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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 11 mai 1983 - Vol. 27 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît:

La commission permanente de l'énergie et ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le râle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt (Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis) et M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly) et M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Le travail à être fait aujourd'hui, c'est de ce moment-ci jusqu'à 13 heures, et nous reviendrons normalement après la période des questions, vers 16 heures ou 16 h 30 jusqu'à 18 heures. On prévoit normalement, selon les ententes qui ont été discutées la semaine dernière, pouvoir fonctionner au cours de la journée de demain et de vendredi.

La personne invitée ce matin est Me Yves Gauthier, conseiller spécial au bureau du premier ministre.

Je demande à M. Jean Bédard, greffier, de faire l'assermentation et à Me Gauthier de s'approcher du micro à ma gauche.

Le greffier (M. Bédard): M. Gauthier, pouvez-vous mettre la main sur l'Évangile et déclarer après moi: Je, vos nom et prénom, jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la vérité.

M. Gauthier (Yves): Je, Yves Gauthier, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Bédard): Merci, M. Gauthier.

Le Président (M. Jolivet): Merci, Me Gauthier. Vous pouvez nous installer. Le député de Marguerite-Bourgeoys a-t-il quelque chose à ajouter? Vous pouvez vous asseoir, Me Gauthier.

Oui, d'accord. Me Jutras, ce que j'ai cru comprendre tout à l'heure...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Les personnes convoquées

M. Lalonde: Étant donné que cela fait seulement quelques jours que nous avons suspendu les travaux et qu'à la suite d'une question que j'ai posée en Chambre hier à l'Assemblée nationale, concernant la présence à notre commission de M. Maurice Pouliot, le ministre a semblé nous indiquer que c'est ici à la commission qu'il aurait... Il faudrait que le ministre...

Le Président (M. Jolivet): Je vais quand même rectifier parce que, moi aussi, j'ai déjà donné des directives à cette commission. Si vous avez l'intention de discuter de ce problème sans faire de motion, je ne l'accepterai pas, car je l'ai dit la semaine dernière. Si vous avez une motion à faire, faites-la et nous allons la discuter, mais il n'est pas question de reprendre le débat, à savoir si telle personne ou telle autre doit être présente ou pas. J'en ai fait mention la semaine dernière comme président de cette commission parlementaire.

M. Lalonde: M. le Président, je suis parfaitement d'accord avec vous. Si nous devions faire un débat, nous devrions le faire dans la forme c'est-à-dire présenter une motion. Ce n'est pas mon intention de faire un débat. Simplement par courtoisie à l'égard de ceux qui nous entendent et de ceux qui sont ici, que le ministre nous informe de sa décision, de la décision du gouvernement sur la présence de M. Maurice Pouliot, de M. Yvan Latouche qui étaient sur la liste, et de Me Jasmin. Sa présence ici est, semble-t-il, aléatoire à cause des procédures qui ont été engagées. Est-ce que le ministre pourrait

nous dire quelle est la décision? On fera les débats que nous déciderons de faire en temps et lieu.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, sur cette question des témoins, je rappellerai essentiellement que dans le cas de M. Yvan Latouche, je n'ai pas changé d'idée et il ne sera pas convoqué par la commission.

Dans le cas du témoignage de l'honorable juge Michel Jasmin, j'avais indiqué la semaine dernière que nous allions commencer ce matin par entendre Me Yves Gauthier et ensuite Me Jean-Roch Boivin. Je verrai ensuite avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, sous réserve du jugement qui pourrait être rendu par la Cour supérieure et des procédures qui pourraient s'en-suivre, si nous pourrons convoquer l'honorable juge Jasmin la semaine prochaine. Même si on l'avait convoqué ce matin, cela n'aurait pas donné grand-chose, car on lui aurait demandé tout simplement d'attendre.

Dans le cas de M. Pouliot, je suis prêt à considérer la demande que nous formule à nouveau ce matin le député de Marguerite-Bourgeoys avec la même réserve que celle que je formulais il y a deux semaines lorsqu'il a fait sa demande.

Nous pourrions faire ici une liste d'une bonne quinzaine de personnes qui étaient secrétaires généraux, directeurs généraux, présidents ou encore membres des exécutifs syndicaux qui ont été impliquées dans cette affaire. Je ne vois pas en quoi leur témoignage pourrait éclairer les travaux de cette commission. Je suis prêt, comme on dit, à laisser cette porte ouverte et à ne pas dire non ce matin. De toute manière, quelle que pourrait être la décision, je n'entendrais pas changer l'ordre des témoins que nous avons arrêté jusqu'à présent. Je compte bien que, d'ici à la fin de juin, j'imagine bien, nous puissions avoir terminé ces travaux lorsque le premier ministre, qui devrait participer à nos travaux bientôt, en aura terminé. Nous pourrons voir ensuite s'il sera indiqué d'entendre ou encore d'assigner d'autres personnes. Alors, nous en sommes là; je pense avoir répondu à la question qui m'a été posée.

M. Lalonde: M. le Président, il ne faudrait pas...

Le Président (M. Jolivet): M. député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...interpréter mon silence comme étant un accord. Je suis simplement vos directives. Je n'engagerai pas le débat. Nous n'avons pas changé d'idée, au contraire, en ce qui concerne et M. Pouliot et M. Latouche, mais nous ferons connaître notre façon de faire valoir le bien-fondé de notre demande à mesure que les travaux se dérouleront.

Le Président (M. Jolivet): Une autre question, M. le député de Gatineau, ou sur la même question?

M. Gratton: C'est simplement une précision, M. le Président, surtout quant à M. Maurice Pouliot. Le ministre ne ferme pas la porte, soit, on le constate. M. le ministre, commençons sur le bon ton ce matin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, je pense que j'ai été bien clair. Je ne voudrais pas qu'on commence un débat...

M. Gratton: Non.

Le Président (M. Jolivet): ...et je ne le permettrai pas.

M. Gratton: Le ministre nous dit, dans les conversations qu'on pourrait avoir: si vous me convainquez du bien-fondé d'inviter M. Pouliot, je ne ferme pas la porte. J'aimerais savoir du ministre comment on peut le convaincre du bien-fondé de notre demande de faire comparaître M. Pouliot sans que nous lui disions ce que nous-mêmes ne savons pas nécessairement encore, c'est-à-dire ce que M. Pouliot a à nous dire. Le ministre voudrait, supposant qu'on saurait d'avance ce que M. Pouliot a l'intention de déclarer à la commission, qu'on le lui dise. On ne peut pas parler pour M. Pouliot, de la même façon que le gouvernement ne peut pas nous dire: Qu'est-ce que M. Pouliot pourrait venir dire à la commission que le gouvernement ne voudrait pas entendre? Dans le fond, il s'agit de constater que M. Pouliot était un des signataires du règlement hors cour en 1979 et de constater qu'il a fait des déclarations publiques, qu'il a des choses à dire, qu'il prétend toujours avoir des choses à dire et que nous, de l'Opposition, qui voulons contribuer à faire la lumière sur toute l'affaire, considérons qu'il a des choses très importantes à dire. Je ne vois réellement pas ce qu'on peut dire de plus au ministre qui pourrait l'amener à reconnaître le bien-fondé de notre demande. C'est dans ce sens que je demande au ministre d'y songer sérieusement. C'est facile de dire: Présentez-nous une motion, on fera le débat. Sachant d'avance que le gouvernement a la majorité, qu'il votera tout simplement contre et que cela réglera la chose une fois pour toutes, pour nous...

M. Duhaime: Si c'est recevable. M. Gratton: Si c'est recevable?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! C'est à moi à décider cela.

M. Gratton: Voyons donc! C'est recevable.

Le Président (M. Jolivet): Tout cela pour vous dire que, si le ministre n'a rien à dire, je passe immédiatement à Me...

M. Duhaime: J'aurais des choses à dire, mais je ne veux pas faire perdre du temps à la commission, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Me Yves Gauthier a-t-il une déclaration préliminaire à faire?

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Allez, Me Gauthier, vous avez la parole.

Témoignages M. Yves Gauthier

M. Gauthier (Yves): Merci. À la mi-octobre 1978, à la suite de ma nomination comme conseiller spécial...

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi...

M. Gauthier (Yves): Oui?

Le Président (M. Jolivet): Voudriez-vous approcher votre micro? Nous avons de la difficulté à vous entendre.

M. Gauthier (Yves): Oui, cela va. Là, cela va mieux?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Gauthier (Yves): À la mi-octobre 1978, à la suite de ma nomination comme conseiller spécial, j'ai abandonné le poste de tuteur de certains syndicats ouvriers, dont le local 791, l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, qui était poursuivie en dommages par la SEBJ. À titre de tuteur, j'étais chargé des intérêts de ce syndicat.

Je m'étais formé une opinion quant au recours de la SEBJ que je croyais mal fondé et qu'il en coûterait inutilement des frais au syndicat pour se défendre. Celui-ci n'avait rien à faire avec le saccage, ne l'avait pas autorisé ni favorisé. Je crois que mon opinion était connue.

À mon arrivée au bureau du premier ministre, je ne me suis pas mêlé de ce dossier. Je n'ai parlé ni à M. Lévesque, ni à M. Boivin, ni à quelqu'autre personne du bureau du premier ministre et ce, à cause de mes connaissances antérieures de ce dossier qui me liaient en quelque sorte à la partie syndicale.

Je n'ai pas eu connaissance de visites des membres du conseil d'administration ou des avocats de la SEBJ au bureau du premier ministre. J'ai eu diverses rencontres avec Me Jasmin, le procureur du syndicat québécois, le local 791, qui avait aussi des mandats pour la tutelle, pour le suivi de certains dossiers. Quant à celui de la SEBJ, il était possible que je sois appelé à témoigner pour expliquer les structures syndicales et les différents liens pouvant exister entre elles.

M. Pierre Laferrière vous a dit que nous avons mangé ensemble au commencement de novembre. Il s'agissait d'un dîner entre amis. Nous avons pris des nouvelles l'un de l'autre. Moi, je sortais de la tutelle et lui, à la même date, le 3 octobre, entrait au conseil d'administration de la SEBJ. On a échangé sur divers sujets. Je lui ai raconté mes aventures un peu loufoques avec le syndicat. Quant à la Baie-James, je lui ai mentionné que le syndicat québécois poursuivi n'avait pas d'argent, que le syndicat américain était étranger à cette affaire et qu'il pourrait peut-être aussi y avoir des risques très coûteux dans le rendement au chantier, pour la SEBJ.

M. François Aquin m'a téléphoné pour vérifier si les avocats des syndicats étaient venus au bureau du premier ministre. Je lui ai dit que je passerais chez lui, le soir, avec mon épouse. Cela me donnait l'occasion d'aller voir son Riopelle. Je lui ai confirmé que Me Jasmin était venu me voir, que je pensais que M. Rosaire Beaulé était venu voir M. Jean-Roch Boivin et que, d'après ce que me disait Me Jasmin, il pourrait peut-être y avoir un règlement.

Quant aux divisions à la SEBJ, à ma souvenance, je ne me rappelle pas lui en avoir parlé. D'après moi, c'est plutôt lui qui devait le savoir, puisque c'était lui, l'avocat de la SEBJ. Je n'assistais pas à ces réunions-là, moi.

Quant à Me Gadbois, je ne me souviens pas de lui avoir rendu visite au sujet de la Baie-James. M. Gadbois vous a dit que j'étais allé le voir pendant une dizaine de minutes. J'ai beau chercher, je ne trouve rien, sauf que, à la fin de mars 1978, mes clients ont signé un contrat de prêt avec la SEBJ. Je me souviens que j'étais allé faire signer M. Boyd, comme président de la SEBJ, à son bureau d'Hydro-Québec. La résolution de la SEBJ était signée par Me Gadbois, comme secrétaire intérimaire. Je ne peux pas voir cela autrement. Je cherche depuis quinze jours et je ne trouve rien.

Quant à M. Latouche, on a suivi le cas dans les journaux. D'après moi, cela n'a aucune espèce de lien avec la poursuite de la SEBJ contre les syndicats. Je l'ai reçu à

mon bureau, comme je reçois d'ailleurs des dizaines d'autres citoyens, parce qu'il se plaignait d'avoir été injustement congédié par la SEBJ. Il m'a montré un dossier très épais concernant des procédures prises par lui, des irrégularités que la SEBJ aurait commises dans ses contrats et un jugement qui aurait prouvé que de telles irrégularités existaient depuis longtemps, 1968, je pense. J'ai pris des photocopies de certains de ses documents, je les ai lues et, par la suite, je les ai jetées.

Selon moi, son recours devait être soumis aux tribunaux. Je ne suis pas juge et je ne veux pas m'immiscer dans les dossiers des juges. Quant au jugement, il impliquait M. Boyd et portait sur un point tout à fait technique. D'ailleurs, il était publié à des milliers d'exemplaires dans tous les recueils judiciaires. Je l'ai ici avec moi. Je ne me souviens pas si M. Latouche était représenté par Me Jasmin ou si... Je pense que Me Jasmin m'avait déjà parlé de ce cas-là et selon moi, ils semblaient se connaître. Je me souviens aussi que M. Latouche avait rédigé lui-même les procédures contre la SEBJ et que cela m'avait beaucoup frappé.

Par la suite, j'ai donné son nom à la SHQ pour voir si elle avait besoin de personnel parce qu'il prétendait s'y connaître en construction. Je pensais qu'il était ingénieur. C'est tout ce que j'ai à dire dans ma déclaration. Je pense que je couvre pas mal tout.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais apporter une précision. On parle de vous depuis plusieurs semaines. Est-ce que vous êtes membre du Barreau ou membre de la Chambre des notaires?

M. Gauthier (Yves): De la Chambre des notaires.

M. Duhaime: De la Chambre des notaires. En quelle année avez-vous été admis à la Chambre des notaires?

M. Gauthier (Yves): En 1956, je pense.

M. Duhaime: Sans qu'on suive comme tel un ordre chronologique, je pourrais vous demander si c'est à votre initiative que, le 28 août 1978, il y a eu une rencontre - cela nous a été rapporté par d'autres personnes depuis le début des travaux de la commission - au bureau de M. Pierre-Marc Johnson qui, à l'époque, était ministre du Travail. Je vais donner les noms de mémoire: il y avait Me Rosaire Beaulé, Me Jasmin, je crois, Me Woll, Me Fanning et vous-même. Au meilleur de votre souvenir, qui avait provoqué cette réunion?

M. Gauthier (Yves): Me Beaulé, avocat du syndicat américain, m'avait dit que ses clients américains aimeraient rencontrer le ministre pour lui parler des répercussions que pourrait avoir l'action. Ces gens-là, à Washington - j'y suis allé à quelques reprises en tant que tuteur - sont tous... Il y en a un dans la première rue, un autre dans la deuxième, l'autre est dans la troisième; ils se tiennent tous ensemble et ils se parlent. J'ai l'impression que cela les énervait. Ils se disaient que, s'il y avait une poursuite et s'ils étaient obligés d'aller en cour, cela pourrait avoir des répercussions sur les autres locaux qui pouvaient être impliqués. J'ai dit à Me Beaulé que j'organiserais le rendez-vous au bureau du ministre Johnson. C'est la dernière semaine où j'ai été associé, je m'en souviens. C'était à la fin du mois d'août. Je les ai appelés. Ils se sont rencontrés à mon bureau, situé à peu près à trois ou quatre minutes de marche du ministère. Ils se sont recontrés et nous sommes partis voir le ministre Johnson.

(10 h 30)

M. Duhaime: À cette époque, vous étiez tuteur responsable du local 791 et c'était dans l'exercice de vos fonctions.

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Duhaime: Pourriez-vous nous donner davantage de détails sur la conversation ou le déroulement des événements au bureau de M. Johnson?

M. Gauthier (Yves): Je dois vous dire que chez nous, à mon bureau, on n'a pas parlé. Ils se sont tous réunis. La seule chose que je leur ai dite et dont je me souvienne, c'est: Tâchez de payer vos avocats.

M. Duhaime: Tâchez de quoi?

M. Gauthier (Yves): De payer vos avocats.

M. Duhaime: C'est une bonne idée!

M. Gauthier (Yves): Nous sommes allés au ministère tout de suite, je crois que la réunion n'a pas été bien longue. Ils ont surtout parlé des répercussions que cela pouvait avoir sur l'ensemble du chantier vu qu'ils y étaient tous mêlés de près. J'ai l'impression que ce qu'ils voulaient nous dire, c'est que, s'il y avait trop de répercussions de la cause, peut-être qu'ils pourraient déclarer le chantier "unfair", c'était peut-être cela. Je sais que je n'ai pas parlé de règlement.

M. Duhaime: Le député de Brome-Missisquoi qui fait des siennes'. La journée est jeune.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Est-ce que le ministre veut poser des questions à quelqu'un d'autre que le témoin qui est ici? S'il a des remarques à me faire, je suis prêt à engager le débat, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Ah non! Vous pouvez aller vous recoucher si cela vous tente. J'ai simplement dit que la journée était jeune.

M. le Président, si vous me permettez.

M. Lalonde: M. le député de Jonquière est nerveux.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Lalonde: II souffle à l'oreille du ministre.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le ministre, vous avez la parole.

M. Gauthier (Yves): Ne me retardez pas.

Le Président (M. Jolivet): La parole est à M. le ministre.

M. Lalonde: Le député de Jonquière s'est mis à rire tout de suite.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je ne voudrais pas qu'on s'amuse. Je sais comme il est difficile pour une personne qui est invitée devant nous de voir que, de part et d'autre, on puisse de temps à autre s'agacer, mais ce qui est important, c'est la personne qui est devant nous. Comme de coutume, on demande d'adresser la parole à la personne en face de nous et de me l'adresser à moi; j'aimerais que personne, de part et d'autre, ne commence ce matin des choses qui ne sont pas normales.

M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je ne ferai pas de commentaires. Cela me tente. Le bureau du premier ministre a déposé un document qui fait état de quatre réunions que vous auriez eues, entre le 17 octobre 1978 et le 6 février 1979, avec Me Michel Jasmin à l'époque, et d'une rencontre du 16 février que vous venez d'évoquer en faisant votre déclaration préliminaire, entre M. Yvan Latouche et Me Jasmin. Est-ce que vous avez ce document en votre possession? On va simplement suivre la chronologie.

M. Gauthier (Yves): Je ne l'ai pas, mais on peut l'avoir. J'ai marqué les dates ici. On me les a données au bureau du premier ministre.

M. Duhaime: Alors, aux réunions des 17 octobre et 12 novembre 1978, il y a un astérisque sur le document qui a été produit, qui nous renvoie au bas de la page où c'est écrit: Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la poursuite de la SEBJ au cours des rencontres des 17 octobre et 12 novembre. Quant à moi, je ne reviendrai pas là-dessus. Cela me paraît être clair. Je voudrais que vous nous parliez des rencontres des 17 janvier et 6 février 1979, avec Me Michel Jasmin. Je comprends bien qu'à cette époque, vous étiez vous-même au bureau du premier ministre.

M. Gauthier (Yves): Oui. Le 17 janvier, je revenais de vacances. J'étais allé en vacances un mois. J'avais apporté des dossiers avec moi. Il n'est pas resté longtemps; je pense qu'il est resté une dizaine de minutes, mais on est allé dîner ensemble, je m'en souviens. On était allés manger au Méridien. Je suis pas mal certain que le procès commençait ou était commencé depuis un ou deux jours et Me Jasmin me disait que cela pourrait être long parce qu'il y avait neuf mois d'audition. J'ai compris que neuf mois d'audition, c'est entendre des témoins, des choses comme cela. Alors, il pensait que la cause serait pas mal longue. C'est au dîner qu'on s'est dit cela, parce que je pense qu'il est resté cinq ou dix minutes au bureau. Je revenais de vacances; il m'a demandé comment cela avait été et tout cela, mais la seule chose dont je me souvienne, quand on a parlé de la Baie-James, c'est qu'il m'a dit qu'il y avait neuf mois d'audition et que ce serait long.

M. Duhaime: Maintenant, à la rencontre...

M. Gauthier (Yves): Le 6 février, M. le Président, il était venu me montrer des procédures qu'il devait présenter aux avocats dans la journée, ou au conseil de la SEBJ. Il avait des documents. Je n'ai pas... J'ai toujours eu l'impression que, lorsque Me Jasmin venait me voir, c'était pour un support moral; on aurait dit qu'il venait pratiquer avec moi quand il allait voir les avocats ou quand il allait en cour. Mais, le 6 février, il est venu et il avait des papiers qu'il devait présenter aux avocats de la SEBJ, je pense. Parce que, si je me souviens bien, il était arrivé de bonne heure le matin. Il devait s'en aller à la cour voir les avocats adverses.

M. Duhaime: Est-ce que vous avez souvenir de ce document...

M. Gauthier (Yves): Bien non.

M. Duhaime: ...dont il vous aurait saisi ou qu'il aurait porté à votre connaissance?

M. Gauthier (Yves): Pas du tout. Je ne comprenais rien là-dedans.

M. Duhaime: Pardon?

M. Gauthier (Yves): Je ne comprenais rien dans les documents qu'il me... C'était la procédure qu'il voulait faire. Moi, les affaires d'avocat, j'y touche le moins possible. J'ai appris à mes dépens, quand j'étais notaire, que, lorsque tu te mêles d'une affaire d'avocat, tu paies pour cela. Je les ai laissés faire.

M. Duhaime: C'est la vieille querelle entre les notaires et les avocats, de toute façon.

M. Gauthier (Yves): Pardon?

M. Duhaime: J'ai dit que c'est la vieille querelle entre les notaires et les avocats.

M. Gauthier (Yves): C'est cela. C'est cela. Mais, je l'ai appris à mes dépens. Quand il y a des avocats, ne te mets pas le nez là-dedans.

M. Duhaime: Alors, si vous avez eu en main des documents, cela ne vous a pas impressionné au point de les garder. Est-ce que vous avez fait des démarches à la suite de cette réunion du 6 février?

M. Gauthier (Yves): Non. Je peux vous dire que, toujours à la suite des visites de Me Jasmin, je n'ai jamais fait quoi que ce soit pour tenter de régler cette affaire. Des documents de négociations ou des choses comme celles-là, je n'en voyais pas.

M. Duhaime: Me Gauthier, vous nous avez dit tantôt que vous aviez rencontré, à l'automne 1978, M. Pierre Laferrière.

M. Gauthier (Yves): Oui, effectivement.

M. Duhaime: Vous nous avez dit que vous-même veniez d'entrer en fonctions au bureau du premier ministre et que M. Laferrière venait d'être nommé au conseil d'administration.

M. Gauthier (Yves): II venait d'être nommé au conseil d'administration de la SEBJ, le 3, je pense, et moi j'avais été nommé le 3 au bureau du premier ministre, mais j'avais reçu l'arrêté en conseil seulement le 18. Lorsque Me Jasmin est venu me voir, je n'avais même pas de bureau.

M. Duhaime: Parlez-vous de Me Jasmin ou de Me Laferrière?

M. Gauthier (Yves): Me Jasmin. M. Duhaime: À l'automne 1978?

M. Gauthier (Yves): Quand il est venu le 17 octobre, je n'étais pas encore nommé officiellement.

M. Duhaime: Là, vous parlez de la réunion du 17 octobre. Je voudrais revenir à la rencontre que vous avez eue avec M. Laferrière.

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Duhaime: Vous êtes des connaissances. Vous avez échangé des souvenirs, j'imagine; c'est toujours ce qu'on fait à pareille occasion.

M. Gauthier (Yves): Cela fait quinze ans qu'on se connaît.

M. Duhaime: Est-ce qu'il a été spécifiquement question de la poursuite qui avait été intentée? Avez-vous parlé du syndicat pour lequel vous aviez agi comme tuteur pendant un bon bout de temps?

M. Gauthier (Yves): Je lui ai raconté mon expérience, oui.

M. Duhaime: Que lui avez-vous dit?

M. Gauthier (Yves): Je lui ai dit que c'était un job difficile, parce que ce n'était pas toujours drôle. On s'est fait garrocher des tomates et des choses comme celles-là, à un moment donné. Je lui ai raconté cela. Je lui ai parlé de mon expérience avec les syndicats, parce que, lorsqu'ils négociaient, des fois, ils se berçaient pendant une demi-heure et nous parlions pour rien. Ils avaient toutes sortes de trucs, mais, en fin du compte, j'ai trouvé cela drôle. C'étaient surtout des choses comme celles-là, ce n'était pas une conversation très sérieuse. Je lui ai parlé de sa compagnie, parce qu'il était directeur d'une compagnie, à ce moment-là. Mais, pour les affaires de la Baie-James, pour autant que j'étais concerné, c'était une perte de temps cette poursuite. Je lui ai dit que les gars n'avaient pas d'argent, mais je ne lui ai pas donné d'ordre. Ce n'est pas mon genre.

M. Duhaime: Me Gauthier, aviez-vous, à quelque moment que ce soit depuis votre

nomination au bureau du premier ministre, reçu un mandat de M. Lévesque de vous occuper de ce dossier?

M. Gauthier (Yves): Jamais, M. le Président.

M. Duhaime: Dans vos conversations, soit avec M. Laferrière, soit avec Me François Aquin, a-t-il été question spécifiquement du règlement de la poursuite qui avait été intentée?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Duhaime: En aucune manière? Je vous demanderais, Me Gauthier, aux fins de l'enregistrement de vos réponses au journal des Débats...

M. Gauthier (Yves): De dire oui ou non, oui.

M. Duhaime: ...de nous répondre par oui ou par non. Vous nous répondrez ce que vous voudrez, mais, si vous parlez par signes, on va avoir de la difficulté.

M. Gauthier (Yves): D'accord, M. le Président. Non, je n'ai jamais parlé de règlement.

M. Duhaime: Maintenant, avec Me Boivin, vous-même, est-ce que vous avez discuté de ce dossier quant au fond? Ensuite, est-ce que vous en avez discuté quant à un moyen de règlement ou encore avez-vous discuté du règlement comme tel?

M. Gauthier (Yves): Non, je n'en ai pas parlé à Me Boivin. Lui, par exemple, à un moment donné, j'ai compris qu'il m'en parlait.

M. Duhaime: Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Gauthier (Yves): II m'a demandé si j'étais encore tuteur. Il passait dans le bureau - j'ai l'impression qu'il avait vu M. Jasmin à mon bureau - et il m'a dit: Es-tu encore tuteur, "Ti-Lou"? Connaissant Jean-Roch, je savais ce qu'il voulait dire. Je n'avais plus d'affaire à me mêler de cela, même si j'avais voulu.

M. Duhaime: Je n'aurai pas d'autres questions pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Me Gauthier, si j'ai bien compris, vous exercez la fonction de conseiller spécial auprès du premier ministre. Est-ce que c'est exact?

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: En quoi conseillez-vous spécialement le premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Ma tâche consiste à exécuter les mandats qui me sont confiés par le premier ministre et son chef de cabinet.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez nous dire un peu plus précisément de quel genre de mandats il s'agit, en règle générale?

M. Gauthier (Yves): Je ne pense pas...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le ministre.

M. Duhaime: Je crois que cette question est irrecevable comme étant tout à fait non pertinente aux travaux de la commission. Je pense qu'un conseiller au bureau du premier ministre reçoit tous les mandats possibles et imaginables. Je ne pense pas...

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement...

M. Duhaime: ...que l'on doive demander à Me Gauthier de dévoiler...

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Oui, il faudrait s'entendre sur la façon de faire des objections à des questions. Si l'objecteur ou le ministre, lorsqu'il fait des objections, en profite pour suggérer une réponse ou donner sa propre conception de la réponse, à ce moment-là, M. le Président, c'est tout à fait injuste à l'égard de la commission. S'il a une objection, qu'il dise pourquoi, et si, à ce moment, c'est recevable ou non, on pourra en discuter. Je pense que le ministre ne devrait pas commencer à donner la réponse pour le témoin.

En ce qui concerne son objection, M. le Président, il me semble que cela tombe sous le sens qu'on nous présente un témoin qui est conseiller spécial du premier ministre, qui l'est encore, semble-t-il, et qui l'était au moment où les faits que nous étudions se sont passés. Il me semble que la première chose qu'on doit faire, c'est de lui demander ce qu'il fait.

M. Duhaime: II l'a dit, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Sur la question de règlement, je voudrais d'abord rassurer le député de Marguerite-Bourgeoys; lorsque je formule des objections, c'est que je considère que la question posée n'est pas conforme au règlement qui régit les travaux de cette commission parlementaire. Je ne pense pas, en aucun moment, avoir soufflé de réponse à qui que ce soit.

M. Lalonde: Vous étiez en train de le faire. Vous étiez en train de...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: Non, non.

M. Lalonde: ...décrire ce que c'était, un conseiller spécial.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Gratton: Vous l'avez fait la semaine passée!

M. Duhaime: M. le Président, je n'ai moi-même aucune espèce d'idée de ce que peut faire ou fabriquer un conseiller spécial au bureau d'un premier ministre.

M. Lalonde: Écoutez la réponse... (10 h 45)

M. Duhaime: Alors, je suis très mal à l'aise de tenter de donner une réponse à la place de qui que ce soit.

Tout ce que je dis, M. le Président, c'est que Me Gauthier nous a dit qu'il n'avait du premier ministre aucun mandat dans la présente affaire. Qu'est-ce que Me Gauthier fait ensuite au bureau du premier ministre? Est-ce qu'il s'occupe d'Hydro-Québec? Est-ce qu'il s'occupe de la SAQ? Est-ce qu'il s'occupe des politiques de main-d'oeuvre? Est-ce qu'il s'occupe de Dieu sait quoi? Je pense que cela ne regarde pas cette commission et que c'est non pertinent.

M. Lalonde: C'est très important. M. Gratton: Voyons donc!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, eu égard aux questions qui sont soulevées, je pense qu'il faut quand même être bien clair quant au mandat qui a été accordé à cette commission; c'est d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard. Je pense qu'il est bien clair que l'objection qui est soulevée est, à mon avis, une objection que je dois maintenir. Je vous demande de parler, eu égard à la décision du conseil d'administration et au rôle qu'il a eu. Nous avons des gens du bureau du premier ministre à cet égard. Je vous demanderais d'entrer dans le mandat de cette commission.

M. Bourbeau: Pour pouvoir comprendre ce que fait le témoin, pour pouvoir lui poser des questions judicieuses, il me semble que c'est important que je sache quel genre de travail il fait.

Le Président (M. Jolivet): Dans le dossier, puisque le dossier qui nous concerne, c'est la question de la décision du conseil d'administration de la Baie-James.

M. Bourbeau: À ma souvenance, la plupart des témoins ont reçu des questions de ce genre, soit de la part du ministre ou de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. Je ne voudrais en aucune façon que vous reveniez sur ma décision, elle est rendue. Allez dans le mandat de la commission.

M. Gratton: Est-ce qu'il n'est pas pertinent de lui demander s'il est notaire ou avocat, comme l'a fait le ministre?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: S'il vous plaît:

M. Gratton: Ce n'était pas plus régulier.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. le député de Laporte.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une directive à vous demander.

M. Gratton: II y a deux poids, deux mesures.

M. Duhaime: S'il est notaire, ce n'est pas un dentiste.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Pour que nos travaux se déroulent correctement, comment pourrais-je poser une question au témoin sur sa fonction? Comment ne pourrais-je pas poser une question sur sa fonction, alors que vous

avez permis au ministre de poser des questions sur, ce qui est encore beaucoup plus large, sa profession? Si on peut poser des questions sur la profession qu'il pratique depuis 25 ou 30 ans, il me semble que c'est encore plus pertinent de lui poser des questions sur ce qu'il a fait comme conseiller spécial...

M. Duhaime: Cela est bien évident.

M. Lalonde: ...auprès du premier ministre. D'autant plus qu'il dit qu'il n'avait pas de mandat dans le règlement; alors, qu'est-ce qu'il fait ici?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que la question qui est devant nous est, d'abord, d'établir qui est la personne qui est devant nous, quelle est sa fonction au bureau du premier ministre et ensuite quelles sont les actions qu'il a posées, s'il a eu des actions à poser, eu égard au mandat. Je ne dérogerai pas sur cette question.

M. Bourbeau: M. le Président, à l'égard de la deuxième question, celle dont vous venez de parler, est-ce qu'il m'est permis de demander au témoin: Pouvez-vous dire exactement en quoi consistait, en 1978-1979, le travail que vous effectuiez au bureau du premier ministre?

M. Duhaime: M. le Président, même objection.

Le Président (M. Jolivet): J'attendais et je pensais que la question aurait lieu eu égard au mandat.

M. Lalonde: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): Allez; posez-la comme il le faut, par exemple.

M. Lalonde: Est-ce que la porte se referme rapidement quand on entre dans le bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse.

M. Lalonde: Que c'est difficile d'entrer.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys; nous ne commencerons pas, quand même, à nous obstiner de part et d'autre. C'est le mandat de la commission. Vous me l'avez demandé et j'ai répété la semaine dernière que j'appliquerais le mandat.

M. Lalonde: M. le Président, on a permis d'aller jusqu'en 1971. Le député de Vimont est allé jusqu'en 1971.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas la question.

M. Lalonde: On est allé à la commission Cliche.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, ce n'est pas la question qui nous préoccupe.

M. Lalonde: Que la porte est étroite!

Le Président (M. Jolivet): La porte est ouverte pour la question sur 1978-1979, mais dans le mandat de la commission.

M. Lalonde: Que la porte est étroite!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, sur une question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, il n'est pas question de remettre votre décision en cause...

Le Président (M. Jolivet): Je l'espère.

M. Gratton: ...mais on part de travers ce matin, compte tenu des objections que le ministre a faites. Quand, effectivement, on a permis non seulement des questions, mais des commentaires de la part des deux côtés de la commission sur les soi-disant conclusions du rapport Cliche, sur les soi-disant allégations de certaines personnes qui auraient...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas...

M. Gratton: M. le Président, laissez-moi terminer ma phrase, vous verrez que...

Le Président (M. Jolivet): Non, non. M. Gratton: ...c'est pertinent.

Le Président (M. Jolivet): Mon problème, c'est que vous vouliez poser une question de règlement. Je veux savoir si, dans votre question de règlement, vous avez, de façon indirecte, mis en cause la décision que j'ai rendue sur le mandat. Je pense que j'ai été très clair jusqu'à maintenant...

M. Gratton: Non, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): ...mais allez-y rapidement, parce que je ne voudrais pas que vous élargissiez l'ensemble de votre

demande de règlement.

M. Gratton: Très rapidement, je voudrais vous demander une directive, à savoir pourquoi les règles du jeu, l'observance du règlement de l'Assemblée nationale devient beaucoup plus stricte au moment où on pose des questions sur ce qui s'est passé dans le bureau du premier ministre comparativement à la largeur, à la flexibilité, à l'ouverture que l'on retrouve dans l'application du règlement de l'Assemblée nationale quand on pose des questions sur ce qui s'est passé en 1971, 1972, 1973, etc.?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau...

M. Gratton: M. le Président, je le constate.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, je dois vous arrêter là pour vous dire que, sans le vouloir peut-être - je ne veux vous accuser en aucune façon - vous semblez remettre en question la décision que j'ai rendue. Ce que j'ai rendu comme décision, c'est que je ne refuse en aucune façon de revenir - j'en ai fait mention la semaine dernière - sur le dossier lui-même des années 1978, 1972 ou 1979, si jamais des actions ont été posées à ce niveau. Ce que je veux dire, c'est que la question qui concerne la fonction de Me Gauthier doit être à l'égard du dossier qui est devant nous. Je n'accepterai pas qu'on pose des questions sur d'autres dossiers qui ne concernent pas la commission parlementaire. C'est seulement cela que je veux dire.

M. Ciaccia: M. le Président, question de directive.

Le Président (M. Jolivet): Question de directive de la part du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, ne considérez-vous pas que, quand un témoin -sans mettre en doute la véracité de ce qu'il dit - fait une déclaration, dans plusieurs cas, il s'agit pour la commission de porter un jugement, éventuellement, sur la déclaration qu'il fera. Le témoin pourrait dire: Je n'ai pas de mandat pour faire telle ou telle chose, mais la commission pourrait en venir à une conclusion différente. Ne croyez-vous pas, M. le Président, que, pour que la commission puisse vraiment apprécier le rôle du premier ministre, il faudrait connaître le rôle des conseillers du premier ministre? Est-ce qu'on ne pourrait pas aller dans la fonction...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Ciaccia: ...pour en venir peut-être à une conclusion différente?

Le Président (M. Jolivet): Je ne refuse pas que l'on demande quelle était l'action qu'a posée un membre du personnel du bureau du premier ministre eu égard au mandat. Je ne le refuserai pas. Mais ce que je vais refuser, c'est toute autre question qui déborde de notre mandat.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que je suis clair.

M. Ciaccia: M. le Président, seulement une autre question...

Le Président (M. Jolivet): Non, ne...

M. Ciaccia: Ne pensez-vous pas que si...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous êtes en train de mettre en appel la décision que j'ai rendue.

M. Ciaccia: Non. J'ai seulement une autre question.

Le Président (M. Jolivet): J'espère que non.

M. Ciaccia: Je voudrais ajouter une seule chose: Ne croyez-vous pas que si, à la suite d'une question posée à l'invité, à savoir s'il avait d'autres mandats, il me répondait qu'il n'avait pas d'autres mandats... Le fait qu'il dise qu'il n'avait pas de mandat pour la Baie-James... Certainement! Il n'était pas seulement assis là à regarder par le châssis, il devait faire quelque chose. Il faudrait savoir s'il avait un autre mandat, il me semble, s'il avait d'autres fonctions. Cela aiderait à l'appréciation des faits, je pense.

M. Tremblay: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, de toute évidence, l'Opposition est en train de contrevenir au règlement, puisque l'article 43, paragraphe 2, dit: "Lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir sur la question décidée; il en est de même lorsque le président décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question." C'est à l'article 43, paragraphe 2. Je lui ferais remarquer respectueusement que, si

elle veut remettre en cause votre décision...

Le Président (M. Jolivet): Elle ne le peut même pas.

M. Tremblay: ...l'article 68, à mon avis, le lui permet en Chambre: "Une motion de fond annoncée est nécessaire pour mettre en question la conduite du lieutenant-gouverneur, du président ou d'un vice-président de l'Assemblée, des présidents des commissions ou d'un membre de l'Assemblée. Cette motion est privilégiée."

Le Président (M. Jolivet): Je rappelle au député de Laporte que je n'ai aucune objection à ce qu'il pose toutes les questions pertinentes au mandat qui est confié à cette commission, mais je ne lui permettrai pas d'aller en dehors de ce mandat. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je dois vous demander une directive. Je dois poser des questions et je dois avouer que je suis complètement dans la confusion. J'ai préparé quelques questions, M. le Président, mais, pour pouvoir les poser, j'ai besoin de savoir quelle est la nature des fonctions qu'exerce le témoin. Or, si je ne peux pas le questionner sur le genre de travail qu'il effectuait au bureau du premier ministre, je vais être obligé soit de doubler le nombre de mes questions, et vous les déclarerez parfois irrecevables... Cela prendra énormément de temps.

M. Perron: Triplez-les, si vous voulez.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député, laissez...

M. Bourbeau: J'ai besoin d'être éclairé, M. le Président, parce que, si je ne sais pas ce que fait le témoin, comment voulez-vous que je puisse continuer?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que, selon le mandat confié à cette commission, je ne peux pas en déroger. On m'a demandé de l'appliquer d'une façon plus stricte et je vais l'appliquer d'une façon plus stricte.

M. Lalonde: Qui vous l'a demandé? Ce n'est pas moi.

Le Président (M. Jolivet): Par une demande de directive sur le règlement à laquelle j'ai eu à répondre. En conséquence, j'ai répondu au nom de la présidence de l'Assemblée nationale pour la présidence de cette commission. À partir de cela, je vous dis de poser toutes les questions pertinentes au mandat que nous avons et je ne vous empêcherai pas de les poser. M. le député de

Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le témoin nous dit qu'il est conseiller spécial auprès du bureau du premier ministre. Je ne sais pas ce qu'est un conseiller spécial non plus que les gens qui nous écoutent à la télévision. Est-ce qu'on peut savoir ce qu'est un conseiller spécial, ce qu'il fait, de façon à comprendre ce que le témoin a pu faire dans le dossier?

Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier, quelle est votre fonction?

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président. Exécuter les mandats que me confient le premier ministre et son chef de cabinet. À part cela, il pourrait le demander à M. Paul Desrochers, il le lui dirait.

Le Président (M. Jolivet): Monsieur, je ne voudrais pas qu'on puisse amorcer cette forme de discussion, s'il vous plaît.

M. Lalonde: On peut être ici longtemps. Des voix: Oui, oui, allons-y!

M. Gauthier (Yves): Non, mais posez-moi des questions qui concernent le mandat, s'il vous plaît. C'est clair?

M. Bourbeau: Si vous n'avez pas d'objection, je vais choisir...

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ...moi-même mes questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, allez!

M. Bourbeau: Alors, est-ce que vous avez reçu un mandat du premier ministre, à un moment ou à un autre, de recevoir des gens à votre bureau, qui venaient vous parler du dossier de la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: M. Gauthier, où sont situés vos bureaux?

M. Gauthier (Yves): À Hydro-Québec, M. le Président.

M. Bourbeau: À Hydro-Québec?

M. Gauthier (Yves): À Montréal, rue Dorchester.

M. Bourbeau: Ah bon! Est-ce que vous

avez également des bureaux à Québec?

M. Gauthier (Yves): J'ai un bureau et j'y viens très rarement.

M. Bourbeau: À quel endroit, à Québec?

M. Gauthier (Yves): Au premier étage du complexe J. J'y viens très rarement. Depuis que mon épouse est malade, je n'y viens presque plus. Je travaille à Montréal.

M. Bourbeau: Vos bureaux à Québec sont-ils à l'endroit qu'on appelle le "bunker"?

M. Gauthier (Yves): Oui. Mais je dois vous dire que j'ai bien l'impression que je n'ai plus ce bureau. Parce que, la dernière fois où j'y suis allé, il y avait déjà quelqu'un dedans. Alors, disons que mes bureaux sont à Montréal et que je viens très rarement à Québec depuis deux ans. Je viens quand je suis obligé.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous décrire l'emplacement de vos bureaux par rapport à ceux du premier ministre et de son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin?

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président. Je suis à 42 pieds du bureau du premier ministre et à 45 pieds... Non, je le dis, parce que je savais qu'un jour ou l'autre, il y en aurait un qui me poserait cette question, pas nécessairement un député, mais quelqu'un de la population. Je l'ai mesuré. Je suis dans le quatrième bureau de celui de M. Lévesque et le cinquième de celui de M. Boivin.

M. Bourbeau: Donc, vos bureaux sont situés tout près de ceux...

M. Gauthier (Yves): Ah! Tout près. Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a des formalités à remplir pour avoir accès à vos bureaux?

M. Gauthier (Yves): Oui, on doit signer un registre à l'entrée, M. le Président.

M. Bourbeau: Sur ce registre, qu'est-ce qu'on indique?

M. Gauthier (Yves): Écoutez, je ne l'ai jamais signé, mais j'ai l'impression que la personne qui vient voir quelqu'un dit qui elle va voir et on inscrit l'heure d'entrée et l'heure de sortie.

M. Bourbeau: Je présume qu'elle doit aussi s'identifier?

M. Gauthier (Yves): Oui, oui.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a des gardes à l'entrée?

M. Gauthier (Yves): Oui, il y a un garde à l'entrée, M. le Président.

M. Bourbeau: C'est, je crois, dans l'édifice d'Hydro-Québec, sur la rue Dorchester?

M. Perron: ...75, boulevard Dorchester, Montréal.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Gauthier (Yves): Oui, oui, c'est ce que j'ai dit tantôt, M. le Président.

Une voix: Ah! Qu'il est renseigné celui-là!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gauthier (Yves): C'est ce que j'ai dit tantôt, c'est à Hydro-Québec.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez l'occasion de rencontrer souvent le premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Pas très souvent, parce qu'il ne vient au bureau que le lundi et le vendredi. C'est la même chose pour M. Boivin.

M. Bourbeau: Est-ce que vous les rencontrez, en général, tous les lundis et tous les vendredis?

M. Gauthier (Yves): Non, pas nécessairement.

M. Laplante: C'est ce qu'on appelle une Opposition bien préparée!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Bourassa, aidez-moi à faire en sorte que les travaux se déroulent bien.

M. Tremblay: C'est la flopée!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Me Gauthier, est-ce que vous tenez généralement le premier ministre au courant de vos démarches?

M. Gauthier (Yves): Pas tout le temps. Cela dépend. Sans cela, il faudrait que je lui parle souvent. Il y a quand même certains mandats qu'on peut exécuter. (11 heures)

M. Bourbeau: Lorsque le premier ministre vous confie un mandat, est-ce que vous faites rapport régulièrement au premier ministre de vos démarches, de vos entretiens, relativement à ce mandat?

M. Gauthier (Yves): Je fais un rapport, soit à lui, soit à M. Boivin. Des fois, c'est par écrit et, d'autres fois, c'est verbal.

M. Bourbeau: En général, est-ce que vous finissez toujours par faire un rapport lorsque vous exécutez un mandat?

M. Gauthier (Yves): Oui, cela dépend. Des fois, ce sera: Je l'ai fait ou c'est cela. Ce ne sont pas de grosses discussions.

M. Bourbeau: On peut donc dire que vous tenez le premier ministre ou son chef de cabinet régulièrement au courant des gestes que vous posez dans l'exécution de vos mandats.

M. Gauthier (Yves): Pas nécessairement.

M. Bourbeau: Depuis quand exercez-vous la fonction de conseiller spécial auprès du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Depuis le 3 octobre 1978. L'arrêté en conseil est du 18 octobre et c'était rétroactif au 3 octobre 1978. J'avais commencé mes démarches un peu avant. J'étais en vacances au mois de septembre et, lorsque je suis revenu, j'ai commencé à négocier mon emploi avec M. Tremblay.

M. Bourbeau: Depuis combien de temps connaissez-vous le premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Certainement depuis 1960, mais surtout depuis 1962, du temps du Parti libéral, comme je connaissais M. Lesage, M. Lapalme, l'autre M. Levesque, M. Laporte. Certains étaient mes clients.

M. Bourbeau: Depuis combien de temps connaissez-vous Me Jean-Roch Boivin, son chef de cabinet?

M. Gauthier (Yves): Cela remonte à l'université.

M. Bourbeau: Alors?

Le Président (M. Jolivet): Depuis quelle année environ?

M. Gauthier (Yves): Depuis 1955, je suppose.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez fait vos études ensemble?

M. Gauthier (Yves): Oui. Nous n'étions pas dans la même classe, mais on a fait nos études ensemble.

M. Bourbeau: Depuis combien de temps vous occupez-vous activement de politique?

M. Gauthier (Yves): Quarante ans.

M. Bourbeau: Vous avez commencé jeune.

M. Gauthier (Yves): J'ai commencé à quinze ans dans le Parti libéral.

Une voix: II a compris maintenant.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Cela s'est gâté depuis. Il y en a qui s'améliorent, M. le Président, et il y en a qui se détériorent.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député.

M. Bourbeau: Comment s'est effectuée votre nomination au bureau du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Je m'excuse, M. le Président. Pour moi, cela n'est pas pertinent, mais je peux bien le dire. Je ne vois pas l'angle, mais il doit être assez brillant pour savoir ce qu'il veut dire. Il n'y a pas eu de procédé. J'ai toujours été en politique et je voyais souvent les gens au bureau du premier ministre. C'est tout simplement cela. La chose politique m'intéressait. Dans le fond, quand je pratiquais, je faisais autant de politique. C'était moins payant de m'en aller au gouvernement, mais j'aimais mieux cela. C'est bien simple: j'ai rencontré les gens au bureau du premier ministre et je leur ai dit que j'étais prêt à travailler, que cela m'intéresserait. Je savais que je n'étais pas gagnant au change, c'était moins payant; mais cela ne fait rien, j'aime cela. C'est à peu près comme cela que le tout s'est déroulé. Je les ai rencontrés à diverses reprises et, à un moment donné, j'ai discuté avec mes associés. Cela ne faisait pas trop leur affaire mais j'ai laissé en septembre. Je suis allé en vacances du 9 au 30 septembre et, lorsque je suis revenu, je me suis dit que c'était le temps de négocier. Mais négocier avec M. Tremblay, ce n'est pas un cadeau. Excusez, mais... J'ai demandé à commencer le 3 octobre, mais c'est effectivement le 18 octobre, selon l'arrêté en conseil. Je l'ai quelque part ici.

M. Bourbeau: Vous dites que vous êtes revenu de vacances à la fin du mois de

septembre et que vous avez commencé à négocier.

M. Gauthier (Yves): Oui, j'avais commencé avant de partir parce que j'avais laissé mon bureau de notaire.

M. Bourbeau: Vous venez de dire: J'ai commencé à négocier.

M. Gauthier (Yves): J'ai dit que j'avais commencé à négocier lorsque je suis revenu de vacances. J'avais négocié avant et, lorsque je suis revenu de vacances, j'ai continué.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas négocié longtemps. Vous êtes entré en fonction le 3 octobre.

M. Gauthier (Yves): Non, non, pardon. L'arrêté en conseil date du 3 octobre, mais, effectivement, c'est le 18.

M. Bourbeau: Écoutez, vous nous avez dit exactement le contraire tantôt, que l'arrêté en conseil était daté du 18 octobre et que vous aviez commencé à travailler le 3 octobre.

M. Gauthier (Yves): Pardon, cela était rétroactif au 3 octobre.

M. Bourbeau: Vous avez donc commencé à travailler le 3 octobre.

M. Gauthier (Yves): Je ne peux pas dire que j'ai commencé à travailler le 3 octobre, je n'avais même pas de bureau. Il n'y avait pas de place, tous les bureaux étaient occupés. Il me fallait un bureau pour travailler. J'ai reçu Me Jasmin dans le corridor et dans d'autres bureaux.

M. Bourbeau: Quelle est votre version des faits? À quelle date avez-vous commencé à travailler? À quelle date était l'arrêté en conseil?

M. Gauthier (Yves): L'arrêté en conseil est du 18 octobre. Il était rétroactif au 3 octobre pour une simple raison bien mesquine, parce que je voulais entrer là avant d'avoir 51 ans; j'avais 50 ans. Ma fête est le 5 octobre. Ce n'est pas bien compliqué.

M. Bourbeau: Donc, vous avez commencé à travailler le 3 octobre?

M. Gauthier (Yves): Écoutez, dites donc le 3, si vous voulez. Moi, je vous dis que j'ai commencé et que j'ai continué mes négociations. Je suis venu à Québec, je suis allé voir M. Tremblay, j'ai vu M. Boivin, j'ai vu M. Lévesque et je suis allé au bureau d'Hydro-Québec. J'ai essayé de me trouver des meubles et une place. Il n'y avait pas de bureau. Des fois, je prenais le bureau de Jean-Roch, des fois je prenais le bureau de Michel. Je ne peux pas dire que j'ai commencé le 3, le 4 ou le 5, mais j'étais là.

M. Bourbeau: Dans les documents qui nous ont été fournis par le bureau du premier ministre indiquant le nom des gens qui travaillent à son bureau, il est indiqué, sous le nom de Yves Gauthier, "date d'entrée en fonction: le 3 octobre 1978". Est-ce exact?

M. Gauthier (Yves): C'est cela. C'est ce qui est indiqué dans l'arrêté en conseil daté du 18 octobre?

M. Bourbeau: Donc, vous êtes entré en fonction le 3 octobre.

M. Gauthier (Yves): Légalement, oui.

M. Bourbeau: Bon. Tantôt, vous avez dit que vous aviez parlé à Michel. De Michel qui s'agit-il? Vous avez parlé de Jean-Roch et de Michel.

M. Gauthier (Yves): Michel Carpentier.

M. Bourbeau: Michel Carpentier. Peut-on savoir de qui il s'agit?

M. Gauthier (Yves): Oui, il travaille au bureau du premier ministre.

M. Bourbeau: Le monsieur Tremblay dont vous nous avez parlé à deux ou trois reprises, que vous avez consulté lorsque vous avez sollicité l'emploi, avec qui vous avez négocié, de qui s'agit-il?

M. Gauthier (Yves): C'est lui qui négocie les salaires; ce n'est pas M. Lévesque, ce n'est pas M. Boivin. Ils m'ont dit: Va voir Tremblay, lui, il va te faire tes conditions. Je suis allé voir Tremblay.

M. Bourbeau: Quel est le prénom de M. Tremblay?

M. Gauthier (Yves): Gilles-R. Tremblay.

M. Bourbeau: Quelles sont ses fonctions?

M. Gauthier (Yves): Je crois qu'il est l'assistant de M. Jean-Roch Boivin à Québec. Il est à l'administration.

M. Bourbeau: Quelle est votre classification comme employé du gouvernement?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas,

M. le Président.

M. Bourbeau: M. le Président, peut-être qu'on pourrait le déposer puisque le témoin ne le sait pas. Vous nous avez dit tantôt que vous aviez négocié votre salaire.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Cela ne vous a pas intéressé de savoir quelle classification vous auriez?

M. Gauthier (Yves): Si vous me le dites, je vais l'écrire, mais cela ne m'intéresse pas plus que cela; je ne suis pas venu ici pour cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je vous demanderais de suggérer au député de Laporte de poser des questions qui sont pertinentes. Peut-être que je pourrais lui suggérer, s'il veut connaître la liste complète du personnel du cabinet politique du premier ministre, l'étude des crédits du Conseil exécutif qui relève du premier ministre. Chaque année, le premier ministre, de même que tous les ministres de ce gouvernement, contrairement aux habitudes du temps du gouvernement libéral déposent la liste de tous les membres des cabinets politiques.

M. Lalonde: On le faisait avant.

M. Gratton: Cela a toujours été fait; cela fait vingt ans que c'est comme cela.

M. Duhaime: Je ne vois pas pourquoi et en quoi nous allons continuer dans cette voie. M. le Président, nous perdons notre temps.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est une question d'opinion. Une dernière question sur ce sujet. M. Gauthier, vous êtes entré en fonction le 3 octobre 1978. Est-il exact que votre titre est celui de conseiller spécial auprès du premier ministre, que votre classification est administrateur, classe 1, et que votre traitement annuel était de 53 000 $ à la fin de 1978?

M. Gauthier (Yves): Oui. Je ne me souviens pas de la classe, mais je me souviens du salaire en maudit, par exemple. Cela ne faisait pas mon affaire, mais j'étais embarqué; alors, j'ai continué.

M. Bourbeau: C'est encore mieux qu'un salaire de député.

M. Gauthier (Yves): Oui, peut-être. Vous êtes notaire monsieur... Excusez, je pense qu'on ne doit pas dire cela; on ne peut pas s'adresser directement à quelqu'un. Mais il est notaire comme moi; il sait que c'est plus payant d'être notaire que d'être ici.

M. Bourbeau: Je peux vous dire que je suis notaire et que moi, je n'ai pas peur des avocats.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député.

M. Duhaime: Maintenant que le commercial est passé...

Le Président (M. Jolivet): Vos questions, M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, cela vient. Le poste de conseiller spécial que vous occupez, est-ce vous-même qui l'avez sollicité?

M. Gauthier (Yves): Non, je ne l'ai pas sollicité. J'ai dit que j'étais prêt à servir. Comme je vous l'ai dit, j'ai toujours fait de la politique et je pensais finir mes jours là; c'est cela qui s'en vient, je pense, parce que là je suis pas mal magané. Mais c'est cela que je voulais et je l'ai. Alors, je n'ai pas sollicité de poste en particulier. Je n'aurais peut-être pas fait n'importe quoi, mais cela me satisfaisait. On m'avait parlé d'autre chose, mais cela ne s'est pas concrétisé; alors, j'ai pris cela. Cela m'intéressait. C'était comme une autre vie pour moi. C'était peut-être une manière de m'échapper de mon affaire de notaire parce que c'était toujours bouillant et il y avait toujours de l'action. Cela a été une échappatoire pour moi. J'en faisais quand je faisais du notariat, mais j'aimais cela. J'ai toujours aimé cela.

M. Bourbeau: Si je comprends bien, c'est un genre de sénat.

M. Gauthier (Yves): Un genre de? M. Bourbeau: De sénat.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne pense pas que ce soit une question à laquelle le témoin ait à répondre.

M. Lalonde: Sénateur, ce n'est pas si mal!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Tremblay: C'est "la porte".

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Si vous n'avez pas sollicité le poste, qui vous a approché pour la fonction?

M. Gauthier (Yves): J'ai dit que je n'ai pas sollicité le poste de conseiller spécial. Lorsque j'ai rencontré les gens du bureau du premier ministre, je me souviens d'avoir rencontré M. Lévesque. Je lui ai dit: Je serais prêt à servir. Je pense que j'ai fait mon temps comme notaire; cela fait environ 20 ans. J'ai dit que j'aimerais cela. C'est moi qui ai fait les approches aux gens du bureau du premier ministre pour un poste, mais pour n'importe quel. Cela ne me dérangeait pas, j'aimais cela. Si cela avait été 35 000 $, j'aurais peut-être chialé, mais ce n'était pas si pire et je le voulais. C'est ce que je voulais faire, conseiller spécial ou conseiller politique, appelez cela comme vous voulez. Dans la mesure où j'étais prêt et où je pouvais faire quelque chose, j'aimais cela. On m'avait offert bien d'autres postes avant, mais j'ai toujours refusé. Cela ne m'intéressait pas.

M. Bourbeau: À quel moment avez-vous commencé à faire ces approches?

M. Gauthier (Yves): Ah, cela! M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: ...écoutez, cela fait à peu près quinze minutes que le député de Laporte...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Je veux savoir pourquoi, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Sur les questions du député.

Le Président (M. Jolivet): Non, non.

M. Laplante: C'est une objection aux questions. C'est une objection, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député.

M. Laplante: J'aimerais...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, non.

M. Laplante: C'est une demande de directive, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Demande de directive de la part du député de Bourassa.

M. Laplante: Depuis quinze minutes, le député de Laporte pose des questions qui n'ont aucun lien avec le saccage de la Baie-James et son règlement, aucun. J'aimerais, M. le Président, qu'on en vienne aux vraies questions et qu'on arrête d'éplucher la vie privée du témoin qui est ici en avant.

M. Lalonde: Privée! Privée, un instant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

Une voix: Vous êtes dans les patates.

M. Laplante: Vous l'avez écouté comme moi, n'est-ce-pas?

Le Président (M. Jolivet): Je l'ai écouté et j'écoute des choses depuis longtemps, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Quand un journaliste se permet de dire...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa!

M. Laplante: ...que ces gens sont bien préparés, M. le Président, il ne faut pas être aveugles!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, vous m'avez demandé une directive, mais je ne vous ai pas permis de parler d'autre chose. M. le député de Laporte, vous pouvez continuer pour le moment.

M. Bourbeau: Alors, Me Gauthier, à quel moment avez-vous commencé à faire des approches pour l'obtention du poste de conseiller spécial auprès du premier ministre?

M. Jutras (Germain): M. le Président, si vous me le permettez, Me Gauthier...

Droit de se faire assister par un conseil

M. Bourbeau: Question de règlement, M. le Président. Est-ce qu'on pourrait savoir qui prend la parole maintenant?

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. C'est Me Jutras qui accompagne Me Gauthier.

M. Jutras: Me Gauthier a été invité à témoigner concernant une poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard. Toute la série de questions auxquelles,

par ailleurs, Me Gauthier pourrait répondre très facilement, je me demande, M. le Président, en quoi cela se rapporte au rôle spécifique de la question. Est-ce une commission d'enquête sur les modalités ou les circonstances d'engagement de Me Gauthier? Je soulève une objection au nom de Me Gauthier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, comme vous, nous avons entendu Me Jutras. Je pense qu'il faudrait déterminer le rôle ou les modalités de fonctionnement que nous allons adopter. Jusqu'à maintenant, les conseillers des témoins pouvaient leur venir en aide, mais non pas intervenir. En principe, je n'ai pas d'objection et je vais vous dire pourquoi: généralement, les interventions des avocats des témoins sont beaucoup plus pertinentes que celles des députés ministériels. Mais il faudrait quand même, tout d'abord, faire cela. Deuxièmement, sur l'objection de Me Jutras, je vais simplement vous dire ceci: Dans le cas de Me Gauthier, il était tuteur d'un défendeur au moment où il a été engagé au bureau du premier ministre qui lui, le bureau du premier ministre, travaille naturellement à aider le premier ministre, chef d'un gouvernement dont une des sociétés poursuivait le syndicat dont Me Gauthier était le tuteur. Il me semble que c'est tout à fait pertinent d'examiner le passage d'une fonction à l'autre car deux fonctions ne sont pas nécessairement du même côté. Pour savoir quel est le rôle que Me Gauthier a joué une fois rendu au bureau du premier ministre, il est tout à fait pertinent de voir comment cela s'est passé. (11 h 15)

Le Président (M. Jolivet): Pour répondre à la question concernant Me Jutras, demandant pourquoi je l'avais laissé aller, c'est de la même façon que j'avais permis à quelqu'un qui représentait le Barreau d'intervenir à la suite de questions qui pouvaient être soulevées. Vous connaissez le résultat qu'on a aujourd'hui. Il y avait aussi Me Roy qui accompagnait Me Beaulé, à qui j'ai permis d'intervenir de la même façon. Donc, je n'ai pas changé à ce niveau. Me Jutras a soulevé une question qui pouvait faire suite à une demande de directive du député de Bourassa. J'ai accepté que le député de Laporte continue, parce que j'avais cru comprendre dans les questions qu'il s'agissait exactement de ce que le député de Marguerite-Bourgeoys disait et que je voyais qu'elles étaient pertinentes au débat que nous avons, pour autant qu'elles restent dans cette limite.

M. le député de Laporte.

M. Lalonde: Si vous me le permettez,

M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...l'analogie avec Me Roy qui accompagnait Me Beaulé et aussi avec Me Larivière, l'avocat du Barreau, n'est pas tout à fait exacte parce que, à part de présenter une requête pour leur client, ils ne sont pas intervenus dans le déroulement des questions et des réponses. Comme je vous le dis, si vous dites que maintenant Me Jutras peut soulever des objections, personnellement...

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Lalonde: ...je n'ai pas d'objection. D'ailleurs, ce serait probablement mieux comme déroulement, mais il faudrait savoir, pour Me Jutras d'abord, s'il peut intervenir à chaque question.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, sur cette question qui vient d'être soulevée, je soumets que Me Gauthier est appelé à donner sa version des faits dans ce dossier. On l'a permis à d'autres et c'est aussi la coutume; si ce n'est pas une coutume ancestrale, je pense que c'est un heureux précédent que nous sommes en train de créer qu'une personne puisse être accompagnée d'un avocat ou d'un procureur. On comprend facilement que Me Jutras n'a pas à répondre à des questions à la place de Me Gauthier, mais je pense que Me Jutras a parfaitement le droit de prendre la parole au nom de Me Gauthier, de poser des questions, de demander des directives et de soulever des objections à l'intérieur de ce qu'il croit être son mandat.

Si l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys va dans le sens de limiter ce que pourraient être les interventions, je vais m'y opposer très fermement. M. le Président, si on s'entend des deux côtés pour dire que Me Jutras peut prendre la parole pour soulever des objections à des questions qui pourraient être formulées et que la présidence en dispose ensuite ou qu'un autre député soulève une objection, comme on le fait depuis le début, la présidence en disposera; mais je voudrais qu'on soit bien clair là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je n'ai pas suggéré qu'on limite, mais je souligne que c'est un changement à nos règles de procédure à la commission depuis le début.

Une voix: II n'y en a pas, de règles.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est un changement et une modification importante. Si cela peut aller dans le sens d'aider le déroulement des travaux, comme je vous l'ai dit, je n'ai pas d'objection, mais il reste que, jusqu'à maintenant, vous n'avez pas permis aux conseillers accompagnant les témoins ou les invités, comme on les appelle, d'intervenir directement, sauf pour faire une requête ou une demande. Vous ne leur avez pas permis d'intervenir dans le déroulement des questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je pense que ce qui doit nous guider, ce ne sont pas les consentements des députés ici; ce sont nos règlements et les lois. L'ancien règlement de l'Assemblée nationale, puisque le nôtre est muet, dit à l'article 733, paragraphe 1: "Tout témoin qui comparaît devant la Chambre ou un de ses comités peut réclamer la protection de la Chambre relativement au témoignage qu'il est appelé à porter - ce qui n'est pas le cas actuellement - et, en outre, demander à se faire assister par un conseil." L'article s'arrête là, mais on doit comprendre de cet article que ce conseil, qui peut être un avocat, a le droit de faire valoir toutes les objections qu'il juge bon de faire valoir aux questions qui peuvent être posées par les députés.

D'autre part, il y a la Charte des droits et libertés de la personne qui dit, à l'article 34, que "toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d'en être assistée devant tout tribunal". Je comprends qu'on pourrait me dire - et vous auriez raison - que ce n'est pas un tribunal ici, mais, par analogie, on peut, je pense, comprendre que cet article de la charte vient en quelque sorte compléter l'article 730 de l'ancien règlement.

J'aimerais rappeler au député de Marguerite-Bourgeoys, parce qu'on a eu l'occasion de le faire en privé il y a quelques jours, que ce n'est pas un précédent, ce qui se passe aujourd'hui. Lors d'une commission parlementaire que j'avais le plaisir de présider en 1978, peut-être, dans le cas de la Société générale de financement qui étudiait les crédits de Marine Industrie pour un problème qui était relié à Marine Industrie, je me rappelle fort bien qu'un témoin, dont je tairai le nom, était accompagné d'un procureur qui non seulement avait demandé en son nom la protection de la commission - ce qui lui a été accordé - mais qui, de façon assez régulière et lorsque c'était pertinent, faisait valoir des objections. Il ne répondait pas, bien sûr, à la place du témoin.

Je pense que ce n'est pas un précédent, M. le Président. Il ne faudrait pas, aux fins de la discussion ou du journal des Débats, que le rôle qu'on vient de confirmer comme possible à Me Jutras soit considéré comme étant quelque chose d'exceptionnel, mais comme étant un droit: le droit d'un témoin de se faire assister par un conseiller parce que l'ancien règlement et la Charte des droits et libertés de la personne le prévoient.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, il me semble utile de souligner, comme plusieurs l'ont fait à l'extérieur même de la commission, qu'on fait en quelque sorte le rodage d'un nouveau genre de commission parlementaire, ici, à cette commission. C'est probablement une des premières fois, sinon la première fois, que les invités sont appelés à prêter serment et que, en quelque sorte, la commission se transforme en commission d'enquête pour tenter de faire la lumière sur un sujet donné.

C'est effectivement vrai, ce que dit le député de Marguerite-Bourgeoys, qu'à cette commission, le fait pour un procureur de pouvoir intervenir pour et au nom de son client - si on veut l'appeler ainsi - est un précédent. Me Roy, aussi bien que Me Larivière l'ont fait en présentant des requêtes très spécifiques à la présidence et non pas pour intervenir dans le débat. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys l'a indiqué et, quant à moi, je le fais à titre personnel: II me semble que c'est tout à fait dans l'ordre que cela puisse se faire. Reconnaissons tous ensemble que c'est la première fois que cela se fait à cette commission-ci et que ce sera la façon de procéder pour le reste de nos travaux qui ne devraient pas durer tellement longtemps de toute façon.

Qu'on s'entende. Si tout le monde réclame de la commission et du gouvernement qui l'a convoquée de préciser un peu plus les règles de procédure, les règles de pratique de la commission, entendons-nous. Quand nous nous entendons entre nous pour faire l'unanimité autour d'une question comme celle-là, entendons-nous pour l'inscrire comme il faut dans les précédents pour qu'ensuite on puisse y avoir recours.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui. Je pense que je peux répondre, M. le député de

Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que c'est important.

Le Président (M. Jolivet): Je l'ai compris aussi.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je n'ai pas encore parlé, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Simplement, c'est que j'ai entendu deux personnes de chaque côté et que je voudrais rendre une décision.

Vis-à-vis de cette question qui est soulevée ce matin, lorsque j'ai fait l'analogie avec d'autres choses qui se sont produites, soit une requête du barreau par Me Larivière ou une requête de Me Roy qui représentait Me Beaulé, il est évident que nous avons refusé à quelque occasion que ce soit que la personne qui accompagnait l'invité réponde à sa place. Je pense qu'on s'entend très bien sur cela, puisque la personne qui a prêté serment, c'est l'invité qui est devant nous. Normalement, les objections soulevées le sont par des questions de règlement ou par des demandes de directives de la part des membres de cette commission, soit à ma droite, soit à ma gauche, ce qui est tout à fait normal.

Cependant, comme nous avons permis aux personnes qui sont invitées d'être accompagnées - puisqu'on l'a fait dès le début; la demande a été acceptée, on n'y voyait pas d'objection - que l'on élargisse -ce que le règlement permet, l'ancien règlement en particulier - le droit d'une personne à être représentée en disant que cette personne peut soulever des objections, comme président, je dois vous dire que je suis prêt à les entendre et à en disposer selon ce que notre règlement permet et selon ce qui est normal.

Donc, ce n'est pas une sorte de précédent. C'est simplement l'application d'une chose qu'on n'a pas eu l'occasion d'appliquer et qui est simplement soulevée devant nous ce matin. En conséquence, je pense que de la façon que vous l'interprétez et que je l'interprète, on est tous d'accord. Nous allons arrêter le débat de cette façon-là. Donc, M. le député de Laporte, vous pouvez continuer vos questions.

M. Lalonde: II y avait une question avec une objection tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je l'ai réglée en disant que, sur l'ancien emploi qu'occupait Me Gauthier, lorsqu'il est arrivé au mois d'octobre 1978, il était normal de savoir comment le passage s'était fait et que je permettais les questions.

M. Jutras: Non, il n'y a pas d'appel, c'est simplement un commentaire...

Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord.

M. Jutras: ...d'un membre du barreau. Je suis heureux de la position prise des deux côtés de la commission. Il aurait été étonnant qu'à l'Assemblée nationale, à l'endroit où se font les lois, les gens n'aient pas le droit de se faire représenter, contrairement à ce que disent la Charte des droits et libertés de la personne et une autre loi également, que plusieurs d'entre vous connaissent, la Loi sur le Barreau, dans laquelle vous avez consacré à maintes reprises le droit de toute personne d'être représentée par un avocat. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je veux simplement souligner que, tout à l'heure, j'ai posé une question à Me Gauthier et c'est un autre individu qui a répondu, que je ne connaissais pas. J'ai manifesté mon étonnement parce qu'il n'avait pas été présenté à la commission. Est-ce qu'on pourrait lui demander de se présenter?

Le Président (M. Jolivet): Oui. Je dois vous dire, au départ, qu'il a été présenté par moi-même. J'ai dit: Me Jutras accompagne Me Gauthier.

M. Bourbeau: Ah bon! Mais qu'est-ce qu'il fait?

Le Président (M. Jolivet): Me Germain Jutras, est-ce que vous pouvez vous présenter, dire simplement qui vous êtes pour les besoins du député de Laporte?

M. Bourbeau: C'est important d'identifier les parties, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Pour le journal des Débats, allez, Me Jutras.

M. Jutras: Mon nom est Germain Jutras; je pratique la profession d'avocat depuis 1967. Je suis toujours membre en règle du barreau, bâtonnier du barreau d'Arthabaska, d'ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je pense qu'on devrait compléter. À quel endroit exercez-vous la profession d'avocat? Est-ce que c'est un bureau d'avocats ou si vous pratiquez seul?

Le Président (M. Jolivet): Je ne vois pas l'utilité d'y répondre.

M. Bourbeau: C'est normal. M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): ...mais si vous voulez le faire.

M. Jutras: Je n'ai pas d'objection, si cela peut renseigner le public. Peut-être qu'on s'éloigne un peu du mandat de la commission. Je suis en pratique privée; j'ai un bureau à Drummondville, comme plusieurs d'entre vous que je vois et avec qui j'ai eu l'occasion de traiter lorsqu'ils étaient en pratique privée.

Le Président (M. Jolivet): C'est une bonne annonce.

M. Jutras: Si vous me demandez de dire si je suis bon avocat ou pas...

Le Président (M. Jolivet): Donc, M. le député de Laporte, vos questions maintenant.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est une déformation professionnelle parce que les notaires doivent toujours identifier les parties. D'ailleurs, le témoin doit le savoir, n'est-ce pas?

M. Gauthier (Yves): Pour une fois, il a bien raison.

M. Bourbeau: Vous voulez dire que, les autres fois, je n'avais pas raison.

M. Gauthier (Yves): Ah! Je ne veux pas dire cela, je n'embarque pas.

M. Lalonde: Très prudent.

M. Bourbeau: Me Gauthier, à quel moment doit se terminer votre mandat de conseiller spécial au bureau du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Je n'en ai aucune idée. Non, je n'en ai pas d'idée; cela peut être demain matin s'il se tanne, je ne le sais pas. Ce n'est pas pour cinq ou dix ans.

M. Bourbeau: Ah bon! Alors, c'est au bon vouloir....

M. Gauthier (Yves): C'est au bon vouloir.

M. Bourbeau: ...de qui de droit. M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Est-ce que quelqu'un vous a recommandé lorsque vous avez sollicité le poste de conseiller spécial?

M. Gauthier (Yves): Personne ne m'a recommandé. Je pense qu'on me connaît assez; je suis assez connu dans le milieu politique et je n'ai eu de recommandation de personne.

M. Bourbeau: Vous n'en aviez pas besoin.

M. Gauthier (Yves): J'en ai peut-être eu, mais je ne le sais pas; je ne peux pas vous le dire. Tout ce que je sais - je n'ai pas d'affaire à dire cela, de toute façon -on m'a toujours dit que, si j'étais là, c'était à cause des rouges parce que je les connaissais tous. Peut-être qu'on n'a jamais voulu me dire la bonne raison; je ne le sais et je ne veux pas commenter cela. Je m'arrête là.

M. Bourbeau: Quand vous parlez des rouges, vous parlez des communistes?

M. Gauthier (Yves): Non, non, les libéraux, excusez-moi; il y a une distinction.

M. Bourbeau: Quel dossier vous a-t-on confié lors de votre arrivée au bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, de la même façon que j'ai refusé la première, je refuse celle-là. Cela n'a pas trait au mandat de la commission. Si vous voulez poser votre question autrement, je l'accepterai.

M. Bourbeau: M. le Président, je retirerai la question alors. Quelle expérience préalable aviez-vous lors de votre nomination au bureau du premier ministre dans le genre de travail que vous deviez faire?

M. Gauthier (Yves): D'après moi, j'avais 40 ans d'expérience, mais cela... On se vante toujours un peu, mais, d'après moi, je pouvais le faire.

M. Bourbeau: Vous aviez conseillé spécialement les anciens premiers ministres ou quoi?

M. Gauthier (Yves): Non. Je ne dis pas que je les ai conseillés, mais je les ai tous connus. J'étais avec Paul Desrochers qui était un conseiller. Je pense bien qu'il n'y a pas d'école pour les conseillers spéciaux. C'est l'école de la vie et je connaissais presque tout le monde. Comme je connaissais tout le milieu politique depuis X années, je pense bien que c'est pour cela. Je ne vois pas d'autre raison. (11 h 30)

M. Bourbeau: Donc, vos antécédents politiques ont compté dans cette décision?

M. Gauthier (Yves): J'en ai l'impression.

J'ai été plus longtemps rouge, excusez-moi, libéral que péquiste. J'ai passé tous les régimes: Lesage, Bourassa. J'ai travaillé avec lui. Le député de Marguerite-Bourgeoys a travaillé avec moi. Ce ne sont pas des cachettes. Tout le monde sait cela. D'après moi, si on m'a choisi, c'est parce que je connaissais la politique, c'est à peu près tout; ce n'est pas parce que je suis le plus brillant des notaires ou autre chose. Ils m'ont choisi parce que j'ai tant de talent pour cela et cela finit là.

M. Bourbeau: Est-ce que vous vous occupez d'organisation électorale?

M. Gauthier (Yves): Non, je ne m'en occupe pas et je ne veux plus m'en occuper. J'ai fait une crise cardiaque à la dernière campagne électorale. Pour votre information, M. le Président, je connais plus de gens là que là aujourd'hui. J'ai fait une crise cardiaque le 2 avril 1981. Je n'ai pas eu tellement le temps de faire des élections. Ce n'était pas mon mandat. J'avais des choses précises. J'en connais là. Je sais qu'il y en a un qui avait battu mon candidat préféré. Je ne le connais pas, mais je voudrais bien le connaître. Le député de Rousseau, je ne sais pas où il est, mais il avait battu Jean Rougeau. C'est un aparté. C'est à peu près la seule chose que j'ai essayé de faire dans une élection et cela n'a pas marché.

M. Bourbeau: Avant de devenir conseiller spécial du premier ministre, quelle fonction occupiez-vous?

Une voix: Notaire.

M. Gauthier (Yves): J'étais notaire, oui. J'étais aussi tuteur. J'avais été nommé tuteur - je l'ai quelque part - en octobre 1977. Je l'ai ici: nomination à la tutelle, le 26 octobre 1977.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire un peu ce qu'était cette fonction de tuteur?

M. Gauthier (Yves): Oui. Vous n'êtes pas pressé? Je peux en parler bien longtemps, parce que je dois vous dire que, de prime abord, c'était - excusez le mot -une "job" bien difficile. Cela ne me tentait pas trop, mais on m'a dit que j'étais capable. On m'a un peu tordu le bras. On m'a dit: Dévoue-toi encore et vas-y. Être tuteur pour les syndicats, ce n'est pas toujours un cadeau. Mes associés me disaient: C'est un cadeau de Grecs. Ils ne voulaient pas. Mais, en tout cas, je l'ai pris. Comme je vous l'ai dit, j'aimais cela.

Si vous voulez savoir quel était le travail, c'était de rencontrer les syndiqués, les exécutifs. Ce n'était pas toujours drôle. Parfois, ils se berçaient pendant une demi- heure, comme le monsieur le fait, et ils ne disaient pas un mot. Nous, on parlait. Ils se berçaient. Ils riaient de nous autres, en un mot, c'est bien simple. Au 144, ils nous ont "pitché" des oeufs, des tomates, etc. Personnellement, j'ai aimé mon expérience parce que c'est un autre genre de vie. Les gars sont "tough". Qu'est-ce que vous voulez? Ils ont leur manière de négocier.

Je suis allé à Washington une couple de fois, surtout avec le local 791. Pour le local 791, je suis allé à Washington au moins deux fois. Washington aussi avait mis le local 791 en tutelle. Je suis allé leur dire: "You are no more in the picture." Ils n'ont pas tellement aimé cela, mais c'était la tutelle québécoise qui prévalait.

Des expériences, j'en ai à la tonne. On est allé à Trois-Rivières faire une assemblée. C'était encore pire. Il y avait à peu près dix assemblées en même temps, la police provinciale et tout cela. Les ascenseurs, j'aime autant ne pas vous en parler, les locaux 89 et 101; le bureau du gérant était difficile à trouver. C'est cela, j'avais assez peur de rester pris dans l'ascenseur. Les ascenseurs, c'est ma phobie. Une chance qu'ils ne l'ont jamais su parce qu'ils m'auraient laissé là.

Pour moi, cela a été une expérience enrichissante. C'est un autre monde. Tu apprends vite, il faut que tu te grouilles les pieds. Mais je pense que je ne recommencerais pas.

M. Bourbeau: Vous occupiez ces fonctions depuis quelle date, avez-vous dit?

M. Gauthier (Yves): Je l'ai ici, le 26 octobre 1977.

M. Bourbeau: Comment s'est effectuée votre nomination à ce poste?

M. Gauthier (Yves): Comme je l'ai dit, c'est Me Bachand - non, je ne l'ai pas dit -qui était le chef de cabinet de M. Johnson, qui m'en avait parlé. Il avait commencé à m'en parler depuis cinq ou six mois déjà. Comme je vous le dis, ils m'ont un peu tordu le bras. Ils m'ont dit: Tu es capable, tu as l'habitude. Tu es dur, quand c'est le temps, vas-y. Comme je vous le dis, mes associés ne voulaient pas que je prenne le poste. Peut-être qu'ils avaient raison. Ils ne braillaient pas trop, parce que les honoraires que je faisais, je les versais à la société. C'était une autre affaire. Mais ce sont surtout des pressions que j'ai eues de M. Bachand, qui me disait: Tu es capable de le faire. Dévoue-toi un peu pour la cause, tu es capable, parce qu'il paraît que cela ne courait pas les rues, les tuteurs. Il n'y a pas grand monde qui voulait la "job". Moi, je l'ai prise avec M. Gérard Beaudry. C'était un ancien candidat libéral en 1970, c'était un

bien bon gars. Mais c'était toujours lui qui parlait. Moi, j'agissais. J'essayais, mais je ne suis pas bon pour parler. Mais, lui, je vous dis que...

En tout cas, cela été des expériences que j'ai faites à mes dépens, que je n'aimerais peut-être pas refaire, mais que je suis content d'avoir faites parce que j'ai compris que, chez les syndicats, il y a des maudits bons gars et il y a des gars qui ont la poigne assez forte. Ils pensent parfois peut-être plus qu'on ne le pense. En tout cas, j'ai aimé cela, mais je ne le referais pas. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus drôle.

M. Bourbeau: Alors, il y a Me Beaudry qui parlait et vous, vous agissiez?

M. Gauthier (Yves): Bien, j'agissais... C'est parce que, parfois, vous savez, ces gars-là tenaient une assemblée, comme on le fait là et il y en avait quatre ou cinq qui faisaient une autre assemblée en arrière. C'était une tactique pour qu'on ne puisse pas dialoguer avec nos gens. Alors, moi, durant ce temps-là, je me levais et j'allais parler aux gars. J'aimais mieux parler aux gars, là, que de leur parler en face, parce que je n'étais pas bon au micro.

M. Bourbeau: Donc, vous étiez deux parleurs, pas un parleur et un faiseur?

M. Gauthier (Yves): Bien oui, c'est cela. J'allais parler aux gars en arrière pour essayer de les calmer. Mais la fois où ils nous ont garroché des tomates, je ne suis pas resté là trop longtemps.

M. Bourbeau: Est-ce que c'étaient des tomates rouges?

M. Gauthier (Yves): Oui, c'étaient des tomates rouges, à part cela. Cela ne regarde pas la commission, mais je vais vous dire que je suis sorti le dernier de là, en riant, parce que j'avais déjà ri de Robert Sauvé qui s'était fait garrocher des tomates au Centre Sauvé. Il m'avait dit: Toi, le gros, quand tu vas te faire garrocher des tomates, je vais rire de toi. Je suis sorti et je pensais à cela. Je suis sorti le dernier et mon habit en était tout plein. D'ailleurs, ma femme m'avait demandé si on allait rester longtemps. J'avais dit: Pour moi, d'ici à une demi-heure, on va être revenus. Effectivement, on est revenus. J'ai gardé cet habit...

M. Bourbeau: Me Gauthier, vous avez dit que vous aviez été recommandé ou, enfin, qu'on vous avait approché... C'est Me Bachand, le chef de cabinet du...

M. Gauthier (Yves): Oui, c'est Me Bachand. Il est avocat. Oui.

M. Bourbeau: ...du ministre Johnson.

M. Gauthier (Yves): II était le chef de cabinet du ministre Johnson, parce que cela dépendait du ministère du Travail, cela.

M. Bourbeau: Est-ce que Me Bachand vous a dit pourquoi on vous approchait, vous, pour ce travail?

M. Gauthier (Yves): Pas nécessairement. Il m'a dit: Tu es bon. Tu es capable de le faire. Tu peux être "tough" quand c'est le temps. C'est tout ce qu'il m'a dit. Il ne m'a pas dit autre chose.

M. Bourbeau: Mais pourquoi vous et pas quelqu'un d'autre?

M. Gauthier (Yves): J'ai l'impression qu'il était allé en voir d'autres avant moi, remarquez bien. J'en suis même pas mal certain.

M. Bourbeau: Quel était votre titre exact au local 791?

M. Gauthier (Yves): Au local 791, j'étais président. C'est parce qu'on se divisait les locaux. Un était président et l'autre était membre. Après que j'ai quitté, ce n'était pas la même chose. M. Beaudry était président de tous les syndicats. M. Van De Weghe était membre. On s'était séparé les locaux, parce que M. Beaudry ne parlait pas anglais. Alors, moi, je m'occupais du local 791, parce que c'était à Washington et qu'il fallait parler anglais, et des locaux 89 et 101 pour les ascenseurs. Le local 89 était à Montréal et le local 101 était à Québec, je pense. J'étais président de ces deux locaux. J'étais aussi membre - je pense que je l'ai ici - de la FIPOE, le local 1679 pour les électriciens. Cela appartenait à M. Beaudry et il avait aussi le local 144. C'est bien cela. Excusez, c'était le local 1677, la Fraternité internationale des ouvriers en électricité. Mais avec eux, il n'y avait rien à faire, il n'y avait pas de problèmes.

M. Doyon: Le témoin se réfère à un arrêté en conseil.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Alors, le 26 octobre 1977 est la date de votre nomination au poste de tuteur.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Vous étiez président du conseil d'administration du local 791?

M. Gauthier (Yves): Oui, c'est cela. J'étais président de celui-là. J'étais président

du local 791 et des locaux 89 et 101 pour les ascenseurs. Ce sont les deux seuls. M. Beaudry était président du local des plombiers, le 144, et de celui des électriciens, le 1677. Il y avait aussi d'autres membres. Il y avait Léo Cormier, qui était un membre comme moi, tuteur.

M. Bourbeau: II était membre ordinaire, lui?

M. Gauthier (Yves): Oui, membre seulement. C'est indiqué membre. Dans le fond, j'étais membre des deux autres syndicats mais j'étais président de deux dont le local 791, et 89 et 101.

M. Bourbeau: Dans la question de la poursuite de la SEBJ, est-ce qu'il y avait d'autres syndicats qui étaient poursuivis...

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Bourbeau: ...que le local 791?

M. Gauthier (Yves): Pour la SEBJ, le seul qui était poursuivi, M. le Président, c'était le 791.

M. Bourbeau: Pour les fins de notre mandat, M. le Président - vous savez que je veux m'en tenir au mandat - vous étiez président du conseil d'administration du local 791?

M. Gauthier (Yves): C'est cela, oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Avant votre nomination à titre de président du conseil du local 791, en vertu du décret du 26 octobre...

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: ...1977, quelles fonctions occupiez-vous?

M. Gauthier (Yves): Je n'en avais pas. M. Bourbeau: Vous étiez en chômage?

M. Gauthier (Yves): Non, non, j'étais notaire.

M. Bourbeau: Vous exerciez donc la profession de notaire?

M. Gauthier (Yves): Oui, j'exerçais cette profession, je l'ai exercée, jusqu'au 1er septembre 1978. Cela faisait vingt ans que j'étais leur associé. J'ai terminé mon contrat.

M. Bourbeau: Vos fonctions de notaire avaient-elles un rapport avec le droit ouvrier?

M. Gauthier (Yves): Non, pas nécessairement.

M. Bourbeau: Est-ce que vous aviez une expérience préalable en relations de travail?

M. Gauthier (Yves): Je ne peux pas dire que j'avais une expérience bien grande. Je sais bien qu'au bureau, c'était moi qui m'occupais des relations - nous étions quand même une quarantaine d'employés au bureau des engagements et, s'il y avait des conflits, de réunir les secrétaires ou les chefs de département. J'avais aussi été président de la Palestre nationale pendant trois ans. J'étais à la Palestre depuis 1960 dans l'administration.

M. Bourbeau: Quand on vous a demandé de devenir président du conseil du local 791, est-ce qu'on vous a précisé les objectifs qu'on recherchait?

M. Gauthier (Yves): Oui, on voulait ramener la démocratie dans tous les syndicats et, pour moi, dans mon cas, il s'agissait surtout du 89, du 101 et du 791. C'était d'essayer de faire des élections le plus vite possible pour qu'ils reprennent leurs affaires en main.

M. Bourbeau: Pouvez-vous nous dire qui vous avait recommandé auprès de Me

Bachand pour l'obtention du poste de président du conseil?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président, mais je le connaissais, Me Bachand.

M. Bourbeau: Vous le connaissiez de quelle façon?

M. Gauthier (Yves): Je l'avais rencontré lors d'élections. Je crois qu'il est avocat, comptable ou les deux, je ne le sais. Je sais qu'il est comptable. Je le connaissais depuis 1970.

M. Bourbeau: Vous aviez fait des élections ensemble?

M. Gauthier (Yves): C'est-à-dire que j'ai voulu en faire une, mais il ne voulait pas de moi dans Ahuntsic. Il m'a dit qu'ils était capable de s'arranger tout seul. Mais, cela ne fait rien, c'est un ami. On s'engueulait tout le temps, mais on était de bons amis pareil.

M. Bourbeau: Ah bon! Est-ce que le poste de président du conseil d'administration du local 791 était une occupation à temps plein?

M. Gauthier (Yves): Pas à temps plein,

mais je leur donnais presque trois jours par semaine. On peut dire trois jours presque pleins.

M. Bourbeau: Est-ce que vous donniez trois jours par semaine pour l'ensemble des syndicats ou uniquement pour le local 791?

M. Gauthier (Yves): Non, pour l'ensemble. Le 144 nous occupait pas mal aussi. Le local des plombiers nous occupait pas mal, il nous occupait dans le fond plus que le 791, parce que là, on avait des problèmes presque tous les jours.

M. Bourbeau: En quoi consistaient vos fonctions?

M. Gauthier (Yves): Si je prends le local 144, cela ne fonctionnait pas du tout. Il fallait faire des assemblées pour les gérants, parce qu'eux ont des gérants de district. Il y avait un gérant à Trois-Rivières, un gérant à Montréal. Nous les rencontrions et nous essayions de voir ce qui n'allait pas. Cela a mal commencé, la journée où on nous a nommés, ils ont fait une démonstration et la police est arrivée. Seulement ça, cela a traîné presque six mois. Ils ont voulu prendre des procédures. Cela ne valait pas grand-chose, d'après moi; d'ailleurs, ils n'ont même pas réussi. Cela consistait à essayer de voir leurs revendications, à essayer de mettre tout cela ensemble et de les forcer presque à faire une élection pour qu'ils se prennent en main. Cela a fonctionné pour les locaux 89, 101, pour la FIPOE et pour le 791. C'est seulement avec les plombiers que cela n'a pas fonctionné.

M. Bourbeau: À l'égard du local 791 plus précisément, parce que c'est le syndicat qui nous intéresse, étant donné que vous étiez le président du syndicat, en quoi consistait exactement votre travail?

(11 h 45)

M. Gauthier (Yves): C'était de suivre la bonne marche des opérations. J'allais à leurs bureaux, je regardais les livres, je regardais si on devait prendre des décisions. Parfois, il fallait qu'ils envoient quelqu'un pour voter à Washington ou des choses de même. Cela se résume à cela. Mais il y avait toujours quelque chose à faire. Il y avait des chicanes. Le gérant du local engageait des "sous-gérants" à différents endroits. Des fois cela ne faisait pas l'affaire et il fallait aller voir, cela ne marchait pas toujours comme il faut. Il y en a qui avaient des comptes de dépenses trop élevés, il fallait aller vérifier. C'était surtout des affaires comme cela. On a procédé à une élection là aussi, au 791, quand nous étions là, on a fait une élection.

M. Bourbeau: En tant que président du conseil, est-ce que vous contrôliez les finances du syndicat?

M. Gauthier (Yves): C'est-à-dire que je ne les contrôlais pas, mais je les surveillais. On devait de l'argent et on n'en avait pas. On avait été obligés de faire des mises à pied - je m'en souviens, parce que les gars gueulaient - dans le temps des fêtes. On avait été obligé de renvoyer au moins quatre gars et cela ne marchait pas trop. Ils n'avaient pas d'argent, ils empruntaient à la banque. Je sais qu'après cela, quand je suis parti, les finances commençaient à être bonnes. Les gars avaient mis de l'argent de côté et cela allait pas pire.

M. Bourbeau: Vous vous occupiez d'administration journalière, si je peux dire?

M. Gauthier (Yves): Non. Il y avait un comptable, un monsieur qui se disait comptable, qui faisait cela. Il y avait des vérificateurs-comptables qui avaient été nommés. C'était presque au jour le jour. Il fallait aller voir comment cela se passait. J'arrêtais, c'était sur le chemin pour aller au bureau.

M. Bourbeau: Aviez-vous une bonne connaissance de ce qui se passait dans le syndicat sur une base journalière?

M. Gauthier (Yves): On ne peut jamais dire, je pense, qu'on a une connaissance précise de ce qui se passe dans un local syndical parce qu'il y a des factions, il y en a qui ne s'entendent pas avec d'autres. De là à aller dire que je connaissais cela de "a" à "z", je n'oserais pas dire cela. Je pense que j'avais la confiance des gars; moi, je leur faisais confiance. J'ai toujours eu l'impression qu'ils ne me jouaient pas de tour, surtout les gars du 791.

M. Bourbeau: Aviez-vous un genre de contrôle sur le syndicat en tant que président?

M. Gauthier (Yves): Vous voulez dire un contrôle: fais ceci, fais cela?

M. Bourbeau: Oui. Est-ce que vous contrôliez l'administration au moins?

M. Gauthier (Yves): Non. Tout ce que je leur disais, c'était d'économiser et de ramasser de l'argent. Il fallait payer notre monde,

M. Bourbeau: Est-ce que vous autorisiez les paiements, par exemple?

M. Gauthier (Yves): Oui, on autorisait des paiements, c'est-à-dire des paiements pour le per capita. Cela a été une

enguelade, je pense, qui dure encore. Cela a été en cour, j'en ai l'impression, après mon départ. Il y avait des per capita à payer au local américain. Je n'ai jamais su le fond de l'histoire, parce que chacun avait sa version. Cela datait des ententes qui avaient été prises dans le temps de M. Meloche, que j'ai vu une fois et qui n'était plus au local. C'est surtout M. Yves Ryan, le tuteur que j'ai remplacé, qui avait négocié ces choses. Pour moi, c'était de voir à ce qu'il y ait toujours de l'argent pour payer. Des fois, ils voulaient acheter une machine IBM. Comme je ne connais pas bien cela, j'envoyais un autre membre du syndicat voir le vendeur, vérifier si cela avait du bon sens. Il me faisait rapport.

M. Bourbeau: Signiez-vous les chèques du syndicat?

M. Gauthier (Yves): Nous étions trois ou quatre autorisés à signer les chèques, il me semble. Il y avait le gérant. Je ne m'en souviens pas, je ne peux pas vous le dire. Si je ne les signais pas, je sais que je les regardais. Les gars venaient me montrer les chèques, disons tous les quinze jours, je les regardais et je posais des questions. Si je les signais, je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: Les trois qui avaient été nommés par le gouvernement en vertu du décret, vous-même comme président, Me Beaudry comme membre, et M. Cormier, aviez-vous, à vous trois, le pouvoir de signature sur les chèques? Un des trois ou les trois?

M. Gauthier (Yves): Me Beaulé? Il n'a jamais été là.

M. Bourbeau: Me Beaudry.

M. Gauthier (Yves): Ah, Me Beaudry! Me Beaudry, M. Cormier et moi-même, je ne m'en souviens pas, si on signait les chèques. Je sais que je les regardais, parce que j'étais président du local et il fallait que je voie où allait l'argent qu'on avait assigné pour la petite caisse et ces choses.

M. Bourbeau: Est-ce que les tuteurs contrôlaient les finances du syndicat?

M. Gauthier (Yves): On avait un oeil dessus. Je ne pouvais pas dire: On a 10 000 $ aujourd'hui et demain on va avoir 8000 $. J'essayais de prévoir afin qu'il y ait toujours de l'argent dans la caisse.

M. Bourbeau: En tant que président du conseil du local 791, quel salaire retiriez-vous?

M. Gauthier (Yves): J'étais payé à l'heure. Je ne m'en souviens pas, mais je l'aurais ici.

M. Bourbeau: Tout à l'heure, vous nous avez dit que cela avait été une expérience enrichissante. Je voudrais savoir...

M. Gauthier (Yves): Ah oui! Là, je ne parle pas d'argent, je parle d'autre chose.

M. Bourbeau: "Que les émoluments de chacun de ses membres soient fixés à 50 $ l'heure, pour un maximum de 350 $ par jour." C'est cela?

M. Gauthier (Yves): C'est cela. Dans le fond, je faisais de l'argent.

M. Bourbeau: Je m'aperçois de cela.

M. Gauthier (Yves): Mais l'argent n'allait pas à moi; il allait à mon bureau.

M. Bourbeau: À votre bureau?

M. Gauthier (Yves): À notre bureau de notaires.

M. Bourbeau: Ah! vous...

M. Gauthier (Yves): Parce qu'on avait une entente. On était dix associés. Si quelqu'un retirait des honoraires d'une autre affaire que du notariat, il fallait qu'il le laisse au bureau.

M. Bourbeau: Évidemment, vous aviez vos émoluments de notaire.

M. Gauthier (Yves): Ah bien oui! Comme on dit, cela entrait dans le pot.

M. Bourbeau: Est-ce que vous aviez un compte de dépenses comme président du conseil du local 791?

M. Gauthier (Yves): Ah, pour cela, j'ai bien essayé! Cela n'a pas fonctionné. Je pense que j'y suis arrivé après deux ans et j'ai menacé de poursuivre le gouvernement. Je voulais me faire payer un de mes comptes de dépenses, mais je pense qu'il... C'est parce que, d'après les règlements, il y a des dépenses qui devaient être payées par le syndicat et le syndicat n'avait pas d'argent. Je me souviens que j'avais essayé de me faire payer mon voyage à Washington et j'avais reçu une note d'un sous-ministre à Québec au Travail; je me souviens de son nom. En tout cas, il ne voulait pas payer cela. Mais je pense qu'ils ont amendé cela deux ou trois ans après et qu'ils l'ont payé. Mais je n'avais pas de compte de dépenses. Lorsqu'on allait manger, c'était tout un problème de savoir qui était pour payer. Comme je ne suis pas trop un "payeux"... Je

suis certain que je n'avais pas de compte de dépenses, mais je sais que le voyage à Washington, cela a duré longtemps.

Une voix: Pas le voyage!

M. Gauthier (Yves): Non, non. Pas le voyage, le compte d'honoraires.

M. Bourbeau: Donc vous aviez des problèmes à vous faire rembourser vos frais de dépenses?

M. Gauthier (Yves): Pardon? Je m'excuse, je n'ai pas compris la question.

M. Bourbeau: Vous aviez des problèmes à vous faire rembourser vos frais de voyage?

M. Gauthier (Yves): Oui. Ah oui! Pour le voyage à Washington. Quand on allait à Trois-Rivières ou à Québec, on payait de notre poche, mais, à Washington, je trouvais cela dur un peu.

M. Bourbeau: Mais qui payait votre salaire maximum de 350 $ par jour? C'était le syndicat ou le gouvernement?

M. Gauthier (Yves): C'est le gouvernement.

M. Bourbeau: Le gouvernement payait vos salaires?

M. Gauthier (Yves): Oui. Oui. Le syndicat, lui, était appelé à payer des dépenses ordinaires, mais cela ne couvrait rien. Je n'ai jamais pu rien leur "charger". De toute façon, ils n'avaient pas d'argent.

M. Bourbeau: Bien, vous avez dit qu'à la fin ils en avaient.

M. Gauthier (Yves): À la fin, mais à la fin, à la fin-fin.

M. Bourbeau: Quand vous parlez de la fin-fin, c'est à quelle date?

M. Gauthier (Yves): Cela nous a pris tout l'hiver pour ramasser de l'argent parce que, lorsqu'il n'y avait pas de travail, les gars ne payaient pas la cotisation. Ils ne percevaient pas. D'après moi, les chiffres ont commencé en juin à être bons.

M. Bourbeau: II y avait combien de cotisants au local 791?

M. Gauthier (Yves): Je ne pourrais pas vous répondre là-dessus, M. le Président, parce qu'il y a toujours eu une mésentente. J'ai pris un dossier qui existait déjà depuis 1974. Apparemment, il y avait eu des ententes entre l'union internationale américaine et le syndicat québécois, le 791, qui avaient dit: On va vous "charger" sur tant de membres. Mais ils ne se sont jamais entendus. C'est la raison pour laquelle je ne peux répondre à la question. Je sais que, par la suite, les Américains ont convoqué le 791 québécois. Je n'étais plus là, mais le gérant du local m'a fait parvenir des lettres en décembre 1979 pour me dire qu'il avait été convoqué. Je ne sais pas combien on cotisait. À mon avis, il y devait peut-être y avoir 4000 employés et on ne payait pas pour tous. Je ne le sais pas, mais cela découlait d'une entente qui était intervenue entre les syndicats américains et un M. Meloche, qui était le gérant du local avant que je sois là.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai ici une copie d'un décret. J'aimerais en faire parvenir une copie au témoin. Est-ce qu'on pourrait demander à quelqu'un de...

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de difficulté. Quelqu'un du secrétariat des commissions parlementaires peut aller le porter.

M. Jutras: S'agit-il du numéro 3631-77?

Le Président (M. Jolivet): 3877-78.

M. Bourbeau: À moins que vous n'en ayez déjà une copie?

Le Président (M. Jolivet): En date du 13 décembre 1978.

M. Gauthier (Yves): Non, le 13 décembre 1978, c'est quand M. Gérard...

Le Président (M. Jolivet): On va vous le faire parvenir et vous allez en prendre connaissance.

M. Gauthier (Yves): D'accord.

Le Président (M. Jolivet): On pourra vous revoir avec le document.

M. Bourbeau: Me Gauthier, vous avez devant vous un document. Pouvez-vous nous dire ce que c'est?

M. Gauthier (Yves): C'est écrit: "Concernant la nomination, les émoluments et les dépenses des membres du conseil d'administration de certains syndicats ouvriers en vertu de la Loi sur la mise en tutelle... International Union of Elevator Construction, local 89 et 101, et la Loi sur la mise en tutelle... Vu qu'en vertu de l'article 2..." Grosso modo, je vais vous le dire, c'est lorsqu'ils ont nommé Gérard Beaudry président du local et Guy Van de Weghe qui me remplaçait aux autres. La différence est que M. Beaudry était le seul

président des quatre.

M. Bourbeau: II est question de vous à la page 2. Pourriez-vous nous lire le troisième paragraphe?

M. Gauthier (Yves): Oui. "Que les nominations de Me Yves Gauthier faites en vertu de l'arrêté en conseil 3631-77 du 26 octobre 1977 cessent d'avoir effet." C'est cela.

M. Bourbeau: Alors, c'est la cessation de vos fonctions. De quelle date est le décret, Me Gauthier?

M. Gauthier (Yves): II est du 13 décembre 1978.

M. Bourbeau: Je pense que c'est tout ce qui vous concerne. Le reste ne vous concerne pas. Pourriez-vous lire le dernier paragraphe à la page 2?

M. Gauthier (Yves): "Que le présent arrêté en conseil entre en vigueur le jour de son adoption."

M. Bourbeau: Par qui est-ce signé? M. Gauthier (Yves): Louis Bernard.

M. Bourbeau: Greffier du Conseil exécutif?

M. Gauthier (Yves): C'est cela.

M. Bourbeau: C'est le décret qui a mis fin à vos fonctions?

M. Gauthier (Yves): Oui. M. Bourbeau: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, simplement pour les besoins de la cause, je peux faire faire des photocopies des documents pour les membres.

M. Bourbeau: II n'y a pas de problème, M. le Président.

La poursuite de la Société d'énergie de la Baie James constituait-elle une préoccupation importante pour le local 791 alors que vous en étiez le président?

M. Gauthier (Yves): Au commencement de mon mandat, non.

M. Bourbeau: Je n'ai pas parlé uniquement du commencement du mandat, j'ai dit: Pendant que vous étiez président.

M. Gauthier (Yves): Vers la fin, cela commençait à le préoccuper, oui.

M. Bourbeau: En quoi cela le préoccupait-il?

M. Gauthier (Yves): Eh bien, il ne savait pas où l'action s'en allait, parce que j'ai eu l'impression que les avocats ne s'en sont jamais mêlé avant les mois de juillet, août et septembre. Je n'entendais pas parler de la cause, M. le Président, plus que cela.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les problèmes que causait la poursuite au syndicat...

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Bourbeau: ...à partir du moment où cela en a causé?

M. Gauthier (Yves): Non, je ne peux pas vous donner de détails. C'étaient des affaires quotidiennes.

M. Bourbeau: En a-t-il été question à un moment donné?

M. Gauthier (Yves): II en a été question une fois avec Me Beaulé, lequel était venu parler de l'action. Il représentait les Américains, M. le Président.

M. Bourbeau: À quel moment Me Beaulé est-il venu?

M. Gauthier (Yves): Je pense que c'était en juillet ou août.

M. Bourbeau: Donc, avant cette date, ce n'était pas un problème?

M. Gauthier (Yves): Non. On en parlait un peu avec Yves Paré, gérant du local, mais pas plus que cela, et avec Me Jasmin aussi de temps en temps, parce que Me Jasmin était le procureur du local 791 et il faisait aussi du travail pour la tutelle. Quelquefois, on avait des opinions à lui demander sur autre chose.

M. Bourbeau: Donc, autrement dit, à partir du début de votre mandat, à la fin de 1977, jusqu'à la fin de l'été 1978, si j'ai bien compris, cela ne créait pas trop de problèmes, mais cela a commencé à chauffer à la fin de l'été. Est-ce cela?

M. Gauthier (Yves): Oui, à la fin de l'été.

M. Bourbeau: Y avait-il d'autres actions en justice contre le local 791?

M. Gauthier (Yves): Pas à ma connaissance, en tout cas, M. le Président.

M. Bourbeau: II y avait la poursuite de

31 000 000 $ de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Oui, il y en avait seulement une. Pour autant que je suis concerné, il y avait seulement la cause de la SEBJ d'inscrite.

M. Bourbeau: Qui était chargé d'assurer la défense du local 791 dans la poursuite de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Gauthier (Yves): C'était Me Michel Jasmin ou son bureau.

M. Bourbeau: Avez-vous eu l'occasion de rencontrer Me Michel Jasmin fréquemment alors que vous étiez président du syndicat?

M. Gauthier (Yves): Oui, oui. Il venait souvent.

M. Bourbeau: Pourriez-vous donner des détails?

M. Gauthier (Yves): Non, je n'ai pas de détails, mais il venait souvent, parce qu'on lui confiait bien du travail. Surtout pendant l'été, aux mois de juillet et août, il y avait des problèmes, parce que les cuisiniers de la Baie-James voulaient faire la grève. Cela a l'air curieux, mais les cuisiniers étaient dans les équipements lourds eux aussi, dans le local 791. Alors, cela ne marchait pas. Je sais que Me Jasmin a travaillé longtemps sur cela et il me rendait compte comment cela se passait. En fin de compte, l'affaire s'est réglée. Il s'est en allé à la pêche et moi, je suis parti en vacances. Je calcule que j'ai fini la tutelle la dernière fois que j'ai envoyé mon compte, vers le 8 septembre. Je l'ai ici.

M. Bourbeau: Avant votre départ pour les vacances?

M. Gauthier (Yves): Pardon?

M. Bourbeau: Avant votre départ pour les vacances?

M. Gauthier (Yves): Oui, lorsque j'ai laissé mon bureau de notaire, je suis parti du 9 septembre au 30 septembre en vacances.

Le Président (M. Jolivet): Pourriez-vous nous donner l'année, pour les besoins... En quelle année? (12 heures)

M. Gauthier (Yves): En 1978. Voyez-vous, ici je me suis pris des notes. La fin de la tutelle, en pratique, c'était le 8 septembre car c'est la dernière fois que j'ai envoyé un compte. Le 9 septembre, je suis parti en vacances et je suis revenu le 30. Quand je suis revenu, j'ai averti les gars que je n'étais plus tuteur et j'ai commencé et continué les négociations pour mon poste.

M. Bourbeau: Négociations qui se sont avérées fructueuses éventuellement.

M. Gauthier (Yves): Eh! oui.

M. Bourbeau: Quand vous étiez président du syndicat, vous me dites que vous rencontriez Me Jasmin. Est-ce que vous pourriez donner plus de détails sur la fréquence de ces rencontres?

M. Gauthier (Yves): C'est passablement difficile. Je le voyais certainement à toutes les semaines. Si l'on part du commencement, la journée qu'on a été nommé, il y a eu une manifestation du local 144 avec des pancartes. M. Jasmin a eu une partie de cette cause. On lui demandait des avis pour le local 89 et le 101. L'affaire des cuisines, pas mal ardu. À ma souvenance, cela a pris l'été de 1978. Il venait souvent, ou je le rencontrais.

M. Bourbeau: Est-ce que vous parliez de la cause de la SEBJ contre le local 791?

M. Gauthier (Yves): Non, on ne parlait pas de cela.

M. Bourbeau: Vous avez dit que ce n'était pas une préoccupation.

M. Gauthier (Yves): Ce n'était pas une préoccupation pour nous. En tout cas, pour moi, ce ne l'était pas. J'ai compris qu'au commencement de septembre, cela commençait à être la préoccupation de tout le monde.

M. Bourbeau: En tant que président du syndicat, si c'était la préoccupation de tout le monde, cela devait être la vôtre aussi.

M. Gauthier (Yves): Oui, mais l'affaire qu'il y a, c'est qu'en septembre, je n'étais plus là.

M. Bourbeau: Ah! bon. Donc, cela ne préoccupait pas les gens avant septembre.

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Bourbeau: Depuis combien de temps connaissiez-vous Me Michel Jasmin?

M. Gauthier (Yves): Depuis certainement 1970, peut-être 1968, mais sûrement 1970, M. le Président.

M. Bourbeau: Donc - on était en 1978 -depuis huit ou dix ans, quoi.

M. Gauthier (Yves): Ah! oui.

M. Bourbeau: Où l'aviez-vous connu?

M. Gauthier (Yves): Durant les élections.

M. Bourbeau: Durant les élections.

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Quelles élections?

M. Gauthier (Yves): En 1970, c'était le conseiller juridique au Parti québécois.

M. Bourbeau: Qui?

M. Gauthier (Yves): Me Jasmin.

M. Bourbeau: Me Jasmin. Ah! bon. Est-ce qu'il était conseiller juridique au Parti québécois, à la permanence du parti?

M. Gauthier (Yves): Non, c'était bénévole.

M. Bourbeau: II aurait pu être bénévole à la permanence aussi.

M. Gauthier (Yves): Ah! cela est vrai. Non, il n'était pas à la permanence. Remarquez bien qu'il y allait, mais ce n'était pas un type qui arrivait là à 9 heures. Il y allait sur la fin de l'après-midi, lorsqu'il avait fini son bureau, je suppose.

M. Bourbeau: Donc, Me Jasmin a travaillé pour le Parti québécois comme bénévole.

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Tremblay: ...

M. Bourbeau: Avant la fin de votre mandat de tuteur, avez-vous eu l'occasion, comme président du conseil du local 791, qui était un syndicat en tutelle, de discuter vers la fin, avec Me Jasmin, de la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: À combien d'occasions à votre souvenance?

M. Gauthier (Yves): Avant la fin de ma tutelle? Je ne le sais pas, mais on n'en parlait pas souvent. Comme je vous le dis, cela ne semblait pas être une préoccupation immédiate pour eux. À la fin, oui, mais, comme je vous le dis, mon opinion était faite. Je ne dis pas que c'est moi qui avais raison. Je pense que l'opinion que j'émettais, cela faisait l'affaire de M. Jasmin. Je disais qu'on n'était pas responsable. Je n'ai jamais eu beaucoup de discussions avec lui.

M. Bourbeau: Vous estimiez que le syndicat n'était pas responsable. Est-ce que vous avez discuté avec Me Jasmin des mesures à prendre pour assurer la défense du local 791?

M. Gauthier (Yves): Non, je lui laissais cela. C'était un avocat et c'était son problème.

M. Bourbeau: Vous étiez président du syndicat.

M. Gauthier (Yves): Oui, mais je n'avais pas d'ordre à lui donner. Je me fiais à l'avocat.

M. Bourbeau: Sans lui donner des ordres, est-ce que vous n'aviez pas des discussions avec lui sur le sujet?

M. Gauthier (Yves): Non, je lui disais: C'est ton dossier, arrange-toi avec, et donne-moi des résultats.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il vous faisait part de ses opinions personnelles?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Est-ce que vous les discutiez?

M. Gauthier (Yves): Non. On ne les discutait pas, il était du même avis que moi.

M. Bourbeau: Oui, du même avis quant à la responsabilité, mais quant aux mesures à prendre pour défendre le syndicat?

M. Gauthier (Yves): Ah non! Non!

M. Bourbeau: C'était un monologue.

M. Gauthier (Yves): Je ne dis pas que c'était un monologue, mais c'était cela. On n'en discutait pas, parce que j'étais convaincu que le gouvernement, quel qu'il soit, bleu, rouge ou caille, perdait son temps dans cette cause; c'était de l'argent jeté à l'eau.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez discuté de cela avec Me Jasmin?

M. Gauthier (Yves): Je le lui ai dit, mais il le savait lui-même. Pour Me Beaulé, c'est la même chose, quand il est venu me voir en juillet.

M. Bourbeau: Alors, vous étiez tous d'accord pour dire que le gouvernement perdait son temps.

M. Gauthier (Yves): Je n'ai pas dit qu'on était tous d'accord. J'avais l'opinion que le gouvernement n'avait pas une bonne cause.

M. Bourbeau: Oui, mais vous n'étiez pas au gouvernement, vous étiez au syndicat à ce moment.

M. Gauthier (Yves): Oui, quand on parle du gouvernement, c'est celui de tout le monde, autant le vôtre que le sien et que le mien. Pour autant que je suis concerné, le gouvernement et la SEBJ, si vous voulez, n'avaient pas une bonne cause contre nous, en tant que syndiqués, que président de syndicat. Je ne voyais pas ce que le gouvernement allait faire là. Les gars qui avaient fait le saccage étaient en prison; si je me souviens bien, ils étaient certainement encore en prison. Cela allait bien sur les chantiers. Ce qui me frappait le plus, c'est que j'ai toujours pensé que les compagnies d'assurances ne sont pas des payeuses; elles avaient versé 1 000 000 $ pour les dommages directs. En plus, il fallait bien se rendre à l'évidence que le syndicat québécois n'avait pas un cent. C'est à force de ménager, de mettre des gars dehors, de tirer ici et de tirer là, de couper sur des salaires et sur les autos des gars, qu'on pouvait ramasser de l'argent. Quant au syndicat américain, il en avait, mais, d'après moi -c'était mon opinion - il n'avait pas grand lien de droit; à part cela, il était loin, à Washington. Comme notaire, je ne pouvais pas facturer un gars qui était à Montréal pour un compte d'honoraires, mais là, si j'essaie de facturer tous les gars à Washington... D'après moi, il n'y avait rien là.

M. Bourbeau: II n'y avait rien?

M. Gauthier (Yves): Le syndicat américain n'était même pas dans le portrait, pour autant que j'étais concerné.

M. Bourbeau: Vous aviez des opinions "légales" très arrêtées, si je comprends bien, sur le sujet.

M. Gauthier (Yves): Oui. Ce n'étaient pas des opinions... Appelez cela des opinions "légales", si vous voulez...

M. Bourbeau: Vous parlez de lien de droit, etc.

M. Gauthier (Yves): C'était mon opinion personnelle. Je ne sais pas si elle était partagée par d'autres, mais c'était mon opinion qu'on n'avait pas d'affaire dans cette cause.

M. Bourbeau: Votre opinion était basée sur votre connaissance du dossier?

M. Gauthier (Yves): C'est cela. Les connaissances du dossier. Les gars concernés étaient en prison, le chantier fonctionnait bien et, surtout, quant à moi, les assurances avaient payé. Je me suis dit: Si ces gars ont payé 1 000 000 $, ils ont dû y penser en "maudit" avant. Toujours selon l'expérience que j'ai eue, les assurances ne paient pas; et elles ont payé. En plus, il fallait être pratique, on n'avait pas un cent. Les Américains en avaient, mais est-ce qu'un jugement y était exécutable? J'ai l'impression, comme je vous ai dit, qu'en pratique, on aurait couru longtemps. J'ai l'impression qu'il n'y avait même pas de lien de droit. Ils ont toujours dit que M. Duhamel n'était pas leur employé, c'était ci et c'était ça. Alors, on perdait notre temps.

M. Bourbeau: Mais si les assurances avaient payé, c'est donc que les assurances estimaient qu'elles avaient une responsabilité.

M. Gauthier (Yves): Elles ont payé 1 000 000 $ et, pour moi, c'était cela et cela terminait la cause.

M. Bourbeau: C'était pour les dommages corporels.

M. Gauthier (Yves): Ah! Je ne vais pas commencer à faire des distinctions...

M. Bourbeau: Ce ne sont pas des dommages corporels, je veux dire des dommages physiques plutôt.

M. Gauthier (Yves): Je dis que c'était mon opinion; ce que je trouve le plus drôle dans tout cela, c'est que, parmi ces avocats qui étaient contre moi ou pour moi, au moins trois m'avaient dit: Hé! le gros, n'essaie pas de facturer des dommages indirects. Pour autant que j'étais concerné, les 32 000 000 $ représentaient des dommages indirects. Il paraît qu'ici, à la commission, on a dit que c'étaient des dommages directs, mais je ne le sais pas. Pour autant que j'étais concerné, les assurances avaient payé, cela finissait là. Il y a surtout le point de vue pratique; même si le syndicat avait perdu, il n'avait pas une "maudite" cenne. Les Américains en avaient, d'accord, mais essayez de les rejoindre. Mettez-vous bien dans la tête que ces gars -je ne parle pas contre eux - les Américains sont tous ensemble à la même place; ils se voient et, même plus, je pense que - je ne suis pas sûr de ce que j'avance - Fanning était aussi l'avocat des ascenseurs. Il y avait un cas, quand j'ai rencontré un avocat, où il était aussi l'avocat de l'autre syndicat.

Les discussions, pour autant qu'elles concernent la Baie-James, ont toujours été

bien courtes et je ne voulais pas avoir de papier sur cela et de règlement, parce que je n'ai jamais cru à l'affaire; pour moi, cela ne valait pas cinq cents.

M. Bourbeau: Cela ne valait pas cinq cents pour qui?

M. Gauthier (Yves): Non, cela ne valait pas cinq cents, c'est mon opinion; excusez-moi, mais c'est cela.

M. Bourbeau: Oui, mais pour qui cela ne valait pas cinq cents?

M. Gauthier (Yves): De poursuivre?

M. Bourbeau: À l'égard de qui, cela ne valait pas cinq cents?

M. Gauthier (Yves): Eh bien, la SEBJ n'encaisserait jamais un cent.

M. Bourbeau: La SEBJ. Tantôt, vous avez dit que le gouvernement n'avait pas une bonne cause. Dans votre esprit, est-ce le gouvernement qui poursuivait ou si c'était la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Non, j'ai dit: le gouvernement, quel qu'il soit. En fin de compte, cette cause remontait au temps de M. Bourassa. Alors, que ce soit sous n'importe quel gouvernement, elle n'était pas bonne. C'est toujours mon opinion. Écoutez, je ne suis pas avocat et...

M. Bourbeau: Non, mais vous connaissez quand même le dossier. Vous parliez de lien de droit, etc.

M. Gauthier (Yves): Oui, mais, d'après moi, cela ne valait rien...

M. Bourbeau: Oui, cela vous l'avez dit...

M. Gauthier (Yves): Même si vous me le demandiez pendant dix heures, je vais vous dire mon opinion: la cause n'était pas bonne.

M. Bourbeau: Je ne vous demande rien. C'est vous qui le dites.

M. Gauthier (Yves): Je vous le dis.

M. Bourbeau: Bon. Tout à l'heure, vous nous avez dit qu'il y a des avocats qui vous ont dit: N'essayez pas de percevoir des dommages indirects. Qui sont les avocats qui vous ont dit cela?

M. Gauthier (Yves): Me Aquin m'a dit cela. Mais pas dans cette cause-là. Dans d'autres causes...

M. Bourbeau: Bien, non. Vous avez dit...

M. Gauthier (Yves): Me Aquin est un ami. Me Beaulé, je le connais. Je ne peux pas dire que c'est un ami, mais je le connais. Mais Me Aquin m'a dit cela souvent parce que je le voyais souvent. Je le connais depuis les élections, depuis le temps du Parti libéral.

M. Bourbeau: Me Aquin vous a dit de ne pas essayer de percevoir les dommages indirects?

M. Gauthier (Yves): C'est cela.

M. Bourbeau: Mais, est-ce que vous parlez toujours de la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Non, pas dans cette cause-là. Je vous dis que c'est dans d'autres cas. Me Aquin, je le connaissais. J'ai déjà voulu prendre une action contre quelqu'un et il m'a dit: Le gros, tu perds ton temps, ce sont des dommages indirects. Attends qu'il ait subi le dommage. C'est très clair.

M. Bourbeau: Me Gauthier, je dois avouer que je ne saisis pas très bien ce que vous me dites. Tout à l'heure, on parlait -vous m'avez parlé plutôt - du montant de 1 000 000 $, ou à peu près, que les assurances ont payé pour les dommages physiques à la Baie-James.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Vous avez ajouté: Pour les dommages indirects, il y a deux ou trois avocats qui m'ont dit: N'essaie pas de les percevoir.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: On parlait toujours de la cause de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Jutras: Je m'excuse, M. le Président, j'ai une objection à formuler. C'est M. le député qui a parlé de dommages physiques. Le témoin n'a jamais parlé de dommages physiques.

M. Lalonde: De dommages indirects, oui.

M. Jutras: Et au chapitre des assurances - on parle des assurances - il serait important de savoir si ce sont les assureurs de la SEBJ ou les assureurs du syndicat.

M. Bourbeau: Écoutez, il a parlé de 1 000 000 $, si j'ai bien compris. Est-ce que

vous parlez de la somme de 1 000 000 $ que les assureurs de la SEBJ ont payé à la SEBJ pour les dommages physiques causés à la Baie-James?

M. Gauthier (Yves): Oui, il y a une somme de 1 000 000 $ qui a été versée.

M. Bourbeau: Donc, on parle de la même chose.

M. Gauthier (Yves): Oui, mais quand je dis que les avocats m'ont dit de ne pas essayer de percevoir des dommages indirects, ce n'est pas dans la cause de la Baie-James.

M. Bourbeau: Ah non?

M. Gauthier (Yves): Ce n'est pas de cela du tout que je vous parle, M. le Président.

M. Bourbeau: Ah bon. Vous m'excuserez. J'ai...

M. Gauthier (Yves): Ce que je vous dis, c'est que je connais M. Aquin depuis longtemps et que, lorsque j'ai déjà voulu poursuivre quelqu'un, il m'a dit: Ce sont des dommages indirects, tu ne peux pas poursuivre. Attends d'avoir subi ta perte. Tu viendras me voir après.

M. Bourbeau: Bon, alors, si vous le voulez, on va revenir à Me Michel Jasmin et à vos rencontres avec lui à la fin de l'été 1978, alors que vous étiez président du syndicat, le local 791, et qu'il était votre avocat. Est-ce que vous avez discuté avec Me Jasmin des mesures à prendre pour assurer la défense du local 791?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président, je n'ai jamais parlé à Me Jasmin des mesures à prendre pour nous défendre dans cette cause. Je vous le répète - je n'ai pas de complexe en disant cela - je suis notaire, je ne suis pas avocat. Et je ne vois pas, en conscience, pourquoi j'aurais dit à ce gars-là quoi faire. Tout ce que je voulais, c'était ne pas avoir de problème. Je voulais qu'il gagne sa cause, c'est bien évident. Pour lui, ce devait aussi être la cause du siècle. Alors, il avait intérêt à gagner. Mais, je n'ai jamais vu de papiers disant qu'on réglait pour tant ou qu'on faisait telle proposition. Je n'ai jamais vu cela. Je ne voulais pas les voir. Et, le 6 février, quand il est venu me voir avec son argumentation - qu'il s'en allait peut-être montrer à la SEBJ, ou en cour, ou à une réunion quelconque - j'ai toujours eu l'impression qu'il venait pratiquer avec moi. Il venait me dire ce qu'il était pour dire. Écoutez, les papiers d'avocats ou les règlements, dans mon esprit, mon opinion est bien claire: c'est zéro. Même si vous me le demandiez pendant dix heures, je ne vois pas pourquoi il y avait une action. C'est aussi simple que cela. Je comprends que cela ne fait l'affaire de personne, mais c'était mon idée. C'est mon opinion et je ne veux pas dire que c'était la meilleure non plus.

M. Bourbeau: Effectivement, vous êtes ici pour donner votre opinion...

M. Gauthier (Yves): Oui, oui. M. Bourbeau: ...c'est bien sûr.

M. Gauthier (Yves): C'est cela. Je ne veux pas essayer de convaincre quiconque. Je vous dis ce que je sais.

M. Bourbeau: On saura à la fin de votre témoignage si vous nous avez convaincus ou non. Personnellement, sur la poursuite de la SEBJ contre le local, le syndicat dont vous étiez le président, quelle était votre attitude comme président du syndicat? (12 h 15)

M. Gauthier (Yves): Mon attitude était la suivante: II n'y a rien là. On n'est pas responsable. C'est bien simple.

M. Bourbeau: Vous aviez quand même une poursuite de 31 000 000 $ sur le dos.

M. Gauthier (Yves): Je comprends que j'avais une poursuite de 31 000 000 $ sur le dos, mais j'étais convaincu qu'on n'avait pas affaire là-dedans. Ce n'est pas nous qui avions autorisé le saccage de la Baie-James.

M. Bourbeau: Oui, mais vous étiez là-dedans, quand même.

M. Gauthier (Yves): Je comprends que j'étais là-dedans, mais je me rendais à l'évidence. Les gars étaient tous en prison. Les gars qui étaient dans l'exécutif du local 791 n'avaient pas participé au saccage. Je ne me souviens pas des noms, mais je sais qu'à une réunion du conseil, les gars avaient été surpris. Ils disaient qu'ils n'avaient jamais autorisé le saccage. Ils ne savaient pas pourquoi c'était arrivé. Ils perdaient des jobs avec cela. Ce n'était pas à leur avantage que cela ait été fait.

M. Bourbeau: Oui, mais oublions les gens qui étaient en prison et qui ont fait le saccage. C'était en 1974. En 1978, vous dites que vous n'aviez pas affaire là-dedans. Mais, quand quelqu'un est poursuivi en justice...

M. Gauthier (Yves): II se défend.

M. Bourbeau: Même s'il se dit: Je n'ai pas affaire là-dedans, il a quand même l'action sur le dos. Il faut qu'il fasse quelque

chose.

M. Gauthier (Yves): Certainement! Certainement! Il se défend et c'est ce que M. Jasmin faisait. Et ce n'est pas moi qui lui disais quoi faire.

M. Bourbeau: Bien non. Je ne prétends pas que vous lui disiez quoi faire. On ne dit jamais quoi faire à des avocats.

M. Gauthier (Yves): Non, certain! Cela, je le sais.

M. Bourbeau: Mais, sans lui donner des instructions, est-ce que vous aviez des conversations avec lui au sujet de cette poursuite importante contre votre syndicat, dont vous étiez le président?

M. Gauthier (Yves): Je n'avais pas de discussions bien importantes avec lui, M. le Président. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Pour autant que je suis concerné, la cause ne valait pas cinq cents, point. Lui, cela l'énervait, par exemple, M. Jasmin. Moi, j'ai toujours pensé que j'étais un appui moral pour lui, parce qu'il avait chaud et cela l'achalait. Mais moi, que voulez-vous? J'étais peut-être innocent, mais, d'après moi, sa cause à lui était bonne et celle de la SEBJ était moins bonne. M. Aquin ne m'a jamais demandé si sa cause était bonne, par exemple. S'il me l'avait demandé, je le lui aurais dit en "maudit". Mais, il ne m'en a jamais parlé!

M. Bourbeau: Bon. Alors vous, comme président du syndicat, quelles étaient les mesures que vous préconisiez pour vous défendre contre la poursuite de 31 000 000 $?

M. Gauthier (Yves): M. le Président, je n'avais pas de mesure. Je ne suis pas avocat. Je ne connais pas cela. Tout ce que je voulais, c'était qu'on règle l'affaire.

M. Bourbeau: Vous vouliez que Me Jasmin règle l'affaire?

M. Gauthier (Yves): Je voulais que Mes Jasmin et Beaulé s'arrangent ensemble pour faire une bonne cause. C'est tout.

M. Bourbeau: Mais quand vous dites régler l'affaire...

M. Gauthier (Yves): Je ne vois pas pourquoi on irait payer quelque chose là-dedans.

M. Bourbeau: Mais, vous vouliez qu'ils règlent l'affaire. De quelle façon vouliez-vous qu'ils la règlent?

M. Gauthier (Yves): Non, non. Quand je parle de régler, M. le Président, je ne parle pas de régler financièrement. Je parle de régler en se débarrassant de la cause. Je ne voulais pas de cause. Elle n'était pas bonne. Cela finissait là.

M. Bourbeau: Elle était bonne pour vous...

M. Gauthier (Yves): Elle était bonne pour moi, oui. Mais, pour eux, elle ne l'était pas. Je n'avais pas tellement de conseils à donner à mes avocats. C'était à eux de se défendre.

M. Bourbeau: Votre local 791, dont vous étiez le président du conseil, était un syndicat québécois. Il était affilié à un syndicat américain. Pouvez-vous nous dire lequel?

M. Gauthier (Yves): L'International... Attendez une minute, je vais vous le sortir; c'est cela, je vais vous le dire: L'International Union of Operating Engineers, à Washington.

M. Bourbeau: Très bien. Avez-vous eu des discussions avec le syndicat américain concernant la poursuite de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Gauthier (Yves): Avec les avocats à Washington?

Une voix: Avec le syndicat américain?

M. Gauthier (Yves): Ah! Avec le syndicat américain. Avec les avocats, oui. C'était M. Beaulé. C'est-à-dire que c'était un autre, c'était un nommé Golt, et il est mort. Alors, ils ont pris M. Beaulé. Avec M. Beaulé, oui, il est venu en juillet.

M. Bourbeau: En juillet?

M. Gauthier (Yves): En juillet ou en août, mais pendant l'été.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez eu des discussions avec les Américains du syndicat américain lui-même?

M. Gauthier (Yves): Oui. Des discussions pour la cause ou pour autre chose?

M. Bourbeau: Pour la cause.

M. Gauthier (Yves): Ah bon! Parce que je suis allé les voir pour leur dire que la tutelle québécoise prévalait sur la leur. Je leur ai dit cela. Quant à la cause, non. Sauf qu'ils m'ont dit: On a une liste de noms, as-tu des noms à nous référer? J'en ai référé quatre ou cinq.

M. Bourbeau: Qui avez-vous suggéré?

M. Gauthier (Yves): MM. Jasmin, Aquin. Je ne savais même pas que M. Aquin était avocat de la SEBJ. J'ai suggéré M. Aquin et je l'ai su après. MM. Beaulé, Cutler et un autre. L'autre, je ne m'en souviens pas. C'était un gars qui avait travaillé dans le local 144. Mais, je ne me souviens pas de son nom. Dans ce temps-là, j'ai dû leur dire son nom, mais je ne m'en souviens pas. Ils m'ont demandé cela en assemblée et privément, ensuite, l'avocat me l'a redemandé.

M. Bourbeau: Alors, vous avez fourni une liste de noms d'avocats à partir de laquelle ils pouvaient...

M. Gauthier (Yves): Ils disaient qu'ils avaient une liste de noms, mais ils m'ont demandé si j'en avais d'autres. Alors, je leur ai donné ceux-là.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y en avait plusieurs sur leur liste à eux?

M. Gauthier (Yves): Je n'ai pas regardé et je ne leur ai pas demandé cela.

M. Bourbeau: D'où tenaient-ils la liste qu'ils possédaient?

M. Gauthier (Yves): Je n'en ai aucune idée.

M. Bourbeau: Ils ne vous l'ont pas dit?

M. Gauthier (Yves): Je n'en ai aucune idée.

M. Duhaime: Quand vous avez soumis les noms des avocats dont vous venez de faire la nomenclature, est-ce qu'ils vous ont demandé des commentaires personnels sur chacun d'eux?

M. Gauthier (Yves): Oui, il est fort-Oui.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails?

M. Gauthier (Yves): Non. Je me souviens de leur avoir dit qu'Aquin était bon, que Beaulé était bon, mais que... Je me souviens de leur avoir dit que Beaulé était bien "tough". Ce n'était pas un de mes amis, mais c'était un bon avocat. S'ils m'avaient demandé celui que je préférais, j'aurais répondu: Aquin, parce que j'utilisais les services de Me Aquin moi-même. Je ne savais même pas que Me Aquin était mêlé à cela. Je l'ai su par la suite. C'est vrai, il était rendu au bureau de Geoffrion et Prud'homme; c'est ce bureau qui avait la cause, mais je ne le savais pas.

M. Bourbeau: II n'était donc pas question de prendre celui-là?

M. Gauthier (Yves): On ne pouvait pas le prendre.

M. Bourbeau: C'était l'avocat de l'autre partie.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Me Jasmin était déjà au dossier?

M. Gauthier (Yves): II était déjà au dossier, et j'ai cru comprendre qu'ils aimaient mieux avoir un autre avocat que celui du syndicat québécois.

M. Bourbeau: Oui, parce que les intérêts n'étaient pas les mêmes.

M. Gauthier (Yves): C'est ce que j'ai compris. D'ailleurs, je leur ai dit, à un moment donné, qu'ils n'avaient peut-être pas affaire à nous.

M. Bourbeau: II n'était donc pas question de prendre Me Jasmin non plus, il avait des intérêts divergents.

M. Gauthier (Yves): Au moins, Me Jasmin connaissait la cause et c'est pour cela que j'avais suggéré son nom.

M. Bourbeau: Me Cutler était également au dossier, si je me souviens bien?

M. Gauthier (Yves): Me Cutler n'était pas dans... Il a fait du travail pour les trois locaux. Il en a fait pour le 89, le 101 - lui et son associé - et pour le 144. Me Cutler devait venir avec moi à Washington - je ne me souviens plus si c'est pour le local 144 ou le 791 - et, à la dernière minute, il n'est pas venu. Je sais cependant que c'est lui qui a pris les procédures après cela dans un autre cas, mais pas dans celui-là.

M. Bourbeau: Si on exclut Me Aquin, qui était pour la partie qui poursuivait - il était donc incapable de prendre la cause -Me Jasmin, qui avait des intérêts divergents puisqu'il représentait un autre syndicat, et Me Cutler, il ne restait finalement que Me Beaulé qui était admissible, si je comprends bien.

M. Gauthier (Yves): Non, vous comprenez mal, M. le député.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Duhaime: C'est le meilleur exemple d'une question qui contient des opinions de la part du député de Laporte. Cette question, de la manière qu'elle est formulée, est irrecevable.

Le Président (M. Jolivet): Je demanderais au député de Laporte de poser une autre question ou de reformuler sa question pour la rendre recevable.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Me Gauthier, à quelle date avez-vous soumis la liste de noms d'avocats au syndicat américain?

M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas. Je suis allé le voir au moins deux fois.

M. Bourbeau: À quelle époque y êtes-vous allé?

M. Gauthier (Yves): À Washington? M. Bourbeau: Oui.

Le Président (M. Jolivet): À quelle époque?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Je regarde mes billets d'avion. Sur certains, c'est écrit mars; j'y suis allé, comme je vous le dis, deux ou trois fois. Je pense que je ne les ai plus. Je les ai gardés longtemps, les billets d'avion, mais je les ai jetés.

M. Bourbeau: À quel moment les avez-vous jetés?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Dans ce temps-là, quand j'ai demandé le remboursement de mon billet. J'ai demandé le remboursement de l'un et, pour l'autre, je ne l'ai pas fait. Mais la date exacte... Je me souviens du local... Parce qu'une fois, j'avais un manteau de fourrure. Je pense que c'est plutôt le 144. Je ne connais pas la date.

M. Bourbeau: Quand vous êtes allé à Washington... Vous dites que vous y êtes allé deux fois...

M. Gauthier (Yves): Oui, deux et peut-être aussi trois, parce que je n'y allais pas seulement pour le local 791.

M. Bourbeau: Au cours d'un de ces voyages à Washington, vous avez soumis la liste de noms d'avocats pour remplacer Me Golt?

M. Gauthier (Yves): C'est Me "Galt", je pense. Il venait de mourir. Il faudrait connaître la date à laquelle il est mort et vous apprendriez la date à laquelle j'y suis allé.

M. Bourbeau: Vous y êtes allé à une période rapprochée de la mort de Me Golt?

M. Gauthier (Yves): Oui, je pense... J'ai l'impression qu'il est mort pendant les fêtes. J'ai dû y aller en mars. J'avais un billet d'avion du mois de mars.

M. Bourbeau: Cela est possible puisque Me Beaulé a été nommé en avril. C'est probablement en mars.

M. Gauthier (Yves): Je ne le savais pas. J'ai peut-être mon billet, je vais regarder.

M. Bourbeau: Lors de vos rencontres à Washington, a-t-il été question avec les avocats des syndicats américains de la poursuite de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Gauthier (Yves): Oui. C'est pour cela qu'ils m'ont demandé de leur fournir un avocat.

M. Bourbeau: Bon. Est-ce qu'il a été question de la cause elle-même?

M. Gauthier (Yves): Non. On était plusieurs, il y avait autant de monde qu'ici autour de la table.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y avait d'autres personnes?

M. Gauthier (Yves): Je pense qu'une fois, il y avait un Égyptien d'origine, c'était aussi un des tuteurs. Il y avait un type du local, M. McBrearty. Il n'y en avait pas d'autres. On devait être deux, McBrearty -cela me reviendra - et celui qui s'était occupé de l'élection du 791.

M. Bourbeau: N'y avait-il pas un M. Turner?

M. Gauthier (Yves): Turner, peut-être, je ne le sais pas. Je sais qu'il y avait M. Fanning, si c'est bien le local 791, il y avait M. Woll. M. Turner, c'était peut-être le président du syndicat.

M. Bourbeau: C'est cela.

M. Gauthier (Yves): C'est cela.

M. Bourbeau: II était là?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: II était le président du syndicat international.

M. Gauthier (Yves): C'est cela, oui, M.

le Président.

M. Bourbeau: M. Turner, M. McBrearty et les deux avocats, Woll et Fanning.

M. Gauthier (Yves): De mémoire, oui. Je lui ai parlé à l'assemblée. Après cela, il m'a posé des questions, ou M. Woll ou M. Fanning.

M. Bourbeau: Des questions?

M. Gauthier (Yves): II m'a demandé si on pouvait se fier aux avocats que j'avais référés. Pour autant que je suis concerné, oui.

M. Bourbeau: Vos autres voyages à Washington, est-ce qu'ils ont été après le mois de mars ou avant?

M. Gauthier (Yves): J'ai l'impression que cela a été avant. Comme je vous le dis, pour le local 791, je crois y avoir été deux fois et j'y suis allé une autre fois pour le local 144.

M. Bourbeau: Après le mois de mars? M. Gauthier (Yves): Pardon?

M. Bourbeau: Après le mois de mars 1978?

M. Gauthier (Yves): Non, c'est avant cela. Si j'avais conservé mes billets d'avion... Il me semble que c'est en septembre. Mais, après mars, j'ai l'impression que je n'y suis pas allé. Avril, mai et juin, non. Comme je vous dis, ils sont venus à la fin d'août, avant que je laisse mon association de notaires, et on est allé voir le ministre Johnson. Pour moi, après, non.

M. Bourbeau: Qui vous accompagnait lors de votre voyage à Washington?

M. Gauthier (Yves): Avez-vous la liste des types qui sont nommés aux syndicats? Je vais m'en souvenir; tout à l'heure, je vous le dirai. Il y avait un M. McBrearty.

M. Bourbeau: Non, mais des gens de Montréal.

M. Gauthier (Yves): Cela me reviendra, c'est un monsieur assez gras et c'est lui qui s'était occupé de l'élection du local 791. C'était un bon père de famille, il mettait toujours la paix là-dedans. Il y avait M. McBrearty, on était deux.

M. Bourbeau: M. McBrearty, il faisait quoi?

M. Gauthier (Yves): J'ai l'impression qu'il était le gérant ou l'ancien gérant. D'après moi, dans le fond, il représentait les Américains.

M. Bourbeau: À Montréal?

M. Gauthier (Yves): Oui. D'ailleurs il est encore dans le circuit. Ils se sont fondé une association à part, je crois.

M. Bourbeau: Quand vous avez recommandé Me Beaulé, entre autres - je parle de lui - vous l'avez recommandé à cause de votre connaissance personnelle de la capacité professionnelle de Me Beaulé, n'est-ce pas?

M. Gauthier (Yves): Oui. Remarquez bien que j'ai dit que c'était un bon avocat, mais que ce n'était pas un de mes amis.

M. Bourbeau: Ah bon! Ce n'était pas un de vos amis.

M. Gauthier (Yves): C'est un ami, mais on a des différences d'opinions sur certaines choses. Mais je sais que, comme avocat, il est bon, je savais qu'ils ne se tromperaient pas avec lui ou avec Me Aquin ou les autres que j'avais référés. Mais je ne l'ai pas recommandé en tant qu'ami.

M. Bourbeau: Est-ce que Me Beaulé n'a pas une spécialité comme avocat?

M. Gauthier (Yves): Je ne sais pas, je sais qu'il est bon. Je sais que, quand c'est le temps de se défendre, il se défend, il est mauvais.

M. Bourbeau: Oui, on a vu cela.

M. Gauthier (Yves): Je ne l'ai pas recommandé comme un expert. Ils m'ont demandé si je connaissais des gars en droit du travail. J'ai dit: II y a Me Jasmin, Me Aquin, fait du droit du travail dans les universités. Me Beaulé en avait fait mais pas plus que cela, d'après moi.

M. Bourbeau: II avait fait quoi?

M. Gauthier (Yves): Des causes de relations de travail.

M. Bourbeau: N'est-il pas plutôt spécialisé en droit de faillite? (12 h 30)

M. Gauthier (Yves): D'après moi, un avocat n'a pas de spécialité. C'est comme les notaires, on n'est pas spécialisé dans la deuxième hypothèque.

M. Bourbeau: Me Gauthier, je vais être obligé de vous dire que je diffère d'opinion avec vous là-dessus.

M. Gauthier (Yves): D'accord, mais, d'après moi, Me Rosaire Beaulé n'était pas plus spécialiste d'une affaire que de l'autre. C'est un "tough". Que voulez-vous que je vous dise? Je pense que vous en avez eu l'expérience. En tout cas, je n'aimerais pas l'avoir contre moi.

M. Bourbeau: Mais, dans une cause aussi importante que 32 000 000 $, est-ce que, en tant que conseiller - puisque vous avez donné des conseils - vous n'auriez pas jugé important de recommander quelqu'un qui était spécialisé là-dedans plutôt que spécialisé en rien?

M. Duhaime: M. le Président...

M. Gauthier (Yves): Écoutez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, monsieur, juste un instant.

M. Gauthier (Yves): J'ai donné cinq noms qui étaient bons dans le temps.

Le Président (M. Jolivet): Non, mais juste un instant. Juste un instant. M. le député de Jonquière ou M. le ministre? M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, à moins que je ne me trompe royalement, le député de Laporte pose une question sur les spécialisations ou les spécialités des avocats. À ma connaissance, l'action a été fondée sur les articles 253 et 254 du Code civil et on appelle cela la responsabilité civile. Est-ce qu'il y aurait lieu peut-être de poser une autre question au témoin à savoir si ce n'était pas une cause de responsabilité, si ce n'étaient pas les articles qui étaient en cause?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Laporte.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, c'est qu'on laisse l'impression, depuis quelques minutes, que cette cause est fondamentalement une cause de droit ouvrier, alors que c'est une cause de responsabilité. Je le soumets respectueusement au député de Laporte.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je pense que votre point d'ordre était bien fait à ce moment. Vous avez fait votre point d'ordre sur la question. Il s'agit maintenant que le député de Laporte continue ses questions en tenant compte de ce point d'ordre. Je ne demanderai pas à Me Gauthier de répondre à une question qui pourrait être basée sur une opinion personnelle qu'il a d'une personne, sauf que je dois tenir compte que, comme il a fait certaines recommandations, il est logique qu'on pose certaines questions, mais en tenant compte du mandat dans lequel il était déféré comme personne.

M. Jutras: M. le Président, est-ce que votre invité à la commission pourrait s'absenter quelques minutes pour satisfaire des besoins personnels?

Le Président (M. Jolivet): Oui. Donc, suspension pour quelques instants.

M. Gauthier (Yves): Ce ne sera pas long.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise de la séance à 12 h 37)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Je tiens à vous avertir que nous allons terminer vers 13 heures et que nous allons reprendre, comme je le disais ce matin, après la période des questions. Donc, au moment où je suspendrai, à 13 heures, c'est pour reprendre lorsqu'on aura une motion à l'Assemblée nationale, aux affaires du jour.

M. le député de Laporte, veuillez continuer.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Me Gauthier, après la nomination de Me Rosaire Beaulé comme procureur des syndicats américains, avez-vous eu l'occasion de rencontrer Me Beaulé pour discuter des problèmes communs du local 791 et des syndicats américains face à la poursuite de 31 000 000 $ de la Société d'énergie de la Baie James?

M. Gauthier (Yves): M. le Président, je l'ai rencontré à la fin de juillet, en juillet ou août. Je ne sais pas si c'était à mon bureau ou à la tutelle. Je sais que ce n'était pas à son bureau, je ne suis jamais allé à son bureau.

M. Bourbeau: Ces rencontres ont-elles duré longtemps?

M. Gauthier (Yves): Non. On a mangé une fois ou deux ensemble aussi. Je pense qu'une fois Me Jasmin était aussi présent.

M. Bourbeau: Avez-vous évoqué des moyens de défense communs pour tous les défendeurs?

M. Gauthier (Yves): Non, je n'ai pas évoqué de moyens communs de défense. J'ai même l'impression qu'eux n'avaient même pas les mêmes moyens de défense.

M. Bourbeau: Alors, de quoi avez-vous discuté au sujet de la poursuite?

M. Gauthier (Yves): II discutait des témoins qu'il faisait venir et que c'était pour être long. C'étaient des discussions à bâtons rompus. Je ne peux pas dire qu'il disait: On va s'enligner sur telle chose; moi, je vais parler, toi, tu ne parles pas, moi, je fais la plaidoirie. Je sais qu'en définitive c'est ce qui est arrivé; c'est seulement Beaulé qui parlait, j'ai l'impression, mais je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Me Beaulé parlait et...

M. Gauthier (Yves): Devant le juge Bisson, je n'y suis pas allé, mais j'ai l'impression que c'était Beaulé qui parlait.

M. Bourbeau: Parlez-vous toujours de l'été 1978?

M. Gauthier (Yves): Bien oui, je parle de l'été 1978. Non, non. Je dis que, par la suite, lorsque la cause est arrivée, c'est Rosaire Beaulé qui parlait, j'en ai l'impression.

M. Bourbeau: Ma question était: Après la nomination de Me Beaulé, il a été nommé en avril 1978, vous étiez président du syndicat du local 791...

M. Gauthier (Yves): C'est cela.

M. Bourbeau: C'était votre union mère, le syndicat américain.

M. Gauthier (Yves): C'est cela.

M. Bourbeau: Je vous ai demandé si vous aviez eu l'occasion de rencontrer Me Beaulé pour en discuter.

M. Gauthier (Yves): Oui, j'ai eu l'occasion.

M. Bourbeau: Vous m'avez dit en juillet 1978.

M. Gauthier (Yves): En juillet, je l'ai rencontré, mais on n'a pas adopté de stratégie, parce qu'il était toujours convaincu que sa cause était bonne. C'est lui qui revenait toujours avec une lettre - je n'ai pas cette lettre - disant que le local américain ne savait même pas que Duhamel était son employé.

M. Bourbeau: À ce moment, Me Jasmin, qui assistait à ces réunions...

M. Gauthier (Yves): II est venu une fois, oui.

M. Bourbeau: ...vous a-t-il dit qu'il était en faveur d'un règlement de la cause?

M. Gauthier (Yves): Non, il ne m'a pas dit cela.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il a été question d'un règlement de la cause avec Me Jasmin?

M. Gauthier (Yves): Avec Me Jasmin et moi, jamais.

M. Bourbeau: Avec Me Beaulé?

M. Gauthier (Yves): Avec Beaulé non plus. Beaulé, c'était clair, il voulait aller en cour. Il était sûr que son affaire était bonne.

M. Bourbeau: Et Me Jasmin, lui?

M. Gauthier (Yves): Jasmin était sûr que son affaire était bonne, mais c'est un gars qui cherchait à être sécurisé; alors, il essayait de prendre tous les arguments possibles. Mais, pour autant que je suis concerné, avec lui, je n'ai jamais parlé de règlement. Pour autant que j'étais concerné, c'était une piastre et même pas. Je m'excuse, cela n'a peut-être pas d'affaire là-dedans, mais je trouve encore bon que Jasmin ait obtenu une reconnaissance de culpabilité des gars. Je ne suis pas fort en droit syndical, mais, d'après moi, c'était la première fois que cela arrivait. Je pense que cela a été une question de principe aussi, je ne suis pas sûr. Je sais que le syndicat a reconnu être coupable. Pour moi, moralement, ce n'était pas si pire. Quant à savoir: Est-ce qu'on fait ceci ou cela, est-ce qu'on demande tel montant pour avoir tel montant ou quoi, cela ne m'intéressait pas.

M. Bourbeau: Vous avez dit que Me Jasmin cherchait à être sécurisé, je pense. Pouvez-vous nous dire exactement ce dont il s'agissait?

M. Gauthier (Yves): Écoutez, il n'était tout de même pas vieux et c'était, pour moi, la plus grosse cause qu'il avait. Il cherchait des appuis. Il m'appelait souvent: Comment ça va? On n'a jamais parlé de tactique ou de choses semblables. D'ailleurs, je n'en aurais pas parlé. C'était bien simple, ce n'était rien.

M. Bourbeau: En fait, il vous appelait parce que vous étiez son client.

M. Gauthier (Yves): II avait été mon client; avant, c'était mon client. Il avait même des cas que je lui donnais pendant la tutelle.

M. Bourbeau: Au cours de l'été 1978, il

vous appelait pour discuter de la cause?

M. Gauthier (Yves): Pas seulement pour la Baie-James. Dans l'été, la cause principale, c'étaient les cuisiniers.

M. Bourbeau: C'était quoi?

M. Gauthier (Yves): C'étaient les cuisiniers.

M. Bourbeau: II n'était pas question de la cause, à ce moment-là?

M. Gauthier (Yves): II en a été question quand il est venu avec Beaulé.

M. Bourbeau: Cela est à la fin d'août?

M. Gauthier (Yves): A la fin de juillet ou en août.

M. Bourbeau: Avant cette date, vous m'avez dit tantôt que ce n'était pas une préoccupation.

M. Gauthier (Yves): Pas du tout.

M. Bourbeau: II n'en était pas question.

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Me Gauthier, vous dites qu'il n'en était pas question. Il reste quand même qu'en juin 1978 vous avez signé un rapport, en compagnie des deux autres tuteurs...

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: ...au ministre du Travail, Me Pierre-Marc Johnson, dans lequel vous faites état de la situation qui prévalait au local 791. À la page 27 du rapport que vous avez signé, vous indiquez, et je cite ce que vous avez dit...

M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Pour que tout le monde comprenne, j'aimerais qu'on ait en main ce rapport et qu'on puisse le faire voir à Me Gauthier pour être en mesure de savoir de quoi l'on parle.

M. Bourbeau: Écoutez, je cite à même des notes personnelles que j'ai.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Simplement pour le besoin...

M. Duhaime: J'aimerais mieux voir le rapport.

Le Président (M. Jolivet): ...de l'invité, il est quand même bon de connaître le rapport. Si vous l'avez et si vous voulez nous le permettre, compte tenu du temps qui reste et que d'autres personnes ont demandé la parole, on pourrait revenir après la période de questions avec le document entre les mains, lui permettant de vraiment voir de quoi il s'agit. Je pense qu'on l'a fait à plusieurs occasions lorsqu'on parlait d'articles de journaux ou de choses semblables.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre et les autres membres qu'on puisse avoir le rapport en question auquel se réfère le député de Laporte. Est-ce que Me Jutras pourrait - je ne sais pas si vous êtes en possession, encore, des documents de la tutelle - avoir accès aux documents de la tutelle et nous produire ce rapport cet après-midi?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Pour faciliter les choses, si le député de Laporte a des notes personnelles référant à la page 27, je tiens pour acquis qu'il l'a lu un jour ou l'autre, ce rapport. Si le Parti libéral l'a, faites-le photocopier et vous nous le distribuerez. Cela va être bien simple.

M. Lalonde: Sûrement que la meilleure preuve serait que le témoin, qui a été président de la tutelle, produise ce document qu'il a lui-même signé.

M. Duhaime: S'il le reconnaît, il va le confirmer. Il n'y a pas de problème. (12 h 45)

M. Lalonde: II aurait été déposé à l'Assemblée nationale, à ce qu'on me souffle à l'oreille, sauf que le document physique auquel réfère le député de Laporte est annoté et, naturellement, il peut difficilement être produit ici. Alors, il faudrait peut-être le faire produire par le témoin.

Le Président (M. Jolivet): Donc, si c'est possible de l'avoir entre les mains d'ici 16 heures pour permettre... Me Gauthier.

M. Jutras: Pas de la part de Me Gauthier, parce que Me Gauthier...

M. Gauthier (Yves): Je ne l'ai pas, moi.

M. Jutras: ...n'a plus aucune responsabilité à l'intérieur de ce syndicat; donc, il n'a plus aucune communication.

Maintenant, si le document, comme vous le dites, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, a été produit à l'Assemblée nationale, probablement que Me Gauthier pourrait le reconnaître et le produire ainsi, si on le lui exhibe.

Le Président (M. Jolivet): Donc, pour les besoins de la cause, permettant ainsi des questions qui sont plausibles, on pourrait faire en sorte que le document puisse être recherché d'ici 16 heures et qu'on puisse le produire à ce moment.

M. Lalonde: II a été déposé le 22 juin 1978 à l'Assemblée nationale. Alors, on peut le retrouver dans les documents sessionnels.

Le Président (M. Jolivet): Donc, on s'organisera pour avoir les documents nécessaires.

M. Lalonde: Maintenant, le document qu'on a est annoté. Donc, on peut difficilement...

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Si le député de Laporte veut retenir ses questions pour l'après-midi.

M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous voudriez que je passe à d'autres questions. Est-ce que c'est cela?

Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est cela, mais celle-là, on peut la retenir pour cet après-midi.

M. Bourbeau: Très bien. Je vais passer à d'autres questions. Me Gauthier, au moment où vous avez laissé vos fonctions à la toute fin en tant que président du local 791 pour devenir conseiller spécial auprès du premier ministre, quelle était l'attitude du syndicat à l'endroit de la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Le syndicat québécois?

M. Bourbeau: Oui, le local 791.

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas, moi. Pour autant qu'on était concerné, nous n'avions pas d'affaire là-dedans, nous n'étions coupables de rien.

M. Bourbeau: Oui, mais en tant que président du syndicat...

M. Gauthier (Yves): C'est cela.

M. Bourbeau: ...quelle était l'attitude officielle du syndicat?

M. Gauthier (Yves): Le syndicat niait toute responsabilité.

M. Bourbeau: Est-ce que le syndicat se préparait à aller se défendre en cour ou à négocier un abandon de la cause?

M. Gauthier (Yves): Ah non! Il se préparait à aller en cour.

M. Bourbeau: II se préparait à aller en cour. Est-ce qu'il avait été question - je parle de la toute fin, avant que vous arriviez au bureau du premier ministre - de la possibilité de négocier un règlement hors cour ou un abandon de la poursuite?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: II n'en a jamais été question avec votre avocat, Me Jasmin?

M. Gauthier (Yves): Avec Me Jasmin, pas quand j'étais là, bien après. Quand j'étais là, il n'était pas question de règlement; ils se préparaient à leur cause.

M. Bourbeau: À quel moment en a-t-il été question avec Me Jasmin pour la première fois?

M. Gauthier (Yves): D'après moi, ce n'est pas avant la fin de janvier.

Une voix: En quelle année?

M. Gauthier (Yves): En 1979.

M. Bourbeau: Est-ce que les négociations étaient amorcées au moment de votre départ?

M. Gauthier (Yves): Non, comme je vous le dis, Me Jasmin et Me Beaulé se préparaient à leur cause. Oui, c'était inscrit, c'est vrai, avant que je sois là, mais je pense qu'ils n'avaient pas reçu de date de la part du juge. Cette affaire était en janvier.

M. Bourbeau: Est-ce que Me Jasmin vous a fait part, alors que vous étiez encore président du syndicat, de l'opinion du bureau du premier ministre au sujet de la cause?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: En aucune façon?

M. Gauthier (Yves): D'aucune façon.

M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez de réviser mes notes...

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, d'accord.

M. Bourbeau: ...parce que vous m'avez fait faire tantôt...

Le Président (M. Jolivet): C'est cela. Je comprends très bien.

M. Bourbeau: ...des sauts dans le temps.

M. Duhaime: Vous êtes déstabilisé? Non?

M. Bourbeau: Déstabilisé, exactement.

M. Lalonde: Avez-vous besoin d'être sécurisé?

M. Bourbeau: Non, pas du tout.

Me Gauthier, si vous voulez bien, nous allons maintenant passer à la période qui commence avec votre nomination au bureau du premier ministre à titre de conseiller spécial. Le 3 octobre 1978, soit trois mois et demi après - je m'excuse, le 3 octobre 1978, c'est cela - vous étiez nommé conseiller spécial auprès du premier ministre; enfin, vous avez commencé à travailler au bureau du premier ministre, d'après les documents qui nous ont été remis. Deux jours auparavant, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James avait été élargi de cinq à onze membres et M. Claude Laliberté avait été nommé président-directeur général de la SEBJ. Est-ce que vous connaissiez M. Claude Laliberté?

M. Gauthier (Yves): Non. Je l'avais entendu parler une fois, à l'ouverture des Jeux Olympiques, à Terre des hommes. Attendez une minute. Ah non. C'était au bal des Floralies. Je l'avais vu une fois. Je savais qui il était. Je lui ai déjà donné la main. Un point, c'est tout. Je ne le connaissais pas.

M. Bourbeau: En quelle année était-ce?

M. Gauthier (Yves): Eh bien, les Floralies, c'était en 1980, je crois. En 1980, les Floralies. Il était venu à une réception.

M. Bourbeau: Donc, en octobre 1978, vous ne l'aviez jamais vu?

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Bourbeau: Vous ne le connaissiez pas?

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Bourbeau: Vous ne l'aviez jamais rencontré?

M. Gauthier (Yves): Je l'ai peut-être rencontré par hasard, mais je ne pouvais pas mettre un nom sur le portrait en disant:

Voilà, c'est Claude Laliberté. Je l'ai vu quand il a parlé aux Floralies.

M. Bourbeau: Lors de votre arrivée au bureau du premier ministre, qui avait charge du dossier de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Personne. Ce n'est pas dans le bureau du premier ministre, cela.

M. Bourbeau: Personne ne suivait ce dossier-là?

M. Gauthier (Yves): Non. Il n'y a personne qui me l'a dit, en tout cas.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez eu à travailler dans ce dossier?

M. Gauthier (Yves): En tant que tuteur, oui.

M. Bourbeau: En tant que tuteur. Après le 3 octobre 1978?

M. Gauthier (Yves): Non, je n'ai pas travaillé dans ce dossier.

M. Bourbeau: Est-ce que quelqu'un, au bureau du premier ministre, après votre arrivée, a travaillé dans le dossier de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: À votre connaissance, personne ne s'occupait de ce dossier?

M. Gauthier (Yves): Non, pas à ma connaissance. Comme je vous le dis, Jasmin était venu me voir et j'ai l'impression que Jean-Roch avait reçu Me Beaulé. Mais personne ne s'occupait de ce dossier.

M. Bourbeau: Quand vous dites Jean-Roch, vous faites allusion...

M. Gauthier (Yves): À Jean-Roch Boivin.

M. Bourbeau: Me Jean-Roch Boivin?

M. Gauthier (Yves): Oui, mais je n'ai pas dit qu'il s'en occupait. J'ai dit qu'il avait reçu Rosaire Beaulé.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il vous a parlé de cela?

M. Gauthier (Yves): Non, mais j'ai vu Rosaire passer.

M. Bourbeau: Vous avez vu Rosaire Beaulé passer?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Alors, vous saviez que Me Rosaire Beaulé avait rencontré le chef de cabinet du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Rosaire, oui, je l'ai su. Je l'ai vu.

M. Bourbeau: C'était pour discuter de la cause?

M. Gauthier (Yves): Ah, je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Est-ce que...

Le Président (M. Jolivet): M. le député... D'accord, si vous ne le savez pas.

M. Gauthier (Yves): Excusez-moi. Je ne le sais pas, M. le Président. Ce sont deux anciens...

Le Président (M. Jolivet): Non, mais, d'une façon ou d'une autre, vous n'avez pas à connaître des choses dont vous n'avez pas été témoin, non plus.

M. Gauthier (Yves): Ah, il passait et c'était tout.

M. Bourbeau: M. le Président, je soulignerai ceci: Moi, je parlais de la cause et le témoin m'a dit: J'ai vu Me Beaulé.

Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord.

M. Bourbeau: Alors, je conclus que, s'il parle de Me Beaulé au moment où je lui parle de la cause, c'est qu'il croit, lui, que Me Beaulé avait parlé de la cause.

Le Président (M. Jolivet): C'est une question d'opinion. Ce n'est pas dans ce sens que je comprenais la question. Il aurait fallu la poser correctement en demandant si, à sa connaissance, comme vous le faites souvent entre avocats et vous, comme notaire, sans vouloir vous le dire autrement. J'ai bien compris que, s'il en a eu connaissance, vous posez la question. Mais s'il répond non, c'est non.

M. Bourbeau: Je suis bien d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Bourbeau: Est-ce Me Jean-Roch Boivin vous a parlé de la cause de la SEBJ après votre arrivée au bureau du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Non, il ne m'en a pas parlé. La seule allusion qu'il a faite est ce que je vous ai dit tantôt. Il m'a demandé: Es-tu encore tuteur, Ti-Lou? Quand on connaît Jean-Roch Boivin, on sait ce que cela veut dire.

M. Bourbeau: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Gauthier (Yves): Que je n'avais plus à me mêler de cela, si je m'en étais mêlé. Parce qu'il avait vu - j'ai l'impression - M. Jasmin entrer. Je ne vois pas autre chose. Il m'a posé ainsi la question: Es-tu encore tuteur, Ti-Lou? et il est parti. Cela n'a pas été plus long que cela. Non, mais il faut se replacer dans le contexte. Moi, M. Boivin, au moment où je suis entré là et de là à ce que je parte en vacances, je ne l'ai pas vu. Il vient à Montréal le lundi et le vendredi. Alors, je ne parle presque pas à M. Boivin. Surtout que, dans ce temps-là, j'arrivais. C'était presque à la fin d'octobre. Il est peut-être venu cinq ou six fois et, quand il venait, il avait bien autre chose à faire que de me parler. Mais je me souviens qu'il m'ait dit cela, juste en passant.

M. Bourbeau: Alors, vous avez pris cela comme étant une demande de faire quoi?

M. Gauthier (Yves): Bien, une demande de rester tranquille, de ne pas pousser cela plus loin. Parce qu'il faut dire que moi, j'ai été un an avec les syndicats. Il a bien fait de me le dire, au fond. J'aurais peut-être eu des tendances, on ne sait pas...

M. Bourbeau: Des tendances...?

M. Gauthier (Yves): M. le Président, je m'excuse, mais il me fait rire avec ses questions. Cela n'a aucun sens, mais je peux bien lui répondre dans quel sens. Écoutez, quand vous êtes un an avec des gars, vous subissez une certaine influence, veut, veut pas. Je n'étais pas favorable au règlement de la cause; la cause ne valait rien. Alors, si j'avais eu des moyens d'aider, j'aurais peut-être aidé, mais ce n'était pas dans mon mandat. M. Boivin ne m'en a pas parlé, sauf cela. M. Lévesque ne m'a jamais parlé de cela. Moi, je ne lui en ai pas parlé. Pourquoi m'embarquer là-dedans? Non.

Je voudrais bien que cela soit clair. Moi, des documents, des règlements, des papiers, je n'en ai pas vu et je ne voulais surtout pas en voir, parce que mon opinion était faite et elle faisait mon affaire. Je n'allais pas commencer à chercher midi à quatorze heures pour m'embarquer dans une cause. Comme je l'ai dit en cour, il y avait des avocats qui étaient pas mal plus "smart" que moi. Je ne vois ce que j'aurais pu faire là-dedans.

M. Bourbeau: En tant que conseiller...

M. Gauthier (Yves): Excusez, M. le député. Je dois dire que, même si on m'avait demandé de m'en occuper, je pense que j'aurais refusé. En conscience, je pense que j'aurais refusé parce qu'on ne porte pas deux chapeaux.

M. Bourbeau: Vous dites que les avocats étaient plus "smart" que vous, mais, en tant que conseiller du premier ministre, vous devez être "smart" un peu.

M. Gauthier (Yves): Même à cela! Je ne dirai pas que je suis un niaiseux, mais il y a des choses qui se font, M. le député, -je pense que vous êtes en pratique et que vous le savez - et il y a des choses qui ne se disent pas à un premier ministre. Il y a des moments où on ne doit pas révéler des choses, je ne m'en suis pas mêlé et je ne m'en serais pas mêlé. C'est aussi simple que cela.

M. Bourbeau: Sauf que, lorsque Me Boivin vous a demandé si vous étiez encore tuteur, vous avez compris?

M. Gauthier (Yves): Oui. J'ai compris qu'il aimerait peut-être mieux que je ne reçoive pas Pierre, Jean, Jacques dans mon bureau. Il n'y a que Me Jasmin qui est venu me voir, ce n'est pas compliqué.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez suivi cette directive-là, après?

M. Gauthier (Yves): Jasmin a continué à m'appeler quand même. Il est venu une fois ou deux, je pense, après. Je pense qu'on s'embarque dans toutes sortes d'affaires qui ne sont pas pertinentes à l'affaire. Cela ne me fait rien de parler toute la journée. Je vous avoue pour répondre à votre question que, Me Boivin m'ayant dit cela, cela a peut-être ralenti mes ardeurs, mais jamais je ne me serais mêlé de cela. Vous dites que la "job" de conseiller spécial, c'est une responsabilité. C'est vrai que c'est une responsabilité et je pense que je n'avais pas affaire, même si je suis conseiller, à aller dire à M. Lévesque: Réglez donc cette cause-là, ce sont mes anciens "chums" et j'aimerais que vous arrangeriez cela. Je ne pense pas que ce soit comme cela. Si vous le voyez comme cela, je m'excuse, mais vous vous trompez.

M. Bourbeau: Je ne dis rien, je vous écoute.

M. Gauthier (Yves): Je ne le voyais pas comme cela. Je m'excuse.

M. Bourbeau: Je ne tire pas de conclusion avant que votre témoignage soit terminé.

M. Gauthier (Yves): D'accord, merci. M. Duhaime: C'est nouveau!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député.

M. Bourbeau: Écoutez, moi...

M. Lalonde: C'est lui, le député de Rousseau, M. Gauthier.

M. Gauthier (Yves): On me l'a montré. Il est venu me voir.

Le Président (M. Jolivet): Je vais ajourner les travaux jusqu'après la période de questions, donc jusqu'à 16 heures ou 16 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 16 h 47)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt (Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante (Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-

Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), Tremblay (Chambly), Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Au moment où nous nous sommes quittés ce midi, nous avions Me Yves Gauthier comme témoin, qui était interrogé par le député de Laporte. Je dois vous dire que nous devons terminer nos travaux ce soir à 18 heures, pour les reprendre demain matin, à 10 heures, en vertu de la motion présentée à l'Assemblée nationale.

J'aimerais vous faire mention que le document que nous avions demandé vous sera distribué, c'est-à-dire le rapport présenté à M. Pierre-Marc Johnson qui en a fait le dépôt à l'Assemblée nationale du Québec.

La parole est donc au député de

Laporte, sur les questions qu'on avait laissées en suspens ce matin.

Le rapport vous sera distribué.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais que le rapport soit distribué, puisque j'ai l'intention de poser des questions immédiatement au témoin sur le rapport de tutelle.

Le Président (M. Jolivet): Un document pourrait-il être envoyé à Me Gauthier, s'il vous plaît, immédiatement? Est-ce que vous l'avez eu, Me Gauthier? Il l'a. D'accord, merci.

Allez, M. le député.

M. Bourbeau: Est-ce que les membres de la commission en ont une copie aussi?

Le Président (M. Jolivet): On le distribue actuellement.

M. Bourbeau: M. le Président, au mois de juin 1978, Me Gauthier et les deux autres membres du conseil de tutelle ont signé un rapport au ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, faisant état de la situation qui prévalait au local 791 à ce moment, le local 791 étant le syndicat en tutelle. Le rapport traitait également de la situation dans d'autres syndicats.

À la page 27 du rapport, Me Gauthier, vous indiquiez - et je vais citer ce qui est indiqué au rapport - "Nous étions conscients - évidemment, vous parlez des trois tuteurs -qu'une poursuite de 36 000 000 $ dirigée contre cette union - on parle du 791 - et l'union mère - je présume que vous parliez du syndicat américain - et que certains problèmes reliés à des "argents" réclamés par l'International (per capita) risquaient de passer avant le bien des membres et nous n'avons pas hésité à intervenir." Me Gauthier, pouvez-vous nous dire à quelle date ce rapport a été rédigé?

M. Gauthier (Yves): Je viens de trouver le nom du monsieur que je cherchais ce matin, c'est M. Joseph Napier. Je vous avais dit que je vous le dirais.

C'était à la fin de juin, on était allés dans le Nord préparer cela. Ici, j'ai une note 22 juin, mais je ne le pense pas parce qu'on était allés faire cela dans le Nord et il ne faisait pas encore trop chaud. Pour moi, c'était plus tôt peut-être en juin. Il fallait produire cela avant la fin de la session, M. le Président, je me souviens. Il fallait faire vite. On était allés dans le Nord préparer cela. Ce doit être inscrit quelque part, c'est comme rien.

M. Laplante: C'est à la page 8.

M. Gauthier (Yves): C'est cela, c'était en juin.

M. Laplante: En juin 1978, il n'y a pas de date.

M. Gauthier (Yves): C'est cela. M. Bourbeau: À quelle date...

M. Gauthier (Yves): C'était en juin, parce qu'il commençait à faire chaud, mais pas tout à fait.

Une voix: C'est inscrit à la page 8.

M. Gauthier (Yves): "Situation en juin 1978; il est trop tôt pour parler de résultats définitifs." C'est cela, c'est en juin. Ici, j'ai une note, le 22 juin, mais cela doit être la date à laquelle cela a été déposé, je suppose bien.

Le Président (M. Jolivet): Oui c'est cela.

M. Gauthier (Yves): Votre manière de procéder, en haut à droite? Cela a dû être déposé le 22 juin.

M. Lalonde: Est-ce que je peux vous aider, Me Gauthier?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Lalonde: II y a un document annexé. Non, cela ne vous aidera pas du tout.

M. Gauthier (Yves): Qui parle du 14 avril?

M. Lalonde: II y a un document annexé qui parle du 21 février, mais...

M. Gauthier (Yves): Ah non, il faisait plus chaud que cela.

M. Lalonde: ...d'un autre côté, dans votre document, vous parlez des 4 et 5 mars. C'est après les 4 et 5 mars?

M. Gauthier (Yves): Ah oui, c'était vers le mois de juin. Il commençait à faire chaud.

M. Bourbeau: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ...je pense qu'on pourrait se satisfaire en disant que cela a été préparé en mai ou en juin. De toute façon, cela a été...

M. Gauthier (Yves): Oui, en mai ou en juin.

M. Bourbeau: ...déposé à l'Assemblée nationale le 22 juin.

M. Gauthier (Yves): C'est cela ici, oui.

M. Duhaime: M. Gauthier, pour vous faciliter les choses, à la page 8, on parle explicitement de la situation en juin. Donc, cela...

M. Gauthier (Yves): C'était en juin.

M. Duhaime: ...n'a pas été rédigé au mois de mai.

M. Gauthier (Yves): Non, non. Il commençait à faire chaud.

M. Duhaime: C'était en juin. Bon! Il faisait chaud en plus.

M. Gauthier (Yves): C'est vrai que les étés ne se ressemblent pas.

M. Bourbeau: Même si le document n'est pas daté, on peut conclure qu'il a été préparé au début de juin 1978 et qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale le 22 juin 1978.

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: D'accord. Ce matin dans votre témoignage au sujet de la poursuite de la SEBJ contre le local 791 dont vous étiez le président du conseil, vous nous avez dit que la poursuite de la Société d'énergie de la Baie James ne constituait pas une préoccupation pour le syndicat jusqu'au moment de votre départ au début de septembre ou à la fin d'août. Comment pouvez-vous concilier ces propos avec ce que vous avez écrit dans le rapport de tutelle en juin, donc trois ou quatre mois auparavant, alors que vous dites que la poursuite risquait de passer avant le bien de membres et que vous n'avez pas hésité à intervenir? Je m'excuse. Je reprends les mots que vous avez dit: "Nous étions conscients qu'une poursuite de 36 000 000 $ dirigée contre cette union et l'union mère", etc. Si vous étiez conscients dès le mois de juin de la poursuite et que vous n'avez pas hésité à intervenir, comment pouvez-vous dire qu'à ce moment-là ce n'était pas une préoccupation?

M. Gauthier (Yves): Quand on lit le texte, je pense qu'on dit: "Les argents réclamés par l'International (per capita) risquaient de passer avant le bien des membres". Dans le fond, l'action ne me dérangeait pas, pour autant que je suis concerné. Ce qui me dérangeait, c'était le per capita. C'est ce que cela dit ici: le per capita. C'est pour cela qu'on n'a pas hésité à intervenir; ce n'était pas pour la cause. La cause, ce n'est rien là-dedans, quand on se laisse; c'est le per capita. C'est là qu'était le problème.

Le Président (M. Jolivet): Un instant, je m'excuse. M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais invoquer le règlement, parce que le député de Laporte fait de l'interprétation à partir d'une ligne de la page 27 pour tenter de la relier avec la déclaration de Me Yves Gauthier ce matin. M. le Président, pour la bonne compréhension, je vous suggérerais de demander au témoin de lire, à partir de la page 26, tout ce qui concerne l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, parce que, d'après ma compréhension de cette lecture, divers éléments sont évoqués et la fin du paragraphe: "nous n'avons pas hésité à intervenir", cela concerne l'ensemble du dossier du local 791...

Une voix: De la tutelle.

M. Duhaime: ...de la tutelle et non pas la poursuite. Je pense qu'on s'embarque dans des scénarios d'interprétation et d'opinion. Je préviens le député de Laporte qu'il court un très grand danger, mais que je ne laisserai pas courir ce danger aux invités qui sont devant la commission.

M. Lalonde: Non. Merci.

M. Duhaime: Je vais vous aider à rester dans le droit chemin en vertu des règlements.

M. Lalonde: Merci beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): Toutefois, dans ces circonstances, s'il n'y a pas d'autres questions et qu'on laisse tomber l'ensemble de ces questions - à moins que le député n'ait d'autres questions - je pense qu'il est important qu'on situe l'ensemble de la question non pas à partir d'un ou deux paragraphes, mais de l'ensemble. Donc, il est évident qu'il faut regarder l'ensemble.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais revenir sur ce sujet, nonobstant les menaces de danger dont fait état le ministre.

M. Duhaime: Ce ne sont pas des menaces; c'est seulement pour être clair.

M. Bourbeau: Dans le rapport, à la page 27, je reprends le texte: "Nous étions conscients - alors, les tuteurs étaient conscients au mois de juin 1978 - qu'une poursuite de 36 000 000 $...

M. Duhaime: Vous l'avez lu tantôt.

M. Lalonde: Voulez-vous le laisser faire, s'il vous plaît? C'est nous qui posons les questions?

M. Duhaime: Non, je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je pense que la question était bien claire.

M. Lalonde: D'accord, qu'est-ce qu'il y a?

M. Duhaime: Cela fait deux fois qu'il lit cela.

Le Président (M. Jolivet): C'est que, pour lire...

M. Duhaime: Franchement, on n'est pas des niaiseux, tout le monde comprend.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: Avez-vous peur des réponses?

Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense qu'il est important pour notre invité d'être bien situé et qu'il ait la chance de répondre aux questions. Il est évident que le texte qui est là, si on le prend morceau par morceau, on risque de faire en sorte de mal interpréter les questions.

M. Duhaime: Voilà!

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il est donc important, pour bien le situer - je suis d'accord avec le ministre sur cette question - de lui permettre de lire le texte au complet de façon que, après cela, des questions puissent être posées.

M. Lalonde: Oui. Mais ce qu'il faut bien établir, M. le Président, si vous le permettez, sur la question de règlement...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...c'est qu'on ne s'oppose pas, bien au contraire, à ce que le témoin lise le document qu'il a lui-même composé il y a quelques années et qu'il en prenne connaissance entièrement s'il le faut. Mais cela n'enlève pas le droit à un député de poser une question sur un paragraphe en particulier pour demander des précisions.

M. Duhaime: Sans faire d'interprétation, d'accord.

M. Lalonde: Sans faire d'interprétation! On lit ce qui est écrit tout simplement.

M. Duhaime: Oui, mais il faut faire attention avec quoi on le relie.

M. Bourbeau: M. le Président, si je me souviens bien...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ...le ministre n'a pas tout lu le rapport Cliche quand il a lu des extraits à un moment donné. Il a choisi des extraits.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Duhaime: Je n'ai pas fini, car je vais vous en lire encore.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Duhaime: Page 28.

M. Lalonde: II s'est accroché à deux pages.

M. Bourbeau: M. le Président, si vous le voulez, je vais lire les extraits qui me semblent pertinents et, si le témoin juge à propos d'en lire d'autres, il le fera; le ministre pourra lire ce qu'il veut aussi.

Je reviens à la page 27. "Nous les tuteurs - dont Me Gauthier - nous étions conscients qu'une poursuite de 36 000 000 $ dirigée contre cette union et l'union mère, et que certains problèmes reliés à des "argents" réclamés par l'International (per capita) risquaient de passer avant le bien des membres et nous n'avons pas hésité à intervenir." Est-ce que cela signifie que, et la poursuite et les problèmes d'argent vous préoccupaient, ou si seulement un des deux points vous préoccupait? (17 heures)

Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier.

M. Gauthier (Yves): Merci. On était conscient de la poursuite, mais cela ne nous préoccupait pas. Ce qui nous intéressait, c'était surtout le per capita, car les membres auraient pu s'énerver un peu et ils auraient pu former un autre syndicat qu'ils auraient appelé le 791-B, si vous voulez. À ce moment, il n'y aurait pas eu de cotisation pour défendre les membres, c'est-à-dire le respect des conventions collectives, les plans d'assurance et toutes ces choses-là. Je pense que je réponds à votre question. Dans le fond, il faut quand même être pratique. Si j'avais eu peur, si le conseil avait eu peur je pense bien, si je n'étais pas assez brillant, qu'un avocat ou les syndiqués s'en seraient

rendu compte eux-mêmes et ils se seraient fondé un autre syndicat. Ils auraient pris les montants et ils se seraient cotisés. Si on avait perdu la cause, vous auriez saisi de l'air parce que cela aurait été le local 791-B. Je n'ai jamais dit cela aux gars; je leur ai dit de rester dans le syndicat et d'aller jusqu'au bout. C'est pourquoi les 36 000 000 $... D'après moi, ce n'est pas 36 000 000 $, mais c'est 36 000 000 $ qu'on a mis. C'était surtout la question du per capita qui nous intéressait parce qu'il faut cotiser les gars pour offrir des services. Quand on dit qu'on est intervenus, c'était pour protéger notre per capita. C'est seulement cela.

M. Bourbeau: Maintenant, vous dites que la poursuite ne vous préoccupait pas. Pourtant, vous avez jugé bon d'en parler dans votre rapport.

M. Gauthier (Yves): J'ai jugé bon d'en parler.

M. Bourbeau: Si vous voulez prendre le rapport à la page 29, quatrième paragraphe, vous revenez encore sur la question de la poursuite. Vous dites: "Toutefois, compte tenu des problèmes qui sont des suites des événements regrettables survenus à la baie James et qui ont amené des poursuites d'au-delà de 36 000 000 $..." Donc, cela vous préoccupait plus que vous ne le dites puisque vous en parlez une deuxième fois.

M. Gauthier (Yves): M. le Président, je ne vois aucune contradiction, je ne vois aucun ajout dedans; on a redit que c'était 36 000 000 $. On l'a peut-être dit dix fois dans le texte, mais ce paragraphe dit que les gens ne voulaient pas qu'on s'en aille; les syndiqués voulaient qu'on reste. Ce doit être cela qu'on dit dans le paragraphe: "Nous croyons que la présence de la tutelle est encore souhaitée et souhaitable." Je l'ai peut-être - je dis "je l'ai", mais on l'a rédigé ensemble - dit ailleurs, 36 000 000 $; même si vous dites que je l'ai mis 10 fois, cela ne change pas mon opinion. Dans ce cas précis, ce qui nous intéressait, c'était le per capita. Et c'est vrai que les syndiqués aimaient autant nous voir là. Ils pensaient qu'on faisait bien notre travail, je suppose; ils n'étaient pas pressés qu'on s'en aille. Les locaux 89 et 101 voulaient qu'on s'en aille et on est parti; mais, eux, cela semblait faire leur affaire. C'est tout.

M. Bourbeau: Au paragraphe dont on parle, le dernier paragraphe de la page 29, vous dites, en conclusion: Les syndiqués ne voulaient pas qu'on s'en aille.

M. Gauthier (Yves): J'ai compris qu'on pouvait aider les syndiqués.

M. Bourbeau: II y avait des raisons pour lesquelles ils ne voulaient que vous vous en alliez. Ces raisons sont énumérées dans le paragraphe et la première raison qui est énumérée au début du paragraphe, c'est: "Compte tenu des problèmes qui sont des suites des événements regrettables survenus à la baie James et qui ont amené des poursuites de l'ordre de 36 000 000 $."

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Donc, c'était une préoccupation, puisque vous l'avez noté en premier lieu dans le paragraphe.

M. Gauthier (Yves): Oui, c'était une préoccupation; c'était une... Comment dites-vous dans le texte? On en était conscient, mais - je parle pour moi - cela ne me préoccupait pas plus que cela. Je l'ai peut-être inscrit ailleurs aussi, qu'il y avait une action de 36 000 000 $.

M. Bourbeau: Donc, cela préoccupait quelqu'un. Enfin, cela préoccupait les tuteurs, puisque vous l'avez indiqué dans le rapport.

M. Gauthier (Yves): Si vous voulez, je peux bien l'admettre, c'est un jeu de mots; pour autant que je suis concerné il est là et c'est tout. Cela me préoccupait, et après? Ce n'était pas mon ouvrage, par exemple, ce n'est pas moi qui ai réglé cette affaire. Je m'occupais du per capita, parce que cela, c'était important pour mes syndiqués. Ils n'en avaient pas; s'ils s'en allaient dans un autre syndicat, cela s'en allait tout à terre.

M. Bourbeau: M. Gauthier, voulez-vous prendre le rapport à la dernière page? Je n'ai pas le numéro, c'est la page 6, mais je ne sais pas comment cela fonctionne exactement. Ah bon! Je m'excuse. À la page 32, au bas de la page, c'est indiqué: Le tout respectueusement soumis, et il y a trois signatures. Pouvez-vous nous dire quelle est la dernière des signatures?

M. Gauthier (Yves): M. le Président, je pense que je ne répondrai même pas. Vous savez que c'est Yves Gauthier. Voyons donc!

M. Bourbeau: Bon. C'est votre signature?

M. Gauthier (Yves): Bien oui, c'est ma signature. Elle n'a pas été imitée.

M. Bourbeau: Bon. Très bien. C'est ce que je voulais savoir, M. le Président. Si vous voulez, on va revenir à la page 27, au paragraphe que je vous ai cité tout à l'heure dans lequel vous dites que vous n'avez pas hésité à intervenir. Est-ce que vous pourriez nous dire auprès de qui ces interventions ont

été faites?

M. Gauthier (Yves): Auprès de l'International.

M. Bourbeau: Auprès de l'International.

M. Gauthier (Yves): C'était pour les élections et les gens de Washington voulaient faire cela dans deux ans seulement, dans le contexte.

M. Bourbeau: Bon. Alors, le paragraphe contient deux préambules...

M. Gauthier (Yves): II en contient peut-être deux, je ne l'ai pas analysé.

M. Bourbeau: ...la poursuite de 36 000 000 $ et les problèmes d'argent avec l'International.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: À l'égard des deux problèmes, vous dites que vous n'avez pas hésité à intervenir.

M. Gauthier (Yves): Ah non! Non. Écoutez, dites: a) 36 000 000 $; on était conscient qu'il y avait une poursuite. Ensuite, dites: b) le per capita. Lisez-le comme cela.

M. Bourbeau: C'est cela. Alors, nous étions conscients a), qu'une poursuite de 36 000 000 $ était dirigée contre cette union et l'union mère et b), que certains problèmes reliés à des sommes d'argent réclamées par l'International risquaient de passer avant le bien des membres. Conclusion, nous n'avons pas hésité à intervenir. Moi, je vous demande, à l'égard de a), à l'égard de la poursuite: Quelles interventions avez-vous faites?

M. Gauthier (Yves): Aucune.

M. Duhaime: Je m'excuse. Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Lalonde: C'est lui qui l'a demandé.

M. Duhaime: M. le Président, je vais m'opposer à cette façon de procéder. Il y a un rapport qui est déposé devant l'Assemblée nationale, daté du 22 juin. À partir de la page 26 jusqu'à la page 29 inclusivement, qui comprend une conclusion, on parle de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791. Ce que le député de Laporte tente de faire - je comprends que cela fait partie de l'échafaudage libéral -c'est de sortir un paragraphe...

Une voix: Hors texte.

M. Duhaime: ...ou deux lignes d'un paragraphe hors contexte et d'essayer de l'accrocher à sa thèse. Vous me faites penser à un tribunal de l'Inquisition qui a siégé en 1633 et qui condamnait Galilée parce qu'il prétendait que la terre tournait autour du soleil.

Une voix: Voyons donc!

M. Bourbeau: Bon! II recommence.

Des voix: Cela recommence.

M. Duhaime: Le pape en a encore parlé. Cela fait 350 ans...

Une voix: C'est niaiseuxl

M. Duhaime: ...et ils sont en train de reconnaître qu'ils se sont trompés. Vous faites des interrogatoires...

M. Lalonde: M. le Président, vous laissez faire une question de règlement pareille?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre...

M. Duhaime: ...qui consistent en une opération que j'appellerais de dépucelage -vous me pardonnerez l'expression - et...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je voudrais savoir...

M. Duhaime: ...on s'en va strictement nulle part.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je voudrais seulement savoir quelle est votre question de règlement.

M. Duhaime: Vous n'êtes pas honnête envers M. Gauthier.

Le Président (M. Jolivet): Quelle est votre question de règlement, M. le ministre?

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le Président, la mauvaise humeur du ministre...

M. Duhaime: Je suis de bien bonne humeur, mais je vous trouve "zozo".

Une voix: C'est vrai.

M. Lalonde: ...se manifeste régulièrement. On y est habitué, car c'est devenu une réalité, pas nécessaire, mais, apparemment, on ne peut pas s'en passer. Il reste qu'il est tout à fait dans l'ordre des interrogatoires d'un témoin, lorsqu'on réfère à un document qu'il a lui-même produit, lorsque le document a été préparé par le témoin avec d'autres, de lui demander de lire un paragraphe, d'en tirer des conclusions et de donner des informations sur ce paragraphe-là. C'est Me Gauthier, lui-même, qui disait: Lisez-le comme cela, c'est a) pour les 36 000 000 $ et b) pour l'autre. Ce à quoi le député s'est plié, mais au fond on peut le lire tel quel et le paragraphe conclut: Nous n'avons pas hésité à intervenir. Cela fait cinq ans. Il demande quelles interventions vous avez faites.

Le paragraphe est divisé en deux. Il y a, tout d'abord, la poursuite de 36 000 000 $ et, ensuite, le problème du per capita. Pour la poursuite, quelles interventions avez-vous faites? Le témoin dira, s'il en a fait: Oui. S'il n'en n'a pas fait, il dira: Non. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat et parler d'Inquisition. Je ne sais pas si le déjeuner du ministre a été trop lourd, mais il faudrait, quand même, qu'il n'impose pas à la commission parlementaire sa mauvaise humeur constamment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis, vous avez une question de règlement?

M. Perron: Lorsqu'on regarde le texte à partir de la page 26 et qu'on le lit complètement jusqu'à la page 30 en haut, on parle à ce moment-là du local 791. Le paragraphe qui a été pris hors contexte par le député de Laporte, si on ne lit pas le reste, tout le monde comprendra ce que lui comprend, c'est-à-dire que c'est relié au saccage de la Baie-James et à la poursuite. Ce n'est pas cela du tout. C'est relié...

Je m'excuse, M. le Président. J'étais sur une question de règlement.

M. Lalonde: Question de règlement, il n'est pas témoin. S'il veut témoigner...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Lalonde: II y a quand même une limite. Ce n'est pas une question de règlement, cela. Il donne son opinion.

M. Perron: C'est une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député. M. le député de Duplessis sur une question de règlement.

M. Perron: Sur la question de règlement, quand on prend le paragraphe mentionné par le député de Laporte: "Nous étions conscients..." et qu'on ne regarde pas le reste du texte...

M. Lalonde: On l'a déposé. Il est déposé.

M. Perron: Vous ne l'avez pas déposé. Je m'excuse, M. le Président, mais je vais terminer ce que j'avais à dire. Si on regarde le paragraphe qui suit, c'est dit: "Les élections eurent lieu les 4 et 5 mars sous la présidence de M. Louis Laberge." Je m'excuse, mais c'est relié à la tutelle et c'est relié aussi à la question qui était soulevée quant au per capita. Même si le chiffre de 36 000 000 $ est mentionné là...

M. Lalonde: II interprète. Ce n'est pas à lui de témoigner.

M. Perron: ...ce n'est pas une intervention se rapportant...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Lalonde: S'il veut témoigner, qu'il aille à la table.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je veux simplement vous dire que j'ai une certaine difficulté à suivre la question de règlement que vous apportez jusqu'à maintenant. Je lis le texte, moi aussi, et je pourrais en donner beaucoup d'interprétations. Ce que je demande à Me Gauthier, c'est de répondre aux questions. Je voudrais aussi que les questions ne portent pas à interprétation parce qu'on va s'embarquer dans un joli bateau. Je demande donc au député de lui poser des questions claires pour qu'il puisse répondre de façon claire. Il est évident que, sans vouloir - comme ancien professeur de français - vous dire que nous sommes dans une analyse de texte, il est officiel qu'avec le texte qui est écrit là on pourrait faire de très belles analyses de texte. Je demande au député de Laporte de continuer à poser des questions claires pour que la personne qui est devant nous puisse répondre. Nous pourrions, de part et d'autre, faire toutes les interprétations que nous voudrions, mais cela restera toujours des questions d'opinion personnelle de chacun des membres de cette commission.

M. le député.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'aurais une suggestion.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est

uniquement une question de règlement, peut-être. Je remarque, en regardant le document, que, de la page 22 à la page 26, les tuteurs - sans numéroter un paragraphe - parlent de la Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité, local 1677, FIPOE. Je remarque que, de la page 26 à la page 30 exclusivement, à partir du milieu de la page 26, l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, et je remarque, de la page 30 à la page 32, un troisième syndicat, Union internationale des mécaniciens d'ascenseur. Il semble très clair que, dans l'esprit de ceux qui ont rédigé ce rapport, ils ont voulu analyser, émettre leurs commentaires de façon distincte sur ces trois cas.

Je pense qu'il serait de bon aloi, de bonne guerre et équitable que le député de Laporte puisse nous faire la lecture, puisqu'il est à la page 27 de ce qui concerne l'Union des opérateurs, local 791.

M. Duhaime: On peut le demander à M. Gauthier.

M. Vaillancourt (Jonquière): À M. Gauthier ou à n'importe quel bénévole qui voudrait lire cela. À ce moment, je pense que cela pourrait nous permettre de mieux comprendre le texte.

Le Président (M. Jolivet): Je pourrais régler le problème et le lire moi-même.

M. Duhaime: Je pense que cela a du bon sens.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

J'ai une très belle voix, d'ailleurs. Simplement, pour éviter une discussion à savoir qui fera la lecture ou pas, vous allez me permettre de le lire? Tout le monde sera au courant.

M. Bourbeau: M. le Président, sur la question...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bourbeau: ...je veux seulement dire ceci: Le rapport a 32 pages.

M. Duhaime: On ne va pas lire les 32 pages.

M. Bourbeau: II traite de différents problèmes dans divers syndicats, puisque Me Gauthier était président de plusieurs syndicats et membre de certains autres. Les syndicats autres que le local 791 n'étaient pas concernés par la poursuite de la SEBJ. Donc, il serait ridicule pour moi de vous demander d'en faire la lecture ou même d'en parler; vous me déclareriez hors du sujet.

En ce qui concerne le local 791 dont on parle, à partir de la page 26 jusqu'à la page 30, on traite de divers sujets qui sont également en dehors de la poursuite. Pour abréger le temps de la commission et pour que vous ne me déclariez pas hors du sujet, j'ai choisi de concentrer mes questions sur la partie du rapport sur le local 791, qui traite de la poursuite.

Mais M. le Président, si vous voulez décider de lire tout le texte sur le local 791, à vous de le faire, mais je ne me tiens pas responsable des délais additionnels que cela occasionnera.

Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi vous dire simplement une chose, c'est que cela permettra tout de même de situer le problème, lorsqu'on parle du local 791. Deuxièmement, il y a une chose qui est certaine, c'est que cela arrêtera, de part et d'autre, des questions de règlement puisque vos questions porteront sur ce que vous voudrez. Mais, avant de faire quoi que ce soit, le député de Marguerite-Bourgeoys m'a demandé la permission de poser une question. (17 h 15)

M. Lalonde: C'est simplement une humble mise en garde. Si vous établissez comme principe qu'on ne peut se référer à aucun document, à un paragraphe sans en faire la lecture complète, la prochaine fois que le ministre se référera au rapport Cliche, on sera ici pour un bon bout de temps. Si je veux me référer à une réponse que le témoin a donnée ce matin, par exemple, dans la transcription que je suis en train de relire et que vous m'obligez à relire toute la transcription de la matinée, c'est un principe que je ne comprends pas d'être obligé de relire tout. C'est au député de juger ce qui est bon pour lui, pour les réponses qu'il veut avoir...

M. Duhaime: Non.

M. Lalonde: ...et si elles sont pertinentes. Les questions ne sont pas choisies par le ministre. Il a eu l'occasion de poser des questions. Il n'y a peut-être pas pensé à ce rapport, maintenant, il l'a. S'il a des questions à poser sur le paragraphe précédent et la page précédente, il reviendra, c'est aussi simple que cela. M. le Président, je ne voudrais simplement pas qu'on se couvre de ridicule.

Le Président (M. Jolivet): Me Jutras.

M. Jutras: M. le Président, les députés peuvent peut-être continuer bien longtemps leur discussion là-dessus, mais Me Gauthier est prêt à répondre. Il a lu le texte. Qu'on lui demande simplement ce qu'il a voulu dire par cela et il va vous le dire. Au lieu d'arriver avec une question suggestive en

disant qu'il a voulu dire telle et telle chose, qu'on lui demande ce qu'il a voulu dire; il est ici pour répondre.

Le Président (M. Jolivet): Donc, cela réglerait énormément notre problème et on n'aurait besoin de faire aucune lecture. Me Gauthier.

M. Bourbeau: M. le Président, puis-je revenir à ma question?

Le Président (M. Jolivet): Oui, juste un instant. Oui, oui, mais juste un instant. Me Gauthier.

M. Gauthier (Yves): Je ne veux pas mêler tout le monde et me mêler aussi, mais, pour autant que je suis concerné...

Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier, compte tenu que la question appartient au député de Laporte, je vais lui demander qu'il la pose.

M. Gauthier (Yves): D'accord.

M. Bourbeau: Alors, au sujet du paragraphe où vous parlez, à la page 27, de la poursuite...

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: ...de 36 000 000 $... Il est dit 36 000 000 $, nous pensons que c'est 31 000 000 $. C'est pour cela que je vous ai demandé ce matin s'il y avait d'autres poursuites.

M. Gauthier (Yves): Ah oui! Vous aviez lu cela?

M. Bourbeau: Alors, disons la poursuite de 36 000 000 $, puisque c'est ce qui est inscrit ici.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Vous étiez conscients -vous le dites - "qu'une poursuite de 36 000 000 $ dirigée contre cette union et l'union mère, et que certains problèmes reliés à des argents réclamés par l'International (per capita) risquaient de passer avant le bien des membres et nous n'avons pas hésité à intervenir." C'est ce que vous avez inscrit?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Les mots ont un sens et vous avez peut-être une interprétation; ceux qui les ont entendus en ont peut-être une autre. Est-ce que vous pourriez me dire quelles sont les interventions que vous avez effectuées à la suite de cette constatation en ce qui concerne la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): En ce qui concerne la poursuite de la SEBJ, rien. Pour les 36 000 000 $, on n'intervenait pas, on avait déjà des avocats qui avaient cela entre les mains. C'était à eux de défendre la cause. Quand je parle d'intervenir, c'était parce que le local américain ne voulait pas faire des élections tout de suite, il voulait les retarder. Quand on dit qu'on n'a pas hésité à intervenir, c'était dans la tenue d'élections. Parce qu'on a fait une élection. C'était M. Napier qui était le président de cette élection, qui s'en est occupé avec M. Laberge.

Mais, quand on dit: "Nous n'avons pas hésité à intervenir", ce n'est pas dans l'affaire de la Baie-James, sur l'action. Cela ne me regardait pas. Il y avait des avocats pour cela. Mais, pour l'affaire de l'élection, je ne tenais pas à attendre deux ans pour faire une élection - quand je dis "moi", c'est aussi M. Beaudry et les autres - nous voulions faire au plus vite l'élection, nous voulions que les gars dirigent leur affaire tout seuls. Vous savez, une tutelle, ce n'est pas intéressant, quand tu as un tuteur sur le dos tout le temps. Un tuteur - cela le dit -c'est jusqu'à 21 ans, mais, pour eux, c'est X temps, tant qu'ils ne reprennent pas leur démocratie en main.

Nous, on voulait s'en aller. Si on avait attendu deux ans, cela veut dire qu'on serait sortis de là en 1980, je le suppose bien. Il y a assez que, dans le 144, ils ne sont pas encore sortis de la tutelle. Ce n'est pas tellement drôle d'être soumis à un tuteur; que ce soit moi, un autre ou Pierre, Jean, Jacques, on n'a pas toujours les mêmes idées.

M. le Président, l'intervention dont on parle ici n'est pas dans la poursuite, c'est dans l'affaire de l'élection. Les Américains voulaient retarder l'élection. Ils avaient même fait des mises en nomination et nous avons dit non. C'est évident qu'ils n'ont pas trop aimé cela. On assumait notre rôle du mieux qu'on le pouvait. On a dit qu'on ne faisait pas les élections dans deux ans, mais tout de suite.

Pour ce qui est de la poursuite, il y avait des avocats là-dedans et cela ne nous occupait pas. Bien, cela ne nous occupait pas, ce n'était pas notre travail. On n'est pas intervenu. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Bourbeau: Enfin, disons que c'est une réponse.

M. Gauthier (Yves): C'est une réponse, c'est vrai.

M. Bourbeau: Est-ce que la poursuite comme telle préoccupait le syndicat?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que cela fait plusieurs fois que vous avez...

M. Gauthier (Yves): J'ai déjà répondu à cette question. Je ne réponds plus.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, vous n'avez pas besoin de répondre, vous avez déjà répondu.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je vous avais demandé de ne pas répéter les questions et c'est la troisième fois qu'elle revient depuis le début.

M. Bourbeau: Je vous signale qu'il y a des faits nouveaux qui sont intervenus depuis ce matin: le rapport de tutelle a été déposé.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Depuis qu'on a recommencé, à 16 h 50, c'est la troisième occasion que vous avez de poser cette question. Cela suffit.

M. Duhaime: Manquez-vous de carburant?

M. Bourbeau: Les interventions que vous avez faites, malgré l'interprétation qu'on peut en faire en lisant le texte, vous dites qu'elles se sont limitées uniquement à la deuxième partie du paragraphe?

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce que des tuteurs, autres que vous, auraient fait des interventions au sujet de la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Cela me surprendrait.

M. Bourbeau: Avez-vous eu connaissance qu'il y en a eu?

M. Gauthier (Yves): Non.

M. Bourbeau: Est-ce que des membres du syndicat en ont fait?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Voulez-vous dire du local 791?

M. Bourbeau: Oui.

M. Gauthier (Yves): Ils sont peut-être allés voir des députés, je ne le sais pas. Il y avait à peu près 13 000 membres. C'est bien clair que, peut-être, des membres parmi eux, parce qu'ils n'étaient pas tous de la même faction... Il y en a qui étaient pour un tel et d'autres pour un tel. Peut-être que c'est arrivé, mais pas à ma connaissance. Je pense que, si M. Beaudry l'avait su, il m'en aurait parlé.

M. Bourbeau: Me Gauthier, si vous voulez, nous allons revenir au 3 octobre, au moment où vous avez été nommé conseiller spécial au bureau du premier ministre.

On avait parlé ce matin de M. Laliberté. Vous nous avez dit, je crois, que vous ne le connaissiez pas ou que vous l'aviez rencontré une seule fois.

M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.

Une voix: Est-ce que ça va recommencer!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Lorsque vous êtes arrivé au bureau du premier ministre, qui suivait le déroulement du dossier de la SEBJ au bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, cette question a été posée ce matin.

M. Gauthier (Yves): M. le Président... Le Président (M. Jolivet): Oui?

M. Gauthier (Yves): ...je dois répondre comme j'ai répondu ce matin: II n'y avait personne.

Le Président (M. Jolivet): Exactement.

M. Gauthier (Yves): C'est la deuxième fois que la question m'est posée.

Le Président (M. Jolivet): Exactement.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. Me Gauthier, après votre départ du syndicat, vous avez effectué une démarche auprès de Me André Gadbois, avocat en chef à Hydro-Québec et responsable du dossier juridique de la SEBJ. Lors de son témoignage devant cette commission la semaine dernière, Me Gadbois nous a fait état de cette démarche que vous aviez effectuée auprès de lui. Pourriez-vous nous dire à quelle date cette démarche a été effectuée?

M. Gauthier (Yves): Je vais vous répéter ce que j'ai lu ce matin. Quant à Me Gadbois, je ne me souviens pas lui avoir rendu visite au sujet de la Baie-James. M. Gadbois vous a dit que j'étais allé le voir une dizaine de minutes. J'ai beau chercher,

je ne trouve rien, sauf qu'à la fin de mars 1978 j'ai des clients qui ont signé un prêt avec la SEBJ. J'ai parlé tantôt avec l'avocat qui est ici dans la salle et il s'en souvient; c'était un prêt de 9 000 000 $. J'étais allé faire signer M. Boyd comme président de la SEBJ à son bureau, à Hydro-Québec. La résolution de la SEBJ était signée par Me Gadbois comme secrétaire intérimaire de la société. Pour autant que cela me concerne, je ne me souviens pas d'avoir vu Me Gadbois. C'est à peu près la seule fois que j'ai regardé les débats à la télévision, parce que chez nous, je ne les regarde pas pour certaines raisons et, au bureau, je n'ai pas toujours le temps. Quand M. Gadbois a parlé, je l'ai écouté, mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'il se souvienne que j'étais là et qu'il ne se souvienne pas de l'autre gars qui était censé être avec moi. Je ne me souviens pas de visite faite à Me Gadbois.

Je m'excuse. C'est peut-être lorsque j'ai fait signer le contrat, parce que j'ai parlé à Me Lussier tantôt et il m'a dit que, à un moment donné, il était parti en vacances. J'ai peut-être rencontré Me Gadbois à cette occasion, je ne le sais pas. Mais, si j'ai été là dix minutes, comme il l'a dit, je n'ai pas dû parler bien longtemps. Cela, je ne m'en souviens pas. Depuis que cela m'a été dit, j'ai fouillé partout. Je me suis dit: Je l'ai peut-être vu lorsque j'ai vu John Lussier; j'étais allé faire signer un contrat. Je me souviens aussi d'être allé faire signer un contrat au bureau de M. Boyd. C'est la seule chose que je peux dire à ce sujet.

M. Bourbeau: M. Gadbois, lors de son témoignage, ici, devant la commission - je pense qu'il est important de le citer, parce qu'il y a ici une contradiction évidente entre deux témoignages; on n'a pas eu de contradiction aussi flagrante que celle-là depuis le début de la commission - nous a dit ceci...

M. Duhaime: M. le Président... M. Bourbeau: Qu'est-ce qu'il y a?

M. Duhaime: ...je voudrais simplement faire remarquer au député de Laporte que, si lui voit une contradiction là-dedans, moi je ne la vois pas.

M. Bourbeau: Si vous voulez me laisser terminer, je vais vous l'exposer.

M. Duhaime: II y a une personne qui raconte...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, on va voir...

M. Duhaime: ...une conversation et l'autre ne s'en souvient pas. Je ne vois pas ce qu'il y a de contradictoire là-dedans.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! On va d'abord savoir ce qu'il en est. Il y a peut-être une question d'opinion qu'on pourra respecter de part et d'autre. Allez, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je vais lire, si vous voulez, un passage au ruban 1105, page 1. Je ne sais pas si certains veulent y référer, mais je vais en faire la lecture. La question provenait de l'honorable ministre, M. Duhaime: "Est-ce que Me Yves Gauthier a communiqué avec vous pour parler de cette affaire?"

Réponse de M. Gadbois: "Je crois, une fois. C'était à l'automne. Je ne peux pas vous donner la date, mais c'était à l'automne 1978. J'ai eu la visite à mon bureau d'un M. Yves Gauthier qui s'est présenté comme ex-tuteur du syndicat 791 et qui est venu me voir pour exposer les difficultés dans lesquelles se trouvait le syndicat face à l'action qu'on avait instituée contre eux. Il m'a fait valoir certains motifs pour lesquels il disait qu'il ne convenait pas qu'Hydro continue sa poursuite contre le syndicat et je lui ai dit que le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James avait mandaté le bureau Geoffrion et Prud'homme pour agir, prendre la poursuite, instituer l'action. Je lui ai suggéré qu'il communique avec les avocats de Geoffrion et Prud'homme. La visite a duré à peu près dix minutes et elle n'avait pas été annoncée. Je me souviens vaguement -de ce M. Gauthier qui était accompagné d'une autre personne que je ne connaissais pas et que je ne pourrais nommer."

M. Duhaime l'a questionné: "Alors, vous situez cela à l'automne 1978?" Réponse de M. Gadbois: "Oui. C'est peut-être au mois d'octobre, novembre ou décembre, je ne sais pas. La raison pour laquelle je dis ceci, c'est que c'était sur la fin de l'après-midi, il faisait noir dehors et la lumière de mon bureau était allumée. Alors, je ne peux vous dire autrement."

Me Gauthier, est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire?

M. Gauthier (Yves): J'ai entendu ce que vous venez de lire à la télévision la journée où il a témoigné. Cela n'a rien changé. Je ne me souviens pas de l'avoir vu, M. le Président.

M. Bourbeau: Tout à l'heure, vous avez dit...

M. Gauthier (Yves): II a dit: "Je me souviens vaguement." C'est ce qu'il a dit, je crois.

M. Bourbeau: Tout à l'heure, vous avez dit que M. Gadbois avait fait allusion à quelqu'un qui vous accompagnait. Je crois que vous avez dit l'autre type ou l'autre...

M. Gauthier (Yves): Je ne comprends pas ce qu'il dit.

Le Président (M. Jolivet): Je ne comprends pas la question.

M. Gauthier (Yves): Moi, non plus.

M. Bourbeau: Ah bon. La question est...

M. Gauthier (Yves): Ce que j'ai dit, c'est que je ne me souvenais pas de l'avoir vu. Je me souviens encore bien moins d'une deuxième personne. Comment se fait-il que Gadbois ne s'en souvienne pas?

M. Bourbeau: C'est parce que tout à l'heure... Je n'ai pas la transcription, j'aurais dû le noter. Me Gadbois ne dit pas que c'était nécessairement un homme qui vous accompagnait, enfin, qui vous aurait accompagné. Cela aurait pu être effectivement une femme.

M. Gauthier (Yves): Cela me surprendrait. Je pense qu'il a dit qu'il était chauve. Je m'excuse. Je me le rappelle, parce que ce sont les seules fois où j'ai écouté. Je pense qu'il y en a qui ont demandé s'il n'était pas chauve ou s'il ne fumait pas. J'ai pensé qu'on voulait parler de M. Lévesque, mais je ne pense pas que M. Lévesque attendrait dans l'antichambre quand je suis là. Je ne le pense pas. (17 h 30)

M. Bourbeau: Si vous y étiez allé avec M. Lévesque, je présume que vous vous en souviendriez.

M. Gauthier (Yves): Oui, monsieur. Si j'y étais allé.

M. Bourbeau: Oui, oui, bien sûr.

M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: Si jamais, au cours du témoignage, la mémoire vous revient, peut-être que vous pourriez nous faire signe.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: On pourra vous poser quelques questions que je voulais vous poser.

J'aurais voulu vous demander qui vous accompagnait, mais vous dites...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, ne posez pas la question puisque la réponse n'est pas autre que celle donnée.

M. Gauthier (Yves): ...aucune idée.

M. Bourbeau: Très bien. Le 3 novembre 1978, un mois exactement après votre nomination au poste de conseiller spécial auprès du premier ministre, vous avez communiqué avec M. Pierre Laferrière, qui venait d'être nommé au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. Depuis combien de temps connaissiez-vous M. Laferrière?

M. Gauthier (Yves): Je crois avoir dit ce matin que je le connaissais depuis au moins 1970, sinon 1968, mais certainement 1970.

M. Bourbeau: Où l'aviez-vous connu?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas être déplaisant, mais cette question a été posée ce matin. De mémoire, c'est vous-même qui l'avez posée.

M. Bourbeau: Non, M. le Président, je ne me souviens pas de cela.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député; comme je vous le dis, je ne veux pas être désagréable, mais je m'en souviens, et je suis avec beaucoup d'attention l'ensemble des travaux. Il peut m'échapper quelque chose, mais je suis sûr que cela été posé.

M. Bourbeau: M. le Président, si cela a été posé, je n'ai pas la transcription devant moi...

M. Perron: ...comme cela, vous ne reviendrez pas là-dessus.

M. Bourbeau: ...je ne me souviens pas de les avoir posées.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bourbeau: De toute façon, je ne crois pas que ce soit inutile, M. le Président. Si j'ai des questions qui ont été posées, je suis convaincu que je ne les pose pas exactement comme elles l'ont été ce matin; en vertu de la jurisprudence, on peut quand même poser deux fois la même question si ce n'est pas de la même façon.

Le Président (M. Jolivet): Non, ce n'est pas tout à fait cela. Vous n'avez pas complètement raison ni complètement tort. Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il ne faut pas poser la question quatre fois de différentes façons pour avoir la même réponse. Je pense que cela, je ne l'accepterai pas.

M. Bourbeau: M. le Président, au pire, ce serait deux fois et non quatre fois.

M. Perron: ...interrogatoire.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc...

M. Lalonde: Merci, on ne le savait pas.

M. Perron: ...vous, cela ne me surprendrait pas que vous ne le sachiez pas.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Duplessis.

M. Bourbeau: À quel endroit avez-vous connu M. Laferrière et comment l'avez-vous connu?

M. Gauthier (Yves): Au MSA et, après, dans le Parti québécois.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez me spécifier ce qu'est le MSA?

M. Gauthier (Yves): Ah, non! Je ne suis pas pour commencer cela, car on va en avoir pour trois heures. Mais cela ne me fait rien si vous voulez savoir ce qu'est le Mouvement...

M. Lalonde: Non, non, mais le mot "MSA".

M. Gauthier (Yves): ...souveraineté-association, franchement, là, vous êtes parfait.

M. Lalonde: Mouvement souveraineté-association.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que c'est une coopérative?

M. Gauthier (Yves): Excusez-moi, mais c'est une association qui est devenue un parti politique et c'est là que j'ai rencontré M. Pierre Laferrière.

M. Bourbeau: On me souligne que c'est le Mouvement souveraineté-association.

Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier avait répondu cela, M. le député.

M. Bourbeau: Ah, bon!

Le Président (M. Jolivet): Le brouhaha a peut-être empêché de l'entendre, mais il l'avait dit.

M. Bourbeau: D'accord, merci. Est-ce que vous avez participé avec M. Laferrière à des activités de nature politique?

M. Gauthier (Yves): C'est bien évident. M. Bourbeau: Autres que dans le MSA?

M. Gauthier (Yves): Non, pas d'autres. Dans le Parti québécois, oui.

M. Bourbeau: Ah! Dans le Parti québécois. Est-ce que vous avez travaillé avec lui lors des campagnes électorales pour le Parti québécois?

M. Gauthier (Yves): Peut-être en 1970. Je ne vois pas où l'on s'en va, mais cela ne me fait rien, car j'aime cela parler d'élections, allez-y. Je peux parler bien longtemps sur ce sujet. En 1970, j'étais organisateur du Parti québécois et j'avais des assistants dont M. Pierre Laferrière. M. Pierre Laferrière était un bon ami. Je peux parler longtemps.

M. Bourbeau: Je m'excuse, est-ce que vous pourriez parler un peu plus fort, car je ne comprends pas les réponses que vous donnez?

M. Gauthier (Yves): Vous ne comprenez pas, je vais approcher le micro.

M. Bourbeau: S'il vous plaît! Oui.

M. Gauthier (Yves): Attendez une minute. J'ai dit que M. Pierre Laferrière a travaillé avec moi dans le Parti québécois en 1970. En 1973 peut-être, mais pas en 1976, je ne le pense pas. En 1970, c'est sûr, on a travaillé ensemble.

M. Bourbeau: Quel travail faisait-il?

M. Gauthier (Yves): Qu'est-ce qu'il faisait?

Une voix: La question...

M. Gauthier (Yves): Laissez faire, je vais lui répondre. Il sait plus que moi ce que je faisais, parce qu'il me surveillait. En 1970, c'est facile, j'étais l'organisateur en chef du parti, et tout le monde sait cela. Si vous ne le savez pas, vous êtes en retard dans vos leçons. J'aime autant vous le dire. Franchement!

M. Lalonde: M. le Président, quand même...

M. Bourbeau: Je regrette, M. Gauthier, mais moi et plusieurs autres, on n'était pas au courant.

M. Lalonde: ...je voudrais, M. le Président, soulever une question de règlement ici.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc.

M. Lalonde: Je veux simplement essayer de contribuer à ce que les travaux de la commission se poursuivent d'une façon ordonnée. Le témoin peut être amusant, faire rire et, ensuite, avoir des réparties à l'égard du député qui lui pose la question; il me semble que, si on répondait justement...

M. Gauthier (Yves): Je trouve cela triste, si vous voulez le savoir. Je ne trouve rien de drôle là-dedans; je trouve votre attitude triste.

M. Lalonde: II y en a qui trouvent cela drôle.

M. Gauthier (Yves): Bien oui, mais moi, je ne trouve pas cela drôle du tout. Si vous voulez continuer, je vais continuer. Cela ne me fait rien, je suis ici pour vous autres, je ne suis pas ici pour moi. C'est sûr que Pierre Laferrière travaillait avec moi. M. Lalonde a peut-être déjà travaillé avec moi; M. Bourassa a peut-être travaillé avec moi. Le trésorier du Parti libéral a travaillé avec moi et le conseiller spécial. L'avocat du parti a travaillé avec moi; ils ont tous travaillé avec moi. Et après?

M. Bourbeau: Sauf que ceux-là n'étaient pas des administrateurs de la SEBJ.

M. Gauthier (Yves): Pardon?

M. Bourbeau: Sauf que ceux-là n'étaient pas des administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James.

M. Gauthier (Yves): Si vous vous voulez aller chercher une nomination politique dans l'affaire de Laferrière, vous allez vous lever de bonne heure en "maudit" parce que, chez nous, ce n'est pas fort. Vous allez chercher longtemps.

M. Bourbeau: M. le Président, je m'excuse. Moi, je n'étais pas au courant que vous étiez organisateur en chef du Parti québécois, et c'est la raison pour laquelle j'ai posé la question.

M. Lalonde: C'est vrai.

M. Gauthier (Yves): Ah! Cela me fait bien de la peine.

M. Bourbeau: Pardon?

M. Duhaime: II vous a dit que vous étiez en retard.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Lalonde: Écoutez, là, quand même!

Le Président (M. Jolivet): Cela m'aiderait beaucoup...

M. Lalonde: Si on veut que cela dure longtemps...

Le Président (M. Jolivet): ...si, de part et d'autre, Me Gauthier, et j'allais dire, Me Bourbeau... Excusez, c'est le député de Laporte, selon nos règles. S'il vous plaît, on veut procéder le plus rapidement possible.

M. Gauthier (Yves): Allez!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, la petite histoire du Parti québécois, je ne la connais pas toute. Je confesse que je n'étais pas au courant.

Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire que la seule question que je me pose, c'est la pertinence, eu égard au mandat qui nous est accordé. C'est la seule question. J'ai cru comprendre que Me Jutras voulait intervenir, mais que Me Gauthier lui a dit: Je suis prêt à répondre. On pourrait longuement épiloguer sur l'histoire, mais....

M. Jutras: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Me Jutras.

M. Jutras: ...vous avez un invité qui vous a dit qu'il aimait parler de politique; il peut vous en entretenir bien longtemps, mais je ne pense pas que ce soit pour cette raison que vous l'ayez invité. Personnellement, je soulève une objection à ce genre de questions, parce que je ne vois pas du tout la pertinence qu'il y a à poser des questions sur des idées politiques que peut entretenir M. Laferrière et les idées politiques que peuvent entretenir M. Gauthier et d'autres personnes.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur cette objection, ce n'est pas pour s'amuser qu'on pose des questions ici. Il n'y a aucun doute que la fonction de Me Gauthier est politique et qu'il est de notre mandat d'examiner le rôle du premier ministre et de son bureau dans une décision. Ce n'est, évidemment, pas un acte religieux ni administratif; c'est fatalement politique. Les idées politiques des témoins, ce n'est pas du tout ce qu'on veut savoir; ce sont les relations politiques,

simplement, sans aller de l'avant et sans aucune imputation de motifs, sans aucune suggestion à savoir que faire de la politique, c'est quelque chose de dérogatoire, pas du tout. On serait tous ici autour de la table les premiers en faute. Non, ce n'est pas cela. Il reste que cela peut être pertinent de savoir la fonction politique de quelqu'un qui se retrouve dans une décision politique.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, sur la question de règlement, vous avez remarqué comme moi tantôt qu'à plusieurs reprises le député de Laporte, en enchaînant ses questions, ne se souvient même pas des questions qu'il a lui-même posées il y a à peine quelques heures. Cela l'amène à essayer de gagner du temps, peut-être, pour tenir jusqu'à 18 heures, je ne sais pas, mais, depuis une demi-heure, on perd notre temps. Tout le monde sait que Me Yves Gauthier a été très actif à l'intérieur du Parti libéral pendant de longues années, qu'il est passé au MSA et au Parti québécois.

Je pourrais citer le journal Le Droit, d'Ottawa, du samedi 7 mai 1983 au soutien de la question de règlement que je fais et peut-être m'adresser aussi à nos collègues de l'Opposition pour que les travaux de cette commission s'accélèrent à l'intérieur du mandat de la commisssion et sur des questions pertinentes. Je citerai un article du journal Le Droit, il est de Mme Johane Martin-Godbout: "Faisant que, trop soucieux...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Juste un problème.

M. Lalonde: Je ne vois pas du tout que ce que le ministre est en train de faire...

M. Bourbeau: Vous avez eu le droit de parole tantôt.

Le Président (M. Jolivet): J'ai un problème.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement. On va vous lire des articles de M. Falardeau, si vous voulez.

M. Bourbeau: On peut citer Lysiane Gagnon.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ne commencez pas à entrer dans un débat qui va être une perte de temps pour la commission. Vous avez une question de règlement, je suis prêt à l'entendre. Mais je ne voudrais pas que ce soit un long débat sur cette question, parce qu'on va se rendre à 18 heures et on n'aura pas plus avancé.

Une voix: On va aider le député de Laporte.

Le Président (M. Jolivet): Non, non. C'est pour m'aider, moi. Je ne demande pas d'aider le député de Laporte; je demande qu'on m'aide, moi.

Une voix: De toute façon, on n'a pas avancé...

M. Duhaime: Alors, M. le Président, je vais compléter ma question de règlement, mais prenez ma parole que j'aurai l'occasion de reparler de l'éditorial. D'ailleurs, son titre est Le truc de Duplessis. Je pense que je vais en passer une copie au député de Marguerite-Bourgeoys, pour agrémenter son lunch.

M. Lalonde: Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Duhaime: Mais il est évident que, depuis une demi-heure, depuis la reprise des travaux de la commission... Enfin, posez vos questions, non pas à répétition, mais sur les choses qui sont pertinentes. Que Me Gauthier ait été en politique, il vous l'a dit, cela fait 40 ans qu'il est en politique. J'ai l'impression qu'il est un des rares qui aient connu M. Duplessis et peut-être le régime Taschereau, je ne le sais pas. Mais il faudrait que les questions portent sur la question qui nous occupe et non pas sur tout autre sujet.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je vais demander au député de Laporte, dont je suis assuré qu'il va m'accorder la même collaboration que celle que m'accordait le député de Gatineau la semaine dernière, de poser les questions qui sont pertinentes au débat pour lequel nous sommes ici, c'est-à-dire le mandat qui nous est accordé. Donc, M. le député de Laporte, en tenant compte de cette demande.

M. Bourbeau: Bien, M. le Président. Alors, Me Gauthier, où s'est déroulé l'entretien du 3 novembre avec M. Pierre Laferrière?

M. Gauthier (Yves): L'entretien avec M. Laferrière?

M. Bourbeau: Oui.

M. Gauthier (Yves): Au Méridien.

M. Bourbeau: À l'hôtel Méridien?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: De Montréal?

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Qui avait convoqué la réunion?

M. Gauthier (Yves): Ce n'est pas "convoqué", premièrement. M. Laferrière est une personne avec qui je vais manger assez régulièrement. Enfin, régulièrement, entendons-nous. Je vais manger assez souvent avec lui. Je l'ai invité à dîner parce qu'on se rencontrait tout le temps comme cela pour échanger des choses. Je ne l'ai pas convoqué. À part cela, c'est lui qui a payé le dîner.

M. Bourbeau: Mais je crois que M. Laferrière nous a dit que c'est vous qui l'aviez...

M. Gauthier (Yves): Non, non. C'est moi qui l'ai appelé. Je ne dis pas que je ne l'ai pas appelé, mais je ne l'ai pas convoqué, comme cela a été dit. Je l'ai appelé parce qu'on s'appelle.

M. Bourbeau: Alors, quel était le but de la rencontre?

M. Gauthier (Yves): II n'y en avait pas, c'était pour échanger. Je vous l'ai dit, il y a exactement dix secondes. On se rencontrait à intervalles assez réguliers. On dînait, on jasait. Il avait une compagnie, il avait des actions dans une compagnie CÉGIR. On discutait de toutes sortes de choses.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez parlé du problème de la poursuite de la SEBJ contre le local 791?

M. Gauthier (Yves): Je vais relire ce que je vous ai lu ce matin, si vous le permettez. Il s'agissait d'un dîner entre amis. Nous avons pris des nouvelles l'un de l'autre. Nous avons échangé sur divers sujets. Je lui ai raconté mes aventures loufoques avec le syndicat. Quant à la Baie-James, je lui ai mentionné que le syndicat québécois poursuivi n'avait pas d'argent et que le syndicat américain était étranger à cette affaire et qu'il pourrait y avoir des risques de baisse de rendement au chantier qui aurait été coûteuse pour la SEBJ. C'est ce que je vous ai lu, ce matin, M. le Président. Cela n'a pas changé.

M. Bourbeau: Est-ce que vous avez tenté de convaincre M. Laferrière de l'opportunité, pour lui, en tant qu'administrateur de la SEBJ, d'abandonner la cause contre les syndicats?

M. Gauthier (Yves): Jamais! Quelqu'un qui connaît M. Laferrière ne s'essaie pas à de pareilles choses, monsieur.

M. Bourbeau: Est-ce que vous me permettriez de vous citer... M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: ...un extrait de ce que M. Laferrière a dit ici à cette commission?

M. Gauthier (Yves): Certainement.

M. Bourbeau: Au ruban 435, M. Laferrière a dit ceci: "J'ai vu dans cette démarche, un peu comme cela - enfin, il parlait de votre lunch - comme quelqu'un qui avait vécu récemment dans le monde syndical, concerné par notre poursuite - la poursuite de la SEBJ - et qui sortait les meilleurs arguments qu'il pouvait trouver pour que nous ne poursuivions pas dans cette action." Vous avez donc discuté de la cause?

M. Gauthier (Yves): On a discuté de la cause. Je vous ai dit et je le relis: "J'ai mentionné que le syndicat québécois poursuivi n'avait pas d'argent et que le syndicat américain était étranger à cette affaire." C'est cela que je lui ai dit.

M. Bourbeau: Les meilleurs arguments que vous sortiez pour que l'action ne soit pas poursuivie étaient lesquels?

M. Gauthier (Yves): C'était cela, et il le savait aussi bien que moi. Je pense bien lui avoir dit que les responsables étaient en prison, que cela fonctionnait bien sur le chantier et que les assurances avaient payé. Ma version ne peut pas changer tous les jours. C'était cela à partir du commencement. Cela ne me fait rien de répondre. Je ne veux pas être impoli, M. le député, mais ma réponse sera la même parce que c'est cela, mon idée. Je peux bien essayer de continuer, mais c'était cela.

M. Bourbeau: Vous étiez conscient que M. Laferrière siégeait au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James? (17 h 45)

M. Gauthier (Yves): Ah oui! Je connaissais au moins six ou sept membres du conseil d'administration. J'aurais pu tous les appeler, si je l'avais voulu, mais ils n'étaient pas mes "chums" plus qu'il ne faut. Je connais M. Saulnier depuis 30 ans. J'avais vu M. Boyd à quelques reprises à l'occasion de la signature de contrats. J'en connaissais d'autres. J'avais déjà fait une interview avec le notaire Gauvreau lorsque j'étais à la Chambre des notaires. J'en connaissais au moins six. Je n'ai pas passé mon temps à les appeler. Je n'avais pas affaire à les appeler. J'ai appelé Laferrière parce qu'on mangeait ensemble. Je n'y vois rien, mais en tout cas...

M. Bourbeau: Est-ce que M. Laferrière était au courant que vous étiez conseiller spécial au bureau du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Ah oui! D'ailleurs, il a dit dans son témoignage qu'il en était bien conscient. Je venais d'être nommé. On a été nommé ensemble, en même temps, moi le 3 octobre et lui aussi, je crois.

M. Bourbeau: Lorsque vous avez discuté de la cause avec M. Laferrière lors de cette réunion-là, puisque vous étiez conseiller spécial au bureau du premier ministre, est-ce que les intérêts de la SEBJ ont été défendus par quelqu'un?

M. Gauthier (Yves): Je n'ai jamais mis en cause l'action. Tout ce que je lui ai dit, c'est ce que je vous lis là. Il ne m'a pas parlé de la SEBJ. Il ne m'a pas dit que sa cause était bonne, rien de cela. Il m'a écouté. M. Laferrière n'est pas un homme qui parle beaucoup, il vous écoute.

M. Bourbeau: C'est donc vous qui parliez?

M. Gauthier (Yves): D'habitude, je parle pas mal, je parle trop. C'est ce que mon avocat me dit.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Laferrière a défendu les intérêts de la SEBJ dans votre discussion?

M. Gauthier (Yves): II venait d'entrer là. Je pense bien qu'il n'avait pas commencé à être pris dans le bain de la cause. Il était là depuis un mois. Il ne devait pas avoir eu beaucoup de réunions, non plus. Je ne le sais pas et cela ne m'intéresse pas plus que cela. Je ne l'appelais pas parce qu'il était à la SEBJ; je l'appelais parce qu'il m'arrivait de manger avec lui. C'est tout.

M. Jutras: M. le Président, je soulève une objection parce que ce genre de questions laisse entendre que les intérêts de la SEBJ étaient en péril lors de cette rencontre privée. Il n'y a aucune espèce de preuve indiquant cela, jusqu'à maintenant.

M. Lalonde: Sur l'objection, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...je pense bien que le député de Laporte - si je me souviens bien de la première question - voulait savoir si M. Laferrière avait pris la défense de la SEBJ, aurait émis des arguments en faveur du maintien de la cause; c'est cela qu'il a voulu dire.

M. Gauthier (Yves): Je peux répondre. C'était une discussion à bâtons rompus. Il ne m'a pas dit que leur cause était bonne. On n'a pas parlé de cela. Comme je vous l'ai dit, nous avons parlé de syndicat, de toutes ces choses-là, mais on ne s'est pas étendu sur cela. D'ailleurs, je vous répète que M. Laferrière n'est pas un homme à qui on dit quoi faire. C'est un homme assez intransigeant, c'est un homme de principe.

M. Bourbeau: Vous avez fait valoir les arguments que vous nous avez exposés. Quelle a été la réaction de M. Laferrière vis-à-vis de vos arguments, à vous?

M. Gauthier (Yves): Je pense que vous l'avez lu. Dans ses notes, il vous a dit ses impressions. Référez-vous à son témoignage.

M. Bourbeau: À votre souvenir, à vous?

M. Gauthier (Yves): Référez-vous au témoignage, ce sera plus sûr. Cela va être lui qui le dit; ce ne sera pas moi.

M. Bourbeau: Êtes-vous d'accord avec le témoignage que M. Laferrière nous a fait ici? Vous l'avez entendu?

Le Président (M. Jolivet): Non. C'est une question d'opinion, M. le député, et je ne vous accorde pas la question.

M. Bourbeau: C'est lui qui réfère au témoignage, M. le Président. C'est le témoin qui réfère au témoignage. Il vient de me référer spécifiquement au témoignage. Je pourrais reprendre toutes les questions de M. Laferrière.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je ne crois pas que Me Gauthier ait dit à aucun moment qu'il partageait la version des faits qu'a relatés ici M. Pierre Laferrière. J'ai très bien compris, cela vient d'arriver il y a quelques minutes à peine. Me Gauthier a dit: Si vous voulez savoir le point de vue de M. Laferrière, référez-vous à son témoignage. C'est ce que tout le monde a compris.

La question qui est venue ensuite est irrecevable, M. le Président. Le député de Laporte demande à Me Gauthier de porter une opinion sur le témoignage qui a été rendu devant la commission par M. Laferrière. Chaque fois qu'une question en ce sens a été formulée à un témoin, je m'y suis opposé et vous avez jugé, M. le Président, que ce genre de question était irrecevable.

Le Président (M. Jolivet): Celle-ci aussi, je l'avais jugée irrecevable. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Quelles questions M. Laferrière vous a-t-il posées au sujet de la cause?

M. Gauthier (Yves): Aucune. M. Bourbeau: Aucune question. M. Gauthier (Yves): À mon souvenir. M. Bourbeau: Pardon?

M. Gauthier (Yves): J'ai dit: À mon souvenir, il ne m'en a posé aucune.

M. Bourbeau: Vous a-t-il dit que lui favorisait l'abandon de la poursuite?

M. Gauthier (Yves): Non, il ne m'a rien dit. Je vous dis que sur la SEBJ il devait peut-être se dire: Je vais me documenter avant de parler. Mais il n'a pas parlé de cela. Il m'a écouté et cela a fini là.

M. Bourbeau: Avez-vous mis le premier ministre, M. Lévesque, au courant de cette démarche auprès de M. Laferrière?

M. Gauthier (Yves): Non, voyons! Ce n'était pas une démarche, premièrement; je l'ai rencontré pour dîner; ce n'était pas une grosse démarche. Ce n'est pas une démarche dans mon sens, en tout cas.

M. Bourbeau: Me Gauthier, est-il exact que, vers la fin de juin 1978, alors que vous étiez président du conseil d'administration du local 791, vous avez communiqué par téléphone avec Me Rosaire Beaulé, l'avocat des syndicats américains, afin de solliciter une rencontre avec lui?

M. Gauthier (Yves): Non, ce n'est pas exact.

M. Bourbeau: Ce n'est pas exact. Est-ce que vous avez eu une rencontre à cette période, fin juin ou début juillet 1978, avec Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin?

M. Gauthier (Yves): À ce moment-là, on en a eu une, mais ce n'est pas moi qui ai appelé Me Rosaire Beaulé.

M. Bourbeau: Vers quelle date a eu lieu cette rencontre?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. M. Bourbeau: À peu près, l'époque?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas, mais si je me réfère à ce qu'il dit, ce serait en juin ou juillet.

M. Bourbeau: Vous souvenez-vous de la rencontre?

M. Gauthier (Yves): Pardon?

M. Bourbeau: Vous souvenez-vous d'avoir été présent?

M. Gauthier (Yves): Je les ai vus, je sais que je les ai vus une fois. C'est tout, je ne peux pas vous en dire plus. Mais ce n'est pas moi qui ai appelé Me Rosaire Beaulé, j'en suis pas mal certain.

M. Bourbeau: Est-ce que vous vous souvenez spécifiquement d'avoir eu cette rencontre à laquelle Me Beaulé a référé?

M. Gauthier (Yves): Je ne me souviens pas d'une rencontre spécifique; je me souviens de l'avoir vu une fois. Je l'ai dit ce matin, je crois.

M. Bourbeau: Avec Me Jasmin?

M. Gauthier (Yves): Oui, Me Jasmin est venu une fois. On est allés dîner.

M. Bourbeau: Ah bon! Donc, vous vous souvenez d'être allé dîner?

M. Gauthier (Yves): Oui, oui. Je l'ai dit ce matin.

M. Bourbeau: Ah bon! D'accord.

M. Gauthier (Yves): J'y étais allé une fois avec M. Rosaire Beaulé et M. Michel Jasmin.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y avait d'autres participants à la rencontre?

M. Gauthier (Yves): Non, je ne m'en souviens pas. Je ne le pense pas.

M. Bourbeau: Est-ce que je peux vous demander à quel endroit vous êtes allés dîner?

M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas. C'était peut-être à l'hôtel La Cité, sur Bleury, peut-être. Il me semble que c'était là, mais je ne m'en souviens pas.

M. Bourbeau: Vous étiez président du conseil du local 791. Me Jasmin était votre avocat. Me Beaulé était l'avocat de l'union mère, si on peut dire, des Américains.

M. Gauthier (Yves): Oui.

M. Bourbeau: Alors, les deux avocats qui étaient avec vous étaient les avocats syndicaux des défendeurs dans la poursuite de la SEBJ. Est-ce que les avocats ont préparé une stratégie commune lors de cette

réunion?

M. Gauthier (Yves): Je crois que ce matin... Je peux le répéter, il n'a jamais été question de stratégie. De stratégie commune, non. J'ai l'impression que chacun s'en allait de son côté. Mais, je l'ai dit ce matin, il n'était pas question de dire: On va faire cela et, ensuite, on fera telle étape.

M. Bourbeau: Quel était le but de la réunion, alors?

M. Gauthier (Yves): C'était seulement pour faire le point. Ils m'ont appelé.

M. Bourbeau: Le point?

M. Gauthier (Yves): Bien oui. Pour savoir où ils s'en allaient dans leur action.

M. Bourbeau: Sur la poursuite?

M. Gauthier (Yves): Bien oui. J'ai bien l'impression que M. Rosaire Beaulé était nouveau dans le dossier. Quand a-t-il été nommé?

M. Bourbeau: Avril.

M. Gauthier (Yves): On l'a dit ce matin, en avril.

M. Bourbeau: Avril, oui.

M. Gauthier (Yves): Alors, le temps d'aller voir ses clients et tout cela, il a voulu me rencontrer, ainsi que M. Jasmin.

M. Bourbeau: Alors, vous avez discuté de la poursuite?

M. Gauthier (Yves): On a discuté de la poursuite, oui.

M. Bourbeau: Est-ce qu'à ce moment il a été discuté entre vous de la possibilité d'obtenir un abandon de la poursuite?

M. Gauthier (Yves): Non. Jamais, M. le Président. Il n'en était pas question. D'abandonner complètement la poursuite?

M. Bourbeau: D'obtenir l'abandon, oui.

M. Gauthier (Yves): Non, je ne me souviens pas de cela.

M. Bourbeau: De négocier un règlement hors cour?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Vous vous en souvenez?

M. Gauthier (Yves): Je ne me souviens pas, mais, d'après moi, il n'a pas été question de cela. Les autres préparaient leur action, c'est tout.

M. Bourbeau: Mais vous êtes certain qu'il n'en a pas été question?

M. Gauthier (Yves): Pas mal certain. Si vous me le demandez trois fois, je vais peut-être finir par avoir des doutes. Vous êtes insistant pas mal.

M. Lalonde: Vous voyez, M. le Président, sur la question de règlement...

M. Gauthier (Yves): Une affaire est sûre, on n'a pas parlé de stratégie comme: On va faire cela, toi, tu vas faire cela et penses-tu qu'on pourrait régler? Il n'était pas question de cela. D'abord, M. Beaulé était bien plus dur que tous les autres parce que sa cause était bonne en "moses", d'après lui.

M. Bourbeau: Combien de temps a duré cette réunion?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas, M. le Président. Je n'en ai aucune idée. Comme je vous le dis, je ne sais même pas si c'était à La Cité ou ailleurs. J'ai l'impression que c'était à La Cité. Ç'aurait pu être au Méridien, parce que c'était plus commode et plus proche de mon bureau, mais je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Mais vous vous souvenez que le sujet de la réunion, c'était la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Bien oui.

M. Bourbeau: N'y a-t-il pas d'autres souvenirs qui vous reviennent de cette réunion?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Très bien. Au moment de cette réunion - enfin, il me semble que c'était au début de juillet 1978 - saviez-vous que vous quitteriez bientôt vos fonctions de président du syndicat pour accéder à un poste de conseiller spécial auprès du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.

M. Bourbeau: M. Jean-Roch Boivin était-il au courant de cette réunion?

M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Je ne lui parle pas à Jean-Roch. Je n'étais même pas au gouvernement. Je ne lui en ai

pas parlé en tout cas. Cela, je le sais.

M. Bourbeau: Est-ce que vous rencontriez Me Jean-Roch Boivin parfois?

M. Gauthier (Yves): Jamais! Je l'ai vu une fois, et il m'a engueulé. Excusez-moi, ce n'était pas pendant mes fonctions, c'était un an avant, et notre réunion n'a pas marché.

M. Bourbeau: Mais, au cours de votre séjour à la tutelle du local 791, avez-vous rencontré Me Boivin à l'occasion?

M. Gauthier (Yves): Jamais. Pendant que j'étais tuteur?

M. Bourbeau: Oui.

M. Gauthier (Yves): Boivin? Jamais.

M. Bourbeau: Vous ne l'avez jamais rencontré?

M. Gauthier (Yves): Je l'ai rencontré une fois, comme je vous l'ai dit, et on était peut-être une dizaine de personnes, au Méridien. On était un groupe d'amis. Il n'a pas été question... Ce n'était pas sa préoccupation, j'ai l'impression; il avait bien d'autres chats à fouetter. Non, je peux vous rassurer, M. le Président, avant que je sois à la tutelle, je n'ai jamais rencontré Boivin pour lui parler de tutelle. Pour moi, cela n'existait même pas. C'est seulement lorsque Bachand m'en a parlé.

M. Bourbeau: Mais, après avoir été nommé à la tutelle, avez-vous rencontré Me Boivin? C'est cela, ma question.

M. Gauthier (Yves): Non, non.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas rencontré Me Boivin avant d'arriver au bureau du premier ministre?

M. Gauthier (Yves): Je l'ai rencontré ici, lorsque je suis venu pour négocier mon engagement.

M. Bourbeau: Lors de la réunion avec Me Beaulé et Me Jasmin, la réunion dont on parle, en juillet 1978, est-ce qu'il a été question d'autre chose que de la poursuite de la SEBJ?

M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas, M. le Président.

M. Bourbeau: Me Beaulé, à cette occasion, vous a-t-il demandé d'organiser une rencontre au bureau du ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, afin de permettre à ses clients américains de rencontrer le ministre du Travail?

M. Gauthier (Yves): En juin?

M. Bourbeau: Oui, lors de votre réunion.

M. Gauthier (Yves): Vous parlez de juin 1978?

M. Bourbeau: Enfin, à la date dont vous parlez.

M. Gauthier (Yves): Je ne parle pas de date, je ne le sais pas. C'est vous qui parlez d'une date.

M. Bourbeau: Je ne peux pas vous la donner; vous ne vous en souvenez pas. Mais vous avez dit que Me Beaulé avait raison de dire qu'il y avait eu une réunion. Vous ne vous souvenez pas de la date, mais il semble que c'était au début de juillet 1978.

M. Gauthier (Yves): Oui, mais...

M. Bourbeau: Lors de cette réunion, est-ce que c'est à ce moment...

M. Gauthier (Yves): S'il m'a demandé de préparer une réunion?

M. Bourbeau: Oui.

M. Gauthier (Yves): Non. C'est après, cela.

M. Bourbeau: Ah bon!

M. Gauthier (Yves): Les Américains voulaient venir ici. Il m'a demandé: Peux-tu organiser un rendez-vous?

M. Bourbeau: À quel moment vous a-t-il demandé d'organiser cette réunion?

M. Gauthier (Yves): C'était en août, je pense, avant que je sois nommé à la tutelle. Non, j'étais tuteur. Avant que je quitte mon bureau de notaire. C'était dans la dernière semaine, je me le rappelle.

M. Bourbeau: La rencontre en question que vous avez organisée au bureau du ministre du Travail, Pierre-Marc Johnson, quand a-t-elle eu lieu?

M. Gauthier (Yves): Si je me réfère à Me Beaulé, c'était le 28 août. Cela concorde à peu près à cela, parce que c'était ma dernière semaine à mon étude de notaire.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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