L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'énergie et des ressources

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'énergie et des ressources

Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 26 octobre 1982 - Vol. 26 N° 184

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de tarification d'Hydro-Québec pour 1983


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

II y a quorum. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est maintenant ouverte. Le mandat de cette commission est d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec relativement à l'étude du projet de tarification d'Hydro-Québec pour l'exercice financier 1983. Elle se réunira aujourd'hui, le 26, demain le 27 octobre et, si nécessaire, elle pourra poursuivre ses travaux le jeudi, 28 octobre.

Les membres de la commission sont: M. Pagé (Portneuf), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Dussault (Châteauguay), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Kehoe (Chapleau), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Hains (Saint-Henri).

Une voix: M. le Président, M. Hains est remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Desbiens): Alors, M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Hains (Saint-Henri); M. Proulx (Saint-Jean), M. Levesque (Bonaventure) et M. Perron (Duplessis).

Il serait maintenant dans l'ordre de désigner un rapporteur. Est-ce qu'il y a une proposition à cet effet?

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: ... est-ce que je pourrais suggérer le député de Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc?

Le Président (M. Desbiens): Alors, il y a une proposition pour que le député de Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc, devienne rapporteur. Est-ce adopté?

Une voix: Adopté.

M. Fortier: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous venez de dire que nous entendrons Hydro-Québec. Maintenant, j'ai reçu, comme les autres membres de la commission, une intervention du Conseil régional de développement d'Abitibi-Témiscamingue, qui est portée à l'attention de la commission parlementaire. J'aimerais savoir s'il y a d'autres associations ou d'autres groupements qui ont envoyé des mémoires et si la commission aura le loisir d'entendre la ou les personnes qui voudraient être entendues.

Le Président (M. Desbiens): Les seuls autres documents qui ont été reçus à la commission à ce moment-ci sont des dossiers à l'appui de la hausse présentée par HydroQuébec que vous avez entre les mains. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, comme à chaque année, il y a des groupes qui font valoir au ministère de l'Énergie et des Ressources le souhait d'être entendus lors de la comparution d'Hydro-Québec devant notre commission parlementaire pour l'étude de sa proposition tarifaire. Cette année - pour répondre à votre question - je crois qu'il y en a eu quatre ou cinq qui ont manifesté le désir d'être entendus. Nous avons plutôt retenu la formule, de laisser les parlementaires des deux côtés de la Chambre faire leur boulot et entendre Hydro-Québec seulement pour qu'ensuite, le gouvernement puisse prendre position sur la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Alors, on fait comme d'habitude.

Le Président (M. Desbiens): D'ailleurs, il n'est pas mentionné, non plus, dans le mandat de la commission que j'ai lu tout à l'heure qu'il y aurait audition d'autres groupes. Cela dit, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je vais être bref, parce qu'on a hâte d'entendre les représentants d'Hydro-Québec, ce matin, et le ministre. Le mémoire qui est déposé ce matin ici et dont on a pris connaissance a-t-il été déposé au secrétariat des commissions? Est-ce qu'il a été reçu par le secrétariat des commissions?

Parce qu'on se rappellera que le député d'Outremont a particulièrement insisté pour que le débat puisse être le plus large possible et que les groupes intéressés à se faire entendre puissent le faire. À titre d'exemple, j'ai un groupe important de mon comté qui était désireux de se faire entendre et, dès qu'il a été informé que les règles du jeu prévoyaient qu'il n'y avait pas de dépôt de mémoires, il a prévu de faire une conférence de presse et de transmettre directement au ministre un mémoire. Si, par contre, vous me dites que les mémoires, même si les groupes ne sont pas entendus devant notre commission, peuvent être déposés au secrétariat des commissions, c'est un autre élément.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a absolument aucun mémoire présentement qui est parvenu au secrétariat des commissions de façon officielle. Il est toujours loisible, je crois, à tout groupe de faire parvenir ou de présenter un mémoire au secrétariat des commissions.

M. Grégoire: D'ailleurs, M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: ... rien n'empêche quelque député que ce soit de se servir des recommandations ou des attendus des mémoires pour poser des questions soit à Hydro-Québec, soit au ministre. Si le député de Portneuf veut déposer ce mémoire et poser des questions à partir de ce mémoire, il aura pleinement le loisir de le faire pendant les jours que durera cette commission.

M. Pagé: Je n'en doute pas, mais ce que je voulais savoir, c'est s'ils étaient officiellement déposés. Ils ne sont pas déposés, merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je pourrais peut-être répondre à la préoccupation du député de Portneuf qui, sans aucun doute, ne porte pas du tout sur les tarifs ce matin, mais davantage, en se référant aux groupes que vous avez identifiés, sur le projet d'aménagement de Delaney. J'aurai des choses à dire tantôt à ce sujet, bien sûr. Dans un contexte aussi... Cela ne fonctionne pas? Vous êtes bien gentil, M. le député de Saint-Jean, je vous en serai éternellement reconnaissant. J'aurai des précisions à apporter là-dessus, tout à l'heure, dans mon exposé. Sans aucun doute, ce que je dirai devrait satisfaire les attentes aussi bien des gens de Portneuf que d'ailleurs. Est-ce qu'on peut y aller, M. le Président?

Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres remarques, je demanderais à M. Joseph Bourbeau, qui est le président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, de présenter ceux qui l'accompagnent. Par la suite, M. le ministre fera ses remarques préliminaires, j'imagine.

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, je voudrais vous présenter, a ma droite, M. Guy Coulombe, le président-directeur général d'Hydro-Québec qui, à son tour, va vous présenter les membres de son équipe.

M. Coulombe (Guy): M. le Président, je voudrais vous présenter M. Pierre Godin, à ma droite, qui est vice-président exécutif de l'exploitation; M. Georges Lafond, vice-président exécutif de la mise en marché; à ma gauche, M. Lionel Boulet, vice-président exécutif de la technologie internationale; M. Jean Bernier, secrétaire général d'Hydro-Québec.

Nous avons aussi avec nous M. Michel Caron, nouveau vice-président exécutif du service des finances et de l'administration; M. Marcel Couture, vice-président de l'information; M. Durocher, vice-président de l'administration; M. Ouellette, en arrière, est le vice-président des ressources humaines; M. Jean Houde, vice-président délégué à l'organisation, et M. Villeneuve, conseiller spécial du PDG.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue au président du conseil d'administration, au président-directeur général, aux membres du conseil d'administration, aux différents vice-présidents d'Hydro-Québec que je reconnais devant moi et souhaiter d'une façon particulière une première bienvenue au nouveau PDG d'Hydro-Québec, M. Guy Coulombe, qui en est à sa première comparution devant cette commission parlementaire depuis sa nomination à la tête d'Hydro-Québec.

M. le Président, je voudrais situer le cadre de nos débats et dire qu'avec la collaboration de mon collègue, le député d'Outremont, nous avons pu en quelque sorte établir une séquence d'événements pour les heures et les jours qui sont devant nous. Nous nous sommes entendus pour qu'il y ait un exposé de ma part d'abord, ensuite un exposé du député d'Outremont et

possiblement un échange et qu'ensuite nous passions la parole à Hydro-Québec pour qu'on puisse entendre l'a b c de la proposition tarifaire que l'on retrouve cette année à l'intérieur d'un plan d'équipement révisé pour la période de 1982-1985, mais sur l'horizon 1992.

Nous avons prévu trois jours, c'est-à-dire toute la journée d'aujourd'hui jusqu'à 10 heures ce soir, M. le Président. Nous siégerons également demain dans la matinée jusqu'à 13 heures et, si c'est nécessaire, nous reprendrons jeudi à 10 heures pour la journée. Si nous n'avions pas terminé, nous pourrions siéger vendredi et samedi. On verra comment les choses vont se dérouler.

Je voudrais dire, au départ, M. le Président, que je n'ai pas l'intention d'entrer dans le détail des documents déposés par Hydro-Québec. C'est au cours des travaux de cette commission qu'Hydro-Québec nous présentera le contenu du règlement tarifaire proposé, ainsi que le plan de développement pour la période 1983-1985. La présente commission parlementaire permettra de préciser les implications du règlement proposé par Hydro-Québec et c'est en fonction des travaux de cette commission que le gouvernement décidera finalement de la grille tarifaire qui sera autorisée pour l'année 1983.

À propos du règlement tarifaire et du plan de développement qui l'accompagne, Hydro-Québec identifie un certain nombre d'orientations majeures qui affectent la plupart de ses activités. Nous allons, évidemment, être appelés à évoquer la situation énergétique québécoise globale, ainsi que les objectifs poursuivis par le gouvernement dans ce secteur.

Il est certain que le secteur énergétique a connu plusieurs modifications conjoncturelles importantes depuis un an; par exemple, les modifications du prix international du pétrole brut, le ralentissement de la croissance de la demande globale d'énergie et l'expansion du réseau de gaz naturel au Québec. Il me paraît ainsi important, au début des travaux de cette commission, de faire un rapide tour d'horizon de la situation énergétique actuelle, ainsi que des orientations de la politique gouvernementale dans ce secteur. Une telle réflexion devrait nous faciliter l'analyse de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec et de ses implications.

Si on essaie de formuler en termes clairs les différents problèmes qui se posent actuellement au Québec sur le plan énergétique, il est possible d'en identifier un certain nombre en prenant, bien sûr, pour point de départ le document présenté par l'Hydro-Québec.

La première question, je dirais, ou le premier défi auquel le Québec est confronté concerne nos richesses énergétiques propres, soit en premier lieu nos richesses hydroélectriques. Cette question pourrait se formuler ainsi: Quels moyens devons-nous adopter et appliquer pour assurer une mise en valeur rapide et rationnelle de notre potentiel énergétique? À cette première question s'en ajoute une deuxième que la conjoncture économique actuelle rend encore plus pertinente: Comment utiliser cette mise en valeur de nos richesses énergétiques pour en faire un moteur encore plus puissant de notre développement économique? La troisième question est liée à la pénétration du gaz naturel au Québec et au déplacement du pétrole importé, qu'il faudra, bien sûr, harmoniser avec le développement de l'électricité.

Le passage d'une partie importante du bilan énergétique québécois du prétrole mondial au gaz naturel et à l'électricité amène à se poser une autre question, celle du secteur pétrolier québécois, de sa nécessaire adaptation et des mesures que l'on peut concevoir pour assurer son renforcement dans un contexte difficile. Une cinquième question concerne le secteur de la recherche et du développement. De l'évolution de la recherche et de la technologie dépendent, pour une bonne part, les caractéristiques futures du secteur énergétique québécois, de son développement économique d'ensemble. Une sixième question porte sur les économies d'énergie. Et, enfin, la dernière question englobe l'ensemble de l'action du gouvernement et consiste à se demander si l'évolution de la situation actuelle et prévisible affecte les objectifs que nous nous étions fixés en 1978 pour l'horizon 1990.

Voyons, d'abord, le contexte énergétique canadien et international. L'évolution récente peut être articulée autour de deux points principaux: les approvisionnements en hydrocarbures et les prix auxquels ces hydrocarbures sont disponibles à l'économie québécoise. En ce qui concerne les approvisionnements pétroliers en provenance du marché international, la situation au cours des dernières années semble avoir profondément évolué. Depuis 1980, le marché mondial du pétrole connaît une situation d'excédent de l'offre sur la demande, en raison essentiellement de la crise économique mondiale et de la baisse rapide des importations pétrolières américaines. Le marché international peut subir à nouveau l'impact de difficultés politiques éventuelles de l'un ou de l'autre des grands pays exportateurs. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la révolution iranienne et la guerre entre l'Irak et l'Iran ont accru l'importance stratégique de l'Arabie Saoudite et ont rendu la situation énergétique internationale encore plus tributaire de la conjoncture politique et économique prévalant dans ce pays. (10 h 30)

Dans un rapport rendu public il y a

quelques jours à peine, l'Agence internationale de l'énergie estime que d'importants déséquilibres risquent à nouveau de se produire à partir du milieu des années quatre-vingt. L'AIE souligne, en effet, que l'augmentation de la demande mondiale de pétrole, due notamment à l'accroissement de la demande pétrolière des pays de l'OPEP qui pourrait tripler d'ici l'an 2000, coïncidera avec une diminution de la production de brut en provenance de l'Amérique du Nord, de l'URSS et de la mer du Nord. L'AIE en conclut que, si des résultats notables n'ont pas été obtenus dans les politiques de substitution du pétrole, les prix du brut pourraient connaître à moyen terme une nouvelle hausse précipitée.

À l'heure actuelle, 52% des approvisionnements pétroliers du Québec proviennent de l'Ouest canadien. Tout le monde s'accorde, toutefois, pour considérer cette situation comme provisoire. La réduction des réserves albertaines de pétrole conventionnel devrait entraîner d'ici la fin des années quatre-vingt une diminution importante des livraisons de pétrole en provenance de l'Ouest. Il ne semble pas que l'on puisse compter sérieusement sur le pétrole non conventionnel canadien provenant des sables bitumineux. Par ailleurs, depuis 1978, les perspectives de mise en exploitation du potentiel pétrolier de l'Est canadien se sont précisées avec, notamment, la découverte d'Hibernia. Cependant, pour des raisons à la fois techniques, économiques et politiques, il ne semble pas, là aussi, que l'on puisse compter sur un volume de production significatif avant le milieu des années quatre-vingt-dix. Quant au pétrole de l'Arctique, la situation demeure incertaine.

Ainsi, il découle de cette analyse une conclusion essentielle: à moyen terme, une part accrue des approvisionnements pétroliers du Québec proviendra du marché mondial. Selon les évaluations les plus récentes, cette part passerait de 48% en 1982 à environ 90% en 1990. Le Québec dépendra donc très largement du marché mondial pour ses approvisionnements.

En ce qui concerne les disponibilités de gaz naturel, la situation est substantiellement différente. Dans son rapport de juin 1981 sur l'offre et la demande d'énergie au Canada, l'Office national de l'énergie concluait que les approvisionnements en gaz naturel provenant des régions traditionnelles permettront de satisfaire les marchés canadiens, incluant ceux de l'Est, pour les 28 années à venir, ainsi que les marchés d'exportation alors reconnus. Par ailleurs, au niveau mondial, le développement de la technologie de transport du gaz naturel liquéfié, ainsi que la volonté des pays producteurs de valoriser les importantes ressources gazières disponibles dans le monde rendent cette forme d'énergie particulièrement attrayante en ce qui a trait aux approvisionnements. Que ce soit sur le marché canadien ou international, le gaz naturel offre ainsi une grande sécurité d'approvisionnements et fournit une plus grande flexibilité à nos approvisionnements en hydrocarbures.

Un deuxième point doit retenir notre attention: il s'agit du prix du pétrole, c'est-à-dire du coût que représentent les importations pétrolières pour l'économie québécoise. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler ici certains faits. Tout d'abord, les hausses considérables des prix du pétrole enregistrées depuis 1973 ont entraîné un transfert massif de pouvoir d'achat au détriment de l'économie québécoise et en faveur des pays exportateurs. De 1977 à 1980, le prix du pétrole livré à Montréal, après subventions, a augmenté de 64,4%, la facture pétrolière globale du Québec passant de 2 200 000 000 $ à 3 400 000 000 $.

Depuis 1980, ce mouvement de hausse des prix, loin de se ralentir, s'est, en fait, accéléré. De 1980 à 1982, le prix du pétrole livré à Montréal et effectivement payé par les raffineurs a ainsi augmenté de 85,4%, les neuf dixièmes de cette hausse étant attribuables au rattrapage des prix internationaux institué par le gouvernement fédéral. Le prix du pétrole effectivement payé par les raffineurs de Montréal, qui représentait 48% du prix international en 1980, en représente maintenant 81%.

Bien entendu, ce nouveau renchérissement des prix du pétrole a eu des répercussions financières directes et cela même si, durant la même période, le Québec a réussi à réduire significativement le volume de ses achats de pétrole brut. En 1982, les achats de pétrole restent la principale source du déséquilibre de la balance commerciale québécoise. Malgré une diminution d'environ 7% des importations de brut, la facture pétrolière est passée, entre 1979 et 1981, de 2 700 000 000 $ à 4 800 000 000 $.

Au cours des prochaines années, le coût du pétrole acheté par le Québec risque de s'accroître, soit en raison de l'application des dispositions de l'entente de septembre 1981 entre le gouvernement fédéral et l'Alberta, soit en raison de l'augmentation de la part des nouveaux pétroles dans les approvisionnements canadiens, soit, enfin, en raison de l'augmentation des prix internationaux.

Si l'on suppose une augmentation annuelle de 6,2% des prix internationaux d'ici 1986, le prix moyen du pétrole livré à Montréal pourrait s'accroître de près de 9% pour la période 1982-1986, le rapport entre le prix du brut au Canada et sur le marché mondial passant de 81% à 89%. Cette hausse se répercutera sur notre facture pétrolière qui, selon nos dernières prévisions, et ce

malgré une diminution de la consommation, se maintiendra, de 1982 à 1990, autour de 4 800 000 000 $ en dollars constants.

Après ce rappel du contexte énergétique canadien et international, une analyse de la situation actuelle du Québec implique que nous examinions d'abord l'évolution de la consommation totale d'énergie. De 1975 à 1981, cette consommation a augmenté au taux annuel moyen de 0,1%, ce qui constitue une rupture complète par rapport à la situation qui prévalait jusqu'alors. En effet, de 1958 à 1975, le taux de croissance de la consommation énergétique québécoise avait atteint en moyenne annuellement 4,8%. Cette évolution résulte, en fait, des profondes modifications que connaît actuellement le secteur énergétique québécois et qui affectent aussi bien le comportement des consommateurs que les caractéristiques des équipements. Ces transformations sont parfaitement perceptibles autour de nous: les consommateurs résidentiels sont maintenant plus soucieux qu'ils ne l'ont jamais été de l'utilisation qu'ils font de l'énergie, du coût de leur facture énergétique et des moyens à prendre pour en réduire l'importance. Dans les entreprises, la rationalisation de l'utilisation de l'énergie est devenue une préoccupation véritable, ce qui n'était pas le cas jusqu'à il y a dix ans.

Certaines données statistiques permettent de rendre compte de l'évolution en cours. Par exemple, ramenée en nombre d'habitants, la consommation énergétique au Québec a diminué de 2,1% entre 1975 et 1981. Calculée par milliers de dollars de production, la consommation d'énergie du Québec est maintenant inférieure de 12,7% par rapport à son niveau de 1975. Cela signifie que, pour produire une quantité donnée de richesses, l'appareil économique québécois est devenu significativement plus efficace en termes énergétiques. Ce niveau de consommation demeure, cependant, encore parmi les plus élevés au monde. Calculée par milliers de dollars de production, la consommation d'énergie en 1980 s'établit à 0,74 tonne équivalant pétrole pour le Québec par rapport à 0,67 pour les États-Unis et 0,46 tonne équivalant pétrole pour l'ensemble des pays membres de la Communauté économique européenne.

Voyons maintenant la consommation selon les formes d'énergie. On constate que, là aussi, toute une série de modifications profondes affectent le secteur de l'énergie québécois. Au cours des dernières années, l'électricité, quant à elle, a réalisé, dans le bilan énergétique du Québec, une pénétration majeure et particulièrement rapide. De 1975 à 1981, la part de l'électricité dans le bilan a augmenté de plus de sept points, passant de 21,5% à 28,9%. Il s'agit d'un accroissement très significatif puisque, historiquement, la part de l'électricité était restée pratiquement inchangée au cours des quinze années précédentes, c'est-à-dire de 1960 à 1975. En 1978, le gouvernement avait retenu un objectif chiffré d'accroissement de la part de l'électricité dans le bilan total de 41% pour 1990 et 50% pour l'an 2000. En réalité, l'évolution observée s'effectue à un rythme plus rapide que prévu à l'époque. Depuis quelques mois, cependant, le fléchissement de la demande, dû essentiellement à la récession, crée une situation particulière, celle de l'existence de surplus de capacité de production.

À propos de ces surplus, il me semble important d'apporter certaines précisions. Tout d'abord, le vocabulaire employé prête parfois à confusion. Le terme de surplus recouvre l'ensemble de la production d'Hydro-Québec qui dépasse les besoins prioritaires que doit satisfaire la société d'État, soit, pour l'essentiel, les besoins du marché québécois. Ces surplus sont évalués par Hydro-Québec, pour la période de 1983 à 1992, à 348,9 térawattheures. Cependant, la majeure partie de ces surplus, soit environ 91,6% seront affectés à des ventes dites excédentaires sur les marchés interne et externe. Ce sont les excédents résiduels éventuellement non écoulés sur ces marchés qui constituent les véritables surplus et représentent les quantités d'électricité pour lesquelles aucun marché spécifique n'a été identifié actuellement. L'évaluation d'Hydro-Québec les établit à 29,3 térawattheures et ils sont, pour l'essentiel, attendus en 1984 et en 1985.

L'existence de tels surplus est reliée généralement à un phénomène tout à fait caractéristique d'un parc de production hydroélectrique, comme l'est celui du Québec. Dans le domaine de l'hydroélectricité, les unités de production sont, en général, des unités de grande dimension dont la mise en service s'effectue par bloc. Comme la demande ne peut s'adapter que graduellement à l'accroissement des disponibilités, la mise en valeur d'un potentiel hydroélectrique s'accompagne presque nécessairement de l'apparition d'excédents temporaires de production. Ce phénomène s'est, bien entendu, déjà produit dans le passé lors de la mise en service du complexe Manic-Outardes ou lors de l'entrée en production du complexe des chutes Churchill. Les surplus attendus pour 1984-1985 découlent directement de la mise en service des barrages de La Grande 3 et de La Grande 4, sur la rivière La Grande.

Nous vivons, bien sûr, actuellement, une autre réalité dans le domaine de l'énergie et c'est celle de l'expansion du réseau de gaz naturel au Québec. Pendant près de 20 ans, le rôle du gaz dans le bilan énergétique du Québec est resté relativement marginal en raison, à la fois, de la concurrence des

produits pétroliers et de l'absence de réseaux de transport et de distribution à l'est de Montréal. Au cours des dernières années, la situation a commencé à se transformer radicalement. L'extension du gazoduc au-delà de Montréal, réclamée depuis longtemps par le Québec, est entreprise et la conduite devrait normalement atteindre la ville de Québec à l'été 1983. De nouvelles franchises de distribution ont été accordées par le gouvernement et les compagnies désignées ont entamé les investissements requis pour rendre le gaz disponible dans le plus grand nombre de régions. Le Québec a pris le contrôle de deux compagnies de distribution impliquées dans le développement de nouveaux marchés afin de s'assurer que ce développement s'effectuait selon les meilleurs intérêts de la collectivité québécoise et avec le plus de retombées possible sur son économie. Des mesures incitatrices ont été introduites quant aux prix et aux coûts de conversion pour favoriser sa pénétration. Ainsi, de 1975 à 1981, la part du gaz naturel s'est accrue de près de trois points dans le bilan énergétique, passant de 6,3% à 8,8% de notre bilan énergétique global. Cette part devrait s'accroître davantage depuis que des ententes de principe sur la réalisation d'un programme majeur d'expansion du réseau gazier ont été conclues. Nous estimons qu'à la suite de cet accord le gaz naturel devrait représenter 16% de notre bilan en 1990. L'accroissement du rôle joué par le gaz dans notre bilan ne ferait, en fait, que mettre fin à la disparité considérable existant à ce titre entre le Québec et les provinces situées à l'ouest. En 1981, si le gaz naturel satisfait près de 9% des besoins énergétiques au Québec, la part de cette forme d'énergie dans le bilan énergétique était de 32% en Ontario et de 25% pour l'ensemble du Canada.

La pénétration du gaz au Québec permettra de remplacer, en 1990, 18 000 000 de barils d'huile lourde dans les secteurs industriel et commercial.

Indépendamment de ces effets directs sur la situation énergétique québécoise, le développement et la pénétration de nouveaux marchés par le gaz auront des incidences économiques très positives. Tout d'abord, le gaz naturel est un important facteur d'industrialisation: pour de nombreuses activités manufacturières, la disponibilité de gaz naturel constitue une condition indispensable de fonctionnement en raison notamment, des possibilités de contrôle de la combustion que permet cette source d'énergie. La présence du gaz dans une région donnée favorise ainsi directement les implantations manufacturières.

De plus, l'extension des réseaux de transport et de distribution implique à court terme la réalisation d'investissements massifs dans l'économie québécoise. Selon les évaluations actuelles, l'extension des réseaux de transport et de distribution entraînera des investissements d'environ 2 milliards de dollars courants, pour la période 1982-1986, la moitié de ces investissements étant effectuée d'ici la fin de l'année 1983. (10 h 45)

Si la pénétration effective du gaz naturel peut maintenant être réalisée, c'est parce qu'un certain nombre de conditions indispensables sont aujourd'hui réunies. Il pourrait en être différent dans l'avenir, et c'est à nous de faire en sorte que le Québec puisse profiter des atouts que lui confère la situation actuelle.

Pour ce qui est du secteur pétrolier, de 1975 à 1981, le pétrole a perdu dix points dans le bilan énergétique québécois, sa part relative passant de 70,7% à 60,8%. Comparativement au sommet atteint en 1973, les importations de pétrole brut du Québec ont diminué en 1981 en valeur absolue de 16,7%. Au cours des trois dernières années, le processus de réduction de notre dépendance pétrolière s'est sensiblement accéléré: entre 1979 et 1981, la consommation pétrolière a diminué en valeur absolue de 4,3%. Dans le secteur résidentiel, l'évolution est particulièrement marquée puisque durant la même période la consommation de produits pétroliers a diminué, en valeur absolue, de 8,6%. Dans le même temps, la réduction des importations pétrolières s'est directement répercutée sur notre facture énergétique. C'est ainsi qu'en 1981 la facture pétrolière du Québec aurait été de 800 000 000 $ plus élevée si le pétrole avait conservé la même part dans le bilan énergétique qu'en 1975. Pour l'ensemble de la période 1975-1981, les économies ainsi réalisées peuvent être évaluées à environ 1 700 000 000 $, même si cette facture demeure encore trop élevée et risque de s'accroître dans l'avenir.

Cette évolution implique une nécessaire adaptation pour l'industrie du raffinage et de la distribution. Les raffineurs, comme les distributeurs, se trouvent confrontés au difficile problème que leur posent la réduction de leurs marchés et les modifications structurelles affectant la composition de la demande. Dans le contexte pétrolier actuel, on comprendra que le projet CARMONT visant à implanter, à Montréal, une unité de valorisation des huiles lourdes représente un intérêt essentiel. Pour le Québec, le projet CARMONT constitue l'un des éléments majeurs d'une stratégie visant à la fois à rationaliser et à renforcer les opérations de raffinage effectuées à Montréal. Même si ce projet est actuellement en veilleuse, il me semble que tous les moyens visant à assurer sa relance n'ont pas encore été épuisés. Un tel redémarrage suppose, cependant, un engagement effectif des raffineurs et du

gouvernement fédéral. Je dois vous avouer qu'au cours des derniers mois ce soutien n'est pas apparu très convaincant.

La mise en oeuvre de ce projet favoriserait la consolidation de l'activité de raffinage, améliorerait la situation de l'industrie pétrochimique fondée sur le pétrole et résoudrait substantiellement le problème des huiles résiduelles dont la présence sur le marché risque plus que toute autre chose d'entraver nos objectifs énergétiques dans les autres domaines.

Ce tour d'horizon du contexte énergétique québécois s'imposait, à mon sens, dans la période de mutations rapides que nous vivons, avant d'entreprendre l'évocation des objectifs de notre politique énergétique et des programmes à mettre en oeuvre pour les atteindre. Qu'il s'agisse des économies d'énergie, de la pénétration du gaz naturel et de l'électricité ou de la réduction de notre dépendance pétrolière, le Québec est mieux placé qu'il ne l'a jamais été pour améliorer significativement et durablement sa situation énergétique.

J'aimerais aborder maintenant la dernière question que j'avais identifiée au début de cet exposé, car cette question englobe, en fait, l'ensemble de l'action gouvernementale. Il s'agissait de se demander si l'évolution de la situation actuelle et prévisible affecte les objectifs que nous nous étions fixés, en 1978, pour l'horizon 1990.

Dans le livre blanc de 1978, l'analyse effectuée par le gouvernement était fondée sur trois constatations: l'insécurité des approvisionnements pétroliers internationaux, le fardeau financier considérable que représentait l'importation massive d'énergie et l'importance du potentiel gazier. C'est à partir de ces trois constatations et en fonction d'une analyse des atouts propres au secteur énergétique québécois que le gouvernement proposait un ensemble d'objectifs visant avant tout à renforcer l'autonomie énergétique du Québec. À cette fin, trois voies d'intervention étaient retenues. La première était la promotion des économies d'énergie. La deuxième consistait à développer et à mettre en valeur les richesses énergétiques québécoises, soit l'hydroélectricité, les énergies nouvelles et les hydrocarbures à rechercher dans le sous-sol. Enfin, la troisième voie d'intervention visait à renforcer la sécurité de nos approvisionnements, en remplaçant le pétrole par le gaz naturel et en intervenant spécifiquement au niveau des approvisionnements pétroliers.

Cette grille d'objectifs fixant des cibles quantifiées pour l'horizon 1990 m'apparaît aujourd'hui, tout autant qu'il y a quatre ans, adaptée à la situation que nous vivons. Selon les nouvelles prévisions maintenant disponibles, le taux de croissance annuel moyen de la consommation d'énergie atteindrait, pour la même période, 0,7%, la consommation énergétique globale étant égale à 36 000 000 de tonnes équivalant pétrole pour 1990.

En ce qui concerne l'électricité, les prévisions que nous avons effectuées depuis montrent que l'objectif de 41% du bilan énergétique en 1990 pourrait ne pas être atteint. On devrait parler plutôt de 37% ou de 38%. Il est de mon intention de maintenir l'objectif fixé il y a quatre ans et de proposer au gouvernement les interventions appropriées nécessaires pour atteindre ce taux de pénétration. Cet objectif implique, par rapport aux prévisions actuelles, une augmentation de 11 000 000 000 à 15 000 000 000 de kilowattheures de la demande électrique pour l'année 1990, ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 5,5% des ventes régulières d'Hydro-Québec. Selon notre évaluation, il devrait être possible, à la suite de l'introduction de diverses mesures, dont certaines seront évoquées sommairement, d'atteindre ce résultat.

En ce qui concerne le gaz, l'objectif chiffré était de porter sa part dans le bilan énergétique aux environs de 12% en 1990. Selon nos prévisions les plus récentes, cet objectif est en bonne voie d'être atteint. Il est même possible d'aller plus loin et de faire en sorte que le gaz satisfasse 16% de nos besoins à la fin de la décennie. La demande de gaz naturel atteindrait alors 5 900 000 tonnes équivalant pétrole, soit 233 000 000 000 de pieds cubes. Il s'agit d'une augmentation de 28% de l'objectif retenu, en valeur absolue. Cette réévaluation résulte des nouvelles conditions de l'expansion du gaz naturel, qui n'existaient pas à l'époque où la prévision initiale fut effectuée.

À l'inverse, la part de la consommation de produits pétroliers serait moindre que celle prévue en 1978. Les dernières évaluations dont nous disposons permettent d'entrevoir que la part du pétrole se situerait aux environs de 40% de la consommation totale d'énergie en 1990 contre 44% à 50%, comme initialement prévu.

Globalement donc, et si on intègre la contribution des énergies nouvelles à la demande d'énergie, les formes d'énergie entièrement québécoises devraient représenter près de 45% du bilan énergétique de 1990 contre 26% en 1978. Si on ajoute le gaz naturel, on en arriverait à une situation où, pour au moins 60%, notre consommation serait assurée à partir d'approvisionnements québécois ou canadiens contre 33% en 1978. Etant donné l'évolution constatée au cours des six dernières années, il y a tout lieu d'être optimiste quant à notre capacité d'atteindre ces objectifs chiffrés.

Pour ce qui est de la mise en valeur

de nos richesses hydroélectriques, le premier défi qui nous est posé est d'assurer leur mise en valeur rapide et rationnelle et de prendre les moyens nécessaires pour y arriver. Le Québec dispose, encore aujourd'hui, d'un potentiel hydroélectrique non aménagé considérable. Une fois les travaux en cours terminés au complexe La Grande, le Québec disposera d'une puissance installée de 34 040 mégawatts. Le potentiel restant peut être estimé à environ 35 000 mégawatts dont 15 000 sont considérés comme d'ores et déjà économiquement aménageables. Il est nécessaire d'ajouter à ce potentiel les petites rivières, c'est-à-dire les rivières de moins de 100 mégawatts, dont la puissance disponible est évaluée au total à 10 000 mégawatts.

La mise en valeur de ces richesses hydroélectriques doit, bien entendu, s'appuyer sur des marchés se développant au même rythme. C'est pourquoi Hydro-Québec a conçu des programmes de commercialisation pour accroître davantage sa pénétration sur le marché des énergies. Pour sa part, le gouvernement a la ferme intention d'utiliser les outils dont il dispose pour appuyer cet effort. Concrètement et à titre indicatif, un certain nombre de programmes présentent déjà des perspectives très intéressantes. Il est acquis que les programmes de vente d'électricité excédentaire seront modifiés et leur application élargie aux secteurs institutionnel et commercial.

Dans le secteur industriel, un programme spécial de ventes excédentaires visera les expansions industrielles et les nouvelles implantations. Ce programme permettrait d'utiliser une partie des excédents anticipés pendant la période 1984-1986 aux fins de développement industriel. Le gouvernement encouragera l'effort entrepris par Hydro-Québec en vue de développer de nouvelles applications industrielles de l'électricité. Il s'agit de favoriser l'introduction de technologies utilisant l'électricité dans les secteurs des pâtes et papiers, du textile, des mines, de l'industrie chimique et de l'industrie laitière.

Dans le secteur résidentiel, le renforcement du programme biénergie constitue l'un des moyens d'accroître la pénétration de l'électricité et, éventuellement, de gérer la demande de pointe. Un programme analogue sera, d'ailleurs, proposé dans les secteurs commercial et industriel.

Le marché intérieur ne constitue, cependant, que l'un des outils dont dispose le Québec pour assurer la mise en valeur de ses richesses hydroélectriques. Comme on l'a vu précédemment, l'un des problèmes à résoudre en matière d'aménagement hydroélectrique tient à l'impossibilité de graduer l'entrée en service des unités de production. Un tel aménagement entraîne donc automatiquement l'apparition d'excédents qui se résorbent au fur et à mesure de la croissance de la demande. Les ventes d'électricité excédentaire sur les marchés d'exportation constituent une réponse logique à ce phénomène. Il faut, de plus, souligner que ces exportations sont financièrement très attrayantes et permettent ainsi de fournir à Hydro-Québec une partie des revenus nécessaires à l'autofinancement de ses investissements.

À cet égard, Hydro-Québec a récemment renouvelé pour cinq années l'entente avec l'Ontario. Le gouvernement a autorisé Hydro-Québec, en mars 1982, à conclure un contrat majeur avec PASNY, New York, prévoyant la vente d'un volume d'électricité excédentaire pouvant atteindre 111 milliards de kilowattheures pendant la période 1984-1997. La société négocie actuellement avec le Nouveau-Brunswick la construction d'une interconnexion de 500 mégawatts. Par ailleurs, les contrats avec la Nouvelle-Angleterre impliquant, entre autres, la construction d'une interconnexion majeure de 690 mégawatts, pouvant même être haussée à 2000 mégawatts au cours de la période 1986-1997, sont sur le point d'être signés. Ces contrats d'exportation devraient représenter dans leur ensemble, c'est-à-dire l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, PASNY et le NEEPOOL, 7 000 000 000 $ de revenus pour Hydro-Québec en dollars de 1982, soit 18 000 000 000 $ en dollars courants, pour la période.

En outre, je m'apprête à recommander au gouvernement d'apporter des modifications aux dispositions législatives existantes sur les exportations d'électricité, afin de permettre à Hydro-Québec d'envisager des ventes d'électricité, non plus seulement excédentaire, mais régulière, sur les marchés d'exportation. Dans le plan de développement qu'elle soumet aujourd'hui pour étude, HydroQuébec envisage à ce chapitre d'exporter environ 10 térawattheures au cours des prochaines années.

Pour ce qui est de l'optimisation du développement économique, il s'agit pour nous, bien sûr, d'identifier les meilleurs moyens nous permettant de maximiser l'impact économique de nos investissements énergétiques. Les différentes suggestions que je viens de formuler concernant le développement des marchés électriques internes et externes devraient avoir des effets largement positifs sur le plan économique. La bonification des programmes de vente d'électricité au Québec permettra aux secteurs industriel et commercial d'accroître encore l'avantage comparatif dont ils diposent quant aux coûts de l'électricité achetée. De plus, toute politique visant à devancer le programme d'équipement d'Hydro-Québec aurait pour effet d'accroître significativement les investissements totaux déclenchés dans l'économie québécoise et

aurait même des effets sur l'emploi et l'activité économique.

Les autres volets de la politique énergétique entraînent également des effets positifs sur notre développement économique. C'est ainsi que l'extension des réseaux de transport et de distribution du gaz naturel provoquera pour la seule année 1983 des investissements totalisant environ 600 000 000 $ et créera près de 3000 emplois directs. Pour l'ensemble de la période 1982-1986, ces investissements devraient atteindre 2 000 000 000 $, sans tenir compte de l'impact structurel qu'aura la disponibilité du gaz naturel dans un plus grand nombre de régions. Dans le secteur pétrolier également, comme au niveau des économies d'énergie, les investissements en cours ou attendus devraient contribuer à stimuler l'activité économique au Québec. (11 heures)

Les politiques d'achat des sociétés d'État dans le secteur de l'énergie seront renforcées et systématisées. L'objectif est d'accroître dans toute la mesure du possible le contenu québécois des investissements effectués, sans pour autant que soient remises en cause les conditions économiques de réalisation de ces investissements.

La troisième question que j'identifiais tout à l'heure concerne l'harmonisation. On l'a vu, le Québec est engagé dans une politique visant à la fois le développement de son potentiel hydroélectrique et la pénétration accrue du gaz naturel dans son bilan. L'harmonisation, c'est la politique qui devrait permettre de réaliser simultanément ces deux objectifs, tout en poursuivant la rationalisation de la demande globale d'énergie. Une réflexion approfondie a déjà permis d'identifier les véritables problèmes, ainsi que les actions susceptibles d'être entreprises. Deux constatations sont rapidement apparues: il existe une place suffisante, sur le marché énergétique québécois, pour réaliser simultanément et dans des conditions financières requises la pénétration de l'électricité et du gaz naturel; l'électricité comme le gaz naturel sont confrontés à un problème commun, soit celui du remplacement des huiles résiduelles. L'harmonisation de la pénétration de ces deux formes d'énergie passe donc, en fait, par une intervention au niveau des huiles lourdes. L'entente de principe intervenue, la semaine dernière, avec le gouvernement fédéral sur le financement de la construction du gazoduc au Québec fournit maintenant un cadre à la pénétration du gaz, facilitant ainsi la solution aux problèmes éventuels d'harmonisation entre les diverses formes d'énergie.

La quatrième question identifiée au tout début a trait au secteur pétrolier. En effet, le passage d'une partie importante du bilan énergétique québécois du pétrole au gaz naturel et à l'électricité soulève le problème de la nécessaire adaptation du secteur pétrolier québécois et des mesures que l'on peut concevoir pour en assurer le renforcement dans un contexte où la part du pétrole dans le bilan passera de 61% en 1981 à 40% en 1990, la consommation pétrolière passant de 412 000 barils/jour à 360 000 barils/jour.

En fait, pour les raffineurs, il s'agit de rendre leur outil de production conforme aux nouvelles caractéristiques de la demande pétrolière, c'est-à-dire à la réduction globale des marchés pour les produits pétroliers et au reclassement de certains produits par rapport à d'autres. La pénétration du gaz naturel et de l'électricité affectera indéniablement un certain marché, en particulier celui des huiles lourdes et légères utilisées à des fins de chauffage. Les raffineurs doivent être en mesure d'éliminer les excédents d'huiles lourdes et d'huiles légères qui ne manqueront pas d'apparaître au cours des prochaines années, tout en satisfaisant la demande de carburant elle-même à la baisse, ainsi que les besoins de bases pétrochimiques, cela, bien sûr, en assurant la rentabilité de l'ensemble de leurs opérations.

Le contexte posera à l'industrie québécoise du raffinage des défis de taille: réduction des capacités excédentaires, optimalisation de l'utilisation des équipements, modernisation des installations et, dans la plupart des cas, modification de la configuration des raffineries. Il est essentiel que l'industrie du raffinage devienne plus flexible pour s'adapter aux transformations du marché. Pour favoriser ce résultat, le gouvernement a déjà adopté des dispositions fiscales visant à réduire le coût de ces investissements pour les raffineurs. Parallèlement, il est aussi nécessaire de trouver des solutions satisfaisantes à l'existence de surplus d'huiles résiduelles. À la suite de demandes répétées du Québec, le gouvernement fédéral a récemment proposé un programme volontaire de restriction de la production d'huiles lourdes et introduit certaines mesures visant à limiter les importations et à faciliter les exportations de ce type de produit.

Actuellement, nous analysons attentivement l'impact de ces mesures et, si elles devaient se révéler inefficaces pour réduire l'écoulement à perte des huiles résiduelles sur les marchés où des substituts existent et sont disponibles, le gouvernement se réserve la possibilité d'intervenir au niveau de leur distribution. En effet, il apparaît primordial que les politiques d'attribution de bruts canadiens et d'importation garantissent l'approvisionnement des raffineries de Montréal en bruts légers.

La modification du contexte pétrolier n'est pas sans affecter également le secteur

de la distribution d'essence. Je suis très conscient des difficiles problèmes auxquels sont confrontés les détaillants d'essence. Comme nous nous y étions engagés au printemps dernier, des discussions approfondies et systématiques se sont déroulées avec les représentants des distributeurs en concertation avec l'industrie pétrolière. Nous sommes tombés d'accord pour qu'un mécanisme d'encadrement volontaire de l'émission des permis de vente au détail soit prochainement mis en place. Ce mécanisme pourrait être éventuellement appliqué par les municipalités désireuses de s'engager dans cette voie. Plusieurs d'entre elles ont, d'ailleurs, déjà par le passé établi leurs propres règles.

Comme je le soulignais au début de cette intervention, la recherche et le développement constituent, par ailleurs, un défi en soi, puisque de l'évolution de cette catégorie d'activités dépendent les caractéristiques futures du secteur énergétique québécois et de son développement économique d'ensemble.

En ce qui concerne le domaine prioritaire d'orientation de la recherche-développement, certains créneaux fondés sur nos avantages comparatifs doivent être exploités au maximum. Il en est ainsi de l'utilisation des résidus du bois, de l'exploitation des déchets urbains, des innovations liées aux économies d'énergie et de tout ce qui concerne les applications de l'électricité; en particulier, la technologie électrochimique constitue un domaine où le Québec pourrait exploiter au maximum son savoir-faire. Je fais, notamment, référence ici au développement de la technologie des accumulateurs avancés, ainsi qu'aux technologies reliées à la production et à l'utilisation de l'hydrogène.

La sixième question soulevée au début concerne les économies d'énergie. Il est possible d'indiquer les intentions du gouvernement sur deux plans. Quant au secteur résidentiel, nous procédons actuellement à une réévaluation du programme Énergain Québec. Cette réévaluation comprend une analyse des possibilités de bonification qui pourraient être apportées au programme, notamment afin de tenir compte du contexte économique actuel.

Pour ce qui est des secteurs industriel et commercial, le gouvernement se propose de procéder prochainement à un élargissement significatif du programme Énergiebus. Ce nouveau programme, en plus de couvrir les analyses énergétiques, comprendra le financement d'études de faisabilité concernant les mesures d'économies d'énergie identifiées. Grâce à ce programme, des investissements de plusieurs centaines de "billions" de dollars devraient être déclenchés dans l'économie, ces investissements améliorant directement la compétitivité des entreprises québécoises. Par ailleurs, les économies d'énergie seront utilisées comme levier par Hydro-Québec et les distributeurs gaziers afin de faciliter la pénétration de l'électricité et du gaz naturel.

Les différents points que je viens d'aborder devraient permettre de replacer plus facilement dans le contexte énergétique que nous vivons le plan de développement présenté par Hydro-Québec, ainsi que notre discussion sur les tarifs proposés. L'établissement des tarifs d'électricité doit refléter les objectifs de cette politique, tout autant que les besoins de l'entreprise. Pour le gouvernement, la détermination des tarifs résulte de l'application d'un certain nombre de critères généraux: la nécessité d'assurer une saine gestion de la ressource, de refléter une position concurrentielle par rapport aux prix des autres formes d'énergie, d'assurer l'équilibre financier entre les besoins et les sources de fonds nécessaires à l'entreprise pour couvrir ses frais d'exploitation, le coût des investissements passés et un certain degré d'autofinancement de ses investissements futurs. Il faut aussi qu'un traitement égal soit accordé à tous les clients représentant les mêmes caractéristiques de demande, que ces tarifs reflètent autant que possible les coûts réels de fourniture de l'électricité aux divers abonnés et enfin, qu'ils tiennent compte des tarifs existant ailleurs en Amérique du Nord.

Avant de terminer, M. le Président, je me permets d'ajouter que les quelques heures que nous allons consacrer à la proposition tarifaire et au plan de développement révisé d'Hydro-Québec ne nous permettront certainement pas de couvrir tous les problèmes reliés à la politique énergétique du Québec. Je vais peut-être répondre ici plus directement à la question que posait le député de Portneuf, puisque j'ai l'intention de proposer au gouvernement de convoquer une nouvelle fois cette commission de l'énergie et des ressources en mars prochain pour entendre un certain nombre d'intervenants directement impliqués dans le dossier de l'énergie.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Pierre Fortier

M. Fortier: Merci, M. le Président. On vient d'entendre un long discours théorique, probablement écrit par un professeur d'université, dans lequel le ministre n'a même pas parlé des coupures considérables d'emplois qui viendront de la coupure dans le programme d'équipements d'Hydro-Québec. On se rend compte, encore une fois, que l'aspect économique et les problèmes

d'embauche et d'emploi qui prévalent présentement dans l'économie du Québec ne semblent pas d'un très grand intérêt pour le ministre et pour ce gouvernement dirigé par des professeurs d'université.

Ceci étant dit, je reçois avec plaisir la décision du ministre de convoquer la commission parlementaire au mois d'avril, mais je m'aperçois, encore une fois, que le ministre réagit toujours à retardement. Alors qu'au mois de mars ou en avril dernier, le gouvernement fédéral avait indiqué qu'il voulait limiter ses dépenses dans la construction des conduites latérales et du gazoduc au Québec, ce n'est que vers la mi-août que le ministre a réagi, un peu sur le tard. Il nous dit maintenant qu'il y a une entente de principe, mais, à ce que je sache, il n'y a eu aucun communiqué officiel. J'ose espérer qu'il sera en mesure de nous confirmer officiellement cette nouvelle avant la fin de la commission parlementaire.

Maintenant, il nous dit qu'il y aura une commission parlementaire au mois de février ou de mars, du moins au printemps. Malheureusement, nous devrons discuter de problèmes très réels et nous devrons prendre des décisions, d'une part, en ce qui concerne la tarification et, d'autre part, en ce qui concerne le programme d'équipements d'Hydro-Québec, sans avoir à notre portée des commentaires qui pourraient nous venir de différents intervenants qui influent considérablement sur l'avenir énergétique du Québec au moment même où nous nous parlons.

M. le Président, au début d'octobre, Hydro-Québec faisait connaître au public -et je crois que tous les membres de la commission en ont reçu des copies - son plan de développement pour les années 1982 à 1985, ainsi qu'une prévision de la demande jusqu'en 1998. Je crois que ce nouveau plan de développement et ces prévisions de la demande ont été un choc pour la population. Plusieurs questions sont restées sans réponse et je vois, d'ailleurs, que le ministre n'a pas fourni les commentaires et les explications qui auraient été de mise dans les circonstances.

M. le Président, je crois qu'il est nécessaire, lors de cette commission parlementaire, de tenir un langage franc et adulte puisque les problèmes auxquels nous faisons face, pas seulement sur le plan énergétique, mais également sur le plan économique, sont extrêmement graves au Québec et qu'il faudra bien cerner les problèmes de près, les voir tels qu'ils sont et voir quelles adaptations et quelles décisions seraient dans le meilleur intérêt des contribuables, dans le meilleur intérêt de ceux qui sont présentement en chômage et dans le meilleur intérêt de l'avenir économique du Québec.

C'est donc dire que, pour ma part, et je m'en excuse à l'avance, j'ai bien l'intention de poser des questions pertinentes et, même si je compte plusieurs amis autour de cette table et devant nous, j'oserais espérer que tous et chacun comprennent que la population du Québec se doit de comprendre, dans toute la mesure du possible, les problèmes auxquels nous faisons face présentement.

M. le Président, le programme qu'a annoncé Hydro-Québec au début de ce mois annonce une baisse draconienne dans la demande d'électricité, de 6,2% à 3,7%, sans réellement qu'aucun élément majeur à long terme ne puisse expliquer ce revirement de prévision. Bien plus, à ma connaissance - et on me corrigera si j'ai tort - l'automne dernier, lorsque nous l'avons entendue - et le ministre a aussi fait des commentaires sur ces sujets, si ma mémoire est fidèle - sur la question de la tarification et sur la loi 16, Hydro-Québec, à ce moment-là, n'avait donné aucun indice qu'il y aurait des changements substantiels.

Plus récemment, le 13 mai 1982, le ministre responsable du développement économique - il devrait, au moins, en savoir quelque chose - publiait Le virage technologique qui incluait tous les programmes d'Hydro-Québec qui avaient été annoncés au mois de février 1981. C'est donc dire qu'à venir jusqu'à récemment, c'est-à-dire jusqu'au mois de mai dernier, aucun indice ne nous avait été donné ou ne pouvait alerter la population qu'il y aurait un changement substantiel dans les programmes d'équipements qui aurait pu avoir un impact bénéfique pour l'économie du Québec dans les prochaines années.

Mais, tout à coup, brutalement, Hydro-Québec met la hache dans son programme d'équipements et je suis certain que ces gens nous expliqueront que ceci doit être fait pour de bonnes raisons. C'est là également un sujet sur lequel nous aurons de nombreuses questions à poser, puisqu'il s'agit en moyenne, M. le Président, d'un report de six ans du programme d'équipements d'Hydro-Québec. À mon avis, Hydro-Québec envoie un message extrêmement clair à la population, comme les journalistes l'ont écrit, d'ailleurs. C'est la fin de l'ère des grands constructeurs, c'est la fin de l'ère où Hydro-Québec jouait un rôle primordial dans le développement économique du Québec.

Compte tenu des impacts considérables d'Hydro-Québec sur l'économie du Québec, encore faut-il s'assurer que les nouvelles prévisions ne seront pas changées de nouveau dans un an ou deux puisque, entre-temps, plusieurs agents économiques devront prendre des décisions. (11 h 15)

J'entendais, hier soir, à la télévision justement, l'Association des entrepreneurs en construction qui disait que, compte tenu de

la révision du programme d'équipements, plusieurs entreprises n'auront d'autre choix que d'aller en faillite. S'il fallait que ce choc, cette annonce qui nous est faite soit corrigée dans un an ou dans deux ans, il se pourrait que ces agents économiques auraient pris de mauvaises décisions. C'est là, comme je tiens de le souligner, une décision ou une annonce qui aura un impact certain pour plusieurs agents économiques du Québec.

D'ailleurs, à titre de preuve, j'aimerais souligner qu'à la suite de la commission parlementaire que nous avons eue au mois de février 1981 M. Bérubé, le député de Matane, qui était alors ministre de l'Énergie et des Ressources, disait ceci: "II y a un certain nombre de points qui ont été soulevés lors de cette commission. En particulier, il a fallu s'arrêter sur l'impact que représente un plan d'équipements aussi vaste, aussi important. 55 000 000 000 $ en investissements majeurs, c'est le quart des investissements au Québec dans la décennie qui s'ouvre devant nous. Elle va donc modeler notre vie quotidienne." Et M. Bérubé continuait en disant: "C'est pour cela que nous avons eu des témoignages de nos firmes d'ingénieurs-conseils, de l'Ordre des ingénieurs, de l'Association des constructeurs, des développeurs, des syndicats qui nous ont souligné à quel point Hydro-Québec ne devait pas simplement considérer son plan d'équipements en termes de production d'électricité, mais devait également tenir compte des retombées économiques pour le Québec et devait tenir compte, en particulier, des problèmes de stabilité d'emploi, faire en sorte qu'on puisse maintenir au Québec un niveau d'emploi dans le secteur de la construction qui soit suffisamment stable pour ne pas désorganiser notre économie au Québec."

Ce plan de février 1981, qui est maintenant mis au rancart pour au moins une période de six ans, aura des impacts extrêmement négatifs. Bien sûr, il aura un impact négatif sur l'embauche. On prévoyait que, dans deux ans ou dans trois, quatre ans, l'augmentation dans l'embauche, si ma mémoire est fidèle, serait de l'ordre de 16 000 emplois par année. Ce sont des emplois surtout à la Baie-James et dans d'autres secteurs de construction qu'alimentera Hydro-Québec. Bien sûr, une partie de ces emplois ne seront pas tous perdus, mais probablement qu'Hydro-Québec nous dira quelle sera la perte nette d'emplois au Québec à cause de ce revirement dans le programme d'équipements. Il aura un impact démoralisateur sur le personnel d'Hydro-Québec. Bien sûr, ces gens étaient habitués -peut-être que certains leur en voudront pour cela, mais je crois que c'était un facteur de motivation pour tout ingénieur et tout technicien - de travailler à Hydro-Québec. C'était sûrement une fierté que d'être associé à ses grands projets. Maintenant que ses projets sont reportés à plus tard, on peut se poser de sérieuses questions sur le moral des troupes à Hydro-Québec même.

Cela aura un impact néfaste pour la petite et moyenne entreprise. Bien sûr, il n'y a que quelques grandes entreprises manufacturières qui bénéficiaient des contrats que donnait Hydro-Québec, mais, par ailleurs, il y avait, j'en suis certain, plusieurs petites et moyennes entreprises qui, elles, vivaient de ces contrats extrêmement alléchants que pouvait donner Hydro-Québec. Cela aura un impact négatif sur les compagnies de construction, en particulier. Cette déclaration d'hier soir, à laquelle je faisais allusion, en témoigne d'une façon évidente.

Finalement, cela aura un impact extrêmement néfaste pour les bureaux de génie-conseil, non seulement d'une façon quantitative, mais également sur une base qualitative, car plusieurs des spécialistes, dans certains domaines, seront mis à la porte. Puisque, dans les prochaines années, les travaux ne continueront pas, ces bureaux n'auront d'autre alternative que de mettre ces gens à pied. D'ailleurs, on m'indique que ce phénomène a déjà commencé.

Alors, la question que tout le monde se pose et à laquelle la commission devra répondre, c'est: Comment a-t-on pu faire une telle, disons, erreur dans les prévisions de l'an dernier? Qu'est-il arrivé depuis l'an dernier? Se peut-il que la conjoncture économique de 1982 continue jusqu'en 1998? Tout le monde comprendra qu'il était peut-être nécessaire de faire un ajustement pour la crise économique qui prévaut en 1982, mais d'extrapoler cette conjoncture jusqu'en 1998, cela me semble un peu fort et l'on peut se demander: Comment peut-on en arriver là? Se peut-il qu'au Québec, même avec un gouvernement qui nous dirige, l'importance d'Hydro-Québec aille en décroissant au point de ne plus pouvoir jouer le rôle de moteur de l'économie?

Et pourtant, ni Hydro-Québec, à ma connaissance, ni le gouvernement n'ont déposé d'études socio-économiques qui auraient mesuré l'impact de telles modifications dans le plan d'équipements d'Hydro-Québec. Pourtant, Hydro-Québec, en 1981, était extrêmement confiante puisqu'elle résistait à des demandes de devancement, mais elle confirmait que la demande, à long terme, se maintiendrait. Je voudrais citer une partie du texte qu'on nous a remis lors de la commission parlementaire de 1981, à la page 13, traitant de la situation énergétique. "L'étude du contexte énergétique international, c'est-à-dire de la disponibilité future des hydrocarbures, du point du vue matériel et du point de vue politique, permet, d'abord, d'affirmer sans trop de risque que la valorisation des ressources

locales et le désir d'une indépendance accrue à l'égard du pétrole constitueront pour les pays importateurs le principal fondement de leur politique énergétique d'ici la fin du siècle. Ceci veut dire pour le Québec un accroissement de la part accordée au gaz naturel canadien dans le marché; une mise en valeur encore plus grande de l'électricité produite sur place et, par conséquent, le maintien d'un taux de pénétration élevé pour l'électricité."

Dans un document attenant, qui avait été déposé à la suite des demandes de devancement du programme d'équipements, on indiquait: "La demande, normalement, connaît de légères fluctuations conjoncturelles autour d'un taux de croissance moyen. Ces fluctuations se compensent généralement d'année en année. Ce facteur n'est pas critique pour les fins de notre étude. Par contre, l'évaluation des surplus dans un programme donné est très sensible à une baisse ou à une hausse imprévue et continue du taux de croissance moyen de la demande."

Nous avons donc analysé les effets d'une variation de plus de 1% ou de moins de 1%. C'est dire que l'année dernière -nous nous étions réunis au mois de février dernier et ces prévisions n'ont pas été contredites jusqu'à récemment, comme je l'ai dit tout à l'heure - on prévoyait un programme extrêmement important qui aurait alimenté l'économie du Québec pendant de nombreuses années.

Cela soulève plusieurs questions. Je remercie Hydro-Québec des documents qu'elle nous a fournis. Le ministère, pour sa part, nous a communiqué uniquement le programme de tarification lui-même. La direction d'Hydro-Québec a répondu à de nombreuses questions que nous lui avons posées. Il reste toutefois de nombreuses questions sans réponse. Hydro-Québec semble dire: Oui, il faut faire un ajustement, peut-être s'est-on trompé. Mais, voici la question qu'on se pose, c'est: Se pourrait-il qu'elle se trompe de nouveau cette année? Est-ce que nous savons où nous allons? Le gouvernement, qui doit définir les politiques énergétiques à long terme, sait-il où il va? Je crois que l'on aura l'occasion pendant les prochaines heures et les prochains jours de donner des réponses à ces questions.

Voici ce qui m'intrigue. Alors que, dans le passé, l'autonomie d'Hydro-Québec était asssurée, il y a de nombreux indices maintenant qui nous font croire qu'il y a connivence dans une certaine mesure entre le gouvernement et Hydro-Québec. Pour l'observateur de la scène gouvernementale, il semble difficile de mesurer l'autonomie d'Hydro-Québec. D'une part, il y a eu par le gouvernement qui nous dirige la création d'un conseil d'administration où siège toute personne jugée désirable par le ministre ou par le cabinet lui-même. On retrouve dans ce conseil d'administration l'ancien ministre de l'Énergie, M. Joron.

Par ailleurs, il y a d'autres personnalités qui ont décidé - je ne veux pas juger de leur compétence - de faire carrière à Hydro-Québec. On retrouve un adjoint au président du conseil d'Hydro-Québec et, dernièrement, il y a eu des nominations provenant du cabinet du ministre Parizeau.

L'observateur impartial et le public en général se pose certaines questions. Où est l'autonomie d'Hydro-Québec à la suite de ces événements? Ces critiques que j'adressais, ces commentaires que j'ai faits, je crois qu'il faut les faire à l'un et à l'autre, c'est-à-dire au gouvernement et à Hydro-Québec, puisque l'un ne peut plus contredire l'autre, vu que l'un est devenu l'autre. Plusieurs disent qu'il y a de très bonnes relations entre Hydro-Québec et le gouvernement, mais où est le chien de garde? Le public a tendance à croire que le gouvernement et Hydro-Québec, c'est la seule et même chose. Ces questions sont restées sans réponse. Je crois qu'il faut analyser brièvement les prévisions à long terme et la tarification. En ce qui concerne les prévisions à long terme - j'y ai fait allusion rapidement tout à l'heure j'aimerais faire certains commentaires ou, du moins, soulever certaines questions et porter à la connaissance de la commission certains faits. D'une part, il y a la méthodologie utilisée. Je disais tout à l'heure qu'il y avait une prévision peut-être extrêmement optimiste l'an dernier, selon Hydro-Québec, et maintenant la prévision est nettement pessimiste quant à l'avenir économique du Québec. Ceci nous a amenés à examiner la méthodologie utilisée pour en arriver à ces prévisions.

Après un examen sommaire, puisque ce n'est que tout récemment que nous avons eu l'occasion de rencontrer certaines personnes d'Hydro-Québec, je dois dire que la méthode utilisée est loin d'être claire dans les documents qui ont été publiés par Hydro-Québec et dans les échanges que nous avons eus avec elle. De toute façon, il y a une forte impression de subjectivité. Je crois que c'est la raison pour laquelle Hydro-Québec semble dire maintenant: Donnez-nous un moratoire de trois ans, ceci nous permettra de fignoler notre méthodologie pour que, plus tard, nous soyons peut-être plus sûrs de l'avenir économique et de l'avenir énergétique du Québec.

Certains faits, quand même, nous amènent à faire le commentaire suivant: Les hypothèses utilisées par l'entreprise pour faire ces projections exagèrent de beaucoup l'importance des économies d'énergie. J'aimerais, en particulier, faire allusion à un rapport très récent, publié la semaine dernière par l'Agence internationale de l'énergie, qui signale que dans ce qu'on

appelle les économies d'énergie et dans la baisse de l'utilisation de l'énergie la hausse des prix n'y est que pour 30% et que 70% de cette baisse proviennent de la récession économique que nous vivons présentement. D'après ce rapport, avec une reprise de l'économie, il semblerait que la croissance de la consommation reviendrait à un rythme moins éloigné de la tendance historique que ne le suppose Hydro-Québec présentement.

Un autre fait, c'est qu'Hydro-Québec est présentement très pessimiste quant à la croissance sur quinze ans du produit intérieur brut du Québec. Les projections à moyen terme, médiocrement encourageantes, sont appliquées sans raison valable à un horizon qui, à notre avis, est beaucoup trop loin. Hydro-Québec, il faut le rappeler, de par la nature même de ses investissements, a un besoin unique de projection à long terme. De fait, il y a peu de sociétés, si ce n'est les grandes sociétés d'utilité publique comme Hydro-Québec et peut-être...

(Note: Une panne d'électricité survenue à ce stade des remarques préliminaires a obligé la commission à suspendre ses travaux).

(Reprise de la séance à 11 h 48)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux...

M. Duhaime: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Desbiens): ... pour quelques instants. M. le ministre.

M. Duhaime: Oui. Je crois pouvoir informer la commission parlementaire que nous vivons un moment un peu unique, mais, vérification faite, ce n'est pas un problème d'approvisionnement d'énergie électrique, c'est plutôt un problème de résistances ou de fusibles. Alors, M. le Président, je proposerais qu'on suspende nos travaux jusqu'à 14 heures.

Une voix: C'est débattable? M. Duhaime: C'est débattable.

M. Fortier: M. le Président, j'ai eu le message. Cela va me permettre de changer mon texte. On reviendra à 14 heures.

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

(Reprise de la séance à 14 h 07)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît; La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux après une suspension qui nous a été imposée par des difficultés d'ordre technique, pour poursuivre la réalisation de son mandat qui est d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec relativement à l'étude du projet de tarification pour l'exercice financier 1983. Au moment de la suspension, la parole était au député d'Outremont. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Pour commencer, j'aimerais faire une correction. On a porté à mon attention que j'avais fait un lapsus en parlant de personnes qui originaient du cabinet du ministre des Finances. Il faudrait préciser qu'il s'agissait de deux personnes qui étaient sous-ministres au ministère des Finances. La correction est faite et je suis sûr que la population comprendra toute la distinction qui s'impose. Par ailleurs, il faudrait noter - et j'espère que nos auditeurs à la télévision l'ont compris - qu'il s'agissait d'une panne de courant et que ce n'était nullement prémédité. Ceci dit, M. le Président, je faisais allusion au fait que le plan mis de l'avant dans le programme d'équipements d'Hydro-Québec comportait une coupure draconienne, qui affectait considérablement le développement économique du Québec. Or, comme nous le savons, jusqu'à ce jour, Hydro-Québec a toujours été un moteur économique extrêmement puissant. Et je rappelais qu'à mon avis toute politique énergétique devrait prendre en considération cette vérité première qu'elle doit s'inscrire à l'intérieur d'une politique de développement économique. Les questions que je posais s'inscrivaient à l'intérieur de ce commentaire, en particulier à cause des difficultés que connaît le Québec présentement à cause du chômage accru. J'en étais rendu, M. le Président, à faire quelques commentaires sur les prévisions à long terme. Je posais certaines questions. J'ai parlé dans un premier temps des prévisions à long terme et, dans un deuxième temps, je ferai des commentaires concernant la tarification.

En ce qui concerne les prévisions à long terme, j'ai parlé de la méthodologie utilisée, j'ai parlé des hypothèses en ce qui a trait aux économies d'énergie. Je crois qu'au moment où le courant fut coupé je parlais d'une extrapolation peut-être néfaste que semble avoir faite Hydro-Québec sur les quinze prochaines années et qui semble avoir été voulue, dans le sens de continuer les prévisions sur la base des difficultés économiques que nous connaissons présentement. J'insistais sur le fait qu'Hydro-

Québec, de par la nature même de ses investissements doit prévoir à très long terme. S'il est possible pour d'autres sortes de compagnies, d'autres sortes d'entreprises de se contenter de prévisions à très court terme, il est impératif pour une société comme Hydro-Québec de définir un programme à très long terme, puisque, justement, les investissements doivent se planifier très longtemps à l'avance. On se souviendra, en particulier, que la construction à la Baie-James avait été décidée vers 1971 et qu'elle n'est pas encore terminée.

Enfin, nous aurons l'occasion d'y revenir puisque je sais qu'Hydro-Québec se penche sur des solutions alternatives, mais qui, peut-être auront comme résultat d'augmenter le coût de l'électricité puisqu'il s'agira d'unités de construction qui seront beaucoup plus petites. Etant donné les économies d'échelle inhérentes aux grands projets de barrage, il sera peut-être plus difficile à l'avenir d'assurer la production d'énergie électrique au meilleur coût possible au Québec.

Ensuite, le commentaire sur lequel je voulais insister, c'est que - le ministre y a fait allusion - les politiques des prix ont un impact considérable sur les utilisateurs qui préféreront telle ou telle forme d'énergie. Les questions que nous avons posées et les réponses que nous avons eues ont semblé nous convaincre que les hypothèses d'Hydro-Québec n'étaient pas en conformité avec les plus récentes évaluations de l'Agence internationale de l'énergie, laquelle laisse entrevoir après les années quatre-vingt-cinq, une pénurie d'énergie qui accroîtra, pour ainsi dire, cette guerre entre les différentes formes d'énergie et qui favorisera dans une très grande mesure l'électricité.

Le plus important, c'est qu'en reportant jusqu'à 1985 toute décision quant à de nouveaux projets, soit de génération ou d'interconnexion, Hydro-Québec semble répéter une erreur ou une omission antérieure qui était de ne pas prévoir des scénarios de repli en cas d'erreur dans ses prévisions. En effet, la difficulté d'avoir un scénario à peu près unique, c'est que si les hypothèses qui ont prévalu à la préparation de ce scénario ne se matérialisent pas, on peut arriver à de très fausses conclusions, on peut arriver à des situations très difficiles à corriger. Un exemple en particulier, ce sont les exportations d'énergie. Alors qu'il y a deux ou trois ans Hydro avait fait la prévision que la demande serait tellement forte qu'il serait à peu près impossible d'exporter, on se rend compte maintenant qu'à ce moment-là il aurait fallu se donner des stratégies alternatives au cas où les hypothèses ne se seraient pas réalisées. On s'aperçoit maintenant que nous sommes devant un cul-de-sac, puisque, même si on arrivait à signer des contrats avec les Américains, en particulier, les dimensions des interconnexions ou les lignes de transport de l'énergie sont telles présentement qu'on ne pourrait pas exporter.

Enfin, au total, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il n'y a rien de très très important qui justifie une révision aussi radicale à la baisse des prévisions de la demande à long terme. On ne peut pas croire que la récession qui prévaut présentement pourrait continuer jusqu'en 1998 et ceci nous pousse à des interrogations sur les prévisions de 1981 et sur celles maintenant de 1982. Il est peut-être un peu difficile ou trop simpliste d'accepter cette conclusion, mais il ne faudrait pas que les méthodes de prévisions soient optimistes quand les planificateurs le sont et qu'elles deviennent trop pessimistes quand les planificateurs portent un jugement tout à fait subjectif sur l'état courant de l'économie telle qu'elle est présentement. Alors, c'étaient quelques interrogations que nous avons à long terme et je suis certain que, durant les quelques heures et les quelques jours qui viendront, nous aurons l'occasion d'y revenir. (14 h 15)

En ce qui concerne la tarification, nous avons également eu l'occasion d'en discuter et nous avons quelques commentaires à formuler. Bien sûr, présentement, il y a une décision qui semble être de faire supporter par les usagers la perte de volume des ventes qui a prévalu cette année et qui prévaudra peut-être l'an prochain. On s'appuie ici sur la loi constitutive, telle qu'amendée en 1981, qui prévoit une couverture minimale des intérêts sur la dette à long terme égale à 1. Mais, en vérifiant de plus près - les avocats qui sont ici me corrigeront si je fais erreur - la loi parle d'une couverture de 1 et je crois qu'il s'agit d'un objectif à long terme, tandis que cet article de la loi ne s'applique qu'à la déclaration de dividendes. Absolument rien dans la loi ne dit de façon explicite qu'il faut que, chaque année, la couverture soit égale à 1, d'une façon absolue.

On pourrait se poser des questions à savoir si, compte tenu des limites draconiennes qui sont imposées par le gouvernement du Québec sur plusieurs des fonctionnaires, des limites qui sont imposées par l'entreprise privée sur les augmentations de salaire de plusieurs des employés oeuvrant dans ce secteur, il ne serait pas plus à l'avantage des Québécois et d'Hydro-Québec d'avoir une tarification moins élevée que celle qui est devant nous présentement.

Par ailleurs, on doit féliciter HydroQuébec d'être extrêmement franche là-dessus puisque le document qu'elle nous a fourni fait allusion à la hausse exagérée des frais de fonctionnement depuis 1977. En particulier, on mentionne que les frais de fonctionnement depuis 1977 ont augmenté

d'environ 24% pour cette période. On note également que la différence salariale dont jouissent présentement les employés d'Hydro-Québec est d'environ 20% comparée à des emplois similaires, c'est-à-dire dans la très grande entreprise. La question qui me vient à l'esprit, c'est: Est-ce normal qu'une telle situation puisse se développer? Est-ce que le gouvernement n'a pas pu identifier un tel phénomène avant aujourd'hui? Comment peut-on en arriver à une telle situation et qui en fait les frais?

C'est là qu'il faudrait, à mon avis, revoir toute la procédure de l'augmentation des tarifs puisque le genre de commission parlementaire que nous avons - je l'avais signalé l'an dernier à plusieurs reprises - ne nous permet pas de faire une analyse financière en profondeur qui nous permettrait d'identifier de tels phénomènes et qui permettrait, justement, de prendre la défense des utilisateurs d'électricité et des contribuables qui sont pris pour payer la note, parce que, bien sûr, lorsque de telles augmentations se reflètent dans les coûts de production d'Hydro-Québec, on les utilise pour justifier des augmentations de tarif qui sont encore plus élevées.

Il faudrait bien, à un moment donné, se poser la question: Qui, en définitive, pourrait poser les bonnes questions pour s'assurer que de tels phénomènes d'augmentation, qui ne sont pas dans le meilleur intérêt des contribuables, ne se perpétuent pas? Est-ce que le gouvernement a les moyens de constater ces écarts? Est-ce qu'il l'a fait? Qu'a-t-il fait dans le passé pour demander à Hydro-Québec de les justifier, d'apporter les correctifs nécessaires?

Il y a une décision également qui a été prise, celle de stimuler la demande de façon sélective plutôt que grâce à un freinage généralisé des tarifs pour tous les usagers. Nous avons devant nous, il faut le remarquer, une augmentation de tarif de 7,3%, mais ce qui n'est pas très explicite, c'est, bien sûr, que l'industrie lourde ou, enfin, l'industrie d'une façon générale aura droit à des rabais considérables en ce qui concerne les surplus d'électricité. Je pose la question: Peut-être qu'une tarification moins élevée s'appliquant à l'ensemble des utilisateurs et non pas uniquement à ceux qui sont réglementés par la tarification officielle aurait pu avoir les mêmes avantages, c'est-à-dire, d'une part, aider les consommateurs dans une période difficile et, d'autre part, permettre à Hydro-Québec d'aller chercher des revenus supplémentaires dont elle a besoin pour écouler ces mêmes surplus. Par ailleurs, comme le notait le ministre tout à l'heure, il faudra examiner quels avantages ou quels désavantages aura cette tarification par rapport aux fermetures possibles de raffineries et l'impact qu'elle aura sur d'autres agents économiques oeuvrant dans le domaine énergétique.

M. le Président, ce sont les interrogations que nous posons. J'ose espérer que nous pourrons dans les quelques jours qui viennent essayer d'établir les causes réelles de la situation qui est devant nous. Cependant j'aimerais ajouter encore quelques commentaires. L'an dernier également, nous avions formulé certains commentaires sur la qualité de l'information et même sur la quantité de l'information. Il faut savoir qu'en Ontario - j'ai pris la peine, cet été, d'aller à Toronto pour visiter Hydro-Ontario et l'Ontario Energy Board - les méthodologies utilisées pour revoir les propositions de tarifs sont extrêmement plus détaillées et permettent, justement, à tout citoyen et à toute entreprise qui consomme de l'électricité de faire des représentations qui leur permettent d'en savoir davantage sur les coûts réels et sur les raisons qui justifient de telles augmentations. J'ai pu constater que la quantité et la qualité de l'information qui est à la disposition du public est beaucoup plus considérable que celle que nous pouvons obtenir ici à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. En particulier, je vous dirais qu'en Ontario, en 1982, les audiences publiques ont occupé 38 jours de l'Ontario Energy Board, c'est-à-dire de la régie publique qui recommande au gouvernement la tarification d'Hydro-Ontario. La documentation qui est fournie touche tous les aspects: les aspects économiques, les aspects financiers, les aspects administratifs.

De plus, chose extrêmement importante, on fournit une planification financière sur trois ans. Je sais qu'au Québec, à la suite des recommandations et des commentaires que l'Opposition avait faits, le ministre des Finances a dit, lors de son dernier discours sur le budget, qu'à l'avenir il tenterait de faire une planification sur trois ans. Lorsqu'on a devant nous une organisation aussi importante qu'Hydro-Québec, je crois qu'il serait dans l'ordre que cette même société d'État nous fournisse des prévisions sur trois ans. Hydro-Québec nous dira que ce n'est pas possible présentement ou qu'elle a de sérieuses réserves sur le fait de demander à la commission parlementaire ou au gouvernement d'approuver dès maintenant une tarification pour trois ans, mais là n'est pas mon propos. Mon propos est de demander à Hydro-Québec ou au ministre qu'à l'avenir Hydro-Québec nous donne une planification financière beaucoup plus détaillée sur trois ans, quitte à considérer uniquement la première année. Cela pourrait nous permettre de voir davantage quelles seraient les stratégies mises de l'avant par Hydro-Québec et de comprendre beaucoup plus en profondeur les politiques et les méthodes d'intervention qui pourraient en résulter. Enfin, j'ai fait ces commentaires au prédécesseur du ministre et je les ai faits

également l'an dernier, mais il ne semble pas que j'aie touché une corde sensible jusqu'à maintenant.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais dire quelques mots sur la politique énergétique du Québec. Je crois que nous nageons dans la confusion la plus totale. Le ministre nous a dit, ce matin, qu'il y aura une commission parlementaire au printemps pour entendre les différents intervenants du domaine énergétique nous parler des différents problèmes auxquels ils sont confrontés. Mais, voilà que ces jours-ci nous avons à débattre un programme d'équipements que nous propose HydroQuébec pour les prochaines années. La logique simple nous dirait qu'avant d'entendre Hydro-Québec nous parler de son programme d'équipements il aurait fallu, justement, entendre différents intervenants du domaine énergétique pour ensuite entendre HydroQuébec ou, en même temps, mais non pas l'inverse. Enfin, nous allons tenter de jouer notre rôle le mieux possible, mais il me semble que la façon de procéder du ministre est tout à fait irrationnelle et ne nous permettra pas de jouer un râle aussi efficace que nous l'aurions désiré. Je constate que son admission du fait qu'il nous faut avoir une commission parlementaire pour traiter d'énergie est une reconnaissance de sa part que les demandes répétées que nous avons faites étaient valables et qu'il est plus qu'urgent et nécessaire d'examiner avec tous les intervenants la politique énergétique du Québec et de la modifier si besoin était.

J'ai constaté que le ministre, dans une déclaration qu'il a faite à la Presse hier, a dit qu'il n'avait pas l'intention... Enfin, le titre de la Presse dit ceci: "Duhaime ne semble pas pressé d'assumer le rôle d'arbitre". Je cite l'article de Mme Francine Osborne où elle dit: "L'harmonisation entre les deux formes d'énergie, a-t-il souligné, est un objectif à atteindre, mais ne sera pas nécessairement intégrale". Je sais que, l'an dernier, le ministre nous avait parlé d'un comité d'harmonisation. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si ce comité est une faillite complète et si, de fait, il y a eu des tentatives d'harmonisation et que maintenant son objectif de ce côté à été modifié en profondeur? Le ministre nous dit dans la Presse qu'il n'a pas l'autorité pour intervenir afin de découper le Québec en petits morceaux. Par ailleurs, ce matin, il nous a dit qu'il voulait intervenir, justement, pour influer sur la politique pétrolière en ce qui concerne le mazout lourd, en particulier. S'il veut intervenir dans un domaine, pourquoi ne peut-il pas intervenir dans d'autres domaines?

Finalement, bien sûr, s'il accède à notre demande, une commission parlementaire serait le résultat de plusieurs demandes puisque, selon un article du Devoir, daté du 22 septembre, M. Martin, le président de SOQUIP, "croit que l'initiative appartient maintenant au ministre de l'Énergie. La prochaine étape pourrait être la convocation d'une table ronde technique pour permettre à Hydro-Québec, aux firmes gazières et aux raffineurs de s'entendre au moins sur les données de base." Il semblerait, M. le Président, que le comité d'harmonisation n'a pas tellement bien fonctionné puisque, de l'avis même du président de SOQUIP, on ne s'entend même pas sur les données de base inhérentes aux difficultés énergétiques qui sont soulevées présentement. D'ailleurs, M. Bourbeau, le président du conseil d'Hydro-Québec, disait, dans le Devoir du 30 août que, selon lui, toutefois, la situation du gaz naturel est beaucoup moins compétitive qu'on ne l'avait prévu et que l'électricité serait sans doute en meilleure position pour déplacer l'huile lourde utilisée dans l'industrie québécoise.

M. le Président, ces problèmes sont réels. On peut rêver d'une politique énergétique, mais il y a des surplus d'énergie présentement et, dans les années qui viendront, Hydro-Québec aura des surplus d'électricité considérables. Il y a d'autres facteurs qui jouent, comme le fait que le projet CARMONT n'a pu être réalisé, ceci de l'avis même du président de SOQUIP qui disait, dans le même article du Devoir du 22 septembre, que le projet CARMONT visant la revalorisation du pétrole raffiné à Montréal avait été un échec. On peut espérer pendant de nombreuses années que des projets se réalisent, mais, lorsqu'ils ne se réalisent pas, il faut prendre les faits tels qu'ils sont et non pas prendre nos espoirs pour la réalité.

M. le Président, nous vivons au Québec une situation très difficile et je dirais, peut-être, dangereuse, puisqu'il y aurait danger que les investissements qui seront faits par les sociétés de distribution de gaz deviennent improductifs. Je ne crois pas que ceux que nous faisons présentement le seront nécessairement, mais je crois que le programme gazier que le ministre a mis de l'avant pour les cinq prochaines années pourrait le devenir si on ne porte pas attention aux signes indicateurs qui nous viennent de tous côtés. Je sais bien que le ministre ne se préoccupe pas trop des investissements improductifs, lui qui a recommandé la nationalisation d'Asbestos Corporation avec les résultats que l'on connaît, mais je crois que les contribuables du Québec ne sont pas à même présentement de payer d'autres investissements improductifs.

Par Hydro-Québec, nous avons investi dans le développement de la Baie-James et, bien sûr, toutes les villes du Québec voudraient elles aussi avoir accès au gaz et à l'électricité. Mais la question qu'il faut se poser, M. le Président, c'est: Est-ce qu'en

définitive ces investissements que nous ferons seront productifs? Il faut comprendre et il faut savoir, M. le Président, que SOQUIP, qui est une société d'État à 100%, contrôle effectivement Gaz Métropolitain et contrôle Gaz Inter-Cité. Et la question que j'ai posée depuis quelques mois, c'est: Est-ce que ces investissements seront productifs et est-ce que la viabilité de ces compagnies continuera d'être aussi excellente qu'elle l'a été jusqu'à maintenant? Il faut savoir que Gaz Métropolitain existait et que Gaz Inter-Cité ne fait que commencer. (14 h 30)

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je crois qu'il est impérieux que nous ayons cette commission parlementaire du mois de mars ou d'avril, mais j'oserais espérer, pour qu'elle soit la plus utile possible, que le ministre nous propose un livre blanc pour que nous puissions ensemble en faire l'évaluation, puisqu'il y a danger, encore une fois, que nous ayons une commission parlementaire où tous et chacun pourraient venir faire des commentaires sans connaître la situation. Je crois qu'avec la connaissance qu'il a du dossier il pourrait quand même définir certaines orientations, quitte à demander ensuite aux différents agents économiques de préciser leur pensée ou leurs orientations ou de nous fournir des données que nous n'avons pas présentement.

J'ose espérer que cette commission parlementaire que nous aurons au mois de mars sera la plus utile possible et je peux l'assurer de notre collaboration. Mais j'aimerais, pour qu'elle soit la plus utile possible et pour que nous puissions jouer pleinement notre rôle, qu'il nous fournisse l'information dont nous aurons besoin pour ne pas être uniquement à la remorque des sociétés du secteur privé, dans le domaine pétrolier, ou du secteur public, dans le donaine du gaz et de l'électricité.

M. le Président, la question que je posais au départ, c'est: Est-ce que le gouvernement sait où il va? Est-ce que le gouvernement, en plus de constater les orientations comme nous le faisons, sait où il va ou s'il désire tout simplement continuer les orientations qui ont été mises de l'avant en 1978, tout simplement pour continuer le travail qui a été fait à ce moment? J'ai fait allusion à la situation économique du Québec; comme vous le savez, il y a présentement un chômage sans précédent qui touche en particulier la jeunesse, qui touche plusieurs régions du Québec et l'on sait l'état désastreux des investissements qui se font au Québec par rapport aux investissements qui se font dans d'autres régions du Canada.

Je pourrais vous donner, M. le Président, si vous le désirez, la création d'emplois nouveaux au Québec et en Ontario, au Canada, pour la période de 1961 à 1981. On constate que, de 1971 à 1975 en particulier, le Québec créait 22,4% de tous les emplois créés au Canada. De 1976 à 1980, la création d'emplois au Québec n'a été que de 17% et, en 1981, que de 6,5%. Ce sont des statistiques qui nous viennent de Statistique Canada, no 70-201. M. le Président, devant cette situation, je crois que cette commission parlementaire, qui débute présentement, nous permet de faire le point, mais nous permet également de poser les bonnes questions en ce qui concerne le développement économique de cette province. J'oserais espérer que le ministre soit aussi sensible que nous à cette donnée du problème qui frappe tous les Québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, très brièvement, je voudrais réagir tout de suite à quelques-unes des suggestions qui nous sont faites par le député d'Outremont. J'avoue au départ, M. le Président, ne pas être tellement emballé par le modèle ontarien quant à une proposition tarifaire qui est étudiée dans un premier temps par l'Ontario Energy Board qui n'a pas de pouvoir décisionnel, comme tout le monde le sait, mais qui recommande ensuite une proposition tarifaire au gouvernement de l'Ontario. C'est peut-être le passé qui est garant de l'avenir. Il y a eu des incidents qui se sont passés en Ontario dans le dossier de l'énergie, d'une façon générale; il y a même eu une commission d'enquête qui a siégé, qui a produit un volumineux rapport. À la suite de ces incidents, Ontario Hydro a dû augmenter de 33% son tarif hydroélectrique, si ma mémoire est bonne, en 1975 et l'année qui a suivi, de 22%. Je ne sais pas si la décision est arrêtée à l'heure où je vous parle en Ontario, mais la proposition du Ontario Energy Board a été formulée et le premier ministre Davis a décidé de former un comité spécial. La situation est peut-être plus complexe en Ontario pour l'établissement des tarifs hydroélectriques à cause de la présence marquée du nucléaire. Nous n'avons pas à vivre avec ce problème pour l'instant.

Je considérerais, M. le Président, que la meilleure tribune et la meilleure table pour discuter de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec est encore la commission parlementaire de l'énergie et des ressources qui prend le temps nécessaire. Il y a peut-être des améliorations à apporter encore pour que l'Opposition puisse avoir en main toutes les informations. Je pense que le député d'Outremont a lui-même noté que les documents avaient été fournis cette année suffisamment à l'avance, que des entretiens ont même été aménagés avec la direction

d'Hydro-Québec. Avant que de faire une recommandation au Conseil des ministres pour dessaisir la commission parlementaire de l'énergie et des ressources, c'est-à-dire les députés, les membres de l'Assemblée nationale, qui veulent entendre Hydro-Québec sur une proposition tarifaire, il faudrait qu'on me donne davantage d'arguments que ce que j'ai entendu jusqu'à présent.

Nous avons été habitués au fil des années, je dirais, à entendre l'Opposition libérale dire que le Québec n'a pas de politique énergétique, que le gouvernement ne sait pas où il va etc. J'ai eu l'occasion au cours des dernières années de rencontrer des collègues qui s'occupent du dossier de l'énergie en France, en Belgique, en Allemagne et récemment au Brésil. C'est curieux, mais ils nous ont félicités d'avoir une politique énergétique. On peut être en accord ou en désaccord sur le fond, mais affirmer qu'il n'y a pas de politique énergétique, je pense que c'est fausser le débat au départ. Ma surprise est d'autant plus grande que j'ai toujours été convaincu que, sur le fond du dossier énergétique, notre gouvernement et l'Opposition libérale étaient fondamentalement d'accord.

Je voudrais rappeler au député d'Outremont son propre programme. Je voudrais lire ce que j'avais appelé, l'année dernière, le livre rouge du Parti libéral, c'est-à-dire le document portant sur le développement économique, à la page EC VIII-2. Je vais lire simplement l'attendu, qui est pertinent, je pense: Attendu que l'objectif majeur de la politique du Parti libéral du Québec est d'améliorer le bilan énergétique et la sécurité des approvisionnements par une réduction graduelle de notre dépendance envers le pétrole, par l'augmentation de la pénétration du gaz naturel, par l'utilisation d'énergie électrique, par des économies d'énergie et par la recherche des énergies nouvelles. Dans le texte qui précède cet attendu, on nous propose même ceci: Une utilisation plus importante du gaz naturel paraît souhaitable et pourrait atteindre 15% à 18% de notre bilan énergétique en 1990.

Sur le fond, notre objectif premier est de déplacer le pétrole importé le plus rapidement possible. Et, si on se rejoint là-dessus, on a fait un grand pas. Une fois qu'on a décidé cette chose, il s'agit de se demander quelles vont être les formes d'énergie qui vont remplacer le pétrole. Je l'ai dit ce matin et je rappelle, notre objectif a été fixé il y a quatre ans, en 1978. Il consiste à dire que nous visons un objectif de 41% hydroélectrique de notre bilan en 1990, de 50% pour l'an 2000. Nous avions constaté, en même temps que le Parti libéral, la mince contribution du gaz naturel, qui était de 6% ou 7% il y a quelques années. Notre objectif est d'aller vers 16%, 16 1/2% en 1990 et possiblement 18 1/2% et plus sur l'horizon 2000. Il est évident que nous allons, de ce fait, faire des économies d'échelle majeures et que, d'autre part, nous allons obtenir, par une plus grande diversité, une sécurité d'approvisionnement. Le reste, M. le Président, m'apparaît être du bla, bla, bla.

Je rappelle aussi essentiellement que maintenir cet objectif de 41% sur l'horizon 1990 est quelque chose de faisable et de réaliste. Mais il est bien certain qu'il faut situer cet objectif dans l'ensemble d'une conjoncture énergétique qui fait que la consommation globale d'énergie sous toutes ses formes est une espèce de tarte, en quelque sorte, qui s'en va, sinon vers une stabilité, du moins en diminuant.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'ai apporté avec moi un petit tableau qui va peut-être éviter bien des discours et qui parle de lui-même. La situation de 1975. Ce qui est en bleu, c'est l'hydroélectricité; ce qui est en jaune, c'est le gaz naturel; ce qui est en rouge, c'est le pétrole. Alors, 22% par rapport à 1971. En 1981, la part de l'hydroélectricité est montée à 29%; la part du gaz est passée de 6% à 9%; la part du pétrole a été réduite de 71% à 61% du bilan. L'objectif de 1990 est de porter la part de l'hydroélectricité à 41%, celle du gaz à 16% et, par voie de conséquence, de réduire la part du pétrole à 40% du bilan. Sur le fond - et je crois que c'est un des objectifs majeurs de la politique énergétique qui a été établie en 1978 - je ne vois pas comment on peut être en désaccord.

Le problème que nous avons en est un d'harmonisation. Cela m'apparaît sain que, d'une part, Hydro-Québec ait à faire son propre effort de marketing sur le marché de l'énergie et que, par ailleurs, le Québec, étant présent par le biais de deux compagnies distributrices, Gaz Métro et Gaz Inter-Cité, ait aussi à se battre sur un marché de concurrence. L'harmonisation consiste, à mon sens, non pas à croire qu'on pourrait, premièrement, établir des structures de prix entre des compagnies en concurrence ou encore se départager des marchés. L'objectif qui est visé est une utilisation maximale des ressources énergétiques. Si je me place du point de vue d'un consommateur, il est bien certain que les consommateurs du Québec qui suivent les travaux de cette commission réalisent qu'Hydro-Québec, Gaz Inter-Cité, Gaz Métro, de même que les pétrolières, pour ce qui est de l'huile à chauffage, en tout cas, et pour ce qui est de la clientèle industrielle, devront se battre. Cela me donne une espèce de garantie tant sur le plan de la diversification que sur le plan des prix; je me sens rassuré comme consommateur.

Le comité dont nous avons parlé a siégé. Je pense que les dirigeants d'Hydro-

Québec pourront en faire état. Il y a eu de multiples rencontres et les paramètres de ce que j'appellerais une discussion franche ont été établis. Ce qu'il s'agit de se poser comme question, c'est: Est-ce qu'il y a de la place pour l'hydroélectricité et pour le gaz naturel dans les objectifs fixés il y a maintenant quatre ans? Ma réponse est très claire, elle est affirmative. Si le résultat était que nous allions déplacer plus vite que prévu du pétrole importé, soit du marché mondial ou de l'Ouest canadien, je pense qu'on ne ferait qu'ancrer davantage et réaliser plus rapidement les objectifs de la politique énergétique.

Je m'arrête ici et, à moins que mes collègues n'aient des interventions à faire maintenant, je vous demanderais d'inviter les gens d'Hydro-Québec à prendre place, puisque nous sommes là d'abord et avant tout pour les entendre aujourd'hui.

Le Président (M. Desbiens): Merci. J'inviterais le président du conseil d'administration, M. Bourbeau, à prendre la parole.

Exposé du président du conseil d'administration d'Hydro-Québec

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, avant de commencer, je voudrais rassurer le député d'Outremont qu'Hydro-Québec possède toute l'expertise lorsqu'il lui arrive de planifier son programme d'équipements, mais qu'elle est un piètre planificateur lorsqu'il s'agit de panne de courant.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission permanente de l'énergie et des ressources, Hydro-Québec soumet aujourd'hui au gouvernement et à la population son plan de développement, ainsi qu'une recommandation quant à l'augmentation des tarifs pour 1983. Ce plan, nous le savons tous, marque un coup de barre important dans le cheminement de l'entreprise qui doit, comme bien d'autres, s'ajuster aux contraintes et aux soubresauts de la conjoncture. (14 h 45)

Je pourrais tenter de justifier ce que certains qualifient volontiers d'erreurs de parcours ou d'ambitions démesurées. À ce moment-ci, je voudrais souligner certaines interrogations ou certaines préoccupations du député d'Outremont au sujet de nos prétendues erreurs de prévision de la demande. J'ai bien noté qu'il se préoccupe de la méthodologie qu'on utilise à HydroQuébec, disant qu'on est trop subjectif, quand on utilise des hypothèses et il s'interroge sur les hypothèses d'économies d'énergie qui sous-tendent nos prévisions. Il s'intéresse aussi au fait que nous avons préparé un scénario et que nous n'avons pas d'autres scénarios de rechange. J'y reviendrai à la fin de l'exposé et, lors de la période des questions, je pourrai répondre à ces préoccupations du député d'Outremont.

Je signale cependant que, jusqu'en 1979, nos prévisions préparées dix ans plus tôt se sont toujours réalisées et que nous avons été en mesure de répondre à la demande grâce à la mise en oeuvre de grands projets. Par ailleurs, comme nous l'indiquions à l'occasion de la commission parlementaire de février 1981, chaque plan doit être interprété dans une optique de planification continue et, à ce titre, servir à définir les orientations et les décisions qui devront être prises au fur et à mesure que les besoins se préciseront. Mais depuis 18 mois, les contextes énergétique et économique se sont radicalement transformés et Hydro-Québec a dû redéfinir ses priorités en fonction d'une baisse importante de la demande d'électricité.

Vous avez examiné notre plan de développement et vous connaissez nos orientations. Nous voulons, donc, profiter de cette occasion pour discuter de ces orientations et rendre compte des mesures que nous prévoyons adopter pour réaliser ce plan. Il vous revient de vérifier si ces mesures et ces orientations sont prises dans l'intérêt du Québec.

Le plan de développement est celui d'une entreprise en pleine mutation qui, après avoir connu un rythme d'expansion rapide au cours des trois dernières décennies, adopte maintenant une cadence modérée et qui, dans les prochaines années, devra changer radicalement ses priorités et, par le fait même, certaines de ses activités.

Vous savez que nous estimons maintenant que la progression moyenne de la demande d'électricité à long terme pourrait se situer entre 2,6% et 4,7% par année. Cependant, nous avons fondé notre plan sur un objectif et cette prévision est de 3,7% par année. Cette croissance ralentie par rapport à nos prévisions antérieures exigera que l'entreprise engage une action commerciale vigoureuse tant sur les marchés d'exportation qu'au Québec. Vous savez aussi que les grands projets de construction qui seront terminés d'ici trois ans nous fourniront suffisamment d'énergie pour répondre pendant quelques années encore aux besoins d'électricité du Québec. Il n'est donc pas nécessaire d'amorcer de nouveaux projets d'envergure dans un avenir prochain, c'est-à-dire avant 1988, à l'exception peut-être de la centrale de Delaney qui est une centrale de pointe.

Ces rajustements dans les priorités de l'entreprise, qui mettra désormais l'accent sur la commercialisation plutôt que sur la construction d'aménagements, prendront place au cours des trois prochaines années. L'incertitude amenée par l'évolution de l'économie qui nous réserve chaque jour des

surprises nous commande maintenant une grande prudence et nous oblige à ne pas prendre des engagements irréversibles. C'est la raison pour laquelle le plan de développement est axé sur des actions à moyen terme, c'est-à-dire jusqu'en 1985, et offre le maximum de souplesse dans les décisions qui pourraient engager HydroQuébec à plus long terme.

La crise économique actuelle n'est pas une simple récession. Elle reflète des changements fondamentaux dont il était difficile de prévoir l'ampleur il y a à peine un an. Le choc a été subit et se répercute directement sur la demande d'électricité. Malgré ce revirement, Hydro-Québec est en mesure de freiner et de changer de cap sans connaître les crises majeures que vivent actuellement d'autres entreprises similaires. Les investissements pour les trois prochaines années sont maintenus au niveau déjà prévu. Le resserrement draconien des dépenses d'exploitation n'aura que des répercussions modérées sur le volume du personnel d'exploitation. Enfin, les augmentations de tarifs que nous proposons pour 1983 sont en deçà de l'inflation prévue et des augmentations entrevues pour des sources concurrentes d'énergie. Il est, cependant, évident qu'à plus long terme le ralentissement de nos investissements se répercutera sur l'activité économique reliée au secteur de l'électricité. Pour cet horizon un peu plus lointain, nous nous gardons d'abord toute la flexibilité nécessaire et nous prenons aussi des mesures pour favoriser du mieux possible le développement économique.

J'aimerais, maintenant, aborder d'une façon plus précise les aspects fondamentaux de notre plan. Quatre grandes orientations y sont définies qui guideront notre action à court terme et qui nous garantiront une plus grande liberté de manoeuvre après 1985. Ces orientations sont les suivantes: premièrement, accroître les ventes de l'entreprise par un effort de commercialisation sur tous les marchés de l'électricité, et cela tout en respectant l'objectif d'utilisation rationnelle de l'énergie; deuxièmement, réorienter les efforts de recherche et de développement technologiques en mettant l'accent sur la mise au point de nouveaux moyens d'utiliser l'électricité; troisièmement, réaliser les investissements engagés d'ici à 1985 et limiter les engagements financiers à long terme; quatrièmement, assurer à l'entreprise une plus grande souplesse d'adaptation aux changements imposés par la conjoncture en réorganisant ses activités.

Dans cette perspective, Hydro-Québec doit avant tout mettre l'accent sur la commercialisation de son produit tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Québec, tout en restant fidèle à sa politique d'économie d'énergie et en respectant les objectifs de la politique énergétique du Québec. En raison du ralentissement de la demande interne, Hydro-Québec est maintenant en mesure d'envisager des contrats à long terme de vente d'énergie régulière à l'exportation. Dans la conjoncture actuelle, de tels contrats seraient très profitables au Québec. Le plan prévoit donc des stratégies précises dans ce sens.

Par ailleurs, les efforts de mise en marché s'adresseront aussi au marché énergétique québécois. Il ne s'agit pas de créer des marchés artificiels dans le seul but de régler des problèmes temporaires de l'entreprise, car, alors, cette mesure pourrait engager le Québec dans une voie peu avantageuse à long terme. Il s'agit plutôt de consommer mieux l'énergie d'ici. C'est pourquoi nous entendons poursuivre de façon vigoureuse les actions entreprises en vue de rationaliser l'utilisation de l'électricité. C'est pourquoi aussi nos programmes spéciaux de vente ne viendront pas bouleverser la scène énergétique québécoise et faire ainsi disparaître des options souhaitables à long terme. Je fais ici référence à la problématique entourant la vente des excédents d'électricité au secteur industriel, parallèlement au prolongement du réseau gazier au Québec. De concert avec les parties en cause, nous nous attacherons à trouver des solutions viables et acceptables dans la poursuite d'objectifs énergétiques communs.

Cette nouvelle orientation d'Hydro-Québec, axée plus sur la vente que sur la construction d'installations, sera appuyée par une stratégie de développement technologique. Cette stratégie visera à mettre au point, à court et à long terme, de nouveaux moyens d'utiliser l'électricité qui procureront à notre clientèle des avantages économiques marqués.

Parallèlement à la gestion des marchés, le plan de développement propose un plan d'investissements qui lui assure une grande flexibilité d'adaptation. Les orientations relatives au programme de construction, en raison de leurs répercussions financières, sont, en effet, celles qui risquent le plus d'entraîner l'entreprise dans des situations difficiles à corriger. Pour cette raison, les investissements prévus à court terme se limitent à ceux qu'il ne serait pas rentable de reporter. On terminera ainsi les travaux de la phase I du complexe La Grande, tandis que les travaux à peine amorcés à la centrale de suréquipement de Manic 5 sont décalés de trois ans. Ainsi, l'entreprise n'aura pas à s'engager dans de nouvelles mises en chantier en raison de l'avance que lui assurent les installations existantes. En revanche, advenant une reprise de la demande d'électricité, plusieurs projets pourraient être mis en chantier très rapidement parce que les études et les travaux préléminaires sont déjà réalisés.

Dans la même perspective de souplesse, Hydro-Québec s'attache actuellement à définir un éventail de projets de taille moyenne en mesure de s'adapter harmonieusement au nouveau rythme de croissance. Ces équipements pourront être mis en place progressivement et ne comporteront pas de risques financiers trop lourds pour l'entreprise. Toutes ces réorientations appellent des réaménagements importants de nos activités et de nos ressources.

La conjoncture économique actuelle oblige les entreprises à augmenter la productivité de l'ensemble de leur personnel. Étant donné l'envergure et la diversité de ses activités, Hydro-Québec pourra réaliser des gains de productivité substantiels au cours des prochaines années. La formation de son personnel lui permettra de s'adapter rapidement aux développements technico-administratifs et d'adapter son organisation aux changements. Dès 1983, différentes mesures seront mises en oeuvre pour faciliter l'évaluation du rendement individuel et accroître les responsabilités des gestionnaires dans le contrôle des résultats. Les changements apportés à la structure de l'entreprise permettront également de rationaliser et de réorienter certaines activités.

Ces mesures touchant la productivité entraîneront, nous l'avons évoqué, une diminution importante du rythme d'augmentation des dépenses d'exploitation. Ce facteur est un de ceux qui nous permettent de réduire les augmentations de tarifs que nous avions prévues de 13% environ, il y a un an, et de les ramener entre 7% et 8% en 1983. Il s'agit là d'une hausse qui s'applique à toutes les catégories d'abonnés. Elle permet de respecter les critères financiers d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la couverture des intérêts, à la capitalisation et à l'autofinancement. Elle constitue, à notre avis, une augmentation raisonnable, compte tenu de la marge de manoeuvre réduite dont l'entreprise dispose par rapport au prix des énergies concurentielles, ainsi que des mesures de lutte à l'inflation adoptées par le gouvernement.

Voilà donc en bref, les grandes orientations qu'Hydro-Québec se donne pour la prochaine décennie et plus particulièrement les stratégies qu'elle entend mettre en oeuvre dans les trois prochaines années. À moins de vouloir jouer à l'oracle ou au prophète, nul ne peut prétendre détenir une vision claire et définitive de l'avenir. Aussi, nous attachons une grande importance aux diverses prévisions contenues dans le plan de développement, mais il ne faudrait pas leur attribuer une valeur d'absolue ou un caractère immuable. Elles sont utiles, ces prévisions, dans la mesure où elles nous permettent de définir des directions à emprunter et des actions à engager. Lorsque l'évolution de la conjoncture l'exigera, nous saurons ajuster le tir sans toutefois perdre de vue les objectifs poursuivis. (15 heures)

Le plan de développement proposé par Hydro-Québec contient ce potentiel d'adaptation, tout en mettant de l'avant des lignes de continuité qui nous semblent compatibles avec les meilleurs intérêts des consommateurs d'énergie. Merci, M. le Président.

Avec votre consentement, je passerais maintenant la parole à M. Guy Coulombe, le P.-D.G. d'Hydro-Québec, qui aurait quelques mots à dire.

Le Président (M. Desbiens): M.

Coulombe, vous avez la parole.

Exposé du président-directeur général d'Hydro-Québec

M. Coulombe: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de reprendre l'excellent résumé que M. Bourbeau vient de nous faire. Je voudrais seulement insister sur deux ou trois points qui me semblent extrêmement importants.

Le premier, c'est la caractéristique fondamentale du plan de développement: sa souplesse d'adaptation. À cette fin, je me référerais peut-être au document que vous avez devant vous, à la page 64 du plan de développement, qui donne, à mon avis, un exemple précis de cette souplesse et de cette possibilité d'adaptation qu'Hydro-Québec présente dans son plan de développement. Vous voyez, dans le tableau de la page 64, les trois hypothèses de base concernant la croissance de la demande et vous voyez sur ces courbes l'ensemble des grands équipements du plan de développement. Vous constaterez... Je mentionne le plan de développement à la page 64; pardon, vous n'avez pas la même page que celui...

M. Rodrigue: ... le tableau 21, c'est le tableau sur l'évolution de la demande et la capacité de production.

M. Fortier: Cela va, merci. M. Rodrigue: Page 61.

M. Coulombe: À la page 61, dans votre autre copie, sur ces trois courbes de demandes vous pouvez voir l'ensemble des investissements d'Hydro-Québec et l'adaptation possible. Comment cette adaptation est-elle possible? À l'heure actuelle, nous avons en main pour 600 000 000 $ d'études sur l'ensemble des

travaux, l'ensemble des grands projets d'Hydro-Québec. Certains de ces projets sont dans un état d'avancement tel que, quelles que soient les circonstances, si on assiste à un changement brusque de la conjoncture externe à Hydro et qu'il faille réajuster le plan d'équipements, nous sommes prêts, Hydro-Québec est prête à s'ajuster rapidement et à entreprendre des travaux qui, sur ces courbes, sont situés à plus ou moins brève échéance. C'est un exemple précis de la possibilité d'adaptation d'Hydro-Québec.

Un deuxième exemple: on parlait d'interconnexion avec les États-Unis, il faut penser que l'interconnexion avec la Nouvelle-Angleterre est prévue pour environ 600 mégawatts. C'est une ligne qui peut être réorientée vers 2000 mégawatts très prochainement. Encore là, il y a une marge de manoeuvre et une possibilité d'adaptation.

Dans cette perspective, je pense que la population du Québec doit considérer qu'Hydro est dans une position presque exceptionnelle parmi les grandes compagnies d'utilité publique nord-américaines. Hydro, dans son plan de développement, contrairement à beaucoup de ces compagnies d'utilité publique nord-américaines, n'a pas à radier de ses livres des sommes considérables pour abandonner des projets. Vous prenez l'exemple d'une très grande compagnie américaine, comme Tennessee Valley Authority, qui est obligée d'éliminer de ses livres des sommes d'environ 1 200 000 000 $ pour des centrales nucléaires qui avaient été prévues et qu'on doit abandonner en pleine construction. On a même au Canada d'autres compagnies d'utilité publique qui sont dans la même situation et qui sont obligées de fermer ou d'abandonner des projets. Nulle part dans le plan d'Hydro-Québec vous n'allez voir ce genre de proposition et je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que, n'étant pas à Hydro-Québec depuis plus d'un an, il s'agit d'un effort collectif des gens d'Hydro-Québec depuis plusieurs années pour nous amener dans une situation qui, aujourd'hui, peut être considérée comme exceptionnelle parmi les grandes compagnies d'utilité publique.

Donc cette souplesse, les documents, les études internes permettent de dire que, quelle que soit l'évolution de la situation, Hydro est prête à faire face à ces évolutions. Une autre caractéristique, c'est que personne n'a encore trouvé de boule de cristal pour prédire avec exactitude ces évolutions. Et je fais référence - pour votre information on pourra vous envoyer les documents si vous le désirez - au prestigieux institut électrique Edison qui groupe l'ensemble des utilités publiques privées des États-Unis et qui, pour la prochaine décennie, prévoit un taux de croissance électrique de 3,6% pour les dix prochaines années. Faire référence à d'autres prévisions n'est jamais une preuve qu'on a raison, parce que tout le monde peut se tromper d'ici à quelques années, mais je pense qu'Hydro se trouve en bonne position parmi ceux qui prévoient l'évolution de l'énergie.

Un deuxième point que je voudrais souligner, c'est que l'objectif numéro un du plan est une mise en marché agressive de l'électricité. On a des programmes précis, les programmes de chaudière, les programmes biénergie, d'autres sont en voie d'élaboration et, d'ici à quelques mois, nous serons en mesure de présenter ces autres programmes.

Un troisième élément sur lequel il faut insister, c'est la décision de base d'Hydro-Québec de réduire ses coûts d'exploitation. Ceci est une décision interne, il n'y a pas eu de pression externe à ce niveau. C'est une baisse assez radicale d'un taux historique d'au-delà de 20% à un objectif l'an prochain de 5%. C'est évident - je veux mettre en garde les membres de la commission sur cela - que cet objectif ne pourra être atteint que si l'on respecte notre objectif d'avoir des conventions collectives raisonnables. Les conventions d'Hydro-Québec se terminent le 31 décembre, nous sommes en pleine négociation à l'heure actuelle et c'est évident qu'atteindre une diminution des dépenses d'exploitation de cet ordre suppose une solution raisonnable aux conventions collectives.

Un dernier point, l'impact économique du programme d'Hydro-Québec. HydroQuébec, dans les trois prochaines années, va investir 7 200 000 000 $; elle s'est efforcée de mieux étaler ses investissements dans les trois prochaines années par rapport au plan d'investissement de 1981. Donc, la baisse va être moins rapide, dans l'année deux et trois du plan, que ce qui était prévu l'an passé. J'écoutais les chiffres qui étaient donnés ce matin. Si vous additionnez à ces chiffres, 7 200 000 000 $, les 2 000 000 000 $ qu'il va y avoir dans le gaz, vous avez des investissements, dans le domaine énergétique hors pétrole, qui sont supérieurs à ceux qui étaient prévus l'an passé ou il y a deux ans.

En termes d'emploi, je regarde les mêmes chiffres, le plan de développement va amener une certaine décroissance de l'emploi externe à Hydro-Québec. On prévoyait une baisse, pour l'année 1983, entre 3000 et 3500. Si l'on ajoute les chiffres, encore une fois, qu'on a entendus ce matin, 3000 emplois dans le domaine du gaz, on se retrouve à un niveau équivalant, en termes d'emploi, à ce qui était prévu; évidemment cela ne sera pas tout relié à l'hydroélectricité, mais cela va être relié à l'énergie et ce sont des nouveaux emplois qui s'ajoutent aux emplois prévus dans les 7 200 000 000 $ d'investissements d'Hydro-Québec.

Un dernier point sur une intervention

de ce matin. Lorsque le député d'Outremont parlait des relations d'Hydro-Québec avec le gouvernement et de l'arrivée à Hydro-Québec de plusieurs ex-fonctionnaires, tout ce que j'ai à dire sur cela, en étant un exfonctionnaire moi-même, c'est que je pense que l'intégration à Hydro-Québec d'anciens hauts fonctionnaires n'a ni à s'expliquer, ni à se justifier. Je crois que c'est une excellente chose et cela se produit dans le secteur privé. Dans la mesure où la fonction publique a pris de l'ampleur depuis quelques années, ces passages vont se faire de plus en plus. Je pense que cela serait aller au-delà de la réalité que de supposer qu'il s'agit là de manoeuvre machiavélique de la part de qui que ce soit. Je pense que c'est une question de fait et cette intégration actuellement, je peux en témoigner, va très bien. Il ne s'agit pas là à notre avis, d'un problème important, de quelque façon que ce soit.

Alors, M. le Président, je pense que mes collègues et moi-même sommes prêts à répondre à l'ensemble des questions de la commission.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

Période de questions

M. Fortier: J'aurais juste une question sur la déclaration de M. Bourbeau. À la page 3 je crois, il dit: "La crise économique actuelle n'est pas une simple récession. Elle reflète des changements fondamentaux dont il était difficile de prévoir l'ampleur, il y a un an. Le choc a été subit et il se répercute directement sur la demande d'électricité." Si je comprends bien ce texte, il répercute sur plusieurs années à venir. Je faisais allusion ce matin à un rapport très récent de l'Agence internationale de l'énergie qui semble dire que les supposées économies d'énergie qui se font présentement tiennent davantage de la récession qui est temporaire. Eux sont d'avis du contraire. La seule question que j'aimerais poser: sur quoi se base son énoncé, ici? Est-ce un énoncé qu'Hydro-Québec fait ou si c'est un énoncé qui est appuyé par des autorités, je ne sais, économiques ou autres en la matière?

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, il faudrait que je revienne un peu en arrière et regarder de quelle façon les prévisions d'électricité ont varié à Hydro-Québec. À partir du tout début, en 1944, jusqu'en 1976, bon an mal an, les prévisions d'électricité se situaient à 7,7%. À ce moment-là, autant la prévision de la puissance que la prévision de l'énergie se maintenaient à 7,7% puisque le facteur d'utilisation n'était pas modifié.

À partir de 1976, on a commencé à avoir des prévisions qui ont délaissé ce fameux 7,7% et qui ont commencé à être de plus en plus basses. Je vous donne les prévisions qui ont été faites à Hydro-Québec et qui étaient officielles. À partir de 1977, on est passé à 7,4%. En 1978, on est passé à 7,1%. En 1979, on était rendu à 6,5%. En 1980, vous vous rappellerez la présentation qu'on a faite en 1981 du plan de développement; on avait 6,2%. En 1981, même si on a eu 6,1% comme prévision officielle, au cours de l'année, au mois d'août 1981, ce 6,1% a été révisé à 5,5%. Déjà, on sentait que quelque chose bougeait dans la demande d'électricité. En 1982, notre prévision officielle qu'on vous a présentée est de 3,7%. Au début de l'année 1982, plus exactement le 26 janvier, Hydro-Québec avait déjà révisé sa prévision de 5,5% et elle était rendue à 4,7% et ce n'est qu'au 20 août de cette année qu'on a révisé notre prévision à 3,7%.

Vous vous apercevez donc que ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a commencé à diminuer nos prévisions. Cela date d'assez loin: cela date de 1977. Il y a certains phénomènes qui sous-tendent ce changement et l'un deux, je veux bien croire qu'il y a 70% qui est attribuable à la récession, pour nous à Hydro-Québec, c'est le secteur résidentiel qui nous donne la réponse.

En 1990 et en 1995, il n'y aura pas de formation de ménages comme il y en avait autrefois et ceci est dû à la baisse de la natalité. Depuis 1960, on a connu une baisse assez radicale de la natalité: on avait environ 2% par année et on est rendu, ce qu'on utilise, à 0,6%. Ce qui veut dire que les gens qui ne sont pas nés en 1960, en 1970 ne seront pas là en 1990 pour former des ménages. C'est justement cette saturation au secteur résidentiel qui nous a fait, dès 1976 et 1977, commencer à saturer la demande de l'électricité au secteur résidentiel.

Bien sûr, au secteur industriel nous avons connu une chute, mais cette chute a été beaucoup plus brusque depuis 18 mois. À partir du mois de mai 1981, au secteur industriel, on a vendu moins d'électricité que l'année précédente, et même actuellement, on vend moins d'électricité au secteur industriel qu'en 1980. C'est une cassure, une brisure que l'on voit et qui va devenir permanente dans le sens que l'on croit sincèrement à Hydro-Québec, que jamais plus on ne reverra ce fameux 6,1%, mais ce sera une progression de la demande d'électricité qui sera moindre que 6,1%. (15 h 15)

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci pour les explications. J'ai pris note que cela fait déjà quelque temps que vous alliez dans cette direction. Je faisais référence à votre texte dans lequel vous dites que le choc a été subit soudainement. J'imagine. Vous dites que c'est une évolution de plusieurs années que vous aviez notée.

M. Bourbeau (Joseph): Je crois que si on avait continué notre courbe descendante, au lieu d'avoir fait une chute entre 1981 et 1982, progressivement, on aurait rejoint environ 3,5%, 3,7%. De toute façon, entre 2,6% et 4,7%, durant les années quatre-vingt-dix; on s'acheminait vers cela. Le phénomène qui se produit, c'est qu'au cours de 1981 il y a une brisure, une cassure.

M. Fortier: J'accepte votre réponse sans y donner mon acquiescement complet.

J'aimerais noter un point pour M. Guy Coulombe et pour les autres. En fait, les investissements dans le gaz vont être beaucoup plus considérables que le ministre l'a dit, puisqu'il a cité des chiffres ce matin qui étaient de 2 000 000 000 $; les prévisions d'il y a deux ou trois ans étaient 1 000 000 000 $ à investir dans Trans Québec & Maritimes et 1 000 000 000 $ dans la distribution du gaz...

M. Duhaime: ... d'ici la fin de 1983.

M. Fortier: J'ai ici un article du Financial Post du 9 octobre. Mon inquiétude, ce n'est pas qu'il n'y aura pas d'investissements dans le gaz, de fait, les investissements dans le gaz vont être beaucoup plus élevés que tout ce qui avait été dit dans le passé. Je cite en anglais: "But, as construction has moved toward Québec City, projected costs have more than doubled from the original estimate of 1 200 000 000 $ as a result of higher than anticipated right-of-way acquisition costs in Québec and unforeseen regulatory problems".

II est bien certain qu'on va en avoir des investissements dans le gaz, peut-être beaucoup plus que ce qui était anticipé il y a deux ou trois ans. De ce côté, ce n'est pas mon inquiétude qu'on ne fera pas d'investissements; mais est-ce que cela va permettre la rentabilité de la distribution du gaz? On pourra y revenir un autre tantôt.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais apporter une précision sur la question du gaz naturel. J'ai un petit tableau ici, qui est en couleur, pour...

Une voix: ...

M. Duhaime: Les quoi?

Une voix: ... professeur.

Une voix: Continuez professeur.

M. Duhaime: C'est pour éclairer votre fanal, M. le député.

M. Fortier: J'espère que les lumières vont venir.

M. Duhaime: Le tracé que vous avez ici, en vert pâle, en vert un peu plus foncé, et enfin, en vert très foncé, puis en jaune, ce sont les premières planifications de Trans Québec & Maritimes pour la pénétration du gaz naturel au Québec. Comme vous le savez, M. Lalonde, l'ancien ministre fédéral de l'Énergie a fait une mise à jour de sa politique énergétique. Cela a donné ceci comme résultat. Le gouvernement fédéral, avant le mois de mai 1982, s'était engagé à payer la totalité du coût de construction de ces conduites latérales, c'est-à-dire un coût estimé à 700 750 000 $, chiffre à déposer devant l'Office national de l'énergie. Le gouvernement fédéral nous a annoncé, au début de juin, qu'il coupait de 250 000 000 $ et qu'il mettait sur la table 500 000 000 $ pour le financement des conduites latérales au Québec. Ce qui nous a amenés à réviser toute la stratégie de pénétration et à décider les parties reportées, ce qui est en jaune ici: La Beauce, par exemple; Chambord jusqu'à Dolbeau; le coin d'Argenteuil; Lachute; une partie du réseau dans l'Estrie. Il est donc clair qu'avec les conduites latérales moins longues que les investissements vont être moindres; cela m'apparaît mathématique. Ce que je disais, ce matin, c'est que nous prévoyons que d'ici à la fin de 1983, avec le premier plan de cinq ans qui a été déposé par Gaz Métropolitain et celui de Gaz Inter-Cité qui devrait présentement être rendu public, avec les investissements concernant les conduites latérales comme telles, en comptant les travaux en cours en 1982, qui sont estimés à entre 15 000 000 $ et 17 000 000 $ pour la conduite latérale construite par Trans Québec & Maritimes, et ce qui pourrait se faire en 1983, c'est-à-dire la phase I, faire une partie de l'Estrie, relier Trois-Rivières à Bécancour et relier Trois-Rivières à Grand-Mère par Shawinigan cela devrait donner à peu près 2 000 000 000 $. Nous procéderons ensuite à la phase II vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la phase III, pour terminer l'Estrie.

Je trouve malheureux qu'on ait appelé cela une mise à jour parce que cela me paraît un virage à 180 degrés. C'est un manque à gagner net pour le Québec de l'ordre de 250 000 000 $. Les chiffres que j'avais, c'est 200 000 000 $, mais si le

député d'Outremont nous dit 250 000 000 $ je ne le chicanerai pas là-dessus. Il est bien certain, cependant, que les objectifs de pénétration du marché sont de l'ordre de 155 BCF, soit 45, de mémoire, pour Gaz Métropolitain et 110 et plus pour Gaz Inter-Ctté. J'ai bonne confiance que vos objectifs de pénétration du gaz naturel établis à 18% à l'horizon 1990, dans votre propre programme, de même que ce que nous alignons maintenant comme rythme de pénétration devraient normalement être atteints.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Là où on a de la difficulté à s'entendre avec le ministre, c'est qu'il faut voir les faits tels qu'ils sont. Cet article du Financial Post indique clairement que la construction du gazoduc au Québec a été beaucoup plus chère qu'ailleurs. Il y a des raisons à cela. Les raisons ont trait au tracé qui a été utilisé, ont trait au fait que le gazoduc a dû être construit dans des marais. Cela soulève même des questions de sécurité que je ne veux pas aborder aujourd'hui. Cela a trait aussi à des conflits intersyndicaux qui sont de la responsabilité du Québec. De toute évidence, le ministre fédéral de l'Énergie a dit: C'est assez, il faudrait bien que les autorités québécoises prennent leurs responsabilités. C'est la raison pour laquelle il a voulu mettre une limite. Personnellement, je le comprends aisément de vouloir imposer au gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités dans un dossier aussi important.

Les estimations de 550 000 000 $ n'étaient que des estimations. Les estimations de Gaz Métropolitain et de Gaz Inter-Cité ne sont également que des estimations. Ce ne sont pas des garanties fermes. J'ai hâte de voir, comme je le lui ai demandé ce matin, l'entente qui a été conclue ou qui sera conclue incessamment puisque, dans ce genre de dossier, il n'y a pas de certitude. En temps et lieu, j'imagine - malheureusement, on n'a pas les sociétés gazières, le gouvernement n'a pas voulu, le ministre n'a pas voulu que les représentants des sociétés gazières soient ici aujourd'hui... Il aurait été très intéressant d'entendre les autorités de Gaz Métropolitain, de Gaz Inter-Cité et de Trans Québec & Maritimes nous dire exactement ce qui en est dans ce dossier. Je sais que les gens de Gaz Inter-Cité sont très confiants - ils ont de meilleurs ingénieurs, semble-t-il, j'en suis très fier de faire le même travail à un coût moindre. Même là, en tant qu'ingénieur moi-même, je ne peux que soulever des questions et me demander si leurs estimations, malgré tout, sont aussi fiables que celles de Trans Québec & Maritimes.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, on ne se comprend pas. Cela va créer une ambiguïté qui risque de perdurer. Le chiffre que j'ai, c'est 700 000 000 $, c'est celui déposé devant l'ONE. Les parties qui ont été citées ramènent le coût des estimations non pas à 500 000 000 $ - je vais être un peu plus explicite, c'est ce qui fait que depuis quatre mois on discute avec le gouvernement fédéral, avec un ancien et un nouveau ministre, espérons que tout cela va finir par se tasser, on a parlé d'un montant de 500 000 000 $... Il faut faire attention. Vous avez vous-même parlé d'un cadeau de Grec, M. le député d'Outremont. Moi aussi, vous savez que j'ai en horreur les cadeaux de Grec. On parle de 500 000 000 $, mais il faudrait peut-être ventiler ce montant. Premièrement, il y a un montant de 15 000 000 $ qui est attribué au coût des travaux effectués en 1982. Ensuite, il y a un montant de 25 000 000 $ alloué aux frais d'ingénierie pour l'ensemble des phases I, II et III, c'est-à-dire les travaux de construction des conduites latérales pour 1983, 1984 et 1985 et le financement du fonds d'exploitation et d'entretien de 20 000 000 $ pour la durée des travaux. Ce qui nous laisse un montant net de 440 000 000 $. J'ai essayé de faire comprendre au gouvernement fédéral, à partir du même raisonnement que vous, qu'il était loin d'être certain que les coûts estimés allaient être conformes et qu'en conséquence, cette enveloppe était insuffisante. Comme, vous le savez, notre dialogue avec le gouvernement fédéral est toujours très fructueux, nous nous sommes finalement convaincus nous-mêmes qu'il n'y avait rien à faire et que le gouvernement fédéral ne voulait pas aller au-delà de ce montant. C'est pourquoi nous avons arrêté les trois phases que j'ai indiquées tout à l'heure pour les prochaines années. Alors, on travaille sensiblement sur les mêmes estimations; ce n'est pas une chicane d'ingénieurs, M. le Président. Je dois rassurer le député d'Outremont en lui disant que, lorsqu'on franchit les marais avec le gazoduc, on le fait en hiver, ce qui ne fait aucune espèce de différence avec la terre ferme l'été.

M. Fortier: II semblerait qu'il y a des ingénieurs qui ne sont pas d'accord.

M. Duhaime: On verra. Je voudrais peut-être, si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: ... poser une question à M. Coulombe et me référer au tableau no 23 de la page 66 du document d'Hydro-Québec. On parle beaucoup, depuis ce matin et depuis toujours, dans le dossier de l'énergie, de la justesse de la prévision de la demande et de la difficulté à arriver à cerner un scénario et je suis très heureux, pour ma part, qu'Hydro-Québec ait devant nous des scénarios qui impliquent des variables, 2,6%, 3,7% et 4,7% comme scénarios de croissance. Mais ce que je voudrais qu'on comprenne bien, c'est la sensibilité de la croissance de la demande et son impact sur les investissements.

Ma compréhension, M. le Président, va dans le sens que, si nous retenions le scénario de croissance de 3,7% pour les années 1983, 1984 et 1985, le total des investissements d'Hydro-Québec serait de 2 600 000 000 $ en 1983, de 2 400 000 000 $ en 1984 et de 2 200 000 000 $, en chiffres arrondis, en 1985, pour un total de 7 252 000 000 $. Si j'ai bien compris la présentation qu'a faite tout à l'heure Hydro-Québec, ceci veut dire que relativement à ce qui avait été originairement prévu pour la période 1983, 1984 et 1985, c'est le même montant d'investissements qui sera réalisé.

M. Coulombe: Fondamentalement oui, mais étalé de façon différente.

M. Duhaime: Étalé de façon différente, mais à l'intérieur des trois mêmes années.

M. Coulombe: 1983 était plus imposant que 1983 que vous avez dans ce tableau à une différence près, c'est que certains investissements dans le dernier plan de Delaney sont exclus des années que vous avez là.

M. Duhaime: Maintenant, M. le Président, si on va au tableau no 23, dans les derniers blocs, au scénario de croissance de 4,7% pour les trois mêmes années, 1983, 1984 et 1985, les investissements augmentent à 3 100 000 000 $, 2 800 000 000 $ et 3 200 000 000 $ pour la même période, pour un total de 9 288 000 000 $, c'est-à-dire une différence de 2 036 000 000 $ sur la période 1983, 1984 et 1985 pour une différence de croissance de 1%. Est-ce exact?

M. Coulombe: Exact.

M. Duhaime: Je voudrais juste corriger, M. le Président, ou atténuer les propos que tenait mon collègue d'Outremont ce matin. Quand on parle de milliards d'investissements, c'est entendu que, pour les gens qui nous écoutent, cela se traduit par des achats de biens, d'équipements, de service, par des gens qui retournent sur le chantier de La Grande ou qui ne retournent pas, mais je voudrais aller à l'avant-dernière colonne du tableau no 23, à partir de votre droite. Si on reportait le scénario de croissance de 3,7% de 1983, 1984 et 1985 sur la période de 1986-1992, les investissements projetés seraient de l'ordre de 36 600 000 000 $. C'est cela?

M. Coulombe: Vous voulez dire dans la croissance de 3,7%; en 1986-1992, ce serait de 26 000 000 000 $ plus les 7 000 000 000 $, 33 000 000 000 $.

M. Duhaime: C'est cela. La colonne: total 10 ans. (15 h 30)

M. Coulombe: C'est cela, 33 000 000 000 $, qui comprennent les 7 200 000 000 $ initiaux, plus les 26 000 000 000 $ de 1986-1992, ce qui donne 33 000 000 000 $ comme total.

M. Duhaime: Maintenant, est-ce que cela signifie que si on réussissait à placer chez nos voisins du Sud 10 térawattheures, on ajouterait en équipements, en gros, à peu près encore 3 000 000 000 $?

M. Coulombe: 3 000 000 000 $, c'est cela.

M. Duhaime: Bon. Maintenant, je voudrais aller dans la même colonne, mais à la dernière ligne. Avec le scénario de croissance de 4,7%, on déboucherait sur une problématique d'investissements de 60 824 000 000 $.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Duhaime: Est-ce que je peux conclure que 3,7% de croissance de la demande, plus des ventes de 10 térawattheures, par rapport à une croissance de 4,7% amènent une variation sur dix ans de 25 000 000 000 $ d'investissements?

M. Coulombe: C'est exact.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Dans le prolongement de cet échange, justement, j'essaie de concilier l'argumentation que vous exposez à la page 3 et que vous reprenez à la page 5 de votre exposé, à savoir que les investissements pour les trois prochaines années sont maintenus au niveau déjà prévu. Je suppose que quand vous dites "déjà prévu", c'est ce que vous aviez prévu l'an dernier quand vous êtes venus nous voir dans une occasion semblable? Le resserrement draconien des dépenses d'exploitation n'aura

que des répercussions modérées sur le volume du personnel d'exploitation, donc vous allez maintenir, en gros, la main-d'oeuvre d'HydroQuébec à son niveau actuel.

M. Coulombe: Sauf avec un petit détail qui est à la fin du plan. La croissance historique des effectifs, des années/personnes à Hydro-Québec était de l'ordre de 3,5%; l'objectif pour l'an prochain, c'est une diminution nette de -1,8%.

M. de Belleval: Une diminution nette de -1,8%?

M. Coulombe: C'est cela. Pour l'an prochain.

M. de Belleval: Alors quand vous dites "répercussion modérée", c'est ce que vous appelez une répercussion modérée.

M. Coulombe: C'est exact. Le mot "modérée" se réfère à l'absence, dans nos objectifs, de mises à pied massives à l'Hydro-Québec.

M. de Belleval: D'accord.

M. Coulombe: C'est donc une gestion des postes vacants, une gestion des plus rigoureuses qui va nous permettre de diminuer le nombre d'années/personnes plutôt que de faire des mises à pied massives.

M. de Belleval: Donc, -1,8% dans le personnel, c'est environ 18 000 personnes?

M. Coulombe: En terme d'années/personnes, c'est 22 500 années/personnes.

M. de Belleval: D'accord. Donc, l'an dernier vous prévoyiez que ce nombre de 22 500 personnes aurait augmenté, vous m'avez dit, de 3,5%?

M. Coulombe: Si on avait pris le budget 1982. Vous avez le tableau à la page 86 du plan, je ne sais pas si vous avez la même copie?

M. de Belleval: Celui-là?

M. Coulombe: C'est cela. Alors vous voyez que le budget de cette année était fait avec une augmentation de 3,5% et les coupures qui ont été faites à Hydro-Québec au mois de mai cette année nous permettent d'estimer qu'à la fin de l'année, non seulement les ressources humaines ne seront pas augmentées de 3,5%, mais elles vont avoir diminué de -0,2%. Par rapport à ce chiffre, l'objectif de l'an prochain est encore une autre diminution de -1,8%.

M. de Belleval: Donc, cela veut dire une différence, quand même, d'effectif d'environ entre 5% et 6%, par rapport à la prévision, en moins.

M. Coulombe: C'est cela.

M. de Belleval: Donc, maintien des investissements déjà prévus l'an dernier, diminution du personnel d'exploitation par rapport aux prévisions entre 5% et 6%. Pourtant, malgré cela, vous affirmez que vous allez respecter le ratio, le rapport entre vos investissements et votre autofinancement et que vous allez réduire de 13% à 7% la demande d'augmentation de tarif. Ma question est celle-ci: Comment se fait-il que si, finalement, la seule modification importante, c'est la diminution de 5% de la main-d'oeuvre, cela aboutit à une réduction de vos demandes d'augmentation de tarif de presque la moitié, c'est-à-dire 7% à 13%?

M. Coulombe: En fait, l'explication fondamentale, vous l'avez dans le tableau, la ligne 6 du tableau de la page 86 dans le plan. Vous voyez que les dépenses d'exploitation, d'entretien, d'administration et autres qui étaient inscrites au budget en 1982 à 20% d'augmentation, sont maintenant inscrites au budget à 5,4% d'augmentation, et si vous regardez à la fin du plan, le tableau de sensibilité, chacun de ces points vaut 10 000 000 $. Vous avez donc une différence de l'ordre de 15 points, à 10 000 000 $ chacun, cela fait 150 000 000 $ et chaque point de tarif vaut 30 000 000 $. Donc, cela représente 5 points de tarif et si on ajoute 5 points au 7,3%, cela vous mène à 12,3% et vous avez à peu près 90% de l'explication de la baisse. C'est vraiment un effort interne à Hydro de couper les dépenses d'exploitation qui permet, qui va permettre, espérons-nous, parce qu'il s'agit encore là d'une prévision... Je vous ai mis tantôt une condition importante: si les conventions collectives se règlent d'une façon raisonnable, on pense que l'on va atteindre le 5,4% et c'est ce qui permet fondamentalement la diminution des tarifs ou enfin la proposition que l'on fait de diminuer les tarifs, 80% de l'explication se trouve dans cette ligne 6.

Maintenant, il s'agit bien d'un objectif. Est-ce qu'Hydro va l'atteindre? Cela, on va le voir dans un an.

M. de Belleval: Les répercussions de la crise, si on peut dire, et on doit le dire, bien sûr, de la crise qui s'est accentuée de façon vraiment soudaine et draconienne depuis un an, au niveau de la stimulation économique entraînée par les travaux d'équipement d'Hydro-Québec, cette crise ne se reflète pas vraiment au niveau de votre

plan d'équipement.

M. Coulombe: C'est-à-dire que...

M. de Belleval: À court terme, nous dirons...

M. Coulombe: À court terme, à très court terme.

M. de Belleval: ... pour les trois prochaines années. Pardon?

M. Coulombe: À très court terme, c'est évident qu'il y a des conséquences, même à très court terme. Vous avez, par exemple, le cas de Manic 5; le report de Manic 5 de trois ans va causer certains problèmes, va causer une diminution d'emplois dans certains secteurs; mais fondamentalement, dans le transport, si vous regardez les chiffres d'investissements dans le domaine du transport de l'électricité, l'an prochain sera une des plus grosses années de l'histoire d'Hydro-Québec. Je pense que c'est la deuxième plus grosse année, il s'agit d'environ 800 000 000 $ d'investissements dans les lignes de transport, c'est la deuxième plus grosse année dans l'histoire d'Hydro, à cause de la terminaison du réseau de transport de la Baie-James. Donc, lorsqu'on imagine les investissements à Hydro-Québec, on pense souvent aux grands travaux de la Baie-James qui sont évidemment plus spectaculaires que tout le reste, mais il faut bien penser qu'en dehors de la Baie-James, à Hydro-Québec, cette année, il y avait 472 projets de construction allant des postes aux lignes, à la distribution, etc. qui génèrent beaucoup d'activité, une activité qui est beaucoup plus dispersée au niveau du Québec que simplement concentrée à la Baie-James, tant au niveau des transports que de la distribution, que des postes, etc. Un nombre de 472 projets de construction, c'est quand même une activité intense, qui est beaucoup plus dispersée au niveau des régions, des municipalités, etc. et cette activité continue même si la Baie-James est en diminution, ce qui était d'ailleurs prévu depuis 10 ans, dès le début de la Baie-James. Il n'y a rien de nouveau ou de spectaculaire là-dedans.

Tous les autres projets d'Hydro-Québec se poursuivent à un rythme qui est peut-être un peu plus lent, mais qui est très important lorsqu'on pense à un investissement de 7 200 000 000 $ dans les trois prochaines années.

M. de Belleval: Mon autre question... bon, cela me satisfait, je pense que c'est clair. Oui, M. Bourbeau, je m'excuse.

M. Bourbeau (Joseph): Je voudrais ajouter qu'au point de vue distribution, on aura une augmentation des dépenses de distribution: l'année prochaine, on dépensera tout près de 400 000 000 $ en distribution. C'est en plus de l'augmentation qui se trouve au niveau du transport. Maintenant, lorsque vous parliez des trois prochaines années qui n'ont pas une très grande différence avec l'ancien plan, je pense qu'il faut l'admettre. La différence se retrouve dans les années 1986, 1990 où, à cause d'une croissance à 6,2%, les investissements croissaient à une vitesse assez grande.

M. de Belleval: Bien, comme le ministre l'a fait remarquer, une différence d'à peine 1% fait passer les investissements de 1986-1992 de 33 000 000 000 $ à 60 000 000 000 $.

M. Bourbeau (Joseph): C'est l'effet cumulatif de 1%.

M. de Belleval: On voit bien à quel point 1% seulement fait une différence absolument extraordinaire. Voici le dernier point que je voulais aborder pour l'instant: la possibilité d'exporter de l'énergie que vous appelez régulière ou ferme, c'est-à-dire à longueur d'année, sur une certaine période d'années, je suppose. Qu'est-ce que vous envisagez à cet égard, de façon plus précise? D'abord, quant aux aspects suivants: Premièrement, quel est le nombre d'années du contrat de livraison d'énergie ferme dont vous parlez? 5 ans, 10 ans, 15 ans ou 20 ans? Deuxièmement, quant à l'énergie dont vous parlez, c'est-à-dire 10 milliards de kilowattheures ou, si je comprends bien, 1500 mégawatts, ces 1500 mégawatts, vous les livreriez à même la capacité des installations existantes ou en voie de réalisation, ou faudrait-il réaliser d'autres installations de transmission, à part celles qui sont déjà en cours ou qui vont l'être à suite du contrat avec NEEPOOL? Troisièmement, si la demande reprend d'une façon sensible, pour remplacer ces 1500 mégawatts, quel est le scénario, puisque ces 1500 seront accordés comme contrat ferme pour une période d'années que vous allez préciser tantôt, donc, comment allez-vous les remplacer?

Quatrièmement, est-il possible, à votre avis, d'exporter au-delà de ces 1500 mégawatts?

Voilà mes quatre questions. Je pourrai vous les rappeler au fur et à mesure, si vous ne les avez pas toutes notées.

Le Président (M. Desbiens): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Quant à la problématique de l'exportation relativement à la longueur des contrats, on pense que c'est peu probable que l'on signe des contrats d'énergie ferme en bas de 15 ans ou 20 ans. La raison est très simple, c'est qu'un contrat d'énergie

ferme n'est valable pour les acheteurs, c'est-à-dire les Américains ou autres, que dans la mesure où cela leur permet d'éviter certains investissements majeurs, d'éviter de dire par exemple: On avait des centrales au charbon, on fait ceci, ou cela, on ne les exploite pas parce qu'on trouve plus avantageux d'importer de l'énergie. Donc, c'est pour une période relativement longue. Est-ce que c'est 15 ans, 18 ans, 20 ans ou 22 ans? On n'en sait rien, mais c'est une période relativement longue.

Voici l'aspect des interconnexions. J'ai indiqué tantôt un des éléments de la souplesse d'adaptation qui est inscrite dans les investissements d'Hydro-Québec. On a parlé de la ligne d'interconnexion vers la Nouvelle-Angleterre. Elle est prévue actuellement pour 690 mégawatts, elle peut être réorganisée pour 2000 mégawatts. Il y a donc là une marge de manoeuvre.

Troisièmement, l'hypothèse actuelle veut qu'il soit possible dans les contrats ou dans d'autres types de contrats de transférer de l'excendentaire en ferme. En d'autres mots, si Hydro-Québec était dans une position où il n'y avait pas d'énergie excendentaire, il faudrait absolument construire de nouveaux équipements, demain matin, pour pouvoir signer des contrats qui seraient exécutoires dans six ans, sept ans, huit ans. Mais vu la position très confortable dans laquelle Hydro-Québec se trouve, elle peut, demain matin, signer des contrats d'énergie ferme en transférant des contrats d'excédentaire qui sont actuellement en place ou d'autres, les transférer en ferme, se retourner de bord et dire: On va accélérer certains projets. Je vous ai dit tantôt que dans les cartons d'Hydro-Québec, on avait pour 600 000 000 $ de projets accumulés. Pour un projet comme LG 1, par exemple, à quatre ou cinq mois d'avis, les travaux commencent. Il n'est plus question d'y avoir des phases d'ingénierie ou d'avant-projets ou de projets préliminaires, les travaux commencent sur le terrain au-delà de six mois. Tout est prêt, les permis sont donnés et ainsi de suite. (15 h 45)

Donc, dans une première étape, il y aura un transfert de l'excédentaire au ferme; les travaux s'accéléreraient - je donne comme exemple LG 1, ça pourrait être d'autres - et, au bout de cinq ou six ans, ça prend la relève de l'excédentaire et on peut reprendre cet excédentaire, soit pour l'utilisation interne, soit pour signer d'autres contrats d'excédentaire, d'exportation. C'est un exemple précis de la possibilité d'adaptation que la conjoncture permet à Hydro-Québec et c'est une marge de manoeuvre extrêmement intéressante. De là à dire que, demain matin, il va s'en signer, c'est une autre affirmation; les négociations sont en cours à l'heure actuelle. Elles ne seront pas faciles tout simplement à cause de l'inquiétude générale concernant les prix de l'énergie qui n'est pas seulement une réalité québécoise, mais une réalité nord-américaine. Si le prix du pétrole n'augmente pas, il n'y a pas de possibilité d'augmentation rapide des prix du pétrole; même si les prix baissent et se stabilisent ou, comme je le dis, s'ils deviennent moins élevés, l'équation d'importation d'électricité de la part des Américains sera modifiée. Évidemment, s'il y a une hausse rapide des prix du pétrole, comme certains le prévoient, l'équation est complètement changée.

Mais, quelles que soient les circonstances, Hydro-Québec est en position de s'ajuster et de s'adapter à cette réalité. Je vous ai montré comment le plan d'équipements peut s'adapter à cette conjoncture, quelle soit à la hausse ou quelle soit à la baisse.

M. de Belleval: Quant à la quatrième question, est-ce que vous pourriez vendre plus que 1500 mégawatts?

M. Coulombe: Oui.

M. de Belleval: Vous dites: Cela sera déjà difficile de vendre 1500 mégawatts, avant d'en vendre plus...

M. Coulombe: La réponse, c'est qu'on peut aller au-delà de ça, mais on veut d'abord être très certains que la qualité de nos contrats soit telle qu'elle puisse justifier cette première vente de 1500 mégawatts. Il y a des contrats à long terme, dans le domaine de l'énergie, qui ont la faculté de venir hanter ceux qui les ont signés. On en a des exemples actuellement.

M. de Belleval: Une dernière question. Tout ça ne tient pas compte, évidemment, que quelqu'un "déplogue" Churchill Falls?

M. Coulombe: Dans le cas de Churchill Falls, l'hypothèse qui est faite dans le plan, c'est que c'est un contrat en bonne et due forme. Cela est devant les cours de justice pour interpréter certaines de ses dimensions et nous sommes confiants que les décisions seront favorables à l'esprit qui est à la base de la signature de ces contrats. Nous ne voyons pas de raison de supposer qu'il va y avoir des changements radicaux à court terme dans ces contrats ou dans la situation présente. C'est pourquoi, dans les chiffres que nous vous donnons, il n'y a pas d'hypothèse conséquente aux contrats déjà signés. Est-ce que les décisions judiciaires ou la négociation éventuelle en feront autrement? Il n'y a pas d'hypothèse dans le plan actuel. Peut-être que, dans la révision 1983 ou 1984, cette dimension pourrait devenir importante. Actuellement, elle n'est

pas intégrée au plan de développement. On considère que le contrat est là et qu'il va continuer comme ça à court terme.

M. de Belleval: Juste une dernière précision là-dessus. Il n'en reste pas moins que 1500 mégawatts vendus sur 20 ans, à supposer que vous réussissiez à conclure une telle négociation en 1985, cela nous mène jusqu'en l'an 2005 avec, disons, 1500 mégawatts que le Québec ne peut pas récupérer pendant ces 20 années. Si, à partir de 1995, il en a besoin, il ne peut pas compter dessus, il les a déjà vendus aux États-Unis. Mais, dans le cas d'une croissance, par exemple, à 4,7% - qui n'est quand même pas si extraordinaire et qui pourrait se produire - qu'est-ce qui arrive? Est-ce que vraiment on a des disponibilités jusqu'en l'an 2005 pour 1500 mégawatts ou même plus, en vertu de l'hypothèse de 4,7%? Cela nous laisse quoi, en l'an 1992, comme réserve pour satisfaire à nos propres besoins si on a déjà mis 1500 ou même, par hypothèse, 3000 mégawatts? Dans le cas de plus que 1500 mégawatts, n'oublions pas que, si je vous suis bien aussi, ça veut dire d'autres interconnexions, avec tous les problèmes que ça suppose parce que, passer une ligne en Estrie, actuellement, ce n'est pas facile. Je suppose qu'au Vermont, ce sera encore moins facile.

Le Président (M. Desbiens): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Lorsqu'on avait présenté le plan, en 1981, et lorsque la demande croissait à 6,2% on avait assez d'hydraulique encore dans la province pour s'acheminer vers l'an 2000. Alors, 1995, on avait encore quelque chose ici. Si c'était 4,7%, on projette à ce moment-là au-delà de 2010...

M. de Belleval: 2010.

M. Bourbeau (Joseph): 2010. On avait déjà regardé 5% parce qu'on vous a dit qu'on avait eu une prévision à 5,5% et 5,5% s'en allait vers 2005, 2010. Alors, à 4,7% ou 3,7% vous vous en allez au-delà de 2010. C'est donc dire qu'on peut s'engager dans des contrats de 20 ans de vente ferme sans être obligé au bout de 20 ans ou avant 20 ans de dire: On a besoin de cette énergie et on voudrait la ravoir.

Comme complément d'information, tout à l'heure, vous me parliez des 1500 mégawatts. M. Coulombe me parlait de LG 1, qui est prête à démarrer à brève échéance; c'est un aménagement de 1000 mégawatts. Mais, toute la phase II de la rivière La Grande, les études sont terminées et ce sont des aménagements qui pourraient nous procurer 3000 mégawatts. Si, du côté américain, on voulait nous demander plus de 1500 mégawatts, on pourrait de notre côté devancer, parce que les études sont faites, et arriver à environ 3000 mégawatts.

M. de Belleval: Concrètement, pour des gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un watt ou un mégawatt, j'avoue que je suis de ceux-là, je n'ai jamais vu un mégawatt nulle part, vous me dites que cela est l'équivalent du barrage de...

M. Proulx: Est-ce qu'on peut en faire venir un, M. le Président?

M. de Belleval: Vous dites, par exemple: La Grande 1, cela fait 1000 mégawatts. Mais, si on transpose cela du câté américain. 1500 mégawatts, qu'est-ce que cela veut dire? C'est une grosse centrale thermique, au charbon ou une usine nucléaire? Est-ce que cela est gros? Petit? C'est assez gros, j'ai l'impression.

M. Bourbeau (Joseph): Les grosses centrales thermiques américaines actuellement ont des groupes de 1100 à 1300 mégawatts; elles ont des réacteurs américains de l'ordre de 1100 à 1300 mégawatts.

M. Coulombe: En fait, 1500 mégawatts, c'est deux fois et demie Gentilly 2.

M. de Belleval: Deux fois et demie Gentilly 2.

M. Bourbeau (Joseph): La nouvelle centrale, sur équipement?

M. de Belleval: Centrale actuelle.

M. Bourbeau (Joseph): La centrale actuelle, c'est 1320.

M. de Belleval: Donc, cela est l'équivalent de leur vendre deux fois et demie Gentilly 2.

M. Bourbeau (Joseph): C'est cela. M. de Belleval: Pendant 20 ans. M. Bourbeau (Joseph): C'est cela.

M. Fortier: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je crois que les questions du député de Charlesbourg sont très intéresssantes. La question que je désire poser à Hydro-Québec... Je croyais qu'à la suite des présentations extrêmement

générales l'on s'en tiendrait à des questions générales, mais je crois que les questions sont très pertinentes. Je voulais demander à Hydro-Québec si elle avait prévu des blocs de présentation qui pourraient nous permettre de réserver certaines des questions de détail qui pourraient venir à la suite de ces blocs de présentation. C'est seulement une question de méthodologie pour faciliter notre travail.

M. Coulombe: On n'a pas prévu de blocs de présentation parce que le plan voulait présenter un peu la totalité de la réalité d'Hydro-Québec; il y a les chapitres du plan, mais on tenait pour acquis qu'on avait synthétisé cela suffisamment dans le plan pour présenter l'ensemble des facettes d'Hydro-Québec.

M. Fortier: Est-ce que ce serait trop demander si on se mettait d'accord pour suivre au moins les blocs de présentation dans votre livre? Je le propose aux membres de la commission, je ne tiens pas du tout à limiter le débat, mais peut-être que cela faciliterait la conduite des travaux de la commission.

M. de Belleval: ... de M. Bourbeau, j'en étais à la page 2.

M. Fortier: C'est très bien.

M. de Belleval: Le dernier paragraphe de la page 2.

M. Coulombe: ... résume le plan.

M. Fortier: Non, c'est très pertinent.

Le Président (M. Desbiens): M. le député, on s'entend. À l'ordre!

J'ai déjà des intervenants qui ont demandé la parole. J'ignore s'ils ont des questions d'ordre général; eux-mêmes pourront le signifier, mais pour l'instant je donnerai la parole au député de Vimont, si cela est une question d'ordre général, sinon...

M. Rodrigue: M. le Président, c'est une question d'ordre général qui touche à des points particuliers, effectivement. On vient de nous mentionner qu'il y a la phase II de La Grande dont les travaux d'aménagement pourraient être lancés assez rapidement. Est-ce qu'il y a d'autres projets qui ont été étudiés et qui en sont rendus au même stade d'étude que celui de La Grande, phase II, par exemple, ou encore celui que vous avez mentionné initialement, c'est-à-dire La Grande 1.

M. Coulombe: Vous avez Grande-Baleine qui est assez avancé, mais, contrairement à LG 1, les permis ne sont pas encore octroyés. Vous avez Delaney qui est très avancé et qui est prêt, sous réserve de compléter certains aspects de permis, à être mis à exécution. M. Amyot, est-ce qu'il y a d'autres...

M. Amyot (Paul): Oui, NBR.

M. Coulombe: Vous avez NBR qui est...

M. Rodrigue: Nottaway-Broadback-Rupert. Est-ce que ce sont tous des projets, à l'instar de La Grande 1 ou de La Grande, phase II, dont les travaux d'aménagement pourraient être lancés à quelques mois d'avis?

M. Coulombe: C'est-à-dire que les quelques mois peuvent s'étirer assez longuement si on introduit la question de certains permis.

M. Rodrigue: Mettons cela à l'intérieur d'un an.

M. Coulombe: D'un an...

Une voix: Cela dépend des permis. On est assez avancé pour présenter une demande de permis.

M. Rodrigue: Vous parlez des permis à l'environnement?

Une voix: À l'environnement et devant...

M. Rodrigue: D'accord. M. Coulombe, tout à l'heure, vous avez mentionné que, compte tenu des surplus qu'Hydro-Québec a actuellement, surplus d'ailleurs qui étaient prévus depuis quelques années, parce que je me rappelle d'avoir vu des plans d'équipement d'avril 1980 où il était justement question de surplus importants pendant une période de trois ans, il semble que ces surplus vont s'étendre sur une période un peu plus grande. Vous avez dit que vous vous sentiez relativement confortable. Il y a toujours cette fameuse question de Terre-Neuve qui demeure dans le décor. On se rappelle les déclarations assez fracassantes de M. Peckford - il faut dire que c'était à l'occasion de sa campagne électorale; il a posé des gestes qui ne peuvent pas manquer de nous inquiéter jusqu'à un certain point - à savoir qu'il allait mettre la clé sur la porte et qu'il allait couper le courant. Si M. Peckford décidait de passer de la menace aux actes, est-ce vous vous sentiriez encore aussi confortable avec les surplus qu'on a actuellement? En d'autres mots, est-ce qu'Hydro-Québec a envisagé cette hypothèse? Est-ce qu'il y a des scénarios qui ont été préparés qui permettraient de passer à travers ces difficultés si jamais M. Peckford décidait de

passer des menaces aux actes, ce qui n'est pas encore fait, j'en conviens?

M. Coulombe: Si vous regardez, en termes d'analyse de risque, ce qui peut se passer dans le cas de Terre-Neuve, vous allez d'un risque énorme, très grand et presque absolu et vous devez faire une série d'hypothèses qui doivent se juxtaposer les unes aux autres: Que la Cour suprême décide que Terre-Neuve a raison, que, le lendemain matin, M. Peckford trouve un financement global pour ses installations, qu'il rembourse Hydro-Québec, qu'il trouve une utilisation à l'électricité et qu'il puisse la transporter.

M. Rodrigue: En d'autres mots, il y a beaucoup de "si".

M. Coulombe: II y a beaucoup de "si", mais, comme il n'y a rien d'impossible dans notre monde, peut-être que ces "si" peuvent arriver. Dans l'échelle des probabilités, cela nous semble très peu probable. On ne dit pas que c'est impossible. On dit que c'est très peu probable. C'est pour cela que le présent plan de développement ne retient pas cette probabilité. Maintenant, à partir de ces "si", vous pouvez imaginer toute une série de scénarios où il manque un "si", mais où il y en a un autre qui arrive et ainsi de suite. Chose certaine, c'est que, dans la pire des hypothèses, celle que je viens de décrire, pire pour le Québec au point de vue de l'électricité pour les Québécois, on pense qu'il n'y a aucun problème et que le Québec ne peut pas manquer d'électricité dans la pire des hypothèses, à court terme. C'est évident que, dans cette pire hypothèse, il faudrait se retourner très vite et accélérer beaucoup de travaux, éliminer l'excédentaire aux États-Unis, perdre des revenus, augmenter des dépenses. Évidemment, il y aurait des conséquences. Ce scénario nous semble le moins probable de tous ceux qui peuvent être imaginés à l'heure actuelle, mais c'est dans les prochains mois ou dans la prochaine année qu'on va avoir un peu plus de clarté sur ce scénario ou cette hypothèse de scénario.

Le Président (M. Desbiens): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Comme complément de réponse, pour les quatre prochaines années, de 1983 à 1986, comme le dit M. Coulombe, à peu de choses près, on peut faire face à la musique. Ceci nous donnerait le temps, s'il y avait quelque chose de cette nature qui se produisait, d'engager des turbines à gaz dont l'installation prend trois ans et, avec d'autres surplus qui se retrouveraient en 1987-1988, d'engager un programme à long terme pour remplacer les chutes Churchill.

(16 heures)

M. Rodrigue: Le programme d'équipements que vous nous présentez comporte des investissements beaucoup moins considérables que ceux qui avaient été envisagés précédemment, ce qui a comme conséquence directe de modifier sensiblement de façon très importante le niveau d'emplois dans les secteurs de la construction des aménagements hydroélectriques. D'autre part, Hydro-Québec ne fait pas que des barrages et des centrales, elle aménage des lignes, des postes de transformation, des lignes de distribution, des réseaux de distribution. Pour pallier la diminution du niveau d'emplois dans le domaine de la construction des aménagements hydroélectriques et pour atténuer un peu l'effet de la baisse des emplois disponibles, est-ce qu'Hydro-Québec a envisagé ou même devancé des projets de construction de lignes de distribution ou de postes de transformation ou d'amélioration d'un certain nombre d'équipements qui auraient peut-être requis ces modifications que vous aviez prévu faire à des dates ultérieures? Pour compenser la diminution des emplois, qui est très nette dans le domaine de la construction, avez-vous songé ou avez-vous décidé de devancer des projets dans les domaines de la distribution, des projets que vous auriez pu élaborer auparavant?

M. Coulombe: Dans le plan d'équipements, je vous ai mentionné que dans les lignes de transport, le programme régulier l'an prochain représente la plus grosse ou la deuxième plus grosse année d'investissements d'Hydro-Québec. Quant à la distribution, on travaille actuellement intensivement de ce côté-là dans la perspective suivante: dans la mesure où Hydro-Québec va multiplier ses efforts de vente et dans la mesure où ses efforts de vente vont être, on l'espère, couronnés de succès, cela va avoir un impact assez considérable sur des segments du système de distribution. Là, actuellement, il y a un effort intensif qui se fait chez M. Godin, pour regarder de plus près les investissements qu'il va falloir faire parce que qui dit programme de vente, dit nouveaux clients ou restauration de certains équipements nécessaires chez les clients. Donc, il va y avoir une augmentation des dépenses dans ce secteur. Mais le présent plan ne présente pas toute la problématique et tous les chiffres concernant cette perspective, et c'est probablement dans la révision du plan de 1983 qu'on pourra avoir beaucoup plus de clarté sur ce problème. On va d'abord savoir si les programmes de vente qui sont instaurés à l'heure actuelle ont du succès, quel est l'impact sur tout le système de distribution, et cela va nécessiter des investissements supplémentaires dans ce

domaine.

Un deuxième aspect sur lequel on travaille intensivement, et je voudrais faire référence à ce que M. Fortier disait au début, c'est sur la possibilité de fragmenter certains grands projets pour ajouter encore à la souplesse d'Hydro-Québec pour faire face aux situations. Je sais, par exemple, qu'il y a des études sur La Grande-Baleine où on essaie de préciser beaucoup plus certaines phases qui pourront être commencées, terminées ou qui pourront peut-être attendre que l'autre phase commence. Alors, premièrement, fragmenter les grands projets.

Deuxièmement, on travaille intensivement pour élaborer des nouveaux critères de rentabilité concernant les petits projets. Je pense que le député d'Outremont faisait allusion tantôt au fait que c'est évident que lorsqu'on construit 5000 mégawatts à la fois, il y a une économie d'échelle qui ne se retrouve pas sur dix projets de 500 mégawatts, mais il y a un certain critère de rentabilité qu'il faut introduire dans ces domaines. On travaille intensivement là-dessus.

Troisièmement, on travaille intensivement sur un programme accéléré de réfection de centrales. Il faut bien penser que certaines centrales d'Hydro-Québec datent de 25, 30, 40 ans; je ne sais pas quelle est la plus vieille.

Une voix: 1911.

M. Coulombe: 1911, la plus vieille centrale dans le réseau. Il y a des rénovations qui peuvent être extrêmement payantes à faire et qui, encore là, vont multiplier des travaux qui vont être plus dispersés au Québec. Mais les études ne sont pas terminées et on espère que, dans le plan de 1983, ce soit une dimension importante du programme d'investissements d'Hydro-Québec.

M. Rodrigue: Des changements importants comme ceux que vous soulignez dans votre plan de développement entraînent des conséquences pour le personnel en place. Je me souviens qu'à Hydro-Québec, à un certain moment, on avait pris ce qu'on a appelé le virage nucléaire. Là, tout à coup, les études d'aménagement hydroélectrique, il ne fallait pas en faire trop, on avait un peu mis la sourdine, et même beaucoup sur ces études, parce qu'on s'est imaginé, compte tenu de chiffres dont on disposait à l'époque, que l'avenir appartenait aux centrales nucléaires et à ce moment-là on a mis tous nos oeufs dans le même panier sur ce plan, ce qui a amené Hydro-Québec à embaucher beaucoup de spécialistes du domaine du nucléaire et à retarder ses études d'aménagement hydroélectrique pour deux ans. Puis, tout à coup, on s'est rendu compte qu'effectivement ce n'était peut-être pas la bonne solution et que les chiffres qu'on avait en main sur les coûts ne correspondaient pas à la réalité du tout. À ce moment-là, il fallait revenir en vitesse aux aménagements hydroélectriques, de sorte que cela a un peu forcé - là, je retourne dans les années 1960 Hydro-Québec à agir extrêmement rapidement pour être en mesure d'opérer le virage à nouveau vers les centrales hydroélectriques. Cela soulève une certaine inquiétude dans mon esprit, le plan de développement qui est proposé et le report à des dates quand même assez éloignées d'un certain nombre d'études qui sont en cours. Il m'apparaît qu'il y a peut-être un risque qu'on vive une telle situation à nouveau avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le personnel qui se voit ballotté d'une orientation à l'autre. Tout ce personnel n'a pas nécessairement la polyvalence voulue pour passer de l'hydroélectrique au nucléaire et vice versa dans le temps de le dire. Est-ce que, lorsque vous avez préparé votre plan d'équipements, c'est une considération qui était sous-jacente à toutes les décisions que vous avez prises?

M. Coulombe: Je ne sais pas si je vais laisser parler M. Bourbeau sur le virage nucléaire, parce que je n'étais pas là, mais, actuellement, il ne s'agit pas d'un virage en termes technologiques, parce qu'on reste encore dans l'hydraulique, c'est un virage de gestion et d'orientation plutôt qu'un virage technologique en soi et d'examiner plus attentivement des projets de moindre importance ou de la réfection centrale, on reste dans la même problématique technologique qui est la base de la compétence d'Hydro-Québec. C'est évident qu'il y a un virage dans le plan et je pense que l'ensemble du personnel d'Hydro-Québec peut ressentir qu'il s'agit là d'un virage et je pense que c'est compris comme un virage. Mais ce qu'on peut regarder à l'heure actuelle, c'est dans les prochaines années qu'on va le voir ou dans les prochains mois, je pense que c'est un virage qui était largement souhaité par la majorité des cadres de l'entreprise, et même s'il va y avoir des tournants difficiles, je pense que, dans l'entreprise, actuellement, il y a une volonté d'action, une volonté de modification de la trajectoire qui est extrêmement intéressante. J'ai eu personnellement l'occasion, dans les 25 ou 30 derniers jours, de rencontrer à peu près 800 cadres d'Hydro-Québec, tant au niveau régional qu'au niveau central, et j'ai clairement perçu cette volonté de modifier certaines choses et en particulier l'effort qui est demandé à Hydro-Québec de baisser les dépenses d'exploitation d'un taux historique de 20% à 5% ou 6%. Cela ne s'est pas fait par un diktat du haut, mais c'est chacun des cadres dans les régions et au siège social qui est obligé de prendre

des décisions quotidiennes concrètes pour atteindre ces objectifs. Donc, effectivement, il y a de l'effervescence, mais notre hypothèse, c'est que c'est de l'effervescence qui peut être très créatrice dans une boîte comme Hydro-Québec.

M. Bourbeau (Joseph): Ce que je peux ajouter, c'est que, lorsque le conseil d'administration a accepté, en novembre 1981, le report de Gentilly 3 à une date ultérieure, à ce moment-là, on a, comme conseil d'administration, été intéressé à ce qu'on puisse recycler le personnel qui se trouvait un peu désaffecté et c'était un des points de notre recommandation comme conseil d'administration. Maintenant, il faut bien penser qu'il y a toujours Gentilly 2 et que Gentilly 2 fonctionne, va fonctionner, que le personnel d'exploitation n'est pas tellement touché. Le personnel qui est touché, c'est le personnel d'étude, le personnel technique, qui s'intéressait aux études de projets, c'est ce personnel qu'il va falloir recycler et c'est un problème auquel on s'adresse.

M. Rodrigue: Comme hydroélectricien, je suis plutôt favorable au développement des centrales hydroélectriques, alors, je ne vous contrarierai sûrement pas sur ce plan. Mon point, c'était surtout d'essayer de voir à ce que les conséquences de virages importants comme ceux-là ne soient quand même pas néfastes pour le personnel. À cet égard, il y a deux catégories importantes de personnel à Hydro-Québec: vous avez ceux qu'on appelle permanents et le personnel non permanent, c'est-à-dire ceux qui oeuvrent sur les chantiers de construction.

Pour ce qui est du personnel permanent, je pense que vous avez pris des mesures de recyclage qui font qu'ils pourront vivre ces changements à l'intérieur de la boîte qui s'appelle Hydro-Québec. Il y a cependant un personnel qui, tout en n'étant pas permanent, travaille dans certains cas à Hydro-Québec depuis quinze ou vingt ans, des personnes qui ont oeuvré sur la plupart des chantiers importants d'Hydro-Québec, soit dans la construction elle-même ou encore dans le domaine des études préliminaires, et qui sont là depuis une bonne période de temps. J'ai ouï-dire par certains d'entre eux qui sont venus me voir récemment... Étant employés d'Hydro-Québec, ils ont cru devoir m'informer de certaines situations quant à leur avenir à Hydro-Québec. Certains ont reçu des avis de mise à pied.

J'aimerais savoir si Hydro-Québec a pris ou envisage de prendre des mesures pour atténuer un peu l'impact de ces mises à pied vis-à-vis du personnel qui oeuvre dans l'entreprise depuis quinze ou vingt ans. Finalement, on a décidé - la conjoncture vous y force, je le comprends très bien - la conjoncture économique force Hydro-Québec à retarder des mises en chantier et à reporter à plus tard les études qu'elle comptait faire au cours des prochaines années, et vous vous voyez dans l'obligation de mettre ce personnel à pied. Est-ce que le conseil d'administration d'Hydro-Québec a pris ou entend prendre des mesures pour atténuer un peu l'impact de ces mises à pied? Certains de ces employés, et je réfère en particulier au relevé technique que je connais un peu mieux, dans des décisions de la commission hydroélectrique de Québec, s'étaient pratiquement fait dire qu'ils étaient des temporaires permanents, à toutes fins utiles. C'est-à-dire qu'Hydro-Québec leur garantissait quasiment des emplois à vie compte tenu de ses projets qui allaient se poursuivre parce qu'on prévoyait une hausse de la demande de 6%. Aujourd'hui, on est obligé de s'ajuster à une nouvelle conjoncture économique, à des hausses de demandes qui sont pas mal plus basses que celles qu'on a connues dans le passé et ce personnel, tout à coup, se voit remercié, alors qu'il comptait faire carrière à Hydro-Québec. Certains d'entre eux travaillent dans des domaines très spécialisés et vont avoir de la difficulté à se replacer ailleurs à court terme. Est-ce qu'Hydro-Québec a pris ou entend prendre des mesures pour atténuer les effets de ces mises à pied sur ce personnel qui oeuvre à Hydro-Québec depuis assez longtemps?

M. Bourbeau (Joseph): C'est un problème, la baisse d'activité à HydroQuébec au point de vue d'études et de projets hydroélectriques. Maintenant, je ferai remarquer qu'Hydro-Québec, comme politique au point de vue de l'ingénierie, a toujours donné l'ingénierie à des bureaux d'ingénieurs-conseils de l'extérieur et cela a été la même chose au point de vue de l'ingénierie touchant le nucléaire. On avait des bureaux qui faisaient l'ingénierie détaillée de chaque projet; jamais Hydro-Québec n'a fait l'ingénierie de projets. Alors, ceux qui sont touchés en premier, ce sont des bureaux extérieurs, des bureaux externes d'étude. Ce qui reste à Hydro-Québec, et c'est le problème d'Hydro-Québec qu'on cherche à résoudre actuellement, c'est le personnel affecté aux études préliminaires et aux études d'avant-projets de conception, études qui se font toujours à Hydro-Québec. C'est une préoccupation qu'on a au conseil d'administration et qu'on voudrait voir résoudre le plus vite possible.

M. Rodrigue: On est dans la situation -c'est ma dernière question pour l'instant - on est dans la situation où, d'une part, il y a des surplus d'énergie et dans les projets qu'Hydro-Québec nous expose aujourd'hui, on compte faire un effort de mises en marché et de vente pour essayer de résorber ces

surplus et, parallèlement à cela, on a ce qu'on appelle le programme d'économie d'énergie, Énergain, en vertu duquel HydroQuébec donne des subventions pour réduire la consommation d'énergie à certains propriétaires de maisons ou à certaines entreprises. À prime abord, il semble y avoir une espèce de contradiction entre le fait de vouloir faire un effort de vente supplémentaire d'énergie et, d'autre part, de continuer à faire cheminer un programme qui s'appelle Énergain où on subventionne des gens pour consommer moins. Il y a peut-être des raisons à cela. La contradiction est peut-être purement apparente. J'aimerais vous entendre là-dessus. (16 h 15)

M. Coulombe: Je pense qu'il s'agit là d'une contradiction qui est apparente, comme vous le dites. Je vais laisser le soin à M. Godin d'expliquer plus en détail les deux programmes de vente qui sont dans le plan, mais avant de regarder de plus près ces programmes, il faut mentionner que l'un s'adresse au monde industriel, et c'est pour remplacer du mazout. Donc, on n'a pas l'apparente contradiction dont vous parlez.

Pour le deuxième, qui est Énergain et que M. Godin va vous expliquer, ceux qui vont se prévaloir de ce programme doivent nécessairement passer par le programme Énergain. Donc, ces programmes se situent, surtout le deuxième, Biénergie, dans le cadre d'une utilisation rationnelle de l'électricité. Les programmes auxquels on pense, les programmes spécialisés dans le domaine industriel on a fait allusion à des programmes d'utilisation accélérée de l'électricité; dans le secteur industriel, on pense aux laiteries, on pense à d'autres programmes qui ne sont pas encore prêts mais qui vont l'être pour le prochain plan, certainement - encore, n'ont pas de relation avec les programmes de consommer moins l'énergie dans le secteur résidentiel. Il s'agit de l'industrie, il s'agit toujours d'une meilleure utilisation de l'énergie pour atteindre des objectifs précis. Donc, il y a un programme qui peut poser le problème que vous mentionnez et il faut expliquer clairement la relation entre le programme Biénergie et le programme Énergain.

Alors, M. Godin.

Le Président (M. Desbiens): Messieurs, puisque, à la suite de l'intervention tantôt, sur un point d'ordre, du député d'Outremont on s'était entendu pour des questions d'ordre général, M. le député de Vimont pourra peut-être revenir un peu plus tard pour obtenir des informations plus précises sur ce sujet particulier...

M. Rodrigue: C'est effectivement une question d'ordre général.

Le Président (M. Desbiens): ... étant donné surtout la longueur de la liste que j'ai...

M. Rodrigue: Étant donné que c'était ma dernière question et vu qu'elle est posée, il y aurait peut-être lieu de donner la chance à M. Godin de compléter la réponse.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vimont, vu qu'il y a un consensus qui a été établi, à moins qu'on s'en dégage...

M. Rodrigue: J'avais terminé ma période de questions.

Une voix: Si le député d'Outremont a des questions...

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Desbiens): Alors, cela va, consensus. M. Godin, allez-y.

M. Coulombe: Je ferais remarquer, avant que M. Godin ne prenne la parole, qu'il s'agit du premier objectif du plan dont on parle, qui est celui des ventes agressives d'électricité. Dans le plan, c'est expliqué en fait au premier objectif.

M. Rodrigue: Je vous remercie de cet appui, M. Coulombe.

M. Godin (Pierre): La contradiction est évidemment apparente dans le programme Énergain, mais le progamme Énergain n'est pas un programme strictement d'économie d'énergie; c'est un programme qui, effectivement, est jumelé avec un autre programme qui est le programme de remplacement du pétrole. Dans le cadre des analyses énergétiques qui sont faites dans les domiciles, il y a deux buts qui sont visés, finalement: c'est de faire des économies d'énergie et en même temps de déplacer du pétrole. C'est ce que cela donne comme résultat net. Hydro-Québec y trouve son compte sur deux plans. Effectivement, c'est que l'électricité qui est consommée dans les domiciles en question est consommée de façon plus rationnelle. Deuxièmement, l'énergie qui est consommée, finalement, c'est de l'électricité. Donc, la vente d'électricité y trouve son compte en même temps.

Maintenant, le programme Énergain a fonctionné de cette façon jusqu'à maintenant. On lui ajoute une autre facette qui est le programme Biénergie. Le programme Biénergie veut aussi atteindre sensiblement les mêmes objectifs, sauf qu'il a une tournure un peu particulière dans le sens qu'il cherche en même temps à couper les besoins de pointe sur le réseau d'Hydro-Québec; c'est la tournure particulière du

programme Biénergie. On veut déplacer encore une fois du pétrole, à 80% cette fois-ci et non pas totalement. On veut faire des économies d'énergie en même temps et on veut abaisser les besoins de pointe sur le réseau. Celui qui voudra se prévaloir du programme Biénergie devra faire une installation électrique telle que sa consommation d'énergie devra être d'au moins 80% à l'électricité pour le chauffage de sa maison. Ce sont les grandes lignes du programme Biénergie.

Le Président (M. Desbiens): M.

Bourbeau, en supplément.

M. Bourbeau (Joseph): Pour mieux exprimer cette dualité d'utiliser de l'énergie mais de l'économiser, il y a un petit message publicitaire d'Hydro-Québec qui dit: Consommons mieux l'énergie d'ici. D'une part, consommons, utilisons l'électricité avec de nouvelles applications, mais mieux, ça veut dire en l'économisant.

M. Rodrigue: En somme, même si c'est abondant, il n'y a pas de raison de le gaspiller, ça revient à dire ça?

M. Bourbeau (Joseph): II ne faut pas gaspiller l'énergie. Merci.

M. O'Gallagher: J'ai une autre question sur le même programme, mais est-ce qu'on va continuer sur ce sujet ou est-ce qu'on va le remettre à plus tard?

M. Rodrigue: C'était le premier article, semble-t-il, dans la présentation d'Hydro-Québec. Alors, j'ai l'impression qu'on est en plein dans l'ordre.

M. Fortier: Juste une question d'ordre.

Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Tout à l'heure vous m'avez répondu que vous ne faisiez pas de présentation. Est-ce que c'est bien ça que j'ai compris?

M. Coulombe: J'ai voulu dire c'est que le plan de développement présentait toutes les facettes. Or, le développement des marchés, si vous regardez le plan de développement tel quel, c'est l'objectif numéro 1 qui est présenté dans le plan. Alors...

M. Fortier: Peut-être qu'on essaie de convenir entre nous d'une façon de travailler. Si vous aviez prévu des blocs, ça nous aiderait. Maintenant, si vous n'avez rien de prévu, on va continuer comme ça, de façon décousue...

M. Grégoire: Question d'ordre général.

M. Fortier: Ce n'est peut-être pas la méthode la plus efficace, mais...

Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Mes questions sont aussi d'ordre général. Si on comprend bien, Hydro-Québec dispose d'un surplus d'électricité à ce moment-ci. Ce surplus, on ne peut pas s'engager à l'exporter parce qu'on ne peut pas s'engager par des contrats de 15 à 20 ans, au cas où notre marché domestique reprendrait. Deuxièmement, les interconnexions ne sont pas assez établies pour prendre les quantités d'électricité qu'on pourrait vendre. Est-ce qu'Hydro-Québec a des projets pour utiliser ces surplus dans l'immédiat, pour essayer de passer cette crise? Et là je veux dire, comme de l'offrir à l'industrie à un prix beaucoup moindre qu'elle paie actuellement pour nous donner un avantage au point de vue de la concurrence internationale, soit à des compagnies de pâtes et papiers, à l'aluminerie, à l'industrie manufacturière de tous genres, dans un projet; ou dans l'autre projet de la transformation en gaz hydrogène, ou dans le chauffage domestique, comme on vient de le mentionner tout à l'heure. Dans le moment, Hydro-Québec subventionne les gens qui font la transformation de l'huile au chauffage électrique. Ne serait-ce pas une bonne idée, au lieu de donner de l'argent aux citoyens qui font la transformation, de leur donner un meilleur prix sur l'électricité? Au lieu de sortir de l'argent comptant, on pourrait les subventionner avec l'électricité dont on dispose, d'ailleurs, dans le moment et qui va être perdue de toute façon si on ne l'utilise pas.

Le Président (M.Gagnon): ...

M. Coulombe: M. le Président, un des objectifs justement du plan c'est de répondre exactement à la question que vous posez: l'utilisation de certains surplus dans le cadre industriel. Le programme des chaudières industrielles va offrir à des industriels de l'électricité à des prix plus que compétitifs et plus qu'intéressants pour eux. Cela va être vraiment pour eux l'occasion, pendant trois ou quatre ans, non seulement de rentabiliser l'investissement qu'ils devront faire, qui va être très minime, mais aussi d'augmenter leur marge concurrentielle par rapport à l'extérieur. Il est évident que dans le cas précis des chaudières industrielles on pense qu'il y a une possibilité d'écouler 800 mégawatts en permettant à des industriels de modifier leur système de chauffe du mazout à l'électricité, donc à des prix inférieurs à

ceux du mazout. Il s'agit là d'une utilisation exacte, comme vous venez de le décrire.

Maintenant, il y a d'autres progammes du même ordre qui devront être mis sur pied. Ils sont actuellement à l'étude et on espère que dans les prochains mois on va pouvoir en déposer quelques-uns. Mais, le programme des chaudières répond exactement à l'objectif que vous venez de fixer.

M. O'Gallagher: Un projet a été annoncé, il y a un an ou plus, sur la question de la transformation de gaz hydrogène. Où en est rendu ce projet?

M. Coulombe: On est actuellement en négociation avec la compagnie Noranda. Le conseil d'administration a déjà approuvé le principe d'une lettre d'entente. Cette lettre d'entente est en train d'être complétée. Le principe étant déjà accepté par HydroQuébec, comme je viens de le dire, la lettre d'entente est en train d'être complétée et devrait être signée le plus rapidement possible dans la mesure où on va s'entendre avec le partenaire en question.

Vous avez mentionnné aussi le cas des alumineries. Hydro-Québec a signé depuis six ou sept mois deux contrats majeurs, l'un avec Pechiney et l'autre avec Reynolds dans le cadre de la politique gouvernementale d'utilisation maximale de l'électricité, pour inciter ces deux compagnies à investir des sommes relativement et même très considérables grâce aux tarifs particulièrement intéressants. C'est une autre utilisation précise de cette politique.

M. O'Gallagher: Voici ma dernière question. Dans le cas de la transformation du chauffage à l'huile au chauffage à l'électricité, au lieu de donner de l'argent comptant aux citoyens, que le gouvernement lui fasse un prix favorable et cela arrivera à la même chose.

M. Coulombe: En fait, c'est plutôt une question de tactique. D'abord, ce n'est pas le gouvernement qui sort l'argent, c'est Hydro-Québec qui subventionne dans la perspective où cette subvention va être rentabilisée par une utilisation accrue d'électricité. Vous suggérez que ce soit via les tarifs plutôt que via la subvention. Il y a un problème pratico-pratique, c'est que pour l'exécution du programme, il faut que le client éventuel pose des gestes précis et, ces gestes précis, le meilleur moyen de le savoir si c'est comme cela que cela se passe, c'est que l'exécution soit directement reliée à une subvention d'Hydro-Québec. Je ne dis pas que c'est impensable d'agir via les tarifs pour cette catégorie d'individu qui poserait tel geste, mais vous vous mettez à la place d'un client qui doit juger selon les tarifs, on va avoir de façon beaucoup moins palpable le résultat net de sa décision.

En ce qui concerne Hydro-Québec, sur une période d'un an, deux ans, trois ans, les résultats économiques sont les mêmes, mais pour le client qui pose le geste de récupérer à même un tarif un peu plus bas sur une période de trois, quatre ou cinq ans, cela n'a pas le même impact financier et cela n'a pas le même impact pour le consommateur lui-même que de régler le problème de façon immédiate avec une subvention. Ce n'est pas impossible de penser à autre chose. Mais pour le consommateur qui a une décision à prendre d'acheter un équipement qui vaut quelques centaines de dollars, régler le cas tout de suite plutôt que de dire: Je vais le récupérer sur ma facture d'électricité pendant des mois, il y a une grande différence pour les individus qui ont à débourser, finalement. Cela nous a semblé une méthode plus indiquée d'inciter les individus ou les clients à intégrer ces programmes parce que pour eux cette méthode était plus intéressante et, pour Hydro-Québec, c'était équivalent en termes économiques. M. Godin a peut-être des choses à ajouter.

M. Godin (Pierre): La seule chose qu'il faudrait ajouter à cela, c'est que, effectivement, l'abonné qui profite du programme y trouve un double gain. C'est que la conversion de son système ne lui coûte à peu près rien, parce que Hydro-Québec la subventionne; de plus, il passe à une source d'énergie plus économique. Il passe à une source d'énergie qui est à peu près 85% du prix de celle qu'il utilisait auparavant. Il trouve donc son profit sur deux plans.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, l'an passé, Hydro-Québec, à l'occasion d'une séance de la commission parlementaire sur le projet de loi no 16 en particulier, a fait état de prévisions financières qui lui permettraient de verser au gouvernement des dividendes de l'ordre de 1 500 000 000 $ pour la période de 1981 à 1985. Un peu plus d'un an plus tard, maintenez-vous ces prévisions?

M. Coulombe: Les prévisions au sujet des dividendes, voulez-vous dire?

M. Tremblay: Oui. (16 h 30)

M. Coulombe: Non. Vous remarquerez que dans le plan, ces prévisions ne sont pas maintenues, premièrement, parce que, comme on l'a dit tantôt, la demande est coupée en deux; deuxièmement, les taux d'intérêt ont évolué - évidemment, ils commencent à baisser actuellement - radicalement à la

hausse. Tout cela a permis d'avoir une augmentation des revenus d'Hydro beaucoup moins considérable que celle prévue. Vous voyez, dans les tableaux à la fin, on prévoit pour l'an prochain une diminution effective des revenus d'Hydro-Québec. Cette année, vous avez pu voir que la recommandation d'Hydro n'indique pas ou ne présente pas de variables concernant les dividendes pour une raison très simple, c'est que les 7,3% nous mettaient à la limite - c'est ce que le député d'Outremont disait tantôt en ce qui concerne la loi 16 - la plus basse. C'est pour cela qu'on a pu recommander 7,3%.

M. Tremblay: Ce qui me préoccupe, c'est que cette commission parlementaire s'est réunie l'an passé au mois d'août et, si ma mémoire est bonne, c'était à la toute fin du mois d'août. Vous dites aussi dans votre plan et dans l'introduction qu'en 1981 l'augmentation des ventes d'électricité à Hydro-Québec n'a été que de 1,3%. Je me dis: Comment se fait-il qu'Hydro-Québec au mois d'août 1981, alors qu'il y avait déjà huit mois d'écoulés dans son année et que les ventes n'ont été que de 1,3%, ne réalisait pas que ses prévisions étaient fausses? Je me demande comment il se fait qu'Hydro-Québec ne pouvait pas dès lors réaliser que les prévisions qu'elle faisait, de 1 500 000 000 $ de dividendes, n'étaient pas exactes.

M. Bourbeau (Joseph): Je peux répondre à ceci. Lorsqu'on a présenté le plan de développement en février 1981, on présentait une prévision de la demande qui croissait à 6,2%. C'est une prévision qui avait été adoptée à Hydro-Québec en 1979. À partir de ce moment, on avait présenté le plan de développement d'Hydro-Québec au gouvernement. Le gouvernement avait posé certaines questions à Hydro-Québec, ce qui explique le délai d'un an entre le moment où, en 1979, on avait un plan de développement et le moment où on est venu en commission parlementaire en 1981.

Sur la base des données qu'il y avait dans le plan de développement en févrir 1981 - le budget a suivi - il y a eu une proposition de loi, le projet de loi no 16, de payer des dividendes. Toute cette proposition était basée sur le plan de développement de 1981, présenté en commission parlementaire et basé sur des données de 1979. Il a été convenu, lorsque nous sommes venus expliquer la loi 16, pour ne pas se mélanger, d'utiliser exactement les mêmes nombres de kilowattheures, les mêmes montants d'argent, sans cela, tout le monde aurait été mélangé. C'est l'explication de quelque chose qui s'est passé au mois d'août 1981, mais qui était toujours basé sur des données de 1979.

M. Coulombe: Un exemple précis pour illustrer cette hypothèse, c'est que, l'an passé, l'hypothèse d'augmentation de tarifs pour 1983 était de 13%. Aujourd'hui, c'est 7%. L'hypothèse du budget de 1982 dans la croissance de la demande était de 5,5%. La réalité sera de -1% à cause de l'affaissement général que tout le monde observe, surtout dans le domaine industriel. Si vous ajoutez toutes ces marges les unes aux autres, c'est évident - parce que le montant de 1 500 000 000 $ auquel vous faites allusion était sur une période de cinq ans - que si vous ajoutez cumulativement toutes ces données et que vous les remettez dans le circuit, cela explique la différence des deux. Par contre, en 1982, il avait été prévu une cinquantaine de millions de dividendes, encore là, basés sur une augmentation de la demande de 5%. La demande sera en bas de -1%. Donc, c'est évident que le dividende va diminuer, mais il va en rester un. Pour 1983, l'hypothèse étant d'une augmentation de 2,5%, au lieu d'une augmentation de 13%, c'en est une de 7%. C'est pour cela qu'on arrive à ces choses.

Donc, l'effet cumulatif des chiffres dont la marge s'élargit constamment, c'est évident que cela donne cela, d'autant plus que la formule de dividende est extrêmement sensible. Le moindre débalancement vous fait directement varier de dizaines de millions à cause justement de la technique même de la formule qui est employée.

Le Président (M. Desbiens): M. Bourbeau, oui.

M. Bourbeau (Joseph): Je ferai remarquer au député que, le 13 août 1981, Hydro-Québec a révisé sa demande qui était de 6,2% et, à ce moment-là, on est arrivé à 5,8%. Alors, encore là, au mois d'août 1981, la chute draconienne de la demande ne s'était pas matérialisée.

M. Tremblay: Cela voudrait dire que, si au mois d'août 1981 il y avait encore une augmentation au-dessus de 5%, dans les cinq derniers mois de 1981, il y a eu une chute très très négative puisqu'on termine l'année avec 1,3% d'augmentation. Cela voudrait dire qu'à partir du mois d'août il y avait probablement 4% de diminution sur 1980. Cela serait une explication qui, en tout cas, serait satisfaisante pour moi parce que cela m'enlèverait le doute de dire: Ils sont venus en commission parlementaire et, conscients qu'il y avait un changement important dans leur consommation, ils ne nous ont pas informés de ce changement.

M. Bourbeau (Joseph): De fait, au secteur industriel, en 1981, il y a toujours eu une augmentation de ventes et ce n'est qu'au mois de juin 1981 qu'on a commencé à voir des ventes qui étaient plus basses que celles

du mois précédent. Alors, lorsqu'on est arrivé au mois d'août, on n'avait pas encore assez de données pour nous faire préciser quelles seraient les ventes totales de 1981. Il était impossible de le prévoir à ce moment.

M. Tremblay: Une dernière question d'ordre général, si vous me le permettez, M. le Président. On a fait état de différents projets qui seraient retardés si l'augmentation de consommation était de 3,7%. On dit, en gros, que les nouvelles structures, il ne serait pas nécessaire d'en commencer avant 1992. Peut-être en...

M. Coulombe: 1988 ou 1985, si on procède...

M. Tremblay: 1988, tout dépendant de l'importance de l'augmentation. Je suis persuadé que vous l'avez cette préoccupation. Aussi, Hydro-Québec a un "know-how" dans la construction des barrages et des structures de transmission d'électricité. Il me semble que cela devrait être une préoccupation de faire en sorte que ce "know-how", cette connaissance pratique de la construction de cette sorte d'équipements, on ne la perde pas. Il me semble que, si on est six ou huit ans sans produire de nouveaux barrages, on risque de perdre une importante capacité technique en disponibilité.

M. Coulombe: C'est une préoccupation constante, c'est bien évident. Par contre, encore là, il ne faut pas penser qu'il n'y a rien qui va se passer à Hydro-Québec entre aujourd'hui et 1985, Delaney, et que, quelques mois avant 1985, les choses vont se mettre en branle et que, si d'autres projets sont prévus pour 1988, c'est à la fin de 1987 que les choses vont se mettre en branle. C'est un travail qui est continuel. Quand j'ai dit tantôt qu'il y avait pour 600 000 000 $ d'études d'accumulées, évidemment, il y a une partie de ces études qui concernent des frais d'intérêt, mais il y a aussi une grande partie qui sont relatives à des travaux concrets faits par des équipes d'Hydro-Québec, par des ingénieurs-conseils qui, continuellement, travaillent à des projets. On pense, par exemple, au projet Delaney; eh bien, pour y arriver, il y a eu six autres projets qui ont été étudiés. Les cinq autres ont été mis de côté pour favoriser celui-là, mais ces cinq autres ont dû être étudiés pour voir les avantages comparatifs; donc, études, projets, avant-projets.

J'ai parlé tantôt de la possibilité de fractionner des grands projets comme la Grande - Baleine et ainsi de suite; cela demande énormément d'études priliminaires, d'avant-projets, d'études d'ingénierie. Cela se continue de façon constante à Hydro-Québec. L'entretien des équipements de production demande le même type de compétence; rénover une centrale, cela demande le même type de compétence, finalement. Donc, ce sont des travaux qui sont tous en marche de façon continue.

Il y a un deuxième aspect qu'il faut noter, c'est qu'on a mentionné tantôt le "know-how" accumulé dans le domaine de la distribution. On remarque, par exemple, qu'Hydro-Québec va avoir un manque de personnel dans le domaine de la distribution. Il va falloir avoir des programmes accélérés de formation pour que des gens qui vont peut-être avoir moins de travail sur les instruments de production se recyclent dans le domaine de la distribution, parce que tous les programmes de vente nous incitent à nous occuper beaucoup plus de la distribution et, deuxièmement, l'aspect international, Hydro International, et les projets de coopération qu'on a au niveau international sont surtout au niveau de la coopération. On est dans une situation étrange à l'heure actuelle, où Hydro-Québec manque de personnel dans le domaine de la coopération ou risque d'en manquer s'il n'y a pas des effort précis qui sont faits pour en recycler. Donc, à l'intérieur d'une boîte comme Hydro-Québec, quand j'ai dit tantôt qu'il y avait 472 projets de construction, ce sont 472 projets de construction qui occupent des ingénieurs, des techniciens et ainsi de suite. Donc, ce qu'il faut peut-être s'enlever comme image, c'est de se dire que, si la Baie-James, phase II, ne se fait pas, HydroQuébec est stérilisée complètement. Il y a une multitude d'activités au niveau du transport de ligne, de la distribution, de la rénovation de centrales, l'étude préliminaire de multiples projets qui vont se réaliser dans X années qui existent, qui perpétuent cette connaissance. Nous sommes relativement optimistes quant à utiliser ce "know-how" au niveau international. Hydro International a eu un début lent, comme toute nouvelle entreprise, c'est tout à fait normal, mais on espère que l'envol va se faire le plus rapidement possible et, encore là, au lieu d'avoir comme actuellement 50 ou 75 ingénieurs ou techniciens dans des pays étrangers, on espère se rendre à 200 ou 250. Cela pourrait aussi être une formule pour perpétuer ce "know-how".

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président... Allez-y.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx: Je me demande si ma question s'adresse à M. Godin. Vous parlez, dans vos orientations, des orientations de recherche dans le sens d'utiliser des nouveaux moyens pour l'électricité... Est-ce

que vous faites des recherches ou des expériences pour isoler les maisons, les immeubles? Est-ce que vous faites des recherches dans ce sens, pour l'économie d'énergie? Est-ce qu'Hydro-Québec fait des expériences dans ce sens?

M. Godin (Pierre): Pas comme telles, Hydro-Québec ne fait pas d'expériences comme telles, mais Hydro-Québec cherche à se tenir quand même à la fine pointe du développement dans ces domaines, de façon à pouvoir conseiller adéquatement ceux qui veulent se prévaloir des nouveaux modes d'isolation. Mais Hydro-Québec ne fait pas de recherches comme telles.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais revenir - je m'adresse aux membres de la commission - pour peut-être rationaliser nos interventions... On a eu des interventions très intéressantes depuis le début, mais peut-être que, pour faciliter notre travail et pour nous assurer que nous couvrirons tous les aspects des documents qui sont devant nous, j'aimerais proposer un ordre du jour pour les membres de la commission. Si on était d'accord, on pourrait procéder ainsi; le président appellerait chacun des points de l'ordre du jour un par un, quitte à y revenir si un membre de la commission n'était pas satisfait. Alors, ce que je propose, c'est que le premier point à l'ordre du jour serait la politique générale d'Hydro-Québec: prévisions, méthodologie, politique générale, impact socio-économique. En fait, on a quasiment couvert cela. Deuxièmement, la situation énergétique, la demande d'électricité, le gaz, le pétrole, si nécessaire. Troisièmement, les facteurs importants affectant la demande, les exportations d'énergie et Churchill Falls, plus particulièrment. Quatrièmement, le progamme d'équipements comme tel qui touche l'hydraulique, le nucléaire et les autres programmes d'équipements. Cinquièmement, les lignes de transport d'énergie. Sixièmement, la distribution. Septièmement, la revue des objectifs un par un et je crois qu'à ce moment-là, il serait opportun pour HydroQuébec de faire une présentation de chacun des objectifs et de nous les expliciter; nous aurions peut-être des questions à poser. Huitièmement, le bilan financier pro forma de 1982 et le bilan financier de 1981 qui a été déposé depuis notre dernière commission parlementaire. Finalement, on en arrive à la tarification proposée. Si les membres de la commission étaient d'accord et si le ministre était d'accord, nous pourrions peut-être suivre ce cheminement qui en est un qui en vaut un autre. Si d'autres membres de la commission ont d'autres propositions, je suis bien prêt à les écouter. C'est simplement pour faciliter notre travail.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: Je n'ai pas d'objection à travailler sur des blocs ou encore à s'en tenir à une discussion d'ordre général et à laisser les collègues de la commission parlementaire soulever les points qu'ils jugeraient eux-mêmes appropriés, étant entendu que cette liste ne serait pas exhaustive. Il aurait été omis, par exemple, on a abordé bien brièvement la question des économies d'énergie.

M. Fortier: ... les objectifs.

M. Duhaime: Je pense qu'il faudrait qu'on y revienne, sur le plan de la recherche et du développement en particulier...

M. Fortier: ... les objectifs. (16 h 45)

M. Duhaime: ... l'hydrogène liquide, entre autres, m'intéresse d'une façon particulière. Il ne faudrait pas que l'on reprenne toutes les discussions que l'on a faites jusqu'à présent. Je me demande si on ne devrait pas commencer par la fin, M. le député d'Outremont, c'est-à-dire les points 8 et 9, puisque cette commission étudie aujourd'hui, demain et peut-être après-demain une proposition tarifaire qui a, bien sûr, un impact sur les grands équilibres financiers d'Hydro-Québec. Cela nous permettrait, sans aucun doute, de régler plusieurs des interrogations que la liste pourrait soulever.

M. Fortier: Mais la difficulté...

M. Duhaime: Mais moi j'avoue honnêtement que si mes collègues étaient d'accord pour qu'on prenne une voie ou l'autre, cela ne fait pas de différence, pour autant qu'on sera certain d'avoir bien couvert notre sujet. Je pense que c'est cela l'objectif.

M. Fortier: M. le Président, la seule raison pour laquelle j'ai proposé cela dans cet ordre, c'est entendu que quand on sera rendu à la tarification, qui est le dernier article, cela va dépendre des conclusions auxquelles chacun d'entre nous sera arrivé concernant les objectifs ou le programme d'équipements. Il me semblait que la proposition qui m'était faite, quoique n'étant pas limitative, était au moins logique et pourrait faciliter nos interventions.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je suis toujours très sympathique à ces ordres du jour bien

planfiés. Mais le problème qui se pose, à mon avis, à ce point, c'est que si on était pour adopter un ordre du jour semblable, on devrait nécessairement en discuter point par point et peut-être qu'on prendrait deux à trois jours pour l'établir, surtout qu'il y a neuf, onze ou douze points et d'autres qui pourraient venir des membres de la commission. Je ne sais pas comment on pourrait techniquement s'entendre sur un tel ordre du jour, je pense qu'on va être obligé...

Le Président (M. Gagnon): M. le député, si j'ai bien compris la discussion - c'est là-dessus que je veux savoir si on est d'accord - on établirait cet ordre du jour mais sans que ce soit fermé complètement. C'est juste pour essayer de mettre un peu d'ordre dans la discussion. Il y aurait aussi possibilité de revenir sur des points précédents.

M. Tremblay: Oui, je comprends, mais on devrait...

Le Président (M. Gagnon): C'est dans ce sens. C'est pour pouvoir passer chacun des articles et avoir un peu d'ordre dans la discussion.

M. Tremblay: En fait, moi aussi je souhaiterais qu'on ait cette sorte d'outil, mais le député d'Outremont vient de nous jeter cela sur la table. Il faudrait quand même qu'on puisse analyser chacun des points dans l'ordre et les articles qui sont là, sinon, c'est donner notre accord. On donnerait notre accord à la discussion de points que, peut-être, on ne veut pas discuter, et cela m'apparaît assez dangereux d'accepter cela. Ce qu'on peut faire, on peut le prendre, à mon avis, comme une suggestion du député d'Outremont et tenter, en autant que chacun des membres de la commission veut bien le faire, de suivre cette suggestion.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, avez-vous des choses à ajouter?

M. Duhaime: Non. Je me demande si on n'ira pas jusqu'à former une commission pour savoir ce que cette commission devrait faire. Je comprends que nous n'avons pas de consensus sur la démarche. Je proposerais qu'on redonne la parole à Hydro-Québec et on verra, en cours de route. J'imagine bien que mon collègue d'Outremont va avoir l'occasion, puisque ces points font partie du cahier des interventions qu'il voudrait faire à la commission, de le faire en toute liberté. On n'est pas là pour s'empêcher de dire ce qu'on a à dire, au contraire.

En ce qui concerne un des points majeurs qui font l'objet de la convocation de cette commission, sur la proposition tarifaire comme telle, je voudrais, bien sûr, qu'Hydro-Québec puisse donner son point de vue. Je comprends que des documents ont été déposés, etc. mais, traditionnellement, on avait une très longue présentation. Ce n'est pas que j'y tienne tellement, mais ce qui serait peut-être important de savoir, c'est cette proposition tarifaire d'Hydro-Québec qui a, de façon bien évidente, des impacts sur la situation financière d'Hydro-Québec, sur la couverture des intérêts, sur le taux de financement, sur le taux de capitalisation. En ce qui concerne le gouvernement, cela m'apparaît assez clair que le niveau de dividende va être autour de zéro. C'est peut-être dans cette voie qu'on devrait maintenant se diriger puisqu'on a fait un tour de piste en discutant de façon bien générale. Peut-être qu'on pourrait revenir ensuite, si le coeur vous en dit, sur chacun des sujets que vous avez vous-même évoqués, qu'on pourrait discuter, soit avec les gens d'Hydro ou encore avec mes collègues qui font tous partie de cette commission.

M. Fortier: M. le Président, je croyais qu'on avait une quasi-unanimité et, venant du secteur privé, je pense que certains de nos amis dans la salle vont voir la difficulté qu'il existe d'être des parlementaires et d'essayer d'arriver à des consensus. Il me semblerait qu'on devrait donner l'exemple et s'imposer une certaine discipline nous-mêmes, sans pour cela enrégimenter qui que se soit, mais tout simplement pour faciliter le processus qui doit être normalement suivi avant d'arriver à une question de tarification. Il est bien normal que la tarification dépende du programme d'équipements et que cela dépende d'autres problèmes comme les exportations d'énergie et il me semblerait important de pouvoir s'entendre sans brimer la liberté d'opinion de mon collègue de Chambly et de suivre cela en autant que faire se peut. Est-ce qu'on pourrait avoir un certain consensus sur cela?

M. Tremblay: En tout cas, en ce qui me concerne, M. le Président, je dirais que je serais très heureux de recevoir cette liste comme une suggestion.

M. Fortier: C'est une suggestion.

M. Tremblay: À ce titre, je crois qu'on devrait la recevoir.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Est-ce qu'on ne peut pas laisser à votre discrétion le suivi de cette liste, au moins afin qu'il y ait de l'ordre dans nos discussions et dans les questions qu'on pose? Depuis un an, on a posé des questions sur Churchill Falls à aller

jusqu'à la conversion au chauffage électrique. De cette façon on ne couvre pas tout le domaine qu'on veut couvrir.

Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, M. le député, le consensus... M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je suis très sympathique à la proposition du député d'Outremont d'essayer de rationaliser les questions, pour en arriver en fin de compte à discuter de la tarification, parce que c'est le mandat de cette commission de discuter de la tarification. Le député d'Outremont, en bon ingénieur qui est habitué à procéder systématiquement et rationnellement, voudrait faire de même pour les débats de la commission et je crois qu'il a raison, je pense que les règles normales des commissions parlementaires lui permettent de le faire. Le député d'Outremont nous a proposé huit sujets pour étude, s'il veut faire huit interventions de 20 minutes, il peut le faire sur les huit sujets; cela aura comme avantage, par ailleurs, de laisser toute la latitude voulue au député d'Outremont et en même temps de laisser aussi aux autres députés la latitude peut-être d'aborder d'autres sujets et de procéder autrement à l'approche des problèmes de la tarification. J'admets le bien-fondé de la demande du député d'Outremont, mais je ne voudrais pas par ailleurs que soient brimés les privilèges des autres députés. Je crois que nos règles, que notre code de procédure nous permettent et permettent au député d'Outremont d'arriver à ses fins, c'est-à-dire de poser cela sujet par sujet, rationnellement, d'une façon logique, comme tout bon ingénieur qu'il est, il sait le faire et il sait que nos règlements vont nous permettre de le faire, avec les interventions de 20 minutes qui lui sont permises et il pourra même en faire plus que cela, s'il veut rester deux fois vingt minutes sur un même sujet, il n'y aura pas d'objection. Je crois que nos règlements lui permettraient cela, tout en ne brimant pas les droits et privilèges des autres députés, c'est pourquoi je vais lui demander de retirer sa proposition et de se servir plutôt de nos règlements de procédure en commission parlementaire pour atteindre le même objectif que celui qu'il voulait atteindre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous voyez qu'on est tombé dans la procédure et c'était juste une suggestion que je faisais. En tout cas, peut-être qu'on peut tenter de commencer nos travaux sur cette base-là et on verra comment nous allons y réussir.

Politique générale

Le Président (M. Gagnon): Je vais tenter de suivre l'ordre qui a été suggéré en l'appliquant le plus largement possible, parce que cela ne fait pas un consensus général.

Le point un, serait: politique générale; est-ce qu'il y a d'autres questions d'ordre général? M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: J'ai une simple question, basée sur des chiffres qui ont été donnés par Hydro-Québec et par le ministre ce matin. Le ministre de l'Énergie et des Ressources a parlé d'une diminution de 61% à 40% du pétrole dans l'ensemble de la consommation énergétique du Québec, c'est-à-dire une diminution à 360 000 barils de pétrole par jour, de 412 000 à 360 000 barils par jour. D'un autre côté, on le voit par les chiffres qui nous sont fournis par Hydro-Québec, et le ministre l'a également mentionné à un autre endroit de son exposé d'ouverture ce matin, il y a des ententes de signées maintenant pour l'exportation d'électricité.

On a parlé d'importation de pétrole, on parle maintenant d'exportation d'électricité pour les années 1986 à 1996 équivalente à 18 000 000 000 $, soit une moyenne de 1 800 000 000 $ par année et cela, au cours des mêmes années où notre importation de pétrole va diminuer. Je remarque également qu'au cours des toutes dernières années l'exportation d'électricité par HydroQuébec a fait des bons d'année en année et là il n'est plus question d'électricité excédentaire mais d'électricité régulière à l'exportation. J'avais les chiffres ici, à la page 86, je crois, où on mentionne des ventes d'électricité, non pas excédentaire mais à l'exportation, qui sont passées, en 1979, de 221 000 000 $ à environ 508 000 000 $ en 1982, soit plus du double en l'espace de trois ans.

J'aimerais demander aux dirigeants d'Hydro-Québec s'il est possible d'entrevoir que, de plus en plus, nos exportations d'électricité puissent atteindre la valeur de nos importations de pétrole. Est-ce que c'est un concept possible à entrevoir? Est-ce qu'on va se rapprocher de plus en plus du point où les exportations d'électricité, sans les atteindre à 100%, se rapprocheront en valeur monétaire de nos importations de pétrole? Est-ce qu'Hydro-Québec a déjà analysé cela, s'est déjà fixé ça comme objectif, a déjà étudié cela pour en arriver ni plus ni moins à une sorte d'objectif d'autosuffisance, non pas d'une forme quelconque d'énergie, mais de l'ensemble des formes d'énergie?

Le Président (M. Gagnon): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Le problème n'est pas

discuté en termes d'exportation à HydroQuébec, mais j'avoue que c'est une façon ingénieuse de présenter le problème. Je n'ai pas les chiffres en tête de ce que peuvent représenter, entre 1986 et 1996, les importations de pétrole. Je ne les ai pas en tête tout simplement. Je ne sais pas si un des collaborateurs peut les avoir? Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce n'est pas un objectif explicite d'Hydro-Québec, à l'heure actuelle, d'avoir une espèce d'équivalence entre les deux. C'est une façon de présenter le problème qui peut être intéressante, mais ce n'est pas la façon dont les sujets se présentent à l'heure actuelle.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Juste pour compléter. Les nouvelles sources énergétiques augmenteront leur pourcentage d'utilisation au Québec, comme le gaz naturel ou les énergies nouvelles. Est-ce qu'Hydro-Québec n'a jamais songé à envisager le problème sous l'angle d'une sorte d'autosuffisance en matière énergétique, c'est-à-dire importation, exportation, l'une par rapport à l'autre, pour essayer de voir si le Québec peut en arriver à un tel point où les...

M. Coulombe: Ventes externes.

M. Grégoire: Oui. L'écoulement de nos dollars vers l'extérieur, qui est une source d'appauvrissement, pourrait être équilibré par l'entrée de dollars provenant de l'énergie?

M. Coulombe: En termes de bilan global, c'est une préoccupation qui est constante. Le plan présente 37, les chiffres du ministre disent 41. Il y a donc un ajustement qu'il va falloir faire dans notre perspective d'action concrète de vente. Mais de là à dire qu'il faut faire des drôles d'hypothèses d'augmentation du prix du pétrole pour pouvoir dire qu'il va y avoir équivalence, que vous appelez l'autosuffisance du Québec, c'est-à-dire que les exportations d'électricité équivaudraient en termes d'argent aux importations du pétrole, non, je le répète, le problème n'est pas envisagé de cette façon-là actuellement. Je n'ai pas les chiffres assez clairement à l'esprit pour pouvoir dire si c'est une façon réaliste d'envisager le problème.

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Je pense que si on se reporte à 1990, comme le ministre le disait ce matin, l'électricité à ce moment-là fait à peu près 40% de la tarte énergétique et le pétrole fait à peu près 40%. Si vous considérez que le pétrole est importé, vous avez 40% de votre énergie qui est importée, mais les exportations mêmes d'Hydro-Québec ne sont qu'une partie des 40%. Or, donc, il n'y aurait pas d'équivalence entre l'importation et l'exportation.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Coulombe: En termes de revenus, ça peut être comparable.

M. Grégoire: C'est en termes de revenus que je parle.

M. Coulombe: En termes de revenus, les milliards peuvent...

M. Grégoire: En termes de balance des paiements.

M. Coulombe: En termes d'autosuffisance...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! (17 heures)

M. Coulombe: ... 10 000 000 000 $ par année...

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! On parle tous ensemble, cela ne fonctionne pas bien. M. Coulombe, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Coulombe: Non, cela va.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Ce que disait le député de Charlesbourg, c'est que le ministre a bien dit: Advenant des augmentations de X% par année, le montant de 4 600 000 000 $ serait de 10 000 000 000 $, mais il faut tenir compte que le ministre dit que d'ici à 1990 également l'importation de pétrole baisserait de 412 000 barils par jour à 360 000 barils par jour. Donc, il faut diminuer cela, mais il faut dire également que si le pétrole augmente de X% par année, il y a des raisons pour que l'électricité augmente. Or, en faisant les calculs, aujourd'hui nous sommes à 4 500 000 000 $ d'importation de pétrole et à 1 800 000 000 $ d'exportation d'électricité avec nos chiffres actuels.

Une voix: Par année?

M. Grégoire: En 1986, d'après ce qui nous a été dit. Donc, l'écart se rapproche continuellement. Voici ce que je voudrais savoir, étant donné que cet écart se rapproche. Tenant compte des besoins de lignes d'interconnexion avec l'étranger, tenant compte des pourcentages

d'augmentation des prix du pétrole et de l'électricité, est-il envisageable un jour qu'on puisse se rapprocher, sans l'atteindre à 100%, de ce que j'appelle l'autosuffisance?

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'ai deux petites questions, en ce qui concerne le point un sur la politique générale, qui touchent à l'impact socio-économique. Mon collègue de Vimont y a fait allusion; j'y ai fait allusion aussi. L'orientation du programme d'équipements va avoir des impacts importants sur le personnel d'Hydro-Québec, sur les bureaux de génie-conseil, l'industrie manufacturière, dans une certaine mesure, l'industrie de la construction. La question que je pose est celle-ci: Est-ce qu'Hydro-Québec a fait une étude systématique de ces impacts?

M. Coulombe: Nous avons des études globales sur certains des impacts. J'en ai mentionné tantôt en termes d'investissement. Traditionnellement, je ne dis pas traditionnellement... Depuis ce qu'on peut appeler l'épanouissement de la Baie-James, la part dans les investissements totaux des investissements d'Hydro-Québec pouvait se situer à 20%; des années c'était à 21%, 22%, d'autres années à 18%, 19%, mais, en gros, c'était environ 20% des investissements totaux. C'est évident qu'avec le plan de développement qu'on présente, la part des investissements d'Hydro-Québec en tant que telle va probablement diminuer. Si les autres secteurs se maintiennent, si l'habitation reprend, si les investissements privés dans le secteur industriel reprennent, c'est probable que la part de l'investissement d'Hydro-Québec dans les investissements totaux diminue.

À ceci, il va y avoir des conséquences, mais il y a deux ou trois considérations qu'il faut apporter là-dessus. Si on ajoute les investissements du gaz, qui sont quand même des investissements de nature nouvelle par rapport à la tarte générale des investissements il y a trois, quatre ou cinq ans, si on les ajoute, on l'a vu tantôt par les chiffres qui ont été discutés ici à la commission, dans les trois prochaines années 7 200 000 000 $ de la part d'Hydro-Québec plus les 2 000 000 000 $ qui, si j'ai bien compris, ne sont que jusqu'à la fin de 1983, 2 000 000 000 $ plus les autres centaines de millions en 1984 et 1985, les deux ensemble seraient supérieurs à l'investissement prévu au plan de 1981 d'Hydro-Québec. Donc, théoriquement, on devrait garder, les deux ensemble, la même proportion des investissements totaux.

Deuxièmement, il faut bien penser que c'était au faîte des travaux de la Baie-James qu'on a atteint 20%, 21% ou 22%. Il n'y a rien qui nous dit qu'en termes de l'économie générale du Québec cela soit un objectif à poursuivre que de surchauffer certains types d'industries au Québec. Il n'y a rien qui nous permet de dire à HydroQuébec, la question est de nature générale: Est-ce que cela est souhaitable comme objectif qu'Hydro-Québec continue à représenter 20% des investissements totaux? Il faut que le Québec trouve des moteurs économiques différenciés. On pense que ce qui est justifiable dans un programme gigantesque de 15 000 000 000 $ ou 16 000 000 000 $ ne peut pas être la base même du développement des investissements. Ce n'est certainement pas le rôle d'Hydro-Québec de susciter un tel type d'investissements sans considération pour le consommateur d'électricité qui, tôt ou tard, devra payer pour ces investissements.

Donc, cet équilibre, la politique du développement économique, cela n'appartient pas à Hydro-Québec, mais tout ce que l'on fait, c'est quelques réflexions sur la place d'Hydro-Québec dans la structure générale des investissements. Deuxièmement, sur la question des emplois, j'ai mentionné tantôt que dans le programme - je ne parle pas de Hydro-Québec, je parle des entrepreneurs dépendant de ces travaux - il va y avoir une diminution. Par contre, on peut immédiatement y accoler le même raisonnement si on dit, si j'ai bien compris, qu'il y a 3000 emplois dans la question du gaz. On remonte au niveau où Hydro-Québec seule était l'an passé ou les autres années.

Donc, pendant un, deux ou trois ans, si on ajoute à Hydro les investissements du gaz, qui sont quand même des investissements directement ou indirectement par les Québécois dans le secteur énergétique dont une partie est totalement nouvelle; en termes de masse, on retrouve un investissement qui est globalement le même. Comment certaines firmes vont-elles pouvoir se transformer pour être des fournisseurs à l'industrie du gaz par rapport à l'industrie hydroélectrique? C'est évident que tout le monde ne pourra pas le faire en même temps. Il va y avoir certains entrepreneurs qui vont être obligés de se recycler.

M. Fortier: Vous conviendrez que les firmes qui vont construire le pipeline ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui ont bâti le barrage, à un tel point que Trans Québec & Maritimes a exigé, pour avoir le "know how", que l'expertise nous vienne en particulier d'une firme de Calgary. À ce moment, c'est un peu extrapoler facilement que de dire que le fait qu'un investissement dans le gaz s'additionne... Ma question était beaucoup plus pertinente vis-à-vis... Il peut y avoir des raisons pour lesquelles Hydro-Québec fait des ajustements. Ma question à ce moment n'est pas dirigée

vers cela. Elle va dans le sens qu'en 1981, Hydro-Québec a laissé entrevoir son programme d'équipements... Il y a peut-être des gens qui ont investi dans leur bureau ou dans leur petite entreprise, qui ont fait des emprunts bancaires, qui ont prévu qu'il y avait un potentiel de développement pour leur industrie; bien sûr, il n'y avait aucune garantie de donnée par Hydro-Québec. Je constate les conclusions auxquelles HydroQuébec est arrivée. J'essaie d'en mesurer l'impact. Il est certain que pour certains types d'entrepreneurs ou de manufacturiers, de petites entreprises ou de bureaux de génie-conseil - on parlait du nucléaire tout à l'heure, c'est bien certain que tous les bureaux dans le nucléaire vont fermer, point final - il y aura des impacts socio-économiques importants. Le fait qu'il y a un investissement dans d'autres secteurs peut créer certains emplois, mais ce ne sont pas les mêmes spécialistes, ce ne sont pas les mêmes ingénieurs et ce ne sont pas nécessairement les mêmes techniciens. La question que je posais était plus en profondeur. La deuxième question que j'étais pour vous poser est celle-ci: Est-ce qu'une telle étude est disponible? Est-ce qu'il existe réellement une étude qui permettrait aux différents secteurs... Ces différents secteurs, à la suite de notre commission parlementaire, vont connaître les nouvelles prévisions de Hydro-Québec, et mesureront pour eux-mêmes les conséquences des politiques à venir, étant donné qu'actuellement, vous présentez le scénario à 3,7% comme étant le scénario le plus probable?

Le Président (M. Desbiens): M.

Coulombe.

M. Coulombe: II n'y a pas d'étude systématique sur l'ensemble des fournisseurs qui, de près ou de loin, ont affaire avec Hydro-Québec. Ce serait presque impossible d'entreprendre une telle étude, vu la multiplicité des fournisseurs pensables ou imaginables à Hydro, sauf qu'il faut distinguer. Il y a ce qu'on pourrait appeler les fournisseurs "plus stratégiques" d'équipements importants à Hydro-Québec, les fabricants qui doivent absolument rester au Québec pour la reprise du programme de construction d'Hydro. Ce serait une tragédie que ces gens puissent être obligés d'arrêter leurs opérations. On en est parfaitement conscients. On a eu des contacts avec la plupart d'entre eux. On a certaines hypothèses de travail avec eux. On a l'intention de les rencontrer, de les réunir et de discuter le plus clairement possible avec eux des conséquences de cet étalement du programme, parce qu'il ne s'agit pas d'éliminer des programmes, il s'agit la plupart du temps d'en étaler dans le temps.

Donc, pour une première zone de fabricants stratégiques d'équipements pour HydroQuébec, on est conscients, l'étude est faite; on est en contact avec eux, on a des discussions intensives avec eux.

Si on s'éloigne de ces fabricants, de ces industriels qu'on pourrait appeler stratégiques, évidemment on tombe dans une zone qui est plus mouvante. Si quelqu'un a eu des grands contrats de transport de matériel à la Baie-James pendant quatre ou cinq ans, c'est évident que si les travaux sont diminués, plusieurs de ces industriels, de ces commerçants vont devoir trouver d'autres débouchés pour leurs services. Là, on n'a pas d'étude systématique de tous les sous-traitants dans les moindres détails parce que, pour beaucoup d'entre eux, de tout façon, le chiffre d'affaires qu'ils faisaient avec Hydro-Québec, plus on s'éloigne du coeur même des équipements d'Hydro-Québec, représente des fois 5%, 10%, 15% ou 20%; là, vous avez une infinité d'entreprises. C'est radicalement impossible de faire une étude sur tout. On connaît beaucoup d'entreprises qui se sont réadaptées, qui ont prévu cette diminution dans les derniers mois et qui sont obligées de faire des efforts pour se recycler, en termes de marchés, de nouveaux débouchés, et ainsi de suite. Alors, on est conscients du problème, mais il reste une limite lorsqu'on retrempe dans la zone des entreprises qui dépendent d'Hydro-Québec pour 5%, 10%, 15%, 20%, 28% ou 34% de leur chiffre d'affaires; il n'y a pas grand-chose. Évidemment, il s'agit d'un entrepreneur précis qui doit réévaluer son marché et réévaluer ses perspectives.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je veux ajouter quelques éléments, mais non pas en complément de réponse, Dieu m'en garde. Je voudrais revenir sur un des points qui ont été abordés et qui vont peut-être nous faire saisir une chose qui m'apparaît être la clé de toute la discussion que nous avons. Il ne s'agit pas essentiellement de projeter des investissements dans l'avenir sans tenir compte des problématiques de marché. Ce qui nous ramène essentiellement à une question de prévision. Je donnais tout à l'heure l'explication en me référant au tableau 23 qui fait partie du document déposé par Hydro-Québec. Une différence de 1% dans la croissance de la demande, c'est-à-dire de 3,7% à 4,7% sur la période s'étalant jusqu'en 1992, peut amener un scénario d'investissements de 36 000 000 000 $ sur 3,7%, plus les dix térawattheures à l'exportation par opposition à 60 000 000 000 $ d'investissements sur un scénario de croissance de 4,7%. Alors, on voit tout de suite qu'il y a une masse de

25 000 000 000 $ qui est directement reliée à un seul point de variation de croissance de la demande d'ici 1992.

Ce que nous devons faire, c'est tenir compte d'une problématique de mouvement pour les années à venir. C'est pourquoi les scénarios de croissance doivent tenir compte et porter des variables. Il est bien certain qu'à très court terme, d'ici à 1985, je pense que c'est mathématique ce que M. Coulombe nous donnait tantôt en termes d'investissements globaux, même en prenant le différentiel entre les 7 200 000 000 $ et les 9 000 000 000 $ dont on parlait, qui sont les 2 000 000 000 $ de différence entre les 3,7% et les 2,6% sur la période de 1983-1985, si on additionne les 2 000 000 000 $ prévus d'investissements au Québec pour le gaz naturel d'ici à 1983 sur un plan de stricte mathématique, les totaux d'investissements se rejoignent, mais il est vrai que nous sommes, dans un certain sens, dans une situation privilégiée pour nos choix sur l'avenir; il faut tenir compte de ce mouvement.

Je voudrais placer notre discussion dans une problématique un peu plus large. Des projets d'investissements sont ralentis pour tenir compte de la demande, compensés par d'autres parce que les composantes du bilan énergétique vont varier à très court terme, mais il faut bien comprendre que les firmes d'ingénieurs-conseils et tous ceux qui, de près ou de loin, oeuvrent dans le dossier d'énergie, ne connaissent pas de déception ces années-ci par le seul fait de décisions que le gouvernement du Québec ou encore, qu'Hydro-Québec peut prendre. Je pense à un certain nombre et la liste s'allonge de plus en plus. À peu près tous les grands projets d'investissements dans le secteur énergétique au Canada sont ou bien en suspens, ou bien tout simplement abandonnés. Cela aussi a un impact considérable sur les grandes firmes d'ingénieurs-conseils. Nous en avons de réputation et d'envergure internationale qui ont leur siège social à Montréal et qui oeuvrent ici au Québec, au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier. (17 h 15)

Si on jette un bref coup d'oeil sur une liste que j'ai sous les yeux, il y a le projet Alsands qui est abandonné, c'est 13 000 000 000 $ en 1982; le projet des sables bitumineux Cold Lake, un investissement prévu de 5 900 000 000 $ initialement; le gazoduc de la route de l'Alaska est retardé, c'est 5 000 000 000 $; le développement pétrolier Hibernia aussi est retardé, à cause des querelles que vous connaissez, c'est 4 000 000 000 $. Le développement de réserves de pétrole lourd et la construction de l'usine de valorisation à Lloydminster, en Saskatchewan, sont en suspens, c'est un investissement prévu de 2 000 000 000 $; le projet pilote de l'Arctique, le moins qu'on puisse dire c'est d'y mettre des points d'interrogation, c'est 1 600 000 000 $; l'usine de valorisation de mazout, le projet CARMONT, le moins qu'on puisse dire pour l'instant, c'est qu'il est en difficulté.

Je rappelle au député d'Outremont que ce projet de 1 300 000 000 $, si mon souvenir est bon, avait été annoncé, je crois, en mai 1980, pour l'histoire en tout cas. Il y a aussi un projet dans le delta du MacKenzie, l'usine de gaz Taglu, c'est

I 000 000 000 $, et également l'usine de gaz du lac Persons, à peu près 500 000 000 $ d'investissements. Je n'ai pas parlé de Gros Cacouna, le port méthanier, etc.

Or, il faut bien comprendre qu'il y a une constante à l'heure actuelle où, par définition, on devra sans aucun doute changer les mots du dictionnaire: un mégaprojet est un projet qui ne fonctionne pas dans le dossier énergétique canadien. Si vous additionnez tout cela, vous avez pour environ 30 000 000 000 $ d'investissements.

Une voix: 34 000 000 000 $.

M. Duhaime: 34 000 000 000 $, j'ai oublié d'additionner les quelques centaines de millions. Cela est vraiment poser une question qui trouve sa réponse d'elle-même que de s'interroger sur quel sera l'impact socio-économique de l'arrêt ou de la suspension de ces grands projets énergétiques.

II est évident qu'on peut le déplorer, mais il faut peut-être se demander qu'est-ce qui a fait que tous les grands projets, tous les mégaprojets au Canada ont été abandonnés ou mis en suspens.

Ce qui m'apparaît très clair comme conséquence, c'est que la politique énergétique nationale, avant comme après la mise à jour, a entraîné directement l'arrêt de ces grands projets. Nous ne pouvons pas, bien sûr, donner des contrats pour faire des études d'impact socio-économique devant des évidences. Il est entendu que lorsque des investissements ralentissent, parce que la demande sur les marchés se décale dans le temps, automatiquement, il y a un ralentissement de l'emploi; l'effet en aval des investissements projetés sera plus faible que prévu, cela m'apparaît certain. Cela fait partie de ce qu'un bon libéral appellerait la loi inexorable des marchés. Nous allons tenter - c'est ce que nous faisons - par tous les moyens possibles de nous coller à la prévision de la croissance de la demande.

C'est ce qui fait que pour la première fois, en tout cas, à Hydro-Québec on a sur la table des scénarios de croissance qui tiennent compte de ces variables avec une capacité de s'adapter aux circonstances. J'ai retenu ce matin, dans la déclaration de M. Coulombe, que le plan de développement

d'Hydro-Québec mentionnait bien: 1983 à 1985, sur un horizon de 1992. À la suite de ce que j'ai entendu, je tiendrais pour acquis que l'an prochain nous aurons un document intitulé: 1984-1986, horizon 1993 ou horizon 1994, mais il faut absolument inscrire nos travaux et nos analyses dans cette problématique de mouvement.

On pourrait faire un raisonnement par l'absurde et dire: Nous déclarons à ce jour que toute croissance de la demande domestique au Québec sera de X% et engager un plan d'équipements en conséquence, avec le résultat très net qu'on peut se retrouver dans la même situation que d'autres compagnies d'utilité publique très proches de nous. Je ne voudrais pas mentionner l'Ontario, mais c'est un peu son cas; elle est actuellement dans une situation de suréquipement.

Or, le fardeau financier, non seulement des contribuables, mais aussi des consommateurs risquerait d'être énorme, si on ne tient pas compte de ces scénarios de croissance. Si on investissait par pure hypothèse 2 000 000 000 $, 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $ dans des équipements de production hydroélectrique, alors qu'on sait très bien que dans cinq ou six ans tous les scénarios de croissance et toutes les analyses que nous avons faites ne nous amèneraient pas logiquement à conclure dans cette direction. Ce que je traduirais comme consommateur, c'est qu'Hydro-Québec a fait des investissements inutiles, et c'est exactement dans ce sens qu'il faut regarder la problématique. Il ne s'agit pas de savoir qui fera le meilleur discours, qui investira le maximum de milliards de dollars, il s'agit de se demander de façon très pertinente si les scénarios de croissance et la prévision sont derrière toute la problématique d'un plan d'équipements comme celui-là. Je pense que le député d'Outremont le comprend très bien.

Le dossier du nucléaire est devenu à peu près inexportable, pas plus en Corée qu'aux Indes ou au Pakistan. Pour tous ceux qui travaillent dans le secteur du nucléaire à l'échelle canadienne - et cela va être vrai pour d'autres pays du monde qui ont derrière eux un potentiel hydroélectrique - cela va signifier une conversion possiblement cruelle d'effectifs et de compétences qui s'étaient orientées dans une direction et qui vont devoir revenir à d'autres avenues. On va vivre à un degré beaucoup moindre une pareille conversion pour la raison très simple que nous ne sommes pas coïncés, les choix sont devant nous. Si on retenait une problématique serrée, un calendrier de dix ans, et qu'on se plaçait dans la situation de ne pas être en mesure d'en sortir, dépendant de l'évolution des scénarios de croissance, on ferait une erreur historique. Actuellement, avec un scénario qui laisse une large place à la souplesse, on est en mesure de se déplacer. Je le répétais essentiellement ce matin, les scénarios d'Hydro-Québec rejoignent essentiellement une problématique de 37% de la part d'hydroélectricité sur Horizon 1990. À mon propre ministère, les analyses de prévision de la demande nous rejoignent sur une courbe d'à peu près 39%. L'objectif que l'on doit maintenir si on veut aller dans le sens de ce que l'Opposition libérale propose, c'est-à-dire maintenir au maximum les équipements pour développer les richesses hydroélectriques du Québec, c'est de retenir un scénario qui va faire qu'à l'horizon de 1990 on va se trouver au niveau de 41%. Le résultat, c'est qu'on va déplacer plus vite le pétrole que nous importons. Ne nous faisons pas d'illusions. À partir de 1990, le pétrole conventionnel qui pourrait venir de l'Ouest canadien, cela me donne des souvenirs. Vous allez me permettre d'être partisan, j'ai même entendu un premier ministre d'une province de l'Ouest venir dire il y a à peine deux ans au Québec. Ne vous inquiétez pas, il y a encore du pétrole pour vous. Il est bien certain que ce n'est pas le discours qui compte en pareilles circonstances, c'est: Est-ce que l'énergie sera disponible et à quel prix? Il est entendu, je croyais l'avoir dit de façon assez claire ce matin, que nous allons revenir d'ici quelques années, possiblement avant la fin de cette décennie, à la situation où on se retrouvait au Québec avant 1973, c'est-à-dire qu'on va importer notre pétrole à partir du marché mondial et on paiera le prix du marché mondial. C'est dans ce sens que si on réussissait à aller à 41% pour 1990, même 41% pour 1989 ou encore 42% pour 1990, au lieu de donner des dollars aux Arabes ou encore au Venezuela ou encore au Mexique, ce sera autant de gagné pour nous. Et je pense qu'il faut absolument tenir compte de l'ensemble de cette problématique, pas simplement se dire: II y a tant de milliards d'investissements de perdus, cela veut dire tant d'emplois perdus. Vous en avez pour 34 000 000 000 $ de perdus en investissements, à l'échelle de tout le Canada. Ce que cela peut représenter ici comme décalage à l'intérieur des trois ans, c'est à peu près un pois dans la soupe, si vous voulez mon opinion.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le ministre, vous venez en fait de donner la réponse à la question que je voulais vous poser, soit quel était l'impact de cette politique énergétique canadienne qui va faire qu'en 1990 on va passer de 48%, dans la provenance du marché mondial de pétrole, à 90%. Mais vous avez fait ressortir tous ces projets qui tombent les uns après les autres qui font que

cette politique énergétique canadienne commence à avoir l'air complètement ridicule. Mais il y a un élément important qui manque à cette description, c'est Petro-Canada. Si j'avais bien compris, Petro-Canada devait, un de ces jours, nous amener le pétrole de l'Ouest dans les boyaux de ses pompes à essence canadiennes qu'on voit dans le décor, qu'on dit nous appartenir, qui nous a coûté terriblement cher; c'est 1 500 000 000 $ que cela a coûté, tous les experts disent que cela a coûté deux fois le prix. D'ailleurs, dans mon comté, aux travailleurs que je rencontre et qui ne sont pas contents de la politique gouvernementale sur les salaires, je dis: Regardez les annonces de Petro- Canada à la télévision et c'est là que s'en va votre salaire; vous savez, ces coupures que le fédéral nous a faites, à un moment donné, qui font qu'on n'avait plus la marge de manoeuvre qu'il nous fallait, c'est là qu'est la marge de manoeuvre, c'est dans l'achat de Petro-Canada.

Est-ce que c'est cela qu'on doit comprendre de la politique du fédéral relativement au pétrole? C'est qu'en 1990, dans les boyaux des pompes d'essence de Petro-Canada, c'est de l'essence qui vient du marché mondial qui a coulé dans cela, est-ce que c'est cela que les gens doivent comprendre? Depuis le début de nos travaux, on parle un langage d'experts, les grands mots, de grands professeurs, mais les gens qui nous écoutent à la télévision ne sont pas tous formés pour suivre les cours universitaires. Cela les intéresse joliment de savoir si c'est vrai ce qu'on nous a dit lors de la campagne référendaire, c'est-à-dire qu'on allait compter sur le pétrole canadien, le pétrole terre-neuvien et le pétrole albertain; j'ai toujours dit que ce n'était pas du pétrole canadien, que c'était du pétrole albertain. On sait maintenant que non seulement il n'y aura pas de pétrole albertain, mais on nous a raconté des histoires et on nous a monté toute une politique. D'ailleurs, on a essayé de construire toute l'économie canadienne sur cette politique énergétique qui est en train de s'effronder; on en paie le prix actuellement et on n'a pas fini d'en payer le prix.

C'est cela la conclusion que je tirerais; je vois que vous me le confirmez, M. le ministre, c'est cela exactement. En 1990, Petro-Canada aura été achetée strictement pour rien puisque, dans les boyaux de ces pompes à essence, c'est du pétrole qui nous viendra d'Arabie qui coulera. On aura englouti 1 500 000 000 $ dans une affaire dont on aurait pu se passer et qui, en fait, actuellement ne sert qu'à une chose, c'est d'essayer de nous vendre, malgré tout, malgré nous, le Canada. Merci, M. le Président, c'est ce que voulais dire très brièvement.

Situation énergétique

Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, la politique d'ordre général cet article semble être passé. J'essaie de suivre la suggestion d'ordre du jour qu'on m'a faite. Le point 2, ce serait: Situation énergétique.

M. Tremblay: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: On conserve tout de même le droit d'y revenir si c'est nécessaire.

Le Président (M. Gagnon): Oui, absolument. La situation énergétique, est-ce que vous avez des...

M. Fortier: On a déjà traité de la situation énergétique. J'aurais juste une question. Étant donné que la presse a révélé le contenu confidentiel d'une lettre de M. Bourbeau à M. René Lévesque, dans laquelle Hydro-Québec demandait la mainmise sur les sociétés de gaz, pourriez-vous nous expliquer davantage pour quelle raison cette option en particulier avait été proposée, entre autres l'arrêt du pipeline à Trois-Rivières et peut-être une limite dans la distribution du gaz au Québec qui aurait permis, j'imagine, de vendre plus d'électricité au Québec? J'imagine que c'était une des alternatives réalistes qui ont été proposées par HydroQuébec.

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Ce qu'il y avait dans le document qui a été transmis au premier ministre, c'était une proposition d'étudier une variante et on se posait des questions, à Hydro-Québec, en regardant ce qui se passe au Canada. Il y a des compagnies comme BC Hydro qui vendent de l'électricité et du gaz, il y a Saskatchewan Power qui vend de l'électricité et du gaz, il y a EDF. Aux États-Unis, vous avez une foule d'électriciens qui vendent du gaz et c'était la question qu'on se posait à ce moment. Est-ce que c'est pensable de considérer qu'Hydro-Québec pourrait vendre de l'électricité et du gaz? La proposition était une proposition d'étudier, il n'y avait aucune arrière-pensée selon laquelle on prendrait le contrôle du gaz.

M. Fortier: Si ma mémoire est fidèle, c'était une suggestion qui avait été étudiée à l'intérieur d'Hydro-Québec, il y a trois, quatre ou cinq ans. J'imagine que vous devez

avoir certains éléments du dossier qui vous permettaient de croire qu'une telle recommandation dans votre esprit serait bénéfique pour le Québec. Je l'imagine, puisque l'on va arriver tout à l'heure dans le programme d'équipements, lignes de transport, distribution. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, vous allez investir. L'an dernier, en 1981, d'ailleurs, on avait signalé le fait que des investissements très considérables devaient être faits dans la distribution. On s'aperçoit qu'à Montréal, toutes les rues sont ouvertes présentement; dans Outremont, toutes les rues sont "patchées", pour utiliser un terme populaire, de travers, par les travaux qui sont faits là. Il y a une question qui se pose: Est-ce qu'on a les moyens d'investir à la fois dans la distribution de l'électricité et à la fois dans la distribution du gaz naturel sur la même rue, en particulier? Je croyais que cette politique d'harmonisation dont on faisait état, indépendamment du désir du consommateur qui, lui, aimerait bien avoir sur sa rue et l'électricité et le gaz naturel... Cela, je le conçois bien, tous les villages du Québec veulent avoir également l'électricité et le gaz. Mais, vu sous l'angle d'une harmonisation, j'imagine que votre proposition s'intégrait à l'intérieur de gros sous. On parle de gros sous, présentement, le ministre vient d'y faire allusion, puisqu'il s'agit d'investissements de l'ordre de milliards de dollars et dans l'électricité et dans le gaz. (17 h 30)

M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que les études qui ont été faites à HydroQuébec ne consistaient pas tellement à regarder si on allait réserver certaines rues au gaz et certaines rues à l'électricité, parce que, de fait, il faut que l'électricité s'en aille dans tous les foyers, ne serait-ce que pour faire fonctionner la fournaise au gaz. Alors, ce n'était pas ce genre d'études. Quand on parle de BC Hydro qui distribue le gaz et l'électricité EDF, le gaz et l'électricité sont dans la même rue. Le gaz et l'électricité sont dans la même rue, ils se voisinent.

M. Fortier: Alors quels seraient les avantages, si ce n'est pas sur le plan de la capitalisation? Ce serait quels genres d'avantages?

M. Bourbeau (Joseph): C'était dans le but de faire des études. C'est ce qu'on demandait, de faire des études pour essayer de voir plus clair dans le dossier. C'est tout.

M. Fortier: Alors, vous voulez dire que ce genre de problème, à venir jusqu'à maintenant, n'a pas été étudié, à savoir s'il y aurait des avantages de concentration. Présentement, on se retrouve avec deux distributeurs de gaz. Un distributeur de gaz était très bien implanté à Montréal et sa survie peut être assurée parce qu'il a une clientèle à la fois industrielle et résidentielle qui est assez importante. Et comme on le sait, parce qu'il y a eu des parutions lors de la commission parlementaire de 1977, pour la survie de toute compagnie de gaz, il faut qu'elle ait un marché industriel extrêmement important. L'inquiétude, bien sûr, qu'on pourrait avoir, et surtout dans le cas de Gaz Inter-Cité qui, elle, doit se ménager un nouveau marché, on me dit que le marché domestique peut fonctionner assez bien mais, compte tenu des surplus de mazout lourd et de la concurrence que va lui faire Hydro-Québec, compte tenu des surplus d'électricité, il peut y avoir une inquiétude sur la rentabilité même de Gaz Inter-Cité dans l'avenir. J'imagine que ce sont des considérations comme celles-là qui auraient justifié une étude, des études plus en profondeur pour éviter que des catastrophes financières se produisent par la suite.

M. Bourbeau (Joseph): Exactement, on avait toujours considéré que le gaz pouvait pénétrer surtout le secteur industriel et beaucoup moins le secteur résidentiel. C'était le but de l'étude, c'était des études qu'on voulait faire.

M. Fortier: Quelle fut la réponse du gouvernement sur cette demande?

M. Bourbeau (Joseph): Je crois que le ministre a fait une déclaration, il y a un mois ou deux.

M. Duhaime: Je pourrais peut-être la reprendre?

M. Bourbeau (Joseph): Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Fortier: D'habitude, il dit la même chose que j'ai dite, mais six mois après.

M. Duhaime: Non, il y a une meilleure constante.

M. Fortier: Dans six mois, il va changer encore, lors de la prochaine commission parlementaire.

Le Président (M. Gagnon): La parole est au ministre.

M. Duhaime: J'ai une bonne coupure de presse sur vos déclarations concernant le gaz naturel, M. le député d'Outremont. Si vous voulez qu'on vous mette en contradiction, on peut le faire dans les quinze prochaines minutes. La réponse du gouvernement là-dessus, c'est que, dans l'immédiat, on ne

voyait pas l'utilité ni même l'urgence de faire une fusion de quelque nature que ce soit. Ceci étant dit, je crois avoir rappelé que c'était du devoir d'Hydro-Québec, de son président ou de ses présidents de continuer à réfléchir là-dessus. Je suis personnellement convaincu que la meilleure façon de donner un choix au consommateur, dans l'étape où nous nous trouvons sur le plan de la pénétration du gaz naturel, est de laisser les deux compagnies de distribution se battre sur le marché. Je l'ai indiqué rapidement, ce matin. C'est un marché de 150 BCF: Gaz-Métro, autour de 40, Gaz Inter-Cité 110. Je voudrais prendre juste un exemple bien concret. Dans la phase II, pour la conduite latérale qui partirait de Grand-Mère, en Mauricie, jusqu'à l'usine Alcan, à La Baie, au Saguenay - Lac-Saint-Jean, les prévisions de Gaz Inter-Cité sont dans le sens qu'à peu près la moitié des 29 BCF prévus pour cette conduite latérale pourrait être absorbée par l'Alcan qui, à l'heure actuelle, importe du pétrole.

Il est évident qu'un pareil client industriel en bout de piste assure la rentabilité de cette phase II. La même chose pour la phase I. Trois-Rivières sur Bécancour, ou Trois-Rivières sur Shawinigan, sur Grand-Mère avec le potentiel de clients industriels qu'il y a là, en se disant bien que, d'abord et avant tout, le gaz naturel va déplacer du pétrole. Et, mon Dieu! que BC Hydro ait un comptoir unique pour l'électricité et le gaz et que DF-France fasse la même chose et dans d'autres coins du monde, c'est le même scénario qu'on retrouve. Je pense que, pour l'instant, pour les quelques années qui sont devant nous en tout cas, il n'y a pas lieu de réviser ces scénarios et de laisser les compagnies gazières se battre, même se battre contre Hydro-Québec - le faut-il? - ou, inversement, qu'Hydro-Québec ait à se battre sur le plan du marché. On a à plusieurs reprises entendu tant M. Bourbeau que M. Coulombe ce matin dire qu'Hydro-Québec est prête à être beaucoup plus agressive sur une mise en marché. Le gouvernement est d'accord avec cette approche, et je pense que celui qui va y gagner, en ultime ressort, cela va être le consommateur qui, d'une part, va avoir un choix dans ses formes d'énergie, au moins pour les régions qui seraient desservies par le gaz naturel et, au surplus, si on regarde l'évolution des prix, il est bien certain, même en tenant compte de la taxe de vente qui s'applique encore aujourd'hui sur le gaz naturel, que cette forme d'énergie est à meilleur marché que l'électricité, à plus forte raison que le pétrole.

Une fois la taxe de vente sur le gaz naturel enlevée, il est évident que les différences sur l'indice varient en faveur du gaz naturel, mais je crois qu'il faut laisser les choses se dérouler sur le marché et ne pas faire des scénarios structurels en croyant qu'automatiquement on pourrait tout figer sur une problématique que l'hydroélectricité arriverait à temps et que le gaz naturel vendu par Gaz Métropolitain atteindrait tel niveau et que le gaz naturel vendu par Gaz Inter-Cité atteindrait tel autre niveau. Je pense qu'il faut laisser les forces du marché jouer.

L'objectif de fond, je le rappelle, est de faire en sorte, si l'hydroélectricité toute seule réussit à déplacer du pétrole importé, de tenir pour acquis qu'une forme d'énergie à un prix encore meilleur marché pourrait déplacer encore davantage de pétrole importé. C'est dans ce sens, je crois, que la problématique énergétique est sur la table et je ne vois pas pourquoi à ce moment-ci on remettrait cela en cause. J'ai eu l'occasion, je voudrais en donner l'assurance au député d'Outremont, de dire que nos discussions avec Hydro-Québec sur ce sujet vont se poursuivre; je ne voudrais en aucune manière freiner ou arrêter quelque effort de réflexion où que ce soit, autant à l'Hydro-Québec qu'à mon propre ministère, et on verra à l'avenir ce que cela va donner.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je prends note du fait que le ministre vous encourage à continuer votre réflexion; j'espère que vous en êtes fort aise. J'aimerais seulement préciser certains chiffres, du moins, j'ai obtenu des chiffres de Gaz Métropolitain cette semaine - peut-être que cela vaut la peine d'en faire état - en ce qui concerne les prix comparatifs du gaz et de l'électricité; on m'a donné les prix pour un bungalow de 1200 pieds carrés de superficie. Les prix que j'ai obtenus pour le chauffage sont ceux-ci: chauffage au gaz, 909 $; chauffage à l'électricité, 929 $; et chauffage à l'huile à chauffage, 1120 $. Il y a un avantage très minime en faveur du gaz; d'ailleurs, comme j'en ai fait l'expérience moi-même cette année, M. le ministre, cet avantage disparaît complètement lorsqu'on spécifie à notre compagnie d'assurance qu'on se chauffe à l'électricité, puisque le risque est beaucoup moins élevé. Dans ce cas-ci, on peut affirmer, en prenant en considération la prime d'assurance sur la maison, qu'il n'y a aucune différence présentement pour un bungalow de 1200 pieds carrés entre le gaz et l'électricité. Il est vrai que, si le gouvernement, à la suite des promesses qu'il avait faites dans le passé, enlevait la taxe sur le gaz, à ce moment-là cela pourrait avantager le gaz proprement dit. Mon dernier commentaire est que le ministre voudrait que ces compagnies dans le domaine du gaz et de l'électricité soient en concurrence. Personnellement, venant du secteur privé, je

suis tout à fait à l'aise avec une politique de concurrence, comme il le suggère, dans le secteur privé.

Dans le secteur public, ce dont il faudrait se souvenir, c'est que l'actionnaire d'Hydro-Québec, c'est le public, ce sont les 5 000 000 à 6 000 000 d'Hydro-Québécois et les actionnaires de Gaz Métropolitain, Gaz Inter-Cité, à 52%, 53%, sont également des Québécois. S'il fallait qu'il y ait des erreurs de stratégie et de marketing, puisqu'on dit à chacun, comme on le fait dans le secteur privé, à Steinberg comme Provigo: faites de la concurrence entre vous; finalement, c'est le consommateur qui va gagner, il nous faut bien réaliser que, lorsqu'il s'agit de sociétés d'État, à 100% dans le domaine de l'Hydro-Québec et à 52% dans le cas des distributeurs de gaz, s'il y a des erreurs d'appréciation des marchés, en bout de piste, c'est le consommateur qui va payer. C'est là le risque. On ne peut se permettre justement de prendre des risques, de la même façon qu'on peut le faire dans le secteur privé où, finalement, ce sont les actionnaires de ces compagnies qui y perdent. C'est la raison pour laquelle, M. le ministre, votre argumentation est fallacieuse. C'est la raison pour laquelle je demandais justement qu'on réexamine cette politique parce qu'en bout de piste ce sont encore les consommateurs qui vont se faire avoir. C'est ce qui est dangereux. Je comprends, sans endosser en aucune façon la recommandation qui a été faite par Hydro-Québec, mais au moins elle avait le mérite de mettre le problème sur la table. Je crois qu'on doit continuer à l'examiner, puisque, pour ma part, j'ai encore de graves inquiétudes, je le répète, sur la rentabilité de Gaz Inter-Cité. Si les dirigeants de Gaz Inter-Cité ne sont pas nerveux, quoique dans le passé ils nous disaient qu'il était tout à fait important que CARMONT se réalise pour justifier la rentabilité de ce distributeur de gaz... Maintenant que CARMONT ne se réalisera pas, qu'on nous dise que la rentabilité est encore assurée, cela me semble beaucoup et même beaucoup trop. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais juste dire une chose. Je ne sais pas si on va concilier nos chiffres sur les 1200 pieds carrés.

M. Fortier: ... Gaz Métropolitain.

M. Duhaime: Sur les positions concurrentielles des formes d'énergie, ce que j'ai ici devant moi, c'est qu'en tenant pour acquis, par exemple, que l'indice de l'électricité est de 100, sur un scénario pour 1983 qui impliquerait une augmentation tarifaire de 7,3%, l'indice de l'électricité serait de 100, par rapport au gaz naturel qui serait de 84, et l'indice du mazout no 2 serait de 116, ce qui veut dire que vous auriez moins 16 en faveur du gaz et plus 16 de l'autre côté.

Si vous nous dites que cela n'a pas de bon sens, j'ai les chiffres devant moi pour le chauffage de l'eau et de l'espace d'une maison unifamiliale. Ce sont les comparaisons tarifaires qui s'appliquent dans le secteur résidentiel. Il est évident que, quand on s'en va dans les maisons à appartements, l'indice varie vers le bas quant au mazout et il varie également vers le bas pour ce qui est du gaz naturel. L'avantage du prix du gaz naturel ne reste pas marginal, mais il reste nettement significatif en tenant pour acquis que notre gouvernement livrera la marchandise pour ce qui est de l'abolition de la taxe sur le gaz naturel, mais elle sera annoncée en temps utile. J'imagine que cela va de soi que c'est le ministre des Finances de notre gouvernement qui s'occupe de ce genre de chose et qu'au mois de novembre une déclaration devrait aller dans ce sens.

M. Fortier: Si c'est le ministre des Finances qui s'en occupe, tout le monde est rassuré.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'au point 2 vous aviez d'autres questions?

M. Fortier: Non. Facteurs influençant la demande

Le Président (M. Gagnon): On passerait donc aux facteurs importants influençant la demande. Aviez-vous quelque chose à ajouter, M. le député d'Outremont?

M. Fortier: Oui, ce sont des facteurs importants qui affectent la demande. Il y a deux types de facteurs importants affectant la demande d'Hydro-Québec, en plus des autres facteurs qu'on a mentionnés jusqu'à maintenant: ce sont les exportations d'énergie et Churchill Falls.

Prenons le premier pour commencer, les exportations d'énergie. Quand on parle d'exportation d'énergie, on parle non seulement d'exportation vers les États-Unis, mais on parle d'exportation vers les provinces limitrophes. En examinant votre dossier et compte tenu des commentaires qu'on peut lire dans les journaux, il semblerait, comme vous l'avez dit tout à l'heure, qu'Hydro-Ontario, elle, a des surplus d'énergie. On peut même lire dans les journaux que le Nouveau-Brunswick lui-même a également des surplus. Ce qui me surprend, c'est que chacune de ces provinces cherche à vendre de l'énergie aux États-Unis et, effectivement, fait des ventes aux États-Unis. J'ai ici devant moi un article qui a

paru le 22 octobre dernier dans le Globe and Mail où on dit: "Hydro signs 600 000 000 $ deal". Ce qui m'a frappé aussi, essentiellement, c'est le fait que le volume de ventes d'Hydro-Ontario vers les États-Unis est de beaucoup supérieur à celui d'HydroQuébec. Je crois que c'est de l'ordre de 500 000 000 $ par année - j'aurais dû apporter le rapport financier d'Hydro-Ontario - et que les exportations d'Hydro-Québec sont présentement de l'ordre de 200 000 000 $.

Une voix: 500 000 000 $.

M. Fortier: 500 000 000 $, présentement?

Une voix: Pas aux États-Unis.

(17 h 45)

M. Bourbeau (Joseph): Vers les États-Unis, 200 000 000 $, puis l'Ontario, le Nouveau-Brunswick...

M. Fortier: Alors, je ne sais pas... La première question est celle-ci. Y a-t-il réellement des possibilités de vente d'énergie à l'Ontario et au Nouveau-Brunswick? Ma deuxième question est: Compte tenu du fait que ces provinces revendent notre électricité aux États-Unis, dans un sens, ne nous retrouvons-nous pas dans la même position que Terre-Neuve? Sommes-nous assurés quand même de faire des profits sur ces ventes? Pourquoi ne pouvons-nous pas la vendre nous-mêmes aux États-Unis? Ma troisième question est: Quels moyens Hydro-Québec va-t-elle prendre? Peut-être que M. Lafond, étant le nouveau titulaire, a des idées là-dessus, mais la question se pose au président. Quels sont les moyens qu'Hydro-Québec mettra en oeuvre pour, dans un sens, contrecarrer les efforts de marketing - parce que vous n'êtes pas les seuls - qui sont faits par le Nouveau-Brunswick - quoique là, le danger est plutôt minime; tout ce qu'ils ont, je crois, c'est Pointe Lepreau II ou quelque chose comme cela - et l'Ontario, qui a des surplus beaucoup plus considérables.

Le Président (M. Gagnon): M. Jean-Joseph Villeneuve va répondre à votre question.

M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Jean-Joseph): Je pense que le premier point dans cette question a trait aux capacités d'interconnexion entre, d'une part, Hydro-Québec et les États-Unis, et les provinces voisines et les États-Unis, d'autre part. Il faut comprendre qu'Hydro-Ontario peut vendre aux États-Unis en trois points principaux, dont un est assez près de nous, dans la région de Massena, à partir de la centrale hydroélectrique de St. Lawrence.

M. Fortier: Ils ont une interconnexion considérable.

M. Villeneuve: Ils ont une interconnexion importante à cet endroit, pas en soi plus importante que notre interconnexion de Châteauguay, mais qui s'ajoute aux autres interconnexions qu'ils ont, notamment à Niagara et dans la région de Détroit, c'est-à-dire au sud-ouest de la péninsule de l'Ontario. Au total, Hydro-Ontario a des capacités d'iterconnexion de l'ordre de deux fois et demie peut-être notre capacité d'interconnexion avec les États-Unis. C'est ce qui explique, en tout premier lieu, le volume des ventes. Quant au prix unitaire, Hydro-Québec, par la force des choses, pour être en concurrence avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, doit effectivement vendre à un prix inférieur. Ce qui nous amène à utiliser nos interconnexions à un facteur d'utilisation plus élevé que ce que peut réussir l'Ontario. Il se passe que nous, comme notre coût marginal est virtuellement nul, c'est-à-dire qu'une fois les centrales en place, cela ne nous coûte à peu près rien de produire plus de kilowattheures quand on a l'eau voulue pour le faire. C'est qu'on peut toujours vendre à un prix concurrentiel et vendre à un prix inférieur à ce qu'il en coûte aux Américains pour produire leur électricité. Cela nous amène à vendre la nuit et en fin de semaine, alors qu'à certains moments, tout ce qu'on déplace aux États-Unis, c'est de l'électricité produite au charbon; ce qui veut dire qu'à ce moment-là l'Ontario n'est pas en concurrence avec nous, l'Ontario ne peut pas vendre pour déplacer du charbon aux États-Unis. Récemment, j'ai vérifié les chiffres et on a utilisé notre interconnexion à des facteurs d'environ 80% ou 85%, alors que l'Ontario, c'est peut-être autour de 50% ou 55%. Mais, il faut qu'on vende à un prix, pour entrer en concurrence, qui soit vraiment en-dessous du prix moyen auquel peut vendre Hydro-Ontario. Donc, en résumé, notre revenu moyen est inférieur à celui de l'Ontario. Je pourrais faire des comparaisons semblables avec le Nouveau-Brunswick: c'est encore plus marqué et le volume est inférieur à ce que peut vendre l'Ontario.

M. Fortier: Je veux seulement comprendre ce que vous me dites. Vous dites qu'Hydro-Québec doit vendre à un prix inférieur à celui d'Hydro-Ontario; est-ce que c'est pour justifier, finalement, la construction des lignes de transport d'énergie additionnelles que les Américains doivent construire? Pour quelle raison devez-vous vendre meilleur marché qu'Hydro-Ontario?

M. Villeneuve: II n'y a pas de rapport, c'est qu'on passe en premier, en vendant moins cher, on vend les premiers et

l'Ontario, passe après, c'est-à-dire que nous, on peut vendre toute la journée et quand on a saturé notre interconnexion, là, l'Ontario peut vendre. Mais malgré cela, elle fait des revenus plus élevés que nous pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure. C'est un avantage pour nous, en somme. Cela peut paraître curieux, mais si on avait plus d'interconnexions, évidemment, on augmenterait l'effet de la concurrence et on pourrait vendre des volumes. C'est ce qui va se produire quand on va ajouter l'interconnexion de NEEPOOL en 1986. Au début, elle va avoir seulement 690 mégawatts de capacité, mais éventuellement, lorsqu'elle en aura 2000, on pourra vendre vraisemblablement à un taux d'utilisation élevé et aller chercher des revenus considérables.

M. Fortier: Dans votre programme d'équipements, ici, vous faites allusion aux ventes possibles d'ici à 1985, j'imagine que c'est limité par les interconnexions qui sont en place. Au-delà de 1985, quelles sont les interconnexions qui viendront ajouter à la capacité de vente d'Hydro-Québec. Il s'agit de Châteauguay et Des Cantons en particulier, est-ce que vous voulez préciser l'importance de ces interconnexions?

M. Villeneuve: Ce qui est prévu au début, c'est une interconnexion courant continu à partir d'un poste près de Sherbrooke, justement qui s'appelle Des Cantons, vers un poste situé vers la frontière entre le Vermont et le New-Hampshire qui s'appelle Comerford et cette interconnexion devrait venir en exportation à la fin de 1986. Elle pourra être portée, comme M. le président l'a dit tantôt, à 2000 mégawatts de capacité éventuellement. Nous avons amorcé des négociations pour en venir à cela éventuellement.

M. Fortier: Vous voulez dire que la ligne de transport d'énergie du côté canadien pourrait être à 2000 mégawatts, mais est-ce que l'interconnexion elle-même va être à 2000 mégawatts?

M. Villeneuve: Pas exactement. Les équipements à chaque extrémité seront bons pour 690 mégawatts...

M. Fortier: Qui pourront être ajoutés.

M. Villeneuve: ...et la ligne elle-même, je crois, là on pourrait vérifier, mais je pense qu'il y aura peut-être des modifications nécessaires pour pouvoir porter sa capacité à 2000 mégawatts.

M. Fortier: Est-ce que les Américains planifient sur la même base ou s'ils se contentent de 600 mégawatts, par exemple?

M. Villeneuve: Ils font la même chose que nous, 690 mégawatts au début, mais eux aussi, en modifiant les équipements et la ligne si nécessaire, pourront la porter à 2000 mégawatts.

M. Fortier: C'est qu'en utilisant les lignes existantes, y inclus celle de Des Cantons éventuellement en 1985, et en allant dans la lignée de ce dont parlait le président tout à l'heure à l'effet qu'au lieu de vendre uniquement l'énergie excédentaire - je ne sais pas comment c'est défini dans votre contrat, l'excédentaire c'est quasiment du permanent présentement - je ne sais pas quelle serait la différence.

M. Villeneuve: C'est à dire qu'il y a...

M. Fortier: Dans les faits, cela pourrait nous permettre combien de térawattheures? Autrement dit, si on vendait à plein rendement douze mois par année, est-ce que cela augmenterait considérablement les ventes, avec les capacités que vous allez avoir en 1985, si vous signiez des contrats fermes en utilisant les interconnexions? Parce que, bien entendu, même si vous aviez des contrats plus importants, vous ne pourriez pas les vendre à cause de la capacité des interconnexions.

M. Villeneuve: II faudrait mentionner immédiatement que dans le cas de l'interconnexion avec PASNY, en 1984, sa capacité sera portée à environ 2000 mégawatts, alors qu'à l'heure actuelle, notre interconnexion avec PASNY a une capacité d'environ 1200.

M. Fortier: Est-ce que c'est déjà engagé?

M. Villeneuve: Oui. Au poste Châteauguay, on a des équipements en cours d'installation pour mettre en place une installation dos à dos qu'on appelle, c'est-à-dire qu'on va convertir au courant continu et inverser immédiatement pour revenir au courant alternatif.

M. Fortier: Au sujet de Châteauguay -excusez mon ignorance - est-ce que les approbations du ministère de l'Environnement sont données? Dans le cas où la ligne est déjà construite mais que vous devez augmenter sa capacité, est-ce que la procédure est simplifiée?

M. Villeneuve: Oui, il y a peut-être des approbations... Oui, sûrement, parce qu'il n'y a pas de nouvelles lignes. C'est simplement de l'équipement à l'intérieur du poste qui est mis en place, alors, je pense que c'est relativement facile. Tout est en cours de construction et cela devrait être en

exploitation à la fin de 1984.

Pour répondre à votre question, avec l'interconnexion de PASNY portée à 2000 mégawatts et celle de NEEPOOL à environ 700 mégawatts, on devrait pouvoir exporter environ 15 térawattheures par année au total par rapport à aujourd'hui avec 7 ou 8 térawattheures au maximum.

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Fortier: Allons au-delà de cela. Dans votre étude, vous mentionnez qu'il y a des possibilités. Un ancien premier ministre en parle beaucoup. Je crois qu'il y a des possibilités considérables, pour éviter les pluies acides, d'une part, et pour augmenter notre exportation. Au moment où on se parle, peut-être êtes-vous en train de négocier des contrats. Vous n'êtes pas obligé de les divulguer. Cela dit, est-ce que vous êtes optimiste quant aux possibilités d'exportation, au-delà des interconnexions qui sont présentement en chantier? Celui de Des Cantons n'est pas spécifiquement en chantier, il est à l'étape des auditions au niveau environnemental, mais au-delà de cela, quel est votre optimisme et dans quelle mesure y travaillez-vous de pied ferme, ou prévoyez-vous qu'il serait possible d'augmenter considérablement notre exportation d'énergie. Par ailleurs, faudrait-il bien se dire, comme le soulignait tout à l'heure le député de Charlesbourg, qu'éventuellement ces engagements, s'ils étaient fermes, nous engageraient pour 20 ou 30 ans.

M. Villeneuve: Une des premières possibilités sur laquelle nous travaillons -cela a déjà été mentionné aujourd'hui - c'est de modifier des contrats existants pour changer le caractère de l'énergie en énergie garantie ou prioritaire, si vous voulez - c'est ce qu'on a signé avec PASNY et ce qu'on est à la veille de signer avec NEEPOOL - en énergie ferme, en puissance et énergie. Une première possibilité, sans nouvelle interconnexion, serait donc de vendre 1500 mégawattheures ou 10 térawattheures. Cela serait possible simplement avec ces interconnexions, comme je vous l'ai signalé il y a un instant, d'exporter jusqu'à 15 térawattheures; cela pourrait se faire sans nécessairement impliquer de nouvelles interconnexions, entre 1500 et 2000 mégawatts. On n'a pas exclu, dans nos contacts jusqu'ici avec les Américains, la possibilité de nouvelles interconnexions, au-delà de celles qui sont envisagées ou en place dans le moment.

M. Fortier: Ce sera ma dernière question, je vais laisser ma place à d'autres. Vu les problèmes de construction de ces lignes de transport d'énergie, ceux qui vivent dans la région de Sherbrooke présentement savent pertinemment que ces lignes de transport d'énergie, cela leur demandera de sacrifier une partie de leur terre ou une partie de leur ferme et des boisés, des endroits touristiques etc. Il est évident que ces gens ont fait des représentations auprès d'Hydro-Québec et auprès des différents députés qui sont intéressés par ces questions. Bien sûr, Hydro-Québec doit suivre la procédure qui a été adoptée par l'Assemblée nationale et j'imagine qu'il aurait été possible de faire plus, n'eussent été ces contraintes. Par ailleurs, les citoyens qui subissent la construction des lignes de transport d'énergie, au contraire, voudraient que les contraintes soient plus grandes. De quelle façon voyez-vous ce problème et quelles sont les recommandations que vous avez faites au gouvernement pour tenir compte de cette situation qui est très réelle?

M- Coulombe: Je pense qu'on va devoir apprendre, un peu tout le monde, et la population et Hydro-Québec, à vivre avec ces réalités nouvelles. Dans le cas de l'environnement ou du territoire agricole ou des nouvelles municipalités régionales, il s'agit de tout un processus nouveau tant en ce qui concerne la population qu'en ce qui a trait à Hydro-Québec. Il y a une possibilité, je pense d'agencer la perception de tous pour que les mêmes objectifs soient partagés. On avait des difficultés dans la région de Sherbrooke. On a eu des rencontres avec les organismes concernés. Je ne dis pas que les difficultés sont éliminées, loin de là, mais il semble y avoir une sorte de modus Vivendi qui s'établit. C'est évident que, tôt ou tard, il va falloir qu'il y ait une procédure qui permette de gagner un peu de temps tout en respectant les objectifs tout à fait valables de la population dans ces territoires. Quant à la ligne Des Cantons, on prévoit que ça va prendre entre sept ou huit ans, à partir du début jusqu'à la fin, si tout se passe comme prévu. Nous en sommes aux audiences, aux préaudiences à deux niveaux. Évidemment, c'est extrêmement complexe. J'ai l'impression que le sens commun va prévaloir à un moment donné pour qu'il y ait une certaine simplification des procédures, parce que évidemment ça va être la paralysie totale et ça, je pense que ni la population ni Hydro ni personne n'a l'intention d'aller vers la paralysie totale. Donc, ce sont des ajustements qui vont devoir être faits. On ne sait pas comment, on ne sait pas quand, mais ils vont devoir se faire tôt ou tard.

M. Fortier: Mais, excusez-moi, ce sont des ajustements qui vont permettre à tous ceux qui sont touchés par ces lignes de transport d'énergie de s'exprimer. J'imagine que quelquefois ces gens se sentent un peu bousculés par la procédure. Vous traitez avec

les corps intermédiaires et certains citoyens disent: C'est bien beau de traiter avec la municipalité ou tel corps représentatif, mais nous, nous avons également des choses à dire.

M. Coulombe: Quand je parle d'ajustements, je ne parle pas seulement au niveau de la population, je parle d'ajustements au niveau d'Hydro-Québec, au niveau des procédures qu'on prend, au niveau des techniques de travail qu'on a. Il va falloir s'ajuster à cette nouvelle réalité, comme les corps intermédiaires et les gens représentatifs vont devoir s'ajuster aussi. C'est un processus qu'il va falloir établir. On va devoir le faire tout le monde.

Le Président (M. Gagnon): Merci. La commission de l'énergie et ressources...

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'ai une question à vous poser. Je comprends que la commission a adopté un ordre du jour pour ses travaux...

Le Président (M. Gagnon): Pro forma.

M. Pagé: Pro forma. Pouvez-vous m'assurer...

Une voix: Cela n'a pas été adopté.

M. Pagé: Je m'en excuse, c'est strictement ce que je voulais demander au ministre et à vous. Compte tenu, malheureusement, que je ne pourrai pas être présent ce soir, est-ce que je pourrai demain, à la séance de la matinée, faire un commentaire général et poser une question spécifique sur...

M. Fortier: On a consensus là-dessus.

Le Président (M. Gagnon): Nous avons une suggestion à l'ordre du jour qui n'a pas été adoptée.

M. Duhaime: Je vais gager que vous allez nous parler de Delaney demain matin.

M. Pagé: Certainement, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): La commission permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'énergie et des ressources...

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît!

La commission de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Lors de la suspension de nos travaux, la parole était au ministre. Alors, M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je ne croyais pas que le député d'Outremont avait terminé son intervention.

Le Président (M. Gagnon): Oui, il avait dit que c'était la dernière question.

M. Duhaime: Oui. Je voudrais revenir sur le dossier des exportations et adresser ma question à M. Bourbeau ou à l'un de ses adjoints. Je voudrais savoir quelle est la position concurrentielle d'Hydro-Québec sur les marchés de la Nouvelle-Angleterre ou de New York par rapport au potentiel d'exportation hydroélectrique sous toutes ses formes du Nouveau-Brunswick, d'une part, et d'Hydro-Ontario, d'autre part. Est-ce que nous sommes sur les mêmes marchés? Est-ce que nous sommes concurrentiels ou potentiellement concurrentiels quant aux prix à offrir à des clients éventuels du côté américain, dans un premier temps? J'aurai ensuite d'autres questions.

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Alors, sur les marchés, de fait, on vise les mêmes marchés, mais pas totalement. Le Nouveau-Brunswick vend au Maine et nous vendrons à la Nouvelle-Angleterre à travers l'interconnexion de NEEPOOL. Donc, on pourra desservir le même marché, le Nouveau-Brunswick et le Québec. Quant à PASNY, on dessert évidemment l'État de New York, mais Hydro-Ontario dessert aussi l'État de New York à travers deux ou trois interconnexions. Donc, on a encore là partiellement le même marché. Quant aux prix, je laisserai M. Villeneuve vous dire ce qui en est.

M. Villeneuve: Une considération importante serait le fait qu'Hydro-Ontario, pour exporter, utilise ses centrales qui brûlent du charbon, de sorte que le prix de vente est fondé sur un partage des économies entre l'acheteur et le vendeur. Le prix, donc, se situe à mi-chemin entre le coût de produire avec du charbon et le coût qu'il en coûterait aux Américains pour produire, disons, avec du pétrole. Hydro-Ontario a un nombre important de centrales

nucléaires, mais, comme le coût marginal du kilowattheure produit dans une centrale nucléaire est relativement bas, autant que je sache, elle garde l'énergie produite au nucléaire pour alimenter sa charge interne et utilise les centrales au charbon pour l'exportation. Alors, ils sont en concurrence avec nous dans la mesure où Hydro-Québec chercherait à vendre au prix le plus élevé possible; donc, ils s'approcheraient du prix que demande l'Ontario avec le charbon. Comme je le disais cet après-midi, on peut toujours abaisser notre prix en bas du prix de l'Ontario puisque notre coût marginal est voisin de zéro, avec l'hydraulique. De ce côté, on alimente le même marché, comme disait M. Bourbeau, mais on a l'avantage de pouvoir abaisser notre prix suffisamment pour concurrencer l'Ontario.

M. Duhaime: Vous me corrigerez, si je fais erreur. Notre propre réseau de production électrique s'approvisionne à l'hydroélectricité dans une proportion de 99% ou à peu près, si on exclut Gentilly 2 qui n'est pas encore en marche. En Ontario, la part du nucléaire, dans leur capacité de production électrique, est de l'ordre de quoi? 30%?

M. Villeneuve: Environ.

M. Duhaime: 30%. Au Nouveau-Brunswick, quel est l'ordre de grandeur?

M. Villeneuve: Leur centrale nucléaire commence. À ma connaissance, elle a déjà produit de l'électricité, mais je ne crois pas qu'elle soit en marche commerciale. Je vous donne cela un peu de mémoire, je crois que leur capacité totale doit dépasser 2000 mégawatts, et Pointe Lepreau est de 600. Donc, cela représente un pourcentage non négligeable de leur production, mais ils emploient beaucoup de pétrole, au Nouveau-Brunswick, pour alimenter autant leur charge que l'exportation. (20 h 15)

Une chose à signaler, dans le cas du Nouveau-Brunswick, c'est qu'ils ont signé des contrats de partage de centrales, par exemple, une centrale, Colson Cove, au Nouveau-Brunswick, est utilisée et une partie de la production appartient aux Américains. Les Américains payent le coût global, y compris le coût de capital, le coût d'exploitation; alors, le prix est très élevé, mais cela a permis aux Américains de reporter eux-mêmes des centrales de base à plus tard. De ce côté, il est clair que, le prix étant très élevé, quand on vendra à la Nouvelle-Angleterre, la concurrence ne se fera pas sur la même base. On pourra vendre l'excédent, alors que le Nouveau-Brunswick, dans le moment, vend du ferme.

M. Duhaime: Alors, si je comprends bien, cela veut dire que, si on prend l'Ontario, leur capacité d'exportation se fait à partir de centrales au charbon, et la production électrique des centrales nucléaires dessert d'abord et avant tout ses besoins domestiques.

M. Villeneuve: C'est exact.

M. Duhaime: Maintenant, peut-être que ma question pourrait s'adresser à M. Bourbeau. Je voudrais qu'il fasse le point, en termes de capacité de production électrique à partir du nucléaire au Québec, essentiellement à Gentilly 2, sa capacité de production, le moment de sa mise en route, de son démarrage, les coûts encourus jusqu'à présent à partir des coûts estimés et la contribution du fédéral à Gentilly 2 par rapport au scénario du financement nucléaire, si vous avez de l'information sur ce qui s'est fait en Ontario et sur ce qui est proposé actuellement comme scénario de financement avec le Nouveau-Brunswick.

Le Président (M.Gagnon): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Votre première question avait trait à la capacité du réacteur de Gentilly 2; c'est un réacteur de 637 mégawatts, autour de 630 mégawatts. La deuxième question avait trait à la mise en marche du service. Nous avons commencé à mettre en service le réacteur. La mise en service commercial est prévue pour le mois de septembre 1983. Quelle était la troisième question, M. le ministre?

M. Duhaime: Les coûts.

M. Bourbeau (Joseph): Les coûts prévus se situent maintenant à 1 509 000 000 $, c'est la dernière estimation que nous avons.

M. Duhaime: Par rapport à un coût estimé en 1972 de ...

M. Bourbeau (Joseph): La première estimation était de 305 000 000 $ ou quelque chose comme cela.

M. Duhaime: Si je comprends bien, la contribution fédérale a été calculée pour Gentilly 2 à partir des coûts estimés au moment du début des travaux.

M. Bourbeau (Joseph): La première estimation était sur le financement de la moitié de la première estimation, c'est-à-dire qu'on a un financement de 151 000 000 $, grosso modo.

M. Duhaime: Quand vous dites un financement, c'est un prêt?

M. Bourbeau (Joseph): C'est un prêt.

M. Duhaime: Si vous aviez à comparer, M. Bourbeau, le financement fédéral dans l'investissement nucléaire au Québec, qui est, à ce que vous dites, de 150 000 000 $ et qui est un prêt sur un coût estimé à quelque 300 000 000 $ en 1972, pour un investissement réel de 1 509 000 000 $ dix ans plus tard, cela veut dire qu'on paie la différence à nous seuls, si je comprends bien vos propos. Si donc vous aviez à comparer cela avec le financement du nucléaire qu'offre le gouvernement fédéral au Nouveau-Brunswick ou encore à l'Ontario, seriez-vous en mesure de nous dire que c'est un traitement égal ou inégal et dans quelle direction?

M. Bourbeau (Joseph): Au Nouveau-Brunswick, la première estimation de Lepreau se chiffrait à environ 650 000 000 $ ou 700 000 000 $ et, évidemment, la moitié de cette somme a été financée par le fédéral; c'est donc dire que Pointe Lepreau est financée à peu près à 350 000 000 $.

Une voix: Sous forme de prêt?

M. Bourbeau (Joseph): Sous forme de prêt. Maintenant, peut-être que M. Villeneuve pourrait vous donner d'autres conditions de financement qui ont été arrangées il y a peut-être un an entre le Nouveau-Brunswick et le fédéral.

M. Villeneuve: Non, malheureusement, je n'ai pas d'information là-dessus, M. Bourbeau.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, j'aurais une question sur un autre sujet. On a parlé, durant la séance de cet après-midi, du potentiel de marché aux États-Unis, soit New York, soit la Nouvelle-Angleterre. En mégawatts, je pense qu'on retenait une problématique ou une variable qui pouvait jouer entre 1500 et 2000 mégawatts. Mon collègue d'Outremont en a aussi parlé en référant aux déclarations...

M. Fortier: On parle de 8000 mégawatts.

M. Duhaime: ...d'un ancien premier ministre. Je voudrais savoir s'il y a un marché en Nouvelle-Angleterre ou à New York pour 10 000 mégawatts et, dans l'affirmative, en quelle année.

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau. M. Bourbeau (Joseph): M. Villeneuve va répondre à la question.

M. Fortier: Vous dites que dans le plan de développement d'Hydro-Québec - à la page 24, ce n'est pas la bonne page - vous faites allusion à un marché de 2500 plus 4500 plus 2500. Est-ce que c'est le marché? Vous faites allusion à 9500 si on déplaçait tout le charbon.

M. Coulombe: Selon l'étude qui nous est disponible, effectivement, d'ici à la fin du siècle, si on considère toutes les possibilités de permutations de tous les marchés, de toutes les usines au charbon, et ainsi de suite, qui sont prévues et qui pourraient être éliminées, on en arrive à des chiffres théoriques de cet ordre, d'ici à la fin du siècle.

M. Fortier: De 9500.

M. Coulombe: Mais évidemment il faut que chacun des projets identifiés dans les plans d'équipements de chacune des utilités publiques américaines, compte tenu de l'augmentation du prix, puisse être éliminé et ainsi de suite. Il y a beaucoup, encore là, de sous-hypothèses qui, l'histoire le prouve, ne se réaliseront probablement pas. Mais en termes théoriques, d'ici à 20 ou 25 ans, c'est une possibilité, je dis bien, théorique. Ce sont d'ailleurs les chiffres qu'on a à la page 28 du plan de développement.

M. Duhaime: Cette hypothèse tiendrait pour acquis que des centrales alimentées au pétrole importé...

M. Coulombe: Au charbon.

M. Duhaime: ... ou encore au charbon, qui sont actuellement en exploitation sur des bases rentables, cesseraient.

M. Fortier: Ou prévues pour être construites.

M. Coulombe: Ou qu'ils n'en construiraient plus aucune, puis des hypothèses et des scénarios semblables.

M. Duhaime: Ce n'est pas pour lancer la balle, mais cela commence à ressembler à une hypothèse de professeur d'université. On a dit ça ce matin.

M. Coulombe: II y a beaucoup de "si".

M. Fortier: Je n'ai pas fait de commentaires là-dessus...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président,

justement... M. le député de Saint-Jean, si vous permettez. Dans ce sens, si on avait présentement un potentiel hydroélectrique très grand - pour mettre des "si" parce qu'il a l'air d'y avoir pas mal de "si" là-dedans -et si on avait le potentiel de transmission, est-ce que les Américains seraient prêts à en acheter présentement à un bon prix, de l'électricité du Québec?

M. Coulombe: Si vous me définissez clairement ce que vous entendez par "bon prix".

M. Tremblay: Un bon prix pour nous.

M. Coulombe: Oui mais le problème, la caractéristique de ces contrats, c'est qu'on est deux pour négocier. Le prix est peut-être bon pour nous mais...

M. Grégoire: ... le prix québécois...

Le Président (M. Gagnon): Je reviendrai à vous, M. le député.

M. Grégoire: Non, non, c'est juste une question de parlementaire.

M. Tremblay: C'est cela la question. Est-ce qu'ils sont prêts à signer quelque chose, eux?

M. Coulombe: Ce qu'on peut vous dire là-dessus, c'est que c'est en négociation. Les discussions se poursuivent comme dans n'importe quelle entente contractuelle. Il y a des hypothèses qui sont mises là et cela va dépendre... encore là, ce n'est pas au niveau des "si"; cela va dépendre des coûts de transport, cela va dépendre comment on va évaluer cela, c'est en discussion.

M. Tremblay: Mais vous êtes ouverts...

M. Coulombe: C'est carrément au niveau des discussions.

M. Tremblay: Vous êtes en train de regarder cela avec eux. Ils sont prêts à payer un prix raisonnable pour nous et on ne se réveillera pas dans cinq ans pour faire comme les Terre-Neuviens, nous tordre dans notre sel. Vous seriez prêts à embarquer là-dedans et le Québec serait prêt à embarquer dans un contrat aussi?

M. Coulombe: Si les conditions auxquelles vous faites allusion se réalisaient, c'est-à-dire que si on était convaincu que ce n'est pas seulement pour l'intérêt économique et financier d'Hydro mais aussi pour le bien du Québec, on serait prêt à le recommander, c'est évident.

M. Tremblay: Je pense bien que nous aussi.

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Sur la liste des membres d'Hydro-Québec qui sont ici, je vois le vice-président exécutif, responsable de la technologie, M. Boulet. Je crois qu'il est... J'aimerais poser... Vous savez, M. le Président, les administrateurs, les comptables, les financiers, ils administrent le présent, mais les responsables de la technologie et de la recherche ils administrent l'avenir. Rendu à mon âge, l'avenir cela m'intéresse. C'est vrai les jeunes s'intéressent plus à l'avenir que les plus âgés, comme mon ministre, par exemple, qui a 20 ans de moins que moi.

Une voix: Lionel est encore là.

M. Grégoire: Pardon...

Une voix: Merci beaucoup.

M. Fortier: Le vice-président exécutif est encore là.

M. Grégoire: Cela m'intéresse beaucoup. Je m'intéresse à l'avenir. M. Boulet, vous, vous êtes responsable à Hydro-Québec, des recherches sur l'hydrogène liquide. On sait qu'il y a trois semaines ou à peu près, les Américains, surtout dans le coin de la Californie, nous ont fait tout un plat sur l'hydrogène liquide, l'énergie de l'avenir qu'on dit. Je ne suis plus un connaisseur, c'est pour cela que je vous pose des questions parce que je voudrais me renseigner. Je sais que mon collègue, le député de Vimont est plus connaisseur que moi dans les questions énergétiques, il a toujours travaillé dans cela, c'est un ingénieur dans ce domaine.

M. Fortier: Ce n'est pas nécessaire d'avoir des complexes d'infériorité.

M. Grégoire: Je n'ai pas de complexe d'infériorité justement parce que je sais quand je sais quelque chose et je sais quand j'en sais moins; cela c'est un complexe de supériorité que de savoir ce qu'on sait.

M. Fortier: II connaît l'amiante.

M. Grégoire: Je dirai au député d'Outremont que de savoir ce qu'on sait c'est beaucoup et de savoir ce que l'on ne sait pas, c'est encore plus.

M. Fortier: Complètement d'accord.

Une voix: Son avenir est dans l'amiante.

M. Grégoire: II y avait un grand philosophe grec d'ailleurs qui disait: Gnôthi seauton, connais-toi toi-même c'est la première sagesse, traduction grecque.

M. Fortier: Je pensais que sa devise était carpe diem.

M. Grégoire: Non, en grec, gnôthi seauton.

M. Boulet, l'hydrogène liquide à ce qu'on nous dit, cela peut être le carburant de l'avenir, cela peut-être l'énergie de l'avenir; à ce qu'on nous dit, c'est produit à même l'eau simplement, mais l'eau non salée, et de l'électricité. Nous, on a l'eau, on nous dit qu'on a de l'eau comme il n'y en a pas dans aucun pays du monde, ici au Québec et qu'on a l'électricité comme il n'y en a nulle part. Quand les Américains nous ont fait un plat avec cela il y a trois semaines, ils étaient rendus... Ils avaient fait de grosses découvertes dans l'hydrogène liquide. J'ai toujours entendu dire qu'Hydro-Québec avec son service de recherche, vous étiez à la tête de ce service vous étiez l'équipe la plus avancée au monde dans l'hydrogène liquide; on nous dit que c'est une question de six, sept ou huit ans avant que cela devienne commercialement, industriellement très rentable. On nous dit même qu'il y a un marché pour dans dix ou douze ans de milliards, et de milliards et de dizaines de milliards.

M. Boulet, j'aimerais d'abord, avant de vous poser des questions sur cela, ayant établi les prémisses que c'était l'énergie de l'avenir, peut-être le carburant de l'avenir, que non pas tous les pays peuvent en produire mais ceux qui ont beaucoup d'eau, ceux qui ont beaucoup d'électricité - cela c'est nous au Québec - que c'était la demande de l'avenir qu'il avait là-dedans. Je crois à ça et j'aimerais - parce qu'on parle de la situation de l'énergie - avoir votre opinion sur la situation actuelle, sur les projets de l'avenir, sur ce que peut produire tout ça.

M. Boulet (Lionel): Avec plaisir. Disons d'abord que tous les moyens de production de l'hydrogène, actuellement, c'est avec le gaz naturel. Si on fait une projection d'augmentation de coûts du gaz naturel, on calcule que vers 1988-1989 la production par électrolyse, en utilisant l'eau, pourrait devenir rentable simplement à cause du fait que, comme vous dites, l'eau existera tout le temps et le gaz naturel va peut-être disparaître. Les études, dans le monde industriel, faites par le même groupe que M. le député d'Outremont mentionnait tout à l'heure, indiquent que la demande d'hydrogène dans le monde va augmenter de 7% par année à compter de 1985. C'est-à-dire que vers l'an 2000, la demande d'hydrogène va se multiplier par douze.

Deuxième problème, beaucoup de pays, par exemple la France, ont un problème de production d'énergie électrique nucléaire. Comme un système nucléaire doit toujours fonctionner, ils ont un surplus d'énergie pendant la nuit. Donc, ils travaillent aussi là-dessus. Je pense qu'on a eu de la chance avec Electroliser Inc., de Niagara, qui nous a offert de partager un programme. Ces gens ont développé, dans leurs instituts de recherche de Noranda et de Pointe-Claire, un électrolyseur absolument parfait. Parce que, par le passé, l'électrolyse par électricité avait des rendements de 60% ou 65%. On a maintenant un électrolyseur qui a un rendement de 82% et on pense que la deuxième génération, ça va être 85%. Cela devient extrêmement intéressant. (20 h 30)

Évidemment, c'est le début des choses. Tous les pays du monde dont le Brésil, la France, l'Allemagne sont intéressés. Je pense qu'actuellement, dans ce domaine, nous avons une avance d'à peu près deux ans, parce qu'ils travaillent aussi à des systèmes. Qu'est-ce qu'on peut faire avec l'hydrogène? Avec l'hydrogène, vous pouvez faire tout ce que vous voulez. Vous pouvez faire des engrais. Vous pouvez avoir des avions à l'hydrogène. Vous pouvez avoir des voitures à l'hydrogène. C'est l'élément moteur idéal.

M. Grégoire: Les fusées, on me dit qu'elles fonctionnent à l'hydrogène.

M. Boulet: Enfin, il est évident que pour les fusées américaines Columbia, l'hydrogène et l'oxygène forment les éléments moteurs. Les fusées Ariane, en France, fonctionnent à l'hydrogène et l'oxygène. Après l'an 2000, c'est évident, parce que tout le monde a de l'eau et si on a de l'électricité, cela doit devenir très favorable.

Maintenant, au point de vue des applications pratiques, il y en a plusieurs. L'une des choses que nous faisons - c'est cela qui est important - c'est que nous essayons de monter une usine de démonstration qui permettra de prouver l'utilisation de l'hydrogène tout en tâchant d'avoir une certaine rentabilité. Alors, on y travaille. Comme, dans tout l'Est des États-Unis et du Canada, il n'y a aucune fabrique d'engrais chimiques, mais si on fabrique avec cet hydrogène, dans cette usine de démonstration, de l'ammoniaque, on peut fabriquer des engrais synthétiques.

M. Grégoire: Oui, concernant les engrais, M. Boulet, je voudrais vous dire qu'à la Société nationale de l'amiante on est

peut-être en avance par rapport à Hydro-Québec parce qu'on est en train de fabriquer des superphosphates de magnésium qui servent d'engrais dans les terrains très détrempés et on sera prêt à procéder à la production avant longtemps.

Il y a une chose que vous m'avez dite sur laquelle je voudrais insister. Premièrement, vous m'avez dit qu'Hydro-Québec, avec son service de recherche, était deux ans en avance sur tous les autres centres de recherche dans le domaine de l'hydrogène.

M. Boulet: ... dans la production de l'hydrogène par électrolyse.

M. Grégoire: Liquide.

M. Boulet: C'est de l'hydrogène gazeux ou liquide parce que vous produisez de l'hydrogène gazeux et, après cela, vous le liquéfiez avec pression.

M. Grégoire: L'hydrogène liquéfié ou liquide sert de carburant dans ce qu'il y a de plus avancé, peut-être, au point de vue des moyens de locomotion.

M. Boulet: En Allemagne, vous avez la...

M. Grégoire: Mais la fusée ou l'avion qui revient...

M. Boulet: Non, la Columbia.

M. Grégoire: ... la Columbia, c'est de l'hydrogène liquide. Dans les moyens les plus avancés de transport - cela peut se refléter sur l'automobile - c'est l'hydrogène liquide ou liquéfié.

M. Boulet: L'avantage de l'hydrogène, c'est que lorsque vous fabriquez de l'énergie avec cela, le résidu, c'est de l'eau.

M. Grégoire: Troisièmement, vous nous dites que cela prend de l'eau non salée, à moins d'enlever le sel avant...

M. Boulet: Non, non.

M. Grégoire: ...ce qui est une étape de plus.

M. Boulet: Cela a très peu d'importance.

M. Grégoire: Oui.

M. Boulet: L'eau naturelle.

M. Grégoire: Puis, cela prend l'électricité pour la fabriquer.

M. Boulet: Cela prend... C'est comme je vous le disais, le rendement actuellement est de 82%; dans le passé, c'était 67%; donc, c'est une avance.

M. Grégoire: Alors si...

M. Boulet: Comme je l'ai mentionné, tout l'hydrogène qu'on utilise dans le monde industrialisé est fait avec le gaz naturel, d'où l'augmentation du prix du gaz naturel. Tous les pays industrialisés - j'ai mentionné la France - ont des surplus d'énergie électrique durant la nuit et comme ces pays, dont la France, n'ont aucune possibilité, ils n'ont pas de gaz naturel, ils n'ont rien, ils veulent avoir de l'hydrogène pour fabriquer des produits synthétiques.

M. Grégoire: M. Boulet, si je résume les trois points que vous m'avez mentionnés, Hydro-Québec est deux ans en avance sur tout autre centre de recherche au monde en ce qui concerne l'hydrogène comme carburant liquide, l'hydrogène liquéfié par électrolyse. Deuxièmement, cela prend beaucoup d'électricité et beaucoup d'eau, ce qu'on a. Troisièmement, c'est un carburant d'avenir qui est déjà utilisé dans les carburants de pointe, comme pour le Columbia ou les fusées interplanétaires. Hydro-Québec est en avance de deux ans sur tous les autres pays au monde dans la recherche là-dessus.

M. Boulet: Hydro-Québec avec Noranda. M. Grégoire: Avec Noranda.

M. Boulet: Avec Noranda. C'est une association qu'on a avec eux.

M. Grégoire: Columbia... Une voix: ... l'électrolyse.

M. Grégoire: Oui, l'hydrogène liquéfié par électrolyse. M. Boulet, je voudrais vous demander maintenant quel est l'avenir de ce projet que vous développez à Hydro-Québec.

M- Boulet: Je pense que l'avenir...

M. Grégoire: Je sais que je parle toujours d'amiante, mais pour une fois que j'en sors.

M. Boulet: À mon avis, l'avenir est très brillant. Le conseil d'administration d'Hydro-Québec a approuvé les principes d'une entente avec Électroliser Inc., ou Noranda, et nous allons entrer en discussion avec eux. L'avenir est brillant dans trois catégories différentes. D'abord, utiliser nos surplus d'énergie pour fabriquer des choses dont on aura besoin au Québec. Notre avenir, c'est aussi de vendre cette technologie chez les

marchés extérieurs et profiter de l'avance qu'on a.

M. Grégoire: Hydro-Ontario travaille-t-elle à ces projets à l'heure actuelle?

M. Boulet: Ce qui est arrivé, je vais vous le dire. C'est qu'en septembre 1980 les gens d'Electroliser Inc. sont arrivés à l'IREQ et ont dit: On a tel projet, on se cherche un service public pour faire la démonstration, construire la première usine expérimentale. C'est évident que, venant de Niagara, ils étaient déjà allés à Hydro-Ontario, mais nous, on a accepté d'aller de l'avant et on capitalise là-dessus.

M. Grégoire: Hydro-Ontario a fait une demande pour cela, puis...

M. Boulet: Non, c'est que Electroliser Inc. est allée voir les gens d'Hydro-Ontario et ceux-ci ont dit qu'ils n'étaient pas intéressés à ce moment-là. Ils le regrettent énormément, je pense.

M. Grégoire: Parce que le gouvernement fédéral a présenté dans son dernier budget un programme de 200 000 000 $ pour développer cette technique d'hydrogène par électrolyse.

M. Boulet: Qui cela?

M. Grégoire: Le gouvernement fédéral, puis on nous a dit à un moment donné que c'est Hydro-Ontario qui en profiterait plutôt qu'Hydro-Québec. Ils ne sont pas en mesure de satisfaire à...

M. Boulet: II y a eu une réunion jeudi dernier où j'avais quatre représentants de mon centre de recherche à l'IREQ ; il est entendu que déjà le gouvernement fédéral avait mis de l'argent dans le développement de nouveaux électrolyseurs et qu'il n'était pas question qu'ils remettent de l'argent dedans. Ils sont intéressés à mettre de l'argent dans les applications de l'hydrogène.

M. Grégoire: Est-ce que cela n'a pas fait l'objet d'une annonce il y a une semaine ou à peu près? Ou est-ce qu'Hydro-Québec ne serait pas prête à annoncer qu'ils sont...

M. Boulet: Comme je vous l'ai mentionné, le conseil d'administration, dans les études qu'on fait avec Noranda et Electroliser Inc., a dit: Oui, on accepte le principe de signer une lettre d'entente avec ce groupe.

M. Grégoire: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Juste pour revenir sur l'histoire de l'hydrogène liquide. Est-ce qu'il n'est pas vrai, M. Boulet, que, dans la progression de l'utilisation de nouvelles formes d'énergie, on passerait d'abord par une phase intermédiaire qui serait l'utilisation du gaz naturel comprimé avant de passer à une forme d'hydrogène liquide comme moyen de propulsion dans les avions ou les trains ou des choses comme celles-là? Dans le cas du gaz naturel comprimé, ce serait évidemment pour les voitures.

M. Boulet: L'hydrogène, à l'heure actuelle, est produit par le gaz naturel. La possibilité d'utiliser les moyens d'électrolyse pour produire l'hydrogène vient de l'augmentation du coût du gaz naturel dans le futur; c'est une projection - notre projection est basée sur des études - et, après 1988, on devient compétitif avec cela.

M. de Belleval: Ma question n'est pas là, c'est qu'au fond on parle de deux choses en même temps. On parle d'abord de la production d'hydrogène, qui est une chose, puis de l'application de l'hydrogène comme moyen de propulsion, qui est une autre chose. Actuellement, on a de l'hydrogène, on peut en fabriquer, mais on ne l'utilise pas comme moyen de locomotion, sauf les applications très spécialisées comme pour les fusées, par exemple, mais on n'est pas encore parvenu à utiliser l'hydrogène qu'on est capable de fabriquer de toute façon. Le problème ne se pose pas ainsi. Que ce soit par électrolyse ou autrement, on peut le faire par le gaz naturel, on n'est pas capable d'utiliser l'hydrogène pour, disons, propulser un navire ou un train ou un avion, encore bien moins pour propulser une voiture.

M. Grégoire: Cela se fait. M. de Belleval: Pardon?

M. Grégoire: Cela se fait aujourd'hui. Il y a des navires propulsés à l'hydrogène.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: On cherche éventuellement à remplacer le pétrole comme moyen de locomotion des automobiles. Avant qu'on puisse envisager un horizon où on utiliserait l'hydrogène pour propulser les automobiles, il semble bien qu'on passerait par une phase intermédiaire qui serait, par exemple, l'utilisation, à la place du pétrole, du gaz naturel comprimé, alors qu'on sait qu'on peut utiliser le propane, de toute façon.

M. Boulet: Le naphte, le propane.

M. de Belleval: Alors, au fond, avant qu'on puisse envisager l'utilisation de l'hydrogène pour propulser les automobiles, je pense qu'il va se passer pas mal d'années.

M. Boulet: Enfin, il y a un gros programme en Allemagne où, déjà, on a un programme expérimental avec 500 voitures; on a déjà développé les stations d'essence où on fournit l'hydrogène liquide. Évidemment, c'est expérimental.

M. de Belleval: De l'hydrogène liquide pour propulser des voitures?

M. Boulet: Pour propulser des voitures et vous avez des programmes aux États-Unis, etc., dans cela.

M. Grégoire: En Allemagne, le programme d'hydrogène liquide existe déjà?

M. Boulet: Certainement. Cela existe dans tous les pays industrialisés.

M. Grégoire: Mais vous m'avez dit qu'Hydro-Québec était deux ans en avant.

M. Boulet: J'ai dit dans la production de l'hydrogène par électrolyse avec les moyens qu'on a.

M. Grégoire: Ils utilisent d'autres méthodes, eux. Ce sont d'autres méthodes.

Le Président (M.Gagnon): M. le député de Frontenac, c'est M. le député de Charlesbourg qui avait la parole.

M. de Belleval: Je demanderais à M. Boulet de donner un cours à...

M. Grégoire: J'ai seulement pris soin de dire que je n'étais pas au courant, sauf de savoir qu'il y avait un programme d'avenir et c'est ce que je veux comprendre.

M. Boulet: Je pense que tous les membres de la commission parlementaire devraient faire un tour à l'IREQ, l'Institut de recherche en électricité du Québec, on vous mettrait sous tension.

Des voix: Ah! ah! ah!

M. de Belleval: Vous avez raison, M. Boulet.

M. Grégoire: On va y aller.

M. de Belleval: J'avoue que vous me surprenez. Il y a un programme expérimental en Allemagne sur la propulsion automobile par hydrogène liquide?

M. Boulet: C'est cela. Eux, ils produisent l'hydrogène par le charbon. Ils ont l'hydrogène, mais ils ont un programme de voitures. Cela existe aux États-Unis, partout.

M. de Belleval: Ah bon! Écoutez, je savais qu'on faisait des...

M. Boulet: Écoutez, aux États-Unis, par exemple, on fabrique l'hydrogène en Californie; on transporte l'hydrogène liquide par camions, on va jusqu'à Cap Kennedy et on l'embarque dans la fusée Columbia.

M. de Belleval: Oui, mais une fusée, c'est une chose, mais ce que vous venez de me dire, c'est qu'il y avait des expériences pour utiliser l'hydrogène liquide dans les automobiles, pour propulser les automobiles.

M. Boulet: Certainement.

M. de Belleval: Eh bien! On en apprend tous les jours. Merci beaucoup.

M. Proulx: C'est pour cela qu'on vient ici, d'ailleurs.

M. de Belleval: Pour le reste du cours, on ira à l'IREQ.

M. Grégoire: C'est pour cela que je pose mes questions, pour en apprendre et pour que le public en apprenne.

M. de Belleval: Si je comprends bien, nous, nous ne sommes pas deux ans en avance sur les Allemands pour propulser des automobiles.

M. Boulet: C'est notre rôle de vous mettre en avance.

M. de Belleval: Pour l'électrolyse, on vous souhaite bonne chance.

M. Boulet: Merci.

M. de Belleval: Quant aux automobiles, on va regarder les Allemands pour l'instant. Pour en revenir aux fameux 9,5 mégawatts, je pense qu'on est resté un peu une patte en l'air tantôt; 9,5 mégawatts de possibilité de...

M. Grégoire: M. le Président, le député de Charlesbourg me permettrait-il seulement une question supplémentaire?

Le Président (M.Gagnon): M. le député de Frontenac.

M. de Belleval: Avec plaisir, tout à coup j'apprends d'autres affaires.

M. Grégoire: C'est possible. Je voudrais demander quelque chose à M. Boulet. Je suis

comme le député de Charlesbourg qui vient d'en apprendre. Moi aussi, je voudrais apprendre une chose. Est-il vrai que, par l'électrolyse de l'hydrogène impliquée dans les batteries d'automobiles - là aussi je pose une question - vous pourriez en arriver à l'heure actuelle ou vous seriez sur le point d'en arriver à des batteries d'automobiles qui auraient une autonomie d'une semaine ou à peu près? Là, je pose peut-être mal la question, mais y a-t-il quelque chose dans ce genre-là qui s'en vient?

M. Boulet: Non, non.

Le Président (M. Gagnon): M. Boulet. (20 h 45)

M. Boulet: Après la dernière guerre, il y a des gens qui se sont penchés sur les piles qu'on appelle les piles à combustible, qui pensaient pouvoir trouver des catalyseurs qui pouvaient transformer directement le pétrole en énergie avec un rendement de pratiquement 100%. Jusqu'à aujourd'hui, les seules piles à combustible qui fonctionnent, ce sont des piles avec hydrogène. Dans le Columbia, par exemple, toute l'énergie est fournie par des piles à combustible oxygène-hydrogène. C'est une avenue à peu près certaine et c'est peut-être une application qu'on pourrait faire de l'hydrogène. Durant la nuit où on a des surplus, on peut fabriquer l'hydrogène, avoir la pile à combustible et s'en servir pour fournir la période de pointe dont on a besoin dans le jour. C'est une application qu'on étudie à l'heure actuelle.

M. Grégoire: Qui donnerait une beaucoup plus grande autonomie à la batterie.

M. Boulet: On travaille aussi, à l'institut de recherche, avec Elf-Aquitaine, en France d'ailleurs, sur un projet de développement de pile, mais c'est une pile au lithium, c'est tout à fait différent. C'est dans le domaine de la recherche. On entre dans le pré-développement, à compter de l'automne prochain, où les Japonais, les Américains sont extrêmement intéressés. Ce n'est pas une pile à hydrogène, c'est une pile électrochimique qui est rechargeable et qui va donner à peu près cinq à six fois la capacité de la pile au plomb qu'on utilise aujourd'hui.

M. Grégoire: J'aurais une autre question supplémentaire, je pense bien que le député de Charlesbourg me le permettra. Quand vous dites que les Américains et les Japonais sont intéressés là-dedans...

Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas le député de Charlesbourg qui est le président.

M. Grégoire: ...est-ce qu'Hydro-Québec, aussi, qui s'intéresse à tous les nouveaux moyens d'énergie, est intéressée là-dedans et est-ce qu'elle s'en occupe, à l'heure actuelle?

M. Boulet: On a à peu près douze personnes qui travaillent à ce projet à l'institut de recherche.

M. Grégoire: À cela. M. Boulet: Oui.

M. Grégoire: M. Boulet, je voudrais vous poser une autre question. C'est évident que ce sont des projets d'avenir, mais l'avenir est long, il ne faut pas se le cacher. On dit que le pétrole nous coûte cher. Il ne nous coûte pas cher parce qu'on le paie 2,50 $ le gallon au réservoir à essence, il nous coûte cher parce que chaque fois qu'on achète un gallon d'essence, il y a de l'argent du Québec qui sort du Québec ou il y a de l'argent du Canada qui sort du Québec. Puis pour les Américains, le pétrole coûte cher, pas parce qu'ils le paient cher à la station d'essence, mais parce que l'argent sort du pays, et cela nous appauvrit. Je voudrais vous poser la question suivante: En 1944, il n'y avait que des avions à hélices, il n'y avait aucun avion à réaction dans le monde. En 1956...

M. de Belleval: En 1944, il y avait des avions à réaction.

M. Grégoire: Non, cela a commencé en 1945 avec la fin de la guerre au Japon.

M. Boulet: C'est l'année de ma graduation, en 1944.

M. Grégoire: C'était quoi?

Une voix: L'année de sa graduation.

M. Grégoire: L'année de sa graduation! Disons qu'il y avait eu des essais expérimentaux avec les V-l et les V-2 mais, tout de même, tous les avions, jusqu'à la fin de 1944, fonctionnaient à hélices. Tout à coup, en 1956, douze ans plus tard - cela, c'est les douze ans que je veux que vous reteniez - les Russes et les Américains envoyaient des fusées qui fonctionnaient dans la stratosphère. C'était un progrès rapide, en douze ou treize ans. Il y quinze ans, dix-huit ans, vingt ans même, le député de Charlesbourg...

M. de Belleval: II n'était pas au monde.

M. Grégoire: II n'était pas au monde, mais le président d'Hydro-Québec se promenait sur un terrain de golf avec un

"go-cart" électrique qui avait tout de même une autonomie de 20 milles sur le terrain de golf, et 20 ans après, on est encore au même point. L'automobile électrique est encore au même point. Si on a été capable en 12 ans... Le député d'Outremont me dit que c'est parce que les terrains de golf n'ont pas été agrandis, mais en 12 ans, on est passé de l'hélice à la fusée qui transportait des citoyens jusque sur la lune ou à peu près. Là, avec l'automobile électrique, qui constitue tout de même une des plus grandes dépenses en dollars des citoyens, une des plus grandes dépenses de consommation, on n'a pas réussi à faire un pas. Vous qui êtes un chercheur, je voudrais vous demander quelque chose: est-ce que vous pourriez attribuer - je vous pose la question, je fais une hypothèse - ce manque d'avancement ou ce manque de progrès dans ce domaine à des freins imposés par des compagnies de pétrole qui ont d'énormes investissements dans des puits, dans des transports, que ce soient des bateaux, des raffineries, des camions, des stations-service? Est-ce que c'est cela ou est-ce que c'est réellement la science qui n'a pas été capable de faire le pas?

M. Boulet: À mon avis, c'est...

M. Grégoire: Je finis, c'est la science qui n'a pas été capable de faire le pas?

M. Boulet: À mon avis, c'est la science. Le problème de la pile et des batteries a été, après la dernière guerre, sorti par des gens de Harvard, des économistes. Le malheur, je pense, dans la recherche, à l'heure actuelle, c'est que la recherche est menée par des économistes; elle devrait être menée par des scientifiques.

M. Grégoire: Vous avez bien raison.

M. Boulet: Cela me permet de passer des messages à mes collègues.

Une voix: C'est un bon commercial.

M. Grégoire: Pause commerciale, M. Boulet, on vous donne une minute.

M. Boulet: C'est totalement scientifique. Comme je vous le mentionnais tout à l'heure, on s'était imaginé qu'il y avait possibilité de prendre un hydrocarbure et de développer un catalyseur qui pourrait le transformer en énergie avec un rendement de 100%. Le principe de Carnot dans les machines à vapeur, c'est 66%. Les gens, depuis la fin de la dernière guerre, travaillent là-dessus et la meilleure chose qu'on a trouvée à l'heure actuelle, c'est que l'utilisation de l'hydrogène dans une pile, cela marche et c'est pour cela qu'on envoie Columbia et il y a eu aussi Lockheed qui a un projet - je ne sais pas ce qu'il va en advenir - d'utiliser un avion commercial qui utiliserait l'hydrogène liquide à une vitesse qui soit deux fois la vitesse du son et on se servirait du gaz qui est liquéfié pour refroidir les parois et faire fonctionner les réacteurs avec l'hydrogène gazeux à l'autre bout.

M. Grégoire: Dernière question, M. le Président. On nous dit qu'après la crise, cela va être comme après la dernière guerre, la science va faire des bonds. Pensez-vous que, dans ce domaine, la science va nous faire faire des bonds et pensez-vous...

M. Boulet: C'est malheureux de le dire, mais la science fait des bonds quand il y a une guerre. J'espère que la crise ne nous mènera pas à une guerre.

M. Grégoire: Oui, quand il y a une guerre, mais est-ce qu'une crise n'entraîne pas le développement de l'ingéniosité des savants?

M. Boulet: Cela fait penser aux gens et peut-être...

M. Grégoire: Les gars comme vous, qui sont dans la recherche, est-ce que la crise ne vous amène pas à faire des bonds d'ingéniosité autant que la guerre vous y amène? Ce que je voulais vous demander, c'est si, après la crise, on va en sortir avec des bonds d'ingéniosité. Est-ce que vous, avec votre service de recherche d'Hydro-Québec, vous allez être présents à ce moment pour prendre le virage technologique qui s'imposera?

M. Boulet: Je pense que l'institut de recherche d'Hydro-Québec a toujours eu l'appui complet du conseil d'administration et des gens qui étaient mes supérieurs, et je pense que c'est une des raisons du succès de l'institut de recherche d'Hydro-Québec.

M. Grégoire: Merci, M. Boulet.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Robert Baldwin, sur le même sujet.

M. O'Gallagher: C'est tout simplement pour faire une clarification, M. Boulet. L'hydrogène liquide est-il entreposé et est-ce qu'il comporte les mêmes facteurs de danger que le gaz propane, qui est liquide? Est-ce qu'il y a des problèmes de sécurité?

M. Boulet: II y a des problèmes extrêmement importants avec l'hydrogène. C'est un gaz qui est très sec et qui peut se diffuser à travers les matériaux. Si on regarde le problème aux États-Unis, il y a été résolu parce qu'on produit de l'hydrogène

sur la côte du Pacifique et qu'on le transporte par camion jusqu'en France où on fait des essais avec la fusée Ariane. On fabrique l'hydrogène en France, on le transporte par bateau. Évidemment, cela demande des conditions extrêmement spéciales et absolument...

M. O'Gallagher: Plus spéciales que l'utilisation du gaz propane.

M. Boulet: Non, c'est à peu près le même ordre de grandeur.

M. O'Gallagher: Alors, il est interchangeable dans tous les moteurs qu'on peut utiliser aujourd'hui, taxis, autobus ou autre chose. Ce sont tous des utilisateurs.

M. Boulet: À l'expérience qui se fait en Allemagne à l'heure actuelle avec des voitures, il n'y a jamais eu un accident. Évidemment, si on heurte votre voiture par en arrière et que votre réservoir est à hydrogène liquide, bien là...

M. O'Gallagher: Ah bon! Alors... M. Fortier: On part en fusée!

M. O'Gallagher: On ne pourra pas le transporter non plus dans les gazoducs. Est-ce possible de le transporter dans des gazoducs?

M. Boulet: L'hydrogène a aussi la propriété que vous pouvez l'ajouter au gaz naturel et augmenter son pouvoir calorifique. Cela augmente la capacité de votre gazoduc en même temps.

M. O'Gallagher: Dans le fond, la raison pour laquelle on regarde cela aujourd'hui, c'est qu'à ce moment nous avons des surplus d'énergie à cause de la conjoncture économique mais, normalement, comme en France, où il y a des sommets d'énergie qui ne sont pas utilisés, on peut toujours emmagasiner cette énergie sous forme d'hydrogène, c'est cela l'avantage.

M. Boulet: On peut aussi avoir des éoliennes. Il y a des endroits où on a énormément de vent dans le Québec et on peut ainsi produire de l'hydrogène, l'emmagasiner sur place et l'utiliser dans les mines du Grand-Nord. Il y a énormément d'applications possibles.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Charlesbourg, je vous permets de terminer votre question.

M. de Belleval: M. le Président, à titre de pseudo-économiste, c'est certain que je vais laisser M. Boulet tranquille pour le reste de la soirée. Il y a assez de ceux d'Hydro-Québec pour lui mettre des bâtons dans les roues, surtout que je n'essaierai pas de devenir un émule de mon collègue, le député de Frontenac, dans la vulgarisation scientifique.

Je voudrais revenir à l'histoire de la possibilité d'exportation vers les États-Unis. On a parlé d'une possibilité théorique tantôt de 9500 mégawatts, je pense, qu'on retrouve dans votre dossier, dans votre plan d'équipement. Ces 9500 mégawatts sont basés sur l'addition de toutes les centrales au charbon, je pense, substituables à l'électricité d'ici l'an 2000. À vrai dire, ces 9500 mégawatts ne constituent pas une mesure des possibilités d'exportation vers les États-Unis parce qu'ils comprennent des centrales non seulement construites mais à construire. On a vu tantôt que pour les remplacer il faut offrir de l'énergie de base, donc, 15 ou 20 ans. Alors, c'est évident que pour les centrales qui ont dépassé dix ans dans un projet de construction, il est impossible de penser qu'on peut substituer l'électricité à cela, parce qu'il faudrait prendre dans dix ans de l'électricité qu'on donnerait pour 20 autres années. Cela nous mènerait à l'an 2010 ou à l'an 2020 et là on se trouverait dans des situations où on aurait besoin de cette électricité. Donc, on ne pourra pas la vendre aux États-Unis par des contrats fermes dans une telle mesure.

On a vu aussi cet après-midi que de toute façon vous avez des possibilités d'exportation à court terme d'environ 1500 mégawatts vu les interconnexions qui sont déjà, ou le seront à court terme, disponibles. Donc, il faut envisager le problème supplémentaire de trouver non seulement des clients, mais aussi le moyen de passer rapidement de nouvelles lignes, ce qui n'est pas une mince affaire. Pour clore ce dossier, pour l'instant, en tout cas, au-dessus des 1500 mégawatts que vous allez essayer de vendre, ce qui n'est pas fait encore - on a vu les problèmes que cela pose - est-ce que vous pensez en vendre beaucoup plus que 1500, à votre avis?

M. Coulombe: En fait, il faut expliquer ce qui est dans le projet, à la page 28, où on donne ces 9500. Juste pour terminer la question de la recherche à Hydro-Québec, pour préciser un certain point, vous allez constater que l'éloquence de M. Boulet en a convaincu d'autres, parce que si vous regardez le projet de développement d'Hydro-Québec, vous verrez qu'en dépit d'une décroissance des dépenses à Hydro-Québec, d'une décroissance historique de 20%, l'an prochain, c'est 5%. À travers ces 5%, vous verrez, à la page 67 du plan, une augmentation de 20% des dépenses liées à la recherche. Donc, l'élément recherche à Hydro-Québec est une priorité qui se

transcrit de façon très concrète.

M. de Belleval: Donc, les économistes ne leur font pas trop de misère finalement.

M. Coulombe: Je ne sais pas si c'est une conclusion qu'on peut tirer mais les chiffres me semblent éloquents.

M. de Belleval: Ou bien la bonne conclusion, c'est que le P.-D.G. d'Hydro-Québec est sociologue et non économiste.

M. Coulombe: Voilà! Je ne vous le fais pas dire. En ce qui concerne la question de l'exportation, si vous prenez le texte, il y a deux idées de base. Les 7000 premiers mégawatts concernent les centrales thermiques qui fonctionnent à l'heure actuelle et pour lesquelles, en termes de substitution, on pourrait offrir de l'électricité. Suivant la localisation de ces centrales qui fonctionnent actuellement au mazout, suivant leur localisation et suivant la négociation des prix, on n'a pas d'idée claire à l'heure actuelle du nombre de mégawatts, sur ces 7000, qui pourraient être à la portée de contrats pour Hydro-Québec. Il faut dans chaque cas négocier à partir des coûts du transport, des problèmes techniques que cela va poser - parce que ce sont des centrales qui fonctionnent à l'heure actuelle - pour savoir si les Américains seraient vraiment intéressés, pour que cela soit intéressant pour eux. Là, il y a toute une négociation centrale par centrale et on ne peut à l'oeil tout simplement dire: sur 7000, il y a un marché potentiel de 2000, 3000 ou 4000; cela c'est le premier bloc.

Le deuxième bloc, qui est de 2500 mégawatts, c'est pour de nouvelles centrales à construire et qui seraient au charbon. Donc, c'est un marché totalement différent. Là, il faut offrir des prix à des conditions -évidemment, y compris le transport et ainsi de suite - qui inciteraient les Américains à dire: On ne construira pas ces centrales. Donc, c'est un problème différent du premier bloc qui concerne des centrales existantes. C'est un marché différent. Les deux peuvent se superposer, ou ne pas se superposer, ça va dépendre des négociations. (21 heures)

Évidemment, on résume dans deux paragraphes une étude assez considérable de tous les plans d'équipements des utilités publiques nord-américaines. Il est évident que toutes ces distinctions peuvent être difficilement mises dans deux paragraphes. Mais, essentiellement, c'est ça: deux marchés, un de 7000 pour des centrales au mazout qui existent et un autre de 2500 pour des centrales au charbon qui sont à construire. Ce sont deux types de négociations totalement différentes, deux prix de référence très différents.

M. de Belleval: Quant aux premiers 1500 mégawatts que vous vous fixez vous-mêmes comme objectif possible, compte tenu que vous avez déjà les moyens d'interconnexion disponibles à court terme, où en êtes-vous dans les négociations à ce sujet?

M. Coulombe: On en est au niveau des discussions que j'appellerais la phase préliminaire. Au moment où on se parle, on n'est pas à la veille de signer un tel contrat dans une question de semaines, ainsi de suite. Il s'agit d'une question de mois. On fait tout notre possible - d'ailleurs la restructuration à Hydro-Québec le démontre - pour maximiser l'efficacité des effectifs qui vont avoir charge de ces dossiers, accélérer le processus, mais on pense qu'en termes de rentabilité, il vaut peut-être mieux prendre quelques mois de plus pour avoir un contrat qui ne viendra pas nous hanter dans trois ou quatre ans, prendre le temps qu'il faut pour être vraiment sûrs de toutes nos variables. Mais on négocie avec deux...

M. de Belleval: Oui, avec NEEPOOL et PASNY?

M. Coulombe: Les deux. M. de Belleval: Les deux.

M. Coulombe: On veut être sûrs de contrôler toutes nos variables. Lorsqu'on fera une proposition finale, avec des prix qui engageront Hydro-Québec et le Québec pour 15 ou 20 ans, on veut être sûrs de toutes nos variables.

M. de Belleval: Cela pourrait aboutir quand à votre avis?

M. Coulombe: Notre objectif - je dis bien objectif - c'est d'aboutir, d'ici un an, à quelque chose qui se tienne. Je dis bien notre objectif.

Le Président (M. Gagnon): C'est terminé? M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, sur le même sujet. J'aurais des éclaircissements à demander sur le tableau 15, "Vente des excédents disponibles". Dans ce tableau vous faites état des excédents disponibles et ensuite vous parlez d'un programme de ventes additionnelles au Québec. Si je comprends bien, ce programme a été lancé mais ce n'est pas encore assuré. Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus?

M. Coulombe: Vous voulez dire les programmes internes au Québec?

M. Fortier: Le programme de ventes additionnelles au Québec. La colonne 2.

M. Coulombe: C'est ça.

M. Fortier: Ce n'est pas encore assuré. Vous n'êtes pas encore en mesure aujourd'hui de nous confirmer que cet objectif va être atteint. C'est un objectif d'entreprise.

M. Coulombe: C'est un objectif d'un programme de ventes qui est accepté par Hydro-Québec, qui est accepté par le gouvernement, en principe, qui se met en marche. Mais, comme pour tout programme de vente, on serait mal venus de dire qu'on donne une garantie de 100% qu'il va avoir du succès à 100%.

M. Fortier: Ce n'est pas une critique, c'est simplement...

M. Coulombe: Mais tous nos efforts vont porter...

M. Fortier: Vous êtes en concurrence avec le gaz et le mazout.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: C'est ça. Ventes à l'exportation, est-ce qu'on peut dire que cette colonne est assurée présentement?

M. Coulombe: Nous le croyons... M. Fortier: Pas totalement?

M. Coulombe: Nous le croyons compte tenu des préalables suivants. C'est que l'interconnexion de Châteauguay se termine effectivement en 1984; l'interconnexion du Nouveau-Brunswick en 1985 et l'interconnexion des Cantons de l'Est en 1986. Si ces trois conditions se réalisent, ce qui est le programme prévu en termes de capacité d'interconnexion, nous croyons que ces chiffres vont se réaliser. Il y a beaucoup plus de sécurité dans ces chiffres que dans la colonne 2, qui sont des programmes nouveaux.

M. Fortier: Votre tableau arrête en 1986, de toute façon, de la manière qu'il est fait.

M. Coulombe: Oui.

M. Fortier: Oui.

M. Coulombe: En 1987.

M. Fortier: Capacité des interconnexions. On en a parlé. Alors, les programmes sont en marche pour augmenter ces capacités-là? C'est ça que vous dites?

M. Coulombe: Oui.

M. Fortier: Excédents non vendus. Alors, si on veut être pessimistes, parce que tout à l'heure on disait, je pense bien, qu'Hydro-Québec doit considérer tous les scénarios, la colonne "excédents disponibles", ceci provient de votre prévision de 3,7%?

M. Coulombe: Non, 2,5%. Si on parle des trois premières années: 2,5%, 4% et 5%.

M. Fortier: D'accord, jusqu'en 1985. Mais, par la suite, jusqu'en 1992.

M. Coulombe: Sur la longue tendance, c'est 3,7%.

M. Fortier: Sur une moyenne jusqu'en 1992, on parle de 3,7%. Alors, si on regarde de 1980 à 1992, on parle de 3,7%. Alors, on peut dire que ce tableau a été fait sur une prévision de 3,7%.

M. Coulombe: C'est ça.

M. Fortier: Alors, avec raison, le député de Charlesbourgs disait: On peut être optimistes et à ce moment-là ces disponibilités ne sont pas là, mais si on veut être pessimistes, ça pourrait être plus que ça.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: On pourra refaire deux autres tableaux qui sont le tableau moyen, et le tableau pessimiste et un tableau optimiste...

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: Étant donné que je pense qu'on aimerait bien prévoir l'avenir, du moins se munir contre les impondérables, alors dans le cas où l'on deviendrait très très pessimiste et que les excédents seraient encore plus considérables que vous nous le dites dans le tableau no 15...

M. Coulombe: Oui.

M. Fortier: ... puisque vous avez dit que votre prévision - remarquez bien que je ne vous dis pas que je l'accepte - de 3,7% n'est pas parole d'évangile et que cela pourrait être moins, peut-être plus.

M. Coulombe: D'ailleurs, notre fourchette, c'est 4,7%, 2,6%.

M. Fortier: Oui, oui, d'accord.

M. Coulombe: Donc, cela peut être l'un ou l'autre.

M. Fortier: Alors, en acceptant cela, on doit accepter en conclusion que les excédents disponibles pourraient être beaucoup plus considérables.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: Votre programme des ventes additionnelles est quand même assez difficile, compte tenu de la concurrence du pétrole et du gaz et que, de l'autre côté, les capacités d'interconnexion sont difficiles vu la capacité justement, d'une part, de négocier avec les États-Unis et d'autre part, de les construire, de les faire approuver par le ministère de l'Environnement et de les faire accepter du public. Alors, c'est donc dire que l'excédent non vendu, de toute façon, cette colonne pourrait être plus élevée si le programme des ventes additionnelles au Québec ne marchait pas aussi bien que vous l'espérez. Il pourrait être encore plus élevé si l'excédent disponible, compte tenu de la demande que vous avez prévue, ne se réalisait pas. Ma question est celle-ci: Est-ce que, justement, vous avez fait cet exercice de sensibilité pour nous dire quels seraient les excédents non vendus sur une période de douze ans.

M. Coulombe: De douze ans?

M. Fortier: Bien sûr, jusqu'en 1992. Votre tableau no 15 se rend jusqu'en 1992.

M. Coulombe: Non, on ne peut pas vous dire... Ce que vous demandez, en fait, de combien faudrait-il remplacer les D à la colonne 5, par combien d'excédents? Je pense qu'on pourrait effectivement sur des scénarios très mécaniques, dire: Bon, en 1987, si la demande est plus basse que prévue, il y aura plus d'excédents, donc on pourra avoir encore trois ou cinq térawatts par année, on pourrait le faire, mais...

M. Fortier: Un térawatt vaut combien, en revenus, pour Hydro-Québec, à un prix moyen de "dumping"?

M. Coulombe: 0,03 $ multiplié par 1 000 000 000 de kilowattheures, cela fait quoi? 30 000 000 $.

M. Fortier: 30 000 000 $. Alors 29,3% multiplié par 30 térawattheures, alors on parle de 900 000 000 $. Cela pourrait être, si les prévisions de demande de base d'Hydro-Québec étaient moindres que cela, cela pourrait être plus que cela.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: Donc, ce qui veut dire qu'on parle facilement... Cela peut être 900 000 000 $, mais cela peut être beaucoup plus que cela.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: Donc on parle de "hard money".

M. Coulombe: Exactement. M. Fortier: D'accord.

M. Coulombe: Juste dans le programme de ventes additionnelles...

M. Fortier: Alors ce qui... Oui.

M. Coulombe: ... on parle de 800 000 000 $ de revenus, dans les deux programmes qu'on met sur la table, 800 000 000 $ de ventes en dollars supplémentaires.

M. Fortier: Alors, compte tenu de cette conjoncture - persone, bien sûr, ne peut prévoir l'avenir - mais plusieurs, je pense bien, ont insisté sur le fait qu'à l'avenir -peut-être que vous l'aviez fait dans le passé, mais ce n'était peut-être pas évident - qu'à l'avenir, Hydro-Québec devrait donner des scénarios ou des stratégies alternatives... Si les prévisions étaient beaucoup plus considérables, quel genre de stratégies donnez-vous? Bien sûr, ce matin, on a discuté brièvement à l'effet qu'une de vos stratégies, entre plusieurs, je l'accepte, était justement de dire: Peut-être, compte tenu du fait qu'on parle de 900 000 000 $, et peut-être du double, peut-être qu'on parle 1 500 000 000 $, peut-être qu'on parle 1 800 000 000 $ jusqu'en 1992, quel est alors l'avantage de favoriser le gaz, si nous devons être pris avec des surplus de l'ordre de 1 500 000 000 $ ou de 2 000 000 000 $? Là, réellement le jeu des avantages socio-économiques, la pénétration du gaz, compte tenu de ces surplus... Remarquez bien que si le surplus n'existant pas, je pense que je tiendrais un langage différent, mais les surplus existent; enfin, on pourrait dire qu'il serait préférable qu'ils n'existent pas, mais dans la vie, je pense qu'il faut accepter les faits, tels qu'ils sont.

Au moment où l'on se parle, il semblerait qu'on aura, vous le dites vous-même, des surplus peut-être de 29,3 térawattheures qui valent 900 000 000 $, et que ces surplus pourraient être davantage, au-delà de 1 000 000 000 $. L'une des stratégies que vous aviez recommandées, c'était de dire au gouvernement: Examinons d'une façon plus attentive la possibilité d'avoir une meilleure harmonisation. Mais quelles sont les autres alternatives, puisque je suis d'accord avec vous que les capacités des interconnexions vont être limitées quoique, encore là, ma seconde question était: Quel niveau d'agressivité allez-vous mettre pour aller capturer les 9500

mégawatts? Est-ce que M. Georges Lafond déménage à Boston la semaine prochaine? Est-ce qu'Hydro-Québec ouvre un bureau à Boston la semaine prochaine? Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'il y a eu des reproches dans le passé? On peut peut-être s'y associer pour dire: Peut-être qu'on devrait être plus dynamique que par le passé. Bien sûr, le ministre s'est fait tirer la patte. Ce n'est qu'il y a un an qu'il vous a donné le feu vert, mais cela est une autre paire de manches.

M. Coulombe: II y a plusieurs éléments. Sur le manque de dynamisme d'Hydro-Québec, il faut quand même dire que les ventes à l'exportation sont rendues à 500 000 000 $ et vont être rendues, selon les prévisions actuelles, à 1 000 000 000 $ dans quatre ou cinq ans. Donc, c'est un "manque de dynamisme", entre guillemets, qui a donné des résultats assez spectaculaires puisqu'on est rendu à 20% des revenus d'Hydro-Québec qui en découlent.

Concernant le problème des scénarios alternatifs pour l'utilisation de ces surplus, j'ai mentionné cet après-midi la possibilité de l'utilisation de l'électricité dans les processus industriels; on a une équipe à Hydro-Québec qui travaille là-dessus à l'heure actuelle. On a des projets assez précis, mais on n'est pas capable de les mettre sur la table ce soir, ni demain matin, parce qu'il y a plusieurs travaux qui restent à terminer. On a fait l'examen de tous les processus industriels au Québec dans la majorité des grands secteurs industriels et on a fixé des cibles d'une plus grande utilisation d'électricité. Nos chiffres très préliminaires nous permettent de dire que sur une dizaine d'années, il y a un marché de 30 000 000 000 de kilowattheures disponibles. J'insiste sur le fait que c'est une cible théorique faite par des ingénieurs, des économistes et des scientistes.

C'est une cible théorique au moment où on se parle, mais il y a certes des programmes qui sont en voie d'élaboration et j'espère que, dans quelques mois, on pourra en mettre plusieurs sur la table. Il y a donc un effort systématique qui va être fait dans ce domaine. Il va y avoir un groupe de spécialistes, ingénieurs et techniciens qui vont rencontrer les industriels pour en discuter en s'appuyant sur ce rapport qui existe à HydroQuébec. Nul doute que M. Lafond, qui n'est en place que depuis quelques jours, est en train de mettre la dernière main à l'organisation de ce nouveau secteur complet à Hydro-Québec; il va avoir toutes les possibilités et toute la priorité nécessaires pour pouvoir encore accélérer les travaux dans ce domaine.

J'insiste sur un fait. Vous avez raison de dire qu'il y a peut-être de la marge, si la demande est plus basse, pour de plus grands excédents, mais le contraire est aussi vrai, c'est-à-dire que si la demande reprend de façon systématique, ces chiffres vont diminuer. C'est extrêmement fragile. La première colonne que vous avez là-dedans -je ne veux pas entrer dans des discussions techniques là-dessus, mais il y a des gens ici qui pourraient l'expliquer très clairement -est basée sur une hydraulicité normale; cela aussi peut changer considérablement.

Je veux juste vous donner l'exemple de l'année 1981, si vous regardez à la fin, il y a des excédents non vendus, et, l'année suivante, on tombe à zéro. L'explication de ce phénomène repose sur le problème des fissures à Manic, où il a fallu baisser le niveau des réservoirs. L'ensemble du parc d'équipement d'Hydro-Québec n'est pas à l'abri de certains de ces phénomènes qui se produisent. Ce sont des variables qui viennent influencer considérablement l'état de ce qu'on appelle, entre guillemets, "surplus" et qui invitent Hydro-Québec à être à la fois dynamique et extrêmement prudente dans ses engagements très fermes, parce que tous ces phénomènes jouent en même temps des fois.

M. Fortier: Vous venez de nous dire bien des choses intéressantes. Ce que vous nous dites, c'est que le problème de Manic vous a coûté en eau 390 000 000 $; en tout cas...

M. Coulombe: Non. Le problème de la fissure de Manic a eu comme conséquence de baisser le niveau d'eau; donc, il y en a moins de turbinée...

M. Fortier: Oui, cela vous a coûté de l'eau.

M. Coulombe: Mais, la moitié du 13 -en fait 7,5, de l'ordre de 7 à 8 térawatts sur 13 - reposait sur ce phénomène.

M. Fortier: Mais... M. Coulombe: Pardon.

M. Fortier: Cela n'était pas vendu de toute façon.

M. Coulombe: C'est cela. Je veux expliquer par là que ce genre de phénomène peut se produire dans un parc d'équipement aussi considérable que le nôtre. Lorsque cela se produit en même temps qu'une baisse de la demande ou en même temps qu'une hydraulicité anormale, c'est évident que tous ces phénomènes peuvent se multiplier les uns les autres.

M. Fortier: Vous nous avez dit que cette équipe... J'imagine que la nouvelle équipe va inclure celle de commercialisation

que vous aviez à Hydro-Québec, enfin...

M. Coulombe: C'est ce qui est prévu.

M. Fortier: C'est ce qui est prévu. Cette équipe va faire un peu ce que l'électricité de France a fait il y a quelques années à l'aide de l'étude de Miter Corporation. Avant que j'entre en politique, j'avais l'occasion d'aller au Brésil, avec M. Boulet et M. Boyd, où justement on avait fait état de ces études très extensives...

M. Coulombe: C'est le même concept.

M. Fortier: II y a des choix à faire entre le gaz et l'électricité, le genre d'industrie qui peut être attirée par le genre de procédé à base d'électricité n'est pas du tout le même genre d'industrie qui serait intéressée, j'imagine, par des procédés impliquant du gaz. Je ne parle pas en termes de coût d'énergie; je parle en termes de qualité intrinsèque des deux formes d'énergie. Je crois que c'est à cela que vous faisiez allusion. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a plus d'avantages dans l'un que dans l'autre ou si les deux sont avantageux? Est-ce que, pour l'économie du Québec, on devrait pousser plus sur l'un que sur l'autre, en termes d'attirer de nouvelles industries? (21 h 15)

M. Coulombe: En fait, ce ne sont pas tout à fait les mêmes marchés. Il y a des utilisations du gaz - je demanderais à mes collègues, s'ils le veulent, de poursuivre là-dessus - fermées à l'électricité et vice versa. Lorsque M. Boulet parlait tantôt d'électolyse pour l'hydrogène, c'était justement en concurrence directe avec le gaz, avec de nouveaux processus qui s'appliqueraient à l'électricité, mais certains autres processus sont fermés à l'électricité et vice versa pour le gaz. Je ne sais pas s'il y en a qui...

M. Fortier: Ma question était celle-ci: Le ministre a dit ce matin qu'il était... J'avais compris qu'il y aurait une commission parlementaire mais, en lisant bien le communiqué, j'ai vu qu'il était pour recommander au cabinet qu'il y ait une commission parlementaire. Je ne sais pas si le cabinet va être d'accord avec lui, mais si on avait cette commission parlementaire cette revue technologique serait quand même intéressante. Or, peut-être qu'à ce moment-ci vous pourriez nous donner un aperçu des possibilités.

M. Cristel (Jean-Paul): L'exercice consiste à identifier pour chaque type d'industrie les procédés qui font appel à de l'énergie où l'électricité a un avantage marqué. Par exemple, si on utilise une pompe à chaleur au lieu d'une autre énergie, puisque la pompe à chaleur est plus efficace, l'électricité a un coefficient de performance qu'on dit de 3 à 1. Alors, le prix relatif des énergies favorise nettement l'électricité. L'étude doit déterminer si l'investissement nécessaire dans l'équipement est justifié en fonction de l'économie d'énergie qui, évidemment, peut être réalisée.

Alors, vous avez demandé d'identifier certaines technologies électriques. Eh bien, il y a les technologies qui sont commerciales, donc, qu'on peut commercialiser immédiatement, et d'autres qui sont en voie de développement. Parmi celles qu'on peut commercialiser immédiatement, il y a les pompes à chaleur, les résistances appliquées à des endroits précis, la recompression mécanique de la vapeur, les membranes, l'induction, les arcs et, parmi les techniques qui sont en voie de développement et qui intéressent l'IREQ, évidemment, il y a les plasmas et d'autres techniques en voie de développement. Alors, cette prospective industrielle peut nous dévoiler les équipements qu'il deviendra rentable pour l'industriel de se procurer, quitte à ce qu'Hydro-Québec aide à stimuler les premières installations.

M. Fortier: Voyez-vous ce marché comme étant un peu hétéroclite, c'est-à-dire qui a des applications diverses ou certaines applications ou si, en collaboration avec le gouvernement, si cela n'a jamais été fait, vous aller essayer de tirer une stratégie de développement économique centrée sur certaines applications en particulier?

M. Cristel: II y a clairement, à notre avis, alors que nous commencerons à explorer en détail les différentes avenues, des possibilités de développement de certains équipements. Si, par exemple, les expériences, qui ont été faites avec les pompes à chaleur qui peuvent produire une température assez élevée, prouvent que cet équipement est économique et peut, disons, atteindre la performance désirée, on aura des pompes à chaleur avec des moteurs de 8000 à 10 000 forces qui pourront remplacer dans une papeterie les procédés traditionnels de séchage. Mais là, il est question de développer des équipements qui pourront avoir cette performance. C'est surtout au niveau des réfrigérants que la lutte se fait actuellement pour qu'on puisse utiliser un réfrigérant qui possède les qualités nécessaires.

M. Fortier: Vous êtez-vous fixé des délais pour terminer cette étude que j'appellerais de préfaisabilité ou de prémarketing? C'est une étude qui va continuer dans le temps, j'imagine?

M. Cristel: En raison de nos surplus,

nous avons l'intention de mettre l'accent au départ sur les techniques qui sont plus réalisables dans l'immédiat. Ce qui ne veut pas dire que nous allons totalement négliger les techniques qui peuvent être développées avec des recherches ou du développement additionnels.

M. Fortier: J'aurais une dernière question. Les excédents non vendus - je reviens aux excédents non vendus du tableau 15 - seraient de 29 térawattheures; c'est à peu près 4000 mégawatts qui pourraient être plus si les excédents étaient plus élevés, plus si le programme de vente additionnelle au Québec ne fonctionnait pas. On parle d'une possibilité de dégager plus de 4000 mégawatts, peut-être 6000 mégawatts, ce qui est à peu près le potentiel du marché américain. Alors, quel est l'effort de marketing qui va être fait là? Est-ce que c'est une priorité aussi considérable que celle du marché domestique ou si c'est une priorité secondaire?

M. Coulombe: Ce sont deux priorités qui vont de pair, qui font appel à des équipes différentes, des techniques de travail différentes et je pense que ce sont deux lignes parallèles d'action pour Hydro-Québec. Sans dire qu'on court deux lièvres à la fois, je pense qu'il faut courir ces deux lièvres à la fois. Dans la mesure où on a beaucoup de succès avec le programme industriel qui commence, finalement, d'une façon plus systématique, il y a un plus grand intérêt à développer des techniques internes, surtout si cela a des retombées de fabrication au Québec. Il reste qu'il y a passablement d'intérêts là-dedans. Seulement un exemple, le programme des chaudières va avoir un effet direct sur une industrie du Québec qui fabrique les équipements de base. Le programme Biénergie va avoir une influence directe sur des fabricants québécois de ces équipements; ceux-ci ne seront pas pris en Ontario ou ailleurs, il vont être pris au Québec et vont permettre à quelques entreprises québécoises de se développer. En soi, les retombées sont beaucoup plus intéressantes, mais ce sont peut-être les deux niveaux de marché qu'il faut absolument prospecter et être aussi dynamique sur l'un que sur l'autre.

M. Fortier: II est toujours possible, à la dernière minute, de laisser tomber un marché, même s'il a été négocié, mais qui n'est pas signé; à ce moment-là, cela peut être une stratégie de vente de dire: On va négocier et on prendra la décision en temps et lieu.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Toutes ces études se font pour arriver à avoir un meilleur produit tout en économisant l'énergie. Il y a toute une série d'études. Par exemple, il y a la thermomécanique dans les pâtes et papiers. On économise de l'énergie tout en faisant un meilleur produit.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais revenir au tableau 15 - j'ai l'impression qu'on est en train de... je ne voudrais pas dire qu'on dramatise une situation - dans la colonne 5, à la ligne 1983, je vois: excédents non vendus: 0. 1984: 13,8 térawattheures. 1985: 12,5. 1986: 3. Ce qui donne 29,3. On s'entend là-dessus. Il y a beaucoup de "si" dans le scénario; évidemment, si la demande interne augmentait, ce chiffre de 29,3 irait en diminuant et, si une catastrophe économique se produit et qu'on connaît un ralentissement de la demande domestique au Québec d'une façon encore plus soutenue, le chiffre de 29,3 prend l'ascenseur. Ma question est la suivante: Nous sommes en octobre 1982; d'ici les six ou douze prochains mois, à la question qui vous a été posée tout à l'heure, est-ce qu'il y a lieu d'être optimiste sur nos chances de trouver preneur - je me limiterais à la seule année 1984 -pour 13,8 térawattheures, soit à l'extérieur de nos frontières ou chez nous? Est-ce qu'on peut envisager la situation avec optimisme ou est-ce qu'il faut noircir le tableau comme le député d'Outremont?

M. Coulombe: Nous envisageons cela avec optimisme avec les contraintes qu'on vous a fournies, mais tous les efforts vont être faits, évidemment. Lorsqu'on parle de sommes aussi considérables, tous les efforts seront faits pour éliminer complètement ces surplus, en fin de compte. Si vous allez à la colonne 2, il y a des efforts systématiques pour le même montant dans des programmes qui, au moment où on se parle, sont en marche. On a l'intention d'en mettre d'autres pour les éliminer. Donc, nous considérons cela, en ce qui concerne Hydro, comme un défi extrêmement intéressant, important et auquel on donne une priorité puisque, comme je le disais cet après-midi, l'objectif numéro un du plan de développement est une mise en marché agressive. On s'organise pour cela, on s'est fixé des objectifs, on va avoir une organisation qui va être capable de le faire, on est optimiste, mais les contraintes générales, vous les connaissez aussi bien que nous.

M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, on a beaucoup parlé des exportations d'énergie, tantôt d'énergie excédentaire, tout à l'heure d'énergie ferme,

et je voudrais peut-être faire porter la discussion sur la capacité d'exportation d'Hydro-Québec et rejoindre la technologie. C'est un secret de polichinelle que toute entreprise qui consacre des montants importants d'argent à la recherche et à l'innovation a toutes les chances de développer une technologie. C'est vrai pour les entreprises de taille beaucoup plus modeste comparée à celle d'Hydro-Québec, mais je voudrais savoir, soit de M. Bourbeau ou de M. Coulombe, peut-être de M. Boulet, si nous avons là un créneau intéressant en termes de potentiel d'exportation sur le plan de la technologie.

Je regarde les chiffres d'Hydro-Québec. Aux états financiers de 1981, Hydro a un actif total de 20 730 000 000 $; au 31 décembre 1982, les actifs devraient se situer quelque part autour de 23 000 000 000 $, ce qui en fait la plus grande entreprise de tout le Canada qui appartient aux Québécois, ce qui fait qu'Hydro, au fil des années, est devenue la plus grande corporation de production et de distribution d'hydroélectricité à l'échelle de l'Amérique du Nord. Vous avez indiqué tout à l'heure, M. Coulombe, que le budget de la recherche et de la technologie à Hydro-Québec était très important, qu'il allait en croissance malgré la récession. Je pense que tout le monde ici en est parfaitement heureux et je pense qu'on doit continuer dans cette voie.

Maintenant, puisque le conseil d'administration d'Hydro-Québec a décidé de faire un lien entre la science, la technologie et l'international, j'imagine bien qu'il y a une raison. Je voudrais savoir si, sur le plan, par exemple, du développement de cette nouvelle technologie des électrolyseurs avec le groupe minier Noranda, il y a là un potentiel d'exportation pour cette technologie de l'avenir.

Je sais par ailleurs qu'à l'IREQ, au fil des années, on a développé cette technologie de transport de l'électricité sur des hautes tensions de 735 kV, 750 kV. Je sais qu'on travaille sur 1500 kV, je sais qu'on travaille aussi sur 3000 kV. Est-ce qu'il y a là un potentiel d'exportation sur le plan du transfert de la technologie et du management des grands chantiers? Est-ce qu'il est possible d'envisager qu'Hydro International avec, par exemple, la Société d'énergie de la Baie-James, pourrait offrir ses services, sur le plan à la fois de la technologie et du management, dans de grands projets à l'échelle internationale? Si la réponse est affirmative, j'aimerais savoir dans quelle région du monde portent à l'heure actuelle vos efforts d'une façon plus particulière.

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau, M. Coulombe? (21 h 30)

M. Coulombe: En fait, vous venez de définir les raisons de base qui nous ont incités à unifier l'élément de technologie et l'élément international. C'est évident qu'Hydro possède un immense réservoir de "know-how", d'expérience qui est exportable. À Hydro-Québec International de même qu'à l'IREQ, il y a énormément d'activités internationales indépendamment d'Hydro-Québec International; on y travaille activement sur ces sigles. Par contre, il faut bien penser que dans l'exportation, si on prend, par exemple, le management de grands travaux et ainsi de suite, le problème fondamental de l'exportation n'est pas tant un problème de "know how" qu'un problème de financement. Pour prendre des projets clés en main, ce qu'Hydro serait parfaitement capable de faire en collaboration avec quelques sources extérieures à Hydro, le problème n'est pas tant le "know how" que le financement de ces projets. Les batailles internationales se font en ce qui concerne carrément les taux d'intérêt. Lorsque le Japon offre 4% de taux d'intérêt, peu importe le "know how" qui est en arrière, si Hydro-Québec arrive avec un financement de projet qui est à 12%, 13%, 14%, il n'est même pas considéré. Il y a une barrière fondamentale à une expansion très rapide, à moins que des conditions de financement puissent être améliorées. En dehors de cette contrainte, je pense que M. Bourbeau, qui a eu l'occasion de rencontrer, sur le plan international, plusieurs interlocuteurs, pourra donner plus de détails sur des projets concrets qui, actuellement, existent à Hydro-Québec.

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Lors d'un voyage récent au Brésil, on a parlé de transfert de technologie au point de vue du dossier de l'hydrogène. Les Brésiliens sont très intéressés au dossier de l'hydrogène. Ils font des études et ils aimeraient avoir un transfert technologique sur ce dossier.

D'autre part, on parlait tout à l'heure de possibilités de faire, le Brésil et la Société d'énergie de la Baie-James, un projet - Santa Isabel - de 2000 mégawatts. On poursuit les discussions avec le Brésil à ce sujet.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, juste une question, le ministre a mentionné tout à l'heure que les lignes de transmission sont à 765 kilowatts, et qu'à Hydro-Québec vous travaillez sur du 1500 kilowatts.

Une voix: Kilovolts.

M. Grégoire: ... kilovolts. Vous travaillez sur du 1500 et surtout 3000. On me dit que les Italiens aussi font beaucoup de travail de recherche sur les transmissions, sur les lignes de 3000 kilovolts, ce qui veut dire trois fois et demie ce qui se fait. Est-ce qu'Hydro-Québec est plus avancée que les Italiens sur cela? Je suis un bon nationaliste, vous savez, et je veux savoir où en sont les Québécois par rapport aux autres.

M. Boulet: On a tous les moyens pour faire les études. D'ailleurs on en a fait sur les 1500 kilovolts, pour American Electric Power, à l'Institut de recherche d'Hydro-Québec. Le maximum possible et permissible du côté économique ne dépassera jamais 1600 ou 1700 kilovolts. ENEL, en Italie, a élaboré un programme, construit une ligne de transport, la même chose qu'American Electric Power, et a offert cela. Les Brésiliens sont là. BC Hydro a investi dans ce programme. Les Chinois m'en ont parlé quand ils sont venus dernièrement. J'ai dit: On peut faire les mêmes études et cela va vous coûter meilleur marché, venez à l'IREQ. Le maximum possible ce sera 1500 kilovolts, jamais on ne dépassera cela. American Electric Power a lancé un projet, elle a dépensé à peu près 30 000 000 $ pour faire l'étude du transport. Elle est allée jusqu'à 1500 kilovolts et là elle revient à peu près à 1000 kilovolts. En courant alternatif, ce sera probablement le maximum dont on aura besoin dans le monde, 1000 kilovolts, ou plus ou moins 1000 kilovolts en courant continu; en courant alternatif, 1000 kilovolts.

M. Grégoire: Êtes-vous avancé dans ces recherches?

M. Boulet: Oui, on a tous les moyens de faire les essais dans ce domaine.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Vimont, après qui je reconnaîtrai le député de Châteauguay. M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): La semaine dernière, à la suite aussi de ce voyage au Brésil, on a reçu une demande du Paraguay de considérer une possibilité de faire des échanges au sujet du dossier de l'hydrogène. Le Paraguay, on le sait, avec le projet Itaipu, reçoit une grande quantité d'électricité. Il serait intéressé à utiliser l'électricité pour faire de l'hydrogène.

M. Rodrigue: M. le Président, je reviens à une remarque qu'a faite M. Coulombe tout à l'heure concernant la nécessité devant laquelle Hydro-Québec s'est retrouvée à un moment donné, à la suite d'une fissure dans le barrage de Manie 5, de laisser couler de l'eau, d'abaisser un peu le niveau du réservoir pour s'assurer que les conditions ne seraient pas sécuritaires à Manic 5. Cela, évidemment, a été fait sur-le-champ, avant même de réaliser que la fissure était superficielle, le mot "superficielle" étant un peu relatif dans le cas du barrage de Manic 5 à cause de son épaisseur. Cela m'amène à vous poser la question suivante sur la capacité, la puissance installée dans le réseau d'Hydro-Québec. Qu'est-ce qu'Hydro-Québec se garde comme marge de sécurité sur la puissance installée de façon à pouvoir faire face à ces éventualités? Quelle influence cela peut-il avoir sur les surplus dont il est question dans les tableaux en page 14 et en page 15?

M. Coulombe: La gestion, les critères de gestion en fait de cette...

Le Président (M. Gagnon): M. Bourbeau?

M. Bourbeau (Joseph): Est-ce que je me trompe, M. Villeneuve, en disant que ce serait de l'ordre... M. Amyot, de 10%?

M. Amyot: Oui, on a entre 7% et 10% actuellement.

M. Rodrigue: De la puissance totale du réseau?

M. Bourbeau (Joseph): On tient comme réserve environ 10% de la puissance totale du réseau. La demande à la pointe était de 20 000 mégawatts l'hiver dernier et on tient en réserve environ 2000 mégawatts.

M. Rodrigue: 2000 mégawatts. Maintenant, l'effet de ces 2000 mégawatts qu'on veut tenir en réserve pour parer à toute éventualité, quel impact cela a-t-il sur les chiffres des surplus qui nous sont présentés ici? Est-ce que, dans les chiffres qui nous sont présentés, on tient compte de la capacité de production de ces 2000 mégawatts que par ailleurs on tient en réserve?

M. Coulombe: C'est considéré comme dans la réserve.

M. Rodrigue: Donc, ils n'apparaissent pas ici dans les chiffres.

M. Coulombe: Cela s'appelle production disponible totale, à la première colonne. Donc, cela tient compte de la réserve.

M. Rodrigue: De la production disponible. Cela serait inclus dans...

M. Coulombe: Cela tient compte de la réserve.

M. Rodrigue: Cela tient compte de la réserve.

M. Coulombe: Ce que je veux dire, cela en tient compte...

M. Rodrigue: C'est inclus dedans?

M. Coulombe: C'est la production disponible. Alors, la réserve est antérieure à ces chiffres.

M. Rodrigue: D'accord. Alors, on considère la réserve comme n'étant pas dans la production disponible.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Amyot: II reste cette marge-là à additionner.

M. Rodrigue: C'est cette marge qu'on se réserve pour être en mesure de faire face à toutes les éventualités.

M. Coulombe: C'est ça.

M. Rodrigue: Dans un autre ordre d'idées, les taux d'intérêt ont augmenté beaucoup ces dernières années et HydroQuébec, à cause du programme d'équipement de La Grande, phase I, a dû faire des emprunts même si les conditions étaient moins intéressantes que ce qu'on a connu il y a six ou sept ans. Les travaux étaient lancés et des travaux de cette envergure, c'est comme un océanique, c'est comme un pétrolier de 500 000 tonnes, une fois que c'est lancé, cela ne se retourne pas sur un trente sous. Dès que les travaux sont engagés assez sérieusement, on a beaucoup de difficulté et cela implique des coûts assez importants lorsqu'on veut modifier l'allure des travaux, les accélérer ou surtout les décélérer.

Hydro-Québec a dû investir, même à des taux d'intérêt élevés. Or, il se retrouve que, au cours du dernier mois, on a eu un fléchissement des taux d'intérêt assez important. La question est la suivante: quelle est la durée moyenne des obligations qui ont été souscrites pour permettre à HydroQuébec de financer ses opérations, avant leur échéance? Deuxièmement, est-ce que ce sont des obligations qu'Hydro-Québec pourrait racheter pour profiter des taux d'intérêt plus intéressants qu'on connaît depuis quelques semaines et qui, possiblement, pourraient devenir encore plus intéressants malgré que c'est très aléatoire?

M. Bourbeau (Joseph): M. Georges Lafond.

M. Rodrigue: Alors, la première question, c'est la durée moyenne des obligations et, deuxièmement, est-ce que c'est renégociable pour profiter des taux d'intérêt plus intéressants qu'on connaît présentement?

M. Lafond (Georges): D'accord. Au début de l'année, la dette d'Hydro-Québec avait une échéance moyenne d'environ 14 ans. Cette année, en 1982, il y a eu contraction, évidemment, sur les marchés financiers à cause de la volatilité, d'une part, des taux d'intérêt et, d'autre part, des taux élevés d'intérêt, le prêteur hésitant à s'engager à long terme. À ce moment-là, le volume d'emprunts de l'année 1982 a été réalisé avec une échéance moyenne d'environ neuf ans.

D'autre part, quant à votre deuxième question à savoir si Hydro-Québec est en mesure de profiter de la baisse des taux d'intérêt pour renégocier et refinancer ses emprunts, il y a deux aspects, ou deux volets, à la réponse.

Dans un premier temps, il faut faire des distinctions quant aux marchés sur lesquels Hydro a emprunté; du côté des États-Unis, par exemple, il était de coutume, de mise de donner, pour les emprunts classiques qu'on pouvait faire autrefois de 30 ans, une garantie de non-remboursement de 15 ans. Sur le marché canadien, toujours pour les emprunts classiques de 20 à 25 ans, il était coutume, de mise de donner une garantie de non-remboursement par anticipation de 20 ans environ. Sur les marchés européens où l'emprunt classique avait une vie de 15 ans, il était de mise de donner une garantie de non-remboursement de 10 ans. Alors, de ce côté, il y a certains emprunts d'Hydro-Québec qu'il serait possible de rembourser par anticipation en acceptant de payer les primes que cela impliquerait, à condition, évidemment, que les taux du jour soient inférieurs aux coûts comparatifs qu'on déterminerait.

Cependant, il faut retenir que le programme de construction d'Hydro-Québec ne tombera pas à zéro en 1983 ou en 1984. On entrevoit que la Baie-James devrait se terminer, quant à sa phase I, au cours de l'année 1984 ou 1985. Il y a aussi les lignes de transmission et vous avez vu la série de dépenses d'immobilisations des trois prochaines années. Cet effort de construction va laisser Hydro-Québec avec un programme d'emprunt qui va excéder les 2 000 000 000 $, programme passablement élevé. S'il fallait, au cours des trois prochaines années, commencer, en plus de satisfaire au programme d'emprunt d'Hydro-Québec, à ajouter un programme de refinancement, de "roll over" ou de refinancement des dettes existantes, je pense qu'on irait un peu loin dans les ponctions qu'il faudrait faire sur les marchés, mais de toute façon si des situations comme celles-là se produisent et sont à l'avantage économique d'Hydro-Québec, sans ajouter aux problèmes de saturation qu'on peut affronter

sur certains marchés donnés, il n'y a aucun doute que ces opérations seront faites.

M. Rodrigue: Si je comprends bien, il n'y aurait pas intérêt à cela pour l'instant, parce que s'il y a un délai de dix ans avant de pouvoir refinancer des emprunts, de toute façon, il y a dix ans, les taux d'intérêt étaient plus bas que ceux qu'on connaît présentement, entre autres choses.

M. Lafond: Présentement, c'est une possibilité éloignée quant à ce point de vue.

M. Rodrigue: C'est purement théorique. Quant aux emprunts en monnaie européenne ou japonaise - je ne sais pas si vous en avez en monnaie japonnaise - il y en a en monnaie européenne, quel est l'effet de la réévaluation du dollar sur tout cela? Actuellement, en termes de valeur des emprunts, est-ce que cela a permis de réduire la valeur de ces emprunts de façon appréciable? On a connu une période où le dollar s'est dévalué sensiblement par rapport au mark, au franc suisse et à un certain nombre de monnaies européennes. Depuis un certain temps, le dollar se réévalue. Est-ce que l'on peut mesurer par rapport au creux de la vague qu'on a connu ce que cela peut signifier en termes de coûts diminués de ces emprunts?

M. Lafond: Oui. Disons que jusqu'en 1970 Hydro-Québec avait emprunté exclusivement en devises canadiennes et en devises américaines. Cependant, on voyait le projet de la Baie-James ou de grands travaux venir - la Baie-James ou un autre - et il fallait prévoir une diversification des marchés pour, à la marge, écrémer ce qu'on appelle sur le marché canadien et sur le marché américain le phénomène de saturation dont souffrent d'ailleurs présentement plusieurs gros emprunteurs internationaux. De là, la diversification qui s'est faite au début des années soixante-dix et soixante-et-onze, d'abord sur le marché allemand, ensuite sur le marché suisse. Quant au marché japonais, il n'y a eu qu'un emprunt, il s'agit d'un placement privé. Durant les deux dernières années, nous avons ajouté une percée sur le marché de la livre sterling, sur le marché de l'écu et sur le marché du florin hollandais.

Les emprunts, je dirais, de 1970, 1971 et 1972 sont ceux qui se sont avérés les plus pénibles à porter. Cependant, une fois que le dollar canadien a pris sa "décote" vis-à-vis du dollar américain - "décote" qu'on a connue - depuis ce temps, je dirais que le dollar canadien a évolué à peu près parallèlement au dollar américain par rapport aux devises européennes "soi-disant fortes" et la situation s'est améliorée. (21 h 45)

M. Rodrigue: Vous n'avez pas de comparaison entre ce qu'on a pu atteindre au plus creux de la vague et ce que cela peut représenter en termes de valeur aujourd'hui? Vous n'avez peut-être pas ces détails.

M. Lafond: Non.

M. Rodrigue: Une dernière question pour l'instant, M. le Président. Dans le document d'Hydro-Québec, on mentionne que le dividende, que par suite de l'adoption de la loi no 16 on avait estimé devoir verser au ministre des Finances entre les années 1981-1985, était de l'ordre de 1 500 000 000 $. D'ailleurs, on se rappelle le boucan que l'Opposition avait fait là-dessus; elle avait même réussi à faire un "filibuster" sur l'adoption de la loi no 16 en essayant de nous faire croire que l'équilibre financier de l'ensemble du Québec pouvait dépendre de l'adoption ou de la non-adoption de ce projet de loi. Je pense qu'au moment où on se parle, le ballon que l'Opposition nous avait gonflé à ce moment-là s'est sensiblement dégonflé; peut-être qu'elle voulait permettre aux nouveaux députés de se faire les muscles de part et d'autre de la table de la commission, mais je me rappelle avoir entendu des discours assez ésotériques à cette commission qui n'avaient pas grand-chose à voir avec l'adoption de la loi no 16 ou le développement des sources d'énergie au Québec. Il y en a même qui ont réussi à nous parler d'un M. Philip Buster, de New York, semble-t-il.

Indépendamment de tout cela, le dividende avait été estimé l'an passé, pour la période de 1981 à 1985, à 1 500 000 000 $. Compte tenu des réévaluations qui se sont faites dans votre programme et dans vos propositions tarifaires, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les projections actuelles pour les quatre ou cinq prochaines années, soit pour la même période ou pour les cinq prochaines années?

M. Coulombe: Nous n'avons pas ces chiffres, tout simplement parce que la question du dividende est une question qui, à notre avis, relève de l'actionnaire. Je pense que cela est exact. Vous voyez que dans les équilibres 1983 qu'on présente avec l'intention de diminuer, à cause de la situation globale, l'augmentation des tarifs, nous arrivons, en respectant les critères financiers, à un dividende de zéro, mais cela est la recommandation d'Hydro-Québec. La décision de l'actionnaire reste à prendre. Nous pensons que cet arbitrage... Finalement, il s'agit d'un arbitrage entre le consommateur d'électricité et les contribuables. Nous pensons que cela est de la responsabilité du gouvernement que d'effectuer ce genre d'arbitrage, ce n'est pas la responsabilité d'Hydro-Québec. Alors, il s'agira de voir quelle sorte de décision le

gouvernement va prendre dans les prochaines années. C'est pour cela que ce genre de prévisions, nous ne pouvons pas les faire.

M. Rodrigue: Si je comprends bien, avec la proposition tarifaire d'augmentation à 7,3% en moyenne, comme vous le faites pour l'année 1983, le dividende serait de zéro.

M- Coulombe: C'est-à-dire que vous avez raison en ajoutant que si la demande est à 2,5% et si nous réussissons à couper nos dépenses de la façon dont cela est indiqué, c'est exact.

M. Rodrigue: En fait, dans le cadre où vous avez circonscrit tout cela.

M. Coulombe: C'est cela, vous avez toutes les hypothèses dans le plan; les 7,3% signifieraient pas de dividende pour 1983.

M. Rodrigue: Cette question de fait étant établie, je me permettrai quand même...

M. Coulombe: Ce n'est pas encore une question de fait, cela va dépendre si le gouvernement va agréer ou non la recommandation.

M. Rodrigue: Oui, en fait, c'est votre proposition.

Une voix: Question de privilège.

M. Rodrigue: La proposition d'Hydro-Québec d'augmenter les taux de 7,3% en moyenne aurait pour conséquence, si elle était acceptée, que le dividende payable en vertu de la loi no 16 serait de zéro.

M. Colombe: Si toutes les autres conditions sont remplies, c'est exact.

M. Rodrigue: Si toutes les autres conditions sont remplies, les conditions que vous avez énoncées dans les documents que vous avez versés à la commission et là, je tiens Hydro-Québec en dehors de cela parce que cela devient un commentaire politique. Je pense que les chiffres qui nous sont cités démontrent que le fameux "filibuster" que l'Opposition nous a fait endurer un peu avant les fêtes l'an passé et surtout les déclarations absolument extraordinaires que ses députés ont pu faire à ce moment-là quant aux impacts épouvantables que cela aurait sur l'économie du Québec, étaient bien inutiles. Surtout je pense aujourd'hui que la balloune est drôlement bien dégonflée et que les chiffres qui nous sont fournis...

M. Fortier: II ne sait pas lire les états financiers.

M. Rodrigue: ... à cette commission démontrent que l'Opposition a voulu faire peur au monde et essayer de lui faire croire un tas d'histoires. Quand on regarde les faits tels qu'ils se produisent par la suite, on se rend compte que souvent, leurs appels au terrorisme de cette nature, tournent toujours de la même façon; on en a un autre exemple aujourd'hui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Fortier: Qu'est-ce qu'on a fait aujourd'hui?

M. Dussault: M. le Président, je voudrais revenir brièvement au tableau 15, sur la question des programmes de ventes additionnelles au Québec. Je suis un peu insatisfait parce que j'aimerais connaître la proportion du programme qui consiste à offrir les chaudières, puis je voudrais mieux comprendre cette affaire par rapport aux autres programmes. Par exemple, en 1981, on parle de 2 700 000 000 de kilowattheures. Quelle est la proportion qui passe au programme des chaudières?

M. Coulombe: Le programme de chaudières, les objectifs qu'on a pour 1983, c'est 0,4 milliard de kilowatts, en 1984, 4,6, et en 1985, 4,6; alors que la biénergie, 0,3 en 1983, 1 en 1984 et 2 en 1985, en termes de kilowattheures. C'est la distinction entre les deux programmes en termes d'objectifs à atteindre dans les trois prochaines années.

M. Dussault: Une dernière petite question. J'ai une note ici que 30% de la production hydroélectrique seulement est utilisée au Québec, est-ce exact cela?

M. Coulombe: Est-ce que vous vous référez à une note qui est dans le plan?

M. Dussault: Non. C'est une note qui nous avait été donnée lors d'une rencontre où on s'est "briefé", si vous m'excusez l'expression, sur la question hydroélectrique et j'ai cette note-là ici. Elle m'étonne et je me demandais si elle était exacte.

M. Coulombe: Peut-être que les 30% se référaient aux achats d'électricité à Churchill. Cela représente effectivement 30% de ce qu'on appelle ici, ce qui est disponible comme électricité au Québec; 30% de ce qui est disponible vient de Churchill Falls.

M. Dussault: Alors donc, que si on...

M. Coulombe: Donc, ce n'est pas produit au Québec ces 30% là.

M. Dussault: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Robert Baldwin.

La fissure dans le barrage Daniel-Johnson

M. O'Gallagher: M. le Président, avant de laisser le barrage Daniel-Johnson ou de Manie 5, je voudrais, vu que la population du Québec nous regarde et surtout la population en aval du barrage, vous posez trois questions au sujet de la fissure qui a été trouvée dans ce barrage et du fait que le réservoir a été baissé à cause de cette fissure: Premièrement, la fissure a-t-elle été réparée pour être vraiment sécuritaire à 100%? Pour quelle raison cette fissure est-elle arrivée? Troisièmement, combien cela va-t-il prendre de temps pour regagner le niveau d'eau qu'on a perdu dans ce réservoir?

M. Amyot: Première question, la fissure qu'on a détectée dans la voûte 5-6 est complètement réparée. C'était une fissure qui commençait à la surface et qui allait jusqu'à 12 pieds de profondeur. Nous l'avons injectée avec un coulis de ciment et ensuite avec un époxy; il y a des drains prévus à l'intérieur que nous avons faits et c'est complètement réparé. Deuxième question, c'est?

M. O'Gallagher: Pour quelle raison, d'après vous, est-ce arrivé?

M. Amyot: La raison exacte, personne ne la saurait exactement. On a mis une série de 30 causes possibles pour la fissure. On a procédé par élimination avec des essais, et finalement, on est arrivé avec la raison qui semble la plus probable, c'est qu'il y avait une petite fissure qui se serait produite durant la construction, parce que le barrage était construit par bouts, penchant vers l'aval, alors l'hiver et l'été il y a du retrait et il y a peut-être de petites fissures qui se sont faites. Les petites fissures amènent l'eau. Puis elles venaient vers la surface à l'aval. Alors, après quelques années, l'effet du gel et du dégel fait éclater les fissures un petit peu plus. Avec le temps, l'épaisseur de la glace était assez forte pour faire éclater un peu de béton. C'est ce qui a attiré notre attention. Cela semble être la raison la plus probable. On a regardé toutes sortes d'autres raisons. On a fait étudier celle-là selon des méthodes nouvelles de calcul que l'on n'avait pas lorsqu'on a fait l'ingénierie du barrage. Il semble que cela soit la raison la plus probable. Ensuite, il y a toujours une équipe permanente qui surveille le barrage. Nous avons des appareils, des témoins qui mesurent les débits, les quantités d'eau qui coulent. Nous avons des drains différents au-dessous de chaque voûte, à tous les 50 pieds. Nous savons la quantité exacte d'eau qui s'infiltre. Nous avons un contrôle complet là-dessus. Ensuite, nous avons une série d'appareils de mesure qui donnent la déflexion du barrage, soit vers l'amont, soit vers l'aval, suivant la température de l'année, parce que le barrage est quand même un ouvrage en béton qui rapetisse et s'élargit suivant la température. De plus, nous avons une autre série de mesures, des témoins sonores qui sont mis dans le rocher et à travers le barrage qui, s'il y avait un déplacement subit, feraient un bruit qui serait enregistré et, automatiquement, on décèlerait l'anomalie.

M. O'Gallagher: Ma troisième question: Cela va prendre combien de temps pour regagner le niveau qu'on a perdu?

M. Amyot: Cela dépend des précipitations naturelles. Je crois que M. Villeneuve pourrait me le dire. On n'est pas loin d'avoir atteint le degré normal de plein réservoir.

M. O'Gallagher: À quel pourcentage est-il maintenant?

M. Amyot: Avant la fissure, on l'a rempli deux ou trois fois, alors on sait exactement son comportement. Lorsque le réservoir est plein, c'est évident que le barrage oscille plus vers l'aval; lorsque vous baissez l'eau, la voûte revient vers l'amont. On connaît maintenant son cycle, on suit son travail selon le niveau de l'eau et la température.

M. O'Gallagher: Alors vous nous assurez que c'est complètement sécuritaire?

M. Amyot: C'est un barrage complètement sécuritaire, la preuve, c'est qu'il a résisté depuis... Témi a été complété en 1967 ou 1968, il a été rempli vers l'année 1972 et on l'a tenu plein suivant les soutirages qu'on avait besoin de faire pour l'exploitation. Nous continuons à le suivre et nous avons encore tout un système d'études additionnelles que nous continuons et que nous allons entreprendre pour faire d'autres calculs, pour s'assurer que toutes les nouvelles techniques de calcul soient mises à profit pour étudier le comportement du barrage.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, une question additionnelle.

M. Duhaime: Relativement à la fissure, je voudrais savoir à quel moment elle a été colmatée. Il me semblait que cela avait été terminé en juin 1981?

M. Amyot: La fissure a été découverte au début de mai 1981. Avant de commencer

à la colmater, on a fait une série de forages à travers la paroi pour essayer de déterminer la profondeur et la forme et ainsi en faire la géographie. On a commencé ensuite à faire l'injection vers le milieu d'août et on a terminé l'injection complète vers le milieu de septembre. Les travaux ont recommencé au début d'octobre 1981 - ceux de Manie 5 puissance additionnelle - et on excave la nouvelle centrale à l'aval du barrage.

M. Duhaime: Ce qui veut dire que la question de la fissure est réglée depuis un an.

M. Amyot: Pardon?

M. Duhaime: C'est réglé depuis un an?

M. Amyot: Oui, oui. Mais dans un barrage comme le Manie 5, il y a toujours des fissures. C'est du béton. Il s'agit de contrôler la quantité, de s'assurer que cela reste dans des limites acceptables.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Chambly, je regrette, à moins que les membres de la commission ne soient d'accord pour poursuivre les travaux, il est maintenant 22 heures.

M. Grégoire: J'aurais une question. M. Fortier: C'est une mini-question.

Le Président (M. Gagnon): Une miniquestion, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Qui est importante, à mon avis. On a parlé, ce soir, de toutes sortes de scénarios, soit pessimistes, soit optimistes, dépendant où on était, de catastrophes parfois même. En 1981, finalement, Hydro-Québec a fait des profits. De quel ordre étaient-ils?

M. Bourbeau (Joseph): 358 000 000 $.

M. Tremblay: Et, en 1982, êtes-vous en mesure présentement de prévoir un peu quelle sorte de résultat cela va donner?

M. Bourbeau (Joseph): Vous l'avez dans le plan à la page 86. Si la demande se comporte comme prévu, c'est-à-dire -1, il se peut qu'elle soit plus basse, ce serait de l'ordre de 800 000 000 $.

M. Tremblay: De profit? M. Bourbeau (Joseph): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie beaucoup. La commission de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 03)

Document(s) associé(s) à la séance