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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 23 mai 1985 - Vol. 28 N° 43

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : La mise en vente du réseau de succursales de la Société des alcools du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Beaumier): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'économie et du travail se réunit pour procéder à l'interpellation adressée par le député de Laporte au ministre de l'Industrie et du Commerce, et portant sur la mise en vente du réseau de succursales de la Société des alcools du Québec.

M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. le Président, il y a deux remplacements à cette séance. M. Cusano (Viau) est remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Le Blanc (Montmagny-L'Islet) est remplacé par M. Laplante (Bourassa).

Le Président (M. Beaumier): Alors, pour bien se comprendre, en ce qui concerne les règles du jeu, je vous rappelle que le député qui a donné l'avis d'interpellation, donc le député de Laporte, intervient le premier pendant dix minutes. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre interpellé, intervient également pendant dix minutes. Ensuite, il y a alternance dans les interventions de la façon suivante: un député du ou des groupes de l'Opposition, cinq minutes; le ministre, cinq minutes; un député du groupe formant le gouvernement, cinq minutes; un député du groupe ou des groupes de l'Opposition, cinq minutes; le ministre, cinq minutes; un député du groupe formant le gouvernement, cinq minutes; un député du ou des groupes de l'Opposition, cinq minutes, et le ministre, cinq minutes, etc.

À la fin, il y aura, dans les vingt dernières minutes, dix minutes réservées au ministre et, finalement, un droit de réplique de dix minutes à l'interpellant, c'est-à-dire le député de Laporte. M. le député de Laporte.

Exposé du sujet M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous sommes réunis ce matin pour étudier le projet annoncé par le gouvernement de mettre en vente sous forme de franchises les succursales de la Société des alcools, surtout dans la région de Montréal.

Je pense qu'il convient avant de com- mencer de se rappeler que la Société des alcools du Québec a été fondée dans le but de mettre de l'ordre et de contrôler la distribution et la vente des vins et spiritueux au Québec à un moment où, il y a plusieurs années, c'était un domaine qui était particulièrement perturbé. Un des objets de la Société des alcools est de contrôler la qualité des vins et spiritueux fabriqués et distribués au Québec. Un des volets de ses responsabilités est de percevoir des impôts et des taxes pour le gouvernement, et c'est un aspect important puisque, au cours de l'année courante, on demande à la société de percevoir 430 000 000 $. Finalement, je pense qu'on peut également dire que la Société des alcools a pour objet d'assurer aux consommateurs québécois un service de qualité en ce qui concerne la distribution, la consommation et la vente des vins et boissons alcooliques.

Il y a un an et demi, le ministre de l'Industrie et du Commerce décidait de mettre en vente certaines des succursales de la Société des alcools du Québec en faisant un projet pilote visant à permettre à des coopératives de travailleurs de prendre en main certaines succursales. Ce projet a fait l'objet d'une certaine publicité dans le temps; éventuellement, le ministre s'est heurté à l'opposition des syndicats, qui ont prétendu que le projet allait à l'encontre des conventions collectives existantes; cela a fait l'objet de requêtes en cour et, éventuellement, d'injonctions. Le projet était tellement avancé qu'on avait même annoncé l'an dernier, à peu près à cette date, l'ouverture de succursales, dont, entre autres, ici, à Québec, une succursale sur la rue Cartier. Or, malgré l'annonce de l'ouverture d'une succursale devant être dirigée par une coopérative, on a dû surseoir à toute décision. L'affaire est encore devant la cour aujourd'hui. Les injonctions interlocutoires sont encore maintenues. Finalement, le projet a avorté à tel point que le gouvernement semble, dis-je bien, l'avoir laissé tomber. Il nous est revenu, récemment, avec un deuxième projet. Celui-ci vise à concéder 126 succursales de la région de Montréal en franchises à des individus.

La question qu'il convient de se poser est la suivante: Quel objectif poursuit le gouvernement, maintenant, avec la phase 2, si je puis dire, de son projet, avec son nouveau projet? Le gouvernement veut-il

vraiment privatiser une société d'État ou le gouvernement cherche-t-il plutôt à encaisser rapidement des millions de dollars? Je pense qu'on peut répondre à ces deux questions assez rapidement.

En ce qui concerne la volonté que pourrait avoir le gouvernement de privatiser une société d'État, nommément la Société des alcools du Québec, il est intéressant de noter que, très récemment, le 9 janvier 1985, le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui est en face de moi, ce matin, comparaissait devant le tribunal lors de la requête en cour du syndicat pour l'injonction interlocutoire. Le ministre a dit ceci: "J'ai toujours dit et cela a toujours été ma position, que je me refusais à rendre la totalité ou des parties de succursales à une chaîne ou à des individus qui deviendraient des propriétaires privés d'un monopole privé pour remplacer un monopole d'État, tel qu'on connaît la Société des alcools. Dans ce sens-là, je m'oppose à toute forme de privatisation qu'on connaît traditionnellement privée. " Fin de la citation. C'est le ministre de l'Industrie et du Commerce qui déclarait cela il y a trois ou quatre mois au sujet de la possibilité de mettre en vente des succursales à l'entreprise privée. Le ministre s'est carrément déclaré uniquement pour une chose: la vente à des coopératives. Je ne discute pas ce point, c'est son point de vue. Qu'on ne vienne pas nous dire aujourd'hui qu'on veut privatiser des succursales, alors qu'on sait très bien que l'objectif, ce n'est pas celui recherché par le ministre.

Donc, quel est l'objectif recherché? Encaisser rapidement des millions. Là-dessus, M. le Président, ce qui est intéressant de voir, c'est que, lors du premier projet, dans le document qui avait été soumis au Conseil des ministres par le ministre actuel, il était dit qu'un des objets recherchés par la phase 1 du projet était de permettre des entrées au fonds consolidé du Québec par la vente des inventaires aux coopératives. On voit donc qu'on cherchait à faire rapidement de l'argent. Je pense que la trouvaille dans ce domaine... Pourquoi est-ce qu'on veut procéder rapidement dans ce projet? On l'a su la semaine dernière, lors de l'étude des crédits, quand le ministre nous a avoué, et je pense que c'est une phrase qui lui a échappé et qu'il va probablement être surpris ce matin de se faire dire, M. Biron a dit ceci: Si j'avais prévu des complications énormes, j'aurais répondu non à la demande du ministre des Finances de procéder plus avant. Le ministre nous a avoué que la demande de vendre les succursales lui est venue du ministre des Finances. M. le Président, c'est là que le chat est sorti du sac. C'est le ministre des Finances du Québec qui a exigé de mettre en vente des succursales de la Société des alcools du Québec afin d'encaisser le plus rapidement possible 50 000 000 $ dont le gouvernement a un urgent besoin.

Le Président (M. Beaumier): Vous pourrez revenir par la suite, mais c'est dix minutes.

M. Bourbeau: On a déjà dix minutes de passées?

Le Président (M. Beaumier): Vous avez encore quatre minutes, M. le député.

M. Bourbeau: II me reste encore quatre minutes? Merci, M. le Président, c'est bien ce que je pensais.

Il ne faut pas oublier que les profits qui sont générés par la Société des alcools du Québec sont versés au gouvernement. Ces profits sont de deux ordres: premièrement, il y a les profits qui proviennent de la taxe que le gouvernement impose sur les bouteilles et, deuxièmement, les profits commerciaux que pourraient faire les succursales. Les profits commerciaux, c'est plus douteux. La question qu'il convient de se poser, c'est: Le gouvernement fait-il des profits commerciaux avec les succursales ou seulement avec la taxe sur les produits? On pourrait également se demander: Se pourrait-il que le gouvernement fasse des pertes commerciales avec ses succursales, lesquelles pertes seraient noyées dans la somme d'argent que le gouvernement perçoit en guise de taxes? (10 h 15)

Regardons les faits, M. le Président. J'ai ici un tableau. À gauche, ici, à la première ligne, la ligne verte, ce sont les redevances que la Société des alcools paie chaque année au gouvernement du Québec ou, si vous voulez, les ristournes qui sont payées. De 1970 à 1976, sous le régime de M. Bourassa, la courbe de l'augmentation moyenne annuelle a été de 7, 1 %; ce sont les sommes d'argent payées par la Société des alcools au gouvernement du Québec. Sous le gouvernement péquiste, on est passé de 180 000 000 $ à 430 000 000 $ en neuf ans, soit une augmentation moyenne annuelle de 15, 4 %. Cela veut dire que le gouvernement du Parti québécois a exigé, chaque année, 15 % de plus de redevances de la Société des alcools, alors que, sous le régime de M. Bourassa, c'était 7, 1 %. C'est plus du double de la moyenne chaque année.

La ligne suivante, la ligne rouge, représente le prix moyen du litre facturé au consommateur. Sous le régime de M. Bourassa, pendant six ans, le prix a augmenté de 3 % par année. Sous le régime péquiste, l'augmentation a été de plus du double, soit 6, 4 %. C'est bien normal: plus le gouvernement est gourmand et exige des fonds de la Société des alcools, plus les taxes augmentent et, forcément, plus le litre augmente également.

Finalement, la ligne du bas, la ligne bleue, c'est la consommation moyenne annuelle par litre ou, si vous voulez, le volume des ventes. Vous remarquerez que, sous le régime de M. Bourassa, le volume des ventes a augmenté de 10, 4 % par année et, tout à coup, dans les neuf ans du régime péquiste, la moyenne annuelle est de 2, 2 %. C'est bien évident: plus on augmente les prix, plus la consommation stagne. On peut donc conclure de ce tableau que, si le gouvernement fait chaque année de plus en plus d'argent avec la Société des alcools du Québec, ce n'est certainement pas parce qu'elle fait de plus en plus d'affaires, parce que le volume des ventes n'augmente presque plus.

Or, dans le commerce, comment peut-on faire plus d'argent, sinon en augmentant les ventes? Et, lorsque les ventes n'augmentent pas, on ne fait plus d'argent, à moins d'augmenter le prix d'une façon importante. C'est ce que le gouvernement fait. Chaque année, le gouvernement augmente les taxes de façon à percevoir de plus en plus d'argent, parce qu'en ce qui concerne le profit commercial on voit qu'il n'y en a absolument aucun qui peut se faire dans une situation semblable.

M. le Président, je pense que les observations que nous venons de faire nous permettent de conclure que les profits additionnels de la Société des alcools du Québec ne peuvent pas provenir d'une augmentation du volume des ventes, augmentation inexistante. On peut aussi conclure que c'est la taxe qui fait augmenter les profits. On peut également conclure qu'il n'y a pas de profit commercial de fait avec les succursales de la Société des alcools du Québec.

À ce chapitre, j'aimerais citer le ministre des Finances du Québec, M. Duhaime, qui disait récemment en cette Chambre en réponse à une question: La marge bénéficiaire - si vous voulez, le profit commercial - de la Société des alcools du Québec, s'il y a quelqu'un en cette Chambre qui pourrait me l'indiquer, qu'il se lève! Le ministre des Finances était incapable de dire si les succursales de la Société des alcools font des profits commerciaux. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui est le ministre de tutelle de la Société des alcools du Québec, nous a déclaré, la semaine dernière en commission parlementaire - vous permettrez que je le cite, c'est M. Biron qui parle: "Cela veut dire que la Société des alcools du Québec fait de très petits profits". M. le Président, le ministre a avoué lui-même qu'elle fait de très petits profits pour nous dire après cela que les profits commerciaux sont relativement modestes et que ce que vous voyez au bilan c'est surtout la perception des taxes qui fait la différence. Quand un ministre qui veut vendre quelque chose avec profit admet qu'il fait de très petits profits, pour nous, quand on connaît ce qu'est la problématique ou la philosophie d'un vendeur, cela veut dire qu'il ne fait pas de profit. Il n'y a aucun profit commercial actuellement pour les succursales de la Société des alcools du Québec.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. Vous ayant interrompu tantôt, je vous ai accordé une minute de plus. M. le ministre.

Réponse du ministre M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je suis heureux de voir que, finalement, le député de Laporte a compris ce qui se passe à la Société des alcools du Québec. J'ai toujours dit que la Société des alcools du Québec percevait des impôts pour les deux niveaux de gouvernement, le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois. Je crois que c'est mieux de percevoir des impôts sur des alcools plutôt que de les percevoir sur des vêtements d'enfants, comme à l'époque de M. Bourassa, ou de les percevoir sur des chambres d'hôtel ou de les percevoir sur des repas à 1, 25 $, sur lesquels à cette époque il fallait payer la taxe. Aujourd'hui le prix du repas est monté à 3, 25 $, ce n'est pas encore un gros repas, mais au moins! Il y a des choix politiques à faire lorsqu'on veut percevoir des taxes.

C'est autre chose dont on parle aujourd'hui quand on parle de vendre et de retourner au secteur privé une partie du réseau de la Société des alcools du Québec. D'abord, il faut faire un peu l'historique. Il y a 60 ans ou quelque chose comme cela, dans le temps de la prohibition, bien sûr il fallait que les gouvernements interviennent pour contrôler la vente des boissons alcooliques. Cela a été fait à l'époque avec des régies et cela est devenu avec le temps la Société des alcools du Québec. Avant 1978, les vins et les spiritueux se vendaient exclusivement dans les magasins de la Société des alcools, donc par le gouvernement du Québec. À partir de 1978, le gouvernement du Parti québécois a dit: Faisons confiance aux PME québécoises; faisons confiance à ces entreprises. Il y a 12 000 points de ventes, et il y a 12 000 épiciers, à 95 % des PME, qui au Québec maintenant ont obtenu leur permis de vente de vin de table. En fait, en 1985, au moment où l'on se parle, 50 % du vin de table est vendu par des petites et moyennes entreprises privées dans tout le Québec. Je veux rendre hommage aux épiciers indépendants du Québec qui représentent 12 000 points de vente ou à peu près. Ces PME font un excellent travail de promotion, de vente, de service à la

clientèle en vendant du vin de table. Cela permet aux citoyens de se procurer leur vin de table en même temps qu'ils font leur épicerie. Cela permet un meilleur service à la clientèle.

Première décision du gouvernement du Parti québécois: faire confiance à 12 000 petites et moyennes entreprises du Québec et leur permettre de vendre du vin de table aux Québécois et aux Québécoises.

Deuxième décision en 1983, la loi 29: le gouvernement du Parti québécois décide de faire plus de place aux PME québécoises productrices de vin, c'est-à-dire qu'on a ouvert, qu'on a libéralisé l'achat, l'embouteillage, la production du vin pour permettre à des petites et moyennes entreprises québécoises privées de faire plus d'affaires au Québec et, finalement, de faire travailler plus de monde. Qu'on songe à l'augmentation importante du vin qui est maintenant embouteillé au Québec. Les bouteilles, les bouchons, les étiquettes, les boîtes de carton, tout cela est fait au Québec, l'embouteillage même est fait au Québec. Donc, beaucoup plus de gens peuvent travailler au Québec grâce à la détermination du gouvernement du Parti québécois de développer l'économie québécoise et de faire en sorte que les entreprises québécoises puissent devenir plus profitables en donnant un excellent service aux citoyens.

Nous faisons du changement, oui, mais sans brusquer ou sans détruire tout; nous faisons donc du changement progressif. Ce qu'on veut faire? Je l'ai dit et le député de Laporte a eu raison de me citer lorsque j'ai dit que je m'opposerais constamment à un monopole privé dans la vente des boissons alcooliques. C'est ce que j'ai dit en cour et je continue à m'opposer à un monopole privé, même si les gens d'en face veulent peut-être aider leurs amis, les grands de ce monde. On connaît Seagram, tout ce monde-là avec qui ils sont amis. Si vous voulez les aider et passer la chaîne, le monopole privé à ce monde-là, ma réponse c'est non, la population du Québec va toujours s'opposer à cela. Si vous voulez, par exemple, permettre à des PME, à des petites entreprises de naître, de prospérer, de vivre au Québec, c'est exactement la philosophie du Parti québécois. Vous allez donc appuyer le Parti québécois.

La demande du ministre des Finances a été faite à l'occasion du discours sur le budget, bien sûr, parce que la philosophie du gouvernement au point de vue de la privatisation des sociétés, cela a été annoncé à l'occasion du discours sur le budget par le ministre des Finances. Pourquoi est-ce qu'on a consenti à vendre une partie d'Hydro-Québec? Pourquoi est-ce qu'on a consenti à vendre une partie de Dofor et de Donohue, des entreprises qui sont bien gérées? Je pense que c'est le temps que les citoyens et les citoyennes du Québec puissent en profiter. C'est la même chose, on vend une partie de la Société des alcools, mais pas toute la Société des alcools, parce qu'on ne veut pas en faire un monopole privé. On veut que le gouvernement contrôle, jusqu'à un certain point, pour que les citoyens du Québec, au point de vue moral et au point de vue social, soient respectés.

On avait trois choix, M. le Président: ou on gardait le statu quo, contrôlé par l'État à 100 %, le statu quo ante, avant 1978, à 100 % contrôlé par l'État québécois ou, deuxièmement, sans aucune limite, on passait à l'entreprise privée un monopole privé ou autre, sans se soucier aucunement des problèmes sociaux ou des problèmes moraux qui pourraient survenir, ou, le troisième choix, un juste milieu, une position raisonnable, modérée, responsable.

Le gouvernement du Parti québécois a décidé de choisir le juste milieu; non pas la solution libérale, mais la position raisonnable, modérée et responsable de contrôler, jusqu'à un certain point, la perception des taxes, d'assurer le contrôle de la qualité, le service à la clientèle et de permettre à l'entreprise privée de fonctionner dans tout ce dynamisme, en respectant quand même des responsabilités sociales et morales que nous avons comme gouvernement du Québec. Il y aura donc une forme de contrôle de l'État associée au dynamisme du secteur privé.

La Société des alcools, comme grossiste, ne fera plus de profit, aucunement. Elle va acheter et revendre au prix coûtant - bien sûr, en percevant les taxes des gouvernements fédéral et provincial transférer au prix coûtant au secteur privé qui, lui, va mettre en marche un réseau à travers les quelque 360 points de vente qu'il pourrait avoir de petites ou moyennes entreprises. Nous donnons donc la liberté au secteur privé d'agir à l'intérieur d'une marge de manoeuvre raisonnable que les citoyens et les citoyennes du Québec ne pourront pas et ne voudront pas permettre au Parti libéral de faire.

Bien sûr, vous me parlez de coopératives de travailleurs, vous dites: Le ministre est favorable à des coopératives de travailleurs. J'ai toujours dit cela depuis quatre ans; je ne changerai pas d'idée. Partout où il va y avoir des coopératives, je vais intervenir pour les aider; c'est certain, c'est ce que je fais.

Vous avez mentionné l'augmentation du volume d'alcool. À l'époque de M. Bourassa, le monde buvait 10 % de plus par année -•c'est ce que vous avez dit - peut-être parce qu'ils étaient déçus et tellement découragés de leur premier ministre de l'époque qu'ils ne voulaient pas trop le voir et ils prenaient un coup pour ne pas s'en apercevoir. Aujourd'hui, on a un volume d'augmentation raisonnable de 2, 2 %; je ne suis pas contre. 23 mai 1985

Commission permanente

M. Bourbeau: Ils boivent de la bière; ils n'ont plus les moyens de se payer du scotch!

M. Biron: Je trouve que c'est bien correct. Mais, M. le Président, voici ce qu'on fait: on met en vente le réseau des succursales, d'abord en partant de Montréal, par des franchises, et ce sera vendu par soumission publique, non pas aux amis. Dans le fond, c'est ce qui se faisait à l'époque de M. Bourassa. Quand on permettait à des importateurs et à des distributeurs de faire leur listing, c'est parce qu'ils contribuaient à la caisse électorale libérale. On va aller en soumissions publiques. Le franchisé aura l'exclusivité de la vente au détail de boissons alcooliques dans son territoire. Ce qu'on vend, dans le fond, c'est bien plus qu'une succursale, c'est un territoire protégé de telle rue à telle rue, ou de telle paroisse à telle paroisse en milieu rural pour vendre, en exclusivité, des boissons alcooliques, des spiritueux, des vins de haute gamme et, sur le vin de table, pour vendre avec les épiciers ce qui se vend présentement.

La durée initiale de la convention de franchise sera de dix ans avec une option de renouvellement. Là-dessus, nous avons consulté plusieurs franchiseurs tels que Provisoir, McDonald, et ces gens-là jugent que notre formule est raisonnable, que dix ans, c'est une durée initiale raisonnable. Le franchisé ainsi que toute personne lui étant liée ne pourront faire l'acquisition que d'une seule franchise. Le franchisé n'aura aucun intérêt dans la fabrication, la représentation ou la vente en gros de boissons alcooliques. Est-ce qu'on va permettre à un grossiste, à un importateur ou à un fabricant d'être propriétaire d'une ou de deux franchises? La réponse est non. Ce qu'on veut, c'est 360 PME dans tout le Québec. La façon dont cela va se contrôler, on est déjà en pourparlers avec la régie des permis de boissons alcooliques et, comme la régie émet déjà des permis pour les épiciers et, je pense, contrôle cela d'une façon fort convenable, la régie va pouvoir nous guider dans la façon d'octroyer ces permis.

Le franchisé exploitera une succursale et assurera le service à la clientèle avec un personnel spécialisé qui aura complété avec succès un cours de formation de la Société des alcools. Un prix de gros, donc le prix coûtant de la Société des alcools, sera établi en regard des coûts, des taxes à percevoir pour les différents niveaux de gouvernement. Bien sûr, le projet spécifique que nous mettons de l'avant comporte des formes de garantie d'emploi pour les travailleurs impliqués qui ont déjà leur garantie d'emploi.

Ce que je peux vous annoncer, M. le Président, aujourd'hui, c'est que dans les journaux du samedi 15 juin 1985 les appels d'offres seront rendus publics et les gens sauront exactement le cahier des charges, pourront se le procurer et procéder à leur soumission pour une des 126 succursales de la région de Montréal. Je peux vous annoncer aujourd'hui, d'ores et déjà, que les travaux sont assez avancés pour... Le samedi 15 juin, à partir de cette date, les gens pourront soumissionner pour l'achat des succursales du réseau de Montréal.

Argumentation

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Vaudreuil-Soulanges. (10 h 30)

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Quand on parle de privatisation d'une des activités où l'État est présent actuellement, on parle d'une question de principe, à un moment donné. Il faut se guider sur certaines données de base, certains principes. Est-ce que l'État doit rester dans ce secteur économique? Est-ce qu'on est en train d'affecter là où l'État est très présent, où il y a beaucoup d'employés qui sont tous syndiqués, la qualité des relations industrielles? Cela peut être une deuxième question. La troisième est la plus importante, quant à moi. Cela peut être de savoir comment le consommateur va bénéficier de ce changement qui est considérable, changement de direction que le ministre prétend mettre de l'avant.

Il est donc question de principes et je déplore, M. le Président, qu'on soit pris en interpellation avec le ministre de l'Industrie et du Commerce qui n'est pas notoirement un ministre qui s'alimente de principes qui jouissent d'une pérennité quelconque. C'est le même ministre qui traitait le gouvernement auquel il appartient, en 1976, 1977, 1978, 1979, de cancer de la société québécoise, de bête à abattre, de scorpion dont il fallait se défaire. Les coupures de presse sont très nombreuses à cet effet, et on voit aujourd'hui un ministre qui siège de l'autre côté avec ce parti qu'il dénonçait si vertement il n'y a pas si longtemps.

On peut se demander d'où vient le principe de favoriser à tour de bras la participation de coopératives dans l'exercice de privatisation de la Société des alcools dont le ministre nous parle actuellement. Je serais curieux de savoir si la Fonderie Sainte-Croix était une coopérative il y a quelques années ou l'est encore. Faut-il fonder nécessairement à l'avantage des citoyens des changements sur des principes qui sont peut-être des faux principes. On n'a même pas eu l'occasion avec le ministre, à l'occasion de ses discours ou de ses présentations, de découvrir si, quant à lui, le consommateur peut le mieux bénéficier d'un changement dans cette activité économique

de vente au détail des baissons alcooliques par le biais d'une vente à des employés regroupés ou non en coopérative, par le biais d'une vente à des individus purement et simplement qui se procureront le cahier des charges et feront une évaluation du montant qu'ils sont susceptibles de vouloir investir, ou par le biais d'une coopérative pure et simple comme continue de le prétendre et de le privilégier manifestement le ministre.

Ces choses-là ne sont vraiment pas claires et, dans les trois cas, il y a des principes qui sont différents, mais l'objectif demeure toujours le même. Comment le consommateur va-t-il bénéficier de la privatisation d'une activité où l'État, aujourd'hui, est présent et fonctionne comme un monopole et est le seul acteur? Il m'apparatt que ce qui a alimenté très clairement les opinions qu'on entend de la part du ministre, c'est l'exigence purement financière, qui est très présente dans chaque activité de privatisation, des besoins financiers nets du gouvernement du Québec.

Mon collègue a fait ressortir que le ministre nous avait avoué que c'est le ministre des Finances qui avait demandé de le faire assez rapidement contre toute attente. Une opération de cette envergure ne doit pas se faire en fou et de façon improvisée. Je demeure abasourdi et surpris de voir que, déjà le 15 juin, le cahier des charges sera disponible. C'est tant mieux et c'est tout à l'honneur des gens qui, au ministère, auraient eu le temps de préparer tout cela. Il n'en demeure pas moins qu'une opération de cette envergure, lorsqu'on n'a même pas commencé à régler les questions de fond, est-ce que le consommateur va en bénéficier? On s'en va nulle part.

Mon collègue l'a indiqué, le ministre l'a confirmé, le ministre des Finances a déjà indiqué qu'il n'y a pas de profit commercial. S'il n'y a pas de profit commercial et que des gens sont à la veille d'acheter de la Société des alcools tout son stock, ses installations, prendre à charge les baux ou les édifices qui peuvent lui appartenir et qu'ils veulent réaliser un profit quelconque, ils devront augmenter les prix. C'est à sa face même une évidence comptable à laquelle on ne peut pas échapper, à moins que le ministre ne vienne nous expliquer comment les gens vont réaliser un retour sur leur investissement sans augmentation de prix. C'est cela, la question.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, j'entends le député de Vaudreuil-Soulanges. Je peux me permettre de sourire un peu. Il y a quinze jours seulement, il avait des statistiques disant qu'à l'épicerie, dans la vente du vin et de la bière, c'étaient 60 jours de crédit. J'ai dit: Avez-vous bien vérifié? À mon point de vue, c'est de zéro à sept jours. Alors, il avait vérifié, c'était clair et c'était épouvantable. Nous avons vérifié au Québec et c'est de zéro à sept jours. Les statistiques du député Vaudreuil-Soulanges, je vais me permettre, de temps en temps de le renvoyer faire ses devoirs.

Ensuite, il dit qu'il ne faut pas privatiser, qu'il ne faut pas que cela se fasse en fou, de façon abasourdie. C'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui nous dit cela, aujourd'hui, le 23 mai 1985. Bien, le 19 août 1983, il y a deux ans, le député de Vaudreuil-Soulanges disait: Les modalités et le moment de la privatisation éventuelle de la Société des alcools du Québec ne sont pas arrêtés. Ce qui est certain, c'est qu'avec moi cela se ferait. Et il ajoute: Cela ne prendrait pas plus de temps à prendre la décision que cela prend de temps pour l'écrire. Il ne faut pas faire cela en fou...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Prendre la décision.

M. Biron:... il ne faut pas faire cela de façon abasourdie! Mais il faut décider vite. Il faut que cela aille vite.

M. Bourbeau: Mais c'est dans la réalisation qu'il y a un problème.

M. Biron: Vous comprendrez, M. le Président...

Le Président (M. Beaumier): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Biron:... que le député de Vaudreuil-Soulanges me laisse un peu sceptique lorsqu'il intervient. C'est le même député de Vaudreuil-Soulanges qui, cette fois-là, avait raison lorsqu'on le citait, en août 1983: "M. Daniel Johnson a, à plusieurs reprises, invité les militants libéraux à se rappeler les causes de la défaite de 1976, alors que des élections précipitées et injustifiées avaient été déclenchées à une époque où les Québécois trouvaient que le gouvernement Bourassa manquait de fermeté, le gouvernement Bourassa manquait d'esprit de décision et de projets d'avenir précis. Il ne manque pas de rappeler que Robert Bourassa n'a aucune expérience active du milieu des affaires. " C'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui disait cela; c'est dans le Devoir du 19 août 1983. C'est le même qui, aujourd'hui, nous lance de grandes phrases, de grandes théories. C'est impressionnant, M. le Président.

Notre objectif, c'est de faire en sorte que l'État québécois, qui devait être dans le secteur de la vente au détail et de gros, du

contrôle des boissons alcooliques au Québec dans les années vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, soixante-dix, n'a plus besoin d'être dans la vente au détail de vins et de spiritueux, puisque déjà 12 000 Québécois et Québécoises, des chefs de petites et moyennes entreprises - vous savez comment je les aime parce que ce sont eux qui permettent à l'économie québécoise de virer comme du monde, ce sont eux qui créent les emplois - 12 000 épiciers au Québec qui font un travail extraordinaire, vendent, maintenant, 50 % du vin de table dans le Québec, d'une façon à peu près parfaite.

M. le Président, on se dit que, si cela se fait pour 50 % du vin de table, pourquoi ne le ferait-on pas pour le reste? La décision du gouvernement du Parti québécois, c'est de faire confiance aux entrepreneurs privés, de dire tout simplement: Écoutez, on a 360 succursales; est-ce que l'État, le gouvernement du Québec est obligé de rester dans la vente de bouteilles de gin, de rye ou de vin? La réponse, c'est non. Le gouvernement du Québec n'est pas obligé, en 1985... On verra peut-être ce soir ce que le gouvernement fédéral va faire pour sortir de certaines sociétés d'État. Le gouvernement du Québec doit rester dans certaines entreprises parce qu'il est essentiel qu'il soit là. Exemple, l'intervention du gouvernement du Québec à travers la SGF dans Domtar permet un investissement de 1 000 000 000 $ à Windsor, dans les Cantons de l'Est. Cela, c'est important. L'intervention de la SGF dans Donohue permet des investissements majeurs à Clermont dans le comté de Charlevoix; cela en a permis à Amos dans l'Abitibi-Témis-camingue, à Saint-Félicien au Saguenay—Lac-Saint-Jean. C'est important que le gouvernement du Parti québécois s'implique. Le gouvernement du Parti québécois, à travers la SGF, a permis aussi l'établissement d'une aluminerie comme Pechiney à Bécancour; c'est au-delà de 1 000 000 000 $, et il y a 2500 travailleurs qui sont là présentement, au moment où l'on se parle. C'est du monde. C'est l'implication gouvernementale.

Mais est-ce que le gouvernement est obligé de rester dans la vente de bouteilles de boissons alcooliques ou de bouteilles de vin? La réponse, c'est non. Il y a des petites ou des moyennes entreprises, des gens du secteur privé, qui peuvent le faire aussi bien. La décision est prise; c'est de retourner au secteur privé ce que celui-ci peut faire aussi bien, sinon mieux, que l'État québécois. Dans ce sens-là, le réseau de succursales pour vente au détail des boissons alcooliques sera retourné, dans un avenir le plus rapide possible, au secteur privé par soumissions publiques, en gardant quand même un contrôle pour que les citoyens et les citoyennes ne puissent pas trop s'inquiéter du point de vue moral et social des ventes de boissons alcooliques au Québec. Je pense que c'est un gouvernement responsable qui procède au fur et à mesure que la population lui demande de procéder dans ce secteur d'activité bien précis.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le ministre. M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: M. le Président, entendre le député de Vaudreuil-Soulanges dire "oui, il y a des changements considérables dans l'orientation de la petite entreprise au Québec", je me demande si ce dernier vient juste de s'en apercevoir. Depuis 1976, jamais un gouvernement du Québec ne s'est autant occupé de la PME au Québec. Il lui a ouvert à peu près tous les champs d'action qu'elle puisse occuper. On a eu un ministre responsable là-dedans. Il ne faudrait pas aller dans la PME et parler contre le ministre qu'on a actuellement parce qu'ils vous diront tout de suite: On n'aime peut-être pas le Parti québécois, mais, par contre, le ministre de la PME - comme l'appellent ces gens -on ne peut pas lui toucher, c'est lui qui nous a ouvert les portes autant du marché intérieur que du marché extérieur.

Ceci dit, M. le Président, le 25 avril dernier, lorsque le ministre annonçait la vente, au moins pour la région de Montréal, de 126 succursales de la Société des alcools, il donnait en même temps environ neuf conditions pour la vente de ces succursales, et j'en retiens quatre. La première qu'il donnait, c'est une attribution de franchise qui se ferait par soumissions publiques et couvrirait chacune des succursales et son territoire protégé. Là-dessus, M. le ministre a été clair.

La deuxième que j'ai retenue, c'est que le franchisé aura l'exclusion de la vente au détail des boissons alcooliques dans son territoire. Ce que j'aimerais savoir là-dessus, comme première question: Aura-t-il également le droit de vendre de la bière, après qu'il aura obtenu cette franchise?

La troisième que j'ai retenue aussi, c'est que le projet offrira des formes de garantie d'emploi aux travailleurs impliqués, le tout devant faire l'objet de discussions avec leur représentant. J'aimerais que le ministre soit un peu plus clair sur le droit des employés à rester dans la succursale ou sur leur sécurité d'emploi à la Société des alcools.

La quatrième que je retiens indique que toute soumission reçue d'employés de la SAQ pour l'achat des succursales visées fera l'objet d'une attention particulière, ces derniers possédant un prérequis pour l'obtention d'une franchise. Cela m'intéresse

surtout parce que j'ai visité les trois succursales qui sont dans mon comté et j'ai encouragé les travailleurs à prendre les moyens pour acquérir leur succursale. Il y a là-dessus, peut-être, une ambiguïté, M. le ministre. Lorsque je vous lis le paragraphe de tout à l'heure, le dernier paragraphe, pour les employés, on aimerait savoir jusqu'où ils seront considérés comme premier acheteur de leur succursale. Aux trois succursales, on m'a demandé s'il n'y avait pas possibilité de vous faire parvenir six ou sept questions bien arrêtées d'avance, soit avec l'accord du syndicat, je ne sais pas quel moyen on pourrait prendre, pour vous faire rencontrer les employés de ces succursales afin de leur expliquer clairement le jeu qui se fait actuellement dans l'achat de ces franchises. Il faudrait leur expliquer très clairement aussi le paragraphe que j'ai lu tout à l'heure: "Toute soumission reçue d'employés de la SAQ pour l'achat des succursales visées fera l'objet d'une attention particulière, ces derniers possédant un prérequis pour l'obtention d'une franchise".

Maintenant, M. le ministre, je n'irai pas plus loin dans les questions, mais je tiens, dans cette intervention, à vous assurer de mon entière collaboration pour ce que vous faites comme travail actuellement, ce que vous déployez actuellement envers la petite entreprise au Québec.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, tout à l'heure nous avons établi qu'il n'y a aucune espèce de profit commercial effectué présentement par les succursales. Une indication importante de cela se trouve dans le dernier budget du gouvernement du Québec. Dans le dernier budget, le gouvernement a exigé de la Société des alcools de lui payer, pour l'année courante, 80 000 000 $ de plus que l'année précédente. On sait que le projet du ministre de vendre des succursales devrait rapporter, selon lui, 50 000 000 $. Cela veut dire qu'il y a une autre tranche de 30 000 000 $ à aller chercher en plus. Aller chercher où? Bien sûr, dans une nouvelle augmentation des taxes sur les spiritueux. (10 h 45)

Lors de la dernière année, M. le Président, le montant que la Société des alcools a été capable d'aller chercher en augmentation de taxes a été vraiment de 15 000 000 $. La société a payé 25 000 000 $ au gouvernement. Sur ces 25 000 000 $, 10 000 000 $ étaient déjà en caisse soit par la vente de terrains à la ville de LaSalle ou provenant d'un ancien fonds de 5 000 000 $ qui lui restait. On peut donc dire que, l'an dernier, 15 000 000 $ ont été dégagés de plus par la Société des alcools. Cette année, on lui demande d'aller chercher le double en taxes, soit 30 000 000 $. Pour nous, cela équivaut à une augmentation des taxes de 8, 5 % pour l'année qui vient sur la bouteille d'alcool. C'est en commençant l'année.

D'autre part, le ministre a admis en Chambre, la semaine dernière, que les frais d'exploitation d'une succursale sont à peu près de l'ordre de 8 % à 9 % en tenant compte des salaires, du loyer, etc. On peut donc dire, M. le Président, que, lorsque les concessionnaires ou les franchisés vont acheter des boissons de la Société des alcools, ils vont payer le prix actuel du marché, c'est-à-dire le prix de gros de la Société des alcools pour l'achat des produits, plus les frais d'administration de la Société des alcools et les taxes des gouvernements. Ce sera le prix de base de la vente aux franchisés. Cela n'inclura pas, évidemment, l'administration des succursales, qui est de 8 % à 9 %.

Or, comme il n'y a pas de profits de fait dans les succursales actuellement, cela peut donc dire que le gouvernement ne déduira pas ce montant du prix de gros. Les franchisés vont donc acquérir les boissons à 8 % ou 10 % moins cher que le prix de vente actuel. Mais, immédiatement au départ, va s'appliquer la nouvelle taxe que le ministre des Finances a imposée cette année qui est de 8, 5 % qui sera mise en vigueur. On peut conclure que le prix d'acquisition des marchandises pour les franchisés va être le prix de vente actuel. À ce moment-là, les franchisés devront financer leurs investissements. Si on parle de 500 000 $ par succursale à 10 % ou 12 %, cela veut dire un gros montant d'argent.

Après cela, les franchisés devront payer les salaires, les loyers, les assurances, etc. S'ils veulent faire un profit normal sur leurs investissements, il faudra l'ajouter. Un fait important, M. le Président, c'est le financement des inventaires. Les franchisés devront payer comptant dans les huit jours. Il devront payer comptant non seulement pour le prix d'achat des boissons, mais également pour la taxe, parce que la Société des alcools va leur vendre cela en incluant la taxe. Ils devront donc payer et financer les inventaires avec la taxe, celle-ci étant déjà payée, et la taxe, c'est trois fois et demie le coût des produits au départ, alors qu'actuellement, dans les succursales, la taxe n'est payée qu'au moment où les produits sont vendus. Par exemple, actuellement, lorqu'une bouteille est cassée ou volée, il n'y a pas de perte pour la succursale, personne n'encaisse les dommages, mais, dorénavant, le franchisé devra payer lui-même. Après avoir payé les coûts et la taxe au gouvernement, il devra, en plus de cela,

rembourser la valeur et, évidemment, s'arranger avec les boissons qui auront été volées ainsi qu'avec les bouteilles qui auront été cassées.

On peut conclure de tout cela, M. le Président, qu'il est absolument impossible que les franchisés puissent faire des profits sans que le consommateur ait à en payer la différence. Les gens les plus informés que nous avons consultés estiment que l'augmentation sera de 15 % à 20 % des prix actuels pour que les franchisés puissent survivre. C'est important, je pense, qu'on le dise, parce que, actuellement, le ministre ne donne pas cette image. Les franchisés seront victimes d'un marché de dupe. Les prix vont tellement augmenter que les consommateurs vont également se poser des questions, et il est possible que la consommation diminue. Ou bien le prix des vins et des spiritueux augmentera de façon importante à l'automne dans ces succursales, ou bien les franchisés seront étouffés. Il faut bien comprendre que tout cela, c'est un gâteau, une tarte, si vous le voulez, et que le gouvernement prend toute la tarte. Il ne reste rien. Il dit aux franchisés: Si vous en voulez un autre morceau, allez vous le couper chez les consommateurs, parce qu'il n'y a plus de morceau dans la tarte, allez vous en chercher un en dehors. C'est exactement cela le projet du gouvernement.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, on commence à voir l'approche de l'Opposition officielle dans ce dossier. C'est la même que celle sur le dossier constitutionnel, c'est-à-dire que l'Opposition officielle voudrait tout faire pour que cela ne fonctionne pas et que les citoyens québécois soient pénalisés. L'Opposition officielle nous donne, par ses porte-parole, une position, celle de dire: Oui, nous sommes d'accord pour privatiser la Société des alcools. Et, aussitôt après, tous les discours qu'on entend sont contre la privatisation, pour l'intervention de l'État. Là, on reconnaît le Parti libéral qui est un parti qui veut toujours faire que l'État intervienne partout et toujours, jusque dans notre chambre à coucher très souvent. M. le Président, je crois que le gouvernement du Parti québécois a une position cohérente et responsable vis-à-vis des individus, des citoyens et des citoyennes, de la collectivité et des entreprises.

Pour le service au consommateur, déjà je dois rendre hommage aux gens de la Société des alcools, des dirigeants jusqu'aux travailleurs et aux directeurs de succursale. Déjà, le service s'est amélioré considérablement au cours des dix dernières années. On se souvient de ce qu'était autrefois l'ancienne Régie des alcools. Nos gens, pour la plupart, ont suivi des cours sur les boissons alcooliques et sur les vins. Ils peuvent nous conseiller très facilement et, dans beaucoup de succursales maintenant, si on veut avoir des conseils sur du vin à acheter, ou qu'il s'agisse d'une réception qu'on a à faire, les gens de la Société des alcools peuvent très bien nous conseiller et souvent même ils peuvent nous conseiller d'acheter des vins qui paraissent à première vue moins bons mais qui sont d'excellents vins et qui sont moins coûteux, parce que ces gens sont des connaisseurs. Il faut rendre hommage à ces gens. Dans le fond ce qu'on veut, c'est de permettre à ces gens d'être encore plus dynamiques si possible en enlevant l'espèce de camisole de force qui fait que, lorsqu'une société comme la Société des alcools administre 360 succursales, elle est obligée d'édicter certaines normes de contrôle. Lorsque ce sera à chaque entreprise dans le secteur privé, bien sûr qu'il y aura une plus grande marge de manoeuvre, que le choix des produits sera beaucoup plus grand puisque l'individu, s'il est dans une région où il y a plus de citoyens grecs ou de citoyens italiens, etc., pourra choisir du vin ou des marques de spiritueux qui répondent mieux aux besoins de sa clientèle ou de ses consommateurs.

La vente de bière c'est une question importante qui a été posée tout à l'heure par le député de Bourassa. Il y a déjà certaines marques de bière importée qui sont vendues dans les magasins de la Société des alcools et cela va continuer. Ce n'est pas sûr qu'on permette d'autres sortes de vente de bière parce qu'il faut respecter les 12 000 PME québécoises qui sont déjà dans la vente de la bière et du vin dans les épiceries. Les épiceries auront un privilège de vendre la bière, non pas le privilège de vendre du vin de haute gamme ou des spiritueux, alors que ces magasins spécialisés de la Société des alcools, ces franchises, auront le privilège de vendre du vin de haute gamme et des spiritueux, et ils seront les seuls. C'est encore une question qu'on se pose et on est en discussion présentement, mais encore une fois j'ai dit au départ qu'on ne voulait pas tout bouleverser. Et cela bouleverserait trop si on faisait trop de changements majeurs, par exemple mettre de la bière en grande quantité dans les succursales de la Société des alcools pour le moment. Donc, il faut en discuter avec nos partenaires qui sont les épiciers privés.

En ce qui concerne les formes de sécurité d'emploi, nous sommes en pourparlers présentement avec les syndicats responsables. Cela est la même chose en ce qui touche l'information aux employés. On veut s'assurer que les informations passent à travers les structures dûment établies du

syndicat, et il reste encore des détails à régler. C'est sûr que notre priorité, si possible, c'est de privilégier les travailleurs et les travailleuses de la Société des alcools parce qu'ils connaissent ce qu'est la vente au détail de boissons alcooliques; ils ont suivi des cours et ils font - comme je l'ai dit tout à l'heure - un excellent travail de ce côté. S'il y a 50 % de différence entre les prix soumissionnés, est-ce que nous allons vendre aux travailleurs? Je ne crois pas, mais, s'il y a une différence de 10 % ou quelque chose comme cela, je me demande pourquoi on ne privilégierait pas les travailleurs pour 10 % de moins, ceux et celles de la Société des alcools puisqu'ils ont ou qu'elles ont l'expérience dans ce domaine. M. le député de Bourassa, vous posiez une question importante à ce sujet. Au cours des derniers jours, il y a eu une réunion de 150 personnes employées à la Société des alcools qui se documentent et qui se préparent à soumissionner sur des succursales. On nous en annonce 60 groupes déjà, et ce n'est pas terminé, il reste encore plusieurs semaines à venir. Il y a 60 groupes de gens qui s'organisent ensemble - des travailleurs et des directeurs de succursale - pour atteindre leurs objectifs, c'est-à-dire pouvoir acheter un magasin de la Société des alcools. Je peux vous assurer qu'ils pourront compter sur l'appui du ministre de l'Industrie et du Commerce. J'ai terminé. M. le Président, je continuerai tout à l'heure pour répondre au député de Laporte.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Parés Merci, M. le Président. Moi aussi, je suis heureux d'intervenir sur ce sujet parce que je suis satisfait, contrairement à l'Opposition, même si on retrouve dans les coupures de presse que cela fait longtemps qu'elle en parle. Donc, elle est d'accord en principe sauf politiquement. Je suis content que cela permette la création de 360 PME de plus au Québec et, surtout, avec la formule qui a fait ses preuves et qui le fait de plus en plus dans le monde capitaliste dans lequel on vit, c'est-à-dire la formule des franchises. Il s'agit de voir à nos bureaux les demandes d'information sur la privatisation des magasins pour s'apercevoir que c'est ce que la population veut, c'est aussi ce que les travailleurs veulent, comme vient de le dire le ministre, parce que les gens se regroupent et s'informent pour être capables d'en devenir propriétaires. C'est aussi ce que les hommes d'affaires désirent. C'est surtout ces gens-là qui viennent nous voir pour savoir comment s'y prendre pour pouvoir être à temps pour soumissionner, se porter acquéreur d'un de ces magasins.

On dit: II n'y aura pas de profit à faire, finalement ce n'est pas une bonne chose, alors qu'on disait, il n'y a pas tellement longtemps, que cela devait obligatoirement se faire. Je trouve que c'est un manque de confiance envers nos gens d'affaires, qui sont des gens responsables, qui sont capables de faire des calculs. Il faudra probablement voir à partir du 15, c'est-à-dire le 17 juin, parce que ce sera un lundi, les soumissions entrer pour s'apercevoir à quel point nos gens d'affaires responsables qui sont habitués dans le commerce vont aller de l'avant.

On retrouve cela dans le discours sur le budget, c'est peut-être bon de dire où va aller l'argent finalement, c'est dans ce fameux Fonds de développement des ressources. C'est important de le dire, on va prendre l'argent, non pas des taxes et de l'impôt mais d'hommes d'affaires qui veulent investir au Québec pour la réinvestir là où on a des ressources qui sont encore non exploitées ou pas suffisamment exploitées pour créer des emplois au Québec et utiliser l'expertise qu'on a eue dans les alcools et en profiter pour permettre aux Québécois de faire de l'argent. On utilisera ce même argent pour développer d'autres ressources, ce qui va faire en sorte qu'on va créer plus d'emplois. Je pense que c'est un bon placement, c'est un bon investissement, c'est important.

La crainte qui nous est souvent amenée et qui nous est soulevée depuis le début de l'interpellation aujourd'hui, la crainte pour le consommateur, je trouve que c'est un manque de confiance envers l'entreprise privée et je ne comprends pas. Là où on remarque le plus d'efficacité au bénéfice du consommateur, c'est où l'entreprise privée en a précisément le contrôle, où c'est la libre concurrence, la compétition. Je suis tout à fait d'accord avec la prise de position du ministre qui dit qu'il est prêt à privatiser les magasins, à créer 360 PME de plus mais qui est contre un monopole. Le fait d'être contre un monopole c'est la meilleure garantie que le consommateur, non seulement devra avoir un meilleur service, mais il devra aussi certainement profiter d'un meilleur prix, j'en suis convaincu. Je suis totalement d'accord sur la prise de position du gouvernement dans ce sens-là. Je suis aussi heureux de voir que les travailleurs ont décidé de ne pas attendre, mais, à la suite d'une rencontre, de se regrouper, de s'informer et de participer à ces soumissions.

En plus dans le discours sur le budget, on retrouve des choses pour les coopératives. C'est peut-être important de dire qu'on va au-delà des paroles, qu'il y a les gestes. Dans ce fameux discours sur le budget on retrouve, premièrement, la privatisation des magasins et en plus les mesures fiscales pour

venir en aide aux coopératives avec les actions privilégiées. Donc, de deux façons on va venir en aide aux coopératives ou aux futures coopératives pour leur permettre d'aller dans ce domaine comme dans d'autres. En plus, les gens qui vont former ces coopératives vont être admissibles à l'aide de la Société de développement coopératif du Québec. Je pense que nous, au gouvernement du Parti québécois, on est allé au-delà des mots, au-delà des intentions, on va au niveau des gestes, des actions. Cela va nous permettre de créer 360 PME.

J'aurais seulement une petite question à poser, c'est à savoir si on va tenir compte des territoires où il y a un besoin, s'assurer qu'il y aura possibilité de franchiser de nouveaux territoires et en même temps -c'est plus une invitation qu'une question -j'espère que les autres régions, en dehors de la grande région métropolitaine, vont aussi pouvoir profiter de cette mesure de privatisation assez rapidement. Je ne sais pas ce qui est prévu mais j'espère que cela va se faire rapidement parce que chez nous j'ai beaucoup, de demandes et je pense que c'est la même chose sur tout le territoire québécois.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci. M. le Président, je voudrais revenir à certains des commentaires du ministre tout à l'heure, notamment sur les termes de vente -parce que c'est devenu un débat technique -les termes et conditions qu'on réserverait aux détenteurs privés de points de vente de la SAQ. Le ministre continue à prétendre que les termes de vente sont 0 à 7 jours dans l'industrie de la bière. J'aimerais qu'il se livre au même exercice que nous. Il y a trois grosses brasseries au Québec, Molson, O'Keefe, Labatt. Je peux vous donner le nom des gens, le nom du service, le numéro de téléphone des gens qui nous ont donné des renseignements. (11 heures)

Molson, mot à mot: "La norme est d'une semaine quoique l'historique du crédit de chaque client fait varier les conditions entre le paiement et la livraison - on peut le comprendre - jusqu'à deux mois. " Cela, c'est de zéro à 60 jours. O'Keefe, un mois; Labatt, il n'y a pas de norme d'arrêtée, apparemment, mais les conditions varient selon les clients, à partir de "COD", paiement sur livraison, jusqu'au quinzième jour du mois suivant. Cela peut aller jusqu'à 45 jours.

Alors, de zéro à sept, absolument irréfutable... Quant à nous, on cherche encore où le ministre a pris ses chiffres. La réalité des choses, c'est quand on offre des termes de financement et de crédit à des gens qui veulent investir dans ces PME, dont on souligne la création à partir de rien... Une création, c'est à partir de rien; on n'a pas créé un emploi de plus; on a changé le statut d'une succursale.

Est-ce qu'on a - j'y reviens - accompli quelque chose pour le consommateur? La privatisation, c'est beau pour le ministre des Finances, parce qu'il peut vendre des actifs. Il vend des actifs et il diminue ses besoins financiers nets. C'est l'effet net de l'opération pour le ministre des Finances. Le consommateur, lui, qu'en retire-t-il? Une diminution de prix? On attend encore qu'on nous explique comment les prix vont diminuer. Un maintien des prix au niveau actuel? On attend qu'on nous explique que c'est à l'avantage du consommateur. Quand on voit à quel prix les succursales vont être obligées d'acheter, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de profit commercial, on voit que, sans faire aucun profit, elles vont maintenir les prix au niveau actuel.

Si les gens veulent investir et souhaiter un retour sur l'investissement au-delà de se payer le salaire qu'ils gagnent actuellement... Disons qu'un groupe d'employés de la SAQ investit dans un point de vente, une succursale, afin de maintenir leurs emplois, ce n'est pas impossible. S'ils ne peuvent pas augmenter les prix, ce qui serait au désavantage du consommateur - la privatisation n'est pas censée nuire aux consommateurs, ils n'augmentent donc pas les prix - les dépenses ne changent pas véritablement et ils ont conservé leurs emplois. Ils sont toujours à un emploi à 20 000 $, 22 000 $, 25 000 $, 30 000 $ ou 35 000 $, peu importe. Comment remboursent-ils l'emprunt qu'ils ont sans doute contracté pour acheter la succursale? C'est ce que je me demande.

Où est le retour sur l'investissement, s'ils ont fait des épargnes pendant plusieurs années et que c'est à même leurs épargnes qu'ils ont les moyens d'acheter la succursale? Je cherche encore l'avantage financier dans un plan comme celui-là, qui ne laisse pas de place au point de vue concurrence au-delà d'un certain territoire. Une clientèle captive, un marché captif peut avoir ses avantages si on veut augmenter les prix à tour de bras. Mais, dans l'autre sens, cela ne permet pas à quelqu'un du secteur privé de dire: Moi, je peux desservir tant de milles carrés, tant de paroisses, tant de villages. Mais, je regrette, mon dynamisme à moi fait en sorte que je veux étendre mon marché. Le ministre va l'empêcher de faire cela.

Les avantages pour le consommateur ne sont pas présents. Nous, on prend pour le consommateur quant à la variété. On prend pour le consommateur et on attend encore la

démonstration que c'est à l'avantage du consommateur.

Deuxièmement, on n'est pas contre la privatisation; on est contre votre privatisation. Une fois qu'on a dit que le consommateur ne semble pas bénéficier quant aux prix et quant à la variété - incidemment, si on pouvait y revenir - il ne pourra pas bénéficier du changement de statut des points de vente, des succursales SAQ. On est contre une privatisation comme celle-là qui ne crée aucun emploi additionnel. Oui, il y a des PME additionnelles, mais il n'y a pas un seul emploi additionnel. Les gens vont acheter les succursales pour protéger leurs emplois. Le ministre l'a dit. Ce sont les succursales. Voyons donc! il n'y a pas d'emplois additionnelsl

La SAQ va agir dans une position de monopsonie. Les Français, les Américains, les Allemands et les Italiens vont vouloir vendre du vin au Québec à un seul acheteur, la SAQ, un seul acheteur distributeur.

On me fait signe que mes cinq minutes sont déjà écoulées. Je reviendrai, M. le Président, sur d'autres aspects qui, à notre sens, ne permettent pas de constater les avantages qui découlent normalement de la privatisation. C'est pour cela qu'on est contre ce que le ministre nous amène.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, cela fait une heure qu'on discute ce matin. Nous avons, en commission parlementaire, il n'y a même pas deux semaines, discuté pendant deux heures et demie avec le Parti libéral. Le Parti libéral est contre. Il ne sait pas contre quoi. Il n'a pas fait une seule suggestion. Il nous a dit: Oui, on est pour la privatisation, mais on est contre la privatisation. On ne sait pas du tout s'ils ont des idées. D'abord, je pense qu'ils n'en ont pas. Ils me font un peu penser - d'ailleurs c'est le même groupe, c'est la même chose, c'est le même chef - à l'époque de M. Bourassa, de 1970-1976, alors que les dossiers s'accumulaient. Il y avait deux piles de dossiers, la pile des problèmes qui ne pouvaient pas se régler et l'autre pile, c'était celle que le temps réglait. Il ne se prenait jamais une décision. On faisait des analyses, des études, etc., mais on n'avait pas d'idées. On n'en a pas plus aujourd'hui. Dans trois heures et demie de discussions, M. le Président, je n'ai pas entendu une suggestion pas une seule suggestion positive, concrète, de la part du Parti libéral du Québec. Ils sont contre. Je comprends que le rôle de l'Opposition est d'être contre, mais de temps en temps, dans l'Opposition, il faut être plus intelligent un peu. Il faut faire des suggestions. Ce n'est pas juste dire: Je suis contre. On est contre mais, après cela, on fait quoi?

En pratique, comment le Parti libéral du Québec atteindrait-il l'objectif de retourner au secteur privé une partie de la Société des alcools du Québec ou la totalité tout en respectant et en protégeant le consommateur, le citoyen et la citoyenne? C'est cela que j'aimerais entendre de la part du Parti libéral du Québec, mais je pense que je ne l'entendrai pas, ni vous non plus, ceux et celles qui nous écoutent, d'ici à la fin de l'avant-midi, parce qu'il n'y a pas d'idées de ce côté-là.

Quant aux chiffres avancés tout à l'heure par le député de Vaudreuil-Soulanges sur les crédits, on s'aperçoit qu'il ne parle pas avec les PME. S'il parlait avec les dirigeants de petites entreprises - je ne parle pas de Power Corporation, de Seagram et de ces grandes entreprises - il verrait que les termes sont comptant de zéro à sept jours pour la vente de bière, de vin et d'épicerie. Peut-être que le grand Provigo, peut-être que le grand Steinberg et d'autres grandes entreprises ont les moyens de forcer des termes additionnels. Je parle des petites entreprises, l'épicier à Sainte-Croix de Lotbinière ou à Valcartier ou à Longueuil ou ailleurs, ce monde-là, leur marge est zéro à sept jours, et vous pourrez vérifier auprès de l'association des brasseurs. Vous connaissez très bien M. Pierre Deniger, qui est le directeur général, un ancien député libéral, pas nécessairement un péquiste, c'est un ancien député libéral, qui me semble un bonhomme honnête et qui fournit les informations honnêtement. Les informations honnêtes, c'est zéro à sept jours, excepté pour les grandes entreprises. Ce qui me préoccupe... Bien sûr, je me préoccupe un peu des grandes entreprises, et les petites et moyennes entreprises qui appartiennent à des Québécois et des Québécoises me préoccupent aussi.

Pour étendre le marché, le propriétaire d'une franchise pourra facilement étendre 3on marché. Bien sûr, il ne peut pas bâtir une deuxième succursale. Cela lui sera défendu parce qu'on aura vendu un territoire protégé. Il faut respecter ceux et celles qui l'achètent. Par contre, par son dynamisme, il pourra certainement inviter des gens de l'extérieur. Il n'aura pas de clôture autour de chacun des territoires, voyons donc. C'est très clair, par son dynamisme, il pourra vendre plus. Il pourra même faire des prix spéciaux pour une certaine quantité aux restaurateurs. On sait que les restaurateurs se plaignent. Ils disent: On paie le même prix que les autres. Est-ce qu'il y a moyen d'épargner quelques cents? Bien sûr, s'il achète dix caisses en même temps dans une entreprise privée, dans une franchise, il pourra peut-être avoir un escompte additionnel, parce que cela va baisser le coût

de fonctionnement de cette franchise. Les restaurateurs vont en profiter et, automatiquement, la population va en profiter, les consommateurs vont en profiter et les structures de prix vont finalement s'ajuster aux besoins de la région.

Quant aux autres régions, question qui a été posée tout à l'heure par le député de Shefford, aussitôt qu'à Montréal, ce sera terminé - on va voir les problèmes, s'il y en a, dans l'opération Montréal - nous avons l'intention de répondre ensuite à des demandes que nous avons de partout au Québec. Le député de Shefford a raison, c'est un projet qui fait la quasi-unanimité au Québec. Je ne comprends pas le Parti libéral, politiquement même, de s'opposer. Économiquement, il n'a pas de raison de s'opposer, c'est un bon projet. Mais, même politiquement, il essaie de dire: Non, on est contre. À peu près la très grande majorité des citoyens du Québec, la très grande majorité est très satisfaite de cette mesure annoncée par le ministre des Finances. Donc, il y aura d'autres régions qu'on développera immédiatement après Montréal.

Quant aux territoires à développer, parce que cela arrive, à l'heure actuelle, on a développé des magasins de la Société des alcools dans des territoires où il y avait du monde, mais, dans certaines régions du Québec, dans certaines villes, il n'y a pas assez de magasins de la Société des alcools. On regardera pour pouvoir, dans ces nouveaux territoires, vendre en soumission publique à d'autres citoyens, d'autres citoyennes qui voudront en profiter.

M. le Président, je pense que c'est un excellent projet qui est accepté par la très grande majorité des citoyens du Québec. J'aimerais entendre le Parti libéral, pour une fois, s'il a des idées concrètes sur un projet très concret.

M. Bourbeau: On peut vous le dire tout de suite, M. le ministre, si vous le voulez.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Châteauguay.

M. Bourbeau: Si le député de Châteauguay veut céder son droit de parole, M. le Président, on peut répondre au ministre tout de suite.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je vais éclairer le député de Laporte. Ce sera peut-être meilleur comme intervention, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): D'accord. M. Roland Dussault

M. Dussault: Je vais lui donner des idées. Vous allez voir cela, parce qu'après une heure de débat - je suis vraiment étonné de le constater - sont apparues les expressions "service aux consommateurs" et "intérêts du consommateur". C'est vraiment bizarre parce que, jusqu'à maintenant, on n'a vraiment parlé que des franchisés.

À toutes fins utiles, le Parti libéral nous disait qu'il était d'accord pour un service étatique. M. le Président, on sait qu'un service étatique veut dire standardisation et uniformité. Cela veut souvent dire difficulté de servir le client dans ses besoins propres. C'est ce qu'il faut regarder. Je pense que, dans un service aux consommateurs qui découlerait d'un système basé sur la concurrence et l'initiative, il y aurait un meilleur service.

Je vais donner des idées au député de Laporte. Par exemple, sur le plan de la gamme du produit, on peut penser que certains franchisés chercheront à augmenter leurs ventes en se spécialisant. Donc, spécialisation dans certains produits répondant aux besoins de la clientèle visée dans certains quartiers. Le ministre l'évoquait un peu tout à l'heure. Par exemple, une succursale pourrait très bien vouloir se spécialiser dans des vins étrangers. Dans les quartiers italiens et grecs à Montréal, on pourrait s'assurer qu'on a là une vaste gamme de vins appropriés aux clients de ces quartiers. On pourrait aussi avoir une spécialisation dans les grands crus. On sait qu'il y a une certaine difficulté à se procurer un certain nombre de ces vins de crainte de ne pas les vendre. On pourrait très bien s'assurer que certaines succursales se spécialisent dans ce genre de choses.

En réalité, la Société des alcools du Québec va devoir dorénavant être davantage plus proche des besoins identifiés par les franchisés de façon que les produits qui entreront au Québec soient davantage proches des besoins. C'est très important. La standardisation et l'uniformité du système actuel rendent bien difficile d'arriver à ce résultat. Par exemple, à l'opposé, on pourrait voir d'autres franchisés qui miseront sur la renommée d'offrir la plus vaste gamme de produits au même endroit. Alors, il y aura donc les deux possibilités. C'est intéressant de voir que le nouveau système permettra cela.

Il y a aussi la qualité du service. On n'a pas beaucoup parlé de cela de l'autre côté. En fait, on va leur en donner des idées. Il y a aussi la concurrence, parce que ce sera un système basé sur la concurrence et l'initiative. C'est très important. Donc, là aussi, la concurrence permettra d'offrir un service diversifié selon les goûts et les préférences de chacun. Ce sera plus facile que ce que l'on a présentement. Par exemple, on pourra avoir un système de

vente avec service de conseillers en vin. Certains franchisés pourront offrir un tel service.

C'est intéressant d'avoir pensé à cela, M. le Président. À l'opposé, il pourrait y avoir un libre-service quasi en vrac où les gens se sentiraient plus à l'aise. Ils pourraient choisir d'aller dans une succursale où le service est offert différemment. Il pourrait même y avoir un service à domicile. C'est difficile de penser à cela dans les circonstances, mais avec une succursale qui arriverait à diversifier ses produits on pourrait très bien penser qu'il y ait un certain service à domicile, surtout pour de grandes quantités. On sait que très souvent on a à acheter de grandes quantités. Ce n'est pas très drôle de devoir transporter cela. Il pourrait y avoir aussi l'achat de vin sur option pour les grands crus à venir. Cela se fait, par exemple, à New York. Pourquoi ne pourrait-on pas faire cela ici? Dans ce cadre-là, cela pourrait se faire.

Il pourrait aussi y avoir un service d'importation privée de type de produits, de marques, de formats, de régions qui n'apparaissent pas au catalogue. Ce sont les franchisés, d'après les besoins identifiés par les clients, qui pourront dire à la Société des alcools du Québec; C'est ce que cela nous prend. C'est ce qui nous est demandé et, même s'il n'y a que chez nous que cela se vend, vous allez nous le procurer, parce qu'on en a besoin. Cela va pouvoir se faire.

M. le Président, on pourrait parler aussi de la question des prix, mais on a largement évoqué cette question. Je n'y reviendrai pas. Je me dis: Qu'est-ce qui est le plus normal dans tout cela? Est-ce de maintenir un système de distribution au détail de type gouvernemental qui n'existe à peu près plus nulle part au monde ou plutôt adopter la formule de l'entreprise privée comme c'est le cas pour 99, 9 % du commerce au détail? Quelle sera la préférence du consommateur? Je n'ai aucun doute que la préférence du consommateur sera d'avoir un service diversifié, très proche de ses besoins. (11 h 15)

Mais tout cela doit se faire dans l'ordre. C'est un changement qui s'impose et qui est souhaité par le consommateur depuis des années. Cela doit se faire dans l'ordre, non pas à la course, comme le voulait il y a deux ans le député de Vaudreuil-Soulanges. Non, dans l'ordre, d'une façon qui respecte toutes les règles du système dans lequel on vit...

Le Président (M. Beaumier): Merci.

M. Dussault:... et surtout ne pas aller "garrocher" de l'information de tous bords et de tous côtés, pour satisfaire peut-être les petits amis des gens d'en face...

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député.

M. Dussault:... parce qu'on sait qu'ils se satisfont facilement, 750 000 $ dans la caisse des libéraux...

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député.

M. Dussault:... les 2 000 000 $... On sait comment cela vit, dans ce parti.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député.

M. Dussault: M. le Président, on y va dans l'ordre, dans l'ordre mais sûrement...

Le Président (M. Beaumier): À l'ordre! À l'ordre!

M. Dussault:... pour satisfaire encore le consommateur.

M. Bourbeau: Mais surtout en vitesse. M. Dussault: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, le projet en question est un projet sérieux. On parle de 50 000 000 $ dans la première phase du projet. Il ne faut surtout pas y aller avec improvisation.

Or, il y a beaucoup de choses qui sont obscures dans ce projet. Prenez, par exemple, la nébuleuse formule de pseudo-préférence aux travailleurs. Le ministre nous a dit en Chambre, la semaine dernière: À l'égard des travailleurs qui voudraient soumissionner, on est en train d'établir une formule de pointage - c'est le ministre qui parle - en fonction du nombre de travailleurs membres du groupe de soumissionnaires. Il peut bien y en avoir un groupe de cinq travailleurs et dans l'autre groupe un seul travailleur. Qu'est-ce que cela vaut? J'avoue que c'est très technique. C'est la première fois que cela se fait, en tout cas au Canada, à notre connaissance. Un peu plus loin, le ministre nous dit: Un travailleur va peut-être valoir 2 % - un travailleur vaut 2 %, semble-t-il - on fait un chiffre, je ne sais pas si c'est 1 %, 2 % ou 10 %, et d'autres travailleurs vont valoir X, et ainsi de suite. Parce que les travailleurs vont être avec lui dans ce groupe, on va donner un certain avantage à un groupe.

Tout cela est très obscur. Même le ministre a admis qu'il ne savait pas exactement comment on procéderait. On est à trois

semaines des soumissions. Il faut faire attention de ne pas fausser le jeu des soumissions avec des formules aussi obscures que celle-là. Je pose cette question: Pourquoi discriminer ceux qui n'ont pas le privilège de travailler à la Société des alcools du Québec depuis un certain temps? Est-ce que les autres travailleurs ne paient pas aussi des taxes? Pourquoi est-ce qu'on discriminerait à leur endroit?

L'objectif du gouvernement dans ce dossier, dans cette façon de procéder, c'est de redorer l'image du gouvernement, qui a été extrêmement ternie à l'endroit du monde de la coopération. Il faut se souvenir que le monde de la coopération n'a jamais autant reculé depuis que le Parti québécois est là. Pensons aux caisses d'entraide économique, aux Pêcheurs unis, à la Fédération des magains Cooprix et à toutes les fermetures qui en ont résulté. Pensons à la Coopérative des consommateurs de Montréal et aussi au Conseil de la coopération du Québec, qui a fait l'objet de bousculades l'an dernier, quand le ministre a voulu lui imposer son projet de modifier la Loi sur les coopératives. Le ministre est mal vu du monde de la coopération. Il tente, aujourd'hui, de racheter l'image de son gouvernement. Il tente également d'écraser un syndicat qui s'est défendu, parce que le ministre l'a complètement ignoré. Le ministre, dans le projet dont on parle, n'a même pas consulté le syndicat. J'en ai discuté avec le président encore ce matin et il n'a même pas consulté le conseil d'administration de la Société des alcools du Québec. J'ai des affirmations de membres à savoir qu'ils n'ont pas été consultés du tout. On les a informés après coup. Aucune consultation à leur égard. Tout cela est très dangereux. Je pense que le gouvernement prend des risques énormes, actuellement, en se lançant à corps perdu dans ce projet, sans savoir ce qui l'attend.

Demandez-vous, M. le ministre, ce qui va arriver si le syndicat fait la même chose avec votre projet que ce qu'il a fait avec le précédent. Si des injonctions sont prises en cour contre le projet... Supposons que vous ouvrez des soumissions, que vous accordez des contrats à des soumissionnaires, à des adjudicataires, que vous vous engagez à livrer des succursales dans les 30 jours, vous encaissez les dépôts et, tout à coup, une injonction vous arrive en plein visage. Vous êtes incapable de livrer la marchandise. Les soumissionnaires sont là, ils font des frais, ils font des emprunts, ils font toutes sortes de démarches. Là, vous vous rendez compte que vous êtes incapable de livrer la marchandise. Qu'est-ce qui va arriver? Il va se produire ce qui s'est produit la première fois, vous serez incapable de poursuivre votre projet, possiblement, et vous allez vous retrouver avec des poursuites en dommages pour les dommages que vous aurez causés à ces gens.

Je pense que l'expérience passée devrait vous servir de leçon. L'an dernier, vous avez fait un projet pilote. Heureusement que c'était un projet pilote, cela a avorté à cause de difficultés juridiques. Il me semble que vous devriez en tirer une leçon. Cette fois-ci, je vais vous indiquer, M. le député de Châteauguay, la façon de procéder dans un projet comme celui-ci. Un projet d'une telle importance requiert qu'on procède avec sagesse et avec prudence. Le gouvernement devrait, s'il veut vendre des succursales, faire un projet pilote, tenter de roder la formule, roder les contrats, tenter de voir si cela peut marcher et, dans un certain coin avec quelques succursales, voir comment ce projet va se placer. S'il y a des problèmes qui surgissent, on pourra les corriger. Après coup, on pourra aller vers une plus grande privatisation. Mais procéder d'un seul coup avec 126 succursales, on prend des risques énormes. Vous risquez de vous trouver avec 126 problèmes très importants. C'est cela la façon de procéder. Si vous ne procédez pas comme cela, si vous voulez continuer à procéder comme vous le faites, c'est une vraie bousculade actuellement. C'est du travail d'amateur et jusqu'à un certain point, M. le Président, cela rappelle étrangement la façon de procéder dans Quebecair, dans la nationalisation de l'amiante, dans les modifications à la Raffinerie de sucre du Québec. Cela rappelle également ce que vous avez fait l'an dernier dans votre premier projet, celui qui a avorté. M. le Président, cela n'augure rien de bon pour les Québécois.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je suis un peu surpris d'entendre le député de Laporte. Je comprends qu'il est peut-être en conflit avec le député de Vaudreuil-Soulanges, mais je ne l'amènerais pas à la pêche avec moi parce qu'il tire du douze dans le fond de son canot de ce temps-ci. Ce que vous venez de dire, c'est exactement le contraire de ce que votre collègue de Vaudreuil-Soulanges disait il y a deux ans. Voulez-vous bien vous entendre ensemble! Lui, il dit: II faut que cela aille vite, cela ne prendra pas plus de temps que cela prend pour l'écrire. Imaginez-vous... Vous êtes pas mal dangereux à amener en canot. Ne tirez pas trop du douze souvent sur vos voisins. Je comprends que peut-être le député de Vaudreuil-Soulanges est intervenu contre vous en commission parlementaire, alors que vous, vous connaissiez le dossier et que, lui, il ne le connaissait pas; mais vous vous arrangerez ensemble avec vos problèmes, vous êtes dans

le même parti.

M. le Président, je veux juste rappeler que, l'an dernier, l'injonction interlocutoire a été accordée temporairement, mais l'injonction permanente a été gagnée non pas à 100 %, mais à 200 % par la Société des alcools; c'est le juge Bernier, si je ne m'abuse, de la Cour supérieure, qui a dit que la Société des alcools avait pleinement le droit de procéder. Dans ce cas, d'après toutes les consultations qu'on a faites, la Société des alcools a pleinement le droit de procéder tout en respectant les lois qui ont été votées par le gouvernement du Québec, en particulier le transfert des droits syndicaux à chacune des succursales. C'est ce qui va se faire. Cela va se faire normalement en respectant les lois. Il n'y a aucun problème là-dessus et la décision d'appliquer cette politique en respectant les lois, elle est de la juridiction du conseil d'administration de la Société des alcools du Québec.

De ce côté, nous procéderons, le 15 juin, à l'appel de soumissions publiques pour toutes les succursales de la région de Montréal. Si nous voulons procéder avec les 126 succursales en même temps, c'est que nous voulons traiter tous les acheteurs, ou ceux et celles qui vont acheter les succursales ou qui vont soumissionner, sur le même pied dans cette grande région. Pour nous, c'est important et nous voulons que les travailleurs de la Société des alcools, autant que possible, puissent y participer.

Le député de Laporte, qui semble vouloir prendre la défense du président du syndicat - je n'ai pas trop compris de qui il voulait prendre la défense - ne se préoccupe pas beaucoup des travailleurs. L'an dernier, au projet pilote que nous mettions de l'avant en demandant la collaboration du syndicat, il y avait beaucoup de travailleurs, de travailleuses, de directeurs de succursale qui étaient intéressés; ils auraient pu se procurer les actifs du magasin au prix coûtant ou à peu près. Or, cette année, ils sont en compétition aux soumissions publiques dans le Québec. La décision du président du syndicat de la CSN des travailleurs de la Société des alcools a coûté et va coûter de l'argent à ceux et celles qui vont soumissionner. Cela n'a pas été la décision du gouvernement, cela a été la décision du syndicat local.

Ce que nous voulons faire, c'est que nous voulons toujours et dans chaque cas procéder à l'analyse objective des soumissions qui seront déposées et faire en sorte que, dans à peu près le même prix ou à 10 % de moins ou quelque chose comme cela, nous puissions donner une chance aux travailleurs de la Société des alcools tout simplement parce que, d'abord, ils ont dépensé cinq, dix ou vingt ans de leur vie à la Société des alcools; deuxièmement, ces derniers possèdent un prérequis dans l'obtention d'une franchise, soit la connaissance de la vente au détail des boissons alcooliques. Ce sont des gens qui, pour la plupart, ont suivi des cours de la Société des alcools, donc, ils connaissent chacune des boissons alcooliques, chacun des spiritueux et chacune des marques de vin. Ils peuvent mieux gérer leur succursale que quiconque dans le Québec.

Je comprends que quelqu'un qui est notaire, qui est avocat, qui est industriel est meilleur dans son domaine mais, dans le domaine de la connaissance de la vente au détail de boissons alcooliques, des vins, des grandes marques, etc., je pense que les travailleurs et les travailleuses de la Société des alcools connaissent leur métier. Ils nous assurent en tout cas de plus de chances possibles de succès des succursales ou des franchises à venir. Dans ce sens, M. le Président, je répète ce que je dis constamment, je m'opposerai toujours à un monopole privé qui va tout contrôler, maisé je vais faire en sorte que, dans chacune des franchises qui seront vendues, dans chacune des soumissions publiques, nous puissions regarder de très près et privilégier constamment les travailleurs de la Société des alcools, puisqu'ils connaissent leur métier et qu'ils ont un atout précieux, soit la connaissance de la vente au détail des boissons alcooliques.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le ministre. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le député de Châteauguay passe son tour.

M. Dussault: M. le Président, j'attends toujours des propos de l'Opposition sur les avantages pour les consommateurs. Je voudrais leur donner du temps pour pouvoir expliciter là-dessus.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président, très bien.

M. Dussault: On leur a donné des idées tout à l'heure, et il n'y a rien qui vient.

Le Président (M. Beaumier): La parole est au député de Vaudreuil-Soulanges.

Une voix: Très bien, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Beaumier): M. le député, vous avez la parole.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Le député de Châteauguay a pris trente secondes sur les cinq minutes qui lui étaient allouées. L'avantage pour les

consommateurs se traduit effectivement par une augmentation de la variété disponible et elle devrait se traduire, en l'absence de variétés disponibles, par une diminution des prix, l'un ou l'autre. Il n'y a pas à en sortir.

Or, quelle est l'attitude du ministre, aujourd'hui, quant au contrôle des prix? Je présume qu'elle est la même que l'autre jour en commission parlementaire, alors qu'il nous a expliqué qu'il était immoral de baisser les prix dans le domaine de la vente des boissons alcooliques. C'est ce que le ministre a dit mot à mot, présumément parce qu'il n'a aucunement confiance aux Québécois comme consommateurs. Il nous donnait même l'exemple du travailleur qui revient avec son chèque de paie ou sa paie dans ses poches qu'il vient d'encaisser à la banque; il pourrait passer devant une succursale de la Société des alcools privatisée et verrait qu'il y a effectivement certaines denrées moins chères cette semaine que la semaine précédente, et qui seraient "en vente", entre guillemets. Le ministre nous a dit: Imaginez-vous, c'est immoral d'aller tenter le pauvre monde avec des choses comme cela. Il nous a expliqué qu'il était contre les baisses de prix.

Quant à la variété, le député de Châteauguay a fait grand état de toutes sortes d'activités originales additionnelles qu'une petite entreprise privée plutôt qu'une succursale étatisée de la SAQ pourrait mettre de l'avant. Mais je vois dans cette multiplication de flexibilité, si on veut, par les nouveaux propriétaires des succursales de la SAQ une répercussion très certaine sur le rôle de la SAQ qui demeure en place, qui devient le seul distributeur, le seul interlocuteur, finalement, avec lequel les succursales devront traiter. J'expliquais tout à l'heure qu'on maintient un monopole d'État quant à l'approvisionnement des succursales privatisées de la SAQ. Je ne vois pas en quoi le maintien d'un fournisseur unique, d'une part, quant aux succursales, d'un interlocuteur unique quant aux producteurs domestiques ou étrangers va améliorer de quelque façon que ce soit la situation du consommateur dans un marché qui n'est essentiellement pas changé quant à son profil, quant au territoire occupé, quant à la façon de s'approvisionner, quant à la façon de transiger, quant aux conditions financières qu'on fait; prenons simplement l'exemple des coûts additionnels qu'on veut faire porter aux succursales. Je crois comprendre, une fois que le débat sur le zéro à soixante jours, zéro à sept jours, zéro à quinze jours, sept à quinze jours de terme de paiement... Par exemple, dans le domaine de la bière, une fois qu'on a dépassé ce débat, les distilleries quant à elles, par exemple, qui approvisionnent la SAQ indiquent qu'elles exigent le paiement dans les trente jours. C'est cela que j'ai compris. C'est net, les transactions des distilleries à l'endroit de leur client, la Société des alcools du Québec, sont de trente jours. La Société des alcools, qui bénéficie d'un terme de paiement de trente jours, va se retourner et vendre à sept jours. Elle va donc bénéficier de vingt et un jours de grâce, et vous ferez les calculs sur les sommes qui sont en cause. Cela va se répercuter sur les succursales privées, des termes de paiement qui ne sont pas à l'avantage du nouveau propriétaire. (11 h 30)

On parle de contraintes financières que le ministre veut imposer. Cela n'est pas cohérent avec une politique de privatisation puisque le mot "privatisation" veut dire laisser un peu la bride sur le cou, cela veut dire laisser aux gens le loisir de choisir comment ils administreront ces succursales, cela veut dire qu'ils devraient être libres à certains égards de définir eux-mêmes leur marché compte tenu de leurs ambitions comme opérateur-exploitant-propriétaire d'une petite entreprise.

Quant à nous, la privatisation - je ne veux pas y revenir 43 fois, le ministre ne semble pas comprendre - d'une activité commerciale comme celle de la SAQ est un candidat privilégié à l'action gouvernementale d'un gouvernement du Parti libéral du Québec. Notre programme est très clair à ce sujet. Les minutes passent très rapidement, M. le Président. En terminant, je cite le programme du Parti libéral du Québec, le seul programme qui existe noir sur blanc au Québec actuellement. Un gouvernement dirigé par le Parti libéral du Québec s'engage à ne pas créer à tort et à travers de nouvelles sociétés d'État à vocation commerciale ou de nouvelles filiales pour celles qui existent déjà. Le corollaire, à l'intention du ministre, est très clairement de favoriser une privatisation là où l'État n'a pas de rôle à jouer, là où il n'y a pas un trou dans notre société qui doit nécessairement être occupé par l'État. C'est exactement le contraire qu'on nous définit de l'autre côté. On soutient précisément de ce côté qu'il n'y a pas de trou dans l'activité économique au Québec qui ferait en sorte qu'il y ait un grand consensus et une volonté collective des Québécois que l'État s'occupe de la vente commerciale d'alcool. La réalité des choses, c'est que, de la façon dont le ministre s'exprime et de la façon dont nous nous exprimons, il n'y a pas de doute qu'il y a consensus sur la nécessité de privatiser, les citoyens le souhaitent et on est au courant autant que le ministre. Mais cela appelle, dans l'exécution et la définition de cet engagement, à respecter l'objectif ultime qui est de bénéficier au consommateur. Cela demande des changements considérables compte tenu de l'espèce d'expérience que le ministre est en train de jouer sur le dos des Québécois parce que le ministre des Finances

le lui a demandé et parce que le ministre des Finances a besoin d'argent.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Vaudreuil-Soulanges. M. le ministre.

M. Biron: C'est le député de Laporte pour quelques minutes, après cela on reprendra chacun notre période de dix minutes.

Le Président (M. Dussault): Alors, il y a donc une convention pour que l'alternance soit un peu changée. M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je vais parler quelques minutes avant de tirer les conclusions, celles du ministre et les nôtres.

J'aimerais revenir sur certains points un peu plus particuliers du projet annoncé par le ministre. Depuis quelque temps, il y a la question du siège social. Il n'y a pas longtemps, le ministre a confirmé que la Société des alcools se proposait de construire un nouveau siège social à Montréal. Ce qui n'a pas cessé d'étonner parce qu'au moment même où on se propose de démanteler le réseau, donc de diminuer l'importance de la Société des alcools, on choisit tout à coup de construire un siège social. C'est le monde a l'envers. Ordinairement, quand on commence à démanteler quelque chose, ce n'est pas le moment qu'on choisit pour commencer à construire un siège social. On a réalisé que la Société des alcools avait mis de côté une somme de 5 000 000 $ dans ses réserves pour payer son siège social. Le coût estimé est de 10 000 000 $. Récemment, elle a vendu à LaSalle des terrains pour environ 4 000 000 $. Ce qui veut dire qu'à toutes fins utiles elle avait en poche à peu près le montant nécessaire pour la construction de son siège social. Or, à la fin de l'année qui vient de se terminer, comme la Société des alcools n'avait pas réussi à extirper des consommateurs les 25 000 000 $ que le gouvernement lui avait demandé de lui donner en plus au cours de l'année dernière, on a ajouté les 9 000 000 $, si vous voulez, et on a fait un chiffre rond de 10 000 000 $ à la somme de 15 000 000 $ qui avait déjà été perçue en taxes. De cette façon, on a pu arriver aux 25 000 000 $ qu'avait demandés le ministre des Finances. Mais ce faisant, on a complètement vidé le fonds qui avait été mis de côté pour payer le siège social. Le gouvernement a dit à la Société des alcools: II n'y a pas de problème, vous emprunterez les 10 000 000 $ pour le siège social. On comprend pourquoi, M. le Président, parce que si on vend toutes les succursales... Il a été bien établi que le prix de vente des denrées aux succursales va être le prix d'achat des marchandises de la Société des alcools plus les frais d'exploitation du siège social. Or, dans les frais d'exploitation du siège social, on va ajouter le remboursement de la dette du siège social, les 10 000 000 $. On va ajouter le versement des intérêts et du capital, tout cela va faire partie, évidemment, des montants d'argent additionnels que la Société des alcools du Québec va inclure dans ses frais d'exploitation.

Il y a d'autres choses également, M. le Président, qu'on ne peut pas passer sous silence. C'est l'espèce de régime d'opulence qui s'est établi à la Société des alcools du Québec depuis une couple d'années, depuis que le ministre a nommé un nouveau président qui ne se gêne pas pour faire une vie de prince, semble-t-il, à la Société des alcools du Québec. Dès sa nomination, le nouveau président n'a pas hésité à se faire doter d'une limousine de marque Cadillac. C'est peut-être drôle de dire cela, mais c'est la première fois dans l'histoire de la Société des alcools du Québec, semble-t-il, qu'un président se fait véhiculer en Cadillac. Il n'y a aucun ministre, actuellement, dans le gouvernement du Québec qui se fait véhiculer par des limousines autres que des Chevrolet ou des Pontiac. Comment le ministre tolère-t-il qu'un président de société d'État se permette un régime de vie aussi somptueux à même les fonds des contribuables? Comme si ce n'était pas assez, moins d'un an et demi après s'être fait doter d'une limousine semblable, les informations qu'on a, c'est qu'on veut échanger la Cadillac pour une Lincoln Continental d'une valeur d'au-delà de 30 000 $. Il n'y a rien d'assez beau quand on se fait véhiculer à même l'argent de3 contribuables.

Que dire également de la nouvelle politique de la Société des alcools du Québec où le président donne des subventions à gauche et à droite. Comment expliquer, par exemple, la subvention de quelques milliers de dollars à une chorale dans le comté de Sainte-Croix, tout à fait par hasard le comté que représente le ministre? Comment justifier que la Société des alcools du Québec subventionne des chorales? Est-ce que c'est parce qu'on veut encourager la consommation d'alcool par les jeunes? Il n'y a absolument rien qui peut justifier une décision comme celle-là, sauf le fait qu'on se fout totalement à la Société des alcools du Québec de la disposition des biens appartenant aux contribuables.

M. le Président, tout cela nous laisse très songeur. Si cette philosophie de dépenses excessives continue et se propage, ce sont les contribuables, ce sont les franchisés

d'abord et les consommateurs qui devront payer parce que tout cela va être compris dans le prix d'achat des denrées que devront payer les franchisés. Plus on va faire des dépenses comme celles-là, plus le coût des boissons alcooliques va augmenter au Québec. Je pense qu'il est grand temps que le ministre regarde ce qui se passe à la Société des alcools du Québec. Je pense qu'il devrait se déplacer et aller sur place interroger les gens qui travaillent là, les cadres pour savoir comment la Société des alcools du Québec est devenue politisée et comment de plus en plus on se fout totalement à la Société des alcools du Québec des fonds publics. Merci.

Le Président (M. Beaumier): M. le ministre.

Conclusions M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, la Société des alcools du Québec est justement en train de se dépolitiser. On sait comment c'était un nid à patronage sous les libéraux. J'ai voulu que cela soit une administration saine et efficace, à tel point que les frais de fonctionnement, autres que les salaires, ont diminué de près de 15 % entre 1983 et 1984. On verra aussi sur les prochains bilans qui seront déposés qu'on continue à fonctionner de la même façon.

On a une gestion saine et efficace comme il n'y en a jamais eu dans le passé. Bien sûr, il y a quelques libéraux qui ont dû se tasser parce qu'ils étaient là, eux autres, juste pour manger dans la crèche. Je ne permets pas qu'ils soient juste là pour manger dans la crèche. Il faut que les gens qui sont aux sociétés d'État produisent et produisent efficacement, c'est ce que j'exige de ces gens. La Société des alcools du Québec n'a jamais été aussi bien gérée. Regardez les coûts de production, regardez les frais de fonctionnement, il y a une diminution importante au cours des dernières années alors qu'à l'époque des libéraux c'était au plus fort la poche pour les amis du Parti libéral.

Quant au siège social, construction versus rénovation, la Société des alcools du Québec, comme grossiste de première distribution, va demeurer. La Société des alcools du Québec, comme embouteilleur, va demeurer. Je pense que ce sont des opérations importantes qu'il faut contrôler avec le personnel nécessaire. Il n'est pas question de construire un nouveau siège social mais le siège social actuel, qui est au Pied-du-Courant, qui doit être rénové ou remodelé depuis déjà fort longtemps, il faut y investir les sommes d'argent nécessaires pour le rénover et y mettre aussi des systèmes d'air climatisé, des systèmes de communication modernes. Je pense que c'est important qu'on le fasse. Les décisions sont en train de se prendre, il n'est pas question de construction d'un nouveau siège social, il est tout simplement question de rénover ce qui existe présentement sans élargir les bâtisses ou les endroits où la Société des alcools peut toujours y être présentement.

Sur le franchisage, sur le fond du problème que nous discutons présentement, je m'aperçois que cela fait au-delà de quatre heures - deux heures et demie en commission et une heure et demie ou deux heures maintenant - que le Parti libéral n'a rien dit. Aucune proposition, aucune suggestion, des petites questions très banales. On essaie de faire de la politique avec un dossier qui est plus important qu'un dossier politique.

Ma préoccupation, c'est de faire ce que j'ai fait constamment en politique: une saine gestion des finances publiques. C'est dans ce sens que j'interviens, pour avoir une saine gestion des finances publiques.

Tout à l'heure, le député de Vaudreuil-Soulanges parlait des coopératives. M. le député de Vaudreuil-Soulanges, vous ne vous êtes pas promené au Québec. Encore une fois, au lieu de voir vos amis des très grosses corporations multinationales - vous ne connaissez que ces gens - descendez donc sur la place publique. Allez voir des gens des PME. Allez voir des gens des coopératives dans toutes les régions du Québec et vous poserez des questions sur ce qui se passe dans le mouvement coopératif présentement versus les interventions ou les actions du gouvernement du Québec. Vous verrez que les gens du monde de la coopération sont très satisfaits et plus que satisfaits des interventions qui ont été faites au cours des dernières années par le gouvernement du Parti québécois.

Sur le projet même, il y a un actif important qu'on va transmettre à ceux et celles qui vont soumissionner sur nos franchises, nos succursales, ce sont les sites. C'est un des actifs importants, parce que les coûts payés par la Société des alcools pour la location de sites sont parmi les meilleurs coûts qu'on peut trouver au Québec. Alors, il y a un profit important à faire là-dessus et, pour nous, c'est important de transférer les droits sur ces sites aux nouveaux propriétaires.

On a parlé beaucoup, ce matin, de privatisation et on a dit: II faut se comparer à l'entreprise privée. C'est ce qu'on veut faire. Le franchisage va marcher exactement comme toute entreprise privée qui donne des franchises. On va prendre une entreprise privée qui est bien québécoise, que le monde connaît bien au Québec, Provigo. Provigo donne en franchise des Provisoire. Il y a toute une série d'actions que Provigo fait. Nous, on ne peut pas dire qu'on va faire exactement la même chose que Provigo mais,

quand on parle de la liberté d'entreprise, c'est toujours relatif au contrat qu'on a avec ceux et celles qui passent des contrats avec nous.

Le choix du franchisé pour Provigo n'est pas nécessairement celui qui offre le plus d'argent pour la franchise, mais il a une trentaine de points d'analyse de la qualité du candidat, une trentaine de points différents. Ce sont des pointages différents qui font en sorte de choisir le meilleur candidat pour exploiter la franchise à long terme. Même si un bon candidat n'a pas d'argent, Provigo ou Provisoir va l'aider pour la mise de fonds initiale. Il y aura une formation du franchisé exactement comme la Société des alcools a déjà fait avec ses employés et qu'elle fera aussi avec ses franchisés. Il y a des cours intensifs donnés par Provigo et même des examens pour les candidats désirant obtenir une franchise Provisoir.

Il y a un répertoire de prix et des prix de vente fixes sur les produits déterminés par région sur une quantité de produits donnés. Ce n'est pas le propriétaire ou le franchisé de Provisoir qui décide lui-même n'importe quel prix, n'importe quand. Il y a des ententes, parce que c'est une franchise qui veut être respectée, non seulement dans une région, mais dans tout le Québec. Il y a des politiques de référence; il y a toute une liste de produits qui sont offerts par Provigo et les gens, à l'intérieur de cette liste de produits, peuvent choisir les produits qu'ils veulent.

Alors, c'est très bien contrôlé. H y a des associations de marchands qui sont regroupés au niveau des régions. Il y a des manuels d'instructions pour les magasins. Il y a un local. Avant de louer le local, c'est Provigo, encore une fois, ou Provisoir qui vérifie si tout est correct, si c'est bien le bon site et qui a le droit de dire oui ou non. Il y a des commandes et de la distribution qui doivent être faites par le seul et unique distributeur Provigo. C'est Provigo qui donne la franchise comme la Société des alcools va donner la franchise. On va acheter par la Société des alcools. L'entreprise privée, dont se gavent nos amis d'en face, agit exactement de la même façon avec McDonald ou n'importe quel autre. J'ai un papier ici, toutes les informations sur Provigo et je pense que le député de Laporte et le député de Vaudreuil-Soulanges devraient au moins s'informer de ce côté-là sur ce qui se fait. Le marchand commande une fois par semaine au centre de distribution Provigo et il ne peut pas acheter d'un autre grossiste ou fournisseur, sauf ceux désignés par Provigo. Alors, je pense que c'est important et c'est l'entreprise privée à 100 %. Voilà comment cela fonctionne. Les services obligatoires pour le marchand, Provisoir offre un service de rapports financiers au coût de 32 $ par semaine. Cela comprend les états financiers complets quatre fois par année, les T-4, les TP-4 et tout cela. Provigo fournit les formulaires. C'est un contrat de franchise entre un franchiseur et un franchisé pour faire en sorte que, finalement, la population soit protégée, mais l'entreprise aussi respecte une certaine norme élémentaire, soit celle du secteur privé. (11 h 45)

Bien sûr, les termes de paiement, encore une fois, pour ceux et celles qui ont voulu s'informer: Termes de paiement: Net 7 jours de l'état de compte. Les sommes sont perçues directement du compte de banque du marchand. On s'aperçoit que c'est une entreprise privée qui est respectée par les citoyens du Québec - je pense que les citoyens respectent Provigo énormément -qui fonctionne d'une façon rationnelle.

M. le Président, en résumé, la Société des alcools n'a jamais géré aussi efficacement ses actifs et ses dépenses. La Société des alcools n'a jamais contrôlé d'une façon aussi efficace quand on songe qu'entre 1983 et 1984 nous avons diminué nos frais de fontionnement de 15 %. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui l'ont fait, diminuer de 15 % en augmentant le chiffre d'affaires. Il fallait le faire, mais on a rationalisé nos dépenses. On a coupé dans les dépenses superflues. Bien sûr, s'il y a du monde qui a été coupé et qui n'aime pas cela et qui chiale, c'est normal cela, parce qu'ils ont été coupés. C'était des rouges qui ne faisaient rien. Ils ont été coupés, ils vont chialer. Mais je pense que notre objectif, c'est de gérer efficacement la Société des alcools du Québec...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le ministre...

M. Biron:... et c'est l'objectif que j'ai donné au nouveau président depuis deux ans, M. Lord, qui, je ne crains pas de le dire, est véritablement le meilleur président que la Société des alcools ait eu dans toute l'histoire du Québec.

M. Bourbeau: C'est le mieux véhiculé, en tout cas.

M. Biron: C'est un bonhomme qui vient de l'entreprise privée...

M. Bourbeau: C'est le mieux véhiculé.

M. Biron:... il a appris à faire du commerce et de la gestion dans l'entreprise privée. Il a appris ce qu'est l'efficacité. M. le Président, l'objectif du gouvernement, c'est de permettre à 360 entrepreneurs québécois d'acheter leur propre entreprise, d'être leur chef d'entreprise, de vendre leurs produits en concurrence avec d'autres entreprises dans le secteur privé, de donner

aux consommateurs, aux consommatrices, aux citoyens et citoyennes du Québec le meilleur service possible, les meilleurs produits possible au meilleur coût possible. Bien sûr, tous les gouvernements à travers cela, municipal, scolaire, fédéral et provincial, vont percevoir les impôts nécessaires.

M. le Président, pendant quatre heures et demie de débat, l'Opposition a essayé de faire de la petite politique partisane, mais elle n'a aucune idée à nous soumettre sur une façon de procéder qui serait meilleure. Je suis prêt à écouter et, si l'Opposition a des idées, bien sûr, vous savez que j'écoute toujours et je suis très ouvert aux suggestions et, avec grand empressement, je vais les écouter parce que c'est la première fois que cela se fait dans l'histoire du Canada et je pense que c'est important qu'on le fasse comme il faut. Notre responsabilité, c'est de le faire comme il faut, à l'avantage de3 entrepreneurs de PME et à l'avantage des citoyens et citoyennes du Québec qui seront des consommateurs et consommatrices.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le ministre. M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Au terme de ce nouvel examen au cours duquel nous avons étudié cette décision du gouvernement de mettre en vente un premier groupe des succursales de la Société des alcools du Québec, l'Opposition à l'Assemblée nationale n'a d'autres choix que d'en dénoncer les faux prétextes. Vendre à des intérêts privés des magasins de vente au détail n'est pas en soi, au plan des principes, un geste condamnable. Le secteur privé québécois démontre généralement un dynamisme extraordinaire. Les libéraux sont les premiers à souhaiter et à vouloir soutenir son épanouissement, mais la décision qui nous occupe, en dépit de son attrait, aura en réalité pour conséquence d'engendrer des commerces hybrides. Leurs propriétaires demeureront, en effet, sous le joug de l'État au point d'en perdre presque totalement toute leur autonomie. Leur rentabilité découlera presque exclusivement de l'État. C'est lui qui chaque année décidera de la marge bénéficiaire, ou, si vous voulez, des profits, à travers laquelle s'établira le rendement sur le capital investi, rendement où sera prélevé l'impôt sur les corporations et où seront pris les capitaux pour financer l'amélioration des magasins.

Cette formule des franchises se distingue nettement de celle que l'on retrouve, par exemple, dans le secteur de l'alimentation. Le propriétaire et contrôleur des franchises demeure l'État qui conserve, quant à lui, toutes les contraintes reliées à la gestion de fonds publics. Par l'exclusivité territoriale qu'il confère aux franchisés, ce système se distingue aussi du système de vente du vin, de la bière et du cidre dans les épiceries, car l'accessibilité et la force de vente que l'on retrouve dans quelque 12 000 points de vente, on ne les retrouve pas dans ce système.

Compte tenu de ces distinctions, il faut donc rechercher en quoi peut apparaître justifiée la décision gouvernementale. Il faut voir quelle garantie nous avons que les contribuables, les consommateurs, les franchisés et l'État lui-même y trouveront intérêt. L'effet de la réforme que l'on nous propose se résume simplement. Au mieux nous aurons l'équivalent de ce que nous avons maintenant. Par contre, on peut déjà voir poindre des difficultés nouvelles qui risquent de s'avérer fort coûteuses. Au départ, il y a toute cette improvisation manifeste qui découle de la volte-face de la formule. De l'idée de coopérative à celle de compagnie privée, on retient que le choix gouvernemental est davantage inspiré par une volonté de procéder rapidement que par celle de consolider en région le secteur des coopératives de service.

Dans sa précipitation de mettre la main sur les 50 000 000 $ provenant de la liquidation en bloc de plus d'une centaine de succursales de la région de Montréal, le gouvernement a mis de côté cette prudence élémentaire qui lui suggérait de conduire au préalable des expériences pilotes pour éprouver le système et assurer une meilleure transition. En outre, il a délibérément fermé les yeux sur ces procédures judiciaires qui mettent en cause la légalité de l'opération et la menaceront encore pendant plusieurs mois. Encore une fois, le gouvernement prend une décision importante sur la base d'une idée fixe. Puis il essaie, dans un deuxième temps, de structurer son argumentation autour de cette idée, en plâtrant toutes ses incohérences et en ignorant toute mise en garde. Pourtant, les exemples permettant d'illustrer les conséquences néfastes d'une telle inversion des priorités sont nombreux. Les dossiers de Quebecair, de SEREQ, de la Raffinerie de sucre, de la Société Abestos, des ordinateurs dans les écoles sont de cet ordre.

On s'étonnera ensuite des coûts. On s'étonnera de l'évolution défavorable de la conjoncture. Comme on ne voudra pas perdre la face, on y engloutira toujours plus d'argent. Mais pourquoi? La qualité, la formation et la sécurité d'emploi de la main-d'oeuvre ne s'en trouvent pas augmentées et son coût ne s'en trouve pas diminué. Le respect des conventions collectives, la syndicalisation des entreprises et la disparité des masses salariales disponibles pour chaque établissement ne nous garantissent pas de meilleures relations de travail.

Au point de vue du service à la

clientèle, on peut s'attendre de voir s'instaurer une disparité entre les succursales. Elle découlera de leur localisation, du volume des inventaires et de leur performance, À plus ou moins brève échéance, elle entraînera un déplacement des clientèles. Par ailleurs, les standards de la Société des alcools du Québec, à la limite, auront tendance à se déplacer vers le bas pour tenir compte de la situation moins reluisante de certains magasins. Ils seront plus difficiles à harmoniser.

Ce système, on le sait, n'a pas pour but et comme conséquence de mieux desservir le territoire québécois. Il n'a pas non plus pour effet de simplifier le système de distribution des boissons alcoolisées puisqu'il accrott, de façon importante, le nombre d'intervenants. Il va également exiger un contrôle plus serré de la qualité de gestion des anciennes succursales, car des problèmes nouveaux vont se faire jour avec l'indépendance des établissements. Des pratiques commerciales douteuses risquent d'apparaître. À cela viendront s'ajouter des imbroglios qui ne manqueront pas d'apparaître lorsque les propriétaires connaîtront des difficultés financières ou des saisies. Enfin, au total, les consommateurs ne paieront pas moins cher leurs achats et risquent, à ce chapitre, d'avoir plus de mauvaises que de bonnes surprises.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, la précipitation gouvernementale étonne. Je crois qu'il faut chercher ailleurs que dans des questions de principe, d'économie ou de service à la clientèle ce qu'elle cache.

En réalité, c'est plutôt dans l'état pitoyable des finances publiques québécoises, après plus de neuf ans de régime péquiste, que se trouve la véritable explication. Le gouvernement savait qu'en lançant des appels d'offres l'attrait de l'argent qu'on imagine facile à gagner dans le commerce des alcools lui amènerait rapidement les liquidités qui lui font défaut.

Après avoir raclé tous les fonds de tiroirs, y être allé de sa taxe régressive sur les assurances, où trouver facilement de l'argent? La solution la plus facile est de liquider des actifs en s'abritant derrière l'idée à la mode de la privatisation. Or, ce que le gouvernement péquiste feint d'ignorer là-dedans, c'est que les Québécois ont déjà payé pour ces succursales. Vendre ces succursales sans leur remettre les taxes avec lesquelles elles furent payées équivaut à les taxer une deuxième fois.

En outre, comme les acquéreurs des succursales devront se rembourser de leur propre investissement, cela équivaut à les taxer une troisième fois. On ne manquera pas de nous dire, en guise de consolation, que ce joyeux "party" fiscal péquiste servira à payer les services de santé ou l'aide sociale.

Je crois que les Québécois se souviendront, le moment venu, de l'origine de toutes ces taxes, de toutes ces pertes de temps, d'argent, de sièges sociaux et d'emplois que nous ont values les chimères souverainistes et socialistes. Ce sont elles qui aujourd'hui minent notre capacité de générer des revenus et conduisent le gouvernement péquiste à alourdir encore un peu plus, d'une année à l'autre, un fardeau fiscal déjà très lourd.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce présume sans doute, et à tort, que les Québécois voudront noyer tout cela dans l'alcool. Je suis persuadé, quant à moi, qu'ils sauront donner à son gouvernement la cure de repos qu'il mérite. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci. La commission de l'économie et du travail a accompli le mandat qui lui avait été confié et ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 58)

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