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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 7 février 1985 - Vol. 28 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Beauséjour): La commission permanente de l'économie et du travail reprend ses travaux afin de poursuivre l'étude article par article du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous sommes rendus à l'étude de l'article 331.

Compétence de la commission et droit d'appel

M. Fréchette: M. le Président, depuis que nous avons amorcé nos travaux en commission parlementaire, quelque part autour du début du mois de décembre dernier, nous avions, par voie de consentement de tous les membres de la commission, convenu de procéder à une discussion d'ordre général quand on arriverait à des chapitres que tout le monde considérait d'importance majeure, sans trop de considération à l'égard du temps de parole alloué à l'un ou l'autre des intervenants, toujours en fonction, comme je viens de le dire, de l'importance du sujet que nous aborderions. Je pense que l'on va tous convenir, à partir de l'audition d'hier, qu'on est en face, effectivement, d'un chapitre très important de la loi, un chapitre qui est préoccupant pour tout le monde. Je suggère, si mes collègues sont d'accord, que l'on procède de la même façon, c'est-à-dire que l'on fasse un débat large, ouvert, un débat de principe sur le phénomène global de l'appel. À partir des conclusions que l'on tirera de cette discussion générale et à partir aussi des décisions vers lesquelles cela nous amènera, on entreprendra ensuite l'étude du projet article par article. Je ne sais pas si cela convient aux membres de la commission, mais, en tout cas, moi j'en fais...

M. Cusano: Consentement.

Le Président (M. Beauséjour): II y a consentement. Alors, de consentement, allez-y, M. le ministre.

Discussion générale M. Raynald Fréchette M. Fréchette: M. le Président, comme je viens de vous l'indiquer, le phénomène que nous nous apprêtons à étudier, celui de l'appel, en est un qui a un caractère particulièrement important. Pour ceux qui n'étaient pas déjà sensibilisés à cette dimension, l'audition hier du juge Poirier a sans doute contribué à faire disparaître toute équivoque à cet égard.

Prenons l'état actuel des choses, M. le Président. Prenons les propositions qui sont contenues dans le projet de loi 42 et considérons, à la toute fin de nos discussions, les autres possibilités qui peuvent être mises sur la table.

Le mécanisme qui existe actuellement prévoit qu'une première décision est rendue par un fonctionnaire de la commission. Cette décision, évidemment, elle est connue, elle est soumise à l'une et l'autre des deux parties impliquées dans le litige. Généralement parlant, l'une des parties va être satisfaite de la décision, l'autre ne le sera pas.

La partie qui n'est pas satisfaite et qui désire porter en appel la décision qui vient de lui être connue, dans l'état actuel des choses, doit se retrouver devant un organisme qu'on appelle un bureau de révision. Le bureau de révision est une instance interne à la commission et au bureau de révision siège un fonctionnaire de la commission.

Lorsqu'on a procédé à l'audition devant cette première instance, que la décision est également déjà rendue, que le jugement est rendu, la partie qui n'a pas eu gain rie cause devant cette instance peut décider aussi d'en appeler, mais, dans l'état actuel des choses, seulement en matière de réparation, strictement en matière de réparation, et devant la Commission des affaires sociales. La réparation se réfère, comme on l'a dit hier, d'abord au phénomène du droit à une indemnisation puis peut-être, lorsque le droit est reconnu ou a été reconnu, au phénomène du quantum de l'indemnisation et, troisièmement, au phénomène de la réparation aussi, mais relié au phénomène du retrait préventif, lorsque quelqu'un a décidé d'exercer ce droit au retrait préventif.

Mais il n'y a pas, dans l'état actuel des choses, de recours en appel devant la Commission des affaires sociales de toute autre décision que rend le bureau de révision. Si, par exemple, un employeur qui n'est pas satisfait de sa cotisation veut aujourd'hui soumettre le litige à une instance

externe de la commission, il ne peut pas le faire, il ne peut absolument pas le faire.

Ce serait la même chose, par exemple, pour les nouvelles dispositions qui concernent le droit de retour au travail. Si l'on doit garder la situation actuelle, lorsqu'un salarié exercera son droit de retour au travail et qu'il ne sera pas satisfait de la décision qui a été rendue, il se retrouvera devant le bureau de révision et cela finira là, si la situation doit demeurer ce qu'elle est actuellement.

Toutes les auditions que nous avons tenues depuis le début, en commission parlementaire ou autrement, nous ont convaincus de la nécessité de faire disparaître le bureau de révision dans l'état où il existe actuellement. La formule que préconise le projet de loi 42 est de remplacer cet exercice-là par un phénomène qu'on a convenu d'appeler une révision administrative. Dans le projet de loi 42 toujours, il est actuellement prévu que la partie qui n'est pas satisfaite de la décision rendue en révision administrative peut se retrouver devant une commission d'appel. Il semble que la plupart des intervenants, sinon tous, autant patronaux que syndicaux, ne soient pas tout à fait heureux de la suggestion faite de remplacer le bureau de révision actuel par le simple phénomène ou mécanisme de la révision administrative.

M. le Président, à partir de là et compte tenu des représentations que nous entendons depuis le début de nos études sur le projet de loi 42, depuis son dépôt en novembre 1983, je pense qu'un compromis entre l'actuel bureau de révision et la révision administrative qui est suggérée dans le projet de loi 42 peut être possible et devrait - si encore c'est un idéal qui peut être atteint - je ne dis pas satisfaire tout le monde, mais, en tout cas, faire disparaître certaines appréhensions qui existent actuellement.

Ce compromis serait d'instaurer dans la loi 42 le même mécanisme de révision que celui que l'on retrouve à la commission de l'assurance-chômage. Actuellement, le bénéficiaire d'assurance-chômage qui n'est pas satisfait de la décision que rend le fonctionnaire, quant à son droit à des prestations, se retrouve devant une instance que l'on appelle un conseil arbitral. Au conseil arbitral siège un président nommé par le gouvernement fédéral, lequel est, dans l'instance, l'organisme payeur. Y siègent également un représentant des travailleurs et un représentant des employeurs; l'un et l'autre - et je parle toujours du phénomène de l'assurance-chômage - étant nommés par le gouvernement fédéral. Mais là, le principe de la parité existe, et il me semble que c'est le genre d'institution auquel nous pourrions très sérieusement penser pour les phénomènes de santé et de sécurité.

Voici les avantages qui pourraient découler d'une décision de ce genre-là. D'abord, et c'est un principe qui doit l'emporter sur tous les autres, le principe de l'audi alteram partem est respecté à l'étape de l'audition et à l'étape de la décision également, parce que, au conseil décisionnel, il y aura des représentants de l'une et l'autre des parties. Donc, respect intégral de ce principe fondamental de droit, non seulement permettant, mais obligeant l'audition de toutes les parties; et comme je viens de le dire aussi, assez curieusement d'ailleurs, mais le phénomène serait quand même celui que je vous dis, les parties se retrouveraient également sur le banc et seraient investies de l'autorité pour participer à la décision.

Il me semble également que, si une institution de cette nature-là existait, l'on pourrait arriver à contrer, ne serait-ce que partiellement, le phénomène de la multiplicité des appels dont nous a parlé le juge Quesnel hier...

M. Cusano: Poirier.

M. Fréchette: ...c'est parce que je viens de laisser le juge Quesnel dans un autre dossier, je m'excuse - dont nous a parlé le juge Poirier hier. Il nous a tous convaincus, par une démonstration fort éloquente, qu'il y avait une telle multiplicité d'appels que c'était impensable de pouvoir, dans l'état actuel des choses, augmenter la juridiction qui est celle de la Commission des affaires sociales.

Si on retenait un mécanisme d'appel, par exemple, prenons cela comme postulat, cela pourrait, à mon sens, limiter très sérieusement un nombre important d'appels, particulièrement dans les cas où ce bureau de révision rendrait une décision unanime. Si les trois commissaires ou les trois arbitres, appelons-les comme on voudra, siégeant à ce conseil arbitral rendaient une décision unanime, je serais étonné que la partie qui n'a pas eu gain de cause devant ce bureau de révision entreprenne le sérieux et important défi de se retrouver devant une instance d'appel pour essayer de faire renverser une décision qui aurait été unanime, mais elle aurait le droit de le faire cependant. Si on retenait un mécanisme d'appel, elle aurait, malgré le fait d'une décision unanime de trois arbitres, le droit de se retrouver en appel.

Il me semble également qu'à partir d'une institution composée de la façon dont je viens de le dire, qui respecterait également les principes auxquels on s'est référé, les parties auraient plus la conviction, sinon complètement la conviction, que justice a été rendue. Elles auraient cette conviction, ne serait-ce que pour le seul motif qu'elles ont, autant au niveau de

l'audition de la cause qu'au niveau de la décision par le représentant qui s'y trouve, elles auront très certainement plus le sentiment profond que justice a été rendue, ce qui, entre nous - on n'a pas besoin de grandes démonstrations pour s'en convaincre - n'est pas l'état actuel des choses, soyons clairs entre nous, quand on parle des décisions du bureau de révision, pour toutes sortes de motifs sur lesquels il n'est sans doute pas utile d'élaborer davantage.

Il y a par ailleurs, M. le Président, des inconvénients dont il nous faut être conscient. C'est sûr que, si l'on doit réunir un tribunal de trois personnes dont deux ne sont pas assignées à temps plein à ce genre de travail - le représentant patronal et le représentant syndical ne seront évidemment pas assignés è temps plein et l'expérience de l'arbitrage des griefs, par exemple, le démontre à l'évidence - on va avoir, évidemment, des difficultés à composer et à réunir le quorum des trois membres. Pour ceux qui ont une expérience, ne serait-elle que relative, du phénomène des relations de travail, ces gens savent que vous fixez une audition devant un tribunal de trois membres pour le 10 mars; le 8 mars, vous avez un appel téléphonique vous disant que tel assesseur ou tel arbitre ne peut pas être là, l'autre est malade, l'avocat n'est pas là ou il manque un témoin. C'est un phénomène avec lequel, si on retenait ces propositions, il faudrait vivre et qui est, de toute évidence, en relation directe avec le phénomène de la disponibilité.

Il y a aussi ce risque qui est évident et que l'on retrouve, d'ailleurs, dans tout le phénomène des relations du travail, encore une fois, dans la majorité des dossiers, il est très clair que le président devra, de toute évidence, trancher le litige.

Je parlais de décision unanime tout à l'heure. Convenons entre nous que ce ne sera sûrement pas la règle. Cela ne sera pas la règle. La règle va plutôt être le phénomène de la décision majoritaire: le président avec qui l'arbitre patronal est d'accord et l'arbitre syndical en désaccord, ou le président avec qui l'arbitre syndical est en accord et l'arbitre patronal en désaccord. Cela va être la règle beaucoup plus que la règle de l'unanimité dont on parlait tout à l'heure. Convenons également que le processus d'audition va être plus formaliste, va être plus lourd que celui que l'on retrouve devant un bureau de révision composé d'un seul membre. Connaissant notre tempérament de Latin, connaissant la culture qui existe dans le domaine des relations du travail, il y a un danger évident de judiciarisation. Soyons clairs entre nous. Il y a un danger évident de judiciarisation. Quand les parties, comme ce sera leur droit strict, se feront représenter par avocat devant ce tribunal, il est très clair que les objections préliminaires vont pleuvoir, des objections de juridiction, des objections de forme ou de fond. On va en avoir à la tonne, comme il en existe déjà devant la Commission des affaires sociales, et c'est une des raisons pour lesquelles il y a ce nombre de remises dont nous parlait le juge Poirier.

Le matin prévu pour l'audition d'une cause, que l'une ou l'autre des deux parties soulève une question de droit, cela débouche toujours sur la nécessité de procéder à remettre la cause pour disposer de l'objection de droit, à moins que le cas ne soit suffisamment clair dans l'esprit de celui qui l'entend pour en disposer immédiatement et ensuite procéder au fond. Mais il y a ce risque qui doit retenir notre attention et que nous devons évaluer dans l'ensemble de l'étude de ce dossier. Si, par malheur, l'institution devait à outrance se judiciariser, nous allons être obligés de composer avec le même phénomène que celui dont on a parlé hier, le risque sérieux de se retrouver devant une multiplication de délais, une prolongation inutile des délais.

Voilà! On a devant nous le plateau, M. le Président. D'un côté, il y a des avantages, le plus important de ces avantages étant encore une fois le respect de la règle fondamentale en droit qui est celle qui oblige un tribunal, une instance, quelle qu'elle soit, à entendre la partie adverse, et l'autre avantage étant de permettre aux parties de participer à la décision. Les inconvénients sont ceux dont je viens de vous parler. Mais je vous signale que, quant à moi, et quoi qu'il arrive de la décision que nous prendrons quant à un mécanisme d'appel au-delà de ce bureau de révision dont je viens de parler, je serais tout à fait disposé à amender notre projet de loi pour qu'on y retrouve le mécanisme nouveau des bureaux de révision sous la forme dont je viens de parler.

Comment serait-il composé? Il y aurait, à mon sens, nécessité que ce tribunal, ce bureau d'arbitrage soit présidé par un officier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, sans quoi, s'il n'est pas présidé par un officier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, cela devient un organisme externe et là, cela ne nous sert plus à rien de parler d'une instance qui procède à partir de l'endroit où la décision se prend. L'assesseur ou l'arbitre patronal pourrait être nommé par les parties patronales qui siègent au conseil d'administration de la CSST. Est-ce qu'il n'est pas possible, par exemple, de penser que la partie patronale qui siège au conseil de la CSST puisse identifier, dans toutes les régions où la commission a un bureau à travers le territoire du Québec, une dizaine de personnes du monde patronal qui accepteraient, par rotation, d'aller siéger à ce bureau et le même phénomène,

évidemment, se produirait pour la partie syndicale? Les parties syndicales représentées au conseil d'administration de la CSST pourraient identifier des arbitres qui proviennent des milieux syndicaux et qui siégeraient en région au fur et à mesure qu'ils seraient appelés à le faire. Les honoraires et les frais de ces arbitres seraient évidemment assumés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, bien que je vous réitère que je sois ouvert à cet égard à toute autre forme de suggestion ou de proposition qui pourrait avoir comme effet de bonifier l'objectif que l'on vise. (10 h 30)

Cela nous amène maintenant, M. le Président, à une considération fort importante quant à une décision à prendre aussi. Qu'allons-nous faire maintenant du mécanisme d'appel externe à la commission, tenant pour acquis que ce bureau de révision dont je viens de parler, qui a la forme d'un conseil arbitral, est mis sur pied? Les renseignements que nous a fournis hier le juge Poirier sont éloquents à bien des égards. Il me paraîtrait tout à fait contre-indiqué d'ajouter à la Commission des affaires sociales des juridictions en matière d'accidents du travail au-delà de celles qu'elle a déjà, si l'on veut qu'effectivement, à un moment donné, après que les ressources humaines auront été ajoutées, parce qu'il est évident qu'il y a aussi cette nécessité, elle prenne le rythme de croisière dont parlait le juge Poirier hier. Cela me paraît être tout à fait péremptoire et je ne vois pas comment on pourrait retenir que l'on pourrait ajouter, dans l'état actuel des choses, des juridictions à la Commission des affaires sociales.

L'alternative devant laquelle nous sommes est la suivante: Ou bien nous procédons à la création d'un organisme externe qui aura juridiction sur toutes les matières faisant l'objet d'une considération par la commission. Cela veut donc dire le droit de retour au travail. Cela veut dire la réadaptation. Cela veut dire la fermeture d'usine. Cela veut dire la pose des scellés. Cela veut dire la cotisation, la classification. Un organisme externe, donc, qui a juridiction pour entendre en appel toutes les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et l'instance qui serait ce conseil arbitral. Ou bien c'est le statu quo pour une période de temps que je ne saurais être capable d'évaluer. Mais c'est le statu quo, de sorte que les décisions rendues par ce conseil arbitral en première instance, dans toutes les matières autres que celles qui concernent la réparation, ne seront pas appelables à l'externe.

Je ne me vois pas commencer à faire une espèce de choix dans les autres matières que celle de la réparation pour indiquer que, par exemple, la réadaptation deviendra appelable et la Commission des affaires sociales sera saisie de cette juridiction. La classification des employeurs sera aussi dorénavant une matière appelable et on la déférera à la Commission des affaires sociales. La fermeture d'une entreprise, qui est une situation particulière et pour laquelle une décision doit être rendue sans délai, devrait être appelable et soumise à l'appréciation de la Commission des affaires sociales. Je pense que c'est absolument impensable. Ce serait carrément invivable pour tout le monde que d'ajouter d'autres juridictions à la Commission des affaires sociales que celles qu'elle a déjà. Ce serait davantage inquiétant, et c'est le juge Poirier qui le disait lui-même, vu qu'en plusieurs de ces matières-là, dans l'état actuel des choses, la Commission des affaires sociales n'a aucune espèce d'expertise. Elle n'a aucune espèce d'expertise.

La situation que l'on pourrait imaginer est celle où, par exemple, la classification de l'Alcan est en litige et Alcan a décidé de procéder devant une instance d'appel pour faire réévaluer la première décision qui a été rendue. Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'un dossier comme celui-là se retrouve, dans l'état actuel des choses, devant un commissaire de la Commission des affaires sociales? Je réitère, et c'est peut-être la première fois, depuis six semaines que l'on travaille sur ce dossier, que j'ai l'air d'être catégorique, que je ne vois pas comment autrement on peut réussir à atteindre l'objectif.

Une dernière considération, quant à moi, M. le Président, quant à la formation de cette éventuelle commission d'appel externe. Je n'y ai pas participé, mais je me suis laissé expliquer par plusieurs personnes, depuis plus de deux ans maintenant, que, lorsque la décision a été prise, en 1977, d'amender les lois aux fins de permettre un appel externe à la Commission des affaires sociales en matière de réparation, cela a été un tollé de protestations. Toutes ou à peu près toutes les associations patronales, une bonne partie des associations syndicales, une bonne partie des associations d'accidentés -et revenons aux débats de ce moment-là -ont protesté avec beaucoup de véhémence, indiquant que cela n'avait aucun sens de déférer à la Commission des affaires sociales des dossiers de cette nature. Et pourtant, aujourd'hui, ce sont les mêmes personnes qui plaident avec autant de conviction, avec autant de fermeté qu'on ne devrait pas retirer de la Commission des affaires sociales la juridiction qui est la sienne actuellement.

Et j'ai compris pourquoi cette commission a une réputation excellente, par ailleurs, de protecteur du contribuable à qui une indemnité du revenu est due en vertu de l'un ou l'autre des systèmes qui existent.

C'est tout à fait correct qu'il en soit ainsi.

Là où je suis un peu tourmenté - je vous le dis comme je le pense - c'est pourquoi faut-il aujourd'hui présumer qu'une nouvelle instance d'appel changerait, mais complètement, la vocation de la Commission des affaires sociales? Pourquoi faudrait-il présumer aujourd'hui qu'à l'intérieur d'une nouvelle instance d'appel siégeraient des gens qui n'ont pas de coeur, siégeraient des gens qui n'ont aucune préoccupation sociale, siégeraient des gens qui ne sont pas capables de considérer des dossiers à partir des principes et des préoccupations d'ordre juridique, bien sûr, mais à partir de préoccupations d'ordre social? Pourquoi faut-il conclure maintenant qu'un organisme externe ne pourrait pas avoir très précisément la même préoccupation en cette matière que la préoccupation qu'a eue, depuis que la juridiction lui appartient, la Commission des affaires sociales en cette matière? J'aimerais que l'on m'explique pourquoi il faudrait que cela devienne, comme plusieurs l'ont dit, l'officine des patrons. J'aimerais qu'on m'explique pourquoi.

L'on présume sans doute à partir de préoccupations bien fondées, mais je voudrais me faire convaincre que, parce que ce sera un organisme de l'extérieur, cela ne pourra pas avoir de vocation ou de considération d'ordre social. Et rappelons-nous bien que le juge Poirier nous a dit hier que le premier critère à partir duquel les décisions se rendent est un critère de préoccupation d'ordre juridique, un critère de préoccupation de suivi ou, enfin, de conformité dans la jurisprudence. Donc, c'est une première question à laquelle je n'ai pas, quant à moi, jusqu'à maintenant eu de réponse.

Voici l'autre préoccupation qu'on a mise sur la table depuis qu'on est en train d'étudier le projet de loi: si une semblable commission d'appel devait exister et était redevable, quant à son administration, au ministre responsable de l'application de la loi sur la santé et la sécurité, il y a un danger, ne serait-il qu'apparent, qu'un conflit d'intérêts pourrait exister, parce que le ministre responsable de l'application de la loi serait en même temps le ministre à qui cette commission devrait rendre compte de son mandat.

Ce que je suis prêt à suggérer, si, encore, on est prêt à faire un bout de chemin dans ce sens, c'est que cette commission d'appel soit "redevable", entre guillemets, de son mandat au ministre de la Justice plutôt qu'au ministre du Travail. Ce caractère de neutralité, ce caractère d'objectivité dont on a tellement parlé. Ce sont particulièrement les députés de Portneuf et de Brome-Missisquoi qui, au tout début de nos travaux, parlant de la commission d'appel, se sont référés au danger de ce conflit d'intérêts, au danger de l'absence de caractère d'objectivité ou de neutralité. Il me semble que, si un organisme comme celui-là relevait à tous égards du ministère de la Justice, la difficulté dont je viens de parler disparaîtrait complètement.

L'autre chose dont on a peur - cela a été dit ici, dans les corridors, dans les journaux - qui va siéger là qui se trouve déjà à la Commission de la santé et de la sécurité du travail actuellement? Je ne peux pas m'engager pour l'avenir, M. le Président, je ne peux pas m'engager pour les autres non plus, mais je peux prendre un engagement en ce qui me concerne. Personne qui est actuellement un fonctionnaire à la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne se retrouverait comme commissaire à cette commission d'appel. Cela deviendrait d'autant plus vrai maintenant que l'on conserverait sous une autre forme les bureaux de révision qui, autrement, auraient disparu et auraient ainsi libéré du personnel. Si on garde le bureau de révision sous la forme dont on vient de parler, les fonctionnaires qui y sont affectés devront y demeurer. L'engagement que je peux prendre pour moi, et seulement pour moi, c'est celui dont je viens de vous parler de faire en sorte qu'aucun de ces commissaires régionaux ne serait issu ou bien des bureaux de révision ou de quelque autre service de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Une autre préoccupation qui est véhiculée avec beaucoup de conviction suivant les milieux d'où elle provient, c'est de dire: cela va s'appeler la Commission d'appel en matière de santé et de sécurité. Dans l'esprit de la population, c'est un organisme de la Commission de la santé et de la sécurité. S'il y a quelqu'un autour de la table qui est en mesure de suggérer un nom pour ce tribunal, qui ne ferait aucune référence à santé et sécurité, je vous signale que je suis tout à fait... Je vois le député de Viau réagir, M. le Président, mais il est un de ceux qui, très précisément, invoquent très souvent le phénomène dont je viens de parler. Dès qu'il y a quelque relation que ce soit avec la Commission de la santé et de la sécurité, il y a toujours des réserves de la nature que vous savez.

Je vous dis donc, M. le Président, que, si une suggestion peut être faite, qui ferait en sorte que disparaîtraient de l'appellation de cet organisme-là les mots "santé et sécurité", je suis tout à fait ouvert à n'importe quel genre de suggestion de cette nature-là.

C'étaient mes considérations d'ordre général sur ce phénomène important de l'appel. La question principale que nous devons débattre est celle de savoir, comme l'ont souhaité toutes les parties, si l'on doit permettre l'appel de l'ensemble des décisions de la commission à un organisme externe ou

alors s'en tenir à l'état actuel des choses et faire en sorte que seules les matières concernant la réparation soient soumises au même organisme qui est la Commission des affaires sociales. C'est ça le litige ou la possibilité devant laquelle nous nous trouvons. Je mets la discussion sur la table pour que tous ceux qui ont le goût de faire des suggestions à cet égard-là le fassent en étant tout à fait convaincus que je suis ouvert à toute discussion qui pourrait faire en sorte que l'on rejoigne l'objectif que l'on veut tous, l'intérêt de l'ensemble de ceux qui ont à s'impliquer dans ce mécanisme-là.

Le Président (M. Beauséjour): Merci. La parole est au député de Viau. (10 h 45)

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis un peu surpris ce matin des paroles du ministre, particulièrement lorsqu'il a fait référence au fait que la personne qui vous parle a fait des commentaires sur l'appellation de ce comité. À ma souvenance, je n'ai jamais fait de commentaire sur l'appellation du comité. J'ai fait des commentaires sur le fait qu'il ne faudrait pas se retrouver dans une situation où cet organisme serait conçu précisément comme un bras de la CSST, où la perception - ce n'est pas nécessairement le cas - des gens serait que la Commission de la santé et de la sécurité du travail demeure, comme elle l'est dans certains cas, juge et partie. À ce moment-ci, le ministre pourra peut-être rafraîchir ma mémoire, à savoir à quel moment j'ai parlé de l'appellation de cette commission. On peut laisser cela sur la table pour d'autres discussions, parce que ce n'est pas cela qui est notre préoccupation principale.

À ce stade-ci, je dois me contenter de dire que les propos du ministre semblent intéressants. J'ai remarqué qu'il parlait au conditionnel. Nous aurions beaucoup de questions à poser sur ce mécanisme, la procédure, etc. Je pense que, pour pouvoir vraiment discuter du sujet, il faudrait bien que le ministre nous dépose, sinon d'une façon formelle, mais au moins qu'on puisse connaître une espèce d'avant-projet de ces deux chapitres. Cela peut un peu dévier, M. le Président, de la procédure des travaux d'une commission parlementaire, mais il y aura toujours consentement de notre côté pour recevoir, à ce moment-ci, non seulement des amendements à ces chapitres... Mais si le ministre le désire, il peut nous déposer un plan assez précis sur le fonctionnement, du même genre que celui des avant-projets de loi qui circulent habituellement.

C'est à peu près les commentaires que je veux faire ce matin. C'est la suggestion que je fais. S'il désire que ces deux chapitres soient suspendus précisément pour qu'il puisse préparer quelque chose de concret, on serait... Une fois qu'il aura présenté son programme très défini, ses intentions très définies, on pourrait prendre un peu de temps pour en discuter et, ensuite, continuer. Mais vous nous demandez de vous donner un appui sur certaines choses qui sont nébuleuses. Je pense que, pour le bon fonctionnement de la commission et des personnes intéressées, on devrait connaître précisément ses intentions. Il ne faut pas oublier, comme il dit, que cet avant-projet de loi circule depuis des années. Le projet de loi que nous avons devant nous, je l'ai dit, c'est à peu près la dixième version. Je pense que, si le ministre avait fait son travail au lieu de laisser ceux que j'appelle -entre guillemets - "les concepteurs de ce projet de loi" s'avancer d'une façon un peu aveugle, cela aurait évité toutes sortes de problèmes.

Pour ce qui nous concerne, mes collègues auront certainement quelque chose à dire, mais je suis prêt à entendre le ministre ce matin. Mais il faut quand même que ce soit un peu plus spécifique pour qu'on puisse offrir des commentaires concrets. Tout d'abord, on n'est pas dans une classe d'université où on va faire de la philosophie. On veut cheminer, on veut terminer un projet de loi. Je pense que c'est la préoccupation du ministre. Alors, qu'il nous arrive avec des propositions très concrètes et on verra.

Le Président (M. Beauséjour): Oui.

M. Fréchette: Je vais répondre tout de suite, M. le Président, si on me le permet, aux deux préoccupations du député de Viau.

Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.

M. Fréchette: Sans doute je me suis mal exprimé au tout début de mes remarques préliminaires. J'ai bien indiqué que l'objectif que je visais dans la discussion générale qu'on est en train de faire, c'était d'essayer de connaître les réactions des membres de la commission quant à l'une ou l'autre des avenues dont j'ai parlé. C'est évident que je ne m'attendais pas, à ce stade-ci, que les intervenants m'indiquent sur le plan technique, sur le plan juridique, sur le plan d'un texte écrit, ce que cela pourrait avoir l'air. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais dans cette discussion qu'on est en train de faire.

Par ailleurs, je pourrais dire au député de Viau, si encore je me suis mal exprimé tout à l'heure, que la position que je privilégie en termes de texte, c'est de faire

quelques amendements qui sont déjà prêts quant au bureau de révision modifié dont j'ai parlé et quant à l'instance d'appel, ce sont les mécanismes qui sont déjà dans la loi à partir de l'article 331. C'est là la position que je privilégie, mais à l'intérieur de laquelle cependant je ne suis pas enferré. Je suis disposé à regarder autre chose.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, j'admets aussi avec mon collègue de Viau que je trouve un peu étonnants les propos du ministre à ce stade-ci de la chose. Le ministre nous dit aujourd'hui, enfin on le sait, qu'on a étudié toute la question de l'appel pendant deux ans, peut-être plus même. Il y a eu un premier projet de loi 42 qui a posé certains gestes. Il a dit, par exemple, que, dans le premier projet de loi 42, on maintenait la commission d'appel des affaires sociales. Ensuite, on est arrivé avec un projet de loi révisé qui a dit: On prend un autre tournant, on institue une nouvelle commission d'appel. Il y aura une révision administrative venue d'un bureau de révision. C'était donc un départ tout à fait fondamental. Au lieu d'avoir un bureau de révision qui agirait comme un espèce de tribunal d'appel de première instance, on avait une révision administrative par la commission.

Puis le ministre nous dit: Je suis prêt à reconsidérer toute la question après avoir entendu le juge Poirier et à réinstituer le bureau de révision. En même temps, il nous dit qu'on pourrait faire des amendements pour instituer le bureau de révision. Il me semble que toutes ces questions sont fondamentales et que ce sont les mêmes questions qui - je pense que le ministre va l'accepter - avaient fait partie d'une des plus grandes objections que nous avions au sujet du projet de loi.

En fait, je pense que la plupart des gens de notre parti qui ont parlé sur le projet de loi 42 ont mis l'accent sur la question de la nouvelle forme du mécanisme d'appel qui, pour nous, avait des failles tout à fait conséquentes. Il y avait, par exemple, la question du remplacement du bureau de révision par une révision administrative interne; il y avait la question des délais pour ce qui est du retour au travail où le délai diminuait de 90 jours à 30 jours et, dans d'autres cas, de 90 jours jusqu'à 60 jours. Il y avait toutes les réserves qu'avait mises de l'avant la Commission des services juridiques. Je pense que cela vaut la peine de revenir un petit peu là-dessus. La Commission des services juridiques disait que la révision administrative était tout à fait inacceptable et aujourd'hui le ministre accepte le principe parce que lui-même dit qu'il faudra peut-être songer à un genre de bureau de révision tripartite, une espèce de commission arbitrale.

Il admet lui-même que ce que la loi présente aujourd'hui n'est peut-être pas acceptable et demande à être changé. D'accord. Mais puisqu'on est arrivé, après deux ans de travail, avec une loi qui présente quelque chose, c'est ce qu'on vient faire à cette commission-ci: amender la loi. Là, on nous demande un départ fondamental et je suis tout à fait d'accord, nous sommes tout à fait d'accord sur toute la question d'un bureau de révision. Mais comment peut-on faire un travail sérieux au pied levé et dire, du jour au lendemain, quelle constitution on va donner à ce bureau de révision? Est-ce que la formule tripartite du ministre est la meilleure? Est-ce qu'il y a d'autres formules? Il me semble que cela demande des études, cela demande de savoir exactement ce que le bureau de révision va faire.

Par exemple, il faudrait se poser la question que le ministre lui-même a soulevée. Aujourd'hui, la Commission d'appel des affaires sociales demande douze bancs, c'est une commission itinérante pour s'occuper des cas en suspens, quelque chose comme 500 cas, on nous dit, deux ans de travail, et on dit qu'il y aura un comité de trois personnes et le ministre lui-même admet qu'il y aura deux personnes volontaires. Comment vont-ils pouvoir remplir tout ce travail de révision préliminaire? C'est sûr qu'on est pour le principe puisqu'on a dit qu'on était contre la révision administrative actuelle, mais de là à dire qu'on sera d'accord ou non dans les heures ou les jours qui suivent avec la formulation des paramètres de ce comité... Est-ce que trois personnes, c'est mieux que cinq? Est-ce que ce comité va pouvoir établir d'autres comités qui pourront diluer le travail, ce qu'ils auront à faire? Quelles seront les juridictions par rapport à la commission d'appel? Il me semble que ces choses affectent tout le chapitre sur l'appel. Si on parle de la commission d'appel elle-même, nous revenons à toutes les circonstances.

Je relisais le mémoire de la Commission des services juridiques qui disait, quant à la première version du projet de loi 42: "Maintenez la compétence d'appel de la Commission des affaires sociales. Nous avions même suggéré au législateur d'en étendre la compétence à toutes les décisions rendues par la CSST." En plus, on dit: "En effet, à peu de choses près, le chapitre prévoyant la constitution du nouveau mécanisme, sa juridiction, ses pouvoirs et l'administration de la preuve et de la procédure ne changera rien à la situation actuelle. Chose inquiétante, seuls les individus qui vont la composer ne seront plus les mêmes - peut-

être qu'ils seront les mêmes. C'est à croire qu'on a voulu changer les personnages tout en gardant la structure."

Si on dit que la Commission des affaires sociales constituée maintenant n'a pas de compétence en matière de cotisation, de classification, d'imputation des coûts, en matière de choses qu'elle ne fait pas maintenant, nous sommes tout à fait d'accord avec cela, mais pourquoi croirait-on qu'une nouvelle commission nouvellement constituée aurait automatiquement une expérience dans cela? Au contraire, la nouvelle commission n'aurait pas d'expérience dans les matières qui ne sont pas connues aujourd'hui de la Commmission des Affaires sociales, en plus de ne pas avoir d'expérience sur les questions que transige aujourd'hui la Commission des affaires sociales. Il me semble que, de deux maux, il faut choisir le moindre, et que c'est mieux d'ajouter certaines compétences nouvelles à la Commission des affaires sociales, qui a au moins des compétences de base et qui a pas mal de compétence dans d'autres sujets connexes, par exemple, dans ses autres divisions, la division de l'aide sociale, la division du régime de rentes, la division de la santé et des services sociaux. Elle a sûrement des connaissances indirectes de la réadaptation, de l'assistance médicale. Il me semble que c'est sa vocation sociale primaire.

On dit: Est-ce qu'on ajoute quelque chose de nouveau là ou est-ce qu'on constitue quelque chose de tout à fait nouveau qui le sera dans tout son ensemble, avec peut-être de nouveaux commissaires? On ne dit même pas si les commissaires seront des avocats, s'il vont avoir des compétences juridiques ou non. Ce chapitre de l'appel, pour nous, c'est quelque chose de fondamental. On disait: Est-ce que l'appel sera mieux avec une nouvelle commission qui va commencer à neuf? Que fait-on des cas en suspens? Il y aura une contradition entre les deux commissions d'appel qui vont siéger en même temps, l'une transitoire, l'autre permanente.

En plus, hier, j'ai posé une question au juge Poirier concernant la qualité itinérante de la Commission des affaires sociales actuelle. Encore une fois, je cite le mémoire de la Commission des services juridiques. On dit: " La Commission des affaires sociales est un tribunal administratif itinérant. Ses membres se déplacent dans les différentes régions du Québec pour y entendre les affaires qui s'y soulèvent. D'une fois à l'autre, le quorum qui s'y rend n'est plus le même. Cela permet d'éviter "le magasinage de juges" qu'on déplore tant à d'autres niveaux. Les commissaires n'étant pas enracinés dans le milieu donné n'y développeront pas d'amitiés particulières non plus que d'inimitiés particulières. La commission d'appel qu'on veut lui substituer n'offrira pas les mêmes garanties d'impartialité." Même si on suggère que c'est subjectif, que l'autre commission sera aussi impartiale, sera aussi compétente, il y a le fait que, dans le projet de loi, on ne prévoit rien pour la commission itinérante qui a certainement pour effet d'être plus mobile, de faire quelque chose du point de vue de tous ces cas qui s'accumulent. Je pense que le juge Poirier a répondu dans l'affirmative là-dessus, qu'il considérait qu'une commission itinérante était un avantage. Il y a toutes ces questions. (11 heures)

Là, le ministre nous dit: Tout de suite, on va passer à... Je suppose qu'on va donner des suggestions quant à sa nouvelle idée d'un bureau de révision, suggestion qu'il a lancée hier et encore aujourd'hui, ce matin. Il nous demande des contre-propositions ou de nouvelles propositions ou une acceptation de la chose. Après, on passera tout de suite, je suppose, à l'étude article par article. Mais, sans une révision complète de toute cette section de ce chapitre XI, je ne vois pas comment on peut travailler et dire: Lorsqu'il sera question de révision administrative, on s'arrêtera, Va-t-on introduire de nouveaux amendements, de nouveaux articles? Va-t-on changer tout un chapitre, toute une section?

M. le ministre, je vous dis cela de façon tout à fait constructive parce que je pense que vous avez réalisé jusqu'à présent qu'on veut faire un travail pour bonifier le projet de loi et qu'on n'essaie pas de faire du "filibuster". Mais, en toute objectivité, je pense que, s'il y a une suggestion à faire, on devrait peut-être accepter votre suggestion d'étudier l'article 415, ce qui n'a pas trait directement à la commission d'appel, pour vous donner quelques jours pour voir quels articles seront affectés par la nouvelle suggestion. Autrement, en toute conscience, on va arriver à la question de la révision administrative, par exemple, et on va dire: Écoutez! On ne sait pas où on s'en val C'est la suggestion que je veux vous faire ce matin: qu'on passe cette section, qu'on prenne deux, trois ou quatre jours de recul pour vous permettre, à vous et à vos spécialistes, de revoir tous les articles du chapitre qui pourraient être affectés. Qu'allez-vous faire pour la commission d'appel? Il devrait nous présenter deux ou trois choix et, à ce moment-là, la commission décidera quel est le bon.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Frontenac.

M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Beauséjour): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: J'avais demandé la parole...

Le Président (M. Beauséjour): Oui, le député de Frontenac...

M. DuGsault: ...au nom du principe de l'alternance...

Le Président (M. Beauséjour): ...le député de Deux-Montagnes et, ensuite, c'est votre tour.

M. Dussault: ...M. le Président, l'Opposition et le gouvernement, c'est une règle absolue. Il y a jurisprudence là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Beauséjour): Oui.

M. Dussault: Je peux même vous dire que c'est à la suite d'une demande de directive de celui qui vous parle que nous connaissons cette règle.

Le Président (M. Beauséjour): D'accord.

M. Grégoire: Je n'ai aucune objection, si vous voulez y aller en premier.

Le Président (M. Beauséjour): Contre l'alternance... M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: M. le Président, il était sûr qu'à partir du moment où le ministre allait nous annoncer ce matin une ouverture d'un ordre différent de ce qui existait dans le projet de loi 42, nous ne pourrions pas, ce matin, exiger de la part des membres de la commission de donner une réponse définitive à cette approche du ministre. Cela allait de soi. Il était normal qu'on entende dire, de la part du député de Viau, qu'il ne serait pas possible qu'aujourd'hui, en tout cas tout de suite ce matin, il donne un point de vue favorable. Le ministre, si j'ai bien compris ses propos, avait avancé sa suggestion dans l'esprit où on allait réfléchir sur cette solution. Il y a une excellente piste de réflexion dans la position du ministre qui m'apparaît très claire. Si on a le moindrement un peu d'expérience dans le domaine des relations du travail, ce qui a été un peu mon cas comme syndicaliste, je peux dire que, du côté du tribunal arbitral, il y a vraiment là une solution plausible au problème que nous avons. Notre réflexion pourrait se continuer.

J'allais tout simplement proposer, M. le Président, que nous ajournions nos travaux relativement tôt pour pouvoir réfléchir là-dessus, quand j'ai entendu le député de Nelligan nous dire que nous pourrions maintenant passer à l'article 415. Je suis d'accord avec cela. J'avais perçu que, du côté de l'Opposition, on avait refusé jusqu'à maintenant d'aller au-delà de ce chapitre-là, vu qu'on n'avait pas encore réglé la question de l'appel. Bien sûr, je souscris au principe avancé par le député de Nelligan, c'est-à-dire que, pour nous permettre de réfléchir sur cette question, sur cette nouvelle approche que le ministre a à faire ce matin, nous passions simplement à un autre chapitre du projet de loi et que nous réfléchissions sur la solution que le ministre a présentée ce matin.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: Seulement une question en passant: Actuellement, le ministre a-t-il un texte rédigé en fonction des nouvelles suggestions qu'il vient de présenter, un texte rédigé pour remplacer ces chapitres-là, aux articles 331 et suivants?

M. Fréchette: Je pense l'avoir dit, M. le Président, dans mes remarques tout à l'heure. Il y a effectivement, au moment où on se parle, un texte qui est prêt quant à d'éventuels changements de l'instance qui s'appelle le bureau de révision qui serait transformé en cette espèce de conseil arbitral dont j'ai parlé tout à l'heure. Il y a des textes qui sont prêts.

Quant à l'autre position qui est en référence avec la commission d'appel, je pense avoir aussi assez clairement indiqué que ma préférence actuellement allait pour le mécanisme qu'on retrouve dans la loi telle qu'elle est écrite actuellement. Le matériel dont on a besoin pour travailler, pour réfléchir, est déjà là. Je n'aurais pas d'objection, dès aujourd'hui, à remettre aux membres de la commission les textes qui concernent le bureau de révision dont on parle. Quant aux autres textes, je vous réitère que ce sont ceux qu'on retrouve dans la loi.

M. Grégoire: Alors, si je comprends bien, le ministre nous fait le résumé, demande notre opinion, mais a le texte préparé et il est prêt à le distribuer pour qu'on puisse l'étudier et suspendre ses... J'aurais deux points à soulever. D'abord, je remarque fort bien que, pour les victimes d'amiantose et de silicose, celles qui étaient sous l'ancienne loi 52, cette révision arbitrale à l'intérieur de la CSST ne s'appliquerait pas puisqu'il y aurait trois pneumologues nommés par le ministre qui seraient chargés d'étudier les cas de maladies pulmonaires, incluant l'amiantose. Ces trois pneumologues seraient tous trois impartiaux et indépendants puisqu'il n'y en

nurait pas un nommé par la partie patronale, un par la partie syndicale et un par... Ils seraient nommés par le ministre, sur suggestion.

M. Fréchette: Oui, mais sur recommandation des facultés de médecine des universités.

M. Grégoire: Oui, ce sont les trois autres qui viennent réviser ces trois-là. Ce sont les trois directeurs des services de pneumologie de trois universités différentes du Québec. Alors, vous avez six pneumologues qui ont regardé le dossier, qui ont examiné les radiographies, qui ont décrété s'il y avait mésothéliome ou non, s'il y avait amiantose ou non, dans le cas de ce... Il est passé entre les mains de six pneumologues, tous nommés d'une façon impartiale et n'ayant aucun lien direct ou indirect avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Fréchette: C'est ce que la loi prévoit. Il y a juste un autre détail qu'il faudrait peut-être ajouter pour la bonne compréhension du dossier. C'est que, si l'on retient un mécanisme d'appel, le diagnostic final des deux comités de pneumologues pourrait être susceptible d'appel devant l'instance externe, s'il y a un appel de retenu. C'est juste l'addition que je voulais faire aux commentaires du député de Frontenac.

M. Grégoire: Alors, cela réglerait le cas pour la révision administrative à l'intérieur de la CSST pour ces personnes?

M. Fréchette: Pour toutes les maladies pulmonaires professionnelles.

M. Grégoire: D'accord. J'aime mieux ce principe que celui d'un arbitre en chef nommé par le ministre, un arbitre nommé par la partie patronale et un arbitre nommé par la partie syndicale. Selon l'expérience vécue - c'était comme cela auparavant -c'est toujours 2 à 1, le résultat.

M. Fréchette: Ah oui!

M. Grégoire: J'ai rarement vu 3 à 0.

M. Fréchette: Rarement.

M. Grégoire: Dans le domaine qui me préoccupe le plus, en huit ans... Cela entraîne beaucoup plus d'appels à la commission d'appel tandis que l'autre système, tel que conçu pour les victimes d'amiantose et de silicose, six pneumologues impartiaux, s'ils arrivent avec un jugement unanime, le travailleur est aussi bien de dire: J'ai mon verdict...

M. Fréchette: Et je vais vivre avec.

M. Grégoire: Oui.

M. Fréchette: Bien oui.

M. Grégoire: Bien qu'on voie les psychiatres se contredire devant les tribunaux ou donner des versions différentes et que ce soit l'avocat qui en amène le plus selon son point de vue qui l'emporte... C'est pour cela que, dans ce bureau de révision, moi, je crois qu'un arbitre seul nommé par le ministre serait préférable à un arbitre assisté de deux autres arbitres, l'un nommé par la partie patronale et l'autre par la partie syndicale. Dès que vous avez un arbitre nommé par la partie patronale et l'autre par la partie syndicale, c'est un tribunal d'arbitrage qui se transforme automatiquement en discussion entre deux groupes. C'est automatique ou presque. Tandis qu'avec un seul, chaque partie ayant ses représentants pour faire valoir ses arguments, je préfère cette solution.

M. Fréchette: En tout cas, pour les maladies professionnelles, c'est très précisément la formule qui est retenue.

M. Grégoire: Oui.

Le Président (M. Beauséjour): Vous avez terminé, M. le député?

M. Grégoire: Pour ce qui est de votre commission d'appel en dehors de la Commission des affaires sociales, il est évident que les délais de la Commission des affaires sociales sont longs. Je crois que c'est deux ans.

M. Fréchette: Deux ans au minimun.

M. Grégoire: Deux ans au minimum. C'est rendu que c'est...

M. Fréchette: Déni de justice.

M. Grégoire: ...exagéré, bien que vous ayez ajouté quelque chose dans la loi qui dit que, si son médecin traitant déclare un type amiantosé et que, sur ce simple fait, il sort de la mine et qu'il est indemnisé, il le sera jusqu'à ce que la commission d'appel se soit prononcée et, même si la commission d'appel se prononce d'une façon négative, il n'y aura pas de remboursement de la part du travailleur, sauf s'il y a eu fraude.

M. Fréchette: Voilà, très précisément.

M. Grégoire: Je crois que c'est une nette amélioration, mais, pour le délai de deux ans, est-ce que vous... C'est donc dire que vous créez une autre commission parce

que le délai est long, mais vous allez aller chercher une autre équipe pour s'occuper exclusivement des cas de santé et de sécurité. Est-ce que ce ne serait pas mieux, à ce moment, d'augmenter l'équipe de la Commission des affaires sociales pour que tout reste entre les mains de la Commission des affaires sociales? Je préférerais cette solution à celle d'envoyer cela entre les mains du ministère de la Justice. Parce que, quand cela ira entre les mains du ministère de la Justice, on peut s'attendre que s'additionnent les règlements, que s'additionnent les lois, que s'additionne la procédure, que les avocats embarquent là-dedans, et là cela fera de la procédurite. Je le crains. Vous avez mon opinion.

Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le député. La parole est au député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. J'ai été frappé hier, comme, je crois, plusieurs membres de la commission, par la clarté, la cohérence des propos qui ont été tenus devant nous par le juge Poirier, le président de la Commission des affaires sociales. Si je comprends bien, les propos du juge Poirier, dont le ministre ce matin a en quelque sorte fait l'éloge, ont ébranlé le ministre, mais sans le convaincre parce qu'il continue d'avoir une préférence pour le système qu'il a mis de l'avant dans son projet de loi, tout en nous disant qu'il a l'esprit ouvert et qu'il est prêt à envisager d'autres issues, d'autres solutions. Je me demande ce que cela veut dire. Je me demande si le ministre est vraiment prêt à reconnaître le bien-fondé des représentations faites par le juge Poirier. Il ne peut pas, d'une part, faire l'éloge des représentations faites par le juge Poirier et dire qu'il rejette l'essentiel de ce que le juge Poirier est venu dire à la commission.

Le ministre insiste beaucoup sur l'unanimité qu'il croit avoir sur l'idée qu'il ne serait pas opportun d'ajouter des juridictions à la Commission des affaires sociales. Mais il vient de répéter, en commentant les observations du député de Frontenac, que les délais devant la Commission des affaires sociales, en matière de santé et de sécurité du travail, constituent un déni de justice. Je vois mal que le ministre puisse condamner ce déni de justice et s'en laver les mains puisqu'il est membre du gouvernement et que ce déni de justice, que, je crois, nous serions unanimes à constater et à condamner, ne peut être réglé que par des mesures qui seraient prises par le gouvernement, mesures qui sont de type administratif et non pas de type législatif.

(11 h 15)

Donc, la responsabilité incombe totalement, entièrement au gouvernement de corriger ce déni de justice. Et lorsque le ministre nous exprime sa préférence pour le système qu'il a prévu dans son projet de loi, j'ai l'impression qu'il continue de se laver les mains de ce problème du déni de justice que constituent les délais devant la Commission des affaires sociales. Cela, M. le Président, ne me paraît pas acceptable. C'est le gouvernement qui peut, par des moyens administratifs, corriger cette situation grave et j'aimerais entendre le ministre, comme porte-parole du gouvernement, répondre véritablement à ce que le juge Poirier nous a dit hier, répondre dans le sens d'une solution à ce problème. Si le gouvernement se montrait ainsi disposé à résoudre ce problème, ce qu'il peut faire par des moyens administratifs, il n'a pas besoin de loi pour corriger cela, à ce moment, le gouvernement n'aurait plus comme argument ce déni de justice pour refuser de maintenir les juridictions actuelles de la Commission des affaires sociales puisqu'il aurait pris les moyens de le régler. Par conséquent, la raison essentielle pour laquelle le gouvernement propose de transférer les juridictions à un nouveau tribunal d'appel ne tiendrait plus.

Puisque le ministre a été favorablement impressionné par les représentations faites par le juge Poirier, il me semble qu'en toute logique et en toute cohérence il devrait, premièrement, régler le déni de justice -"il", le gouvernement dont il est membre -qu'il condamne et, cet obstacle étant levé, il devrait accepter la cohérence des représentations faites par le juge Poirier et maintenir la juridiction actuelle de la Commission des affaires sociales.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beauséjour): Merci. M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, quelques brèves considérations, si vous le permettez, principalement sur les propos du député de Nelligan et ceux du député de Deux-Montagnes. J'espère que le député de Nelligan ne va pas me reprocher le fait que je suggère ce matin que l'on réévalue un mécanisme qui était dans la loi, tel qu'on le retrouve au moment où cette loi a été déposée. J'ai toujours été convaincu que le genre de travail que l'on fait en commission a très précisément pour objectif de fond d'essayer de bonifier un certain nombre de choses, ce que, dans mon évaluation, on a relativement bien réussi depuis le mois de décembre dernier. Je ne me considérerais pas comme ayant retraité sur des choses s'il fallait, pour les bonifier, changer les textes qui sont déjà là, ce à quoi, encore une fois,

je suis tout à fait disposé.

Une autre observation que je voulais soumettre respectueusement au député de Nelligan, c'est qu'il est fort évident, autant à partir des observations que l'on a entendues hier que des réflexions qui ont été faites d'un côté et de l'autre de la table, que nous n'allons pas régler ce problème aujourd'hui et que nous n'allons pas non plus entreprendre l'étude article par article des articles 331 et suivants. Cela m'apparaît tout à fait clair. Pour en arriver à faire un travail qui soit le moindrement consciencieux et bien fait, il faut de toute évidence qu'aujourd'hui je remette aux membres de la commission les textes que nous avons déjà élaborés quant à ce bureau de révision réaménagé, si vous me prêtez l'expression, alors que, du côté du chapitre de la commission d'appel, il m'apparaît que la réflexion doit davantage aller du côté de la décision globale que du côté de la décision de la nature des textes techniques et juridiques qu'il faut écrire, parce que - le député de Deux-Montagnes vient de le dire et le député de Nelligan l'a dit également -les membres de cette commission préfèrent et de beaucoup que l'on maintienne la situation actuelle, c'est-à-dire garder la Commission des affaires sociales comme organisme d'appel externe, alors que d'autres - et c'est mon cas - prétendent que le meilleur service à rendre à ceux et celles qui doivent se présenter devant une instance d'appel, ce serait de retenir la formule qui est suggérée dans le projet de loi 42.

Juste une petite chose également - et cela a été dit hier, le juge Poirier l'a souligné, le député de Nelligan l'a repris ce matin - quant au phénomène de l'éventuelle contradiction entre des décisions qui seraient rendues par l'instance qui s'appelle la Commission des affaires sociales quand elle libérerait le rôle qui est le sien actuellement, les 4300 dossiers qui l'attendent et auxquels s'ajoutent les 5900 qui se sont accumulés pendant les deux dernières années.

Il pourrait, évidemment, y avoir une contradiction dans les conclusions factuelles d'une décision, c'est-à-dire que la Commission des affaires sociales pourrait rendre une décision, à partir de faits qui sont prouvés devant elle, qui l'amènerait à la conclusion qu'un accidenté a droit à une indemnité de 200 $ par semaine - je prends, à tout hasard, le chiffre de 200 $ par semaine, par exemple - alors que la nouvelle instance, à partir des mêmes faits, du même degré d'incapacité, des mêmes séquelles avec lesquelles * doit vivre un accidenté, pourrait rendre une décision dans laquelle elle dirait que c'est 225 $ par semaine. C'est tout à fait pensable que, pendant toute la période de temps qui serait nécessaire pour libérer l'actuel rôle de la Commission des affaires sociales, une situation comme celle-là existe pour le seul et simple motif que les critères à partir desquels les décisions seraient rendues ne sont pas du tout les mêmes et ne procèdent pas de la même loi.

Que l'on se retrouve, à un moment donné, devant des décisions qui, en apparence, pourraient avoir un caractère de contradiction, ce n'est pas impossible de souscrire à cette évaluation, mais pour des motifs qui sont tout à fait explicables, il me semble.

Le député de Nelligan a également insisté sur la qualité itinérante de la Commission des affaires sociales. Je comprends qu'on n'en est pas rendu à étudier les différentes propositions dans leurs détails spécifiques d'opération, mais je lui signalerai que la proposition qui est dans la loi fait en sorte que nous aurions affaire à des bureaux régionalisés. L'on retrouverait, à l'intérieur des régions, un commissaire responsable du rôle qui aurait la faculté de faire appel, dans la même région où il siège, à des assesseurs de l'extérieur. Si, par exemple, un dossier de fermeture d'usine était soumis à l'appréciation du commissaire, la loi lui permettrait de faire appel à un assesseur de l'extérieur qui a une expertise en cette matière, lequel assesseur, cependant, n'est ni un commissaire, ni un fonctionnaire spécifiquement attitré à la commission d'appel. C'est quelqu'un de l'extérieur qui, à cause de son expertise, de la discipline professionnelle dans laquelle il travaille, peut être utile dans le cheminement de la décision.

Il me semble que le bureau régionalisé serait ainsi équipé qu'il pourrait disposer plus rapidement des litiges qui lui sont soumis. J'ai compris du juge Poirier qu'il faisait des tournées régionales tous les trois mois, alors que, dans la loi, l'on prévoit que, lorsque cette commission d'appel serait saisie d'un dossier, elle devrait en disposer dans un délai très spécifique et qui est contraignant par la loi.

Maintenant, M. le Président, voici quelques considérations quant aux remarques du député de Deux-Montagnes. C'est bien sûr que j'ai été impressionné par l'argumentation du juge Poirier. C'est bien sûr que personne d'entre nous n'a même l'idée de vouloir imputer quelque responsabilité que ce soit, pour les phénomènes dont on a entendu parler hier, à la Commission des affaires sociales elle-même. C'est dans ce sens-là que j'ai été impressionné par l'argumentation du juge Poirier. Il devient aussi tout à fait clair et évident qu'il y a un phénomène qu'il faut corriger, que c'est une décision administrative gouvernementale qui va arriver à corriger cette situation-là.

Mais, pour le dossier qui nous préoccupe, les cinq conclusions auxquelles en arrive le juge Poirier doivent aussi retenir

notre attention. Il dit très expressément dans ses conclusions que, pour certaines matières qu'il identifie très précisément, qu'il décrit expressément, il ne souhaite pas que la Commission des affaires sociales soit investie de cette juridiction. Il indique "subsidiairement", il me semble que c'est le mot qu'il a utilisé.

Une autre observation du juge Poirier qui, quant à moi, a retenu mon attention. Il dit: "L'organisme que nous sommes a, à toutes fins utiles, atteint son seuil en matière de ressources humaines." Cela, il l'a dit très expressément dans son argumentation également.

Je pense que l'on va facilement convenir, tout le monde ensemble, que, même sans ajouter de juridiction à la Commission des affaires sociales, elle va être, de toute évidence, il va y avoir la nécessité d'ajouter des ressources humaines à celles qui sont déjà là. Et le juge nous dit: "On a déjà atteint ou, à toutes fins utiles, on est sur le bord d'atteindre le seuil du nombre de ressources que l'on devrait retrouver à l'intérieur de notre organisme." Et il précise d'une façon claire également pourquoi il ne devrait pas y avoir d'ajouts en termes de ressources humaines à son organisme qui est la Commission des affaires sociales.

M. le Président, rappelons-nous également que l'un des motifs pour lesquels le rôle de la Commission des affaires sociales s'est retrouvé engorgé à un moment donné, c'est très précisément l'interprétation que l'on a fait de l'article 38.4 de la Loi actuelle sur les accidents du travail. Il serait curieux que l'on fasse la proportion des cas qui sont actuellement pendants devant la Commission des affaires sociales et qui sont en référence directe avec l'article 38.4, l'interprétation que l'on a faite a l'article 38.4. Une des dispositions de la loi 42, en tout cas, a comme effet de "corriger", entre guillemets, cette situation qui a été faite par l'article 38.4 à la suite d'un jugement rendu par la Cour suprême du Canada.

M. Bisaillon: Qu'en termes galants ces choses-là sont dites!

M. Fréchette: Lesquelles?

M. Bisaillon: "Corriger" la situation. Vous voulez dire que vous faites sauter l'article 38.4.

M. Fréchette: Bien oui. Bien, enfin, je savais bien que j'allais avoir une réaction de ce genre. C'était à prévoir. Ce sont des considérations que je voudrais que l'on ajoute, M. le Président, à celles que l'on a tenues de part et d'autre depuis ce matin. Moi, je suis très disposé à accepter la suggestion du député de Nelligan que l'on laisse tout ça en suspens pour le moment, que je remette aux membes de la commission les textes écrits qui existent déjà sur le bureau de révision et que l'on entreprenne l'étude des articles 415 et suivants.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je cède la parole au député...

Le Président (M. Beauséjour): ...la parole au député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, même si je n'étais pas présent au tout début de la commission, j'ai quand même eu la possibilité d'entendre, de mon bureau, une partie des commentaires que le ministre a formulés, à la suite de l'audition du juge Poirier hier. Pour moi, la question du mécanisme d'appel - appelons cela comme ça, pour l'instant -c'est un point central du projet de loi actuel.

On avait identifié, dès le départ, quatre ou cinq éléments qui constituaient le corps du projet de loi 42. On a eu l'occasion jusqu'à maintenant de discuter des autres éléments et on se retrouve maintenant à celui qui, peut-être, pourrait éventuellement, si on trouvait la bonne solution, atténuer un bon nombre des oppositions qui se sont manifestées au projet de loi 42.

Il y a un grand risque à discuter de cette question à partir du document que le juge Poirier nous a remis et à partir aussi de l'analyse des dossiers en cours. Ce que je veux dire par là, M. le Président, c'est qu'on peut bien faire le constat que, au moment où on se parle, avec la loi actuelle, il y a tant de dossiers qui sont en retard.

On peut faire le constat aussi que, même en ajoutant des ressources, ça va prendre un certain temps avant, non seulement de récupérer le temps perdu, mais pour pouvoir se tenir à jour dans les causes d'appel.

Cela ne devrait pas entrer en ligne de compte, selon moi, dans l'argumentation ou dans la recherche d'un mécanisme d'appel, parce que, peu importe qu'on attribue l'appel a un nouvel organisme ou à la Commission des affaires sociales, le même problème va se poser de nouveau. Si le projet de loi actuel fournit 29, 30 ou 40 motifs d'appel, que ce soit un nouveau tribunal ou que ce soit la Commission des affaires sociales actuelle, l'organisme va avoir à entendre les appels, d'une façon ou d'une autre, que ce soit en première instance ou en deuxième instance. À un moment donné, dès qu'il y aura un recours à exercer, il va s'exercer

peu importe le niveau qu'on va déterminer pour l'audition de cet appel. (11 h 30)

C'est un peu ce que je disais hier. On ne se pose pas de questions pour savoir s'il faut alléger le Code criminel parce qu'il y a trop de poursuites. On ne se pose pas de questions pour savoir s'il faut enlever des articles au Code civil pour accélérer le règlement des causes au civil qui, on le sait, connaissent beaucoup de retard. On ne se pose pas ce genre de questions. C'est donc une question de principe qui est devant nous.

Or, le premier principe, c'est lequel? D'après moi, le principe qu'il faut regarder, c'est le niveau du tribunal, de l'instance qui va entendre les appels; cette instance doit être, à sa face même, indépendante. Elle doit non seulement être indépendante, mais en présenter - cela, c'est une expression que le juge a utilisée hier - l'image, elle doit donner l'apparence de. Cela, je pense que c'est important pour que les parties qui se présentent devant un tribunal d'appel sachent, en partant, que leurs chances de faire valoir leur point de vue sont égales.

Le mécanisme actuel pose ce problème. J'ai lu hier le document du Conseil du patronat. Il est évident, pour moi, qu'à partir du moment où quelqu'un paie pour le mécanisme il est en mesure de l'influencer. Il est en mesure de l'influencer de plusieurs façons: d'une part, quant à la nomination des gens qui vont y siéger et, d'autre part aussi, quant aux mécanismes de fonctionnement de cet organisme.

Est-ce que nous, comme parlementaires, au moment où nous avons à nous prononcer sur le mécanisme qu'il nous faut retenir, on doit tenir compte de l'avis du juge Poirier qui nous dit: Nous avons atteint notre seuil? C'est quoi le seuil pour un organisme qui a comme mandat, par la loi, d'entendre les appels d'un certain nombre de lois sociales au Québec? C'est quoi le seuil? Le seuil par rapport à l'orientation d'origine? Peut-être. L'orientation d'origine, c'était de dire: la Commission des affaires sociales, cela doit être un tribunal administratif petit, pas nombreux, où le fonctionnement va permettre à chacun des commissaires et des assesseurs de se réunir régulièrement et de mettre en commun l'expérience et les auditions qu'on a entendues pour essayer d'équilibrer les jugements rendus.

C'est bien sûr qu'à mesure qu'on augmente le nombre de commissaires et d'assesseurs cela empêche ce type de fonctionnement que les membres de la Commission des affaires sociales ont connu à l'origine. Une fois qu'a été créée la Commission des affaires sociales on a ajouté d'autres lois sociales au Québec et, à mesure qu'on a ajouté des lois sociales au Québec, on a ajouté aussi des pouvoirs à la Commission des affaires sociales et on y a ajouté des appels de nature différente à entendre.

C'est ainsi qu'on a vu, par exemple, que, depuis qu'il y a la Loi sur l'assurance automobile - cela n'existait pas quand la Commission des affaires sociales a été créée - il y a maintenant des appels qui sont entendus selon la Loi sur l'assurance automobile. On a donc ajouté au mandat de la Commission des affaires sociales. II était donc conséquent que le nombre de personnes qui avaient à travailler à l'intérieur de la Commission des affaires sociales augmente. On ne changera pas le problème en disant: On a atteint le seuil de personnes comme commissaires et assesseurs, en en créant un autre à côté. On va ajouter combien de personnes à côté? 15, 20, 25, 30, 40 ou 50? Pourquoi les ajouter à côté? Si c'était une question de nombre de personnes, ajoutons-les à l'intérieur de la Commission des affaires sociales. Cela pose le problème: doit-on tout remettre à la Commission des affaires sociales ou si on doit faire un partage?

Je prétends qu'on n'a pas d'évaluation sérieuse de l'augmentation des appels que va créer le projet de loi 42, comme on n'a pas d'évaluation non plus de la diminution des appels que la loi 42 va entraîner dans son sillon. Le ministre se référait tantôt à l'article 38.4. Je suis convaincu moi aussi qu'un bon paquet des appels entendus par la Commission des affaires sociales actuellement doivent porter sur l'article 38.4, comme un bon paquet des retours d'appels, selon ce que le juge nous a expliqué hier, proviennent de l'application de l'article 38.4.

L'article 38.4 ayant été, selon l'expression suave du ministre, "corrigé", on peut donc conclure ou penser qu'un certain nombre d'appels qui sont actuellement entendus par la Commission des affaires sociales ne le seraient plus, qu'il n'y aurait plus matière à appel. On peut aussi corriger le fonctionnement entre une décision de première instance et la comparution au niveau du tribunal de la Commission des affaires sociales; ce qui diminue là encore une partie des appels entendus. Tous les aspects administratifs du projet de loi 42 pourraient être envoyés quand même à la Commission des affaires sociales. Le comment est important. Est-ce que, pour ce genre de questions, il est nécessaire d'avoir le même type de banc que pour les autres questions? Ce n'est pas sûr. Je ne pense pas que, pour des questions de cotisations, par exemple, une personne ne soit pas suffisante pour entendre la cause des parties à la Commission des affaires sociales. L'élément des ressources humaines et de l'organisation du travail de ces ressources humaines prend beaucoup moins d'importance. Alors, d'après moi, la question de principe est de décider: Est-ce qu'on veut, oui ou non, un tribunal qui soit indépendant, qui ait une approche

dans ses jugements qui soit conforme à l'ensemble des autres lois sociales du Québec? Parce que je maintiens que la loi 42, c'est une loi sociale, qu'on le veuille ou pas.

On parle de remplacement du revenu dans la loi 42. Par définition, c'est social. Donc, on devrait laisser cela à la Commission des affaires sociales. Est-ce que ce doit être tout? Est-ce qu'on doit faire un partage? Comment cela doit-il se faire? Est-ce que cela doit être un banc de deux ou de trois personnes? Ou est-ce qu'à certains moments cela ne pourrait pas être une personne qui siège au niveau de la Commission des affaires sociales? C'est discutable. N'y aurait-il pas moyen d'avoir un palier intermédiaire qui diminuerait le nombre d'appels à la Commission des affaires sociales? Je pense que c'est un voeu que le juge Poirier a exprimé hier et qu'il faudrait examiner plus sérieusement. Mais même ce tribunal de première instance ou cet organisme qu'on pourrait mettre en première instance doit être indépendant de la CSST.

L'orientation que le ministre avait donnée en réfléchissant à haute voix, comme il nous l'avait dit hier, c'était de dire: S'il y avait une espèce de mécanisme, un peu sur le modèle de celui de l'assurance-chômage, avec une personne habilitée à arbitrer, mais accompagnée d'un assesseur provenant du côté patronal et d'un autre du côté syndical, ce sont des mécanismes qui ont donné des résultats dans le passé. Je pense que c'est une formule avantageuse à regarder, pour autant qu'on aura aussi l'assurance que ce niveau de première instance est tout aussi indépendant que la Commission des affaires sociales. Je ne vois pas comment on pourrait demander à un fonctionnaire de la CSST de prendre en charge ce niveau de première instance. Cela devrait être quelqu'un de nommé par le ministre avec des assesseurs qui viennent aider à la prise de décision par l'arbitre, mais l'arbitre décidant seul au bout de la course. Cela pourrait éliminer un bon nombre de causes.

On pourrait imaginer et discuter la possibilité qu'un certain nombre de cas qui relèvent de la loi 42 se règlent à ce niveau seulement et ne remontent pas à la Commission des affaires sociales par la suite. Cela pourrait être envisageable, par exemple, que les cotisations se décident là et que ce soit sans appel par la suite, sans nécessairement remonter à la Commission des affaires sociales. Mais, dans tous les autres cas, cela pourrait être aussi un mécanisme qui soit facultatif. Cela pourrait être envisagé. Le travailleur qui a un appel à formuler pourrait décider d'aller en première instance ou d'aller directement en appel, selon les jugements déjà rendus. Il est assez surprenant de constater jusqu'à quel point la jurisprudence, malgré toutes les précautions que la Commission des affaires sociales nous a expliqué qu'elle prenait pour s'assurer que sa jurisprudence soit la plus cohérente possible, n'a pas d'effet dans le milieu et qu'on recommence les causes l'une après l'autre. Et les distinctions que le juge nous a apportées entre le nombre de causes qui pouvaient provenir, par exemple, de l'assurance automobile et des accidents du travail, ou du bien-être social et des accidents du travail, nous indiquent qu'il y a aussi un travail à faire au point de départ. Il me semble de toute évidence qu'il y a un mécanisme à raffiner au niveau de la CSST, au niveau même de l'organisme de décision. Si la CSST remet en cause constamment la jurisprudence de la Commission des affaires sociales, il n'y a pas de doute que cela va multiplier les appels au bout de la course. Si, une fois que le jugement a été rendu, la CSST le prenait pour acquis, on éliminerait un certain nombre de cas.

Ce que je voudrais dire en terminant, M. le Président, c'est que, dans ce dossier du tribunal d'appel, il ne faut pas essayer maintenant de trouver une solution de compromis qui va faire plaisir à tout le monde, en en conservant un petit peu qui va faire plaisir à la CSST, un petit peu qui va faire plaisir au Conseil du patronat, un petit peu qui va faire plaisir aux associations de travailleurs et de travailleuses accidentés. Il faut vraiment trouver un mécanisme qui nous assure de l'indépendance du tribunal d'appel, de l'expertise déjà acquise de ce tribunal et aussi d'un meilleur fonctionnement parce qu'on lui donnera des ressources. Les ressources, c'est administratif et cela vient après. Ce sont les questions de principe sur lesquelles il faut se prononcer et, en faisant cela, on peut améliorer le système actuel.

Est-ce qu'il est nécessaire de penser à un système complètement nouveau qui se situerait entre ce qu'il y a dans le projet de loi 42 et ce qu'il y a dans le processus actuel? Je ne suis pas sûr que c'est nécessairement la solution. Je prétends, effectivement, que le ministre peut avoir raison lorsqu'il nous incite à commencer la discussion des articles 415 et suivants, parce que c'est sûr qu'au moment où on se parle on ne peut pas faire, article par article, la discussion sur les mécanismes tels qu'ils sont dans le projet de loi 42. Il y a trop d'incertitudes encore quant aux moyens à retenir.

J'ai maintenant la conviction, cependant, que cela va être tout un ou tout l'autre avec, peut-être, une amélioration au niveau de la première instance, mais que ce doit être ou bien tout à la Commission des affaires sociales, ou bien tout à un nouveau tribunal. Mais il faut se situer clairement d'un côté ou de l'autre, en essayant peut-être d'améliorer la première instance. Mais c'est le choix qu'il faut faire maintenant.

N'importe quelle solution qui se retrouverait entre les deux et qui essaierait de faire plaisir à tout le monde serait vouée à l'échec. Je suis convaincu de cela. Je parle très sincèrement, très honnêtement en n'essayant pas... Vous savez que je privilégierais qu'on laisse cela à la Commission des affaires sociales pour plusieurs raisons évidentes, mais je dis au ministre: Gardez-vous d'essayer trop de nous faire plaisir et de faire plaisir à tout le monde. Il faut que vous trouviez ou bien une solution qui laisse complètement à la Commission des affaires sociales la possibilité de jouer son rôle, ou encore que vous défendiez un système nouveau, quitte à l'améliorer au niveau de la première instance. Mais, d'après moi, c'est l'un ou l'autre. Ce ne peut pas être un petit peu des deux.

Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.

M. Fréchette: Une seule remarque, M. le Président, pour simplement vous dire que je suis tout à fait d'accord avec la conclusion à laquelle en arrive le député de Sainte-Marie. On ne va certainement pas commencer à éparpiller les juridictions en prenant des morceaux d'un côté pour les amener ou bien à la Commission des affaires sociales ou pas appelables. C'est l'un ou c'est l'autre. Je suis tout à fait d'accord avec le député de Sainte-Marie là-dessus.

Quant au reste, M. le Président, je vous réitère que nous allons procéder à distribuer les textes dont je parlais tout à l'heure. Pour le chapitre "commission ou instance d'appel", entre guillemets, je pense qu'on doit continuer la réflexion et revenir la semaine prochaine avec des positions qui seront claires dans un sens ou dans l'autre, à partir des observations que le député de Sainte-Marie nous a soumises en conclusion.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Viau. (11 h 45)

M. Cusano: J'ai seulement un bref commentaire. C'est que j'apprécie, encore une fois, l'ouverture du ministre et, en ce qui me concerne, on est prêt à discuter des articles 415 et suivants. Seulement une question. Le ministre a certainement eu l'occasion de réfléchir un peu plus à ce qu'il va nous proposer et il s'est référé, par exemple, à la structure qui est employée à l'assurance-chômage. Je lui demanderais que, en abordant les articles 415 et suivants, on donne aussi l'occasion aux membres de cette commission d'avoir un peu le temps de faire les consultations nécessaires auprès de ces organismes. Je ne demande pas l'ajourn.ement à ce moment-ci. Je voudrais bien commencer l'article 415, mais voici la question que je voudrais poser précisément au ministre. Est-ce qu'il serait prêt, dans un sens, à suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, pour nous donner cette occasion de contacter des personnes qui ont vécu l'expérience, justement, à l'assurance-chômage, parce qu'on pourrait être limité dans le temps demain ou lundi? Si on se fie au rythme du nombre d'articles qu'on a à adopter normalement, je pense que, dès cet après-midi, le ministre pourrait proposer qu'on se dégage pour pouvoir faire les contacts nécessaires.

Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.

M. Fréchette: Je m'excuse, je n'ai pas parfaitement bien saisi la suggestion du député de Viau. Est-ce que le député de Viau suggère que nous terminions ce matin et qu'on ne revienne pas cet après-midi? Est-ce cela sa suggestion?

M. Cusano: On pourrait aborder certains articles pour faire un peu de... C'est justement à partir de l'article 415. On pourrait même aller au-delà de 12 h 30, si nécessaire, ajourner les travaux après cela et revenir mardi prochain. Je pense que cela va éviter beaucoup de...

M. Fréchette: Est-ce qu'on peut convenir de la formule suivante: on va voir quel va être notre rythme... Remarquez bien que je ne dis pas cela pour faire en sorte qu'on accélère. Ce n'est pas cela du tout que je suis en train de vous dire, mais on évaluera vers...

M. Cusano: Cela prouve votre sincérité, M. le ministre.

M. Fréchette: Non, mais on évaluera vers 12 h 30 ou à peu près, si vous le permettez. D'accord?

M. Lincoln: Je pense, M. le Président, pour ajouter à ce que le député de Viau a dit, que ce qui arrive ici, c'est que notre service de recherche est à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas à Montréal. On a pensé nous rencontrer peut-être lundi à ce sujet, mais c'est beaucoup plus pratique pour nous de faire cela pendant que nous sommes à l'Assemblée nationale, parce que c'est ici que sont nos recherchistes. C'est un peu le sens de notre demande.

M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord qu'on doit prendre le temps qu'il faut. La décision qui va devoir être prise est très importante. Elle est circonscrite à l'intérieur d'une alternative dont a parlé le député de Sainte-Marie, quant à moi. C'est l'un ou l'autre des choix dont il nous a

parlé. Comme c'est le genre de décision qu'on ne peut pas bousculer - et c'est particulièrement vrai ici par rapport à tout le reste dans le projet de loi - que l'on prenne tout le temps dont on a besoin et, si vous avez besoin de l'après-midi pour le faire, je vous signale tout de suite que je n'aurai pas d'objection, à la condition qu'on puisse s'entendre pour travailler jusqu'à 13 heures, par exemple.

M. Cusano: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Beauséjour): Ce qui est proposé, c'est qu'on poursuive les travaux jusqu'à 13 heures?

M. Cusano: Consentement.

Le Président (M. Beauséjour): Et ensuite qu'on les suspende...

M. Fréchette: Jusqu'à mardi.

Le Président (M. Beauséjour): Jusqu'à mardi.

M. Bisaillon: M. le Président, je n'ai pas d'objection du tout. Au contraire. La seule chose, c'est que j'aimerais, avant qu'on attaque l'article 415, que le ministre me donne des réponses sur trois questions que je lui avais posées en début de semaine. Premièrement, la question de la franchise. Est-ce que cela a été vérifié, ce que j'avais indiqué à la commission? Deuxièmement, la question des refus d'entendre des appels en révision au niveau du bureau de révision et, troisièmement, est-ce qu'on va voir les cassettes? Est-ce qu'on va pouvoir visionner les cassettes?

M. Fréchette: Le député de Sainte-Marie n'était probablement pas ici quand j'ai donné la réponse à la même question au député de Frontenac.

M. Bisaillon: Mais c'est parce que la réponse n'avait pas été enregistrée.

M. Fréchette: Ah! Pourtant, on est à l'intérieur...

M. Bisaillon: Mais est-ce qu'il y a quelque chose de viscéralement mauvais qui empêcherait les parlementaires de consulter ces cassettes?

M. Fréchette: Non, pas du tout, M. le Président. Pas du tout. La conclusion à laquelle j'en arrive, c'est que ce ne serait absolument pas utile à nos travaux.

M. Bisaillon: Non, mais au-delà de nos travaux, est-ce que ce ne serait pas utile pour l'information personnelle des parlementaires?

M. Fréchette: Je ne pense pas qu'on refuserait à celui qui voudrait aller les voir sur place de les visionner.

M. Bisaillon: Ce serait possible, M. le Président?

M. Fréchette: Enfin... Ce n'est pas à moi à prendre la décision, mais je vous dis que c'est l'opinion que j'ai.

M. Bisaillon: Mais c'est vous le ministre, M. le ministre.

M. Fréchette: Oui. Je suis responsable de l'application de la loi. L'autre question, les...

Des voix: Ah! Ah!

M. Grégoire: Est-ce que j'ai bien compris qu'on peut aller les voir sur place?

M. Fréchette: C'est mon opinion à moi. Ce n'est pas moi qui ai la clé de la porte. Puis-je vous dire cela? L'autre question, sur les dossiers de révision, c'est exactement la directive contraire qui a été donnée. Il s'agit de recevoir toutes les inscriptions de révision et d'accélérer le processus d'audition en révision.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait vérifier au bureau de Longueuil?

M. Fréchette: Cela a été fait aussi.

M. Grégoire: Étant donné que le vice-président de la CSST est à côté de vous, est-ce que l'entrée va nous être refusée si on veut essayer d'aller visionner cela?

M. Fréchette: Permettez-nous de faire cette autre vérification. Je vois que vous avez une envie extraordinaire d'aller visionner cela...

M. Bisaillon: C'est parce que cela a l'air tellement mystérieux, M. le ministre.

M. Grégoire: Vous avez créé quelque chose...

M. Fréchette: Ce n'est pas utile pour nos travaux. Au bureau de Montréal, les révisions sont programmées jusqu'en octobre et d'avance. Les rôles sont faits. Au bureau de Longueuil, jusqu'au 2 mai 1985. La directive était tout à fait dans le sens contraire.

M. Bisaillon: Cela va. Très bien.

Le Président (M. Beauséjour): M. le

député de Viau.

M. Cusano: Le ministre semble être très convaincu du fait que les vidéos ne seront pas utiles pour nos travaux. Est-ce qu'il les a vues, lui, pour pouvoir confirmer qu'elles ne seront pas utiles?

Une voix: ...de pouvoir juger.

M. Fréchette: Jusqu'à preuve du contraire, je dois prendre pour avérées les informations que l'on me transmet. Y a-t-il autre chose là-dessus?

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: On tient pour acquis que vous allez vérifier auprès de celui qui a la clé.

M. Fréchette: Vous avez vraiment le goût d'aller les voir. Je vais vous donner la réponse sur les prothèses, les orthèses et les vêtements.

M. Bisaillon: Oui.

M. Fréchette: Quant à la question du député de Sainte-Marie, en référence à ce que les assureurs appelleraient le "déductible" en matière de prothèses et orthèses, lorsque le projet de loi 42 a été déposé, l'explication a été donnée qu'il y avait une telle franchise sur les vêtements, par exemple. Nous avions donc inscrit dans la loi, pour les mêmes motifs que ceux qui ont présidé à la décision pour imposer une franchise de 25 $ pour les vêtements, qu'il existerait une franchise pour les prothèses et les orthèses. Les travaux de la commission nous ont amenés à modifier quelque peu cette décision pour retenir la franchise seulement pour les lunettes et les dentiers. Je ne sais pas si c'est...

M. Bisaillon: En fait, ce que je comprends de la loi actuelle, c'est que, pour les orthèses et les prothèses, il n'y a pas de franchise; pour les vêtements, il y a une franchise de 25 $. Lorsqu'on a amorcé les travaux sur les articles qui concernent cela dans le projet de loi 42, on nous a dit en commission parlementaire, et c'est M. Bernier qui nous l'avait affirmé, qu'il y avait déjà dans la loi actuelle une franchise pour les orthèses et les prothèses. Ce qui n'est pas le cas puisque vous venez de me confirmer que tel n'est pas le cas.

On a donc adopté les articles du projet de loi 42 en pensant que, déjà, il y avait une franchise de 25 $ pour les orthèses et les prothèses et pour les vêtements. Or, la réalité est qu'il n'y en avait que pour les vêtements. Là, on a adopté une loi dans laquelle on l'a enlevée, je pense, pour les vêtements et, dans notre tête, on l'a conservée pour les orthèses et les prothèses alors qu'on ne conservait rien, on ajoutait une franchise là où il n'y en avait pas.

Je me demandais juste si le ministre était prêt à revenir sur cette question pour rendre la situation comme elle l'est actuellement, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de franchise pour les orthèses et les prothèses. Cela me semblerait normal qu'il y en ait pour les vêtements, mais les orthèses et les prothèses, il me semble que c'est directement relié à la santé des gens.

M. Fréchette: Voulez-vous garder en tête votre question et on pourra y revenir?

M. Bisaillon: Ma tête déborde, M. le ministre!

M. Fréchette: Non, elle est capable d'en prendre beaucoup.

M. Bisaillon: Voulez-vous dire que j'ai la tête large?

Une voix: Une grosse tête!

M. Fréchette: Nous y reviendrons, si vous le voulez bien.

M. Bisaillon: Très bien.

Le Président (M. Beauséjour): De consentement, nous suspendons les articles 331 à 414 inclusivement.

M. Lincoln: Oui, c'est cela. M. Cusano: C'est cela. Recours

Le Président (M. Beauséjour): Ces articles sont suspendus. Nous entreprenons l'étude de l'article 415.

Responsabilité civile

M. Fréchette: L'article 415 contient une disposition de principe qui a d'ailleurs présidé à la mise sur pied du régime des accidents du travail en 1931, le travailleur renonçant à son droit de poursuite devant les tribunaux de droit commun.

Le Président (M. Beauséjour): L'article 415 est-il adopté?

M. Cusano: On n'a pas de rectification. Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: II y a eu un jugement de

rendu dernièrement où un juge aurait accordé plus ou trouvait que les indemnisations accordées - je me demande si ce sont les accidents du travail ou l'assurance automobile - n'étaient pas satisfaisantes et il aurait accordé plus. Est-ce que le ministre a étudié ce jugement?

M. Fréchette: Le député de Frontenac se réfère manifestement aux exceptions de l'article 418 du projet de loi 42 qui prévoient que, dans des conditions spécifiques, les cours peuvent accorder des montants au-delà des indemnités prévues par la loi. C'est l'un ou l'autre des quatre cas qui sont là. Il y a effectivement des jugements dans ce sens, il y en a beaucoup.

Le Président (M. Beauséjour): L'article 415 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Article 416?

M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement non plus à l'article 416, M. le Président.

Le Président (M. Beauséjour): Non. M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Article 417? Il y a un amendement, un papillon.

Remplacer l'article 417 par le suivant: "417. La personne chez qui un étudiant effectue un stage non rémunéré et celle chez qui une personne visée dans l'article 11 exécute un travail, rend un service à la collectivité ou agit comme apprenti bénéficient de l'immunité accordée par les articles 415 et 416."

M. Fréchette: C'est pour accorder la même immunité aux employeurs des personnes que l'on décrit à l'article 417, pour les exempter de poursuites civiles, sauf les exceptions prévues à l'article 418.

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Est-ce que l'article 417 est adopté tel qu'amendé?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Article 418?

M. Fréchette: À l'article 418, il y a un amendement, M. le Président. C'est l'article au complet qui est remplacé et le texte a déjà été distribué. (12 heures)

Le Président (M. Beauséjour): Remplacer l'article 418 par le suivant: "418. Un bénéficiaire ne peut intenter une action en responsabilité civile, en raison d'une lésion professionnelle, contre un employeur assujetti à la présente loi, autre que celui du travailleur lésé, que: "1° si cet employeur a commis une faute qui constitue une infraction au sens du Code criminel (SRC 1970, chapitre C-34) ou un acte criminel au sens de ce code; "2° pour recouvrer l'excédent de la perte subie sur la prestation; "3° si cet employeur est une personne responsable d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31; ou "4° si cet employeur est tenu personnellement au paiement des prestations. "Malgré les articles 1056 et 2262 du Code civil, une action en responsabilité civile pour une faute visée dans le paragraphe 1 du premier alinéa ne peut être intentée que dans les six mois de l'aveu ou du jugement final de déclaration de culpabilité."

L'amendement est-il adopté?

M. Lavigne: Ce n'est pas un amendement, M. le Président, c'est un remplacement.

Le Président (M. Beauséjour): C'est un amendement.

M. Cusano: Seulement une question. Lorsqu'on parle d'un employeur, est-ce qu'on parle aussi des personnes qui agissent au nom de l'employeur?

M. Fréchette: C'est évident que, chaque fois que le terme ou le mot "employeur" revient, ça doit se référer à son mandataire, à celui qui en tient lieu et place dans les activités normales de l'entreprise. Autrement, ça n'aurait aucun sens s'il fallait se référer toujours à l'employeur en termes de grand patron ou propriétaire de l'entreprise ou de personne spécifique. L'article 419 donne une réponse juridique à la question que vous posez: mandataire d'un employeur.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Non, ça va.

Le Président (M. Beauséjour): Ça va?

M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Pourriez-vous me donner la correspondance des articles de la présente loi qui se réfèrent à cette section, s'il vous plaît?

M. Fréchette: Oui, M. le Président,

nous allons le faire. Les articles 7, 8, 9 et 16.

M. Lincoln: C'est tout ce que je voulais savoir.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Ce sont des questions que je voudrais adresser au ministre. Si je comprends bien la portée de l'article 418, un travailleur pourrait intenter des poursuites contre un tiers, par exemple contre un sous-traitant de son employeur, mais on a déjà vu un article où, si le travailleur est reconnu coupable de négligence grossière, il perd ses droits par rapport à l'application du régime. Pourquoi ne fait-on pas la même chose quand il s'agit de l'employeur? Lorsqu'il y a négligence grossière de la part de l'employeur, lorsqu'il y a un non-respect évident de la réglementation ou des règlements, pourquoi ne permet-on pas au travailleur de poursuivre l'employeur? Pourquoi est-ce que cela ne s'appliquerait qu'à des tiers et pas par rapport à son employeur, étant donné que, même par rapport à son employeur, quand on peut le rendre responsable de négligence grossière, on lui coupe le régime? Il me semble qu'il n'y a pas de parallèle entre le traitement qu'on fait au travailleur et les précautions qu'on prend par rapport aux employeurs.

M. Fréchette: M. le Président, le motif principal pour lequel j'aurais de la difficulté à retenir l'argumentation et la suggestion du député de Sainte-Marie, c'est que ça peut être tellement subjectif, l'évaluation des circonstances ou des situations dont il nous parle, que quelqu'un qui envisagerait de faire l'analyse de tous les faits précis d'une circonstance pourrait toujours en arriver à la conclusion qu'il y a eu grossière négligence.

La grossière négligence - on me corrigera si je faisais erreur - dans bien des cas, va rejoindre l'infraction criminelle. Il y a des éléments de grossière négligence qui sont exactement les mêmes que ceux que l'on retrouve dans les infractions criminelles qui pourraient être commises dans le contexte particulier dont on parle.

M. Bisaillon: Est-ce que le ministre est conscient que, lorsqu'on a réglé l'article concernant les travailleurs, il n'a pas semblé trouver difficile de prouver, dans le cas d'un travailleur, ou il n'a pas trouvé subjectif, dans le cas d'un travailleur, qu'on puisse dire: II peut y avoir négligence grossière? À ce moment-là, il n'appliquera pas le régime. Si on a prévu dans la loi que le travailleur pouvait être responsable de négligence grossière et qu'à ce moment-là il n'aurait pas droit au régime et si on pensait que la négligence grossière, dans le cas d'un travailleur, c'était prouvable, pourquoi cela n'est-il plus prouvable tout à coup et cela est-il trop subjectif quand il s'agit d'un employeur?

M. Fréchette: M. le Président.

M. Bisaillon: À moins que le ministre n'accepte pas le fait que je dise qu'on a déjà convenu, dans un des articles du projet de loi, qu'un travailleur pouvait être accusé de négligence grossière et qu'à ce moment-là le régime ne s'appliquerait pas. Est-ce que c'est exact ce que je dis? Est-ce que, déjà, on a convenu d'un article disant: Si le travailleur est responsable de grossière négligence, on n'appliquera pas le régime? Est-ce que c'est vrai?

M. Fréchette: M. le Président, ce que le député de Sainte-Marie vient de dire, du moins dans ses propos préliminaires, est exactement le contraire de ce qui a été discuté au moment où on a adopté cet article. Il a été très clairement établi à ce moment-là que la preuve de la négligence grossière était tout à fait difficile à réaliser. Ce que je sais aussi, par l'information que l'on vient de me donner, c'est que jamais, au cours des dix dernières années, cette notion n'a-t-elle pu exempter un travailleur d'une réclamation, sauf à la suite d'un jugement de la Commission des affaires sociales. Mais, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il n'y a jamais eu de motif de grossière négligence...

M. Bisaillon: D'invoqué.

M. Fréchette: Il y en a eu d'invoqué, mais de retenu par la commission, non.

M. Bisaillon: D'accord.

M. Fréchette: C'est la Commission des affaires sociales qui l'a retenu.

M. Bisaillon: Malgré que, depuis dix ans, il n'y ait jamais eu de motif retenu ou invoqué par la commission face aux travailleurs, on a quand même laissé un article comme tel dans la loi. Ma question au ministre, c'est: Comme on a laissé un article de cette nature dans la loi, pourquoi ne fait-on pas le parallèle avec l'employeur? Pourquoi n'y a-t-il pas la possibilité que l'employeur soit reconnu ou soit accusé de grossière négligence et qu'à ce moment-là il n'y ait pas un recours pour le travailleur? Étant donné que, même si vous me dites que, pendant dix ans, cela ne s'est pas appliqué, on a quand même laissé un article qui prévoit cela, pourquoi le prévoit-on pour le travailleur? Ce qui me choque, M. le ministre, je vais vous le dire bien

franchement, c'est qu'on fasse des règles pour les travailleurs qu'on n'applique pas aux employeurs.

M. Fréchette: Vous n'avez pas besoin de me le dire. Quand vous êtes choqué, cela paraît.

M. Bisaillon: Je ne suis pas choqué choqué, mais je veux dire...

M. Fréchette: Pas besoin de l'exprimer, cela paraît. M. le Président, je sais bien que l'argument que je vais invoquer ne convaincra pas le député de Sainte-Marie. Il nous l'a dit à plusieurs reprises depuis que nos travaux ont débuté. Mais je lui rappellerai essentiellement que les textes qu'on est en train de discuter, celui dont on parle et qui a déjà été adopté est la reconduction expresse de ce qui existait déjà. Deuxièmement, je lui signale également que nous sommes dans un régime de responsabilités sans faute et qu'à partir de ce principe le phénomène de la grossière négligence qui a été reconduit dans le projet de loi 42, je ne sais pas comment on pourrait, devant une instance qui a juridiction pour rendre des décisions en cette matière, arriver à en faire la preuve. Sauf qu'encore une fois la Commission des affaires sociales a été convaincue que, dans une circonstance où le phénomène a été invoqué, la preuve avait été correctement faite qu'il y avait eu effectivement grossière négligence.

M. Bisaillon: M. le Président, le ministre est trop intelligent pour ne pas se rendre compte qu'il ne me répond pas. C'est quasiment de la grossière indécence.

Des voix: Ahl Ah! Ah!

M. Fréchette: Négligence au moins.

M. Bisaillon: Ce que je dis, c'est que tous les arguments que vous m'invoquiez, c'est: Oui, on a laissé l'article permettant qu'un travailleur trouvé coupable de grossière négligence ne se voit pas appliquer le régime de remplacement du revenu; oui, on a laissé cet article, mais celui-ci -n'a jamais été utilisé ou retenu par la CSST depuis dix ans; deuxièmement, on l'a laissé là parce qu'il y était.

Je vous dis que, maintenant qu'on fait la révision de la loi, peut-on faire l'équilibre entre l'employeur et le travailleur? Si on laisse dans la loi la possibilité que le travailleur soit reconnu coupable de grossière négligence et qu'à ce moment, étant reconnu coupable de grossière négligence, malgré la difficulté de la preuve, on prévoie dans la loi que le régime ne s'appliquera pas à lui, pourquoi ne pourrait-on pas prévoir dans la loi, malgré la difficulté de la preuve, que, lorsque l'employeur est coupable de grossière négligence, qu'il n'a pas respecté les règlements, lui aussi pourrait être pénalisé? Pénalisé de quelle façon? Parce que le travailleur aurait un droit de le poursuivre.

Là, on donne le droit au travailleur de poursuivre un tiers, mais jamais son boss. C'est assez bizarre. Jamais son employeur ne peut être coupable de grossière négligence, mais un tiers engagé par son employeur peut l'être. Il me semble qu'il manque d'équilibre là-dedans. Je suis fort conscient, M. le ministre, qu'il y a beaucoup de ministériels qui sont d'accord avec moi.

Une voix: C'est un appel au secours.

Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.

M. Fréchette: J'avais un professeur de philosophie qui disait aussi que saint Thomas était d'accord avec lui.

M. Grégoire: M. le ministre, dans un cas comme, par exemple, l'effondrement d'un immeuble d'habitation en cours de construction ici à Sainte-Foy, à Québec, il y a toujours un organisme autre que la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui va aller faire une enquête, que ce soit le coroner ou un autre service juridique. Dans le cas où cette enquête complètement indépendante de la Commission de la santé et de la sécurité du travail en arriverait à la conclusion qu'il y a eu grossière négligence de la part de l'employeur... Ce n'est pas la commission qui a rendu le verdict, mais c'est une entité juridique normalement reconnue qui en arrive à cette décision. Cela peut être à la suite d'enquêtes de spécialistes, cela peut être la Cour supérieure qui en arrive à cette conclusion.

On peut aussi prendre l'exemple du pont à Sept-Îles. Si les résultats des enquêtes en arrivent à la conclusion qu'il y a eu grossière négligence, si les tribunaux en arrivent à cette conclusion, est-ce qu'à ce moment toute la thèse développée par le député de Sainte-Marie ne pourrait pas être appliquée?

M. Fréchette: À partir des exemples qu'invoque le député de Frontenac, ce n'est pas de grossière négligence qu'il faudrait parler, mais très probablement de négligence criminelle. Il est évident que si, dans le cas très précis auquel il fait référence, celui du pont de la rivière Sainte-Marguerite, les instances appropriées en arrivaient à la conclusion qu'il y a eu négligence criminelle quelque part, le recours des accidentés est là.

Pourquoi maintenant ne pas retenir la suggestion du député de Sainte-Marie? Tout

simplement parce que l'on vient d'adopter l'article 415 de la loi qui prévoit que le travailleur victime d'une lésion professionnelle va être indemnisé de la façon que cette même loi le prévoit et qu'en même temps il renonce à tout recours contre son employeur. C'est là le mécanisme qui a présidé à l'adoption de la Loi sur les accidents du travail il y a 50 ans, les employeurs acceptant plutôt que de risquer des poursuites civiles en très grand nombre et probablement aussi des montants importants de réclamations; les employeurs à l'époque ont accepté de cotiser de la façon qu'ils le font et les travailleurs de leur côté acceptant de renoncer à une certaine partie des dommages qui, autrement, pourraient leur être dus. C'est le compromis que les deux parties ont fait et c'est ce que l'article 415 du projet de loi consacre: la renonciation à une poursuite civile sauf les exceptions prévues à l'article 418 par suite de dommages qu'on peut avoir subis dans un accident de travail.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Évidemment, à la suite du plaidoyer du député de Bisaillon...

M. Bisaillon: De Sainte-Marie.

M. Lavigne: Député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. Sainte-Marie dans Bisaillon. (12 h 15)

M. Lavigne: II avait attiré chez moi beaucoup de sympathie a son plaidoyer.

M. Bisaillon: Vous voyez!

M. Lavigne: II me paraissait, effectivement, à la suite de son plaidoyer, qu'il n'y avait pas d'équité ou, pour le moins, de réciprocité entre ce qu'on permettait à l'employeur et ce qu'on ne permettait pas à l'employé.

Par ailleurs, à la suite des derniers propos du ministre, je pense que c'est toute la philosophie du projet de loi qui sous-tend cet article dans le sens suivant: C'est que la compagnie effectivement paie spécifiquement une prime pour éviter cela, afin de ne plus être actionnée par son employé qui aurait subi un accident du travail. Elle paie expressément pour cela. À ce moment-là, si elle paie afin de ne pas être poursuivie et que le projet de loi permet à l'employé de la poursuivre quand même, on vient chambarder un peu la philosophie que sous-tend le projet de loi.

M. Bisaillon: Si on acceptait l'ar- gumentation du ministre et celle du député de Beauharnois, on pourrait en arriver peut-être à la conclusion qu'il faudrait enlever l'autre article.

M. Lavigne: Lequel?

M. Bisaillon: Celui qui n'a jamais servi et qu'on a quand même laissé dans le projet de loi, celui qui prévoit que le travailleur qui est coupable de négligence grossière ne se voit pas appliquer le régime. Pourquoi ne l'enlevons-nous pas celui-là? Comprenez-vous? Il me semble qu'on barre cela avec trois clefs et deux cadenas. Il y a une paire de bretelles par-dessus la ceinture.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Avec tout le respect que je dois à mon collègue de Sainte-Marie - je pense qu'on s'entend très bien sur les questions d'ordre social - je dois dire que je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui là-dessus, je pense qu'il y a une distinction à faire dans les deux cas. Je pense que, sur la question de l'employeur et du recouvrement, une des raisons pour lesquelles un article comme 415 apparaît dans la loi, c'est à la suite d'une question de jurisprudence qui a été prouvée plusieurs fois. Si, demain matin, on changeait cela, il faudrait automatiquement prévoir un mécanisme d'option pour l'employé. L'employé ne pourrait pas en même temps réclamer de la Commission de la santé et de la sécurité du travail une prime de décès ou une indemnité et avoir un recours en droit. Il faudrait qu'il ait l'option de dire: Je vais faire un recours en droit pour le recouvrement d'une indemnité. Qu'est-ce qui arriverait si c'était, par exemple, un cas contre un employeur pour grossière négligence? L'employeur se défendrait en cour. C'est ce qui arrivait dans le passé. Je peux vous le dire en connaissance de cause. J'ai eu des cas dans le domaine de l'aviation. Si, par exemple, cette option était donnée à l'employeur dans la loi, les compagnies se défendraient certainement en cour. Il y a des cas qui prendraient deux ou trois ans. Pendant ce temps, est-ce que ce serait réellement une indemnité? C'est une des raisons pour lesquelles, à un moment donné, on en est arrivé à un mécanisme de compromis. On a dit: II faudra faire des choix. Au moins, de cette façon, l'employé sait exactement ce qu'il va avoir tout de suite et il renonce à ses droits au civil.

Mais, d'un autre côté, pour ce qui est de l'employé, je me souviens qu'on a discuté de cette question et ce n'était pas tout à fait une renonciation complète des droits donnés dans la loi, c'était une renonciation partielle. On a retrouvé cela dans la loi. On

disait: "Une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière ou volontaire du travailleur qui en est victime n'est pas une lésion professionnelle, à moins qu'elle n'entraîne le décès du travailleur ou qu'elle lui cause une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique."

Nous avions retenu que si vraiment un employé, volontairement, subissait une blessure ou quelque chose comme cela, c'était normal qu'il en subisse les conséquences, mais que, si cela allait plus loin, si cela causait une atteinte permanente à son intégrité, il recouvrait les droits complets. Je me souviens que, lorsqu'on a discuté de cela, on disait: Si c'est quelque chose de grave, à ce moment-là, la présomption de négligence grossière est enlevée. C'est mitigé de ce point de vue. Mais je suis d'accord pour dire avec le député de Sainte-Marie que, si on en arrivait avec la logique totale des choses, on faudrait peut-être biffer cet article. Enfin, je ne sais pas si on devrait revenir encore à cela et discuter de la question, mais je me souviens que, lorsque nous en avons discuté, on s'était dit: Puisque l'atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique est couverte et le décès, on accepte la chose...

M. Bisaillon: Sur division. Vous vous souviendrez que cet article a été adopté sur division.

M. Lincoln: Je m'en souviens, oui. Mais, en tout cas, je crois que cela aurait été très dangereux de changer l'article 415, parce que c'est quelque chose qui est dans la jurisprudence depuis des années maintenant. Il faudrait changer tout le mécanisme et le principe même de la compensation au travailleur accidenté.

M. Bisaillon: M. le Président, en date du 4 février 1985, le secrétaire de la commission a reçu un addendum au mémoire qui avait été déposé par la Commission des services juridiques concernant le projet de loi 42 et il en a fait parvenir une copie à tous les membres de la commission. Je regarde ce document qui a été préparé en février, donc récemment, que le ministre a dû voir. À la page 1, la Commission des services juridiques nous dit, à l'article 27.1: "Faute contributoire de l'accidenté. Nous déplorons la réintroduction de cette notion de faute contributoire de l'accidenté. Cette réserve nous apparaît inutile et pourrait susciter des débats interminables sur le type de négligence dont aurait fait preuve un accidenté." Pourquoi n'enlève-t-on pas tout simplement l'article 27.1? Cela réglerait toutes les affaires.

M. Fréchette: M. le Président, d'abord, quand vous regardez le projet tel qu'imprimé, vous remarquez que cette disposition n'était pas là et n'avait pas été reconduite.

M. Bisaillon: C'est cela.

M. Fréchette: En toute justice, il faut signaler que c'est le député d'Outremont, je pense, qui a élaboré l'argumentation là-dessus. Je serais beaucoup plus à l'aise s'il était ici pour que l'on fasse la discussion sur cet article-là. Je n'ai pas d'objection à y revenir à un moment donné, si vous le voulez. En toute équité pour le député d'Outremont, comme il est celui qui a commencé la discussion qui nous a amenés à cet amendement-là, on pourrait attendre qu'il soit ici pour la faire.

M. Bisaillon: Je n'ai pas d'objection. Pourrait-on, à ce moment-là, pour pouvoir avoir un point d'appui pour rediscuter de l'article 27.1, suspendre l'article 418 et passer au suivant?

M. Fréchette: Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Juste une question. Le ministre a dit tout à l'heure que, depuis dix ans, la Commission de la santé et de la sécurité du travail n'avait jamais retenu un cas de grossière négligence, mais que la Commission des affaires sociales avait pu en retenir. Pourrait-on savoir si, effectivement, cela représente un grand nombre de cas?

M. Fréchette: Non, non. Je vous dis qu'à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, depuis une dizaine d'années, au meilleur souvenir qu'on puisse en avoir, la commission elle-même n'a jamais retenu le motif de grossière négligence. Dans une décision récente de la Commission des affaires sociales où l'employeur a invoqué les dispositions de la loi actuelle qui, précisément, nous réfèrent à cette négligence, la Commission des affaires sociales a retenu qu'effectivement l'employeur avait surmonté le fardeau de la preuve qui lui incombait et avait convaincu le commissaire que l'accident était causé par la grossière négligence du travailleur. De toute évidence, sa réclamation a été rejetée à ce moment-là.

M. Grégoire: Alors, cela s'est produit?

M. Fréchette: À la Commission des affaires sociales. On peut vérifier de plus près quant au quantum ou au nombre de décisions, mais il y en a une récente dans ce sens-là.

Le Président (M. Beauséjour): L'article 418 est-il suspendu?

M. Cusano: Suspendu.

Le Président (M. Beauséjour): Ainsi que l'amendement?

M. Lincoln; L'amendement est suspendu.

M. Bisaillon: ...sur le contenu, mais on comprend qu'on suspend l'article 27.1.

Le Président (M. Beauséjour): Oui, oui. Nous passons à l'article 419 avec un amendement. Ajouter, à la fin - de l'article 419, j'imagine? c'est cela? - les mots et l'alinéa suivants: ", sauf s'il s'agit d'un professionnel de la santé responsable d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31. "Dans le cas où l'employeur est une personne morale, l'administrateur de la corporation est riputé être un mandataire de cet employeur." C'est ajouté après "l'exercice de ses fonctions".

M. Fréchette: C'est cela.

Le Président (M. Beauséjour): Y a-t-il des commentaires?

M. Bisaillon: Pour l'expression "est réputé", au deuxième paragraphe, ne serait-il pas mieux de dire "est présumé"?

M. Fréchette: "Réputé", c'est plus fort que "présumé". "Réputé", cela crée une présomption de la nature de celles qui ne sont pratiquement pas... En tout cas, les avocats parleraient d'une présomption juris et de jure et juris tantum. "Réputé", quant à moi, cela se réfère à la présomption qu'on appelle juris et de jure, c'est-à-dire que ce n'est pas renversable, alors que "présumé" -d'ailleurs, on fait littéralement référence à présomption - cela devient renversable.

Le Président (M. Beauséjour): L'amendement à l'article 419 est-il adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Est-ce que l'article 419 tel qu'amendé est adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. J'appelle l'article 420. Il y a un amendement.

Une voix: II a donné une explication que je n'aurais pas été capable de donner.

Le Président (M. Beauséjour): L'amen- dement se lit ainsi: Remplacer le troisième alinéa par le suivant: "À défaut de faire l'option prévue par le premier ou le deuxième alinéa, le bénéficiaire est présumé renoncer aux prestations prévues par la présente loi." Est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Bisaillon: Pourquoi les délais? Dans la loi actuelle, il n'y a pas de délai.

M. Fréchette: Attendez un petit peu. C'est le corollaire de l'article 5 actuel, M. le Président, où il est prévu que l'option doit s'exercer à l'intérieur d'une période de trois mois. Ici, on le double, on le met à six mois. Il faut de toute évidence qu'à un moment donné il y ait une ligne qui soit tirée quelque part. Là, on double le délai de prescription que la loi actuelle prévoyait.

M. Bisaillon: Les trois mois qui étaient prévus à l'article 5, est-ce que c'était pour exprimer un choix?

M. Fréchette: C'est pour faire l'option à l'article 5.

M. Bisaillon: Oui.

M. Fréchette: À l'article 420, c'est aussi pour les fins de l'option. Alors, on élargit du simple au double le délai de prescription.

M. Bisaillon: Sauf qu'on élargit la présomption de renonciation. Le délai étant passé, on présume qu'il y a renonciation.

M. Fréchette: C'est ce que je viens de dire au député de Sainte-Marie. Ce n'est pas seulement dans une loi comme celle-là qu'on retrouve des délais de prescription. Le Code civil contient toute une série de prescriptions qui ont, d'ailleurs, créé des inéquités et des injustices, à un moment donné. Mais il faut tirer la ligne. L'action en dommages et intérêts...

M. Bisaillon: Cela reprend les discussions qu'on a déjà eues sur les délais. Il y a des délais que vous nous avez expliqués et qui ne sont pas de rigueur dans la loi. N'y a-t-il pas danger qu'on ne fasse pas la distinction entre les délais qui sont de rigueur et ceux qui ne le sont pas?

M. Fréchette: Je vous signale que, si on doit en faire une interprétation froidement juridique, à l'article 420, lesdélais ne sont pas dits de rigueur. Quelqu'un qui entreprendrait de plaider devant n'importe quelle instance que le délai de six mois qui est indiqué ici n'est effectivement qu'indicatif pourrait sans doute réussir à convaincre le juge de la justesse...

M. Bisaillon: Sauf qu'entre-temps on aurait présumé qu'il a renoncé parce que le délai est écoulé.

M. Fréchette: Oui.

M. Bisaillon: Cela me semble être un délai de rigueur.

M. Fréchette: Non.

M. Bisaillon: Si je laisse le délai s'écouler, c'est comme si j'avais renoncé.

M. Fréchette: Oui.

M. Bisaillon: C'est de rigueur, cela.

M. Fréchette: Rien ne vous empêche, après l'expiration du délai, de revenir présenter votre réclamation et d'invoquer l'argumentation dans le sens que je viens d'expliquer, à savoir que ce n'est pas un délai de rigueur. Ce sera à la personne qui entendra l'argumentation de décider si, d'une part, c'est de rigueur ou non et, d'autre part, si sa décision est que cela n'est pas de rigueur, d'évaluer ensuite les motifs pour lesquels la réclamation a été présentée au-delà des délais prévus.

M. Bisaillon: Mais, à sa face même, est-ce que ce n'est pas un délai de rigueur?

M. Fréchette: Non.

M. Bisaillon: Qu'est-ce que cela prend pour que ce soit un délai de rigueur?

M. Fréchette: II faut que ce soit indiqué. Je pense que... J'essaie de me rappeler mes notions de procédure civile. Le Code de procédure civile contient une disposition très spécifique à cet égard. On pourrait mettre la main sur un exemplaire quelque part. L'esprit de la disposition du Code de procédure civile, c'est de dire que des délais sont de rigueur lorsque c'est expressément indiqué dans la loi qui y fait référence.

M. Bisaillon: Faudrait-il dire: "ce délai est de rigueur"?

M. Fréchette: Il faudrait dire: "ce délai est de rigueur".

M. Bisaillon: Si on... (12 h 30)

M. Fréchette: Enfin, c'est mon interprétation à ce stade-ci. J'aimerais beaucoup mieux regarder de plus près le Code de procédure civile, mais c'est l'impression que j'en ai.

Le Président (M. Beauséjour): Est-ce que l'amendement à l'article 420 est adopté? M. Cusano: L'amendement est adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Est-ce que l'article 420 tel qu'amendé est adopté?

M. Cusano: En ce qui nous concerne, la question des six mois est très raisonnable puisque ce n'est pas de rigueur... C'est adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 421.

M. Fréchette: II y a un amendement.

Le Président (M. Beauséjour): II y a un amendement. Ajouter, à la fin de l'article 421, l'alinéa suivant: "Ce bénéficiaire doit réclamer cette prestation à la commission dans les six mois du jugement final rendu sur l'action en responsabilité civile.

M. Cusano: Ces six mois ne sont pas de rigueur.

M. Grégoire: M. le Président...

M. Fréchette: II y a le "doit" qui est là.

M. Grégoire: M. le Président, à supposer que la prestation accordée par les tribunaux soit inférieure à celle à laquelle aurait droit le bénéficiaire de par la loi, il faut qu'il aille chercher une deuxième prestation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour équilibrer. Est-ce qu'il pourrait alors se désister du jugement de la cour civile pour aller tout chercher directement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et ce, dans le but d'éviter soit une faillite, soit une déconfiture de l'employeur qui a à le lui payer, dans le but d'éviter un double chèque, alors que c'est plus garanti pour lui d'en recevoir seulement un au plein montant de la Commission de la santé et de la sécurité du travail? Voici ce que je voudrais savoir. Est-ce que ce travailleur pourrait se désister du jugement de la Cour supérieure pour aller chercher la prestation à une seule place?

M. Fréchette: M. le Président, nos lois prévoient que le désistement de quelque procédure que ce soit est toujours possible, et assez curieusement, même le désistement aux effets d'un jugement qu'on peut obtenir de la Cour supérieure ou de la Cour provinciale. L'accidenté qui aurait, effectivement, fait l'option d'aller devant les tribunaux de droit commun, qui aurait obtenu un jugement qui n'est pas ce qu'il pensait pouvoir obtenir, je ne lui conseillerai jamais

de se désister du jugement qu'il vient d'obtenir pour ensuite aller frapper à la deuxième porte et dire: La cour a décidé que mes dommages étaient liquidés de telle façon, ce n'est pas assez parce qu'en vertu des principes que vous avez j'aurais pu avoir plus. Pouvez-vous me donner tout le gâteau que je viens de laisser là? J'ai l'impression que... Là, il peut réclamer la différence entre les deux.

M. Grégoire: Le bénéficiaire doit réclamer cette prestation à la commission dans les six mois du jugement final.

M. Fréchette: C'est la différence entre les deux.

M. Grégoire: C'est pour cela qu'on lui donne six mois de délai pour peut-être choisir, prendre l'option à savoir s'il prend tout ce à quoi il aurait droit, en vertu de l'article 421.

M. Fréchette: Ce n'est pas cela que cela veut dire, M. le député de Frontenac. Cela veut dire que l'accidenté a fait l'option d'aller devant le tribunal de droit commun, ce tribunal de droit commun rend un jugement en vertu duquel il a droit à une indemnité de 10 000 $. Je prends un chiffre arbitraire. Ayant obtenu son jugement, il évalue, avec les dispositions de la Loi sur les accidents du travail, que, s'il était allé au premier chef devant la commission, il aurait été en mesure d'obtenir, disons, 15 000 $ d'indemnité.

Ce que l'article 421 lui permet de faire, c'est d'exécuter son jugement pour les 10 000 $ qu'il a obtenus et de revenir devant la commission pour réclamer la différence entre le montant du jugement et le montant auquel il aurait pu avoir droit en vertu des dispositions de la loi.

M. Grégoire: M. le Président, dans le cas d'un montant unique et forfaitaire, c'est parfait, mais, dans le cas d'une indemnité de remplacement qui peut s'échelonner sur une dizaine d'années, où il recevrait par les tribunaux 70% de son salaire net et où la commission lui verserait les autres 20% pour atteindre le total de 90%, il recevrait pendant dix ans de deux endroits différents. Est-ce que le délai de six mois qu'il a pour faire son option en vertu de l'article 421 pourrait lui permettre, dans cette option, de se désister du jugement pour recevoir les 90%, pendant les sept, huit ou dix ans qu'il lui reste à vivre, directement de la commission?

M. Fréchette: Lisons le texte de loi comme il est écrit: "Si le bénéficiaire visé dans l'article 420 choisit d'intenter une action en responsabilité civile et perçoit..."

Ce n'est pas juste obtenir un jugement qui n'est pas exécuté et pour lequel tu n'es pas payé. La perception du montant d'argent que la cour a accordé doit être faite. On ne parle pas uniquement de la possibilité d'obtenir théoriquement un jugement devant la Cour supérieure. Si le jugement est obtenu et qu'il est réalisé par la suite que son exécution est impossible, pour n'importe quel genre de motif, comme, par exemple, ce que vous êtes en train de nous dire, la déconfiture de l'employeur, s'il n'a pas été en mesure de percevoir le montant d'argent auquel il a droit, il peut revenir devant la commission pour percevoir le montant global sans être obligé de se désister, comme vous le dites. Par ailleurs, il est sûr que, s'il est payé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il ne pourra pas revenir pour réclamer l'argent, mais il y a sans doute un pouvoir de subrogation qui sera accordé à la commission pour aller récupérer de l'employeur, si c'est possible, le montant auquel la cour l'avait condamné.

M. Grégoire: Je crois que, pour un montant unique et forfaitaire à payer, c'est très bien, mais, lorsque ce sont des remplacements d'indemnité...

M. Fréchette: C'est le choix que l'accidenté a fait, c'est le choix qu'il a fait. Je présume que le choix qu'il a fait, il l'a fait après avoir analysé la situation. S'il préfère avoir un montant en capital plutôt qu'une indemnité étalée jusqu'à l'âge de 68 ans et qu'il répond aux conditions prévues par la loi pour intenter une action devant le tribunal de droit commun, c'est le choix qu'il a fait. Si, malheureusement, le choix ne l'amène pas aux conclusions qu'il avait espérées, il n'y a personne qui peut être tenu responsable de cela, je ne crois pas.

Deuxièmement, je ne connais pas de dispositions qui permettent à un tribunal de droit commun qui condamne quelqu'un à des dommages - ce n'est peut-être pas défendu non plus, mais je n'aurais jamais vu cela -qui feraient en sorte que la condamnation au paiement d'un montant de 15 000 $ en dommages, par exemple, doit être étalée en termes de paiement sur une période X d'années. Moi, je n'ai jamais vu de semblable jugement. Je ne connais pas cela, cela existe peut-être et ce n'est peut-être pas défendu de le faire non plus. Mais, quand une cour condamne quelqu'un à des dommages, c'est un montant en capital qui est très spécifique. Je ne sache pas qu'il ait jamais existé de jugement qui permettait de rembourser des dommages par voie d'étalement, comme vous le dites.

M. Bisaillon: L'apparition dans l'article en cause d'autres délais m'amène à rappeler au ministre qu'il avait déjà pris l'engagement

de nous dresser un tableau des délais de la loi. Est-ce que...

M. Fréchette: J'en ai un bon bout de fait.

M. Bisaillon: Ce n'est pas prêt maintenant.

M. Fréchette: Pas tout à fait, mais...

M. Bisaillon: Parce que plus on va avancer, plus il y a des délais. Cela serait peut-être intéressant de l'avoir à ce moment.

M. Fréchette: Si on entreprend le chapitre de la commission d'appel, il y en d'autres.

M. Bisaillon: En plus. M. Fréchette: Oui.

Le Président (M. Beauséjour): Est-ce que l'amendement à l'article 421 est adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Est-ce que l'article 421 tel qu'amendé est adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté, tel qu'amendé. L'article 422?

M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement et c'est exactement le phénomène inverse de celui dont on vient de parler. Si l'accidenté reçoit de la commission une somme inférieure à celle à laquelle il pourrait prétendre en vertu des dispositions de la loi, il peut s'adresser au tribunal indiqué pour réclamer cette différence.

Le Président (M. Beauséjour): L'article 422 est-il adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Article 423?

M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement non plus, M. le Président. C'est le phénomène de la subrogation dont je parlais tout à l'heure. La commission est subrogée dans les droits du réclamant lorsqu'elle a elle-même payé des montants qui pourraient être réclamés d'une tierce personne.

Le Président (M. Beauséjour): L'article 423 est-il-adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Article 424?

M. Bisaillon: C'est quoi la référence aux articles du Code civil?

M. Fréchette: La prescription. À 1056, c'est la responsabilité, je pense, et la prescription d'une année, c'est 2262.

M. Bisaillon: 2262, c'est la prescription d'une année?

M. Fréchette: Oui.

Le Président (M. Beauséjour): L'article 424 est-il adopté?

M. Cusano: Adopté.

Recours en vertu d'un autre régime

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Article 425?

M. Fréchette: Pas d'amendement, M. le Président, à l'article 425. Cet article a pour but d'éviter la double indemnisation. Il peut arriver que le bénéficiaire d'une indemnité de remplacement du revenu, en vertu de la présente loi, ou d'une rente pour incapacité totale, en vertu de la Loi sur les accidents du travail ou de la Loi visant à favoriser le civisme ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, ait droit, en raison d'un nouvel événement, à une telle indemnité ou à une telle rente en vertu de la Loi sur l'assurance automobile ou d'une des lois que l'on vient de mentionner autre que celle en vertu de laquelle il est déjà indemnisé. Le présent article interdit le cumul de ces indemnités, de manière à éviter la surindemnisation.

M. Bisaillon: Même si c'est pour deux événements différents?

M. Fréchette: Oui, si le deuxième événement n'aggrave pas la situation du réclamant.

M. Bisaillon: Mettons que j'ai une maladie professionnelle et, deux ou trois ans après, j'ai un accident de voiture qui me fait perdre une jambe. Tu ne travailles plus, tu as ta maladie professionnelle, tu es indemnisé. Qu'est-ce qui arrive?

M. Fréchette: Cela n'affecte pas le montant forfaitaire, cela n'affecte pas le paiement du montant forfaitaire prévu par l'une et l'autre des deux lois, en retenant que le montant forfaitaire est très précisément dans la loi pour permettre une

espèce de "dédommagement", entre guillemets, des séquelles qu'on peut avoir d'un accident, qu'il soit du travail ou d'automobile. Par ailleurs, quand on se réfère à l'autre phénomène d'indemnité qui est celui du remplacement du revenu, si un accidenté du travail se trouve, à cet égard-là, à recevoir à peu près ce qu'il aurait reçu s'il avait normalement été au travail, comme il a déjà été compensé par le forfaitaire, autant celui de la CSST que de la RAAQ, il n'y a pas lieu de surindemniser en termes d'indemnité de remplacement.

M. Bisaillon: On parle de rente aussi là-dedans, on ne parle pas juste d'indemnité de remplacement du revenu.

M. Fréchette: Pardon?

M. Bisaillon: On parle de rente aussi là-dedans.

M. Fréchette: C'est parce qu'à l'IVAC et à la Loi visant à favoriser le civisme, on va continuer de parler de rente.

M. Grégoire: Alors, si un type subit un accident d'automobile, qu'il n'est plus capable de travailler, qu'il a une incapacité totale permanente, on lui donne une rente équivalant à 90% de son salaire.

M. Fréchette: S'il est dans l'exécution des fonctions de son travail.

M. Grégoire: Non, dans un accident d'automobile, j'entends. Là, l'assurance automobile va le payer.

M. Fréchette: L'assurance automobile va le payer, effectivement.

M. Grégoire: Une semaine après avoir été payé par l'assurance automobile, et cela faisait six mois qu'il faisait des démarches auprès d'un comité de pneumoconiose qui le déclare incapable de travailler à cause de l'amiantose...

M. Fréchette: Oui.

M. Grégoire: II n'a pas les deux.

M. Fréchette: II n'a pas les deux indemnités. Je pense que le député de Frontenac va comprendre cela.

M. Grégoire: II a eu les deux maladies pourtant.

M. Fréchette: Oui et même s'il avait...

M. Grégoire: Oui, mais s'il a été rendu incapable de travailler à cause d'un accident d'automobile grave et qu'il a été rendu malade professionnellement dans son usine par les patrons qui ne se sont pas occupés de leur affaire. (12 h 45)

M. Fréchette: Le député de Frontenac n'a très certainement pas ou bien compris ou accepté l'argumentation que j'ai soulevée tout à l'heure.

M. Grégoire: Il n'est pas payé...

M. Fréchette: Pour l'un et l'autre cas, il va recevoir l'indemnité prévue en termes de montant forfaitaire. Le montant forfaitaire, encore une fois, est très précisément dans l'une et l'autre des deux lois. On peut discuter des quantums, on peut bien discuter du fait que ces montants forfaitaire ne sont pas suffisants. C'est une tout autre discussion. Mais, au niveau du principe lui-même, le montant forfaitaire est là très précisément pour dédommager des séquelles d'un accident, quel qu'en soit l'origine. Cette personne va donc continuer, si elle est totalement invalide, à recevoir 90% du revenu net dont on parle, mais elle aura été compensée aussi en termes de forfaitaire.

M. Grégoire: Deux fois en tant que forfaitaire.

M. Fréchette: Voilà.

M. Grégoire: Une fois en tant que...

M. Fréchette: ...l'indemnité de remplacement.

M. Lavigne: M. le ministre et M. le Président, si vous permettez. Si, au lieu de prendre un exemple d'accident du travail et d'accident d'automobile, on prenait l'exemple d'un accident du travail et d'une victime d'acte criminel, est-ce que c'est la même chose qui se produit? Il n'y a pas de différence, que ce soit un accident d'automobile ou une victime d'acte criminel?

M. Fréchette: Juste un détail additionnel. À supposer que quelqu'un soit en état d'incapacité totale, mais de façon temporaire, à la suite d'un accident du travail. Il subit, par ailleurs, un accident d'automobile qui prolonge la période d'incapacité totale. Il va continuer, pendant la période de prolongation, à recevoir l'indemnité, même si, normalement comment s'appelle le mot dont on a parlé depuis le tout début? - la consolidation était prévue pour être atteinte à telle date.

M. Cusano: Dans ce cas, M. le Président, les coûts supplémentaires seraient imputés à qui?

M. Fréchette: Cela dépend de quels coûts vous parlez.

M. Cusano: Suivant l'exemple que vous avez là. L'accidenté est là. Il a eu...

M. Fréchette: C'est l'organisme qui est responsable de l'aggravation de l'état de la personne qui a...

M. Cusano: C'est spécifié où, ça?

M. Fréchette: Article 426, voyez l'article 426.

M. Bisaillon: Peut-être qu'il pourrait continuer à payer, mais qu'il réclamerait à l'assurance-automobile pour le surplus.

M. Fréchette: C'est cela. Il y a des ententes de prévues avec ces organismes dans les articles qui suivent.

Le Président (M. Beauséjour): Est-ce que l'article 425 est adopté?

Une voix: On n'a pas le choix. M. Grégoire: Je dirais sur division. Le Président (M. Beauséjour): Pardon? M. Cusano: Adopté.

M. Bisaillon: II veut dire que, s'il pouvait voter, il dirait sur division, M. le Président.

M. Cusano: Bon, c'est clair.

Le Président (M. Beauséjour): D'accord, merci, adopté. L'article 426?

M. Fréchette: Est-ce que ça fait votre affaire, M. le député de Frontenac? Vous avez l'aide qu'il vous faut.

M. Grégoire: II est assez "magané", ce pauvre gars.

M. Fréchette: Vous aviez un bon procureur. À l'article 426, M. le Président, je ne sache pas qu'il y ait d'amendement et c'est tout simplement le mécanisme qui est prévu aux fins des ententes dont on vient de parler, quand l'article 425 s'applique.

M. Cusano: J'ai une question.

M. Bisaillon: ...à la Régie de l'assurance-automobile, pas aux autres organismes. De toute façon, les ententes existent aussi avec d'autres organismes.

M. Fréchette: Oui et les deux autres programmes d'indemnité, l'IVAC et le Civisme, c'est déjà la commission de la santé qui les administre.

M. Bisaillon: Ils sont bien entre eux, ils se regardent dans le miroir. Ils font comme moi, quoi!

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Viau.

M. Cusano: J'ai une petite question. Est-ce que, présentement, il y a une entente entre la CSST et d'autres...

M. Fréchette: L'entente n'est pas complétée, M. le Président.

M. Cusano: Alors, présentement, la CSST...

Une voix: II y a des cassettes.

M. Fréchette: Au moment où l'on se parle, l'entente n'est pas complétée.

M. Cusano: Elle n'est pas complétée. Est-ce qu'elle ne serait pas rétroactive, cette entente? La question plus précise, je pense que M. Bernier s'y attend, c'est pour savoir si la RAAQ doit, dans un sens, moralement sinon légalement, de l'argent à la CSST.

M. Fréchette: Je m'excuse.

M. Cusano: Je sais que vous avez deux oreilles et que vous entendez une personne à la foisî

M. Fréchette: Oui, mais pourriez-vous me répéter votre question?

M. Cusano: Voici ma question. Présentement, dans l'état actuel des choses -je sais qu'il y a eu des discussions entre la RAAQ et la CSST sur la question, justement, qui est abordée à l'article 426 - est-ce que, moralement sinon légalement, la RAAQ doit de l'argent à la CSST?

M. Fréchette: M. le Président, on me demande de porter un jugement moral. Vous voyez dans quelle situation on me place. J'aime autant m'en tenir, vous savez, à mon rôle d'essayer de faire en sorte d'expliquer cette loi et d'essayer de la faire adopter.

M. Cusano: Je vais poser la question d'une autre façon. Est-ce que la CSST a tenté de réclamer certains montants à la RAAQ?

M. Fréchette: Oui, M. le Président.

M. Cusano: Bon. Est-ce qu'on pourrait savoir...

M. Fréchette: Un instant! Il n'y a pas moyen d'effacer cela dans le journal.

M. Bisaillon: Si j'avais la possibilité d'effacer, j'effacerais!

M. Fréchette: M. le Président, je me désiste de ce que je viens de dire.

Le phénomène auquel on se réfère aux articles 425 et 426 est strictement pour essayer de régulariser des situations lorsque deux accidents se produisent: un accident normalement indemnisable par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et l'autre indemnisable par la RAAQ. C'est strictement en fonction d'un phénomène comme celui dont je viens de parler. Ce n'est pas l'article 426 qui touche à l'aspect moral dont me parle le député de Viau.

M. Cusano: Quel est l'article qui va y toucher?

M. Fréchette: Je ne sais pas s'il y a un article qui y touche. Je ne pense pas qu'il y en ait.

M. Cusano: Est-ce que vous avez l'intention d'en présenter un?

Une voix: Une loi morale.

M. Fréchette: On verra en temps et lieu.

M. Cusano: C'est une question, je pense...

M. Fréchette: C'est une question très importante...

M. Cusano: ...très importante.

M. Fréchette: ...cela, je n'en disconviens pas.

M. Cusano: Je ne voudrais pas citer des chiffres, à ce moment-ci, mais je pense que les discussions qu'il y a eu entre les deux organismes parlent de millions et de millions de dollars. Peut-être que M. Bernier pourrait nous répondre.

M. Fréchette: C'est un phénomène important, mais je ne vais pas commencer à faire état ici de toutes les discussions qui se sont tenues à cet égard. C'est bien sûr qu'il y a des chiffres. Les uns disent X, les autres disent Y et d'autres disent Z. C'est une discussion qu'on ne doit pas faire... Je n'ai pas d'objection à faire la discussion sur le plan des principes, sur le plan de ce que cela peut impliquer, mais les évaluations des coûts qui sont faites varient à ce point qu'on ne sait pas très précisément quelle est l'heure juste à cet égard.

M. Lincoln: M. le Président, est-ce qu'il ne faudrait pas que cet article précise un petit peu plus clairement l'imputation de la responsabilité de ces coûts, c'est-à-dire que la RAAQ devrait assumer ses responsabilités s'il en est décidé ainsi? Comment décide-ton de la répartition? Il y a sûrement des cas, par exemple, où l'idée de l'entente est de dire: Le bénéficiaire ne doit pas souffrir; on va le payer de toutes les façons. C'est établi dans la loi. Ensuite, il y a une entente qui dit: S'il y a deux accidents, un accident d'automobile et un accident du travail, et que les coûts de cela devraient être répartis, sans doute que l'agence, la régie, la commission qui assume les coûts est celle à laquelle l'accident primaire est imputé. Comment détermine-t-on cela? Est-ce que cela ne devrait pas être...

M. Fréchette: C'est en fonction de l'entente qui va intervenir entre les deux parties et qui leur est imposée par l'article 426, s'il est adopté. Il faut traiter ces dossiers, me dit-on, cas par cas, chacun des cas pouvant présenter des coordonnées tout à fait différentes de celui qu'on vient de traiter. C'est à l'intérieur de l'entente dont parle l'article 426 et qui doit intervenir entre les deux organismes que ces paramètres doivent être déterminés.

M. Lincoln: Est-ce que, d'après l'entente, à une période de chaque année, on fait un relevé de la distribution des coûts qui vont à la RAAQ ou à commission? Est-ce comme cela que cela se passe? Il y a sûrement un point où on est obligé de faire un bilan quelconque parce que, parfois, cela peut être des sommes énormes.

Le Président (M. Beauséjour): M.

Bernier.

M. Bernier (Lionel): II y a une amorce de discussions qui a été faite avec la Régie de l'assurance automobile. L'article 426 a été introduit. Après des discussions avec la Régie de l'assurance automobile, il a été convenu d'établir un certain nombre de mécanismes pour faire le partage des coûts et, à l'intérieur de ces mécanismes-là, il est prévu qu'à des périodes fixes au cours de l'année la commission aura à rembourser à la régie ou la régie aura à rembourser à la commission, selon le cas, des sommes à des périodes fixes.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, voici ce que je voudrais savoir. Si je lis bien cet article, si je le comprends bien, advenant le cas où un individu a un accident du travail dans son automobile, est-ce que l'entente-

cadre que l'on vise ici englobe cette question? Lequel des deux organismes va prendre à sa charge l'accidenté en question?

M. Fréchette: Les deux articles dont on vient de parler ne touchent pas le phénomène sur lequel le député de Beauharnois attire notre attention. Il touche ce dont vient de parler le député de Viau et, à cet égard-là, actuellement, il n'y a effectivement pas d'entente entre les deux organismes. C'est la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui assume les coûts.

Le Président (M. Beouséjour): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: II n'y a qu'une courte question que je voudrais poser au ministre. Le ministre a-t-il une idée ou une évaluation approximative de ce que cela va coûter en administration, en fonctionnaires, en bureaux, en paperasserie, en téléphone, le fait que deux organismes gouvernementaux sont à essayer d'organiser et d'administrer des participations, des échanges et des ententes comme cela? Qu'est-ce que cela va vous coûter en bureaucratie, tout cela?

M. Fréchette: II y a un seul motif pour lequel c'est là: c'est pour éviter à l'accidenté, qu'il soit du travail ou d'automobile, d'aller frapper à toute espèce de portes, pour lui donner un guichet unique, pour aller à un seul endroit et lui permettre de traiter son dossier à un seul endroit. Que cela commande de la paperasserie, comme le dit le député de Frontenac, que cela commande de la bureaucratie, cela me paraît inévitable, mais pas plus que... Pardon?

M. Bisaillon: Pour une fois que cela servirait le monde, c'est correct.

M. Fréchette: Vous m'arrachez les paroles de la bouche.

M. Grégoire: C'est la bureaucratie de l'entente.

Le Président (M. Beauséjour): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je vais revenir un peu sur cette question, parce que cette entente, et vous allez me corriger si je me trompe, est pour un nouvel événement. C'est bien cela?

M. Fréchette: Deux événements.

M. Cusano: Dans l'instance du premier événement, est-ce qu'il y a des ententes de prévues ou si c'est automatique que cela relève des accidents du travail?

M. Fréchette: Comment?

M. Cusano: Le premier événement.

M. Fréchette: Oui, le premier événement?

M. Cusano: Oui. Je vais vous donner un exemple concret: un travailleur a à se déplacer avec son auto pour son travail et il a un accident. Y a-t-il aussi une question de partage de prévu sur les coûts inhérents à cet accident?

M. Fréchette: II a son accident dans son automobile.

M. Cusano: Dans son automobile.

M. Fréchette: Je réitère au député de Viau que, dans l'état actuel du projet de loi 42, il n'y a pas de semblable disposition dans la loi. Il n'y en a pas.

M. Cusano: II n'y en a pas.

M. Bisaillon: S'il se sert de son automobile pour le travail, cela devient un accident du travail.

M. Fréchette: Pour travailler. Enfin, je ne veux pas commencer la discussion ici; elle a été tellement laborieuse.

Le Président (M. Beauséjour): Est-ce que l'article 426 est adopté?

M. Lavigne: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Il reste une seconde. Selon l'entente, nous devons arrêter.

M. Fréchette: Est-ce que, proprio motu, les collègues de la commission pourraient me dire... De novo?

Le Président (M. Beauséjour): Mais, à l'article 428, il y a un amendement. Les choses pourraient peut-être...

M. Fréchette: Mais, si on me dit que les articles qui restent ne présentent pas de difficulté particulière, compte tenu du fait qu'on ne siège pas cet après-midi, est-ce qu'on pourrait terminer le chapitre?

M. Cusano: Consentement.

Le Président (M. Beauséjour): Consentement pour poursuivre. D'accord. Article 427? Est-ce que l'article 427 est adopté?

Une voix: Oui.

M. Cusano: Adopté. M. Bisaillon: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. À l'article 428, il y a un amendement. Ajouter, à la fin, les alinéas suivants: "La personne qui se croit lésée par cette décision peut, à son choix, en interjeter appel suivant la présente loi ou suivant la Loi visant à favoriser le civisme ou la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, selon le cas. "L'appel interjeté en vertu de l'une de ces lois empêche l'appel en vertu de l'autre et la décision rendue en appel lie la commission aux fins de chacune des lois applicables."

Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Cusano: L'amendement est adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Est-ce que l'article 428 tel qu'amendé est adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. L'article 429?

M. Fréchette: Pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Beauséjour): Est-ce que l'article 429 est adopté?

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. J'appelle l'article 430.

M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement.

Le Président (M. Beauséjour): Non. Est-ce que l'article 430 est adopté? Une minute. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est très beau, M. le Président.

Le Président (M. Beauséjour): Alors, est-ce que l'article 430 est adopté?

M. Fréchette: Ce n'est pas ce à quoi il pensait, M. le Président.

M. Cusano: Adopté.

Le Président (M. Beauséjour): Adopté. Tel que convenu, nous devons... M. le ministre, vous avez reçu une série de feuilles.

M. Fréchette: Alors, j'ai indiqué ce matin, M. le Président, qu'on allait être en mesure de distribuer un certain nombre de textes. C'est effectivement prêt. On va les remettre aux membres de la commission.

Le Président (M. Beauséjour): Alors, cela peut se faire en dehors des travaux.

M. Fréchette: Oui.

Le Président (M. Beauséjour): Alors, mardi prochain, le 12, nous siégerons à la salle du Conseil législatif.

M. Lincoln: M. le Président, avant qu'on cesse, je voudrais juste demander une question au ministre. Est-ce que les textes incluent des suggestions d'amendements aux articles ou bien si c'est un texte purement de principe, pour commencer?

M. Fréchette: Ce sont des textes législatifs qui concernent strictement des amendements à être apportés à la loi pour la mise sur pied éventuelle de ce conseil arbitral dont on a parlé de matin.

Le Président (M. Beauséjour): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires avant que...

M. Fréchette: M. le Président, est-ce qu'on peut s'entendre pour la reprise de nos travaux, mardi, sur la procédure suivante? Est-ce qu'on accepterait, par exemple, de continuer mardi à l'article 431, le chapitre de la réglementation; l'article 435, le chapitre des infractions? Et là, il nous faudrait arrêter aux dispositions transitoires et finales, il faudrait qu'on arrête là pour régler, libérer le problème de l'appel. On y consacrera le temps qu'il faudra.

Des voix: L'appel.

M. Fréchette: L'appel. C'est cela.

M. Cusano: Consentement.

M. Fréchette: Cela irait?

Une voix: Mardi, quelle heure?

M. Fréchette: Mardi, 10 heures.

Le Président (M. Beauséjour): La commission de l'économie et du travail ajourne ses travaux au mardi 12 février à 10 heures, a la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 13 h 4)

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