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(Dix-sept heures vingt-six minutes)
Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'économie et du travail
reprend ses travaux sur le projet de loi 42.
Nous en étions à l'article 352, où il est question
de la commission d'appel. Je déclare cette commission ouverte. Avez-vous
des commentaires, M. le ministre, à ajouter à ceux que vous aviez
faits la semaine dernière?
M. Fréchette: Non, M. le Président, je
considère que c'est complet.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a des
députés qui ont des commentaires à faire? M. le
député de Frontenac.
Commission d'appel (suite)
M. Grégoire: Au moins, M. le Président, depuis que
l'on sait qu'on va créer une nouvelle commission d'appel, j'ai eu
l'occasion d'en parler, d'en discuter, de converser avec des travailleurs. Je
dois vous dire qu'ils ont peur un peu de cette nouvelle commission d'appel. De
loin, la grande majorité d'entre eux préféreraient que
l'appel continue à se faire à la Commission des affaires
sociales. Je vous dis ce que j'ai entendu, les souhaits formulés dans le
monde des travailleurs.
Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen malgré tout, avec un effort, de
garder la Commission des affaires sociales, quitte à l'aménager?
Parce que la Commission des affaires sociales, en définitive, jouit
d'une bonne réputation, à l'heure actuelle, dans le milieu. C'est
vrai qu'elle a du retard. Elle a des délais, qui sont d'environ deux
ans. Mais cela pourrait se surmonter. Le ministre ou la Commission des affaires
sociales pourrait peut-être trouver un moyen pour surmonter assez
rapidement le problème des délais. Il y a déjà une
bonne réputation d'établie là. Je me demande s'il n'y
aurait pas moyen de garder la même Commission des affaires sociales. Je
ne suis peut-être pas le premier à poser la question, je ne suis
probablement pas le premier à en parler, mais c'est la remarque qui m'a
été faite dans le milieu. Je le dis au ministre, c'est lui qui va
décider. Je lui dis franchement que c'est la remarque qui a
été faite dans le milieu.
Pour les délais, que ce soit une nouvelle commission d'appel ou
la Commission des affaires sociales, il y aura toujours des causes pendantes;
elles sont là, il y en a pour deux ans. Le ministre, à ce
moment-là, pourrait peut-être trouver un moyen pour "clairer" ce
rôle. Je ne sais pas si le ministre se souvient qu'à
Montréal, je ne sais pas combien il y a d'années, trois, quatre
ou cinq ans peut-être, il y avait une cour, je me demande si ce
n'était pas la Cour provinciale, dont le rôle était
engorgé. Cela prenait énormément de temps à
Montréal. À ce moment-là, d'un commun accord, on avait
décidé de nommer des avocats de la pratique courante pour essayer
de liquider toute une série de causes. Cela avait ramené les
délais à des temps normaux. Peut-être qu'à la
Commission des affaires sociales, on pourrait faire la même chose pour
vider le rôle un peu, quitte à revenir aux normes habituelles par
la suite, c'est-à-dire vider le rôle de toutes les plus petites
causes qu'il y a là, qui peuvent être réglées par
des avocats de la pratique courante ou quelque chose du genre, comme tribunal
d'appel. Je me demande si cela ne pourrait pas aider à maintenir cette
Commission des affaires sociales comme commission d'appel. Je sais que je ne
suis pas le premier qui en parle au ministre mais je voulais au moins ajouter
mon mot là-dessus et le lui dire. Je vous le dis parce que j'en ai
entendu parler pas mal dans le milieu et la Commission des affaires sociales,
c'est vrai, jouit d'une bonne réputation. Mon point de vue étant
connu, le ministre sait à quoi s'en tenir. Je pense bien qu'il faut
toujours tenir compte un peu de la population dans ces choses-là. C'est
cela que je voulais dire au ministre.
M. Fréchette: M. le Président, j'aurais un bref
commentaire si vous me le permettez. Comme le député de Frontenac
le soulève ou le signale, c'est effectivement un des aspects
contestés dans l'appréciation du projet de loi 42. Comme il lesignale, il y a beaucoup de personnes, d'organismes ou d'associations
directement visés par les dispositions d'une loi sur la
réparation des accidents du travail qui souhaiteraient garder le statu
quo. Vous allez me dispenser, M. le Président, de refaire tout le
débat. Jeudi dernier, on a évalué plusieurs
considérations. Je ne ferai que rappeler une ou deux observations qui
ont alors fait l'objet de nos discussions.
D'abord, je pense que le député de Frontenac
n'était pas là quand j'ai informé les membres de la
commission que le gouvernement avait accepté le principe de
procéder au transfert des effectifs que l'on retrouve actuellement
à la Commission des affaires sociales et qui sont "assignés" au
dossier des accidents du travail pour qu'ils deviennent partie
intégrante de cette nouvelle commission d'appel dont on parle à
l'article 352.
Deuxièmement - cela me semble important de le
répéter à partir de plusieurs inquiétudes qui ont
été véhiculées - cette commission d'appel ne
relèvera pas, on le sait maintenant, du ministre du Travail ou du
ministre responsable de l'application de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail. Parce qu'il est en même temps
responsable de voir à ce que l'administration se fasse correctement
à la commission, cette commission d'appel va relever du ministre de la
Justice qui, vraisemblablement, fera les recommandations au gouvernement pour
la nomination des commissaires, du président et du
vice-président.
Un autre aspect important qu'il faut rappeler aux membres de la
commission, c'est le mode de financement qui est prévu pour cette
commission d'appel en matière de santé et de
sécurité. L'objection qui est souvent revenue, et elle est,
à mon sens, bien fondée, c'est cette crainte qu'on avait que la
commission ne soit financée par les cotisations que paient les
employeurs. On va constater, dans les mesures transitoires et finales, que le
mode de financement qui est prévu évite précisément
cette difficulté bien fondée sur laquelle, à plusieurs
reprises, on a attiré notre attention. Cela implique, M. le
Président, que le budget de cette commission d'appel va devoir faire
l'objet de discussions lorsque arrivera le temps de procéder à
l'adoption des crédits du ministère de la Justice. Il me semble
qu'à partir de ces considérations, de ces circonstances, les
craintes qu'on a jusqu'à maintenant manifestées devraient
s'atténuer dans une large proportion, sinon totalement. On va, comme je
le disais au début de mes remarques, retrouver, à
l'intérieur de cette commission, les effectifs qui, actuellement,
travaillent sur les dossiers d'accidents du travail. Cela me semble être
une préoccupation prioritaire de la part de ceux qui ont soulevé
la question jusqu'à maintenant. Je trouverais superflu de recommencer la
discussion de fond qu'on a faite jeudi sur notre façon de voir les
choses, sur les motifs pour lesquels nous croyons que cette décision est
justifiée. Tout cela a été dit, et très largement,
depuis que les travaux de la commission sont commencés.
M. Perron: Une question de règlement.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, sur
une question de règlement, M. le député de Duplessis.
M. Grégoire: Une question supplémentaire.
Le Président (M. Bissonnet): II y a une question de
règlement. Je vais être obligé de donner la parole à
M. le député de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, est-ce que les membres de
cette commission pourraient permettre un changement, à savoir qu'un
député ministériel soit remplacé par un autre
député?
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
consentement, M. le député de Viau?
M. Cusano: On parle du député de Bourassa, on va y
penser...
M. Perron: On peut vous dire qui. Ce serait le
député de Beauharnois, M. Lavigne, qui serait remplacé par
le député de Bourassa, M. Patrice Laplante.
Une voix: Pendant combien de temps? M. Cusano: Consentement.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Est-ce
qu'il y a consentement?
M. Cusano: Oui.
Le Président (M. Bissonnet): Alors, le
député de Bourassa fait partie de cette commission. M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: J'aurais une question à poser au
ministre. Est-ce que le ministre aurait objection à ce que cette
nouvelle commission, puisque cela semble décidé, au lieu de
relever du ministère de la Justice relève du ministère de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, comme la Commission
des affaires sociales? Le travailleur est souvent isolé quand il arrive
devant cela. J'aurais peur qu'on y mette trop de légalisme ou de
"légalité" si cela relevait du ministère de la Justice,
alors qu'une des raisons qui ont fait le succès de la Commission des
affaires sociales, c'est justement qu'elle relevait d'un autre
ministère, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Est-ce que le ministre aurait une objection
à cela? Cela relèverait du même ministère que la
Commission des affaires sociales. Ce seraient deux commissions
différentes. J'aurais réellement peur que le légalisme et
que tous les avocats s'embarquent là-dedans, à un moment
donné, et que cela devienne une affaire...
M. Fréchette: Que ce soit à une place ou à
l'autre, le député de Frontenac doit très certainement
savoir que la crainte dont il est en train de nous parler va exister. Qu'on se
retrouve avec une responsabilité qui échoit au ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou au
ministère de la Justice, la crainte du légalisme, pour utiliser
son expression, va exister, que ce soit à un endroit où à
l'autre. D'ailleurs, ceux qui ont l'expérience des auditions à la
Commission des affaires sociales savent pertinemment que beaucoup d'avocats
vont plaider à la Commission des affaires sociales, avocats qui
représentent l'une et l'autre des deux parties. Je ne vois pas comment,
à partir du fait qu'une commission de cette nature serait
rattachée à un ministère plutôt qu'à un
autre, cela éviterait la difficulté dont nous parle le
député de Frontenac.
Deuxièmement, je veux bien que l'on évoque la crainte du
légalisme ou de la judiciarisation, mais, quel que soit le
ministère de qui relève cette commission, il ne sera pas possible
pour les commissaires qui vont y siéger, pour le président et les
vice-présidents, de déborder les dispositions qu'on va retrouver
dans la loi. C'est la loi qu'on est en train d'adopter qui va contenir les
règles en vertu desquelles la commission en question va devoir
procéder à ses auditions, à ses
délibérés et à ses jugements. J'essaie de voir
pourquoi et comment la difficulté, encore une fois, dont parle le
député de Frontenac serait évitée si la commission
devait relever du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu plutôt que du ministère de la
Justice. Cela va continuer d'être un organisme quasi judiciaire avec des
gens qui y siègent et qui ont le pouvoir, en vertu de la loi, de rendre
des décisions quasi judiciaires; des gens qui y siègent et qui
vont procéder à l'audition des parties qui vont se retrouver
devant cette commission, qui vont être représentées, bien
sûr, par des avocats, mais par d'autres personnes que des avocats aussi
quand elles le voudront. Je ne vois pas comment on éviterait la
difficulté dont parle le député de Frontenac, même
si la commission devait répondre de son administration au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
plutôt qu'au ministère de la Justice.
M. Grégoire: La Commission des affaires sociales, en
répondant de son administration au ministère de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, s'est acquis une bonne
réputation et a pu bien jouer son rôle. J'ai assisté
à des réunions de la Commission des affaires sociales et je n'ai
pas retrouvé là ce légalisme qu'on pourrait retrouver et
que je craindrais qu'on retrouve au ministère de la Justice. Vous me
demandez quelle va être la différence. C'est une différence
de mentalité. Au ministère de la Justice vous avez tout un paquet
d'avocats qui mènent cela, qui vont être portés à
mener la commission d'appel de la même manière qu'ils
mènent un tribunal. Deuxièmement, au ministère de la
Justice, quand il y a des nominations à faire, normalement, ce sont des
avocats, tandis qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, on a moins la préoccupation,
premièrement, de nommer des avocats avant d'en nommer d'autres et,
deuxièmement, de voir à ce que cela marche, comme vous dites,
comme un tribunal quasi judiciaire, que cela devienne justement un tribunal
quasi judiciaire. La Commission des affaires sociales, tout en respectant les
règlements et la loi... Quand j'y suis allé, j'ai trouvé
que cela marchait de façon telle que le travailleur ne se sentait pas
pris dans un paquet de "procédurettes" auxquelles qu'il ne comprenait
rien ou pris avec un paquet d'avocats qui le mêlaient pour rien. J'ai
trouvé, au contraire, qu'on traitait le travailleur qui arrivait
là, souvent tout seul, parce que n'oublions pas que 70% de la
main-d'oeuvre au Québec, malgré tout, n'est pas
syndiquée... Si le ministre n'a pas d'objection de fond, je ne vois pas
pourquoi il ne prendrait pas en considération cette demande puisque,
déjà, la Commission des affaires sociales relevait du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu pourrait faire un aussi bon travail avec cette nouvelle commission
d'appel qu'avec la Commission des affaires sociales. L'appréhension que
j'ai si c'est le ministère de la Justice qui prend cela en main, c'est
que, justement, les nominations, de préférence, ne soient des
avocats. Le ministère de la Justice, c'est surtout là que les
avocats cherchent du travail. C'est aussi qu'on y ait la même
mentalité que dans un tribunal de haute instance, alors que c'est
surtout la compréhension d'un problème qu'il s'agit d'avoir, ce
qui s'est bien fait quand c'était sous la juridiction du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
Je ne crois pas que le ministre m'ait donné de raisons valables
pour enlever cela au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour l'envoyer à la Justice. Je ne
crois pas qu'il m'ait donné de raisons valables. Alors que l'un a fait
ses preuves, l'autre me cause des appréhensions, peut-être
très justifiées. Au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, les preuves sont faites. Ce serait une
commission d'appel distincte, mais relevant du même ministère, de
telle sorte que toutes les commissions d'appel relèveraient du
même ministère. Il pourrait y avoir une unité de
pensée et une unité d'action dans cela. Les accidents
d'automobile, l'IVAC, tout cela va déjà à une commission
d'appel qui relève du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Je pense bien que le ministre ne m'a
pas donné de raisons frappantes alors que moi, au moins, j'en ai une
raison frappante. C'est que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu a fait ses preuves avec la Commission des
affaires sociales. Je trouve cela une raison frappante. Ses preuves sont faites
tandis qu'à la Justice, les preuves ne sont pas faites. Au contraire,
cela pourrait signifier beaucoup plus de délais, beaucoup plus de
complications. Je ne vois pas d'opposition de principe au fait de laisser cela
entre les mains du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. (17 h 45)
M. Fréchette: Alors, M. le Président, je me rends
bien compte, comme le dit le député de Frontenac, que je n'ai pas
d'argument frappant. Ce n'est pas non plus mon objectif. J'essaie aussi
honnêtement que possible d'exposer les motifs pour lesquels je crois
qu'une situation doit être préférée à une
autre.
Pour revenir à la crainte dont parle le député de
Frontenac, je présume qu'il a très certainement pris le temps,
compte tenu de l'intérêt qu'il a manifesté è la
commission, d'étudier en profondeur le chapitre XII que nous sommes en
train d'amorcer et qu'il a approfondi également tous et chacun des
articles qu'on y retrouve. S'il l'a fait, et je présume qu'il l'a fait,
il doit constater, M. le Président, que la préoccupation - on va
le voir davantage lorsqu'on fera l'étude des articles les uns à
la suite des autres - qui est constante depuis l'article 352 jusqu'à
l'article 379 inclusivement, c'est très précisément
d'éviter le danger de la judiciarisation. Vous allez constater, par
exemple, qu'une partie peut se présenter elle-même devant la
commission d'appel. Vous allez constater également qu'une partie peut
être représentée par une autre personne qu'un avocat. Vous
allez constater que les règles de la preuve ne sont pas contraignantes.
Vous allez constater que les motifs pour lesquels la commission peut prolonger
des délais, par exemple, sont inscrits dans la loi. Il y a des clauses
des articles 352 à 379, comme je viens d'en parler, qui ont très
précisément, encore une fois, comme objectif d'éviter
l'écueil dont nous parle le député de Frontenac.
Deuxièmement, je l'invite à jeter un coup d'oeil sur
l'article 550 du projet de loi. Pendant toute son argumentation, aux deux
occasions qu'il a soulevées, il s'est toujours
référé au ministère de la Justice, alors que le
projet de loi dit, à l'article 550 que le ministre de la Justice - pas
le ministère -est responsable de l'application du chapitre XII. Il y a
toute la différence du monde entre les deux formules qui sont
utilisées. Le député de Frontenac sait très bien
que lorsqu'un ministre est responsable de l'application d'une loi, personne
dans son ministère, sauf lui, n'a quelque chose à dire dans
l'administration de celle-ci. Alors, je pense qu'il faut faire une distinction
très nette entre le concept de ministère, auquel nous
réfère le député de Frontenac, et le texte du
projet de loi, à l'article 550, qui dit que c'est le ministre de la
Justice.
Troisièmement, le député de Frontenac
soulève, avec justesse il me semble, la nécessité
d'essayer d'arriver à une certaine harmonisation dans les
décisions ou les sentences qui sont rendues dans les politiques
d'indemnité de remplacement du revenu. Je lui rappellerai,
essentiellement, que c'est une préoccupation qui ne doit pas nous
quitter l'esprit. Mais qu'est-ce que l'on va faire avec les
phénomènes de réadaptation, de classification, de
cotisation d'employeurs, de fermeture d'usines, d'apposition de scellés
sur des produits dangereux? Quand cela va aller en appel, qu'est-ce qu'on va
faire à la Commission des affaires sociales si on a à l'esprit le
seul phénomène de l'harmonisation des lois qui prévoient
des indemnités de remplacement du revenu? Je ne suis pas en train de
dire que la suggestion du député de Frontenac n'a pas de valeur,
qu'elle ne devrait pas être... C'est peut-être la solution. Nous,
nous prétendons qu'il nous faut, pour les motifs dont je viens de
parler, retenir la solution qui est prévue aux articles 352 et suivants.
C'est seulement la pratique, l'exercice des moyens qui sont prévus dans
la loi qui va nous permettre d'arriver à une conclusion certaine
à cet égard.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je crois que nous avons
longuement discuté de cette question de la commission d'appel en rapport
avec la Commission des affaires sociales, de la nécessité ou de
la non-nécessité de créer une autre commission. Alors, en
ce qui nous concerne, on serait prêts à passer à l'article
352.
Le Président (M. Bissonnet): Y a-t-il des remarques
d'autres députés? M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Ce n'est pas une remarque, M. le Président,
c'est juste une question au ministre. Au moment où l'on s'est
quitté, la semaine dernière, j'avais fait un certain nombre de
suggestions. À l'ajournement, le ministre se préparait à
me répondre. J'avais compris qu'il en accueillait une avec sympathie. Je
voudrais juste savoir s'il est toujours dans les mêmes dispositions.
M. Fréchette: J'ai souvenance, M. le Président, que
le député de Sainte-Marie avait soulevé la question de la
procédure de
nomination du président de la commission. J'avais aussi fait part
de mes commentaires, a ce moment-là. Je ne sais pas si c'est
là-dessus...
M. Bisaillon: C'est exactement sur ce point, M. le
Président. Le ministre m'avait répondu quant à la
possibilité d'une nomination par l'Assemblée nationale aux deux
tiers des membres. J'étais revenu avec une autre suggestion, qui
était le processus de nomination utilisé à
l'intérieur du ministère de la Justice pour les juges. On sait
que ce n'est pas le même type de processus de nomination, qu'il doit y
avoir des consultations préalables. Il y a donc tout un mécanisme
qui entoure la nomination des juges. Je me demandais pourquoi on ne pourrait
pas l'appliquer au juge qui va présider les travaux de la commission
d'ap-pel.
M. Fréchette: Je ne sache pas que, dans la loi, il soit
prévu que le président de la commission d'appel sera un juge.
M. Bisaillon: À la Commission des affaires sociales, c'est
un juge.
M. Fréchette: Oui, oui.
M. Bisaillon: Pourquoi on ne pourrait pas prévoir que ce
serait un juge aussi?
M. Fréchette: Je ne suis pas en train de dire qu'il faut
exclure, par exemple, cette possibilité. Dans l'état actuel de la
loi, ce n'est pas de cette façon que c'est prévu. Il n'est pas
nécessaire, pour devenir président de la commission, d'être
juge.
M. Bisaillon: Mais est-ce que ce serait envisageable? Et à
ce moment-là, la procédure...
M. Fréchette: Elle se ferait, elle serait, de toute
façon suivie.
M. Bisaillon: C'est cela.
M. Fréchette: Oui. Cela pourrait être envisageable,
oui. Je ne rejette pas cette possibilité. Le député de
Sainte-Marie va comprendre que je doive faire un certain nombre de
consultations, mais je ne rejette pas la possibilité que ce soit cela.
C'était ainsi dans la loi sur la Commission des accidents du travail,
à un moment donné. Je suis tout à fait disposé
à faire la consultation qui doit être faite et à
évaluer cette possiblité.
M. Bisaillon: Dans les délais nous permettant de
l'étudier, à ce moment?
M. Fréchette: Oui, d'accord.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 352 est
adopté?
M. Cusano: Un instant, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: On sait que la CSST a passé beaucoup de temps
à étudier l'application de l'éventuel projet de loi. Je
n'ai pas à rappeler au ministre lui-même les cassettes
vidéo qui ont été faites. Je me demande si quelque chose
de plus sérieux que des cassettes vidéo a été fait.
En ce qui concerne les coûts de fonctionnement d'une éventuelle
commission, est-ce qu'il pourrait nous dire si un budget pro forma a
été préparé et, si la réponse est
affirmative, pourrait-il le déposer?
M. Fréchette: Évidemment, M. le Président,
le député de Viau, avec raison d'ailleurs, se
réfère à un budget ou à des prévisions pro
forma. Il faut de toute évidence que ce soit cela. Le coût d'une
semblable commission va évidemment varier suivant les prévisions
que l'on peut faire du volume d'appels qui lui seront soumis, de la
nécessité de siéger régulièrement ou
à temps partiel. Enfin, tout cela va devoir être tenu en ligne de
compte pour essayer de mettre un chiffre sur le coût éventuel
d'une semblable commission. Il y a eu, effectivement, autant à la
Commission de la santé et de la sécurité qu'au Conseil du
trésor, une évaluation qui a été faite à
partir des clauses qui sont dans la loi, à partir du fait que toutes les
matières deviendront maintenant appelables. Le chiffre auquel le Conseil
du trésor en arrive est un montant qui pourrait varier en 4 500 000 $ et
5 000 000 $.
M. Cusano: Entre 4 500 000 $ et 5 000 000 $. Si ma mémoire
est bonne, c'est même plus que le budget de la Commission des affaires
sociales.
M. Fréchette: II faudrait que je procède à
une vérification plus approfondie. Ce n'est pas impossible que ce soit
cela.
M. Cusano: Lorsque les études ont été
faites, est-ce qu'il y a eu, parmi les hypothèses, certains chiffres de
retenus? Par exemple, s'il y a 1000, 2000, 3000, 4000, 5000 cas d'appels, quels
seront les coûts répartis selon les appels qui seront logés
devant cette commission? Je veux dire dans l'étude, peut-être que
le ministre n'a pas compris...
M. Fréchette: J'ai un peu de difficulté. M.
Cusano: C'est qu'on doit présumer -
en tout cas, je le crois - qu'à une telle commission il y a
certains coûts qui existeront indépendamment du nombre d'appels.
Je voudrais que le ministre nous précise un peu plus la ventilation des
coûts selon le nombre d'appels logés.
M. Fréchette: M. le Président, je vais essayer de
donner au député de Viau les renseignements que nous avons
obtenus du Conseil du trésor, précisément, à cet
égard. On voit dans la loi, par exemple, qu'il y aura un commissaire
pour chacune des régions où une division d'appel existera. Ce
commissaire, bien sûr, est un personnage qui va avoir un mandat à
temps plein, pour une période ne devant pas excéder cinq ans et
qui sera renouvelable. Ce commissaire, cependant - la loi le prévoit
ainsi - pourra faire appel, lorsqu'il devra procéder à l'audition
d'un dossier, à un assesseur ad hoc de l'extérieur.
À partir du mécanisme lui-même, le mécanisme
dont je viens de parler, les évalutations doivent se faire en prenant en
considération les matières qui sont actuellement appelables en
vertu de la loi actuelle, c'est-à-dire les dossiers de
réparation, strictement, et les matières qui vont devenir
appelables en vertu de la nouvelle loi. Les matières qui vont devenir
appelables en vertu de la nouvelle loi, on le sait, cela rejoint à peu
près 25 matières différentes.
Les prévisions qui sont faites par le Conseil du trésor
sont essentiellement axées sur l'évaluation suivante. Il est
prévu qu'au cours des deux premières années, pour arriver
à établir une jurisprudence qui se tienne, il y aura un nombre
assez considérable et important d'appels. Il est évident que
lorsque la jurisprudence commencera de s'établir ou qu'elle sera
complètement établie, le nombre d'appels devrait normalement
diminuer, puisque la commission se sera prononcée sur des
matières qui autrement seraient allées en appel.
C'est à partir de l'ensemble des critères dont je viens de
parler que l'évaluation a été faite et qu'elle rejoint les
chiffres dont je viens de parler au député de Viau.
M. Cusano: Mais c'est un chiffre un peu sans fondement. Est-ce
qu'on pourrait nous ventiler ces coûts selon les traitements,
communications, services, loyers, etc.?
M. Fréchette: Je pense, M. le Président, que nous
pourrions mettre à la disposition des membres de la commission les
renseignements dont parle le député de Viau. Pas tout de suite,
mais peut-être "qu'en soirée on les aura, ou certainement
demain.
M. Cusano: Cela va, je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, on commence à
l'article 352, mais je voudrais qu'on se rappelle l'intervention de la semaine
dernière. On entre dans l'article 352, c'est bien parce que le choix
gouvernemental est de cette nature. Nous aurions préféré,
quant à nous, de ce côté-ci de la table, que l'on confie
les appels à la Commission des affaires sociales. C'est donc sous
réserve de cette opinion que nous passons à l'étude de
l'article 352 et des suivants.
Je me pose des questions sur le nom qui est prévu à
l'article 352. Un organisme est institué sous le nom de "Commission
d'appel en matière de santé et de sécurité du
travail". On a parlé de la nécessité de tout mettre en
oeuvre pour dissocier le plus possible la Commission de la santé et de
la sécurité du travail de la commission d'appel. Est-ce que
même au niveau du nom on ne pourrait pas faire cela? Il me semble qu'il y
a des choses qui peuvent prêter à confusion. Est-ce la commission
de la CSST? Finalement, les sigles vont nous perdre. Je ne sais pas, je
risquerais une suggestion. Pourquoi n'appellerait-on pas cela la "commission
d'appel sur les lésions professionnelles"? Cela ne fait pas
référence à la santé et à la
sécurité du travail comme on les entend, mais cela correspond
cependant à la définition qu'on va donner à la loi, et
c'est une loi qui concerne les lésions professionnelles. Ce n'est pas
une question majeure, ce n'est pas une question de vie ou de mort, mais il me
semble que c'est un autre élément qui nous permettrait de faire
des distinctions entre la CSST et la commission d'appel qui doit être
indépendante du fonctionnement de la CSST.
M. Fréchette: M. le Président, la
préoccupation du député de Sainte-Marie a retenu pas mal
de notre temps en termes d'évaluation. Nous étions motivés
par exactement les mêmes préoccupations que celles qu'il est en
train de nous soumettre et nous n'avions pas - malgré un certain nombre
d'efforts et un certain nombre de réflexions à cet égard -
réussi à choisir une appellation qui aurait fait cette
démarcation entre les deux organismes. Maintenant, le
député de Sainte-Marie nous en soumet une que je suis bien
disposé à regarder. J'ai des préoccupations qui sont
d'ordre strictement technique à ce stade-ci. Je voudrais regarder cela
de plus près.
M. Bisaillon: M. le Président, peut-être que je
pourrais répéter et, à l'heure du souper, étant
donné qu'on va suspendre dans
deux minutes, le ministre pourrait regarder cela avec ses
collaborateurs. Ce serait "commission d'appel sur les lésions
professionnelles". Si on ajoutait un "s" avant, cela ferait SCALP! C'est ce
qu'on fait d'ailleurs aux travailleurs et aux travailleuses
accidentés.
M. Grégoire: J'aurais peut-être une rectification
à demander. C'est que, tout au long du projet de loi, on fait une
distinction entre les lésions professionnelles et les maladies
pulmonaires. Alors, il ne faudrait tout de même pas oublier, ceux qui ont
des maladies professionnelles. Là ce sont des maladies professionnelles,
il faudrait qu'ils soient compris là-dedans.
M. Fréchette: On a très souvent expliqué
aussi, M. le Président, que lorsqu'on se référait au terme
"lésion professionnelle", l'on couvrait l'accident du travail, la
maladie professionnelle, quelle qu'en soit la nature. Donc, de toute
évidence, la maladie pulmonaire professionnelle.
Le Président (M. Bissonnet): Sur ce, la commission suspend
ses travaux à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Bissonnet): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux d'étude de la loi
42. Nous sommes à l'article 352 qui a été appelé.
Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent intervenir sur cet
article?
M. Fréchette: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Fréchette: Nous nous étions laissés
à 18 heures sur une suggestion du député de Sainte-Marie
quant à l'appellation de cette commission d'appel. Nous avons
effectivement évalué la situation pour proposer que le changement
qui pourrait intervenir à l'article 352 pourrait être de la nature
suivante: Un organisme est institué sous le nom de Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles.
Le Président (M. Bissonnet): Il est proposé par le
ministre de modifier l'article 352 en ajoutant après le mot d'appel en
matière de lésions professionnelles. M. le député
de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, par rapport à la
suggestion que je faisais avant le souper, avant la suspension de nos travaux,
on ajoute "en matière de".
M. Fréchette: C'est cela. C'est-à-dire qu'on garde
"en matière" qui était déjà là.
Le Président (M. Bissonnet): Après les mots "en
matière" on biffe les mots "de santé et de sécurité
du travail" pour les remplacer par "de lésions professionnelles".
M. Bisaillon: C'est simplement une question de renseignement
personnel, qu'est-ce que cela ajoute de dire en matière de? Je n'ai pas
d'objection mais je veux savoir ce que...
M. Fréchette: On me signale que c'est la technique
législative qui est mieux servie en utilisant les termes "en
matière de" plutôt que "sur". Le député de
Deux-Montagnes confirmerait peut-être qu'en français aussi,
apparemment, ce serait mieux de signaler en matière de.
M. Bisaillon: Dans le vieux français ils disaient
"es".
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. de Bellefeuille: Adopté.
Le Président (M. Bissonnet): Adopté. Est-ce que
l'article 352 tel qu'amendé est adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Bissonnet): Je déclare l'article
352 adopté tel qu'amendé sur division. S'il vous plaît!
J'appelle maintenant l'article 353. M. le député de Viau.
M. Cusano: Je remarque que l'article dit que cette commission
sera composée d'au moins douze commissaires dont un président et
des vice-présidents. Je remarque que pour la Commission des affaires
sociales, si je ne me trompe pas, on ne parle que de deux
vice-présidents. Je pourrais suggérer au ministre que, pour moi,
de le laisser tel quel en mentionnant des vice-présidents, cela ouvre la
porte très large.
M. de Bellefeuille: M. le Président, comme les adjoints
parlementaires.
M. Bisaillon: C'est cela, c'est le meilleur exemple.
M. de Bellefeuille: II y en a beaucoup. M. Cusano: II y en a
beaucoup.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît
à l'ordre au sujet du débat. Cela a été
adopté par l'Assemblée nationale et nous sommes à
l'article...
M. de Bellefeuille: II pourrait y avoir plusieurs
vice-présidents.
M. Cusano: Cela permet à mon collègue le
député de Jeanne-Mance de siéger. Il y a des bons points
et des mauvais points. J'aimerais le féliciter pour le bon travail qu'il
fait.
M. Bisaillon: Des fleurs après le pot quoi!
M. Cusano: II était président de séance mais
il n'avait pas l'opportunité de siéger auparavant.
Mme Le Blanc-Bantey: Ah bon! d'accord.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
à l'ordre!
M. Cusano: Pour revenir à la Commission des affaires
sociales, justement, vous avez le juge Poirier en tant que président et
vous avez deux vice-présidents. La question de laisser cela tel quel par
un article indéfini cela ouvre la porte à bâtir un autre
empire qui va devenir peut-être un empire plus grand que celui de la
CSST, puisqu'on parle déjà d'un budget de 4 500 000 $ ou 5 000
000 $ tandis que celui de la Commission des affaires sociales en 1981 et 1982
n'était seulement que de 3 000 000 $. J'aimerais entendre le ministre
sur les raisons de mentionner des vice-présidents et aurait-il objection
à limiter justement ces vice-présidents au nombre de deux?
M. Fréchette: M. le Président, voici les motifs
pour lesquels nous sommes d'opinion qu'il faut retenir le texte tel qu'on le
lit à l'article 353. Quand le député de Viau fait une
analogie avec la Commission des affaires sociales, je veux bien le suivre
jusqu'à une certaine limite, mais il y a une distinction qu'il faut
faire avec la Commission des affaires sociales et l'éventuel organisme
d'appel en matière de lésions professionnelles. La Commission des
affaires sociales a, enfin, je pourrais, strictement pour les fins de notre
discussion, indiquer des sièges sociaux à Québec et
à Montréal, alors que dans le cas qui nous occupe, vous
retiendrez qu'il y aura une régionalisation telle qu'au moins - c'est le
texte de la loi -au moins 12 bureaux régionaux pourraient être
ouverts dans le territoire du Québec. Le motif pour lequel le texte est
libellé comme on peut le lire et qu'il n'y a pas de limitation c'est
qu'il est impossible à ce stade-ci, comme on le disait cet
après-midi, de prévoir le volume d'appels qui pourraient
être logés à cette commission d'appel.
S'il arrivait que dans une année ou deux années, la
constatation se fasse qu'il y a lieu d'avoir un deuxième,
troisième ou quatrième vice-président, bien je nous
verrais mal dans l'obligation de revenir devant l'Assemblée nationale
pour les fins d'un amendement pour le seul motif que la loi nous aurait
limité dans le nombre de vice-présidents. C'est la raison
principale pour laquelle, M. le Président, la suggestion est faite dans
le sens que le texte le démontre.
M. Cusano: Présentement, M. le ministre, puisqu'il y a des
études qui ont été faites, combien de
vice-présidents envisagez-vous de nommer?
M. Fréchette: Nous sommes d'opinion qu'un seul serait
suffisant.
M. Cusano: Alors, si on s'en tenait à deux, je pense que
ce serait une augmentation assez considérable et je pense que cela
donnerait des balises. On a parlé de la CSST comme étant un
monstre administratif et je crains qu'en laissant la porte de la grange ouverte
comme vous le faites, on va créer un autre monstre administratif. En ce
qui me concerne, je crois que deux vice-présidents pour faire partie la
boîte seraient suffisants et on revient assez souvent devant la Chambre
pour amener des amendements à des projets de loi. Je ne vois pas quelle
est la grande difficulté de ce côté.
M. Fréchette: Oui, bien je vais entendre le
député de Sainte-Marie.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Alors, vous pouvez répondre à
ça M. le ministre. Moi, c'était surtout sur l'ensemble.
M. Fréchette: Écoutez, cela revient essentiellement
à des considérations qu'on a faites depuis le début de nos
travaux.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le leader parlementaire s'il vous plaît! Nous sommes
en réunion et cela fait très longtemps que ça dure. M. le
ministre.
M. Fréchette: M. le Président. J'étais
à vous dire que depuis le début de nos travaux on a fait
très souvent des argumentations dans le sens suivant. Il est clair que
compte tenu des dispositions de l'ensemble de cette loi, compte tenu des
mécanismes nouveaux qu'on y retrouve, pas seulement au niveau de la
commission d'appel mais à l'égard de bien
d'autres nouveaux mécanismes qu'on retrouve dans la loi, ce n'est
qu'à l'exercice et à la pratique qu'on va être en mesure
d'arriver à réaliser quels sont très
précisément les besoins. Alors, le rationnel c'est de dire:
Gardons-nous les moyens dans la loi de combler les besoins, s'il s'en
présente après que la loi aura été mise en
pratique. Encore une fois, c'est là le motif pour lequel on
suggère ce texte de l'article 353 au lieu d'obliger le
législateur à procéder à des amendements au fur et
à mesure que les besoins se feraient sentir. Il me semble que
malgré les observations que fait le député de Viau, sur le
qualificatif qu'il utilise: "le monstre administratif"... ça on le sait
depuis deux ans et demi, on en entend tellement parler, M. le Président,
mais il faut quand même donner le bénéfice du doute que les
dispositions de la loi seront utilisées pour les fins pour lesquelles
elles sont là. Pour ces motifs, M. le Président, j'ai de la
difficulté à retenir l'argumentation et la suggestion du
député de Viau.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sainte-Marie. (20 h 15)
M. Bisaillon: M. le Président. Je comprends que le
ministre a des difficultés à retenir la suggestion du
député de Viau mais son argumentation, par ailleurs, me semble
difficilement retenable, compte tenu de l'article 355 qui va venir plus loin.
Il justifie la la présence d'un plus grand nombre de
vice-présidents en disant: Comme on veut faire des bureaux dans chaque
région et qu'il y a douze régions... Il laisse supposer que
ça prendrait la présence d'un vice-président dans chaque
région. Or, à l'article 355, on se rend bien compte que les
commissaires, à l'exception du président et des
vice-présidents, sont affectés dans les diverses régions
administratives du Québec. Donc, ce sont les commissaires qui vont
procéder aux auditions et statuer sur les cas. Le président peut
le faire à l'occasion et les vice-présidents aussi, mais je les
perçois beaucoup plus comme des administrateurs du tribunal
d'arbritrage, du tribunal d'appel, de même que pour l'organisation des
rôles où la coordination et la cohésion vont devoir
s'établir entre les jugements que les différents commissaires
vont porter, un peu comme ça se fait à la CAS ou au Tribunal du
travail.
Alors, je ne vois pas la nécessité, de par la
présence même de l'article 355, d'avoir un nombre de
vice-présidents égal au nombre de régions où il y
aura un banc ou des bancs de la commission d'appel qui vont siéger. Cela
me semble un argument qui ne peut pas être retenu. Effectivement, quand
on regarde les autres organismes, le ministre nous a expliqué qu'il ne
fallait pas faire trop particulier, non plus, lorsqu'on met sur pied lesmécanismes. J'avais demandé, par exemple, que le
président soit nommé par l'Assemblée nationale. Il m'a
fort judicieusement expliqué que ça ne rentrait pas dans les
règles habituelles qu'on retenait pour nommer par l'Assemblée
nationale.
Mais, de la même façon, il n'entre pas dans les
règles non plus qu'on nomme un lot de vice-présidents à la
direction d'un organisme. Cela me semblerait plus normal que ça aille
dans le sens de ce que suggérait le député de Viau, pour
ce qui est de la tête de la commission d'appel. Moi, je comprends
qu'à l'article 355, le ministre a l'intention de faire siéger des
commissaires dans des régions. Il n'y a pas utilité de la
présence dans chaque région d'un vice-président. Au plan
administratif, au plan de la coordination, ça peut tout se régler
par la présence du président et des vice-présidents
à un niveau central qui, à l'occasion, peuvent se déplacer
dans chacune des régions où il y a des bancs qui
siègent.
En tout cas, il me semble que ce serait moins coûteux. On parle
quand même de traitements aussi, au bout de la course. Si un
vice-président n'a pas dans sa fonction première de
siéger, même on en met douze, ça ne réduira pas les
délais d'audition des causes. Je ne vois pas en quoi ça sert. Je
comprends que le ministre veut se garder une marge de maneouvre, en disant: Si
jamais on voulait en ajouter... Mais la pratique, c'est qu'avec trois
personnes, un organisme de cette taille pourrait fonctionner avec le personnel
de soutien technique que ces personnes vont avoir à leur
disposition.
Si ce n'était pas le cas, comme le député de Viau
l'a souligné, il y aurait toujours possibilité de revenir. C'est
un point qui, d'après moi, me semble important. J'aimerais qu'on
réentende le ministre là-dessus, quitte à formuler
carrément un amendement de notre côté, pour qu'on puisse en
disposer. Cela me semble un point important.
Un deuxième élément que je voudrais souligner au
ministre, c'est le mandat. L'article 353 prévoit un mandat
n'excédant pas cinq ans. D'abord, la formulation du "n'excédant
pas cinq ans", il me semble que ça pourrait être corrigé.
Si on prévoit un mandat de trois ans ou un mandat de cinq ans, qu'on
dise carrément que c'est de trois ans ou de cinq ans. Mais si je dis
"n'excédant pas cinq ans", ça voudrait dire que ça
pourrait être moins.
Alors, la loi pourrait prévoir, par exemple, un mandat de cinq
ans. Certaines personnes auraient cinq ans et je comprends que d'autres
pourraient avoir moins, puisque la loi permettrait au gouvernement de donner
des mandats moindres pour un certain nombre de personnes. Cela ne me semble pas
assez clair; il faudrait qu'on précise.
Sur la durée du mandat, il me semble,
qu'en l'occurrence, des mandats de trois ans pourraient être
intéressants. Je comprends, qu'en pratique, le cinq ans doit être
là, parce que les postes normalement, à ce niveau-la, sont de
l'ordre de cinq ans. C'était sept ans ou dix ans et là, je pense
que ça a été réduit à cinq ans, mais il me
semble que dans les toutes dernières lois qu'on a votées à
l'Assemblée nationale, on a, à l'occasion, parlé de
mandats de trois ans.
En tout cas, ce que je veux dire, c'est que, peu importe qu'on retienne
trois ans ou cinq ans, il faudrait que ce soit clair que c'est un mandat de
trois ans ou de cinq ans pour les personnes retenues, parce que, là, il
y a une marge arbitraire. Pour certains, ça pourrait être cinq
ans, et pour d'autres, ça pourrait être moins. Cela ne me semble
pas normal dans les circonstances.
M. de Bellefeuille: Cela pourrait être six mois.
M. Bisaillon: Cela pourrait être six mois.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
M. Fréchette: Pour cause. Quand vous regardez le dernier
alinéa de l'article 353.
M. Bisaillon: Mais le deuxième alinéa de l'article
353 ne parle que de démotion si je comprends bien. Ce mandat, une fois
fixé, ne peut être réduit que pour cause. C'est le mandat
de la personne et, une fois qu'il a été fixé à
trois ans ou à cinq ans, il ne peut être réduit pour cause.
Je comprends que le deuxième alinéa traite beaucoup plus de la
réclusion.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Bisaillon: J'avais deux autres points sur l'article 359. Je
pourrais revenir plus tard.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous aimez mieux
terminer immédiatement ou attendre la réponse du ministre?
M. Bisaillon: Je peux terminer, ça permettrait au ministre
de réagir, M. le Président, peut-être que ça va
accélérer les travaux.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sainte-Marie, vous avez toujours la parole.
M. Bisaillon: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Donc, une question sur la durée du mandat et la formulation de ce
mandat.
Troisièmement, on a parlé à plusieurs reprises du
renouvellement du mandat. Je comprends qu'il va y avoir un processus de
nomination; ici, on dit par le gouvernement. Je souligne au ministre que je
suis conscient que ça peut se régler dans un autre article, mais
j'ai suggéré une formule de nomination qui pourrait s'appliquer
au président et aux deux vice-présidents par le ministre de la
Justice, et là c'est le gouvernement. J'avais compris que le
président et les deux vice-présidents seraient nommés par
le ministre de la Justice, et quand on parle du gouvernement, c'est l'ensemble
du Conseil des ministre qui doit se prononcer, y compris sur les
commissaires.
M. Fréchette: Sur quoi?
M. Bisaillon: Y compris sur la nomination des commissaires.
M. Fréchette: Oui, c'est ça.
M. Bisaillon: II y a le processus de renouvellement. On avait
discuté à plusieurs reprises de la possibilité qu'au
moment du renouvellement, un droit de veto, sous une forme ou sous une autre,
puisse s'exercer par l'une ou l'autre des parties siégeant au conseil
d'administration de la CSST. Je ne sais pas, cette suggestion que le ministre
avait semblé trouver intéressante, où elle se retrouve et
si ce n'est pas à cet endroit qu'il faudrait qu'on en parle.
Un dernier point, c'est la consultation. Est-ce qu'il y a un endroit
où les groupes intéressés vont pouvoir être
consultés sous une forme ou sous une autre comme, par exemple, ça
se produit dans le cas de nomination de personnes sur les conseils
d'administration des hôpitaux ou des centres d'accueil. Les groupes
intéressés peuvent acheminer des suggestions. Évidemment,
le choix est toujours la responsabilité du gouvernement, mais il y a un
endroit ou un moment qui est prévu où les groupes
intéressés peuvent se permettre d'acheminer des suggestions de
nomination. Est-ce qu'on ne pourrait pas retrouver aussi, dans cet article,
cette possibilité d'ouverture aux suggestions par les groupes
intéressés, organisation de travailleurs et travailleuses
accidentés, organisation syndicale, organisation patronale. Est-ce qu'il
n'y aurait pas une possibilité d'ouvrir à la consultation, tout
en laissant le choix final au gouvernement?
Finalement, le dernier alinéa: "Ce mandat, une fois fixé,
ne peut être réduit que pour cause." L'expression "pour cause" est
habituellement utilisée dans les conventions collectives pour les
congédiements, sauf que ça va de l'insubordination... il y a
toutes sortes de raisons qui peuvent être invoquées pour le
congédiement pour cause. Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas d'un
congédiement, ce n'est pas parce qu'on n'est pas satisfait d'une cause
ou d'un jugement rendu qu'on va révoquer la personne qui est là.
Il doit y avoir des motifs qui existent pour en arriver à ce que, je
pense, les personnes qui ont suivi de savants cours de droit, appellent la
récusation. Il doit y avoir des causes pour cela que l'on pourrait
peut-être identifier davantage. En écrivant l'expression "que pour
cause", cela me semble très large et cela pourrait aller jusqu'à
l'insubordination. Cela pourrait supposer que je donne une directive à
un commissaire pour rendre ses jugements dans telle ligne de pensée et
s'il ne le fait pas, je pourrais le récuser. Je ne pense pas que ce soit
l'objectif poursuivi, mais en écrivant "que pour cause" cela pourrait
couvrir cela. Je me demande s'il n'y a pas une façon plus rigide et plus
restrictive pour éviter que les récusations se fassent pour
n'importe quelle sorte de motif.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Fréchette: Alors, M. le Président, je vais
essayer de prendre les objections soulevées par le député
de Sainte-Marie l'une après l'autre. J'ai peur, d'en avoir oublié
une.
M. Bisaillon: Je vous les rappellerai, M. le ministre.
M. Fréchette: Je ne suis pas du tout inquiet de cela, pas
du tout, je sais qu'on va me rafraîchir la mémoire. Je me
réfère tout de suite à la dernière observation du
député de Sainte-Marie qui fait référence à
la possibilité de la réduction du terme ou de la durée
d'un mandat pour cause. Je suis tout à fait d'accord avec lui quand il
nous rappelle ou nous signale qu'en matière de relations du travail, par
exemple, un employeur ne peut généralement discipliner un
salarié que pour cause. Je n'ai cependant pas souvenance qu'en aucune
espèce de texte conventionnel, réglementaire ou législatif
on ait, de quelque façon que ce soit, qualifié la cause à
laquelle on fait référence. Cependant, la jurisprudence a fait
cette qualification autant en matière de relations du travail qu'en
toute autre matière et il me semble qu'on ne peut pas passer à
côté dans une loi comme celle-là. Lorsque l'on se
réfère à la possibilité de réduire un mandat
pour cause, il faut de toute évidence avoir en tête la notion
d'une cause juste et suffisante. Ce sont évidemment les notions qui
reviennent constamment dans l'interprétation qu'a donnée la
jurisprudence à la notion de cause juste.
M. le Président, je ne pense pas qu'il soit nécessaire
dans les circonstances de procéder à qualifier davantage la
notion de la réduction du mandat pour cause. Cela fait
référence encore une fois à des motifs qui ont un
caractère de justesse et de suffisance. C'est un peu l'équivalent
d'une mesure disciplinaire qui était, imposée en vertu des
dispositions d'une convention collective.
M. Bisaillon: Est-ce que le ministre peut m'expliquer pourquoi
vous n'avez pas retenu pour la commission d'appel la formule qui était
utilisée pour la Commission des affaires sociales? On dit qu'un membre
ou assesseur de la commission - on parle évidemment de la Commission des
affaires sociales - peut être récusé comme un juge et de la
même façon. Les articles 234 à 242 du Code de
procédure civile s'appliquent à la récusation mutatis
mutandis. Pourquoi cela n'a-t-il pas été retenu?
M. Fréchette: M. le Président, il faut s'entendre,
à moins que j'interprète mal les dispositions de la loi quand on
fait référence à la notion de récusation. La
récusation n'est pas l'équivalent de déchoir quelqu'un de
son poste.
M. Bisaillon: Le priver de sa cause.
M. Fréchette: On va récuser un juge ou un
commissaire pour un dossier très spécifique sans, par ailleurs,
le déchoir encore une fois de son poste et lui enlever... enfin...
M. Bisaillon: Donc, c'est lui retirer seulement la cause.
M. Fréchette: Voilà! Pour un dossier très
précis. Alors, quand on parle de la récusation je pense que c'est
à cette notion qu'il faut se référer alors qu'ici, le
deuxième alinéa de l'article 353 fait de toute évidence
référence à la déchéance d'un commissaire et
à "son congédiement", entre guillemets, de la commission. (20 h
30)
M. Bisaillon: Je dois comprendre que dans la Loi sur la
Commission des affaires sociales, il n'y a pas d'article qui prévoit la
déchéance d'un commissaire ou d'un assesseur pendant son mandat.
Si on ne fait que référer à la récusation que vous
venez de nous expliquer et s'il n'y en a pas au niveau de la Commission des
affaires sociales, et que cela fonctionne ainsi, bien, très bien
même. Pourquoi aurait-on senti le besoin de prévoir une
éventualité comme celle-là dans la commission d'appel qui
nous concerne?
M. Fréchette: Je ne sais pas plus que le
député de Sainte-Marie si la loi constitutive de la Commission
des affaires sociales prévoit une disposition de cette nature. Je vais
donner un exemple au député
de Sainte-Marie. Supposons que la preuve serait faite qu'un commissaire,
dans l'exercice de ses fonctions, a accepté une considération,
quelle qu'en soit la nature, pour les fins d'une sentence à être
rendue, s'il n'y a pas une semblable disposition, quels seront les
possibilités ou les pouvoirs du président de la commission ou
d'une autre personne constituant une autorité? La preuve étant
faite de ce dont je viens de parler, faudra-t-il accepter qu'il continue
d'exercer ses fonctions?
M. Bisaillon: II peut être poursuivi au criminel de la
même façon qu'on pourrait le faire... Le même exemple que le
ministre me souligne pourrait s'appliquer à la Commission des affaires
sociales ou au Tribunal du travail. Or, à ces deux institutions, on n'a
pas retenu la... Autrement dit, cela se présente comme si on voulait
ajouter une pression additionnelle sur le commissaire de ce type de tribunal.
Les mêmes personnes qui font ce travail actuellement ne sont pas soumises
è cette éventualité au moment où on se parle. Il
peut arriver des cas exceptionnels dont le ministre nous a donné un
exemple mais, dans les mêmes circonstances, cela serait arrivé,
même s'il n'y avait pas eu d'article prévu dans la Loi sur la
Commission des affaires sociales. On le poursuivrait au criminel, il
deviendrait incapable de siéger et, par le fait même, il n'aurait
pas sa rémunération et au renouvellement, on ne renouvellerait
pas son mandat.
M. Fréchette: M. le Président, à partir de
l'observation ou des commentaires du député de Sainte-Marie qui
dit: "Si quelqu'un était soupçonné d'avoir accepté
une considération pour les fins d'une décision à
être rendue, qu'on le poursuive au criminel" tenons pour acquis que,
effectivement, cette personne a été poursuivie au criminel. Elle
s'est défendue ou ne s'est pas défendue; elle a plaidé
coupable ou elle a été trouvée coupable. Devant quel
phénomène se retrouvera-t-on? Le phénomène
très simple que cette personne pourra être condamnée au
paiement d'une amende ou alors à purger un terme d'emprisonnement et
cela finira là. Il n'y aura, ni à la commission d'appel, ni au
gouvernement, aucun moyen à sa disposition pour réduire le terme
pour lequel on aura été nommé. Je ne sais pas si c'est le
genre de chose à laquelle pense le député de Sainte-Marie.
Il reconnaîtra certainement ce principe qui dit que le criminel ne tient
pas le civil en état. Le commissaire qui aura été
trouvé coupable d'un acte criminel va avoir, comme je le disais il y a
un instant - je comprends que le député de Sainte-Marie
était occupé - ou bien une sentence d'amende ou alors une
sentence d'emprisonnement. Après que cela sera fait, faudra-t-il,
d'après l'argumentation du député de Sainte-Marie, tenir
pour acquis que ce commissaire, qui aura été l'objet d'une
poursuite criminelle, qui aura été trouvé coupable ou qui
aura plaidé coupable, pourra continuer d'exercer ses fonctions quasi
judiciaires de décideur en matière de santé et de
sécurité?
M. Bisaillon: II est bien évident, M. le Président,
que ce n'est pas cela que j'essaie de défendre. Je n'essaie pas de
défendre le cas très marginal et exceptionnel - qu'on n'a jamais
rencontré d'ailleurs - que soulève le ministre. Si on poussait
son exemple jusqu'au bout et si on admettait que cela puisse se produire, il y
a un article plus loin où on indique que c'est le président qui
organise les travaux, qui coordonne et répartit le travail. S'il ne
répartit pas le travail, s'il ne donne plus de cause, la personne ne
siège plus. Ce que j'essayais surtout de dire au ministre, c'est que la
Commission des affaires sociales qui traite de ces questions existe depuis un
certain temps. Le Tribunal du travail qui oeuvre dans une domaine de même
nature, pratique et fonctionne depuis un certain temps. Or, il n'ont pas de
clause comme celle-là. La seule chose que je me dis c'est... Ou bien
vous allez me dire: II y a eu des cas comme ceux-là à la
Commission des affaires sociales et on n'a pu rien faire. Si vous me dites
cela, je vais dire: Cela a du bon sens qu'on mette l'article. Mais, si on n'a
eu aucun cas à la Commission des affaires sociales, au Tribunal du
travail et dans les tribunaux quasi judiciaires, je vais vous dire que cela
m'apparaît comme une pression additionnelle qu'on ajoute aux personnes
qui vont siéger là-dessus, qu'on n'imposait pas à ceux qui
travaillaient à la Commission des affaires sociales. C'est juste cela,
mon argumentation. Je ne voudrais pas que le ministre me fasse dire que
j'essaie de défendre le fraudeur qui va accepter un pot-de-vin.
M. Fréchette: M. le Président, je pense que nous
n'aurons pas besoin de prolonger plus longuement la discussion. Je dirai
cependant au député de Sainte-Marie qu'on ne rend pas service
à ces commissaires. S'il n'y a pas une semblable disposition dans la loi
créant la Commission des affaires sociales, cela voudrait donc dire par
interprétation que le président, à sa volonté, ou
toute autre personne constituée en autorité sur ces commissaires,
à sa volonté, peut procéder à la
déchéance.
Ce qu'il y a ici, c'est une protection pour les commissaires. On dit:
Personne ne pourra réduire la durée de votre mandat sauf pour
cause juste et suffisante. S'il n'y a pas dans la loi de la Commission des
affaires sociales une semblable disposition restreignant le pouvoir de
discipline, bien,
écoutez, il peut bien ne pas y en avoir; mais nous, le motif pour
lequel c'est là, c'est que cela nous convainc du fait que c'est une
protection pour les commissaires. Vous ne serez dérangé pour
aucune considération. Vous rendrez des jugements et des sentences
suivant les opinions que vous vous êtes faites à la suite des
auditions et personne ne pourra prendre de moyens "disciplinaires", entre
guillemets, contre aucun d'entre vous. C'est pour cela que c'était
là.
Maintenant, si on dit: II ne devrait pas y avoir cette protection, ne
pas être à l'abri de la discrétion d'une personne en
autorité qui déciderait à tort et à travers
d'imposer une sanction disciplinaire, on peut purement et simplement le retirer
du projet de loi, M. le Président.
M. Bisaillon: Moi, M. le Président, si le ministre me
demandait quel serait mon choix, ce serait effectivement de le retirer. Je vais
vous expliquer pourquoi. Parce que, premièrement, c'est un mandat qui
est reconnu à quelqu'un pour une durée, dans le temps, qui est
précisée par la loi. Quand le ministre nous parle de mesures
disciplinaires qui pourraient être prises par la personne en
autorité, supposons le président, en l'occurrence, qui pourrait
démettre quelqu'un de cette façon, les recours de cette personne
vont toujours exister. La personne en autorité, de toute façon,
va être obligée de faire la démonstration qu'elle avait
raison, ou bien elle va se faire dire qu'elle avait tort, et
éventuellement la personne va au moins retrouver les avantages de son
contrat. Alors, cela ne me fait pas peur. Et si tel était le cas, si par
exemple, il y avait une personne en autorité qui en abusait, c'est elle
qui serait pénalisée en bout de course, parce qu'il s'agirait
juste qu'un ou deux commissaires qui auraient subi une "démotion" aient
gain de cause devant n'importe quel tribunal pour qu'on se pose de
sérieuses questions sur le renouvellement de mandat du président
en cause.
Personnellement, cela ne me fait pas peur, parce que c'est une
nomination pour un terme précisé dans une loi. De toute
façon, même si c'est une mesure disciplinaire, la personne va
toujours avoir ses recours. Qu'on mette "pour cause" ou non, si on ne met rien,
c'est un mandat de cinq ans ou c'est un mandat de trois ans. Dès que la
personne ne fera pas son cinq ans ou son trois ans parce qu'il y aura eu une
décision de prise par un supérieur allant dans ce sens-là,
elle va toujours avoir le recours de récupérer ce que le mandat
de cinq ans lui aurait rapporté et donc, de faire la preuve qu'elle
aurait été congédiée ou démise de ses
fonctions de façon abusive. Alors, qu'on le mette ou qu'on ne le mette
pas, le droit pour l'individu et la protection pour l'individu va toujours
être là.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je dois vous
signaler que je ne suis pas du tout d'accord avec l'interprétation que
fait le député de Sainte-Marie. Je continue d'être
convaincu que c'est une disposition qui donne une espèce de garantie
à ces commissaires, mais je n'en ferai pas non plus une bataille de
principe et je n'ai aucune objection à retirer l'alinéa dont on
est en train de discuter.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres
remarques, M. le ministre, sur...
M. Fréchette: Oui.
Le Président (M. Bissonnet): ...d'autres questions, M. le
député de Sainte-Marie?
M. Fréchette: Quant à la durée, M. le
Président, je vous signalerai que, puisqu'on y réfère si
souvent, la loi constitutive de la Commission des affaires sociales
prévoit qu'il s'agit d'un terme et d'un mandat qui ne doit pas
excéder dix ans. À la Régie des loyers, la formule qui a
été retenue est celle qui prévoit un mandat
n'excédant pas cinq ans. 11 nous semble que dans ce cas-ci, on est en
concordance avec les autres dispositions législatives quant à la
durée du mandat.
M. Bisaillon: Ce n'est pas tellement sur les cinq ans que j'en
avais. Je suis conscient que de façon générale, c'est le
terme qu'on met à ce genre de nomination. C'est la formulation. Vous me
dites que cette formulation existe dans d'autres lois. Ce que je vous demande
c'est si j'ai raison dans l'interprétation que j'en fais. Quand je dis
que le mandat de ce type de personne n'excède pas cinq ans, cela veut
dire que de façon subjective ou arbitraire, je pourrais indiquer que six
commissaires sont là pour trois ans et six autres pour cinq ans. Tandis
que si je dis que ce sont des mandats de cinq ans, tous les commissaires auront
un mandat de cinq ans.
M. Fréchette: C'est exactement l'interprétation que
j'en fais moi aussi. Vous pouvez avoir un commissaire qui va être
nommé pour une période d'une année, de deux ou trois
années et cela pourrait se présenter, par exemple, dans le cas
d'un commissaire dont le mandat avait été prévu pour cinq
années qui décède et qui est remplacé par un autre
commissaire à qui on demanderait de terminer le mandat de celui qui est
décédé. On indiquerait un mandat de deux ou trois ans.
C'est un cas qui peut se produire.
Deuxièmement, à la Commission des affaires sociales et
à la Régie des loyers, ce sont les deux exemples qu'on a sous les
yeux, c'est cela aussi qui peut se produire. Vous pouvez très
certainement procéder à la nomination d'un commissaire pour une
période d'une année. Il va le savoir avant de l'accepter.
Généralement, ce pourrait être pour des mandats très
précis, des mandats ad hoc, mais je ne vois pas quel inconvénient
cela pourrait causer à qui que ce soit de conserver cette formule.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Bisaillon: II y avait deux autres questions.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, avez-vous
autre chose à ajouter.
M. Fréchette: Sur la question des vice-présidences,
j'ai indiqué tout à l'heure quelques-unes des raisons pour
lesquelles nous avons évalué, à tort ou à raison,
qu'il était utile de retenir la formule qui est là. Je veux en
ajouter une ou deux autres. On est tous sensibilisés maintenant, depuis
le temps qu'on est en train de travailler à cette loi, au fait que les
matières d'appel vont se multiplier à peu près par 25. Il
n'est pas exclu de penser, par exemple, que vous pourriez vous retrouver avec
une chambre spécialisée en matière de réparation,
ou en matière de finance ou en matière d'appel à la
réadaptation. C'était strictement en fonction de
considérations de cette nature que la latitude que donne effectivement
l'article 353 était demandée.
Maintenant, M. le Président, là également, compte
tenu que la loi, lorsqu'elle sera mise en application, va devoir prendre une
année, deux ou trois années pour se roder correctement, je
n'aurais pas non plus d'objection à remplacer le mot "des" par le mot
"de". Cela va nécessiter, de toute évidence, à un moment
donné, de reconsidérer la situation, mais ce n'est pas le genre
de choses sur lesquelles la bataille peut durer tellement longtemps.
Quant à la nomination, M. le Président, autant du
président que des deux vice-présidents maintenant, si on a retenu
que j'en faisais une proposition formelle...
Le Président (M. Bissonnet): Je vais y revenir
après votre intervention. (20 h 45)
M. Fréchette: Très bien. À propos de la
nomination du président et des deux vice-présidents, j'essayais,
au moment de l'ajournement, M. le Président, d'identifier une ou
plusieurs lois à l'intérieur desquelles sont créés
des organismes ou bien judiciaires ou quasi judiciaires et pour qui les
nominations sont faites autrement que de la façon qu'on le
suggère dans cette loi. La conclusion à laquelle j'en arrive,
à tort ou à raison - remarquez que la recherche n'a pas
été exhaustive. On n'a pas fait le tour de toutes les lois qui
peuvent effectivement prévoir la création d'organismes de ce
genre - c'est que nous n'avons pas trouvé ni identifié quelque
loi que ce soit qui prévoit des modes de nomination, encore une fois,
autrement que celui qui est indiqué ici. Ce mode de nomination est celui
qui est retenu par exemple à la Commission des affaires sociales; c'est
celui qui est retenu dans tous les autres organismes qui ont le même
caractère quasi judiciaire que celui de cette commission d'appel auquel
on réfère. Il n'y a ce phénomène de consultation -
du moins formelle - formelle dont parle le député de Sainte-Marie
en aucun autre endroit, excepté des organismes qui ont effectivement de
par leur mandat, de par leur définition, un caractère de
consultation ou un mandat d'émettre des avis à certains
égards. Le député de Sainte-Marie va comprendre que je
réfère par exemple au Conseil consultatif du travail où
les membres sont choisis après une consultation formelle prévue
par la loi des associations patronales et/ou syndicales les plus
représentatives. Mais nulle part ailleurs dans un organisme quasi
judiciaire ou judiciaire ce genre de phénomène existe, non plus
à la Cour provinciale ou à n'importe quelle autre cour dont les
juges sont nommés par le gouvernement du Québec. Il y a cette
espèce de concours dont on connaît l'existence mais qui n'a pas la
forme d'une consultation à partir d'un mécanisme qui serait
élargi dans le sens que le souhaite le député de
Sainte-Marie. M. le Président, c'est exact que je voulais
considérer cette proposition avec autant d'attention que c'était
possible de le faire mais, après avoir considéré les
aspects dont je viens de parler, il me semble qu'il n'y a pas de raisons
spécifiques pour lesquelles on devrait retenir dans cette loi un mode
particulier de nomination qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.
M. Bisaillon: Le ministre avait répondu à plusieurs
intervenants de la commission sur le fait que le président
dépendrait du ministère de la Justice dans ses fonctions, mais je
dois comprendre que ce n'est pas dans sa nomination.
M. Fréchette: Aussi. Je ne sais pas si cela estindiqué là ou si on le retrouve ailleurs.
M. Bisaillon: Ici c'est écrit: "nommé par le
gouvernement".
M. Fréchette: De toute évidence il faut que ce soit
sur recommandation du ministre
concerné. Si la loi n'est pas explicite à cet égard
on va l'indiquer.
M. Bisaillon: On va indiquer ailleurs que c'est le ministre
responsable.
M. Fréchette: Ailleurs ou là, mais l'intention
c'est très nettement d'arriver à ce que la nomination se fasse
par le gouvernement mais, de toute évidence, sur recommandation du
ministre qui est responsable de l'application de la loi, de ce chapitre de la
loi.
M. Bisaillon: C'est cela. Le ministre responsable de
l'application de la loi ce ne sera pas le ministre de la Justice. Si on a dit
que les crédits de la commission devaient être
étudiés au moment où l'on étudierait les
crédits du ministère de la Justice, c'est dans ce chapitre qu'il
faudrait indiquer que...
M. Fréchette: L'article 550 amendé spécifie
très clairement que c'est le ministre de la Justice qui est responsable
de l'application du chapitre XII de la loi.
M. Bisaillon: De l'application, mais non pas des nominations.
M. Fréchette: Mais cela va de soi.
M. Bisaillon: Bon, à l'article 550 on pourra regarder.
M. Fréchette: On pourra regarder cela de plus
près.
M. Bisaillon: D'accord. ...en présence de l'ancien leader
de l'Opposition.
M. Fréchette: M. le Président, si encore on se
référait à la loi de la Commission des affaires sociales,
on en a parlé souvent depuis un bon moment: La commission est
composée de membres nommés pour un terme n'excédant pas
dix (10) ans par le gouvernement.
À l'article 45: Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est chargé de l'application de la
présente loi. Le juge Poirier a été fort clair sur la
méthode utilisée pour la nomination des commissaires: c'est une
recommandation du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu au gouvernement.
M. Bisaillon: ...parce que cela était dans la Loi de la
Commission des affaires sociales?
M. Fréchette: Non, c'est parce que c'est ce que cela veut
dire.
M. Bisaillon: On aurait dû se garder àla...
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président. J'aurais voulu demander au
ministre quelques explications, quelques renseignements par rapport aux
coûts qui ont été cités en réponse aux
questions de mon collègue de Viau. Le ministre a dit que la nouvelle
commission d'appel coûterait, si j'ai bien entendu - enfin je sais que ce
sont des prévisions à ce moment-ci, ce ne sont pas les budgets
mais tout de même - il a donné des coûts qui
s'élèveraient entre 4 500 000 $ et 5 000 000 $.
Considérant qu'il a aussi admis qu'il y a beaucoup d'experts qui
s'occupent d'accidents du travail et de maladies professionnelles maintenant
à la Commission des affaires sociales et qui vont être
transférés à la nouvelle commission d'appel, cela nous
intéresserait de savoir de combien sera la réduction
correspondante du budget de la Commission des affaires sociales? On parle de
coûts qui sont vraiment très imposants. Par exemple, è la
Commission des affaires sociales, je voyais le budget où les chiffres de
1983-84 montrent des dépenses de l'ordre de presque 4 000 000 $, soit 3
900 000 $. Si on ajoute ceux de cette commission à 4 500 000 $, pour
prendre le chiffre le plus bas, on arrive à quelque chose comme 8 500
000 $ entre les deux.
S'il n'y a pas une réduction correspondante de coûts
à la Commission des affaires sociales, on aura créé un
nouvel appareil qui va coûter encore plus cher que toute la Commission
des affaires sociales malgré que celle-ci ait quatre divisions. On ne
dit pas, par exemple, que le nombre d'appels dans cette nouvelle commission,
par rapport à la loi 42, va être tellement considérable que
cela justifie la chose. On ne le dit pas, non. Mais en même temps,
sûrement que si on transfère des effectifs tout à fait
substantiels de la Commission des affaires sociales à cette nouvelle
commission, il va y avoir une réduction correspondante. Je crois que
cela va être intéressant de savoir où on s'en va avec cela,
parce que certainement que les coûts d'un côté et de
l'autre, ça commence à compter. Je ne vais pas apporter
d'arguments additionnels, excepté brièvement sur la question des
vice-présidents. Je suis très content de voir que le ministre a
accepté la suggestion de mon collègue de Viau et du
député de Sainte-Marie, parce qu'il est clair dans la loi
même que la question de deux vice-présidents a beaucoup plus de
sens. Si on regarde la Loi sur la Commission des affaires sociales et aussi la
loi actuelle sur la commission d'appel, il semble que le rôle principal
du président est d'avoir la responsabilité pour l'administration
de la commission. Dans chacune des lois, cela semble être le cas. Le
président est responsable de l'administration et de la direction
générale de la commission d'appel.
Il semble aussi, par les articles suivants, qui sont les mêmes
dans la Loi de la Commission des affaires sociales et celle de cette nouvelle
commission d'appel que le vice-président, comme tout
vice-président dans n'importe quelle organisation, agit en cas d'absence
ou d'incapacité d'agir du président. Donc, ce n'est pas un
président qui est en charge des régions, c'est un
président qui agit à titre de président quand le
président ne fonctionne pas.
De plus, si vous voyez l'article 362 de la loi actuelle, cela dit: Le
président désigne le commissaire qui est responsable de
l'administration d'un bureau de la commission d'appel. Donc, il semblerait que
dans les bureaux régionaux, le président va nommer des
commissaires. Un commissaire va être en charge du bureau, ce qui
éviterait d'avoir des vice-présidents dans ces
régions.
Je suis bien content que le ministre ait accepté notre suggestion
de deux mandats. Je dois admettre, malgré tout le respect que j'ai pour
mon collègue de Sainte-Marie, que je ne suis pas tout à fait
d'accord avec lui sur la question "pour cause" puisque le ministre dit: Moi, je
préférerais voir "pour cause" rester parce qu'il me semble que
cela apporte un fardeau additionnel à la commission. Cela apporte un
fardeau légal à la commission de ne pouvoir faire bouger un
commissaire sans une cause valable. Je sais que la question arrivera de la
même façon que si un commissaire est renvoyé; il pourrait
partir la chose devant les tribunaux. Mais il me semble que cela apporte un
fardeau additionnel à la commission de prouver qu'il y a une cause
majeure qui pourrait faire éviter le mandat. Moi, je
préférerais laisser cela.
Le ministre, si je me souviens bien n'a pas l'air d'avoir répondu
catégoriquement au député de Sainte-Marie, par rapport
à ses commentaires au sujet du président en tant que juge. La
Commission des affaires sociales dit: Le président, il faut qu'il soit
un juge ou un avocat. J'aurais voulu savoir pourquoi le ministre n'a pas retenu
cette notion dans cette loi-ci et, dans son optique à lui, s'il ne l'a
pas retenue, quelles étaient ses raisons pour penser que ce
n'était pas mieux d'être un juge ou quelqu'un qui a une formation
légale pour être le président de la commission. De plus,
pourrait-il envisager des circonstances où il y aurait d'autres gens
qu'un juge ou un avocat qui pourraient être pressentis pour le poste de
président de la commission.
M. Fréchette: M. le Président, sur la restriction
du nombre des vices-présidents, je voudrais faire une autre suggestion
qui réduirait davantage: au lieu de "deux vice- présidents", l'on
dirait "d'au plus deux vice-présidents". On pourrait n'en nommer qu'un
pour commencer à mettre la loi en application.
Quant à la question du financement, M. le Président, le
député de Viau était préoccupé
également par cette question cet après-midi. J'ai convenu avec
lui, enfin, j'ai compris qu'il me donnait le délai suffisant pour
regarder ça d'un peu plus près. On avait parlé de demain.
Vous ajoutez un élément nouveau à ce que le
député de Viau m'a demandé. Alors, je pourrai sans doute
demain, ou au maximum, jeudi, donner cette précision.
Maintenant, pourquoi ne pas retenir la suggestion de faire en sorte que,
de toute nécessité, il faudrait que cette commission soit
présidée ou par un juge ou par un avocat? La préoccupation
de beaucoup d'intervenants qui sont venus en commission parlementaire en a
été une de crainte de judiciarisation de la commission.
Évidemment, ne serait-ce que sur le plan pédagogique de la chose,
c'est une première considération -je ne vous le cache pas - pour
laquelle cette suggestion, jusqu'à maintenant, n'a pas été
retenue.
Mais il y en a une autre qui est celle-là, quant à moi,
beaucoup plus fondamentale. À supposer que parmi les douze commissaires
qui ont été nommés, il y en ait un qui soit
spécialisé, par exemple, en ergonomie, un commissaire
spécialisé en ergonomie, en réadaptation et qui, en plus
de ça, a d'excellentes qualités d'administrateur. Si l'on devait
retenir que le président de cette commission doit être juge ou
avocat, ça enlèverait la possibilité qu'un
spécialiste en réadaptation d'accidents du travail qui est de
surcroît un excellent administrateur puisse être nommé
à la présidence de la commission. C'est la raison pour laquelle,
jusqu'à maintenant, la décision c'est de ne pas retenir cette
suggestion. Mais il y a peut-être d'autres motifs qui font cela devrait
être considéré, ce qu'on est en train de me
suggérer.
Je ne voudrais pas empêcher qu'une personne qui, par ailleurs, a
toutes les aptitudes pour présider un semblable organisme puisse le
faire, uniquement parce qu'on exige que le président soit ou bien juge
ou bien avocat.
M. Lincoln: M. le Président, une toute petite question au
ministre. Je pense que vos arguments sont convaincants. Mais est-ce que je peux
vous demander "a tongue in check", comme on dit, si le président est
déjà choisi et il ne serait pas un juge ou un avocat?
M. Bisaillon: Les cassettes!
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, est-ce que
vous avez quelque chose à
ajouter?
M. Fréchette: Non, ça ne fait pas partie de la loi,
ça, M. le Président. Je pense que j'ai tout dit ce que j'avais
à dire.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je trouve que l'argumentation que vient d'apporter le
ministre est très valable en ce qui concerne les commissaires. Mais en
ce qui concerne le président de cette commission, je crois qu'il serait
très opportun même que ce soit un juge ou bien un avocat. Car on
parle d'avoir affaire pas seulement à une certaine
spécialité - le ministre prenait l'exemple de l'ergonomie... (21
heures)
Je pense fermement - je suis d'accord avec mon collègue de
Nelligan - qu'il serait préférable que ce soit un juge. Cela
donnerait même un statut...
M. Fréchette: Ah oui, de judiciarisation. M. Cusano:
Oui, un statut supérieur.
M. Bisaillon: Je ne suis pas sûr que vous soyez d'accord
parce que le député de Nelligan a dit qu'il trouvait le ministre
convaincant.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres
remarques sur l'article 353? Il est proposé par le ministre...
M. Bisaiilon: Où est l'amendement du ministre?
Le Président (M. Bissonnet): II est proposé par le
ministre d'amender le premier paragraphe en remplaçant, à la
seconde ligne de l'article, le mot "des" par le mot "deux".
M. Fréchette: On en a fait un autre, M. le
Président.
M. de Bellefeuille: En remplaçant le mot "des" par les
mots "au plus deux".
M. Fréchette: C'est ça.
Le Président (M. Bissonnet): C'est ça, M. le
ministre?
M. Fréchette: Oui.
Le Président (M. Bissonnet): Je relis l'amendement.
Remplacer, à la seconde ligne du premier paragraphe, le mot "des" par
les mots "au plus deux" et biffer le second alinéa de l'article 353.
Est-ce que c'est votre proposition d'amendement, M. le ministre?
M. Fréchette: C'est ma proposition, M. le
Président.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a des
remarques sur l'amendement? Est-ce que l'amendement à l'article 353 est
adopté?
M. de Bellefeuille: Je pense que le député de
Bourassa voulait intervenir là-dessus, M. le Président.
M. Cusano: C'est de la concordance.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Est-ce
que l'amendement de l'article 353 est adopté?
M. Cusano: Adopté.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 353 est
adopté tel qu'amendé?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Bissonnet): L'article 353 est
adopté tel qu'amendé sur division. J'appelle maintenant l'article
354.
M. Fréchette: II y a un amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Bissonnet): II est proposé par le
ministre de remplacer le deuxième alinéa de l'article 354 par le
suivant: "Elle a au moins un bureau dans chaque région administrative
où la commission possède un bureau régional, sauf si le
président est d'avis que le nombre probable d'appels dans une
région ne justifie pas d'y établir un bureau." Est-ce que
l'amendement est adopté?
M. Cusano: Sur division.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: J'avais deux observations à faire sur
l'article 354. La première, c'est à propos de l'emploi du mot
"situation" puisque, tout à l'heure, le ministre a eu l'obligeance de
donner à entendre que j'avais quelque compétence en
matière de rédaction. Il me semble que le mot "situation" n'est
pas le mot approprié puisqu'il s'agit du lieu. C'est ma première
observation.
Ma deuxième observation. Dans son amendement, le ministre donne
au président le pouvoir de décider seul s'il est opportun
d'ouvrir un bureau dans une région donnée. Cela peut
paraître excessif que ce genre de décision soit prise par le
président seul. Je pense que les régions pourraient
s'élever contre cette clause qui pourrait les désavantager sans
qu'elles aient de recours.
M. Fréchette: Quant à la première
observation du député de Deux-Montagnes, M. le Président,
nous sommes à faire une vérification. Quant à la
première observation du député de Deux-Montagnes, elle
serait retenue, effectivement. Il faudrait lire "un avis du lieu ou de tout
changement du lieu du siège social est publié à la Gazette
officielle du Québec".
Quant à la deuxième observation du député de
Deux-Montagnes, je lui soumettrai deux choses. Premièrement, la
commission d'appel en matière de lésions professionnelles - on le
voit par les propositions contenues dans la loi - n'a aucun caractère
corporatif, dans le sens que ce n'est pas un organisme présidé
par une personne et assisté d'un certain nombre de membres d'un conseil
d'administration. Il n'y a pas de caractère corporatif, d'aucune
espèce de façon, de sorte que le président de cette
commission devient en quelque sorte l'équivalent du juge en chef d'un
tribunal, comme, par exemple, le juge en chef de la Cour provinciale, le juge
en chef de la Cour supérieure, le juge en chef de la Cour d'appel, qui
ont tous - je ne sais pas comment la loi leur donne ce pouvoir-là, cela
pourrait être vérifié - des pouvoirs qui sont de la
même nature que celui auquel on fait référence ici dans la
loi.
La raison pour laquelle ce pouvoir-là doit être
accordé au président peut se justifier à l'aide d'un
exemple. On me dit, par exemple, M. le Président, que, dans le
territoire de la Baie-James, où il y a un bureau régional, le
volume de dossiers à traiter est devenu tel qu'il n'y a peut-être
pas nécessité de garder un bureau régional à cet
endroit. Alors, il faut de toute évidence que le président de la
commission ait ce pouvoir d'évaluer s'il y a lieu ou non d'ouvrir un
bureau de sa commission pour procéder à l'audition des
appels.
Le Président (M. Bissonnet): Avez-vous terminé, M.
le député de Deux-Montagnes? Avez-vous d'autres remarques?
M. de Bellefeuille: Non, je n'ai pas d'autres remarques.
M. Bordeleau: M. le Président, sur le même
sujet...
Le Président (M. Bissonnet): M. le député
d'Abitibi-Est, c'est cela?
M. Bordeleau: C'est bien cela, Abitibi-Est.
Le Président (M. Bissonnet): Cela me fait plaisir.
M. Bordeleau: Je me demande pourquoi le ministre nous dit: Bien
sûr, si le président est d'avis que le nombre d'appels dans une
région ne justifie pas d'établir un bureau, cela irait, mais le
nombre "probable" d'appels, cela m'embête un peu, parce que cela suppose
que le président peut présumer qu'il n'y aura pas, dans un
certain temps, un nombre suffisant d'appels et décider de ne pas ouvrir
de bureau. Alors, il me semble qu'on devrait enlever le mot "probable".
M. Fréchette: Je pense qu'il faut prendre avec beaucoup de
sérieux la suggestion du député d'Abitibi-Est. Je veux,
par ailleurs, essayer de lui expliquer pourquoi le mot "probable" se retrouve
dans le texte. Si l'on fait disparaître le mot "probable", cela oblige,
dès lors que la loi devient en vigueur, de procéder
immédiatement à l'établissement d'un bureau
régional dans toutes les régions. Il n'y a plus
d'évaluation qui peut se faire quant à la probabilité du
volume d'appels. Cela n'empêcherait pas des commissaires d'aller
siéger dans une région où il n'y aurait pas de bureau
régional en permanence. Par ailleurs, il est évident que, lorsque
la loi aura été mise en pratique et exercée pendant une
année, deux années ou trois années, le mot "probable"
n'aurait plus sa raison d'être. C'est tout à fait évident.
Alors, c'est la seule raison pour laquelle le terme se trouve là, sans
quoi, encore une fois, malgré le fait qu'il n'y aurait pas suffisamment
de volume pour qu'un commissaire soit là en permanence, malgré ce
fait-là, il faudrait procéder à la mise sur pied du bureau
d'un commissaire régional. Ce n'est pas clair?
M. Bordeleau: M. le Président, ce n'est pas tout à
fait clair, dans le sens que... Si le président est d'avis que le nombre
d'appels dans une région ne justifie pas d'y établir un bureau,
alors il n'en établit pas, de toute façon, mais en ne se basant
pas sur une probabilité, mais sur les appels courants dans cette
région. À mon sens, il ne serait pas obligé...
M. Fréchette: Voyez-vous le problème devant lequel
on pourrait se retrouver? Je reviens à mon argumentation
préliminaire. L'interprétation que j'en fais, c'est que, si on
enlève le mot "probable", il va falloir procéder à la mise
sur pied d'un bureau régional dans les douze ou treize - il y a
même treize régions maintenant - dans les douze régions
existantes.
Il me semble que c'est plus facile de procéder à implanter
un bureau régional lorsque la probabilité sera dans le sens qu'il
y a suffisamment de volume que d'en
implanter un et, ensuite, de le fermer parce qu'il n'y a pas
suffisamment de volume. Il me semble que c'est aussi une considération
qu'on ne peut pas négliger. L'expérience de chacun d'entre nous
est assez concluante quant aux conséquences que cela donne de fermer un
service dans une région ou dans une autre.
M. Bordeleau: Cela me satisfait, M. le Président. Je ne
l'accepte pas totalement, mais espérons que cela se passera ainsi, sinon
il y aura des pressions suffisantes pour que cela se fasse de toute
façon, si la probabilité n'est pas suffisante.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, je comprends un peu
l'inquiétude du député d'Abitibi-Est parce qu'il me semble
que, de la façon que cela est rédigé, cela a l'air
d'être très subjectif. "Si le président est d'avis que le
nombre probable d'appels..." cela peut être quelque chose de très
subjectif au départ. N'aurait-on pas pu changer le mot à mot pour
indiquer que c'est après une évaluation du nombre anticipé
d'appels ou quelque chose qui indiquerait qu'une étude a
été faite là-dessus, plutôt qu'un jugement tout
à fait aléatoire du président ou un jugement superficiel?
Mon collègue et moi devions demander qu'on change "le président"
par "la commission", en fait. Je comprends aussi qu'un président doit
avoir des pouvoirs. Le président, c'est le gérant de
l'administration. Il me semble que, si vous indiquiez qu'une étude, une
évaluation a été faite du nombre d'appels
anticipés, cela le forcerait à faire une étude
plutôt que de décider de lui-même que,
superficiellement...
M. Fréchette: Cela revient à la suggestion du
député d'Abitibi-Est. Est-ce que l'objectif du
député de Nelligan serait atteint si, effectivement, on faisait
sauter le mot "probable"?
M. de Bellefeuille: Le mot?
M. Fréchette: "Probable".
M. Bordeleau: Mon objectif serait atteint, M. le ministre. Je ne
peux pas parler pour le député de Nelligan.
M. Fréchette: II me semble que cela impose plus de rigueur
dans l'évaluation du phénomène du volume d'appels.
M. Bordeleau: C'est cela.
M. Fréchette: M. le Président, si on disait: "Sauf
si le président est d'avis, après étude...
M. Lincoln: Formidable!
M. Fréchette: ...que le nombre d'appels, dans une
région, ne justifie pas d'y établir un bureau."
M. Lincoln: Je crois que cela arrange tout.
Le Président (M. Bissonnet): II est proposé, en
sous-amendement à l'amendement...
M. Fréchette: II faut garder le mot "probable".
Le Président (M. Bissonnet): Vous l'avez
enlevé.
M. Fréchette: Si on met "après étude", cela
l'oblige à justifier sa décision.
M. Bordeleau: C'est au moins un peu mieux.
M. Lincoln: Oui, c'est un peu mieux.
Le Président (M. Bissonnet): Alors, est proposé en
sous-amendement, par le ministre, à l'amendement principal, d'ajouter,
après le mot "d'avis que", les mots "après étude".
M. Lincoln: Non, "est d'avis, après étude,
que".
M. Bordeleau: C'est cela, "est d'avis, après étude,
que".
Le Président (M. Bissonnet): Après le mot "d'avis,
après étude, que".
M. Fréchette: C'est cela. M. Lincoln: Après
étude.
Le Président (M. Bissonnet): Je vais relire le
sous-amendement.
M. de Bellefeuille: Est-ce que le ministre supprime aussi le mot
"probable"?
M. Fréchette: Non, on l'a réintégré
après avoir ajouté "après étude". Cela oblige
à passablement plus de rigueur.
M. Cusano: Ce n'est pas une certitude.
Le Président (M. Bissonnet): II est proposé par le
ministre, en sous-amendement à l'amendement principal, d'ajouter,
après le mot "d'avis," les mots "après étude".
Des voix: Virgule.
Le Président (M. Bissonnet): "après étude,".
Est-ce que le sous-amendement est adopté?
M. Cusano: Adopté. (21 h 15)
Le Président (M. Bissonnet): Je déclare le
sous-amendement adopté. Nous revenons à l'amendement principal.
Est-ce que l'amendement principal est adopté telqu'amendé? Je déclare l'amendement principal adopté
tel qu'amendé.
Il est proposé par le ministre d'amender l'article 354 et de
remplacer le premier alinéa par le suivant: "La commission d'appel a son
siège social à l'endroit déterminé par le
gouvernement; un avis du lieu ou de tout changement du lieu du siège
social est publié à la Gazette officielle du Québec."
Est-ce que l'amendement est adopté?
M. Cusano: Adopté.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 354 tel
qu'amendé est adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Bissonnet): Je déclare l'article
354 tel qu'amendé adopté sur division.
M. Fréchette: M. le Président, avant que vous
appeliez l'article 355, est-ce que ce serait le temps indiqué pour vous
proposer qu'on change le titre du chapitre XII?
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, je vais
attendre votre proposition.
M. Fréchette: Alors, je propose, M. le Président,
que le titre du chapitre XII se lise ainsi qu'il suit: "Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles."
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que la proposition de
changer le titre du chapitre XII: "Commission d'appel en matière de
santé et de sécurité du travail" par les mots "Commission
d'appel en matière de lésions professionnelles" est
adoptée?
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: C'est la deuxième fois que le ministre
nous propose ce changement et on l'a déjà accepté, je
pense, la première fois...
Le Président (M. Bissonnet): C'est-à-dire
que...
M. de Bellefeuille: II me vient une inquiétude à
savoir si on n'est pas en train d'exclure de la compétence de cette
commission d'appel la santé et la sécurité, le
côté préventif...
M. Fréchette: Non, parce qu'il y a un article qui le
prévoit spécifiquement.
M. de Bellefeuille: Que...
M. Fréchette: Toutes les matières sont appelables.
On va le voir dans les mesures transitoires ou peut-être même dans
le chapitre qu'on est en train d'étudier. L'article 380: "La commission
d'appel connaît et dispose, exclusivement à tout autre tribunal,
de:..." Et là, on donne l'énumération des matières
qui sont sous la juridiction de la commission d'appel et l'on retrouve les
phénomènes de santé et de sécurité, de
réadaptation, de classification, et ainsi de suite.
M. de Bellefeuille: Bon, cela va.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que cela va, M. le
député de Deux-Montagnes? Oui.
Alors, je reviens à l'amendement proposé par le ministre
aux fins du Journal des débats qui était d'amender le titre du
chapitre XII en changeant le titre de "Commission d'appel en matière de
santé et de sécurité du travail" par les mots "Commission
d'appel en matière de lésions professionnelles." Est-ce que
l'amendement est adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Bissonnet): L'amendement est
adopté sur division. Nous sommes de retour à l'article 355.
M. Fréchette: II y a un amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Bissonnet): À l'article 355, il
est proposé un amendement par le ministre et je lis l'amendement, soit
de remplacer l'article par le suivant: "355. Dès la nomination d'un
commissaire, le président l'affecte dans une ou plusieurs régions
administratives où la commission possède un bureau
régional. "Le président peut, pour la bonne expédition des
affaires de la commission d'appel, changer cette affectation."
Est-ce qu'il y a des remarques sur l'amendement? M. le
député de Viau.
M. Cusano: À un certain moment, dans la discussion, depuis
le début de nos travaux, on avait dit, je crois, dans une discussion
générale, que le fait d'avoir un commissaire qui siégerait
pendant cinquante ans dans une
région, cela peut...
M. Fréchette: Pendant quoi?
M. Cusano: Un commissaire qui serait nommé dans une
région administrative pour une période de cinq ans. On avait
soulevé le fait qu'il pourrait y avoir des conflits et même, je
pense que le ministre nous a dit qu'il trouvait cela... D'après son
expérience, plaider devant le même juge dans un certain district,
cause après cause, cela pouvait poser certaines difficultés.
Est-ce que le ministre ne serait pas d'accord qu'on introduise la notion de
rotation?
M. Fréchette: Elle est là, deuxième
paragraphe de l'article. Elle est là très
précisément pour cela.
M. Cusano: Oui. Il peut, pour la bonne expédition des
affaires.
M. de Bellefeuille: II peut.
M. Fréchette: Oui.
M. Cusano: "Pour la bonne expédition", cela veut dire
quoi?
M. Fréchette: La bonne expédition, cela veut dire
la marche globale et générale d'un bureau régional, autant
en termes d'audition de dossiers qu'en termes de décisions à
être rendues et en termes strictement administratifs. La bonne
expédition des affaires se réfère, de toute
évidence, à la bonne marche du bureau d'un commissaire.
M. Cusano: Votre interprétation sur le deuxième
paragraphe, c'est qu'il va y avoir une rotation faite de façon
régulière. Si le ministre nous donne cette garantie, c'est
acceptable.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je partage les
inquiétudes du député de Viau. Je reconnais que le
ministre a fait un pas dans la bonne direction parce que son amendement,
effectivement, va dans le sens de prévoir des changements d'affectation.
Sauf que l'amendement ne fait qu'admettre la possibilité de changements
d'affectation. Il pourrait n'y avoir aucun changement d'affectation et la loi
serait respectée. S'il n'y avait jamais aucun changement d'affectation,
on risquerait de se trouver devant une situation où une ou plusieurs
régions seraient, si vous me pardonnez l'expression, "poignées"
avec le même commissaire pendant des périodes trop longues.
J'ai l'impression, M. le Président, que c'est un domaine, et il y
en a d'autres comme celui-là, où il est bon que des
fonctionnaires changent régulièrement d'affectation afin de se
recycler, afin d'acquérir un regard neuf, afin d'aborder les
problèmes dans un contexte changé, modifié. C'est comme
cela que les gens donnent leur meilleur rendement. Je reconnais - je le
répète - que le ministre a fait un pas dans la bonne direction,
mais j'aimerais qu'il aille plus loin encore et qu'on puisse prévoir
peut-être une durée maximale de chacune de ces affectations.
M. Fréchette: M. le Président, j'écoute avec
attention les interventions qui me sont soumises et les réflexions qui
me viennent à l'esprit, en les écoutant, sont les suivantes:
l'inverse de ce qu'on est en train de craindre est également possible.
Vous avez, dans une région donnée, un commissaire qui fait un
travail que tout le monde respecte et dont tout le monde est satisfait.
Remarquez que cela peut arriver.
M. de Bellefeuille: Pourquoi ne pas en faire profiter d'autres
régions?
M. Fréchette: Et les parties de cette région
donnée ne veulent pas se départir de ce commissaire dont les
qualités sont reconnues par tout le monde. Pourquoi faudrait-il donc
imposer que, tous les six mois ou, enfin, je ne sais pas à quelle
période de temps cela pourrait être...
M. de Bellefeuille: Quelques années.
M. Fréchette: ...il doit y avoir une rotation?
Deuxièmement, il me semble que, si le président de la
commission est attentif à ce genre de situation, il ne pourra faire
autrement que de procéder à des affectations qui vont faire en
sorte que la rotation qu'on souhaite va se réaliser. Je vous donne un
exemple: il est évident que, dans une région où les cas
qui sont les plus souvent en discussion sont des cas de réadaptation,
vous n'allez pas, par la rotation, envoyer pendant un an, un an et demi ou deux
ans un commissaire qui serait spécialisé en matière de
finances. Retenez qu'il n'y aura qu'une douzaine de ces commissaires. Il y
aura, comme c'est prévu dans la loi, des gens qui sont
spécialisés dans les différentes disciplines qui
concernent les accidents du travail.
S'il y a un rôle dans une région où il est
prévu que les auditions seront principalement consacrées au
phénomène de la réadaptation et que vous avez, qui
siège dans cette région, un commissaire qui est
spécialisé en réadaptation, il est évident que le
président va devoir procéder à cette rotation et envoyer
siéger dans la région un
commissaire qui a une habileté plus spécifique
relativement à des matières qui seront soumises. Et l'inverse
aussi est vrai en termes de préjudices que cela pourrait créer.
Si vous avez un commissaire dont, encore une fois, la spécialité
pourrait être, par exemple, la cotisation des employeurs, parce qu'il en
faudra des commissaires spécialisés en cette
matière-là, si vous l'obligez à siéger constamment
dans la même région pendant six mois, un an ou deux ans, vous
allez plaider devant lui des matières qui ne sont pas
spécifiquement de sa compétence ou de sa discipline. C'est pour
cela, me semble-t-il, qu'il faut ouvrir sur la possibilité de la
rotation et tenir pour acquis que tout président attentif à la
bonne expédition des affaires va être préoccupé par
la nécessité de cette rotation.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu
suggérer l'inverse au ministre. Je pense que le ministre dit: II faut
prévoir qu'il y aura des circonstances qui rendent la rotation
régulière presque impossible, mais prévoir que, lorsque
cela pourra se faire, cela va se faire. J'aurais voulu suggérer au
ministre qu'on prévoie dans la loi que la rotation
régulière, c'est la norme et que le cas où on ne peut pas
faire la rotation, c'est l'exception. Par exemple - je ne sais pas, c'est au
légiste de trouver le mot à mot qui ferait l'affaire - dans le
deuxième alinéa, au lieu de dire "peut", on dirait: Le
président "doit" prévoir, pour la bonne expédition des
affaires de la commission d'appel, une rotation régulière des
affectations, sauf en cas de circonstances exceptionnelles dans une
région administrative. Il me semble qu'à ce moment-là cela
consacre le principe que la rotation régulière, c'est la norme.
Si pourtant, dans une région administrative ou une autre, il y a des
circonstances exceptionnelles ou bien la demande d'un spécialiste
quelconque ou bien le fait qu'il n'y a pas assez de personnes dans cette
région et qu'on est obligé de garder le commissaire là,
à ce moment-là, cela donne la latitude au président ou
à la commission d'avoir cette exception, mais autrement la norme est une
rotation régulière qui se fait.
Le Président (M. Bissonnet): Messieurs, je vais suspendre
la commission pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 25)
(Reprise à 21 h 32)
Le Président (M. Bissonnet): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous en sommes toujours
à la discussion sur l'amendement à l'article 355 et je
cède la parole au ministre.
M. Fréchette: M. le Président, nous avons
reconsidéré les propositions qui viennent d'être faites et,
malgré toute la bonne volonté que j'aurais de souscrire aux
propositions d'amendement qui sont soumises, je pense que je vais devoir m'en
tenir au texte de l'article 355, et je vais vous dire pourquoi. Il me semble,
M. le Président, que, dans un organisme comme celui-là, il faut
avoir confiance - ne serait-elle que relative cette confiance - que le
président qui va être nommé pour assurer la gestion des
affaires sera suffisamment perspicace pour utiliser le moyen mis à sa
disposition par le deuxième alinéa de l'article 355 et assurer
lui-même la rotation quand ce sera nécessaire. Pourquoi, M. le
Président? Pour les motifs dont j'ai parlé tout à l'heure
mais, également, pour un autre motif qui n'est pas négligeable,
il me semble, dans l'appréciation que l'on doit faire de l'ensemble de
la situation. Comment serait-il possible de recruter des commissaires
compétents, des commissaires spécialisés dans n'importe
laquelle des matières faisant l'objet des dossiers qui vont leur
être soumis si ces gens n'ont aucune espèce de
sécurité quant à l'opportunité de trouver
résidence dans une région, de s'y installer avec la famille,
d'acheter une maison? Vous allez me dire que ce sont des considérations
d'ordre strictement matériel, mais qui ne sont pas négligeables
dans les circonstances si un commissaire n'a aucune assurance de pouvoir, pour
une période de temps raisonnable, établir son lieu de
résidence dans la région pour laquelle il est affecté.
Deuxièmement, M. le Président, on a dit avec beaucoup
d'insistance, depuis qu'on a commencé à étudier les
articles 352 et suivants, que nous étions en face d'un organisme qui est
à peu près l'équivalent d'un tribunal de droit commun.
À l'intérieur d'un tribunal de droit commun, le juge en chef a
toute latitude pour demander à ses juges d'exercer cette rotation, ce
qui se fait également dans la pratique. Alors, il me semble que ce
serait sérieusement permettez-moi l'expression - encarcaner le
président de la commission au niveau de la gestion des affaires que de
lui imposer une rotation quand son évaluation l'amènerait
à la conclusion que ce n'est pas nécessaire parce que les
affaires vont bien dans telle ou telle région. M. le Président,
pour ces motifs, il me semble que le pouvoir qui est accordé au
président de la commission par l'article 355 est suffisamment large pour
éviter les difficultés auxquelles on nous a
référés.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan, est-ce que vous en faites un sous-amendement à l'amendement
formel ou si vous ne faites pas de sous-amendement formel?
M. Lincoln: On ne va pas faire un amendement formel. Je pense
qu'on retient nos vues là-dessus, mais on va accepter l'article sur
division.
Le Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes
à l'amendement de l'article 355. Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Bissonnet): L'amendement est
adopté sur division. Est-ce que l'article tel qu'amendé est
adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Bissonnet): Je déclare l'article
355 tel qu'amendé adopté sur division. J'appelle maintenant
l'article 356.
M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement à l'article
356.
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a des
remarques des députés sur l'article 356? M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, il s'agit ici d'une
procédure de sélection. Or, à l'article 353, nous avons
adopté le texte qui nous était présenté, dans
lequel il n'y a pas de procédure de sélection. Le ministre nous a
expliqué pourquoi il ne voulait pas que la loi prévoie une
procédure de sélection. Cependant, la procédure de
sélection apparaît quand même, mais sous forme de pouvoir
réglementaire. Donc, le gouvernement ne veut pas que la loi
détermine la procédure de sélection, mais le gouvernement
demande plutôt à l'Assemblée nationale de lui céder
le pouvoir d'établir par règlement une procédure de
sélection. J'aurais préféré que la procédure
de sélection soit dans la loi plutôt que d'être
confiée à un pouvoir réglementation. C'est ma
première observation.
Une deuxième observation, M. le Président. Je note que,
dans le premier paragraphe de l'article 356, il y a les mots, entre virgules,
"autres que le président et les vice-présidents" qui indiquent
bien, si je comprends le texte, que le choix du président et des
vice-présidents, qui sont commissaires eux-mêmes, ne se fait pas
conformément à cette éventuelle procédure de
sélection à établir par règlement. Cela aussi
m'étonne, M. le Président. Puisque le président et les
vice-présidents sont des commissaires eux-mêmes, il me semble
qu'ils devraient être soumis à la même procédure de
sélection, je dirais même a fortiori; puisqu'ils ont des
responsabilités plus grandes que les autres commissaires, il me semble
qu'a fortiori ils devraient être soumis à la procédure de
sélection. Ce sont mes premières observations.
M. Fréchette: M. le Président, quant au mode de
sélection des commissaires, je soumettrai strictement l'observation
suivante: Conformément aux dispositions de la loi ou plutôt en
vertu des dispositions de la loi, ces commissaires ne sont pas des membres de
la fonction publique. C'est la raison pour laquelle il est apparu important de
devoir procéder à une sélection à partir d'un
mécanisme structuré. C'est le motif pour lequel cette suggestion
est faite.
Maintenant il y a aussi un élément de concordance qui nous
préoccupe à cet égard et je ne ferai que me
référer à la Loi sur la régie du logement pour
signaler que le mode de nomination qu'on retrouve à la Régie du
logement est très précisément celui que l'on retrouve ici
et qui est suggéré à l'article 356. C'est donc un souci de
concordance et un autre souci, celui dont j'ai parlé tout a l'heure,
c'est-à-dire que, comme ces gens-là ne sont pas membres de la
fonction publique, il est apparu opportun, même nécessaire,
d'identifier un mécanisme par lequel ils seraient
sélectionnés comme commissaires.
M. de Bellefeuille: Mais la détermination de ce
mécanisme nous échappe, M. le Président.
M. Fréchette: Je m'excuse...
M. de Bellefeuille: Nous, comme législateurs, la
détermination du mécanisme dont le ministre vient de parler nous
échappe puisque le gouvernement nous demande de lui confier le pouvoir
de l'établir par règlement. Nous en prendrons connaissance dans
la Gazette officielle comme tout le monde. C'est ça que je trouve peu
souhaitable. D'ailleurs, l'argument qu'invoque le ministre lorsqu'il fait un
parallèle avec la Régie du logement ne me convainc pas du tout
parce qu'il n'est pas du tout certain que le gouvernement n'a pas tendance
à abuser du pouvoir réglementaire. Cela a souvent
été soutenu, cela a été soutenu par des auteurs,
cela a été soutenu par notre ex-collègue Denis Vaugeois,
qui a rédigé un rapport à la suite d'une étude sur
le projet de réforme parlementaire qui a été à la
base des décisions que nous avons prises dans le sens d'une
réforme parlementaire, et M. Vaugeois a aussi examiné de
très près, avec d'autres de nos collègues, les questions
de législation déléguée. Il me semble que le fait
que le gouvernement a eu recours à ce mécanisme dans la Loi sur
la Régie du logement ne
prouve pas qu'il faut de nouveau procéder ainsi. Cela prouve tout
simplement que le gouvernement a tendance à se donner des pouvoirs
réglementaires et, comme parlementaires, je pense que nous devons
plutôt surveiller cela de près et encourager le gouvernement
à dire dans les lois ce qu'il a l'intention de dire plutôt que de
s'arroger des pouvoirs réglementaires qui nous échappent.
M. Fréchette: M. le Président, je sais bien que je
ne convaincrai pas le député de Deux-Montagnes. Je dois
également lui dire que son argumentation ne me convainc pas non plus.
S'il fallait retenir ses représentations et essayer d'atteindre
l'objectif que la sélection des commissaires se fasse autrement que par
réglementation, je ne vois aucun autre moyen que d'en arriver à
inscrire dans la loi les critères possibles d'admissibilité
à un poste de commissaire. Vous voyez d'ici qu'il s'agirait là
d'une opération qui est absolument, mais absolument impossible à
réaliser. D'ailleurs, je ne sache pas qu'il existe aucune loi à
l'intérieur de laquelle on identifie expressément quelles sont
les conditions qui vous permettraient de pouvoir être nommé
commissaire à tel ou tel autre endroit.
Deuxièmement, je suis tout à fait conscient du rappel que
nous fait le député de Deux-Montagnes quant aux travaux du
député de Trois-Rivières. À ce que je sache
également, c'est que les conclusions de ces travaux sont actuellement
à être évaluées par les instances habilitées
à le faire et que le gouvernement, normalement, devrait prendre position
à cet égard. M. le Président, pour ces motifs, je dois
malheureusement vous dire que je ne peux pas souscrire à la
représentation du député des Deux-Montagnes.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Deux-Montagnes. (21 h 45)
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne partage pas
l'avis du ministre lorsqu'il dit qu'il n'arriverait pas à me convaincre.
C'est déjà arrivé, cela pourrait arriver de nouveau. Je
voudrais insister un peu. Je reconnais avec lui qu'il ne serait pas normal que
la loi contienne tous les détails d'une procédure de
sélection, mais la loi pourrait indiquer des paramètres
généraux qui seraient, en quelque sorte, le fondement de la
procédure de sélection. Si le gouvernement veut se donner un
pouvoir de réglementation, il y aurait au moins, dans la loi, un cadre
dans lequel ce pouvoir de réglementation s'exercerait. Par exemple, la
loi pourrait prévoir que la nomination des commissaires se fait
d'après certaines recommandations, d'après une liste de personnes
recommandées et ce serait indiqué en termes
généraux par quels organismes ces personnes seraient
recommandées. Cela pourrait être le Conseil consultatif du travail
et de la main d'oeuvre. Alors, il y aurait des paramètres
généraux et le règlement viendrait compléter cette
procédure.
Je note, d'autre part, M. le Président, que le ministre n'a pas
expliqué, à moins que je n'aie été distrait,
pourquoi, dans ses intentions, le président et les
vice-présidents qui sont eux-mêmes commissaires seraient exclus de
la procédure de sélection.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, tous les
présidents et vice-présidents d'organisme sont nommés en
vertu ou à partir de mécanisme comme celui qui est dans le projet
de loi 42. C'est le ministre responsable de l'application de ces lois, comme
dans le cas qui nous occupe, dans les chapitres spécifiques de la loi,
qui a juridiction pour suggérer au gouvernement des nominations. Ne
serait-ce que cela, ça m'apparaît suffisamment important pour
retenir la formule.
Deuxièmement, il s'agit, encore une fois, d'un organisme quasi
judiciaire, comme on l'a expliqué à plusieurs reprises. Je ne
vois pas pourquoi il y aurait un mode de nomination qui serait différent
de celui qui est utilisé pour tous les organismes quasi judiciaires qui
sont à peu près de même nature.
Quant à la question des commissaires eux-mêmes, je
réitère au député de Deux-Montagnes que la formule
dont il nous parle a très certainement son mérite. Mais je ne
vois pas pourquoi ce serait par la voie d'une loi particulière, une loi
sectorielle, qu'un mécanisme comme celui-là serait introduit
quand l'on sait que, au moment même où on se parle, des
conclusions sont à être tirées très
précisément des études faites par la commission
Vaugeois.
Alors, pour ces motifs, M. le Président, je crois devoir
maintenir la position que j'ai soutenue depuis le début de notre
discussion à l'égard de l'article 356.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, il y a quelques suggestions
que j'aurais voulu faire. D'abord, l'article 356 dit: "Le gouvernement peut,
par règlement, établir une procédure de sélection
des commissaires."
Il me semble que le gouvernement devrait, par règlement,
établir une procédure de sélection des commissaires. Je
pense que ce devrait être "doit" établir. Autrement, c'est
l'option du gouvernement, il l'établit ou il ne l'établit pas. Il
me semble qu'il est tout à fait logique que le gouvernement doit
le faire et ne pas avoir l'option de le faire ou ne pas le faire, quand
bon lui semble. C'est la première suggestion que je ferai: changer le
mot "peut" par le mot "doit".
Ensuite, il me semble que, lorsqu'on parle du comité de
sélection: "et notamment prévoir la constitution d'un
comité de sélection à cette fin", l'article pourrait
prévoir ce qui serait dans l'esprit du reste de la loi, où on a
prévu la même chose, dans plusieurs instances: Ce comité
doit être composé, entre autres, de représentants des
travailleurs et des employeurs qui sont, en fait, ceux qui sont affectés
par la loi. Il me semble qu'ils devraient avoir droit au chapitre. Ce sont les
gens qui sont vraiment les plus affectés. On ne dit pas que ce devrait
être seulement eux et qu'ils devraient être majoritaires, mais que
certainement il devrait y avoir, au sein du comité de sélection,
des représentants des travailleurs et des employeurs.
Dans le deuxième alinéa, on dit: "Lorsqu'un comité
de sélection est constitué", comme s'il y avait un comité
de sélection. C'est quelque chose qui est constitué avant, mais
parfois ce n'est pas constitué. Il me semble qu'il faudrait avoir un
comité de sélection, en tout cas, et qu'on pourrait changer le
dernier alinéa et dire: Le président ou le vice-président
qu'il désigne est d'office membre de ce comité de
sélection.
Par exemple, je vais vous citer un cas que je connais bien, pour avoir
servi dans ce comité de sélection des affaires sociales où
les comités de sélection sont presque de rigueur, dans toutes les
questions de tribunaux administratifs, de commissions administratives,
d'établissements où la loi prévoit des comités de
sélection et le gouvernement doit le faire. Il y a des procédures
qui établissent qu'il faut certains représentants du conseil
régional, des représentants du conseil d'administration qui, en
fait, représentent la communauté des
bénéficiaires.
J'aurais voulu résumer trois suggestions: qu'on dise que le
gouvernement doit le faire par règlement; que le comité devrait
prévoir des représentants des travailleurs et des employeurs,
entre autres; que le dernier alinéa soit changé pour faire en
sorte que le comité de sélection ne soit pas quelque chose
d'optionnel.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: M. le député de Nelligan vient de
dire: Pourquoi ne pas ajouter les professionnels de la santé
là-dedans? Pourquoi ne pas ajouter des physio-thérapeutes, telle
spécialité de médecins? Je pense que cela ne finirait
plus. C'est beau de dire qu'on va choisir des représentants des
travailleurs, des représentants patronaux, mais pourquoi exclure les
autres? Les mêmes commissaires auront à se pencher sur des
dossiers, à un moment donné. Je me demande jusqu'où vous
voulez aller dans cette sélection. Si la même chose se faisait
dans d'autres lois... Cela a toujours été fonctionnel. Je n'ai
jamais eu connaissance que vous ayez eu, à titre d'Opposition, à
vous plaindre des sélections qui ont été faites dans
certains comités. Non, il n'y en a jamais eu. Il y en a peut-être
eu concernant les présidents ou les vice-présidents d'organisme
où la balle peut avoir changé de camp, à un moment
donné. C'est sûr. Mais j'hésiterais à changer le
texte qui est là. Cela demande une réflexion assez longue avant
de changer quoi que ce soit dans ce domaine.
M. Lincoln: M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je pense qu'il est clair que le député
de Bourassa n'a pas suivi le travail qui a été fait dans la
préparation de cette loi depuis le début.
M. Cusano: II est préoccupé par...
M. Lincoln: C'est une loi qui concerne principalement les
travailleurs. C'est une loi qui est faite pour les travailleurs et qui
concerne, de prime abord, les travailleurs et les employeurs. C'est la logique
de la chose. J'ai fait la comparaison avec la loi sur les affaires sociales
où il y a des comités de sélection qui sont
constitués selon la loi 27, par exemple, où on verra que ce sont
certainement les bénéficiaires, les gens pour qui la loi
s'applique qui font partie des comités de sélection. Ce sont eux
qui sont affectés par cette loi. Tout ce que j'ai dit... Je n'ai pas dit
qu'on ne devrait pas avoir de physiothérapeutes ou de médecins ou
qui que ce soit au comité de sélection. J'ai dit que, entre
autres, il devrait y avoir au moins un représentant. Il devrait y avoir
quelque mention du genre de comité de sélection qu'on veut faire.
Certainement, les gens qui sont eux-mêmes affectés de prime abord
par la loi devraient faire partie d'un comité de sélection ou au
moins être présents à ce comité de sélection,
ne pas être les seuls représentants de ce comité. C'est
pourquoi je dis que ce comité devrait être composé, entre
autres, de représentants des travailleurs et des employeurs. Si le
député avait suivi toutes les discussions sur le comité de
révision... Au comité de révision, on aurait pu avoir des
médecins ou n'importe qui, mais on a tenu à dire que les
travailleurs et les employeurs qui étaient le plus touchés par la
loi devraient être
représentés au comité de révision. Je ne
vois aucune différence. Je vois que c'est une question primordiale pour
eux que la sélection des commissaires qui vont siéger en appel.
Il me semble qu'il n'y a rien d'illogique dans le fait d'avoir un
représentant de chaque groupe à ces comités.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, on nous
soulève avec raison et on nous rappelle beaucoup de notions qui peuvent
nous être utiles dans l'étude de l'article 356, mais il y a une
notion fondamentale qu'il ne faut, de toute évidence, pas perdre de vue.
Nous sommes ici à discuter de la nomination de commissaires qui vont
devenir membres d'un organisme quasi judiciaire qui est l'équivalent
d'un tribunal.
Quand, par exemple, le député de Nelligan se
réfère à certaines dispositions de certaines lois des
affaires sociales qui prévoient la formation de comités de
sélection à l'intérieurs desquels on retrouve des
représentants des différents bénéficiaires, je suis
tout à fait d'accord avec lui, mais il s'agit essentiellement
d'organismes de consultation ou alors d'organismes qui ont à administrer
des fonds. Ce ne sont pas des organismes d'adjudication.
Puisqu'on en parle si souvent dans le cours de nos travaux, comment
est-ce que les commissaires à la Commission des affaires sociales sont
nommés? Il n'y a pas de mécanismes de cette nature qui sont
prévus pour la nomination des commissaires à la Commission des
affaires sociales.
Quand on me dit, M. le Président, que nous devrions nommer, au
comité de sélection auquel on se réfère à
l'article 356, un représentant des travailleurs et un
représentant de l'employeur, je veux bien qu'on inscrive une disposition
comme celle-là dans la loi, mais le député de Nelligan
sait très bien à quel genre de difficulté ça va
mener ceux qui devront procéder à l'application de la loi. Quand
arrivera le temps de faire le choix du représentant des travailleurs, de
quelle source sera-t-il ou de quel organisme sera-t-il? Devra-t-il être
un membre de la Fédération des travailleurs du Québec,
devra-t-il être un membre de la Confédération des syndicats
nationaux, de la CEQ, de la CSD, des organismes ou représentants
d'associations de travailleurs accidentés? Vous voyez d'ici devant
quelle difficulté on pourra être.
C'est la même chose du côté patronal. Devra-t-il
Être un membre du Conseil du patronat du Québec, de l'AMC, du
regroupement québécois des entreprises, des organismes
d'employeurs non organisés? Où est-ce que nous allons faire le
choix du représentant d'un groupe de travailleurs ou d'un
représentant des employeurs?
Je ne veux pas contester que toutes les suggestions qui sont mises sur
la table ont beaucoup de mérite, mais je pense devoir arriver à
la conclusion, encore une fois, qu'il m'est difficile de les accepter.
M. Cusano: Vous avez accepté le principe pour les bureaux
de révision.
M. Fréchette: Bien oui.
M. Cusano: Si c'est bon à un niveau, ça devrait
être bon à l'autre aussi.
M. Fréchette: On ne parle pas de la même chose, pas
du tout. Ce qu'on me demande, c'est d'introduire dans le comité de
sélection, auquel se réfère l'article 356, des membres qui
représentent les intérêts des personnes morales ou
physiques qui vont avoir à soumettre ou débattre des cas devant
la commission d'appel. C'est à l'intérieur du comité de
sélection qu'on voudrait retrouver des représentants,
permettez-moi l'expression, de l'ensemble de la clientèle qui va se
retrouver devant la commission d'appel. Le mécanisme n'est pas du tout
le même, mais pas du tout.
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce qu'en laissant la notion d'un comité de
sélection, mais sa composition complètement ouverte... D'accord,
on accepte vos arguments qui sont certainement valables; je dois admettre qu'il
y a tellement de mérite la-dedans qu'on doit les accepter. Mais on
devrait sûrement avoir une notion quelconque de la composition d'un
comité de sélection. Là, on ne sait pas si c'est un
comité de sélection d'un membre, de deux membres, de trois
membres, de quatre membres, d'où ils proviennent. C'est tellement
aléatoire que, demain matin, on pourrait... C'est pourquoi, dans les
autres lois, quand on parle de comité de sélection, que ce soit
dans le domaine judiciaire ou ailleurs, il y a sûrement une façon
de mettre des paramètres, des balises ou des critères
plutôt que de mentionner un comité de sélection qui
pourrait être un comité de sélection d'une personne, de
deux personnes ou de quatre personnes.
M. Fréchette: Est-ce que, si on ajoutait après le
mot "sélection", dans la troisième ligne de 356: prévoir
la constitution d'un comité de sélection d'au moins trois
membres, et quand on va au paragraphe suivant: le président ou le
vice-président qu'il désigne en est membre d'office, il y aurait
donc une troisième personne qui
deviendrait membre de ce comité de sélection?
M. Lincoln: II y aurait deux autres membres, vous voulez
dire.
M. Fréchette: Oui, oui, vous avez raison.
M. Lincoln: Deux autres membres. M. Fréchette: Oui.
C'est cela.
M. Lincoln: Est-ce que vous avez retenu la suggestion que j'ai
faite de changer le mot "peut" par "doit", dans la première ligne, et de
changer la dernière notion du dernier alinéa, lorsqu'un
comité de sélection est constitué, ce qui le fait
optionnel ou avec une latitude de le faire ou de ne pas le faire?
M. Fréchette: M. le Président, j'ai fait des
considérations qui ne sont à ce stade-ci que très
préliminaires de la suggestion du député de Nelligan. Je
constate qu'il est tout près de 22 heures.
Le Président (M. Bissonnet): Je sais tout cela, M. le
ministre. Compte tenu de l'heure, je déclare que les travaux de la
commission sont ajournés à dix heures demain, à la salle
91. Bonsoir, messieurs, et bonne nuit.
(Fin de la séance à 22 h 2)