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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mardi 25 août 1981 - Vol. 25 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des autorités d'Hydro-Québec sur le projet de loi no 16 - Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'énergie et des ressources se réunit pour entendre les autorités d'Hydro-Québec en regard du projet de loi no 16, Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec.

Les membres de la commission sont: M. Bélanqer (Mégantic-Compton), M. Rordeleau (Abitibi-Est), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Dussault (Châteauguay), M. Fortier (Outremont), M. Gréqoire (Frontenac), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M. Rodrique (Vimont) et M. Vallières (Richmond). Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Parizeau (L'Assomption) qui remplace M. Desbiens (Dubuc), M. Hains (Saint-Henri), M. Levesque (Bonaventure), M. Marquis (Matapédia), M. O'Gallagher (Robert Baldwin) et M. Tremblay (Chambly).

M. Fortier: M. le Président, il y aurait une substitution. M. Claude Forget (Saint-Laurent) remplacera M. Bélanger (Mégantic-Compton).

Le Président (M. Boucher): M. Forget (Saint-Laurent) remplace M. Bélanger (Mégantic-Compton).

Y a-t-il un rapporteur? M. Bordeleau (Abitibi-Est).

M. le ministre, avez-vous des commentaires préliminaires?

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord saluer mes collègues, membres de cette commission parlementaire, et saluer également les dirigeants d'Hydro-Québec. Je voudrais proposer, M. le Président, suivant le mandat qui a été dévolu à cette commission permanente de l'énergie et des ressources - à tout seigneur tout honneur, nous sommes ici pour entendre le point de vue d'Hydro-Québec sur le projet de loi no 16 - que nous entendions d'abord Hydro-Québec. Je pourrai, ensuite, si vous étiez d'accord, faire une brève intervention, laisser ensuite nos collègues de l'Opposition faire une intervention et ensuite, comme nous le faisons dans ce genre de commission, M. le Président, vous pourrez attribuer les droits de parole et d'intervention au fur et à mesure qu'ils vous seront demandés. Cela va?

Le Président (M. Boucher): Cela va. Je cède immédiatement la parole au représentant d'Hydro-Québec, M. Bourbeau.

Exposé du président du conseil d'administration

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission permanente de l'énerqie et des ressources, permettez-moi d'abord de remercier le gouvernement d'avoir convoqué cette commission parlementaire. Hydro-Québec apprécie l'occasion qui lui est ainsi fournie de se faire entendre sur le projet de loi no 16.

Ce projet de loi, déposé en première lecture à l'Assemblée nationale le 12 juin dernier traduit, par des amendements à la Loi d'Hydro-Québec, certaines des mesures annoncées dans le discours du budget. Il entraîne une modification substantielle non seulement de la structure financière de la société d'État, mais aussi de sa mission au sein de la société québécoise. De telles mesures commandent une réponse précise.

Mon propos sera double. Je rappellerai d'abord brièvement les aspects pertinents du discours du budget. Je souliqnerai ensuite les mesures mises de l'avant par le projet de loi et vous livrerai les conclusions des administrateurs d'Hydro-Québec quant aux répercussions qu'elles auront sur la situation financière de l'entreprise.

Pour nous, l'élément clef du discours du budget, c'est l'instauration d'une politique de transferts de fonds d'Hydro-Québec au gouvernement.

Le discours du budget souligne d'abord que "pendant les quatre à cinq années qui viennent, Hydro-Québec n'investira plus guère en dollars que ce qu'elle investit aujourd'hui. "

Retenant ensuite l'hypothèse que les hausses de tarifs de l'électricité refléteront le rythme de l'inflation dans les années à venir, le ministre des Finances ajoute: "Dans quelques années, Hydro-Québec autofinancera 60. pour cent de ses investissements. " Dans cette perspective, le gouvernement estime qu'il devrait récupérer le surplus financier excédentaire de l'entreprise par un transfert d'une partie des

revenus nets de cette dernière au trésor public.

(10 h 15)

Le discours du budget prévoit toutefois que le montant des transferts de fonds ne doit pas dépasser certaines limites, afin de tenir compte "des assurances qu'Hydro-Québec doit fournir à ses créanciers. " À cette fin, le montant des transferts doit respecter deux exigences: "en premier lieu, les réserves constituées devront, en tout temps, représenter au minimum le quart de la somme des réserves et de la dette à long terme. En second lieu, les bénéfices d'exploitation, moins la redevance, devront représenter au moins l'équivalent des intérêts à payer sur la dette". Le ministre des Finances ajoute que "ces garanties pourraient être rehaussées si jamais un accroissement substantiel des investissements d'Hydro-Québec entraînait des niveaux d'emprunts qui exigeraient de procéder ainsi.

En ce qui a trait à la tarification, le discours du budget est aussi très explicite. Il ne convient plus, en effet, de réduire, voire de stabiliser le prix de l'électricité. Rien au contraire. L'évolution de la conjoncture énergétique incite plutôt à utiliser le prix de l'électricité comme un moyen pour gérer la demande et stimuler les économies d'énergie. L'interrogation suivante, tirée du discours du budget, est révélatrice à cet égard. Je cite "... comment va-t-on persuader les citoyens qu'il faut économiser l'énergie si, pour ce qui a trait à l'électricité, c'est le seul prix qui baisse ou, en tout cas, n'augmente pas?

En conséquence, le gouvernement souhaite qu'Hydro-Québec lui propose désormais des hausses de tarifs qui tiennent compte de l'évolution des prix des autres formes d'énergie. Il s'agit là d'un changement majeur aux règles qui ont présidé à l'établissement des tarifs de la société jusqu'à maintenant.

Enfin, deux mesures de portée plus générale, également contenues dans le discours du budget, auront des effets significatifs sur la situation financière d'Hydro-Québec.

Il s'agit en premier lieu de l'assujettissement de "toutes les sociétés publiques à caractère industriel et commercial, " donc d'Hydro-Québec, à la taxe sur le capital dont le taux a, par ailleurs, été porté de 0, 3% à 0, 45% par le ministre des Finances. La deuxième mesure a trait à l'augmentation des contributions des employeurs au financement des programmes de santé.

Voilà donc, à grands traits les changements annoncés dans le discours du budget. Le projet de loi no 16 en précise les modalités et l'application en proposant une série de modifications à la Loi sur l'Hydro-Québec.

Le conseil d'administration de la société a étudié avec soin toutes les répercussions de ce projet de loi. Je voudrais maintenant vous faire part par des réflexions qu'il nous a inspirées.

Les amendements apportés aux articles 22 et 22. 1 de la Loi sur l'Hydro-Québec sont importants. Ils modifient le mandat même de la société d'État.

L'article 22 définit ainsi ce nouveau mandat: "La société a pour objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles et commerciales et aux citoyens du Québec. "Les taux et les conditions auxquelles l'énergie est fournie doivent être compatibles avec une saine administration financière. "

Hydro-Québec se voit donc soustraite de son obligation actuelle de fixer les prix de l'électricité "aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière. " Et le tarif applicable à chaque catégorie d'abonnés "n'a plus à refléter" le coût réel du service fourni à cette catégorie. "

Ces nouvelles dispositions tarifaires sous-jacentes à l'amendement de l'article 22 confèrent à Hydro-Québec une plus qrande souplesse dans l'établissement de ses tarifs. Le conseil d'administration pourra soumettre au gouvernement des tarifs réglementaires et contractuels suffisamment élevés pour assurer, conformément aux objectifs de la politique énerqétique québécoise, un équilibre dans la demande des diverses formes d'énergie.

Le conseil d'administration croit que l'utilisation de la tarification comme moyen de gérer la demande et de stimuler les économies d'énerqie exiqeait de tels amendements à la Loi sur l'Hydro-Québec. Il partage le souci du gouvernement de veiller à maintenir l'équilibre entre les prix des diverses formes d'énergie qui composent le bilan énergétique du Québec.

Cette marge de manoeuvre accrue que le projet de loi donne à Hydro-Québec dans l'établissement de ses tarifs n'est toutefois pas sans limite. D'une part, en effet, l'écart entre les tarifs d'électricité appliqués dans le secteur industriel au Québec et ceux en vigueur dans les autres provinces ne doit pas défavoriser l'industrie québécoise. D'autre part, les hausses de tarifs imposées aux abonnés domestiques ne devront pas être élevées au point de les inciter à recourir massivement à des formes d'énerqie que le Québec doit importer. Elles ne devront pas non plus constituer un fardeau inacceptable pour cette catégorie d'abonnés.

Pour sa part, l'ajout à l'article 22. 1 permet désormais à Hydro-Québec de "mettre en oeuvre des programmes d'économie d'énergie" et d'accorder à cette fin "une aide technique ou financière. "

D'emblée, le conseil d'administration

reconnaît qu'il est impérieux d'instaurer de tels programmes. En raison de ses expériences passées, Hydro-Québec est particulièrement apte à jouer un rôle de première importance tant au plan de l'assistance technique nécessaire à la réalisation des programmes d'énergie qu'à celui de leur administration.

Toutefois, les administrateurs d'Hydro-Québec attirent l'attention des membres de cette commission sur certaines conséquences inhérentes aux modalités d'aide financière qu'Hydro-Québec serait appelée à fournir aux consommateurs dans le cadre de ces programmes. Cette aide pourrait atteindre plusieurs centaines de millions de dollars. Ainsi, Hydro-Québec deviendrait l'une des plus importantes sociétés de prêt au Canada; elle ferait donc face aux mêmes types de problèmes d'ordre administratif et financier que ces entreprises rencontrent: problèmes d'établissement et de garantie de la solvabilité des emprunteurs, délais de paiement et difficultés de recouvrement.

Afin d'appliquer ces programmes dans un contexte de saine administration tout en protégeant la santé financière de l'entreprise, il nous apparaît nécessaire qu'à l'instar des prêts consentis aux agriculteurs et aux étudiants, l'aide financière accordée par Hydro-Québec pour des fins d'économie d'énergie soit également assortie d'une garantie gouvernementale.

Outre les nouvelles dispositions tarifaires et les effets des programmes d'économie d'énerqie, deux autres aspects du projet de loi no 16 ont été étudiés par le conseil d'administration d'Hydro-Québec: la taxe sur le capital et le mécanisme de déclaration des dividendes, ainsi que leurs répercussions sur la santé financière de l'entreprise.

Pour Hydro-Québec, l'assujettissement à la taxe sur le capital entraînera des coûts additionnels de l'ordre de 540 000 000 $ pour la période 1981 à 1985. Il est à souligner que les montants versés au titre de cette taxe s'accroissent rapidement d'année en année. De fait, ils passeront de quelque 43 000 000 $ en 1981 à 147 000 000 $ en 1985. Quant aux déboursés additionnels liés au financement des programmes de santé, ils sont de l'ordre de 50 000 000 $ pour la période de 1981 à 1985.

Je voudrais maintenant analyser avec vous un peu plus longuement le mécanisme de déclaration des dividendes et évaluer l'effet des transferts de fonds prévus par le projet de loi sur la situation financière de l'entreprise.

Le projet de loi précise comment sera effectué le versement au trésor public d'une partie des revenus nets d'exploitation de la société. Il s'agit d'un dividende annuel, payable par anticipation.

Le dividende est déclaré une fois par année, d'après les chiffres contenus aux états financiers de l'entreprise. Le jugement qui sera porté sur le montant de dividende s'appuiera donc sur des données réelles et fiables et non sur des projections ou des approximations de revenus.

Le surplus susceptible de distribution que le projet de loi détermine représente les trois quarts de celui qui était annoncé dans le discours du budget. Cette réduction du maximum nous apparaît nettement plus souhaitable. Même après ce changement, les dividendes versés par Hydro-Québec au trésor public n'en demeureront pas moins très importants au cours des années où une stabilisation des investissements a été prévue.

Selon le projet de loi, le dividende est déclaré par le gouvernement et il revient au Conseil des ministres de décider ultimement du montant des dividendes qu'Hydro-Québec doit verser au trésor public chaque année.

Cette façon de procéder s'explique par le fait que le gouvernement est déjà l'agent des décisions les plus importantes qui touchent Hydro-Québec. De plus, la déclaration du dividende exprimera d'année en année le jugement du gouvernement sur ses propres besoins financiers, sur le rythme de développement de l'entreprise, sur le rôle qu'elle sera appelée à jouer dans le cadre de la politique énergétique québécoise ainsi que sur ses propres besoins financiers. Ce sont là des considérations diversifiées, et parfois même opposées, où diverses facettes de la notion d'intérêt public doivent être conciliées.

Le conseil d'administration croit cependant que l'évaluation des besoins financiers d'Hydro-Québec fait partie intégrante de son rôle d'administrateur de l'entreprise.

En conséquence, il propose que le projet de loi soit modifié afin d'accorder à Hydro-Québec le pouvoir de transmettre au gouvernement une proposition de dividende annuel, en même temps que les données financières qui fixent le surplus susceptible de distribution.

L'article 15. 1 du projet de loi, modifié à cette fin, pourrait se lire de la façon suivante: "Les dividendes à être versés Dar la société sont déclarés une fois l'an par le gouvernement dans les trente jours suivant la transmission par la société au gouvernement des renseignements financiers relatifs au surplus susceptible de distribution" - et voici ce qu'on y ajouterait - "... accompagnés d'une recommandation du conseil d'administration quant au montant des dividendes à déclarer. "

Selon les hypothèses économiques actuelles de l'entreprise, les prévisions financières d'Hydro-Québec pour les années 1981 à 1985 indiquent des investissements totaux de plus de 16 000 000 000 $ et un

niveau annuel d'investissement relativement constant. Dans la même période, les emprunts venus à échéance atteindront près de 4 000 000 000 $. Hydro-Québec devra donc trouver pour ces cinq années des ressources financières de l'ordre de 20 000 000 000$ dont quelque 6 000 000 000 $ proviendront de sources de financement internes et 14 000 000 000 $ d'emprunts. Selon ces mêmes hypothèses, le niveau annuel moyen des emprunts serait de quelque 3 000 000 000 $ les dividendes payables pour la période 1981-1985 pourraient donc s'élever à plus de 1 500 000 000 $. (1O h 30)

Les composantes de ce scénario risquent cependant d'être perturbées considérablement par suite de l'évolution récente des facteurs économiques et financiers. Le financement des projets d'Hydro-Québec, annoncés lors de la commission parlementaire de l'énergie et des ressources en février dernier, sera plus difficile à réaliser que prévu: des besoins d'emprunts plus élevés en raison des transferts de fonds liés aux nouvelles taxes et au versement de dividendes, l'inflation, l'accroissement des taux d'intérêt, l'affaissement de la valeur du dollar canadien, la prise en main par Hydro-Québec de nouveaux programmes - installations électriques du Nouveau-Québec et Programme d'efficacité énergétique - voilà une conjonction de facteurs qui nous invite à une certaine prudence.

Nous croyons donc qu'il sera peut-être nécessaire, à moins d'un revirement marquant de la conjoncture économique, de recourir à la marge de manoeuvre prévue au projet de loi. Ainsi, un dividende équivalant aux deux tiers du surplus susceptible de distribution diminuerait les besoins d'emprunts d'Hydro-Québec d'environ 500 000 000 $ pour la période de 1981-1985. Ce dividende équivaudrait à 50% et non pas à 75% du montant maximal du surplus susceptible de distribution. Un dividende d'un tiers du surplus susceptible de distribution diminuerait ses besoins d'emprunts de 1 000 000 000 $ et ceci équivaudrait à un dividende égal à 25% du montant maximal du surplus susceptible de distribution, un dividende nul, évidemment, diminuerait nos emprunts de près de 1 500 000 000 $.

L'apport de financement interne pourrait, le cas échéant, devenir la pierre anqulaire de la réalisation des projets d'Hydro-Québec.

Les administrateurs d'Hydro-Québec pourraient donc recommander au gouvernement - la loi leur reconnaissant cette prérogative - de fixer le dividende à 50% ou 25% du niveau prévu au discours du budget ou de ne pas en déclarer une année en particulier.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de rappeler que le conseil d'administration d'Hydro-Québec attache une grande importance aux deux aspects suivants du projet de loi no 16.

Premièrement, - et nous venons d'en parler - il nous semble que le projet de loi devrait reconnaître explicitement au conseil d'administration d'Hydro-Québec le pouvoir de soumettre au gouvernement une proposition de dividende annuel en même temps que les données financières qui fixent le surplus susceptible de distribution.

En second lieu, il nous apparaît tout aussi important que les parlementaires étudient avec soin la possibilité d'assortir d'une garantie gouvernementale les prêts qu'Hydro-Québec sera appelée à consentir aux consommateurs dans le cadre des programmes d'économie d'énergie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bourbeau. M. le ministre.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais remercier M. Bourbeau de la présentation du mémoire d'Hydro-Québec sur le projet de loi no 16.

Il m'apparaîtrait cependant important, M. le Président, de rappeler dans quel cadre se situent nos travaux aujourd'hui puisque, en quelque sorte, ils constituent une étape et qu'il s'agit essentiellement aujourd'hui d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec sur ce projet de loi, mais je pense qu'il est peut-être important de rappeler, pour ceux qui auront à nous lire et qui nous écoutent également, que la commission, aujourd'hui, n'est pas réunie pour étudier une proposition tarifaire, que cette commission se réunira à nouveau suivant les avis qui ont été donnés par le leader du gouvernement les 29 et 30 septembre qui vient pour étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec.

En second lieu, cette commission permanente de l'énergie et des ressources se réunira de nouveau au cours présumément du mois de novembre lorsque, après le débat de deuxième lecture sur ce projet de loi, nous serons rappelés pour étudier ce même projet de loi article par article.

C'est pourquoi, M. le Président, nos interventions, du moins les miennes, se relieront de façon explicite au point de vue que nous venons d'entendre de la part d'Hydro-Québec. En prenant connaissance de ce document - M. Bourbeau le soulignait - je voudrais essentiellement référer à la page 3 du mémoire d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la tarification où il est dit: "II s'agit là d'un changement majeur aux règles qui ont présidé à l'établissement des tarifs de la société jusqu'à maintenant. "

Je voudrais aussi, pour la bonne

compréhension, référer à la page 5. Il y a là un paragraphe qu'il serait peut-être important de rappeler: "Le conseil d'administration croit que l'utilisation de la tarification, comme moyen de gérer la demande et de stimuler les économies d'électricité, exigeait de tels amendements à la Loi sur l'Hydro-Québec. Il partage le souci du gouvernement de veiller à maintenir l'équilibre entre les prix des diverses formes d'énergie qui composent le bilan énergétique du Québec. "

C'est, certes là un changement majeur qui est, à juste titre, souligné par HydroQuébec. Je voudrais rappeler à la commission dans quel contexte nous travaillons aujourd'hui. C'est en juin 1978, lors de la publication du livre blanc, que les objectifs d'une politique énergétique ont été établis. Ces objectifs portent essentiellement sur les développements d'économie d'énergie, sur la pénétration de l'électricité, donc conversion vers l'électricité, la pénétration du gaz naturel et des énergies nouvelles aux dépens du pétrole. Plus que jamais, la poursuite de ces objectifs nous apparaît indiquée.

Le rôle des prix de l'énergie est fondamental dans la réalisation des objectifs de cette politique. L'Association internationale de l'énergie le rappelle à peu près dans toutes ses publications: les prix de l'énergie constituent la pierre d'assise de toute politique énergétique efficace.

Je dois dire aussi que, jusqu'à présent -on pourra facilement tomber d'accord là-dessus - la détermination du prix de l'électricité a été faite principalement en fonction de critères de coûts de production, par exemple, de critères financiers et de critères d'équité, en ce qui concerne les clientèles, les consommateurs.

Bien sûr que ces critères demeurent importants dans la détermination des prix, mais le nouveau contexte énergétique, qui est la réalisation de nos objectifs énergétiques, nous amène aujourd'hui à privilégier le respect de certains critères énergétiques dans la détermination des tarifs d'électricité. Ces critères sont reliés directement au réaménagement du bilan énergétique du Québec et à la rationalisation de la consommation. Pour l'avenir, le prix de l'électricité doit être fixé de façon à permettre, à court terme, d'utiliser les disponibilités d'électricité au maximum, sans nuire à l'expansion prévue des réseaux qaziers et, à long terme, d'assurer la réalisation des objectifs de pénétration du qaz, de l'électricité et des énergies nouvelles, tout en permettant un développement adéquat de l'offre de ces formes d'énergie.

La gestion efficace de la demande d'énergie et la réalisation d'économie d'énergie importante doivent aussi être prises en considération. Par exemple, au 1er mai 1981, pour avoir une référence utile, pour la région de Montréal, par million de BTU utiles, si on dit que le prix du mazout était à l'indice 100, le prix de l'électricité était à l'indice 91 et le prix du gaz naturel était à 74. Donc, dans l'établissement du prix de l'hydroélectricité nous devrons tenir compte des autres formes d'énergie, de la concurrence, des économies d'énergie en termes de programmes et de la conservation de l'énergie. Je pense pouvoir vous dire, là-dessus M. le Président, que le point de vue d'Hvdro-Québec répond parfaitement bien aux objectifs précisés dans le livre blanc publié en 1978. Ce réaménagement du bilan énergétigue et cette rationalisation de la consommation exigeront donc que l'on tienne compte du prix des formes d'énernie concurrentielles dans la détermination de nos prix. De plus, dans le secteur industriel, en particulier, la détermination des tarifs doit prendre en considération les niveaux de prix qui prévalent chez nos principaux concurrents et, en particulier, l'Ontario.

Comme on le sait, les principales formes d'énergie avec lesquelles l'électricité est en concurrence pour bien des usages ont connu depuis quelques années des hausses de prix fort importantes, en particulier, le mazout. Il est également prévu que le prix de ces formes augmentera substantiellement en termes réels au cours des prochaines années. Devant de telles perspectives, les hausses du prix de l'électricité auxquelles on devrait s'attendre engendreront des revenus nets supérieurs aux exigences financières traditionnelles. C'est ainsi, par exemple, qu'avec les hausses modérées prévues lors de la commission parlementaire de février dernier l'autofinancement aurait pu atteindre plus ou moins 60% des investissements requis pour certaines années. Afin de maintenir un niveau d'autofinancement à peu près normal, c'est-à-dire autour de 25%, c'est ce mécanisme de dividendes introduit par le projet de loi no 16 qui a été retenu par le gouvernement qui agit, bien sûr, au nom de la population en sa qualité d'actionnaire.

M. le Président, je voudrais essentiellement, arrêter ici des remarques bien préliminaires sur un des aspects du mémoire que nous venons d'entendre d'Hydro-Québec sur la tarification et me réserver un droit de parole sur d'autres aspects, parce qu'on aura sûrement l'occasion de discuter des autres points et, en particulier, des conclusions du mémoire au cours des débats de cette commission dans le courant de la journée et demain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier M. Fortier: M. le Président, c'est avec

plaisir que je souhaite la bienvenue à Hydro-Québec au nom de l'Opposition. C'est la deuxième fois cette année que la commission parlementaire de l'énergie et des ressources se réunit. Vous vous rappellerez sans doute que nous nous sommes réunis au mois de février, ou mars dernier alors que nous avions entendu Hydro-Québec faire état et nous décrire l'importance du plan décennal qu'elle voulait réaliser durant la période 1980-1990. Nous avions également entendu à ce moment plusieurs mouvements socio-économiques nous parler du programme d'équipement d'Hydro-Québec ainsi que du fait que, d'après eux, nous avions grandement besoin d'établir notre politique énergétique à long terme.

À ce sujet, il y a eu un consensus assez extraordinaire, à savoir qu'un débat public s'imposait puisque la politique énergétique du gouvernement, à long terme, n'existe pas. Bien sûr, il y a eu un énoncé de politique en 1978 qui, à ma connaissance, n'a jamais été approuvé par le gouvernement et qui, d'autre part, s'arrête comme par magie vers 1990. Devant cet état de fait, tous les mouvements socio-économiques, ainsi que les syndicats qui en faisaient partie, avaient réclamé ce débat public pour qu'on puisse ensemble, collégialement, tenter de définir notre avenir énergétique au Québec, (10 h 45)

À ce moment, également, lors de la présentation d'Hydro-Québec, nous avons eu des discussions sur le mode de financement du programme décennal. J'aimerais citer ici quelques lignes à la page B/2382 alors que M. Georges Lafond, alors trésorier d'Hydro-Québec, faisait état des difficultés a venir du financement de ce programme et concluait comme ceci: "En conclusion, M. le Président, le trésorier d'Hydro-Québec, avec son équipe de la vice-présidence aux finances ont confiance en l'avenir, mais à l'intérieur de certaines balises et en laissant ce soir le message suivant: compte tenu des besoins élevés d'emprunt, compte tenu des pressions prévisibles, compte tenu des incertitudes, Hydro-Québec aura besoin de toutes les liquidités produites par ses opérations; elle aura besoin de réduire le plus possible sa dépendance des marchés externes et, plus que jamais, la capacité d'Hydro-Québec de se financer sera fonction de sa rentabilité. " Je m'aperçois qu'aujourd'hui même Hydro-Québec nous fait le même message, M. le Président. Le président du conseil nous dit, à la page 9; "L'apport de financement interne pourrait, le cas échéant, devenir la pierre angulaire de la réalisation des projets d'Hydro-Québec. "

Où se trouve-t-on maintenant, après six mois? Nous n'avons toujours pas de politique énergétique à long terme. Le débat public promis par le ministre Bérubé et que l'Opposition avait demandé instamment n'est pas prêt d'être engagé. Il semblerait que le gouvernement refuse le dislogue à ce sujet. De plus, le gouvernement, par l'entremise de la Caisse de dépôt et de SOQUIP, a pris le contrôle de deux sociétés de distribution du gaz. Mais on attend toujours du ministre de l'Énerqie des éléments, des rudiments de politique. Il a dit, bien sûr, qu'il était en faveur de l'expansion de la consommation électrique; il a dit également qu'il était en faveur de la consommation du gaz. Aussi bien dire qu'il est en faveur de la maternité. Mais ce qu'on veut savoir, c'est comment les priorités qui pourraient être conflictuelles à l'occasion pourront être résolues. Le gouvernement entend-il, dans les prochaines années, privilégier le gaz aux dépens de l'électricité ou fera-t-il en sorte que les surplus d'électricité que nous avons dans le moment seront réellement utilisés?

Bien sur, le ministre a fait état à ce moment-là de mécanismes comme la disparition de la taxe de vente sur le gaz et l'auqmentation subite des tarifs d'électricité. Mais le ministre ne nous dit pas quand la taxe de vente sur le gaz disparaîtra. Il ne nous dit pas s'il favorise le gaz importé aux dépens de l'électricité d'ici. Il ne nous dit pas quelle différence il favorisera entre le gaz et l'électricité. Six mois après la commission parlementaire, le gouvernement n'a pas encore approuvé, à ma connaissance, le programme d'investissement d'Hydro-Québec de 55 000 000 000 $ qui est estimé maintenant, d'après les journaux, à 68 000 000 000 $. Enfin, on ne sait à peu près rien des intentions du gouvernement si ce n'est qu'il veut augmenter les tarifs d'Hydro-Québec pour garnir ses coffres.

Devant ce vacuum politique dans le domaine énergétique, nous nous retrouvons en commission parlementaire pour étudier le projet de loi no 16 sans programme d'équipement approuvé, sans politique énergétique à long terme et sans politique de coordination du gaz et de l'électricité. Ce que nous voulons analyser aujourd'hui et demain, c'est l'impact du projet de loi no 16 sur l'avenir d'Hydro-Québec. Nous avons de nombreuses questions à poser au président du conseil, au président-directeur général et aux autres cadres d'Hydro-Québec sur l'impact qu'aura cette loi. Elle aura, bien sûr, des impacts sur ses finances - on l'a dit, M. le président du conseil l'a dit tout à l'heure -sur sa capacité d'emprunt qui sera mise à dure épreuve si on en croit les déclarations de M. Lafond au mois de février, sur l'impact probable qu'auront ces problèmes de finance et d'emprunt sur sa capacité de réaliser son programme d'équipement.

De plus, ce projet de loi aura un impact certain sur son autonomie administrative et de gestion puisque la loi le dit très bien: Le gouvernement seul aura toutes les données pour planifier les finances

d'Hydro-Québec puisque lui seul déterminera les dividendes. On peut se demander d'ailleurs, M. le Président, si la mise en tutelle d'Hydro-Québec n'était pas planifiée dès 1976. Depuis cette date, le gouvernement a pris une série de mesures qui, ajoutées les unes aux autres, atteignent exactement cet objectif. Le projet de loi no 16 vient couronner les différents modes d'intervention qu'a imaginés le gouvernement du Parti québécois pour s'assurer du contrôle d'Hydro-Québec.

Lors du débat sur la modification de la Loi d'Hydro-Québec en 1978, c'est-à-dire lors de la création de la structure administrative créant le conseil d'administration, le député de Gatineau, M. Gratton, du Parti libéral, avait dit: "Le fait demeure qu'il me semble que, si l'Hydro-Québec a atteint le statut qu'elle a atteint dans le passé, si la cote qu'elle reçoit partout, non seulement dans le domaine financier, mais à tous les points de vue, est aussi élevée, c'est, je pense, en grande partie dû à son autonomie dans le passé vis-à-vis du gouvernement. " Je citais les Débats de l'Assemblée nationale du 7 juin 1978.

M. Joron avait dit à ce moment-là: "Je comprends parfaitement le souci du député de Gatineau. Effectivement, ou bien l'entreprise est un service public qui s'administre de façon autonome, ou bien c'est un ministère administré directement par le pouvoir politique. Ce n'est évidemment pas ce qu'on désire. Je pense que l'autonomie de l'entreprise, dans sa possibilité de gérer ses affaires de façon autonome, sans immixtion du pouvoir politique, est aussi garantie dans le projet de loi actuel qu'elle l'était dans l'ancienne loi. "

M. le Président, on se pose des questions à savoir dans quelle mesure les intentions n'ont pas dévié depuis cette date du 7 juin 1978.

En plus, bien sûr, on a divisé des tâches entre un président du conseil et un président-directeur général qui avait des responsabilités et plusieurs se sont demandé si la doctrine du gouvernement n'était pas de diviser pour régner. On a créé la Société d'énergie de la Baie James, d'une façon permanente, en société distincte de l'Hydro-Québec, qui ne relevait pas du président-directeur général de l'Hydro-Québec, faisant en sorte qu'on se retrouve avec deux structures distinctes, chacune avec ses propres cadres et ses propres employés. Cette situation comporte des problèmes nombreux qu'une telle solution présuppose.

Il y a eu, de plus, la décision gouvernementale d'enlever à Hydro-Québec toute autorité dans la négociation de la tarification grande puissance pour les nouvelles entreprises devant s'établir au Québec. Cette décision fait en sorte que les diminutions de tarifs accordées à certaines sociétés, par exemple Reynolds, sont négociées entièrement par le gouvernement alors que c'est Hydro-Québec qui doit en payer le prix par une baisse de tarifs qui pénalise ses recettes. Drôle de façon de favoriser l'autonomie de gestion d'Hydro-Québec.

Et finalement, avec la loi 16, on enlève à Hydro-Québec tout moyen de planifier son avenir financier et son avenir énergétique. C'est une oeuvre de déstabilisation, M. le Président, qui pourra avoir des répercussions importantes dans l'avenir. Pas surprenant qu'il y ait des rumeurs de démission devant une telle conjoncture. Quand le gouvernement comprendra-t-il le rôle joué par Hydro-Québec comme élément moteur de notre économie? Quand posera-t-il enfin un geste qui favorisera l'épanouissement d'Hydro-Québec? Quand aurons-nous enfin, M. le Président, une Hydro-Québec confiante en son avenir, connaissant d'avance les politiques gouvernementales, capable de planifier son avenir et motivée pour relever de nouveaux défis?

Qu'on se rappelle dans quelle mesure Hydro-Québec a été un moteur dans notre économie; alors que les investissements de 1963 à 1974 n'étaient que de 8% à 9% de tous les investissements du Québec, ceux-ci ont monté à 12% en 197S-1976, à 17% en 1977 et à 22, 6% en 1978 et 1979. Heureusement que ces grands projets furent lancés dans les années soixante-dix.

À ce moment-là, j'ai de la difficulté à comprendre M. le ministre Duhaime qui, lors d'une interview à Hydro-Presse, le journal de l'Hydro-Québec, disait: "Les Québécois ont de la chance d'être les propriétaires d'une des plus grandes entreprises de l'Amérique et des ressources naturelles que nous envie la majeure partie des grands pays. Il n'est que temps qu'ils en profitent. " C'était à la mi-juin 1981.

M. le ministre, vous devriez bien savoir que ça fait longtemps que les Québécois bénéficient d'Hydro-Québec.

M. le Président, c'est une question importante; est-ce que la loi no 16 pourra handicaper Hydro-Québec au point de lui faire perdre sa capacité de jouer le rôle moteur qu'elle a joué dans l'économie ces dernières années? En effet, il est fort à craindre que cette loi, ajoutée aux autres mesures de mise en tutelle, pourrait bien diminuer ce rôle considérablement. Mais si ce projet de loi peut être néfaste pour notre économie, pourquoi est-il devant nous? La réponse, bien sûr, est connue, le gouvernement manque d'arqent, n'a pas su planifier ses besoins financiers et cherche à tout prix à s'approprier la poule aux oeufs d'or.

Il n'est pas besoin d'être grand connaisseur et grand clerc pour s'apercevoir que les millions et les milliards transférés au

gouvernement seront presque en totalité des millions et des milliards qu'Hydro-Québec aura à emprunter pour les refiler au gouvernement. Il faudra bien sûr, et j'en suis confiant, qu'Hydro-Québec nous dise les dangers d'une telle politique et l'impact négatif qu'aura cette politique sur sa capacité d'emprunt, sa capacité de réaliser son programme d'équipement et ainsi sa capacité de jouer sa mission en tant que créateur d'emploi.

M. le Président, le Parti libéral du Québec est contre la mise en tutelle d'Hydro-Québec puisque cela affectera grandement le développement économique de notre province. De plus, nous sommes contre une augmentation artificielle des tarifs d'Hydro-Québec pour la seule fin de payer des dividendes à l'État et d'aider à payer ainsi ses déficits courants.

Quant à nous, nous ne serons nullement dupes d'une pseudo-politique énergétique qui favoriserait des hausses de tarifs accélérées.

Par ailleurs, nous sommes bien conscients qu'il faut donner à Hydro-Québec les moyens financiers qui lui sont nécessaires pour jouer son rôle de bâtisseur et de créateur d'emplois, malgré la conjoncture internationale.

Il est fort à craindre, M. le Président, qu'une augmentation non justifiée des tarifs d'électricité détourne une trop grande partie de la population vers des formes d'énergie qui ne sont pas d'ici. Nous ne voyons aucun intérêt à mettre en danger l'économie du Québec pour compenser les déficits du gouvernement.

Hydro-Québec a favorisé le développement de nos ressources humaines et de notre technologie jusqu'à maintenant, il faut qu'elle continue qu'il en soit ainsi. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une question de procédure peut-être à ce moment-ci. Je précède peut-être le ministre des Finances, mais, comme il ne s'agit pas de l'étude d'un projet de loi, il n'est donc pas question comme tel de passer notre temps à l'étude article par article du projet.

Par contre, je crois que tous ceux qui participent aux travaux de cette commission sont intéressés à poser des questions non pas seulement à M. Bourbeau, mais également aux nombreux cadres et experts d'Hydro-Québec qui l'accompagnent. Il y a un problème de partage du temps certainement. J'aimerais savoir si vous avez des idées quant à la façon dont on devrait organiser notre travail et des indications. Je pense que la commission siège toute la journée aujourd'hui et demain, si je comprends bien, selon les heures prévues dans le règlement. Comment devons-nous organiser nos travaux?

Le Président (M. Boucher): Je pense que la commission est maîtresse de ses travaux. J'accepterais toute suggestion venant des membres concernant la répartition du temps alloué à chacun des intervenants dans le débat. Y a-t-il des propositions concrètes, M. le député de Saint-Laurent ou d'autres participants? M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je pense qu'il pourrait être utile, M. le Président, dans un premier temps, dans une première ronde, à la fois du côté du ministériel, du côté de l'Opposition officielle et du côté d'Hydro, si on a un certain nombre de choses à ajouter, comme introduction au débat, qu'on le fasse et qu'après cela on entre alors dans une période de discussion avec Hydro sur le mémoire qu'elle nous a présenté. Si cela convient au député de Saint-Laurent, cela me paraîtrait la chose la plus simple à faire. Je sais que, de notre côté, j'ai une intervention à faire qui me semble liée à la présentation d'Hydro ce matin. Il est possible qu'elle veuille revenir pour éclaircir certaines choses ou y ajouter. Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent ou si quelqu'un du côté de l'Opposition officielle voudrait aussi faire une déclaration. Après cela, on pourrait entrer dans une discussion un peu plus serrée avec Hydro-Québec.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Pour en revenir à la position du député de l'Assomption, il y aurait une certaine alternance. Il faut quand même préserver l'alternance au point de vue du temps.

M. Parizeau: Oui, oui, oui, bien sûr.

Le Président (M. Boucher): Dans un premier temps, ce serait une oériode d'exposés et, dans un deuxième temps, des questions et la discussion comme telle.

M. Forget: II s'agit d'y aller assez informellement. Si des problèmes se présentent, on pourra les soulever en temps et lieu.

Le Président (M. Boucher): Parfait, M. le député de Saint-Laurent. M. le député de L'Assomption, M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais simplement faire une brève intervention pour remettre en perspective les

deux questions peut-être les plus spectaculaires soulevées par le mémoire d'Hydro-Québec, c'est-à-dire l'assujet- tissement d'Hydro-Québec à ce qui est clairement une politique de taxation et, d'autre part, une politique de dividendes. Il faut mettre cela en perspective, parce que je pense qu'il faut saisir que, de plus en plus clairement, depuis quelques années, le gouvernement cherche à faire en sorte que les sociétés d'État soient jugées à la même aune, si je peux m'exprimer ainsi, que les entreprises privées. Cela a des conséquences très nettes sur le plan de la taxation. C'est ainsi, par exemple que, comme le note le président d'Hydro-Québec, comme toutes les sociétés d'État d'ailleurs, celle-ci est assujettie aux contributions d'employeurs pour les programmes de santé. Ce principe existe cependant depuis assez longtemps, ce n'est pas récent. (11 heures)

Deuxièmement, nous avons commencé à assujettir les sociétés d'État à la taxe sur le capital, comme toutes les autres entreprises du Québec. Il est parfaitement normal à cet égard, dans le jugement que l'on porte sur la performance des sociétés d'État dans notre société, pour autant qu'il soit possible, sur le plan de la taxation - pour autant qu'il soit possible, parce qu'il y a toujours des adaptations inévitables - que l'on puisse les jauger à partir des mêmes critères et des mêmes barèmes.

Cela a des conséquences, non seulement sur la taxation, mais sur le paiement de dividendes. Or, cette idée d'un paiement de dividendes par des sociétés d'État a été introduite il y a fort lonqtemps à l'égard d'au moins deux sociétés: la SAQ et Loto-Québec. Dans ces deux cas, comme il s'agit, en un certain sens, de privilèqes fiscaux, le dividende a toujours été établi approximativement à 100% des profits. C'est-à-dire que ces deux sociétés ont comme fonction principale, fondamentale, de fournir de l'argent au gouvernement.

Nous avons étendu ce principe, cette année, forcément en y apportant des adaptations. Par exemple, les sociétés commerciales et industrielles - je ne parle pas d'Hydro-Québec pour le moment - vont être assujetties dorénavant à une politique de dividendes représentant 20% de leurs profits. Je pense qu'il est utile, qu'il est sage et normal, maintenant que la plupart des sociétés d'État - sauf le cas de SIDBEC bien sûr - font des profits, qu'elles aient une politique de dividendes comme n'importe quelle entreprise.

Dans le cas d'Hydro-Québec, on ne peut pas procéder avec quelque chose d'aussi simple que de dire 20% des profits, justement parce que Hydro-Québec étant un emprunteur de premier plan sur les marchés financiers doit, dans la détermination du dividende à payer, satisfaire certaines contraintes qui sont assez bien connues dans le financement des utilités publiques. Il faut, par exemple, une certaine couverture des intérêts à payer. Il faut un certain taux de capitalisation. Il faut, en somme, qu'un certain nombre de conditions soient respectées pour que le financement d'Hydro-Québec puisse se faire correctement.

Une fois ces contraintes respectées, le dividende est déterminant. Il y a une confusion, à mon sens, tout à fait malheureuse sur ce plan, nous en avons eu encore des exemples, ce matin - je ne parle pas ici de l'Opposition officielle, mais de certains documents que j'ai vu passer - il ne s'agit pas de faire en sorte que les trois quarts des profits d'Hydro-Québec soient versés en dividendes. Cela ne tient pas debout. D'ailleurs, cela ne respecterait pas les deux contraintes dont j'ai parlé tout à l'heure. Les montants dont nous parlons pour les années qui viennent sont bien plus modestes que cela. La dernière évaluation faite de la part d'Hydro-Québec de ce que pourrait représenter les dividendes cette année sont de l'ordre de 5% de ses profits. Ce n'est pas 75%. Remarquez que c'est là la dernière version. Je comprends qu'Hydro-Québec étant très intéressée à savoir ce qui l'attend, fait régulièrement des adaptations de sa situation financière pour voir combien le dividende pourrait être cette année. J'imagine qu'on aura encore d'autres évaluations dans le courant de l'année. Donc je ne les tiens pas à la plus récente, j'en ai vu deux autres avant.

Mais imaginons simplement que cette dernière évaluation d'Hydro-Ouébec s'avère bonne, Hydro-Québec contribuerait en dividendes un montant inférieur à ce que rapporte au gouvernement les courses de chevaux. Si c'est cela, ne parlons pas de milliards qu'on s'en va drainer dans les coffres d'Hydro-Québec pour satisfaire les déficits du gouvernement. Ce que nous introduisons, c'est un principe en vertu duquel Hydro-Québec, comme les sociétés d'État et les sociétés privées, paie des taxes et paie un dividende.

Il est clair que le dividende d'Hydro-Québec, tel qu'on peut le voir aujourd'hui, sera dans quelques années très important. On n'en disconvient pas. Ce n'est pas tellement cette année ou l'année prochaine que c'est très important, mais dans quelques années, cela va le devenir. Cela va le devenir pour la raison suivante: ainsi que plusieurs représentants du gouvernement ont eu l'occasion de le dire, on ne peut tout de même pas imaginer, dans un monde où les sources d'énergie coûtent de plus en plus cher, qu'on stabilise les tarifs d'électricité ou, à plus forte raison, qu'on les baisse simplement parce qu'Hydro-Québec - j'allais dire - serait "menacée", entre guillemets, de

profits formidables.

Le fait est que si on prend l'auqmentation des tarifs d'électricité au cours des quatre dernières années et qu'à des fins purement théoriques - je n'enqaqe pas un débat sur les tarifs, de toute façon, nous n'avons pas de proposition de tarifs encore d'Hydro-Québec, on va en recevoir une bientôt - on projette cela pendant quatre ans simplement comme cela, un exercice purement mécanique, qu'est-ce que cela donnerait? Cela donnerait qu'Hydro-Québec, dans quelques années, verrait ses profits tripler, dépasser larqement 2 000 000 000 $, atteindre un degré d'autofinancement considérable. Il est tout à fait normal, dans ces conditions, d'envisager l'une ou l'autre des deux possibilités, et j'ai déjà dit que l'une est absurde, soit de dire: Pour éviter une accumulation pareille de profits à Hydro-Québec, stabilisons les tarifs.

Comment croit-on inciter les citoyens à économiser l'énergie si le prix de l'électricité, comme j'avais l'occasion de le dire dans le discours sur le budget, est à peu près le seul prix dans notre société qui n'augmente pas? Tous nos efforts pour isoler les maisons, pour essayer d'économiser de l'énergie vont devenir ridicules. Donc, cette voie nous est fermée. Il ne faut donc pas s'étonner qu'Hydro-Québec, à supposer que mon exercice seulement de projection de tarifs se continue, ayant des profits considérables, paie, bien sûr, un dividende important; on parle de 1984-1985 et là, les montants seront importants. La formule de dividendes est ainsi faite qu'au moment où démarrera une phase très importante d'investissements d'Hydro-Québec en 1985 et en 1990, le poids relatif du dividende tombe. La formule est faite de façon à ne pas retenir autant d'arqent d'Hydro-Québec sous forme de dividendes parce que, vraiment, une grande phase d'investissements commence.

C'est dans ce sens, M. le Président, qu'on doit comprendre, je pense, le débat que nous engageons pour les deux journées qui viennent. Du point de vue du gouvernement, il s'agit de la mise en place d'un système à la fois de taxation et de détermination des dividendes dans un secteur public qui, s'étant sorti dans l'ensemble - il y a des exceptions, SIDBEC dont je parlais tout à l'heure - des problèmes de jeunesse, commençant à fonctionner efficacement, peut à la fois être jugé, analysé et observé comme des entreprises. Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, je crois que je vais limiter mes remarques à ce moment- ci non pas tellement à des commentaires sur le mémoire de M. Bourbeau, mais sur deux éléments qui constituent, je pense, le début de la tentative, du côté gouvernemental, de jeter un écran de fumée sur les travaux de la commission de la part de chacun des ministres qui a pris la parole.

En premier lieu, je trouve assez amusant d'entendre la justification que vient de nous présenter le ministre des Finances pour expliquer ce que l'on veut faire, ce que le gouvernement veut faire par ce projet die loi no 16. M. le Président, il ne s'agit de rien d'autre que d'uniformiser, pour les entreprises publiques ou les sociétés d'État, le régime, les critères et le contexte en vertu duquel on juge la performance des sociétés privées. C'est une vertu que le gouvernement veut cultiver dans une bien curieuse occasion. J'aurais aimé entendre le ministre des Finances avoir les mêmes prétentions lorsqu'il était question de Tricofil. Je n'ai pas gardé le souvenir que la politique industrielle générale du gouvernement du Québec soit d'étendre à toutes les sociétés même privées les avantages qui ont été consentis à Tricofil. Il doit donc bien y avoir des exceptions quelque part. Il s'agit de savoir si les exceptions qu'on fait sont les bonnes.

Il me semble invraisemblable que le ministre des Finances nous dise qu'il s'agit d'uniformiser aux sociétés d'État le sort que les lois font généralement aux sociétés privées alors que dans les lois d'Hydro-Québec telles qu'il les a modifiées, telles qu'elles existaient en partie avant aussi, le gouvernement est celui qui détermine les prix auxquels Hydro-Québec vend l'électricité, puisqu'il approuve de façon définitive les tarifs. Et ce sera encore plus vrai si le projet de loi no 16 est approuvé tel qu'il nous est soumis. Non seulement a-t-il l'intention de continuer à déterminer les prix, mais il veut même se donner le pouvoir de déterminer les dividendes. Je ne pense pas que ce soit là une disposition qu'on retrouve dans la Loi sur les compagnies.

Ce qui est encore plus étonnant, c'est de se faire dire par un gouvernement qui s'intitule social-démocrate qu'il n'y a véritablement aucune raison pour laquelle certaines sociétés sont publiques et d'autres sont privées. C'est un hasard, c'est le fruit d'une coïncidence heureuse ou malheureuse, selon son point de vue, mais il n'y a vraiment aucune raison particulière pour laquelle Hydro-Québec devrait être, en quoi que ce soit, spéciale ou différente des autres sociétés commerciales ou industrielles.

Il semble oublier qu'il y a des raisons bien particulières pour lesquelles Hydro-Québec est Hydro-Québec et pas autre chose et n'est plus - il faudrait peut-être qu'il consulte son chef là-dessus - en partie au moins, la Shawinigan Water and Power. On

nous a dit - et je pense que la plupart des Québécois l'ont cru il y a quelque 18 ans -qu'il y avait des raisons très particulières pour lesquelles Hydro-Québec devait être Hydro-Québec. Il est invraisemblable que le gouvernement actuel l'oublie. Hydro-Québec -tout le monde le sait, je pense qu'il n'est pas nécessaire de s'étendre longuement là-dessus - est dans une situation très spéciale, à la fois sur le plan légal, mais sur le plan, également, du marché, si on veut, sur lequel elle opère. Elle est, dans son domaine, la production de l'électricité pour ce qui est des ventes au grand public, dans une situation que l'on pourrait qualifier de monopole; elle est cependant imbriquée dans tout un contexte énergétique où les politiques gouvernementales sont déterminantes. On ne peut donc pas dire qu'on va s'amuser à juger la performance d'Hydro-Québec de la même façon que l'on juge la performance d'une société privée quelconque, d'une société industrielle qui fabrique des gâteaux ou qui fabrique des bonnets ou quoi que ce soit que l'on veut bien imaginer.

Donc, il y a des raisons pour lesquelles Hydro-Québec a un statut particulier. Il n'est pas du tout dans l'intention du gouvernement de lui enlever ce statut particulier. C'est donc une fumisterie que de nous dire qu'on la soumet à une politique de taxation et de dividende comme toute autre société. Si on choisit de faire telle ou telle mesure qui se rapproche de ce qu'on fait pour d'autres sociétés, c'est qu'on a pris, dans ce cas-là, une décision tout à fait particulière. On a bien pris soin, de toute façon, de ne pas en faire une règle générale puisque, même avec le projet de loi 16, Hydro-Québec demeurera très spéciale et encore plus spéciale demain qu'elle ne l'était hier à bien des égards.

Nous allons poser aux représentants d'Hydro-Québec des questions que soulèvent à l'esprit immédiatement les affirmations qu'ont faites les deux ministres quant aux conséquences financières du projet de loi 16 sur l'autofinancement, ses possibilités sur un horizon de cinq ou dix ans, etc. Je pense que ce n'est pas l'occasion pour moi de faire cet exposé; d'ailleurs ce sont des questions que je veux poser.

Mais j'aimerais également prendre deux ou trois minutes pour examiner ce que le ministre Duhaime nous a dit relativement à la tarification parce qu'il s'agit là aussi d'un autre écran de fumée. Voici que les hausses de tarifs ne sont plus des hausses; c'est de la rationalisation, M. le Président. Malgré tout, ce n'est pas avec des mots qu'on va changer la réalité. On nous annonce que le dernier mot de la sagesse, relativement à Hydro-Québec, relativement à l'électricité, relativement à la politique énergétique, c'est, semble-t-il, de viser le taux d'accroissement des tarifs le plus élevé possible plutôt que les niveaux de tarifs les plus bas possible. (11 h 15)

Voici comment le gouvernement actuel semble définir la sagesse dans le domaine énergétigue: Des tarifs qui seraient tels que présumément l'écart, toujours dans les mots qu'a utilisés le ministre en termes de BTU utiles ou en termes d'équivalents énerqétigues entre le mazout et l'éleccricité, serait le plus étroit possible. Encore probablement un certain écart de façon qu'on puisse dire qu'on a quand même un certain encouragement à l'utilisation de l'électricité, mais un écart qui soit le plus mince possible, ce qui implique des hausses de tarifs très considérables. Je crois qu'il faut mettre de côté, pour un instant, le compliment que s'adresse le gouvernement en appelant cela de la rationalisation parce qu'on peut rationaliser de bien des façons. Pendant bien des années on a rationalisé au Québec en disant qu'il était de l'avantage des contribuables, des utilisateurs de l'énergie de jouir des prix les plus bas possible, pourvu que ce soit cohérent, bien sûr, avec les besoins financiers d'Hydro-Québec et une certaine équité entre différentes catégories d'usagers.

On veut maintenant définir la sagesse et la rationalité d'une autre façon. Ce n'est pas simplement en prononçant le mot qu'on a régqlé le problème, il s'agit d'un écart très substantiel entre les tarifs tels qu'on les a pratiqués jusqu'à maintenant et les tarifs tels qu'on voudrait les pratiquer. Le ministre des Finances nous dit: Si l'on projette vers l'avenir les hausses de tarifs des quatre dernières années, on obtient des résultats financiers surprenants. C'est bien possible, mais n'oublions pas que les hausses de tarifs, depuis quatre ans, se sont faites à un rythme sans précédent dans l'histoire d'Hydro-Québec et du Québec lui-même et que ces hausses étaient justifiées à l'époque par des circonstances et un contexte économique qui étaient particuliers au moment où les décisions furent crises de l'aveu même du gouvernement qui a proposé et adopté ces tarifs à l'époque.

La hausse des coûts d'intérêts, les besoins financiers énormes qu'a impliqués la mise en route du projet de la baie James ont fait que, pendant une certaine période d'années, il est apparu nécessaire de hausser les tarifs. Il n'est pas du tcut évident que, si on laissait les mêmes critères qui ont joué dans le passé jouer à l'avenir, on serait justifiés de projeter pour cinq ans ou dix ans la même hausse de tarifs. C'est donc une comparaison qui est déjà faussée à laquelle se livrent le ministre des Finances et le ministre de l'Énergie et des Ressources; il n'est pas du tout nécessaire de faire cette supposition, mais il est bien évident qu'en utilisant de pareils exemples, M. le Président, le gouvernement veut déjà créer

l'impression que, s'il ne changeait rien, s'il laissait la Loi d'Hydro-Québec dans son état actuel, on obtiendrait inévitablement des hausses considérables de tarifs.

Il y a là une responsabilité à laquelle il ne peut pas échapper en prenant des exemples qui sont gratuits du moins jusqu'à preuve du contraire. Mon collègue d'Outremont a indiqué tout à l'heure que la politique gouvernementale qui vise à changer les critères de tarifications d'Hydro-Québec ne sont pas acceptables. Il n'a pas du tout été prouvé qu'il soit nécessaire de produire cette équivalence entre les prix du mazout et ceux de l'électricité pour en arriver à un bilan énergétique acceptable pour le Québec. Certainement, il n'a pas été prouvé qu'il soit dans l'avantage des contribuables de financer à travers leur consommation d'énergie électrique les déficits gouvernementaux. Laissons de côté, pour les bénéfices de cette discussion, des termes aussi peu éclairants que la rationalisation; les critères de rationalisation ne pourraient se dégager que d'une politique énergétique à long terme. Or, comme mon collègue d'Outremont l'a indiqué tout à l'heure, les données de base d'une politique énergétique à long terme font encore défaut. Il y a énormément de questions auxquelles le gouvernement n'a pas daigné répondre jusqu'à maintenant, ni donner d'indications claires de ses intentions; c'est pourquoi il faut regarder à son mérite et dans le contexte précis du projet de loi no 16 les dispositions qui feraient en sorte qu'Hydro-Québec non seulement serait invitée, mais serait forcée de majorer très rapidement son taux.

Je mentionne en passant que, dans le mémoire d'Hydro-Québec, il y a un certain flottement, me semble-t-il, dans les hypothèses qui peuvent être utilisées pour cette majoration des tarifs. On ne trouve pas moins de quatre allusions à la hausse des tarifs; chacune est exprimée de façon différente et a des implications évidemment très différentes.

On parle en premier lieu d'une hypothèse de hausse des tarifs de l'électricité pour refléter le rythme de l'inflation. Il faut se rendre compte que, dans tous les scénarios qui nous sont suggérés, c'est la hausse minimale; on va au moins refléter l'inflation. Il ne s'agit donc pas de stabiliser les taux et de les rendre absolument inflexibles ou immuables; le scénario le plus modeste, c'est le rythme de l'inflation dans les années à venir.

Une autre hypothèse à laquelle on fait allusion, au bas de la page "5, c'est l'évolution des prix des autres formes d'énergie. On s'attache, à ce moment-là, simplement à leur rythme d'évolution en présumant, j'imaqine, que l'écart actuel ne se rétrécit pas. On fait simplement suivre le rythme d'évolution du coût des autres sources d'énergie.

La troisième référence que l'on fait, c'est au milieu de la page 5, où on dit que le souci du gouvernement semble être de maintenir l'équilibre entre le prix des différentes formes d'énergie qui composent le bilan énergétique du Québec. On semble faire allusion ici à un rattrapage du prix de l'énergie électrique au-delà de l'inflation, au-delà du rythme même de l'augmentation du prix du mazout de façon que l'écart, éventuellement, disparaisse ou disparaisse presque.

Finalement, on fait allusion, au paragraphe précédent, à une autre possibilité qui pourrait devenir celle qui s'applique au Québec dans le cas où Hydro-Québec ne serait plus capable de faire des investissements pour satisfaire à la demande d'énergie, que l'on utilise des prix encore supérieurs aux précédents, de manière à décourager l'accroissement de la demande, et de manière que l'accroissement de la demande ne dépasse pas l'accroissement de la capacité de production.

Il V a donc là un éventail de plusieurs hypothèses toutes plausibles, mais qui vont toutes dans le sens d'un accroissement des prix plus ou moins rapide. Il semble que la préférence du gouvernement parmi toutes ces possibilités va vers celle qui donne les prix les plus élevés sur une certaine période. C'est là une des questiens qu'il faudra éclaircir pour comprendre les projections financières dont font état à la fois le gouvernement et Hydro-Québec. Je crois qu'il est nécessaire de clarifier jusqu'à quel point on veut faire payer aux contribuables la satisfaction des besoins financiers du gouvernement actuel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Laurent.

M. le député de Charlesbourg.

M. Denis de Belleval

M. de Belleval: M. le Président, j'ai écouté attentivement les remarques à la fois des représentants du gouvernement et celles de l'Opposition et je me rends compte qu'on est effectivement rendu à une espèce de tournant dans l'évolution du débat énergétique au Québec en ce sens qu'on commence quand même à poser un certain nombre de questions fondamentales. À ce point de vue, le député de L'Assomption a justement proposé que le débat s'amorce autour de ces principes fondamentaux avant que l'on aborde des questions peut-être plus particulières.

Il me semble que, de ce point de vue, bien que je reconnaisse la pertinence de plusieurs des questions posées par l'Opposition, celle-ci refuse d'une certaine façon aussi d'aborder quelques-unes des

questions fondamentales que nous pose la nouvelle conjoncture ou de les aborder de plein fouet. Entre autres, un des principes fondamentaux que l'on retrouve dans le projet de loi, comme l'a souligné le ministre de l'énergie et des Ressources et comme le souligne, d'ailleurs, Hydro-Québec dans son mémoire, c'est ce changement fondamental de principe sur lequel doit reposer à l'avenir la tarification d'Hydro-Québec, à savoir que nous sortions du principe qui voudrait que cette tarification soit basée sur le plus bas coût possible, compatible avec de saines pratiques financières et que l'on s'engage plutôt dans une politique de gestion véritable des tarifs. Si je comprends bien la position de l'Opposition là-dessus, elle s'oppose à ce changement et, en ce sens, elle s'oppose non seulement à la position du gouvernement, mais aussi à la position du conseil d'administration d'Hydro-Québec qui reconnaît dans son mémoire - à la page 5 -qu'il faut changer les principes de tarification, qu'il faut abandonner l'ancien principe, celui qui avait cours jusqu'à maintenant, et s'engager dans une politique plus volontariste de gestion de nos tarifs d'électricité.

Il faudrait que l'Opposition soit plus claire là-dessus et qu'elle nous explique pourquoi il faudrait véritablement rester selon l'ancien principe et pourquoi elle s'oppose quand même au jugement non seulement des experts du gouvernement, mais aussi des experts d'Hydro-Québec sur ce point. Il me semble qu'elle fait abstraction, effectivement, à cet égard, de l'évolution de la conjoncture, dans le domaine énergétique, durant les dernières années.

Jusqu'à récemment, il faut bien se rendre compte que le coût de l'électricité, en général, dans le monde, et en particulier, même ici au Québec, était plus élevé que celui des autres formes d'énergie et que, de ce point de vue, cela avait du sens, particulièrement dans un contexte historique qui n'est pas si éloigné au Québec, où l'électricité n'était pas disponible partout, ni à des coûts raisonnables. Il ne faut pas remonter si loin dans l'histoire du Québec pour se rendre compte que l'électricité, au Québec, n'était pas accessible partout, de la même façon qu'on pouvait la retrouver dans les États voisins.

Dans un contexte où cette électricité n'était pas toujours disponible, ou était disponible à des prix très élevés, il était normal qu'en créant Hydro-Québec, on lui donne ce mandat de fournir de l'électricité aux Québécois et de la fournir au meilleur coût possible.

Je me souviens d'ailleurs que lorsque le débat avait eu lieu d'une façon fort peu publique - on s'en souviendra - sur le choix des investissements futurs d'Hydro-Québec, au début des années soixante-dix, les études dont nous disposions à ce montant-là, au ministère des Richesses naturelles de l'époque, telles que fournies par Hydro-Québec, démontraient, entre autres, qu'il était plus avantageux de produire de l'électricité à partir du pétrole et secondairement, de l'énergie nucléaire, qu'à partir de l'énergie hydraulique.

On sait que ce débat a été tranché d'une façon subite et, comme je l'ai dit, fort peu démocratique, fort peu transparente en ce qui concerne ces différentes options et que nous sommes allés du côté hydraulique. Ce choix a été ratifié ni plus ni moins par un événement qui était imprévisible au début des années soixante-dix, à savoir la mise sur pied d'une politique monopolistique de gestion des prix par les pays producteurs, qui a fait que les prix de l'électricité produite par l'hydroélectricité sont devenus, au Québec en particulier, moins dispendieux que les prix de l'électricité produite par le pétrole et ensuite même par l'énergie atomique.

Mais on est dans un nouveau contexte où les prix de l'énergie sont fixés dans un contexte très monopolistique, géré par des États et non plus par des entreprises privées, très largement. On voudrait, si je comprends bien, du côté de l'Opposition, dire que, de ce point de vue, le gouvernement du Québec devrait être un des seuls États dans le monde à ne pas porter de jugement sur le prix de l'énergie qu'il contrôle, qu'il devrait laisser ce prix se fixer par des facteurs plus ou moins automatiques, entres autres, ceux qu'on retrouve largement dans la loi actuelle, c'est-à-dire le coût de production, le plus bas coût possible au consommateur. (11 h 30)

II me semble que, de ce point de vue, c'est l'Opposition qui s'ancre dans une position purement conservatrice, une position de laisser-faire, une position qui ne repose plus sur la conjoncture nouvelle. De ce côté-là, nous devrions tous avoir le bon sens en même temps que le couraqe de dire qu'il nous faudra maintenant Dorter un jugement et le jugement le meilleur possible sur le niveau qu'on doit fixer oour le coût de notre énerqie électrique et que le critère ancien n'est pas suffisant pour nous permettre de fixer ce coût. Il faut donc en avoir d'autres.

De ce point de vue, je comprends cependant que l'Opposition puisse poser des questions au gouvernement. Quels seront les critères utilisés pour fixer ces tarifs de la même façon que les pays arabes, l'Alberta ou les États-Unis qui fixent eux aussi, d'une certaine façon, le prix de l'énergie qu'ils produisent? Admettons au moins qu'il nous faudra porter ce jugement. Là-dessus le débat devrait s'ouvrir, il me semble, sur justement les critères qui devront maintenant être utilisés et ne pas s'ancrer dans une position purement conservatrice et une position de laisser-faire.

Voilà, M. le Président, en tout cas, pour l'instant, la façon dont je vois le débat s'ouvrir sur un aspect absolument important et il est important d'ailleurs qu'on le fasse comprendre à l'ensemble de la population. Il est évidemment facile, dans un contexte où tout augmente, de tenter de faire croire à la population... Personnellement, comme consommateur d'électricité, j'aimerais d'ailleurs croire que l'on puisse continuer à bénéficier de tarifs d'électricité qui échappent largement à l'inflation. Je pense que cela satisferait mon portefeuille et ce serait la même chose pour l'ensemble des Québécois, mais je pense aussi qu'ils comprennent instinctivement qu'on ne vit pas dans un monde d'Alice au pays des merveilles. Cela semble un peu non naturel, sinon absurde que, comme l'a dit le ministre des Finances, les seuls prix qui échapperaient à l'inflation seraient les prix de l'énergie hydroélectrique. Il semble, je pense, d'instinct, avec leur bon sens, que cela ne peut être, mais si cela ne peut être, il faut leur expliquer évidemment clairement pourquoi.

De ce point de vue, l'Opposition a un rôle tout aussi important à jouer que le gouvernement dans le sens qu'au moins, au niveau des principes, on s'entende sur une nouvelle façon de fixer ces tarifs, quitte à ce que le débat s'engage ensuite sur les critères qui seront utilisés. Entre autres, j'admets la pertinence des questions du député d'Outremont. Quelle doit être la relation exacte entre le prix de l'électricité et le prix des énergies concurrentes? Mais, quand il pose cette question, il admet qu'il doit y avoir une relation et il se contredit lui-même de ce point de vue quand il pose ces questions avec l'espèce de position fondamentale conservatrice et de laisser faire que pose l'Opposition, dans le sens de conserver les principes qui existent dans la loi actuelle. Je pense que non, il ne faut pas les conserver, mais, effectivement, posons la question: Quelle doit être la relation entre le prix de l'électricité et celle du gaz naturel, par exemple, et quelle doit être notre position en matière d'utilisation de l'énergie pour le chauffage, par exemple, et pour d'autres utilisations entre ces différentes formes d'énergie? Là-dessus, on pourra faire, à mon avis, un débat utile. L'Opposition jouera certainement un rôle utile et le gouvernement aura à répondre et à fournir des réponses à ces questions qui m'apparaissent effectivement pertinentes.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Charlesbourg. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le ministre.

Questions et réponses M. Duhaime: M. le Président, j'aimerais peut-être revenir au mémoire d'Hydro-Québec et aux travaux de cette commission. Le rappel des députés à l'Assemblée nationale nous donnera amplement le temps de répondre à quelques-unes des affirmations que je viens d'entendre qui nous viennent de l'Opposition libérale. Je voudrais, en m'adressant à M. Bourbeau... Ce concept dans la tarification, le plus bas coût possible au fil des années, à Hydro-Québec, je tiens pour acquis qu'il a eu diverses consonances. Je tiens pour acquis, par exemple, que les niveaux d'inflation ont ou être déterminants dans l'élaboration de tarifs, les disponibilités sur les marchés financiers, en second lieu, et plus récemment, à cause du galop dans le prix du mazout et de cette nécessité pour nous de nous doter de gaz naturel, on en est venu graduellement à tenir compte des autres formes d'énergie.

Ce que je voudrais vous demander est relié à deux lignes de votre mémoire à la page 5. Vous considérez comme étant une marge de manoeuvre accrue les modifications qu'introduit le projet de loi 16 et vous dites: "Cette marge de manoeuvre accrue que le projet de loi donne à Hydro dans l'établissement de ses tarifs n'est toutefois pas sans limite. " Ce qu'il serait peut-être intéressant pour nous de savoir, c'est cette marge de manoeuvre, comment est-ce que, de votre point de vue, vous pourriez la situer dans le cadre de ce que notre collègue d'en face appelle un écran de fumée et de ce que nous appelons l'harmonisation; en second lieu, en fonction des programmes d'économie d'énergie, et, troisièmement, de la concurrence, en particulier en ce qui est du tarif industriel?

M. Bourbeau: Je vais commencer en premier lieu par la façon dont Hydro-Québec, actuellement, fixe ses tarifs. La loi actuelle dit que les tarifs de l'électricité seront les plus bas possible, compatibles avec une saine administration financière. C'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Remarquez bien que c'était toujours le plus bas possible avec une saine administration financière, de sorte que vous n'avez jamais vu des tarifs d'électricité, jusqu'à maintenant, qui étaient les plus bas possible de sorte qu'à la fin de l'année nos résultats financiers auraient montré un résultat zéro, c'est-à-dire que notre rentabilité aurait été nulle. On a toujours dégagé des surplus. Et pourquoi a-ton dégagé des surplus? C'est qu'on devait, à cause d'un accroissement de la demande, prévoir un financement et on voulait en retirer un autofinancement.

Vous remarquez que, si on se reporte dans les années 1970-1975, ce qu'on dégageait avec des tarifs les plus bas possible, compatibles avec une saine administration financière, c'était peut-être 200 000 000 $ ou 300 OOn OOO $. Mais,

depuis deux ans, en utilisant la même règle, Hydro-Québec a eu des revenus nets de 746 000 000 $ au point où nous sommes la première compagnie canadienne au point de vue des revenus nets. Nous dépassons Canadien Pacifique, Domtar, Noranda. Nous sommes la première compagnie canadienne.

Ceci veut donc dire que nous avons vendu de l'électricité à un taux bas, mais aussi qui tenait compte de problèmes financiers. Il a fallu financer notre programme d'équipement qui progressait à cause d'une demande accrue. Et remarquez que prochainement, à la fin du mois de septembre, il y aura une commission parlementaire où on viendra vous présenter une nouvelle hausse de tarifs qui sera encore calculée suivant les principes énoncés dans la loi actuelle et non pas dans la loi 16, parce que la loi 16 n'est pas encore adoptée.

La nouvelle loi décrit de nouveaux critères. La nouvelle loi nous dit que les hausses de tarifs devront maintenant être non pas les plus bas coûts, mais devront être fixées sur une saine administration financière.

Il y a aussi des critères qui nous ont été imposés. Je pense que le député M. Forget avait énoncé certains critères que j'appellerais des critères qui nous amenaient à prévoir une augmentation assez élevée des tarifs. Je pense qu'il parlait, d'une part... Je pense que le critère bas était l'inflation. Nos hausses de tarifs ne seront certainement pas plus basses que la hausse du taux d'inflation. Je pense que c'est acquis. D'autre part, le député M. Forget disait: On pourrait aller aussi haut que d'atteindre le prix des énergies conventionnelles. On pourrait aller aussi haut que de faire en sorte que le prix de l'énergie soit équilibré entre le pétrole et le gaz et on pourrait aller aussi haut que de faire en sorte que le prix de l'électricité puisse inciter une gestion de la demande. Je pense que tout ceci est vrai.

Il reste deux autres critères qu'Hydro-Québec va considérer lorsque la loi 16 sera adoptée dans l'établissement de ses tarifs et ces deux critères sont réellement restrictifs. Le premier, c'est que les tarifs d'électricité ne devront pas être plus hauts que ce qui est pratiqué dans les provinces voisines. On ne veut pas que le prix de l'électricité du Québec soit plus élevé que celui de l'électricité de l'Ontario ou d'une autre province, le Nouveau-Brunswick.

Deuxièmement, on ne voudra pas que le prix de l'électricité puisse dépasser la capacité de payer de la population.

Voici les balises dans un nouveau contexte. Il y aura cet ensemble de balises pour nous amener à faire une proposition de tarifs d'électricité.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aurais deux questions. La première question, c'est que jusqu'à maintenant on utilise des références à des critères sans vraiment avoir devant nous les implications en termes de hausse de tarifs. Je me demande si Hydro-Québec, pour les fins du raisonnement et pour les fins de la compréhension de la commission, a déjà préparé pour ses fins internes les projections de tarifs sur dix ans en utilisant une variété d'hypothèses, ce qui nous permettrait de voir de quoi nous parlons essentiellement. Si nous allions vers un prix d'équilibre, ce qui semble être la notion que l'on favorise du côté gouvernemental, sur une période de dix ans avec d'autres formes d'énergie, quelles seraient les hausses qui en découleraient? Si on se fiait simplement aux critères absolument traditionnels d'Hydro-Québec, c'est-à-dire ses propres besoins financiers qu'on pourrait prendre comme le seuil ou le plancher, de quel genre d'écart parlerait-on sur une période de dix ans entre les deux? Serait-il possible, encore une fois pour l'intelligence de nos discussions, qu'Hydro-Québec nous expose les implications de ce genre de calcul, ceci pour ce qui est d'une question factuelle, en quelque sorte?

Avant de vous donner la parole, il y a une autre question qui semble naturellement venir à l'esprit. Le gouvernement semble ne pas renier ce qu'il a déjà dit relativement à l'autonomie de gestion d'Hydro-Québec. Pour que cette autonomie de gestion soit préservée - et je pense que c'est une chose qui est bonne en soi de manière que les décisions à Hydro-Québec se prennent dans un contexte qui soit bien compris de tous -ne serait-il pas souhaitable que les critères pour la détermination des prix d'Hydro-Québec devraient être internes, dans le fond, à Hydro-Québec, donc, se rapprocher beaucoup plus des critères traditionnels de besoins financiers?(11 h 45)

En d'autres termes, il faut que l'entreprise continue; si elle doit continuer à fournir l'électricité à nos concitoyens, il faut qu'elle puisse satisfaire ses besoins financiers; ça ne veut donc pas dire les prix les plus bas possible au sens strict du mot, ou, si l'on veut, les prix les plus bas possible, mais en longue période, c'est-à-dire compte tenu des besoins de financement.

N'est-il pas souhaitable que ce soit ce genre de critères qui détermine les prix et que si le gouvernement, par ailleurs, pour des raisons qui lui sont propres, puisqu'il a la responsabilité d'avoir une politique économique générale, une politique d'énergie de façon générale, juge que les prix que fait l'Hydro-Québec, en conséquence de ses critères internes, sont bas de façon indécente, ce qui semble être les implications des remarques que j'ai entendues de l'autre côté, alors qu'il impose, comme le font tous les

gouvernements justement dans le contexte où on fait fonctionner les entreprises publiques comme les entreprises privées, un impôt, une taxe de vente de 25% - j'allais dire de 18%, mais c'est un chiffre qui va faire sourire, alors disons de 25% ou de 30% sur le prix de l'énergie électrique, de manière à ramener le prix aux consommateurs à un niveau tel que justement les équilibres, l'harmonisation dont il rêve, puissent se faire.

Mais, à ce moment-là, on aurait une division des tâches beaucoup plus clairement établie. Hydro-Québec dit: Voici mes prix en fonction de mes critères à moi, qui sont des critères internes. Le gouvernement dirait: Non, on n'accepte pas ces prix-là parce qu'ils sont contraires à l'intérêt public, ils sont beaucoup trop bas, c'est indécent de faire une telle concession aux consommateurs du Québec à qui on a dit, cependant, qu'on était unique, qu'on avait beaucoup d'énergie hydroélectrique. Il ne semble pas que, de côté-là, on soit nécessairement forcé d'imiter les Arabes, mais enfin... c'est indécent, c'est beaucoup trop bas, alors on va imposer une taxe à la consommation, on va imposer une surcharqe peut-être de 25%, 30%, 40% ou 50%, Dieu sait quoi.

Est-ce que ce ne serait pas une façon de diviser les rôles, de diviser les tâches de manière que l'autonomie d'Hydro-Québec s'exerce dans son domaine de compétence à elle, en fonction de ses coûts, en fonction de la nécessité de se financer, etc., et que le gouvernement décide, par ailleurs, comme il le fait pour l'industrie privée, s'il trouve tout à coup qu'un produit de luxe se vend trop bon marché pour des considérations sociales... Il impose l'alcool - oui, mon collègue me souffle l'alcool. Par exemple, le gouvernement a bien l'habitude de trouver que, s'il n'y avait pas d'impôt ou de taxe sur le whisky, il se vendrait décidément trop bon marché, que les qens deviendraient intempérants, qu'on aurait des problèmes d'alcoolisme... En somme, cette intempérance qu'on veut freiner du côté du whisky, si on la redoute du côté de l'électricité, qu'on impose une taxe sur l'électricité comme on le fait pour le whisky, mais on saura, à ce moment-là, que le gouvernement a une politique énergétique comme il a une politique de tempérance. À moins que ce soit pour autre chose qu'on impose une taxe sur le whisky, mais le ministre des Finances nous dira ça tout à l'heure. Il va sans doute nous corriger là-dessus. Alors, on saurait que l'Hydro-Québec, étant donné ses besoins, fixe les prix qui lui semblent normaux pour lui permettre de continuer à opérer. Est-ce que ce ne serait pas logique?

Le Président (M. Boucher): Monsieur Bourbeau.

M. Bourbeau: Je vais répondre à votre première question, qui concernait les hausses de tarifs et ce qu'on prévoit dans les futures hausses de tarifs. Malheureusement, je ne peux pas m'étirer le cou pour dix ans et vous dire quelles seront les hausses de tarifs d'Hydro-Québec pour les dix prochaines années, à tout le moins, on n'a pas encore reçu au conseil d'administration la proposition de nos qestionnaires sur la prochaine hausse de tarifs, mais cette prochaine hausse de tarifs sera au point de vue de temps très, très courte. Il ne faut pas se préoccuper, mettons, de cette façon de voir. Il est dangereux actuellement, à cause de la situation économique et financière, d'établir des hausses de tarifs qui vont au-delà d'une période je dirais d'un an, de deux ans et peut-être de trois ans au maximum.

On vient de vivre à Hydro-Québec une période de hausse de tarifs qui avait été accordée pour trois ans et le résultat, c'est qu'au cours de l'année 1981 on va subir un manque à qaqner de 660 000 000 $ parce que la hausse de tarifs en 1981 n'était pas assez élevée. Il y a eu des événements financiers, ce qu'on avait prévu comme taux d'inflation a été légèrement dépassé, les taux d'intérêt, etc. Donc, si vous pensez avoir des hausses de tarifs pour dix ans, il ne faudrait pas penser à ça. On n'est plus capable de prévoir des hausses de tarifs pour dix ans, d'autant plus qu'il faudrait être capable de discerner quelles seraient les hausses de tarifs des énergies concurrentielles. Or, on sait fort bien que les hausses des tarifs des énergies concurrentielles changent à tous les trois, guatre ou cinq mois. On se voit donc obligés de regarder à long terme, mais c'est un long terme qui devient un court terme, à tout le moins. L'an dernier, les hausses de tarifs du pétrole, pour ceux qui se chauffent à l'huile, du 1er janvier 1979 au 1er janvier 1980, ont été de 42%. Nous avons augmenté nos tarifs d'électricité de 10, 6%. En parlant de l'avenir, dire que nos hausses de tarifs devront se coller aux prix des énergies concurrentielles, c'est extrêmement difficile.

Il est certain que nos hausses de tarifs à court terme, toutefois, seront beaucoup plus élevées que le taux d'inflation: elles couvriront au moins le taux d'inflation. Mais quant à la hausse de tarifs maximale, elle n'est pas encore établie à Hydro-Québec.

Dans une deuxième question, vous parliez de l'autonomie de gestion d'Hydro-Québec et comment Hydro-Québec, avec des hausses de tarifs, pourrait regarder son financement ou ses besoins de financement internes. Je vous rejoins là-dessus. Je vous rejoins là-dessus, parce que c'est un élément qui, à venir jusqu'à maintenant, nous a guidés. Tout à l'heure, lorsque je parlais de la loi actuelle qui nous permet de fixer des tarifs les plus bas, compatibles avec une

saine administration financière, ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est toujours préoccupé du financement d'Hydro-Québec. Et lorsque l'année dernière et, lorsque l'année auparavant, on a eu des revenus nets de 746 000 000 $, on avait des problèmes de financement avec un programme d'investissements de 3 000 000 000 $ qui nous obligeait à aller chercher 2 200 000 000 $ et 2 100 000 000 $ sur des marchés financiers, il fallait donc dégager les revenus nets d'au moins 746 000 000 $.

A l'avenir, il faudra qu'il en soit ainsi c'est pourquoi, dans la présentation que j'ai faite, j'ai demandé au gouvernement d'inclure dans cette proposition de dividendes que le conseil d'administration d'Hydro-Québec, qui sera conscient de ses problèmes financiers, puisse faire une recommandation au gouvernement quant au niveau de dividendes qui devrait être atteint.

On a parlé tout à l'heure d'un dividende qui pourrait se situer autour d'un bas pourcentage. Je ne me souviens pas si c'est le député de L'Assomption qui nous a indiqué que pour les deux premières années... de fait, les deux premières années, le dividende, selon nos projections, devrait être en 1981, d'à peine 4, 9%; très peu. En 1982, le dividende serait de 8, 6%; très peu. Mais déjà en 1983, le dividende devrait monter à 18, 1%; en 1984, à 37, 1% et en 1985, à 48, 2%.

À ce moment-ci, nous avons un point d'interrogation quant au niveau de ce dividende. C'est pourquoi nous insistons explicitement sur cette demande d'avoir du gouvernement, dans le projet de loi, une phrase qui dirait que le conseil d'administration, après avoir vu ses besoins financiers, pourra faire une recommandation au gouvernement quant au niveau de dividendes qu'Hydro-Québec aurait à payer au gouvernement. Nous comprenons fort bien que ce faisant, Hydro-Québec aurait donné au gouvernement une indication et que le gouvernement devra regarder et avoir d'autres intrants avant d'approuver un dividende quelconque.

M. Forget: M. le Président, une question supplémentaire. Le sens de ma première question était, bien sûr, d'avoir une idée de la fourchette, si vous voulez, des taux minimaux et maximaux. Si la fourchette se réduisait à un seul chiffre, dans le fond, on parlerait pour rien. Dans l'étude du projet de loi, on doit supposer - d'ailleurs, ça découle directement des propos des ministres qui ont pris la parole et également d'autres députés ministériels - qu'il y a une différence importante entre le taux minimal, en quelque sorte, qui serait applicable en d'autres circonstances si on n'avait pas de changement à la loi, et le taux qui deviendra effectif lors de l'application d'une politique énergétique gouvernementale. Il y a donc une fourchette et on aimerait bien savoir quelle est l'importance, en termes de taux, taux moyen ou taux pour différentes catégories d'usagers ou taux moyen par kilowattheure, Dieu sait quoi, comme vous voudrez présenter les chiffres, puisqu'ils sont disponibles, entre un taux minimal et un taux maximal.

Vous me dites, et je l'accepte, que vous ne pouvez pas faire de prévision sûre sur plus d'un an, peut-être deux. Je l'accepte aussi en termes de prévision sûre ou de demande d'augmentation des taux. Malqré tout, il doit bien exister des estimations parce que le ministre des Finances et vous-mêmes, je crois, vous mettez presque dans le même souffle à discuter des pourcentages que représenteront les dividendes jusqu'en 1985. Pour établir un pareil pourcentage, il faut nécessairement savoir combien vous avez de revenus, quelles sont vos dépenses, etc., donc il y a des estimations. À moins de voir les estimations, que voulez-vous, on ne peut que vous écouter béatement et dire: Ils ont peut-être raison. Est-ce que, du côté d'Hydro-Québec, il serait possible que ces estimations soient rendues publiques, y compris la fameuse fourchette entre les taux que vous auriez estimé devoir exiqer jusqu'en 1985 et ceux que vous serez peut-être obligés de demander et qui sont supérieurs à ceux-là, étant donné que vous devrez, en plus de vous financer, etc., payer des dividendes qui atteindront des pourcentages intéressants, c'est le moins qu'on puisse dire, des surplus en question.

Avant d'aller plus loin dans la discussion et de relever votre suggestion très utile d'une proposition de plus de flexibilité, etc., on aimerait bien savoir, du moins de ce côté-ci de la table, puisque nous n'avons pas fait les calculs, s'il y a des estimations; si oui, qu'est-ce qu'elles nous disent sur les fourchettes? Si on devait calculer tout cela sur un an, par exemple, je pense que ce serait injuste pour le gouvernement s'il fallait rattraper en un an le prix des autres énergies par des hausses de tarif. C'est peut-être 50% d'augmentation en un an, alors je n'ai pas voulu être injuste pour le gouvernement. Je sais qu'il a de mauvaises intentions, mais sur quelques années; alors, j'ai voulu lui en donner le crédit. Maintenant, si vous voulez absolument le dire en un an, je n'ai pas d'objection, ça devient tout simplement un peu plus odieux.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Concernant la fourchette, j'ai déjà donné la fourchette minimale qui était le taux d'inflation. On n'ira certainement pas plus bas que le taux

d'inflation. Quant au taux supérieur, même pour les prochaines hausses de tarif qui devront vous être présentées ici en commission parlementaire les 29, 30 septembre et 1er octobre, le conseil d'administration n'a pas encore pris une décision finale sur ces hausses de tarif et je ne peux pas vous dire ce qu'on a comme hausse de tarif. Toutefois, quand on regarde à long terme, on dit que l'autre fourchette, la fourchette maximale, serait les hausses de tarif qui rendraient l'électricité comparable au prix des énergies concurrentielles. (12 heures)

À ce moment-ci, je voudrais commencer à regarder ce que ça veut dire au point de vue du pétrole. Le pétrole mondial, actuellement, varie entre 32 $, 36 $ et certains pays membres de l'OPEP vendent même leur pétrole à 40 $ le baril. Le pétrole canadien se vend actuellement aux alentours de 26 $ le baril; on a un écart entre le prix du pétrole canadien et le prix du pétrole mondial. Il faudra certainement que le prix du pétrole canadien aille rejoindre le prix du pétrole mondial. Quand le fera-t-il, à l'intérieur de quelles années, est-ce que c'est en 1985, est-ce que c'est dépassé 1985? Actuellement, je ne le sais pas. Toutefois, même si on a un prix du pétrole qui va monter, et je crois qu'il va monter assez haut, je ne crois pas que le prix de l'électricité s'en aille se placer au même niveau que ce prix du pétrole. Je pense qu'on aura toujours un prix de l'électricité qui se situera un peu en deçà du prix du pétrole.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: J'aimerais...

M. Forget: Mais la fin de l'histoire, M. le président? On est accroché à vos lèvres; on s'est dit: II va déboucher sur un taux, c'est sûr.

M. Bourbeau: Je pense que je ne peux pas plus définir le prix du pétrole en 1990 que Yamani peut le faire lui-même et que M. Lalonde et M. Leitch peuvent le faire actuellement au Canada.

M. Forget: Non, mais on sait le prix international actuel. Qu'est-ce qu'implique, en termes de hausse des taux de l'électricité, de rejoindre une parité, disons, à 90%? Vous dites: Ce sera un peu en bas. Si on avait à rejoindre le prix international du pétrole, via les tarifs de l'électricité en termes de BTU utiles, équivalentes, qu'est-ce que ça implique comme hausse des tarifs? Je suis sûr qu'à un moment ou l'autre quelqu'un a eu la bonne idée de faire au moins ce calcul.

M. Bourbeau: Non. On n'a aucun calcul de fait actuellement. Ce que j'ai, ce sont les prix du pétrole et du gaz naturel basés sur le prix inclus dans la politique énergétique nationale, mais que nous-mêmes, n'observons pas à Hydro-Québec. Je vais vous donner les comparaisons et je vais vous dire où on s'écarte. Le prix du gaz naturel va auqmenter, de 1981 à 1985, d'après le programme énergétique national, de 6, 6%. Nous avons considéré, à Hydro-Québec, que ce prix augmenterait à 16, 8% et non pas à 6, 6%.

Pour le pétrole brut, le programme énergétique national indique une augmentation de 14, 5% et nos calculs considèrent qu'il devrait augmenter en moyenne de 19%. Donc, on a déjà des calculs...

M. de Belleval: Par année ou pour cette période?

M. Bourbeau: Ce sont des augmentations qui se font en moyenne durant l'année. Pour ces cinq périodes, on aurait ces hausses-là.

M. de Belleval: Par année?

M. Bourbeau: En moyenne par année.

M. Forget: II faut donc additionner les deux taux. Pour faire un rattrapage, étant donné que ce qu'on rattrape est déjà 20% plus élevé, qu'il y a déjà un écart de 20%, il faudrait combler l'écart de 20%, plus 19% par année, plus l'inflation. On est dans un bon pourcentage. C'est ça la fourchette, essentiellement.

M. Bourbeau: Nos chiffres sont basés sur le programme énergétique national, mais on a jugé qu'on devait majorer ces chiffres, parce que le programme énergétique national ne donne pas les vrais chiffres d'augmentation.

M. de Belleval: Le député de Saint-Laurent dit "plus l'inflation", c'est faux, les prix du programme énergétigue national comprennent l'inflation, ce sont des augmentations brutes.

M. Bourbeau: Cela est compris dedans. M. de Belleval: Oui, quand même!

M. Bourbeau: Je vais vous donner maintenant ce que l'on prévoit ou ce que l'on prévoirait dans certains scénarios avec des hausses de tarifs d'électricité comparé à des hausses de tarifs de gaz et de pétrole et quels seraient nos prix en 1985.

Notre base de calcul est qu'en 1980 nous avons 100%; nous partons d'une base de

100% pour tous les prix. L'électricité au résidentiel, de 100%, en 1980, deviendrait 212%; on aurait doublé le coût de l'électricité en 1985. Ceci devrait correspondre à une augmentation de 14, 5% ou 13%, 13, 5% ou 14%. Au commercial, si en 1980 on a une base de 100%, le prix du commercial devrait être de 185%. On n'a pas tout à fait doublé le prix du commercial. À l'industriel, à partir de 100%, en 1980, on serait à 202%, en 1985. On aurait doublé le prix de l'industriel.

Voici pour l'électricité. Quant au...

M. Forget: Excusez-moi, c'est dans l'hypothèse minimale?

M. Bourbeau: Ce sont des hypothèses qu'on a faites de hausses de tarifs sur cette base de cinq ans, mais qui seraient des hausses de tarifs considérant Hydro-Québec...

M. Forget: Des critères internes.

M. Bourbeau:... avec certains critères, comme on l'a énoncé ici. On ne voudrait pas avoir un prix d'électricité qui dépasse de beaucoup le pétrole, etc.

Quant au gaz naturel, avec les hausses de tarifs que je vous ai données et qui seraient de 16, 8%, à ce moment-là, si on commence en 1980 à 100%, on arriverait à 197%, en 1985. On aurait doublé à peu près.

Le pétrole no 2 - c'est l'huile à chauffage que vous achetez - de 100%, en 1980, il arriverait à 252%, en 1985. Vous vous apercevez à ce moment-là que c'est le prix le plus élevé.

Quant au prix du mazout no 6 - c'est l'huile lourde, l'huile utilisée par les industries pour les processus de chauffage -avec un prix de base de 100%, en 1980, vous seriez rendu, en 1985, à 302%. Vous auriez triplé le prix du pétrole.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais revenir sur l'autofinancement d'Hydro-Québec tel qu'envisageable dans les années qui viennent et cela est évidemment directement relié aux tarifs, cela va de soi. Sans vouloir ici demander au président d'Hydro-Québec quelque chose qu'il ne peut évidemment pas nous fournir, puisque son conseil d'administration doit examiner la tarification, considérons simplement le scénario dont il nous faisait état tout à l'heure et qui impliquait des paiements de dividendes pendant un certain nombre d'années. Je le prends pour ce qu'il est ce scénario, sans plus, mais je constate que ce scénario, à supposer qu'il n'y ait pas de dividende, amènerait un accroissement considérable de l'autofinancement d'Hydro calculé de la façon suivante, on prend simplement les fonds internes totaux et on divise cela par les immobilisations à faire.

Jusqu'à maintenant, disons au cours des cinq dernières années, Hydro-Québec a toujours eu un pourcentage d'autofinancement de ce type qui se promène entre 25% et 36%, selon les années. Si on prend le scénario dont le président d'Hydro-Québec faisait état tout à l'heure, une sorte de projection de l'autofinancement jusqu'en 1985, mais sans paiement de dividende, si je comprends bien - mais j'aimerais qu'il nous le confirme - l'autofinancement d'Hydro, non seulement ne se baladerait plus entre 25% et 36%, mais il atteindrait plus de 60% en 1985. En fait, si mes calculs ne sont pas faux, ce serait de l'ordre de près de 65%.

C'est évidemment un problème qui, sur le plan des principes, est assez embêtant. Dans le discours du budget, je disais: À un moment donné, on va payer les barrages "cash", même s'ils durent 50 ou 60 ans.

Je comprends, d'autre part, que la projection de dividendes, tel qu'en faisait état le président d'Hydro - mais j'aimerais encore qu'il me le confirme - ramènerait, en 1985, le coefficient d'autofinancement de 64% ou 65%, quelque part par là, à un peu plus de 39%, près de 40%, c'est-à-dire à un niveau qui resterait supérieur à celui que nous avons connu au cours des cinq dernières années.

Je comprends qu'à Hydro-Québec, il arrive cependant qu'on calcule l'autofinancement en soustrayant des fonds internes les remboursements. Je suis conscient de la discussion qu'il y a à ce sujet. Évidemment, plus la dette devient courte, plus cette façon de calculer devient une espèce de carcan incroyable, surtout dans la mesure où on émet des extensibles -à l'heure actuelle beaucoup d'extensibles - à trois ans fermes et douze ans d'extensibilité, qui comprend la première date de remboursement comme étant celle qu'on met dans la formule de calcul; cette adaptation de la formule d'autofinancement crée, entre le ministère des Finances et Hydro, certaines difficultés.

J'en reste donc à la première formule d'autofinancement, celle qui consiste à rapporter les fonds internes générés d'Hydro, et les immobilisations. Et là, j'aimerais simplement qu'on me confirme que le genre de calcul que nous avons pu faire, sur la base des derniers scénarios d'Hydro - parce que je dois dire qu'ils nous sont entrés il y a très peu de temps - correspond vraiment à la réalité. Je résume. Après dividende, en 1985, le coefficient d'autofinancement restera supérieur à celui qu'on a connu au cours des cinq dernières années.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Si on prenait la méthode de calcul que préconise le ministre des Finances, il est vrai qu'on arriverait, en 1985, à un taux de 64%. Si on prend la méthode utilisée à Hydro-Québec, pour calculer ce même ratio, on arriverait, en 1985, à un ratio de moins trois pour cent. On voit la différence entre nos deux méthodes de calcul.

M. Fortier: Je comprends pourquoi vous ne vous entendez pas.

M. Bourbeau: Je pense que c'est une question de méthode de calcul pour être capable d'arriver à déterminer un pourcentage, quel est le rapport du dividende sur le revenu net.

M. Parizeau: Je voudrais seulement ajouter un commentaire, M. le Président. J'espère qu'Hydro ne commencera pas à mettre dans sa dette trop de dettes à six mois ou à neuf mois, car là, cela deviendrait complètement tragique comme situation.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vais poursuivre le propos du député de L'Assomption au sujet de l'autofinancement. Effectivement, dans le rapport d'Hydro-Québec durant ces dernières années, on fait état d'un autofinancement de l'ordre de 25% ou 25, 3%, je crois. (12 h 15)

Par ailleurs, selon une des pratiques au Canada, on fait état, à la note 6, de la dette à long terme qui, si on appliquait le taux de change du 31 décembre, serait de l'ordre de 13 000 000 000 $ au lieu de 12 000 000 000 $. Ma première question serait, bien sûr: Quelle serait la dette à long terme si on appliquait le taux de change applicable à la fin de juillet? Ce serait intéressant de le savoir.

Par ailleurs, je me suis intéressé à ce sujet et j'ai fait faire une étude où, justement, je me posais la question suivante: La pratique d'Hydro-Québec était-elle la meilleure pratique ou la pratique la plus raisonnable et, de fait, il y a quatre méthodes, M. le Président. Je n'en ferai pas état ici sur le long et sur le large. Il y a la méthode des postes à court et à long terme, la méthode des espèces, des quasi- espèces, la méthode des cours à la fermeture et la méthode temporelle. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'aux États-Unis, de façon générale, on applique la méthode des cours à la fermeture. Ce qu'il faut également retenir, c'est que l'Institut des comptables agréés du Canada avait, il y a un an ou deux, émis certaines directives qui ont été rappelées, compte tenu du fait qu'aux États-Unis il y a certaines discussions à ce sujet, mais il semblerait que malgré tout ce va-et-vient dans les discussions entre les experts, de toute évidence, la méthode qui sera choisie dans l'avenir s'éloignera assurément de la méthode historigue suivie par Hydro-Québec.

J'ai ici une petite étude qui fait état d'un rapport de Price Waterhouse, justement, qui indique que la méthode historique suivie par Hydro-Québec est réellement une méthode en perte de vitesse, tout à fait complète. J'aimerais avoir les commentaires d'Hydro-Québec là-dessus parce que si, effectivement, à l'avenir, dans un an ou deux, Hydro-Québec était forcée de changer sa méthode de comptabilité pour passer à une autre méthode, que ce soit la méthode des cours à la fermeture ou la méthode temporelle qui, elle, amortit la différence qui pourrait survenir sur une période d'années X, compte tenu des obligations et tout cela, on serait dans une situation où la dette serait peut-être de 13 000 000 000 $ ou un peu moins et où l'avoir des actionnaires ne serait pas de 4 300 000 000 $, mais de 3 300 000 000 $ ou un peu plus. On serait aussi devant une situation où l'autofinancement ne serait pas de 25%, mais de l'ordre de 18%, ou quelque part entre 18% et 25%. J'aimerais savoir si Hydro-Québec a des commentaires à faire là-dessus.

L'autre question que j'aimerais poser -je suis sûr que M. Lafond serait capable d'y répondre - c'est celle-ci: Lorsque Hydro-Québec va aux États-Unis pour emprunter, sachant que les Américains adoptent la méthode des cours à la fermeture, regardent-ils les états financiers d'Hydro-Québec en utilisant la méthode américaine ou s'ils sont satisfaits des 25% dans la loi? La loi dit très bien que le conseil d'administration a toute autorité dans l'avenir pour modifier la méthode comptable, s'il y a lieu, mais ce qui m'importe ici dans le moment, c'est quel pourrait être l'impact dans l'avenir d'un changement de méthode de comptabilité qui pourrait avoir des effets considérables compte tenu de la faiblesse du dollar et des intérêts très élevés qui ont cours présentement.

M. Bourbeau: Je vais demander à M. Lafond, le vice-président aux finances, de venir répondre à cette question.

M. Lafond (Georges): M. le Président, il est exact qu'il y a quatre méthodes qu'il est possible d'utiliser en fin d'exercice pour traduire la valeur des actifs et des éléments de passif qui ont été encourus en devises étrangères.

Dans le cas d'Hydro-Québec, nous suivons la méthode communément utilisée par les utilités canadiennes et les électriciens du Canada et la majorité aussi des entreprises commerciales et industrielles. Cette méthode consiste à convertir en fin d'exercice au 31

décembre les postes d'actif à court terme comme les postes de passif à court terme au taux courant et à conserver au taux historique, c'est-à-dire au taux d'échange prévalant au moment où la dette a été encourue, la partie de la dette à long terme d'Hydro-Québec encourue en devises étrangères. C'est une méthode connue qui permet à nos vérificateurs externes qui doivent certifier nos états financiers de déclarer que les états d'Hydro-Québec sont présentés conformément aux principes comptables qénéralement reconnus.

Pour Hydro-Québec, dont 75% des actifs sont financés par voie de dettes en date du 31 décembre, étant donné que le rapport dette-équité est de 25%/75%, il est évident que ce certificat des vérificateurs externes indépendants est extrêmement important et c'est, je pense, ce qu'a reconnu le gouvernement en mettant dans le projet de loi que les critères qui seront utilisés à l'avenir, pour fins de détermination de dividendes possibles et surplus disponibles, reconnaîtront la présentation des états financiers d'Hydro-Québec selon les principes comptables généralement reconnus.

Il est aussi évident que, dans le temps, la pratique pourra évoluer. Il y a beaucoup d'incertitude à ce sujet-là présentement. Aux États-Unis, l'Institut des comptables a opté il y a trois ans environ pour recommander un traitement radicalement différent et qui a créé tellement de problèmes que cette recommandation est présentement suspendue.

L'Institut canadien des comptables agréés n'a pas arrêté sa décision, à l'heure actuelle, mais nous devrons dans le temps, plus tard éventuellement, suivre les principes comptables qui seront imposés par l'Institut canadien des comptables. Si une méthode radicalement différente était imposée à Hydro-Québec, elle sera imposée aussi aux autres électriciens canadiens et, dans le cas d'Hydro-Québec, ce qui serait survenu au 31 décembre 1980, et ceci répond, je pense, à la question de M. Fortier, aurait eu pour résultat non pas de réduire l'équité d'Hydro-Québec de 4 500 000 000 $ à 3 500 000 000 $, mais d'augmenter plutôt la dette d'Hydro-Québec de 12 500 000 000 $ à 13 500 000 000 $ ou 13 600 000 000 $, revisant évidemment à la baisse le rapport dette-équité qui est présentement de 25%/75%, le ramenant à quelque chose d'inférieur. Mais tant et aussi longtemps que nous serons jugés sur nos états financiers et que nos états financiers devront recevoir l'assentiment et le certificat des vérificateurs, nous serons tenus de suivre ces règles-là.

Pour répondre à la deuxième partie de la question, nous pouvons, comme les autres électriciens canadiens lorsque nous nous présentons sur le marché américain et les autres marchés financiers, utiliser les états financiers tels que préparés au Canada selon les principes comptables généralement reconnus au Canada. Cependant, dans le cas des États-Unis, on nous demande, dans une note aux états financiers, d'indiquer quel aurait été l'impact sur les revenus nets de l'entreprise si la méthode américaine qui est draconienne, la plus forte, qui a été en vigueur durant trois ans, avait été utilisée et suivie et si cette méthode-là avait été la même au Canada.

M. Fortier: Ce changement de comptabilité pourra survenir d'ici un ou deux ans effectivement - personne ne le sait -mais la question se pose par rapport aux prêteurs américains, à ce qu'on a dit. Il semblerait que le ministre des Finances avait dit, dans une conférence de presse: Bien sûr, on a mis dans la loi certains ratios, comme 25% de l'équité possible, c'est un ratio acceptable. Ces 25%, dans l'esprit des prêteurs américains, est-ce qu'ils sont satisfaits de la façon que vous le présentez dans vos états financiers ou s'ils font la conversion par rapport à la méthode américaine?

M. Lafond: La comparaison que la Commission américaine des valeurs mobilières impose au point de vue des renseignements à fournir est mesurée surtout en fonction des revenus nets de l'entreprise, beaucoup plus qu'en fonction de son rapport dette-équité, à ce stade-ci. D'ailleurs, la méthode, je pense, qui est suivie par Hydro-Québec permet de refléter dans les coûts d'opération les pertes de change ou les coûts additionnels qui résultent de la faiblesse du dollar canadien. La méthode actuelle suivie permet de refléter ces coûts annuellement, le plus possible, au fur et à mesure qu'ils sont encourus. C'est pour cela que, dans le cas d'Hydro-Québec qui a une teneur assez élevée en devises étrangères dans sa dette comme dans le cas des autres électriciens canadiens, cette méthode est favorisée. Toute autre méthode qui essaierait d'anticiper de quelle façon le coût éventuel à l'échéance de ces dettes aura un impact sur les coûts d'opération crée des problèmes assez sérieux parce que, d'une part, on ne peut pas transférer ces coûts aux abonnés ou aux utilisateurs à cause de la contrainte des tarifs qui vient tous les douze mois. Il n'y a pas de phénomène d'indexation automatique.

D'ailleurs, cela devient un élément de spéculation et c'est un secret de polichinelle que de consulter le prospectus d'Hydro-Québec et de voir que, si la méthode américaine avait été utilisée, les revenus d'Hydro-Québec, de façon artificielle, purement par des entrées comptables, auraient évolué dans les deux sens, un peu comme un yo-yo, au cours des cinq dernières années. Pour l'année 1977, par exemple, les

revenus nets d'Hydro-Québec auraient été diminués de 500 000 000 $ tandis que, pour l'année 1979, ils auraient été augmentés de 227 000 000 $ et ça strictement par des entrées comptables. C'est une chose que nous n'avons pas jugé opportun de recommander à l'administration et ce raisonnement est suivi et accepté non seulement par les vérificateurs externes d'Hydro-Québec, mais aussi par l'institut au Canada.

M. Fortier: Juste un suivi là-dessus, s'il vous plaît. Ce que vous me dites, M. le vice-président aux finances, c'est que le critère de 25% qui est dans la loi et que les qens utilisent de façon générale n'est pas un critère déterminant en soi. Il reste que dans la loi on dit: Autofinancement 25%, couverture des intérêts de 1 et, bien sûr, dans le passé cela a été plus élevé que cela. C'est donc dire que ces critères ne sont pas magiques pour satisfaire les prêteurs et qu'il y a d'autres considérations beaucoup plus importantes. Là il y a un jugement financier à porter. J'imagine que c'est la raison qui vous mène à demander que le conseil d'administration fasse des recommandations qui origineraient de lui-même pour justement porter un jugement financier parce que la loi est très mathématique. La loi dit: Deux critères à satisfaire et, au-delà de ces deux critères, 75% du surplus. Si c'était appliqué mathématiquement, cela pourrait ne pas satisfaire les exigences financières comme telles. C'est donc dire qu'il y a une certaine difficulté à définir ce qu'est une saine gestion financière d'Hydro-Québec. On ne peut pas la définir uniquement avec deux critères.

M. Lafond: D'abord, je voudrais corriger une impression. Vous dites, M. le député d'Outremont, que c'est le conseil d'administration qui a demandé la permission de faire des recommandations au gouvernement, laissant au gouvernement la décision finale. Je ne suis pas partie de cette histoire. Deuxièmement, les critères de 25%/75% guant à l'équité tels qu'énoncés dans la loi et, d'autre part, le critère de couverture des intérêts de 1 sont, je pense, des balises minimales qui sont offertes pour rassurer les prêteurs. Cela, dans un contexte où on peut très bien dire qu'Hydro-Québec, d'accord, c'est une entreprise de grande taille. Selon le classement du Financial Post, depuis trois ans, Hydro-Québec est la plus grosse entreprise au Canada en termes d'actifs et de revenus nets. On voyait dernièrement, selon le classement du Canadian Business qui range les grandes compagnies de la couronne canadiennes, qu'Hydro-Québec est devenue pour la première année la première entreprise en termes d'actifs et a précédé la Banque du Canada.

(12 h 30)

En dépit de sa taille, en dépit de son importance, en dépit de sa rentabilité, tout n'est pas permis à Hydro-Québec. Justement à cause de l'ampleur des sommes, d'une part, que représentent les programmes d'immobilisation et, d'autre part, les besoins d'emprunt, Hydro-Québec doit avoir une saine position financière. Là interviennent des juqements de valeur. Il n'y a rien de magique ou de mathématique, mais il y a des jugements de valeur qui doivent être exercés quant aux garanties à offrir, quant à l'assurance qu'on doit donner à ceux qui font confiance à Hydro-Québec et à sa rentabilité éventuelle et, d'autre part, quant à sa capacité d'emprunt. C'est dans ce contexte qu'il faut arriver à un moment donné, surtout lorsqu'il s'agit de rédiger un projet de loi, à des pourcentages qui doivent être exprimés et précisés. Mais dans le temps il est évident que, lorsque les marchés financiers deviennent plus difficiles, lorsque la volatilité est plus grande, lorsque l'incertitude est très rapprochée de nous, il faut plus de flexibilité.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je vais continuer avec quelques questions, M. Lafond, qui vont toujours dans le même sens que ce qui vient d'être dit. Nous nous entendons, M. Lafond, sur l'interprétation de l'article 15. 2, c'est-à-dire que le taux de capitalisation minimum de 25% est basé sur les principes comptables généralement reconnus; on le calcule sur cette base. Advenant que ces principes comptables généralement reconnus soient modifiés, la base de calcul du 25% changera aussi, automatiquement, en vertu de la loi. On s'entend bien là-dessus?

M. Lafond: Oui.

M. Parizeau: Bon. Si dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans les principes généralement reconnus étaient changés, la base de calcul du 25% tel qu'imposée dans la loi changerait automatiquement. Le gouvernement n'a pas besoin de revenir en disant: On va recalculer ça autrement. Cela, c'est important parce que je comprends qu'il y a plusieurs façons, à l'heure actuelle, de calculer les pairs de change et de les incorporer dans les états financiers. Mais ce n'est pas par hasard que la formule, dans la loi, a été mise selon les principes comptables généralement reconnus, c'est pour permettre une adaptation automatique.

Je reviens sur les deux positions qui sont inscrites dans la loi pour la première fois - d'ailleurs, ça n'existait pas avant -d'un taux de capitalisation minimum de 25% et d'une couverture des intérêts de 1. Est-ce

que je me trompe en suggérant qu'il n'y a pas de loi, au Canada, d'autres compagnies d'hydroélectricité qui comportent des garanties écrites comme celles-là? Deuxièmement, est-ce que, en pratique, il n'y a pas un certain nombre de compagnies d'hydroélectricité au Canada qui tombent assez souvent en dessous de ces positions?

M. Lafond: À ma connaissance, M. le Président, il n'y a pas d'entreprise de la couronne où les ratios en question sont définis de façon aussi précise, sauf peut-être une tentative dans ce sens qui a été ébauchée en Colombie britannique, mais reste à voir quel sera l'aboutissement de leur travail. Je serais embarrassé si vous me demandiez, en toute honnêteté, d'être plus précis sur cet effort. D'autre part, il est exact de dire que les ratios financiers d'Hydro-Québec sont les meilleurs. Par ailleurs, je pense aussi qu'il est important de dire que c'est un peu une nécessité compte tenu, encore une fois, de la taille de l'entreprise et des besoins de l'entreprise.

M. de Belleval: Une question supplémentaire là-dessus.

M. Bourbeau:...

M. de Belleval: Excusez, M. Bourbeau.

M. Bourbeau: Est-ce que je pourrais ajouter...

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: J'ai les chiffres d'Hydro-Ontario sur ces ratios. À Hydro-Ontario, la couverture d'intérêt en 1980, était de 0, 96 et non pas de 1; donc légèrement en bas de 1. Quant au taux de capitalisation à HydroOntario, en 1980, son taux était de 15, 4% et non pas de 25%.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Dans le contexte de l'échange entre le ministre des Finances et M. Lafond, si je comprends bien, compte tenu de ces nouvelles dispositions qui seront maintenant dans la Loi sur l'Hydro-Québec, à savoir le taux de capitalisation qui doit être d'au moins 25%, les principes comptables généralement reconnus, etc., compte tenu des autres facteurs, aussi, dont vous avez parlé tout à l'heure, il n'en reste pas moins que, de ce seul point de vue, la loi se trouve à donner des assurances additionnelles aux gens qui nous prêtent de l'argent par rapport à la situation antérieure. Actuellement, rien ne leur garantit que nous allons avoir un taux de capitalisation d'au moins 25%, tandis que, maintenant, avec cette loi, ils vont avoir cette garantie dans la loi.

M. Lafond: Voici, sans être avocat...

M. de Belleval: De ce point de vue purement... de ce strict point de vue, c'est une amélioration.

M. Lafond: Je voudrais simplement préciser ce qu'est ma perception de la loi. Elle dit que le montant du dividende ne diminuera pas le ratio en bas de 25%/75%, ni la couverture en bas de 1. Mais c'est strictement une nuance, et cela a été soulevé, on a posé la question. Il n'y a rien qui garantisse dans loi qu'advenant un désastre majeur, que ce soit à la suite de problèmes sur les marchés financiers ou une catastrophe physique, un tremblement de terre ou autre chose, rien dans la loi ne prévoit que les ratios seront restaurés automatiquement par voie de hausse de tarifs, de subsisdes ou des choses comme ça. Il n'y a rien qui prévoit ça. On dit qu'on va essayer de l'observer.

Autrefois, on avait toujours dit qu'on visait 1, 25 et un minimum de 20%/80% qui avait toujours été obtenu. Il n'est pas facile de se placer dans la chaise du qérant de portefeuille, fût-il celui qui est responsable de la caisse d'un État américain ou d'une caisse de retraite de fonctionnaires, en tout cas, toute espèce d'investisseur dans une compagnie d'assurance; il n'est pas facile de se placer dans sa chaise et de prévoir sa réaction. Il juge un crédit comme un crédit, avec son évolution, etc.

M. de Belleval: Autrefois, il le jugeait en fonction de tous ces facteurs dont vous parlez et en même temps de la pratique généralement suivie par Hydro-Québec, historiquement, qui va continuer à le faire, sauf que, maintenant, il y aura une garantie supplémentaire, dans un texte écrit, à savoir que ces taux de couverture seront respectés. Ce ne sera pas simplement la tradition ou des pratiques généralement suivies, ce sera une décision gouvernementale inscrite dans une loi. De ce point de vue, c'est une amélioration, de ce strict point de vue.

M. Lafond: Je dirais, M. le Président, que vous pouvez compter sur les responsables d'Hydro-Québec pour faire valoir le crédit d'Hydro-Québec, comme ils l'ont toujours fait dans le passé et donner le plus d'importance possible aux valeurs fondamentales d'une entreprise qui consistent principalement, dans sa capacité de production 99% hydroélectrique et dans l'assurance que tout le monde a que les rivières, au Québec, vont continuer à couler dans la même direction.

Le Président (M. Boucher): M. le député

de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je pense à ce moment-ci, parce que ça fait plusieurs minutes qu'on passe, à juste titre d'ailleurs, sur les problèmes des conventions comptables, qu'il est important de ne pas perdre de vue le sens de l'opération et la raison pour laquelle ces problèmes sont abordés aujourd'hui. Il y a un élément nouveau dans le tableau, c'est que, contrairement au passé, le gouvernement veut désormais percevoir des dividendes et il prévoit dans la loi une certaine méthode de calcul pour dégaqer un revenu net disponible pour distribution. C'est à ce moment-là que les conventions comptables acquièrent leur pertinence, parce que c'est à partir des conventions comptables qu'il va y avoir un surplus à distribuer ou qu'il n'y en aura pas.

Si, dans le passé, on a pu adopter visa-vis de ça une certaine attitude, elle était nécessairement conditionnée par le fait qu'il ne s'agissait pas, de toute manière, de payer des dividendes, il s'agissait d'établir la tarification, il s'agissait de vendre des obligations aux investisseurs, mais il ne s'agissait pas de dégager un surplus à verser au gouvernement. En même temps que le gouvernement change le contexte en disant: Voici, désormais, vous nous paierez un dividende calculé de telle et telle façon, et, assez curieusement, il le pose dans un contexte qui est différent de toute l'histoire financière d'Hydro-Québec de la manière suivante. La plupart des années pendant lesquelles ont été établies ces traditions d'Hydro-Québec, le Canada a vécu avec un taux de change fixe. Cela s'adresse à l'une des conventions comptables dont on parlait tout à l'heure. Jusqu'en 1971, il y a eu quand même une politique canadienne de taux de change fixe, n'est-ce pas?

M. Parizeau: Non, pas du tout, un taux flottant depuis 1961.

M. Forget: C'est cela, depuis 1971. M. Parizeau: 1961, le "Diefen dollar".

M. Forget: II y a eu quand même, M. le Président, on ne se disputera pas sur les dates, il y a eu malgré tout un passé - le ministre des Finances le sait très bien - où la fluctuation des taux de change était... Bien sûr, il y a eu des périodes de fluctuation. Je ne veux pas retourner jusgue dans les années trente. Il demeure qu'il y a eu des périodes de fluctuation, il y a eu de longues périodes de taux de change fixe auxquelles ont succédé des taux variables et auxquelles ont succédé plus récemment non seulement un changement de régime, mais effectivement des variations considérables. Cela fait partie du contexte.

Il y a eu également dans toute l'histoire d'Hydro-Québec jusqu'à il y a quelques années des taux d'intérêt essentiellement beaucoup plus bas que ceux auxquels on assiste actuellement et non seulement des taux plus bas mais également des pratiques qui faisaient en sorte qu'on pouvait effectivement emprunter pour des périodes de dix ans, de vingt ans et même de trente ans.

Le ministre des Finances nous a dit tout à l'heure que c'est essentiellement parce que ces traditions ont été établies à une période où les variations de change n'étaient pas majeures et ont été établies largement dans une période où les emprunts à long terme étaient pratique courante; il n'est pas évident pour le ministre des Finances qu'on devrait être alerté à un contexte différent et peut-être adopter des règles de beaucoup plus grande prudence. Parce que c'est un fait, ce n'est pas une convention comptable, les investisseurs ne prêtent plus pour vingt ans. Je voudrais bien que ce soit toujours le cas, on serait tous très heureux, mais le fait est qu'ils ne prêtent plus pour de très longues échéances. Dans un contexte où on détermine dans une loi quel est le surplus disponible pour fins de distribution, où on détermine dans une loi un ratio de couverture des intérêts qui est de 100% plutôt que de 125%, ou de 1, 25 plutôt que de 1, on a là une espèce de défaut d'adaptation à un contexte qui est décidément très nouveau, à la fois pour Hydro-Québec vis-à-vis des marchés financiers et pour Hydro-Québec vis-à-vis du gouvernement.

Au moment où les taux d'intérêt deviennent élevés et les échéances courtes pour les emprunts, au moment où il semble que les risques sur le taux de change soient plus considérables qu'ils ne l'ont jamais été, depuis trente ans, on n'a pas vu souvent le dollar - surtout depuis quelques années -modifié par rapport à la devise américaine comme il a été cette année, on a donc des facteurs de risques plus qrands que jamais et, pour la première fois, on va définir dans une loi ce qui est disponible pour la distribution. Cela va au-delà des pratiques comptables. Ce sur quoi nous avons essayé d'attirer l'attention, c'est à la fois sur la question des risques au titre des devises étrangères et la différence de calcul à laquelle il a été fait allusion entre les revenus nets des remboursements et la méthode favorisée par le ministère des Finances; il y a un immense écart. Le moins auquel on pourrait s'attendre, c'est qu'au lieu de diminuer le ratio de couverture dans un contexte comme celui-là de 1, 25 à 1, on l'accroisse pour faire face à une conjoncture qui est décidément beaucoup plus risquée.

Or, c'est l'inverse. Le gouvernement agit à ce moment-ci dans le sens inverse de

ce qu'une réaction prudente dicterait. Les risques semblent accrus, évidemment, on veut dégager un surplus pour fins de distribution, donc on a tout intérêt à minimiser ces risques et à réduire le ratio. C'est un geste qui, en soi, tourne le dos au contexte nouveau quand on le compare à la longue histoire d'Hydro-Québec. (12 h 45)

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, puisque le député de Saint-Laurent est sorti un peu du contexte de l'interrogatoire d'Hydro, je me permettrai de lui répondre. Je pense que c'est une illusion d'optique, sur le plan historique, absolument prodigieuse que de s'imaginer que nous avons vécu dans un univers de taux de change calme, fixe et bougeant fort peu et que tout à coup, depuis quelques années, il faudrait apprendre à vivre dangereusement. On a toujours vécu dangereusement. Les journaux nous rappellent - surtout la semaine dernière et l'autre semaine avant - qu'on s'approchait de très près du taux de chanqe qu'on a connu dans les années trente. Ce n'était pas à cause de la crise, comme on le dit souvent, c'est parce que la livre sterling avait décroché, par rapport au dollar américain, de 35% et que le dollar canadien a filé entre les deux. Ceux qui se souviennent de cette époque en ont gardé des souvenirs émus.

On a connu ensuite des variations de taux de change, quand on était au taux de change fixe, entre moins 10% et plus 10%. Et le gouvernement canadien y allait fort, moins 10% qui était remplacé par zéro et qui passait à plus 10% après et qui revenait. Un effondrement récent du dollar canadien qui serait surprenant par rapport au passé. On ne se souvient pas de la crise de change sous Diefenbaker, où le dollar canadien est tombé de 102 cents à 92, 5 cents en l'espace de quelques semaines. On a la mémoire vraiment courte. Je suis en train de faire vérifier cela. Le Canada a une expérience du taux de change flottant qui est unique au monde. De tous les pays industriels, le Canada a été le premier à mettre au point la formule de taux de change flottant. Pendant que tous les taux de chanqe étaient fixes ailleurs dans le monde, chez les pays industriels, il y en avait un où cela flottait. Il n'y en avait qu'un, c'était le Canada.

La flottaison, nous, on connaît cela. Sauf erreur, Hydro-Québec, tel qu'on la connaît à l'heure actuelle, c'est-à-dire depuis les nationalisations - sauf erreur, encore une fois, je vais vérifier - a toujours vécu sous un régime de taux de change flottant. Je pense qu'il n'est jamais arrivé que vous ayez un taux de change fixe.

Il ne faudrait pas maintenant commencer tout à coup à découvrir le monde. Le taux de change canadien a passé par toute une série de fluctuations, de crises, de modifications de taux de change. Il n'y a rien dans ce qui se présente à l'heure actuelle de particulièrement nouveau.

Quant à savoir ce qui va arriver dans l'avenir au taux de change du dollar canadien, il faudrait faire attention ici de ne pas essayer de jouer à Dieu. Est-ce que vous vous rappelez qu'en 1976 le dollar canadien était à 103 cents? Cela fait juste cinq ans de cela. Il paraît même que c'est nous qui l'avions fait baisser en arrivant au pouvoir. Ceux qui savent un peu plus savent que ce n'est pas vrai. On était à 103 cents et on se désolait quant aux inconvénients que cela présentait pour l'économie canadienne d'avoir un taux de change à 103. Chercher aujourd'hui à savoir ce que, dans quatre ou cinq ans, va être le taux de change, quelles vont être ces pertes de change pour des emprunts en devises étranqères qui viendraient à échéance dans trois, quatre ou cinq ans, j'imagine que les gens d'Hydro-Québec ne le savent pas plus que moi. Moi aussi, comme ministre des Finances, j'ai des emprunts en devises étrangères et, franchement, je n'ai pas la moindre idée de ce que cela va être dans trois, quatre ou cinq ans au moment du remboursement. Personne ne le sait.

M. Forget: II y a un risque.

M. Parizeau: J'entends le député de Saint-Laurent dire: II y a un risque. Mais la vie est pleine de risques! Cela n'existe pas autrement.

M. Forget: C'est cela.

M. Parizeau: Dans ce sens, ce que la loi fait, c'est, pour la première fois, justement, chercher à réduire les risques en mettant dans la loi des coefficients minimums qui jamais n'existaient avant. Premièrement, on a toujours vécu dans une situation de risques et, deuxièmement, là, s'il y a une chose que la loi cherche à faire, c'est justement, peut-être, essayer de les réduire un peu sans se faire d'illusions d'ailleurs. On ne réduira jamais les risques complètement. Ce n'est pas possible.

Je veux seulement terminer par un mot là-dessus. On comprend alors l'extraordinaire prudence des organismes de comptables quant à la modification des formules comptables elles-mêmes. Quand on regarde ce qui s'est passé aux États-Unis et au Canada - je pense que c'est M. Lafond qui en a fait état à un moment donné - dans les recommandations de groupes de comptables, la façon dont ils ont amené certaines propositions et les ont retirées ensuite voyant quelles conséquences c'était susceptible d'avoir, on constate très bien que

tout ce qu'on peut mettre dans la loi, ce sont les pratiques généralement reconnues et faire en sorte que les 25% s'adaptent automatiquement si jamais l'unanimité des comptables se faisait ou enfin un assez large consensus sur autre chose. Dans ce sens, je pense que c'était la seule position raisonnable à prendre dans la loi et je suis heureux qu'on l'ait prise, grâce, d'ailleurs, à l'aide des gens d'Hydro-Québec qui nous ont fait un certain nombre de suggestions utiles, justement, sur le plan de l'introduction des méthodes comptables dans le texte de loi.

M. Forqet: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget:... le ministre des Finances nous dit qu'il inscrit dans la loi des ratios qui n'existaient pas auparavant.

M. Parizeau: Dans la loi.

M. Forget: Je ne sais pas où il a pris la notion qu'ils n'existaient pas, parce qu'ils existaient. On en a fait état à de nombreuses reprises en commission parlementaire. Hydro-Québec en a fait état. Je cite même ici une étude de Kidder, Peabody - une entreprise que connaît bien le ministre des Finances; il l'a connue davantage depuis, d'ailleurs - qui est datée de 1977 et qui énumère, justement, quels sont les éléments principaux de la politique financière d'Hydro-Québec à cette date. On cite une base de capitalisation de pas moins de 20% - il a d'ailleurs cité cette chose tout à l'heure, à moins que ce ne soit M. Lafond - et une couverture des intérêts de 1, 25. On ajoute en italique à la fin une chose qui n'est pas sans importance: "Premier Lévesque and Minister of Energy Joron have reaffirmed their government's continued support of this financial policy of HydroQuébec. "

Tout ce que l'on fait en le mettant dans la loi - et M. Lafond l'a indiqué tout à l'heure - c'est qu'on ne donne pas une garantie additionnelle. On ne fait que réaffirmer dans la loi que c'est bien là la politique financière qui est suivie par HydroQuébec et qui est approuvée par le gouvernement, mais il n'y a aucun remède dans la loi si jamais on s'en écarte. Je pense que ce serait peut-être, d'ailleurs, difficile d'imaginer un remède à moins de dire que, d'office, toute personne peut demander aux tribunaux de hausser les tarifs pour que le ratio soit respecté ou quelque chose du genre. C'est assez invraisemblable.

Donc, on dit tout simplement, qu'on ne fait que réaffirmer ce qui a toujours été affirmé, en le changeant à un seul égard, en diminuant de 1, 25 à 1 la couverture des intérêts, à une période où je veux bien, que le ministre des Finances ne joue pas à Dieu le père et ne prédise pas pour l'avenir l'évolution du taux de change canadien. Il reste qu'il est bien forcé de le prédire d'une certaine façon en supposant qu'il ne changera pas. Il ne peut pas faire autrement que de faire une prédiction dans un sens ou dans un autre. Si on fait la prédiction, au moins pour les états financiers, qu'il ne changera pas, on doit bien être conscient par ailleurs qu'il y a un risque qu'il change. Comme il a dû justement retourner en 1931 pour observer les taux de change qui étaient pratiqués il y a quelgues jours encore avec le dollar américain, on montre bien qu'on est dans une période où on sait que ça peut changer et que ça peut changer dans une direction et assez loin. Quand il faut retourner 50 ans en arrière pour retrouver des expériences analogues, je pense que ça démontre qu'on vit dans une période qui est quand même un tant soit peu différente de ce qu'on a vécu à d'autres périodes plus récentes.

Donc, il y a un risque, et ce risque-là va s'actualiser d'autant plus facilement que les périodes pour lesquelles on emprunte sont plus courtes. La différence, dans le fond, entre les méthodes comptables est de moins en moins importante. Tout ce qu'on sait c'est que le risque est grand, qu'il peut s'actualiser n'importe quand et qu'on a donc tout intérêt normalement à maintenir le ratio là où il était plutôt qu'à le diminuer.

Certainement, dans tout ce qu'a dit le ministre des Finances, M. le Président, il n'a cité aucune raison pour laquelle il serait tout à coup devenu opportun de diminuer de 1, 25 à 1 la couverture des intérêts. Aucune raison si ce n'est d'autres qu'il n'a pas mentionnées à l'effet qu'en donnant 1, 25 la possibilité d'aller chercher des dividendes est d'autant diminuée.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais ajouter quelques mots.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: On conviendra que le fait de donner des garanties minimales pour la première fois dans la loi n'enlève tout de même pas quoi que ce soit, ça ajoute. Au fond, ce que le député de Saint-Laurent me dit c'est qu'avant, Hydro-Québec avait sur le plan des marchés financiers une ceinture et des bretelles. J'en conviens volontiers, c'est pour ça que le pantalon tenait. Bon! Là, on a décidé de mettre dans la loi que la ceinture et les bretelles sont obligatoires. Je ne vois pas en quoi ça enlève.

Quant à déterminer que le taux de couverture minimum est de 1, reconnaissons encore une fois simplement ce que M. Bourbeau confirmait tout à l'heure, c'est

qu'il y a toute une série de compagnies d'hydroélectricité au Canada qui sont tombées largement en bas de 1, 25, largement en bas de 1. Je me souviens d'avoir vu 0, 69 à un moment donné, chez une compagnie d'hydroélectricité, je ne sais plus exactement laquelle au Canada; donc, mettre un minimum d'emploi par rapport aux pratiques suivies par d'autres, c'est très bien.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je m'adresse cette fois-ci à M. Lafond ou à M. Bourbeau. Il serait intéressant de savoir ce qu'Hydro-Québec pense justement de ce changement. Est-ce que, du point de vue d'Hydro-Québec, du point de vue de ses relations avec les milieux financiers, il vaut mieux avoir dans la loi 20%, 25% de capitalisation et 1 de couverture d'intérêt ou d'avoir la politique traditionnelle qui était de 1, 25 de couverture d'intérêt? Est-ce que le fait qu'on a maintenant dans un texte de loi réaffirmé ce qui a toujours été la politique d'Hydro-Québec, mais en la diluant, en allongeant les bretelles, est-ce que c'est suffisamment intéressant pour compenser l'effet de la diminution du ratio de 1, 25 à 1?

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Je vais commencer par tout juste une idée bien générale et je vais passer la parole ensuite à M. Lafond. Ce qu'il y a dans la loi, la couverture d'intérêt de 1 et le taux de capitalisation de 25% sont pour moi des montants minimaux et, de fait, on pourrait avoir des taux de capitalisation qui seraient plus élevés que 25%. On pourrait aller à 25, 7%, 25, 8% comme on le voit dans les deux années qui vont suivre. Ce sont des minimums qui pourraient être respectés en ayant des chiffres plus élevés que cela. Maintenant, pour votre deuxième question, je pense que M. Lafond, qui connaît les marchés financiers sur le bout de ses doigts, peut répondre relativement à ce qu'est la vision de ces financiers en face d'un tel critère mis dans une loi.

M. Lafond: M. le Président, le taux de capitalisation d'Hydro-Québec, n'est-ce pas, a fluctué au cours des années; de 1971 à 1974, il était au-delà de 25%, soit 25, 6%, 25, 7%, 26, 1%, 25, 9%. En 1975, 1976 et 1977, il est évidemment descendu en bas de 25% pour une raison bien simple, c'est qu'Hydro-Québec, à ce moment, a connu une des plus fortes croissances de ses programmes d'immobilisation avec le projet de la baie James, ce qui a entraîné une accumulation de dette à un rythme très rapide. Maintenant, en 1979, nous avions reqaqné le cap de 25, 1% et, à la fin de 1980, c'était 25, 7%. Il y avait là un effort de positionnement d'Hydro-Québec qui voulait auqmenter son ratio pour se préparer à la deuxième période quinquennale 1985-1990, comme nous l'avons déjà exposé précédemment en commission parlementaire.

Encore une fois, je ne voudrais pas qu'on se mette les pieds dans le ciment, sur le plan intellectuel, vis-à-vis de ces deux ratios. On a pénétré pour la première fois sur le marché "bulldog" en empruntant en livres sterling cette année. De ce côté-là, ce ne sont pas des marchés qui se préoccupent autant de ces ratios que le marché américain ou le marché canadien. Il y a d'autres marchés, suisse, allemand, pour lesquels les ratios ont moins d'importance.

Cependant, étant donné que le marché américain est celui qui nous a approvisionnés dans le passé pour une partie importante de la constitution de notre dette, jusqu'à environ 50%, il est important de se préoccuper de ce marché. Ce qui est difficile à faire comme exercice à ce moment-ci, c'est de prévoir quelle sera éventuellement la perception de ces choses. Je pourrais jouer au prophète de malheur, mais je préfère essayer d'être optimiste. Si les bailleurs de fonds ont des craintes vis-à-vis de la formule actuelle par rapport à la formule antérieure, on verra à l'usage, et ils pourront demander des garanties qui seront incorporées dans les obligations plutôt que d'être incorporées dans une loi. Ce sont là des choses qu'il reste à voir. Par contre, à ce jour, ils font leurs comparaisons à leur façon, ce sont leurs décisions de placement qu'il faut respecter. Ce n'est pas ce qu'on veut qu'ils croient qui est important, c'est ce qu'ils croient vraiment; ce n'est pas ce qu'on veut qu'ils pensent qui est important, c'est ce qu'ils pensent vraiment. (13 heures)

En ce sens, il est vrai qu'avec les électriciens canadiens, les comparaisons d'Hydro-Québec, financièrement, sont excellentes et Hydro-Québec représente la crème financière de l'industrie. Par contre, par rapport aux électriciens américains, les ratios que nous avons sont inférieurs aux ratios utilisés communément là-bas, mais c'est un autre type d'industrie. Certains prêteurs vont utiliser comme étalon l'industrie américaine plutôt que l'industrie canadienne; d'autres prêteurs vont utiliser comme étalon plutôt les industries canadiennes. Si nos ratios sont plus faibles, évidemment, on paie une certaine pénalité, on paie plus en allant aux États-Unis que les électriciens américains. Tout cela fait partie d'un ensemble, et la résultante est là.

Au cours des années, il faudra faire preuve, comme on l'a fait dans le passé, de

beaucoup de flexibilité, essayer d'apprécier de façon la plus réaliste possible la perception d'Hydro-Québec comme débiteur.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, il est 13 heures, est-ce que...

M. Parizeau: Est-ce que je pourrais poser une courte question à M. Lafond, avec le consentement? Je comprends qu'il est 13 heures...

M. Fortier: Une courte question de chacun et on va...

Le Président (M. Boucher): Avec le consentement... Si vous acceptez de continuer après 13 heures.

M. Parizeau: C'est assez rapide. 100 pour l'année 1981. M. Lafond, sur la base du scénario d'Hydro-Québec qui prolonge un peu ce qui est prévisible jusqu'en 1985, auquel on a fait allusion ce matin à plusieurs reprises, je comprends que la couverture d'intérêt est de 1, 02, sans dividende, je ne parle pas de dividende, la couverture des intérêts en 1981 serait de 1, 02. Est-ce que je me trompe?

M. Lafond: Exact.

M. Parizeau: C'est exact. C'est tout.

M. Forget: Ma courte question, M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget:... j'aimerais connaître l'opinion, personnelle s'il le faut, de M. Lafond, à savoir si un ratio de 1 dans une loi est mieux qu'un ratio de 1, 25, en pratique, indifférent ou inférieur.

M. Lafond: Évidemment, chacun choisit son échelle de valeurs. Je pense que je me suis référé à ce problème tantôt et il est survenu, en particulier, sur le marché américain, des situations où des lois ont été changées. À ce moment-là, dans certains milieux, on met certaines réserves quant à la continuité de l'intention du législateur, mais on vit en Amérique du Nord et c'est pour ça, je pense, qu'il y a des élections. Les prêteurs veulent cette assurance de continuité et ils sont satisfaits, à un degré plus ou moins élevé. Ce qu'il y a de mieux, c'est la garantie qu'éventuellement les fonds empruntés, principal et intérêts, seront remboursés à l'échéance.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise de la séance à 15 h 16)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

Pour le journal des Débats, je dois faire une correction: M. Desbiens (Dubuc) remplace M. Marquis (Matapédia).

M. Bourbeau avait demandé la parole.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il y a deux points que je voudrais soulever au début de la séance. Le premier a trait à une léqère correction à ce que j'ai dit ce matin. Lorsque le député de Saint-Laurent me demandait ce que voulaient dire nos hausses de tarifs lors des trois dernières années, j'ai mentionné un manque à gagner de 600 000 000 $ en 1981. Il ne faudrait pas comprendre que c'est durant l'année 1981 qu'on a eu ce manque à gagner de 600 000 000 $, mais à la fin de 1981, on avait accumulé, depuis trois ans, un manque à gagner de 600 000 000 $. Je voulais le corriger parce qu'il y a eu des interprétations, à savoir que c'était seulement pendant l'année 1981.

Le deuxième point, M. le Président, c'est qu'on aimerait distribuer deux tableaux qui vont peut-être aider à la compréhension. Le premier tableau a trait au calcul de la taxe sur le capital et du dividende basé sur les résultats financiers de l'année 1980 d'Hydro-Québec, tels que vous les voyez dans le rapport annuel, en supposant que le projet de loi no 16 aurait été appliqué intégralement durant l'année 1980. Cela vous donne le mécanisme de calcul. Le deuxième tableau se réfère aux différents chiffres que j'ai mentionnés dans mon allocution de ce matin. Ce sont les prévisions financières pour les années 1981-1985, en supposant qu'il y aurait des dividendes de 75%, de 50% ou de 25%. Ce tableau vous donne aussi toutes les hypothèses économiques qu'on a utilisées pour en arriver à ces chiffres.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, de mon côté, je voudrais corriger certaines des choses que j'ai dites ce matin quant à l'évolution du taux de change. Le taux de change du dollar canadien a été flottant de 1950 à 1962. En 1962, il a été réduit à 0, 925 % et placé dans une variation de plus ou moins 2, 5%. Il est redevenu flexible sans limite en juin 1970. C'est-à-dire qu'au cours des 31 dernières années le taux de change du dollar canadien a été flottant dans toutes les années, sauf huit ans; donc, 23 ans sur 31 ans, le taux de change canadien a été flottant.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député d'Outremont.

L'équilibre des prix

M. Fortier: J'aimerais poser une question au président du conseil, M. Bourbeau; dans le texte au milieu de la page 5, on dit: "Le conseil d'administration pourra soumettre au gouvernement des tarifs réglementaires et contractuels suffisamment élevés pour assurer, conformément aux objectifs de la politique énergétique québécoise, un équilibre dans la demande des diverses formes d'énergie. " Si je comprends bien, dans la tarification qui sera proposée à la fin du mois, votre demande se basera sur ce paragraphe.

Voici ce que j'aimerais savoir de vous; personnellement, je ne suis pas au courant de politique énergétique québécoise qui statuerait, comme la politique énergétique nationale, que l'électricité doit se maintenir à un certain niveau d'avantage ou de désavantage par rapport à d'autres formes d'énergie. Bien sûr, il y a la politique énergétique nationale qui dit que le gaz est à 85% et devrait baisser jusqu'à 66%. À ce moment-là, en l'absence de politique spécifique émanant du gouvernement, je me demande à quoi ce paragraphe se réfère. Est-ce qu'il se réfère à un document qui énoncerait la politique énergétique, mais qui n'est pas connu du public, est-ce que vous avez accès à des documents que nous n'avons pas, est-ce qu'il existe une politique énergétique définissant le prix de comparaison de l'électricité par rapport aux autres formes d'énergie?

Ma deuxième question concerne le paragraphe suivant, où vous dites qu'il faut modifier la loi pour faire ça - tout le monde est d'accord avec ça, c'est technique - et que vous partagez "le souci du gouvernement de veiller à maintenir l'équilibre entre les prix de différentes formes d'énergie. " J'aimerais savoir sur quoi se fonde cet énoncé. Le député de Charlesbourg, tout à l'heure, mentionnait le fait que dans le passé l'électricité coûtait plus cher et, maintenant, ça coûte moins cher que les autres formes d'énergie. Si j'ai bonne souvenance, alors que l'électricité coûtait plus cher que les autres formes d'énergie, il y a eu, dans un passé récent, mais dans un passé quand même, beaucoup de familles et d'individus qui se sont lancés sur l'électricité pour le chauffage, parce que cela avait un attrait, indépendamment de la question du prix. D'ailleurs, je crois qu'il y a des études qui ont été faites en Colombie britannique ou dans d'autres provinces sur l'influence des prix, relié à l'attrait des différentes formes d'énergie.

Réellement, ce que j'essaie de dire, c'est que l'expérience passée d'Hydro-Québec va dans le sens contraire, qui semblerait dire que les prix ne sont pas déterminants. Je me demande sur quoi s'est basé le conseil d'administration, puisque vous énoncez une politique du conseil d'administration pour dire que vous êtes d'accord ou que vous partaqez le souci du gouvernement de veiller à ce qu'il y ait un déséquilibre qui ne soit pas trop grand.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Je prends la première partie de votre question. Il faut lire ce paragraphe non pas comme la façon dont on va préparer notre prochaine hausse de tarifs au mois prochain. Le mois prochain, la hausse de tarifs est préparée avec comme base la loi 41 et non pas la loi 16.

Votre deuxième partie de question, ce qu'on suit, c'est un énoncé de politique qui a paru dans le livre blanc. Dans cet énoncé de politique énergétique québécoise, il y a des chiffres, des quantités qui sont indiqués et vers lesquels on devrait tendre.

M. Fortier: Pas des prix, mais des quantités d'énergie.

M. Bourbeau: Des quantités, c'est-à-dire la place que devrait occuper l'électricité dans le secteur énergétique. On s'aperçoit que, dans ce livre blanc, on a indiqué que l'électricité devra occuper 40% alors qu'actuellement on occupe 26% de l'assiette énergétique.

On dit aussi dans ce livre blanc que le gaz, qui occupe 7%, devrait occuper 14%. Évidemment, le pétrole, qui était à 72%, devrait baisser vers les 50%. Ce qu'on cherche à faire à Hydro-Québec, c'est de s'aliqner sur une croissance de l'électricité dans le secteur énergétique et d'atteindre ce pourcentage de 40%.

De la même façon, on croit que le gaz, qui est à 7% et qui s'est maintenu à 6% ou 7% depuis quelques années, suivant ce qui est indiqué dans le livre de la politique énergétique, devrait monter, devrait accroître sa part dans le secteur énergétique. Or, le prix peut jouer. Le prix n'a pas joué comme il aurait dû jouer dans le passé, mais le prix peut toutefois jouer dans l'avenir. Ce qui nous intéresse à ce moment-ci, c'est de maintenir le prix de l'électricité inférieur au prix du pétrole, parce qu'il doit être déplacé, mais maintenir le prix de l'électricité au-dessus du prix du gaz, de façon à favoriser le plus possible la pénétration du gaz au Québec.

M. Fortier: À ce sujet, tout le monde connaît les avatars de la pénétration du gaz dans le moment, malgré les nobles efforts du ministre du Travail qui n'ont pas donné grand-chose; on n'est pas tout à fait certain que le gaz va arriver au Québec cette année en quantité considérable. Hier, à la radio,

j'entendais le vice-président au marketing de Gaz Métropolitain nous expliquer que cette année, les familles qui auraient pu être alimentées en gaz ne le seront pas à cause des délais dans les travaux qui étaient nécessaires.

La question qu'on lui posait: Pour quelle raison continuez-vous à faire de la publicité? Il donnait des réponses qui n'en étaient pas. Il y a beaucoup de familles ou beaucoup d'individus qui sont déçus de cette absence de réponse de la part de Gaz Métropolitain.

Par ailleurs, il y a bien des villes et villages au Québec où il n'y a pas de gaz et où il n'y en aura pas dans l'avenir. Compte tenu du fait que la tarification d'Hydro-Québec est universelle pour le Québec depuis la nationalisation - c'est un principe assez important - cette comparaison par rapport au gaz ne sera pas valable, soit parce que le gaz n'aura effectivement pas pénétré, soit que le gaz pourrait être disponible et que les gens n'y auront pas recours ou soit parce que, dans certaines villes et villages du Québec, il n'y a absolument pas de gaz.

Donc, se comparer au gaz pourrait être un peu utopique dans l'avenir. La vraie comparaison est par rapport au pétrole. Est-ce que vous avez des commentaires à formuler là-dessus? Par rapport au prix du pétrole, est-ce que vous avez fixé un objectif, de concert avec le gouvernement, qui serait souhaitable?

M. Bourbeau: II n'y a eu aucun objectif de fixé de concert avec le gouvernement. Tout ce qu'on fait actuellement, c'est qu'on essaie de maintenir le prix de l'électricité bien en deçà du prix du pétrole, de façon à pouvoir éliminer le pétrole le plus possible.

Quant à la pénétration du gaz, je suis d'accord avec vous. Mais cela ne veut pas dire toutefois qu'Hydro-Québec doit se départir de cette responsabilité en fixant un prix pour l'électricité qui serait voisin du prix du gaz. Ce qu'on cherche, c'est de maintenir pour l'électricité un prix de beaucoup sunérieur à celui du gaz, afin de favoriser sa pénétration.

Je m'en souviens fort bien, on en avait parlé lors de la commission parlementaire de février. Vous-même aviez posé une question au vice-président de Trans-Québec et Maritimes. Vous lui demandiez, à ce moment-là, si le fait de ne pas pouvoir pénétrer actuellement, le plus vite possible, voulait dire que la pénétration que cette société entrevoyait et qui se situait à au-delà de 20% de l'assiette énergétigue ne pourrait pas être accomplie. Je pense qu'à ce moment-là ils nous avaient répondu oui. On assiste actuellement à des événements qui nous démontrent qu'ils sont encore un peu en retard sur l'échéancier qu'ils ont pour établir leur projet. Évidemment, cela veut dire que si les gens n'ont pas le gaz, ils vont peut-être changer leur fournaise à l'huile pour une fournaise à l'électricité. De toute manière, ce que l'on cherche, avec un mécanisme de prix d'électricité plus élevé que le gaz, c'est d'inciter les gens malgré tout à aller vers le gaz. Toutefois, si le gaz ne se rend pas à leur maison, ils ne pourront pas l'utiliser. On est bien conscient de cela.

M. Fortier: Mais ce que vous aviez dit, c'est que vous tentiez - ce que ce paragraphe semble dire, c'est que vous partaqez le souci de veiller à maintenir l'équilibre - de répondre aux objectifs à long terme que le livre blanc avait énoncés pour 1990. Mais comme j'en ai fait état lors de l'allocution que j'ai prononcée au début, ne connaissant pas les mécanismes que le gouvernement va mettre en place pour favoriser le gaz ou l'électricité, de quelle façon l'un et l'autre vont évoluer dans l'avenir ou les mécanismes de coordination, il se pourrait fort bien, si le gaz ne pénètre pas, que les 40% du bilan énergétique pour l'électricité soient plus élevés. À ce moment-là, il faudra bien qu'Hydro-Québec s'ajuste pour répondre aux besoins de la société québécoise. Il me semble que cela vous met dans une situation assez difficile, compte tenu des délais de réalisation et ne connaissant pas les politiques du gouvernement en ce qui concerne les mécanismes de coordination, de prévoir que le sera l'importance du programme d'équipement qui sera requis, si cette pénétration ne se fait pas. (15 h 30)

M. Bourbeau: Actuellement, il y a un comité d'harmonisation qui a été créé entre les gens du ministère, les gens d'Hydro-Québec, les gens du gaz et SOQUIP. Le ministre pourrait peut-être vous donner plus d'information sur les travaux de ce comité.

M. Fortier: Cela me ferait plaisir d'entendre le ministre. Cela fait longtemps que j'attends de lui des paroles qui iraient dans le sens de nous donner des énoncés de politique à ce sujet.

M. Duhaime: En fait, M. le Président, ce comité d'harmonisation, puisque c'est ainsi qu'il s'appelle, a commencé à siéger. Comme M. Bourbeau vient de l'indiquer, il regroupe des gens d'Hydro-Québec, du ministère de l'Énergie et des Ressources, de SOQUIP et également des compagnies gazières. Dans les paramètres, dans les objectifs qui ont été fixés et rendus publics en 1978 lors de l'énoncé du livre blanc sur les objectifs poursuivis dans le sens de la conversion pétrole vers gaz principalement et pétrole vers l'hydroélectricité, bien sûr, nous considérons que la tarification est au centre

de la gestion, est au coeur même de toute politique d'harmonisation.

Je suis convaincu que l'on va aborder tout à l'heure la question des économies d'énergie qui est aussi un des facteurs importants, mais à partir du moment où vous avez des fluctuations considérables sur le prix du pétrole et, par voie de conséquence, sur les autres formes d'énergie, il est assez difficile aujourd'hui, sur des projections à plus ou moins long terme, de se fixer dans le ciment en quelque sorte.

Il reste que les énoncés du livre blanc, qui, à l'époque, ont pu en faire sourciller quelques-uns dans leurs objectifs, sont en train de se réaliser. Si on prend essentiellement un des objectifs de la conversion pour faire en sorte que la composante hydroélectrique dans le bilan énergétique global passe de 26% à 40% ou 42% sur le réseau en 1990, on est en train de réaliser cet objectif-là. Le député d'Outremont a eu l'occasion de s'étendre amplement avant l'ajournement de l'été sur les problèmes du gazoduc en ce qui est du lac des Deux Montagnes. Espérons, entre nous, que ce n'est qu'un accident de parcours et que la pénétration du gaz au Québec pourra se faire. Nous souhaitons qu'elle se fasse. Nous déployons tous les efforts pour faire en sorte que ce gazoduc avance, en espérant, bien sûr, que nous pourrons desservir également les populations de l'Est du Québec, même si nous devions en ce sens revenir sur une récente décision de l'Office national de l'énergie qui ne nous plaît pas du tout. Mais les objectifs de l'énoncé du livre blanc de 1978 sont en train de se réaliser. Je pense que cela a été évoqué ce matin: la clé de l'harmonisation des diverses formes d'énergie qui composent notre bilan est sans aucun doute une tarification.

Je rejoins d'emblée ce que vient de rappeler à nouveau M. Bourbeau, que le prix de l'hydroélectricité dans les années qui viennent devra se situer quelque part entre le prix du pétrole et le prix du gaz naturel à un niveau pas trop élevé pour décourager une conversion, mais par ailleurs à un niveau suffisamment élevé pour être en mesure de satisfaire à l'ensemble des obligations et des contraintes financières que les opérations normales d'Hydro-Québec commandent. On en revient à être, tous autour de la table, à la recherche de la vertu en quelque sorte puisque dans le bilan énergétique du Québec sur l'horizon 1990 la composante majeure va être le niveau de consommation d'hydroélectricité, comme on le sait tous. L'impact sur la demande prévisible est un facteur et, par voie de conséquence, l'impact direct sur la programmation des équipements, donc des besoins d'investissement d'Hydro-Québec, s'y retrouve. Là-dessus, je ne sais pas si le député d'Outremont attend qu'on cherche de midi à quatorze heures, mais nous on s'en va dans cette direction et je pense qu'on est dans la bonne direction malgré les difficultés de parcours que cela peut poser.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

Prévisions financières 1981-1985

M. Parizeau: M. le Président, toute la matinée, nous avons fonctionné sur une sorte de scénario implicite et là nous avons devant nous un certain nombre de données que présente Hydro-Québec - cela vient de nous être distribué - qui sont très explicites. Dans ces conditions, vous me permettrez de poser quelques questions à Hydro-Québec sur la base des données qu'elle vient de nous remettre.

M. Bourbeau, nous reconnaissons, à partir des chiffres que vous venez de déposer, que plus de la moitié de tout le dividende à payer au gouvernement, tel que vous l'exprimez dans vos prévisions financières 1981-1985, est payable pour l'année 1985. C'est bien cela? Cela représente, si je comprends bien, 905 000 000 $ sur 1 700 000 000 $ à supposer que 75% de l'excédent soit payé en dividende. 905 000 000 $ en 1985, par rapport à 1 700 000 000 $ tel que cela apparaît dans votre tableau.

C'est bien cela? Donc, on s'entend bien. Tel qu'il apparaît dans ce document que nous venons de recevoir, plus de la moitié du montant de dividende à être versé s'applique à l'année 1985 seulement. Je m'excuse, M. le Président, à partir du moment où on a des chiffres précis venant d'Hydro-Québec, il y a des choses qu'on doit faire confirmer. C'est bien ça?

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: J'avais deux tableaux à vous faire distribuer. Le premier tableau s'intitule: Effet du projet de loi no 16 sur les résultats financiers de 1980; le deuxième s'intitule: Prévisions financières 1981-1985, et il ne montre pas les résultats financiers année par année, mais le dividende à être versé suivant les hypothèses de 75%, 50% et 25% du surplus susceptible de distribution. On a, à ce moment-là, des agrégats soit de l'utilisation des ressources financières, de la provenance des ressources financières ou des transferts au gouvernement pour la période 1981-1985, et non pas année par année.

M. Parizeau: Je comprends, M. le Président, mais ce que j'essaie de démontrer, c'est qu'on ne peut pas établir d'addition sans avoir chacun des montants qui interviennent dans l'addition. Ce que je

demande à M. Bourbeau, c'est si l'année 1985 toute seule représente plus de la moitié du dividende à être versé tel qu'il apparaît dans les prévisions financières 1981-1985, l'année 1985 seulement.

M. Bourbeau: L'année 1985 représenterait 905 000 000 $.

M. Parizeau: Sur 1 700 000 000 $, donc nettement plus que la moitié.

Reprenons maintenant, dans ce tableau Prévisions financières 1981-1985 les hypothèses qui sous-tendent le calcul tel qu'il apparaît. Je suppose que tout le monde dans cette salle a maintenant le tableau. Premièrement, croissance annuelle moyenne de la demande régulière au Québec de 5, 8% pour la période 1982-1985. Pourquoi pas 1981, M. Bourbeau, puisque les prévisions financières sont établies pour 1981-1985?

M. Bourbeau: C'est qu'on a déjà six mois de faits, ce ne sont plus donc des prévisions, c'est un constat qu'on a pour les six premiers mois. On a donné des prévisions pour des années entières de 1982 à 1985.

M. Parizeau: Est-ce que je me trompe en supposant que, pour 1981, l'augmentation de la demande est très inférieure à 5, 8%?

M. Bourbeau: Elle sera légèrement inférieure, d'après nos prévisions à 5, 8%, mais pas...

M. Parizeau: Je pense que ce serait de l'ordre de la moitié. Ce n'est pas un peu plus de 3%?

M. Bourbeau: Selon nos prévisions, on pourrait finir aux alentours de...

M. Parizeau: 3, 2%, 3, 1%?

M. Bourbeau: On finirait vers 2, 5% cette année.

M. Parizeau: 2, 5%. M. Bourbeau: Oui.

M. Parizeau: C'est ça qui expliquerait que, cette année, le dividende rapporterait moins que ce que rapporte l'industrie des courses.

Passons maintenant au point suivant. Hausse tarifaire annuelle moyenne de 13% pour 1982 à 1985. Je comprends que vous excluez 1981 puisque c'est déterminé à 10, 6%. Vous dites d'ailleurs qu'en 1981, la hausse tarifaire a été de 10, 6%, c'a été déterminé. Ce que ç'a l'air de montrer, M. Bourbeau, c'est que 13, 1%, ce serait une sorte d'accélération par rapport à ce qui est venu avant puisqu'on dit qu'en 1981, la hausse tarifaire a été de 10, 6%. Est-ce que je me trompe en disant que, pour les quatre dernières années, y compris 1981, les augmentations de tarifs ont été de 18, 7% en 1978, de 13, 7% en 1979, de 13, 3% en 1980 et de 10, 6% en 1981? Si bien que 1981 a l'air d'être bas et les hausses à venir ont l'air d'être élevées; mais en fait, les hausses que vous prévoyez, dans votre tableau, seront inférieures à celles des quatre dernières années. J'aurais l'impression que les hausses de 1978 à 1981 représentent, sur une base d'intérêt composé, 69, 1% et que celles dont vous faites état représenteraient 63, 8%; donc vous prévoyez, pour les quatre prochaines années, une hausse inférieure à celle que nous avons connue pour les quatre dernières années.

M. Bourbeau: Vous avez raison.

M. Parizeau: Donc, pour ce qui a trait au tableau que nous avons devant nous, quand on dit hausse tarifaire annuelle moyenne de 13, 1% pour 1982 à 1985, (en 1981, la hausse tarifaire a été de 10, 6%), je m'excuse d'insister là-dessus, mais on donne l'impression que l'accélération se fait. En fait, ce que vous prévoyez comme augmentation de tarif est inférieur à ce que nous avons connu au cours des quatre dernières années. C'est bien ça? Pour les quatre prochaines années, la hausse moyenne serait inférieure à celle que nous avons connue pour les quatre dernières. C'est bien ça?

M. Bourbeau: C'est ça. En partant de 18%, on a 13, 7%, 13, 3% et 10, 6% pour les quatre dernières années.

M. Parizeau: Maintenant, j'en arrive à l'évaluation de l'année 1985, parce que là, puisque vous êtes précis sur les moyennes, vous ne m'en voudrez pas d'être précis sur les années. Vous arrivez à 13, 1% comme moyenne de 1982 à 1985, 13, 1% étant une moyenne, j'imagine qu'on connaît chacune des années. Je ne me trompe pas en supposant que le 13, 1%, pour 1982 à 1985, correspond à 16, 3% d'augmentation pour 1982, 13, 1% pour 1983, 12, 5% pour 1984, 10, 7% pour 1985. C'est bien ça?

M. Bourbeau: Oui. Les hypothèses qui ont été retenues pour ce scénario sont exactes.

M. Parizeau: Bien. Qu'est-ce qui se passe en 1985, que nous retrouverions un taux d'augmentation? Parce que je vous rappelle que l'année 1985 représente, dans votre schéma, plus de la moitié du dividende total pendant toutes ces années. En 1985, le taux proposé, dans le scénario de 10, 7%, est basé sur deux choses: d'une part, sur une

chute assez importante de l'indice du coût de la vie et, d'autre part, sur une chute assez remarquable du taux d'intérêt. C'est ainsi, par exemple, que l'indice du coût de la vie, passe en 1984, selon vos estimations, de 10, 2% à 9, 8%. C'est appréciable, mais pas sensationnel par rapport aux années précédentes parce que vous supposez une réduction - j'espère qu'on la verra - assez régulière de l'indice du coût de la vie. Sauf que dans le cas du taux d'intérêt, c'est très différent. (15 h 45)

Dans votre tableau, vous pensez qu'en 1981, le taux moyen d'intérêt pour Hydro-Québec sera de 15%, pour ses nouveaux emprunts; en 1982, 16% - donc 1982 serait pire que 1981 - ensuite 15% et en 1985, où les taux d'intérêt ont évidemment une importance majeure sur le dividende à payer, 13%. Supposez qu'en 1985 il se passe une sorte de coupure sur le marché financier et que les taux d'intérêt baissent à 13%, est-ce que vous accepteriez, M. Bourbeau, l'idée qu'en 1985, les taux d'intérêt, ni vous, ni moi, on n'en sait quoi que ce soit?

M. Bourbeau: Je suis d'accord là-dessus, sauf que les hypothèses qui sont sur le tableau sont celles de nos économistes qui nous ont servi à établir ce scénario-ci. On a d'autres hypothèses et d'autres scénarios, celui-là en étant un parmi plusieurs.

M. Parizeau: M. le Président, cela voudrait dire ceci: la démonstration du tableau qui nous est présenté est basée pour plus de la moitié sur l'année 1985 et l'année 1985, sur le plan des taux d'intérêt que paierait Hydro-Québec, est basée sur une hypothèse aléatoire?

M. Bourbeau: Comme les autres...

M. Parizeau: Je ne sais pas, M. Bourbeau, je n'ai aucune idée, comme ministre des Finances, de ce que seront les taux d'intérêt en 1985. Je suis ravi d'apprendre qu'Hydro-Québec pense qu'il y aura tout à coup une diminution d'un an sur l'autre, de 1984 à 1985, de 2%, et cela m'impressionne qu'on puisse avoir une idée aussi précise, surtout quand cela a cette importance, c'est-à-dire que le dividende de 1985 représente plus de la moitié du montant total des dividendes pendant cinq ans. Disons que pour avoir pratiqué le... Je voudrais seulement rappeler une chose. Il y a un économiste - je connais ces choses-là un peu, enfin je les ai pratiquées quelques mois dans ma vie - de Chicago qui s'appelle Lawrence Klein qui disait: "Economies is common sense and economic theory is common sense made difficult. Are we in economic theory?"

Il faut bien comprendre ce qu'on entend par un test de sensibilité là-dessus. 2% de réduction sur les taux d'intérêt en 1985, alors qu'on suppose des remboursements massifs... De combien sont les remboursements cette année-là, en 1985? En avril, on évaluait les remboursements d'Hydro à 850 000 000 $; en juin de cette année, on les évaluait, pour 1985, à 800 000 000 $; en août de cette année, on les évalue, pour 1985, à 1 500 000 000 $, on double les remboursements. On applique à cela une réduction des taux d'intérêt de 2% quatre ans d'avance; on détermine un dividende énorme à payer à ce moment-là et ce dividende représente plus de la moitié de ce dont on parle dans ce tableau.

M. Bourbeau, j'aurais infiniment préféré qu'on reste sur le scénario vaque de ce matin que d'entrer dans un tableau aussi précis.

M. Bourbeau: Je crois que ce que vous avez devant vous est une hypothèse, un scénario parmi plusieurs. Nos économistes en ont fait plusieurs avec des hypothèses différentes. Cela en est un parmi ces différentes hypothèses qu'on vous présente.

M. Parizeau: Mais, M. Bourbeau, vous reconnaîtrez que cela représente une rupture majeure dans les taux d'intérêt entre 1984 et 1985.

M. Bourbeau: Tout ce que cela représente pour moi, c'est que nos économistes prévoient qu'à partir de 1982 il y aura une chute du taux d'intérêt qui part de 16%...

M. Parizeau: Pour 1981, on dit 15%.

M. Bourbeau: 16%.

M. Parizeau: 16%, 1982...

M. Bourbeau: 13%, 15%.

M. Parizeau: 15%, 1983; 15%, 1984 et là, on tombe à 13%, en 1985, au moment même où, entre juin et août de cette année, vous avez doublé le montant des remboursements.

M. Bourbeau: M. Pierre Bolduc va venir vous donner plus d'explications sur cette chute durant l'année 1985 et ce qu'elle veut dire sur les dividendes.

Le Président (M. Boucher): M. Bolduc.

M. Bolduc (Pierre): Le scénario qui a été retenu comme une des hypothèses pour décrire les effets financiers des hausses de tarifs qui ont été explicitées tout à l'heure, de même que la politique de dividendes, est le même qui a servi à établir les investissements annuels, les dépenses

d'exploitation d'Hydro-Québec. Je pense qu'il faut regarder la sensibilité d'une des ces variables non pas par elle-même, mais en tenant compte aussi de la sensibilité de toutes les autres variables. C'est-à-dire que si en réalité, vers les années 1985, les taux d'inflation étaient plus élevés, il est assez probable que les taux d'intérêt également soient plus élevés. Ce que nous avons retenu dans le scénario actuel, c'est une certaine consistance entre ces hypothèses. Il n'y a aucune prétention de connaître avec un degré de certitude même relatif exactement ce que pourraient être les taux d'intérêt en 1985.

Ce que nous pouvons établir cependant, c'est, par analyse de sensibilité, l'effet qu'aurait une différence de 2% du taux d'intérêt en 1985 sur des renouvellements de l'ordre de 1 500 000 000 $ au cours de cette année-là. 2% de 1 500 000 000 $ représenteraient 30 000 000 $ de différence. Alors, sur un dividende de 900 000 000 $, l'erreur possible causée par une différence d'hypothèse de 2% des taux d'intérêt sur cette partie qui serait renouvelée ne serait que de 30 000 000 $. Je ne pense pas que cela puisse être considéré comme un chiffre qui met en cause l'ordre de grandeur des dividendes qui sont projetés.

M. Parizeau: M. Bolduc, si je comprends bien les émissions d'obligations -j'entre dans des choses précises, je ne suis pas entré là-dedans ce matin, mais puisque vous entrez là-dedans cet après-midi, je suis bien forcé de le faire - que vous prévoyiez pour 1985, en avril, étaient de 2 200 000000 $. En juin, de 2 300 000 000 $, toujours pour 1985. Et là, c'est porté à 3 600 000 000 $.

M. Bolduc: C'est exact. Une des principales raisons de ces changements, c'est en fait l'évolution très rapide qu'a subie le marché financier au Canada où il ne nous est plus apparu possible, depuis près de deux ans maintenant, de faire des emprunts à long terme de la même nature que nous en faisions dans le passé, sur des échéances de 20 ans. Presque tous nos emprunts au Canada, maintenant, se font sur une base d'échéance initiale de trois ans, avec possibilité d'extension. Dans les derniers mois, nous avons rajusté nos prévisions financières pour maintenir comme hypothèse que cette situation allait se prolonger en 1981-1982 et accumuler forcément, à ce moment-là, des échéances plus rapprochées en 1984-1985 qui nous forceraient à emprunter de nouveau pour correspondre à ces échéances.

M. Parizeau: M. Bolduc, pourquoi est-ce que vous supposez 16, 3% d'augmentation de tarifs en 1982, 13, 1% en 1983, 12, 5% en 1984 et que, tout à coup, vous faites tomber cela à 10, 7% pour 1985, soit une chute de 2%? Est-ce qu'il y a une raison particulière à cela?

M. Fortier: La veille des élections.

M. Parizeau: Pas d'après mon calcul, M. le Président.

M. Fortier: Les élections référendaires bientôt.

M. Parizeau: Bientôt, cela ne peut pas être 1985. Pourquoi 10, 7%, M. Bolduc? Entre nous, on revient aux 10, 6% acceptés en 1981 qui créent à l'Hydro les problèmes que l'on a examinés ce matin. Pourquoi, diable, revient-on à 10, 7%? Je reviens toujours à mon argumentation de base que c'est en 1985 que le problème que vous avez soulevé par votre tableau apparaît, puisque l'année 1985 représenterait plus de la moitié de tous les dividendes à payer. C'est un peu étonnant, M. Bolduc. Vous voyez que l'inflation baisse de 0, 4%. Vous dites: Pour les remboursements d'obligations, cela ne représente que 30 000 000 $, c'est peu de chose. Et vous faites baisser les tarifs de 1, 8%.

M. Duhaime: Et c'est l'année où il y a le plus haut dividende.

M. Parizeau: C'est l'année où il y a le plus haut dividende et c'est l'année qui fait problème, de votre point de vue.

M. Bolduc: Je m'excuse. Les hypothèses de hausses de tarifs ont été établies avec nos responsables des études tarifaires et elles découlent des projections qu'ils ont faites des coûts du pétrole dont M. Bourbeau a parlé ce matin. Je signale, encore une fois, que ce sont des projections sujettes à beaucoup d'ajustements en cours de route et que la meilleure façon d'en juger l'effet, c'est de regarder la sensibilité. Au lieu de 10, 7%, si on avait 2% de plus, les revenus additionnels ainsi produits seraient de l'ordre de moins de 100 000 000 $ au cours de cette année. Donc, encore une fois, cela pourrait, si les hausses de tarifs étaient plus élevées que 10, 7%, produire un dividende au cours de cette année de 1 000 000 000 $ ou 1 100 000 000 $ au lieu de 900 000 000 S. Ces analyses de la sensibilité de nos projections permettent quand même de se faire une idée relativement ferme sur la validité de l'ordre de grandeur qui est projeté. Je pense pas qu'il ne faut interpréter aucune de nos projections comme voulant établir autre chose qu'un ordre de grandeur, surtout cinq ans à l'avance.

M. Parizeau: Je suis bien d'accord.

C'est pour cela que je regrette un peu le tableau qu'on a présenté devant nous. Vous voyez, 2% sur les remboursements d'emprunts, c'est 30 000 000 $. Sur le reste des emprunts de cette année, c'est 40 000 000 $ ou 45 000 000 $. Là, c'est 100 000 000 $ sur les tarifs. On est rendu à 180 000 000 $. Avouez que...

Cela étant dit, il n'en reste pas moins - et là, je cite quelque chose d'un peu étonnant - que le président, M. Bourbeau, nous a dit ce matin: Nous allons présenter au gouvernement des propositions de tarifs comme si la loi no 16 n'existait pas, puisque, à l'heure actuelle, nous sommes régis par la loi existante. Pourquoi, diable, vos analystes, en 1985, ont-ils établi une projection quelconque du prix du pétrole et agencé leur augmentation de 10, 7% en fonction de ce qu'ils pensaient que serait le prix du pétrole? La notion de prix du pétrole et son influence sur le prix de l'électricité, c'est la loi no 16. Ce n'est pas la loi antérieure.

M. Bolduc: Une des hypothèses de ces projections n'était pas d'établir, même avec la moindre prétention de précision, les données de 1985, mais d'établir l'ordre de grandeur du bloc de cinq années, de 1981 à 1985. Comme il a été mentionné tout à l'heure, on ne peut pas faire des chiffres agrégés de cinq ans sans faire des données individuelles pour chacune des années. Il est tout à fait évident qu'à mesure qu'on avance dans le temps, si on regarde avec précision la dernière année, le risque d'erreur devient très grand. L'objectif, c'est d'avoir un bloc de cinq ans dans lequel l'ordre de grandeur nous permet de citer avec une certaine quantification les effets dont nous parlons, mais avec toutes les réserves qui s'imposent.

C'est bien évident qu'il est à peu près impossible pour nous, encore moins pour cinq ans, mais même pour deux ou trois ans à l'avance, d'avoir des projections précises. C'est dans cet esprit que, ce matin, nous avons parlé de revenir à des propositions tarifaires sur une base annuelle et non pas sur une base de deux ou trois ans pour éviter le genre de changements par rapport à nos attentes qui se sont produits lors du dernier bloc de trois années, puisque, en 1981, nous avons une couverture d'intérêts qui dépasse à peine 1, comme on l'a dit ce matin, alors que, dans le mémoire tarifaire qui avait été présenté il y a trois ans, nous visions 1, 25. Donc, trois ans à l'avance, c'est bien évident que les précisions sont très difficiles à obtenir. L'idée ici était de donner un scénario parmi d'autres qui sont possibles sur la période agrégée de cinq ans.

M. Parizeau: On reconnaîtra donc, M. le Président, que le tableau que nous venons d'avoir devant nous est, le moins qu'on puisse dire, extrêmement aléatoire tel qu'il nous est présenté. L'essentiel de la démonstration qu'il semble vouloir faire apparaître est basé sur la dernière année de l'exercice en fonction de jugements de valeur sur ce que sera le prix du pétrole à ce moment, sur ce que seront les taux d'intérêt à ce moment et sur le plus bas taux d'augmentation dans les tarifs d'électricité cette année-là. (16 heures)

Je soumets respectueusement, M. le Président, que peut-être ce tableau-là n'aurait pas dû être présenté.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. de Belleval: M. le Président, dans la foulée de...

Le Président (M. Boucher): M. Bourbeau.

M. Bourbeau: J'aimerais soumettre aux membres de cette commission que, justement dans notre mémoire de ce matin, on a fait la recommandation que le conseil d'administration, connaissant la position exacte d'Hydro-Québec et sa santé financière à tous les ans, devrait faire une recommandation au gouvernement année par année sur le dividende à payer.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: Je pense qu'Hydro-Québec reconnaîtra que c'est à partir de ses chiffres tels qu'elle les présente que les dividendes sont établis. Je pense aussi que le gouvernement a indiqué qu'il s'appuyait sur ces chiffres-là pour aller chercher jusqu'à 75% de l'excédent.

Dans le mémoire de M. Bourbeau, présenté ce matin, on note les phrases suivantes, et j'aimerais que M. Bourbeau puisse nous éclairer quant à leur signification. En page 7, au bas de la page, dernier paragraphe, deuxième phrase: "De plus, la déclaration du dividende exprimera d'année en année le jugement du gouvernement sur ses propres besoins financiers, sur le rythme de développement de l'entreprise, sur le rôle qu'elle sera appelée à jouer dans le cadre de la politique énergétique québécoise, ainsi que sur ses - je pense que l'on parle de l'entreprise - besoins financiers. " Donc, le gouvernement doit s'appuyer sur quatre critères, nous dit Hydro-Québec.

Page 8, en haut de la page: "Le conseil d'administration croit cependant que l'évaluation des besoins financiers d'Hydro-Québec fait partie intégrante de son rôle d'administrateur de l'entreprise. " C'est-à-dire que le conseil d'administration nous dit: Je

voudrais vous faire une proposition sur la base d'un critère, les besoins financiers de l'entreprise, mais je reconnais que le gouvernement doit s'appuyer sur quatre critères. Il serait donc tout à fait étonnant que le conseil d'administration d'Hydro-Québec s'appuyant sur un critère en arrive à la même conclusion que le gouvernement s'appuyant sur quatre critères. Ce serait une coïncidence, mais une coïncidence rare. Cela peut arriver par accident et je pense que la probabilité c'est que ça n'arrive pas. Si, du point de vue même d'Hydro-Québec, le gouvernement doit s'appuyer sur quatre critères et qu'Hydro-Québec doit s'appuyer sur un critère, ce serait vraiment une coïncidence étonnante que ça coïncide. J'aimerais avoir les commentaires de M. Bourbeau sur ce plan-là.

M. Bourbeau: Tout ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on a écrit notre recommandation, Hydro-Québec connaissait l'entreprise beaucoup mieux que le gouvernement quant à ses besoins financiers et que la recommandation d'Hydro-Québec devenait un intrant et un intrant qui pouvait fort bien aider le gouvernement dans son appréciation du dividende à déclarer. Évidemment, je pense que, dans le discours, à un autre endroit, on dit qu'il y a des oppositions entre ce qu'Hydro-Québec aimerait avoir comme redevances, comme dividende, et ce que le gouvernement a comme idée, parce que le gouvernement doit composer avec une série d'intrants autres que celui d'Hydro-Québec. C'est pour cela qu'on dit que l'intrant d'Hydro-Québec est un intrant très valable au gouvernement et qu'on désire qu'Hydro-Québec puisse présenter sa recommandation au gouvernement.

M. Parizeau: M. le Président, je reviens à ce que le député de Saint-Laurent appelait ce matin ma politique du whisky. Il est évident que, chaque année, je n'établis pas le dividende de la Société des alcools sans en discuter avec les responsables. Ce sont eux qui savent si le Vosne-Romanée va se prendre mieux que la Cuvée des patriotes ou le contraire, et je pourrais bien leur fixer comme dividende à payer 300 000 000 $ quand ils savent qu'ils ne peuvent pas m'en payer plus que 315 000 000 $ et ce serait trop simple de dire de ma part: Augmentez vos prix. S'ils augmentent leurs prix, effectivement, le Vosne-Romanée peut rester simplement un souvenir nostalgique. Il existe une telle chose que la chute de la demande. Disons que ce sont des choses que l'on discute depuis fort longtemps, depuis des années. Je n'ai pas commencé ces discussions. Mes prédécesseurs les ont tenues depuis très longtemps.

Loto-Québec, c'est un peu la même chose. Loto-Québec pourrait se lancer, si vraiment je voulais un dividende plus élevé que ceux qu'elle peut me fournir, dans des jeux que la morale réprouve, il faut s'entendre sur ça. Remarquez que les cas que je viens de donner, M. le Président, ne sont pas des cas folkloriques. Ces deux sociétés ensemble fournissent au gouvernement un dividende beaucoup plus élevé que tout ce que fournira Hydro-Québec probablement d'ici trois ans. Donc, on ne parle pas de folklore à côté de quelque chose de majeur. Nous avons toujours eu ce genre de discussion.

Ce que j'aimerais savoir d'Hydro-Québec, c'est pourquoi on ne peut pas avoir un peu le même qenre de discussion et sur la même base, présumément sur des notions de bon sens, puisque maintenant il y a des garanties dans la loi qui n'existaient pas avant. Donc, on ne parle que de ce qui est au-delà de ces garanties juridiques. Pourquoi est-ce que des discussions de bon sens ne peuvent pas se manifester?

M. Bourbeau: Le tableau que vous avez devant vous et qui représente les années 1982 et 1983 - je crois que vous-même vous trouvez que l'année 1982 peut représenter assez bien la position financière d'Hydro-Québec et le dividende à payer - démontrent assez clairement qu'Hydro-Québec, lors de son année financière, rendue au mois d'août, pourrait déjà indiquer au gouvernement quels seraient les résultats financiers de son année entière. Année par année, parce qu'on dit que, l'an prochain, c'est 28 000 000 $ de dividendes, année par année, au cours de l'année, Hydro-Québec serait en mesure de dire au gouvernement quels seraient, à la fin de son année financière, les dividendes que l'on penserait pouvoir payer.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, une seule note méthodologique ou de procédure, je note qu'il y a près d'une heure qu'on a commencé, j'ai laissé filer sans interrompre le ministre des Finances. Je pense qu'il y a là une question d'alternance. On a touché à peu près tous les sujets. Je n'ai pas d'objection, cela aide la compréhension de tous que le ministre des Finances puisse développer complètement sa pensée. Mais j'espère que vous aurez la même compréhension à notre égard, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Nous avons deux jours, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aimerais relever un grand nombre d'idées et de choses qui ont défilé devant nous depuis quelques minutes. En

particulier, il y a un fait qu'il faut déplorer à ce moment-ci. Nous assistons, non seulement nous de l'Opposition, mais le grand public, la presse également, à un dialogue fort intéressant entre le ministre des Finances et le président d'Hydro-Québec au cours duquel on discute de la façon dont sont ventilés, par année, les hausses de prix, les taux d'intérêt, les dividendes à payer, alors que nous n'avons, pour tout instrument de travail, qu'un document fort simple qui fait la somme de tout cela. Sans avoir à invoquer le règlement qui, de toute façon, ne s'applique pas strictement en commission parlementaire, il serait de bon aloi que, d'une façon ou d'une autre, nous puissions jouir des mêmes données, de manière que, toute réserve étant faite sur le caractère aléatoire des chiffres qu'on nous présente, on puisse malgré tout savoir de quoi on parle sans que nous soyons obligés de griffonner à 60 milles à l'heure des colonnes de chiffres, ce qui est toujours difficile à faire.

M. Parizeau: Je suis tout à fait d'accord, M. le Président.

M. Forget: J'espère qu'au cours des prochaines minutes, on trouvera le moyen, de part et d'autre, de nous communiquer ces chiffres.

Cela dit, il faut souligner, parmi les remarques du ministre, essentiellement deux choses. La première, c'est qu'il a déploré tout haut que nous allions maintenant dans les détails au niveau d'Hydro-Québec, au niveau des questions qui sont posées. On ne peut pas décemment traiter d'un problème comme celui qui est devant cette commission sans s'intéresser à des bagatelles telles que des dizaines, des centaines de millions de dollars qui défilent devant nous. Tout en tenant compte de l'incertitude qui s'attache à des prévisions à long terme, il faut explorer les scénarios. Loin de déplorer qu'on parle de chiffres, il faut s'en réjouir, il faut insister pour qu'on continue d'en parler jusqu'à la fin.

Une autre chose qui se dégaqe des remarques du ministre - là-dessus, je vais l'approuver - c'est que lorsque Hydro-Québec s'est livrée à ces projections dont elle nous a fait part, au moins dans le total pour la période de cinq ans, elle semble avoir retenu un scénario qui a ceci de particulier: c'est un scénario qui semble incorporer une hausse tarifaire moyenne inférieure - cela a été admis par Hydro-Québec - à celle des quatre dernières années, et qui, en particulier pour la dernière année, 1985, est notablement plus basse que pour les années qui précèdent, et certainement notablement plus basse que celle qu'on va voir au début de la période.

Ce qu'il est important de se souvenir dans cela, c'est qu'il s'agit d'un scénario de hausse minimale. J'aimerais bien confirmer ici, auprès d'Hydro-Québec, que lorsqu'on parle d'une hypothèse de 1 7000 000 000 $ sur une période de cinq ans, on tient pour acquis que ceci serait le cas en ayant une hausse tarifaire, en moyenne, de 13%, ce qui permettrait, selon les mots du président ce matin, de doubler strictement en fonction des critères internes à Hydro-Québec le prix de vente de l'électricité. Tenant compte de vos préoccupations d'autofinancement, tenant compte de la hausse des coûts de fonctionnement du réseau, vous avez retenu une certaine série d'augmentations des tarifs qui permettrait de faire face aux critères internes.

Il y a eu un moment de flottement. Le ministre a attiré votre attention sur le fait que vous semblez vous ajuster sur les prix de l'énergie, en dernière période, et je ne le comprends pas très bien. Il semble, d'après la réponse qu'on a reçue, qu'il serait bien important d'avoir des précisions là-dessus. Ne s'agit-il pas, lorsqu'on parle d'une hausse de taux et d'une redevance qui en résulterait, pour le gouvernement, de 1 700 000 000 $ sur cinq ans, du scénario où la hausse des taux est, en quelque sorte, dans la fourchette des possibilités, celle qui est plutôt du côté du bas, du minimum? (16 h 15)

M. Bourbeau: Vous avez raison, c'est un scénario qui considère des hausses de tarifs à peine plus élevées que les augmentations que l'on prévoit sur les taux d'inflation. On pourrait développer des scénarios qui se situeraient de beaucoup au-delà de ce scénario-ci.

M. Forget: N'est-il pas vrai également que ces hausses de tarifs, en moyenne de 13, 1%, de 1982 à 1985, ne permettraient pas d'atteindre une parité approximative des prix de l'électricité et du pétrole?

M. Bourbeau: Avec les tableaux que j'ai donnés ce matin, je pense qu'on est encore légèrement inférieur au prix du gaz, mais on est de beaucoup inférieur au prix du mazout.

M. Forget: On l'est dans le moment et vous prévoyiez ce matin, si ma mémoire est bonne, une augmentation annuelle de l'ordre de 19% dans le prix du mazout, ce qui fait que sur une période de cinq ans vous estimiez que, comparé à 100 en 1980 - ce sont les chiffres que vous nous avez donnés ce matin - le prix du mazout no 6, l'huile lourde, serait de 302%, du pétrole no 2, de 252%, par exemple. C'est donc une hausse substantielle que vous prévoyez par rapport au niveau actuel de prix du mazout, prix déjà fort supérieur au prix de l'électricité. Donc, s'il doit y avoir un rattrapage, il faudra ajouter à l'augmentation de 300% que vous prévoyez dans le prix du pétrole

l'augmentation additionnelle qui sera nécessaire pour faire le rattrapage. On a donc, à l'intérieur de ces objectifs tarifaires qui semblent être ceux du gouvernement, la place pour une augmentation de 325%, 350%, peut-être, dans le prix de l'électricité, d'ici cinq ans.

C'est l'autre partie de la fourchette, c'est le pourcentage que vous n'avez pas donné explicitement ce matin, mais qui s'infère, je pense, essentiellement de vos remarques de ce matin. C'est bien ça?

M. Bourbeau: Oui, et si le prix du pétrole devait monter plus haut que ce qu'on a ici, au même moment, le prix du gaz monterait aussi et il faudrait avoir un prix d'électricité qui se situerait encore entre le prix du gaz majoré et le prix du pétrole majoré.

M. Forget: D'ailleurs, je le dis entre parenthèses, on pourrait y revenir plus longuement, mais rien n'interdit de penser que l'électricité demeurerait attrayante pour le consommateur, même à prix égal avec le pétrole, parce qu'on a connu des périodes, semble-t-il, dans le passé, où l'électricité était plus chère que le pétrole et où les gens choisissaient quand même le chauffage électrique parce que c'est, comme on sait, beaucoup plus propre, beaucoup plus commode, il n'y a pas d'interruption, etc.

De toute façon, on pourrait présumer que le gouvernement atteindrait ces objectifs, même avec une parité parfaite, ce qui veut dire qu'on peut entrevoir presque 400% d'augmentation en cinq ans du prix de l'électricité et ne pas clairement contrevenir aux objectifs tarifaires du gouvernement. Si on majorait les prix de l'électricité, soyons bons princes, de 350% en cinq ans, dans tous les scénarios que vous avez préparés, est-ce que vous avez une idée de la redevance qu'irait chercher le gouvernement du Québec? Ce ne serait plus 1 700 000 000 $, ce serait peut-être le double.

M. Bourbeau: Ceci n'a pas été calculé. Mais je reviens à la proposition que l'on a faite ce matin: est-ce qu'on devrait, à ce moment-là, avoir un dividende qui s'établit à 75% des surplus ou est-ce que le dividende ne devrait pas être établi, non plus à 75%, mais à 50% ou à 25% du surplus susceptible d'être distribué?

M. Forget: Mais plus les prix augmenteront - le raisonnement pourrait fort simplement être le suivant - présumément, moins les besoins de construction seront qrands pour l'avenir et moins les besoins d'autofinancement seront grands. On pourrait présumer que le pourcentage de redevance pourrait augmenter sans grand dégât. Pourquoi devrait-il subir l'évolution inverse?

M. Bourbeau: Dans le scénario que vous décrivez, on a dit que l'électricité devra se maintenir encore entre le prix du gaz et le prix du pétrole. Vous admettez vous-même qu'avec un prix de pétrole égal au prix de l'électricité, les gens passent à l'électricité. Je pense que vous admettrez aussi que même avec un prix d'électricité supérieur au prix du pétrole, les gens passent à l'électricité. Dans ce scénario, je considère que l'électricité augmenterait sa part dans le bilan énergétique et qu'on devrait subir un programme d'équipement qui serait encore onéreux.

M. Forget: Les prévisions que vous faites de l'accroissement de la demande ne sont pas très sensibles, dans le fond, aux augmentations probables de tarifs de l'électricité.

M. Bourbeau: II y a une certaine élasticité, mais on ne connaît pas encore toute l'élasticité entre le prix du gaz et le prix de l'électricité pour que l'électricité subisse un contre-choc vis-à-vis du gaz.

M. Forget: Est-ce que vous pourriez estimer, au moins de façon sommaire, à combien pourrait s'élever la redevance si effectivement ce scénario plus maximal de hausses de tarifs était suivi, parce qu'il semble bien que c'est ce que le gouvernement va vous inviter à faire?

M. Bourbeau: M. Bolduc va vous donner la réponse.

M. Bolduc: Encore une fois, pour évaluer l'effet de modifications par rapport à nos hypothèses, la sensibilité de 1% moyen additionnel dans les hausses de tarifs au cours des cinq prochaines années, autrement dit une hausse moyenne de 14, 1% au lieu de 13, 1%, produirait 400 000 000 $ de revenus additionnels à Hydro-Québec et, au niveau où nous avons fait les projections, augmenterait le dividende de 325 000 000 $ pour la période de cinq ans. Jusqu'à une certaine limite raisonnable, on peut multiplier ce 1% de façon linéaire, c'est-à-dire que, si la hausse était à l'extrême 5% de plus, on pourrait dire que le dividende additionnel serait cinq fois 325 000 000 $, mais disons que la linéarité n'est pas nécessairement constante à l'extrême.

M. Forget: Je crois que c'est un chiffre dont tout le monde devrait se souvenir: 1% des tarifs, avec l'adoption du projet de loi 16, veut dire pour le gouvernement un revenu de 325 000 000 $.

M. Bourbeau: Pendant cinq ans.

M. Forget: Sur une période de cinq ans.

M. Bourbeau: C'est cela.

M. Forget: Sur une période de cinq ans.

M. Bourbeau: Oui.

M. Forget: L'effet cumulatif sur la période.

M. Bourbeau: Oui.

M. Forget: Dans le contexte, M. le Président, des questions que posait le ministre des Finances disant que le gouvernement doit tenir compte de quatre facteurs et Hydro-Québec de seulement un, on peut se demander si, dans la réalité des choses, ce n'est pas plutôt la situation inverse de celle qu'il a tenté de décrire, qui prévaudrait si le gouvernement n'est pas susceptible de tenir compte d'un facteur pour ses besoins financiers et de laisser à HydroQuébec le soin de se préoccuper des trois autres, c'est-à-dire les exigences de son développement, ses propres besoins financiers pour l'assurer et le rôle que sera appelée à jouer Hydro-Québec dans le cadre de la politique énergétique du gouvernement. Il semble que c'est une question légitime qu'on peut se poser: Quels seront les facteurs qui pèseront le plus dans la balance au moment de la préparation d'un budget alors que de la même main, en quelque sorte, le gouvernement fixe des tarifs et perçoit les dividendes? Je pense qu'on n'a pas besoin de dessin pour comprendre la situation presque de conflit d'intérêts, puisqu'il doit penser au court terme qui est son budget et au long terme - vous savez, comme on dit, dans l'avenir, on est tous morts, surtout les gouvernements, c'est souvent vrai pour eux -soit à ce que l'on fera dans le programme d'investissement sur une période de cinq ou dix ans. C'est bien long pour un ministre des Finances qui cherche à boucler son budget au mois de février.

Là-dessus, je pense que c'est tout à fait légitime de se poser la question, M. le Président: Est-ce qu'il n'est pas plus normal que le conseil d'administration d'Hydro-Québec reçoive un mandat du léqislateur lui disant: Voici quelle est la politique énergétique et voici quel est le rôle qu'Hydro-Québec doit jouer pour satisfaire aux besoins de la société québécoise et que ce soit à ce conseil d'administration qu'on demande de prendre des décisions qui découlent de cette orientation, plutôt que de faire administrer Hydro-Québec par le Conseil des ministres? Je comprends qu'il y en a quelques-uns qui ne demandent que cela au Conseil des ministres, mais il y a quand même une certaine division des rôles, il y a un conseil d'administration et je me demande ce que le conseil d'administration aura à faire une fois que le plan d'investissement, la tarification, les dividendes seront décidés au Conseil des ministres en fonction de critères dont ils sont les seuls juqes. Il me semble qu'il y a une question de cohérence. Ce n'est pas pour rien que c'est à une société d'État plutôt qu'au ministère de l'Énergie et des Ressources qu'on a confié l'administration d'Hydro-Québec.

Il y a là une question extrêmement importante sur le plan des principes, mais ce sur quoi je pense qu'il est important d'insister en terminant - je vous remercie en passant pour la ventilation des estimations par année - c'est que le scénario qui a été présenté par Hydro-Québec, contrairement à ce que le ministre des Finances a voulu laisser entendre à demi-mot par ses questions, ne priviléqie pas nécessairement la formule qui donne le plus gros dividende. On peut imaginer des dizaines de scénarios tout aussi plausibles qui, au lieu de faire afficher un dividende de 1 700 000 000 $, lui font afficher un dividende beaucoup plus considérable.

Rappelons-nous qu'il ne s'agit pas tout simplement de dire: Oui, toutes les prévisions sont aléatoires. Une fois la loi adoptée, il n'y aura rien d'aléatoire là-dedans. Le niveau des revenus dépendra strictement d'une décision tarifaire qui sera prise par le gouvernement, en définitive, et d'une distribution de dividendes qui sera également décidée par le gouvernement.

Tout élément qui peut être aléatoire maintenant, alors que la loi...

M. Fortier: Les déficits ne sont pas aléatoires.

M. Forget: Les déficits ne sont pas aléatoires, c'est tout à fait vrai. Les déficits sont tout à fait réels aussi, les déficits gouvernementaux, j'entends. Et tout ce qui demeurera aléatoire, M. le Président, ce sera l'évolution du taux d'intérêt et de l'inflation. Mais de toute manière on pourra toujours se servir de l'excuse des taux d'intérêt et de l'inflation pour justifier toute hausse de taux et ajouter à cela ce qui sera nécessaire pour combler les besoins financiers du gouvernement. Et il y a de la place entre la fourchette minimale qui a été décrite par Hydro-Québec comme étant de l'ordre d'un doublement des tarifs en cinq ans - ce n'est pas rien - et la multiplication par trois et demi ou quatre à laquelle le gouvernement nous prépare tranquillement en disant qu'il est indécent que les prix d'électricité obéissent strictement aux facteurs internes à Hydro-Québec.

Il faut tenir compte de la hausse et du niveau actuel, non seulement de la hausse future, mais du niveau actuel du pétrole, et s'en rapprocher.

Le président d'Hydro nous disait tout à l'heure, et je pense que cela tombe sous le

sens commun: Même si les prix d'électricité en arrivaient à dépasser légèrement le prix du pétrole, il est loin d'être prouvé - et il n'y a rien que le ministre de l'Énergie et des Ressources nous ait dit pour nous prouver le contraire - qu'un niveau plus élevé pour l'électricité empêcherait le gouvernement de réaliser le bilan énergétique qu'il recherche. De toute manière, l'élasticité de la demande pour cette différence de prix est loin d'être grande, même si son montant n'est pas précisément estimé. C'est loin d'être grand et, dans le passé, il y a eu des périodes où on a, avec succès, encouragé la conversion à l'électricité, alors que les tarifs d'électricité étaient plus élevés que l'équivalent pour le chauffage à l'huile.

On a donc une immense marge de manoeuvre. Le gouvernement se donne les coudées franches pour augmenter très considérablement les tarifs au-delà des besoins d'Hydro-Québec et ceci se répercuterait de façon très significative sur les redevances qu'il perçoit. 1% sur les tarifs donnant 325 000 000 $, on a une bonne marge et une bonne incitation, M. le Président, pour faire qrimper les tarifs. Rien ne dit qu'on se bornerait à 1%. On peut aussi les augmenter de 5%.

M. Parizeau: Sur?

M. Forget: Sur le nombre d'années qu'on voudra.

M. Parizeau: Ah!

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit ce matin. Vous avez insisté sur une recommandation très spécifique, soit que le conseil d'administration fasse une recommandation: "En conséquence, il propose que le projet de loi soit modifié afin d'accorder à HydroQuébec le pouvoir de transmettre au gouvernement une proposition de dividende annuel, en même temps que les données financières qui fixent le surplus susceptible de distribution. " Et à la page précédente, vous avez fait état de ce qu'on peut appeler un conflit d'intérêts possible.

Oublions le gouvernement et plaçons-nous du point de vue d'Hydro-Québec comme telle - et je dois admettre que tout à l'heure le ministre des Finances faisait allusion à la Société des alcools; tout le monde sait, c'est un secret de polichinelle, et sous les libéraux et sous le gouvernement existant, que la Société des alcools n'a jamais eu une autonomie très grande et qu'Hydro-Québec a joui d'une marge de manoeuvre beaucoup plus grande dans l'établissement des propositions qu'elle faisait au gouvernement sans aucune interférence qui pouvait modifier substantiellement la marche qu'elle suivait vis-à-vis des politiques qui étaient édictées par le gouvernement. J'aimerais que vous en disiez davantaqe, parce qu'il semblerait que ceci modifierait considérablement la mission, la façon de travailler ou l'autonomie administrative d'Hydro-Québec. (16 h 30)

Quels seraient les impacts que vous prévoyez et auxquels mon confrère vient de faire allusion? Peut-être pourriez-vous nous décrire d'une façon plus spécifique les motifs qui amènent le conseil d'administration - et ceci est extrêmement sérieux, parce que c'est une recommandation bien spécifique - à dire: Pour certaines raisons, nous croyons qu'il faudrait absolument que le conseil d'administration fasse cette recommandation au gouvernement. J'aimerais que vous explicitiez l'impact contraire, si la loi était adoptée, que cela aurait sur votre planification au point de vue énergétique, sur votre planification sur le plan de l'équipement ainsi que, bien sûr, sur la planification financière.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Je crois que vous avez touché les principaux points sur lesquels nous nous questionnons.

En premier lieu, il est certain qu'Hydro-Québec est peut-être le meilleur organisme qui soit capable de dire au gouvernement quels sont ses besoins financiers vis-à-vis de son programme d'équipement. À ce moment-là, il nous semble que le conseil d'administration pourrait faire la recommandation au gouvernement que, durant une certaine année, basée sur les états financiers, un dividende au montant de X pourrait être la recommandation du conseil d'administration vis-à-vis du gouvernement.

Ce qu'on cherche à ce moment-ci, c'est justement d'être capable de protéger la réalisation du programme d'équipement. Et pourquoi le protéqer? Un dividende trop élevé pourrait enlever une marge de manoeuvre à Hydro-Québec au point de vue de l'autofinancement. Si on n'a pas cette marge de manoeuvre, cela veut dire qu'on est obligé d'aller sur les marchés financiers externes et qu'on ne pourrait peut-être pas trouver le montant nécessaire pour financer le programme d'équipement. Je pense que j'ai dit ce matin dans mon discours que c'était la pierre sur laquelle on voulait se poser pour pouvoir assumer nos responsabilités.

En somme, ce qu'on cherche à dire avec notre proposition, c'est qu'Hydro-Québec est peut-être la personne qui connaît le

mieux l'entreprise et que sa recommandation devient le meilleur intrant au gouvernement pour qu'il le prenne et le regarde avec les autres intrants, les autres informations pour en arriver à trouver et à déclarer un dividende quelconque.

M. Fortier: Pourriez-vous expliciter votre pensée? La comparaison avec la Société des alcools m'importune un peu, parce que, dans mon esprit, je n'ai jamais su que la Société des alcools investissait des milliards pour dix années à venir. Bien sûr, certains qui n'ont pas l'expérience de ces grands projets peuvent penser qu'il y a des décisions annuelles qui se prennent, mais bien au contraire. J'aimerais que vous explicitiez votre pensée. D'ailleurs, en février dernier, vous avez fait la démonstration que ces programmes nécessitent justement des études, une planification du programme d'équipement et, bien sûr, une planification financière s'ensuit. J'imagine que si le gouvernement décidait unilatéralement la déclaration d'un dividende qui pourrait affecter un plan qui aurait été, au préalable, accepté en principe, cela pourrait créer une situation à peu près impossible pour les membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec mais j'aimerais que vous nous le disiez dans vos propres mots.

M. Bourbeau: Ce qu'on trouve à Hydro-Québec, c'est que, pour être capables de remplir nos responsabilités, de faire face à la demande et d'avoir un programme d'éguipement qui puisse se réaliser, il nous faut des fonds que l'on puisse générer nous-mêmes à l'intérieur de l'entreprise et il nous faut des fonds qui viendront de l'extérieur de l'entreprise. C'est notre responsabilité. Notre responsabilité, qui est décrite dans la loi, est de répondre à la demande des gens du Québec. Pour répondre à cette demande, il nous faut construire des centrales, il nous faut construire un réseau et tout ceci coûte de l'argent. Pour être capables d'évaluer quels sont nos besoins financiers, la meilleure personne se trouve encore être Hydro-Québec et ce que l'on voudrait, c'est d'être capables de passer cette information au gouvernement en faisant une recommandation. C'est le but de la proposition que nous faisons dans le mémoire.

M. Fortier: Si je comprends bien, cette recommandation, vous l'avez dit, c'est la pierre angulaire qui va permettre à HydroQuébec de jouer le rôle qu'elle a pu jouer dans le passé, de faire une planification adéquate et de remplir sa mission, savoir satisfaire les besoins en électricité. Le cas contraire serait que vous seriez amené, j'imagine, à accélérer ou à freiner certains projets avec les coûts inhérents à de telles décisions lorsque, pour des raisons financières, on doit retarder un projet qui est déjà lancé; cela pourrait augmenter considérablement le coût de construction d'un barrage ou d'une réalisation hydroélectrigue.

Vous avez fait des études dans le passé, pourriez-vous nous rappeler les coûts d'accélération ou de diminution? Je crois qu'Hydro-Québec a déjà fait des études pour démontrer la sensibilité d'un tel phénomène par rapport au coût de construction.

M. Bourbeau: Pour accélérer un programme de construction, nos coûts se trouvaient dans une proportion entre 10 à 1 à 20 à 1, c'est-à-dire que si nous devons accélérer parce qu'il y a une demande beaucoup plus élevée que celle que l'on prévoyait, ou si l'on n'a pas établi assez d'installations, on devrait à court terme, installer des turbines à gaz, or, le combustible, le carburant de ces turbines à gaz coûte excessivement cher. D'autre part, si notre programme d'équipement est trop élevé et qu'on doive le réduire, nos pertes sont de beaucoup inférieures à ce que je vous ai donné tout à l'heure.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: On a parlé de la façon dont Hydro-Québec a fonctionné dans le passé. On a établi, ce matin, que dans le passé le deqré d'autofinancement d'Hydro-Québec se promenait entre 25% et 36%.

L'avenir dont on parle, cet après-midi, à partir des projections de tarifs hypothétiques, révèle une situation tout à fait différente qui n'a plus aucun rapport avec le passé. Un taux d'autofinancement de 64% qui a été confirmé, ce matin, ce n'est pas le passé, ça, c'est quelque chose qui n'a aucun rapport avec tout ce qu'on a vu jusqu'à maintenant. On ne peut pas valablement dire que le passé est qarant de l'avenir. L'avenir qui est déterminé par des augmentations de tarifs hypothétigues qu'on nous a présentées et qui impliquent un taux d'autofinancement que jamais, jamais dans le passé, Hydro-Québec n'a connu.

S'imaginer que pendant cette phase d'autofinancement accéléré, la société dans son ensemble en profite au même titre, par exemple, que l'Alberta profite de son pétrole - je rappellerai, par exemple, que 70% de toutes les recettes gouvernementales sur le pétrole et le gaz en Alberta, vont au budget courant du gouvernement, 70% - s'imaginer que parce qu'il y a quelque chose absolument nouveau qui va se produire à Hydro-Québec, le fait d'établir ces règles du jeu qu'on veuille établir est quelque chose d'abominable, ce n'est pas abominable, c'est normal. Il était tout à fait normal que le

gouvernement réagisse à des circonstances totalement nouvelles.

Je pense que c'est le député de Saint-Laurent qui disait tout à l'heure: Je pensais, ce matin, qu'Hydro-Québec envisageait le pire des scénarios - si je l'interprète bien -quant aux augmentations de prix. Effectivement, ce matin, je trouvais intéressant de voir l'Opposition et Hydro-Québec élaborer une sorte de scénario bien pire que toutes les augmentations qu'on vient de constater cet après-midi, mais bien pire que ça. Une des raisons pour lesquelles je n'intervenais pas ce matin, c'est que je voyais tous les Frankenstein et les Dracula se démultiplier, c'est l'effet de MacEachen qui était en train de se produire. Si on avait continué sur la lancée de ce matin, on aurait annoncé demain, j'imagine, des augmentations absolument fabuleuses appréhendées des tarifs d'électricité d'Hydro-Québec. Quand on aurait déclaré des augmentations analogues à celles dont on parle cet après-midi, tout le monde aurait dit: Ouf! En fait, l'Opposition et Hydro-Québec étaient en train, ce matin, de faire une "job" absolument merveilleuse de faire peur au monde. Ce n'est surtout pas le parti ministériel qui faisait ça. Mais non!

M. Forget: Je croyais que vous visiez la parité avec le pétrole, ou presque.

M. Parizeau: Mais non, on n'a jamais dit cela. On a dit simplement qu'on ne pouvait pas établir - et tout le monde en est parfaitement conscient - le prix de l'électricité sans regarder le prix du substitut. Quicongue a été en affaires sait bien cela. On ne peut établir le prix d'un produit substitut sans regarder l'autre prix.

M. Forget: Vous faites plus que les regarder, vous vous en inspirez.

M. Parizeau: Nous les regardions et l'Opposition en tirait des conclusions, et des conclusions qui faisaient tout à fait mon affaire; ils étaient en train de viser à peu près deux fois l'augmentation de tarifs qu'on envisage.

La politique de prix d'une société d'État, le député d'Outremont disait des choses intéressantes à cet égard en parlant de la SAQ. La politique de prix de la SAQ n'est pas déterminée par le gouvernement. En fait, la SAQ a un régime bien plus libéral que celui d'Hydro-Québec. Lorsqu'on a déterminé le dividende de la SAQ, la SAQ détermine ses propres prix et le ministre responsable habituellement apprend cela par la voie des journaux. Je ne sais pas si c'est différent pour mon ex-collègue de l'Industrie et Commerce. J'ai été responsable de la SAQ pendant deux ans et demi, les augmentations de prix de la SAQ, je lisais cela dans la Gazette et dans le Devoir, ce qui va bien plus loin que ce dont on parle à l'égard d'Hydro-Québec. Depuis longtemps Hydro-Québec doit faire approuver ses tarifs. N'imaginons pas que l'on cherche à corser Hydro-Québec pour la rendre analogue à la SAQ. La SAQ détermine ses prix, annonce cela dans les journaux et les ministres lisent cela avec beaucoup d'intérêt.

En fait, j'aimerais que M. Bourbeau confirme ceci: À partir du moment où les tarifs sont déterminés par le gouvernement pour l'électricité, je ne me trompe pas en disant que le dividende à payer par HydroQuébec est un résidu. Ce n'est pas le gouvernement qui détermine le dividende. Ce n'est pas le ministre des Finances qui détermine le dividende. Étant donné la formule que nous avons mise dans la loi, le dividende est un résultat à 75% de l'augmentation des tarifs.

M. Forget: Que vous décidez.

M. Parizeau: Donc, si je comprends bien, Hydro-Québec nous fait des recommandations quant aux tarifs, n'est-ce pas? Les recommandations qu'Hydro-Québec nous fait quant aux tarifs, nous pouvons les accepter ou les modifier comme gouvernement, mais à partir du moment où c'est déterminé, n'importe qui peut déterminer quel est le dividente à partir des formules qui découlent de la loi. Le dividende n'a rien à voir avec une décision du gouvernement. À 75%, selon la formule, c'est un résidu. Donc, la décision centrale, la discussion centrale entre Hydro-Québec et le gouvernement, c'est sur les tarifs. HydroQuébec présente donc une proposition tarifaire, le gouvernement l'accepte ou la modifie, ce qui a toujours été le cas depuis des années. Lorsque que cela a été établi, le reste en découle. On peut donc se poser la question: Est-ce qu'Hydro-Québec voudrait revenir une deuxième fois pour dire: Nous nous sommes entendus avec le gouvernement? Nous ne nous sommes pas entendus sur les augmentations de tarifs, cela donne un certain dividende et nous voudrions repasser une deuxième fois pour faire une recommandation quant aux dividendes.

Ce n'est pas une première démarche, dont on parle. Ce qui est demandé comme amendement à la loi, ce n'est pas une deuxième démarche. Ce n'est pas une démarche originale, c'est une deuxième démarche. C'est une sorte d'appel quant aux tarifs, ou est-ce que je me trompe en posant la question à M. Bourbeau: Est-ce que la demande qui est faite, c'est un appel concernant la décision qui avait été prise quant aux tarifs?

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Si l'on suit le processus donné dans la loi, à la fin de septembre, on viendra en commission parlementaire pour établir les tarifs 1982-1983 et cette proposition sera acceptée par le gouvernement une fois que la commission parlementaire nous aura entendus. (16 h 45)

Les dividendes pour notre année financière 1982-1983 seront établis suivant une recommandation d'Hydro-Québec - c'est ce qu'on demande - lors de la présentation de ses états financiers au mois de mars 1983. C'est donc une fois qu'on aura complété notre année financière, une fois que les tarifs auront été établis depuis un an et demi qu'on verra quels dividendes on pourrait payer au gouvernement.

M. Parizeau: M. le Président, je vais essayer d'être plus précis. Le gouvernement détermine des augmentations de tarifs sur la base de recommandations qui lui viennent d'Hydro-Québec. Hydro-Québec communique au gouvernement les résultats financiers de l'année. On s'entend bien que le dividende fixé à 75% de l'excédent, c'est un résidu; ce n'est pas une démarche que le gouvernement entreprend en disant à Hydro-Québec: Voudriez-vous m'en payer plus ou moins? C'est un résidu, n'est-ce pas?

M. Bourbeau: C'est un résidu de nos états financiers qui donne, suivant le projet de loi no 16, un dividende susceptible d'être payé à un maximum de 75% du surplus.

M. Parizeau: C'est ça. M. Bourbeau: C'est ça.

M. Parizeau: Sur la base de 75%, le dividende n'est pas déterminé arbitrairement par le gouvernement; c'est un résidu qui est la combinaison de deux choses: le tarif tel que décrété et les états financiers tels que présentés par Hydro-Québec.

M. Bourbeau: C'est exact.

M. Forget: Sur ce point, on saute une étape. Il est techniquement et réellement incorrect de parler du dividende comme étant une pure résultante. La somme susceptible de distribution est une résultante, c'est 75% d'un certain calcul. Mais la somme qui sera effectivement versée en dividende à l'intérieur des 75% peut aller de zéro à 75%. Cela demande une deuxième décision distincte de celle qui porte sur les tarifs. Ce n'est qu'un point formel, mais il demeure que ce n'est pas exact de représenter ça comme une seule et même décision. Ce seront deux décisions prises à des moments différents et en fonction de considérations qui ne sont pas nécessairement identiques.

M. Parizeau: C'est la raison pour laquelle, M. le Président, c'est toujours sur la base de 75%. On peut dire sur une base inférieure, le gouvernement peut toujours dire: Je ne vais pas aller chercher les 75% cette année. Mais sur la base de 75%, le dividende - et je pense que c'est très important de le faire ressortir - est un résidu.

M. Fortier: Excusez-moi. C'est un résidu, mais qui devient un intrant pour l'année suivante. C'est l'oeuf et la poule, vous savez. Au mois de février, vous décidez d'un dividende, mais, au mois de septembre ou octobre, vous décidez de la tarification pour l'année qui vient. C'est bien certain que, si vous prenez zéro, l'augmentation de la tarification l'année suivante peut être plus basse et, si vous prenez 75%, ça peut être plus élevé. C'est un cycle qui se continue continuellement, et on ne peut pas penser que c'est un cycle annuel fini; c'est un cycle qui est indéfini, qui reprend d'année en année.

M. Parizeau: M. le Président, je rappellerai au député d'Outremont que la dernière fois où nous avons déterminé des tarifs pour Hydro-Québec, ça s'est appliqué à trois ans de suite. On n'est pas revenu chaque année, c'était pour trois ans.

M. Fortier: Ce n'est pas moi qui ai dit ça; c'est M. Bourbeau qui parlait...

M. Parizeau: Donc, on ne peut pas revenir là-dessus chaque année; ça dépend pour combien d'années on décide d'une augmentation de tarifs.

Je reviens sur une chose qui est plus difficile, plus compliquée, et je pense que c'est tout à fait évident sur le plan technique, même si c'est plus difficile à saisir. Il est clair que, quant au plan d'équipement d'Hydro-Québec, être astreint à la taxation normale de toute entreprise et être astreint à une politique de dividende influence ses décisions quant à son plan d'investissement. Je pense que c'est tout à fait clair. Il est important de s'en rendre compte. Dans ce sens, on se trouve à traiter Hydro-Québec comme General Motors ou le Canadien Pacifique. Il faut faire très attention ici de ne pas s'imaginer qu'il y a un plan d'équipement et que, parce qu'il y a un plan d'équipement, il ne doit pas y avoir de taxation et il ne doit pas y avoir de dividende. C'est le contraire, n'importe quelle grande entreprise, de nos jours, part de son type de taxation, du dividende qu'elle a à payer et détermine un certain nombre d'orientations en fonction de ça et pas le contraire.

Je comprends que c'est difficile à saisir, mais c'est quand même central, on ne

peut pas avoir dans notre société deux types de compagnies: des compagnies astreintes à des règles d'impôt et de dividende qui ont une certaine logique interne quant à la détermination de leur plan d'investissement et des sociétés qui ne sont pas astreintes à la taxation et qui ne sont pas astreintes à une politique de dividende et qui ont donc une façon de décider des investissements d'une autre manière.

Je reviens à ce que je disais tôt ce matin, l'objectif du gouvernement à cet égard, c'est de faire en sorte qu'Hydro-Québec, qui joue parmi toutes les compagnies canadiennes un rôle absolument majeur, elle est maintenant devenue une des très grandes sociétés canadiennes, soit astreinte aux règles qui s'appliquent normalement aux grandes sociétés.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Je voudrais faire remarquer à ce propos que General Motors et Hydro-Québec ont des missions tout à fait différentes et que, pour Hydro-Québec, nous devons, de par notre mission, fournir l'énergie électrique à la population. General Motors peut fort bien, si elle a des dividendes à payer qui sont en excès de ce qu'elle pensait avoir, reprendre son plan de développement et le restreindre. Quant à nous, nous devons fournir de l'électricité à la population.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le raisonnement serait le même si je remplaçais General Motors par Bell Canada? C'est un service public qui doit être rendu à la population, Bell Canada paie ses taxes, elle paie un dividende à ses actionnaires, elle a un plan d'équipement, elle adapte son plan d'équipement en fonction des taxes généralement payables et du dividende qu'elle à payer à ses actionnaires.

M. Bourbeau: À ce moment-ci, c'est le conseil d'administration de Bell Canada qui dicte à l'actionnaire quel doit être le dividende à payer.

M. Parizeau: Ah! M. le Président, tant et aussi longtemps que les actionnaires, à un moment donné...

M. Fortier:... font confiance au conseil d'administration...

M. Parizeau: Non, réagissent dans le bon sens...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Dans la foulée de ce qu'on vient de discuter, M. le Président, j'aimerais poser une question à M. Bourbeau ou à M. Bolduc. Dans l'hypothèse que vous avez déposée sur cette table cet après-midi - c'est bien important de voir que cela est une hypothèse, c'est un scénario possible, ce n'est pas une décision d'Hydro-Québec, ce n'est même pas une prévision, c'est une hypothèse parmi tant d'autres - on se rend compte, le ministre des Finances l'a fait remarquer, que c'est vers la cinquième année de la période que les surplus importants sont dégagés, plus de la moitié des surplus de la période sont dégagés pendant la dernière année. Par ailleurs, M. Bolduc a semblé indiquer - il pourra me corriger si je fais une interprétation excessive - que compte tenu de la cohérence qui existe entre chacun des éléments constitutifs du scénario - il y a une certaine cohérence entre augmentation de tarifs, augmentation du taux d'inflation, augmentation du taux d'intérêt, vous avez établi cette cohérence, vous en avez tenu compte - la sensibilité de chacun des éléments semble relativement égale.

Ma question serait alors la suivante. L'élément le plus important qui détermine cette espèce d'augmentation rapide du surplus, en fin de période, l'élément le plus important qu'il faut considérer pour déterminer ou apprécier ce bond soudain du surplus, je suppose que ce sont les besoins financiers générés par le plan d'équipement d'Hydro à cette époque-là. C'est qu'en 1985, vous avez un creux dans le plan d'équipement, ce qui vous permet de dégager un surplus aussi considérable. Est-ce cela? Est-ce que ce serait cela l'élément le plus sensible de votre projection sur les cinq prochaines années?

M. Bolduc: Le plan des investissements qui est défini au tableau désagrégé année par année...

M. de Belleval: Oui.

M. Bolduc:... est relativement stable; il passe de 2 700 000 000$ en 1981 à 3 654 000 000$ en 1985. Ce n'est pas là la cause de cet accroissement assez sensible du dividende en 1985. La cause est plutôt un effet cumulatif, c'est-à-dire que les hausses de tarifs qui s'appliquent par exemple en 1982 haussent les tarifs des années subséquentes, celles qui viennent en 1983 haussent les tarifs de 1983, 1984, 1985. L'année 1985 se trouve à...

M. de Belleval: C'est l'effet composition des augmentations.

M. Bolduc: C'est l'effet composition cumulatif de ces augmentations qui se multiplie la dernière année, c'est évident.

M. de Belleval: Ceci étant dit, M. le Président, on se rend compte qu'en toute hypothèse, quel que soit le scénario qui sera effectivement retenu ou qui se réalisera effectivement, parce qu'il se peut que, comme vous l'avez indiqué, le résultat de la période ne soit finalement pas l'objet d'une décision délibérée à partir d'une année, mais qu'il soit tout simplement le résultat cumulatif de décisions annuelles, il n'en reste pas moins que, vers 1985, les surplus d'Hydro susceptibles d'être retournés sous forme de dividende vont être considérables. C'est exact?

M. Bolduc: Le montant qui est spécifié dans cette projection...

M. de Belleval: Je ne parle pas d'un montant en particulier.

M. Bolduc: L'ordre de...

M. de Belleval: Mais, compte tenu de ce que vous venez de me dire qu'il y a un effet cumulatif, quelles que soient les différentes composantes du scénario qui se réalisera finalement, les surplus vont être considérables. On peut être certain de cela.

M. Bolduc: Je pense que l'ordre de grandeur est relativement précis par rapport aux variations.

Une voix: Relativement.

M. Bolduc: II ne peut pas varier du simple au double ou de ce qu'il est à 50% de sa valeur. Ce serait relativement peu probable.

M. de Belleval: Là-dessus, je différerais peut-être d'opinion avec vous, tout dépendra. Plus les tarifs seront auqmentés, et en supposant qu'ils soient augmentés dans des proportions plus grandes que celles non pas que vous avez prévues, mais que vous avez indiquées dans le scénario actuel, cela dégagerait des sommes qui, en chiffres absolus, seraient encore plus considérables...

M. Bolduc: Oui, je rappelle le chiffre...

M. de Belleval:... c'est-à-dire que les fourchettes peuvent être considérables de ce point de vue-là.

M. Bolduc:... qui a été cité plus tôt, 1% en moyenne annuelle, autrement dit, si, chaque année, la hausse était de 1% de plus...

M. de Belleval: Oui.

M. Bolduc:... que dans ce scénario-ci, cela ajouterait au dividende 325 000 000 $ en 1985.

M. de Belleval: C'est cela.

M. Bolduc: Si c'était évidemment une hausse annuelle moyenne de 4% ou de 5% plus élevée que ce scénario, là on en arriverait facilement à doubler le dividende. C'est clair, si on allait aussi loin. (17 heures)

M. de Belleval: C'est le point que je voulais vous faire établir. C'est façon toute hypothèse, les surplus vont être relativement importants et pourraient être encore plus importants que ceux que l'on voit dans le scénario actuel, mais, comme vous l'avez admis vous-même, je pense, tout le monde l'a admis de bonne foi, on n'est pas dans le domaine d'une prévision, compte tenu de la conjoncture dans laquelle on est. On essaie de déterminer un ordre de grandeur, mais une chose est certaine, c'est qu'on va dégager des surplus considérables. Cela au moins, c'est certain.

M. le Président, je pense que c'est un point quand même essentiel. C'est que, si on reprend la discussion dans laquelle veut nous amener l'Opposition en ce sens qu'on devrait laisser la nature, ni plus, ni moins, suivre son cours, d'une part, et demander au gouvernement de faire, dans le domaine de l'énergie, ce qu'il faisait autrefois dans le domaine de l'éducation, à savoir que c'était quelque chose de trop important et de trop dangereux pour que le gouvernement décide quoi que ce soit là-dessus et qu'il devait confier cela à une assemblée d'évêques et de spécialistes indépendants du gouvernement de l'époque, au fond, ce à quoi veut nous amener l'Opposition, c'est à une espèce de position semblable dans le domaine de l'énergie, en tout cas dans le domaine de l'hydroélectricité, justement au moment où on se rend compte que les conditions ont changé.

C'est ce que j'expliquais ce matin, c'est ce que le ministre des Finances aussi vient d'expliquer de nouveau disant qu'on était dans une situation de relative pénurie où le système de production hydroélectrique ne dégageait pas de surplus sur lequel, au fond, le conseil d'administration d'Hydro pouvait porter un jugement discrétionnaire en matière de redistribution de surplus - il n'y en avait pas de surplus - toutes ces ressources étaient d'abord utilisées pour fournir de l'électricité, de la fournir à un coût comparable à peu près partout au Québec et de maintenir les tarifs au plus bas niveau possible dans un contexte où, de toute façon, les autres formes d'énergie étaient moins dispendieuses que l'électricité.

Donc, au fond, il n'y avait pas tellement de jugement discriminatoire à porter sur toutes ces composantes. Mais là,

ce n'est plus le cas. De toute façon, on l'a vu, le gouvernement détermine les tarifs en dernière hypothèse. C'est dans la loi actuelle. C'est lui aussi qui approuve le plan d'équipement d'Hydro-Québec. Hydro-Québec soumet un plan, mais c'est le gouvernement qui l'approuve. Et en l'approuvant d'ailleurs, il prend l'engaqement de fournir à la société les ressources financières minimales pour réaliser ce plan. D'ailleurs, s'il ne le faisait pas, vous auriez des difficultés sur les marchés financiers et vous devriez revenir devant l'actionnaire et lui dire: Écoutez, je ne suis pas capable de réaliser le plan d'équipement que vous avez approuvé, avec la structure tarifaire que vous avez approuvée, et une discussion aurait lieu.

Mais ce n'est pas là que le problème se pose, de toute façon. On tient pour acquis, je suppose, que le gouvernement sera cohérent, qu'il approuvera une structure tarifaire compatible avec les besoins financiers minimaux d'Hydro pour réaliser le plan d'équipement d'Hydro qu'il a lui-même approuvé.

Mais c'est au-delà de cela que le problème se pose. En toute hypothèse, tenant compte de tous ces facteurs et tenant pour acquis qu'effectivement le gouvernement et Hydro s'entendront sur un plan d'équipement, une structure tarifaire, nous allons dégager des surplus considérables. Et là, il y a un jugement à porter là-dessus. On ne peut pas laisser cela au conseil supérieur de l'électricité, comme on laissait cela autrefois au Conseil supérieur de l'éducation ou au Département de l'instruction publique.

Il y a un gouvernement élu et le ministre des Finances a très bien démontré -M. Bourbeau est d'ailleurs d'accord avec cela que les critères qui vont servir à déterminer ce que nous ferons avec ces surplus ne peuvent pas être administrés exclusivement par Hydro-Québec. Hydro-Québec a un aspect à fournir dans ces critères. Là-dessus je suis d'accord avec le président qui est bien placé pour faire une recommandation au gouvernement de ce point de vue. Mais il reste qu'il admet lui-même dans son mémoire qu'il y a trois autres critères, au moins. Et cela est une décision gouvernementale. Cela ne peut pas être autrement qu'une décision gouvernementale que d'apprécier, à partir d'un intrant d'Hydro, mais à partir aussi des trois autres critères, quel sera finalement le destin de ce surplus qui est inévitable, compte tenu de la nouvelle conjoncture économique dans laquelle on est.

Cela ne sert à rien de faire un peu comme l'Opposition, de faire semblant que la situation est semblable à ce qu'elle était dans le passé et que le gouvernement n'a pas à exercer son jugement là-dessus. Il faudra que quelqu'un l'exerce et Hydro ne peut l'exercer seule, puisqu'elle n'a qu'un aspect de la décision sur lequel elle peut porter un jugement.

Et on voit un peu l'incongruité qu'il y aurait à ce qu'une proposition soit faite par Hydro sur le montant du dividende, à partir d'un seul critère, sachant, comme le ministre des Finances vient de le dire, que la décision ultime du gouvernement ne coïnciderait avec celle d'Hydro que par accident seulement.

On est dans une situation où il faut admettre que le gouvernement aura une décision à prendre, qu'il devra prendre conseil d'Hydro, je suppose, selon les mécanismes normaux de communication qui existent entre Hydro et le gouvernement, mais que d'une façon ou d'une autre, en toute hypothèse, seule la décision gouvernementale peut être légitime dans un cas semblable. Ce n'est plus une question de savoir si les tarifs seront trop élevés ou non, s'ils seront en relation ou non avec tel ou tel prix. En toute hypothèse, nous allons dégager des surplus considérables. J'admettrai avec le député de Saint-Laurent - et Dieu me garde qu'il ne fasse d'extrapolation à partir de cette admission - que la fourchette de ce surplus peut cependant varier considérablement, mais en fonction de décisions qui, de toute façon, seront prises par le gouvernement ici même dans le processus d'approbation ou de critique de l'Assemblée nationale, à savoir l'approbation du plan d'équipement et l'approbation de la tarification d'Hydro-Québec. Ce n'est pas un chèque en blanc que le gouvernement reçoit avec le projet de loi. Il devra, de toute façon, année après année, venir justifier ses décisions en matière de tarification et en matière d'équipement. Dans ce sens, effectivement, la détermination du dividende sera largement une résultante de ces deux opérations clés, l'approbation du plan d'équipement et l'approbation de la tarification.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Je voudrais corriger légèrement ce que le député de Charlesbourg vient de dire à propos du plan de développement qui est approuvé par le gouvernement. Actuellement, le gouvernement approuve deux décisions d'Hydro-Québec: le budget d'immobilisation et les tarifs. Il n'y a aucune autre...

Une voix: Le budget annuel.

M. Bourbeau: Oui, le budget annuel...

M. de Belleval: Le budget annuel.

M. Bourbeau:... d'immobilisation, mais actuellement, le plan d'équipement n'est pas approuvé par le gouvernement. On a...

M. de Belleval: Vous admettrez, M. Bourbeau, - et vous avez raison d'apporter cette correction - que c'est une correction, comme vous le dites vous-même, qui est, d'une certaine façon, subtile. Le budget d'investissements est le résultat même d'un plan d'équipement.

M. Bourbeau: C'est la première année de notre plan d'équipement qui couvre dix ans.

M. de Belleval: Enfin! D'une façon glissante, quoi!

M. Bourbeau: Exactement.

M. de Belleval: Je ne pense pas que cela contredise fondamentalement la démonstration...

M. Bourbeau: Non, non. C'était seulement... Non, non.

M. de Belleval:... mais vous avez raison d'apporter cette distinction.

M. Bourbeau: J'aurais peut-être un autre point sur l'intervention du député. Lorsqu'on regarde - et cela revient, je pense, dans la loi, à Hydro-Québec de déterminer les hausses de tarifs - et lorsqu'on détermine nos hausses de tarifs, on doit se baser sur le rythme de développement de l'entreprise. On doit se baser sur le rôle qu'Hydro-Québec sera appelée à jouer dans le cadre de la politique énergétique québécoise, c'est-à-dire notre développement et aussi nos besoins financiers. Donc, déjà, dans l'établissement des tarifs, on a à se préoccuper de ces trois points. Lorsqu'on aura, suivant notre proposition d'amendement, à proposer un dividende, on prendra ces trois facteurs en considération.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aurais seulement quelques commentaires. En premier, je vais dire que je suis pas mal d'accord avec le député de Charlesbourg et, en y pensant bien, on aurait peut-être dû laisser l'éducation aux évêques.

M. de Belleval: Le député de Saint-Laurent ne sera certainement pas d'accord.

M. Fortier: En rétrospective, cela aurait peut-être donné d'aussi bons résultats.

Je pense que le point majeur - on est en train de cerner des politiques extrêmement sérieuses - que j'aimerais souligner, c'est l'interprétation que je fais du texte au bas de la page 7, lorsque HydroQuébec dit: "La déclaration de dividende exprimera d'année en année le jugement du gouvernement sur ses propres besoins financiers... " Je pense qu'on a voulu illustrer qu'il y avait un conflit d'intérêts dans un sens et je pense bien que ce que nous essayons de défendre, c'est le fait suivant: Voulons-nous réellement avoir une HydroQuébec qui deviendra ni plus ni moins sous la tutelle d'Hydro-Québec, dans la mesure où le gouvernement serait seul capable de déterminer les besoins financiers parce que c'est lui qui prendra les décisions? J'admire votre franchise sur ce point. C'est là qu'on diverge d'opinions fondamentalement et c'est là qu'on dit que ce qui a fait le succès d'Hydro-Québec dans le passé, c'est le fait qu'elle était tout de même assez autonome vis-à-vis de son actionnaire.

Par ailleurs, je suis de ceux qui croient que le gouvernement doit intervenir sur le plan des politiques. J'ai fait allusion tout à l'heure à la politique énergétique. J'ai posé la question à savoir si le gouvernement a décidé dans un énoncé précis, comme l'a fait la politique nationale de l'énergie, quel sera le prix de l'électricité par rapport au gaz et par rapport au pétrole. Cela n'a pas été fait et je crois que le gouvernement pourrait intervenir à ce niveau pour dire à HydroQuébec: Nous voulons qu'à l'avenir le prix de l'électricité soit tel et tel. Mais ça n'a pas été fait et, à mon avis, c'est là que le gouvernement doit intervenir. Chacun doit jouer son jeu et chacun doit défendre ses positions. Que le gouvernement définisse la politique énergétique et Hydro-Québec administrera les politiques qui auront été décidées.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les points de vue sur une des recommandations d'Hydro-Québec dans son exposé en ce qui est de cette demande de se voir doter de ce pouvoir de recommandation. Je pense que mon collègue des Finances a très bien expliqué et explicité à plusieurs reprises le processus d'établissement du montant susceptible de distribution que l'on retrouve en toutes lettres dans le projet de loi.

Une fois la proposition tarifaire d'Hydro-Québec, que ce soit pour une année, pour deux années ou pour trois années, acceptée par le gouvernement et qu'elle entre en vigueur, je voudrais que l'on s'entende au moins sur une chose, c'est que d'ores et déjà pour un an, deux ans et trois ans - nos amis français diraient toutes choses étant égales par ailleurs - on peut en arriver à chiffrer comme deux et deux font quatre quel serait le montant susceptible de distribution.

Ceci étant dit - et je pense que l'exposé d'Hydro-Québec ce matin en fait

état - une fois que l'on connaît de part et d'autre - quand je dis de part et d'autre, je devrais dire de tous côtés - quels sont les paramètres de ce montant susceptible de distribution, lorsque arrive le moment de déclarer le dividende, suivant ce qui est prévu au projet de loi dans son mécanisme de déclaration, on conviendra, j'en suis sûr, qu'il s'agit d'un jugement d'opportunité, eu égard, d'une part, aux disponibilités qu'on peut chiffrer sur les marchés financiers pour une année donnée et en tenant compte, par ailleurs, bien sûr, du niveau d'autofinancement que cela représenterait comme résultante pour Hydro-Québec et en exerçant ce jugement d'opportunité aussi sur les niveaux des taux d'intérêt pour l'année en cours.

Je pense que le mémoire d'Hydro-Québec, au pied de la page 7, identifie - je pense que ce serait illusoire de vouloir le cacher, c'est bien évident - que les besoins financiers du gouvernement sont évalués chaque année par le ministre des Finances, sont évalués aussi, bien sûr, par le Conseil des ministres. Mais dépendant de l'état des marchés, dépendant des taux d'intérêt, dépendant du niveau d'autofinancement que nous avons en tête sur la projection de ces années-là, ce que je voudrais qu'on établisse au moins, c'est que cette décision que le gouvernement voudrait prendre est un jugement d'opportunité de la même façon que le gouvernement, lors du dépôt de son budget, pose des jugements d'opportunité sur des niveaux de taxation envers d'autres entreprises, envers les individus, sur la taxe à la consommation sur divers articles. La mise en garde que je voudrais faire, M. le Président, c'est essentiellement de dire à nos collègues de l'Opposition, qui jouent admirablement bien leur rôle et pour longtemps, je l'espère, que nous ne nageons pas dans un arbitraire absolu. Après avoir entendu M. Lafond et M. Bourbeau, en particulier, nous avons voulu introduire dans ce projet de loi une espèce d'engrenage mécanique très précis tant sur le niveau de couverture des intérêts d'Hydro-Québec que sur le taux de capitalisation; nous avons balisé cela de façon à pouvoir déterminer à l'avance, en fonction de la projection des revenus bruts d'Hydro-Québec, quel serait ce montant susceptible de distribution.

Ce que je voudrais dire, pour ma part, c'est que je demanderai à être convaincu -et je le dis avec tout le respect que je vous dois, M. le président d'Hydro-Québec - sur l'opportunité et la pertinence d'introduire dans le projet de loi votre première recommandation. (17 h 15)

II y a un autre aspect, M. le Président, et je comprends le peu de temps que nous aurons aujourd'hui et demain, de sorte que je ne voudrais abuser du temps de personne.

Mais je voudrais sur ce que disait mon collègue d'Outremont ce matin - en le félicitant par ailleurs qu'il prenne connaissance régulièrement de la revue Hydro-Presse - et revenir sur ce que j'ai eu l'occasion moi-même de déclarer à Hydro-Presse, qu'il était temps que les Québécois profitent non seulement - et vous allez me permettre d'expliciter ma pensée - à titre de consommateurs, mais également comme Québécois de la performance de la grande société nationale qui appartient à l'ensemble de la collectivité.

On a beaucoup parlé de la Shawiniqan, je suis bien placé pour en parler puisqu'on a tous grandi, dans mon coin en tout cas, à l'ombre de la Shawiniqan Water & Power. Je veux rappeler essentiellement qu'à l'époque de l'achat des compagnies privées d'électricité en 1963 - et mon collèque des Finances le rappelait fort pertinemment aussi dans le discours du budget du 10 mars dernier - pour un montant d'environ 300 000 000 $, plus, bien sûr, l'engagement de continuer les obligations de ces compagnies, les Québécois sont devenus les propriétaires d'une des plus grandes ressources sur leur territoire. On ne le réalise peut-être pas autant qu'on l'entend ici aujourd'hui, mais M. Lafond a laissé tomber ce matin qu'Hydro-Québec était devenue non seulement au Québec, mais dans tout le Canada, la plus grande entreprise canadienne avec des actifs de 18 000 000 000 $, la première compagnie au Canada également sur le plan de ses revenus nets d'exploitation et je devrais ajouter, que sur le plan de l'ingénierie, cela fera certainement plaisir à mon collègue d'Outremont, Hydro-Québec a fait sa marque et fait l'envie aujourd'hui du monde entier.

Je pense que le gouvernement est le représentant élu des actionnaires, et ce dont nous discutons aujourd'hui, M. le Président, n'a pas été décidé après le rapport des brefs d'élections, que je sache, mais était écrit en toutes lettres dans le discours du budget présenté par mon collèque le 10 mars. Donc, il n'y a aucune découverte. Je relisais hier soir le discours du budget à la lumière du projet de loi no 16 qui est devant nous et c'est presque la lettre du discours du budget que l'on retrouve dans la mécanique interne du projet de loi. Donc, pas de surprises, et i! faut bien comprendre que le retour des dividendes à des actionnaires en Amérique du Nord, que cela s'applique à Pacific Investments, à General Motors, à Alcan ou à Hydro-Québec, ne devrait pas, à mon sens, constituer un scandale en soi, mais au contraire ceci va nous permettre, par le retour de ces dividendes au fonds consolidé, de redistribuer un dividende d'une richesse nationale qui appartient à tous et non pas aux seuls consommateurs d'hydroélectricité.

Enfin, M. le Président, je voudrais,

quant à moi, limiter la présente intervention sur ce point. On s'est peu étendu là-dessus depuis le matin. Je dois dire que je le déplore à l'instant même en tenant peut-être pour acquis qu'on va y revenir plus longuement au cours des travaux de la commission.

Un des points majeurs que M. Bourbeau a touchés dans son exposé est au bas de la page 5 et cela couvre à peu près les trois quarts de la sixième page de son exposé. Ceci constitue une nouveauté. J'imagine que mes collègues de l'Opposition en ont été frappés également. Le projet de loi va permettre à Hydro-Québec de mettre en route et d'administrer des programmes d'économie d'énergie. Cela, c'est vraiment nouveau. Je voudrais simplement, pour la bonne intelligence de nos propos, me référer à ce qu'il est convenu d'appeler le livre blanc, la politique québécoise de l'énergie, à la page 40, où on parle de l'objectif d'économie d'énergie sur l'horizon 1990. C'est peut-être bon de se le rappeler, mais cet objectif a été chiffré à 23%, ce qui peut apparaître considérable au départ, mais qui, pourtant, constitue un objectif fort réaliste. Cependant, comme il est indiqué dans l'énoncé de politique l'objectif d'économie d'énergie de 23% d'ici 1990 requerra donc une action vigoureuse de la part tant du gouvernement que des individus et des autres agences économiques.

Cela, M. le Président, c'est une donnée nouvelle dans le contexte énergétique. Depuis les premier, deuxième et troisième chocs pétroliers, les gouvernements et l'ensemble de notre population sont beaucoup plus conscients maintenant de la nécessité d'économiser l'énergie et de mettre en route des programmes en ce sens. Je voudrais dire à M. Bourbeau que je suis très heureux de relire le premier paragraphe, entre autres, de la page 6 où on dit qu'Hydro-Québec est particulièrement apte à jouer un rôle de première importance tant au plan de l'assistance technique nécessaire à la réalisation de programmes d'économie d'énergie qu'à celui de leur administration. Je suis convaincu, M. le président, que ce que vous aviez en tête en écrivant ces mots, c'était très certainement le programme d'efficacité énergétique annoncé par le gouvernement en février dernier, si ma mémoire est bonne, et qui devrait entrer en vigueur le 1er octobre prochain. Nous avons chiffré à peu près à 1 000 000 000 $ le niveau d'intervention auprès des consommateurs de sorte que, sur la décennie 1980, nous puissions augmenter l'efficacité énergétique en augmentant l'isolation d'un million de résidences au Québec.

Je pense que c'est un défi redoutable à relever, et je suis à peu près certain que notre population, à l'heure même où on s'en parle, n'est pas tout à fait consciente des chiffres énormes que peut comporter un programme efficace d'économie d'énergie, en termes aussi d'économie nette, si on reqarde ça dans l'hypothèse des économies qui pourraient être réalisées sur un plan d'équipement à très long terme.

Cependant, ce qui me chicote un peu, si vous me permettez de le présenter de cette façon, c'est que, à la page 6 de votre exposé vous formulez une demande qui est elle-même reprise à la page 10 de votre mémoire, où vous nous dites que ça constitue des problèmes d'établissement ou de garantie de solvabilité des emprunteurs, d'une part; deuxièmement, délai de paiement; troisièmement, difficultés de recouvrement, pour en arriver à dire: Nous serions plus heureux et plus à l'aise si nous avions la garantie gouvernementale.

Je voudrais peut-être vous entendre là-dessus, M. le président, et connaître le fond de votre pensée, à savoir si Hydro-Québec a absolument besoin de la garantie du gouvernement pour administrer un tel programme d'économie d'énergie. Dans l'affirmative, pourriez-vous nous dire si vous avez quelques idées des mécanismes qu'on pourrait mettre en route, soit par le truchement d'autres sociétés déjà existantes ou encore sur des programmes spéciaux. Je vous écouterai avec beaucoup d'attention.

Le Président (M. Boucher): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau: Avant de pénétrer dans le programme d'efficacité énergétique et de vous donner toutes les raisons et tous les motifs qui nous ont poussés à faire cette recommandation d'assortir nos prêts d'une garantie gouvernementale, je voudrais relever un point que vous avez souligné. Les tarifs, une fois fixés, devront presque nécessairement nous donner le dividende une année et demie plus tard. Il faudra faire bien attention et il faut bien comprendre, surtout par les temps qui courrent, il se produit tellement de soubresauts dans le contexte énergétigue où il se pourrait que les tarifs que nous avons fixés, à un moment donné, ne pourraient pas nous donner, au bout d'un an, les dividendes escomptés.

On en a la preuve. On pensait, en 1982, avoir un dividende de 151 000 000 $ et, malheureusement, à cause d'événements qui sont survenus, ce dividende sera réduit à 28 000 000 $. Lorsqu'on fixe les tarifs, on peut avoir une bonne idée de ce qui peut survenir, mais malheureusement, d'autres événements peuvent perturber un peu notre vision.

M. Duhaime: Si vous permettez, M. le Président, j'ai tenté de m'exprimer le plus clairement possible. Je crois avoir mentionné qu'une fois les tarifs approuvés et entrant en

vigueur, toute chose étant égale, nous pouvions d'ores et déjà chiffrer, comme deux et deux font quatre, le montant susceptible de distribution qui va encadrer ce que pourrait être la déclaration du dividende qui, ultérieurement, viendrait, suivant la teneur de notre projet de loi. On se comprend bien.

M. Bourbeau: Je retiens cette citation française: Toute chose étant égale par ailleurs.

M. Duhaime: Et très utile, toujours.

M. Bourbeau: Quant au programme d'efficacité énergétique, pourquoi demande-ton cette garantie gouvernementale? Je vais passer la parole à M. Lafond qui pourra faire une première intervention toutefois sur...

M. Lafond: Le pourcentage d'autofinancement d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Boucher): M. Lafond.

M. Lafond: M. le Président, nous ressentons un certain malaise à cause de la façon dont le débat s'est engagé. J'en assume une partie de la responsabilité. Le concept de pourcentage d'autofinancement a été constamment utilisé de la même façon à Hydro-Québec. Il était établi de la façon suivante, c'est-à-dire que nous prenions, d'une part, les fonds produits par les opérations dont nous soustrayions les échéances et les besoins d'argent pour fonds d'amortissement, ce qui laissait un solde net disponible que nous comparions aux dépenses d'immobilisation.

Évidemment, cette formule qui a été utilisée depuis de nombreuses années était acceptée, mais Hydro-Québec, consciente de ce qui s'est produit sur les marchés, consciente du raccourcissement des échéances, consciente du fait qu'elle doit emprunter de plus en plus, à tous les ans, pour refinancer ses emprunts, en partie, se rend bien compte qu'elle ne peut plus s'accrocher à cette définition. Le côté un peu aberrant, si on s'entêtait à s'attacher à ce concept, a été révélé ce matin, en réponse à une question, lorsque nous avons indiqué que, sur la base de la projection, si on continuait à utiliser le même concept, on aboutirait, en 1985, à un autofinancement néqatif de moins 3%. C'est clair et évident qu'on ne peut plus s'attacher à ce concept.

Par ailleurs, de l'autre côté, il y a l'autre formule par laquelle on pourrait comparer - c'est la formule utilisée et retenue par le gouvernement - les fonds produits par Hydro-Québec aux immobilisations d'Hydro-Québec en ignorant le besoin de refinancement, en iqnorant complètement les échéances et les besoins de fonds d'amortissement. Cela nous amène aussi à un autre grand écart. De là, le chiffre cité de 65% d'autofinancement en 1985. Il y a là une marge très grande de moins 3% à 65%. Pour clarifier le débat ou pour ne pas laisser cet écart inexpligué et pour éviter de croire qu'il y a une coupure majeure dans nos opérations, le fondamental reste le même. Je me risquerais à proposer une formule intermédiaire qui se veut valable non pas parce qu'elle est intermédiaire, mais parce qu'elle représente un peu plus la réalité telle qu'on devrait la vivre, si la situation des marchés financiers persiste à nous obliger à emprunter pour trois ans, pour quatre ans ou pour cinq ans. 07 h 301

II serait, je pense, important de retenir qu'Hydro-Québec, dans les quatre prochaines années, dans le scénario qu'elle a projeté, aura, d'une part, des investissements à faire et, d'autre part, des exigences de fonds d'amortissement et des échéances de dettes. Ces deux sommes ensemble représenteront des besoins à satisfaire, des besoins en immobilisations, en comptes à payer qui devront être acquittés et, d'autre part, des besoins en échéance de dettes. Si on cumule, si on fait le total de ces deux éléments et si on les compare de façon brute au fonds engendré à l'interne, on a un ratio qui ne devrait pas s'appeler autofinancement, mais qui reflète une continuité et un équilibre entre deux mouvements qui sont réels et qui devront être respectés. Ce ratio calculé rapidement tantôt, parce qu'il colle à la réalité, je le répète, en 1981, serait de 25%; en 1982, de ?8%; en 1983, de 33%; en 1984, de 30% et, en 1985, de 30%, reflétant un certain équilibre sur la période qui met en relation, d'une part, les immobilisations et, d'autre part, les échéances de dettes et les fonds à l'interne.

Je pense que c'est une tentative non pas de concilier deux extrêmes qui, aujourd'hui, à cause de l'évolution des marchés financiers deviennent inexplicables, mais au moins de montrer qu'il y a une continuité sur les cinq ans.

M. Parizeau: Une question rapide à M. Lafond.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Avant qu'on revienne à la question de l'économie de l'énergie, juste une question à M. Lafond. Dans vos calculs, lorsque vous avez à faire un emprunt sur trois ans extensible douze ans, vous utilisez l'échéance des trois ans?

M. Lafond: Oui.

M. Parizeau: Ah; d'accord. C'est-à-dire que l'emprunt qui pourrait être de quinze

ans, si le créancier le désirait, est ramené à trois ans, vous le ramenez à l'échéance la plus courte?

M. Lafond: Oui.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous aviez terminé, M. Lafond?

M. Lafond: Non, c'est la façon dont on est obligé de procéder dans les circonstances.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, on a abordé les économies d'énergie. On aura des questions à poser là-dessus mais, malgré tout, il ne faut pas aller de façon excessive du coq a l'âne. Je crois qu'il y a malgré tout, étant donné l'importance du sujet, un certain nombre de points qu'il faut relever. On a assisté cet après-midi, à la fois de la part du ministre des Finances, député de L'Assomption et du député de Charlesbourg, essentiellement à l'argument suivant: il y a un gros surplus, selon toutes les hypothèses, il y a un gros surplus qui sera engendré, soit un gros gros gros surplus ou juste un gros surplus, mais enfin on s'est entendu qu'il y aurait un gros surplus, semble-t-il, à Hydro-Québec et, parce qu'il est là, il faut aller le chercher. Essentiellement, c'est l'argument de celui qui escalade l'Everest. Pourquoi faites-vous cela? Je fais cela parce que la montagne est là. La montagne est là, il faut grimper dessus.

M. de Belleval: Si vous permettez, M. le député de Saint-Laurent, juste un mot.

M. Forget: Non.

M. de Belleval: Non, mais vous me mettez des mots dans la bouche et je pense que ce n'est pas correct.

M. Forget: Non, je ne vous mets pas des mots dans la bouche, c'est mon interprétation de ce que vous avez dit.

M. de Belleval: Ah! d'accord.

M. Forget: Vous avez dit: II y a un gros surplus.

M. de Belleval: D'accord, c'est votre interprétation.

M. Forget: Le ministre des Finances a dit: II y a un gros surplus. Cela produira des taux d'autofinancement incroyablement élevés. Le député de Charlesbourg a dit, un peu différemment: C'est un très gros surplus, ce sont de grosses sommes. Il faut que le gouvernement porte un jugement d'opportunité sur la façon d'utiliser le surplus. Essentiellement, le surplus est là, il faut faire quelque chose avec lui. L'ennui de l'analoqie avec l'escalade des montagnes, c'est qu'ordinairement celui qui escalade la montagne n'a pas créé lui-même la montagne. Dans ce cas-ci, je pense qu'il ressort également de toutes les interventions que la montagqne est créée par une décision sur la tarification. Il y a un tarif qui produit un surplus, gros ou gros gros gros, mais un surplus.

De deux choses l'une, M. le Président: ou le surplus est excessif, en excédent des besoins véritables d'Hydro-Québec, ou il ne l'est pas. Il n'y a pas beaucoup d'autres hypothèses qu'on peut formuler. S'il est excessif aux besoins d'Hydro-Québec, il y a une solution toute trouvée: au fur et à mesure qu'on le voit se réaliser, parce que c'est cumulatif toute cette histoire, on augmente les tarifs un peu moins qu'on ne l'avait prévu. Si on pense que 900 000 000 $ de surplus, à un moment donné, ou Dieu sait quoi, c'est excessif et que cela va produire 65% d'autofinancement...

M. Parizeau: 2 000 000 000 $.

M. Forget: 2 000 000 000 $ encore mieux, si on croit que c'est vraiment indécent d'avoir un surplus comme celui-là et de payer comptant les investissements - on reviendra là-dessus tout à l'heure - le gouvernement possède toujours l'alternative de réduire les tarifs, une des raisons pour lesquelles la nationalisation de l'hydroélectricité s'est faite il y a près de 20 ans. On peut toujours les réduire et en faire bénéficier les contribuables du Québec.

On doit, d'ailleurs, dire que, s'il est vrai que les projections donnent ce chiffre, l'augmentation moyenne de 13% est probablement trop élevée parce qu'elle présume qu'il faut payer ce dividende et qu'il faut faire qrimper le taux d'autofinancement. Donc, il y a cette possibilité. Ou alors, si ce n'est pas trop élevé, c'est donc qu'Hydro-Québec a des besoins pour cet autofinancement. On nous a présenté les chiffres un peu différemment. Il semble que, sur le plan des besoins internes d'Hydro-Québec, ce ne soit pas trop élevé compte tenu des conventions comptables. Mais je ne veux pas entrer à nouveau dans les conventions comptables.

À supposer qu'on retienne les chiffres de 65% - mettons toutes les chances du côté du ministre des Finances en supposant qu'il y a véritablement là une masse qui représente, selon ses méthodes préférées de calcul, 65% - j'aimerais savoir des porte-parole d'Hydro-Québec... Après tout, le 31 décembre 1985, on ne liquidera pas Hydro-Québec. Cela va présumément continuer encore quelques mois ou quelques années. Si c'est le cas, étant

donné qu'à compter de 1986 et des années subséquentes il y a, semble-t-il, dans le plan d'investissement des besoins financiers considérables, étant donné qu'on vit également sur le marché financier une période à laquelle on ne peut pas être indifférent, où on a des taux d'intérêt qui sont, ne vous en déplaise, assez élevés, où on a un raccourcissement des échéances, donc une certaine nervosité du côté des investisseurs, ne serait-il pas opportun de hausser la part de l'autofinancement dans un tel contexte? Est-ce que ce ne serait pas dans l'intérêt des actionnaires, que sont ultimement tous les contribuables et tous les citoyens du Québec, de hausser la part de l'autofinancement? Ou alors est-ce qu'on ne sera pas de toute façon obligé de se faire un coussin, dans les années 1984 et 1985, pour absorber une partie un peu plus supérieure des besoins de financement de 1986 et 1987? En terminant de façon arbitraire l'exercice de prévision en 1985, est-ce qu'on n'hypothèque pas l'avenir, en supposant que tout cela serait disponible pour distribution? Et est-ce qu'on ne pèche pas par un peu d'imprudence en présumant qu'Hydro-Québec n'aura pas besoin de ce surplus?

Encore une fois, le raisonnement, c'est que le surplus existe et qu'il est indécent de le laisser entre les mains d'Hydro-Québec. Supposons que ce soit un véritable surplus, supposons que l'alternative ne soit pas une baisse des tarifs - parce que c'est toujours possible - ou un refus de les augmenter, ce qui, dans notre contexte actuel d'inflation revient au même, est-ce que véritablement après 1985 il n'y a pas des besoins qu'il serait prudent de prévoir, de manière à éviter un engorgement, un embouteillage, et à permettre à Hydro-Québec de réaliser l'avenir? L'avenir ne s'arrête pas le 31 décembre 1985, encore une fois.

II me semble que, lorsque l'on prévoit des besoins de financement externe, même dans la période jusqu'en 1985, de 3 626 000 000 $ en 1985, on est assez optimiste quant à la possibilité que les marchés financiers vont permettre ce genre de financement externe. Enfin, il semble, à première vue, que ce sont des chiffres un peu sans précédent.

Est-on si sûr qu'il y a un surplus à distribuer? Qu'est-ce qui nous permet d'affirmer avec une telle assurance que c'est indécent, qu'on ne peut pas tolérer un autofinancement de ce qenre? J'aimerais bien connaître le sentiment d'Hydro-Québec.

M. Bourbeau: M. Lafond.

M. Lafond: Évidemment, dans le tableau annuel de la période 1981-1985, il y aussi à la troisième ligne du bas, le besoin de financement externe qui montre une série commençant en 1981 de 2 277 000 000 $ et s'élevant progressivement jusqu'à 3 626 000 000 $. Ce qui peut nous apparaître élevé présentement demeure quand même équilibré dans l'ordre de grandeur si on le compare aux besoins du temps.

Cependant, ce qui mériterait d'être souligné est la difficulté... D'abord, première remargue préliminaire, le tableau qui est présenté pour l'information de tous les membres de la commission parlementaire n'est pas revêtu du sceau de l'assurance de la faisabilité de ce programme de financement. On indique ce qui, présentement, nous apparaîtra comme requis et on ne garantit pas que ce sera faisable. Deuxièmement, la difficulté, je pense, au cours de cette année sera de garder une vitesse de croisière d'emprunt au-delà des 2 500 000 000 $ en moyenne année après année. Troisièmement, je pense que la remarque qui s'impose à ce moment-ci, c'est qu'au cours de l'année 1981 nous connaissons des difficultés à réaliser le programme d'emprunts que nous nous étions fixé. Évidemment, il y a des palliatifs qui sont disponibles mais qui ne sont pas nécessairement les meilleurs crédits qu'Hydro-Québec peut aller chercher. Nous avons fait allusion ce matin à la flexibilité requise: il y a beaucoup de place pour la flexibilité qui nous sera imposée, je pense, pour le reste de l'année 1981 et possiblement pour une bonne partie de l'année 1982 à tout le moins. Cependant, on ne veut pas devenir devin, mais ce que l'année 1981 illustre - et cela pourra se répéter en 1983 et en 1984, alors que nos besoins d'emprunt sont de 2 600 000 000 $ 3 200 000 000 $ et 3 600 000 000 $ - c'est probablement ce qui a motivé le conseil d'administration dans sa demande d'avoir une possibilité de recommandation. Il est possible qu'en fin d'année le programme d'emprunt d'Hydro-Québec de l'année encourue n'aura pas été réalisé au complet ou aura encore un manque de 25% à 30%. Ce manque de 25% à 30% représentera 500 000 000 $, 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ dans les données de fin de série. Présentement, Hydro-Québec a emprunté 880 000 000 $ sur un programme de 2 200 000 000 $ et nous nous efforçons de le compléter, mais il est évident que dans les années à venir l'ordre de grandeur qui est exprimé là laisse des points d'interrogation.

Si Hydro-Québec est grande par ses actifs, elle est aussi importante par les ponctions qu'elle exerce sur les marchés de capitaux.

M. Forget: N'est-il pas vrai que les besoins seront encore plus considérables après 1985, toutes proportions gardées?

M. Lafond: Si, mais on concède, on

reconnaît, je pense - et c'est pour cette raison qu'on préfère s'arrêter à 1985 - qu'au-delà de 1985 des projections financières quant aux résultats d'opération, quant aux besoins d'emprunt, etc., sont extrêmement difficiles et même pour les cinq premières années, on a vu ce que cela entraîne comme difficulté, même si on essaie d'avoir une cohérence entre les taux de...

M. Forget: Je comprends que vous ne pouvez pas dire maintenant quel sera l'état des marchés financiers en 1986. Ce que vous savez maintenant, cependant - parce que vous êtes obligés de préparer des plans quelques années d'avance - c'est que vous aurez besoin d'argent en 1986 et en 1987 dans des quantités considérables. Pourrait-on avoir une idée de la deuxième période de cinq ans, après 1985, du montant moyen annuel que vous devrez aller chercher sur les marchés financiers?(17 h 45)

M. Lafond: Non, cette période 1986-1990 n'est pas disponible présentement. Évidemment, la hausse des taux d'intérêt et tout le reste poussent présentement vers le haut, mais ça reste à voir.

M. Forget: II me semble qu'en février il y a eu des prévisions d'un plan d'équipement qui allaient au-delà de 1985.

M. Fortier: 60 000 000 000 $ à peu près.

M. Forget: Des sommes ont été mentionnées de l'ordre justement de 60 000 000 000 $ sur une décennie, la décennie des années 1980. S'il y a quelque chose, cela a pu être révisé à la hausse. Si je comprends bien, vous prenez énormément de précautions. Je comprends que c'est une situation délicate, mais il reste que le problème essentiel que vous avez à trancher, dans le fond, c'est si, sur le plan du point de vue des gestionnaires de cette entreprise, vous ne jugeriez pas prudent, compte tenu de ces prévisions de plusieurs dizaines de milliards de dépenses, dont plusieurs se situent après 1985, de prendre une espèce d'avance, de vous faire un certain coussin et, par conséquent, de ne pas vous effrayer que, pour les années 1984 et 1985, soudainement, le taux d'autofinancement arrive même à 60%. Prenons les chiffres du ministre des Finances. Est-ce que ce serait un désastre ou est-ce que ce serait, au contraire, un signe de prudence?

M. Parizeau: Non, non, non, pardon! Ce sont ceux d'Hydro-Québec, ce ne sont pas les miens, elle les a confirmés ce matin.

M. Forget: Oui, mais selon votre méthode favorite de calcul, n'est-ce pas?

M. Parizeau: Oui, oui.

M. Forget: Oui, ce sont les chiffres de tout le monde, tels que vous aimeriez qu'ils soient toujours calculés, mais on peut les calculer d'une autre façon. Je ne vous en attribue pas la paternité autrement. Un fait demeure, ne serait-il pas prudent, selon vous, opinion de gestionnaire de cette entreprise, de vous constituer une avance, un coussin, ou est-ce que vous considérez qu'effectivement 65%, c'est irresponsable d'aller si haut que ça dans l'autofinancement?

M. Lafond: En février, nous avions expliqué le processus de planification à Hydro-Québec qui, pour la demande, s'étendait sur un horizon de 20 ans, pour le plan d'équipement sur 10 ans, pour les projections financières sur 5 ans et, pour les besoins d'emprunts sur 1 an. Dans ce contexte-là, nous avions aussi indiqué avec une certaine rétrospective pour situer dans un ordre de qrandeur que, de 1971 à 1975, en moyenne, nous avions investi 624 000 000 $ par année; de 1976 à 1980, 2 300 000 000 $. C'est la hausse à laquelle je faisais allusion ce matin. De 1981 à 1985, nous projetions en moyenne 3 100 000 000 $ et, de 1986 à 1990, nous anticipions 8 000 000 000 $. Alors, c'est 624 000 000 $, 2 300 000 000 $, 3 100 000 000 $ et 8 000 000 000 $ pour la quatrième période quinquennale.

Au point de vue des emprunts, nous avions indiqué de 1971 à 1975 qu'en moyenne Hydro-Québec avait emprunté 582 000 000 $. Ces chiffres sont dans le rapport ou le procès-verbal de la dernière commission parlementaire. De 1976 à 1980, la moyenne des emprunts avait été de 1 658 000 000 $, nous anticipions à ce moment-là une moyenne d'emprunt de 2 100 000 000 $ à 2 200 000 000 $ pour la période quinquennale 1981 à 1985 et pour 1986 à 1990, avec un qros point d'interrogation, parce qu'il était très difficile d'anticiper et de prévoir les hausses de tarifs et une série d'autres facteurs; on disait: Ce sera 3 000 000 000 $ et plus par année.

Pour la période 1981 à 1985, évidemment, nous n'avons pas tenu compte en février, des sommes dont Hydro-Québec aurait besoin pour financer le programme d'économie d'énergie d'une part. C'était absent des projections. Nous avions été plus conservateurs parce que ces estimations avaient été préparées au cours de la fin de l'année précédente et nous avions des taux plus bas que ce que présentement on pense que sera la réalité, d'une part pour les taux d'intérêt, et, d'autre part, pour les taux d'inflation.

Je pense qu'on avait essayé à ce moment-là de mettre les précautions et les

caveats ou les dangers qui nous semblaient pouvoir survenir. Je me répète tout simplement, je vois une phrase que j'avais dite: Les marchés financiers sur lesquels nous devrons fonctionner, je pense qu'il est prévisible que, dans un horizon d'un an ou deux, ils seront caractérisés, d'une part, par une très grande volatilité non seulement quant aux taux d'intérêt mais quant à notre possibilité d'y avoir accès.

C'était le 25 février 1981. Je pense que malheureusement, jusqu'à maintenant, quelques mois plus tard, cela s'avère encore vrai. Il est très difficile de se prononcer sur les sommes qu'Hydro-Québec pourra aller chercher sur les marchés financiers. De là le souhait du conseil d'administration, selon les mécanismes prévus à l'intérieur du cadre de la loi, lorsqu'elle connaîtra les résultats financiers, de faire une recommandation au gouvernement. Maintenant, c'est la position d'Hydro-Québec, en s'appuyant sur l'expérience passée.

M. Parizeau: M. le Président...

M. Forget: Je n'ai pas été très abusif. J'observe, M. le Président, dans les années courantes, une certaine correspondance, même une correspondance frappante en termes d'ordre de grandeur entre le rythme des investissements annuels et le rythme du recours au financement externe. Je comprends que ce n'est pas ainsi que cela se calcule, mais comme question de fait, il y a une certaine correspondance. Les chiffres que vous avez donnés pour les autres périodes de cinq ans indiquent que ce sont des chiffres qui sont à peu près dans la même famille. Quand vous citez un chiffre moyen d'investissement de 8 000 000 000 $ par année pour les années après 1985, on doit se dire qu'il va devoir se passer quelque chose après 1985, parce que je ne vois pas facilement Hydro-Québec aller emprunter sur les marchés 8 000 000 000 $ par année. N'est-il pas difficile d'imaginer qu'Hydro-Québec va maintenir à la fois son programme d'investissement, tel que soumis en février, payer des dividendes au gouvernement et faire face à la musique sur le plan des marchés financiers?

Il me semble qu'il y a quelque chose qui doit céder. J'en viens à la conclusion que si le gouvernement vous impose le paiement des dividendes, vous allez réécrire le plan de développement d'Hydro-Québec à la baisse, au cours des prochaines semaines. Cela me semble presque impossible d'éviter la conclusion que l'on va investir moins que l'on avait l'intention de le faire, ne serait-ce que pour répondre strictement aux besoins prévisibles d'électricité du Québec.

M. Lafond: Est-ce que M. Bourbeau peut répondre à cela?

M. Bourbeau: Quant au plan de développement qui a été soumis en février dernier, il sera repris par Hydro-Québec le printemps prochain. On regardera de très près l'évolution de la progression de la demande et il se pourrait que cette demande ne soit pas aussi forte que celle qu'on avait en février dernier. Ce qui veut dire que si la demande chutait le moindrement, il y aurait un réaménaqement possible du programme de développement.

M. Forget: Si la demande ne chute pas, vous ne voyez pas d'incompatibilité entre le besoin de financer cette expansion à un taux astronomigue, celui qu'on nous a laissé entrevoir il y a quelques minutes, et la nécessité de payer des dividendes?

M. Bourbeau: Tout ce que je peux dire, c'est que dans la deuxième période, on n'a jamais voulu s'étirer le cou. On a certains chiffres qui démontrent que dans cette période 1985-1990, les investissements croîtront beaucoup plus rapidement que dans la première période. Ce qui nous amènerait à dire qu'il y aura des besoins de financement beaucoup plus importants dans la deuxième période que dans la première. Je reviens encore à cette proposition que l'on fait, à savoir que le conseil d'administration, en regardant ce qui doit arriver dans l'avenir, pourra faire une recommandation au gouvernement sur le montant de dividende à payer.

M. Forget: Cela sera une autre résultante, si je comprends bien.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, dans tout ce qui vient d'être dit, j'aimerais qu'on vérifie quand même un certain nombre de choses. Là, on joue sur trois plans différents: l'année 1981, 1981-1985 et ce qui se passe après 1985. Il faut faire attention pour ne pas tout mêler. Pour l'année 1981, Hydro-Québec trouve les marchés financiers pas faciles. Confidence pour confidence, moi non plus. On est tous logés à la même enseigne, et ce n'est pas exactement un phénomène propre au Québec; j'ai l'impression que M. MacEachen a à peu près le même genre de problème, que le gouvernement américain trouve ça difficile de sortir quelques milliards par semaine du "Treasury" à trente ans. On est tous logés à la même enseigne, on est en face de marchés financiers comme on n'en a jamais vu, de mémoire d'homme, on est tous pris. Je compatis avec M. Lafond comme j'espère qu'il compatit avec moi. Forcément, les marchés financiers, on l'espère, vont se redresser pas pour HydroQuébec, pas pour le gouvernement du

Québec, pour tout le monde. Ils se sont affaissés pour tout le monde et ils vont se redresser, on l'espère, assez vite.

Alors, 1981, si vous n'y voyez pas d'objection, on va l'évacuer assez vite. On peut bien passer la moppe pour faire le tour des larmes de tous ceux qui pleurent sur la situation de 1981, mais une fois qu'on aura passé la moppe, on ne sera pas plus avancé. On est en face d'un marché financier comme personne, jamais, n'en a vu.

Passons maintenant au programme 1981-1985. Hydro-Québec projette des émissions d'obliqations qui sont à peu près de 2 300 000 000 $ à l'heure actuelle, y compris les remboursements, et montant vers 3 600 000 000 $. D'environ 2 300 000 000 $ à 3 600 000 000 $. Je rappelle ici, cependant, que les 3 600 000 000 $ sont basés sur une augmentation considérable des remboursements en 1985, puisque toute une série d'extensibles viennent à échéance en 1984. Cela étant dit, supposons simplement que nous acceptions l'hypothèse d'inflation d'Hydro-Québec pour ces années-là, sa projection de l'indice du coût de la vie et appliquons ça à ses emprunts actuels. Cela fait, en 1985, si je ne me trompe pas, mais je préférerais vérifier avec M. Lafond, 3 400 000 000 $. Simplement en projetant le taux d'inflation, les emprunts de 3 400 000 000 $, en 1985, ne représentent pas plus que les emprunts d'aujourd'hui. On est donc à 200 000 000 $ à peu près sur 3 400 000 000 $, en 1985, de l'estimation d'Hydro-Québec. J'en conclus, compte tenu du fait qu'elle a beaucoup d'extensibles venant à échéance à la fin de la période, que le poids des emprunts d'Hydro-Québec en 1985 ne sera pas plus élevé que cette année. Est-ce que jusque-là on me suit, à Hydro-Québec?

M. Lafond: Je vous comprends, M. Parizeau.

M. Parizeau: Pardon?

M. Lafond: Je vous comprends.

M. Parizeau: Deuxièmement, toujours pour la période de 1981 à 1985, les augmentations, est-ce qu'on doit dire appréhendées, de tarifs dont on a fait état cet après-midi - elles ne sont pas de moi; j'ai reçu ça avec beaucoup d'intérêt, il y a quelques heures, d'Hydro-Québec et on en a la confirmation cet après-midi, elles ne sont pas de moi, ces augmentations - dégagent cependant un autofinancement très rapidement croissant. On peut l'évaluer comme on voudra, une chose qui est claire, c'est que les montants sont très rapidement croissants. Alors, l'autofinancement est bien plus rapidement croissant que l'inflation.

Donc, l'objectif du gouvernement de faire en sorte qu'Hydro-Québec fonctionne comme n'importe quelle compagnie, c'est-à-dire paie ses taxes et paie un dividende, n'est pas incompatible avec la perspective de 1981 à 1985.

(18 heures)

À cause de ces augmentations de tarifs appréhendées, il y a une augmentation rapide de l'autofinancement et il y a un dividende à payer faible cette année, faible l'année prochaine, mais croissant justement au moment où l'autofinancement s'accélère. Dans ce sens, je ne vois pas en quoi la proposition du gouvernement, d'abord amènerait Hydro-Québec à modifier son plan d'équipement dans les semaines qui suivent, comme on le disait tout à l'heure. Cela fait quand même depuis le discours du budget que c'est connu. S'il y a eu des ajustements, j'imagine qu'ils sont déjà faits; je le souhaite vivement. Deuxièmement, la charqe sur le plan du dividende dans les deux années qui viennent est insiqnifiante par rapport au budget total d'Hydro-Québec et, troisièmement, le dividende va apparaître quand justement, à partir des chiffres mêmes qu'on nous a présentés, Hydro est tout à fait en mesure de payer ce dividende comme les autres sociétés d'État.

On arrive maintenant à la troisième période, 1986-1990. 1986-1990, c'est tout à fait autre chose. Il va y avoir à ce moment-là une autre phase et une phase considérable d'investissements de la part d'Hydro-Québec avec des besoins d'emprunts qui sont évidemment moins importants qu'il n'y paraît, si on tient compte d'un taux d'inflation à travers dix ans, parce que dix ans d'inflation, si vous commencez à faire des intérêts composés de 10%, vous arrivez à quelque chose comme progression. Il y a une question d'illusions monétaires jusqu'à un certain point, mais il faut reconnaître néanmoins que même si cela fait des sacrés beaux titres dans les journaux, parce que de l'inflation projetée pendant dix ans, cela fait n'importe quoi, il reste qu'on sait, sur la base de tout ce qu'Hydro a présenté, qu'il y a un programme massif d'investissements dans ces années-là. Il fallait donc trouver une formule de dividendes qui soit telle que, dès que le programme d'investissements réels d'Hydro - il faut enlever l'inflation s'accélère, le poids relatif du dividende tombe. C'est très exactement cela la formule qui existe. Je ne me trompe pas, je pense que nous sommes d'accord avec HydroQuébec pour constater que cette formule de dividendes automatiques, telle qu'elle apparaît dans la loi, lorsque Hydro accélérera son volume d'investissements de 1 000 000 000 $ par année, le dividende va tomber de combien? 750 000 000 $, pas loin, plusieurs centaines de millions en tout cas, oui, bien sûr.

M. Forget: Évidemment, mais cela ne lui permet pas de s'autofinancer.

M. Parizeau: C'est-à-dire que dès qu'on accélère entre 1986 et 1990 le volume des investissements d'Hydro, le poids relatif de la formule de dividendes tombe, le drain sur Hydro tombe. On aura sûrement, je ne me fais pas d'illusion, à examiner à nouveau la formule elle-même dans cette deuxième partie de la décennie, lorsqu'on sera beaucoup plus précis quant au volume exact des investissements d'Hydro. Je pense que c'est absolument...

M. Fortier: À ce moment-là, pourriez-vous en faire un "sunset clause" et dire qu'en 1985 elle devient périmée et on l'examine à nouveau à ce moment-là?

M. Parizeau: Non.

M. Fortier: Non. C'est ce que vous venez de dire.

M. Parizeau: Non, sans faire un "sunset clause", cela veut dire, à toutes fins utiles, qu'on reprend le débat. Il n'est pas du tout évident que la sensibilité du dividende à une accélération des investissements soit mauvaise, je dis simplement qu'elle semble à l'heure actuelle être très sensible. Si elle ne l'était pas suffisamment, il faudrait voir, mais cela, c'est dans plusieurs années d'ici.

C'est à peu près, M. le Président, ce que je pense qu'on devait dire sur ces trois plans très distincts qu'il ne faut pas mêler, 1981, 1982 ou 1981 à 1985 et 1986 à 1990. Ce sont trois plans complètement distincts.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, il est 18 heures. La commission doit ajourner ses travaux à demain, 10 heures. Les membres sont-ils d'accord pour demain, 10 heures?

M. Duhaime: M. le Président, pour un peu tout le monde autour de cette table et particulièrement aussi pour ceux d'Hydro-Québec, si cela convient à nos collègues - je comprends que cela fait plusieurs heures qu'on discute ou qu'on examine des chiffres -si vous étiez d'accord, je proposerais une suspension jusqu'à 20 h 30, pour avoir le temps de récupérer un peu et pouvoir poursuivre ce soir. Je fais cette demande en mon nom, et principalement au nom de mon collègue des Finances, parce que nous avons demain un Conseil des ministres et cela nous arrangerait qu'on puisse siéger ce soir, quitte à terminer ce soir. Sinon, on verra à la fin de la soirée à quel moment on pourrait fixer l'heure du début de nos travaux demain, si cela vous convient.

M. Fortier: Nous aurions préféré demain matin, mais, en gentilshommes, je pense bien qu'on va tenter de collaborer.

M. Duhaime: 20 h 30, cela vous va?

Le Président (M. Boucher): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 05)

(Reprise de la séance à 20 h 41)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'énergie et des ressources reprend ses travaux.

M. Bourbeau, vous avez demandé la parole, au début.

Programme d'efficacité énergétique

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Je voudrais parler du programme d'efficacité énergétique, puis répondre à la question que M. Duhaime a posée au sujet de la garantie qu'Hydro-Québec demande au gouvernement.

J'aimerais donc dire quelques mots d'abord sur le programme d'efficacité énergétique. C'est un programme qui correspond aux objectifs d'Hydro-Québec visant à l'économie d'énergie. Ce n'est pas d'hier qu'Hydro-Québec se préoccupe de l'économie d'énergie et notamment de l'économie d'énergie électrique. Dès 1965 ou 1967, lorsque Hydro-Québec a introduit le chauffage électrique des habitations, elle s'est préoccupée de l'isolation de ces habitations de façon à réduire la consommation électrigue vu qu'à ce moment-là, le prix de l'électricité était de beaucoup supérieur au prix de l'huile. On a instauré un programme appelé Novelec. On avait un certain standard dans les habitations et on appliquait une plaque sur la maison pour indiquer que cette maison avait un standard Novelec. Cela montrait déjà l'intérêt qu'Hydro-Québec avait dans l'isolation en vue de l'économie d'énergie.

Dans un deuxième temps, on a élargi ce programme aux bâtisses commerciales et industrielles. On a développé avec des bureaux de conseillers externes un programme appelé CALMEC qui permettait de calculer par ordinateur les pertes d'énergie des bâtisses. On pouvait dire aux propriétaires de ces habitations quels étaient les moyens de remédier à la perte d'énergie dans les bâtiments industriels.

Hydro-Québec s'est engagée de plus dans un programme appelé Énerguide. Si vous achetez maintenant un réfrigérateur ou un autre appareil ménager, on va vous dire combien cet appareil ménager doit consommer de kilowattheures. C'est le

programme Énerguide.

Le gouvernement nous a demandé, l'automne dernier, de nous engager dans un programme d'efficacité énergétigue. On a accepté avec plaisir, parce que cela correspond à la préoccupation d'Hydro-Québec, soit la conservation d'énergie. C'est un programme ambitieux. Il va durer huit ans. Il va couvrir entre 800 000 et 1 000 000 d'habitations. Le programme prévoit des visites dans les habitations, dans les maisons familiales, les maisons multifamiliales, dans les bâtisses, les bâtiments industriels et on fera un bilan et une analyse énergétigue de ces immeubles. On avisera les gens du calcul des économies d'énergie faisables et on va même leur proposer un prêt si la personne est intéressée à faire des modifications de façon à mieux isoler sa maison. Les prêts seront de 3000 $ par habitation si c'est une maison unifamiliale, mais le prêt pourra aller jusqu'à 75 000 $ si c'est une maison multifamiliale. (20 h 45)

Les taux d'intérêt seront des taux d'intérêt moyens de la dette d'Hydro-Québec au Canada. Il y aura une visite de la maison, on demandera au propriétaire une somme nominale pour faire ladite visite: 10 $. L'analyse du bilan d'une maison devrait coûter environ 225 $ par visite. On s'attend que l'ensemble des visites effectuées par l'effectif d'Hydro-Québec représente, au cours des huit années du programme, une dépense de 135 000 000 $ qui devrait être divisée et payée moitié par le gouvernement et moitié par Hydro-Québec.

Quant aux emprunts, il y aura des emprunts de 50 000 000 $ durant l'année 1982 et qui pourront, en 1989, atteindre 160 000 000 $ par année et la pointe se situerait en 1988, alors qu'on aurait environ 400 000 000 $ de prêts effectués. Ceci étant dit, je pense que je vais passer maintenant la parole à M. Lafond qui répondra à la question de M. Duhaime au sujet de la garantie qu'Hydro-Québec demande au gouvernement sur ces prêts.

M. Lafond: M. le Président, si vous permettez, avant de répondre à la question soulevée par le président du conseil et de m'engager dans la réponse à la question du ministre de l'Énergie et des Ressources, j'aimerais revenir sur le sujet qui était discuté au moment de l'ajournement. J'ai bien aimé la distinction très claire et précise que le ministre des Finances a faite quant aux problèmes de l'année 1981, quant à la période 1981-1985 et quant aux années subséquentes.

Quant à l'année 1981, il n'est pas question de revenir là-dessus, c'est agréable de savoir que nous avons un point d'entente, et que nous avons des problèmes communs. Le service de la moppe a été apprécié.

Quant à la période 1985-1990, nous sommes aussi d'accord sur ce sujet: c'est beaucoup trop loin dans le temps et nous n'avons pas de crochet sur lequel accrocher notre chapeau avec assurance. Cependant, pendant cette période, nous vieillirons tous ensemble d'un an et nous la découvrirons année par année au fur et à mesure que nous ferons nos projections de cinq ans.

Quant à la période 1981-1985, évidemment j'aimerais pouvoir dire ici ce soir avec assurance et conviction que les programmes de financement dont on découvre les besoins sur notre projection de cinq ans, nous pourrons les réaliser. Le point d'interrogation qui se pose, évidemment, c'est que dans cette période beaucoup de choses peuvent chanqer. On constate une polarisation croissante des "pools" d'épargne, c'est-à-dire des réservoirs d'épargne. Il y a de la "désintermédiation" qui se fait et on peut se poser la question: Est-ce façon 1985 ou en 1984 ou en 1983 le même pourcentage de l'épargne accumulée au Canada et au Québec sera disponible pour le financement d'Hydro-Québec, est-ce que le même pourcentage de l'épargne générée aux États-Unis sera disponible pour Hydro-Québec? De ce côté, le point d'interrogation reste en suspens.

Par contre, il est peut-être important à ce stade-ci, sur cette période 1981-1985, de souligner dans le tableau que nous avons soumis, que nous avons présenté, le facteur de taux de capitalisation. Toutes choses restant égales, étant donné que cette page passe à l'histoire aujourd'hui, avec les facteurs positifs et négatifs qui peuvent s'équilibrer, nous notons que le taux de capitalisation serait d'environ 25, 3 en 1981, 25, 7 en 1982, 25, 7 à la fin de 1983, 25, 9 à la fin de 1984 et 26, 5 à la fin de 1985. Alors que durant les deux ou trois années précédant 1981 nous avions tenté par notre politique tarifaire d'améliorer ce que j'appellerais cette base de la structure financière d'Hydro-Québec, si on me permet une analogie avec le langage de nos collègues ingénieurs d'Hydro-Québec, je dirais que, dans toute structure, si on veut bâtir un édifice de 20 étages, il faut des fondations de 20 pouces de ciment et si on veut bâtir un édifice de 40 étages, il faut évidemment que les fondations soient plus larqes, pas nécessairement 40 pouces, peut-être 35, peut-être 30; je laisse ça à leur règle de calcul.

Cependant, dans la période de cinq ans en question, de 1981 à 1985, les actifs d'Hydro-Québec vont presque doubler. De 18 000 000 000 $ qu'ils étaient au 31 décembre 1980, avec les investissements prévus de 16 000 000 000 $, ils passeront à 34 000 000 000 $. C'est donc dire que, sans parler du siège social d'Hydro-Québec, mais en parlant d'une grosse structure, on va

passer de 18 étages à 34. Il serait sain, dans l'équilibre financier, dans la structure financière, que la base s'établisse. C'est une chose qu'on constate sur le plan consolidé des électriciens américains, encore, au cours des dix dernières années, lorsqu'ils ont doublé leurs actifs, ils ont augmenté non seulement en chiffres absolus, mais en chiffres relatifs la fondation de leur structure de capital. À ce point de vue, c'est une autre raison qui fait qu'au cours des années, selon les disponibilités, je reviens encore sur le point suivant, au risque de me répéter, peut-être que les membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec auront des points à faire valoir dans leurs recommandations.

Ceci dit, si vous permettez, j'aimerais passer mes commentaires sur la question du ministre de l'Énergie concernant le programme d'économie d'énergie et la demande formulée par le conseil d'administration d'Hydro-Québec concernant une garantie du gouvernement pour ce volume de prêts.

M. Parizeau: M. le Président, sur le même sujet, est-ce que je pourrais poser une question courte?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je demanderais à M. Lafond la chose suivante. Tout étant bien entendu dans la démonstration qu'il vient de faire, cependant, on s'entend bien que le 25% de capitalisation est maintenu. On peut confirmer, je pense, que, sur la même base, le taux de capitalisation d'Hydro-Ontario est de 15% au lieu de 25%. C'est bien ça?

M. Lafond: C'est exact.

Sur ce sujet-là, je reviens au programme de conservation d'énergie. À moins qu'on décide de poursuivre là-dessus, c'est préférable d'aller... D'accord.

Conservation d'énergie. Hydro-Québec a, je pense, acquis ses titres de noblesse lorsqu'elle a agi comme constructeur de grands projets. Hydro-Québec a aussi une connaissance et une expertise reconnues pour la production, le transport et la distribution d'énergie. Hydro-Québec a aussi, je pense, le personnel et la présence dans toutes les régions du Québec pour administrer un programme de conservation d'énergie du genre de celui qu'on lui demande d'exécuter.

Cependant, il y a un volet à cet exercice qui demande des connaissances, des expertises et de l'expérience. Ce n'est pas le château fort d'Hydro-Québec, c'est-à-dire qu'au cours de la période 1981-1989 on va demander à Hydro-Québec de débourser des sommes susceptibles de s'élever à 850 000 000 $ selon des estimations conservatrices. Si le remboursement de ces sommes était effectué sans arrérage, sans défaut, Hydro-Québec aurait, comme M. le président Bourbeau le soulignait tantôt, à la fin de 1989, des comptes à recevoir pour ce programme d'environ 400 000 000 $ ou 450 000 000 $. Cet exercice équivaut à demander à Hydro-Québec de bâtir, et très rapidement, à un rythme accéléré, une compagnie de finance de la taille des qrosses compagnies de finance où j'étais avant de me joindre à Hydro-Québec, une des grandes compagnies de finance, le prêt au consommateur, et à peu près sans garantie.

Il faut réaliser que, pour qu'un compte à recevoir ait une capacité d'être perçu et encaissé, il est très important qu'on examine le contexte dans lequel il a été consenti. Ce n'est pas notre métier, mais dans ce cas-ci, on aura affaire à un régime universel où à peu près tout le monde pourra prétendre avoir droit à ce crédit. Le crédit sera octroyé avec la meilleure diligence possible, avec la meilleure responsabilité possible, mais il sera octroyé sans que s'établisse entre le débiteur et le créancier une relation personnelle, comme il s'en établit au comptoir soit d'une caisse populaire, soit d'une banque à charte, ou d'une compagnie de finance. Il y aura 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ qui s'intalleront dans les actifs d'Hydro-Québec pour un exercice comme celui-là.

Les garanties de ces prêts n'existeront, pour la grande partie, virtuellement pas. Il n'y aura pas de mobilier, d'automobile, d'appareil de télévision qui seront cédés en garantie collatérale, d'une part, et HydroQuébec n'aura pas non plus, ses règlements ne le permettant pas, le pouvoir d'interruption de service pour faire activer l'entrée des fonds, lorsqu'ils feront défaut, pour ne pas pénaliser, à cause des mauvaises créances, le reste de ses abonnés.

Dans ce contexte, même si Hydro-Québec reconnaît le bien-fondé de la politique de l'économie d'énergie, elle voulait que cette opération soit assortie d'une garantie gouvernementale. D'autre part, c'est un peu ce qui a amené Hydro à cette demande, dans les mots, dans les termes les plus brefs possible.

Cependant, je prendrais un peu de liberté, ce soir, étant donné la remarque en conclusion du ministre de l'Énergie et des Ressources qui a demandé s'il pouvait y avoir d'autres commentaires. Sans prendre sur moi et sans demander au conseil d'être responsable de l'effort que je fais pour répondre à cette demande, il y aurait peut-être possibilité qu'un exercice soit fait pour examiner d'autres choses. La demande d'Hydro s'inscrit dans un parallèle et dans une continuité. Pour le gouvernement, c'est une façon de faire un financement qu'on appellerait hors états financiers. Cela s'est fait dans le cas des prêts aux étudiants, cela

s'est fait dans le cas des prêts agricoles; le gouvernement a demandé à des institutions financières de financer ces opérations. Je me demande s'il ne serait pas sain de considérer Hydro-Québec comme un agent susceptible de gérer le programme, sans demander à HydroQuébec d'être le banquier du programme. À ce moment-là, on ferait peut-être d'une pierre deux coups et on diminuerait peut-être les besoins d'emprunt d'Hydro-Québec qui, je pense, on le reconnaît, seront élevés au cours des cinq prochaines années. (21 heures)

M. le Président, ceci termine mes remarques sur le programme de conservation d'énergie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas l'intention d'insister sur les difficultés que vient de nous expliquer M. Lafond relativement au risque d'une mauvaise créance assez considérable qui pourrait découler de l'application de ce programme au titre de la partie crédit. Le financement du programme, si je comprends bien, Hydro redoute que cela résulte en de mauvaises créances assez importantes. Toutes sortes de modalités peuvent être envisagées de ce côté-là, y compris la garantie gouvernementale ou autres. Mais, étant donné que c'est un domaine d'investissement nouveau pour Hydro-Québec et qu'on a un peu eu l'impression que tout ceci avait été annoncé dans une certaine précipitation, j'aimerais savoir d'Hydro-Québec dans quelle mesure des calculs ont été faits, des études ont été faites, de manière qu'on puisse établir que les avantages résultant d'un tel programme d'économie d'énergie dépasseront les coûts qu'il entraîne. Est-ce qu'il y a une étude de ce genre-là?

On se rend bien compte... On parle d'économie d'énergie. C'est un peu comme parler de la maternité. Ce sont des choses bonnes en soi, etc. C'est la vertu, mais il reste que ce genre de vertu risque d'avoir un prix assez élevé. Il est évident je pense -c'est évident pour quiconque y réfléchit pendant plus de 30 secondes - que si on dépense 3 $ pour sauver de l'énergie qui nous coûterait 1 $ à produire, on n'aura pas fait grand progrès au Québec sur aucun plan. Je pense qu'il y a des personnes informées qui, à l'occasion de ces discussions un peu nébuleuses, un peu fumeuses sur les économies d'énergie, ont mis en doute que les avantages de l'économie d'énergie puissent être dans les maisons existantes si on parle du chauffage. Si on parle d'autres formes d'économie d'énergie au niveau des utilisateurs domestiques, cela devient encore plus fumeux. Hydro-Québec a-t-elle été en mesure d'établir avec le gouvernement ou d'établir pour elle-même une démonstration convaincante des avantages et, si oui, quel est l'ordre de grandeur de ces avantages?

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais maintenant céder la parole à M. Jean-Paul Cristel, notre directeur de la commercialisation qui a piloté, justement, l'étude de rentabilité d'un tel programme.

Le Président (M. Boucher): M. Cristel.

M. Cristel (Jean-Paul): M. le Président, si l'on se reporte justement à ces programmes d'économie d'énergie, le programme qu'Hydro-Québec va mettre en oeuvre à partir du 1er octobre 1981 s'appelle le programme d'amélioration énergétique des habitations du Québec. J'ai assisté à une conférence sur les économies d'énergie à laquelle participaient les pays membres de l'Agence internationale de l'énergie. Ce qu'on a constaté, c'est que dans la plupart des pays la mise en oeuvre d'économies d'énergie dans le secteur des habitations ne dépendait pas de facteurs inconnus nécessitant de la recherche, mais plutôt de l'application des techniques connues et d'une agence qui puisse fournir une assistance technique aux consommateurs et aussi une assistance financière pour réaliser les économies d'énergie.

La base du programme québécois que le ministère de l'Énergie et des Ressources a demandé à Hydro-Québec de réaliser et dont les frais seront partagés moitié moitié par le Bureau d'économie d'énergie du Québec et Hydro-Québec se retrouve dans l'étude qui a été faite par les consultants Scanada et qui prouve qu'on peut, à l'aide de différents niveaux d'investissements, économiser l'énergie. On dit ici qu'on a fait une étude des 2 100 000 résidences principales existant au Québec et qu'un investissement de 1 013 000 000 $ entraînerait chaque année une économie d'environ 21, 8% de la consommation d'énergie ou 270 000 000 $. Si on recherche une économie additionnelle, on peut investir encore 757 000 000 $ pour économiser une quantité d'énergie additionnelle de 8, 9% et, si on dépense 220 000 000 $ pour améliorer les chaudières, il y a une économie additionnelle de 8% sur l'énergie consommée, toujours ayant comme référence l'année 1980. Donc, le programme est basé sur ces économies dans le sens que le représentant d'Énergain Québec ira visiter l'abonné et lui fournira une aide technique qui visera d'abord à examiner l'enveloppe thermique de la résidence, examinera aussi l'efficacité des systèmes à combustion existants, s'il y en a, et aussi les habitudes de consommation du consommateur.

Cela étant dit, nous croyons qu'il sera possible de réduire la consommation d'énergie des résidences visitées d'environ 31% ou

32%. Le fait que la plupart des mesures suggérées sont rentables dans un horizon de moins de dix ans nous laisse penser que ce sera rentable pour le Québec en général.

M. Forget: En supplémentaire, M. le Président. Ce sont de belles affirmations; encore faudrait-il qu'on puisse regarder en détail une étude comme celle-là, qui est peut-être basée sur une série d'hypothèses.

Première question: Est-ce qu'Hydro-Québec serait disposée à rendre cette étude disponible aux parlementaires?

Et, deuxièmement, s'il est vrai que des économies si considérables peuvent être effectuées par des visites, des expertises et certains conseils, d'où vient la nécessité que le gouvernement assume la moitié du coût? Il me semblerait que, si on offre à quelqu'un d'épargner 32% ou 33% de son compte d'électricité, il y a pour le consommateur un intérêt assez immédiat à donner son consentement sans qu'on ait besoin de lui offrir une incitation additionnelle, à moins, bien sûr, que l'économie se réalise sur un laps de temps tellement long que, si on appliquait un taux d'intérêt normal, avec les taux d'intérêts courants, l'économie se transformerait soudainement en une perte pour le consommateur si on l'obligeait à financer lui-même la totalité des changements.

Il y a des choses auxquelles des calculs comme ceux-là sont très sensibles et il semble que, dans l'introduction d'une subvention gouvernementale, il y a là l'aveu implicite que les bénéfices pour la société sont inférieurs aux coûts que cette opération entraîne et certainement inférieurs aux bénéfices qu'on pourrait retirer d'un investissement d'une importance comparable, par Hydro-Québec, dans des capacités additionnelles.

M. Cristel: Si je peux tenter de répondre à la question, à la première partie du moins. Pourquoi Hydro-Québec et le gouvernement se partagent-ils 50-50 les frais du programme? En étudiant la question, la part de l'électricité dans le bilan énergétique augmentant - on parle d'environ 42% dans les années quatre-vingt-dix - on s'est dit qu'on pourrait faire l'hypothèse que la moitié des habitations visitées seraient chauffées à l'électricité, donc Hydro-Québec paierait pour celles qui sont chauffées à l'électricité et le gouvernement paierait pour celles qui sont chauffées au mazout ou avec d'autres formes d'énergie, parce que, dans ce plan, les représentants d'Hydro-Québec iront, à la demande du consommateur, faire un bilan dans des maisons qui sont chauffées, quelle que soit la source d'énergie qui est utilisée.

M. Forget: Je m'excuse, mais je ne comprends pas ce que ça vient faire dans la discussion des économies d'énergie. Si vous commencez un programme d'économie d'énergie, vous économisez de l'énergie, il n'est plus question de savoir si vous favorisez la vente d'énergie électrique ou est-ce que les deux choses sont mélangées en même temps?

M. Cristel: Non, on ne parle pas de favoriser la vente, on dit qu'Hydro-Québec favoriserait les économies d'énergie chez les abonnés qui sont chauffés à l'électricité, et qu'elle paierait pour ce programme à la base et que le gouvernement payerait pour ceux qui sont chauffés au mazout et avec d'autres formes d'énergie.

M. Forget: Oui, mais ce n'est pas là la nature de ma question. Si Hydro-Québec ou le gouvernement paie pour ces études, ça veut donc dire qu'elles ne se financent pas elles-mêmes, ça veut donc dire que les avantages que les consommateurs en retirent sont inférieurs au coût de la transformation.

M. Cristel: Voici! La visite elle-même, le bilan énergétique qui, comme on l'a dit tantôt, serait défrayé par un déboursé d'admissibilité minime de la part du consommateur, on va dire 10 $, coûtera la première année environ 225 $, et on ne calcule évidemment pas le coût de la visite dans le coût de rentabilité.

M. Forget: Ah! La connaissance est gratuite pour Hydro-Québec.

M. Cristel: C'est-à-dire que si vous regardez le coût de l'énergie économisée et le coût qu'on aurait à dépenser pour fournir l'énergie économisée, on peut émettre l'hypothèse que l'énergie la moins dispendieuse est celle qui est économisée.

M. Forget: Vous pourriez faire la même chose et ne pas calculer ce qu'il en coûte pour préparer les plans et dessiner les turbines, etc., et finalement ça coûterait seulement le prix de l'eau qui tombe, ça reviendrait encore moins cher.

Il reste qu'avec des artifices comptables, je suis tout à fait d'accord avec vous, on peut justifier la rentabilité d'à peu près n'importe quoi, mais il reste que le problème n'est pas celui-là. Un programme d'économie d'énergie, me semble-t-il, inclut également les expertises nécessaires pour savoir si, dans une situation particulière, on peut économiser ou pas. Autrement, on se moque du monde.

M. Cristel: Ce que l'on veut, c'est favoriser la participation du public au programme et le coût total de la subvention, si vous voulez l'appeler comme tel, sous forme de bilan, se situera, durant l'existence

du programme, à un niveau de 150 000 000 $ à 200 000 000 $, comme l'a dit te président tantôt. Mais le coût des investissements faits par les abonnés, par les consommateurs pour améliorer l'efficacité énergétique peut, lui, se situer jusqu'à 2 000 000 000 $. Vous voyez qu'il y a une subvention de 10% environ, mais ça ne nuit pas tellement à la rentabilité des 2 000 000 000 $ qui, comme je vous l'ai dit, si on considère les coûts d'énergie croissants, se paieront dans une période de dix ans pour ceux qui feront l'investissement.

M. Forget: Autrement dit, on paie 200 000 000 $ pour encourager les gens à faire un investissement non rentable.

M. Cristel: Non, rentable dans le sens que...

M. Forqet: Rentable parce qu'on ne tient pas compte de tous les coûts.

M. Cristel: Je vous ai dit que la subvention est de l'ordre de 10%. Même si vous ajoutez les 10% à l'investissement global, on dit qu'il se paie dans huit ans, et les coûts d'énergie croissant, on peut penser que toute l'opération est rentable.

M. Forqet: À quel taux d'escompte avez-vous capitalisé les économies d'énergie pour aboutir à ce résultat-là?

M. Cristel: C'est-à-dire qu'étant donné l'inflation, le coût du capital de l'économie d'énergie, on a calculé cela au coût actuel sans rien indexer. Vous arrivez...

M. Forqet: Vous avez simplement fait la somme des économies annuelles?

M. Cristel: C'est ça.

M. Forqet: Sans les escompter?

M. Cristel: C'est parce que si vous faites le jeu du coût du capital au taux actuel et si vous faites l'augmentation du prix de l'énergie, les facteurs s'annulent. Plus vous attendez, plus ça va vous coûter cher pour faire une amélioration, et par conséquent, plus l'énergie vaudra cher.

M. Forqet: Mais vous mélangez là les pommes et les oranges!

M. Cristel: Non, c'est-à-dire qu'on a tenté d'éliminer et les pommes et les oranges.

M. Forqet: C'est la première fois qu'on me dit que parce qu'il y a de l'inflation les taux d'intérêt n'existent plus.

M. Cristel: Quand vous faites une comparaison du genre, ces facteurs-là viennent s'annuler. Le prix croissant de l'énergie...

M. Forget: Vous voulez dire que s'il n'y avait pas d'inflation... Supposons l'hypothèse où nous serions dans la circonstance heureuse où il n'y aurait pas d'inflation, je pense que votre raisonnement poussé à la limite ne tient pas parce que...

M. Cristel: S'il n'y avait pas d'inflation...

M. Forqet:... même dans une situation où il n'y a pas d'inflation, il y a encore des taux d'intérêt réels.

M. Cristel: Oui, s'il n'y avait pas d'inflation, mon raisonnement ne tient pas, c'est clair et net, mais il y a de l'inflation.

M. Forqet: Parce qu'il y a de l'inflation, l'économie d'énergie devient économique, rentable.

M. Cristel: Non.

M. Forqet: Alors, je ne comprends pas.

M. Cristel: Parce qu'il y a de l'inflation, on ne tient pas compte de l'augmentation des coûts d'énergie dans la rentabilité, mais l'économie d'énergie est rentable, quel que soit le caractère de l'opération, actuellement inflationniste ou non. (21 h 15)

M. Forget: Humblement, je soutiens qu'il faut tenir compte séparément des deux facteurs. Faites les projections que vous devez faire sur l'inflation, mais vous devez aussi calculer un taux d'intérêt. Parce que penser que 5 $ économisés en 1990, c'est la même chose que 5 $ économisés aujourd'hui, qu'il y ait de l'inflation ou non, c'est se moquer du monde.

M. Cristel: Non, nous l'avons fait, mais ces facteurs...

M. Forqet: Parce que je vais vous faire une demande d'emprunt de 5000 $, je peux vous les remettre dans dix ans, je pense bien que vous allez dire non, à zéro d'intérêt, parce qu'il y a l'inflation.

Je vous comprends, dans ce contexte, M. le Président. Je comprends Hydro-Québec de demander des garanties, parce qu'en plus de cela, il faut qu'elle absorbe les mauvaises créances; alors là, vous vous approchez lentement de l'aide sociale. C'est clair que ce n'est pas dans le mandat d'une société d'État, à mon avis, que de se lancer dans un programme qui ne fait pas ses frais ni

financièrement, ni socialement et qui ne peut être justifié que parce qu'on veut donner un coup de chapeau et des subventions à un tas de gens en disant: Reqardez comment vous avez un bon gouvernement parce qu'il fait des choses pour la vertu et, de plus, il vous paie pour les faire, même si la société n'y trouve pas son compte.

Je crois qu'on est devant un phénomène comme celui-là. Je trouve que cela ne fait qu'empirer le dossier général du projet de loi no 16. Parce que non seulement on choisit le moment où les difficultés financières se font jour à Hydro-Québec, où on a dit: On va passer la moppe parce que c'est dommage, cette année, cela va mal, mais l'an prochain cela va très bien aller... C'est une chose temporaire. On ne connaît pas l'avenir.

On nous a assurés, cet après-midi, que les difficultés de cette année sont temporaires. On connaît l'avenir assez pour nous dire que cela va s'améliorer et on choisit le moment où on sait que cela va mal, mais on espère que cela va aller mieux, pour aller chercher plus d'arqent dans une société, alors qu'on sait que dans quelques années elle va avoir besoin probablement de plus d'argent que maintenant.

De plus, on lui donne un programme à administrer qui n'est absolument pas rentable. On ne peut pas s'étonner évidemment que la société cherche au moins à récupérer une partie de ses pertes en allant chercher des garanties. Mais ce n'est pas sérieux, M. le Président. Je comprends qu'on est dans une année, après les élections, alors qu'on peut faire des choses un peu folles en espérant que les gens vont avoir la bonne idée d'oublier ce qui s'est fait; mais il demeure que cela n'est pas raisonnable de faire une telle chose, à ce moment-ci, de multiplier les obligations financières pour une société d'État, alors qu'on a des siqnes les meilleurs, parce qu'on les vit, que la situation financière est inusitée, anormale et que les marchés financiers sont particulièrement difficiles. On a, depuis quelques mois, devant les yeux, un programme d'investissements au sujet duquel les plaintes qu'on a entendues, ce n'était pas qu'ils étaient trop élevés, c'est qu'ils étaient probablement trop modestes en certaines années, étant donné que cela créerait un ralentissement dans l'emploi dans un secteur clé de l'économie québécoise.

Non, je ne comprends pas, sauf par la conjoncture, la politique qui fait les mystères qu'on connaît bien, et qui pousse le gouvernement cette année à ignorer l'incertitude de l'avenir dont pourtant par ailleurs il nous parle abondamment. Ne voulant pas prendre les chiffres prévus pour 1984 comme étant certains, il nous dit cependant: Écoutez, peut-être que les mauvais chiffres sont incertains, mais les bonnes nouvelles, elles, on peut compter sur elles, et fonctionner comme si de rien n'était. On ne peut pas être certain que cela va aller mal, mais on peut être certain que cela va aller mieux en tenant compte du fait que cela va aller mieux, alors on va aller chercher l'argent que ce mieux va produire. C'est une série de décisions absolument regrettables. On va prendre connaissance de l'étude d'Hydro-Québec sur l'économie de l'énergie. Si le gouvernement insistait à tout prix pour faire l'économie de l'énergie, il aurait dû se rendre compte d'une chose, premièrement, de l'aveu même du représentant d'Hydro-Québec, la société n'a Das actuellement toute l'expertise voulue pour faire cela, au moins sur le plan du financement, qu'il s'agit d'un programme non rentable. Il n'y a donc pas de raison qu'une société d'État l'administre, que le ministère de l'Énergie et des Ressources le fasse, l'administre lui-même son programme d'économie d'énergie et cela deviendra évident qu'il s'agit d'un trou sans fond auquel le gouvernement devra contribuer en net des sommes importantes au cours d'un bon nombre d'années. Pourquoi grever HydroQuébec d'un programme au mieux, entre guillemets, qu'on peut appeler "social", qui n'a rien à voir avec le mandat d'Hydro-Québec en plus des dividendes qu'on va aller chercher?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, j'apprécie beaucoup les interventions du député de Saint-Laurent. Elles ont l'avantaqe, je dois le dire, de mettre l'accent sur certaines choses intéressantes et en particulier sur la nécessité, effectivement, de calculer avec précision la rentabilité d'un programme comme celui-là. J'admettrai cependant que Dour l'usager, prendre moins d'huile à chauffage pour chauffer sa maison, ça peut être intéressant par rapport à l'argent qu'il va mettre dans l'isolation. C'est un petit problème qui a été soulevé un peu partout dans le monde, j'imaqine que ça vaudrait la peine de le soulever chez nous parce que ça peut être intéressant. Je comprends que le Québec est une province pas comme les autres mais, néanmoins, quand il s'agit de savoir combien ça coûte en huile à chauffage par rapport au coût des matériaux nécessaires et de la main-d'oeuvre pour isoler la maison, on doit être comme les autres. Donc, possiblement, c'est intéressant d'examiner au Québec l'intérêt d'isoler les maisons. Après ça, on rentre dans les modalités, essentiellement.

Pourquoi Hydro-Québec et pourquoi pas ailleurs? Parce que, sur ce plan, l'expertise est à Hydro-Québec. Je ne parle pas du programme, je ne parle pas des données du programme, de la façon dont ça va être

financé ou autrement, les garanties qui seront données, on y reviendra tout à l'heure. Mais pourquoi Hydro-Québec? Parce qu'Hydro-QOuébec a le "know-how". Bien sûr, on peut imaginer que le gouvernement, de toutes pièces, orqanise un service et s'équipe. Comment s'équiperait-on, d'ailleurs? En allant chercher les qars d'Hydro-Québec?C'est un peu aberrant. Ceux qui connaissent ça sont là-bas, ils ne sont pas chez nous. Donc, c'est parfaitement normal de dire à Hydro-Québec: Vous connaissez ça, donc, vous allez nous dire comment on procède. Effectivement, c'est ce qu'elle va faire. Ce qu'elle nous dit, d'abord, c'est qu'il y a un projet qui, dans tous ses détails, va être envoyé bientôt au Conseil des ministres, comportant la façon dont ça doit fonctionner.

D'autre part, dans son mémoire, ce soir, elle dit en même temps: Comme, cependant, on devient un orqanisme financier important à cause de cette opération, on a besoin d'examiner les garanties gouvernementales. Le gouvernement garantit les emprunts d'Hydro-Québec aux fins de construire des barrages. Quand on entre dans un programme majeur comme celui-là, on a besoin aussi d'examiner les garanties que le gouvernement va nous donner. Il est clair que le gouvernement ne peut pas dire: Cela ne nous intéresse pas. Le gouvernement de Québec garantit toute la dette d'Hydro-Québec à l'heure actuelle. Dans la mesure où Hydro-Québec entre dans un tout nouveau programme pour lequel elle a l'expertise, mais dans lequel elle ne s'est jamais impliquée, qu'elle nous repose la question des garanties est parfaitement raisonnable.

Il y a cependant des choses que j'aimerais soulever à cet égard. Étant bien entendu que le détail des modalités, avec possiblement une réflexion quant au taux d'escompte dont parlait le député de Saint-Laurent - ça peut être important... Je n'escompte pas tout ce que le député de Saint-Laurent disait sur le taux d'escompte. Il y a le problème de la façon dont on peut garantir les engagements. Dans le document qu'Hydro-Québec nous a présenté ce matin, on fait allusion au genre de garantie que le gouvernement donne à l'égard, par exemple, du crédit agricole ou des prêts aux étudiants. Là, ça me pose un certain nombre de problèmes que je voudrais soumettre à Hydro-Québec; je ne pense pas qu'on puisse régler ça sur un coin de table ce soir, mais il va quand même falloir examiner la chose.

Je vais essayer de l'expliquer de la façon suivante. Il y a quelques années, le gouvernement prêtait - il n'avait pas besoin de garantie - tout l'argent aux cultivateurs dans le crédit agricole, il prêtait de l'argent aux étudiants, il prêtait de l'argent à la Société de développement industriel; en somme, le fonds consolidé prêtait à tout le monde.

Un des gestes financiers importants du présent gouvernement a été de dire: C'est complètement ridicule de faire en sorte que le fonds consolidé fasse des prêts comme ça; normalement, ce sont les caisses populaires et les banques qui devraient les faire. Donc, on a renvoyé tout ça à l'extérieur. En renvoyant ça à l'extérieur, en faisant en sorte que ce soient les institutions financières qui prêtent, il a fallu donner des garanties, mais de nature très différente.

Je vais en donner ici trois exemples, celui du crédit aqricole auquel l'Hydro-Québec faisait allusion; actuellement, les prêts du crédit agricole sont assurés par les banques et les caisses populaires. Ces prêts sont garantis par hypothèque ou nantissement, mais les institutions financières ont demandé du gouvernement quelque chose de plus. Le quelque chose de plus a été essentiellement ceci: on a créé un fonds d'assurance prêt agricole qui assure aux prêteurs le remboursement des pertes de principal et d'intérêts, de même que certaines dépenses. Ce fonds est financé avec un droit d'assurance, une sorte de prime d'assurance fixée par règlement par l'Office du crédit agricole et, d'autre part, par une dotation de 10 000 000 $ fournie, en principe, par le ministère des Finances, mais dont les deux tiers, jusqu'à maintenant, ont été versés, on s'est rendu compte qu'à 6 500 000 $, cela suffisait.

Donc, vous voyez, le crédit aqricole est assuré maintenant par les banques et les caisses populaires, mais elles se sont constitué, d'abord par une prime d'assurance sur chaque prêt et, d'autre part, par un fonds du fonds consolidé d'à peu près 6 500 000 I, ce qu'il faut pour se protéger contre les mauvais risques. C'est une possibilité, c'est intéressant, pourquoi pas!

Deuxième formule, la SDI. La Société de développement industriel emprunte maintenant les fonds qu'elle prête aux entreprises sur les marchés financiers avec la garantie du gouvernement, exactement comme Hydro-Québec qui emprunte ses fonds pour la construction de barrages avec la garantie du gouvernement, mais la Société de développement industriel absorbe elle-même toutes les pertes qu'elle pourra encourir sur des prêts à des individus, à des entreprises. Donc, quand la SDI dit: Je vais aller emprunter 40 000 000 $ auprès des institutions financières, le gouvernement donne sa garantie. Mais si la SDI consent des prêts à des particuliers ou à des entreprises et qu'il y en a qui font faillite là-dedans, le gouvernement n'assure pas les faillites, c'est la SDI qui les absorbe. C'est une deuxième formule.

La troisième formule, ce sont les prêts aux étudiants. Les prêts sont alors effectivement faits par chaque banque ou

chaque caisse populaire à un étudiant et le gouvernement qarantit à chaque banque et à chaque caisse populaire le prêt fait à l'étudiant.

Tout ça pour dire essentiellement ceci: Si, pour un programme de conservation d'énergie, Hydro-Ouébec demande un type de garantie au gouvernement, je pense qu'il ne serait pas loqique que le gouvernement dise: On ne veut pas regarder ça. Ce serait logique que le gouvernement dise effectivement: Comme on donne des prêts à toute espèce d'organismes dont on vient de parler, il n'y a pas de raison que, pour la conservation d'énergie, on ne fasse pas la même chose. Donc, sur le principe, d'accord.

Quant aux modalités, je pense qu'il serait important, avant que la loi soit adoptée en deuxième et troisième lectures cet automne, qu'on les examine. Ce que je voudrais surtout savoir d'Hydro-Québec, c'est, parmi les trois types dont je viens de parler, ce qu'elle préfère. On pourrait en imaginer d'autres, d'ailleurs. On pourrait imaginer qu'Hydro-Ouébec crée une filiale aux fins de la conservation d'énergie et que le gouvernement examine des garanties spécifiques à cette filiale ou qu'Hydro-Québec donne sa garantie à la filiale. Cela aussi est envisageable. (21 h 30)

En somme, tout ce que je veux dire ici ce soir, c'est que sur le principe d'appuyer une opération qu'il faut réaliser, c'est-à-dire une incitation aux gens à économiser l'énergie au maximum, on reconnaît qu'Hydro - comment dire? Là, je ne veux pas faire bondir - rend service à la société et que, rendant service à la société, elle doit pouvoir s'appuyer sur le gouvernement d'une certaine façon. Il s'agit maintenant de trouver des modalités qui coûtent le moins cher possible, soient le plus rentable possible, donnent satisfaction à Hydro-Québec dans les garanties qu'elle demande. Encore une fois, je ne pense pas qu'on puisse comme cela sur le bord de la table trouver une solution, mais, sur le principe, je pense que la demande d'Hydro-Québec est légitime.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je ne veux pas continuer ce débat bien longtemps, c'est simplement pour noter que cela me surprend qu'il n'y a pas d'entente encore avec Hydro-Québec; cela a été annoncé au mois de février. Cela me fait plaisir de voir les négociations entre le ministre de Finances et Hydro-Québec, mais c'est à se demander s'il y a des relations qui existent entre Hydro-Québec et le ministère. Je quitte ce sujet. Y a-t-il d'autres questions là-dessus?

M. Duhaime: Oui.

M. Fortier: D'accord.

M. Duhaime: Avant de m'adresser à M. Cristel pour une question, je me permettrai de dire, M. le Président - je vais relire avec beaucoup de soin ce que mentionnait tout à l'heure notre collègue de Saint-Laurent -que, si j'ai bien saisi le sens de son intervention, à toutes fins utiles, l'Opposition libérale rejetterait du revers de la main la problématique même d'un programme de conservation d'énergie, parce que non rentable, non efficace, etc. Je voudrais prendre le soin de bien relire, parce que je suis un peu estomaqué d'entendre l'Opposition libérale considérer cela comme étant l'équivalent de croire à la maternité, lorsqu'on parle des économies d'énergie. J'espère que je me trompe en vous interprétant de cette facon-là.

M. Forget: C'est exprès que vous vous trompez, M. le ministre.

M. Duhaime: C'est la réserve que je prenais tout à l'heure en disant que je veux hien relire vos propos.

M. Forget: Oui, relisez-les attentivement, relisez aussi les mémoires d'Hydro-Québec sur le sujet, cela vous instruira sûrement.

M. Duhaime: Je voudrais poser ma question à M. Cristel de la façon suivante. Bien entendu - on va se mettre d'accord là-dessus rapidement - il y a un coût à ce programme d'efficacité énergétique qu'on voudrait appliquer aux habitations. Il y a un vieux principe, je pense que c'est l'évidence même, qui dit qu'avant que d'être perdu le kilowatt est d'abord créé. Si on se mettait à calculer et à dire ensuite que ce kilowatt qui est perdu, on va le remplacer, le coût de remplacement se calculerait au coût marginal de production, j'imagqine. Ce que je voudrais savoir, c'est si à Hydro-Québec vous êtes satisfait de la rentabilité probable et même certaine de ce programme dans la relation suivante. Je ne sais pas, j'avais récemment avec moi les chiffres en kilowattheures. On pourrait faire des comparaisons de coût entre le coût d'un programme de conservation d'énergie en fonction du nombre de kilowatts épargnés et le coût de remplacement du même montant de kilowatts ainsi épargnés au coût marginal de production. Je pense que c'est d'après cette équation qu'on est en mesure de porter un jugement sur la pertinence tant non seulement pour le gouvernement du Québec... Je ne suis pas convaincu que M. Lalonde sera heureux de vous relire, parce que cela fait au moins plusieurs mois qu'on discute avec lui et on a fini par s'entendre sur le fait que c'est Hydro-Québec qui va se charger d'administrer

un des programmes du gouvernement fédéral en matière de conservation d'énergie. Je pense qu'à peu près partout sur cette planète tout le monde est d'accord qu'il faut qu'on travaille à économiser l'énergie. Ce serait peut-être dans ce sens que je voudrais avoir votre réflexion, M. Cristel, M. Bourbeau ou d'autres d'Hydro sur ces paramètres de comparaison.

M. Cristel: Si on fait l'hypothèse que la plupart des maisons construites aujourd'hui chauffées à l'électricité sont assez bien isolées à cause de ce que M. Bourbeau vous disait tantôt, c'est que dès les années soixante, nous avons encouragé ceux qui se chauffaient à l'électricité à bien s'isoler.

Mais là, les maisons dont on veut améliorer l'efficacité énergétique sont des maisons où, pour la plupart, on voudra soit conserver son système au mazout en l'améliorant ou se convertir à une autre forme d'énergie comme, par exemple, l'électricité. Pour calculer la rentabilité pour Hydro-Québec, on va prendre le cas où le propriétaire actuel se sert d'un système au mazout, évidemment, dans la plupart de ces maisons qui sont construites, la première étape du programme veut attaquer les maisons qui étaient construites avant 1961, on constate que l'efficacité de l'enveloppe thermique peut être améliorée assez considérablement, surtout dans les entre-toits et dans le sous-sol.

Évidemment, je vais vous faire simplement des hypothèses. Si on dit qu'on va toucher 1 000 000 de logements, on va faire l'hypothèse que 40% s'en iront à l'électricité. Cela fait 400 000 logements. On va dire que, pour chauffer un logement, cela prend 25 000 kilowattheures par année et qu'on en économiserait le tiers, c'est-à-dire 30%. On va dire 7000 kilowattheures par logement, multipliés par 400 000 logements. On pourrait calculer l'équivalent requis pour produire cette énergie à nouveau, comparativement au coût du programme. On pourrait arriver à un genre de comparaison sur la base de l'économie d'énergie que nous allons réaliser dans ces 400 000 logements comparativement au coût pour produire à nouveau cette même énergie. Ce serait peut-être un moyen d'arriver à une comparaison.

M. Forget: Est-ce que monsieur a terminé? J'espère ne pas vous avoir interrompu?

M. Cristel: Je ne suis pas un spécialiste dans la production, mais pour produire 28 000 000 000 de kilowattheures, cela coûterait environ 840 000 000 $ pour produire l'énergie économisée. On a dit tantôt que le programme coûterait au total de 150 000 000 $ à 200 000 000 $.

M. Forget: Dans la question du ministre et dans la réponse qui a été faite, j'ai cru remarquer une distinction. Le ministre a soigneusement évité de parler du prix auquel font face les consommateurs. C'était la préoccupation du ministre des Finances, qui a dit que présumément au Québec comme partout ailleurs, les consommateurs s'intéressent au prix qu'ils paient pour l'électricité et seraient intéressés à payer moins cher, ce à quoi je souscris.

M. Parizeau: Pour l'énergie.

M. Forget: Pour l'énergie ou pour n'importe quoi, pour les chaussures aussi. Tout le monde est intéressé à faire des économies.

M. Parizeau: Surtout lorsqu'on enlève les taxes sur les chaussures.

M. Forget: On est sur un terrain commun. D'ailleurs, sur cette base, M. le Président, si on s'en tient simplement au prix que paient les consommateurs, comme nous sommes aussi intelligents que n'importe qui, on doit présumer que les économies que les consommateurs peuvent réaliser, ils les réalisent, sans qu'ils aient besoin de grand-papa le ministre, pour leur dire comment faire. Je pense que c'est vrai en général. Je ne pense pas que nos concitoyens ici aient besoin, comme conseiller financier, dans leurs finances personnelles, de l'avis du ministre de l'Énergie et des Ressources ou du ministre des Finances. Je pense qu'ils peuvent se tirer d'affaire eux-mêmes très bien. S'il y a des économies à faire, on peut être sûr qu'ils vont les réaliser. Il n'y a pas de raisons pour lesquelles les gens sentent, même s'ils sont très fiers d'Hydro-Québec, qu'ils ont besoin de contribuer à ces surplus en payant vraiment plus cher et en en consommant vraiment plus qu'ils n'en ont besoin. Je pense que cela tombe sous le sens commun et je suis tout à fait d'accord avec le ministre des Finances de nous avoir fait ce brillant exposé.

Cependant, si le ministre de l'Énergie et des Ressources pose la question en termes de coût - il nous a parlé du coût marginal de remplacement - j'imagine qu'il avait à l'esprit que certains consommateurs au moins ont un comportement qui n'est pas celui que le gouvernement aimerait leur voir adopter sur le plan des économies d'énergie, parce qu'ils ne paient pas assez cher l'énergie qu'ils consomment et que s'il la calculait au vrai prix, les économies deviendraient évidentes. Ce raisonnement, si le ministre veut vraiment nous engager sur la voie d'une tarification au prix marginal, on serait heureux de le faire, mais on serait également heureux de savoir quelle autre implication il en tire, parce que si le

ministre juge irrationnelle cette décision des consommateurs, il y en a peut-être un certain nombre d'autres qui sont aussi irrationnelles. J'imagine qu'il va déboucher dans les propositions de tarification sur une politique tarifaire complètement différente, parce que ce qui est vrai lorsqu'on parle d'économie d'énergie est aussi vrai quand on parle de l'utilisation de l'énergie. C'est la même chose.

J'aimerais savoir si le ministre nous incite à baser toutes les décisions relatives à l'énergie sur le coût marginal de remplacement du dernier kilowatt. Est-ce cela qu'il utilise comme barème de calcul?

M. Duhaime: Je vais vous rassurer très rapidement. Cela ne m'a jamais effleuré l'esprit. Ce que j'ai voulu illustrer par ma question, je pense que la réponse qui est venue, si j'ai bien entendu les chiffres à ce bout-ci de la table, sur 26 000 000 000 de kilowattheures, cela coûterait 840 000 000 $ d'investissement au coût marginal de production, pour aller les chercher...

M. Forget: C'est quoi, cela, M. le ministre? Expliquez-nous donc ce que c'est.

M. Duhaime: Un instant! Ces 840 000 000 $, je les compare au coût du programme. J'aurais pu poser ma question...

M. Forget: Mais ce n'est pas le coût aux consommateurs. Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus?

M. Duhaime: J'aurais pu poser ma question tout autrement si la différence dans l'économie avait été plus élevée.

M. Forget: Mais c'est une économie pour qui, M. le ministre?

M. Duhaime: Si vous me permettez, vous pourrez parler ensuite à loisir.

M. Forget: C'est la nature de ma question. C'est une économie pour qui? Pour le gouvernement ou pour le consommateur?

M. Duhaime: Pour le consommateur.

M. Forget: Mais le consommateur ne paie pas...

M. Parizeau: M. le Président!

M. Forqet:... l'énergie au prix de remplacement, me semble-t-il.

M. Parizeau: M. le Président!

M. Duhaime: II n'y a jamais personne qui a prétendu cela.

M. Forget: Ah bon!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent!

M. Forget: Donc, ce n'est Das une économie pour lui.

M. Parizeau: M. le Président!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent, la parole est au ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je suis parti de l'hypothèse qu'un kilowatt qui est perdu, avant d'être perdu, il est produit. Je pense que tout le monde est d'accord.

M. Forget: Brillant, ça! Brillant!

M. Duhaime: C'est un principe de physique assez simple. Si j'avais posé ma question autrement, plutôt que de parler du coût de remplacement de ce kilowatt perdu au coût marqinal de production dans l'hydroélectricité, si on parlait des équivalences énergétigues et s'en aller sur le prix du pétrole au kilowatt...

M. Forget: Oui, mais dans le cas du chauffaqe à l'électricité, cela ne s'applique pas.

M. Duhaime:... à ce moment-là, la différence aurait été encore plus élevée. Autrement dit, pour un kilowatt produit à partir d'énergie thermique, vous auriez une différence encore plus grande, ce qui amène tout le monde à conclure, sauf votre raisonnement, qu'un programme de conservation d'énergie en termes nets pour le consommateur...

M. Forget: Pour le consommateur.

M. Duhaime:... pour l'ensemble des consommateurs aussi...

M. Forget: C'est l'un ou l'autre. M. Duhaime:... est profitable. M. Forget: M. le Président...

M. Duhaime: Je n'ai jamais dit, M. le Président, qu'on s'en allait vers une politique tarifaire basée sur un coût marginal de production.

Le Président (M. Boucher): Un instant! Je pense que M...

M. Forget: Sur la facture d'Hydro-Québec, je n'ai jamais vu le coût marginal de remplacement, j'ai vu le prix. Est-ce qu'il veut parler du prix? À ce moment, on va se

comprendre, parce que ce qu'on veut faire économiser au consommateur, c'est un montant qu'il paie sur sa facture, ce n'est pas une statistique quelconque que le ministre a sur son bureau. Est-ce que le programme d'économie d'énergie va faire économiser au moins autant d'argent au consommateur qu'il va en coûter au consommateur, à la fois comme payeur de sa facture et comme contribuable? (21 h 45)

Ce qu'Hydro-Québec nous a dit, - la réponse à ça était claire, elle était sans ambiquïté, je ne vois pas pourquoi le ministre tourne alentour du pot - c'est non! Cela ne sauvera pas autant que ça va en coûter aux pauvres cochons de payeurs, d'une façon ou d'une autre. La réponse était claire, on nous a dit: Le gouvernement va être obligé de subventionner et, en plus de ça, il va y avoir toutes sortes de coûts qu'on ne comptabilise pas. Pour...

Le Président (M. Boucher): Je pense que...

M. Forget:... l'impôt, pour que ce soit équivalent, il faut les additionner sur une période de dix ans, en considérant que ce qu'on va économiser dans dix ans, c'est aussi bon que ce qu'on économise cette année. C'est toute une série de calculs absolument farfelus qu'on n'a jamais vus dans aucun autre contexte et qui feraient que, en forçant bien fort, on réussit à faire produire un surplus artificiel qui n'existe que dans la tête de celui qui a produit le document.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent, je crois qu'Hydro-Québec a quelque chose à dire là-dessus.

M. Forget: On va les écouter.

M. Cristel: Quand on parlait aujourd'hui, avant cette soirée, du fait que les prix de l'énergie encouraqeraient l'économie de l'énergie, pour réaliser cette pensée ou ce voeu, on a constaté que le client en général doit être aidé, doit être quidé par des renseignements. Il a besoin d'une aide technique, une aide technique qui va l'aider à déterminer quelles sont les mesures d'économie d'énergie qu'il peut implanter chez lui.

Quand j'ai dit, tantôt, que les mesures étaient rentables dans un horizon de cinq ans, ce qu'on veut dire c'est que si, évidemment, il économise 200 $ sur sa facture annuelle, ça veut dire que le coût de la mesure pour lui ne devrait pas excéder 1000 $. Donc, je ne vois pas de calcul farfelu dans le fait de dire qu'un type économise 200 $. Si on parle d'une économie de 200 $ multipliée par cinq ans, ça fait 1000 % qu'il aura à investir tout de suite pour économiser ces 1000 $ durant les cinq prochaines années. On a aussi dit que le coût de l'énergie allait en augmentant, la possibilité est donc que les 1000 $ investis aujourd'hui se rentabilisent avant cinq ans.

Ce dont le consommateur a besoin, c'est d'une aide technique pour savoir quoi faire. Je peux vous le dire, nous dépensons actuellement passablement d'arqent à former nos représentants et aussi à former des entrepreneurs qui seront accrédités par la Régie des entreDreneurs en construction du Québec pour effectuer les travaux. Je ne peux pas admettre que les consommateurs savent tout ce qu'il y a à faire et les mesures qu'ils doivent prendre pour économiser l'énergie.

Le but du programme est de leur fournir une aide technique et financière pour réaliser les mesures d'économie d'énergie qui, dans l'ensemble, sont rentables dans dix ans au plus. Mais on va tenter de les limiter à environ huit ans.

Je pense que c'est une très bonne affaire pour le consommateur parce qu'on sait, nous, que les prix de toutes les formes d'énergie augmenteront - on l'a dit aujourd'hui plusieurs fois - alors, de protéger le consommateur contre ces auqmentations de prix en favorisant des économies chez lui, je pense... D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le faire, il y a un Droqramme semblable qui sera instauré en Ontario le 1er septembre; il y a plusieurs services publics aux États-Unis qui ont la même mission qu'on a confiée à Hydro-Québec. Je trouve que c'est normal de voir à aider le consommateur à bien utiliser l'énergie.

M. Forget: M. Cristel, n'avez-vous pas dit, par ailleurs, ou vous ai-je mal compris, que le coût de l'expertise...

M. Cristel: Oui.

M. Forget:... - on admet tous que personne n'est ingénieur à la naissance -requis pour déterminer si, oui ou non, il y a une possibilité d'économie dans une maison donnée, vous ne le comptabilisez pas dans les coûts du programme?

M. Cristel: C'est-à-dire que j'ai dit tantôt que même pour Hydro-Québec, si on reqardait les coûts marginaux qu'on a comparés, les 840 000 000 $, on paie la moitié du programme...

M. Forget: Écoutez, ne faites pas un grand circuit pour me dire oui ou non. Est-ce que vous comptabilisez dans les coûts du programme les coûts qui sont nécessaires pour établir si, oui ou non, des économies sont possibles? Il me semblait bien que vous m'aviez dit tout à l'heure que vous mettiez ça de côté et que c'était ça qui était

financé moitié par le gouvernement et moitié par Hydro-Québec, et que ça ne rentre pas dans le calcul de la rentabilité du programme.

M. Cristel: Non, ça, c'est vrai. Le coût de l'action conseil...

M. Forget: On a acquis ça. On a au moins ce terrain commun et je pense que c'est une grosse réserve parce que vous nous avez dit que ça coûtait quand même assez cher.

M. Cristel: Oui, mais...

M. Forget: 125 000 000 $, est-ce que le chiffre est bon?

M. Cristel: Ce n'est peut-être pas assez élevé pour tout le programme. C'est 150 000 000 $...

M. Forget: Ron. Alors, c'est au moins 125 000 000 $ qu'on ne récupérera jamais. Je parle de la société; la société met 175 000 000 $ et on ne compte pas sur les économies d'énergie pour payer ça. C'est comme si on s'achetait, par exemple, des spectacles d'opéra ou n'importe quoi. On dit: On va consacrer ça pour faire des expertises, mais ce n'est pas en soi rentable. On en retire un certain plaisir parce qu'on est plus savant après qu'avant, mais ce n'est pas en soi rentable. On est d'accord là-dessus.

En plus de ça, n'avez-vous pas dit, M. Cristel, que vous totalisez, que vous additionnez l'économie de l'an prochain et l'économie de dans deux ans, etc., et que vous arrivez à une totalité qui vous permet de dire que c'est rentable? Or, dans quel autre domaine d'activité Hydro-Québec procède-t-elle ainsi pour déterminer la rentabilité de ses entreprises?

M. Cristel: Nous faisons des études économiques dans plusieurs secteurs, mais...

M. Forget: Je n'en doute pas, mais dans quel autre projet juqez-vous qu'un projet est rentable simplement en faisant le total des bénéfices annuels sans autre forme de procès? Est-ce qu'il y a une autre chose que vous faites de cette façon-là? Ce serait intéressant à savoir parce que c'est une méthode de calcul inhabituelle, je pense que le ministre des Finances l'admettra avec moi. Si vous me dites que oui, je vais vous faire une proposition financière tout de suite, à titre personnel s'entend. Si vous êtes prêt à accepter ce qenre de calcul-là, je pense que vous êtes admirable et un intéressant client, mais c'est assez inouï. Est-ce qu'il y a un autre investissement qu'Hydro-Québec a fait de cette facon-là?

M. Cristel: Si on dit qu'on fait une économie, disons, de 200 $ par année...

M. Forget: Oui.

M. Cristel:... sur les prix de l'énergie actuellement et qu'on a à investir 1000 $ pour réaliser cette économie-là, il faut que ce calcul-là soit expliqué par 150 représentants à 100 000 personnes par année. Si on se met à utiliser des tables d'actualisation, de coûts de capital et toutes sortes de calculs compliqués, je pense qu'on ne réussira jamais. On dit à l'abonné: Tu économises 200 $; donc, si tu paies 1000 $, pour recouvrer tes 1000 $, ça va te prendre cinq ans.

M. Forget: En oubliant les intérêts. M. Cristel: Mais oui.

M. Forget: S'il fallait qu'il aille emprunter ses 1000 $ pour aller chercher 200 $ par année, au taux d'intérêt actuel, il ne lui resterait pas grand-chose.

M. Cristel: Mais les 200 $ d'économie vont augmenter à cause du fait que le coût de l'énergie, on l'a dit aujourd'hui, va augmenter de 17% à 15% par année.

M. Forget: Voilà pourquoi ma fille est muette, disait Molière. Mais ce n'est pas l'inflation, M. Cristel, qui rend cela intéressant parce que tout autre investissement par Hydro-Québec serait sujet aux mêmes aléas de l'inflation.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je passe, M. le Président.

M. Rodrigue: M. le Président, ma question s'adresse aux représentants d'Hydro-Québec. Vous avez parlé tout à l'heure d'un coût marginal qui vous a servi de base finalement à ces calculs. Pourriez-vous m'indiquer si c'est le même coût marginal utilisé à l'occasion des études d'aménagements hydroélectriques qui sont faites sur un grand nombre de rivières actuellement au Québec, à savoir le coût de remplacement de cette énergie par de l'énergie thermonucléaire? Ou bien encore si votre coût marginal est plutôt basé sur le coût des prochaines installations hydroélectriques, c'est-à-dire en l'occurrence le programme d'investissements de la Grande Phase II

M. Cristel: Le coût qu'on vous a cité c'était la Grande Phase II.

M. Rodrigue: La Grande Phase II. Est-

ce qu'il ne serait pas exact de dire ceci, si le coût de production du bloc d'énergie que vous avez cité tout à l'heure est celui qu'Hydro-Québec va réussir à éparqner au cours des prochaines années? Ce coût de production étant établi en dollars actuels, si c'est le cas, à ce moment, serait-il justifié d'établir également le coût du programme d'économie d'énergie en dollars actuels pour avoir une base de comparaison valable, ce qui répondrait à la question du député de Saint-Laurent? Est-ce cela que vous avez fait? Il est évident que, si vous aviez actualisé les coûts de production de nouvelles centrales pour fournir ce bloc d'énergie dans l'hypothèse où le programme ne serait pas mis en vigueur, il faudrait que vous vous installiez des centrales pour être capables de fournir cette énergie.

Par ailleurs, si vous réussissez par le programme d'économie d'énergie à faire en sorte que ces aménaqements soient reportés à plus tard, ça veut dire que ce sont des investissements qu'on n'a pas à faire. Est-ce qu'il n'est pas exact de dire, à ce moment-là, qu'il faut comparer ces deux coûts en dollars actualisés mais que, dans la mesure où on utilise la même base de calcul pour les deux types de production, c'est-à-dire pour ce qu'on épargne par le programme d'économie d'énergie ou par les productions nouvelles, la comparaison est valable?

M. Cristel: Je suis d'accord avec cela.

M. Rodrigue: Je comprends que c'est ce que vous avez fait, finalement.

M. Cristel: Oui, mais je n'ai pas toutes les analyses économiques du programme, ici avec moi, malheureusement.

M. Rodrigue: C'est évident, M. le Président, que si tel est le cas, la base de comparaison qui nous est soumise, ici en commission, tient. Cela veut dire qu'on compare des tomates avec des tomates et que les 840 000 000 $ pour de la production nouvelle qui serait exiqée d'Hydro-Québec si le programme d'économie d'énergie n'était pas mis en vigueur, se comparent à ce moment-là aux 150 000 000 $ à 200 000 000 $ qu'on a mentionnés comme coût du programme.

Vous avez mentionné aussi que les études qui doivent être faites avant d'appliquer le programme coûteraient quelque chose de l'ordre de 125 000 000 $. Non?

M. Cristel: Non. Le coût total du programme est de l'ordre de 150 000 000 $ environ parce que, évidemment, nous n'avons pas fait des calculs précis pour dix ans, mais pour trois ans, et on a fait des estimations pour les années subséquentes.

M. Rodrigue: Est-ce que vous n'avez pas mentionné tout à l'heure qu'il y avait des frais de 10 $? Mais c'est le propriétaire qui doit l'assumer, à ce moment-là.

M. Cristel: On propose des frais d'admissibilité de 10 $.

M. Rodrigue: Cela, c'est pour l'expertise qui sera faite sur la maison afin de voir s'il y a lieu de poursuivre le programme dans ce cas.

M. Cristel: C'est ça, c'est exact.

M. Rodrigue: Bon! Donc, c'est aux frais du propriétaire, ce n'est pas aux frais d'Hydro-Québec.

M. Cristel: Ou du locataire.

M. Rodrigue: Ou du locataire. Vous avez actuellement en cours un programme d'économie d'énergie aux Îles-de-la-Madeleine. Est-ce que le programme est suffisamment avancé pour vous avoir permis d'en évaluer l'impact? Si oui, quelles sont les conclusions de la mise en vigueur de ce programme?

M. Cristel: Je n'ai pas le dossier des Îles-de-la-Madeleine avec moi ici.

M. Rodrigue: De mémoire, est-ce que...

M. Cristel: Disons que les analyses avaient été complétées et les améliorations de l'enveloppe thermique effectuées sur environ, je crois, 1500 des habitations des îles, mais ce serait malhonnête de tenter de vous dire l'économie totale réalisée. Je sais qu'on l'a évaluée dans le rapport et qu'effectivement, cela a freiné la croissance habituelle d'énergie électrique dans les îles, mais je n'ai pas le rapport avec moi actuellement.

M. Rodrigue: Est-ce que le programme est suffisamment avancé pour que vous soyez en mesure de tirer une conclusion sur la validité du programme? En d'autres mots, est-ce que pour Hydro-Québec, le programme des Îles-de-la-Madeleine s'avère rentable, compte tenu des bases de comparaison? Parce que le coût de l'énergie aux Îles-de-la-Madeleine est évidemment beaucoup plus élevé qu'ailleurs au Québec.

M. Godin (Pierre): Si vous me permettez, je vais répondre à cette question. Pierre Godin.

Effectivement, le programme d'efficacité énergétique des Îles-de-la-Madeleine fonctionne de la façon dont on l'avait prévu. Jusqu'à maintenant, il y a entre 5 000 000 $ et 6 000 000 $ qui ont

été investis dans ce programme sur un total de 15 000 000 $ et la réaction du programme de la part des habitants des Îles-de-la-Madeleine est très bonne.

Les prévisions de report, ou de nouveaux investissements dans la centrale se réalisent tel que le programme a été prévu. Je n'ai malheureusement pas les données exactes, mais je peux vous dire que cela fonctionne tel que prévu. Autrement dit, lorsqu'on avait prévu que les unités qénératrices seraient reportées de X années, c'est ce que ça donne comme résultat. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres pour vous les donner.

M. Rodrigue: Ce serait intéressant pour les membres de la commission si vous pouviez nous les transmettre, parce que dans la mesure où il est question ici d'établir un programme d'économie d'énergie à la qrandeur du Québec, il serait intéressant de pouvoir analyser ou prendre connaissance d'une analyse d'un programme qu'on peut considérer, à toutes fins utiles, comme un programme pilote, celui qui a été mis en vigueur aux Îles-de-la-Madeleine, là où c'était plus urgent de le faire. Cela se conçoit. (22 heures)

Une dernière question. D'après le programme, les prêts que vous allez consentir aux propriétaires seront-ils sous forme d'hypothèque sur la maison? Comme il y a toujours le problème du changement de propriétaire qui peut survenir, que prévoyez-vous dans ce cas?

M. Cristel: On ne prévoit pas lier oar hypothèque. Il y a un prêt maximum qui serait lié par hypothèque, mais les prêts de moindre valeur ne le seraient pas. Je crois que c'est 10 000 $ On tenterait d'obtenir une hypothèque... Ah oui. Le consommateur qui désire obtenir un prêt d'Hydro-Québec d'un montant égal ou supérieur à 10 000 $ devra accorder à Hydro-Québec une hypothèque équivalente au montant du prêt ainsi consenti. Mais les prêts de moindre valeur ne seraient pas garantis par hypothèque.

M. Rodrigue: C'est pour l'industriel et le commercial, au-delà de 10 000 $, j'imagine.

M. Cristel: Non, c'est sur les édifices à logements multiples.

M. Rodrigue: D'accord. On peut considérer cela un peu comme du commercial. Finalement, il y a un propriétaire et un édifice à logements. Pour le propriétaire d'un bungalow ou d'un duplex, de quelle façon pouvez-vous suivre le prêt s'il y a changement de propriétaire?

M. Cristel: Je crois qu'au changement de propriétaire, le prêt devient exigible.

M. Rodrique: À la transaction?

M. Cristel: Oui.

Si c'est un locataire, il doit demander au propriétaire de signer le contrat dans l'éventualité où il déménagerait. Le propriétaire qui vend sa propriété pour laquelle il détient un prêt consenti par Hydro-Québec doit rembourser le solde de son emprunt lors de la vente de ladite propriété.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je ne continuerai pas avec l'isolation des maisons, je laisse cela à mon collègue de Saint-Laurent, il est expert.

M. Forget: L'autopsie est terminée.

M. Fortier: Je ne sais pas si le cadavre est plus vivant qu'avant. J'aurais une question à poser et je vais profiter de la présence du professeur Parizeau, ce n'est pas tous les jours que j'ai l'occasion de le voir.

M. Parizeau: En congé sans solde.

M. Fortier: Oui. D'ailleurs, on me dit que beaucoup d'étudiants vous réclament. Je leur ai dit que ce serait pour bientôt. Sachant que vous avez une bonne connaissance de la péréquation, cela a un intérêt pour les débats ici, dans une certaine mesure. J'ai lu un article publié par un économiste d'Hydro-Québec en ce qui concerne l'intrant de richesses naturelles et des revenus probables d'Hydro-Québec. J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne là-dessus. Je crois que l'argumentation est celle-ci. Si je comprends le raisonnement de certaines personnes, les revenus qui proviendraient de la vente de l'électricité au Québec et qui devraient normalement, éventuellement, en théorie, atteindre les prix internationaux, de la même façon que le pétrole, seraient considérés comme étant perçus par le Québec même s'ils ne l'étaient pas. Peut-être pourriez-vous nous dire dans quelle mesure les prix ou la tarification d'Hydro-Québec ou la tarification possible ou probable peut avoir une influence dans la prochaine ronde de négociations sur l'équation qui est utilisée pour établir la péréquation en faveur du Québec ou à son désavantage?

M. Parizeau: Tant que nous parlons de dividendes, cela n'a pas d'impact. Cela reste complètement en dehors de la formule de péréquation et en dehors du mode de calcul.

Tout ce qui, au contraire, aurait l'air d'un impôt, d'une taxe, d'une royauté, n'importe quoi d'équivalent, pourrait effectivement entrer dans la formule de péréquation et servirait, à toutes fins utiles, à envoyer de l'arqent au fédéral en lui permettant de réduire ses paiements de péréquation. C'est en ce sens que, à tous égards, le dividende est infiniment plus intéressant. Il se perçoit au Québec, il reste au Québec et il n'engraisse pas Ottawa.

M. Fortier: Est-ce que le niveau de la tarification comme telle peut avoir une influence dans le calcul?

M. Parizeau: Non, la tarification n'entre pas...

M. Fortier: Est-ce que le calcul peut dire: On appréhende une tarification plus élevée qui pourrait exister?

M. Parizeau: Non, pas du tout; la tarification en tant que telle, non. Mais en négociant ses royautés - parce que les royautés, cela peut être considéré comme un impôt - en établissant des royautés sur, en particulier, les ventes de terrains pétroliers ou gaziers, l'Alberta, sans le vouloir, a amorcé une bonne partie de la crise actuelle. C'est cela qui a fait que le gouvernement fédéral, à un moment donné, pour éviter de voir la péréquation monter à des niveaux qu'il trouvait inacceptables, a modifié la formule de péréquation. Il est très important que quoi qu'il arrive dans ce domaine, n'ait l'air ni d'une taxe, ni d'un impôt, ni d'une royauté. Un dividende, à cet égard, est à l'abri et la tarification, c'est un prix. Cela n'entre d'aucune espèce de façon dans la formule de péréquation.

M. Fortier: Merci. J'aimerais avoir deux précisions d'Hydro-Québec. Mon collègue de Saint-Laurent faisait allusion à la montagne d'argent qui semble très attrayante. Le vice-président aux finances d'Hydro-Québec parlait des risques qui pourraient survenir dans l'avenir qui pourraient diminuer ces profits qui sont alléchants. Il y a deux sujets, à mon avis, qui pourraient réduire dans l'avenir la "profitabilité" d'Hydro-Québec. J'imagine qu'ils ne peuvent pas être comptabilisés, ils surviendront quand ils surviendront, mais, quand même, il faut les avoir à l'esprit lorsqu'on parle d'adopter une loi qui, de toute évidence, va avoir un impact sur la rentabilité future d'Hydro-Québec.

Le premier sujet, c'est Terre-Neuve. Il semble bien qu'éventuellement - on ose l'espérer - Terre-Neuve s'assoira à une table de négociation, peut-être sur la base que le Québec a toujours prônée, que le gouvernement du Québec a prônée, et qu'à ce moment-là, bien sûr, on dise: Si telle et telle conditions sont rencontrées, on serait peut-être prêt à rouvrir le contrat. Mais sachant qu'on paie dans le moment deux ou trois milles le kilowattheure - les achats, je crois, d'Hydro-Québec de Churchill Falls sont de l'ordre de 100 000 000 $ par année ou à peu près - on peut faire des hypothèses sur le prix qui serait le résultat de ces négociations. On peut multiplier par un facteur, j'imagine, de cinq ou de dix, à partir de l'année où ces négociations seraient conclues. Cela nous permettrait, par ailleurs, d'aménager d'autres rivières. Il y a 5000 mégawatts à aménager. Toutes ces projections, ces prévisions qu'on a faites de la "profitabilité" d'Hydro-Québec seraient pénalisées d'autant. Est-ce que mon argumentation tient?

M. Bourbeau: Votre argumentation est bonne pour autant que l'on ne puisse trouver une solution au problème de Terre-Neuve. Actuellement, à Hydro-Québec, il y a un comité qui est chargé d'étudier les différentes façons de circonscrire le problème de Terre-Neuve. Si jamais Terre-Neuve gagnait le procès en cours actuellement vis-à-vis du Reversion Act, c'est-à-dire lorsque Terre-Neuve veut enlever les droits hydrauliques à la CFL Co. Les résultats de ce comité d'étude à HydroQuébec devraient arriver vers la mi-septembre. On n'a pas encore de données là-dessus.

M. Fortier: Mais j'imagine que, sans connaître les conclusions de cette étude, cette probabilité viendrait soit d'un règlement en cour, si Terre-Neuve gagnait sont point en cour, ou par un règlement hors cour. Le règlement hors cour serait peut-être mieux, mais, dans un cas comme dans l'autre, j'imagine que la "profitabilité" d'Hydro-Québec en prendrait un coup dans la mesure où il faudrait soit chercher des sources d'énergie alternatives ou renégocier le contrat en payant un prix qui serait de toute évidence plus élevé. Il ne pourrait pas être plus bas. Sachant qu'on paie deux ou trois mills le kilowattheure, que la Baie-James coûte vingt milles, il y a une marge de négociation qui serait entre trois et vingt milles, ce qui signifie que cette rentabilité que l'on vante beaucoup serait très sérieusement affectée.

L'autre domaine qui m'intéressait, je ne sais pas si c'est une décision ou un arrêté en conseil ou une modification de la loi qui a fait en sorte que, pour les négociations sur la tarification des grandes puissances, c'est entre les mains du gouvernement. Il négocie avec de nouvelles entreprises qui viennent s'établir ici, s'il y en a. Je ne sais pas. Je sais qu'on a mentionné Reynolds en particulier, dans les journaux.

La première question serait celle-ci:

Est-ce que depuis que le gouvernement a assumé cette responsabilité il y a eu des cas où c'est arrivé? Deuxièmement, dans ces cas-là, j'aimerais en avoir la confirmation, j'imagine que la baisse de tarif qui serait accordée à une entreprise serait au détriment d'Hydro-Québec? Il n'y aura pas de compensation prévue, le gouvernement ne compensera pas Hydro-Québec pour la perte qu'elle subirait dans le niveau de tarification qui serait accordé à cette entreprise?

M. Bourbeau: II y a un contrat actuellement, c'est le contrat de Reynolds. Je crois que M. Pierre Godin, vice-président Clientèle et Régions, est au courant de toutes les négociations qui entourent ce contrat.

M. Godin (Pierre): Effectivement, il y a des négociations en cours à l'heure actuelle avec Reynolds pour la fourniture de 170 à 200 mégawatts d'énergqie additionnelle selon ce que le gouvernement avait annoncé, je ne me souviens plus à quel moment, soit des négociations de contrats selon des conditions particulières pour de grands utilisateurs d'énergie. Effectivement, il y a un contrat en négociation à l'heure actuelle. Il n'y a pas de contrat signé cependant.

En ce qui a trait au manque à gagner que subirait Hydro-Québec à la suite de ce genre de contrat, ce serait compensé par le gouvernement, suivant l'information que l'on a.

M. Fortier: Est-ce que c'était un décret ou si c'est la loi qui a été modifiée pour permettre au gouvernement de procéder de cette façon?

M. Godin (Pierre): C'est une décision ou un décret du gouvernement. Je ne saurais dire exactement la différence entre les deux.

M. de Belleval: Qu'est-ce que vous entendez par manque à qaqner? Par rapport à quoi?

M. Godin (Pierre): Ce serait le taux protéqé de croissance du tarif du contrat par rapport à l'augmentation des taux réels.

M. de Belleval: Ce que vous appelez manque à qaqner, ce n'est pas un manque à qaqner actuel, mais c'est un manque à qaqner qui pourrait survenir si le taux garanti à l'entreprise était inférieur éventuellement au taux auquel vous pourriez vendre ce stock d'énerqie.

M. Godin (Pierre): C'est cela, si vous voulez, le taux normalisé, à n'importe quel moment, n'importe quelle année.

M. de Belleval: Si, à un moment donné, il y a des surplus d'électricité, vous ne pouvez pas les vendre, à ce moment-là. Cela entre en ligne de compte aussi, je suppose?

M. Godin (Pierre): Pas essentiellement. Un contrat d'énergie ferme, c'est très différent d'un contrat d'énergie excédentaire ou de vente de surplus d'énergie.

M. de Belleval: Si au moment où la différence se produit vous avez des surplus d'énergie à cette époque?

M. Godin (Pierre): Tout dépend si on parle d'énergie ferme ou de surplus, d'excédents temporaires. Évidemment, ce n'est pas la même situation du tout.

M. Fortier: Ce que vous m'en dites, c'est que le gouvernement est logique avec lui-même, il demande à Hydro-Québec de se rentabiliser le plus possible, de préférence par augmentation de tarif. Mais, dans un cas comme celui-là, il compenserait HydroQuébec du manque à gagner résultant d'une telle négociation.

M. Godin (Pierre): C'est ce qui a été convenu.

M. Fortier: Tant mieux.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre. (22 h 15)

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais peut-être revenir sur le dernier sujet qui a été évoqué par le député d'Outremont. Le tarif grande puissance s'applique à l'heure actuelle au seul secteur des alumineries. Et la mécanique de cette politique, ce qui a été largement et abondamment expliqué lors d'une conférence de presse qui remonte, si ma mémoire est bonne, à au-delà d'un an, le tarif qui s'applique à une entreprise - et on en a une illustration avec le cas Reynolds - est que, pendant une durée de 20 ans, nous garantissons à l'entreprise que le tarif qui s'applique à elle pendant la période n'excédera pas 10% par année. De la 21e à la 25e année, on appelle cela une période de rattrapage sur le tarif qui sera en vigueur à ce moment-là, de sorte qu'au premier jour de la 26e année, cette entreprise paiera le tarif qui sera en vigueur - le tarif grande puissance - à ce moment-là.

Bien sûr, nous avons pris l'engagement de compenser Hydro-Québec sur un manque à gagner, parce que nous tenons compte qu'un investissement de cette ampleur, et, dans le cas de Reynolds, on parle d'un montant de 500 000 000 $, a un effet d'entraînement sur l'économie et que c'est plutôt la responsabilité du gouvernement d'assurer, le cas échéant, le manque à gagner. Je pense

que, là-dessus, vous semblez être d'accord avec cette proposition. On se rejoint.

L'autre sujet que vous avez évoqué est le dossier de Terre-Neuve. Je voudrais simplement rappeler la position du gouvernement là-dessus. Nous avons eu l'occasion à tour de rôle, M. Lévesque et moi-même, de le rappeler et notre position n'a jamais vraiment changé depuis cette rencontre à Vergennes dans le Vermont, à l'occasion de la réunion annuelle des gouverneurs des États de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres où M. Lévesque et M. Peckford avaient abordé cette question. La position du gouvernement se résume à ceci. Cela a été rappelé à nouveau le lendemain ou le surlendemain de l'annonce du fameux corridor, que nous étions ouverts pour une discussion, mais sur la base - pour employer l'expression du premier ministre - d'un "package deal" qui comprendrait, bien sûr, la mécanique de rappel, qui comprendrait la puissance additionnelle qui pourrait s'ajouter aux chutes Churchill. Nous sommes, bien sûr, également intéressés dans la puissance qu'on retrouve dans le bas Churchill à partir de Muskrat et Gull Island et nous sommes aussi intéressés à réqler avec Terre-Neuve ce qui pourrait être un contentieux sur les rivières de la Côte-Nord dont la tête se trouve au nord de ce qui a été décidé en 1927 comme étant la frontière. Selon ce que Terre-Neuve aura à offrir sur le "Dackage", nous évaluerons à ce moment-là la situation pour ce qui est du contrat qui lie actuellement les parties, CFL Co., Hydro-Terre-Neuve, Hydro-Québec, le gouvernement de Terre-Neuve et le gouvernement du Québec.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions? Avez-vous un mot à ajouter avant l'ajournement? M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Forget: M. le Président, si on est pour mettre fin aux travaux sans se réunir demain à nouveau, j'aurais peut-être une question pour le ministre des Finances.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Quand on considère la série de chiffres qui nous a été fournie par Hydro-Québec relativement au profil dans le temps des redevances - si je peux mettre la main dessus, je vais vous la citer - on y voit que le dividende va évoluer de la façon suivante: en 1981, 28 000 000 $; en 1982, 71 700 000 $; en 1983, 180 000 000 $ et, les deux dernières années respectivement, 465 000 000 $ et 905 000 000 $. On se rend compte que, pour l'essentiel, la redevance ne devient significative qu'en 1984 pour un gouvernement qui, à ce moment, a un budget de plus de 20 000 000 000 $ et probablement passablement au-delà de 70 000 000 000 $, je pense bien que les redevances des années antérieures à celle-là, qui se chiffrent par même pas 1% du budget, ne peuvent pas être considérées comme fournissant un apport significatif aux finances gouvernementales, à moins, bien sûr, qu'on nous réserve, du côté tarification, je ne sais même pas si on devrait appeler ça une surprise, dans la mesure où le gouvernement n'a pas dévoilé ses intentions clairement, et où, effectivement, on affirmerait un taux de croissance des tarifs qui, dès 1982, ferait monter des chiffres d'une façon beaucoup plus astronomique que la redevance en question; ce n'est pas exclu, mais, mettons ça de côté pour les fins de la disscussion.

En supposant que ce scénario d'Hydro-Québec représente à peu près ce qui est susceptible de se produire, tenant compte également du fait que - on nous l'a répété à plaisir durant la journée - énormément d'incertitude s'attache à des prédictions même de quatre et cinq ans, bien des choses peuvent évoluer, favorablement ou défavorablement, pourquoi le gouvernement s'attache-t-il à introduire tout de suite cette modification dans les statuts d'Hydro-Québec? Est-ce qu'il ne serait pas plus sage, étant donné que ça ne lui rapportera rien ou pratiquement rien avant 1984, d'attendre en 1983 pour voir où on en est finalement dans l'évolution du marché financier et dans l'évolution des projets d'investissement d'Hydro-Québec? Parce que c'est seulement à ce moment où véritablement, du moins d'après ce scénario, que ça fait une différence appréciable.

Est-ce là la leçon qu'on doit tirer de toutes les précautions dont ont entouré les porte-parole d'Hydro-Québec sur leur difficulté à voir l'avenir sur plus longtemps? Mais avec les difficultés financières qui existent cette année sur les marchés financiers, est-ce qu'il ne serait pas plus sage de dire: Ce serait peut-être une bonne idée que ce dividende, quand il deviendra clair que les marchés financiers et les taux d'intérêt ont retrouvé un certain bon sens et quand il deviendra clair que la phase 2 de la Baie James, etc. - tout cela implique des déboursés - qu'on sera plus en mesure de chiffrer et de voir apparaître avec un peu plus de précision, simplement parce qu'on sera plus près de leur mise en route dans le temps - on l'aura même amorcée - est-ce que ce ne serait pas bien avisé, dis-je, de remettre tout ça?

C'est un peu prématuré me semble-t-il. On s'est tellement fait dire, aujourd'hui, qu'on a des difficultés de prédiction, que les marchés financiers sont dans un état inusité, tout le monde espère que les taux d'intérêt sont aussi à un niveau qui ne se maintiendra pas pendant des années et des années, alors,

la conclusion que j'en tire, c'est que ce n'est peut-être pas terrible 28 000 000 $ pour Hydro-Québec - effectivement, ce n'est pas terrible si ça se limite à ça - mais ce n'est pas non plus un grand bénéfice pour le gouvernement. On me dira: On le fait pour le principe; mais vous savez, M. le Président, le principe, il y a aussi d'autres principes, tel que le fait d'agir quand on voit clair, c'est un aussi bon principe que cette espèce d'harmonie des corps célestes. On n'a pas grand intérêt financier à faire ça, même l'an prochain; pourquoi n'attend-on pas quand ce sera vraiment utile?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je suis très content d'avoir à conclure sur une question comme celle-là. Quelqu'un de très célèbre a dit un jour que l'avenir dure longtemps, mais ça se prépare.

Parce que le marché est ce qu'il est -les marchés financiers sont ce qu'ils sont à l'heure actuelle - ce que ça va rapporter pendant deux ans, effectivement, ce n'est pas grand-chose, c'est très inférieur à ce que ça aurait été si les taux d'intérêt n'avaient pas augmenté comme ils l'ont fait. Il est possible que, dans six mois ou dans un an, on constate que la situation des marchés financiers s'étant considérablement améliorée, c'est beaucoup plus intéressant que les chiffres qu'on indique là.

Il faut placer Hydro-Québec comme toutes les sociétés d'État, et je reviens à mon propos initial. Les sociétés d'État, maintenant qu'elles font des profits dans leur ensemble - Hydro-Québec en a toujours fait, mais - sont placées sur une base où elles paient des taxes, où elles ont une politique de dividendes. Si cela avait rapporté beaucoup d'argent cette année, on aurait dit, comme on a dit, sans connaître les chiffres: Le gouvernement siphonne Hydro-Québec, donc, renoncez à ce projet.

Maintenant qu'on se rend compte que ça rapporte beaucoup moins d'argent que prévu, on dit: Renoncez à votre projet, ça ne rapporte pas assez. Alors, qu'on se branche! Si je comprends bien, il y a trois jours encore, avant que ces chiffres-là sortent, la conclusion était: Surtout, pas de dividendes d'Hydro-Québec, vous siphonnez Hydro-Québec. Vous allez chercher comment disait-on ce matin, tôt avant que les chiffres sortent? - des milliards. Maintenant, ce soir, dix heures plus tard, on me dit: Ne touchez pas à Hydro-Québec, ça ne rapporte rien. Rien, branchons-nous!

La politique du gouvernement, c'est qu'Hydro-Québec, comme toutes les sociétés d'État qui font de l'argent, doit payer des dividendes et, en fonction des taux d'intérêt, du taux d'inflation, des tarifs, etc., il sortira un dividende. Mais dans ce sens je pense que nous avons pris une position qui est à la fois loqique et cohérente. Je suis navré pour ceux qui pensaient qu'on allait siphonner des milliards tout de suite, que ça ne se produise pas...

M. Forget: Je m'excuse...

M. Parizeau:... je suis navré pour ceux qui trouvent que ça ne rapporte pas assez. Je suis navré pour les deux, même si c'est le même homme des fois, mais le fait est qu'il était temps que le gouvernement ait, à l'égard des sociétés d'État, une politique de taxation, une politique de dividendes.

M. Forget: C'est pour le principe.

M. Parizeau: Non, parce qu'une entreprise est une entreprise, parce qu'elle doit être jaugée à l'aune à la fois d'une taxation normale et de dividendes normaux. C'est comme ça qu'on la juge, c'est comme ça qu'on la compare et c'est comme ça qu'on l'établit en fonction des autres.

M. Forget: Mais si c'est vrai, M. le Président, pourquoi le gouvernement ne la laisse-t-il pas déterminer ses tarifs et ses dividendes seule comme d'autres entreprises sont autorisées à le faire?

M. Parizeau: Parce que, M. le Président, les entreprises de services publics dans tous les gouvernements ont une tarification qui est approuvée soit par un gouvernement, soit par un tribunal quasi-judiciaire, ça dépend des formules d'un pays à l'autre. Pour ma part, je ne sache pas que, dans un service public qui a un monopole, on permette au monopole de déterminer lui-même ses prix. Cela est inconnu au bataillon. Je ne vois pas pourquoi on accepterait ce principe-là au Québec; là, on serait vraiment une province pas comme les autres.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, pour le mot de la fin?

M. Duhaime: À moins que M. Bourbeau...

M. Fortier: Oui, peut-être que M. Bourbeau veut conclure.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. Bourbeau a quelque chose à ajouter?

M. Bourbeau: Non, pour l'instant je n'ai rien à ajouter.

M. Duhaime: Alors, M. le Président, nous arrivons au terme de nos travaux. Je pense pouvoir dire, après ces longues heures

de débat et de discussions à travers le dédale des chiffres, que nous serons en mesure de dire à l'Assemblée nationale que le mandat de la commission a été rempli.

Je voudrais vous dire, M. le président d'Hydro-Québec, qu'en ce qui est des propositions contenues dans votre mémoire tel que soumis devant la commission, j'aurai, bien sûr, avec mes collègues, l'occasion de le revoir, de le laisser en quelque sorte se décanter également et, à la lumière de ce que nous avons entendu au cours de ce débat aujourd'hui, nous aurons bien sûr à prendre un certain nombre de décisions qui, normalement, pourraient être connues vers le mois de novembre à l'occasion du débat de deuxième lecture sur ce projet de loi. (22 h 30)

Je voudrais rappeler essentiellement ce que je disais ce matin, que les travaux d'aujourd'hui constituent en quelque sorte la première manche - les travaux de cette commission permanente de l'énergie et des ressources - puisque nous aurons l'occasion de nous retrouver à la fin de septembre pour échanger sur la proposition tarifaire que, d'ici là, votre conseil retiendra pour être proposée au gouvernement; ensuite, la même commission se retrouvera lors de l'étude article par article du même projet de loi no 16.

Je voudrais remercier mes collègues membres de cette commission pour leur participation à ces travaux, en particulier mon collègue des Finances. J'aimerais vous remercier vous-même, M. le président Bourbeau, de même que tous ceux et celles de votre équipe, à Hydro-Québec, pour la bienveillance avec laquelle vous vous êtes prêtés aux débats de cette commission. Je ne sais pas si je peux m'exprimer au nom de tous mes collègues, mais je voudrais vous remercier. Nous avons voulu tenir ce débat le plus large possible dans la recherche, bien sûr, du consensus. On se donne rendez-vous à la fin de septembre.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Très brièvement, je voudrais remercier Hydro-Québec d'avoir été si patiente avec nous et d'avoir répondu à nos questions. Pour notre part, bien sûr, on a appris certaines choses et cela nous a confirmé ce qu'on appréhendait: le ministre des Finances a des problèmes et il voudrait bien qu'Hydro-Québec ait autant de problèmes que lui.

Quant à nous, nous croyons que, même si l'État québécois a des problèmes, il serait dans le meilleur intérêt du Québec si Hydro-Québec pouvait continuer à jouer son rôle et à le faire d'une façon autonome vis-à-vis du pouvoir exécutif. Il nous semble pernicieux qu'on ne permette pas à Hydro-Québec de recommander la dimension, l'importance des dividendes qui seraient déclarés. Il est étonnant de voir que c'est sans avoir de politique énergétique que nous discuterons de la prochaine tarification, sans avoir exactement de guide venant du gouvernement. C'est son droit et son devoir de déterminer une politique énergétique qui nous permettrait de juqer de la direction vers laquelle on s'en va.

J'ose espérer que nous aurons, M. le ministre, l'information quant à la tarification quelques jours ou une semaine, si possible, avant la commission parlementaire pour qu'on puisse en faire l'étude avant d'arriver ici même, en commission parlementaire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Outremont.

M. Bourbeau, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Bourbeau: Je n'ai rien à ajouter, sinon de dire aux membres de la commission que notre mémoire de ce matin contenait deux propositions: une disant qu'on aimerait que le conseil d'administration propose le dividende au gouvernement et une autre disant que le prêt pour le programme d'efficacité énergétique devrait être qaranti par le gouvernement. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, je remercie M. le président d'Hydro-Québec.

La commission de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 34)

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