L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'énergie et des ressources

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'énergie et des ressources

Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le vendredi 7 décembre 1979 - Vol. 21 N° 229

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: La politique relative au pétrole


Journal des débats

 

Question avec débat: La politique relative au pétrole

(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Il s'agit de la commission permanente de l'énergie et des ressources qui se réunit ce matin pour une question avec débat posée par le député de Mont-Royal au ministre de l'Energie et des Ressources sur le sujet suivant: La politique relative au pétrole. Avant de céder la parole à celui qui a posé la question avec débat, j'aimerais rappeler qu'en vertu de l'article 162-A de notre règlement, je vais donc donner en premier lieu la parole au député de Mont-Royal pour une vingtaine de minutes, au ministre par la suite qui répondra pour une vingtaine de minutes tout en répétant que ces deux députés, celui qui pose la question et celui qui répond, ont un droit de parole privilégié, mais non exclusif. Ceci étant dit, je cède la parole au député de Mont-Royal.

Exposé du sujet M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le pétrole, comme on le sait, joue un rôle vital dans l'économie du Québec et dans la vie des Québécois. Il est important non seulement pour les automobilistes et pour leur budget, mais il est d'une importance cruciale dans toute l'économie, par exemple, les industries qui dépendent du pétrole, le secteur manufacturier, l'industrie pétrochimique, les engrais chimiques, les matériaux de construction. En somme, il y a très peu de produits que le pétrole n'affecte pas directement ou indirectement. Dès lors, toute politique qui ne tient pas compte de ces données et qui ne vise pas à s'assurer d'une part des prix acceptables et, d'autre part, d'une sécurité d'approvisionnement ne peut être qu'une politique néfaste pour l'ensemble du Québec et pour son économie. On ne peut aborder le problème de la politique du pétrole au Québec hors du contexte général canadien et c'est parce que le gouvernement actuel s'obstine à vouloir considérer l'énergie au Québec comme un problème à part que les citoyens du Québec pourraient avoir à affronter de sérieuses difficultés. On ne peut subordonner nos politiques sur le pétrole à des fins idéologiques. C'est pourquoi il me semble important de faire un rappel de la situation réelle qui prévaut en ce moment au Québec et au Canada, si nous voulons établir un dialogue qui soit fructueux.

Commençons par la situation au Québec. Il est important de comprendre que le pétrole compte pour 68% dans nos besoins énergétiques alors que l'électricité ne compte que pour 26% et le gaz naturel 6%. Même en tenant compte des prévisions les plus optimistes du gouvernement, l'électricité ne pourra pourvoir tout au plus que 40% de nos besoins et cela, pas avant 1990. Ce sont les prévisions du gouvernement dans son livre blanc sur l'énergie. Cela veut dire que le Québec, même après 1990, aura encore besoin de combler la différence de 60% dans ses besoins énergétiques qu'il devra aller chercher à l'extérieur.

Actuellement, nous importons grosso modo, approximativement, 61% de notre pétrole de l'Alberta et seulement 31,6% d'autres sources. Ceci est en contraste avec la situation avant 1976 où, à la suite de la crise énergétique en 1973, le gouvernement fédéral a prolongé le pipe-line de Sarnia à Montréal, ce qui a permis au Québec de recevoir son pétrole brut de l'Alberta pour 60% de ses besoins de pétrole. On peut se demander ce que, à l'époque, en 1973, avec la crise énergétique de ce moment, un gouvernement en place au Québec qui aurait eu les politiques du gouvernement actuel aurait fait. Est-ce qu'il se serait fié sur les ressources canadiennes ou bien est-ce qu'il aurait pris la position de se tourner vers les marchés internationaux et aurait-il empêché ou demandé que le pipe-line ne soit pas construit?

Nous voyons les conséquences que ces politiques peuvent avoir pour l'ensemble du Québec. Quand on parle de la crise énergétique en 1973, il faut se rappeler aussi qu'en 1975 il y a eu une pénurie aux Etats-Unis dans le gaz naturel; durant l'hiver de 1975, il y a eu des écoles et des industries qui ont dû fermer leurs portes parce qu'elles n'avaient pas d'approvisionnement. Nous voyons encore les avantages d'être approvisionné de sources canadiennes et ne pas dire comme le gouvernement actuel semble dire: Nous allons aller aux marchés mondiaux et l'on n'a pas besoin du Canada.

Quand le ministre au Développement économique va à travers le continent en déclarant à qui veut l'entendre que nous sommes les Arabes de l'électricité, sans dire que nos besoins d'énergie ne sont couverts qu'à concurrence de 26% de sources du Québec — une grande partie vient de Churchill Falls qui est en dehors du Québec — et que ce pourcentage ne dépassera pas 40% dans l'hypothèse la plus favorable, il crée un climat de fausse information qui empêche le Québec et son gouvernement de jouer le rôle qui aurait dû être normalement le leur sur la scène canadienne en ce moment.

On peut affirmer que le pétrole jouera toujours un rôle essentiel dans l'économie du Québec, dans un avenir prévisible. C'est pourquoi il me semble que le gouvernement devrait se préoccuper, non seulement du futur prix du pétrole, mais surtout de sa disponibilité et, par conséquent, de la sécurité d'approvisionnement. Regardons pour un moment la situation au Canada.

Vous me permettrez, M. le Président, de faire un bref rappel ici des besoins canadiens en pétrole en tenant compte de la consommation intérieure, de la production domestique et de

l'importation. D'après les chiffres de Statistique Canada pour l'année 1977 qui ne varient pas tellement, l'utilisation totale est approximativement de 773 000 000 de barils par année. De ce montant, nous importons 244 280 000 barils et nous exportons approximativement 119 000 000 de barils. Donc, le Canada produit 650 000 000 de barils sur les 737 000 000 qu'il utilise. Si on tourne cela en pourcentage, on voit que le Canada importe seulement 15% de ses besoins, alors que sa production couvre 85% de la demande intérieure. Il y a là un contraste à faire avec les États-Unis, qui doivent importer près de 50% de leurs besoins en pétrole. Alors, nous sommes donc dans une situation beaucoup plus enviable, mais cependant plus importantes encore me paraissent les perspectives telles qu'elles existent et telles que le gouvernement actuel veut les avoir.

Alors, si on regarde dans le livre blanc sur l'énergie, produit par le prédécesseur du ministre actuel, on peut lire, à la page 64, qu'au cours des années quatre-vingt le pétrole brut canadien cessera d'être disponible. C'est dans le livre blanc sur l'énergie. Mais ce qui est encore plus sérieux, permettez-moi de citer à la page 96 ce que dit ce livre blanc sur la souveraineté-association: "À partir de 1983, selon l'Office national de l'énergie, l'épuisement des ressources albertaines se traduira par la diminution graduelle, jusqu'à leur cessation complète, des arrivages à Montréal du pétrole de l'Ouest canadien. En outre, et à la suite des hausses décidées par le gouvernement fédéral, le prix du brut, au Canada, aura atteint, vers 1983 également, le prix international. Ainsi prendra fin le système temporaire de subvention au pétrole importé, qui permit au gouvernement fédéral d'assigner au pétrole, dans l'ensemble du Canada, un prix inférieur au prix mondial. "Pour le Québec, cela signifie que, dans quelques années, il retournera à la situation d'avant 1976: le pétrole brut traité dans ses raffineries proviendra entièrement des marchés mondiaux et, d'où qu'il vienne, son prix sera partout le même au Québec, au Canada et dans les autres pays. En cela, la situation du Québec ne sera pas différente de celle de l'Ontario ou de la plupart des pays industrialisés, notamment les plus riches d'entre eux: la Suisse, la Suède, le Danemark et l'Allemagne, qui ne produisent pas de pétrole."

M. le Président, ces déclarations, je regrette de le dire, sont fausses. Ce sont de fausses déclarations. Elles ont été faites seulement pour appuyer les objectifs politiques, séparatistes de ce gouvernement. Et cela est, à mon avis, un autre exemple de ce que ce gouvernement est prêt à faire pour fausser la réalité, afin d'atteindre ses buts, même si c'est au détriment du bien-être de la population au Québec, la vérité dut-elle en souffrir.

Toutes les politiques et les déclarations de ce gouvernement sont basées sur cette déclaration, sur les données de cette déclaration qui sont fausses. Si on démontre que ces données sont fausses, tous les gestes posés par le gouverne- ment et toutes les déclarations qui s'ensuivent aussi. En effet, l'Office national de l'énergie a déclaré ce qui suit dans le document: L'huile au Canada, besoins et approvisionnements, septembre 1978. Je cite: "L'office s'attend à ce que le potentiel de production de pétrole brut et d'équivalent canadien continuera à s'amenuiser au taux annuel d'environ 5% jusqu'au milieu des années 1980. La mesure dans laquelle ce taux fléchira vers la fin des années 1980 dépend surtout du rythme auquel les gisements de sables bitumineux de l'Alberta seront mis en valeur. "Comme on l'a mentionné précédemment dans le présent chapitre, l'office a présumé un rythme dynamique de mise en valeur des sables bitumineux, rythme qui maintiendrait la production à un niveau global supérieur à 1 300 000 barils par jour au cours de la période de prévision." Les présomptions de l'office se traduisent par des faits concrets, parce qu'il y a en effet des nouveaux projets qui sont en cours de construction pour le développement des sables bitumineux. En effet, selon l'Office national de l'énergie, les réserves canadiennes de pétrole brut récupérables se chiffraient, en 1978, à 5 700 000 000 de barils. Cela veut dire que nous pourrons nous approvisionner pour une période d'approximativement onze ans au rythme d'utilisation actuel et en estimant que le niveau de production ultérieur se maintienne. À ces données, il faut ajouter la récupération potentielle et les nouvelles découvertes que l'augmentation des prix rendra accessibles à la production. Là encore, selon l'Office national de l'énergie, il existe près de sept milliards de barils — ce sont des estimations des nouvelles découvertes — ce qui fait encore une suffisance pour une douzaine d'années de production pour le Canada."

Si on ajoute ces chiffres, on voit que nous avons, seulement avec les sources traditionnelles, approximativement 23 années à un taux de production constante et ceci ne tient pas compte des réserves "off shore" qu'il est actuellement difficile de quantifier. Mais ce n'est pas tout, il y a aussi les sables bitumineux. Selon Frazer H. Allen, le président de Canada Petroleum Company Ltd et président de l'Association canadienne du pétrole, les réserves canadiennes de pétrole des sables bitumineux représentent environ un milliard de barils, dont 300 milliards sont récupérables. Actuellement, il semble que le prix de revient du baril de pétrole à partir des sables bitumineux est proche du prix mondial. Selon un rapport rendu public par la Rand Corporation, ce prix se situerait entre $22 et $30 en devises américaines, ce qui représenterait de $25 à $35 canadiens le baril. C'est dire que les réserves canadiennes en pétrole sont considérables et que l'affirmation du livre blanc à ce sujet est totalement fausse et irresponsable. D'après les précisions, on pense même... J'ai ici un graphique qui démontre, d'après les réserves qui sont établies, qui vont en fléchissant, des sables bitumineux, qu'on prévoit l'autosuffisance au Canada entre l'année 1995 et l'an 2000. Le gouvernement actuel a une politique qui viserait l'autosuffisance en 1990.

J'ai un autre graphique qui démontre même le potentiel, qui démontre que si le développement des sables bitumineux est accéléré, peut-être que le Canada aura même un surplus vers les années 1995. Il ne s'agit pas de pénurie, il ne s'agit pas de couper l'huile qui va venir de l'Alberta, tel que l'affirme le gouvernement dans son libre blanc sur la souveraineté-association, dans les déclarations des ministres. C'est totalement faux. Si on base notre politique et les besoins sur ces critères au Québec, on fausse la réalité et on va à l'encontre des intérêts des Québécois.

Ma première question est celle-ci: Comment le ministre peut-il expliquer, dans ce contexte, les déclarations du livre blanc? Comment peut-il concilier ses déclarations avec les faits existants? (11 h 45)

Alors, parlons des prix. D'après le ministre, on va aller au prix mondial. C'est sûr que si on a un scénario, que le référendum est gagné par le gouvernement, ce qui est fort peu probable, ce qui n'arrivera pas, mais mettons un scénario possible dans le contexte des espoirs du ministre et du gouvernement, cela veut dire qu'on paierait le prix mondial dès le mois de mai prochain et ça doublerait le prix du baril.

Je voudrais demander au ministre si, par hasard, quand on parle d'aller au prix mondial, il a fait des études sur l'impact qu'aurait l'augmentation du prix du pétrole à ce niveau sur l'économie québécoise? Si on va au prix mondial, quel est l'effet sur l'économie du Québec?

L'Ontario a fait une telle étude. Je me demande, si le ministre ici a fait une telle étude, s'il peut déposer une copie. S'il n'en a pas fait, ne croit-il pas que c'est une approche totalement irresponsable d'avoir une politique d'aller au prix mondial sans savoir les conséquences pour le Québec? En Ontario, le secteur industriel utilise 63,2% de gaz et de pétrole; au Québec, c'est 55,3%. C'est un peu moins ici, mais il va certainement y avoir un impact et on voudrait savoir quel sera cet impact.

À l'Assemblée nationale, le ministre a suggéré que l'augmentation du prix du pétrole devrait s'échelonner sur un nombre d'années. La question que je voudrais poser au ministre est celle-ci: Quelle position a-t-il prise à Ottawa? A-t-il déposé un mémoire à Ottawa, est-ce qu'il a pris la position qu'il fallait que ce soit échelonné sur un nombre d'années? S'il a déposé un mémoire à Ottawa, est-ce qu'il pourrait nous en fournir une copie? Dans la position du ministre, qu'est-ce qu'il distingue entre sa position, la position de l'Ontario et la position de l'Alberta? Je voudrais que le ministre nous précise la position exacte qu'il a soumise au gouvernement fédéral.

Récemment, on a prétendu que le gouvernement fédéral envisagerait une augmentation du prix du baril de $4 par année, jusqu'en 1983. Si tel était le cas, est-ce que le ministre est au courant ou a-t-il envisagé les bénéfices que pourrait en retirer le Québec dans le cadre d'une augmentation progressive des prix? J'ai fait un calcul; j'ai pris les chiffres du gouvernement dans le livre blanc sur l'énergie, qui prévoyait une diminution de la demande qui se situe entre 1% et 1,8% par année. Pour être conservateur, j'ai pris 1,8%, ce qui réduit les bénéfices possibles.

Si nous prenons comme base de référence une augmentation de 10% du prix mondial, de 8,9% en 1981, en descendant, jusqu'en 1983, je crois que ce sont des projections qui sont assez conservatrices, on voit que les bénéfices pour le Québec, dans ce scénario, se chiffreraient à $6 800 000 000.

Si on prend un autre scénario où on va aller au prix mondial en 1986, où on paierait $45 le baril — c'est une estimation du prix mondial à ce temps — les bénéfices seraient encore de $5 600 000 000. Alors, dans les deux scénarios, nous avons des bénéfices énormes pour le Québec. On peut déduire de cela approximativement un montant de 10% qui représente les subventions non payées par le gouvernement fédéral par la taxe à l'exportation mais payées par le fonds consolidé.

On doit ajouter à tout cela la péréquation que mon collègue, le député d'Outremont, va élaborer tantôt, et les bénéfices que nous retirons, parce que nous payons $2.15 les 1000 pieds cubes pour le gaz naturel, tandis que l'Alberta le vend aux Etats-Unis, au prix canadien, $3.97 les mille pieds cubes. C'est $3.45, mais je traduis — je vois le ministre qui est en désaccord — le dollar américain en dollar canadien.

En somme, c'est un bénéfice énorme; c'est une grande différence, et il ne faut pas dire qu'on va suivre le marché mondial. Le marché, normalement, ne se fait pas de l'Est à l'Ouest; le marché est Nord-Sud. Si on était à notre guise et si l'Alberta n'avait pas les contraintes de l'Office national de l'énergie, ce serait plus facile et plus avantageux pour elle de vendre ses produits aux Etats-Unis plutôt que d'être obligée de les vendre au Québec.

M. le Président, me permettez-vous quelques minutes additionnelles? Je sais que mon temps s'écoule, mais, vu que nous avons consenti, la semaine dernière...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Cela s'appliquerait aux deux et à tout le monde. C'est d'accord.

M. Ciaccia: Oui. La semaine dernière, nous devions avoir cette question avec débat. Nous aurions eu trois heures totales. Je vais terminer dans quelques minutes, mais je dépasserai peut-être de deux ou trois minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

D'accord.

M. Ciaccia: Merci. Il y a un autre aspect, M. le Président, que nous devons porter à l'attention du ministre et à l'attention de la population. Dans des conditions normales, le prix du pétrole, comme le prix d'autres ressources, serait le prix mondial. Ce seraient les règles du marché qui s'appliqueraient, mais nous ne sommes pas dans des conditions

normales parce que, depuis plusieurs années, nous avons une situation dictée par des décisions politiques. Ce ne sont pas les règles normales du marché qui s'appliquent. Souvent, ces décisions politiques sont prises dans des conditions d'instabilité politique dans les pays où elles sont prises. Alors, je ne crois pas que, dans ces conditions, on doive fixer immuablement un soi-disant prix mondial.

Premièrement, depuis 1973, nous n'avons pas payé le prix mondial et, au fur et à mesure, que le prix canadien augmente, le prix mondial augmente encore plus. Compte tenu de la situation très favorable qui existe au Canada en matière de pétrole, situation rendue encore plus avantageuse du fait des réserves considérables en gaz naturel que l'on peut utiliser comme substitut au pétrole, diminuant en cela la consommation, et compte tenu des raisons politiques et pas nécessairement économiques qui semblent dicter le prix mondial — on voit la crise iranienne, on a vu les déclarations des autres pays visant à augmenter leur prix pour des raisons politiques — je pense que ce n'est pas réaliste de parler aujourd'hui de payer le prix mondial. Mais il faut certainement prendre en considération le coût du développement des ressources énergétiques au Canada.

Je voudrais demander au ministre s'il a l'intention d'intervenir auprès du gouvernement fédéral pour demander que les augmentations prévues du prix du pétrole soient graduelles et échelonnées sur plusieurs années afin d'en atténuer les effets sur l'économie du Québec et sur les revenus du consommateur québécois, tout en reconnaissant que les provinces productrices ont droit à leur juste part. Je demanderais au ministre quelle position il prendra sur le prix ultime que les Québécois devront payer. Est-ce le prix mondial, même s'il va à $50 le baril, ou un prix canadien tenant compte des situations politiques mondiales et tenant compte du coût du développement énergétique?

En conclusion, M. le Président, la position actuelle du gouvernement du Québec pourrait mettre en péril l'approvisionnement en pétrole du Québec. Le gouvernement placerait le Québec à la merci du marché international quant au prix et, ce qui est encore plus important, quant à l'approvisionnement. À ce sujet, permettez-moi de citer les propos de M. Nordine Ait Laoussine, le vice-président de Sonatrach Alger, prononcés au quatrième colloque international d'économie pétrolière, tenu au Château Frontenac le 29 octobre. Je cite M. Laoussine et c'est important qu'on en réalise les conséquences pour le Québec. Je cite: "Pour l'ensemble des pays de l'OPEP, la consommation pétrolière enregistre une augmentation annuelle de l'ordre de 15%. À ce taux qui représente un doublement tous les cinq ans, certains pays de l'OPEP entrevoient déjà la perspective d'un arrêt de leurs exportations. Il y a donc lieu de penser que ces pays de l'OPEP dont les réserves seront sollicitées davantage qu'elles ne le sont aujourd'hui pour répondre aux besoins importants qui se manifesteront au cours de la prochaine décennie seront tout naturellement conduits à réduire progressivement, voire à arrêter totalement leurs exportations pour faire face aux besoins prévisibles de leur propre consommation. ' Au Canada, M. le Président, nous avons accès à des sources d'énergie qui sont à l'abri des perturbations politiques et à des prix plus avantageux.

Dans de telles circonstances, essaierons-nous d'obtenir nos approvisionnements sur les prétendus marchés internationaux ou devons-nous nous fier plutôt sur les approvisionnements qui sont plus certains au Canada? L'été dernier, par exemple, M. le Président, les Etats-Unis voulaient faire une association en matière énergétique avec le Canada. Or, le Canada a proprement refusé. Alors, voici un des pays les plus riches au monde qui veut s'associer avec nous en matière énergétique et l'attitude du gouvernement actuel, c'est de ne pas prendre cette offre en considération, c'est de traiter le Canada comme un autre pays étranger. Je trouve cela absolument incroyable. Avec cette attitude, comment le gouvernement peut-il protéger les intérêts des Québécois? En adoptant de telles positions — les positions que le ministre a prises — il a vraiment démissionné comme représentant des Québécois au sein de la fédération canadienne.

M. le Président, je veux simplement rappeler au ministre les questions que je lui ai posées. J'apprécierais des réponses à ces questions précises. Premièrement, comment peut-il expliquer, dans ce contexte, les déclarations du livre blanc quant à 1983 et les années subséquentes, à savoir qu'on n'aura plus de l'huile de l'Ouest? Deuxièmement, est-ce qu'il a fait des études d'impact? Si oui, peut-il nous en fournir? Troisièmement, quelle position a-t-il adoptée à Ottawa? A-t-il déposé un mémoire? Peut-il nous en donner une copie et nous expliquer sa position? A-t-il l'intention d'intervenir auprès du gouvernement fédéral pour demander que les augmentations soient échelonnées sur un nombre d'années pour protéger l'économie du Québec afin de réduire les effets d'inflation et pour protéger les consommateurs? Finalement, quelle position le ministre adoptera-t-il concernant le prix ultime que les Québécois devront payer, le prix mondial, même s'il va aller à $50 le baril, ou un prix canadien tenant compte du coût de développement, mais qui n'arrivera pas nécessairement au prix mondial? Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Réponse du ministre M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait, en essayant de prévoir et d'anticiper un peu les interventions de l'Opposition, je me suis non pas amusé, parce que j'ai trouvé cela plutôt sinistre, mais je me suis complu à lire les déclarations des différents porte-parole de l'Opposition dans le

domaine énergétique, parce qu'on ne sait plus trop qui est le porte-parole. Tantôt, c'est M. Ciaccia, tantôt, M. Raynauld, tantôt, M. Bourassa, à un moment donné, M. Ryan prend la parole parce qu'il s'aperçoit que ses porte-paroles ne sont pas à la hauteur de la tâche. À ce moment-là, il se fait démolir. Puis, il repasse la parole à quelqu'un d'autre. On a un peu de difficulté à pouvoir découvrir qui est le porte-parole du Parti libéral. Comme ils disent des choses totalement contradictoires, c'est difficile pour moi d'essayer de démolir leur argument, parce que si je démolis l'argument de l'un, l'autre devient le porte-parole officiel et dit: Je n'ai jamais dit cela. Cela commence à poser une petite difficulté pour moi d'essayer de répondre. Je vais quand même essayer de vous mettre en rapport les uns avec les autres pour essayer de vous comprendre.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.

M. Bérubé: Je pense, M. le Président... M. Ciaccia: Question de règlement.

M. Bérubé: ... que j'ai laissé parler le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: J'ai demandé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: ... tout le temps même s'il disait des sottises.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président. Je voudrais demander une directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous écoute.

M. Ciaccia: D'après les règlements sur la question avec débat, nous posons des questions et je crois que le règlement prévoit que le ministre doit répondre aux questions que nous avons posées. Alors, est-ce que je pourrais demander au ministre, plutôt que d'essayer de faire de la petite politique ou d'essayer de faire des questions de personnalité entre les différents membres du Parti libéral qui ont le droit et qui disent avoir le même message à donner au gouvernement quant à la politique pétrolière...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: ... de répondre aux questions que je lui ai posées?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire. D'autre part, ce n'était manifestement pas une question de directive, ni une question de règlement. Je vous cède de nouveau la parole, M. le ministre, tout en disant qu'il y a un article qui s'applique aux commissions et à l'Assemblée nationale: à moins que des gens soient personnellement lésés dans leur privilège de membres de l'Assemblée, c'est de respecter le droit de parole des autres. M. le ministre.

M. Bérubé: Ainsi que je le disais, M. le Président, je trouve quand même dommage qu'on ne permette pas à chaque parti le temps nécessaire de s'exprimer, nous avons chacun 20 ou 25 minutes. J'ai même laissé le député de Mont-Royal patiemment dépasser son temps, comme il me l'a demandé, à tout le moins, qu'il me laisse parler et on pourra éventuellement échanger. C'est un débat, c'est une question avec débat. J'ai, moi aussi, le droit d'énoncer mes positions, d'essayer de voir où vous vous en allez et d'essayer de vous dire où on s'en va. En même temps, je répondrai à vos questions. (12 heures)

En fait, tout récemment, le député d'Outremont, M. Raynauld, y allait d'un article dans le Devoir, un article fort intéressant d'ailleurs, dans lequel il affirmait un certain nombre de choses qui m'ont d'ailleurs choqué. "M. Bérubé affirme que l'Alberta devrait vendre son pétrole au prix mondial, même lorsque ce pétrole est acheminé vers l'Ontario et le Québec. Dans ces conditions, il est évident que le Québec n'aurait pas d'intérêt spécial à s'approvisionner au Canada; ceci permet au ministre de faire l'indépendant, de prétendre acheter n'importe où dans le monde et de considérer le pétrole comme objet de transaction commerciale ordinaire". Voici une première affirmation du député d'Outremont. Je pense qu'il reconnaîtra ses écrits; je n'ai pas essayé de les tronquer, de leur enlever leur sens. Je pense que j'en ai respecté le sens.

Il ajoute par la suite: "Une telle politique trahit et dessert les intérêts du Québec." Sur cette même lancée, le député d'Outremont laisse croire tout au long de son article que le Québec préconise une hausse immédiate au prix mondial et précise que dans le passé, suite au prix canadien administré, les Québécois ont économisé $5 200 000 000 en factures de pétrole. Il conclut: "Tout le monde s'accorde sur l'inévitable: il faudra augmenter le prix du brut canadien dès 1979." Il vient de l'écrire. Cela ne fait même pas quelques semaines, une semaine. "Le Conseil économique du Canada dont j'étais alors président — de temps en temps, il faut s'encenser — a proposé une politique de rapprochement progressif des prix canadiens et mondiaux. Je souscris à une telle orientation, mais la marge énorme entre un alignement progressif sur une période de cinq à six ans et une hausse immédiate du plein montant de l'écart qu'il reste présentement".

Je pense qu'on admettra, en lisant ces textes, que le député d'Outremont feint, dans une argumentation qui malheureusement — je suis obligé de le dire — frise la malhonnêteté, d'ignorer, en

fait, la position que le Québec a prise, la position que j'ai prise. Je n'ai jamais prôné le réajustement brutal immédiat aux prix mondiaux. Lors de la conférence des premiers ministres sur l'énergie qui était tenue à Ottawa le 12 novembre, j'ai remplacé M. Lévesque et j'ai défendu la position du Québec avec un mandat gouvernemental très clair. Je l'ai dit devant tous les Canadiens qui regardaient la télévision à ce moment-là. J'ai dit: Au niveau des modalités de mise en oeuvre de cette stratégie, le gouvernement fédéral souligne que l'une des mesures préconisées est de faire en sorte que le prix du pétrole au Canada rejoigne à terme le prix international ou, au moins, le prix du pétrole à Chicago qui, suivant les prévisions, sera supérieur au prix international d'ici 1981. Là aussi, le Québec a maintes fois souligné le côté inévitable de l'accroissement des prix du pétrole. C'est bien clair. Je dis la même chose que le député d'Outremont dans cette première étape.

Deuxièmement, je dis: II est évident que les hausses de prix du pétrole doivent être modérées, graduelles et planifiées. Il faut éviter que ces hausses ne signifient un choc trop brusque pour l'économie des provinces consommatrices, pour certains groupes de consommateurs à faibles revenus et pour certains secteurs industriels tels l'industrie chimique. Cette position correspond exactement dans les grandes lignes à celle exprimée par le député d'Outremont dans son article du Devoir qu'il vient tout juste de présenter. Cette position du Québec, je l'ai défendue publiquement le 12 novembre, et le texte de l'article de M. Raynauld est paru dans le Devoir le 29 novembre. En fait, il est pour, lui aussi, mais il est contre le fait que nous soyons pour. Là, je ne comprends plus rien. Première contradiction interne. Je suis obligé d'aller plus loin et dire que M. Raynauld disait à l'Assemblée nationale: Etant donné que le rattrapage ne se fera pas de façon instantanée suivant la politique qu'il préconise — M. Raynauld à l'Assemblée nationale disait cela à propos de mes interventions — le ministre pourrait-il nous dire combien d'argent les Québécois vont économiser? Donc, le député d'Outremont sait très bien qu'on n'a pas parlé de rattrapage instantané. Pourquoi dit-il dans son article du Devoir — je le recite...

Je n'arrive pas à retrouver son texte que j'ai cité tantôt, mais, de toute façon, il était très clair qu'à ce moment il soutient que le gouvernement du Québec veut un réalignement instantané des prix du pétrole canadien aux prix internationaux. C'est intellectuellement malhonnête puisque lui-même a souligné à cette Assemblée que ce n'était pas notre position. C'est ma première observation. Egalement, j'essaie parfois de réconcilier les positions de l'adversaire. Qu'est-ce que M. Ciaccia disait, et c'était rapporté dans la Presse du 6 août 1979: M. Ciaccia, ex-porte-parole des libéraux en matière énergétique — là, évidemment, je ne sais plus trop qui est le porte-parole — se prononçait au nom de son parti contre l'augmentation des tarifs du pétrole brut canadien au niveau mon- dial pour deux ordres de raisons, économique, d'abord, politique, ensuite. D'ailleurs, les interventions du député de Mont-Royal ont fait l'objet de plusieurs articles dans les journaux à ce moment, et je dois dire qu'il a été ramassé de maîtresse façon par tout ce qu'il y avait d'éditorialiste dans la presse québécoise.

En fait, de la part de M. Raynauld, je dois dire qu'il fallait beaucoup de courage pour changer son fusil d'épaule aussi vite. D'ailleurs, en parlant de courage, je pense que M. Raynauld a dû être obligé lui aussi de prendre son courage à deux mains quand il est obligé de corriger les exagérations que je qualifierais pour le moins d'irresponsables, du député de Mont-Royal qui affirmait, lors d'une question qui m'était adressée dans cette Chambre le 11 octobre 1979, je vous réfère au journal des Débats à la page 2839, qu'une hausse aux prix mondiaux entraînerait une augmentation de $2 à $3 le gallon, faisant passer les prix de l'essence au Québec à $3 ou $4 le gallon. C'est un très bel exemple d'inflation verbale qui fausse totalement la réalité et dont l'objectif n'a pas d'autre fin que de créer un climat d'insécurité, d'inquiétude, amener les Québécois à se dire: Si c'est comme cela, c'est avantageux, le fédéralisme, par conséquent, faisons attention. Il n'a pas d'autres objectifs que cela. C'est un bel exemple du type de campagne électorale qu'ont menée les libéraux, plus particulièrement dans Beauce-Sud, reconnaissons-le.

Faire croire aux Québécois qu'ils vont payer le gallon d'essence trois à quatre fois plus cher, s'ils ne peuvent plus avoir le pétrole canadien, c'est inadmissible. M. Raynauld, dans son article du 29 novembre, dans le Devoir, a eu au moins, il faut bien le dire, la décence de ramener les peurs du député de Mont-Royal à un niveau qui est plus réel. En fait, c'est une augmentation appréhendée de $0.23 à $0.32 le gallon. Je m'excuse si, en Chambre, j'ai dû répondre rapidement, étant donné que la question m'était posée dans le feu de l'action et qu'à cause de ma formation américaine, pour moi, un "drum" c'est un "forty five gallon drum". Je fonctionne encore en données américaines et c'est pour cela que j'ai pris le facteur de conversion de 45 gallons US et non pas de 35 gallons impériaux que je ne connaissais pas.

Vous m'en excuserez, M. le député d'Outremont, mon intention n'était pas d'induire cette Assemblée en erreur, mon intention était de répondre rapidement et de corriger la très mauvaise impression que l'intervention du député de Mont-Royal avait laissée à cette Assemblée. J'avais trouvé $0.27 et le député d'Outremont trouve $0.23 à $0.32, parce qu'il faut reconnaître que, pour faire de tels calculs, il faut savoir quel est le pourcentage du baril de pétrole qui va en essence. Il faut avoir également le facteur de conversion de l'usine qui est de l'ordre de 94%. Enfin, il faut introduire un paquet de calculs. Ce qui fait que, si on veut avoir le chiffre exact, évidemment, ce n'est pas aussi simple que simplement sortir un calculateur à l'Assemblée nationale et de donner un

chiffre grossier, mais qui est quand même plus près de la vérité à $0.27 que ne l'étaient les $3 à $4.

On peut parler soit d'une campagne de peur, soit carrément d'une intention d'induire en erreur. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec une vision aussi catastrophique de la situation, M. Ciaccia était dans l'erreur. Vous savez, on peut être dans l'erreur à 5%, on peut être dans l'erreur à 25% et on peut être dans l'erreur à 100%. Mais être dans l'erreur à 900%, il faut que ce soit intentionnel. C'est ma première observation. Si on abandonne maintenant cette argumentation un peu trop fragile, on se lance sur un autre thème du côté libéral. On affirme que la politique énergétique canadienne a fait et fera encore pendant longtemps économiser des milliards de dollars aux Québécois.

Là, immédiatement, si vous dites: Des milliards de dollars aux Québécois, la frousse les poigne, des milliards de dollars dans leurs poches. Evidemment, si on leur dit que le prix de l'essence va monter de $0.20, si jamais on atteint notre souveraineté-association et, s'ils restent dans le fédéralisme, si M. Clark annonce qu'il va augmenter le prix du gallon de $0.20, là, ils ne voient plus trop trop la différence entre les deux. Si M. Clark annonce que le prix de l'essence va augmenter de $0.20 et si M. Raynauld annonce que, si jamais le Québec prend sa souveraineté, le prix de l'essence va augmenter de $0.20, ils sont tout mêlés. Ils ne savent plus lequel des deux, ils disent: Dans le fond, le pétrole va augmenter de $0.20 si nous restons dans le fédéralisme, il va augmenter de $0.20 si nous sortons du fédéralisme et que nous modifions le système politique actuel au Canada. Vous comprenez qu'ils commencent à se poser des questions. C'est pour cela qu'on se faisait augmenter de $3 ou $4, c'était plus avantageux. Là, c'est $3 ou $4 si jamais on transforme le fédéralisme canadien en une communauté économique canadienne tandis que c'est $0.20 si on reste dans le fédéralisme, c'est plus facile.

On fait donc une analyse des sommes économisées par les Québécois sur les factures d'huile à chauffage et de carburant et on arrive à une économie de $5 200 000 000, de 1974 à 1979. Premièrement, je dois dire qu'il y a un certain nombre d'erreurs dans ces chiffres. Est-ce que les Québécois, de la politique énergétique canadienne, vont retirer $5 200 000 000, $6 000 000 000, $7 000 000 000, $2 000 000 000? Qu'est-ce que c'est le chiffre? Si on essayait ensemble de le trouver, peut-être que cela éclairerait les Québécois qui nous regardent en ce moment? Plutôt que de charrier et d'envoyer n'importe quel chiffre, si on essayait honnêtement, je suis prêt à le regarder honnêtement. D'abord, ce n'est pas $5 200 000 000 qu'on a reçus jusqu'à maintenant, c'est $5 700 000 000 d'après nos estimations. Là, je n'en tiens pas rigueur au député d'Outremont. L'impression que nous avons, c'est qu'il a oublié de tenir compte du gaz naturel. C'est que le gaz naturel est indexé au prix du pétrole et, si on en tient compte, évidemment, cela augmente les subventions au Québec et ce n'est donc pas $5 200 000 000, c'est $5 700 000 000. C'est une première erreur. Mais je pense qu'il doit en signe d'honnêteté démontrer, on doit certainement essayer rapidement de donner les chiffres les plus exacts possible.

La deuxième omission, c'est que l'Opposition semble laisser croire qu'on est les seuls à avoir profité des subventions au pétrole, que, dans le fond, nous avons été traités comme des Canadiens privilégiés. Alors, il faudrait donc se poser cette question: Est-ce que nous avons profité autant de cette politique fédérale que les autres? C'est peut-être une question qu'on devrait se poser. Si on se la posait ensemble, juste pour le plaisir, juste pour essayer de connaître la réalité?

Evidemment, peut-être que cela vous choque d'avoir, à un moment donné, à donner les chiffres exacts et à essayer de peser le pour et le contre. Cela ne nous choque pas, nous. Tous les Canadiens ont récupéré à peu près $25 800 000 000, c'est indéniable. C'est l'ensemble des subventions et rabais de prix. Il faut faire attention, il y a deux choses — et là, le député d'Outremont a été très clair — il y a, d'une part, l'obligation de diminuer le prix qu'on a imposé à l'Alberta et il y a, d'autre part, des subventions que le gouvernement fédéral a accordées, à certaines provinces plus particulièrement, pour importer du pétrole de l'extérieur du Canada. Quand on additionne tout cela ensemble, cela nous donne $25 800 000 000.

Combien avons-nous eu au Québec? On l'a dit tantôt, c'est $5 700 000 000. C'est-à-dire qu'on a reçu 22% de la somme totale, mais on a 28% de la population. On dit: Regarde donc cela, on en a eu moins que l'importance de notre population. Là, on s'amuse et on dit: On va regarder pour les autres provinces, parce qu'évidemment on n'est peut-être pas tout seul dans le même bateau. L'Ontario, avec 36% de la population, a eu 35% des subventions. Ce n'est pas trop pire. Les Maritimes, avec 9,5% de la population, ont reçu 11,3% des subventions, plus que leur population. L'Alberta, avec 7,5% de la population, a reçu 16,5% des subventions, parce que les gens de l'Alberta ont aussi profité des subventions, eux aussi ont payé leur gazoline moins cher que s'ils avaient payé le prix international. Il ne faut pas oublier cela. La Colombie-Britannique, avec 9,1% de la population, 10,7% pour le pétrole. C'est drôle, mais, encore une fois, c'est le Québec qui est en dessous. J'aurais pu m'amuser avec les provinces moins importantes, mais ce n'était pas la peine, j'ai pris les plus grosses.

En d'autres termes, encore une fois, par habitant, c'est encore nous qui retirons le moins. Vous allez me dire: N'essayez pas de dire que c'est le fédéral qui nous en veut. Je n'ai jamais dit que c'est le fédéral qui nous en voulait. C'est parce que, voyez-vous, nous, on investit massivement dans l'électricité, plus qu'ailleurs, et que notre dépendance énergétique, à cause de cela, est plus faible. Je reviendrai d'ailleurs tantôt aux chiffres du député de Mont-Royal, parce que je pense qu'il y a un certain nombre de chiffres qu'il a donnés

qui sont exacts et il y a un certain nombre de chiffres qu'il faut corriger aussi, parce qu'il a laissé certaines impressions qui, à mon avis, sont incorrectes. En d'autres termes, si on compare avec l'importance de notre population, on a eu moins, mais c'est exactement comme le programme des hypothèques de M. Clark. (12 h 15)

M. Clark nous annonce un programme d'hypothèques, sauf qu'on oublie une chose: Comme il y a juste la moitié des Québécois qui sont propriétaires, alors qu'il y en a les deux tiers qui sont propriétaires dans les autres provinces du Canada anglais, qui va profiter le plus de la réduction d'impôt reliée aux hypothèques, les propriétaires ou les locataires? C'est bien évident que ce sont les propriétaires. Donc, tout de suite en partant, les provinces anglophones vont en profiter davantage. Mais ce n'est pas tout. Il y a deux mentalités différentes. Vous savez, quand vous rencontrez un anglophone et qu'il vous montre sa maison, il vous dit: Moi, j'ai une grosse hypothèque, parce que je vais la rembourser dans 15 ou 20 ans et l'argent ne vaudra plus rien, ça ne me fait rien. Quand vous rencontrez un Québécois, lui, il vous dit: Elle est payée, ma maison. C'est sa fierté. Il ne met pas son argent sur les hypothèques de sa maison, il est fier de dire que c'est sa maison. Ce sont des différences de mentalité. Ce qui fait que la moyenne des hypothèques au Québec est de 13 000 alors que la moyenne des hypothèques au Canada anglais est de 18 000. À cause de cela, on n'aura que 15% des rabais d'impôt, alors qu'on a 27% de la population. À nouveau, vous voyez, on en a moins.

Tous les Canadiens sont égaux, mais c'est drôle, nous sommes toujours un peu moins égaux que les autres, sauf pour l'assurance-chômage. En assurance-chômage, on a 35% des prestations et, comme on n'a que 27% de la population, on gagne. Quand on me demande de choisir entre un des emplois qui va permettre à un Québécois d'acheter dans la dignité son gallon d'essence et le fait de l'amener à mendier une subvention en lui faisant croire que le fédéralisme est rentable, quant à moi, je préfère les jobs. On va voir ça tantôt.

Donc, deuxième observation, je ne suis pas certain qu'on a eu notre part, habitant par habitant. Si on avait voulu être juste, on aurait peut-être vendu le prix de l'essence au prix international, on aurait peut-être consenti des abattements fiscaux aux Québécois de manière qu'ils puissent acheter leur essence dans la dignité; cela aurait pu être une façon d'y arriver et on aurait eu le même avantage que les autres, mais ce n'est pas ce qu'on a choisi.

Ici, on va être obligé de faire un peu d'économique. Malheureusement, je reconnaîtrai que les compétences du député d'Outremont dans ce domaine de l'économie sont beaucoup plus poussées que les miennes, ce qui ne me permettra certainement pas de rivaliser avec lui. Je vais parler de l'élasticité de la demande. Là, évidemment, je vais être complètement mêlé. Alors, pour ne pas être obligé d'aborder l'élasticité de la demande, je vais plutôt prendre une expression plus simple. Quand quelque chose coûte plus cher, on en achète moins. Quand le député d'Outremont fait un calcul en disant: Voici le pétrole qu'on a acheté, voici la subvention qu'on a eue, il fait le calcul en considérant le nombre de gallons et la subvention au gallon. Il nous dit: Voici le cadeau qu'ils nous ont donné. Il oublie que si on avait payé le prix international, ça aurait coûté plus cher et on en aurait moins acheté. Par conséquent, si on calcule ce que le fédéralisme nous a donné, il faut comparer la demande en pétrole qu'on aurait eue avec ce qu'on a eu en pratique comme subvention. Cela réduit notre consommation d'à peu près 18%. Cela réduit la subvention réelle à $3 600 000 000. De $5 700 000 000 qu'elle était, elle est rendue à $3 600 000 000; on vient d'économiser $2 100 000 000. Pourquoi? Parce que les Québécois qui paient leur essence bon marché vont continuer à s'acheter de grosses cylindrées, vont continuer à ne pas isoler leur maison. On constate, par exemple, que le recours au programme d'isolation des maisons est beaucoup moins marqué au Québec qu'en Ontario. Les gens vont continuer à gaspiller l'énergie, c'est bon marché.

M. Grenier: On s'isole au Québec, ça n'a pas été bon!

M. Bérubé: Donc, si on veut vraiment comparer, il faut se dire: Haussons le prix au taux international, regardons comment le consommation du Québec évolue, comparons ça avec ce qu'on a observé et regardons l'économie. Cela baisse les subventions d'Ottawa de $2 100 000 000, il reste $3 600 000 000. En fait, ce qu'on peut dire, c'est que la politique fédérale a été un encouragement au gaspillage. Si on a aujourd'hui des risques de pénurie, c'est simplement parce qu'on consomme trop. Si on consommait 18% de moins de pétrole au Québec qu'il y a cinq ou six ans, on n'aurait pas de problème de pénurie cet hiver. Voilà! Première observation. Si on en consommait moins, on en aurait plus en réserve.

M. Grenier: C'est comme le sucre à la crème; si on n'en mange pas, il nous en reste.

M. Bérubé: Je m'en viens au sirop d'érable, ce ne sera pas long. Maintenant, il va falloir examiner plus soigneusement les sortes de subventions. En fait, nous avons reçu en subventions, pour l'ensemble du Canada, pour importer du pétrole, $6 700 000 000. Au Québec, $3 400 000 000. Là, je reprends les chiffres qu'on nous a proposés précédemment, sans vouloir les modifier, sans tenir compte des économies d'énergie parce qu'on va au moins parler avec les mêmes chiffres, ce sera un peu plus facile.

On a évidemment bénéficié d'une réduction du prix. Qu'est-ce qu'on a fait? On a volé les provinces productrices. Oui, volé! Volé, parce qu'il

n'y a aucun produit — que je connaisse, moi, en tout cas, peut-être que le député d'Outremont pourra m'en citer — où on oblige le producteur à accepter un prix moins cher en le vendant à un plutôt qu'à un autre. On peut peut-être l'obliger à approvisionner quelqu'un de façon privilégiée mais on ne l'oblige pas de le vendre à rabais. Cela ne se produit jamais!

Par exemple, pourquoi paie-t-on le sirop d'érable à $18.50 le gallon? On le paie à $18.50 le gallon parce que les Américains sont prêts à le payer à ce prix. À ce moment-là, le cultivateur québécois n'est pas intéressé à vendre son gallon à des Québécois à $16 alors qu'il pourrait le vendre à $18.50 à un Américain. C'est pour cela. On paie le gallon de sirop d'érable au prix mondial. Bien, on dit la même chose avec le pétrole, c'est le même raisonnement. C'est difficile à comprendre.

Maintenant, quand on essaie de regarder comment ce vol s'est pratiqué et de voir qui en a profité, on s'aperçoit que l'Alberta s'est volée elle-même de $4 300 000 000, contre son consentement. On s'aperçoit que l'Ontario s'est volé de $8 600 000 000, les autres provinces de $3 900 000 000 et le Québec de $2 300 000 000. Ah! le plus grand voleur, c'est l'Ontario; le plus petit voleur, c'est le Québec. Là, on regarde quel genre de politiciens appuient cela. Moi, je comprends que Davis soit intéressé à exploiter les richesses des autres à moitié prix; je le comprends, je me mets à sa place. Ce que je ne comprends pas, c'est que quelqu'un qui aspire à être premier ministre du Québec, soit l'actuel chef du Parti libéral, soit d'accord avec M. Davis, parce que cela a l'air d'une alliance entre un voleur et quelqu'un qui se fait voler. Lequel qui est le plus intelligent? Le voleur ou celui qui se laisse dévaliser? Je me pose des questions, sérieusement.

M. Raynauld: Le Québec se fait voler?

M. Bérubé: Donc, on voit tout de suite comment cela s'est partagé. Mais là, il faut se poser une autre question; ce n'est pas juste de dire qui a payé pour. On voit bien que les provinces productrices se sont fait voler $19 milliards; le fédéral nous a donné $6 700 000 000. Il faut maintenant se poser la question: Qui a payé pour les $6 700 000 000 qu'Ottawa nous a versés? C'est la troisième question. Qui a payé ces $6 700 000 000 de subventions que les Canadiens ont reçues pour importer du pétrole?

D'abord, Ottawa a imposé une taxe d'accise de $0.10 puis de $0.07 sur chaque gallon d'essence que l'on consomme. Cela a rapporté $600 millions juste à partir du Québec; au total, $2 600 000 000. Ah! Ottawa a payé les subventions avec des taxes à la consommation. Cela, vous savez, c'est prendre de l'argent d'une poche et de le donner dans une autre poche. On peut se demander si c'est tellement logique.

Deuxièmement, on a taxé l'exportation de pétrole canadien. Là-dessus, je suis absolument d'accord. Le gouvernement canadien a bien fait, parce que les profits des compagnies pétrolières sont tellement élevés présentement qu'il ne faut pas se gêner pour aller taxer les profits exagérés, les "excess profits" comme on dit. Il ne faut pas se gêner pour y aller, je suis absolument d'accord. Cela a rapporté $4 700 000 000, cette taxation, à Ottawa.

Donc, au total, Ottawa a ramassé $7 300 000 000 et les subventions $6 700 000 000. Ils ont ramassé $7 300 000 000 dans les poches des contribuables et ont déboursé $6 700 000 000. Ils ont gagné, dans l'opération, $600 000 000; c'est une réalité dont il faut tenir compte.

On se rend bien compte que ceux qui ont payé, ce sont les provinces exportatrices. C'est un vol pur et simple de ceux qui possédaient la ressource.

Maintenant, on va essayer de voir — parce que la politique pétrolière, il faut la mettre dans son ensemble; j'ai dit tantôt que des subventions, c'est bien beau, mais je préfère travailler et l'acheter mon pétrole — ce que Ottawa a fait pour me faire travailler, moi, dans le domaine énergétique. Je ne parlerai pas du reste, des créations d'emplois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Actuellement, M. le député de Mont-Royal me faisait signe; vous avez pris 26 minutes et le ministre a pris actuellement 27 minutes.

M. Bérubé: J'aurais accepté, d'ailleurs, que le député de Mont-Royal prenne trois minutes de plus, je n'aurais posé aucune objection.

M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre me le permet, je ne veux pas invoquer l'article 96, mais je voudrais seulement corriger certaines affirmations que le ministre a faites.

M. Bérubé: Ah oui! Vous pourrez certainement le faire. C'est un débat. Je pense qu'on en aura l'occasion.

M. Ciaccia: Très brièvement, avant de céder la parole à mon collègue...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne voudrais pas être trop formaliste ce matin, mais je ne voudrais pas...

M. Bérubé: II a peur qu'ils se contredisent, M. le Président...

M. Ciaccia: Non, non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... qu'on dépasse les deux minutes.

M. Bérubé: ... parce qu'ils se contredisent depuis le début.

M. Ciaccia: Non. On ne se contredit pas. Si vous examinez nos déclarations, on ne se contredit pas. S'approcher du prix mondial et arriver au

prix mondial, ce sont deux choses différentes. D'accord?

M. Bérubé: Oh Seigneur! que la nuance est subtile!

M. Ciaccia: Non, non, mais il y a une grosse différence.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! C'est une question avec débat, mais ne partez pas un débat.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Bérubé: Ne partons pas le débat tout de suite. Je vais essayer très rapidement, M. le Président — ces chiffres sont publics...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, s'il vous plaît! L'article 96 est pour rectifier des propos que vous, vous auriez tenus et qui seraient mal interprétés par le ministre?

M. Ciaccia: Je les ai tenus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Est-ce ce que vous voulez faire?

M. Ciaccia: Exactement. C'est cela, mais je vais laisser terminer le ministre, s'il me dit qu'il en a seulement pour une couple de minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

D'accord.

M. Bérubé: Essentiellement, maintenant, on va regarder ce qu'Ottawa a investi au Québec pour créer des emplois dans le domaine énergétique. C'est intéressant. J'aurais pu prendre tous les autres secteurs. Cela aurait été encore pire. Je vais prendre seulement le secteur énergétique, puisqu'on parle d'énergie ce matin.

Jusqu'en 1977, les investissements du gouvernement fédéral — c'est notre gouvernement, en somme, n'est-ce pas, même si vous ne vous adressez jamais à Ottawa quand il y a des problèmes, c'est quand même notre gouvernement — ont été de $2 700 000 000 jusqu'en 1977 dans le secteur énergétique. On a estimé 1978/79 — j'admets que ce sont des estimations parce que, malheureusement, on n'avait pas les chiffres sous la main — et, en partant, on a simplement extrapolé à partir des programmes qui sont en place. On a pris les deux dernières années et on a les a extrapolées en disant: Ils n'ont pas ralenti. Ils ont continué au même rythme. Cela nous donne donc $1 300 000 000 de plus.

Donc, au total, le gouvernement canadien investirait dans le secteur énergétique, jusqu'en 1979, $3 800 000 000, $400 millions au Québec. Ce n'est pas mal. Mais savez-vous ce que c'est, $400 millions? C'est Gentilly I. C'est une centrale nucléaire qui n'a jamais fonctionné. Elle ne fonctionne toujours pas. Il faudrait qu'Ottawa mette beau- coup d'argent dedans, mais il ne veut pas le mettre.

Quant à LaPrade — vous savez que c'est une usine qui peut fabriquer de l'eau lourde — elle est dans les boules à mites, elle aussi, parce qu'il n'est pas question de la continuer. Elle est arrêtée. Cela valait $335 millions.

Vous voyez qu'il ne reste plus grand-chose sur les $400 millions. Je pourrais même vous donner un autre exemple. Il y avait une entente avec Ottawa pour défrayer le coût de Gentilly II et l'entente avec Ottawa prévoyait que le fédéral payait sur la centrale 50% des coûts. Comme on avait prévu qu'elle coûterait à peu près $200 millions ou $250 millions, le fédéral a accepté de verser $100 millions ou $125 millions, sauf qu'avec l'inflation, c'est $1 milliard que va coûter la centrale, mais Ottawa n'accepte de payer que les $100 millions ou les $125 millions.

Le fédéral a accepté de payer la moitié pour toutes les autres provinces, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, mais pas le Québec. Québec, il le garde aux premières estimations d'il y a bien longtemps, faites par l'Energie atomique du Canada. En d'autres termes, on se rend compte qu'on est loin d'avoir eu notre part d'investissements.

En principe, ce que cela veut dire, c'est que l'assurance-chômage, c'est pour nous, les chômeurs, c'est pour nous. Les "jobs", c'est Ottawa. Je préfère non pas avoir $1 d'assurance-chômage à chaque année, mais un emploi avec un travailleur qui entre chez lui tous les quinze jours avec une paye dans sa poche et qui est capable de vivre dans la dignité.

C'est ce qu'on défend. On ne demande pas la charité. On ne demande pas l'aumône. On veut payer le prix, mais on veut avoir les moyens de payer le prix. En fait, et je termine là-dessus, M. le Président, ce qu'on nous propose dans la politique énergétique canadienne, c'est un troc, un troc qu'on ne peut pas accepter, parce qu'on nous propose d'échanger notre énergie électrique contre une énergie pétrolière qui n'est pas là pour durer indéfiniment. Notre électricité, on l'a pour 100, 200 ou 500 ans, tandis que le pétrole, on sait qu'il n'y en aura pas pour 100, 200 ou 500 ans.

Il y a là quelque chose qui n'est pas acceptable et il y a seulement le chef du Parti libéral qui a été assez honnête pour le dire à la population. Il a dit: Si on pense comme cela pour le pétrole, il va falloir penser comme cela pour l'électricité. Mais oui! Quand le prix de l'électricité est trop bas par rapport au pétrole, les gens cessent de se chauffer au pétrole et ils passent à l'électricité. On se promène: gaz, pétrole, électricité. Si on a une politique pour le pétrole et si on a une politique pour le gaz, c'est malhonnête de ne pas en avoir une pour l'électricité.

Savez-vous ce que nous aurait coûté la politique pour l'électricité, si on avait vraiment eu la logique d'avoir une politique canadienne de l'énergie? On paie $0.13 le kilowatt pour l'électricité, mais les Canadiens paient $0.185. Cela veut dire, en gros — j'arrondis — que si on payait le prix moyen — j'ai les chiffres exacts, si vous voulez

qu'on les cite — cela voudrait dire qu'on aurait payé $400 millions de plus pour notre électricité pour nous ramener au prix moyen et subventionner les autres pour donner une chance aux pauvres Maritimes qui produisent leur électricité avec du pétrole ou avec autre chose. (12 h 30)

En d'autres termes, si nous étions logiques avec nous-mêmes, il faudrait payer cela sur l'électricité aussi. Mais attention! Ces $440 millions, ce n'est pas jusqu'en 1985 et en 1990; c'est tout le temps. On se rend compte qu'on est prêt à troquer un avantage considérable que le Québec a dans le domaine énergétique contre un avantage tout à fait partiel. C'est ce que j'ai pu démontrer. C'est non seulement partiel l'avantage sur le pétrole, mais, M. le Président, le gouvernement fédéral va nous annoncer une taxe de $0.30 le gallon pour équilibrer son budget. Cela va lui apporter au Québec $500 millions par année. Savez-vous ce que cela vaut en dollars d'aujourd'hui, $500 millions que vous percevez tout le temps, parce que vous n'avez jamais vu un gouvernement imposer une taxe et l'enlever après? C'est très rare que cela se produit; cela ne se produit qu'avec le Parti québécois. On a enlevé la taxe sur le linge des enfants, les vêtements et les chaussures. Quand voyez-vous une taxe disparaître? Cela rapporte au gouvernement fédéral $500 millions. J'ai terminé, M. le Président, c'est marqué conclusion devant moi. Cela rapporte au gouvernement fédéral $500 millions par année. Si on actualise ce montant, si on ajoute tous les $500 millions qu'on va être obligés de payer pendant au moins les dix prochaines années parce que cela ne baissera pas, cela va aller en augmentant, cela va rapporter environ $5 milliards à Ottawa.

Par contre, si on regarde les subventions qu'on peut calculer, parce qu'on se ramène au prix international, on a eu $1 500 000 000 en 1979. Si d'ici six ans on rejoint le prix international, cela s'en va vers zéro. Si on calcule ce que cela nous aurait rapporté en dollars d'aujourd'hui, c'est environ $3 milliards. Au net, on va payer $2 milliards de plus à Ottawa que ce qu'on va retirer avec la politique fédérale. On vient d'éponger tout ce qu'on vient d'avoir d'Ottawa. Parce qu'on a eu $5 700 000 000, on en enlève $2 100 000 000 simplement pour tenir compte des économies d'énergie qu'on aurait eues. On enlève $2 milliards, ce qu'on va être obligé de payer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: On enlève également la taxe d'accise. Au total, on n'aura rien gagné de la politique fédérale pétrolière.

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Grenier: Question de règlement de deux secondes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Pour expliquer que le député de Richmond devait faire son intervention. Je pense qu'on a changé l'ordre qu'on avait l'habitude d'avoir à cette commission, à savoir que c'était généralement ceci. Quand c'est une question présentée par l'Opposition officielle, on fait intervenir immédiatement l'Union Nationale et, ensuite, le ministre répond. C'est ce qu'on faisait depuis une couple de débats. Je me rends compte que si le député de Richmond passe à la fin c'est qu'il a dû assister à une réunion des leaders qui est commencée depuis 12 h 20. Si elle finit assez tôt, il essaiera de revenir à la commission pour donner l'intervention de l'Union Nationale.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci. M. le député de Mont-Royal.

Discussion générale

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais corriger certaines affirmations que le ministre a faites quant aux propos que j'ai tenus. Premièrement, je voudrais porter à l'attention du ministre que j'ai posé certaines questions auxquelles je n'ai pas eu de réponse. Il a fait son exposé, son intervention sur une série d'autres questions, mais pas sur les questions que j'ai posées. Premièrement...

M. Bérubé: Au débat, on a y répondre.

M. Ciaccia: ... vous n'avez pas expliqué les affirmations dans le livre blanc.

M. Bérubé: ... expliqué, M. le Président. M. Ciaccia: Non, un instant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Bérubé: M. le Président. M. Ciaccia: Laissez-moi finir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je vais finir dans deux minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, parce que la présidence va devenir formaliste. Je sais qu'habituellement les questions avec débat se déroulent de façon très calme. La présidence, avec le consentement des membres, n'applique pas le règlement à la lettre, mais je demande votre collaboration des deux côtés, sinon j'appliquerai le règlement à la lettre.

M. Ciaccia: D'accord. Deuxièmement, la question concernant les études d'impact sur l'économie du Québec, je voudrais savoir s'il y a une augmentation quant au prix mondial. Je ne pense pas que le ministre ait répondu à cette question.

M. le Président, le ministre m'a fait dire des choses que je n'ai pas dites. Quand on a parlé de

la question que je lui avais posée, à savoir que j'avais fait référence à $3 ou $4 le baril, le ministre a oublié de mentionner que j'avais fait référence au prix — je le cite — c'est le cas dans d'autres pays où on paie les prix mondiaux. Vous avez oublié de mentionner cela. Je pense que c'est une nuance assez importante. Pour votre information, je vais vous citer certains prix qui sont payés dans d'autres juridictions, dans d'autres pays, qui varient entre $3 et $4. Je vous donne les chiffres du mois de juin 1979. À Montréal, c'était $1.03 le gallon canadien. À New York, c'était $1.29. À Frankfurt, c'était $2.77. À Paris, c'était $3.37. À Tokyo, c'était $3.14. N'essayez pas de dire que j'ai totalement faussé la vérité. J'essayais de faire certaines comparaisons entre les prix dans des pays où les gens payaient le prix mondial et où ils n'avaient pas d'approvisionnement de pétrole. Je pense que la comparaison peut se faire très valablement parce que le Québec n'a pas d'approvisionnement de pétrole. Si on se fie à votre thèse d'indépendance, je crois que les conséquences, pour les Québécois, seront les mêmes. Alors, ce n'est pas une question de se tromper de 900% ou d'essayer de faire peur à la population. Quand on dit la vérité, c'est une conséquence. Vous pouvez interpréter cela de la façon que vous voulez. L'autre affirmation que vous avez faite...

M. Bérubé: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je vais finir tout de suite.

M. Bérubé: Je vous réponds tout de suite.

M. Ciaccia: Je vais seulement finir.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: L'autre affirmation...

Le Président (M. Bordeleau): II faudrait peut-être s'entendre, M. le député de Mont-Royal. C'est comme vous voulez mais le ministre s'offre à répondre immédiatement à votre question.

M. Ciaccia: Je serai très bref.

Le Président (M. Bordeleau): Vous préférez poser les deux?

M. Ciaccia: Je vous donnerai l'occasion de répondre aux deux questions.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.

M. Ciaccia: Quand vous avez référé à mes interventions...

M. Bérubé:... on n'est pas capable d'y répondre. C'est bien plus simple, je vais lui répondre tout de suite. Il va avoir sa réponse.

M. Ciaccia: ... dans la Presse. Face au silence du gouvernement pendant l'été, je voulais porter à l'attention de la population les discussions qui auraient lieu à Pointe-au-Pic. Vous avez mentionné qu'il y avait eu des critiques dans les journaux mais vous avez oublié de mentionner que ceux qui m'avaient critiqué, dans le temps où j'ai fait mon intervention, ont changé d'idée eux-mêmes. Je vous cite, par exemple, dans la Presse du 19 octobre le même éditorialiste qui m'avait si sévèrement critiqué. Il en est venu à mon point de vue. Il dit: Ces ressources canadiennes de pétrole sont évidemment moins coûteuses que le pétrole étranger. Il se réfère à un coût de développement que j'avais moi-même mentionné. Un autre éditorialiste de la Presse aussi, le 16 août, disait: II ne faut pas oublier non plus que le pétrole est devenu une arme politique sur l'échiquier international; son prix peut encore doubler, tripler pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les coûts d'exploitation. Il serait donc hasardeux de s'engager à l'avance et aveuglément à faire l'équation entre nos prix domestiques et ceux de l'OPEP; autrement, quel avantage aurions-nous à disposer des abondantes ressources pétrolières? Ces deux points, je voulais les préciser parce que je pense que le ministre n'a pas vraiment dit tout ce qu'il devait dire là-dessus et je voudrais lui demander s'il peut répondre aux questions que je lui ai posées à savoir s'il a fait des études sur les impacts de l'économie québécoise si on augmente aux prix mondiaux.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre de l'Energie.

M. Bérubé: Certainement. La première question: Est-ce que je vous ai mal cité? Je ne sais pas si je vous ai mal cité. Je vais laisser les Québécois qui nous regardent juger.

M. Ciaccia: Vous ne m'avez pas cité au complet.

M. Bérubé: D'acord, je vais vous citer. "Est-ce que je peux demander au ministre si c'est la position — c'est vous qui parlez — officielle du Québec que le prix de l'huile soit le prix mondial et que les Québécois paient $3 ou $4 pour leur gallon d'essence et $1.50 pour leur gallon d'huile à chauffage comme c'est le cas dans les autres pays où on paie les prix mondiaux?" Je regrette mais s'il y a un citoyen du Québec qui ne comprend pas cela comme voulant dire que si on rejoint les prix mondiaux, on va payer $3 à $4 par gallon, il n'y a pas un Québécois qui a un quotient intellectuel qui dépasse dix.

Deuxièmement, dans les prix internationaux, il y a 85% de taxes. C'est bien sûr qu'avec la taxe d'accise que le gouvernement fédéral a l'intention de nous imposer dans son budget qu'il va annoncer, s'il met $0.30 de taxe d'accise et qu'en même temps on rejoint le prix international, on va trouver à la fin que le gallon d'essence nous coûte plus cher que si on payait le prix international parce qu'il faut tenir compte des taxes. Les pays européens, en particulier, n'ont pas un impôt sur le

revenu aussi élevé que le nôtre. Ils taxent directement la consommation. Notre tradition, c'est de ne pas taxer la consommation pour des raisons très simples. Vous allez me comprendre, c'est même un objet de critique. Le gouvernement actuel a baissé les taxes pour les petits salariés et a augmenté les impôts sur les salaires plus élevés.

Je le sais, l'Opposition nous le répète continuellement parce que, justement, dans une société, on essaie de faire partager les richesses des riches par l'ensemble de la société. C'est cela notre philosophie politique. Alors, dans ces conditions, toutes les taxes sur les biens de consommation courants sont des taxes régressives parce que le pourcentage du salaire qu'un citoyen est obligé de mettre dans sa nourriture, dans son linge, dans son essence, est beaucoup plus élevé que le pourcentage du salaire que met un millionnaire ou quelqu'un qui gagne $40 000 ou $50 000 par année. Alors, quand on taxe les biens de consommation, on taxe, toutes proportions gardées, plus lourdement les petits salariés et les pauvres. C'est pour cette raison que nous disons: II ne faut pas mettre la taxe sur la consommation, il faut y aller carrément par l'impôt sur le revenu. C'est cela notre philosophie politique. Vous m'excuserez, la vôtre est l'inverse. Vous voulez taxer les petits salariés. Cela n'est pas la même philosophie.

On n'est pas intéressé nous autres à faire monter le prix de l'essence à $3 ou $4 le gallon en le taxant de manière à aller chercher cela dans les poches des gens de condition modeste. Ce n'est pas cela notre philosophie. Je comprends qu'on ne soit pas d'accord sur le plan politique, mais il est temps que les Québécois se rendent compte qu'il y a une différence fondamentale entre la philosophie politique des deux partis qui se font face. Première réponse.

Deuxième réponse. Vous me demandez comment expliquer le livre blanc. Écoutez, M. le député de Mont-Royal, j'ai devant moi un volume qui s'appelle "L'huile au Canada, besoins et approvisionnements. C'est publié par l'Office national de l'énergie, septembre 1978. Au moment où nous avons rédigé le livre blanc, on pouvait lire à la page 2: Les livraisons de pétrole canadien à Montréal pourraient être maintenues au niveau de 315 000 barils par jour jusqu'à la fin de 1983 et à partir de ce moment, elles devraient être réduites progressivement pour atteindre un niveau d'environ 100 000 barils par jour qui est le niveau minimum de rentabilité, semble-t-il, du pipe-line pour 1985. En d'autres termes, ce que vous avez dans le livre blanc de la politique énergétique du Québec c'est cela. C'est qu'on l'a pris là où l'information était disponible, l'Office national de l'énergie.

Vous me dites: II y a des contradictions avec la position actuelle. Si l'Office national de l'énergie modifie ses prévisions, nous modifions les nôtres parce que nous prenons les leurs. C'est la raison pour laquelle il peut y avoir une évolution dans nos prévisions. Deuxièmement, des études d'impact. D'abord, je dois souligner que là-dessus le député de Mont-Royal a été correct. Il a souligné que des études ont été faites sur l'accroissement du coût de la vie, sur l'impact économique que pourrait avoir une hausse du prix de l'essence en Ontario. Il avait raison d'indiquer en Ontario parce que la structure industrielle de l'Ontario est différente de celle du Québec. Cela n'a pas le même impact en Ontario que cela en a au Québec. Effectivement, nous avons — à l'aide d'un modèle fédéral que nous avons tenté d'ajuster aux besoins du Québec et on essaie présentement de le raffiner — tenté de mesurer quel serait l'impact. Effectivement, si on calcule une augmentation de $5 par année jusqu'en 1983, c'est plus que ce que propose le gouvernement Clark présentement. En fait, on perdrait sur trois ans 10 000 à 12 000 emplois, c'est-à-dire, une moyenne d'à peu près 3000 à 4000 emplois de moins. Cela est sur l'ensemble de l'économie.

Comme l'année dernière, la performance gouvernementale de création d'emplois, déjà pour les sept premiers mois, était autour de 74 000 emplois, c'est une des années les plus extraordinaires que le Québec ait connues. Si on regarde cela, évidemment, c'est relativement peu important, mais c'est certain qu'une politique comme celle-là devrait être associée à une politique sur le plan, par exemple, de stimulation des investissements dans le secteur des pâtes et papiers. L'impact que cela pourrait avoir, c'est essentiellement ceci. Donc, 10 000 à 12 000 emplois sur trois ans, quant à l'inflation, c'est peut-être un peu plus dramatique, cela pourrait représenter à peu près 2% d'augmentation de l'inflation à cause de l'augmentation des prix et cela sur les trois premières années. C'est l'impact québécois d'une hausse des prix de l'essence. Evidemment, sur le plan politique, M. le Président, il serait bien plus facile de dire qu'il ne faut pas que les Québécois paient plus cher pour leur pétrole. Cela serait évidemment intéressant parce que le pauvre diable qui est dans sa maison et qui a de la misère à arriver et qui voit un ministre de l'Energie dire: II faut que les prix du pétrole reviennent au prix international. Il dit: On se dépêche de se débarrasser de ce ministre parce qu'il veut qu'on paie plus cher pour notre pétrole.

C'est politiquement bien plus difficile d'être obligé de dire à ce bonhomme: Quand tu travailles, tu veux avoir un salaire juste. De la même façon, celui qui possède la richesse pétrolière veut avoir un prix honnête. Je vais vous dire, et je termine là-dessus, combien vaut l'énergie au Québec au cours des années. Pour le faire, on est obligé de ramener cela en dollars constants. Évidemment, c'est un petit peu compliqué d'expliquer les dollars constants, mais le député d'Outremont comprend ce que cela veut dire. C'est que c'est bien sûr que si je gagne $2 aujourd'hui et je gagne $2 dans 100 ans, ce n'est pas la même chose. Les $2 dans 100 ans ne vaudront plus grand-chose. Il faut tout ramener cela en dollars qui ont la même valeur. Si on dit, l'indice du prix en 1958, c'était 144 pour l'énergie. En 1971, on trouve 100. En d'autres termes, l'énergie de 1958 à 1971 a baissé de prix. Si on va en 1978, c'est remonté à 109. En d'autres termes, par rapport à

1958, 1960, le prix de l'énergie au Québec a baissé. Cela coûte moins cher aujourd'hui pour se chauffer que cela coûtait il y a 20 ans, toutes proportions gardées, parce que les salaires ont monté, les prestations de bien-être social ont monté, ont suivi l'inflation, le salaire minimum, on l'a indexé à l'inflation. Donc, le prix de l'énergie a baissé. Ce n'est pas normal quand on parle de rareté, qu'une substance voit son prix baisser. Le prix devrait normalement monter. (12 h 45)

En d'autres termes, il faut être réaliste et comprendre qu'il faut que le prix du pétrole suive l'inflation générale, le prix normal, le prix mondial. Sinon, on s'isole, on a l'impression d'avoir fait un bon coup et je pourrai, dans mes réponses tantôt, vous montrer les mauvais coups que cela a donnés pour le Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je pense que le ministre ne se gêne pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont, excusez-moi. Je vous cède la parole, vous avez droit à 20 minutes. Je vous avertis d'avance que si le député de Richmond qui est actuellement en conférence arrive, que je le reconnaîtrai également pour faire valoir ses positions. Je voudrais que vous teniez compte de tout cela et également du fait que nous terminons, en vertu de notre mandat à 13 h 30, pour qu'à la fin et le député de Mont-Royal et le ministre aient un dernier droit de parole.

M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je vous remercie, M. le Président, je pense que le ministre, dans ses réponses — j'hésite à dire le mot "réponses " puisqu'il a plutôt fait état de remarques qu'il avait préparées visiblement à l'avance, probablement préparées d'ailleurs par d'autres — j'y arriverai dans quelques instants — mais je ne peux pas m'empêcher de relever un certain nombre de points qui me paraissent très importants en ce qui concerne, en premier lieu, la position que nous avons et la position que le ministre a défendue un peu partout, soit à la conférence fédérale-provinciale du 12 novembre, soit à l'Assemblée nationale, soit dans des déclarations que nous avons recueillies dans les journaux.

Dans tous les cas, le ministre se protège en invoquant le fait qu'il pourrait peut-être se placer lui aussi devant l'inévitable et accepter à son corps défendant que le prix puisse augmenter de façon graduelle et progressive. Mais tout son discours prouve une chose, c'est que sa position à lui est d'atteindre le prix mondial. C'est sa position. Aujourd'hui, il nous a démontré la même chose, il a passé une demi-heure environ à essayer de nous démontrer que les bénéfices que nous recevions de cette différence entre le prix canadien et le prix mondial, que cette différence provisoire, était une différence qui, somme toute, était à peu près nulle, que les calculs qui tendaient à démontrer que le fait que le Québec reste dans le Canada soit profitable, étaient à peu près sans fondement, ce qui prouve que sa position de fond, indépendamment des réserves qu'il peut apporter — qu'il est bien obligé d'apporter, parce qu'autrement il ne serait vraiment pas honnête, face à cette réserve — sa position de fond, c'est d'essayer de nous faire comprendre qu'il faut augmenter au prix mondial, parce qu'à ce moment, le Québec aura avantage d'acheter son pétrole à l'extérieur du Canada, s'il y a lieu, indépendamment des conditions internationales qui pourront prévaloir. Il pourra démontrer également qu'il n'y a pas de coût, pour son gouvernement, à avancer la position politique constitutionnelle qu'il a relativement au pétrole. Je pense que c'est cela le fond de la question. Il y a une question politique et idéologique où le ministre veut bien passer quelques petites réserves ici ou là, mais le ministre fondamentalement essaie de faire comprendre aux Québécois que nous n'avons pas d'avantages à compter sur le pétrole canadien parce que, pour des raisons politiques, il est avantageux pour lui de pouvoir dire que l'indépendance du Québec et la souveraineté ne coûteraient rien.

Ceci dit, je pense que je n'ai pas donné de mauvaise interprétation de la position du gouvernement du Parti québécois, à l'heure actuelle, en ce qui concerne le pétrole. Je pense aussi que le Québec a retiré de cette politique canadienne de péréquation du prix une politique avantageuse. Le ministre l'a reconnu en disant même que j'avais pu faire une erreur ou des oublis puisque les avantages n'étaient pas de $5 200 000 000 mais de $5 700 000 000. Je voudrais simplement lui demander, de grâce qu'il lise les tableaux, avant de dire qu'il y a des erreurs dans les chiffres que j'ai présentés. Il sait très bien, cela a été marqué dans les journaux d'ailleurs, le tableau sur lequel ces chiffres sont basés, s'appelle "Bénéfices pour le Québec de la politique canadienne sur le pétrole ". Cela ne veut pas dire qu'il y a une erreur, parce que je n'ai pas tenu compte du gaz naturel, je parlais du pétrole. Je parlais du pétrole pour une bonne raison, c'est que nous, de l'Opposition, on n'a pas toutes les informations que vous avez du côté du gouvernement, on n'a pas pu établir même pour ce matin encore, on n'a pas pu établir exactement quelle est la différence entre le prix du gaz naturel exporté à Chicago et le prix du gaz naturel que nous avons ici, compte tenu de la consommation. C'est ça la vérité.

Ce n'est pas un oubli ni une erreur, c'est simplement que pour le gaz naturel, je n'avais pas les informations nécessaires pour le calculer. Il y a quelque chose de bien plus important que cela, le ministre nous dit qu'il est bien prêt à reconnaître que les Québécois bénéficient de quelque chose, il le fait bien entendu parce que nous avons révélé ces chiffres et le ministre n'était pas disposé à les révéler du tout. La preuve est qu'il y a encore une autre chose dont il aurait pu parler ce matin et il n'en a pas parlé. Là aussi, je vais révéler une autre information.

Imaginez-vous qu'il y a aussi, rattachés au pétrole et au gaz naturel, des paiements de péréquation dont le Québec bénéficie aussi. Des paiements de péréquation, c'est curieux, le ministre n'en a pas encore parlé. Il a fait une longue analyse des chiffres que j'ai donnés, mais il n'a pas parlé des versements de péréquation. Savez-vous, M. le Président, combien de versements de péréquation nous avons reçus au titre du pétrole et du gaz en 1979 au Québec? $589 millions qui s'additionnent à tous les chiffres que nous avons donnés précédemment, de sorte qu'on doit ajouter à ces $5 200 000 000, qui représentent les bénéfices de 1974 à 1979, une somme de $2 600 000 000 au titre des paiements de péréquation. $2 600 000 000 de plus. S'il voulait vraiment corriger mes chiffres, il aurait peut-être pu ajouter cette pièce d'information, qu'au moment où j'ai écrit l'article je n'avais pas non plus. Lui, le ministre, qui a accès à toutes ces informations, aurait pu révéler à la province de Québec que ce n'était pas non plus $5 700 000 000 de bénéfices, ce serait $5 700 000 000 y compris le gas naturel plus $2 600 000 000 au titre des paiements de péréquation. Là, on est rendu autour de $8 milliards pour la période de 1974 à 1979. $8 milliards que le Québec a reçus au titre de transactions sur le pétrole et sur le gaz. Quand le ministre nous fait une grande analyse pour essayer de minimiser l'importance de ces bénéfices, je voudrais lui rappeler un certain nombre de choses.

Il a souligné ce matin, avec une certaine fierté, l'élasticité de la demande de pétrole et de gaz. Pour essayer de faire quoi? Pour essayer de dire que les bénéfices qui sont indiqués là sont exagérés et qu'ils devraient être réduits parce que nous achèterions moins de pétrole si les prix montaient. Oui, c'est vrai, mais j'aimerais suggérer au ministre qu'il consulte ses experts pour leur demander s'ils connaissent le surplus du consommateur. Est-ce qu'ils connaissent cela, le surplus du consommateur? À ce moment-là, le ministre ne comprendra pas cette question et personne d'autre ne va comprendre d'ailleurs. Sa réduction n'est pas bonne, elle n'est pas acceptable parce qu'il y a telle chose en économique qui dit que lorsque vous payez plus cher par unité et que vous en consommez moins, vous perdez l'avantage de cette consommation que vous aviez auparavant. Le surplus du consommateur est une notion fondamentale en économique et lorsqu'on ose parler de l'élasticité, il faut également parler du surplus du consommateur qui est réduit dans le cas présent. À ce moment-là, cette réduction des bénéfices dont il parle n'est pas acceptable. Si on veut parler d'économique, on va en parler, mais il faudrait en parler d'une façon un peu plus complète et d'une façon un peu plus exacte. Voilà pour ces bénéfices.

Je ne sais pas, M. le Président, si je peux faire distribuer ce tableau sur les bénéfices reliés au pétrole et qui comprennent les versements de péréquation puisque le ministre ne les a pas donnés. J'aimerais bien pouvoir déposer cela pour l'information de tous.

Le Vice-Président: II n'y a pas de dépôt en commission...

M. Raynauld: Non, je les distribue, M. le Président.

Le Vice-Président: ... mais vous pouvez distribuer cette information.

M. Raynauld: Je les distribue, c'est pour l'information des membres de la commission.

Maintenant, je voudrais en arriver à un deuxième point qui me paraît important. C'est sur l'envolée du ministre sur les questions de différences de philosophies et sur le fait que nous ferions un troc de mauvais goût en enlevant à l'Alberta la possibilité de bénéficier au complet des augmentations de prix internationaux, ce qui pourrait éventuellement s'appliquer à l'électricité qu'on produit au Québec.

Ces deux questions sont reliées, M. le Président, parce que ce que le ministre essaie de faire croire à la population, c'est que le gouvernement fédéral doit payer des paiements de péréquation, le gouvernement fédéral doit payer des subventions à l'importation, le gouvernement fédéral doit trouver des moyens pour, justement, ne pas monter au prix mondial immédiatement. C'est un volet de la position du gouvernement actuel. Evidemment, il ne doit jamais taxer les Canadiens pour être capable de faire ces versements, c'est absolument interdit. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit d'aller chercher des ressources. Oui, M. le Président, je vais y arriver tout à l'heure, je vais donner aussi un autre tableau pour l'information des membres, pour montrer que le gouvernement fédéral, il faut bien qu'il donne des subventions ou reconnaisse des bénéfices...

M. Bérubé: C'est nous qui donnons sans rien retirer d'Ottawa.

M. Raynauld: ... sauf que le gouvernement fédéral n'aurait pas le droit, suivant le Parti québécois, de prélever les impôts nécessaires pour faire ces versements. Or, le ministre a pris bien soin de ne pas nous parler de ce que le gouvernement fédéral reçoit à propos du pétrole et du gaz naturel au Canada. Cela, il ne nous en parle pas. Il n'a pas révélé à la population que la part du gouvernement fédéral à l'heure actuelle est de 10% et que cela va monter à 12% de l'ensemble des recettes nettes provenant du pétrole et du gaz. C'est à peu près de 10% à 12%.

J'ai un petit tableau ici qui montre que pour 1980 les recettes fédérales sur le pétrole, provenant de l'impôt sur les sociétés, vont rapporter au gouvernement fédéral $1 900 000 000; la taxe à l'exportation va apporter $633 millions; la taxe d'accise, au taux actuel, va rapporter $437 millions. Le ministre parlait tout à l'heure de $600 millions; c'est une exagération verbale. Au total, le gouvernement fédéral reçoit $2 900 000 000. Vous savez combien il doit verser s'il maintient les programmes existants? Pour la péréquation, $1 mil-

liard en 1980; les subventions à l'importation, $2 500 000 000. La position fiscale nette du gouvernement fédéral est négative en ce qui concerne le pétrole. Il y a peut-être des voleurs quelque part mais quand le voleur se retrouve plus pauvre que s'il n'avait pas appliqué les programmes, on peut se demander de quel vol il s'agit. Pour le gouvernement fédéral, les recettes nettes sont négatives en 1980, tel que prévu, avec la politique existante à l'heure actuelle, $647 millions de déficit de la part du gouvernement fédéral.

Par conséquent, lorsque le gouvernement fédéral nous dit, aujourd'hui: Si vous voulez que je continue à verser des paiements de péréquation de l'ordre de $600 millions — dont j'ai parlé tout à l'heure — si vous voulez qu'on continue à donner des subventions à l'importation dont le Québec bénéficie plus que tout autre en ce qui concerne les subventions à l'importation, à ce moment-là, encore faut-il qu'il ait des recettes fiscales pour faire ces paiements.

Je voudrais demander au ministre Bérubé, lui qui connaît tellement l'économique, si l'argent tombe du ciel, est-ce que c'est la manne qui tombe comme dans le désert? Où le gouvernement va-t-il prendre cela? Si le gouvernement fédéral n'est pas capable de percevoir des impôts, comme une taxe d'accise, par exemple, à laquelle le gouvernement du Québec s'oppose bien entendu, avec quel argent va-t-il verser les subventions à l'importation dont nous bénéficions et les paiements de péréquation. Je voudrais lui demander d'être un peu responsable et de nous dire que s'il s'oppose à la taxe d'accise, il faudrait aussi qu'il s'oppose à ce que le Québec reçoive, dorénavant des subventions à l'importation et que le Québec aussi demande au gouvernement fédéral de réduire les versements de péréquation qu'il reçoit au titre du pétrole et du gaz naturel. Je pense bien qu'il faut quand même, étant donné qu'il y a peut-être des différences de philosophie entre les deux parties ici, aujourd'hui, mais il y a peut-être aussi une différence de bon sens...

Quand le gouvernement fédéral établit — et là, je suis généreux, j'ai parlé seulement de 1980 — que les prévisions actuelles du déficit fédéral seraient de $1 600 000 000 en 1985, si on continue la même politique — mais je n'en ai pas parlé — a ce moment-là, il va bien falloir que le gouvernement fédéral prenne son argent à quelque part s'il veut continuer à verser des bénéfices et répartir les bénéfices à travers le pays comme il le fait.

Je vais m'arrêter là, M. le Président, pour permettre justement qu'on ait un débat puisque le ministre nous a dit qu'il était bien prêt à parler de chiffres. Moi aussi, je suis tout à fait disposé à en parler. J'en ai encore d'autres, d'ailleurs, dont je pourrai faire état, au besoin, sur d'autres points. (13 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste une demi-heure. Je vous invite à essayer de vous distribuer équitablement cette demi-heure pour que nous puissions terminer nos travaux à 1 h 30. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, d'une part, le député d'Outremont a commencé son intervention en soulignant que les chiffres que je présentais n'étaient certainement pas de moi, qu'ils avaient été préparés par d'autres. Là-dessus, je lui donne raison et je tiens à rendre hommage à tous ces fonctionnaires qui m'entourent qui ne sont pas là pour faire de la politique, mais qui sont là pour nous donner toute l'information nécessaire de manière à pouvoir éclairer les citoyens. L'usage que nous faisons de cette information est un usage politique, mais il faut quand même qu'à la base, nous partions avec des chiffres fondamentalement exacts.

Ce qui me frappe, c'est que le député d'Outremont, dans son introduction et dans son développement, nous dise: La seule raison — et c'est ce que j'avais cité au début de mon intervention — pour laquelle le gouvernement du Parti québécois est favorable aux hausses du prix du pétrole au niveau international, c'est parce que cela sert son idéologie indépendantiste puisque, si on rejoint le prix international, à ce moment-là, on devient libre d'acheter notre pétrole où nous voulons et dans ces conditions, on est plus souverain, plus indépendant, plus libre de prendre les décisions que nous voulons prendre que si on est "poigné" avec un programme de subventions qui nous tient à la merci des décisions d'un autre.

Evidemment, ce qui me frappe, c'est que cela va aller très facilement pour négocier la souveraineté-association, sauf avec l'Ontario, parce que les neuf provinces du Canada — neuf provinces sur dix — sont d'accord et le gouvernement fédéral actuel aussi. En d'autres termes, il y a unanimité totale, y compris de la part de provinces qui, devant produire leur électricité avec le pétrole, sont encore plus dépendantes du pétrole que nous et même ces provinces-là sont d'accord, demandent des mesures de transition pour pouvoir passer au charbon. Parfait. Cela fait partie d'une association économique normale, mais aucune ne demande ce que le député de Mont-Royal demande et, d'ailleurs, même le député d'Outremont reconnaît qu'il faut aller vers les prix internationaux. Il faut — peut-être en l'espace de cinq ans — rattraper essentiellement l'écart qui sépare les prix canadiens des prix internationaux. Il l'a déjà dit en tant que président — comme il l'a si bien dit — du Conseil économique du Canada et il l'a réitéré tantôt. Par conséquent, on est d'accord là-dessus. En d'autres termes, tout le monde est d'accord. Si nous prenons cette position, est-ce parce que nous sommes souverainistes ou bien tout simplement parce que c'est le bon sens? C'est ma première réflexion.

Quand il prétend que nous refusons de publier les chiffres concernant les subventions ou les rabais de prix que nous consentent les provinces productrices, eh bien, je lui réponds immédiatement: Ce n'est pas à nous à publier ces chiffres. Ce sont des chiffres du gouvernement fédéral. Ce sont des chiffres publics. C'est évidemment au gouvernement fédéral qui fait sa comptabilité à les déposer. Ce n'est pas au gouvernement du Qué-

bec d'arriver ici à l'Assemblée nationale et de déposer des rapports du gouvernement fédéral. Si vous avez besoin des rapports du gouvernement fédéral, vous n'avez qu'à vous adresser au gouvernement fédéral. Ils auront la même obligeance qu'ils ont vis-à-vis de nous et ils vous donneront les chiffres parce que nous prenons leurs chiffres, c'est évident. Par conséquent, ce n'est pas à moi à prétendre commencer à révéler des sources fédérales. Je pense que c'est à moi de les utiliser dans la discussion, mais je laisse certainement à l'Opposition, qui a d'ailleurs eu accès aux mêmes chiffres, le soin de les utiliser à ses fins. Donc, ce sont des chiffres publics.

Il y a un point sur lequel le député d'Outremont a raison. C'est la péréquation et là, je reconnais carrément mon ignorance. En effet, le député d'Outremont a l'avantage sur moi d'être beaucoup plus compétent dans les domaines de fiscalité et il sait, comme peu de Québécois le savent, à quel point le calcul de la péréquation est difficile, compliqué et que peu de gens savent s'y retrouver. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'avais demandé, à la dernière minute, je dois le dire — j'en avais d'ailleurs déjà parlé au ministre des Finances — que quelqu'un puisse m'aider. Je peux donc confirmer effectivement que ces chiffres de l'ordre de $600 millions concernant la péréquation semblent exacts d'après les chiffres que j'ai sous les yeux. En d'autres termes, ce sont des chiffres dont je n'avais pas tenu compte pour la simple raison que je ne les avais pas et que je ne savais pas comment les utiliser.

Cependant, évidemment, il faut reconnaître qu'il y a eu des modifications au mécanisme de péréquation dès 1977. On a mis des plafonds. En fait, à partir de 1982, au rythme de croissance postulé du pétrole, il n'y aurait plus d'accroissement de la péréquation, mais il reste néanmoins que la péréquation est une réalité. Là-dessus, le député d'Outremont a parfaitement raison de souligner ceci.

Il reste néanmoins qu'il faut tout de même revenir au portrait global. Il faut, suivant la logique même du député d'Outremont, se poser la question. S'il n'y avait pas eu de subventions au pétrole et si nous avions été forcés de payer les prix internationaux, combien le pétrole nous aurait-il coûté? À ce moment-là, il faut regarder quelle aurait été notre consommation de pétrole. Il faut regarder quelle aurait été notre tendance à la substitution d'électricité. Il faut donc regarder un certain nombre de paramètres. C'est la première observation.

C'est ce qui nous amène à dire: Ce n'est pas $5 700 000 000 que nous avons obtenus, mais, en fait, essentiellement, $2 100 000 000 de moins. Deuxièmement, nous introduisons comme deuxième élément de calcul: Écoutez! Ce n'est pas normal de calculer les subventions que vous recevez, mais de ne pas soustraire de ces subventions les taxes que vous payez afin de payer les subventions. C'est bien évident, sans quoi vous donneriez l'impression aux citoyens qu'ils reçoivent de l'argent, mais qu'ils ne paient pas. À ce moment-là, j'ai fait le calcul. J'ai soustrait $617 millions de taxes d'accises que nous avons payées sur le pétrole. Ce qui m'a amené à dire: Ce n'est pas $5 700 000 000 que nous avons reçus, mais $3 milliards. N'essayons pas d'induire les Québécois en erreur.

Maintenant, si le député d'Outremont pense que nous devrions introduire les paiements de péréquation, je suis d'accord avec lui. Je n'ai pas d'objection à recommencer mes calculs pour les corriger. Mais on va quand même essayer de tracer un tableau complet. Donc, on est déjà rendu à $3 018 000 000. Récemment, à l'Assemblée nationale, le député d'Outremont, par exemple, a dit: La ligne Borden — quand on parle de politique pétrolière, c'est une politique pétrolière qui date de 1961 — n'a jamais eu d'effet néfaste sur l'économie québécoise pour autant que le...

M. Raynauld: Je n'ai pas dit cela, M. le Président.

M. Bérubé: Ah! Vous n'avez pas dit cela.

M. Raynauld: Je m'excuse, mais je n'ai pas dit cela.

M. Bérubé: J'avais cru comprendre que vous aviez dit que cela ne nous aurait rien coûté.

M. Raynauld: J'ai dit que le prix était inférieur au Québec sur le pétrole de $0.50 le gallon...

M. Bérubé: Juste.

M. Raynauld: ... par rapport à l'Ontario...

M. Bérubé: Vous avez raison.

M. Raynauld: ... qui payait plus cher pendant toute la durée de la ligne Borden. C'est tout ce que j'ai dit.

M. Bérubé: Oui, vous avez raison. C'est $0.50 le baril, en fait.

M. Raynauld: C'est cela.

M. Bérubé: On a des difficultés avec nos gallons et nos barils, M. le Président.

M. Raynauld: $0.50 le baril.

M. Bérubé: Enfin, reconnaissons que c'était parfaitement exact. En fait, essayons de faire l'historique. Je pense que ce n'est pas l'intention du député d'Outremont que je fasse l'historique; c'est bien évident. Mais essayons de voir pourquoi cette ligne Borden existe? Pour exploiter le pétrole de l'Alberta il en coûtait plus cher que pour acheter du pétrole international. Ce qui fait que l'industrie pétrolière albertaine ne pouvait se développer. C'est cela qui a amené le gouvernement fédéral à proposer la ligne Borden en disant: De l'autre côté de l'Outaouais, du côté du Québec,

les Québécois ne pourront plus prendre leurs produits raffinés qui sortent de leurs raffineries et les vendre en Ontario. C'est bien évident que si l'Ontario ne peut plus recevoir de produits raffinés du Québec, mais qu'elle reçoit du pétrole brut de l'Alberta, que va-t-elle faire? Elle va construire des raffineries. On a donc déplacé l'industrie pétrochimique québécoise du Québec vers l'Ontario. Premier effet négatif. Par exemple, il y a eu le cas célèbre de Calex, qui voulait construire une raffinerie au Québec et qui n'a pu la construire justement à cause de l'existence de la ligne Borden. Il y a eu des poursuites judiciaires et c'est un cas très bien documenté. Mais ce n'est pas tout.

On oublie trop facilement — c'est dommage que la députation de l'Union Nationale ait été retenue en commission parlementaire, en réunion avec les leaders — que l'Union Nationale a procédé à la création d'une SOQUIP en 1969. Il y avait une raison pour laquelle on a procédé à la création de SOQUIP. Voyez-vous! Comme le pétrole albertain coûtait plus cher, le prix du pétrole ou du gallon d'essence coûtait plus cher en Ontario qu'au Québec ce qui, évidemment, ne faisait pas l'affaire de l'Ontario et on n'était pas plus intéressé à ce que cela soit trop évident... Pendant des années, les compagnies pétrolières ont chargé aux Québécois plus cher pour leur pétrole que sur le marché international de Rotterdam, par exemple. Une étude extrêmement intéressante de M. Cloutier, à l'époque, avait montré au gouvernement du Québec que les Québécois payaient environ $0.50 de plus le baril que ce qu'ils devraient payer sur les prix internationaux. Effectivement, il y avait une certaine complicité du côté du gouvernement fédéral avec les compagnies pour maintenir ce prix un peu plus haut. Cela compensait pour le fait qu'elles ne pouvaient plus prendre d'expansion en Ontario, d'une part. En même temps, cela empêchait les Ontariens d'être frustrés de voir les Québécois payer leur gallon d'essence trop bon marché. Lorsqu'on calcule cette différence — je me suis amusé, simplement pour le plaisir — je me suis amusé à dire: Ne prenons pas $0.50, comme le disaient plusieurs études à l'époque; acceptons $0.25, et regardons la consommation de pétrole.

Cette opération nous a coûté presque $1 milliard parce qu'on avait un mécanisme artificiel de prix au Canada. Je comprends qu'il fallait favoriser le développement du pétrole de l'Ouest, mais on a payé pour cela. Là, évidemment, on n'en a pas tenu compte. L'impact négatif de la ligne Borden sur le développement de l'industrie pétrochimique au Québec, on n'en a pas tenu compte. Cette possibilité pour les compagnies de majorer leurs prix, de prendre un profit "off shore ' supérieur à ce qu'elles prenaient dans les autres pays du monde, on n'en a pas tenu compte. Cela, on l'a payé. Si on pouvait en tenir compte, évidemment, on ferait peut-être une petite soustraction de $800 millions, $1 milliard, $1 500 000 000; je n'en ai pas tenu compte.

Egalement pour les déficits d'investissement, j'ai souligné, avec des chiffres extrêmement pro- bants, que, dans le secteur énergétique, nous avons perdu $1 milliard en investissements que nous aurions dû avoir. L'impact que cela a est important. Nous devons développer notre électricité. Nous devons développer, par exemple, des sources énergétiques à partir de la forêt. A-t-on réalisé que si c'est le gouvernement fédéral qui perçoit la taxe d'accise de $0.30 le gallon, cela veut dire que notre gallon d'essence va être à peu près de $1.40 au Québec?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On va avoir une pénurie de temps. À ma connaissance, les travaux de l'Assemblée ont été suspendus jusqu'à 13 h 30. On m'informe que si l'Assemblée veut légalement siéger à 13 h 30, il faut nécessairement permettre aux autorités de sonner les cloches dans un délai qui fait partie de la tradition. Il faut que la masse revienne sur la table pour que l'Assemblée puisse siéger, de telle sorte qu'il faudrait que nos travaux puissent se terminer au plus tard vers 13 h 20 afin qu'à 13 h 30, l'Assemblée nationale puisse siéger.

Je vous incite donc, M. le ministre, à conclure très rapidement et je recède la parole au député de Mont-Royal, puisqu'on m'informe que nous devons agir de cette façon pour que l'Assemblée puisse siéger et permettre aux députés de revenir à l'Assemblée nationale.

M. Bérubé: D'accord. M. le Président, je terminerai donc ce bilan en soulignant que, d'une part, on a déjà baissé le gain à à peu près $3 milliards; si on calculait ce que la ligne Borden, les politiques nationales pétrolières nous ont coûté avant 1973, il y aurait également un coût important et dont on n'a pas tenu compte, mais ce ne serait certainement pas en bas de $1 milliard. Si on regarde le déficit des investissements, ce qu'Ottawa a investi dans l'ensemble du Canada dans le secteur énergétique, par comparaison avec ce qu'il a fait chez nous, on s'aperçoit qu'on a un déficit de $1 milliard. Là, d'ailleurs, j'ai voulu souligner — c'est ce sur quoi je terminais tantôt — le problème plus particulier d'une taxe d'accise. Je vois le député de Beauce-Sud qui s'intéresse énormément au méthanol. Le député de Beauce-Sud, qui s'intéresse au méthanol, sait ou devrait savoir — peut-être ne le sait-il pas, parce que c'est de l'information un peu privilégiée dont nous venons de terminer les études — que nous pouvons faire du méthanol et être concurrentiels avec l'essence pour à peu près $1.40. Evidemment, si nous payons les taxes d'accise sur le méthanol, jamais le méthanol ne sera rentable. On peut donc imaginer une stratégie où nous enlevons la taxe d'accise sur le méthanol et, à ce moment-là, le méthanol devient concurrentiel et voilà le développement extraordinaire à l'échelle du Québec, tant dans Beauce-Sud que dans les Appalaches, Kamouraska-Témiscouata, le Nord-Ouest, la Mauricie, un potentiel extraordinaire de développement industriel au Québec qui est possible, si nous contrôlons la taxe d'accise. Voilà le danger de laisser une taxe d'accise entre les mains d'Ottawa. Première observation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, il nous reste six minutes de débat. Je dois nécessairement céder la parole au député de Mont-Royal pour partager équitablement le temps. Je me dois de lui céder la parole. Je vous incite à conclure en une minute.

M. Bérubé: Vous ne me laisseriez pas une minute, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Une minute au maximum.

M. Bérubé: Jusqu'à 13 h 15, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Une minute.

M. Bérubé: D'accord.

Je termine. Lorsque parfois on se demande quels seront les bénéfices que nous retirerons de la politique énergétique pour les cinq prochaines années, eh bien, dans la mesure où nous rejoindrons le prix international, ces subventions vont tendre vers zéro. Nous avons donc calculé combien il nous resterait de subventions à aller chercher. Evidemment, c'est hypothétique et nous avons trouvé $3 milliards de subventions, mais nous avons calculé aussi combien nous coûterait la taxe d'accise, qui est de $5 milliards, et on s'aperçoit qu'on est déficitaire. (13 h 15)

Quand on additionne tout, absolument tout, y compris les $2 500 000 000, on se rend compte que les politiques canadiennes pétrolières n'ont à peu près rien donné au Québec d'avantages comparatifs; c'est peut-être en moins, c'est peut-être en plus. On se chicanera sur le zéro mais, personnellement, je préférerais ne pas dépendre des politiques pétrolières canadiennes qui, d'après les chiffres mêmes que nous présentons à l'Assemblée nationale, ne nous donnent rien pour pouvoir bénéficier d'une autonomie, d'une capacité de prendre des décisions, d'une capacité de mettre mon argent là où je dois le mettre, c'est-à-dire dans le développement de la forêt, dans le développement du méthanol, dans le développement de l'hydroélectricité et peut-être dans un certain nombre d'autres opérations énergétiques capitales pour le développement du Québec. C'est essentiellement ça que nous proposons.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre...

M. Bérubé: Nos priorités sont différentes de celles de l'ensemble du Canada et nous voulons avoir les moyens de réaliser nous-mêmes nos priorités.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, vraiment c'est incroyable cette position du gouvernement sur les approvisionnements, sur les politiques du pétrole.

La logique du ministre semble dire: II faut payer plus cher pour le pétrole, afin qu'on puisse développer l'hydro, pour que tout le monde puisse payer plus cher pour les sources énergétiques; pour que le consommateur paie plus cher à la fin. C'est là sa logique.

Je ne comprends pas sa position sur les approvisionnements. Il réitère qu'il ne veut pas dépendre des approvisionnements canadiens, il veut se fier aux marchés mondiaux.

M. le Président, il l'a dit lui-même, il préfère avoir sa propre politique, sans dépendre des approvisionnements. Il n'a pas du tout répondu à cette question. Les avertissements des pays qui nous disent que, non seulement ça va augmenter en coût, mais que les approvisionnements vont être réduits, les Etats-Unis qui veulent s'associer avec nous dans le domaine énergétique, parce qu'il y a une sécurité d'approvisionnement sur laquelle on peut se fier et qui ne dépend pas des perturbations politiques mondiales, il met complètement ça de côté.

Je ne comprends pas non plus sa position sur la taxe d'accise. Comment peut-on dépendre du pétrole? On n'en a pas au Québec. Comment le fédéral va-t-il pouvoir, premièrement, avoir une banque d'énergie pour que, quand il y aura des pénuries, comme il pourrait y en avoir cet hiver, où allons-nous nous tourner pour combler cette pénurie? Même le ministre a admis: SOQUIP, à long terme, peut-être. Il n'a même pas confié le mandat, mais, à court terme, il dépend du gouvernement fédéral.

Comment peut-il dire: On ne veut pas donner une taxe d'accise, on ne veut pas donner de revenu au gouvernement fédéral, parce que... Comment peut-il avoir le moyen, premièrement, de développer de nouvelles sources de pétrole dont nous allons bénéficier, et comment le gouvernement fédéral pourra-t-il avoir sa banque d'énergie s'il n'a pas les revenus nécessaires? Sur ce point, je ne comprends pas le ministre.

Je pense que ce sur quoi nous différons essentiellement — je vois que le temps s'écoule — c'est sur l'approche que nous avons, et ce n'est pas seulement sur la question de prix. Je pense que le ministre a pris trop de temps pour essayer de parler des questions de prix pour en arriver au prix mondial; même la politique fédérale est à l'effet de ne pas aller au prix mondial, on parle même d'un "Chicago Price" qui est en-dessous du prix mondial. Mais le ministre ne s'est pas arrêté du tout sur la question de l'approvisionnement canadien, il est passé à côté de cela.

Ses chiffres sur les bénéfices, j'ai des chiffres ici. Quand le prix du baril de pétrole brut canadien est de $13.75, la partie qui va aux producteurs, la partie qui va à la taxe fédérale, la partie qui va aux taxes provinciales, cela ne sort pas de la poche du consommateur québécois. Si on paie moins du gallon, ce ne sont pas toutes des subventions directes du fédéral; 85% de nos ressources sont

canadiennes, ce sont des profits qui ne vont pas aux compagnies, ce sont des profits qui ne vont pas en Alberta, ce sont des profits qui restent dans les poches du consommateur québécois. Ce n'est pas une question d'aller de la poche gauche à la poche droite. C'est cela que vous essayez de faire accroire.

Les bénéfices, d'ici à 1983, de $6 milliards, ce ne sont pas des chiffres que nous avons inventés, ce sont des chiffres basés sur les prévisions d'augmentation sur le prix mondial et nous n'allons pas le payer au moins jusqu'en 1983. Même à ce moment le prix mondial aura tellement augmenté qu'il va y avoir un autre rattrapage.

M. le Président, je sais qu'il faut conclure. La position du ministre ne protège pas les Québécois au sein de la fédération canadienne. Je suggérerais au ministre qu'avant d'implanter sa politique indépendantiste — il n'a pas le mandat pour le faire — qu'il travaille au sein de la fédération canadienne, qu'il se fie sur les ressources canadiennes et qu'il représente vraiment les Québécois vis-à-vis du gouvernement fédéral pour tous nos intérêts. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci beaucoup.

M. Bérubé: C'est parce que j'ai devant moi...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Non, M. le ministre, excusez-moi, avant d'ajourner les travaux, M. le député de Richmond, je sais que le député de Mégantic-Compton a excusé votre absence sur une question de règlement. Il l'a très bien motivée et si c'est cela que vous voulez faire, je vous le permets et après cela, j'ajournerai les travaux de la commission.

M. Brochu: Très bien, je vous remercie, M. le Président, et je remercie mon collègue le député de Mégantic-Compton, justement j'étais retenu à la réunion des leaders parlementaires pour mettre en marche le processus pour le restant de la session. Je m'excuse, j'aurais aimé participer au débat, on aura d'autres occasions de revenir sur le sujet, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 12 h 21

Document(s) associé(s) à la séance