois prochaines années, votre demande pour une augmentation de prix. Ce n'est pas assez important pour cela.

M. Boyd: Si le gel du pétrole continuait indéfiniment, il aurait un effet éventuellement; mais pour les deux ou trois prochaines années, on ne pense pas que cela ait un effet important.

M. Joron: Je pourrais peut-être ajouter que ces comparaisons de prix sont établies à Montréal. C'est vrai que la région métropolitaine de Montréal compte presque la moitié de la population du Québec, mais ces comparaisons sont établies à Montréal. Dès l'instant où on sort de Montréal, l'avantage en faveur de l'électricité est encore plus grand, parce que le prix de l'électricité est uniforme à travers le Québec, ce qui n'est pas le cas de l'huile à chauffage. Plus on s'éloigne de Montréal, les coûts de transport s'additionnant, la compétitivité, l'avantage de l'électricité grandit au fur et à mesure où on s'éloigne de Montréal.

M. Raynauld: Je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne le faut, M. le Président, vous m'arrêterez quand vous trouverez que j'aurai posé assez de questions. J'en ai encore quelques-unes.

Le Président (M. Dussault): Ce serait peut-être, M. le député d'Outremont, le sujet qui me ferait vous arrêter. Peut-être que le sujet que l'on traite maintenant, on pourrait l'épuiser. Quand vous serez rendu au bout de votre rouleau, vous me le direz.

M. Raynauld: D'accord. Sur le sujet de cet après-midi, en fait, j'ai oublié de poser cette question qui était dans le prolongement d'autres questions que j'ai posées. Est-ce qu'il serait possible, quand on fait cette comparaison entre les investissements qui devraient être plus élevés, si on ne donne pas une augmentation, si les prix n'augmentent pas maintenant, puisqu'il y aurait

moins de ressources propres à l'Hydro-Québec pour faire ces investissements... est-ce qu'il y a une relation suffisamment directe pour que vous puissiez nous dire combien d'économie vous faites en intérêt du fait que vous empruntez moins, puisque vous avez des ressources propres, et est-ce que cette économie d'intérêt vient compenser pour la hausse de tarif que vous demandez? Je ne sais pas si ma question est claire.

M. Boyd: Non.

M. Raynauld: Si on n'augmente pas les prix, les ressources propres sont inférieures à la situation où vous augmentez vos prix. Les ressources propres de l'Hydro-Québec étant inférieures, vous devez davantage emprunter pour faire le même programme d'investissement. Donc, vous devez emprunter. Si vous devez emprunter plus, vous payez de l'intérêt. À ce moment-là, on pourrait argumenter que moins on vous donne d'augmentation de prix, plus vous payez des intérêts. Je pense bien qu'il y aurait une limite, parce qu'à un moment donné vous ne pourriez plus emprunter du tout. Mais il reste qu'il y a quand même une relation entre ces deux choses et c'est en réalité, dans mon esprit, la même question que ce que M. Lemieux a essayé de me dire cet après-midi, qu'il y avait une certaine limite aux emprunts. Une limite aux emprunts, pour moi, ça veut dire un taux d'intérêt très élevé. C'est ça que ça veut dire.

M. Lemieux: En effet, on arrive à un point où l'argent n'est pas disponible. Si vous êtes prêts à payer 2% de plus que le taux d'intérêt normal, les prêteurs auront tellement peur qu'ils ne vous prêteront rien.

M. Raynauld: Oui, mais il y a toujours, entre des normes raisonnables, ça joue... La preuve, c'est que vous vous défendez quand il y a des gens qui vous disent que vous payez trop cher pour vos emprunts. Vous vous défendez. Cela veut dire qu'il y a quand même quelque chose. Cela aurait pu être un peu plus cher, un peu moins cher. Là, on parle d'un programme d'emprunts, pour 1979; on parle de $60 millions de plus et, pour les deux années suivantes, on parle de $200 millions ou $300 millions. Je pense, M. Lemieux, que vous avez dit cet après-midi qu'au total ça pourrait équivaloir à peu près à un demi-milliard de dollars, $500 millions de plus, si on en restait à un coefficient de 1,25.

M. Lemieux: Oui.

M. Raynauld: À ce moment-là, si on calculait $500 millions de plus, ça voudrait dire que ça coûte tant en intérêts de plus à la société.

M. Lemieux: Si nous prévoyons un taux de 10%, ça représente une économie, pour l'Hydro-Québec, de $50 millions par année...

M. Raynauld: De $50 millions par année.

M. Lemieux: ... qui, éventuellement, sera ressentie par l'abonné.

M. Raynauld: C'est ça. C'est ça que je pensais que vous me diriez. Donc, vous économisez en demandant une augmentation de tarifs comme celle que vous demandez; vous pouvez dire que vous sauvez $50 millions par année, mais à partir de trois ans à peu près.

M. Lemieux: Eventuellement, oui.

M. Raynauld: Eventuellement. Vous sauvez à peu près $50 millions. Cela veut dire qu'on ne peut pas justifier l'augmentation de tarifs seulement sur cette base.

M. Lemieux: J'ai dit qu'il y aurait une limite de $2 milliards aux emprunts que nous devons effectuer, surtout en entrant dans une période où il y aura pas mal plus de concurrence pour des fonds dans les années à venir que depuis deux ou trois ans, avec une économie au ralenti.

M. Raynauld: Est-ce que vous pourriez détailler un peu ces raisons? Je sais que vous y faites allusion dans votre mémoire, dans le résumé du mémoire que j'ai vu. Je me suis demandé incidemment, M. le Président, s'il y avait un mémoire puisqu'on avait un résumé, je n'ai pas vu de mémoire.

M. Lemieux: On peut difficilement le mesurer, mais on constate sûrement un excédent de liquidité sur les marchés financiers depuis deux ou trois ans. Toutes les banques du monde viennent nous offrir de l'argent sur une base de taux flottant. Même là, ces banques commencent à constater une certaine baisse de cette liquidité et aussi, une demande qui commence à se faire sentir pour des fonds, des emprunts, tout ça. Les emprunteurs commencent à se présenter.

Aussi, devant les projets énergétiques qui seront probablement entrepris das les années 1979 et 1980, je crois qu'on aura plus de concurrence pour obtenir les fonds requis.

M. Raynauld: Est-ce qu'il existe une étude sur ce sujet qui pourrait appuyer ce que vous dites ou si c'est un jugement que vous portez, comme un agent sur le marché?

M. Lemieux: C'est surtout ça, mais je crois qu'on peut commencer à avoir des études de la part des banques et des courtiers. Je n'en ai pas sous la main, mais je pense bien qu'on peut en trouver.

Je crois que c'est plus qu'un "feeling", il y a des faits qui confirment ce point de vue.

M. Raynauld: C'est parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui influencent une situation comme celle d'avoir des excédents de liquidité ou non. Une des principales raisons pour les excédents de liquidité, ce sont justement les excédents des balances de paiements des pays arabes.

Selon les études que je connais là-dessus, c'est qu'il y a eu une très forte hausse dans ces excédents en 1974, je pense, ou en 1975 et

ensuite, cela a baissé à nouveau. Mais toutes les études montrent que cela va se maintenir au même niveau, à peu près à $30 milliards ou $40 milliards par an d'excédent. Ce sont ces excédents qui viennent se jeter sur le marché, surtout le marché de l'eurodollar, qui feraient qu'il y a des excédents de liquidité considérables. Si c'est vrai que la principale source de ces excédents de liquidité vient de là et que ces excédents vont rester à $30 milliards ou $40 milliards par année, je ne vois pas tellement pourquoi il y aurait tout à coup un resserrement très sérieux sur ce plan, qui vous ferait dire à vous que vous envisagez l'avenir avec un certain pessimisme quant aux possibilités de trouver les emprunts nécessaires.

M. Lemieux: La raison, c'est que j'envisage une partie de nos besoins satisfaits par des emprunts relativement à court terme de huit ans, comme nous avons fait, et de dix ans. Mais on souhaite pouvoir continuer à emprunter à long terme sur le marché de New-York et au Canada. Le marché de New-York, le marché aux États-Unis, n'est pas tellement influencé par la disponibilité en Europe. C'est l'argent des caisses de retraite et des compagnies d'assurance surtout qui est disponible pour nous, pour des périodes de 25 ou de 30 ans et c'est là que la demande commence à se présenter, la demande pour des fonds. Il n'y a pas eu tellement de demandes depuis un an ou deux à cause de l'économie au ralenti, mais les économistes semblent croire qu'il y aura une amélioration plus tard cette année, et au cours de 1979.

M. Boyd: M. le Président, j'ai ici une étude faite par une des banques importantes du Canada sur le problème de l'énergie. Si on regarde les investissements faits dans le domaine de l'énergie par rapport à l'économie totale du pays, en 1957, le pourcentage consacré à l'énergie était d'environ 5,5% du produit national brut. Il est descendu à tout près de 3% vers les années 1962, 1963. Il est en train de remonter. Actuellement, il dépasse 5% et s'en va vers 6%, ce qui veut dire que, de plus en plus, il va y avoir des besoins d'investissement dans le domaine énergétique.

Si on regarde spécialement la part de l'électricité dans ce besoin d'investissement, en 1955, l'électricité requérait 46% et actuellement, le besoin d'investissement pour l'électricité dans le domaine de l'énergie atteint 58%.

Si on va plus loin et qu'on regarde les montants, les demandes d'investissement en dollar courant, en milliards de dollars, si on fait le bilan total des différentes formes d'énergie, on atteint $300 milliards et sur ces $300 milliards, 63% se rapportent au domaine de l'électricité. C'est un portrait qui indique que les demandes, dans le domaine de l'électricité au Canada, vont être très grandes et que la concurrence va être très forte pour l'argent qui va être disponible. C'est peut-être une réponse à votre question, en plus des affirmations qu'on peut faire, c'est une étude qui répond à une certaine partie de votre question. (21 h 45)

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais passer à la tarification. S'il y en a d'autres qui veulent continuer sur ce sujet, je veux bien laisser ma place.

Le Président (M. Dussault): On était en fait sur la question financière comme telle. Peut-être que...

M. Joron: Sur la question financière, j'avais...

Le Président (M. Dussault): J'avais dans l'ordre quand même, M. le député de Richmond, et, ensuite M. le député d'Abitibi-Ouest. On pourrait vider la question financière si...

M. Brochu: Je parlerai sur la tarification tantôt.

Le Président (M. Dussault): D'accord. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Ce n'est pas sur la tarification comme telle, si vous voulez vider le sujet...

Le Président (M. Dussault): D'accord. M. le ministre.

M. Joron: La question que je voulais vous poser, c'est que, à la page 16 du document, où vous nous donnez vos projections pour les années à venir, il y a quelque chose qui affecte le revenu net disponible, c'est le montant que l'on doit payer en intérêts sur la dette annuelle. Comme une grande partie de cette dette est en devises étrangères, soit en dollars américains ou en d'autres monnaies, pour ce qui est du dollar américain en tout cas, quel taux de change avez-vous présumé pour arriver à ces chiffres?

M. Boyd: Je crois qu'on a utilisé 12,5% ou 13%.

M. Joron: 12,5%?

M. Boyd: Oui, c'est cela.

M. Joron: Voilà! vous dites...

M. Boyd: Pour les devises américaines, on a utilisé 13% pour 1979, et 12,5% pour 1980 ainsi que 12,5% pour 1981.

M. Joron: On est déjà rendu à 17,75% aujourd'hui. Il vous manque alors déjà de l'argent!

M. Boyd: D'accord.

M. Joron: Votre taux de couverture va changer, si vous le... Je ne sais pas si cela va se maintenir à 17%. Enfin, peut-être que d'autres ont des prévisions.

M. Ciaccia: Après les déclarations du ministre des Finances, cela va s'améliorer.

M. Boyd: Nous avons dit cet après-midi que... Non, je pense que ce n'est pas ici que la question a été posée, mais, pour les trois prochaines années, on croit que la différence défavorable avec le taux de change américain peut représenter, pour les trois prochaines années, environ $300 millions, en assumant...

M. Joron: Attribuable au taux de change, assumant les taux que vous m'avez donnés... Évidemment, les $300 millions pourraient devenir $400 millions et $500 millions si c'était 17% ou 18% comme ce qu'on connaît dans le moment?

M. Boyd: D'accord, si cela demeurait au point où nous en sommes, cela nous coûterait davantage.

M. Joron: De là peut-être justement... Déjà, si on remettait tout cela sur la base du taux qu'on connaît aujourd'hui, tous les chiffres seraient rajustés en conséquence. Votre taux de couverture d'intérêt serait déjà plus bas.

M. Boyd: II diminuerait.

M. Joron: Le pourcentage du taux de financement, tout cela serait rajusté à la baisse.

M. Boyd: D'accord.

M. Joron: Je suis en train de vous donner un argument pour mettre de l'argent en réserve pour pallier des éventualités qui sont déjà en fait une réalité au moment où on se parle.

M. Boyd: D'accord, M. le ministre, mais, au moment où ces calculs ont été faits, c'était a mois d'août et, à ce moment-là, c'étaient les chiffres qu'on pouvait employer. Si on le faisait à nouveau aujourd'hui, il faudrait peut-être prévoir davantage.

M. Joron: Vous nous demanderiez de plus grandes augmentations de tarifs encore?

M. Boyd: C'est cela.

M. Joron: Ah bon! Heureusement que vous les avez faits au mois d'août.

M. Raynauld: M. le Président, sur ce point particulier je demanderais une précision. Les $300 millions dont vous parlez, ce sont les pertes que vous auriez à réaliser sur des emprunts que vous avez faits antérieurement, ce sont des pertes de remboursement de capital?

Une voix: Non.

M. Raynauld: Qu'on s'entende bien là-dessus. Est-ce que ce sont des paiements d'intérêt seulement?

M. Lemieux: Des paiements d'intérêt, le fonds d'amortissement et le rachat d'obligations à échéance, les trois.

M. Raynauld: Cela inclut le capital sur les obligations qui viennent à échéance. M. le Président, je voudrais faire remarquer...

M. Lemieux: Pardon, monsieur, c'est sur l'intérêt seulement.

M. Raynauld: Ah bon!

M. Boyd: Sur les intérêts seulement, monsieur.

M. Raynauld: D'accord.

M. Boyd: Si on prend les amortissements, comme M. Lemieux le mentionnait, et le service de la dette, ce serait $580 millions...

M. Raynauld: Ah bon! même les amortissements, parce que les amortissements, c'est discutable.

M. Boyd: ... pour les trois ans.

M. Raynauld: Les amortissements et les remboursements de capital, cela se discute.

M. Boyd: C'est $580 millions supplémentaires pour le service de la dette, en incluant les intérêts, le fonds d'amortissement et les échéances. Ce serait le coût à cause de la différence de la monnaie.

M. Raynauld: Alors, $300 millions, c'est pour combien d'années? Vous avez dit trois ans?

M. Boyd: Trois ans, oui.

M. Raynauld: Cela veut dire que c'est $100 millions par année.

M. Boyd: Pour les intérêts seulement.

M. Raynauld: Pour les intérêts seulement, $100 millions par année, que vous devez verser à cause de la différence de taux de change. Donc, vous avez des emprunts américains qui ont été faits au pair ou plus pour au moins $1 milliard ou $1 500 000 000, quelque chose comme cela, et vous payez des intérêts là-dessus. C'est cela qui fait les $100 millions. C'est d'accord, j'ai compris.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Sur la même question, si vous me permettez. Sur la question du taux de couverture, je voudrais être sûr d'avoir bien compris. On avait indiqué l'année dernière, à la commission parlementaire, qu'au cours des dernières années, il y avait eu une baisse graduelle chaque année, au niveau du taux de couverture. On avait dit, à ce

moment, qu'en faisant une demande de hausse de tarification de l'ordre de 17% ou autour de 17%, on présumait qu'on pourrait remonter ce taux de couverture à 1,33, je pense. Est-ce que cela veut dire que si, cette année, votre demande effective de hausse de tarification est moins élevée qu'on l'avait dit à ce moment, vous exposez le taux de couverture à subir une baisse automatiquement?

M. Boyd: Oui, parce qu'en 1978, nous pensions avoir seulement 1,24. C'est causé par différents facteurs. Un de ces facteurs importants, c'est justement la différence de taux de change.

M. Brochu: Ce que vous me dites, c'est que vous avez atteint, avec la demande que vous avez obtenue l'année dernière, 1,24?

M. Boyd: 1,24, ce qui était moins qu'espéré.

M. Brochu: Moins que prévu. Ce qui voudrait donc dire qu'avec cette demande moins élevée que prévue également, puisqu'on prévoyait, sur trois ans, 17%, on peut s'attendre que ce taux de couverture, sinon se maintienne, du moins diminue peut-être quelque peu.

M. Boyd: À la page 16, nous prévoyons obtenir, avec les augmentations que nous demandons, 1,31, 1,44 et 1,47. Évidemment, si le taux de change se détériore davantage, toutes les autres hypothèses demeurant, nous n'atteindrons pas ces chiffres. C'est un peu ce qui nous est arrivé l'année passée. Nos ventes à l'exportation ont été moindres que prévu. Il y a eu aussi ces coups à cause du taux de change qui n'était pas prévu en 1977.

M. Brochu: II y a quelques facteurs majeurs qui sont hors de votre contrôle et qui peuvent, à ce moment, influencer directement.

M. Boyd: C'est cela. M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Abitibi-Est, c'est sur la même question?

M. Bordeleau: Non, c'est sur le niveau du financement général, ce n'est pas sur ce sujet. C'est au sujet des $2 milliards dont on a parlé cet après-midi qui semblent être un maximum que vous voulez atteindre. D'abord, ma première question. Je voudrais savoir, les $2 milliards, on en a parlé beaucoup, mais pourquoi est-ce $2 milliards? Cela pourrait être plus, cela pourrait être moins. Est-ce que c'est un chiffre vraiment spécial, un chiffre magique?

M. Boyd: Je ne pense pas que ce soit un chiffre magique. C'est un chiffre qui nous est indiqué par ceux que l'on consulte, nos gérants, qui font des placements pour nous, nos obligations. C'est aussi par rapport à notre expérience passée. Notre plus grosse année a été de $1 800 000 000 et dans des conditions très spéciales où nous avons dû emprunter à court terme, à plus court terme que ce qu'on aurait souhaité. Le chiffre de $2 milliards ne nous apparaît pas comme un chiffre magique ou comme un chiffre hypothétique, mais comme un chiffre qui semble très difficile à dépasser.

Comme je le disais cet après-midi, s'il fallait le faire une fois, on ferait un programme spécial; on accepte certains emprunts à court terme et on passe l'année, mais quand vous devez le faire au moins trois fois de suite, et peut-être une quatrième année en 1982, les gens que vous consultez, parce que, en plus de nos gérants sur le marché, nous allons voir les gros investisseurs canadiens et surtout américains et nous pouvons tâter le pouls... Peut-être que, là-dessus, M. Lemieux pourrait ajouter quelque chose.

M. Lemieux: D'ailleurs, le montant de $2 milliards est un jugement de notre part basé sur les conseils qu'on a obtenus et, en tenant compte des marchés qui nous sont disponibles, même ces $2 milliards sont affectés un peu par le fait que les marchés en francs suisses, en marks allemands et en yens sont devenus tellement dangereux, à cause de l'augmentation de la valeur de ces monnaies, que nous hésitons à nous servir de ces marchés. En effet, depuis le début de l'année, on a effectué seulement un emprunt dans une monnaie autre que canadienne ou américaine, c'est un emprunt en Suisse, pour un montant de $75 millions. Cela fait à peu près 5% de nos emprunts de l'année 1978.

Alors, pour les prochaines années, il se peut que le taux de change se stabilise, mais ce n'est pas quelque chose sur lequel on peut compter.

M. Bordeleau: D'accord! Maintenant, c'est toujours une prévision, c'est un maximum que vous considérez. Par contre, comme le ministre vient de le mentionner, ça peut toujours varier selon le taux de change, par exemple, qui vous amène à dépenser ou à un manque à gagner. Cela peut aussi dépendre, j'imagine, de l'évaluation continuelle ou de la réévaluation des différents projets. Vous nous mentionniez tout à l'heure, dans votre présentation, une diminution de coût au niveau des lignes électriques de transport de $359 millions, par exemple, qui faisait suite à une réévaluation. Cela veut dire que, par exemple, vous pourriez nous arriver l'an prochain avec une nouvelle réévaluation — que, de toute façon, j'aimerais bien gros — et une autre réduction de ce même ordre. Mais j'aimerais savoir, suite à ça. quant à cette diminution de $359 millions, est-ce qu'elle vient d'une mauvaise évaluation au départ ou d'une réduction? Je ne sais pas, mais j'aimerais que vous nous expliquiez la raison spécifique de la diminution de $359 millions au niveau des lignes.

M. Boyd: Je vais demander à M. Monty de répondre à cette question.

M. Monty (Guy): II faut revenir quelques années en arrière pour pouvoir répondre à votre question.

Entre les années 1963 et 1973, les entrepreneurs en lignes de transport ont été occupés d'une façon assez continue dans le chantier Churchill Falls et Manicouagan. De 1973 à 1976, il y a eu une baisse dans la demande de soumissions de la part de l'Hydro-Québec et lorsque nous sommes arrivés sur le marché pour le déboisement et la construction des deux premières lignes de la baie James, nous avons eu des prix vraiment intéressants. Il y avait une fière concurrence entre les entrepreneurs et nous avons pu profiter de cotations beaucoup plus basses que prévues.

Mais, tout de même, on commence à ressentir actuellement que les entrepreneurs sont je ne dirais pas surchargés, mais satisfaits des travaux qu'ils ont actuellement. Or, on commence déjà à ressentir une hausse dans les soumissions reçues pour la deuxième ligne.

M. Bordeleau: Vous commencez à ressentir une hausse?

M. Monty: Tranquillement, oui. On ne peut pas dire que l'an prochain on pourrait constater une baisse encore. On a plutôt l'impression qu'on va se maintenir selon les estimations.

M. Bordeleau: Mais tout ça peut quand même varier jusqu'à un certain point.

M. Monty: Varier, mais peut-être dans le sens inverse d'aujourd'hui.

M. Bordeleau: Peut-être pas vers la base, en baissant, peut-être plutôt en augmentant.

Cela veut dire, finalement, que c'est assez élastique quand même.

M. Monty: Ce n'est pas élastique. C'est parce qu'on a pu bénéficier justement d'une disponibilité d'entrepreneurs pendant deux, trois ans et c'est ça qui nous a permis d'avoir des prix beaucoup plus bas.

M. Bordeleau: Vous pensez que ça ne peut pas se reproduire?

M. Monty: C'est difficile de se prononcer actuellement. Actuellement, la tendance est dans le sens contraire.

M. Bordeleau: D'accord.

Le Président (M. Dussault): Messieurs, nous avions prévu, à la fin de nos travaux de cet après-midi, que nous ajournerions la séance à 22 heures. Il est présentement 22 heures. À moins d'un avis contraire, je devrai le faire. Alors, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 11 heures.

Fin de la séance à 22 h 1

Document(s) associé(s) à la séance