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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 14 avril 1983 - Vol. 27 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'énergie et des ressources commence ses travaux ce matin en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay - excusez-moi, il n'est pas là - M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Les personnes qui sont invitées à cette commission parlementaire aujourd'hui sont: M. André Thibaudeau, pour terminer les réponses aux questions qui lui ont été posées, M. Pierre Laferrière, M. Guy Monty et M. Claude Roquet.

Mise au point du président

Puisque nous recommençons cette commission parlementaire, je me suis fait un devoir de rappeler le mandat de cette commission parlementaire à tous ses membres et à tous les gens qui viennent devant cette commission, ainsi qu'à tous les gens qui nous écoutent. J'aimerais aussi rappeler que nous nous étions entendus, de façon générale cependant, pour accorder un minimum ou un maximum de 20 minutes par intervenant. Mais, à la suite de différentes interventions qui ont eu lieu au cours des premières séances de cette commission parlementaire, la répartition du temps a été très large, de telle sorte que les intervenants ont pu utiliser davantage que leurs vingt minutes pour poser leurs questions et entendre les réponses.

J'aimerais aussi rappeler l'origine de cette commission parlementaire avant qu'on continue l'ensemble de nos travaux aujourd'hui et dans les jours qui viennent. Vous savez dans quelles circonstances la commission parlementaire a été convoquée par le leader du gouvernement. J'aimerais bien faire remarquer que c'est une commission parlementaire. J'aimerais aussi faire remarquer que l'ensemble des invités à cette commission a été l'objet de demandes de la part des gens de l'Opposition comme des gens du côté ministériel, que le président de cette commission parlementaire n'a aucun pouvoir sur la liste des invités et n'a également aucun pouvoir - c'est pour le rappeler comme il faut - sur l'ordre du jour qui est fait par le leader du gouvernement.

J'aimerais aussi vous rappeler que cette commission parlementaire est vraiment une commission parlementaire en vertu des règles de l'Assemblée nationale. Donc, elle n'est pas une commission de type sénatorial américain, ni un type de commission spécialisée qu'on appelle en Angleterre le "select committee". En conséquence, les pouvoirs du président sont de faire respecter l'ensemble des règlements et de faire en sorte que la Loi sur l'Assemblée nationale soit aussi respectée. Il n'a en aucune façon à intervenir dans le débat sur les questions de fond. Ces interventions viennent des députés et si quelqu'un croit que des questions ou des réponses sont en dehors du mandat qui a été octroyé par le gouvernement à la commission parlementaire, il doit intervenir et demander au président de la commission de statuer sur ces questions. Je le souligne, puisqu'on a eu l'occasion, aussi bien à l'intérieur de la dernière séance de la commission parlementaire jeudi il y a deux semaines qu'en dehors de cette commission parlementaire, de revenir énormément sur le mandat de cette commission parlementaire.

Il faudrait - je le rappelle à tous les membres de cette commission parlementaire - reconnaître que les gens qui sont ici sont les invités de part et d'autre de cette Assemblée et doivent être questionnés dans le but de nous aider à bien remplir le mandat qui, je le rappelle, est d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la

Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

J'aimerais, autant que faire se peut, que les gens qui auront à questionner les invités que nous faisons venir à cette commission parlementaire, les considèrent comme des gens qui doivent nous aider à remplir notre mandat et non pas comme des accusés.

J'ai, d'ailleurs, pris la précaution de faire l'analogie avec le règlement en vertu des paragraphes 2 et 3 de l'article 168 que je me permets de relire. L'article 168 dit: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question: 2. qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3. dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation personnelle." Si je le rappelle, c'est, comme je le dis, pour tout ce qui a été dit ici à cette commission ou ailleurs, mais en vous redisant que je l'ai fait par analogie, puisque cela a trait à la période des questions lorsqu'on s'adresse à un ministre. Comme les règles de cette commission ne sont pas définies pour être autre chose qu'une commission parlementaire et que, en cours de route, on a peut-être de part et d'autre, selon certaines personnes, abusé des droits de nos parlementaires, j'aimerais le rappeler pour que les gens puissent vraiment être conscients que la commission parlementaire est une commission parlementaire régulière, normale de l'Assemblée nationale du Québec.

Je terminerai en disant que, pour revenir à une question qui a été posée à plusieurs occasions sur la question de la prestation des serments pour les personnes qui doivent venir à cette commission parlementaire, je dois rappeler que je me ferai un devoir, puisque la question m'a été posée pour l'ensemble de la commission parlementaire, de demander à toutes les personnes qui vont venir devant cette commission de prêter le serment tel que demandé en vertu des articles prévus par la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec.

Je demande donc à M. André Thibaudeau... Mais avant, je pense que j'ai des questions. Je vous rappellerai un peu plus tard. Il y a d'abord M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Une question de règlement, M. le Président. Je voudrais faire une demande préalable en début de séance. Je pense que le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, M. Laliberté, lorsqu'il a témoigné, avait dit qu'il vous ferait parvenir, enfin à la commission, un projet de transaction qui aurait été rédigé par les avocats de la SEBJ en janvier 1979. Est-ce que vous avez reçu cela?

Le Président (M. Jolivet): Oui, je l'ai reçu. Je m'excuse. Je devais vous avertir qu'on devait le transmettre. C'est donc la lettre du 18 janvier 1979. Je vais demander aux gens du secrétariat des commissions de vous faire parvenir le texte, puisqu'il nous est parvenu au secrétariat.

M. Lalonde: Je vous remercie. En deuxième lieu concernant les remarques fort pertinentes que vous avez cru bon de nous adresser en début de séance, je pense qu'il est bon, en effet, de rappeler que tout ce qui s'est passé jusqu'ici à la commission s'est fait conformément au règlement et que vous êtes appelé à appliquer un règlement qui est la loi de la commission parlementaire. Je veux vous réitérer notre désir, de ce côté-ci, de continuer à nous soumettre au règlement et à la Loi sur l'Assemblée nationale, au mandat qui nous a été imposé, que ni vous ni moi n'avons choisi, mais qui nous a été donné, c'est-à-dire d'examiner toutes les circonstances entourant ce règlement hors cour, ainsi que le rôle du premier ministre ou de son bureau. À cette fin, nous allons aussi continuer d'accepter l'invitation du premier ministre en Chambre, il y a quelques semaines, de poser toutes les questions nécessaires pour faire la lumière. Soyez assuré à l'avance de notre collaboration la plus totale pour que toutes les questions pertinentes soient posées afin que la commission parlementaire remplisse complètement son mandat.

Vous avez dit tout à l'heure: Les témoins ne sont pas des accusés. Sûrement qu'ils ne sont pas des accusés. Je pense que personne n'a été accusé ici, sauf que le journal La Presse a accusé le premier ministre d'avoir trompé l'Assemblée nationale. Les témoins - les invités, comme vous les appelez, les témoins comme on les appelle, dans un langage plus général - sont, en effet, des personnes qui ont été considérées par le gouvernement - disons par le leader parlementaire du gouvernement et, dans une certaine mesure, par nous aussi -comme des personnes susceptibles d'apporter un éclairage. Mais, comme il s'agit de faits entourant un événement, il va sans dire que souvent - ou enfin, on l'a vu il y a deux semaines - cela peut prendre un certain nombre de questions pour faire le tour d'un événement, d'une réunion, etc.

J'accueille aussi avec empressement votre déclaration à savoir que la description d'une question, telle qu'on la retrouve dans le règlement, s'adresse à une question qui serait posée à un ministre. Par exemple, on

ne peut pas demander une expression d'opinion. Fatalement, dans ce qui nous occupe actuellement, on ne peut pas s'empêcher de demander aux membres du conseil d'administration l'opinion que ces personnes s'étaient faite sur la proposition de règlement. Je comprends que vous appliquerez avec la plus large interprétation possible, dans les circonstances, cette partie du règlement. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: M. le Président, j'ai une chose assez délicate à vous signaler. Vous avez statué tout à l'heure que cette commission est une commission parlementaire ordinaire. Si c'est une commission parlementaire ordinaire, de mémoire, au cours des sept années que j'ai passées ici, jamais, dans une commission parlementaire ordinaire, nous n'avons eu à assermenter des témoins parce que déjà le témoin qui se présente à la barre ne peut mentir à cette commission.

Devant ce qui s'est passé avant l'ajournement, avec les premiers témoins qui ont passé, déjà beaucoup de députés ont peur et doutent actuellement de l'effet d'assermenter les témoins à une commission parlementaire ordinaire. L'article qui prévaut actuellement... Nous avons peur que cela fasse jurisprudence dans une commission ordinaire de l'Assemblée nationale. Cela pourrait aller aussi loin qu'assermenter un fonctionnaire qui viendrait ici débattre des chiffres avec son ministre.

Je pense que l'esprit de la Loi sur l'Assemblée nationale - c'est pour cela que ce que je vous dis est important - n'était pas d'avoir cela dans une commission ordinaire. Ce n'est pas une commission sénatoriale, comme vous l'avez dit tout à l'heure. L'esprit de la Loi sur l'Assemblée nationale est justement en vue de la création de ces nouvelles commissions, de ces "select committees", comme vous l'avez dit tout à l'heure, qui existent en Angleterre d'assermenter ces gens-là. S'il vous faut un petit peu plus de temps, dix minutes ou une demi-heure, puisque cela fera jurisprudence -c'est ce dont j'ai peur - on vous l'accorderait pour prendre une décision en collaboration avec le bureau de la présidence, avec le président même de l'Assemblée nationale sur ce sujet avant de procéder à un autre serment.

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous répondre immédiatement puisque ce que vous me demandez a été fait avant même que vous me le demandiez. C'est donc après une bonne vérification que nous avons non pas pris l'esprit de ce que le législateur a voulu dire, mais la lettre de ce que le législateur a inscrit dans une loi, à l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Je ne peux que continuer à dire ce que j'ai dit jusqu'à maintenant: "Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission, peut demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle prévus à l'annexe II." En conséquence, je vais continuer la même politique que celle du début, puisque je n'ai pas d'autre choix que celui d'appliquer la Loi sur l'Assemblée nationale que nous avons tous adoptée à l'Assemblée nationale, dernièrement.

M. le ministre a-t-il quelque chose à dire?

Ordre des travaux M. Yves Duhaime

M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais dire que nous procéderons dans l'ordre que vous avez indiqué tout à l'heure. Je crois que nous en étions à entendre M. Thibaudeau et que c'était le député de Marguerite-Bourgeoys qui devait lui poser des questions. J'indique tout de suite que, pour la semaine prochaine, j'ai suggéré au leader du gouvernement que nous puissions travailler mardi, mercredi, jeudi et vendredi. Je pense qu'il y a un accord là-dessus. Nous commencerions normalement à dix heures, mardi. Nous pourrions, si nous avons épuisé la liste des quatre personnes qui sont à l'ordre du jour d'aujourd'hui et de demain, commencer par le témoignage de M. Giroux, qui est actuellement sous les soins des médecins à Montréal. Il a communiqué avec moi pour m'indiquer qu'il était à la disposition de la commission et qu'il souhaitait recevoir un jour et une heure fixes pour être entendu, à cause de son état de santé. Je crois pouvoir dire qu'il y a une entente des deux côtés afin que l'on puisse procéder mardi matin avec M. Giroux.

À titre indicatif, je dis que nous pourrions ensuite continuer avec la comparution de MM. Boyd et Saulnier. Pour les autres, on verra et j'aurais l'intention d'aviser à l'avance maintenant qu'on connaît un peu le train-train de cette commission, l'ardeur et le brio des membres de la commission qui sont ici. Nous essaierons d'agencer nos travaux pour que, mardi, nous travaillions en soirée également. Je suis disponible pour travailler mercredi toute la journée et mercredi soir également, ainsi que mes collègues, jeudi, toute la journée et en soirée, de même que vendredi de la semaine prochaine. Si nous avons terminé vendredi, il nous restera à faire rapport à l'Assemblée nationale. Sinon, nous continuerons nos travaux dans la semaine qui suivra et, si

c'est possible de terminer ensuite, nous le verrons. Sinon, nous ajouterons une autre semaine.

Je dois dire, cependant, M. le Président, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention vos remarques. Je voudrais essentiellement rappeler, quant à moi, qu'une commission parlementaire, qui invite des citoyens et des citoyennes à venir rendre témoignage sur des faits dont ils ont eu connaissance, devrait rester dans le cadre normal du fonctionnement d'une commission parlementaire. Je suis parfaitement d'accord avec tout député qui voudrait poser quelque question que ce soit, pertinente, mais à l'intérieur du mandat de cette commission. Je dois dire que si d'aucuns ont évalué que j'avais eu une saute d'humeur la semaine dernière, je les préviens que j'en aurai d'autres si cette commission est pour se transformer en un tremplin à d'autres fins ou, encore, si elle va harceler ce que j'appellerais "la vie privée des gens" ou n'accorde pas le minimum de respect et de courtoisie que l'on doit à ceux que l'on convoque ici. C'étaient les seules remarques que je voulais faire, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Femand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, en ce qui concerne le programme de travail, en effet, le leader du gouvernement m'a avisé que nous pourrions travailler - en fait, j'avais même pensé à lundi prochain, mais, apparemment c'est mardi - mardi, mercredi, jeudi et vendredi, aux heures normales prévues par le règlement, m'a-t-il dit. Nous sommes prêts, naturellement, à collaborer aux travaux de cette commmission à ces heures normales. (10 h 30)

J'apprécie aussi le réalisme nouveau du leader du gouvernement qui, au lieu d'inviter 18 personnes pour une journée, s'est aperçu que c'est justement faire preuve de plus de courtoisie à l'égard des citoyens d'en inviter un plus petit nombre pour ne pas trop en déranger. Aujourd'hui, nous avons quatre personnes sur la liste qui nous est proposée. Nous acceptons cette liste. Nous allons accepter l'ordre - pourvu qu'on ne fasse pas d'ingérence comme la semaine dernière ou il y deux semaines - dans lequel on va nous convier à poser des questions aux invités.

En ce qui concerne les dernières remarques, d'abord, pour les sautes d'humeur du ministre, laissez-moi vous dire que, si c'était l'intention du ministre de m'intimider, il a réussi... très. J'ai peur! Enfin, on les prendra une par une et on essaiera de passer à travers. En ce qui concerne l'idée de transformer la commission parlementaire en quoi que ce soit, on a parlé de commission sénatoriale américaine, comme si c'était un animal épouvantable, de "select committee" en Angleterre. Est-ce un cataclysme qui nous menace? Mais nous avons travaillé et nous allons continuer de travailler à l'intérieur du règlement, je le réitère.

Il n'est pas question de harceler qui que ce soit en quoi que ce soit. Nous voulons simplement savoir ce qui s'est passé. Le premier ministre nous a suppliés de le faire pour lui. Alors, nous allons le faire; c'est notre devoir, notre mandat de le faire. Si cela prend deux jours à faire le tour de la question avec un témoin, cela prendra deux jours et, si cela prend un mois pour faire le tour de toute la question, cela prendra un mois. Nous n'avons aucunement l'intention de bousculer qui que ce soit, de télescoper quoi que ce soit, ni de perdre le temps de qui que ce soit, mais nous voulons avoir l'occasion, la chance de poser toutes les questions et nous allons le faire malgré les sautes d'humeur du ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais d'abord rappeler qu'il n'y a jamais eu 18 personnes convoquées. Huit personnes avaient été convoquées pour sept heures de travail que j'aurais considérées comme étant des heures normales de travail. Je dois dire tout de suite que je n'ai jamais eu l'intention d'intimider le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Cela me rassure.

M. Duhaime: Si quelqu'un sur cette planète peut l'intimider, qu'il se lève. Je dois dire, cependant, que, même s'il prend un ton très mielleux à l'ouverture, je reconnais là l'ancien Solliciteur général du gouvernement du Québec. Je dois lui dire aussi que je ne suis intimidé en aucune manière. Ce que j'ai essentiellement voulu dire, c'est que cette commission parlementaire ne se transformera pas en un tribunal d'inquisition, si je peux être assez clair.

M. Lalonde: Ah non! Loin de nous cette idée!

M. Duhaime: Je suis très heureux de constater que le député de Marguerite-Bourgeoys considère ce matin que c'est moins urgent maintenant de disposer de cette affaire, alors qu'à l'Assemblée nationale, il y a à peine trois semaines, c'était "toute affaire cessante". On ne pouvait même pas procéder à l'élection du président de l'Assemblée nationale et cela a été ce que j'appellerais un baroud d'honneur.

Les remarques que j'ai faites au sujet

de notre attitude vis-à-vis des témoins ne sont pas seulement les miennes, mais, sauf erreur, je crois que c'est Mme Nicolle Forget et M. Hébert, dans l'un et l'autre cas, qui ont tous deux déploré de façon assez claire le traitement qui avait été accordé à certaines des personnes qui avaient été entendues.

Enfin, M. le Président, j'aurai l'occasion de causer à nouveau avec le député de Marguerite-Bourgeoys sur ce sujet comme sur d'autres. Je ne veux pas retarder inutilement les travaux. Si vous êtes disposé à appeler M. Thibaudeau, je pense que c'était au député de Marguerite-Bourgeoys de l'interroger.

Le Président (M. Jolivet): Toutes choses étant dites, j'invite donc maintenant M. André Thibaudeau à venir s'installer en disant que c'était le député de Marguerite-Bourgeoys qui avait la parole à ce moment. J'aimerais rappeler, avant qu'il soit questionné, que la commission va terminer ses travaux ce midi à 12 h 30, puisque l'Assemblée nationale reprend ses travaux à 14 heures et que nous reviendrons après la période des questions, vers 15 h 30 cet après-midi, jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 22 heures, pour les quatre personnes qui sont invitées.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, en ce qui concerne l'assermentation, c'est sous le même serment?

Le Président (M. Jolivet): C'est sous le même serment.

M. Lalonde: Merci. Pourriez-vous reconnaître à ma place le député de Portneuf, s'il vous plaît?

Le Président (M. Jolivet): Aucune objection, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Merci, M. le Président.

M. Duhaime: Nous sommes également d'accord.

Témoignages M. André Thibaudeau

M. Pagé: On l'apprécie. M. Thibaudeau, je tiens, tout d'abord, à nous excuser en quelque sorte de vous obliger à revenir à Québec aujourd'hui, puisque vous avez déjà comparu le 31 mars dernier. Je dois évidemment, au début de mon propos, vous faire part que nous étions disposés à vous entendre le jeudi soir 31 mars et à poser nos questions avant le congé pascal, pour ainsi vous libérer et vous éviter une deuxième comparution devant notre commission parlementaire.

M. Gratton: Une saute d'humeur!

M. Pagé: Ceci était dû, comme le dit mon collègue de Gatineau, à juste titre d'ailleurs, à une saute d'humeur du ministre de l'Énergie et des Ressources. De toute façon, c'est chose du passé.

Pour nous situer un peu dans le témoignage que vous avez formulé devant cette commission, vous avez indiqué - et vous pourrez me corriger au besoin - qu'en 1968 vous étiez vice-président de la Fédération des travailleurs du Québec.

M. Thibaudeau (André): Le 1er juin.

M. Pagé: Vous étiez aussi directeur du Syndicat canadien de la fonction publique.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Pagé: En 1969, vous avez amorcé ou continué une carrière dans les relations de travail, mais plus spécifiquement comme arbitre de griefs, et vous êtes devenu professeur aux Hautes études commerciales à Montréal.

M. Thibaudeau: Au 1er juin 1968.

M. Pagé: Vous avez oeuvré comme arbitre de griefs pendant 1969 et les années subséquentes. En 1978, vous étiez nommé par le gouvernement du Québec membre du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, le 1er octobre, et vous l'avez été jusqu'au 10 octobre 1980.

Cette commission a le mandat d'étudier l'ensemble de la question du règlement hors cour intervenu entre la Société d'énergie de la Baie James et les défendeurs. Elle a aussi comme mandat, finalement, de voir l'implication du premier ministre et du personnel de son bureau? À plusieurs reprises, on a évoqué le nom de personnes occupant des fonctions soit à la SEBJ, soit aux cabinets de ministres ou autres; j'aimerais vous demander si vous connaissez Jean-Roch Boivin...

M. Thibaudeau: Oui, depuis...

M. Pagé: ...et depuis quand à peu près.

M. Thibaudeau: J'ai connu M. Jean-Roch Boivin vers les années 1969-1970, lors de la formation de la Conférence des arbitres du Québec. C'est là que j'ai connu M. Boivin. Il était lui-même arbitre de griefs.

M. Pagé: D'accord! Me Yves Gauthier?

M. Thibaudeau: Non, je ne l'ai jamais rencontré, de mémoire.

M. Pagé: Vous ne le connaissez pas personnellement.

M. Thibaudeau: J'ai essayé cette semaine de me poser la question si je l'avais rencontré par hasard, mais cela ne me dit absolument rien. Peut-être que, si je le rencontrais, je dirais: Oui, je le connais; mais non, je ne le connais pas.

M. Pagé: D'accord! Vous connaissez Me Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé?

M. Thibaudeau: De nom, pas plus que cela.

M. Pagé: Avant votre nomination au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, connaissiez-vous M. Claude Laliberté?

M. Thibaudeau: Non.

M. Pagé: M. Claude Roquet?

M. Thibaudeau: Non.

M. Pagé: M. Pierre Laferrière?

M. Thibaudeau: Oui, il a été mon élève au MBA, à la maîtrise "Business Administration", en français, c'est la maîtrise en administration des affaires. Il a été mon élève pendant deux ans, je crois.

M. Pagé: En quelle année? M. Thibaudeau: Comment? M. Pagé: En quelle année?

M. Thibaudeau: Vers 1971-1972. Vous pourrez le lui demander, j'ai eu tellement d'élèves.

M. Pagé: D'accord. Je vous comprends.

M. Thibaudeau: En 1971-1972, je l'ai eu lorsqu'il a fait son MBA à l'école.

M. Pagé: D'accord! Je ne vous tiens pas grief de ne pas vous rappeler l'année exacte. Soyez-en certain, M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau: Non.

M. Pagé: Dans le cadre de la poursuite de la SEBJ...

M. Thibaudeau: Je connais aussi M. Saulnier et je connaissais M. Boyd.

M. Pagé: Depuis quand?

M. Thibaudeau: Pour compléter votre tour de chapeau.

M. Pagé: D'accord! Très bien! Vous êtes entré au conseil d'administration au début d'octobre 1978, alors qu'une poursuite avait été entreprise quelques années auparavant contre différents syndicats et contre différentes personnes nommément cités dans les poursuites. En novembre 1978, plus particulièrement le 20 novembre 1978, la Société d'énergie de la Baie James a tenu une réunion de son conseil d'administration. Y étiez-vous présent?

M. Thibaudeau: Oui. La seule réunion que je me souviens d'avoir ratée est celle du 6 février.

M. Pagé: Le 6 février. Le 20 novembre 1978, le conseil d'administration a voté des crédits, a adopté une résolution afin de débloquer 500 000 $ pour couvrir les honoraires provisionnels à venir pour l'année 1979 pour les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James. Est-ce que vous vous rappelez qui a fait cette proposition au conseil d'administration et dans quel cadre cela a-t-il été formulé et porté à l'attention du conseil d'administration?

M. Thibaudeau: Je me suis posé la question avant de revenir ici et je crois que cela a été fait, selon moi, au meilleur de ma connaissance, comme une affaire de routine, puisqu'on nous annonçait que le procès commençait vers le 15 janvier. Cela a été fait comme une affaire de routine - si je peux dire - pour tout simplement prévoir les dépenses qu'il faudrait envisager pour les honoraires d'avocat et les autres frais de cour. Maintenant, qui a fait la proposition? Je ne m'en souviens pas. Mais, pour moi, lorsque c'est arrivé à l'ordre du jour, c'était une affaire de routine, c'était déjà commencé, on devait avoir une résolution pour débloquer cette somme d'argent.

M. Pagé: Est-ce à dire - comme c'était simplement une question de routine - qu'il n'y a pas eu d'échanges sur l'opportunité pour votre société de voter cet argent? C'était quand même un demi-million de dollars. C'était presque 1,5% de la réclamation.

M. Thibaudeau: Cela fait déjà quatre ans et demi. Je ne sais pas si c'est à cette date, prenant connaissance de cette résolution, que j'ai commencé à émettre les doutes que j'avais, mais c'est à peu près à cette date. Je ne me souviens pas si c'était à cette réunion, puisque nous en avons parlé, nous avons échangé des opinions qui ne se soldaient pas par une résolution. Mais nous avons commencé à émettre des idées. Pour

moi, cela n'avait aucune signification grave à ce moment-là d'accepter une prévision budgétaire en cas de dépenses qui pouvaient venir si on poursuivait la poursuite, puisqu'il n'y avait aucune décision de prise.

M. Pagé: Si je comprends bien, on vous a expliqué que le procès allait s'entamer le 15 janvier...

M. Thibaudeau: Oui.

M. Pagé: ...qu'il y avait déjà plusieurs dizaines de milliers de dollars qui avaient été engagés pour les frais d'avocat et les frais judiciaires au cours de l'année 1978 et que besoin était de voter un montant de 500 000 $ pour l'année 1979?

M. Thibaudeau: C'est cela.

M. Pagé: Vous vous êtes montré favorable comme les autres membres?

M. Thibaudeau: Oui, pour moi, c'était de l'administration, il fallait prévoir, il fallait voir venir le procès.

M. Pagé: Vous étiez pour le fait que 500 000 $ soient votés?

M. Thibaudeau: Je ne dis pas que je n'étais pas pour un règlement hors cour; j'étais pour qu'on prenne nos précautions si un procès devait se dérouler. C'était simplement un acte administratif, à ce moment-là, comme nous en faisions sur bien d'autre sujets.

M. Pagé: Le mois de novembre a passé, le montant a été voté le 20 novembre, décembre a passé, puis la période des fêtes. Au début de janvier, on sait qu'il y a eu des rencontres, comme M. Laliberté l'a confirmé ici à cette table, avec les membres du cabinet du premier ministre. M. Laliberté vous a-t-il fait part de sa rencontre du 3 janvier, à quel moment vous en a-t-il fait part et, surtout, en quels termes vous en a-t-il fait part?

M. Thibaudeau: Je vous répète, M. le Président - je veux satisfaire le député de Portneuf - que, dès que c'est venu à l'ordre du jour, nous en avons parlé. J'avais déjà des idées, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, que mon opinion soit fondée ou non, j'avais déjà des commentaires à faire et, en tant que membre du conseil, j'en ai fait part à certains de mes collègues, soit en réunion, soit dans le bureau qu'on avait mis à notre disposition. Je ne peux pas m'en souvenir exactement, surtout dans les termes, tel que demandé par le député de Portneuf. Je me souviens que ma grande préoccupation, lorsque j'ai été nommé en juillet et que je suis entré en fonction le 1er octobre, c'était les conditions de vie à la Baie-James. (10 h 45)

Fatalement, j'ai beaucoup discuté avec M. Laliberté qui en était le nouveau P.-D.G. C'est dans ces conversations tout probablement que j'ai parlé du procès ou qu'il m'en a parlé, puis qu'il m'a fait mention qu'il avait rencontré M. Boivin et que le bureau du premier ministre semblait désirer, aimerait... Je ne peux pas prendre les mots exacts, parce que je ne m'en souviens pas exactement, mais je ne crois pas que cela ait engendré une longue conversation entre lui et moi à cet égard.

L'impression qu'il me reste après quatre ans et demi, c'est que cela confirmait mes doutes que nous n'avions pas des chances de gagner le procès contre l'union internationale; je ne parle pas des autres. Cela confirmait les doutes que j'avais dès le début sur notre possibilité d'impliquer au civil l'union internationale que nous poursuivions à ce moment.

M. Pagé: Alors, vous confirmez que M. Laliberté, président-directeur général de la SEBJ, vous a fait part - Vous ne vous rappelez pas la date, ni le moment précis -

M. Thibaudeau: C'est vers le 1er janvier, novembre ou janvier. C'est dans ces dates-là.

M. Pagé: ...que le souhait formulé par M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, M. Lévesque, c'était un règlement hors cour.

M. Thibaudeau: Oui, ce qu'il a dit ici comme témoin, je le confirme.

M. Pagé: D'accord. Le 9 janvier, le conseil d'administration s'est réuni. C'est une séance qui a été assez longue. La question de l'opportunité ou non de maintenir les poursuites et d'amorcer le procès qui allait débuter six jours après a été évoquée au conseil d'administration. D'ailleurs, une résolution a été adoptée par le conseil d'administration dictant au procureur de la Société d'énergie de la Baie James l'ordre de maintenir la poursuite telle que déjà entreprise. Vous avez appuyé cette résolution?

M. Thibaudeau: Oui. Je vais m'expliquer, si vous n'avez pas d'autres questions.

M. Pagé: Je vous en prie. J'en ai d'autres, mais vous pouvez y aller.

M. Thibaudeau: C'était le début. Nous échangions des idées. Dans ma carrière de

dirigeant syndical, j'ai toujours été contre la violence dans les grèves ou tout cela, j'ai toujours été contre la violence. Je n'admettais pas qu'on essaie de régler des problèmes par la violence. J'ai eu des cas tout de même, comme directeur du SCFP, où j'ai été obligé d'intervenir pour empêcher la violence.

À ce moment-là, eh bien, j'avais déjà lu le rapport Cliche. Je le connaissais étant professeur dans ce domaine. Je me disais que ce n'était pas à nous de faire les premiers pas. Ce n'était pas à la SEBJ, même si je ne crois pas telle chose, de faire les premiers pas pour des règlements hors cour. À cette date, si je me souviens bien, il n'y avait aucune démarche à la connaissance du conseil. J'ai dit: Commençons et nous verrons comment cela se développera. Comme d'autres témoins l'ont dit, j'avais espoir qu'il y aurait un règlement à un moment donné, mais je croyais que cela ne devait pas venir de nous. Il fallait tout de même que ceux que je croyais qui avaient une certaine responsabilité la reconnaissent.

L'article de M. Adam de la Presse, que vous avez dû lire, l'explique un peu, et cela entre dans mes vues. C'est pour cela que j'ai voté; j'ai dit: Ce n'était pas le temps. J'ai certainement, il y a quatre ans et demi de cela, encore parlé - et les discussions au conseil sont confidentielles - non seulement de mes doutes, mais de ma certitude que, d'après moi - j'ai dit que je n'étais pas avocat - d'après mes connaissances des structures syndicales, nous ne pourrions même pas obtenir un jugement contre l'union internationale, en fait, le banquier; peut-être contre d'autres, mais les autres n'avaient pas d'argent. Alors, j'ai dit: Continuons, commençons et nous verrons.

M. Pagé: À cette réunion du 9 janvier, nous sommes à six jours du procès. Si on va en arrière, le 20 novembre, vous votez un montant de 500 000 $ pour les frais de vos avocats. Le 9 janvier, vous vous réunissez. À cette date, est-ce que M. Laliberté vous a déjà parlé de sa rencontre avec M. Boivin?

M. Thibaudeau: Tout probablement, oui. Il m'en a parlé, je pense, le 4 ou le 5. On revenait des fêtes. Oui, je lui ai parlé. À M. Laliberté, j'ai parlé de cela. Je lui ai parlé aussi des conditions de vie à la Baie-James. J'avais écouté des émissions avant d'être nommé administrateur à la SEBJ et, d'après certaines émissions, je trouvais que ce n'était pas drôle là-bas. Il y avait de la discrimination, il y avait ceci et cela. Je me suis dit: Maintenant que je suis membre du conseil d'administration, je vais m'informer de ce qui se passe. Tout en parlant de cela, on a parlé d'autres choses. Ce n'était pas programmé. On a parlé des opinions. On se faisait tranquillement des opinions pour en arriver un jour à une décision. N'oubliez pas que cela fait quatre ans et demi.

M. Pagé: Cela, je le sais.

M. Thibaudeau: C'est cela. Je vous réponds au meilleur de ma connaissance.

M. Pagé: Je n'en doute pas. Le 3 janvier, M. Laliberté rencontre M. Boivin et ce dernier lui formule le voeu qu'un règlement hors cour intervienne et qu'il y ait abandon des poursuites, etc. Je comprends que M. Laliberté vous en fait part privément le 4 ou le 5 janvier.

M. Thibaudeau: Je ne pense pas qu'il se soit caché pour me le dire à l'oreille.

M. Pagé: Non, mais ce que je veux dire, c'est que ce n'était pas à une réunion du conseil, parce que vous vous êtes réunis le 9?

M. Thibaudeau: Non, je pense que c'était plutôt dans le bureau que nous occupions, les gens qui n'étaient pas des employés d'Hydro-Québec...

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: ...ceux qui venaient de l'extérieur. Nous avions un bureau pour nos téléphones, tout cela. Je pense que c'était là.

M. Pagé: Et le 9 janvier, vous adoptez une résolution dictant à vos procureurs de poursuivre, de continuer le procès qui allait s'amorcer six jours après. Vous avez pris connaissance d'un rapport interne de la SEBJ le 9 janvier, au conseil d'administration?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Pagé: Rapport interne qui traitait, entre autres, de la capacité de payer, qui traitait, évidemment, avant, de la responsabilité des parties et du succès appréhendé à l'égard de la possibilité de rattacher les syndicats, même le syndicat international, aux actes commis par des individus, aux actes posés par des individus. Vous avez pris connaissance de ce rapport interne. Et c'est, je présume, sur la foi de ce rapport interne que le conseil d'administration, dont vous-même, avez décidé de continuer et de dicter à vos procureurs de poursuivre le mandat qui leur avait été confié. Je vous réfère à ce rapport interne où il est quand même clairement indiqué, à la page 21 - à la page 6, mais ici j'ai la page 21 - au cinquième paragraphe: "Ce rapport démontre bien que nos procureurs sont en mesure de présenter des preuves qui, selon leur opinion, seront suffisantes pour

supporter les conclusions de la société d'énergie contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis et le local 791 de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde. Il existe également de bons éléments de preuve contre l'International Union of Operating Engineers, FAT-CIO-CTC. Quant à la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, nos procureurs sont d'avis qu'ils ont suffisamment de points de droit pour faire déclarer ce syndicat également responsable". C'est le local 134. Et à la page 8...

M. Thibaudeau: Je vaudrais juste faire remarquer, pour qu'on se comprenne et pour que je ne me mêle pas, que ce paragraphe-là fait mention du local qui est à Montréal...

M. Pagé: Oui.

M. Thibaudeau: ...et non pas de l'union internationale à Washington.

M. Pagé: D'accord. À la page suivante, on réfère à l'énoncé déjà formulé par la SEBJ de l'opportunité et de la justesse de prendre des poursuites judiciaires contre ceux qui s'étaient adonnés à ce saccage. On cite au cinquième paragraphe la position de la SEBJ dans un de ses communiqués: "La Société d'énergie de la Baie James est une compagnie paragouvernementale dont le capital-actions autorisé est entièrement détenu et/ou souscrit par Hydro-Québec et, à ce titre, elle gère des fonds et des biens du domaine public. Elle se doit donc de prendre les mesures nécessaires pour recouvrer les coûts des dommages causés lors du saccage de LG 2. En instituant cette action, la société d'énergie était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu dans cette cause. Ses procureurs avaient attiré son attention sur ce fait par la mention suivante...".

Autre paragraphe: "Cependant, elle était consciente qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et les organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers de la Baie-James." On termine en disant: "II est important, pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'institution de l'action, que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal et que la société d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement justifié."

Ce rapport interne indique clairement que la Société d'énergie de la Baie James est une société parapublique qui gère et administre des fonds, des actions détenues à 100% par Hydro-Québec, mais ces fonds appartiennent aux Québécois et Québécoises. Votre responsabilité non seulement pour ce motif, mais aussi à la lumière de l'avis de vos avocats vous indiquant la capacité d'établir un lien de droit entre des travailleurs et des syndicats et aussi à l'égard de la capacité de payer, en date du 9 janvier était de dire: On continue les poursuites et on y va. Vous me confirmez ce matin que vous avez voté non seulement pour les 500 000 $ afin que les avocats puissent remplir ce mandat, mais, le 9 janvier, pour une résolution dictant aux avocats de continuer et d'amorcer le procès six jours plus tard.

M. Thibaudeau: M. le Président, il faudrait souligner que j'ai été durant 20 ans à la table de négociations. La stratégie, cela existe. Nous étions au début. J'avais l'idée que nous ne pourrions pas obtenir "une cenne" de l'union internationale. Mais, comme je l'ai dit tantôt, étant contre la violence - et je l'ai prouvé comme dirigeant syndical dans les dossiers dont j'ai eu à m'occuper - étant, autant que possible, contre les grèves illégales, je ne pouvais pas, en tant qu'administrateur, dire: Je suis contre cela pour l'instant; on verra le développement.

J'ai voté pour cela à ce moment-là, au début d'une stratégie. Nous en avons parlé entre nous et je suis sûr que j'ai redit et redit, dès le début, que je ne croyais pas que nous pourrions obtenir "une cenne" de l'union internationale, que je peux appeler le banquier, celui qui avait de l'argent. J'ai parlé de cela et j'ai dit aussi qu'il fallait être prudent. Il y a des textes que je n'ai pas écrits moi-même; si je l'avais fait, j'aurais peut-être fait des distinctions. Dans une assemblée de conseil, à un moment donné, il faut se rallier à une stratégie. À ce moment-là, je pensais - c'était au début -à la paix sociale, à la conserver sur le chantier. Cela s'est toujours développé. Je réaffirme ici qu'avant même d'être nommé, à cause d'autres procès... Actuellement, par exemple, je lis tout, j'amasse tout sur le Code du travail relativement à la loi 111, les secteurs public et parapublic. Je regarde bien et j'ai bien hâte de voir comment cela se développera. J'aurai à l'enseigner. Je ne suis pas impliqué. Je m'intéressais à cela de la même manière. (11 heures)

D'autres vous ont dit: Non, tout ce qu'on connaissait de cela, c'est ce que nous en avons lu dans les journaux. Pour moi, cela allait un peu plus loin que cela. J'ai lu et relu cela. Je peux vous en réciter des paragraphes. Lorsque nous sommes onze à une assemblée à discuter, onze personnes qui

viennent d'endroits différents, de mentalités différentes avec des points de vue différents, mais onze personnes honnêtes, on cherche à s'éclairer nous aussi, comme on est ici pour essayer de vous éclairer. Mon attitude me faisait dire: Bon, bon, très bien, nous sommes neuf personnes, le procès n'est pas commencé. Il ne semble y avoir eu aucune approche. Eh bien, allons-y. Si je regarde cela, je me dis que je suis contre la violence dans toute grève. Même moi, dans une grève que j'ai dirigée à Hydro-Québec en 1966, 1967, j'ai été obligé d'organiser ma propre police, si je puis dire, afin qu'il n'y ait pas de dégâts. Alors, ce qui est arrivé en 1974 me scandalisait.

En même temps, comme M. Hervé Hébert l'a dit, nous n'étions pas un tribunal de justice. Nous étions des administrateurs civils. Nous essayions de voir ce que nous pouvions récupérer en argent. C'était aussi un des grands points de vue qui ont été soulignés au conseil. J'ai laissé aller l'affaire. À ce moment-là, je ne suis pas intervenu plus que cela. J'étais un parmi les onze. Je sentais que le mouvement s'orientait vers cela. Je me suis dit: On verra. Cela fait maintenant quatre ans et demi.

M. Pagé: Vous évoquez un aspect intéressant qui doit susciter des questions de notre commission...

M. Thibaudeau: Passons! Je suis professeur et j'ai une grande gueule.

M. Pagé: ...à l'égard de la stratégie. Quant au 9 janvier, voulez-vous dire, par votre témoignage ce matin, que la résolution adoptée par le conseil d'administration, à la suite de délibérations, à la suite de la production d'un rapport interne de vos procureurs, c'était une stratégie des membres du conseil d'administration, du conseil d'administration ainsi expressément formulée ou sous-entendue, ou si c'était votre perception personnelle de l'ensemble du dossier?

M. Thibaudeau: C'était ma perception à moi.

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: Au conseil d'administration, il y en avait plusieurs qui étaient d'accord avec la lettre de cela, mais on a tellement discuté qu'il y a eu des évolutions.

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: J'étais à peu près le seul qui était spécialisé en relations de travail. Il faut aussi dire cela. J'étais le seul dans ce domaine. Il y en avait d'autres en finance. Lorsqu'il était question d'emprunts, j'écoutais parce que j'étais à l'école. Mais, en relations de travail, je parlais.

M. Pagé: Je comprends qu'avec votre expérience de relations de travail vous envisagiez tout cela dans une perspective de bonnes relations entre la partie patronale, dont vous étiez, et la partie syndicale. Il y a aussi Me Bernier, de la Société d'énergie de la Baie James, qui a quand même une expérience assez valable, lui aussi, assez concluante en relations de travail, et plus particulièrement sur les grands chantiers du Québec, qui endossait ce rapport interne, dans le sens de poursuivre et de continuer les procédures.

M. Thibaudeau: Lorsque j'ai été interrogé la dernière fois, j'ai dit que je n'étais pas nécessairement d'accord avec les avis juridiques. Je ne l'ai pas toujours été avec ceux que j'ai eus. Comme directeur du SCFP, j'ai déjà pris des décisions à l'encontre d'avis juridiques et j'ai gagné.

M. Pagé: C'est possible.

M. Thibaudeau: Vous savez qu'entre deux avocats...

M. Pagé: Mais on a tout perdu avec ce règlement.

M. Thibaudeau: Je suis arbitre de griefs. Les avis juridiques de deux avocats pour leur client, il y en a un qui va perdre et l'autre qui va gagner. Cela ne veut pas dire que j'étais à la lettre... Je savais qu'on avait des procureurs honnêtes, droits, mais il n'était pas nécessaire que je partage leur avis.

M. Pagé: Je comprends très bien, M. Thibaudeau...

M. Thibaudeau: N'oubliez pas que je suis arbitre de griefs et que je vois souvent des versions où les deux ont raison.

M. Pagé: C'est cela. Vous avez à juger et tout cela. Je comprends que, dans quelque cause que ce soit qui est enclenchée devant nos tribunaux, il y a un gagnant et un perdant.

M. Thibaudeau: C'est cela.

M. Pagé: Mais je retiens de cette expérience que les grands perdants auront finalement été les Québécois, à partir d'un dommage réclamé de 32 000 000 $ et un règlement de 200 000 $, 300 000 $ pour être plus précis.

M. Thibaudeau: M. le Président, ce n'est pas mon opinion. Mon opinion est qu'on venait d'adopter 500 000 $ pour X mois seulement. Donc, on nous reviendrait avec un autre montant de 500 000 $, on nous reviendrait avec un autre montant de 500 000 $ et on serait peut-être ici, en commission, parce que le conseil d'administration aurait voté tellement d'honoraires et de dépenses aux États-Unis et autres - si on avait gagné au Canada - qu'on aurait été des mauvais administrateurs d'avoir injecté des montants d'argent dans une cause que je croyais perdue vis-à-vis de l'union internationale. On serait peut-être en commission parlementaire sur un autre fait.

Pour moi, c'était être un bon administrateur que de dire: Premièrement, déjà il y a beaucoup d'argent qui a été dépensé, que les Québécois auront à payer; deuxièmement, tout cela est un grain de sable qui peut troubler la paix sociale à LG 2. On n'avait pas besoin d'un deuxième saccage et on n'avait même besoin d'aucun trouble. On avait assez de petits problèmes journaliers à régler à la Baie-James sans rajouter de grains de sable. Pour moi, c'était une décision administrative d'épargner de l'argent aux Québécois ainsi que des troubles. C'était mon opinion d'administrateur. Ce n'était pas de dire que je pénalisais les Québécois en partant d'un montant de 31 000 000 $ qui, dans ma tête, était pas mal fictif pour tomber à 200 000 $. Pas du tout. Je pensais aussi aux centaines de milliers de dollars qu'il faudrait dépenser et à la paix sociale là-bas, aux travaux peut-être encore bloqués.

N'oubliez pas qu'on a eu une grève des cuisiniers au cours de l'été 1980 et on a été obligés de vider la Baie-James. Il y en a eu des kilowattheures et des heures perdus. C'était une grève légale, cette fois. Il y en a eu, des troubles ouvriers, qui empêchaient les travaux de se poursuivre. Malgré tout cela, nous sommes arrivés à temps: six mois avant le temps. J'étais heureux, comme administrateur, ainsi que mes collègues, que nous ayons assez bien géré l'affaire pour arriver à la bonne date.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: C'est dans ce sens, d'ailleurs, que vous disiez, lors de votre témoignage en commission, le 31 mars, à 21 h 45, au journal des Débats, R/372: "Comme administrateur, je trouvais que c'était dilapider des fonds, à mon point de vue. Je parle pour moi. C'est l'opinion que j'ai donnée au conseil d'administration comme je connaissais les syndicats."

M. Thibaudeau: Je répète la même chose.

M. Pagé: Mais vous avez quand même voté pour les 500 000 $ en novembre et la continuation des poursuites.

M. Thibaudeau: Oh mon Dieu! Si vous saviez. Vous connaissez, maître, ce qu'on a pu appeler un peu la déformation professionnelle. Ce n'était pas à nous - et sur cela, j'étais bien d'accord avec mes collègues - de commencer à faire les premiers pas pour un règlement hors cour. Il y avait tout de même des choses assez graves qui venaient de là monsieur... Si vous prenez la page 106, je pense, vous l'avez; on nous accuse d'avoir quasiment cédé notre droit de gérance. M. Cliche n'y va pas de main morte. Je me dis que ce n'est pas à nous de commencer à faire des démarches. Il faut tout de même que ceux qui sont coupables reconnaissent leur responsabilité et il faut continuer de l'avant. On n'était pas pour agir comme si on était des coupables dans cela, parce qu'on ne l'était pas.

M. Pagé: Je vous comprends. La réunion du 9 janvier passée, il y a deux autres rencontres: une, le 23 janvier et l'autre, le 30 janvier, auxquelles vous êtes présent.

M. Thibaudeau: Oui. Il n'y a pas eu de résolution, je pense, à ces réunions.

M. Pagé: Non. A-t-on discuté de la possibilité d'un règlement hors cour, soit à l'une, à l'autre ou à ces deux rencontres?

M. Thibaudeau: Je ne me souviens pas. Je n'ai pas pris de notes. Je voulais le faire pour me faire un calendrier de tout cela, d'après les documents que j'avais en main. À quel moment - M. Laliberté l'a fait, d'ailleurs - a-t-on demandé ce qu'il a appelé, lui, une exploration, après qu'il y a eu des contacts avec les avocats, les défendeurs? Je ne me souviens plus des dates exactes, mais je crois qu'à ces réunions, surtout celle du 30 janvier, il en a été abondamment question.

De plus, malgré que mon opinion se soit dirigée dans ce sens, je voulais être prudent et j'avais - soit moi ou un autre, je ne me souviens plus qui - demandé la présence de nos avocats que nous avions bombardés de questions. Sur le plan juridique, je les ai bombardés de questions sur la responsabilité de chaque personne qu'on poursuivait, dont l'union internationale. Cela n'a fait que confirmer mon point de vue, les réponses que j'ai eues à ce moment-là. Je me souviens que j'avais beaucoup parlé à ce moment, cela, je m'en souviens, sur le lien...

M. Pagé: De droit.

M. Thibaudeau: ...qu'on pouvait faire entre l'union internationale, dont le siège social est à Washington, M. Duhamel et le délégué de chantier. Je n'y a pas été de main morte, parce que, là, j'avais besoin d'un avis juridique. Cela n'a pas changé mon opinion qu'on n'avait pas grand chances d'obtenir un cent de l'union internationale.

M. Pagé: Malgré l'opinion juridique?

M. Thibaudeau: Malgré l'opinion juridique, parce que je me rendais compte... Écoutez, je ne veux pas dire ce qu'on m'a répondu, parce que je peux me tromper. Cela fait quatre ans et demi, cela ne m'a pas été dit hier. Je vous dis seulement que les réponses m'ont confirmé dans mon opinion. Je m'adressais surtout à un avocat qui, je le savais, connaissait assez bien les structures syndicales. Vous retrouverez à la page 134 les avis qu'on a eus après. On fait ici référence à une responsabilité présumée. Cela n'était pas une responsabilité présumée à Murdochville et sur la Côte-Nord, l'autre compagnie où les cuves ont séché.

Des voix: Iron Ore.

M. Thibaudeau: Non, c'est la CSN qui a écopé de 10 000 000 $ et cette somme a été diminuée à 2 000 000 $.

Des voix: Reynolds, c'est cela.

M. Thibaudeau: Reynolds, c'est cela. Cela n'était pas une responsabilité présumée et cela n'avait rien à voir avec le cas de Gaspé Copper, que je connaissais dans les grandes lignes. Cela n'avait rien à voir. Vous avez tout de même des opinions juridiques qui ont évolué, vous le voyez, et qui rejoignaient ce que je croyais moi-même.

M. Pagé: Alors, c'est à une ou aux deux rencontres du 23 et du 30 que vous avez...

M. Thibaudeau: M. le député de Portneuf, je ne peux pas vous dire si c'est à telle ou à telle réunion. C'est un ensemble.

M. Pagé: Mais c'est à une des deux. M. Thibaudeau: Une des deux, oui.

M. Pagé: Après le 9 janvier et avant, évidemment, le 1er février.

M. Thibaudeau: D'accord!

M. Pagé: Et c'est au cours d'une de ces rencontres qu'a été évoquée la possibilité d'aller rencontrer le premier ministre du Québec, M. René Lévesque. D'ailleurs, dans votre témoignage du jeudi 31 mars dernier, vous avez évoqué que, dans vos années de pratique, en relations de travail, il était fréquent pour les syndicats de se rendre à Québec rencontrer le gouvernement.

M. Thibaudeau: Cela va continuer, d'ailleurs.

M. Pagé: Vous avez évoqué des rencontres avec M. Duplessis, avec M. Johnson, avec M. Bellemare. Je dois vous dire que, nous qui vivons au parlement, nous sommes bien au fait que des syndicats sont régulièrement ici à Québec pour rencontrer des ministres et témoigner à des rencontres préparatoires, etc. D'accord!

M. Thibaudeau: Et les députés de l'Opposition.

M. Pagé: Les députés de l'Opposition aussi, et on l'apprécie. Eux aussi sont en mesure de l'apprécier, je crois.

M. Thibaudeau: Certainement.

M. Pagé: Par contre, ces rencontres -c'est beaucoup plus ce que vous avez évoqué et vous pourrez me l'infirmer ou me le confirmer - étaient beaucoup plus des rencontres normales et justifiées dans le cadre d'un syndicat avec l'appareil gouvernemental qu'est le gouvernement du Québec, qui a juridiction pour adopter des lois ouvrières, etc. C'était beaucoup plus dans ce cadre que pour venir chercher l'opinion de M. Duplessis, de M. Johnson, de M. Bellemare ou d'un autre sur la possibilité de régler hors cour une poursuite entreprise par une société d'État contre des syndicats.

M. Thibaudeau: J'ai fait moi-même une visite ici à Québec pour demander très haut au "premier" de l'État, - et je ne veux pas conter d'autres histoires - si c'était normal qu'une centrale rivale, et, dans mon cas, c'était la CSN, puisse manipuler des fonctionnaires, et de faire enquête pour empêcher un vote à Hydro-Québec, bloquer les listes. Je lui ai demandé d'intervenir à ce moment-là. C'est drôle, le vote a eu lieu à la bonne date.

M. Pagé: Cela peut arriver.

M. Thibaudeau: Cela peut arriver.

M. Pagé: La démocratie.

M. Thibaudeau: La démocratie. Le tribunal avait décidé cela. (11 h 15)

M. Pagé: Lors de cet échange, cela a été évoqué à la table du conseil et pendant les délibérations d'aller rencontrer M. Lévesque, le premier ministre du Québec.

Est-ce que vous le confirmez?

M. Thibaudeau: Cela n'a pas été évoqué par moi. J'ai essayé de me souvenir d'un nom. J'ai un nom dans la tête, mais je suis tellement peu sûr, parce que, avant le 17 mars, il y a un journaliste qui m'a rencontré à mon bureau pour me poser des questions là-dessus. En bavardant, il m'avait demandé comment j'avais voté; j'ai dit: J'ai voté pour le règlement. Il m'a demandé: Qui a voté contre le règlement? J'ai dit: Je pense que c'est M. Boyd. C'est évident. Il ne le cache pas. Là, j'ai donné deux autres noms et il m'a dit: Non, ce ne sont pas eux. Je m'en suis souvenu de cette façon. Il m'a dit: Ce ne sont pas eux, ce sont deux autres. Je suis parti à rire. J'ai dit: Cela fait quatre ans et demi. Je me souvenais de mon vote, par exemple. Vous me demandez la même chose.

M. Pagé: Cela a été...

M. Thibaudeau: Je ne veux pas refuser de vous répondre.

M. Pagé: ...non seulement évoqué, c'est que la rencontre a eu lieu.

M. Thibaudeau: Je ne veux pas vous induire en erreur, c'est tout.

M. Pagé: J'ai compris de votre témoignage qu'il était peut-être explicable que la Société d'énergie de la Baie James, par la voie de ses représentants, se rende rencontrer le premier ministre du Québec pour connaître son avis, son opinion sur le sujet. Cela a été évoqué. Il en a certainement été question. Il a d'ailleurs été confirmé qu'il en avait été question au conseil. Est-ce que vous vous proposiez de tenir compte de cette visite?

M. Thibaudeau: Moi, personnellement, non. Mon idée était déjà faite.

M. Pagé: Pourquoi y aller?

M. Thibaudeau: II y en a qui le désiraient. Il y en a un qui a proposé cela. D'autres se sont regardés et se sont dit: S'il désire cela, il n'y a rien là, c'est tout de même le chef de l'État. Il peut bien donner son voeu, appelez cela comme vous le voulez. Si cela avait tourné mal, encore, il aurait été un des premiers blâmés. Je trouvais que c'était une démarche tout à fait normale qu'il nous donne son opinion. Cela ne veut pas dire qu'il fallait l'entériner. Cela ne veut pas dire du tout qu'il fallait l'entériner.

M. Pagé: Vous considériez, à ce moment-là, normal que des représentants de la SEBJ aillent rencontrer le premier ministre, prennent connaissance de ses voeux religieusement exprimés, mais n'en tiennent pas compte?

M. Thibaudeau: Non. On pouvait nous faire rapporter - je n'étais pas là le 6 février lorsque cela a été rapporté - son opinion et sur quoi il se basait. Cela pouvait être un éclairage, d'après moi, pas plus que cela.

M. Pagé: À la réunion du 6 février, vous étiez absent, mais aux procès-verbaux on constate que c'est à cette réunion du 6 février 1979 - donc, après celle du 20 novembre où vous décidez de voter un montant, après celle du 9 janvier où la SEBJ décide et dicte l'ordre à ses procureurs de continuer les poursuites, après celles des 23 et 30 janvier où est soumise la possibilité d'un règlement hors cour, après la rencontre du 1er février - que la Société d'énergie de la Baie James mandate ses procureurs afin d'explorer la possibilité d'en arriver à un règlement. Vous n'étiez pas là. Par quel moyen en avez-vous été informé?

M. Thibaudeau: J'ai été informé, mais je ne peux pas vous dire comment. Était-ce à la réunion d'après, à la suivante ou est-ce que j'ai parlé à quelqu'un qui m'a informé comme cela? Cela ne m'a pas surpris. L'opinion qu'avait donnée le premier ministre ne m'a pas surpris du tout. Cela n'a pas du tout changé ce qui se passait dans ma tête. Je me suis dit: Tiens, il pense comme moi! J'étais flatté qu'il pense comme moi.

M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas si c'est le 20 février, à la réunion suivante, que vous avez pris connaissance de cela ou entre-temps?

M. Thibaudeau: Non, malheureusement.

M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas, non plus, si la personne qui vous a fait rapport sur le voeu du premier ministre était la même personne qui tenait, le 23 janvier, à aller rencontrer le premier ministre?

M. Thibaudeau: Je ne peux pas vous dire. Est-ce M. Saulnier? Est-ce M. Laliberté? Est-ce Nicolle Forget? Est-ce M. Hébert? Est-ce un autre? Je ne le sais pas. Mais je l'ai su, c'est évident.

M. Pagé: Vous vous rappelez dans quels termes le voeu du premier ministre a été formulé? Est-ce qu'on vous l'a cité?

M. Thibaudeau: Paix sociale, difficulté de preuves et des choses générales comme celles-là. Pas plus, ce sont des choses qui allaient très bien avec ma propre opinion.

M. Pagé: Mais pas l'aspect appréciation personnelle dans ce que M. Laliberté nous a confirmé en disant: "Crisse, vous allez régler".

M. Thibaudeau: Je n'étais pas au courant de cela.

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: Je n'étais pas au courant de ce qui s'était dit dans le bureau du premier ministre.

M. Pagé: D'accord. Une question que j'ai oubliée tantôt: Qui, au conseil, tenait à aller voir le premier ministre?

M. Thibaudeau: J'ai un nom dans la tête, mais je peux me tromper énormément.

M. Pagé: C'est qui?

M. Thibaudeau: Je peux me tromper, là, vous ne pouvez pas savoir. Cela fait quatre ans et demi. Je pense que c'est M. Giroux.

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: Mais je peux me tromper; cela peut ne pas être lui.

Le Président (M. Jolivet): Cela va, monsieur?

M. Pagé: Non, j'ai encore quelques questions, M. le Président. À quel moment avez-vous été informé de l'achalandage, de la circulation intense, du va-et-vient presque quotidien entre les procureurs et le bureau du premier ministre?

M. Thibaudeau: Dans cette salle.

M. Pagé: Ici même.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Pagé: Vous avez dû être surpris?

M. Thibaudeau: J'ai hâte de savoir pourquoi, parce que j'ai l'impression que c'est nous qui avions décidé. J'ai hâte de voir ce qu'ils ont à dire.

M. Pagé: Dans cette salle, ici même, depuis que les travaux sont commencés?

M. Thibaudeau: Moi aussi, je vais écouter cela à la télévision pour savoir ce qu'ils ont à dire.

M. Pagé: Depuis que les travaux sont commencés. C'est donc dire que c'est seulement en avril 1983...

M. Thibaudeau: ...dernière réunion...

M. Pagé: ...que vous avez pris connaissance du va-et-vient des procureurs du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et de Me Beaulé aussi au bureau du premier ministre. C'est seulement en avril 1983.

M. Thibaudeau: Dans cette salle.

M. Pagé: Vous qui étiez membre à l'époque du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, vous n'étiez pas au courant de cela du tout.

M. Thibaudeau: Je savais une chose. Je savais que M. Laliberté avait rencontré M. Boivin vers le 3 janvier, je savais que les trois présidents avaient rencontré le premier ministre au début de février, et c'était tout.

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: Je savais que nos procureurs rencontraient les procureurs des défendeurs.

M. Pagé: Ce qui est normal.

M. Thibaudeau: Je ne sais pas où. Est-ce que c'était dans leurs bureaux?

M. Pagé: Vous ne saviez pas que les procureurs des défendeurs étaient dans le bureau du premier ministre, chef du gouvervement qui poursuit ces mêmes défendeurs?

M. Thibaudeau: Non. Cela ne m'a pas surpris qu'ils fassent ces visites, mais je ne le savais pas.

M. Pagé: Pour revenir à toute cette question du projet de règlement, il y a un projet de règlement de transaction hors cour qui est daté du 18 janvier 1979, qui a été préparé par vos procureurs mandatés pour travailler à même les 500 000 $ que vous aviez votés. Ils ont rédigé un rapport, eux, le 18 janvier 1979, à la demande de M. Claude Laliberté. À quel moment avez-vous été informé de cela?

M. Thibaudeau: Cela avait été mandaté...

M. Pagé: Après la réunion du 9, avant celles du 23 et du 30?

M. Thibaudeau: Cela avait été mandaté par M. Laliberté. À quel moment il nous en a fait part? Il faudrait que je voie. Je ne m'en souviens pas. J'ai regardé les procès-verbaux et je ne peux pas dire à quel moment j'ai pris connaissance de cela.

M. Pagé: Vous ne vous le rappelez pas. L'offre du 16 de Me Jasmin et celle du 22 janvier de Me Beaulé, elles ont été...

M. Thibaudeau: Êtes-vous dans le livre ici?

M. Pagé: Elles sont reproduites dans les documents. Mais le 16 janvier 1979, Me Michel Jasmin aurait fait part à M. Jean-Roch Boivin, au nom du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, d'une disponibilité à un règlement hors cour pour un montant de 50 000 $. Le 22 janvier, Me Rosaire Beaulé, pour un montant de 125 000 $, pour et au nom de l'union internationale du local 791. À quel moment en avez-vous été saisi au conseil d'administration?

M. Thibaudeau: Je ne m'en souviens pas, M. le Président. Je ne m'en souviens vraiment pas.

M. Pagé: C'était immédiatement après que cela a été formulé, que cela a été déposé?

M. Thibaudeau: Je crois, si on regarde au procès-verbal pour aider notre mémoire, que c'était à la réunion du 6 février et, le 6 février, j'étais absent.

M. Pagé: Vous étiez absent. Le 23 et le 30 janvier, vous étiez là et cela n'a pas été évoqué par M. Laliberté.

M. Thibaudeau: Je me souviens de bonnes discussions entre nous. Il y en a plusieurs qui envisageaient le principe. Le principe d'un règlement hors cour était sur la table. Il y en a qui étaient pour, d'autres qui étaient contre. Donc, cela engendrait des discussions et on en a parlé. Mais exactement quels mots ont été dits, qui l'a dit, écoutez...

M. Pagé: Mais, ce que je vous demande, c'étaient des offres déposées, formulées par les avocats, les défendeurs, en l'occurrence le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et le local 791?

M. Thibaudeau: C'est cela. Je crois que M. Laliberté l'a dit. Il a dit cela si je me souviens bien. Moi, ces offres-là, lorsque j'ai lu ce livre, l'histoire me revenait, mais il y a des choses dont je ne me souviens pas à quel moment elles ont été faites. Ce dont je me souviens surtout, c'est pourquoi, moi, j'étais, à un moment donné, pour un règlement hors cour et des discussions que j'ai eues avec mes avocats. Mais les transactions financières, 50 000 $, 125 000 $, 175 000 $ etc., pour moi, c'était secondaire. C'était très secondaire pour mille et une raisons. La raison principale, c'était la paix sociale là-bas. J'ai été dirigeant syndical durant des années. Vous ne savez pas ce que c'est, vous, quand vous recevez un coup de fil disant qu'il y a 500 de vos travailleurs d'hôpitaux, dont vous êtes responsable, qui sont dans la rue parce que quelqu'un vient d'être congédié. Là, vous sautez dans votre auto pour aller les rentrer au plus vite. Bon. Et toute l'atmosphère, les griefs, tout ce qui peut se passer dans une entreprise. Dans un chantier, c'est encore pire parce que c'est un chantier éloigné où un rien peut mettre le feu aux poudres. C'était surtout de cela que j'avais peur et je voulais qu'on finisse à temps. Notre échéancier était bon. C'est surtout cela. Alors, les montants de 50 000 $, 75 000 $, 125 000 $, 200 000 $, 300 000 $, pour moi, c'était secondaire. C'était faire épargner d'autres millions aux Québécois qui me préoccupait.

M. Pagé: Alors, vous vous rappelez qu'aux réunions du 23 et du 30 cette possibilité a été évoquée, mais vous ne vous rappelez pas formellement que M. Claude Laliberté, président-directeur général de la SEBJ, ait transmis, informé le conseil d'administration, ses membres...

M. Thibaudeau: II l'a peut-être fait, il ne l'a peut-être pas fait, mais cela ne me revient pas à la mémoire.

M. Pagé: ...de l'offre de règlement formulée par les défendeurs?

M. Thibaudeau: Je ne m'en souviens pas. Très honnêtement, je ne m'en souviens pas.

M. Pagé: Vous avez évoqué - M. Laliberté aussi - la capacité de payer comme motif de votre règlement hors cour. C'était la difficulté pour la SEBJ de réaliser sa créance et d'être payée d'un jugement. Est-ce que vous êtes d'accord avec l'énoncé de M. Laliberté à savoir que la seule façon de régler, de recevoir une compensation, c'était le prélèvement de 0,01 cent l'heure sur le salaire des employés de la construction? Et, finalement, les syndicats n'auraient pas été libérés de leur jugement et acquittés avant, peut-être, 25 ou 30 ans. Vous êtes d'accord avec cela?

M. Thibaudeau: Excusez-moi, M. le Président, mais je vois cela dans une autre optique. Je ne partage pas l'optique de penser: Bon, il y a ce moyen financier, il y a cette voie-là. Ce n'est pas cela que je regarde. Je regarde le fait que, à un moment donné, prendre de l'argent comme cela, les cotisations syndicales ou les

amendes...J'ai une autre philosophie, à tort ou à raison, tout simplement parce que j'ai évolué dans le milieu. Les syndicats ont besoin d'argent pour payer les loyers, les bureaux, les secrétaires, les voyages, l'organisation, tout cela. Si un syndicat ne donne pas de service sur les griefs, les négociations, ne répond pas aux besoins, les travailleurs n'y sont pas attachés. Le code prévoit qu'ils peuvent tout simplement changer de centrale et de syndicat et s'en aller dans une autre. Alors, je me dis que s'attaquer aux cotisations syndicales de tout le monde, y compris des membres américains - le syndicat américain va se battre, oui, il va se battre jusqu'en Cour suprême des États-Unis s'il est condamné ici - pour moi, c'était irréel et plutôt un danger de repartir une guerre intersyndicale. (11 h 30)

C'est l'opinion d'un analyste, d'un professeur, que la CSN a toujours désiré pénétrer dans le secteur de la construction. La FTQ a toujours désiré en avoir le monopole. Les dangers de guerre intersyndicale dans ce milieu existent et existent encore. Une autre campagne de maraudage sur les chantiers - vous pouvez être sûrs que du maraudage j'en ai fait, j'en ai subi comme dirigeant syndical - la motivation au travail diminue drôlement et il y a des pertes d'argent qu'on ne peut pas évaluer. C'est tout cela que je regardais. Pour moi, c'était enfantin de parler de cotisations syndicales. C'était seulement un bon motif pour donner des arguments à l'adversaire naturel de la FTQ, la CSN, pour repartir, au prochain maraudage - qui est périodique dans la construction, cela revient périodiquement à tous les trois ans - une bonne petite guerre intersyndicale dont on subirait les conséquences.

M. Pagé: M. Laliberté, selon... M. Thibaudeau: Thibaudeau.

M. Pagé: M. Thibaudeau, je m'excuse. Selon votre expérience, vos connaissances dans le milieu, est-ce que les filiales québécoises de syndicats internationaux étaient en mesure de satisfaire un jugement de 5 000 000 $ à 7 000 000 $?

M. Thibaudeau: Selon les informations que j'avais dans le temps, la bisbille commençait dans la construction. On le voit déjà avec le local 791, puis la formation d'un autre qui vient faire un duplicata. La bisbille est allée très loin puisqu'il y a eu scission. En 1979, la bagarre était entre les unions internationales et d'autres groupements ici qui ont rejoint d'autres syndicats, qui ont formé d'autres syndicats affiliés à la FTQ.

Il y avait déjà là des difficultés. Selon les rapports que nous avons eus, je ne crois pas qu'aucun syndicat au Québec... Prenons un syndicat, par exemple, reconnu solide, avec une bonne réputation, les métallos. Les métallos - je ne le sais pas pour les dernières années, je ne l'ai pas vérifié - ont toujours été dans le rouge. Mon syndicat, qui était pancanadien, durant tout le temps où j'ai été directeur - vous allez peut-être me dire que je suis un mauvais directeur, mais je faisais de l'organisation - a toujours été dans le rouge. La plupart des syndicats québécois affiliés aux unions nationales ou internationales étaient dans le rouge. C'est avec l'argent des Ontariens ou des Américains qu'on équilibrait nos budgets à la fin de l'année. Non, il n'y avait pas... C'était inutile.

M. Pagé: Ils n'avaient pas les moyens, selon vous.

M. Thibaudeau: Selon moi, non.

M. Pagé: Tout le monde était dans le rouge.

M. Thibaudeau: II y avait un banquier dans l'histoire et la banque, d'habitude, c'est le fonds de grève. Les métallos comme tels ou l'automobile comme telle, lorsqu'on dit qu'ils ont tant de millions, c'est dans le fonds de défense professionnelle qu'est cet argent.

M. Pagé: Vous avez longuement fait référence à votre expérience dans les relations de travail.

M. Thibaudeau: J'espère que j'ai cela.

M. Pagé: Oui. C'était très bien, cela nous a permis...

M. Thibaudeau: Je m'en vais sur le 6, là.

M. Pagé: ...cela nous a permis de l'apprécier. Vous allez comprendre aussi que je puisse poser quelques questions à cet égard-là. Vous êtes entré en fonction au conseil d'administration de la SEBJ le 1er octobre 1978. Vous avez été nommé avant. Je voudrais savoir qui vous a consulté pour votre nomination, qui a communiqué avec vous, à quelle date? Dans quel cadre et quelle perspective cette nomination éventuelle vous a-t-elle été énoncée?

M. Thibaudeau: Je vais répondre immédiatement aux questions et je ferai des commentaires après. C'est M. Lévesque qui m'a appelé chez moi et qui m'a demandé si j'étais intéressé. D'ailleurs, il ne l'a pas caché lors de la conférence de presse. Il m'a dit: J'aimerais que vous soyez membre du

conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ en vertu de la loi 41, je pense...

M. Pagé: Qui allait être adoptée ou qui venait d'être adoptée.

M. Thibaudeau: ...qui allait être adoptée à ce moment-là. Je lui ai dit, à ce moment-là: Écoutez, j'ai été le directeur fondateur des syndicats à Hydro-Québec. C'est moi qui étais chargé de l'organisation des syndicats. Je trouvais cela très délicat. J'ai dit: Vous me permettrez, tout de même, de consulter mon successeur comme directeur et les gens à savoir s'ils voient des objections du côté moral. Il a dit: C'est fait. J'ai parlé à MM. Laberge et Larramée et ils n'ont aucune objection. J'ai communiqué avec eux par téléphone et ils m'ont dit: Non, au contraire, avec ton expérience, tu peux aider. J'ai accepté.

M. Pagé: C'est le premier ministre, lui-même. Vers quelle date?

M. Thibaudeau: C'était au courant du mois de...

M. Pagé: C'était avant l'adoption de la loi?

M. Thibaudeau: Avant? Écoutez, je ne sais pas si c'était à la fin de juin ou au début de juillet ou après la loi. Je pense que la loi était adoptée.

M. Pagé: C'était au moins votre deuxième mandat que vous receviez du gouvernement du Québec, du Parti québécois?

M. Thibaudeau: Le premier mandat m'a été donné par M. Lesage.

M. Pagé: D'accord. Mais vous en aviez eu un récemment.

M. Thibaudeau: À la Société générale de financement. J'ai aussi été nommé par M. Harvey, qui était responsable de l'Office des professions, à un comité d'enquête sur la déontologie des infirmières. J'ai aussi été nommé à d'autres comités d'étude, à l'époque de M. Johnson. J'ai dîné avec M. Garneau, qui m'a demandé des conseils. Je pense qu'on me voit surtout - j'ai mes idées, c'est évident - comme un homme qui peut donner certaines informations ou certains conseils. J'ai été nommé, par M. Lesage, au Conseil supérieur du travail. Quand vous serez au pouvoir, peut-être qu'un jour vous me demanderez.

M. Pagé: On verra! On verrai On verra la capacité du rouge.

M. Thibaudeau: Je vais commencer à être bien vieux.

M. Pagé: Entre juillet 1978... M. Thibaudeau: Cela occupera...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Entre juillet 1978 et le 1er octobre, vous avez accéléré la terminaison du rapport que vous avez déposé le 5 octobre. Rapport de M. André Thibaudeau sur l'opportunité de la création d'une commission d'étude et de révision du Code du travail du Québec. C'est bien votre rapport?

M. Thibaudeau: C'est bien moi.

M. Pagé: Vous l'avez déposé le 5 octobre?

M. Thibaudeau: Je l'ai donné au ministre qui l'a déposé.

M. Pagé: C'était un mandat que vous aviez eu du ministre Pierre-Marc Johnson...

M. Thibaudeau: Oui.

M. Pagé: ...ministre du Travail dans le gouvernement du Parti québécois. À quelle date avez-vous reçu le mandat? Vous ne vous le rappelez pas?

M. Thibaudeau: II faudrait que je retourne à mes dossiers.

M. Pagé: Vous avez aussi reçu un mandat tout récemment? Vous êtes membre du conseil d'administration des Hautes études commerciales depuis peu?

M. Thibaudeau: Oui, à la demande de M. Pierre Harvey.

M. Pagé: Vous êtes entré en fonction récemment. Oui, mais nommé par le gouvernement?

M. Thibaudeau: Par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Pagé: Par le Conseil des ministres. M. Thibaudeau: C'est cela.

M. Pagé: Quand êtes-vous entré en fonction?

M. Thibaudeau: Je pense que c'est le 1er novembre dernier. Oui, c'est cela.

M. Pagé: D'accord.

M. Thibaudeau: Après la nomination de

M. Pierre Harvey.

M. Pagé: Depuis les débuts des travaux de cette commission, avez-vous eu des communications, des échanges téléphoniques, rencontres ou autres...

M. Thibaudeau: Non. Il y a des professeurs...

M. Pagé: ...avec des membres...

M. Thibaudeau: ...de mes collègues qui sont venus m'en parler dans mon bureau, mais...

M. Pagé: ...du gouvernement? M. Thibaudeau: Non.

M. Pagé: Avec des membres du cabinet du premier ministre?

M. Thibaudeau: Non.

M. Pagé: Avec d'autres collègues de la SEBJ, je présume?

M. Thibaudeau: Non. J'ai simplement vu M. Saulnier à la première partie de baseball, avant-hier, parce que nous sommes tous les deux membres de la RIO.

M. Pagé: Et on a perdu.

M. Thibaudeau: On a échangé quelques mots sur la réunion d'aujourd'hui.

M. Pagé: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. M. Thibaudeau, vous avez fait longuement état de votre expérience comme syndicaliste et même comme fondateur d'un syndicat à Hydro-Québec. Avant votre nomination de 1978, sur le climat de travail qui existait à la Baie-James depuis le début des travaux, la commission Cliche a beaucoup fait état du monopole syndical qu'il pouvait y avoir dans ces chantiers. D'après votre impression comme syndicaliste, y avait-il réellement un monopole syndical à la Baie-James?

M. Thibaudeau: S'il y avait...?

M. Laplante: ...un monopole syndical ou s'ils étaient à établir un monopole syndical à la Baie-James, du début jusqu'aux troubles?

M. Thibaudeau: M. le Président, je vais être très bref. Depuis le début du siècle, les syndicats nord-américains ont été habitués, lorsqu'ils négociaient une convention collective, de négocier par rapport à une entreprise dans un cadre de monopole. Lorsque la loi 290 a sorti la construction du Code du travail, on a voulu copier un peu un modèle européen. C'est normal que les deux centrales, dans le fond de leur coeur, désiraient le monopole syndical dans la construction, que ce soit la CSN ou la FTQ. C'était un désir normal, mais il y a des façons démocratiques d'y parvenir. Ce n'étaient pas des façons d'y parvenir ici, tel que M. Cliche le décrit avec les deux autres membres de la commission.

Je peux dire que c'est un concept nouveau pour les syndicalistes nord-américains: plusieurs syndicats dans la même unité d'accréditation. C'est un concept tout à fait nouveau que les syndicalistes nord-américains digèrent mal. Cela fait que, pour répondre à votre question, pour moi, que ce soit à la Baie-James ou ailleurs, une des deux centrales essaie toujours... Regardez les campagnes tous les trois ans où il se dépense des centaines de milliers de dollars, où les centrales essaient d'avoir le plus de monde et le désir de chaque centrale est d'avoir la majorité absolue pour obtenir d'être le seul porte-parole à la table. C'est un désir typiquement nord-américain. On n'a pas l'esprit, par exemple, du syndicalisme français qui va choisir son syndicat surtout d'après ses idées politiques. S'il est marxiste, il sera CGT; s'il est socialiste, CFDT et ainsi de suite. Ici, ce n'est pas cela. Le syndicalisme nord-américain, c'est tout un autre concept, ce qui fait que le monopole syndical sera toujours le rêve des centrales tant qu'on n'aura pas bouleversé et changé nos lois. Essayez d'enlever ce concept et vous aurez de la difficulté.

M. Laplante: Avec l'expérience que vous avez tenté de nous faire voir, vous nous avez convaincus aussi.

M. Thibaudeau: Pardon?

M. Laplante: Vous nous avez convaincus aussi. Le saccage de la Baie-James, l'attribuez-vous directement à un monopole syndical?

M. Thibaudeau: Je vous conseille de lire cela; vous allez voir qu'il y a surtout un chapitre qui va vous éclairer. Je l'attribue au fait que la FTQ ne voulait personne de la CSN, même pas une personne. Même pas une demi-personne, même si la loi le permettait. C'est simple. Mieux que cela, reprenez le chapitre dont il n'est pas question ici, le chapitre sur l'étiquette syndicale. Pour les syndicats de la construction, les métallos sont des briseurs de grève. Ils n'admettent pas du matériel fait dans les usines de syndiqués métallos qui appartiennent aux mêmes confédérations; ils ne l'admettent même

pas et ils refusaient d'utiliser ce matériel pour travailler.

Reprenez le chapitre Étiquette syndicale. Vous allez voir que les syndicats de la construction voulaient tout contrôler et je ne dis pas que, si la CSN avait pris le contrôle, il n'y aurait pas eu la même mentalité. C'est la mentalité du métier. J'ai dit: C'est un travail dur, ce n'est pas facile d'être ouvrier de la construction. Ce sont des gens honnêtes comme tout le monde, mais le contexte social fait que leur syndicat, depuis des décennies, aime contrôler le métier. C'est comme cela qu'ils ont pu survivre et installer le syndicalisme avant les lois.

M. Laplante: D'après votre expérience, vous dites que, en somme, le saccage de la Baie-James était relié directement à un monopole syndical.

M. Thibaudeau: À une guerre intersyndicale.

M. Laplante: À une guerre intersyndicale. Vous êtes entré, le 1er octobre 1978, au conseil d'administration et je suis certain, étant donné la profession que vous exercez, que vous avez dû avoir une curiosité qui vous a rongé des années, du commencement de la Baie-James jusqu'à votre nomination, sur les effets... La FTQ, qui voulait un monopole syndical, est-ce qu'elle avait la bénédiction, à ce moment, d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la Baie James ou du gouvernement pour faire état de ces choses? (11 h 45)

M. Thibaudeau: Vous me demandez quasiment de prendre un tableau, de la craie et de donner un cours. Vous savez, dans cette industrie, les travailleurs changent souvent. On creuse le trou, on fait le soubassement; ensuite, c'est la structure de la maison, les étages, les ascenseurs, la peinture. Il y a beaucoup d'ouvriers qui passent et qui changent d'employeur dans la même année. Cela n'a rien à voir avec une usine d'automobiles où il y a un employeur et une ligne de montage, etc. Mais dans la construction, puisqu'il y a des métiers, ils ont formé ce qu'on a appelé le conseil provincial pour réunir tout le monde dans chaque métier. Entre les corps de métier, il y a des batailles de juridictions. Pensez qu'avant c'étaient les menuisiers qui faisaient les fenêtres parce qu'elles étaient tout en bois et, quand elles sont devenues en aluminium ou en d'autre chose, d'autres syndicats disaient: Non, c'est le métal en feuilles. Il y a eu des batailles de juridictions dans ces choses. Chacun veut contrôler son métier ou protéger l'emploi de ses membres, puisqu'ils contrôlaient l'embauche par leur comité et qu'il leur fallait trouver de l'ouvrage pour leurs membres.

Je reviens à votre question: Pourquoi la FTQ voulait-elle le monopole syndical?

M. Laplante: Cela n'est pas parce qu'elle le voulait. J'ai dit: Est-ce qu'ils avaient la bénédiction, à ce moment-là, du gouvernement du Québec du temps...

M. Thibaudeau: Écoutez, j'ai appris dans le rapport Cliche, à la page...

M. Laplante: ...d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Thibaudeau: Je n'en avais pas entendu parler dans ce temps-là. Je l'ai appris en lisant qu'il y avait eu une rencontre entre MM. André Desjardins, Desrochers et d'autres gens pour essayer de leur garantir qu'il n'y aurait pas d'autres gens...

M. Laplante: Qui était M. Desrochers?

M. Thibaudeau: J'ai appris cela, moi aussi. Tout le monde le sait, c'était le conseiller de M. Bourassa. C'est vrai.

M. Laplante: II y aurait eu déjà...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: Après que vous avez été élu ou nommé au conseil d'administration, vous avez rencontré les conseillers juridiques de la Baie-James. Vous avez dit vous-même qu'à l'occasion d'une réunion du conseil vous avez été un de ceux qui ont questionné le plus longtemps les conseillers juridiques de la Baie-James.

M. Thibaudeau: Je me vante peut-être, mais j'ai l'impression que j'ai questionné beaucoup.

M. Laplante: D'accord! Mais, dans vos questions, avez-vous fait état aussi, par rapport au saccage de la Baie-James, de ce monopole de la FTQ?

M. Thibaudeau: Cela se peut.

M. Laplante: Ce qui aurait pu balancer, à un moment donné, concrétiser les idées que vous aviez de ne pas poursuivre davantage.

M. Thibaudeau: Cela se peut que j'en aie parlé. C'était un élément de frustration pour certains travailleurs. La liberté de choix syndical n'est pas perçue en Amérique du Nord comme elle l'est en France ou en Angleterre ou dans d'autres pays. Elle est

perçue d'une autre façon.

Ce que j'ai déploré - et je n'avais rien à voir avec cela - ce sont les méthodes qu'on a voulu prendre pour obtenir le monopole syndical: la violence, ce qui est arrivé. Vous lisez: Deux employés, donc deux membres, parce que la loi le permettait. La CSN se plaignait à bon droit, avec la loi qu'elle avait, qu'on n'engageait que des gens de la FTQ. Il y a un entrepreneur qui a engagé deux employés de la CSN, ils n'ont pas voulu changer de syndicat. Tout a commencé de même. Vous n'avez qu'à le relire dans le rapport Cliche. C'était le début. Au point de vue sociologique et de la mentalité, quand j'ai commencé à syndiquer Hydro-Québec, je la voulais toute, je ne la voulais pas à moitié, et la CSN la voulait toute. Cela a été une guerre intersyndicale de six ans. On la voulait tous, mais on n'a pas fait de violence.

M. Laplante: D'accord! Maintenant que tout semble réglé - vous avez dit aussi que les travaux ont été rattrapés pleinement, que vous avez fini six mois à l'avance, que vous avez récupéré énormément d'argent par l'avancement des travaux de la Baie-James -est-ce que, dans votre esprit - vous n'êtes pas obligé de me répondre là-dessus parce que c'est très hypothétique, mais cela pourrait nous éclairer en même temps, nous aussi - l'enquête Cliche a fait toute la vérité sur le saccage de la Baie-James?

M. Thibaudeau: Je n'étais pas aux auditions. Je trouve que c'est un très bon rapport, qui a fait beaucoup de bien, qui a amené beaucoup d'adoucissements aux moeurs dans cette industrie. Je crois que cela a été un rapport qui a aidé énormément. C'est une pièce maîtresse qu'on oublie trop vite. Cela à été bon de le relire.

M. Laplante: Mais croyez-vous que tout a été dit là-dedans?

M. Thibaudeau: Comment?

M. Laplante: Trouvez-vous que tout a été dit au point de vue de l'implication du gouvernement du temps, au point de vue de...

M. Thibaudeau: Je ne le sais pas. M. Laplante: Vous ne le savez pas. M. Thibaudeau: Je veux être honnête.

M. Laplante: Parce que vous aviez, en tant que professionnel, probablement beaucoup d'idées là-dessus. Vous avez dû faire énormément de recherche, parce que vous disiez tout à l'heure que vous vouliez être éclairé sur tout, que vous étiez un perfectionniste dans les relations ouvrières.

M. Thibaudeau: Oui, mais je ne suis pas un professeur de sciences politiques. Je n'ai pas été voir toutes les implications du lobbying. Je regarde les lois, je regarde ce qui se passe. Je suis un professeur de relations de travail.

M. Laplante: Merci, M. Thibaudeau.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Thibaudeau, à la suite d'une question que mon collègue de Portneuf vous a posée sur le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 20 novembre, à laquelle vous avez voté pour approuver un engagement estimé à 500 000 $ pour le paiement de frais aux avocats de la SEBJ, vous avez qualifié cet acte du conseil d'administration de geste de routine prévisionnelle, si je me souviens bien. Vous avez aussi dit que c'était strictement un acte administratif. Je voudrais porter à votre attention, à l'annexe au procès-verbal qui nous a été fournie, les recommandations au président, dont l'objet est la poursuite de la Société d'énergie de la Baie James contre les responsables des dommages au chantier de LG 2 au cours du mois de mars 1974. Dans ce rapport, on fait un historique. Il y a même un résumé des différentes étapes franchies dans les poursuites. Dans le rapport annexé au procès-verbal qui nous a été fourni -c'est un rapport qui est, je pense, une recommandation à l'attention du président -je lis: "Après avoir étudié le dossier, les...

M. Thibaudeau: À quel paragraphe est-ce, M. le député?

M. Ciaccia: Pardon? C'est à la page 5.

M. Thibaudeau: Page 5?

M. Ciaccia: Oui.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Ciaccia: "Après avoir étudié le dossier, les procureurs de la société d'énergie lui ont fait part que les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits qu'ils connaissaient justifiaient que la société d'énergie prenne action avec succès contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Ils recommandaient également d'impliquer dans l'action la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, l'International Union of Operating Engineers, René Mantha, André Desjardins et le Conseil

provincial du Québec des métiers de la construction." Plus loin, on lit ceci: "La société d'énergie avait déjà reçu de ses assureurs une somme de 1 132 994,75 $ en paiement des dommages couverts par les polices d'assurance. "Les assureurs ont de leur côté donné mandat à Mes Desjardins, Ducharme & Cie de recouvrer des responsables des dommages, chacun pour leur part, la somme payée à la société d'énergie."

Vous avez sans doute pris connaissance de ce rapport, dans le temps, au procès-verbal?

M. Thibaudeau: Dans le temps, oui.

M. Ciaccia: Plus tard, dans les résumés des différentes étapes, un rapport a été préparé par Me Gadbois, qui faisait aussi partie de l'annexe. On lit ceci: "Suite à la signification de cette action, les défendeurs ont fait valoir certains moyens préliminaires et, notamment, les procureurs au dossier ont du débattre certaines requêtes pour production de documents, pour particularités et pour radiation d'allégations. Au surplus, les procureurs au dossier ont du plaider une requête en irrecevabilité initiée par le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique. Ces moyens préliminaires ont été vidés et certains représentants de la Société d'énergie de la Baie James ont par la suite été interrogés au préalable."

On fait état de différentes procédures qui ont été prises vraiment d'une lutte qui avait été commencée, débattue et poursuivie par la société d'énergie. Plus tard, on lit: II appert également que trois autres actions ont été instituées par diverses compagnies d'assurance représentées par l'étude Desjardins, Ducharme, Desjardins & Bourque et que ces trois causes seront éventuellement jointes pour procès à l'action instituée par la société d'énergie."

Vous avez également, je comprends, pris connaissance de ce rapport.

M. Thibaudeau: J'ai dû.

M. Ciaccia: Est-ce que cela ne semble pas, suite à la recommandation, à la décision de dépenser 500 000 $, suite à toutes les différentes étapes, le rapport, les opinions, que c'était plus qu'un acte administratif, que c'était plus que seulement une question de prendre certaines précautions?

M. Thibaudeau: Écoutez...

Le Président (M. Jolivet): M. Thibaudeau, allez-y.

M. Thibaudeau: Avez-vous fini, monsieur? Est-ce qu'il a fini?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: Excusez, vous avez pris connaissance...

Le Président (M. Jolivet): Ah! excusez, M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau: Excusez.

M. Ciaccia: Vous avez pris connaissance de tous ces rapports et vous avez voté pour dépenser les 500 000 $.

M. Thibaudeau: Oui, de mémoire, cela a pris quelques minutes. Cela n'a pas été long. Pour moi - mais pour d'autres, c'est peut-être autre chose - le procès était pour commencer, puis il fallait se préparer selon les événements, il fallait voir venir le printemps.

M. Ciaccia: Quand on vous a questionné sur le procès-verbal de la décision du conseil d'administration le 9 janvier, encore le 9 janvier on a réaffirmé tous les gestes qui avaient été posés par le conseil d'administration et on a décidé de continuer, je pense que vous avez donné comme réponse que cela faisait, à votre esprit, peut-être partie d'une stratégie, si stratégie il y a. La question qui me vient à l'esprit, c'est que je me demande quelle sorte de stratégie cela peut être. On dépense un petit 500 000 $ pour des frais juridiques, on règle pour 200 000 $ après avoir refusé une offre de 400 000 $. Quelle sorte de stratégie cela serait?

M. Thibaudeau: Écoutez-moi bien. J'étais un sur onze. Très bien. Je n'étais pas le conseil en son entier. Très souvent, on échange des idées et puis, bon, on voit que la tendance, neuf sur onze, penche de ce bord, je dis très bien. J'ai dû certainement à ce moment-là émettre des doutes là-dessus. Comme tout semblait se diriger vers là, j'ai suivi le courant. Je ne me souviens plus si je n'ai pas enregistré ma dissidence, si je n'ai pas décidé de voter contre. D'après les minutes, j'aurais voté pour. Cela fait quatre ans et demi. Je suis certain qu'à ce moment j'ai dû émettre des doutes sur la poursuite de l'union internationale américaine. Cela, j'en suis certain dès le début.

M. Ciaccia: Vous étiez au courant...

M. Thibaudeau: Je n'arriverai pas pour faire des balances, pour dire je vote 500 000 $, puis on va régler à 200 000 $. Premièrement, je ne savais pas qu'on réglerait pour 200 000 $ entre vous et moi, et la boîte à bois.

M. Ciaccia: Ils n'ont jamais discuté les

montants du règlement ou quelque chose?

M. Thibaudeau: Non, non, non. C'était, par exemple...

M. Ciaccia: Ils n'ont jamais dit: On va régler ou...

M. Thibaudeau: ...on décide de changer telle affaire, on a besoin de faire une étude, puis on croit, d'après l'appel d'offres, que cela va coûter tant. On vote, puis on verra après. Là, il y a un procès qui s'en vient. On nous conseille qu'on a besoin d'une prévision. Je crois que cela aurait été de mauvais gestionnaires s'ils n'avaient pas demandé une prévision pour faire face à un procès qui commençait.

M. Ciaccia: Vous saviez qu'il y avait eu une offre de...

M. Thibaudeau: Cela ne veut pas dire, parce que j'ai voté pour les 500 000 $, que je croyais qu'on pourrait obtenir une condamnation contre l'union internationale, pas du tout. Cela n'a rien à voir.

M. Ciaccia: Vous saviez qu'une offre de 400 000 $ avait déjà été refusée par la SEBJ? (12 heures)

M. Thibaudeau: Non, je ne le savais pas.

M. Ciaccia: Bien.

M. Thibaudeau: Je ne me souviens pas.

M. Ciaccia: Dans le rapport de la réunion du 9 janvier à laquelle vous avez assisté, d'après le procès-verbal - vous avez voté en faveur - on lit: "Après discussion, les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les décisions prises antérieurement par le conseil d'administration de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2, le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été modifiées". Annexé à cet extrait du procès-verbal, il y a un rapport confidentiel qui a été préparé par Me Jean Bernier, directeur des ressources humaines, M. Laurent Hamel, chef du chantier de LG 2, M. Marc Darby, coordonnateur des assurances, et Me André Gadbois, chef du contentieux. À la page 18 de ce rapport, on fait état d'une ouverture de règlement pour un tiers du montant, 400 000 $, et on fait état que "cette proposition a été refusée par la Société d'énergie." Vous n'étiez pas...

M. Thibaudeau: J'ai dû le lire. J'ai dû voir cela, mais cela ne m'a pas impressionné. Peut-être que, si j'avais été là dans le temps, j'aurais parlé pour l'accepter. Peut- être, je ne le sais pas. Je n'étais pas membre du conseil à ce moment-là. J'ai dit et redit que mon opinion était basée sur le fait des dépenses qu'on devrait faire pour continuer le procès et que je ne croyais pas qu'on pourrait condamner l'union internationale devant nos cours au Québec. Je vous réfère, à mon tour, à la page 30 du document que nous avons ici si vous voulez savoir comment j'ai agi, si vous voulez connaître comment mon intellect a fonctionné. Cela ne m'a pas impressionné, ces choses-là. Je vous le dis. À tort ou à raison, cela ne m'a pas impressionné.

Si vous allez à la page 30 du livre, regardez: "L'International Union a donc vigoureusement contesté l'action intentée en invoquant l'absence de lien de préposition entre Yvon Duhamel et le local 791 auquel elle avait accordé une charte. Elle invoque que, de toute façon, le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel ne lui avait pas été présenté pour approbation par les autorités syndicales locales aux termes de la constitution, et que c'est hors de sa connaissance et sans son approbation que certains officiers du local 791 avaient incorporé parallèlement le syndicat connu sous le nom de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Elle allègue aussi que la SEBJ doit assumer elle-même les conséquences des événements de mars 1974 parce qu'elle avait encouragé, par ses négociations avec la FTQ-Construction, le climat qui régnait à LG 2 et qu'elle avait abdiqué son pouvoir de gérance face à Yvon Duhamel".

Cela, je l'ai vu. Cela, je l'ai lu. On revient ici. Regardez à la page 106. Si vous voulez que je la lise, vous allez voir une confirmation de cela. Mais cela, ce sont des armes pour les bons avocats qu'ils ont de l'autre côté. Et j'ai dit: Là, ils sont armés. Ils sont vraiment armés. Je ne suis pas avocat, je le répète, mais, connaissant les structures, connaissant ce qu'est un agent d'affaires plutôt qu'un représentant international ou national, j'ai dit qu'il y avait quelque chose là. Ce n'est pas le cas de Murdochville, et ce n'est pas le cas de la Côte-Nord. Ce n'est pas la même chose.

M. Ciaccia: Si je pouvais seulement continuer la lecture que vous avez commencée à la page 31...

M. Thibaudeau: Oui, oui, cela ne m'a pas inquiété.

M. Ciaccia: Je continue, au paragraphe suivant: "Nous savons, de façon certaine, que peu avant les événements de mars 1974 et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut choisir

d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher derrière elle lorsque sa responsabilité est engagée". Et je pourrais vous référer aussi à la page 30.

M. Thibaudeau: Cela ne m'impressionnait pas.

M. Ciaccia: Non, mais juste pour compléter.

M. Thibaudeau: C'était une opinion d'avocats honnêtes.

M. Ciaccia: C'est juste pour compléter...

M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Ciaccia: ...l'opinion que vous avez citée. À la page 30, on fait référence à une opinion de Elarbee, Clark et Paul, avocats américains, sur la possibilité d'exemplifier et d'obtenir un jugement contre le syndicat américain.

M. Thibaudeau: M. le Président, j'aimerais ajouter ceci. Pour des raisons de hasard, les Métallurgistes unis d'Amérique et le Syndicat canadien de la fonction publique - dont j'étais le directeur, j'étais un grand ami de Jean Gérin-Lajoie - nous avions le même avocat, Me Guy-Merril Desaulniers. J'ai pas mal suivi le procès de Murdochville, j'en ai beaucoup parlé avec Me Desaulniers. Si je me souviens bien, les métallos ont été condamnés à 2 500 000 $ ici à Québec. Une des raisons fondamentales pour lesquelles les métallos ont été condamnés, c'est qu'il y avait sur place deux représentants internationaux. Ce n'est pas eux qui ont fait les bris, mais ils étaient sur place et les Métallurgistes unis d'Amérique endossaient la grève officiellement. La CSN endossait la grève illégale - c'était une grève illégale de la Gaspé Copper - tout le mouvement syndical - il y a eu une marche - s'est impliqué jusqu'au cou. Ils ont été condamnés à payer 2 500 000 $, c'est vrai, mais le point central était qu'il y avait des représentants internationaux sur place. Dans la cause de la Côte-Nord, la fédération a été écartée dans la poursuite et la condamnation de 10 000 000 $. La fédération a été écartée et déclarée innoncente, mais malheureusement il y avait un conseiller technique de la confédération qui était là et qui avait encouragé la grève. Ils ont donc été condamnés. Ici, ce n'est pas cela. Duhamel ne relève pas de l'union internationale. Pour moi, c'était important. Même si les avocats disent: Dans la constitution locale, cela ne m'impressionnait pas. C'est à ce moment que j'ai interrogé les avocats lorsqu'ils sont venus. J'ai repris cela et je leur ai dit: Je ne suis pas d'accord avec vous. Je les ai questionnés à ce sujet. C'est comme cela que j'ai décidé de mon vote. C'est pour cela que mon lit était fait, tout simplement. Je crois que la question n'est pas là. La question est de savoir si je me suis fait tordre les bras pour voter oui. Non, je ne me suis pas fait tordre les bras. Mon raisonnement était peut-être faux. M. Ciaccia a peut-être raison, j'ai mal vu cela et je l'ai mal analysé, mais mon vote a été honnête et dirigé par moi.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas questionner les motifs et l'honnêteté de votre vote. Ce n'est pas du tout cela. Soyons clairs. Je voulais...

M. Thibaudeau: Je crois que c'est de cela qu'il doit être question.

M. Ciaccia: ...simplement, pour compléter le dossier, faire remarquer que les opinions des avocats indiquaient que les jugements pouvaient être exemplifiés aux États-Unis. Ils disaient même que le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers. La seule question que je me posais - je ne voulais même pas aller dans toutes les technicalités des détails parce qu'on peut avoir différentes opinions -était que vous saviez comme membre...

M. Thibaudeau: Allez à la page 130.

M. Ciaccia: Je veux seulement terminer. La seule question que je me pose lorsque j'entends qu'il s'agissait d'une question de stratégie...

M. Thibaudeau: Bien, stratégie!

M. Ciaccia: ...c'est quelle sorte de stratégie veut qu'on dépense 900 000 $ pour des frais d'avocat? On refuse 400 000 $ - il est vrai que c'était avant la loi 41, avant le nouveau conseil d'administration - on sait cela et on accepte 200 000 $. J'essaie de comprendre pourquoi cela est arrivé.

M. Thibaudeau: Je n'étais pas là en 1976, Me Ciaccia. Reprenez à la page 134 où nos avocats évoluent aussi. Ils évoluent drôlement. Regardez ce qu'ils disent par rapport à Murdochville. Leur opinion juridique évolue. Je vais vous dire pourquoi, à un moment donné, des avocats, j'aime parfois en consulter deux et trois. Pendant des années, Hydro-Québec, les employés d'Hydro-Québec étaient déclarés des employés de la couronne, donc non syndicables. Un avocat, Me Guy-Merril Desaulniers m'a dit à un dîner: Ce sont des agents de la couronne et ils tombent sous le coup de la loi. Et il m'a dit: Lance-toi dans l'organisation d'Hydro-Québec. J'ai commencé. C'étaient des agents de la couronne. Mais tous les avis juridiques

d'autres avocats ont été renversés à ce moment-là.

M. Ciaccia: Ce n'est pas tout à fait la même situation...

M. Thibaudeau: Un instant! Je ne dis pas que nous n'avons pas des bons avocats.

M. Ciaccia: ...où le même avocat change d'opinion.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Il faudrait qu'il y en ait un seul qui parle à la fois. M. Thibaudeau n'avait pas terminé. Je veux quand même qu'il termine.

M. Ciaccia: Oh! Excusez-moi!

M. Thibaudeau: Tout ce que je veux dire, c'est que je respecte les avocats. On en a drôlement besoin. Mais cela ne veut pas dire, parce qu'il a dit cela, que je vais prendre cela pour du "cash". J'ai trop d'expérience, j'ai trop vécu, j'en ai trop vu. J'ai même vécu avec eux. Alors, je regarde cela et je pose des questions. Je connais l'évolution de leur opinion. Regardez la lettre adressée à Me Gadbois, enfin les deux lettres aux pages 130 à 134. Lisez-les et vous verrez que cela a drôlement évolué.

M. Ciaccia: La seule remarque que je voulais faire c'était que l'exemple que vous avez donné d'un avocat qui vous a donné une opinion différente, ce n'est pas tout à fait la même situation ici, où le même avocat a changé d'opinion durant le procès, pendant les différents pourparlers. Alors, je ne pense pas que le parallèle pourrait être fait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, ma guestion à M. Thibaudeau serait celle-ci: Etant donné qu'il entre dans le mandat de la commission de faire tout d'abord la lumière sur tous les aspects de la situation qui ont favorisé le saccage de la Baie-James, dans cet esprit - et là, je fais appel à l'expert que vous êtes - qui, compte tenu de la loi du travail qui est particulière à l'industrie de la construction, était responsable, au moment où tout cela se passait, avant le saccage de la Baie-James, de faire en sorte que les employés puissent être syndiqués dans un syndicat ou dans un autre, soit dans la FTQ ou soit dans la CSN? À l'époque, je ne pense pas qu'il y avait d'autres syndicats possibles dans l'industrie de la construction.

M. Thibaudeau: Oui, sur la Côte-Nord. M. Tremblay: II en avait un autre. Bon.

M. Thibaudeau: II y avait un autre syndicat sur la Côte-Nord.

M. Tremblay: Qui était responsable, à cette époque, de permettre aux syndiqués de choisir librement leur syndicat sur le chantier de la Baie-James?

M. Thibaudeau: Comment ces gens ont été engagés? Je pense que le meilleur témoin serait le directeur du personnel du temps, à la Baie-James. Je ne sais pas comment ils ont été engagés. Tout ce que je peux dire, découlant de ce qui se passait dans la construction, c'est qu'à chaque vote, à ce moment-là, la FTQ avait à peu près 70, 71, 72. Les gens choisissaient un syndicat de la FTQ plutôt qu'un syndicat de la CSN ou autres. La FTQ contrôlait aussi Montréal. À ce moment-là, est-ce que les politiques d'embauche régionale étaient commencées? Je ne sais pas. Je ne peux pas le dire. Mais c'était normal, puisque c'était déjà la FTQ, dans les autres constructions au Québec, qui avait le contrôle de plusieurs métiers. Les entrepreneurs qui allaient là connaissaient ces syndicats et avaient travaillé avec eux sur d'autres chantiers. La SEBJ était le maître d'oeuvre; mais elle avait des entrepreneurs et cela fonctionnait par soumissions. Il y avait des contacts entre les employeurs et les syndicats et avec les bureaux de placement des syndicats. C'est comme cela qu'il s'est ramassé beaucoup plus de gens de la FTQ à la Baie-James.

M. Tremblay: Oui, mais vous avez dit tout à l'heure que c'était normal. Je pense que c'est normal aussi pour n'importe qui ayant travaillé dans l'entreprise privée. Ils tentent, par tous les moyens légaux et légitimes, d'obtenir le monopole dans l'entreprise dans laquelle ils sont.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Tremblay: On sait, par exemple, qu'à la Baie-James il y avait une tentative un peu particulière d'obtenir le monopole pour la FTQ.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Tremblay: Je me dis qu'il devait y avoir quelqu'un - était-ce la SEBJ, étaient-ce les entrepreneurs? - qui devait favoriser que la loi soit appliquée correctement, c'est-à-dire que les syndiqués puissent adhérer à un syndicat ou à un autre ou que l'on puisse embaucher à la Baie-James des syndiqués de la CSN ou de la FTQ. On sait qu'il semblerait que ce n'était pas très possible à ce moment que des gens de la CSN viennent travailler à la Baie-James. Qui, dans votre esprit, devait permettre que la loi soit appliquée et que des gens puissent travailler

sur le chantier et être syndiqués de la CSN, par exemple? (12 h 15)

M. Thibaudeau: Écoutez, je vais le répéter. Je ne voudrais pas être obligé de parler pendant une heure. Le contrôle de la construction dans la région de Montréal surtout et d'autres secteurs, c'étaient les syndicats affiliés à une union, un syndicat international affilié au Congrès du travail du Canada. Quand on dit FTQ, c'est un sigle. La FTQ est un organisme à part, pour d'autres objectifs. Dans ce temps-là, ces gens avaient des bureaux de placement. Ils étaient en contact perpétuel avec les employeurs. Ils n'allaient même pas obtenir un certificat de reconnaissance syndicale. Un employeur commençait un chantier, les syndicats entraient en contact et disaient: Si tu ne veux pas qu'on te boycotte, tu vas nous prendre à telles conditions. C'est comme cela que cela se fait et cela se fait encore en Ontario ou ailleurs.

Ici, il y avait deux centrales et elles se bagarraient pour avoir les travailleurs. À un moment, la CSN s'est dit: Je me sers du code. On fait une construction sur la Côte-Nord ou à Sorel; je demande un certificat de reconnaissance syndicale et, ensuite, je vais essayer de représenter tout le monde avec mon certificat de reconnaissance syndicale. Mais les journaliers qui commençaient s'en allaient et l'entrepreneur avait besoin, lui, d'hommes de métier contrôlés par la FTQ. Les hommes de métier arrivaient, comme à Sorel, et la CSN disait: Non, c'est nous qui avons le certificat ici, c'est nous qui avons le contrat. Cela finissait à coups de chaînes, des autos brûlées et tout ce que vous voulez; 400 policiers sur la Côte-Nord à Bechtel.

Là, on a changé la loi et on a dit: Les gens seront obligés d'être syndiqués, mais ils prendront le syndicat de leur choix. Très vite, à cause du contrôle des métiers, la FTQ a pris une très grande proportion de cela, les syndicats affiliés, les menuisiers, les plombiers. Partant de là, lorsque cela a commencé à la Baie-James, c'était normal -j'aurais aimé dire: Puisque la mentalité des syndicats nord-américains, qu'ils soient de métier ou industriels, c'est qu'il y ait un syndicat par unité d'accréditation, par groupe - qu'il n'y en ait pas deux. La loi 290 était un nouveau régime et les gens n'étaient pas adaptés à vivre avec cela. Surtout dans la première loi 290, il y avait un droit de veto pour celui qui était minoritaire. Rendu à 20% de représentation, il pouvait utiliser son droit de veto. Même si le syndicat majoritaire pouvait s'entendre avec l'employeur, le syndicat minoritaire pouvait exercer un droit de veto. Il y a eu la loi 9 qui est venue corriger cela quelques années après, parce qu'il y a même eu des contrats illégaux signés entre des syndicats et des employeurs dans la région de Montréal.

Cette mentalité de monopole en Amérique du Nord a toujours existé, tout le temps. C'est tout l'historique du syndicalisme nord-américain, par rapport au syndicalisme qu'on peut voir dans d'autres pays, qui se base sur notre milieu social, économique et politique.

M. Tremblay: Donc le saccage de la Baie-James, au-delà des acteurs principaux ou de la responsabilité de la situation qui l'a permis, cela viendrait, selon vous, d'une loi qui n'était pas adéquate.

M. Thibaudeau: Non, elle était adéquate. Pour moi, cela venait de gens de la pègre. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Ils ont engagé des bandits. Eux, plutôt que de prendre des arguments pour convaincre les gens, tout simplement les convaincre, ils se sont servis d'autres moyens. Ils se sont servis des moyens que vous avez dans ce livre. Ce n'est pas moi qui l'invente.

M. Tremblay: Ce que je ne comprends pas dans tout cela - je n'étais pas là à l'époque et je n'étais pas très relié à la construction dans ce que je faisais à cette époque - c'est que vous me dites que c'étaient des gens de la pègre.

M. Thibaudeau: Cela n'est pas moi qui le dis, c'est M. Chevrette.

M. Tremblay: Oui, la commission Cliche le dit.

M. Thibaudeau: C'est M. Mulroney et M. Cliche qui le disent. Ce n'est pas moi.

M. Tremblay: Et M. Chevrette, d'accordl Mais devant une situation comme celle-là, il doit y avoir quelqu'un qui est responsable d'arrêter une affaire comme celle-là.

M. Thibaudeau: Je l'explique un peu comme cela pour répondre à votre question: l'entrepreneur Y a du monde à engager; il connaît le syndicat et il veut la paix. Ce que M. Cliche et les deux autres disent, c'est que les employeurs ont manqué de courage, ont abdiqué leurs responsabilités devant des menaces syndicales. Ils aimaient mieux même... Lisez cela, les pots-de-vin en dessous de la table, c'est plein, un tas de pots-de-vin, de l'employeur au syndicat sur un tas de choses, surtout pour laisser passer des affaires où il n'y avait pas l'étiquette syndicale des unions de métiers. Les employeurs avaient peur, ils engageaient plutôt des gens de la FTQ pour avoir la paix. Quand il y a eu quelques employeurs, sous une pression de la CSN, qui ont engagé des gens de la CSN, il y a certaines gens

qui ont perdu la tête. Un Duhamel en folie, comme dit M. Cliche. Cela a fini de même. C'est une responsabilité un peu sociale. Je ne dis pas que c'est une mauvaise loi, non. Elle doit être encore raffinée, d'accord, mais c'était une bonne loi.

M. Tremblay: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, seulement une minute. C'est M. le député de Marguerite-Bourgeoys qui doit avoir la parole.

M. Lalonde: L'alternance.

Le Président (M. Jolivet): Oui, l'alternance.

M. Lalonde: L'alternance, vous connaissez cela.

M. Duhaime: Je suis bien prêt à alterner. On a tout le temps devant nous. C'est parce que mes questions allaient dans le suivi de ce qu'avait amorcé mon collègue. Je veux ajouter que nos travaux sont commencés depuis au-delà de deux heures. Mon collègue de Marguerite-Bourgeoys m'avait dit il y a quelques jours, le jeudi saint au soir, à 22 heures, lorsque j'ai décidé d'ajourner les travaux, qu'il y aurait une ou deux questions de leur côté. J'ai minuté les questions posées par le député de Portneuf et l'échange avec M. Thibaudeau. Cela a duré 1 heure et 23 minutes. Je n'ai pas posé une seule question depuis le matin. Alors, si le député de Marguerite-Bourgeoys voulait me laisser un droit de parole, je pourrais poser mes questions tout de suite. J'en aurais pour à peu près sept minutes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vais sûrement laisser le droit de parole qui est prévu par le règlement au ministre quand son tour arrivera. Mais, comme vous l'avez toujours appliqué, le principe de l'alternance prévoit que c'est maintenant à un député de ce côté-ci. Je suis convaincu que le ministre trouvera le temps, cet après-midi, de poser ses questions.

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président. Le règlement permet...

Le Président (M. Jolivet): Un instant, je n'accepterai aucune question de règlement parce que, je l'ai vérifié avant cette question, le ministre a droit de parole en tout temps lorsqu'il est question de crédits ou de projets de loi mais, comme on n'est pas à faire l'étude de crédits ou de projets de loi, c'est l'alternance qui s'applique. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: Un instant, M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...je voudrais seulement qu'il soit très clairement souligné que, si nous étions le jeudi saint au soir, il serait 0 h 23 et nous n'avons pas encore disposé entièrement du témoignage de M. Thibaudeau.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: En vous soulignant que je n'ai pas posé une seule question depuis le matin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Avant de poser les quelques questions que j'aimerais adresser à M. Thibaudeau, je voudrais simplement enchaîner sur les propos du ministre et lui dire qu'effectivement, jeudi soir, il y a deux semaines, j'avais seulement quelques questions à poser à M. Thibaudeau, ce qui est d'autant plus déplorable pour M. Thibaudeau qui aurait probablement pu être libéré vers 22 h 15 ou 22 h 20. Mais, étant donné tout le temps que nous avons eu pour réviser les dossiers, le ministre n'a qu'à s'en prendre à lui-même.

M. Duhaime: Je ne m'en prends pas à moi-même, je m'excuse, M. le Président.

M. Lalonde: Puisqu'il nous a refusé d'aller au-delà de 22 heures ce jeudi 31 mars avec M. Thibaudeau, cela a été plus long. Je regrette. Mais, à ce moment-là, c'est vrai que je pensais que ce serait très court.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, je voudrais justement vous poser une question, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Compte tenu qu'il ne reste que six minutes, environ, et que vous avez à poser des questions à M. Thibaudeau, est-ce que vous voulez commencer tout de suite?

M. Lalonde: Oui, j'aimerais cela, parce que je ne pense pas que cela soit très long.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'essaie de situer dans votre témoignage depuis quelle époque vous êtes en faveur d'un règlement de ce conflit

dont on parle, d'un règlement hors cour?

M. Thibaudeau: La façon dont cela a évolué dans ma tête, c'est comme quand un médecin qui examine un malade et qui cherche un traitement. C'est un peu comme un spécialiste, pour une question politique. Dès que j'ai vu, cela en 1976 - je lis les journaux et, surtout ces nouvelles-là, je les regarde - je me suis dit: II va y avoir pas mal de difficultés avec l'union internationale. Comme Murdochville a réussi à impliquer les métallos, cela va être beaucoup plus dur, à cause des structures.

Les années ont passé et, un bon jour, je me suis retrouvé administrateur de la SEBJ, un des administrateurs. On avait beaucoup de problèmes au début, toutes sortes de problèmes. Il fallait s'adapter à tout cela. Un bon jour, est arrivé ce dossier. Je me suis mis à l'étudier avec d'autres, à en parler, et c'est à mesure que je me suis dit: Là, je vais être partie à la décision. Je ne suis plus quelqu'un de la rue. Je suis un onzième de la décision dans ce dossier. C'est là que j'ai questionné les avocats sur la possibilité de gagner quelque chose aux États-Unis. Avec tout ce qu'on nous a dit, je me suis dit que c'était mieux de régler hors cour sur le plan financier et sur le plan de la paix sociale, d'abord. C'est fragile, des relations de travail entre un syndicat et un employeur, surtout lorsque nous sommes dans un chantier éloigné.

M. Lalonde: Oui, j'ai compris vos motifs, je ne mets pas cela en doute.

M. Thibaudeau: Doucement... Je ne sais pas à quelle date, lorsque je suis arrivé là, puis que j'ai vu le dossier, je me suis dit qu'il n'était pas question à ce moment de règlement hors cour. J'ai plutôt pensé: On gagnera peut-être tous les procès, mais qui va payer?

M. Lalonde: Bon! Je ne me pose pas de quations sur vos motifs; vous les avez expliqués très clairement.

M. Thibaudeau: Abondamment.

M. Lalonde: Je voulais savoir à peu près quand votre cheminement avait commencé. Vous dites depuis 1976. Autrement dit, tout au cours de cette période, vous ne croyiez pas que ce procès devait continuer?

M. Thibaudeau: Je n'ai pas dit qu'il fallait un règlement hors cour, cela ne me regardait pas, je n'étais pas là. J'étais un citoyen comme tout le monde qui regardait cela.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez discuté, avant votre nomination, avec des personnes en autorité au gouvernement de cette opinion que vous aviez?

M. Thibaudeau: Non, jamais. M. Lalonde: Jamais.

M. Thibaudeau: J'étais rendu au HEC et puis jamais je n'ai été consulté là-dessus.

M. Lalonde: À quel prix minimum situiez-vous le règlement hors cour? J'ai écouté une réponse que vous avez donnée tout à l'heure quand le député de Portneuf vous a demandé quand vous avez pris connaissance de la première offre de règlement qui était autour de 50 000 $, je crois, et la deuxième de 125 000 $. Vous ne vous souvenez pas exactement si ces offres-là ont été soumises aux assemblées du conseil de la SEBJ le 23 janvier ou le 30 janvier. Vous retrouvez dans les documents, comme nous, que le 6 février il apparaît que l'assemblée a pris connaissance d'offres...

M. Thibaudeau: Je n'étais pas là.

M. Lalonde: Vous n'assistiez pas à cette assemblée. Mais, en réponse à cette question, vous avez dit que - enfin, j'ai compris cela -ce n'était pas tellement une question de montant; c'était pour d'autres motifs.

M. Thibaudeau: Pour moi, personnellement.

M. Lalonde: Oui, c'est cela, pour vous. Alors, est-ce que vous aviez un montant minimum en tête?

M. Thibaudeau: Aucun. M. Lalonde: Aucun.

M. Thibaudeau: M. Hervé Hébert a dit que, lui, il aurait aimé 1 000 000 $ ou 1 500 0Ô0 $. Pour moi, le problème n'était pas là. Il était ailleurs. Il était dans le sens d'éviter de faire une orgie de dépenses inutiles et de sauvegarder la paix là-bas. Nous étions onze. On ne pouvait pas penser tous les onze de la même façon.

M. Lalonde: Non, non. Je n'ai jamais suggéré cela. J'aurais deux autres petites questions. Quand on parlait de la capacité de payer des syndicats et du 0,01 $ cent l'heure qui pouvait être prélevé...

M. Thibaudeau: Oui, cela aurait pris 30 ans.

M. Lalonde: Oui, cela aurait pris 30 ans, etc. Mais, vous avez répondu à ce moment-là que les syndicats ont des

obligations à l'égard de leurs membres et des dépenses à faire et que cela aurait pu affaiblir la FTQ face à la concurrence de la CSN. Est-ce que vous ne trouvez pas que cette préoccupation, que vous avez exprimée de façon très claire, pouvait venir en conflit avec votre fonction de membre du conseil d'administration de la société d'énergie qui était de protéger les avoirs et les droits de la SEBJ? (12 h 30)

M. Thibaudeau: Non, là vous soulevez un problème. Je n'ai pas vu cela sous cet angle-là. Si je me place dans ce coin-là de la salle et que je regarde le salon rouge, je le vois comme cela. Si je me place là, je le vois autrement. C'est le même salon rouge. J'admets qu'il s'agit du même problème. Ce n'est pas sous cet angle-là que je l'ai regardé. Je l'ai regardé sous d'autres angles. Je n'y ai pas pensé, parce que je n'avais plus aucun lien avec le mouvement syndical du point de vue juridique, aucun. Je suis toujours ami avec Fernand Daoust, c'est un bon copain, mais à part cela, rien.

M. Lalonde: Mais vous avez quand même consulté les dirigeants de la FTQ avant d'accepter.

M. Thibaudeau: Non, non. J'ai demandé à M. Laramée, qui était directeur du SFP à ce moment-là, s'il voyait des objections. J'étais tout de même le fondateur du SFP au Québec. Je voulais savoir comment il prendrait cela. Je voulais me renseigner. Il m'a dit qu'il ne voyait aucune objection. J'ai accepté, mais je ne représentais pas le mouvement syndical. Je représentais André Thibaudeau, citoyen.

M. Lalonde: Je pense que vous n'avez pas terminé votre mandat. Le mandat était de cinq ans?

M. Thibaudeau: De deux ans.

M. Lalonde: Seulement deux. Vous avez donc rempli le mandat jusqu'en octobre 1980?

M. Thibaudeau: Oui, oui. M. Lalonde: Cela va.

Le Président (M. Jolivet): Comme il est 12 h 30, nous ajournerons sine die. Le sine die veut simplement impliquer une motion à l'Assemblée nationale de la part du leader du gouvernement. Nous reprendrions normalement nos travaux vers 15 heures ou 15 h 30 et la parole sera à M. le ministre.

M. Thibaudeau: Est-ce que je dois revenir?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Thibaudeau. Vous êtes toujours à notre disposition.

M. Thibaudeau: C'est parce que je dois téléphoner à Montréal pour annuler une autre fois.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise de la séance à 15 h 38)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Le mandat, je le répète, est d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Puisque nous commençons une nouvelle séance, je dois vous rappeler que les membres de cette commission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Tremblay (Chambly), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), La-plante (Bourassa) et Dussault (Château-guay).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Desbiens (Dubuc), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert) et Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Au moment où nous avons suspendu nos travaux à l'heure du dîner, M. André Thibaudeau était la personne invitée à venir devant cette commission. La parole était à M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Thibaudeau: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Thibaudeau, vous pouvez intervenir.

M. Thibaudeau: ...avant que M. le ministre me pose des questions, j'aimerais revenir sur une question qui m'a été posée ce matin. J'ai relu le document et je crois que c'était une question du député de Mont-Royal. Elle concernait les 400 000 $. J'aimerais donner certaines précisions afin de bien se comprendre.

Premièrement, je ne faisais pas partie du conseil d'administration de la SEBJ à

l'époque. L'avocat syndical, d'après ce que j'ai pu savoir, aurait approché les compagnies d'assurances afin d'avoir un règlement à l'amiable à ce moment-là. Ce qui arrivait avec ce règlement à l'amiable, c'est que la SEBJ était obligée de diminuer sa demande de 400 000 $. On ne lui offrait pas 400 000 $. Elle était obligée de réduire de 400 000 $ - si on relit la page 17 - et de recevoir environ 800 000 $. Ce que nous avons reçu, en fait, est un montant d'environ 1 100 000 $ ou 1 200 000 $ des assurances. Autre chose. Cet arrangement, concédant un montant de 400 000 $, c'était comme si nous acceptions un tiers de la responsabilité du saccage, ce qui n'avait pas d'allure. Ce n'est pas tout à fait, si on le lit bien, une offre de 400 000 $ par rapport aux 200 000 $ qu'on a acceptés en 1979. C'est cette explication que je voulais donner sur cela, après m'être informé. Mais je dis que je n'étais pas partie à cela à ce moment. Les 400 000 $ - cela m'est revenu - ne pouvaient pas m'impressionner en 1979 parce que, dans le fond, on aurait reçu 800 000 $.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Vous êtes accompagné d'une autre personne. Simplement pour les besoins du journal des Débats, est-ce que vous pourriez nous la présenter?

M. Thibaudeau: Ils sont là pour m1 aider à un moment donné sur des choses, ce n'est pas pour répondre à ma place; ils sont là pour m'aider à retrouver un texte ou une explication juridique si j'en ai besoin.

Le Président (M. Jolivet): Simplement nous donner son nom, l'identifier.

Une voix: Mon nom est John Lussier.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais, M. Thibaudeau, d'abord vous dire que je n'en aurai que pour quelques minutes et que je tiendrai parole. Je voudrais vous référer à la page 134 du document qui a été déposé...

M. Thibaudeau: Page 134 du document.

M. Duhaime: ...de la Société d'énergie de la Baie James, qui réfère à l'avis juridique des procureurs Geoffrion et Prud'homme qui porte la date du 19 février 1979. Pour les fins du dossier, puisqu'il a été abondamment question de cet avis à la suite des questions qui vous ont été posées par le député de Mont-Royal - si j'ai bon souvenir, ce matin, à aucun moment cet avis juridique n'a été lu à la commission - je vous demanderais de le lire, s'il vous plaît.

M. Thibaudeau: Au complet ou à partir du paragraphe "Si la responsabilité"?

M. Duhaime: Voilà. Oui, à partir du dernier paragraphe de la première page.

M. Thibaudeau: "Si la responsabilité de l'International Union of Operating Engineers était retenue, ce serait par effet combiné des dispositions de ses statuts et des articles 1054 et 1731 du Code civil qui imposent aux commettants et aux mandants une responsabilité présumée. Tandis que, dans l'affaire Gaspé Copper Mines, il a été prouvé que des agents et représentants de l'union internationale avaient "fomenté, organisé, dirigé, soutenu et financé" la grève illégale et que certains actes de violence qui s'en sont ensuivis ont été commis avec "la participation, l'approbation expresse ou tacite, les encouragements, les incitations ou les appuis matériels et financiers des agents et représentants de la haute hiérarchie et direction" de la même union, nous n'avons pas, dans notre cas d'éléments de preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers aurait participé de semblable façon aux événements de mars 1974. "Or, sur une action en exemplification intentée devant la Cour fédérale du district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants américains), la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme suit..."

M. Duhaime: Je pense que le reste a été cité lorsque nous avons entendu M. Laliberté. Je voudrais simplement revenir sur cet avis juridique. La dernière ligne: "Nous n'avons pas dans notre cas d'éléments de preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers aurait participé de semblable façon aux événements de mars 1974." Donc, on réfère au saccage de la Baie-James. Cet avis juridique vient-il confirmer ou infirmer votre propre opinion dans ce dossier?

M. Thibaudeau: II vient confirmer mon opinion. Lors de mon témoignage du 31 mars, j'ai peut-être été un peu vite. J'ai essayé de faire une différence entre ce qu'était un agent d'affaires et un représentant international ou ce que j'appelle, dans mon langage, un fonctionnaire syndical. Un fonctionnaire syndical, c'est, en fait, quelqu'un qui est engagé par un exécutif, la plupart du temps, d'une fédération ou d'une confédération. Un agent d'affaires, c'est quelqu'un qui est très souvent élu ou nommé

par un exécutif d'un syndicat local, d'une cellule qui fait partie de la fédération. À Murdochville - je le sais et je les connais; je ne dirai pas qu'ils ont fait tout ce qui est dit - il y avait sur place deux représentants internationaux, donc des fonctionnaires des Métallurgistes unis d'Amérique, qui détenaient leur emploi des Métallurgistes unis d'Amérique dont le siège social est à Pittsburgh aux États-Unis.

Dans le cas Duhamel ici, eh bien, nous l'avons dit ce matin, l'International Union of Operating Engineers ne reconnaît pas que M. Duhamel est un de ses employés et elle n'accepte même pas, en vertu de sa constitution, le fait qu'il ait été choisi, nommé ou imposé comme agent d'affaires. Cela fait une très grande différence si je me réfère à l'autre cas qu'il y a eu sur la Côte-Nord, où des gens de la fédération de mines et métallurgie, CSN, avaient désapprouvé la grève. Ils ont été - d'après ce dont je me souviens, c'est de mémoire - libérés par la cour de toute accusation, mais il y avait un fonctionnaire relevant de la confédération. C'était un des liens, peut-être pas le seul, qui ont fait que le syndicat a été condamné à 10 000 000 $ et il y a eu un règlement de 2 000 000 $ après. C'est un élément, c'est un des gros éléments.

M. Duhaime: Une dernière question, M. Thibaudeau. Je voudrais, avant de vous la poser, vous référer à mon livre de chevet de ces jours-ci: Le rapport de la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction. Sous le chapitre VI, Le système et ses appuis, sous la rubrique Le roi de la construction, au deuxième paragraphe de la page 83, cela serait peut-être intéressant pour les membres de la commission. Je vous demanderais de le lire à partir du paragraphe: "Nul doute, par conséquent...", au deuxième paragraphe de la page 83.

M. Thibaudeau: M. le ministre, je crois qu'il nous arrive le même problème que la dernière fois.

M. Duhaime: On n'a pas la même pagination? Je peux bien le lire.

M. Thibaudeau: Non, je pense qu'il y a seulement une question de pagination.

M. Duhaime: On a le même livre, à la page 83.

M. Thibaudeau: Oui, page 83; quel paragraphe? Est-ce que le début de la page dit: Le 24 mars 1971?

M. Duhaime: Exact. L'avant-dernier paragraphe: "Nul doute, par conséquent..."

M. Thibaudeau: "Nul doute, par conséquent..."

M. Duhaime: Je n'ose pas le lire moi-même, même à l'appel des députés de ma gauche, parce qu'on me reprochera certaines intonations.

M. Thibaudeau: "Nul doute, par conséquent, que si quelqu'un était assez fort pour faire régner la paix syndicale à la Baie-James et empêcher toute grève pendant dix ans, c'était André Desjardins. Il était donc l'homme à voir." Voulez-vous que je continue?

M. Duhaime: Oui.

M. Thibaudeau: "Mais, une fois l'interlocuteur choisi, comment lui faire accepter un régime syndical qui exclurait le droit de grève pendant dix ans? En lui offrant le monopole, c'est-à-dire encore plus de pouvoir. Un employeur ordinaire n'aurait pas raisonné ni agi différemment. L'ennui, c'est que Desjardins était peut-être aussi habile que puissant. Après avoir entendu les propositions de MM. Paul Desrochers et Roland Giroux et accepté, pendant un certain temps de jouer le jeu d'une négociation avec les comités de travail issus des premières discussions, il cherche le moyen d'obtenir le monopole si convoité sans sacrifier le droit de grève. "Ce sera la loi 9. Tout en poursuivant du bout des lèvres ses pourparlers avec la SEBJ et l'Hydro-Québec, il signe une convention collective avec un groupe d'employeurs. Mais elle n'a aucune existence en vertu de la loi. Afin de la légaliser, il dresse devant le ministre du Travail le spectre d'une grève générale qui aurait été légale, pour changer. "L'Assemblée nationale adopte la loi 9 qui permet, en pratique, à André Desjardins d'imposer à tous les travailleurs de la construction, syndiqués ou non avec la FTQ, la convention collective qu'il vient de signer et toutes celles qu'il voudra bien conclure par la suite. Il n'a plus qu'à rompre le simulacre des négociations engagées sur l'autre front; elles sont devenues inutiles; il a obtenu ce qu'il voulait du gouvernement sans rien donner.

M. Duhaime: On pourrait peut-être s'arrêter ici, M. Thibaudeau. Je lis que la convention collective signée avec un groupe d'employeurs, page 84, "n'a aucune existence en vertu de la loi". Je crois comprendre que l'Assemblée nationale, qui a adopté la loi 9 en 1971, est venue légaliser une situation qui baignait dans l'illégalité. Vous qui êtes un expert en relations de travail, est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?

M. Thibaudeau: Oui. M. Duhaime: Vous êtes d'accord. M. Thibaudeau: C'était illégal. M. Duhaime: Je vous remercie.

M. Thibaudeau: En vertu de la loi 290 du temps.

M. Duhaime: Je n'aurai pas d'autres questions. Vous voyez comme j'ai tenu parole.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président. Si j'ai bien saisi, M. Laliberté...

M. Thibaudeau: Thibaudeau.

M. Paradis: C'est incroyable. C'est un lapsus incroyable. J'ai été impressionné par le témoignage de M. Laliberté. M. Thibaudeau, ce matin, vous nous avez parlé de votre cheminement, de votre stratégie. Vous nous avez dit que ce qui importait pour vous dans ce dossier, c'était que la paix sociale soit maintenue sur le chantier de construction de LG 2. Est-ce que c'est exact?

M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Paradis: Vous me faites signe que oui. Pour vous, les questions d'argent devenaient des questions d'ordre secondaire.

M. Thibaudeau: Je ne dis pas secondaire.

M. Paradis: Pas secondaire.

M. Thibaudeau: Pas secondaire dans le sens que, si on continuait le procès, si on s'engageait dans des procédures, et des procédures nous engagions des sommes énormes...

M. Paradis: D'accord.

M. Thibaudeau: ...et peut-être aussi des travaux retardés, encore des pertes. Il n'y avait pas seulement la paix sociale, il y avait la paix sociale mais, en même temps, il y avait aussi une question de coûts que j'anticipais, un danger de coûts énormes.

M. Paradis: Je vous remercie de la précision. Vous vous en alliez vers un règlement de toute façon depuis le début. Si vous avez voté pour les 500 000 $, d'après ce que je retiens de votre témoignage, c'est que cela faisait partie de votre stratégie le 20 janvier lorsque vous avez engagé les 500 000 $.

M. Thibaudeau: Le 20 novembre.

M. Paradis: Le 20 novembre, excusez-moi. Par la suite, le 9 janvier, quand vous avez voté en faveur de poursuivre l'action, cela faisait partie de votre stratégie. Et c'est là que je me réfère à des notes que j'ai prises - si on avait la transcription, cela pourrait être plus précis - vous avez dit: "Ce n'était pas à nous de faire les premiers pas pour un règlement. On n'était pas des coupables". Autrement dit: on n'est pas coupables, on n'a pas à faire les premiers pas. C'est important, ce principe-là pour vous là-dedans?

M. Thibaudeau: Écoutez. Nous sommes en face d'un procès qui a été intenté par la SEBJ en 1976. Nous entrons en fonction, le nouveau conseil, en octobre 1978. Il y a des engagements pris par d'autres que nous et, un bon jour, on nous arrive avec une demande. Les dossiers suivent leur cours. Les inscriptions en cour sont là. Et on nous arrive avec une demande de dossier que le nouveau conseil n'avait pas encore étudiée à fond. Mais ce sont des engagements de nos prédécesseurs qu'on ne peut pas balayer d'une "shot" comme cela. On nous demande cela et c'est là qu'on a commencé à dire: D'accord, on va faire une prévision budgétaire. Nous allons la faire et nous allons commencer à étudier le dossier. Et nous l'avons fait. J'ai déjà commencé à ce moment-là à poser des questions. Il y a eu des discussions entre nous. Un peu plus tard, on a dit: On continue parce qu'il ne semblait rien poindre à l'horizon. Le mot "stratégie" est peut-être malheureux de ma part, mais ce n'est pas simplement de la stratégie. C'est aussi de l'intelligence de dire qu'on va attendre ceux qui ont fait le saccage et qui sont coincés par le juge qui les attend. Finis les délais. On s'en va en cour. Est-ce qu'ils vont s'ouvrir ou s'ils vont continuer à se dire innocents et à dire que c'est nous, les coupables? Le nouveau conseil n'avait pas à accuser ses prédécesseurs. On n'avait pas à faire cela.

M. Paradis: Que ce soit une stratégie ou que ce soit de l'intelligence, disons, pour les fins de la discussion, que c'est une "stratégie intelligente"?

M. Thibaudeau: Non!

M. Paradis: On pourrait s'entendre là-dessus. Il fallait que les premiers pas viennent de la partie adverse de la SEBJ, c'est-à-dire des syndicats. C'est ce que vous avez dit ce matin: "Ce n'était pas à nous -je l'ai pris en note - de faire les premiers

pas pour un règlement. On n'était pas des coupables."

M. Thibaudeau: Je ne veux pas parler au nom de mes collègues, mais, personnellement, je peux vous dire que je n'étais pas prêt. Je l'ai mentionné très vite ce matin. J'ai dit que même le dirigeant syndical a eu de grosses responsabilités. J'étais totalement contre la violence, qu'on règle des problèmes de relations de travail par la violence. Et, en 1974, cela avait été terrible, tout de même, la violence qu'il y avait eu à LG 2. Bon, j'ai eu moi-même des problèmes avec la CSN, mais cela ne s'est jamais réglé dans la violence. Cela s'est réglé par des petits papiers dans des boîtes de scrutin. C'est comme cela que doivent se régler les différends. Même s'il y avait eu -je suis d'accord avec MM. Cliche, Chevrette et Mulroney - des faiblesses du côté patronal au point de vue organisationnel - il y a eu de grandes faiblesses qui ont amené une mauvaise atmosphère, il y a eu des employeurs qui ont fait des choses qu'ils n'auraient pas du faire, cela a été mis en preuve devant la commission Cliche - cela ne justifie pas de prendre un bulldozer et de s'en aller sur des tuyaux. Cela ne justifie pas ces choses-là, selon moi. Je me dis que, même s'il y a eu certains torts, ce n'est pas à nous - et c'est cela, l'affaire de 400 000 $ - d'ouvrir la porte. S'ils veulent un règlement hors cour, qu'ils viennent et on essaiera d'avoir le plus de reconnaissance de responsabilité.

M. Paradis: Si on se replace dans le contexte: Qu'ils viennent - je vais utiliser les mots que vous venez de prononcer - et fassent les premiers pas...

M. Thibaudeau: C'était dans ma tête. Je parle pour moi; je ne parle pas pour mes collègues.

M. Paradis: Vous avez votre cahier qui nous a été distribué par M. Laliberté qui s'intitule: Extraits du registre des procès-verbaux. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à l'ouvrir à la page 75. Est-il exact qu'à cette page-là vous retrouvez une offre de règlement - une ouverture, finalement - de Me Rosaire Beaulé, qui est l'avocat du syndicat américain et, pour qu'on le situe un peu plus dans le contexte politico-québécois, qui est l'ex-associé professionnel dans un bureau d'avocats de M. Jean-Roch Boivin qui est le chef de cabinet du premier ministre, et que cette offre-là porte la date du 22 janvier 1979? Est-ce exact?

M. Thibaudeau: Je ne sais pas. On a dû avoir ce document à la réunion du conseil, mais d'où il vient, je ne le sais pas. Il est signé Rosaire Beaulé à l'attention de M.

François Aquin, de Geoffrion et Prud'homme. C'est cela qu'on a eu au conseil.

M. Paradis: C'est ce que vous avez eu au conseil.

M. Thibaudeau: Je peux vous dire que je n'étais pas à cette réunion.

M. Paradis: D'accord. Mais vous l'avez eu au conseil à un moment donné.

M. Thibaudeau: On me remettait les documents. J'ai dû le lire dans le temps. Mais, lorsqu'on est absent d'une réunion,parfois, notre attention est moins bien aiguisée.

M. Paradis: D'accord. Ce matin, M. Laliberté a fait parvenir à la commission -peut-être pas ce matin, peut-être avant - un projet de règlement rédigé par les avocats de la Société d'énergie de la Baie James, à la demande de M. Claude Laliberté, qui est le président-directeur général de ladite société. On nous en a remis une copie ce matin. Je demanderais au secrétariat de le faire parvenir...

M. Thibaudeau: Me permettez-vous, M. le député, de poser une question technique?

M. Paradis: Oui, oui. Pendant qu'on vous fait parvenir le document du 18 janvier, soit le règlement hors cour que la direction de la SEBJ a demandé à ses procureurs de préparer, vous pouvez poser votre question technique, pour qu'on se comprenne bien.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Pendant que M. Thibaudeau prend connaissance de ce document, que j'examine moi-même, je me rends compte qu'il porte la date dactylographiée du 19 février 1979. La date est ensuite biffée, puis une note manuscrite indique, en dessous de 19 février, le 18 janvier. Est-ce que je... (16 heures)

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant! N'allons pas trop loin. Le ministre pose une question.

M. Duhaime: Je ne l'ai pas encore posée.

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui.

M. Lalonde: C'est une question de règlement.

M. Duhaime: Non, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Quelle sorte

de question?

M. Duhaime: Je peux en faire une question de règlement. Je pense qu'il faudrait qu'on identifie la date exacte de ce document, avant qu'on pose la question à M. Thibaudeau.

Des voix: Oui, oui, on va faire tout cela.

M. Duhaime: Ah bon!

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Paradis: Et si jamais je l'oubliais, M. le ministre, je suis certain que vous allez y penser.

M. Duhaime: Ah! D'accord. Vous êtes bien gentil.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, je vous ai distribué ce matin un document sur lequel était inscrit, sur une page blanche: "lettre du 18 janvier 1979". C'est donc le document que M. Laliberté a fait parvenir, à la demande de la commission, le jeudi saint dernier. À partir de cela, M. le député de Brome-Missisquoi a maintenant la parole.

M. Paradis: M. Thibaudeau avait une question.

M. Thibaudeau: C'était pour répondre à votre question, M. le député.

M. Paradis: Oui.

M. Thibaudeau: Ce matin, si je me souviens bien, j'ai dit que je ne me souvenais pas si ce document avait été déposé ou non. J'avais été dans l'expectative. La mémoire est une faculté qui oublie. Je crois que ce document a été déposé le 23 janvier au conseil.

M. Paradis: Ah bon!

M. Thibaudeau: Le procès-verbal n'en fait pas mention, c'est pourquoi j'étais mêlé.

M. Paradis: D'accord, cela va.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: De toute façon, vous avez présentement en main, dans le cahier devant vous, aux pages 75 et suivantes, la lettre de Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains, à laquelle il a joint une proposition de règlement hors cour. Vous avez cela dans le cahier.

Une voix: Page 75.

M. Thibaudeau: Oui, oui, je vais le trouver. Je l'ai.

M. Paradis: Le secrétariat de la commission vous a remis, j'espère, pendant ce temps, un projet de règlement du 18 janvier 1979, soit quelques jours avant, préparé par le bureau d'avocats de la Société d'énergie de la Baie James, soit le bureau de Geoffrion et Prud'homme.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Si vous voulez bien, on va tenter de comparer le règlement hors cour préparé par les avocats de la Société d'énergie de la Baie James, à la demande de M. Laliberté, le 18 janvier, et la lettre que vous a fait parvenir, le 19, soit le lendemain, Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains. Si vous prenez la page titre de la procédure, vous n'avez qu'à tourner la page "Lettre du 18 janvier", la lettre de Geoffrion et Prud'homme et on retrouve le papier de cour, finalement, ou le papier de règlement hors cour. Dans le cahier, cela se retrouve à la page 76.

Je vais vous lire ce que j'ai dans ce qui a été préparé par les avocats de la Société d'énergie de la Baie James et je vous demande en même temps de suivre dans le cahier ce qui a été préparé par Me Rosaire Beaulé, le lendemain, et de me dire s'il y a des différences entre les deux textes. Je prends le papier des avocats de la société, vous prenez le règlement hors cour de Me Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains. On essaie de trouver si ce sont des papiers pareils ou s'il y a des différences. S'il y a des différences, arrêtez-moi immédiatement.

En première page, en haut, à gauche, vous avez: "Canada, province de Québec, district de Montréal, no 500-05-003562-764." Maintenant, même disposition: À droite, "Cour supérieure, la Société d'énergie de la Baie James demanderesse, contre Yvon Duhamel et Michel Mantha et Maurice Dupuis et André Desjardins et René Mantha et le conseil d'administration de l'association, le groupement ou le syndicat généralement connu sous la dénomination de "local 791 de la FTQ-Construction", aussi connu sous la dénomination de "Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec", de "Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791" ou de "Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec (FTQ)", pouvant être désigné en anglais sous la dénomination de International Union of Operating Engineers, Local 791", groupement des salariés formé pour la poursuite d'un but commun dans le Québec, généralement réputé être affilié ou avoir été affilié à la

Fédération des travailleurs du Québec, au Congrès du travail du Canada ou au Conseil provincial des métiers de la construction et ayant son bureau d'affaires à Montréal; ès-qualité, nommé en vertu de la Loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers, sanctionnée le 22 mai 1975, ci-après désigné, pour les fins du présent document: l'Union des opérateurs de machinerie...

M. Thibaudeau: Bon, là, ce n'est plus le même texte.

M. Paradis: On va arrêter, ce n'est plus le même texte.

M. Thibaudeau: Non.

M. Paradis: Si je regarde - parce que je vais aller regarder ce que vous regardez -vous avez raison, M. Thibaudeau, votre texte se lit: "Le conseil d'administration de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde du Québec" et le mien se lit: "L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec". C'est exact? C'est la seule différence?

M. Thibaudeau: Ici, c'est indiqué: "Ci-après désigné, pour les fins du présent document, l'"Union" plutôt que le "conseil".

Vous m'avez dit de vous arrêter lorsqu'il y avait un changement, je vais le faire à la virgule.

M. Paradis: Oui, c'est pour cela qu'on le fait.

M. Thibaudeau: "Le conseil d'administration de l'Union internationale". Ici, c'est "l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791" et ici, c'est le "conseil d'administration"; donc, c'est le comité directeur et ici, c'est l'entité complète, c'est le syndicat complet des opérateurs de machinerie lourde, local 791 et il y a une date en bas, 19-1-79 que vous n'avez pas sur votre document.

M. Paradis: C'est vrai. Je suis content que vous attiriez l'attention sur la date. On la retrouve à toutes les pages et je ne l'ai nulle part. Cela voudrait dire que celle-là aurait été rédigée par l'avocat le 19 janvier 1979, soit le lendemain de la mienne.

M. Thibaudeau: II y a le mot "internationale" aussi qui ne paraît pas.

M. Paradis: D'accord! Pour être bien clair, on va essayer de comprendre notre première différence. J'ai dans mon texte: "Ci-après désigné, pour les fins du présent document, l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791".

Cela, c'est le texte de la SEBJ. Vous avez, dans le texte de Me Beaulé, procureur des syndicats américains: "Ci-après désigné, pour les fins du présent document, le conseil d'administration de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791". Est-ce que, à votre connaissance à vous, parce que vous connaissez bien ces choses-là, étant un spécialiste là-dedans, il s'agit de désigner la même entité?

M. Thibaudeau: La même entité, à l'exception qu'ici on désigne les gens élus du 791...

Une voix: Exact!

M. Thibaudeau: C'est cela. Les gens élus du 791. Et le 791, lorsque vous voyez l'union internationale et si vous voyez l'union des opérateurs, des fois ils mettent "internationale", d'autres fois, ils ne le mettent pas, mais c'est toujours le 791.

M. Paradis: D'accord! C'est à cause de la tutelle, finalement.

M. Thibaudeau: Probablement.

M. Paradis: D'accord! Je vous préviens que, chaque fois qu'il sera question de cette dénomination, je pense qu'on aura une différence de texte. Sauf cette différence, continuez à m'arrêter. Je reprends votre différence que vous avez soulignée aussi: La date le 19 janvier 1979, qui apparaît sur votre document, c'est-à-dire le document de Me Beaulé, n'apparaît pas sur le document des procureurs de la Société d'énergie de la Baie James.

On tourne la page. Dans le haut de la page, j'ai: "Et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec et l'International Union of Operating Engineers...

M. Thibaudeau:: Ne lisez pas trop vite, parce que je lis lentement.

M. Paradis: Je m'excuse M. Thibaudeau. Je vais lire plus lentement. FAT-CIO-CTC et le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ), défendeurs". On a en titre: "Déclaration de transaction faite suivant les articles 1918 et suivants du Code civil." Est-ce que cela va toujours? Est-ce toujours exact?

M. Thibaudeau: Jusqu'à maintenant, je ne vois pas de différence.

M. Paradis: À la première ligne - c'est la différence qu'on a mentionnée qui va se répéter tout le temps - j'ai "l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec,

local 791", et vous avez la même désignation à cause de la tutelle. Donc, "l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec et le Conseil provincial des métiers de la construction (FTQ)." Ensuite j'ai: "déclarent". Avez-vous cela aussi?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: "1. La SEBJ et les syndicats québécois ont été, sont et seront pour les prochaines années à venir associés ou partenaires dans la réalisation du projet de la Baie-James." Avez-vous cela? "2. Depuis l'événement malheureux du 21 mars 1974, les travailleurs, en très grande partie affiliés à la FTQ-Construction, ont donné et fourni une productivité considérable sur le chantier de la Baie-James."

M. Thibaudeau: Considérable? M. Paradis: Pardon?

M. Thibaudeau: "Une bonne productivité." Ici, vous avez "une productivité considérable".

M. Paradis: Ah oui!

M. Thibaudeau: Vous m'avez dit de vous arrêter même si cela veut dire la même chose.

M. Paradis: C'est très bien. Je vous remercie. C'est ce que je vous avais demandé de faire et vous ie faites à la perfection.

M. Thibaudeau: Même si cela veut dire à peu près la même chose.

M. Paradis: Je suis content que vous le souligniez, parce que moi, dans mon texte, j'ai lu ce qu'il y avait de dactylographié, mais il y avait un petit manuscrit à côté qui disait justement le mot que vous avez dit, "bonne".

M. Thibaudeau: Bonne.

M. Paradis: Donc, la procédure qui a été rédigée par vos avocats...

M. Thibaudeau: Entre parenthèses, "considérant".

M. Paradis: ...est totalement identique -c'est parce que je ne l'avais pas lu; c'était ma faute, je prends le blâme, M. Thibaudeau - à celle qui a été préparée le lendemain, le règlement hors cour, par Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains.

M. Thibaudeau: Je vous ferai seulement remarquer que ce n'est pas M. Laliberté qui a écrit cela, ce sont les avocats.

M. Paradis: Oui, à la demande de M. Laliberté; c'est ce que M. Laliberté nous a dit, c'est pour cela que je vous disais cela. On tourne la page?

M. Thibaudeau: J'avais une explication à vous donner.

M. Paradis: Prenez le temps.

M. Thibaudeau: Vous avez, dans le document que vous avez ici venant de la SEBJ, certaines ratures entre parenthèses et "bonne" et tout cela. C'est Me Gadbois qui a fait ces ratures en corrigeant.

M. Paradis: Oui, on les retrouve au propre, finalement, dans le document de Me Beaulé. C'est ce qui est de toute beauté. Est-ce exact?

M. Thibaudeau: Oui, il peut y avoir des comparaisons après.

M. Paradis: Je ne vous demande pas si c'est une comparaison; je vous demande si c'est exact.

M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Paradis: On tourne la page? On termine avec celle-là? Il y a le 19. Excusez, il y a encore la date qui est différente, mais on n'en reparlera plus, elle apparaît à toutes les pages. Le lendemain de celle des procureurs de la SEBJ, Me Beaulé écrit une date: Le 19. Celle des procureurs de la SEBJ...

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: ...à la demande de M. Laliberté, c'est le 18, et Me Beaulé, c'est le 19. Au paragraphe 3, j'ai ici: "Aucun des individus mentionnés dans l'action principale ne participe aujourd'hui à la vie syndicale dans l'industrie de la construction". Est-ce que vous avez cela?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Au paragraphe 4, j'ai ici: "Advenant une condamnation contre les syndicats québécois poursuivis dans le dossier, les salariés de la construction se joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux, rendant ainsi improbable l'exécution du jugement".

M. Thibaudeau: Le texte n'est pas là.

M. Paradis: II y a un trou dans la page?

M. Thibaudeau: Oui, il y a un trou.

M. Paradis: Cela serait mieux si les caméras étaient proches. Mon paragraphe 4 irait juste dedans. Dans celle qui a été préparée par les avocats de la SEBJ, ils ont mis un point d'interrogation que j'ai encerclé à côté. Vous pouvez le constater. Ils ne savaient pas s'ils devaient le garder. Me Beaulé, le lendemain, a décidé de l'enlever. C'est cela?

Une voix: II ne l'a même pas remplacé.

M. Paradis: II ne l'a pas remplacé, il a laissé le trou.

M. Thibaudeau: On ne le sait pas. Ce n'est pas moi...

M. Paradis: Vous ne le savez pas?

M. Thibaudeau: Je le vois. Je constate que ce que vous me dites.

M. Paradis: Vous constatez? Très bien, c'est suffisant.

M. Thibaudeau: Je vois là qu'il y a un trou. Je vois ici que c'est écrit à la main et qu'il y a un point d'interrogation.

M. Paradis: II y a un point d'interrogation. Vous constatez tout cela?

M. Thibaudeau: Bien, écoutez...

M. Paradis: D'accord. Au cinquième paragraphe que j'ai, vous, vous avez le no 4 à côté.

Le Président (M. Jolivet): Un instant, seulement un instant, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: II faudrait que M. le député puisse donner la lecture complète aussi de ce qu'il a en surplus dans le paragraphe 4: "C'est que dans le dossier,...". Après cela, il y a une petite flèche et on a rajouté: "S'il est possible".

M. Paradis: À la main.

M. Laplante: Oui, à la main.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, monsieur.

M. Laplante: Vous l'avez donné pour les autres paragraphes, j'aimerais bien que cela continue pour la vérité de la télévision.

M. Paradis: C'est mon erreur, M. le député de Bourassa, je m'en excuse profondément. Donc, je vais refaire la lecture au complet pour que toute la lumière, en largeur, en longueur et profondeur, soit faite. Je vais le relire. Celui que vous n'avez pas, celui que j'ai et je dirai, à un moment donné, "manuscrit", pour satisfaire le député de Bourassa. "Advenant une condamnation contre les syndicats québécois poursuivis dans le dossier manuscrit, s'il est possible - revenons au dactylo...

M. Thibaudeau: "Considérant qu'il n'y a aucun des syndicats... (16 h 15)

M. Paradis: ..."les salariés de la construction se joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux, rendant ainsi improbable l'exécution du jugement." Maintenant, j'ai un point d'interrogation. Il ne savait pas s'il en avait besoin. Dans l'autre texte, celui que vous avez, vous constatez qu'il y a un trou, c'est cela...

M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Paradis: ...où irait bien ce paragraphe-là. Au paragraphe suivant, on va avoir un problème de numérotation, vu qu'il n'y a pas de paragraphe 4 dans la vôtre; on va avoir un problème de numérotation. Sauf le problème de numérotation, je vous demanderais de m'arrêter. Je vais toujours être un en avance parce que moi, j'ai 5. "Considérant qu'il n'y a aucun...

Le Président (M. Jolivet): Avant, M. le député, pour dire que, dans nos textes de loi, il y a une concordance en termes de numéros.

M. Paradis: Très bien, M. le Président. 5 et 4 chez vous. "Considérant qu'il n'y a aucun des syndicats québécois qui puisse satisfaire à quelque jugement que ce soit..." Et là, j'ai aucun et "quelque" est souligné dans le mien. Vous, qu'est-ce que vous avez?

M. Thibaudeau: II n'y a pas de "quelque". C'est "à un jugement...

M. Paradis: C'est "à un jugement."

M. Thibaudeau: ...qui serait dans l'ordre de la réclamation."

M. Paradis: D'accord. Moi, mon "quelque" est souligné et vous, ils l'ont remplacé par "un".

M. Thibaudeau: "À un jugement" et "qui serait dans l'ordre de la réclamation."

M. Paradis: Et en marge - c'est bien qu'on le dise - cela a été modifié par les

avocats de la SEBJ, le 18; j'avais d'indiqué "modifié". Me Beaulé avait suivi les conseils des avocats de la SEBJ, mais, le lendemain, il l'a modifié.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais faire une question de règlement. Je n'ai aucune objection, comme je l'ai dit au début de cette commission et je l'ai rappelé ce matin, à ce que le député de Brome-Missisquoi pose toutes les questions pertinentes qu'il voudra; sauf erreur, il est avocat lui-même. Je voudrais lui faire une suggestion. Est-ce qu'il ne pourrait pas attendre que nous ayons ici à cette table les avocats, Me Beaulé, Me Jasmin et tous les autres, qui sont sans aucun doute les meilleurs témoins?

Je ne veux pas être encombrant, vous comprenez mon sens de la collaboration dans ce genre de commission. Je pense que vous posez des questions à un mauvais témoin. Je vous pose simplement un problème d'honnête justice. Qui, dans cette enceinte aujourd'hui, pourrait venir dire à toute la population du Québec qui a fait des notes manuscrites sur cette page? Je vous la pose, à vous, la question. Vous êtes en train d'essayer de faire ce que j'appellerais "une preuve", à partir de questions que vous adressez à M. Thibaudeau. Je suis convaincu que, si vous demandiez à quiconque ici - je vous pose la question à vous-même - Qui a fait des modifications là-dessus, moi, j'avoue que je ne le sais pas.

Alors, que vous vouliez aujourd'hui faire la comparaison entre un projet de transaction par rapport à un autre projet de transaction, je le veux bien. J'en prends connaissance comme vous. Il y a quand même un minimum. Vous ne pouvez pas deviner qui a pu écrire cela. Pour la bonne marche de nos travaux, puisque vous avez dit le jeudi saint au soir, à 22 heures, que vous en aviez pour quelques minutes avec M. Thibaudeau et que nous sommes en train de faire la journée, je vous suggérerais de retenir vos questions, quitte - et je vous le dis en toute ouverture à ce que, si vous le jugiez nécessaire, nous demandions à M. Thibaudeau de se tenir à la disposition de la commission. On pourra le rappeler la semaine prochaine, dans deux semaines, dans trois semaines ou dans un mois et il viendra compléter son témoignage.

J'interviens ici, M. le Président, parce que les règlements qui régissent ces commissions, en droit parlementaire, sont tout simplement inexistants. Nous n'avons aucun cadre de règlement ou de loi de la preuve quelconque, de sorte que moi, je veux bien vous entendre pendant les quatorze heures pour comparer les deux documents, mais tout ce que je vous fais remarquer, c'est que vous n'avez pas la bonne personne pour vous rendre le bon témoignage en pareille matière.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Thibaudeau: M. le Président, une correction. Chaque année, je corrige des devoirs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, sur la question de règlement de M. le ministre.

M. Paradis: Sur la question de règlement du ministre, je ne le demanderai pas à M. Thibaudeau, sauf s'il me dit de vive voix que c'est lui qui a apporté ces corrections. Je peux lui demander s'il sait qui et, s'il dit qu'il ne sait pas qui, il est capable de répondre. Il vient de mentionner qu'il a apporté beaucoup de corrections lui-même. S'il ne le sait pas, c'est un monsieur qui a témoigné...

M. Thibaudeau: Je parle d'étudiants.

M. Paradis: ...depuis ce matin, sérieusement, bien ouvertement, il a répondu aux questions. Là, on compare deux documents. Il est professeur et il connaît cela, des documents. Je trouve qu'il comparaît très bien jusqu'ici. Je suis très satisfait du témoin.

Le Président (M. Jolivet): Un instant.

M. Thibaudeau: Je peux vous dire d'avance que je ne sais pas qui a fait ces modifications et que ces documents, je ne les avais pas comparés dans le temps. C'est la première fois que je les compare avec vous.

M. Paradis: C'est pour cela que vous m'avez demandé d'aller plus lentement.

M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Paradis: Alors, on va continuer.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je n'ai pas soulevé inutilement cette question de règlement tout à l'heure. J'ai bel et bien entendu le député de Brome-Missisquoi dire, en posant une question: "C'est donc Me Beaulé qui a fait les corrections?" Qu'en savez-vous? Qui a dit cela ici? Ce que je vous ai dit au début de cette commission, c'est que, si vous êtes pour faire de l'invention et, ensuite, glisser une question à un témoin qui, en aucune manière, à mon point de vue, ne peut dire sous serment ici

qui a fait telle ou telle modification, je pense que vous avez suffisamment d'expérience et j'ajouterais que vous êtes assez bon stratège et intelligent pour, peut-être, retenir ma suggestion d'attendre d'avoir les procureurs et des syndicats et de la SEBJ ici, qui sont les auteurs mêmes des documents. Moi, je vais attendre, en tout cas, qu'ils soient présents ici pour les interroger là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que le député de Brome-Missisquoi sait ce qu'il veut établir et qu'il le fait d'une façon très claire pour tout le monde. On pourrait sûrement accepter, par exemple, la suggestion du ministre à savoir que, pour les changements, de toute évidence, M. Thibaudeau n'en est pas l'auteur. On pourra les établir à un autre moment, lorsqu'on aura les témoins pertinents.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Brome-Missisquoi?

M. Paradis: Quelques-unes, M. le Président. On va recommencer le paragraphe 5, pour se replacer un petit peu parce que c'est la première fois que vous en prenez connaissance. Le paragraphe 5 que j'ai ici -le paragraphe 4 pour vous - se lit comme suit: "Considérant qu'il n'y a aucun des syndicats québécois qui puisse satisfaire à quelque jugement que ce soit..."

M. Thibaudeau: Quelque?

M. Paradis: Vous avez "quelque" de différent?

M. Thibaudeau: Non, non. Vous, vous avez "quelque" et moi, je n'ai pas le mot "quelque". Je lis: "à un jugement qui serait dans l'ordre de la réclamation".

M. Paradis Ah! Et vous avez cela en plus, vous?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: "Dans l'ordre de la réclamation", c'est en plus?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Maintenant, moi, j'ai un grand espace - un espace normal - entre les paragraphes 5 et 6. Vous, est-ce que l'espace a diminué entre les paragraphes? Entre les paragraphes 4 et 5?

M. Thibaudeau: Non.

M. Paradis: Cela n'a pas diminué?

M. Thibaudeau: Vous avez le document? Alors? Vous voyez comme moi ce que je vais vous répondre.

M. Paradis: Je ne voulais pas vous vanter avant le temps, M. Thibaudeau, et vous étiez excellent jusqu'à présent!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, je vous arrête.

M. le député de Chambly demande la parole sur une question de règlement.

M. Tremblay: M. le Président, j'ai de la difficulté à voir la pertinence du travail qui est en train de se faire.

Le Président (M. Jolivet): Attendez. S'il vous plaît;

M. Tremblay: Je vais m'expliquer.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement.

M. Tremblay: La comparaison des deux textes que le député de Brome-Missisquoi est en train de faire faire par M. Thibaudeau pourrait très bien être faite par n'importe quelle personne qui est ici dans la salle, par n'importe quel député qui est là, par n'importe qui, en fait. M. Thibaudeau n'a jamais produit ce document-là, à ce que je sache. Jamais personne ne lui a imputé la paternité, ni de l'un ni de l'autre de ces textes. Ce que je me demande, c'est comment on peut demander à M. Thibaudeau de les corriger ou de les comparer. Je pense que, dans ce sens-là, si j'étais à sa place, je me sentirais un peu humilié par l'attitude du député de Brome-Missisquoi de me faire faire un travail comme celui-là. Alors, je me demande quelle est la pertinence d'une opération comme celle-là. Est-ce qu'il est dans l'intention du député de Brome-Missisquoi d'humilier le témoin ou s'il cherche véritablement à faire comparer un texte que n'importe qui pourrait comparer ici et ce que lui-même pourrait parfaitement faire dans son bureau pour en établir la différence?

M. Paradis: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je ne demanderai pas au député de Chambly de comprendre. Ce n'est pas le témoin, non plus, M. Thibaudeau, qui a rédigé le rapport Cliche ou qui avait rédigé les opinions juridiques que le ministre lui a demandé de lire tantôt. Ce qu'on tente

d'établir dans le dossier, ce sont les faits, en largeur, en longueur et en profondeur, à la demande de mon premier ministre et de votre premier ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: On est bien d'accord avec cela, mais je dis qu'il faut le faire en commission parlementaire, sans humilier les témoins.

Le Président (M. Jolivet): Écoutez.

M. Paradis: M. Thibaudeau, je vais être obligé de vous adresser une question.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

J'ai dit la dernière fois que les règles de cette commission parlementaire sont les règles habituelles d'une commission parlementaire. Le ministre a même surajouté en disant qu'il n'y a aucune autre règle, compte tenu que cette commission parlementaire - ne l'appelons pas spéciale -quand même a un effet particulier. Une chose est certaine, c'est que je ne sais pas où veut en venir le député de Brome-Missisquoi. J'essaie de voir avec vous au fur et à mesure qu'on avance. Je pense que si le témoin - comme on l'appelle de ce côté-ci, mais qui est en fait un invité - ne veut pas répondre à la question, je lui ai donné les paramètres possibles en vertu d'une analogie avec l'article 168.2 et 168.3 du règlement. D'un côté, ce qui pourrait être fait en questionnant M. Thibaudeau pourrait être fait avec tous les membres du conseil d'administration de la SEBJ, mais, de l'autre côté, une chose est certaine, c'est qu'il faudrait éviter que le temps s'éternise sur les questions. Je voudrais que le député arrive le plus rapidement au but qu'il recherche et que je ne connais pas.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, on reprend donc avec le paragraphe 6. J'espère, M. Thibaudeau, que vous ne vous sentez pas humilié de l'exercice qu'on fait. On reprend le paragraphe 6 qui est le paragraphe 7 pour vous et moi, j'ai dans le texte qui a été préparé par les avocats de la SEBJ ce qui suit: "L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, et l'Union des opérateurs de machinerie lourde..."

M. Thibaudeau: Votre paragraphe 6 devient mon paragraphe 5.

M. Paradis: C'est cela, "...du Québec reconnaissent leur responsabilité dans la présente instance."

M. Thibaudeau: Ici, "le conseil d'administration de l'Union internationale des opérateurs - je pense qu'il s'agit de la même correction qu'au début...

M. Paradis: Est-ce qu'il y a autre chose?

M. Thibaudeau: ...reconnaissent leur responsabilité dans la présente instance."

M. Paradis: C'est identique.

M. Thibaudeau: Je pense qu'il n'y en a pas d'autre.

M. Paradis: Mon article 7 qui est votre article 6: "L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec reconnaissent que les dommages réclamés sont fondés pour une partie substantielle de ceux-ci, mais ajoutent que, grâce à la productivité des travailleurs québécois, ils ont été mitigés d'une façon importante. Je devrais ajouter ce qui est écrit dans la marge à la main - je ne sais pas par qui - "climat paisible, bonne relation."

M. Thibaudeau: Ici, on lit: "...et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec reconnaissent que les dommages réclamés sont fondés pour une partie substantielle de ceux-ci, mais ajoutent que, grâce à la productivité des travailleurs québécois résultant du climat paisible et des bonnes relations de travail existant sur les chantiers, ils ont été compensés de façon importante." Il y deux lignes qui ont été ajoutées.

M. Paradis: Mon paragraphe 8 qui est celui des avocats de la SEBJ et votre paragraphe 7 qui est celui de Me Rosaire Beaulé, avocat des syndicats américains - se lit comme suit: "Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ) ne reconnaît pas sa responsabilité, mais verse une partie de l'indemnité forfaitaire qui est une des considérations de la présente transaction." J'ai quelque chose qui a été écrit à la main, mais je n'arrive pas à le déchiffrer. Avez-vous le même texte?

M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Paradis: Exactement le même texte. Maintenant en majuscules, j'ai "L'INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS (FAT-CIO-CTC) DÉCLARE..." Est-ce que vous avez la même chose?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Et mon paragraphe 9 qui

est votre paragraphe 8 dit ce qui suit: "Elle ne reconnaît pas sa responsabilité dans la présente instance."

M. Thibaudeau: "Elle réitère qu'elle nie toute responsabilité."

M. Paradis: C'est la différence qu'on a. M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: "Mais pour manifester sa coopération avec les syndicats québécois..."

M. Thibaudeau: Ce n'est plus cela.

C'est: "Quant aux faits qui ont donné ouverture à la présente cause." Il y a cela aussi qui a été rajouté.

M. Paradis: J'ai: "Elle ne reconnaît pas sa responsabilité dans la présente instance, " et vous avez: "Elle réitère qu'elle nie toute responsabilité quant aux faits qui ont donné ouverture à la présence cause"?

M. Thibaudeau: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Je tiendrais simplement à vous faire remarquer que lui, il n'a pas. Ce sont les textes qui ont. Je pense qu'il est important de le préciser.

M. Paradis: Vous avez dans le livre...

M. Thibaudeau: Je parle du document que j'ai.

M. Paradis: Dans le règlement hors cour...

Le Président (M. Jolivet): Mais vous l'avez, tous les deux aux documents quand même.

M. Thibaudeau: Oui, oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa. (16 h 30)

M. Laplante: Ne trouvez-vous pas que la comédie a assez duré jusqu'à maintenant? Il y a sept pages de texte comme cela; et le député a copie des deux textes. Je pense que c'est faire offense à l'intelligence de l'invité, ce qui se fait actuellement. Juste à lui voir le visage, lorsque monsieur répond à la question sur la comparaison des textes, cela a l'air sarcastique vis-à-vis du témoin.

M. Lalonde: Question de règlement.

M. Laplante: II rit du témoin actuellement. Il faudrait que la télévision voie seulement le visage de cet homme qui questionne actuellement le témoin...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: À l'ordrel

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Laplante: ...pour voir jusqu'à quel point on rit du témoin actuellement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: II y a là une question de règlement, même s'il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): II n'y en a pas eu.

M. Lalonde: Sûrement que la question de règlement existe. Le député de Bourassa n'a pas le droit d'imputer des motifs indignes à aucun des membres de cette commission. Nous faisons un travail ardu, d'accord, difficile et qui demande de l'attention et qui demande surtout pas trop trop d'interruptions. Nous faisons un travail sérieux nous voulons être entendus sérieusement. Mais je n'accepterai pas que le député de Bourassa impute des motifs indignes au député de Brome-Missisquoi qui tente simplement de faire la preuve de l'identité quasi jumelle des deux documents.

M. Laplante: Je maintiens, M. le Président, ce que j'ai dit et j'aimerais que la caméra vise de temps en temps le député de Brome-Missisquoi pour voir son attitude...

Des voix: Ah! Ah!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: ...face aux réponses du témoin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

Une voix: Donnez-donc des directives à la presse.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa. Quant à moi, je n'ai aucune directive à donner à aucun caméraman, ni aux personnes qui sont responsables de téléviser ces débats. La seule chose que je peux dire, c'est que, depuis le début de

cette commission parlementaire, nous avons une façon différente de téléviser les débats de la commission, puisque ce ne sont pas les même règles que celles pour la télédiffusion des débats de l'Assemblée nationale. On a eu connaissance de la façon dont Radio-Québec a télévisé les débats la dernière fois. Je dois simplement dire qu'il n'y a pas, dans les règlements de la télédiffusion des débats, d'action et de réaction aux questions et réponses données par chacun des membres qui sont questionnés ou qui questionnent.

Je demande au député de Brome-Missisquoi de procéder le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

M. Paradis: M. le Président, il est difficile d'aller rapidement lorsqu'on est interrompu.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le député.

M. Paradis: On reprend donc, au paragraphe 9 du texte des avocats de la Société d'énergie de la Baie James, la déclaration du règlement hors cour datée du 18 janvier. Vous reprenez celle de l'avocat, Me Rosaire Beaulé, représentant le syndicat américain, sa proposition de règlement hors cour du lendemain. Ce que je retrouve dans le texte de l'avocat de la SEBJ, c'est: "Elle ne reconnaît pas sa responsabilité dans la présente instance - là, on parle de l'International Union, pour que ce soit compréhensible - mais pour, manifester sa coopération avec les syndicats québécois qui lui sont affiliés, verse une partie de l'indemnité forfaitaire qui est une des considérations de la présente transaction."

M. Thibaudeau: II y a des différences.

M. Paradis: Est-ce que vous pourriez les mentionner, s'il vous plaît?

M. Thibaudeau: "Elle réitère qu'elle nie toute responsabilité quant aux faits qui ont donné ouverture à la présente cause, mais, pour manifester sa coopération avec le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ), verse une partie de l'indemnité forfaitaire qui est une des considérations de la présente transaction".

M. Paradis: On a tourné notre page ensemble, on est une page plus loin. C'est le paragraphe 10 du texte des avocats de la SEBJ qui ont rédigé le règlement hors cour, le 18 janvier, et le paragraphe 9 du texte de l'avocat de l'International Union, qui l'a rédigé le 19 janvier, soit le lendemain. On retrouve dans celui des avocats de la SEBJ: "Dans cette perspective, l'International Union of Operating Engineers consent à ce que le présent litige ne soit plus soumis à la décision du tribunal."

M. Thibaudeau: Même chose.

M. Paradis: Exact. Complètement la même chose. La ligne suivante, en majuscules: "LE LOCAL 134 DE LA FRATERNITÉ UNIE DES CHARPENTIERS ET MENUISIERS D'AMÉRIQUE DÉCLARE - dans le paragraphe 11, donc le paragraphe 10 de l'autre déclaration de règlement hors cour -"il ne reconnaît pas sa responsabilité dans la présente instance, mais consent à ce que le présent litige ne soit plus soumis à la décision du tribunal".

M. Thibaudeau: "II réitère qu'il nie toute responsabilité quant aux faits qui ont donné ouverture à la présente cause, mais consent à ce que le présent litige ne soit plus soumis à la décision du tribunal".

M. Paradis: La première partie de la phrase est différente; la seconde est identique. C'est exact?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Maintenant, en lettres majuscules, un peu avant le milieu de la page, dans le règlement hors cour des avocats de la Société d'énergie de la Baie James, on retrouve: "LA SOCIÉTÉ D'ÉNERGIE DE LA BAIE JAMES DÉCLARE..." Dans la déclaration hors cour du lendemain, de Me Beaulé, vous avez la même chose?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Même chose, bon. Dans le paragraphe 12, et 11 dans l'autre: "La Société d'énergie de la Baie James continue de maintenir que tous les défendeurs sont conjointement et solidairement responsables des dommages réclamés dans la présente instance".

M. Thibaudeau: Oui. M. Paradis: Identique?

M. Thibaudeau: "La Société d'énergie de la Baie James continue de maintenir que tous les défendeurs sont conjointement et solidairement..." Oui, c'est la même chose.

M. Paradis: Même chose. 13 qui est 12: "La société prend acte de l'aveu de responsabilité de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, et de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec."

M. Thibaudeau: Ici, c'est le mot "conseil" plutôt qu'"union". "Conseil

d'administration de l'Union internationale des opérateurs."

M. Paradis: C'est celui qui revient tout le temps?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: 14, qui est 13: "La société tient compte de la contribution du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ) et de l'International Union of Operating Engineers (FAT-CIO-CTC) au paiement de l'indemnité mentionnée aux conclusions."

M. Thibaudeau: "Des présentes".

M. Paradis: Vous avez cela, en plus?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Ils ont ajouté le mot "des présentes". 15 qui est 14: "Elle reconnaît aussi que l'exécution d'un jugement contre les syndicats québécois et les individus mis en cause - on tourne la page - comme défendeurs dans la présente instance est fort aléatoire."

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Identique. 16: "La Société d'énergie de la Baie James constate que l'avancement des travaux sur le chantier de LG 2 laisse prévoir, si le rythme actuel se maintient, que ces travaux seront terminés près de sept mois - entre le "de" et le "sept", j'ai quelque chose de manuscrit que je n'arrive pas à déchiffrer - avant la date prévue à l'échéancier originaire. Cette fin des travaux, qui ne pouvait être prévue au moment de l'institution des procédures, économisera à la Société d'énergie de la Baie James des sommes fort considérables."

M. Thibaudeau: Même chose.

M. Paradis: Identique. 17 qui est 16: "La Société d'énergie de la Baie James considère comme primordial le maintien de relations de travail aussi harmonieuses que possible avec les travailleurs de la Baie-James et les syndicats qui représentent ces derniers, non seulement pour terminer le projet de LG 2, tel que mentionné plus haut, mais en vue aussi du parachèvement de tous les travaux prévus à la Baie-James."

M. Thibaudeau: Même chose.

M. Paradis: Identique. Suivant. 18 qui est 17: "Considérant la présente transaction avec les syndicats québécois et l'importance du maintien d'excellentes relations internationales de la société d'énergie et aussi des autres institutions gouvernementales oeuvrant dans le domaine hydroélectrique, il apparaît injustifié dans les circonstances de continuer les procédures contre." Là, manuscrit, il y a "la seule International Union of Operating Engineers (FAT-CIO-CTC)."

M. Thibaudeau: Oui. Le mot "seule" est dactylographié ici.

M. Paradis: On le retrouve au dactylo. Maintenant, c'est la seule différence?

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: 19, qui est 18: "La Société d'énergie de la Baie James avait le devoir d'intenter, à l'époque, les présentes procédures. En revanche, cette société a maintenant la responsabilité d'évaluer les différents facteurs mentionnés plus haut et dont la plupart sont survenus depuis l'institution de l'action."

M. Thibaudeau: Même chose.

M. Paradis: Maintenant, au bas de la page, en lettres dactylographiées majuscules: "LA SOCIÉTÉ D'ÉNERGIE DE LA BAIE JAMES; L'UNION DES OPÉRATEURS DE MACHINERIE LOURDE DU QUÉBEC, LOCAL 791". Là, j'imagine que c'est la même correction que d'habitude. Dans le haut de la page suivante, toujours en majuscules: "L'UNION DES OPÉRATEURS DE MACHINERIE LOURDE DU QUÉBEC; L'INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS (FAT-CIO-CTC); LE LOCAL 134 DE LA FRATERNITÉ UNIE DES CHARPENTIERS ET MENUISIERS D'AMÉRIQUE; ET LE CONSEIL PROVINCIAL DU QUÉBEC DES MÉTIERS DE LA CONSTRUCTION (FTQ) "CONVIENNENT DE PASSER TRANSACTION ET DE RÉGLER - et je lis, à partir toujours du document du 18 janvier, document de règlement hors cour de la Société d'énergie de la Baie James - LA PRÉSENTE INSTANCE HORS COUR, CHAQUE PARTIE PAYANT SES PROPRES DÉPENS POUR LES DIFFÉRENTES CONSIDÉRATIONS..."

M. Thibaudeau: Attendez, je pense qu'il y a une petite différence.

M. Paradis: Ah oui, vous avez "payant"; moi, j'ai "dépens"; vous avez "ses propres déboursés ou honoraires judiciaires".

M. Thibaudeau: C'est cela.

M. Paradis: C'est exact. "POUR LES DIFFÉRENTES CONSIDÉRATIONS MENTIONNÉS PLUS HAUT ET POUR LA CONSIDÉRATION MONÉTAIRE FORFAI-

TAIRE DE..." Là, j'ai un blanc. M. Thibaudeau: Oui. M. Paradis: Vous? M. Thibaudeau: "125 000 $".

M. Paradis: Qui va juste dans le blanc, finalement, qu'on a inséré.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: ..."Versée par le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, (FTQ) ET L'INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS (FAT-CIO-CTC) À LA SOCIÉTÉ D'ÉNERGIE DE LA BAIE JAMES." Maintenant, j'ai "MONTRÉAL" en majuscules, "le" en minuscule, un trou pour la date et "1979" au bout.

M. Thibaudeau: C'est cela.

M. Paradis: C'est exact, c'est identique. Société d'énergie de la Baie James, par -j'ai deux lignes - Geoffrion et Prud'homme, procureurs de la SEBJ.

M. Thibaudeau: Oui.

M. Paradis: Moi, j'ai - et là, on doit avoir la même différence que d'habitude - ...

M. Thibaudeau: La même.

M. Paradis: ..."L'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, par - deux lignes -Jasmin, Rivest, Castiglio, Castiglio et Lebel, avocats, procureurs de l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791." Sauf la distinction...

M. Thibaudeau: Toujours.

M. Paradis: ...où on s'est entendu tout le long. À la page suivante - je lis toujours à partir du règlement hors cour préparé par les avocats de la SEBJ le 18, et vous êtes toujours sur le règlement hors cour préparé par Me Beaulé, l'avocat des syndicats américains, le lendemain - "L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec par - deux lignes - Hugues Leduc, avocat, procureur de L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. "International Union of Operating

Engineers (FAT-CIO-CTC), par - deux lignes

Beaulé et Lafortune, procureurs de

International Union of Operating Engineers

(FAT-CIO-CTC). "Le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, par -deux lignes - Robinson, Cutler, Sheppard,

Borenstein, Shapiro, Langlois, Flam et Cournoyer, procureurs du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique."

Ligne suivante: "Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ) par - deux lignes - Jasmin, Rivest, Castiglio, Castiglio et Lebel, procureurs du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ)."

C'est tout. A-t-on exactement le même nombre de pages?

M. Thibaudeau: Pardon?

M. Paradis: A-t-on exactement le même nombre de pages pour constater cela?

M. Thibaudeau: Oui, oui. M. Paradis: C'est cela. Oui? M. Thibaudeau: Oui, oui.

M. Paradis: Est-ce que vous avez constaté par la comparaison qu'on a faite ensemble la disposition identique des deux textes?

M. Thibaudeau: On a comparé la même chose, M. le député.

M. Paradis: Bon! C'est identique. Les caractères de dactylo sont-ils identiques?

M. Thibaudeau: Je n'ai pas fait attention sur le coup.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Thibaudeau: Mais je ne suis pas un expert.

M. Paradis: D'accord! Cela va. Je retire la question.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M...

M. Duhaime: C'est ce que j'allais suggérer, M. Thibaudeau, je suis prêt à reconnaître son expertise, mais pas en dactylographie.

M. Paradis: Je vais vous demander autre chose: Est-ce que cela a l'air semblable?

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, pour qu'on puisse comprendre qui parle. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, j'espère que le député de Brome-Missisquoi continuera dans la même voie et ne transposera pas.

Les personnes qui sont appelées devant cette commission sont expertes dans leur domaine, mais tout le monde conviendra qu'en matière de dactylographie, à moins que je ne fasse erreur, le député de Brome-Missisquoi n'en connaît pas plus que moi-même. Je doute que M. Thibaudeau puisse nous dire, à partir d'une photocopie, quelle est la machine à écrire qui a pu frapper ces pages. Je suis très heureux qu'il réalise que sa question était non seulement non pertinente, mais inutile.

M. Paradis: Je réalise que le ministre une fois...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: ...que je l'ai retirée, a quand même voulu faire sa question de règlement pour faire gagner du temps sans doute à la commission.

On constate qu'il s'agit de textes identiques, à quelque...

M. Thibaudeau: Deux documents de travail qui se ressemblent.

M. Paradis: Deux documents de travail qui se ressemblent. Même disposition?

M. Thibaudeau: Ici, tout est à la machine à écrire; ici, il y a des remarques faites à la plume.

M. Paradis: Qui ont été corrigées par la deuxième machine à écrire qui est passé dessus.

M. Thibaudeau: C'est ce que je vois comme papier. Je vois aussi bien que vous. Vous, qu'est-ce que vous voyez?

M. Paradis: C'est exactement ce que je vois. Je veux qu'on s'entende comme il faut. J'espère que tout le monde voit la même chose.

M. Thibaudeau, ce qui m'inquiète, c'est que, d'un côté, on a une opinion qui est préparée le 18 janvier par un document de règlement hors cour, pour régler une cause hors cour le 18 janvier par les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James. De l'autre côté, on a un document de règlement hors cour, très semblable pour ne pas dire identique...

M. Thibaudeau: S'il vous plaît! Les derniers mots que vous avez dits, je les ai manqués.

M. Paradis: D'accordl Je vais reprendre du début pour qu'on se suive bien. D'un côté, on a une déclaration de règlement hors cour, une transaction en date du 18 janvier 1979 préparée par vos avocats de la Société d'énergie de la Baie James; qui porte la date du 19, le lendemain, au bas de toutes les feuilles. D'un autre côté, on a un règlement hors cour identique, à quelques points près -les corrections qui ont été apportées, qu'on a soulignées ensemble d'ailleurs - qui porte la date du 19 janvier, le lendemain, par Me Rosaire Beaulé, procureur... (16 h 45)

M. Thibaudeau: Ce n'est pas un règlement de cour, l'autre.

M. Paradis: Non. C'est un document, une présentation, une offre de règlement hors cour. C'est ce que c'est. C'est le titre.

M. Thibaudeau: Je suis d'accord avec vous, c'est une offre; mais ce n'est pas le règlement de cour.

M. Paradis: D'accord. Un projet, pour être bien spécifique. "Déclaration de transaction faite suivant les articles 1918 et suivants du Code civil." Ce que j'avais retenu des propos que vous avez prononcés ce matin et que vous avez répétés spontanément en début d'après-midi, c'est que c'était important pour vous que l'ouverture de règlement vienne de l'autre côté. Là, on se retrouve devant cette commission-ci et on s'aperçoit que c'est la Société d'énergie de la Baie James, par ses procureurs, qui a préparé la transaction du règlement hors cour; que Me Beaulé, l'avocat qui représente le syndicat américain et qui est l'ex-associé professionnel du chef de cabinet du premier ministre du Québec, Jean-Roch Boivin, le lendemain, a le texte identique et qu'il vous le fait parvenir, à la Société d'énergie de la Baie James, le 22 janvier. Il vous le fait parvenir le 22 janvier; la lettre l'accompagne.

Vous me dites: II faut que cela vienne de l'autre partie. On a une stratégie derrière cela, quand la SEBJ vote 500 000 000 $, quand on décide de continuer. Mais je sais personnellement, vous me dites cela, que je m'en vais vers un règlement. Je suis obligé de conclure, si ce règlement a vraiment été préparé, comme c'est démontré actuellement, le 18 janvier par vos avocats, que la meilleure façon de s'assurer qu'on va recevoir une offre de règlement de la partie adverse, c'est de la préparer soi-même et de se la faire envoyer.

M. Thibaudeau: M. le Président, cela peut être l'interprétation de M. le député.

M. Paradis: Comment voyez-vous cela?

M. Thibaudeau: Ce n'est pas tout à fait comme cela que je le vois. Je vais répondre, M. le Président. Nous avons, en date du 16 janvier, à la page 71, tout de même une

lettre signée par Michel Jasmin.

M. Paradis: Qui est une autre partie. M. Thibaudeau: Michel Jasmin qui...

M. Paradis: Ce n'est pas l'International, cela.

M. Thibaudeau: ...commence à ouvrir la porte à l'intention de Me Jean-Paul Cardinal.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.

M. Paradis: Excusez, je voudrais qu'on spécifie, M. le Président, qu'il s'agit...

M. Thibaudeau: Une minute, on reviendra.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.

M. Thibaudeau: II y a "proposition de règlement", à la page 73.

M. Laplante: Au dactylo.

M. Thibaudeau: Non, je veux dire qu'il y a des documents, il y a des papiers. On a été inondé. On avait un panier à côté de notre banc lorsqu'on était assis au conseil d'administration. On arrivait avec cela. Ce que je retiens, c'est que, à un moment donné, on a eu un rapport disant que le côté des défendeurs cherchait un règlement. Nous l'avons su soit par M. Laliberté ou par nos procureurs, et c'est cela que nous avons entendu au conseil d'administration. Là, on a eu une avalanche de documents, les dates et tout cela. Mais, je peux vous dire que, pour moi, le commencement d'un règlement hors cour, que ce soit à 50 000 $, 75 000 $ ou 125 000 $ ou n'importe quoi, cela a commencé du côté des défendeurs et non pas de notre côté, d'après ce que j'ai vu au conseil.

M. Paradis: D'accord. C'est cela que je recherche, finalement, dans la vérité. Dans ce que vous avez vu, vous, comme administrateur au conseil...

M. Thibaudeau: J'étais un administrateur. Nous avions des gestionnaires à qui nous donnions - M. Gauvreau l'a dit, on ne les suivait pas chaque jour; souvenez-vous du témoignage du notaire Gauvreau - un mandat et ils nous faisaient rapport. C'est nous qui étions, en fin de compte, les décideurs à la fin. Cela, vous l'avez. Pour moi, cela a commencé là où il y avait une porte qui s'ouvrait. Je ne change pas mon témoignage du 31 dans ma tête.

M. Paradis: Ah non!

M. Thibaudeau: II est très...

M. Paradis: Je ne pense pas que l'exercice qu'on vient de faire ensemble...

M. Thibaudeau: Non, pas du tout.

M. Paradis: ...contredise en aucun point le témoignage que vous avez rendu. Ce qui m'inquiétait là-dedans...

M. Thibaudeau: Mais j'aimerais que vous questionniez ceux qui l'ont travaillé. Moi, je ne l'ai pas...

M. Paradis: Je voulais seulement m'assurer que vous ne saviez pas que, le 18 janvier, vos avocats rédigeaient un projet. Quand vous avez pris connaissance, au mois de février, de l'offre de Me Beaulé, j'en déduis que vous ne saviez pas, non plus, qu'elle était identique ou très semblable à celle préparée par vos propres avocats la veille que Me Beaulé fasse la sienne.

M. Thibaudeau: Si je me souviens, on l'a vue le 23 janvier.

M. Paradis: Vous l'avez vue le 23 janvier, de mémoire.

M. Thibaudeau: Ce matin, je vous ai dit que je ne m'en souvenais pas, je ne le savais pas. À cause de vos travaux, j'ai eu le temps de dîner et de réfléchir et je pense qu'on a eu cela le 23 janvier.

M. Paradis: Quand vous l'avez eue le 23 janvier, est-ce qu'on vous a dit que c'était vos avocats qui l'avaient préparée, Me Beaulé?

M. Thibaudeau: Non, je ne me souviens pas de cela.

M. Paradis: Vous ne vous souvenez pas de cela. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Ma question a été posée.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il n'y a plus d'autres questions? S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie M. Thibaudeau et j'inviterais M. Pierre Laferrière à venir nous rencontrer.

M. Thibaudeau: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député

de Châteauguay.

M. Dussault: Pendant que nous allons permettre au nouvel invité de s'asseoir à la table, je voudrais faire remarquer que nous avons, à toutes fins utiles, passé au-delà de trois heures avec M. Thibaudeau. Jeudi, la dernière fois que nous avons travaillé ensemble, au moment où nous avons fini nos travaux, l'Opposition nous avait dit qu'elle en avait pour quelques minutes de questions encore à M. Thibaudeau. Nous avons passé trois heures et la très grande partie du temps que nous avons passé à travailler là-dessus a été prise par l'Opposition. M. le Président, ou, jeudi ils avaient l'intention d'escamoter la question ou ils étaient de mauvaise foi. Je comprends maintenant pourquoi le ministre a eu la sagesse de demander que nous reportions nos travaux à la prochaine fois. Nous avons bien fait parce que nous constatons aujourd'hui que nous avions raison.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur cette question.

M. Lalonde: Le député de Châteauguay a eu son petit tour de piste à la télévision. J'aimerais lui rappeler que ce matin j'ai donné les explications et que, c'est vrai, j'ai confirmé que jeudi saint, à 22 heures, on croyait pouvoir libérer M. Thibaudeau et ne pas l'obliger à revenir; pour cela, j'avais l'intention de lui poser quelques questions. Cela aurait peut-être pris une demi-heure ou dix minutes ou quinze minutes, mais réellement c'était mon intention.

Le ministre a insisté pour qu'il revienne. Il est revenu aujourd'hui. Nous avons eu un nouveau document que M. le député de Brome-Missisquoi a analysé en longueur et en profondeur avec le témoin. Tout cela prend plus de temps. D'ailleurs à la lumière de la transcription de la preuve que nous avions à ce moment, que nous n'avions pas eu le temps d'analyser complètement jeudi, nous avons eu des inspirations que nous n'avions pas jeudi.

M. Oussault: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais rapidement parce que M. le député de...

M. Dussault: ...une question de règlement. M. le député de Marguerite-Bourgeoys admet tout simplement qu'on avait eu tout à fait raison, pour la clarification de la question qui s'est posée ici, de revenir avec M. Thibaudeau aujourd'hui. C'est tout simplement cela, sauf que les travaux se sont produits aujourd'hui de façon telle que cela ressemble étrangement à ce genre de "filibuster" qu'on a souvent l'occasion de voir de la part de nos amis d'en face.

Deuxièmement, M. le Président, si j'avais voulu faire mon tour de piste, j'aurais dit que je m'opposais à ce type d'intervention que faisait tout à l'heure le député de Brome-Missisquoi, M. Paradis, qu'il abusait systématiquement de notre invité, que cela ressemblait étrangement au genre d'abus auquel a eu droit M. Laliberté quand il a comparu devant la commission ici. Si j'avais voulu faire mon tour de piste, j'en aurais profité bien avant cela pour le dire, parce que cela m'écoeurait profondément, ce qui se passait. On a abusé non seulement de M. Thibaudeau, mais on a abusé de toute la population en général et de l'Assemblée nationale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne veux pas, non plus, étendre le débat, mais des propos abusifs comme ceux qu'on vient d'entendre n'aident pas la commission à faire son travail. Je réitère que j'étais malheureux pour M. Thibaudeau qu'il soit obligé de revenir. Mais je dois reconnaître que je suis fort heureux aujourd'hui qu'il soit revenu.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Maintenant, je demanderais à M. Jean Bédard, le greffier, d'assermenter, à la demande du député de Marguerite-Bourgeoys, M. Laferrière.

M. Pierre Laferrière

Le greffier (M. Jean Bédard): M. Laferrière, pourriez-vous mettre la main sur l'évangile et répéter après moi, je (vos nom et prénom) jure et déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

M. Laferrière (Pierre): Je, Pierre Laferrière, déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que M. Laferrière a une première intervention à faire ou si l'on passe directement aux questions? M. Laferrière.

M. Laferrière: J'aurais une courte déclaration.

Le Président (M. Jolivet): Allez, monsieur.

M. Laferrière: Je siège au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, d'Hydro-Québec et d'Hydro-Québec International depuis octobre 1978. J'exerce depuis plus de dix ans le métier de conseiller en administration. J'ai la chance

d'avoir une clientèle nationale et internationale constituée surtout de grandes entreprises privées, de sociétés d'État et d'organismes gouvernementaux. J'ai reçu une formation en administration et j'ai moi-même enseigné de temps à autre l'administration des affaires et la gestion de projets dans quelques universités du Québec, surtout au niveau des étudiants de maîtrise. J'ai publié quelques articles. Mon métier m'a donné l'occasion de voir de nombreux projets à travers le monde et, sans en prendre aucun mérite, je peux vous dire que celui de la Baie-James est très bien géré.

J'ai voté en faveur de la résolution le 6 mars 1979. Bien que j'aie tenu compte de la position prise par le chef du gouvernement, les motifs qui m'ont incité à prendre cette décision étaient essentiellement d'ordre administratif, propres à la SEBJ. J'ai voté en faveur de la résolution sensiblement pour les mêmes raisons que celles que vous avez entendues de la bouche de mes collègues. Comme André Thibaudeau, j'estimais minces nos chances d'établir les différents liens de responsabilité nécessaires à la preuve. Comme lui, je craignais pire encore advenant un jugement qui nous serait favorable, soit la perturbation de la paix syndicale obtenue sur le chantier et le déclenchement de luttes intersyndicales si nuisibles à la productivité des travailleurs. Comme Hervé Hébert, je ne croyais pas de notre rôle de punir les coupables, la justice s'en chargeant. Comme lui aussi, je doutais de notre capacité d'établir une forte perte réelle. Comme Georges Gauvreau, je croyais que la nécessité pour nous d'établir un exemple s'était estompée.

Comme quelques-uns de mes collègues, j'aurais souhaité obtenir un peu plus, car je savais qu'il serait difficile d'expliquer comment on peut régler pour 200 000 $ alors qu'on poursuit pour 32 000 000 $. Régler pour 1 000 000 $ ou régler pour un montant équivalant à nos frais, au moins, nous aurait sans doute permis d'être moins exposés à la critique. Mais seraient passés sous silence certains paramètres financiers du dossier qui sont, à mon avis, autrement plus importants.

Je vous ai résumé, par le témoignage de mes collègues, les principales raisons qui ont pesé dans ma décision. Le seul élément additionnel que j'aimerais apporter à leur témoignage, c'est ma propre analyse du risque qui était associé à cette décision et la situer dans sa véritable perspective financière. Une des questions que je me posais, moi, à la fin de 1978, au début de 1979, c'était: Quel impact peut avoir cette décision sur le cheminement futur de nos travaux? À cette époque, nous savions - nous pensions - que chaque turbine devait être livrée à temps et qu'il ne fallait pas glisser de beaucoup dans l'échéancier pour qu'il nous en coûte très cher. Combien une mauvaise décision pouvait-elle coûter à la SEBJ? Je ne tenterai pas de vous proposer un chiffre. Mais, pour vous permettre de vous faire votre propre cadre de référence, je voudrais tout simplement vous rappeler que les turbines du projet La Grande, phase 1, produiront annuellement environ 2 000 000 000 $ de revenus pour Hydro-Québec au prix d'aujourd'hui. Ceci signifie environ, en production moyenne, 5 500 000 $ par jour. Vous en conviendrez que c'est sensiblement plus que ce que nos avocats peuvent nous facturer. C'est précisément la livraison de ces turbines qu'il nous fallait éviter de perturber. Cette considération dans mon métier s'appelle l'analyse du "down-side risk" en bon français. Combien de jours risquions-nous de perdre par une mauvaise décision? (17 heures)

J'ai vu sur d'autres projets des retards se mesurer en années. Ici, nous parlions de 5 500 000 $ par jour. Nous n'avons pas encore parlé de l'effet de l'inflation sur le coût des travaux qu'on reporte dans le temps. Dans la plupart des projets que j'ai eu l'occasion de voir dans ma vie, le facteur d'écart le plus important au niveau des coûts est généralement, et de loin, le facteur temps, c'est-à-dire l'étirement dans le temps du déroulement du projet. J'avais personnellement acquis la conviction que, plus on ferait d'efforts pour récupérer les 32 000 000 $, plus on augmentait les possibilités de perturber les travaux et de ramasser une facture qui pouvait alors totaliser des centaines de millions, voire des milliards ou plus.

Ces chiffres ne sont pas précis. C'est une de leurs faiblesses évidentes dans un forum comme celui-ci. Ils n'ont pas été repris à leur compte par nos avocats. C'est une de leurs faiblesses encore plus grande. Ils sont, néanmoins, tout aussi plausibles dans mon esprit que les 32 000 000 $ dont on a davantage parlé. Je pense avoir pris une bonne décision ce 6 mars 1979. Le temps écoulé me renforce dans cette conviction puisque, quatre ans après, nous savons de façon à peu près certaine que le projet se termine à l'intérieur de son échéancier et surtout à l'intérieur de ses coûts.

Je voudrais dire en terminant, dans la position de un de ceux qui ont été favorables à la décision, que je respecte la décision d'intenter la poursuite qui a été prise par mes prédécesseurs. Elle s'est faite dans un contexte différent de celui que nous vivions et, heureusement pour moi, c'est une de plus que je n'aurai pas à expliquer. Je respecte particulièrement les cadres et les administrateurs qui ont vécu le saccage. Pour l'avoir entendu de la part de certains d'entre eux, je réalise à quel point ces événements ont été humainement éprouvants pour eux. Je

souhaite qu'aucun de nos grands chantiers actuels ou à venir ne connaisse à nouveau de tels actes de barbarie. Je suis maintenant prêt pour les questions.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Laferrière. À partir de la déclaration préliminaire que vous venez de faire, j'ai cru comprendre, en vous écoutant attentivement, que vous avez mentionné que pour vous la preuve des dommages aurait été difficile à faire, la preuve des dommages sur le montant de 32 000 000 $ réclamé. Voudriez-vous détailler un peu plus sur ce sujet, à la lumière de ce que vous avez dit plus loin, que les échéanciers ont été respectés.

Le Président (M. Jolivet): M.

Laferrière.

M. Laferrière: En fait, il serait plus facile de reprendre ce qu'on entend ces jours-ci. Je pense que mon rôle ici est d'essayer de me rappeler ce que j'ai considéré comme étant important à l'époque en prenant ma décision. Un argument dont je me souviens à cet égard est que, dans les 32 000 000 $, environ 20 000 000 $ représentaient ce que nous avions perdu à cause du retard dans l'échéancier. Si je me souviens bien, il me semble, au moment où on entrait en cour au mois de janvier 1979, que ces retards étaient déjà récupérés et qu'il aurait été assez difficile de faire valoir ces éléments. C'est un élément dont je me souviens. Pour le reste, je vous avoue qu'il me serait assez difficile de vous dire que je suis d'accord avec tel montant qui a été réclamé ou pas d'accord avec tel autre, cela fait trop longtemps.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Laferrière, vous avez dit tout à l'heure que vous vous interrogiez sur la façon d'exécuter le jugement. Autrement dit, une fois le jugement obtenu, comment pouvait-il être exécuté, peu importe le montant qu'un tribunal aurait pu reconnaître comme bien-fondé? Est-ce que vous vous êtes également interrogé sur la solvabilité des syndicats? Il en a été fait état par d'autres membres du conseil d'administration.

M. Laferrière: J'ai posé, dès le début, des questions là-dessus. Je venais d'arriver au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. Je pensais qu'il s'agissait d'un dossier important. J'étais absent à la réunion où mes collègues ont voté le budget pour les honoraires d'avocats.

J'ai lu cela dans le procès-verbal par la suite. C'est un dossier que j'ai voulu approfondir dès le départ. Je ne suis pas avocat. Il me semblait, au point où nous en étions rendus, à peu près deux ou trois ans après le début de la poursuite et quelque cinq ans après le saccage, qu'il y avait eu toutes sortes d'événements qui s'étaient produits et que la question nous était posée avant d'entrer en cour finalement: Est-ce qu'on continue dans la même voie? J'ai posé des questions là-dessus. Ma première impression dans ce dossier était que, comme société d'État, comme entité économique, notre priorité était d'aller chercher un règlement pour les torts qui nous avaient été causés financièrement, que c'était notre rôle. Il ne s'agissait pas d'essayer de remplacer les cours de justice.

Je comprends qu'au début, avant que la commission Cliche fasse son travail, avant que les cours criminelles interviennent, le portrait se présentait sous un certain angle et, comme employeur, dans un chantier aussi important, nous avions la responsabilité de maintenir l'ordre sur les chantiers. Mais, déjà, il y avait eu un certain nombre de gestes, de décisions, de jugements, etc, qui y avaient contribué dans ce sens. Alors, ma première façon d'aborder le dossier a été de me dire: On poursuit pour de l'argent, est-ce qu'on va aller en chercher vraiment? Quelle est l'espérance de gain que nous avons dans cette action? Quel est notre risque de perte? Je me suis mis à gratter cet aspect.

Je déplore un peu que l'analyse qui circule jusqu'à maintenant assimile notre risque à la baisse à nos honoraires d'avocats, à nos frais judiciaires dans cette affaire. Ce n'est pas vrai que c'était la seule chose que nous risquions là-dedans. Aujourd'hui, quatre, cinq ans après, on voit ce magnifique projet qui se déroule à l'intérieur de ses coûts, de ses échéanciers, tout va bien, bravo! C'est une des plus belles réalisations au monde. Je pense que les gens qui y ont contribué peuvent en être fiers. Mais, à l'époque, il y avait eu un saccage quelques années auparavant et on n'avait pas passé le "peak" de nos travaux - si vous me passez l'expression - on n'avait pas passé le sommet de nos travaux. Comme administrateur, l'une de mes préoccupations importantes, je pense, était de ne pas prendre des décisions qui pouvaient perturber le bon déroulement des travaux. Aujourd'hui, c'est relaxant d'y penser. On a cinq ans dernière nous, cela a bien fonctionné. Mais essayez de vous mettre dans l'esprit que j'avais à ce moment-là après ce qui s'était passé sur ce chantier. Il n'était absolument pas improbable dans mon esprit - je ne suis pas un spécialiste en relations du travail - qu'il y ait d'autre bisbille dans un chantier comme celui-là et je savais pertinemment que, si on prolongeait un projet comme celui-là - je ne vous invite

pas à le faire, parce qu'on me le reprocherait - si cela vous plaisait d'inviter les économistes d'Hydro pour faire des calculs sur ce que cela pourrait coûter de prolonger un projet comme celui-là d'une année, les chiffres qui sortiraient d'une affaire comme celle-là seraient effarants.

Or, à mon point de vue, ce n'était pas impossible qu'on pose des gestes qui aient ces conséquences. Ce n'était pas le 500 000 $ d'honoraires d'avocats qu'on risquait, à mon point de vue. C'était beaucoup plus si on prenait de mauvaises décisions. Il y a des gens qui nous disaient à l'époque et vous avez cité des textes de recommandations qui nous ont été faites: Si vous voulez continuer à ce que cela aille bien, continuez votre poursuite. Je ne peux pas dire que cela a été une décision simple; cela a été une décision complexe prise dans un contexte de relative incertitude comme toutes les décisions importantes qu'on prend dans un conseil d'administration et, pour les raisons que je vous ai mentionnées dans ma déclaration préliminaire, je pensais que c'était en allant vers un règlement, sans faire un long procès, qu'on pouvait le mieux éviter de perturber ce chantier.

M. Duhaime: II a été dit, M. Laferrière, que l'année 1979 - je crois que c'est M. Laliberté qui en a fait état - avait été l'année durant laquelle on avait atteint un sommet dans les investissements sur le chantier de la rivière La Grande. On a même avancé le chiffre de 3 000 000 000 $. Est-ce que vous pouvez confirmer ce chiffre?

M. Laferrière: Certainement pas de mémoire mais, comme ordre de grandeur, vous avez probablement raison.

M. Duhaime: Ce qui veut dire un rythme moyen d'investissement de 60 000 000 $ par semaine, si on fait un calcul rapide.

M. Laferrière: Cela a de l'allure. Je pense que, dans le cadre de certaines réunions que nous avions à l'époque, on pouvait décider de sommes comme celles-là à l'intérieur d'une même réunion.

M. Duhaime: Maintenant, M. Laferrière, je voudrais vous demander si le premier ministre du Québec, M. Lévesque, a déjà communiqué avec vous, d'une façon ou de l'autre, lui-même au sujet de discussions qui, à l'époque, avaient lieu au conseil d'administration de la SEBJ pour vous donner à vous personnellement son sentiment, son souhait ou sa propre orientation?

M. Laferrière: Non.

M. Duhaime: Est-ce Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre aurait fait une démarche semblable?

M. Laferrière: Non.

M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique au cabinet du premier ministre, aurait fait une démarche semblable à votre endroit? Je parle explicitement de janvier, février 1979, à l'époque où le conseil d'administration avait sur sa table de travail les documents qu'apprécie beaucoup le député de Brome-Missisquoi, qui étaient des échanges de papier de part et d'autre mais où on discutait à ce moment d'une possibilité de règlement hors cour?

M. Laferrière: Non, pas à ce moment. Pour l'information de la commission, M. Gauthier a communiqué avec moi au mois de novembre 1978. C'est à sa demande que je l'ai rencontré. Il venait d'abandonner sa fonction de tuteur dans des syndicats concernés. J'ai un souvenir très vague de cette rencontre. Je n'ai pas de procès-verbal pour m'aider. Je sais que la commission doit attacher une certaine importance à ce genre de rencontre et je vais essayer de vous en dire, de mémoire, le plus fidèlement possible, ce que j'en conserve. (17 h 15)

II m'a parlé davantage comme ex-tuteur du syndicat dont il avait eu la charge. Je pense que cela faisait seulement un mois ou quelque qu'il avait quitté ce poste. Je dois vous dire que j'étais par contre parfaitement conscient qu'il était devenu membre du bureau du premier ministre.

J'ai vu dans sa démarche une initiative que j'ai crue personnelle. En sortant de là, je ne peux pas dire que je connaissais précisément la position du bureau du premier ministre dans cette affaire. Il ne m'a rien demandé; il ne m'a pas demandé de parler à mes collègues; je n'en ai pas parlé à mes collègues qui, d'ailleurs, la plupart, doivent être en train de l'apprendre, et je n'ai pas eu d'autres contacts avec lui pendant toute cette période.

M. Duhaime: Au meilleur de votre souvenir, M. Laferrière, je comprends que j'aurais à vivre le même problème si j'avais à répondre à la même question, mais à l'occasion de cette rencontre que vous situez en novembre 1978, avez-vous souvenir de ce dont il a été question de façon plus précise?

M. Laferrière: Mon souvenir est qu'il n'y a pas eu un seul sujet de conversation. Si vous voulez, je vous décrirais cela un peu comme d'autres rencontres qu'on a en tant qu'administrateurs de la SEBJ ou d'Hydro-Québec. De temps en temps, il y a des gens

qui demandent à vous rencontrer et ils ont un point de vue à vous faire valoir. Il y a un manufacturier de turbines qui vous rencontre pour vous faire valoir le fort contenu québécois de son produit, la haute technicité de son produit. Quand vous allez dans les régions, parce que de temps en temps on tient des réunions dans les régions, il y a des cadres qui sollicitent votre attention et veulent attirer votre attention sur un point en particulier ou l'autre. J'ai vu cette démarche un peu comme cela, comme quelqu'un qui avait vécu récemment dans le monde syndical concerné par notre poursuite et qui sortait les meilleurs arguments qu'il pouvait trouver pour que nous ne poursuivions pas dans cette action.

M. Duhaime: C'est tout pour moi, M. le Président.

M. Laferrière: Je ne me souviens pas des arguments qu'il a utilisés, toutefois, je vous avoue que...

M. Duhaime: Merci, M. Laferrière.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, vous avez été nommé au conseil d'administration au mois d'octobre 1978; qui vous a appelé pour...?

M. Laferrière: C'est celui qui était alors ministre de l'Énergie, M. Guy Joron. Il m'a convoqué et m'a présenté dans ses grandes lignes la nouvelle Loi sur Hydro-Québec et sa vision de la politique énergétique. Après avoir fait cela, disant qu'il y aurait onze membres au conseil d'administration, il m'a demandé si j'étais intéressé à occuper un de ces sièges.

M. Ciaccia: Quand vous a-t-il appelé pour vous demander cela?

M. Laferrière: Dans les quelques jours qui ont précédé le 1er octobre 1978, quelques jours ou quelques semaines.

M. Ciaccia: Avant votre nomination au conseil d'administration, le 1er octobre, connaissiez-vous M. Claude Laliberté, M. Claude Roquet et M. André Thibaudeau?

M. Laferrière: Je ne connaissais pas M. Claude Laliberté. Je connaissais M. Claude Roquet de réputation, mais on ne s'était pas rencontré; j'avais étudié, entre autres, avec un de ses frères à l'école des Hautes études commerciales. Je connaissais M. Thibaudeau qui, comme il vous l'a indiqué, était mon professeur de relations du travail, quand j'ai fait mon MBA à l'école des HÉC, et je dois vous dire que, à cette époque, il ne venait pas en commission parlementaire et il donnait tous ses cours.

M. Ciaccia: Claude Laliberté, dans son témoignage, nous a déclaré qu'il vous avait informé de sa rencontre du 3 janvier 1979 avec Jean-Roch Boivin du bureau du premier ministre et du désir de ce dernier que la SEBJ abandonne sa cause. En quels termes M. Laliberté vous a-t-il fait connaître la volonté de Jean-Roch Boivin et à quelle occasion? Y avait-il d'autres personnes présentes?

M. Laferrière: II n'y avait pas d'autres personnes présentes, au meilleur de mon souvenir. Cela n'a pas fait l'objet d'une démarche particulière de sa part. C'est plus le genre d'information qu'on peut donner à un autre membre du conseil dans une conversation de corridor. D'ailleurs, je pense que, de la façon dont il me l'a dit, il n'a pas sollicité de réaction particulière de ma part, de comportement particulier, de conseil, ou quoi que ce soit. Il me l'a dit comme cela. Comme, de temps à autre, un P.-D.G. d'une société vous dit: II s'est produit telle chose. Je ne me suis pas senti lié de quelque façon que ce soit.

M. Ciaccia: Comment avez-vous interprété cette volonté du bureau du premier ministre de vouloir un règlement?

M. Laferrière: Comment ai-je interprété? Je peux vous dire que la réponse que j'ai eue à ce moment-là a été: Ah!

M. Ciaccia: Mais en quels termes...

M. Laferrière: Sur le coup, je ne sais pas si j'ai essayé d'interpréter cette volonté.

M. Ciaccia: En quels termes vous a-t-il communiqué cette volonté? Comment vous a-t-il expliqué?

M. Laferrière: II m'a dit, au meilleur de mon souvenir: J'ai rencontré Jean-Roch Boivin et il souhaiterait qu'on règle. C'est au meilleur de mon souvenir.

M. Ciaccia: La rencontre à laquelle vous vous référez où vous avez rencontré M. Yves Gauthier, quelle était la date de cette rencontre?

M. Laferrière: Le 3 novembre 1978.

M. Ciaccia: C'était le 3 novembre. Le 27 novembre, vous avez assisté à un conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James et vous avez soulevé certaines questions. Je présume que vous aviez vérifié le procès-verbal de la réunion du 20

novembre, puisque vous étiez absent à cette dernière, qu'avez-vous fait après avoir vérifié le procès-verbal du 20 novembre?

M. Laferrière: Bon! Je ne sais pas si on peut employer l'expression "vérifier". Généralement, quand je suis absent à une réunion, je lis le procès-verbal. Quand j'y étais, je le lis à plus forte raison pour voir s'il est conforme. Comme la question venait d'être soulevée par la résolution de mes collègues, j'en ai profité pour obtenir des renseignements additionnels que je voulais dans ce dossier. Je les ai obtenus deux séances plus tard.

M. Ciaccia: À la réunion du 27 novembre, vous avez dit que vous aviez demandé une documentation sur la capacité de payer de chaque personne physique ou morale qui est impliquée à titre de défenderesse dans cette cause, ainsi qu'une opinion juridique sur les liens de responsabilité financière de ces diverses personnes. Quand vous demandiez le lien de responsabilité financière, comment cela vous était-il venu de poser cette question le 27 novembre?

M. Laferrière: Vous savez, ces résolutions ou ces demandes des administrateurs qui apparaissent dans les procès-verbaux, ce que vous lisez, c'est la rédaction du secrétaire du conseil. Est-ce que je les ai demandées dans ces termes? Je ne m'en souviens pas et cela m'étonnerait que ce soit en aussi belle forme. Mais j'ai vu, si je me souviens bien, qu'on poursuivait un paquet d'individus, un paquet d'organismes. Je ne suis pas avocat. Je cherchais à voir là-dedans lesquels pouvaient payer. Je me suis dit: ce n'est pas le syndicat un tel, personne morale, qui est venu jeter les réservoirs en bas de la côte en 1974, ce sont des personnes physiques. Je voulais comprendre le lien entre ces gestes physiques qui avaient été posés puis ces personnes morales que sont les syndicats mentionnés là-dedans.

M. Ciaccia: Pour retourner en arrière un peu. La réunion avec M. Yves Gauthier, où a-t-elle eu lieu? Où l'avez-vous rencontré?

M. Laferrière: Au meilleur souvenir, c'est au cours d'un déjeuner. Au meilleur de mon souvenir c'était à l'hôtel Méridien de Montréal.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est M. Gauthier lui-même qui vous avait demandé de vous voir?

M. Laferrière: Je pense avoir déclaré que c'était à sa demande.

M. Ciaccia: Pourquoi avez-vous demandé, le 27 novembre, qu'on vous produise une opinion légale sur les liens de responsabilité financière? Vous vouliez un lien de responsabilité entre les défendeurs. Aviez-vous une raison spécifique?

M. Laferrière: Je ne me souviens pas si j'ai demandé qu'on me produise une opinion légale spécifiquement pour cela. Peut-être que je devrais relire la résolution. Ce que j'ai obtenu c'étaient des choses existantes.

M. Ciaccia: Je lis directement du procès-verbal l'opinion juridique sur les liens de responsabilité financière.

M. Laferrière: Alors, au procès-verbal c'est marqué que j'ai demandé une opinion juridique. Est-ce que je l'ai formulé comme cela au cours de la réunion. Je ne suis pas arrivé avec une proposition écrite, nous les administrateurs on ne fait pas cela. À un moment donné dans une réunion on dit: eh bien! il y a telle chose qui m'intéresse. On a une procédure pour obtenir des informations à la Société d'énergie de la Baie James comme à Hydro-Québec, procédure formelle à laquelle j'essaie de m'en remettre le plus possible.

On a le droit de demander n'importe quel renseignement au président du conseil, au président ou au secrétaire de la corporation.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné que quand vous n'assistiez pas ou que vous assistiez à une réunion, vous relisiez les procès-verbaux. Vous ne vous êtes pas objecté au libellé de ce procès-verbal.

M. Laferrière: Non.

M. Ciaccia: Cela c'était le 27 novembre. Le 28 novembre, la défenderesse, l'International Union of Operating Engineers a produit sa défense deux jours après la date du 28 novembre. Au paragraphe 17 - le paragraphe 7 et aussi au paragraphe 17 - on lit le même motif. Il n'y a pas de lien de droit entre la défenderesse et la demanderesse the International Union of Operating Engineers. Est-ce que cela serait un coincidence que le 27 vous demandiez le lien de responsabilité, une opinion là-dessus, et puis le 28 la défenderesse, Me Rosaire Beaulé invoquait le même argument? Est-ce que vous trouvez cela une coincidence? Aviez-vous une prémonition?

M. Laferrière: Je suis tout à fait à l'aise là-dessus. C'est une parfaite coincidence. Ce que vous dites là, je l'apprends maintenant. Je ne savais même pas que le lendemain il y avait ces événements que vous décrivez.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez jamais été employé comme permanent du Parti québécois?

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: Alors, vous connaissiez Me Rosaire Beaulé?

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: Vous connaissiez Jean-Roch Boivin.

M. Laferrière: Oui.

M. Duhaime: Est-ce que vous me connaissiez à ce moment-là?

M. Ciaccia: Est-ce que cela faisait longtemps que vous connaissiez ces gens-là?

M. Laferrière: L'emploi auquel vous référez couvre les années 1968 à 1970, en fait deux ans. Il n'y a pas grand monde qui a des souvenirs précis à quelle date exactement on a connu ces personnes. Toutes les personnes que vous avez mentionnées je pense bien que c'est dans le cadre de cet emploi que je les ai connues.

Permettez-moi de préciser - vous ne posez pas la question, mais elle me serait extrêmement utile - que pendant tout cela je n'ai jamais parlé à Me Rosaire Beaulé. (17 h 30)

M. Ciaccia: À la réunion du 27, le problème que vous aviez soulevé, c'était le lien de responsabilité. Cet après-midi, vous nous dites, dans votre déclaration d'ouverture, que ce qui vous a motivé dans l'analyse du risque, c'est l'impact que pouvait avoir la décision sur le cheminement futur de vos travaux. Vous venez nous dire cela aujourd'hui. Pourquoi, le 27 novembre, n'était-ce pas la raison que vous avez invoquée dans le procès-verbal? Vous avez strictement parlé du lien de responsabilité, mais vous n'avez pas soulevé cette question d'impact sur les travaux futurs. Vous ne l'avez pas invoquée du tout.

M. Laferrière: Le 27 novembre, comme dans bien d'autres cas au conseil d'administration, j'ai posé une question. On a eu, entre le mois de novembre et le mois de mars, toute une période de temps pour réfléchir à cette question-là. C'est sûr que ma propre réflexion a évolué pendant une période aussi longue alors qu'il y a eu autant de réunions où on a parlé de cette question-là et alors que j'ai eu l'occasion d'entendre mes collègues sur la question. Mais vous dire à quelle date je pensais quoi, je ne suis pas capable de vous répondre à cela.

M. Ciaccia: La réunion du 9 janvier: vous étiez présent à cette réunion et vous avez voté en faveur de la résolution. Le procès-verbal stipule: "après discussion, les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les décisions prises antérieurement par le conseil d'administration de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2, le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été modifiées". Alors, vous avez voté en faveur de cette résolution?

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: En annexe à ce procès-verbal, il y a un rapport - rapport confidentiel - et je vais vous lire quelques extraits du rapport confidentiel: "La Société d'énergie de la Baie James est une compagnie paragouvernementale dont le capital-actions autorisé est entièrement détenu et/ou souscrit par Hydro-Québec...

M. Laferrière: Je peux savoir à quelle page?

M. Ciaccia: À la page 22. "...et, à ce titre, elle gère des fonds et des biens du domaine public. Elle se doit donc de prendre les mesures nécessaires pour recouvrer les coûts des dommages causés lors du saccage du chantier de LG 2". Alors, vous avez pris connaissance de cette déclaration, dans le rapport confidentiel?

Plus loin, à la même page 22, au bas de la page, on dit: "Cependant, elle était consciente qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers de la Baie-James". Et, au haut de la page 23: "II est important pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'institution de l'action que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal et que la société d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement justifié".

Alors, vous avez pris connaissance de cet aspect?

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: Ceux qui ont signé ce rapport: Me Jean Bernier, directeur des ressources humaines, M. Laurent Hamel, chef du chantier de LG 2, M. Marc Darby, coordonnateur des assurances, et Me André Gadbois, chef du contentieux. Vous avez accepté - je présume, je ne sais pas - ce rapport. Je ne vois pas pourquoi il n'y a pas

d'indication, dans le procès-verbal, que votre préoccupation était vraiment l'impact. Je ne vois pas où a été soulevée la question de la préoccupation, que vous nous mentionnez aujourd'hui, de l'impact sur le cheminement futur des travaux. Vous ne semblez pas l'avoir soulevée à la réunion du 9 janvier.

M. Laferrière: Vous soulevez tout un point.

M. Ciaccia: Même - si je peux ajouter - le rapport confidentiel semble complètement contredire cela parce qu'il disait que les relations avaient repris et que, pour continuer cette confiance, il faudrait continuer les poursuites.

M. Laferrière: Je vous l'ai mentionné d'ailleurs.

M. Ciaccia: Comment pouvez-vous nous dire aujourd'hui - j'aimerais que vous nous expliquiez cela - que vous étiez préoccupé par l'impact sur les travaux?

M. Laferrière: Je vous ai mentionné plus tôt qu'il y avait des gens qui étaient de l'avis que, pour bien réussir la suite de nos travaux, il fallait continuer cette poursuite. Vous savez que vous posez deux questions par rapport au rôle d'un administrateur dans un conseil, à savoir: Que doit-il faire des recommandations ou des opinions qui lui sont présentées par les gestionnaires - ceci est la première question - et votre deuxième question sous-jacente: Que devrions-nous nous préoccuper de laisser, comme administrateurs, dans les procès-verbaux de nos délibérations?

Sur le premier point, moi, comme administrateur, je dois essayer d'apprécier le mieux possible le jugement des gens qui travaillent pour la société et qui nous présentent des recommandations. Je dois essayer, dans la mesure du possible, de tenir compte, chez eux également, de ce qui a pu les influencer à prendre cette position. Est-ce vraiment dans l'intérêt de la société, etc.? Il est une bonne règle, quand on administre une entreprise, que de suivre le plus souvent possible les recommandations de ses gestionnaires. Il m'est arrivé à quelques reprises depuis cinq ans d'aller contre les recommandations des gestionnaires. Peut-être que, dans de nombreuses années, on se reverra tous ici sur ces décisions. Il y en a quelques-unes qui ne pourront pas s'apprécier avant 15 ou 20 ans. C'est sûr qu'aller contre une recommandation de nos gestionnaires est une mesure assez exceptionnelle. Il ne faut pas en abuser. Comme administrateur, je dois tenir compte, entre autres, du fait que la plupart de ces gens-là avaient vécu ce saccage, si mon souvenir est bon. Je dois apprécier la formation de ces gens-là. J'ai appris que les avocats sont des gens qui sont plus spécialisés dans les questions de litige et je dois aussi en tenir compte.

Sur l'autre point, vous dites: On ne trouve pas de mention de vos interventions dans les procès-verbaux indiquant que vous étiez très préoccupé de la santé financière de l'entreprise, à ce moment-là. Vous savez - j'espère qu'une des conséquences de cette commission parlementaire n'ira pas dans ce sens-là - généralement, on ne se préoccupe pas de faire inscrire dans le procès-verbal telle chose ou telle chose. Si le critère qu'on venait à privilégier dans nos décisions, c'est: Comment vais-je apparaître dans le procès-verbal si, un jour, il devient public? je ne pense pas qu'on remplirait bien son rôle d'administrateur. J'aurais une grande crainte de voir autour de moi, dans ce conseil et dans d'autres, des gens qui se lèvent pour dire: "Et ceci, M. le Président, je voudrais que ce soit inscrit dans nos minutes..." Cela ne me semblerait pas une bonne façon de travailler.

Ce que vous avez devant vous, ce sont essentiellement nos principaux considérants et, surtout, nos résolutions. Quand on relit cela... Vous savez, les réunions d'Hydro-Québec et du conseil d'administration de la SEBJ ont lieu une après l'autre. Surtout à cette époque-là, la masse de documents à travers laquelle il fallait passer pour une seule réunion, c'était deux à trois fois l'épaisseur du cahier que vous avez devant vous. Si on commence à dire: "Oui, mais là, il y aurait une nuance à apporter dans la résolution; j'aimerais bien que mon nom apparaisse à telle place, etc.," je pense qu'on ne fait pas de l'administration. On fait autre chose, mais on ne fait pas de l'administration. C'est ma position là-dessus. Je trouverais très dangereux, très très dangereux que des organismes comme le vôtre ici, comme cette commission, qui sont des organismes qui nous amènent à rendre des comptes publics de nos décisions, aient comme effet de nous inciter à avoir ce genre de comportement dans nos réunions.

Si vous permettez, vous avez soulevé une très grande question qui me tient beaucoup à coeur, vous avez dit: Comment se fait-il que, dans les procès-verbaux, on ne voie pas cette préoccupation que vous nous avez lue dans votre déclaration préliminaire sur l'effet de ces décisions sur le coût des travaux? Vous savez qu'on a un budget global de 16 000 000 000 $. De temps en temps, cela dépasse un peu sur certaines composantes et, de temps en temps, on épargne de l'argent sur d'autres. Je pense que, si on essayait d'épargner de l'argent sur toutes les composantes, on gérerait mal. De temps en temps, il faut lâcher un peu de lest pour ne pas briser l'appareil et on sait qu'on va se reprendre un peu plus tard. Un administrateur dans notre position, il ne faut

pas qu'il se colle le nez sur l'arbre et qu'il oublie de voir la forêt.

Récemment, j'ai assisté, dans le cadre d'autres fonctions, à une négociation où d'un côté de la table, on a fait des pirouettes incroyables pour sortir de là avec 15 000 $ de plus, mais, de l'autre côté de la table, on a oublié avoir laissé traîner dans la transaction un montant de 200 000 $ de signatures personnelles que la transaction n'a pas effacées. Ils ont troqué 15 000 $ et ils avaient oublié les 200 000 $. L'avocat qui était à côté de moi à ce moment-là, en sortant, a dit: On voit cela de temps en temps dans les négociations, il y a des gens qui ont le nez collé sur les cents et ils oublient les piastres.

J'ai essayé, dans mon exposé préliminaire, de vous situer ce que représentent 32 000 000 $ à la Société d'énergie de la Baie James. Ce n'est pas de la pacotille. Même si c'est une société qui brasse beaucoup d'argent, je continue à penser que, dans une société comme celle-là, 1 $ vaut 1 $, aussi bien là qu'ailleurs. Sauf que, dans mon analyse d'administrateur, je suis obligé de situer ces décisions dans une perspective. Si, pour nous faire une belle jambe, on se met dans une situation qui risque de nous coûter, à nous ou à nos successeurs, des centaines de millions, je ne pense pas qu'on fasse une bonne job. En vous disant cela, j'ai essayé de vous dire, peut-être, le point ultime de mon cheminement dans ce dossier. Est-ce que j'étais capable de vous tenir ce langage le 27 novembre ou le 5 janvier ou le 6 mars? Je ne le sais pas. Mais je vous donne, au meilleur de mon souvenir, mon raisonnement fondamental sur cette question. (17 h 45)

M. Ciaccia: Peut-être qu'on s'est mal compris. Il y a une décision qui a été prise le 9 janvier. Par exemple, plus tard, quand la décision a été prise de régler pour 200 000 $, il y a eu un vote. Il y a ceux qui ont voté pour, il y a ceux qui ont voté contre et il y en a un qui s'est abstenu. Ce n'est pas une question de nuancer les propos. Quand une décision est prise, ou on est pour la décision ou on est contre la décision, et cela est normal dans tout conseil d'administration.

Le 9 janvier, vous avez accepté l'avis; dans le rapport confidentiel, vous avez accepté de continuer les procédures. Vous n'avez pas demandé: Peut-être que moi, je vote contre cela. Vous auriez pu le faire, c'était votre droit comme c'était le droit de ceux qui ont voté contre de voter pour sur le règlement. À ce moment, le 9 janvier, vous avez appuyé la position de continuer les procédures, vous avez appuyé la position du rapport confidentiel qui était annexé. Pourquoi avez-vous appuyé la prise de position pour que justice suive son cours?

M. Laferrière: M. le Président, le 9 janvier, j'ai opiné dans le sens de mes collègues. Je n'ai pas approuvé comme tel le rapport confidentiel qui appuyait... Je ne peux pas dire que je souscris intégralement ou que je souscrivais intégralement à ce moment à tous les paragraphes qui sont dans ce rapport. Je ne voudrais pas que vous me fassiez dire des choses.

M. Ciaccia: Mais, dans le procès-verbal, il n'y a aucune indication que vous étiez contre. Vous avez voté. C'était unanime.

M. Laferrière: M. le Président, je ne peux pas dire, dans un procès-verbal, dans un rapport comme celui-là qui a peut-être 60 paragraphes: Je voudrais qu'on enregistre ma position que je suis d'accord avec les paragraphes untel, untel, untel et pas d'accord avec les paragraphes untel, untel, untel.

M. Ciaccia: Mais vous avez été...

M. Laferrière: Je vous donne, au meilleur de ma connaissance, mon raisonnement dans cette affaire. C'est ce que je vous donne, au meilleur de mon souvenir. Je serais très déçu qu'on extrapole mes décisions.

Mettez-vous un peu dans notre position ici. On fait un effort énorme pour essayer de se rappeler ce qu'on a pu penser et ce qu'on a pu décider. C'est très difficile, quatre ans et demi après. J'essaie de me remettre dans ma peau à ce moment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Parce que, même dans la résolution formelle, il y a une référence. "Après avoir fourni les réponses exigées d'eux, lesdits procureurs se retirent de la réunion et les membres discutent entre eux du rapport qui leur a été fourni à la lumière des commentaires qui leur ont été apportés par ces procureurs." Et là, la décision unanime était d'approuver ce qui s'est produit, de continuer la poursuite...

M. Laferrière: Est-ce que votre question serait à savoir pourquoi j'étais en faveur de poursuivre à ce moment? Pourquoi j'ai voté pour un règlement hors cour le 9 mars? Est-ce le 9 mars?

M. Ciaccia: Le 6 mars.

M. Laferrière: Est-ce cela la question?

M. Ciaccia: Je vais revenir à certains événements. On reviendra à cela.

M. Laferrière: Vous voulez la garder

pour ce soir?

M. Ciaccia: Non, peut-être, non. Étiez-vous présent à la réunion du 11 décembre 1978? C'est là qu'on a remis des opinions juridiques sur les liens de responsabilité et sur la capacité de payer des défendeurs.

M. Laferrière: Je ne pourrais pas vous répondre. On peut faire des vérifications. Cela se trouve, mais d'après les documents qu'on a ici, je ne le sais pas.

M. Ciaccia: Le 23 janvier 1979, on n'a pas les extraits du procès-verbal, mais étiez-vous présent à la réunion du conseil d'administration?

M. Laferrière: Je vais sortir mes notes. Dans les documents que nous avons, le renseignement n'est pas dedans.

Le 11 décembre, j'étais présent.

M. Ciaccia: C'est le 11 décembre qu'on vous a remis des opinions juridiques sur les liens de responsabilité et sur la capacité de payer les défendeurs. Le 23 janvier 1979, étiez-vous présent?

Le 11 décembre, vous deviez être satisfait de ces opinions puisque vous endossiez le maintien et la continuation de la poursuite.

M. Laferrière: Je voudrais bien saisir la question que vous me posez.

M. Ciaccia: On vous a fourni des opinions le 11 décembre?

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: Et vous étiez d'accord de continuer la poursuite, alors vous deviez être satisfait à ce moment, le 11 décembre ou le 9 janvier. Le 9 janvier, la décision était de continuer. Alors, à ce moment, vous deviez être satisfait des opinions...

M. Laferrière: Je ne comprends pas.

M. Ciaccia: ...et des informations puisque vous avez voté pour continuer la poursuite.

M. Laferrière: II semble que je peux vous lire un extrait du procès-verbal de la réunion du 11 décembre qui dit que les rapports ont été déposés et que le contenu de ces documents fera l'objet d'une discussion à une réunion ultérieure. C'est ce qu'il y a dans le procès-verbal.

M. Ciaccia: Alors, cela a eu lieu le 9 janvier, je présume, cette discussion et vous avez voté pour continuer les poursuites.

M. Laferrière: Le 9 janvier, j'ai voté pour poursuivre les actions qui étaient entreprises.

M. Ciaccia: À ce moment-là, vous étiez satisfait de la position que la SEBJ avait prise de poursuivre les actions?

M. Laferrière: Ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. Ciaccia: Vous avez voté pour, en tout cas.

M. Laferrière: Je vais vous donner le fond de ma pensée sur cette question. Vous ne me posez pas la question, mais je pense que c'est bon que j'y réponde. Dans un dossier comme celui-là, il y a deux questions. Il y a la question de fond: Est-ce qu'on règle hors cour? Est-ce qu'on ne règle pas hors cour? Est-ce qu'on arrête cette poursuite? Est-ce qu'on la poursuit? Il y a les questions: Comment le fait-on? Quand le fait-on? Ce sont deux questions très différentes. Moi, en tant qu'administrateur, je peux être d'accord sur une question, mais supporter pendant un certain temps qu'on continue des actions dans ce sens, je ne peux pas, comme administrateur, à chaque fois que je vois quelque chose à Hydro-Québec ou à la SEBJ qui ne fait pas mon affaire, intervenir en réunion et dire: On devrait arrêter cela, cette affaire-là. Il y a deux questions de fond là-dedans.

Si vous me demandez comment s'est faite mon opinion de base et comment elle a évolué à travers le temps, c'est très difficile de le faire pour moi et c'est impossible de mettre des dates là-dessus. Maintenant, devant certaines circonstances précises, je veux bien essayer de me remémorer le mieux possible ce que j'ai pu penser à ce moment-là. Mais, je vous ai donné, tout à l'heure, dans ma déclaration préliminaire, ma position de fond. Elle est toujours plus facile à donner quand il n'y a aucune action en cours de route, mais quand l'entreprise a commencé quelque chose, vous n'arrêtez pas un barrage en cours de construction. Il faut tenir compte de ces considérations.

M. Ciaccia: Non, mais la question que je me pose - je pense que c'est normal que je me la pose - est que, le 27 novembre, vous étiez préoccupé par le lien de responsabilité. C'était quelque chose qui vous préoccupait. Vous nous dites aujourd'hui que l'impact sur le cheminement des travaux vous préoccupait. J'avais cru que c'était une question de fond, que cela aurait été soulevé et vous l'auriez soulevé au même procès-verbal où vous avez soulevé la question de lien de responsabilité, que vous auriez aussi soulevé la question: Quel sera l'impact sur les travaux pour l'avenir si on continue...

M. Laferrière: M. le Président, j'ai mentionné, dans ma déclaration préliminaire, quatre ou cinq raisons de fond qui m'avaient amené à prendre cette position. Je les ai mentionnées très rapidement, parce qu'elles avaient déjà été exposées par les collègues qui m'ont précédé à cette table. J'ai dit qu'il y avait un élément particulier que mes collègues, à mon avis, n'avaient pas eu l'occasion de toucher aussi bien et j'ai élaboré un peu plus là-dessus. Je ne voudrais pas que vous me fassiez dire que c'est la seule et unique raison pour laquelle j'ai voté en faveur du règlement hors cour le 6 mars.

M. Ciaccia: Le 3 novembre, lorsque vous avez rencontré M. Yves Gauthier, vous aviez mentionné que vous ne connaissiez pas précisément la position du premier ministre. Est-ce que vous connaissiez la position moins précise ou est-ce que vous connaissiez quelque position du premier ministre? Est-ce que M. Gauthier vous a indiqué quelque position sans être tout à fait précis?

M. Laferrière: Je vous ai dit que j'ai un souvenir très vague de cette rencontre. Je ne me souviens pas ce qu'il a pu me dire de ce que pensaient le premier ministre ou des collègues du bureau du premier ministre. Je retiens de cette rencontre que c'était davantage l'ex-tuteur qui me parlait.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est parce que vous n'avez pas dit que vous ne connaissiez pas... qu'il ne connaissait pas la position du premier ministre. Vous avez dit: II ne connaissait pas précisément la position du premier ministre. Peut-être que vous pourriez nuancer quelle partie de la position il aurait pu vous communiquer le 3 novembre.

M. Laferrière: II ne m'a pas communiqué - à mon souvenir - de position du premier ministre partielle ou autrement à ce moment. Si j'ai ce souvenir que je ne suis pas sorti de là avec une opinion très nette de ce que pouvait penser le bureau du premier ministre, c'est que M. Claude Laliberté m'avait dit également à un moment donné qu'il avait été convoqué au bureau de M. Jean-Roch Boivin. Je me souviens qu'à ce moment, je ne savais pas ce qu'il allait en rapporter. Quand il m'a appris, comme il vous l'a dit, à son retour, le souhait qui lui avait été formulé, dans mon souvenir le meilleur, c'est à ce moment que j'ai appris le souhait du premier ministre et non pas à la rencontre avec M. Yves Gauthier.

M. Ciaccia: Les 23 et 30 janvier 1979, le conseil d'administration a discuté de la poursuite. Étiez-vous présent à ces deux occasions?

M. Laferrière: Le?

M. Ciaccia: Le 23 janvier et le 30 janvier.

M. Laferrière: Le 23 et le 30 janvier? Le 23 janvier, j'étais absent.

M. Ciaccia: Et le 30? Est-ce que ce sont des procès-verbaux du 23 janvier que vous avez là?

M. Laferrière: C'est ma copie personnelle, oui.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est possible, M. le Président? Je voudrais, si c'est possible, faire déposer ou communiquer aux membres de la commission parlementaire le procès-verbal du 23 janvier et celui du 30 janvier.

Le Président (M. Jolivet): Écoutez, la seule chose que je peux assurer à cette commission, c'est que, si les gens de la société nous ont transmis un document et qu'ils veulent nous transmettre d'autres documents. On doit procéder de la même façon c'est-à-dire les faire parvenir au secrétaire des commissions...

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Le faire parvenir au secrétaire des commissions, comme on l'a demandé pour d'autres documents qui nous ont été envoyés.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: II faut comprendre, en fait, pourquoi on n'a pas le procès-verbal du 23 janvier ni celui du 30 janvier. C'est que, semble-t-il, il n'y a pas de mention concrète de décision concernant le règlement dans ces procès-verbaux.

M. Duhaime: Comment le savez-vous si vous ne les avez jamais vus vous-même?

M. Lalonde: C'est parce qu'on nous a donné seulement des extraits.

M. Duhaime: Franchement.

M. Lalonde: Écoutez. Je pense que les sautes d'humeur du ministre... Il était tranquille. Je vais lui demander d'être plus patient.

M. Duhaime: Vous venez...

M. Lalonde: Non, je regrette, j'ai le

droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est vous qui avez le droit de parole, M. le député.

M. Lalonde: On nous a remis les extraits des procès-verbaux pertinents traitant des procédures judiciaires instituées. Extraits du registre des procès-verbaux de la Société d'énergie de la Baie James du 20 novembre 1978 au 30 mars 1979 et traitant des procédures judiciaires instituées par la Société d'énergie de la Baie James contre Yvon Duhamel et al. Donc, je conclus que ce qu'on n'a pas n'en traite pas. Et je ne veux pas demander à la SEBJ de déposer tous ses procès-verbaux qui concernent toutes sortes d'autres problèmes qui doivent rester confidentiels. Mais là, on est, en ce qui concerne les deux réunions, celles du 23 et du 30 janvier, devant deux réunions du conseil d'administration où il en a été question, de toute évidence. Par exemple, M. Thibaudeau nous a dit qu'il se rappelait cet après-midi que des projets de règlement hors cour avaient été remis aux membres, le 23. Je ne veux pas qu'on semble vouloir aller au-delà de ce dont on a besoin. Je ne veux pas que notre demande soit considérée comme étant exorbitante, à savoir qu'on voudrait ou qu'on accepterait - je ne l'accepterais pas - que...

Une voix: Moi non plus.

M. Lalonde: ...le conseil d'administration nous remette des procès-verbaux complets qui traitent d'autres choses. Il y a une confidentialité à protéger, mais le problème du 23 est qu'il n'y a rien qui semble contenu dans les procès-verbaux qui traite de cela mais on en a parlé. Ce que vous pourriez peut-être nous donner et qui ne briserait pas la confidentialité des décisions qui ne traitent pas du règlement, ce sont les présences à ces deux réunions. Il me semble que cela serait pertinent parce que nous en avons discuté.

Le Président (M. Jolivet): M. Laferrière, je vais vous arrêter tout de suite en suspendant les travaux et vous laissant réfléchir pendant l'heure du repas pour nous permettre de revenir à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'énergie et des ressources est donc prête à reprendre ses travaux, en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Au moment où nous avons suspendu nos travaux, à 18 heures, nous étions avec M. Pierre Laferrière, notre invité. Il peut donc s'installer. Nous avions une question restée en suspens de la part de M. Laferrière. Je voudrais maintenant savoir de la part des députés si, après le député de Mont-Royal, il y en a d'autres qui ont l'intention de poser des questions. Nous allons régler ce problème. M. Laferrière, vous pouvez vous asseoir.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: À votre question de savoir s'il y en a d'autres qui ont l'intention de poser des questions, cela dépend toujours...

Le Président (M. Jolivet): ...de la réponse.

M. Paradis: ...s'il nous reste des points à éclaircir, une fois que le député de Mont-Royal aura terminé.

Le Président (M. Jolivet): Parfait!

Donc, M. Laferrière, il y avait une question restée en suspens concernant les procès-verbaux des 23 et 30 janvier 1979.

M. Laferrière: Je n'étais ni à l'une ni à l'autre de ces deux réunions des 23 et 30 janvier.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, vous n'étiez présent ni à la réunion du 23 ni à celle du 30 janvier, au conseil d'administration.

M. Laferrière: C'est cela.

M. Ciaccia: Est-ce que vous étiez au courant qu'il y avait eu une proposition d'aller voir le premier ministre?

M. Laferrière: À quel moment j'ai été mis au courant de cela? Je ne me souviens plus.

M. Ciaccia: À un moment donné, vous avez su que quelqu'un avait suggéré d'aller voir le premier ministre à son bureau?

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: À la réunion du 6 février, vous étiez présent?

M. Laferrière: Le 6 février, oui.

M. Ciaccia: Je crois que M. Lucien Saulnier vous a fait rapport de la rencontre du 1er février au bureau du premier ministre.

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: En quels termes M. Saulnier vous a-t-il souligné la volonté du premier ministre?

M. Laferrière: II m'est difficile de me souvenir de plus que ce qui est dans le procès-verbal, à savoir qu'il nous a fait part que le premier ministre était favorable à un règlement hors cour. Mais je ne me souviens pas des propos de plus qui auraient pu être dits. J'imagine qu'on en a parlé, mais je n'ai pas mémoire de ce qui a été dit à ce moment.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas dans quels termes M. Saulnier vous aurait fait part de...

M. Laferrière: II y une chose dont je suis sûr, cela n'a pas été dans les mêmes termes qu'ici à la commission parlementaire.

M. Ciaccia: Ce n'est pas... Au moins vous vous souvenez de cela.

M. Laferrière: Cela a été plus administratif comme termes.

M. Ciaccia: Quand avez-vous appris qu'il y avait du va-et-vient entre les procureurs des défendeurs au bureau du premier ministre?

M. Laferrière: Au cours des travaux de cette commission parlementaire.

M. Ciaccia: Alors, quand vous siégiez au conseil d'administration, vous n'étiez pas au courant qu'il y avait ces rencontres entre les différents procureurs qui allaient au bureau du premier ministre?

M. Laferrière: Au meilleur de ma mémoire, absolument pas.

M. Ciaccia: Quand avez-vous appris que les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James se rendaient aussi au bureau du premier ministre?

M. Laferrière: Je pense que c'est ici, au cours des travaux de la commission parlementaire.

M. Ciaccia: Quand avez-vous appris l'existence d'un projet de transaction de règlement hors cour écrit le 18 janvier 1979 par les procureurs de la SEBJ à la demande de M. Laliberté?

M. Laferrière: À ce moment, ce que j'apprenais sur le dossier, c'est avec les documents que je recevais pour les réunions régulières du conseil de la SEBJ.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas exactement de la date ou du moment où vous avez...

M. Laferrière: Non.

M. Ciaccia: Pour revenir au moment où M. Joron vous a appelé pour vous demander de siéger au conseil d'administration, est-ce qu'il vous a parlé de la poursuite du saccage de la Baie-James?

M. Laferrière: Absolument pas.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il vous a parlé de la Baie-James? Dans quels termes... Est-ce qu'il vous a parlé des problèmes, du projet de la Baie-James?

M. Laferrière: Pas tellement. Il m'a surtout parlé de la structure administrative qu'il voyait avec la nouvelle loi sur HydroQuébec, comme je vous ai dit, et de sa vision de ce qu'était sa politique énergétique à ce moment.

M. Ciaccia: II n'y a pas été question du tout des problèmes possibles, même en mentionnant les poursuites?

M. Laferrière: Non.

M. Ciaccia: Vous avez avoué que vous étiez employé permanent du Parti québécois et vous nous avez fait part aussi que, le 3 novembre, M. Yves Gauthier, du bureau du premier ministre, vous avait convoqué à une réunion. Vous nous avez dit qu'il vous avait parlé à titre d'ex-tuteur d'un des syndicats. Qu'est-ce qui vous a fait dire - et je pense que vous avez dit cela, soit dans votre déclaration préliminaire ou durant votre témoignage - qu'il vous parlait comme ex-tuteur?

M. Laferrière: Vous dites qu'il m'a convoqué; il a demandé à me rencontrer.

M. Ciaccia: Et vous êtes allé?

M. Laferrière: Même dans cette démarche, je n'ai pas senti de pression. Je n'ai pas senti que c'était le bureau du premier ministre qui m'appelait. À titre d'ex-tuteur... je ne me souviens pas qu'il

m'ait dit: Je parle à titre d'ex-tuteur. Je vous donne mon impression générale après quatre ans, que c'est surtout, au meilleur de ma connaissance, sous cet angle-là qu'il m'a parlé. Je vous ai bien dit que je n'étais pas sans ignorer non plus qu'il venait d'être nommé au bureau du premier ministre.

M. Ciaccia: Alors, il vous a parlé sous l'angle de tuteur ou d'ex-tuteur du syndicat. Vous saviez qu'il était tuteur du syndicat. Quand vous dites qu'il vous a parlé sous cet angle, que vous a-t-il dit exactement?

M. Laferrière: Je ne peux vous raconter la conversation. Je n'ai pas mémoire de ces choses-là. Il a dû me dire des choses qui ont attiré mon attention sur ce dossier. Tout ce que je peux faire, à partir de maintenant, ce ne sont que des déductions, mais je ne peux pas vous citer des phrases ou des choses comme celles-là.

M. Ciaccia: Non, je ne vous demande pas de dire les mots exacts, mais, quand vous vous souvenez, vous vous souvenez même de la date, le 3 novembre. Entre le 3 novembre et le 27, c'est une période très courte, alors...

M. Laferrière: Je ne me souvenais pas...

M. Ciaccia: Je ne vous demande pas de me donner les phrases exactes, mais les sujets. Vous devriez vous rappeler les sujets qui ont été discutés.

M. Laferrière: Je ne me souvenais pas de la date du 3 novembre. J'avais un souvenir de l'avoir rencontré, mais je ne me souvenais plus exactement à quel moment. Mais, comme j'ai pensé que cette information était de nature à intéresser la commission, j'ai pris la peine d'aller vérifier dans mon agenda de l'époque, c'est là que j'ai trouvé le 3 novembre.

M. Ciaccia: Mais s'il vous a parlé à titre d'ex-tuteur. Il a sûrement dû vous parler de certains problèmes des syndicats, parce qu'il était le tuteur des syndicats, il a dû vous parler de certains des problèmes des syndicats. Vous ne vous souvenez pas?

M. Laferrière: Je ne peux pas vous faire un énoncé de son argumentation. Je ne m'en souviens pas.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas s'il vous a parlé des deux problèmes qui existaient à ce moment-là, soit la solvabilité et...

M. Laferrière: II a pu me parler de ces questions, c'est possible. Mais je n'ai pas de souvenir exact de sujets de conversation. Je vous ai fait part, au meilleur de ma connaissance, d'une impression vague qui m'est restée. C'est tout ce que je suis capable de faire après quatre ans et demi. C'est vraiment tout ce que je suis capable de faire après quatre ans et demi. Je suis en affaires, monsieur, je rencontre des gens, quatre ou cinq personnes par jour. Je me suis donné la peine d'aller dans mon sous-sol fouiller dans mes vieux agendas pour trouver la date exacte pour vous. C'est tout ce que je suis capable de faire.

M. Ciaccia: Ne nous faites pas pleurer. On ne veut pas vous faire pleurer parce que vous ne vous souvenez pas. Ce n'est pas cela le but de nos questions. C'est vous qui avez donné l'information en disant qu'il vous a parlé à titre d'ex-tuteur. J'essaie de rafraîchir un peu votre mémoire et de vous demander si, peut-être, l'idée de la question de la solvabilité, qui était un problème, et le lien de droit n'auraient pas été discutés avec vous lors de cette rencontre. Combien de temps avez-vous passé avec lui?

M. Laferrière: Le temps d'un lunch. M. Ciaccia: Une couple d'heures. M. Laferrière: Maximum.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas du tout de...

M. Laferrière: Ce qui m'a frappé dans cette affaire, dans le fond, c'est que quelqu'un qui est maintenant au bureau du premier ministre procède avec pas plus d'insistance. C'est pour cela que je vous dis que j'ai l'impression que je parlais à l'ex-tuteur plutôt qu'au représentant du premier ministre.

M. Ciaccia: Qui procédait avec pas plus d'insistance sur quoi?

M. Laferrière: Bien, sur le sujet en question.

M. Ciaccia: Lequel?

M. Laferrière: Sur le sujet du règlement hors cour du saccage de LG 2.

M. Ciaccia: Alors, il a discuté avec vous...

M. Laferrière: Vous savez, au cours des travaux de cette commission, moi cela fait trois jours que je passe en arrière à écouter tout cela, je suis bien obligé d'admettre qu'il y a certains témoins qui se sont fait dire des choses avec plus d'insistance. Je n'ai pas été l'objet d'aucune espèce de...

M. Ciaccia: ...mais il a discuté avec vous de la question que vous venez de mentionner: le règlement.

M. Laferrière: Oui.

M. Ciaccia: Dans quel sens a-t-il discuté de ce règlement possible?

M. Laferrière: J'ai un souvenir vague qu'il n'était pas favorable à une poursuite. À partir de cela...

M. Ciaccia: ...pour quelle raison?

M. Laferrière: Tout ce qui me reste, c'est que je peux imaginer des choses, des arguments qu'il a pu utiliser dans sa position. Je ne me souviens pas. Je peux essayer d'imaginer des choses. Je peux essayer de dire que puisqu'il était contre, puisqu'il était devant un administrateur de la société d'énergie, il devait donc essayer de me faire valoir tel point, de me faire valoir tel point. Je ne suis pas capable de me souvenir de points précis qu'il a mentionnés.

M. Ciaccia: Je ne veux pas que vous imaginiez. J'essaie seulement un peu de rafraîchir ma mémoire à la suite des propos et des réponses que vous nous donnez. Est-ce que ce serait à la suite de discussions et de propositions de règlement que vous avez déduit qu'il parlait à titre d'ex-tuteur?

M. Laferrière: Je vous ai dit que je garde une impression générale et vague qu'il m'a parlé plutôt comme ex-tuteur d'un de ces syndicats que comme représentant du premier ministre. Je pense, en mon âme et conscience, que je ne suis pas capable de faire un effort intellectuel plus grand que ce que je fais ici. Vous êtes au bout de ma mémoire. (20 h 30)

M. Ciaccia: Savez-vous, je pense qu'on a aidé. Je pense qu'on a avancé...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! À l'ordre! M. le député. S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Non, écoutez, soyons... Écoutez. On essaie...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président et M. Laferrière, je veux vous assurer que ce n'est pas notre but d'essayer de vous harceler, d'essayer de vous faire dire des choses dont vous ne vous souvenez pas. Je voudrais seulement vous faire remarquer que les questions que je vous ai posées ont fait avancer les réponses. Cela rafraîchit chercher un peu vos souvenirs, parce que là, on sait que le 3 novembre, M. Yves Gauthier vous a parlé du règlement. On ne le savait pas. On le sait, le 3 novembre, il y a eu discussion du règlement et...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député. Laissez la chance au député de Mont-Royal de poser ses questions. Si vous avez des questions à poser, posez-les conformément au règlement.

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, question de règlement.

M. Laplante: M. le Président, à un moment donné, vous avez bien averti les membres de cette commission de faire attention à leurs questions, de ne pas prendre des questions détournées sur des choses qui ont été négatives et ne pas essayer de leur faire dire oui sur ces choses-là. Vous vous souvenez de la dernière journée, avant Pâques? C'est ça, l'avertissement que vous avez donné. Or, le député de Mont-Royal, ce qu'il fait, depuis au moins dix minutes, c'est du harcèlement pour essayer de faire dire le contraire. Il avance même des choses et lui met les mots dans la bouche. C'est cela, M. le Président, que j'aimerais que vous surveilliez de la part du député de Mont-Royal.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je vais répéter ce que j'ai répété également ce matin pour calmer les esprits, pour permettre à notre invité de se relaxer un peu ainsi qu'à tous les membres de la commission. Je répète ce que je disais, ce matin, à savoir que la commission parlementaire a des droits, a des pouvoirs, mais qu'elle ne doit pas en abuser.

Des voix: C'est ça, c'est ça.

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'à partir de cette première assertion, il faut ajouter la deuxième que j'ai également ajoutée avant l'ajournement de Pâques. La personne qui vient ici comme invitée, qui est interrogée par les membres de la commission et qui est sous serment, on doit aussi considérer que, comme elle est sous serment, elle dit la vérité. En conséquence, on doit prendre ses réponses comme étant la vérité puisqu'elle a été assermentée à cet égard. Il faudra donc éviter d'utiliser des moyens qui, au bout de la course, font en sorte que la personne se fait demander à plusieurs occasions les mêmes questions de façon différente, avec toujours l'allégation en vertu de l'article 168, qui dit qu'on ne doit pas

amener des questions subjectives ni des questions d'opinion. Je demanderais au député de Mont-Royal de continuer ses questions en tenant compte des avertissements que j'ai donnés depuis le début.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je peux vous assurer qu'en aucun moment je ne mets en question les réponses que l'invité nous donne. J'essaie plutôt de l'aider à rafraîchir sa mémoire. Je crois que je le fais d'une façon assez polie. On a appris...

M. Tremblay: ...sans juger...

M. Ciaccia: On a appris... mais je suis prêt à laisser la population juger. Si je comprends bien, M. Laferrière, vous avez dit que M. Gauthier n'était pas favorable à une poursuite. Si vous ne pouvez pas vous souvenir de plus que les réponses que vous nous avez données, si votre mémoire n'est pas meilleure que cela - cela est possible, parce qu'il y a déjà trois ou quatre ans - il serait possible aussi que l'idée de la solvabilité des syndicats et le lien de responsabilité que vous avez soulevé, le 27 novembre, devant le conseil d'administration et que vous avez vous-même admis - je ne suis pas un avocat - je présume qu'il est possible que ces deux idées vous aient été suggérées par M. Yves Gauthier, à votre réunion du 3 novembre, quelques semaines avant la réunion du conseil d'administration du 27 novembre, une journée avant la défense produite par Me Beaulé et qui contenait comme défense le fait qu'il n'y avait pas de lien de responsabilité.

M. Laplante: Objection, M. le Président. On va jouer le rôle d'avocat, nous aussi, comme dans une cour; lorsqu'il y aura objection on le fera. Vous avez dit qu'il n'avait pas à répondre aux questions subjectives. Je peux vous appeler votre honneur, si vous voulez. Je vous appelle M. le Président. Je vous demanderais de trancher cette question.

M. Lalonde: C'est votre seigneurie qu'on doit dire.

Le Président (M. Jolivet): Le seul moyen de l'être c'est par un acte directement délégué par le Conseil des ministres. Il semblerait qu'on puisse être nommé juge sans être avocat ou notaire. Je ne le souhaite cependant pas.

Une voix: Vous seriez président avant...

Le Président (M. Jolivet): Je tiendrais, cependant, à rappeler à M. Laferrière que, comme il l'a fait jusqu'à maintenant, il réponde au meilleur de sa connaissance et, s'il juge qu'il ne peut pas y répondre, il doit donner la même réponse, c'est-à-dire qu'il ne peut y répondre. Avez-vous terminé, M. le député?

M. Ciaccia: Oui, je voudrais terminer cette question et avoir la réponse de M. Laferrière.

M. Laplante: Ne répondez pas!

M. Laferrière: Ah oui! Je vais répondre. Je n'ai pas...

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que j'entends le député de Bourassa dire à M. Laferrière: Ne répondez pas? Ai-je entendu cela?

M. Laplante: ...de ne pas répondre aux questions subjectives.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Laplante: Et je l'appuierai n'importe quand là-dessus.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une façon de...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Cela a bien été toute la journée durant...

M. Ciaccia: Je suis scandalisé, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lalonde: Voulez-vous qu'on vous assermente?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. Laferrière est un adulte, il doit savoir quoi faire. M. Laferrière.

M. Laferrière: Je n'ai pas de souvenir de points précis qu'il m'a mentionnés. Cependant, pour tenter d'apporter un éclairage et de répondre un tant soit peu à votre question, je vous dirai deux choses. Le premier point porte sur ce qui se produit entre le moment où on formule une question au conseil d'administration et le moment où le texte du procès-verbal est approuvé. Je ne me souviens pas avoir formulé une question comme celle-là, avec autant de clarté juridique. Je ne suis pas avocat. Ce qui a bien pu arriver, dans ce cas-là comme dans d'autres, parce que je pose des questions aussi sur d'autres sujets, j'ai dû dire quelque chose comme: Je suis nouveau dans ce dossier, pouvez-vous me dire quelles sont nos chances d'aller chercher de l'argent? Chez

qui? Quels sont les liens entre ces gens-là? Et cela a eu la belle présentation que vous avez dans le procès-verbal. C'est la tâche du secrétaire de mettre cela en bonne et due forme.

Sachez une chose. Je ne suis pas arrivé avec une question écrite. Si jamais il y avait dans votre question - je pense qu'il n'y en a pas - quelque allusion que je sois arrivé avec une question écrite, je ne l'ai jamais fait...

M. Ciaccia: Non, non. Pas du tout.

M. Laferrière: Je ne l'ai jamais fait au conseil d'administration d'Hydro-Québec, de la SEBJ ou dans quelque conseil d'administration que ce soit. J'aimerais préciser qu'on s'expose comme administrateur, quand on accepte de rencontrer des gens comme cela. Le choix qu'on a est de dire: Je ne veux parler à personne, et de se faire une opinion en excluant toute espèce de considération qu'on peut avoir de l'extérieur ou de s'exposer à recevoir toutes sortes de renseignements objectifs ou biaisés qu'on trie avec notre meilleur jugement. Quand on rencontre un fournisseur, on s'expose. Quand on rencontre quelqu'un comme M. Yves Gauthier, à sa demande, on s'expose.

J'utilise cela comme j'utilise les documents que j'ai de la compagnie, comme j'utilise toute espèce de connaissance que je peux avoir pour faire ma propre idée. Une des tâches qui n'est pas facile dans un conseil d'administration, c'est de poser des questions pertinentes. Vous aussi, vous avez parfois un peu de misère à poser des questions pertinentes. On ne doit négliger aucune espèce de source qui nous permette d'approfondir un problème et c'est toujours comme cela que j'ai utilisé quelque rencontre que j'aie eue. C'est le mieux que je puisse vous répondre sur mon intervention du 27, au conseil.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai en aucun temps suggéré ou insinué que vous seriez venu avec une question écrite au conseil d'administration. Je pense bien qu'avec votre expérience comme permanent du Parti québécois et comme administrateur habile, vous n'auriez jamais fait cela. Alors, je n'aurais même pas suggéré que vous soyez venu avec une question écrite.

Même si le libellé dans le procès-verbal n'est pas exactement ce que vous avez dit, vous avez tout de même exprimé l'idée d'un lien de responsabilité. Cette idée est venue de vous, à moins que le procès-verbal ne soit complètement erroné.

La question que je vous avais posée était que, si vous ne vous souvenez pas de ce qui s'était discuté, de tous les détails à la réunion avec M. Gauthier, il était fort possible que ces deux idées de solvabilité et de lien de responsabilité auraient pu être suggérées par M. Gauthier. Ce n'est pas criminel, ce n'est pas répréhensible. Il aurait pu, et il vous a demandé d'aller le voir. Vous êtes allé le voir et il aurait bien pu vous suggérer ces deux idées.

M. Laferrière: Alors, votre question, c'est si c'est possible...

M. Ciaccia: Si c'était possible, oui.

M. Laferrière: C'est possible qu'il ait parlé de cela, mais je...

M. Ciaccia: C'est possible, très bien.

M. Laferrière: ...vous dis que je n'en ai pas un souvenir précis, comme c'est possible qu'il...

M. Ciaccia: Qu'est-ce qui vous fait dire que M. Gauthier ne vous a pas parlé comme membre du bureau du premier ministre, mais plutôt comme ex-tuteur du syndicat?

M. Tremblay: II lui demande de se rappeler des faits de quatre ans et demi et cela fait deux minutes qu'il vient de lui dire qu'il ne se le rappelle pas.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Laferrière: M. le Président, je pense avoir répondu à cette question.

M. Ciaccia: Est-ce que ce serait parce qu'il n'a pas insisté autant que semblent l'avoir fait le premier ministre, le 1er février, avec MM. Saulnier, Boyd et Laliberté? C'est une question.

M. Laferrière: M. le Président, j'ai tenté de répondre à cette question à une ou deux reprises du mieux que je peux.

M. Ciaccia: Je vous remercie beaucoup, M. Laferrière.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Il n'y a pas d'autres questions? M. Laferrière, je vous remercie donc et j'inviterais M. Guy Monty à venir nous rejoindre ici. M. Bédard, vous pouvez procéder.

M. Guy Monty

Le greffier (M. Jean Bédard): M.

Monty, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je, vos nom et prénom, jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité?

M. Monty (Guy): Je, Guy Monty,

déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Monty, est-ce que vous avez un texte préliminaire ou si on procède immédiatement?

M. Monty: Non, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Monty, voulez-vous dire à la commission à quelle date vous êtes entré en fonction à la Société d'énergie de la Baie James et au conseil d'administration d'Hydro-Québec?

M. Monty: C'est au mois d'octobre 1978.

M. Duhaime: Aux deux conseils? M. Monty: Aux deux conseils.

M. Duhaime: Quelles sont vos fonctions à l'heure actuelle?

M. Monty: Président-directeur général d'Hydro-Québec International.

M. Duhaime: M. Monty, vous avez eu, comme nous tous, l'occasion d'assister à plusieurs heures des débats de cette commission. Je voudrais tout simplement aller tout de suite dans ce que j'appellerais le vif du sujet. D'autres avant vous ont fait état de la position que vous aviez tenue et formulée au conseil d'administration de la SEBJ, concernant le règlement hors cour qui est intervenu; pourriez-vous rappeler votre propre position à cette commission et nous en donner brièvement les motifs?

M. Monty: Si je me souviens bien, c'était la réunion du 6 mars, où j'ai voté pour un règlement. Avec votre permission, j'aimerais revenir quelques années en arrière pour expliquer un peu mon geste. Étant ingénieur de profession, j'ai eu à réaliser à Hydro-Québec plusieurs projets de construction. Je me souviens très bien que, vers 1965, nous avions donné un contrat de construction à une société pour une ligne de transport en Gaspésie. Nous avions quelques doutes sur l'expérience de l'entrepreneur mais tout de même, après avoir vérifié, nous avions accepté de lui donner le contrat puisqu'il était le plus bas soumissionnaire. Par contre, on réalisait qu'on devait le surveiller d'une façon assez délicate pour que le travail soit bien fait.

Au début du contrat, on l'a mis en demeure à plusieurs occasions afin qu'il puisse mettre l'effectif et les équipements à la disposition d'Hydro-Québec, de façon que les travaux progressent à une allure normale. Nos demandes n'ont pas eu de réponse positive et c'est seulement vers la fin du contrat que l'entrepreneur a doublé l'effectif et son équipement, de façon à respecter la date de mise en service, afin de ne pas être pénalisé.

Évidemment, il avait dépensé plus d'argent qu'il n'avait prévu et il nous a fait parvenir une réclamation. Nous avons refusé la réclamation. Alors, nous avons été poursuivis et les avocats d'Hydro-Québec ont été approchés par les défendeurs de l'entrepreneur, leur demandant d'arriver à une entente à l'amiable hors cour. Comme nous avions, d'après nous, un très bon procès, c'est-à-dire une très bonne cause, nous avons décidé d'aller en cour. Le procès a duré plusieurs mois et, finalement, nous n'avons pas eu gain de cause. Nous avons du payer les frais de cour de l'entrepreneur parce qu'il n'avait pas les moyens de rembourser les frais.

Comme conclusion, j'ai réalisé que, même avec la meilleure des causes, on n'a pas pu gagner notre procès. J'ai toujours en tête que, dans des circonstances j'y penserais probablement. C'est probablement ce qui est arrivé au mois de mars 1979, alors que j'ai réalisé que nous étions probablement rendus au bout de la corde et que, ce qu'on pouvait gagner en retardant un règlement, on le dépenserait probablement en frais juridiques supplémentaires. Alors, j'étais d'accord qu'on règle pour le montant qu'on nous offrait.

M. Duhaime: M. Monty, est-ce qu'au cours des mois de janvier, février et mars 1979, et même au cours de l'année 1978, le premier ministre du Québec aurait communiqué directement avec vous, soit par téléphone ou autrement, pour vous faire connaître comment, lui, il voyait les choses dans ce dossier?

M. Monty: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Est-ce que Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, aurait fait des démarches semblables?

M. Monty: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Est-ce que Me Louis Gauthier, attaché politique...?

Une voix: Yves.

M. Duhaime: Yves Gauthier.

M. Lalonde: Belle famille.

Une voix: Yves comme Yves Duhaime.

M. Duhaime: Je m'excuse. Je vous ferai remarquer que mon saint patron, c'est le patron des avocats, ne l'oubliez jamais.

M. Lalonde: ...

M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier aurait communiqué avec vous de quelque façon que ce soit pour discuter de ce dossier?

M. Monty: Non, M. le Président.

M. Duhaime: Comme administrateur à la Société d'énergie de la Baie James et à Hydro-Québec, est-ce que pour vous la paix sociale sur les chantiers en 1979 a été un des éléments dont vous avez tenu compte ou que vous avez pris en considération pour en arriver à vous former un jugement sur l'attitude à prendre dans ce dossier?

M. Monty: C'est un élément, évidemment, dont on a tenu compte, dont, personnellement, j'ai tenu compte, parce que les chantiers avaient repris et, évidemment, les travaux allaient à une bonne allure et il était important de compléter les travaux à temps de façon à pouvoir livrer l'énergie de LG 2. La bonne santé d'un chantier, à mon sens, était très importante.

M. Duhaime: Maintenant, M. Monty, on a fait état que, antérieurement, à la suite de la réunion qui a eu lieu avec le premier ministre le 1er février et à laquelle assistaient M. Saulnier, M. Boyd et M. Laliberté, de même que M. Boivin, un compte rendu de cette réunion a été fait au conseil d'administration. Est-ce que, lorsque vous avez pris connaissance du souhait du premier ministre du Québec d'en arriver à un règlement hors cour, vous avez senti cela comme étant une pression quelconque, un tordage de bras ou une intimidation?

M. Monty: Absolument pas.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Monty.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Merci, M. le Président. M. Monty, lors de votre nomination comme administrateur d'Hydro-Québec en octobre 1978, il y a eu un contact qui s'est développé pour vous informer de cela? Par qui avez-vous été contacté à ce moment-là? Est-ce que vous vous souvenez de cela, à la SEBJ?

M. Monty: II faudrait peut-être revenir en arrière, parce que j'ai toujours été avec Hydro-Québec depuis plusieurs années, soit depuis 37 ans. J'étais commissaire, avant, de l'ancienne Commission de l'Hydro-Québec. On m'a averti, tout simplement, au mois d'octobre, que j'allais être nommé au conseil d'administration.

M. Saintonge: Vous avez été averti. Est-ce que vous vous souvenez par qui vous avez été averti?

M. Monty: Je crois que c'était M. Joron.

M. Saintonge: M. Joron. D'accord. Est-ce que vous aviez des connaissances parmi les autres membres qui ont été nommés en même temps que vous en 1978 au conseil d'administration? Est-ce que c'étaient des gens que vous connaissiez? Par exemple, j'imagine que vous connaissiez M. Saulnier?

M. Monty: De réputation, oui. M. Saintonge: M. Laliberté?

M. Monty: Je connaissais M. Laliberté, parce qu'il était anciennement avec la SEBJ, avant de le quitter pour aller au gouvernement. Je connaissais M. Boyd, évidemment, avec qui on a travaillé pendant plusieurs années. Quant aux autres membres du conseil, je connaissais M. Hébert, parce que je l'ai aidé comme actuaire pour la société qu'il représentait. Je ne connaissais pas Mme Forget, ni M. Laferrière.

M. Saintonge: Vous avez répondu tantôt à...

M. Monty: II y avait M. Giroux, évidemment, que je connaissais bien.

M. Saintonge: M. Giroux. M. Gauvreau, également, j'imagine?

M. Monty: M. Gauvreau aussi, évidemment.

M. Saintonge: Maintenant, à une question du ministre, vous répondiez tantôt que vous n'aviez pas eu de contact durant l'année 1978 jusqu'à mars 1979, avec le premier ministre, M. Boivin ou M. Gauthier. Est-ce que vous connaissiez quand même ces personnes antérieurement? Est-ce que ce sont des gens que vous connaissez personnellement?

M. Monty: M. Gauthier, non; M. Boivin non plus. Évidemment, M. Lévesque, tout le monde le connaît.

M. Saintonge: Maintenant, M. Monty, je reviens au 20 novembre 1978, alors qu'il y a eu une résolution approuvée concernant l'engagement de fonds de 500 000 $ pour

l'année 1979 pour couvrir les honoraires, déboursés et autres dépenses. J'ai pu remarquer au procès-verbal, en fait, qu'il y avait une recommandation de Me Gadbois relativement au montant de 500 000 $ qui pouvait être crédité pour prévoir ces frais. Selon ce que vous savez, la recommandation est venue de quelle façon? Dans quel cadre cette recommandation est-elle venue au conseil d'administration?

M. Monty: Franchement, je ne me souviens pas de la façon qu'elle a été présentée. Je me souviens d'avoir été d'accord sur le montant qu'on devait voter, mais je ne me souviens pas de la façon qu'elle a été présentée?

M. Saintonge: J'imagine que la question de la procédure de la poursuite de 32 000 000 $ était pour les administrateurs de la société un sujet - comment dire? - un peu dans le vent dans les discussions du moment, puisque le procès s'en venait. Est-ce que c'est un sujet que vous aviez à la tête lorsque vous avez pu examiner cette résolution et voter cette résolution? Ce que je veux dire, c'est que, si on regarde la recommandation de Me Gadbois, il y est quand même stipulé: "Après avoir étudié le dossier, les procureurs de la Société d'énergie lui ont fait part que les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits qu'ils connaissaient justifiaient que la Société d'énergie prenne action, avec succès"... Lorsque vous avez voté cette résolution, est-ce que vous pouvez nous dire si les membres étaient au courant de cette stipulation, de l'intervention de Me Gadbois et s'ils voyaient cela du même oeil?

M. Monty: Écoutez après quatre ans et demi, se rappeler exactement comment cela s'est passé, malheureusement je ne peux pas vous répondre. Évidemment le sujet revenait à l'occasion lors des séances. On parlait souvent évidemment de ce sujet. Mais de voir de quelle façon cela s'est présenté, qui était en faveur ou non, je ne peux pas vous répondre.

M. Saintonge: C'est cela que je veux dire. Dans le climat global, est-ce que vous vous souvenez, quand on a pu voter les frais par exemple, si c'était possible de prendre 2 000 000 $? Si on fait une avance de 500 000 $ on doit s'imaginer qu'il y avait quand même une bonne cause là-dessus? Est-ce qu'il y a eu des discussions à votre souvenance à ce moment d'une façon globale mais pas dans les détails concernant le fait d'une avance de 500 000 $ tout en sachant à ce moment, comme cela est dit dans le rapport, que des dépenses considérables vont être encourues pour le procès puis que cela durera quand même assez longtemps? Est-ce qu'à ce moment au conseil on a pu discuter précisément de la question de la solvabilité, des chances de succès de la poursuite, avant de voter les 500 000 $?

M. Monty: Je regrette mais je ne peux pas vous répondre. Je ne m'en souviens pas.

M. Saintonge: Au 27 novembre, quand M. Laferrière, le témoin précédent, a demandé l'opinion relative à la capacité de payer et les liens de responsabilité, vous ne vous souvenez pas de cela? Est-ce que vous avez un souvenir à ce sujet?

M. Monty: Voulez-vous répéter encore la question s'il vous plaît?

M. Saintonge: Le 27 novembre, à la réunion suivante, il y a eu une question de M. Laferrière demandant une étude juridique, une opinion concernant la capacité de payer et sur la question des liens de responsabilité. Est-ce que vous vous souvenez, en fin de compte, pour quel motif cela avait été amené, si c'était en discussion ou on avait un doute à ce moment ou quoi?

M. Monty: Non, je regrette.

M. Saintonge: Vous ne vous en souvenez pas. Quant à vous, est-ce que vous aviez, avant la date du 6 mars lorsque vous avez pris le vote final, dans votre esprit comment vous voyiez l'action?

M. Monty: Je voyais évidemment qu'on devait en arriver à un règlement hors cour. Cela a toujours été dans ma tête qu'on devait en arriver à un règlement. Par le fait que la cause commençait au mois de janvier, il était normal de voter l'argent nécessaire pour les frais des avocats. Je n'ai jamais cru qu'on pourrait arriver à gagner le procès. J'ai toujours été d'accord pour un règlement hors cour.

M. Saintonge: Vous aviez pris connaissance des opinions juridiques par exemple à la réunion du 11 décembre. Je ne sais pas si vous étiez présent à cette réunion du 11 décembre? C'est la réunion où l'on a remis les opinions juridiques qui remontaient à 1975, de même qu'un rapport daté du 11 décembre 1978 concernant toute la situation de la poursuite. Est-ce que vous vous souvenez avoir pris connaissance à ce moment, avant le mois de mars, si on se reporte à l'automne avant le début du procès, qu'on a pu vous rafraîchir la mémoire en redistribuant aux administrateurs, surtout en tenant compte qu'il y avait de nouveaux administrateurs, des opinions juridiques qui remontaient à l'année 1975 et d'une nouvelle opinion, d'un nouveau rapport du 11 décembre 1978? Si on va même un

peu plus loin puisque sans distinguer formellement les dates pour une question de mois, on arrive également au mois de janvier ou même à ce moment vous avez une nouvelle opinion juridique qui vous est soumise en date 5 et un rapport confidentiel qui a été donné aux administrateurs? Avec ces éléments, est-ce que vous vous souvenez avoir étudié vous-même ces opinions juridiques, ces éléments afin de voir la possibilité de succès ou la possibilité des biens de droit ou en général on peut dire le "feeling" que vous pouviez avoir de cette cause à la lumière des opinions des experts, des avocats, et dans certains cas, non seulement des avocats mais également des administrateurs ou des gens de la société même?

M. Monty: Je me souviens très bien que nous avons rencontré nos avocats. Les arguments et les rapports qu'ils ont faits nous laissaient croire que nous pouvions nous présenter en cour avec certaines chances de succès ou du moins avec la confiance de nos avocats. J'ai lu, comme tous les membres du conseil, les documents qu'on nous fournissait. On se faisait tranquillement une opinion. Évidemment on acceptait. J'ai accepté évidemment qu'on poursuive le procès au mois de janvier. Lorsque nous sommes arrivés à la fin de janvier et qu'on nous a recommandé d'explorer la possibilité d'un règlement hors cour, j'étais d'accord aussi, même si les arguments pouvaient être en notre faveur. (21 heures)

M. Saintonge: Quand on parle du rapport confidentiel qui avait été présenté aux membres du conseil d'administration par les gestionnaires de l'entreprise - je fais référence à Me Jean Bernier, qui était directeur des ressources humaines, à M. Laurent Hamel, chef du chantier de LG 2, à M. Marc Darby, coordonnateur des assurances et à Me André Gadbois, chef du contentieux - on fait référence au nouveau rapport daté du 5 janvier 1979, à la page 6 du rapport -à la page 21 du bouquin - au centre de la page, on mentionne: "Ce rapport démontre bien que nos procureurs sont en mesure de présenter des preuves qui, selon leur opinion, seront suffisantes pour supporter les conclusions de la société contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis et le local 791 de l'Union internationale de machinerie lourde, International Union of Operating Engineers, local 791. Il existe également de bons éléments de preuve contre la International Union of Operating Engineers. Quant à la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, nos procureurs sont d'avis qu'ils ont suffisamment de points de droit pour faire déclarer ce syndicat également responsable". Avec ces données-là, est-ce que vous pouviez juger, à ce moment-là, que vous aviez de bonnes chances de succès? Est-ce que ces éléments ont été portés à votre connaissance?

M. Monty: Oui, cela a été porté à notre connaissance. Et puis, évidemment, on avait une certaine confiance de pouvoir gagner quand même quelque chose. Mais, tout de même, je crois que nos avocats ont fait le nécessaire. Ils ont quand même réussi à obtenir une reconnaissance de responsabilité. On a quand même réussi à obtenir une offre, qui n'était peut-être pas à l'échelle des dommages qu'on avait subis, mais, tout de même, je pense qu'il a été démontré aussi que les coupables ont été punis au criminel. Alors, c'est assez difficile de dire maintenant, quatre ans après, qu'on aurait dû avoir une idée différente. Mon idée était assez bien faite au mois de janvier. J'acceptais qu'on aille en cour. Mais simplement, je pensais sincèrement que les chances de succès étaient minimes.

M. Saintonge: Vous estimiez que vos chances de succès étaient minimes, malgré la teneur des opinions, comme le texte que je vous ai mentionné qui confirmait, en fait... Le 11 décembre 1978, vous souvenez-vous si vous étiez présent à la réunion du conseil d'administration?

M. Monty: Je ne peux pas vous dire.

M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas?

M. Monty: II faudrait que je vérifie dans mon agenda.

M. Saintonge: Mais vous avez quand même vu les différentes opinions qu'on a mentionnées tantôt. Et, malgré la teneur de ces opinions-là qui semblaient s'orienter vers des grandes chances de succès, semble-t-il, jusqu'à cette date-là, vous estimiez, vous, que...

M. Monty: C'est peut-être à cause des expériences que j'ai vécues moi-même dans la construction et dans les réclamations que j'avais des doutes sérieux sur nos chances de succès.

M. Saintonge: Vous étiez présent le 9 janvier, au conseil d'administration. Cela, c'est au moment où les avocats sont venus rencontrer les membres du conseil d'administration pour vous expliquer la teneur des opinions juridiques, répondre à vos questions, au moment également où vous avez reçu le rapport confidentiel?

M. Monty: Un instant, s'il vous plaît. J'étais présent, oui.

M. Saintonge: Vous étiez présent? C'est indiqué au procès-verbal: "Après discussion, les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les décisions prises antérieurement par le conseil d'administration de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2, le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été modifiées". Vous vous souvenez d'avoir voté dans ce sens-là?

M. Monty: Le procès devait passer dans quelques jours. Alors, il était question de faire un essai vis-à-vis de nos adversaires et voir où on s'en allait avec cette cause-là. Et cela ne m'empêchait pas de penser que nos chances de succès étaient minimes.

M. Saintonge: Vous avez mentionné tantôt qu'un élément important pour vous, c'était la paix sociale sur le chantier. Je pense que, suivant les témoignages antérieurs que vous avez pu entendre, c'était également un élément important pour les autres membres du conseil d'administration. Je me réfère encore une fois au rapport confidentiel qui vous a été remis à la réunion du 9 janvier, et je cite le texte: "En instituant cette action, la Société d'énergie était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu dans cette cause. Ses procureurs avaient attiré son attention sur ce fait par la mention suivante: II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que peut-être présentement la solvabilité de tous ces défendeurs et surtout sur ce qu'elle serait une fois le jugement final obtenu, tenant compte en particulier de l'envergure de la réclamation de la société." Les deux paragraphes suivants sont, à mon avis, importants. Je veux attirer votre attention là-dessus: "Cependant, la société était consciente qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des biens et des fonds du domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers de la Baie-James. Il est important, pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'instruction de l'action, que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal et que la société d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement justifié." Cela était signé par les gestionnaires de l'entreprise mentionnés tantôt, Me Bernier, M. Laurent Hamel, qui était chef de chantier à LG 2, M. Darby et Me Gadbois.

Est-ce que, pour vous, une telle conclusion au rapport confidentiel n'était pas apte à vous garantir que la sécurité sociale ou la paix sociale que vous recherchiez était vraiment revenue sur le chantier? On disait: pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis l'action... Est-ce que ce n'était pas un élément fondamental pour tenter d'aller dans le sens suggéré par le rapport des gestionnaires?

M. Monty: Je ne saisis pas où vous voulez en venir.

M. Saintonge: Vous avez mentionné tantôt que vous sembliez avoir une crainte, si la poursuite était maintenue, que la paix sociale soit perturbée ou que, sur le chantier, la paix sociale était perturbée. Selon les termes employés dans le rapport des gestionnaires, quand on dit: "II est important, pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et de l'instruction de l'action, que les responsabilités des parties soient déterminées par le tribunal", est-ce que, pour vous, ce n'était pas suffisant pour garantir que la paix sociale était effectivement revenue, surtout que M. Hamel était signataire de ce document?

M. Monty: C'est vrai, vous avez raison.

M. Saintonge: Ce que je voudrais savoir de vous c'est comment la paix sociale était un élément important pour vous dans le règlement du dossier, tel que vous l'avez mentionné tantôt. Il s'agit seulement de saisir le raisonnement que vous vouliez apporter en mentionnant que la paix sociale vous inquiétait et qu'il était important pour vous d'en arriver à un règlement hors cour. Je voudrais essayer de concilier le point parce qu'il m'apparaît, selon les phrases que je viens de vous lire, que c'était un élément qui avait ramené la paix sociale sur le chantier. J'irais peut-être plus loin que cela - je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi - si on me permet de dire qu'au niveau des syndiqués et des syndicats même cela pouvait démontrer qu'un patron qui se tient debout avait plus de chances de réussir. C'est un peu la conclusion qu'on pouvait dégager ce matin de ce qu'on entendait ici.

M. Monty: C'est pour cela...

Le Président (M. Jolivet): M. Monty, un instant. M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais demander au député s'il parle au nom du Parti libéral du Québec en posant cette question.

M. Saintonge: M. le Président, je ne sais pas si vous acceptez une question de

règlement là-dessus. J'ai simplement...

M. Lalonde: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux savoir si le ministre parle au nom du Parti québécois dans sa question.

M. Duhaime: Oui.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez un mandat?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. Monty, vous avez une réponse à donner à une question.

M. Monty: Je pense qu'il fallait poursuivre le procès de façon à, justement, donner confiance aux travailleurs sur le chantier de la Baie-James. Cela ne m'empêche pas de penser que nos chances de succès, de gagner notre réclamation étaient minces. Les deux idées...

M. Saintonge: C'était votre perception. Malgré les opinions, votre impression, ce qui était important pour vous dans le fond, était que vous n'aviez pas beaucoup de chances de succès. C'est cela?

M. Monty: Oui.

M. Saintonge: Le 9 janvier 1979, quand vous avez voté pour la continuation des procédures, le procès devait débuter le 15 janvier, est-ce que vous étiez au courant de la rencontre de M. Laliberté au bureau du premier ministre avec M. Jean-Roch Boivin? Est-ce que vous aviez été mis au courant de la rencontre que M. Laliberté avait eue?

M. Monty: J'étais au courant qu'on avait suggéré une rencontre entre M. Saulnier, M. Laliberté, M. Boyd au bureau du premier ministre.

M. Saintonge: Ce n'est pas cela. Ce à quoi je veux référer, c'est que, si vous vous souvenez des témoignages antérieurs, le 3 janvier 1979, M. Laliberté, à la demande de M. Boivin, est allé rencontrer M. Boivin dans les bureaux du premier ministre à Montréal. Est-ce que vous avez été au courant d'une quelconque façon de cette rencontre ou est-ce que quelqu'un vous en parlé?

M. Monty: Non, M. le Président.

M. Saintonge: C'était une nouveauté pour vous, lorsque vous l'avez appris lors des audiences de la commission parlementaire, ici?

M. Monty: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Saintonge: Oui. Est-ce que vous étiez présent, M. Monty, aux réunions du conseil d'administration des 23 et 30 janvier 1979?

M. Monty: J'ai vérifié aujourd'hui dans mon ordre du jour. Oui, j'étais présent.

M. Saintonge: Vous étiez présent. Vous souvenez-vous qu'il y a eu des discussions, à ces réunions, relativement à la poursuite qui était engagée et relativement au procès?

M. Monty: Je pense qu'à toutes les réunions du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James on parlait de ce procès-là. Je pense que c'est à une de ces réunions-là qu'il a été suggéré que M. Saulnier rencontre le premier ministre en présence de M. Laliberté.

M. Saintonge: Vous souvenez-vous, concernant cette rencontre, de quelle façon cela avait été amorcé au conseil d'administration?

M. Monty: Non, je regrette, je ne m'en souviens pas.

M. Saintonge: Vous ne vous en souvenez pas du tout. En fait, on peut conclure que ce n'est pas vous qui avez demandé qu'on aille rencontrer le premier ministre.

M. Monty: Ce n'est pas moi.

M. Saintonge: Est-ce qu'on a pu mentionner... Vous ne vous souvenez d'absolument rien concernant cette rencontre?

M. Monty: Je me souviens qu'elle avait été suggérée, mais je ne me souviens pas qui l'a suggérée.

M. Saintonge: Cela a été suggéré au conseil d'administration. Est-ce qu'il y a eu un vote là-dessus ou si...?

M. Monty: Non, je ne crois pas.

M. Saintonge: Vous souvenez-vous dans quelle visée cela avait été suggéré? À quelle fin?

M. Monty: Pour explorer la possibilité de savoir si d'autres personnes étaient d'accord avec un règlement hors cour.

M. Saintonge: Quand vous dites: "Si

d'autres personnes étaient d'accord", est-ce qu'il y avait des personnes qui étaient d'accord à ce moment-là sur un règlement hors cour?

M. Monty: Je suppose qu'il devait y en avoir qui étaient d'accord. Il n'a pas été question d'un vote en ce sens. Je ne peux pas répondre d'une façon officielle.

M. Saintonge: De toute façon, vous ne saviez pas, non plus, que M. Boivin avait suggéré un règlement hors cour, à ce moment-là, à M. Laliberté?

M. Monty: Non, M. le Président.

M. Saintonge: En déléguant certains représentants du conseil d'administration à une rencontre avec le premier ministre, c'était pour savoir si le premier ministre était d'accord ou pas avec un règlement hors cour, j'imagine?

M. Monty: Oui.

M. Saintonge: Pour vous-même, est-ce qu'il était important de savoir cela? Est-ce que vous étiez disposé, alors, à tenir compte de l'opinion du premier ministre dans votre décision ultérieure?

M. Monty: C'était peut-être intéressant de savoir quelle était l'opinion du premier ministre à ce sujet, mais ce n'était pas nécessairement pour nous influencer dans nos décisions.

M. Saintonge: Sachant personnellement que le premier ministre pouvait dire qu'il était d'accord avec un règlement hors cour, est-ce que c'était un élément important, pour vous, à considérer dans la prise de décision que vous aviez à faire pour un vote éventuel?

M. Monty: Absolument pas.

M. Saintonge: Absolument pas. Quel était, alors, le but de favoriser une rencontre avec le premier ministre?

M. Monty: Pour avoir l'opinion du premier ministre en ce sens, mais cela ne veut pas dire que cela nous influencerait par la suite.

M. Saintonge: Mais si cela n'influence pas et que cela ne donne rien, pourquoi le faites-vous?

M. Monty: Parce que cela a été suggéré et accepté. Alors, la réunion a eu lieu.

M. Saintonge: À votre connaissance, cela ne pouvait influencer d'aucune façon, ni pour vous ni pour les autres membres du conseil, la décision éventuelle?

M. Monty: Pas pour moi, personnellement.

M. Saintonge: Est-ce que vous étiez présent à la réunion du conseil d'administration du 6 février?

M. Monty: Non, j'étais absent.

M. Saintonge: Vous étiez absent. De quelle façon avez-vous connu l'existence du rapport concernant la rencontre avec le premier ministre? J'imagine qu'on vous a fait rapport, à un moment donné, de la rencontre qui avait eu lieu entre le premier ministre et les trois émissaires?

M. Monty: C'est en lisant les procès-verbaux qui m'ont été présentés que j'ai pu voir le compte rendu.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez questionné des gens qui étaient présents à cette rencontre?

M. Monty: Non, je n'ai pas questionné.

M. Saintonge: Vous n'avez pas questionné du tout. Vous avez pris cela comme cela et vous n'avez pas posé de questions?

M. Monty: J'ai reçu le rapport et je l'ai lu. J'étais absent à la réunion, alors...

M. Saintonge: À la réunion suivante, quand vous avez vu ces gens-là, vous n'avez pas...

M. Monty: Franchement, je ne peux pas vous répondre. Je ne me souviens pas d'avoir posé des questions. J'ai peut-être posé des questions dans ce sens, mais je ne me souviens pas exactement de ce que j'ai pu avoir dit.

M. Saintonge: Vous n'avez pas appris dans quels termes le premier ministre avait exprimé son voeu? Vous avez appris que le premier ministre avait exprimé son voeu d'un règlement?

M. Monty: En lisant le texte.

M. Saintonge: Mais pas dans quels termes cela s'est fait?

M. Monty: Non.

(21 h 15)

M. Saintonge: Vous avez entendu, ce matin et cet après-midi, qu'un projet de règlement ou une transaction avait été

rédigée par les procureurs de la SEBJ, alors mandatés par M. Laliberté, et que c'était en date du 18 janvier 1979. Quand avez-vous appris l'existence de ce projet de transaction rédigé par vos procureurs?

M. Monty: Quand j'ai lu les comptes rendus qu'on m'a présentés depuis le début des séances de la commission parlementaire. Je ne connaissais pas cela.

M. Saintonge: Vous ne connaissiez pas cela?

M. Monty: Non.

M. Saintonge: Avec les comptes rendus... Mon problème, c'est que, justement, si je me souviens bien... À quel moment avez-vous pris connaissance de celui-là? Est-ce que vous le savez vous-même?

M. Monty: J'étais absent avant Pâques, j'étais en dehors du Canada. J'ai reçu des copies du document et j'en ai pris connaissance jusqu'à ce matin.

M. Saintonge: Ce document en particulier, si je me souviens bien, au procès-verbal du 6 février, on mentionne en fin de compte: Les membres du conseil prennent connaissance d'un rapport adressé aux procureurs de la compagnie par Me Jasmin, procureur du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et du local 791, ainsi que d'un rapport adressé à Mes Geoffrion et Prud'homme par Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat international.

M. Monty: Je m'excuse, j'en ai pris connaissance en même temps que j'ai pris connaissance du procès-verbal. On avait ces informations.

M. Saintonge: À ce moment. Vous avez assisté cet après-midi au témoignage ou à la reconnaissance par le député de Brome-Missisquoi, avec M. Thibaudeau, que la transaction dont copie avait été envoyée aux procureurs de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, par Me Beaulé était sensiblement la même que celle du 18 janvier 1979.

M. Monty: Oui.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez pu prendre connaissance du rapport du 18 janvier 1979 et à quel moment? Au 6 février, vous aviez deux rapports: celui de Me Beaulé et celui de Me Jasmin. Maintenant, celui de vos procureurs, vous n'étiez pas au courant qu'on travaillait à un projet de transaction à ce moment? Est-ce que vous étiez au courant?

M. Monty: Malheureusement non, je n'étais pas au courant.

M. Saintonge: Vous n'étiez pas au courant?

M. Monty: Non.

M. Saintonge: Vous n'étiez pas au courant que vos procureurs étaient en négociation, en discussion avec les procureurs des autres parties aux fins d'une transaction éventuelle pour un règlement hors cour?

M. Monty: Je ne crois pas.

M. Saintonge: Ni le 23 janvier, ni le 30 janvier?

M. Monty: Je mentirais si je disais que je m'en souviens.

M. Saintonge: Vous ne vous en souvenez pas. Je peux présumer, dans le fond, que le rapport du 18 janvier, vous l'avez appris à la commission ici.

M. Monty: Oui.

M. Saintonge: Que cela n'avait pas été discuté au conseil d'administration?

M. Monty: Non.

M. Saintonge: De la même façon, est-ce que vous avez pu prendre connaissance, à un moment donné, avant la tenue des audiences de la commission, du voyagement, du va-et-vient, du "promenage", tel qu'on l'a identifié, des procureurs au bureau du premier ministre?

M. Monty: Absolument pas.

M. Saintonge: Absolument pas. Ni de vos procureurs qui pouvaient aller au bureau du premier ministre aux fins du règlement de ce procès?

M. Monty: Absolument pas.

M. Saintonge: Absolument pas. Est-ce que vous avez eu, personnellement, une démonstration ou reçu des informations qui pouvaient vous indiquer que les syndicats n'auraient pas été capables de payer ou que le lien de responsabilité était discutable? Était-ce le point qui vous faisait pencher aux fins de favoriser un règlement? Est-ce que vous avez eu des informations de l'extérieur dans ce sens?

M. Monty: Nous avions des rapports de nos procureurs. Nous avions des rapports qui nous indiquaient que les syndicats canadiens, les syndicats québécois ne pouvaient

évidemment pas payer le montant qu'on réclamait. Maintenant, du côté du syndicat américain, même si on avait peut-être une chance de recouvrer une certaine somme d'argent, le risque était grand d'aller plaider aux États-Unis et de réclamer. Mais les chances de... Oui?

M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas à quel moment ces rapports sont arrivés?

M. Monty: S'il fallait passer à travers les... Je pense que c'est...

M. Saintonge: De mémoire. Juste de mémoire.

M. Monty: De mémoire, c'est probablement au mois de janvier ou février 1979.

M. Saintonge: Cela serait après le début de la cause, en fait.

M. Monty: Oui. C'est cela, après le début de la cause.

M. Saintonge: C'est après le début de la cause que l'opinion a changé.

M. Monty: Oui.

M. Saintonge: Vous vous souvenez de cela, que les opinions juridiques ont changé de teneur, en fin de compte, après le début de la cause, au mois de février, je pense.

Le Président (M. Jolivet): Cela va, M. le député?

M. Saintonge: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'ai deux questions, M. Monty. Je ne sais pas si vous avez en main le rapport de la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, mieux connu sous le nom de rapport de la commission d'enquête Cliche. Dans l'édition que vous avez, je voudrais vous renvoyer à la page 68. Il y a l'avant-dernier paragraphe que je voudrais peut-être vous lire, je vais vous en lire trois avant de vous poser une question. Je vous rappelle que ce rapport de la commission a été déposé et transmis par M. Robert Cliche, M. Brian Mulroney, M. Guy Chevrette, les trois commissaires, à l'honorable Robert Bourassa, premier ministre du Québec, le 2 mai 1975. Vous allez retrouver cette information à la page 5 du document.

À la page 68, je lis ceci: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants dirigés par Duhamel pour montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ-Construction." Je vais vous faire grâce du reste. Il y en a pour meubler vos nuits.

Ma question est la suivante: Êtes-vous d'accord avec une de ces recommandations de la commission d'enquête Cliche, à savoir que les travailleurs sur les chantiers étaient davantage des victimes de ce qui s'était passé lors du saccage de 1974 à la Baie-James?

M. Monty: Je suis entièrement d'accord avec cet énoncé.

M. Duhaime: Ma dernière question, M. Monty, est une demande de précision. J'ai cru comprendre que vous avez dit tout à l'heure que vous êtes avec Hydro-Québec depuis 32 ans ou 37 ans.

M. Monty: 37 ans au mois de mai.

M. Duhaime: 37 ans au mois de mai qui vient. Avant d'accéder au conseil d'administration de la SEBJ, si on part de 1978 en reculant, quelles ont été les fonctions que vous avez occupées, soit à Hydro-Québec, soit à la Commission hydroélectrique?

M. Monty: De mars 1976 à octobre 1978, j'ai été commissaire...

M. Duhaime: Commissaire de quoi?

M. Monty: De la Commission hydroélectrique du Québec. De 1969 à 1976, j'ai été directeur général de la construction à Hydro-Québec, ce qui comprend tous les projets de construction; de 1950 à 1969, j'ai été impliqué dans la construction et l'ingénierie des lignes de transport, à titre d'ingénieur de construction, directeur et ingénieur en chef. Alors, ma carrière s'est faite à Hydro-Québec dans la construction de lignes et de centrales, ainsi de suite.

M. Duhaime: C'est donc dire que vous avez oeuvré presque toute votre vie à Hydro-Québec, jusqu'à vous retrouver au conseil d'administration, soit comme

commissaire de la Commission hydroélectrique qui était l'équivalent du conseil d'administration d'Hydro-Québec que l'on connaît aujourd'hui, de même que du conseil d'administration de la SEBJ. Le fait que les présidents du conseil et le P.-D.G. de la SEBJ aillent rencontrer le premier ministre du Québec pour connaître son avis sur une instance comme celle-ci était-ce pour vous quelque chose hors de l'ordinaire, une démarche extraordinaire ou était-ce quelque chose qui vous est apparu comme étant dans le cadre normal des choses?

M. Monty: Dans le cadre normal.

M. Duhaime: Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je serai bref, M. le Président. M. Monty, lorsque vous avez été nommé au conseil d'administration de la SEBJ, vous arriviez d'Hydro-Québec. Vous étiez commissaire d'Hydro-Québec, comme vous nous l'avez dit. Lorsque les postes de commissaires ont été abolis avec la réforme d'Hydro-Québec, tous les commissaires sont devenus automatiquement, je pense, administrateurs de la SEBJ ou, enfin, la majorité d'entre eux. N'est-ce pas?

M. Monty: La majorité d'entre eux.

M. Bourbeau: La majorité d'entre eux, oui. Il y a eu des exceptions. C'est donc que vous étiez déjà au courant, en octobre 1978, de ce qui se passait à la SEBJ auparavant. Vous étiez sûrement au courant qu'une offre de règlement avait été faite en 1975, je crois, par les syndicats?

M. Monty: J'ai souvenance qu'une offre avait été faite en 1975, oui.

M. Bourbeau: L'offre était de 400 000 $, je crois.

M. Monty: Excusez-moi, voulez-vous répéter la question?

M. Bourbeau: L'offre de 1975 qui avait été refusée par la SEBJ était de l'ordre de 400 000 $, je crois. Est-ce exact?

M. Monty: Est-ce que c'était une offre du syndicat?

M. Bourbeau: Oui, des syndicats, pour régler la cause.

M. Monty: Une offre du syndicat?

M. Bourbeau: Je pense que c'est dans le rapport, on parle de...

M. Monty: Un instant, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: C'est à la page 18 du dossier, au deuxième paragraphe.

M. Monty: Au haut de la page 18, on lit: "Avant que ce paiement n'eût été versé, des ouvertures de règlement ont été faites à la société d'énergie par le procureur du local 791 de la FTQ-Construction, Me Michel Jasmin. Le règlement proposé était sur une base de un tiers pour chacun, la Société d'énergie absorbant un tiers de sa réclamation auprès des assureurs, ces derniers lui payant les deux tiers de sa réclamation et ne recouvrant qu'un tiers du syndicat. Cette proposition a été refusée par la société d'énergie". Ce n'était pas une offre du syndicat, c'était...

M. Bourbeau: Enfin, est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que cette offre signifiait exactement? Ce n'est pas tellement clair. J'avais cru comprendre que...

M. Monty: Est-ce que je pourrais demander à ...

M. Bourbeau: Oui, peut-être que Me Gadbois, s'il n'y a pas d'objection, pourrait nous l'expliquer.

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse.

M. Bourbeau: Non?

Le Président (M. Jolivet): II a été entendu que c'est le témoin, la personne invitée qui répond, parce qu'elle est sous serment.

M. Monty: Je vous ferais remarquer qu'en 1975 je n'étais pas au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James.

M. Bourbeau: Effectivement, mais vous étiez...

M. Monty: J'étais à Hydro-Québec. Je n'étais même pas commissaire. Mais, même comme commissaire, je n'étais pas commissaire responsable au conseil d'administration de la Baie-James.

M. Bourbeau: De toute façon, une offre avait été faite et refusée par la SEBJ. Je pense que le document fait état d'une offre qui avait été refusée par la SEBJ en 1975.

M. Monty: C'est ce qui est écrit dans le document ici.

M. Bourbeau: C'est ce qui est écrit. Lorsque l'offre finale est arrivée sur la table le 20 février... Je m'excuse. Quand le document, le 6 mars, est arrivé pour signature, l'offre de 200 000 $, avez-vous été surpris que le montant offert ne soit que de 200 000 $ en ce qui concernait la SEBJ?

M. Monty: II avait commencé à 50 000 $. Il avait monté à 125 000 $. Il était rendu à 200 000 $. Évidemment, le montant était minime. Aurait-on pu essayer d'avoir un peu plus? Peut-être. Mais, tout de même, les 200 000 $ n'étaient pas surprenants, parce qu'on montait graduellement à des montants pas beaucoup plus considérables que les précédents.

M. Bourbeau: Justement, vous dites que les montants ont commencé très bas et montaient tranquillement. Dans votre expérience de gestionnaire et d'administrateur, est-ce qu'il ne vous aurait pas paru normal, à un moment donné, surtout au début des négociations, que les administrateurs de la SEBJ donnent instruction à leurs avocats de négocier à partir d'un montant plus élevé? (21 h 30)

M. Monty: Évidemment, si on regarde ce que nous coûtaient aussi les frais de nos avocats, à raison de 25 000 $ par semaine, lorsque les 200 000 $ ont été offerts, on aurait peut-être pu essayer de continuer, pour obtenir peut-être 300 000 $ ou 400 000 $; peut-être qu'on aurait pu attendre plusieurs mois pour obtenir ce montant. Je me demande si l'on aurait été gagnant à la fin à cause des dépenses qui s'accumulaient du côté de nos conseillers juridiques.

M. Bourbeau: Lorsqu'au conseil d'administration il a été question, au tout début, d'explorer les possibilités d'un règlement, est-ce que vous vous êtes demandé ou si quelqu'un d'autre du conseil a demandé à quel montant vous alliez faire une offre de règlement vous-mêmes? Quand vous avez su que les syndicats offraient 50 000 $, avez-vous demandé à vos avocats ou à vos collègues à quel montant vous alliez proposer vous-mêmes de régler? Autrement dit, plutôt qu'uniquement considérer une offre qui venait d'en bas, est-ce que vous avez suggéré un montant cible en tant que...

M. Monty: À cette réunion, j'étais absent, M. le Président. Je ne peux pas vous répondre.

M. Bourbeau: Vous avez dit qu'à plusieurs reprises au conseil il était question...

M. Monty: Mais vous parlez de cette réunion en particulier.

M. Bourbeau: Non, je ne parle pas de celle-là. Je parle de réunions où on a évoqué les négociations. Je présume qu'on les évoquait à chaque réunion. Est-ce que quelqu'un à votre connaissance ou vous-même avez demandé que la SEBJ donne instruction à ses avocats de demander un montant de départ, si je puis dire, de négociation, de sorte qu'on ne se retrouve pas toujours nécessairement avec une offre très basse, qu'on réussirait difficilement à faire monter? A-t-on vu à ce que vos avocats aient eu mandat de demander une somme de 5 000 000 $ ou 3 000 000 $ pour leur servir de base de négociation?

M. Monty: Je me souviens que certains membres du conseil avaient demandé d'essayer d'obtenir une offre beaucoup plus considérable, qui pourrait au moins couvrir les frais de nos conseillers juridiques. Je me souviens que cela a été mentionné.

M. Bourbeau: Vous souvenez-vous du montant qui avait été mentionné?

M. Monty: Un instant. Je peux lire le texte à la page 118, au bas de la page, si vous le voulez. Le conseil a résolu "d'autoriser Mes Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la compagnie dans la cause de la SEBJ contre Yvon Duhamel et Al., à proposer aux procureurs des défenseurs les termes de règlement hors cours de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la compagnie d'une somme représentant substantiellement les frais légaux encourus à date, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement."

M. Bourbeau: À votre connaissance, les frais juridiques étaient de combien?

M. Monty: On parle de près d'un demi-million, de 400 000 $.

M. Bourbeau: Est-ce que, à votre connaissance, vos avocats ont eu mandat d'exiger un minimum de 450 000 $?

M. Monty: Je ne sais pas si on avait donné un mandat précis comme celui-là, mais on avait assurément demandé à nos avocats d'essayer d'obtenir le plus possible pour au moins couvrir les frais de nos avocats.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il a déjà été question, lors des discussions au conseil, de ces demandes de vos avocats à la partie

adverse de sommes qui pouvaient aller aux environs de 500 000 $?

M. Monty: Probablement. Je ne peux pas vous répondre d'une façon précise, M. le Président.

M. Bourbeau: M. Monty, dans votre expérience - vous avez été directeur général de la construction à Hydro-Québec, c'est un poste assez élevé, je pense que c'est le plus élevé à peu près, avant d'être commissaire -vous avez certainement eu souvent à régler des réclamations ou des négociations, vous avez dû passer votre vie à faire des négociations, je présume?

M. Monty: Oui, c'est peut-être la raison pour laquelle j'avais des doutes sur la possibilité d'en arriver à un règlement en gagnant une cause.

M. Bourbeau: Dans votre expérience de négociation, est-ce que vous en avez vu souvent dans votre vie où la partie demanderesse, enfin celle qui est le patron, si je puis dire, la partie patronale, n'a pas donné à ses mandataires un montant de départ précis un maximum même plus élevé peut-être que le montant souhaité, de façon que la négociation se fasse des deux bouts, comme on le voit normalement dans une négociation collective où les syndicats demandent beaucoup et où le patron offre peu et on se rencontre à mi-chemin? Dans le cas présent, est-ce que cela ne vous est pas apparu étrange qu'on avait une offre très basse et qu'elle montait tranquillement, au fur et à mesure des semaines? On aurait dit que tout le monde était assis sur la chaudière et que personne de l'autre côté ne demandait un montant plus élevé. Est-ce que cela ne vous a pas paru étrange?

M. Monty: Si je me base sur mon expérience que j'avais dans la construction, lors des règlements de réclamations, comme vous le dites vous-même, c'est que le réclamant demande beaucoup plus que le montant qui lui est dû. L'expérience que j'ai acquise, c'est que, ordinairement, c'est de 10 à 15% de la valeur de la réclamation et des montants exacts qu'on pourrait régler. Maintenant, du côté de cette cause-là, ce serait l'inverse et au lieu de baisser, on monte graduellement. C'est peut-être une autre façon, mais ce n'était pas la façon que je connaissais.

M. Bourbeau: Vous, dans votre expérience, vous n'avez pas vu cela souvent, des réclamations où c'est le débiteur qui propose un montant infime, alors que le demandeur, enfin le patron, dans le cas présent, ne demande pas, lui, un montant très élevé ou, enfin, beaucoup plus élevé, de façon à permettre de se rencontrer à mi-chemin.

M. Monty: C'est un fait.

M. Bourbeau: Et quand on vous a mis sur la table le montant de 200 000 $, le 6 mars, d'autres avant vous ont dit qu'ils ont été stupéfaits de voir un montant aussi peu élevé. Je pense que M. Hébert l'a dit et Mme Forget, aussi, je pense.

M. Duhaime: Ils n'ont pas été stupéfaits. Non.

M. Bourbeau: Ils ont été surpris. Bon, je m'excuse du mot. Je ne voulais pas insulter le ministre. Disons qu'ils ont été surpris.

M. Lalonde: Une autre saute d'humeur! Mon Dieu! Deux sautes d'humeurs!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Laissez à M. Monty le soin de répondre.

M. Monty: La capacité de payer des syndicats, évidemment, était peut-être l'une des raisons qui nous portaient à croire que le montant qu'on nous offrait était peut-être le maximum qu'on pouvait obtenir. Accepter un montant de 200 000 $ ou de 300 000 $, il y avait peut-être une différence de quelque cent mille dollars, mais est-ce qu'on aurait pu la gagner? Il y avait aussi les frais que nous encourions. L'incapacité de payer des syndicats canadiens était peut-être l'une des raisons qui nous forçaient à accepter le règlement de 200 000 $.

M. Bourbeau: Oublions les Américains, puisqu'il y avait un petit problème, mais, sur la capacité de payer des syndicats canadiens, étiez-vous, personnellement, sûr que les syndicats canadiens ne pouvaient pas payer plus que 200 000 $?

M. Monty: Par les rapports que nous avons eus, les déclarations de nos avocats et des gens qui connaissaient les syndicats, on avait presque l'assurance que c'était impossible que les syndicats puissent payer la note.

M. Bourbeau: Par exemple, il ne vous est pas passé par la tête de dire: On va demander plus et, au pis aller, ils vont refuser notre offre et on renégociera autre chose? Si vous aviez refusé, par exemple, l'offre de 200 000 $, pensez-vous que cela n'aurait pas pu attirer une offre plus haute?

M. Monty: Je ne peux pas vous répondre. On aurait peut-être gagné un peu plus. Maintenant, on voulait, évidemment,

régler aussi le problème lui-même, de façon que le chantier puisse continuer à la même allure qu'il allait et nettoyer la situation.

M. Bourbeau: Sur le souhait du premier ministre, il ne semble pas que vous étiez au courant que le premier ministre avait fait valoir ses voeux pieux, comme on a dit, le 1er février. Mais le conseil d'administration avait été mis au courant le 6 février de ces voeux-là. Et, enfin, il semble que dans le milieu, les avocats le savaient, parce qu'il y avait un va-et-vient continuel entre le bureau du premier ministre et celui des avocats. Est-ce que, dans ces circonstances, il ne vous apparaît pas qu'il était difficile de faire monter les offres, puisque tout le monde savait qu'il fallait régler de toute façon?

M. Monty: Je ne pense pas que la rencontre au bureau du premier ministre et le rapport que nous avons eu au conseil aient pu influencer les membres du conseil à propos de la décision de régler ou de ne pas régler. Personnellement, je ne le crois pas.

M. Bourbeau: Est-ce que cela ne handicapait pas la possibilité de faire monter l'offre des syndicats, le fait que tout le monde savait qu'il y avait des instructions de régler absolument?

M. Monty: Je ne crois pas.

M. Bourbeau: Vous ne croyez pas? Alors, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Très brièvement, M. Monty. Lors de l'une des premières questions, au tout début, M. le ministre vous a demandé si, au cours des mois de décembre 1978, janvier 1979 ou février 1979, vous aviez eu des contacts directs ou indirects avec, soit le premier ministre, soit les gens de son bureau, son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, soit son attaché politique, M. Yves Gauthier. Vous avez répondu non. Mais, par la suite, au cours de votre témoignage, vous avez dit: J'ai pris connaissance - vous me corrigerez si j'ai tort - du procès-verbal de la réunion où on a dit que le premier ministre était favorable à un règlement. Vous avez donc eu un contact indirect, par le biais d'un papier ou d'un rapport qui a été fait par M. Saulnier.

M. Monty: Lorsque j'ai lu le procès-verbal. J'étais absent, le 6 février, lorsqu'on a mentionné que M. Saulnier avait rencontré le premier ministre.

M. Paradis: Comment l'avez-vous appris?

M. Monty: En lisant le procès-verbal à la réunion suivante. On m'a quand même distribué le procès-verbal.

M. Paradis: Vous avez donc été, indirectement, mis au courant de l'opinion du premier ministre.

M. Monty: C'est-à-dire que j'ai lu ce qui était écrit dans le procès-verbal.

M. Paradis: À la page 118 du cahier, à la réunion du 20 février, vous avez lu le dernier paragraphe de la proposition dûment faite et appuyée qui se lisait comme suit: "D'autoriser Mes Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la compagnie dans la cause de la SEBJ versus Yvon Duhamel et Al., à proposer aux procureurs des défendeurs les termes de règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages - on peut comprendre pourquoi vous vouliez une reconnaissance - et du paiement à la compagnie d'une somme représentant substantiellement les frais légaux encourus -M. Laliberté nous a confirmé que c'était aux alentours de 900 000 $ à cette époque-là -le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement." Pourquoi avez-vous ajouté, et c'est cela ma question: "le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement?" Quel était pour vous, à titre d'administrateur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, je m'excuse. Je viens d'entendre une question de règlement de la part du député de Chambly.

M. Tremblay: Je m'aperçois que le député, malencontreusement, est en train d'induire en erreur la commission. Il a dit que... Je suis certain qu'il ne le fait pas volontairement. De sa part, j'en suis sûr.

M. Paradis: De sa part, cela va.

M. Pagé: Mais de la part de l'autre?

M. Tremblay: II a dit que M. Laliberté avait dit que les frais judiciaires étaient de 900 000 $ et selon moi...

M. Paradis: Les frais encourus pour la poursuite à ce moment-là étaient de 900 000 $. Il y avait 365 000 $ plus 435 000 $. M. Laliberté avait dit 800 000 $, et le député de Marguerite-Bourgeoys avait

dit: Si j'additionne comme il faut, cela fait 900 000 $. Il a reconnu qu'il s'agissait de 900 000 $. Vous vous en souvenez, oui?

M. Tremblay: Non.

M. Paradis: Tout le monde s'en souvient.

M. Tremblay: C'est parce que...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Le député a posé une question de règlement. M. le député a essayé d'y répondre. Est-ce que cela a été clarifié?

M. Tremblay: II semblerait. On va regarder cela.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi, vous pouvez continuer.

M. Paradis: C'est la même question, M. Monty. Vous ajoutez, à la fin: "Le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement." Pourquoi, comme administrateur, teniez-vous à cette condition-là? On peut comprendre que vous teniez au paiement de vos frais. On peut comprendre que vous teniez à l'admission de responsabilité. Mais pourquoi vouliez-vous que les compagnies d'assurances abandonnent les poursuites?

M. Monty: Si on voulait régler avec les syndicats, il fallait que les compagnies d'assurances le fassent aussi. Les deux actions étaient jointes dans la même.

M. Paradis: Oui, mais pourquoi ne vouliez-vous pas laisser le choix aux compagnies d'assurances de continuer, si elles le voulaient?

M. Monty: On m'informe que les compagnies d'assurances n'étaient pas prêtes à accepter à moins que nous ne réglions les deux en même temps.

M. Paradis: Quel était votre intérêt? Je comprends que les compagnies d'assurances ne voulaient pas accepter. Mais vous, comme administrateur de la SEBJ, quel était votre intérêt à forcer les compagnies d'assurances à abandonner les poursuites?

M. Monty: Je suppose que les taux d'assurance auraient pu augmenter considérablement si on ne réglait pas.

M. Paradis: Non, non, mais les taux ont augmenté considérablement de 20% et cela a coûté, pour dix ans, selon les documents et le témoignage de M. Laliberté, 5 800 000 $, quasiment 6 000 000 $ d'augmentation pour les dix prochaines années, parce que la compagnie d'assurances a payé et a abandonné les poursuites. Donc, cela ne peut pas être la raison. Est-ce que, dans votre souvenir, vous pourriez trouver une autre raison? Non?

M. Monty: Je regrette.

M. Paradis: Cela va. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Monty, très rapidement. Tout à l'heure, on a eu le témoignage de M. Laferrière qui a fait état d'une rencontre avec M. Yves Gauthier, le 3 novembre, laquelle rencontre du 3 novembre étant suivie, le 27 novembre, d'une demande de la part de M. Laferrière, inscrite au procès-verbal d'ailleurs, demandant des documents qui permettaient d'établir la solvabilité des défendeurs, c'est-à-dire des syndicats, et demandant aussi de clarifier le lien de droit entre les défendeurs et les dommages qui avaient été causés. M. Monty, est-ce que vous pouvez nous dire si vous étiez présent quand cette demande du 27 novembre 1978 a été faite par M. Laferrière?

(21 h 45)

M. Monty: J'ai vérifié dans mon ordre du jour, aujourd'hui, et j'étais présent à la réunion du 27 novembre.

M. Doyon: Bon. Est-ce que vous vous souvenez, de fait, que M. Laferrière ait fait une demande telle que celle inscrite au procès-verbal du 27 novembre 1978?

M. Monty: Malheureusement, je ne m'en souviens pas.

M. Doyon: M. Monty, même si vous ne vous souvenez pas que M. Laferrière ait mentionné cette demande dans le procès-verbal, est-ce que M. Laferrière aurait pu, à un moment ou à un autre lors de discussions qu'il aurait pu avoir avec vous entre le 3 novembre et le 27 novembre 1978, discuter de sa rencontre avec M. Yves Gauthier, du cabinet du premier ministre et ancien tuteur du local 791, un des principaux défendeurs de l'action qui était entreprise par la SEBJ?

M. Monty: Je n'ai jamais eu de discussion en ce sens avec M. Laferrière.

M. Doyon: M. Monty, vous avez assisté, j'imagine, aux délibérations de cette commission pendant toute la journée et particulièrement cet après-midi. Quelle est votre réaction personnelle, aujourd'hui, devant ce qui a été établi à cette

commission, c'est-à-dire le fait que ce qui a été présenté, au mois de février, comme étant une offre des défendeurs, soit des syndicats, était, à toutes fins utiles, la copie conforme, à quelques exceptions près, d'un document qui émanait de vos procureurs de la SEBJ? Comment réagissez-vous à cela comme administrateur?

Le Président (M. Jolivet): Avant que vous ayez à répondre, M. Monty, je dois vous rappeler que l'article 178, par analogie, vous protège aussi à ce niveau et, en même temps, le mandat de la commission parlementaire vous permet de ne pas répondre à cette question si vous ne le désirez pas.

M. Monty: Ce que je veux répondre, c'est que cela a été une surprise pour moi.

M. Doyon: Vous avez été surpris, M. Monty. Je vous remercie de votre réponse. Cela nous aide énormément, M. Monty, que vous acceptiez de répondre à des questions qui peuvent être difficiles. Mais cette surprise que vous manifestez maintenant, à quoi est-elle due, M. Monty?

M. Monty: D'abord, les deux lettres et les deux rapports coïncidaient tellement; puis deux jours d'intervalle, c'était quand même surprenant.

M. Doyon: Si je me trompe, vous me le direz. Est-ce qu'on peut dire aussi, M. Monty, que la surprise peut, en partie - étant donné qu'on a établi tout à l'heure par le député de Laporte, que vous avez négocié longtemps et à plusieurs reprises - être due au fait de voir qu'une proposition de règlement des défendeurs est, en fait, une proposition de règlement qui émane des demandeurs? Est-ce que votre surprise pourrait être due à cela?

M. Laplante: Objection, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je veux simplement...

Une voix: Le député de Bourassa s'objecte encore.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Je veux simplement rappeler à M. Monty qu'il n'est pas obligé de répondre, comme j'en ai fait mention au début de l'interrogation par le député de Louis-Hébert.

M. Laplante: C'est justement. Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense que M. Monty est prêt à répondre qu'il ne veut pas répondre. C'est ce que j'ai compris.

M. Monty: Exactement. Je ne tiens pas à répondre à cette question.

M. Doyon: M. Monty, est-ce que, dans vos antécédents, dans vos activités antérieures, il vous est déjà arrivé de voir une procédure telle que celle que je viens d'expliquer et qui a été établie devant la commission en ce qui concerne une négociation? Est-ce que vous avez déjà connu une telle façon de négocier?

M. Monty: Je ne crois pas. Je ne m'en souviens pas d'avoir eu des cas comme cela.

M. Doyon: C'est un précédent pour autant que vous êtes concerné, en 37 ans de passage à Hydro-Québec. C'est bien cela?

M. Tremblay: C'est parce que cela fait deux fois que le député dit que cela a été établi. Qu'est-ce qui a été établi?

M. Lalonde: II faudrait peut-être réveiller le député de Chambly.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je m'excuse. S'il vous plaît.

M. Lalonde: Est-ce qu'on pourrait...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, un à la fois.

M. Lalonde: Est-ce qu'on pourrait sonner les cloches pour réveiller le député de Chambly?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député.

Une voix: Ding! Ding! Ding!

M. Lalonde: On va sonner les cloches pour essayer de réveiller le député de Chambly. Ah! Ah!

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Cela a été calme, on va continuer à être calme.

M. Tremblay: M. le Président, est-ce que j'ai le droit de savoir ce qui a été établi?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Pour éclairer le député de Chambly, je vais l'informer de ce qui a été établi cet après-midi. C'est qu'un projet de règlement, qui a été présenté par les défendeurs, c'est-à-dire les syndicats, les procureurs des syndicats, le 19 et qui est daté du 19 janvier, a été

transmis par une lettre du 22 janvier. Il a été établi clairement - et si le député avait écouté, il aurait compris - que cette offre qui apparaissait à sa face même comme étant une offre qui émanait des syndicats, du procureur des syndicats, Me Beaulé, était, en fait, la copie conforme, la copie carbone, le calque - je ne sais pas si le député me suit à peu de chose près, d'un projet de règlement préparé par les procureurs de la SEBJ: Geoffrion et Prud'homme. C'est ce qui a été établi par mon collègue de Brome-Missisquoi, et si le député de Chambly est de la commission...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, lorsque le député de Brome-Missisquoi s'est livré à cet exercice cet après-midi, j'ai fait des mises en garde et je me rends compte que ce soir on est en train de tirer des conclusions de façon prématurée. Pour autant que je suis concerné, il y a deux documents sur la table, l'un qui porte la date du 18 janvier et l'autre qui porte une nouvelle date, le 19 janvier. Je pense qu'il est important de dire ici que la chose qui est établie devant cette commission pour l'instant, pour autant que ces documents sont concernés, c'est que nous les avons en main.

Je voudrais référer le député de Louis-Hébert à la page 200 du document, parce que cela a été très clairement établi et j'espère que d'autres personnes viendront le dire. À la page 200, sur la note d'honoraires de Geoffrion et Prud'homme, il y a en date du 15 janvier une "vacation à la cour pour procès", c'est-à-dire le premier jour de l'audience, une "rencontre avec Me Jasmin" et "pourparlers de règlement et entrevue avec les autorités de la Société d'énergie de la Baie James". C'est à la page 200 du document que j'ai devant moi et je pense que le député de Brome-Missisquoi va convenir qu'à partir du 15 janvier...

Une voix: 201.

M. Duhaime: Page 200.

Une voix: 202.

M. Duhaime: ...jusqu'au 30 janvier - je pense que cela a été établi - il y avait eu six rencontres entre...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: ...les procureurs des parties. Le député de Brome-Missisquoi a lui-même ajouté qu'il n'y en avait pas eu cinq, parce que j'avais compris cinq, mais bien six. Je pense que d'autres témoins qui seront appelés à venir devant cette commission pourront expliquer au député de Louis-Hébert comment des avocats qui pourraient représenter dans un litige des intérêts opposés travaillent à la préparation de projets de transaction, sans préjudice, j'imagine...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député.

M. Duhaime: À partir d'un fait qui consisterait à dire: Ceci est établi et ceci n'est pas établi, je pense que le député de Louis-Hébert ne peut pas, à ce stade-ci des travaux de la commission, tirer pareilles conclusions. Il vient d'émettre une longue opinion; je vous avoue franchement que je ne suis pas tellement impressionné. Je le prierais tout simplement de poser des questions. Quant à la synthèse des travaux de cette commission, j'imagine qu'on aura l'occasion d'en reparler.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, avant que l'on continue. Je ne voudrais pas que ce soit un débat qui soit trop long, puisque notre but est de terminer avec M. Monty ce soir pour continuer dès demain matin avec M. Roquet. Mais je ne voudrais pas que le reste du temps soit pris à un point tel que M. Monty soit obligé de revenir demain matin.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas perdre plus de temps, mais la question soulevée par le ministre est importante. Il semble mettre en doute le droit du député de Louis-Hébert d'exprimer une opinion sur une démonstration qui a été faite par le député de Brome-Missisquoi. Si l'opinion exprimée par le député de Louis-Hébert, selon laquelle les deux documents sont des jumeaux, ne plaît pas au député ou au ministre, c'est sa responsabilité de dire que ces deux documents ne se ressemblent pas, mais il n'a pas le droit de contester au député de Louis-Hébert le droit de conclure que ces deux documents sont des jumeaux.

Le Président (M. Jolivet): Cependant, je dois aussi comprendre que, si le député de Louis-Hébert a une opinion, que le ministre a une opinion, que d'autres ont des opinions, le but n'est pas de savoir si chacun a une opinion ici, ce soir; c'est de poser des questions à M. Monty.

Une voix: C'est cela.

M. Paradis: M. Monty est d'accord avec l'opinion.

Le Président (M. Jolivet): Alors, si vous voulez continuer pour terminer avant 22

heures.

M. Doyon: Merci, M. le Président. En parlant d'opinion, M. le Président, je pense que, si le ministre avait continué de tourner - parce qu'il était bien parti - une page supplémentaire - il en était à la page 200 -s'il était arrivé à la page 202, il aurait constaté lui-même que, le 18 janvier, les avocats de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, indiquent dans leurs comptes: "Rédaction d'une déclaration de transaction", à laquelle je me réfère quand je dis - c'était à l'intérieur de ma question et je pense que c'était important; il n'y a pas de contradiction, cela vient tout simplement confirmer ce que je disais - que ces deux propositions de règlement sont, finalement, identiques. Ma question à M. Monty était de savoir s'il avait été mis, d'une façon ou d'une autre, de près ou de loin, au courant qu'une initiative avait été prise par la SEBJ pour rédiger une proposition de règlement qui reviendrait par la bande comme étant celle des syndicats défendeurs. Est-ce que vous avez été mis au courant de cela, M. Monty?

M. Monty: Non, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie...

M. Laplante: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, oui.

M. Laplante: M. Monty, dans votre longue expérience, vous avez parlé de 1965, des difficultés que vous avez eues sur la ligne de la Gaspésie. Trouvez-vous normal que deux procureurs, le défendeur et celui qui poursuit, puissent se rencontrer et négocier un arrangement quelconque pour régler le litige et que, entre les deux, il se rédige un rapport avec entente?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Laplante: Trouveriez-vous cela normal?

Le Président (M. Jolivet): M. Monty.

M. Laplante: En accord, que les deux puissent rédiger.

M. Monty: Je trouve normal que deux avocats se rencontrent pour essayer de négocier une entente entre les deux. À mon sens, cela s'est vu assez régulièrement de façon à régler cela hors cour.

M. Laplante: Croyez-vous, en somme, que ce n'est pas cela qu'ils ont fait, les procureurs de la Baie-James et les procureurs de la partie défenderesse? Croyez-vous que c'est cela qu'ils ont fait?

Le Président (M. Jolivet): M. Monty, je dois vous rappeler, comme le député de Bourassa me le rappelle souvent, que l'article 168 vous protège, puisque c'est une question d'opinion.

Une voix: Suggestive.

Le Président (M. Jolivet): C'est une question d'opinion à laquelle vous n'êtes pas obligé de répondre.

M. Monty: Une question d'opinion, je ne répondrai pas.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Monty. Je dois terminer les travaux pour ce soir et ajouner à demain matin, 10 heures. M. Claude Roquet sera alors notre invité. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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