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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
II y a quorum. La commission élue permanente de l'énergie
et des ressources est maintenant ouverte. Le mandat de cette commission est
d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec relativement à
l'étude du projet de tarification d'Hydro-Québec pour l'exercice
financier 1983. Elle se réunira aujourd'hui, le 26, demain le 27 octobre
et, si nécessaire, elle pourra poursuivre ses travaux le jeudi, 28
octobre.
Les membres de la commission sont: M. Pagé (Portneuf), M. de
Belleval (Charlesbourg), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M.
Grégoire (Frontenac), M. Dussault (Châteauguay), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Tremblay (Chambly), M.
Rodrigue (Vimont), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).
Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M.
Kehoe (Chapleau), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Hains (Saint-Henri).
Une voix: M. le Président, M. Hains est remplacé
par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Le Président (M. Desbiens): Alors, M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Hains (Saint-Henri); M. Proulx
(Saint-Jean), M. Levesque (Bonaventure) et M. Perron (Duplessis).
Il serait maintenant dans l'ordre de désigner un rapporteur.
Est-ce qu'il y a une proposition à cet effet?
M. Grégoire: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: ... est-ce que je pourrais suggérer le
député de Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc?
Le Président (M. Desbiens): Alors, il y a une proposition
pour que le député de Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc, devienne
rapporteur. Est-ce adopté?
Une voix: Adopté.
M. Fortier: Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous venez de dire que nous entendrons
Hydro-Québec. Maintenant, j'ai reçu, comme les autres membres de
la commission, une intervention du Conseil régional de
développement d'Abitibi-Témiscamingue, qui est portée
à l'attention de la commission parlementaire. J'aimerais savoir s'il y a
d'autres associations ou d'autres groupements qui ont envoyé des
mémoires et si la commission aura le loisir d'entendre la ou les
personnes qui voudraient être entendues.
Le Président (M. Desbiens): Les seuls autres documents qui
ont été reçus à la commission à ce moment-ci
sont des dossiers à l'appui de la hausse présentée par
HydroQuébec que vous avez entre les mains. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, comme à chaque
année, il y a des groupes qui font valoir au ministère de
l'Énergie et des Ressources le souhait d'être entendus lors de la
comparution d'Hydro-Québec devant notre commission parlementaire pour
l'étude de sa proposition tarifaire. Cette année - pour
répondre à votre question - je crois qu'il y en a eu quatre ou
cinq qui ont manifesté le désir d'être entendus. Nous avons
plutôt retenu la formule, de laisser les parlementaires des deux
côtés de la Chambre faire leur boulot et entendre
Hydro-Québec seulement pour qu'ensuite, le gouvernement puisse prendre
position sur la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Alors, on fait
comme d'habitude.
Le Président (M. Desbiens): D'ailleurs, il n'est pas
mentionné, non plus, dans le mandat de la commission que j'ai lu tout
à l'heure qu'il y aurait audition d'autres groupes. Cela dit, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Je vais être bref, parce qu'on a hâte
d'entendre les représentants d'Hydro-Québec, ce matin, et le
ministre. Le mémoire qui est déposé ce matin ici et dont
on a pris connaissance a-t-il été déposé au
secrétariat des commissions? Est-ce qu'il a été
reçu par le secrétariat des commissions?
Parce qu'on se rappellera que le député d'Outremont a
particulièrement insisté pour que le débat puisse
être le plus large possible et que les groupes intéressés
à se faire entendre puissent le faire. À titre d'exemple, j'ai un
groupe important de mon comté qui était désireux de se
faire entendre et, dès qu'il a été informé que les
règles du jeu prévoyaient qu'il n'y avait pas de
dépôt de mémoires, il a prévu de faire une
conférence de presse et de transmettre directement au ministre un
mémoire. Si, par contre, vous me dites que les mémoires,
même si les groupes ne sont pas entendus devant notre commission, peuvent
être déposés au secrétariat des commissions, c'est
un autre élément.
Le Président (M. Desbiens): II n'y a absolument aucun
mémoire présentement qui est parvenu au secrétariat des
commissions de façon officielle. Il est toujours loisible, je crois,
à tout groupe de faire parvenir ou de présenter un mémoire
au secrétariat des commissions.
M. Grégoire: D'ailleurs, M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: ... rien n'empêche quelque
député que ce soit de se servir des recommandations ou des
attendus des mémoires pour poser des questions soit à
Hydro-Québec, soit au ministre. Si le député de Portneuf
veut déposer ce mémoire et poser des questions à partir de
ce mémoire, il aura pleinement le loisir de le faire pendant les jours
que durera cette commission.
M. Pagé: Je n'en doute pas, mais ce que je voulais savoir,
c'est s'ils étaient officiellement déposés. Ils ne sont
pas déposés, merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je pourrais peut-être répondre à
la préoccupation du député de Portneuf qui, sans aucun
doute, ne porte pas du tout sur les tarifs ce matin, mais davantage, en se
référant aux groupes que vous avez identifiés, sur le
projet d'aménagement de Delaney. J'aurai des choses à dire
tantôt à ce sujet, bien sûr. Dans un contexte aussi... Cela
ne fonctionne pas? Vous êtes bien gentil, M. le député de
Saint-Jean, je vous en serai éternellement reconnaissant. J'aurai des
précisions à apporter là-dessus, tout à l'heure,
dans mon exposé. Sans aucun doute, ce que je dirai devrait satisfaire
les attentes aussi bien des gens de Portneuf que d'ailleurs. Est-ce qu'on peut
y aller, M. le Président?
Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres
remarques, je demanderais à M. Joseph Bourbeau, qui est le
président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, de
présenter ceux qui l'accompagnent. Par la suite, M. le ministre fera ses
remarques préliminaires, j'imagine.
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, je voudrais vous
présenter, a ma droite, M. Guy Coulombe, le président-directeur
général d'Hydro-Québec qui, à son tour, va vous
présenter les membres de son équipe.
M. Coulombe (Guy): M. le Président, je voudrais vous
présenter M. Pierre Godin, à ma droite, qui est
vice-président exécutif de l'exploitation; M. Georges Lafond,
vice-président exécutif de la mise en marché; à ma
gauche, M. Lionel Boulet, vice-président exécutif de la
technologie internationale; M. Jean Bernier, secrétaire
général d'Hydro-Québec.
Nous avons aussi avec nous M. Michel Caron, nouveau
vice-président exécutif du service des finances et de
l'administration; M. Marcel Couture, vice-président de l'information; M.
Durocher, vice-président de l'administration; M. Ouellette, en
arrière, est le vice-président des ressources humaines; M. Jean
Houde, vice-président délégué à
l'organisation, et M. Villeneuve, conseiller spécial du PDG.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. M. le
ministre.
Remarques préliminaires M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord souhaiter
la bienvenue au président du conseil d'administration, au
président-directeur général, aux membres du conseil
d'administration, aux différents vice-présidents
d'Hydro-Québec que je reconnais devant moi et souhaiter d'une
façon particulière une première bienvenue au nouveau PDG
d'Hydro-Québec, M. Guy Coulombe, qui en est à sa première
comparution devant cette commission parlementaire depuis sa nomination à
la tête d'Hydro-Québec.
M. le Président, je voudrais situer le cadre de nos débats
et dire qu'avec la collaboration de mon collègue, le
député d'Outremont, nous avons pu en quelque sorte établir
une séquence d'événements pour les heures et les jours qui
sont devant nous. Nous nous sommes entendus pour qu'il y ait un exposé
de ma part d'abord, ensuite un exposé du député
d'Outremont et
possiblement un échange et qu'ensuite nous passions la parole
à Hydro-Québec pour qu'on puisse entendre l'a b c de la
proposition tarifaire que l'on retrouve cette année à
l'intérieur d'un plan d'équipement révisé pour la
période de 1982-1985, mais sur l'horizon 1992.
Nous avons prévu trois jours, c'est-à-dire toute la
journée d'aujourd'hui jusqu'à 10 heures ce soir, M. le
Président. Nous siégerons également demain dans la
matinée jusqu'à 13 heures et, si c'est nécessaire, nous
reprendrons jeudi à 10 heures pour la journée. Si nous n'avions
pas terminé, nous pourrions siéger vendredi et samedi. On verra
comment les choses vont se dérouler.
Je voudrais dire, au départ, M. le Président, que je n'ai
pas l'intention d'entrer dans le détail des documents
déposés par Hydro-Québec. C'est au cours des travaux de
cette commission qu'Hydro-Québec nous présentera le contenu du
règlement tarifaire proposé, ainsi que le plan de
développement pour la période 1983-1985. La présente
commission parlementaire permettra de préciser les implications du
règlement proposé par Hydro-Québec et c'est en fonction
des travaux de cette commission que le gouvernement décidera finalement
de la grille tarifaire qui sera autorisée pour l'année 1983.
À propos du règlement tarifaire et du plan de
développement qui l'accompagne, Hydro-Québec identifie un certain
nombre d'orientations majeures qui affectent la plupart de ses
activités. Nous allons, évidemment, être appelés
à évoquer la situation énergétique
québécoise globale, ainsi que les objectifs poursuivis par le
gouvernement dans ce secteur.
Il est certain que le secteur énergétique a connu
plusieurs modifications conjoncturelles importantes depuis un an; par exemple,
les modifications du prix international du pétrole brut, le
ralentissement de la croissance de la demande globale d'énergie et
l'expansion du réseau de gaz naturel au Québec. Il me
paraît ainsi important, au début des travaux de cette commission,
de faire un rapide tour d'horizon de la situation énergétique
actuelle, ainsi que des orientations de la politique gouvernementale dans ce
secteur. Une telle réflexion devrait nous faciliter l'analyse de la
proposition tarifaire d'Hydro-Québec et de ses implications.
Si on essaie de formuler en termes clairs les différents
problèmes qui se posent actuellement au Québec sur le plan
énergétique, il est possible d'en identifier un certain nombre en
prenant, bien sûr, pour point de départ le document
présenté par l'Hydro-Québec.
La première question, je dirais, ou le premier défi auquel
le Québec est confronté concerne nos richesses
énergétiques propres, soit en premier lieu nos richesses
hydroélectriques. Cette question pourrait se formuler ainsi: Quels
moyens devons-nous adopter et appliquer pour assurer une mise en valeur rapide
et rationnelle de notre potentiel énergétique? À cette
première question s'en ajoute une deuxième que la conjoncture
économique actuelle rend encore plus pertinente: Comment utiliser cette
mise en valeur de nos richesses énergétiques pour en faire un
moteur encore plus puissant de notre développement économique? La
troisième question est liée à la pénétration
du gaz naturel au Québec et au déplacement du pétrole
importé, qu'il faudra, bien sûr, harmoniser avec le
développement de l'électricité.
Le passage d'une partie importante du bilan énergétique
québécois du prétrole mondial au gaz naturel et à
l'électricité amène à se poser une autre question,
celle du secteur pétrolier québécois, de sa
nécessaire adaptation et des mesures que l'on peut concevoir pour
assurer son renforcement dans un contexte difficile. Une cinquième
question concerne le secteur de la recherche et du développement. De
l'évolution de la recherche et de la technologie dépendent, pour
une bonne part, les caractéristiques futures du secteur
énergétique québécois, de son développement
économique d'ensemble. Une sixième question porte sur les
économies d'énergie. Et, enfin, la dernière question
englobe l'ensemble de l'action du gouvernement et consiste à se demander
si l'évolution de la situation actuelle et prévisible affecte les
objectifs que nous nous étions fixés en 1978 pour l'horizon
1990.
Voyons, d'abord, le contexte énergétique canadien et
international. L'évolution récente peut être
articulée autour de deux points principaux: les approvisionnements en
hydrocarbures et les prix auxquels ces hydrocarbures sont disponibles à
l'économie québécoise. En ce qui concerne les
approvisionnements pétroliers en provenance du marché
international, la situation au cours des dernières années semble
avoir profondément évolué. Depuis 1980, le marché
mondial du pétrole connaît une situation d'excédent de
l'offre sur la demande, en raison essentiellement de la crise économique
mondiale et de la baisse rapide des importations pétrolières
américaines. Le marché international peut subir à nouveau
l'impact de difficultés politiques éventuelles de l'un ou de
l'autre des grands pays exportateurs. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la
révolution iranienne et la guerre entre l'Irak et l'Iran ont accru
l'importance stratégique de l'Arabie Saoudite et ont rendu la situation
énergétique internationale encore plus tributaire de la
conjoncture politique et économique prévalant dans ce pays. (10 h
30)
Dans un rapport rendu public il y a
quelques jours à peine, l'Agence internationale de
l'énergie estime que d'importants déséquilibres risquent
à nouveau de se produire à partir du milieu des années
quatre-vingt. L'AIE souligne, en effet, que l'augmentation de la demande
mondiale de pétrole, due notamment à l'accroissement de la
demande pétrolière des pays de l'OPEP qui pourrait tripler d'ici
l'an 2000, coïncidera avec une diminution de la production de brut en
provenance de l'Amérique du Nord, de l'URSS et de la mer du Nord. L'AIE
en conclut que, si des résultats notables n'ont pas été
obtenus dans les politiques de substitution du pétrole, les prix du brut
pourraient connaître à moyen terme une nouvelle hausse
précipitée.
À l'heure actuelle, 52% des approvisionnements pétroliers
du Québec proviennent de l'Ouest canadien. Tout le monde s'accorde,
toutefois, pour considérer cette situation comme provisoire. La
réduction des réserves albertaines de pétrole
conventionnel devrait entraîner d'ici la fin des années
quatre-vingt une diminution importante des livraisons de pétrole en
provenance de l'Ouest. Il ne semble pas que l'on puisse compter
sérieusement sur le pétrole non conventionnel canadien provenant
des sables bitumineux. Par ailleurs, depuis 1978, les perspectives de mise en
exploitation du potentiel pétrolier de l'Est canadien se sont
précisées avec, notamment, la découverte d'Hibernia.
Cependant, pour des raisons à la fois techniques, économiques et
politiques, il ne semble pas, là aussi, que l'on puisse compter sur un
volume de production significatif avant le milieu des années
quatre-vingt-dix. Quant au pétrole de l'Arctique, la situation demeure
incertaine.
Ainsi, il découle de cette analyse une conclusion essentielle:
à moyen terme, une part accrue des approvisionnements pétroliers
du Québec proviendra du marché mondial. Selon les
évaluations les plus récentes, cette part passerait de 48% en
1982 à environ 90% en 1990. Le Québec dépendra donc
très largement du marché mondial pour ses approvisionnements.
En ce qui concerne les disponibilités de gaz naturel, la
situation est substantiellement différente. Dans son rapport de juin
1981 sur l'offre et la demande d'énergie au Canada, l'Office national de
l'énergie concluait que les approvisionnements en gaz naturel provenant
des régions traditionnelles permettront de satisfaire les marchés
canadiens, incluant ceux de l'Est, pour les 28 années à venir,
ainsi que les marchés d'exportation alors reconnus. Par ailleurs, au
niveau mondial, le développement de la technologie de transport du gaz
naturel liquéfié, ainsi que la volonté des pays
producteurs de valoriser les importantes ressources gazières disponibles
dans le monde rendent cette forme d'énergie particulièrement
attrayante en ce qui a trait aux approvisionnements. Que ce soit sur le
marché canadien ou international, le gaz naturel offre ainsi une grande
sécurité d'approvisionnements et fournit une plus grande
flexibilité à nos approvisionnements en hydrocarbures.
Un deuxième point doit retenir notre attention: il s'agit du prix
du pétrole, c'est-à-dire du coût que représentent
les importations pétrolières pour l'économie
québécoise. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler ici
certains faits. Tout d'abord, les hausses considérables des prix du
pétrole enregistrées depuis 1973 ont entraîné un
transfert massif de pouvoir d'achat au détriment de l'économie
québécoise et en faveur des pays exportateurs. De 1977 à
1980, le prix du pétrole livré à Montréal,
après subventions, a augmenté de 64,4%, la facture
pétrolière globale du Québec passant de 2 200 000 000 $
à 3 400 000 000 $.
Depuis 1980, ce mouvement de hausse des prix, loin de se ralentir,
s'est, en fait, accéléré. De 1980 à 1982, le prix
du pétrole livré à Montréal et effectivement
payé par les raffineurs a ainsi augmenté de 85,4%, les neuf
dixièmes de cette hausse étant attribuables au rattrapage des
prix internationaux institué par le gouvernement fédéral.
Le prix du pétrole effectivement payé par les raffineurs de
Montréal, qui représentait 48% du prix international en 1980, en
représente maintenant 81%.
Bien entendu, ce nouveau renchérissement des prix du
pétrole a eu des répercussions financières directes et
cela même si, durant la même période, le Québec a
réussi à réduire significativement le volume de ses achats
de pétrole brut. En 1982, les achats de pétrole restent la
principale source du déséquilibre de la balance commerciale
québécoise. Malgré une diminution d'environ 7% des
importations de brut, la facture pétrolière est passée,
entre 1979 et 1981, de 2 700 000 000 $ à 4 800 000 000 $.
Au cours des prochaines années, le coût du pétrole
acheté par le Québec risque de s'accroître, soit en raison
de l'application des dispositions de l'entente de septembre 1981 entre le
gouvernement fédéral et l'Alberta, soit en raison de
l'augmentation de la part des nouveaux pétroles dans les
approvisionnements canadiens, soit, enfin, en raison de l'augmentation des prix
internationaux.
Si l'on suppose une augmentation annuelle de 6,2% des prix
internationaux d'ici 1986, le prix moyen du pétrole livré
à Montréal pourrait s'accroître de près de 9% pour
la période 1982-1986, le rapport entre le prix du brut au Canada et sur
le marché mondial passant de 81% à 89%. Cette hausse se
répercutera sur notre facture pétrolière qui, selon nos
dernières prévisions, et ce
malgré une diminution de la consommation, se maintiendra, de 1982
à 1990, autour de 4 800 000 000 $ en dollars constants.
Après ce rappel du contexte énergétique canadien et
international, une analyse de la situation actuelle du Québec implique
que nous examinions d'abord l'évolution de la consommation totale
d'énergie. De 1975 à 1981, cette consommation a augmenté
au taux annuel moyen de 0,1%, ce qui constitue une rupture complète par
rapport à la situation qui prévalait jusqu'alors. En effet, de
1958 à 1975, le taux de croissance de la consommation
énergétique québécoise avait atteint en moyenne
annuellement 4,8%. Cette évolution résulte, en fait, des
profondes modifications que connaît actuellement le secteur
énergétique québécois et qui affectent aussi bien
le comportement des consommateurs que les caractéristiques des
équipements. Ces transformations sont parfaitement perceptibles autour
de nous: les consommateurs résidentiels sont maintenant plus soucieux
qu'ils ne l'ont jamais été de l'utilisation qu'ils font de
l'énergie, du coût de leur facture énergétique et
des moyens à prendre pour en réduire l'importance. Dans les
entreprises, la rationalisation de l'utilisation de l'énergie est
devenue une préoccupation véritable, ce qui n'était pas le
cas jusqu'à il y a dix ans.
Certaines données statistiques permettent de rendre compte de
l'évolution en cours. Par exemple, ramenée en nombre d'habitants,
la consommation énergétique au Québec a diminué de
2,1% entre 1975 et 1981. Calculée par milliers de dollars de production,
la consommation d'énergie du Québec est maintenant
inférieure de 12,7% par rapport à son niveau de 1975. Cela
signifie que, pour produire une quantité donnée de richesses,
l'appareil économique québécois est devenu
significativement plus efficace en termes énergétiques. Ce niveau
de consommation demeure, cependant, encore parmi les plus élevés
au monde. Calculée par milliers de dollars de production, la
consommation d'énergie en 1980 s'établit à 0,74 tonne
équivalant pétrole pour le Québec par rapport à
0,67 pour les États-Unis et 0,46 tonne équivalant pétrole
pour l'ensemble des pays membres de la Communauté économique
européenne.
Voyons maintenant la consommation selon les formes d'énergie. On
constate que, là aussi, toute une série de modifications
profondes affectent le secteur de l'énergie québécois. Au
cours des dernières années, l'électricité, quant
à elle, a réalisé, dans le bilan énergétique
du Québec, une pénétration majeure et
particulièrement rapide. De 1975 à 1981, la part de
l'électricité dans le bilan a augmenté de plus de sept
points, passant de 21,5% à 28,9%. Il s'agit d'un accroissement
très significatif puisque, historiquement, la part de
l'électricité était restée pratiquement
inchangée au cours des quinze années précédentes,
c'est-à-dire de 1960 à 1975. En 1978, le gouvernement avait
retenu un objectif chiffré d'accroissement de la part de
l'électricité dans le bilan total de 41% pour 1990 et 50% pour
l'an 2000. En réalité, l'évolution observée
s'effectue à un rythme plus rapide que prévu à
l'époque. Depuis quelques mois, cependant, le fléchissement de la
demande, dû essentiellement à la récession, crée une
situation particulière, celle de l'existence de surplus de
capacité de production.
À propos de ces surplus, il me semble important d'apporter
certaines précisions. Tout d'abord, le vocabulaire employé
prête parfois à confusion. Le terme de surplus recouvre l'ensemble
de la production d'Hydro-Québec qui dépasse les besoins
prioritaires que doit satisfaire la société d'État, soit,
pour l'essentiel, les besoins du marché québécois. Ces
surplus sont évalués par Hydro-Québec, pour la
période de 1983 à 1992, à 348,9 térawattheures.
Cependant, la majeure partie de ces surplus, soit environ 91,6% seront
affectés à des ventes dites excédentaires sur les
marchés interne et externe. Ce sont les excédents
résiduels éventuellement non écoulés sur ces
marchés qui constituent les véritables surplus et
représentent les quantités d'électricité pour
lesquelles aucun marché spécifique n'a été
identifié actuellement. L'évaluation d'Hydro-Québec les
établit à 29,3 térawattheures et ils sont, pour
l'essentiel, attendus en 1984 et en 1985.
L'existence de tels surplus est reliée généralement
à un phénomène tout à fait caractéristique
d'un parc de production hydroélectrique, comme l'est celui du
Québec. Dans le domaine de l'hydroélectricité, les
unités de production sont, en général, des unités
de grande dimension dont la mise en service s'effectue par bloc. Comme la
demande ne peut s'adapter que graduellement à l'accroissement des
disponibilités, la mise en valeur d'un potentiel hydroélectrique
s'accompagne presque nécessairement de l'apparition d'excédents
temporaires de production. Ce phénomène s'est, bien entendu,
déjà produit dans le passé lors de la mise en service du
complexe Manic-Outardes ou lors de l'entrée en production du complexe
des chutes Churchill. Les surplus attendus pour 1984-1985 découlent
directement de la mise en service des barrages de La Grande 3 et de La Grande
4, sur la rivière La Grande.
Nous vivons, bien sûr, actuellement, une autre
réalité dans le domaine de l'énergie et c'est celle de
l'expansion du réseau de gaz naturel au Québec. Pendant
près de 20 ans, le rôle du gaz dans le bilan
énergétique du Québec est resté relativement
marginal en raison, à la fois, de la concurrence des
produits pétroliers et de l'absence de réseaux de
transport et de distribution à l'est de Montréal. Au cours des
dernières années, la situation a commencé à se
transformer radicalement. L'extension du gazoduc au-delà de
Montréal, réclamée depuis longtemps par le Québec,
est entreprise et la conduite devrait normalement atteindre la ville de
Québec à l'été 1983. De nouvelles franchises de
distribution ont été accordées par le gouvernement et les
compagnies désignées ont entamé les investissements requis
pour rendre le gaz disponible dans le plus grand nombre de régions. Le
Québec a pris le contrôle de deux compagnies de distribution
impliquées dans le développement de nouveaux marchés afin
de s'assurer que ce développement s'effectuait selon les meilleurs
intérêts de la collectivité québécoise et
avec le plus de retombées possible sur son économie. Des mesures
incitatrices ont été introduites quant aux prix et aux
coûts de conversion pour favoriser sa pénétration. Ainsi,
de 1975 à 1981, la part du gaz naturel s'est accrue de près de
trois points dans le bilan énergétique, passant de 6,3% à
8,8% de notre bilan énergétique global. Cette part devrait
s'accroître davantage depuis que des ententes de principe sur la
réalisation d'un programme majeur d'expansion du réseau gazier
ont été conclues. Nous estimons qu'à la suite de cet
accord le gaz naturel devrait représenter 16% de notre bilan en 1990.
L'accroissement du rôle joué par le gaz dans notre bilan ne
ferait, en fait, que mettre fin à la disparité
considérable existant à ce titre entre le Québec et les
provinces situées à l'ouest. En 1981, si le gaz naturel satisfait
près de 9% des besoins énergétiques au Québec, la
part de cette forme d'énergie dans le bilan énergétique
était de 32% en Ontario et de 25% pour l'ensemble du Canada.
La pénétration du gaz au Québec permettra de
remplacer, en 1990, 18 000 000 de barils d'huile lourde dans les secteurs
industriel et commercial.
Indépendamment de ces effets directs sur la situation
énergétique québécoise, le développement et
la pénétration de nouveaux marchés par le gaz auront des
incidences économiques très positives. Tout d'abord, le gaz
naturel est un important facteur d'industrialisation: pour de nombreuses
activités manufacturières, la disponibilité de gaz naturel
constitue une condition indispensable de fonctionnement en raison notamment,
des possibilités de contrôle de la combustion que permet cette
source d'énergie. La présence du gaz dans une région
donnée favorise ainsi directement les implantations
manufacturières.
De plus, l'extension des réseaux de transport et de distribution
implique à court terme la réalisation d'investissements massifs
dans l'économie québécoise. Selon les évaluations
actuelles, l'extension des réseaux de transport et de distribution
entraînera des investissements d'environ 2 milliards de dollars courants,
pour la période 1982-1986, la moitié de ces investissements
étant effectuée d'ici la fin de l'année 1983. (10 h
45)
Si la pénétration effective du gaz naturel peut maintenant
être réalisée, c'est parce qu'un certain nombre de
conditions indispensables sont aujourd'hui réunies. Il pourrait en
être différent dans l'avenir, et c'est à nous de faire en
sorte que le Québec puisse profiter des atouts que lui confère la
situation actuelle.
Pour ce qui est du secteur pétrolier, de 1975 à 1981, le
pétrole a perdu dix points dans le bilan énergétique
québécois, sa part relative passant de 70,7% à 60,8%.
Comparativement au sommet atteint en 1973, les importations de pétrole
brut du Québec ont diminué en 1981 en valeur absolue de 16,7%. Au
cours des trois dernières années, le processus de
réduction de notre dépendance pétrolière s'est
sensiblement accéléré: entre 1979 et 1981, la consommation
pétrolière a diminué en valeur absolue de 4,3%. Dans le
secteur résidentiel, l'évolution est particulièrement
marquée puisque durant la même période la consommation de
produits pétroliers a diminué, en valeur absolue, de 8,6%. Dans
le même temps, la réduction des importations
pétrolières s'est directement répercutée sur notre
facture énergétique. C'est ainsi qu'en 1981 la facture
pétrolière du Québec aurait été de 800 000
000 $ plus élevée si le pétrole avait conservé la
même part dans le bilan énergétique qu'en 1975. Pour
l'ensemble de la période 1975-1981, les économies ainsi
réalisées peuvent être évaluées à
environ 1 700 000 000 $, même si cette facture demeure encore trop
élevée et risque de s'accroître dans l'avenir.
Cette évolution implique une nécessaire adaptation pour
l'industrie du raffinage et de la distribution. Les raffineurs, comme les
distributeurs, se trouvent confrontés au difficile problème que
leur posent la réduction de leurs marchés et les modifications
structurelles affectant la composition de la demande. Dans le contexte
pétrolier actuel, on comprendra que le projet CARMONT visant à
implanter, à Montréal, une unité de valorisation des
huiles lourdes représente un intérêt essentiel. Pour le
Québec, le projet CARMONT constitue l'un des éléments
majeurs d'une stratégie visant à la fois à rationaliser et
à renforcer les opérations de raffinage effectuées
à Montréal. Même si ce projet est actuellement en
veilleuse, il me semble que tous les moyens visant à assurer sa relance
n'ont pas encore été épuisés. Un tel
redémarrage suppose, cependant, un engagement effectif des raffineurs et
du
gouvernement fédéral. Je dois vous avouer qu'au cours des
derniers mois ce soutien n'est pas apparu très convaincant.
La mise en oeuvre de ce projet favoriserait la consolidation de
l'activité de raffinage, améliorerait la situation de l'industrie
pétrochimique fondée sur le pétrole et résoudrait
substantiellement le problème des huiles résiduelles dont la
présence sur le marché risque plus que toute autre chose
d'entraver nos objectifs énergétiques dans les autres
domaines.
Ce tour d'horizon du contexte énergétique
québécois s'imposait, à mon sens, dans la période
de mutations rapides que nous vivons, avant d'entreprendre l'évocation
des objectifs de notre politique énergétique et des programmes
à mettre en oeuvre pour les atteindre. Qu'il s'agisse des
économies d'énergie, de la pénétration du gaz
naturel et de l'électricité ou de la réduction de notre
dépendance pétrolière, le Québec est mieux
placé qu'il ne l'a jamais été pour améliorer
significativement et durablement sa situation énergétique.
J'aimerais aborder maintenant la dernière question que j'avais
identifiée au début de cet exposé, car cette question
englobe, en fait, l'ensemble de l'action gouvernementale. Il s'agissait de se
demander si l'évolution de la situation actuelle et prévisible
affecte les objectifs que nous nous étions fixés, en 1978, pour
l'horizon 1990.
Dans le livre blanc de 1978, l'analyse effectuée par le
gouvernement était fondée sur trois constatations:
l'insécurité des approvisionnements pétroliers
internationaux, le fardeau financier considérable que
représentait l'importation massive d'énergie et l'importance du
potentiel gazier. C'est à partir de ces trois constatations et en
fonction d'une analyse des atouts propres au secteur énergétique
québécois que le gouvernement proposait un ensemble d'objectifs
visant avant tout à renforcer l'autonomie énergétique du
Québec. À cette fin, trois voies d'intervention étaient
retenues. La première était la promotion des économies
d'énergie. La deuxième consistait à développer et
à mettre en valeur les richesses énergétiques
québécoises, soit l'hydroélectricité, les
énergies nouvelles et les hydrocarbures à rechercher dans le
sous-sol. Enfin, la troisième voie d'intervention visait à
renforcer la sécurité de nos approvisionnements, en
remplaçant le pétrole par le gaz naturel et en intervenant
spécifiquement au niveau des approvisionnements pétroliers.
Cette grille d'objectifs fixant des cibles quantifiées pour
l'horizon 1990 m'apparaît aujourd'hui, tout autant qu'il y a quatre ans,
adaptée à la situation que nous vivons. Selon les nouvelles
prévisions maintenant disponibles, le taux de croissance annuel moyen de
la consommation d'énergie atteindrait, pour la même
période, 0,7%, la consommation énergétique globale
étant égale à 36 000 000 de tonnes équivalant
pétrole pour 1990.
En ce qui concerne l'électricité, les prévisions
que nous avons effectuées depuis montrent que l'objectif de 41% du bilan
énergétique en 1990 pourrait ne pas être atteint. On
devrait parler plutôt de 37% ou de 38%. Il est de mon intention de
maintenir l'objectif fixé il y a quatre ans et de proposer au
gouvernement les interventions appropriées nécessaires pour
atteindre ce taux de pénétration. Cet objectif implique, par
rapport aux prévisions actuelles, une augmentation de 11 000 000 000
à 15 000 000 000 de kilowattheures de la demande électrique pour
l'année 1990, ce qui représente une croissance annuelle moyenne
de 5,5% des ventes régulières d'Hydro-Québec. Selon notre
évaluation, il devrait être possible, à la suite de
l'introduction de diverses mesures, dont certaines seront
évoquées sommairement, d'atteindre ce résultat.
En ce qui concerne le gaz, l'objectif chiffré était de
porter sa part dans le bilan énergétique aux environs de 12% en
1990. Selon nos prévisions les plus récentes, cet objectif est en
bonne voie d'être atteint. Il est même possible d'aller plus loin
et de faire en sorte que le gaz satisfasse 16% de nos besoins à la fin
de la décennie. La demande de gaz naturel atteindrait alors 5 900 000
tonnes équivalant pétrole, soit 233 000 000 000 de pieds cubes.
Il s'agit d'une augmentation de 28% de l'objectif retenu, en valeur absolue.
Cette réévaluation résulte des nouvelles conditions de
l'expansion du gaz naturel, qui n'existaient pas à l'époque
où la prévision initiale fut effectuée.
À l'inverse, la part de la consommation de produits
pétroliers serait moindre que celle prévue en 1978. Les
dernières évaluations dont nous disposons permettent d'entrevoir
que la part du pétrole se situerait aux environs de 40% de la
consommation totale d'énergie en 1990 contre 44% à 50%, comme
initialement prévu.
Globalement donc, et si on intègre la contribution des
énergies nouvelles à la demande d'énergie, les formes
d'énergie entièrement québécoises devraient
représenter près de 45% du bilan énergétique de
1990 contre 26% en 1978. Si on ajoute le gaz naturel, on en arriverait à
une situation où, pour au moins 60%, notre consommation serait
assurée à partir d'approvisionnements québécois ou
canadiens contre 33% en 1978. Etant donné l'évolution
constatée au cours des six dernières années, il y a tout
lieu d'être optimiste quant à notre capacité d'atteindre
ces objectifs chiffrés.
Pour ce qui est de la mise en valeur
de nos richesses hydroélectriques, le premier défi qui
nous est posé est d'assurer leur mise en valeur rapide et rationnelle et
de prendre les moyens nécessaires pour y arriver. Le Québec
dispose, encore aujourd'hui, d'un potentiel hydroélectrique non
aménagé considérable. Une fois les travaux en cours
terminés au complexe La Grande, le Québec disposera d'une
puissance installée de 34 040 mégawatts. Le potentiel restant
peut être estimé à environ 35 000 mégawatts dont 15
000 sont considérés comme d'ores et déjà
économiquement aménageables. Il est nécessaire d'ajouter
à ce potentiel les petites rivières, c'est-à-dire les
rivières de moins de 100 mégawatts, dont la puissance disponible
est évaluée au total à 10 000 mégawatts.
La mise en valeur de ces richesses hydroélectriques doit, bien
entendu, s'appuyer sur des marchés se développant au même
rythme. C'est pourquoi Hydro-Québec a conçu des programmes de
commercialisation pour accroître davantage sa pénétration
sur le marché des énergies. Pour sa part, le gouvernement a la
ferme intention d'utiliser les outils dont il dispose pour appuyer cet effort.
Concrètement et à titre indicatif, un certain nombre de
programmes présentent déjà des perspectives très
intéressantes. Il est acquis que les programmes de vente
d'électricité excédentaire seront modifiés et leur
application élargie aux secteurs institutionnel et commercial.
Dans le secteur industriel, un programme spécial de ventes
excédentaires visera les expansions industrielles et les nouvelles
implantations. Ce programme permettrait d'utiliser une partie des
excédents anticipés pendant la période 1984-1986 aux fins
de développement industriel. Le gouvernement encouragera l'effort
entrepris par Hydro-Québec en vue de développer de nouvelles
applications industrielles de l'électricité. Il s'agit de
favoriser l'introduction de technologies utilisant l'électricité
dans les secteurs des pâtes et papiers, du textile, des mines, de
l'industrie chimique et de l'industrie laitière.
Dans le secteur résidentiel, le renforcement du programme
biénergie constitue l'un des moyens d'accroître la
pénétration de l'électricité et,
éventuellement, de gérer la demande de pointe. Un programme
analogue sera, d'ailleurs, proposé dans les secteurs commercial et
industriel.
Le marché intérieur ne constitue, cependant, que l'un des
outils dont dispose le Québec pour assurer la mise en valeur de ses
richesses hydroélectriques. Comme on l'a vu précédemment,
l'un des problèmes à résoudre en matière
d'aménagement hydroélectrique tient à
l'impossibilité de graduer l'entrée en service des unités
de production. Un tel aménagement entraîne donc automatiquement
l'apparition d'excédents qui se résorbent au fur et à
mesure de la croissance de la demande. Les ventes d'électricité
excédentaire sur les marchés d'exportation constituent une
réponse logique à ce phénomène. Il faut, de plus,
souligner que ces exportations sont financièrement très
attrayantes et permettent ainsi de fournir à Hydro-Québec une
partie des revenus nécessaires à l'autofinancement de ses
investissements.
À cet égard, Hydro-Québec a récemment
renouvelé pour cinq années l'entente avec l'Ontario. Le
gouvernement a autorisé Hydro-Québec, en mars 1982, à
conclure un contrat majeur avec PASNY, New York, prévoyant la vente d'un
volume d'électricité excédentaire pouvant atteindre 111
milliards de kilowattheures pendant la période 1984-1997. La
société négocie actuellement avec le Nouveau-Brunswick la
construction d'une interconnexion de 500 mégawatts. Par ailleurs, les
contrats avec la Nouvelle-Angleterre impliquant, entre autres, la construction
d'une interconnexion majeure de 690 mégawatts, pouvant même
être haussée à 2000 mégawatts au cours de la
période 1986-1997, sont sur le point d'être signés. Ces
contrats d'exportation devraient représenter dans leur ensemble,
c'est-à-dire l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, PASNY et le NEEPOOL, 7 000
000 000 $ de revenus pour Hydro-Québec en dollars de 1982, soit 18 000
000 000 $ en dollars courants, pour la période.
En outre, je m'apprête à recommander au gouvernement
d'apporter des modifications aux dispositions législatives existantes
sur les exportations d'électricité, afin de permettre à
Hydro-Québec d'envisager des ventes d'électricité, non
plus seulement excédentaire, mais régulière, sur les
marchés d'exportation. Dans le plan de développement qu'elle
soumet aujourd'hui pour étude, HydroQuébec envisage à ce
chapitre d'exporter environ 10 térawattheures au cours des prochaines
années.
Pour ce qui est de l'optimisation du développement
économique, il s'agit pour nous, bien sûr, d'identifier les
meilleurs moyens nous permettant de maximiser l'impact économique de nos
investissements énergétiques. Les différentes suggestions
que je viens de formuler concernant le développement des marchés
électriques internes et externes devraient avoir des effets largement
positifs sur le plan économique. La bonification des programmes de vente
d'électricité au Québec permettra aux secteurs industriel
et commercial d'accroître encore l'avantage comparatif dont ils diposent
quant aux coûts de l'électricité achetée. De plus,
toute politique visant à devancer le programme d'équipement
d'Hydro-Québec aurait pour effet d'accroître significativement les
investissements totaux déclenchés dans l'économie
québécoise et
aurait même des effets sur l'emploi et l'activité
économique.
Les autres volets de la politique énergétique
entraînent également des effets positifs sur notre
développement économique. C'est ainsi que l'extension des
réseaux de transport et de distribution du gaz naturel provoquera pour
la seule année 1983 des investissements totalisant environ 600 000 000 $
et créera près de 3000 emplois directs. Pour l'ensemble de la
période 1982-1986, ces investissements devraient atteindre 2 000 000 000
$, sans tenir compte de l'impact structurel qu'aura la disponibilité du
gaz naturel dans un plus grand nombre de régions. Dans le secteur
pétrolier également, comme au niveau des économies
d'énergie, les investissements en cours ou attendus devraient contribuer
à stimuler l'activité économique au Québec. (11
heures)
Les politiques d'achat des sociétés d'État dans le
secteur de l'énergie seront renforcées et
systématisées. L'objectif est d'accroître dans toute la
mesure du possible le contenu québécois des investissements
effectués, sans pour autant que soient remises en cause les conditions
économiques de réalisation de ces investissements.
La troisième question que j'identifiais tout à l'heure
concerne l'harmonisation. On l'a vu, le Québec est engagé dans
une politique visant à la fois le développement de son potentiel
hydroélectrique et la pénétration accrue du gaz naturel
dans son bilan. L'harmonisation, c'est la politique qui devrait permettre de
réaliser simultanément ces deux objectifs, tout en poursuivant la
rationalisation de la demande globale d'énergie. Une réflexion
approfondie a déjà permis d'identifier les véritables
problèmes, ainsi que les actions susceptibles d'être entreprises.
Deux constatations sont rapidement apparues: il existe une place suffisante,
sur le marché énergétique québécois, pour
réaliser simultanément et dans des conditions financières
requises la pénétration de l'électricité et du gaz
naturel; l'électricité comme le gaz naturel sont
confrontés à un problème commun, soit celui du
remplacement des huiles résiduelles. L'harmonisation de la
pénétration de ces deux formes d'énergie passe donc, en
fait, par une intervention au niveau des huiles lourdes. L'entente de principe
intervenue, la semaine dernière, avec le gouvernement
fédéral sur le financement de la construction du gazoduc au
Québec fournit maintenant un cadre à la pénétration
du gaz, facilitant ainsi la solution aux problèmes éventuels
d'harmonisation entre les diverses formes d'énergie.
La quatrième question identifiée au tout début a
trait au secteur pétrolier. En effet, le passage d'une partie importante
du bilan énergétique québécois du pétrole au
gaz naturel et à l'électricité soulève le
problème de la nécessaire adaptation du secteur pétrolier
québécois et des mesures que l'on peut concevoir pour en assurer
le renforcement dans un contexte où la part du pétrole dans le
bilan passera de 61% en 1981 à 40% en 1990, la consommation
pétrolière passant de 412 000 barils/jour à 360 000
barils/jour.
En fait, pour les raffineurs, il s'agit de rendre leur outil de
production conforme aux nouvelles caractéristiques de la demande
pétrolière, c'est-à-dire à la réduction
globale des marchés pour les produits pétroliers et au
reclassement de certains produits par rapport à d'autres. La
pénétration du gaz naturel et de l'électricité
affectera indéniablement un certain marché, en particulier celui
des huiles lourdes et légères utilisées à des fins
de chauffage. Les raffineurs doivent être en mesure d'éliminer les
excédents d'huiles lourdes et d'huiles légères qui ne
manqueront pas d'apparaître au cours des prochaines années, tout
en satisfaisant la demande de carburant elle-même à la baisse,
ainsi que les besoins de bases pétrochimiques, cela, bien sûr, en
assurant la rentabilité de l'ensemble de leurs opérations.
Le contexte posera à l'industrie québécoise du
raffinage des défis de taille: réduction des capacités
excédentaires, optimalisation de l'utilisation des équipements,
modernisation des installations et, dans la plupart des cas, modification de la
configuration des raffineries. Il est essentiel que l'industrie du raffinage
devienne plus flexible pour s'adapter aux transformations du marché.
Pour favoriser ce résultat, le gouvernement a déjà
adopté des dispositions fiscales visant à réduire le
coût de ces investissements pour les raffineurs. Parallèlement, il
est aussi nécessaire de trouver des solutions satisfaisantes à
l'existence de surplus d'huiles résiduelles. À la suite de
demandes répétées du Québec, le gouvernement
fédéral a récemment proposé un programme volontaire
de restriction de la production d'huiles lourdes et introduit certaines mesures
visant à limiter les importations et à faciliter les exportations
de ce type de produit.
Actuellement, nous analysons attentivement l'impact de ces mesures et,
si elles devaient se révéler inefficaces pour réduire
l'écoulement à perte des huiles résiduelles sur les
marchés où des substituts existent et sont disponibles, le
gouvernement se réserve la possibilité d'intervenir au niveau de
leur distribution. En effet, il apparaît primordial que les politiques
d'attribution de bruts canadiens et d'importation garantissent
l'approvisionnement des raffineries de Montréal en bruts
légers.
La modification du contexte pétrolier n'est pas sans affecter
également le secteur
de la distribution d'essence. Je suis très conscient des
difficiles problèmes auxquels sont confrontés les
détaillants d'essence. Comme nous nous y étions engagés au
printemps dernier, des discussions approfondies et systématiques se sont
déroulées avec les représentants des distributeurs en
concertation avec l'industrie pétrolière. Nous sommes
tombés d'accord pour qu'un mécanisme d'encadrement volontaire de
l'émission des permis de vente au détail soit prochainement mis
en place. Ce mécanisme pourrait être éventuellement
appliqué par les municipalités désireuses de s'engager
dans cette voie. Plusieurs d'entre elles ont, d'ailleurs, déjà
par le passé établi leurs propres règles.
Comme je le soulignais au début de cette intervention, la
recherche et le développement constituent, par ailleurs, un défi
en soi, puisque de l'évolution de cette catégorie
d'activités dépendent les caractéristiques futures du
secteur énergétique québécois et de son
développement économique d'ensemble.
En ce qui concerne le domaine prioritaire d'orientation de la
recherche-développement, certains créneaux fondés sur nos
avantages comparatifs doivent être exploités au maximum. Il en est
ainsi de l'utilisation des résidus du bois, de l'exploitation des
déchets urbains, des innovations liées aux économies
d'énergie et de tout ce qui concerne les applications de
l'électricité; en particulier, la technologie
électrochimique constitue un domaine où le Québec pourrait
exploiter au maximum son savoir-faire. Je fais, notamment,
référence ici au développement de la technologie des
accumulateurs avancés, ainsi qu'aux technologies reliées à
la production et à l'utilisation de l'hydrogène.
La sixième question soulevée au début concerne les
économies d'énergie. Il est possible d'indiquer les intentions du
gouvernement sur deux plans. Quant au secteur résidentiel, nous
procédons actuellement à une réévaluation du
programme Énergain Québec. Cette réévaluation
comprend une analyse des possibilités de bonification qui pourraient
être apportées au programme, notamment afin de tenir compte du
contexte économique actuel.
Pour ce qui est des secteurs industriel et commercial, le gouvernement
se propose de procéder prochainement à un élargissement
significatif du programme Énergiebus. Ce nouveau programme, en plus de
couvrir les analyses énergétiques, comprendra le financement
d'études de faisabilité concernant les mesures d'économies
d'énergie identifiées. Grâce à ce programme, des
investissements de plusieurs centaines de "billions" de dollars devraient
être déclenchés dans l'économie, ces investissements
améliorant directement la compétitivité des entreprises
québécoises. Par ailleurs, les économies d'énergie
seront utilisées comme levier par Hydro-Québec et les
distributeurs gaziers afin de faciliter la pénétration de
l'électricité et du gaz naturel.
Les différents points que je viens d'aborder devraient permettre
de replacer plus facilement dans le contexte énergétique que nous
vivons le plan de développement présenté par
Hydro-Québec, ainsi que notre discussion sur les tarifs proposés.
L'établissement des tarifs d'électricité doit
refléter les objectifs de cette politique, tout autant que les besoins
de l'entreprise. Pour le gouvernement, la détermination des tarifs
résulte de l'application d'un certain nombre de critères
généraux: la nécessité d'assurer une saine gestion
de la ressource, de refléter une position concurrentielle par rapport
aux prix des autres formes d'énergie, d'assurer l'équilibre
financier entre les besoins et les sources de fonds nécessaires à
l'entreprise pour couvrir ses frais d'exploitation, le coût des
investissements passés et un certain degré d'autofinancement de
ses investissements futurs. Il faut aussi qu'un traitement égal soit
accordé à tous les clients représentant les mêmes
caractéristiques de demande, que ces tarifs reflètent autant que
possible les coûts réels de fourniture de
l'électricité aux divers abonnés et enfin, qu'ils tiennent
compte des tarifs existant ailleurs en Amérique du Nord.
Avant de terminer, M. le Président, je me permets d'ajouter que
les quelques heures que nous allons consacrer à la proposition tarifaire
et au plan de développement révisé d'Hydro-Québec
ne nous permettront certainement pas de couvrir tous les problèmes
reliés à la politique énergétique du Québec.
Je vais peut-être répondre ici plus directement à la
question que posait le député de Portneuf, puisque j'ai
l'intention de proposer au gouvernement de convoquer une nouvelle fois cette
commission de l'énergie et des ressources en mars prochain pour entendre
un certain nombre d'intervenants directement impliqués dans le dossier
de l'énergie.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Pierre Fortier
M. Fortier: Merci, M. le Président. On vient d'entendre un
long discours théorique, probablement écrit par un professeur
d'université, dans lequel le ministre n'a même pas parlé
des coupures considérables d'emplois qui viendront de la coupure dans le
programme d'équipements d'Hydro-Québec. On se rend compte, encore
une fois, que l'aspect économique et les problèmes
d'embauche et d'emploi qui prévalent présentement dans
l'économie du Québec ne semblent pas d'un très grand
intérêt pour le ministre et pour ce gouvernement dirigé par
des professeurs d'université.
Ceci étant dit, je reçois avec plaisir la décision
du ministre de convoquer la commission parlementaire au mois d'avril, mais je
m'aperçois, encore une fois, que le ministre réagit toujours
à retardement. Alors qu'au mois de mars ou en avril dernier, le
gouvernement fédéral avait indiqué qu'il voulait limiter
ses dépenses dans la construction des conduites latérales et du
gazoduc au Québec, ce n'est que vers la mi-août que le ministre a
réagi, un peu sur le tard. Il nous dit maintenant qu'il y a une entente
de principe, mais, à ce que je sache, il n'y a eu aucun
communiqué officiel. J'ose espérer qu'il sera en mesure de nous
confirmer officiellement cette nouvelle avant la fin de la commission
parlementaire.
Maintenant, il nous dit qu'il y aura une commission parlementaire au
mois de février ou de mars, du moins au printemps. Malheureusement, nous
devrons discuter de problèmes très réels et nous devrons
prendre des décisions, d'une part, en ce qui concerne la tarification
et, d'autre part, en ce qui concerne le programme d'équipements
d'Hydro-Québec, sans avoir à notre portée des commentaires
qui pourraient nous venir de différents intervenants qui influent
considérablement sur l'avenir énergétique du Québec
au moment même où nous nous parlons.
M. le Président, au début d'octobre, Hydro-Québec
faisait connaître au public -et je crois que tous les membres de la
commission en ont reçu des copies - son plan de développement
pour les années 1982 à 1985, ainsi qu'une prévision de la
demande jusqu'en 1998. Je crois que ce nouveau plan de développement et
ces prévisions de la demande ont été un choc pour la
population. Plusieurs questions sont restées sans réponse et je
vois, d'ailleurs, que le ministre n'a pas fourni les commentaires et les
explications qui auraient été de mise dans les circonstances.
M. le Président, je crois qu'il est nécessaire, lors de
cette commission parlementaire, de tenir un langage franc et adulte puisque les
problèmes auxquels nous faisons face, pas seulement sur le plan
énergétique, mais également sur le plan économique,
sont extrêmement graves au Québec et qu'il faudra bien cerner les
problèmes de près, les voir tels qu'ils sont et voir quelles
adaptations et quelles décisions seraient dans le meilleur
intérêt des contribuables, dans le meilleur intérêt
de ceux qui sont présentement en chômage et dans le meilleur
intérêt de l'avenir économique du Québec.
C'est donc dire que, pour ma part, et je m'en excuse à l'avance,
j'ai bien l'intention de poser des questions pertinentes et, même si je
compte plusieurs amis autour de cette table et devant nous, j'oserais
espérer que tous et chacun comprennent que la population du
Québec se doit de comprendre, dans toute la mesure du possible, les
problèmes auxquels nous faisons face présentement.
M. le Président, le programme qu'a annoncé
Hydro-Québec au début de ce mois annonce une baisse draconienne
dans la demande d'électricité, de 6,2% à 3,7%, sans
réellement qu'aucun élément majeur à long terme ne
puisse expliquer ce revirement de prévision. Bien plus, à ma
connaissance - et on me corrigera si j'ai tort - l'automne dernier, lorsque
nous l'avons entendue - et le ministre a aussi fait des commentaires sur ces
sujets, si ma mémoire est fidèle - sur la question de la
tarification et sur la loi 16, Hydro-Québec, à ce
moment-là, n'avait donné aucun indice qu'il y aurait des
changements substantiels.
Plus récemment, le 13 mai 1982, le ministre responsable du
développement économique - il devrait, au moins, en savoir
quelque chose - publiait Le virage technologique qui incluait tous les
programmes d'Hydro-Québec qui avaient été annoncés
au mois de février 1981. C'est donc dire qu'à venir
jusqu'à récemment, c'est-à-dire jusqu'au mois de mai
dernier, aucun indice ne nous avait été donné ou ne
pouvait alerter la population qu'il y aurait un changement substantiel dans les
programmes d'équipements qui aurait pu avoir un impact
bénéfique pour l'économie du Québec dans les
prochaines années.
Mais, tout à coup, brutalement, Hydro-Québec met la hache
dans son programme d'équipements et je suis certain que ces gens nous
expliqueront que ceci doit être fait pour de bonnes raisons. C'est
là également un sujet sur lequel nous aurons de nombreuses
questions à poser, puisqu'il s'agit en moyenne, M. le Président,
d'un report de six ans du programme d'équipements d'Hydro-Québec.
À mon avis, Hydro-Québec envoie un message extrêmement
clair à la population, comme les journalistes l'ont écrit,
d'ailleurs. C'est la fin de l'ère des grands constructeurs, c'est la fin
de l'ère où Hydro-Québec jouait un rôle primordial
dans le développement économique du Québec.
Compte tenu des impacts considérables d'Hydro-Québec sur
l'économie du Québec, encore faut-il s'assurer que les nouvelles
prévisions ne seront pas changées de nouveau dans un an ou deux
puisque, entre-temps, plusieurs agents économiques devront prendre des
décisions. (11 h 15)
J'entendais, hier soir, à la télévision justement,
l'Association des entrepreneurs en construction qui disait que, compte tenu
de
la révision du programme d'équipements, plusieurs
entreprises n'auront d'autre choix que d'aller en faillite. S'il fallait que ce
choc, cette annonce qui nous est faite soit corrigée dans un an ou dans
deux ans, il se pourrait que ces agents économiques auraient pris de
mauvaises décisions. C'est là, comme je tiens de le souligner,
une décision ou une annonce qui aura un impact certain pour plusieurs
agents économiques du Québec.
D'ailleurs, à titre de preuve, j'aimerais souligner qu'à
la suite de la commission parlementaire que nous avons eue au mois de
février 1981 M. Bérubé, le député de Matane,
qui était alors ministre de l'Énergie et des Ressources, disait
ceci: "II y a un certain nombre de points qui ont été
soulevés lors de cette commission. En particulier, il a fallu
s'arrêter sur l'impact que représente un plan d'équipements
aussi vaste, aussi important. 55 000 000 000 $ en investissements majeurs,
c'est le quart des investissements au Québec dans la décennie qui
s'ouvre devant nous. Elle va donc modeler notre vie quotidienne." Et M.
Bérubé continuait en disant: "C'est pour cela que nous avons eu
des témoignages de nos firmes d'ingénieurs-conseils, de l'Ordre
des ingénieurs, de l'Association des constructeurs, des
développeurs, des syndicats qui nous ont souligné à quel
point Hydro-Québec ne devait pas simplement considérer son plan
d'équipements en termes de production d'électricité, mais
devait également tenir compte des retombées économiques
pour le Québec et devait tenir compte, en particulier, des
problèmes de stabilité d'emploi, faire en sorte qu'on puisse
maintenir au Québec un niveau d'emploi dans le secteur de la
construction qui soit suffisamment stable pour ne pas désorganiser notre
économie au Québec."
Ce plan de février 1981, qui est maintenant mis au rancart pour
au moins une période de six ans, aura des impacts extrêmement
négatifs. Bien sûr, il aura un impact négatif sur
l'embauche. On prévoyait que, dans deux ans ou dans trois, quatre ans,
l'augmentation dans l'embauche, si ma mémoire est fidèle, serait
de l'ordre de 16 000 emplois par année. Ce sont des emplois surtout
à la Baie-James et dans d'autres secteurs de construction qu'alimentera
Hydro-Québec. Bien sûr, une partie de ces emplois ne seront pas
tous perdus, mais probablement qu'Hydro-Québec nous dira quelle sera la
perte nette d'emplois au Québec à cause de ce revirement dans le
programme d'équipements. Il aura un impact démoralisateur sur le
personnel d'Hydro-Québec. Bien sûr, ces gens étaient
habitués -peut-être que certains leur en voudront pour cela, mais
je crois que c'était un facteur de motivation pour tout ingénieur
et tout technicien - de travailler à Hydro-Québec. C'était
sûrement une fierté que d'être associé à ses
grands projets. Maintenant que ses projets sont reportés à plus
tard, on peut se poser de sérieuses questions sur le moral des troupes
à Hydro-Québec même.
Cela aura un impact néfaste pour la petite et moyenne entreprise.
Bien sûr, il n'y a que quelques grandes entreprises
manufacturières qui bénéficiaient des contrats que donnait
Hydro-Québec, mais, par ailleurs, il y avait, j'en suis certain,
plusieurs petites et moyennes entreprises qui, elles, vivaient de ces contrats
extrêmement alléchants que pouvait donner Hydro-Québec.
Cela aura un impact négatif sur les compagnies de construction, en
particulier. Cette déclaration d'hier soir, à laquelle je faisais
allusion, en témoigne d'une façon évidente.
Finalement, cela aura un impact extrêmement néfaste pour
les bureaux de génie-conseil, non seulement d'une façon
quantitative, mais également sur une base qualitative, car plusieurs des
spécialistes, dans certains domaines, seront mis à la porte.
Puisque, dans les prochaines années, les travaux ne continueront pas,
ces bureaux n'auront d'autre alternative que de mettre ces gens à pied.
D'ailleurs, on m'indique que ce phénomène a déjà
commencé.
Alors, la question que tout le monde se pose et à laquelle la
commission devra répondre, c'est: Comment a-t-on pu faire une telle,
disons, erreur dans les prévisions de l'an dernier? Qu'est-il
arrivé depuis l'an dernier? Se peut-il que la conjoncture
économique de 1982 continue jusqu'en 1998? Tout le monde comprendra
qu'il était peut-être nécessaire de faire un ajustement
pour la crise économique qui prévaut en 1982, mais d'extrapoler
cette conjoncture jusqu'en 1998, cela me semble un peu fort et l'on peut se
demander: Comment peut-on en arriver là? Se peut-il qu'au Québec,
même avec un gouvernement qui nous dirige, l'importance
d'Hydro-Québec aille en décroissant au point de ne plus pouvoir
jouer le rôle de moteur de l'économie?
Et pourtant, ni Hydro-Québec, à ma connaissance, ni le
gouvernement n'ont déposé d'études
socio-économiques qui auraient mesuré l'impact de telles
modifications dans le plan d'équipements d'Hydro-Québec.
Pourtant, Hydro-Québec, en 1981, était extrêmement
confiante puisqu'elle résistait à des demandes de devancement,
mais elle confirmait que la demande, à long terme, se maintiendrait. Je
voudrais citer une partie du texte qu'on nous a remis lors de la commission
parlementaire de 1981, à la page 13, traitant de la situation
énergétique. "L'étude du contexte
énergétique international, c'est-à-dire de la
disponibilité future des hydrocarbures, du point du vue matériel
et du point de vue politique, permet, d'abord, d'affirmer sans trop de risque
que la valorisation des ressources
locales et le désir d'une indépendance accrue à
l'égard du pétrole constitueront pour les pays importateurs le
principal fondement de leur politique énergétique d'ici la fin du
siècle. Ceci veut dire pour le Québec un accroissement de la part
accordée au gaz naturel canadien dans le marché; une mise en
valeur encore plus grande de l'électricité produite sur place et,
par conséquent, le maintien d'un taux de pénétration
élevé pour l'électricité."
Dans un document attenant, qui avait été
déposé à la suite des demandes de devancement du programme
d'équipements, on indiquait: "La demande, normalement, connaît de
légères fluctuations conjoncturelles autour d'un taux de
croissance moyen. Ces fluctuations se compensent généralement
d'année en année. Ce facteur n'est pas critique pour les fins de
notre étude. Par contre, l'évaluation des surplus dans un
programme donné est très sensible à une baisse ou à
une hausse imprévue et continue du taux de croissance moyen de la
demande."
Nous avons donc analysé les effets d'une variation de plus de 1%
ou de moins de 1%. C'est dire que l'année dernière -nous nous
étions réunis au mois de février dernier et ces
prévisions n'ont pas été contredites jusqu'à
récemment, comme je l'ai dit tout à l'heure - on prévoyait
un programme extrêmement important qui aurait alimenté
l'économie du Québec pendant de nombreuses années.
Cela soulève plusieurs questions. Je remercie Hydro-Québec
des documents qu'elle nous a fournis. Le ministère, pour sa part, nous a
communiqué uniquement le programme de tarification lui-même. La
direction d'Hydro-Québec a répondu à de nombreuses
questions que nous lui avons posées. Il reste toutefois de nombreuses
questions sans réponse. Hydro-Québec semble dire: Oui, il faut
faire un ajustement, peut-être s'est-on trompé. Mais, voici la
question qu'on se pose, c'est: Se pourrait-il qu'elle se trompe de nouveau
cette année? Est-ce que nous savons où nous allons? Le
gouvernement, qui doit définir les politiques énergétiques
à long terme, sait-il où il va? Je crois que l'on aura l'occasion
pendant les prochaines heures et les prochains jours de donner des
réponses à ces questions.
Voici ce qui m'intrigue. Alors que, dans le passé, l'autonomie
d'Hydro-Québec était asssurée, il y a de nombreux indices
maintenant qui nous font croire qu'il y a connivence dans une certaine mesure
entre le gouvernement et Hydro-Québec. Pour l'observateur de la
scène gouvernementale, il semble difficile de mesurer l'autonomie
d'Hydro-Québec. D'une part, il y a eu par le gouvernement qui nous
dirige la création d'un conseil d'administration où siège
toute personne jugée désirable par le ministre ou par le cabinet
lui-même. On retrouve dans ce conseil d'administration l'ancien ministre
de l'Énergie, M. Joron.
Par ailleurs, il y a d'autres personnalités qui ont
décidé - je ne veux pas juger de leur compétence - de
faire carrière à Hydro-Québec. On retrouve un adjoint au
président du conseil d'Hydro-Québec et, dernièrement, il y
a eu des nominations provenant du cabinet du ministre Parizeau.
L'observateur impartial et le public en général se pose
certaines questions. Où est l'autonomie d'Hydro-Québec à
la suite de ces événements? Ces critiques que j'adressais, ces
commentaires que j'ai faits, je crois qu'il faut les faire à l'un et
à l'autre, c'est-à-dire au gouvernement et à
Hydro-Québec, puisque l'un ne peut plus contredire l'autre, vu que l'un
est devenu l'autre. Plusieurs disent qu'il y a de très bonnes relations
entre Hydro-Québec et le gouvernement, mais où est le chien de
garde? Le public a tendance à croire que le gouvernement et
Hydro-Québec, c'est la seule et même chose. Ces questions sont
restées sans réponse. Je crois qu'il faut analyser
brièvement les prévisions à long terme et la tarification.
En ce qui concerne les prévisions à long terme - j'y ai fait
allusion rapidement tout à l'heure j'aimerais faire certains
commentaires ou, du moins, soulever certaines questions et porter à la
connaissance de la commission certains faits. D'une part, il y a la
méthodologie utilisée. Je disais tout à l'heure qu'il y
avait une prévision peut-être extrêmement optimiste l'an
dernier, selon Hydro-Québec, et maintenant la prévision est
nettement pessimiste quant à l'avenir économique du
Québec. Ceci nous a amenés à examiner la
méthodologie utilisée pour en arriver à ces
prévisions.
Après un examen sommaire, puisque ce n'est que tout
récemment que nous avons eu l'occasion de rencontrer certaines personnes
d'Hydro-Québec, je dois dire que la méthode utilisée est
loin d'être claire dans les documents qui ont été
publiés par Hydro-Québec et dans les échanges que nous
avons eus avec elle. De toute façon, il y a une forte impression de
subjectivité. Je crois que c'est la raison pour laquelle
Hydro-Québec semble dire maintenant: Donnez-nous un moratoire de trois
ans, ceci nous permettra de fignoler notre méthodologie pour que, plus
tard, nous soyons peut-être plus sûrs de l'avenir économique
et de l'avenir énergétique du Québec.
Certains faits, quand même, nous amènent à faire le
commentaire suivant: Les hypothèses utilisées par l'entreprise
pour faire ces projections exagèrent de beaucoup l'importance des
économies d'énergie. J'aimerais, en particulier, faire allusion
à un rapport très récent, publié la semaine
dernière par l'Agence internationale de l'énergie, qui signale
que dans ce qu'on
appelle les économies d'énergie et dans la baisse de
l'utilisation de l'énergie la hausse des prix n'y est que pour 30% et
que 70% de cette baisse proviennent de la récession économique
que nous vivons présentement. D'après ce rapport, avec une
reprise de l'économie, il semblerait que la croissance de la
consommation reviendrait à un rythme moins éloigné de la
tendance historique que ne le suppose Hydro-Québec
présentement.
Un autre fait, c'est qu'Hydro-Québec est présentement
très pessimiste quant à la croissance sur quinze ans du produit
intérieur brut du Québec. Les projections à moyen terme,
médiocrement encourageantes, sont appliquées sans raison valable
à un horizon qui, à notre avis, est beaucoup trop loin.
Hydro-Québec, il faut le rappeler, de par la nature même de ses
investissements, a un besoin unique de projection à long terme. De fait,
il y a peu de sociétés, si ce n'est les grandes
sociétés d'utilité publique comme Hydro-Québec et
peut-être...
(Note: Une panne d'électricité survenue à ce stade
des remarques préliminaires a obligé la commission à
suspendre ses travaux).
(Reprise de la séance à 11 h 48)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux...
M. Duhaime: M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Desbiens): ... pour quelques instants. M.
le ministre.
M. Duhaime: Oui. Je crois pouvoir informer la commission
parlementaire que nous vivons un moment un peu unique, mais,
vérification faite, ce n'est pas un problème d'approvisionnement
d'énergie électrique, c'est plutôt un problème de
résistances ou de fusibles. Alors, M. le Président, je
proposerais qu'on suspende nos travaux jusqu'à 14 heures.
Une voix: C'est débattable? M. Duhaime: C'est
débattable.
M. Fortier: M. le Président, j'ai eu le message. Cela va
me permettre de changer mon texte. On reviendra à 14 heures.
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux
jusqu'à cet après-midi, 14 heures.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
(Reprise de la séance à 14 h 07)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît; La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux après une suspension qui nous a
été imposée par des difficultés d'ordre technique,
pour poursuivre la réalisation de son mandat qui est d'entendre les
dirigeants d'Hydro-Québec relativement à l'étude du projet
de tarification pour l'exercice financier 1983. Au moment de la suspension, la
parole était au député d'Outremont. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Pour commencer,
j'aimerais faire une correction. On a porté à mon attention que
j'avais fait un lapsus en parlant de personnes qui originaient du cabinet du
ministre des Finances. Il faudrait préciser qu'il s'agissait de deux
personnes qui étaient sous-ministres au ministère des Finances.
La correction est faite et je suis sûr que la population comprendra toute
la distinction qui s'impose. Par ailleurs, il faudrait noter - et
j'espère que nos auditeurs à la télévision l'ont
compris - qu'il s'agissait d'une panne de courant et que ce n'était
nullement prémédité. Ceci dit, M. le Président, je
faisais allusion au fait que le plan mis de l'avant dans le programme
d'équipements d'Hydro-Québec comportait une coupure draconienne,
qui affectait considérablement le développement économique
du Québec. Or, comme nous le savons, jusqu'à ce jour,
Hydro-Québec a toujours été un moteur économique
extrêmement puissant. Et je rappelais qu'à mon avis toute
politique énergétique devrait prendre en considération
cette vérité première qu'elle doit s'inscrire à
l'intérieur d'une politique de développement économique.
Les questions que je posais s'inscrivaient à l'intérieur de ce
commentaire, en particulier à cause des difficultés que
connaît le Québec présentement à cause du
chômage accru. J'en étais rendu, M. le Président, à
faire quelques commentaires sur les prévisions à long terme. Je
posais certaines questions. J'ai parlé dans un premier temps des
prévisions à long terme et, dans un deuxième temps, je
ferai des commentaires concernant la tarification.
En ce qui concerne les prévisions à long terme, j'ai
parlé de la méthodologie utilisée, j'ai parlé des
hypothèses en ce qui a trait aux économies d'énergie. Je
crois qu'au moment où le courant fut coupé je parlais d'une
extrapolation peut-être néfaste que semble avoir faite
Hydro-Québec sur les quinze prochaines années et qui semble avoir
été voulue, dans le sens de continuer les prévisions sur
la base des difficultés économiques que nous connaissons
présentement. J'insistais sur le fait qu'Hydro-
Québec, de par la nature même de ses investissements doit
prévoir à très long terme. S'il est possible pour d'autres
sortes de compagnies, d'autres sortes d'entreprises de se contenter de
prévisions à très court terme, il est impératif
pour une société comme Hydro-Québec de définir un
programme à très long terme, puisque, justement, les
investissements doivent se planifier très longtemps à l'avance.
On se souviendra, en particulier, que la construction à la Baie-James
avait été décidée vers 1971 et qu'elle n'est pas
encore terminée.
Enfin, nous aurons l'occasion d'y revenir puisque je sais
qu'Hydro-Québec se penche sur des solutions alternatives, mais qui,
peut-être auront comme résultat d'augmenter le coût de
l'électricité puisqu'il s'agira d'unités de construction
qui seront beaucoup plus petites. Etant donné les économies
d'échelle inhérentes aux grands projets de barrage, il sera
peut-être plus difficile à l'avenir d'assurer la production
d'énergie électrique au meilleur coût possible au
Québec.
Ensuite, le commentaire sur lequel je voulais insister, c'est que - le
ministre y a fait allusion - les politiques des prix ont un impact
considérable sur les utilisateurs qui préféreront telle ou
telle forme d'énergie. Les questions que nous avons posées et les
réponses que nous avons eues ont semblé nous convaincre que les
hypothèses d'Hydro-Québec n'étaient pas en
conformité avec les plus récentes évaluations de l'Agence
internationale de l'énergie, laquelle laisse entrevoir après les
années quatre-vingt-cinq, une pénurie d'énergie qui
accroîtra, pour ainsi dire, cette guerre entre les différentes
formes d'énergie et qui favorisera dans une très grande mesure
l'électricité.
Le plus important, c'est qu'en reportant jusqu'à 1985 toute
décision quant à de nouveaux projets, soit de
génération ou d'interconnexion, Hydro-Québec semble
répéter une erreur ou une omission antérieure qui
était de ne pas prévoir des scénarios de repli en cas
d'erreur dans ses prévisions. En effet, la difficulté d'avoir un
scénario à peu près unique, c'est que si les
hypothèses qui ont prévalu à la préparation de ce
scénario ne se matérialisent pas, on peut arriver à de
très fausses conclusions, on peut arriver à des situations
très difficiles à corriger. Un exemple en particulier, ce sont
les exportations d'énergie. Alors qu'il y a deux ou trois ans Hydro
avait fait la prévision que la demande serait tellement forte qu'il
serait à peu près impossible d'exporter, on se rend compte
maintenant qu'à ce moment-là il aurait fallu se donner des
stratégies alternatives au cas où les hypothèses ne se
seraient pas réalisées. On s'aperçoit maintenant que nous
sommes devant un cul-de-sac, puisque, même si on arrivait à signer
des contrats avec les Américains, en particulier, les dimensions des
interconnexions ou les lignes de transport de l'énergie sont telles
présentement qu'on ne pourrait pas exporter.
Enfin, au total, nous en sommes arrivés à la conclusion
qu'il n'y a rien de très très important qui justifie une
révision aussi radicale à la baisse des prévisions de la
demande à long terme. On ne peut pas croire que la récession qui
prévaut présentement pourrait continuer jusqu'en 1998 et ceci
nous pousse à des interrogations sur les prévisions de 1981 et
sur celles maintenant de 1982. Il est peut-être un peu difficile ou trop
simpliste d'accepter cette conclusion, mais il ne faudrait pas que les
méthodes de prévisions soient optimistes quand les planificateurs
le sont et qu'elles deviennent trop pessimistes quand les planificateurs
portent un jugement tout à fait subjectif sur l'état courant de
l'économie telle qu'elle est présentement. Alors,
c'étaient quelques interrogations que nous avons à long terme et
je suis certain que, durant les quelques heures et les quelques jours qui
viendront, nous aurons l'occasion d'y revenir. (14 h 15)
En ce qui concerne la tarification, nous avons également eu
l'occasion d'en discuter et nous avons quelques commentaires à formuler.
Bien sûr, présentement, il y a une décision qui semble
être de faire supporter par les usagers la perte de volume des ventes qui
a prévalu cette année et qui prévaudra peut-être
l'an prochain. On s'appuie ici sur la loi constitutive, telle qu'amendée
en 1981, qui prévoit une couverture minimale des intérêts
sur la dette à long terme égale à 1. Mais, en
vérifiant de plus près - les avocats qui sont ici me corrigeront
si je fais erreur - la loi parle d'une couverture de 1 et je crois qu'il s'agit
d'un objectif à long terme, tandis que cet article de la loi ne
s'applique qu'à la déclaration de dividendes. Absolument rien
dans la loi ne dit de façon explicite qu'il faut que, chaque
année, la couverture soit égale à 1, d'une façon
absolue.
On pourrait se poser des questions à savoir si, compte tenu des
limites draconiennes qui sont imposées par le gouvernement du
Québec sur plusieurs des fonctionnaires, des limites qui sont
imposées par l'entreprise privée sur les augmentations de salaire
de plusieurs des employés oeuvrant dans ce secteur, il ne serait pas
plus à l'avantage des Québécois et d'Hydro-Québec
d'avoir une tarification moins élevée que celle qui est devant
nous présentement.
Par ailleurs, on doit féliciter HydroQuébec d'être
extrêmement franche là-dessus puisque le document qu'elle nous a
fourni fait allusion à la hausse exagérée des frais de
fonctionnement depuis 1977. En particulier, on mentionne que les frais de
fonctionnement depuis 1977 ont augmenté
d'environ 24% pour cette période. On note également que la
différence salariale dont jouissent présentement les
employés d'Hydro-Québec est d'environ 20% comparée
à des emplois similaires, c'est-à-dire dans la très grande
entreprise. La question qui me vient à l'esprit, c'est: Est-ce normal
qu'une telle situation puisse se développer? Est-ce que le gouvernement
n'a pas pu identifier un tel phénomène avant aujourd'hui? Comment
peut-on en arriver à une telle situation et qui en fait les frais?
C'est là qu'il faudrait, à mon avis, revoir toute la
procédure de l'augmentation des tarifs puisque le genre de commission
parlementaire que nous avons - je l'avais signalé l'an dernier à
plusieurs reprises - ne nous permet pas de faire une analyse financière
en profondeur qui nous permettrait d'identifier de tels
phénomènes et qui permettrait, justement, de prendre la
défense des utilisateurs d'électricité et des
contribuables qui sont pris pour payer la note, parce que, bien sûr,
lorsque de telles augmentations se reflètent dans les coûts de
production d'Hydro-Québec, on les utilise pour justifier des
augmentations de tarif qui sont encore plus élevées.
Il faudrait bien, à un moment donné, se poser la question:
Qui, en définitive, pourrait poser les bonnes questions pour s'assurer
que de tels phénomènes d'augmentation, qui ne sont pas dans le
meilleur intérêt des contribuables, ne se perpétuent pas?
Est-ce que le gouvernement a les moyens de constater ces écarts? Est-ce
qu'il l'a fait? Qu'a-t-il fait dans le passé pour demander à
Hydro-Québec de les justifier, d'apporter les correctifs
nécessaires?
Il y a une décision également qui a été
prise, celle de stimuler la demande de façon sélective
plutôt que grâce à un freinage
généralisé des tarifs pour tous les usagers. Nous avons
devant nous, il faut le remarquer, une augmentation de tarif de 7,3%, mais ce
qui n'est pas très explicite, c'est, bien sûr, que l'industrie
lourde ou, enfin, l'industrie d'une façon générale aura
droit à des rabais considérables en ce qui concerne les surplus
d'électricité. Je pose la question: Peut-être qu'une
tarification moins élevée s'appliquant à l'ensemble des
utilisateurs et non pas uniquement à ceux qui sont
réglementés par la tarification officielle aurait pu avoir les
mêmes avantages, c'est-à-dire, d'une part, aider les consommateurs
dans une période difficile et, d'autre part, permettre à
Hydro-Québec d'aller chercher des revenus supplémentaires dont
elle a besoin pour écouler ces mêmes surplus. Par ailleurs, comme
le notait le ministre tout à l'heure, il faudra examiner quels avantages
ou quels désavantages aura cette tarification par rapport aux fermetures
possibles de raffineries et l'impact qu'elle aura sur d'autres agents
économiques oeuvrant dans le domaine énergétique.
M. le Président, ce sont les interrogations que nous posons.
J'ose espérer que nous pourrons dans les quelques jours qui viennent
essayer d'établir les causes réelles de la situation qui est
devant nous. Cependant j'aimerais ajouter encore quelques commentaires. L'an
dernier également, nous avions formulé certains commentaires sur
la qualité de l'information et même sur la quantité de
l'information. Il faut savoir qu'en Ontario - j'ai pris la peine, cet
été, d'aller à Toronto pour visiter Hydro-Ontario et
l'Ontario Energy Board - les méthodologies utilisées pour revoir
les propositions de tarifs sont extrêmement plus détaillées
et permettent, justement, à tout citoyen et à toute entreprise
qui consomme de l'électricité de faire des représentations
qui leur permettent d'en savoir davantage sur les coûts réels et
sur les raisons qui justifient de telles augmentations. J'ai pu constater que
la quantité et la qualité de l'information qui est à la
disposition du public est beaucoup plus considérable que celle que nous
pouvons obtenir ici à la commission parlementaire de l'énergie et
des ressources. En particulier, je vous dirais qu'en Ontario, en 1982, les
audiences publiques ont occupé 38 jours de l'Ontario Energy Board,
c'est-à-dire de la régie publique qui recommande au gouvernement
la tarification d'Hydro-Ontario. La documentation qui est fournie touche tous
les aspects: les aspects économiques, les aspects financiers, les
aspects administratifs.
De plus, chose extrêmement importante, on fournit une
planification financière sur trois ans. Je sais qu'au Québec,
à la suite des recommandations et des commentaires que l'Opposition
avait faits, le ministre des Finances a dit, lors de son dernier discours sur
le budget, qu'à l'avenir il tenterait de faire une planification sur
trois ans. Lorsqu'on a devant nous une organisation aussi importante
qu'Hydro-Québec, je crois qu'il serait dans l'ordre que cette même
société d'État nous fournisse des prévisions sur
trois ans. Hydro-Québec nous dira que ce n'est pas possible
présentement ou qu'elle a de sérieuses réserves sur le
fait de demander à la commission parlementaire ou au gouvernement
d'approuver dès maintenant une tarification pour trois ans, mais
là n'est pas mon propos. Mon propos est de demander à
Hydro-Québec ou au ministre qu'à l'avenir Hydro-Québec
nous donne une planification financière beaucoup plus
détaillée sur trois ans, quitte à considérer
uniquement la première année. Cela pourrait nous permettre de
voir davantage quelles seraient les stratégies mises de l'avant par
Hydro-Québec et de comprendre beaucoup plus en profondeur les politiques
et les méthodes d'intervention qui pourraient en résulter. Enfin,
j'ai fait ces commentaires au prédécesseur du ministre et je les
ai faits
également l'an dernier, mais il ne semble pas que j'aie
touché une corde sensible jusqu'à maintenant.
Maintenant, M. le Président, j'aimerais dire quelques mots sur la
politique énergétique du Québec. Je crois que nous nageons
dans la confusion la plus totale. Le ministre nous a dit, ce matin, qu'il y
aura une commission parlementaire au printemps pour entendre les
différents intervenants du domaine énergétique nous parler
des différents problèmes auxquels ils sont confrontés.
Mais, voilà que ces jours-ci nous avons à débattre un
programme d'équipements que nous propose HydroQuébec pour les
prochaines années. La logique simple nous dirait qu'avant d'entendre
Hydro-Québec nous parler de son programme d'équipements il aurait
fallu, justement, entendre différents intervenants du domaine
énergétique pour ensuite entendre HydroQuébec ou, en
même temps, mais non pas l'inverse. Enfin, nous allons tenter de jouer
notre rôle le mieux possible, mais il me semble que la façon de
procéder du ministre est tout à fait irrationnelle et ne nous
permettra pas de jouer un râle aussi efficace que nous l'aurions
désiré. Je constate que son admission du fait qu'il nous faut
avoir une commission parlementaire pour traiter d'énergie est une
reconnaissance de sa part que les demandes répétées que
nous avons faites étaient valables et qu'il est plus qu'urgent et
nécessaire d'examiner avec tous les intervenants la politique
énergétique du Québec et de la modifier si besoin
était.
J'ai constaté que le ministre, dans une déclaration qu'il
a faite à la Presse hier, a dit qu'il n'avait pas l'intention... Enfin,
le titre de la Presse dit ceci: "Duhaime ne semble pas pressé d'assumer
le rôle d'arbitre". Je cite l'article de Mme Francine Osborne où
elle dit: "L'harmonisation entre les deux formes d'énergie, a-t-il
souligné, est un objectif à atteindre, mais ne sera pas
nécessairement intégrale". Je sais que, l'an dernier, le ministre
nous avait parlé d'un comité d'harmonisation. Est-ce que le
ministre pourrait nous dire si ce comité est une faillite
complète et si, de fait, il y a eu des tentatives d'harmonisation et que
maintenant son objectif de ce côté à été
modifié en profondeur? Le ministre nous dit dans la Presse qu'il n'a pas
l'autorité pour intervenir afin de découper le Québec en
petits morceaux. Par ailleurs, ce matin, il nous a dit qu'il voulait
intervenir, justement, pour influer sur la politique pétrolière
en ce qui concerne le mazout lourd, en particulier. S'il veut intervenir dans
un domaine, pourquoi ne peut-il pas intervenir dans d'autres domaines?
Finalement, bien sûr, s'il accède à notre demande,
une commission parlementaire serait le résultat de plusieurs demandes
puisque, selon un article du Devoir, daté du 22 septembre, M. Martin, le
président de SOQUIP, "croit que l'initiative appartient maintenant au
ministre de l'Énergie. La prochaine étape pourrait être la
convocation d'une table ronde technique pour permettre à
Hydro-Québec, aux firmes gazières et aux raffineurs de s'entendre
au moins sur les données de base." Il semblerait, M. le
Président, que le comité d'harmonisation n'a pas tellement bien
fonctionné puisque, de l'avis même du président de SOQUIP,
on ne s'entend même pas sur les données de base inhérentes
aux difficultés énergétiques qui sont soulevées
présentement. D'ailleurs, M. Bourbeau, le président du conseil
d'Hydro-Québec, disait, dans le Devoir du 30 août que, selon lui,
toutefois, la situation du gaz naturel est beaucoup moins compétitive
qu'on ne l'avait prévu et que l'électricité serait sans
doute en meilleure position pour déplacer l'huile lourde utilisée
dans l'industrie québécoise.
M. le Président, ces problèmes sont réels. On peut
rêver d'une politique énergétique, mais il y a des surplus
d'énergie présentement et, dans les années qui viendront,
Hydro-Québec aura des surplus d'électricité
considérables. Il y a d'autres facteurs qui jouent, comme le fait que le
projet CARMONT n'a pu être réalisé, ceci de l'avis
même du président de SOQUIP qui disait, dans le même article
du Devoir du 22 septembre, que le projet CARMONT visant la revalorisation du
pétrole raffiné à Montréal avait été
un échec. On peut espérer pendant de nombreuses années que
des projets se réalisent, mais, lorsqu'ils ne se réalisent pas,
il faut prendre les faits tels qu'ils sont et non pas prendre nos espoirs pour
la réalité.
M. le Président, nous vivons au Québec une situation
très difficile et je dirais, peut-être, dangereuse, puisqu'il y
aurait danger que les investissements qui seront faits par les
sociétés de distribution de gaz deviennent improductifs. Je ne
crois pas que ceux que nous faisons présentement le seront
nécessairement, mais je crois que le programme gazier que le ministre a
mis de l'avant pour les cinq prochaines années pourrait le devenir si on
ne porte pas attention aux signes indicateurs qui nous viennent de tous
côtés. Je sais bien que le ministre ne se préoccupe pas
trop des investissements improductifs, lui qui a recommandé la
nationalisation d'Asbestos Corporation avec les résultats que l'on
connaît, mais je crois que les contribuables du Québec ne sont pas
à même présentement de payer d'autres investissements
improductifs.
Par Hydro-Québec, nous avons investi dans le développement
de la Baie-James et, bien sûr, toutes les villes du Québec
voudraient elles aussi avoir accès au gaz et à
l'électricité. Mais la question qu'il faut se poser, M. le
Président, c'est: Est-ce qu'en
définitive ces investissements que nous ferons seront productifs?
Il faut comprendre et il faut savoir, M. le Président, que SOQUIP, qui
est une société d'État à 100%, contrôle
effectivement Gaz Métropolitain et contrôle Gaz Inter-Cité.
Et la question que j'ai posée depuis quelques mois, c'est: Est-ce que
ces investissements seront productifs et est-ce que la viabilité de ces
compagnies continuera d'être aussi excellente qu'elle l'a
été jusqu'à maintenant? Il faut savoir que Gaz
Métropolitain existait et que Gaz Inter-Cité ne fait que
commencer. (14 h 30)
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je crois qu'il est
impérieux que nous ayons cette commission parlementaire du mois de mars
ou d'avril, mais j'oserais espérer, pour qu'elle soit la plus utile
possible, que le ministre nous propose un livre blanc pour que nous puissions
ensemble en faire l'évaluation, puisqu'il y a danger, encore une fois,
que nous ayons une commission parlementaire où tous et chacun pourraient
venir faire des commentaires sans connaître la situation. Je crois
qu'avec la connaissance qu'il a du dossier il pourrait quand même
définir certaines orientations, quitte à demander ensuite aux
différents agents économiques de préciser leur
pensée ou leurs orientations ou de nous fournir des données que
nous n'avons pas présentement.
J'ose espérer que cette commission parlementaire que nous aurons
au mois de mars sera la plus utile possible et je peux l'assurer de notre
collaboration. Mais j'aimerais, pour qu'elle soit la plus utile possible et
pour que nous puissions jouer pleinement notre rôle, qu'il nous fournisse
l'information dont nous aurons besoin pour ne pas être uniquement
à la remorque des sociétés du secteur privé, dans
le domaine pétrolier, ou du secteur public, dans le donaine du gaz et de
l'électricité.
M. le Président, la question que je posais au départ,
c'est: Est-ce que le gouvernement sait où il va? Est-ce que le
gouvernement, en plus de constater les orientations comme nous le faisons, sait
où il va ou s'il désire tout simplement continuer les
orientations qui ont été mises de l'avant en 1978, tout
simplement pour continuer le travail qui a été fait à ce
moment? J'ai fait allusion à la situation économique du
Québec; comme vous le savez, il y a présentement un chômage
sans précédent qui touche en particulier la jeunesse, qui touche
plusieurs régions du Québec et l'on sait l'état
désastreux des investissements qui se font au Québec par rapport
aux investissements qui se font dans d'autres régions du Canada.
Je pourrais vous donner, M. le Président, si vous le
désirez, la création d'emplois nouveaux au Québec et en
Ontario, au Canada, pour la période de 1961 à 1981. On constate
que, de 1971 à 1975 en particulier, le Québec créait 22,4%
de tous les emplois créés au Canada. De 1976 à 1980, la
création d'emplois au Québec n'a été que de 17% et,
en 1981, que de 6,5%. Ce sont des statistiques qui nous viennent de Statistique
Canada, no 70-201. M. le Président, devant cette situation, je crois que
cette commission parlementaire, qui débute présentement, nous
permet de faire le point, mais nous permet également de poser les bonnes
questions en ce qui concerne le développement économique de cette
province. J'oserais espérer que le ministre soit aussi sensible que nous
à cette donnée du problème qui frappe tous les
Québécois. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, très
brièvement, je voudrais réagir tout de suite à
quelques-unes des suggestions qui nous sont faites par le député
d'Outremont. J'avoue au départ, M. le Président, ne pas
être tellement emballé par le modèle ontarien quant
à une proposition tarifaire qui est étudiée dans un
premier temps par l'Ontario Energy Board qui n'a pas de pouvoir
décisionnel, comme tout le monde le sait, mais qui recommande ensuite
une proposition tarifaire au gouvernement de l'Ontario. C'est peut-être
le passé qui est garant de l'avenir. Il y a eu des incidents qui se sont
passés en Ontario dans le dossier de l'énergie, d'une
façon générale; il y a même eu une commission
d'enquête qui a siégé, qui a produit un volumineux rapport.
À la suite de ces incidents, Ontario Hydro a dû augmenter de 33%
son tarif hydroélectrique, si ma mémoire est bonne, en 1975 et
l'année qui a suivi, de 22%. Je ne sais pas si la décision est
arrêtée à l'heure où je vous parle en Ontario, mais
la proposition du Ontario Energy Board a été formulée et
le premier ministre Davis a décidé de former un comité
spécial. La situation est peut-être plus complexe en Ontario pour
l'établissement des tarifs hydroélectriques à cause de la
présence marquée du nucléaire. Nous n'avons pas à
vivre avec ce problème pour l'instant.
Je considérerais, M. le Président, que la meilleure
tribune et la meilleure table pour discuter de la proposition tarifaire
d'Hydro-Québec est encore la commission parlementaire de
l'énergie et des ressources qui prend le temps nécessaire. Il y a
peut-être des améliorations à apporter encore pour que
l'Opposition puisse avoir en main toutes les informations. Je pense que le
député d'Outremont a lui-même noté que les documents
avaient été fournis cette année suffisamment à
l'avance, que des entretiens ont même été
aménagés avec la direction
d'Hydro-Québec. Avant que de faire une recommandation au Conseil
des ministres pour dessaisir la commission parlementaire de l'énergie et
des ressources, c'est-à-dire les députés, les membres de
l'Assemblée nationale, qui veulent entendre Hydro-Québec sur une
proposition tarifaire, il faudrait qu'on me donne davantage d'arguments que ce
que j'ai entendu jusqu'à présent.
Nous avons été habitués au fil des années,
je dirais, à entendre l'Opposition libérale dire que le
Québec n'a pas de politique énergétique, que le
gouvernement ne sait pas où il va etc. J'ai eu l'occasion au cours des
dernières années de rencontrer des collègues qui
s'occupent du dossier de l'énergie en France, en Belgique, en Allemagne
et récemment au Brésil. C'est curieux, mais ils nous ont
félicités d'avoir une politique énergétique. On
peut être en accord ou en désaccord sur le fond, mais affirmer
qu'il n'y a pas de politique énergétique, je pense que c'est
fausser le débat au départ. Ma surprise est d'autant plus grande
que j'ai toujours été convaincu que, sur le fond du dossier
énergétique, notre gouvernement et l'Opposition libérale
étaient fondamentalement d'accord.
Je voudrais rappeler au député d'Outremont son propre
programme. Je voudrais lire ce que j'avais appelé, l'année
dernière, le livre rouge du Parti libéral, c'est-à-dire le
document portant sur le développement économique, à la
page EC VIII-2. Je vais lire simplement l'attendu, qui est pertinent, je pense:
Attendu que l'objectif majeur de la politique du Parti libéral du
Québec est d'améliorer le bilan énergétique et la
sécurité des approvisionnements par une réduction
graduelle de notre dépendance envers le pétrole, par
l'augmentation de la pénétration du gaz naturel, par
l'utilisation d'énergie électrique, par des économies
d'énergie et par la recherche des énergies nouvelles. Dans le
texte qui précède cet attendu, on nous propose même ceci:
Une utilisation plus importante du gaz naturel paraît souhaitable et
pourrait atteindre 15% à 18% de notre bilan énergétique en
1990.
Sur le fond, notre objectif premier est de déplacer le
pétrole importé le plus rapidement possible. Et, si on se rejoint
là-dessus, on a fait un grand pas. Une fois qu'on a décidé
cette chose, il s'agit de se demander quelles vont être les formes
d'énergie qui vont remplacer le pétrole. Je l'ai dit ce matin et
je rappelle, notre objectif a été fixé il y a quatre ans,
en 1978. Il consiste à dire que nous visons un objectif de 41%
hydroélectrique de notre bilan en 1990, de 50% pour l'an 2000. Nous
avions constaté, en même temps que le Parti libéral, la
mince contribution du gaz naturel, qui était de 6% ou 7% il y a quelques
années. Notre objectif est d'aller vers 16%, 16 1/2% en 1990 et
possiblement 18 1/2% et plus sur l'horizon 2000. Il est évident que nous
allons, de ce fait, faire des économies d'échelle majeures et
que, d'autre part, nous allons obtenir, par une plus grande diversité,
une sécurité d'approvisionnement. Le reste, M. le
Président, m'apparaît être du bla, bla, bla.
Je rappelle aussi essentiellement que maintenir cet objectif de 41% sur
l'horizon 1990 est quelque chose de faisable et de réaliste. Mais il est
bien certain qu'il faut situer cet objectif dans l'ensemble d'une conjoncture
énergétique qui fait que la consommation globale d'énergie
sous toutes ses formes est une espèce de tarte, en quelque sorte, qui
s'en va, sinon vers une stabilité, du moins en diminuant.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'ai apporté
avec moi un petit tableau qui va peut-être éviter bien des
discours et qui parle de lui-même. La situation de 1975. Ce qui est en
bleu, c'est l'hydroélectricité; ce qui est en jaune, c'est le gaz
naturel; ce qui est en rouge, c'est le pétrole. Alors, 22% par rapport
à 1971. En 1981, la part de l'hydroélectricité est
montée à 29%; la part du gaz est passée de 6% à 9%;
la part du pétrole a été réduite de 71% à
61% du bilan. L'objectif de 1990 est de porter la part de
l'hydroélectricité à 41%, celle du gaz à 16% et,
par voie de conséquence, de réduire la part du pétrole
à 40% du bilan. Sur le fond - et je crois que c'est un des objectifs
majeurs de la politique énergétique qui a été
établie en 1978 - je ne vois pas comment on peut être en
désaccord.
Le problème que nous avons en est un d'harmonisation. Cela
m'apparaît sain que, d'une part, Hydro-Québec ait à faire
son propre effort de marketing sur le marché de l'énergie et que,
par ailleurs, le Québec, étant présent par le biais de
deux compagnies distributrices, Gaz Métro et Gaz Inter-Cité, ait
aussi à se battre sur un marché de concurrence. L'harmonisation
consiste, à mon sens, non pas à croire qu'on pourrait,
premièrement, établir des structures de prix entre des compagnies
en concurrence ou encore se départager des marchés. L'objectif
qui est visé est une utilisation maximale des ressources
énergétiques. Si je me place du point de vue d'un consommateur,
il est bien certain que les consommateurs du Québec qui suivent les
travaux de cette commission réalisent qu'Hydro-Québec, Gaz
Inter-Cité, Gaz Métro, de même que les
pétrolières, pour ce qui est de l'huile à chauffage, en
tout cas, et pour ce qui est de la clientèle industrielle, devront se
battre. Cela me donne une espèce de garantie tant sur le plan de la
diversification que sur le plan des prix; je me sens rassuré comme
consommateur.
Le comité dont nous avons parlé a siégé. Je
pense que les dirigeants d'Hydro-
Québec pourront en faire état. Il y a eu de multiples
rencontres et les paramètres de ce que j'appellerais une discussion
franche ont été établis. Ce qu'il s'agit de se poser comme
question, c'est: Est-ce qu'il y a de la place pour
l'hydroélectricité et pour le gaz naturel dans les objectifs
fixés il y a maintenant quatre ans? Ma réponse est très
claire, elle est affirmative. Si le résultat était que nous
allions déplacer plus vite que prévu du pétrole
importé, soit du marché mondial ou de l'Ouest canadien, je pense
qu'on ne ferait qu'ancrer davantage et réaliser plus rapidement les
objectifs de la politique énergétique.
Je m'arrête ici et, à moins que mes collègues
n'aient des interventions à faire maintenant, je vous demanderais
d'inviter les gens d'Hydro-Québec à prendre place, puisque nous
sommes là d'abord et avant tout pour les entendre aujourd'hui.
Le Président (M. Desbiens): Merci. J'inviterais le
président du conseil d'administration, M. Bourbeau, à prendre la
parole.
Exposé du président du conseil
d'administration d'Hydro-Québec
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, avant de commencer,
je voudrais rassurer le député d'Outremont qu'Hydro-Québec
possède toute l'expertise lorsqu'il lui arrive de planifier son
programme d'équipements, mais qu'elle est un piètre planificateur
lorsqu'il s'agit de panne de courant.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission
permanente de l'énergie et des ressources, Hydro-Québec soumet
aujourd'hui au gouvernement et à la population son plan de
développement, ainsi qu'une recommandation quant à l'augmentation
des tarifs pour 1983. Ce plan, nous le savons tous, marque un coup de barre
important dans le cheminement de l'entreprise qui doit, comme bien d'autres,
s'ajuster aux contraintes et aux soubresauts de la conjoncture. (14 h 45)
Je pourrais tenter de justifier ce que certains qualifient volontiers
d'erreurs de parcours ou d'ambitions démesurées. À ce
moment-ci, je voudrais souligner certaines interrogations ou certaines
préoccupations du député d'Outremont au sujet de nos
prétendues erreurs de prévision de la demande. J'ai bien
noté qu'il se préoccupe de la méthodologie qu'on utilise
à HydroQuébec, disant qu'on est trop subjectif, quand on utilise
des hypothèses et il s'interroge sur les hypothèses
d'économies d'énergie qui sous-tendent nos prévisions. Il
s'intéresse aussi au fait que nous avons préparé un
scénario et que nous n'avons pas d'autres scénarios de rechange.
J'y reviendrai à la fin de l'exposé et, lors de la période
des questions, je pourrai répondre à ces préoccupations du
député d'Outremont.
Je signale cependant que, jusqu'en 1979, nos prévisions
préparées dix ans plus tôt se sont toujours
réalisées et que nous avons été en mesure de
répondre à la demande grâce à la mise en oeuvre de
grands projets. Par ailleurs, comme nous l'indiquions à l'occasion de la
commission parlementaire de février 1981, chaque plan doit être
interprété dans une optique de planification continue et,
à ce titre, servir à définir les orientations et les
décisions qui devront être prises au fur et à mesure que
les besoins se préciseront. Mais depuis 18 mois, les contextes
énergétique et économique se sont radicalement
transformés et Hydro-Québec a dû redéfinir ses
priorités en fonction d'une baisse importante de la demande
d'électricité.
Vous avez examiné notre plan de développement et vous
connaissez nos orientations. Nous voulons, donc, profiter de cette occasion
pour discuter de ces orientations et rendre compte des mesures que nous
prévoyons adopter pour réaliser ce plan. Il vous revient de
vérifier si ces mesures et ces orientations sont prises dans
l'intérêt du Québec.
Le plan de développement est celui d'une entreprise en pleine
mutation qui, après avoir connu un rythme d'expansion rapide au cours
des trois dernières décennies, adopte maintenant une cadence
modérée et qui, dans les prochaines années, devra changer
radicalement ses priorités et, par le fait même, certaines de ses
activités.
Vous savez que nous estimons maintenant que la progression moyenne de la
demande d'électricité à long terme pourrait se situer
entre 2,6% et 4,7% par année. Cependant, nous avons fondé notre
plan sur un objectif et cette prévision est de 3,7% par année.
Cette croissance ralentie par rapport à nos prévisions
antérieures exigera que l'entreprise engage une action commerciale
vigoureuse tant sur les marchés d'exportation qu'au Québec. Vous
savez aussi que les grands projets de construction qui seront terminés
d'ici trois ans nous fourniront suffisamment d'énergie pour
répondre pendant quelques années encore aux besoins
d'électricité du Québec. Il n'est donc pas
nécessaire d'amorcer de nouveaux projets d'envergure dans un avenir
prochain, c'est-à-dire avant 1988, à l'exception peut-être
de la centrale de Delaney qui est une centrale de pointe.
Ces rajustements dans les priorités de l'entreprise, qui mettra
désormais l'accent sur la commercialisation plutôt que sur la
construction d'aménagements, prendront place au cours des trois
prochaines années. L'incertitude amenée par l'évolution de
l'économie qui nous réserve chaque jour des
surprises nous commande maintenant une grande prudence et nous oblige
à ne pas prendre des engagements irréversibles. C'est la raison
pour laquelle le plan de développement est axé sur des actions
à moyen terme, c'est-à-dire jusqu'en 1985, et offre le maximum de
souplesse dans les décisions qui pourraient engager HydroQuébec
à plus long terme.
La crise économique actuelle n'est pas une simple
récession. Elle reflète des changements fondamentaux dont il
était difficile de prévoir l'ampleur il y a à peine un an.
Le choc a été subit et se répercute directement sur la
demande d'électricité. Malgré ce revirement,
Hydro-Québec est en mesure de freiner et de changer de cap sans
connaître les crises majeures que vivent actuellement d'autres
entreprises similaires. Les investissements pour les trois prochaines
années sont maintenus au niveau déjà prévu. Le
resserrement draconien des dépenses d'exploitation n'aura que des
répercussions modérées sur le volume du personnel
d'exploitation. Enfin, les augmentations de tarifs que nous proposons pour 1983
sont en deçà de l'inflation prévue et des augmentations
entrevues pour des sources concurrentes d'énergie. Il est, cependant,
évident qu'à plus long terme le ralentissement de nos
investissements se répercutera sur l'activité économique
reliée au secteur de l'électricité. Pour cet horizon un
peu plus lointain, nous nous gardons d'abord toute la flexibilité
nécessaire et nous prenons aussi des mesures pour favoriser du mieux
possible le développement économique.
J'aimerais, maintenant, aborder d'une façon plus précise
les aspects fondamentaux de notre plan. Quatre grandes orientations y sont
définies qui guideront notre action à court terme et qui nous
garantiront une plus grande liberté de manoeuvre après 1985. Ces
orientations sont les suivantes: premièrement, accroître les
ventes de l'entreprise par un effort de commercialisation sur tous les
marchés de l'électricité, et cela tout en respectant
l'objectif d'utilisation rationnelle de l'énergie; deuxièmement,
réorienter les efforts de recherche et de développement
technologiques en mettant l'accent sur la mise au point de nouveaux moyens
d'utiliser l'électricité; troisièmement, réaliser
les investissements engagés d'ici à 1985 et limiter les
engagements financiers à long terme; quatrièmement, assurer
à l'entreprise une plus grande souplesse d'adaptation aux changements
imposés par la conjoncture en réorganisant ses
activités.
Dans cette perspective, Hydro-Québec doit avant tout mettre
l'accent sur la commercialisation de son produit tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur du Québec, tout en
restant fidèle à sa politique d'économie d'énergie
et en respectant les objectifs de la politique énergétique du
Québec. En raison du ralentissement de la demande interne,
Hydro-Québec est maintenant en mesure d'envisager des contrats à
long terme de vente d'énergie régulière à
l'exportation. Dans la conjoncture actuelle, de tels contrats seraient
très profitables au Québec. Le plan prévoit donc des
stratégies précises dans ce sens.
Par ailleurs, les efforts de mise en marché s'adresseront aussi
au marché énergétique québécois. Il ne
s'agit pas de créer des marchés artificiels dans le seul but de
régler des problèmes temporaires de l'entreprise, car, alors,
cette mesure pourrait engager le Québec dans une voie peu avantageuse
à long terme. Il s'agit plutôt de consommer mieux l'énergie
d'ici. C'est pourquoi nous entendons poursuivre de façon vigoureuse les
actions entreprises en vue de rationaliser l'utilisation de
l'électricité. C'est pourquoi aussi nos programmes
spéciaux de vente ne viendront pas bouleverser la scène
énergétique québécoise et faire ainsi
disparaître des options souhaitables à long terme. Je fais ici
référence à la problématique entourant la vente des
excédents d'électricité au secteur industriel,
parallèlement au prolongement du réseau gazier au Québec.
De concert avec les parties en cause, nous nous attacherons à trouver
des solutions viables et acceptables dans la poursuite d'objectifs
énergétiques communs.
Cette nouvelle orientation d'Hydro-Québec, axée plus sur
la vente que sur la construction d'installations, sera appuyée par une
stratégie de développement technologique. Cette stratégie
visera à mettre au point, à court et à long terme, de
nouveaux moyens d'utiliser l'électricité qui procureront à
notre clientèle des avantages économiques marqués.
Parallèlement à la gestion des marchés, le plan de
développement propose un plan d'investissements qui lui assure une
grande flexibilité d'adaptation. Les orientations relatives au programme
de construction, en raison de leurs répercussions financières,
sont, en effet, celles qui risquent le plus d'entraîner l'entreprise dans
des situations difficiles à corriger. Pour cette raison, les
investissements prévus à court terme se limitent à ceux
qu'il ne serait pas rentable de reporter. On terminera ainsi les travaux de la
phase I du complexe La Grande, tandis que les travaux à peine
amorcés à la centrale de suréquipement de Manic 5 sont
décalés de trois ans. Ainsi, l'entreprise n'aura pas à
s'engager dans de nouvelles mises en chantier en raison de l'avance que lui
assurent les installations existantes. En revanche, advenant une reprise de la
demande d'électricité, plusieurs projets pourraient être
mis en chantier très rapidement parce que les études et les
travaux préléminaires sont déjà
réalisés.
Dans la même perspective de souplesse, Hydro-Québec
s'attache actuellement à définir un éventail de projets de
taille moyenne en mesure de s'adapter harmonieusement au nouveau rythme de
croissance. Ces équipements pourront être mis en place
progressivement et ne comporteront pas de risques financiers trop lourds pour
l'entreprise. Toutes ces réorientations appellent des
réaménagements importants de nos activités et de nos
ressources.
La conjoncture économique actuelle oblige les entreprises
à augmenter la productivité de l'ensemble de leur personnel.
Étant donné l'envergure et la diversité de ses
activités, Hydro-Québec pourra réaliser des gains de
productivité substantiels au cours des prochaines années. La
formation de son personnel lui permettra de s'adapter rapidement aux
développements technico-administratifs et d'adapter son organisation aux
changements. Dès 1983, différentes mesures seront mises en oeuvre
pour faciliter l'évaluation du rendement individuel et accroître
les responsabilités des gestionnaires dans le contrôle des
résultats. Les changements apportés à la structure de
l'entreprise permettront également de rationaliser et de
réorienter certaines activités.
Ces mesures touchant la productivité entraîneront, nous
l'avons évoqué, une diminution importante du rythme
d'augmentation des dépenses d'exploitation. Ce facteur est un de ceux
qui nous permettent de réduire les augmentations de tarifs que nous
avions prévues de 13% environ, il y a un an, et de les ramener entre 7%
et 8% en 1983. Il s'agit là d'une hausse qui s'applique à toutes
les catégories d'abonnés. Elle permet de respecter les
critères financiers d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la
couverture des intérêts, à la capitalisation et à
l'autofinancement. Elle constitue, à notre avis, une augmentation
raisonnable, compte tenu de la marge de manoeuvre réduite dont
l'entreprise dispose par rapport au prix des énergies concurentielles,
ainsi que des mesures de lutte à l'inflation adoptées par le
gouvernement.
Voilà donc en bref, les grandes orientations
qu'Hydro-Québec se donne pour la prochaine décennie et plus
particulièrement les stratégies qu'elle entend mettre en oeuvre
dans les trois prochaines années. À moins de vouloir jouer
à l'oracle ou au prophète, nul ne peut prétendre
détenir une vision claire et définitive de l'avenir. Aussi, nous
attachons une grande importance aux diverses prévisions contenues dans
le plan de développement, mais il ne faudrait pas leur attribuer une
valeur d'absolue ou un caractère immuable. Elles sont utiles, ces
prévisions, dans la mesure où elles nous permettent de
définir des directions à emprunter et des actions à
engager. Lorsque l'évolution de la conjoncture l'exigera, nous saurons
ajuster le tir sans toutefois perdre de vue les objectifs poursuivis. (15
heures)
Le plan de développement proposé par Hydro-Québec
contient ce potentiel d'adaptation, tout en mettant de l'avant des lignes de
continuité qui nous semblent compatibles avec les meilleurs
intérêts des consommateurs d'énergie. Merci, M. le
Président.
Avec votre consentement, je passerais maintenant la parole à M.
Guy Coulombe, le P.-D.G. d'Hydro-Québec, qui aurait quelques mots
à dire.
Le Président (M. Desbiens): M.
Coulombe, vous avez la parole.
Exposé du président-directeur
général d'Hydro-Québec
M. Coulombe: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai
pas l'intention de reprendre l'excellent résumé que M. Bourbeau
vient de nous faire. Je voudrais seulement insister sur deux ou trois points
qui me semblent extrêmement importants.
Le premier, c'est la caractéristique fondamentale du plan de
développement: sa souplesse d'adaptation. À cette fin, je me
référerais peut-être au document que vous avez devant vous,
à la page 64 du plan de développement, qui donne, à mon
avis, un exemple précis de cette souplesse et de cette
possibilité d'adaptation qu'Hydro-Québec présente dans son
plan de développement. Vous voyez, dans le tableau de la page 64, les
trois hypothèses de base concernant la croissance de la demande et vous
voyez sur ces courbes l'ensemble des grands équipements du plan de
développement. Vous constaterez... Je mentionne le plan de
développement à la page 64; pardon, vous n'avez pas la même
page que celui...
M. Rodrigue: ... le tableau 21, c'est le tableau sur
l'évolution de la demande et la capacité de production.
M. Fortier: Cela va, merci. M. Rodrigue: Page 61.
M. Coulombe: À la page 61, dans votre autre copie, sur ces
trois courbes de demandes vous pouvez voir l'ensemble des investissements
d'Hydro-Québec et l'adaptation possible. Comment cette adaptation
est-elle possible? À l'heure actuelle, nous avons en main pour 600 000
000 $ d'études sur l'ensemble des
travaux, l'ensemble des grands projets d'Hydro-Québec. Certains
de ces projets sont dans un état d'avancement tel que, quelles que
soient les circonstances, si on assiste à un changement brusque de la
conjoncture externe à Hydro et qu'il faille réajuster le plan
d'équipements, nous sommes prêts, Hydro-Québec est
prête à s'ajuster rapidement et à entreprendre des travaux
qui, sur ces courbes, sont situés à plus ou moins brève
échéance. C'est un exemple précis de la possibilité
d'adaptation d'Hydro-Québec.
Un deuxième exemple: on parlait d'interconnexion avec les
États-Unis, il faut penser que l'interconnexion avec la
Nouvelle-Angleterre est prévue pour environ 600 mégawatts. C'est
une ligne qui peut être réorientée vers 2000
mégawatts très prochainement. Encore là, il y a une marge
de manoeuvre et une possibilité d'adaptation.
Dans cette perspective, je pense que la population du Québec doit
considérer qu'Hydro est dans une position presque exceptionnelle parmi
les grandes compagnies d'utilité publique nord-américaines.
Hydro, dans son plan de développement, contrairement à beaucoup
de ces compagnies d'utilité publique nord-américaines, n'a pas
à radier de ses livres des sommes considérables pour abandonner
des projets. Vous prenez l'exemple d'une très grande compagnie
américaine, comme Tennessee Valley Authority, qui est obligée
d'éliminer de ses livres des sommes d'environ 1 200 000 000 $ pour des
centrales nucléaires qui avaient été prévues et
qu'on doit abandonner en pleine construction. On a même au Canada
d'autres compagnies d'utilité publique qui sont dans la même
situation et qui sont obligées de fermer ou d'abandonner des projets.
Nulle part dans le plan d'Hydro-Québec vous n'allez voir ce genre de
proposition et je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que,
n'étant pas à Hydro-Québec depuis plus d'un an, il s'agit
d'un effort collectif des gens d'Hydro-Québec depuis plusieurs
années pour nous amener dans une situation qui, aujourd'hui, peut
être considérée comme exceptionnelle parmi les grandes
compagnies d'utilité publique.
Donc cette souplesse, les documents, les études internes
permettent de dire que, quelle que soit l'évolution de la situation,
Hydro est prête à faire face à ces évolutions. Une
autre caractéristique, c'est que personne n'a encore trouvé de
boule de cristal pour prédire avec exactitude ces évolutions. Et
je fais référence - pour votre information on pourra vous envoyer
les documents si vous le désirez - au prestigieux institut
électrique Edison qui groupe l'ensemble des utilités publiques
privées des États-Unis et qui, pour la prochaine décennie,
prévoit un taux de croissance électrique de 3,6% pour les dix
prochaines années. Faire référence à d'autres
prévisions n'est jamais une preuve qu'on a raison, parce que tout le
monde peut se tromper d'ici à quelques années, mais je pense
qu'Hydro se trouve en bonne position parmi ceux qui prévoient
l'évolution de l'énergie.
Un deuxième point que je voudrais souligner, c'est que l'objectif
numéro un du plan est une mise en marché agressive de
l'électricité. On a des programmes précis, les programmes
de chaudière, les programmes biénergie, d'autres sont en voie
d'élaboration et, d'ici à quelques mois, nous serons en mesure de
présenter ces autres programmes.
Un troisième élément sur lequel il faut insister,
c'est la décision de base d'Hydro-Québec de réduire ses
coûts d'exploitation. Ceci est une décision interne, il n'y a pas
eu de pression externe à ce niveau. C'est une baisse assez radicale d'un
taux historique d'au-delà de 20% à un objectif l'an prochain de
5%. C'est évident - je veux mettre en garde les membres de la commission
sur cela - que cet objectif ne pourra être atteint que si l'on respecte
notre objectif d'avoir des conventions collectives raisonnables. Les
conventions d'Hydro-Québec se terminent le 31 décembre, nous
sommes en pleine négociation à l'heure actuelle et c'est
évident qu'atteindre une diminution des dépenses d'exploitation
de cet ordre suppose une solution raisonnable aux conventions collectives.
Un dernier point, l'impact économique du programme
d'Hydro-Québec. HydroQuébec, dans les trois prochaines
années, va investir 7 200 000 000 $; elle s'est efforcée de mieux
étaler ses investissements dans les trois prochaines années par
rapport au plan d'investissement de 1981. Donc, la baisse va être moins
rapide, dans l'année deux et trois du plan, que ce qui était
prévu l'an passé. J'écoutais les chiffres qui
étaient donnés ce matin. Si vous additionnez à ces
chiffres, 7 200 000 000 $, les 2 000 000 000 $ qu'il va y avoir dans le gaz,
vous avez des investissements, dans le domaine énergétique hors
pétrole, qui sont supérieurs à ceux qui étaient
prévus l'an passé ou il y a deux ans.
En termes d'emploi, je regarde les mêmes chiffres, le plan de
développement va amener une certaine décroissance de l'emploi
externe à Hydro-Québec. On prévoyait une baisse, pour
l'année 1983, entre 3000 et 3500. Si l'on ajoute les chiffres, encore
une fois, qu'on a entendus ce matin, 3000 emplois dans le domaine du gaz, on se
retrouve à un niveau équivalant, en termes d'emploi, à ce
qui était prévu; évidemment cela ne sera pas tout
relié à l'hydroélectricité, mais cela va être
relié à l'énergie et ce sont des nouveaux emplois qui
s'ajoutent aux emplois prévus dans les 7 200 000 000 $ d'investissements
d'Hydro-Québec.
Un dernier point sur une intervention
de ce matin. Lorsque le député d'Outremont parlait des
relations d'Hydro-Québec avec le gouvernement et de l'arrivée
à Hydro-Québec de plusieurs ex-fonctionnaires, tout ce que j'ai
à dire sur cela, en étant un exfonctionnaire moi-même,
c'est que je pense que l'intégration à Hydro-Québec
d'anciens hauts fonctionnaires n'a ni à s'expliquer, ni à se
justifier. Je crois que c'est une excellente chose et cela se produit dans le
secteur privé. Dans la mesure où la fonction publique a pris de
l'ampleur depuis quelques années, ces passages vont se faire de plus en
plus. Je pense que cela serait aller au-delà de la réalité
que de supposer qu'il s'agit là de manoeuvre machiavélique de la
part de qui que ce soit. Je pense que c'est une question de fait et cette
intégration actuellement, je peux en témoigner, va très
bien. Il ne s'agit pas là à notre avis, d'un problème
important, de quelque façon que ce soit.
Alors, M. le Président, je pense que mes collègues et
moi-même sommes prêts à répondre à l'ensemble
des questions de la commission.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
Période de questions
M. Fortier: J'aurais juste une question sur la déclaration
de M. Bourbeau. À la page 3 je crois, il dit: "La crise
économique actuelle n'est pas une simple récession. Elle
reflète des changements fondamentaux dont il était difficile de
prévoir l'ampleur, il y a un an. Le choc a été subit et il
se répercute directement sur la demande d'électricité." Si
je comprends bien ce texte, il répercute sur plusieurs années
à venir. Je faisais allusion ce matin à un rapport très
récent de l'Agence internationale de l'énergie qui semble dire
que les supposées économies d'énergie qui se font
présentement tiennent davantage de la récession qui est
temporaire. Eux sont d'avis du contraire. La seule question que j'aimerais
poser: sur quoi se base son énoncé, ici? Est-ce un
énoncé qu'Hydro-Québec fait ou si c'est un
énoncé qui est appuyé par des autorités, je ne
sais, économiques ou autres en la matière?
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, il faudrait que je
revienne un peu en arrière et regarder de quelle façon les
prévisions d'électricité ont varié à
Hydro-Québec. À partir du tout début, en 1944, jusqu'en
1976, bon an mal an, les prévisions d'électricité se
situaient à 7,7%. À ce moment-là, autant la
prévision de la puissance que la prévision de l'énergie se
maintenaient à 7,7% puisque le facteur d'utilisation n'était pas
modifié.
À partir de 1976, on a commencé à avoir des
prévisions qui ont délaissé ce fameux 7,7% et qui ont
commencé à être de plus en plus basses. Je vous donne les
prévisions qui ont été faites à Hydro-Québec
et qui étaient officielles. À partir de 1977, on est passé
à 7,4%. En 1978, on est passé à 7,1%. En 1979, on
était rendu à 6,5%. En 1980, vous vous rappellerez la
présentation qu'on a faite en 1981 du plan de développement; on
avait 6,2%. En 1981, même si on a eu 6,1% comme prévision
officielle, au cours de l'année, au mois d'août 1981, ce 6,1% a
été révisé à 5,5%. Déjà, on
sentait que quelque chose bougeait dans la demande d'électricité.
En 1982, notre prévision officielle qu'on vous a présentée
est de 3,7%. Au début de l'année 1982, plus exactement le 26
janvier, Hydro-Québec avait déjà révisé sa
prévision de 5,5% et elle était rendue à 4,7% et ce n'est
qu'au 20 août de cette année qu'on a révisé notre
prévision à 3,7%.
Vous vous apercevez donc que ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a
commencé à diminuer nos prévisions. Cela date d'assez
loin: cela date de 1977. Il y a certains phénomènes qui
sous-tendent ce changement et l'un deux, je veux bien croire qu'il y a 70% qui
est attribuable à la récession, pour nous à
Hydro-Québec, c'est le secteur résidentiel qui nous donne la
réponse.
En 1990 et en 1995, il n'y aura pas de formation de ménages comme
il y en avait autrefois et ceci est dû à la baisse de la
natalité. Depuis 1960, on a connu une baisse assez radicale de la
natalité: on avait environ 2% par année et on est rendu, ce qu'on
utilise, à 0,6%. Ce qui veut dire que les gens qui ne sont pas
nés en 1960, en 1970 ne seront pas là en 1990 pour former des
ménages. C'est justement cette saturation au secteur résidentiel
qui nous a fait, dès 1976 et 1977, commencer à saturer la demande
de l'électricité au secteur résidentiel.
Bien sûr, au secteur industriel nous avons connu une chute, mais
cette chute a été beaucoup plus brusque depuis 18 mois. À
partir du mois de mai 1981, au secteur industriel, on a vendu moins
d'électricité que l'année précédente, et
même actuellement, on vend moins d'électricité au secteur
industriel qu'en 1980. C'est une cassure, une brisure que l'on voit et qui va
devenir permanente dans le sens que l'on croit sincèrement à
Hydro-Québec, que jamais plus on ne reverra ce fameux 6,1%, mais ce sera
une progression de la demande d'électricité qui sera moindre que
6,1%. (15 h 15)
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Merci pour les explications. J'ai pris note que cela
fait déjà quelque temps que vous alliez dans cette direction. Je
faisais référence à votre texte dans lequel vous dites que
le choc a été subit soudainement. J'imagine. Vous dites que c'est
une évolution de plusieurs années que vous aviez
notée.
M. Bourbeau (Joseph): Je crois que si on avait continué
notre courbe descendante, au lieu d'avoir fait une chute entre 1981 et 1982,
progressivement, on aurait rejoint environ 3,5%, 3,7%. De toute façon,
entre 2,6% et 4,7%, durant les années quatre-vingt-dix; on s'acheminait
vers cela. Le phénomène qui se produit, c'est qu'au cours de 1981
il y a une brisure, une cassure.
M. Fortier: J'accepte votre réponse sans y donner mon
acquiescement complet.
J'aimerais noter un point pour M. Guy Coulombe et pour les autres. En
fait, les investissements dans le gaz vont être beaucoup plus
considérables que le ministre l'a dit, puisqu'il a cité des
chiffres ce matin qui étaient de 2 000 000 000 $; les prévisions
d'il y a deux ou trois ans étaient 1 000 000 000 $ à investir
dans Trans Québec & Maritimes et 1 000 000 000 $ dans la
distribution du gaz...
M. Duhaime: ... d'ici la fin de 1983.
M. Fortier: J'ai ici un article du Financial Post du 9 octobre.
Mon inquiétude, ce n'est pas qu'il n'y aura pas d'investissements dans
le gaz, de fait, les investissements dans le gaz vont être beaucoup plus
élevés que tout ce qui avait été dit dans le
passé. Je cite en anglais: "But, as construction has moved toward
Québec City, projected costs have more than doubled from the original
estimate of 1 200 000 000 $ as a result of higher than anticipated right-of-way
acquisition costs in Québec and unforeseen regulatory problems".
II est bien certain qu'on va en avoir des investissements dans le gaz,
peut-être beaucoup plus que ce qui était anticipé il y a
deux ou trois ans. De ce côté, ce n'est pas mon inquiétude
qu'on ne fera pas d'investissements; mais est-ce que cela va permettre la
rentabilité de la distribution du gaz? On pourra y revenir un autre
tantôt.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais apporter une précision sur la
question du gaz naturel. J'ai un petit tableau ici, qui est en couleur,
pour...
Une voix: ...
M. Duhaime: Les quoi?
Une voix: ... professeur.
Une voix: Continuez professeur.
M. Duhaime: C'est pour éclairer votre fanal, M. le
député.
M. Fortier: J'espère que les lumières vont
venir.
M. Duhaime: Le tracé que vous avez ici, en vert
pâle, en vert un peu plus foncé, et enfin, en vert très
foncé, puis en jaune, ce sont les premières planifications de
Trans Québec & Maritimes pour la pénétration du gaz
naturel au Québec. Comme vous le savez, M. Lalonde, l'ancien ministre
fédéral de l'Énergie a fait une mise à jour de sa
politique énergétique. Cela a donné ceci comme
résultat. Le gouvernement fédéral, avant le mois de mai
1982, s'était engagé à payer la totalité du
coût de construction de ces conduites latérales,
c'est-à-dire un coût estimé à 700 750 000 $, chiffre
à déposer devant l'Office national de l'énergie. Le
gouvernement fédéral nous a annoncé, au début de
juin, qu'il coupait de 250 000 000 $ et qu'il mettait sur la table 500 000 000
$ pour le financement des conduites latérales au Québec. Ce qui
nous a amenés à réviser toute la stratégie de
pénétration et à décider les parties
reportées, ce qui est en jaune ici: La Beauce, par exemple; Chambord
jusqu'à Dolbeau; le coin d'Argenteuil; Lachute; une partie du
réseau dans l'Estrie. Il est donc clair qu'avec les conduites
latérales moins longues que les investissements vont être
moindres; cela m'apparaît mathématique. Ce que je disais, ce
matin, c'est que nous prévoyons que d'ici à la fin de 1983, avec
le premier plan de cinq ans qui a été déposé par
Gaz Métropolitain et celui de Gaz Inter-Cité qui devrait
présentement être rendu public, avec les investissements
concernant les conduites latérales comme telles, en comptant les travaux
en cours en 1982, qui sont estimés à entre 15 000 000 $ et 17 000
000 $ pour la conduite latérale construite par Trans Québec &
Maritimes, et ce qui pourrait se faire en 1983, c'est-à-dire la phase I,
faire une partie de l'Estrie, relier Trois-Rivières à
Bécancour et relier Trois-Rivières à Grand-Mère par
Shawinigan cela devrait donner à peu près 2 000 000 000 $. Nous
procéderons ensuite à la phase II vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean
et la phase III, pour terminer l'Estrie.
Je trouve malheureux qu'on ait appelé cela une mise à jour
parce que cela me paraît un virage à 180 degrés. C'est un
manque à gagner net pour le Québec de l'ordre de 250 000 000 $.
Les chiffres que j'avais, c'est 200 000 000 $, mais si le
député d'Outremont nous dit 250 000 000 $ je ne le
chicanerai pas là-dessus. Il est bien certain, cependant, que les
objectifs de pénétration du marché sont de l'ordre de 155
BCF, soit 45, de mémoire, pour Gaz Métropolitain et 110 et plus
pour Gaz Inter-Ctté. J'ai bonne confiance que vos objectifs de
pénétration du gaz naturel établis à 18% à
l'horizon 1990, dans votre propre programme, de même que ce que nous
alignons maintenant comme rythme de pénétration devraient
normalement être atteints.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Là où on a de la difficulté
à s'entendre avec le ministre, c'est qu'il faut voir les faits tels
qu'ils sont. Cet article du Financial Post indique clairement que la
construction du gazoduc au Québec a été beaucoup plus
chère qu'ailleurs. Il y a des raisons à cela. Les raisons ont
trait au tracé qui a été utilisé, ont trait au fait
que le gazoduc a dû être construit dans des marais. Cela
soulève même des questions de sécurité que je ne
veux pas aborder aujourd'hui. Cela a trait aussi à des conflits
intersyndicaux qui sont de la responsabilité du Québec. De toute
évidence, le ministre fédéral de l'Énergie a dit:
C'est assez, il faudrait bien que les autorités
québécoises prennent leurs responsabilités. C'est la
raison pour laquelle il a voulu mettre une limite. Personnellement, je le
comprends aisément de vouloir imposer au gouvernement du Québec
de prendre ses responsabilités dans un dossier aussi important.
Les estimations de 550 000 000 $ n'étaient que des estimations.
Les estimations de Gaz Métropolitain et de Gaz Inter-Cité ne sont
également que des estimations. Ce ne sont pas des garanties fermes. J'ai
hâte de voir, comme je le lui ai demandé ce matin, l'entente qui a
été conclue ou qui sera conclue incessamment puisque, dans ce
genre de dossier, il n'y a pas de certitude. En temps et lieu, j'imagine -
malheureusement, on n'a pas les sociétés gazières, le
gouvernement n'a pas voulu, le ministre n'a pas voulu que les
représentants des sociétés gazières soient ici
aujourd'hui... Il aurait été très intéressant
d'entendre les autorités de Gaz Métropolitain, de Gaz
Inter-Cité et de Trans Québec & Maritimes nous dire
exactement ce qui en est dans ce dossier. Je sais que les gens de Gaz
Inter-Cité sont très confiants - ils ont de meilleurs
ingénieurs, semble-t-il, j'en suis très fier de faire le
même travail à un coût moindre. Même là, en
tant qu'ingénieur moi-même, je ne peux que soulever des questions
et me demander si leurs estimations, malgré tout, sont aussi fiables que
celles de Trans Québec & Maritimes.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, on ne se comprend pas. Cela
va créer une ambiguïté qui risque de perdurer. Le chiffre
que j'ai, c'est 700 000 000 $, c'est celui déposé devant l'ONE.
Les parties qui ont été citées ramènent le
coût des estimations non pas à 500 000 000 $ - je vais être
un peu plus explicite, c'est ce qui fait que depuis quatre mois on discute avec
le gouvernement fédéral, avec un ancien et un nouveau ministre,
espérons que tout cela va finir par se tasser, on a parlé d'un
montant de 500 000 000 $... Il faut faire attention. Vous avez vous-même
parlé d'un cadeau de Grec, M. le député d'Outremont. Moi
aussi, vous savez que j'ai en horreur les cadeaux de Grec. On parle de 500 000
000 $, mais il faudrait peut-être ventiler ce montant.
Premièrement, il y a un montant de 15 000 000 $ qui est attribué
au coût des travaux effectués en 1982. Ensuite, il y a un montant
de 25 000 000 $ alloué aux frais d'ingénierie pour l'ensemble des
phases I, II et III, c'est-à-dire les travaux de construction des
conduites latérales pour 1983, 1984 et 1985 et le financement du fonds
d'exploitation et d'entretien de 20 000 000 $ pour la durée des travaux.
Ce qui nous laisse un montant net de 440 000 000 $. J'ai essayé de faire
comprendre au gouvernement fédéral, à partir du même
raisonnement que vous, qu'il était loin d'être certain que les
coûts estimés allaient être conformes et qu'en
conséquence, cette enveloppe était insuffisante. Comme, vous le
savez, notre dialogue avec le gouvernement fédéral est toujours
très fructueux, nous nous sommes finalement convaincus nous-mêmes
qu'il n'y avait rien à faire et que le gouvernement
fédéral ne voulait pas aller au-delà de ce montant. C'est
pourquoi nous avons arrêté les trois phases que j'ai
indiquées tout à l'heure pour les prochaines années.
Alors, on travaille sensiblement sur les mêmes estimations; ce n'est pas
une chicane d'ingénieurs, M. le Président. Je dois rassurer le
député d'Outremont en lui disant que, lorsqu'on franchit les
marais avec le gazoduc, on le fait en hiver, ce qui ne fait aucune
espèce de différence avec la terre ferme l'été.
M. Fortier: II semblerait qu'il y a des ingénieurs qui ne
sont pas d'accord.
M. Duhaime: On verra. Je voudrais peut-être, si vous me le
permettez, M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: ... poser une question à M. Coulombe et me
référer au tableau no 23 de la page 66 du document
d'Hydro-Québec. On parle beaucoup, depuis ce matin et depuis toujours,
dans le dossier de l'énergie, de la justesse de la prévision de
la demande et de la difficulté à arriver à cerner un
scénario et je suis très heureux, pour ma part,
qu'Hydro-Québec ait devant nous des scénarios qui impliquent des
variables, 2,6%, 3,7% et 4,7% comme scénarios de croissance. Mais ce que
je voudrais qu'on comprenne bien, c'est la sensibilité de la croissance
de la demande et son impact sur les investissements.
Ma compréhension, M. le Président, va dans le sens que, si
nous retenions le scénario de croissance de 3,7% pour les années
1983, 1984 et 1985, le total des investissements d'Hydro-Québec serait
de 2 600 000 000 $ en 1983, de 2 400 000 000 $ en 1984 et de 2 200 000 000 $,
en chiffres arrondis, en 1985, pour un total de 7 252 000 000 $. Si j'ai bien
compris la présentation qu'a faite tout à l'heure
Hydro-Québec, ceci veut dire que relativement à ce qui avait
été originairement prévu pour la période 1983, 1984
et 1985, c'est le même montant d'investissements qui sera
réalisé.
M. Coulombe: Fondamentalement oui, mais étalé de
façon différente.
M. Duhaime: Étalé de façon
différente, mais à l'intérieur des trois mêmes
années.
M. Coulombe: 1983 était plus imposant que 1983 que vous
avez dans ce tableau à une différence près, c'est que
certains investissements dans le dernier plan de Delaney sont exclus des
années que vous avez là.
M. Duhaime: Maintenant, M. le Président, si on va au
tableau no 23, dans les derniers blocs, au scénario de croissance de
4,7% pour les trois mêmes années, 1983, 1984 et 1985, les
investissements augmentent à 3 100 000 000 $, 2 800 000 000 $ et 3 200
000 000 $ pour la même période, pour un total de 9 288 000 000 $,
c'est-à-dire une différence de 2 036 000 000 $ sur la
période 1983, 1984 et 1985 pour une différence de croissance de
1%. Est-ce exact?
M. Coulombe: Exact.
M. Duhaime: Je voudrais juste corriger, M. le Président,
ou atténuer les propos que tenait mon collègue d'Outremont ce
matin. Quand on parle de milliards d'investissements, c'est entendu que, pour
les gens qui nous écoutent, cela se traduit par des achats de biens,
d'équipements, de service, par des gens qui retournent sur le chantier
de La Grande ou qui ne retournent pas, mais je voudrais aller à
l'avant-dernière colonne du tableau no 23, à partir de votre
droite. Si on reportait le scénario de croissance de 3,7% de 1983, 1984
et 1985 sur la période de 1986-1992, les investissements projetés
seraient de l'ordre de 36 600 000 000 $. C'est cela?
M. Coulombe: Vous voulez dire dans la croissance de 3,7%; en
1986-1992, ce serait de 26 000 000 000 $ plus les 7 000 000 000 $, 33 000 000
000 $.
M. Duhaime: C'est cela. La colonne: total 10 ans. (15 h 30)
M. Coulombe: C'est cela, 33 000 000 000 $, qui comprennent les 7
200 000 000 $ initiaux, plus les 26 000 000 000 $ de 1986-1992, ce qui donne 33
000 000 000 $ comme total.
M. Duhaime: Maintenant, est-ce que cela signifie que si on
réussissait à placer chez nos voisins du Sud 10
térawattheures, on ajouterait en équipements, en gros, à
peu près encore 3 000 000 000 $?
M. Coulombe: 3 000 000 000 $, c'est cela.
M. Duhaime: Bon. Maintenant, je voudrais aller dans la même
colonne, mais à la dernière ligne. Avec le scénario de
croissance de 4,7%, on déboucherait sur une problématique
d'investissements de 60 824 000 000 $.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Duhaime: Est-ce que je peux conclure que 3,7% de croissance de
la demande, plus des ventes de 10 térawattheures, par rapport à
une croissance de 4,7% amènent une variation sur dix ans de 25 000 000
000 $ d'investissements?
M. Coulombe: C'est exact.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Dans le prolongement de cet échange,
justement, j'essaie de concilier l'argumentation que vous exposez à la
page 3 et que vous reprenez à la page 5 de votre exposé, à
savoir que les investissements pour les trois prochaines années sont
maintenus au niveau déjà prévu. Je suppose que quand vous
dites "déjà prévu", c'est ce que vous aviez prévu
l'an dernier quand vous êtes venus nous voir dans une occasion semblable?
Le resserrement draconien des dépenses d'exploitation n'aura
que des répercussions modérées sur le volume du
personnel d'exploitation, donc vous allez maintenir, en gros, la main-d'oeuvre
d'HydroQuébec à son niveau actuel.
M. Coulombe: Sauf avec un petit détail qui est à la
fin du plan. La croissance historique des effectifs, des
années/personnes à Hydro-Québec était de l'ordre de
3,5%; l'objectif pour l'an prochain, c'est une diminution nette de -1,8%.
M. de Belleval: Une diminution nette de -1,8%?
M. Coulombe: C'est cela. Pour l'an prochain.
M. de Belleval: Alors quand vous dites "répercussion
modérée", c'est ce que vous appelez une répercussion
modérée.
M. Coulombe: C'est exact. Le mot "modérée" se
réfère à l'absence, dans nos objectifs, de mises à
pied massives à l'Hydro-Québec.
M. de Belleval: D'accord.
M. Coulombe: C'est donc une gestion des postes vacants, une
gestion des plus rigoureuses qui va nous permettre de diminuer le nombre
d'années/personnes plutôt que de faire des mises à pied
massives.
M. de Belleval: Donc, -1,8% dans le personnel, c'est environ 18
000 personnes?
M. Coulombe: En terme d'années/personnes, c'est 22 500
années/personnes.
M. de Belleval: D'accord. Donc, l'an dernier vous
prévoyiez que ce nombre de 22 500 personnes aurait augmenté, vous
m'avez dit, de 3,5%?
M. Coulombe: Si on avait pris le budget 1982. Vous avez le
tableau à la page 86 du plan, je ne sais pas si vous avez la même
copie?
M. de Belleval: Celui-là?
M. Coulombe: C'est cela. Alors vous voyez que le budget de cette
année était fait avec une augmentation de 3,5% et les coupures
qui ont été faites à Hydro-Québec au mois de mai
cette année nous permettent d'estimer qu'à la fin de
l'année, non seulement les ressources humaines ne seront pas
augmentées de 3,5%, mais elles vont avoir diminué de -0,2%. Par
rapport à ce chiffre, l'objectif de l'an prochain est encore une autre
diminution de -1,8%.
M. de Belleval: Donc, cela veut dire une différence, quand
même, d'effectif d'environ entre 5% et 6%, par rapport à la
prévision, en moins.
M. Coulombe: C'est cela.
M. de Belleval: Donc, maintien des investissements
déjà prévus l'an dernier, diminution du personnel
d'exploitation par rapport aux prévisions entre 5% et 6%. Pourtant,
malgré cela, vous affirmez que vous allez respecter le ratio, le rapport
entre vos investissements et votre autofinancement et que vous allez
réduire de 13% à 7% la demande d'augmentation de tarif. Ma
question est celle-ci: Comment se fait-il que si, finalement, la seule
modification importante, c'est la diminution de 5% de la main-d'oeuvre, cela
aboutit à une réduction de vos demandes d'augmentation de tarif
de presque la moitié, c'est-à-dire 7% à 13%?
M. Coulombe: En fait, l'explication fondamentale, vous l'avez
dans le tableau, la ligne 6 du tableau de la page 86 dans le plan. Vous voyez
que les dépenses d'exploitation, d'entretien, d'administration et autres
qui étaient inscrites au budget en 1982 à 20% d'augmentation,
sont maintenant inscrites au budget à 5,4% d'augmentation, et si vous
regardez à la fin du plan, le tableau de sensibilité, chacun de
ces points vaut 10 000 000 $. Vous avez donc une différence de l'ordre
de 15 points, à 10 000 000 $ chacun, cela fait 150 000 000 $ et chaque
point de tarif vaut 30 000 000 $. Donc, cela représente 5 points de
tarif et si on ajoute 5 points au 7,3%, cela vous mène à 12,3% et
vous avez à peu près 90% de l'explication de la baisse. C'est
vraiment un effort interne à Hydro de couper les dépenses
d'exploitation qui permet, qui va permettre, espérons-nous, parce qu'il
s'agit encore là d'une prévision... Je vous ai mis tantôt
une condition importante: si les conventions collectives se règlent
d'une façon raisonnable, on pense que l'on va atteindre le 5,4% et c'est
ce qui permet fondamentalement la diminution des tarifs ou enfin la proposition
que l'on fait de diminuer les tarifs, 80% de l'explication se trouve dans cette
ligne 6.
Maintenant, il s'agit bien d'un objectif. Est-ce qu'Hydro va
l'atteindre? Cela, on va le voir dans un an.
M. de Belleval: Les répercussions de la crise, si on peut
dire, et on doit le dire, bien sûr, de la crise qui s'est
accentuée de façon vraiment soudaine et draconienne depuis un an,
au niveau de la stimulation économique entraînée par les
travaux d'équipement d'Hydro-Québec, cette crise ne se
reflète pas vraiment au niveau de votre
plan d'équipement.
M. Coulombe: C'est-à-dire que...
M. de Belleval: À court terme, nous dirons...
M. Coulombe: À court terme, à très court
terme.
M. de Belleval: ... pour les trois prochaines années.
Pardon?
M. Coulombe: À très court terme, c'est
évident qu'il y a des conséquences, même à
très court terme. Vous avez, par exemple, le cas de Manic 5; le report
de Manic 5 de trois ans va causer certains problèmes, va causer une
diminution d'emplois dans certains secteurs; mais fondamentalement, dans le
transport, si vous regardez les chiffres d'investissements dans le domaine du
transport de l'électricité, l'an prochain sera une des plus
grosses années de l'histoire d'Hydro-Québec. Je pense que c'est
la deuxième plus grosse année, il s'agit d'environ 800 000 000 $
d'investissements dans les lignes de transport, c'est la deuxième plus
grosse année dans l'histoire d'Hydro, à cause de la terminaison
du réseau de transport de la Baie-James. Donc, lorsqu'on imagine les
investissements à Hydro-Québec, on pense souvent aux grands
travaux de la Baie-James qui sont évidemment plus spectaculaires que
tout le reste, mais il faut bien penser qu'en dehors de la Baie-James, à
Hydro-Québec, cette année, il y avait 472 projets de construction
allant des postes aux lignes, à la distribution, etc. qui
génèrent beaucoup d'activité, une activité qui est
beaucoup plus dispersée au niveau du Québec que simplement
concentrée à la Baie-James, tant au niveau des transports que de
la distribution, que des postes, etc. Un nombre de 472 projets de construction,
c'est quand même une activité intense, qui est beaucoup plus
dispersée au niveau des régions, des municipalités, etc.
et cette activité continue même si la Baie-James est en
diminution, ce qui était d'ailleurs prévu depuis 10 ans,
dès le début de la Baie-James. Il n'y a rien de nouveau ou de
spectaculaire là-dedans.
Tous les autres projets d'Hydro-Québec se poursuivent à un
rythme qui est peut-être un peu plus lent, mais qui est très
important lorsqu'on pense à un investissement de 7 200 000 000 $ dans
les trois prochaines années.
M. de Belleval: Mon autre question... bon, cela me satisfait, je
pense que c'est clair. Oui, M. Bourbeau, je m'excuse.
M. Bourbeau (Joseph): Je voudrais ajouter qu'au point de vue
distribution, on aura une augmentation des dépenses de distribution:
l'année prochaine, on dépensera tout près de 400 000 000 $
en distribution. C'est en plus de l'augmentation qui se trouve au niveau du
transport. Maintenant, lorsque vous parliez des trois prochaines années
qui n'ont pas une très grande différence avec l'ancien plan, je
pense qu'il faut l'admettre. La différence se retrouve dans les
années 1986, 1990 où, à cause d'une croissance à
6,2%, les investissements croissaient à une vitesse assez grande.
M. de Belleval: Bien, comme le ministre l'a fait remarquer, une
différence d'à peine 1% fait passer les investissements de
1986-1992 de 33 000 000 000 $ à 60 000 000 000 $.
M. Bourbeau (Joseph): C'est l'effet cumulatif de 1%.
M. de Belleval: On voit bien à quel point 1% seulement
fait une différence absolument extraordinaire. Voici le dernier point
que je voulais aborder pour l'instant: la possibilité d'exporter de
l'énergie que vous appelez régulière ou ferme,
c'est-à-dire à longueur d'année, sur une certaine
période d'années, je suppose. Qu'est-ce que vous envisagez
à cet égard, de façon plus précise? D'abord, quant
aux aspects suivants: Premièrement, quel est le nombre d'années
du contrat de livraison d'énergie ferme dont vous parlez? 5 ans, 10 ans,
15 ans ou 20 ans? Deuxièmement, quant à l'énergie dont
vous parlez, c'est-à-dire 10 milliards de kilowattheures ou, si je
comprends bien, 1500 mégawatts, ces 1500 mégawatts, vous les
livreriez à même la capacité des installations existantes
ou en voie de réalisation, ou faudrait-il réaliser d'autres
installations de transmission, à part celles qui sont déjà
en cours ou qui vont l'être à suite du contrat avec NEEPOOL?
Troisièmement, si la demande reprend d'une façon sensible, pour
remplacer ces 1500 mégawatts, quel est le scénario, puisque ces
1500 seront accordés comme contrat ferme pour une période
d'années que vous allez préciser tantôt, donc, comment
allez-vous les remplacer?
Quatrièmement, est-il possible, à votre avis, d'exporter
au-delà de ces 1500 mégawatts?
Voilà mes quatre questions. Je pourrai vous les rappeler au fur
et à mesure, si vous ne les avez pas toutes notées.
Le Président (M. Desbiens): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Quant à la problématique de
l'exportation relativement à la longueur des contrats, on pense que
c'est peu probable que l'on signe des contrats d'énergie ferme en bas de
15 ans ou 20 ans. La raison est très simple, c'est qu'un contrat
d'énergie
ferme n'est valable pour les acheteurs, c'est-à-dire les
Américains ou autres, que dans la mesure où cela leur permet
d'éviter certains investissements majeurs, d'éviter de dire par
exemple: On avait des centrales au charbon, on fait ceci, ou cela, on ne les
exploite pas parce qu'on trouve plus avantageux d'importer de l'énergie.
Donc, c'est pour une période relativement longue. Est-ce que c'est 15
ans, 18 ans, 20 ans ou 22 ans? On n'en sait rien, mais c'est une période
relativement longue.
Voici l'aspect des interconnexions. J'ai indiqué tantôt un
des éléments de la souplesse d'adaptation qui est inscrite dans
les investissements d'Hydro-Québec. On a parlé de la ligne
d'interconnexion vers la Nouvelle-Angleterre. Elle est prévue
actuellement pour 690 mégawatts, elle peut être
réorganisée pour 2000 mégawatts. Il y a donc là une
marge de manoeuvre.
Troisièmement, l'hypothèse actuelle veut qu'il soit
possible dans les contrats ou dans d'autres types de contrats de
transférer de l'excendentaire en ferme. En d'autres mots, si
Hydro-Québec était dans une position où il n'y avait pas
d'énergie excendentaire, il faudrait absolument construire de nouveaux
équipements, demain matin, pour pouvoir signer des contrats qui seraient
exécutoires dans six ans, sept ans, huit ans. Mais vu la position
très confortable dans laquelle Hydro-Québec se trouve, elle peut,
demain matin, signer des contrats d'énergie ferme en transférant
des contrats d'excédentaire qui sont actuellement en place ou d'autres,
les transférer en ferme, se retourner de bord et dire: On va
accélérer certains projets. Je vous ai dit tantôt que dans
les cartons d'Hydro-Québec, on avait pour 600 000 000 $ de projets
accumulés. Pour un projet comme LG 1, par exemple, à quatre ou
cinq mois d'avis, les travaux commencent. Il n'est plus question d'y avoir des
phases d'ingénierie ou d'avant-projets ou de projets
préliminaires, les travaux commencent sur le terrain au-delà de
six mois. Tout est prêt, les permis sont donnés et ainsi de suite.
(15 h 45)
Donc, dans une première étape, il y aura un transfert de
l'excédentaire au ferme; les travaux s'accéléreraient - je
donne comme exemple LG 1, ça pourrait être d'autres - et, au bout
de cinq ou six ans, ça prend la relève de l'excédentaire
et on peut reprendre cet excédentaire, soit pour l'utilisation interne,
soit pour signer d'autres contrats d'excédentaire, d'exportation. C'est
un exemple précis de la possibilité d'adaptation que la
conjoncture permet à Hydro-Québec et c'est une marge de manoeuvre
extrêmement intéressante. De là à dire que, demain
matin, il va s'en signer, c'est une autre affirmation; les négociations
sont en cours à l'heure actuelle. Elles ne seront pas faciles tout
simplement à cause de l'inquiétude générale
concernant les prix de l'énergie qui n'est pas seulement une
réalité québécoise, mais une réalité
nord-américaine. Si le prix du pétrole n'augmente pas, il n'y a
pas de possibilité d'augmentation rapide des prix du pétrole;
même si les prix baissent et se stabilisent ou, comme je le dis, s'ils
deviennent moins élevés, l'équation d'importation
d'électricité de la part des Américains sera
modifiée. Évidemment, s'il y a une hausse rapide des prix du
pétrole, comme certains le prévoient, l'équation est
complètement changée.
Mais, quelles que soient les circonstances, Hydro-Québec est en
position de s'ajuster et de s'adapter à cette réalité. Je
vous ai montré comment le plan d'équipements peut s'adapter
à cette conjoncture, quelle soit à la hausse ou quelle soit
à la baisse.
M. de Belleval: Quant à la quatrième question,
est-ce que vous pourriez vendre plus que 1500 mégawatts?
M. Coulombe: Oui.
M. de Belleval: Vous dites: Cela sera déjà
difficile de vendre 1500 mégawatts, avant d'en vendre plus...
M. Coulombe: La réponse, c'est qu'on peut aller
au-delà de ça, mais on veut d'abord être très
certains que la qualité de nos contrats soit telle qu'elle puisse
justifier cette première vente de 1500 mégawatts. Il y a des
contrats à long terme, dans le domaine de l'énergie, qui ont la
faculté de venir hanter ceux qui les ont signés. On en a des
exemples actuellement.
M. de Belleval: Une dernière question. Tout ça ne
tient pas compte, évidemment, que quelqu'un "déplogue" Churchill
Falls?
M. Coulombe: Dans le cas de Churchill Falls, l'hypothèse
qui est faite dans le plan, c'est que c'est un contrat en bonne et due forme.
Cela est devant les cours de justice pour interpréter certaines de ses
dimensions et nous sommes confiants que les décisions seront favorables
à l'esprit qui est à la base de la signature de ces contrats.
Nous ne voyons pas de raison de supposer qu'il va y avoir des changements
radicaux à court terme dans ces contrats ou dans la situation
présente. C'est pourquoi, dans les chiffres que nous vous donnons, il
n'y a pas d'hypothèse conséquente aux contrats déjà
signés. Est-ce que les décisions judiciaires ou la
négociation éventuelle en feront autrement? Il n'y a pas
d'hypothèse dans le plan actuel. Peut-être que, dans la
révision 1983 ou 1984, cette dimension pourrait devenir importante.
Actuellement, elle n'est
pas intégrée au plan de développement. On
considère que le contrat est là et qu'il va continuer comme
ça à court terme.
M. de Belleval: Juste une dernière précision
là-dessus. Il n'en reste pas moins que 1500 mégawatts vendus sur
20 ans, à supposer que vous réussissiez à conclure une
telle négociation en 1985, cela nous mène jusqu'en l'an 2005
avec, disons, 1500 mégawatts que le Québec ne peut pas
récupérer pendant ces 20 années. Si, à partir de
1995, il en a besoin, il ne peut pas compter dessus, il les a
déjà vendus aux États-Unis. Mais, dans le cas d'une
croissance, par exemple, à 4,7% - qui n'est quand même pas si
extraordinaire et qui pourrait se produire - qu'est-ce qui arrive? Est-ce que
vraiment on a des disponibilités jusqu'en l'an 2005 pour 1500
mégawatts ou même plus, en vertu de l'hypothèse de 4,7%?
Cela nous laisse quoi, en l'an 1992, comme réserve pour satisfaire
à nos propres besoins si on a déjà mis 1500 ou même,
par hypothèse, 3000 mégawatts? Dans le cas de plus que 1500
mégawatts, n'oublions pas que, si je vous suis bien aussi, ça
veut dire d'autres interconnexions, avec tous les problèmes que
ça suppose parce que, passer une ligne en Estrie, actuellement, ce n'est
pas facile. Je suppose qu'au Vermont, ce sera encore moins facile.
Le Président (M. Desbiens): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Lorsqu'on avait présenté le
plan, en 1981, et lorsque la demande croissait à 6,2% on avait assez
d'hydraulique encore dans la province pour s'acheminer vers l'an 2000. Alors,
1995, on avait encore quelque chose ici. Si c'était 4,7%, on projette
à ce moment-là au-delà de 2010...
M. de Belleval: 2010.
M. Bourbeau (Joseph): 2010. On avait déjà
regardé 5% parce qu'on vous a dit qu'on avait eu une prévision
à 5,5% et 5,5% s'en allait vers 2005, 2010. Alors, à 4,7% ou 3,7%
vous vous en allez au-delà de 2010. C'est donc dire qu'on peut s'engager
dans des contrats de 20 ans de vente ferme sans être obligé au
bout de 20 ans ou avant 20 ans de dire: On a besoin de cette énergie et
on voudrait la ravoir.
Comme complément d'information, tout à l'heure, vous me
parliez des 1500 mégawatts. M. Coulombe me parlait de LG 1, qui est
prête à démarrer à brève
échéance; c'est un aménagement de 1000 mégawatts.
Mais, toute la phase II de la rivière La Grande, les études sont
terminées et ce sont des aménagements qui pourraient nous
procurer 3000 mégawatts. Si, du côté américain, on
voulait nous demander plus de 1500 mégawatts, on pourrait de notre
côté devancer, parce que les études sont faites, et arriver
à environ 3000 mégawatts.
M. de Belleval: Concrètement, pour des gens qui ne savent
pas ce que c'est qu'un watt ou un mégawatt, j'avoue que je suis de
ceux-là, je n'ai jamais vu un mégawatt nulle part, vous me dites
que cela est l'équivalent du barrage de...
M. Proulx: Est-ce qu'on peut en faire venir un, M. le
Président?
M. de Belleval: Vous dites, par exemple: La Grande 1, cela fait
1000 mégawatts. Mais, si on transpose cela du câté
américain. 1500 mégawatts, qu'est-ce que cela veut dire? C'est
une grosse centrale thermique, au charbon ou une usine nucléaire? Est-ce
que cela est gros? Petit? C'est assez gros, j'ai l'impression.
M. Bourbeau (Joseph): Les grosses centrales thermiques
américaines actuellement ont des groupes de 1100 à 1300
mégawatts; elles ont des réacteurs américains de l'ordre
de 1100 à 1300 mégawatts.
M. Coulombe: En fait, 1500 mégawatts, c'est deux fois et
demie Gentilly 2.
M. de Belleval: Deux fois et demie Gentilly 2.
M. Bourbeau (Joseph): La nouvelle centrale, sur
équipement?
M. de Belleval: Centrale actuelle.
M. Bourbeau (Joseph): La centrale actuelle, c'est 1320.
M. de Belleval: Donc, cela est l'équivalent de leur vendre
deux fois et demie Gentilly 2.
M. Bourbeau (Joseph): C'est cela. M. de Belleval: Pendant
20 ans. M. Bourbeau (Joseph): C'est cela.
M. Fortier: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je crois que les questions du député de
Charlesbourg sont très intéresssantes. La question que je
désire poser à Hydro-Québec... Je croyais qu'à la
suite des présentations extrêmement
générales l'on s'en tiendrait à des questions
générales, mais je crois que les questions sont très
pertinentes. Je voulais demander à Hydro-Québec si elle avait
prévu des blocs de présentation qui pourraient nous permettre de
réserver certaines des questions de détail qui pourraient venir
à la suite de ces blocs de présentation. C'est seulement une
question de méthodologie pour faciliter notre travail.
M. Coulombe: On n'a pas prévu de blocs de
présentation parce que le plan voulait présenter un peu la
totalité de la réalité d'Hydro-Québec; il y a les
chapitres du plan, mais on tenait pour acquis qu'on avait
synthétisé cela suffisamment dans le plan pour présenter
l'ensemble des facettes d'Hydro-Québec.
M. Fortier: Est-ce que ce serait trop demander si on se mettait
d'accord pour suivre au moins les blocs de présentation dans votre
livre? Je le propose aux membres de la commission, je ne tiens pas du tout
à limiter le débat, mais peut-être que cela faciliterait la
conduite des travaux de la commission.
M. de Belleval: ... de M. Bourbeau, j'en étais à la
page 2.
M. Fortier: C'est très bien.
M. de Belleval: Le dernier paragraphe de la page 2.
M. Coulombe: ... résume le plan.
M. Fortier: Non, c'est très pertinent.
Le Président (M. Desbiens): M. le député, on
s'entend. À l'ordre!
J'ai déjà des intervenants qui ont demandé la
parole. J'ignore s'ils ont des questions d'ordre général;
eux-mêmes pourront le signifier, mais pour l'instant je donnerai la
parole au député de Vimont, si cela est une question d'ordre
général, sinon...
M. Rodrigue: M. le Président, c'est une question d'ordre
général qui touche à des points particuliers,
effectivement. On vient de nous mentionner qu'il y a la phase II de La Grande
dont les travaux d'aménagement pourraient être lancés assez
rapidement. Est-ce qu'il y a d'autres projets qui ont été
étudiés et qui en sont rendus au même stade d'étude
que celui de La Grande, phase II, par exemple, ou encore celui que vous avez
mentionné initialement, c'est-à-dire La Grande 1.
M. Coulombe: Vous avez Grande-Baleine qui est assez
avancé, mais, contrairement à LG 1, les permis ne sont pas encore
octroyés. Vous avez Delaney qui est très avancé et qui est
prêt, sous réserve de compléter certains aspects de permis,
à être mis à exécution. M. Amyot, est-ce qu'il y a
d'autres...
M. Amyot (Paul): Oui, NBR.
M. Coulombe: Vous avez NBR qui est...
M. Rodrigue: Nottaway-Broadback-Rupert. Est-ce que ce sont tous
des projets, à l'instar de La Grande 1 ou de La Grande, phase II, dont
les travaux d'aménagement pourraient être lancés à
quelques mois d'avis?
M. Coulombe: C'est-à-dire que les quelques mois peuvent
s'étirer assez longuement si on introduit la question de certains
permis.
M. Rodrigue: Mettons cela à l'intérieur d'un
an.
M. Coulombe: D'un an...
Une voix: Cela dépend des permis. On est assez
avancé pour présenter une demande de permis.
M. Rodrigue: Vous parlez des permis à l'environnement?
Une voix: À l'environnement et devant...
M. Rodrigue: D'accord. M. Coulombe, tout à l'heure, vous
avez mentionné que, compte tenu des surplus qu'Hydro-Québec a
actuellement, surplus d'ailleurs qui étaient prévus depuis
quelques années, parce que je me rappelle d'avoir vu des plans
d'équipement d'avril 1980 où il était justement question
de surplus importants pendant une période de trois ans, il semble que
ces surplus vont s'étendre sur une période un peu plus grande.
Vous avez dit que vous vous sentiez relativement confortable. Il y a toujours
cette fameuse question de Terre-Neuve qui demeure dans le décor. On se
rappelle les déclarations assez fracassantes de M. Peckford - il faut
dire que c'était à l'occasion de sa campagne électorale;
il a posé des gestes qui ne peuvent pas manquer de nous inquiéter
jusqu'à un certain point - à savoir qu'il allait mettre la
clé sur la porte et qu'il allait couper le courant. Si M. Peckford
décidait de passer de la menace aux actes, est-ce vous vous sentiriez
encore aussi confortable avec les surplus qu'on a actuellement? En d'autres
mots, est-ce qu'Hydro-Québec a envisagé cette hypothèse?
Est-ce qu'il y a des scénarios qui ont été
préparés qui permettraient de passer à travers ces
difficultés si jamais M. Peckford décidait de
passer des menaces aux actes, ce qui n'est pas encore fait, j'en
conviens?
M. Coulombe: Si vous regardez, en termes d'analyse de risque, ce
qui peut se passer dans le cas de Terre-Neuve, vous allez d'un risque
énorme, très grand et presque absolu et vous devez faire une
série d'hypothèses qui doivent se juxtaposer les unes aux autres:
Que la Cour suprême décide que Terre-Neuve a raison, que, le
lendemain matin, M. Peckford trouve un financement global pour ses
installations, qu'il rembourse Hydro-Québec, qu'il trouve une
utilisation à l'électricité et qu'il puisse la
transporter.
M. Rodrigue: En d'autres mots, il y a beaucoup de "si".
M. Coulombe: II y a beaucoup de "si", mais, comme il n'y a rien
d'impossible dans notre monde, peut-être que ces "si" peuvent arriver.
Dans l'échelle des probabilités, cela nous semble très peu
probable. On ne dit pas que c'est impossible. On dit que c'est très peu
probable. C'est pour cela que le présent plan de développement ne
retient pas cette probabilité. Maintenant, à partir de ces "si",
vous pouvez imaginer toute une série de scénarios où il
manque un "si", mais où il y en a un autre qui arrive et ainsi de suite.
Chose certaine, c'est que, dans la pire des hypothèses, celle que je
viens de décrire, pire pour le Québec au point de vue de
l'électricité pour les Québécois, on pense qu'il
n'y a aucun problème et que le Québec ne peut pas manquer
d'électricité dans la pire des hypothèses, à court
terme. C'est évident que, dans cette pire hypothèse, il faudrait
se retourner très vite et accélérer beaucoup de travaux,
éliminer l'excédentaire aux États-Unis, perdre des
revenus, augmenter des dépenses. Évidemment, il y aurait des
conséquences. Ce scénario nous semble le moins probable de tous
ceux qui peuvent être imaginés à l'heure actuelle, mais
c'est dans les prochains mois ou dans la prochaine année qu'on va avoir
un peu plus de clarté sur ce scénario ou cette hypothèse
de scénario.
Le Président (M. Desbiens): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Comme complément de réponse,
pour les quatre prochaines années, de 1983 à 1986, comme le dit
M. Coulombe, à peu de choses près, on peut faire face à la
musique. Ceci nous donnerait le temps, s'il y avait quelque chose de cette
nature qui se produisait, d'engager des turbines à gaz dont
l'installation prend trois ans et, avec d'autres surplus qui se retrouveraient
en 1987-1988, d'engager un programme à long terme pour remplacer les
chutes Churchill.
(16 heures)
M. Rodrigue: Le programme d'équipements que vous nous
présentez comporte des investissements beaucoup moins
considérables que ceux qui avaient été envisagés
précédemment, ce qui a comme conséquence directe de
modifier sensiblement de façon très importante le niveau
d'emplois dans les secteurs de la construction des aménagements
hydroélectriques. D'autre part, Hydro-Québec ne fait pas que des
barrages et des centrales, elle aménage des lignes, des postes de
transformation, des lignes de distribution, des réseaux de distribution.
Pour pallier la diminution du niveau d'emplois dans le domaine de la
construction des aménagements hydroélectriques et pour
atténuer un peu l'effet de la baisse des emplois disponibles, est-ce
qu'Hydro-Québec a envisagé ou même devancé des
projets de construction de lignes de distribution ou de postes de
transformation ou d'amélioration d'un certain nombre
d'équipements qui auraient peut-être requis ces modifications que
vous aviez prévu faire à des dates ultérieures? Pour
compenser la diminution des emplois, qui est très nette dans le domaine
de la construction, avez-vous songé ou avez-vous décidé de
devancer des projets dans les domaines de la distribution, des projets que vous
auriez pu élaborer auparavant?
M. Coulombe: Dans le plan d'équipements, je vous ai
mentionné que dans les lignes de transport, le programme régulier
l'an prochain représente la plus grosse ou la deuxième plus
grosse année d'investissements d'Hydro-Québec. Quant à la
distribution, on travaille actuellement intensivement de ce
côté-là dans la perspective suivante: dans la mesure
où Hydro-Québec va multiplier ses efforts de vente et dans la
mesure où ses efforts de vente vont être, on l'espère,
couronnés de succès, cela va avoir un impact assez
considérable sur des segments du système de distribution.
Là, actuellement, il y a un effort intensif qui se fait chez M. Godin,
pour regarder de plus près les investissements qu'il va falloir faire
parce que qui dit programme de vente, dit nouveaux clients ou restauration de
certains équipements nécessaires chez les clients. Donc, il va y
avoir une augmentation des dépenses dans ce secteur. Mais le
présent plan ne présente pas toute la problématique et
tous les chiffres concernant cette perspective, et c'est probablement dans la
révision du plan de 1983 qu'on pourra avoir beaucoup plus de
clarté sur ce problème. On va d'abord savoir si les programmes de
vente qui sont instaurés à l'heure actuelle ont du succès,
quel est l'impact sur tout le système de distribution, et cela va
nécessiter des investissements supplémentaires dans ce
domaine.
Un deuxième aspect sur lequel on travaille intensivement, et je
voudrais faire référence à ce que M. Fortier disait au
début, c'est sur la possibilité de fragmenter certains grands
projets pour ajouter encore à la souplesse d'Hydro-Québec pour
faire face aux situations. Je sais, par exemple, qu'il y a des études
sur La Grande-Baleine où on essaie de préciser beaucoup plus
certaines phases qui pourront être commencées, terminées ou
qui pourront peut-être attendre que l'autre phase commence. Alors,
premièrement, fragmenter les grands projets.
Deuxièmement, on travaille intensivement pour élaborer des
nouveaux critères de rentabilité concernant les petits projets.
Je pense que le député d'Outremont faisait allusion tantôt
au fait que c'est évident que lorsqu'on construit 5000 mégawatts
à la fois, il y a une économie d'échelle qui ne se
retrouve pas sur dix projets de 500 mégawatts, mais il y a un certain
critère de rentabilité qu'il faut introduire dans ces domaines.
On travaille intensivement là-dessus.
Troisièmement, on travaille intensivement sur un programme
accéléré de réfection de centrales. Il faut bien
penser que certaines centrales d'Hydro-Québec datent de 25, 30, 40 ans;
je ne sais pas quelle est la plus vieille.
Une voix: 1911.
M. Coulombe: 1911, la plus vieille centrale dans le
réseau. Il y a des rénovations qui peuvent être
extrêmement payantes à faire et qui, encore là, vont
multiplier des travaux qui vont être plus dispersés au
Québec. Mais les études ne sont pas terminées et on
espère que, dans le plan de 1983, ce soit une dimension importante du
programme d'investissements d'Hydro-Québec.
M. Rodrigue: Des changements importants comme ceux que vous
soulignez dans votre plan de développement entraînent des
conséquences pour le personnel en place. Je me souviens qu'à
Hydro-Québec, à un certain moment, on avait pris ce qu'on a
appelé le virage nucléaire. Là, tout à coup, les
études d'aménagement hydroélectrique, il ne fallait pas en
faire trop, on avait un peu mis la sourdine, et même beaucoup sur ces
études, parce qu'on s'est imaginé, compte tenu de chiffres dont
on disposait à l'époque, que l'avenir appartenait aux centrales
nucléaires et à ce moment-là on a mis tous nos oeufs dans
le même panier sur ce plan, ce qui a amené Hydro-Québec
à embaucher beaucoup de spécialistes du domaine du
nucléaire et à retarder ses études d'aménagement
hydroélectrique pour deux ans. Puis, tout à coup, on s'est rendu
compte qu'effectivement ce n'était peut-être pas la bonne solution
et que les chiffres qu'on avait en main sur les coûts ne correspondaient
pas à la réalité du tout. À ce moment-là, il
fallait revenir en vitesse aux aménagements hydroélectriques, de
sorte que cela a un peu forcé - là, je retourne dans les
années 1960 Hydro-Québec à agir extrêmement
rapidement pour être en mesure d'opérer le virage à nouveau
vers les centrales hydroélectriques. Cela soulève une certaine
inquiétude dans mon esprit, le plan de développement qui est
proposé et le report à des dates quand même assez
éloignées d'un certain nombre d'études qui sont en cours.
Il m'apparaît qu'il y a peut-être un risque qu'on vive une telle
situation à nouveau avec toutes les conséquences que cela peut
avoir sur le personnel qui se voit ballotté d'une orientation à
l'autre. Tout ce personnel n'a pas nécessairement la polyvalence voulue
pour passer de l'hydroélectrique au nucléaire et vice versa dans
le temps de le dire. Est-ce que, lorsque vous avez préparé votre
plan d'équipements, c'est une considération qui était
sous-jacente à toutes les décisions que vous avez prises?
M. Coulombe: Je ne sais pas si je vais laisser parler M. Bourbeau
sur le virage nucléaire, parce que je n'étais pas là,
mais, actuellement, il ne s'agit pas d'un virage en termes technologiques,
parce qu'on reste encore dans l'hydraulique, c'est un virage de gestion et
d'orientation plutôt qu'un virage technologique en soi et d'examiner plus
attentivement des projets de moindre importance ou de la réfection
centrale, on reste dans la même problématique technologique qui
est la base de la compétence d'Hydro-Québec. C'est évident
qu'il y a un virage dans le plan et je pense que l'ensemble du personnel
d'Hydro-Québec peut ressentir qu'il s'agit là d'un virage et je
pense que c'est compris comme un virage. Mais ce qu'on peut regarder à
l'heure actuelle, c'est dans les prochaines années qu'on va le voir ou
dans les prochains mois, je pense que c'est un virage qui était
largement souhaité par la majorité des cadres de l'entreprise, et
même s'il va y avoir des tournants difficiles, je pense que, dans
l'entreprise, actuellement, il y a une volonté d'action, une
volonté de modification de la trajectoire qui est extrêmement
intéressante. J'ai eu personnellement l'occasion, dans les 25 ou 30
derniers jours, de rencontrer à peu près 800 cadres
d'Hydro-Québec, tant au niveau régional qu'au niveau central, et
j'ai clairement perçu cette volonté de modifier certaines choses
et en particulier l'effort qui est demandé à Hydro-Québec
de baisser les dépenses d'exploitation d'un taux historique de 20%
à 5% ou 6%. Cela ne s'est pas fait par un diktat du haut, mais c'est
chacun des cadres dans les régions et au siège social qui est
obligé de prendre
des décisions quotidiennes concrètes pour atteindre ces
objectifs. Donc, effectivement, il y a de l'effervescence, mais notre
hypothèse, c'est que c'est de l'effervescence qui peut être
très créatrice dans une boîte comme
Hydro-Québec.
M. Bourbeau (Joseph): Ce que je peux ajouter, c'est que, lorsque
le conseil d'administration a accepté, en novembre 1981, le report de
Gentilly 3 à une date ultérieure, à ce moment-là,
on a, comme conseil d'administration, été intéressé
à ce qu'on puisse recycler le personnel qui se trouvait un peu
désaffecté et c'était un des points de notre
recommandation comme conseil d'administration. Maintenant, il faut bien penser
qu'il y a toujours Gentilly 2 et que Gentilly 2 fonctionne, va fonctionner, que
le personnel d'exploitation n'est pas tellement touché. Le personnel qui
est touché, c'est le personnel d'étude, le personnel technique,
qui s'intéressait aux études de projets, c'est ce personnel qu'il
va falloir recycler et c'est un problème auquel on s'adresse.
M. Rodrigue: Comme hydroélectricien, je suis plutôt
favorable au développement des centrales hydroélectriques, alors,
je ne vous contrarierai sûrement pas sur ce plan. Mon point,
c'était surtout d'essayer de voir à ce que les
conséquences de virages importants comme ceux-là ne soient quand
même pas néfastes pour le personnel. À cet égard, il
y a deux catégories importantes de personnel à
Hydro-Québec: vous avez ceux qu'on appelle permanents et le personnel
non permanent, c'est-à-dire ceux qui oeuvrent sur les chantiers de
construction.
Pour ce qui est du personnel permanent, je pense que vous avez pris des
mesures de recyclage qui font qu'ils pourront vivre ces changements à
l'intérieur de la boîte qui s'appelle Hydro-Québec. Il y a
cependant un personnel qui, tout en n'étant pas permanent, travaille
dans certains cas à Hydro-Québec depuis quinze ou vingt ans, des
personnes qui ont oeuvré sur la plupart des chantiers importants
d'Hydro-Québec, soit dans la construction elle-même ou encore dans
le domaine des études préliminaires, et qui sont là depuis
une bonne période de temps. J'ai ouï-dire par certains d'entre eux
qui sont venus me voir récemment... Étant employés
d'Hydro-Québec, ils ont cru devoir m'informer de certaines situations
quant à leur avenir à Hydro-Québec. Certains ont
reçu des avis de mise à pied.
J'aimerais savoir si Hydro-Québec a pris ou envisage de prendre
des mesures pour atténuer un peu l'impact de ces mises à pied
vis-à-vis du personnel qui oeuvre dans l'entreprise depuis quinze ou
vingt ans. Finalement, on a décidé - la conjoncture vous y force,
je le comprends très bien - la conjoncture économique force
Hydro-Québec à retarder des mises en chantier et à
reporter à plus tard les études qu'elle comptait faire au cours
des prochaines années, et vous vous voyez dans l'obligation de mettre ce
personnel à pied. Est-ce que le conseil d'administration
d'Hydro-Québec a pris ou entend prendre des mesures pour atténuer
un peu l'impact de ces mises à pied? Certains de ces employés, et
je réfère en particulier au relevé technique que je
connais un peu mieux, dans des décisions de la commission
hydroélectrique de Québec, s'étaient pratiquement fait
dire qu'ils étaient des temporaires permanents, à toutes fins
utiles. C'est-à-dire qu'Hydro-Québec leur garantissait quasiment
des emplois à vie compte tenu de ses projets qui allaient se poursuivre
parce qu'on prévoyait une hausse de la demande de 6%. Aujourd'hui, on
est obligé de s'ajuster à une nouvelle conjoncture
économique, à des hausses de demandes qui sont pas mal plus
basses que celles qu'on a connues dans le passé et ce personnel, tout
à coup, se voit remercié, alors qu'il comptait faire
carrière à Hydro-Québec. Certains d'entre eux travaillent
dans des domaines très spécialisés et vont avoir de la
difficulté à se replacer ailleurs à court terme. Est-ce
qu'Hydro-Québec a pris ou entend prendre des mesures pour
atténuer les effets de ces mises à pied sur ce personnel qui
oeuvre à Hydro-Québec depuis assez longtemps?
M. Bourbeau (Joseph): C'est un problème, la baisse
d'activité à HydroQuébec au point de vue d'études
et de projets hydroélectriques. Maintenant, je ferai remarquer
qu'Hydro-Québec, comme politique au point de vue de l'ingénierie,
a toujours donné l'ingénierie à des bureaux
d'ingénieurs-conseils de l'extérieur et cela a été
la même chose au point de vue de l'ingénierie touchant le
nucléaire. On avait des bureaux qui faisaient l'ingénierie
détaillée de chaque projet; jamais Hydro-Québec n'a fait
l'ingénierie de projets. Alors, ceux qui sont touchés en premier,
ce sont des bureaux extérieurs, des bureaux externes d'étude. Ce
qui reste à Hydro-Québec, et c'est le problème
d'Hydro-Québec qu'on cherche à résoudre actuellement,
c'est le personnel affecté aux études préliminaires et aux
études d'avant-projets de conception, études qui se font toujours
à Hydro-Québec. C'est une préoccupation qu'on a au conseil
d'administration et qu'on voudrait voir résoudre le plus vite
possible.
M. Rodrigue: On est dans la situation -c'est ma dernière
question pour l'instant - on est dans la situation où, d'une part, il y
a des surplus d'énergie et dans les projets qu'Hydro-Québec nous
expose aujourd'hui, on compte faire un effort de mises en marché et de
vente pour essayer de résorber ces
surplus et, parallèlement à cela, on a ce qu'on appelle le
programme d'économie d'énergie, Énergain, en vertu duquel
HydroQuébec donne des subventions pour réduire la consommation
d'énergie à certains propriétaires de maisons ou à
certaines entreprises. À prime abord, il semble y avoir une
espèce de contradiction entre le fait de vouloir faire un effort de
vente supplémentaire d'énergie et, d'autre part, de continuer
à faire cheminer un programme qui s'appelle Énergain où on
subventionne des gens pour consommer moins. Il y a peut-être des raisons
à cela. La contradiction est peut-être purement apparente.
J'aimerais vous entendre là-dessus. (16 h 15)
M. Coulombe: Je pense qu'il s'agit là d'une contradiction
qui est apparente, comme vous le dites. Je vais laisser le soin à M.
Godin d'expliquer plus en détail les deux programmes de vente qui sont
dans le plan, mais avant de regarder de plus près ces programmes, il
faut mentionner que l'un s'adresse au monde industriel, et c'est pour remplacer
du mazout. Donc, on n'a pas l'apparente contradiction dont vous parlez.
Pour le deuxième, qui est Énergain et que M. Godin va vous
expliquer, ceux qui vont se prévaloir de ce programme doivent
nécessairement passer par le programme Énergain. Donc, ces
programmes se situent, surtout le deuxième, Biénergie, dans le
cadre d'une utilisation rationnelle de l'électricité. Les
programmes auxquels on pense, les programmes spécialisés dans le
domaine industriel on a fait allusion à des programmes d'utilisation
accélérée de l'électricité; dans le secteur
industriel, on pense aux laiteries, on pense à d'autres programmes qui
ne sont pas encore prêts mais qui vont l'être pour le prochain
plan, certainement - encore, n'ont pas de relation avec les programmes de
consommer moins l'énergie dans le secteur résidentiel. Il s'agit
de l'industrie, il s'agit toujours d'une meilleure utilisation de
l'énergie pour atteindre des objectifs précis. Donc, il y a un
programme qui peut poser le problème que vous mentionnez et il faut
expliquer clairement la relation entre le programme Biénergie et le
programme Énergain.
Alors, M. Godin.
Le Président (M. Desbiens): Messieurs, puisque, à
la suite de l'intervention tantôt, sur un point d'ordre, du
député d'Outremont on s'était entendu pour des questions
d'ordre général, M. le député de Vimont pourra
peut-être revenir un peu plus tard pour obtenir des informations plus
précises sur ce sujet particulier...
M. Rodrigue: C'est effectivement une question d'ordre
général.
Le Président (M. Desbiens): ... étant donné
surtout la longueur de la liste que j'ai...
M. Rodrigue: Étant donné que c'était ma
dernière question et vu qu'elle est posée, il y aurait
peut-être lieu de donner la chance à M. Godin de compléter
la réponse.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vimont, vu qu'il y a un consensus qui a été établi,
à moins qu'on s'en dégage...
M. Rodrigue: J'avais terminé ma période de
questions.
Une voix: Si le député d'Outremont a des
questions...
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Desbiens): Alors, cela va, consensus. M.
Godin, allez-y.
M. Coulombe: Je ferais remarquer, avant que M. Godin ne prenne la
parole, qu'il s'agit du premier objectif du plan dont on parle, qui est celui
des ventes agressives d'électricité. Dans le plan, c'est
expliqué en fait au premier objectif.
M. Rodrigue: Je vous remercie de cet appui, M. Coulombe.
M. Godin (Pierre): La contradiction est évidemment
apparente dans le programme Énergain, mais le progamme Énergain
n'est pas un programme strictement d'économie d'énergie; c'est un
programme qui, effectivement, est jumelé avec un autre programme qui est
le programme de remplacement du pétrole. Dans le cadre des analyses
énergétiques qui sont faites dans les domiciles, il y a deux buts
qui sont visés, finalement: c'est de faire des économies
d'énergie et en même temps de déplacer du pétrole.
C'est ce que cela donne comme résultat net. Hydro-Québec y trouve
son compte sur deux plans. Effectivement, c'est que l'électricité
qui est consommée dans les domiciles en question est consommée de
façon plus rationnelle. Deuxièmement, l'énergie qui est
consommée, finalement, c'est de l'électricité. Donc, la
vente d'électricité y trouve son compte en même temps.
Maintenant, le programme Énergain a fonctionné de cette
façon jusqu'à maintenant. On lui ajoute une autre facette qui est
le programme Biénergie. Le programme Biénergie veut aussi
atteindre sensiblement les mêmes objectifs, sauf qu'il a une tournure un
peu particulière dans le sens qu'il cherche en même temps à
couper les besoins de pointe sur le réseau d'Hydro-Québec; c'est
la tournure particulière du
programme Biénergie. On veut déplacer encore une fois du
pétrole, à 80% cette fois-ci et non pas totalement. On veut faire
des économies d'énergie en même temps et on veut abaisser
les besoins de pointe sur le réseau. Celui qui voudra se
prévaloir du programme Biénergie devra faire une installation
électrique telle que sa consommation d'énergie devra être
d'au moins 80% à l'électricité pour le chauffage de sa
maison. Ce sont les grandes lignes du programme Biénergie.
Le Président (M. Desbiens): M.
Bourbeau, en supplément.
M. Bourbeau (Joseph): Pour mieux exprimer cette dualité
d'utiliser de l'énergie mais de l'économiser, il y a un petit
message publicitaire d'Hydro-Québec qui dit: Consommons mieux
l'énergie d'ici. D'une part, consommons, utilisons
l'électricité avec de nouvelles applications, mais mieux,
ça veut dire en l'économisant.
M. Rodrigue: En somme, même si c'est abondant, il n'y a pas
de raison de le gaspiller, ça revient à dire ça?
M. Bourbeau (Joseph): II ne faut pas gaspiller l'énergie.
Merci.
M. O'Gallagher: J'ai une autre question sur le même
programme, mais est-ce qu'on va continuer sur ce sujet ou est-ce qu'on va le
remettre à plus tard?
M. Rodrigue: C'était le premier article, semble-t-il, dans
la présentation d'Hydro-Québec. Alors, j'ai l'impression qu'on
est en plein dans l'ordre.
M. Fortier: Juste une question d'ordre.
Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Tout à l'heure vous m'avez répondu que
vous ne faisiez pas de présentation. Est-ce que c'est bien ça que
j'ai compris?
M. Coulombe: J'ai voulu dire c'est que le plan de
développement présentait toutes les facettes. Or, le
développement des marchés, si vous regardez le plan de
développement tel quel, c'est l'objectif numéro 1 qui est
présenté dans le plan. Alors...
M. Fortier: Peut-être qu'on essaie de convenir entre nous
d'une façon de travailler. Si vous aviez prévu des blocs,
ça nous aiderait. Maintenant, si vous n'avez rien de prévu, on va
continuer comme ça, de façon décousue...
M. Grégoire: Question d'ordre général.
M. Fortier: Ce n'est peut-être pas la méthode la
plus efficace, mais...
Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le
député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Mes questions sont aussi d'ordre
général. Si on comprend bien, Hydro-Québec dispose d'un
surplus d'électricité à ce moment-ci. Ce surplus, on ne
peut pas s'engager à l'exporter parce qu'on ne peut pas s'engager par
des contrats de 15 à 20 ans, au cas où notre marché
domestique reprendrait. Deuxièmement, les interconnexions ne sont pas
assez établies pour prendre les quantités
d'électricité qu'on pourrait vendre. Est-ce
qu'Hydro-Québec a des projets pour utiliser ces surplus dans
l'immédiat, pour essayer de passer cette crise? Et là je veux
dire, comme de l'offrir à l'industrie à un prix beaucoup moindre
qu'elle paie actuellement pour nous donner un avantage au point de vue de la
concurrence internationale, soit à des compagnies de pâtes et
papiers, à l'aluminerie, à l'industrie manufacturière de
tous genres, dans un projet; ou dans l'autre projet de la transformation en gaz
hydrogène, ou dans le chauffage domestique, comme on vient de le
mentionner tout à l'heure. Dans le moment, Hydro-Québec
subventionne les gens qui font la transformation de l'huile au chauffage
électrique. Ne serait-ce pas une bonne idée, au lieu de donner de
l'argent aux citoyens qui font la transformation, de leur donner un meilleur
prix sur l'électricité? Au lieu de sortir de l'argent comptant,
on pourrait les subventionner avec l'électricité dont on dispose,
d'ailleurs, dans le moment et qui va être perdue de toute façon si
on ne l'utilise pas.
Le Président (M.Gagnon): ...
M. Coulombe: M. le Président, un des objectifs justement
du plan c'est de répondre exactement à la question que vous
posez: l'utilisation de certains surplus dans le cadre industriel. Le programme
des chaudières industrielles va offrir à des industriels de
l'électricité à des prix plus que compétitifs et
plus qu'intéressants pour eux. Cela va être vraiment pour eux
l'occasion, pendant trois ou quatre ans, non seulement de rentabiliser
l'investissement qu'ils devront faire, qui va être très minime,
mais aussi d'augmenter leur marge concurrentielle par rapport à
l'extérieur. Il est évident que dans le cas précis des
chaudières industrielles on pense qu'il y a une possibilité
d'écouler 800 mégawatts en permettant à des industriels de
modifier leur système de chauffe du mazout à
l'électricité, donc à des prix inférieurs
à
ceux du mazout. Il s'agit là d'une utilisation exacte, comme vous
venez de le décrire.
Maintenant, il y a d'autres progammes du même ordre qui devront
être mis sur pied. Ils sont actuellement à l'étude et on
espère que dans les prochains mois on va pouvoir en déposer
quelques-uns. Mais, le programme des chaudières répond exactement
à l'objectif que vous venez de fixer.
M. O'Gallagher: Un projet a été annoncé, il
y a un an ou plus, sur la question de la transformation de gaz
hydrogène. Où en est rendu ce projet?
M. Coulombe: On est actuellement en négociation avec la
compagnie Noranda. Le conseil d'administration a déjà
approuvé le principe d'une lettre d'entente. Cette lettre d'entente est
en train d'être complétée. Le principe étant
déjà accepté par HydroQuébec, comme je viens de le
dire, la lettre d'entente est en train d'être complétée et
devrait être signée le plus rapidement possible dans la mesure
où on va s'entendre avec le partenaire en question.
Vous avez mentionnné aussi le cas des alumineries.
Hydro-Québec a signé depuis six ou sept mois deux contrats
majeurs, l'un avec Pechiney et l'autre avec Reynolds dans le cadre de la
politique gouvernementale d'utilisation maximale de
l'électricité, pour inciter ces deux compagnies à investir
des sommes relativement et même très considérables
grâce aux tarifs particulièrement intéressants. C'est une
autre utilisation précise de cette politique.
M. O'Gallagher: Voici ma dernière question. Dans le cas de
la transformation du chauffage à l'huile au chauffage à
l'électricité, au lieu de donner de l'argent comptant aux
citoyens, que le gouvernement lui fasse un prix favorable et cela arrivera
à la même chose.
M. Coulombe: En fait, c'est plutôt une question de
tactique. D'abord, ce n'est pas le gouvernement qui sort l'argent, c'est
Hydro-Québec qui subventionne dans la perspective où cette
subvention va être rentabilisée par une utilisation accrue
d'électricité. Vous suggérez que ce soit via les tarifs
plutôt que via la subvention. Il y a un problème pratico-pratique,
c'est que pour l'exécution du programme, il faut que le client
éventuel pose des gestes précis et, ces gestes précis, le
meilleur moyen de le savoir si c'est comme cela que cela se passe, c'est que
l'exécution soit directement reliée à une subvention
d'Hydro-Québec. Je ne dis pas que c'est impensable d'agir via les tarifs
pour cette catégorie d'individu qui poserait tel geste, mais vous vous
mettez à la place d'un client qui doit juger selon les tarifs, on va
avoir de façon beaucoup moins palpable le résultat net de sa
décision.
En ce qui concerne Hydro-Québec, sur une période d'un an,
deux ans, trois ans, les résultats économiques sont les
mêmes, mais pour le client qui pose le geste de récupérer
à même un tarif un peu plus bas sur une période de trois,
quatre ou cinq ans, cela n'a pas le même impact financier et cela n'a pas
le même impact pour le consommateur lui-même que de régler
le problème de façon immédiate avec une subvention. Ce
n'est pas impossible de penser à autre chose. Mais pour le consommateur
qui a une décision à prendre d'acheter un équipement qui
vaut quelques centaines de dollars, régler le cas tout de suite
plutôt que de dire: Je vais le récupérer sur ma facture
d'électricité pendant des mois, il y a une grande
différence pour les individus qui ont à débourser,
finalement. Cela nous a semblé une méthode plus indiquée
d'inciter les individus ou les clients à intégrer ces programmes
parce que pour eux cette méthode était plus intéressante
et, pour Hydro-Québec, c'était équivalent en termes
économiques. M. Godin a peut-être des choses à ajouter.
M. Godin (Pierre): La seule chose qu'il faudrait ajouter à
cela, c'est que, effectivement, l'abonné qui profite du programme y
trouve un double gain. C'est que la conversion de son système ne lui
coûte à peu près rien, parce que Hydro-Québec la
subventionne; de plus, il passe à une source d'énergie plus
économique. Il passe à une source d'énergie qui est
à peu près 85% du prix de celle qu'il utilisait auparavant. Il
trouve donc son profit sur deux plans.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, l'an passé,
Hydro-Québec, à l'occasion d'une séance de la commission
parlementaire sur le projet de loi no 16 en particulier, a fait état de
prévisions financières qui lui permettraient de verser au
gouvernement des dividendes de l'ordre de 1 500 000 000 $ pour la
période de 1981 à 1985. Un peu plus d'un an plus tard,
maintenez-vous ces prévisions?
M. Coulombe: Les prévisions au sujet des dividendes,
voulez-vous dire?
M. Tremblay: Oui. (16 h 30)
M. Coulombe: Non. Vous remarquerez que dans le plan, ces
prévisions ne sont pas maintenues, premièrement, parce que, comme
on l'a dit tantôt, la demande est coupée en deux;
deuxièmement, les taux d'intérêt ont évolué -
évidemment, ils commencent à baisser actuellement - radicalement
à la
hausse. Tout cela a permis d'avoir une augmentation des revenus d'Hydro
beaucoup moins considérable que celle prévue. Vous voyez, dans
les tableaux à la fin, on prévoit pour l'an prochain une
diminution effective des revenus d'Hydro-Québec. Cette année,
vous avez pu voir que la recommandation d'Hydro n'indique pas ou ne
présente pas de variables concernant les dividendes pour une raison
très simple, c'est que les 7,3% nous mettaient à la limite -
c'est ce que le député d'Outremont disait tantôt en ce qui
concerne la loi 16 - la plus basse. C'est pour cela qu'on a pu recommander
7,3%.
M. Tremblay: Ce qui me préoccupe, c'est que cette
commission parlementaire s'est réunie l'an passé au mois
d'août et, si ma mémoire est bonne, c'était à la
toute fin du mois d'août. Vous dites aussi dans votre plan et dans
l'introduction qu'en 1981 l'augmentation des ventes d'électricité
à Hydro-Québec n'a été que de 1,3%. Je me dis:
Comment se fait-il qu'Hydro-Québec au mois d'août 1981, alors
qu'il y avait déjà huit mois d'écoulés dans son
année et que les ventes n'ont été que de 1,3%, ne
réalisait pas que ses prévisions étaient fausses? Je me
demande comment il se fait qu'Hydro-Québec ne pouvait pas dès
lors réaliser que les prévisions qu'elle faisait, de 1 500 000
000 $ de dividendes, n'étaient pas exactes.
M. Bourbeau (Joseph): Je peux répondre à ceci.
Lorsqu'on a présenté le plan de développement en
février 1981, on présentait une prévision de la demande
qui croissait à 6,2%. C'est une prévision qui avait
été adoptée à Hydro-Québec en 1979. À
partir de ce moment, on avait présenté le plan de
développement d'Hydro-Québec au gouvernement. Le gouvernement
avait posé certaines questions à Hydro-Québec, ce qui
explique le délai d'un an entre le moment où, en 1979, on avait
un plan de développement et le moment où on est venu en
commission parlementaire en 1981.
Sur la base des données qu'il y avait dans le plan de
développement en févrir 1981 - le budget a suivi - il y a eu une
proposition de loi, le projet de loi no 16, de payer des dividendes. Toute
cette proposition était basée sur le plan de développement
de 1981, présenté en commission parlementaire et basé sur
des données de 1979. Il a été convenu, lorsque nous sommes
venus expliquer la loi 16, pour ne pas se mélanger, d'utiliser
exactement les mêmes nombres de kilowattheures, les mêmes montants
d'argent, sans cela, tout le monde aurait été
mélangé. C'est l'explication de quelque chose qui s'est
passé au mois d'août 1981, mais qui était toujours
basé sur des données de 1979.
M. Coulombe: Un exemple précis pour illustrer cette
hypothèse, c'est que, l'an passé, l'hypothèse
d'augmentation de tarifs pour 1983 était de 13%. Aujourd'hui, c'est 7%.
L'hypothèse du budget de 1982 dans la croissance de la demande
était de 5,5%. La réalité sera de -1% à cause de
l'affaissement général que tout le monde observe, surtout dans le
domaine industriel. Si vous ajoutez toutes ces marges les unes aux autres,
c'est évident - parce que le montant de 1 500 000 000 $ auquel vous
faites allusion était sur une période de cinq ans - que si vous
ajoutez cumulativement toutes ces données et que vous les remettez dans
le circuit, cela explique la différence des deux. Par contre, en 1982,
il avait été prévu une cinquantaine de millions de
dividendes, encore là, basés sur une augmentation de la demande
de 5%. La demande sera en bas de -1%. Donc, c'est évident que le
dividende va diminuer, mais il va en rester un. Pour 1983, l'hypothèse
étant d'une augmentation de 2,5%, au lieu d'une augmentation de 13%,
c'en est une de 7%. C'est pour cela qu'on arrive à ces choses.
Donc, l'effet cumulatif des chiffres dont la marge s'élargit
constamment, c'est évident que cela donne cela, d'autant plus que la
formule de dividende est extrêmement sensible. Le moindre
débalancement vous fait directement varier de dizaines de millions
à cause justement de la technique même de la formule qui est
employée.
Le Président (M. Desbiens): M. Bourbeau, oui.
M. Bourbeau (Joseph): Je ferai remarquer au député
que, le 13 août 1981, Hydro-Québec a révisé sa
demande qui était de 6,2% et, à ce moment-là, on est
arrivé à 5,8%. Alors, encore là, au mois d'août
1981, la chute draconienne de la demande ne s'était pas
matérialisée.
M. Tremblay: Cela voudrait dire que, si au mois d'août 1981
il y avait encore une augmentation au-dessus de 5%, dans les cinq derniers mois
de 1981, il y a eu une chute très très négative puisqu'on
termine l'année avec 1,3% d'augmentation. Cela voudrait dire qu'à
partir du mois d'août il y avait probablement 4% de diminution sur 1980.
Cela serait une explication qui, en tout cas, serait satisfaisante pour moi
parce que cela m'enlèverait le doute de dire: Ils sont venus en
commission parlementaire et, conscients qu'il y avait un changement important
dans leur consommation, ils ne nous ont pas informés de ce
changement.
M. Bourbeau (Joseph): De fait, au secteur industriel, en 1981, il
y a toujours eu une augmentation de ventes et ce n'est qu'au mois de juin 1981
qu'on a commencé à voir des ventes qui étaient plus basses
que celles
du mois précédent. Alors, lorsqu'on est arrivé au
mois d'août, on n'avait pas encore assez de données pour nous
faire préciser quelles seraient les ventes totales de 1981. Il
était impossible de le prévoir à ce moment.
M. Tremblay: Une dernière question d'ordre
général, si vous me le permettez, M. le Président. On a
fait état de différents projets qui seraient retardés si
l'augmentation de consommation était de 3,7%. On dit, en gros, que les
nouvelles structures, il ne serait pas nécessaire d'en commencer avant
1992. Peut-être en...
M. Coulombe: 1988 ou 1985, si on procède...
M. Tremblay: 1988, tout dépendant de l'importance de
l'augmentation. Je suis persuadé que vous l'avez cette
préoccupation. Aussi, Hydro-Québec a un "know-how" dans la
construction des barrages et des structures de transmission
d'électricité. Il me semble que cela devrait être une
préoccupation de faire en sorte que ce "know-how", cette connaissance
pratique de la construction de cette sorte d'équipements, on ne la perde
pas. Il me semble que, si on est six ou huit ans sans produire de nouveaux
barrages, on risque de perdre une importante capacité technique en
disponibilité.
M. Coulombe: C'est une préoccupation constante, c'est bien
évident. Par contre, encore là, il ne faut pas penser qu'il n'y a
rien qui va se passer à Hydro-Québec entre aujourd'hui et 1985,
Delaney, et que, quelques mois avant 1985, les choses vont se mettre en branle
et que, si d'autres projets sont prévus pour 1988, c'est à la fin
de 1987 que les choses vont se mettre en branle. C'est un travail qui est
continuel. Quand j'ai dit tantôt qu'il y avait pour 600 000 000 $
d'études d'accumulées, évidemment, il y a une partie de
ces études qui concernent des frais d'intérêt, mais il y a
aussi une grande partie qui sont relatives à des travaux concrets faits
par des équipes d'Hydro-Québec, par des
ingénieurs-conseils qui, continuellement, travaillent à des
projets. On pense, par exemple, au projet Delaney; eh bien, pour y arriver, il
y a eu six autres projets qui ont été étudiés. Les
cinq autres ont été mis de côté pour favoriser
celui-là, mais ces cinq autres ont dû être
étudiés pour voir les avantages comparatifs; donc, études,
projets, avant-projets.
J'ai parlé tantôt de la possibilité de fractionner
des grands projets comme la Grande - Baleine et ainsi de suite; cela demande
énormément d'études priliminaires, d'avant-projets,
d'études d'ingénierie. Cela se continue de façon constante
à Hydro-Québec. L'entretien des équipements de production
demande le même type de compétence; rénover une centrale,
cela demande le même type de compétence, finalement. Donc, ce sont
des travaux qui sont tous en marche de façon continue.
Il y a un deuxième aspect qu'il faut noter, c'est qu'on a
mentionné tantôt le "know-how" accumulé dans le domaine de
la distribution. On remarque, par exemple, qu'Hydro-Québec va avoir un
manque de personnel dans le domaine de la distribution. Il va falloir avoir des
programmes accélérés de formation pour que des gens qui
vont peut-être avoir moins de travail sur les instruments de production
se recyclent dans le domaine de la distribution, parce que tous les programmes
de vente nous incitent à nous occuper beaucoup plus de la distribution
et, deuxièmement, l'aspect international, Hydro International, et les
projets de coopération qu'on a au niveau international sont surtout au
niveau de la coopération. On est dans une situation étrange
à l'heure actuelle, où Hydro-Québec manque de personnel
dans le domaine de la coopération ou risque d'en manquer s'il n'y a pas
des effort précis qui sont faits pour en recycler. Donc, à
l'intérieur d'une boîte comme Hydro-Québec, quand j'ai dit
tantôt qu'il y avait 472 projets de construction, ce sont 472 projets de
construction qui occupent des ingénieurs, des techniciens et ainsi de
suite. Donc, ce qu'il faut peut-être s'enlever comme image, c'est de se
dire que, si la Baie-James, phase II, ne se fait pas, HydroQuébec est
stérilisée complètement. Il y a une multitude
d'activités au niveau du transport de ligne, de la distribution, de la
rénovation de centrales, l'étude préliminaire de multiples
projets qui vont se réaliser dans X années qui existent, qui
perpétuent cette connaissance. Nous sommes relativement optimistes quant
à utiliser ce "know-how" au niveau international. Hydro International a
eu un début lent, comme toute nouvelle entreprise, c'est tout à
fait normal, mais on espère que l'envol va se faire le plus rapidement
possible et, encore là, au lieu d'avoir comme actuellement 50 ou 75
ingénieurs ou techniciens dans des pays étrangers, on
espère se rendre à 200 ou 250. Cela pourrait aussi être une
formule pour perpétuer ce "know-how".
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président... Allez-y.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Jean.
M. Proulx: Je me demande si ma question s'adresse à M.
Godin. Vous parlez, dans vos orientations, des orientations de recherche dans
le sens d'utiliser des nouveaux moyens pour l'électricité...
Est-ce
que vous faites des recherches ou des expériences pour isoler les
maisons, les immeubles? Est-ce que vous faites des recherches dans ce sens,
pour l'économie d'énergie? Est-ce qu'Hydro-Québec fait des
expériences dans ce sens?
M. Godin (Pierre): Pas comme telles, Hydro-Québec ne fait
pas d'expériences comme telles, mais Hydro-Québec cherche
à se tenir quand même à la fine pointe du
développement dans ces domaines, de façon à pouvoir
conseiller adéquatement ceux qui veulent se prévaloir des
nouveaux modes d'isolation. Mais Hydro-Québec ne fait pas de recherches
comme telles.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'aimerais revenir - je
m'adresse aux membres de la commission - pour peut-être rationaliser nos
interventions... On a eu des interventions très intéressantes
depuis le début, mais peut-être que, pour faciliter notre travail
et pour nous assurer que nous couvrirons tous les aspects des documents qui
sont devant nous, j'aimerais proposer un ordre du jour pour les membres de la
commission. Si on était d'accord, on pourrait procéder ainsi; le
président appellerait chacun des points de l'ordre du jour un par un,
quitte à y revenir si un membre de la commission n'était pas
satisfait. Alors, ce que je propose, c'est que le premier point à
l'ordre du jour serait la politique générale
d'Hydro-Québec: prévisions, méthodologie, politique
générale, impact socio-économique. En fait, on a quasiment
couvert cela. Deuxièmement, la situation énergétique, la
demande d'électricité, le gaz, le pétrole, si
nécessaire. Troisièmement, les facteurs importants affectant la
demande, les exportations d'énergie et Churchill Falls, plus
particulièrment. Quatrièmement, le progamme d'équipements
comme tel qui touche l'hydraulique, le nucléaire et les autres
programmes d'équipements. Cinquièmement, les lignes de transport
d'énergie. Sixièmement, la distribution. Septièmement, la
revue des objectifs un par un et je crois qu'à ce moment-là, il
serait opportun pour HydroQuébec de faire une présentation de
chacun des objectifs et de nous les expliciter; nous aurions peut-être
des questions à poser. Huitièmement, le bilan financier pro forma
de 1982 et le bilan financier de 1981 qui a été
déposé depuis notre dernière commission parlementaire.
Finalement, on en arrive à la tarification proposée. Si les
membres de la commission étaient d'accord et si le ministre était
d'accord, nous pourrions peut-être suivre ce cheminement qui en est un
qui en vaut un autre. Si d'autres membres de la commission ont d'autres
propositions, je suis bien prêt à les écouter. C'est
simplement pour faciliter notre travail.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Je n'ai pas d'objection à travailler sur des
blocs ou encore à s'en tenir à une discussion d'ordre
général et à laisser les collègues de la commission
parlementaire soulever les points qu'ils jugeraient eux-mêmes
appropriés, étant entendu que cette liste ne serait pas
exhaustive. Il aurait été omis, par exemple, on a abordé
bien brièvement la question des économies d'énergie.
M. Fortier: ... les objectifs.
M. Duhaime: Je pense qu'il faudrait qu'on y revienne, sur le plan
de la recherche et du développement en particulier...
M. Fortier: ... les objectifs. (16 h 45)
M. Duhaime: ... l'hydrogène liquide, entre autres,
m'intéresse d'une façon particulière. Il ne faudrait pas
que l'on reprenne toutes les discussions que l'on a faites jusqu'à
présent. Je me demande si on ne devrait pas commencer par la fin, M. le
député d'Outremont, c'est-à-dire les points 8 et 9,
puisque cette commission étudie aujourd'hui, demain et peut-être
après-demain une proposition tarifaire qui a, bien sûr, un impact
sur les grands équilibres financiers d'Hydro-Québec. Cela nous
permettrait, sans aucun doute, de régler plusieurs des interrogations
que la liste pourrait soulever.
M. Fortier: Mais la difficulté...
M. Duhaime: Mais moi j'avoue honnêtement que si mes
collègues étaient d'accord pour qu'on prenne une voie ou l'autre,
cela ne fait pas de différence, pour autant qu'on sera certain d'avoir
bien couvert notre sujet. Je pense que c'est cela l'objectif.
M. Fortier: M. le Président, la seule raison pour laquelle
j'ai proposé cela dans cet ordre, c'est entendu que quand on sera rendu
à la tarification, qui est le dernier article, cela va dépendre
des conclusions auxquelles chacun d'entre nous sera arrivé concernant
les objectifs ou le programme d'équipements. Il me semblait que la
proposition qui m'était faite, quoique n'étant pas limitative,
était au moins logique et pourrait faciliter nos interventions.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je suis toujours très sympathique à
ces ordres du jour bien
planfiés. Mais le problème qui se pose, à mon avis,
à ce point, c'est que si on était pour adopter un ordre du jour
semblable, on devrait nécessairement en discuter point par point et
peut-être qu'on prendrait deux à trois jours pour
l'établir, surtout qu'il y a neuf, onze ou douze points et d'autres qui
pourraient venir des membres de la commission. Je ne sais pas comment on
pourrait techniquement s'entendre sur un tel ordre du jour, je pense qu'on va
être obligé...
Le Président (M. Gagnon): M. le député, si
j'ai bien compris la discussion - c'est là-dessus que je veux savoir si
on est d'accord - on établirait cet ordre du jour mais sans que ce soit
fermé complètement. C'est juste pour essayer de mettre un peu
d'ordre dans la discussion. Il y aurait aussi possibilité de revenir sur
des points précédents.
M. Tremblay: Oui, je comprends, mais on devrait...
Le Président (M. Gagnon): C'est dans ce sens. C'est pour
pouvoir passer chacun des articles et avoir un peu d'ordre dans la
discussion.
M. Tremblay: En fait, moi aussi je souhaiterais qu'on ait cette
sorte d'outil, mais le député d'Outremont vient de nous jeter
cela sur la table. Il faudrait quand même qu'on puisse analyser chacun
des points dans l'ordre et les articles qui sont là, sinon, c'est donner
notre accord. On donnerait notre accord à la discussion de points que,
peut-être, on ne veut pas discuter, et cela m'apparaît assez
dangereux d'accepter cela. Ce qu'on peut faire, on peut le prendre, à
mon avis, comme une suggestion du député d'Outremont et tenter,
en autant que chacun des membres de la commission veut bien le faire, de suivre
cette suggestion.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, avez-vous des
choses à ajouter?
M. Duhaime: Non. Je me demande si on n'ira pas jusqu'à
former une commission pour savoir ce que cette commission devrait faire. Je
comprends que nous n'avons pas de consensus sur la démarche. Je
proposerais qu'on redonne la parole à Hydro-Québec et on verra,
en cours de route. J'imagine bien que mon collègue d'Outremont va avoir
l'occasion, puisque ces points font partie du cahier des interventions qu'il
voudrait faire à la commission, de le faire en toute liberté. On
n'est pas là pour s'empêcher de dire ce qu'on a à dire, au
contraire.
En ce qui concerne un des points majeurs qui font l'objet de la
convocation de cette commission, sur la proposition tarifaire comme telle, je
voudrais, bien sûr, qu'Hydro-Québec puisse donner son point de
vue. Je comprends que des documents ont été
déposés, etc. mais, traditionnellement, on avait une très
longue présentation. Ce n'est pas que j'y tienne tellement, mais ce qui
serait peut-être important de savoir, c'est cette proposition tarifaire
d'Hydro-Québec qui a, de façon bien évidente, des impacts
sur la situation financière d'Hydro-Québec, sur la couverture des
intérêts, sur le taux de financement, sur le taux de
capitalisation. En ce qui concerne le gouvernement, cela m'apparaît assez
clair que le niveau de dividende va être autour de zéro. C'est
peut-être dans cette voie qu'on devrait maintenant se diriger puisqu'on a
fait un tour de piste en discutant de façon bien générale.
Peut-être qu'on pourrait revenir ensuite, si le coeur vous en dit, sur
chacun des sujets que vous avez vous-même évoqués, qu'on
pourrait discuter, soit avec les gens d'Hydro ou encore avec mes
collègues qui font tous partie de cette commission.
M. Fortier: M. le Président, je croyais qu'on avait une
quasi-unanimité et, venant du secteur privé, je pense que
certains de nos amis dans la salle vont voir la difficulté qu'il existe
d'être des parlementaires et d'essayer d'arriver à des consensus.
Il me semblerait qu'on devrait donner l'exemple et s'imposer une certaine
discipline nous-mêmes, sans pour cela enrégimenter qui que se
soit, mais tout simplement pour faciliter le processus qui doit être
normalement suivi avant d'arriver à une question de tarification. Il est
bien normal que la tarification dépende du programme
d'équipements et que cela dépende d'autres problèmes comme
les exportations d'énergie et il me semblerait important de pouvoir
s'entendre sans brimer la liberté d'opinion de mon collègue de
Chambly et de suivre cela en autant que faire se peut. Est-ce qu'on pourrait
avoir un certain consensus sur cela?
M. Tremblay: En tout cas, en ce qui me concerne, M. le
Président, je dirais que je serais très heureux de recevoir cette
liste comme une suggestion.
M. Fortier: C'est une suggestion.
M. Tremblay: À ce titre, je crois qu'on devrait la
recevoir.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Est-ce qu'on ne peut pas laisser à votre
discrétion le suivi de cette liste, au moins afin qu'il y ait de l'ordre
dans nos discussions et dans les questions qu'on pose? Depuis un an, on a
posé des questions sur Churchill Falls à aller
jusqu'à la conversion au chauffage électrique. De cette
façon on ne couvre pas tout le domaine qu'on veut couvrir.
Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, M. le
député, le consensus... M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, je suis très
sympathique à la proposition du député d'Outremont
d'essayer de rationaliser les questions, pour en arriver en fin de compte
à discuter de la tarification, parce que c'est le mandat de cette
commission de discuter de la tarification. Le député d'Outremont,
en bon ingénieur qui est habitué à procéder
systématiquement et rationnellement, voudrait faire de même pour
les débats de la commission et je crois qu'il a raison, je pense que les
règles normales des commissions parlementaires lui permettent de le
faire. Le député d'Outremont nous a proposé huit sujets
pour étude, s'il veut faire huit interventions de 20 minutes, il peut le
faire sur les huit sujets; cela aura comme avantage, par ailleurs, de laisser
toute la latitude voulue au député d'Outremont et en même
temps de laisser aussi aux autres députés la latitude
peut-être d'aborder d'autres sujets et de procéder autrement
à l'approche des problèmes de la tarification. J'admets le
bien-fondé de la demande du député d'Outremont, mais je ne
voudrais pas par ailleurs que soient brimés les privilèges des
autres députés. Je crois que nos règles, que notre code de
procédure nous permettent et permettent au député
d'Outremont d'arriver à ses fins, c'est-à-dire de poser cela
sujet par sujet, rationnellement, d'une façon logique, comme tout bon
ingénieur qu'il est, il sait le faire et il sait que nos
règlements vont nous permettre de le faire, avec les interventions de 20
minutes qui lui sont permises et il pourra même en faire plus que cela,
s'il veut rester deux fois vingt minutes sur un même sujet, il n'y aura
pas d'objection. Je crois que nos règlements lui permettraient cela,
tout en ne brimant pas les droits et privilèges des autres
députés, c'est pourquoi je vais lui demander de retirer sa
proposition et de se servir plutôt de nos règlements de
procédure en commission parlementaire pour atteindre le même
objectif que celui qu'il voulait atteindre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous voyez qu'on est tombé dans la
procédure et c'était juste une suggestion que je faisais. En tout
cas, peut-être qu'on peut tenter de commencer nos travaux sur cette
base-là et on verra comment nous allons y réussir.
Politique générale
Le Président (M. Gagnon): Je vais tenter de suivre l'ordre
qui a été suggéré en l'appliquant le plus largement
possible, parce que cela ne fait pas un consensus général.
Le point un, serait: politique générale; est-ce qu'il y a
d'autres questions d'ordre général? M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: J'ai une simple question, basée sur
des chiffres qui ont été donnés par Hydro-Québec et
par le ministre ce matin. Le ministre de l'Énergie et des Ressources a
parlé d'une diminution de 61% à 40% du pétrole dans
l'ensemble de la consommation énergétique du Québec,
c'est-à-dire une diminution à 360 000 barils de pétrole
par jour, de 412 000 à 360 000 barils par jour. D'un autre
côté, on le voit par les chiffres qui nous sont fournis par
Hydro-Québec, et le ministre l'a également mentionné
à un autre endroit de son exposé d'ouverture ce matin, il y a des
ententes de signées maintenant pour l'exportation
d'électricité.
On a parlé d'importation de pétrole, on parle maintenant
d'exportation d'électricité pour les années 1986 à
1996 équivalente à 18 000 000 000 $, soit une moyenne de 1 800
000 000 $ par année et cela, au cours des mêmes années
où notre importation de pétrole va diminuer. Je remarque
également qu'au cours des toutes dernières années
l'exportation d'électricité par HydroQuébec a fait des
bons d'année en année et là il n'est plus question
d'électricité excédentaire mais
d'électricité régulière à l'exportation.
J'avais les chiffres ici, à la page 86, je crois, où on mentionne
des ventes d'électricité, non pas excédentaire mais
à l'exportation, qui sont passées, en 1979, de 221 000 000 $
à environ 508 000 000 $ en 1982, soit plus du double en l'espace de
trois ans.
J'aimerais demander aux dirigeants d'Hydro-Québec s'il est
possible d'entrevoir que, de plus en plus, nos exportations
d'électricité puissent atteindre la valeur de nos importations de
pétrole. Est-ce que c'est un concept possible à entrevoir? Est-ce
qu'on va se rapprocher de plus en plus du point où les exportations
d'électricité, sans les atteindre à 100%, se rapprocheront
en valeur monétaire de nos importations de pétrole? Est-ce
qu'Hydro-Québec a déjà analysé cela, s'est
déjà fixé ça comme objectif, a déjà
étudié cela pour en arriver ni plus ni moins à une sorte
d'objectif d'autosuffisance, non pas d'une forme quelconque d'énergie,
mais de l'ensemble des formes d'énergie?
Le Président (M. Gagnon): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Le problème n'est pas
discuté en termes d'exportation à HydroQuébec, mais
j'avoue que c'est une façon ingénieuse de présenter le
problème. Je n'ai pas les chiffres en tête de ce que peuvent
représenter, entre 1986 et 1996, les importations de pétrole. Je
ne les ai pas en tête tout simplement. Je ne sais pas si un des
collaborateurs peut les avoir? Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce
n'est pas un objectif explicite d'Hydro-Québec, à l'heure
actuelle, d'avoir une espèce d'équivalence entre les deux. C'est
une façon de présenter le problème qui peut être
intéressante, mais ce n'est pas la façon dont les sujets se
présentent à l'heure actuelle.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Juste pour compléter. Les nouvelles
sources énergétiques augmenteront leur pourcentage d'utilisation
au Québec, comme le gaz naturel ou les énergies nouvelles. Est-ce
qu'Hydro-Québec n'a jamais songé à envisager le
problème sous l'angle d'une sorte d'autosuffisance en matière
énergétique, c'est-à-dire importation, exportation, l'une
par rapport à l'autre, pour essayer de voir si le Québec peut en
arriver à un tel point où les...
M. Coulombe: Ventes externes.
M. Grégoire: Oui. L'écoulement de nos dollars vers
l'extérieur, qui est une source d'appauvrissement, pourrait être
équilibré par l'entrée de dollars provenant de
l'énergie?
M. Coulombe: En termes de bilan global, c'est une
préoccupation qui est constante. Le plan présente 37, les
chiffres du ministre disent 41. Il y a donc un ajustement qu'il va falloir
faire dans notre perspective d'action concrète de vente. Mais de
là à dire qu'il faut faire des drôles d'hypothèses
d'augmentation du prix du pétrole pour pouvoir dire qu'il va y avoir
équivalence, que vous appelez l'autosuffisance du Québec,
c'est-à-dire que les exportations d'électricité
équivaudraient en termes d'argent aux importations du pétrole,
non, je le répète, le problème n'est pas envisagé
de cette façon-là actuellement. Je n'ai pas les chiffres assez
clairement à l'esprit pour pouvoir dire si c'est une façon
réaliste d'envisager le problème.
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Je pense que si on se reporte à
1990, comme le ministre le disait ce matin, l'électricité
à ce moment-là fait à peu près 40% de la tarte
énergétique et le pétrole fait à peu près
40%. Si vous considérez que le pétrole est importé, vous
avez 40% de votre énergie qui est importée, mais les exportations
mêmes d'Hydro-Québec ne sont qu'une partie des 40%. Or, donc, il
n'y aurait pas d'équivalence entre l'importation et l'exportation.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Coulombe: En termes de revenus, ça peut être
comparable.
M. Grégoire: C'est en termes de revenus que je parle.
M. Coulombe: En termes de revenus, les milliards peuvent...
M. Grégoire: En termes de balance des paiements.
M. Coulombe: En termes d'autosuffisance...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! (17 heures)
M. Coulombe: ... 10 000 000 000 $ par année...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! On parle tous ensemble, cela ne fonctionne pas bien. M. Coulombe,
avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Coulombe: Non, cela va.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Ce que disait le député de
Charlesbourg, c'est que le ministre a bien dit: Advenant des augmentations de
X% par année, le montant de 4 600 000 000 $ serait de 10 000 000 000 $,
mais il faut tenir compte que le ministre dit que d'ici à 1990
également l'importation de pétrole baisserait de 412 000 barils
par jour à 360 000 barils par jour. Donc, il faut diminuer cela, mais il
faut dire également que si le pétrole augmente de X% par
année, il y a des raisons pour que l'électricité augmente.
Or, en faisant les calculs, aujourd'hui nous sommes à 4 500 000 000 $
d'importation de pétrole et à 1 800 000 000 $ d'exportation
d'électricité avec nos chiffres actuels.
Une voix: Par année?
M. Grégoire: En 1986, d'après ce qui nous a
été dit. Donc, l'écart se rapproche continuellement. Voici
ce que je voudrais savoir, étant donné que cet écart se
rapproche. Tenant compte des besoins de lignes d'interconnexion avec
l'étranger, tenant compte des pourcentages
d'augmentation des prix du pétrole et de
l'électricité, est-il envisageable un jour qu'on puisse se
rapprocher, sans l'atteindre à 100%, de ce que j'appelle
l'autosuffisance?
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'ai deux petites questions, en ce qui concerne le
point un sur la politique générale, qui touchent à
l'impact socio-économique. Mon collègue de Vimont y a fait
allusion; j'y ai fait allusion aussi. L'orientation du programme
d'équipements va avoir des impacts importants sur le personnel
d'Hydro-Québec, sur les bureaux de génie-conseil, l'industrie
manufacturière, dans une certaine mesure, l'industrie de la
construction. La question que je pose est celle-ci: Est-ce
qu'Hydro-Québec a fait une étude systématique de ces
impacts?
M. Coulombe: Nous avons des études globales sur certains
des impacts. J'en ai mentionné tantôt en termes d'investissement.
Traditionnellement, je ne dis pas traditionnellement... Depuis ce qu'on peut
appeler l'épanouissement de la Baie-James, la part dans les
investissements totaux des investissements d'Hydro-Québec pouvait se
situer à 20%; des années c'était à 21%, 22%,
d'autres années à 18%, 19%, mais, en gros, c'était environ
20% des investissements totaux. C'est évident qu'avec le plan de
développement qu'on présente, la part des investissements
d'Hydro-Québec en tant que telle va probablement diminuer. Si les autres
secteurs se maintiennent, si l'habitation reprend, si les investissements
privés dans le secteur industriel reprennent, c'est probable que la part
de l'investissement d'Hydro-Québec dans les investissements totaux
diminue.
À ceci, il va y avoir des conséquences, mais il y a deux
ou trois considérations qu'il faut apporter là-dessus. Si on
ajoute les investissements du gaz, qui sont quand même des
investissements de nature nouvelle par rapport à la tarte
générale des investissements il y a trois, quatre ou cinq ans, si
on les ajoute, on l'a vu tantôt par les chiffres qui ont
été discutés ici à la commission, dans les trois
prochaines années 7 200 000 000 $ de la part d'Hydro-Québec plus
les 2 000 000 000 $ qui, si j'ai bien compris, ne sont que jusqu'à la
fin de 1983, 2 000 000 000 $ plus les autres centaines de millions en 1984 et
1985, les deux ensemble seraient supérieurs à l'investissement
prévu au plan de 1981 d'Hydro-Québec. Donc, théoriquement,
on devrait garder, les deux ensemble, la même proportion des
investissements totaux.
Deuxièmement, il faut bien penser que c'était au
faîte des travaux de la Baie-James qu'on a atteint 20%, 21% ou 22%. Il
n'y a rien qui nous dit qu'en termes de l'économie
générale du Québec cela soit un objectif à
poursuivre que de surchauffer certains types d'industries au Québec. Il
n'y a rien qui nous permet de dire à HydroQuébec, la question est
de nature générale: Est-ce que cela est souhaitable comme
objectif qu'Hydro-Québec continue à représenter 20% des
investissements totaux? Il faut que le Québec trouve des moteurs
économiques différenciés. On pense que ce qui est
justifiable dans un programme gigantesque de 15 000 000 000 $ ou 16 000 000 000
$ ne peut pas être la base même du développement des
investissements. Ce n'est certainement pas le rôle d'Hydro-Québec
de susciter un tel type d'investissements sans considération pour le
consommateur d'électricité qui, tôt ou tard, devra payer
pour ces investissements.
Donc, cet équilibre, la politique du développement
économique, cela n'appartient pas à Hydro-Québec, mais
tout ce que l'on fait, c'est quelques réflexions sur la place
d'Hydro-Québec dans la structure générale des
investissements. Deuxièmement, sur la question des emplois, j'ai
mentionné tantôt que dans le programme - je ne parle pas de
Hydro-Québec, je parle des entrepreneurs dépendant de ces travaux
- il va y avoir une diminution. Par contre, on peut immédiatement y
accoler le même raisonnement si on dit, si j'ai bien compris, qu'il y a
3000 emplois dans la question du gaz. On remonte au niveau où
Hydro-Québec seule était l'an passé ou les autres
années.
Donc, pendant un, deux ou trois ans, si on ajoute à Hydro les
investissements du gaz, qui sont quand même des investissements
directement ou indirectement par les Québécois dans le secteur
énergétique dont une partie est totalement nouvelle; en termes de
masse, on retrouve un investissement qui est globalement le même. Comment
certaines firmes vont-elles pouvoir se transformer pour être des
fournisseurs à l'industrie du gaz par rapport à l'industrie
hydroélectrique? C'est évident que tout le monde ne pourra pas le
faire en même temps. Il va y avoir certains entrepreneurs qui vont
être obligés de se recycler.
M. Fortier: Vous conviendrez que les firmes qui vont construire
le pipeline ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui
ont bâti le barrage, à un tel point que Trans Québec &
Maritimes a exigé, pour avoir le "know how", que l'expertise nous vienne
en particulier d'une firme de Calgary. À ce moment, c'est un peu
extrapoler facilement que de dire que le fait qu'un investissement dans le gaz
s'additionne... Ma question était beaucoup plus pertinente
vis-à-vis... Il peut y avoir des raisons pour lesquelles
Hydro-Québec fait des ajustements. Ma question à ce moment n'est
pas dirigée
vers cela. Elle va dans le sens qu'en 1981, Hydro-Québec a
laissé entrevoir son programme d'équipements... Il y a
peut-être des gens qui ont investi dans leur bureau ou dans leur petite
entreprise, qui ont fait des emprunts bancaires, qui ont prévu qu'il y
avait un potentiel de développement pour leur industrie; bien sûr,
il n'y avait aucune garantie de donnée par Hydro-Québec. Je
constate les conclusions auxquelles HydroQuébec est arrivée.
J'essaie d'en mesurer l'impact. Il est certain que pour certains types
d'entrepreneurs ou de manufacturiers, de petites entreprises ou de bureaux de
génie-conseil - on parlait du nucléaire tout à l'heure,
c'est bien certain que tous les bureaux dans le nucléaire vont fermer,
point final - il y aura des impacts socio-économiques importants. Le
fait qu'il y a un investissement dans d'autres secteurs peut créer
certains emplois, mais ce ne sont pas les mêmes spécialistes, ce
ne sont pas les mêmes ingénieurs et ce ne sont pas
nécessairement les mêmes techniciens. La question que je posais
était plus en profondeur. La deuxième question que j'étais
pour vous poser est celle-ci: Est-ce qu'une telle étude est disponible?
Est-ce qu'il existe réellement une étude qui permettrait aux
différents secteurs... Ces différents secteurs, à la suite
de notre commission parlementaire, vont connaître les nouvelles
prévisions de Hydro-Québec, et mesureront pour eux-mêmes
les conséquences des politiques à venir, étant
donné qu'actuellement, vous présentez le scénario à
3,7% comme étant le scénario le plus probable?
Le Président (M. Desbiens): M.
Coulombe.
M. Coulombe: II n'y a pas d'étude systématique sur
l'ensemble des fournisseurs qui, de près ou de loin, ont affaire avec
Hydro-Québec. Ce serait presque impossible d'entreprendre une telle
étude, vu la multiplicité des fournisseurs pensables ou
imaginables à Hydro, sauf qu'il faut distinguer. Il y a ce qu'on
pourrait appeler les fournisseurs "plus stratégiques"
d'équipements importants à Hydro-Québec, les fabricants
qui doivent absolument rester au Québec pour la reprise du programme de
construction d'Hydro. Ce serait une tragédie que ces gens puissent
être obligés d'arrêter leurs opérations. On en est
parfaitement conscients. On a eu des contacts avec la plupart d'entre eux. On a
certaines hypothèses de travail avec eux. On a l'intention de les
rencontrer, de les réunir et de discuter le plus clairement possible
avec eux des conséquences de cet étalement du programme, parce
qu'il ne s'agit pas d'éliminer des programmes, il s'agit la plupart du
temps d'en étaler dans le temps.
Donc, pour une première zone de fabricants stratégiques
d'équipements pour HydroQuébec, on est conscients, l'étude
est faite; on est en contact avec eux, on a des discussions intensives avec
eux.
Si on s'éloigne de ces fabricants, de ces industriels qu'on
pourrait appeler stratégiques, évidemment on tombe dans une zone
qui est plus mouvante. Si quelqu'un a eu des grands contrats de transport de
matériel à la Baie-James pendant quatre ou cinq ans, c'est
évident que si les travaux sont diminués, plusieurs de ces
industriels, de ces commerçants vont devoir trouver d'autres
débouchés pour leurs services. Là, on n'a pas
d'étude systématique de tous les sous-traitants dans les moindres
détails parce que, pour beaucoup d'entre eux, de tout façon, le
chiffre d'affaires qu'ils faisaient avec Hydro-Québec, plus on
s'éloigne du coeur même des équipements
d'Hydro-Québec, représente des fois 5%, 10%, 15% ou 20%;
là, vous avez une infinité d'entreprises. C'est radicalement
impossible de faire une étude sur tout. On connaît beaucoup
d'entreprises qui se sont réadaptées, qui ont prévu cette
diminution dans les derniers mois et qui sont obligées de faire des
efforts pour se recycler, en termes de marchés, de nouveaux
débouchés, et ainsi de suite. Alors, on est conscients du
problème, mais il reste une limite lorsqu'on retrempe dans la zone des
entreprises qui dépendent d'Hydro-Québec pour 5%, 10%, 15%, 20%,
28% ou 34% de leur chiffre d'affaires; il n'y a pas grand-chose.
Évidemment, il s'agit d'un entrepreneur précis qui doit
réévaluer son marché et réévaluer ses
perspectives.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je veux ajouter quelques
éléments, mais non pas en complément de réponse,
Dieu m'en garde. Je voudrais revenir sur un des points qui ont
été abordés et qui vont peut-être nous faire saisir
une chose qui m'apparaît être la clé de toute la discussion
que nous avons. Il ne s'agit pas essentiellement de projeter des
investissements dans l'avenir sans tenir compte des problématiques de
marché. Ce qui nous ramène essentiellement à une question
de prévision. Je donnais tout à l'heure l'explication en me
référant au tableau 23 qui fait partie du document
déposé par Hydro-Québec. Une différence de 1% dans
la croissance de la demande, c'est-à-dire de 3,7% à 4,7% sur la
période s'étalant jusqu'en 1992, peut amener un scénario
d'investissements de 36 000 000 000 $ sur 3,7%, plus les dix
térawattheures à l'exportation par opposition à 60 000 000
000 $ d'investissements sur un scénario de croissance de 4,7%. Alors, on
voit tout de suite qu'il y a une masse de
25 000 000 000 $ qui est directement reliée à un seul
point de variation de croissance de la demande d'ici 1992.
Ce que nous devons faire, c'est tenir compte d'une problématique
de mouvement pour les années à venir. C'est pourquoi les
scénarios de croissance doivent tenir compte et porter des variables. Il
est bien certain qu'à très court terme, d'ici à 1985, je
pense que c'est mathématique ce que M. Coulombe nous donnait
tantôt en termes d'investissements globaux, même en prenant le
différentiel entre les 7 200 000 000 $ et les 9 000 000 000 $ dont on
parlait, qui sont les 2 000 000 000 $ de différence entre les 3,7% et
les 2,6% sur la période de 1983-1985, si on additionne les 2 000 000 000
$ prévus d'investissements au Québec pour le gaz naturel d'ici
à 1983 sur un plan de stricte mathématique, les totaux
d'investissements se rejoignent, mais il est vrai que nous sommes, dans un
certain sens, dans une situation privilégiée pour nos choix sur
l'avenir; il faut tenir compte de ce mouvement.
Je voudrais placer notre discussion dans une problématique un peu
plus large. Des projets d'investissements sont ralentis pour tenir compte de la
demande, compensés par d'autres parce que les composantes du bilan
énergétique vont varier à très court terme, mais il
faut bien comprendre que les firmes d'ingénieurs-conseils et tous ceux
qui, de près ou de loin, oeuvrent dans le dossier d'énergie, ne
connaissent pas de déception ces années-ci par le seul fait de
décisions que le gouvernement du Québec ou encore,
qu'Hydro-Québec peut prendre. Je pense à un certain nombre et la
liste s'allonge de plus en plus. À peu près tous les grands
projets d'investissements dans le secteur énergétique au Canada
sont ou bien en suspens, ou bien tout simplement abandonnés. Cela aussi
a un impact considérable sur les grandes firmes
d'ingénieurs-conseils. Nous en avons de réputation et d'envergure
internationale qui ont leur siège social à Montréal et qui
oeuvrent ici au Québec, au Canada, aux États-Unis et dans le
monde entier. (17 h 15)
Si on jette un bref coup d'oeil sur une liste que j'ai sous les yeux, il
y a le projet Alsands qui est abandonné, c'est 13 000 000 000 $ en 1982;
le projet des sables bitumineux Cold Lake, un investissement prévu de 5
900 000 000 $ initialement; le gazoduc de la route de l'Alaska est
retardé, c'est 5 000 000 000 $; le développement pétrolier
Hibernia aussi est retardé, à cause des querelles que vous
connaissez, c'est 4 000 000 000 $. Le développement de réserves
de pétrole lourd et la construction de l'usine de valorisation à
Lloydminster, en Saskatchewan, sont en suspens, c'est un investissement
prévu de 2 000 000 000 $; le projet pilote de l'Arctique, le moins qu'on
puisse dire c'est d'y mettre des points d'interrogation, c'est 1 600 000 000 $;
l'usine de valorisation de mazout, le projet CARMONT, le moins qu'on puisse
dire pour l'instant, c'est qu'il est en difficulté.
Je rappelle au député d'Outremont que ce projet de 1 300
000 000 $, si mon souvenir est bon, avait été annoncé, je
crois, en mai 1980, pour l'histoire en tout cas. Il y a aussi un projet dans le
delta du MacKenzie, l'usine de gaz Taglu, c'est
I 000 000 000 $, et également l'usine de gaz du lac Persons,
à peu près 500 000 000 $ d'investissements. Je n'ai pas
parlé de Gros Cacouna, le port méthanier, etc.
Or, il faut bien comprendre qu'il y a une constante à l'heure
actuelle où, par définition, on devra sans aucun doute changer
les mots du dictionnaire: un mégaprojet est un projet qui ne fonctionne
pas dans le dossier énergétique canadien. Si vous additionnez
tout cela, vous avez pour environ 30 000 000 000 $ d'investissements.
Une voix: 34 000 000 000 $.
M. Duhaime: 34 000 000 000 $, j'ai oublié d'additionner
les quelques centaines de millions. Cela est vraiment poser une question qui
trouve sa réponse d'elle-même que de s'interroger sur quel sera
l'impact socio-économique de l'arrêt ou de la suspension de ces
grands projets énergétiques.
II est évident qu'on peut le déplorer, mais il faut
peut-être se demander qu'est-ce qui a fait que tous les grands projets,
tous les mégaprojets au Canada ont été abandonnés
ou mis en suspens.
Ce qui m'apparaît très clair comme conséquence,
c'est que la politique énergétique nationale, avant comme
après la mise à jour, a entraîné directement
l'arrêt de ces grands projets. Nous ne pouvons pas, bien sûr,
donner des contrats pour faire des études d'impact
socio-économique devant des évidences. Il est entendu que lorsque
des investissements ralentissent, parce que la demande sur les marchés
se décale dans le temps, automatiquement, il y a un ralentissement de
l'emploi; l'effet en aval des investissements projetés sera plus faible
que prévu, cela m'apparaît certain. Cela fait partie de ce qu'un
bon libéral appellerait la loi inexorable des marchés. Nous
allons tenter - c'est ce que nous faisons - par tous les moyens possibles de
nous coller à la prévision de la croissance de la demande.
C'est ce qui fait que pour la première fois, en tout cas,
à Hydro-Québec on a sur la table des scénarios de
croissance qui tiennent compte de ces variables avec une capacité de
s'adapter aux circonstances. J'ai retenu ce matin, dans la déclaration
de M. Coulombe, que le plan de développement
d'Hydro-Québec mentionnait bien: 1983 à 1985, sur un
horizon de 1992. À la suite de ce que j'ai entendu, je tiendrais pour
acquis que l'an prochain nous aurons un document intitulé: 1984-1986,
horizon 1993 ou horizon 1994, mais il faut absolument inscrire nos travaux et
nos analyses dans cette problématique de mouvement.
On pourrait faire un raisonnement par l'absurde et dire: Nous
déclarons à ce jour que toute croissance de la demande domestique
au Québec sera de X% et engager un plan d'équipements en
conséquence, avec le résultat très net qu'on peut se
retrouver dans la même situation que d'autres compagnies d'utilité
publique très proches de nous. Je ne voudrais pas mentionner l'Ontario,
mais c'est un peu son cas; elle est actuellement dans une situation de
suréquipement.
Or, le fardeau financier, non seulement des contribuables, mais aussi
des consommateurs risquerait d'être énorme, si on ne tient pas
compte de ces scénarios de croissance. Si on investissait par pure
hypothèse 2 000 000 000 $, 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $ dans des
équipements de production hydroélectrique, alors qu'on sait
très bien que dans cinq ou six ans tous les scénarios de
croissance et toutes les analyses que nous avons faites ne nous
amèneraient pas logiquement à conclure dans cette direction. Ce
que je traduirais comme consommateur, c'est qu'Hydro-Québec a fait des
investissements inutiles, et c'est exactement dans ce sens qu'il faut regarder
la problématique. Il ne s'agit pas de savoir qui fera le meilleur
discours, qui investira le maximum de milliards de dollars, il s'agit de se
demander de façon très pertinente si les scénarios de
croissance et la prévision sont derrière toute la
problématique d'un plan d'équipements comme celui-là. Je
pense que le député d'Outremont le comprend très bien.
Le dossier du nucléaire est devenu à peu près
inexportable, pas plus en Corée qu'aux Indes ou au Pakistan. Pour tous
ceux qui travaillent dans le secteur du nucléaire à
l'échelle canadienne - et cela va être vrai pour d'autres pays du
monde qui ont derrière eux un potentiel hydroélectrique - cela va
signifier une conversion possiblement cruelle d'effectifs et de
compétences qui s'étaient orientées dans une direction et
qui vont devoir revenir à d'autres avenues. On va vivre à un
degré beaucoup moindre une pareille conversion pour la raison
très simple que nous ne sommes pas coïncés, les choix sont
devant nous. Si on retenait une problématique serrée, un
calendrier de dix ans, et qu'on se plaçait dans la situation de ne pas
être en mesure d'en sortir, dépendant de l'évolution des
scénarios de croissance, on ferait une erreur historique. Actuellement,
avec un scénario qui laisse une large place à la souplesse, on
est en mesure de se déplacer. Je le répétais
essentiellement ce matin, les scénarios d'Hydro-Québec rejoignent
essentiellement une problématique de 37% de la part
d'hydroélectricité sur Horizon 1990. À mon propre
ministère, les analyses de prévision de la demande nous
rejoignent sur une courbe d'à peu près 39%. L'objectif que l'on
doit maintenir si on veut aller dans le sens de ce que l'Opposition
libérale propose, c'est-à-dire maintenir au maximum les
équipements pour développer les richesses hydroélectriques
du Québec, c'est de retenir un scénario qui va faire qu'à
l'horizon de 1990 on va se trouver au niveau de 41%. Le résultat, c'est
qu'on va déplacer plus vite le pétrole que nous importons. Ne
nous faisons pas d'illusions. À partir de 1990, le pétrole
conventionnel qui pourrait venir de l'Ouest canadien, cela me donne des
souvenirs. Vous allez me permettre d'être partisan, j'ai même
entendu un premier ministre d'une province de l'Ouest venir dire il y a
à peine deux ans au Québec. Ne vous inquiétez pas, il y a
encore du pétrole pour vous. Il est bien certain que ce n'est pas le
discours qui compte en pareilles circonstances, c'est: Est-ce que
l'énergie sera disponible et à quel prix? Il est entendu, je
croyais l'avoir dit de façon assez claire ce matin, que nous allons
revenir d'ici quelques années, possiblement avant la fin de cette
décennie, à la situation où on se retrouvait au
Québec avant 1973, c'est-à-dire qu'on va importer notre
pétrole à partir du marché mondial et on paiera le prix du
marché mondial. C'est dans ce sens que si on réussissait à
aller à 41% pour 1990, même 41% pour 1989 ou encore 42% pour 1990,
au lieu de donner des dollars aux Arabes ou encore au Venezuela ou encore au
Mexique, ce sera autant de gagné pour nous. Et je pense qu'il faut
absolument tenir compte de l'ensemble de cette problématique, pas
simplement se dire: II y a tant de milliards d'investissements de perdus, cela
veut dire tant d'emplois perdus. Vous en avez pour 34 000 000 000 $ de perdus
en investissements, à l'échelle de tout le Canada. Ce que cela
peut représenter ici comme décalage à l'intérieur
des trois ans, c'est à peu près un pois dans la soupe, si vous
voulez mon opinion.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le ministre, vous venez en fait de donner la
réponse à la question que je voulais vous poser, soit quel
était l'impact de cette politique énergétique canadienne
qui va faire qu'en 1990 on va passer de 48%, dans la provenance du
marché mondial de pétrole, à 90%. Mais vous avez fait
ressortir tous ces projets qui tombent les uns après les autres qui font
que
cette politique énergétique canadienne commence à
avoir l'air complètement ridicule. Mais il y a un élément
important qui manque à cette description, c'est Petro-Canada. Si j'avais
bien compris, Petro-Canada devait, un de ces jours, nous amener le
pétrole de l'Ouest dans les boyaux de ses pompes à essence
canadiennes qu'on voit dans le décor, qu'on dit nous appartenir, qui
nous a coûté terriblement cher; c'est 1 500 000 000 $ que cela a
coûté, tous les experts disent que cela a coûté deux
fois le prix. D'ailleurs, dans mon comté, aux travailleurs que je
rencontre et qui ne sont pas contents de la politique gouvernementale sur les
salaires, je dis: Regardez les annonces de Petro- Canada à la
télévision et c'est là que s'en va votre salaire; vous
savez, ces coupures que le fédéral nous a faites, à un
moment donné, qui font qu'on n'avait plus la marge de manoeuvre qu'il
nous fallait, c'est là qu'est la marge de manoeuvre, c'est dans l'achat
de Petro-Canada.
Est-ce que c'est cela qu'on doit comprendre de la politique du
fédéral relativement au pétrole? C'est qu'en 1990, dans
les boyaux des pompes d'essence de Petro-Canada, c'est de l'essence qui vient
du marché mondial qui a coulé dans cela, est-ce que c'est cela
que les gens doivent comprendre? Depuis le début de nos travaux, on
parle un langage d'experts, les grands mots, de grands professeurs, mais les
gens qui nous écoutent à la télévision ne sont pas
tous formés pour suivre les cours universitaires. Cela les
intéresse joliment de savoir si c'est vrai ce qu'on nous a dit lors de
la campagne référendaire, c'est-à-dire qu'on allait
compter sur le pétrole canadien, le pétrole terre-neuvien et le
pétrole albertain; j'ai toujours dit que ce n'était pas du
pétrole canadien, que c'était du pétrole albertain. On
sait maintenant que non seulement il n'y aura pas de pétrole albertain,
mais on nous a raconté des histoires et on nous a monté toute une
politique. D'ailleurs, on a essayé de construire toute l'économie
canadienne sur cette politique énergétique qui est en train de
s'effronder; on en paie le prix actuellement et on n'a pas fini d'en payer le
prix.
C'est cela la conclusion que je tirerais; je vois que vous me le
confirmez, M. le ministre, c'est cela exactement. En 1990, Petro-Canada aura
été achetée strictement pour rien puisque, dans les boyaux
de ces pompes à essence, c'est du pétrole qui nous viendra
d'Arabie qui coulera. On aura englouti 1 500 000 000 $ dans une affaire dont on
aurait pu se passer et qui, en fait, actuellement ne sert qu'à une
chose, c'est d'essayer de nous vendre, malgré tout, malgré nous,
le Canada. Merci, M. le Président, c'est ce que voulais dire très
brièvement.
Situation énergétique
Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, la
politique d'ordre général cet article semble être
passé. J'essaie de suivre la suggestion d'ordre du jour qu'on m'a faite.
Le point 2, ce serait: Situation énergétique.
M. Tremblay: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Chambly.
M. Tremblay: On conserve tout de même le droit d'y revenir
si c'est nécessaire.
Le Président (M. Gagnon): Oui, absolument. La situation
énergétique, est-ce que vous avez des...
M. Fortier: On a déjà traité de la situation
énergétique. J'aurais juste une question. Étant
donné que la presse a révélé le contenu
confidentiel d'une lettre de M. Bourbeau à M. René
Lévesque, dans laquelle Hydro-Québec demandait la mainmise sur
les sociétés de gaz, pourriez-vous nous expliquer davantage pour
quelle raison cette option en particulier avait été
proposée, entre autres l'arrêt du pipeline à
Trois-Rivières et peut-être une limite dans la distribution du gaz
au Québec qui aurait permis, j'imagine, de vendre plus
d'électricité au Québec? J'imagine que c'était une
des alternatives réalistes qui ont été proposées
par HydroQuébec.
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Ce qu'il y avait dans le document qui a
été transmis au premier ministre, c'était une proposition
d'étudier une variante et on se posait des questions, à
Hydro-Québec, en regardant ce qui se passe au Canada. Il y a des
compagnies comme BC Hydro qui vendent de l'électricité et du gaz,
il y a Saskatchewan Power qui vend de l'électricité et du gaz, il
y a EDF. Aux États-Unis, vous avez une foule d'électriciens qui
vendent du gaz et c'était la question qu'on se posait à ce
moment. Est-ce que c'est pensable de considérer qu'Hydro-Québec
pourrait vendre de l'électricité et du gaz? La proposition
était une proposition d'étudier, il n'y avait aucune
arrière-pensée selon laquelle on prendrait le contrôle du
gaz.
M. Fortier: Si ma mémoire est fidèle,
c'était une suggestion qui avait été étudiée
à l'intérieur d'Hydro-Québec, il y a trois, quatre ou cinq
ans. J'imagine que vous devez
avoir certains éléments du dossier qui vous permettaient
de croire qu'une telle recommandation dans votre esprit serait
bénéfique pour le Québec. Je l'imagine, puisque l'on va
arriver tout à l'heure dans le programme d'équipements, lignes de
transport, distribution. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, vous
allez investir. L'an dernier, en 1981, d'ailleurs, on avait signalé le
fait que des investissements très considérables devaient
être faits dans la distribution. On s'aperçoit qu'à
Montréal, toutes les rues sont ouvertes présentement; dans
Outremont, toutes les rues sont "patchées", pour utiliser un terme
populaire, de travers, par les travaux qui sont faits là. Il y a une
question qui se pose: Est-ce qu'on a les moyens d'investir à la fois
dans la distribution de l'électricité et à la fois dans la
distribution du gaz naturel sur la même rue, en particulier? Je croyais
que cette politique d'harmonisation dont on faisait état,
indépendamment du désir du consommateur qui, lui, aimerait bien
avoir sur sa rue et l'électricité et le gaz naturel... Cela, je
le conçois bien, tous les villages du Québec veulent avoir
également l'électricité et le gaz. Mais, vu sous l'angle
d'une harmonisation, j'imagine que votre proposition s'intégrait
à l'intérieur de gros sous. On parle de gros sous,
présentement, le ministre vient d'y faire allusion, puisqu'il s'agit
d'investissements de l'ordre de milliards de dollars et dans
l'électricité et dans le gaz. (17 h 30)
M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que les études qui
ont été faites à HydroQuébec ne consistaient pas
tellement à regarder si on allait réserver certaines rues au gaz
et certaines rues à l'électricité, parce que, de fait, il
faut que l'électricité s'en aille dans tous les foyers, ne
serait-ce que pour faire fonctionner la fournaise au gaz. Alors, ce
n'était pas ce genre d'études. Quand on parle de BC Hydro qui
distribue le gaz et l'électricité EDF, le gaz et
l'électricité sont dans la même rue. Le gaz et
l'électricité sont dans la même rue, ils se voisinent.
M. Fortier: Alors quels seraient les avantages, si ce n'est pas
sur le plan de la capitalisation? Ce serait quels genres d'avantages?
M. Bourbeau (Joseph): C'était dans le but de faire des
études. C'est ce qu'on demandait, de faire des études pour
essayer de voir plus clair dans le dossier. C'est tout.
M. Fortier: Alors, vous voulez dire que ce genre de
problème, à venir jusqu'à maintenant, n'a pas
été étudié, à savoir s'il y aurait des
avantages de concentration. Présentement, on se retrouve avec deux
distributeurs de gaz. Un distributeur de gaz était très bien
implanté à Montréal et sa survie peut être
assurée parce qu'il a une clientèle à la fois industrielle
et résidentielle qui est assez importante. Et comme on le sait, parce
qu'il y a eu des parutions lors de la commission parlementaire de 1977, pour la
survie de toute compagnie de gaz, il faut qu'elle ait un marché
industriel extrêmement important. L'inquiétude, bien sûr,
qu'on pourrait avoir, et surtout dans le cas de Gaz Inter-Cité qui,
elle, doit se ménager un nouveau marché, on me dit que le
marché domestique peut fonctionner assez bien mais, compte tenu des
surplus de mazout lourd et de la concurrence que va lui faire
Hydro-Québec, compte tenu des surplus d'électricité, il
peut y avoir une inquiétude sur la rentabilité même de Gaz
Inter-Cité dans l'avenir. J'imagine que ce sont des
considérations comme celles-là qui auraient justifié une
étude, des études plus en profondeur pour éviter que des
catastrophes financières se produisent par la suite.
M. Bourbeau (Joseph): Exactement, on avait toujours
considéré que le gaz pouvait pénétrer surtout le
secteur industriel et beaucoup moins le secteur résidentiel.
C'était le but de l'étude, c'était des études qu'on
voulait faire.
M. Fortier: Quelle fut la réponse du gouvernement sur
cette demande?
M. Bourbeau (Joseph): Je crois que le ministre a fait une
déclaration, il y a un mois ou deux.
M. Duhaime: Je pourrais peut-être la reprendre?
M. Bourbeau (Joseph): Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Fortier: D'habitude, il dit la même chose que j'ai dite,
mais six mois après.
M. Duhaime: Non, il y a une meilleure constante.
M. Fortier: Dans six mois, il va changer encore, lors de la
prochaine commission parlementaire.
Le Président (M. Gagnon): La parole est au ministre.
M. Duhaime: J'ai une bonne coupure de presse sur vos
déclarations concernant le gaz naturel, M. le député
d'Outremont. Si vous voulez qu'on vous mette en contradiction, on peut le faire
dans les quinze prochaines minutes. La réponse du gouvernement
là-dessus, c'est que, dans l'immédiat, on ne
voyait pas l'utilité ni même l'urgence de faire une fusion
de quelque nature que ce soit. Ceci étant dit, je crois avoir
rappelé que c'était du devoir d'Hydro-Québec, de son
président ou de ses présidents de continuer à
réfléchir là-dessus. Je suis personnellement convaincu que
la meilleure façon de donner un choix au consommateur, dans
l'étape où nous nous trouvons sur le plan de la
pénétration du gaz naturel, est de laisser les deux compagnies de
distribution se battre sur le marché. Je l'ai indiqué rapidement,
ce matin. C'est un marché de 150 BCF: Gaz-Métro, autour de 40,
Gaz Inter-Cité 110. Je voudrais prendre juste un exemple bien concret.
Dans la phase II, pour la conduite latérale qui partirait de
Grand-Mère, en Mauricie, jusqu'à l'usine Alcan, à La Baie,
au Saguenay - Lac-Saint-Jean, les prévisions de Gaz Inter-Cité
sont dans le sens qu'à peu près la moitié des 29 BCF
prévus pour cette conduite latérale pourrait être
absorbée par l'Alcan qui, à l'heure actuelle, importe du
pétrole.
Il est évident qu'un pareil client industriel en bout de piste
assure la rentabilité de cette phase II. La même chose pour la
phase I. Trois-Rivières sur Bécancour, ou Trois-Rivières
sur Shawinigan, sur Grand-Mère avec le potentiel de clients industriels
qu'il y a là, en se disant bien que, d'abord et avant tout, le gaz
naturel va déplacer du pétrole. Et, mon Dieu! que BC Hydro ait un
comptoir unique pour l'électricité et le gaz et que DF-France
fasse la même chose et dans d'autres coins du monde, c'est le même
scénario qu'on retrouve. Je pense que, pour l'instant, pour les quelques
années qui sont devant nous en tout cas, il n'y a pas lieu de
réviser ces scénarios et de laisser les compagnies
gazières se battre, même se battre contre Hydro-Québec - le
faut-il? - ou, inversement, qu'Hydro-Québec ait à se battre sur
le plan du marché. On a à plusieurs reprises entendu tant M.
Bourbeau que M. Coulombe ce matin dire qu'Hydro-Québec est prête
à être beaucoup plus agressive sur une mise en marché. Le
gouvernement est d'accord avec cette approche, et je pense que celui qui va y
gagner, en ultime ressort, cela va être le consommateur qui, d'une part,
va avoir un choix dans ses formes d'énergie, au moins pour les
régions qui seraient desservies par le gaz naturel et, au surplus, si on
regarde l'évolution des prix, il est bien certain, même en tenant
compte de la taxe de vente qui s'applique encore aujourd'hui sur le gaz
naturel, que cette forme d'énergie est à meilleur marché
que l'électricité, à plus forte raison que le
pétrole.
Une fois la taxe de vente sur le gaz naturel enlevée, il est
évident que les différences sur l'indice varient en faveur du gaz
naturel, mais je crois qu'il faut laisser les choses se dérouler sur le
marché et ne pas faire des scénarios structurels en croyant
qu'automatiquement on pourrait tout figer sur une problématique que
l'hydroélectricité arriverait à temps et que le gaz
naturel vendu par Gaz Métropolitain atteindrait tel niveau et que le gaz
naturel vendu par Gaz Inter-Cité atteindrait tel autre niveau. Je pense
qu'il faut laisser les forces du marché jouer.
L'objectif de fond, je le rappelle, est de faire en sorte, si
l'hydroélectricité toute seule réussit à
déplacer du pétrole importé, de tenir pour acquis qu'une
forme d'énergie à un prix encore meilleur marché pourrait
déplacer encore davantage de pétrole importé. C'est dans
ce sens, je crois, que la problématique énergétique est
sur la table et je ne vois pas pourquoi à ce moment-ci on remettrait
cela en cause. J'ai eu l'occasion, je voudrais en donner l'assurance au
député d'Outremont, de dire que nos discussions avec
Hydro-Québec sur ce sujet vont se poursuivre; je ne voudrais en aucune
manière freiner ou arrêter quelque effort de réflexion
où que ce soit, autant à l'Hydro-Québec qu'à mon
propre ministère, et on verra à l'avenir ce que cela va
donner.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je prends note du fait que le
ministre vous encourage à continuer votre réflexion;
j'espère que vous en êtes fort aise. J'aimerais seulement
préciser certains chiffres, du moins, j'ai obtenu des chiffres de Gaz
Métropolitain cette semaine - peut-être que cela vaut la peine
d'en faire état - en ce qui concerne les prix comparatifs du gaz et de
l'électricité; on m'a donné les prix pour un bungalow de
1200 pieds carrés de superficie. Les prix que j'ai obtenus pour le
chauffage sont ceux-ci: chauffage au gaz, 909 $; chauffage à
l'électricité, 929 $; et chauffage à l'huile à
chauffage, 1120 $. Il y a un avantage très minime en faveur du gaz;
d'ailleurs, comme j'en ai fait l'expérience moi-même cette
année, M. le ministre, cet avantage disparaît complètement
lorsqu'on spécifie à notre compagnie d'assurance qu'on se chauffe
à l'électricité, puisque le risque est beaucoup moins
élevé. Dans ce cas-ci, on peut affirmer, en prenant en
considération la prime d'assurance sur la maison, qu'il n'y a aucune
différence présentement pour un bungalow de 1200 pieds
carrés entre le gaz et l'électricité. Il est vrai que, si
le gouvernement, à la suite des promesses qu'il avait faites dans le
passé, enlevait la taxe sur le gaz, à ce moment-là cela
pourrait avantager le gaz proprement dit. Mon dernier commentaire est que le
ministre voudrait que ces compagnies dans le domaine du gaz et de
l'électricité soient en concurrence. Personnellement, venant du
secteur privé, je
suis tout à fait à l'aise avec une politique de
concurrence, comme il le suggère, dans le secteur privé.
Dans le secteur public, ce dont il faudrait se souvenir, c'est que
l'actionnaire d'Hydro-Québec, c'est le public, ce sont les 5 000 000
à 6 000 000 d'Hydro-Québécois et les actionnaires de Gaz
Métropolitain, Gaz Inter-Cité, à 52%, 53%, sont
également des Québécois. S'il fallait qu'il y ait des
erreurs de stratégie et de marketing, puisqu'on dit à chacun,
comme on le fait dans le secteur privé, à Steinberg comme
Provigo: faites de la concurrence entre vous; finalement, c'est le consommateur
qui va gagner, il nous faut bien réaliser que, lorsqu'il s'agit de
sociétés d'État, à 100% dans le domaine de
l'Hydro-Québec et à 52% dans le cas des distributeurs de gaz,
s'il y a des erreurs d'appréciation des marchés, en bout de
piste, c'est le consommateur qui va payer. C'est là le risque. On ne
peut se permettre justement de prendre des risques, de la même
façon qu'on peut le faire dans le secteur privé où,
finalement, ce sont les actionnaires de ces compagnies qui y perdent. C'est la
raison pour laquelle, M. le ministre, votre argumentation est fallacieuse.
C'est la raison pour laquelle je demandais justement qu'on réexamine
cette politique parce qu'en bout de piste ce sont encore les consommateurs qui
vont se faire avoir. C'est ce qui est dangereux. Je comprends, sans endosser en
aucune façon la recommandation qui a été faite par
Hydro-Québec, mais au moins elle avait le mérite de mettre le
problème sur la table. Je crois qu'on doit continuer à
l'examiner, puisque, pour ma part, j'ai encore de graves inquiétudes, je
le répète, sur la rentabilité de Gaz Inter-Cité. Si
les dirigeants de Gaz Inter-Cité ne sont pas nerveux, quoique dans le
passé ils nous disaient qu'il était tout à fait important
que CARMONT se réalise pour justifier la rentabilité de ce
distributeur de gaz... Maintenant que CARMONT ne se réalisera pas, qu'on
nous dise que la rentabilité est encore assurée, cela me semble
beaucoup et même beaucoup trop. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais juste dire une chose. Je ne sais pas si
on va concilier nos chiffres sur les 1200 pieds carrés.
M. Fortier: ... Gaz Métropolitain.
M. Duhaime: Sur les positions concurrentielles des formes
d'énergie, ce que j'ai ici devant moi, c'est qu'en tenant pour acquis,
par exemple, que l'indice de l'électricité est de 100, sur un
scénario pour 1983 qui impliquerait une augmentation tarifaire de 7,3%,
l'indice de l'électricité serait de 100, par rapport au gaz
naturel qui serait de 84, et l'indice du mazout no 2 serait de 116, ce qui veut
dire que vous auriez moins 16 en faveur du gaz et plus 16 de l'autre
côté.
Si vous nous dites que cela n'a pas de bon sens, j'ai les chiffres
devant moi pour le chauffage de l'eau et de l'espace d'une maison unifamiliale.
Ce sont les comparaisons tarifaires qui s'appliquent dans le secteur
résidentiel. Il est évident que, quand on s'en va dans les
maisons à appartements, l'indice varie vers le bas quant au mazout et il
varie également vers le bas pour ce qui est du gaz naturel. L'avantage
du prix du gaz naturel ne reste pas marginal, mais il reste nettement
significatif en tenant pour acquis que notre gouvernement livrera la
marchandise pour ce qui est de l'abolition de la taxe sur le gaz naturel, mais
elle sera annoncée en temps utile. J'imagine que cela va de soi que
c'est le ministre des Finances de notre gouvernement qui s'occupe de ce genre
de chose et qu'au mois de novembre une déclaration devrait aller dans ce
sens.
M. Fortier: Si c'est le ministre des Finances qui s'en occupe,
tout le monde est rassuré.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'au point 2 vous aviez
d'autres questions?
M. Fortier: Non. Facteurs influençant la
demande
Le Président (M. Gagnon): On passerait donc aux facteurs
importants influençant la demande. Aviez-vous quelque chose à
ajouter, M. le député d'Outremont?
M. Fortier: Oui, ce sont des facteurs importants qui affectent la
demande. Il y a deux types de facteurs importants affectant la demande
d'Hydro-Québec, en plus des autres facteurs qu'on a mentionnés
jusqu'à maintenant: ce sont les exportations d'énergie et
Churchill Falls.
Prenons le premier pour commencer, les exportations d'énergie.
Quand on parle d'exportation d'énergie, on parle non seulement
d'exportation vers les États-Unis, mais on parle d'exportation vers les
provinces limitrophes. En examinant votre dossier et compte tenu des
commentaires qu'on peut lire dans les journaux, il semblerait, comme vous
l'avez dit tout à l'heure, qu'Hydro-Ontario, elle, a des surplus
d'énergie. On peut même lire dans les journaux que le
Nouveau-Brunswick lui-même a également des surplus. Ce qui me
surprend, c'est que chacune de ces provinces cherche à vendre de
l'énergie aux États-Unis et, effectivement, fait des ventes aux
États-Unis. J'ai ici devant moi un article qui a
paru le 22 octobre dernier dans le Globe and Mail où on dit:
"Hydro signs 600 000 000 $ deal". Ce qui m'a frappé aussi,
essentiellement, c'est le fait que le volume de ventes d'Hydro-Ontario vers les
États-Unis est de beaucoup supérieur à celui
d'HydroQuébec. Je crois que c'est de l'ordre de 500 000 000 $ par
année - j'aurais dû apporter le rapport financier d'Hydro-Ontario
- et que les exportations d'Hydro-Québec sont présentement de
l'ordre de 200 000 000 $.
Une voix: 500 000 000 $.
M. Fortier: 500 000 000 $, présentement?
Une voix: Pas aux États-Unis.
(17 h 45)
M. Bourbeau (Joseph): Vers les États-Unis, 200 000 000 $,
puis l'Ontario, le Nouveau-Brunswick...
M. Fortier: Alors, je ne sais pas... La première question
est celle-ci. Y a-t-il réellement des possibilités de vente
d'énergie à l'Ontario et au Nouveau-Brunswick? Ma deuxième
question est: Compte tenu du fait que ces provinces revendent notre
électricité aux États-Unis, dans un sens, ne nous
retrouvons-nous pas dans la même position que Terre-Neuve? Sommes-nous
assurés quand même de faire des profits sur ces ventes? Pourquoi
ne pouvons-nous pas la vendre nous-mêmes aux États-Unis? Ma
troisième question est: Quels moyens Hydro-Québec va-t-elle
prendre? Peut-être que M. Lafond, étant le nouveau titulaire, a
des idées là-dessus, mais la question se pose au
président. Quels sont les moyens qu'Hydro-Québec mettra en oeuvre
pour, dans un sens, contrecarrer les efforts de marketing - parce que vous
n'êtes pas les seuls - qui sont faits par le Nouveau-Brunswick - quoique
là, le danger est plutôt minime; tout ce qu'ils ont, je crois,
c'est Pointe Lepreau II ou quelque chose comme cela - et l'Ontario, qui a des
surplus beaucoup plus considérables.
Le Président (M. Gagnon): M. Jean-Joseph Villeneuve va
répondre à votre question.
M. Villeneuve.
M. Villeneuve (Jean-Joseph): Je pense que le premier point dans
cette question a trait aux capacités d'interconnexion entre, d'une part,
Hydro-Québec et les États-Unis, et les provinces voisines et les
États-Unis, d'autre part. Il faut comprendre qu'Hydro-Ontario peut
vendre aux États-Unis en trois points principaux, dont un est assez
près de nous, dans la région de Massena, à partir de la
centrale hydroélectrique de St. Lawrence.
M. Fortier: Ils ont une interconnexion considérable.
M. Villeneuve: Ils ont une interconnexion importante à cet
endroit, pas en soi plus importante que notre interconnexion de
Châteauguay, mais qui s'ajoute aux autres interconnexions qu'ils ont,
notamment à Niagara et dans la région de Détroit,
c'est-à-dire au sud-ouest de la péninsule de l'Ontario. Au total,
Hydro-Ontario a des capacités d'iterconnexion de l'ordre de deux fois et
demie peut-être notre capacité d'interconnexion avec les
États-Unis. C'est ce qui explique, en tout premier lieu, le volume des
ventes. Quant au prix unitaire, Hydro-Québec, par la force des choses,
pour être en concurrence avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, doit
effectivement vendre à un prix inférieur. Ce qui nous
amène à utiliser nos interconnexions à un facteur
d'utilisation plus élevé que ce que peut réussir
l'Ontario. Il se passe que nous, comme notre coût marginal est
virtuellement nul, c'est-à-dire qu'une fois les centrales en place, cela
ne nous coûte à peu près rien de produire plus de
kilowattheures quand on a l'eau voulue pour le faire. C'est qu'on peut toujours
vendre à un prix concurrentiel et vendre à un prix
inférieur à ce qu'il en coûte aux Américains pour
produire leur électricité. Cela nous amène à vendre
la nuit et en fin de semaine, alors qu'à certains moments, tout ce qu'on
déplace aux États-Unis, c'est de l'électricité
produite au charbon; ce qui veut dire qu'à ce moment-là l'Ontario
n'est pas en concurrence avec nous, l'Ontario ne peut pas vendre pour
déplacer du charbon aux États-Unis. Récemment, j'ai
vérifié les chiffres et on a utilisé notre interconnexion
à des facteurs d'environ 80% ou 85%, alors que l'Ontario, c'est
peut-être autour de 50% ou 55%. Mais, il faut qu'on vende à un
prix, pour entrer en concurrence, qui soit vraiment en-dessous du prix moyen
auquel peut vendre Hydro-Ontario. Donc, en résumé, notre revenu
moyen est inférieur à celui de l'Ontario. Je pourrais faire des
comparaisons semblables avec le Nouveau-Brunswick: c'est encore plus
marqué et le volume est inférieur à ce que peut vendre
l'Ontario.
M. Fortier: Je veux seulement comprendre ce que vous me dites.
Vous dites qu'Hydro-Québec doit vendre à un prix inférieur
à celui d'Hydro-Ontario; est-ce que c'est pour justifier, finalement, la
construction des lignes de transport d'énergie additionnelles que les
Américains doivent construire? Pour quelle raison devez-vous vendre
meilleur marché qu'Hydro-Ontario?
M. Villeneuve: II n'y a pas de rapport, c'est qu'on passe en
premier, en vendant moins cher, on vend les premiers et
l'Ontario, passe après, c'est-à-dire que nous, on peut
vendre toute la journée et quand on a saturé notre
interconnexion, là, l'Ontario peut vendre. Mais malgré cela, elle
fait des revenus plus élevés que nous pour les raisons que j'ai
expliquées tout à l'heure. C'est un avantage pour nous, en somme.
Cela peut paraître curieux, mais si on avait plus d'interconnexions,
évidemment, on augmenterait l'effet de la concurrence et on pourrait
vendre des volumes. C'est ce qui va se produire quand on va ajouter
l'interconnexion de NEEPOOL en 1986. Au début, elle va avoir seulement
690 mégawatts de capacité, mais éventuellement,
lorsqu'elle en aura 2000, on pourra vendre vraisemblablement à un taux
d'utilisation élevé et aller chercher des revenus
considérables.
M. Fortier: Dans votre programme d'équipements, ici, vous
faites allusion aux ventes possibles d'ici à 1985, j'imagine que c'est
limité par les interconnexions qui sont en place. Au-delà de
1985, quelles sont les interconnexions qui viendront ajouter à la
capacité de vente d'Hydro-Québec. Il s'agit de Châteauguay
et Des Cantons en particulier, est-ce que vous voulez préciser
l'importance de ces interconnexions?
M. Villeneuve: Ce qui est prévu au début, c'est une
interconnexion courant continu à partir d'un poste près de
Sherbrooke, justement qui s'appelle Des Cantons, vers un poste situé
vers la frontière entre le Vermont et le New-Hampshire qui s'appelle
Comerford et cette interconnexion devrait venir en exportation à la fin
de 1986. Elle pourra être portée, comme M. le président l'a
dit tantôt, à 2000 mégawatts de capacité
éventuellement. Nous avons amorcé des négociations pour en
venir à cela éventuellement.
M. Fortier: Vous voulez dire que la ligne de transport
d'énergie du côté canadien pourrait être à
2000 mégawatts, mais est-ce que l'interconnexion elle-même va
être à 2000 mégawatts?
M. Villeneuve: Pas exactement. Les équipements à
chaque extrémité seront bons pour 690 mégawatts...
M. Fortier: Qui pourront être ajoutés.
M. Villeneuve: ...et la ligne elle-même, je crois,
là on pourrait vérifier, mais je pense qu'il y aura
peut-être des modifications nécessaires pour pouvoir porter sa
capacité à 2000 mégawatts.
M. Fortier: Est-ce que les Américains planifient sur la
même base ou s'ils se contentent de 600 mégawatts, par
exemple?
M. Villeneuve: Ils font la même chose que nous, 690
mégawatts au début, mais eux aussi, en modifiant les
équipements et la ligne si nécessaire, pourront la porter
à 2000 mégawatts.
M. Fortier: C'est qu'en utilisant les lignes existantes, y inclus
celle de Des Cantons éventuellement en 1985, et en allant dans la
lignée de ce dont parlait le président tout à l'heure
à l'effet qu'au lieu de vendre uniquement l'énergie
excédentaire - je ne sais pas comment c'est défini dans votre
contrat, l'excédentaire c'est quasiment du permanent présentement
- je ne sais pas quelle serait la différence.
M. Villeneuve: C'est à dire qu'il y a...
M. Fortier: Dans les faits, cela pourrait nous permettre combien
de térawattheures? Autrement dit, si on vendait à plein rendement
douze mois par année, est-ce que cela augmenterait
considérablement les ventes, avec les capacités que vous allez
avoir en 1985, si vous signiez des contrats fermes en utilisant les
interconnexions? Parce que, bien entendu, même si vous aviez des contrats
plus importants, vous ne pourriez pas les vendre à cause de la
capacité des interconnexions.
M. Villeneuve: II faudrait mentionner immédiatement que
dans le cas de l'interconnexion avec PASNY, en 1984, sa capacité sera
portée à environ 2000 mégawatts, alors qu'à l'heure
actuelle, notre interconnexion avec PASNY a une capacité d'environ
1200.
M. Fortier: Est-ce que c'est déjà
engagé?
M. Villeneuve: Oui. Au poste Châteauguay, on a des
équipements en cours d'installation pour mettre en place une
installation dos à dos qu'on appelle, c'est-à-dire qu'on va
convertir au courant continu et inverser immédiatement pour revenir au
courant alternatif.
M. Fortier: Au sujet de Châteauguay -excusez mon ignorance
- est-ce que les approbations du ministère de l'Environnement sont
données? Dans le cas où la ligne est déjà
construite mais que vous devez augmenter sa capacité, est-ce que la
procédure est simplifiée?
M. Villeneuve: Oui, il y a peut-être des approbations...
Oui, sûrement, parce qu'il n'y a pas de nouvelles lignes. C'est
simplement de l'équipement à l'intérieur du poste qui est
mis en place, alors, je pense que c'est relativement facile. Tout est en cours
de construction et cela devrait être en
exploitation à la fin de 1984.
Pour répondre à votre question, avec l'interconnexion de
PASNY portée à 2000 mégawatts et celle de NEEPOOL à
environ 700 mégawatts, on devrait pouvoir exporter environ 15
térawattheures par année au total par rapport à
aujourd'hui avec 7 ou 8 térawattheures au maximum.
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Fortier: Allons au-delà de cela. Dans votre
étude, vous mentionnez qu'il y a des possibilités. Un ancien
premier ministre en parle beaucoup. Je crois qu'il y a des possibilités
considérables, pour éviter les pluies acides, d'une part, et pour
augmenter notre exportation. Au moment où on se parle, peut-être
êtes-vous en train de négocier des contrats. Vous n'êtes pas
obligé de les divulguer. Cela dit, est-ce que vous êtes optimiste
quant aux possibilités d'exportation, au-delà des interconnexions
qui sont présentement en chantier? Celui de Des Cantons n'est pas
spécifiquement en chantier, il est à l'étape des auditions
au niveau environnemental, mais au-delà de cela, quel est votre
optimisme et dans quelle mesure y travaillez-vous de pied ferme, ou
prévoyez-vous qu'il serait possible d'augmenter considérablement
notre exportation d'énergie. Par ailleurs, faudrait-il bien se dire,
comme le soulignait tout à l'heure le député de
Charlesbourg, qu'éventuellement ces engagements, s'ils étaient
fermes, nous engageraient pour 20 ou 30 ans.
M. Villeneuve: Une des premières possibilités sur
laquelle nous travaillons -cela a déjà été
mentionné aujourd'hui - c'est de modifier des contrats existants pour
changer le caractère de l'énergie en énergie garantie ou
prioritaire, si vous voulez - c'est ce qu'on a signé avec PASNY et ce
qu'on est à la veille de signer avec NEEPOOL - en énergie ferme,
en puissance et énergie. Une première possibilité, sans
nouvelle interconnexion, serait donc de vendre 1500 mégawattheures ou 10
térawattheures. Cela serait possible simplement avec ces
interconnexions, comme je vous l'ai signalé il y a un instant,
d'exporter jusqu'à 15 térawattheures; cela pourrait se faire sans
nécessairement impliquer de nouvelles interconnexions, entre 1500 et
2000 mégawatts. On n'a pas exclu, dans nos contacts jusqu'ici avec les
Américains, la possibilité de nouvelles interconnexions,
au-delà de celles qui sont envisagées ou en place dans le
moment.
M. Fortier: Ce sera ma dernière question, je vais laisser
ma place à d'autres. Vu les problèmes de construction de ces
lignes de transport d'énergie, ceux qui vivent dans la région de
Sherbrooke présentement savent pertinemment que ces lignes de transport
d'énergie, cela leur demandera de sacrifier une partie de leur terre ou
une partie de leur ferme et des boisés, des endroits touristiques etc.
Il est évident que ces gens ont fait des représentations
auprès d'Hydro-Québec et auprès des différents
députés qui sont intéressés par ces questions. Bien
sûr, Hydro-Québec doit suivre la procédure qui a
été adoptée par l'Assemblée nationale et j'imagine
qu'il aurait été possible de faire plus, n'eussent
été ces contraintes. Par ailleurs, les citoyens qui subissent la
construction des lignes de transport d'énergie, au contraire, voudraient
que les contraintes soient plus grandes. De quelle façon voyez-vous ce
problème et quelles sont les recommandations que vous avez faites au
gouvernement pour tenir compte de cette situation qui est très
réelle?
M- Coulombe: Je pense qu'on va devoir apprendre, un peu tout le
monde, et la population et Hydro-Québec, à vivre avec ces
réalités nouvelles. Dans le cas de l'environnement ou du
territoire agricole ou des nouvelles municipalités régionales, il
s'agit de tout un processus nouveau tant en ce qui concerne la population qu'en
ce qui a trait à Hydro-Québec. Il y a une possibilité, je
pense d'agencer la perception de tous pour que les mêmes objectifs soient
partagés. On avait des difficultés dans la région de
Sherbrooke. On a eu des rencontres avec les organismes concernés. Je ne
dis pas que les difficultés sont éliminées, loin de
là, mais il semble y avoir une sorte de modus Vivendi qui
s'établit. C'est évident que, tôt ou tard, il va falloir
qu'il y ait une procédure qui permette de gagner un peu de temps tout en
respectant les objectifs tout à fait valables de la population dans ces
territoires. Quant à la ligne Des Cantons, on prévoit que
ça va prendre entre sept ou huit ans, à partir du début
jusqu'à la fin, si tout se passe comme prévu. Nous en sommes aux
audiences, aux préaudiences à deux niveaux. Évidemment,
c'est extrêmement complexe. J'ai l'impression que le sens commun va
prévaloir à un moment donné pour qu'il y ait une certaine
simplification des procédures, parce que évidemment ça va
être la paralysie totale et ça, je pense que ni la population ni
Hydro ni personne n'a l'intention d'aller vers la paralysie totale. Donc, ce
sont des ajustements qui vont devoir être faits. On ne sait pas comment,
on ne sait pas quand, mais ils vont devoir se faire tôt ou tard.
M. Fortier: Mais, excusez-moi, ce sont des ajustements qui vont
permettre à tous ceux qui sont touchés par ces lignes de
transport d'énergie de s'exprimer. J'imagine que quelquefois ces gens se
sentent un peu bousculés par la procédure. Vous traitez avec
les corps intermédiaires et certains citoyens disent: C'est bien
beau de traiter avec la municipalité ou tel corps représentatif,
mais nous, nous avons également des choses à dire.
M. Coulombe: Quand je parle d'ajustements, je ne parle pas
seulement au niveau de la population, je parle d'ajustements au niveau
d'Hydro-Québec, au niveau des procédures qu'on prend, au niveau
des techniques de travail qu'on a. Il va falloir s'ajuster à cette
nouvelle réalité, comme les corps intermédiaires et les
gens représentatifs vont devoir s'ajuster aussi. C'est un processus
qu'il va falloir établir. On va devoir le faire tout le monde.
Le Président (M. Gagnon): Merci. La commission de
l'énergie et ressources...
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, j'ai une question
à vous poser. Je comprends que la commission a adopté un ordre du
jour pour ses travaux...
Le Président (M. Gagnon): Pro forma.
M. Pagé: Pro forma. Pouvez-vous m'assurer...
Une voix: Cela n'a pas été adopté.
M. Pagé: Je m'en excuse, c'est strictement ce que je
voulais demander au ministre et à vous. Compte tenu, malheureusement,
que je ne pourrai pas être présent ce soir, est-ce que je pourrai
demain, à la séance de la matinée, faire un commentaire
général et poser une question spécifique sur...
M. Fortier: On a consensus là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Nous avons une suggestion
à l'ordre du jour qui n'a pas été adoptée.
M. Duhaime: Je vais gager que vous allez nous parler de Delaney
demain matin.
M. Pagé: Certainement, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): La commission permanente de
l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'énergie et des ressources...
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous
plaît!
La commission de l'énergie et des ressources reprend ses travaux.
Lors de la suspension de nos travaux, la parole était au ministre.
Alors, M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je ne croyais pas que le
député d'Outremont avait terminé son intervention.
Le Président (M. Gagnon): Oui, il avait dit que
c'était la dernière question.
M. Duhaime: Oui. Je voudrais revenir sur le dossier des
exportations et adresser ma question à M. Bourbeau ou à l'un de
ses adjoints. Je voudrais savoir quelle est la position concurrentielle
d'Hydro-Québec sur les marchés de la Nouvelle-Angleterre ou de
New York par rapport au potentiel d'exportation hydroélectrique sous
toutes ses formes du Nouveau-Brunswick, d'une part, et d'Hydro-Ontario, d'autre
part. Est-ce que nous sommes sur les mêmes marchés? Est-ce que
nous sommes concurrentiels ou potentiellement concurrentiels quant aux prix
à offrir à des clients éventuels du côté
américain, dans un premier temps? J'aurai ensuite d'autres
questions.
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Alors, sur les marchés, de fait, on
vise les mêmes marchés, mais pas totalement. Le Nouveau-Brunswick
vend au Maine et nous vendrons à la Nouvelle-Angleterre à travers
l'interconnexion de NEEPOOL. Donc, on pourra desservir le même
marché, le Nouveau-Brunswick et le Québec. Quant à PASNY,
on dessert évidemment l'État de New York, mais Hydro-Ontario
dessert aussi l'État de New York à travers deux ou trois
interconnexions. Donc, on a encore là partiellement le même
marché. Quant aux prix, je laisserai M. Villeneuve vous dire ce qui en
est.
M. Villeneuve: Une considération importante serait le fait
qu'Hydro-Ontario, pour exporter, utilise ses centrales qui brûlent du
charbon, de sorte que le prix de vente est fondé sur un partage des
économies entre l'acheteur et le vendeur. Le prix, donc, se situe
à mi-chemin entre le coût de produire avec du charbon et le
coût qu'il en coûterait aux Américains pour produire,
disons, avec du pétrole. Hydro-Ontario a un nombre important de
centrales
nucléaires, mais, comme le coût marginal du kilowattheure
produit dans une centrale nucléaire est relativement bas, autant que je
sache, elle garde l'énergie produite au nucléaire pour alimenter
sa charge interne et utilise les centrales au charbon pour l'exportation.
Alors, ils sont en concurrence avec nous dans la mesure où
Hydro-Québec chercherait à vendre au prix le plus
élevé possible; donc, ils s'approcheraient du prix que demande
l'Ontario avec le charbon. Comme je le disais cet après-midi, on peut
toujours abaisser notre prix en bas du prix de l'Ontario puisque notre
coût marginal est voisin de zéro, avec l'hydraulique. De ce
côté, on alimente le même marché, comme disait M.
Bourbeau, mais on a l'avantage de pouvoir abaisser notre prix suffisamment pour
concurrencer l'Ontario.
M. Duhaime: Vous me corrigerez, si je fais erreur. Notre propre
réseau de production électrique s'approvisionne à
l'hydroélectricité dans une proportion de 99% ou à peu
près, si on exclut Gentilly 2 qui n'est pas encore en marche. En
Ontario, la part du nucléaire, dans leur capacité de production
électrique, est de l'ordre de quoi? 30%?
M. Villeneuve: Environ.
M. Duhaime: 30%. Au Nouveau-Brunswick, quel est l'ordre de
grandeur?
M. Villeneuve: Leur centrale nucléaire commence. À
ma connaissance, elle a déjà produit de
l'électricité, mais je ne crois pas qu'elle soit en marche
commerciale. Je vous donne cela un peu de mémoire, je crois que leur
capacité totale doit dépasser 2000 mégawatts, et Pointe
Lepreau est de 600. Donc, cela représente un pourcentage non
négligeable de leur production, mais ils emploient beaucoup de
pétrole, au Nouveau-Brunswick, pour alimenter autant leur charge que
l'exportation. (20 h 15)
Une chose à signaler, dans le cas du Nouveau-Brunswick, c'est
qu'ils ont signé des contrats de partage de centrales, par exemple, une
centrale, Colson Cove, au Nouveau-Brunswick, est utilisée et une partie
de la production appartient aux Américains. Les Américains payent
le coût global, y compris le coût de capital, le coût
d'exploitation; alors, le prix est très élevé, mais cela a
permis aux Américains de reporter eux-mêmes des centrales de base
à plus tard. De ce côté, il est clair que, le prix
étant très élevé, quand on vendra à la
Nouvelle-Angleterre, la concurrence ne se fera pas sur la même base. On
pourra vendre l'excédent, alors que le Nouveau-Brunswick, dans le
moment, vend du ferme.
M. Duhaime: Alors, si je comprends bien, cela veut dire que, si
on prend l'Ontario, leur capacité d'exportation se fait à partir
de centrales au charbon, et la production électrique des centrales
nucléaires dessert d'abord et avant tout ses besoins domestiques.
M. Villeneuve: C'est exact.
M. Duhaime: Maintenant, peut-être que ma question pourrait
s'adresser à M. Bourbeau. Je voudrais qu'il fasse le point, en termes de
capacité de production électrique à partir du
nucléaire au Québec, essentiellement à Gentilly 2, sa
capacité de production, le moment de sa mise en route, de son
démarrage, les coûts encourus jusqu'à présent
à partir des coûts estimés et la contribution du
fédéral à Gentilly 2 par rapport au scénario du
financement nucléaire, si vous avez de l'information sur ce qui s'est
fait en Ontario et sur ce qui est proposé actuellement comme
scénario de financement avec le Nouveau-Brunswick.
Le Président (M.Gagnon): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Votre première question avait trait
à la capacité du réacteur de Gentilly 2; c'est un
réacteur de 637 mégawatts, autour de 630 mégawatts. La
deuxième question avait trait à la mise en marche du service.
Nous avons commencé à mettre en service le réacteur. La
mise en service commercial est prévue pour le mois de septembre 1983.
Quelle était la troisième question, M. le ministre?
M. Duhaime: Les coûts.
M. Bourbeau (Joseph): Les coûts prévus se situent
maintenant à 1 509 000 000 $, c'est la dernière estimation que
nous avons.
M. Duhaime: Par rapport à un coût estimé en
1972 de ...
M. Bourbeau (Joseph): La première estimation était
de 305 000 000 $ ou quelque chose comme cela.
M. Duhaime: Si je comprends bien, la contribution
fédérale a été calculée pour Gentilly 2
à partir des coûts estimés au moment du début des
travaux.
M. Bourbeau (Joseph): La première estimation était
sur le financement de la moitié de la première estimation,
c'est-à-dire qu'on a un financement de 151 000 000 $, grosso modo.
M. Duhaime: Quand vous dites un financement, c'est un
prêt?
M. Bourbeau (Joseph): C'est un prêt.
M. Duhaime: Si vous aviez à comparer, M. Bourbeau, le
financement fédéral dans l'investissement nucléaire au
Québec, qui est, à ce que vous dites, de 150 000 000 $ et qui est
un prêt sur un coût estimé à quelque 300 000 000 $ en
1972, pour un investissement réel de 1 509 000 000 $ dix ans plus tard,
cela veut dire qu'on paie la différence à nous seuls, si je
comprends bien vos propos. Si donc vous aviez à comparer cela avec le
financement du nucléaire qu'offre le gouvernement fédéral
au Nouveau-Brunswick ou encore à l'Ontario, seriez-vous en mesure de
nous dire que c'est un traitement égal ou inégal et dans quelle
direction?
M. Bourbeau (Joseph): Au Nouveau-Brunswick, la première
estimation de Lepreau se chiffrait à environ 650 000 000 $ ou 700 000
000 $ et, évidemment, la moitié de cette somme a
été financée par le fédéral; c'est donc dire
que Pointe Lepreau est financée à peu près à 350
000 000 $.
Une voix: Sous forme de prêt?
M. Bourbeau (Joseph): Sous forme de prêt. Maintenant,
peut-être que M. Villeneuve pourrait vous donner d'autres conditions de
financement qui ont été arrangées il y a peut-être
un an entre le Nouveau-Brunswick et le fédéral.
M. Villeneuve: Non, malheureusement, je n'ai pas d'information
là-dessus, M. Bourbeau.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, j'aurais une question sur un autre sujet. On a
parlé, durant la séance de cet après-midi, du potentiel de
marché aux États-Unis, soit New York, soit la
Nouvelle-Angleterre. En mégawatts, je pense qu'on retenait une
problématique ou une variable qui pouvait jouer entre 1500 et 2000
mégawatts. Mon collègue d'Outremont en a aussi parlé en
référant aux déclarations...
M. Fortier: On parle de 8000 mégawatts.
M. Duhaime: ...d'un ancien premier ministre. Je voudrais savoir
s'il y a un marché en Nouvelle-Angleterre ou à New York pour 10
000 mégawatts et, dans l'affirmative, en quelle année.
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau. M. Bourbeau
(Joseph): M. Villeneuve va répondre à la question.
M. Fortier: Vous dites que dans le plan de développement
d'Hydro-Québec - à la page 24, ce n'est pas la bonne page - vous
faites allusion à un marché de 2500 plus 4500 plus 2500. Est-ce
que c'est le marché? Vous faites allusion à 9500 si on
déplaçait tout le charbon.
M. Coulombe: Selon l'étude qui nous est disponible,
effectivement, d'ici à la fin du siècle, si on considère
toutes les possibilités de permutations de tous les marchés, de
toutes les usines au charbon, et ainsi de suite, qui sont prévues et qui
pourraient être éliminées, on en arrive à des
chiffres théoriques de cet ordre, d'ici à la fin du
siècle.
M. Fortier: De 9500.
M. Coulombe: Mais évidemment il faut que chacun des
projets identifiés dans les plans d'équipements de chacune des
utilités publiques américaines, compte tenu de l'augmentation du
prix, puisse être éliminé et ainsi de suite. Il y a
beaucoup, encore là, de sous-hypothèses qui, l'histoire le
prouve, ne se réaliseront probablement pas. Mais en termes
théoriques, d'ici à 20 ou 25 ans, c'est une possibilité,
je dis bien, théorique. Ce sont d'ailleurs les chiffres qu'on a à
la page 28 du plan de développement.
M. Duhaime: Cette hypothèse tiendrait pour acquis que des
centrales alimentées au pétrole importé...
M. Coulombe: Au charbon.
M. Duhaime: ... ou encore au charbon, qui sont actuellement en
exploitation sur des bases rentables, cesseraient.
M. Fortier: Ou prévues pour être construites.
M. Coulombe: Ou qu'ils n'en construiraient plus aucune, puis des
hypothèses et des scénarios semblables.
M. Duhaime: Ce n'est pas pour lancer la balle, mais cela commence
à ressembler à une hypothèse de professeur
d'université. On a dit ça ce matin.
M. Coulombe: II y a beaucoup de "si".
M. Fortier: Je n'ai pas fait de commentaires
là-dessus...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président,
justement... M. le député de Saint-Jean, si vous
permettez. Dans ce sens, si on avait présentement un potentiel
hydroélectrique très grand - pour mettre des "si" parce qu'il a
l'air d'y avoir pas mal de "si" là-dedans -et si on avait le potentiel
de transmission, est-ce que les Américains seraient prêts à
en acheter présentement à un bon prix, de
l'électricité du Québec?
M. Coulombe: Si vous me définissez clairement ce que vous
entendez par "bon prix".
M. Tremblay: Un bon prix pour nous.
M. Coulombe: Oui mais le problème, la
caractéristique de ces contrats, c'est qu'on est deux pour
négocier. Le prix est peut-être bon pour nous mais...
M. Grégoire: ... le prix québécois...
Le Président (M. Gagnon): Je reviendrai à vous, M.
le député.
M. Grégoire: Non, non, c'est juste une question de
parlementaire.
M. Tremblay: C'est cela la question. Est-ce qu'ils sont
prêts à signer quelque chose, eux?
M. Coulombe: Ce qu'on peut vous dire là-dessus, c'est que
c'est en négociation. Les discussions se poursuivent comme dans
n'importe quelle entente contractuelle. Il y a des hypothèses qui sont
mises là et cela va dépendre... encore là, ce n'est pas au
niveau des "si"; cela va dépendre des coûts de transport, cela va
dépendre comment on va évaluer cela, c'est en discussion.
M. Tremblay: Mais vous êtes ouverts...
M. Coulombe: C'est carrément au niveau des
discussions.
M. Tremblay: Vous êtes en train de regarder cela avec eux.
Ils sont prêts à payer un prix raisonnable pour nous et on ne se
réveillera pas dans cinq ans pour faire comme les Terre-Neuviens, nous
tordre dans notre sel. Vous seriez prêts à embarquer
là-dedans et le Québec serait prêt à embarquer dans
un contrat aussi?
M. Coulombe: Si les conditions auxquelles vous faites allusion se
réalisaient, c'est-à-dire que si on était convaincu que ce
n'est pas seulement pour l'intérêt économique et financier
d'Hydro mais aussi pour le bien du Québec, on serait prêt à
le recommander, c'est évident.
M. Tremblay: Je pense bien que nous aussi.
M. Grégoire: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Sur la liste des membres
d'Hydro-Québec qui sont ici, je vois le vice-président
exécutif, responsable de la technologie, M. Boulet. Je crois qu'il
est... J'aimerais poser... Vous savez, M. le Président, les
administrateurs, les comptables, les financiers, ils administrent le
présent, mais les responsables de la technologie et de la recherche ils
administrent l'avenir. Rendu à mon âge, l'avenir cela
m'intéresse. C'est vrai les jeunes s'intéressent plus à
l'avenir que les plus âgés, comme mon ministre, par exemple, qui a
20 ans de moins que moi.
Une voix: Lionel est encore là.
M. Grégoire: Pardon...
Une voix: Merci beaucoup.
M. Fortier: Le vice-président exécutif est encore
là.
M. Grégoire: Cela m'intéresse beaucoup. Je
m'intéresse à l'avenir. M. Boulet, vous, vous êtes
responsable à Hydro-Québec, des recherches sur l'hydrogène
liquide. On sait qu'il y a trois semaines ou à peu près, les
Américains, surtout dans le coin de la Californie, nous ont fait tout un
plat sur l'hydrogène liquide, l'énergie de l'avenir qu'on dit. Je
ne suis plus un connaisseur, c'est pour cela que je vous pose des questions
parce que je voudrais me renseigner. Je sais que mon collègue, le
député de Vimont est plus connaisseur que moi dans les questions
énergétiques, il a toujours travaillé dans cela, c'est un
ingénieur dans ce domaine.
M. Fortier: Ce n'est pas nécessaire d'avoir des complexes
d'infériorité.
M. Grégoire: Je n'ai pas de complexe
d'infériorité justement parce que je sais quand je sais quelque
chose et je sais quand j'en sais moins; cela c'est un complexe de
supériorité que de savoir ce qu'on sait.
M. Fortier: II connaît l'amiante.
M. Grégoire: Je dirai au député d'Outremont
que de savoir ce qu'on sait c'est beaucoup et de savoir ce que l'on ne sait
pas, c'est encore plus.
M. Fortier: Complètement d'accord.
Une voix: Son avenir est dans l'amiante.
M. Grégoire: II y avait un grand philosophe grec
d'ailleurs qui disait: Gnôthi seauton, connais-toi toi-même c'est
la première sagesse, traduction grecque.
M. Fortier: Je pensais que sa devise était carpe diem.
M. Grégoire: Non, en grec, gnôthi seauton.
M. Boulet, l'hydrogène liquide à ce qu'on nous dit, cela
peut être le carburant de l'avenir, cela peut-être l'énergie
de l'avenir; à ce qu'on nous dit, c'est produit à même
l'eau simplement, mais l'eau non salée, et de
l'électricité. Nous, on a l'eau, on nous dit qu'on a de l'eau
comme il n'y en a pas dans aucun pays du monde, ici au Québec et qu'on a
l'électricité comme il n'y en a nulle part. Quand les
Américains nous ont fait un plat avec cela il y a trois semaines, ils
étaient rendus... Ils avaient fait de grosses découvertes dans
l'hydrogène liquide. J'ai toujours entendu dire qu'Hydro-Québec
avec son service de recherche, vous étiez à la tête de ce
service vous étiez l'équipe la plus avancée au monde dans
l'hydrogène liquide; on nous dit que c'est une question de six, sept ou
huit ans avant que cela devienne commercialement, industriellement très
rentable. On nous dit même qu'il y a un marché pour dans dix ou
douze ans de milliards, et de milliards et de dizaines de milliards.
M. Boulet, j'aimerais d'abord, avant de vous poser des questions sur
cela, ayant établi les prémisses que c'était
l'énergie de l'avenir, peut-être le carburant de l'avenir, que non
pas tous les pays peuvent en produire mais ceux qui ont beaucoup d'eau, ceux
qui ont beaucoup d'électricité - cela c'est nous au Québec
- que c'était la demande de l'avenir qu'il avait là-dedans. Je
crois à ça et j'aimerais - parce qu'on parle de la situation de
l'énergie - avoir votre opinion sur la situation actuelle, sur les
projets de l'avenir, sur ce que peut produire tout ça.
M. Boulet (Lionel): Avec plaisir. Disons d'abord que tous les
moyens de production de l'hydrogène, actuellement, c'est avec le gaz
naturel. Si on fait une projection d'augmentation de coûts du gaz
naturel, on calcule que vers 1988-1989 la production par électrolyse, en
utilisant l'eau, pourrait devenir rentable simplement à cause du fait
que, comme vous dites, l'eau existera tout le temps et le gaz naturel va
peut-être disparaître. Les études, dans le monde industriel,
faites par le même groupe que M. le député d'Outremont
mentionnait tout à l'heure, indiquent que la demande d'hydrogène
dans le monde va augmenter de 7% par année à compter de 1985.
C'est-à-dire que vers l'an 2000, la demande d'hydrogène va se
multiplier par douze.
Deuxième problème, beaucoup de pays, par exemple la
France, ont un problème de production d'énergie électrique
nucléaire. Comme un système nucléaire doit toujours
fonctionner, ils ont un surplus d'énergie pendant la nuit. Donc, ils
travaillent aussi là-dessus. Je pense qu'on a eu de la chance avec
Electroliser Inc., de Niagara, qui nous a offert de partager un programme. Ces
gens ont développé, dans leurs instituts de recherche de Noranda
et de Pointe-Claire, un électrolyseur absolument parfait. Parce que, par
le passé, l'électrolyse par électricité avait des
rendements de 60% ou 65%. On a maintenant un électrolyseur qui a un
rendement de 82% et on pense que la deuxième génération,
ça va être 85%. Cela devient extrêmement intéressant.
(20 h 30)
Évidemment, c'est le début des choses. Tous les pays du
monde dont le Brésil, la France, l'Allemagne sont
intéressés. Je pense qu'actuellement, dans ce domaine, nous avons
une avance d'à peu près deux ans, parce qu'ils travaillent aussi
à des systèmes. Qu'est-ce qu'on peut faire avec
l'hydrogène? Avec l'hydrogène, vous pouvez faire tout ce que vous
voulez. Vous pouvez faire des engrais. Vous pouvez avoir des avions à
l'hydrogène. Vous pouvez avoir des voitures à l'hydrogène.
C'est l'élément moteur idéal.
M. Grégoire: Les fusées, on me dit qu'elles
fonctionnent à l'hydrogène.
M. Boulet: Enfin, il est évident que pour les
fusées américaines Columbia, l'hydrogène et
l'oxygène forment les éléments moteurs. Les fusées
Ariane, en France, fonctionnent à l'hydrogène et
l'oxygène. Après l'an 2000, c'est évident, parce que tout
le monde a de l'eau et si on a de l'électricité, cela doit
devenir très favorable.
Maintenant, au point de vue des applications pratiques, il y en a
plusieurs. L'une des choses que nous faisons - c'est cela qui est important -
c'est que nous essayons de monter une usine de démonstration qui
permettra de prouver l'utilisation de l'hydrogène tout en tâchant
d'avoir une certaine rentabilité. Alors, on y travaille. Comme, dans
tout l'Est des États-Unis et du Canada, il n'y a aucune fabrique
d'engrais chimiques, mais si on fabrique avec cet hydrogène, dans cette
usine de démonstration, de l'ammoniaque, on peut fabriquer des engrais
synthétiques.
M. Grégoire: Oui, concernant les engrais, M. Boulet, je
voudrais vous dire qu'à la Société nationale de l'amiante
on est
peut-être en avance par rapport à Hydro-Québec parce
qu'on est en train de fabriquer des superphosphates de magnésium qui
servent d'engrais dans les terrains très détrempés et on
sera prêt à procéder à la production avant
longtemps.
Il y a une chose que vous m'avez dite sur laquelle je voudrais insister.
Premièrement, vous m'avez dit qu'Hydro-Québec, avec son service
de recherche, était deux ans en avance sur tous les autres centres de
recherche dans le domaine de l'hydrogène.
M. Boulet: ... dans la production de l'hydrogène par
électrolyse.
M. Grégoire: Liquide.
M. Boulet: C'est de l'hydrogène gazeux ou liquide parce
que vous produisez de l'hydrogène gazeux et, après cela, vous le
liquéfiez avec pression.
M. Grégoire: L'hydrogène liquéfié ou
liquide sert de carburant dans ce qu'il y a de plus avancé,
peut-être, au point de vue des moyens de locomotion.
M. Boulet: En Allemagne, vous avez la...
M. Grégoire: Mais la fusée ou l'avion qui
revient...
M. Boulet: Non, la Columbia.
M. Grégoire: ... la Columbia, c'est de l'hydrogène
liquide. Dans les moyens les plus avancés de transport - cela peut se
refléter sur l'automobile - c'est l'hydrogène liquide ou
liquéfié.
M. Boulet: L'avantage de l'hydrogène, c'est que lorsque
vous fabriquez de l'énergie avec cela, le résidu, c'est de
l'eau.
M. Grégoire: Troisièmement, vous nous dites que
cela prend de l'eau non salée, à moins d'enlever le sel
avant...
M. Boulet: Non, non.
M. Grégoire: ...ce qui est une étape de plus.
M. Boulet: Cela a très peu d'importance.
M. Grégoire: Oui.
M. Boulet: L'eau naturelle.
M. Grégoire: Puis, cela prend l'électricité
pour la fabriquer.
M. Boulet: Cela prend... C'est comme je vous le disais, le
rendement actuellement est de 82%; dans le passé, c'était 67%;
donc, c'est une avance.
M. Grégoire: Alors si...
M. Boulet: Comme je l'ai mentionné, tout
l'hydrogène qu'on utilise dans le monde industrialisé est fait
avec le gaz naturel, d'où l'augmentation du prix du gaz naturel. Tous
les pays industrialisés - j'ai mentionné la France - ont des
surplus d'énergie électrique durant la nuit et comme ces pays,
dont la France, n'ont aucune possibilité, ils n'ont pas de gaz naturel,
ils n'ont rien, ils veulent avoir de l'hydrogène pour fabriquer des
produits synthétiques.
M. Grégoire: M. Boulet, si je résume les trois
points que vous m'avez mentionnés, Hydro-Québec est deux ans en
avance sur tout autre centre de recherche au monde en ce qui concerne
l'hydrogène comme carburant liquide, l'hydrogène
liquéfié par électrolyse. Deuxièmement, cela prend
beaucoup d'électricité et beaucoup d'eau, ce qu'on a.
Troisièmement, c'est un carburant d'avenir qui est déjà
utilisé dans les carburants de pointe, comme pour le Columbia ou les
fusées interplanétaires. Hydro-Québec est en avance de
deux ans sur tous les autres pays au monde dans la recherche
là-dessus.
M. Boulet: Hydro-Québec avec Noranda. M.
Grégoire: Avec Noranda.
M. Boulet: Avec Noranda. C'est une association qu'on a avec
eux.
M. Grégoire: Columbia... Une voix: ...
l'électrolyse.
M. Grégoire: Oui, l'hydrogène
liquéfié par électrolyse. M. Boulet, je voudrais vous
demander maintenant quel est l'avenir de ce projet que vous développez
à Hydro-Québec.
M- Boulet: Je pense que l'avenir...
M. Grégoire: Je sais que je parle toujours d'amiante, mais
pour une fois que j'en sors.
M. Boulet: À mon avis, l'avenir est très brillant.
Le conseil d'administration d'Hydro-Québec a approuvé les
principes d'une entente avec Électroliser Inc., ou Noranda, et nous
allons entrer en discussion avec eux. L'avenir est brillant dans trois
catégories différentes. D'abord, utiliser nos surplus
d'énergie pour fabriquer des choses dont on aura besoin au
Québec. Notre avenir, c'est aussi de vendre cette technologie chez
les
marchés extérieurs et profiter de l'avance qu'on a.
M. Grégoire: Hydro-Ontario travaille-t-elle à ces
projets à l'heure actuelle?
M. Boulet: Ce qui est arrivé, je vais vous le dire. C'est
qu'en septembre 1980 les gens d'Electroliser Inc. sont arrivés à
l'IREQ et ont dit: On a tel projet, on se cherche un service public pour faire
la démonstration, construire la première usine
expérimentale. C'est évident que, venant de Niagara, ils
étaient déjà allés à Hydro-Ontario, mais
nous, on a accepté d'aller de l'avant et on capitalise
là-dessus.
M. Grégoire: Hydro-Ontario a fait une demande pour cela,
puis...
M. Boulet: Non, c'est que Electroliser Inc. est allée voir
les gens d'Hydro-Ontario et ceux-ci ont dit qu'ils n'étaient pas
intéressés à ce moment-là. Ils le regrettent
énormément, je pense.
M. Grégoire: Parce que le gouvernement
fédéral a présenté dans son dernier budget un
programme de 200 000 000 $ pour développer cette technique
d'hydrogène par électrolyse.
M. Boulet: Qui cela?
M. Grégoire: Le gouvernement fédéral, puis
on nous a dit à un moment donné que c'est Hydro-Ontario qui en
profiterait plutôt qu'Hydro-Québec. Ils ne sont pas en mesure de
satisfaire à...
M. Boulet: II y a eu une réunion jeudi dernier où
j'avais quatre représentants de mon centre de recherche à l'IREQ
; il est entendu que déjà le gouvernement fédéral
avait mis de l'argent dans le développement de nouveaux
électrolyseurs et qu'il n'était pas question qu'ils remettent de
l'argent dedans. Ils sont intéressés à mettre de l'argent
dans les applications de l'hydrogène.
M. Grégoire: Est-ce que cela n'a pas fait l'objet d'une
annonce il y a une semaine ou à peu près? Ou est-ce
qu'Hydro-Québec ne serait pas prête à annoncer qu'ils
sont...
M. Boulet: Comme je vous l'ai mentionné, le conseil
d'administration, dans les études qu'on fait avec Noranda et
Electroliser Inc., a dit: Oui, on accepte le principe de signer une lettre
d'entente avec ce groupe.
M. Grégoire: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Juste pour revenir sur l'histoire de
l'hydrogène liquide. Est-ce qu'il n'est pas vrai, M. Boulet, que, dans
la progression de l'utilisation de nouvelles formes d'énergie, on
passerait d'abord par une phase intermédiaire qui serait l'utilisation
du gaz naturel comprimé avant de passer à une forme
d'hydrogène liquide comme moyen de propulsion dans les avions ou les
trains ou des choses comme celles-là? Dans le cas du gaz naturel
comprimé, ce serait évidemment pour les voitures.
M. Boulet: L'hydrogène, à l'heure actuelle, est
produit par le gaz naturel. La possibilité d'utiliser les moyens
d'électrolyse pour produire l'hydrogène vient de l'augmentation
du coût du gaz naturel dans le futur; c'est une projection - notre
projection est basée sur des études - et, après 1988, on
devient compétitif avec cela.
M. de Belleval: Ma question n'est pas là, c'est qu'au fond
on parle de deux choses en même temps. On parle d'abord de la production
d'hydrogène, qui est une chose, puis de l'application de
l'hydrogène comme moyen de propulsion, qui est une autre chose.
Actuellement, on a de l'hydrogène, on peut en fabriquer, mais on ne
l'utilise pas comme moyen de locomotion, sauf les applications très
spécialisées comme pour les fusées, par exemple, mais on
n'est pas encore parvenu à utiliser l'hydrogène qu'on est capable
de fabriquer de toute façon. Le problème ne se pose pas ainsi.
Que ce soit par électrolyse ou autrement, on peut le faire par le gaz
naturel, on n'est pas capable d'utiliser l'hydrogène pour, disons,
propulser un navire ou un train ou un avion, encore bien moins pour propulser
une voiture.
M. Grégoire: Cela se fait. M. de Belleval:
Pardon?
M. Grégoire: Cela se fait aujourd'hui. Il y a des navires
propulsés à l'hydrogène.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
député de Charlesbourg.
M. de Belleval: On cherche éventuellement à
remplacer le pétrole comme moyen de locomotion des automobiles. Avant
qu'on puisse envisager un horizon où on utiliserait l'hydrogène
pour propulser les automobiles, il semble bien qu'on passerait par une phase
intermédiaire qui serait, par exemple, l'utilisation, à la place
du pétrole, du gaz naturel comprimé, alors qu'on sait qu'on peut
utiliser le propane, de toute façon.
M. Boulet: Le naphte, le propane.
M. de Belleval: Alors, au fond, avant qu'on puisse envisager
l'utilisation de l'hydrogène pour propulser les automobiles, je pense
qu'il va se passer pas mal d'années.
M. Boulet: Enfin, il y a un gros programme en Allemagne
où, déjà, on a un programme expérimental avec 500
voitures; on a déjà développé les stations
d'essence où on fournit l'hydrogène liquide. Évidemment,
c'est expérimental.
M. de Belleval: De l'hydrogène liquide pour propulser des
voitures?
M. Boulet: Pour propulser des voitures et vous avez des
programmes aux États-Unis, etc., dans cela.
M. Grégoire: En Allemagne, le programme d'hydrogène
liquide existe déjà?
M. Boulet: Certainement. Cela existe dans tous les pays
industrialisés.
M. Grégoire: Mais vous m'avez dit qu'Hydro-Québec
était deux ans en avant.
M. Boulet: J'ai dit dans la production de l'hydrogène par
électrolyse avec les moyens qu'on a.
M. Grégoire: Ils utilisent d'autres méthodes, eux.
Ce sont d'autres méthodes.
Le Président (M.Gagnon): M. le député de
Frontenac, c'est M. le député de Charlesbourg qui avait la
parole.
M. de Belleval: Je demanderais à M. Boulet de donner un
cours à...
M. Grégoire: J'ai seulement pris soin de dire que je
n'étais pas au courant, sauf de savoir qu'il y avait un programme
d'avenir et c'est ce que je veux comprendre.
M. Boulet: Je pense que tous les membres de la commission
parlementaire devraient faire un tour à l'IREQ, l'Institut de recherche
en électricité du Québec, on vous mettrait sous
tension.
Des voix: Ah! ah! ah!
M. de Belleval: Vous avez raison, M. Boulet.
M. Grégoire: On va y aller.
M. de Belleval: J'avoue que vous me surprenez. Il y a un
programme expérimental en Allemagne sur la propulsion automobile par
hydrogène liquide?
M. Boulet: C'est cela. Eux, ils produisent l'hydrogène par
le charbon. Ils ont l'hydrogène, mais ils ont un programme de voitures.
Cela existe aux États-Unis, partout.
M. de Belleval: Ah bon! Écoutez, je savais qu'on faisait
des...
M. Boulet: Écoutez, aux États-Unis, par exemple, on
fabrique l'hydrogène en Californie; on transporte l'hydrogène
liquide par camions, on va jusqu'à Cap Kennedy et on l'embarque dans la
fusée Columbia.
M. de Belleval: Oui, mais une fusée, c'est une chose, mais
ce que vous venez de me dire, c'est qu'il y avait des expériences pour
utiliser l'hydrogène liquide dans les automobiles, pour propulser les
automobiles.
M. Boulet: Certainement.
M. de Belleval: Eh bien! On en apprend tous les jours. Merci
beaucoup.
M. Proulx: C'est pour cela qu'on vient ici, d'ailleurs.
M. de Belleval: Pour le reste du cours, on ira à
l'IREQ.
M. Grégoire: C'est pour cela que je pose mes questions,
pour en apprendre et pour que le public en apprenne.
M. de Belleval: Si je comprends bien, nous, nous ne sommes pas
deux ans en avance sur les Allemands pour propulser des automobiles.
M. Boulet: C'est notre rôle de vous mettre en avance.
M. de Belleval: Pour l'électrolyse, on vous souhaite bonne
chance.
M. Boulet: Merci.
M. de Belleval: Quant aux automobiles, on va regarder les
Allemands pour l'instant. Pour en revenir aux fameux 9,5 mégawatts, je
pense qu'on est resté un peu une patte en l'air tantôt; 9,5
mégawatts de possibilité de...
M. Grégoire: M. le Président, le
député de Charlesbourg me permettrait-il seulement une question
supplémentaire?
Le Président (M.Gagnon): M. le député de
Frontenac.
M. de Belleval: Avec plaisir, tout à coup j'apprends
d'autres affaires.
M. Grégoire: C'est possible. Je voudrais demander quelque
chose à M. Boulet. Je suis
comme le député de Charlesbourg qui vient d'en apprendre.
Moi aussi, je voudrais apprendre une chose. Est-il vrai que, par
l'électrolyse de l'hydrogène impliquée dans les batteries
d'automobiles - là aussi je pose une question - vous pourriez en arriver
à l'heure actuelle ou vous seriez sur le point d'en arriver à des
batteries d'automobiles qui auraient une autonomie d'une semaine ou à
peu près? Là, je pose peut-être mal la question, mais y
a-t-il quelque chose dans ce genre-là qui s'en vient?
M. Boulet: Non, non.
Le Président (M. Gagnon): M. Boulet. (20 h 45)
M. Boulet: Après la dernière guerre, il y a des
gens qui se sont penchés sur les piles qu'on appelle les piles à
combustible, qui pensaient pouvoir trouver des catalyseurs qui pouvaient
transformer directement le pétrole en énergie avec un rendement
de pratiquement 100%. Jusqu'à aujourd'hui, les seules piles à
combustible qui fonctionnent, ce sont des piles avec hydrogène. Dans le
Columbia, par exemple, toute l'énergie est fournie par des piles
à combustible oxygène-hydrogène. C'est une avenue à
peu près certaine et c'est peut-être une application qu'on
pourrait faire de l'hydrogène. Durant la nuit où on a des
surplus, on peut fabriquer l'hydrogène, avoir la pile à
combustible et s'en servir pour fournir la période de pointe dont on a
besoin dans le jour. C'est une application qu'on étudie à l'heure
actuelle.
M. Grégoire: Qui donnerait une beaucoup plus grande
autonomie à la batterie.
M. Boulet: On travaille aussi, à l'institut de recherche,
avec Elf-Aquitaine, en France d'ailleurs, sur un projet de développement
de pile, mais c'est une pile au lithium, c'est tout à fait
différent. C'est dans le domaine de la recherche. On entre dans le
pré-développement, à compter de l'automne prochain,
où les Japonais, les Américains sont extrêmement
intéressés. Ce n'est pas une pile à hydrogène,
c'est une pile électrochimique qui est rechargeable et qui va donner
à peu près cinq à six fois la capacité de la pile
au plomb qu'on utilise aujourd'hui.
M. Grégoire: J'aurais une autre question
supplémentaire, je pense bien que le député de
Charlesbourg me le permettra. Quand vous dites que les Américains et les
Japonais sont intéressés là-dedans...
Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas le
député de Charlesbourg qui est le président.
M. Grégoire: ...est-ce qu'Hydro-Québec, aussi, qui
s'intéresse à tous les nouveaux moyens d'énergie, est
intéressée là-dedans et est-ce qu'elle s'en occupe,
à l'heure actuelle?
M. Boulet: On a à peu près douze personnes qui
travaillent à ce projet à l'institut de recherche.
M. Grégoire: À cela. M. Boulet: Oui.
M. Grégoire: M. Boulet, je voudrais vous poser une autre
question. C'est évident que ce sont des projets d'avenir, mais l'avenir
est long, il ne faut pas se le cacher. On dit que le pétrole nous
coûte cher. Il ne nous coûte pas cher parce qu'on le paie 2,50 $ le
gallon au réservoir à essence, il nous coûte cher parce que
chaque fois qu'on achète un gallon d'essence, il y a de l'argent du
Québec qui sort du Québec ou il y a de l'argent du Canada qui
sort du Québec. Puis pour les Américains, le pétrole
coûte cher, pas parce qu'ils le paient cher à la station
d'essence, mais parce que l'argent sort du pays, et cela nous appauvrit. Je
voudrais vous poser la question suivante: En 1944, il n'y avait que des avions
à hélices, il n'y avait aucun avion à réaction dans
le monde. En 1956...
M. de Belleval: En 1944, il y avait des avions à
réaction.
M. Grégoire: Non, cela a commencé en 1945 avec la
fin de la guerre au Japon.
M. Boulet: C'est l'année de ma graduation, en 1944.
M. Grégoire: C'était quoi?
Une voix: L'année de sa graduation.
M. Grégoire: L'année de sa graduation! Disons qu'il
y avait eu des essais expérimentaux avec les V-l et les V-2 mais, tout
de même, tous les avions, jusqu'à la fin de 1944, fonctionnaient
à hélices. Tout à coup, en 1956, douze ans plus tard -
cela, c'est les douze ans que je veux que vous reteniez - les Russes et les
Américains envoyaient des fusées qui fonctionnaient dans la
stratosphère. C'était un progrès rapide, en douze ou
treize ans. Il y quinze ans, dix-huit ans, vingt ans même, le
député de Charlesbourg...
M. de Belleval: II n'était pas au monde.
M. Grégoire: II n'était pas au monde, mais le
président d'Hydro-Québec se promenait sur un terrain de golf avec
un
"go-cart" électrique qui avait tout de même une autonomie
de 20 milles sur le terrain de golf, et 20 ans après, on est encore au
même point. L'automobile électrique est encore au même
point. Si on a été capable en 12 ans... Le député
d'Outremont me dit que c'est parce que les terrains de golf n'ont pas
été agrandis, mais en 12 ans, on est passé de
l'hélice à la fusée qui transportait des citoyens jusque
sur la lune ou à peu près. Là, avec l'automobile
électrique, qui constitue tout de même une des plus grandes
dépenses en dollars des citoyens, une des plus grandes dépenses
de consommation, on n'a pas réussi à faire un pas. Vous qui
êtes un chercheur, je voudrais vous demander quelque chose: est-ce que
vous pourriez attribuer - je vous pose la question, je fais une
hypothèse - ce manque d'avancement ou ce manque de progrès dans
ce domaine à des freins imposés par des compagnies de
pétrole qui ont d'énormes investissements dans des puits, dans
des transports, que ce soient des bateaux, des raffineries, des camions, des
stations-service? Est-ce que c'est cela ou est-ce que c'est réellement
la science qui n'a pas été capable de faire le pas?
M. Boulet: À mon avis, c'est...
M. Grégoire: Je finis, c'est la science qui n'a pas
été capable de faire le pas?
M. Boulet: À mon avis, c'est la science. Le
problème de la pile et des batteries a été, après
la dernière guerre, sorti par des gens de Harvard, des
économistes. Le malheur, je pense, dans la recherche, à l'heure
actuelle, c'est que la recherche est menée par des économistes;
elle devrait être menée par des scientifiques.
M. Grégoire: Vous avez bien raison.
M. Boulet: Cela me permet de passer des messages à mes
collègues.
Une voix: C'est un bon commercial.
M. Grégoire: Pause commerciale, M. Boulet, on vous donne
une minute.
M. Boulet: C'est totalement scientifique. Comme je vous le
mentionnais tout à l'heure, on s'était imaginé qu'il y
avait possibilité de prendre un hydrocarbure et de développer un
catalyseur qui pourrait le transformer en énergie avec un rendement de
100%. Le principe de Carnot dans les machines à vapeur, c'est 66%. Les
gens, depuis la fin de la dernière guerre, travaillent là-dessus
et la meilleure chose qu'on a trouvée à l'heure actuelle, c'est
que l'utilisation de l'hydrogène dans une pile, cela marche et c'est
pour cela qu'on envoie Columbia et il y a eu aussi Lockheed qui a un projet -
je ne sais pas ce qu'il va en advenir - d'utiliser un avion commercial qui
utiliserait l'hydrogène liquide à une vitesse qui soit deux fois
la vitesse du son et on se servirait du gaz qui est liquéfié pour
refroidir les parois et faire fonctionner les réacteurs avec
l'hydrogène gazeux à l'autre bout.
M. Grégoire: Dernière question, M. le
Président. On nous dit qu'après la crise, cela va être
comme après la dernière guerre, la science va faire des bonds.
Pensez-vous que, dans ce domaine, la science va nous faire faire des bonds et
pensez-vous...
M. Boulet: C'est malheureux de le dire, mais la science fait des
bonds quand il y a une guerre. J'espère que la crise ne nous
mènera pas à une guerre.
M. Grégoire: Oui, quand il y a une guerre, mais est-ce
qu'une crise n'entraîne pas le développement de
l'ingéniosité des savants?
M. Boulet: Cela fait penser aux gens et peut-être...
M. Grégoire: Les gars comme vous, qui sont dans la
recherche, est-ce que la crise ne vous amène pas à faire des
bonds d'ingéniosité autant que la guerre vous y amène? Ce
que je voulais vous demander, c'est si, après la crise, on va en sortir
avec des bonds d'ingéniosité. Est-ce que vous, avec votre service
de recherche d'Hydro-Québec, vous allez être présents
à ce moment pour prendre le virage technologique qui s'imposera?
M. Boulet: Je pense que l'institut de recherche
d'Hydro-Québec a toujours eu l'appui complet du conseil d'administration
et des gens qui étaient mes supérieurs, et je pense que c'est une
des raisons du succès de l'institut de recherche
d'Hydro-Québec.
M. Grégoire: Merci, M. Boulet.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Robert Baldwin, sur le même sujet.
M. O'Gallagher: C'est tout simplement pour faire une
clarification, M. Boulet. L'hydrogène liquide est-il entreposé et
est-ce qu'il comporte les mêmes facteurs de danger que le gaz propane,
qui est liquide? Est-ce qu'il y a des problèmes de
sécurité?
M. Boulet: II y a des problèmes extrêmement
importants avec l'hydrogène. C'est un gaz qui est très sec et qui
peut se diffuser à travers les matériaux. Si on regarde le
problème aux États-Unis, il y a été résolu
parce qu'on produit de l'hydrogène
sur la côte du Pacifique et qu'on le transporte par camion
jusqu'en France où on fait des essais avec la fusée Ariane. On
fabrique l'hydrogène en France, on le transporte par bateau.
Évidemment, cela demande des conditions extrêmement
spéciales et absolument...
M. O'Gallagher: Plus spéciales que l'utilisation du gaz
propane.
M. Boulet: Non, c'est à peu près le même
ordre de grandeur.
M. O'Gallagher: Alors, il est interchangeable dans tous les
moteurs qu'on peut utiliser aujourd'hui, taxis, autobus ou autre chose. Ce sont
tous des utilisateurs.
M. Boulet: À l'expérience qui se fait en Allemagne
à l'heure actuelle avec des voitures, il n'y a jamais eu un accident.
Évidemment, si on heurte votre voiture par en arrière et que
votre réservoir est à hydrogène liquide, bien
là...
M. O'Gallagher: Ah bon! Alors... M. Fortier: On part en
fusée!
M. O'Gallagher: On ne pourra pas le transporter non plus dans les
gazoducs. Est-ce possible de le transporter dans des gazoducs?
M. Boulet: L'hydrogène a aussi la propriété
que vous pouvez l'ajouter au gaz naturel et augmenter son pouvoir calorifique.
Cela augmente la capacité de votre gazoduc en même temps.
M. O'Gallagher: Dans le fond, la raison pour laquelle on regarde
cela aujourd'hui, c'est qu'à ce moment nous avons des surplus
d'énergie à cause de la conjoncture économique mais,
normalement, comme en France, où il y a des sommets d'énergie qui
ne sont pas utilisés, on peut toujours emmagasiner cette énergie
sous forme d'hydrogène, c'est cela l'avantage.
M. Boulet: On peut aussi avoir des éoliennes. Il y a des
endroits où on a énormément de vent dans le Québec
et on peut ainsi produire de l'hydrogène, l'emmagasiner sur place et
l'utiliser dans les mines du Grand-Nord. Il y a énormément
d'applications possibles.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Charlesbourg, je vous permets de terminer votre question.
M. de Belleval: M. le Président, à titre de
pseudo-économiste, c'est certain que je vais laisser M. Boulet
tranquille pour le reste de la soirée. Il y a assez de ceux
d'Hydro-Québec pour lui mettre des bâtons dans les roues, surtout
que je n'essaierai pas de devenir un émule de mon collègue, le
député de Frontenac, dans la vulgarisation scientifique.
Je voudrais revenir à l'histoire de la possibilité
d'exportation vers les États-Unis. On a parlé d'une
possibilité théorique tantôt de 9500 mégawatts, je
pense, qu'on retrouve dans votre dossier, dans votre plan d'équipement.
Ces 9500 mégawatts sont basés sur l'addition de toutes les
centrales au charbon, je pense, substituables à
l'électricité d'ici l'an 2000. À vrai dire, ces 9500
mégawatts ne constituent pas une mesure des possibilités
d'exportation vers les États-Unis parce qu'ils comprennent des centrales
non seulement construites mais à construire. On a vu tantôt que
pour les remplacer il faut offrir de l'énergie de base, donc, 15 ou 20
ans. Alors, c'est évident que pour les centrales qui ont
dépassé dix ans dans un projet de construction, il est impossible
de penser qu'on peut substituer l'électricité à cela,
parce qu'il faudrait prendre dans dix ans de l'électricité qu'on
donnerait pour 20 autres années. Cela nous mènerait à l'an
2010 ou à l'an 2020 et là on se trouverait dans des situations
où on aurait besoin de cette électricité. Donc, on ne
pourra pas la vendre aux États-Unis par des contrats fermes dans une
telle mesure.
On a vu aussi cet après-midi que de toute façon vous avez
des possibilités d'exportation à court terme d'environ 1500
mégawatts vu les interconnexions qui sont déjà, ou le
seront à court terme, disponibles. Donc, il faut envisager le
problème supplémentaire de trouver non seulement des clients,
mais aussi le moyen de passer rapidement de nouvelles lignes, ce qui n'est pas
une mince affaire. Pour clore ce dossier, pour l'instant, en tout cas,
au-dessus des 1500 mégawatts que vous allez essayer de vendre, ce qui
n'est pas fait encore - on a vu les problèmes que cela pose - est-ce que
vous pensez en vendre beaucoup plus que 1500, à votre avis?
M. Coulombe: En fait, il faut expliquer ce qui est dans le
projet, à la page 28, où on donne ces 9500. Juste pour terminer
la question de la recherche à Hydro-Québec, pour préciser
un certain point, vous allez constater que l'éloquence de M. Boulet en a
convaincu d'autres, parce que si vous regardez le projet de
développement d'Hydro-Québec, vous verrez qu'en dépit
d'une décroissance des dépenses à Hydro-Québec,
d'une décroissance historique de 20%, l'an prochain, c'est 5%. À
travers ces 5%, vous verrez, à la page 67 du plan, une augmentation de
20% des dépenses liées à la recherche. Donc,
l'élément recherche à Hydro-Québec est une
priorité qui se
transcrit de façon très concrète.
M. de Belleval: Donc, les économistes ne leur font pas
trop de misère finalement.
M. Coulombe: Je ne sais pas si c'est une conclusion qu'on peut
tirer mais les chiffres me semblent éloquents.
M. de Belleval: Ou bien la bonne conclusion, c'est que le P.-D.G.
d'Hydro-Québec est sociologue et non économiste.
M. Coulombe: Voilà! Je ne vous le fais pas dire. En ce qui
concerne la question de l'exportation, si vous prenez le texte, il y a deux
idées de base. Les 7000 premiers mégawatts concernent les
centrales thermiques qui fonctionnent à l'heure actuelle et pour
lesquelles, en termes de substitution, on pourrait offrir de
l'électricité. Suivant la localisation de ces centrales qui
fonctionnent actuellement au mazout, suivant leur localisation et suivant la
négociation des prix, on n'a pas d'idée claire à l'heure
actuelle du nombre de mégawatts, sur ces 7000, qui pourraient être
à la portée de contrats pour Hydro-Québec. Il faut dans
chaque cas négocier à partir des coûts du transport, des
problèmes techniques que cela va poser - parce que ce sont des centrales
qui fonctionnent à l'heure actuelle - pour savoir si les
Américains seraient vraiment intéressés, pour que cela
soit intéressant pour eux. Là, il y a toute une
négociation centrale par centrale et on ne peut à l'oeil tout
simplement dire: sur 7000, il y a un marché potentiel de 2000, 3000 ou
4000; cela c'est le premier bloc.
Le deuxième bloc, qui est de 2500 mégawatts, c'est pour de
nouvelles centrales à construire et qui seraient au charbon. Donc, c'est
un marché totalement différent. Là, il faut offrir des
prix à des conditions -évidemment, y compris le transport et
ainsi de suite - qui inciteraient les Américains à dire: On ne
construira pas ces centrales. Donc, c'est un problème différent
du premier bloc qui concerne des centrales existantes. C'est un marché
différent. Les deux peuvent se superposer, ou ne pas se superposer,
ça va dépendre des négociations. (21 heures)
Évidemment, on résume dans deux paragraphes une
étude assez considérable de tous les plans d'équipements
des utilités publiques nord-américaines. Il est évident
que toutes ces distinctions peuvent être difficilement mises dans deux
paragraphes. Mais, essentiellement, c'est ça: deux marchés, un de
7000 pour des centrales au mazout qui existent et un autre de 2500 pour des
centrales au charbon qui sont à construire. Ce sont deux types de
négociations totalement différentes, deux prix de
référence très différents.
M. de Belleval: Quant aux premiers 1500 mégawatts que vous
vous fixez vous-mêmes comme objectif possible, compte tenu que vous avez
déjà les moyens d'interconnexion disponibles à court
terme, où en êtes-vous dans les négociations à ce
sujet?
M. Coulombe: On en est au niveau des discussions que
j'appellerais la phase préliminaire. Au moment où on se parle, on
n'est pas à la veille de signer un tel contrat dans une question de
semaines, ainsi de suite. Il s'agit d'une question de mois. On fait tout notre
possible - d'ailleurs la restructuration à Hydro-Québec le
démontre - pour maximiser l'efficacité des effectifs qui vont
avoir charge de ces dossiers, accélérer le processus, mais on
pense qu'en termes de rentabilité, il vaut peut-être mieux prendre
quelques mois de plus pour avoir un contrat qui ne viendra pas nous hanter dans
trois ou quatre ans, prendre le temps qu'il faut pour être vraiment
sûrs de toutes nos variables. Mais on négocie avec deux...
M. de Belleval: Oui, avec NEEPOOL et PASNY?
M. Coulombe: Les deux. M. de Belleval: Les deux.
M. Coulombe: On veut être sûrs de contrôler
toutes nos variables. Lorsqu'on fera une proposition finale, avec des prix qui
engageront Hydro-Québec et le Québec pour 15 ou 20 ans, on veut
être sûrs de toutes nos variables.
M. de Belleval: Cela pourrait aboutir quand à votre
avis?
M. Coulombe: Notre objectif - je dis bien objectif - c'est
d'aboutir, d'ici un an, à quelque chose qui se tienne. Je dis bien notre
objectif.
Le Président (M. Gagnon): C'est terminé? M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, sur le même sujet.
J'aurais des éclaircissements à demander sur le tableau 15,
"Vente des excédents disponibles". Dans ce tableau vous faites
état des excédents disponibles et ensuite vous parlez d'un
programme de ventes additionnelles au Québec. Si je comprends bien, ce
programme a été lancé mais ce n'est pas encore
assuré. Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus?
M. Coulombe: Vous voulez dire les programmes internes au
Québec?
M. Fortier: Le programme de ventes additionnelles au
Québec. La colonne 2.
M. Coulombe: C'est ça.
M. Fortier: Ce n'est pas encore assuré. Vous n'êtes
pas encore en mesure aujourd'hui de nous confirmer que cet objectif va
être atteint. C'est un objectif d'entreprise.
M. Coulombe: C'est un objectif d'un programme de ventes qui est
accepté par Hydro-Québec, qui est accepté par le
gouvernement, en principe, qui se met en marche. Mais, comme pour tout
programme de vente, on serait mal venus de dire qu'on donne une garantie de
100% qu'il va avoir du succès à 100%.
M. Fortier: Ce n'est pas une critique, c'est simplement...
M. Coulombe: Mais tous nos efforts vont porter...
M. Fortier: Vous êtes en concurrence avec le gaz et le
mazout.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: C'est ça. Ventes à l'exportation,
est-ce qu'on peut dire que cette colonne est assurée
présentement?
M. Coulombe: Nous le croyons... M. Fortier: Pas
totalement?
M. Coulombe: Nous le croyons compte tenu des préalables
suivants. C'est que l'interconnexion de Châteauguay se termine
effectivement en 1984; l'interconnexion du Nouveau-Brunswick en 1985 et
l'interconnexion des Cantons de l'Est en 1986. Si ces trois conditions se
réalisent, ce qui est le programme prévu en termes de
capacité d'interconnexion, nous croyons que ces chiffres vont se
réaliser. Il y a beaucoup plus de sécurité dans ces
chiffres que dans la colonne 2, qui sont des programmes nouveaux.
M. Fortier: Votre tableau arrête en 1986, de toute
façon, de la manière qu'il est fait.
M. Coulombe: Oui.
M. Fortier: Oui.
M. Coulombe: En 1987.
M. Fortier: Capacité des interconnexions. On en a
parlé. Alors, les programmes sont en marche pour augmenter ces
capacités-là? C'est ça que vous dites?
M. Coulombe: Oui.
M. Fortier: Excédents non vendus. Alors, si on veut
être pessimistes, parce que tout à l'heure on disait, je pense
bien, qu'Hydro-Québec doit considérer tous les scénarios,
la colonne "excédents disponibles", ceci provient de votre
prévision de 3,7%?
M. Coulombe: Non, 2,5%. Si on parle des trois premières
années: 2,5%, 4% et 5%.
M. Fortier: D'accord, jusqu'en 1985. Mais, par la suite, jusqu'en
1992.
M. Coulombe: Sur la longue tendance, c'est 3,7%.
M. Fortier: Sur une moyenne jusqu'en 1992, on parle de 3,7%.
Alors, si on regarde de 1980 à 1992, on parle de 3,7%. Alors, on peut
dire que ce tableau a été fait sur une prévision de
3,7%.
M. Coulombe: C'est ça.
M. Fortier: Alors, avec raison, le député de
Charlesbourgs disait: On peut être optimistes et à ce
moment-là ces disponibilités ne sont pas là, mais si on
veut être pessimistes, ça pourrait être plus que
ça.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: On pourra refaire deux autres tableaux qui sont le
tableau moyen, et le tableau pessimiste et un tableau optimiste...
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: Étant donné que je pense qu'on aimerait
bien prévoir l'avenir, du moins se munir contre les
impondérables, alors dans le cas où l'on deviendrait très
très pessimiste et que les excédents seraient encore plus
considérables que vous nous le dites dans le tableau no 15...
M. Coulombe: Oui.
M. Fortier: ... puisque vous avez dit que votre prévision
- remarquez bien que je ne vous dis pas que je l'accepte - de 3,7% n'est pas
parole d'évangile et que cela pourrait être moins, peut-être
plus.
M. Coulombe: D'ailleurs, notre fourchette, c'est 4,7%, 2,6%.
M. Fortier: Oui, oui, d'accord.
M. Coulombe: Donc, cela peut être l'un ou l'autre.
M. Fortier: Alors, en acceptant cela, on doit accepter en
conclusion que les excédents disponibles pourraient être beaucoup
plus considérables.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: Votre programme des ventes additionnelles est quand
même assez difficile, compte tenu de la concurrence du pétrole et
du gaz et que, de l'autre côté, les capacités
d'interconnexion sont difficiles vu la capacité justement, d'une part,
de négocier avec les États-Unis et d'autre part, de les
construire, de les faire approuver par le ministère de l'Environnement
et de les faire accepter du public. Alors, c'est donc dire que
l'excédent non vendu, de toute façon, cette colonne pourrait
être plus élevée si le programme des ventes additionnelles
au Québec ne marchait pas aussi bien que vous l'espérez. Il
pourrait être encore plus élevé si l'excédent
disponible, compte tenu de la demande que vous avez prévue, ne se
réalisait pas. Ma question est celle-ci: Est-ce que, justement, vous
avez fait cet exercice de sensibilité pour nous dire quels seraient les
excédents non vendus sur une période de douze ans.
M. Coulombe: De douze ans?
M. Fortier: Bien sûr, jusqu'en 1992. Votre tableau no 15 se
rend jusqu'en 1992.
M. Coulombe: Non, on ne peut pas vous dire... Ce que vous
demandez, en fait, de combien faudrait-il remplacer les D à la colonne
5, par combien d'excédents? Je pense qu'on pourrait effectivement sur
des scénarios très mécaniques, dire: Bon, en 1987, si la
demande est plus basse que prévue, il y aura plus d'excédents,
donc on pourra avoir encore trois ou cinq térawatts par année, on
pourrait le faire, mais...
M. Fortier: Un térawatt vaut combien, en revenus, pour
Hydro-Québec, à un prix moyen de "dumping"?
M. Coulombe: 0,03 $ multiplié par 1 000 000 000 de
kilowattheures, cela fait quoi? 30 000 000 $.
M. Fortier: 30 000 000 $. Alors 29,3% multiplié par 30
térawattheures, alors on parle de 900 000 000 $. Cela pourrait
être, si les prévisions de demande de base d'Hydro-Québec
étaient moindres que cela, cela pourrait être plus que cela.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: Donc, ce qui veut dire qu'on parle facilement... Cela
peut être 900 000 000 $, mais cela peut être beaucoup plus que
cela.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: Donc on parle de "hard money".
M. Coulombe: Exactement. M. Fortier: D'accord.
M. Coulombe: Juste dans le programme de ventes
additionnelles...
M. Fortier: Alors ce qui... Oui.
M. Coulombe: ... on parle de 800 000 000 $ de revenus, dans les
deux programmes qu'on met sur la table, 800 000 000 $ de ventes en dollars
supplémentaires.
M. Fortier: Alors, compte tenu de cette conjoncture - persone,
bien sûr, ne peut prévoir l'avenir - mais plusieurs, je pense
bien, ont insisté sur le fait qu'à l'avenir -peut-être que
vous l'aviez fait dans le passé, mais ce n'était peut-être
pas évident - qu'à l'avenir, Hydro-Québec devrait donner
des scénarios ou des stratégies alternatives... Si les
prévisions étaient beaucoup plus considérables, quel genre
de stratégies donnez-vous? Bien sûr, ce matin, on a discuté
brièvement à l'effet qu'une de vos stratégies, entre
plusieurs, je l'accepte, était justement de dire: Peut-être,
compte tenu du fait qu'on parle de 900 000 000 $, et peut-être du double,
peut-être qu'on parle 1 500 000 000 $, peut-être qu'on parle 1 800
000 000 $ jusqu'en 1992, quel est alors l'avantage de favoriser le gaz, si nous
devons être pris avec des surplus de l'ordre de 1 500 000 000 $ ou de 2
000 000 000 $? Là, réellement le jeu des avantages
socio-économiques, la pénétration du gaz, compte tenu de
ces surplus... Remarquez bien que si le surplus n'existant pas, je pense que je
tiendrais un langage différent, mais les surplus existent; enfin, on
pourrait dire qu'il serait préférable qu'ils n'existent pas, mais
dans la vie, je pense qu'il faut accepter les faits, tels qu'ils sont.
Au moment où l'on se parle, il semblerait qu'on aura, vous le
dites vous-même, des surplus peut-être de 29,3
térawattheures qui valent 900 000 000 $, et que ces surplus pourraient
être davantage, au-delà de 1 000 000 000 $. L'une des
stratégies que vous aviez recommandées, c'était de dire au
gouvernement: Examinons d'une façon plus attentive la possibilité
d'avoir une meilleure harmonisation. Mais quelles sont les autres alternatives,
puisque je suis d'accord avec vous que les capacités des interconnexions
vont être limitées quoique, encore là, ma seconde question
était: Quel niveau d'agressivité allez-vous mettre pour aller
capturer les 9500
mégawatts? Est-ce que M. Georges Lafond déménage
à Boston la semaine prochaine? Est-ce qu'Hydro-Québec ouvre un
bureau à Boston la semaine prochaine? Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'il
y a eu des reproches dans le passé? On peut peut-être s'y associer
pour dire: Peut-être qu'on devrait être plus dynamique que par le
passé. Bien sûr, le ministre s'est fait tirer la patte. Ce n'est
qu'il y a un an qu'il vous a donné le feu vert, mais cela est une autre
paire de manches.
M. Coulombe: II y a plusieurs éléments. Sur le
manque de dynamisme d'Hydro-Québec, il faut quand même dire que
les ventes à l'exportation sont rendues à 500 000 000 $ et vont
être rendues, selon les prévisions actuelles, à 1 000 000
000 $ dans quatre ou cinq ans. Donc, c'est un "manque de dynamisme", entre
guillemets, qui a donné des résultats assez spectaculaires
puisqu'on est rendu à 20% des revenus d'Hydro-Québec qui en
découlent.
Concernant le problème des scénarios alternatifs pour
l'utilisation de ces surplus, j'ai mentionné cet après-midi la
possibilité de l'utilisation de l'électricité dans les
processus industriels; on a une équipe à Hydro-Québec qui
travaille là-dessus à l'heure actuelle. On a des projets assez
précis, mais on n'est pas capable de les mettre sur la table ce soir, ni
demain matin, parce qu'il y a plusieurs travaux qui restent à terminer.
On a fait l'examen de tous les processus industriels au Québec dans la
majorité des grands secteurs industriels et on a fixé des cibles
d'une plus grande utilisation d'électricité. Nos chiffres
très préliminaires nous permettent de dire que sur une dizaine
d'années, il y a un marché de 30 000 000 000 de kilowattheures
disponibles. J'insiste sur le fait que c'est une cible théorique faite
par des ingénieurs, des économistes et des scientistes.
C'est une cible théorique au moment où on se parle, mais
il y a certes des programmes qui sont en voie d'élaboration et
j'espère que, dans quelques mois, on pourra en mettre plusieurs sur la
table. Il y a donc un effort systématique qui va être fait dans ce
domaine. Il va y avoir un groupe de spécialistes, ingénieurs et
techniciens qui vont rencontrer les industriels pour en discuter en s'appuyant
sur ce rapport qui existe à HydroQuébec. Nul doute que M. Lafond,
qui n'est en place que depuis quelques jours, est en train de mettre la
dernière main à l'organisation de ce nouveau secteur complet
à Hydro-Québec; il va avoir toutes les possibilités et
toute la priorité nécessaires pour pouvoir encore
accélérer les travaux dans ce domaine.
J'insiste sur un fait. Vous avez raison de dire qu'il y a
peut-être de la marge, si la demande est plus basse, pour de plus grands
excédents, mais le contraire est aussi vrai, c'est-à-dire que si
la demande reprend de façon systématique, ces chiffres vont
diminuer. C'est extrêmement fragile. La première colonne que vous
avez là-dedans -je ne veux pas entrer dans des discussions techniques
là-dessus, mais il y a des gens ici qui pourraient l'expliquer
très clairement -est basée sur une hydraulicité normale;
cela aussi peut changer considérablement.
Je veux juste vous donner l'exemple de l'année 1981, si vous
regardez à la fin, il y a des excédents non vendus, et,
l'année suivante, on tombe à zéro. L'explication de ce
phénomène repose sur le problème des fissures à
Manic, où il a fallu baisser le niveau des réservoirs. L'ensemble
du parc d'équipement d'Hydro-Québec n'est pas à l'abri de
certains de ces phénomènes qui se produisent. Ce sont des
variables qui viennent influencer considérablement l'état de ce
qu'on appelle, entre guillemets, "surplus" et qui invitent Hydro-Québec
à être à la fois dynamique et extrêmement prudente
dans ses engagements très fermes, parce que tous ces
phénomènes jouent en même temps des fois.
M. Fortier: Vous venez de nous dire bien des choses
intéressantes. Ce que vous nous dites, c'est que le problème de
Manic vous a coûté en eau 390 000 000 $; en tout cas...
M. Coulombe: Non. Le problème de la fissure de Manic a eu
comme conséquence de baisser le niveau d'eau; donc, il y en a moins de
turbinée...
M. Fortier: Oui, cela vous a coûté de l'eau.
M. Coulombe: Mais, la moitié du 13 -en fait 7,5, de
l'ordre de 7 à 8 térawatts sur 13 - reposait sur ce
phénomène.
M. Fortier: Mais... M. Coulombe: Pardon.
M. Fortier: Cela n'était pas vendu de toute
façon.
M. Coulombe: C'est cela. Je veux expliquer par là que ce
genre de phénomène peut se produire dans un parc
d'équipement aussi considérable que le nôtre. Lorsque cela
se produit en même temps qu'une baisse de la demande ou en même
temps qu'une hydraulicité anormale, c'est évident que tous ces
phénomènes peuvent se multiplier les uns les autres.
M. Fortier: Vous nous avez dit que cette équipe...
J'imagine que la nouvelle équipe va inclure celle de
commercialisation
que vous aviez à Hydro-Québec, enfin...
M. Coulombe: C'est ce qui est prévu.
M. Fortier: C'est ce qui est prévu. Cette équipe va
faire un peu ce que l'électricité de France a fait il y a
quelques années à l'aide de l'étude de Miter Corporation.
Avant que j'entre en politique, j'avais l'occasion d'aller au Brésil,
avec M. Boulet et M. Boyd, où justement on avait fait état de ces
études très extensives...
M. Coulombe: C'est le même concept.
M. Fortier: II y a des choix à faire entre le gaz et
l'électricité, le genre d'industrie qui peut être
attirée par le genre de procédé à base
d'électricité n'est pas du tout le même genre d'industrie
qui serait intéressée, j'imagine, par des procédés
impliquant du gaz. Je ne parle pas en termes de coût d'énergie; je
parle en termes de qualité intrinsèque des deux formes
d'énergie. Je crois que c'est à cela que vous faisiez allusion.
Est-ce qu'on peut dire qu'il y a plus d'avantages dans l'un que dans l'autre ou
si les deux sont avantageux? Est-ce que, pour l'économie du
Québec, on devrait pousser plus sur l'un que sur l'autre, en termes
d'attirer de nouvelles industries? (21 h 15)
M. Coulombe: En fait, ce ne sont pas tout à fait les
mêmes marchés. Il y a des utilisations du gaz - je demanderais
à mes collègues, s'ils le veulent, de poursuivre là-dessus
- fermées à l'électricité et vice versa. Lorsque M.
Boulet parlait tantôt d'électolyse pour l'hydrogène,
c'était justement en concurrence directe avec le gaz, avec de nouveaux
processus qui s'appliqueraient à l'électricité, mais
certains autres processus sont fermés à
l'électricité et vice versa pour le gaz. Je ne sais pas s'il y en
a qui...
M. Fortier: Ma question était celle-ci: Le ministre a dit
ce matin qu'il était... J'avais compris qu'il y aurait une commission
parlementaire mais, en lisant bien le communiqué, j'ai vu qu'il
était pour recommander au cabinet qu'il y ait une commission
parlementaire. Je ne sais pas si le cabinet va être d'accord avec lui,
mais si on avait cette commission parlementaire cette revue technologique
serait quand même intéressante. Or, peut-être qu'à ce
moment-ci vous pourriez nous donner un aperçu des
possibilités.
M. Cristel (Jean-Paul): L'exercice consiste à identifier
pour chaque type d'industrie les procédés qui font appel à
de l'énergie où l'électricité a un avantage
marqué. Par exemple, si on utilise une pompe à chaleur au lieu
d'une autre énergie, puisque la pompe à chaleur est plus
efficace, l'électricité a un coefficient de performance qu'on dit
de 3 à 1. Alors, le prix relatif des énergies favorise nettement
l'électricité. L'étude doit déterminer si
l'investissement nécessaire dans l'équipement est justifié
en fonction de l'économie d'énergie qui, évidemment, peut
être réalisée.
Alors, vous avez demandé d'identifier certaines technologies
électriques. Eh bien, il y a les technologies qui sont commerciales,
donc, qu'on peut commercialiser immédiatement, et d'autres qui sont en
voie de développement. Parmi celles qu'on peut commercialiser
immédiatement, il y a les pompes à chaleur, les
résistances appliquées à des endroits précis, la
recompression mécanique de la vapeur, les membranes, l'induction, les
arcs et, parmi les techniques qui sont en voie de développement et qui
intéressent l'IREQ, évidemment, il y a les plasmas et d'autres
techniques en voie de développement. Alors, cette prospective
industrielle peut nous dévoiler les équipements qu'il deviendra
rentable pour l'industriel de se procurer, quitte à ce
qu'Hydro-Québec aide à stimuler les premières
installations.
M. Fortier: Voyez-vous ce marché comme étant un peu
hétéroclite, c'est-à-dire qui a des applications diverses
ou certaines applications ou si, en collaboration avec le gouvernement, si cela
n'a jamais été fait, vous aller essayer de tirer une
stratégie de développement économique centrée sur
certaines applications en particulier?
M. Cristel: II y a clairement, à notre avis, alors que
nous commencerons à explorer en détail les différentes
avenues, des possibilités de développement de certains
équipements. Si, par exemple, les expériences, qui ont
été faites avec les pompes à chaleur qui peuvent produire
une température assez élevée, prouvent que cet
équipement est économique et peut, disons, atteindre la
performance désirée, on aura des pompes à chaleur avec des
moteurs de 8000 à 10 000 forces qui pourront remplacer dans une
papeterie les procédés traditionnels de séchage. Mais
là, il est question de développer des équipements qui
pourront avoir cette performance. C'est surtout au niveau des
réfrigérants que la lutte se fait actuellement pour qu'on puisse
utiliser un réfrigérant qui possède les qualités
nécessaires.
M. Fortier: Vous êtez-vous fixé des délais
pour terminer cette étude que j'appellerais de
préfaisabilité ou de prémarketing? C'est une étude
qui va continuer dans le temps, j'imagine?
M. Cristel: En raison de nos surplus,
nous avons l'intention de mettre l'accent au départ sur les
techniques qui sont plus réalisables dans l'immédiat. Ce qui ne
veut pas dire que nous allons totalement négliger les techniques qui
peuvent être développées avec des recherches ou du
développement additionnels.
M. Fortier: J'aurais une dernière question. Les
excédents non vendus - je reviens aux excédents non vendus du
tableau 15 - seraient de 29 térawattheures; c'est à peu
près 4000 mégawatts qui pourraient être plus si les
excédents étaient plus élevés, plus si le programme
de vente additionnelle au Québec ne fonctionnait pas. On parle d'une
possibilité de dégager plus de 4000 mégawatts,
peut-être 6000 mégawatts, ce qui est à peu près le
potentiel du marché américain. Alors, quel est l'effort de
marketing qui va être fait là? Est-ce que c'est une
priorité aussi considérable que celle du marché domestique
ou si c'est une priorité secondaire?
M. Coulombe: Ce sont deux priorités qui vont de pair, qui
font appel à des équipes différentes, des techniques de
travail différentes et je pense que ce sont deux lignes
parallèles d'action pour Hydro-Québec. Sans dire qu'on court deux
lièvres à la fois, je pense qu'il faut courir ces deux
lièvres à la fois. Dans la mesure où on a beaucoup de
succès avec le programme industriel qui commence, finalement, d'une
façon plus systématique, il y a un plus grand
intérêt à développer des techniques internes,
surtout si cela a des retombées de fabrication au Québec. Il
reste qu'il y a passablement d'intérêts là-dedans.
Seulement un exemple, le programme des chaudières va avoir un effet
direct sur une industrie du Québec qui fabrique les équipements
de base. Le programme Biénergie va avoir une influence directe sur des
fabricants québécois de ces équipements; ceux-ci ne seront
pas pris en Ontario ou ailleurs, il vont être pris au Québec et
vont permettre à quelques entreprises québécoises de se
développer. En soi, les retombées sont beaucoup plus
intéressantes, mais ce sont peut-être les deux niveaux de
marché qu'il faut absolument prospecter et être aussi dynamique
sur l'un que sur l'autre.
M. Fortier: II est toujours possible, à la dernière
minute, de laisser tomber un marché, même s'il a été
négocié, mais qui n'est pas signé; à ce
moment-là, cela peut être une stratégie de vente de dire:
On va négocier et on prendra la décision en temps et lieu.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Toutes ces études se font pour
arriver à avoir un meilleur produit tout en économisant
l'énergie. Il y a toute une série d'études. Par exemple,
il y a la thermomécanique dans les pâtes et papiers. On
économise de l'énergie tout en faisant un meilleur produit.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais revenir au tableau 15 - j'ai l'impression
qu'on est en train de... je ne voudrais pas dire qu'on dramatise une situation
- dans la colonne 5, à la ligne 1983, je vois: excédents non
vendus: 0. 1984: 13,8 térawattheures. 1985: 12,5. 1986: 3. Ce qui donne
29,3. On s'entend là-dessus. Il y a beaucoup de "si" dans le
scénario; évidemment, si la demande interne augmentait, ce
chiffre de 29,3 irait en diminuant et, si une catastrophe économique se
produit et qu'on connaît un ralentissement de la demande domestique au
Québec d'une façon encore plus soutenue, le chiffre de 29,3 prend
l'ascenseur. Ma question est la suivante: Nous sommes en octobre 1982; d'ici
les six ou douze prochains mois, à la question qui vous a
été posée tout à l'heure, est-ce qu'il y a lieu
d'être optimiste sur nos chances de trouver preneur - je me limiterais
à la seule année 1984 -pour 13,8 térawattheures, soit
à l'extérieur de nos frontières ou chez nous? Est-ce qu'on
peut envisager la situation avec optimisme ou est-ce qu'il faut noircir le
tableau comme le député d'Outremont?
M. Coulombe: Nous envisageons cela avec optimisme avec les
contraintes qu'on vous a fournies, mais tous les efforts vont être faits,
évidemment. Lorsqu'on parle de sommes aussi considérables, tous
les efforts seront faits pour éliminer complètement ces surplus,
en fin de compte. Si vous allez à la colonne 2, il y a des efforts
systématiques pour le même montant dans des programmes qui, au
moment où on se parle, sont en marche. On a l'intention d'en mettre
d'autres pour les éliminer. Donc, nous considérons cela, en ce
qui concerne Hydro, comme un défi extrêmement intéressant,
important et auquel on donne une priorité puisque, comme je le disais
cet après-midi, l'objectif numéro un du plan de
développement est une mise en marché agressive. On s'organise
pour cela, on s'est fixé des objectifs, on va avoir une organisation qui
va être capable de le faire, on est optimiste, mais les contraintes
générales, vous les connaissez aussi bien que nous.
M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, on a
beaucoup parlé des exportations d'énergie, tantôt
d'énergie excédentaire, tout à l'heure d'énergie
ferme,
et je voudrais peut-être faire porter la discussion sur la
capacité d'exportation d'Hydro-Québec et rejoindre la
technologie. C'est un secret de polichinelle que toute entreprise qui consacre
des montants importants d'argent à la recherche et à l'innovation
a toutes les chances de développer une technologie. C'est vrai pour les
entreprises de taille beaucoup plus modeste comparée à celle
d'Hydro-Québec, mais je voudrais savoir, soit de M. Bourbeau ou de M.
Coulombe, peut-être de M. Boulet, si nous avons là un
créneau intéressant en termes de potentiel d'exportation sur le
plan de la technologie.
Je regarde les chiffres d'Hydro-Québec. Aux états
financiers de 1981, Hydro a un actif total de 20 730 000 000 $; au 31
décembre 1982, les actifs devraient se situer quelque part autour de 23
000 000 000 $, ce qui en fait la plus grande entreprise de tout le Canada qui
appartient aux Québécois, ce qui fait qu'Hydro, au fil des
années, est devenue la plus grande corporation de production et de
distribution d'hydroélectricité à l'échelle de
l'Amérique du Nord. Vous avez indiqué tout à l'heure, M.
Coulombe, que le budget de la recherche et de la technologie à
Hydro-Québec était très important, qu'il allait en
croissance malgré la récession. Je pense que tout le monde ici en
est parfaitement heureux et je pense qu'on doit continuer dans cette voie.
Maintenant, puisque le conseil d'administration d'Hydro-Québec a
décidé de faire un lien entre la science, la technologie et
l'international, j'imagine bien qu'il y a une raison. Je voudrais savoir si,
sur le plan, par exemple, du développement de cette nouvelle technologie
des électrolyseurs avec le groupe minier Noranda, il y a là un
potentiel d'exportation pour cette technologie de l'avenir.
Je sais par ailleurs qu'à l'IREQ, au fil des années, on a
développé cette technologie de transport de
l'électricité sur des hautes tensions de 735 kV, 750 kV. Je sais
qu'on travaille sur 1500 kV, je sais qu'on travaille aussi sur 3000 kV. Est-ce
qu'il y a là un potentiel d'exportation sur le plan du transfert de la
technologie et du management des grands chantiers? Est-ce qu'il est possible
d'envisager qu'Hydro International avec, par exemple, la Société
d'énergie de la Baie-James, pourrait offrir ses services, sur le plan
à la fois de la technologie et du management, dans de grands projets
à l'échelle internationale? Si la réponse est affirmative,
j'aimerais savoir dans quelle région du monde portent à l'heure
actuelle vos efforts d'une façon plus particulière.
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau, M. Coulombe? (21 h
30)
M. Coulombe: En fait, vous venez de définir les raisons de
base qui nous ont incités à unifier l'élément de
technologie et l'élément international. C'est évident
qu'Hydro possède un immense réservoir de "know-how",
d'expérience qui est exportable. À Hydro-Québec
International de même qu'à l'IREQ, il y a énormément
d'activités internationales indépendamment d'Hydro-Québec
International; on y travaille activement sur ces sigles. Par contre, il faut
bien penser que dans l'exportation, si on prend, par exemple, le management de
grands travaux et ainsi de suite, le problème fondamental de
l'exportation n'est pas tant un problème de "know how" qu'un
problème de financement. Pour prendre des projets clés en main,
ce qu'Hydro serait parfaitement capable de faire en collaboration avec quelques
sources extérieures à Hydro, le problème n'est pas tant le
"know how" que le financement de ces projets. Les batailles internationales se
font en ce qui concerne carrément les taux d'intérêt.
Lorsque le Japon offre 4% de taux d'intérêt, peu importe le "know
how" qui est en arrière, si Hydro-Québec arrive avec un
financement de projet qui est à 12%, 13%, 14%, il n'est même pas
considéré. Il y a une barrière fondamentale à une
expansion très rapide, à moins que des conditions de financement
puissent être améliorées. En dehors de cette contrainte, je
pense que M. Bourbeau, qui a eu l'occasion de rencontrer, sur le plan
international, plusieurs interlocuteurs, pourra donner plus de détails
sur des projets concrets qui, actuellement, existent à
Hydro-Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Lors d'un voyage récent au
Brésil, on a parlé de transfert de technologie au point de vue du
dossier de l'hydrogène. Les Brésiliens sont très
intéressés au dossier de l'hydrogène. Ils font des
études et ils aimeraient avoir un transfert technologique sur ce
dossier.
D'autre part, on parlait tout à l'heure de possibilités de
faire, le Brésil et la Société d'énergie de la
Baie-James, un projet - Santa Isabel - de 2000 mégawatts. On poursuit
les discussions avec le Brésil à ce sujet.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, juste une question,
le ministre a mentionné tout à l'heure que les lignes de
transmission sont à 765 kilowatts, et qu'à Hydro-Québec
vous travaillez sur du 1500 kilowatts.
Une voix: Kilovolts.
M. Grégoire: ... kilovolts. Vous travaillez sur du 1500 et
surtout 3000. On me dit que les Italiens aussi font beaucoup de travail de
recherche sur les transmissions, sur les lignes de 3000 kilovolts, ce qui veut
dire trois fois et demie ce qui se fait. Est-ce qu'Hydro-Québec est plus
avancée que les Italiens sur cela? Je suis un bon nationaliste, vous
savez, et je veux savoir où en sont les Québécois par
rapport aux autres.
M. Boulet: On a tous les moyens pour faire les études.
D'ailleurs on en a fait sur les 1500 kilovolts, pour American Electric Power,
à l'Institut de recherche d'Hydro-Québec. Le maximum possible et
permissible du côté économique ne dépassera jamais
1600 ou 1700 kilovolts. ENEL, en Italie, a élaboré un programme,
construit une ligne de transport, la même chose qu'American Electric
Power, et a offert cela. Les Brésiliens sont là. BC Hydro a
investi dans ce programme. Les Chinois m'en ont parlé quand ils sont
venus dernièrement. J'ai dit: On peut faire les mêmes
études et cela va vous coûter meilleur marché, venez
à l'IREQ. Le maximum possible ce sera 1500 kilovolts, jamais on ne
dépassera cela. American Electric Power a lancé un projet, elle a
dépensé à peu près 30 000 000 $ pour faire
l'étude du transport. Elle est allée jusqu'à 1500
kilovolts et là elle revient à peu près à 1000
kilovolts. En courant alternatif, ce sera probablement le maximum dont on aura
besoin dans le monde, 1000 kilovolts, ou plus ou moins 1000 kilovolts en
courant continu; en courant alternatif, 1000 kilovolts.
M. Grégoire: Êtes-vous avancé dans ces
recherches?
M. Boulet: Oui, on a tous les moyens de faire les essais dans ce
domaine.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Vimont, après qui je reconnaîtrai le député de
Châteauguay. M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): La semaine dernière, à la
suite aussi de ce voyage au Brésil, on a reçu une demande du
Paraguay de considérer une possibilité de faire des
échanges au sujet du dossier de l'hydrogène. Le Paraguay, on le
sait, avec le projet Itaipu, reçoit une grande quantité
d'électricité. Il serait intéressé à
utiliser l'électricité pour faire de l'hydrogène.
M. Rodrigue: M. le Président, je reviens à une
remarque qu'a faite M. Coulombe tout à l'heure concernant la
nécessité devant laquelle Hydro-Québec s'est
retrouvée à un moment donné, à la suite d'une
fissure dans le barrage de Manie 5, de laisser couler de l'eau, d'abaisser un
peu le niveau du réservoir pour s'assurer que les conditions ne seraient
pas sécuritaires à Manic 5. Cela, évidemment, a
été fait sur-le-champ, avant même de réaliser que la
fissure était superficielle, le mot "superficielle" étant un peu
relatif dans le cas du barrage de Manic 5 à cause de son
épaisseur. Cela m'amène à vous poser la question suivante
sur la capacité, la puissance installée dans le réseau
d'Hydro-Québec. Qu'est-ce qu'Hydro-Québec se garde comme marge de
sécurité sur la puissance installée de façon
à pouvoir faire face à ces éventualités? Quelle
influence cela peut-il avoir sur les surplus dont il est question dans les
tableaux en page 14 et en page 15?
M. Coulombe: La gestion, les critères de gestion en fait
de cette...
Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau?
M. Bourbeau (Joseph): Est-ce que je me trompe, M. Villeneuve, en
disant que ce serait de l'ordre... M. Amyot, de 10%?
M. Amyot: Oui, on a entre 7% et 10% actuellement.
M. Rodrigue: De la puissance totale du réseau?
M. Bourbeau (Joseph): On tient comme réserve environ 10%
de la puissance totale du réseau. La demande à la pointe
était de 20 000 mégawatts l'hiver dernier et on tient en
réserve environ 2000 mégawatts.
M. Rodrigue: 2000 mégawatts. Maintenant, l'effet de ces
2000 mégawatts qu'on veut tenir en réserve pour parer à
toute éventualité, quel impact cela a-t-il sur les chiffres des
surplus qui nous sont présentés ici? Est-ce que, dans les
chiffres qui nous sont présentés, on tient compte de la
capacité de production de ces 2000 mégawatts que par ailleurs on
tient en réserve?
M. Coulombe: C'est considéré comme dans la
réserve.
M. Rodrigue: Donc, ils n'apparaissent pas ici dans les
chiffres.
M. Coulombe: Cela s'appelle production disponible totale,
à la première colonne. Donc, cela tient compte de la
réserve.
M. Rodrigue: De la production disponible. Cela serait inclus
dans...
M. Coulombe: Cela tient compte de la réserve.
M. Rodrigue: Cela tient compte de la réserve.
M. Coulombe: Ce que je veux dire, cela en tient compte...
M. Rodrigue: C'est inclus dedans?
M. Coulombe: C'est la production disponible. Alors, la
réserve est antérieure à ces chiffres.
M. Rodrigue: D'accord. Alors, on considère la
réserve comme n'étant pas dans la production disponible.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Amyot: II reste cette marge-là à
additionner.
M. Rodrigue: C'est cette marge qu'on se réserve pour
être en mesure de faire face à toutes les
éventualités.
M. Coulombe: C'est ça.
M. Rodrigue: Dans un autre ordre d'idées, les taux
d'intérêt ont augmenté beaucoup ces dernières
années et HydroQuébec, à cause du programme
d'équipement de La Grande, phase I, a dû faire des emprunts
même si les conditions étaient moins intéressantes que ce
qu'on a connu il y a six ou sept ans. Les travaux étaient lancés
et des travaux de cette envergure, c'est comme un océanique, c'est comme
un pétrolier de 500 000 tonnes, une fois que c'est lancé, cela ne
se retourne pas sur un trente sous. Dès que les travaux sont
engagés assez sérieusement, on a beaucoup de difficulté et
cela implique des coûts assez importants lorsqu'on veut modifier l'allure
des travaux, les accélérer ou surtout les
décélérer.
Hydro-Québec a dû investir, même à des taux
d'intérêt élevés. Or, il se retrouve que, au cours
du dernier mois, on a eu un fléchissement des taux
d'intérêt assez important. La question est la suivante: quelle est
la durée moyenne des obligations qui ont été souscrites
pour permettre à HydroQuébec de financer ses opérations,
avant leur échéance? Deuxièmement, est-ce que ce sont des
obligations qu'Hydro-Québec pourrait racheter pour profiter des taux
d'intérêt plus intéressants qu'on connaît depuis
quelques semaines et qui, possiblement, pourraient devenir encore plus
intéressants malgré que c'est très aléatoire?
M. Bourbeau (Joseph): M. Georges Lafond.
M. Rodrigue: Alors, la première question, c'est la
durée moyenne des obligations et, deuxièmement, est-ce que c'est
renégociable pour profiter des taux d'intérêt plus
intéressants qu'on connaît présentement?
M. Lafond (Georges): D'accord. Au début de l'année,
la dette d'Hydro-Québec avait une échéance moyenne
d'environ 14 ans. Cette année, en 1982, il y a eu contraction,
évidemment, sur les marchés financiers à cause de la
volatilité, d'une part, des taux d'intérêt et, d'autre
part, des taux élevés d'intérêt, le prêteur
hésitant à s'engager à long terme. À ce
moment-là, le volume d'emprunts de l'année 1982 a
été réalisé avec une échéance moyenne
d'environ neuf ans.
D'autre part, quant à votre deuxième question à
savoir si Hydro-Québec est en mesure de profiter de la baisse des taux
d'intérêt pour renégocier et refinancer ses emprunts, il y
a deux aspects, ou deux volets, à la réponse.
Dans un premier temps, il faut faire des distinctions quant aux
marchés sur lesquels Hydro a emprunté; du côté des
États-Unis, par exemple, il était de coutume, de mise de donner,
pour les emprunts classiques qu'on pouvait faire autrefois de 30 ans, une
garantie de non-remboursement de 15 ans. Sur le marché canadien,
toujours pour les emprunts classiques de 20 à 25 ans, il était
coutume, de mise de donner une garantie de non-remboursement par anticipation
de 20 ans environ. Sur les marchés européens où l'emprunt
classique avait une vie de 15 ans, il était de mise de donner une
garantie de non-remboursement de 10 ans. Alors, de ce côté, il y a
certains emprunts d'Hydro-Québec qu'il serait possible de rembourser par
anticipation en acceptant de payer les primes que cela impliquerait, à
condition, évidemment, que les taux du jour soient inférieurs aux
coûts comparatifs qu'on déterminerait.
Cependant, il faut retenir que le programme de construction
d'Hydro-Québec ne tombera pas à zéro en 1983 ou en 1984.
On entrevoit que la Baie-James devrait se terminer, quant à sa phase I,
au cours de l'année 1984 ou 1985. Il y a aussi les lignes de
transmission et vous avez vu la série de dépenses
d'immobilisations des trois prochaines années. Cet effort de
construction va laisser Hydro-Québec avec un programme d'emprunt qui va
excéder les 2 000 000 000 $, programme passablement élevé.
S'il fallait, au cours des trois prochaines années, commencer, en plus
de satisfaire au programme d'emprunt d'Hydro-Québec, à ajouter un
programme de refinancement, de "roll over" ou de refinancement des dettes
existantes, je pense qu'on irait un peu loin dans les ponctions qu'il faudrait
faire sur les marchés, mais de toute façon si des situations
comme celles-là se produisent et sont à l'avantage
économique d'Hydro-Québec, sans ajouter aux problèmes de
saturation qu'on peut affronter
sur certains marchés donnés, il n'y a aucun doute que ces
opérations seront faites.
M. Rodrigue: Si je comprends bien, il n'y aurait pas
intérêt à cela pour l'instant, parce que s'il y a un
délai de dix ans avant de pouvoir refinancer des emprunts, de toute
façon, il y a dix ans, les taux d'intérêt étaient
plus bas que ceux qu'on connaît présentement, entre autres
choses.
M. Lafond: Présentement, c'est une possibilité
éloignée quant à ce point de vue.
M. Rodrigue: C'est purement théorique. Quant aux emprunts
en monnaie européenne ou japonaise - je ne sais pas si vous en avez en
monnaie japonnaise - il y en a en monnaie européenne, quel est l'effet
de la réévaluation du dollar sur tout cela? Actuellement, en
termes de valeur des emprunts, est-ce que cela a permis de réduire la
valeur de ces emprunts de façon appréciable? On a connu une
période où le dollar s'est dévalué sensiblement par
rapport au mark, au franc suisse et à un certain nombre de monnaies
européennes. Depuis un certain temps, le dollar se
réévalue. Est-ce que l'on peut mesurer par rapport au creux de la
vague qu'on a connu ce que cela peut signifier en termes de coûts
diminués de ces emprunts?
M. Lafond: Oui. Disons que jusqu'en 1970 Hydro-Québec
avait emprunté exclusivement en devises canadiennes et en devises
américaines. Cependant, on voyait le projet de la Baie-James ou de
grands travaux venir - la Baie-James ou un autre - et il fallait prévoir
une diversification des marchés pour, à la marge,
écrémer ce qu'on appelle sur le marché canadien et sur le
marché américain le phénomène de saturation dont
souffrent d'ailleurs présentement plusieurs gros emprunteurs
internationaux. De là, la diversification qui s'est faite au
début des années soixante-dix et soixante-et-onze, d'abord sur le
marché allemand, ensuite sur le marché suisse. Quant au
marché japonais, il n'y a eu qu'un emprunt, il s'agit d'un placement
privé. Durant les deux dernières années, nous avons
ajouté une percée sur le marché de la livre sterling, sur
le marché de l'écu et sur le marché du florin
hollandais.
Les emprunts, je dirais, de 1970, 1971 et 1972 sont ceux qui se sont
avérés les plus pénibles à porter. Cependant, une
fois que le dollar canadien a pris sa "décote" vis-à-vis du
dollar américain - "décote" qu'on a connue - depuis ce temps, je
dirais que le dollar canadien a évolué à peu près
parallèlement au dollar américain par rapport aux devises
européennes "soi-disant fortes" et la situation s'est
améliorée. (21 h 45)
M. Rodrigue: Vous n'avez pas de comparaison entre ce qu'on a pu
atteindre au plus creux de la vague et ce que cela peut représenter en
termes de valeur aujourd'hui? Vous n'avez peut-être pas ces
détails.
M. Lafond: Non.
M. Rodrigue: Une dernière question pour l'instant, M. le
Président. Dans le document d'Hydro-Québec, on mentionne que le
dividende, que par suite de l'adoption de la loi no 16 on avait estimé
devoir verser au ministre des Finances entre les années 1981-1985,
était de l'ordre de 1 500 000 000 $. D'ailleurs, on se rappelle le
boucan que l'Opposition avait fait là-dessus; elle avait même
réussi à faire un "filibuster" sur l'adoption de la loi no 16 en
essayant de nous faire croire que l'équilibre financier de l'ensemble du
Québec pouvait dépendre de l'adoption ou de la non-adoption de ce
projet de loi. Je pense qu'au moment où on se parle, le ballon que
l'Opposition nous avait gonflé à ce moment-là s'est
sensiblement dégonflé; peut-être qu'elle voulait permettre
aux nouveaux députés de se faire les muscles de part et d'autre
de la table de la commission, mais je me rappelle avoir entendu des discours
assez ésotériques à cette commission qui n'avaient pas
grand-chose à voir avec l'adoption de la loi no 16 ou le
développement des sources d'énergie au Québec. Il y en a
même qui ont réussi à nous parler d'un M. Philip Buster, de
New York, semble-t-il.
Indépendamment de tout cela, le dividende avait été
estimé l'an passé, pour la période de 1981 à 1985,
à 1 500 000 000 $. Compte tenu des réévaluations qui se
sont faites dans votre programme et dans vos propositions tarifaires,
pourriez-vous nous indiquer quelles sont les projections actuelles pour les
quatre ou cinq prochaines années, soit pour la même période
ou pour les cinq prochaines années?
M. Coulombe: Nous n'avons pas ces chiffres, tout simplement parce
que la question du dividende est une question qui, à notre avis,
relève de l'actionnaire. Je pense que cela est exact. Vous voyez que
dans les équilibres 1983 qu'on présente avec l'intention de
diminuer, à cause de la situation globale, l'augmentation des tarifs,
nous arrivons, en respectant les critères financiers, à un
dividende de zéro, mais cela est la recommandation
d'Hydro-Québec. La décision de l'actionnaire reste à
prendre. Nous pensons que cet arbitrage... Finalement, il s'agit d'un arbitrage
entre le consommateur d'électricité et les contribuables. Nous
pensons que cela est de la responsabilité du gouvernement que
d'effectuer ce genre d'arbitrage, ce n'est pas la responsabilité
d'Hydro-Québec. Alors, il s'agira de voir quelle sorte de
décision le
gouvernement va prendre dans les prochaines années. C'est pour
cela que ce genre de prévisions, nous ne pouvons pas les faire.
M. Rodrigue: Si je comprends bien, avec la proposition tarifaire
d'augmentation à 7,3% en moyenne, comme vous le faites pour
l'année 1983, le dividende serait de zéro.
M- Coulombe: C'est-à-dire que vous avez raison en ajoutant
que si la demande est à 2,5% et si nous réussissons à
couper nos dépenses de la façon dont cela est indiqué,
c'est exact.
M. Rodrigue: En fait, dans le cadre où vous avez
circonscrit tout cela.
M. Coulombe: C'est cela, vous avez toutes les hypothèses
dans le plan; les 7,3% signifieraient pas de dividende pour 1983.
M. Rodrigue: Cette question de fait étant établie,
je me permettrai quand même...
M. Coulombe: Ce n'est pas encore une question de fait, cela va
dépendre si le gouvernement va agréer ou non la
recommandation.
M. Rodrigue: Oui, en fait, c'est votre proposition.
Une voix: Question de privilège.
M. Rodrigue: La proposition d'Hydro-Québec d'augmenter les
taux de 7,3% en moyenne aurait pour conséquence, si elle était
acceptée, que le dividende payable en vertu de la loi no 16 serait de
zéro.
M. Colombe: Si toutes les autres conditions sont remplies, c'est
exact.
M. Rodrigue: Si toutes les autres conditions sont remplies, les
conditions que vous avez énoncées dans les documents que vous
avez versés à la commission et là, je tiens
Hydro-Québec en dehors de cela parce que cela devient un commentaire
politique. Je pense que les chiffres qui nous sont cités
démontrent que le fameux "filibuster" que l'Opposition nous a fait
endurer un peu avant les fêtes l'an passé et surtout les
déclarations absolument extraordinaires que ses députés
ont pu faire à ce moment-là quant aux impacts
épouvantables que cela aurait sur l'économie du Québec,
étaient bien inutiles. Surtout je pense aujourd'hui que la balloune est
drôlement bien dégonflée et que les chiffres qui nous sont
fournis...
M. Fortier: II ne sait pas lire les états financiers.
M. Rodrigue: ... à cette commission démontrent que
l'Opposition a voulu faire peur au monde et essayer de lui faire croire un tas
d'histoires. Quand on regarde les faits tels qu'ils se produisent par la suite,
on se rend compte que souvent, leurs appels au terrorisme de cette nature,
tournent toujours de la même façon; on en a un autre exemple
aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Fortier: Qu'est-ce qu'on a fait aujourd'hui?
M. Dussault: M. le Président, je voudrais revenir
brièvement au tableau 15, sur la question des programmes de ventes
additionnelles au Québec. Je suis un peu insatisfait parce que
j'aimerais connaître la proportion du programme qui consiste à
offrir les chaudières, puis je voudrais mieux comprendre cette affaire
par rapport aux autres programmes. Par exemple, en 1981, on parle de 2 700 000
000 de kilowattheures. Quelle est la proportion qui passe au programme des
chaudières?
M. Coulombe: Le programme de chaudières, les objectifs
qu'on a pour 1983, c'est 0,4 milliard de kilowatts, en 1984, 4,6, et en 1985,
4,6; alors que la biénergie, 0,3 en 1983, 1 en 1984 et 2 en 1985, en
termes de kilowattheures. C'est la distinction entre les deux programmes en
termes d'objectifs à atteindre dans les trois prochaines
années.
M. Dussault: Une dernière petite question. J'ai une note
ici que 30% de la production hydroélectrique seulement est
utilisée au Québec, est-ce exact cela?
M. Coulombe: Est-ce que vous vous référez à
une note qui est dans le plan?
M. Dussault: Non. C'est une note qui nous avait été
donnée lors d'une rencontre où on s'est "briefé", si vous
m'excusez l'expression, sur la question hydroélectrique et j'ai cette
note-là ici. Elle m'étonne et je me demandais si elle
était exacte.
M. Coulombe: Peut-être que les 30% se
référaient aux achats d'électricité à
Churchill. Cela représente effectivement 30% de ce qu'on appelle ici, ce
qui est disponible comme électricité au Québec; 30% de ce
qui est disponible vient de Churchill Falls.
M. Dussault: Alors donc, que si on...
M. Coulombe: Donc, ce n'est pas produit au Québec ces 30%
là.
M. Dussault: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Robert Baldwin.
La fissure dans le barrage Daniel-Johnson
M. O'Gallagher: M. le Président, avant de laisser le
barrage Daniel-Johnson ou de Manie 5, je voudrais, vu que la population du
Québec nous regarde et surtout la population en aval du barrage, vous
posez trois questions au sujet de la fissure qui a été
trouvée dans ce barrage et du fait que le réservoir a
été baissé à cause de cette fissure:
Premièrement, la fissure a-t-elle été
réparée pour être vraiment sécuritaire à
100%? Pour quelle raison cette fissure est-elle arrivée?
Troisièmement, combien cela va-t-il prendre de temps pour regagner le
niveau d'eau qu'on a perdu dans ce réservoir?
M. Amyot: Première question, la fissure qu'on a
détectée dans la voûte 5-6 est complètement
réparée. C'était une fissure qui commençait
à la surface et qui allait jusqu'à 12 pieds de profondeur. Nous
l'avons injectée avec un coulis de ciment et ensuite avec un
époxy; il y a des drains prévus à l'intérieur que
nous avons faits et c'est complètement réparé.
Deuxième question, c'est?
M. O'Gallagher: Pour quelle raison, d'après vous, est-ce
arrivé?
M. Amyot: La raison exacte, personne ne la saurait exactement. On
a mis une série de 30 causes possibles pour la fissure. On a
procédé par élimination avec des essais, et finalement, on
est arrivé avec la raison qui semble la plus probable, c'est qu'il y
avait une petite fissure qui se serait produite durant la construction, parce
que le barrage était construit par bouts, penchant vers l'aval, alors
l'hiver et l'été il y a du retrait et il y a peut-être de
petites fissures qui se sont faites. Les petites fissures amènent l'eau.
Puis elles venaient vers la surface à l'aval. Alors, après
quelques années, l'effet du gel et du dégel fait éclater
les fissures un petit peu plus. Avec le temps, l'épaisseur de la glace
était assez forte pour faire éclater un peu de béton.
C'est ce qui a attiré notre attention. Cela semble être la raison
la plus probable. On a regardé toutes sortes d'autres raisons. On a fait
étudier celle-là selon des méthodes nouvelles de calcul
que l'on n'avait pas lorsqu'on a fait l'ingénierie du barrage. Il semble
que cela soit la raison la plus probable. Ensuite, il y a toujours une
équipe permanente qui surveille le barrage. Nous avons des appareils,
des témoins qui mesurent les débits, les quantités d'eau
qui coulent. Nous avons des drains différents au-dessous de chaque
voûte, à tous les 50 pieds. Nous savons la quantité exacte
d'eau qui s'infiltre. Nous avons un contrôle complet là-dessus.
Ensuite, nous avons une série d'appareils de mesure qui donnent la
déflexion du barrage, soit vers l'amont, soit vers l'aval, suivant la
température de l'année, parce que le barrage est quand même
un ouvrage en béton qui rapetisse et s'élargit suivant la
température. De plus, nous avons une autre série de mesures, des
témoins sonores qui sont mis dans le rocher et à travers le
barrage qui, s'il y avait un déplacement subit, feraient un bruit qui
serait enregistré et, automatiquement, on décèlerait
l'anomalie.
M. O'Gallagher: Ma troisième question: Cela va prendre
combien de temps pour regagner le niveau qu'on a perdu?
M. Amyot: Cela dépend des précipitations
naturelles. Je crois que M. Villeneuve pourrait me le dire. On n'est pas loin
d'avoir atteint le degré normal de plein réservoir.
M. O'Gallagher: À quel pourcentage est-il maintenant?
M. Amyot: Avant la fissure, on l'a rempli deux ou trois fois,
alors on sait exactement son comportement. Lorsque le réservoir est
plein, c'est évident que le barrage oscille plus vers l'aval; lorsque
vous baissez l'eau, la voûte revient vers l'amont. On connaît
maintenant son cycle, on suit son travail selon le niveau de l'eau et la
température.
M. O'Gallagher: Alors vous nous assurez que c'est
complètement sécuritaire?
M. Amyot: C'est un barrage complètement
sécuritaire, la preuve, c'est qu'il a résisté depuis...
Témi a été complété en 1967 ou 1968, il a
été rempli vers l'année 1972 et on l'a tenu plein suivant
les soutirages qu'on avait besoin de faire pour l'exploitation. Nous continuons
à le suivre et nous avons encore tout un système d'études
additionnelles que nous continuons et que nous allons entreprendre pour faire
d'autres calculs, pour s'assurer que toutes les nouvelles techniques de calcul
soient mises à profit pour étudier le comportement du
barrage.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, une question
additionnelle.
M. Duhaime: Relativement à la fissure, je voudrais savoir
à quel moment elle a été colmatée. Il me semblait
que cela avait été terminé en juin 1981?
M. Amyot: La fissure a été découverte au
début de mai 1981. Avant de commencer
à la colmater, on a fait une série de forages à
travers la paroi pour essayer de déterminer la profondeur et la forme et
ainsi en faire la géographie. On a commencé ensuite à
faire l'injection vers le milieu d'août et on a terminé
l'injection complète vers le milieu de septembre. Les travaux ont
recommencé au début d'octobre 1981 - ceux de Manie 5 puissance
additionnelle - et on excave la nouvelle centrale à l'aval du
barrage.
M. Duhaime: Ce qui veut dire que la question de la fissure est
réglée depuis un an.
M. Amyot: Pardon?
M. Duhaime: C'est réglé depuis un an?
M. Amyot: Oui, oui. Mais dans un barrage comme le Manie 5, il y a
toujours des fissures. C'est du béton. Il s'agit de contrôler la
quantité, de s'assurer que cela reste dans des limites acceptables.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Chambly, je regrette, à moins que les membres de la commission ne soient
d'accord pour poursuivre les travaux, il est maintenant 22 heures.
M. Grégoire: J'aurais une question. M. Fortier:
C'est une mini-question.
Le Président (M. Gagnon): Une miniquestion, M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: Qui est importante, à mon avis. On a
parlé, ce soir, de toutes sortes de scénarios, soit pessimistes,
soit optimistes, dépendant où on était, de catastrophes
parfois même. En 1981, finalement, Hydro-Québec a fait des
profits. De quel ordre étaient-ils?
M. Bourbeau (Joseph): 358 000 000 $.
M. Tremblay: Et, en 1982, êtes-vous en mesure
présentement de prévoir un peu quelle sorte de résultat
cela va donner?
M. Bourbeau (Joseph): Vous l'avez dans le plan à la page
86. Si la demande se comporte comme prévu, c'est-à-dire -1, il se
peut qu'elle soit plus basse, ce serait de l'ordre de 800 000 000 $.
M. Tremblay: De profit? M. Bourbeau (Joseph): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie beaucoup. La
commission de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux à
demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 03)