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Étude du rapport de
l'Hydro-Québec
et de la Société
d'énergie
de la baie James
(Quinze heures quinze minutes)
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, madame et
messieurs!
Nous allons commencer les travaux de la commission parlementaire de
l'énergie ayant le mandat de faire l'étude du rapport annuel de
l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la
baie James.
Sont membres de cette commission, M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu
(Richmond), M. Desbiens (Dubuc); M. Gendron (Abitibi-Ouest) remplace M. Godin
(Mercier); M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Gratton (Gatineau); le ministre,
M. Joron (Mille-Îles), M. Mercier (Berthier), M. Rancourt
(Saint-François), M. Raynauld (Outremont).
Pourraient intervenir, M. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau
(Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Michaud (Laprairie), M.
O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Avant de commencer nos travaux, il faudrait nommer un rapporteur pour
cette commission. Messieurs de la commission, avez-vous une suggestion à
nous faire?
M. Gendron: Je propose M. Hubert Desbiens.
Le Président (M. Dussault): M. Desbiens est
proposé. Est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour que
M. Desbiens devienne le rapporteur de cette commission?
Des voix: D'accord!
Le Président (M. Dussault): M. Desbiens va donc agir comme
rapporteur. Avant de commencer nos travaux, il faudrait aussi convenir d'un
horaire de travail. Je sais qu'il y a eu des pourparlers entre les parties. M.
le ministre, est-ce qu'il y a une convention quant à l'horaire de
travail?
M. Joron: Après une brève consultation, M. le
Président, il semble qu'il serait satisfaisant aux parties
concernées de siéger aujourd'hui jusqu'à 18 heures, de
reprendre ce soir à 20 heures, jusqu'à 22 heures ou 23 heures,
selon le cas. Demain matin, nous reprendrions à 11 heures pour suspendre
à 13 heures pour le lunch et reprendre ensuite à 15 heures demain
après-midi jusqu'à la fin de l'après-midi et, si
nécessaire, demain soir. On verra où on sera rendu demain.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que cet horaire
convient à la commission.
M. Ciaccia: Oui, M. le ministre.
Le Président (M. Dussault): Nous suivrons donc cet
horaire. Quant au déroulement des travaux, je donnerais, au
départ, la parole à chacun des partis en commençant par M.
le ministre, ensuite, aux représentants de l'Hydro-Québec et de
la Société d'énergie de la baie James. En troisième
lieu, il y aurait les questions des membres de la commission. Est-ce que cela
convient aux membres de la commission?
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Président: S'il n'y a rien d'autre à ajouter, je
laisse la parole à M. le ministre de l'énergie.
Remarques préliminaires M. Guy Joron
M. Joron: Merci, M. le Président. Au moment d'entreprendre
nos travaux, permettez-moi de rappeler brièvement certains faits qui
modifient sensiblement le contexte habituel de cette commission parlementaire.
Le premier fait d'importance, c'est la dernière activité
officielle de la Commission hydroélectrique de Québec. Comme vous
le savez, la loi 41, adoptée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale en juin dernier, modifiait les structures
supérieures de direction et les mandats de l'Hydro-Québec et de
la Société d'énergie de la baie James remplaçant la
Commission hydroélectrique par un conseil d'administration. Comme le fut
l'achat des compagnies privées d'électricité il y a
maintenant quinze ans, c'est une étape importante que nous franchissons
cette année.
Je voudrais, au nom du gouvernement et en mon nom personnel, auquel je
pense bien pouvoir ajouter ceux des membres de cette commission parlementaire,
remercier chacun des membres de la commission pour leur travail et leur
dévouement en commençant, si vous le permettez, par leur doyen,
M. Dozois, qui après avoir servi le Québec comme
député et ministre, a fait bénéficier
l'Hydro-Québec de son expérience pendant dix ans, puis la
Société d'énergie de la Baie James et la Churchill Falls
Corporation également. À 70 ans et après une vie aussi
active, il a certes mérité de prendre un peu plus de temps pour
lui-même. Nous continuerons néanmoins de bénéficier
de son expérience, puisque M. Dozois a accepté de participer au
comité gouvernemental sur la politique d'achat, politique dont M. Dozois
s'était fait, à l'Hydro-Québec, l'un des principaux
artisans.
M. Gauvreau, après avoir oeuvré pour le
développement social et économique de sa Gaspésie natale,
sert l'entreprise depuis 1962 à titre de commissaire.
Préoccupé de l'amélioration constante des relations
humaines au sein de l'Hydro-Québec, il fut un précieux
intervenant dans l'organisation de la société et de la direction
du personnel. Nul doute qu'il sera un précieux apport pour le nouveau
conseil d'administration dont il est membre.
M. Monty est au service de l'Hydro-Québec depuis 1946.
Après avoir même travaillé comme étudiant pour la
Montréal Light, Heat and Power, il n'a cessé de faire profiter
l'entreprise de son travail acharné et de son grand jugement. Comme
responsable du programme d'équipement de l'Hydro-Québec, il fut
l'un des principaux artisans des grandes réalisations de l'entreprise.
M. Monty fut nommé au conseil d'administration par arrêté
en conseil la semaine dernière complétant ainsi les onze membres
du nouveau conseil d'administration. Le conseil pourra donc profiter de son
expérience. Je suis assuré de la bonne marche du dossier de
Hydro-Québec international dont il est déjà responsable
depuis le début de cette année.
M. Lemieux, depuis 1945 à l'Hydro-Québec, a occupé
tour à tour tous les postes en finance et comptabilité pour
devenir directeur de ce service et enfin commissaire, l'année
dernière. Sa compétence et son expérience continueront
sûrement d'être très bénéfiques à
l'entreprise dans les responsabilités qu'il assumera bientôt lors
de la réorganisation prochaine de la direction de
l'Hydro-Québec.
Enfin, M. Boyd, que j'ai été à même
d'apprécier grandement et à l'Hydro-Québec et à la
Société d'énergie de la baie James depuis ma nomination
comme ministre délégué à l'Energie. Sa connaissance
de l'entreprise, après 34 ans de service, son grand jugement et
l'efficacité de son travail, en font l'un des hommes les plus
précieux de la société d'État. C'est avec plaisir
que j'entrevois la continuité de nos rapports, dans sa nouvelle
tâche de président-directeur général de
l'Hydro-Québec. À tous, donc, nos plus sincères
remerciements.
Le deuxième fait d'importance, M. le Président, qu'il faut
souligner et qui change le contexte habituel de cette commission, c'est la
publication par le gouvernement du livre blanc sur l'énergie. En effet,
c'est la première fois au Québec qu'une commission parlementaire
discutera du rapport d'activités de l'Hydro-Québec et de sa
proposition tarifaire, ainsi que de la revue générale des
activités de la Société d'énergie de la baie James,
en ayant comme toile de fond une politique énergétique
définie. C'est d'ailleurs à la lumière de cette politique
générale et plus particulièrement le chapitre relatif
à la tarification que le gouvernement étudiera les propositions
tarifaires que nous soumet aujourd'hui l'Hydro-Québec et qu'il prendra,
dans les semaines qui viennent, ses décisions.
J'ose croire également que ces critères définis
dans le livre blanc sur la politique énergétique ont
implicitement été acceptés par l'Opposition, puisque
l'Opposition, n'ayant pas manifesté, depuis le mois de juin, de
réactions officielles, en tout cas défavorables, à la
publication de la politique énergétique, je tiens pour acquis que
MM. les membres de l'Opposition...
M. Ciaccia: Cela viendra, M. le Président, cela
viendra.
M. Joron: ... sont satisfaits de cette politique
énergétique. Je me permets de rappeler les principaux
critères, tels que décrits dans le livre blanc, qui
présideront à cette analyse. En premier lieu, le gouvernement
tentera d'assurer un traitement égal à tous les clients de
l'Hydro-Québec présentant les mêmes caractéristiques
de demandes. En deuxième lieu, le gouvernement considère
raisonnable de faire supporter par chaque catégorie d'utilisateurs les
frais que sa consommation entraîne. Il faut rappeler à cet
égard que l'existence d'une différence entre les tarifs
industriels et les tarifs résidentiels ou domestiques s'explique
évidemment par des caractéristiques différentes de
consommation.
En troisième lieu, il est essentiel de permettre à
l'Hydro-Québec d'obtenir des revenus suffisants pour assurer son
équilibre financier. La société d'État est
engagée dans un programme d'aménagement énergétique
qui requiert un effort financier particulièrement important. L'ampleur
même de ces développements nécessite une assise
financière solide. Plus spécifiquement, il est évident que
l'Hydro-Québec ne peut financer ces investissements uniquement en ayant
recours à des emprunts. Elle doit, comme par le passé, y
contribuer, à partir de ses propres réserves, dans une proportion
suffisante. L'effort financier accru auquel les consommateurs contribuent ainsi
découle, bien sûr, du coût de production de
l'énergie, à des coûts croissants, correspondra donc un
effort financier plus grand.
En quatrième lieu, il semble opportun pour le gouvernement
d'éliminer la dégressivité des tarifs, dans les
catégories où cela est justifiable.
Voilà donc, rapidement donné, dans quel esprit le
gouvernement regardera la proposition tarifaire que nous soumet aujourd'hui
l'Hydro-Québec.
On me permettra enfin de rappeler quel est le but de cette commission,
qui est de permettre aux représentants élus de la population de
faire une revue générale des activités de
l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la
baie James. Cette coutume annuelle, bien que non prescrite par la loi, est, je
pense, une excellente occasion, tant pour les membres de l'Assemblée
nationale que pour les dirigeants des deux entreprises, d'échanger
franchement informations et commentaires. Je suis assuré d'ailleurs,
connaissant l'intérêt de tous, que nos travaux seront des plus
profitables.
Mais, avant de terminer, M. le Président, j'aimerais
puisque je crois que c'est la première fois que les membres de la
commission parlementaire en ont l'occasion leur présenter les
membres du nouveau conseil d'administration de l'Hydro-Québec, dont
plusieurs sont ici présents.
D'abord, le président du conseil d'administration, sur lequel je
ne serai pas très loquace, parce qu'il n'a nullement besoin de
présentation, sa carrière étant bien connue, M. Lucien
Saulnier. Est-ce que M. Saulnier est là? M. Saulnier.
En deuxième lieu, M. Claude Laliberté, qui est membre
d'office du conseil d'administration à titre de
président-directeur général de la Société
d'énergie de la baie James. Est-ce que M. Laliberté
est là? Il est là. M. Laliberté a participé,
entre autres, au projet de Churchill Falls comme ingénieur, à la
direction génie et construction. De 1973 à 1977, il fut
délégué à la Société d'énergie
de la baie James, comme chef de service aux avant-projets, avant d'être
nommé directeur de la direction générale de
l'Electricité et des énergies nouvelles à la direction
générale de l'énergie. Il entre donc en fonction le 1er
octobre prochain.
Un autre membre qui n'a pas besoin de longue présentation, c'est
M. Roland Giroux. Est-ce que M. Giroux est présent? Il était
là tout à l'heure. M. Giroux, rappelons-le, en 1966, était
nommé commissaire de l'Hydro-Québec et conseiller
économique au Conseil exécutif du gouvernement du Québec.
En 1969, il devint président de l'Hydro-Québec, poste qu'il
occupa jusqu'en 1977. M. Giroux est en outre président du conseil
d'administration de la Consolidated Bathurst & Paper Limited. Il est
également administrateur, vous le savez, de diverses autres
compagnies.
M. André Thibodeau est, depuis 1975 est-ce que M.
Thibodeau est là? directeur du service d'administration et
d'organisation des ressources humaines à l'École des hautes
études commerciales, où il est professeur, depuis 1968, en
relations de travail et administration du personnel.
Précédemment, M. Thibodeau avait occupé des postes
permanents dans le mouvement syndical. Il fut, entre autres, trésorier
de la FTQ, puis secrétaire général et, enfin,
vice-président. Il fut par ailleurs procureur aux arbitrages de la ville
de Montréal ainsi qu'à l'Hydro-Québec.
M. Hervé Hébert est président de la Fiducie du
Québec, administrateur de la Fédération de Québec
des Caisses populaires Desjardins, de la Société
d'investissements Desjardins, de la Nationale, compagnie d'assurance, ainsi que
du Crédit industriel Desjardins. Antérieurement, M. Hébert
fut président d'un bureau d'actuaires-conseils, administrateur et
vice-président de la Banque provinciale du Canada ainsi que
président de la Banque populaire et des Placements collectifs. M.
Hébert fut membre du comité d'étude des régimes
supplémentaires de rentes des employés des villes et
municipalités ainsi que président du comité d'étude
sur le financement du Régime de rentes de Québec et sur les
régimes supplémentaires de rentes.
M. Claude Roquet, après M. Roquet est-il présent?
une brillante carrière diplomatique, principalement au
Moyen-Orient, fut nommé en 1976 sous-ministre adjoint aux Affaires
étrangères à Ottawa, poste qu'il quittera en 1977 pour
devenir depuis un an conseiller-cadre auprès du sous-ministre
délégué à l'Energie à Québec.
M. Pierre Laferrière est-ce que M. Laferrière est
là? après des études en sciences sociales et une
maîtrise en administration, est associé senior dans un bureau de
conseillers en gestion, investissements et organisation. Ces différents
travaux l'ont amené à travailler en plusieurs régions du
pays, aux États-Unis, en Europe et dans le tiers-monde. Nul doute que
son expérience en matière d'organisation et sa connaissance des
marchés étrangers sauront être d'un précieux apport
tant à l'Hydro-Québec qu'à éventuellement
Hydro-Québec international.
Mme Nicole Forget est-ce que Mme Forget est présente?
a eu une carrière fort bien remplie. Elle me permettra de la
reprendre à partir de 1967/68, au moment où elle est membre
fondateur et secrétaire de la Fédération des femmes du
Québec. Par la suite, Mme Forget oeuvre principalement à
l'Association des consommateurs du Canada, d'abord comme secrétaire
francophone de la division du Québec, puis vice-présidente, et de
1975 à cette année, comme présidente. (15 h 30)
Enfin, comme je le mentionnais tout à l'heure, MM. Boyd, Gauvreau
et Monty sont également membres de ce conseil. C'est d'ailleurs à
partir du 1er octobre, soit la semaine prochaine, que ce nouveau conseil prend
charge des affaires de l'entreprise. Je me permets donc, au nom de tous les
membres de cette commission, de transmettre nos meilleurs souhaits aux membres
du nouveau conseil d'administration, qui auront des défis importants et
exaltants à relever. Ne signalons, entre autres, que le fait que nous
ambitionnons de doubler la part de l'électricité dans le bilan
énergétique du Québec d'ici 1990, ce qui n'est pas une
ambition modeste. C'est un défi important. D'autres défis
s'ouvrent également sur la scène internationale, à titre
d'exemple, et bien d'autres encore. Alors, en votre nom, messieurs, je me
permets de souhaiter le meilleur succès possible aux membres du nouveau
conseil d'administration.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, au nom de l'Opposition
officielle, je voudrais me joindre au ministre pour remercier les commissaires
qui vont quitter leurs fonctions prochainement et ceux qui vont assumer leurs
nouvelles fonctions au sein du conseil d'administration. Il y en a plusieurs
parmi vous. Je remarque M. Dozois, M. Boyd, avec qui j'ai eu l'honneur de
travailler assez intimement durant les négociations. Je peux
témoigner que les membres de cette commission prenaient leurs
responsabilités et qu'ils oeuvraient vraiment dans
l'intérêt de la société et dans
l'intérêt du Québec. Ils ont accompli leur devoir. Je
voudrais féliciter aussi les nouveaux membres du conseil
d'administration. Je voudrais peut-être féliciter
particulièrement M. Claude Laliberté, aussi de la
Société d'énergie de la baie James, avec qui aussi j'ai eu
l'honneur et le plaisir de travailler dans le passé. Je remercie ceux
qui, au nom de l'Opposition, vont m'écouter. Je félicite les
nouveaux membres du conseil d'administration et j'espère que nous allons
pouvoir oeuvrer ensemble dans les meilleurs objectifs de chacun de nous.
M. le Président, je voudrais faire quelques remarques
préliminaires avant d'entreprendre les études et le mandat de
cette commission.
L'Hydro-Québec fait la fierté de tous les
Québécois et elle a, jusqu'ici, admirablement rempli son mandat,
qui est de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises
industrielles et commerciales et à tous les citoyens du Québec,
aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration
financière.
Non seulement l'Hydro-Québec a-t-elle réussi à
fournir aux Québécois l'électricité au taux le plus
bas en Amérique du Nord, mais de tous les fournisseurs
d'électricité en Amérique, l'Hydro jouit de la plus forte
réputation financière.
Ces deux réussites exceptionnelles sont maintenant
menacées par les politiques, les influences et les pressions du
gouvernement.
L'Hydro-Québec nous demande des augmentations de tarif
importantes. Or, souvenons-nous que, l'année dernière, le
gouvernement actuel accordait déjà une demande de
l'Hydro-Québec pour une augmentation de 20%. Je crois que l'augmentation
actuelle a été de 18,5%; si je me trompe, vous me corrigerez. Le
contribuable québécois se souviendra également des
augmentations précédentes. Pour 1974, aucune augmentation
n'était demandée. Pour 1975, 10% d'augmentation étaient
accordés à l'Hydro-Québec. Pour 1976, un montant
égal, soit 10%, était également accordé. Pour 1977,
à nouveau, une troisième somme de 10% était
accordée, ce qui nous donne un total approximatif, pour ces quatre
dernières années, de 34%, parce que c'est cumulatif et par
rapport à la dernière année avant que ces augmentations
soient accordées, ça faisait une augmentation globale de 34%.
Pour l'année 1978, par contre, nous voyons la demande de tarif
doublée à 20% et elle a été accordée par le
gouvernement actuel. Nous sommes aujourd'hui à nouveau devant des
demandes substantielles, soit de 15,9% pour l'année 1979, 15,8% pour
l'année 1980 et 10% pour l'année 1981.
Si ces demandes sont accordées par le gouvernement actuel, nous
constatons qu'à la fin de 1981, le contribuable québécois
se trouvera à payer près de 75% de plus pour son
électricité qu'il ne payait à la fin de 1976.
Nul ne nous tiendra rigueur de nous inquiéter devant cet
accroissement substantiel des coûts. De plus, si l'on se rappelle, de
1974 à 1975, le programme d'emprunt de l'Hydro-Québec pour le
développement de la baie James était plus considérable
qu'il ne le fut en 1977, de 1974 à 1976.
Force est de constater que cette augmentation nous paraît encore
plus considérable aujourd'hui. Cette inquiétude, importante en
soi, revêt un caractère encore beaucoup plus sérieux
lorsqu'on constate un autre changement fondamental relativement aux sources
d'emprunt auxquelles fait maintenant appel l'Hydro-Québec.
Traditionnellement, M. le président, l'Hydro-Québec
négociait la très grande majorité de ses emprunts sur les
marchés canadiens et américains. La stabilité
continentale, la haute réputation de gestion de l'Hydro-Québec,
en un mot, la confiance dans l'avenir politique du Québec permettait ces
emprunts et reflétait une administration saine des deniers publics.
C'est ainsi qu'en 1974, 57% des emprunts provenaient du marché
américain, 41% du marché canadien et la totalité des
emprunts auprès des autres marchés d'outre-mer n'atteignait que
18%.
En 1975, on pouvait noter une approche encore plus "conservatrice" pour
cette année-là. L'Hydro empruntait 37,7% de ses besoins sur le
marché canadien, 55,7% sur le marché américain et
seulement 6,6%, soit un tiers de l'année précédente, sur
les marchés d'outremer.
En 1976, finalement, 8,9% étaient empruntés au Canada, 82%
aux États-Unis et 9% sur les autres marchés.
Le 15 novembre 1976, le gouvernement séparatiste du Parti
québécois était porté au pouvoir. Or, en 1977, que
constatons-nous? Nous constatons que l'Hydro-Québec modifie
substantiellement sa méthode d'emprunt.
En 1977, l'Hydro-Québec baisse son pourcentage d'emprunt sur le
marché canadien à 11,45%, son pourcentage sur le marché
américain à 39,8% et augmente son pourcentage d'emprunt sur les
marchés d'outre-mer, soit au Japon, en Suisse, en Allemagne, à
48,74%.
Quelles raisons ont pu motiver un pareil revirement? Certes, pas le
total des sommes empruntées, parce qu'en 1977, l'Hydro-Québec n'a
eu besoin que de moins de la moitié de la somme empruntée en
1976.
Comment donc expliquer un départ aussi marqué des
marchés traditionnels dont jouissait l'Hydro-Québec
jusqu'à ce moment-là? La réponse est, selon nous,
évidente. À la suite du premier geste posé par le
présent gouvernement, à la suite particulièrement de
certaines déclarations-clés et je pense au fameux discours
du premier ministre à New York à la suite des
énoncés politiques gouvernementaux qui s'ensuivirent,
l'Hydro-Québec n'avait pas d'autre choix que de recourir à de
nouveaux marchés, à de nouveaux prêteurs, moins inquiets,
loin de nos problèmes.
Les portes des marchés américains, autrefois grandes
ouvertes, ne se trouvaient plus qu'entrouvertes. Il n'est pas moins
évident que la marge de manoeuvre de l'Hydro-Québec devint,
à partir de ce moment-là, victime des gestes politiques
posés par le gouvernement. Nous ne pouvons en blâmer
l'Hydro-Québec, elle a pris la meilleure décision possible dans
ce contexte.
Depuis, nous avons été témoins, témoins
inquiets, d'une part, de la chute du dollar canadien vis-à-vis du dollar
américain, d'autre part, de la dégringolade non moins
inquiétante du dollar américain par rapport au yen japonais, au
mark allemand et au franc suisse.
Que signifient, de façon concrète, ces accroissements de
l'écart dans les taux de change? Cela signifie un accroissement
considérable des coûts de ces emprunts. Il est évident
qu'il nous faudra déduire de cet accroissement l'avantage d'emprunter,
dans des monnaies fortes, à faible taux d'intérêt.
Cependant, cet avantage comporte deux désavantages non moins
significatifs: celui, d'une part, du double risque d'emprunter en dehors du
Canada et d'être donc sujet aux fluctuations entre les
deux dollars et d'être, dans un deuxième temps,
également sujet aux fluctuations entre le dollar américain et les
autres monnaies fortes d'outremer.
Le deuxième désavantage est évidemment celui
d'emprunter à court terme. En effet, comment s'expliquer qu'une des plus
grandes sociétés énergétiques au monde,
probablement la plus grande, et qui fonctionne essentiellement à long
terme, se trouve obligée de recourir soudainement à des modes
d'emprunts à court terme?
Il y a là une anomalie sérieuse. Il est
intéressant, M. le Président, de remarquer qu'au même
moment l'Hydro-Ontario se voyait accorder des emprunts à très
long terme, la plupart venant à échéance au début
des années 2000. Comment peut-on ici ne pas penser à la
stabilité politique de notre voisin et à la confiance que
celle-ci suscite sur les marchés d'emprunt et dont
bénéficie visiblement l'Hydro-Ontario, un organisme pourtant
moindre, en termes internationaux, que son pendant québécois.
À ce moment-ci, M. le Président, j'aimerais soulever un
seul autre exemple qui vient nous démontrer que les politiques du
gouvernement, vraisemblablement, peuvent avoir dans l'avenir des
conséquences sur le marché et le développement de la
société d'État. Je veux parler du différend
important qui semble exister entre le ministre d'État à
l'énergie et la société d'État sur
l'évaluation respective de la croissance de la demande
d'électricité au Québec dans les prochaines années.
Peut-être que nous pourrons en discuter plus longuement avec nos
invités. Au cours de sa présentation devant cette commission
parlementaire en février 1977, M. Robert Boyd, alors
vice-président de l'Hydro-Québec, prévoyait au nom de la
société: "Cette faible marge de variations alliée à
des considérations démographiques et économiques ont
conduit l'Hydro-Québec à retenir un scénario de croissance
de la demande électrique de 7,75% par année d'ici 1985."
Plus tard, suite aux séances de cette commission, le ministre
délégué à l'énergie publiait son livre blanc
auquel il s'est référé ce matin et pour la même
période, c'est-à-dire d'ici 1985, il évaluait la
croissance de la demande électrique au Québec à 6,4% par
année. Vous comprendrez le point d'interrogation que ceci
soulève. En effet, si la différence dans ses prévisions
est aussi grande, en d'autres termes, si le ministre prévoit moins que
la société d'État, comment donnera-t-il à celle-ci
les moyens de répondre à la demande qui est prévue? Nous
sommes tentés de penser qu'il ne lui donnera pas les moyens qui
s'imposeraient. À ce moment-là comment évaluer les
coûts additionnels de rattrapage qui s'imposeraient lorsque le
gouvernement serait obligé de constater l'écart par
lui-même entre l'offre et la demande? Comment mesurer les
conséquences économiques d'un tel écart entre la demande
et les possibilités de l'Hydro d'y répondre. Cette autre question
soulève le débat fondamental qui devra s'engager autour du livre
blanc.
Cette commission n'est certes pas le forum, dans le peu de temps dont
elle dispose, pour engager le débat sur le livre blanc.
Néanmoins, nous ne pouvions éviter de soulever cette question
puisqu'il nous est impossible de discuter du rapport annuel de
l'Hydro-Québec sans discuter de l'avenir de cette société
et des politiques gouvernementales qui vont affecter son avenir. À ce
moment-ci, nous nous sentons obligés, M. le Président, de
soulever la question fondamentale qui semble sous-tendre les décisions
prises par le gouvernement et qui affecte la marche de la société
d'État. Le gouvernement ne met-il pas constamment l'accent sur son
propre objectif politique au lieu d'en rester à des
considérations purement économiques? En d'autres termes, dans le
cas qui nous préoccupe, c'est-à-dire la politique
énergétique du Québec, relativement à l'Hydro et
l'électricité, le gouvernement se demande-t-il de quelle
façon le consommateur québécois sera le mieux servi, au
meilleur coût, avec la plus grande efficacité ou ne s'est-il pas
plutôt fixé un objectif purement partisan préalable
à sa politique énergétique, soit la séparation,
pour ensuite diviser les politiques qui viennent justifier cet objectif.
Comment pouvons-nous nous expliquer autrement, M. le Président,
la façon malhabile avec laquelle le gouvernement tente, à travers
sa politique énergétique, telle qu'annoncée dans son livre
blanc, de minimiser le lien canadien? Comment pouvons-nous autrement nous
expliquer le peu d'importance que le gouvernement attache aux immenses
richesses énergétiques dont dispose la fédération
canadienne et dont nous sommes et serons, jusqu'à ce que nous soyons
autrement mandatés par le peuple, les copropriétaires. Les
Québécois ont un droit à ces richesses, droit qu'ils ne
semblent pas vouloir aliéner, mais auquel le gouvernement semble avoir
renoncé pour eux et ceci sans consultation. Le gouvernement n'induit-il
pas la population en erreur quand il met une croix sur une grande partie de ces
richesses. En se voyant amputé de ses projets nucléaires par le
gouvernement, l'Hydro arrivera-t-elle vraiment à pouvoir atteindre les
objectifs mis de l'avant dans le livre blanc. Nous nous devons de demander au
gouvernement s'il peut, aujourd'hui, nous donner l'assurance que d'autres
priorités pour la population du Québec, non moins importantes, ne
subiront pas demain un préjudice sérieux à cause du
fardeau d'emprunt exceptionnellement lourd qu'il faudra alors assumer pour
mettre en application les politiques énergétiques du gouvernement
actuel. Le gouvernement doit aussi s'interroger sur les coûts du
développement de l'Hydro-Québec, faire des études et
satisfaire le Québec, la population, et ne pas négliger le
développement d'autres sources énergétiques, dans le
contexte du lien canadien, de la fédération canadienne. (15 h
45)
J'ai mentionné l'augmentation croissante des coûts de
l'électricité pour les contribuables du Québec, j'ai
parlé de ce qui nous semble être la nouvelle politique d'emprunt
du gouvernement, laquelle a des conséquences importantes pour
l'Hydro-Québec et qui en aura de toutes aussi importantes pour le
consommateur et le contribuable québécois. J'ai soulevé
quelques-unes des nom-
breuses contradictions qui semblent exister entre les prévisions
de la société d'État et celles du gouvernement, tout ceci
arrive à deux choses: le grand danger que les ingérences
idéologiques et politiques du gouvernement viennent remettre en question
la grande réputation de la société d'État et
viennent affecter, de façon très sérieuse, son
développement.
L'autre facteur est la difficulté qu'une commission qui ne
siège que quelques heures puisse faire une étude professionnelle
et approfondie de questions aussi techniques et complexes que celle de la
tarification. N'y a-t-il pas lieu de songer à un mécanisme qui
permette aux intéressés de se faire entendre sur une question
aussi importante qui les affecte tous, entendre les témoins, les experts
et voir toute la documentation à l'appui d'une telle augmentation. Le
moment est venu de réviser sérieusement la façon dont le
gouvernement en arrive à ces décisions sur les hausses de tarif
de l'électricité.
Il est impensable que le gouvernement, qui dispose du pouvoir
décisionnel ultime et qui prétend arriver à des
décisions d'une façon démocratique et transparente,
maintienne plus longtemps un tel artifice. Pour toutes ces raisons, nous
proposons la mise sur pied d'une véritable régie de
l'énergie, dotée de pouvoirs pour étudier, à l'aide
d'experts, d'une façon non partisane, la demande de hausse des tarifs de
l'électricité et de faire les recommandations qui s'imposent au
gouvernement, compte tenu des centaines de millions de dollars dont il s'agit
maintenant.
La participation des citoyens nous semble maintenant indispensable;
certains nous diront qu'une telle proposition est déjà contenue
dans le livre blanc du gouvernement. Il n'en est rien. L'extension des pouvoirs
de la régie de l'électricité et du gaz du Québec,
proposée dans le livre blanc du gouvernement, est minime,
incomplète et ne vient en rien régler le problème que nous
traitons aujourd'hui. Le gouvernement ne fait que donner à la
régie actuelle quelques petits pouvoirs additionnels. Il exclut
spécifiquement les recommandations sur la tarification de
l'électricité.
Nous nous devons finalement de dissiper toutes les
ambiguïtés potentielles en ce qui concerne notre attitude
vis-à-vis du développement de l'Hydro-Québec. L'Opposition
officielle, que j'ai l'honneur de représenter dans ce débat, avec
mon collègue, le député d'Outremont, n'a pas à
faire la preuve de sa fierté envers ce grand agent économique et
québécois, ni à répéter qu'elle est
hautement favorable au développement rationnel et ordonné de nos
ressources hydroélectriques.
Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est simplement que le gouvernement
agisse de façon responsable. Ce que nous exigeons aujourd'hui, c'est que
le gouvernement mette les intérêts des Québécois
au-dessus de ses propres visées idéologiques.
Motion proposant ta création d'une régie
de l'énergie
M. le Président, pour donner suite à notre sug- gestion et
à notre insistance à ce que la tarification devrait faire le
sujet d'une étude plus approfondie et le sujet d'auditions devant une
régie, je voudrais faire la motion suivante: "Que cette commission est
d'avis que le gouvernement doit créer, sans délai, la
régie de l'énergie, proposée dans le livre blanc sur la
politique québécoise de l'énergie et confier à
cette régie la responsabilité d'étudier les demandes
d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec et de faire des
recommandations au gouvernement, que la présente demande d'augmentation
de tarifs de l'électricité soit référée
à cette régie le moment venu."
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mont-Royal, je vais accepter votre motion pour le moment, en tant que texte que
vous me soumettez, mais je vais quand même donner la parole à M.
le député de Richmond. Nous reviendrons à cette motion. M.
le député de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. Une fois de plus, notre
grande société d'État revient devant cette commission de
l'Assemblée nationale. On sait très bien qu'elle n'y est
aucunement tenue, aucunement obligée par la loi, mais la coutume est
maintenant établie, depuis nombre d'années, qu'une fois l'an,
cette grande société d'État revient devant
l'Assemblée nationale pour faire, en quelque sorte, le point sur ses
activités et permettre aux élus des différentes formations
politiques de poser les questions qu'ils jugent pertinentes sur l'état
de la situation de cette société d'État.
M. le Président, j'aimerais, au nom de l'Union Nationale et avec
votre permission, émettre certains commentaires et certaines prises de
position de notre formation politique pendant les séances de cette
commission. Ceux-ci porteront sur plusieurs domaines et nous en avons retenu
certains qui sont d'intérêt majeur pour la formation politique que
je représente et également qui sont d'intérêt majeur
pour l'ensemble des citoyens du Québec. Il y a, entre autres, la
question de la tarification, l'administration interne de la
société, le réajustement à la suite des coupures du
gouvernement fédéral et enfin, l'Hydro-Québec comme
facteur de développement économique.
En premier lieu, nous nous intéresserons aux nouvelles
propositions tarifaires qui auront cours durant la prochaine année ainsi
qu'à celles qui furent proposées et appliquées l'an
dernier. Incidemment, nous voudrions savoir quelles furent les
conséquences réelles, pratiques, des hausses de l'an dernier en
ce qui concerne l'autofinancement et, en particulier, la couverture des
intérêts qui avait soulevé une assez longue discussion lors
des débats de la commission parlementaire l'année
dernière. À ce propos, je demanderai, au cours de nos entretiens,
à M. Boyd si la détérioration graduelle sur le taux de
coupure des intérêts que l'Hydro-Québec subissait depuis
déjà quatre ans, c'est-à-dire depuis 1974 si ma
mémoire est bonne, a été finalement stoppée et s'il
y a eu rattrapage à 1,33%, comme le prévoyait M. Joron
l'année dernière au cours de nos discussions.
Dans tout ceci, je fais manifestement référence, comme je
l'ai indiqué, à la déposition même du ministre
d'État délégué à l'énergie, figurant
dans le journal des Débats de l'an dernier, à la page B-5330,
où celui-ci déclarait qu'un accroissement du taux de couverture
des intérêts conditionnait la situation financière de
l'Hydro-Québec directement.
Pour continuer sur ce sujet de la tarification qui n'intéresse
pas que nous, j'aborderai une optique de ce thème qui touche plusieurs
citoyens et qui se situe à un niveau plus pratique. Il s'agit, M. le
Président, du fameux mode de facturation auquel on a fait
référence, souventefois décrit comme arbitraire, mode qui
ne concorde pas toujours avec la consommation effective. Je suis intervenu
à différentes occasions et je pense que c'est encore la tribune
où on doit refaire le point sur cette question, à savoir quelles
modifications, à quel stade on en est rendu dans ce processus de
réorganisation au niveau du mode de facturation.
Je demanderai également aux dirigeants de l'Hydro-Québec,
tout autant qu'au ministre lui-même, de faire tout en leur pouvoir pour
que ces pratiques puissent être corrigées le plus rapidement
possible, de façon complète.
En guise de dernier mot à ce volet, je demanderais au ministre
où il en est en ce qui regarde le dossier sur l'abolition des taux
dégressifs dont on a largement fait état. Je me rappelle fort
bien que vous aviez fait état l'an dernier que cette pratique du taux
dégressif était une aberration et qu'il y avait une
nécessité urgente d'y mettre fin, pour éviter et je
vous rappelle les propos, à ce moment-là la consommation
abusive dans le domaine énergétique. On touche, par le biais de
cette question, la tarification et la conservation. Je vous demande de mettre
cette commission parlementaire au courant de vos démarches ainsi que des
décisions et des résultats qui en découlent, dans la
pratique.
En second lieu, mon intervention portera sur l'administration interne de
la société d'État, et j'entends par ce fait
l'Hydro-Québec et la SEBJ. M. le Président, je demanderais que
soit confirmé si, effectivement, les années 1977 et 1978 furent
véritablement consacrées au rattrapage en ce qui concerne
l'évaluation des travaux de la baie James.
Les informations qui sont disponibles à l'heure actuelle nous
permettent de croire que l'opération rattrapage a été
concluante, même très concluante et qu'à toutes fins utiles
nous serions même en avance sur l'échéancier prévu.
Je pense que dans le rapport qui nous a été remis, le
président en fait état. Mais j'aimerais qu'on puisse
peut-être préciser davantage les opérations qui ont permis
d'arriver à des conclusions aussi intéressantes.
Il convient à ce chapitre de féliciter, M. le
Président, tous les dirigeants de la SEBJ du succès de cette
opération. Dans ce sens, nous serions curieux de savoir sur quel facteur
vous avez pu intervenir pour en arriver à de tels résultats
étant donné qu'au point de départ ce problème
était vraiment de taille.
Pour ce qui concerne le coût total du projet, le président
de l'entreprise déclarait récemment que l'estimation totale du
complexe hydroélectrique se situait toujours à $16 153 000 000 et
qu'elle restait inchangée. Mais, si j'ajoute à ce chiffre un taux
annuel d'inflation de 8% à 10%, c'est-à-dire le taux moyen que
nous subissons depuis l'année 1974, serait-il plus logique de croire
qu'en perspective, nous pourrions atteindre des montants substantiellement plus
élevés? En d'autres termes, dans les $16 milliards, d'estimation
totale, est-il prévu une marge de manoeuvre à l'intérieur
de ce montant permettant d'absorber de façon plus ou moins automatique
ce taux d'inflation ou si l'on devra en cours de route réévaluer
et rajuster nos prévisions?
De plus, en parcourant le rapport annuel de l'Hydro-Québec 1977
ainsi qu'un article paru dans la revue En Grande relatant le rapport de la SEBJ
pour la même année, il m'est apparu que certains chiffres
mentionnés dans lesdites revues ne semblaient pas, du moins de prime
abord, concorder. J'aimerais peut-être qu'en cours de route on puisse
apporter certains éclaircissements à ce sujet.
Effectivement, le rapport annuel 1977 de l'Hydro-Québec, à
la page F13 mentionne qu'un montant de $3 385 000 000 a déjà
été investi dans les travaux, et cela, en date du 31
décembre 1977.
D'autre part, ce qui semble toujours directement relié au
même sujet, dans la revue "En Grande", début juillet 1978,
à la page 12, relatant le rapport annuel de la SEBJ, on rapporte que la
totalité des sommes déjà engagées se situerait
à $7 milliards, au 31 décembre 1977. Ce dernier chiffre
représente évidemment une marge passablement importante sur la
première donnée qui nous avait été fournie.
Peut-être que j'interprète mal les données qui nous sont
soumises, mais j'aimerais qu'on puisse établir ce qui existe exactement
de ce côté-là. Peut-être que, d'un côté,
on n'a pas inclus la SDBJ. J'aimerais qu'on me donne la structure interne de
ces données qui nous ont été fournies.
Par ailleurs, la société d'État semble fonctionner
parfois sous une forme un peu discrète à certains égards.
Pour soutenir une telle affirmation, je m'en réfère à une
étude faite par M. Pierre Fournier, de l'Université du
Québec, à Montréal, qui reproche en quelque sorte à
l'Hydro-Québec une trop grande autonomie vis-à-vis du
gouvernement. Je m'en réfère justement à cette
étude, à la 104 plus précisément, où on dit
ceci: "Deux autres aspects du fonctionnement de l'Hydro-Québec
méritent une étude plus approfondie. D'une part, le gouvernement
devrait probablement prendre des mesures pour contrôler sa
société d'électricité davantage". Gilles
Massé, qui était alors ministre des Richesses naturelles, en
1972, déclarait ceci: "Le problème principal qui se pose est
celui de l'harmonisation des politiques de l'Hydro-Québec avec celles du
gouvernement. Les contrôles actuels de l'État sur
l'Hydro-Québec n'ont jamais été très efficaces."
Fin de la citation de M. Massé.
Je continue le texte de M. Fournier: "Un des exemples de cette trop
grande autonomie s'est manifesté lors des négociations entre la
direction
et le Syndicat des employés de l'Hydro. Le gouvernement a eu
énormément de difficultés à faire accepter par la
direction le contrat que son médiateur avait négocié.
D'autre part c'est un problème directement relié au
précédent l'Hydro fonctionne dans le secret quasi absolu.
Plusieurs décisions importantes n'ont jamais été
suffisamment justifiées. La décision de confier la gérance
des travaux de la baie James à la firme Bechtel, par exemple. Le
gouvernement devra se doter des moyens nécessaires pour obtenir plus
d'information sur les activités de sa société
d'État. Les données disponibles, par exemple, ne nous permettent
pas de savoir si l'Hydro exploite au maximum son pouvoir d'achat." (16
heures)
Dans cette réflexion, on peut se demander si le gouvernement,
dans ses relations avec sa société d'État, a à sa
disposition suffisamment de données ou s'il existe trop de zones grises
en ce qui concerne l'accessibilité de certaines données; je me
réfère également à un article de journal qui a paru
dans le Devoir du mercredi 10 mai 1978, sous la plume de Michel Vastel, qui
indique ceci: "L'Hydro-Québec sous-estime grandement ses coûts."
On fait référence au rapport des deux experts du MEER, au rapport
Boyer-Martin. Je cite ici un extrait de cet article paru dans le Devoir: "Toute
l'étude de Boyer-Martin vise donc à établir pour
l'Hydro-Québec une méthode de tarification qui tienne mieux
compte des coûts réellement supportés par la
société québécoise. Les auteurs précisent
que leur étude pourrait sans doute être encore raffinée
mais ceci en dit long sur le comportement de l'Hydro-Québec
ils se plaignent, à plusieurs reprises, dans leur rapport de ne
pas avoir eu accès à des renseignements de base
indispensables."
J'ai voulu délibérement mettre en parallèle ces
deux textes pour vous indiquer qu'il est peut-être temps aussi pour le
gouvernement de revoir son mode d'approche en ce qui concerne non seulement
l'Hydro-Québec mais l'ensemble de ces sociétés
d'État. Si le ministre Tardif, le ministre des Affaires municipales, a
cru bon d'exiger de certaines municipalités qui ont des budgets beaucoup
plus restreints que nos sociétés d'État, qu'elles lui
soumettent des plans de développement immobilier s'échelonnant
sur trois ans, comme le veut la loi 54, sanctionné le 15 février
1977, on peut alors se demander justement si le gouvernement ne devrait pas
exiger cela en vertu du même principe, de ses sociétés
d'État et, en particulier, en ce qui concerne les travaux et
l'exécution des travaux de la baie James.
Dans la même optique, je vous rappellerai que, le 22
février dernier, j'avais déposé au feuilleton de
l'Assemblée nationale certaines questions portant sur
l'évaluation des coûts, surtout plus précisément en
termes de contrôle, en ce qui concerne les chantiers de la baie James. Je
ne vous cacherai pas, dans cette même optique, que certaines
données nous sont très difficilement accessibles que j'attends
encore et qu'il me semble peut-être suis-je pessimiste que
je vais peut-être attendre encore un bout de temps. J'attends encore,
avec une certaine impatience, cette réponse sur le sujet. Je me permets,
avec votre permission, de souligner encore cette question et de vous rappeler
le texte de ces questions.
Premièrement, j'ai demandé au ministre: "Depuis le 1er
janvier 1978, le gouvernement a-t-il pris des mesures concrètes pour se
donner un meilleur instrument de contrôle des coûts des travaux de
la baie James? Dans l'affirmative, quelles sont ces mesures et qui veillera
à leur application? "Deuxièmement:" À titre de
société de gérance, la Société
d'énergie de la baie James a-t-elle remis au gouvernement son plan de
développement pour les cinq prochaines années?
"Troisièmement, je demandais au ministre:" À ce moment, dans
l'affirmative, quelle est la nature et la portée financière de ce
plan de développement, particulièrement au niveau des
immobilisations?"
Mon attitude peut paraître exigeante au point de départ.
Cependant, concernant tout ceci, elle comporte deux buts bien
spécifiques et étroitement liés. D'abord, il est de toute
première nécessité que la population
québécoise sache. En conséquence, on doit rappeler au
présent gouvernement ses promesses formelles quant à la
transparence d'un bon gouvernement. Au rythme où vont les choses, la
transparence, de plus en plus, s'impose.
Comme troisième volet à mon intervention, j'aimerais me
situer à un niveau plus général que les
précédentes: il s'agit des fameuses coupures budgétaires
du gouvernement fédéral concernant l'usine LaPrade. Une telle
décision signifie-t-elle une réévaluation complète
de tout le développement hydroélectrique dans l'immédiat?
Dans quelle mesure l'Hydro-Québec devra-t-elle se tourner vers d'autres
sources de financement pour faire face aux exigences énergétiques
dans son plan d'ici les années 1990? Quels sont plus
spécifiquement les intentions et le mode d'action que le ministre de
l'énergie a l'intention de prendre pour faire face à une telle
situation?
Enfin, une remarque sur l'Hydro-Québec en tant que facteur de
développement industriel. Vous n'ignorez pas que le secteur secondaire
de l'économie se cherche véritablement une place au soleil.
Je n'ignore pas, de mon côté, que plusieurs mesures sont
nécessaires pour assurer ce désir bien légitime. Une de
ces mesures pourrait être de faire en sorte que l'Hydro-Québec
fasse jouer davantage les marchés dont elle dispose à ce jour en
faveur de la PME, car je le rappelle, la PME est le seul maître-d'oeuvre
de l'économie québécoise contrôlée par les
Québécois eux-mêmes, hormis les sociétés
gouvernementales, telle la vôtre.
Une telle démarche contribuerait grandement à rendre de
plus en plus autonome l'économie québécoise et à
lui assurer, par le fait même, une diffusion économique
nationale.
Dans le même esprit, nous appuierions toute initiative de
l'Hydro-Québec visant à commercialiser les découvertes
faites à son institut de recherche et qui auraient pour
conséquence une prise en main québécoise de l'outillage
industriel, com-
mercial et ménager dans le domaine de
l'électricité.
Cette requête va dans le sens du rapport qu'a
présenté l'OPDQ dans une évaluation préliminaire
que cet organisme faisait sur les sociétés d'État et les
objectifs économiques du Québec. Finalement, comme mesure
supplémentaire, l'Hydro-Québec pourrait s'engager encore plus
loin en accélérant ce à quoi on a fait allusion
récemment la création d'un consortium de
sociétés québécoises pour l'étude et la
réalisation des travaux hydroélectriques au plan
international.
En fin de semaine dernière, le premier ministre a annoncé
une telle initiative et nous souhaitons voir le plan d'application d'une telle
intention.
La formation politique que je représente appuie ces objectifs, en
vue de faire de l'Hydro-Québec un agent encore plus efficace, encore
plus enraciné, et dont nous aurions encore davantage raison d'être
fiers.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Richmond.
Sur la motion qu'a présentée le député de
Mont-Royal, j'ai demandé certains documents au secrétariat des
commissions avant de pouvoir m'exprimer sur cette question. Je suppose que le
ministre s'attend que je lui donne la parole...
M. Joron: J'allais vous la demander, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre, après
cela, je vais rendre ma décision quant à la recevabilité
de la motion qu'a présentée le député de
Mont-Royal, et ensuite, je vais donner la parole aux représentants de
I'Hydro.
M. le ministre.
M. Guy Joron
M. Joron: Merci. M. le Président, en attendant de
reprendre ou non la discussion sur la question de la motion, j'aimerais quand
même prendre quelques minutes pour répondre à certaines
questions qui ont été posées, tant par le
député de Mont-Royal que par le député de Richmond.
Mais, avant de le faire, je voudrais signaler que, par inadvertance, tout
à l'heure, en lisant mon texte, j'ai commis un oubli. J'ai oublié
de mentionner, parce que j'avais le texte de l'Hydro-Québec, mais je
n'ai pas vu que j'avais une page également sur la Société
d'énergie de la baie James que le nouveau conseil d'administration qui
prend charge, lundi prochain, des deux sociétés, remplace, dans
le cas de l'Hydro-Québec, de la Commission hydroélectrique mais
aussi, dans le cas de la Société d'énergie de la baie
James, l'actuel conseil d'administration de la Société
d'énergie de la baie James. Parmi ces personnes il y a quelqu'un qui est
présent à cette table et que je voudrais remercier pour ses
services, c'est M. Charles Boulva.
M. Boulva ne nous quitte pas tout à fait, puisque, à titre
de président de la Société de développement de la
baie James, il reste évidemment en étroit contact avec les
activités dans cette région.
Je m'excuse personnellement, M. Boulva, auprès de vous de cet
oubli inqualifiable.
M. le Président, je voudrais, en réponse à certains
points soulevés par le député de Mont-Royal et qui m'ont
rendu fort perplexe, dire ceci. J'ai trouvé bizarre, d'une part, qu'il
commence son intervention en adressant des félicitations aux
commissaires et que, quelques phrases plus tard, il qualifie leur proposition
tarifaire d'irresponsable et d'assujettie aux objectifs partisans du
gouvernement.
Cela m'apparaît un petit peu bizarre. Ce que je trouve très
bizarre également, aussi...
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous interrompre, mais je n'ai pas
qualifié les commissaires d'irresponsables...
M. Joron: Non, vous avez qualifié...
M. Ciaccia: ... mais bien les actions du gouvernement.
M. Joron: ... la proposition tarifaire qui nous est soumise
d'irresponsable. Or, la proposition tarifaire en question, vous le savez bien,
vient de la Commission hydroélectrique; elle ne vient pas du
gouvernement.
M. Ciaccia: Je vais vous relire ce que je vous ai dit.
M. Joron: Deuxièmement, l'an dernier, le porte-parole de
votre parti à cette même commission laissait entendre que les
hausses de tarif que nous considérions à ce moment-là
étaient peut-être, insuffisantes et qu'il fallait plutôt se
diriger vers le coût marginal de l'électricité; voici que,
cette année, le Parti libéral fait un revirement complet et,
maintenant, met tous ces chiffres en cause en tentant, comme l'a fait le
député de Mont-Royal, de les relier directement à des
événements politiques ou électoraux.
Je sais que le député de Mont-Royal fait de fort mauvais
rêves depuis le 15 novembre 1976, mais je ne pensais pas que ses
rêves le suivraient encore deux ans plus tard, jusque dans cette
commission parlementaire.
Vous savez très bien; comment pouvez-vous expliquer, alors que
vous tentiez de relier les hausses de tarifs que vous avez
évoquées de l'année dernière et des années
précédentes, celle de l'année dernière, en
particulier, et celles qui nous sont proposées pour les années
qui s'en viennent, à l'élection du Parti québécois,
alors que vous savez fort bien que c'est avant l'élection du Parti
québécois que l'Hydro-Québec, devant cette même
commission parlementaire, annonçait déjà à l'avance
ses propositions de hausse pour la fin des années 1970.
Il y a déjà trois ans et avant l'avènement
du Parti québécois qu'on savait à l'avance, compte
tenu de la planification des investissements nécessaires pour
réaliser, dans des délais donnés,
les travaux sur le complexe La Grande, le niveau des tarifs qui seraient
requis alors. Vous voyez fort bien que cela n'a rien à voir avec des
changements de nature électorale.
Il faut dire à nouveau, puisque vous semblez l'avoir
oublié, que tout cela était planifié dès le
début de la planification originale du complexe La Grande. On savait
très bien que des niveaux d'investissements croissants, et croissants de
façon dramatique au cours des années 1970, pour réaliser
ce complexe, allaient correspondre, bien entendu, à un effort
d'autofinancement croissant en parallèle. Il n'y avait pas de magie
là-dedans. Ces données de base inévitables restent donc
inchangées.
Un deuxième point que le député de Mont-Royal a
tenté de rattacher à l'avènement au pouvoir du Parti
québécois, c'est le fait qu'au cours de l'année
dernière, plus particulièrement, l'Hydro-Québec ait fait
appel à plusieurs marchés financiers, par opposition à la
pratique antérieure de faire appel principalement, et même presque
exclusivement, au marché de New York.
Je ne sais pas si le député de Mont-Royal sait que de
petits changements sont intervenus dans le monde depuis quatre ou cinq ans et
que des transferts de capitaux se sont faits entre les pays, principalement
depuis la crise du pétrole, et que des marchés financiers
inactifs sont devenus actifs et que les capitaux se déplacent sur la
planète.
Je ne pense pas que ce soit le Parti québécois qui
télécommande les mouvements de capitaux à l'échelle
internationale, vous le savez comme moi!
Si l'Hydro cette année est allée au Japon, en Suisse, en
Allemagne, à Londres, c'est parce qu'elle a fait comme tout le monde,
comme tous les emprunteurs dans le monde entier, elle est allée
là où l'argent se trouve. Cela n'a rien à voir avec
New-York ou pas.
Vous savez fort bien que là où se trouve l'argent
aujourd'hui, vous savez que depuis quelques années les États-Unis
ont un déficit dans leur balance commerciale qui se chiffre à des
dizaines de milliards par année, alors que l'inverse est vrai pour le
Japon et l'Allemagne de l'Ouest en particulier. Bon! Il est clair que des
marchés financiers, d'une ampleur inexistante auparavant, se sont
développés et qu'il faut maintenant faire comme tout le monde
fait sur la planète, c'est-à-dire courtiser, si vous voulez, ou
s'intéresser à toutes les places financières.
Il n'y a donc, encore une fois, aucune relation entre l'avènement
au pouvoir du Parti québécois et ces développements sur la
scène financière internationale.
Un troisième point soulevé par le député de
Mont-Royal et celui-là m'étonne beaucoup, je ne sais pas
comment il a pu lire le livre blanc c'est qu'il a fait état d'une
différence, dans la période d'ici à 1985, entre la
planification de l'Hydro-Québec et celle du livre blanc, alors qu'en
toutes lettres il est écrit dans le livre blanc que le programme de
développement de l'Hydro-Québec, le programme d'équipement
de l'Hydro-Québec, pour répondre à cette croissance de la
demande, et tel qu'établi jusqu'en 1985, demeure inchangé et
c'est celui-là que nous allons réaliser.
Je pense que ce qui a peut-être confondu, parce que vous avez
évoqué un chiffre d'environ 7% et un autre d'environ 6%, c'est
probablement que le député a fait une confusion entre la
croissance de l'appel maximal de puissance qui est différent de la
croissance des ventes d'énergie à chaque année. (16 h
15)
Cette distinction existe à l'Hydro-Québec également
et, sur la période de 1985. vous avez tout à fait tort de dire
qu'il y a des différences de vues sur cette croissance de la demande
entre l'Hydro-Québec et le gouvernement. Il n'y en a aucune puisque nous
avons approuvé le programme d'équipement pour répondre
à cette demande, exactement telle qu'elle avait été
formulée précédemment par l'Hydro-Québec.
Un dernier point a trait au dernier commentaire du député
de Mont-Royal alors qu'il dit: II ne faut pas que le gouvernement essaie de
faire que sa politique énergétique serve des objectifs
politiques, alors qu'en toutes lettres... Si le député
était honnête, il verrait très bien que l'objectif
principal de cette politique est avant tout économique et, tant de fois
je l'ai répété, il n'a rien à voir non plus... Il
n'y aurait fort probablement aucune différence, quel que soit le statut
constitutionnel du Québec, parce que l'objectif que cette politique
énergétique tend à servir est le même, je le
répète, le même, ce sont les mêmes objectifs que tous
les gouvernements du monde, de quelque pays, région ou province que ce
soit.
Devant l'insécurité croissante des approvisionnements
énergétiques et la cherté croissante de l'énergie,
tous les gouvernements du monde cherchent à développer des
sources locales d'énergie, de façon à protéger
leurs populations contre les insécurités d'approvisionnement. Or,
notre objectif est basé sur la sécurité des
approvisionnements pour le Québec. Nous avons heureusement le moyen de
fournir plus d'énergie encore aux Québécois à
partir d'une source locale dont toutes les retombées économiques,
dont le plus de retombées économiques se font ici même au
Québec. Au moment où on a des problèmes de chômage
et que, ce faisant, on est capable de faire cela tout en procurant aux
Québécois l'électricité la moins chère du
monde, vous osez qualifier cette politique de vassale, d'objectif partisan,
d'objectif constitutionnel ou d'objectif politique alors qu'elle sert les
intérêts économiques les plus fondamentaux des
Québécois?
Le député de Richmond a évoqué quelques
questions auxquelles je ne tenterai pas de répondre de façon
extensive tout de suite parce que plusieurs d'entre elles vont revenir au cours
des discussions. Par exemple, l'abolition des taux dégressifs; au moment
où on entrera dans le coeur de la proposition tarifaire, on aura
l'occasion d'en parler. Le député a mentionné
également l'utilité de revoir le fonctionnement de l'ensemble des
sociétés d'État. À cet effet, d'ailleurs, une loi
sur l'administration financière qui va
couvrir l'ensemble des sociétés d'État sera
présentée à l'Assemblée nationale sous peu, tel
qu'on l'avait déjà annoncé le printemps dernier. Vous me
demandiez, en ce qui concerne le meilleur contrôle des coûts
à la baie James, ce qui a été fait, quels en sont les
résultats, quels moyens ont été pris. Il y a une partie de
la réponse que vous connaissez déjà.
Évidemment, il y a un changement de structure. On a voulu axer la
Société d'énergie de la baie James sur un rôle de
gérance, précisément pour la spécialiser, la
concentrer sur cette tâche de gérance des travaux, voir à
respecter des échéanciers, des coûts, et ainsi de suite.
Alors, cette réforme entre en vigueur à compter de la semaine
prochaine. Vous demandiez que la Société d'énergie de la
baie James soumette son plan de développement. Vous l'avez, il est
effectivement inclus dans le plan de développement de
l'Hydro-Québec; les équipements dont la Société
d'énergie de la baie James a la gérance, les travaux dont elle a
la gérance, sont pour mettre en place les équipements
prévus au programme de développement de l'Hydro-Québec
dont nous allons discuter. Vous aviez une dernière question sur LaPrade.
Est-ce que vous pourriez me la répéter?
M. Brochu: C'était pour savoir, à ce stade-ci,
étant donné les décisions du gouvernement
fédéral, la portée des annonces des coupures
financières, quelles vont être les attitudes du ministère
de l'énergie face à cela, face aux besoins
énergétiques qu'on doit, d'une façon ou d'une autre,
satisfaire, quels sont maintenant vos intentions? Est-ce que vous avez des
plans précis de réactions face à cette décision?
Qu'est-ce qui va se passer maintenant?
M. Joron: Rappelons encore une fois que ce que nous savons de
cette histoire jusqu'à maintenant, c'est l'intention annoncée par
le gouvernement fédéral et les mots sont importants
de demander à l'Energie atomique du Canada Ltée d'entrer en
négociation avec l'Hydro-Québec dans le but de revoir
l'échéancier des travaux de la construction de cette usine, ce
à quoi nous nous opposons.
Nous avons d'ailleurs demandé à l'Hydro-Québec de
ne pas entrer dans de telles négociations. Entendons-nous, on ne veut
pas dire qu'ils n'ont pas le droit de se parler, mais de se mettre à
négocier un nouveau calendrier. Cela nous semble devoir être
exclu, en raison du fait que l'Energie atomique du Canada et indirectement le
gouvernement fédéral sont liés par un contrat qui a
été signé en bonne et due forme au début de cette
année et que nous entendons faire respecter.
Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de bris unilatéral de
contrat. Au moment où on se parle, les travaux se poursuivent, donc, il
n'y a pas eu de suite donnée à cette intention. S'il y avait bris
de contrat unilatéralement, évidemment, à ce
moment-là, il faudrait voir quelles options nous sont offertes, et on
verra à ce moment-là. Mais elles n'impliquent pas de
conséquences à ce point importantes sur l'ensemble du programme
du développement de l'Hydro-Québec de toute façon. Si
votre question était reliée à la manière dont cela
affecterait les équipements devant être mis en production dans les
années 1985-1990, cela change quelque chose, mais ça ne change
pas l'essentiel. On pourra entrer dans plus...
M. Brochu: Étant donné que le ministre a pris la
peine de mettre entre guillemets l'intention du gouvernement
fédéral dans ce domaine, étant donné qu'on sait que
si jamais cette intention était mise de l'avant, il y aurait des
conséquences précises, est-ce que, à la suite de cette
annonce d'intentions, votre ministère a entrepris des pourparlers avec
le gouvernement fédéral pour voir jusqu'où vont ces
intentions et dans quelle mesure on veut vraiment les rendre dans les
faits?
M. Joron: Effectivement, on s'est parlé et ça reste
des intentions exprimées. Il y a une intention que nous avons fait
connaître, de notre part, c'est celle de faire respecter le contrat. Pour
l'instant, c'en est là.
M. Brochu: Alors, tout continue comme prévu, comme si
l'intention n'avait pas été annoncée, tout simplement.
M. Joron: C'est ça.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le
député de Mont-Royal...
M. Ciaccia: J'invoque l'article 96.
Le Président (M. Dussault): Vous invoquez l'article 96,
oui. Un instant, s'il vous plaît! Je voudrais être bien sûr
de ce que dit l'article 96.
M. Ciaccia: Cela me permet de rétablir les faits, M. le
Président.
M. Joron: Vous en avez besoin.
M. Ciaccia: J'en ai besoin, parce que les propos...
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le
député de Mont-Royal, s'il vous plaît, si vous
permettez.
M. Ciaccia: Certainement, M. le Président. M. Joron:
On cause pendant ce temps. M. Ciaccia: On se parle là,
calmement.
Le Président (M. Dussault): Je vous donne la parole, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Les règles de
la commission parlementaire ne me permettent
pas d'entreprendre un débat maintenant sur les
déclarations du ministre, sauf qu'elles me permettent de rétablir
les faits, à la suite des déclarations qu'il a faites, à
la suite des paroles qu'il m'a imputées. Spécifiquement, il m'a
accusé d'avoir dit que la demande de l'Hydro-Québec était
irresponsable. Je n'ai absolument pas dit ça, M. le Président, et
même, j'aimerais citer le ministre. Je voudrais dire les paroles que j'ai
prononcées lors de mes commentaires préliminaires.
J'ai dit: "Nous ne pouvons en blâmer l'Hydro-Québec, elle a
pris la meilleure décision possible dans ce contexte." Quand je me
réfère à la demande de tarification, ce n'est pas la
demande de l'Hydro que je trouve irresponsable, c'est plutôt l'attitude
du ministre et la suggestion qu'il fait en ce qui concerne la régie.
Mais nous allons revenir à ça, les points qu'il a
soulevés, par exemple, quand il a dit que l'Opposition officielle savait
que l'Hydro-Québec était pour demander des augmentations. On le
savait certainement, mais les augmentations qu'il nous avait dit qu'il
demanderait, pour les années 1979 et 1980, étaient des
augmentations de 10% et je peux lui citer...
M. Joron: Mais non.
M. Ciaccia: ... le journal des Débats.
M. Joron: Où est-ce que vous avez pris ça?
M. Ciaccia: Nous soulevons seulement...
M. Joron: Où est-ce que vous avez pris ça?
Le Président (M. Dussault): À l'ordre,
messieurs!
M. Ciaccia: Je vais vous citer le journal des Débats, M.
Giroux, en 1977.
M. Joron: 17%, 17%, 17% vous ne vous souvenez pas de
ça?
M. Ciaccia: II leur a été accordé 10%, 10%.
Elle a dit qu'elle allait demander encore 10%.
M. Joron: On parle de 1978, 1979 et 1980, c'était 17%, 17%
et 17%.
M. Ciaccia: Nous allons revenir à ça.
M. Joron: Dans le temps de votre gouvernement, à part
ça.
M. Ciaccia: Oui, et il lui a été accordé
10%, et M. Giroux, je vais vous trouver sa citation, c'était pour 1979
et 1980, disait que l'Hydro-Québec aurait besoin d'un minimum de 10% de
plus.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Je vais conclure sur le rétablissement...
Le Président (M. Dussault):... je vous demanderais de
revenir à la raison que vous avez invoquée, à savoir
l'article 96, pour rétablir des paroles, au cas où vous auriez
été mal cité.
M. Ciaccia: Exactement, je n'ai pas accusé... M. le
Président, ce n'est pas une question d'irresponsabilité, c'est
une question pour laquelle la commission parlementaire, quant à la
discussion de la tarification, n'est pas dotée des outils pour faire un
examen approprié et c'est pour cette raison que j'ai fait la suggestion
que cela doit aller devant une régie et que j'ai fait la motion sur
laquelle vous allez statuer tantôt.
Mais, M. le Président, je peux assurer le ministre que toute la
réaction qu'il a eue à mes propos, nous allons y répondre
au fur et à mesure du déroulement des travaux de cette
commission.
Le Président (M. Dussault): Messieurs, l'esprit de la
convocation de cette commission devrait nous amener très rapidement
à écouter les représentants de l'Hydro-Québec,
puisque, selon l'avis de convocation, nous sommes réunis afin
d'étudier le rapport de l'Hydro-Québec et de la
Société d'énergie de la baie James.
J'ai, devant moi, une motion que je vais relire, parce que j'avais tout
d'abord un texte qui était un peu difficile à lire. C'est pour
cette raison que j'ai retardé un peu ma décision sur la
recevabilité. J'ai demandé, en même temps qu'on
écrive à nouveau le texte, pour qu'on puisse s'y retrouver
très bien.
La motion dit ceci: Que cette commission est d'avis que le gouvernement
doit créer, sans délai, la régie de l'énergie,
proposée dans le livre blanc sur la politique québécoise
de l'énergie et confier à cette régie la
responsabilité d'étudier les demandes d'augmentation de tarifs de
l'Hydro-Québec, et de faire des recommandations au gouvernement. Que la
présente demande d'augmentation de tarifs d'électricité
soit référée à cette régie le moment
venu.
Si je m'en réfère à l'article 140 de notre
règlement, je dois faire en sorte, comme président de commission,
que l'on fonctionne de façon que le mandat de cette commission soit
respecté.
M. Ciaccia: Quel article?
Le Président (M. Dussault): L'article 140 que je pourrais
vous lire, M. le député.
M. Ciaccia: Non, je suis capable de lire, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): En me référant
à cet article de notre règlement, j'ai des doutes. Je n'ai pas la
certitude que cette motion que vous nous faites aujourd'hui soit vraiment
reliée au mandat de la commission. Mais comme je ne veux pas vous priver
de votre droit de parlementaire à cette commission et que je ne voudrais
pas que vous soyez victime de mes doutes, je vais prendre en
délibéré cette décision sur la recevabilité
de la motion et je vais rendre ma décision à la reprise
de nos travaux, à 20 heures ce soir, ce qui va nous permettre
entre-temps, quand même, d'écouter les représentants de
l'Hydro. Je pense que cela n'aura pas vraiment d'effet négatif sur nos
travaux.
M. Ciaccia: Me permettez-vous un petit commentaire?
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'est pour vous aider dans vos
délibérations, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Oui, à la condition que
ce ne soit pas une forme d'appel de ma décision.
M. Ciaccia: Non. Je veux seulement vous faire remarquer que
l'article 140 que vous citez et ce n'est pas un appel de votre
décision, c'est une référence à un article que
vous-même avez cité dit seulement la façon par
laquelle une commission est convoquée par le secrétaire des
commissions, à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La
demande et l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet
de la réunion et aucun autre sujet ne peut y être
discuté...
Le Président (M. Dussault): C'est effectivement là,
vous comprendrez, que mes doutes commencent à naître. On dit: Et
aucun autre sujet ne peut y être discuté.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): Je ne suis pas sûr qu'on
discuterait vraiment d'un sujet qui est relatif à celui qui doit nous
occuper. Oui, M. le député.
M. Ciaccia: Si vous permettez, même dans la documentation
que nous avons reçue, j'ai fait très attention de relier ma
motion à un sujet qui est référé dans les documents
qui nous ont été soumis. Or, un des documents qui nous a
été soumis est la demande et les commentaires que nous allons
entendre tantôt, je suppose, de la part de M. Boyd, sur la tarification.
J'espère que vous prendrez cela en considération, les documents
qui ont été remis à l'Opposition officielle, à tous
les membres de la commission, je crois, quant au déroulement et quant au
contenu de cette commission.
C'est pour cette raison qu'après avoir étudié ces
documents et avoir vu la demande de tarification que l'Hydro-Québec
avait l'intention de faire aujourd'hui, je me suis vu dans la
nécessité de m'y référer et la motion
réfère spécifiquement à un sujet mentionné
dans les documents qui nous ont été soumis et qui font partie du
mandat de la commission. (16 h 30)
Le Président (M. Dussault): D'ailleurs, M. le
député de Mont-Royal, c'est un des éléments que
j'avais à l'esprit quant aux vérifications que je dois faire pour
rendre ma décision lors de la reprise de nos travaux, à 20
heures.
M. le président de l'Hydro-Québec, je vous cède
maintenant la parole. Pour les fins du journal des Débats, je vous
prierais s'il vous plaît de nous présenter vos
collègues.
Rapport de l'Hydro-Québec
M. Robert A.
Boyd
M. Boyd (Robert A.): Merci, M. le Président! Les membres
de la commission qui sont ici avec moi, sont: à ma droite, M. Paul
Dozois et M. Georges Gauvreau; à ma gauche, M. Guy Monty, M. Edmond
Lemieux, M. Boulva qui est un peu plus loin et qui est membre du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la baie James.
Ce sont les membres qui représentent l'Hydro-Québec, à
l'exception de M. Boulva.
Puisque nous allons également parler de la Société
d'énergie, le conseil d'administration de la Société
d'énergie de la baie James est composé de M. Dozois, de M.
Lemieux, de M. Boulva et de moi-même. Ce sont les deux conseils
d'administration qui sont représentés à cette table,
c'est-à-dire l'Hydro-Québec et la Société
d'énergie.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, mesdames, messieurs, mes collègues et moi-même vivons
un moment historique. Pour la dernière fois en tant que membres de la
Commission hydroélectrique du Québec, nous venons rendre compte
de notre administration devant les membres de cette commission
parlementaire.
Je me permettrai donc de déroger quelque peu à la
tradition en vous invitant à faire non seulement l'examen de notre bilan
annuel dont vous avez reçu un exemplaire récemment, mais surtout
à faire une réflexion sur l'évolution que
l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie
James ont connue depuis leur création respective.
Ce rappel historique m'amènera à souligner certaines
répercussions que les décisions antérieures de ces deux
organismes auront sur notre avenir énergétique tant dans
l'immédiat, en ce qui a trait aux tarifs d'électricité,
que dans un avenir plus éloigné, en termes des options qui
s'offriront à nous après l'aménagement du complexe La
Grande.
Enfin, puisque la loi 41 modifie le type de gestion à
l'Hydro-Québec et les modalités de relations entre le
gouvernement et la société d'État, il m'apparaît
opportun d'évoquer l'encadrement qui permettra à
l'Hydro-Québec de remplir son mandat dans l'intérêt de
l'ensemble des Québécois.
Créée en 1944, l'Hydro-Québec recevait du
législateur le mandat de fournir l'électricité pour
combler les besoins de la population aux taux les plus bas compatibles avec une
saine administration financière. Ce n'est pas dans un climat des plus
sereins qu'elle héritait des biens de la Montréal Light, Heat and
Power. Bien que souhai-
tée par le public, cette intervention de l'État
québécois d'une portée sans précédent
était plutôt mal vue et même décriée par
certains milieux d'affaires.
Pour ces derniers, en effet, une entreprise d'État était
inévitablement vouée à l'inefficacité. Les
interminables procédures d'expropriation, qui ne devaient se
compléter qu'en 1953, n'ont guère aidé à
atténuer ce climat de méfiance à l'égard de
l'Hydro-Québec. En dépit de ce handicap, l'Hydro-Québec
posait les gestes qui allaient graduellement lui gagner la confiance du
gouvernement et du public ainsi que le respect des milieux d'affaires.
Dès 1944, en effet, elle abaissait les tarifs
d'électricité et entreprenait l'aménagement de la
deuxième section de Beauharnois afin de répondre aux besoins
croissants d'énergie de la région de Montréal. La mise en
valeur de la rivière Bersimis, à compter de 1953, lui donnait
ensuite l'occasion de vivre l'expérience d'un chantier sur un site
éloigné des grands centres de consommation. Elle se
lançait du même coup dans le transport de grandes quantités
d'énergie sur de longues distances à un niveau de tension
très élevé pour l'époque, soit 315 000 volts.
À la fin des années cinquante, elle complétait la
troisième section de Beauharnois et érigeait la centrale Carillon
sur l'Outaouais. Mais l'action de l'Hydro-Québec durant cette
période a aussi rejoint d'autres abonnés que ceux du territoire
de Montréal. À la demande du gouvernement, l'entreprise prenait
des mesures pour répondre aux besoins d'électricité des
régions les plus démunies en ressources hydroélectriques:
l'Abitibi et le Bas-Saint-Laurent.
Au début des années soixante, le gouvernement instaurait
une politique visant à donner préséance à
l'Hydro-Québec pour l'aménagement des rivières dont les
droits d'exploitation n'avaient pas encore été
concédés à des compagnies privées. Le but d'un tel
geste était de s'assurer que tous les Québécois tireraient
pleinement avantage du développement des ressources
hydroélectriques de leur territoire.
Dès lors, l'entreprise détenait tous les atouts pour se
voir attribuer, en 1963, la tâche d'acquérir et d'intégrer
l'ensemble des distributeurs privés d'électricité du
Québec. Cette seconde nationalisation, ou plus précisément
cette acquisition de gré à gré des actions des compagnies,
lui conférait un champ d'action à l'étendue du
Québec. Sous plus d'un rapport, sa taille était doublée.
Du jour au lendemain, le nombre de ses abonnés passait de 590 000
à 1 360 000. Les défis auxquels elle devait faire face pour
remplir son mandat étaient multiples.
Le premier de ces défis consistait à former une seule
entreprise à partir de plusieurs compagnies et coopératives
dispersées sur un vaste territoire. Ces dernières
possédaient pour la plupart des traditions solidement établies,
des méthodes de travail distinctes, des pratiques d'affaires
différentes et des tarifs fort variés. Chaque réseau
présentait aussi des caractéristiques propres.
La cohésion d'objectifs entre ces diverses entités ne
pouvait être imposée d'autorité. Ce n'est que graduellement
qu'on pouvait espérer y parvenir. Il fallait que les employés des
entreprises acquises soient traités avec équité et que les
abonnés puissent compter sur un service de qualité, même
pendant cette période de transition. Le travail d'intégration des
employés de toutes ces entreprises au personnel de l'Hydro-Québec
posait un problème humain d'autant plus grand que, pour nombre d'entre
eux, l'anglais avait constitué jusqu'alors la langue de travail.
Avec quinze ans de recul, on peut dire que les promesses de la
nationalisation n'ont pas été sans lendemain. Dès 1963, en
effet, l'Hydro-Québec abaissait les tarifs d'électricité
pour la quasi-totalité de ses "nouveaux " abonnés et
amorçait une réforme tarifaire en profondeur qui allait se
traduire par l'élimination progressive de quelque 85 tarifs domestiques
et 80 tarifs d'usage général. Elle effectuait sans tarder la
conversion de fréquence de 25 à 60 cycles du réseau
nord-ouest. Elle rénovait selon les normes les plus exigeantes de son
réseau et standardisait plusieurs lignes de transport et de
distribution, assurant ainsi une meilleure fiabilité du service pour
l'ensemble des abonnés. Elle réalisait des économies
substantielles en intégrant la gestion de toutes les centrales et
réserves d'eau placées sous sa responsabilité, tout en
établissant un plan de développement des ressources
hydroélectriques du Québec.
La centralisation de ses approvisionnements et sa politique d'achat lui
permettaient de maximiser sa contribution au développement
économique du Québec. Dans l'ensemble, on peut dire que les
grands objectifs de la nationalisation sont aujourd'hui atteints.
Il serait faut de prétendre, toutefois, qu'aucun problème
ne subsiste. Ainsi, bien que les avantages sociaux soient les mêmes pour
tous les employés depuis le 1er janvier 1966, les
bénéfices de retraite des employés des compagnies acquises
pour les années de service antérieures à cette date
demeurent un objet de préoccupation, même si nous y avons
apporté déjà des mesures correctives. En outre, les
défaillances du réseau sont trop nombreuses à notre
gré, même si nous tentons constamment d'en diminuer le nombre et
la durée.
Enfin, certaines de nos pratiques d'affaires étaient
jusqu'à tout récemment l'objet de critiques
répétées de la part des abonnés ainsi que de divers
organismes. À la réunion précédente de la
commission parlementaire, nous vous faisions part de notre intention de
modifier certaines d'entre elles.
C'est ainsi qu'au cours de l'année, nous avons remplacé
par un intérêt mensuel le traditionnel 10% de majoration pour
paiement après échéance. Nous avons également
restreint l'application de la politique de dépôt garanti aux seuls
cas où l'historique de paiement de l'abonné le justifie.
D'autres améliorations à nos pratiques d'affaires sont
déjà prévues. Tous les abonnés domestiques pourront
désormais se prévaloir du régime de paiements
égaux, alors que cet avantage était
autrefois réservé aux seuls abonnés munis du
chauffage électrique. De plus, à compter de l'an prochain, nous
serons en mesure de faire parvenir à nos abonnés une facture qui
leur permettra d'effectuer plus facilement le calcul de leur compte
d'électricité.
Sur le plan financier, l'acquisition des distributeurs privés
d'électricité constituait un autre défi de taille. En plus
d'assumer la dette des compagnies nationalisées, l'Hydro-Québec
devait rembourser sans délai la valeur des titres détenus par les
actionnaires de ces compagnies. Il importait également de trouver les
fonds nécessaires à l'expansion du réseau, expansion qui
promettait d'être d'autant plus importante que l'entreprise devait
maintenant répondre aux besoins de l'ensemble du Québec.
Le financement de "l'opération-nationalisation" fut
réalisé grâce à une émission de $300 millions
d'obligations sur le marché américain. Le placement était
si considérable pour l'époque que le versement en fut
échelonné sur une période de quinze mois, le gouvernement
des États-Unis désirant en diminuer l'effet immédiat sur
la balance des paiements.
L'expansion de l'entreprise durant les années soixante provoquait
un accroissement régulier de ses emprunts et lui imposait de se tailler
une place auprès des milieux de la finance internationale. Vers la fin
des années soixante, l'Hydro-Québec empruntait, tant au Canada
qu'aux États-Unis, environ $250 millions annuellement et ce, bien que
l'aménagement des chutes Churchill lui ait permis de réduire
momentanément les emprunts qu'exigeait son programme
d'équipement.
Prévoyant la croissance de ses besoins de capitaux dans les
années soixante-dix, l'Hydro-Québec commençait dès
1969 à diversifier ses sources de financement en se faisant
progressivement connaître sur les marchés d'Europe. C'est
grâce à cette stratégie financière que
l'Hydro-Québec peut maintenant s'adapter aux conditions du
marché, dans une période où ses emprunts doivent atteindre
les $2 milliards par année.
Ainsi, malgré l'importance des montants en jeu, nous sommes en
mesure de vous annoncer que notre programme d'emprunts de $1,8 milliard pour
l'année en cours est déjà complété,
même si les conditions du marché sont difficiles. Ceci constitue
la plus récente illustration de la solidité financière de
l'entreprise, qui repose sur l'importance grandissante de
l'électricité dans le bilan énergétique du
Québec, sur le caractère hydroélectrique de ses moyens de
production, ainsi que sur l'appui constant que le gouvernement lui a
manifesté à l'égard de sa politique tant financière
que tarifaire.
Les résultats atteints depuis 1963 sur les plans administratif et
financier seraient une piètre consolation pour les abonnés si
l'entreprise n'avait d'abord relevé le défi que lui imposait son
mandat, soit répondre à la demande d'électricité.
Tout en intégrant les diverses compagnies qu'elle venait
d'acquérir et tout en consolidant sa position financière, elle
devait faire en sorte que l'énergie électrique nécessaire
soit disponible au moindre coût et en temps requis. Ce faisant, elle dut
aménager des sites de plus en plus éloignés, souvent dans
des conditions très difficiles.
Je vous ferai grâce d'un récit détaillé des
réalisations techniques de l'Hydro-Québec durant les quinze
dernières années. Je me permets cependant de rappeler que, sur
les chantiers de Manic-Outardes, comme aux chutes Churchill, les travailleurs
québécois, des manoeuvres aux ingénieurs, se sont
taillé une réputation enviable dans le domaine des grands
ouvrages hydroélectriques. La conception et la construction de lignes de
transport d'électricité à 735 000 volts a également
contribué de façon significative à faire connaître
l'Hydro-Québec aux quatre coins du monde. (16 h 45)
Dans le cours de ces réalisations, l'Hydro-Québec prenait
conscience de l'importance des activités de recherche et de
développement dans le domaine de l'électricité. C'est
pourquoi, avec la collaboration des gouvernements du Québec et du
Canada, elle mettait sur pied un centre de recherches qui a fait rapidement ses
preuves, l'IREQ. C'est notamment par le biais de cet institut qu'elle a
continué d'affirmer son ouverture sur le monde, en collaborant, à
titre de conseiller ou de participant, à des projets de recherche
regroupant des organismes de plusieurs pays. Ces contacts de plus en plus
nombreux avec des organismes étrangers ouvraient tout naturellement la
voie à la création d'une filiale à vocation
internationale, chargée d'exporter le savoir-faire acquis durant toutes
ces années. La loi 41 prévoit d'ailleurs la création d'un
tel organisme.
Ces contacts ont permis à l'Hydro-Québec d'explorer les
possibilités qu'offrent les techniques de rechange en matière de
production d'énergie électrique. C'est ainsi que
l'Hydro-Québec a collaboré avec l'Energie atomique du Canada
Limitée pour construire le prototype Gentilly 1, première
centrale nucléaire du Québec. La construction de Gentilly 2, dont
l'intégration au réseau est prévue pour 1981, et celle de
Gentilly 3 répondent pour leur part à la nécessité
de maintenir au Québec l'expérience déjà acquise
dans ce domaine. Dans la même veine, l'Hydro-Québec a
amorcé certaines études concernant l'utilisation du vent et du
soleil comme sources d'énergie.
Bien que l'Hydro-Québec juge toujours opportun de
n'écarter aucune source potentielle d'énergie, il n'en demeure
pas moins que ses efforts portent avant tout sur la mise en valeur de nos
ressources hydroélectriques. Il y a quelques jours à peine,
l'inauguration officielle d'Outardes 2 couronnait vingt ans de travaux sur la
rivière Manic-Outardes. Les citoyens de la région ont sans doute
appris avec plaisir, à cette occasion, que la Manic connaîtrait
sous peu un regain de vie avec l'addition de 1 000 mégawatts de
puissance de pointe à la centrale Manic 5.
Entre-temps, l'activité atteint son sommet sur le complexe La
Grande. J'aimerais maintenant faire le point sur ces travaux.
Démarrés il y a quelque sept ans, ils sont déjà
complétés à près
de 30%. Pour sa part, la valeur des contrats octroyés atteint 50%
du coût prévu du complexe. En considérant le travail
accompli depuis la création de la SEBJ, c'est avec plaisir qu'à
titre de président de la Société, je vous ai fait parvenir
notre plus récent rapport annuel d'activité.
Bien que l'expérience de chantiers sur des sites
éloignés ne fût pas chose neuve au Québec, le projet
La Grande a été la source de nouveaux défis. Pour une
première fois en effet, l'entreprise a dû explicitement
intégrer à son processus de planification des
préoccupations concernant la protection de l'environnement humain et
bio-physique.
C'est ainsi que s'est vite posé le problème des
répercussions qu'un projet aussi gigantesque pourrait avoir sur les
habitudes de vie, la culture et l'environnement des populations
affectées par sa réalisation. Dès la mi-novembre 1973, les
Cris et les Inuit obtenaient une injonction interlocutoire qui avait pour effet
de paralyser toute activité sur le territoire de la baie James.
Même si l'injonction était suspendue quelques jours plus tard, il
n'en reste pas moins qu'il fallait trouver une solution qui respecterait les
habitudes de vie et les aspirations des autochtones.
Des rencontres furent entamées en vue d'étudier des
modifications possibles au projet et de formuler des propositions dans le cadre
des négociations entre le gouvernement et les autochtones. Une entente
de principe intervenait en 1974 et la signature de l'entente finale, un an plus
tard, marquait l'aboutissement des négociations intenses
commencées deux ans plus tôt.
Cette entente a créé un précédent. Depuis sa
signature, elle a été maintes fois citée un peu partout
à travers le Canada. L'objectif du gouvernement et des
sociétés gouvernementales impliquées, dont la SEBJ,
était de permettre aux Cris et aux Inuit de poursuivre leurs
activités traditionnelles, tout en permettant à ceux qui le
désirent, de participer au développement économique de la
région. Il serait prématuré d'affirmer que ces objectifs
ont été pleinement atteints. Mais je crois cependant que nous
avons fait des pas dans la bonne direction.
Les autochtones possèdent maintenant les droits exclusifs sur
certaines parties du territoire, de sorte qu'ils peuvent poursuivre à
leur gré des activités de chasse, de pêche et de trappe.
Ils collaborent aussi à l'aménagement du complexe.
La SOTRAC, la Société des travaux de correction du
complexe La Grande, est chargée de remédier à certains
effets moins désirables des travaux. Elle est exploitée
conjointement par la SEBJ et les Cris. En outre, la SEBJ accorde plusieurs
contrats de déboisement à une société autochtone et
plusieurs Cris et Inuit sont employés sur les divers sites du complexe.
Animée des mêmes principes, soit la protection de l'environnement,
la SEBJ a veillé à minimiser les impacts du développement
sur le milieu. De fait, le territoire de la baie James constitue aujourd'hui un
terrain d'expérimentation unique à cet égard.
L'éloignement du site constitue un autre aspect de l'aménagement
de la baie James dont on ne saurait trop souligner l'importance. Des chantiers
de la Bersimis à ceux de la Manic, puis à ceux du complexe La
Grande, le climat et la distance ont imposé aux bâtisseurs des
difficultés de plus en plus grandes.
On oublie trop aisément la somme d'efforts qu'il a fallu
déployer pour mettre en place l'infrastructure requise afin que
l'activité puisse démarrer sur tous les points
névralgiques du chantier. Toute la vie quotidienne d'un chantier aussi
vaste que celui du complexe La Grande repose sur cette infrastructure qui
permet d'acheminer matériaux, équipements et nourriture en temps
voulu, en quantités souhaitées et aux endroits requis.
Dès 1972, on s'appliquait à construire les routes et les
aéroports et à ériger les campements. Deux ans plus tard,
la route principale entre Matagami et LG2 était achevée. En 1977,
le chantier de LG4 fut relié aux autres points du complexe par
réseau routier.
Au fur et à mesure que l'infrastructure facilitait l'accès
aux divers sites du chantier, il a été possible d'y
améliorer les conditions de vie. Nous l'avons fait en tenant compte des
besoins et des désirs des travailleurs. Qu'il me suffise de mentionner
qu'il faut débourser pour chaque travailleur près de $60 par jour
pour lui assurer logement, nourriture et toute une gamme de services
communautaires.
Permettez-moi, M. le Président, de m'écarter quelques
instants de mon propos pour vous faire part de la consternation avec laquelle
nous avons appris le terrible accident survenu vendredi dernier au chantier de
LG 2, accident qui a causé la mort de trois employés en plus
d'infliger des blessures à trois autres. Aux familles
éprouvées, nous adressons nos témoignages de plus vive
sympathie.
Ces derniers temps, la fatalité n'a pas épargné les
chantiers de l'Hydro-Québec et de la SEBJ. Non seulement comptons-nous
renforcer les normes de sécurité, mais surtout nous assurer
qu'elles sont scrupuleusement respectées par toutes les parties en
cause.
Les dimensions inédites du chantier de la baie James et le
nouveau type de défi qu'il représentait ont d'autant plus
capté l'intérêt du public que les travaux ont dû
être interrompus ou ralentis à trois reprises, au cours de ses
premières années d'existence.
En 1973, l'injonction interlocutoire obtenue par les autochtones
événement auquel je faisais allusion il y a quelques instants
nous forçait à arrêter nos activités pour une
première fois. Cette interruption fut de courte durée. Les
problèmes de relations de travail, toutefois, ont eu des
conséquences plus graves sur l'échéancier des travaux. Le
saccage de LG 2, survenu en 1974, a paralysé le chantier pendant 51
jours. L'impact final sur l'échéancier aurait été
beaucoup plus sérieux si l'entreprise n'avait intégré des
mesures de rattrapage au programme des travaux de LG 2. En une troisième
occasion, en août 1976, LG 2 était le théâtre d'une
évacuation volontaire d'une partie
des travailleurs lors des négociations du décret de la
construction. Malgré ces difficultés de parcours et ces
contretemps coûteux, le chantier a continué de progresser.
Vous avez pu prendre connaissance de l'avancement des travaux sur les
divers sites du complexe dans la brochure intitulée "La baie James
d'hier à aujourd'hui". Qu'il me suffise donc de rappeler que
l'année 1977 nous a permis de rattraper tous les retards
accumulés, de telle sorte que la mise en service des quatre premiers
groupes de la centrale LG 2 sera effectuée dès l'automne 1979
plutôt qu'au printemps 1980.
En 1978, par ailleurs, le complexe connaît ses moments
d'activité les plus intenses. Les travaux progressent sur tous les sites
et quelque 23 000 emplois-année sont attribuables à
l'aménagement du complexe, tant sur les chantiers que chez nos
fournisseurs.
Nos travaux d'optimisation, vous vous en souviendrez, avaient fait
l'objet de discussions à la commission parlementaire des richesses
naturelles et des terres et forêts, il y a deux ans. À cette
occasion, nous avions annoncé que le complexe ajouterait 10 190
mégawatts à la puissance installée de
l'Hydro-Québec et produirait annuellement 67,8 milliards de
kilowatts-heures. Le coût total des travaux était
évalué à $16 153 000 000.
Je voudrais maintenant vous faire part des modifications que nous avons
apportées à la configuration du complexe La Grande au
début de cette année. L'analyse de l'évolution
récente de la demande d'électricité au Québec nous
a amenés à repenser certaines caractéristiques des
centrales du complexe La Grande. En effet, on a pu constater que le taux de
croissance des besoins de puissance se maintenait, alors que celui des besoins
d'énergie fléchissait légèrement. Les études
ont démontré que, dans un tel contexte, il devenait avantageux
d'augmenter la puissance du complexe et d'en réduire le facteur
d'utilisation.
Nous avons donc décidé d'ajouter deux groupes
turboalternateurs à chacune des centrales LG 3 et LG 4. De cette
façon, la puissance combinée des centrales LG 2, LG 3 et LG 4
sera de 10 269 mégawatts, soit une puissance suffisante pour
répondre à la demande jusqu'en 1985. Cette puissance est
légèrement supérieure à celle du projet
annoncé deux ans plus tôt.
Au terme d'une première phase des travaux du complexe La Grande,
seules les centrales LG 2, LG 3 et LG 4 seront donc en service. Elles
produiront annuellement 62,2 milliards de kilowatts-heures.
La construction de la centrale LG 1, pour sa part, est reportée
à une phase ultérieure. À la suite d'une entente conclue
avec les autochtones, il nous sera possible de la situer au kilomètre 37
et d'en tirer ainsi une puissance additionnelle de 230 mégawatts.
Cette modification à la configuration du complexe et l'analyse
des plus récentes tendances dans nos coûts nous ont amenés
à ajuster notre prévision. Tenant compte de nos plus
récentes hypothèses relatives à l'évolution de
l'inflation, nous établissons maintenant le coût de la phase
initiale du complexe La Grande à $15 129 000 000. L'écart entre
cette dernière évaluation et celle dont nous avions fait
état en 1976 a une origine double. D'abord, l'exclusion des coûts
de LG 1 et l'addition de ceux du suréquipement de LG 3 et LG 4 font
passer la prévision de $16 153 000 000 à $15 488 000 000.
De plus, l'évolution récente des travaux de construction
nous permet d'annoncer une réduction additionnelle de coût de $359
millions, réduction entièrement imputable au réseau de
transport d'énergie.
La construction des lignes en provenance de la baie James progresse
à un rythme assez rapide pour répondre à la nouvelle
échéance de la mise en service des premiers groupes de LG 2. La
troisième ligne du réseau sera l'occasion d'une innovation. Pour
une première fois sur une aussi vaste échelle, le pylône
à chaînette sera utilisé pour le transport
d'énergie.
Voilà donc, en quelques mots, la situation sur le chantier.
L'expérience que la Société d'énergie de la baie
James y acquiert pourra être mise à profit sur d'autres sites
grâce au mandat que l'Hydro-Québec pourra désormais lui
confier en vertu de la loi 41.
Cette rétrospective des activités de l'Hydro-Québec
et de la Société d'énergie de la baie James ne peut
fournir tous les éléments qui permettent d'évaluer
pleinement l'administration de ces deux sociétés. Il importe en
effet de s'interroger également sur les répercussions que les
décisions antérieures de ces entreprises auront sur les tarifs
d'électricité et sur le développement des ressources dans
la phase qui suivra l'aménagement du complexe La Grande. (17 heures)
Si l'Hydro-Québec a pu poursuivre son expansion sans augmenter
ses tarifs entre 1944 et 1967, il n'en est malheureusement plus ainsi,
particulièrement depuis 1975. En effet, l'éloignement des sites
aménageables, l'inflation, l'importance de notre programme
d'équipement, l'augmentation des frais d'exploitation associés
aux exigences des marchés financiers face à nos besoins de
capitaux et, plus récemment, le comportement du dollar canadien sur le
marché des changes sont autant de facteurs qui ont poussé
l'Hydro-Québec à soumettre chaque année des demandes de
hausse de tarifs au gouvernement. Malgré les hausses successives
et parfois substantielles de nos tarifs depuis trois ans, le coût
de l'électricité pour le consommateur québécois
demeure inférieur à celui déboursé par la
majorité des consommateurs des autres provinces canadiennes ou des
États-Unis.
Ainsi que vous avez pu le constater à la lecture du sommaire du
mémoire tarifaire transmis au ministre délégué
à l'énergie, cette année encore, nous avons soumis
à l'approbation du gouvernement une demande de hausse de tarifs qui
porte une fois de plus sur une période de trois ans. Il nous
apparaît souhaitable de fixer les tarifs pour une telle période
afin que les abonnés et les
bailleurs de fonds sachent à quoi s'en tenir pour les prochaines
années.
Les hausses proposées sont importantes, il faut le
reconnaître, et le résumé du mémoire tarifaire que
vous avez en main vous en fournit l'explication. Mes collègues de la
commission et moi-même serons à votre disposition pour
répondre à toute question que vous pourriez soulever à cet
égard.
Le mandat de l'Hydro-Québec, la nature de ses activités et
les délais de mise en place de l'équipement requis nous obligent
à engager l'avenir plusieurs années à l'avance. Tout comme
les décisions prises il y a plusieurs années nous influencent
aujourd'hui, les gestes que nous posons maintenant auront leur prolongement
dans quinze, vingt et même cinquante ans. C'est là une
responsabilité dont nous saisissons tout le poids et qui a incité
l'Hydro-Québec à entreprendre des actions qui, tout en
répondant aux besoins de la population, lui facilitaient l'accès
à des options prometteuses pour l'avenir.
C'est ainsi que l'aménagement du complexe La Grande nous a fourni
l'occasion d'ouvrir un nouveau territoire, de nous familiariser avec une
région à peine connue jusqu'alors et d'en préciser le
potentiel énergétique. Désormais dotée d'une
infrastructure adéquate, cette région pourra se prêter
à d'autres développements hydroélectriques.
Nous nous sommes efforcés, au cours des années,
d'élargir notre connaissance du potentiel hydroélectrique non
aménagé du Québec de telle sorte que l'éventail des
options qui s'offriront à nous pour prendre la relève du complexe
La Grande se dessine de plus en plus clairement. Cet effort a porté non
seulement sur les grands cours d'eau du Québec, mais également
sur des sites possibles de centrales de pompage qui pourraient combler nos
besoins de pointe. Nous pouvons maintenant identifier avec plus de
précision les obstacles, qu'ils soient d'ordre économique,
technique ou écologique, que l'aménagement de ces rivières
ou de ces sites présentera.
Enfin, c'est par souci de se préparer à l'avance à
toujours bien remplir son mandat que l'Hydro-Québec a amorcé une
expérience dans le domaine nucléaire et qu'elle suit de
près les progrès réalisés, au pays comme à
l'étranger, dans l'utilisation de sources d'énergie telles que le
vent, le soleil, le bois, la biomasse et la fusion nucléaire.
En conclusion, il faut souligner que les actions antérieures de
l'Hydo-Québec, même dans ce qu'elles ont de plus engageant pour
l'avenir, demeurent compatibles avec les visées du livre blanc sur la
politique énergétique. À titre d'exemples, mentionnons
notre intérêt pour les nouvelles formes d'énergie et notre
participation active aux programmes d'économie d'énergie du
gouvernement.
Cette convergence de vues sur les objectifs à atteindre
revêt d'autant plus d'importance que nous faisons face à des
défis d'un ordre nouveau. Elle n'exclut pas, toutefois, la
possibilité que des différences d'opinions puissent exister sur
les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs.
Même assujetti aux impératifs d'une politique
énergétique, le mandat de l'Hydro-Québec demeure
essentiellement le même, soit de répondre aux besoins
d'électricité des Québécois au coût le plus
bas possible. Par contre, sa réalisation passe désormais par la
recherche d'un équilibre, d'une part entre le pouvoir d'intervention de
l'État et la liberté de manoeuvre de l'entreprise, et, d'autre
part, entre les aspirations des communautés affectées par les
projets de l'Hydro-Québec et la nécessité pour
l'entreprise de répondre aux besoins de l'ensemble de la population. La
loi 41 renouvelle à l'égard du conseil d'administration la
confiance que le gouvernement a toujours manifestée à l'endroit
de la Commission hydroélectrique de Québec. L'Hydro-Québec
pourra donc continuer à bénéficier d'une liberté de
manoeuvre suffisante pour pouvoir s'adapter aux conditions changeantes du
contexte énergétique.
Mais cette liberté de manoeuvre est aussi tributaire d'un
équilibre à atteindre entre la sauvegarde des
intérêts de groupes particuliers et les exigences du mandat de
l'Hydro-Québec, qui lui impose d'agir en fonction des besoins de
l'ensemble de la population. S'il importe que les individus puissent faire
entendre leur voix sur les projets de l'entreprise, il importe aussi de
conserver à cette dernière une liberté d'action sans
laquelle elle ne pourrait remplir son mandat.
Qu'il me soit permis, en terminant, d'adresser mes remerciements au
personnel de l'Hydro-Québec, à celui de la Société
d'énergie de la baie James et plus particulièrement à mes
collègues de la Commission hydroélectrique de Québec et du
conseil d'administration de la SEBJ. Pour avoir oeuvré avec eux pendant
de longues années, je sais que MM. Gauvreau, Dozois, Monty, Lemieux et
Boulva ont le sentiment d'avoir été associés à des
réalisations dont le Québec a raison d'être fier.
Nous adressons enfin nos meilleurs voeux de succès au nouveau
conseil d'administration de l'Hydro-Québec et nous l'assurons à
l'avance de notre plus entière collaboration et de celle de notre
personnel. Je suis persuadé qu'ensemble nous saurons relever les
défis qui nous attendent avec le même enthousiasme que par le
passé.
M. le Président, nous sommes maintenant à votre
disposition pour répondre aux questions des membres de cette
commission.
Le Président (M. Dussault): M. le président de
l'Hydro-Québec, je vous remercie. Je cède maintenant la parole
à M. le ministre.
M. Joron: Pour engager la période des questions et de
réponses, M. le Président, peut-être serait-il opportun de
demander à M. Boyd un peu plus d'explications, pour le
bénéfice des membres de la commission, sur l'importante annonce
qu'il a faite d'une réduction de près de $1 milliard sur les
coûts de ce qu'on appelle la phase l du complexe La Grande. Je ne sais
pas si vous
voudriez, M. Boyd, expliquer davantage le fait que la nouvelle
planification du complexe est ajustée pour répondre davantage
à une demande de pointe, en partie, puisque la puissance est même
augmentée par rapport à l'ancienne. Par contre, dans
l'énergie, le facteur d'utilisation baisse et l'énergie produite
sera un peu moindre. Pourriez-vous, peut-être pour nous situer, nous dire
de quelles observations ou de quelles analyses découle ce
réajustement?
M. Boyd: M. le Président, M. le ministre, il me fait
plaisir de donner plus d'explications. En fait, nous avons
préparé des tableaux. Ils nous permettront d'expliciter
davantage. Mais, en attendant qu'on les place, je disais dans le mémoire
que nous nous sommes rendu compte qu'il serait avantageux d'optimiser le
complexe La Grande en lui donnant davantage de puissance, parce que nous avons
besoin de plus de puissance car nos besoins sont plus grands,
c'est-à-dire qu'il y a de plus en plus de pointe et l'énergie
était de moins en moins requise, relativement parlant.
La Société d'énergie, en accord avec
l'Hydro-Québec, a décidé d'ajouter deux unités
à la centrale de LG 3 et deux unités à la centrale de LG
4, ce qui permettait d'atteindre un total de puissance installée
légèrement supérieure à celle qu'on avait dans le
complexe annoncé précédemment.
Le complexe, au départ, en 1976, tel qu'annoncé,
comportait 10 190 mégawatts, avec quatre centrales, LG 1, LG 2, LG 3 et
LG 4. Nous avons décidé, en accord avec l'Hydro, qu'il y aurait
intérêt à installer de la puissance additionnelle à
LG 3 et LG 4 et de retarder le développement de LG 1 d'un an et demi
à deux ans. Donc, pour les besoins d'ici 1985, le nouveau complexe
comportant LG2, LG3, LG4 seulement répond à nos besoins. De ce
fait, le complexe qui, autrefois, était de 10190 mégawatts,
totalisant $16 153 000 000, se répartissait ainsi: $12 017 000 000 pour
le complexe et $4136 000 000 pour les lignes. Étant donné que
nous pouvions retarder, pour répondre aux besoins de
l'Hydro-Québec, la centrale LG 1, nous avions donc un complexe qui
correspondait à 9 299 mégawatts; en y ajoutant les quatre
unités dont j'ai parlé tout à l'heure, le nouveau complexe
devient de 10 269 mégawatts. En enlevant LG 1 du complexe,
c'est-à-dire pour 9 299 mégawatts, nous avons un coût total
de $15 051 000 000, soit $10915000000 pour le complexe et $4136000000 pour les
lignes. Le suréquipement de LG 3 et LG 4 ajoute $437 millions, ce qui
fait que la nouvelle estimation est de $15 488 000 000 pour 10 269
mégawatts, le complexe s'élevant à $11 352 000 000 plus $4
136 000 000, ce qui vous donne le total de $15 488 000 000.
Maintenant, il a été possible de réviser le
coût des lignes de transport venant de la baie James et, à partir
de $4 136 000 000, de le réduire de $359 millions pour le reporter
à $3 777 000 000, ce qui vous donne un nouveau total de $15 129 000 000.
Nous avons donc un nouveau portrait qui nous donne la quantité de
puissance légèrement supé- rieure et correspondant
à nos besoins jusqu'en 1985 avec un peu moins d'énergie et pour
$1 milliard de moins. C'est une optimisation très favorable, je pense,
pour le complexe et pour l'ensemble du Québec.
Évidemment, si nous regardons d'autres caractéristiques de
ces complexes, le complexe La Grande 1976, avec ses 10 190 mégawatts et
67,8 milliards de kilowatts-heures et $16 153 000 000, avait un coût de
$1585 par kilowatt, nous donnant 24,0 mills par kilowatt-heure. Si nous
regardons le nouveau complexe La Grande, phase 1, tel que révisé,
nous avons 10 269 mégawatts, 62,2 milliards de kilowatts-heures et $15
129 000 000, pour un coût moyen de $1473 le kilowatt installé, et
un coût par kilowatt-heure, de 24,5 mills. Si nous y incluons les frais
d'exploitation de La Grande, projet 1976, c'était de 27,7 mills le
kilowatt-heure, alors que la phase dont nous parlons est de 28,2 mills par
kilowatt-heure. (17 h 15)
M. Joron: M. Boyd, est-ce que je pourrais ajouter une question
à la précédente?
Si je comprends bien, la modification tient compte du fait que
l'évolution prévue de la demande en ce qui concerne la puissance,
l'appel de puissance, reste inchangée ou même est peut-être
très légèrement supérieure, puisqu'on veut
maintenir le même chiffre de puissance installée, alors qu'on a
observé un léger fléchissement dans la demande en
énergie, ce qui, je pense, peut répondre partiellement à
la question qu'évoquait le député de Mont-Royal, à
savoir qu'il y avait une différence entre les taux de croissance de ces
deux notions, qui ne sont pas les mêmes.
Deux autres questions que je voulais vous poser. Est-il possible,
lorsqu'on évalue l'énergie pouvant être produite...
Évidemment, ça tient compte des réserves d'eau, en quelque
sorte, qui vont pouvoir activer les turbines. Dans quelle mesure
l'expérience passée a-t-elle pu permettre de voir un
accroissement dans l'énergie, finalement, possiblement produite qu'on
n'aurait pas deviné au départ? En d'autres mots, est-ce qu'il y a
un facteur, quand on installe tant de puissance, c'est fixe, on sait combien de
puissance on installe... L'énergie qu'on pourra en tirer dépend
évidemment de ce qui va activer ces turbines. On a évidemment des
études hydrologiques et tout ça. Quelle marge d'erreur dans le
temps peut s'introduire?
M. Boyd: Évidemment, l'hydrologie est très
variable. C'est toujours à long terme qu'on mesure la capacité
d'une rivière et des années de pointe viennent souvent changer
ça. Nous avons eu, par exemple, cette année, une année
très pluvieuse à la baie James et avons atteint des débits
presque records. Mais les études hydrologiques qui nous permettent
d'établir les régimes et les capacités des
réservoirs et des rivières se basent souvent sur des
études de quinze ans, vingt ans et plus, qui nous permettent
d'établir des débits moyens. Par rapport à ces
débits moyens, on peut avoir des extrêmes, mais heureusement, sur
la Côte-Nord,
on n'a jamais eu d'expérience malheureuse où on a eu des
années très sèches. Par contre, sur l'Outaouais, les
débits sont beaucoup plus variables d'une année à l'autre
et on a eu des années sèches.
Je ne sais pas si on peut ajouter plus de précisions. M. Monty,
voudriez-vous ajouter plus de précisions?
M. Joron: Peut-être que ma question était
très hypothétique. Je me demandais si... Se pourrait-il que
l'énergie produite soit finalement supérieure à celle
qu'on prévoit aujourd'hui?
M. Boyd: Oui, je pense que dans certaines années,
l'énergie produite pourrait être supérieure à celle
que l'on prévoit, parce que, habituellement, nos calculs sont
basés sur des moyennes à long terme.
Pour répondre à votre première question, M. le
ministre, notre prévision à long terme durant cette
période, disons jusqu'à 1985, prévoit 7,7% par
année en puissance et 7,4% en énergie.
M. Joron: Une toute dernière question, peut-être.
J'imagine que les autres membres de la commission ont des questions.
Cette réduction dans les coûts de la phase I du complexe,
est-ce que c'est cette réduction à laquelle il faut attribuer la
baisse dans le degré d'augmentation de tarifs que vous proposez? Je me
réfère à 1976; à cette commission, l'Hydro
Québec avait déposé ses prévisions en ce qui
concernait l'ordre de grandeur d'augmentation tarifaire pour les trois
dernières années de la décennie, c'est-à-dire 1978,
1979 et 1980.
À ce moment-là, vous aviez indiqué que vous auriez
besoin de hausses de l'ordre de 17%, 17% et 17%. On parle des deux
dernières années qui restent, ce n'est plus 17% maintenant, c'est
15,9% et 15,8%. Est-ce que c'est à cette révision dans les
coûts du projet que l'on peut attribuer le fait que votre proposition
tarifaire est moindre que celle qui avait été
précédemment obtenue?
M. Boyd: Je n'ai pas les chiffres pour répondre à
votre comparaison. J'en ai fait une autre qui est, je pense, dans le même
sens. Il est su que, l'année passée, nous avions parlé de
trois fois 20% et le gouvernement nous a accordé 20% pour 1978...
M. Joron: C'était environ 18%, cela s'est terminé
à environ 18%.
M. Boyd:... mais la demande était de trois fois 20% mais
les investissements qui correspondaient à cette demande ont
été réduits depuis l'année dernière, et
c'est ce qui fait que nous demandons maintenant deux fois 15% et 10%.
Pour répondre à votre question, il y a dans nos
investissements pour les années 1979 et 1980, par rapport à nos
investissements annoncés l'année dernière, une
différence de $884 millions, dont la plus grande partie est due aux
changements dont je viens de parler, c'est-à-dire $359 millions pour les
lignes, $301 millions pour le complexe La Grande et environ $140 millions pour
l'ensemble du réseau du transport, puisque nous avons comprimé
nos budgets à l'Hydro-Québec, afin d'arriver avec des demandes de
tarifs les moins hautes possible, et une autre somme de $100 millions environ
dans nos immobilisations de distribution et de dépenses
générales.
C'est ce qui fait quant à la déposition que nous avions
faite l'année dernière où il était question d'une
demande de trois fois 20% et celle que nous faisons aujourd'hui, si on compare
les investissements des années 1979 et 1980, qu'il y a une
différence de $884 millions.
Le Président (M. Dussault): M. le député
d'Outremont!
M. André Raynauld
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
dire quelques mots, très brièvement, pour indiquer l'embarras
devant lequel on peut être placé dans une commission parlementaire
comme celle-ci, pour évaluer une demande aussi grosse de
conséquences et aussi complexe que celle qui nous est faite
aujourd'hui.
Il me semble que c'est un forum qui ne permet pas, dans les
délais que nous avons, qui sont très courts, d'examiner cette
question à son vrai mérite. Je voudrais donc m'excuser un peu si,
au départ, je dois quand même poser quelques questions dont je
devrais connaître déjà les réponses, si seulement
j'avais eu le temps et si d'autres avaient eu le temps d'étudier cette
question de façon approfondie.
D'abord, ma première question s'adresse à M. Boyd, bien
sûr.
M. le Président, ma première question est pour savoir les
recettes additionnelles qui va procurer à l'Hydro-Québec
l'augmentation demandée de 15.9% dans les tarifs.
M. Boyd: C'est parce que c'est dans le résumé du
mémoire que vous avez, à la page 16, annexe 2: Revenus, ventes
d'électricité, si vous allez à la sixième ou
septième ligne: Revenus additionnels requis, vous avez pour 1979 $256
millions; 1980 $599,9 millions. C'est cumulatif. 1981 $895,8 millions. Ces
montants, évidemment sont cumulatifs.
M. Joron: Pour trois ans, c'est $895 millions, pour
l'ensemble.
M. Boyd: C'est cela, pour les trois années, c'est $895
millions.
M. Raynauld: Donc, la demande que vous nous faites aujourd'hui,
c'est pour trois ans. C'est une augmentation dans les recettes de
l'Hydro-Québec de près de $900 millions. De ce montant, ces $900
millions, la presque totalité, si je ne me trompe vous me
corrigerez devra être payée par les consommateurs du
Québec puisque les ventes à l'extérieur sont très
faibles. C'est cela?
M. Boyd: La presque totalité...
M. Raynauld: J'ai vu rapidement les choses. Les recettes
provenant de l'extérieur du Québec paraissaient très
minimes.
M. Boyd: Oui, c'est un fait que la majorité de cette
demande additionnelle devra être payée par les abonnés du
Québec.
M. Raynauld: Est-ce que ce serait exagéré de penser
que sur les $900 millions, cela fait à peu près $800 millions ou
quelque chose du genre qui seraient payés? Cela représente une
augmentation de fardeau pour les consommateurs québécois
d'environ $800 millions. C'est cela?
M. Boyd: Oui, sans doute.
M. Raynauld: Alors, je voudrais simplement souligner par cette
question l'importance de la demande. Je pense que $900 millions sur trois ans
ou même seulement si on le prend pour la première année
$256 millions, c'est une augmentation très considérable du
coût de l'électricité pour les consommateurs du
Québec. C'est une taxe assez lourde qui vient peut-être compenser
un certain nombre des abaissements de taxes que M. Parizeau nous annonce ou
nous a annoncés au mois d'avril.
Ma deuxième question se rapporte je pense que j'arrive au
coeur du problème à la façon dont vous calculez les
besoins que vous avez de recettes nettes. Si je comprends bien, vous avez deux
coefficients importants à cet égard; le premier, ce sont les
recettes nettes disponibles pour le paiement des intérêts et vous
demandez que ce coefficient augmente au cours des trois prochaines
années. Il a été autour de 1,25 depuis un certain temps et
vous demandez de l'accroître de façon assez significative.
L'autre, c'est celui des ressources propres dont vous disposez pour financer
des investissements, coefficients que vous avez, qui sont à peu
près autour de 21% ou 22%. À cet égard, sur la base de ces
deux coefficients, je voudrais vous demander en fait si, pour faire la question
bien générale, vous croyez vraiment que c'est nécessaire
d'augmenter ces coefficients-là lorsqu'on lit, dans le rapport de
Kidder, Peabody, par exemple, que vous connaissez bien sans doute, qu'en 1977:
Hydro-Quebec's present interest coverages approximate those of TVA and are
adequate. Since the new government has stated that he will strongly support the
financial policies of Hydro-Quebec, with respect to the maintenance of their
present interest coverage levels". (17 h 30)
Autrement dit, Kidder, Peabody disait que 1,25 était
adéquat comme ouverture et n'en demandait pas plus. Dans le même
rapport, en plus, on estime que la façon dont vous calculez ce
coefficient de 1,25 est ultraconservateur. Il est tellement conservateur que,
si je comprends bien la page qui suit dans ce rapport de Kidder, Peabody, on
dit que, si vous calculiez ce coefficient de la façon que d'autres
calculent ce coefficient, vous pourriez monter jusqu'à 1,65 et, dans le
cas de Moody's et Security's Exchange Commission Formulas, 1,63, ce serait
votre politique et votre pratique, 1,65 en 1975, 1,63 en 1976 et, si vous le
calculiez d'une autre façon, en ce qui concerne la
dépréciation, ce coefficient pourrait monter jusqu'à
2,34.
Ces deux exemples indiquent bien que, non seulement vous avez, aux yeux
des experts financiers, un coefficient suffisant et adéquat, mais, en
plus, la façon dont vous le calculez, c'est une façon très
conservatrice; en fait, ce coefficient est déjà plus
élevé que celui qu'ils considèrent comme étant
adéquat.
Je me pose donc la question: Dans quelle mesure et pour quelle raison
estimez-vous que ce coefficient est encore trop faible lorsque des experts
financiers viennent vous dire qu'il est suffisant? Je voudrais bien indiquer
ici que vous êtes bien conscient qu'on peut avoir une situation
financière absolument extraordinaire, mais que ça se fait
évidemment au prix d'une tarification qui est nécessairement
beaucoup plus élevée. Ce n'est pas un bien absolu; la
sécurité financière d'une entreprise ne pourrait quand
même pas être infinie sans qu'on pénalise les
générations présentes aux dépens de
générations futures. Je pense qu'il y a un arbitrage à
faire et vous êtes bien conscient de ça, j'en suis sûr.
À ce moment-là, il faut donc exercer un certain jugement sur les
recettes dont vous avez besoin, à vos yeux, mais ce sont des recettes
dont vous n'avez pas nécessairement besoin.
C'est un besoin qui est fondé sur un jugement de type financier
vous me corrigerez si je fais erreur or, ce jugement de type
financier est tel que votre demande, peut-être, n'aurait pas besoin
d'être faite.
M. Boyd: M. le Président, je demanderai tout à
l'heure à mon confrère, M. Lemieux, d'ajouter quelque chose aux
commentaires que je vais faire et j'aimerais en faire quelques-uns d'abord.
Quand vous parlez, M. le député, de $800 millions ou de $900
millions de fardeau additionnel que l'on met sur le dos des contribuables,
évidemment, ce sont des sommes qui sont réinvesties au
Québec en grande partie. Cet argent que l'on tire des abonnés est
quand même utilisé à 77% pour créer des industries
et des emplois au Québec. Vous n'avez donc pas perdu.
Mais, pour en revenir au ratio, c'est un élément dans nos
considérations, mais il est moins important qu'il l'a déjà
été. Celui qui prend plus d'importance, c'est l'autofinancement.
Kidder, Peabody, nous les aimons bien parce qu'ils ont fait un rapport
très flatteur à notre sujet, mais, lorsque nous allons n'importe
où, à New York, au Canada ou ailleurs pour emprunter, on nous
dit: II y a une limite à ce que vous pouvez emprunter annuellement. Si
vous allez à la page 16, dans ce cas-là, au bas de la page, on
parle de couverture d'intérêts; en 1978, on estime que la
couverture sera de 1,24; en 1979, 1,31; en 1980, 1,44; en 1981, 1,47.
Ce qu'il est important aussi de noter, c'est que pour arriver à
cela, il faut des emprunts c'est quatre lignes plus bas de $1 960
000 000 en 1979, $2 058 000 000 en 1980 et $1 889 000 000 en 1981.
Si vous tournez la page et que vous regardez le tableau que nous y avons
fait, suivant les politiques traditionnelles, c'est-à-dire en gardant un
ratio de 1,25 pour les trois prochaines années, vous verrez qu'il faut,
dans ce cas, emprunter $2 021 000 000, $2 274 000 000 et $2 168 000 000.
C'est là un facteur extrêmement important puisque nos
conseil financiers, incluant Kidder, Peabody, nous disent qu'il est très
difficile, excessivement difficile, pour les trois prochaines années,
d'avoir à emprunter $2 milliards par année. C'est le chiffre que
nos conseils financiers et M. Lemieux nous conseillent de ne pas
dépasser, indépendamment du ratio.
J'aimerais que M. Lemieux ajoute ses commentaires.
M. Lemieux (Edmond): J'aimerais commenter la question des
différentes méthodes de calculer les couvertures. Vous avez
parlé de la méthode du SEC, où on a 1,65 fois la
couverture. Mais si vous comparez la couverture de cette année-là
avec ce que nous avions eu dans les années précédentes, je
crois que vous allez trouver que cela n'a pas augmenté. En effet, cela a
probablement diminué. C'est la tendance, autant que le montant actuel,
qui est importante.
Je dois dire aussi qu'une couverture de 1,65 se compare avec une
couverture de trois fois ou de quatre fois, pour une compagnie ordinaire.
Lorsque nous avons proposé une couverture de 1,25, basée sur un
calcul fait de façon conservatrice, nous avons proposé un taux
qu'on considère comme minimum acceptable aux prêteurs.
Si cela va en bas de ce taux, comme en 1976, 1,23, en 1977, 1,16, ce
n'est pas fatal, pourvu que le prêteur constate que la compagnie peut
aller chercher des augmentations de tarifs pour leur permettre de revenir au
niveau voulu.
Cependant, comme M. Boyd le disait, la vraie contrainte, c'est un
montant absolu de $2 milliards d'emprunt qui est déjà un montant
dépassant tout ce que nous avons déjà emprunté et
qu'on doit sûrement ne pas chercher à dépasser. Si vous
voulez réduire les augmentations de tarifs, ce serait en
réduisant les investissements. En effet, c'est cela qui s'est
passé avec la révision de tous nos investissements depuis la
dernière réunion de ce comité.
M. Raynauld: M. le Président, je pense bien qu'il ne
faudrait pas exagérer ici. Il ne faudrait pas mettre en parallèle
une augmentation de tarifs, en nous disant que si l'augmentation n'est pas
donnée à 15,9, les investissements vont en souffrir. Vous parlez
ici d'une augmentation, d'après vos propres chiffres, pour 1979, de $80
millions, sur des emprunts proposés de $2 milliards. Je pense bien qu'on
ne parle pas de réduire les investissements de $2 milliards à
zéro. Ce que vous voulez dire, c'est que cela pourrait réduire
les investissements de $80 millions.
M. Boyd: En 1980, nos investissements sont prévus de $3
013 000 000 avec un autofinancement de $738 millions, ce qui laisse...
M. Raynauld: $2 275 000 000...
M. Boyd: Excusez-moi, je dois retourner à la page 16.
M. Raynauld: ... par rapport à $2 058 000 000.
M. Boyd: C'est quand même un investissement de $3 013 000
000, un autofinancement de $955 millions. Il nous reste $2 058 000 000. C'est
ce que nous proposons.
Si nous retournions à une politique de 1,25 et que nous gardions
les mêmes investissements, c'est $2 274 000 000 qu'il faudrait emprunter.
Les $274 millions, il est très difficile d'aller les chercher quand vous
êtes déjà allés chercher $2 milliards.
L'année suivante, il faudrait encore y aller pour $2 168 000
000.
L'année 1979, il faudrait y aller pour $2 milliards.
Ce que je veux dire c'est ce que M. Lemieux disait
également c'est que ce n'est pas le fait d'aller chercher $2
milliards une fois, c'est le fait d'aller chercher $2 milliards en 1979; $2
milliards en 1980; $2 milliards en 1981 et possiblement $2 milliards en 1982,
ce qui est une charge extrêmement lourde et que les marchés vont
difficilement accepter. Si elle est plus lourde, on croit que cela ne pourra
pas passer. C'est le jugement que nous avons et c'est le jugement de nos
conseillers, de nos gérants et de nos courtiers qu'il faut se limiter
à $2 milliards. Si on ne peut pas obtenir autant d'augmentation qu'on
demande et qu'on est limité à $2 milliards pour ces trois
années, la seule place où nous pouvons réduire, c'est dans
les investissements.
M. Raynauld: Comme on est là, M. le Président, je
ne voudrais pas laisser supposer que cette commission, ou même, si j'en
avais le pouvoir, moi seul, est en train de dire que vous n'auriez aucune
augmentation pendant trois ans. Je pense qu'on n'est pas à ces
extrêmes. Il faut bien comprendre cela. On ne discute pas zéro
pendant trois ans par rapport à vos demandes actuelles, mais cela
pourrait se situer entre les deux et cela pourrait être un peu moins que
ce que vous demandez. À ce moment-là, les impacts seraient
évidemment moins négatifs que ce que vous nous dites.
Je voudrais avoir quelques explications supplémentaires
là-dessus, justement pour apprécier cela. En 1979, l'augmentation
de tarifs vous donne $256 millions additionnels. Cela vous permet, en 1979, de
faire $60 millions d'investissements additionnels, d'après vos chiffres.
Vous allez chercher $256 millions de recettes additionnelles. La
différence, est-ce que ce sont des augmentations de
dépenses associées à l'augmentation de taux? Est-ce
que cela coûte si cher que cela à aller chercher l'argent,
étant donné qu'il n'y a pas d'autres incidences
immédiates, sauf si vous vous servez de cette augmentation pour
augmenter les coûts plus que prévu, ce que je ne pense pas que
vous vouliez faire? Où va le reste?
M. Boyd: Les $60 millions dont vous parlez, c'est la
différence entre les emprunts d'un tableau à l'autre.
M. Raynauld: Je compare la page 17 à la page 16. Pour
1979, les emprunts annuels sont de $2 021 000 000, si vous restez à 1,25
et, si on vous accorde l'augmentation, cela réduit votre besoin
d'emprunt à $1 960 000 000. Donc, cela fait $60 millions.
Je vous ai dit $80 millions tout à l'heure, je m'étais
trompé, c'était $60 millions additionnels d'investissement qui
seraient requis, si vous vous en tenez à ce coefficient de 1,25, ce qui
n'est d'ailleurs pas écrit dans le ciel, mais en supposant cela.
M. Boyd: Dans les deux cas, M. Raynauld, on estime le même
investissement à $2 837 000 000. Évidemment, s'il s'agissait
d'une seule année, s'il ne s'agissait pas d'établir un impact et
d'augmenter notre autofinancement, parce qu'on ne peut pas être
limité à penser seulement à 1979, il faut penser à
la répercussion, parce que ces augmentations de 1979 qui sont
cumulatives sur les deux années à venir sont ce qui fait qu'on
doit essayer graduellement d'obtenir ces montants. (17 h 45)
M. Raynauld: Vous me corrigerez si je fais erreur,
j'interprète votre dernière affirmation, votre dernière
déclaration, vous dites, somme toute, que vous prenez de l'avance sur
les années qui suivent. Vous voulez avoir un petit coussin.
M. Boyd: On se limite le plus près possible des $2
milliards, ce qui est la marge qui nous est fixée. Ce n'est pas à
quelques millions près, mais, comme le disait M. Lemieux tout à
l'heure, on voit cela avec beaucoup de difficultés, parce qu'on n'a
jamais emprunté $2 milliards. On voit revenir avec suffisamment de
difficultés le fait d'avoir, trois années de suite, à
emprunter $2 milliards. Le portrait qu'on retrouve à la page 17 nous
ferait trois années de suite où on dépasserait assez
considérablement l'ensemble des trois...
M. Raynauld: Sauf si, l'année prochaine, on vous donnait
l'augmentation que vous demandez. Je vous ai dit tout à l'heure que je
ne mets pas en cause... Ne raisonnez pas toujours en disant: Zéro
pendant trois ans. Je voudrais savoir quel est l'impact pour 1979. En 1979 ou
en 1980, il est bien possible que vous ayez une augmentation. Je pense bien
qu'on ne discute pas encore une fois de savoir si vous n'aurez pas
d'augmentation du tout pendant trois ans. J'essaie de voir dans quelle mesure
cela sert. Vous me répondez en disant:
Cela va affecter le programme d'investissement. Je comprends cela, mais
j'essaie de voir si ce programme d'investissement, d'après vos chiffres,
fait augmenter cela de $60 millions pour l'année prochaine. Étant
donné que la demande de recettes additionnelles pour cette année
est de $256 millions, je vous le dis, j'essaie de raisonner avec vous je
ne vous fais pas cela comme des affirmations ex cathedra cela vous donne
$200 millions de plus, que vous voulez appliquer à l'année
suivante. Je veux savoir si c'est exact, cette interprétation.
M. Joron: Si vous permettez, cela peut aider les débats,
il y a deux choses qui augmentent aussi entre 1978 et 1979, les dépenses
d'exploitation et la charge d'intérêt sur la dette,
évidemment, ce qui produit un résultat d'opération.
Là, vous prenez toute l'augmentation sans tenir compte que cette
augmentation est grugée pas seulement par l'augmentation des
investissements, mais aussi par les dépenses d'exploitation et par
l'augmentation des charges d'intérêt.
Vous voyez ces lignes, dans le même tableau, à la page 16.
Les dépenses d'exploitation passent, d'une année à
l'autre, de $719 millions à $822 millions. Vous avez un peu plus de $100
millions là et, un peu plus bas, on voit l'intérêt sur la
dette à long terme qui passe de $784 millions à $977 millions.
Vous avez un autre montant de $100 millions là. Alors, de vos $260
millions, il en reste $60 millions. C'est l'augmentation des
investissements.
M. Raynauld: Je me basais sur une autre ligne: Revenu net avant
attributions aux réserves. Continuez votre lecture.
M. Joron: Oui.
M. Raynauld: Revenu net avant attributions aux réserves,
1978, c'est $564 millions, et, en 1979, ça passe à $859 millions.
Si mes calculs sont bons, ça fait une augmentation de $295 millions.
C'est pourquoi je ne voulais pas faire intervenir les dépenses
d'exploitation.
M. Joron: Oui, d'accord.
M. Raynauld: Voici une autre question que je voudrais poser
à M. Boyd, toujours dans le même domaine.
M. Boyd: On me donne une réponse ici. Dans le cas du
tableau à la page 17 où on voit 1,25, supposons que ce serait un
cas, pour obtenir un revenu additionnel de $197 millions en 1979, au lieu de
$256 millions, c'est-à-dire les $60 millions dont vous parliez tout
à l'heure, il faudrait quand même aller chercher 12,3%
d'augmentation de tarif au lieu de 15,9%.
Dans un cas, vous obtenez 1,25 avec 12,3% pour l'année 1979, et
avec 15,9%, vous obtenez 1,31. En 1979, ce n'est pas tellement le ratio qu'il
est important de voir changer, mais si vous voulez ne pas avoir à faire
$2 274 000 et $2 168 000 d'em-
prunt dans les années 1980-81, il faut augmenter davantage dans
l'année 1979, pour ne pas avoir à revenir en 1980 avec une
augmentation plus forte. Premièrement, comparativement à ce qu'on
avait demandé l'année passée, trois fois vingt, on a
comprimé nos investissements. Deuxièmement, on a fait une demande
pour trois ans, à 15,9%, 15,8%, et la dernière à 10%, qui
est quand même une indication qu'on est en train de passer une pointe et,
si vous nous demandez ce qui arrive avec 12,3% et 1,25, la pointe, on va la
passer plus tard, un an plus tard au lieu de... Et peut-être qu'au lieu
des 10% en 1981, il faudrait avoir 12%, 13% ou 14%, je n'ai pas les chiffres.
Mais on a voulu maintenir notre taux d'emprunt à $2 milliards, et la
meilleure façon de le faire, c'était la façon dont nous
l'avons demandé, d'après nos calculs, et indiquant quand
même que le pire était fait et que nous allons vers 10% et, nous
osons l'espérer, des augmentations moins importantes à l'avenir.
,
Mais si vous repoussez ce problème à plus tard, il peut
même s'aggraver, parce que si en 1979 on est en mauvaise position
vis-à-vis les marchés financiers, on le deviendra davantage en
1980et en 1981.
M. Raynauld: M. le Président, à cet
égard-là...
M. Lemieux: Si, par exemple, on suivait les suggestions de la
page 17, avec les augmentations de 12,3%, 9,4% et 9,8%, les emprunts
nécessaires pour l'ensemble des trois ans dépasseront la moyenne
de $2 milliards par un montant de $464 millions. C'est presque un demi-milliard
en plus d'un montant de $2 milliards par année, ce qui est
déjà un énorme défi.
M. Raynauld: Maintenant, M. le Président, je voudrais dire
là-dessus qu'il est sûr qu'on a toujours l'air un peu
timoré lorsqu'on se fait dire: Si vous reportez le problème
à plus tard. Mais je voudrais quand même dire là-dessus
qu'on reporte des choses à plus tard, mais toute votre programmation est
faite avec des hypothèses. Ces hypothèses-là peuvent
tourner pour le mieux ou pour le pire. Il ne faudrait pas non plus qu'on dise:
On repousse le problème à plus tard et cela coûtera encore
plus cher à ce moment-là. Ce n'est pas sûr du tout que cela
coûterait plus cher à ce moment-là. Cela dépend du
taux d'inflation, par exemple, et le taux d'inflation que vous avez varie de
deux points pendant les trois prochaines années et toute votre affaire
est complètement changée.
Bien sûr, cela pourrait être pire mais cela pourrait aussi
être mieux. On a traversé une période tellement difficile,
depuis quatre ou cinq ans, qu'on a de la difficulté à penser que
cela pourrait s'améliorer, mais ce n'est pas impensable, cela a toujours
été ainsi dans le passé. Il y a eu des fluctuations et
toute votre programmation, tous vos calculs, même de 1,25, cela suppose
une certaine consommation d'énergie, cela suppose un certain prix, cela
suppose une certaine inflation et ce sont toutes des hypothèques, et des
hypothèses qui seront véridiques, qui se vérifieront ou
pas. Mais qu'on se donne une petite marge de 2% ou 3% dans le taux d'inflation
et je prends ceci seulement comme exemple cela pourrait avoir une
portée très grande sur la facilité ou la difficulté
que l'Hydro-Québec pourrait avoir d'emprunter sur les
marchés.
M. Boyd: Je suis d'accord, M. le Président, que tous ces
calculs sont basés sur des hypothèses, mais ce sont quand
même les meilleures hypothèses qu'on peut trouver dans le moment
et elles nous indiquent que nous devons faire les recommandations que nous
avons faites.
La situation peut devenir meilleure ou pire, mais, comme c'est tellement
lourd de conséquences, nous essayons de prendre des hypothèses
qui sont plausibles, espérant que la situation ne sera pas pire.
M. Raynauld: Est-ce que la hausse que vous demandez va
réduire la consommation d'énergie et réduire les recettes
de l'Hydro-Québec?
M. Boyd: C'est un autre facteur que l'on mentionne dans nos
raisons pour obtenir ces tarifs. Nous pensons qu'il faut encourager
l'économie de l'énergie et nous pensons que les gens commencent
à réaliser que l'énergie à très bon
marché, il n'y en a plus. Il se peut que, dans certains secteurs, la
hausse entraîne des réductions de consommation.
M. Raynauld: Mais quel impact avez-vous?
M. Boyd: Mais quelle est l'hypothèse et dans quelle
mesure? Ce n'est pas facilement palpable. La hausse de 20% de l'année
passée, on ne sait pas encore si cela a eu une influence sur la
consommation parce que vous avez tous les autres facteurs de température
et surtout d'économie qui influencent probablement encore plus.
M. Raynauld: Mais quelle est l'hypothèse que vous avez
faite pour arriver à dire que, si on n'accordait pas les augmentations,
cela augmenterait les besoins d'emprunt? Vous avez fait une hypothèse,
vous avez dit... Peut-être que vous avez pu prendre une hypothèse
selon laquelle cela n'affectait rien; à ce moment-là, vos
recettes sont augmentées de $256 millions, mais si, par contre, en
augmentant vos tarifs, vous réduisez la consommation et que cela
réduit les recettes en proportion, à ce moment-là, vous
n'êtes peut-être pas mieux qu'avant sur le plan financier.
M. Joron: Je pourrais peut-être répondre à
une petite partie de cette question. C'est juste ce que vous dites, mais c'est
que, parallèlement à cela, il se produit un autre
phénomène et c'est la substitution venant d'autres formes
d'énergie vers l'électricité, compte tenu que,
jusqu'à maintenant, on a évoqué tout à l'heure les
hausses de tarifs d'électricité depuis un certain nombre
d'années.
On aurait pu évoquer, dans la même période, les
hausses à peu près trois fois plus importantes dans les autres
formes d'énergie, ce qui a provoqué la substitution, quoique la
hausse des coûts de l'énergie, globalement, c'est vrai pour
l'électricité comme pour les autres formes d'énergie, ait
peut-être tendance à rendre le consommateur plus conscient
à prendre des mesures pour économiser l'énergie; d'autre
part, en même temps, la position concurrentielle améliorée
de l'électricité nous amène chaque année de
nouveaux clients, également, qui étaient autrefois au
pétrole, et peut-être moins dans le cas du gaz.
En fait, la constance de la demande qui est implicite là-dedans
est très substantiellement, sinon exclusivement, à cause de la
substitution.
M. Raynauld: Est-ce que vous avez les chiffres sur les
prévisions que vous faites pour 1978 et les années suivantes, de
l'augmentation de la consommation d'électricité? En 1977, j'ai
noté que c'était 7,3% dans le rapport et en 1976, 12,1%. M. le
ministre, de 12,1%, cela a baissé à 7%, c'est la conjoncture qui
a fait ça. La conjoncture influence également cette consommation.
S'il y a de la substitution, ça va faire augmenter le taux et
l'augmentation du prix va la faire baisser, alors... Cela fait quoi, rendu au
total?
Le Président (M. Dussault): Mesdames, messieurs, il est
tout près de 18 heures et c'est l'heure où il faut mettre fin
à nos travaux pour les reprendre plus tard.
M. Joron: On va avoir la réponse à 20 heures.
Le Président (M. Dussault): Nous aurons la réponse
à 20 heures, si vous permettez. La commission suspend ses travaux
à 20 heures ce soir.
(Fin de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Motion proposant la création d'une régie
de l'énergie (suite)
Nous allons reprendre les travaux de la commission parlementaire de
l'énergie, qui a le mandat d'étudier le rapport de
l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la
baie James. Lors des travaux de cet après-midi, j'avais pris en
délibéré une décision relativement à la
recevabilité d'une motion qu'avait faite le député de
Mont-Royal et que je vais relire. "Que cette commission est d'avis que le
gouvernement doit créer sans délai la régie de
l'énergie proposée dans le livre blanc sur la politique
québécoise de l'énergie et confier à cette
régie la responsabilité d'étudier les demandes
d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec et de faire des
recommandations au gouvernement. Que la présente demande d'augmentation
de tarifs d'électricité soit référée
à cette régie le moment venu."
On se rappellera que j'ai émis des doutes quant à la
recevabilité. Après avoir étudié la question
longuement, pendant ma digestion, ce qui ne l'a peut-être pas
facilitée d'ailleurs...
M. Raynauld: Vous avez eu le temps de manger toujours?
Le Président (M. Dussault): J'ai quand même eu le
temps de manger. J'ai décidé de faire bénéficier du
doute le proposeur de cette motion. Je vais donc la déclarer
recevable.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. La raison pour
laquelle nous avons fait cette motion, M. le Président, c'est justement
parce que nous ne sommes pas en mesure, aujourd'hui, de vraiment étudier
en profondeur toutes les implications, tout ce qui est contenu dans la demande
de l'Hydro-Québec quant à l'augmentation de ses tarifs.
Il ne faudrait pas interpréter notre motion, M. le
Président, comme étant une façon de l'Opposition
officielle d'être contre les augmentations de tarifs. Je crois que nous
sommes assez réalistes, assez responsables, pour réaliser qu'il y
a des augmentations à tous les niveaux, spécialement dans le
domaine énergétique.
Le but de notre motion n'est pas de refuser une demande de
l'Hydro-Québec, mais plutôt de donner l'occasion,
premièrement, d'obtenir tous les renseignements nécessaires quant
à la demande de l'Hydro-Québec et, deuxièmement, de donner
l'occasion à ceux qui sont affectés, non seulement les
consommateurs, l'industrie et tous les autres secteurs qui pourraient faire des
représentations, leur donner l'occasion de se présenter devant la
régie et de faire valoir certaines représentations de leurs
intérêts et des problèmes qui les préoccupent.
Nous avons vu que les demandes d'augmentation de tarifs pourraient
atteindre environ $900 millions dans les trois prochaines années, grosso
modo. C'est une somme assez considérable à aller chercher chez
les contribuables du Québec. Dans ce sens, je trouve irresponsable
je veux préciser cela, je l'ai déjà fait non
pas l'approche ou la demande de l'Hydro-Québec, mais la réaction
et la politique du gouvernement qui, d'un côté, sans vouloir
donner l'impression qu'il veut la participation de la population, qui invite la
participation de la population dans le livre blanc sur l'énergie... Il y
a des passages de ce livre blanc consacrés à la
nécessité de participation de tous les Québécois
aux décisions énergétiques qui vont s'imposer au cours des
années prochaines et on donne l'illusion de la création d'une
régie d'énergie et on lui donne tous les pouvoirs, sauf les
pouvoirs importants.
C'est bien beau de lui donner le pouvoir de
réglementer le gaz naturel, quand le gaz naturel est
réglementé hors de notre juridiction et que seulement la
différence des coûts d'exploitation peut être sujette
à une réglementation du Québec, mais il me semble que ce
serait tout à fait logique et même absolument nécessaire
d'avoir une régie qui serait dotée des pouvoirs d'examiner
à fond cette tarification. (20 h 15)
Si nous regardons les autres juridictions du Canada, dans les autres
provinces, on voit qu'il y en a quelques-unes, c'est vrai, la pratique n'est
pas la même dans toutes les provinces, mais si nous regardons les
juridictions importantes, je crois que nous allons voir qu'à ces
endroits il y a une forme de régie. Le but de la régie, ce n'est
pas de prendre la décision finale. Cette responsabilité
appartient certainement au gouvernement.
Le but et le pouvoir de la régie, c'est de faire des
recommandations après avoir donné l'occasion,
premièrement, à l'Hydro-Québec, de se justifier, de se
documenter, de donner tous les renseignements nécessaires;
deuxièmement, donner le droit à ceux qui vont être
obligés de payer la note de faire aussi leurs représentations,
parce qu'ici nous avons un monopole de décisions. Le gouvernement ne
peut pas dire: Cela appartient au gouvernement de prendre ces décisions,
parce qu'il y peut y avoir un peu de conflit. C'est pour cela que, pour essayer
d'enlever ces conflits d'intérêts, on crée une régie
non partisane à laquelle les experts peuvent participer, où il
peut y avoir des contre-interrogatoires, où on peut avoir le temps
nécessaire, parce que, si vous remarquez, à la commission
parlementaire, nous sommes très limités dans nos interventions.
Le ministre a le droit d'intervenir en tout temps et de faire toutes les
déclarations qu'il veut pour justifier sa position, donner des
explications, des opinions. De notre côté, nous n'avons pas ce
droit, c'est très limité.
Dans les vingt minutes ou la demi-heure, par consentement, qu'on nous
accorde, c'est impossible de vraiment faire ressortir tous les points
importants, tous les renseignements que le public a le droit d'avoir. Je crois,
à mon point de vue, qu'un tel exercice, une telle régie ne
pourrait qu'ajouter à la crédibilité de
l'Hydro-Québec, parce qu'elle irait devant la régie, donnerait
tous ses chiffres et toute la documentation, toutes les raisons. Une fois que
la recommandation est faite par la régie, ce serait au gouvernement de
prendre les responsabilités et la décision.
M. le Président, le but de cette motion, ce n'est pas de prendre
le temps de nos invités, mais c'est de souligner l'importance... Je
crois même que le Parti québécois, quand il était
dans l'Opposition, en 1975, avait fait la même demande. Il avait
reproché au gouvernement libéral de ne pas avoir un régie,
de ne pas donner l'occasion à tous ceux qui seraient affectés par
l'augmentation de tarifs de se présenter et de faire des
représentations. À ce moment, on ne parlait pas de sommes
d'argent comme celles dont nous parlons aujourd'hui. Pourtant, on dit que la
décision du gouvernement... La demande de l'Hydro-Québec, si le
gouvernement l'accorde, peut impliquer les sommes dont on vient de parler. Je
crois que cela mérite plus qu'une journée et demie en commission
parlementaire. Soyons responsables, agissons comme des responsables. Le
gouvernement doit administrer les deniers publics. Non seulement, il doit faire
justice, mais il doit aussi donner l'apparence que justice est faite.
On commence à 3 heures de l'après-midi, on espère
finir demain après-midi d'examiner le bilan, d'examiner le rapport
annuel de l'Hydro-Québec avec tous les travaux qu'elle a faits, avec
tous les différents projets qui existent. Avec des revenus de plus de $1
milliard, je crois que ce n'est pas trop de demander que ces décisions
soient prises d'une façon un peu plus responsable; si, dans le
passé, elles ne l'ont pas été, ce n'est pas une excuse
pour aujourd'hui. On a différents problèmes, on a
différentes sommes d'argent, différents pourcentages,
différentes décisions à prendre aujourd'hui. Je crois que
c'est le temps de prendre ses responsabilités, de ne pas donner
l'apparence qu'on est transparent, qu'on veut agir d'une façon
démocratique, qu'on veut protéger la population et continuer dans
cette illusion de participation, parce que c'est ça. C'est une illusion,
ici. Ne nous leurrons pas. C'est une illusion que l'Hydro-Québec est
venue faire son rapport remarquez bien que je ne blâme pas
l'Hydro-Québec et le gouvernement a donné l'occasion aux
élus du peuple d'examiner, et ça donne un semblant de
justification.
Mais si vous me demandiez aujourd'hui: Est-ce que vous devriez avoir
l'augmentation de tarifs ou non? Je ne serais pas responsable si je vous disais
oui ou non. Les deux réponses seraient irresponsables de ma part, parce
que c'est impossible et je ne vous demanderai pas de répondre
ouvertement, mais je pense que, vous-mêmes, vous le réalisez,
ça, et tous ceux autour de cette table-ci le réalisent.
Ce que j'ai dit ce matin, à savoir que la politique
énergétique du gouvernement, c'est très bien. Le ministre
va le nier. Il prend seulement des décisions économiques. Il n'y
a pas de politique dans ses décisions. Il pourrait le prouver,
ça, en instituant cette régie, en la dotant de pouvoirs de
recommandation, je ne dis pas de pouvoirs décisionnels, mais au moins en
la dotant des outils où toute la population pourrait aller devant cette
régie avec les experts, les personnes qui seraient nécessaires et
là, on verrait vraiment si les décisions finales du gouvernement
sont basées sur une question économique ou si c'est vraiment...
Cela fait l'affaire du gouvernement de prendre ces décisions, parce
qu'il ne faut pas utiliser l'Hydro-Québec...
Jusqu'à novembre 1976, l'Hydro-Québec n'a jamais
été utilisée pour des fins politiques. Personne ne peut me
persuader du contraire. Mais je n'en suis pas certain aujourd'hui, et
ça, ce n'est pas la faute de l'Hydro-Québec. Le ministre peut
rire, naturellement, il a son opinion et j'ai la mienne. Alors, je dirais au
ministre: Si vous voulez
prouver que vous êtes sincère dans ce que vous dites
votre gouvernement, parce que je n'attaque pas la sincérité
personnelle du ministre mais si le gouvernement veut vraiment agir d'une
façon qu'il prétend transparente et prendre des décisions
dans l'intérêt de la population dans ce domaine, en se basant sur
des raisons économiques, je ne vois pas pourquoi il s'opposerait
à la création d'une telle régie.
On pourrait poser des questions à une telle régie, faire
des représentations sur l'effet que cela aurait sur l'industrie.
N'oubliez pas que cela a toujours été un des atouts du
Québec pour l'industrie d'avoir de l'énergie à un prix
plus raisonnable, à un meilleur prix que les autres.
Nous sommes dans une période inflationniste, nous sommes dans une
période où il y a beaucoup de chômage. Quel va être
l'effet sur l'économie d'une telle augmentation de tarifs? Je ne doute
pas que l'Hydro-Québec pour arriver à ses conclusions, a agi
d'une façon responsable. Elle a pris plusieurs facteurs en
considération, mais elle l'a fait de son propre point de vue. On
pourrait vous blâmer, si vous le faisiez autrement. Vous n'avez vraiment
pas le mandat de prendre les décisions pour toute la population. Vous
devez regarder, prendre certains facteurs en considération, mais c'est
toujours le point de vue de l'Hydro-Québec, c'est toujours la saine
administration, ce sont les intérêts de l'Hydro-Québec.
J'accepte cela complètement. C'est pour cela que, pour équilibrer
la position de l'Hydro-Québec, quand vous avez dit tantôt que,
pour maintenir votre taux de couverture à 1,25 vous pouviez vous
satisfaire d'un taux d'augmentation de 12,59%, je peux présumer que la
raison pour laquelle vous demandez 15,9%, c'est pour vous donner une marge de
sécurité.
Franchement, si j'étais dans votre position, si je ne savais pas
ce que le gouvernement va faire du jour au lendemain, moi aussi, je voudrais
cette marge de sécurité. On ne sait pas quelles
déclarations seront faites la semaine prochaine et ce qui va arriver au
taux d'emprunt et aux marchés d'emprunt nord-américain, canadien
et américain. Je ne vous blâme pas d'être très
conservateurs, très prudents et de vouloir essayer, dans la marge du
raisonnable, d'obtenir autant de réserves, autant de revenus que
possible aujourd'hui pour faire face aux incertitudes de l'avenir. Mais, il y a
d'autres intérêts à prendre en considération: le
consommateur, les industries, l'effet sur l'emploi, l'effet sur
l'économie en général. On n'a pas le temps ici, ce n'est
pas à la commission parlementaire, dans une journée et demie, que
nous pouvons discuter et arriver à des décisions sur tous ces
points très importants pour tous ceux qui sont concernés et tous
ceux qui seront affectés.
Alors, pour ces raisons, M. le Président, je crois que ce serait
un geste de responsabilité de la part du gouvernement de procéder
immédiatement à la création d'une telle régie, d'y
référer la demande de tarification de l'Hydro et d'obtenir une
recommandation de la régie suite à laquelle le gouvernement
pourrait prendre ses décisions.
M. Joron: M. le Président. Le Président (M.
Dussault): M. le ministre. M. Guy Joron
M. Joron: D'abord il est peut-être utile de préciser
une chose. On n'est pas ici pour prendre une décision. On n'est pas ici
pour décider dés tarifs de l'année prochaine. C'est le
cabinet qui va faire cela dans les semaines qui viennent après avoir
entendu les opinions exprimées autour de cette table. Alors, il ne
faudrait pas tenir pour acquis que ces séances vont se terminer par une
décision et que cette décision va être mot à mot la
proposition qui est devant nous aujourd'hui. C'est la première
chose.
Je vais répondre à votre motion. Vous souhaitez un
élargissement des pouvoirs de la régie. Nous nous sommes
déjà engagés à un tel élargissement des
pouvoirs de la régie et nous pensons pouvoir soumettre de la
législation dès cet automne à cet effet. Vous souhaiteriez
que cet élargissement comprenne d'habiliter la régie à
entendre les représentations du public en général et
permettre à la régie de faire des recommandations au gouvernement
en ce qui a trait aux tarifs d'électricité. Vous avez
évoqué, par contre, comme un des motifs à l'appui de votre
motion que vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui de vous prononcer
définitivement étant donné le peu de temps à notre
disposition, etc. Déjà, cela me laisse perplexe. Est-ce qu'on va
modifier les éventuels pouvoirs d'une régie pour permettre
à la régie de faire le travail que l'Opposition n'a pas eu le
temps de faire? Je trouve cela bizarre comme raisonnement.
M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais...
M. Joron: Vous parlez d'irresponsabilité. Je vais vous
retourner votre argument et je pense que nous avons été
parfaitement logiques et cohérents et conséquents avec
nous-mêmes lorsque nous avons parlé dans le livre blanc des
raisons pour lesquelles nous pensions que la détermination des tarifs de
l'électricité doit rester une prérogative du gouvernement,
que le gouvernement n'a pas l'intention de se soustraire, à cet
égard, à ses responsabilités.
D'autre part, nous souhaitons trouver des forums nécessaires pour
que la population puisse s'exprimer, non seulement sur cet unique point
précis, mais sur tout ce qui peut concerner les différents
aspects d'une politique énergétique, par la voie d'une commission
parlementaire qui pourrait devenir itinérante, à l'avenir, et en
élargissant, d'autre part, le pouvoir de la régie pour lui
permettre d'interpréter les règlements tarifaires de
l'Hydro-Québec.
C'est bizarre, c'est plutôt vous que je trouve irresponsables,
puisqu'il y a à peine quatre mois, même pas, trois mois, je ne
sais pas si vous vous en souvenez, vous avez voté à
l'unanimité le projet
de loi no 41. À l'article 22 du projet de loi 41. que vous avez
voté et que vous avez accepté, il est prévu quel sera le
mode de détermination des tarifs d'électricité, ce sera
par le lieutenant-gouverneur, par arrêté en conseil. Il y a
à peine trois mois, vous étiez d'accord avec ça et,
aujourd'hui, ce processus ne fonctionne plus. Je trouve que c'est un peu rapide
comme revirement et cela m'apparaît dicté un peu par
l'opportunisme, enfin, les circonstances actuelles.
D'ailleurs, il est important de préciser un certain nombre de
choses. Vous évoquez des expériences qui ont lieu à
l'étranger, où effectivement, dans certaines provinces et dans
certains États américains, il existe de telles régies
habilitées, non seulement à faire des recommandations, mais
à déterminer des tarifs. Il est important de savoir pourquoi il
en est ainsi, dans certains États américains, par exemple, et
pourquoi il n'en est pas ainsi au Québec.
Si je prends l'exemple de l'État de New York, un État
voisin, où vous avez de multiples intervenants dans le secteur
énergétique, des compagnies privées distributrices
d'électricité, un organisme étatique qui est une
espèce de grossiste entre ces compagnies privées, vous avez une
multitude d'intervenants, là, ça se comprend, parce qu'il y a
plusieurs intervenants et ce ne sont pas tous des intervenants publics, il y a
des intervenants privés également. (20 h 30)
Forcément, comme le prévoit le Public Service Act de
l'État de New York, par exemple, on a créé une telle
régie ou un tel "board", si vous voulez, mais ce faisant, on a
donné des critères à ce "board". Alors, je me demande
quels critères vous donneriez à une telle régie au
Québec.
M. Ciaccia: Acceptez le principe, puis on va discuter des
critères.
M. Joron: Ce qui m'étonne, c'est que presque quatre mois
après la publication du livre blanc, l'Opposition officielle n'a pas
émis un seul commentaire à cet égard. L'Opposition
officielle...
M. Ciaccia: Ne charriez pas, on en fait des commentaires
maintenant. Ne nous reprochez pas le fait qu'on n'a pas fait de commentaires
jusqu'à maintenant. Ce n'est pas une excuse pour ne pas agir maintenant.
Voyons donc, vous le savez bien, M. le ministre!
M. Joron: L'Opposition officielle, qui, à l'occasion,
intervient constamment et en particulier...
M. Ciaccia: ... deux semaines.
M. Joron: ... le député d'Outremont, quelquefois
dans des sujets de nature économique. Chaque fois qu'il y a une
statistique nouvelle publiée par Statistique Canada, cela donne droit
immédiatement à des questions et à des interventions du
député d'Outremont, entre autres.
Mais voici que le gouvernement a publié, il y a quatre mois, non
seulement un élément central, mais un élément pivot
de toute politique économique, mais on n'a pas eu de réponse de
l'Opposition. Pourtant, dans cette politique énergétique, les
critères qui doivent gouverner...
M. Ciaccia: Cela vous a pris plus de quatre mois à la
préparer, cela peut nous prendre plus de quatre mois à y
répondre. Nous sommes responsables...
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît! La parole est à M. le ministre. Il vous reste du temps, M.
le député de Mont-Royal, si vous voulez ajouter vos
commentaires.
M. Joron: Les critères qui doivent gouverner, par exemple,
la tarification de l'électricité, ont été
clairement exprimés au public en général, à
l'Opposition également, il y a déjà passablement de temps.
Il n'y a pas de cachette là-dedans.
La différence entre la situation dans certaines autres provinces
ou États américains et le Québec, c'est qu'ici il n'y a
pas une multiplicité d'intervenants dans le secteur
énergétique et en monopole d'État, un monopole public, en
plus de cela, ce qui fait que, finalement, l'abonné est en même
temps le contribuable et vice versa. Il s'agit de faire des arbitrages de
nature très générale, c'est très important.
Par exemple, quand une régie doit déterminer des
augmentations de tarifs, forcément, l'autorité législative
donne un tel mandat à une régie et lui fournit des
critères. Elle lui dit: Vous allez avoir mandat de contrôler les
objectifs des utilités publiques d'électricité, par
exemple leur orientation, leurs programmes d'équipement, vous allez
pouvoir poser des questions sur la qualité de leur administration,
toutes sortes de choses semblables.
Dans notre cas, c'est passablement différent et il faut
comprendre qu'aujourd'hui ce n'est pas particulier au Québec,
c'est vrai un peu partout la politique énergétique est
l'un des éléments déterminants de toute politique
économique. Mais les éléments les plus importants de la
politique énergétique, les choix impliqués
là-dedans, les choix d'objectifs, desquels objectifs découlent
des programmes d'équipement, desquels programmes d'équipement
découlent des niveaux de tarifs, etc., ces objectifs comportent des
arbitrages pour des questions d'environnement, des arbitrages sur l'allocation
des investissements publics, où cela devrait aller, etc., des arbitrages
où la protection du consommateur est en cause par rapport à
d'autres objectifs de croissance économique, etc. Tout cela doit
être arbitré. Quel meilleur forum pour arbitrer cela que les
élus du peuple? Je me le demande.
Croiriez-vous sincèrement, à cet égard,
étant donné le fait que la distribution de
l'électricité au Québec est un monopole d'État,
étant donné le fait qu'une politique énergétique
définie existe, est rendue publique, étant donné que les
critères devant définir la tarification de
l'électricité sont
également de nature publique, que le public serait vraiment mieux
protégé en substituant le pouvoir public, ou les élus du
peuple, à des régisseurs nommés pour dix ans? Je ne le
crois pas du tout.
Je pense qu'il faut faire face à ces responsabilités et le
gouvernement est conscient qu'aucun pays au monde, aujourd'hui, ne peut se
passer de politique énergétique. C'est probablement ce qui fera
que les pays qui réussiront ou ne réussiront pas dans les
prochaines années seront ceux qui auront ou qui n'auront pas de
politique énergétique cohérente. On voit ce qui se passe
à l'heure actuelle aux États-Unis, à quel point la
question énergétique est cruciale pour le président
Carter. On voit très bien toute l'importance de cela.
Une fois cela dit, comment un gouvernement, alors qu'une des
pièces maîtresses de l'avenir des sociétés,
aujourd'hui, consistent justement dans l'élaboration de cette politique
énergétique et qu'à l'intérieur d'une telle
politique énergétique les questions de prix sont un des
instruments de gestion de la politique énergétique les plus
capitaux, les plus vitaux, les plus importants, comment pourrions-nous prendre
cela et dire: On va confier cela à des régisseurs nommés
pour dix ans? Je vous dis: Selon quels critères? Définissez-moi
les critères. Vous allez probablement revenir aux mêmes que l'on
trouve dans le livre blanc.
Nous n'avons pas voulu soustraire au processus politique ce qui
appartient au processus politique. C'est notre avis que cette question cruciale
de la politique énergétique, dont la tarification est un des
éléments les plus essentiels, doit rester la prérogative
des hommes publics élus, c'est-à-dire les parlementaires de
l'Assemblée nationale. On est ici pour cela.
Je pense que la motion est en quelque sorte dilatoire. Elle
m'apparaît procéder d'une volonté de ne pas vouloir faire
face à des responsabilités et de les refiler à quelqu'un
d'autre. Allons transporter la discussion dans un autre forum. Cet autre forum
fera des recommandations au gouvernement et là, on aura noyé le
poisson. Nous ne voyons pas du tout la question comme cela. On pense que c'est
notre responsabilité de répondre à cette question,
étant donné, encore une fois, que la situation est
différente de celle de plusieurs de nos voisins à cet
égard, du fait que la distribution de l'électricité est un
monopole d'État public et que c'est la responsabilité des hommes
publics de régler ces questions.
Par contre je le répète en terminant on se
rend bien compte qu'il faut assurer au public en général la
possibilité d'avoir le maximum d'input possible sur la décision
des hommes politiques, mais, si l'Opposition n'a peut-être pas eu
beaucoup de réactions jusqu'à maintenant au livre blanc sur
l'énergie, je peux vous dire que la population en a eu. Les milieux
d'experts en ont eu. D'ailleurs, vous avez sans doute pu vous rendre compte que
les principaux agents du secteur énergétique au Québec ont
accueilli avec passablement d'enthousiasme cette politique
énergétique et la population également. Je ne sais pas ce
que vous avez fait depuis trois ou quatre mois, mais, en tout cas! Là,
je ne vous pose pas de question et je ne vous adresse pas de blâme, mais,
pour notre part, on s'est passablement promené dans la population. On a
eu des réactions sur toutes ces questions. Encore une fois, je parle sur
cette partie de votre motion qui parle d'une extension du mandat de la
régie. Il y a une partie de la motion sur laquelle je suis d'accord.
Oui, on veut créer une régie; oui, on veut lui donner un mandat
accru par rapport à ce qu'elle a, mais non lui donner le pouvoir sur les
tarifs.
M. Ciaccia: Décisionnel.
M. Joron: Oui, vous me dites...
M. Ciaccia: Ce n'est pas la même chose, c'est en
conformité avec...
M. Joron: Le pouvoir de recommandation, qu'est-ce que cela va
donner? Un pouvoir de recommandation; on va faire de la régie un forum,
un forum qui existe déjà, finalement, qui est le forum de vos
électeurs dans votre comté, des miens et de tous ceux des autres
parlementaires. Vous allez faire de la régie un forum, parce que vous
n'êtes pas capable de nous dire aujourd'hui ce que vous pensez de la
proposition tarifaire de l'Hydro-Québec. Je pense que c'est simplement
une mesure dilatoire. Je ne vois aucune raison pour laquelle, M. le
Président, je souscrirais à une telle motion.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Richmond. J'ai dans l'ordre, ensuite, M. le député
d'Abitibi-Ouest et M. le député d'Outremont.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: M. le Président, je vous remercie. Lorsque j'ai
eu l'occasion de faire quelques remarques préliminaires au début
de l'après-midi, à l'ouverture des travaux de cette commission,
j'ai fait allusion au besoin qui me semble de plus en plus apparent pour le
gouvernement de penser à nouveau à son type de relations avec non
pas seulement l'Hydro-Québec, mais avec l'ensemble de ses
sociétés d'État pour avoir, en quelque sorte, accès
plus directement et peut-être de façon plus
régulière encore à tous les renseignements pertinents.
Par contre, il est clair, dans le cas de l'Hydro-Québec, qu'on ne
peut éviter certaines augmentations. C'est impossible. Ce serait tout
simplement de refuser de voir la réalité telle qu'elle est, la
réalité des besoins énergétiques, de la situation
énergétique comme telle. Ce serait en même temps refuser de
voir aussi la réalité de l'augmentation des coûts en termes
de travaux et d'équipement. J'ai eu l'occasion récemment de
rencontrer certains parlementaires à l'intérieur de l'Association
des parlementaires du Commonwealth. Il y a eu différents
échanges, à ce moment, d'expériences que j'ai
trouvées passablement intéressantes. En particulier, une remarque
nous a été faite, à un
moment donné, par des gens qui ont assisté à
plusieurs changements de gouvernement. On nous disait que, lorsque les
députés sont dans l'Opposition, ils devraient aussi avoir la
prévoyance de voir la situation des gouvernements comme s'ils devaient
demain être ceux qui justement assumeraient cette responsabilité.
De la sorte à ce moment, on discute vraiment des problèmes
eux-mêmes en essayant de trouver la meilleure solution possible,
plutôt que de rechercher un affrontement politique à un autre
niveau. Cette remarque m'est revenue à l'esprit lorsque j'entendais les
délibérations de tout à l'heure. Cela me confirmait qu'on
doit voir la réalité telle qu'elle est. C'est sûr qu'il n'y
a pas une situation parfaite. On doit rechercher de plus en plus et dans la
mesure du possible, les meilleurs moyens pour l'État d'administrer,
d'une part, et également, pour ces sociétés, elles, de
fonctionner et d'avoir la marge de manoeuvre suffisante pour assumer les
responsabilités qu'on leur donne à l'intérieur d'un
mandat. Évidemment, dans cette question, lorsque je disais qu'on doit
reconnaître la réalité, c'est sûr qu'on est loin
aussi pour l'Hydro-Québec, par exemple, des emprunts auxquels M. Boyd
faisait allusion, au début des années soixante. Pour quelques
centaines de millions, on étalait alors sur une période de temps
assez longue pour éviter certains débalancements,
l'arrivée des fonds en question.
C'est vous dire que la situation évolue très rapidement.
Dans un sens, on doit admettre en même temps d'ailleurs, de tels
propos ont été tenus à d'autres commissions parlementaires
aussi face à l'augmentation nécessaire des tarifs que plus
la croissance est rapide, plus le prix de l'électricité est
fixé relativement à son coût marginal, c'est-à-dire
au coût de la nouvelle installation pour la produire. C'est dans cette
optique aussi qu'il faut voir la question.
Il est clair, dans ce sens, que toute hausse, quelle qu'elle soit est
délicate, autant pour l'Hydro, sur le plan administratif, autant pour le
gouvernement, quel qu'il soit, sur le plan politique. Par contre, en dessous de
cela, je place la réalité, les besoins énergétiques
et les situations auxquelles on doit faire face.
La situation énergétique constitue et va continuer de
constituer de plus en plus une problématique en soi qu'il va falloir
regarder de front. C'est sûr qu'on cherche à ce moment à se
donner en tant que gouvernement les moyens les plus au point possible pour
contrôler ces situations et laisser le moins de zones grises possible et
assumer le plus possible toute sa responsabilité. On parle ici, dans la
motion qui nous est présentée, de la création d'une
régie qui aurait pour but je le cite ici, qui se rattache au
livre blanc de l'énergie d'étudier les demandes
d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec et de faire des
recommandations au gouvernement, que la présente demande d'augmentation
des tarifs de l'électricité, par exemple, soit
immédiatement référée à cette
régie.
Je remarque, dans ce cadre, que cette proposition se limite quand
même simplement à la question du coût de l'énergie
comme telle. Donc, il m'apparaît que c'est passablement limitatif, parce
que la question de la tarification et des coûts de l'énergie, dans
toute la problématique énergétique, je pense que c'est
seulement la pointe de l'iceberg. Si on veut vraiment se doter d'outils
efficaces et qui atteignent vraiment des buts précis, il me semble que
cette régie devrait avoir un mandat beaucoup plus large ou qu'on devrait
penser une autre formule que celle-là. Au point de départ,
évidemment, s'il n'y a pas d'autre alternative cela pourrait être
une chose à envisager. (20 h 45)
Par contre, les réflexions qu'il m'a été
donné de faire récemment et les discussions également que
j'ai eues avec d'autres personnes nous laissent croire qu'on devrait envisager
d'autres formules et d'autres sentiers. J'aurai l'occasion, d'ailleurs, d'y
revenir assez prochainement à l'Assemblée nationale.
Le député de Mont-Royal a indiqué que cette
commission parlementaire, aujourd'hui, a un mandat passablement limité
et que ses possibilités sont restreintes pour faire ressortir toute
l'information. Il est sûr que sur le plan pratique, les
législateurs qui ont à travailler sur l'ensemble de la
législation au cours de toute une année, qui se réunissent
quelques jours malgré les études préparatoires à
une telle commission, ne sont certainement pas dans la même mesure de
discussion possible que les interlocuteurs qui sont devant nous, qui oeuvrent
à temps plein et qui ont l'expérience qu'on leur connaît.
Cela va rester la réalité tout le temps, je pense.
Mais c'est ce qui m'amène à dire qu'on a peut-être
besoin d'avoir une autre formule qui soit, elle, plus large et peut-être
mieux définie que la proposition qu'on a devant nous, pour que
l'administration gouvernementale ait peut-être un regard plus direct et
des moyens plus faciles d'accès en ce qui concerne l'ensemble de ses
sociétés. C'est un peu ma façon de voir dans le contexte
présent.
J'appuierai la présente motion. C'est quand même un pas,
mais je tiens à souligner qu'en ce qui concerne ma préoccupation
et la préoccupation de l'Union Nationale dans ce domaine des
sociétés d'État, non seulement l'Hydro-Québec,
j'aurai certaines autres propositions à faire concernant un mandat
beaucoup plus large pour un rôle beaucoup plus précis du
gouvernement et une relation beaucoup plus constante avec ses
sociétés d'État.
Le Président (M. Dussault): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, je vais être assez
bref. Je voudrais indiquer quelques raisons, parce que, éventuellement,
nous aurons à nous prononcer par un vote. J'aimerais bien que les gens
sachent pourquoi exactement il m'apparaît inconvenant, dans les
circonstances, d'être en faveur d'une telle proposition.
Évidemment, j'épouse en totalité les
réflexions qui ont été faites par le ministre
délégué à l'énergie. J'ai à ajouter
quelques éléments, que j'aimerais faire ressortir d'une
façon personnelle.
Je pense que, dans la proposition telle qu'elle est formulée,
à savoir que, tout de suite, on confie la responsabilité
d'étudier les demandes d'augmentation de tarif de l'Hydro-Québec
à une régie, c'est vraiment déplacer le problème
et, pour ma part, pour vivre dans un milieu, dans une collectivité, il
est sûr que depuis que le livre blanc est connu, cela a permis, je pense,
un vaste débat sur la place publique pour ceux qui, en tout cas, avaient
des préoccupations de cet ordre-là, pour ceux qui voulaient
discuter les orientations du livre blanc. Je pense qu'il y avait d'excellentes
occasions de faire connaître des réactions du type de celle que le
député de Mont-Royal nous fait connaître ce soir.
L'autre point de vue. Il est clair, quand il mentionne qu'une commission
parlementaire, telle que celle de l'énergie, ne donne pas amplement de
temps de faire le tour de toutes ces questions surtout si on utilise ce temps
pour faire autre chose que ce que nous devons faire, à savoir le mandat
de la commission, je pense qu'il est assez clair, c'était une occasion
pour discuter, avec, je vais les appeler, les responsables des
différents dossiers qu'on nous a remis, que ce soit le rapport annuel de
l'Hydro-Québec, que ce soit le rapport d'activité de
l'Hydro-Québec ou encore le rapport d'activité de la SEBJ.
C'était dans ce sens qu'on avait le mandat d'élargir notre
compétence pour éventuellement avoir une meilleure idée,
mais, bien sûr, non pas prétendre qu'après deux jours, il
faille prendre les décisions sur place, en se prétendant
totalement et presque rompu ou repu d'information qui nous permette de devenir
des spécialistes pour statuer sur les tarifs.
Je pense que la responsabilité du gouvernement, de même que
de l'ensemble des membres de la commission de l'énergie, c'était
d'échanger avec les gens qui nous font rapport et peut-être mettre
plus de temps sur la préparation de cette séance pour
éventuellement être en mesure de vérifier certaines
interrogations que tout parlementaire membre de la commission peut avoir. Suite
à ces vérifications, la responsabilité du gouvernement,
c'était de retourner dans son milieu et, éventuellement,
d'élargir, encore là, ses consultations, si sa prétention
était de ne pas avoir l'éclairage suffisant pour porter un
jugement définitif sur la question de tarification. Mais je ne comprends
pas, et je ne serais pas d'accord, pour ma part, qu'on se soustraie à
notre responsabilité comme élus du peuple. Par contre, gouverner,
c'est également prévoir, et une de nos responsabilités, si
on prétend qu'on n'a pas tout ce qu'il faut, il n'y a rien qui
empêche un Conseil des ministres ou qui empêche les responsables de
dossiers d'élargir leurs consultations pour s'assurer, au minimum, que
cela ressemble exactement à ce que le député de Mont-Royal
préconise; reporter le débat ailleurs et confronter des gens
qu'on sait, de toute façon, qu'ils ont des opinions.
La régie, éventuellement, M. le député
de
Mont-Royal mentionnait qu'elle pourra entendre des experts, des
spécialistes. Possiblement que, déjà, on a une bonne
idée du type de recommandation que ces experts ou ces
spécialistes pourraient faire. Je suis pas mal convaincu que cela
ressemblerait à ce que nous avons dans les dossiers actuellement.
L'autre point de vue, celui du consommateur, je dis: Les
députés représentent tous, à ma connaissance, une
circonscription électorale. La plupart devraient, en tout cas, le plus
fréquemment possible, être en contact avec leurs électeurs.
Il y a toujours moyen de faire ce type de vérification, surtout pour
l'aspect bien restrictif de la tarification, parce que la proposition s'en
tient uniquement à la tarification, chose encore qui, selon moi, ne
permet pas de considérer au mérite cette recommandation puisque
c'est beaucoup trop restrictif. Alors, j'allais dire que le point de vue des
consommateurs, éventuellement, sur une hausse de tarifs, on n'a pas
besoin de très longs échanges pour le connaître. C'est
quelque chose qui nous apparaît assez évident. Je ne blâme
pas les gens. Je suis tout à fait d'accord avec eux, parce que c'est
toujours une sortie d'argent de leur porte-monnaie. Mais il me semble qu'un
gouvernement responsable qui va entériner la décision, dans un
sens ou dans l'autre, avec des nuances je pense qu'on est là pour
en faire sera toujours en mesure de retourner voir son électorat
et d'expliquer ou de lui donner les grandes orientations et il y en a
déjà pas mal dans la politique du livre blanc sur
lesquelles on s'est appuyé pour justifier la demande de
l'Hydro-Québec d'autant plus que, comme M. le ministre le mentionnait,
on n'a pas, chez nous, au Québec, à faire affaires si vous
me permettez l'expression avec une multitude de fournisseurs au niveau
de ressources énergétiques. C'est le même fournisseur
presque pour l'ensemble des Québécois.
Alors, je pense que, fondamentalement, si on veut profiter de la
présence des gens qui sont ici ce soir, il faudrait rejeter la motion et
peut-être profiter de l'occasion pour travailler davantage les dossiers
en profondeur pour être en mesure demain de poser certaines questions de
fond, s'il manque des éclairages, mais en sachant toujours qu'on est
tout à fait conscient que ce ne sera jamais suffisant. On n'a pas la
prétention de sortir, après cette séance de la commission
parlementaire et, le lendemain, être en mesure de faire des
recommandations très étoffées, très
articulées parce que, là, on a le monopole de la
vérité. Entre les deux, il m'apparaît que le moyen qui a
été choisi nous permet cette souplesse de faire les consultations
que nous devons faire pour prendre la décision la plus
éclairée possible. C'est pourquoi je serai contre la motion.
Le Président (M. Dussault): M. le député
d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Oui, M. le Président. Je regrette, comme
sûrement beaucoup d'autres ici, que nous
devions, à l'occasion d'un débat particulier, soulever des
questions plus générales et d'orientation plus fondamentale, en
tout cas. La raison pour laquelle on le fait comme cela, c'est qu'on n'a pas
l'occasion de le faire autrement. Je pense bien qu'un débat comme
celui-ci, sur une motion comme celle qui a été
présentée, ce n'est pas particulièrement approprié
de la présenter lorsque nous avons des gens qui sont ici et qui viennent
nous présenter une demande particulière pour laquelle ils sont
bien en droit d'avoir au moins des réactions et une réponse.
Encore une fois, les procédures parlementaires sont telles qu'on
ne peut pas faire autrement. Sur les sociétés d'État, on
n'a même pas la possibilité d'étudier en commission pour
les crédits, de faire venir les représentants des
sociétés d'État si ces sociétés
d'État n'ont pas de projets de loi particuliers ou ne demandent pas de
subventions. C'est quand même extraordinaire quand on pense à cela
et qu'on se fait dire par un ministre que les députés de
l'Opposition ne veulent pas exercer leurs responsabilités. C'est quand
même extraordinaire parce que les procédures sont telles qu'on
n'est pas capable de les exercer, ces responsabilités, dans certains cas
précis qui impliquent justement des sociétés
d'État. Par conséquent, on est bien obligé de saisir les
occasions lorsqu'elles se présentent et nous avons une occasion qui se
présente ce soir d'essayer d'améliorer le processus de
décision au sein du gouvernement du Québec.
Ce n'est pas une mesure dilatoire, c'est une mesure fondamentale
où, pour une fois, on se pose des questions pour savoir si c'est bien la
meilleure façon de procéder à des décisions qui
impliquent, comme on l'a vu, $900 millions sans que personne dans le public, ne
soit invité à présenter ses vues devant la commission
parlementaire, sans que le ministre ait demandé un mémoire
à qui que ce soit dans la province de Québec. Qu'après
cela, on vienne nous dire qu'on ne fait pas son devoir et qu'on présente
des motions dilatoires, je trouve que c'est absolument extraordinaire de se
faire dire des choses pareilles.
En fait, ce qui arrive, c'est qu'en ce qui concerne le public, on veut
faire passer cette décision le plus rapidement possible et on veut
justement la soustraire à l'attention du public, c'est ce qu'on veut
faire. On fait des commissions parlementaires pour régler le cas de la
Commonwealth Plywood. On a eu une commission parlementaire hier qui
intéresse une centaine de personnes.
Ici, cela intéresse tous les Québécois, $900
millions, sur trois ans. On n'a même pas pensé que peut-être
il y aurait des parties, des gens intéressés qui auraient voulu
présenter un mémoire et qui auraient voulu présenter leurs
vues sur cette question.
La réponse du ministre là-dessus: Nous, pendant quatre
mois, nous nous sommes promenés à travers la province. Nous, nous
avons eu des réactions.
Bien sûr! C'est bien plus facile d'aller chercher des
réactions quand on est tout seul, quand l'Opposition n'est pas
là, quand l'Assemblée nationale ne siège pas. Qu'est-ce
que le ministre fait? Il fait de la propagande, il va voir ses militants
péquistes et il pense que c'est la population du Québec cela.
Quand il a eu la réaction de ses militants, il dit: Je sais ce que la
population veut.
Ce n'est pas comme cela. La procédure parlementaire n'est pas
faite ainsi. La procédure parlementaire est faite autour d'une
Assemblée nationale, d'une commission parlementaire qui pourrait
peut-être avoir son mot à dire sur la procédure à
suivre et sur la façon d'entendre les gens. Encore une fois, je
pense...
Je m'excuse, M. le ministre, de vous dire cela, mais je pense qu'il faut
être un peu effronté pour venir nous reprocher à nous de
soulever une question comme celle-là à l'occasion d'une demande
aussi importante que cela, lorsqu'en réalité nous n'avons pu en
aucune façon avoir l'expertise nécessaire. D'ailleurs, vous savez
très bien que l'Opposition n'a pas d'expertise; on le sait, les
parlementaires ne sont d'ailleurs pas faits pour avoir de l'expertise, c'est
fait pour juger, c'est fait pour faire des arbitrages, comme vous l'avez si
bien dit, mais il faut pour cela pouvoir entendre les parties
intéressées. Or, cela, vous l'avez sciemment
évité.
Vous n'avez pas voulu qu'il y ait des mémoires
présentés. Cela a été une décision
consciente de votre part. Vous n'avez pas voulu qu'il y ait de l'expertise qui
vienne devant nous pour nous éclairer, pour examiner les
différentes facettes de ce problème et, aujourd'hui, vous nous
dites: C'est une mesure dilatoire, vous n'êtes pas capable de vous
décider dans trois heures, qu'est-ce que c'est que cela? Vous voulez
passer la balle à un autre, comme le député d'Abitibi-Est
qui a repris la même phrase, on veut passer "pass the buck to the other
guy".
Ce n'est pas ce qu'on veut faire. Ce n'est pas cela du tout. C'est parce
qu'on voudrait, on aurait voulu que cela se passe ici à la commission
parlementaire, mais comme il n'y avait pas de mémoires, comme il n'y
avait pas de gens invités à venir exprimer leurs vues et devant
lesquels nous aurions pu exercer un certain jugement, on a décidé
de présenter une motion. C'est la première chose. La
deuxième, sur le fond de la motion. Est-ce que c'est une bonne chose
d'avoir une régie qui serait habilitée justement à
examiner les questions sur un plan technique avec l'expertise
nécessaire? Est-ce que c'est une bonne chose ou est-ce que c'est une
mauvaise chose?
Je pense, là-dessus, que la pratique est assez
généralisée, à peu près partout dans le
monde, qu'il existe des régies, que, dans le cas de monopoles
d'État, on soumet ces entreprises à des jugements aussi
impartiaux que possible dans les mains de gens, de régisseurs, qui sont
habilités justement à examiner, mois après mois, dans un
domaine qu'ils finissent par connaître bien, des questions
techniques.
Le ministre nous dit qu'ici ce n'est pas une
question technique de décider si cela devra être 15,9%
d'augmentation de tarifs ou si cela va être 15%, que ce n'est pas une
question technique, c'est une question politique. Je m'excuse, ce n'est pas une
question politique, rendu là, c'est une question technique.
Les questions politiques, elles sont exprimées, et vous avez
raison de le souligner, dans un document comme celui de la politique
énergétique au Québec, le livre blanc. Il y a des
objectifs indiqués là. Il y a de grandes orientations. On dit
à cette société d'État: Tâchez d'examiner la
situation en tenant compte du fait que nous voulons que la
société, par exemple, s'autofinance. C'est un principe
fondamental. On demande cela à la société de
l'Hydro-Québec. Le gouvernement dit: C'est cela que nous voulons comme
politique. Ce sont des orientations générales. (21 heures)
Mais qu'on ne vienne pas me dire qu'on est capable de dégager de
ces principes qui nous sont présentés aujourd'hui, quel serait le
taux d'augmentation des tarifs qui serait approprié. Je vous
défie de prouver ça. C'est une autre décision qui doit
être prise à un autre niveau, compte tenu de tout un ensemble
technique, un ensemble d'expertises que nous n'avons pas aujourd'hui et que
nous ne pourrons même pas examiner.
Encore une fois, je pense que des parlementaires sont capables d'exercer
leur jugement, ils ne sont pas nécessairement des experts sur des
questions, mais pour exercer un jugement, il faut qu'ils entendent
différentes parties et il faut qu'ils entendent justement ces experts
venir leur expliquer de quoi ça retourne. Là encore, il n'est pas
possible de faire ça dans le cadre actuel où on dit qu'on va
passer une journée et demie à examiner une question comme
celle-là.
Pour revenir à l'idée de la régie, il y a
énormément de gouvernements dans le monde qui recourent à
ce processus de décision. Notre recommandation ne va même pas
aussi loin que les pouvoirs qui sont accordés à certaines
régies. Nous ne disons pas que la régie va décider cela,
mais on voudrait que la régie fasse des recommandations au gouvernement.
Toutes les remarques que le ministre a faites disant que c'est au gouvernement
de prendre une décision, je suis entièrement d'accord avec lui.
C'est au gouvernement de prendre une décision, la motion dit que c'est
encore le gouvernement qui va prendre la décision. Mais il va prendre
une décision après une recommandation écrite et publique,
après que les parties auront été entendues, après
que la population sera venue s'exprimer sur le sujet. Puis le gouvernement
prendra une décision. Il prendra sa décision.
Par exemple, s'il veut conserver la tarification, comme il le dit
lui-même, comme instrument de gestion, ça se discute, si on
voulait que cet instrument de gestion soit dans les mains du gouvernement
exclusivement, sans qu'il y ait jamais aucun jugement apporté de
l'extérieur, sans qu'il y ait une régie qui puisse estimer que la
gestion, dans ce cas-là, est une gestion qui pourrait faire du tort aux
usagers, c'est une gestion qui pourrait être faite, mais dans une
certaine direction et pas une autre.
Encore une fois, la responsabilité finale va rester au
gouvernement, mais le public sera mieux en mesure de juger si le gouvernement a
pris une bonne décision, s'il y a un rapport écrit, s'il y a des
gens qui ont eu l'occasion de se prononcer sur les demandes et qui sont en
mesure ensuite de juger et la recommandation de la régie et la
décision du gouvernement.
Enfin, j'arrive à l'article 22 de cette loi 41 sur lequel le
ministre se fonde pour dire que nous avons vraiment des attitudes
opportunistes. Je veux absolument lire cet article 22, il faut le lire pour
montrer dans quelle mesure on peut être inconséquent avec
soi-même, dans quelle mesure l'Opposition peut être opportuniste
dans les circonstances. L'article 22, que nous avons voté, se lit en
effet comme suit: "Pour la réalisation de ces objets, la
société prévoit les besoins du Québec c'est
la société de l'Hydro-Québec en énergie et
les moyens de les satisfaire dans le cadre des politiques
énergétiques, que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par
ailleurs, établir." C'est extraordinaire, c'est clair. On a toute la
politique du gouvernement là-dedans.
Si on a voté cet article 22, c'est évident qu'on ne
pouvait pas voter en faveur d'une motion comme celle qu'on a
présentée ce soir. C'est une évidence. Là-dedans,
on avait dit comment la tarification se ferait, c'est ce que le ministre vient
de nous dire. Il dit: Vous avez voté l'article 22, par lequel on
indiquait comment la tarification se ferait. Vous n'avez pas besoin de nous
entendre davantage. Écoutez donc. À ce moment-là, on dit:
Qu'est-ce qu'il y a comme tarification là-dedans? Il n'y a même
pas de mot, il n'y a absolument rien là-dedans.
On dit que la société va essayer de prévoir les
besoins, les moyens de les satisfaire et dans le cadre des politiques
énergétiques. Les politiques énergétiques, au
moment où ce projet de loi a été voté,
sanctionné le 13 juin 1978, est-ce que la politique du gouvernement
était publiée?
M. Joron: Ce que vous avez à prouver, ce n'est pas
l'article que vous venez de lire.
M. Raynauld: C'est celui que vous avez mentionné.
M. Joron: C'est celui qui dit que parmi les règlements de
la société qui doivent être approuvés par le
lieutenant-gouverneur en conseil, il y a le règlement tarifaire. Vous
étiez d'accord que le règlement tarifaire soit de ceux qui
doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
M. Raynauld: On n'a jamais contesté cela. La motion ne le
conteste pas non plus. Elle dit que la régie va faire des
recommandations au lieutenant-gouverneur en conseil. Voyons donc! Il n'y a
absolument rien.
En ce qui concerne la politique énergétique du
gouvernement, à ce moment-là, on était dans
l'obscurité la plus complète, elle n'était pas sortie. On
a fait confiance au gouvernement à ce moment-là. C'est cela qu'on
a fait. On a dit: Très bien, votre livre blanc n'est pas prêt, on
va vous faire confiance, on discutera et on se chicanera là-dessus le
temps venu. Pour le moment, nous étions prêts à accepter
que les politiques énergétiques que le lieutenant-gouverneur
pouvait établir avaient quand même une certaine
applicabilité dans le cas présent et avaient un certain bon sens.
C'est pour cela qu'on a voté pour l'article 22 et la motion que nous
présentons aujourd'hui n'a absolument rien de contradictoire, ni avec
l'article 22, ni avec ce que vous venez d'ajouter, règlement suivant
lequel la tarification serait approuvée par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Donc, il n'y a pas de revirement, il n'y a pas d'opportunisme, il y a
simplement une occasion qui s'est présentée ce soir, d'essayer de
faire réfléchir, de nous faire réfléchir, M. le
ministre, parce que j'aurais pensé que sur une question comme
celle-là, ce n'était pas une question partisane, au
départ, c'était une question où on dirait: Est-ce qu'on a
vraiment le meilleur processus de décision? Est-ce que c'est vraiment
comme cela qu'on doit approuver des augmentations de tarifs de
l'Hydro-Québec? Je ne pense pas que ce soit la meilleure façon et
il me semble qu'on pourrait peut-être essayer d'imaginer des
méthodes meilleures. Et si vous en avez encore des meilleures que
celle-là, on sera même heureux de retirer la motion qu'on a
présentée ce soir, M. le ministre, si cela peut vous encourager.
Si vous arrivez avec des idées meilleures que celles-là, nous
sommes prêts à les examiner.
Encore une fois, vous nous avez dit qu'on n'avait rien à
décider ici. Si on n'a rien à décider, on n'a pas beaucoup
de responsabilité à exercer. Et si cette motion était
refusée ce soir, j'espère qu'on aura peut-être d'autres
occasions pour la présenter de nouveau, dans un autre contexte, pour
qu'on en vienne à discuter de ces problèmes, parce que ce sont
des problèmes fondamentaux. Ce n'est pas, encore une fois, une question
de vouloir empêcher une décision d'être prise ce soir, vous
nous avez dit qu'il n'y en avait pas, de toute façon. Qu'est-ce que cela
peut faire? On vient icipour bavarder quoi! On n'a pas de
décision à prendre. Si on n'a pas de décision à
prendre, cela ne retarde rien.
Deuxièmement, si on était capable d'avoir un autre forum
qui serait plus adéquat pour discuter de cette question, j'aimerais
qu'on utilise cet autre forum, pour ne pas retarder inutilement les
procédures particulières qui sont là. Et si, encore une
fois, la motion était refusée, le gouvernement pourrait
répondre à cette attente, s'il pense que le problème est
important. Il pourrait avoir d'autres façons d'y répondre. Il
pourrait dire: On va laisser passer l'augmentation de tarifs cette
année, mais entre-temps on va examiner cette question. Ce serait une
autre façon de répondre à la motion qui est là. On
ne tient pas absolument à ce que vous l'adoptiez ce soir. C'est une
question qui est plus importante que cela. On ne voudrait pas non plus,
même si vous la refusez, que cela veuille dire que vous vous fermez
complètement à l'opportunité de réexaminer cette
question et de voir si, encore une fois, on a vraiment trouvé la
meilleure formule pour décider de questions aussi importantes que
celles-là.
M. Joron: M. le Président.
Le Président (M. Dussault): II y avait le
député de Mont-Royal qui voulait à nouveau prendre la
parole.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Très brièvement, M. le
Président, pour répondre à quelques-unes des
déclarations que le ministre a faites. Premièrement, je pense que
le ministre doit comprendre le rôle d'une régie. Ce n'est pas
seulement un forum pour entendre ceux qui sont contre la tarification, qui sont
contre l'augmentation. Vous savez comme moi qu'une régie, ce n'est pas
une question d'avoir le pouvoir décisionnel. On peut voter pour
l'article 22. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui a le pouvoir
décisionnel. On ne veut pas lui enlever cela. C'est le gouvernement qui
doit prendre ses décisions. La seule chose qu'on dit, c'est qu'avant
d'en arriver à de telles décisions, faites-le en donnant
l'opportunité d'avoir l'information possible à tous ceux qui sont
impliqués.
Vous connaissez comme moi le pouvoir d'une régie. Et de dire que
dans d'autres juridictions les régies existent où il y a des
sociétés privées, ce n'est pas le cas dans toutes les
juridictions, ce n'est pas le cas en Ontario. Il y a une régie en
Ontario, il y en a une à l'Île-du-Prince-Édouard, il y en a
une en Alberta. Et même en Saskatchewan, il y a eu un appel d'une
décision de la Manitoba Hydro qui est allée devant la
régie.
Même où il y a monopole, je dirais surtout parce qu'il y a
monopole de l'Hydro, c'est important d'avoir une régie qui fera des
recommandations pour que ce ne soit pas le monopole de l'utilité
publique et le monopole décisionnel du gouvernement et que le public ne
sache rien. C'est cela le danger.
Le but de cette motion, la raison d'avoir une régie, ce n'est pas
seulement pour remplir le rôle d'une commission parlementaire
itinérante. Voyons, M. le ministre, vous voulez rire de nous autres! Je
ne suis pas plus pour une commission parlementaire itinérante. Qu'est-ce
que cela va donner? On peut bien inviter les gens ici pour qu'ils viennent nous
dire qu'ils ne veulent pas d'augmentation. Ce n'est pas le but d'une
régie, vous le savez, c'est d'avoir la possibilité de recevoir
des experts pour obtenir toutes les informations. Quand ils auront donné
toutes les informations... Même vous, dans le livre blanc, vous dites que
les prix de l'électricité pourraient alors être
discutés en même temps que les investissements à consentir
et leurs implications financiè-
res. Après que les experts auront pu examiner cela à fond,
la recommandation sera faite au gouvernement et, à ce moment-là,
vous pourrez revenir devant une commission parlementaire et nous serons en
mesure d'avoir les discussions que nous avons ce soir.
Je voudrais vous dire que ce n'est pas nous qui avons changé
notre approche. Au mois de septembre dernier, à une commission
parlementaire sur l'énergie, devant le même genre de
problème, je vous avais posé la question. J'ai dit: Je pense que
la question de l'augmentation de tarifs ne peut pas être
décidée de cette façon. Je sais que les discussions ne
sont pas décisionnelles ici. Vous avez vous-même dit: "Moi aussi
je suis insatisfait des mécanismes d'approbation de ces tarifs". Si vous
êtes insatisfait, acceptez notre motion ou donnez-nous un autre
mécanisme. Ne continuez pas... On ne parlait pas de $900 millions,
l'année dernière, je vais vous le rappeler.
M. le Président, ce sont les raisons qui nous ont motivés.
Je pense que le ministre s'est laissé emporter en disant qu'on ne s'est
pas opposé à son livre blanc dans les quatre derniers mois. Je
pense qu'on va s'y opposer tellement, en commençant par ici, qu'il va
regretter de nous avoir reproché de ne pas nous y être
opposés.
M. Joron: Venez-vous en.
M. Ciaccia: On va vous donner des raisons très valables,
mais il a fallu qu'on se prépare. On veut que ces décisions du
gouvernement ne soient pas prises à la cache-cache, ce sont des
décisions trop importantes. Elles doivent être prises en toute
connaissance de cause par tous ceux qui sont impliqués et
affectés par cela.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Joron: M. le Président, le député de
Mont-Royal a, à juste titre, rappelé ce que je disais
l'année dernière, que j'étais insatisfait des
mécanismes qui ne permettaient pas suffisamment au public un forum pour
pouvoir exprimer son opinion sur ces questions en général, pas
seulement sur la tarification, parce qu'il y a des implications. Quand on
décide du tarif, en même temps, on décide un tas de choses.
C'est justement la raison pour laquelle le livre blanc a fait un choix entre
une régie qui a des fonctions spécifiques et une commission
parlementaire que l'on souhaite à l'avenir être itinérante
pour pouvoir entendre les représentations du public pas seulement sur le
niveau des tarifs d'électricité pour les années à
venir, mais sur toute autre question qui concerne l'énergie, parce que
vous savez bien que, quand on décide d'un certain niveau de tarifs
on en discutait justement cet après-midi un certain niveau
de tarifs a des effets au niveau des investissements ou au niveau des emprunts.
Au niveau des emprunts, l'Hydro-Québec a à son tour des effets au
niveau des emprunts du gouvernement qui, à son tour, a des effets sur le
budget du gouvernement, etc. Je veux dire qu'il y a toute une série de
choses qui sont impliquées, qui sont très larges.
M. Ciaccia: Me permettriez-vous une question, M. le ministre?
M. Joron: Oui.
M. Ciaccia: Si vous voulez faire ce travail devant une commission
parlementaire, seriez-vous prêt à doter la commission
parlementaire des outils nécessaires pour vraiment examiner la question
parce que je ne parle pas seulement d'une commission parlementaire
à un forum où les gens vont venir donner leur opinion?
Premièrement, pour doter la commission d'outils nécessaires, je
pourrais faire venir un expert, je pourrais fair venir un autre témoin.
Est-ce que vous seriez prêt à changer les règlements pour
ne pas limiter le débat? Cela veut dire que vous donneriez à la
commission parlementaire les mêmes pouvoirs que vous donneriez à
une régie. (21 h 15)
M. Joron: II me semble que la solution d'une commission
parlementaire, avec un mandat plus large, telle que je la définissais,
ce n'est pas du tout une mauvaise suggestion que vous faites là. Je suis
bien prêt à la considérer. Elle n'est pas de mon unique
ressort, parce que ce n'est pas moi qui régis le fonctionnement des
commissions parlementaires comme telles. Ce que vous invoquez là...
M. Ciaccia: Je ne fais pas la suggestion. Je demande si vous
seriez prêt à lui donner les outils nécessaires.
M. Joron: Je trouve que cela a beaucoup de bon sens, ce que vous
venez de dire, c'est-à-dire de permettre de meilleurs outils aux membres
d'une commission parlementaire, qu'ils soient du côté du
gouvernement ou de l'Opposition, de pouvoir...
M. Raynauld: Ce qui nous manque, c'est le temps, M. le
ministre.
M. Joron: Ah oui! Le temps fait défaut partout dans nos
activités, vous le savez bien.
M. Raynauld: Ces gens sont des professionnels qui travaillent
là-dedans depuis trente ans. Nous autres, on arrive là-dedans et
on a trois jours. Que voulez-vous faire?
M. Joron: Je relevais des inconsistances dans les motifs que vous
invoquez à l'appui de votre motion. Tantôt, vous vous êtes
replié sur la nécessité pour le public d'avoir un forum
lui permettant d'émettre ses opinions, ce sur quoi nous sommes
parfaitement d'accord. C'est pourquoi on a jugé que c'est un
élargissement du rôle de notre commission parlementaire qui serait
le moyen de répondre à cela. D'autre part, des fois, vous dites:
Des régisseurs, eux, seraient probablement outil-
lés ou accompagnés d'experts qui leur permettraient de
questionner plus à fond les témoins, en l'occurrence, pour le cas
qui nous concerne, l'Hydro-Québec, et ces choses. Le gouvernement, en
tout cas, a ces experts. C'est ce à quoi servent les fonctionnaires de
la direction générale de l'énergie. Peut-être qu'il
serait utile de...
M. Ciaccia: Ils ne sont pas tout à fait impartiaux, vos
experts.
M. Joron: Non, mais peut-être qu'il serait utile de faire
profiter l'Opposition d'outils supplémentaires pour lui permettre de
faire une meilleure analyse, plus en profondeur. Je vais être d'accord
sur cela. La solution, à ce moment, ce n'est pas une régie. On
n'est pas pour faire un travail qui se fait déjà, qui existe
déjà, en transférant cela à une régie et
tout recommencer ailleurs. Le député d'Outremont disait tout
à l'heure il a dit bien des choses, entre autres, en se laissant
peut-être emporter un peu que j'avais évoqué le fait
qu'on a fait beaucoup de tournées depuis quelques mois et qu'on a
rencontré des électeurs. Il a dit: Cela ne vaut rien, ces
tournées. Vous allez seulement rencontrer les militants de votre parti.
J'ai fait une tournée dans votre comté, justement, M. le
député d'Outremont. Ce ne sont pas des militants péquistes
que je suis allé rencontrer. Je suis même allé rencontrer
votre ancien chef, M. Bourassa, d'ailleurs.
M. Raynauld: Vous n'êtes pas venu me voir?
M. Joron: II n'est pas encore militant péquiste. J'ai
recueilli des opinions des électeurs d'Outremont et je vous
assure...
M. Ciaccia: ... on verra cela. Retournez à la motion, s'il
vous plaît!
M. Joron: ... que j'ai rencontré, dans le comté
d'Outremont, plus de libéraux que de péquistes. D'ailleurs, c'est
normal, c'est la raison pour laquelle vous êtes là. S'il en avait
été autrement, vous n'y seriez pas.
M. Ciaccia: Vous ne dites pas que vous n'y êtes pas
allé pour faire de la propagande, par exemple, comme on vous a dit. Vous
ne vouliez pas cela.
M. Joron: J'y suis allé pour recueillir l'opinion de la
population, quelles que soient les couleurs politiques de mes interlocuteurs.
Vous avez évoqué également, et vous dites que c'est
important... Il y a $900 millions en cause dans les trois prochaines
années là-dedans. Donc, il faut un forum qui permet à la
population de venir s'exprimer, etc. Ce n'est pas du chiffre en soi que
découle automatiquement que cela doit se passer ainsi. Quand on analyse
le budget de l'État, qui est de $12 milliards, c'est encore plus
important que les $900 millions. Il n'y a pas de forum, il n'y a pas de
régie qui permet à la population de venir donner son opinion
autrement que d'aller le dire à ses élus, par exemple. La
sanction, c'est de mettre le gouvernement à la porte à la
prochaine occasion. C'est cela, la sanction. Cela vous paraît
peut-être long...
M. Ciaccia: Vous avez toujours une porte de sortie. Vous
blâmez l'Hydro-Québec. Vous dites: C'est l'Hydro-Québec qui
a besoin de plus d'argent à emprunter. Ce n'est pas de notre faute au
gouvernement.
M. Joron: Vous remarquerez, M. le député de
Mont-Royal, que je n'ai pas dit cela jusqu'à maintenant.
L'Hydro-Québec est ici. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour soutenir la
proposition de l'Hydro-Québec. On est ici pour l'entendre tous ensemble,
pour poser les questions nécessaires et, après cela, à la
lumière de tout ce qui sera dit, à la lumière de
l'expertise de nos fonctionnaires, dont vous ne bénéficiez pas,
c'est vrai, puisque vous n'êtes pas au gouvernement, à la
lumière des représentations faites par l'ensemble de la
population et en ce qui me concerne personnellement, et les
électeurs du comté d'Outremont aussi et des
témoignages qui sont apportés à tous les
députés, pas seulement ceux de la commission parlementaire...
M. Ciaccia: On vient d'apprendre aujourd'hui qu'il va y avoir une
augmentation, la population...
M. Joron: ... mais on se rend compte, en caucus également,
les députés de chaque parti, chacun fait part des
réactions, dans son milieu, de ses électeurs à ces choses.
Il ne faut pas dire que, parce que la régie, telle que vous la
définissez, de façon un peu restrictive, n'existe pas dans le
moment, il n'y a aucun canal pour que la population se fasse entendre,
ça ne m'apparaît pas être le cas tout de suite. Quoi qu'il
en soit, M. le Président, telle que formulée, la motion me semble
n'apporter aucune solution au problème auquel on a à
répondre. Il y en a un auquel on a à répondre, c'est de
trouver les mécanismes, justement, d'une part mais il ne faut pas
mêler les deux choses des mécanismes qui permettent aux
membres d'une commission parlementaire ceux de l'Opposition, entre autres, de
faire peut-être mieux leur travail, ça, c'est une chose dont je
conviendrai, et, d'autre part, des mécanismes qui permettent à la
population de se faire entendre et d'exprimer des opinions. On l'a dit, noir
sur blanc, dans le livre blanc. On veut élargir considérablement
le rôle d'une commission parlementaire comme la nôtre dans l'avenir
et de permettre ça...
M. Ciaccia: Ne mettez pas des paroles dans notre bouche. Ce n'est
pas qu'on veut mieux faire notre travail...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mont-Royal, je m'excuse...
M. Ciaccia: M. le Président, me permettez-vous...
Le Président (M. Dussault): ... si vous prenez à
nouveau la parole, c'est que vous aurez le consentement de la commission, parce
que vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Ciaccia: Est-ce que le ministre me permettrait un
commentaire?
M. Joron: J'avais épuisé ce que j'avais à
dire également, M. le Président. Si le député de
Mont-Royal veut demander la parole, j'avais terminé.
M. Ciaccia: Ce n'était pas seulement, M. le
Président, pour avoir un forum qu'on a fait cette motion. C'était
pour permettre un examen en profondeur. Ce n'est pas pour dire que l'Opposition
a besoin de plus de temps, qu'elle ne peut pas faire son travail. C'est tout le
rôle de la régie; c'est ça que j'ai essayé
d'expliquer. Il ne faut pas détourner ça. Ce n'est pas seulement
un forum qu'on demande pour que la population se fasse entendre, c'est un
examen en profondeur que cette commission ne peut pas faire.
M. Joron: J'ai compris ça.
M. Ciaccia: C'est pour ça qu'il y a d'autres régies
dans d'autres juridictions qui font leurs recommandations. Après
ça, on peut faire les discussions qu'on a ce soir.
M. Joron: Maintenant, attention! Il y a d'autres régies
dans d'autres juridictions, vous avez mentionné l'Alberta, par exemple.
L'Alberta, encore une fois, a plusieurs compagnies privées de
distribution de l'électricité. Là, je comprends...
M. Ciaccia: Oui, mais dans l'Ontario, c'est un monopole.
M. Joron: Oui, dans l'Ontario, ça, c'est vrai, mais,
finalement, ce que je n'aime pas de votre motion, c'est que vous isolez la
question des tarifs C'est sûr qu'on peut très bien prévoir
la réaction des consommateurs. Tous les consommateurs, moi inclus et
vous inclus, j'en suis bien sûr, préféreraient qu'il n'y
ait pas du tout d'augmentation des tarifs d'électricité. Cela,
c'est évident, on le sait d'avance que...
Mais, ce qu'il y a d'impliqué, ce n'est pas rien que ça.
C'est qu'une décision à l'égard des tarifs a des
conséquences au niveau des emprunts publics, au niveau des
investissements, sur l'allocation des ressources, sur un tas de choses qui sont
des choix politiques, qui appartiennent aux élus du peuple, parce qu'ils
sont trop globaux, ces choix. C'est tout ce que je dis. Puisque de tels choix
appartiennent aux élus, à mon avis, la responsabilité doit
rester dans un forum d'élus de la population. C'est pourquoi ce à
quoi on devrait songer, c'est à un élargissement peut-être
du rôle et des outils dont dispose cette commission parlementaire,
ça, oui, mais pas d'aller confier ça à des
régisseurs extérieurs et indépendants.
M. Raynauld: Pourquoi avez-vous l'Hydro-Québec? La
même question pourrait se poser. Pourquoi avez-vous
l'Hydro-Québec?
M. Joron: Plutôt qu'un ministère?
M. Raynauld: Bien oui, plutôt que les élus du
peuple? À partir de ce moment-là, il n'y a pas de fin.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que le
député d'Outremont désire prendre à nouveau la
parole?
M. Ciaccia: Non
Vote sur la motion
Le Président (M. Dussault): S'il n'y a pas d'autres
intervenants, nous allons passer au vote sur la motion. Il s'agira de dire si
vous êtes pour ou contre.
M. Bordeleau?
M. Bordeleau: Contre.
Le Président (M. Dussault): M. Brochu?
M. Brochu: Pour.
Le Président (M. Dussault): M. Desbiens?
M. Desbiens: Contre.
Le Président (M. Dussault): M. Gendron?
M. Gendron: Contre.
Le Président (M. Dussault): M. Ciaccia?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Dussault): M. Joron?
M. Joron: Contre.
Le Président (M. Dussault): M. Raynauld?
M. Raynauld: Pour.
Le Président (M. Dussault): Nous avons quatre contre et
trois pour; la motion est donc rejetée. Nous revenons à nos
travaux de ce matin, tels que nous les avions laissés. Nous
étions à la période de questions, et, au moment où
nous avions suspendu nos travaux jusqu'à 20 heures, nous attendions une
réponse de M. le Président de l'Hydro-Québec.
M. Boyd: M. le Président, je crois qu'on nous avait
demandé quel était le pourcentage de l'augmentation des ventes
prévue, en kilowatts-heures ou en énergie et également en
puissance.
Pour l'année 1978, dans le mémoire que nous
présentons, nous prévoyons une augmentation de 7,3% pour
l'énergie; pour 1979, 8,3%; pour 1980, 8,2% et pour 1981, 7,9%. Pour la
puissance en 1978, 1,4%; en 1979, 7,7%; en 1980, 7,7% et en 1981, 7,7%.
Le Président (M. Dussault): La question avait
été posée par M. le député d'Outremont.
Avez-vous d'autres questions à poser, M. le député?
M. Raynauld: Les chiffres que vous venez de donner pour la
consommation d'énergie, c'est en dollars courants, en valeurs ou en
kilowatts-heures?
M. Boyd: C'est en kilowatts-heures.
M. Raynauld: En kilowatts-heures, en termes physiques.
M. Boyd: Pour l'énergie.
M. Raynauld: D'accord. Merci. Quel est le taux d'inflation
prévu pour les mêmes années, s'il vous plaît, selon
vos calculs, si vous les avez?
M. Boyd: Les indices que nous employons sont pour le prix de
construction des équipements de l'Hydro-Québec, de 1972 à
1981.
M. Raynauld: Je pensais à l'indice des prix à la
consommation bien simplement. Je ne voulais pas entrer dans trop de
détails. Je voulais simplement voir dans quelle mesure...
M. Boyd: Alors, l'indice des prix à la consommation, pour
1978 on prévoit 9,5%; pour 1979, 8,4% et pour 1980, 6,5%.
M. Raynauld: Bon. Je voudrais poser une question peut-être
un peu plus générale, M. le Président. On a annoncé
récemment qu'à compter du 1er janvier 1979 le prix du
pétrole ne serait pas augmenté comme il avait été
prévu auparavant. Est-ce que cela affecte vos décisions, soit le
rapport qui peut exister entre le prix courant du pétrole ou du gaz
naturel et le prix de l'électricité? Cet après-midi, le
ministre a fait une remarque très pertinente sur la substitution qui
peut se faire. Je me demandais, si le prix monte moins vite pour le
pétrole, si cela n'aurait pas été une raison pour que, de
votre côté, vous puissiez envisager des hausses moins rapides dans
le prix de l'électricité.
M. Boyd: Nous avons actuellement la substitution;
c'est-à-dire que la transformation de l'huile à
l'électricité se fait au rythme d'environ 17 000 domiciles par
année.
M. Raynauld: Pardon? (21 h 30)
M. Boyd: 17 000 abonnés convertissent actuellement du
pétrole à l'électricité. C'est surtout au
domestique que vous pensez, j'imagine. Si on compare les différentes
formes de pétrole ou de gaz ou d'électricité pour le
chauffage des domiciles, il faut non seulement considérer le coût
de l'énergie, mais également de l'installation.
Évidemment, nous demeurons compétitifs. Nous sommes dans le
moment compétitifs avec les deux autres formes. Pour répondre
plus spécifiquement à votre question, si le pétrole est
gelé, comme il a été annoncé, et que ce gel se
poursuivait au-delà de 1979, en 1981 l'électricité
deviendrait à parité ou peut-être moins compétitive
que le pétrole. Mais on ne croit pas que ce gel ou cet arrêt de la
montée du carburant va se maintenir. Évidemment, il y a non
seulement le coût de l'installation et de l'opération qui compte,
il y a également le choix que les personnes font de leur méthode
de chauffage selon la qualité du produit. De plus en plus, les gens
préfèrent le chauffage à l'électricité, non
seulement pour des raisons économiques, mais pour d'autres raisons.
M. Raynauld: En d'autres termes, vous ne pensez pas que cette
décision modifie, en tout cas pour les trois prochaines années,
votre demande pour une augmentation de prix. Ce n'est pas assez important pour
cela.
M. Boyd: Si le gel du pétrole continuait
indéfiniment, il aurait un effet éventuellement; mais pour les
deux ou trois prochaines années, on ne pense pas que cela ait un effet
important.
M. Joron: Je pourrais peut-être ajouter que ces
comparaisons de prix sont établies à Montréal. C'est vrai
que la région métropolitaine de Montréal compte presque la
moitié de la population du Québec, mais ces comparaisons sont
établies à Montréal. Dès l'instant où on
sort de Montréal, l'avantage en faveur de l'électricité
est encore plus grand, parce que le prix de l'électricité est
uniforme à travers le Québec, ce qui n'est pas le cas de l'huile
à chauffage. Plus on s'éloigne de Montréal, les
coûts de transport s'additionnant, la compétitivité,
l'avantage de l'électricité grandit au fur et à mesure
où on s'éloigne de Montréal.
M. Raynauld: Je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne le
faut, M. le Président, vous m'arrêterez quand vous trouverez que
j'aurai posé assez de questions. J'en ai encore quelques-unes.
Le Président (M. Dussault): Ce serait peut-être, M.
le député d'Outremont, le sujet qui me ferait vous arrêter.
Peut-être que le sujet que l'on traite maintenant, on pourrait
l'épuiser. Quand vous serez rendu au bout de votre rouleau, vous me le
direz.
M. Raynauld: D'accord. Sur le sujet de cet après-midi, en
fait, j'ai oublié de poser cette question qui était dans le
prolongement d'autres questions que j'ai posées. Est-ce qu'il serait
possible, quand on fait cette comparaison entre les investissements qui
devraient être plus élevés, si on ne donne pas une
augmentation, si les prix n'augmentent pas maintenant, puisqu'il y aurait
moins de ressources propres à l'Hydro-Québec pour faire
ces investissements... est-ce qu'il y a une relation suffisamment directe pour
que vous puissiez nous dire combien d'économie vous faites en
intérêt du fait que vous empruntez moins, puisque vous avez des
ressources propres, et est-ce que cette économie d'intérêt
vient compenser pour la hausse de tarif que vous demandez? Je ne sais pas si ma
question est claire.
M. Boyd: Non.
M. Raynauld: Si on n'augmente pas les prix, les ressources
propres sont inférieures à la situation où vous augmentez
vos prix. Les ressources propres de l'Hydro-Québec étant
inférieures, vous devez davantage emprunter pour faire le même
programme d'investissement. Donc, vous devez emprunter. Si vous devez emprunter
plus, vous payez de l'intérêt. À ce moment-là, on
pourrait argumenter que moins on vous donne d'augmentation de prix, plus vous
payez des intérêts. Je pense bien qu'il y aurait une limite, parce
qu'à un moment donné vous ne pourriez plus emprunter du tout.
Mais il reste qu'il y a quand même une relation entre ces deux choses et
c'est en réalité, dans mon esprit, la même question que ce
que M. Lemieux a essayé de me dire cet après-midi, qu'il y avait
une certaine limite aux emprunts. Une limite aux emprunts, pour moi, ça
veut dire un taux d'intérêt très élevé. C'est
ça que ça veut dire.
M. Lemieux: En effet, on arrive à un point où
l'argent n'est pas disponible. Si vous êtes prêts à payer 2%
de plus que le taux d'intérêt normal, les prêteurs auront
tellement peur qu'ils ne vous prêteront rien.
M. Raynauld: Oui, mais il y a toujours, entre des normes
raisonnables, ça joue... La preuve, c'est que vous vous défendez
quand il y a des gens qui vous disent que vous payez trop cher pour vos
emprunts. Vous vous défendez. Cela veut dire qu'il y a quand même
quelque chose. Cela aurait pu être un peu plus cher, un peu moins cher.
Là, on parle d'un programme d'emprunts, pour 1979; on parle de $60
millions de plus et, pour les deux années suivantes, on parle de $200
millions ou $300 millions. Je pense, M. Lemieux, que vous avez dit cet
après-midi qu'au total ça pourrait équivaloir à peu
près à un demi-milliard de dollars, $500 millions de plus, si on
en restait à un coefficient de 1,25.
M. Lemieux: Oui.
M. Raynauld: À ce moment-là, si on calculait $500
millions de plus, ça voudrait dire que ça coûte tant en
intérêts de plus à la société.
M. Lemieux: Si nous prévoyons un taux de 10%, ça
représente une économie, pour l'Hydro-Québec, de $50
millions par année...
M. Raynauld: De $50 millions par année.
M. Lemieux: ... qui, éventuellement, sera ressentie par
l'abonné.
M. Raynauld: C'est ça. C'est ça que je pensais que
vous me diriez. Donc, vous économisez en demandant une augmentation de
tarifs comme celle que vous demandez; vous pouvez dire que vous sauvez $50
millions par année, mais à partir de trois ans à peu
près.
M. Lemieux: Eventuellement, oui.
M. Raynauld: Eventuellement. Vous sauvez à peu près
$50 millions. Cela veut dire qu'on ne peut pas justifier l'augmentation de
tarifs seulement sur cette base.
M. Lemieux: J'ai dit qu'il y aurait une limite de $2 milliards
aux emprunts que nous devons effectuer, surtout en entrant dans une
période où il y aura pas mal plus de concurrence pour des fonds
dans les années à venir que depuis deux ou trois ans, avec une
économie au ralenti.
M. Raynauld: Est-ce que vous pourriez détailler un peu ces
raisons? Je sais que vous y faites allusion dans votre mémoire, dans le
résumé du mémoire que j'ai vu. Je me suis demandé
incidemment, M. le Président, s'il y avait un mémoire puisqu'on
avait un résumé, je n'ai pas vu de mémoire.
M. Lemieux: On peut difficilement le mesurer, mais on constate
sûrement un excédent de liquidité sur les marchés
financiers depuis deux ou trois ans. Toutes les banques du monde viennent nous
offrir de l'argent sur une base de taux flottant. Même là, ces
banques commencent à constater une certaine baisse de cette
liquidité et aussi, une demande qui commence à se faire sentir
pour des fonds, des emprunts, tout ça. Les emprunteurs commencent
à se présenter.
Aussi, devant les projets énergétiques qui seront
probablement entrepris das les années 1979 et 1980, je crois qu'on aura
plus de concurrence pour obtenir les fonds requis.
M. Raynauld: Est-ce qu'il existe une étude sur ce sujet
qui pourrait appuyer ce que vous dites ou si c'est un jugement que vous portez,
comme un agent sur le marché?
M. Lemieux: C'est surtout ça, mais je crois qu'on peut
commencer à avoir des études de la part des banques et des
courtiers. Je n'en ai pas sous la main, mais je pense bien qu'on peut en
trouver.
Je crois que c'est plus qu'un "feeling", il y a des faits qui confirment
ce point de vue.
M. Raynauld: C'est parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui
influencent une situation comme celle d'avoir des excédents de
liquidité ou non. Une des principales raisons pour les excédents
de liquidité, ce sont justement les excédents des balances de
paiements des pays arabes.
Selon les études que je connais là-dessus, c'est qu'il y a
eu une très forte hausse dans ces excédents en 1974, je pense, ou
en 1975 et
ensuite, cela a baissé à nouveau. Mais toutes les
études montrent que cela va se maintenir au même niveau, à
peu près à $30 milliards ou $40 milliards par an
d'excédent. Ce sont ces excédents qui viennent se jeter sur le
marché, surtout le marché de l'eurodollar, qui feraient qu'il y a
des excédents de liquidité considérables. Si c'est vrai
que la principale source de ces excédents de liquidité vient de
là et que ces excédents vont rester à $30 milliards ou $40
milliards par année, je ne vois pas tellement pourquoi il y aurait tout
à coup un resserrement très sérieux sur ce plan, qui vous
ferait dire à vous que vous envisagez l'avenir avec un certain
pessimisme quant aux possibilités de trouver les emprunts
nécessaires.
M. Lemieux: La raison, c'est que j'envisage une partie de nos
besoins satisfaits par des emprunts relativement à court terme de huit
ans, comme nous avons fait, et de dix ans. Mais on souhaite pouvoir continuer
à emprunter à long terme sur le marché de New-York et au
Canada. Le marché de New-York, le marché aux États-Unis,
n'est pas tellement influencé par la disponibilité en Europe.
C'est l'argent des caisses de retraite et des compagnies d'assurance surtout
qui est disponible pour nous, pour des périodes de 25 ou de 30 ans et
c'est là que la demande commence à se présenter, la
demande pour des fonds. Il n'y a pas eu tellement de demandes depuis un an ou
deux à cause de l'économie au ralenti, mais les
économistes semblent croire qu'il y aura une amélioration plus
tard cette année, et au cours de 1979.
M. Boyd: M. le Président, j'ai ici une étude faite
par une des banques importantes du Canada sur le problème de
l'énergie. Si on regarde les investissements faits dans le domaine de
l'énergie par rapport à l'économie totale du pays, en
1957, le pourcentage consacré à l'énergie était
d'environ 5,5% du produit national brut. Il est descendu à tout
près de 3% vers les années 1962, 1963. Il est en train de
remonter. Actuellement, il dépasse 5% et s'en va vers 6%, ce qui veut
dire que, de plus en plus, il va y avoir des besoins d'investissement dans le
domaine énergétique.
Si on regarde spécialement la part de l'électricité
dans ce besoin d'investissement, en 1955, l'électricité
requérait 46% et actuellement, le besoin d'investissement pour
l'électricité dans le domaine de l'énergie atteint
58%.
Si on va plus loin et qu'on regarde les montants, les demandes
d'investissement en dollar courant, en milliards de dollars, si on fait le
bilan total des différentes formes d'énergie, on atteint $300
milliards et sur ces $300 milliards, 63% se rapportent au domaine de
l'électricité. C'est un portrait qui indique que les demandes,
dans le domaine de l'électricité au Canada, vont être
très grandes et que la concurrence va être très forte pour
l'argent qui va être disponible. C'est peut-être une réponse
à votre question, en plus des affirmations qu'on peut faire, c'est une
étude qui répond à une certaine partie de votre question.
(21 h 45)
M. Raynauld: M. le Président, je voudrais passer à
la tarification. S'il y en a d'autres qui veulent continuer sur ce sujet, je
veux bien laisser ma place.
Le Président (M. Dussault): On était en fait sur la
question financière comme telle. Peut-être que...
M. Joron: Sur la question financière, j'avais...
Le Président (M. Dussault): J'avais dans l'ordre quand
même, M. le député de Richmond, et, ensuite M. le
député d'Abitibi-Ouest. On pourrait vider la question
financière si...
M. Brochu: Je parlerai sur la tarification tantôt.
Le Président (M. Dussault): D'accord. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Ce n'est pas sur la tarification comme telle, si vous
voulez vider le sujet...
Le Président (M. Dussault): D'accord. M. le ministre.
M. Joron: La question que je voulais vous poser, c'est que,
à la page 16 du document, où vous nous donnez vos projections
pour les années à venir, il y a quelque chose qui affecte le
revenu net disponible, c'est le montant que l'on doit payer en
intérêts sur la dette annuelle. Comme une grande partie de cette
dette est en devises étrangères, soit en dollars
américains ou en d'autres monnaies, pour ce qui est du dollar
américain en tout cas, quel taux de change avez-vous
présumé pour arriver à ces chiffres?
M. Boyd: Je crois qu'on a utilisé 12,5% ou 13%.
M. Joron: 12,5%?
M. Boyd: Oui, c'est cela.
M. Joron: Voilà! vous dites...
M. Boyd: Pour les devises américaines, on a utilisé
13% pour 1979, et 12,5% pour 1980 ainsi que 12,5% pour 1981.
M. Joron: On est déjà rendu à 17,75%
aujourd'hui. Il vous manque alors déjà de l'argent!
M. Boyd: D'accord.
M. Joron: Votre taux de couverture va changer, si vous le... Je
ne sais pas si cela va se maintenir à 17%. Enfin, peut-être que
d'autres ont des prévisions.
M. Ciaccia: Après les déclarations du ministre des
Finances, cela va s'améliorer.
M. Boyd: Nous avons dit cet après-midi que... Non, je
pense que ce n'est pas ici que la question a été posée,
mais, pour les trois prochaines années, on croit que la
différence défavorable avec le taux de change américain
peut représenter, pour les trois prochaines années, environ $300
millions, en assumant...
M. Joron: Attribuable au taux de change, assumant les taux que
vous m'avez donnés... Évidemment, les $300 millions pourraient
devenir $400 millions et $500 millions si c'était 17% ou 18% comme ce
qu'on connaît dans le moment?
M. Boyd: D'accord, si cela demeurait au point où nous en
sommes, cela nous coûterait davantage.
M. Joron: De là peut-être justement...
Déjà, si on remettait tout cela sur la base du taux qu'on
connaît aujourd'hui, tous les chiffres seraient rajustés en
conséquence. Votre taux de couverture d'intérêt serait
déjà plus bas.
M. Boyd: II diminuerait.
M. Joron: Le pourcentage du taux de financement, tout cela serait
rajusté à la baisse.
M. Boyd: D'accord.
M. Joron: Je suis en train de vous donner un argument pour mettre
de l'argent en réserve pour pallier des éventualités qui
sont déjà en fait une réalité au moment où
on se parle.
M. Boyd: D'accord, M. le ministre, mais, au moment où ces
calculs ont été faits, c'était a mois d'août et,
à ce moment-là, c'étaient les chiffres qu'on pouvait
employer. Si on le faisait à nouveau aujourd'hui, il faudrait
peut-être prévoir davantage.
M. Joron: Vous nous demanderiez de plus grandes augmentations de
tarifs encore?
M. Boyd: C'est cela.
M. Joron: Ah bon! Heureusement que vous les avez faits au mois
d'août.
M. Raynauld: M. le Président, sur ce point particulier je
demanderais une précision. Les $300 millions dont vous parlez, ce sont
les pertes que vous auriez à réaliser sur des emprunts que vous
avez faits antérieurement, ce sont des pertes de remboursement de
capital?
Une voix: Non.
M. Raynauld: Qu'on s'entende bien là-dessus. Est-ce que ce
sont des paiements d'intérêt seulement?
M. Lemieux: Des paiements d'intérêt, le fonds
d'amortissement et le rachat d'obligations à échéance, les
trois.
M. Raynauld: Cela inclut le capital sur les obligations qui
viennent à échéance. M. le Président, je voudrais
faire remarquer...
M. Lemieux: Pardon, monsieur, c'est sur l'intérêt
seulement.
M. Raynauld: Ah bon!
M. Boyd: Sur les intérêts seulement, monsieur.
M. Raynauld: D'accord.
M. Boyd: Si on prend les amortissements, comme M. Lemieux le
mentionnait, et le service de la dette, ce serait $580 millions...
M. Raynauld: Ah bon! même les amortissements, parce que les
amortissements, c'est discutable.
M. Boyd: ... pour les trois ans.
M. Raynauld: Les amortissements et les remboursements de capital,
cela se discute.
M. Boyd: C'est $580 millions supplémentaires pour le
service de la dette, en incluant les intérêts, le fonds
d'amortissement et les échéances. Ce serait le coût
à cause de la différence de la monnaie.
M. Raynauld: Alors, $300 millions, c'est pour combien
d'années? Vous avez dit trois ans?
M. Boyd: Trois ans, oui.
M. Raynauld: Cela veut dire que c'est $100 millions par
année.
M. Boyd: Pour les intérêts seulement.
M. Raynauld: Pour les intérêts seulement, $100
millions par année, que vous devez verser à cause de la
différence de taux de change. Donc, vous avez des emprunts
américains qui ont été faits au pair ou plus pour au moins
$1 milliard ou $1 500 000 000, quelque chose comme cela, et vous payez des
intérêts là-dessus. C'est cela qui fait les $100 millions.
C'est d'accord, j'ai compris.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Sur la même question, si vous me permettez. Sur
la question du taux de couverture, je voudrais être sûr d'avoir
bien compris. On avait indiqué l'année dernière, à
la commission parlementaire, qu'au cours des dernières années, il
y avait eu une baisse graduelle chaque année, au niveau du taux de
couverture. On avait dit, à ce
moment, qu'en faisant une demande de hausse de tarification de l'ordre
de 17% ou autour de 17%, on présumait qu'on pourrait remonter ce taux de
couverture à 1,33, je pense. Est-ce que cela veut dire que si, cette
année, votre demande effective de hausse de tarification est moins
élevée qu'on l'avait dit à ce moment, vous exposez le taux
de couverture à subir une baisse automatiquement?
M. Boyd: Oui, parce qu'en 1978, nous pensions avoir seulement
1,24. C'est causé par différents facteurs. Un de ces facteurs
importants, c'est justement la différence de taux de change.
M. Brochu: Ce que vous me dites, c'est que vous avez atteint,
avec la demande que vous avez obtenue l'année dernière, 1,24?
M. Boyd: 1,24, ce qui était moins
qu'espéré.
M. Brochu: Moins que prévu. Ce qui voudrait donc dire
qu'avec cette demande moins élevée que prévue
également, puisqu'on prévoyait, sur trois ans, 17%, on peut
s'attendre que ce taux de couverture, sinon se maintienne, du moins diminue
peut-être quelque peu.
M. Boyd: À la page 16, nous prévoyons obtenir, avec
les augmentations que nous demandons, 1,31, 1,44 et 1,47. Évidemment, si
le taux de change se détériore davantage, toutes les autres
hypothèses demeurant, nous n'atteindrons pas ces chiffres. C'est un peu
ce qui nous est arrivé l'année passée. Nos ventes à
l'exportation ont été moindres que prévu. Il y a eu aussi
ces coups à cause du taux de change qui n'était pas prévu
en 1977.
M. Brochu: II y a quelques facteurs majeurs qui sont hors de
votre contrôle et qui peuvent, à ce moment, influencer
directement.
M. Boyd: C'est cela. M. Brochu: Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député
d'Abitibi-Est, c'est sur la même question?
M. Bordeleau: Non, c'est sur le niveau du financement
général, ce n'est pas sur ce sujet. C'est au sujet des $2
milliards dont on a parlé cet après-midi qui semblent être
un maximum que vous voulez atteindre. D'abord, ma première question. Je
voudrais savoir, les $2 milliards, on en a parlé beaucoup, mais pourquoi
est-ce $2 milliards? Cela pourrait être plus, cela pourrait être
moins. Est-ce que c'est un chiffre vraiment spécial, un chiffre
magique?
M. Boyd: Je ne pense pas que ce soit un chiffre magique. C'est un
chiffre qui nous est indiqué par ceux que l'on consulte, nos
gérants, qui font des placements pour nous, nos obligations. C'est aussi
par rapport à notre expérience passée. Notre plus grosse
année a été de $1 800 000 000 et dans des conditions
très spéciales où nous avons dû emprunter à
court terme, à plus court terme que ce qu'on aurait souhaité. Le
chiffre de $2 milliards ne nous apparaît pas comme un chiffre magique ou
comme un chiffre hypothétique, mais comme un chiffre qui semble
très difficile à dépasser.
Comme je le disais cet après-midi, s'il fallait le faire une
fois, on ferait un programme spécial; on accepte certains emprunts
à court terme et on passe l'année, mais quand vous devez le faire
au moins trois fois de suite, et peut-être une quatrième
année en 1982, les gens que vous consultez, parce que, en plus de nos
gérants sur le marché, nous allons voir les gros investisseurs
canadiens et surtout américains et nous pouvons tâter le pouls...
Peut-être que, là-dessus, M. Lemieux pourrait ajouter quelque
chose.
M. Lemieux: D'ailleurs, le montant de $2 milliards est un
jugement de notre part basé sur les conseils qu'on a obtenus et, en
tenant compte des marchés qui nous sont disponibles, même ces $2
milliards sont affectés un peu par le fait que les marchés en
francs suisses, en marks allemands et en yens sont devenus tellement dangereux,
à cause de l'augmentation de la valeur de ces monnaies, que nous
hésitons à nous servir de ces marchés. En effet, depuis le
début de l'année, on a effectué seulement un emprunt dans
une monnaie autre que canadienne ou américaine, c'est un emprunt en
Suisse, pour un montant de $75 millions. Cela fait à peu près 5%
de nos emprunts de l'année 1978.
Alors, pour les prochaines années, il se peut que le taux de
change se stabilise, mais ce n'est pas quelque chose sur lequel on peut
compter.
M. Bordeleau: D'accord! Maintenant, c'est toujours une
prévision, c'est un maximum que vous considérez. Par contre,
comme le ministre vient de le mentionner, ça peut toujours varier selon
le taux de change, par exemple, qui vous amène à dépenser
ou à un manque à gagner. Cela peut aussi dépendre,
j'imagine, de l'évaluation continuelle ou de la
réévaluation des différents projets. Vous nous mentionniez
tout à l'heure, dans votre présentation, une diminution de
coût au niveau des lignes électriques de transport de $359
millions, par exemple, qui faisait suite à une
réévaluation. Cela veut dire que, par exemple, vous pourriez nous
arriver l'an prochain avec une nouvelle réévaluation que,
de toute façon, j'aimerais bien gros et une autre
réduction de ce même ordre. Mais j'aimerais savoir, suite à
ça. quant à cette diminution de $359 millions, est-ce qu'elle
vient d'une mauvaise évaluation au départ ou d'une
réduction? Je ne sais pas, mais j'aimerais que vous nous expliquiez la
raison spécifique de la diminution de $359 millions au niveau des
lignes.
M. Boyd: Je vais demander à M. Monty de répondre
à cette question.
M. Monty (Guy): II faut revenir quelques années en
arrière pour pouvoir répondre à votre question.
Entre les années 1963 et 1973, les entrepreneurs en lignes de
transport ont été occupés d'une façon assez
continue dans le chantier Churchill Falls et Manicouagan. De 1973 à
1976, il y a eu une baisse dans la demande de soumissions de la part de
l'Hydro-Québec et lorsque nous sommes arrivés sur le
marché pour le déboisement et la construction des deux
premières lignes de la baie James, nous avons eu des prix vraiment
intéressants. Il y avait une fière concurrence entre les
entrepreneurs et nous avons pu profiter de cotations beaucoup plus basses que
prévues.
Mais, tout de même, on commence à ressentir actuellement
que les entrepreneurs sont je ne dirais pas surchargés, mais satisfaits
des travaux qu'ils ont actuellement. Or, on commence déjà
à ressentir une hausse dans les soumissions reçues pour la
deuxième ligne.
M. Bordeleau: Vous commencez à ressentir une hausse?
M. Monty: Tranquillement, oui. On ne peut pas dire que l'an
prochain on pourrait constater une baisse encore. On a plutôt
l'impression qu'on va se maintenir selon les estimations.
M. Bordeleau: Mais tout ça peut quand même varier
jusqu'à un certain point.
M. Monty: Varier, mais peut-être dans le sens inverse
d'aujourd'hui.
M. Bordeleau: Peut-être pas vers la base, en baissant,
peut-être plutôt en augmentant.
Cela veut dire, finalement, que c'est assez élastique quand
même.
M. Monty: Ce n'est pas élastique. C'est parce qu'on a pu
bénéficier justement d'une disponibilité d'entrepreneurs
pendant deux, trois ans et c'est ça qui nous a permis d'avoir des prix
beaucoup plus bas.
M. Bordeleau: Vous pensez que ça ne peut pas se
reproduire?
M. Monty: C'est difficile de se prononcer actuellement.
Actuellement, la tendance est dans le sens contraire.
M. Bordeleau: D'accord.
Le Président (M. Dussault): Messieurs, nous avions
prévu, à la fin de nos travaux de cet après-midi, que nous
ajournerions la séance à 22 heures. Il est présentement 22
heures. À moins d'un avis contraire, je devrai le faire. Alors, nous
ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 11 heures.
Fin de la séance à 22 h 1