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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'énergie et des ressources se réunit
pour entendre les autorités d'Hydro-Québec en regard du projet de
loi no 16, Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec.
Les membres de la commission sont: M. Bélanqer
(Mégantic-Compton), M. Rordeleau (Abitibi-Est), M. Duhaime
(Saint-Maurice), M. Dussault (Châteauguay), M. Fortier (Outremont), M.
Gréqoire (Frontenac), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss
(Pontiac), M. Perron (Duplessis), M. Rodrique (Vimont) et M. Vallières
(Richmond). Les intervenants sont: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Belleval
(Charlesbourg), M. Parizeau (L'Assomption) qui remplace M. Desbiens (Dubuc), M.
Hains (Saint-Henri), M. Levesque (Bonaventure), M. Marquis (Matapédia),
M. O'Gallagher (Robert Baldwin) et M. Tremblay (Chambly).
M. Fortier: M. le Président, il y aurait une substitution.
M. Claude Forget (Saint-Laurent) remplacera M. Bélanger
(Mégantic-Compton).
Le Président (M. Boucher): M. Forget (Saint-Laurent)
remplace M. Bélanger (Mégantic-Compton).
Y a-t-il un rapporteur? M. Bordeleau (Abitibi-Est).
M. le ministre, avez-vous des commentaires préliminaires?
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord saluer
mes collègues, membres de cette commission parlementaire, et saluer
également les dirigeants d'Hydro-Québec. Je voudrais proposer, M.
le Président, suivant le mandat qui a été dévolu
à cette commission permanente de l'énergie et des ressources -
à tout seigneur tout honneur, nous sommes ici pour entendre le point de
vue d'Hydro-Québec sur le projet de loi no 16 - que nous entendions
d'abord Hydro-Québec. Je pourrai, ensuite, si vous étiez
d'accord, faire une brève intervention, laisser ensuite nos
collègues de l'Opposition faire une intervention et ensuite, comme nous
le faisons dans ce genre de commission, M. le Président, vous pourrez
attribuer les droits de parole et d'intervention au fur et à mesure
qu'ils vous seront demandés. Cela va?
Le Président (M. Boucher): Cela va. Je cède
immédiatement la parole au représentant d'Hydro-Québec, M.
Bourbeau.
Exposé du président du conseil
d'administration
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission permanente de l'énerqie et des ressources,
permettez-moi d'abord de remercier le gouvernement d'avoir convoqué
cette commission parlementaire. Hydro-Québec apprécie l'occasion
qui lui est ainsi fournie de se faire entendre sur le projet de loi no 16.
Ce projet de loi, déposé en première lecture
à l'Assemblée nationale le 12 juin dernier traduit, par des
amendements à la Loi d'Hydro-Québec, certaines des mesures
annoncées dans le discours du budget. Il entraîne une modification
substantielle non seulement de la structure financière de la
société d'État, mais aussi de sa mission au sein de la
société québécoise. De telles mesures commandent
une réponse précise.
Mon propos sera double. Je rappellerai d'abord brièvement les
aspects pertinents du discours du budget. Je souliqnerai ensuite les mesures
mises de l'avant par le projet de loi et vous livrerai les conclusions des
administrateurs d'Hydro-Québec quant aux répercussions qu'elles
auront sur la situation financière de l'entreprise.
Pour nous, l'élément clef du discours du budget, c'est
l'instauration d'une politique de transferts de fonds d'Hydro-Québec au
gouvernement.
Le discours du budget souligne d'abord que "pendant les quatre à
cinq années qui viennent, Hydro-Québec n'investira plus
guère en dollars que ce qu'elle investit aujourd'hui. "
Retenant ensuite l'hypothèse que les hausses de tarifs de
l'électricité refléteront le rythme de l'inflation dans
les années à venir, le ministre des Finances ajoute: "Dans
quelques années, Hydro-Québec autofinancera 60. pour cent de ses
investissements. " Dans cette perspective, le gouvernement estime qu'il devrait
récupérer le surplus financier excédentaire de
l'entreprise par un transfert d'une partie des
revenus nets de cette dernière au trésor public.
(10 h 15)
Le discours du budget prévoit toutefois que le montant des
transferts de fonds ne doit pas dépasser certaines limites, afin de
tenir compte "des assurances qu'Hydro-Québec doit fournir à ses
créanciers. " À cette fin, le montant des transferts doit
respecter deux exigences: "en premier lieu, les réserves
constituées devront, en tout temps, représenter au minimum le
quart de la somme des réserves et de la dette à long terme. En
second lieu, les bénéfices d'exploitation, moins la redevance,
devront représenter au moins l'équivalent des
intérêts à payer sur la dette". Le ministre des Finances
ajoute que "ces garanties pourraient être rehaussées si jamais un
accroissement substantiel des investissements d'Hydro-Québec
entraînait des niveaux d'emprunts qui exigeraient de procéder
ainsi.
En ce qui a trait à la tarification, le discours du budget est
aussi très explicite. Il ne convient plus, en effet, de réduire,
voire de stabiliser le prix de l'électricité. Rien au contraire.
L'évolution de la conjoncture énergétique incite
plutôt à utiliser le prix de l'électricité comme un
moyen pour gérer la demande et stimuler les économies
d'énergie. L'interrogation suivante, tirée du discours du budget,
est révélatrice à cet égard. Je cite "... comment
va-t-on persuader les citoyens qu'il faut économiser l'énergie
si, pour ce qui a trait à l'électricité, c'est le seul
prix qui baisse ou, en tout cas, n'augmente pas?
En conséquence, le gouvernement souhaite qu'Hydro-Québec
lui propose désormais des hausses de tarifs qui tiennent compte de
l'évolution des prix des autres formes d'énergie. Il s'agit
là d'un changement majeur aux règles qui ont
présidé à l'établissement des tarifs de la
société jusqu'à maintenant.
Enfin, deux mesures de portée plus générale,
également contenues dans le discours du budget, auront des effets
significatifs sur la situation financière d'Hydro-Québec.
Il s'agit en premier lieu de l'assujettissement de "toutes les
sociétés publiques à caractère industriel et
commercial, " donc d'Hydro-Québec, à la taxe sur le capital dont
le taux a, par ailleurs, été porté de 0, 3% à 0,
45% par le ministre des Finances. La deuxième mesure a trait à
l'augmentation des contributions des employeurs au financement des programmes
de santé.
Voilà donc, à grands traits les changements
annoncés dans le discours du budget. Le projet de loi no 16 en
précise les modalités et l'application en proposant une
série de modifications à la Loi sur l'Hydro-Québec.
Le conseil d'administration de la société a
étudié avec soin toutes les répercussions de ce projet de
loi. Je voudrais maintenant vous faire part par des réflexions qu'il
nous a inspirées.
Les amendements apportés aux articles 22 et 22. 1 de la Loi sur
l'Hydro-Québec sont importants. Ils modifient le mandat même de la
société d'État.
L'article 22 définit ainsi ce nouveau mandat: "La
société a pour objet de fournir l'énergie aux
municipalités, aux entreprises industrielles et commerciales et aux
citoyens du Québec. "Les taux et les conditions auxquelles
l'énergie est fournie doivent être compatibles avec une saine
administration financière. "
Hydro-Québec se voit donc soustraite de son obligation actuelle
de fixer les prix de l'électricité "aux taux les plus bas
compatibles avec une saine administration financière. " Et le tarif
applicable à chaque catégorie d'abonnés "n'a plus à
refléter" le coût réel du service fourni à cette
catégorie. "
Ces nouvelles dispositions tarifaires sous-jacentes à
l'amendement de l'article 22 confèrent à Hydro-Québec une
plus qrande souplesse dans l'établissement de ses tarifs. Le conseil
d'administration pourra soumettre au gouvernement des tarifs
réglementaires et contractuels suffisamment élevés pour
assurer, conformément aux objectifs de la politique
énerqétique québécoise, un équilibre dans la
demande des diverses formes d'énergie.
Le conseil d'administration croit que l'utilisation de la tarification
comme moyen de gérer la demande et de stimuler les économies
d'énerqie exiqeait de tels amendements à la Loi sur
l'Hydro-Québec. Il partage le souci du gouvernement de veiller à
maintenir l'équilibre entre les prix des diverses formes
d'énergie qui composent le bilan énergétique du
Québec.
Cette marge de manoeuvre accrue que le projet de loi donne à
Hydro-Québec dans l'établissement de ses tarifs n'est toutefois
pas sans limite. D'une part, en effet, l'écart entre les tarifs
d'électricité appliqués dans le secteur industriel au
Québec et ceux en vigueur dans les autres provinces ne doit pas
défavoriser l'industrie québécoise. D'autre part, les
hausses de tarifs imposées aux abonnés domestiques ne devront pas
être élevées au point de les inciter à recourir
massivement à des formes d'énerqie que le Québec doit
importer. Elles ne devront pas non plus constituer un fardeau inacceptable pour
cette catégorie d'abonnés.
Pour sa part, l'ajout à l'article 22. 1 permet désormais
à Hydro-Québec de "mettre en oeuvre des programmes
d'économie d'énergie" et d'accorder à cette fin "une aide
technique ou financière. "
D'emblée, le conseil d'administration
reconnaît qu'il est impérieux d'instaurer de tels
programmes. En raison de ses expériences passées,
Hydro-Québec est particulièrement apte à jouer un
rôle de première importance tant au plan de l'assistance technique
nécessaire à la réalisation des programmes
d'énergie qu'à celui de leur administration.
Toutefois, les administrateurs d'Hydro-Québec attirent
l'attention des membres de cette commission sur certaines conséquences
inhérentes aux modalités d'aide financière
qu'Hydro-Québec serait appelée à fournir aux consommateurs
dans le cadre de ces programmes. Cette aide pourrait atteindre plusieurs
centaines de millions de dollars. Ainsi, Hydro-Québec deviendrait l'une
des plus importantes sociétés de prêt au Canada; elle
ferait donc face aux mêmes types de problèmes d'ordre
administratif et financier que ces entreprises rencontrent: problèmes
d'établissement et de garantie de la solvabilité des emprunteurs,
délais de paiement et difficultés de recouvrement.
Afin d'appliquer ces programmes dans un contexte de saine administration
tout en protégeant la santé financière de l'entreprise, il
nous apparaît nécessaire qu'à l'instar des prêts
consentis aux agriculteurs et aux étudiants, l'aide financière
accordée par Hydro-Québec pour des fins d'économie
d'énergie soit également assortie d'une garantie
gouvernementale.
Outre les nouvelles dispositions tarifaires et les effets des programmes
d'économie d'énerqie, deux autres aspects du projet de loi no 16
ont été étudiés par le conseil d'administration
d'Hydro-Québec: la taxe sur le capital et le mécanisme de
déclaration des dividendes, ainsi que leurs répercussions sur la
santé financière de l'entreprise.
Pour Hydro-Québec, l'assujettissement à la taxe sur le
capital entraînera des coûts additionnels de l'ordre de 540 000 000
$ pour la période 1981 à 1985. Il est à souligner que les
montants versés au titre de cette taxe s'accroissent rapidement
d'année en année. De fait, ils passeront de quelque 43 000 000 $
en 1981 à 147 000 000 $ en 1985. Quant aux déboursés
additionnels liés au financement des programmes de santé, ils
sont de l'ordre de 50 000 000 $ pour la période de 1981 à
1985.
Je voudrais maintenant analyser avec vous un peu plus longuement le
mécanisme de déclaration des dividendes et évaluer l'effet
des transferts de fonds prévus par le projet de loi sur la situation
financière de l'entreprise.
Le projet de loi précise comment sera effectué le
versement au trésor public d'une partie des revenus nets d'exploitation
de la société. Il s'agit d'un dividende annuel, payable par
anticipation.
Le dividende est déclaré une fois par année,
d'après les chiffres contenus aux états financiers de
l'entreprise. Le jugement qui sera porté sur le montant de dividende
s'appuiera donc sur des données réelles et fiables et non sur des
projections ou des approximations de revenus.
Le surplus susceptible de distribution que le projet de loi
détermine représente les trois quarts de celui qui était
annoncé dans le discours du budget. Cette réduction du maximum
nous apparaît nettement plus souhaitable. Même après ce
changement, les dividendes versés par Hydro-Québec au
trésor public n'en demeureront pas moins très importants au cours
des années où une stabilisation des investissements a
été prévue.
Selon le projet de loi, le dividende est déclaré par le
gouvernement et il revient au Conseil des ministres de décider
ultimement du montant des dividendes qu'Hydro-Québec doit verser au
trésor public chaque année.
Cette façon de procéder s'explique par le fait que le
gouvernement est déjà l'agent des décisions les plus
importantes qui touchent Hydro-Québec. De plus, la déclaration du
dividende exprimera d'année en année le jugement du gouvernement
sur ses propres besoins financiers, sur le rythme de développement de
l'entreprise, sur le rôle qu'elle sera appelée à jouer dans
le cadre de la politique énergétique québécoise
ainsi que sur ses propres besoins financiers. Ce sont là des
considérations diversifiées, et parfois même
opposées, où diverses facettes de la notion
d'intérêt public doivent être conciliées.
Le conseil d'administration croit cependant que l'évaluation des
besoins financiers d'Hydro-Québec fait partie intégrante de son
rôle d'administrateur de l'entreprise.
En conséquence, il propose que le projet de loi soit
modifié afin d'accorder à Hydro-Québec le pouvoir de
transmettre au gouvernement une proposition de dividende annuel, en même
temps que les données financières qui fixent le surplus
susceptible de distribution.
L'article 15. 1 du projet de loi, modifié à cette fin,
pourrait se lire de la façon suivante: "Les dividendes à
être versés Dar la société sont
déclarés une fois l'an par le gouvernement dans les trente jours
suivant la transmission par la société au gouvernement des
renseignements financiers relatifs au surplus susceptible de distribution" - et
voici ce qu'on y ajouterait - "... accompagnés d'une recommandation du
conseil d'administration quant au montant des dividendes à
déclarer. "
Selon les hypothèses économiques actuelles de
l'entreprise, les prévisions financières d'Hydro-Québec
pour les années 1981 à 1985 indiquent des investissements totaux
de plus de 16 000 000 000 $ et un
niveau annuel d'investissement relativement constant. Dans la même
période, les emprunts venus à échéance atteindront
près de 4 000 000 000 $. Hydro-Québec devra donc trouver pour ces
cinq années des ressources financières de l'ordre de 20 000 000
000$ dont quelque 6 000 000 000 $ proviendront de sources de financement
internes et 14 000 000 000 $ d'emprunts. Selon ces mêmes
hypothèses, le niveau annuel moyen des emprunts serait de quelque 3 000
000 000 $ les dividendes payables pour la période 1981-1985 pourraient
donc s'élever à plus de 1 500 000 000 $. (1O h 30)
Les composantes de ce scénario risquent cependant d'être
perturbées considérablement par suite de l'évolution
récente des facteurs économiques et financiers. Le financement
des projets d'Hydro-Québec, annoncés lors de la commission
parlementaire de l'énergie et des ressources en février dernier,
sera plus difficile à réaliser que prévu: des besoins
d'emprunts plus élevés en raison des transferts de fonds
liés aux nouvelles taxes et au versement de dividendes, l'inflation,
l'accroissement des taux d'intérêt, l'affaissement de la valeur du
dollar canadien, la prise en main par Hydro-Québec de nouveaux
programmes - installations électriques du Nouveau-Québec et
Programme d'efficacité énergétique - voilà une
conjonction de facteurs qui nous invite à une certaine prudence.
Nous croyons donc qu'il sera peut-être nécessaire, à
moins d'un revirement marquant de la conjoncture économique, de recourir
à la marge de manoeuvre prévue au projet de loi. Ainsi, un
dividende équivalant aux deux tiers du surplus susceptible de
distribution diminuerait les besoins d'emprunts d'Hydro-Québec d'environ
500 000 000 $ pour la période de 1981-1985. Ce dividende
équivaudrait à 50% et non pas à 75% du montant maximal du
surplus susceptible de distribution. Un dividende d'un tiers du surplus
susceptible de distribution diminuerait ses besoins d'emprunts de 1 000 000 000
$ et ceci équivaudrait à un dividende égal à 25% du
montant maximal du surplus susceptible de distribution, un dividende nul,
évidemment, diminuerait nos emprunts de près de 1 500 000 000
$.
L'apport de financement interne pourrait, le cas échéant,
devenir la pierre anqulaire de la réalisation des projets
d'Hydro-Québec.
Les administrateurs d'Hydro-Québec pourraient donc recommander au
gouvernement - la loi leur reconnaissant cette prérogative - de fixer le
dividende à 50% ou 25% du niveau prévu au discours du budget ou
de ne pas en déclarer une année en particulier.
En terminant, M. le Président, permettez-moi de rappeler que le
conseil d'administration d'Hydro-Québec attache une grande importance
aux deux aspects suivants du projet de loi no 16.
Premièrement, - et nous venons d'en parler - il nous semble que
le projet de loi devrait reconnaître explicitement au conseil
d'administration d'Hydro-Québec le pouvoir de soumettre au gouvernement
une proposition de dividende annuel en même temps que les données
financières qui fixent le surplus susceptible de distribution.
En second lieu, il nous apparaît tout aussi important que les
parlementaires étudient avec soin la possibilité d'assortir d'une
garantie gouvernementale les prêts qu'Hydro-Québec sera
appelée à consentir aux consommateurs dans le cadre des
programmes d'économie d'énergie. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bourbeau. M. le
ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais remercier M.
Bourbeau de la présentation du mémoire d'Hydro-Québec sur
le projet de loi no 16.
Il m'apparaîtrait cependant important, M. le Président, de
rappeler dans quel cadre se situent nos travaux aujourd'hui puisque, en quelque
sorte, ils constituent une étape et qu'il s'agit essentiellement
aujourd'hui d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec sur ce projet de
loi, mais je pense qu'il est peut-être important de rappeler, pour ceux
qui auront à nous lire et qui nous écoutent également, que
la commission, aujourd'hui, n'est pas réunie pour étudier une
proposition tarifaire, que cette commission se réunira à nouveau
suivant les avis qui ont été donnés par le leader du
gouvernement les 29 et 30 septembre qui vient pour étudier la
proposition tarifaire d'Hydro-Québec.
En second lieu, cette commission permanente de l'énergie et des
ressources se réunira de nouveau au cours présumément du
mois de novembre lorsque, après le débat de deuxième
lecture sur ce projet de loi, nous serons rappelés pour étudier
ce même projet de loi article par article.
C'est pourquoi, M. le Président, nos interventions, du moins les
miennes, se relieront de façon explicite au point de vue que nous venons
d'entendre de la part d'Hydro-Québec. En prenant connaissance de ce
document - M. Bourbeau le soulignait - je voudrais essentiellement
référer à la page 3 du mémoire
d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la tarification où il
est dit: "II s'agit là d'un changement majeur aux règles qui ont
présidé à l'établissement des tarifs de la
société jusqu'à maintenant. "
Je voudrais aussi, pour la bonne
compréhension, référer à la page 5. Il y a
là un paragraphe qu'il serait peut-être important de rappeler: "Le
conseil d'administration croit que l'utilisation de la tarification, comme
moyen de gérer la demande et de stimuler les économies
d'électricité, exigeait de tels amendements à la Loi sur
l'Hydro-Québec. Il partage le souci du gouvernement de veiller à
maintenir l'équilibre entre les prix des diverses formes
d'énergie qui composent le bilan énergétique du
Québec. "
C'est, certes là un changement majeur qui est, à juste
titre, souligné par HydroQuébec. Je voudrais rappeler à la
commission dans quel contexte nous travaillons aujourd'hui. C'est en juin 1978,
lors de la publication du livre blanc, que les objectifs d'une politique
énergétique ont été établis. Ces objectifs
portent essentiellement sur les développements d'économie
d'énergie, sur la pénétration de
l'électricité, donc conversion vers l'électricité,
la pénétration du gaz naturel et des énergies nouvelles
aux dépens du pétrole. Plus que jamais, la poursuite de ces
objectifs nous apparaît indiquée.
Le rôle des prix de l'énergie est fondamental dans la
réalisation des objectifs de cette politique. L'Association
internationale de l'énergie le rappelle à peu près dans
toutes ses publications: les prix de l'énergie constituent la pierre
d'assise de toute politique énergétique efficace.
Je dois dire aussi que, jusqu'à présent -on pourra
facilement tomber d'accord là-dessus - la détermination du prix
de l'électricité a été faite principalement en
fonction de critères de coûts de production, par exemple, de
critères financiers et de critères d'équité, en ce
qui concerne les clientèles, les consommateurs.
Bien sûr que ces critères demeurent importants dans la
détermination des prix, mais le nouveau contexte
énergétique, qui est la réalisation de nos objectifs
énergétiques, nous amène aujourd'hui à
privilégier le respect de certains critères
énergétiques dans la détermination des tarifs
d'électricité. Ces critères sont reliés directement
au réaménagement du bilan énergétique du
Québec et à la rationalisation de la consommation. Pour l'avenir,
le prix de l'électricité doit être fixé de
façon à permettre, à court terme, d'utiliser les
disponibilités d'électricité au maximum, sans nuire
à l'expansion prévue des réseaux qaziers et, à long
terme, d'assurer la réalisation des objectifs de
pénétration du qaz, de l'électricité et des
énergies nouvelles, tout en permettant un développement
adéquat de l'offre de ces formes d'énergie.
La gestion efficace de la demande d'énergie et la
réalisation d'économie d'énergie importante doivent aussi
être prises en considération. Par exemple, au 1er mai
1981, pour avoir une référence utile, pour la région de
Montréal, par million de BTU utiles, si on dit que le prix du mazout
était à l'indice 100, le prix de
l'électricité était à l'indice 91 et le prix du gaz
naturel était à 74. Donc, dans l'établissement du prix de
l'hydroélectricité nous devrons tenir compte des autres formes
d'énergie, de la concurrence, des économies d'énergie en
termes de programmes et de la conservation de l'énergie. Je pense
pouvoir vous dire, là-dessus M. le Président, que le point de vue
d'Hvdro-Québec répond parfaitement bien aux objectifs
précisés dans le livre blanc publié en 1978. Ce
réaménagement du bilan énergétigue et cette
rationalisation de la consommation exigeront donc que l'on tienne compte du
prix des formes d'énernie concurrentielles dans la détermination
de nos prix. De plus, dans le secteur industriel, en particulier, la
détermination des tarifs doit prendre en considération les
niveaux de prix qui prévalent chez nos principaux concurrents et, en
particulier, l'Ontario.
Comme on le sait, les principales formes d'énergie avec
lesquelles l'électricité est en concurrence pour bien des usages
ont connu depuis quelques années des hausses de prix fort importantes,
en particulier, le mazout. Il est également prévu que le prix de
ces formes augmentera substantiellement en termes réels au cours des
prochaines années. Devant de telles perspectives, les hausses du prix de
l'électricité auxquelles on devrait s'attendre engendreront des
revenus nets supérieurs aux exigences financières
traditionnelles. C'est ainsi, par exemple, qu'avec les hausses
modérées prévues lors de la commission parlementaire de
février dernier l'autofinancement aurait pu atteindre plus ou moins 60%
des investissements requis pour certaines années. Afin de maintenir un
niveau d'autofinancement à peu près normal, c'est-à-dire
autour de 25%, c'est ce mécanisme de dividendes introduit par le projet
de loi no 16 qui a été retenu par le gouvernement qui agit, bien
sûr, au nom de la population en sa qualité d'actionnaire.
M. le Président, je voudrais essentiellement, arrêter ici
des remarques bien préliminaires sur un des aspects du mémoire
que nous venons d'entendre d'Hydro-Québec sur la tarification et me
réserver un droit de parole sur d'autres aspects, parce qu'on aura
sûrement l'occasion de discuter des autres points et, en particulier, des
conclusions du mémoire au cours des débats de cette commission
dans le courant de la journée et demain. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier M. Fortier: M. le Président, c'est
avec
plaisir que je souhaite la bienvenue à Hydro-Québec au nom
de l'Opposition. C'est la deuxième fois cette année que la
commission parlementaire de l'énergie et des ressources se
réunit. Vous vous rappellerez sans doute que nous nous sommes
réunis au mois de février, ou mars dernier alors que nous avions
entendu Hydro-Québec faire état et nous décrire
l'importance du plan décennal qu'elle voulait réaliser durant la
période 1980-1990. Nous avions également entendu à ce
moment plusieurs mouvements socio-économiques nous parler du programme
d'équipement d'Hydro-Québec ainsi que du fait que, d'après
eux, nous avions grandement besoin d'établir notre politique
énergétique à long terme.
À ce sujet, il y a eu un consensus assez extraordinaire, à
savoir qu'un débat public s'imposait puisque la politique
énergétique du gouvernement, à long terme, n'existe pas.
Bien sûr, il y a eu un énoncé de politique en 1978 qui,
à ma connaissance, n'a jamais été approuvé par le
gouvernement et qui, d'autre part, s'arrête comme par magie vers 1990.
Devant cet état de fait, tous les mouvements socio-économiques,
ainsi que les syndicats qui en faisaient partie, avaient réclamé
ce débat public pour qu'on puisse ensemble, collégialement,
tenter de définir notre avenir énergétique au
Québec, (10 h 45)
À ce moment, également, lors de la présentation
d'Hydro-Québec, nous avons eu des discussions sur le mode de financement
du programme décennal. J'aimerais citer ici quelques lignes à la
page B/2382 alors que M. Georges Lafond, alors trésorier
d'Hydro-Québec, faisait état des difficultés a venir du
financement de ce programme et concluait comme ceci: "En conclusion, M. le
Président, le trésorier d'Hydro-Québec, avec son
équipe de la vice-présidence aux finances ont confiance en
l'avenir, mais à l'intérieur de certaines balises et en laissant
ce soir le message suivant: compte tenu des besoins élevés
d'emprunt, compte tenu des pressions prévisibles, compte tenu des
incertitudes, Hydro-Québec aura besoin de toutes les liquidités
produites par ses opérations; elle aura besoin de réduire le plus
possible sa dépendance des marchés externes et, plus que jamais,
la capacité d'Hydro-Québec de se financer sera fonction de sa
rentabilité. " Je m'aperçois qu'aujourd'hui même
Hydro-Québec nous fait le même message, M. le Président. Le
président du conseil nous dit, à la page 9; "L'apport de
financement interne pourrait, le cas échéant, devenir la pierre
angulaire de la réalisation des projets d'Hydro-Québec. "
Où se trouve-t-on maintenant, après six mois? Nous n'avons
toujours pas de politique énergétique à long terme. Le
débat public promis par le ministre Bérubé et que
l'Opposition avait demandé instamment n'est pas prêt d'être
engagé. Il semblerait que le gouvernement refuse le dislogue à ce
sujet. De plus, le gouvernement, par l'entremise de la Caisse de
dépôt et de SOQUIP, a pris le contrôle de deux
sociétés de distribution du gaz. Mais on attend toujours du
ministre de l'Énerqie des éléments, des rudiments de
politique. Il a dit, bien sûr, qu'il était en faveur de
l'expansion de la consommation électrique; il a dit également
qu'il était en faveur de la consommation du gaz. Aussi bien dire qu'il
est en faveur de la maternité. Mais ce qu'on veut savoir, c'est comment
les priorités qui pourraient être conflictuelles à
l'occasion pourront être résolues. Le gouvernement entend-il, dans
les prochaines années, privilégier le gaz aux dépens de
l'électricité ou fera-t-il en sorte que les surplus
d'électricité que nous avons dans le moment seront
réellement utilisés?
Bien sur, le ministre a fait état à ce moment-là de
mécanismes comme la disparition de la taxe de vente sur le gaz et
l'auqmentation subite des tarifs d'électricité. Mais le ministre
ne nous dit pas quand la taxe de vente sur le gaz disparaîtra. Il ne nous
dit pas s'il favorise le gaz importé aux dépens de
l'électricité d'ici. Il ne nous dit pas quelle différence
il favorisera entre le gaz et l'électricité. Six mois
après la commission parlementaire, le gouvernement n'a pas encore
approuvé, à ma connaissance, le programme d'investissement
d'Hydro-Québec de 55 000 000 000 $ qui est estimé maintenant,
d'après les journaux, à 68 000 000 000 $. Enfin, on ne sait
à peu près rien des intentions du gouvernement si ce n'est qu'il
veut augmenter les tarifs d'Hydro-Québec pour garnir ses coffres.
Devant ce vacuum politique dans le domaine énergétique,
nous nous retrouvons en commission parlementaire pour étudier le projet
de loi no 16 sans programme d'équipement approuvé, sans politique
énergétique à long terme et sans politique de coordination
du gaz et de l'électricité. Ce que nous voulons analyser
aujourd'hui et demain, c'est l'impact du projet de loi no 16 sur
l'avenir d'Hydro-Québec. Nous avons de nombreuses questions à
poser au président du conseil, au président-directeur
général et aux autres cadres d'Hydro-Québec sur l'impact
qu'aura cette loi. Elle aura, bien sûr, des impacts sur ses finances - on
l'a dit, M. le président du conseil l'a dit tout à l'heure -sur
sa capacité d'emprunt qui sera mise à dure épreuve si on
en croit les déclarations de M. Lafond au mois de février, sur
l'impact probable qu'auront ces problèmes de finance et d'emprunt sur sa
capacité de réaliser son programme d'équipement.
De plus, ce projet de loi aura un impact certain sur son autonomie
administrative et de gestion puisque la loi le dit très bien: Le
gouvernement seul aura toutes les données pour planifier les
finances
d'Hydro-Québec puisque lui seul déterminera les
dividendes. On peut se demander d'ailleurs, M. le Président, si la mise
en tutelle d'Hydro-Québec n'était pas planifiée dès
1976. Depuis cette date, le gouvernement a pris une série de mesures
qui, ajoutées les unes aux autres, atteignent exactement cet objectif.
Le projet de loi no 16 vient couronner les différents modes
d'intervention qu'a imaginés le gouvernement du Parti
québécois pour s'assurer du contrôle
d'Hydro-Québec.
Lors du débat sur la modification de la Loi d'Hydro-Québec
en 1978, c'est-à-dire lors de la création de la structure
administrative créant le conseil d'administration, le
député de Gatineau, M. Gratton, du Parti libéral, avait
dit: "Le fait demeure qu'il me semble que, si l'Hydro-Québec a atteint
le statut qu'elle a atteint dans le passé, si la cote qu'elle
reçoit partout, non seulement dans le domaine financier, mais à
tous les points de vue, est aussi élevée, c'est, je pense, en
grande partie dû à son autonomie dans le passé
vis-à-vis du gouvernement. " Je citais les Débats de
l'Assemblée nationale du 7 juin 1978.
M. Joron avait dit à ce moment-là: "Je comprends
parfaitement le souci du député de Gatineau. Effectivement, ou
bien l'entreprise est un service public qui s'administre de façon
autonome, ou bien c'est un ministère administré directement par
le pouvoir politique. Ce n'est évidemment pas ce qu'on désire. Je
pense que l'autonomie de l'entreprise, dans sa possibilité de
gérer ses affaires de façon autonome, sans immixtion du pouvoir
politique, est aussi garantie dans le projet de loi actuel qu'elle
l'était dans l'ancienne loi. "
M. le Président, on se pose des questions à savoir dans
quelle mesure les intentions n'ont pas dévié depuis cette date du
7 juin 1978.
En plus, bien sûr, on a divisé des tâches entre un
président du conseil et un président-directeur
général qui avait des responsabilités et plusieurs se sont
demandé si la doctrine du gouvernement n'était pas de diviser
pour régner. On a créé la Société
d'énergie de la Baie James, d'une façon permanente, en
société distincte de l'Hydro-Québec, qui ne relevait pas
du président-directeur général de l'Hydro-Québec,
faisant en sorte qu'on se retrouve avec deux structures distinctes, chacune
avec ses propres cadres et ses propres employés. Cette situation
comporte des problèmes nombreux qu'une telle solution
présuppose.
Il y a eu, de plus, la décision gouvernementale d'enlever
à Hydro-Québec toute autorité dans la négociation
de la tarification grande puissance pour les nouvelles entreprises devant
s'établir au Québec. Cette décision fait en sorte que les
diminutions de tarifs accordées à certaines
sociétés, par exemple Reynolds, sont négociées
entièrement par le gouvernement alors que c'est Hydro-Québec qui
doit en payer le prix par une baisse de tarifs qui pénalise ses
recettes. Drôle de façon de favoriser l'autonomie de gestion
d'Hydro-Québec.
Et finalement, avec la loi 16, on enlève à
Hydro-Québec tout moyen de planifier son avenir financier et son avenir
énergétique. C'est une oeuvre de déstabilisation, M. le
Président, qui pourra avoir des répercussions importantes dans
l'avenir. Pas surprenant qu'il y ait des rumeurs de démission devant une
telle conjoncture. Quand le gouvernement comprendra-t-il le rôle
joué par Hydro-Québec comme élément moteur de notre
économie? Quand posera-t-il enfin un geste qui favorisera
l'épanouissement d'Hydro-Québec? Quand aurons-nous enfin, M. le
Président, une Hydro-Québec confiante en son avenir, connaissant
d'avance les politiques gouvernementales, capable de planifier son avenir et
motivée pour relever de nouveaux défis?
Qu'on se rappelle dans quelle mesure Hydro-Québec a
été un moteur dans notre économie; alors que les
investissements de 1963 à 1974 n'étaient que de 8% à 9% de
tous les investissements du Québec, ceux-ci ont monté à
12% en 197S-1976, à 17% en 1977 et à 22, 6% en 1978 et 1979.
Heureusement que ces grands projets furent lancés dans les années
soixante-dix.
À ce moment-là, j'ai de la difficulté à
comprendre M. le ministre Duhaime qui, lors d'une interview à
Hydro-Presse, le journal de l'Hydro-Québec, disait: "Les
Québécois ont de la chance d'être les propriétaires
d'une des plus grandes entreprises de l'Amérique et des ressources
naturelles que nous envie la majeure partie des grands pays. Il n'est que temps
qu'ils en profitent. " C'était à la mi-juin 1981.
M. le ministre, vous devriez bien savoir que ça fait longtemps
que les Québécois bénéficient
d'Hydro-Québec.
M. le Président, c'est une question importante; est-ce que la loi
no 16 pourra handicaper Hydro-Québec au point de lui faire perdre sa
capacité de jouer le rôle moteur qu'elle a joué dans
l'économie ces dernières années? En effet, il est fort
à craindre que cette loi, ajoutée aux autres mesures de mise en
tutelle, pourrait bien diminuer ce rôle considérablement. Mais si
ce projet de loi peut être néfaste pour notre économie,
pourquoi est-il devant nous? La réponse, bien sûr, est connue, le
gouvernement manque d'arqent, n'a pas su planifier ses besoins financiers et
cherche à tout prix à s'approprier la poule aux oeufs d'or.
Il n'est pas besoin d'être grand connaisseur et grand clerc pour
s'apercevoir que les millions et les milliards transférés au
gouvernement seront presque en totalité des millions et des
milliards qu'Hydro-Québec aura à emprunter pour les refiler au
gouvernement. Il faudra bien sûr, et j'en suis confiant,
qu'Hydro-Québec nous dise les dangers d'une telle politique et l'impact
négatif qu'aura cette politique sur sa capacité d'emprunt, sa
capacité de réaliser son programme d'équipement et ainsi
sa capacité de jouer sa mission en tant que créateur
d'emploi.
M. le Président, le Parti libéral du Québec est
contre la mise en tutelle d'Hydro-Québec puisque cela affectera
grandement le développement économique de notre province. De
plus, nous sommes contre une augmentation artificielle des tarifs
d'Hydro-Québec pour la seule fin de payer des dividendes à
l'État et d'aider à payer ainsi ses déficits courants.
Quant à nous, nous ne serons nullement dupes d'une
pseudo-politique énergétique qui favoriserait des hausses de
tarifs accélérées.
Par ailleurs, nous sommes bien conscients qu'il faut donner à
Hydro-Québec les moyens financiers qui lui sont nécessaires pour
jouer son rôle de bâtisseur et de créateur d'emplois,
malgré la conjoncture internationale.
Il est fort à craindre, M. le Président, qu'une
augmentation non justifiée des tarifs d'électricité
détourne une trop grande partie de la population vers des formes
d'énergie qui ne sont pas d'ici. Nous ne voyons aucun
intérêt à mettre en danger l'économie du
Québec pour compenser les déficits du gouvernement.
Hydro-Québec a favorisé le développement de nos
ressources humaines et de notre technologie jusqu'à maintenant, il faut
qu'elle continue qu'il en soit ainsi. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Une question de procédure peut-être
à ce moment-ci. Je précède peut-être le ministre des
Finances, mais, comme il ne s'agit pas de l'étude d'un projet de loi, il
n'est donc pas question comme tel de passer notre temps à l'étude
article par article du projet.
Par contre, je crois que tous ceux qui participent aux travaux de cette
commission sont intéressés à poser des questions non pas
seulement à M. Bourbeau, mais également aux nombreux cadres et
experts d'Hydro-Québec qui l'accompagnent. Il y a un problème de
partage du temps certainement. J'aimerais savoir si vous avez des idées
quant à la façon dont on devrait organiser notre travail et des
indications. Je pense que la commission siège toute la journée
aujourd'hui et demain, si je comprends bien, selon les heures prévues
dans le règlement. Comment devons-nous organiser nos travaux?
Le Président (M. Boucher): Je pense que la commission est
maîtresse de ses travaux. J'accepterais toute suggestion venant des
membres concernant la répartition du temps alloué à chacun
des intervenants dans le débat. Y a-t-il des propositions
concrètes, M. le député de Saint-Laurent ou d'autres
participants? M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je pense qu'il pourrait être utile, M. le
Président, dans un premier temps, dans une première ronde,
à la fois du côté du ministériel, du
côté de l'Opposition officielle et du côté d'Hydro,
si on a un certain nombre de choses à ajouter, comme introduction au
débat, qu'on le fasse et qu'après cela on entre alors dans une
période de discussion avec Hydro sur le mémoire qu'elle nous a
présenté. Si cela convient au député de
Saint-Laurent, cela me paraîtrait la chose la plus simple à faire.
Je sais que, de notre côté, j'ai une intervention à faire
qui me semble liée à la présentation d'Hydro ce matin. Il
est possible qu'elle veuille revenir pour éclaircir certaines choses ou
y ajouter. Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent ou si
quelqu'un du côté de l'Opposition officielle voudrait aussi faire
une déclaration. Après cela, on pourrait entrer dans une
discussion un peu plus serrée avec Hydro-Québec.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Pour en revenir à la position du
député de l'Assomption, il y aurait une certaine alternance. Il
faut quand même préserver l'alternance au point de vue du
temps.
M. Parizeau: Oui, oui, oui, bien sûr.
Le Président (M. Boucher): Dans un premier temps, ce
serait une oériode d'exposés et, dans un deuxième temps,
des questions et la discussion comme telle.
M. Forget: II s'agit d'y aller assez informellement. Si des
problèmes se présentent, on pourra les soulever en temps et
lieu.
Le Président (M. Boucher): Parfait, M. le
député de Saint-Laurent. M. le député de
L'Assomption, M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais simplement faire
une brève intervention pour remettre en perspective les
deux questions peut-être les plus spectaculaires soulevées
par le mémoire d'Hydro-Québec, c'est-à-dire l'assujet-
tissement d'Hydro-Québec à ce qui est clairement une politique de
taxation et, d'autre part, une politique de dividendes. Il faut mettre cela en
perspective, parce que je pense qu'il faut saisir que, de plus en plus
clairement, depuis quelques années, le gouvernement cherche à
faire en sorte que les sociétés d'État soient
jugées à la même aune, si je peux m'exprimer ainsi, que les
entreprises privées. Cela a des conséquences très nettes
sur le plan de la taxation. C'est ainsi, par exemple que, comme le note le
président d'Hydro-Québec, comme toutes les sociétés
d'État d'ailleurs, celle-ci est assujettie aux contributions
d'employeurs pour les programmes de santé. Ce principe existe cependant
depuis assez longtemps, ce n'est pas récent. (11 heures)
Deuxièmement, nous avons commencé à assujettir les
sociétés d'État à la taxe sur le capital, comme
toutes les autres entreprises du Québec. Il est parfaitement normal
à cet égard, dans le jugement que l'on porte sur la performance
des sociétés d'État dans notre société, pour
autant qu'il soit possible, sur le plan de la taxation - pour autant qu'il soit
possible, parce qu'il y a toujours des adaptations inévitables - que
l'on puisse les jauger à partir des mêmes critères et des
mêmes barèmes.
Cela a des conséquences, non seulement sur la taxation, mais sur
le paiement de dividendes. Or, cette idée d'un paiement de dividendes
par des sociétés d'État a été introduite il
y a fort lonqtemps à l'égard d'au moins deux
sociétés: la SAQ et Loto-Québec. Dans ces deux cas, comme
il s'agit, en un certain sens, de privilèqes fiscaux, le dividende a
toujours été établi approximativement à 100% des
profits. C'est-à-dire que ces deux sociétés ont comme
fonction principale, fondamentale, de fournir de l'argent au gouvernement.
Nous avons étendu ce principe, cette année,
forcément en y apportant des adaptations. Par exemple, les
sociétés commerciales et industrielles - je ne parle pas
d'Hydro-Québec pour le moment - vont être assujetties
dorénavant à une politique de dividendes représentant 20%
de leurs profits. Je pense qu'il est utile, qu'il est sage et normal,
maintenant que la plupart des sociétés d'État - sauf le
cas de SIDBEC bien sûr - font des profits, qu'elles aient une politique
de dividendes comme n'importe quelle entreprise.
Dans le cas d'Hydro-Québec, on ne peut pas procéder avec
quelque chose d'aussi simple que de dire 20% des profits, justement parce que
Hydro-Québec étant un emprunteur de premier plan sur les
marchés financiers doit, dans la détermination du dividende
à payer, satisfaire certaines contraintes qui sont assez bien connues
dans le financement des utilités publiques. Il faut, par exemple, une
certaine couverture des intérêts à payer. Il faut un
certain taux de capitalisation. Il faut, en somme, qu'un certain nombre de
conditions soient respectées pour que le financement
d'Hydro-Québec puisse se faire correctement.
Une fois ces contraintes respectées, le dividende est
déterminant. Il y a une confusion, à mon sens, tout à fait
malheureuse sur ce plan, nous en avons eu encore des exemples, ce matin - je ne
parle pas ici de l'Opposition officielle, mais de certains documents que j'ai
vu passer - il ne s'agit pas de faire en sorte que les trois quarts des profits
d'Hydro-Québec soient versés en dividendes. Cela ne tient pas
debout. D'ailleurs, cela ne respecterait pas les deux contraintes dont j'ai
parlé tout à l'heure. Les montants dont nous parlons pour les
années qui viennent sont bien plus modestes que cela. La dernière
évaluation faite de la part d'Hydro-Québec de ce que pourrait
représenter les dividendes cette année sont de l'ordre de 5% de
ses profits. Ce n'est pas 75%. Remarquez que c'est là la dernière
version. Je comprends qu'Hydro-Québec étant très
intéressée à savoir ce qui l'attend, fait
régulièrement des adaptations de sa situation financière
pour voir combien le dividende pourrait être cette année.
J'imagine qu'on aura encore d'autres évaluations dans le courant de
l'année. Donc je ne les tiens pas à la plus récente, j'en
ai vu deux autres avant.
Mais imaginons simplement que cette dernière évaluation
d'Hydro-Ouébec s'avère bonne, Hydro-Québec contribuerait
en dividendes un montant inférieur à ce que rapporte au
gouvernement les courses de chevaux. Si c'est cela, ne parlons pas de milliards
qu'on s'en va drainer dans les coffres d'Hydro-Québec pour satisfaire
les déficits du gouvernement. Ce que nous introduisons, c'est un
principe en vertu duquel Hydro-Québec, comme les sociétés
d'État et les sociétés privées, paie des taxes et
paie un dividende.
Il est clair que le dividende d'Hydro-Québec, tel qu'on peut le
voir aujourd'hui, sera dans quelques années très important. On
n'en disconvient pas. Ce n'est pas tellement cette année ou
l'année prochaine que c'est très important, mais dans quelques
années, cela va le devenir. Cela va le devenir pour la raison suivante:
ainsi que plusieurs représentants du gouvernement ont eu l'occasion de
le dire, on ne peut tout de même pas imaginer, dans un monde où
les sources d'énergie coûtent de plus en plus cher, qu'on
stabilise les tarifs d'électricité ou, à plus forte
raison, qu'on les baisse simplement parce qu'Hydro-Québec - j'allais
dire - serait "menacée", entre guillemets, de
profits formidables.
Le fait est que si on prend l'auqmentation des tarifs
d'électricité au cours des quatre dernières années
et qu'à des fins purement théoriques - je n'enqaqe pas un
débat sur les tarifs, de toute façon, nous n'avons pas de
proposition de tarifs encore d'Hydro-Québec, on va en recevoir une
bientôt - on projette cela pendant quatre ans simplement comme cela, un
exercice purement mécanique, qu'est-ce que cela donnerait? Cela
donnerait qu'Hydro-Québec, dans quelques années, verrait ses
profits tripler, dépasser larqement 2 000 000 000 $, atteindre un
degré d'autofinancement considérable. Il est tout à fait
normal, dans ces conditions, d'envisager l'une ou l'autre des deux
possibilités, et j'ai déjà dit que l'une est absurde, soit
de dire: Pour éviter une accumulation pareille de profits à
Hydro-Québec, stabilisons les tarifs.
Comment croit-on inciter les citoyens à économiser
l'énergie si le prix de l'électricité, comme j'avais
l'occasion de le dire dans le discours sur le budget, est à peu
près le seul prix dans notre société qui n'augmente pas?
Tous nos efforts pour isoler les maisons, pour essayer d'économiser de
l'énergie vont devenir ridicules. Donc, cette voie nous est
fermée. Il ne faut donc pas s'étonner qu'Hydro-Québec,
à supposer que mon exercice seulement de projection de tarifs se
continue, ayant des profits considérables, paie, bien sûr, un
dividende important; on parle de 1984-1985 et là, les montants seront
importants. La formule de dividendes est ainsi faite qu'au moment où
démarrera une phase très importante d'investissements
d'Hydro-Québec en 1985 et en 1990, le poids relatif du dividende tombe.
La formule est faite de façon à ne pas retenir autant d'arqent
d'Hydro-Québec sous forme de dividendes parce que, vraiment, une grande
phase d'investissements commence.
C'est dans ce sens, M. le Président, qu'on doit comprendre, je
pense, le débat que nous engageons pour les deux journées qui
viennent. Du point de vue du gouvernement, il s'agit de la mise en place d'un
système à la fois de taxation et de détermination des
dividendes dans un secteur public qui, s'étant sorti dans l'ensemble -
il y a des exceptions, SIDBEC dont je parlais tout à l'heure - des
problèmes de jeunesse, commençant à fonctionner
efficacement, peut à la fois être jugé, analysé et
observé comme des entreprises. Voilà, M. le Président, ce
que j'avais à dire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, je crois que je vais limiter
mes remarques à ce moment- ci non pas tellement à des
commentaires sur le mémoire de M. Bourbeau, mais sur deux
éléments qui constituent, je pense, le début de la
tentative, du côté gouvernemental, de jeter un écran de
fumée sur les travaux de la commission de la part de chacun des
ministres qui a pris la parole.
En premier lieu, je trouve assez amusant d'entendre la justification que
vient de nous présenter le ministre des Finances pour expliquer ce que
l'on veut faire, ce que le gouvernement veut faire par ce projet die loi no 16.
M. le Président, il ne s'agit de rien d'autre que d'uniformiser, pour
les entreprises publiques ou les sociétés d'État, le
régime, les critères et le contexte en vertu duquel on juge la
performance des sociétés privées. C'est une vertu que le
gouvernement veut cultiver dans une bien curieuse occasion. J'aurais
aimé entendre le ministre des Finances avoir les mêmes
prétentions lorsqu'il était question de Tricofil. Je n'ai pas
gardé le souvenir que la politique industrielle générale
du gouvernement du Québec soit d'étendre à toutes les
sociétés même privées les avantages qui ont
été consentis à Tricofil. Il doit donc bien y avoir des
exceptions quelque part. Il s'agit de savoir si les exceptions qu'on fait sont
les bonnes.
Il me semble invraisemblable que le ministre des Finances nous dise
qu'il s'agit d'uniformiser aux sociétés d'État le sort que
les lois font généralement aux sociétés
privées alors que dans les lois d'Hydro-Québec telles qu'il les a
modifiées, telles qu'elles existaient en partie avant aussi, le
gouvernement est celui qui détermine les prix auxquels
Hydro-Québec vend l'électricité, puisqu'il approuve de
façon définitive les tarifs. Et ce sera encore plus vrai si le
projet de loi no 16 est approuvé tel qu'il nous est soumis. Non
seulement a-t-il l'intention de continuer à déterminer les prix,
mais il veut même se donner le pouvoir de déterminer les
dividendes. Je ne pense pas que ce soit là une disposition qu'on
retrouve dans la Loi sur les compagnies.
Ce qui est encore plus étonnant, c'est de se faire dire par un
gouvernement qui s'intitule social-démocrate qu'il n'y a
véritablement aucune raison pour laquelle certaines
sociétés sont publiques et d'autres sont privées. C'est un
hasard, c'est le fruit d'une coïncidence heureuse ou malheureuse, selon
son point de vue, mais il n'y a vraiment aucune raison particulière pour
laquelle Hydro-Québec devrait être, en quoi que ce soit,
spéciale ou différente des autres sociétés
commerciales ou industrielles.
Il semble oublier qu'il y a des raisons bien particulières pour
lesquelles Hydro-Québec est Hydro-Québec et pas autre chose et
n'est plus - il faudrait peut-être qu'il consulte son chef
là-dessus - en partie au moins, la Shawinigan Water and Power. On
nous a dit - et je pense que la plupart des Québécois
l'ont cru il y a quelque 18 ans -qu'il y avait des raisons très
particulières pour lesquelles Hydro-Québec devait être
Hydro-Québec. Il est invraisemblable que le gouvernement actuel
l'oublie. Hydro-Québec -tout le monde le sait, je pense qu'il n'est pas
nécessaire de s'étendre longuement là-dessus - est dans
une situation très spéciale, à la fois sur le plan
légal, mais sur le plan, également, du marché, si on veut,
sur lequel elle opère. Elle est, dans son domaine, la production de
l'électricité pour ce qui est des ventes au grand public, dans
une situation que l'on pourrait qualifier de monopole; elle est cependant
imbriquée dans tout un contexte énergétique où les
politiques gouvernementales sont déterminantes. On ne peut donc pas dire
qu'on va s'amuser à juger la performance d'Hydro-Québec de la
même façon que l'on juge la performance d'une
société privée quelconque, d'une société
industrielle qui fabrique des gâteaux ou qui fabrique des bonnets ou quoi
que ce soit que l'on veut bien imaginer.
Donc, il y a des raisons pour lesquelles Hydro-Québec a un statut
particulier. Il n'est pas du tout dans l'intention du gouvernement de lui
enlever ce statut particulier. C'est donc une fumisterie que de nous dire qu'on
la soumet à une politique de taxation et de dividende comme toute autre
société. Si on choisit de faire telle ou telle mesure qui se
rapproche de ce qu'on fait pour d'autres sociétés, c'est qu'on a
pris, dans ce cas-là, une décision tout à fait
particulière. On a bien pris soin, de toute façon, de ne pas en
faire une règle générale puisque, même avec le
projet de loi 16, Hydro-Québec demeurera très spéciale et
encore plus spéciale demain qu'elle ne l'était hier à bien
des égards.
Nous allons poser aux représentants d'Hydro-Québec des
questions que soulèvent à l'esprit immédiatement les
affirmations qu'ont faites les deux ministres quant aux conséquences
financières du projet de loi 16 sur l'autofinancement, ses
possibilités sur un horizon de cinq ou dix ans, etc. Je pense que ce
n'est pas l'occasion pour moi de faire cet exposé; d'ailleurs ce sont
des questions que je veux poser.
Mais j'aimerais également prendre deux ou trois minutes pour
examiner ce que le ministre Duhaime nous a dit relativement à la
tarification parce qu'il s'agit là aussi d'un autre écran de
fumée. Voici que les hausses de tarifs ne sont plus des hausses; c'est
de la rationalisation, M. le Président. Malgré tout, ce n'est pas
avec des mots qu'on va changer la réalité. On nous annonce que le
dernier mot de la sagesse, relativement à Hydro-Québec,
relativement à l'électricité, relativement à la
politique énergétique, c'est, semble-t-il, de viser le taux
d'accroissement des tarifs le plus élevé possible plutôt
que les niveaux de tarifs les plus bas possible. (11 h 15)
Voici comment le gouvernement actuel semble définir la sagesse
dans le domaine énergétigue: Des tarifs qui seraient tels que
présumément l'écart, toujours dans les mots qu'a
utilisés le ministre en termes de BTU utiles ou en termes
d'équivalents énerqétigues entre le mazout et
l'éleccricité, serait le plus étroit possible. Encore
probablement un certain écart de façon qu'on puisse dire qu'on a
quand même un certain encouragement à l'utilisation de
l'électricité, mais un écart qui soit le plus mince
possible, ce qui implique des hausses de tarifs très
considérables. Je crois qu'il faut mettre de côté, pour un
instant, le compliment que s'adresse le gouvernement en appelant cela de la
rationalisation parce qu'on peut rationaliser de bien des façons.
Pendant bien des années on a rationalisé au Québec en
disant qu'il était de l'avantage des contribuables, des utilisateurs de
l'énergie de jouir des prix les plus bas possible, pourvu que ce soit
cohérent, bien sûr, avec les besoins financiers
d'Hydro-Québec et une certaine équité entre
différentes catégories d'usagers.
On veut maintenant définir la sagesse et la rationalité
d'une autre façon. Ce n'est pas simplement en prononçant le mot
qu'on a régqlé le problème, il s'agit d'un écart
très substantiel entre les tarifs tels qu'on les a pratiqués
jusqu'à maintenant et les tarifs tels qu'on voudrait les pratiquer. Le
ministre des Finances nous dit: Si l'on projette vers l'avenir les hausses de
tarifs des quatre dernières années, on obtient des
résultats financiers surprenants. C'est bien possible, mais n'oublions
pas que les hausses de tarifs, depuis quatre ans, se sont faites à un
rythme sans précédent dans l'histoire d'Hydro-Québec et du
Québec lui-même et que ces hausses étaient
justifiées à l'époque par des circonstances et un contexte
économique qui étaient particuliers au moment où les
décisions furent crises de l'aveu même du gouvernement qui a
proposé et adopté ces tarifs à l'époque.
La hausse des coûts d'intérêts, les besoins
financiers énormes qu'a impliqués la mise en route du projet de
la baie James ont fait que, pendant une certaine période
d'années, il est apparu nécessaire de hausser les tarifs. Il
n'est pas du tcut évident que, si on laissait les mêmes
critères qui ont joué dans le passé jouer à
l'avenir, on serait justifiés de projeter pour cinq ans ou dix ans la
même hausse de tarifs. C'est donc une comparaison qui est
déjà faussée à laquelle se livrent le ministre des
Finances et le ministre de l'Énergie et des Ressources; il n'est pas du
tout nécessaire de faire cette supposition, mais il est bien
évident qu'en utilisant de pareils exemples, M. le Président, le
gouvernement veut déjà créer
l'impression que, s'il ne changeait rien, s'il laissait la Loi
d'Hydro-Québec dans son état actuel, on obtiendrait
inévitablement des hausses considérables de tarifs.
Il y a là une responsabilité à laquelle il ne peut
pas échapper en prenant des exemples qui sont gratuits du moins
jusqu'à preuve du contraire. Mon collègue d'Outremont a
indiqué tout à l'heure que la politique gouvernementale qui vise
à changer les critères de tarifications d'Hydro-Québec ne
sont pas acceptables. Il n'a pas du tout été prouvé qu'il
soit nécessaire de produire cette équivalence entre les prix du
mazout et ceux de l'électricité pour en arriver à un bilan
énergétique acceptable pour le Québec. Certainement, il
n'a pas été prouvé qu'il soit dans l'avantage des
contribuables de financer à travers leur consommation d'énergie
électrique les déficits gouvernementaux. Laissons de
côté, pour les bénéfices de cette discussion, des
termes aussi peu éclairants que la rationalisation; les critères
de rationalisation ne pourraient se dégager que d'une politique
énergétique à long terme. Or, comme mon collègue
d'Outremont l'a indiqué tout à l'heure, les données de
base d'une politique énergétique à long terme font encore
défaut. Il y a énormément de questions auxquelles le
gouvernement n'a pas daigné répondre jusqu'à maintenant,
ni donner d'indications claires de ses intentions; c'est pourquoi il faut
regarder à son mérite et dans le contexte précis du projet
de loi no 16 les dispositions qui feraient en sorte
qu'Hydro-Québec non seulement serait invitée, mais serait
forcée de majorer très rapidement son taux.
Je mentionne en passant que, dans le mémoire
d'Hydro-Québec, il y a un certain flottement, me semble-t-il, dans les
hypothèses qui peuvent être utilisées pour cette majoration
des tarifs. On ne trouve pas moins de quatre allusions à la hausse des
tarifs; chacune est exprimée de façon différente et a des
implications évidemment très différentes.
On parle en premier lieu d'une hypothèse de hausse des tarifs de
l'électricité pour refléter le rythme de l'inflation. Il
faut se rendre compte que, dans tous les scénarios qui nous sont
suggérés, c'est la hausse minimale; on va au moins
refléter l'inflation. Il ne s'agit donc pas de stabiliser les taux et de
les rendre absolument inflexibles ou immuables; le scénario le plus
modeste, c'est le rythme de l'inflation dans les années à
venir.
Une autre hypothèse à laquelle on fait allusion, au bas de
la page "5, c'est l'évolution des prix des autres formes
d'énergie. On s'attache, à ce moment-là, simplement
à leur rythme d'évolution en présumant, j'imaqine, que
l'écart actuel ne se rétrécit pas. On fait simplement
suivre le rythme d'évolution du coût des autres sources
d'énergie.
La troisième référence que l'on fait, c'est au
milieu de la page 5, où on dit que le souci du gouvernement semble
être de maintenir l'équilibre entre le prix des différentes
formes d'énergie qui composent le bilan énergétique du
Québec. On semble faire allusion ici à un rattrapage du prix de
l'énergie électrique au-delà de l'inflation,
au-delà du rythme même de l'augmentation du prix du mazout de
façon que l'écart, éventuellement, disparaisse ou
disparaisse presque.
Finalement, on fait allusion, au paragraphe précédent,
à une autre possibilité qui pourrait devenir celle qui s'applique
au Québec dans le cas où Hydro-Québec ne serait plus
capable de faire des investissements pour satisfaire à la demande
d'énergie, que l'on utilise des prix encore supérieurs aux
précédents, de manière à décourager
l'accroissement de la demande, et de manière que l'accroissement de la
demande ne dépasse pas l'accroissement de la capacité de
production.
Il V a donc là un éventail de plusieurs hypothèses
toutes plausibles, mais qui vont toutes dans le sens d'un accroissement des
prix plus ou moins rapide. Il semble que la préférence du
gouvernement parmi toutes ces possibilités va vers celle qui donne les
prix les plus élevés sur une certaine période. C'est
là une des questiens qu'il faudra éclaircir pour comprendre les
projections financières dont font état à la fois le
gouvernement et Hydro-Québec. Je crois qu'il est nécessaire de
clarifier jusqu'à quel point on veut faire payer aux contribuables la
satisfaction des besoins financiers du gouvernement actuel. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Laurent.
M. le député de Charlesbourg.
M. Denis de Belleval
M. de Belleval: M. le Président, j'ai écouté
attentivement les remarques à la fois des représentants du
gouvernement et celles de l'Opposition et je me rends compte qu'on est
effectivement rendu à une espèce de tournant dans
l'évolution du débat énergétique au Québec
en ce sens qu'on commence quand même à poser un certain nombre de
questions fondamentales. À ce point de vue, le député de
L'Assomption a justement proposé que le débat s'amorce autour de
ces principes fondamentaux avant que l'on aborde des questions peut-être
plus particulières.
Il me semble que, de ce point de vue, bien que je reconnaisse la
pertinence de plusieurs des questions posées par l'Opposition, celle-ci
refuse d'une certaine façon aussi d'aborder quelques-unes des
questions fondamentales que nous pose la nouvelle conjoncture ou de les
aborder de plein fouet. Entre autres, un des principes fondamentaux que l'on
retrouve dans le projet de loi, comme l'a souligné le ministre de
l'énergie et des Ressources et comme le souligne, d'ailleurs,
Hydro-Québec dans son mémoire, c'est ce changement fondamental de
principe sur lequel doit reposer à l'avenir la tarification
d'Hydro-Québec, à savoir que nous sortions du principe qui
voudrait que cette tarification soit basée sur le plus bas coût
possible, compatible avec de saines pratiques financières et que l'on
s'engage plutôt dans une politique de gestion véritable des
tarifs. Si je comprends bien la position de l'Opposition là-dessus, elle
s'oppose à ce changement et, en ce sens, elle s'oppose non seulement
à la position du gouvernement, mais aussi à la position du
conseil d'administration d'Hydro-Québec qui reconnaît dans son
mémoire - à la page 5 -qu'il faut changer les principes de
tarification, qu'il faut abandonner l'ancien principe, celui qui avait cours
jusqu'à maintenant, et s'engager dans une politique plus volontariste de
gestion de nos tarifs d'électricité.
Il faudrait que l'Opposition soit plus claire là-dessus et
qu'elle nous explique pourquoi il faudrait véritablement rester selon
l'ancien principe et pourquoi elle s'oppose quand même au jugement non
seulement des experts du gouvernement, mais aussi des experts
d'Hydro-Québec sur ce point. Il me semble qu'elle fait abstraction,
effectivement, à cet égard, de l'évolution de la
conjoncture, dans le domaine énergétique, durant les
dernières années.
Jusqu'à récemment, il faut bien se rendre compte que le
coût de l'électricité, en général, dans le
monde, et en particulier, même ici au Québec, était plus
élevé que celui des autres formes d'énergie et que, de ce
point de vue, cela avait du sens, particulièrement dans un contexte
historique qui n'est pas si éloigné au Québec, où
l'électricité n'était pas disponible partout, ni à
des coûts raisonnables. Il ne faut pas remonter si loin dans l'histoire
du Québec pour se rendre compte que l'électricité, au
Québec, n'était pas accessible partout, de la même
façon qu'on pouvait la retrouver dans les États voisins.
Dans un contexte où cette électricité
n'était pas toujours disponible, ou était disponible à des
prix très élevés, il était normal qu'en
créant Hydro-Québec, on lui donne ce mandat de fournir de
l'électricité aux Québécois et de la fournir au
meilleur coût possible.
Je me souviens d'ailleurs que lorsque le débat avait eu lieu
d'une façon fort peu publique - on s'en souviendra - sur le choix des
investissements futurs d'Hydro-Québec, au début des années
soixante-dix, les études dont nous disposions à ce
montant-là, au ministère des Richesses naturelles de
l'époque, telles que fournies par Hydro-Québec,
démontraient, entre autres, qu'il était plus avantageux de
produire de l'électricité à partir du pétrole et
secondairement, de l'énergie nucléaire, qu'à partir de
l'énergie hydraulique.
On sait que ce débat a été tranché d'une
façon subite et, comme je l'ai dit, fort peu démocratique, fort
peu transparente en ce qui concerne ces différentes options et que nous
sommes allés du côté hydraulique. Ce choix a
été ratifié ni plus ni moins par un
événement qui était imprévisible au début
des années soixante-dix, à savoir la mise sur pied d'une
politique monopolistique de gestion des prix par les pays producteurs, qui a
fait que les prix de l'électricité produite par
l'hydroélectricité sont devenus, au Québec en particulier,
moins dispendieux que les prix de l'électricité produite par le
pétrole et ensuite même par l'énergie atomique.
Mais on est dans un nouveau contexte où les prix de
l'énergie sont fixés dans un contexte très monopolistique,
géré par des États et non plus par des entreprises
privées, très largement. On voudrait, si je comprends bien, du
côté de l'Opposition, dire que, de ce point de vue, le
gouvernement du Québec devrait être un des seuls États dans
le monde à ne pas porter de jugement sur le prix de l'énergie
qu'il contrôle, qu'il devrait laisser ce prix se fixer par des facteurs
plus ou moins automatiques, entres autres, ceux qu'on retrouve largement dans
la loi actuelle, c'est-à-dire le coût de production, le plus bas
coût possible au consommateur. (11 h 30)
II me semble que, de ce point de vue, c'est l'Opposition qui s'ancre
dans une position purement conservatrice, une position de laisser-faire, une
position qui ne repose plus sur la conjoncture nouvelle. De ce
côté-là, nous devrions tous avoir le bon sens en même
temps que le couraqe de dire qu'il nous faudra maintenant Dorter un jugement et
le jugement le meilleur possible sur le niveau qu'on doit fixer oour le
coût de notre énerqie électrique et que le critère
ancien n'est pas suffisant pour nous permettre de fixer ce coût. Il faut
donc en avoir d'autres.
De ce point de vue, je comprends cependant que l'Opposition puisse poser
des questions au gouvernement. Quels seront les critères utilisés
pour fixer ces tarifs de la même façon que les pays arabes,
l'Alberta ou les États-Unis qui fixent eux aussi, d'une certaine
façon, le prix de l'énergie qu'ils produisent? Admettons au moins
qu'il nous faudra porter ce jugement. Là-dessus le débat devrait
s'ouvrir, il me semble, sur justement les critères qui devront
maintenant être utilisés et ne pas s'ancrer dans une position
purement conservatrice et une position de laisser-faire.
Voilà, M. le Président, en tout cas, pour l'instant, la
façon dont je vois le débat s'ouvrir sur un aspect absolument
important et il est important d'ailleurs qu'on le fasse comprendre à
l'ensemble de la population. Il est évidemment facile, dans un contexte
où tout augmente, de tenter de faire croire à la population...
Personnellement, comme consommateur d'électricité, j'aimerais
d'ailleurs croire que l'on puisse continuer à bénéficier
de tarifs d'électricité qui échappent largement à
l'inflation. Je pense que cela satisferait mon portefeuille et ce serait la
même chose pour l'ensemble des Québécois, mais je pense
aussi qu'ils comprennent instinctivement qu'on ne vit pas dans un monde d'Alice
au pays des merveilles. Cela semble un peu non naturel, sinon absurde que,
comme l'a dit le ministre des Finances, les seuls prix qui échapperaient
à l'inflation seraient les prix de l'énergie
hydroélectrique. Il semble, je pense, d'instinct, avec leur bon sens,
que cela ne peut être, mais si cela ne peut être, il faut leur
expliquer évidemment clairement pourquoi.
De ce point de vue, l'Opposition a un rôle tout aussi important
à jouer que le gouvernement dans le sens qu'au moins, au niveau des
principes, on s'entende sur une nouvelle façon de fixer ces tarifs,
quitte à ce que le débat s'engage ensuite sur les critères
qui seront utilisés. Entre autres, j'admets la pertinence des questions
du député d'Outremont. Quelle doit être la relation exacte
entre le prix de l'électricité et le prix des énergies
concurrentes? Mais, quand il pose cette question, il admet qu'il doit y avoir
une relation et il se contredit lui-même de ce point de vue quand il pose
ces questions avec l'espèce de position fondamentale conservatrice et de
laisser faire que pose l'Opposition, dans le sens de conserver les principes
qui existent dans la loi actuelle. Je pense que non, il ne faut pas les
conserver, mais, effectivement, posons la question: Quelle doit être la
relation entre le prix de l'électricité et celle du gaz naturel,
par exemple, et quelle doit être notre position en matière
d'utilisation de l'énergie pour le chauffage, par exemple, et pour
d'autres utilisations entre ces différentes formes d'énergie?
Là-dessus, on pourra faire, à mon avis, un débat utile.
L'Opposition jouera certainement un rôle utile et le gouvernement aura
à répondre et à fournir des réponses à ces
questions qui m'apparaissent effectivement pertinentes.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Charlesbourg. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le
ministre.
Questions et réponses M. Duhaime: M. le Président,
j'aimerais peut-être revenir au mémoire d'Hydro-Québec et
aux travaux de cette commission. Le rappel des députés à
l'Assemblée nationale nous donnera amplement le temps de répondre
à quelques-unes des affirmations que je viens d'entendre qui nous
viennent de l'Opposition libérale. Je voudrais, en m'adressant à
M. Bourbeau... Ce concept dans la tarification, le plus bas coût possible
au fil des années, à Hydro-Québec, je tiens pour acquis
qu'il a eu diverses consonances. Je tiens pour acquis, par exemple, que les
niveaux d'inflation ont ou être déterminants dans
l'élaboration de tarifs, les disponibilités sur les
marchés financiers, en second lieu, et plus récemment, à
cause du galop dans le prix du mazout et de cette nécessité pour
nous de nous doter de gaz naturel, on en est venu graduellement à tenir
compte des autres formes d'énergie.
Ce que je voudrais vous demander est relié à deux lignes
de votre mémoire à la page 5. Vous considérez comme
étant une marge de manoeuvre accrue les modifications qu'introduit le
projet de loi 16 et vous dites: "Cette marge de manoeuvre accrue que le projet
de loi donne à Hydro dans l'établissement de ses tarifs n'est
toutefois pas sans limite. " Ce qu'il serait peut-être intéressant
pour nous de savoir, c'est cette marge de manoeuvre, comment est-ce que, de
votre point de vue, vous pourriez la situer dans le cadre de ce que notre
collègue d'en face appelle un écran de fumée et de ce que
nous appelons l'harmonisation; en second lieu, en fonction des programmes
d'économie d'énergie, et, troisièmement, de la
concurrence, en particulier en ce qui est du tarif industriel?
M. Bourbeau: Je vais commencer en premier lieu par la
façon dont Hydro-Québec, actuellement, fixe ses tarifs. La loi
actuelle dit que les tarifs de l'électricité seront les plus bas
possible, compatibles avec une saine administration financière. C'est ce
que nous avons fait jusqu'à maintenant. Remarquez bien que
c'était toujours le plus bas possible avec une saine administration
financière, de sorte que vous n'avez jamais vu des tarifs
d'électricité, jusqu'à maintenant, qui étaient les
plus bas possible de sorte qu'à la fin de l'année nos
résultats financiers auraient montré un résultat
zéro, c'est-à-dire que notre rentabilité aurait
été nulle. On a toujours dégagé des surplus. Et
pourquoi a-ton dégagé des surplus? C'est qu'on devait, à
cause d'un accroissement de la demande, prévoir un financement et on
voulait en retirer un autofinancement.
Vous remarquez que, si on se reporte dans les années 1970-1975,
ce qu'on dégageait avec des tarifs les plus bas possible, compatibles
avec une saine administration financière, c'était peut-être
200 000 000 $ ou 300 OOn OOO $. Mais,
depuis deux ans, en utilisant la même règle,
Hydro-Québec a eu des revenus nets de 746 000 000 $ au point où
nous sommes la première compagnie canadienne au point de vue des revenus
nets. Nous dépassons Canadien Pacifique, Domtar, Noranda. Nous sommes la
première compagnie canadienne.
Ceci veut donc dire que nous avons vendu de l'électricité
à un taux bas, mais aussi qui tenait compte de problèmes
financiers. Il a fallu financer notre programme d'équipement qui
progressait à cause d'une demande accrue. Et remarquez que
prochainement, à la fin du mois de septembre, il y aura une commission
parlementaire où on viendra vous présenter une nouvelle hausse de
tarifs qui sera encore calculée suivant les principes
énoncés dans la loi actuelle et non pas dans la loi 16, parce que
la loi 16 n'est pas encore adoptée.
La nouvelle loi décrit de nouveaux critères. La nouvelle
loi nous dit que les hausses de tarifs devront maintenant être non pas
les plus bas coûts, mais devront être fixées sur une saine
administration financière.
Il y a aussi des critères qui nous ont été
imposés. Je pense que le député M. Forget avait
énoncé certains critères que j'appellerais des
critères qui nous amenaient à prévoir une augmentation
assez élevée des tarifs. Je pense qu'il parlait, d'une part... Je
pense que le critère bas était l'inflation. Nos hausses de tarifs
ne seront certainement pas plus basses que la hausse du taux d'inflation. Je
pense que c'est acquis. D'autre part, le député M. Forget disait:
On pourrait aller aussi haut que d'atteindre le prix des énergies
conventionnelles. On pourrait aller aussi haut que de faire en sorte que le
prix de l'énergie soit équilibré entre le pétrole
et le gaz et on pourrait aller aussi haut que de faire en sorte que le prix de
l'électricité puisse inciter une gestion de la demande. Je pense
que tout ceci est vrai.
Il reste deux autres critères qu'Hydro-Québec va
considérer lorsque la loi 16 sera adoptée dans
l'établissement de ses tarifs et ces deux critères sont
réellement restrictifs. Le premier, c'est que les tarifs
d'électricité ne devront pas être plus hauts que ce qui est
pratiqué dans les provinces voisines. On ne veut pas que le prix de
l'électricité du Québec soit plus élevé que
celui de l'électricité de l'Ontario ou d'une autre province, le
Nouveau-Brunswick.
Deuxièmement, on ne voudra pas que le prix de
l'électricité puisse dépasser la capacité de payer
de la population.
Voici les balises dans un nouveau contexte. Il y aura cet ensemble de
balises pour nous amener à faire une proposition de tarifs
d'électricité.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'aurais deux questions. La première question,
c'est que jusqu'à maintenant on utilise des références
à des critères sans vraiment avoir devant nous les implications
en termes de hausse de tarifs. Je me demande si Hydro-Québec, pour les
fins du raisonnement et pour les fins de la compréhension de la
commission, a déjà préparé pour ses fins internes
les projections de tarifs sur dix ans en utilisant une variété
d'hypothèses, ce qui nous permettrait de voir de quoi nous parlons
essentiellement. Si nous allions vers un prix d'équilibre, ce qui semble
être la notion que l'on favorise du côté gouvernemental, sur
une période de dix ans avec d'autres formes d'énergie, quelles
seraient les hausses qui en découleraient? Si on se fiait simplement aux
critères absolument traditionnels d'Hydro-Québec,
c'est-à-dire ses propres besoins financiers qu'on pourrait prendre comme
le seuil ou le plancher, de quel genre d'écart parlerait-on sur une
période de dix ans entre les deux? Serait-il possible, encore une fois
pour l'intelligence de nos discussions, qu'Hydro-Québec nous expose les
implications de ce genre de calcul, ceci pour ce qui est d'une question
factuelle, en quelque sorte?
Avant de vous donner la parole, il y a une autre question qui semble
naturellement venir à l'esprit. Le gouvernement semble ne pas renier ce
qu'il a déjà dit relativement à l'autonomie de gestion
d'Hydro-Québec. Pour que cette autonomie de gestion soit
préservée - et je pense que c'est une chose qui est bonne en soi
de manière que les décisions à Hydro-Québec se
prennent dans un contexte qui soit bien compris de tous -ne serait-il pas
souhaitable que les critères pour la détermination des prix
d'Hydro-Québec devraient être internes, dans le fond, à
Hydro-Québec, donc, se rapprocher beaucoup plus des critères
traditionnels de besoins financiers?(11 h 45)
En d'autres termes, il faut que l'entreprise continue; si elle doit
continuer à fournir l'électricité à nos
concitoyens, il faut qu'elle puisse satisfaire ses besoins financiers;
ça ne veut donc pas dire les prix les plus bas possible au sens strict
du mot, ou, si l'on veut, les prix les plus bas possible, mais en longue
période, c'est-à-dire compte tenu des besoins de financement.
N'est-il pas souhaitable que ce soit ce genre de critères qui
détermine les prix et que si le gouvernement, par ailleurs, pour des
raisons qui lui sont propres, puisqu'il a la responsabilité d'avoir une
politique économique générale, une politique
d'énergie de façon générale, juge que les prix que
fait l'Hydro-Québec, en conséquence de ses critères
internes, sont bas de façon indécente, ce qui semble être
les implications des remarques que j'ai entendues de l'autre côté,
alors qu'il impose, comme le font tous les
gouvernements justement dans le contexte où on fait fonctionner
les entreprises publiques comme les entreprises privées, un impôt,
une taxe de vente de 25% - j'allais dire de 18%, mais c'est un chiffre qui va
faire sourire, alors disons de 25% ou de 30% sur le prix de l'énergie
électrique, de manière à ramener le prix aux consommateurs
à un niveau tel que justement les équilibres, l'harmonisation
dont il rêve, puissent se faire.
Mais, à ce moment-là, on aurait une division des
tâches beaucoup plus clairement établie. Hydro-Québec dit:
Voici mes prix en fonction de mes critères à moi, qui sont des
critères internes. Le gouvernement dirait: Non, on n'accepte pas ces
prix-là parce qu'ils sont contraires à l'intérêt
public, ils sont beaucoup trop bas, c'est indécent de faire une telle
concession aux consommateurs du Québec à qui on a dit, cependant,
qu'on était unique, qu'on avait beaucoup d'énergie
hydroélectrique. Il ne semble pas que, de côté-là,
on soit nécessairement forcé d'imiter les Arabes, mais enfin...
c'est indécent, c'est beaucoup trop bas, alors on va imposer une taxe
à la consommation, on va imposer une surcharqe peut-être de 25%,
30%, 40% ou 50%, Dieu sait quoi.
Est-ce que ce ne serait pas une façon de diviser les rôles,
de diviser les tâches de manière que l'autonomie
d'Hydro-Québec s'exerce dans son domaine de compétence à
elle, en fonction de ses coûts, en fonction de la nécessité
de se financer, etc., et que le gouvernement décide, par ailleurs, comme
il le fait pour l'industrie privée, s'il trouve tout à coup qu'un
produit de luxe se vend trop bon marché pour des considérations
sociales... Il impose l'alcool - oui, mon collègue me souffle l'alcool.
Par exemple, le gouvernement a bien l'habitude de trouver que, s'il n'y avait
pas d'impôt ou de taxe sur le whisky, il se vendrait
décidément trop bon marché, que les qens deviendraient
intempérants, qu'on aurait des problèmes d'alcoolisme... En
somme, cette intempérance qu'on veut freiner du côté du
whisky, si on la redoute du côté de l'électricité,
qu'on impose une taxe sur l'électricité comme on le fait pour le
whisky, mais on saura, à ce moment-là, que le gouvernement a une
politique énergétique comme il a une politique de
tempérance. À moins que ce soit pour autre chose qu'on impose une
taxe sur le whisky, mais le ministre des Finances nous dira ça tout
à l'heure. Il va sans doute nous corriger là-dessus. Alors, on
saurait que l'Hydro-Québec, étant donné ses besoins, fixe
les prix qui lui semblent normaux pour lui permettre de continuer à
opérer. Est-ce que ce ne serait pas logique?
Le Président (M. Boucher): Monsieur Bourbeau.
M. Bourbeau: Je vais répondre à votre
première question, qui concernait les hausses de tarifs et ce qu'on
prévoit dans les futures hausses de tarifs. Malheureusement, je ne peux
pas m'étirer le cou pour dix ans et vous dire quelles seront les hausses
de tarifs d'Hydro-Québec pour les dix prochaines années, à
tout le moins, on n'a pas encore reçu au conseil d'administration la
proposition de nos qestionnaires sur la prochaine hausse de tarifs, mais cette
prochaine hausse de tarifs sera au point de vue de temps très,
très courte. Il ne faut pas se préoccuper, mettons, de cette
façon de voir. Il est dangereux actuellement, à cause de la
situation économique et financière, d'établir des hausses
de tarifs qui vont au-delà d'une période je dirais d'un an, de
deux ans et peut-être de trois ans au maximum.
On vient de vivre à Hydro-Québec une période de
hausse de tarifs qui avait été accordée pour trois ans et
le résultat, c'est qu'au cours de l'année 1981 on va subir un
manque à qaqner de 660 000 000 $ parce que la hausse de tarifs en 1981
n'était pas assez élevée. Il y a eu des
événements financiers, ce qu'on avait prévu comme taux
d'inflation a été légèrement dépassé,
les taux d'intérêt, etc. Donc, si vous pensez avoir des hausses de
tarifs pour dix ans, il ne faudrait pas penser à ça. On n'est
plus capable de prévoir des hausses de tarifs pour dix ans, d'autant
plus qu'il faudrait être capable de discerner quelles seraient les
hausses de tarifs des énergies concurrentielles. Or, on sait fort bien
que les hausses des tarifs des énergies concurrentielles changent
à tous les trois, guatre ou cinq mois. On se voit donc obligés de
regarder à long terme, mais c'est un long terme qui devient un court
terme, à tout le moins. L'an dernier, les hausses de tarifs du
pétrole, pour ceux qui se chauffent à l'huile, du 1er
janvier 1979 au 1er janvier 1980, ont été de 42%. Nous
avons augmenté nos tarifs d'électricité de 10, 6%. En
parlant de l'avenir, dire que nos hausses de tarifs devront se coller aux prix
des énergies concurrentielles, c'est extrêmement difficile.
Il est certain que nos hausses de tarifs à court terme,
toutefois, seront beaucoup plus élevées que le taux d'inflation:
elles couvriront au moins le taux d'inflation. Mais quant à la hausse de
tarifs maximale, elle n'est pas encore établie à
Hydro-Québec.
Dans une deuxième question, vous parliez de l'autonomie de
gestion d'Hydro-Québec et comment Hydro-Québec, avec des hausses
de tarifs, pourrait regarder son financement ou ses besoins de financement
internes. Je vous rejoins là-dessus. Je vous rejoins là-dessus,
parce que c'est un élément qui, à venir jusqu'à
maintenant, nous a guidés. Tout à l'heure, lorsque je parlais de
la loi actuelle qui nous permet de fixer des tarifs les plus bas, compatibles
avec une
saine administration financière, ce qu'on a fait, c'est qu'on
s'est toujours préoccupé du financement d'Hydro-Québec. Et
lorsque l'année dernière et, lorsque l'année auparavant,
on a eu des revenus nets de 746 000 000 $, on avait des problèmes de
financement avec un programme d'investissements de 3 000 000 000 $ qui nous
obligeait à aller chercher 2 200 000 000 $ et 2 100 000 000 $ sur des
marchés financiers, il fallait donc dégager les revenus nets d'au
moins 746 000 000 $.
A l'avenir, il faudra qu'il en soit ainsi c'est pourquoi, dans la
présentation que j'ai faite, j'ai demandé au gouvernement
d'inclure dans cette proposition de dividendes que le conseil d'administration
d'Hydro-Québec, qui sera conscient de ses problèmes financiers,
puisse faire une recommandation au gouvernement quant au niveau de dividendes
qui devrait être atteint.
On a parlé tout à l'heure d'un dividende qui pourrait se
situer autour d'un bas pourcentage. Je ne me souviens pas si c'est le
député de L'Assomption qui nous a indiqué que pour les
deux premières années... de fait, les deux premières
années, le dividende, selon nos projections, devrait être en 1981,
d'à peine 4, 9%; très peu. En 1982, le dividende serait de 8, 6%;
très peu. Mais déjà en 1983, le dividende devrait monter
à 18, 1%; en 1984, à 37, 1% et en 1985, à 48, 2%.
À ce moment-ci, nous avons un point d'interrogation quant au
niveau de ce dividende. C'est pourquoi nous insistons explicitement sur cette
demande d'avoir du gouvernement, dans le projet de loi, une phrase qui dirait
que le conseil d'administration, après avoir vu ses besoins financiers,
pourra faire une recommandation au gouvernement quant au niveau de dividendes
qu'Hydro-Québec aurait à payer au gouvernement. Nous comprenons
fort bien que ce faisant, Hydro-Québec aurait donné au
gouvernement une indication et que le gouvernement devra regarder et avoir
d'autres intrants avant d'approuver un dividende quelconque.
M. Forget: M. le Président, une question
supplémentaire. Le sens de ma première question était,
bien sûr, d'avoir une idée de la fourchette, si vous voulez, des
taux minimaux et maximaux. Si la fourchette se réduisait à un
seul chiffre, dans le fond, on parlerait pour rien. Dans l'étude du
projet de loi, on doit supposer - d'ailleurs, ça découle
directement des propos des ministres qui ont pris la parole et également
d'autres députés ministériels - qu'il y a une
différence importante entre le taux minimal, en quelque sorte, qui
serait applicable en d'autres circonstances si on n'avait pas de changement
à la loi, et le taux qui deviendra effectif lors de l'application d'une
politique énergétique gouvernementale. Il y a donc une fourchette
et on aimerait bien savoir quelle est l'importance, en termes de taux, taux
moyen ou taux pour différentes catégories d'usagers ou taux moyen
par kilowattheure, Dieu sait quoi, comme vous voudrez présenter les
chiffres, puisqu'ils sont disponibles, entre un taux minimal et un taux
maximal.
Vous me dites, et je l'accepte, que vous ne pouvez pas faire de
prévision sûre sur plus d'un an, peut-être deux. Je
l'accepte aussi en termes de prévision sûre ou de demande
d'augmentation des taux. Malqré tout, il doit bien exister des
estimations parce que le ministre des Finances et vous-mêmes, je crois,
vous mettez presque dans le même souffle à discuter des
pourcentages que représenteront les dividendes jusqu'en 1985. Pour
établir un pareil pourcentage, il faut nécessairement savoir
combien vous avez de revenus, quelles sont vos dépenses, etc., donc il y
a des estimations. À moins de voir les estimations, que voulez-vous, on
ne peut que vous écouter béatement et dire: Ils ont
peut-être raison. Est-ce que, du côté d'Hydro-Québec,
il serait possible que ces estimations soient rendues publiques, y compris la
fameuse fourchette entre les taux que vous auriez estimé devoir exiqer
jusqu'en 1985 et ceux que vous serez peut-être obligés de demander
et qui sont supérieurs à ceux-là, étant
donné que vous devrez, en plus de vous financer, etc., payer des
dividendes qui atteindront des pourcentages intéressants, c'est le moins
qu'on puisse dire, des surplus en question.
Avant d'aller plus loin dans la discussion et de relever votre
suggestion très utile d'une proposition de plus de flexibilité,
etc., on aimerait bien savoir, du moins de ce côté-ci de la table,
puisque nous n'avons pas fait les calculs, s'il y a des estimations; si oui,
qu'est-ce qu'elles nous disent sur les fourchettes? Si on devait calculer tout
cela sur un an, par exemple, je pense que ce serait injuste pour le
gouvernement s'il fallait rattraper en un an le prix des autres énergies
par des hausses de tarif. C'est peut-être 50% d'augmentation en un an,
alors je n'ai pas voulu être injuste pour le gouvernement. Je sais qu'il
a de mauvaises intentions, mais sur quelques années; alors, j'ai voulu
lui en donner le crédit. Maintenant, si vous voulez absolument le dire
en un an, je n'ai pas d'objection, ça devient tout simplement un peu
plus odieux.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Concernant la fourchette, j'ai déjà
donné la fourchette minimale qui était le taux d'inflation. On
n'ira certainement pas plus bas que le taux
d'inflation. Quant au taux supérieur, même pour les
prochaines hausses de tarif qui devront vous être
présentées ici en commission parlementaire les 29, 30 septembre
et 1er octobre, le conseil d'administration n'a pas encore pris une
décision finale sur ces hausses de tarif et je ne peux pas vous dire ce
qu'on a comme hausse de tarif. Toutefois, quand on regarde à long terme,
on dit que l'autre fourchette, la fourchette maximale, serait les hausses de
tarif qui rendraient l'électricité comparable au prix des
énergies concurrentielles. (12 heures)
À ce moment-ci, je voudrais commencer à regarder ce que
ça veut dire au point de vue du pétrole. Le pétrole
mondial, actuellement, varie entre 32 $, 36 $ et certains pays membres de
l'OPEP vendent même leur pétrole à 40 $ le baril. Le
pétrole canadien se vend actuellement aux alentours de 26 $ le baril; on
a un écart entre le prix du pétrole canadien et le prix du
pétrole mondial. Il faudra certainement que le prix du pétrole
canadien aille rejoindre le prix du pétrole mondial. Quand le fera-t-il,
à l'intérieur de quelles années, est-ce que c'est en 1985,
est-ce que c'est dépassé 1985? Actuellement, je ne le sais pas.
Toutefois, même si on a un prix du pétrole qui va monter, et je
crois qu'il va monter assez haut, je ne crois pas que le prix de
l'électricité s'en aille se placer au même niveau que ce
prix du pétrole. Je pense qu'on aura toujours un prix de
l'électricité qui se situera un peu en deçà du prix
du pétrole.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: J'aimerais...
M. Forget: Mais la fin de l'histoire, M. le président? On
est accroché à vos lèvres; on s'est dit: II va
déboucher sur un taux, c'est sûr.
M. Bourbeau: Je pense que je ne peux pas plus définir le
prix du pétrole en 1990 que Yamani peut le faire lui-même et que
M. Lalonde et M. Leitch peuvent le faire actuellement au Canada.
M. Forget: Non, mais on sait le prix international actuel.
Qu'est-ce qu'implique, en termes de hausse des taux de
l'électricité, de rejoindre une parité, disons, à
90%? Vous dites: Ce sera un peu en bas. Si on avait à rejoindre le prix
international du pétrole, via les tarifs de l'électricité
en termes de BTU utiles, équivalentes, qu'est-ce que ça implique
comme hausse des tarifs? Je suis sûr qu'à un moment ou l'autre
quelqu'un a eu la bonne idée de faire au moins ce calcul.
M. Bourbeau: Non. On n'a aucun calcul de fait actuellement. Ce
que j'ai, ce sont les prix du pétrole et du gaz naturel basés sur
le prix inclus dans la politique énergétique nationale, mais que
nous-mêmes, n'observons pas à Hydro-Québec. Je vais vous
donner les comparaisons et je vais vous dire où on s'écarte. Le
prix du gaz naturel va auqmenter, de 1981 à 1985, d'après le
programme énergétique national, de 6, 6%. Nous avons
considéré, à Hydro-Québec, que ce prix augmenterait
à 16, 8% et non pas à 6, 6%.
Pour le pétrole brut, le programme énergétique
national indique une augmentation de 14, 5% et nos calculs considèrent
qu'il devrait augmenter en moyenne de 19%. Donc, on a déjà des
calculs...
M. de Belleval: Par année ou pour cette
période?
M. Bourbeau: Ce sont des augmentations qui se font en moyenne
durant l'année. Pour ces cinq périodes, on aurait ces
hausses-là.
M. de Belleval: Par année?
M. Bourbeau: En moyenne par année.
M. Forget: II faut donc additionner les deux taux. Pour faire un
rattrapage, étant donné que ce qu'on rattrape est
déjà 20% plus élevé, qu'il y a déjà
un écart de 20%, il faudrait combler l'écart de 20%, plus 19% par
année, plus l'inflation. On est dans un bon pourcentage. C'est ça
la fourchette, essentiellement.
M. Bourbeau: Nos chiffres sont basés sur le programme
énergétique national, mais on a jugé qu'on devait majorer
ces chiffres, parce que le programme énergétique national ne
donne pas les vrais chiffres d'augmentation.
M. de Belleval: Le député de Saint-Laurent dit
"plus l'inflation", c'est faux, les prix du programme énergétigue
national comprennent l'inflation, ce sont des augmentations brutes.
M. Bourbeau: Cela est compris dedans. M. de Belleval: Oui,
quand même!
M. Bourbeau: Je vais vous donner maintenant ce que l'on
prévoit ou ce que l'on prévoirait dans certains scénarios
avec des hausses de tarifs d'électricité comparé à
des hausses de tarifs de gaz et de pétrole et quels seraient nos prix en
1985.
Notre base de calcul est qu'en 1980 nous avons 100%; nous partons d'une
base de
100% pour tous les prix. L'électricité au
résidentiel, de 100%, en 1980, deviendrait 212%; on aurait doublé
le coût de l'électricité en 1985. Ceci devrait correspondre
à une augmentation de 14, 5% ou 13%, 13, 5% ou 14%. Au commercial, si en
1980 on a une base de 100%, le prix du commercial devrait être de 185%.
On n'a pas tout à fait doublé le prix du commercial. À
l'industriel, à partir de 100%, en 1980, on serait à 202%, en
1985. On aurait doublé le prix de l'industriel.
Voici pour l'électricité. Quant au...
M. Forget: Excusez-moi, c'est dans l'hypothèse
minimale?
M. Bourbeau: Ce sont des hypothèses qu'on a faites de
hausses de tarifs sur cette base de cinq ans, mais qui seraient des hausses de
tarifs considérant Hydro-Québec...
M. Forget: Des critères internes.
M. Bourbeau:... avec certains critères, comme on l'a
énoncé ici. On ne voudrait pas avoir un prix
d'électricité qui dépasse de beaucoup le pétrole,
etc.
Quant au gaz naturel, avec les hausses de tarifs que je vous ai
données et qui seraient de 16, 8%, à ce moment-là, si on
commence en 1980 à 100%, on arriverait à 197%, en 1985. On aurait
doublé à peu près.
Le pétrole no 2 - c'est l'huile à chauffage que vous
achetez - de 100%, en 1980, il arriverait à 252%, en 1985. Vous vous
apercevez à ce moment-là que c'est le prix le plus
élevé.
Quant au prix du mazout no 6 - c'est l'huile lourde, l'huile
utilisée par les industries pour les processus de chauffage -avec un
prix de base de 100%, en 1980, vous seriez rendu, en 1985, à 302%. Vous
auriez triplé le prix du pétrole.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais revenir sur
l'autofinancement d'Hydro-Québec tel qu'envisageable dans les
années qui viennent et cela est évidemment directement
relié aux tarifs, cela va de soi. Sans vouloir ici demander au
président d'Hydro-Québec quelque chose qu'il ne peut
évidemment pas nous fournir, puisque son conseil d'administration doit
examiner la tarification, considérons simplement le scénario dont
il nous faisait état tout à l'heure et qui impliquait des
paiements de dividendes pendant un certain nombre d'années. Je le prends
pour ce qu'il est ce scénario, sans plus, mais je constate que ce
scénario, à supposer qu'il n'y ait pas de dividende,
amènerait un accroissement considérable de l'autofinancement
d'Hydro calculé de la façon suivante, on prend simplement les
fonds internes totaux et on divise cela par les immobilisations à
faire.
Jusqu'à maintenant, disons au cours des cinq dernières
années, Hydro-Québec a toujours eu un pourcentage
d'autofinancement de ce type qui se promène entre 25% et 36%, selon les
années. Si on prend le scénario dont le président
d'Hydro-Québec faisait état tout à l'heure, une sorte de
projection de l'autofinancement jusqu'en 1985, mais sans paiement de dividende,
si je comprends bien - mais j'aimerais qu'il nous le confirme -
l'autofinancement d'Hydro, non seulement ne se baladerait plus entre 25% et
36%, mais il atteindrait plus de 60% en 1985. En fait, si mes calculs ne sont
pas faux, ce serait de l'ordre de près de 65%.
C'est évidemment un problème qui, sur le plan des
principes, est assez embêtant. Dans le discours du budget, je disais:
À un moment donné, on va payer les barrages "cash", même
s'ils durent 50 ou 60 ans.
Je comprends, d'autre part, que la projection de dividendes, tel qu'en
faisait état le président d'Hydro - mais j'aimerais encore qu'il
me le confirme - ramènerait, en 1985, le coefficient d'autofinancement
de 64% ou 65%, quelque part par là, à un peu plus de 39%,
près de 40%, c'est-à-dire à un niveau qui resterait
supérieur à celui que nous avons connu au cours des cinq
dernières années.
Je comprends qu'à Hydro-Québec, il arrive cependant qu'on
calcule l'autofinancement en soustrayant des fonds internes les remboursements.
Je suis conscient de la discussion qu'il y a à ce sujet.
Évidemment, plus la dette devient courte, plus cette façon de
calculer devient une espèce de carcan incroyable, surtout dans la mesure
où on émet des extensibles -à l'heure actuelle beaucoup
d'extensibles - à trois ans fermes et douze ans d'extensibilité,
qui comprend la première date de remboursement comme étant celle
qu'on met dans la formule de calcul; cette adaptation de la formule
d'autofinancement crée, entre le ministère des Finances et Hydro,
certaines difficultés.
J'en reste donc à la première formule d'autofinancement,
celle qui consiste à rapporter les fonds internes
générés d'Hydro, et les immobilisations. Et là,
j'aimerais simplement qu'on me confirme que le genre de calcul que nous avons
pu faire, sur la base des derniers scénarios d'Hydro - parce que je dois
dire qu'ils nous sont entrés il y a très peu de temps -
correspond vraiment à la réalité. Je résume.
Après dividende, en 1985, le coefficient d'autofinancement restera
supérieur à celui qu'on a connu au cours des cinq
dernières années.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Si on prenait la méthode de calcul que
préconise le ministre des Finances, il est vrai qu'on arriverait, en
1985, à un taux de 64%. Si on prend la méthode utilisée
à Hydro-Québec, pour calculer ce même ratio, on arriverait,
en 1985, à un ratio de moins trois pour cent. On voit la
différence entre nos deux méthodes de calcul.
M. Fortier: Je comprends pourquoi vous ne vous entendez pas.
M. Bourbeau: Je pense que c'est une question de méthode de
calcul pour être capable d'arriver à déterminer un
pourcentage, quel est le rapport du dividende sur le revenu net.
M. Parizeau: Je voudrais seulement ajouter un commentaire, M. le
Président. J'espère qu'Hydro ne commencera pas à mettre
dans sa dette trop de dettes à six mois ou à neuf mois, car
là, cela deviendrait complètement tragique comme situation.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je vais poursuivre le propos du député
de L'Assomption au sujet de l'autofinancement. Effectivement, dans le rapport
d'Hydro-Québec durant ces dernières années, on fait
état d'un autofinancement de l'ordre de 25% ou 25, 3%, je crois. (12 h
15)
Par ailleurs, selon une des pratiques au Canada, on fait état,
à la note 6, de la dette à long terme qui, si on appliquait le
taux de change du 31 décembre, serait de l'ordre de 13 000 000 000 $ au
lieu de 12 000 000 000 $. Ma première question serait, bien sûr:
Quelle serait la dette à long terme si on appliquait le taux de change
applicable à la fin de juillet? Ce serait intéressant de le
savoir.
Par ailleurs, je me suis intéressé à ce sujet et
j'ai fait faire une étude où, justement, je me posais la question
suivante: La pratique d'Hydro-Québec était-elle la meilleure
pratique ou la pratique la plus raisonnable et, de fait, il y a quatre
méthodes, M. le Président. Je n'en ferai pas état ici sur
le long et sur le large. Il y a la méthode des postes à court et
à long terme, la méthode des espèces, des quasi-
espèces, la méthode des cours à la fermeture et la
méthode temporelle. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'aux
États-Unis, de façon générale, on applique la
méthode des cours à la fermeture. Ce qu'il faut également
retenir, c'est que l'Institut des comptables agréés du Canada
avait, il y a un an ou deux, émis certaines directives qui ont
été rappelées, compte tenu du fait qu'aux
États-Unis il y a certaines discussions à ce sujet, mais il
semblerait que malgré tout ce va-et-vient dans les discussions entre les
experts, de toute évidence, la méthode qui sera choisie dans
l'avenir s'éloignera assurément de la méthode historigue
suivie par Hydro-Québec.
J'ai ici une petite étude qui fait état d'un rapport de
Price Waterhouse, justement, qui indique que la méthode historique
suivie par Hydro-Québec est réellement une méthode en
perte de vitesse, tout à fait complète. J'aimerais avoir les
commentaires d'Hydro-Québec là-dessus parce que si,
effectivement, à l'avenir, dans un an ou deux, Hydro-Québec
était forcée de changer sa méthode de comptabilité
pour passer à une autre méthode, que ce soit la méthode
des cours à la fermeture ou la méthode temporelle qui, elle,
amortit la différence qui pourrait survenir sur une période
d'années X, compte tenu des obligations et tout cela, on serait dans une
situation où la dette serait peut-être de 13 000 000 000 $ ou un
peu moins et où l'avoir des actionnaires ne serait pas de 4 300 000 000
$, mais de 3 300 000 000 $ ou un peu plus. On serait aussi devant une situation
où l'autofinancement ne serait pas de 25%, mais de l'ordre de 18%, ou
quelque part entre 18% et 25%. J'aimerais savoir si Hydro-Québec a des
commentaires à faire là-dessus.
L'autre question que j'aimerais poser -je suis sûr que M. Lafond
serait capable d'y répondre - c'est celle-ci: Lorsque
Hydro-Québec va aux États-Unis pour emprunter, sachant que les
Américains adoptent la méthode des cours à la fermeture,
regardent-ils les états financiers d'Hydro-Québec en utilisant la
méthode américaine ou s'ils sont satisfaits des 25% dans la loi?
La loi dit très bien que le conseil d'administration a toute
autorité dans l'avenir pour modifier la méthode comptable, s'il y
a lieu, mais ce qui m'importe ici dans le moment, c'est quel pourrait
être l'impact dans l'avenir d'un changement de méthode de
comptabilité qui pourrait avoir des effets considérables compte
tenu de la faiblesse du dollar et des intérêts très
élevés qui ont cours présentement.
M. Bourbeau: Je vais demander à M. Lafond, le
vice-président aux finances, de venir répondre à cette
question.
M. Lafond (Georges): M. le Président, il est exact qu'il y
a quatre méthodes qu'il est possible d'utiliser en fin d'exercice pour
traduire la valeur des actifs et des éléments de passif qui ont
été encourus en devises étrangères.
Dans le cas d'Hydro-Québec, nous suivons la méthode
communément utilisée par les utilités canadiennes et les
électriciens du Canada et la majorité aussi des entreprises
commerciales et industrielles. Cette méthode consiste à convertir
en fin d'exercice au 31
décembre les postes d'actif à court terme comme les postes
de passif à court terme au taux courant et à conserver au taux
historique, c'est-à-dire au taux d'échange prévalant au
moment où la dette a été encourue, la partie de la dette
à long terme d'Hydro-Québec encourue en devises
étrangères. C'est une méthode connue qui permet à
nos vérificateurs externes qui doivent certifier nos états
financiers de déclarer que les états d'Hydro-Québec sont
présentés conformément aux principes comptables
qénéralement reconnus.
Pour Hydro-Québec, dont 75% des actifs sont financés par
voie de dettes en date du 31 décembre, étant donné que le
rapport dette-équité est de 25%/75%, il est évident que ce
certificat des vérificateurs externes indépendants est
extrêmement important et c'est, je pense, ce qu'a reconnu le gouvernement
en mettant dans le projet de loi que les critères qui seront
utilisés à l'avenir, pour fins de détermination de
dividendes possibles et surplus disponibles, reconnaîtront la
présentation des états financiers d'Hydro-Québec selon les
principes comptables généralement reconnus.
Il est aussi évident que, dans le temps, la pratique pourra
évoluer. Il y a beaucoup d'incertitude à ce sujet-là
présentement. Aux États-Unis, l'Institut des comptables a
opté il y a trois ans environ pour recommander un traitement
radicalement différent et qui a créé tellement de
problèmes que cette recommandation est présentement
suspendue.
L'Institut canadien des comptables agréés n'a pas
arrêté sa décision, à l'heure actuelle, mais nous
devrons dans le temps, plus tard éventuellement, suivre les principes
comptables qui seront imposés par l'Institut canadien des comptables. Si
une méthode radicalement différente était imposée
à Hydro-Québec, elle sera imposée aussi aux autres
électriciens canadiens et, dans le cas d'Hydro-Québec, ce qui
serait survenu au 31 décembre 1980, et ceci répond, je pense,
à la question de M. Fortier, aurait eu pour résultat non pas de
réduire l'équité d'Hydro-Québec de 4 500 000 000 $
à 3 500 000 000 $, mais d'augmenter plutôt la dette
d'Hydro-Québec de 12 500 000 000 $ à 13 500 000 000 $ ou 13 600
000 000 $, revisant évidemment à la baisse le rapport
dette-équité qui est présentement de 25%/75%, le ramenant
à quelque chose d'inférieur. Mais tant et aussi longtemps que
nous serons jugés sur nos états financiers et que nos
états financiers devront recevoir l'assentiment et le certificat des
vérificateurs, nous serons tenus de suivre ces
règles-là.
Pour répondre à la deuxième partie de la question,
nous pouvons, comme les autres électriciens canadiens lorsque nous nous
présentons sur le marché américain et les autres
marchés financiers, utiliser les états financiers tels que
préparés au Canada selon les principes comptables
généralement reconnus au Canada. Cependant, dans le cas des
États-Unis, on nous demande, dans une note aux états financiers,
d'indiquer quel aurait été l'impact sur les revenus nets de
l'entreprise si la méthode américaine qui est draconienne, la
plus forte, qui a été en vigueur durant trois ans, avait
été utilisée et suivie et si cette
méthode-là avait été la même au Canada.
M. Fortier: Ce changement de comptabilité pourra survenir
d'ici un ou deux ans effectivement - personne ne le sait -mais la question se
pose par rapport aux prêteurs américains, à ce qu'on a dit.
Il semblerait que le ministre des Finances avait dit, dans une
conférence de presse: Bien sûr, on a mis dans la loi certains
ratios, comme 25% de l'équité possible, c'est un ratio
acceptable. Ces 25%, dans l'esprit des prêteurs américains, est-ce
qu'ils sont satisfaits de la façon que vous le présentez dans vos
états financiers ou s'ils font la conversion par rapport à la
méthode américaine?
M. Lafond: La comparaison que la Commission américaine des
valeurs mobilières impose au point de vue des renseignements à
fournir est mesurée surtout en fonction des revenus nets de
l'entreprise, beaucoup plus qu'en fonction de son rapport
dette-équité, à ce stade-ci. D'ailleurs, la
méthode, je pense, qui est suivie par Hydro-Québec permet de
refléter dans les coûts d'opération les pertes de change ou
les coûts additionnels qui résultent de la faiblesse du dollar
canadien. La méthode actuelle suivie permet de refléter ces
coûts annuellement, le plus possible, au fur et à mesure qu'ils
sont encourus. C'est pour cela que, dans le cas d'Hydro-Québec qui a une
teneur assez élevée en devises étrangères dans sa
dette comme dans le cas des autres électriciens canadiens, cette
méthode est favorisée. Toute autre méthode qui essaierait
d'anticiper de quelle façon le coût éventuel à
l'échéance de ces dettes aura un impact sur les coûts
d'opération crée des problèmes assez sérieux parce
que, d'une part, on ne peut pas transférer ces coûts aux
abonnés ou aux utilisateurs à cause de la contrainte des tarifs
qui vient tous les douze mois. Il n'y a pas de phénomène
d'indexation automatique.
D'ailleurs, cela devient un élément de spéculation
et c'est un secret de polichinelle que de consulter le prospectus
d'Hydro-Québec et de voir que, si la méthode américaine
avait été utilisée, les revenus d'Hydro-Québec, de
façon artificielle, purement par des entrées comptables, auraient
évolué dans les deux sens, un peu comme un yo-yo, au cours des
cinq dernières années. Pour l'année 1977, par exemple,
les
revenus nets d'Hydro-Québec auraient été
diminués de 500 000 000 $ tandis que, pour l'année 1979, ils
auraient été augmentés de 227 000 000 $ et ça
strictement par des entrées comptables. C'est une chose que nous n'avons
pas jugé opportun de recommander à l'administration et ce
raisonnement est suivi et accepté non seulement par les
vérificateurs externes d'Hydro-Québec, mais aussi par l'institut
au Canada.
M. Fortier: Juste un suivi là-dessus, s'il vous
plaît. Ce que vous me dites, M. le vice-président aux finances,
c'est que le critère de 25% qui est dans la loi et que les qens
utilisent de façon générale n'est pas un critère
déterminant en soi. Il reste que dans la loi on dit: Autofinancement
25%, couverture des intérêts de 1 et, bien sûr, dans le
passé cela a été plus élevé que cela. C'est
donc dire que ces critères ne sont pas magiques pour satisfaire les
prêteurs et qu'il y a d'autres considérations beaucoup plus
importantes. Là il y a un jugement financier à porter. J'imagine
que c'est la raison qui vous mène à demander que le conseil
d'administration fasse des recommandations qui origineraient de lui-même
pour justement porter un jugement financier parce que la loi est très
mathématique. La loi dit: Deux critères à satisfaire et,
au-delà de ces deux critères, 75% du surplus. Si c'était
appliqué mathématiquement, cela pourrait ne pas satisfaire les
exigences financières comme telles. C'est donc dire qu'il y a une
certaine difficulté à définir ce qu'est une saine gestion
financière d'Hydro-Québec. On ne peut pas la définir
uniquement avec deux critères.
M. Lafond: D'abord, je voudrais corriger une impression. Vous
dites, M. le député d'Outremont, que c'est le conseil
d'administration qui a demandé la permission de faire des
recommandations au gouvernement, laissant au gouvernement la décision
finale. Je ne suis pas partie de cette histoire. Deuxièmement, les
critères de 25%/75% guant à l'équité tels
qu'énoncés dans la loi et, d'autre part, le critère de
couverture des intérêts de 1 sont, je pense, des balises minimales
qui sont offertes pour rassurer les prêteurs. Cela, dans un contexte
où on peut très bien dire qu'Hydro-Québec, d'accord, c'est
une entreprise de grande taille. Selon le classement du Financial Post, depuis
trois ans, Hydro-Québec est la plus grosse entreprise au Canada en
termes d'actifs et de revenus nets. On voyait dernièrement, selon le
classement du Canadian Business qui range les grandes compagnies de la couronne
canadiennes, qu'Hydro-Québec est devenue pour la première
année la première entreprise en termes d'actifs et a
précédé la Banque du Canada.
(12 h 30)
En dépit de sa taille, en dépit de son importance, en
dépit de sa rentabilité, tout n'est pas permis à
Hydro-Québec. Justement à cause de l'ampleur des sommes, d'une
part, que représentent les programmes d'immobilisation et, d'autre part,
les besoins d'emprunt, Hydro-Québec doit avoir une saine position
financière. Là interviennent des juqements de valeur. Il n'y a
rien de magique ou de mathématique, mais il y a des jugements de valeur
qui doivent être exercés quant aux garanties à offrir,
quant à l'assurance qu'on doit donner à ceux qui font confiance
à Hydro-Québec et à sa rentabilité
éventuelle et, d'autre part, quant à sa capacité
d'emprunt. C'est dans ce contexte qu'il faut arriver à un moment
donné, surtout lorsqu'il s'agit de rédiger un projet de loi,
à des pourcentages qui doivent être exprimés et
précisés. Mais dans le temps il est évident que, lorsque
les marchés financiers deviennent plus difficiles, lorsque la
volatilité est plus grande, lorsque l'incertitude est très
rapprochée de nous, il faut plus de flexibilité.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je vais continuer avec quelques questions, M.
Lafond, qui vont toujours dans le même sens que ce qui vient d'être
dit. Nous nous entendons, M. Lafond, sur l'interprétation de l'article
15. 2, c'est-à-dire que le taux de capitalisation minimum de 25% est
basé sur les principes comptables généralement reconnus;
on le calcule sur cette base. Advenant que ces principes comptables
généralement reconnus soient modifiés, la base de calcul
du 25% changera aussi, automatiquement, en vertu de la loi. On s'entend bien
là-dessus?
M. Lafond: Oui.
M. Parizeau: Bon. Si dans deux ans, dans trois ans, dans quatre
ans les principes généralement reconnus étaient
changés, la base de calcul du 25% tel qu'imposée dans la loi
changerait automatiquement. Le gouvernement n'a pas besoin de revenir en
disant: On va recalculer ça autrement. Cela, c'est important parce que
je comprends qu'il y a plusieurs façons, à l'heure actuelle, de
calculer les pairs de change et de les incorporer dans les états
financiers. Mais ce n'est pas par hasard que la formule, dans la loi, a
été mise selon les principes comptables
généralement reconnus, c'est pour permettre une adaptation
automatique.
Je reviens sur les deux positions qui sont inscrites dans la loi pour la
première fois - d'ailleurs, ça n'existait pas avant -d'un taux de
capitalisation minimum de 25% et d'une couverture des intérêts de
1. Est-ce
que je me trompe en suggérant qu'il n'y a pas de loi, au Canada,
d'autres compagnies d'hydroélectricité qui comportent des
garanties écrites comme celles-là? Deuxièmement, est-ce
que, en pratique, il n'y a pas un certain nombre de compagnies
d'hydroélectricité au Canada qui tombent assez souvent en dessous
de ces positions?
M. Lafond: À ma connaissance, M. le Président, il
n'y a pas d'entreprise de la couronne où les ratios en question sont
définis de façon aussi précise, sauf peut-être une
tentative dans ce sens qui a été ébauchée en
Colombie britannique, mais reste à voir quel sera l'aboutissement de
leur travail. Je serais embarrassé si vous me demandiez, en toute
honnêteté, d'être plus précis sur cet effort. D'autre
part, il est exact de dire que les ratios financiers d'Hydro-Québec sont
les meilleurs. Par ailleurs, je pense aussi qu'il est important de dire que
c'est un peu une nécessité compte tenu, encore une fois, de la
taille de l'entreprise et des besoins de l'entreprise.
M. de Belleval: Une question supplémentaire
là-dessus.
M. Bourbeau:...
M. de Belleval: Excusez, M. Bourbeau.
M. Bourbeau: Est-ce que je pourrais ajouter...
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: J'ai les chiffres d'Hydro-Ontario sur ces ratios.
À Hydro-Ontario, la couverture d'intérêt en 1980,
était de 0, 96 et non pas de 1; donc légèrement en bas de
1. Quant au taux de capitalisation à HydroOntario, en 1980, son taux
était de 15, 4% et non pas de 25%.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Dans le contexte de l'échange entre le
ministre des Finances et M. Lafond, si je comprends bien, compte tenu de ces
nouvelles dispositions qui seront maintenant dans la Loi sur
l'Hydro-Québec, à savoir le taux de capitalisation qui doit
être d'au moins 25%, les principes comptables généralement
reconnus, etc., compte tenu des autres facteurs, aussi, dont vous avez
parlé tout à l'heure, il n'en reste pas moins que, de ce seul
point de vue, la loi se trouve à donner des assurances additionnelles
aux gens qui nous prêtent de l'argent par rapport à la situation
antérieure. Actuellement, rien ne leur garantit que nous allons avoir un
taux de capitalisation d'au moins 25%, tandis que, maintenant, avec cette loi,
ils vont avoir cette garantie dans la loi.
M. Lafond: Voici, sans être avocat...
M. de Belleval: De ce point de vue purement... de ce strict point
de vue, c'est une amélioration.
M. Lafond: Je voudrais simplement préciser ce qu'est ma
perception de la loi. Elle dit que le montant du dividende ne diminuera pas le
ratio en bas de 25%/75%, ni la couverture en bas de 1. Mais c'est strictement
une nuance, et cela a été soulevé, on a posé la
question. Il n'y a rien qui garantisse dans loi qu'advenant un désastre
majeur, que ce soit à la suite de problèmes sur les
marchés financiers ou une catastrophe physique, un tremblement de terre
ou autre chose, rien dans la loi ne prévoit que les ratios seront
restaurés automatiquement par voie de hausse de tarifs, de subsisdes ou
des choses comme ça. Il n'y a rien qui prévoit ça. On dit
qu'on va essayer de l'observer.
Autrefois, on avait toujours dit qu'on visait 1, 25 et un minimum de
20%/80% qui avait toujours été obtenu. Il n'est pas facile de se
placer dans la chaise du qérant de portefeuille, fût-il celui qui
est responsable de la caisse d'un État américain ou d'une caisse
de retraite de fonctionnaires, en tout cas, toute espèce d'investisseur
dans une compagnie d'assurance; il n'est pas facile de se placer dans sa chaise
et de prévoir sa réaction. Il juge un crédit comme un
crédit, avec son évolution, etc.
M. de Belleval: Autrefois, il le jugeait en fonction de tous ces
facteurs dont vous parlez et en même temps de la pratique
généralement suivie par Hydro-Québec, historiquement, qui
va continuer à le faire, sauf que, maintenant, il y aura une garantie
supplémentaire, dans un texte écrit, à savoir que ces taux
de couverture seront respectés. Ce ne sera pas simplement la tradition
ou des pratiques généralement suivies, ce sera une
décision gouvernementale inscrite dans une loi. De ce point de vue,
c'est une amélioration, de ce strict point de vue.
M. Lafond: Je dirais, M. le Président, que vous pouvez
compter sur les responsables d'Hydro-Québec pour faire valoir le
crédit d'Hydro-Québec, comme ils l'ont toujours fait dans le
passé et donner le plus d'importance possible aux valeurs fondamentales
d'une entreprise qui consistent principalement, dans sa capacité de
production 99% hydroélectrique et dans l'assurance que tout le monde a
que les rivières, au Québec, vont continuer à couler dans
la même direction.
Le Président (M. Boucher): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je pense à ce
moment-ci, parce que ça fait plusieurs minutes qu'on passe, à
juste titre d'ailleurs, sur les problèmes des conventions comptables,
qu'il est important de ne pas perdre de vue le sens de l'opération et la
raison pour laquelle ces problèmes sont abordés aujourd'hui. Il y
a un élément nouveau dans le tableau, c'est que, contrairement au
passé, le gouvernement veut désormais percevoir des dividendes et
il prévoit dans la loi une certaine méthode de calcul pour
dégaqer un revenu net disponible pour distribution. C'est à ce
moment-là que les conventions comptables acquièrent leur
pertinence, parce que c'est à partir des conventions comptables qu'il va
y avoir un surplus à distribuer ou qu'il n'y en aura pas.
Si, dans le passé, on a pu adopter visa-vis de ça une
certaine attitude, elle était nécessairement conditionnée
par le fait qu'il ne s'agissait pas, de toute manière, de payer des
dividendes, il s'agissait d'établir la tarification, il s'agissait de
vendre des obligations aux investisseurs, mais il ne s'agissait pas de
dégager un surplus à verser au gouvernement. En même temps
que le gouvernement change le contexte en disant: Voici, désormais, vous
nous paierez un dividende calculé de telle et telle façon, et,
assez curieusement, il le pose dans un contexte qui est différent de
toute l'histoire financière d'Hydro-Québec de la manière
suivante. La plupart des années pendant lesquelles ont été
établies ces traditions d'Hydro-Québec, le Canada a vécu
avec un taux de change fixe. Cela s'adresse à l'une des conventions
comptables dont on parlait tout à l'heure. Jusqu'en 1971, il y a eu
quand même une politique canadienne de taux de change fixe, n'est-ce
pas?
M. Parizeau: Non, pas du tout, un taux flottant depuis 1961.
M. Forget: C'est cela, depuis 1971. M. Parizeau: 1961, le
"Diefen dollar".
M. Forget: II y a eu quand même, M. le Président, on
ne se disputera pas sur les dates, il y a eu malgré tout un passé
- le ministre des Finances le sait très bien - où la fluctuation
des taux de change était... Bien sûr, il y a eu des
périodes de fluctuation. Je ne veux pas retourner jusgue dans les
années trente. Il demeure qu'il y a eu des périodes de
fluctuation, il y a eu de longues périodes de taux de change fixe
auxquelles ont succédé des taux variables et auxquelles ont
succédé plus récemment non seulement un changement de
régime, mais effectivement des variations considérables. Cela
fait partie du contexte.
Il y a eu également dans toute l'histoire d'Hydro-Québec
jusqu'à il y a quelques années des taux d'intérêt
essentiellement beaucoup plus bas que ceux auxquels on assiste actuellement et
non seulement des taux plus bas mais également des pratiques qui
faisaient en sorte qu'on pouvait effectivement emprunter pour des
périodes de dix ans, de vingt ans et même de trente ans.
Le ministre des Finances nous a dit tout à l'heure que c'est
essentiellement parce que ces traditions ont été établies
à une période où les variations de change n'étaient
pas majeures et ont été établies largement dans une
période où les emprunts à long terme étaient
pratique courante; il n'est pas évident pour le ministre des Finances
qu'on devrait être alerté à un contexte différent et
peut-être adopter des règles de beaucoup plus grande prudence.
Parce que c'est un fait, ce n'est pas une convention comptable, les
investisseurs ne prêtent plus pour vingt ans. Je voudrais bien que ce
soit toujours le cas, on serait tous très heureux, mais le fait est
qu'ils ne prêtent plus pour de très longues
échéances. Dans un contexte où on détermine dans
une loi quel est le surplus disponible pour fins de distribution, où on
détermine dans une loi un ratio de couverture des intérêts
qui est de 100% plutôt que de 125%, ou de 1, 25 plutôt que de 1, on
a là une espèce de défaut d'adaptation à un
contexte qui est décidément très nouveau, à la fois
pour Hydro-Québec vis-à-vis des marchés financiers et pour
Hydro-Québec vis-à-vis du gouvernement.
Au moment où les taux d'intérêt deviennent
élevés et les échéances courtes pour les emprunts,
au moment où il semble que les risques sur le taux de change soient plus
considérables qu'ils ne l'ont jamais été, depuis trente
ans, on n'a pas vu souvent le dollar - surtout depuis quelques années
-modifié par rapport à la devise américaine comme il a
été cette année, on a donc des facteurs de risques plus
qrands que jamais et, pour la première fois, on va définir dans
une loi ce qui est disponible pour la distribution. Cela va au-delà des
pratiques comptables. Ce sur quoi nous avons essayé d'attirer
l'attention, c'est à la fois sur la question des risques au titre des
devises étrangères et la différence de calcul à
laquelle il a été fait allusion entre les revenus nets des
remboursements et la méthode favorisée par le ministère
des Finances; il y a un immense écart. Le moins auquel on pourrait
s'attendre, c'est qu'au lieu de diminuer le ratio de couverture dans un
contexte comme celui-là de 1, 25 à 1, on l'accroisse pour faire
face à une conjoncture qui est décidément beaucoup plus
risquée.
Or, c'est l'inverse. Le gouvernement agit à ce moment-ci dans le
sens inverse de
ce qu'une réaction prudente dicterait. Les risques semblent
accrus, évidemment, on veut dégager un surplus pour fins de
distribution, donc on a tout intérêt à minimiser ces
risques et à réduire le ratio. C'est un geste qui, en soi, tourne
le dos au contexte nouveau quand on le compare à la longue histoire
d'Hydro-Québec. (12 h 45)
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, puisque le
député de Saint-Laurent est sorti un peu du contexte de
l'interrogatoire d'Hydro, je me permettrai de lui répondre. Je pense que
c'est une illusion d'optique, sur le plan historique, absolument prodigieuse
que de s'imaginer que nous avons vécu dans un univers de taux de change
calme, fixe et bougeant fort peu et que tout à coup, depuis quelques
années, il faudrait apprendre à vivre dangereusement. On a
toujours vécu dangereusement. Les journaux nous rappellent - surtout la
semaine dernière et l'autre semaine avant - qu'on s'approchait de
très près du taux de chanqe qu'on a connu dans les années
trente. Ce n'était pas à cause de la crise, comme on le dit
souvent, c'est parce que la livre sterling avait décroché, par
rapport au dollar américain, de 35% et que le dollar canadien a
filé entre les deux. Ceux qui se souviennent de cette époque en
ont gardé des souvenirs émus.
On a connu ensuite des variations de taux de change, quand on
était au taux de change fixe, entre moins 10% et plus 10%. Et le
gouvernement canadien y allait fort, moins 10% qui était remplacé
par zéro et qui passait à plus 10% après et qui revenait.
Un effondrement récent du dollar canadien qui serait surprenant par
rapport au passé. On ne se souvient pas de la crise de change sous
Diefenbaker, où le dollar canadien est tombé de 102 cents
à 92, 5 cents en l'espace de quelques semaines. On a la mémoire
vraiment courte. Je suis en train de faire vérifier cela. Le Canada a
une expérience du taux de change flottant qui est unique au monde. De
tous les pays industriels, le Canada a été le premier à
mettre au point la formule de taux de change flottant. Pendant que tous les
taux de chanqe étaient fixes ailleurs dans le monde, chez les pays
industriels, il y en avait un où cela flottait. Il n'y en avait qu'un,
c'était le Canada.
La flottaison, nous, on connaît cela. Sauf erreur,
Hydro-Québec, tel qu'on la connaît à l'heure actuelle,
c'est-à-dire depuis les nationalisations - sauf erreur, encore une fois,
je vais vérifier - a toujours vécu sous un régime de taux
de change flottant. Je pense qu'il n'est jamais arrivé que vous ayez un
taux de change fixe.
Il ne faudrait pas maintenant commencer tout à coup à
découvrir le monde. Le taux de change canadien a passé par toute
une série de fluctuations, de crises, de modifications de taux de
change. Il n'y a rien dans ce qui se présente à l'heure actuelle
de particulièrement nouveau.
Quant à savoir ce qui va arriver dans l'avenir au taux de change
du dollar canadien, il faudrait faire attention ici de ne pas essayer de jouer
à Dieu. Est-ce que vous vous rappelez qu'en 1976 le dollar canadien
était à 103 cents? Cela fait juste cinq ans de cela. Il
paraît même que c'est nous qui l'avions fait baisser en arrivant au
pouvoir. Ceux qui savent un peu plus savent que ce n'est pas vrai. On
était à 103 cents et on se désolait quant aux
inconvénients que cela présentait pour l'économie
canadienne d'avoir un taux de change à 103. Chercher aujourd'hui
à savoir ce que, dans quatre ou cinq ans, va être le taux de
change, quelles vont être ces pertes de change pour des emprunts en
devises étranqères qui viendraient à
échéance dans trois, quatre ou cinq ans, j'imagine que les gens
d'Hydro-Québec ne le savent pas plus que moi. Moi aussi, comme ministre
des Finances, j'ai des emprunts en devises étrangères et,
franchement, je n'ai pas la moindre idée de ce que cela va être
dans trois, quatre ou cinq ans au moment du remboursement. Personne ne le
sait.
M. Forget: II y a un risque.
M. Parizeau: J'entends le député de Saint-Laurent
dire: II y a un risque. Mais la vie est pleine de risques! Cela n'existe pas
autrement.
M. Forget: C'est cela.
M. Parizeau: Dans ce sens, ce que la loi fait, c'est, pour la
première fois, justement, chercher à réduire les risques
en mettant dans la loi des coefficients minimums qui jamais n'existaient avant.
Premièrement, on a toujours vécu dans une situation de risques
et, deuxièmement, là, s'il y a une chose que la loi cherche
à faire, c'est justement, peut-être, essayer de les réduire
un peu sans se faire d'illusions d'ailleurs. On ne réduira jamais les
risques complètement. Ce n'est pas possible.
Je veux seulement terminer par un mot là-dessus. On comprend
alors l'extraordinaire prudence des organismes de comptables quant à la
modification des formules comptables elles-mêmes. Quand on regarde ce qui
s'est passé aux États-Unis et au Canada - je pense que c'est M.
Lafond qui en a fait état à un moment donné - dans les
recommandations de groupes de comptables, la façon dont ils ont
amené certaines propositions et les ont retirées ensuite voyant
quelles conséquences c'était susceptible d'avoir, on constate
très bien que
tout ce qu'on peut mettre dans la loi, ce sont les pratiques
généralement reconnues et faire en sorte que les 25% s'adaptent
automatiquement si jamais l'unanimité des comptables se faisait ou enfin
un assez large consensus sur autre chose. Dans ce sens, je pense que
c'était la seule position raisonnable à prendre dans la loi et je
suis heureux qu'on l'ait prise, grâce, d'ailleurs, à l'aide des
gens d'Hydro-Québec qui nous ont fait un certain nombre de suggestions
utiles, justement, sur le plan de l'introduction des méthodes comptables
dans le texte de loi.
M. Forqet: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget:... le ministre des Finances nous dit qu'il inscrit
dans la loi des ratios qui n'existaient pas auparavant.
M. Parizeau: Dans la loi.
M. Forget: Je ne sais pas où il a pris la notion qu'ils
n'existaient pas, parce qu'ils existaient. On en a fait état à de
nombreuses reprises en commission parlementaire. Hydro-Québec en a fait
état. Je cite même ici une étude de Kidder, Peabody - une
entreprise que connaît bien le ministre des Finances; il l'a connue
davantage depuis, d'ailleurs - qui est datée de 1977 et qui
énumère, justement, quels sont les éléments
principaux de la politique financière d'Hydro-Québec à
cette date. On cite une base de capitalisation de pas moins de 20% - il a
d'ailleurs cité cette chose tout à l'heure, à moins que ce
ne soit M. Lafond - et une couverture des intérêts de 1, 25. On
ajoute en italique à la fin une chose qui n'est pas sans importance:
"Premier Lévesque and Minister of Energy Joron have reaffirmed their
government's continued support of this financial policy of HydroQuébec.
"
Tout ce que l'on fait en le mettant dans la loi - et M. Lafond l'a
indiqué tout à l'heure - c'est qu'on ne donne pas une garantie
additionnelle. On ne fait que réaffirmer dans la loi que c'est bien
là la politique financière qui est suivie par HydroQuébec
et qui est approuvée par le gouvernement, mais il n'y a aucun
remède dans la loi si jamais on s'en écarte. Je pense que ce
serait peut-être, d'ailleurs, difficile d'imaginer un remède
à moins de dire que, d'office, toute personne peut demander aux
tribunaux de hausser les tarifs pour que le ratio soit respecté ou
quelque chose du genre. C'est assez invraisemblable.
Donc, on dit tout simplement, qu'on ne fait que réaffirmer ce qui
a toujours été affirmé, en le changeant à un seul
égard, en diminuant de 1, 25 à 1 la couverture des
intérêts, à une période où je veux bien, que
le ministre des Finances ne joue pas à Dieu le père et ne
prédise pas pour l'avenir l'évolution du taux de change canadien.
Il reste qu'il est bien forcé de le prédire d'une certaine
façon en supposant qu'il ne changera pas. Il ne peut pas faire autrement
que de faire une prédiction dans un sens ou dans un autre. Si on fait la
prédiction, au moins pour les états financiers, qu'il ne changera
pas, on doit bien être conscient par ailleurs qu'il y a un risque qu'il
change. Comme il a dû justement retourner en 1931 pour observer les taux
de change qui étaient pratiqués il y a quelgues jours encore avec
le dollar américain, on montre bien qu'on est dans une période
où on sait que ça peut changer et que ça peut changer dans
une direction et assez loin. Quand il faut retourner 50 ans en arrière
pour retrouver des expériences analogues, je pense que ça
démontre qu'on vit dans une période qui est quand même un
tant soit peu différente de ce qu'on a vécu à d'autres
périodes plus récentes.
Donc, il y a un risque, et ce risque-là va s'actualiser d'autant
plus facilement que les périodes pour lesquelles on emprunte sont plus
courtes. La différence, dans le fond, entre les méthodes
comptables est de moins en moins importante. Tout ce qu'on sait c'est que le
risque est grand, qu'il peut s'actualiser n'importe quand et qu'on a donc tout
intérêt normalement à maintenir le ratio là
où il était plutôt qu'à le diminuer.
Certainement, dans tout ce qu'a dit le ministre des Finances, M. le
Président, il n'a cité aucune raison pour laquelle il serait tout
à coup devenu opportun de diminuer de 1, 25 à 1 la couverture des
intérêts. Aucune raison si ce n'est d'autres qu'il n'a pas
mentionnées à l'effet qu'en donnant 1, 25 la possibilité
d'aller chercher des dividendes est d'autant diminuée.
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais ajouter quelques
mots.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: On conviendra que le fait de donner des garanties
minimales pour la première fois dans la loi n'enlève tout de
même pas quoi que ce soit, ça ajoute. Au fond, ce que le
député de Saint-Laurent me dit c'est qu'avant,
Hydro-Québec avait sur le plan des marchés financiers une
ceinture et des bretelles. J'en conviens volontiers, c'est pour ça que
le pantalon tenait. Bon! Là, on a décidé de mettre dans la
loi que la ceinture et les bretelles sont obligatoires. Je ne vois pas en quoi
ça enlève.
Quant à déterminer que le taux de couverture minimum est
de 1, reconnaissons encore une fois simplement ce que M. Bourbeau confirmait
tout à l'heure, c'est
qu'il y a toute une série de compagnies
d'hydroélectricité au Canada qui sont tombées largement en
bas de 1, 25, largement en bas de 1. Je me souviens d'avoir vu 0, 69 à
un moment donné, chez une compagnie d'hydroélectricité, je
ne sais plus exactement laquelle au Canada; donc, mettre un minimum d'emploi
par rapport aux pratiques suivies par d'autres, c'est très bien.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je m'adresse cette fois-ci à M. Lafond ou
à M. Bourbeau. Il serait intéressant de savoir ce
qu'Hydro-Québec pense justement de ce changement. Est-ce que, du point
de vue d'Hydro-Québec, du point de vue de ses relations avec les milieux
financiers, il vaut mieux avoir dans la loi 20%, 25% de capitalisation et 1 de
couverture d'intérêt ou d'avoir la politique traditionnelle qui
était de 1, 25 de couverture d'intérêt? Est-ce que le fait
qu'on a maintenant dans un texte de loi réaffirmé ce qui a
toujours été la politique d'Hydro-Québec, mais en la
diluant, en allongeant les bretelles, est-ce que c'est suffisamment
intéressant pour compenser l'effet de la diminution du ratio de 1, 25
à 1?
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Je vais commencer par tout juste une idée
bien générale et je vais passer la parole ensuite à M.
Lafond. Ce qu'il y a dans la loi, la couverture d'intérêt de 1 et
le taux de capitalisation de 25% sont pour moi des montants minimaux et, de
fait, on pourrait avoir des taux de capitalisation qui seraient plus
élevés que 25%. On pourrait aller à 25, 7%, 25, 8% comme
on le voit dans les deux années qui vont suivre. Ce sont des minimums
qui pourraient être respectés en ayant des chiffres plus
élevés que cela. Maintenant, pour votre deuxième question,
je pense que M. Lafond, qui connaît les marchés financiers sur le
bout de ses doigts, peut répondre relativement à ce qu'est la
vision de ces financiers en face d'un tel critère mis dans une loi.
M. Lafond: M. le Président, le taux de capitalisation
d'Hydro-Québec, n'est-ce pas, a fluctué au cours des
années; de 1971 à 1974, il était au-delà de 25%,
soit 25, 6%, 25, 7%, 26, 1%, 25, 9%. En 1975, 1976 et 1977, il est
évidemment descendu en bas de 25% pour une raison bien simple, c'est
qu'Hydro-Québec, à ce moment, a connu une des plus fortes
croissances de ses programmes d'immobilisation avec le projet de la baie James,
ce qui a entraîné une accumulation de dette à un rythme
très rapide. Maintenant, en 1979, nous avions reqaqné le cap de
25, 1% et, à la fin de 1980, c'était 25, 7%. Il y avait là
un effort de positionnement d'Hydro-Québec qui voulait auqmenter son
ratio pour se préparer à la deuxième période
quinquennale 1985-1990, comme nous l'avons déjà exposé
précédemment en commission parlementaire.
Encore une fois, je ne voudrais pas qu'on se mette les pieds dans le
ciment, sur le plan intellectuel, vis-à-vis de ces deux ratios. On a
pénétré pour la première fois sur le marché
"bulldog" en empruntant en livres sterling cette année. De ce
côté-là, ce ne sont pas des marchés qui se
préoccupent autant de ces ratios que le marché américain
ou le marché canadien. Il y a d'autres marchés, suisse, allemand,
pour lesquels les ratios ont moins d'importance.
Cependant, étant donné que le marché
américain est celui qui nous a approvisionnés dans le
passé pour une partie importante de la constitution de notre dette,
jusqu'à environ 50%, il est important de se préoccuper de ce
marché. Ce qui est difficile à faire comme exercice à ce
moment-ci, c'est de prévoir quelle sera éventuellement la
perception de ces choses. Je pourrais jouer au prophète de malheur, mais
je préfère essayer d'être optimiste. Si les bailleurs de
fonds ont des craintes vis-à-vis de la formule actuelle par rapport
à la formule antérieure, on verra à l'usage, et ils
pourront demander des garanties qui seront incorporées dans les
obligations plutôt que d'être incorporées dans une loi. Ce
sont là des choses qu'il reste à voir. Par contre, à ce
jour, ils font leurs comparaisons à leur façon, ce sont leurs
décisions de placement qu'il faut respecter. Ce n'est pas ce qu'on veut
qu'ils croient qui est important, c'est ce qu'ils croient vraiment; ce n'est
pas ce qu'on veut qu'ils pensent qui est important, c'est ce qu'ils pensent
vraiment. (13 heures)
En ce sens, il est vrai qu'avec les électriciens canadiens, les
comparaisons d'Hydro-Québec, financièrement, sont excellentes et
Hydro-Québec représente la crème financière de
l'industrie. Par contre, par rapport aux électriciens américains,
les ratios que nous avons sont inférieurs aux ratios utilisés
communément là-bas, mais c'est un autre type d'industrie.
Certains prêteurs vont utiliser comme étalon l'industrie
américaine plutôt que l'industrie canadienne; d'autres
prêteurs vont utiliser comme étalon plutôt les industries
canadiennes. Si nos ratios sont plus faibles, évidemment, on paie une
certaine pénalité, on paie plus en allant aux États-Unis
que les électriciens américains. Tout cela fait partie d'un
ensemble, et la résultante est là.
Au cours des années, il faudra faire preuve, comme on l'a fait
dans le passé, de
beaucoup de flexibilité, essayer d'apprécier de
façon la plus réaliste possible la perception
d'Hydro-Québec comme débiteur.
Le Président (M. Boucher): Messieurs, il est 13 heures,
est-ce que...
M. Parizeau: Est-ce que je pourrais poser une courte question
à M. Lafond, avec le consentement? Je comprends qu'il est 13
heures...
M. Fortier: Une courte question de chacun et on va...
Le Président (M. Boucher): Avec le consentement... Si vous
acceptez de continuer après 13 heures.
M. Parizeau: C'est assez rapide. 100 pour l'année 1981. M.
Lafond, sur la base du scénario d'Hydro-Québec qui prolonge un
peu ce qui est prévisible jusqu'en 1985, auquel on a fait allusion ce
matin à plusieurs reprises, je comprends que la couverture
d'intérêt est de 1, 02, sans dividende, je ne parle pas de
dividende, la couverture des intérêts en 1981 serait de 1, 02.
Est-ce que je me trompe?
M. Lafond: Exact.
M. Parizeau: C'est exact. C'est tout.
M. Forget: Ma courte question, M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget:... j'aimerais connaître l'opinion, personnelle
s'il le faut, de M. Lafond, à savoir si un ratio de 1 dans une loi est
mieux qu'un ratio de 1, 25, en pratique, indifférent ou
inférieur.
M. Lafond: Évidemment, chacun choisit son échelle
de valeurs. Je pense que je me suis référé à ce
problème tantôt et il est survenu, en particulier, sur le
marché américain, des situations où des lois ont
été changées. À ce moment-là, dans certains
milieux, on met certaines réserves quant à la continuité
de l'intention du législateur, mais on vit en Amérique du Nord et
c'est pour ça, je pense, qu'il y a des élections. Les
prêteurs veulent cette assurance de continuité et ils sont
satisfaits, à un degré plus ou moins élevé. Ce
qu'il y a de mieux, c'est la garantie qu'éventuellement les fonds
empruntés, principal et intérêts, seront remboursés
à l'échéance.
Le Président (M. Boucher): Messieurs, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise de la séance à 15 h 16)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Pour le journal des Débats, je dois faire une correction: M.
Desbiens (Dubuc) remplace M. Marquis (Matapédia).
M. Bourbeau avait demandé la parole.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il y a deux points
que je voudrais soulever au début de la séance. Le premier a
trait à une léqère correction à ce que j'ai dit ce
matin. Lorsque le député de Saint-Laurent me demandait ce que
voulaient dire nos hausses de tarifs lors des trois dernières
années, j'ai mentionné un manque à gagner de 600 000 000 $
en 1981. Il ne faudrait pas comprendre que c'est durant l'année 1981
qu'on a eu ce manque à gagner de 600 000 000 $, mais à la fin de
1981, on avait accumulé, depuis trois ans, un manque à gagner de
600 000 000 $. Je voulais le corriger parce qu'il y a eu des
interprétations, à savoir que c'était seulement pendant
l'année 1981.
Le deuxième point, M. le Président, c'est qu'on aimerait
distribuer deux tableaux qui vont peut-être aider à la
compréhension. Le premier tableau a trait au calcul de la taxe sur le
capital et du dividende basé sur les résultats financiers de
l'année 1980 d'Hydro-Québec, tels que vous les voyez dans le
rapport annuel, en supposant que le projet de loi no 16 aurait
été appliqué intégralement durant l'année
1980. Cela vous donne le mécanisme de calcul. Le deuxième tableau
se réfère aux différents chiffres que j'ai
mentionnés dans mon allocution de ce matin. Ce sont les
prévisions financières pour les années 1981-1985, en
supposant qu'il y aurait des dividendes de 75%, de 50% ou de 25%. Ce tableau
vous donne aussi toutes les hypothèses économiques qu'on a
utilisées pour en arriver à ces chiffres.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, de mon côté, je
voudrais corriger certaines des choses que j'ai dites ce matin quant à
l'évolution du taux de change. Le taux de change du dollar canadien a
été flottant de 1950 à 1962. En 1962, il a
été réduit à 0, 925 % et placé dans une
variation de plus ou moins 2, 5%. Il est redevenu flexible sans limite en juin
1970. C'est-à-dire qu'au cours des 31 dernières années le
taux de change du dollar canadien a été flottant dans toutes les
années, sauf huit ans; donc, 23 ans sur 31 ans, le taux de change
canadien a été flottant.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député d'Outremont.
L'équilibre des prix
M. Fortier: J'aimerais poser une question au président du
conseil, M. Bourbeau; dans le texte au milieu de la page 5, on dit: "Le conseil
d'administration pourra soumettre au gouvernement des tarifs
réglementaires et contractuels suffisamment élevés pour
assurer, conformément aux objectifs de la politique
énergétique québécoise, un équilibre dans la
demande des diverses formes d'énergie. " Si je comprends bien, dans la
tarification qui sera proposée à la fin du mois, votre demande se
basera sur ce paragraphe.
Voici ce que j'aimerais savoir de vous; personnellement, je ne suis pas
au courant de politique énergétique québécoise qui
statuerait, comme la politique énergétique nationale, que
l'électricité doit se maintenir à un certain niveau
d'avantage ou de désavantage par rapport à d'autres formes
d'énergie. Bien sûr, il y a la politique énergétique
nationale qui dit que le gaz est à 85% et devrait baisser jusqu'à
66%. À ce moment-là, en l'absence de politique spécifique
émanant du gouvernement, je me demande à quoi ce paragraphe se
réfère. Est-ce qu'il se réfère à un document
qui énoncerait la politique énergétique, mais qui n'est
pas connu du public, est-ce que vous avez accès à des documents
que nous n'avons pas, est-ce qu'il existe une politique
énergétique définissant le prix de comparaison de
l'électricité par rapport aux autres formes d'énergie?
Ma deuxième question concerne le paragraphe suivant, où
vous dites qu'il faut modifier la loi pour faire ça - tout le monde est
d'accord avec ça, c'est technique - et que vous partagez "le souci du
gouvernement de veiller à maintenir l'équilibre entre les prix de
différentes formes d'énergie. " J'aimerais savoir sur quoi se
fonde cet énoncé. Le député de Charlesbourg, tout
à l'heure, mentionnait le fait que dans le passé
l'électricité coûtait plus cher et, maintenant, ça
coûte moins cher que les autres formes d'énergie. Si j'ai bonne
souvenance, alors que l'électricité coûtait plus cher que
les autres formes d'énergie, il y a eu, dans un passé
récent, mais dans un passé quand même, beaucoup de familles
et d'individus qui se sont lancés sur l'électricité pour
le chauffage, parce que cela avait un attrait, indépendamment de la
question du prix. D'ailleurs, je crois qu'il y a des études qui ont
été faites en Colombie britannique ou dans d'autres provinces sur
l'influence des prix, relié à l'attrait des différentes
formes d'énergie.
Réellement, ce que j'essaie de dire, c'est que
l'expérience passée d'Hydro-Québec va dans le sens
contraire, qui semblerait dire que les prix ne sont pas déterminants. Je
me demande sur quoi s'est basé le conseil d'administration, puisque vous
énoncez une politique du conseil d'administration pour dire que vous
êtes d'accord ou que vous partaqez le souci du gouvernement de veiller
à ce qu'il y ait un déséquilibre qui ne soit pas trop
grand.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Je prends la première partie de votre
question. Il faut lire ce paragraphe non pas comme la façon dont on va
préparer notre prochaine hausse de tarifs au mois prochain. Le mois
prochain, la hausse de tarifs est préparée avec comme base la loi
41 et non pas la loi 16.
Votre deuxième partie de question, ce qu'on suit, c'est un
énoncé de politique qui a paru dans le livre blanc. Dans cet
énoncé de politique énergétique
québécoise, il y a des chiffres, des quantités qui sont
indiqués et vers lesquels on devrait tendre.
M. Fortier: Pas des prix, mais des quantités
d'énergie.
M. Bourbeau: Des quantités, c'est-à-dire la place
que devrait occuper l'électricité dans le secteur
énergétique. On s'aperçoit que, dans ce livre blanc, on a
indiqué que l'électricité devra occuper 40% alors
qu'actuellement on occupe 26% de l'assiette énergétique.
On dit aussi dans ce livre blanc que le gaz, qui occupe 7%, devrait
occuper 14%. Évidemment, le pétrole, qui était à
72%, devrait baisser vers les 50%. Ce qu'on cherche à faire à
Hydro-Québec, c'est de s'aliqner sur une croissance de
l'électricité dans le secteur énergétique et
d'atteindre ce pourcentage de 40%.
De la même façon, on croit que le gaz, qui est à 7%
et qui s'est maintenu à 6% ou 7% depuis quelques années, suivant
ce qui est indiqué dans le livre de la politique
énergétique, devrait monter, devrait accroître sa part dans
le secteur énergétique. Or, le prix peut jouer. Le prix n'a pas
joué comme il aurait dû jouer dans le passé, mais le prix
peut toutefois jouer dans l'avenir. Ce qui nous intéresse à ce
moment-ci, c'est de maintenir le prix de l'électricité
inférieur au prix du pétrole, parce qu'il doit être
déplacé, mais maintenir le prix de l'électricité
au-dessus du prix du gaz, de façon à favoriser le plus possible
la pénétration du gaz au Québec.
M. Fortier: À ce sujet, tout le monde connaît les
avatars de la pénétration du gaz dans le moment, malgré
les nobles efforts du ministre du Travail qui n'ont pas donné
grand-chose; on n'est pas tout à fait certain que le gaz va arriver au
Québec cette année en quantité considérable. Hier,
à la radio,
j'entendais le vice-président au marketing de Gaz
Métropolitain nous expliquer que cette année, les familles qui
auraient pu être alimentées en gaz ne le seront pas à cause
des délais dans les travaux qui étaient nécessaires.
La question qu'on lui posait: Pour quelle raison continuez-vous à
faire de la publicité? Il donnait des réponses qui n'en
étaient pas. Il y a beaucoup de familles ou beaucoup d'individus qui
sont déçus de cette absence de réponse de la part de Gaz
Métropolitain.
Par ailleurs, il y a bien des villes et villages au Québec
où il n'y a pas de gaz et où il n'y en aura pas dans l'avenir.
Compte tenu du fait que la tarification d'Hydro-Québec est universelle
pour le Québec depuis la nationalisation - c'est un principe assez
important - cette comparaison par rapport au gaz ne sera pas valable, soit
parce que le gaz n'aura effectivement pas pénétré, soit
que le gaz pourrait être disponible et que les gens n'y auront pas
recours ou soit parce que, dans certaines villes et villages du Québec,
il n'y a absolument pas de gaz.
Donc, se comparer au gaz pourrait être un peu utopique dans
l'avenir. La vraie comparaison est par rapport au pétrole. Est-ce que
vous avez des commentaires à formuler là-dessus? Par rapport au
prix du pétrole, est-ce que vous avez fixé un objectif, de
concert avec le gouvernement, qui serait souhaitable?
M. Bourbeau: II n'y a eu aucun objectif de fixé de concert
avec le gouvernement. Tout ce qu'on fait actuellement, c'est qu'on essaie de
maintenir le prix de l'électricité bien en deçà du
prix du pétrole, de façon à pouvoir éliminer le
pétrole le plus possible.
Quant à la pénétration du gaz, je suis d'accord
avec vous. Mais cela ne veut pas dire toutefois qu'Hydro-Québec doit se
départir de cette responsabilité en fixant un prix pour
l'électricité qui serait voisin du prix du gaz. Ce qu'on cherche,
c'est de maintenir pour l'électricité un prix de beaucoup
sunérieur à celui du gaz, afin de favoriser sa
pénétration.
Je m'en souviens fort bien, on en avait parlé lors de la
commission parlementaire de février. Vous-même aviez posé
une question au vice-président de Trans-Québec et Maritimes. Vous
lui demandiez, à ce moment-là, si le fait de ne pas pouvoir
pénétrer actuellement, le plus vite possible, voulait dire que la
pénétration que cette société entrevoyait et qui se
situait à au-delà de 20% de l'assiette énergétigue
ne pourrait pas être accomplie. Je pense qu'à ce moment-là
ils nous avaient répondu oui. On assiste actuellement à des
événements qui nous démontrent qu'ils sont encore un peu
en retard sur l'échéancier qu'ils ont pour établir leur
projet. Évidemment, cela veut dire que si les gens n'ont pas le gaz, ils
vont peut-être changer leur fournaise à l'huile pour une fournaise
à l'électricité. De toute manière, ce que l'on
cherche, avec un mécanisme de prix d'électricité plus
élevé que le gaz, c'est d'inciter les gens malgré tout
à aller vers le gaz. Toutefois, si le gaz ne se rend pas à leur
maison, ils ne pourront pas l'utiliser. On est bien conscient de cela.
M. Fortier: Mais ce que vous aviez dit, c'est que vous tentiez -
ce que ce paragraphe semble dire, c'est que vous partaqez le souci de veiller
à maintenir l'équilibre - de répondre aux objectifs
à long terme que le livre blanc avait énoncés pour 1990.
Mais comme j'en ai fait état lors de l'allocution que j'ai
prononcée au début, ne connaissant pas les mécanismes que
le gouvernement va mettre en place pour favoriser le gaz ou
l'électricité, de quelle façon l'un et l'autre vont
évoluer dans l'avenir ou les mécanismes de coordination, il se
pourrait fort bien, si le gaz ne pénètre pas, que les 40% du
bilan énergétique pour l'électricité soient plus
élevés. À ce moment-là, il faudra bien
qu'Hydro-Québec s'ajuste pour répondre aux besoins de la
société québécoise. Il me semble que cela vous met
dans une situation assez difficile, compte tenu des délais de
réalisation et ne connaissant pas les politiques du gouvernement en ce
qui concerne les mécanismes de coordination, de prévoir que le
sera l'importance du programme d'équipement qui sera requis, si cette
pénétration ne se fait pas. (15 h 30)
M. Bourbeau: Actuellement, il y a un comité
d'harmonisation qui a été créé entre les gens du
ministère, les gens d'Hydro-Québec, les gens du gaz et SOQUIP. Le
ministre pourrait peut-être vous donner plus d'information sur les
travaux de ce comité.
M. Fortier: Cela me ferait plaisir d'entendre le ministre. Cela
fait longtemps que j'attends de lui des paroles qui iraient dans le sens de
nous donner des énoncés de politique à ce sujet.
M. Duhaime: En fait, M. le Président, ce comité
d'harmonisation, puisque c'est ainsi qu'il s'appelle, a commencé
à siéger. Comme M. Bourbeau vient de l'indiquer, il regroupe des
gens d'Hydro-Québec, du ministère de l'Énergie et des
Ressources, de SOQUIP et également des compagnies gazières. Dans
les paramètres, dans les objectifs qui ont été
fixés et rendus publics en 1978 lors de l'énoncé du livre
blanc sur les objectifs poursuivis dans le sens de la conversion pétrole
vers gaz principalement et pétrole vers
l'hydroélectricité, bien sûr, nous considérons que
la tarification est au centre
de la gestion, est au coeur même de toute politique
d'harmonisation.
Je suis convaincu que l'on va aborder tout à l'heure la question
des économies d'énergie qui est aussi un des facteurs importants,
mais à partir du moment où vous avez des fluctuations
considérables sur le prix du pétrole et, par voie de
conséquence, sur les autres formes d'énergie, il est assez
difficile aujourd'hui, sur des projections à plus ou moins long terme,
de se fixer dans le ciment en quelque sorte.
Il reste que les énoncés du livre blanc, qui, à
l'époque, ont pu en faire sourciller quelques-uns dans leurs objectifs,
sont en train de se réaliser. Si on prend essentiellement un des
objectifs de la conversion pour faire en sorte que la composante
hydroélectrique dans le bilan énergétique global passe de
26% à 40% ou 42% sur le réseau en 1990, on est en train de
réaliser cet objectif-là. Le député d'Outremont a
eu l'occasion de s'étendre amplement avant l'ajournement de
l'été sur les problèmes du gazoduc en ce qui est du lac
des Deux Montagnes. Espérons, entre nous, que ce n'est qu'un accident de
parcours et que la pénétration du gaz au Québec pourra se
faire. Nous souhaitons qu'elle se fasse. Nous déployons tous les efforts
pour faire en sorte que ce gazoduc avance, en espérant, bien sûr,
que nous pourrons desservir également les populations de l'Est du
Québec, même si nous devions en ce sens revenir sur une
récente décision de l'Office national de l'énergie qui ne
nous plaît pas du tout. Mais les objectifs de l'énoncé du
livre blanc de 1978 sont en train de se réaliser. Je pense que cela a
été évoqué ce matin: la clé de
l'harmonisation des diverses formes d'énergie qui composent notre bilan
est sans aucun doute une tarification.
Je rejoins d'emblée ce que vient de rappeler à nouveau M.
Bourbeau, que le prix de l'hydroélectricité dans les
années qui viennent devra se situer quelque part entre le prix du
pétrole et le prix du gaz naturel à un niveau pas trop
élevé pour décourager une conversion, mais par ailleurs
à un niveau suffisamment élevé pour être en mesure
de satisfaire à l'ensemble des obligations et des contraintes
financières que les opérations normales d'Hydro-Québec
commandent. On en revient à être, tous autour de la table,
à la recherche de la vertu en quelque sorte puisque dans le bilan
énergétique du Québec sur l'horizon 1990 la composante
majeure va être le niveau de consommation
d'hydroélectricité, comme on le sait tous. L'impact sur la
demande prévisible est un facteur et, par voie de conséquence,
l'impact direct sur la programmation des équipements, donc des besoins
d'investissement d'Hydro-Québec, s'y retrouve. Là-dessus, je ne
sais pas si le député d'Outremont attend qu'on cherche de midi
à quatorze heures, mais nous on s'en va dans cette direction et je pense
qu'on est dans la bonne direction malgré les difficultés de
parcours que cela peut poser.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
Prévisions financières 1981-1985
M. Parizeau: M. le Président, toute la matinée,
nous avons fonctionné sur une sorte de scénario implicite et
là nous avons devant nous un certain nombre de données que
présente Hydro-Québec - cela vient de nous être
distribué - qui sont très explicites. Dans ces conditions, vous
me permettrez de poser quelques questions à Hydro-Québec sur la
base des données qu'elle vient de nous remettre.
M. Bourbeau, nous reconnaissons, à partir des chiffres que vous
venez de déposer, que plus de la moitié de tout le dividende
à payer au gouvernement, tel que vous l'exprimez dans vos
prévisions financières 1981-1985, est payable pour l'année
1985. C'est bien cela? Cela représente, si je comprends bien, 905 000
000 $ sur 1 700 000 000 $ à supposer que 75% de l'excédent soit
payé en dividende. 905 000 000 $ en 1985, par rapport à 1 700 000
000 $ tel que cela apparaît dans votre tableau.
C'est bien cela? Donc, on s'entend bien. Tel qu'il apparaît dans
ce document que nous venons de recevoir, plus de la moitié du montant de
dividende à être versé s'applique à l'année
1985 seulement. Je m'excuse, M. le Président, à partir du moment
où on a des chiffres précis venant d'Hydro-Québec, il y a
des choses qu'on doit faire confirmer. C'est bien ça?
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: J'avais deux tableaux à vous faire
distribuer. Le premier tableau s'intitule: Effet du projet de loi no 16 sur les
résultats financiers de 1980; le deuxième s'intitule:
Prévisions financières 1981-1985, et il ne montre pas les
résultats financiers année par année, mais le dividende
à être versé suivant les hypothèses de 75%, 50% et
25% du surplus susceptible de distribution. On a, à ce moment-là,
des agrégats soit de l'utilisation des ressources financières, de
la provenance des ressources financières ou des transferts au
gouvernement pour la période 1981-1985, et non pas année par
année.
M. Parizeau: Je comprends, M. le Président, mais ce que
j'essaie de démontrer, c'est qu'on ne peut pas établir d'addition
sans avoir chacun des montants qui interviennent dans l'addition. Ce que je
demande à M. Bourbeau, c'est si l'année 1985 toute seule
représente plus de la moitié du dividende à être
versé tel qu'il apparaît dans les prévisions
financières 1981-1985, l'année 1985 seulement.
M. Bourbeau: L'année 1985 représenterait 905 000
000 $.
M. Parizeau: Sur 1 700 000 000 $, donc nettement plus que la
moitié.
Reprenons maintenant, dans ce tableau Prévisions
financières 1981-1985 les hypothèses qui sous-tendent le calcul
tel qu'il apparaît. Je suppose que tout le monde dans cette salle a
maintenant le tableau. Premièrement, croissance annuelle moyenne de la
demande régulière au Québec de 5, 8% pour la
période 1982-1985. Pourquoi pas 1981, M. Bourbeau, puisque les
prévisions financières sont établies pour 1981-1985?
M. Bourbeau: C'est qu'on a déjà six mois de faits,
ce ne sont plus donc des prévisions, c'est un constat qu'on a pour les
six premiers mois. On a donné des prévisions pour des
années entières de 1982 à 1985.
M. Parizeau: Est-ce que je me trompe en supposant que, pour 1981,
l'augmentation de la demande est très inférieure à 5,
8%?
M. Bourbeau: Elle sera légèrement
inférieure, d'après nos prévisions à 5, 8%, mais
pas...
M. Parizeau: Je pense que ce serait de l'ordre de la
moitié. Ce n'est pas un peu plus de 3%?
M. Bourbeau: Selon nos prévisions, on pourrait finir aux
alentours de...
M. Parizeau: 3, 2%, 3, 1%?
M. Bourbeau: On finirait vers 2, 5% cette année.
M. Parizeau: 2, 5%. M. Bourbeau: Oui.
M. Parizeau: C'est ça qui expliquerait que, cette
année, le dividende rapporterait moins que ce que rapporte l'industrie
des courses.
Passons maintenant au point suivant. Hausse tarifaire annuelle moyenne
de 13% pour 1982 à 1985. Je comprends que vous excluez 1981 puisque
c'est déterminé à 10, 6%. Vous dites d'ailleurs qu'en
1981, la hausse tarifaire a été de 10, 6%, c'a été
déterminé. Ce que ç'a l'air de montrer, M. Bourbeau, c'est
que 13, 1%, ce serait une sorte d'accélération par rapport
à ce qui est venu avant puisqu'on dit qu'en 1981, la hausse tarifaire a
été de 10, 6%. Est-ce que je me trompe en disant que, pour les
quatre dernières années, y compris 1981, les augmentations de
tarifs ont été de 18, 7% en 1978, de 13, 7% en 1979, de 13, 3% en
1980 et de 10, 6% en 1981? Si bien que 1981 a l'air d'être bas et les
hausses à venir ont l'air d'être élevées; mais en
fait, les hausses que vous prévoyez, dans votre tableau, seront
inférieures à celles des quatre dernières années.
J'aurais l'impression que les hausses de 1978 à 1981
représentent, sur une base d'intérêt composé, 69, 1%
et que celles dont vous faites état représenteraient 63, 8%; donc
vous prévoyez, pour les quatre prochaines années, une hausse
inférieure à celle que nous avons connue pour les quatre
dernières années.
M. Bourbeau: Vous avez raison.
M. Parizeau: Donc, pour ce qui a trait au tableau que nous avons
devant nous, quand on dit hausse tarifaire annuelle moyenne de 13, 1% pour 1982
à 1985, (en 1981, la hausse tarifaire a été de 10, 6%), je
m'excuse d'insister là-dessus, mais on donne l'impression que
l'accélération se fait. En fait, ce que vous prévoyez
comme augmentation de tarif est inférieur à ce que nous avons
connu au cours des quatre dernières années. C'est bien ça?
Pour les quatre prochaines années, la hausse moyenne serait
inférieure à celle que nous avons connue pour les quatre
dernières. C'est bien ça?
M. Bourbeau: C'est ça. En partant de 18%, on a 13, 7%, 13,
3% et 10, 6% pour les quatre dernières années.
M. Parizeau: Maintenant, j'en arrive à l'évaluation
de l'année 1985, parce que là, puisque vous êtes
précis sur les moyennes, vous ne m'en voudrez pas d'être
précis sur les années. Vous arrivez à 13, 1% comme moyenne
de 1982 à 1985, 13, 1% étant une moyenne, j'imagine qu'on
connaît chacune des années. Je ne me trompe pas en supposant que
le 13, 1%, pour 1982 à 1985, correspond à 16, 3% d'augmentation
pour 1982, 13, 1% pour 1983, 12, 5% pour 1984, 10, 7% pour 1985. C'est bien
ça?
M. Bourbeau: Oui. Les hypothèses qui ont été
retenues pour ce scénario sont exactes.
M. Parizeau: Bien. Qu'est-ce qui se passe en 1985, que nous
retrouverions un taux d'augmentation? Parce que je vous rappelle que
l'année 1985 représente, dans votre schéma, plus de la
moitié du dividende total pendant toutes ces années. En 1985, le
taux proposé, dans le scénario de 10, 7%, est basé sur
deux choses: d'une part, sur une
chute assez importante de l'indice du coût de la vie et, d'autre
part, sur une chute assez remarquable du taux d'intérêt. C'est
ainsi, par exemple, que l'indice du coût de la vie, passe en 1984, selon
vos estimations, de 10, 2% à 9, 8%. C'est appréciable, mais pas
sensationnel par rapport aux années précédentes parce que
vous supposez une réduction - j'espère qu'on la verra - assez
régulière de l'indice du coût de la vie. Sauf que dans le
cas du taux d'intérêt, c'est très différent. (15 h
45)
Dans votre tableau, vous pensez qu'en 1981, le taux moyen
d'intérêt pour Hydro-Québec sera de 15%, pour ses nouveaux
emprunts; en 1982, 16% - donc 1982 serait pire que 1981 - ensuite 15% et en
1985, où les taux d'intérêt ont évidemment une
importance majeure sur le dividende à payer, 13%. Supposez qu'en 1985 il
se passe une sorte de coupure sur le marché financier et que les taux
d'intérêt baissent à 13%, est-ce que vous accepteriez, M.
Bourbeau, l'idée qu'en 1985, les taux d'intérêt, ni vous,
ni moi, on n'en sait quoi que ce soit?
M. Bourbeau: Je suis d'accord là-dessus, sauf que les
hypothèses qui sont sur le tableau sont celles de nos économistes
qui nous ont servi à établir ce scénario-ci. On a d'autres
hypothèses et d'autres scénarios, celui-là en étant
un parmi plusieurs.
M. Parizeau: M. le Président, cela voudrait dire ceci: la
démonstration du tableau qui nous est présenté est
basée pour plus de la moitié sur l'année 1985 et
l'année 1985, sur le plan des taux d'intérêt que paierait
Hydro-Québec, est basée sur une hypothèse
aléatoire?
M. Bourbeau: Comme les autres...
M. Parizeau: Je ne sais pas, M. Bourbeau, je n'ai aucune
idée, comme ministre des Finances, de ce que seront les taux
d'intérêt en 1985. Je suis ravi d'apprendre qu'Hydro-Québec
pense qu'il y aura tout à coup une diminution d'un an sur l'autre, de
1984 à 1985, de 2%, et cela m'impressionne qu'on puisse avoir une
idée aussi précise, surtout quand cela a cette importance,
c'est-à-dire que le dividende de 1985 représente plus de la
moitié du montant total des dividendes pendant cinq ans. Disons que pour
avoir pratiqué le... Je voudrais seulement rappeler une chose. Il y a un
économiste - je connais ces choses-là un peu, enfin je les ai
pratiquées quelques mois dans ma vie - de Chicago qui s'appelle Lawrence
Klein qui disait: "Economies is common sense and economic theory is common
sense made difficult. Are we in economic theory?"
Il faut bien comprendre ce qu'on entend par un test de
sensibilité là-dessus. 2% de réduction sur les taux
d'intérêt en 1985, alors qu'on suppose des remboursements
massifs... De combien sont les remboursements cette année-là, en
1985? En avril, on évaluait les remboursements d'Hydro à 850 000
000 $; en juin de cette année, on les évaluait, pour 1985,
à 800 000 000 $; en août de cette année, on les
évalue, pour 1985, à 1 500 000 000 $, on double les
remboursements. On applique à cela une réduction des taux
d'intérêt de 2% quatre ans d'avance; on détermine un
dividende énorme à payer à ce moment-là et ce
dividende représente plus de la moitié de ce dont on parle dans
ce tableau.
M. Bourbeau, j'aurais infiniment préféré qu'on
reste sur le scénario vaque de ce matin que d'entrer dans un tableau
aussi précis.
M. Bourbeau: Je crois que ce que vous avez devant vous est une
hypothèse, un scénario parmi plusieurs. Nos économistes en
ont fait plusieurs avec des hypothèses différentes. Cela en est
un parmi ces différentes hypothèses qu'on vous
présente.
M. Parizeau: Mais, M. Bourbeau, vous reconnaîtrez que cela
représente une rupture majeure dans les taux d'intérêt
entre 1984 et 1985.
M. Bourbeau: Tout ce que cela représente pour moi, c'est
que nos économistes prévoient qu'à partir de 1982 il y
aura une chute du taux d'intérêt qui part de 16%...
M. Parizeau: Pour 1981, on dit 15%.
M. Bourbeau: 16%.
M. Parizeau: 16%, 1982...
M. Bourbeau: 13%, 15%.
M. Parizeau: 15%, 1983; 15%, 1984 et là, on tombe à
13%, en 1985, au moment même où, entre juin et août de cette
année, vous avez doublé le montant des remboursements.
M. Bourbeau: M. Pierre Bolduc va venir vous donner plus
d'explications sur cette chute durant l'année 1985 et ce qu'elle veut
dire sur les dividendes.
Le Président (M. Boucher): M. Bolduc.
M. Bolduc (Pierre): Le scénario qui a été
retenu comme une des hypothèses pour décrire les effets
financiers des hausses de tarifs qui ont été explicitées
tout à l'heure, de même que la politique de dividendes, est le
même qui a servi à établir les investissements annuels, les
dépenses
d'exploitation d'Hydro-Québec. Je pense qu'il faut regarder la
sensibilité d'une des ces variables non pas par elle-même, mais en
tenant compte aussi de la sensibilité de toutes les autres variables.
C'est-à-dire que si en réalité, vers les années
1985, les taux d'inflation étaient plus élevés, il est
assez probable que les taux d'intérêt également soient plus
élevés. Ce que nous avons retenu dans le scénario actuel,
c'est une certaine consistance entre ces hypothèses. Il n'y a aucune
prétention de connaître avec un degré de certitude
même relatif exactement ce que pourraient être les taux
d'intérêt en 1985.
Ce que nous pouvons établir cependant, c'est, par analyse de
sensibilité, l'effet qu'aurait une différence de 2% du taux
d'intérêt en 1985 sur des renouvellements de l'ordre de 1 500 000
000 $ au cours de cette année-là. 2% de 1 500 000 000 $
représenteraient 30 000 000 $ de différence. Alors, sur un
dividende de 900 000 000 $, l'erreur possible causée par une
différence d'hypothèse de 2% des taux d'intérêt sur
cette partie qui serait renouvelée ne serait que de 30 000 000 $. Je ne
pense pas que cela puisse être considéré comme un chiffre
qui met en cause l'ordre de grandeur des dividendes qui sont
projetés.
M. Parizeau: M. Bolduc, si je comprends bien les émissions
d'obligations -j'entre dans des choses précises, je ne suis pas
entré là-dedans ce matin, mais puisque vous entrez
là-dedans cet après-midi, je suis bien forcé de le faire -
que vous prévoyiez pour 1985, en avril, étaient de 2 200 000000 $. En juin, de 2 300 000 000 $, toujours pour 1985. Et là, c'est
porté à 3 600 000 000 $.
M. Bolduc: C'est exact. Une des principales raisons de ces
changements, c'est en fait l'évolution très rapide qu'a subie le
marché financier au Canada où il ne nous est plus apparu
possible, depuis près de deux ans maintenant, de faire des emprunts
à long terme de la même nature que nous en faisions dans le
passé, sur des échéances de 20 ans. Presque tous nos
emprunts au Canada, maintenant, se font sur une base d'échéance
initiale de trois ans, avec possibilité d'extension. Dans les derniers
mois, nous avons rajusté nos prévisions financières pour
maintenir comme hypothèse que cette situation allait se prolonger en
1981-1982 et accumuler forcément, à ce moment-là, des
échéances plus rapprochées en 1984-1985 qui nous
forceraient à emprunter de nouveau pour correspondre à ces
échéances.
M. Parizeau: M. Bolduc, pourquoi est-ce que vous supposez 16, 3%
d'augmentation de tarifs en 1982, 13, 1% en 1983, 12, 5% en 1984 et que, tout
à coup, vous faites tomber cela à 10, 7% pour 1985, soit une
chute de 2%? Est-ce qu'il y a une raison particulière à cela?
M. Fortier: La veille des élections.
M. Parizeau: Pas d'après mon calcul, M. le
Président.
M. Fortier: Les élections référendaires
bientôt.
M. Parizeau: Bientôt, cela ne peut pas être 1985.
Pourquoi 10, 7%, M. Bolduc? Entre nous, on revient aux 10, 6% acceptés
en 1981 qui créent à l'Hydro les problèmes que l'on a
examinés ce matin. Pourquoi, diable, revient-on à 10, 7%? Je
reviens toujours à mon argumentation de base que c'est en 1985 que le
problème que vous avez soulevé par votre tableau apparaît,
puisque l'année 1985 représenterait plus de la moitié de
tous les dividendes à payer. C'est un peu étonnant, M. Bolduc.
Vous voyez que l'inflation baisse de 0, 4%. Vous dites: Pour les remboursements
d'obligations, cela ne représente que 30 000 000 $, c'est peu de chose.
Et vous faites baisser les tarifs de 1, 8%.
M. Duhaime: Et c'est l'année où il y a le plus haut
dividende.
M. Parizeau: C'est l'année où il y a le plus haut
dividende et c'est l'année qui fait problème, de votre point de
vue.
M. Bolduc: Je m'excuse. Les hypothèses de hausses de
tarifs ont été établies avec nos responsables des
études tarifaires et elles découlent des projections qu'ils ont
faites des coûts du pétrole dont M. Bourbeau a parlé ce
matin. Je signale, encore une fois, que ce sont des projections sujettes
à beaucoup d'ajustements en cours de route et que la meilleure
façon d'en juger l'effet, c'est de regarder la sensibilité. Au
lieu de 10, 7%, si on avait 2% de plus, les revenus additionnels ainsi produits
seraient de l'ordre de moins de 100 000 000 $ au cours de cette année.
Donc, encore une fois, cela pourrait, si les hausses de tarifs étaient
plus élevées que 10, 7%, produire un dividende au cours de cette
année de 1 000 000 000 $ ou 1 100 000 000 $ au lieu de 900 000 000 S.
Ces analyses de la sensibilité de nos projections permettent quand
même de se faire une idée relativement ferme sur la
validité de l'ordre de grandeur qui est projeté. Je pense pas
qu'il ne faut interpréter aucune de nos projections comme voulant
établir autre chose qu'un ordre de grandeur, surtout cinq ans à
l'avance.
M. Parizeau: Je suis bien d'accord.
C'est pour cela que je regrette un peu le tableau qu'on a
présenté devant nous. Vous voyez, 2% sur les remboursements
d'emprunts, c'est 30 000 000 $. Sur le reste des emprunts de cette
année, c'est 40 000 000 $ ou 45 000 000 $. Là, c'est 100 000 000
$ sur les tarifs. On est rendu à 180 000 000 $. Avouez que...
Cela étant dit, il n'en reste pas moins - et là, je cite
quelque chose d'un peu étonnant - que le président, M. Bourbeau,
nous a dit ce matin: Nous allons présenter au gouvernement des
propositions de tarifs comme si la loi no 16 n'existait pas, puisque, à
l'heure actuelle, nous sommes régis par la loi existante. Pourquoi,
diable, vos analystes, en 1985, ont-ils établi une projection quelconque
du prix du pétrole et agencé leur augmentation de 10, 7% en
fonction de ce qu'ils pensaient que serait le prix du pétrole? La notion
de prix du pétrole et son influence sur le prix de
l'électricité, c'est la loi no 16. Ce n'est pas la loi
antérieure.
M. Bolduc: Une des hypothèses de ces projections
n'était pas d'établir, même avec la moindre
prétention de précision, les données de 1985, mais
d'établir l'ordre de grandeur du bloc de cinq années, de 1981
à 1985. Comme il a été mentionné tout à
l'heure, on ne peut pas faire des chiffres agrégés de cinq ans
sans faire des données individuelles pour chacune des années. Il
est tout à fait évident qu'à mesure qu'on avance dans le
temps, si on regarde avec précision la dernière année, le
risque d'erreur devient très grand. L'objectif, c'est d'avoir un bloc de
cinq ans dans lequel l'ordre de grandeur nous permet de citer avec une certaine
quantification les effets dont nous parlons, mais avec toutes les
réserves qui s'imposent.
C'est bien évident qu'il est à peu près impossible
pour nous, encore moins pour cinq ans, mais même pour deux ou trois ans
à l'avance, d'avoir des projections précises. C'est dans cet
esprit que, ce matin, nous avons parlé de revenir à des
propositions tarifaires sur une base annuelle et non pas sur une base de deux
ou trois ans pour éviter le genre de changements par rapport à
nos attentes qui se sont produits lors du dernier bloc de trois années,
puisque, en 1981, nous avons une couverture d'intérêts qui
dépasse à peine 1, comme on l'a dit ce matin, alors que, dans le
mémoire tarifaire qui avait été présenté il
y a trois ans, nous visions 1, 25. Donc, trois ans à l'avance, c'est
bien évident que les précisions sont très difficiles
à obtenir. L'idée ici était de donner un scénario
parmi d'autres qui sont possibles sur la période agrégée
de cinq ans.
M. Parizeau: On reconnaîtra donc, M. le Président,
que le tableau que nous venons d'avoir devant nous est, le moins qu'on puisse
dire, extrêmement aléatoire tel qu'il nous est
présenté. L'essentiel de la démonstration qu'il semble
vouloir faire apparaître est basé sur la dernière
année de l'exercice en fonction de jugements de valeur sur ce que sera
le prix du pétrole à ce moment, sur ce que seront les taux
d'intérêt à ce moment et sur le plus bas taux
d'augmentation dans les tarifs d'électricité cette
année-là. (16 heures)
Je soumets respectueusement, M. le Président, que peut-être
ce tableau-là n'aurait pas dû être
présenté.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. de Belleval: M. le Président, dans la foulée
de...
Le Président (M. Boucher): M. Bourbeau.
M. Bourbeau: J'aimerais soumettre aux membres de cette commission
que, justement dans notre mémoire de ce matin, on a fait la
recommandation que le conseil d'administration, connaissant la position exacte
d'Hydro-Québec et sa santé financière à tous les
ans, devrait faire une recommandation au gouvernement année par
année sur le dividende à payer.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: Je pense qu'Hydro-Québec reconnaîtra
que c'est à partir de ses chiffres tels qu'elle les présente que
les dividendes sont établis. Je pense aussi que le gouvernement a
indiqué qu'il s'appuyait sur ces chiffres-là pour aller chercher
jusqu'à 75% de l'excédent.
Dans le mémoire de M. Bourbeau, présenté ce matin,
on note les phrases suivantes, et j'aimerais que M. Bourbeau puisse nous
éclairer quant à leur signification. En page 7, au bas de la
page, dernier paragraphe, deuxième phrase: "De plus, la
déclaration du dividende exprimera d'année en année le
jugement du gouvernement sur ses propres besoins financiers, sur le rythme de
développement de l'entreprise, sur le rôle qu'elle sera
appelée à jouer dans le cadre de la politique
énergétique québécoise, ainsi que sur ses - je
pense que l'on parle de l'entreprise - besoins financiers. " Donc, le
gouvernement doit s'appuyer sur quatre critères, nous dit
Hydro-Québec.
Page 8, en haut de la page: "Le conseil d'administration croit cependant
que l'évaluation des besoins financiers d'Hydro-Québec fait
partie intégrante de son rôle d'administrateur de l'entreprise. "
C'est-à-dire que le conseil d'administration nous dit: Je
voudrais vous faire une proposition sur la base d'un critère, les
besoins financiers de l'entreprise, mais je reconnais que le gouvernement doit
s'appuyer sur quatre critères. Il serait donc tout à fait
étonnant que le conseil d'administration d'Hydro-Québec
s'appuyant sur un critère en arrive à la même conclusion
que le gouvernement s'appuyant sur quatre critères. Ce serait une
coïncidence, mais une coïncidence rare. Cela peut arriver par
accident et je pense que la probabilité c'est que ça n'arrive
pas. Si, du point de vue même d'Hydro-Québec, le gouvernement doit
s'appuyer sur quatre critères et qu'Hydro-Québec doit s'appuyer
sur un critère, ce serait vraiment une coïncidence étonnante
que ça coïncide. J'aimerais avoir les commentaires de M. Bourbeau
sur ce plan-là.
M. Bourbeau: Tout ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on a
écrit notre recommandation, Hydro-Québec connaissait l'entreprise
beaucoup mieux que le gouvernement quant à ses besoins financiers et que
la recommandation d'Hydro-Québec devenait un intrant et un intrant qui
pouvait fort bien aider le gouvernement dans son appréciation du
dividende à déclarer. Évidemment, je pense que, dans le
discours, à un autre endroit, on dit qu'il y a des oppositions entre ce
qu'Hydro-Québec aimerait avoir comme redevances, comme dividende, et ce
que le gouvernement a comme idée, parce que le gouvernement doit
composer avec une série d'intrants autres que celui
d'Hydro-Québec. C'est pour cela qu'on dit que l'intrant
d'Hydro-Québec est un intrant très valable au gouvernement et
qu'on désire qu'Hydro-Québec puisse présenter sa
recommandation au gouvernement.
M. Parizeau: M. le Président, je reviens à ce que
le député de Saint-Laurent appelait ce matin ma politique du
whisky. Il est évident que, chaque année, je n'établis pas
le dividende de la Société des alcools sans en discuter avec les
responsables. Ce sont eux qui savent si le Vosne-Romanée va se prendre
mieux que la Cuvée des patriotes ou le contraire, et je pourrais bien
leur fixer comme dividende à payer 300 000 000 $ quand ils savent qu'ils
ne peuvent pas m'en payer plus que 315 000 000 $ et ce serait trop simple de
dire de ma part: Augmentez vos prix. S'ils augmentent leurs prix,
effectivement, le Vosne-Romanée peut rester simplement un souvenir
nostalgique. Il existe une telle chose que la chute de la demande. Disons que
ce sont des choses que l'on discute depuis fort longtemps, depuis des
années. Je n'ai pas commencé ces discussions. Mes
prédécesseurs les ont tenues depuis très longtemps.
Loto-Québec, c'est un peu la même chose. Loto-Québec
pourrait se lancer, si vraiment je voulais un dividende plus
élevé que ceux qu'elle peut me fournir, dans des jeux que la
morale réprouve, il faut s'entendre sur ça. Remarquez que les cas
que je viens de donner, M. le Président, ne sont pas des cas
folkloriques. Ces deux sociétés ensemble fournissent au
gouvernement un dividende beaucoup plus élevé que tout ce que
fournira Hydro-Québec probablement d'ici trois ans. Donc, on ne parle
pas de folklore à côté de quelque chose de majeur. Nous
avons toujours eu ce genre de discussion.
Ce que j'aimerais savoir d'Hydro-Québec, c'est pourquoi on ne
peut pas avoir un peu le même qenre de discussion et sur la même
base, présumément sur des notions de bon sens, puisque maintenant
il y a des garanties dans la loi qui n'existaient pas avant. Donc, on ne parle
que de ce qui est au-delà de ces garanties juridiques. Pourquoi est-ce
que des discussions de bon sens ne peuvent pas se manifester?
M. Bourbeau: Le tableau que vous avez devant vous et qui
représente les années 1982 et 1983 - je crois que vous-même
vous trouvez que l'année 1982 peut représenter assez bien la
position financière d'Hydro-Québec et le dividende à payer
- démontrent assez clairement qu'Hydro-Québec, lors de son
année financière, rendue au mois d'août, pourrait
déjà indiquer au gouvernement quels seraient les résultats
financiers de son année entière. Année par année,
parce qu'on dit que, l'an prochain, c'est 28 000 000 $ de dividendes,
année par année, au cours de l'année, Hydro-Québec
serait en mesure de dire au gouvernement quels seraient, à la fin de son
année financière, les dividendes que l'on penserait pouvoir
payer.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, une seule note
méthodologique ou de procédure, je note qu'il y a près
d'une heure qu'on a commencé, j'ai laissé filer sans interrompre
le ministre des Finances. Je pense qu'il y a là une question
d'alternance. On a touché à peu près tous les sujets. Je
n'ai pas d'objection, cela aide la compréhension de tous que le ministre
des Finances puisse développer complètement sa pensée.
Mais j'espère que vous aurez la même compréhension à
notre égard, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Nous avons deux jours, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais relever un grand nombre d'idées et
de choses qui ont défilé devant nous depuis quelques minutes.
En
particulier, il y a un fait qu'il faut déplorer à ce
moment-ci. Nous assistons, non seulement nous de l'Opposition, mais le grand
public, la presse également, à un dialogue fort
intéressant entre le ministre des Finances et le président
d'Hydro-Québec au cours duquel on discute de la façon dont sont
ventilés, par année, les hausses de prix, les taux
d'intérêt, les dividendes à payer, alors que nous n'avons,
pour tout instrument de travail, qu'un document fort simple qui fait la somme
de tout cela. Sans avoir à invoquer le règlement qui, de toute
façon, ne s'applique pas strictement en commission parlementaire, il
serait de bon aloi que, d'une façon ou d'une autre, nous puissions jouir
des mêmes données, de manière que, toute réserve
étant faite sur le caractère aléatoire des chiffres qu'on
nous présente, on puisse malgré tout savoir de quoi on parle sans
que nous soyons obligés de griffonner à 60 milles à
l'heure des colonnes de chiffres, ce qui est toujours difficile à
faire.
M. Parizeau: Je suis tout à fait d'accord, M. le
Président.
M. Forget: J'espère qu'au cours des prochaines minutes, on
trouvera le moyen, de part et d'autre, de nous communiquer ces chiffres.
Cela dit, il faut souligner, parmi les remarques du ministre,
essentiellement deux choses. La première, c'est qu'il a
déploré tout haut que nous allions maintenant dans les
détails au niveau d'Hydro-Québec, au niveau des questions qui
sont posées. On ne peut pas décemment traiter d'un
problème comme celui qui est devant cette commission sans
s'intéresser à des bagatelles telles que des dizaines, des
centaines de millions de dollars qui défilent devant nous. Tout en
tenant compte de l'incertitude qui s'attache à des prévisions
à long terme, il faut explorer les scénarios. Loin de
déplorer qu'on parle de chiffres, il faut s'en réjouir, il faut
insister pour qu'on continue d'en parler jusqu'à la fin.
Une autre chose qui se dégaqe des remarques du ministre -
là-dessus, je vais l'approuver - c'est que lorsque Hydro-Québec
s'est livrée à ces projections dont elle nous a fait part, au
moins dans le total pour la période de cinq ans, elle semble avoir
retenu un scénario qui a ceci de particulier: c'est un scénario
qui semble incorporer une hausse tarifaire moyenne inférieure - cela a
été admis par Hydro-Québec - à celle des quatre
dernières années, et qui, en particulier pour la dernière
année, 1985, est notablement plus basse que pour les années qui
précèdent, et certainement notablement plus basse que celle qu'on
va voir au début de la période.
Ce qu'il est important de se souvenir dans cela, c'est qu'il s'agit d'un
scénario de hausse minimale. J'aimerais bien confirmer ici,
auprès d'Hydro-Québec, que lorsqu'on parle d'une hypothèse
de 1 7000 000 000 $ sur une période de cinq ans, on tient pour acquis
que ceci serait le cas en ayant une hausse tarifaire, en moyenne, de 13%, ce
qui permettrait, selon les mots du président ce matin, de doubler
strictement en fonction des critères internes à
Hydro-Québec le prix de vente de l'électricité. Tenant
compte de vos préoccupations d'autofinancement, tenant compte de la
hausse des coûts de fonctionnement du réseau, vous avez retenu une
certaine série d'augmentations des tarifs qui permettrait de faire face
aux critères internes.
Il y a eu un moment de flottement. Le ministre a attiré votre
attention sur le fait que vous semblez vous ajuster sur les prix de
l'énergie, en dernière période, et je ne le comprends pas
très bien. Il semble, d'après la réponse qu'on a
reçue, qu'il serait bien important d'avoir des précisions
là-dessus. Ne s'agit-il pas, lorsqu'on parle d'une hausse de taux et
d'une redevance qui en résulterait, pour le gouvernement, de 1 700 000
000 $ sur cinq ans, du scénario où la hausse des taux est, en
quelque sorte, dans la fourchette des possibilités, celle qui est
plutôt du côté du bas, du minimum? (16 h 15)
M. Bourbeau: Vous avez raison, c'est un scénario qui
considère des hausses de tarifs à peine plus
élevées que les augmentations que l'on prévoit sur les
taux d'inflation. On pourrait développer des scénarios qui se
situeraient de beaucoup au-delà de ce scénario-ci.
M. Forget: N'est-il pas vrai également que ces hausses de
tarifs, en moyenne de 13, 1%, de 1982 à 1985, ne permettraient pas
d'atteindre une parité approximative des prix de
l'électricité et du pétrole?
M. Bourbeau: Avec les tableaux que j'ai donnés ce matin,
je pense qu'on est encore légèrement inférieur au prix du
gaz, mais on est de beaucoup inférieur au prix du mazout.
M. Forget: On l'est dans le moment et vous prévoyiez ce
matin, si ma mémoire est bonne, une augmentation annuelle de l'ordre de
19% dans le prix du mazout, ce qui fait que sur une période de cinq ans
vous estimiez que, comparé à 100 en 1980 - ce sont les chiffres
que vous nous avez donnés ce matin - le prix du mazout no 6, l'huile
lourde, serait de 302%, du pétrole no 2, de 252%, par exemple. C'est
donc une hausse substantielle que vous prévoyez par rapport au niveau
actuel de prix du mazout, prix déjà fort supérieur au prix
de l'électricité. Donc, s'il doit y avoir un rattrapage, il
faudra ajouter à l'augmentation de 300% que vous prévoyez dans le
prix du pétrole
l'augmentation additionnelle qui sera nécessaire pour faire le
rattrapage. On a donc, à l'intérieur de ces objectifs tarifaires
qui semblent être ceux du gouvernement, la place pour une augmentation de
325%, 350%, peut-être, dans le prix de l'électricité, d'ici
cinq ans.
C'est l'autre partie de la fourchette, c'est le pourcentage que vous
n'avez pas donné explicitement ce matin, mais qui s'infère, je
pense, essentiellement de vos remarques de ce matin. C'est bien ça?
M. Bourbeau: Oui, et si le prix du pétrole devait monter
plus haut que ce qu'on a ici, au même moment, le prix du gaz monterait
aussi et il faudrait avoir un prix d'électricité qui se situerait
encore entre le prix du gaz majoré et le prix du pétrole
majoré.
M. Forget: D'ailleurs, je le dis entre parenthèses, on
pourrait y revenir plus longuement, mais rien n'interdit de penser que
l'électricité demeurerait attrayante pour le consommateur,
même à prix égal avec le pétrole, parce qu'on a
connu des périodes, semble-t-il, dans le passé, où
l'électricité était plus chère que le
pétrole et où les gens choisissaient quand même le
chauffage électrique parce que c'est, comme on sait, beaucoup plus
propre, beaucoup plus commode, il n'y a pas d'interruption, etc.
De toute façon, on pourrait présumer que le gouvernement
atteindrait ces objectifs, même avec une parité parfaite, ce qui
veut dire qu'on peut entrevoir presque 400% d'augmentation en cinq ans du prix
de l'électricité et ne pas clairement contrevenir aux objectifs
tarifaires du gouvernement. Si on majorait les prix de
l'électricité, soyons bons princes, de 350% en cinq ans, dans
tous les scénarios que vous avez préparés, est-ce que vous
avez une idée de la redevance qu'irait chercher le gouvernement du
Québec? Ce ne serait plus 1 700 000 000 $, ce serait peut-être le
double.
M. Bourbeau: Ceci n'a pas été calculé. Mais
je reviens à la proposition que l'on a faite ce matin: est-ce qu'on
devrait, à ce moment-là, avoir un dividende qui s'établit
à 75% des surplus ou est-ce que le dividende ne devrait pas être
établi, non plus à 75%, mais à 50% ou à 25% du
surplus susceptible d'être distribué?
M. Forget: Mais plus les prix augmenteront - le raisonnement
pourrait fort simplement être le suivant - présumément,
moins les besoins de construction seront qrands pour l'avenir et moins les
besoins d'autofinancement seront grands. On pourrait présumer que le
pourcentage de redevance pourrait augmenter sans grand dégât.
Pourquoi devrait-il subir l'évolution inverse?
M. Bourbeau: Dans le scénario que vous décrivez, on
a dit que l'électricité devra se maintenir encore entre le prix
du gaz et le prix du pétrole. Vous admettez vous-même qu'avec un
prix de pétrole égal au prix de l'électricité, les
gens passent à l'électricité. Je pense que vous admettrez
aussi que même avec un prix d'électricité supérieur
au prix du pétrole, les gens passent à
l'électricité. Dans ce scénario, je considère que
l'électricité augmenterait sa part dans le bilan
énergétique et qu'on devrait subir un programme
d'équipement qui serait encore onéreux.
M. Forget: Les prévisions que vous faites de
l'accroissement de la demande ne sont pas très sensibles, dans le fond,
aux augmentations probables de tarifs de l'électricité.
M. Bourbeau: II y a une certaine élasticité, mais
on ne connaît pas encore toute l'élasticité entre le prix
du gaz et le prix de l'électricité pour que
l'électricité subisse un contre-choc vis-à-vis du gaz.
M. Forget: Est-ce que vous pourriez estimer, au moins de
façon sommaire, à combien pourrait s'élever la redevance
si effectivement ce scénario plus maximal de hausses de tarifs
était suivi, parce qu'il semble bien que c'est ce que le gouvernement va
vous inviter à faire?
M. Bourbeau: M. Bolduc va vous donner la réponse.
M. Bolduc: Encore une fois, pour évaluer l'effet de
modifications par rapport à nos hypothèses, la sensibilité
de 1% moyen additionnel dans les hausses de tarifs au cours des cinq prochaines
années, autrement dit une hausse moyenne de 14, 1% au lieu de 13, 1%,
produirait 400 000 000 $ de revenus additionnels à Hydro-Québec
et, au niveau où nous avons fait les projections, augmenterait le
dividende de 325 000 000 $ pour la période de cinq ans. Jusqu'à
une certaine limite raisonnable, on peut multiplier ce 1% de façon
linéaire, c'est-à-dire que, si la hausse était à
l'extrême 5% de plus, on pourrait dire que le dividende additionnel
serait cinq fois 325 000 000 $, mais disons que la linéarité
n'est pas nécessairement constante à l'extrême.
M. Forget: Je crois que c'est un chiffre dont tout le monde
devrait se souvenir: 1% des tarifs, avec l'adoption du projet de loi 16, veut
dire pour le gouvernement un revenu de 325 000 000 $.
M. Bourbeau: Pendant cinq ans.
M. Forget: Sur une période de cinq ans.
M. Bourbeau: C'est cela.
M. Forget: Sur une période de cinq ans.
M. Bourbeau: Oui.
M. Forget: L'effet cumulatif sur la période.
M. Bourbeau: Oui.
M. Forget: Dans le contexte, M. le Président, des
questions que posait le ministre des Finances disant que le gouvernement doit
tenir compte de quatre facteurs et Hydro-Québec de seulement un, on peut
se demander si, dans la réalité des choses, ce n'est pas
plutôt la situation inverse de celle qu'il a tenté de
décrire, qui prévaudrait si le gouvernement n'est pas susceptible
de tenir compte d'un facteur pour ses besoins financiers et de laisser à
HydroQuébec le soin de se préoccuper des trois autres,
c'est-à-dire les exigences de son développement, ses propres
besoins financiers pour l'assurer et le rôle que sera appelée
à jouer Hydro-Québec dans le cadre de la politique
énergétique du gouvernement. Il semble que c'est une question
légitime qu'on peut se poser: Quels seront les facteurs qui
pèseront le plus dans la balance au moment de la préparation d'un
budget alors que de la même main, en quelque sorte, le gouvernement fixe
des tarifs et perçoit les dividendes? Je pense qu'on n'a pas besoin de
dessin pour comprendre la situation presque de conflit d'intérêts,
puisqu'il doit penser au court terme qui est son budget et au long terme - vous
savez, comme on dit, dans l'avenir, on est tous morts, surtout les
gouvernements, c'est souvent vrai pour eux -soit à ce que l'on fera dans
le programme d'investissement sur une période de cinq ou dix ans. C'est
bien long pour un ministre des Finances qui cherche à boucler son budget
au mois de février.
Là-dessus, je pense que c'est tout à fait légitime
de se poser la question, M. le Président: Est-ce qu'il n'est pas plus
normal que le conseil d'administration d'Hydro-Québec reçoive un
mandat du léqislateur lui disant: Voici quelle est la politique
énergétique et voici quel est le rôle
qu'Hydro-Québec doit jouer pour satisfaire aux besoins de la
société québécoise et que ce soit à ce
conseil d'administration qu'on demande de prendre des décisions qui
découlent de cette orientation, plutôt que de faire administrer
Hydro-Québec par le Conseil des ministres? Je comprends qu'il y en a
quelques-uns qui ne demandent que cela au Conseil des ministres, mais il y a
quand même une certaine division des rôles, il y a un conseil
d'administration et je me demande ce que le conseil d'administration aura
à faire une fois que le plan d'investissement, la tarification, les
dividendes seront décidés au Conseil des ministres en fonction de
critères dont ils sont les seuls juqes. Il me semble qu'il y a une
question de cohérence. Ce n'est pas pour rien que c'est à une
société d'État plutôt qu'au ministère de
l'Énergie et des Ressources qu'on a confié l'administration
d'Hydro-Québec.
Il y a là une question extrêmement importante sur le plan
des principes, mais ce sur quoi je pense qu'il est important d'insister en
terminant - je vous remercie en passant pour la ventilation des estimations par
année - c'est que le scénario qui a été
présenté par Hydro-Québec, contrairement à ce que
le ministre des Finances a voulu laisser entendre à demi-mot par ses
questions, ne priviléqie pas nécessairement la formule qui donne
le plus gros dividende. On peut imaginer des dizaines de scénarios tout
aussi plausibles qui, au lieu de faire afficher un dividende de 1 700 000 000
$, lui font afficher un dividende beaucoup plus considérable.
Rappelons-nous qu'il ne s'agit pas tout simplement de dire: Oui, toutes
les prévisions sont aléatoires. Une fois la loi adoptée,
il n'y aura rien d'aléatoire là-dedans. Le niveau des revenus
dépendra strictement d'une décision tarifaire qui sera prise par
le gouvernement, en définitive, et d'une distribution de dividendes qui
sera également décidée par le gouvernement.
Tout élément qui peut être aléatoire
maintenant, alors que la loi...
M. Fortier: Les déficits ne sont pas
aléatoires.
M. Forget: Les déficits ne sont pas aléatoires,
c'est tout à fait vrai. Les déficits sont tout à fait
réels aussi, les déficits gouvernementaux, j'entends. Et tout ce
qui demeurera aléatoire, M. le Président, ce sera
l'évolution du taux d'intérêt et de l'inflation. Mais de
toute manière on pourra toujours se servir de l'excuse des taux
d'intérêt et de l'inflation pour justifier toute hausse de taux et
ajouter à cela ce qui sera nécessaire pour combler les besoins
financiers du gouvernement. Et il y a de la place entre la fourchette minimale
qui a été décrite par Hydro-Québec comme
étant de l'ordre d'un doublement des tarifs en cinq ans - ce n'est pas
rien - et la multiplication par trois et demi ou quatre à laquelle le
gouvernement nous prépare tranquillement en disant qu'il est
indécent que les prix d'électricité obéissent
strictement aux facteurs internes à Hydro-Québec.
Il faut tenir compte de la hausse et du niveau actuel, non seulement de
la hausse future, mais du niveau actuel du pétrole, et s'en
rapprocher.
Le président d'Hydro nous disait tout à l'heure, et je
pense que cela tombe sous le
sens commun: Même si les prix d'électricité en
arrivaient à dépasser légèrement le prix du
pétrole, il est loin d'être prouvé - et il n'y a rien que
le ministre de l'Énergie et des Ressources nous ait dit pour nous
prouver le contraire - qu'un niveau plus élevé pour
l'électricité empêcherait le gouvernement de
réaliser le bilan énergétique qu'il recherche. De toute
manière, l'élasticité de la demande pour cette
différence de prix est loin d'être grande, même si son
montant n'est pas précisément estimé. C'est loin
d'être grand et, dans le passé, il y a eu des périodes
où on a, avec succès, encouragé la conversion à
l'électricité, alors que les tarifs d'électricité
étaient plus élevés que l'équivalent pour le
chauffage à l'huile.
On a donc une immense marge de manoeuvre. Le gouvernement se donne les
coudées franches pour augmenter très considérablement les
tarifs au-delà des besoins d'Hydro-Québec et ceci se
répercuterait de façon très significative sur les
redevances qu'il perçoit. 1% sur les tarifs donnant 325 000 000 $, on a
une bonne marge et une bonne incitation, M. le Président, pour faire
qrimper les tarifs. Rien ne dit qu'on se bornerait à 1%. On peut aussi
les augmenter de 5%.
M. Parizeau: Sur?
M. Forget: Sur le nombre d'années qu'on voudra.
M. Parizeau: Ah!
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit ce matin.
Vous avez insisté sur une recommandation très spécifique,
soit que le conseil d'administration fasse une recommandation: "En
conséquence, il propose que le projet de loi soit modifié afin
d'accorder à HydroQuébec le pouvoir de transmettre au
gouvernement une proposition de dividende annuel, en même temps que les
données financières qui fixent le surplus susceptible de
distribution. " Et à la page précédente, vous avez fait
état de ce qu'on peut appeler un conflit d'intérêts
possible.
Oublions le gouvernement et plaçons-nous du point de vue
d'Hydro-Québec comme telle - et je dois admettre que tout à
l'heure le ministre des Finances faisait allusion à la
Société des alcools; tout le monde sait, c'est un secret de
polichinelle, et sous les libéraux et sous le gouvernement existant, que
la Société des alcools n'a jamais eu une autonomie très
grande et qu'Hydro-Québec a joui d'une marge de manoeuvre beaucoup plus
grande dans l'établissement des propositions qu'elle faisait au
gouvernement sans aucune interférence qui pouvait modifier
substantiellement la marche qu'elle suivait vis-à-vis des politiques qui
étaient édictées par le gouvernement. J'aimerais que vous
en disiez davantaqe, parce qu'il semblerait que ceci modifierait
considérablement la mission, la façon de travailler ou
l'autonomie administrative d'Hydro-Québec. (16 h 30)
Quels seraient les impacts que vous prévoyez et auxquels mon
confrère vient de faire allusion? Peut-être pourriez-vous nous
décrire d'une façon plus spécifique les motifs qui
amènent le conseil d'administration - et ceci est extrêmement
sérieux, parce que c'est une recommandation bien spécifique -
à dire: Pour certaines raisons, nous croyons qu'il faudrait absolument
que le conseil d'administration fasse cette recommandation au gouvernement.
J'aimerais que vous explicitiez l'impact contraire, si la loi était
adoptée, que cela aurait sur votre planification au point de vue
énergétique, sur votre planification sur le plan de
l'équipement ainsi que, bien sûr, sur la planification
financière.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Je crois que vous avez touché les principaux
points sur lesquels nous nous questionnons.
En premier lieu, il est certain qu'Hydro-Québec est
peut-être le meilleur organisme qui soit capable de dire au gouvernement
quels sont ses besoins financiers vis-à-vis de son programme
d'équipement. À ce moment-là, il nous semble que le
conseil d'administration pourrait faire la recommandation au gouvernement que,
durant une certaine année, basée sur les états financiers,
un dividende au montant de X pourrait être la recommandation du conseil
d'administration vis-à-vis du gouvernement.
Ce qu'on cherche à ce moment-ci, c'est justement d'être
capable de protéger la réalisation du programme
d'équipement. Et pourquoi le protéqer? Un dividende trop
élevé pourrait enlever une marge de manoeuvre à
Hydro-Québec au point de vue de l'autofinancement. Si on n'a pas cette
marge de manoeuvre, cela veut dire qu'on est obligé d'aller sur les
marchés financiers externes et qu'on ne pourrait peut-être pas
trouver le montant nécessaire pour financer le programme
d'équipement. Je pense que j'ai dit ce matin dans mon discours que
c'était la pierre sur laquelle on voulait se poser pour pouvoir assumer
nos responsabilités.
En somme, ce qu'on cherche à dire avec notre proposition, c'est
qu'Hydro-Québec est peut-être la personne qui connaît le
mieux l'entreprise et que sa recommandation devient le meilleur intrant
au gouvernement pour qu'il le prenne et le regarde avec les autres intrants,
les autres informations pour en arriver à trouver et à
déclarer un dividende quelconque.
M. Fortier: Pourriez-vous expliciter votre pensée? La
comparaison avec la Société des alcools m'importune un peu, parce
que, dans mon esprit, je n'ai jamais su que la Société des
alcools investissait des milliards pour dix années à venir. Bien
sûr, certains qui n'ont pas l'expérience de ces grands projets
peuvent penser qu'il y a des décisions annuelles qui se prennent, mais
bien au contraire. J'aimerais que vous explicitiez votre pensée.
D'ailleurs, en février dernier, vous avez fait la démonstration
que ces programmes nécessitent justement des études, une
planification du programme d'équipement et, bien sûr, une
planification financière s'ensuit. J'imagine que si le gouvernement
décidait unilatéralement la déclaration d'un dividende qui
pourrait affecter un plan qui aurait été, au préalable,
accepté en principe, cela pourrait créer une situation à
peu près impossible pour les membres du conseil d'administration
d'Hydro-Québec mais j'aimerais que vous nous le disiez dans vos propres
mots.
M. Bourbeau: Ce qu'on trouve à Hydro-Québec, c'est
que, pour être capables de remplir nos responsabilités, de faire
face à la demande et d'avoir un programme d'éguipement qui puisse
se réaliser, il nous faut des fonds que l'on puisse
générer nous-mêmes à l'intérieur de
l'entreprise et il nous faut des fonds qui viendront de l'extérieur de
l'entreprise. C'est notre responsabilité. Notre responsabilité,
qui est décrite dans la loi, est de répondre à la demande
des gens du Québec. Pour répondre à cette demande, il nous
faut construire des centrales, il nous faut construire un réseau et tout
ceci coûte de l'argent. Pour être capables d'évaluer quels
sont nos besoins financiers, la meilleure personne se trouve encore être
Hydro-Québec et ce que l'on voudrait, c'est d'être capables de
passer cette information au gouvernement en faisant une recommandation. C'est
le but de la proposition que nous faisons dans le mémoire.
M. Fortier: Si je comprends bien, cette recommandation, vous
l'avez dit, c'est la pierre angulaire qui va permettre à
HydroQuébec de jouer le rôle qu'elle a pu jouer dans le
passé, de faire une planification adéquate et de remplir sa
mission, savoir satisfaire les besoins en électricité. Le cas
contraire serait que vous seriez amené, j'imagine, à
accélérer ou à freiner certains projets avec les
coûts inhérents à de telles décisions lorsque, pour
des raisons financières, on doit retarder un projet qui est
déjà lancé; cela pourrait augmenter
considérablement le coût de construction d'un barrage ou d'une
réalisation hydroélectrigue.
Vous avez fait des études dans le passé, pourriez-vous
nous rappeler les coûts d'accélération ou de diminution? Je
crois qu'Hydro-Québec a déjà fait des études pour
démontrer la sensibilité d'un tel phénomène par
rapport au coût de construction.
M. Bourbeau: Pour accélérer un programme de
construction, nos coûts se trouvaient dans une proportion entre 10
à 1 à 20 à 1, c'est-à-dire que si nous devons
accélérer parce qu'il y a une demande beaucoup plus
élevée que celle que l'on prévoyait, ou si l'on n'a pas
établi assez d'installations, on devrait à court terme, installer
des turbines à gaz, or, le combustible, le carburant de ces turbines
à gaz coûte excessivement cher. D'autre part, si notre programme
d'équipement est trop élevé et qu'on doive le
réduire, nos pertes sont de beaucoup inférieures à ce que
je vous ai donné tout à l'heure.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: On a parlé de la façon dont
Hydro-Québec a fonctionné dans le passé. On a
établi, ce matin, que dans le passé le deqré
d'autofinancement d'Hydro-Québec se promenait entre 25% et 36%.
L'avenir dont on parle, cet après-midi, à partir des
projections de tarifs hypothétiques, révèle une situation
tout à fait différente qui n'a plus aucun rapport avec le
passé. Un taux d'autofinancement de 64% qui a été
confirmé, ce matin, ce n'est pas le passé, ça, c'est
quelque chose qui n'a aucun rapport avec tout ce qu'on a vu jusqu'à
maintenant. On ne peut pas valablement dire que le passé est qarant de
l'avenir. L'avenir qui est déterminé par des augmentations de
tarifs hypothétigues qu'on nous a présentées et qui
impliquent un taux d'autofinancement que jamais, jamais dans le passé,
Hydro-Québec n'a connu.
S'imaginer que pendant cette phase d'autofinancement
accéléré, la société dans son ensemble en
profite au même titre, par exemple, que l'Alberta profite de son
pétrole - je rappellerai, par exemple, que 70% de toutes les recettes
gouvernementales sur le pétrole et le gaz en Alberta, vont au budget
courant du gouvernement, 70% - s'imaginer que parce qu'il y a quelque chose
absolument nouveau qui va se produire à Hydro-Québec, le fait
d'établir ces règles du jeu qu'on veuille établir est
quelque chose d'abominable, ce n'est pas abominable, c'est normal. Il
était tout à fait normal que le
gouvernement réagisse à des circonstances totalement
nouvelles.
Je pense que c'est le député de Saint-Laurent qui disait
tout à l'heure: Je pensais, ce matin, qu'Hydro-Québec envisageait
le pire des scénarios - si je l'interprète bien -quant aux
augmentations de prix. Effectivement, ce matin, je trouvais intéressant
de voir l'Opposition et Hydro-Québec élaborer une sorte de
scénario bien pire que toutes les augmentations qu'on vient de constater
cet après-midi, mais bien pire que ça. Une des raisons pour
lesquelles je n'intervenais pas ce matin, c'est que je voyais tous les
Frankenstein et les Dracula se démultiplier, c'est l'effet de MacEachen
qui était en train de se produire. Si on avait continué sur la
lancée de ce matin, on aurait annoncé demain, j'imagine, des
augmentations absolument fabuleuses appréhendées des tarifs
d'électricité d'Hydro-Québec. Quand on aurait
déclaré des augmentations analogues à celles dont on parle
cet après-midi, tout le monde aurait dit: Ouf! En fait, l'Opposition et
Hydro-Québec étaient en train, ce matin, de faire une "job"
absolument merveilleuse de faire peur au monde. Ce n'est surtout pas le parti
ministériel qui faisait ça. Mais non!
M. Forget: Je croyais que vous visiez la parité avec le
pétrole, ou presque.
M. Parizeau: Mais non, on n'a jamais dit cela. On a dit
simplement qu'on ne pouvait pas établir - et tout le monde en est
parfaitement conscient - le prix de l'électricité sans regarder
le prix du substitut. Quicongue a été en affaires sait bien cela.
On ne peut établir le prix d'un produit substitut sans regarder l'autre
prix.
M. Forget: Vous faites plus que les regarder, vous vous en
inspirez.
M. Parizeau: Nous les regardions et l'Opposition en tirait des
conclusions, et des conclusions qui faisaient tout à fait mon affaire;
ils étaient en train de viser à peu près deux fois
l'augmentation de tarifs qu'on envisage.
La politique de prix d'une société d'État, le
député d'Outremont disait des choses intéressantes
à cet égard en parlant de la SAQ. La politique de prix de la SAQ
n'est pas déterminée par le gouvernement. En fait, la SAQ a un
régime bien plus libéral que celui d'Hydro-Québec.
Lorsqu'on a déterminé le dividende de la SAQ, la SAQ
détermine ses propres prix et le ministre responsable habituellement
apprend cela par la voie des journaux. Je ne sais pas si c'est différent
pour mon ex-collègue de l'Industrie et Commerce. J'ai été
responsable de la SAQ pendant deux ans et demi, les augmentations de prix de la
SAQ, je lisais cela dans la Gazette et dans le Devoir, ce qui va bien plus loin
que ce dont on parle à l'égard d'Hydro-Québec. Depuis
longtemps Hydro-Québec doit faire approuver ses tarifs. N'imaginons pas
que l'on cherche à corser Hydro-Québec pour la rendre analogue
à la SAQ. La SAQ détermine ses prix, annonce cela dans les
journaux et les ministres lisent cela avec beaucoup d'intérêt.
En fait, j'aimerais que M. Bourbeau confirme ceci: À partir du
moment où les tarifs sont déterminés par le gouvernement
pour l'électricité, je ne me trompe pas en disant que le
dividende à payer par HydroQuébec est un résidu. Ce n'est
pas le gouvernement qui détermine le dividende. Ce n'est pas le ministre
des Finances qui détermine le dividende. Étant donné la
formule que nous avons mise dans la loi, le dividende est un résultat
à 75% de l'augmentation des tarifs.
M. Forget: Que vous décidez.
M. Parizeau: Donc, si je comprends bien, Hydro-Québec nous
fait des recommandations quant aux tarifs, n'est-ce pas? Les recommandations
qu'Hydro-Québec nous fait quant aux tarifs, nous pouvons les accepter ou
les modifier comme gouvernement, mais à partir du moment où c'est
déterminé, n'importe qui peut déterminer quel est le
dividente à partir des formules qui découlent de la loi. Le
dividende n'a rien à voir avec une décision du gouvernement.
À 75%, selon la formule, c'est un résidu. Donc, la
décision centrale, la discussion centrale entre Hydro-Québec et
le gouvernement, c'est sur les tarifs. HydroQuébec présente donc
une proposition tarifaire, le gouvernement l'accepte ou la modifie, ce qui a
toujours été le cas depuis des années. Lorsque que cela a
été établi, le reste en découle. On peut donc se
poser la question: Est-ce qu'Hydro-Québec voudrait revenir une
deuxième fois pour dire: Nous nous sommes entendus avec le gouvernement?
Nous ne nous sommes pas entendus sur les augmentations de tarifs, cela donne un
certain dividende et nous voudrions repasser une deuxième fois pour
faire une recommandation quant aux dividendes.
Ce n'est pas une première démarche, dont on parle. Ce qui
est demandé comme amendement à la loi, ce n'est pas une
deuxième démarche. Ce n'est pas une démarche originale,
c'est une deuxième démarche. C'est une sorte d'appel quant aux
tarifs, ou est-ce que je me trompe en posant la question à M. Bourbeau:
Est-ce que la demande qui est faite, c'est un appel concernant la
décision qui avait été prise quant aux tarifs?
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Si l'on suit le processus donné dans la loi,
à la fin de septembre, on viendra en commission parlementaire pour
établir les tarifs 1982-1983 et cette proposition sera acceptée
par le gouvernement une fois que la commission parlementaire nous aura
entendus. (16 h 45)
Les dividendes pour notre année financière 1982-1983
seront établis suivant une recommandation d'Hydro-Québec - c'est
ce qu'on demande - lors de la présentation de ses états
financiers au mois de mars 1983. C'est donc une fois qu'on aura
complété notre année financière, une fois que les
tarifs auront été établis depuis un an et demi qu'on verra
quels dividendes on pourrait payer au gouvernement.
M. Parizeau: M. le Président, je vais essayer d'être
plus précis. Le gouvernement détermine des augmentations de
tarifs sur la base de recommandations qui lui viennent d'Hydro-Québec.
Hydro-Québec communique au gouvernement les résultats financiers
de l'année. On s'entend bien que le dividende fixé à 75%
de l'excédent, c'est un résidu; ce n'est pas une démarche
que le gouvernement entreprend en disant à Hydro-Québec:
Voudriez-vous m'en payer plus ou moins? C'est un résidu, n'est-ce
pas?
M. Bourbeau: C'est un résidu de nos états
financiers qui donne, suivant le projet de loi no 16, un dividende susceptible
d'être payé à un maximum de 75% du surplus.
M. Parizeau: C'est ça. M. Bourbeau: C'est
ça.
M. Parizeau: Sur la base de 75%, le dividende n'est pas
déterminé arbitrairement par le gouvernement; c'est un
résidu qui est la combinaison de deux choses: le tarif tel que
décrété et les états financiers tels que
présentés par Hydro-Québec.
M. Bourbeau: C'est exact.
M. Forget: Sur ce point, on saute une étape. Il est
techniquement et réellement incorrect de parler du dividende comme
étant une pure résultante. La somme susceptible de distribution
est une résultante, c'est 75% d'un certain calcul. Mais la somme qui
sera effectivement versée en dividende à l'intérieur des
75% peut aller de zéro à 75%. Cela demande une deuxième
décision distincte de celle qui porte sur les tarifs. Ce n'est qu'un
point formel, mais il demeure que ce n'est pas exact de représenter
ça comme une seule et même décision. Ce seront deux
décisions prises à des moments différents et en fonction
de considérations qui ne sont pas nécessairement identiques.
M. Parizeau: C'est la raison pour laquelle, M. le
Président, c'est toujours sur la base de 75%. On peut dire sur une base
inférieure, le gouvernement peut toujours dire: Je ne vais pas aller
chercher les 75% cette année. Mais sur la base de 75%, le dividende - et
je pense que c'est très important de le faire ressortir - est un
résidu.
M. Fortier: Excusez-moi. C'est un résidu, mais qui devient
un intrant pour l'année suivante. C'est l'oeuf et la poule, vous savez.
Au mois de février, vous décidez d'un dividende, mais, au mois de
septembre ou octobre, vous décidez de la tarification pour
l'année qui vient. C'est bien certain que, si vous prenez zéro,
l'augmentation de la tarification l'année suivante peut être plus
basse et, si vous prenez 75%, ça peut être plus
élevé. C'est un cycle qui se continue continuellement, et on ne
peut pas penser que c'est un cycle annuel fini; c'est un cycle qui est
indéfini, qui reprend d'année en année.
M. Parizeau: M. le Président, je rappellerai au
député d'Outremont que la dernière fois où nous
avons déterminé des tarifs pour Hydro-Québec, ça
s'est appliqué à trois ans de suite. On n'est pas revenu chaque
année, c'était pour trois ans.
M. Fortier: Ce n'est pas moi qui ai dit ça; c'est M.
Bourbeau qui parlait...
M. Parizeau: Donc, on ne peut pas revenir là-dessus chaque
année; ça dépend pour combien d'années on
décide d'une augmentation de tarifs.
Je reviens sur une chose qui est plus difficile, plus compliquée,
et je pense que c'est tout à fait évident sur le plan technique,
même si c'est plus difficile à saisir. Il est clair que, quant au
plan d'équipement d'Hydro-Québec, être astreint à la
taxation normale de toute entreprise et être astreint à une
politique de dividende influence ses décisions quant à son plan
d'investissement. Je pense que c'est tout à fait clair. Il est important
de s'en rendre compte. Dans ce sens, on se trouve à traiter
Hydro-Québec comme General Motors ou le Canadien Pacifique. Il faut
faire très attention ici de ne pas s'imaginer qu'il y a un plan
d'équipement et que, parce qu'il y a un plan d'équipement, il ne
doit pas y avoir de taxation et il ne doit pas y avoir de dividende. C'est le
contraire, n'importe quelle grande entreprise, de nos jours, part de son type
de taxation, du dividende qu'elle a à payer et détermine un
certain nombre d'orientations en fonction de ça et pas le contraire.
Je comprends que c'est difficile à saisir, mais c'est quand
même central, on ne
peut pas avoir dans notre société deux types de
compagnies: des compagnies astreintes à des règles d'impôt
et de dividende qui ont une certaine logique interne quant à la
détermination de leur plan d'investissement et des
sociétés qui ne sont pas astreintes à la taxation et qui
ne sont pas astreintes à une politique de dividende et qui ont donc une
façon de décider des investissements d'une autre
manière.
Je reviens à ce que je disais tôt ce matin, l'objectif du
gouvernement à cet égard, c'est de faire en sorte
qu'Hydro-Québec, qui joue parmi toutes les compagnies canadiennes un
rôle absolument majeur, elle est maintenant devenue une des très
grandes sociétés canadiennes, soit astreinte aux règles
qui s'appliquent normalement aux grandes sociétés.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Je voudrais faire remarquer à ce propos que
General Motors et Hydro-Québec ont des missions tout à fait
différentes et que, pour Hydro-Québec, nous devons, de par notre
mission, fournir l'énergie électrique à la population.
General Motors peut fort bien, si elle a des dividendes à payer qui sont
en excès de ce qu'elle pensait avoir, reprendre son plan de
développement et le restreindre. Quant à nous, nous devons
fournir de l'électricité à la population.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le raisonnement
serait le même si je remplaçais General Motors par Bell Canada?
C'est un service public qui doit être rendu à la population, Bell
Canada paie ses taxes, elle paie un dividende à ses actionnaires, elle a
un plan d'équipement, elle adapte son plan d'équipement en
fonction des taxes généralement payables et du dividende qu'elle
à payer à ses actionnaires.
M. Bourbeau: À ce moment-ci, c'est le conseil
d'administration de Bell Canada qui dicte à l'actionnaire quel doit
être le dividende à payer.
M. Parizeau: Ah! M. le Président, tant et aussi longtemps
que les actionnaires, à un moment donné...
M. Fortier:... font confiance au conseil d'administration...
M. Parizeau: Non, réagissent dans le bon sens...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Dans la foulée de ce qu'on vient de
discuter, M. le Président, j'aimerais poser une question à M.
Bourbeau ou à M. Bolduc. Dans l'hypothèse que vous avez
déposée sur cette table cet après-midi - c'est bien
important de voir que cela est une hypothèse, c'est un scénario
possible, ce n'est pas une décision d'Hydro-Québec, ce n'est
même pas une prévision, c'est une hypothèse parmi tant
d'autres - on se rend compte, le ministre des Finances l'a fait remarquer, que
c'est vers la cinquième année de la période que les
surplus importants sont dégagés, plus de la moitié des
surplus de la période sont dégagés pendant la
dernière année. Par ailleurs, M. Bolduc a semblé indiquer
- il pourra me corriger si je fais une interprétation excessive - que
compte tenu de la cohérence qui existe entre chacun des
éléments constitutifs du scénario - il y a une certaine
cohérence entre augmentation de tarifs, augmentation du taux
d'inflation, augmentation du taux d'intérêt, vous avez
établi cette cohérence, vous en avez tenu compte - la
sensibilité de chacun des éléments semble relativement
égale.
Ma question serait alors la suivante. L'élément le plus
important qui détermine cette espèce d'augmentation rapide du
surplus, en fin de période, l'élément le plus important
qu'il faut considérer pour déterminer ou apprécier ce bond
soudain du surplus, je suppose que ce sont les besoins financiers
générés par le plan d'équipement d'Hydro à
cette époque-là. C'est qu'en 1985, vous avez un creux dans le
plan d'équipement, ce qui vous permet de dégager un surplus aussi
considérable. Est-ce cela? Est-ce que ce serait cela
l'élément le plus sensible de votre projection sur les cinq
prochaines années?
M. Bolduc: Le plan des investissements qui est défini au
tableau désagrégé année par année...
M. de Belleval: Oui.
M. Bolduc:... est relativement stable; il passe de 2 700 000 000$
en 1981 à 3 654 000 000$ en 1985. Ce n'est pas là la cause de cet
accroissement assez sensible du dividende en 1985. La cause est plutôt un
effet cumulatif, c'est-à-dire que les hausses de tarifs qui s'appliquent
par exemple en 1982 haussent les tarifs des années subséquentes,
celles qui viennent en 1983 haussent les tarifs de 1983, 1984, 1985.
L'année 1985 se trouve à...
M. de Belleval: C'est l'effet composition des augmentations.
M. Bolduc: C'est l'effet composition cumulatif de ces
augmentations qui se multiplie la dernière année, c'est
évident.
M. de Belleval: Ceci étant dit, M. le Président, on
se rend compte qu'en toute hypothèse, quel que soit le scénario
qui sera effectivement retenu ou qui se réalisera effectivement, parce
qu'il se peut que, comme vous l'avez indiqué, le résultat de la
période ne soit finalement pas l'objet d'une décision
délibérée à partir d'une année, mais qu'il
soit tout simplement le résultat cumulatif de décisions
annuelles, il n'en reste pas moins que, vers 1985, les surplus d'Hydro
susceptibles d'être retournés sous forme de dividende vont
être considérables. C'est exact?
M. Bolduc: Le montant qui est spécifié dans cette
projection...
M. de Belleval: Je ne parle pas d'un montant en particulier.
M. Bolduc: L'ordre de...
M. de Belleval: Mais, compte tenu de ce que vous venez de me dire
qu'il y a un effet cumulatif, quelles que soient les différentes
composantes du scénario qui se réalisera finalement, les surplus
vont être considérables. On peut être certain de cela.
M. Bolduc: Je pense que l'ordre de grandeur est relativement
précis par rapport aux variations.
Une voix: Relativement.
M. Bolduc: II ne peut pas varier du simple au double ou de ce
qu'il est à 50% de sa valeur. Ce serait relativement peu probable.
M. de Belleval: Là-dessus, je différerais
peut-être d'opinion avec vous, tout dépendra. Plus les tarifs
seront auqmentés, et en supposant qu'ils soient augmentés dans
des proportions plus grandes que celles non pas que vous avez prévues,
mais que vous avez indiquées dans le scénario actuel, cela
dégagerait des sommes qui, en chiffres absolus, seraient encore plus
considérables...
M. Bolduc: Oui, je rappelle le chiffre...
M. de Belleval:... c'est-à-dire que les fourchettes
peuvent être considérables de ce point de vue-là.
M. Bolduc:... qui a été cité plus tôt,
1% en moyenne annuelle, autrement dit, si, chaque année, la hausse
était de 1% de plus...
M. de Belleval: Oui.
M. Bolduc:... que dans ce scénario-ci, cela ajouterait au
dividende 325 000 000 $ en 1985.
M. de Belleval: C'est cela.
M. Bolduc: Si c'était évidemment une hausse
annuelle moyenne de 4% ou de 5% plus élevée que ce
scénario, là on en arriverait facilement à doubler le
dividende. C'est clair, si on allait aussi loin. (17 heures)
M. de Belleval: C'est le point que je voulais vous faire
établir. C'est façon toute hypothèse, les surplus vont
être relativement importants et pourraient être encore plus
importants que ceux que l'on voit dans le scénario actuel, mais, comme
vous l'avez admis vous-même, je pense, tout le monde l'a admis de bonne
foi, on n'est pas dans le domaine d'une prévision, compte tenu de la
conjoncture dans laquelle on est. On essaie de déterminer un ordre de
grandeur, mais une chose est certaine, c'est qu'on va dégager des
surplus considérables. Cela au moins, c'est certain.
M. le Président, je pense que c'est un point quand même
essentiel. C'est que, si on reprend la discussion dans laquelle veut nous
amener l'Opposition en ce sens qu'on devrait laisser la nature, ni plus, ni
moins, suivre son cours, d'une part, et demander au gouvernement de faire, dans
le domaine de l'énergie, ce qu'il faisait autrefois dans le domaine de
l'éducation, à savoir que c'était quelque chose de trop
important et de trop dangereux pour que le gouvernement décide quoi que
ce soit là-dessus et qu'il devait confier cela à une
assemblée d'évêques et de spécialistes
indépendants du gouvernement de l'époque, au fond, ce à
quoi veut nous amener l'Opposition, c'est à une espèce de
position semblable dans le domaine de l'énergie, en tout cas dans le
domaine de l'hydroélectricité, justement au moment où on
se rend compte que les conditions ont changé.
C'est ce que j'expliquais ce matin, c'est ce que le ministre des
Finances aussi vient d'expliquer de nouveau disant qu'on était dans une
situation de relative pénurie où le système de production
hydroélectrique ne dégageait pas de surplus sur lequel, au fond,
le conseil d'administration d'Hydro pouvait porter un jugement
discrétionnaire en matière de redistribution de surplus - il n'y
en avait pas de surplus - toutes ces ressources étaient d'abord
utilisées pour fournir de l'électricité, de la fournir
à un coût comparable à peu près partout au
Québec et de maintenir les tarifs au plus bas niveau possible dans un
contexte où, de toute façon, les autres formes d'énergie
étaient moins dispendieuses que l'électricité.
Donc, au fond, il n'y avait pas tellement de jugement discriminatoire
à porter sur toutes ces composantes. Mais là,
ce n'est plus le cas. De toute façon, on l'a vu, le gouvernement
détermine les tarifs en dernière hypothèse. C'est dans la
loi actuelle. C'est lui aussi qui approuve le plan d'équipement
d'Hydro-Québec. Hydro-Québec soumet un plan, mais c'est le
gouvernement qui l'approuve. Et en l'approuvant d'ailleurs, il prend
l'engaqement de fournir à la société les ressources
financières minimales pour réaliser ce plan. D'ailleurs, s'il ne
le faisait pas, vous auriez des difficultés sur les marchés
financiers et vous devriez revenir devant l'actionnaire et lui dire:
Écoutez, je ne suis pas capable de réaliser le plan
d'équipement que vous avez approuvé, avec la structure tarifaire
que vous avez approuvée, et une discussion aurait lieu.
Mais ce n'est pas là que le problème se pose, de toute
façon. On tient pour acquis, je suppose, que le gouvernement sera
cohérent, qu'il approuvera une structure tarifaire compatible avec les
besoins financiers minimaux d'Hydro pour réaliser le plan
d'équipement d'Hydro qu'il a lui-même approuvé.
Mais c'est au-delà de cela que le problème se pose. En
toute hypothèse, tenant compte de tous ces facteurs et tenant pour
acquis qu'effectivement le gouvernement et Hydro s'entendront sur un plan
d'équipement, une structure tarifaire, nous allons dégager des
surplus considérables. Et là, il y a un jugement à porter
là-dessus. On ne peut pas laisser cela au conseil supérieur de
l'électricité, comme on laissait cela autrefois au Conseil
supérieur de l'éducation ou au Département de
l'instruction publique.
Il y a un gouvernement élu et le ministre des Finances a
très bien démontré -M. Bourbeau est d'ailleurs d'accord
avec cela que les critères qui vont servir à déterminer ce
que nous ferons avec ces surplus ne peuvent pas être administrés
exclusivement par Hydro-Québec. Hydro-Québec a un aspect à
fournir dans ces critères. Là-dessus je suis d'accord avec le
président qui est bien placé pour faire une recommandation au
gouvernement de ce point de vue. Mais il reste qu'il admet lui-même dans
son mémoire qu'il y a trois autres critères, au moins. Et cela
est une décision gouvernementale. Cela ne peut pas être autrement
qu'une décision gouvernementale que d'apprécier, à partir
d'un intrant d'Hydro, mais à partir aussi des trois autres
critères, quel sera finalement le destin de ce surplus qui est
inévitable, compte tenu de la nouvelle conjoncture économique
dans laquelle on est.
Cela ne sert à rien de faire un peu comme l'Opposition, de faire
semblant que la situation est semblable à ce qu'elle était dans
le passé et que le gouvernement n'a pas à exercer son jugement
là-dessus. Il faudra que quelqu'un l'exerce et Hydro ne peut l'exercer
seule, puisqu'elle n'a qu'un aspect de la décision sur lequel elle peut
porter un jugement.
Et on voit un peu l'incongruité qu'il y aurait à ce qu'une
proposition soit faite par Hydro sur le montant du dividende, à partir
d'un seul critère, sachant, comme le ministre des Finances vient de le
dire, que la décision ultime du gouvernement ne coïnciderait avec
celle d'Hydro que par accident seulement.
On est dans une situation où il faut admettre que le gouvernement
aura une décision à prendre, qu'il devra prendre conseil d'Hydro,
je suppose, selon les mécanismes normaux de communication qui existent
entre Hydro et le gouvernement, mais que d'une façon ou d'une autre, en
toute hypothèse, seule la décision gouvernementale peut
être légitime dans un cas semblable. Ce n'est plus une question de
savoir si les tarifs seront trop élevés ou non, s'ils seront en
relation ou non avec tel ou tel prix. En toute hypothèse, nous allons
dégager des surplus considérables. J'admettrai avec le
député de Saint-Laurent - et Dieu me garde qu'il ne fasse
d'extrapolation à partir de cette admission - que la fourchette de ce
surplus peut cependant varier considérablement, mais en fonction de
décisions qui, de toute façon, seront prises par le gouvernement
ici même dans le processus d'approbation ou de critique de
l'Assemblée nationale, à savoir l'approbation du plan
d'équipement et l'approbation de la tarification d'Hydro-Québec.
Ce n'est pas un chèque en blanc que le gouvernement reçoit avec
le projet de loi. Il devra, de toute façon, année après
année, venir justifier ses décisions en matière de
tarification et en matière d'équipement. Dans ce sens,
effectivement, la détermination du dividende sera largement une
résultante de ces deux opérations clés, l'approbation du
plan d'équipement et l'approbation de la tarification.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Je voudrais corriger légèrement ce que
le député de Charlesbourg vient de dire à propos du plan
de développement qui est approuvé par le gouvernement.
Actuellement, le gouvernement approuve deux décisions
d'Hydro-Québec: le budget d'immobilisation et les tarifs. Il n'y a
aucune autre...
Une voix: Le budget annuel.
M. Bourbeau: Oui, le budget annuel...
M. de Belleval: Le budget annuel.
M. Bourbeau:... d'immobilisation, mais actuellement, le plan
d'équipement n'est pas approuvé par le gouvernement. On a...
M. de Belleval: Vous admettrez, M. Bourbeau, - et vous avez
raison d'apporter cette correction - que c'est une correction, comme vous le
dites vous-même, qui est, d'une certaine façon, subtile. Le budget
d'investissements est le résultat même d'un plan
d'équipement.
M. Bourbeau: C'est la première année de notre plan
d'équipement qui couvre dix ans.
M. de Belleval: Enfin! D'une façon glissante, quoi!
M. Bourbeau: Exactement.
M. de Belleval: Je ne pense pas que cela contredise
fondamentalement la démonstration...
M. Bourbeau: Non, non. C'était seulement... Non, non.
M. de Belleval:... mais vous avez raison d'apporter cette
distinction.
M. Bourbeau: J'aurais peut-être un autre point sur
l'intervention du député. Lorsqu'on regarde - et cela revient, je
pense, dans la loi, à Hydro-Québec de déterminer les
hausses de tarifs - et lorsqu'on détermine nos hausses de tarifs, on
doit se baser sur le rythme de développement de l'entreprise. On doit se
baser sur le rôle qu'Hydro-Québec sera appelée à
jouer dans le cadre de la politique énergétique
québécoise, c'est-à-dire notre développement et
aussi nos besoins financiers. Donc, déjà, dans
l'établissement des tarifs, on a à se préoccuper de ces
trois points. Lorsqu'on aura, suivant notre proposition d'amendement, à
proposer un dividende, on prendra ces trois facteurs en
considération.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aurais seulement quelques commentaires. En premier,
je vais dire que je suis pas mal d'accord avec le député de
Charlesbourg et, en y pensant bien, on aurait peut-être dû laisser
l'éducation aux évêques.
M. de Belleval: Le député de Saint-Laurent ne sera
certainement pas d'accord.
M. Fortier: En rétrospective, cela aurait peut-être
donné d'aussi bons résultats.
Je pense que le point majeur - on est en train de cerner des politiques
extrêmement sérieuses - que j'aimerais souligner, c'est
l'interprétation que je fais du texte au bas de la page 7, lorsque
HydroQuébec dit: "La déclaration de dividende exprimera
d'année en année le jugement du gouvernement sur ses propres
besoins financiers... " Je pense qu'on a voulu illustrer qu'il y avait un
conflit d'intérêts dans un sens et je pense bien que ce que nous
essayons de défendre, c'est le fait suivant: Voulons-nous
réellement avoir une HydroQuébec qui deviendra ni plus ni moins
sous la tutelle d'Hydro-Québec, dans la mesure où le gouvernement
serait seul capable de déterminer les besoins financiers parce que c'est
lui qui prendra les décisions? J'admire votre franchise sur ce point.
C'est là qu'on diverge d'opinions fondamentalement et c'est là
qu'on dit que ce qui a fait le succès d'Hydro-Québec dans le
passé, c'est le fait qu'elle était tout de même assez
autonome vis-à-vis de son actionnaire.
Par ailleurs, je suis de ceux qui croient que le gouvernement doit
intervenir sur le plan des politiques. J'ai fait allusion tout à l'heure
à la politique énergétique. J'ai posé la question
à savoir si le gouvernement a décidé dans un
énoncé précis, comme l'a fait la politique nationale de
l'énergie, quel sera le prix de l'électricité par rapport
au gaz et par rapport au pétrole. Cela n'a pas été fait et
je crois que le gouvernement pourrait intervenir à ce niveau pour dire
à HydroQuébec: Nous voulons qu'à l'avenir le prix de
l'électricité soit tel et tel. Mais ça n'a pas
été fait et, à mon avis, c'est là que le
gouvernement doit intervenir. Chacun doit jouer son jeu et chacun doit
défendre ses positions. Que le gouvernement définisse la
politique énergétique et Hydro-Québec administrera les
politiques qui auront été décidées.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'intérêt les points de vue sur une des
recommandations d'Hydro-Québec dans son exposé en ce qui est de
cette demande de se voir doter de ce pouvoir de recommandation. Je pense que
mon collègue des Finances a très bien expliqué et
explicité à plusieurs reprises le processus
d'établissement du montant susceptible de distribution que l'on retrouve
en toutes lettres dans le projet de loi.
Une fois la proposition tarifaire d'Hydro-Québec, que ce soit
pour une année, pour deux années ou pour trois années,
acceptée par le gouvernement et qu'elle entre en vigueur, je voudrais
que l'on s'entende au moins sur une chose, c'est que d'ores et
déjà pour un an, deux ans et trois ans - nos amis français
diraient toutes choses étant égales par ailleurs - on peut en
arriver à chiffrer comme deux et deux font quatre quel serait le montant
susceptible de distribution.
Ceci étant dit - et je pense que l'exposé
d'Hydro-Québec ce matin en fait
état - une fois que l'on connaît de part et d'autre - quand
je dis de part et d'autre, je devrais dire de tous côtés - quels
sont les paramètres de ce montant susceptible de distribution, lorsque
arrive le moment de déclarer le dividende, suivant ce qui est
prévu au projet de loi dans son mécanisme de déclaration,
on conviendra, j'en suis sûr, qu'il s'agit d'un jugement
d'opportunité, eu égard, d'une part, aux disponibilités
qu'on peut chiffrer sur les marchés financiers pour une année
donnée et en tenant compte, par ailleurs, bien sûr, du niveau
d'autofinancement que cela représenterait comme résultante pour
Hydro-Québec et en exerçant ce jugement d'opportunité
aussi sur les niveaux des taux d'intérêt pour l'année en
cours.
Je pense que le mémoire d'Hydro-Québec, au pied de la page
7, identifie - je pense que ce serait illusoire de vouloir le cacher, c'est
bien évident - que les besoins financiers du gouvernement sont
évalués chaque année par le ministre des Finances, sont
évalués aussi, bien sûr, par le Conseil des ministres. Mais
dépendant de l'état des marchés, dépendant des taux
d'intérêt, dépendant du niveau d'autofinancement que nous
avons en tête sur la projection de ces années-là, ce que je
voudrais qu'on établisse au moins, c'est que cette décision que
le gouvernement voudrait prendre est un jugement d'opportunité de la
même façon que le gouvernement, lors du dépôt de son
budget, pose des jugements d'opportunité sur des niveaux de taxation
envers d'autres entreprises, envers les individus, sur la taxe à la
consommation sur divers articles. La mise en garde que je voudrais faire, M. le
Président, c'est essentiellement de dire à nos collègues
de l'Opposition, qui jouent admirablement bien leur rôle et pour
longtemps, je l'espère, que nous ne nageons pas dans un arbitraire
absolu. Après avoir entendu M. Lafond et M. Bourbeau, en particulier,
nous avons voulu introduire dans ce projet de loi une espèce d'engrenage
mécanique très précis tant sur le niveau de couverture des
intérêts d'Hydro-Québec que sur le taux de capitalisation;
nous avons balisé cela de façon à pouvoir
déterminer à l'avance, en fonction de la projection des revenus
bruts d'Hydro-Québec, quel serait ce montant susceptible de
distribution.
Ce que je voudrais dire, pour ma part, c'est que je demanderai à
être convaincu -et je le dis avec tout le respect que je vous dois, M. le
président d'Hydro-Québec - sur l'opportunité et la
pertinence d'introduire dans le projet de loi votre première
recommandation. (17 h 15)
II y a un autre aspect, M. le Président, et je comprends le peu
de temps que nous aurons aujourd'hui et demain, de sorte que je ne voudrais
abuser du temps de personne.
Mais je voudrais sur ce que disait mon collègue d'Outremont ce
matin - en le félicitant par ailleurs qu'il prenne connaissance
régulièrement de la revue Hydro-Presse - et revenir sur ce que
j'ai eu l'occasion moi-même de déclarer à Hydro-Presse,
qu'il était temps que les Québécois profitent non
seulement - et vous allez me permettre d'expliciter ma pensée - à
titre de consommateurs, mais également comme Québécois de
la performance de la grande société nationale qui appartient
à l'ensemble de la collectivité.
On a beaucoup parlé de la Shawiniqan, je suis bien placé
pour en parler puisqu'on a tous grandi, dans mon coin en tout cas, à
l'ombre de la Shawiniqan Water & Power. Je veux rappeler essentiellement
qu'à l'époque de l'achat des compagnies privées
d'électricité en 1963 - et mon collèque des Finances le
rappelait fort pertinemment aussi dans le discours du budget du 10 mars dernier
- pour un montant d'environ 300 000 000 $, plus, bien sûr, l'engagement
de continuer les obligations de ces compagnies, les Québécois
sont devenus les propriétaires d'une des plus grandes ressources sur
leur territoire. On ne le réalise peut-être pas autant qu'on
l'entend ici aujourd'hui, mais M. Lafond a laissé tomber ce matin
qu'Hydro-Québec était devenue non seulement au Québec,
mais dans tout le Canada, la plus grande entreprise canadienne avec des actifs
de 18 000 000 000 $, la première compagnie au Canada également
sur le plan de ses revenus nets d'exploitation et je devrais ajouter, que sur
le plan de l'ingénierie, cela fera certainement plaisir à mon
collègue d'Outremont, Hydro-Québec a fait sa marque et fait
l'envie aujourd'hui du monde entier.
Je pense que le gouvernement est le représentant élu des
actionnaires, et ce dont nous discutons aujourd'hui, M. le Président,
n'a pas été décidé après le rapport des
brefs d'élections, que je sache, mais était écrit en
toutes lettres dans le discours du budget présenté par mon
collèque le 10 mars. Donc, il n'y a aucune découverte. Je
relisais hier soir le discours du budget à la lumière du projet
de loi no 16 qui est devant nous et c'est presque la lettre du discours du
budget que l'on retrouve dans la mécanique interne du projet de loi.
Donc, pas de surprises, et i! faut bien comprendre que le retour des dividendes
à des actionnaires en Amérique du Nord, que cela s'applique
à Pacific Investments, à General Motors, à Alcan ou
à Hydro-Québec, ne devrait pas, à mon sens, constituer un
scandale en soi, mais au contraire ceci va nous permettre, par le retour de ces
dividendes au fonds consolidé, de redistribuer un dividende d'une
richesse nationale qui appartient à tous et non pas aux seuls
consommateurs d'hydroélectricité.
Enfin, M. le Président, je voudrais,
quant à moi, limiter la présente intervention sur ce
point. On s'est peu étendu là-dessus depuis le matin. Je dois
dire que je le déplore à l'instant même en tenant
peut-être pour acquis qu'on va y revenir plus longuement au cours des
travaux de la commission.
Un des points majeurs que M. Bourbeau a touchés dans son
exposé est au bas de la page 5 et cela couvre à peu près
les trois quarts de la sixième page de son exposé. Ceci constitue
une nouveauté. J'imagine que mes collègues de l'Opposition en ont
été frappés également. Le projet de loi va
permettre à Hydro-Québec de mettre en route et d'administrer des
programmes d'économie d'énergie. Cela, c'est vraiment nouveau. Je
voudrais simplement, pour la bonne intelligence de nos propos, me
référer à ce qu'il est convenu d'appeler le livre blanc,
la politique québécoise de l'énergie, à la page 40,
où on parle de l'objectif d'économie d'énergie sur
l'horizon 1990. C'est peut-être bon de se le rappeler, mais cet objectif
a été chiffré à 23%, ce qui peut apparaître
considérable au départ, mais qui, pourtant, constitue un objectif
fort réaliste. Cependant, comme il est indiqué dans
l'énoncé de politique l'objectif d'économie
d'énergie de 23% d'ici 1990 requerra donc une action vigoureuse de la
part tant du gouvernement que des individus et des autres agences
économiques.
Cela, M. le Président, c'est une donnée nouvelle dans le
contexte énergétique. Depuis les premier, deuxième et
troisième chocs pétroliers, les gouvernements et l'ensemble de
notre population sont beaucoup plus conscients maintenant de la
nécessité d'économiser l'énergie et de mettre en
route des programmes en ce sens. Je voudrais dire à M. Bourbeau que je
suis très heureux de relire le premier paragraphe, entre autres, de la
page 6 où on dit qu'Hydro-Québec est particulièrement apte
à jouer un rôle de première importance tant au plan de
l'assistance technique nécessaire à la réalisation de
programmes d'économie d'énergie qu'à celui de leur
administration. Je suis convaincu, M. le président, que ce que vous
aviez en tête en écrivant ces mots, c'était très
certainement le programme d'efficacité énergétique
annoncé par le gouvernement en février dernier, si ma
mémoire est bonne, et qui devrait entrer en vigueur le 1er
octobre prochain. Nous avons chiffré à peu près à 1
000 000 000 $ le niveau d'intervention auprès des consommateurs de sorte
que, sur la décennie 1980, nous puissions augmenter l'efficacité
énergétique en augmentant l'isolation d'un million de
résidences au Québec.
Je pense que c'est un défi redoutable à relever, et je
suis à peu près certain que notre population, à l'heure
même où on s'en parle, n'est pas tout à fait consciente des
chiffres énormes que peut comporter un programme efficace
d'économie d'énergie, en termes aussi d'économie nette, si
on reqarde ça dans l'hypothèse des économies qui
pourraient être réalisées sur un plan d'équipement
à très long terme.
Cependant, ce qui me chicote un peu, si vous me permettez de le
présenter de cette façon, c'est que, à la page 6 de votre
exposé vous formulez une demande qui est elle-même reprise
à la page 10 de votre mémoire, où vous nous dites que
ça constitue des problèmes d'établissement ou de garantie
de solvabilité des emprunteurs, d'une part; deuxièmement,
délai de paiement; troisièmement, difficultés de
recouvrement, pour en arriver à dire: Nous serions plus heureux et plus
à l'aise si nous avions la garantie gouvernementale.
Je voudrais peut-être vous entendre là-dessus, M. le
président, et connaître le fond de votre pensée, à
savoir si Hydro-Québec a absolument besoin de la garantie du
gouvernement pour administrer un tel programme d'économie
d'énergie. Dans l'affirmative, pourriez-vous nous dire si vous avez
quelques idées des mécanismes qu'on pourrait mettre en route,
soit par le truchement d'autres sociétés déjà
existantes ou encore sur des programmes spéciaux. Je vous
écouterai avec beaucoup d'attention.
Le Président (M. Boucher): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau: Avant de pénétrer dans le programme
d'efficacité énergétique et de vous donner toutes les
raisons et tous les motifs qui nous ont poussés à faire cette
recommandation d'assortir nos prêts d'une garantie gouvernementale, je
voudrais relever un point que vous avez souligné. Les tarifs, une fois
fixés, devront presque nécessairement nous donner le dividende
une année et demie plus tard. Il faudra faire bien attention et il faut
bien comprendre, surtout par les temps qui courrent, il se produit tellement de
soubresauts dans le contexte énergétigue où il se pourrait
que les tarifs que nous avons fixés, à un moment donné, ne
pourraient pas nous donner, au bout d'un an, les dividendes
escomptés.
On en a la preuve. On pensait, en 1982, avoir un dividende de 151 000
000 $ et, malheureusement, à cause d'événements qui sont
survenus, ce dividende sera réduit à 28 000 000 $. Lorsqu'on fixe
les tarifs, on peut avoir une bonne idée de ce qui peut survenir, mais
malheureusement, d'autres événements peuvent perturber un peu
notre vision.
M. Duhaime: Si vous permettez, M. le Président, j'ai
tenté de m'exprimer le plus clairement possible. Je crois avoir
mentionné qu'une fois les tarifs approuvés et entrant en
vigueur, toute chose étant égale, nous pouvions d'ores et
déjà chiffrer, comme deux et deux font quatre, le montant
susceptible de distribution qui va encadrer ce que pourrait être la
déclaration du dividende qui, ultérieurement, viendrait, suivant
la teneur de notre projet de loi. On se comprend bien.
M. Bourbeau: Je retiens cette citation française: Toute
chose étant égale par ailleurs.
M. Duhaime: Et très utile, toujours.
M. Bourbeau: Quant au programme d'efficacité
énergétique, pourquoi demande-ton cette garantie gouvernementale?
Je vais passer la parole à M. Lafond qui pourra faire une
première intervention toutefois sur...
M. Lafond: Le pourcentage d'autofinancement
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Boucher): M. Lafond.
M. Lafond: M. le Président, nous ressentons un certain
malaise à cause de la façon dont le débat s'est
engagé. J'en assume une partie de la responsabilité. Le concept
de pourcentage d'autofinancement a été constamment utilisé
de la même façon à Hydro-Québec. Il était
établi de la façon suivante, c'est-à-dire que nous
prenions, d'une part, les fonds produits par les opérations dont nous
soustrayions les échéances et les besoins d'argent pour fonds
d'amortissement, ce qui laissait un solde net disponible que nous comparions
aux dépenses d'immobilisation.
Évidemment, cette formule qui a été utilisée
depuis de nombreuses années était acceptée, mais
Hydro-Québec, consciente de ce qui s'est produit sur les marchés,
consciente du raccourcissement des échéances, consciente du fait
qu'elle doit emprunter de plus en plus, à tous les ans, pour refinancer
ses emprunts, en partie, se rend bien compte qu'elle ne peut plus s'accrocher
à cette définition. Le côté un peu aberrant, si on
s'entêtait à s'attacher à ce concept, a été
révélé ce matin, en réponse à une question,
lorsque nous avons indiqué que, sur la base de la projection, si on
continuait à utiliser le même concept, on aboutirait, en 1985,
à un autofinancement néqatif de moins 3%. C'est clair et
évident qu'on ne peut plus s'attacher à ce concept.
Par ailleurs, de l'autre côté, il y a l'autre formule par
laquelle on pourrait comparer - c'est la formule utilisée et retenue par
le gouvernement - les fonds produits par Hydro-Québec aux
immobilisations d'Hydro-Québec en ignorant le besoin de refinancement,
en iqnorant complètement les échéances et les besoins de
fonds d'amortissement. Cela nous amène aussi à un autre grand
écart. De là, le chiffre cité de 65% d'autofinancement en
1985. Il y a là une marge très grande de moins 3% à 65%.
Pour clarifier le débat ou pour ne pas laisser cet écart
inexpligué et pour éviter de croire qu'il y a une coupure majeure
dans nos opérations, le fondamental reste le même. Je me
risquerais à proposer une formule intermédiaire qui se veut
valable non pas parce qu'elle est intermédiaire, mais parce qu'elle
représente un peu plus la réalité telle qu'on devrait la
vivre, si la situation des marchés financiers persiste à nous
obliger à emprunter pour trois ans, pour quatre ans ou pour cinq ans. 07
h 301
II serait, je pense, important de retenir qu'Hydro-Québec, dans
les quatre prochaines années, dans le scénario qu'elle a
projeté, aura, d'une part, des investissements à faire et,
d'autre part, des exigences de fonds d'amortissement et des
échéances de dettes. Ces deux sommes ensemble
représenteront des besoins à satisfaire, des besoins en
immobilisations, en comptes à payer qui devront être
acquittés et, d'autre part, des besoins en échéance de
dettes. Si on cumule, si on fait le total de ces deux éléments et
si on les compare de façon brute au fonds engendré à
l'interne, on a un ratio qui ne devrait pas s'appeler autofinancement, mais qui
reflète une continuité et un équilibre entre deux
mouvements qui sont réels et qui devront être respectés. Ce
ratio calculé rapidement tantôt, parce qu'il colle à la
réalité, je le répète, en 1981, serait de 25%; en
1982, de ?8%; en 1983, de 33%; en 1984, de 30% et, en 1985, de 30%,
reflétant un certain équilibre sur la période qui met en
relation, d'une part, les immobilisations et, d'autre part, les
échéances de dettes et les fonds à l'interne.
Je pense que c'est une tentative non pas de concilier deux
extrêmes qui, aujourd'hui, à cause de l'évolution des
marchés financiers deviennent inexplicables, mais au moins de montrer
qu'il y a une continuité sur les cinq ans.
M. Parizeau: Une question rapide à M. Lafond.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Avant qu'on revienne à la question de
l'économie de l'énergie, juste une question à M. Lafond.
Dans vos calculs, lorsque vous avez à faire un emprunt sur trois ans
extensible douze ans, vous utilisez l'échéance des trois ans?
M. Lafond: Oui.
M. Parizeau: Ah; d'accord. C'est-à-dire que l'emprunt qui
pourrait être de quinze
ans, si le créancier le désirait, est ramené
à trois ans, vous le ramenez à l'échéance la plus
courte?
M. Lafond: Oui.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous aviez
terminé, M. Lafond?
M. Lafond: Non, c'est la façon dont on est obligé
de procéder dans les circonstances.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, on a abordé les
économies d'énergie. On aura des questions à poser
là-dessus mais, malgré tout, il ne faut pas aller de façon
excessive du coq a l'âne. Je crois qu'il y a malgré tout,
étant donné l'importance du sujet, un certain nombre de points
qu'il faut relever. On a assisté cet après-midi, à la fois
de la part du ministre des Finances, député de L'Assomption et du
député de Charlesbourg, essentiellement à l'argument
suivant: il y a un gros surplus, selon toutes les hypothèses, il y a un
gros surplus qui sera engendré, soit un gros gros gros surplus ou juste
un gros surplus, mais enfin on s'est entendu qu'il y aurait un gros surplus,
semble-t-il, à Hydro-Québec et, parce qu'il est là, il
faut aller le chercher. Essentiellement, c'est l'argument de celui qui escalade
l'Everest. Pourquoi faites-vous cela? Je fais cela parce que la montagne est
là. La montagne est là, il faut grimper dessus.
M. de Belleval: Si vous permettez, M. le député de
Saint-Laurent, juste un mot.
M. Forget: Non.
M. de Belleval: Non, mais vous me mettez des mots dans la bouche
et je pense que ce n'est pas correct.
M. Forget: Non, je ne vous mets pas des mots dans la bouche,
c'est mon interprétation de ce que vous avez dit.
M. de Belleval: Ah! d'accord.
M. Forget: Vous avez dit: II y a un gros surplus.
M. de Belleval: D'accord, c'est votre interprétation.
M. Forget: Le ministre des Finances a dit: II y a un gros
surplus. Cela produira des taux d'autofinancement incroyablement
élevés. Le député de Charlesbourg a dit, un peu
différemment: C'est un très gros surplus, ce sont de grosses
sommes. Il faut que le gouvernement porte un jugement d'opportunité sur
la façon d'utiliser le surplus. Essentiellement, le surplus est
là, il faut faire quelque chose avec lui. L'ennui de l'analoqie avec
l'escalade des montagnes, c'est qu'ordinairement celui qui escalade la montagne
n'a pas créé lui-même la montagne. Dans ce cas-ci, je pense
qu'il ressort également de toutes les interventions que la montagqne est
créée par une décision sur la tarification. Il y a un
tarif qui produit un surplus, gros ou gros gros gros, mais un surplus.
De deux choses l'une, M. le Président: ou le surplus est
excessif, en excédent des besoins véritables
d'Hydro-Québec, ou il ne l'est pas. Il n'y a pas beaucoup d'autres
hypothèses qu'on peut formuler. S'il est excessif aux besoins
d'Hydro-Québec, il y a une solution toute trouvée: au fur et
à mesure qu'on le voit se réaliser, parce que c'est cumulatif
toute cette histoire, on augmente les tarifs un peu moins qu'on ne l'avait
prévu. Si on pense que 900 000 000 $ de surplus, à un moment
donné, ou Dieu sait quoi, c'est excessif et que cela va produire 65%
d'autofinancement...
M. Parizeau: 2 000 000 000 $.
M. Forget: 2 000 000 000 $ encore mieux, si on croit que c'est
vraiment indécent d'avoir un surplus comme celui-là et de payer
comptant les investissements - on reviendra là-dessus tout à
l'heure - le gouvernement possède toujours l'alternative de
réduire les tarifs, une des raisons pour lesquelles la nationalisation
de l'hydroélectricité s'est faite il y a près de 20 ans.
On peut toujours les réduire et en faire bénéficier les
contribuables du Québec.
On doit, d'ailleurs, dire que, s'il est vrai que les projections donnent
ce chiffre, l'augmentation moyenne de 13% est probablement trop
élevée parce qu'elle présume qu'il faut payer ce dividende
et qu'il faut faire qrimper le taux d'autofinancement. Donc, il y a cette
possibilité. Ou alors, si ce n'est pas trop élevé, c'est
donc qu'Hydro-Québec a des besoins pour cet autofinancement. On nous a
présenté les chiffres un peu différemment. Il semble que,
sur le plan des besoins internes d'Hydro-Québec, ce ne soit pas trop
élevé compte tenu des conventions comptables. Mais je ne veux pas
entrer à nouveau dans les conventions comptables.
À supposer qu'on retienne les chiffres de 65% - mettons toutes
les chances du côté du ministre des Finances en supposant qu'il y
a véritablement là une masse qui représente, selon ses
méthodes préférées de calcul, 65% - j'aimerais
savoir des porte-parole d'Hydro-Québec... Après tout, le 31
décembre 1985, on ne liquidera pas Hydro-Québec. Cela va
présumément continuer encore quelques mois ou quelques
années. Si c'est le cas, étant
donné qu'à compter de 1986 et des années
subséquentes il y a, semble-t-il, dans le plan d'investissement des
besoins financiers considérables, étant donné qu'on vit
également sur le marché financier une période à
laquelle on ne peut pas être indifférent, où on a des taux
d'intérêt qui sont, ne vous en déplaise, assez
élevés, où on a un raccourcissement des
échéances, donc une certaine nervosité du
côté des investisseurs, ne serait-il pas opportun de hausser la
part de l'autofinancement dans un tel contexte? Est-ce que ce ne serait pas
dans l'intérêt des actionnaires, que sont ultimement tous les
contribuables et tous les citoyens du Québec, de hausser la part de
l'autofinancement? Ou alors est-ce qu'on ne sera pas de toute façon
obligé de se faire un coussin, dans les années 1984 et 1985, pour
absorber une partie un peu plus supérieure des besoins de financement de
1986 et 1987? En terminant de façon arbitraire l'exercice de
prévision en 1985, est-ce qu'on n'hypothèque pas l'avenir, en
supposant que tout cela serait disponible pour distribution? Et est-ce qu'on ne
pèche pas par un peu d'imprudence en présumant
qu'Hydro-Québec n'aura pas besoin de ce surplus?
Encore une fois, le raisonnement, c'est que le surplus existe et qu'il
est indécent de le laisser entre les mains d'Hydro-Québec.
Supposons que ce soit un véritable surplus, supposons que l'alternative
ne soit pas une baisse des tarifs - parce que c'est toujours possible - ou un
refus de les augmenter, ce qui, dans notre contexte actuel d'inflation revient
au même, est-ce que véritablement après 1985 il n'y a pas
des besoins qu'il serait prudent de prévoir, de manière à
éviter un engorgement, un embouteillage, et à permettre à
Hydro-Québec de réaliser l'avenir? L'avenir ne s'arrête pas
le 31 décembre 1985, encore une fois.
II me semble que, lorsque l'on prévoit des besoins de financement
externe, même dans la période jusqu'en 1985, de 3 626 000 000 $ en
1985, on est assez optimiste quant à la possibilité que les
marchés financiers vont permettre ce genre de financement externe.
Enfin, il semble, à première vue, que ce sont des chiffres un peu
sans précédent.
Est-on si sûr qu'il y a un surplus à distribuer? Qu'est-ce
qui nous permet d'affirmer avec une telle assurance que c'est indécent,
qu'on ne peut pas tolérer un autofinancement de ce qenre? J'aimerais
bien connaître le sentiment d'Hydro-Québec.
M. Bourbeau: M. Lafond.
M. Lafond: Évidemment, dans le tableau annuel de la
période 1981-1985, il y aussi à la troisième ligne du bas,
le besoin de financement externe qui montre une série commençant
en 1981 de 2 277 000 000 $ et s'élevant progressivement jusqu'à 3
626 000 000 $. Ce qui peut nous apparaître élevé
présentement demeure quand même équilibré dans
l'ordre de grandeur si on le compare aux besoins du temps.
Cependant, ce qui mériterait d'être souligné est la
difficulté... D'abord, première remargue préliminaire, le
tableau qui est présenté pour l'information de tous les membres
de la commission parlementaire n'est pas revêtu du sceau de l'assurance
de la faisabilité de ce programme de financement. On indique ce qui,
présentement, nous apparaîtra comme requis et on ne garantit pas
que ce sera faisable. Deuxièmement, la difficulté, je pense, au
cours de cette année sera de garder une vitesse de croisière
d'emprunt au-delà des 2 500 000 000 $ en moyenne année
après année. Troisièmement, je pense que la remarque qui
s'impose à ce moment-ci, c'est qu'au cours de l'année 1981 nous
connaissons des difficultés à réaliser le programme
d'emprunts que nous nous étions fixé. Évidemment, il y a
des palliatifs qui sont disponibles mais qui ne sont pas nécessairement
les meilleurs crédits qu'Hydro-Québec peut aller chercher. Nous
avons fait allusion ce matin à la flexibilité requise: il y a
beaucoup de place pour la flexibilité qui nous sera imposée, je
pense, pour le reste de l'année 1981 et possiblement pour une bonne
partie de l'année 1982 à tout le moins. Cependant, on ne veut pas
devenir devin, mais ce que l'année 1981 illustre - et cela pourra se
répéter en 1983 et en 1984, alors que nos besoins d'emprunt sont
de 2 600 000 000 $ 3 200 000 000 $ et 3 600 000 000 $ - c'est probablement ce
qui a motivé le conseil d'administration dans sa demande d'avoir une
possibilité de recommandation. Il est possible qu'en fin d'année
le programme d'emprunt d'Hydro-Québec de l'année encourue n'aura
pas été réalisé au complet ou aura encore un manque
de 25% à 30%. Ce manque de 25% à 30% représentera 500 000
000 $, 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ dans les données de fin de
série. Présentement, Hydro-Québec a emprunté 880
000 000 $ sur un programme de 2 200 000 000 $ et nous nous efforçons de
le compléter, mais il est évident que dans les années
à venir l'ordre de grandeur qui est exprimé là laisse des
points d'interrogation.
Si Hydro-Québec est grande par ses actifs, elle est aussi
importante par les ponctions qu'elle exerce sur les marchés de
capitaux.
M. Forget: N'est-il pas vrai que les besoins seront encore plus
considérables après 1985, toutes proportions gardées?
M. Lafond: Si, mais on concède, on
reconnaît, je pense - et c'est pour cette raison qu'on
préfère s'arrêter à 1985 - qu'au-delà de 1985
des projections financières quant aux résultats
d'opération, quant aux besoins d'emprunt, etc., sont extrêmement
difficiles et même pour les cinq premières années, on a vu
ce que cela entraîne comme difficulté, même si on essaie
d'avoir une cohérence entre les taux de...
M. Forget: Je comprends que vous ne pouvez pas dire maintenant
quel sera l'état des marchés financiers en 1986. Ce que vous
savez maintenant, cependant - parce que vous êtes obligés de
préparer des plans quelques années d'avance - c'est que vous
aurez besoin d'argent en 1986 et en 1987 dans des quantités
considérables. Pourrait-on avoir une idée de la deuxième
période de cinq ans, après 1985, du montant moyen annuel que vous
devrez aller chercher sur les marchés financiers?(17 h
45)
M. Lafond: Non, cette période 1986-1990 n'est pas
disponible présentement. Évidemment, la hausse des taux
d'intérêt et tout le reste poussent présentement vers le
haut, mais ça reste à voir.
M. Forget: II me semble qu'en février il y a eu des
prévisions d'un plan d'équipement qui allaient au-delà de
1985.
M. Fortier: 60 000 000 000 $ à peu près.
M. Forget: Des sommes ont été mentionnées de
l'ordre justement de 60 000 000 000 $ sur une décennie, la
décennie des années 1980. S'il y a quelque chose, cela a pu
être révisé à la hausse. Si je comprends bien, vous
prenez énormément de précautions. Je comprends que c'est
une situation délicate, mais il reste que le problème essentiel
que vous avez à trancher, dans le fond, c'est si, sur le plan du point
de vue des gestionnaires de cette entreprise, vous ne jugeriez pas prudent,
compte tenu de ces prévisions de plusieurs dizaines de milliards de
dépenses, dont plusieurs se situent après 1985, de prendre une
espèce d'avance, de vous faire un certain coussin et, par
conséquent, de ne pas vous effrayer que, pour les années 1984 et
1985, soudainement, le taux d'autofinancement arrive même à 60%.
Prenons les chiffres du ministre des Finances. Est-ce que ce serait un
désastre ou est-ce que ce serait, au contraire, un signe de
prudence?
M. Parizeau: Non, non, non, pardon! Ce sont ceux
d'Hydro-Québec, ce ne sont pas les miens, elle les a confirmés ce
matin.
M. Forget: Oui, mais selon votre méthode favorite de
calcul, n'est-ce pas?
M. Parizeau: Oui, oui.
M. Forget: Oui, ce sont les chiffres de tout le monde, tels que
vous aimeriez qu'ils soient toujours calculés, mais on peut les calculer
d'une autre façon. Je ne vous en attribue pas la paternité
autrement. Un fait demeure, ne serait-il pas prudent, selon vous, opinion de
gestionnaire de cette entreprise, de vous constituer une avance, un coussin, ou
est-ce que vous considérez qu'effectivement 65%, c'est irresponsable
d'aller si haut que ça dans l'autofinancement?
M. Lafond: En février, nous avions expliqué le
processus de planification à Hydro-Québec qui, pour la demande,
s'étendait sur un horizon de 20 ans, pour le plan d'équipement
sur 10 ans, pour les projections financières sur 5 ans et, pour les
besoins d'emprunts sur 1 an. Dans ce contexte-là, nous avions aussi
indiqué avec une certaine rétrospective pour situer dans un ordre
de qrandeur que, de 1971 à 1975, en moyenne, nous avions investi 624 000
000 $ par année; de 1976 à 1980, 2 300 000 000 $. C'est la hausse
à laquelle je faisais allusion ce matin. De 1981 à 1985, nous
projetions en moyenne 3 100 000 000 $ et, de 1986 à 1990, nous
anticipions 8 000 000 000 $. Alors, c'est 624 000 000 $, 2 300 000 000 $, 3 100
000 000 $ et 8 000 000 000 $ pour la quatrième période
quinquennale.
Au point de vue des emprunts, nous avions indiqué de 1971
à 1975 qu'en moyenne Hydro-Québec avait emprunté 582 000
000 $. Ces chiffres sont dans le rapport ou le procès-verbal de la
dernière commission parlementaire. De 1976 à 1980, la moyenne des
emprunts avait été de 1 658 000 000 $, nous anticipions à
ce moment-là une moyenne d'emprunt de 2 100 000 000 $ à 2 200 000
000 $ pour la période quinquennale 1981 à 1985 et pour 1986
à 1990, avec un qros point d'interrogation, parce qu'il était
très difficile d'anticiper et de prévoir les hausses de tarifs et
une série d'autres facteurs; on disait: Ce sera 3 000 000 000 $ et plus
par année.
Pour la période 1981 à 1985, évidemment, nous
n'avons pas tenu compte en février, des sommes dont Hydro-Québec
aurait besoin pour financer le programme d'économie d'énergie
d'une part. C'était absent des projections. Nous avions
été plus conservateurs parce que ces estimations avaient
été préparées au cours de la fin de l'année
précédente et nous avions des taux plus bas que ce que
présentement on pense que sera la réalité, d'une part pour
les taux d'intérêt, et, d'autre part, pour les taux
d'inflation.
Je pense qu'on avait essayé à ce moment-là de
mettre les précautions et les
caveats ou les dangers qui nous semblaient pouvoir survenir. Je me
répète tout simplement, je vois une phrase que j'avais dite: Les
marchés financiers sur lesquels nous devrons fonctionner, je pense qu'il
est prévisible que, dans un horizon d'un an ou deux, ils seront
caractérisés, d'une part, par une très grande
volatilité non seulement quant aux taux d'intérêt mais
quant à notre possibilité d'y avoir accès.
C'était le 25 février 1981. Je pense que malheureusement,
jusqu'à maintenant, quelques mois plus tard, cela s'avère encore
vrai. Il est très difficile de se prononcer sur les sommes
qu'Hydro-Québec pourra aller chercher sur les marchés financiers.
De là le souhait du conseil d'administration, selon les
mécanismes prévus à l'intérieur du cadre de la loi,
lorsqu'elle connaîtra les résultats financiers, de faire une
recommandation au gouvernement. Maintenant, c'est la position
d'Hydro-Québec, en s'appuyant sur l'expérience passée.
M. Parizeau: M. le Président...
M. Forget: Je n'ai pas été très abusif.
J'observe, M. le Président, dans les années courantes, une
certaine correspondance, même une correspondance frappante en termes
d'ordre de grandeur entre le rythme des investissements annuels et le rythme du
recours au financement externe. Je comprends que ce n'est pas ainsi que cela se
calcule, mais comme question de fait, il y a une certaine correspondance. Les
chiffres que vous avez donnés pour les autres périodes de cinq
ans indiquent que ce sont des chiffres qui sont à peu près dans
la même famille. Quand vous citez un chiffre moyen d'investissement de 8
000 000 000 $ par année pour les années après 1985, on
doit se dire qu'il va devoir se passer quelque chose après 1985, parce
que je ne vois pas facilement Hydro-Québec aller emprunter sur les
marchés 8 000 000 000 $ par année. N'est-il pas difficile
d'imaginer qu'Hydro-Québec va maintenir à la fois son programme
d'investissement, tel que soumis en février, payer des dividendes au
gouvernement et faire face à la musique sur le plan des marchés
financiers?
Il me semble qu'il y a quelque chose qui doit céder. J'en viens
à la conclusion que si le gouvernement vous impose le paiement des
dividendes, vous allez réécrire le plan de développement
d'Hydro-Québec à la baisse, au cours des prochaines semaines.
Cela me semble presque impossible d'éviter la conclusion que l'on va
investir moins que l'on avait l'intention de le faire, ne serait-ce que pour
répondre strictement aux besoins prévisibles
d'électricité du Québec.
M. Lafond: Est-ce que M. Bourbeau peut répondre à
cela?
M. Bourbeau: Quant au plan de développement qui a
été soumis en février dernier, il sera repris par
Hydro-Québec le printemps prochain. On regardera de très
près l'évolution de la progression de la demande et il se
pourrait que cette demande ne soit pas aussi forte que celle qu'on avait en
février dernier. Ce qui veut dire que si la demande chutait le
moindrement, il y aurait un réaménaqement possible du programme
de développement.
M. Forget: Si la demande ne chute pas, vous ne voyez pas
d'incompatibilité entre le besoin de financer cette expansion à
un taux astronomigue, celui qu'on nous a laissé entrevoir il y a
quelques minutes, et la nécessité de payer des dividendes?
M. Bourbeau: Tout ce que je peux dire, c'est que dans la
deuxième période, on n'a jamais voulu s'étirer le cou. On
a certains chiffres qui démontrent que dans cette période
1985-1990, les investissements croîtront beaucoup plus rapidement que
dans la première période. Ce qui nous amènerait à
dire qu'il y aura des besoins de financement beaucoup plus importants dans la
deuxième période que dans la première. Je reviens encore
à cette proposition que l'on fait, à savoir que le conseil
d'administration, en regardant ce qui doit arriver dans l'avenir, pourra faire
une recommandation au gouvernement sur le montant de dividende à
payer.
M. Forget: Cela sera une autre résultante, si je comprends
bien.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, dans tout ce qui vient
d'être dit, j'aimerais qu'on vérifie quand même un certain
nombre de choses. Là, on joue sur trois plans différents:
l'année 1981, 1981-1985 et ce qui se passe après 1985. Il faut
faire attention pour ne pas tout mêler. Pour l'année 1981,
Hydro-Québec trouve les marchés financiers pas faciles.
Confidence pour confidence, moi non plus. On est tous logés à la
même enseigne, et ce n'est pas exactement un phénomène
propre au Québec; j'ai l'impression que M. MacEachen a à peu
près le même genre de problème, que le gouvernement
américain trouve ça difficile de sortir quelques milliards par
semaine du "Treasury" à trente ans. On est tous logés à la
même enseigne, on est en face de marchés financiers comme on n'en
a jamais vu, de mémoire d'homme, on est tous pris. Je compatis avec M.
Lafond comme j'espère qu'il compatit avec moi. Forcément, les
marchés financiers, on l'espère, vont se redresser pas pour
HydroQuébec, pas pour le gouvernement du
Québec, pour tout le monde. Ils se sont affaissés pour
tout le monde et ils vont se redresser, on l'espère, assez vite.
Alors, 1981, si vous n'y voyez pas d'objection, on va l'évacuer
assez vite. On peut bien passer la moppe pour faire le tour des larmes de tous
ceux qui pleurent sur la situation de 1981, mais une fois qu'on aura
passé la moppe, on ne sera pas plus avancé. On est en face d'un
marché financier comme personne, jamais, n'en a vu.
Passons maintenant au programme 1981-1985. Hydro-Québec projette
des émissions d'obliqations qui sont à peu près de 2 300
000 000 $ à l'heure actuelle, y compris les remboursements, et montant
vers 3 600 000 000 $. D'environ 2 300 000 000 $ à 3 600 000 000 $. Je
rappelle ici, cependant, que les 3 600 000 000 $ sont basés sur une
augmentation considérable des remboursements en 1985, puisque toute une
série d'extensibles viennent à échéance en 1984.
Cela étant dit, supposons simplement que nous acceptions
l'hypothèse d'inflation d'Hydro-Québec pour ces
années-là, sa projection de l'indice du coût de la vie et
appliquons ça à ses emprunts actuels. Cela fait, en 1985, si je
ne me trompe pas, mais je préférerais vérifier avec M.
Lafond, 3 400 000 000 $. Simplement en projetant le taux d'inflation, les
emprunts de 3 400 000 000 $, en 1985, ne représentent pas plus que les
emprunts d'aujourd'hui. On est donc à 200 000 000 $ à peu
près sur 3 400 000 000 $, en 1985, de l'estimation
d'Hydro-Québec. J'en conclus, compte tenu du fait qu'elle a beaucoup
d'extensibles venant à échéance à la fin de la
période, que le poids des emprunts d'Hydro-Québec en 1985 ne sera
pas plus élevé que cette année. Est-ce que
jusque-là on me suit, à Hydro-Québec?
M. Lafond: Je vous comprends, M. Parizeau.
M. Parizeau: Pardon?
M. Lafond: Je vous comprends.
M. Parizeau: Deuxièmement, toujours pour la période
de 1981 à 1985, les augmentations, est-ce qu'on doit dire
appréhendées, de tarifs dont on a fait état cet
après-midi - elles ne sont pas de moi; j'ai reçu ça avec
beaucoup d'intérêt, il y a quelques heures, d'Hydro-Québec
et on en a la confirmation cet après-midi, elles ne sont pas de moi, ces
augmentations - dégagent cependant un autofinancement très
rapidement croissant. On peut l'évaluer comme on voudra, une chose qui
est claire, c'est que les montants sont très rapidement croissants.
Alors, l'autofinancement est bien plus rapidement croissant que
l'inflation.
Donc, l'objectif du gouvernement de faire en sorte
qu'Hydro-Québec fonctionne comme n'importe quelle compagnie,
c'est-à-dire paie ses taxes et paie un dividende, n'est pas incompatible
avec la perspective de 1981 à 1985.
(18 heures)
À cause de ces augmentations de tarifs
appréhendées, il y a une augmentation rapide de l'autofinancement
et il y a un dividende à payer faible cette année, faible
l'année prochaine, mais croissant justement au moment où
l'autofinancement s'accélère. Dans ce sens, je ne vois pas en
quoi la proposition du gouvernement, d'abord amènerait
Hydro-Québec à modifier son plan d'équipement dans les
semaines qui suivent, comme on le disait tout à l'heure. Cela fait quand
même depuis le discours du budget que c'est connu. S'il y a eu des
ajustements, j'imagine qu'ils sont déjà faits; je le souhaite
vivement. Deuxièmement, la charqe sur le plan du dividende dans les deux
années qui viennent est insiqnifiante par rapport au budget total
d'Hydro-Québec et, troisièmement, le dividende va
apparaître quand justement, à partir des chiffres mêmes
qu'on nous a présentés, Hydro est tout à fait en mesure de
payer ce dividende comme les autres sociétés d'État.
On arrive maintenant à la troisième période,
1986-1990. 1986-1990, c'est tout à fait autre chose. Il va y avoir
à ce moment-là une autre phase et une phase considérable
d'investissements de la part d'Hydro-Québec avec des besoins d'emprunts
qui sont évidemment moins importants qu'il n'y paraît, si on tient
compte d'un taux d'inflation à travers dix ans, parce que dix ans
d'inflation, si vous commencez à faire des intérêts
composés de 10%, vous arrivez à quelque chose comme progression.
Il y a une question d'illusions monétaires jusqu'à un certain
point, mais il faut reconnaître néanmoins que même si cela
fait des sacrés beaux titres dans les journaux, parce que de l'inflation
projetée pendant dix ans, cela fait n'importe quoi, il reste qu'on sait,
sur la base de tout ce qu'Hydro a présenté, qu'il y a un
programme massif d'investissements dans ces années-là. Il fallait
donc trouver une formule de dividendes qui soit telle que, dès que le
programme d'investissements réels d'Hydro - il faut enlever l'inflation
s'accélère, le poids relatif du dividende tombe. C'est
très exactement cela la formule qui existe. Je ne me trompe pas, je
pense que nous sommes d'accord avec HydroQuébec pour constater que cette
formule de dividendes automatiques, telle qu'elle apparaît dans la loi,
lorsque Hydro accélérera son volume d'investissements de 1 000
000 000 $ par année, le dividende va tomber de combien? 750 000 000 $,
pas loin, plusieurs centaines de millions en tout cas, oui, bien sûr.
M. Forget: Évidemment, mais cela ne lui permet pas de
s'autofinancer.
M. Parizeau: C'est-à-dire que dès qu'on
accélère entre 1986 et 1990 le volume des investissements
d'Hydro, le poids relatif de la formule de dividendes tombe, le drain sur Hydro
tombe. On aura sûrement, je ne me fais pas d'illusion, à examiner
à nouveau la formule elle-même dans cette deuxième partie
de la décennie, lorsqu'on sera beaucoup plus précis quant au
volume exact des investissements d'Hydro. Je pense que c'est absolument...
M. Fortier: À ce moment-là, pourriez-vous en faire
un "sunset clause" et dire qu'en 1985 elle devient périmée et on
l'examine à nouveau à ce moment-là?
M. Parizeau: Non.
M. Fortier: Non. C'est ce que vous venez de dire.
M. Parizeau: Non, sans faire un "sunset clause", cela veut dire,
à toutes fins utiles, qu'on reprend le débat. Il n'est pas du
tout évident que la sensibilité du dividende à une
accélération des investissements soit mauvaise, je dis simplement
qu'elle semble à l'heure actuelle être très sensible. Si
elle ne l'était pas suffisamment, il faudrait voir, mais cela, c'est
dans plusieurs années d'ici.
C'est à peu près, M. le Président, ce que je pense
qu'on devait dire sur ces trois plans très distincts qu'il ne faut pas
mêler, 1981, 1982 ou 1981 à 1985 et 1986 à 1990. Ce sont
trois plans complètement distincts.
Le Président (M. Boucher): Messieurs, il est 18 heures. La
commission doit ajourner ses travaux à demain, 10 heures. Les membres
sont-ils d'accord pour demain, 10 heures?
M. Duhaime: M. le Président, pour un peu tout le monde
autour de cette table et particulièrement aussi pour ceux
d'Hydro-Québec, si cela convient à nos collègues - je
comprends que cela fait plusieurs heures qu'on discute ou qu'on examine des
chiffres -si vous étiez d'accord, je proposerais une suspension
jusqu'à 20 h 30, pour avoir le temps de récupérer un peu
et pouvoir poursuivre ce soir. Je fais cette demande en mon nom, et
principalement au nom de mon collègue des Finances, parce que nous avons
demain un Conseil des ministres et cela nous arrangerait qu'on puisse
siéger ce soir, quitte à terminer ce soir. Sinon, on verra
à la fin de la soirée à quel moment on pourrait fixer
l'heure du début de nos travaux demain, si cela vous convient.
M. Fortier: Nous aurions préféré demain
matin, mais, en gentilshommes, je pense bien qu'on va tenter de collaborer.
M. Duhaime: 20 h 30, cela vous va?
Le Président (M. Boucher): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
(Reprise de la séance à 20 h 41)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'énergie et des ressources reprend ses
travaux.
M. Bourbeau, vous avez demandé la parole, au début.
Programme d'efficacité
énergétique
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Je voudrais parler du
programme d'efficacité énergétique, puis répondre
à la question que M. Duhaime a posée au sujet de la garantie
qu'Hydro-Québec demande au gouvernement.
J'aimerais donc dire quelques mots d'abord sur le programme
d'efficacité énergétique. C'est un programme qui
correspond aux objectifs d'Hydro-Québec visant à
l'économie d'énergie. Ce n'est pas d'hier qu'Hydro-Québec
se préoccupe de l'économie d'énergie et notamment de
l'économie d'énergie électrique. Dès 1965 ou 1967,
lorsque Hydro-Québec a introduit le chauffage électrique des
habitations, elle s'est préoccupée de l'isolation de ces
habitations de façon à réduire la consommation
électrigue vu qu'à ce moment-là, le prix de
l'électricité était de beaucoup supérieur au prix
de l'huile. On a instauré un programme appelé Novelec. On avait
un certain standard dans les habitations et on appliquait une plaque sur la
maison pour indiquer que cette maison avait un standard Novelec. Cela montrait
déjà l'intérêt qu'Hydro-Québec avait dans
l'isolation en vue de l'économie d'énergie.
Dans un deuxième temps, on a élargi ce programme aux
bâtisses commerciales et industrielles. On a développé avec
des bureaux de conseillers externes un programme appelé CALMEC qui
permettait de calculer par ordinateur les pertes d'énergie des
bâtisses. On pouvait dire aux propriétaires de ces habitations
quels étaient les moyens de remédier à la perte
d'énergie dans les bâtiments industriels.
Hydro-Québec s'est engagée de plus dans un programme
appelé Énerguide. Si vous achetez maintenant un
réfrigérateur ou un autre appareil ménager, on va vous
dire combien cet appareil ménager doit consommer de kilowattheures.
C'est le
programme Énerguide.
Le gouvernement nous a demandé, l'automne dernier, de nous
engager dans un programme d'efficacité énergétigue. On a
accepté avec plaisir, parce que cela correspond à la
préoccupation d'Hydro-Québec, soit la conservation
d'énergie. C'est un programme ambitieux. Il va durer huit ans. Il va
couvrir entre 800 000 et 1 000 000 d'habitations. Le programme prévoit
des visites dans les habitations, dans les maisons familiales, les maisons
multifamiliales, dans les bâtisses, les bâtiments industriels et on
fera un bilan et une analyse énergétigue de ces immeubles. On
avisera les gens du calcul des économies d'énergie faisables et
on va même leur proposer un prêt si la personne est
intéressée à faire des modifications de façon
à mieux isoler sa maison. Les prêts seront de 3000 $ par
habitation si c'est une maison unifamiliale, mais le prêt pourra aller
jusqu'à 75 000 $ si c'est une maison multifamiliale. (20 h 45)
Les taux d'intérêt seront des taux d'intérêt
moyens de la dette d'Hydro-Québec au Canada. Il y aura une visite de la
maison, on demandera au propriétaire une somme nominale pour faire
ladite visite: 10 $. L'analyse du bilan d'une maison devrait coûter
environ 225 $ par visite. On s'attend que l'ensemble des visites
effectuées par l'effectif d'Hydro-Québec représente, au
cours des huit années du programme, une dépense de 135 000 000 $
qui devrait être divisée et payée moitié par le
gouvernement et moitié par Hydro-Québec.
Quant aux emprunts, il y aura des emprunts de 50 000 000 $ durant
l'année 1982 et qui pourront, en 1989, atteindre 160 000 000 $ par
année et la pointe se situerait en 1988, alors qu'on aurait environ 400
000 000 $ de prêts effectués. Ceci étant dit, je pense que
je vais passer maintenant la parole à M. Lafond qui répondra
à la question de M. Duhaime au sujet de la garantie
qu'Hydro-Québec demande au gouvernement sur ces prêts.
M. Lafond: M. le Président, si vous permettez, avant de
répondre à la question soulevée par le président du
conseil et de m'engager dans la réponse à la question du ministre
de l'Énergie et des Ressources, j'aimerais revenir sur le sujet qui
était discuté au moment de l'ajournement. J'ai bien aimé
la distinction très claire et précise que le ministre des
Finances a faite quant aux problèmes de l'année 1981, quant
à la période 1981-1985 et quant aux années
subséquentes.
Quant à l'année 1981, il n'est pas question de revenir
là-dessus, c'est agréable de savoir que nous avons un point
d'entente, et que nous avons des problèmes communs. Le service de la
moppe a été apprécié.
Quant à la période 1985-1990, nous sommes aussi d'accord
sur ce sujet: c'est beaucoup trop loin dans le temps et nous n'avons pas de
crochet sur lequel accrocher notre chapeau avec assurance. Cependant, pendant
cette période, nous vieillirons tous ensemble d'un an et nous la
découvrirons année par année au fur et à mesure que
nous ferons nos projections de cinq ans.
Quant à la période 1981-1985, évidemment j'aimerais
pouvoir dire ici ce soir avec assurance et conviction que les programmes de
financement dont on découvre les besoins sur notre projection de cinq
ans, nous pourrons les réaliser. Le point d'interrogation qui se pose,
évidemment, c'est que dans cette période beaucoup de choses
peuvent chanqer. On constate une polarisation croissante des "pools"
d'épargne, c'est-à-dire des réservoirs d'épargne.
Il y a de la "désintermédiation" qui se fait et on peut se poser
la question: Est-ce façon 1985 ou en 1984 ou en 1983 le même
pourcentage de l'épargne accumulée au Canada et au Québec
sera disponible pour le financement d'Hydro-Québec, est-ce que le
même pourcentage de l'épargne générée aux
États-Unis sera disponible pour Hydro-Québec? De ce
côté, le point d'interrogation reste en suspens.
Par contre, il est peut-être important à ce stade-ci, sur
cette période 1981-1985, de souligner dans le tableau que nous avons
soumis, que nous avons présenté, le facteur de taux de
capitalisation. Toutes choses restant égales, étant donné
que cette page passe à l'histoire aujourd'hui, avec les facteurs
positifs et négatifs qui peuvent s'équilibrer, nous notons que le
taux de capitalisation serait d'environ 25, 3 en 1981, 25, 7 en 1982, 25, 7
à la fin de 1983, 25, 9 à la fin de 1984 et 26, 5 à la fin
de 1985. Alors que durant les deux ou trois années
précédant 1981 nous avions tenté par notre politique
tarifaire d'améliorer ce que j'appellerais cette base de la structure
financière d'Hydro-Québec, si on me permet une analogie avec le
langage de nos collègues ingénieurs d'Hydro-Québec, je
dirais que, dans toute structure, si on veut bâtir un édifice de
20 étages, il faut des fondations de 20 pouces de ciment et si on veut
bâtir un édifice de 40 étages, il faut évidemment
que les fondations soient plus larqes, pas nécessairement 40 pouces,
peut-être 35, peut-être 30; je laisse ça à leur
règle de calcul.
Cependant, dans la période de cinq ans en question, de 1981
à 1985, les actifs d'Hydro-Québec vont presque doubler. De 18 000
000 000 $ qu'ils étaient au 31 décembre 1980, avec les
investissements prévus de 16 000 000 000 $, ils passeront à 34
000 000 000 $. C'est donc dire que, sans parler du siège social
d'Hydro-Québec, mais en parlant d'une grosse structure, on va
passer de 18 étages à 34. Il serait sain, dans
l'équilibre financier, dans la structure financière, que la base
s'établisse. C'est une chose qu'on constate sur le plan consolidé
des électriciens américains, encore, au cours des dix
dernières années, lorsqu'ils ont doublé leurs actifs, ils
ont augmenté non seulement en chiffres absolus, mais en chiffres
relatifs la fondation de leur structure de capital. À ce point de vue,
c'est une autre raison qui fait qu'au cours des années, selon les
disponibilités, je reviens encore sur le point suivant, au risque de me
répéter, peut-être que les membres du conseil
d'administration d'Hydro-Québec auront des points à faire valoir
dans leurs recommandations.
Ceci dit, si vous permettez, j'aimerais passer mes commentaires sur la
question du ministre de l'Énergie concernant le programme
d'économie d'énergie et la demande formulée par le conseil
d'administration d'Hydro-Québec concernant une garantie du gouvernement
pour ce volume de prêts.
M. Parizeau: M. le Président, sur le même sujet,
est-ce que je pourrais poser une question courte?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je demanderais à M. Lafond la chose suivante.
Tout étant bien entendu dans la démonstration qu'il vient de
faire, cependant, on s'entend bien que le 25% de capitalisation est maintenu.
On peut confirmer, je pense, que, sur la même base, le taux de
capitalisation d'Hydro-Ontario est de 15% au lieu de 25%. C'est bien
ça?
M. Lafond: C'est exact.
Sur ce sujet-là, je reviens au programme de conservation
d'énergie. À moins qu'on décide de poursuivre
là-dessus, c'est préférable d'aller... D'accord.
Conservation d'énergie. Hydro-Québec a, je pense, acquis
ses titres de noblesse lorsqu'elle a agi comme constructeur de grands projets.
Hydro-Québec a aussi une connaissance et une expertise reconnues pour la
production, le transport et la distribution d'énergie.
Hydro-Québec a aussi, je pense, le personnel et la présence dans
toutes les régions du Québec pour administrer un programme de
conservation d'énergie du genre de celui qu'on lui demande
d'exécuter.
Cependant, il y a un volet à cet exercice qui demande des
connaissances, des expertises et de l'expérience. Ce n'est pas le
château fort d'Hydro-Québec, c'est-à-dire qu'au cours de la
période 1981-1989 on va demander à Hydro-Québec de
débourser des sommes susceptibles de s'élever à 850 000
000 $ selon des estimations conservatrices. Si le remboursement de ces sommes
était effectué sans arrérage, sans défaut,
Hydro-Québec aurait, comme M. le président Bourbeau le soulignait
tantôt, à la fin de 1989, des comptes à recevoir pour ce
programme d'environ 400 000 000 $ ou 450 000 000 $. Cet exercice
équivaut à demander à Hydro-Québec de bâtir,
et très rapidement, à un rythme accéléré,
une compagnie de finance de la taille des qrosses compagnies de finance
où j'étais avant de me joindre à Hydro-Québec, une
des grandes compagnies de finance, le prêt au consommateur, et à
peu près sans garantie.
Il faut réaliser que, pour qu'un compte à recevoir ait une
capacité d'être perçu et encaissé, il est
très important qu'on examine le contexte dans lequel il a
été consenti. Ce n'est pas notre métier, mais dans ce
cas-ci, on aura affaire à un régime universel où à
peu près tout le monde pourra prétendre avoir droit à ce
crédit. Le crédit sera octroyé avec la meilleure diligence
possible, avec la meilleure responsabilité possible, mais il sera
octroyé sans que s'établisse entre le débiteur et le
créancier une relation personnelle, comme il s'en établit au
comptoir soit d'une caisse populaire, soit d'une banque à charte, ou
d'une compagnie de finance. Il y aura 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ qui
s'intalleront dans les actifs d'Hydro-Québec pour un exercice comme
celui-là.
Les garanties de ces prêts n'existeront, pour la grande partie,
virtuellement pas. Il n'y aura pas de mobilier, d'automobile, d'appareil de
télévision qui seront cédés en garantie
collatérale, d'une part, et HydroQuébec n'aura pas non plus, ses
règlements ne le permettant pas, le pouvoir d'interruption de service
pour faire activer l'entrée des fonds, lorsqu'ils feront défaut,
pour ne pas pénaliser, à cause des mauvaises créances, le
reste de ses abonnés.
Dans ce contexte, même si Hydro-Québec reconnaît le
bien-fondé de la politique de l'économie d'énergie, elle
voulait que cette opération soit assortie d'une garantie
gouvernementale. D'autre part, c'est un peu ce qui a amené Hydro
à cette demande, dans les mots, dans les termes les plus brefs
possible.
Cependant, je prendrais un peu de liberté, ce soir, étant
donné la remarque en conclusion du ministre de l'Énergie et des
Ressources qui a demandé s'il pouvait y avoir d'autres commentaires.
Sans prendre sur moi et sans demander au conseil d'être responsable de
l'effort que je fais pour répondre à cette demande, il y aurait
peut-être possibilité qu'un exercice soit fait pour examiner
d'autres choses. La demande d'Hydro s'inscrit dans un parallèle et dans
une continuité. Pour le gouvernement, c'est une façon de faire un
financement qu'on appellerait hors états financiers. Cela s'est fait
dans le cas des prêts aux étudiants, cela
s'est fait dans le cas des prêts agricoles; le gouvernement a
demandé à des institutions financières de financer ces
opérations. Je me demande s'il ne serait pas sain de considérer
Hydro-Québec comme un agent susceptible de gérer le programme,
sans demander à HydroQuébec d'être le banquier du
programme. À ce moment-là, on ferait peut-être d'une pierre
deux coups et on diminuerait peut-être les besoins d'emprunt
d'Hydro-Québec qui, je pense, on le reconnaît, seront
élevés au cours des cinq prochaines années. (21
heures)
M. le Président, ceci termine mes remarques sur le programme de
conservation d'énergie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas l'intention
d'insister sur les difficultés que vient de nous expliquer M. Lafond
relativement au risque d'une mauvaise créance assez considérable
qui pourrait découler de l'application de ce programme au titre de la
partie crédit. Le financement du programme, si je comprends bien, Hydro
redoute que cela résulte en de mauvaises créances assez
importantes. Toutes sortes de modalités peuvent être
envisagées de ce côté-là, y compris la garantie
gouvernementale ou autres. Mais, étant donné que c'est un domaine
d'investissement nouveau pour Hydro-Québec et qu'on a un peu eu
l'impression que tout ceci avait été annoncé dans une
certaine précipitation, j'aimerais savoir d'Hydro-Québec dans
quelle mesure des calculs ont été faits, des études ont
été faites, de manière qu'on puisse établir que les
avantages résultant d'un tel programme d'économie
d'énergie dépasseront les coûts qu'il entraîne.
Est-ce qu'il y a une étude de ce genre-là?
On se rend bien compte... On parle d'économie d'énergie.
C'est un peu comme parler de la maternité. Ce sont des choses bonnes en
soi, etc. C'est la vertu, mais il reste que ce genre de vertu risque d'avoir un
prix assez élevé. Il est évident je pense -c'est
évident pour quiconque y réfléchit pendant plus de 30
secondes - que si on dépense 3 $ pour sauver de l'énergie qui
nous coûterait 1 $ à produire, on n'aura pas fait grand
progrès au Québec sur aucun plan. Je pense qu'il y a des
personnes informées qui, à l'occasion de ces discussions un peu
nébuleuses, un peu fumeuses sur les économies d'énergie,
ont mis en doute que les avantages de l'économie d'énergie
puissent être dans les maisons existantes si on parle du chauffage. Si on
parle d'autres formes d'économie d'énergie au niveau des
utilisateurs domestiques, cela devient encore plus fumeux. Hydro-Québec
a-t-elle été en mesure d'établir avec le gouvernement ou
d'établir pour elle-même une démonstration convaincante des
avantages et, si oui, quel est l'ordre de grandeur de ces avantages?
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais maintenant
céder la parole à M. Jean-Paul Cristel, notre directeur de la
commercialisation qui a piloté, justement, l'étude de
rentabilité d'un tel programme.
Le Président (M. Boucher): M. Cristel.
M. Cristel (Jean-Paul): M. le Président, si l'on se
reporte justement à ces programmes d'économie d'énergie,
le programme qu'Hydro-Québec va mettre en oeuvre à partir du
1er octobre 1981 s'appelle le programme d'amélioration
énergétique des habitations du Québec. J'ai assisté
à une conférence sur les économies d'énergie
à laquelle participaient les pays membres de l'Agence internationale de
l'énergie. Ce qu'on a constaté, c'est que dans la plupart des
pays la mise en oeuvre d'économies d'énergie dans le secteur des
habitations ne dépendait pas de facteurs inconnus nécessitant de
la recherche, mais plutôt de l'application des techniques connues et
d'une agence qui puisse fournir une assistance technique aux consommateurs et
aussi une assistance financière pour réaliser les
économies d'énergie.
La base du programme québécois que le ministère de
l'Énergie et des Ressources a demandé à
Hydro-Québec de réaliser et dont les frais seront partagés
moitié moitié par le Bureau d'économie d'énergie du
Québec et Hydro-Québec se retrouve dans l'étude qui a
été faite par les consultants Scanada et qui prouve qu'on peut,
à l'aide de différents niveaux d'investissements,
économiser l'énergie. On dit ici qu'on a fait une étude
des 2 100 000 résidences principales existant au Québec et qu'un
investissement de 1 013 000 000 $ entraînerait chaque année une
économie d'environ 21, 8% de la consommation d'énergie ou 270 000
000 $. Si on recherche une économie additionnelle, on peut investir
encore 757 000 000 $ pour économiser une quantité
d'énergie additionnelle de 8, 9% et, si on dépense 220 000 000 $
pour améliorer les chaudières, il y a une économie
additionnelle de 8% sur l'énergie consommée, toujours ayant comme
référence l'année 1980. Donc, le programme est basé
sur ces économies dans le sens que le représentant
d'Énergain Québec ira visiter l'abonné et lui fournira une
aide technique qui visera d'abord à examiner l'enveloppe thermique de la
résidence, examinera aussi l'efficacité des systèmes
à combustion existants, s'il y en a, et aussi les habitudes de
consommation du consommateur.
Cela étant dit, nous croyons qu'il sera possible de
réduire la consommation d'énergie des résidences
visitées d'environ 31% ou
32%. Le fait que la plupart des mesures suggérées sont
rentables dans un horizon de moins de dix ans nous laisse penser que ce sera
rentable pour le Québec en général.
M. Forget: En supplémentaire, M. le Président. Ce
sont de belles affirmations; encore faudrait-il qu'on puisse regarder en
détail une étude comme celle-là, qui est peut-être
basée sur une série d'hypothèses.
Première question: Est-ce qu'Hydro-Québec serait
disposée à rendre cette étude disponible aux
parlementaires?
Et, deuxièmement, s'il est vrai que des économies si
considérables peuvent être effectuées par des visites, des
expertises et certains conseils, d'où vient la nécessité
que le gouvernement assume la moitié du coût? Il me semblerait
que, si on offre à quelqu'un d'épargner 32% ou 33% de son compte
d'électricité, il y a pour le consommateur un
intérêt assez immédiat à donner son consentement
sans qu'on ait besoin de lui offrir une incitation additionnelle, à
moins, bien sûr, que l'économie se réalise sur un laps de
temps tellement long que, si on appliquait un taux d'intérêt
normal, avec les taux d'intérêts courants, l'économie se
transformerait soudainement en une perte pour le consommateur si on l'obligeait
à financer lui-même la totalité des changements.
Il y a des choses auxquelles des calculs comme ceux-là sont
très sensibles et il semble que, dans l'introduction d'une subvention
gouvernementale, il y a là l'aveu implicite que les
bénéfices pour la société sont inférieurs
aux coûts que cette opération entraîne et certainement
inférieurs aux bénéfices qu'on pourrait retirer d'un
investissement d'une importance comparable, par Hydro-Québec, dans des
capacités additionnelles.
M. Cristel: Si je peux tenter de répondre à la
question, à la première partie du moins. Pourquoi
Hydro-Québec et le gouvernement se partagent-ils 50-50 les frais du
programme? En étudiant la question, la part de
l'électricité dans le bilan énergétique augmentant
- on parle d'environ 42% dans les années quatre-vingt-dix - on s'est dit
qu'on pourrait faire l'hypothèse que la moitié des habitations
visitées seraient chauffées à l'électricité,
donc Hydro-Québec paierait pour celles qui sont chauffées
à l'électricité et le gouvernement paierait pour celles
qui sont chauffées au mazout ou avec d'autres formes d'énergie,
parce que, dans ce plan, les représentants d'Hydro-Québec iront,
à la demande du consommateur, faire un bilan dans des maisons qui sont
chauffées, quelle que soit la source d'énergie qui est
utilisée.
M. Forget: Je m'excuse, mais je ne comprends pas ce que ça
vient faire dans la discussion des économies d'énergie. Si vous
commencez un programme d'économie d'énergie, vous
économisez de l'énergie, il n'est plus question de savoir si vous
favorisez la vente d'énergie électrique ou est-ce que les deux
choses sont mélangées en même temps?
M. Cristel: Non, on ne parle pas de favoriser la vente, on dit
qu'Hydro-Québec favoriserait les économies d'énergie chez
les abonnés qui sont chauffés à
l'électricité, et qu'elle paierait pour ce programme à la
base et que le gouvernement payerait pour ceux qui sont chauffés au
mazout et avec d'autres formes d'énergie.
M. Forget: Oui, mais ce n'est pas là la nature de ma
question. Si Hydro-Québec ou le gouvernement paie pour ces
études, ça veut donc dire qu'elles ne se financent pas
elles-mêmes, ça veut donc dire que les avantages que les
consommateurs en retirent sont inférieurs au coût de la
transformation.
M. Cristel: Voici! La visite elle-même, le bilan
énergétique qui, comme on l'a dit tantôt, serait
défrayé par un déboursé d'admissibilité
minime de la part du consommateur, on va dire 10 $, coûtera la
première année environ 225 $, et on ne calcule évidemment
pas le coût de la visite dans le coût de rentabilité.
M. Forget: Ah! La connaissance est gratuite pour
Hydro-Québec.
M. Cristel: C'est-à-dire que si vous regardez le
coût de l'énergie économisée et le coût qu'on
aurait à dépenser pour fournir l'énergie
économisée, on peut émettre l'hypothèse que
l'énergie la moins dispendieuse est celle qui est
économisée.
M. Forget: Vous pourriez faire la même chose et ne pas
calculer ce qu'il en coûte pour préparer les plans et dessiner les
turbines, etc., et finalement ça coûterait seulement le prix de
l'eau qui tombe, ça reviendrait encore moins cher.
Il reste qu'avec des artifices comptables, je suis tout à fait
d'accord avec vous, on peut justifier la rentabilité d'à peu
près n'importe quoi, mais il reste que le problème n'est pas
celui-là. Un programme d'économie d'énergie, me
semble-t-il, inclut également les expertises nécessaires pour
savoir si, dans une situation particulière, on peut économiser ou
pas. Autrement, on se moque du monde.
M. Cristel: Ce que l'on veut, c'est favoriser la participation du
public au programme et le coût total de la subvention, si vous voulez
l'appeler comme tel, sous forme de bilan, se situera, durant l'existence
du programme, à un niveau de 150 000 000 $ à 200 000 000
$, comme l'a dit te président tantôt. Mais le coût des
investissements faits par les abonnés, par les consommateurs pour
améliorer l'efficacité énergétique peut, lui, se
situer jusqu'à 2 000 000 000 $. Vous voyez qu'il y a une subvention de
10% environ, mais ça ne nuit pas tellement à la
rentabilité des 2 000 000 000 $ qui, comme je vous l'ai dit, si on
considère les coûts d'énergie croissants, se paieront dans
une période de dix ans pour ceux qui feront l'investissement.
M. Forget: Autrement dit, on paie 200 000 000 $ pour encourager
les gens à faire un investissement non rentable.
M. Cristel: Non, rentable dans le sens que...
M. Forqet: Rentable parce qu'on ne tient pas compte de tous les
coûts.
M. Cristel: Je vous ai dit que la subvention est de l'ordre de
10%. Même si vous ajoutez les 10% à l'investissement global, on
dit qu'il se paie dans huit ans, et les coûts d'énergie croissant,
on peut penser que toute l'opération est rentable.
M. Forqet: À quel taux d'escompte avez-vous
capitalisé les économies d'énergie pour aboutir à
ce résultat-là?
M. Cristel: C'est-à-dire qu'étant donné
l'inflation, le coût du capital de l'économie d'énergie, on
a calculé cela au coût actuel sans rien indexer. Vous
arrivez...
M. Forqet: Vous avez simplement fait la somme des
économies annuelles?
M. Cristel: C'est ça.
M. Forqet: Sans les escompter?
M. Cristel: C'est parce que si vous faites le jeu du coût
du capital au taux actuel et si vous faites l'augmentation du prix de
l'énergie, les facteurs s'annulent. Plus vous attendez, plus ça
va vous coûter cher pour faire une amélioration, et par
conséquent, plus l'énergie vaudra cher.
M. Forqet: Mais vous mélangez là les pommes et les
oranges!
M. Cristel: Non, c'est-à-dire qu'on a tenté
d'éliminer et les pommes et les oranges.
M. Forqet: C'est la première fois qu'on me dit que parce
qu'il y a de l'inflation les taux d'intérêt n'existent plus.
M. Cristel: Quand vous faites une comparaison du genre, ces
facteurs-là viennent s'annuler. Le prix croissant de
l'énergie...
M. Forget: Vous voulez dire que s'il n'y avait pas d'inflation...
Supposons l'hypothèse où nous serions dans la circonstance
heureuse où il n'y aurait pas d'inflation, je pense que votre
raisonnement poussé à la limite ne tient pas parce que...
M. Cristel: S'il n'y avait pas d'inflation...
M. Forqet:... même dans une situation où il n'y a
pas d'inflation, il y a encore des taux d'intérêt
réels.
M. Cristel: Oui, s'il n'y avait pas d'inflation, mon raisonnement
ne tient pas, c'est clair et net, mais il y a de l'inflation.
M. Forqet: Parce qu'il y a de l'inflation, l'économie
d'énergie devient économique, rentable.
M. Cristel: Non.
M. Forqet: Alors, je ne comprends pas.
M. Cristel: Parce qu'il y a de l'inflation, on ne tient pas
compte de l'augmentation des coûts d'énergie dans la
rentabilité, mais l'économie d'énergie est rentable, quel
que soit le caractère de l'opération, actuellement inflationniste
ou non. (21 h 15)
M. Forget: Humblement, je soutiens qu'il faut tenir compte
séparément des deux facteurs. Faites les projections que vous
devez faire sur l'inflation, mais vous devez aussi calculer un taux
d'intérêt. Parce que penser que 5 $ économisés en
1990, c'est la même chose que 5 $ économisés aujourd'hui,
qu'il y ait de l'inflation ou non, c'est se moquer du monde.
M. Cristel: Non, nous l'avons fait, mais ces facteurs...
M. Forqet: Parce que je vais vous faire une demande d'emprunt de
5000 $, je peux vous les remettre dans dix ans, je pense bien que vous allez
dire non, à zéro d'intérêt, parce qu'il y a
l'inflation.
Je vous comprends, dans ce contexte, M. le Président. Je
comprends Hydro-Québec de demander des garanties, parce qu'en plus de
cela, il faut qu'elle absorbe les mauvaises créances; alors là,
vous vous approchez lentement de l'aide sociale. C'est clair que ce n'est pas
dans le mandat d'une société d'État, à mon avis,
que de se lancer dans un programme qui ne fait pas ses frais ni
financièrement, ni socialement et qui ne peut être
justifié que parce qu'on veut donner un coup de chapeau et des
subventions à un tas de gens en disant: Reqardez comment vous avez un
bon gouvernement parce qu'il fait des choses pour la vertu et, de plus, il vous
paie pour les faire, même si la société n'y trouve pas son
compte.
Je crois qu'on est devant un phénomène comme
celui-là. Je trouve que cela ne fait qu'empirer le dossier
général du projet de loi no 16. Parce que non seulement on
choisit le moment où les difficultés financières se font
jour à Hydro-Québec, où on a dit: On va passer la moppe
parce que c'est dommage, cette année, cela va mal, mais l'an prochain
cela va très bien aller... C'est une chose temporaire. On ne
connaît pas l'avenir.
On nous a assurés, cet après-midi, que les
difficultés de cette année sont temporaires. On connaît
l'avenir assez pour nous dire que cela va s'améliorer et on choisit le
moment où on sait que cela va mal, mais on espère que cela va
aller mieux, pour aller chercher plus d'arqent dans une société,
alors qu'on sait que dans quelques années elle va avoir besoin
probablement de plus d'argent que maintenant.
De plus, on lui donne un programme à administrer qui n'est
absolument pas rentable. On ne peut pas s'étonner évidemment que
la société cherche au moins à récupérer une
partie de ses pertes en allant chercher des garanties. Mais ce n'est pas
sérieux, M. le Président. Je comprends qu'on est dans une
année, après les élections, alors qu'on peut faire des
choses un peu folles en espérant que les gens vont avoir la bonne
idée d'oublier ce qui s'est fait; mais il demeure que cela n'est pas
raisonnable de faire une telle chose, à ce moment-ci, de multiplier les
obligations financières pour une société d'État,
alors qu'on a des siqnes les meilleurs, parce qu'on les vit, que la situation
financière est inusitée, anormale et que les marchés
financiers sont particulièrement difficiles. On a, depuis quelques mois,
devant les yeux, un programme d'investissements au sujet duquel les plaintes
qu'on a entendues, ce n'était pas qu'ils étaient trop
élevés, c'est qu'ils étaient probablement trop modestes en
certaines années, étant donné que cela créerait un
ralentissement dans l'emploi dans un secteur clé de l'économie
québécoise.
Non, je ne comprends pas, sauf par la conjoncture, la politique qui fait
les mystères qu'on connaît bien, et qui pousse le gouvernement
cette année à ignorer l'incertitude de l'avenir dont pourtant par
ailleurs il nous parle abondamment. Ne voulant pas prendre les chiffres
prévus pour 1984 comme étant certains, il nous dit cependant:
Écoutez, peut-être que les mauvais chiffres sont incertains, mais
les bonnes nouvelles, elles, on peut compter sur elles, et fonctionner comme si
de rien n'était. On ne peut pas être certain que cela va aller
mal, mais on peut être certain que cela va aller mieux en tenant compte
du fait que cela va aller mieux, alors on va aller chercher l'argent que ce
mieux va produire. C'est une série de décisions absolument
regrettables. On va prendre connaissance de l'étude
d'Hydro-Québec sur l'économie de l'énergie. Si le
gouvernement insistait à tout prix pour faire l'économie de
l'énergie, il aurait dû se rendre compte d'une chose,
premièrement, de l'aveu même du représentant
d'Hydro-Québec, la société n'a Das actuellement toute
l'expertise voulue pour faire cela, au moins sur le plan du financement, qu'il
s'agit d'un programme non rentable. Il n'y a donc pas de raison qu'une
société d'État l'administre, que le ministère de
l'Énergie et des Ressources le fasse, l'administre lui-même son
programme d'économie d'énergie et cela deviendra évident
qu'il s'agit d'un trou sans fond auquel le gouvernement devra contribuer en net
des sommes importantes au cours d'un bon nombre d'années. Pourquoi
grever HydroQuébec d'un programme au mieux, entre guillemets, qu'on peut
appeler "social", qui n'a rien à voir avec le mandat
d'Hydro-Québec en plus des dividendes qu'on va aller chercher?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, j'apprécie beaucoup
les interventions du député de Saint-Laurent. Elles ont
l'avantaqe, je dois le dire, de mettre l'accent sur certaines choses
intéressantes et en particulier sur la nécessité,
effectivement, de calculer avec précision la rentabilité d'un
programme comme celui-là. J'admettrai cependant que Dour l'usager,
prendre moins d'huile à chauffage pour chauffer sa maison, ça
peut être intéressant par rapport à l'argent qu'il va
mettre dans l'isolation. C'est un petit problème qui a été
soulevé un peu partout dans le monde, j'imaqine que ça vaudrait
la peine de le soulever chez nous parce que ça peut être
intéressant. Je comprends que le Québec est une province pas
comme les autres mais, néanmoins, quand il s'agit de savoir combien
ça coûte en huile à chauffage par rapport au coût des
matériaux nécessaires et de la main-d'oeuvre pour isoler la
maison, on doit être comme les autres. Donc, possiblement, c'est
intéressant d'examiner au Québec l'intérêt d'isoler
les maisons. Après ça, on rentre dans les modalités,
essentiellement.
Pourquoi Hydro-Québec et pourquoi pas ailleurs? Parce que, sur ce
plan, l'expertise est à Hydro-Québec. Je ne parle pas du
programme, je ne parle pas des données du programme, de la façon
dont ça va être
financé ou autrement, les garanties qui seront données, on
y reviendra tout à l'heure. Mais pourquoi Hydro-Québec? Parce
qu'Hydro-QOuébec a le "know-how". Bien sûr, on peut imaginer que
le gouvernement, de toutes pièces, orqanise un service et
s'équipe. Comment s'équiperait-on, d'ailleurs? En allant chercher
les qars d'Hydro-Québec?C'est un peu aberrant. Ceux qui
connaissent ça sont là-bas, ils ne sont pas chez nous. Donc,
c'est parfaitement normal de dire à Hydro-Québec: Vous connaissez
ça, donc, vous allez nous dire comment on procède. Effectivement,
c'est ce qu'elle va faire. Ce qu'elle nous dit, d'abord, c'est qu'il y a un
projet qui, dans tous ses détails, va être envoyé
bientôt au Conseil des ministres, comportant la façon dont
ça doit fonctionner.
D'autre part, dans son mémoire, ce soir, elle dit en même
temps: Comme, cependant, on devient un orqanisme financier important à
cause de cette opération, on a besoin d'examiner les garanties
gouvernementales. Le gouvernement garantit les emprunts d'Hydro-Québec
aux fins de construire des barrages. Quand on entre dans un programme majeur
comme celui-là, on a besoin aussi d'examiner les garanties que le
gouvernement va nous donner. Il est clair que le gouvernement ne peut pas dire:
Cela ne nous intéresse pas. Le gouvernement de Québec garantit
toute la dette d'Hydro-Québec à l'heure actuelle. Dans la mesure
où Hydro-Québec entre dans un tout nouveau programme pour lequel
elle a l'expertise, mais dans lequel elle ne s'est jamais impliquée,
qu'elle nous repose la question des garanties est parfaitement raisonnable.
Il y a cependant des choses que j'aimerais soulever à cet
égard. Étant bien entendu que le détail des
modalités, avec possiblement une réflexion quant au taux
d'escompte dont parlait le député de Saint-Laurent - ça
peut être important... Je n'escompte pas tout ce que le
député de Saint-Laurent disait sur le taux d'escompte. Il y a le
problème de la façon dont on peut garantir les engagements. Dans
le document qu'Hydro-Québec nous a présenté ce matin, on
fait allusion au genre de garantie que le gouvernement donne à
l'égard, par exemple, du crédit agricole ou des prêts aux
étudiants. Là, ça me pose un certain nombre de
problèmes que je voudrais soumettre à Hydro-Québec; je ne
pense pas qu'on puisse régler ça sur un coin de table ce soir,
mais il va quand même falloir examiner la chose.
Je vais essayer de l'expliquer de la façon suivante. Il y a
quelques années, le gouvernement prêtait - il n'avait pas besoin
de garantie - tout l'argent aux cultivateurs dans le crédit agricole, il
prêtait de l'argent aux étudiants, il prêtait de l'argent
à la Société de développement industriel; en somme,
le fonds consolidé prêtait à tout le monde.
Un des gestes financiers importants du présent gouvernement a
été de dire: C'est complètement ridicule de faire en sorte
que le fonds consolidé fasse des prêts comme ça;
normalement, ce sont les caisses populaires et les banques qui devraient les
faire. Donc, on a renvoyé tout ça à l'extérieur. En
renvoyant ça à l'extérieur, en faisant en sorte que ce
soient les institutions financières qui prêtent, il a fallu donner
des garanties, mais de nature très différente.
Je vais en donner ici trois exemples, celui du crédit aqricole
auquel l'Hydro-Québec faisait allusion; actuellement, les prêts du
crédit agricole sont assurés par les banques et les caisses
populaires. Ces prêts sont garantis par hypothèque ou
nantissement, mais les institutions financières ont demandé du
gouvernement quelque chose de plus. Le quelque chose de plus a
été essentiellement ceci: on a créé un fonds
d'assurance prêt agricole qui assure aux prêteurs le remboursement
des pertes de principal et d'intérêts, de même que certaines
dépenses. Ce fonds est financé avec un droit d'assurance, une
sorte de prime d'assurance fixée par règlement par l'Office du
crédit agricole et, d'autre part, par une dotation de 10 000 000 $
fournie, en principe, par le ministère des Finances, mais dont les deux
tiers, jusqu'à maintenant, ont été versés, on s'est
rendu compte qu'à 6 500 000 $, cela suffisait.
Donc, vous voyez, le crédit aqricole est assuré maintenant
par les banques et les caisses populaires, mais elles se sont constitué,
d'abord par une prime d'assurance sur chaque prêt et, d'autre part, par
un fonds du fonds consolidé d'à peu près 6 500 000 I, ce
qu'il faut pour se protéger contre les mauvais risques. C'est une
possibilité, c'est intéressant, pourquoi pas!
Deuxième formule, la SDI. La Société de
développement industriel emprunte maintenant les fonds qu'elle
prête aux entreprises sur les marchés financiers avec la garantie
du gouvernement, exactement comme Hydro-Québec qui emprunte ses fonds
pour la construction de barrages avec la garantie du gouvernement, mais la
Société de développement industriel absorbe
elle-même toutes les pertes qu'elle pourra encourir sur des prêts
à des individus, à des entreprises. Donc, quand la SDI dit: Je
vais aller emprunter 40 000 000 $ auprès des institutions
financières, le gouvernement donne sa garantie. Mais si la SDI consent
des prêts à des particuliers ou à des entreprises et qu'il
y en a qui font faillite là-dedans, le gouvernement n'assure pas les
faillites, c'est la SDI qui les absorbe. C'est une deuxième formule.
La troisième formule, ce sont les prêts aux
étudiants. Les prêts sont alors effectivement faits par chaque
banque ou
chaque caisse populaire à un étudiant et le gouvernement
qarantit à chaque banque et à chaque caisse populaire le
prêt fait à l'étudiant.
Tout ça pour dire essentiellement ceci: Si, pour un programme de
conservation d'énergie, Hydro-Ouébec demande un type de garantie
au gouvernement, je pense qu'il ne serait pas loqique que le gouvernement dise:
On ne veut pas regarder ça. Ce serait logique que le gouvernement dise
effectivement: Comme on donne des prêts à toute espèce
d'organismes dont on vient de parler, il n'y a pas de raison que, pour la
conservation d'énergie, on ne fasse pas la même chose. Donc, sur
le principe, d'accord.
Quant aux modalités, je pense qu'il serait important, avant que
la loi soit adoptée en deuxième et troisième lectures cet
automne, qu'on les examine. Ce que je voudrais surtout savoir
d'Hydro-Québec, c'est, parmi les trois types dont je viens de parler, ce
qu'elle préfère. On pourrait en imaginer d'autres, d'ailleurs. On
pourrait imaginer qu'Hydro-Ouébec crée une filiale aux fins de la
conservation d'énergie et que le gouvernement examine des garanties
spécifiques à cette filiale ou qu'Hydro-Québec donne sa
garantie à la filiale. Cela aussi est envisageable. (21 h 30)
En somme, tout ce que je veux dire ici ce soir, c'est que sur le
principe d'appuyer une opération qu'il faut réaliser,
c'est-à-dire une incitation aux gens à économiser
l'énergie au maximum, on reconnaît qu'Hydro - comment dire?
Là, je ne veux pas faire bondir - rend service à la
société et que, rendant service à la
société, elle doit pouvoir s'appuyer sur le gouvernement d'une
certaine façon. Il s'agit maintenant de trouver des modalités qui
coûtent le moins cher possible, soient le plus rentable possible, donnent
satisfaction à Hydro-Québec dans les garanties qu'elle demande.
Encore une fois, je ne pense pas qu'on puisse comme cela sur le bord de la
table trouver une solution, mais, sur le principe, je pense que la demande
d'Hydro-Québec est légitime.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je ne veux pas continuer ce débat bien
longtemps, c'est simplement pour noter que cela me surprend qu'il n'y a pas
d'entente encore avec Hydro-Québec; cela a été
annoncé au mois de février. Cela me fait plaisir de voir les
négociations entre le ministre de Finances et Hydro-Québec, mais
c'est à se demander s'il y a des relations qui existent entre
Hydro-Québec et le ministère. Je quitte ce sujet. Y a-t-il
d'autres questions là-dessus?
M. Duhaime: Oui.
M. Fortier: D'accord.
M. Duhaime: Avant de m'adresser à M. Cristel pour une
question, je me permettrai de dire, M. le Président - je vais relire
avec beaucoup de soin ce que mentionnait tout à l'heure notre
collègue de Saint-Laurent -que, si j'ai bien saisi le sens de son
intervention, à toutes fins utiles, l'Opposition libérale
rejetterait du revers de la main la problématique même d'un
programme de conservation d'énergie, parce que non rentable, non
efficace, etc. Je voudrais prendre le soin de bien relire, parce que je suis un
peu estomaqué d'entendre l'Opposition libérale considérer
cela comme étant l'équivalent de croire à la
maternité, lorsqu'on parle des économies d'énergie.
J'espère que je me trompe en vous interprétant de cette
facon-là.
M. Forget: C'est exprès que vous vous trompez, M. le
ministre.
M. Duhaime: C'est la réserve que je prenais tout à
l'heure en disant que je veux hien relire vos propos.
M. Forget: Oui, relisez-les attentivement, relisez aussi les
mémoires d'Hydro-Québec sur le sujet, cela vous instruira
sûrement.
M. Duhaime: Je voudrais poser ma question à M. Cristel de
la façon suivante. Bien entendu - on va se mettre d'accord
là-dessus rapidement - il y a un coût à ce programme
d'efficacité énergétique qu'on voudrait appliquer aux
habitations. Il y a un vieux principe, je pense que c'est l'évidence
même, qui dit qu'avant que d'être perdu le kilowatt est d'abord
créé. Si on se mettait à calculer et à dire ensuite
que ce kilowatt qui est perdu, on va le remplacer, le coût de
remplacement se calculerait au coût marginal de production, j'imagqine.
Ce que je voudrais savoir, c'est si à Hydro-Québec vous
êtes satisfait de la rentabilité probable et même certaine
de ce programme dans la relation suivante. Je ne sais pas, j'avais
récemment avec moi les chiffres en kilowattheures. On pourrait faire des
comparaisons de coût entre le coût d'un programme de conservation
d'énergie en fonction du nombre de kilowatts épargnés et
le coût de remplacement du même montant de kilowatts ainsi
épargnés au coût marginal de production. Je pense que c'est
d'après cette équation qu'on est en mesure de porter un jugement
sur la pertinence tant non seulement pour le gouvernement du Québec...
Je ne suis pas convaincu que M. Lalonde sera heureux de vous relire, parce que
cela fait au moins plusieurs mois qu'on discute avec lui et on a fini par
s'entendre sur le fait que c'est Hydro-Québec qui va se charger
d'administrer
un des programmes du gouvernement fédéral en
matière de conservation d'énergie. Je pense qu'à peu
près partout sur cette planète tout le monde est d'accord qu'il
faut qu'on travaille à économiser l'énergie. Ce serait
peut-être dans ce sens que je voudrais avoir votre réflexion, M.
Cristel, M. Bourbeau ou d'autres d'Hydro sur ces paramètres de
comparaison.
M. Cristel: Si on fait l'hypothèse que la plupart des
maisons construites aujourd'hui chauffées à
l'électricité sont assez bien isolées à cause de ce
que M. Bourbeau vous disait tantôt, c'est que dès les
années soixante, nous avons encouragé ceux qui se chauffaient
à l'électricité à bien s'isoler.
Mais là, les maisons dont on veut améliorer
l'efficacité énergétique sont des maisons où, pour
la plupart, on voudra soit conserver son système au mazout en
l'améliorant ou se convertir à une autre forme d'énergie
comme, par exemple, l'électricité. Pour calculer la
rentabilité pour Hydro-Québec, on va prendre le cas où le
propriétaire actuel se sert d'un système au mazout,
évidemment, dans la plupart de ces maisons qui sont construites, la
première étape du programme veut attaquer les maisons qui
étaient construites avant 1961, on constate que l'efficacité de
l'enveloppe thermique peut être améliorée assez
considérablement, surtout dans les entre-toits et dans le sous-sol.
Évidemment, je vais vous faire simplement des hypothèses.
Si on dit qu'on va toucher 1 000 000 de logements, on va faire
l'hypothèse que 40% s'en iront à l'électricité.
Cela fait 400 000 logements. On va dire que, pour chauffer un logement, cela
prend 25 000 kilowattheures par année et qu'on en économiserait
le tiers, c'est-à-dire 30%. On va dire 7000 kilowattheures par logement,
multipliés par 400 000 logements. On pourrait calculer
l'équivalent requis pour produire cette énergie à nouveau,
comparativement au coût du programme. On pourrait arriver à un
genre de comparaison sur la base de l'économie d'énergie que nous
allons réaliser dans ces 400 000 logements comparativement au coût
pour produire à nouveau cette même énergie. Ce serait
peut-être un moyen d'arriver à une comparaison.
M. Forget: Est-ce que monsieur a terminé? J'espère
ne pas vous avoir interrompu?
M. Cristel: Je ne suis pas un spécialiste dans la
production, mais pour produire 28 000 000 000 de kilowattheures, cela
coûterait environ 840 000 000 $ pour produire l'énergie
économisée. On a dit tantôt que le programme
coûterait au total de 150 000 000 $ à 200 000 000 $.
M. Forget: Dans la question du ministre et dans la réponse
qui a été faite, j'ai cru remarquer une distinction. Le ministre
a soigneusement évité de parler du prix auquel font face les
consommateurs. C'était la préoccupation du ministre des Finances,
qui a dit que présumément au Québec comme partout
ailleurs, les consommateurs s'intéressent au prix qu'ils paient pour
l'électricité et seraient intéressés à payer
moins cher, ce à quoi je souscris.
M. Parizeau: Pour l'énergie.
M. Forget: Pour l'énergie ou pour n'importe quoi, pour les
chaussures aussi. Tout le monde est intéressé à faire des
économies.
M. Parizeau: Surtout lorsqu'on enlève les taxes sur les
chaussures.
M. Forget: On est sur un terrain commun. D'ailleurs, sur cette
base, M. le Président, si on s'en tient simplement au prix que paient
les consommateurs, comme nous sommes aussi intelligents que n'importe qui, on
doit présumer que les économies que les consommateurs peuvent
réaliser, ils les réalisent, sans qu'ils aient besoin de
grand-papa le ministre, pour leur dire comment faire. Je pense que c'est vrai
en général. Je ne pense pas que nos concitoyens ici aient besoin,
comme conseiller financier, dans leurs finances personnelles, de l'avis du
ministre de l'Énergie et des Ressources ou du ministre des Finances. Je
pense qu'ils peuvent se tirer d'affaire eux-mêmes très bien. S'il
y a des économies à faire, on peut être sûr qu'ils
vont les réaliser. Il n'y a pas de raisons pour lesquelles les gens
sentent, même s'ils sont très fiers d'Hydro-Québec, qu'ils
ont besoin de contribuer à ces surplus en payant vraiment plus cher et
en en consommant vraiment plus qu'ils n'en ont besoin. Je pense que cela tombe
sous le sens commun et je suis tout à fait d'accord avec le ministre des
Finances de nous avoir fait ce brillant exposé.
Cependant, si le ministre de l'Énergie et des Ressources pose la
question en termes de coût - il nous a parlé du coût
marginal de remplacement - j'imagine qu'il avait à l'esprit que certains
consommateurs au moins ont un comportement qui n'est pas celui que le
gouvernement aimerait leur voir adopter sur le plan des économies
d'énergie, parce qu'ils ne paient pas assez cher l'énergie qu'ils
consomment et que s'il la calculait au vrai prix, les économies
deviendraient évidentes. Ce raisonnement, si le ministre veut vraiment
nous engager sur la voie d'une tarification au prix marginal, on serait heureux
de le faire, mais on serait également heureux de savoir quelle autre
implication il en tire, parce que si le
ministre juge irrationnelle cette décision des consommateurs, il
y en a peut-être un certain nombre d'autres qui sont aussi
irrationnelles. J'imagine qu'il va déboucher dans les propositions de
tarification sur une politique tarifaire complètement différente,
parce que ce qui est vrai lorsqu'on parle d'économie d'énergie
est aussi vrai quand on parle de l'utilisation de l'énergie. C'est la
même chose.
J'aimerais savoir si le ministre nous incite à baser toutes les
décisions relatives à l'énergie sur le coût marginal
de remplacement du dernier kilowatt. Est-ce cela qu'il utilise comme
barème de calcul?
M. Duhaime: Je vais vous rassurer très rapidement. Cela ne
m'a jamais effleuré l'esprit. Ce que j'ai voulu illustrer par ma
question, je pense que la réponse qui est venue, si j'ai bien entendu
les chiffres à ce bout-ci de la table, sur 26 000 000 000 de
kilowattheures, cela coûterait 840 000 000 $ d'investissement au
coût marginal de production, pour aller les chercher...
M. Forget: C'est quoi, cela, M. le ministre? Expliquez-nous donc
ce que c'est.
M. Duhaime: Un instant! Ces 840 000 000 $, je les compare au
coût du programme. J'aurais pu poser ma question...
M. Forget: Mais ce n'est pas le coût aux consommateurs.
Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus?
M. Duhaime: J'aurais pu poser ma question tout autrement si la
différence dans l'économie avait été plus
élevée.
M. Forget: Mais c'est une économie pour qui, M. le
ministre?
M. Duhaime: Si vous me permettez, vous pourrez parler ensuite
à loisir.
M. Forget: C'est la nature de ma question. C'est une
économie pour qui? Pour le gouvernement ou pour le consommateur?
M. Duhaime: Pour le consommateur.
M. Forget: Mais le consommateur ne paie pas...
M. Parizeau: M. le Président!
M. Forqet:... l'énergie au prix de remplacement, me
semble-t-il.
M. Parizeau: M. le Président!
M. Duhaime: II n'y a jamais personne qui a prétendu
cela.
M. Forget: Ah bon!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent!
M. Forget: Donc, ce n'est Das une économie pour lui.
M. Parizeau: M. le Président!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent, la parole est au ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je suis parti de
l'hypothèse qu'un kilowatt qui est perdu, avant d'être perdu, il
est produit. Je pense que tout le monde est d'accord.
M. Forget: Brillant, ça! Brillant!
M. Duhaime: C'est un principe de physique assez simple. Si
j'avais posé ma question autrement, plutôt que de parler du
coût de remplacement de ce kilowatt perdu au coût marqinal de
production dans l'hydroélectricité, si on parlait des
équivalences énergétigues et s'en aller sur le prix du
pétrole au kilowatt...
M. Forget: Oui, mais dans le cas du chauffaqe à
l'électricité, cela ne s'applique pas.
M. Duhaime:... à ce moment-là, la différence
aurait été encore plus élevée. Autrement dit, pour
un kilowatt produit à partir d'énergie thermique, vous auriez une
différence encore plus grande, ce qui amène tout le monde
à conclure, sauf votre raisonnement, qu'un programme de conservation
d'énergie en termes nets pour le consommateur...
M. Forget: Pour le consommateur.
M. Duhaime:... pour l'ensemble des consommateurs aussi...
M. Forget: C'est l'un ou l'autre. M. Duhaime:... est
profitable. M. Forget: M. le Président...
M. Duhaime: Je n'ai jamais dit, M. le Président, qu'on
s'en allait vers une politique tarifaire basée sur un coût
marginal de production.
Le Président (M. Boucher): Un instant! Je pense que
M...
M. Forget: Sur la facture d'Hydro-Québec, je n'ai jamais
vu le coût marginal de remplacement, j'ai vu le prix. Est-ce qu'il veut
parler du prix? À ce moment, on va se
comprendre, parce que ce qu'on veut faire économiser au
consommateur, c'est un montant qu'il paie sur sa facture, ce n'est pas une
statistique quelconque que le ministre a sur son bureau. Est-ce que le
programme d'économie d'énergie va faire économiser au
moins autant d'argent au consommateur qu'il va en coûter au consommateur,
à la fois comme payeur de sa facture et comme contribuable? (21 h
45)
Ce qu'Hydro-Québec nous a dit, - la réponse à
ça était claire, elle était sans ambiquïté, je
ne vois pas pourquoi le ministre tourne alentour du pot - c'est non! Cela ne
sauvera pas autant que ça va en coûter aux pauvres cochons de
payeurs, d'une façon ou d'une autre. La réponse était
claire, on nous a dit: Le gouvernement va être obligé de
subventionner et, en plus de ça, il va y avoir toutes sortes de
coûts qu'on ne comptabilise pas. Pour...
Le Président (M. Boucher): Je pense que...
M. Forget:... l'impôt, pour que ce soit équivalent,
il faut les additionner sur une période de dix ans, en
considérant que ce qu'on va économiser dans dix ans, c'est aussi
bon que ce qu'on économise cette année. C'est toute une
série de calculs absolument farfelus qu'on n'a jamais vus dans aucun
autre contexte et qui feraient que, en forçant bien fort, on
réussit à faire produire un surplus artificiel qui n'existe que
dans la tête de celui qui a produit le document.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent, je crois qu'Hydro-Québec a quelque chose à dire
là-dessus.
M. Forget: On va les écouter.
M. Cristel: Quand on parlait aujourd'hui, avant cette
soirée, du fait que les prix de l'énergie encouraqeraient
l'économie de l'énergie, pour réaliser cette pensée
ou ce voeu, on a constaté que le client en général doit
être aidé, doit être quidé par des renseignements. Il
a besoin d'une aide technique, une aide technique qui va l'aider à
déterminer quelles sont les mesures d'économie d'énergie
qu'il peut implanter chez lui.
Quand j'ai dit, tantôt, que les mesures étaient rentables
dans un horizon de cinq ans, ce qu'on veut dire c'est que si,
évidemment, il économise 200 $ sur sa facture annuelle, ça
veut dire que le coût de la mesure pour lui ne devrait pas excéder
1000 $. Donc, je ne vois pas de calcul farfelu dans le fait de dire qu'un type
économise 200 $. Si on parle d'une économie de 200 $
multipliée par cinq ans, ça fait 1000 % qu'il aura à
investir tout de suite pour économiser ces 1000 $ durant les cinq
prochaines années. On a aussi dit que le coût de l'énergie
allait en augmentant, la possibilité est donc que les 1000 $ investis
aujourd'hui se rentabilisent avant cinq ans.
Ce dont le consommateur a besoin, c'est d'une aide technique pour savoir
quoi faire. Je peux vous le dire, nous dépensons actuellement
passablement d'arqent à former nos représentants et aussi
à former des entrepreneurs qui seront accrédités par la
Régie des entreDreneurs en construction du Québec pour effectuer
les travaux. Je ne peux pas admettre que les consommateurs savent tout ce qu'il
y a à faire et les mesures qu'ils doivent prendre pour économiser
l'énergie.
Le but du programme est de leur fournir une aide technique et
financière pour réaliser les mesures d'économie
d'énergie qui, dans l'ensemble, sont rentables dans dix ans au plus.
Mais on va tenter de les limiter à environ huit ans.
Je pense que c'est une très bonne affaire pour le consommateur
parce qu'on sait, nous, que les prix de toutes les formes d'énergie
augmenteront - on l'a dit aujourd'hui plusieurs fois - alors, de
protéger le consommateur contre ces auqmentations de prix en favorisant
des économies chez lui, je pense... D'ailleurs, nous ne sommes pas les
seuls à le faire, il y a un Droqramme semblable qui sera instauré
en Ontario le 1er septembre; il y a plusieurs services publics aux
États-Unis qui ont la même mission qu'on a confiée à
Hydro-Québec. Je trouve que c'est normal de voir à aider le
consommateur à bien utiliser l'énergie.
M. Forget: M. Cristel, n'avez-vous pas dit, par ailleurs, ou vous
ai-je mal compris, que le coût de l'expertise...
M. Cristel: Oui.
M. Forget:... - on admet tous que personne n'est ingénieur
à la naissance -requis pour déterminer si, oui ou non, il y a une
possibilité d'économie dans une maison donnée, vous ne le
comptabilisez pas dans les coûts du programme?
M. Cristel: C'est-à-dire que j'ai dit tantôt que
même pour Hydro-Québec, si on reqardait les coûts marginaux
qu'on a comparés, les 840 000 000 $, on paie la moitié du
programme...
M. Forget: Écoutez, ne faites pas un grand circuit pour me
dire oui ou non. Est-ce que vous comptabilisez dans les coûts du
programme les coûts qui sont nécessaires pour établir si,
oui ou non, des économies sont possibles? Il me semblait bien que vous
m'aviez dit tout à l'heure que vous mettiez ça de
côté et que c'était ça qui était
financé moitié par le gouvernement et moitié par
Hydro-Québec, et que ça ne rentre pas dans le calcul de la
rentabilité du programme.
M. Cristel: Non, ça, c'est vrai. Le coût de l'action
conseil...
M. Forget: On a acquis ça. On a au moins ce terrain commun
et je pense que c'est une grosse réserve parce que vous nous avez dit
que ça coûtait quand même assez cher.
M. Cristel: Oui, mais...
M. Forget: 125 000 000 $, est-ce que le chiffre est bon?
M. Cristel: Ce n'est peut-être pas assez
élevé pour tout le programme. C'est 150 000 000 $...
M. Forget: Ron. Alors, c'est au moins 125 000 000 $ qu'on ne
récupérera jamais. Je parle de la société; la
société met 175 000 000 $ et on ne compte pas sur les
économies d'énergie pour payer ça. C'est comme si on
s'achetait, par exemple, des spectacles d'opéra ou n'importe quoi. On
dit: On va consacrer ça pour faire des expertises, mais ce n'est pas en
soi rentable. On en retire un certain plaisir parce qu'on est plus savant
après qu'avant, mais ce n'est pas en soi rentable. On est d'accord
là-dessus.
En plus de ça, n'avez-vous pas dit, M. Cristel, que vous
totalisez, que vous additionnez l'économie de l'an prochain et
l'économie de dans deux ans, etc., et que vous arrivez à une
totalité qui vous permet de dire que c'est rentable? Or, dans quel autre
domaine d'activité Hydro-Québec procède-t-elle ainsi pour
déterminer la rentabilité de ses entreprises?
M. Cristel: Nous faisons des études économiques
dans plusieurs secteurs, mais...
M. Forget: Je n'en doute pas, mais dans quel autre projet
juqez-vous qu'un projet est rentable simplement en faisant le total des
bénéfices annuels sans autre forme de procès? Est-ce qu'il
y a une autre chose que vous faites de cette façon-là? Ce serait
intéressant à savoir parce que c'est une méthode de calcul
inhabituelle, je pense que le ministre des Finances l'admettra avec moi. Si
vous me dites que oui, je vais vous faire une proposition financière
tout de suite, à titre personnel s'entend. Si vous êtes prêt
à accepter ce qenre de calcul-là, je pense que vous êtes
admirable et un intéressant client, mais c'est assez inouï. Est-ce
qu'il y a un autre investissement qu'Hydro-Québec a fait de cette
facon-là?
M. Cristel: Si on dit qu'on fait une économie, disons, de
200 $ par année...
M. Forget: Oui.
M. Cristel:... sur les prix de l'énergie actuellement et
qu'on a à investir 1000 $ pour réaliser cette
économie-là, il faut que ce calcul-là soit expliqué
par 150 représentants à 100 000 personnes par année. Si on
se met à utiliser des tables d'actualisation, de coûts de capital
et toutes sortes de calculs compliqués, je pense qu'on ne
réussira jamais. On dit à l'abonné: Tu économises
200 $; donc, si tu paies 1000 $, pour recouvrer tes 1000 $, ça va te
prendre cinq ans.
M. Forget: En oubliant les intérêts. M. Cristel:
Mais oui.
M. Forget: S'il fallait qu'il aille emprunter ses 1000 $ pour
aller chercher 200 $ par année, au taux d'intérêt actuel,
il ne lui resterait pas grand-chose.
M. Cristel: Mais les 200 $ d'économie vont augmenter
à cause du fait que le coût de l'énergie, on l'a dit
aujourd'hui, va augmenter de 17% à 15% par année.
M. Forget: Voilà pourquoi ma fille est muette, disait
Molière. Mais ce n'est pas l'inflation, M. Cristel, qui rend cela
intéressant parce que tout autre investissement par Hydro-Québec
serait sujet aux mêmes aléas de l'inflation.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je passe, M. le Président.
M. Rodrigue: M. le Président, ma question s'adresse aux
représentants d'Hydro-Québec. Vous avez parlé tout
à l'heure d'un coût marginal qui vous a servi de base finalement
à ces calculs. Pourriez-vous m'indiquer si c'est le même
coût marginal utilisé à l'occasion des études
d'aménagements hydroélectriques qui sont faites sur un grand
nombre de rivières actuellement au Québec, à savoir le
coût de remplacement de cette énergie par de l'énergie
thermonucléaire? Ou bien encore si votre coût marginal est
plutôt basé sur le coût des prochaines installations
hydroélectriques, c'est-à-dire en l'occurrence le programme
d'investissements de la Grande Phase II
M. Cristel: Le coût qu'on vous a cité c'était
la Grande Phase II.
M. Rodrigue: La Grande Phase II. Est-
ce qu'il ne serait pas exact de dire ceci, si le coût de
production du bloc d'énergie que vous avez cité tout à
l'heure est celui qu'Hydro-Québec va réussir à
éparqner au cours des prochaines années? Ce coût de
production étant établi en dollars actuels, si c'est le cas,
à ce moment, serait-il justifié d'établir également
le coût du programme d'économie d'énergie en dollars
actuels pour avoir une base de comparaison valable, ce qui répondrait
à la question du député de Saint-Laurent? Est-ce cela que
vous avez fait? Il est évident que, si vous aviez actualisé les
coûts de production de nouvelles centrales pour fournir ce bloc
d'énergie dans l'hypothèse où le programme ne serait pas
mis en vigueur, il faudrait que vous vous installiez des centrales pour
être capables de fournir cette énergie.
Par ailleurs, si vous réussissez par le programme
d'économie d'énergie à faire en sorte que ces
aménaqements soient reportés à plus tard, ça veut
dire que ce sont des investissements qu'on n'a pas à faire. Est-ce qu'il
n'est pas exact de dire, à ce moment-là, qu'il faut comparer ces
deux coûts en dollars actualisés mais que, dans la mesure
où on utilise la même base de calcul pour les deux types de
production, c'est-à-dire pour ce qu'on épargne par le programme
d'économie d'énergie ou par les productions nouvelles, la
comparaison est valable?
M. Cristel: Je suis d'accord avec cela.
M. Rodrigue: Je comprends que c'est ce que vous avez fait,
finalement.
M. Cristel: Oui, mais je n'ai pas toutes les analyses
économiques du programme, ici avec moi, malheureusement.
M. Rodrigue: C'est évident, M. le Président, que si
tel est le cas, la base de comparaison qui nous est soumise, ici en commission,
tient. Cela veut dire qu'on compare des tomates avec des tomates et que les 840
000 000 $ pour de la production nouvelle qui serait exiqée
d'Hydro-Québec si le programme d'économie d'énergie
n'était pas mis en vigueur, se comparent à ce moment-là
aux 150 000 000 $ à 200 000 000 $ qu'on a mentionnés comme
coût du programme.
Vous avez mentionné aussi que les études qui doivent
être faites avant d'appliquer le programme coûteraient quelque
chose de l'ordre de 125 000 000 $. Non?
M. Cristel: Non. Le coût total du programme est de l'ordre
de 150 000 000 $ environ parce que, évidemment, nous n'avons pas fait
des calculs précis pour dix ans, mais pour trois ans, et on a fait des
estimations pour les années subséquentes.
M. Rodrigue: Est-ce que vous n'avez pas mentionné tout
à l'heure qu'il y avait des frais de 10 $? Mais c'est le
propriétaire qui doit l'assumer, à ce moment-là.
M. Cristel: On propose des frais d'admissibilité de 10
$.
M. Rodrigue: Cela, c'est pour l'expertise qui sera faite sur la
maison afin de voir s'il y a lieu de poursuivre le programme dans ce cas.
M. Cristel: C'est ça, c'est exact.
M. Rodrigue: Bon! Donc, c'est aux frais du propriétaire,
ce n'est pas aux frais d'Hydro-Québec.
M. Cristel: Ou du locataire.
M. Rodrigue: Ou du locataire. Vous avez actuellement en cours un
programme d'économie d'énergie aux Îles-de-la-Madeleine.
Est-ce que le programme est suffisamment avancé pour vous avoir permis
d'en évaluer l'impact? Si oui, quelles sont les conclusions de la mise
en vigueur de ce programme?
M. Cristel: Je n'ai pas le dossier des Îles-de-la-Madeleine
avec moi ici.
M. Rodrigue: De mémoire, est-ce que...
M. Cristel: Disons que les analyses avaient été
complétées et les améliorations de l'enveloppe thermique
effectuées sur environ, je crois, 1500 des habitations des îles,
mais ce serait malhonnête de tenter de vous dire l'économie totale
réalisée. Je sais qu'on l'a évaluée dans le rapport
et qu'effectivement, cela a freiné la croissance habituelle
d'énergie électrique dans les îles, mais je n'ai pas le
rapport avec moi actuellement.
M. Rodrigue: Est-ce que le programme est suffisamment
avancé pour que vous soyez en mesure de tirer une conclusion sur la
validité du programme? En d'autres mots, est-ce que pour
Hydro-Québec, le programme des Îles-de-la-Madeleine s'avère
rentable, compte tenu des bases de comparaison? Parce que le coût de
l'énergie aux Îles-de-la-Madeleine est évidemment beaucoup
plus élevé qu'ailleurs au Québec.
M. Godin (Pierre): Si vous me permettez, je vais répondre
à cette question. Pierre Godin.
Effectivement, le programme d'efficacité
énergétique des Îles-de-la-Madeleine fonctionne de la
façon dont on l'avait prévu. Jusqu'à maintenant, il y a
entre 5 000 000 $ et 6 000 000 $ qui ont
été investis dans ce programme sur un total de 15 000 000
$ et la réaction du programme de la part des habitants des
Îles-de-la-Madeleine est très bonne.
Les prévisions de report, ou de nouveaux investissements dans la
centrale se réalisent tel que le programme a été
prévu. Je n'ai malheureusement pas les données exactes, mais je
peux vous dire que cela fonctionne tel que prévu. Autrement dit,
lorsqu'on avait prévu que les unités qénératrices
seraient reportées de X années, c'est ce que ça donne
comme résultat. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres pour vous les
donner.
M. Rodrigue: Ce serait intéressant pour les membres de la
commission si vous pouviez nous les transmettre, parce que dans la mesure
où il est question ici d'établir un programme d'économie
d'énergie à la qrandeur du Québec, il serait
intéressant de pouvoir analyser ou prendre connaissance d'une analyse
d'un programme qu'on peut considérer, à toutes fins utiles, comme
un programme pilote, celui qui a été mis en vigueur aux
Îles-de-la-Madeleine, là où c'était plus urgent de
le faire. Cela se conçoit. (22 heures)
Une dernière question. D'après le programme, les
prêts que vous allez consentir aux propriétaires seront-ils sous
forme d'hypothèque sur la maison? Comme il y a toujours le
problème du changement de propriétaire qui peut survenir, que
prévoyez-vous dans ce cas?
M. Cristel: On ne prévoit pas lier oar hypothèque.
Il y a un prêt maximum qui serait lié par hypothèque, mais
les prêts de moindre valeur ne le seraient pas. Je crois que c'est 10 000
$ On tenterait d'obtenir une hypothèque... Ah oui. Le consommateur qui
désire obtenir un prêt d'Hydro-Québec d'un montant
égal ou supérieur à 10 000 $ devra accorder à
Hydro-Québec une hypothèque équivalente au montant du
prêt ainsi consenti. Mais les prêts de moindre valeur ne seraient
pas garantis par hypothèque.
M. Rodrigue: C'est pour l'industriel et le commercial,
au-delà de 10 000 $, j'imagine.
M. Cristel: Non, c'est sur les édifices à logements
multiples.
M. Rodrigue: D'accord. On peut considérer cela un peu
comme du commercial. Finalement, il y a un propriétaire et un
édifice à logements. Pour le propriétaire d'un bungalow ou
d'un duplex, de quelle façon pouvez-vous suivre le prêt s'il y a
changement de propriétaire?
M. Cristel: Je crois qu'au changement de propriétaire, le
prêt devient exigible.
M. Rodrique: À la transaction?
M. Cristel: Oui.
Si c'est un locataire, il doit demander au propriétaire de signer
le contrat dans l'éventualité où il
déménagerait. Le propriétaire qui vend sa
propriété pour laquelle il détient un prêt consenti
par Hydro-Québec doit rembourser le solde de son emprunt lors de la
vente de ladite propriété.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je ne continuerai pas avec l'isolation des maisons,
je laisse cela à mon collègue de Saint-Laurent, il est
expert.
M. Forget: L'autopsie est terminée.
M. Fortier: Je ne sais pas si le cadavre est plus vivant
qu'avant. J'aurais une question à poser et je vais profiter de la
présence du professeur Parizeau, ce n'est pas tous les jours que j'ai
l'occasion de le voir.
M. Parizeau: En congé sans solde.
M. Fortier: Oui. D'ailleurs, on me dit que beaucoup
d'étudiants vous réclament. Je leur ai dit que ce serait pour
bientôt. Sachant que vous avez une bonne connaissance de la
péréquation, cela a un intérêt pour les
débats ici, dans une certaine mesure. J'ai lu un article publié
par un économiste d'Hydro-Québec en ce qui concerne l'intrant de
richesses naturelles et des revenus probables d'Hydro-Québec. J'aimerais
que vous éclairiez ma lanterne là-dessus. Je crois que
l'argumentation est celle-ci. Si je comprends le raisonnement de certaines
personnes, les revenus qui proviendraient de la vente de
l'électricité au Québec et qui devraient normalement,
éventuellement, en théorie, atteindre les prix internationaux, de
la même façon que le pétrole, seraient
considérés comme étant perçus par le Québec
même s'ils ne l'étaient pas. Peut-être pourriez-vous nous
dire dans quelle mesure les prix ou la tarification d'Hydro-Québec ou la
tarification possible ou probable peut avoir une influence dans la prochaine
ronde de négociations sur l'équation qui est utilisée pour
établir la péréquation en faveur du Québec ou
à son désavantage?
M. Parizeau: Tant que nous parlons de dividendes, cela n'a pas
d'impact. Cela reste complètement en dehors de la formule de
péréquation et en dehors du mode de calcul.
Tout ce qui, au contraire, aurait l'air d'un impôt, d'une taxe,
d'une royauté, n'importe quoi d'équivalent, pourrait
effectivement entrer dans la formule de péréquation et servirait,
à toutes fins utiles, à envoyer de l'arqent au
fédéral en lui permettant de réduire ses paiements de
péréquation. C'est en ce sens que, à tous égards,
le dividende est infiniment plus intéressant. Il se perçoit au
Québec, il reste au Québec et il n'engraisse pas Ottawa.
M. Fortier: Est-ce que le niveau de la tarification comme telle
peut avoir une influence dans le calcul?
M. Parizeau: Non, la tarification n'entre pas...
M. Fortier: Est-ce que le calcul peut dire: On appréhende
une tarification plus élevée qui pourrait exister?
M. Parizeau: Non, pas du tout; la tarification en tant que telle,
non. Mais en négociant ses royautés - parce que les
royautés, cela peut être considéré comme un
impôt - en établissant des royautés sur, en particulier,
les ventes de terrains pétroliers ou gaziers, l'Alberta, sans le
vouloir, a amorcé une bonne partie de la crise actuelle. C'est cela qui
a fait que le gouvernement fédéral, à un moment
donné, pour éviter de voir la péréquation monter
à des niveaux qu'il trouvait inacceptables, a modifié la formule
de péréquation. Il est très important que quoi qu'il
arrive dans ce domaine, n'ait l'air ni d'une taxe, ni d'un impôt, ni
d'une royauté. Un dividende, à cet égard, est à
l'abri et la tarification, c'est un prix. Cela n'entre d'aucune espèce
de façon dans la formule de péréquation.
M. Fortier: Merci. J'aimerais avoir deux précisions
d'Hydro-Québec. Mon collègue de Saint-Laurent faisait allusion
à la montagne d'argent qui semble très attrayante. Le
vice-président aux finances d'Hydro-Québec parlait des risques
qui pourraient survenir dans l'avenir qui pourraient diminuer ces profits qui
sont alléchants. Il y a deux sujets, à mon avis, qui pourraient
réduire dans l'avenir la "profitabilité" d'Hydro-Québec.
J'imagine qu'ils ne peuvent pas être comptabilisés, ils
surviendront quand ils surviendront, mais, quand même, il faut les avoir
à l'esprit lorsqu'on parle d'adopter une loi qui, de toute
évidence, va avoir un impact sur la rentabilité future
d'Hydro-Québec.
Le premier sujet, c'est Terre-Neuve. Il semble bien
qu'éventuellement - on ose l'espérer - Terre-Neuve s'assoira
à une table de négociation, peut-être sur la base que le
Québec a toujours prônée, que le gouvernement du
Québec a prônée, et qu'à ce moment-là, bien
sûr, on dise: Si telle et telle conditions sont rencontrées, on
serait peut-être prêt à rouvrir le contrat. Mais sachant
qu'on paie dans le moment deux ou trois milles le kilowattheure - les achats,
je crois, d'Hydro-Québec de Churchill Falls sont de l'ordre de 100 000
000 $ par année ou à peu près - on peut faire des
hypothèses sur le prix qui serait le résultat de ces
négociations. On peut multiplier par un facteur, j'imagine, de cinq ou
de dix, à partir de l'année où ces négociations
seraient conclues. Cela nous permettrait, par ailleurs, d'aménager
d'autres rivières. Il y a 5000 mégawatts à
aménager. Toutes ces projections, ces prévisions qu'on a faites
de la "profitabilité" d'Hydro-Québec seraient
pénalisées d'autant. Est-ce que mon argumentation tient?
M. Bourbeau: Votre argumentation est bonne pour autant que l'on
ne puisse trouver une solution au problème de Terre-Neuve. Actuellement,
à Hydro-Québec, il y a un comité qui est chargé
d'étudier les différentes façons de circonscrire le
problème de Terre-Neuve. Si jamais Terre-Neuve gagnait le procès
en cours actuellement vis-à-vis du Reversion Act, c'est-à-dire
lorsque Terre-Neuve veut enlever les droits hydrauliques à la CFL Co.
Les résultats de ce comité d'étude à
HydroQuébec devraient arriver vers la mi-septembre. On n'a pas encore de
données là-dessus.
M. Fortier: Mais j'imagine que, sans connaître les
conclusions de cette étude, cette probabilité viendrait soit d'un
règlement en cour, si Terre-Neuve gagnait sont point en cour, ou par un
règlement hors cour. Le règlement hors cour serait
peut-être mieux, mais, dans un cas comme dans l'autre, j'imagine que la
"profitabilité" d'Hydro-Québec en prendrait un coup dans la
mesure où il faudrait soit chercher des sources d'énergie
alternatives ou renégocier le contrat en payant un prix qui serait de
toute évidence plus élevé. Il ne pourrait pas être
plus bas. Sachant qu'on paie deux ou trois mills le kilowattheure, que la
Baie-James coûte vingt milles, il y a une marge de négociation qui
serait entre trois et vingt milles, ce qui signifie que cette
rentabilité que l'on vante beaucoup serait très
sérieusement affectée.
L'autre domaine qui m'intéressait, je ne sais pas si c'est une
décision ou un arrêté en conseil ou une modification de la
loi qui a fait en sorte que, pour les négociations sur la tarification
des grandes puissances, c'est entre les mains du gouvernement. Il
négocie avec de nouvelles entreprises qui viennent s'établir ici,
s'il y en a. Je ne sais pas. Je sais qu'on a mentionné Reynolds en
particulier, dans les journaux.
La première question serait celle-ci:
Est-ce que depuis que le gouvernement a assumé cette
responsabilité il y a eu des cas où c'est arrivé?
Deuxièmement, dans ces cas-là, j'aimerais en avoir la
confirmation, j'imagine que la baisse de tarif qui serait accordée
à une entreprise serait au détriment d'Hydro-Québec? Il
n'y aura pas de compensation prévue, le gouvernement ne compensera pas
Hydro-Québec pour la perte qu'elle subirait dans le niveau de
tarification qui serait accordé à cette entreprise?
M. Bourbeau: II y a un contrat actuellement, c'est le contrat de
Reynolds. Je crois que M. Pierre Godin, vice-président Clientèle
et Régions, est au courant de toutes les négociations qui
entourent ce contrat.
M. Godin (Pierre): Effectivement, il y a des négociations
en cours à l'heure actuelle avec Reynolds pour la fourniture de 170
à 200 mégawatts d'énergqie additionnelle selon ce que le
gouvernement avait annoncé, je ne me souviens plus à quel moment,
soit des négociations de contrats selon des conditions
particulières pour de grands utilisateurs d'énergie.
Effectivement, il y a un contrat en négociation à l'heure
actuelle. Il n'y a pas de contrat signé cependant.
En ce qui a trait au manque à gagner que subirait
Hydro-Québec à la suite de ce genre de contrat, ce serait
compensé par le gouvernement, suivant l'information que l'on a.
M. Fortier: Est-ce que c'était un décret ou si
c'est la loi qui a été modifiée pour permettre au
gouvernement de procéder de cette façon?
M. Godin (Pierre): C'est une décision ou un décret
du gouvernement. Je ne saurais dire exactement la différence entre les
deux.
M. de Belleval: Qu'est-ce que vous entendez par manque à
qaqner? Par rapport à quoi?
M. Godin (Pierre): Ce serait le taux protéqé de
croissance du tarif du contrat par rapport à l'augmentation des taux
réels.
M. de Belleval: Ce que vous appelez manque à qaqner, ce
n'est pas un manque à qaqner actuel, mais c'est un manque à
qaqner qui pourrait survenir si le taux garanti à l'entreprise
était inférieur éventuellement au taux auquel vous
pourriez vendre ce stock d'énerqie.
M. Godin (Pierre): C'est cela, si vous voulez, le taux
normalisé, à n'importe quel moment, n'importe quelle
année.
M. de Belleval: Si, à un moment donné, il y a des
surplus d'électricité, vous ne pouvez pas les vendre, à ce
moment-là. Cela entre en ligne de compte aussi, je suppose?
M. Godin (Pierre): Pas essentiellement. Un contrat
d'énergie ferme, c'est très différent d'un contrat
d'énergie excédentaire ou de vente de surplus
d'énergie.
M. de Belleval: Si au moment où la différence se
produit vous avez des surplus d'énergie à cette
époque?
M. Godin (Pierre): Tout dépend si on parle
d'énergie ferme ou de surplus, d'excédents temporaires.
Évidemment, ce n'est pas la même situation du tout.
M. Fortier: Ce que vous m'en dites, c'est que le gouvernement est
logique avec lui-même, il demande à Hydro-Québec de se
rentabiliser le plus possible, de préférence par augmentation de
tarif. Mais, dans un cas comme celui-là, il compenserait
HydroQuébec du manque à gagner résultant d'une telle
négociation.
M. Godin (Pierre): C'est ce qui a été convenu.
M. Fortier: Tant mieux.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre. (22 h 15)
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais peut-être
revenir sur le dernier sujet qui a été évoqué par
le député d'Outremont. Le tarif grande puissance s'applique
à l'heure actuelle au seul secteur des alumineries. Et la
mécanique de cette politique, ce qui a été largement et
abondamment expliqué lors d'une conférence de presse qui remonte,
si ma mémoire est bonne, à au-delà d'un an, le tarif qui
s'applique à une entreprise - et on en a une illustration avec le cas
Reynolds - est que, pendant une durée de 20 ans, nous garantissons
à l'entreprise que le tarif qui s'applique à elle pendant la
période n'excédera pas 10% par année. De la 21e à
la 25e année, on appelle cela une période de rattrapage sur le
tarif qui sera en vigueur à ce moment-là, de sorte qu'au premier
jour de la 26e année, cette entreprise paiera le tarif qui sera en
vigueur - le tarif grande puissance - à ce moment-là.
Bien sûr, nous avons pris l'engagement de compenser
Hydro-Québec sur un manque à gagner, parce que nous tenons compte
qu'un investissement de cette ampleur, et, dans le cas de Reynolds, on parle
d'un montant de 500 000 000 $, a un effet d'entraînement sur
l'économie et que c'est plutôt la responsabilité du
gouvernement d'assurer, le cas échéant, le manque à
gagner. Je pense
que, là-dessus, vous semblez être d'accord avec cette
proposition. On se rejoint.
L'autre sujet que vous avez évoqué est le dossier de
Terre-Neuve. Je voudrais simplement rappeler la position du gouvernement
là-dessus. Nous avons eu l'occasion à tour de rôle, M.
Lévesque et moi-même, de le rappeler et notre position n'a jamais
vraiment changé depuis cette rencontre à Vergennes dans le
Vermont, à l'occasion de la réunion annuelle des gouverneurs des
États de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres où M.
Lévesque et M. Peckford avaient abordé cette question. La
position du gouvernement se résume à ceci. Cela a
été rappelé à nouveau le lendemain ou le
surlendemain de l'annonce du fameux corridor, que nous étions ouverts
pour une discussion, mais sur la base - pour employer l'expression du premier
ministre - d'un "package deal" qui comprendrait, bien sûr, la
mécanique de rappel, qui comprendrait la puissance additionnelle qui
pourrait s'ajouter aux chutes Churchill. Nous sommes, bien sûr,
également intéressés dans la puissance qu'on retrouve dans
le bas Churchill à partir de Muskrat et Gull Island et nous sommes aussi
intéressés à réqler avec Terre-Neuve ce qui
pourrait être un contentieux sur les rivières de la
Côte-Nord dont la tête se trouve au nord de ce qui a
été décidé en 1927 comme étant la
frontière. Selon ce que Terre-Neuve aura à offrir sur le
"Dackage", nous évaluerons à ce moment-là la situation
pour ce qui est du contrat qui lie actuellement les parties, CFL Co.,
Hydro-Terre-Neuve, Hydro-Québec, le gouvernement de Terre-Neuve et le
gouvernement du Québec.
Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions?
Avez-vous un mot à ajouter avant l'ajournement? M. le ministre, pour le
mot de la fin.
M. Forget: M. le Président, si on est pour mettre fin aux
travaux sans se réunir demain à nouveau, j'aurais peut-être
une question pour le ministre des Finances.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Quand on considère la série de chiffres
qui nous a été fournie par Hydro-Québec relativement au
profil dans le temps des redevances - si je peux mettre la main dessus, je vais
vous la citer - on y voit que le dividende va évoluer de la façon
suivante: en 1981, 28 000 000 $; en 1982, 71 700 000 $; en 1983, 180 000 000 $
et, les deux dernières années respectivement, 465 000 000 $ et
905 000 000 $. On se rend compte que, pour l'essentiel, la redevance ne devient
significative qu'en 1984 pour un gouvernement qui, à ce moment, a un
budget de plus de 20 000 000 000 $ et probablement passablement au-delà
de 70 000 000 000 $, je pense bien que les redevances des années
antérieures à celle-là, qui se chiffrent par même
pas 1% du budget, ne peuvent pas être considérées comme
fournissant un apport significatif aux finances gouvernementales, à
moins, bien sûr, qu'on nous réserve, du côté
tarification, je ne sais même pas si on devrait appeler ça une
surprise, dans la mesure où le gouvernement n'a pas
dévoilé ses intentions clairement, et où, effectivement,
on affirmerait un taux de croissance des tarifs qui, dès 1982, ferait
monter des chiffres d'une façon beaucoup plus astronomique que la
redevance en question; ce n'est pas exclu, mais, mettons ça de
côté pour les fins de la disscussion.
En supposant que ce scénario d'Hydro-Québec
représente à peu près ce qui est susceptible de se
produire, tenant compte également du fait que - on nous l'a
répété à plaisir durant la journée -
énormément d'incertitude s'attache à des
prédictions même de quatre et cinq ans, bien des choses peuvent
évoluer, favorablement ou défavorablement, pourquoi le
gouvernement s'attache-t-il à introduire tout de suite cette
modification dans les statuts d'Hydro-Québec? Est-ce qu'il ne serait pas
plus sage, étant donné que ça ne lui rapportera rien ou
pratiquement rien avant 1984, d'attendre en 1983 pour voir où on en est
finalement dans l'évolution du marché financier et dans
l'évolution des projets d'investissement d'Hydro-Québec? Parce
que c'est seulement à ce moment où véritablement, du moins
d'après ce scénario, que ça fait une différence
appréciable.
Est-ce là la leçon qu'on doit tirer de toutes les
précautions dont ont entouré les porte-parole
d'Hydro-Québec sur leur difficulté à voir l'avenir sur
plus longtemps? Mais avec les difficultés financières qui
existent cette année sur les marchés financiers, est-ce qu'il ne
serait pas plus sage de dire: Ce serait peut-être une bonne idée
que ce dividende, quand il deviendra clair que les marchés financiers et
les taux d'intérêt ont retrouvé un certain bon sens et
quand il deviendra clair que la phase 2 de la Baie James, etc. - tout cela
implique des déboursés - qu'on sera plus en mesure de chiffrer et
de voir apparaître avec un peu plus de précision, simplement parce
qu'on sera plus près de leur mise en route dans le temps - on l'aura
même amorcée - est-ce que ce ne serait pas bien avisé,
dis-je, de remettre tout ça?
C'est un peu prématuré me semble-t-il. On s'est tellement
fait dire, aujourd'hui, qu'on a des difficultés de prédiction,
que les marchés financiers sont dans un état inusité, tout
le monde espère que les taux d'intérêt sont aussi à
un niveau qui ne se maintiendra pas pendant des années et des
années, alors,
la conclusion que j'en tire, c'est que ce n'est peut-être pas
terrible 28 000 000 $ pour Hydro-Québec - effectivement, ce n'est pas
terrible si ça se limite à ça - mais ce n'est pas non plus
un grand bénéfice pour le gouvernement. On me dira: On le fait
pour le principe; mais vous savez, M. le Président, le principe, il y a
aussi d'autres principes, tel que le fait d'agir quand on voit clair, c'est un
aussi bon principe que cette espèce d'harmonie des corps
célestes. On n'a pas grand intérêt financier à faire
ça, même l'an prochain; pourquoi n'attend-on pas quand ce sera
vraiment utile?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je suis très content
d'avoir à conclure sur une question comme celle-là. Quelqu'un de
très célèbre a dit un jour que l'avenir dure longtemps,
mais ça se prépare.
Parce que le marché est ce qu'il est -les marchés
financiers sont ce qu'ils sont à l'heure actuelle - ce que ça va
rapporter pendant deux ans, effectivement, ce n'est pas grand-chose, c'est
très inférieur à ce que ça aurait été
si les taux d'intérêt n'avaient pas augmenté comme ils
l'ont fait. Il est possible que, dans six mois ou dans un an, on constate que
la situation des marchés financiers s'étant
considérablement améliorée, c'est beaucoup plus
intéressant que les chiffres qu'on indique là.
Il faut placer Hydro-Québec comme toutes les
sociétés d'État, et je reviens à mon propos
initial. Les sociétés d'État, maintenant qu'elles font des
profits dans leur ensemble - Hydro-Québec en a toujours fait, mais -
sont placées sur une base où elles paient des taxes, où
elles ont une politique de dividendes. Si cela avait rapporté beaucoup
d'argent cette année, on aurait dit, comme on a dit, sans
connaître les chiffres: Le gouvernement siphonne Hydro-Québec,
donc, renoncez à ce projet.
Maintenant qu'on se rend compte que ça rapporte beaucoup moins
d'argent que prévu, on dit: Renoncez à votre projet, ça ne
rapporte pas assez. Alors, qu'on se branche! Si je comprends bien, il y a trois
jours encore, avant que ces chiffres-là sortent, la conclusion
était: Surtout, pas de dividendes d'Hydro-Québec, vous siphonnez
Hydro-Québec. Vous allez chercher comment disait-on ce matin, tôt
avant que les chiffres sortent? - des milliards. Maintenant, ce soir, dix
heures plus tard, on me dit: Ne touchez pas à Hydro-Québec,
ça ne rapporte rien. Rien, branchons-nous!
La politique du gouvernement, c'est qu'Hydro-Québec, comme toutes
les sociétés d'État qui font de l'argent, doit payer des
dividendes et, en fonction des taux d'intérêt, du taux
d'inflation, des tarifs, etc., il sortira un dividende. Mais dans ce sens je
pense que nous avons pris une position qui est à la fois loqique et
cohérente. Je suis navré pour ceux qui pensaient qu'on allait
siphonner des milliards tout de suite, que ça ne se produise pas...
M. Forget: Je m'excuse...
M. Parizeau:... je suis navré pour ceux qui trouvent que
ça ne rapporte pas assez. Je suis navré pour les deux, même
si c'est le même homme des fois, mais le fait est qu'il était
temps que le gouvernement ait, à l'égard des
sociétés d'État, une politique de taxation, une politique
de dividendes.
M. Forget: C'est pour le principe.
M. Parizeau: Non, parce qu'une entreprise est une entreprise,
parce qu'elle doit être jaugée à l'aune à la fois
d'une taxation normale et de dividendes normaux. C'est comme ça qu'on la
juge, c'est comme ça qu'on la compare et c'est comme ça qu'on
l'établit en fonction des autres.
M. Forget: Mais si c'est vrai, M. le Président, pourquoi
le gouvernement ne la laisse-t-il pas déterminer ses tarifs et ses
dividendes seule comme d'autres entreprises sont autorisées à le
faire?
M. Parizeau: Parce que, M. le Président, les entreprises
de services publics dans tous les gouvernements ont une tarification qui est
approuvée soit par un gouvernement, soit par un tribunal
quasi-judiciaire, ça dépend des formules d'un pays à
l'autre. Pour ma part, je ne sache pas que, dans un service public qui a un
monopole, on permette au monopole de déterminer lui-même ses prix.
Cela est inconnu au bataillon. Je ne vois pas pourquoi on accepterait ce
principe-là au Québec; là, on serait vraiment une province
pas comme les autres.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, pour le mot de
la fin?
M. Duhaime: À moins que M. Bourbeau...
M. Fortier: Oui, peut-être que M. Bourbeau veut
conclure.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. Bourbeau a
quelque chose à ajouter?
M. Bourbeau: Non, pour l'instant je n'ai rien à
ajouter.
M. Duhaime: Alors, M. le Président, nous arrivons au terme
de nos travaux. Je pense pouvoir dire, après ces longues heures
de débat et de discussions à travers le dédale des
chiffres, que nous serons en mesure de dire à l'Assemblée
nationale que le mandat de la commission a été rempli.
Je voudrais vous dire, M. le président d'Hydro-Québec,
qu'en ce qui est des propositions contenues dans votre mémoire tel que
soumis devant la commission, j'aurai, bien sûr, avec mes
collègues, l'occasion de le revoir, de le laisser en quelque sorte se
décanter également et, à la lumière de ce que nous
avons entendu au cours de ce débat aujourd'hui, nous aurons bien
sûr à prendre un certain nombre de décisions qui,
normalement, pourraient être connues vers le mois de novembre à
l'occasion du débat de deuxième lecture sur ce projet de loi. (22
h 30)
Je voudrais rappeler essentiellement ce que je disais ce matin, que les
travaux d'aujourd'hui constituent en quelque sorte la première manche -
les travaux de cette commission permanente de l'énergie et des
ressources - puisque nous aurons l'occasion de nous retrouver à la fin
de septembre pour échanger sur la proposition tarifaire que, d'ici
là, votre conseil retiendra pour être proposée au
gouvernement; ensuite, la même commission se retrouvera lors de
l'étude article par article du même projet de loi no 16.
Je voudrais remercier mes collègues membres de cette commission
pour leur participation à ces travaux, en particulier mon
collègue des Finances. J'aimerais vous remercier vous-même, M. le
président Bourbeau, de même que tous ceux et celles de votre
équipe, à Hydro-Québec, pour la bienveillance avec
laquelle vous vous êtes prêtés aux débats de cette
commission. Je ne sais pas si je peux m'exprimer au nom de tous mes
collègues, mais je voudrais vous remercier. Nous avons voulu tenir ce
débat le plus large possible dans la recherche, bien sûr, du
consensus. On se donne rendez-vous à la fin de septembre.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Très brièvement, je voudrais remercier
Hydro-Québec d'avoir été si patiente avec nous et d'avoir
répondu à nos questions. Pour notre part, bien sûr, on a
appris certaines choses et cela nous a confirmé ce qu'on
appréhendait: le ministre des Finances a des problèmes et il
voudrait bien qu'Hydro-Québec ait autant de problèmes que
lui.
Quant à nous, nous croyons que, même si l'État
québécois a des problèmes, il serait dans le meilleur
intérêt du Québec si Hydro-Québec pouvait continuer
à jouer son rôle et à le faire d'une façon autonome
vis-à-vis du pouvoir exécutif. Il nous semble pernicieux qu'on ne
permette pas à Hydro-Québec de recommander la dimension,
l'importance des dividendes qui seraient déclarés. Il est
étonnant de voir que c'est sans avoir de politique
énergétique que nous discuterons de la prochaine tarification,
sans avoir exactement de guide venant du gouvernement. C'est son droit et son
devoir de déterminer une politique énergétique qui nous
permettrait de juqer de la direction vers laquelle on s'en va.
J'ose espérer que nous aurons, M. le ministre, l'information
quant à la tarification quelques jours ou une semaine, si possible,
avant la commission parlementaire pour qu'on puisse en faire l'étude
avant d'arriver ici même, en commission parlementaire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député d'Outremont.
M. Bourbeau, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?
M. Bourbeau: Je n'ai rien à ajouter, sinon de dire aux
membres de la commission que notre mémoire de ce matin contenait deux
propositions: une disant qu'on aimerait que le conseil d'administration propose
le dividende au gouvernement et une autre disant que le prêt pour le
programme d'efficacité énergétique devrait être
qaranti par le gouvernement. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la
commission, je remercie M. le président d'Hydro-Québec.
La commission de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 22 h 34)