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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le jeudi 26 mai 1994 - Vol. 33 N° 20

Consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean A. Joly, président
Mme Madeleine Bleau, présidente suppléante
Mme Huguette Boucher Bacon, présidente suppléante
M. Réal Gauvin, président suppléant
M. Maurice Richard, président suppléant
M. Serge Marcil
M. Serge Ménard
M. Jean-Guy St-Roch
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Henri-François Gautrin
*Mme Diane Fortier, ACPQ
*M. Jean-Pierre Boursier, idem
*M. Michel Audet, CCQ
*M. Jean Tremblay, idem
*M. Sylvain Charron, Comité paritaire des coiffeurs du district de Hull
*Mme Johanne Mongeon, idem
*M. Georges Brazeau, idem
*M. Denis Brochu, idem
*Mme Raymonde Fréchette, IMVQ
*M. Claude Lapierre, idem
*M. Saul Rose, idem
*M. Mel Alper, idem
*M. Henk Boshouwers, AMME
*M. Guy Gagnon, Comité paritaire du vêtement pour hommes
*M. John Alleruzzo, idem
*M. David Balinsky, idem
*M. Henri-Paul Roux, idem
*Mme Linda Gravel, AECQ
*M. Rolland Veilleux, idem
*Mme Carmen Lucia, idem
*M. Jacques Frappier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Joly): Bonjour. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Je déclare la séance ouverte et je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994.

Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Loiselle (Saint-Henri) remplace M. Audet (Beauce-Nord); M. MacMillan (Papineau) remplace M. Benoît (Orford); Mme Bleau (Groulx) remplace M. Elkas (Robert-Baldwin); M. Hamel (Sherbrooke) remplace M. Fradet (Vimont); M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) remplace Mme Hovington (Matane); M. Richard (Nicolet-Yamaska) remplace M. Lemire (Saint-Maurice); et M. Dufour (Jonquière) remplace M. Claveau (Ungava).

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Je vous fais la lecture de l'ordre du jour. Ce matin, nous entendrons l'Association des comités paritaires du Québec, la Chambre de commerce du Québec, pour revenir cet après-midi et entendre le Comité paritaire des coiffeurs du district de Hull, l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, l'Association des manufacturiers de mode enfantine, le Comité paritaire du vêtement pour hommes et l'Association des entrepreneurs en couture du Québec.

Alors, je m'aperçois que les gens qui représentent l'Association des comités paritaires du Québec ont déjà pris place. Il me fait plaisir de vous accueillir. Je demanderais à la personne responsable de s'identifier et, aussi, de nous identifier les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.


Auditions


Association des comités paritaires du Québec (ACPQ)

Mme Fortier (Diane): Bonjour, M. le Président, mesdames, messieurs. Mon nom est Diane Fortier. Les représentants de l'Association des comités paritaires du Québec sont: à ma droite, M. Jean-Pierre Boursier, qui est le coprésident de l'Association et qui est aussi vice-président de Sécurité et Protection, Sec-Pro; à ma gauche, M. Rhéal Martin, coprésident syndical, qui est le président de l'Union des employés de service, local 800, FTQ.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Alors, je vous rappelle aussi que vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire. Par après, les parlementaires auront le plaisir d'échanger avec vous. Alors, à vous, madame.

Mme Fortier (Diane): Merci. L'Association des comités paritaires du Québec, soit l'ACPQ, remercie la commission parlementaire de lui donner l'occasion d'exprimer son opinion sur le régime des décrets et sur les recommandations élaborées par le Comité interministériel.

Comme vous le savez, l'ACPQ regroupe les associations patronales et syndicales, parties contractantes de l'ensemble des décrets. Depuis sa création, il y a huit ans, elle a participé aux différentes consultations relatives au régime des décrets. Elle trouve dommage, toutefois, que toutes les consultations tenues à date n'aient pas porté fruit. Elles ont plutôt laissé croire à tous que des améliorations au régime des décrets seraient apportées, ce qui a laissé tout le monde sur son appétit.

De plus, les situations d'incertitude causées par les remises en question alimentent l'insatisfaction de ceux qui attendent impatiemment des améliorations ou qui attendent des solutions à leurs problèmes soumis au ministère depuis trop longtemps. Il faut également mentionner que cette situation favorise l'opinion de ceux qui ne veulent y voir que du négatif. Tout de même, l'ACPQ est confiante, grâce à l'ouverture d'esprit qu'a manifestée jusqu'ici le ministre de l'Emploi, l'honorable Serge Marcil, qu'un dénouement favorable pour toutes les industries couvertes par un décret se produira prochainement. De plus, la proposition du Comité interministériel quant au maintien de la Loi sur les décrets est aussi encourageante. C'est donc avec un esprit positif que l'ACPQ a soumis à cette commission son mémoire et y exprime aujourd'hui son opinion.

Nous passons maintenant au résumé de notre mémoire comme tel. L'ACPQ est d'avis que les principes de base de la Loi sur les décrets sont toujours d'actualité. On précisera tantôt les bienfaits de cette loi. Certes, un peu de dépoussiérage serait à son avantage, et on y reviendra également. Toutefois, ce qui nous apparaît fondamental, c'est que tout ce processus de consultation résulte en une entente entre tous les intervenants sur l'interprétation à donner à la Loi sur les décrets et sur l'établissement de directives quant à son application.

À titre d'exemple, les critères d'acceptation d'une requête en extension d'une convention collective ou d'une requête en modification se retrouvent à l'article 6 de la Loi sur les décrets. Personne ne s'entend sur l'interprétation à donner à ces critères d'acceptation d'une requête, d'où une très grande confusion, et ceci, au niveau même des principes de base de la loi. En fait, depuis trop longtemps, les différentes interprétations nuisent à l'utilisation adéquate de la loi, ce qui contribue à son impopularité.

Il ne faudrait pas en conclure, pour autant, qu'il serait préférable que la Loi sur les décrets contienne des dispositions trop restrictives. En effet, on ne saurait recommander, dans un système où la primauté des parties représentant l'industrie est essentielle, que la loi étouffe toute initiative par des dispositions trop rigides. De même, le particularisme des différents secteurs d'activité souffrirait de telles dispositions. Pour ces raisons, il nous semble que des directives administratives plutôt que législatives seraient appropriées. Ces directives devront, cependant, être connues par tous les intervenants.

D'autre part, comme nous l'avions déjà mentionné dans notre mémoire présenté au Comité interministériel et dans le mémoire que nous vous avons soumis, les délais trop longs dans le traitement des requêtes, occasionnés par le gouvernement, en ont découragé plusieurs. À cause des délais, les conditions de travail, quand elles sont finalement décrétées, ne sont parfois déjà plus à l'heure économique de l'industrie. Il est difficile, par la suite, de rattraper les écarts qui se sont produits entre les conditions prévues à un décret et les conditions accordées par l'industrie.

À titre d'exemple, de 15 à 20 requêtes ont été déposées au ministère depuis quelques années et n'ont pas encore été finalisées. Qu'il nous suffise de relever la requête déposée le 7 avril 1988 par le Comité paritaire des services automobiles de la région Lanaudière-Laurentides pour extensionner le décret à la région de Rouyn-Noranda, tel que demandé par les représentants de cette région après que leur décret eut expiré, malgré leur volonté manifeste de demeurer dans le régime des décrets.

Sur la problématique de la procédure et des délais dans le traitement des requêtes, l'ACPQ a transmis au ministère des propositions, en janvier 1992, pour l'adoption d'un guide sur la procédure et les délais lors de la présentation de requêtes. L'ACPQ n'a pas obtenu à ce jour de réponse à ce sujet.

Nous constatons que les principaux reproches entendus s'adressent beaucoup plus au contenu des décrets qu'au principe même de la loi. L'ACPQ a réagi en ce sens en encourageant tous les comités paritaires à réviser leur contenu de décrets afin de vérifier qu'ils respectent bien l'état actuel de leur industrie. Toutefois, ce travail ne sera valable que dans la mesure où des règles d'interprétation et d'application sont établies, et dans la mesure où le traitement des requêtes sera fait avec toute la célérité nécessaire.

(10 h 20)

Nous revenons maintenant sur un point laissé en suspens au début de notre présentation, soit les avantages de la loi. Nous avons eu l'occasion, dans le mémoire que nous présentions au Comité interministériel, d'exposer les bons résultats obtenus grâce aux structures existantes, soit les comités paritaires, par exemple, protection contre une concurrence occasionnée par de trop grands écarts dans les conditions de travail attribuées par les différentes entreprises d'un secteur d'activité; établissement de conditions de travail décentes; concertation entre employeurs et salariés; prise en charge, dans certains secteurs, de la qualification et de la formation de la main-d'oeuvre; classification de la main-d'oeuvre; différents services rendus aux employeurs et aux salariés, comme des régimes d'avantages sociaux, des fonds de vacances et des régimes de retraite.

L'ACPQ est convaincue que la Loi sur les décrets demeure un outil précieux. D'hier à aujourd'hui, on a pu le constater, elle a apporté de nombreux avantages aux employeurs et aux salariés. Pour l'avenir, si on lui en donne les moyens, elle saura sans doute être un outil de concertation et de développement économique, un outil de relations de travail et un outil de gestion de la main-d'oeuvre. C'est, d'ailleurs, dans cette optique que l'ACPQ apportait ses recommandations au Comité interministériel, l'an dernier, que nous avons reproduites dans le mémoire que vous avez devant vous et que nous vous rappelons ici.

L'ACPQ recommande que le gouvernement favorise, par ses actions et par la loi, la concertation entre les employeurs et les salariés d'une industrie et, par le fait même, la synergie dont ont besoin les industries pour s'ajuster aux nouvelles réalités.

L'ACPQ recommande que les critères de l'article 6 soient modifiés pour y insérer la notion d'intérêt d'une industrie, et que les considérations dont tiendra compte le gouvernement pour s'assurer de cet intérêt soient établies et connues de tous. Toutefois, puisque la loi touche différents secteurs d'activité avec des caractéristiques bien différentes, le texte de la loi doit être d'ordre général. Il aurait plutôt avantage à être complété par des directives administratives. L'ACPQ demande de participer à l'élaboration de ce travail.

L'ACPQ recommande également que les requêtes dont a à traiter le gouvernement le soient avec la plus grande diligence et célérité afin, justement, de ne pas dénier l'objectif de l'intérêt d'une industrie.

L'ACPQ recommande que la loi favorise l'implication des comités paritaires dans le développement de la main-d'oeuvre, en collaboration avec le ministère de la Main-d'oeuvre et celui de l'Éducation.

L'ACPQ encourage l'utilisation des comités paritaires comme, entre guillemets, «guichet unique» par lequel passent toutes les interventions que doit faire une industrie. On ne veut pas prendre une place qui ne nous appartient pas, mais plutôt collaborer avec les instances déjà en place. On évite ainsi l'incohérence des actions posées au travers de l'industrie et des dédoublements coûteux pour tous les intervenants, tout comme la multiplication des analyses des mêmes données, des mêmes problématiques d'un même secteur.

L'ACPQ recommande la continuation de ce travail d'amélioration de la loi et demande, en conséquence, qu'un comité de travail soit créé pour se pencher d'une façon plus approfondie sur cette étude. L'ACPQ tient à collaborer à ce comité de travail.

Nous apprécions les commentaires exprimés par les membres de cette commission sur le maintien de la Loi sur les décrets. Il ne faudrait pas, toutefois, que ce maintien soit artificiel. Ceci nous amène à commenter les recommandations exprimées par le Comité interministériel. Je les reprends chapitre par chapitre, telles qu'elles ont été présentées par le Comité interministériel.

En ce qui concerne l'harmonisation avec les autres lois du travail – on touche les recommandations 1, 2, 3 et 6 – l'ACPQ partage la préoccupation du Comité interministériel quant à l'harmonisation législative entre certaines dispositions de la Loi sur les décrets, la Loi sur les normes et le Code du travail. Il ne faut toutefois pas comprendre que l'ACPQ est d'accord pour transposer les principes du Code du travail à la Loi sur les décrets.

Quant à la recommandation 7, qui traite du pouvoir réglementaire en matière de qualification, l'ACPQ apporte une mise en garde. Les comités paritaires jouent un rôle important quant à l'apprentissage, à la qualification et à la formation de la main-d'oeuvre. Ils ont consacré beaucoup de temps, d'efforts, d'énergie et d'argent pour remédier aux lacunes dans ce domaine, avec des résultats, d'ailleurs, très encourageants et très significatifs. Il est donc fondamental de laisser aux comités paritaires leurs responsabilités en ce domaine.

En effet, malgré toute la bonne volonté du gouvernement, il est impossible à ce dernier de prendre en charge les problèmes de chaque industrie. La capacité d'intervention du gouvernement ne peut être que limitée compte tenu du peu d'argent dont il dispose et de son incapacité à connaître les besoins d'une industrie et d'y répondre sur mesure, comme peut le faire l'industrie elle-même. Une étroite collaboration doit exister entre les comités paritaires qui prennent en main ces dossiers de qualification et de formation et la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Quant aux chapitres sur la qualité des requérants, du document soumis et sur la représentativité des conditions de travail – on touche à plusieurs recommandations: 4, 5, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 18 – l'ACPQ est d'avis qu'une transposition des principes du Code du travail à la Loi sur les décrets nierait le caractère distinct de ce régime de relations de travail. L'ACPQ favorise l'ouverture des comités paritaires aux associations accréditées de salariés et aux associations d'employeurs répondant à certains critères, comme une vie associative réelle et un intérêt direct dans le secteur d'activité concerné.

Quant aux exigences posées aux recommandations 9 et 18 sur l'assentiment d'une majorité d'employeurs, dans un cas, et sur l'acceptation des employeurs d'une majorité de salariés, dans l'autre cas, elles sont disproportionnées par rapport à ce que notre système démocratique demande en général. En effet, les tâches de vérification que cela demande représentent une opération tout aussi complexe qu'onéreuse. Il s'agit d'une mission proprement impossible à réaliser et d'exigences démesurées dans le contexte des secteurs d'activité généralement couverts par décret. Notre mémoire vous soumet plus précisément le processus qui, croyons-nous, devrait être respecté lors d'une extension juridique, tant au niveau de la qualité des requérants qu'au niveau de la qualité du document soumis.

En ce qui concerne le caractère approprié du champ d'application, soit les recommandations 14, 15, 16 et 17, le champ d'application d'un décret énumère les travaux assujettis à ce décret. L'assujettissement selon les travaux effectués est un principe consacré par nos tribunaux. Ces champs d'application sont déterminés par ceux qui négocient le projet de décret et, par la suite, modifiés, le cas échéant, par les membres du comité paritaire. Le principe de la nature du travail exécuté pour déterminer de l'assujettissement ne saurait être changé si les entreprises veulent toujours se protéger contre la concurrence déloyale. En effet, un des objectifs de la Loi sur les décrets est de prévenir la concurrence déloyale entre les entreprises. Cette concurrence s'exerce entre des établissements qui, à première vue, ne semblent pas toujours se faire concurrence.

Prenons, à titre d'exemple, des établissements tels les concessionnaires d'automobiles, des garagistes spécialisés, les Canadian Tire ou les Sears. Lorsque ces établissements effectuent des travaux de mécanique sur des automobiles ou sur des camions, ils sont en concurrence. Toutefois, les contenus des champs d'application des décrets qui délimitent l'assujettissement ne peuvent pas toujours prémunir les industries contre toute problématique. C'est pourquoi la recommandation 16 du Comité interministériel de déférer à l'arbitrage spécialisé doit être retenue. Davantage, nous croyons que tous les problèmes reliés aux champs d'application devraient y être déférés.

En ce qui concerne la nature des conditions de travail, dans cette section, les recommandations 20 à 25 visent des cas particuliers, voire même marginaux. Il n'est donc pas question de traiter ces questions comme représentant un cas d'ensemble. Le temps ne nous a pas permis de vérifier chacun des secteurs d'activité touchés par chacune de ces recommandations. La particularité d'un secteur donné peut souvent expliquer la présence de dispositions particulières et spécifiques dans leur décret respectif. Certains principes de base nous ont quand même permis d'apporter des commentaires à ces recommandations, mais, avant d'imposer des règles, il est important de mentionner qu'il est préférable de ne pas exiger qu'elles soient communes à tous afin de tenir compte des particularités de chacun des secteurs.

La lecture de la recommandation 20, qui vise l'abrogation des dispositions relatives aux heures d'ouverture et de fermeture et sur les heures ouvrables, nous amène à nous demander si le Comité interministériel a confondu les exigences émises par certains décrets avec celles énoncées dans la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, à cause de certaines plaintes qui leur ont été adressées par des entreprises qui disent être empêchées par décret d'exercer leur commerce à des heures autrement permises par la Loi sur les heures d'affaires.

(10 h 30)

Cette dernière loi – celle des heures d'affaires – établit les heures d'ouverture et de fermeture quant à l'admission du public dans un commerce. Une disposition d'un décret ne peut venir en contradiction avec cette loi, selon l'article 9 de la Loi sur les décrets. La Loi sur les heures a donc préséance sur la Loi sur les décrets, à cet égard seulement. Certes, un décret ne saurait interdire l'admission du public dans un commerce régi par la Loi sur les heures. Or, les décrets ne traitent d'heures d'ouverture et de fermeture que pour encadrer les conditions de travail et non pour régir l'admission du public dans un commerce donné et, partant, de telles dispositions n'entrent nullement en contradiction avec la Loi sur les heures d'affaires.

Le principal grief de certaines entreprises concerne le paiement de temps supplémentaire ou de primes à l'extérieur de certaines heures de la journée ou de la semaine normale prévues à des décrets. La solution au problème, en admettant qu'il puisse y en avoir, n'est certes pas d'abroger toutes dispositions relatives aux heures d'ouverture ou de fermeture. Chaque cas doit être évalué selon l'industrie concernée et traité en conséquence. À titre d'exemple, il se peut qu'un établissement puisse admettre le public 24 heures par jour, et ce, 365 jours par année. Or, il importe qu'un décret définisse des conditions de travail pour régir la journée normale de travail d'un salarié, afin d'éviter des abus en raison des heures d'ouverture de l'établissement.

On retrouve la notion d'heures ouvrables dans la plupart des conventions collectives pour délimiter le nombre d'heures que le salarié consacre au travail, ainsi que le début et la fin de sa période de travail. Elle est donc une composante des conditions de travail qui sont attribuées aux salariés, et il nous apparaît normal qu'elle fasse partie des décrets, sans prétendre pour autant qu'il ne peut y avoir place à amélioration dans certains décrets. Les dispositions touchant les heures d'ouverture et de fermeture, ainsi que les heures ouvrables, qui se retrouvent dans les décrets, doivent être examinées cas par cas, à la lumière des exigences et des besoins de chaque industrie.

En ce qui concerne la composition et les activités du comité paritaire, la durée du décret et les frais de publication des décrets, l'ACPQ est d'avis que la transparence dans les gestes et les activités des comités paritaires, ainsi que leur ouverture à l'acceptation d'un nouveau membre sont un gage de protection pour eux. Les recommandations 26, 27, 28 et 29 auraient avantage à être plus précises afin de permettre à l'ACPQ d'être mieux informée avant d'apporter son opinion.

Quant à la recommandation 32 sur la durée du décret, basée sur la convention collective de base, nous soutenons qu'une fois le décret sanctionné il est indépendant des conventions de base qui ont servi à son élaboration. D'ailleurs, lorsqu'il doit subir des changements, le décret peut être modifié sans que la ou les conventions collectives de base ne le soient. L'un ne suit pas forcément l'autre.

En guise de conclusion, l'ACPQ demande qu'un comité de travail soit créé afin d'établir les principes qui doivent prévaloir dans le régime des décrets et de préparer les modifications à la loi et les directives administratives sous-jacentes. L'ACPQ croit devoir y participer afin d'y apporter l'éclairage de l'industrie. D'ailleurs, elle a déjà préparé des propositions à cet effet, qu'elle a incorporées aux différents mémoires qu'elle a déjà présentés. Merci de votre attention.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, madame. Maintenant, M. le ministre, je vous cède la parole, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci beaucoup. On vous souhaite la bienvenue à cette commission. On a bien analysé votre mémoire. Vous soulevez certaines interrogations. Vous écartez d'emblée les recommandations 9 et 18 du Comité interministériel concernant la double majorité. Qu'est-ce que vous proposeriez en échange? Pas en échange, on ne négocie pas, mais ça serait quoi? Est-ce qu'on le maintient tel qu'il est là ou bien si on ne devrait pas avoir des critères minimums, du moins, pour qu'il y ait une acceptation, un endossement, si on peut dire, de la convention?

Le Président (M. Joly): Mme Fortier, vous pouvez permettre à quiconque d'intervenir.

Mme Fortier (Diane): Oui.

Le Président (M. Joly): Soyez bien libre, là.

Mme Fortier (Diane): C'est pour ça que je leur demandais.

Le Président (M. Joly): Oui, oui.

Mme Fortier (Diane): Je ne veux pas être la seule intervenante. Moi, je pourrais juste dire que notre mémoire partait du principe... En tout cas, les critères de l'article 6 devraient partir du principe de l'intérêt d'une industrie. Je ne pense pas qu'aucun critère mathématique devrait prévaloir dans l'acceptation ou pas d'une requête en extension ou en modification, parce qu'on s'y perdra toujours. Il y a eu de nombreux exemples, d'ailleurs, déjà apportés à ce niveau-là. Est-ce que vous voulez ajouter autre chose?

Le Président (M. Joly): M. Boursier, s'il vous plaît.

M. Boursier (Jean-Pierre): Moi, j'ajouterais ceci là-dessus... Remarquez bien qu'on ne peut pas appliquer, pour répéter ce que Me Fortier a dit, une mathématique pure et simple; peut-être, un ensemble mathématique représentant un secteur donné parce que, pour un secteur donné, le secteur que je connais le mieux, qui est la sécurité, notre association, on la cite en exemple, et les associations patronales représentent une faible majorité du total des employeurs, en tant qu'associations d'employeurs. Mais ces mêmes employeurs représentent plus de 80 % du marché. Si on n'applique qu'une mathématique sur la représentativité des employeurs, ça reste un peu... À cause du genre d'entreprises dans notre secteur, il y a beaucoup de petites entreprises qui sont seules, qui ont une dizaine d'employés, une vingtaine d'employés. Elles ne sont pas intéressées. Elles regardent passer le train et elles sont heureuses de ce que les associations représentent pour elles. Ce n'est pas nécessairement qu'elles sont contre.

Appliquer une mathématique et dire que c'est un nombre d'employeurs ou appliquer, à l'inverse, une représentation seulement mathématique d'employés... C'est la combinaison des deux. C'est pour ça qu'une solution... Peut-être qu'en regardant une prépondérance qui est déjà dans la loi actuelle permet de voir si les conditions et les représentants de chacune, autant du côté patronal que syndical, sont représentatifs du secteur pour lequel ils font une demande. Je pense que la loi actuelle permet cette latitude-là. Essayer d'encadrer ça par une mathématique, il me semble qu'on reculerait.

Le Président (M. Joly): Mme Fortier.

Mme Fortier (Diane): Oui. Je pense que, déjà, lorsque le décret est extensionné, les associations représentant les salariés soient accréditées et que les associations d'employeurs aient une vie associative réelle, ce sont déjà des exigences qui peuvent permettre, finalement, de s'assurer d'une certaine représentativité. Par ailleurs, dans l'intérêt de l'industrie, bien sûr, il faudra avoir des critères qui permettent d'établir ce que c'est. Ça fait longtemps qu'on discute: Est-ce que le décret ou les conditions de travail du décret devraient être un témoin ou un levier de ce qui se paie ou de ce qui se donne dans l'industrie? Ça peut être, finalement, un critère qui peut être utilisé. On n'a pas élaboré complètement sur ce que ça peut être, l'intérêt de l'industrie, mais je pense que, fondamentalement, c'est ce que ça devrait rencontrer.

M. Marcil: Vous semblez dire, aussi, dans votre mémoire, que, dans le fond, il n'y a pas de problème quand – à moins que je ne l'aie mal analysé, à ce niveau-là, que j'aie mal perçu votre idée – au niveau des heures d'affaires, la Loi sur les décrets permet le réaménagement ou l'aménagement des horaires de travail en fonction de la Loi sur les heures d'affaires. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous vouliez dire?

Mme Fortier (Diane): En fait, je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème ou qu'il y en a. Je pense qu'il y a suffisamment de gens, ici, qui viennent vous parler de certains problèmes qu'ils peuvent ressentir, sans dire pour autant que c'en est. Moi, je pense que les heures ouvrables sont une partie, une composante des conditions de travail. Ça permet au salarié de ne pas travailler 15 heures d'affilée sans qu'il y ait une compensation à ça. Si l'industrie veut permettre, accorde ou établit le fait que 15 heures d'affilée, pour un salarié, c'est normal, bien, c'est à l'industrie de prendre cette décision-là, quoique le Bureau international du travail convient que la journée normale d'un salarié devrait être de huit heures. Mais, enfin... Les heures ouvrables permettent de donner du temps supplémentaire ou des primes aux individus qui dépassent un certain nombre d'heures dans une journée ou dans une semaine normale de travail. Je ne pense pas qu'on puisse enlever ça des décrets.

M. Marcil: Je comprends ça. Je peux comprendre que les conditions de travail et l'horaire de travail d'un individu, ça fait partie de son contrat, que c'est fixé en fonction du contrat de travail. Ça, je comprends ça. Mais, les modifications... Je donne un exemple – on va sûrement en entendre parler, cet après-midi ou ce soir – dans le vêtement. Certaines entreprises qui sont assujetties à un décret nous disent: Je ne peux pas ajouter dans mon usine un quart supplémentaire, engager du monde supplémentaire. J'ai un besoin de production. Je fonctionne sur un «chiffre». Je voudrais ajouter un deuxième «chiffre», mais je n'ai pas le droit de le faire en vertu du décret, de la Loi sur les décrets, actuellement.

(10 h 40)

Mme Fortier (Diane): Ce n'est pas dans la Loi sur les décrets qu'on retrouve ces restrictions-là; c'est dans les décrets eux-mêmes. Chaque décret a des particularités. Je ne connais pas très bien le secteur du vêtement pour dames. Je sais que des décrets contiennent des dispositions à cet effet. Je pense que chaque industrie a mis ces dispositions-là à cause des caractéristiques de chacune des industries.

M. Marcil: Donc, ce n'est pas votre avis que la loi actuelle empêche...

Mme Fortier (Diane): Non.

M. Marcil: ...un comité paritaire de modifier, comment je pourrais dire? ou d'accepter de la part d'une entreprise des modifications au niveau de son organisation du travail. C'est uniquement...

Mme Fortier (Diane): C'est le décret.

M. Marcil: C'est le décret en lui-même.

Mme Fortier (Diane): C'est le décret. La Loi sur les décrets permet qu'il y ait des dispositions concernant les heures ouvrables, mais elle ne dit pas, elle ne limite pas ou elle n'extensionne pas ce que ça devrait être.

M. Marcil: Vous ne trouvez pas ça aberrant?

M. Boursier (Jean-Pierre): Je voudrais vous dire quelque chose là-dessus.

Le Président (M. Joly): M. Boursier.

M. Boursier (Jean-Pierre): À l'Association des comités paritaires, on s'est penché surtout sur la base de la Loi sur les décrets. On reconnaît et on demande aux membres, quand il y a des irritants aussi forts dans les conventions collectives extensionnées en décrets – le pain est un bon exemple, vous ne l'avez pas nommé – que chaque décret devrait se pencher sur les problèmes que le décret engendre pour les tiers qui ne sont pas desservis. L'Association des comités paritaires a fait cette recommandation aux membres.

Maintenant, est-ce que le ministère devrait aller aussi loin que défendre nos décrets? C'est ce que vous visez, qu'une loi défende... Là-dessus, on n'est peut-être pas d'accord, parce que, dans certains cas, si, pour l'ensemble, structurer les heures peut être nécessaire... Mais on n'enlève pas la prérogative au ministre si ça n'a pas d'allure et si ça ne dessert pas l'intérêt public. Ça reste le pouvoir des gens de ne pas l'extensionner. C'est une base de décret. Comme le pain, on demande au pain de voir... Le pain avait certainement une raison, qui est peut-être dépassée. On l'a mentionné pendant un certain temps, ça prend, des fois, assez de temps pour avoir une modification, un changement que les gens ne le demandent plus. Peut-être qu'ils le demanderaient, le pain, pour pouvoir laisser la livraison du pain le lundi. Ça, c'est un irritant pour tout le monde, mais c'est un irritant qui est propre à un décret.

Dans le vêtement, c'est peut-être moins un irritant pour les usines qui empêchent de travailler 24 heures par jour, certaines usines. Moi aussi, je suis au courant de ça. Le vêtement va certainement avoir à défendre ce point-là. Chaque point d'extension en décret de conditions négociées, si ça ne sert pas la majorité, ça devrait être défendu par chacun des secteurs. C'est la position qu'on a.

M. Marcil: Ce que j'essaie de comprendre, c'est comment on arrive à développer un décret comme tel, comment on arrive à bâtir un décret qui empêche, je dis bien qui empêche, un employeur... Quand un employeur décide de réorganiser son travail. J'ai une usine, je fabrique des choses. Je suis régi par un syndicat. Mes employés, qui sont syndiqués d'une centrale reconnue, acceptent qu'on puisse ajouter un quart de travail à l'intérieur de l'usine comme telle, mais pas les mêmes employés. Je crée de nouveaux emplois, dans le fond. Comment on en arrive à développer des décrets qui empêchent un employeur de répondre à un besoin du marché, de créer de l'emploi? Comment on en arrive à introduire ça dans un décret? Je ne comprends pas, moi, qu'on puisse empêcher...

Si, moi, comme employeur, je veux ajouter un nouveau quart et créer 50 nouveaux emplois, je dois faire une demande au comité paritaire en question pour avoir l'autorisation d'ajouter un quart supplémentaire et de créer 50 nouveaux emplois. Le comité paritaire prend ça en délibéré, probablement avec une décision pour ou contre. S'il est d'accord, à ce moment-là, il faut qu'on envoie ça au ministre, je suppose. Il faut en faire une publication, la rendre publique pendant 45 jours. C'est toute cette procédure-là.

M. Boursier (Jean-Pierre): Remarquez bien, c'est une modification. C'est au départ, quand cette restriction-là était extensionnée en décret, que toute cette analyse-là aurait dû être faite.

M. Marcil: Aurait dû être faite.

M. Boursier (Jean-Pierre): Remarquez bien qu'on parle des décrets qui sont là, qui sont renouvelés. Ça, c'est un reproche qu'on s'est fait, l'Association des comités paritaires, et qu'on passe à nos membres. On dit: Regardez dans vos décrets ce qui est des irritants, qui ne sert plus à rien et enlevez-le. Ça, on en a pris conscience par le fait que les gens ont commencé à regarder... Il y a des gens desservis par les décrets, qui sont de ceux qui ont dit: Aïe, commencez à regarder ce que vous faites dans les décrets; il y a du bon et du mauvais. Quand il y a trop d'irritants...

Vous voyez ces irritants dans les plus vieux décrets, parce qu'il y a presque des automatiques. Ce n'est pas regardé et ça passe. Mais, une fois que c'est un décret, que c'est passé et que c'est une loi, remarquez bien que le comité paritaire ne peut pas décider de modifier le décret qui est extensionné en loi si facilement que ça. Il y a des barèmes à suivre. Ces choses-là devraient être regardées et ne devraient certainement pas être extensionnées.

Mais, de là à dire: Quel effet ça ferait d'empêcher, dans tous les cas, que les heures d'ouverture soient... Si ça représente le bien de la majorité, que ça le soit. Mais, quand c'est demandé individuellement et que ça ne passe pas ou s'il faut que ce soit révisé, je veux dire, ça n'a plus de Caïn d'allure, que quelqu'un le révise. C'est la position qu'on a là-dessus.

Mme Fortier (Diane): Oui, parce que, quand ces dispositions-là ont été mises dans le décret... Là, votre question est très générale. Votre commentaire est très général, et je ne peux pas répondre pour tous les décrets. D'abord, je ne les connais pas tous par coeur, et il y a certaines situations où, bien sûr, il y a place à amélioration. Mais il ne faut pas oublier que, lorsque ça a été mis dans des décrets, c'était le voeu de l'industrie. Il y a des raisons à ça. Peut-être que l'industrie a évolué et qu'il y a des améliorations à apporter.

M. Marcil: Je comprends ça, madame.

Mme Fortier (Diane): Peut-être que ça n'a pas été apporté.

M. Marcil: Je comprends ça. Il faut toujours que ce soit dans l'intérêt de l'industrie; ça, je comprends ça. Je comprends également qu'au niveau des conditions de travail on ne peut pas exiger d'un employé, d'un travailleur de travailler 14 heures, 15 heures ou 20 heures par jour. Je comprends ça, aussi.

Sauf que, quand je parle d'organisation du travail à l'intérieur d'une usine, d'un commerce comme tel, ça ne veut pas dire qu'on demande à des employés: Aujourd'hui, vous ne travaillerez plus huit heures, vous allez travailler, maintenant, 15 heures par jour. Ça, je peux comprendre qu'il ne faut pas que ces gens aient la latitude de modifier les conventions collectives à tous les jours. Ça, je comprends ça. Je parlais de l'organisation en termes de besoins d'un marché où on veut créer de nouveaux emplois, ajouter des «chiffres». C'est pour ça que je me demandais comment on arrivait à établir un carcan aussi rigide que celui-là.

L'autre question, c'est: D'après vous, qu'est-ce qui justifie l'État de fixer des salaires? Dans le fond, pour certains groupes de salariés, on fixe des conditions minimales – ce qui est le cas au niveau des décrets – supérieures même à celles qui sont fixées pour l'ensemble des salariés. Qu'est-ce qui justifie l'État de faire ça? Dans le moment, c'est le gouvernement, par son geste législatif, si on peut dire, ou exécutif, qui fixe les salaires, les conditions de travail.

M. Boursier (Jean-Pierre): Les conditions de travail que le ministère, que le gouvernement fixe, c'est à la demande des parties qui sont représentées. Si tout le processus est suivi, ça représente ce que toute une industrie veut se fixer comme conditions minimales dans son secteur. Le gouvernement ratifie ce qui est sa position. C'est pour ça que c'est bien important de regarder si, démocratiquement, ça représente la position d'un secteur donné et que ce sont les conditions qu'il veut se fixer. Qui est le mieux placé pour décider des conditions d'un secteur? C'est les gens qui sont dans ce secteur-là, les employeurs et les employés.

M. Marcil: À ce moment-là, dans la loi comme telle, dans les amendements qu'on pourrait apporter à cette loi, est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait se retirer de cette obligation d'entériner les décrets?

M. Boursier (Jean-Pierre): Comment un décret pourrait-il avoir force de loi si le gouvernement ne l'entérine pas? C'est les parties qui demandent au gouvernement d'entériner ce qu'elles ont décidé démocratiquement. Là, je ne vois pas, si le gouvernement n'entérine pas... Ça prend une certaine police, ça prend une certaine supervision. Il y a une loi, il y a toute la loi des décrets. On ne voudrait pas la réécrire complètement. Il y a juste quelques petits changements à faire, mais je pense que ce n'est pas parce qu'elle est de 1934 qu'elle n'est pas bonne, parce que je ne serais pas trop bon!

(10 h 50)

Mme Bleau: Et moi, encore moins!

M. Marcil: Madeleine, elle dit: Elle, encore moins!

Mme Bleau: Il y en a qui me comprennent!

M. Marcil: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Bien sûr, on aura toujours des sympathies partout. Mme la députée de Groulx, s'il vous plaît.

Mme Bleau: Oui. Juste une petite chose qui m'inquiète. À la conclusion de votre mémoire, vous demandez ou vous suggérez qu'il y ait un nouveau comité de travail qui soit formé sur les modifications à apporter à la loi. Je pense qu'au cours des dernières années il y en a eu un, puis un autre, des comités sur lesquels vous avez toujours siégé. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il est temps de passer à l'action? Quelle raison importante vous donnez pour montrer l'utilité d'un nouveau comité?

Mme Fortier (Diane): Je m'excuse. On n'a pas siégé sur chacun des comités de travail. Ça a été des commissions parlementaires ou des consultations faites par le gouvernement. Ce qu'on voudrait, c'est un comité de travail qui élabore les modifications à la Loi sur les décrets. C'est un travail assez exhaustif, bien différent de celui qu'on fait ici. En ce moment, on est en train de discuter sur le régime comme tel des décrets et sur les recommandations du Comité interministériel. Mais, quand on en vient à rédiger une loi, à faire des modifications, à apporter des directives administratives ou une interprétation de cette loi, c'est là qu'on voudrait pouvoir travailler, collaborer avec le ministère qui est chargé de la rédiger.

Mme Bleau: Mais vous avez la commission qui reçoit tous les groupes qui viennent approuver le rapport, critiquer certains articles ou souhaiter des modifications à certains autres. Vous ne trouvez pas qu'à l'heure actuelle, avec cette commission, le ministère et le ministre pourront sortir le bon et préparer une loi en conséquence?

M. Boursier (Jean-Pierre): C'est qu'on offre notre collaboration pour les modifications à apporter à la loi. Remarquez bien, le ministre a fait mention, puis on en est conscients, que, sur la représentativité, 9 et 18, il y a certainement quelque chose à regarder. Avant de ressortir une loi qui encadrait, on offre notre expertise en tant qu'Association des comités paritaires pour les modifications.

On a également, l'Association, travaillé sur certains guides. On voudrait que ces choses-là, que le travail qui est fait soit ressorti et mis de l'avant. Pour les modifications de la loi, remarquez bien, qui est le mieux placé? C'est ceux qui vivent chaque jour les comités paritaires. Il y a des experts dans nos associations. Il y a des gens qui vivent pour voir, une fois que le ministre aura décidé de dire qu'il faut la changer, à travailler sur l'élaboration des lois. C'est l'offre qu'on fait.

Mme Bleau: Mais, ailleurs dans votre mémoire, vous déplorez justement que plusieurs comités avaient été formés, des commissions, qu'il n'en est rien sorti, puis que ça prend du temps effrayant. Ça ne vous fait pas peur, là?

M. Boursier (Jean-Pierre): Bien, là, on voit qu'il en sort un peu plus depuis que la Loi sur les décrets... Ça vient un peu du rapport, c'est depuis le rapport Scowen que la déréglementation a cours au gouvernement. Ça a presque été une politique de libéralisation pour sauver la province en déréglementant. Les gens ont dit: Non, non, il y a besoin d'une certaine réglementation; on ne trouvera pas la solution en déréglementant complètement. Parce que, si on prend cette logique-là, la loi des décrets va sauter, vous ferez sauter le salaire minimum, vous ferez tout sauter! Non, non. Si on déréglemente, on déréglemente. Mais ça, je pense que ça a changé. Cette attitude-là a changé. Tous les rapports et la loi des décrets vivent sur la corde raide depuis ces années-là. Il y a des études et des commissions, mais jamais personne n'a dit...

Là, on a un ministre qui dit: On la modifie, on ne l'enlève pas. Je pense que c'est une déclaration qui a été faite. On dit: O.K., la modification, on est pour ça. Ça fait longtemps qu'on la demande. On veut coopérer à une modification. Le ministre va être l'arbitre final. Il arrivera, si on n'est pas capables de s'entendre, la même chose qu'aux recommandations qu'on fait aux parties. On demande aux parties qui sont là de siéger. Le ministre arrive et dit: Bon, votre irritant dans le décret, c'est telle affaire. Vous me trouvez une solution ou, moi, je vous l'impose. Vous avez tant de temps. Vous allez voir que les solutions vont arriver. Ça, le ministre est capable de le faire.

Mme Bleau: Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la députée de Groulx. M. le député.

M. Marcil: C'est ce qu'on fait avec le pain, présentement.

Le Président (M. Joly): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Ça fait longtemps que c'est dû, ça.

M. Marcil: Il est en train de moisir.

M. Ménard: J'aime bien votre rapport, pour plusieurs raisons. Parce que, contrairement à d'autres qui sont venus chez nous, vous faites la distinction entre la loi et les décrets, entre les décrets, qui ont des irritants majeurs et dont je voudrais parler avec vous, et l'utilité de la loi. Je peux vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre, on est convaincus – en fait, des deux côtés – que la Loi sur les décrets de convention collective a une place entre la Loi sur les normes du travail, qui prévoit les planchers minimums là où ce n'est pas syndicable, et le Code du travail où le rapport de force entre les parties est le meilleur régulateur des relations du travail. Mais la Loi sur les décrets de convention collective a sa place dans les industries où une large partie de l'industrie est difficile à syndiquer, généralement, d'ailleurs, parce que les groupes sont petits. Ces petits groupes pourraient, effectivement, faire une concurrence déloyale aux grands en jouant sur la rémunération. C'est une loi qui est souple, parce que ces conditions salariales sont établies par l'industrie elle-même, plutôt qu'imposées, comme la Loi sur les normes du travail, par une autorité qui vient de Québec.

Donc, on est convaincus que la loi a sa place. Cependant, il y a des irritants qui nous sont signalés, qui sont majeurs et dont je voudrais discuter avec vous. J'en suis convaincu, ils vont au-delà de la philosophie de la Loi sur les décrets de convention collective qui n'est pas là pour remplacer le Code du travail. Ces principaux irritants, effectivement, sont sur le double assujettissement, le même travailleur qui est soumis à deux décrets. Le double assujettissement de l'employeur, ça me dérange un peu moins, parce que, de toute façon, dans la grande industrie, il y a des employeurs qui sont habitués à administrer deux, trois, quatre et cinq conventions collectives. Mais, quand le même travailleur travaille une heure sur un décret et qu'il travaille une heure sur un autre, ça fait des tracasseries épouvantables.

Il y a les heures d'ouverture aussi. Il y a cette tendance, qui est dangereuse, dont j'aimerais que vous nous parliez, qu'une partie d'une industrie prenne le contrôle du comité paritaire et impose sa loi à l'ensemble de l'industrie, enlevant ainsi toute compétition qui pourrait transformer une industrie à l'avantage des consommateurs, tout en respectant des conditions de travail bien supérieures aux normes du travail et comparables à ce que des employés, ayant des qualifications équivalentes, obtiennent dans le jeu normal des relations du travail. Ça, on l'a remarqué. Souvent, c'est ça qui nous fatigue, des deux côtés. On l'a remarqué dans le pain, puis on croit l'avoir remarqué dans l'automobile.

J'avoue que ce n'est pas quelque chose de facile à régler, parce que, très souvent, la partie qui est dominée dans l'industrie est faite de petits employeurs. Remarquez que, tant que ces petits employeurs, on leur impose un certain salaire... C'est le but de la loi, que la compétition ne se fasse pas aux dépens de la rémunération et aux dépens de certaines conditions du travail. Mais, quand on se sert des pouvoirs qu'on a au comité paritaire pour imposer à l'ensemble de l'industrie qu'elle ne puisse desservir les consommateurs pendant des heures qui seraient plus pratiques pour les consommateurs, avec des choses comme celle-là, je trouve que l'on dépasse totalement le but de la loi. C'est évident que, si vous n'êtes pas capable de régler ça à l'intérieur de la loi actuelle, les pressions vont être excessivement fortes sur les députés, dans leur comté, pour qu'on le fasse par amendement législatif.

Alors, peut-être que vous pourriez nous parler du premier problème. Comment pourrait-on régler les problèmes de double assujettissement dont on nous parle? Dans la fabrication d'un produit, un ouvrier va travailler, le matin, sous un décret, l'après-midi, sous un autre et, le soir, sous un autre. Le matin, il va faire le tour de la vitre; l'après-midi, il va être en train de placer la vitre dans le bois ouvré; puis, après ça, il va balayer et il va être sous un autre décret. Là, je suis convaincu que ça cause des tracasseries à des employeurs, qui sont inutiles, puis qui sont loin de vous... Il y a des recommandations qui visent ça. On parle de la prépondérance, je pense. Qu'est-ce que vous en pensez, de celle-là?

(11 heures)

M. Boursier (Jean-Pierre): Juste un mot. Remarquez bien que je suis heureux qu'enfin vous disiez que ça cause également des tracasseries aux employeurs, pas seulement aux employés. Ce qu'on recommande pour le double assujettissement, c'est un conseil d'arbitrage si les parties ensemble ne peuvent pas parvenir à régler... Puis c'est un problème réel des industries. Remarquez bien que les industries visées, depuis un certain temps, essaient de régler ce problème-là, mais ne semblent pas trouver la solution entre elles. Il va falloir, nous autres, qu'on recommande un arbitrage, qu'il y ait un arbitre qui vienne déterminer... Ça n'a pas de Caïn d'allure pour un employeur. Puis peut-être que, l'employé, ça change ses conditions de travail, il fait autre chose. C'est la pauvre personne qui le suit à la paie, pour le payer à différents taux. Mais c'est plus un irritant pour les employeurs, le double assujettissement. L'employé, lui, il travaille, il change et son taux change. En autant que ça va en augmentant ou en qualifiant ses tâches...

M. Ménard: Mais, remarquez...

M. Boursier (Jean-Pierre): ...mais, pour les industries...

M. Ménard: Je ne veux pas vous interrompre pour rien, mais, pour l'employé aussi, ça pose des problèmes.

M. Boursier (Jean-Pierre): Bien, peut-être.

M. Ménard: Je suis convaincu qu'à l'intérieur de l'entreprise, entre les employés eux-mêmes...

M. Boursier (Jean-Pierre): Oui, d'aller sur une tâche...

M. Ménard: ...il doit y avoir une bataille...

M. Boursier (Jean-Pierre): Ah oui.

M. Ménard: ...pour faire la job qui est la plus payante.

M. Boursier (Jean-Pierre): Mais, en tout cas, remarquez bien... Oui. Ce qu'on recommande là-dessus, c'est que, si les parties ne peuvent pas s'entendre dans des entreprises aussi semblables que celles dont vous parliez: le verre plat, le bois ouvré, des entreprises qui sont en concurrence, quelqu'un avec la vitre, ou le châssis, que ça ne soit pas tout sous le même décret... Si elles ne peuvent pas venir à s'entendre – ça, c'est un problème d'entreprises que les entreprises devraient régler – nous autres, la recommandation, c'est l'arbitrage. Mais c'est un problème dont les entreprises sont conscientes. Là, il reste aux individus à s'entendre. Mais, s'ils ne peuvent pas s'entendre, on recommande l'arbitrage.

M. Ménard: Ça fait des années qu'ils se plaignent de ça.

M. Boursier (Jean-Pierre): Oui, mais l'arbitrage n'était pas obligatoire dans la loi.

M. Ménard: Ah bon. O.K. Alors, c'est une amélioration qu'on pourrait apporter, celle-là. Mais vous reconnaissez avec moi qu'un employé...

M. Boursier (Jean-Pierre): Un instant.

M. Ménard: ...à l'intérieur d'une industrie ne devrait pas être soumis à plusieurs décrets.

M. Boursier (Jean-Pierre): Ni un employeur.

M. Ménard: Mais, un employeur, ça dépend de ce qu'il fait faire.

M. Boursier (Jean-Pierre): Oui. Bien, si un employeur a différents... Un employeur dans une même usine, là, si c'est tellement apparent, ne devrait pas être soumis. S'il est capable de produire dans la même usine, si ça se ressemble tellement, là, je ne sais pas... S'il fait du pain, puis des portes, c'est correct, c'est deux décrets.

M. Ménard: Voilà.

M. Boursier (Jean-Pierre): Mais c'est assez rare que les...

M. Ménard: O.K. C'est correct.

Une voix: Des portes, puis des beignes.

M. Boursier (Jean-Pierre): Non. Remarquez bien que, si le même employeur a deux entreprises, une de sécurité et une d'entretien, il devrait être soumis à deux décrets. Mais le problème dont vous parliez, c'est dans des entreprises qui sont presque pareilles.

M. Ménard: O.K.

Mme Fortier (Diane): On parle d'un problème ponctuel, finalement. On ne parle pas de problèmes généralisés, quand on parle autant de double assujettissement que d'heures d'affaires ou d'heures d'ouverture des établissements. On parle de certains problèmes ponctuels. Double assujettissement peut-être dans l'industrie du vêtement ou dans l'industrie du bois ouvré ou du verre plat. Dans l'industrie du bois ouvré et du verre plat, je sais qu'ils ont travaillé pendant plusieurs années à trouver des dispositions dans les décrets qui font en sorte que ça évite justement le double assujettissement. Ils ont réglé beaucoup de ces problèmes-là déjà dans les décrets du verre plat ou du bois ouvré. Il reste un problème, c'est les employeurs dans le bois ouvré qui voudraient faire des unités de verre sali pour leur propre production au taux du bois ouvré au lieu d'au taux du verre plat. C'est un problème qui demeure pour quelques employeurs qui sont assujettis au bois ouvré et qui voudraient pouvoir faire ça.

Mais, sur le double assujettissement dans le bois ouvré et dans le verre plat, il y a eu un gros travail de fait en collaboration avec les deux comités paritaires, avec les associations patronales et syndicales des deux comités paritaires. Alors, il reste peut-être le problème du vêtement, mais ce sont des problèmes ponctuels qu'il faut régler, je pense, ponctuellement. La loi en soi ne peut avoir des règles communes à tous pour régler ces problèmes-là parce qu'il y a tellement de particularités par secteur qu'on ne pourrait pas répondre par des règles communes à toutes ces particularités-là. Alors, ils doivent être réglés ponctuellement, et je pense qu'un effort doit être fait dans ce sens-là.

M. Ménard: Oui. Mais, comme notre...

Mme Fortier (Diane): Quant aux heures... Je m'excuse.

M. Ménard: Bien, on va y revenir, aux heures. Sur le problème du double assujettissement, quand vous me dites que ça fait longtemps qu'ils discutent et qu'ils cherchent à régler leur problème, c'est ça qui m'inquiète, justement. Ça fait longtemps qu'ils discutent. Ils discutent encore, puis ce n'est toujours pas réglé. Toutes les attaques contre la Loi sur les décrets de convention collective s'inspirent des exemples, des histoires qu'on a sur le double assujettissement. Et, si ce n'est pas réglé, la loi risque d'y passer.

Moi, je suis capable de comprendre la distinction que vous établissez très bien entre la loi et les décrets; les malheurs qui seraient réglés par une meilleure intervention du ministère et par une amélioration des décrets. Mais je peux vous dire que les gens qui souffrent de ces dispositions-là, ils ne font pas tous cette distinction-là et ils mettent en danger la loi. Je sais qu'il y a un problème fondamental quand on crée une loi de ce type-là. C'est qu'on crée un organisme, puis tout organisme a tendance à s'étendre ou certainement, s'il n'a pas tendance à s'étendre, à se perpétuer. Ce n'est pas facilement que vous allez convaincre un des deux comités paritaires d'abandonner une juridiction et des cotisations sur un secteur.

Mme Fortier (Diane): Oui. C'est pour ça, si vous me permettez de vous interrompre, qu'on suggère l'arbitrage spécialisé, justement.

M. Ménard: O.K.

Mme Fortier (Diane): Ça enlèverait, permettez-moi, l'odieux au gouvernement d'avoir à arbitrer de tels problèmes. Parce que, évidemment, dans les secteurs du verre plat et du bois ouvré, l'un dit blanc, l'autre dit noir. Personne ne veut céder de terrain. En tout cas, c'est comme ça qu'on peut voir ça. Alors, l'arbitrage spécialisé est une façon de régler ces problèmes-là. C'est aussi pour ça qu'on demande qu'il y ait des interprétations, des directives de données à l'intérieur de la loi pour que les gens puissent savoir comment orienter le problème et sa solution. Parce que, en ce moment, on n'a pas de guide précis sur comment faire les choses. C'est ce qui fait que des problèmes perdurent depuis trop longtemps, effectivement.

M. Ménard: J'ai compris votre solution.

Mme Fortier (Diane): O.K.

M. Ménard: J'ai compris, il vous faut un arbitrage. De toute façon, je comprends; vos critiques rejoignent beaucoup celles de beaucoup de gens qui sont venus. Sans le savoir, ça a été l'inaction du ministère pendant tant d'années, les délais absolument considérables, l'incapacité du ministère à faire les arbitrages qu'il fallait quand il fallait les faire, à diviser les décrets quand il fallait les diviser, à les réunir quand il fallait les réunir et ainsi de suite qui ont causé des problèmes. Ce n'est pas la loi qui a causé les problèmes; c'est l'inaction du ministère, dans la plupart des cas.

Il y a une autre chose qui me préoccupe énormément. On constate, par les plaintes qui sont apportées devant nous, qu'à un moment donné il y a un secteur de l'industrie qui prend le contrôle du comité paritaire, qui est celui qui a demandé l'extension. À un moment donné, vous avez une très forte proportion de cette industrie qui est empêchée d'apporter une concurrence que je trouve légitime. Je la trouve légitime parce qu'ils paient des taux salariaux qui sont bien au-delà des normes minimales, très souvent des taux salariaux qui sont bien au-dessus de ce que le décret représente. Ils ont un syndicat, chez eux, avec lequel ils négocient. Ils veulent étendre les services, mais ils en sont empêchés par le comité paritaire. Et là, le comité paritaire ne devient plus un instrument pour enlever la rémunération de la compétition, mais il devient un instrument, pour une partie de l'industrie qui a pris le contrôle de cette industrie, de la maintenir à son avantage. C'est l'impression que ça me donne.

Puis je constate que les gens des comités paritaires de l'automobile sont encore ici; ils veulent surveiller leurs intérêts et je les comprends. Mais c'est un peu comme ça que je perçois leur lutte avec les concessionnaires d'automobiles qui veulent travailler du lundi au vendredi et qui ne veulent pas que le consommateur aille faire réparer sa voiture le samedi, quand, lui, il travaille, qu'il laisse sa voiture une journée, qu'il rentre dans un garage, puis, si la réparation demande une heure, qu'il passe au maximum une heure et demie dans ce garage-là à attendre et qu'il ressorte avec sa voiture, puis puisse l'avoir à un meilleur prix, là, ils veulent lui imposer les pièces d'origine plutôt que des pièces équivalentes et ainsi de suite.

Et là, vous voyez, les concessionnaires – je suis prêt à réviser mon opinion là-dessus – me semblent s'être emparés du comité paritaire et, par toutes sortes de moyens qui n'étaient pas ceux qu'on prévoyait dans la philosophie, veulent empêcher la concurrence qu'ils ne veulent pas des mécaniciens indépendants, des grandes chaînes qui voudraient offrir un service de mécanique à des heures plus ouvertes. De sorte que ces grandes chaînes-là voudraient bien engager des mécaniciens qui travailleraient jeudi soir, vendredi soir, samedi, puis qui seraient peut-être des jeunes, mais on leur impose de les payer à temps et demi. Et vous ne me ferez pas accroire que, ça, c'est pour sortir la rémunération de la compétition. Ça, c'est pour permettre à ceux qui ont pris le contrôle de l'industrie de continuer à l'opérer du lundi au vendredi bien tranquilles sans que le consommateur ait un autre choix.

(11 h 10)

Mme Fortier (Diane): Si le problème vous a été présenté comme ça, je pense qu'il ne vous a pas été présenté d'une façon exacte. Ce n'est pas parce que les concessionnaires ont pris le contrôle des comités paritaires de l'automobile que la situation se présente comme ça actuellement. En fait, tout le monde peut travailler le samedi et faire de la mécanique automobile, sauf que, évidemment, il faut payer les mécaniciens en temps supplémentaire, les gens qualifiés.

M. Ménard: Pourquoi faut-il ça? Pourquoi un mécanicien ne pourrait-il pas...

Mme Fortier (Diane): Parce que...

M. Ménard: ...accepter de travailler trois jours par semaine?

Mme Fortier (Diane): Écoutez, ce n'est pas moi qui ai mis ces dispositions dans le décret; c'est l'industrie qui les a mises comme ça parce que, au moment où elle les y a mises, ça lui convenait. Peut-être qu'en ce moment, effectivement, ça ne convient plus à tout le monde. Mais il y a une chose certaine: si vous prenez seulement le comité paritaire de l'automobile à Montréal ou à Laurentides–Lanaudière, par exemple, il y a plusieurs associations d'employeurs qui y siègent. L'AIA siège au comité paritaire de l'automobile de Montréal et siège à Laurentides–Lanaudière; je pense qu'elle siège à plusieurs autres comités paritaires, je ne les connais pas tous par coeur.

M. Ménard: Oui, mais ils ont un vote sur huit. C'est ça?

Mme Fortier (Diane): Oui, mais les concessionnaires aussi. À Montréal, il y en a plus d'un, en tout cas. Il y a différentes autres associations qui y siègent: les marchands de pneus, les garages spécialisés. Enfin, il y a plusieurs associations d'employeurs et de syndiqués aussi qui siègent au comité paritaire. Ce n'est pas une prise de contrôle des concessionnaires. Peut-être que, lorsque ça a été mis... Je ne défends pas les concessionnaires, ici, et je ne défends pas l'AIA, non plus. Je veux juste rectifier une situation. Peut-être qu'il n'est plus approprié qu'on paie les mécaniciens – pas des pompistes, pas des gens non qualifiés – en temps supplémentaire le samedi. Ce n'est pas à moi à statuer là-dessus.

Mais, si ce n'est pas approprié, les gens au comité paritaire doivent faire des demandes en conséquence. L'AIA, qui siège au comité paritaire de l'automobile à Montréal – par exemple, si c'est l'AIA qui fait ces représentations-là – peut demander des modifications et toute la table du comité paritaire devra réagir en conséquence.

M. Ménard: Oui, mais vous réalisez que...

Le Président (M. Joly): M. le député de Laval-des-Rapides...

M. Ménard: ...ceux qui ont le contrôle de l'industrie... Pardon?

Le Président (M. Joly): ...une dernière petite question, s'il vous plaît.

M. Ménard: Bien, remarquez que vous avez ça dans le pain aussi.

Mme Fortier (Diane): Pardon?

M. Ménard: C'est nettement l'impression...

Mme Fortier (Diane): Oui. Je ne connais pas le secteur du pain comme tel.

M. Ménard: ...que ça nous donne, dans le pain. Mais vous reconnaissez qu'il y a un danger, dans la structure des comités paritaires, que ceux qui ont obtenu la première extension de la convention collective prennent le contrôle du comité. Même si les autres ont une représentation, même quand le reste devient la majorité, ils sont incapables de prendre le contrôle et de travailler à l'intérieur de l'industrie.

Mme Fortier (Diane): Non. Je pense que...

M. Boursier (Jean-Pierre): Juste un mot là-dessus. C'est ponctuel à des secteurs bien déterminés. Mais, quand vous dites que des parties prennent le contrôle, les parties qui sont là – et il y a bien des gens pour y voir – font respecter un décret, les conventions collectives qui sont extensionnées en décret. Ça a déjà été extensionné. Les parties qui siègent là, ce ne sont plus elles qui décident et des gens peuvent demander, une fois que ça a été extensionné... Mais je suis certain que l'automobile et le pain, quand ils vont venir... Nous autres, ce qu'on recommande à ça, c'est que le contenu des décrets soit révisé et que les gens des comités paritaires concernés voient à enlever ces choses-là. Mais, une fois que c'est là, les gens qui siègent au comité paritaire doivent suivre le décret.

Mme Fortier (Diane): Il ne faut pas... Je m'excuse...

M. Marcil: Le problème, c'est...

Mme Fortier (Diane): Il ne faut pas oublier, non plus...

M. Marcil: ...qu'ils ne le font pas. Même si on leur demande de les réviser, d'essayer d'analyser chacun des irritants et, s'il y a possibilité, d'en enlever, c'est très rare qu'on a des propositions dans ce sens-là.

Mme Fortier (Diane): Non. Dans l'industrie de l'automobile...

M. Marcil: Il faudrait...

Mme Fortier (Diane): ...puisqu'on parle...

M. Marcil: Excusez. On laisse toujours ça, dans le fond, au ministre qui, lui, devrait toujours arbitrer ces cas-là. À ce moment-là, avec le temps, il y en a qui ne veulent pas intervenir et c'est pour ça que les délais sont très longs; il y en a d'autres qui veulent intervenir...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Moi, je me dois d'essayer de contrôler le temps et, pour contrôler le temps, il faut que je contrôle les individus, ce qui est des fois un peu plus difficile. Alors, chacune des deux formations a eu le temps nécessaire. J'imagine qu'on pourra toujours échanger par d'autres moyens, d'autres voies.

M. Ménard: C'est juste que j'aime autant le dire maintenant pour que vous m'informiez éventuellement que mon impression est bonne. J'aime autant vous la donner, mon impression, tout de suite.

Mme Fortier (Diane): On va vous informer avec plaisir.

Le Président (M. Joly): Parfait. Alors, je vais maintenant reconnaître...

Mme Fortier (Diane): Il y a plusieurs éléments qui manquent.

Le Président (M. Joly): ...M. le député – je m'excuse – de Drummond, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui. Merci, M. le Président. Simplement une remarque, M. le Président. Lorsqu'on amende des lois, on s'aperçoit qu'il y a des effets de dominos qui n'étaient peut-être pas prévus, mais qu'on avait relevés à la commission de l'économie et du travail. Ici, je fais appel à toute la déréglementation des heures d'affaires. Si on avait été assis ici il y a quatre ans, peut-être que le temps et demi, l'ouverture le samedi, le dimanche ou les soirs, il n'en aurait pas été question. Alors, là, on commence à voir les implications de l'extension de ces documents.

Moi, il y a deux choses aussi... Le deuxième commentaire, M. le Président, c'est que souvent on a amendé le Code du travail et on n'a peut-être pas fait le parallèle pour aller actualiser aussi la loi des décrets et, surtout, regarder ce qui se passait à l'intérieur des décrets. Je voudrais juste signaler, lorsqu'on regarde pourquoi on est rendus là, le travail de nuit. Le Code du travail est basé, à un moment donné, sur des opérations non continues. Avec l'avènement des transformations des technologies, on a eu le travail continu, on a eu le travail sur une base de 168 heures, et c'est là qu'on a commencé à déphaser.

Ceci étant dit, votre recommandation de former un groupe de travail pour regarder la confection des articles de loi, j'y souscris. Je pense que c'est quelque chose, peut-être d'une façon un peu plus globale au niveau du ministère, qu'il faudrait commencer à regarder: avec la Loi sur les décrets, un comité aviseur; avec la construction, un comité aviseur et aussi, avec l'ensemble, un comité qui chapeaute ça pour être capables de regarder l'ensemble des lois et du Code du travail. J'y souscris.

Une chose que je voudrais vérifier avec vous, c'est que, à l'heure actuelle, on se dirige vers ce que Galbraith appelle la théorie... Moi, je dis les exclus et les inclus; lui, il appelle ça les repus et les exclus. Il m'apparaît, moi, dans la même foulée que l'intervention de mon collège de Laval-des-Rapides, qu'à l'heure actuelle, avec l'extension dans le temps, on est arrivé à ce qu'il y ait des gens qui sont complètement exclus pour toutes sortes de raisons, et je ne veux pas les qualifier, ni les juger. Mais ce que je voudrais vérifier, parce que vous êtes un organisme qui rassemble l'ensemble des intervenants qui sont régis par la Loi sur les décrets: Est-ce que vous ne pensez pas que, pour le législateur – parce qu'on va garder la loi, on veut la moderniser, on veut l'actualiser – il serait temps d'avoir des troncs communs?

Je regarde le secteur de l'automobile pour poursuivre dans la foulée où on aurait un tronc commun; les grandes éventualités des fonds de pension, l'assurance-maladie, les congés fériés, ça, on pourrait mettre ça en tronc commun. On dirait: On va reconnaître, à l'intérieur de ces associations-là... Parce qu'il y a des garagistes indépendants, des petits qui ont peut-être juste un ou deux employés; vous avez des concessionnaires, qui est une autre variable; vous avez, finalement, ce que je vais classifier dans la chaîne des magasins avec extension, Canadian Tire et Sears, etc., pour ne pas les nommer. On dirait: C'est les trois composantes majeures qu'on sera capables de regrouper en tronc commun où on s'assoie et, après ça, avec votre droit d'association représentative, on vous laisse chacune vous organiser. Et là, finalement, on aurait un portrait global, avec un comité aviseur qui serait permanent, qui serait votre association qui servirait auprès du ministre, et, à ce moment-là, on commencerait à bâtir une loi qui serait adéquate et on commencerait à passer à des solutions. Alors, je veux avoir votre réaction au niveau du tronc commun.

M. Boursier (Jean-Pierre): Remarquez bien, l'Association des comités paritaires, ça a été un front commun pour l'ensemble.

M. St-Roch: Je parle d'un groupe.

M. Boursier (Jean-Pierre): Pardon?

M. St-Roch: Regroupé.

M. Boursier (Jean-Pierre): Regroupé par industrie et par genre d'industries.

Mme Fortier (Diane): Dans l'industrie de l'automobile, puisque vous parlez de cette industrie, je pense que vous y faites référence parce qu'il y a sept décrets différents. Vous parlez d'un tronc commun pour les sept décrets différents. Je ne sais pas trop comment vous...

M. St-Roch: Oui. On pourrait dire, un exemple, que l'ensemble du secteur se forme une association, ce qui est le cas à l'heure actuelle. Vous avez un comité paritaire qui regroupe...

Mme Fortier (Diane): Il y a un conseil provincial et le comité paritaire de l'automobile.

M. St-Roch: Bon. Qu'eux disent: Il y aura un tronc commun où les principales choses seront en commun: les salaires, les fonds de pension, pour avoir une masse critique, l'assurance-maladie, les jours fériés, pour être équilibrés. Ça devient mur à mur, ça. Après ça, on reconnaîtrait, par des sous-associations, si vous voulez, trois sous-groupes pour dire: Il y a des particularités qu'on va reconnaître et on va donner quelque chose qui peut être différent d'un milieu à l'autre pour prendre en considération la petite entreprise. Parce que ça pourrait s'appliquer aussi... Il y a un mémoire qu'on a entendu de l'association des manufacturiers indépendants...

Mme Fortier (Diane): Oui.

M. St-Roch: ...qui regroupe des employeurs à partir de un à aller jusqu'à 500.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, est-ce qu'il y avait... S'il vous plaît, monsieur.

M. St-Roch: Je conclus. Si vous voulez y réfléchir, vous me ferez part de votre avis.

Mme Fortier (Diane): Oui. Merci.

Le Président (M. Joly): Oui, parce que, autrement, on va être ici jusqu'à assez loin dans le temps. Si je comprends bien, M. le député de Drummond, vous avez fait valoir votre point. J'imagine qu'il y aura des réponses éventuellement. M. le ministre, s'il vous plaît, en conclusion.

M. Marcil: Oui, en conclusion, donc, je peux remarquer que vous êtes d'accord pour le maintien de la loi, ça, c'est sûr; pour la moderniser, ça, c'est certain. Vous êtes d'accord à peu près avec l'ensemble des recommandations, sauf quelques-unes, 9 et 18; pour certaines, vous aimeriez qu'on apporte certains amendements. Donc, on va tenir compte de ça et on va vous faire part de... Nous avons l'intention de procéder à ce niveau-là; c'est pour ça qu'on voulait absolument faire cette consultation. Votre mémoire va avoir une importance capitale pour nous. Merci beaucoup.

M. Boursier (Jean-Pierre): On vous remercie beaucoup.

(11 h 20)

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de la commission, je tiens aussi à vous remercier. Merci beaucoup.

J'apprécierais si M. Michel Audet, qui représente la Chambre de commerce du Québec, voulait bien s'avancer, s'il vous plaît.

Alors, la commission reprend ses travaux. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je constate que les représentants de la Chambre de commerce du Québec ont pris place. Nous avions ici, comme personne enregistrée, M. Michel Audet, président, et je constate que nous avons aussi une personne additionnelle. Alors, si vous vouliez nous introduire la personne qui est avec vous, M. Audet, s'il vous plaît.


Chambre de commerce du Québec (CCQ)

M. Audet (Michel): Merci, M. le Président. Je me présente: Michel Audet, président de la Chambre de commerce du Québec. J'ai demandé, si vous n'avez pas d'objection...

Le Président (M. Joly): Aucune objection.

M. Audet (Michel): Peut-être, s'il y a des questions plus précises, à un moment donné, sur l'impact des décrets dans certains secteurs, il y a un membre de la Chambre, ici, Jean Tremblay, qui pourrait, à l'occasion, répondre aux questions qu'il peut vivre dans un secteur particulier. On a fait cet exercice, cette analyse-là, à la Chambre. Ce matin, évidemment, je suis le seul représentant officiel de la Chambre ici. Alors, si vous n'avez pas d'objection, je demanderais à M. Tremblay, à l'occasion, de répondre sur des cas concrets.

Le Président (M. Joly): Aucune objection.

M. Audet (Michel): Merci.

Le Président (M. Joly): Ça me fait même plaisir. Alors, vous avez à peu près 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, M. Audet.

M. Audet (Michel): Merci. Alors, j'essaierai d'être bref dans mes propos d'ouverture. Notre mémoire est assez clair, M. le Président. D'abord, je voudrais juste dire, d'entrée de jeu, ce qu'est la Chambre de commerce du Québec. On le sait peut-être, mais je pense que c'est important. Dans le contexte de la présentation qu'on fait, peut-être que ça va expliquer un peu l'éclairage. Cet éclairage, c'est de permettre d'expliquer pourquoi on prend une position comme celle-là. La Chambre de commerce du Québec, c'est, en fait, le regroupement, la fédération de 228 chambres de commerce et d'environ 5000 membres corporatifs qui oeuvrent dans à peu près tous les domaines, qu'il s'agisse du secteur manufacturier, du secteur des services professionnels ou du secteur du commerce; donc, un groupe très diversifié.

Il y a effectivement eu, l'année dernière, quand le Comité interministériel a fait ses travaux – je n'étais pas à la Chambre, à ce moment-là – un travail qui a été fait au sein de la Chambre et une consultation, une analyse, qui a été faite. Après l'analyse qui a été faite par la Chambre, la position qui a été retenue, ça a été que, finalement, malgré toutes les bonnes intentions qu'on voudrait faire valoir pour réformer la loi, la Chambre croit que, finalement, pour un bon nombre de raisons qui ont été mentionnées tout à l'heure, d'ailleurs, elle nous apparaît difficilement réformable et particulièrement désuète dans le contexte actuel du commerce international et, particulièrement, dans le secteur manufacturier.

Alors, notre mémoire a particulièrement été clair là-dessus. Je voudrais justement vous en présenter certains éléments, très brièvement; ensuite, ça me fera plaisir de répondre à vos questions. Donc, nous voulons, d'entrée de jeu, indiquer clairement que la Chambre a été déçue de l'inconsistance, on peut dire, qu'il y avait entre l'analyse du rapport, particulièrement l'analyse du chapitre 4 du rapport, et les recommandations qui ont été retenues par le Comité interministériel. Donc, il y a un travail d'analyse sérieux qui a été fait, mais les conséquences qu'on en a tirées, les conclusions qu'on en a tirées nous semblent à la fois incohérentes et illogiques en regard du diagnostic qui a été posé.

Notre position a été guidée par deux objectifs. On a donc voulu trouver des conditions, en réduisant le cadre réglementaire, pour favoriser la création d'emplois et, dans les secteurs en question, particulièrement, faire en sorte qu'on puisse avoir des secteurs plus dynamiques et plus créateurs d'emplois au lieu d'avoir des secteurs qui sont en train, effectivement, de se vider d'une partie de leurs meilleurs éléments.

L'analyse de l'impact, donc, des décrets qui a été présentée dans le rapport rejoint, sur de nombreux points, la position que la Chambre avait prise. Dans un premier chapitre, donc, le rapport situe le débat sur l'avenir des décrets dans le contexte actuel d'internationalisation des marchés. Je pense que c'est essentiel de le situer dans ce contexte. Dans ce contexte où nos entreprises doivent concurrencer des pays bénéficiant de coûts de production beaucoup plus faibles, les mots d'ordre sont donc: adaptation au marché, ajustement de la main-d'oeuvre, organisation efficace du travail. Il est clair qu'une industrie dans laquelle on entrave la capacité de concurrencer par la rigidité des conditions de travail sera désavantagée, et c'est dit dans le rapport.

D'ailleurs, le rapport conclut, sur ce sujet, que les normes du décret occasionnent des rigidités de fonctionnement pour les entreprises. On ne le cache pas, on l'écrit, et on est tout à fait heureux de le lire. Et je cite là-dessus: «Elles les forcent non seulement – les entreprises – à absorber une augmentation de leurs coûts de production, mais, du moins à certains égards, une part de flexibilité dans la gestion de leur main-d'oeuvre. Comme il s'agit souvent d'entreprises à forte densité de main-d'oeuvre, dont la taille, du moins dans certains secteurs, est modeste, on comprendra que des règles de gestion passablement rigides réduisent d'autant la capacité des entreprises à s'ajuster à une conjoncture caractérisée par le changement.» Et ce que je cite, c'est dans le rapport.

Donc, ce qui découle de l'analyse, c'est que, dans la mesure où on s'intéresse à la création d'emplois et qu'on prend cet éclairage, effectivement – et tout le monde, actuellement, veut trouver une façon de créer des emplois – pour adapter nos structures économiques et notre compétitivité aux changements actuels, il est de la plus haute importance de faire en sorte que la création d'entreprises et leur fonctionnement soient le moins possible gênés par des exigences artificielles qui s'ajoutent déjà à un environnement très concurrentiel.

Le rapport souligne lui-même que le secteur manufacturier est particulièrement vulnérable à la concurrence internationale. Ce secteur, on le dit, embauche 54 000 employés qui sont assujettis, actuellement, au décret, soit environ 10 % des employés oeuvrant dans ce secteur. Et on note une décroissance assez forte, d'ailleurs, depuis 1984, du secteur manufacturier le plus important, soit celui des vêtements. Cette baisse de 36 % est indéniablement attribuable, à notre avis, à la forte concurrence extérieure, qui ne fera que s'accroître, et au déplacement d'entreprises dans ces secteurs.

Encore une fois, je cite le rapport: «Huit secteurs sur 13 sous décrets, dans le manufacturier, seront en effet soumis à une concurrence plus vive à la suite des accords de l'Uruguay Round du GATT et de [...] l'ALENA. C'est le cas notamment de l'industrie du vêtement. Cette industrie est particulièrement vulnérable à de tels accords parce que le facteur travail représente une part importante du coût de production et qu'un accord de libre-échange à l'échelle continentale permettrait – permet maintenant – aux entreprises canadiennes de faire effectuer davantage de travaux en sous-traitance au Mexique.» Alors, ça, c'est dit dans le rapport.

L'impact, donc, du régime des décrets sur les emplois est documenté. Justement, on assiste à une diminution relative de l'emploi au Québec par rapport à l'Ontario. Je pense qu'il est très important de relire attentivement ce rapport et d'autres rapports qui ont été faits sur ce sujet. Ayant oeuvré dans ce domaine-là pendant plusieurs années, je dois vous dire que ce n'est pas une analyse qui date d'hier. Ça fait de très nombreuses années que cette analyse-là est faite, notamment par le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Le rapport fait état des rigidités, donc, du régime des décrets au plan de la lourdeur administrative associée aux contrôles exercés par les comités paritaires. Il s'agit, par exemple, de la possibilité de modifier certaines conditions de travail afin de s'ajuster à la conjoncture ou à des conditions de concurrence particulières. Tantôt, je pense que M. le ministre posait une question très pertinente là-dessus aux représentants des comités paritaires. Le rapport note justement lui-même que «le système actuel n'est guère favorable à de telles adaptations car il n'est pas aisé de faire modifier le contenu d'un décret... La lourdeur de la mécanique pour en arriver au résultat souhaité, de même que le laps de temps en découlant ne constituent pas des facteurs qui facilitent l'adaptation aux changements requis par les entreprises.» Parce qu'il faut comprendre que les entreprises ne peuvent pas attendre des mois et des mois avant d'avoir ces changements, et c'est ce qui se passe actuellement.

(11 h 30)

Rien n'illustre mieux cette rigidité qu'un exemple concret – je pense qu'on l'a cité clairement; il a été cité par le journal Les Affaires et il n'a pas été démenti – c'est celui de l'entreprise Jos. Gingras qui voulait embaucher 40 travailleurs pour travailler 12 heures le samedi et le dimanche et huit heures une journée de semaine. L'entreprise offrait de payer à temps surnuméraire le travail de fin de semaine, l'équivalent de 30 heures, condition qui avait été acceptée par le syndicat. Néanmoins, ces termes allaient à l'encontre des termes spécifiés par le décret régissant cette PME. L'entreprise fut donc obligée de renoncer à l'embauche des 40 personnes. Et ces cas-là, on peut en nommer beaucoup, là. Tout à l'heure, si vous voulez, M. Tremblay pourra vous en citer quelques autres. Donc, la conclusion du Comité était assez claire, et je le cite encore une fois: «L'abrogation de la loi créerait globalement, selon toute vraisemblance, des conditions plus favorables au développement de l'emploi, surtout dans les secteurs qui sont exposés à une concurrence extérieure.»

Donc, cette analyse était particulièrement percutante, mais, nous, on voudrait y ajouter également certains silences qui ne sont pas mis dans l'analyse et qui nous apparaissent aussi importants. On dit dans le rapport que la loi est anachronique parce que, évidemment, elle fut mise en place dans les années trente, au moment où les conditions étaient très différentes. Mais le rapport ne mentionne pas un certain nombre de choses, justement, qu'on voudrait évoquer et qui sont créées, en particulier, par cette désuétude.

Le premier problème, qui est inacceptable, à mon avis, pour notre société, c'est l'utilisation du décret par certaines entreprises pour cartelliser leur marché. Je pense que, tout à l'heure, le député de Laval posait une question là-dessus. Le régime des décrets a pour effet de forcer, d'amener certaines entreprises, certaines parties de l'industrie à contrôler un secteur industriel. Donc, le régime des décrets crée une dynamique de pouvoir favorisant les plus gros producteurs en place dans ce secteur, le tout grâce à un mode de négociation où les conditions de travail sont déterminées par et pour les entreprises déjà établies, et particulièrement les plus grandes, qui étendent aux concurrents naissants et aux entrants potentiels les mêmes conditions de travail qu'elles peuvent déjà elles-mêmes difficilement supporter. Donc, on assiste ainsi, dans des industries intensives en main-d'oeuvre, à une véritable cartellisation de l'industrie par des entreprises établies qui ont recours aux décrets pour protéger leurs acquis et maintenir leurs privilèges. Un tel régime nuit nécessairement à l'émergence de nouvelles entreprises et même au développement des entreprises existantes, donc à la création d'emplois.

Un exemple très clair – on pourra en discuter tantôt – dans le domaine des portes d'aluminium. Au Québec, on est un important producteur d'aluminium; on pourrait avoir une industrie de transformation d'aluminium. Bien, une entreprise qui veut démarrer dans ce secteur-là, il faut qu'elle paie 18 $ l'heure. Bien, il n'y a pas une PME qui va démarrer avec des conditions semblables, c'est clair. Donc, ou bien vous êtes une très grande entreprise et, à ce moment-là, vous embarquez dans un système de distribution internationale et vous venez ici si c'est avantageux de le faire – actuellement, il y a très peu de ces entreprises-là qui investissent dans ce domaine-là – ou bien vous vous installez ailleurs, ce que font beaucoup d'entreprises, justement parce qu'elles ne peuvent pas rencontrer ces conditions-là.

Et, ici, j'assiste à une commission de l'économie et du travail. Moi, je pense qu'il ne faut pas distinguer ce problème-là du problème économique que l'on vit. Les emplois ne sont pas créés par les entreprises existantes; elles ne peuvent plus le faire, justement, notamment, pour toutes sortes de raisons, particulièrement celle-là. C'est les nouvelles entreprises qui vont créer des emplois. Tout le monde dit ça. C'est les PME. C'est les nouvelles entreprises. Je vous mets au défi de trouver un entrepreneur, partout à travers le monde, puis il y a bien du monde qui se promène pour aller les chercher... Ils vont les amener ici, puis ils vont leur dire: Là, on t'a amené ici, «chum», mais ce qu'on ne t'a pas dit, c'est que tu dois payer 18 $ l'heure pour partir une PME. Là, il va dire: Écoutez, ça n'a pas de bon sens! Tu sais, je veux dire, je ne peux pas... Dans trois, quatre, cinq ans, quand j'aurai la taille, quand j'aurai la capacité de payer, peut-être, là, on verra. Mais, là, actuellement, je vais aller ailleurs. C'est ce qu'il fait.

Alors, on a aboli les frontières avec les autres pays, notamment avec les États-Unis et avec le Mexique, avec qui on concurrence, et notre concurrence, elle vient de là, elle ne vient pas d'ailleurs. C'est là que sont exportés nos produits et c'est là qu'on fait nos affaires. Alors, finalement, on a fait un accord de libre-échange. Au Québec, il fait consensus, tout le monde l'a applaudi. La Chambre l'a supporté. J'ai personnellement, moi, contribué à y travailler. Donc, je pense qu'il faut être conscient que c'est, à notre avis, quelque chose qui est fondamental pour l'avenir des exportations québécoises, mais il faut se rendre compte qu'il faut se donner des conditions, par exemple, qui sont comparables à ce qui existe ailleurs. Et on est les seuls en Amérique du Nord à avoir ces dispositions-là. Et ça, c'est très important de s'en rendre compte pour que, dans les changements qu'on va faire, on ne se dise pas: Bien, on va adapter. Mais, en réalité, on a oublié une chose fondamentale, c'est qu'on va être encore les seuls en Amérique du Nord à imposer ce type de contraintes, et des contraintes, on y reviendra peut-être tantôt, encore plus importantes que celles qu'il peut y avoir actuellement.

Un deuxième point qu'on veut souligner, c'est qu'effectivement il y a, je crois – tantôt, sans faire de personnalités, évidemment, on a entendu un – un establishment des comités paritaires qui s'oppose fortement à l'élimination du régime. On peut les comprendre. Si vous faites un sondage, par exemple, dans la fonction publique, actuellement, pour savoir si les gens sont d'accord pour abolir la sécurité d'emploi, vous allez avoir votre résultat assez rapidement. Donc, je pense que c'est un peu le même phénomène. Je pense que tout le monde, là-dessus, essaie de protéger ses acquis. Moi, je pense qu'il faut être conscient de ça quand on prend une décision comme celle-là.

Donc, dans une optique où la tendance va vers la réduction du nombre de comités paritaires, toute abrogation additionnelle menace la survie même de ces institutions. Cette considération semble avoir pris une place prépondérante dans les critères d'évaluation du Comité interministériel. En fait, certaines recommandations du Comité nous semblent vouloir protéger ce réseau d'influence en renforçant le mandat des comités paritaires et en ne se préoccupant que très secondairement de la création d'emplois. Une telle orientation n'est pas spécifique à ce Comité; on la retrouve dans divers documents et rapports tels que le rapport du comité de travail de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. Et je vous dis tout de suite, d'entrée de jeu, que beaucoup de ces gens-là sont membres chez nous, et puis on a fait une consultation, on exprime le voeu de la majorité. Vous allez peut-être me dire: Tel groupe n'est pas d'accord. Ça se peut, mais c'est la position officielle de la Chambre et on veut l'exprimer clairement.

Troisièmement, le Comité a également passé sous silence la question du travail au noir. Enfin, il en a parlé, mais très peu. Dans plusieurs secteurs, tels la construction, les vêtements, les rigidités dans la gestion des ressources humaines et les lourdeurs administratives qu'entraînent les décrets ont pour effet d'encourager le travail au noir. C'est très clair, ça travaille beaucoup au noir dans beaucoup de sous-sols à Montréal. Le travail au noir crée des problèmes bien connus de pertes de revenus fiscaux pour les gouvernements. Selon l'Association des entrepreneurs en construction, le volume du travail non déclaré se traduit par des pertes de plus de 400 000 000 $ pour les gouvernements, en impôts et taxes, cotisations à la CSST, au régime d'assurance-chômage, à la Régie des rentes, à la Régie de l'assurance-maladie, pour la seule année 1992. Mais deux autres tares du travail au noir méritent d'être soulignées. Premièrement, il soumet des travailleurs à des conditions de travail pires que celles qui sont prescrites aux décrets et même en dessous des conditions minimales qui sont prescrites par la loi. Deuxièmement, il crée une concurrence déloyale qui peut faire disparaître des producteurs légitimes.

Donc, devant cette situation, la Chambre a regardé les solutions et elle a dit, finalement: C'est évident, comme on le dit, que le statu quo, tel qu'il est actuellement, ne peut pas être perpétué indéfiniment. Donc, nous, on propose, particulièrement – et on l'exprime très clairement dans notre position – pour les secteurs en concurrence avec l'extérieur, c'est-à-dire le secteur manufacturier, l'abrogation immédiate du régime des décrets. Comme l'a dit le Comité au chapitre 4, une décision en ce sens assurerait le développement des entreprises dans les secteurs visés en leur donnant la flexibilité et la latitude nécessaires afin de concurrencer sur les marchés extérieurs.

Alors, pourquoi, effectivement, on continuerait à maintenir une incertitude dans ces secteurs? On parle des coûts de transition. La Chambre fait siennes, en fait, les recommandations qui sont à la fin du chapitre 4 pour, justement, assurer qu'à l'abolition des décrets la transition se fasse correctement. Il y a des propositions qui sont là, qui sont tout à fait correctes, je pense, pour s'assurer que les travailleurs... C'est ça qu'on craint, qu'il y ait un effet sur les conditions de travail des gens qui seraient désassujettis; je pense qu'il y a une période de transition à gérer. On a vécu ça. On parlait tout à l'heure de la Loi sur les heures d'affaires; il y a une période de transition à faire et elle se vit. Bien, je pense que, dans ce domaine-là, il y aura aussi une période de transition et ça se gère, une période de transition.

Pour les entreprises qui sont assujetties, en fait, nous, on croit que, pour le secteur manufacturier, donc, des 54 000 travailleurs qui oeuvrent dans ce secteur-là, 44 %, de toute façon, sont déjà syndiqués. Donc, le préjudice de ces gens-là... Ils vont pouvoir négocier; ils négocient déjà des conventions collectives. Donc, je pense qu'on exagère largement l'impact quand on dit que ces gens-là vont se trouver, du jour au lendemain, sans aucun cadre ou réglementation. Par ailleurs, il existe, pour les autres, des possibilités d'accréditation; le Code du travail existe et, en plus, il y a la loi des normes minimales de travail qui existe et il y a beaucoup d'autres moyens que peut se garder le ministre pour assurer la transition.

Pour les entreprises domestiques, ce qu'on recommande, on dit que, évidemment, on croit que le régime des décrets, tel qu'on vient de le décrire, sur le plan économique, n'est guère plus justifiable pour le secteur des services que pour le secteur manufacturier. Mais, par contre, compte tenu des contraintes et des craintes que semble susciter l'élimination des décrets et, on doit le dire, de l'impact moindre des décrets dans le secteur des services puisque la concurrence est interne, à ce moment-là, on recommande donc de procéder en deux étapes. Plutôt que de procéder à tout ce chambardement, comme on veut le faire actuellement, qui toucherait tout le monde, nous, on pense qu'on doit procéder en deux étapes: d'abord, procéder à l'élimination des décrets dans le secteur manufacturier et puis garder un statu quo temporaire dans le reste.

Peut-être faire des amendements mineurs, mais, même là, je pense qu'on devait l'éviter, parce que, vous allez voir, quand on touche à ça, on touche à un domaine où il y en a d'autres qui se plaignent. Alors, je pense que c'est peut-être mieux de ne pas toucher à ça pendant un certain temps. Ce qu'on croit, c'est que, pendant une période de temps, pendant que sera gérée la transition, on est convaincu que le gouvernement aura, à ce moment-là, déjà géré la transition pour le secteur manufacturier et ça sera facile pour lui d'abolir les décrets également pour le secteur des services. Parce que, encore une fois, il y a les mêmes problèmes qu'on peut soulever pour le secteur manufacturier, notamment au niveau de la cartellisation qui existe aussi pour le secteur des services.

On pourrait être tenté, bien sûr, par l'approche qui est mentionnée dans le rapport, qui dit, notamment, qu'ils peuvent jouer à ajouter de la démocratisation, avec les votes qui vont être proposés, tout ça; il y a toute une mécanique qui peut être tentante. Parce qu'on peut dire, effectivement: Ça va être plus démocratique. Mais on a une crainte, une quasi-certitude, M. le Président, c'est que la mise en place de cette structure va entraîner la création d'une nouvelle structure bureaucratique encore plus forte et qui va chercher, par la suite, à se perpétuer. Et on se l'explique facilement.

(11 h 40)

Le rapport lui-même conclut, à la fin... Et c'est intéressant de le voir; je pense que c'est le but des recommandations, d'ailleurs. Je pense que, effectivement, en relevant le niveau, la barre pour amener le ministre à prendre une décision pour un nouveau décret, évidemment, on vise à réduire le nombre des décrets, et on le dit clairement: Cette réforme conduira probablement à l'abrogation éventuelle de plusieurs décrets, et le Comité en est conscient. Donc, ce qu'on croit, c'est qu'on va monter une structure de plus en plus forte, de plus en plus importante pour gérer de moins en moins de décrets, donc de moins en moins d'employés. Alors, c'est quelque chose qui nous apparaît tout à fait déconnecté de la réalité actuelle et de ce que le gouvernement veut faire, par ailleurs, dans le secteur public. Alors, voilà, M. le Président, ce qu'on avait à dire.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. Audet. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Oui. On nous dit qu'il y a plusieurs emplois. Parce que je donne l'exemple du bois ouvré.

Une voix: On peut en parler, là.

M. Marcil: On va en parler, là. Je vais donner l'exemple du bois ouvré. Parce que je comprends la position de la Chambre de commerce, sauf que ceux qui font l'industrie, ceux qui composent l'industrie du bois ouvré, c'est les employeurs; ils ont des employés. Lorsqu'on avait fait une consultation à savoir si on devait maintenir ou abroger le décret du bois ouvré, vous vous en souvenez, 52 % des employeurs étaient pour le maintien, 48 % étaient pour l'abrogation. Puis ces gens-là représentaient plus de 50 % de l'industrie du bois ouvré. Et, naturellement, les travailleurs, presque en totalité, étaient pour le maintien du décret parce que ce sont leurs conditions de travail.

Il est difficile... C'est parce que j'essaie juste de mettre en évidence toute cette problématique des fameux décrets. Là, il y en a 52 % qui vont demander au ministre: Maintenez le décret, puis 48 % qui vont lui dire: Abrogez le décret. Donc, il fait quoi, le ministre, lui, dans ça? Ce n'est pas l'industrie du ministre, ça; c'est l'industrie des employeurs, puis des travailleurs, comprenez-vous? Sauf que les 52 % des employeurs qui sont pour le maintien veulent avoir des modifications, par exemple, à la Loi sur les décrets. Ils veulent avoir des modifications également aux décrets comme tels.

Donc, c'est pour ça que, lorsqu'on dit que ça nuit, disons, à la compétitivité, à la productivité, que ça empêche l'implantation, peut-être, de nouvelles entreprises au Québec, que ça nous empêche d'être compétitifs sur le marché étranger en ce qui concerne le secteur manufacturier, bien, les conditions du marché, du moins chez nous, elles sont fixées par cette industrie-là comme telle. Et, demain matin, là, quelle raison majeure on aurait pour abroger, disons, le décret du bois ouvré? Je prends celui-là comme exemple; on pourra prendre celui du verre plat par la suite. On pourrait tous les passer par la suite. Ça serait quoi, la raison majeure?

Et, M. Audet, vous dites que vous ne croyez pas qu'en abrogeant la Loi sur les décrets les conditions de travail des travailleurs et des travailleuses seront affectées. Moi, je peux vous donner quelques exemples dans un domaine où il y a eu une déréglementation et je pourrais citer des cas où certains employeurs – probablement de mauvais employeurs – ont maintenu les mêmes tarifs, les mêmes taux, ils les ont modifiés très peu, et d'autres ont tout simplement coupé de moitié les salaires. Parce que, quand on veut être compétitif, des fois, on veut être compétitif sur le coût de production. Mais, pour certains employeurs, le coût de production, c'est synonyme de baisse de salaire et non pas d'essayer d'améliorer la qualité de production. Donc, certains qui veulent prendre le marché vont être prêts, peut-être, à réduire les salaires de 12 $ l'heure à 5,85 $, qui est le salaire minimum, et 6 $. Ça, on ne peut pas dire que ça ne se fera pas; il est certain que ça va se faire. On en a la preuve.

M. Audet (Michel): Si vous me permettez, M. le ministre, j'aurais peut-être quelques commentaires à faire là-dessus. Premièrement, effectivement, je comprends le problème que le ministre du Travail a là-dessus et je pense que vous n'êtes pas le seul. Tous les ministres du Travail ont toujours vécu ce dilemme de s'impliquer dans un domaine et, justement, de se demander ce qu'ils faisaient là-dedans. Et c'est justement ce qu'on se dit: Le ministre ne devrait pas être là, justement. Parce qu'il y a un Code du travail qui régit les relations entre les employeurs et les employés et il y a une syndicalisation qui doit exister. Et, si, effectivement, comme vous dites, il y a des employeurs qui exagèrent, il y aura – on fait confiance là-dessus aux centrales syndicales – des accréditations et il y aura une convention collective qui va être signée.

Pourquoi ce secteur-là serait, lui, différent des autres secteurs? Parce qu'il y a eu des abolitions de décrets, dans le temps. Il y a eu des ajustements qui ont été faits. C'est évident qu'il y en a, des ajustements, parce que, s'il n'y avait pas d'ajustements, les décrets, on ne se poserait pas des questions tout le temps à savoir pourquoi il faut les abolir. Il y a un problème. Ils créent des problèmes, c'est évident. Mais, si vous posez comme question: Est-ce que ça n'aurait pas des effets d'ajustement? bien, je pense que, oui, ça va en avoir, peut-être moins au niveau des salaires qu'au niveau des conditions de travail, précisément. Parce que c'est invraisemblable que vous conveniez avec vos employés des conditions de travail et que vous en faisiez imposer d'autres par un décret, parce que, dépendamment des conditions... C'est ça, la nature même des décrets.

Alors, ce qui va arriver, c'est que les employés vont devoir s'ajuster en fonction de leur secteur, en fonction de leur industrie. Il va y avoir des négociations. Je veux dire, les règles du Code du travail existent et sont très claires là-dessus: il va y avoir évidemment une négociation, et le taux de salaire et les conditions qui vont être négociés et entendus vont être ceux que le secteur ou l'entreprise va pouvoir supporter. Parce que l'alternative – et là, je reviens à votre dernière question: Qu'est-ce qui arrive dans ces domaines-là? – c'est qu'il n'y a plus de jobs. L'entreprise ferme et va s'installer ailleurs.

Mon ami, Jean Tremblay, pourrait citer le cas d'un certain nombre d'entreprises dans les portes et fenêtres, qui sont installées, maintenant, aux frontières du Québec, soit en Ontario, soit aux États-Unis, et qui alimentent le marché du Québec. Je pourrais vous en donner beaucoup d'autres dans d'autres domaines. Mais ce qui est plus grave encore, c'est qu'il y en a beaucoup qui ne viennent pas, et on ne les connaît pas, ces coûts-là. Le coût d'opportunité, on ne le connaîtra jamais, parce que la PME, elle ne peut pas s'implanter dans un système comme ça, c'est impossible.

M. Marcil: Je comprends, M. Audet, qu'il y a tellement d'irritants dans certains décrets, qui font en sorte que, pour une entreprise, elle ne peut plus fonctionner. Ça, je comprends ça. Et les coûts sont exorbitants; ça, c'est vrai. Est-ce que... Parce que, là, on parle de syndicalisation. C'est certain que, dans une «shop» où il y a 50, 60, 70 employés, c'est facile d'accréditer, c'est facile de demander une accréditation, de se syndicaliser et de négocier une convention collective. Mais, dans une «shop» où vous allez avoir cinq, six, sept ou huit personnes, c'est presque impossible de se syndicaliser. Par expérience, naturellement, on le voit, on le sent. C'est pour ça que... Et on sait, aujourd'hui, que de plus en plus de PME ont de moins en moins d'employés à cause de la technologie, de la modernisation et ainsi de suite, ce qui fait en sorte qu'on a des «shops» qui sont capables de produire de grandes quantités avec peu de travailleurs.

Mais, si on modifiait la loi, ce qui ferait en sorte que ces irritants ne puissent plus apparaître... L'exemple qu'on donnait hier: lorsqu'on augmente de 4 % le salaire minimum décrété, pourquoi ces 4 % s'appliquent dans une entreprise où déjà l'employé est payé deux fois le prix, deux fois le salaire, le taux horaire prescrit par le décret? Ça, c'est un irritant, ça. Pourquoi une entreprise doit demander, négocier, comme je disais tantôt, l'ajout d'un quart de travail? Ça, c'est un autre irritant. Il y a des irritants comme ça qu'on devrait enlever et, si la loi interdisait des choses comme ça, est-ce que l'entreprise comme telle...

Parce que la Loi sur les décrets, si on l'abroge, c'est la loi du salaire minimum qui va s'appliquer et, dans des grosses entreprises, il va y avoir des syndicalisations; elles vont négocier des conventions collectives. Et, moi, comme ministre, je ne peux pas accepter le fait qu'à l'intérieur d'une loi, la loi du salaire minimum, on puisse avoir des chapitres: un chapitre pour les dames qui travaillent dans le vêtement, un chapitre avec un tarif horaire pour les messieurs qui travaillent dans le vêtement pour hommes, un chapitre pour, mettons, des gens qui travaillent dans le bois ouvré. Ça suppose que, moi, comme ministre, je vais jouer le rôle d'arbitre qui va dire: Lui, il mérite de 10 $ l'heure et elle mérite seulement 8 $ l'heure. Je veux dire que ce n'est pas mon rôle, ça, moi, comme ministre, d'établir des tarifs. Alors, nous, on établit un salaire minimum. Ça a déjà existé, mais ça n'existe plus.

(11 h 50)

C'est ça, là. C'est que la loi, elle est venue, dans le fond, pallier à ces différences entre les conditions négociées et ainsi de suite par convention collective, syndicat-employeur, et les petites entreprises où c'est presque impossible qu'il puisse y avoir une syndicalisation. Mais je comprends que, présentement – comme le député de Laval-des-Rapides l'a souligné tantôt – il y a des monopoles. Je comprends qu'il y a des décrets qui sont probablement contrôlés par une minorité ou par certaines entreprises. Ça aussi, c'est des irritants.

M. Audet (Michel): Si vous permettez, M. le ministre, si votre argumentation est bonne, pourquoi ne l'appliquez-vous pas à tous les autres secteurs? Dans le domaine des caissières, dans le domaine des dépanneurs, partout, il y a des gens qui travaillent à 6 $ l'heure, et ils sont contents de les avoir, les jobs à 6 $ l'heure. C'est parce que, là, vous avez des secteurs qui ont été désignés par l'effet du temps, le hasard, la pression, il faut le dire, de certains employeurs importants et, tout à coup, là, on se retrouve avec un historique dans ces domaines-là et, pour eux autres, ça n'existe pas, ça, le marché n'existe pas chez eux. Le marché, il est défini par le ministre. Moi, je trouve que, vraiment, c'est ça qui est un anachronisme. Si ce que vous dites est vrai, à ce moment-là, appliquez-le partout. Parce qu'il y a seulement 10 % des gens qui sont assujettis dans le secteur. Alors, à ce moment-là, dites aux autres travailleurs... Décrétez les conditions pour tout le Québec, et vous allez voir, par l'absurde, que c'est inacceptable.

Donc, je pense que ça démontre que, ça, c'est l'effet du passé. Effectivement, il y a un poids et il y a une transition à faire, il y a un coût de transition. C'est évident. On est conscient de ça. Mais, si la décision n'est pas prise maintenant – et je vais répondre à votre question – si vous êtes capables de corriger... Moi, je dis que vous n'êtes pas capables de le corriger parce que c'est quelque chose qui n'est absolument pas gérable par des fonctionnaires ou par des comités paritaires, je regrette, si compétents soient-ils.

Comment voulez-vous tester... Je vais vous donner un exemple. Prenez, ici, la disposition, à la page... qui est proposée, la quatorzième, notamment, où on va demander à quelqu'un, quelque part au gouvernement, d'évaluer la concurrence qui existe dans ce domaine-là. Comment voulez-vous que quelqu'un se pointe dans ce secteur et aille interroger l'entreprise pour voir s'il y a de la concurrence dans son domaine? Non, mais il va avoir la réponse qu'on va lui donner. Tu sais, je veux dire. Et, s'il fait une analyse approfondie, ça va être une commission royale d'enquête avant d'avoir une décision, M. le ministre. Donc, ce qu'on dit, c'est que chaque... Je prends cet exemple-là, mais je pourrais prendre chacun des exemples.

Je dis que l'idée derrière ça – elle n'est pas mauvaise, l'idée – c'est de dire: On va, effectivement... Si on pouvait, au fond – c'est ça que tout le monde se dit – corriger ça pour faire en sorte, au fond, que les effets négatifs de la loi disparaissent et qu'on garde les effets positifs, bien, là, ça serait l'idéal. Mais ce qu'on dit, c'est qu'en faisant ces changements-là vous allez créer d'autres effets négatifs encore pires parce que vous allez monter un système qui va, à la fin, s'appliquer seulement à quelques grandes entreprises.

Et, moi, je vais vous dire une chose qui m'apparaît étonnante, d'ailleurs. Pourquoi, dans ce domaine-là, c'est légal qu'on impose des conditions et que, dans certains secteurs, et j'en sais quelque chose... Dans un autre cas, je me souviens, à l'époque où j'étais sous-ministre à Industrie et Commerce, qu'on avait demandé à des entreprises, dans un secteur industriel important, de se réunir. Chaque directeur de compagnie, président de compagnie, est arrivé avec son avocat parce qu'il a dit: On n'a pas le droit d'être assis ensemble; on n'a pas le droit, parce que, immédiatement, on peut être assujettis à des poursuites en vertu de la Loi sur la concurrence. Et là, vous avez un domaine où non seulement c'est légal, mais où c'est le gouvernement qui l'impose, la solution. Je veux dire, il y a un problème.

L'adaptation dont vous parlez, il faudra la voir de façon beaucoup plus large que l'adaptation en question. Il faut la voir en fonction de l'adaptation à la concurrence. Ce qu'on veut éviter... Au fond, on dit: On ne veut pas qu'il soit aboli, parce qu'on dit: Il va y avoir de la concurrence. Mais c'est ça, le système; on vit dans un système en concurrence. Évidemment, le jour où ça va se produire, il va y avoir des négociations, mais il n'y a rien d'anachronique à ça, M. le ministre.

M. Marcil: M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Oui.

M. Marcil: Hier, on a écouté certaines associations nous dire que le ministre avait le pouvoir de nommer des gens sur des comités paritaires. Vous en êtes un, vous...

M. Tremblay (Jean): Oui.

M. Marcil: ...qu'on a nommé sur le Comité paritaire de l'industrie du verre plat...

M. Tremblay (Jean): Oui.

M. Marcil: ...comme représentant. Vous êtes deux, à ce que je crois. Quel est votre rôle? Comment vous vous sentez lorsque vous êtes nommé ou imposé par le ministre sur un comité paritaire? Comment les personnes peuvent se sentir?

M. Tremblay (Jean): Je vous dirai que... D'abord, j'espère que je ne serai pas encore poursuivi pour ce que je vais vous déclarer, parce que je suis actuellement poursuivi pour être interdit de siéger au Comité paritaire de l'industrie du verre plat pour des déclarations que j'ai faites et d'autres que je vais faire, que je vais continuer à faire.

Mais on n'est vraiment pas bien accueillis, de la même façon qu'au bois ouvré où je siège, délégué par mon association, par mon patron. Les gens du verre plat ne sont pas, non plus, très bienvenus. On les respecte. C'était l'attitude qu'on avait adoptée envers moi dans les premières années. Sauf que, maintenant, on ne se respecte plus tellement au verre plat, parce que, quand votre prédécesseur m'a demandé un rapport de l'administration, je considérais, à l'époque, que c'était de la non-transparence, en tout cas, et là j'en ai listé beaucoup. Alors, on m'accuse d'être un délateur, d'être un empêcheur de tourner en rond et, finalement, on me poursuit personnellement. Alors...

M. Marcil: La question que je voulais vous poser...

M. Ménard: Inquiétez-vous pas, on vous félicite.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Oui.

M. Ménard: Parce qu'il est là pour ça. Ha, ha, ha!

M. Marcil: Oui, oui, c'est ça.

M. Tremblay (Jean): Non, mais, quand...

M. Marcil: Donc, la question que je voulais vous poser, c'est que, dans le fond, même si le ministre a le pouvoir d'ajouter des personnes à un comité...

M. Tremblay (Jean): Ça ne change rien.

M. Marcil: ...ça ne change rien.

M. Tremblay (Jean): Ça ne change rien parce que ce qu'ils veulent décider sans m'en parler, ils le font quand je ne suis pas là, ils le font en comité exécutif. Je siège là depuis 1989 et je n'ai, évidemment, jamais collaboré à la préparation du mémoire du Comité paritaire de l'industrie du verre plat, qui demande le maintien de la loi, parce que je travaillais au bois ouvré à écrire le mémoire qui disait: Il faut l'abroger, parce que ça n'a pas de sens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jean): Et je les comprends; je ne leur en veux pas, non plus. Mais cette recommandation-là, elle est complètement inutile, naïve, candide, pour rester dans les beaux mots.

M. Marcil: Votre nomination avait été faite en fonction du double assujettissement, là, bois ouvré, verre plat. On voulait que les personnes puissent se parler.

M. Tremblay (Jean): Je présume que c'était la motivation de nommer deux personnes du bois ouvré au verre plat et deux du verre plat, mais ça date de bien avant mon temps; ça date des années 1974 ou 1975, et c'est probablement dans le but de régler des problèmes de double assujettissement. Mais je vous dirai que – et je passe le message aussi à M. Ménard, qui en parlait tantôt avec des gens qui ont dit que c'était ponctuel – depuis que j'y suis, donc depuis 1989, il y a eu des dizaines et des dizaines de réunions, des fois commandées et orchestrées par le ministère du Travail autrefois, aujourd'hui de l'Emploi, des fois des sous-ministres, des fois des fonctionnaires de tous niveaux, et on en a organisé nous autres mêmes, privément.

On s'est assis et, bon, ça finit toujours par des coups de poing sur la table. Parce que, si je vous demande de me donner une seule petite partie de votre corps, mais qu'elle s'appelle le coeur, bien, vous allez dire: Je ne peux pas te donner ça; demande-moi une main, demande-moi un bras, mais ne me demande pas le coeur. Et, quand on leur demande le petit bout qu'on demande, bien, eux autres, ils disent: C'est le coeur. Donc, pour nous autres, des centaines d'heures de réunions, des frais d'avocat des fois, 250 000 $ en cinq ans de consultations, de mémoires, à Chabot, à Samson, Bélair, à tout ce que vous voulez. Et là, je ne calcule pas le temps de la permanence, mais je calcule le prix de la photocopie, par exemple, parce qu'il faut vous envoyer ça en 60 copies. J'ai une petite permanence et je n'ai pas un photocopieur qui est capable d'endurer ça; donc, il faut que j'aille chez une compagnie, mais je reçois une facture pour ça. Au moins 250 000 $.

Le verre plat a fait pareil, a engagé des consultants, a engagé des fiscalistes. Tout le monde engage toutes sortes de gens pour essayer de régler des problèmes de double assujettissement qui, contrairement à ce que vous disiez, sont invivables bien plus pour les patrons que les travailleurs, parce que les travailleurs, eux autres, ils disent: Écoute, boss, on va régler ça vite, là. Au lieu de gagner 12 $ des fois et 18 $ des fois, donne-moi donc 15 $ tout le temps et je vais m'arranger. Mais il faut que quelqu'un les écrive à quelque part sur la feuille, et il y a des inspecteurs des deux comités paritaires qui viennent fouiller dans les livres et faire des recommandations, parler aux travailleurs et dire: Qu'est-ce que tu en penses et qu'est-ce que tu en penses? Es-tu un A ou un B? Bien, là, cet après-midi, je suis un A, mais, ce matin, j'aurais été un B, il aurait fallu que j'aie 2 $ l'heure de plus.

Dans votre comté, Mme Bleau, il y a J.B. Charron, que vous connaissez peut-être. Bien, ils ont deux compagnies en Ontario. Jean-Louis Bonneville, qui va venir avec moi, il en a fermé 60 à Sainte-Marie de Beauce pour en ouvrir... Il est rendu à presque 200 à Colebrook, au New Hampshire, bon, et il en a à Sherbrooke et il en a partout. Alors, je ne reviendrai pas aujourd'hui, parce que je ne veux quand même pas voler le show au président de la Chambre, mais je vais revenir sur votre 52 % et le 48 %, parce que le 52 %, il représente peut-être 30 % du volume des affaires. Il faudrait regarder qui est dedans et tout s'explique. Et le 48 %, il représente possiblement 70 % de la business au Québec.

Alors, le ministre, il doit trancher; le ministre, il va toujours être poigné pour trancher des affaires qui ne le regardent pas. Et la concertation, c'est une lubie. Le partenariat doit s'établir dans une entreprise entre les travailleurs et la direction de cette entreprise-là. On «travaille-tu» le samedi, on «livre-tu» de nuit, on «fait-u» ci ou on «fait-u» ça? C'est là, le partenariat. Ce n'est pas dans le cartel.

M. Marcil: Donc, si on peut, il faudrait établir c'est quoi une entreprise où il est possible d'établir un partenariat, O.K.? entre employés. Donc, ça va prendre un minimum d'employés et, donc...

M. Tremblay (Jean): Mais ce n'est pas à vous de faire ça.

M. Marcil: Non, non, je comprends. Écoutez, moi, comme ministre de l'Emploi, si je peux m'en sortir, je vais m'en sortir, ça, c'est certain, comme on veut le faire dans la construction...

M. Tremblay (Jean): Faites-le.

M. Marcil: ...avec la négociation des quatre conventions collectives. Ça va faire en sorte que le gouvernement, pour une fois, va se retirer de la construction.

M. Tremblay (Jean): Bien oui, mais...

M. Marcil: Il n'aura plus à intervenir en vertu de l'article 51.

(12 heures)

M. Tremblay (Jean): M. le ministre, vous avez tout ce qu'il faut dans ça pour vous en sortir, sauf les 35 recommandations. Toutes les autres pages sont bonnes.

M. Marcil: Ha, ha, ha! Toutes les autres pages sont bonnes.

M. Tremblay (Jean): On dirait...

M. Marcil: Vous avez préféré le chapitre 4.

M. Tremblay (Jean): Bien oui!

M. Marcil: Oui. Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jean): Non, mais on dirait d'un corps d'oiseau avec une tête de cochon; je veux dire, ça finit tout mal, cette affaire-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jean): Et, malgré tout le respect que j'ai pour M. Henry, tout est bon, sauf les 35 recommandations. Ne vous mêlez pas de ça, ça va grossir de 10 fois le service des décrets; on va être emmerdés jusque-là. Pensez-vous, quand on va demander une petite recommandation, que mon association qui a un budget de 150 000 $ par année va être capable de donner un mandat pour prouver à Mme Barbe et à ses autres collègues qui travaillent fort, mais ils ne suffiront pas... On va donner un mandat à Samson, Bélair pour démontrer l'impact économique de la concurrence et de la non-concurrence! Voyons donc! Puis, eux autres, ils vont répondre intelligemment; ils vont travailler fort et ils vont dire: Oui pour un bout, non... Ils ne sont pas équipés. Même Industrie et Commerce n'est pas capable de nous aider, des fois. Ça n'a pas de bon sens.

Le Président (M. Joly): Merci. Mme la députée de Groulx, s'il vous plaît, brièvement.

Mme Bleau: Moi, je peux vous dire que les problèmes que vous nous citez ce matin, je les vis dans mon comté depuis 1986. Je peux vous dire que les différentes approches que j'ai eues avec les différents ministres du Travail, parce que c'est le quatrième, je pense...

M. Marcil: Je suis le premier ministre de l'Emploi.

Mme Bleau: Mais le premier de l'Emploi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bleau: ...ont toujours été dans le sens qu'il fallait régler les choses dans les plus brefs délais. Puis ce n'est pas encore réglé. Je connais les impacts que ça peut avoir sur l'industrie, parce que, dans mon comté, on les vit. Quand vous parlez d'usines en Ontario, c'est déjà fait depuis quelques années; l'industrie, chez moi, serait prête à récupérer ces usines-là si jamais, au moins, on n'en arrivait qu'à un décret plutôt qu'à deux, puis pas de décret du tout, ce serait encore mieux, au moins dans cette industrie-là. Moi, ça ne veut pas dire que je suis contre les décrets partout, mais, au moins, dans cette industrie-là, il faut qu'on fasse quelque chose. Je suis complètement d'accord avec vous.

M. Audet (Michel): Madame, je pense...

Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous plaît, M. Audet.

M. Audet (Michel): Oui, brièvement...

Le Président (M. Joly): Je vous reconnais pour quelques secondes.

M. Audet (Michel): ...si vous me permettez. Je pense que ce que vous dites pour ce secteur-là, parce que vous le vivez... Si vous regardiez dans les autres secteurs, vous vivez des choses un peu semblables, ce qui nous amène à dire... Écoutez, prenez un exemple. On dit, à la page 85, par exemple, qu'il y a «jusqu'à 40 titres d'emploi!». Imaginez, pour la PME, ce que ça veut dire, ça, quand elle est prise pour démêler ça! Alors, il y a un certain nombre de classifications. Alors, on propose justement de les simplifier. Mais comment? Pour la PME, c'est absolument incompatible avec son fonctionnement.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. C'est d'accord, Mme la députée?

Mme Bleau: Merci.

Le Président (M. Joly): Oui. M. le député Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

M. Ménard: Comment pouvez-vous expliquer que le Conseil du patronat nous dise que la moitié, de mémoire... Je ne suis pas sûr, je n'ai pas apporté le mémoire avec moi; on en a trop pour les transporter dans une serviette. Mais il me semble qu'ils nous ont dit que, même dans le secteur manufacturier, il y avait la moitié des entrepreneurs qui étaient pour le maintien de la Loi sur les décrets?

M. Audet (Michel): Bien, écoutez, là, je ne voudrais pas parler pour ce qui se passe au Conseil du patronat; c'est des collègues, puis ils ont leurs règles de fonctionnement. C'est que le Conseil du patronat est représenté par des associations et, dans ces associations-là, ils ont de gros employeurs qui sont favorables aux décrets. Et je les comprends, puis, je veux dire, il ne faut pas les blâmer pour ça, si c'est à leur avantage de le faire; je ferais pareil.

Mais, nous, ce qu'on a voulu éviter... On a eu ces discussions-là, puis il y a des gens qui nous ont appelés pour dire: Nous autres, on n'est pas d'accord; donc, on ne sera pas membres de la Chambre ou on sort de la Chambre. On a dit: Écoutez, on veut prendre une position, justement, qui dépasse ça, parce qu'il faut se situer dans une dynamique économique à long terme. C'est que, si la décision est prise maintenant – ça fait donc plus de 60 ans maintenant – de faire des modifications, il n'y en aura pas d'autres avant longtemps. Et là, il faut se situer dans le contexte économique actuel. Dans le contexte économique actuel, ce qu'on dit, c'est que le virage qui doit être pris, compte tenu de la mondialisation des marchés, compte tenu justement de tout ce qui se passe avec les technologies de l'information, doit être plus important que celui qui est proposé. On propose un vrai virage parce que, sans ça, on va manquer le coche.

Donc, pour répondre à votre question, on est conscients de ça, mais je pense que, quand on dit moitié-moitié, c'est le problème que vous avez décrit tantôt au sujet d'un certain nombre d'associations. Dans les associations, il y a ceux qui sont d'accord parce qu'ils sont favorisés, puis il y a ceux qui sont en désaccord parce qu'ils sont défavorisés. Et c'est ça qui pose le problème. Et ceux qui sont favorisés, bien, évidemment, tendent à contrôler souvent le vote, puis ça pose un problème de gestion, qu'on veut régler par les propositions qui sont là, mais qui, à notre avis, vont être absolument impossibles à mettre place à moins de monter une bureaucratie qui va être épouvantable et dans laquelle le ministre lui-même va être empêtré parce que, avec des pressions qui vont venir d'un bord et de l'autre, il va être pris pour arbitrer avec encore 50-50.

M. Ménard: Je m'attendais à cette réponse, remarquez, mais je voulais vous l'entendre dire. Mais à celle-ci, je ne sais pas quelle est la réponse que vous allez me donner. Si je comprends bien, vous réalisez, pour vous, que, si on abolit la Loi sur les décrets de convention collective, dans tous les secteurs de l'industrie où il y a beaucoup de petites entreprises qui ne sont pas syndicables, la seule chose qui va permettre d'avoir ici des salaires décents, ça va être la Loi sur les normes du travail.

M. Audet (Michel): Écoutez, là-dessus, je pense que la réponse est en deux temps. D'abord, un, c'est ce qui existe pour les autres travailleurs du Québec, il ne faut pas se le cacher. Là, ça fait un saut parce qu'ils sont actuellement assujettis à d'autres types de... Mais les autres travailleurs du Québec, c'est ce qu'ils ont pour les protéger, c'est la Loi sur les normes du travail aussi. Donc, ils ne seront pas différents des autres sur ce plan-là.

Deuxièmement, il y a des propositions qui sont à la fin du chapitre 4, justement, pour...

M. Ménard: Trouvez-vous ça souhaitable...

M. Audet (Michel): ...gérer la transition. Pardon?

M. Ménard: Trouvez-vous ça souhaitable que les gens bien payés soient dans les entreprises syndicables et que les salaires minimums soient dans les entreprises que, simplement à cause de leur taille, on ne peut pas syndiquer?

M. Audet (Michel): Écoutez. Si vous me permettez, là-dessus, j'aimerais peut-être vous répondre un peu par, justement, encore une perspective un peu dynamique. C'est évident qu'à court terme vous faites part de situations qui peuvent se produire, effectivement, à l'égard de certaines entreprises, mais il faut se situer dans un contexte dynamique. Les grands groupes d'aujourd'hui, les grandes entreprises québécoises qu'on cite en exemple aujourd'hui, Bombardier et les autres, ils ont commencé comme des PME. Au départ, ils ne payaient pas des salaires élevés. Ils se sont développés, justement, parce qu'ils ont eu des conditions favorables à leur investissement. Et, maintenant, ils sont devenus des grandes entreprises, puis ils sont syndiqués.

Donc, les PME, ça peut prendre un certain temps, mais, tôt ou tard, le marché va les rejoindre. C'est que, si, effectivement, il y a de l'argent à faire dans ce secteur-là, il va y avoir d'autres entreprises qui vont s'implanter. Il va y avoir plus de concurrence et plus de création d'emplois. Et les syndicats vont s'en rendre compte, puis ils vont rentrer, puis ils vont les syndiquer. Puis c'est tout à fait logique et c'est ce que permet la loi.

M. Ménard: Oui, mais, là, vous donnez un exemple qui n'illustre pas le mieux votre propos, parce que Bombardier, justement, ils ont commencé dans un domaine nouveau. Ils sont partis dans un domaine totalement nouveau. Et il n'y a rien qui empêche, dans la Loi sur les décrets de convention collective ici, n'importe quelle petite entreprise de partir une nouvelle business. Softimage aussi, ils n'étaient pas liés par la Loi sur les décrets de convention collective, puis ils ont vendu...

M. Audet (Michel): L'exemple que j'apporte, c'est en regard de la taille, c'est quand une entreprise démarre dans les secteurs assujettis aux décrets. Un entrepreneur qui s'implante, ce n'est pas une génération spontanée. Habituellement, il travaille déjà dans une entreprise dans le secteur. Il décide de partir son entreprise avec quelques employés. Du jour au lendemain, si on lui dit: Tu appliques les décrets de convention collective, c'est évident qu'il n'y en aura pas, il ne partira pas. Mais, lui, il part parce qu'il a une idée. Justement, il veut exploiter un créneau. Actuellement, on bloque cette avenue-là, complètement.

M. Ménard: Mais voilà justement le problème soulevé. Vous nous dites... Moi, là, d'ailleurs, je ne vois pas de problème quant à ceux qui inventent, puis qui partent un nouveau produit, puis je pense que vous ne le voyez pas plus que moi. Mettons la boulangerie. Dans la boulangerie, là, vous allez avoir des petits. Ça peut être opéré par de grandes entreprises efficaces, compétitives sur le plan international. Avec un certain nombre d'employés, ils vont être syndiqués. Ça peut être aussi opéré par des petites unités. Mais, ça, la boulangerie, ça existe depuis plusieurs siècles.

Alors, en abolissant la loi, j'ai peur qu'il y ait certains types d'activité comme ça qui soient continuellement voués à une rémunération minimale, alors que la Loi sur les décrets de convention collective me permettait de faire le pont entre la Loi sur les normes du travail, qui est vraiment le plancher minimum, puis la loi des relations ouvrières où les entreprises sont assez grandes pour permettre la syndicalisation et un rapport de force. Et ça, c'est le système que je préfère, et je pense que vous aussi, au fond.

(12 h 10)

M. Tremblay (Jean): Non. Écoutez...

M. Ménard: Non? Vous préférez que le boss soit...

M. Tremblay (Jean) : Non, non. Ça, là-dessus, c'est...

M. Ménard: Ha, ha, ha! Vous préférez que le boss soit roi.

M. Audet (Michel): Si vous permettez là-dessus, je pense qu'il ne faut pas...

M. Ménard: Bien, là, je ne pense pas que vous réussissiez à me convaincre dans cette vie-ci.

M. Audet (Michel): Il faut se situer, encore une fois... Je pense qu'il va y avoir... Et ce qu'on propose, nous, effectivement, c'est qu'il y ait un système de gestion de la transition. C'est évident qu'il y a un problème de transition. Par exemple, il pourrait y avoir des dispositions qui permettent, pendant une période de temps donnée, par exemple, de figer des conditions, justement, et qui vont éviter, justement, que des gens peut-être moins scrupuleux tentent d'abuser. Mais ce que je vous dis, c'est que, si ces gens-là tentent d'abuser, notre régime va faire en sorte que, pour ces gens-là, il va y avoir...

Parce qu'il y a des protections. Évidemment, vous dites que les normes minimales, ce n'est pas beaucoup. Mais, nous, ce qu'on vous dit, c'est que la loi des normes minimales du travail, elle couvre actuellement tous les autres travailleurs. Je veux dire, c'est ça qui est un peu incohérent. Si ça n'a pas de bon sens pour eux qu'ils soient assujettis à ça, à ce moment-là, il faudrait appliquer ce régime-là à tout le reste du Québec. Je veux dire, ou bien elle protège, la loi des normes minimales du travail, ou elle ne protège pas. Et il y a beaucoup de comparaisons qui sont faites, d'ailleurs, entre la loi des normes minimales du travail et la loi des décrets de convention collective et qui montrent notamment qu'il y a un coût de gestion beaucoup plus élevé.

M. Marcil: Je comprends, sauf que la seule différence, c'est que, lorsque vous partez dans un secteur où il n'y a rien, où il n'y a pas d'encadrement, où il n'y a pas de réglementation, je peux comprendre qu'à un moment donné on peut progresser. Mais, lorsque vous avez déjà un niveau où vous avez déjà des conditions de travail, puis que demain matin on dit, parce qu'on abroge la loi: Ça n'existe plus, ça suppose que vous acceptez en nous demandant ça, puis que, nous, on accepte en répondant positivement à votre demande qu'une bonne partie des travailleurs et des travailleuses vont subir un recul au niveau des conditions de travail. C'est seulement ça dont il faut être conscient. Donc, c'est bien différent que s'il n'existait rien pour encadrer tout ça. Je peux comprendre, puis dire: Là, c'est la loi des normes minimales du travail qui vaut pour tout le monde, puis allez-y. Mais, là, c'est parce qu'on part d'un régime, puis, si on l'abolit, il faut vivre avec les conséquences. Les conséquences, ce n'est pas moi qui vais les vivre, dans le sens que j'ai une bonne job, peut-être pas ici, mais je vais en avoir une autre bonne après quand je vais quitter, parce que je suis en congé sans solde.

M. Ménard: C'est facile d'en avoir des meilleures qu'ici.

M. Marcil: Oui, c'est facile d'en avoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Même vous, M. Ménard...

Mme Bleau: Ça, c'est sûr.

M. Marcil: M. le député de Laval-des-Rapides, je suis convaincu qu'il a raison dans son cas, surtout, là, voyez-vous?

M. Ménard: Des meilleures heures de travail aussi.

M. Marcil: Oui. Mais vous commencez. Attendez, là. Parlez-en à votre collègue de gauche. Ça fait assez longtemps qu'il est ici. Vous allez voir que c'est...

M. Ménard: Des fois, vous travaillez fort.

M. Marcil: Vous n'avez pas connu encore les sessions intensives. Vous allez voir ça, veiller jusqu'à, des fois, deux heures du matin, trois heures du matin.

La Présidente (Mme Bleau): Six heures.

M. Marcil: Mais c'est ça que je veux dire, là.

Une voix: Neuf heures.

La Présidente (Mme Bleau): Neuf heures, même.

M. Marcil: Il faut vivre avec ces conséquences-là. Il faut être conscient que ça va arriver, peut-être pas dans tous les domaines, parce que, dans toutes les entreprises qui sont régies par les décrets, puis où les travailleurs sont déjà syndicalisés, pour eux, il n'y a aucun problème parce qu'ils ont déjà des conditions de travail supérieures aux conditions minimales décrétées.

M. Ménard: Mon temps de parole...

M. Marcil: Ah! Excusez-moi, M. le député.

M. Audet (Michel): Moi, je ferais confiance au dynamisme des leaders syndicaux qui vont immédiatement se trouver, justement, une nouvelle niche pour la syndicalisation de ces entreprises-là. Parce que, actuellement, évidemment, il y a beaucoup de ces travailleurs-là qui ne sont pas incités, justement, à se syndiquer parce qu'ils sont assurés d'avoir le régime général. Donc, même sur ce plan-là, c'est peut-être avantageux même pour la syndicalisation.

La Présidente (Mme Bleau): Si vous me permettez, M. Audet...

M. Audet (Michel): Oui.

La Présidente (M. Bleau): ...j'aimerais redonner la parole, pour quelques minutes, au député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Deux choses. Évidemment, M. Audet, vous n'avez pas répondu à ma dernière question, mais, comme je l'ai dit souvent quand j'étais avocat, ne pas répondre, c'est une réponse, et je me contente de celle-là. D'ailleurs, je ne m'attendais pas à autre chose que ça. Ensuite, je veux simplement signaler une chose, c'est que je n'ai pas dit que c'était plus difficile pour les employés d'être soumis à la double juridiction qu'aux employeurs. C'est évident que c'est plus difficile pour les employeurs. Mais je voulais signaler que ça peut poser des problèmes aux employés aussi. Mais, de toute façon, je reconnais que la double juridiction à différents décrets sur le même employé, c'est quelque chose qui devrait être éliminé.

La dernière chose que je voulais vous signaler: moi, j'ai lu cette loi pour la première fois quand j'ai préparé les auditions et je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup de pouvoirs qui étaient donnés au gouvernement, beaucoup de pouvoirs qui étaient donnés au ministre. Et, franchement, quand j'écoute tous les irritants qu'on nous rapporte, je n'en connais pratiquement pas un – il y a peut-être deux, trois améliorations qu'on pourrait apporter à la loi, ça, c'est vrai – qui ne pourrait pas être réglé si le gouvernement avait mis ses salopettes, dans ce cas-ci. Parce que le gouvernement, on lui a toujours donné une assez large discrétion, justement, pour que le gouvernement, qui est quand même élu tous les quatre ans et qui cherche à se faire réélire et, donc, à prendre les intérêts de la population, puisse arbitrer ces choses-là et les approuver.

Je regarde ici, l'article 21. Quand un décret est devenu inutile, «le gouvernement peut, après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre – on ne parle pas du milieu de l'industrie où ça vient, mais on parle du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre – abroger tout règlement en vigueur d'un comité paritaire ou toute disposition contenue dans un tel règlement». À part ça, il y a d'autres articles qui permettent d'abroger purement et simplement un décret là où il n'est plus justifié.

Moi, je suis prêt à acheter n'importe quand la théorie qu'à partir du moment où l'industrie est assez grosse pour que le Code du travail joue on n'a plus besoin du décret. On a besoin des décrets de convention collective là où il y a un risque que les entreprises toutes petites, qui ne sont pas syndicables, viennent effectivement faire entrer dans la compétition la rémunération. Là-dessus, on se rejoint, vous savez, le ministre et moi, depuis longtemps.

C'est évident qu'on ne compétitionnera pas avec les salaires qui sont donnés à Taiwan et en Inde. Puis je ne pense pas que vous aimeriez le genre de main-d'oeuvre qu'il y a là. On ne fera pas des tapis de Turquie, puis des tapis des Indes avec des enfants de 12 ans ici. On va peut-être continuer à en acheter, mais on va essayer de trouver des machines pour faire mieux que les doigts des enfants, par exemple. Et, quand on les aura trouvées, on va les faire opérer par des employés qui seront bien payés.

Je pense bien que le critère est là. Je cherche un critère souple. Il me semble que, si vous nous indiquiez tous les irritants, ce serait, pour ceux qui vont suivre ou qui vont demeurer... Parce que je ne veux pas spéculer sur les résultats des prochaines élections; c'est une grosse responsabilité qu'on nous donne quand on nous élit, je ne veux pas spéculer. Mais, pour ceux qui vont rester ou qui vont nous suivre, ce qui est important, c'est de connaître les irritants, puis de voir comment on pourrait les régler, puis je pense que la majorité, on pourrait les régler autrement que par la loi.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Alors, M. Audet.

M. Audet (Michel): Alors, écoutez, on a mentionné plusieurs irritants. Évidemment, le double et, parfois, le triple assujettissement est un cas patent, mais ce n'est qu'un des cas. Vous parliez tantôt de la PME, précisément, et vous disiez effectivement les conditions. Mais il faut se placer dans la situation inverse où une PME, actuellement, se fait imposer... Non, ce n'est pas un niveau de salaire parce que, dans beaucoup de cas, le taux de salaire ne pose pas de problème; c'est le mode de fonctionnement, le type de gestion. On lui impose un cadre d'organisation du travail qui n'est absolument pas approprié à son fonctionnement, qui convient à une grosse organisation, mais qui ne convient pas à ces gens-là. On la force à remplir un paquet de papiers, on la force à faire un paquet de justifications qui ne sont pas pertinentes pour une PME comme ça. Écoutez, on le sait, chaque fois qu'on demande un petit questionnaire à une PME, et c'est le cas du gouvernement, puis c'est le cas aussi pour les associations, ils nous répondent tout le temps qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de ça parce qu'ils ont trop de travail à faire. Alors, ces gens-là sont assujettis à un cadre réglementaire par ce biais-là, qui est carrément disproportionné, qui est déconnecté.

Et tantôt, je vais vous dire, vous disiez, effectivement: Bon, s'il n'y avait pas... Le problème, c'est que cette loi-là a été faite en 1934. Donc, ce qui est là, ça a à peu près passé à travers le temps, et tout le monde se disait: C'était justifié à l'époque. Et, à chaque fois qu'on regarde ça, bien, on dit: Effectivement, si on l'enlève, tout à coup il y a des abus. Mais, en réalité, il y a des façons de corriger ça. Je veux dire, il y a d'autres lois qui ont été abolies, il y a des décrets qui ont été abolis dans le passé. Et, quand il y a eu l'abolition des décrets, ce problème-là s'est posé. Il a été géré au cas par cas. Moi, je pense que c'est à ça qu'il faut faire confiance. Il y a un système de gestion cas par cas qui va devoir exister et, même, certaines dispositions pourraient être prévues pour justement prévoir la transition, précisément comme il est prévu là. Les comités paritaires, ce monde-là, probablement que beaucoup d'entre eux ont leur permanence; ils vont pouvoir leur trouver un travail pour assurer, justement, la gestion de la transition.

(12 h 20)

Mais, lorsqu'on a voulu se situer, on n'a pas voulu embarquer dans chacune des 36... On les a regardées, les 36 recommandations. Mais je vais vous dire, moi: Quand vous allez en avoir appliqué une, vous allez soulever un autre irritant qu'il va falloir corriger éventuellement. C'est que c'est tellement déconnecté par rapport à la dynamique dans laquelle fonctionne l'entreprise nord-américaine actuellement. Prenez, par exemple, les technologies de l'information, le travail à distance; ça a tout changé le mode de fonctionnement...

La Présidente (Mme Bleau): M. Audet, voulez-vous apporter une conclusion, parce que j'ai à donner la parole au député de Drummond et on a déjà dépassé notre temps de beaucoup?

M. Audet (Michel): O.K. Ça va. J'ai terminé, madame.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. Audet, de comprendre. Alors, je cède la parole au député de Drummond pour une petite question, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, Mme la Présidente. Je suis complètement d'accord avec M. le ministre lorsqu'il dit qu'une des problématiques qu'on a à vivre... On a à peu près 131 000 personnes qui sont déjà régies par des conditions de travail. Moi, je suis complètement en désaccord avec vous, M. Audet, parce que enlever les décrets avec des méthodes de transition, c'est niveler par la base, c'est faire en sorte qu'il y aurait des travailleurs et des travailleuses qui vont se ramasser au salaire minimum. Quand vous parlez d'application des normes du travail, en autant que je suis concerné, pour tout ce qui regarde fonds de pension et assurance-maladie, il n'y a rien dans les normes. La compétition étant ce qu'elle est, c'est ce qui va arriver.

J'aimerais vous rappeler, parce que l'exemple va s'appliquer, exactement la même chose... Dans un phénomène de style d'administration où on a dit qu'il fallait faire des acquisitions et faire des masses critiques, on a vu un paquet d'entreprises, à un moment donné, qui y sont allées tous azimuts, et on sait ce que ça a fait. Ça a fait qu'aujourd'hui on est obligés de geler des conventions collectives, on est obligés de prendre des baisses de salaire pour être capables de demeurer concurrentiels. Or, demain matin – vous savez, je veux bien voir – on fait sauter les décrets, puis on fait une période de transition. Mais qu'est-ce que vous faites avec vos nouveaux venus?

J'aimerais vous rappeler aussi une des problématiques qu'on a à vivre ici, au Québec, puis on le voit au niveau de la santé à l'heure actuelle: on est obligés de commencer à considérer, nous, les législateurs et le ministère de la Santé, d'avoir une assurance-médicaments d'État, parce qu'on s'aperçoit de plus en plus que nos travailleurs et travailleuses, parce qu'on s'en vient niveler par la base, n'ont plus les moyens de se payer les médicaments nécessaires. Alors, on regarde pour avoir quelque chose qui va être étatique, au même titre que l'assurance-maladie, pour être capables de donner l'équité à l'ensemble des Québécois et Québécoises. Alors, moi, je préférerais plutôt dire: On peut jeter le bébé avec l'eau du bain.

Je regarde, moi, le verre plat versus le bois ouvré, et tout ce que j'ai entendu, à un moment donné, voilà quelques années passées lorsqu'on a regardé cette problématique-là, c'était l'entrepreneur de portes et châssis qui disait: Moi, je veux fabriquer mon verre plat, je veux l'installer dans mes fenêtres, je veux le mettre sur le marché, puis je ne veux pas être assujetti au décret du verre plat; je voudrais, moi, que ce soit les normes de travail pour toutes les tracasseries administratives de répartition d'heures.

Je vais vous donner un parallèle, à un moment donné, qu'il faudrait peut-être commencer à regarder dans une globalité. Quand je regarde, moi, au niveau des usines à l'heure actuelle, vous avez des électriciens, vous avez des plombiers, vous avez des mécaniciens de tuyauterie fixe, nommez-les...

La Présidente (Mme Bleau): Merci.

M. St-Roch: ...ils ne sont pas assujettis à la loi de la construction, parce qu'ils font leur travail dans une usine où le milieu de travail est confiné.

Moi, je ne peux pas croire qu'en tant que législateurs on ne serait pas capables de dire et d'arriver... C'est là que je vous donne raison quand vous dites: Il va falloir que le législateur – on dit le ministre, mais c'est le législateur – le gouvernement mette ses culottes et dise aujourd'hui qu'il va prendre... Il va falloir que quelqu'un soit obligé de trancher et de dire: C'est bien de valeur, mais, dans le cas du bois ouvré et dans le cas du verre plat, il n'y aura pas 300 décrets; il va y avoir un décret. Le salaire qui va s'appliquer... Si un manufacturier fait un produit de A jusqu'à Z, il n'est pas assujetti au verre plat. Je le sais que, chez ces gens-là, ça va brasser. Je vais reprendre vos paroles, ce sera des coûts de transition.

Moi, je pense qu'il y a moyen d'être imaginatifs aussi en 1994. Si on est capables, dans des conventions collectives, à l'heure actuelle, reconnues par le Code du travail, de négocier un phénomène d'ancienneté et, règle générale aussi, il y a un salaire qui est proportionnel au niveau de l'ancienneté, c'est peut-être là qu'il va falloir être imaginatifs.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député!

M. St-Roch: Et c'est ça qui va être ma question, Mme la Présidente: Est-ce qu'il ne serait pas possible de penser, dans le cas de l'établissement de nouvelles entreprises...

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Drummond!

M. St-Roch: ...bien, qu'on aurait, dans des petites, à ce moment-là, des salaires qui seraient proportionnels et différents pour amener, à un moment donné, sur un échéancier de trois à cinq ans, un salaire maximum?

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député de Drummond. Le ministre devant nous quitter et voulant vous dire un dernier bonjour, je lui laisse la parole.

M. Marcil: Oui, bien, c'est ça, pour vous remercier...

M. St-Roch: Vous pouvez m'écrire les réponses.

M. Marcil: ...de vous être prêtés à cet exercice. On prend note de votre mémoire. Ça va faire partie de notre documentation, de notre réflexion. Si on peut trouver une façon, justement, de libérer cette loi-là, tous ces décrets-là de ces irritants-là, à l'avantage de tout le monde, on va le faire, ça, c'est sûr. Moi, je vous remercie.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, je vous remercie aussi. Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 15 h 24)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Bonjour. Alors, la commission de l'économie et du travail reprend ses travaux avec le Comité paritaire des coiffeurs du district de Hull. Alors, j'inviterais les représentants à se présenter et le porte-parole à présenter aussi ceux qui l'accompagnent.


Comité paritaire des coiffeurs du district de Hull

M. Charron (Sylvain): Alors, bonjour. Je voudrais vous présenter les gens qui vont représenter le comité paritaire de la coiffure de l'Outaouais. Il y a d'abord Mme Mongeon, qui est présidente...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Vous êtes monsieur, vous-même, excusez?

M. Charron (Sylvain): Sylvain Charron, directeur général du comité paritaire de la coiffure depuis 15 ans.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci.

M. Charron (Sylvain): J'ai Mme Johanne Mongeon, qui est présidente du Syndicat des employés coiffeurs de l'Outaouais, qui oeuvre au sein du Syndicat depuis maintenant huit ans; M. Georges Brazeau, qui est président de l'Association patronale des coiffeurs de l'Outaouais, depuis maintenant 10 ans; j'ai aussi, à ma gauche, Me Denis Brochu, qui est l'avocat et le conseiller des parties contractantes au sein du comité paritaire de la coiffure, ainsi que moi-même, comme je l'ai dit, Sylvain Charron, directeur général depuis 15 ans.

Vous avez devant vous des personnes qui appartiennent à une espèce que l'on pense en voie d'extinction et qui ont, néanmoins, voulu se présenter devant vous pour montrer qu'elles souhaitent rester bien vivantes dans le domaine de la coiffure. Elles ont dû, pour ce faire, emprunter le chemin qui longe la rivière des Outaouais du méchant bord. Les parties contractantes au décret sur les coiffeurs de la région de Hull sont heureuses de l'occasion qui leur est donnée de s'exprimer sur les recommandations contenues dans le rapport du Comité interministériel. Nous avions produit un rapport au Comité interministériel, mais nous n'avions pas été invités. Alors, nous sommes doublement heureux que la commission parlementaire ait jugé de l'importance de nous convoquer à cette commission.

Nous ne voulons pas reprendre l'argumentation développée ce matin par l'Association des comités paritaires dont nous faisons partie, quoique nous y souscrivons. Cependant, nous tenons à faire ressortir les éléments qui sont, pour les parties, d'une importance capitale pour le domaine de la coiffure. Et nous comprenons que vous vous demandez sans doute la raison pour laquelle un décret semblable existe toujours chez nous. En majeure partie, cela tient à la volonté des parties, que vous devez, à notre avis, respecter. Cela tient aussi à ce qui va suivre, et nous n'accepterons pas le phénomène du rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage.

Les parties contractantes de l'Outaouais sentent qu'on est en train de leur enlever l'outil qui leur a permis, jusqu'à maintenant, de développer un climat économique et social propice à maintenir leur professionnalisme et, aussi, leur qualité de vie dans leur domaine. Les parties ont développé, dans une région spécifique, 60 ans de concertation et de partenariat qui ont contribué à mettre en place les ingrédients utiles pour fabriquer les remèdes nécessaires pour contrer, dans notre profession, les maux et les excès qui sont causés naturellement par la libre entreprise et qui ne peuvent trouver solution dans le Code du travail et la Loi sur les normes du travail. Et, aussi, pour pallier à l'encadrement que s'est donné la province de l'Ontario dans le domaine de la coiffure, encadrement qui existe, d'ailleurs, dans la vaste majorité des provinces du Canada, incluant Terre-Neuve, des États américains et dans la plupart des pays d'Europe.

Ces 60 ans dont nous parlons ont été marqués par différents changements auxquels les parties ont su s'adapter malgré, bien des fois, leur désaccord. Il faut comprendre que, dans notre histoire, à l'origine, c'est-à-dire en 1934 lorsque la Loi sur les décrets a été fondée, les parties contractantes au décret de la région ont tout de suite saisi l'opportunité qui leur était donnée de construire un régime de qualification et de bâtir des conditions de travail vivables pour la région. Cet état a fait en sorte qu'une réussite s'est installée dès le début jusqu'à la conduite, en 1959, du statut du coiffeur. On retrouvait, à cette époque-là, une douzaine de décrets dans le secteur de la coiffure. Et on peut déjà mentionner que le statut du coiffeur était une reconnaissance par les gens du domaine qui avait été, entre guillemets, acceptée par l'État.

Le statut du coiffeur, bien entendu, a évolué et a amené certains problèmes d'application au cours des années. Deux phénomènes l'ont frappé: en 1970, l'implantation de la Loi sur la qualification et la formation professionnelles de la main-d'oeuvre et aussi, en 1980, au début des années quatre-vingt, la mode qu'on appelle unisexe. «Un cheveu n'a pas de sexe», c'était ce qu'on voyait ou titrait dans les journaux à l'époque. Par souci de vouloir, justement, répondre à ces problèmes d'application qui devenaient grandissants, nous avions formé le Conseil provincial de la coiffure, dans le but, bien évidemment, de faire en sorte qu'on puisse refaire un nouveau statut du coiffeur, un nouveau mécanisme de qualification qui était plus approprié à l'époque.

(15 h 30)

Malheureusement, à cause d'une politique de plein emploi, le gouvernement de l'époque a déréglementé le statut du coiffeur en 1985. Et on ne peut pas dire que cette mauvaise nouvelle, qui a frappé le secteur de la coiffure durement, a apporté des changements pour le mieux dans notre secteur. Nous sommes partis de 12 décrets et nous sommes maintenant seulement à un. Il ne faut pas voir autre chose que de comprendre que la non-reconnaissance de cette profession fait en sorte qu'il est difficile d'installer des conditions de travail dans le domaine.

En 1991, le gouvernement nous a fait mal encore une fois avec l'implantation, de la part du fédéral et du provincial, des taxes sur les services. Passant d'un service qui n'était aucunement taxé en 1991, nous sommes rendus, maintenant, depuis le dernier budget, à 14 % de taxe sur le service. C'est une augmentation de 14 % que la clientèle absorbe directement. Les coiffeurs ont dû pallier à cette situation en n'augmentant pas leurs prix de service depuis trois ans.

On se retrouve donc, enfin, en 1994, avec tous ces problèmes de non-reconnaissance, d'imposition de taxes et avec les dernières recommandations du Comité interministériel. Si elles étaient adoptées, elles anéantiraient tous les efforts des parties pour améliorer leur sort. Ces recommandations sont, à toutes fins utiles, une forme d'euthanasie. En analysant celles qui touchent particulièrement le domaine de la coiffure, on en arrive à constater les conséquences suivantes.

En ce qui concerne la représentativité des parties, si on exige de celles-ci qu'elles fassent la démonstration d'une majorité absolue, on détruit le principe fondamental de la Loi sur les décrets qui n'a toujours exigé qu'une représentation suffisante, tenant compte des conditions particulières d'une activité économique donnée et des régions.

En ce qui concerne les prix minimaux, ne pas permettre l'établissement de ceux-ci constitue une rupture inexplicable avec la volonté affirmée du législateur à ce sujet. Évidemment, on nous dira que le législateur peut changer d'idée. Cependant, ce serait ignorer le fait que ce mécanisme est essentiel à l'établissement de conditions de travail. Et je dois vous dire, pour faire une parenthèse, que nous ne comprenons pas pourquoi, pour le seul secteur dans la loi des décrets où on accordait une importance au fait d'avoir des prix minimaux pour fixer des conditions de travail, on ne veut plus le reconnaître parce qu'on considère que c'est un irritant, mais on le fait quand même pour l'industrie de la bière. Serait-ce que la bière, c'est plus important que la qualité des services que les coiffeurs tentent d'offrir à leur clientèle? C'est une question qu'on se pose. On se demande à quel point le gouvernement n'a pas deux poids, deux mesures dans ce domaine.

En ce qui concerne les heures d'ouverture, mentionnons à cette commission que le service professionnel de la coiffure n'est assujetti à aucune norme concernant les heures d'opération. Alors, c'est pourquoi le législateur a autorisé le domaine de la coiffure à déterminer sa durée de travail et ses heures d'ouverture, deux choses distinctes. Rompre avec cette tradition équivaut à banaliser ce service intimement relié aux clients, tout en affectant au plus haut point la qualité de ce service.

Enfin, en ce qui a trait à l'encadrement particulier dont la coiffure a besoin pour maintenir la qualité de ses services et rendre aux professionnels de ce domaine leur fierté à y oeuvrer, nous sommes d'avis que la recommandation du Comité, qui semble préconiser un régime de qualification facultatif par l'intermédiaire de la nouvelle Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, n'avantage nullement ces mêmes professionnels. Quoi de mieux que de remettre entre les mains de ceux-ci le contrôle de la qualité et de la fierté?

Rappelons qu'en coiffure, au Québec, selon les statistiques tirées des rapports annuels soumis au service des décrets, deux tiers des coiffeurs sont des artisans, c'est-à-dire qu'ils travaillent seuls dans leur salon; 90 % des employeurs sont eux-mêmes des artisans, c'est-à-dire qu'ils coiffent à l'intérieur de leur propre salon. Ce qu'ils souhaitent et ce qu'elles souhaitent, c'est d'être reconnus. Ce sentiment est partagé par tous et toutes, et non par une minorité de 10 %.

Je m'en voudrais de priver, à ce moment-ci, Mme Mongeon et M. Brazeau de vous faire part, l'un et l'autre, de leur vécu relié aux commentaires que je vous ai précédemment livrés. En d'autres mots, il est temps de laisser parler les professionnels.

Mme Mongeon (Johanne): Bonjour. Puis-je continuer?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui. Il vous reste sept minutes.

Mme Mongeon (Johanne): Sept minutes. O.K. Bonjour, je me présente: Johanne Mongeon, présidente du Syndicat des employés coiffeurs de l'Outaouais. Je suis contente d'être ici aujourd'hui pour vous transmettre notre point de vue en tant que professionnels de la coiffure. Vous comprendrez que nous avons besoin de nos structures et de nos lois pour préserver notre qualification, offrir les prix minimaux et régir les heures d'ouverture afin de maintenir une concurrence saine et loyale, un meilleur contrôle de qualité et de main-d'oeuvre. Quel coiffeur professionnel accepterait une diminution de salaire et une augmentation d'heures de travail? Aucun. Car travailler plus de 50 heures en coiffure peut s'avérer dommageable à long terme. Nous travaillons pour des êtres humains. Il nous faut garder notre patience et notre forme physique afin de réussir avec autant de précision la qualité souhaitée et exigée par notre clientèle. Les salons de coiffure ne sont pas des entreprises; c'est un service personnel qualifié. Nous ne voulons pas des salaires minimums; nous voulons ce que nous méritons. Et les pourcentages qui nous sont accordés dans notre décret nous permettent de l'obtenir. La compétence et le dépassement commandent un salaire équitable. Pourquoi d'autres métiers peuvent-ils être qualifiés et pas le nôtre?

Au Québec, les coiffeurs et coiffeuses ne sont pas reconnus comme des professionnels. Par contre, l'Ontario, la province voisine, reconnaît la qualification de ses employés en coiffure. Si nous n'avons rien pour nous reconnaître, que deviendra la coiffure? Les coiffeurs, ils sont démotivés. Nous nous demandons ce que l'avenir nous réserve, car, pour répondre à nos besoins actuels et futurs, il nous faut de la main-d'oeuvre hautement qualifiée. Les gens ont peur de percer en coiffure, car ils se découragent vite. Ils n'ont pas de support.

(15 h 40)

Les consultations que j'ai eues dernièrement ont prouvé que les employés tiennent à leur décret et se demandent quand ils seront enfin reconnus. Je ne voulais pas leur dire qu'ils l'auraient déjà été. Comment assurerons-nous la relève? Les dirigeants du Syndicat, ceux de l'Association avec l'aide du Comité paritaire sont les personnes qui peuvent gérer le mieux les intérêts des coiffeurs et coiffeuses que nous représentons depuis 60 ans. Nous formons une équipe intéressée, nous connaissons leurs besoins, car nous sommes nous-mêmes dans ce métier. Si le gouvernement a l'intention de nous enlever nos décrets et nos lois, j'espère qu'il pensera à respecter au moins notre qualification. Vous voulez moderniser, d'accord, mais il nous faut être reconnus comme les vrais professionnels que nous sommes. Le décret, chez nous, sert bien la coiffure et nous sert bien. Pourquoi changer? Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie beaucoup.

M. Brazeau (Georges): Alors, Mme la Présidente, mesdames, messieurs, tout d'abord, je voudrais vous remercier de nous donner l'opportunité de nous exprimer ici et de prendre la parole sur la loi des décrets. Moi, je représente l'Association patronale des coiffeurs de l'Outaouais qui compte environ 125 membres et embauche 80 % de la main-d'oeuvre de la région. Fort de cette statistique, il m'apparaît évident qu'exiger une majorité absolue, comme il est proposé dans le mémoire, amènerait la disparition de notre association qui, à mon avis, est hautement représentative avec 80 %, comme on le disait tantôt, de la main-d'oeuvre. J'ai dans mes membres, actuellement, des salons qui ont plus de 10 employés. Alors, c'est très représentatif, encore une fois. Notre vie associative est non seulement active, mais elle est très saine, en plus.

En ce qui concerne les prix minimaux, ils sont, pour nous, les employeurs, la seule façon de garantir une main-d'oeuvre qualifiée en nous obligeant à une concurrence sur la même base entre propriétaires de salons. C'est aussi la meilleure façon de valoriser nos employés en l'absence d'encadrement. Nous constatons, depuis neuf ans, comme la présidente du Syndicat le disait, une dévalorisation dans le domaine de la coiffure. Les employés sont dévalorisés. De plus en plus, ces employés-là cherchent à prendre des cours de toutes sortes pour se trouver un autre travail. Ça ne fait pas un domaine qui est particulièrement intéressant à exploiter ces années-ci.

En ce qui concerne les heures d'ouverture, elles sont associées à peu près au même problème. Comment allons-nous pouvoir demander à notre personnel qualifié de travailler le dimanche, de travailler 50, 60, 70 heures par semaine et de garder la même qualité professionnelle de service à notre clientèle? Et, là-dessus, on ne parle pas de la relève. Dans un contexte comme cela, je n'ai pas besoin... Pardon?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): J'ai dit: Il vous reste une minute.

M. Brazeau (Georges): Je vais essayer de faire ça assez vite.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Continuez, comme l'indique M. le ministre.

M. Brazeau (Georges): Ça va. En ce qui concerne la relève, bien, étant donné le contexte dans lequel on vit, sans qualification, l'intérêt pour les nouveaux arrivants dans ce métier-là laisse à désirer et on a un problème de relève. Puis, en parlant de qualification, nous vivons une situation bien spéciale – comme, une fois, il a été mentionné, je le reprends – en Outaouais étant donné que notre voisine, l'Ontario, possède un système de qualification qu'ils ont, en passant, l'an dernier, modernisé et amélioré plutôt que de l'abandonner. Malgré le libre-échange et l'ouverture des marchés, eux, ils trouvent le tour de bonifier la loi sur la qualification des coiffeurs, l'Ontario. Ça «veut-u» dire que réglementer moins, c'est mieux, au dire de certains? Moi, je pense que ne pas réglementer, c'est pire.

En conclusion, comme le disait Mme Mongeon, nous avons un décret qui nous sert bien et que nous voulons garder tel qu'il est. Nous souhaitons l'améliorer, tenant compte des particularités de notre région. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Brazeau. M. le ministre, en réplique.

M. Marcil: Vous aviez avant un statut de coiffeur reconnu, une carte. Ça a été abrogé?

M. Brazeau (Georges): En 1985, oui.

M. Marcil: En 1985, par Mme Marois, je pense. C'est ça?

M. Brazeau (Georges): Oui.

M. Marcil: Ça doit être ça.

M. Jolivet: Mais, en 1985, on était là.

M. Marcil: Ah! C'est vous autres qui avez fait ça. O.K.

M. Jolivet: Puis? Ça vient changer quoi?

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Marcil: Moi, je tiens à vous féliciter...

M. Jolivet: Oui, c'est parce que je parlerais de 1989, moi aussi, là.

M. Marcil: Ah! C'est une petite farce en passant. Non, mais, en 1989, la différence, c'est qu'au moment où le statut de coiffeur a été abrogé plusieurs comités paritaires ont demandé de mettre fin à leur comité paritaire, sauf, je pense, Trois-Rivières, l'Outaouais et puis la Montérégie. Et, si en Montérégie le comité paritaire est disparu, c'est pour des raisons que tout le monde connaît. Il y a eu enquête, etc. Et le seul comité paritaire qui existe en coiffure, parce qu'il a une vie associative assez exemplaire, c'est celui de l'Outaouais. Donc, c'est pour ça que c'est le comité paritaire par excellence à ce niveau-là.

Vous avez soulevé les articles 8, 9 et 18, comme tous les autres groupes qui vous ont précédés également, en disant que c'était presque inapplicable. Si on applique la double majorité, c'est, à toutes fins pratiques, mettre fin aux 28 décrets qu'il reste au Québec. Ça, on prend note de ça. Donc, quelle formule vous proposeriez, à ce moment-là?

Le Président (M. Gauvin): M. Brazeau.

M. Marcil: Peut-être qu'au niveau de la coiffure c'est plus difficile à déterminer, mais je sais qu'au niveau d'autres secteurs il y a peut être des formules à proposer pour faire en sorte que, lorsqu'on décrète des conditions de travail dans une industrie, dans un secteur, on puisse les décréter pour tout le secteur comme tel. Est-ce qu'il y a des critères de base auxquels on devrait se référer pour pouvoir le décréter pour tout le secteur?

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que c'est M. Charron qui veut répondre à ça? Oui, M. Charron.

M. Charron (Sylvain): Dans le mémoire que nous avons produit à la commission, nous avons abordé ces éléments-là et nous avons même proposé à la commission une solution au niveau de la qualification et de la formation. Parce qu'il est bien évident que nous, au niveau de la loi des décrets, on est un utilisateur. Alors, dans le cadre que vous avez repris, on vous a expliqué pourquoi c'est important pour nous de garder ces items-là.

En ce qui concerne la reconnaissance des coiffeurs, il faut rappeler que partout au Québec, même dans les régions où il n'y a pas de décret, une chose qui préoccupe le secteur de la coiffure, c'est sa reconnaissance. Il veut être reconnu. À l'heure actuelle, il existe quoi, comme mécanisme? Parce qu'on n'est pas pour commencer à parler de ce qu'on peut bâtir, mais on peut parler de ce qui existe: la nouvelle loi sur la Société québécoise.

Alors, si le ministre le veut, il peut, demain matin, dire qu'il veut absolument que sa Société québécoise travaille à l'implantation d'un système d'apprentissage et de qualification. Les fonctionnaires – nous avons vérifié avec notre propre Société québécoise – sont prêts à faire ce travail-là. Ils sont prêts à mettre en place un système d'apprentissage et de qualification en coiffure. Par contre, les fonctionnaires comprennent aussi que le ministre devra, pour ce faire, indiquer que, lorsque ce mécanisme sera en branle, il faudra qu'il soit obligatoire pour qu'il marche. Alors, «obligatoire» veut dire quoi? Ça veut dire qu'il devra, par l'intermédiaire de sa Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, le sanctionner, son système d'apprentissage et de qualification.

On a dit – je pense qu'on l'a fait sentir – que, nous, on trouve que la meilleure façon de l'administrer, c'est de confier son administration à un comité paritaire. Bien entendu, si on est le seul, ça cause un problème. Par contre, je vous dirai que, si jamais il y avait l'implantation d'un mécanisme de qualification, je pense que l'historique parle par lui-même. Je crois que, dans ce contexte-là, on se retrouverait avec un plus grand nombre de décrets en coiffure, parce que c'est ça que les coiffeurs veulent, pour commencer.

Ensuite, je dirai qu'il peut aussi faire abstraction de la volonté des parties et puis demander à la Commission des normes du travail de s'occuper de l'administration d'un tel régime. Mais je pense que le message doit être clair: il faut que les coiffeurs soient reconnus provincialement. Parce que, là, ce n'est pas une profession, ce n'est même pas un métier et puis, partout, on fait quoi avec? On a un problème de main-d'oeuvre qualifiée, on a un problème de démotivation. Je pense qu'on a eu des témoignages. Alors, on va faire quoi avec cette profession-là?

(15 h 50)

Nous autres, dans l'Outaouais, ce qu'on vous dit, c'est qu'on va se battre tant et aussi longtemps qu'on ne réussira pas à se faire reconnaître. Puis on pense que le ministre, il a en main les instruments pour le faire. Mais c'est sûr que, s'il veut accorder un mécanisme particulier, comme le statut du coiffeur en 1959, avec une bonification, une modernisation, on va être encore bien contents.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce que vous avez...

M. Marcil: Oui, oui, parce que je vois toute votre annexe sur la formation, la qualification, et, moi, je suis très sensible à ça. Lorsqu'on parle de formation, j'ai une préoccupation que chaque cours qui se donne dans une polyvalente présentement, que ce soit au niveau de charpentier-menuisier, électricien, coiffure, il faut trouver une façon de le reconnaître. Nous, on fait de la diplomation. Donc, on qualifie notre monde par des cours d'un certain nombre d'heures sur un an, deux ans, trois ans, dépendamment de l'option comme telle, et il y a des examens de fin d'année. Et, lorsque les gens réussissent, s'ils réussissent au secondaire, ils reçoivent leur certificat de fin d'études secondaires en enseignement professionnel, donc, dans un métier reconnu.

Au niveau de la construction, ça ne pose pas de problème parce qu'au moment où un jeune finit son cours de charpentier-menuisier, s'il y a une job qui lui est garantie, on lui émet son carnet d'apprenti, puis il commence à enregistrer ses heures. Sauf qu'où il y a problème, c'est qu'ils ont un ratio de cinq pour un, ce qui fait que, dans le fond, le régime d'apprentissage n'a pas nécessairement la valeur qu'il devrait avoir. Parce qu'on comprend bien qu'un régime d'apprentissage, c'est comme si c'était un stage de perfectionnement, aussi bien que pour les avocats lorsqu'ils doivent aller en stage et, ensuite, passer l'examen du Barreau. On voit ça au niveau de l'enseignement également: on a deux semaines, quatre semaines de stage pendant nos cours. Là, ça a changé un peu. Il y a même des endroits en Colombie-Britannique où ils font l'alternance université-milieu de travail.

Donc, au niveau de la coiffure, on devrait développer dans ce sens-là un régime de qualification. Ça, je suis sensible à ça, qu'on puisse développer un régime d'apprentissage, parce que c'est beau de former nos coiffeurs, nos coiffeuses à partir de nos écoles, mais il y a toute la partie pratique qu'il faut qu'ils aillent chercher avant qu'on les reconnaisse. Donc, si je suis ma logique, ça suppose qu'au bout il va falloir les reconnaître quelque part. C'est dans ce sens-là que vous avez fait votre proposition.

Là, il s'agit de savoir si on y va par le biais de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre au niveau provincial, parce qu'elle a ce mandat-là également. On essaie de le faire au niveau de l'automobile aussi; on veut essayer de le faire également dans d'autres... Pour tout ce qui ne touche pas la formation au niveau scolaire – c'est ça, Jacques? – donc, tous les métiers comme tels, tout ce qui n'est pas aussi du secteur de la construction, la SQDM peut intervenir, puis essayer de développer dans ce sens-là.

Il faut comprendre que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre est très jeune. Elle a une année d'existence; ça a fait un an au mois d'avril. Avec toute la période d'organisation du transfert de personnel, là, présentement, on retrouve une société régionale dans chacune des régions du Québec avec un conseil d'administration sur lequel siègent des travailleurs et des représentants des travailleurs, des syndicats, et des représentants des employeurs, de même que des représentants du ministère de l'Éducation ou des gens du socioculturel également.

Donc, je ne dis pas que... On va analyser cette proposition que vous faites. On va s'asseoir avec les gens de la SQDM et voir s'il y a quelque chose, puis on pourra même peut-être vous faire participer aussi à cette...

M. Charron (Sylvain): Je voudrais quand même rajouter un petit quelque chose. C'est parce que vous avez parlé quand même du système d'éducation. Et puis il y a une belle réussite au niveau de la coiffure dans les dernières années, parce qu'il y en a, des fois, des réussites. C'est le diplôme d'études professionnelles en coiffure qui est une très belle réussite. Nous, pour essayer de rendre cette...

M. Marcil: C'est M. Henry qui avait préparé tout le dossier.

M. Charron (Sylvain): Oui, c'est bien. Alors, nous, pour essayer de rendre cette belle réussite-là accessible, on s'est battu, puis on a un petit mécanisme que je sais que les opposants n'aiment pas, mais, nous, dans notre décret, pour opérer un salon de coiffure, il faut avoir un diplôme d'études professionnelles. C'est un critère d'admission dans notre décret.

M. Marcil: C'est bien.

M. Charron (Sylvain): On est les seuls à l'avoir obtenu dans la province et puis il y a certains fonctionnaires qui se demandent encore comment il se fait qu'on l'a. Mais, en tout cas, on l'a eu, parce que, nous autres, on en a profité à ce moment-là et on a dit au ministère: C'est excellent, ce que vous faites là, mais, pour le rendre encore meilleur, dites donc que c'est la norme pour travailler en coiffure.

Malheureusement, il s'est passé quelque chose dans les deux dernières années qui vient faire mal à ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il a déréglementé l'enseignement privé en coiffure. Ça fait que, là, on vit depuis début 1991 un problème où on a n'importe qui qui peut être coiffeur, puis n'importe qui peut l'enseigner. Et, quand on a appelé à la Loi sur l'enseignement privé pour dire: Qu'est-ce qui s'est passé, là? bien, ils ont dit: Ce n'est pas compliqué, vous étiez déréglementés, ça ne donne rien de commencer à donner des gros cours, n'importe qui pouvait travailler. Donc, nous autres, on essayait de corriger une situation sur le terrain en disant: O.K. C'est beau, le diplôme d'études professionnelles, voici la nouvelle norme. Et là, avec les réactions, on déréglemente l'enseignement privé.

Alors, je pense qu'il va falloir encadrer ça comme il faut. Il va falloir trouver un cadre qui a du bon sens. Et c'est pour ça qu'on vous dit tout le temps: Nous autres, on ne voit pas d'autre façon que de se le faire confier, ce mandat-là. Je pense que la Société québécoise peut travailler à son énoncé et tout, mais, à un moment donné, en bout de ligne, il va falloir que quelqu'un l'applique. Si on a un beau diplôme d'études professionnelles, eh bien, il faudrait que ce soit la norme pour travailler. Si on a un mécanisme de qualification, mais qui n'est pas obligatoire, bien, on est aussi bien de ne pas en avoir. Ça fait qu'il ne faut pas se tromper là-dessus.

Je pense qu'on l'a expliqué: il y a des solutions. On peut passer par la Société, mais, à un moment donné, il faut que le ministre indique quelque part qu'il veut que cette profession-là soit réglementée. Pas de façon facultative, parce que ça ne marchera pas, c'est un secteur mou.

M. Marcil: Vous dites aussi que, sans le prix minimum, le décret serait presque impensable. Et là, vous faites la comparaison: Si on le fait pour la bière, pourquoi on ne le ferait pas pour la coiffure? Mais vous savez pourquoi on l'a fait pour la bière?

M. Charron (Sylvain): On se la pose, la question. Pourquoi vous le faites pour la bière? Pourquoi vous ne voulez pas...

M. Marcil: Bien, c'est tout simplement que, si on n'avait pas fixé un prix minimum dans la bière, il n'y aurait plus une bière qui se fabriquerait au Québec et au Canada. Je veux dire...

M. Charron (Sylvain): Alors, si je vous dis, ici: Si on ne donne pas de prix minimum...

M. Marcil: ...avec l'Accord de libre-échange, la bière américaine va envahir le marché canadien, ça ne prendra pas de temps. Et, avec les industries qu'ils ont, les usines sont capables de produire, seulement à Saint-Louis, toute la production canadienne.

M. Charron (Sylvain): C'est très beau, ça. Moi, je suis d'accord avec ça. C'est excellent.

M. Marcil: Donc, c'est pour ça qu'il fallait exiger ça.

M. Charron (Sylvain): Mais pourquoi, nous autres, les coiffeurs, on n'aurait pas le droit d'avoir un prix minimum sur nos coupes de cheveux pour se garantir une qualité de service?

M. Marcil: Oui, je comprends ce que vous dites.

M. Charron (Sylvain): Il faut faire attention parce que vous amenez cette argumentation-là dans une optique de qualification. C'est évident que, si on a un bon cadre au niveau de la qualification, l'importance des prix minimaux va s'amenuiser. Mais il ne faut pas commencer à dire: On va enlever ça et on va vous mettre une qualification dans 10 ans, parce que, comme c'est là, c'est ce qui sert à avoir des conditions de travail. Si ce qui sert à mettre des conditions de travail, c'est un beau cadre sur la formation et la qualification, il y a peut-être des aménagements qui peuvent se faire. Mais là il faut travailler par étapes.

M. Marcil: Donc, la loi actuelle, telle qu'elle est écrite depuis 1934, ne vous pose pas de problème à vous?

M. Charron (Sylvain): Celle de 1934, non, elle ne nous cause pas de problème.

M. Marcil: Elle ne vous pose pas de problème?

M. Charron (Sylvain): Parce que, en 1934, tu avais l'opportunité d'avoir un mécanisme de qualification, à l'origine. Dans celle d'aujourd'hui, il n'y a plus ça.

M. Marcil: Mais pourquoi il faudrait relier la qualification à la loi?

M. Charron (Sylvain): Parce que, moi, je vous...

M. Marcil: Pourquoi la qualification ne pourrait pas être traitée différemment par le biais de notre Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, avec l'obligation d'un régime d'apprentissage, l'obligation d'une qualification, l'émission d'une carte, si vous voulez, pour les maîtres coiffeurs, un petit peu comme c'était avant, mais sans nécessairement que ce soit sous le contrôle d'un comité paritaire? Je vous pose ça comme ça, là.

M. Charron (Sylvain): Mais la Société québécoise, une fois qu'elle va l'avoir, son système d'apprentissage et de qualification, est-ce qu'elle va l'imposer?

M. Marcil: Mais je ne dis pas non, je ne dis pas oui, là.

M. Charron (Sylvain): Il ne faut pas que ça soit un voeu pieux, ça, là.

M. Marcil: Non, non, je comprends, sauf qu'il s'agit de savoir si le contrôle des cartes, l'émission des cartes, la reconnaissance d'un statut, ça doit être donné à une corporation des coiffeurs, à un comité paritaire ou bien si ce n'est pas le rôle du gouvernement, de l'État, de diplômer ces gens et de les qualifier. C'est toute la différence, là. C'est un discours que des gens tiennent. Est-ce que ça revient au gouvernement, au ministère de l'Éducation ou au ministère de l'Emploi, par le biais de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de qualifier les gens ou bien si on doit laisser ça à des comités paritaires?

M. Charron (Sylvain): Eh bien, moi, je me dis tout le temps: La Société québécoise, à moins que je ne me trompe, dans son énoncé politique, ce qu'elle veut, c'est aider les secteurs d'activité. On peut élaborer longtemps là-dessus, mais, si dans un domaine donné il y a déjà des acteurs privilégiés qui peuvent faire en sorte que ça marche, pourquoi la Société ferait la job à sa place?

(16 heures)

Vous dites de plus en plus que vous voulez de moins en moins intervenir, puis que vous voulez avoir des cadres le moins rigides possible pour qu'ils soient le plus souples possible, mais, si on a un cadre puis qu'on dit: On peut bâtir quelque chose avec ça, selon certaines prémisses, bien, nous autres, on pense que les meilleurs acteurs pour le faire, c'est nous autres. Puis, en plus, ça va coûter moins cher à l'État. Parce que les régimes de qualification, les décrets, je ne pense pas que c'est quelque chose de dispendieux pour l'État. Chacun, par ses propres prélèvements, fait l'administration de son propre décret. Je ne pense pas que ça amène un problème, ça, là.

M. Marcil: Je vais laisser la parole à M. le député de Laviolette.

Le Président (M. Gauvin): Oui, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'essaie de tout saisir ça, parce qu'il y a deux choses quand on parle de qualification. On parle, d'abord, de l'étudiant qui est dans une école et qui en sort avec un diplôme. Ça, c'est le rôle du ministère de l'Éducation de faire ces choses. Aussitôt qu'on dépasse ce stade-là, on va dans la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en regard de ce qu'étaient les anciens centres de formation professionnelle ou les écoles privées qui permettaient à tout adulte qui voulait aller suivre un cours de le suivre, l'école de coiffure de Montréal et autres.

Entre-temps, quand on regarde l'histoire, il y a eu des pressions énormes sur les gouvernements pour faire disparaître les comités paritaires eu égard au fait que tu avais dans des centres d'achats des entreprises qui voulaient avoir du personnel qui travaille à des heures différentes de ce que le comité paritaire donnait, ce qui a amené, dans certains cas, dans certaines régions, des choix quelquefois déchirants où l'État est intervenu à certaines occasions, où l'État, dans d'autres cas, n'est même pas intervenu, pour finalement arriver à une forme de déréglementation, puis qui voulait être coiffeur ou coiffeuse l'était. Dans un contexte où le contrôle de l'État, d'une certaine façon, en vient à se perdre quand on fait ça dans le salon chez soi, à des conditions où les gens ne déclarent pas les revenus qu'ils font, alors c'est encore des pertes pour l'État.

Le comité paritaire, chez vous, a une vie, par rapport à d'autres qui n'ont pas survécu, et vous dites: À partir de ça, nous, nous avons un vécu qui nous permet de dire que le décret qui nous sert de cadre, de convention – on peut l'appeler comme telle – entre employeurs et employés nous satisfait, au point de dire: On devrait, à ce moment-là, l'intégrer à l'ensemble, si je comprends bien, du Québec. À moins que vous parliez juste de vous autres. J'aimerais bien saisir, là, quand vous dites: On devrait avoir un système de qualification qui permettrait, à ce moment-là, à tout le monde de passer dans le même moule, puis d'avoir, au bout de la course, une notification nous permettant de dire: Oui, je suis diplômé pour le faire. Est-ce que c'est ça que je comprends ou si vous parlez juste de chez vous?

Le Président (M. Gauvin): M. Charron.

M. Charron (Sylvain): Non, mais je pense qu'il faut faire attention, là. On l'a établi, ça: on ne veut pas détruire les principes fondamentaux de la loi. C'est sûr que notre vie associative ou notre vie chez nous est différente, dans une région spécifique, etc. Mais, nous autres, on croit quand même qu'on a survécu parce qu'on n'avait pas le choix de survivre, dans une région comme la nôtre. Mais, nous autres, ce qu'on a essayé de vous dire aujourd'hui, c'est: Même si tous les comités paritaires ont disparu, il reste une volonté d'avoir un mécanisme de qualification.

Les opposants dont vous parlez se promènent encore. Ils utilisent le journal Les Affaires . La fameuse Corporation des coiffeurs, M. Le Blanc, on l'entend parler partout, puis il dit: Nous autres, on n'a pas besoin de ces dinosaures-là, de ces gens-là. C'est désuet, etc. Mais ça nous prend un encadrement sur la qualification, puis sur la formation, puis il faudrait qu'on ait un code de déontologie, puis il faudrait qu'on ait ci, puis il faudrait qu'on ait ça. C'est comme s'il voulait réinventer la roue, puis qu'on s'en retourne en 1934.

Tu sais, à un moment donné, là, moi, je veux bien les écouter, les opposants. Mais les opposants se plaignent justement du fait qu'ils ne peuvent pas rouvrir le dimanche. Moi, j'ai 10 centres d'achats dans la région de l'Outaouais, puis, sur les 10 centres d'achats, on a 30, 35 propriétaires de salons de coiffure. Ils ne veulent pas travailler le dimanche. Pourquoi? Parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas la main-d'oeuvre pour le faire. S'ils n'ont pas la main-d'oeuvre pour le faire, ils se disent: Bien, écoute, là, on a un problème. Nous autres, on n'est même plus reconnus, puis, là, on voudrait qu'on travaille plus d'heures. Bien, là, c'est qui qui va travailler? C'est la grande question. Ça fait que, à un moment donné, s'il n'y a plus... Nous autres, on est bien bons, on est bien beaux, mais on «va-tu» vivre éternellement comme ça sans reconnaissance?

Il faut que l'État se penche là-dessus, puis qu'il trouve une façon d'aménager un mécanisme de reconnaissance professionnelle en coiffure, de quelque forme que ce soit. On est ouverts à l'idée de travailler avec la Société québécoise. On l'a émis, ça, dans le mémoire, noir sur blanc. On vous a montré le système de l'Ontario, on vous a montré un système qui partait de la loi sur la qualification professionnelle, puis on vous a expliqué ce qu'on pourrait faire à partir de la Société québécoise. Il y en a, des solutions.

Mais ce qu'on vous dit, par exemple, c'est que, s'il y avait un mécanisme de qualification provincial par l'intermédiaire de la Société québécoise, puis qu'il y avait quelqu'un, un organisme désigné qui l'obligeait, là, qui s'en faisait confier l'administration, on est convaincus que le nombre de comités paritaires renaîtrait. Parce qu'on ne peut pas établir des conditions de travail s'il n'y a pas de reconnaissance.

M. Jolivet: Vous dites – et ça me surprend de l'entendre comme tel – que les comités paritaires reviendraient si on avait un système bien établi de qualification universelle à travers le Québec. C'est bien ça que j'ai compris?

M. Charron (Sylvain): Oui.

M. Jolivet: Sur quoi vous fondez vos prétentions, à ce moment-là? Sur le fait que, si on est tous qualifiés de la même façon, il y aurait, en conséquence, des propriétaires de grands centres de coiffure qui sont dans des centres d'achats qui demanderaint d'ouvrir 24 heures sur 24 si c'était possible, puis sept jours par semaine? Est-ce que vous croyez qu'eux autres ne feraient pas de bataille pour empêcher la non-ouverture?

Une voix: C'est 6 % des...

M. Jolivet: Oui, je le sais, mais c'est parce que...

M. Charron (Sylvain): Il faut faire attention, ces opposants-là, ils sont minoritaires, hein.

M. Jolivet: Je le sais, mais c'est parce que, là, moi, je me fie trop à la discussion qu'on avait eue ici en cette commission, alors que j'avais devant moi un autre ministre qui parlait de la déréglementation quant aux ouvertures de commerces. Et ce que vous me dites quand vous parlez de 10 % par rapport à 90 %, c'était le même langage qu'on tenait, mais, pourtant, ils ont passé la loi, puis c'est ouvert 24 heures sur 24 dans bien des cas, sept jours par semaine. Donc, ce n'est pas parce que c'est 10 % qu'ils n'ont pas de pouvoir, là. Ça, je veux bien vous le faire comprendre. Moi, je veux vous faire comprendre en même temps qu'on a beau avoir un discours, de l'autre côté, mais, quand on déréglemente, qu'on a des comités sur la déréglementation, puis qu'on dit: On doit tout rouvrir «at large», incluant les billets d'avion, là, je me pose de sérieuses questions sur la société qu'on est en train de bâtir.

Je ne dis pas que je suis en désaccord avec vous autres. Je vous mets en garde contre des discours, des fois, qui ont des connotations, au niveau de la résultante, qui vous mettent à terre pareil. Alors, vous me dites: Si on avait une qualification unique à travers le Québec, on aurait une chance de remettre en marche des comités paritaires à travers le Québec qui permettraient d'avoir...

M. Charron (Sylvain): Ah...

M. Jolivet: C'est ça que j'ai compris. C'est ça que je veux bien comprendre.

M. Charron (Sylvain): Bien, c'est les mots «on aurait une chance». Je ne veux pas que ça soit utilisé. Moi, je pense que ça risquerait de se produire. Parce que, quand on installe des normes de qualification, puis de formation, à un moment donné, dans le temps, il y a des normes de conditions de travail qui s'installent. Il va y avoir des normes qui vont se fixer par rapport à un mécanisme de qualification quelconque. C'est ça que je veux dire.

M. Jolivet: C'est parce qu'on a eu le mouvement inverse. Quand on avait l'école de coiffure de Montréal, si je me souviens bien, quand on passait sur la rue Sainte-Catherine, au deuxième étage, on les voyait pratiquer, si on peut l'appeler comme tel. C'est ça?

M. Brazeau (Georges): Zago.

M. Jolivet: Pardon?

M. Brazeau (Georges): L'école de coiffure Zago.

M. Jolivet: Oui. Mais c'était sur la rue Sainte-Catherine, si je me souviens bien. On les voyait travailler. Ça, ça a disparu dans le temps. Vous parlez de la question des écoles privées qui avaient des possibilités, puis, parce qu'on a déréglementé, puis que la majorité était non paritaire, qu'il n'y avait pas de comité paritaire, à ce moment-là, ça a fait sauter d'autres choses ailleurs. Donc, vous dites: Si on avait un système de coordination permettant, à ce moment-là, aux gens d'avoir une qualification qui est reconnue comme étant celle qui doit être la bonne, que ce soit par les écoles, dans des polyvalentes, au niveau secondaire, ou par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour le personnel qui n'est plus d'un âge scolaire, à ce moment-là, on aurait la chance – bien, je ne devrais pas le dire si vous ne voulez pas que je l'utilise – on aurait la possibilité de remettre dans l'esprit des gens la capacité de reformer des comités paritaires. Et vous dites: À partir de ça, on ne devrait pas disparaître parce que, étant les seuls à demeurer, on risque, dans le futur, de ne plus être les seuls.

M. Charron (Sylvain): Bien... Oui.

Le Président (M. Gauvin): M. Brazeau.

M. Charron (Sylvain): C'est sûr... Je peux suivre votre raisonnement, là...

Le Président (M. Gauvin): Ah! Bien, excusez. M. Charron.

M. Charron (Sylvain): ...sauf que j'y apporte toujours un petit peu de choses. Mais je pense que je pourrais peut-être laisser parler...

Le Président (M. Gauvin): M. Brazeau.

M. Brazeau (Georges): Oui. C'est que, moi, j'ai des contacts avec des gens de Montréal et puis un M. Venneri, pour ne pas le nommer, là, me contacte régulièrement, puis il a une association, puis il passe son temps à me parler qu'ils veulent une qualification. Ce n'est pas nous autres qui inventons ça, de dire que les autres régions la veulent, la qualification. C'est qu'on a des contacts sérieux face à cette situation-là de qualification, qui est un problème au Québec.

M. Jolivet: Donc, ça...

M. Brazeau (Georges): On l'a mentionné, l'Ontario a un système; nous autres, on est à côté. Qu'est-ce que vous pensez qui arrive quand une province est réglementée, puis que, nous, on ne l'est pas, de l'autre bord? Le débordement s'en va où, la «scrap», en bon français, là, tu sais? C'est évident, il me semble. Puis il y a des gens, à Montréal, qui sentent un problème majeur, puis qui vivent la même chose.

M. Jolivet: En tout cas, on verra, sur un autre dossier, qui est la construction, ça va donner quoi comme résultat.

(16 h 10)

M. Charron (Sylvain): Oui, mais, si les gens de la province ont un mécanisme de qualification, puis s'ils veulent vivre avec la Commission des normes du travail comme conditions de travail, tant mieux pour eux autres. Mais je ne pense pas que c'est ça qui va arriver. La Loi sur les décrets permet à des gens qui ne peuvent pas trouver des réponses dans le Code du travail, puis c'est le cas du secteur de la coiffure... On n'en verra pas, d'accréditation massive en coiffure; donc, on se sert de la loi des décrets. Donc, les gens, s'ils sont satisfaits d'une qualification plus la Commission des normes, ils resteront comme ça. Mais, moi, je pense qu'à un moment donné, quand tu installes un beau régime comme celui-là, il risque fort de se produire que des gens veuillent avoir des conditions de travail qui vont avec ça.

M. Jolivet: C'est pour ça que je vous dis: Dans ce contexte-là, vous ne voulez pas disparaître et vous voulez garder le décret qui vous sert très bien, si je comprends bien, mais l'État devrait commencer à penser à mettre sur pied un mécanisme, comme vous le disiez, peu importe la façon, sur la...

M. Charron (Sylvain): Elle n'aurait jamais dû arrêter.

M. Jolivet: Sur quoi?

M. Charron (Sylvain): Elle aurait dû ne jamais arrêter.

M. Jolivet: Ah! Ha, ha, ha! Mais... Oui.

M. Brochu (Denis): Je vous soulignerais, cependant, une chose fort importante – je pense qu'on l'a perdue de vue: Qualification et décret, ce n'est pas incompatible; c'est tout à fait compatible. Et on semble penser que c'est incompatible. Ce que M. Charron disait, essentiellement – je peux résumer un peu sa pensée, il me corrigera si je fais erreur, je ne pense pas – c'est que ça va permettre à des associations de mettre le grappin sur un élément essentiel pour elles, et ça fait partie de leurs négociations, de leurs discussions dans l'établissement de meilleures conditions de travail. C'est ça qu'on dit, fondamentalement. Mais je vous assure qu'il faudrait comprendre que ce n'est pas incompatible. Comment ça va se mesurer, comment ça peut s'opposer avec tout ce qui est contexte d'établissement commercial, ça, je comprends que ça peut créer certaines irritations. Mais on ne perdra pas de vue, cependant, que les parties contractantes qui se sont exprimées devant vous aujourd'hui vous indiquent que c'est une minorité. Il faudra réaliser que c'est une minorité, et c'est ce qu'elles disent.

M. Jolivet: O.K.

Le Président (M. Gauvin): Merci. M. le député de... Je pense que c'est M. le député de Drummond. Excusez-moi.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Dans la même foulée des échanges que nous avons eus, chez vous, pour opérer un salon de coiffure ou exercer la profession avec votre décret, il faut automatiquement, obligatoirement avoir un diplôme de coiffeur reconnu, si j'ai bien compris...

M. Charron (Sylvain): Diplôme d'études professionnelles.

M. St-Roch: ...professionnelles reconnu. Bon. C'est là que j'ai besoin de le visualiser sur une scène plus large. Si on dit qu'on a une qualification à la grandeur du Québec, mur à mur, qu'on oblige, par le secteur professionnel d'enseignement, à dire: À partir d'aujourd'hui, à la grandeur du Québec, que ce soit la Société ou qui que ce soit qui fait la qualification, on reconnaît ça, comment est-ce qu'on va la contrôler, à ce moment-là? C'est là qu'est ma question. Qu'est-ce que vous suggérez? Si on dit: Ça prend un diplôme de qui que ce soit qui est reconnu provincialement, qui va aller faire la surveillance en quelque part pour s'assurer que celui qui opère la coiffure a ce diplôme-là? Ça va nous prendre un mécanisme. Est-ce que mon schéma de pensée est illogique ou si...

M. Brochu (Denis): Tout à fait correct.

M. St-Roch: Bon, ça va nous prendre un mécanisme.

M. Brochu (Denis): Là où la volonté des parties s'exprime, ça sera des comités paritaires; là où la volonté des parties ne s'exprime pas, ça sera un autre organisme.

M. St-Roch: Je suis correct d'assumer que, si M. le ministre dit: Ça prend une qualification mur à mur au Québec au niveau de la coiffure, que ce soit la SQDM ou que ce soit le ministère de l'Éducation qui la donne, dès le moment qu'il donne ça, l'autre question qu'il est obligé de se poser, c'est: Je fais la surveillance de l'application comment?

M. Charron (Sylvain): Exactement. C'est comme ça.

M. St-Roch: C'est toute la question que je voulais poser, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député de Drummond. Je pense que ceci met fin... à moins que vous ayez quelques commentaires en conclusion. Nous vous remercions, M. Brazeau, Mme Mongeon, M. Charron, M. Brochu. Et on inviterait à prendre place l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec. Pendant que ces gens-là vont prendre place, on va suspendre pour quelques minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Gauvin): Une minute d'attention, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Comme je vous le mentionnais, nous accueillons l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, représenté ici par M. Claude Lapierre, membre et président de Claudel.... Je pense que je vais demander au responsable du groupe, justement, de présenter ses collaborateurs. Madame.


Institut des manufacturiers du vêtement du Québec (IMVQ)

Mme Fréchette (Raymonde): Oui, monsieur, madame. Je suis Raymonde Fréchette, directrice à l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec.

Le Président (M. Gauvin): Oui.

Mme Fréchette (Raymonde): Et, pour nous représenter aujourd'hui, vous allez entendre, à l'extrême droite, M. Saul Rose, qui est président de Lana Lee Fashions et membre de l'IMVQ, ainsi que de la Guilde des manufacturiers de vêtement; M. Claude Lapierre, qui est président de Claudel lingerie et membre de l'IMVQ; et M. Mel Alper, à ma droite, qui est vice-président chez Katescorp Inc. et également membre à l'Institut des manufacturiers. M. Lapierre va prendre la parole pour vous exprimer notre position.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme Fréchette. Donc, on entend, à ce moment-ci, M. Claude Lapierre.

M. Lapierre (Claude): Merci. M. le Président, M. le ministre et distingués membres de la commission, on vous remercie de votre invitation. Depuis sa fondation, notre association, l'IMVQ, l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, travaille à l'amélioration de l'économie et des lois commerciales régissant l'industrie du vêtement. Cependant, en 1990 – presque quatre ans déjà – nous avons dû rajouter un volet à notre mandat, soit celui de la réglementation. Alors, nous ne sommes pas ici sous le coup d'une opportunité pour nous plaindre des décrets, mais plutôt pour recommander des actions à court et à long terme afin de rendre les manufacturiers de vêtements du Québec plus compétitifs, de préserver les emplois et surtout de créer de nouveaux emplois.

Nous parlons, d'abord, de la situation de l'économie à l'intérieur de notre industrie, et je suis heureux de constater que la commission joint économie et travail. Tout a complètement changé, pour nous, dans les derniers 10 ans, que ce soit les taux d'intérêt, la valeur du dollar, notre propre clientèle, l'affaissement de l'économie dans les derniers trois ans, un chômage augmenté, la technologie qui s'est pointée tardivement dans l'industrie, mais qui rapidement s'est implantée, les marchés de libre-échange. Le premier n'était pas encore totalement implanté qu'on en a négocié un deuxième. On ne connaît pas les effets du deuxième qu'on discute l'ajout de nouveaux pays à très court terme.

Mais je vais laisser ces grands thèmes économiques, non pas qu'ils ne soient pas importants, mais disons qu'ils sont peut-être discutés dans d'autres chambres. Je vais plutôt vous décrire les changements à l'intérieur de nos opérations saisonnières. Commençons par la clientèle. Nous servons différentes niches de marchés de détaillants pour différentes couches de consommateurs à l'intérieur d'une population de près de 27 000 000. C'est donc que nous faisons face à un marché très fragmenté à l'intérieur d'un pouvoir d'achat très concentré.

Il y a 10 ans, pour nos affaires, c'était relativement beaucoup plus facile. On préparait une collection au printemps, à l'automne, à l'été, suivant le secteur, on présentait nos produits, la vente se faisait assez facilement, le paiement dans plusieurs maisons était, à toutes fins pratiques, très sécurisé vis-à-vis des banques, et on roulait par habitude de saison en saison.

(16 h 20)

Aujourd'hui, c'est un peu différent. Chaque client important recherche une identification personnalisée. Alors, tout notre système de recherche et de création s'en trouve modifié. Il faut créer par client, mais créer par client, c'est loin d'être suffisant pour s'accaparer du client. Il faut devenir partenaire avec notre client, car notre produit subit la pression du commerce international, et on ne peut pas gagner cette bataille-là strictement avec le produit. Et devenir partenaire, ça veut dire devenir partenaire dans la création, dans la gestion, dans la commercialisation, dans les inventaires, dans le succès et dans l'insuccès.

Pour accomplir cette tâche aussi vaste qu'elle est, il nous faut aussi la technologie: la technologie à la création (augmenter la rapidité et l'efficacité), la technologie à la fabrication (les systèmes modulaires), la technologie à la distribution (les barres codées), la technologie à la commercialisation (l'imagerie EDI), la technologie à la gestion (contrôle des stocks, échanges intermagasins). Le manufacturier, aujourd'hui, doit faire partie de tout cela en plus du produit.

La clientèle va tellement changer dans les prochains 10 ans... Si on pense qu'on a évolué dans les derniers 10 ans, attendez-vous à des surprises dans les prochains 10 ans. Les autoroutes intelligentes par ordinateur; là, toute l'information va voyager entre nous et les détaillants. À titre d'exemple, mon catalogue, ici, que je puisse le présenter dans la Beauce, hein, directement sur son écran; quand un consommateur ou une consommatrice sera présent, qu'il puisse visionner tous mes produits sur place, même s'il n'est pas présent à l'intérieur physiquement. Ça veut dire qu'environ 60 % de notre clientèle va changer encore dans les prochains 10 ans. Et je crois, je n'ai pas la statistique précise, que tout près de 50 % ont changé. Et, si on voit ce qui est arrivé dernièrement avec toutes les chaînes américaines qui viennent de s'implanter et tout le «discounting» qui vient de s'implanter, et le consommateur qui change ses habitudes aussi, alors on peut voir qu'il reste beaucoup de pain sur la planche pour demeurer compétitifs et pour pouvoir préserver les emplois qu'on a déjà créés.

Du côté de la main-d'oeuvre, deux grands thèmes viennent influencer la situation: le Juste à temps, ce qui veut dire une semaine au lieu de huit à 12 semaines pour livrer la marchandise, et les systèmes modulaires, ce qui veut dire deux à trois jours au lieu de six semaines. Ces deux thèmes veulent donc dire que, à l'intérieur de nos usines, tout – et quand je dis «tout», là, ça veut dire d'un bout à l'autre – doit passer par le «reengining», que ce soit l'affectation de l'espace, que ce soit la machinerie et le personnel.

Quel est l'impact, dans une usine, des systèmes modulaires? «Modulaire», d'abord, ça ne veut pas dire, au début, mécanique et machinerie. «Modulaire», ça débute par le développement et la formation de la main-d'oeuvre. Le premier succès du système modulaire passe par là. Si vous ne possédez pas cet outil-là, vous êtes disparu avant de commencer. C'est une autre attitude complète, à l'intérieur d'une usine, qu'il faut implanter. Ce sont des groupes de six à 10 employés, en moyenne, suivant le produit, qui décident, qui corrigent, qui améliorent, qui ont l'autorité de faire ces choses-là. Ce n'est plus une poseuse de boutons, ce n'est plus une poseuse de collets, ce n'est plus une poseuse de poches; c'est une équipe modifiée qui planifie, et la dernière tâche qu'ils ont à accomplir, c'est de coudre. Ils sont polyvalents dans leur système.

C'est donc dire que les contremaîtresses, le personnel de service, le «matchage» par paquets, les fameux tickets, le «piecework» qu'on nous a souvent reprochés, peut-être à tort et peut-être à raison, tout ça est aboli et on rend les gens responsables. On rend les gens plus responsables au travail et on rend les gens automatiquement, en conséquence, plus responsables dans la société aussi.

M. le Président, les lois aussi jouent un rôle important dans nos décisions d'affaires. J'ai précisé plus tôt que nous subissions la pression du commerce international avec la Chine, avec l'Amérique du Sud, avec les États-Unis et avec beaucoup d'autres pays. On n'a qu'à se promener dans les magasins et à vérifier, c'est facile à vérifier. Mais c'est aussi notre rôle, à nous, les manufacturiers, de choisir de quelle manière nous pouvons le mieux offrir valeur versus prix au consommateur canadien, en premier lieu, et à l'exportation pour ceux qui en ont la capacité.

Actuellement, la loi des décrets nuit à notre développement et cette loi nous incite davantage à devenir importateurs plutôt que producteurs, et je m'explique. La loi des décrets veut protéger les employés en régissant le produit, ce qui, à mon avis, est totalement aberrant. Imaginez la situation suivante: une firme qui fabrique des vêtements de nuit, qui fabrique des vêtements de détente, qui fabrique des robes de chambre. Disons que cette même firme importe aussi une partie de sa collection de flanellette et de robes de chambre de pays divers, soit de la Chine ou du Brésil, parce que ces matériaux-là, ces matières premières ne sont pas disponibles au Canada, et que la balance de la production locale est fabriquée à l'intérieur d'un système modulaire. Qu'est-ce qui arrive? Une partie de la fabrication est régie par le décret, une autre partie n'est pas régie. Il y a des robes de chambre qui sont régies par le décret, mais, si elles sont associés à une nuisette pour en faire un ensemble peignoir, là, la robe de chambre n'est plus régie. Et il y a l'importation qui rentre. Si on la presse, c'est régi par le décret; si on l'expédie immédiatement aux clients, ce n'est plus régi par le décret. Et, si c'est une robe de chambre pour hommes, c'est un autre décret.

Pour les heures travaillées sur les produits régis par le décret, cette firme-là se doit de comptabiliser les heures de travail pour remettre au comité paritaire une partie des vacances de l'employé. Et l'employé recevra son chèque de paie, une partie venant du comité paritaire, une partie venant de la manufacture, pour une partie, les impôts payés un an d'avance et, pour l'autre partie, les impôts déduits à la source.

En plus de ça, à l'intérieur de toutes les catégories définies à l'intérieur du décret pour soit une opératrice de machine spéciale, tout ça, le système modulaire, ça n'existe pas. L'équipe fabrique le vêtement au complet. Alors, on ne peut pas définir la classification; elle n'existe plus à l'intérieur de nos usines et de moins en moins elle va exister, sans parler du champ d'application industrielle par produit, qui change constamment parce que le consommateur qui utilise ce produit-là l'utilise de façon différente. Un tee-shirt, à l'occasion, va servir de jaquette et une jaquette, à l'occasion, va servir de tee-shirt. Oui, c'est vraiment le consommateur qui est le roi et qui décide.

Mais, tout de même, pendant que toute cette production-là s'opère, le manufacturier continue toujours avec son système modulaire, mais à la porte, à l'entrée, un inspecteur du comité paritaire se pointe, un homme qualifié, un homme compétent, un homme courtois. Il ne peut pas aider le manufacturier à l'intérieur de l'entreprise; il a l'autorité seulement de le pénaliser. Il ne peut pas faire respecter la loi; il fait face à une impossibilité. Et le manufacturier ne peut pas respecter la loi; il fait face à une impossibilité.

Mais, durant tout ce temps-là où on continue à travailler à la production, dans un autre édifice, dans le centre de production de Montréal, sur la rue Chabanel, il y a un autre groupe de manufacturiers – il y a 40 manufacturiers sur les 950 manufacturiers qui existent, environ – qui sont en négociations avec l'Union internationale du vêtement pour établir une nouvelle convention, laquelle vous sera adressée pour l'extensionner à l'industrie. Et ces 40 entreprises-là représentent environ 1500 ouvriers. Il demeure 11 000 ouvriers ou ouvrières non représentés. Il demeure plus de 900 entreprises non représentées.

(16 h 30)

On n'a qu'à se souvenir de la dernière négociation où on était vraiment gênés, comme propriétaires d'usines, de dire à nos employés: L'augmentation que vous avez eue, elle a été annulée. Quand on est rendu là, ça devient difficile d'opérer. Et d'autant plus que, le temps que ces gens-là négocient la prochaine convention collective, ce manufacturier-là n'est pas au courant de ce qui va arriver comme résultat. On doit établir des coûts et, si on parle de Juste à temps, de rapidité, de service et de tout ça, bien, je pense qu'il faut l'imposer dans tous les domaines.

Dans la même semaine, une journée après, un autre inspecteur se présente, des comités paritaires reliés à la CSST – que ce soit de Préventex ou l'Association paritaire pour la santé et la sécurité – un représentant qualifié, compétent et courtois, qui nous offre des services en matière de sécurité et principalement une étude en ergonomie pour les systèmes modulaires. Ah, bien, bonjour, monsieur, assoyez-vous. On a un intérêt à écouter ces gens-là. La vision du service offert est différente. Avec un comité, on peut travailler et améliorer le bien-être de l'employé. Avec l'autre comité, on ne peut rien accomplir. Ce scénario peut vous sembler exagéré ou loufoque, mais je peux vous dire que c'est la réalité. Ce n'est pas une situation qui existait voilà six ans ou voilà six mois ou voilà six semaines; c'est la semaine passée, dans mon usine.

M. le Président, l'abolition du décret du vêtement ne diminuerait pas les conditions de travail des employés. Ce qui va diminuer les conditions de travail et même éliminer des emplois, c'est le retard dans la formation professionnelle et le manque de vision du futur. On enseigne des histoires de cas passés plutôt que du développement et de la création. Dans le décret du vêtement pour dames, il y a un consensus entre l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, la Guilde et l'Association des entrepreneurs en couture; tous demandent l'abolition du décret. Même la partie signataire du décret en demande l'abolition.

Le souci de la diminution de la qualité au travail ne tient pas, et je vais vous donner un exemple. Le secteur du vêtement de base n'est régi par aucun décret. C'est le secteur qui a progressé le plus dans les derniers temps de cette récession-là. Les conditions de travail sont bonnes et, pourtant, ils ne sont pas régis par un décret. Toutes les autres usines qui ne sont pas régies par le décret continuent à progresser et continuent à offrir des conditions de travail acceptables. Les organismes et les lois, tels que la CSST, l'assurance-chômage, les normes du travail, la loi du salaire minimum, la protection pour les personnes enceintes, toutes ces choses-là sont en place pour une surveillance orientée sur les conditions de travail plutôt que sur le produit, et ça, c'est une grosse différence.

J'ai dit qu'on n'était pas ici pour critiquer, et c'est vrai. C'est pourquoi nous vous demandons de mettre en place une nouvelle structure ayant comme mandat la formation et le développement des ressources humaines, de gérer l'implantation de nouvelles technologies, de favoriser l'intégration des nouveaux arrivants. Cette structure devrait être composée majoritairement d'associations patronales et de représentants du monde ouvrier. Cette structure devrait travailler de près avec la Société de développement de la main-d'oeuvre du Québec. À titre d'exemple, cet organisme pourrait aider à la diffusion et à l'implantation du programme de crédit d'impôt accordé à la création et au design, que le gouvernement vient de nous accorder dernièrement et pour lequel on le remercie. Et, d'ailleurs, c'est un programme qui a été pensé et proposé par l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec.

Mais on se rend plus loin. Nous vous demandons aussi la formation d'une commission permanente représentative du secteur dames, ayant un mandat consultatif pour protéger les droits acquis, tel le salaire, tels les congés fériés, tel le déficit du fonds de vacances, actuellement, qui existe, et pour suggérer au gouvernement les mesures nécessaires à la bonne gestion du secteur du vêtement pour dames.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous invite, M. Lapierre, à conclure parce qu'il vous reste à peine deux minutes.

M. Lapierre (Claude): Et je conclus rapidement. Nous ne nous sauverons pas de nos responsabilités. Nous sommes prêts à relever le défi de l'abolition du décret. Nous voulons, au Québec, être égaux aux autres provinces pour compétitionner sur les plans national et international. Au Québec, nous avons toujours eu le palmarès dans l'industrie du vêtement et, actuellement, il est en train de s'effriter. L'Ontario nous le vole, la Colombie-Britannique nous le vole et même le Manitoba nous en vole. Alors, c'est dans cette optique-là, dans l'optique de préserver des emplois, dans l'optique de créer des emplois et dans l'optique d'augmenter la valeur de responsabilité de tous les gens qui travaillent dans l'industrie du vêtement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Marcil: Je voudrais, d'abord, vous souhaiter la bienvenue. Deuxièmement, vous dites dans votre mémoire que vous ne vous prononcez pas sur l'abrogation de la loi; vous vous prononcez sur l'abrogation du décret du vêtement pour dames.

M. Lapierre (Claude): C'est exact.

M. Marcil: Donc, c'est deux choses différentes.

M. Lapierre (Claude): C'est deux choses très différentes.

M. Marcil: Très différentes. Je sais que nous avons une demande, je crois, d'abrogation du décret.

M. Lapierre (Claude): D'abolition du décret, oui, exact.

M. Marcil: Pourquoi le décret du vêtement pour dames? Il semble qu'il y a un problème au niveau du décret du vêtement pour dames. Par contre, dans le décret du vêtement pour hommes, ça semble bien aller. C'est ce qu'on a comme information. C'est ça? Non? Pas plus?

M. Lapierre (Claude): Moi, je sais que le vêtement pour hommes va s'adresser à cette commission bientôt, et je ne voudrais pas répondre pour eux autres.

M. Marcil: Ce soir, oui.

M. Lapierre (Claude): Mais je vous suggérerais peut-être de leur poser quelques questions, de demander au vêtement pour hommes: Est-ce que, si on modifie le décret, si on fait un décret pour toute l'industrie, vous êtes d'accord? On les laissera répondre, à ce moment-là. Et je suggérerais fortement...

M. Marcil: Vous, seriez-vous d'accord?

M. Lapierre (Claude): Non.

M. Marcil: Non.

M. Lapierre (Claude): Non. Parce que, voyez-vous, on doit compétitionner sur le plan national, premièrement. Si on veut avoir du succès à l'exportation, il nous faut aussi, premièrement, contrôler notre marché local.

M. Marcil: Dans votre usine, M. Lapierre, vous avez combien d'employés?

M. Lapierre (Claude): Cent cinquante-cinq.

M. Marcil: Est-ce qu'ils sont syndiqués?

M. Lapierre (Claude): Non.

M. Marcil: Non. Puis il y a des usines où les gens sont syndiqués.

M. Lapierre (Claude): Il y a des usines où les gens sont syndiqués. Dans le décret de la dame, il y a environ 40 usines où les gens sont syndiqués et il y a au-dessus de 900 usines qui ne le sont pas.

M. Marcil: Donc, c'est une minorité qui sont syndiquées.

M. Lapierre (Claude): C'est une minorité, oui.

M. Marcil: Et vous avez l'impression, pas seulement l'impression, mais vous êtes convaincus que vous n'êtes pas représentés à la table.

M. Lapierre (Claude): Nous ne sommes pas représentés à la table, non.

M. Marcil: C'est parce qu'on ne vous a pas invités ou bien si vous ne voulez pas?

M. Lapierre (Claude): Nous n'avons jamais été invités.

M. Marcil: Jamais été. Donc, la table, le comité paritaire, dans le fond...

M. Lapierre (Claude): Bien, on se comprend; quand je dis: On n'est pas invités...

M. Marcil: Oui, oui, je comprends.

M. Lapierre (Claude): ...je ne vous dis pas qu'il n'y a pas une personne sur 12 qui peut siéger. Je ne sais pas qui siège. Peut-être que M. Saul Rose peut répondre, étant donné que M. Saul Rose, de la Guilde, participe à ces négociations-là.

M. Marcil: O.K. Ce que je veux savoir, c'est que le Comité paritaire du vêtement pour dames, présentement, est contrôlé, au niveau des travailleurs, par la partie syndicale, donc uniquement des gens, des travailleurs qui relèvent d'une unité syndicale. C'est ça?

M. Lapierre (Claude): Je ne suis pas sûr que j'ai compris la question, M. le ministre.

M. Marcil: Le comité paritaire, c'est paritaire employeurs et employés.

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Marcil: Bon. Au niveau du Comité paritaire du vêtement pour dames, présentement, les employés qui siègent au Comité paritaire, ce sont uniquement des employés syndiqués?

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Marcil: Uniquement?

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Marcil: Et les employeurs qui siègent au niveau du Comité paritaire du vêtement pour dames, est-ce que ce sont uniquement des employeurs dont les travailleurs sont syndiqués?

M. Rose (Saul): Oui. Mais est-ce que je peux m'expliquer en anglais, s'il vous plaît?

M. Marcil: Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Allez-y, M. Rose.

M. Rose (Saul): The board of... The «conseil d'administration du comité paritaire» represented the cocontracting parties representing the union and management that is unionized. And as well, the Government has appointed representatives of non-unionized manufactures and other representatives of labour, apart from those unions that have organized the manufactures in the ladies garment industry.

(16 h 40)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci.

M. Lapierre (Claude): Alors, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a un vote pour les 11 000 et la balance pour les 1500.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): J'ai bien saisi, M. Lapierre. Alors, M. le ministre.

M. Marcil: Est-ce qu'il pourrait y avoir une organisation... Je parle au niveau de la loi. Si la loi avait cette flexibilité-là de faire en sorte qu'on enlève tous les irritants qui existent, autant au niveau de la semaine de travail... Comment je pourrais dire, donc? On a soulevé beaucoup de points depuis hier. Des gens sont venus en commission depuis mardi et ils veulent qu'on modernise la loi; ils ne veulent pas qu'on l'abroge. Mais la plupart des gens disent qu'il y a des irritants majeurs au niveau de chacun des comités paritaires, qui peuvent être différents d'un comité paritaire à un autre. Si on abrogeait le comité paritaire comme tel, on le remplacerait par quoi? Qu'est-ce que vous suggérez, à ce moment-là, pour qu'on puisse protéger les conditions de travail des employés?

M. Lapierre (Claude): Pour qu'on puisse protéger les conditions de travail. Il faut comprendre que les conditions de travail, actuellement, existent dans le secteur non régi par les décrets. Ces gens-là qui travaillent sont bien au courant, comme dans toutes les autres provinces du Canada, du niveau du marché, et chaque industrie se doit d'être compétitive au point de vue de sa main-d'oeuvre, autant avec le produit qu'avec la main-d'oeuvre. Et c'est pour ça qu'on insiste sur la formation parce que plus notre main-d'oeuvre va être développée, moins il y aura de difficultés au point de vue relations de travail entre employeurs et employés. Plus les nouveaux systèmes, plus la nouvelle technologie s'implantent, moins de difficultés on aura. Et c'est pour ça qu'on demande...

Maintenant, on est conscients aussi qu'on ne peut pas se défiler de nos responsabilités. C'est pour ça qu'on suggère que ce soit une commission permanente consultative ou que ce soit sous une autre forme pour conserver les droits acquis actuellement dans l'industrie. Et ce sera le rôle de ceux-là de s'occuper de les protéger. Maintenant, la loi les protège déjà; il n'est pas permis de baisser le salaire d'un employé ou d'enlever des congés.

M. Marcil: Non, je comprends, sauf que, si on fait disparaître le décret, c'est la loi sur les normes minimales qui s'applique; ce n'est plus la convention ou le contrat de travail qui est régi par le décret qui s'applique. Ça pourrait être des conditions différentes.

M. Lapierre (Claude): Ce qui existe dans le vêtement de base, ce qui existe dans le vêtement d'enfant, ce qui existe dans la lingerie, ce qui existe... Il y a plusieurs secteurs où ça existe.

M. Marcil: Oui, je comprends. C'est seulement pour vous donner... Comme je le disais ce matin à un groupe, il faut être conscient que les conditions de travail n'étant plus régies par un décret, elles peuvent changer à la baisse également. Il faut juste comprendre ça. Il y avait mon collègue...

M. Lapierre (Claude): Et si elles changeaient à la hausse?

M. Marcil: Oui, elles pourraient changer à la hausse.

M. Lapierre (Claude): Et si elles changeaient à la hausse dû au fait qu'on spécialise nos usines, dû au fait qu'on va faire plus de formation? Est-ce que vous croyez... Une fois qu'on a investi dans une machine, disons 50 000 $, immédiatement, on s'en va voir le mécanicien: Prends soin d'elle, là, hein! Mais, quand on investit 10 ans, ou cinq ans ou deux ans dans un employé, c'est la même chose, on a le même souci de respect, et spécialement si on lui a donné une formation spécialisée. On aura avantage à conserver notre personnel. On n'est plus dans cette bagarre-là aujourd'hui. Toute ma compétition, voilà 10 ans, était pratiquement canadienne. Je n'ai plus aucune compétition canadienne. Ça n'existe pas, je n'ai pas de compétiteur, Claudel n'a pas de compétiteur canadien.

M. Rose (Saul): Vous êtes chanceux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapierre (Claude): J'en ai un paquet sur le plan international, par exemple. J'ai la chienne à mes trousses; on voit la qualité s'améliorer. De saison en saison, on voit la qualité du produit. Il faut se souvenir du Japon, quand le Japon a commencé. Actuellement, c'est exactement le même phénomène qui se déroule en Chine, sauf qu'au lieu de 180 000 000 ils sont 1 200 000 000. Or, quand je vous dis que ça va changer dans 10 ans, oui, ça va changer.

Ça se rendrait même plus loin. Si j'avais une recommandation plus sérieuse à faire et plus grande sur le plan à long terme, ce serait de former le GATT du travail. Par le GATT, vous contrôlez tous les produits, que ce soit ça, que ce soit un verre, la théière, les tables, nommez-les. C'est tout contrôlé dans ses moindres détails si je veux transiger ça avec la Chine. Pensez à toute la documentation qui rentre pour une douzaine de pyjamas qu'on va importer et puis, par contre, pour les emplois, on ne s'en occupe pas. Il serait temps que les sept grands pays s'unissent, puis de commencer à parler du GATT du travail et de réglementer les jobs. Parce que, auparavant, dans les échanges commerciaux, l'économie réussissait à contrôler le chômage, mais le contrôle est perdu actuellement. Les échanges commerciaux, qu'ils soient positifs ou négatifs, n'ont plus le même impact sur l'emploi dans les sept pays développés, et il serait temps de regarder de ce côté-là. Mais je crois que je dépasse les bornes, peut-être, de ce qui intéresse...

M. Marcil: Non, non, c'est important de tout savoir ça, M. Lapierre. Vas-y, Henri.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, avant que le député de Verdun ne prenne la parole, j'aimerais demander aux gens de cette commission s'il y a autorisation.

Des voix: Consentement.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Consentement. Merci. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Excusez-moi, je vais peut-être sortir un peu, mais je suis heureux de pouvoir discourir avec vous. Je vais sortir de la question du décret et m'intéresser à votre industrie qui est une industrie extrêmement importante au niveau de l'emploi, particulièrement dans la région montréalaise. On a, comme gouvernement, donné accès aux crédits de recherche pour tout ce qui était le design. Est-ce que, ça, ça a eu un effet? Je voudrais savoir quel effet ça a pu avoir sur votre industrie ou sur l'amélioration, disons, du produit que vous produisez.

M. Lapierre (Claude): Ça a aidé...

M. Gautrin: Je sais que je suis un peu hors d'ordre...

M. Lapierre (Claude): Non.

M. Gautrin: ...mais je profite de la chance parce que je veux...

M. Lapierre (Claude): Non, ça a un effet positif. Naturellement, nous n'avons pas vu encore toute la réglementation alentour de ce programme-là, mais ça a un effet extrêmement positif. Ça va permettre à nos jeunes créateurs, à nos jeunes designers d'obtenir des emplois beaucoup plus facilement étant donné qu'il y aura un crédit d'impôt de 40 % sur toutes les dépenses en création et en design. Alors, ça veut dire que, pour nos dessinateurs, dessinatrices, nos «patronnistes», nos opératrices d'échantillons, tout ce groupe-là, et la commercialisation aussi, toutes ces dépenses-là auront droit à un crédit d'impôt. Il est évident que ça devient pour nous un avantage qui nous rend plus compétitifs. Et, quand vous nous rendez plus compétitifs et quand on se rend plus compétitifs, vous n'avez pas idée de l'impact que ça a sur la création d'emplois.

M. Gautrin: J'en suis convaincu.

M. Lapierre (Claude): C'est énorme. Actuellement, le dollar a flanché un peu, et déjà les grandes chaînes sont nerveuses et commencent à acheter un peu plus canadien. L'impact est énorme; 150 emplois, ce n'est rien à aller chercher dans l'industrie du vêtement parce qu'on est à haute densité de main-d'oeuvre.

M. Gautrin: Mais il y a parfois, dans certains secteurs de l'industrie du vêtement, une tendance, particulièrement dans les marchés d'exportation, à faire le design ici, au Canada, même parfois la coupe, mais de faire la couture dans un des pays du tiers monde pour pouvoir exporter après sur les marchés internationaux.

M. Lapierre (Claude): Ça a été popularisé aux États-Unis avec le programme 807 – je crois qu'ils appellent ça ainsi – où vous taillez à Miami, vous faites coudre dans les Caraïbes et ça revient à l'intérieur des États-Unis, et ça peut faire partie même du libre-échange. Alors, ça fait partie de notre compétition. Pour nous, c'est un programme qui n'est pas implanté au Canada et, même s'il était valable pour nous autres, il faudrait penser que nous ne sommes tout de même pas aussi près des Caraïbes que la Floride peut l'être.

M. Gautrin: Maintenant, les coûts de transport, en général, ne sont pas majeurs dans le débat, mais enfin... Et, dernière question, là: En termes de compétitivité, actuellement, de vos entreprises sur les marchés internationaux, de quoi avez-vous besoin? Je comprends le problème du décret, j'ai compris votre intervention sur les décrets, mais où vous situez-vous et qu'est-ce qui vous manque actuellement? Parce que, moi, je reste toujours convaincu que vous êtes...

M. Lapierre (Claude): Vous ouvrez un grand débat.

M. Gautrin: ...un des secteurs extrêmement importants en termes d'emplois.

M. Lapierre (Claude): Ce qui nous manque, c'est que tous les ministres du Québec s'en aillent à Ottawa, puis qu'ils disent: Fini de payer des tarifs sur la marchandise non disponible au Canada! Oubliez le reste. On a besoin de cinq choses. Si on obtient celle-là, oubliez les quatre autres.

M. Gautrin: Mais, est-ce que vous pourriez... Ça veut dire quoi, ça, exactement?

(16 h 50)

M. Lapierre (Claude): Ça veut dire que, quand j'importe de la flanellette... Il n'y a plus un fabricant de flanellette au Canada. Je me promène à travers le Canada et j'ai mon carnet de commande, et je veux avoir 55 000 mètres de flanellette. Je ne suis pas capable de l'obtenir. Je l'achète de Chine et, quand elle rentre, je paie 19,5 % de tarif douanier. Savez-vous combien ça coûte, ça, aux consommateurs canadiens? Alors, il serait temps qu'à Québec, où on a une... Je m'arrête.

M. Gautrin: Non, je comprends le problème.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, M. Lapierre.

M. Gautrin: Merci, c'était intéressant.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je passe la parole au député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente. Simplement, avant de commencer, compte tenu que c'est possible qu'à un moment donné on ait un vote, vous nous excuserez si on est obligés de quitter, mais on va continuer le temps qu'il faut parce que c'est un débat qui est important. Mais vous allez me permettre d'être un peu l'avocat du diable...

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Jolivet: ...parce que je pense qu'on fait aboutir des dossiers quand on le fait comme ça, d'autant plus que je regarde et, dans les gens qui vont venir à la commission, il n'y a personne qui représente le Comité paritaire du vêtement pour dames. On a le vêtement pour hommes qui va venir, mais on n'a pas le comité équivalent de ce que vous représentez. D'autant plus que, à ce moment-là, si on a mis un jour des décrets, c'est qu'il y a eu des abus, d'une part, et il fallait corriger des difficultés, d'autre part. L'employée, dans le secteur que vous avez, est, en grosse majorité, je crois, féminine. Dans le contexte où on a, à un certain moment donné...

Puis, pour revenir à la question dont on parlait tout à l'heure – je l'ai vu dans d'autres niveaux – la ganterie, chez moi, a disparu tranquillement pas vite, comme on disait dans le temps. Mais il arrivait des phénomènes où l'individu achetait son gant de Chine; la seule chose qu'il faisait comme opération au Québec, c'était de coudre le pouce et, une fois que le pouce était cousu, il mettait «Made in Canada», sauf qu'il n'a jamais été fait au Canada. Vous le savez, ces choses-là ont existé.

Le problème qui a existé aussi dans le vêtement pour dames, c'est le travail à la maison; donc, une forme de travail au noir, d'une certaine façon, dans les petites entreprises où on demande à des femmes, l'après-midi, de coudre chez elles, dans des conditions difficiles souvent, et même, dans certaines entreprises, dans des conditions difficiles. Donc, le décret comme tel avait pour but de protéger un secteur vulnérable. Vous dites: Le décret étant parti, nous aurons donc moins d'entraves pour faire notre action; donc, on sera plus compétitifs, vous nous permettrez d'être plus compétitifs. Et, à ce moment-là, en étant plus compétitifs, nous pourrions donner de meilleures conditions à des gens.

Vous allez me permettre, compte tenu que je suis l'avocat du diable, d'en douter dans la mesure où je vis autre chose dans les grandes entreprises actuellement comme le bois, chez moi, quand on part de 1200 employés, puis qu'on tombe à 600 employés, puis qu'on dit aux gens, à l'intérieur de l'usine: Désormais, quand tu auras du temps libre – parce que tu es peintre, c'est bien de valeur – tu vas aller aider un autre qui, lui, fait une telle sorte de job, sans avoir nécessairement la préparation.

Donc, vous parlez de groupes modulaires dans lesquels la personne peut tout faire ou, du moins, est supposée être capable de tout faire, en sachant qu'elle n'est pas nécessairement capable de tout faire. Et là, vous dites: Ça va entraîner, dans ce contexte-là, la possibilité pour les gens de devenir meilleurs. On va les former. Ça, c'est une question, je veux bien savoir comment vous allez faire parce que, quand vous faites de la formation à l'intérieur de l'industrie, vous payez pour. Mais, si vous ne payez pas pour, vous allez demander à quelqu'un de payer pour, c'est l'État. Et là, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre peut être un outil. Mais, dans ce contexte-là, le groupe modulaire qui est là aura donc, d'une certaine façon, à faire autre chose dans certains cas que ce qu'il est habitué à faire parce que, si un du groupe tombe malade, il faut qu'il soit remplacé. À ce moment-là, vous l'obligez quasiment à faire des tâches qui peuvent être dangereuses pour lui.

Alors, moi, dans ce contexte-là, sur tout ça, là, je me pose de sérieuses questions sur le goût que vous avez, comme entreprise – ce qui n'est pas anormal, cependant – de vouloir tellement déréglementer que, finalement, c'est vous autres qui allez réglementer le travail des gens à l'intérieur. Est-ce que je me trompe? J'ai des doutes qui sont importants dans mon esprit.

M. Lapierre (Claude): Il y a plusieurs volets à votre question, et je vais tenter de tout y répondre. Premièrement, si on touche au travail à domicile, il faudrait ouvrir une parenthèse sur le travail à domicile et établir le travail au noir aussi, qui est une chose différente du travail à domicile. Si on classifie le travail au noir comme étant de la fraude, alors, ce ne sont plus des compagnies légitimes et ce n'est pas de notre ressort. On parle du travail à domicile. Si le travail à domicile existe et s'il faut qu'il existe, bien, qu'il en soit ainsi. Maintenant, si le travail à domicile existe pour une personne qui travaille sur un ordinateur à la maison, est-ce qu'on va se mettre à faire de la discrimination et défendre à une autre personne, qui a un potentiel différent, une capacité différente pour faire un autre travail, de faire ce travail-là?

M. Jolivet: Non. Vous allez me permettre...

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Jolivet: ...de vous arrêter là, parce que, là, vous faites une comparaison qui n'est pas valable pour moi. L'ordinateur, c'est bien autre chose. On peut le faire n'importe où, même dans la voiture, même en avion. Ça, je n'ai pas de problème avec ça. Mais, quand je parle de couture, là, vous ne parlez pas de la même chose. Puis, je l'ai vu, je l'ai vérifié, je suis allé le voir chez moi, comme partout ailleurs où des personnes travaillent chez elles à des conditions pas tout à fait catholiques, si on peut me permettre l'expression, où on profite du fait que la femme a besoin de gagner sa vie, en lui permettant dans certains cas d'empocher de l'argent pour ne pas avoir à vivre trop mal son bien-être social. Là, vous m'excuserez un peu, mais, je vous le dis bien honnêtement, c'est un danger que je vois dans l'optique que vous me décrivez.

M. Lapierre (Claude): Il est évident que tout ce qu'on décrit ne fait pas partie de la fraude, du non-contrôle et puis tout ça. Deuxièmement, pour continuer dans le travail à domicile, ce qu'on propose en élimine une très grande partie, et je vais vous dire pourquoi. Parce que, dans le travail modulaire, vous n'en ôtez pas une partie pour l'envoyer ailleurs, c'est impossible. La nouvelle technologie, à domicile, ils n'en ont pas. Alors, il se produit quoi, actuellement, à domicile? Surtout des vêtements qui sont faits à la machine «plain», ordinaire; ce n'est pas des machines spécialisées. Mais, aujourd'hui, tout l'équipement est spécialisé, tout l'équipement est programmé; même la machine à point simple, aujourd'hui, on la préprogramme: avance 10 points ou bien fais trois barres, puis continue huit points, tu sais. Alors, ils n'ont pas ça, à la maison. La machine, elle coûte toujours à peu près le même prix.

Tenez compte du fait qu'il n'y a aucune technologie actuellement, qui pointe d'ici 10 ans, qui va remplacer la paire de mains, l'aiguille et le fil; nulle part sur la planète Terre ça n'existe. Alors, il faut travailler avec ces éléments-là. Alors, la machine, elle ne coûte pas tellement plus cher. La petite boîte en dessous coûte cinq fois le prix de la machine. Alors, il y a beaucoup de choses de même, qui donnent réflexion sur le travail à domicile, et nous doutons très fortement qu'il y ait une grande croissance dans le travail à domicile et qu'il y ait du futur, actuellement, dans le travail à domicile.

M. Jolivet: O.K. Passons à l'autre partie, maintenant.

M. Lapierre (Claude): O.K. Bon. La madame est malade, ça arrive. Je m'excuse si j'emploie les termes masculins ou féminins, disons l'employé.

M. Jolivet: La personne.

M. Lapierre (Claude): La personne. Justement, le groupe a été formé. La personne n'y est pas ce matin. Qu'est-ce qu'on fait? À l'entraînement, ça a fait partie de ça. Au lieu d'être sept, ils sont six. Alors, ils réorganisent leurs postes de travail; ils ont été formés, ils ont l'autorité pour le faire. Et ça existe, ça, là, c'est de l'actualité. Alors, tout cet entraînement-là aussi, avec... Vous dites que ça va coûter cher à l'État. Absolument. S'il y a des programmes qui existent, ils existent pour tout le monde. Je ne pense pas qu'on va se mettre à pénaliser un secteur de l'industrie, puis à dire: Vous autres, vous coûtez trop cher pour utiliser ce programme-là en formation. Un gouvernement qui se mettrait à limiter la formation, je pense que ce serait...

M. Jolivet: Ça existe.

M. Lapierre (Claude): Ça existe...

M. Jolivet: Oui, actuellement.

M. Lapierre Claude): Bon.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous rappelle à l'ordre.

M. Jolivet: Je voulais juste lui rappeler que ça existe.

M. Lapierre (Claude): Maintenant, sur la question des conditions...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui.

M. Lapierre (Claude): ...dangereuses, je vous ai expliqué que, déjà, il y a des comités avec la CSST.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Lapierre...

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Marcil: Je voulais simplement dire, M. Lapierre...

M. Jolivet: Bien, pourquoi il a le droit de parler, là, lui?

M. Marcil: ...que présentement...

M. Jolivet: Non, mais madame...

M. Marcil: ...il ne s'est jamais dépensé autant en formation...

M. Jolivet: Non, mais minute, minute, minute!

M. Marcil: ...au Québec. Il ne s'en est jamais dépensé autant.

M. Jolivet: Minute! Mme la députée, pourquoi vous lui donnez la permission...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme la Présidente.

M. Jolivet: Mme la Présidente, oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui.

M. Jolivet: Ce n'est pas parce que...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): C'est parce que vous avez soulevé une question...

M. Jolivet: Mais il avait juste à prendre son temps de parole quand il avait le droit. C'est moi qui ai le droit de parole.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): ...et je crois que, M. le ministre, il lui restait encore un droit de...

M. Jolivet: Ça, ça ne me dérange pas, madame, mais quand j'aurai fini.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mais c'est parce que vous avez soulevé...

M. Jolivet: Mais je n'ai pas fini. Mais non, je le sais, mais il le fera après. Il le fera après. Il le fera après.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): ...vraiment quelque chose que vous ne deviez pas faire.

M. Lapierre (Claude): Je peux peut-être vous aider?

M. Jolivet: Ah! je m'excuse. Je m'excuse.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. Lapierre.

M. Jolivet: Je m'excuse.

M. Lapierre (Claude): L'industrie a été très bien traitée sous les deux gouvernements.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Ce n'est pas de ça que je parlais, monsieur. Ce n'est pas de ça que je parlais.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Non, on ne recommencera pas, monsieur.

M. Jolivet: Alors, moi, je continue parce que ce que vous me dites là, le danger qu'on a toujours dans ça, regardez-le bien comme il faut, c'est toujours le nivellement par le bas. Vous me parlez de la Chine. Je m'en fous, de la Chine, d'une certaine façon. Moi, je n'irai pas vivre les conditions de travail qu'ils ont là. Ça, je pense que c'est important. Il s'agit de savoir ce que, moi, je veux donner, comme société, en travail à des gens. Je pense qu'il faut faire la distinction. Que maintenant il y ait des choses qui, à l'entrée au pays, font en sorte qu'on reçoit une certaine forme de dumping payé à la sortie, là-bas, au port, ce n'est pas à moi à être pénalisé, comme ouvrier ou ouvrière au Québec, pour ça. C'est simplement ça que je veux vous dire. Quand vous me dites: On fait disparaître le comité paritaire qui a pour but, d'une certaine façon, au niveau du décret du vêtement pour les femmes, de permettre aux employés qui n'ont pas droit de parole d'avoir un lieu, au moins, où ils peuvent se faire valoir, c'est là. Sinon, on va aller aux normes minimales, mais les normes minimales, ce n'est pas une convention collective, ça. Je pense que c'est important de regarder ça.

M. Lapierre (Claude): Quand vous dites de faire disparaître le comité paritaire, ce n'est pas la disparition du comité paritaire qu'on fait, là. On modifie les structures pour former du personnel, et ce personnel-là... La même chose, c'est exactement identique. Avant, dans l'usine, une personne posait des poches et ça faisait 10 ans qu'elle posait ça, et une petite fille qui était là depuis deux ans, elle lui montrait: C'est correct, ça? L'autre était bien plus qualifiée pour le faire. Alors, on enseigne à nos gens à prendre soin d'eux-mêmes, on les développe. Est-ce que vous croyez vraiment qu'un employé n'est pas capable de négocier son salaire?

(17 heures)

M. Jolivet: Monsieur, un employé tout seul, oui, il n'est pas capable. Un employé, dans les conditions où vous le mettez, il a besoin d'un organisme pour l'aider; ça s'appelle un syndicat, normalement. Puis, quand il n'y a pas de syndicat, ça s'appelle une convention prévue par décret.

M. Lapierre (Claude): Mais les syndicats existent.

M. Jolivet: Je le sais, mais vous me dites, si j'ai bien compris, que vous avez 900 entreprises qui ne sont pas syndiquées. J'ai bien compris ça?

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Jolivet: Alors, où est-ce que vous voulez que ces gens-là se protègent autrement que par le décret?

M. Lapierre (Claude): Je crois qu'aujourd'hui, dans notre société qu'on peut qualifier de moderne, s'ils ne se sont pas adressés au syndicat, c'est peut-être qu'ils n'en sentent pas le besoin.

M. Jolivet: Vous me permettrez d'en douter, monsieur, parce que...

M. Lapierre (Claude): Non, écoutez...

M. Jolivet: ...j'ai chez moi des petites entreprises qui sont dans des fonds de sous-sol, qui existent légalement, mais qui donnent des conditions de travail... Moi, je ne parle pas de l'ensemble général où vous parlez de 150 employés.

M. Lapierre (Claude): Mais ceux-là doivent disparaître et sont appelés à disparaître, et je suis d'accord avec vous.

M. Jolivet: O.K.

M. Lapierre (Claude): Je suis d'accord avec vous 100 milles à l'heure, ceux-là doivent disparaître.

M. Jolivet: Mais ils sont encore là depuis cinq ans et 10 ans.

M. Lapierre (Claude): Mais ce n'est pas ceux-là qui emploient la masse, ce n'est pas ceux-là qui emploient les 11 000. Les entreprises de trois, quatre, cinq employés ne sont pas celles qui emploient les 11 000 personnes. Alors, il faut donner la chance... La glace est tellement mince, avec la compétition aujourd'hui, entre réussir et ne pas réussir. On se promène sur une glace très, très mince, et c'est ça qui protège... Alors, avant de créer les emplois, on commence par les protéger. Actuellement, on est en période de protection des emplois. Et, si on réussit ça...

Et, si vous allez à Ottawa et si vous allez nous enlever les tarifs sur les matières premières non disponibles, là, je vais commencer... Je me bagarre déjà avec des importations, je me bagarre tête à tête, et il n'en manque pas gros pour faire passer ma décision de le faire au Canada au lieu de le faire venir de l'extérieur.

M. Jolivet: Sauf que je serais d'accord avec vous sur la question des tarifs, mais je ne serais pas d'accord sur les conditions de travail des employés. Vous me permettrez de le penser comme tel.

M. Lapierre (Claude): Absolument.

M. Alper (Mel): Si je peux dire quelque chose, si j'ai bien suivi ce qui s'est passé...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Alper, oui, vous avez la parole.

M. Alper (Mel): Nous sommes une compagnie de 270 employés et le nombre d'employés qui ont plus de 30 ans de séniorité avec nous autres, c'est cinq; plus de 20 ans, c'est 40; plus de 10 ans, c'est 67. Il faut dire qu'il y a 41 % de nos employés qui ont plus de 10 ans d'expérience avec notre compagnie. Notre compagnie, nous ne sommes pas dans une union et, dans l'histoire de la compagnie, deux fois l'union a fait «a good effort to try to get in», mais c'est nos employés qui ont rejeté ces efforts. Pourquoi? Parce que je pense qu'on est une des compagnies qui... We are looking to the future. We do not work for tomorrow, we do not look for taking the money out of the company next year. We reinvest our money into the compagny. Si je peux parler un peu en anglais.

M. Jolivet: Vous avez le droit.

M. Alper (Mel): C'est plus difficile pour vous.

M. Jolivet: Non, non, je comprends très bien. Je comprends très bien.

M. Alper (Mel): One of the conditions that we have in our company is that we manufacture 100 % on our own premises. We do not use contractors and we do not do any importing. And, in a strategic meeting with the president of our company a couple of months ago, I put it on the table to him and I said: Either today we are a dinosaur – because there are not too many more of us around, we can count them on our hands – or we are doing something right. And I told them I prefer to think it is the second and not the first, because that augur well for our future.

We invest a lot of money in technology. Our company, in the February 1991 edition of the Bobbin magazine, which is one of the most noteworthy publications for the industry – it is an international publication – was featured on the front cover of this magazine, which is published out of Atlanta in the United States. Why? Because they saw the value of what we do within our 100 000 square feet in one location, on Saint-Urbain Street. And one of the things that we do best is the way we manage the company and its human resources, our people. And this is one of the reasons they reject the efforts of the union to get in.

And I must say that... I think one of the questions you posed is: What will happen to the rights of the employees, to their working conditions, if there is no joint committee? And I must tell you that the conditions that exist within our company today are far superior than any minimums that are either legislated by the «normes du travail» or the joint committee. Where the joint committee says the employees are entitled to a break in the morning, we give them two breaks: one in the morning, one in the afternoon. Our wages, if you look at them, are higher than what is established by the joint committees.

Because I think we are intelligent enough, and even selfish enough in our own motives, to realize that to keep good people... As you can see by the seniority that I indicated to you, we want to keep our people. And, in order to keep them and not do what some other companies do, change them around every year, as soon as somebody wants a raise, they lay them off, bring in somebody cheaper... We do not; we invest. And part of that is making sure that the working conditions that we offer to our employees are equal to the norm or better. And I think that is what most of the companies are going to work towards: the betterment of the conditions of the industry and...

You know, it is a pity. There are so many talented people out there in our industry, creative people, and these people were atrophying them, because we are losing employment. And we are losing employment where? We are losing employment to other provinces. I can quote from an article in The Gazette by Peter Hadekel, where he states – and these are government figures – that Québec's share of employment in the women's clothing dropped from 68 % to 55 % during the past decade, while Ontario's share climbed from 19 % to 26 %. This is a pity. It is a crying shame. And it is only because... It is not that they are smarter than us – we have the talent here – but certain structures that we have in place are inhibiting us from keeping that employment. And there are people out there today that are trained, that are coming out of places like Lasalle College: we cannot offer them jobs.

M. Jolivet: La crainte que j'ai – juste pour terminer, parce que je pense qu'on doit passer à un autre – toujours en faisant mon travail d'avocat du diable, c'est quand vous me dites: Les conditions de travail chez nous sont bonnes et les gens n'ont pas à se plaindre, et on a intérêt à garder nos employés le plus longtemps possible pour ne pas avoir un virement continuel de personnel; parce que ce n'est pas bon pour vous et ce n'est pas bon pour les employés, non plus. La crainte qu'on a toujours, dans un contexte où vous dites: Ça a augmenté en Ontario par rapport au Québec qui a diminué en termes d'employés à ce niveau du vêtement pour dames... Je dois vous dire que la tendance qu'on a toujours, c'est de dire: Ce n'est pas parce qu'il y avait un décret que ça s'est nécessairement fait.

Et, si c'était le décret, admettons que c'était le décret, est-ce que ça veut dire que, pour reprendre le personnel dont on a besoin, il faudrait avoir des conditions qui sont moindres au niveau salarial ou au niveau des conditions de travail? Ceci permettrait, à ce moment-là, de reprendre du personnel qui est ailleurs et qui est payé plus cher. Je ne pense pas que ce soit ça. Comme ce n'est pas ça, il y a peut-être d'autres facteurs qu'il faut chercher pour déterminer pourquoi il y a une détérioration quant au nombre d'employés. Moi, c'est ça que je voulais dire.

M. Alper (Mel): Vous êtes correct.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Monsieur...

M. Alper (Mel): Si je peux dire seulement un mot en réponse à votre suggestion, la chose qui est nécessaire pour notre industrie, c'est de mettre plus de choses qui sont des «incentives» et moins de choses qui sont des restrictions. O.K.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Moi, j'ai à mettre une restriction.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Il ne nous reste plus de temps. Ha, ha, ha!

M. Alper (Mel): M. Lapierre a dit qu'une chose qui était très, très bonne pour nous autres, c'est le «designer tax credit». This is fantastic. We need more of that: more stimuli and less inhibitors. I think that is the correct word, inhibitors, not restrictions.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Est-ce que le député indépendant a une question, toute petite?

M. St-Roch: Oh oui! J'ai beaucoup de questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Très peu de temps.

M. St-Roch: M. Lapierre, vous m'avez fait revivre 30 ans d'histoire lorsque vous mentionniez les débats de tarification avec les importations. Je pense que vous touchez là un des points majeurs, que, si un produit, aujourd'hui, n'est pas disponible au Canada, il devrait être admis ici sans cette tarification-là. Ça, j'y souscris, je suis d'accord.

(17 h 10)

M. Alper, si on avait tous des manufacturiers de vêtements tels que ce qu'on voit en avant de nous ici, on ne serait pas assis à faire une commission parlementaire ici pour essayer de trouver des solutions dans votre industrie, ça, j'en suis convaincu. Parce que c'est ça qui est l'avenir, ce que vous avez expliqué comme philosophie. Mais vous admettrez avec moi que ce n'est pas tout le monde qui a fait le front page of the magazine from Atlanta, that you suggest. You are the exception. Congratulations! And this is what we have to try, here, as individuals, as members of this commission, to find ways and means, by the regulation, by the law, that we suggest and we insist that what you are doing in your own corporation, everybody is doing it.

Ceci étant dit – Mme la Présidente, je sais que j'ai très peu de temps – M. Lapierre, il y a beaucoup d'irritation aussi... À un moment donné, moi, je prends garde de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain aussi.

M. Lapierre (Claude): C'est ça qu'on veut faire.

M. St-Roch: Il faut peut-être regarder ça. Un des irritants majeurs, à vous écouter, c'est la non-représentativité au niveau du comité paritaire, que vous sentez, vous, les gens qui ne sont pas syndiqués. Parce que, si ma mémoire est fidèle, vous avez mentionné qu'il y en avait 40 à peu près, qui représentent 1500 personnes, et c'est eux autres qui font les règles du jeu, et, nous, on est 11 000 et on subit ces règles du jeu.

Alors, si on était capables d'imaginer – et là, je vais essayer d'être un peu magicien avec vous – une formule qui ferait en sorte qu'il pourrait y avoir un tronc commun où les grandes conditions de travail: le salaire, les fonds de pension, l'assurance-maladie, le nombre de congés fériés ou ces choses-là seraient partie commune de l'ensemble de votre secteur d'activité et, après ça, qu'on serait capables d'imaginer une formule – ça pourrait être le nombre d'employés, les gammes de produits, nommez-le – où il y aurait des conditions particulières qui pourraient être adaptées à chacun des sous-secteurs, est-ce que ça serait convenable, à ce moment-là?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Lapierre.

M. Lapierre (Claude): Vous demandez un seul décret pour toute l'industrie du vêtement?

M. St-Roch: Non, un corps qui pourrait être le seul décret, un corps de conditions principales et, après ça, des modifications, telle l'organisation de travail, par exemple, qui pourraient être laissées à chacun des emplacements, en éliminant la papeterie et la paperasserie que ça...

M. Lapierre (Claude): La difficulté dans l'industrie du vêtement, c'est qu'on pense que, lorsque quelqu'un fait tel type de vêtements, disons des cravates, il peut faire des chemises, il peut faire des manteaux et tout ça. C'est complètement différent: les saisons sont différentes, la commercialisation est différente, tout est différent. Alors, il y a un historique de bâti où des conditions différentes se sont établies d'un secteur à l'autre.

Alors, si on veut suivre votre ligne de pensée, ça veut dire qu'il faut brusquer toutes ces choses-là et essayer de le faire. On a essayé, à l'intérieur de nos propres organisations, nous, de la commercialisation, par exemple, à l'exportation, de regrouper ça. On a dit: Pourquoi est-ce qu'on... Mais la saison n'est pas la même, les tendances ne sont pas les mêmes, les présentations ne sont pas faites en même temps, tout ça. Alors, je ne pense pas qu'il y ait grand chance de succès.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie. Alors, j'ai un rôle ingrat. M. le ministre.

M. Marcil: Moi, je tiens à vous remercier et je sais que le prochain groupe qui va vous suivre également est régi par le même décret: l'Association des manufacturiers de mode enfantine. Non?

M. Lapierre (Claude): Il n'y a pas de décret dans le vêtement d'enfants.

M. Marcil: Oui, de zéro à sept ans, ils ne sont pas assujettis au décret, mais de sept à 14 ans, oui.

M. Lapierre (Claude): De sept à 14 ans, oui, parce qu'ils sont considérés...

M. Marcil: On vous remercie beaucoup.

M. Lapierre (Claude): Merci bien.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vais suspendre pour quelques minutes, s'il vous plaît. Après, ce sera à l'Association des manufacturiers de mode enfantine à prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 17)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): J'inviterais l'Association des manufacturiers de mode enfantine à prendre place pour que la commission de l'économie et du travail puisse les entendre. Alors, vous êtes monsieur...


Association des manufacturiers de mode enfantine (AMME)

M. Boshouwers (Henk): Henk Boshouwers, directeur de l'Association des manufacturiers de mode enfantine.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui vous accompagnent?

M. Boshouwers (Henk): Oui, il y en a deux, mais ils sont partis. J'espère qu'ils ne m'ont pas abandonné. En tout cas, commençons. Je pourrais vous dire: Vous pouvez regagner le temps perdu parce que je n'ai pas un grand discours préparé.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Bon, c'est bien. Alors, je pense que les deux personnes arrivent, là.

C'est le vote? Alors, on va s'excuser, on va suspendre les travaux parce que nous avons un vote en Chambre et on revient tout de suite. Alors, on s'excuse.

(Consultation)

Compte tenu du vote qui est appelé en Chambre, l'Association des manufacturiers de mode enfantine reviendra à 19 h 30. Alors, avec le consentement, merci. À 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 19 h 34)

Le Président (M. Richard): Nous reprenons nos travaux avec des représentants de l'Association des manufacturiers de mode enfantine, la CAMA, représentée par M. Victor Owen.

M. Boshouwers (Henk): Il n'est pas ici. Je suis le seul, Henk Boshouwers, directeur de l'Association.

Le Président (M. Richard): O.K. Le directeur exécutif de CAMA.

M. Boshouwers (Henk): C'est ça. C'est bien ça, oui.

Le Président (M. Richard): Alors, M. Boshouwers, vous avez la parole pour les 20 prochaines minutes.

M. Boshouwers (Henk): Merci. Je ne crois pas que j'aurai besoin de 20 minutes.

Le Président (M. Richard): C'est juste un maximum. Vous n'y êtes pas obligé, monsieur; si vous voulez faire seulement 10 minutes...

M. Boshouwers (Henk): C'est ça, non. Je n'ai pas préparé un sermon.

Le Président (M. Richard): ...soyez bien à l'aise.

M. Boshouwers (Henk): Moi, je suis directeur de l'Association des manufacturiers de mode enfantine, qui représente des manufacturiers partout au Canada. Mais, quand même, 75 % des membres sont situés au Québec, parce que l'industrie est fortement concentrée au Québec.

Notre Association n'est pas couverte par un décret comme tel. On est touchés par plusieurs décrets aux marges, et je vais vous expliquer un peu comment ça se fait, mais il n'y a pas de décret, comme je vous dis, pour le secteur de la mode enfantine. Le secteur de la mode enfantine est un peu à part des autres secteurs, peut-être, dans la mode. Il y a une autre culture, une autre tradition de faire les affaires. On publie notre propre revue pour la mode enfantine. On est une association qui existe depuis 45 ans. Alors, on est bien établis et on a toujours opéré comme un secteur un peu indépendant. Quand je dis qu'on n'est pas couverts par un décret, on est quand même touchés par plusieurs décrets, ce qui cause des problèmes; d'où l'intérêt de notre Association.

Je vais commencer par dire qu'on a dit dans notre mémoire que notre secteur favorise fortement l'abolition de tous les décrets. Mais on réalise fort bien que vous êtes ici pour juger la Loi sur les décrets et ce n'est pas à nous de juger si le système de décrets serait utile dans d'autres secteurs, comme la construction. Alors, si ça prend l'abolition des décrets pour nous débarrasser des décrets, on approuve l'abolition. Sinon, on penserait que, dans l'industrie de la mode, il n'y a pas de place pour des décrets. Et, même si le décret, dans un secteur autre, devait être maintenu – par exemple, il semble que le secteur de la mode masculine favorise le maintien du décret – on aimerait être exemptés; c'est très clair et très net.

Je vous explique pourquoi. Parce que la mode enfantine, en général, couvre les vêtements juste de zéro à 14. Alors, 14, ça représente l'âge à peu près de 12 ans. Alors, comme on dit que le secteur de la mode enfantine est exempté, c'est, dans un terme général, exempté jusqu'à 6X dans le secteur de la mode féminine. Et, dans la confection pour hommes, c'est encore pire. Je vous cite quelques paragraphes là-dedans: «Le décret s'applique à la confection, en tout ou en partie, de vêtements pour hommes et garçons au-dessus de six ans – on parle de six ans et non pas de taille – et aux vêtements-jeans au-dessus de six ans pour les deux sexes et aux vêtements d'enfants définis à l'article 2.07.» C'est l'article 2.01.

Je ne suis pas un expert dans les décrets, mais, si on lit ça, c'est vraiment un marasme de réglementations. On se trouve là-dedans. Dans l'article 2.07: «Vêtements d'enfants: les vêtements suivants sont désignés comme vêtements d'enfants: paletots, manteaux, vestes et vestons de toutes sortes: pour garçons de la grandeur 4 – là, on parle de 4 – jusqu'à [...] 6X; pour filles et fillettes – là, on parle de filles et fillettes dans le décret pour l'homme – de la grandeur 4 à [...] 16.» Dans une autre partie, on parle des pantalons de garçons de 7 à 18 ans. Vous comprenez, c'est tout un marasme de réglementations, et un certain nombre de nos entreprises sont touchées par un décret ou par un autre et visitées par des inspecteurs. Il y a des membres, des manufacturiers que je connais, qui refusent de faire les vêtements au-delà de 6X, parce que ça les porte sous la juridiction d'un autre décret. Alors, c'est plutôt un problème de harcèlement, comme je dirais, que vraiment un décret qui couvre l'industrie du vêtement.

Alors, on supporte certainement les positions de l'IMVQ, ce matin, en faveur de l'abolition d'un décret pour le vêtement de dames. Si l'industrie pour les hommes voulait maintenir les décrets pour les hommes, on aimerait que l'industrie de la mode enfantine soit clairement et nettement exemptée de zéro à 14 ou de zéro à 16 dans le cas des garçons. Ce n'est pas dans votre juridiction de décider sur ces affaires-là. Je crois que le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective – qu'on trouve pas mal au point, ça a du bon sens – laisse la possibilité d'exempter le secteur de la mode enfantine.

Alors, chaque fois qu'un décret est publié, on fait des objections parce qu'on est touché d'une façon ou d'une autre par certaines réglementations. Et c'est pour ça que notre industrie est impliquée dans cette affaire-là. Et notre position est très claire en ce qui concerne les décrets: on aimerait ne pas être impliqués dans les décrets. Le secteur de la mode enfantine n'est pas un secteur comme les autres. Les vêtements sont de prix beaucoup plus bas, typiquement 15,95 $, 20,95 $. Et 80 % des vêtements d'enfants sont vendus dans les grandes chaînes comme K Mart, comme Wal-Mart, comme Eaton. Alors, on ne parle pas de haut de gamme, ce qui représente peut-être 5 % ou moins de l'industrie du secteur des vêtements d'enfants. C'est un peu tout ce que j'aimerais clarifier ici. Je vais répondre à vos questions, s'il vous plaît.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Boshouwers. Maintenant, je céderai la parole pour une première étape de questions à M. St-Roch, député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Ma première question va dans la foulée de ce que nous avons entendu avec l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, un peu plus tôt dans la journée. Est-ce que vous êtes assujettis aux mêmes conditions qu'ils nous ont mentionnées au niveau de l'importation de tissus qui ne sont pas manufacturés au Québec, qui ne sont pas produits ici?

M. Boshouwers (Henk): Ah oui. Ça, c'est un problème. C'est exactement pareil pour l'industrie de vêtements...

M. St-Roch: Alors, première question: Vous seriez en faveur qu'on fasse des pressions ici, au niveau du Québec...

M. Boshouwers (Henk): Toujours.

(19 h 40)

M. St-Roch: ...pour s'assurer que ce qui est produit au Québec soit exempté de la tarification?

M. Boshouwers (Henk): Toujours. C'est de juridiction fédérale, mais on est toujours en faveur de ça. C'est le même problème pour nous autres.

M. St-Roch: Ma deuxième question: Quel est le pourcentage de votre industrie qui est syndiqué?

M. Boshouwers (Henk): Parmi 60 membres au Québec qui représentent peut-être 70 compagnies, il y en a deux qui sont syndiqués. Et je voudrais ajouter qu'à la dernière négociation, avec le même syndicat, les deux compagnies ont quand même négocié un contrat en termes moins élevés que le secteur de la mode féminine, ce qui souligne vraiment le fait que l'industrie n'est pas pareille.

M. St-Roch: Oui, M. le Président, je continue. Alors, vous demandez l'abolition des décrets, puis je peux comprendre aujourd'hui parce qu'il y a une partie de votre segment de production qui peut aller, là, surtout avec les modes unisexes, vers, enfin, les petites tailles...

M. Boshouwers (Henk): C'est ça.

M. St-Roch: ...autant chez les hommes que chez les femmes. Alors, vous dites: Nous, il faut être exemptés de ça. Alors, on sait qu'il y a quelque chose qui est régi, là, autant les vêtements pour hommes que les vêtements pour dames. Alors, votre approche, c'est de dire: Bien, on fait sauter tous les décrets pour régulariser...

M. Boshouwers (Henk): Ça réglerait le problème.

M. St-Roch: Bon. Ici, on a établi clairement, je pense, tous les partenaires alentour de la table ici, qu'il faudrait moderniser et actualiser la loi des décrets. Alors, je pense que la recommandation qui pourrait arriver que les décrets sautent, c'est très, très minime, sauf quelques cas bien pointus, bien particuliers. En disant ceci, pourquoi on ne revire pas ça de bord et on ne dit pas que la mode enfantine devrait être soumise à un décret? Et je vais continuer avant de vous faire sursauter davantage. Mais, par contre, on dirait: Dans chacun des secteurs d'activité, il y a seulement un décret qui régit ce secteur de l'industrie là. Alors, à ce moment-là, tout ce qui est mode enfantine, que ce soit dans le haut de vos points qui vont jusqu'à 16, si ma mémoire était bonne, à un moment donné, là...

M. Boshouwers (Henk): De zéro à 14, de zéro à 16, oui.

M. St-Roch: ...qui est peut-être le petit point des côtés masculin ou féminin... Alors, si on dit: Ça, c'est la particularité du côté mode enfantine; jusqu'à 16, que ce soit des jeans, que ce soit quoi que ce soit, c'est régi par un set de conditions, c'est vos décrets, vous vous organisez en association, vous établissez vos conditions de travail, vous établissez vos programmes de formation, avec ou sans l'aide de la SQDM, comment réagiriez-vous à une recommandation comme celle-là?

M. Boshouwers (Henk): On est carrément contre parce qu'on croit fortement que l'industrie n'a pas besoin de réglementation. Les relations de travail dans l'industrie de la mode enfantine sont très paisibles, et il semble qu'il n'y ait pas de problème. On ne voit pas pourquoi une situation où on est couverts par un décret pour le vêtement d'enfants seul serait meilleure que d'être couverts par deux ou trois décrets à 5 % ou 10 %, aux marges. Alors, on croit que la réglementation, ce n'est pas nécessaire et on croit qu'en cas de doute on ne fait rien plutôt que de s'impliquer dans une réglementation qui va toujours arriver à la précision et à la réglementation des tailles qui vont nuire à la concurrence et à la flexibilité des entreprises. Alors, on est contre n'importe quel décret dans notre situation.

M. St-Roch: Parce que je dois vous avouer que j'ai de la difficulté à vous suivre dans votre raisonnement quand vous dites: Pas de décret. Parce que, si on dit qu'il y a 60 manufacturiers ici, ce serait facile d'avoir une uniformité au niveau de la mode enfantine où les conditions sont les mêmes pour chacune des entités, où on produit tous de la mode enfantine. On peut rapatrier des autres secteurs, modes masculine et féminine, chez vous. Ça devient une situation qui est claire, puis il y a une concurrence qui s'effectue, réellement basée sur l'efficacité, la créativité, l'aspect mode, l'aspect service à la clientèle.

M. Boshouwers (Henk): Mais ça illustre vraiment le problème dans lequel on s'engage quand on pense à réglementer tout dans la vie. On peut réglementer le bonheur pour tout le monde. Parce que j'avoue qu'il y a des manufactures de vêtements de femmes qui font des tailles de zéro à 14 ou zéro à 16 et il y a des manufactures de vêtements d'hommes qui font des tailles de neuf à adulte; alors, ce n'est pas tellement net. L'industrie du vêtement d'enfants, c'est, à notre avis, de zéro à 14, mais il n'y a pas d'entreprises d'un côté ou de l'autre; il y a du «overlap», ça arrive.

M. St-Roch: Alors, si je peux continuer, M. le Président...

Le Président (M. Richard): Oui.

M. Jolivet: Non.

M. St-Roch: Dernière question, M. le député de Laviolette.

Le Président (M. Richard): Mais ça va être votre dernière question, M. le député de Drummond. Apparemment que ça cause un problème technique, là.

M. St-Roch: Oui, mon collègue de Laviolette, je lui ai donné énormément d'opportunités de poser des questions. Je vais lui en poser une dernière. Peut-être que ça va lui ouvrir un autre volet. La dernière question, M. le Président. Si vous comparez une moyenne de taux horaire chez vous, versus l'industrie du vêtement pour hommes, versus vêtement pour dames, où est-ce que vous vous situez?

M. Boshouwers (Henk): Je crois qu'en général je ne suis pas trop au courant parce qu'on n'est vraiment pas impliqué dans les questions de travail; en général, c'est probablement plus bas. Mais l'industrie de la mode enfantine, ça couvre vraiment un vaste terrain. La seule chose qu'ils ont en commun est qu'ils font des vêtements pour la mode enfantine. Il y a des items comme des bas ou des caleçons; d'autre part, il y a le haut de gamme, une robe de 300 $; il y a toutes sortes de gens là-dedans, la tenue de bain. Ce n'est pas une industrie qui est vraiment homogène, peut-être comme la femme, non plus. Alors, je prévois très mal un taux qui pourrait couvrir tous les gens dans l'industrie.

M. St-Roch: Alors, M. Boshouwers, après vous avoir réchauffé, maintenant, je vous cède en pâture à mes deux collègues.

M. Boshouwers (Henk): O.K.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Drummond. Maintenant, je céderai la parole à M. Jolivet, le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous parliez de deux entreprises qui étaient syndiquées.

M. Boshouwers (Henk): À ma connaissance.

M. Jolivet: Combien d'employés?

M. Boshouwers (Henk): Là, on vient de fermer une usine, probablement dans la dizaine, peut-être plusieurs dizaines. L'autre, peut-être 30, 40, quelque chose comme ça.

M. Jolivet: Puis, dans ceux qui ne sont pas syndiqués, ça représente 95 % de l'ensemble des entreprises?

M. Boshouwers (Henk): Notre Association compte 70 entreprises. Je dirais que ça peut être la moitié des entreprises au Québec et peut-être un chiffre d'affaires d'un peu plus que la moitié.

M. Jolivet: Merci. Les conditions de travail et les conditions salariales sont basées, par rapport au salaire minimum, à combien? Est-ce que vous avez des moyennes?

M. Boshouwers (Henk): Ah! je n'ai aucune idée. Je m'en doute qu'il y en a, des salaires minimums, un peu partout, j'imagine, parce que ça dépend de la qualité des produits qu'ils font. Je n'ai vraiment pas de statistiques là-dessus.

M. Jolivet: Et les conditions de travail sont donc basées sur les normes minimales de travail?

M. Boshouwers (Henk): Je m'en doute qu'il y a des gens qui paient le salaire minimum, mais, pour le reste, sincèrement, je n'en sais rien...

M. Jolivet: Dans ce cas...

M. Boshouwers (Henk): ...parce qu'on ne s'implique pas dans ces affaires-là; on n'a jamais de problèmes dans ce sens-là. Alors...

M. Jolivet: Je comprends, mais c'est parce que, si vous voulez faire le lien avec la discussion qu'on a eue cet après-midi, où des gens nous disaient... Parce que, sauf la partie qui est floue, là, dans l'ensemble, vous n'êtes pas dans un décret. Cet après-midi, on essayait de nous faire dire que, si on n'avait pas de décret et qu'on n'avait pas la convention prévue par le décret au niveau du vêtement pour dames, ça permettrait, dans certains cas, d'avoir une meilleure expertise et même d'augmenter les salaires. Ce que j'essaie de savoir de votre part, dans le contexte où vous me dites: Il y en a deux qui sont syndiquées, dont une est peut-être disparue, c'est quelques petites entreprises de petits employés.

M. Boshouwers (Henk): Ils restent syndiqués, oui.

M. Jolivet: Donc, une convention collective, fort probablement à 30, disons, s'ils sont 30 employés, négociée, dans certains cas, peut-être avec un syndicat de boutique – je ne le sais pas, je ne les connais pas, là – mais, je veux dire, pas avec la force de faire des choses. J'imagine que, dans les autres cas, ils travaillent au salaire minimum, dans des conditions minimums de travail, ce qui fait que, finalement, il serait faux de prétendre que, si on déréglemente, on augmente les conditions salariales et de travail des gens. Alors, moi, je me dis, là: Il y a un lien de cause à effet, dans ce contexte-là. Vous dites: Nous, on n'est pas dedans, ça va bien, les gens acceptent les conditions qu'on leur offre et on respecte la loi des normes, on respecte la loi du salaire minimum. Mais ce n'est pas avec ça qu'on va faire des enfants forts, si vous me permettez ça comme expression.

M. Boshouwers (Henk): Non, mais, quand j'ai dit qu'on respecte les normes, je ne crois pas que les gens paient le salaire minimum. Mais je ne crois pas que l'abolition des décrets aurait un effet sur le niveau salarial, ni d'un côté ni de l'autre dans notre industrie.

M. Jolivet: Je le sais.

M. Boshouwers (Henk): C'est plutôt l'interférence que les inspecteurs de... le «reportage» à tous les comités paritaires que ça implique, le refus des gens de produire certains produits parce que cela les fait ressortir sous un comité ou l'autre, c'est ça qui nous intéresse, oui.

M. Jolivet: Non, je comprends. C'est pour ça que je n'ai pas grand questions, parce que vous me dites: On n'est pas dans le décret et on ne veut pas l'être. On ne veut pas l'être, sauf qu'on a quelques problèmes au niveau du comité paritaire pour déterminer l'âge: 16 ans chez les filles, si j'ai bien compris?

M. Boshouwers (Henk): Oui, même quatre ans, pour certains.

M. Jolivet: C'est ça.

M. Boshouwers (Henk): Oui. Alors, il y a quand même des problèmes.

M. Jolivet: O.K. Donc, ce que, moi, je voulais juste comprendre de vous, c'est que, n'étant pas soumis au décret, vous êtes selon des conditions de travail qui ne sont pas les meilleures, dans mon esprit, par rapport à ce qu'on me disait cet après-midi. On me disait: Déréglementez les vêtements pour femmes et vous allez voir, on va avoir des meilleures conditions de travail et des meilleurs salaires. Alors, je voulais juste qu'on saisisse ça pour que, quand on aura des décisions à prendre au niveau de la commission ou que le ministre aura à prendre des décisions, il comprenne très bien que ce n'est pas vrai que, de cause à effet, si on fait disparaître, dans certains cas, le comité paritaire, il va y avoir une explosion à l'autre niveau, salarial et conditions de travail.

M. Boshouwers (Henk): Je ne crois pas – c'est de la spéculation – qu'il y aura un effet, vraiment...

M. Jolivet: ...minime.

M. Boshouwers (Henk): ...au niveau des salaires.

M. Jolivet: O.K. Moi, je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Laviolette. Maintenant, M. Marcil. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Marcil: Donc, si je résume un peu votre mémoire, d'abord, vous seriez pour l'abolition de la loi?

M. Boshouwers (Henk): Oui.

(19 h 50)

M. Marcil: Et, si on devait maintenir la loi ou la modifier, on devrait avoir une exemption de tous les décrets pour le secteur de la mode enfantine. C'est ce que vous demandez.

M. Boshouwers (Henk): Si, avec le reste pour le secteur dames et hommes et chemises.

M. Marcil: Et vous suggérez qu'il n'y ait qu'un seul comité conjoint pour toute l'industrie?

M. Boshouwers (Henk): Non. Je ne crois pas qu'on est en faveur de ça, du tout.

M. Marcil: Non?

M. Boshouwers (Henk): Du tout, du tout. Parce que ça aggraverait nos problèmes. Là, on serait couverts par un décret qui couvre les hommes, les femmes. Ce sont des industries tout à fait différentes. On n'est pas représentés par ces gens-là. On est largement pas syndiqués. C'est vraiment une industrie différente. On est carrément contre un décret pour toute l'industrie.

M. Marcil: O.K. L'exemption que vous suggérez devrait s'appliquer aux tailles de zéro à 16 ans?

M. Boshouwers (Henk): C'est ça.

M. Marcil: C'est ce que vous demandez. «Et non seulement à toutes ou certaines des clauses des divers décrets, mais bien à la juridiction des comités conjoints.» Ça, je saisis bien ce que voulez.

M. Boshouwers (Henk): Excusez. La prévalence de la taille 6X, c'est justement à cause du comité paritaire; les gens qui ne veulent pas faire... ils font 6X, 6XX, 6XXX, pour éviter la niaiserie avec le comité paritaire.

M. Marcil: Ça va. Il y a combien d'employeurs dans votre secteur?

M. Boshouwers (Henk): On estime, je crois, autour de 6000 au Québec. De plus en plus, les manufacturiers utilisent des sous-contractants.

M. Marcil: Beaucoup de sous-traitance.

M. Boshouwers (Henk): Alors, c'est très difficile à dire quand on voit le chiffre d'affaires dans l'industrie du vêtement. Je connais beaucoup de manufacturiers qui avaient une usine, il y a 10 ans, 15 ans, qui maintenant ont un bureau, un designer et qui font de la sous-traitance avec des entrepreneurs en couture un peu partout. Pas nécessairement hors du pays; c'est plutôt au Québec. Alors, c'est difficile de dire l'emploi directement, parmi nos membres. Mais je crois que, généralement, on estime l'emploi dans le secteur des vêtements d'enfants autour de 6000 au Québec.

M. Marcil: De 6000 personnes.

M. Boshouwers (Henk): Personnes, 5000 à 6000.

M. Marcil: De personnes qui y travaillent. Ça, ça inclut la sous-traitance.

M. Boshouwers (Henk): Oui, la sous-traitance qui travaille sur les produits de mode enfantine.

M. Marcil: Je vous remercie beaucoup.

M. Boshouwers (Henk): Je vous en prie.

M. Marcil: Je vous ai bien écouté, on a pris connaissance de votre mémoire. Il a été analysé chez nous. Et puis on va tenir compte de ça également. On va recevoir tantôt aussi... Parce que, aujourd'hui, cet après-midi et ce soir, c'est l'industrie du vêtement, donc...

M. Boshouwers (Henk): Je comprends, oui.

M. Marcil: ...femmes, enfants, hommes, pour finir avec l'association des couturiers du Québec, avec M. Veilleux qu'on a déjà rencontré. Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le député de Laviolette, vous aviez un commentaire. Et M. le député de Drummond aussi aurait un commentaire.

M. Jolivet: C'est ça, justement. Une question, c'est quand vous parlez d'exemption, vous parlez de votre secteur à vous autres, vous ne parlez pas des autres secteurs. Vous ne vous en occupez pas, autrement dit.

M. Boshouwers (Henk): Oui. C'est leur problème.

M. Jolivet: C'est ça. C'est leur problème.

M. Boshouwers (Henk): S'ils aimeraient être niaisés par un décret ou un ombudsman, ça, c'est leur affaire. On ne prétend pas...

M. Jolivet: Vous employez un drôle de mot quand vous dites...

M. Boshouwers (Henk): C'est ça.

M. Jolivet: ...s'ils veulent être niaisés.

M. Boshouwers (Henk): On ne peut pas parler pour eux.

M. Jolivet: Je ne suis pas sûr qu'un employé...

M. Boshouwers (Henk): Peut-être pas.

M. Marcil: ...qui, lui, si je fais mon avocat du diable, est niaisé par l'entreprise est plus content, non plus.

M. Boshouwers (Henk): Non, c'est ça.

M. Jolivet: Donc, je pense qu'il faudrait peut-être dire plutôt qu'il y a des conditions minimales qui sont prévues par les normes minimales de travail, il y a des conditions salariales prévues par le salaire minimum et il y a des conventions collectives au bout. Et, entre ça, il y a tout un éventail de possibilités que des gens peuvent avoir en négociant des choses. Et le comité paritaire peut être un moyen d'être entre les deux. Mais, le problème, c'est que... Je reviens à ce que je disais cet après-midi, parce que je le vis chez moi et il y en a d'autres qui l'ont vécu: des gens, dans leur sous-sol, l'après-midi, pour arrondir leurs fins de mois, font du travail de sous-traitants d'une autre façon. Et, dans bien des cas, c'est de la sous-traitance qui est faite par des individus et ce n'est rapporté nulle part au niveau du salaire, de telle sorte qu'il n'y a ni impôt ni taxe qui sont payés quelque part. Ça, moi, ça m'inquiète beaucoup. Je ne suis pas prêt à laisser aller ça.

M. Boshouwers (Henk): J'avoue que j'ignore tout à fait le chiffre d'affaires qui est fait par les travailleurs au noir. Peut-être, le décret encourage le travail au noir. Je ne crois pas que l'abolition du décret éliminerait le travail au noir. C'est une autre affaire tout à fait et je n'ai pas de position là-dessus, comme tel. On est contre la contravention aux lois sur le travail.

Le Président (M. Richard): M. le député de Drummond. Dernière question, M. St-Roch.

M. St-Roch: Oui, juste pour être sûr et certain que j'ai bien saisi. Votre industrie, c'est 70 manufacturiers, à peu près?

M. Boshouwers (Henk): Au Québec, oui.

M. St-Roch: Au Québec. À la réponse de M. le ministre, c'est 6000 employés qu'il y aurait...

M. Boshouwers (Henk): Non, je parle de l'industrie en général.

M. St-Roch: O.K.

M. Boshouwers (Henk): J'ignore le chiffre parmi nos membres, parce que c'est difficile à dire à cause de la sous-traitance. Je ne peux pas le dire.

M. St-Roch: Vous n'avez aucune idée combien les 70 manufacturiers peuvent...

M. Boshouwers (Henk): Peut-être deux tiers sont membres de notre Association, les employeurs. Vraiment, je ne sais pas.

Le Président (M. Richard): Alors, on vous remercie...

M. Boshouwers (Henk): On n'a pas les chiffres là-dessus.

M. St-Roch: Merci.

Le Président (M. Richard): On vous remercie sincèrement, M. Boshouwers.

M. Boshouwers (Henk): Je vous en prie.

Le Président (M. Richard): Et je demanderais de prendre place à la table à MM. les représentants du Comité paritaire du vêtement pour hommes.

Alors, messieurs, si vous permettez, après avoir pris place, je vous demanderai évidemment de vous identifier. Et je crois que vous connaissez la mécanique, pour la majorité d'entre vous: 20-20-20. Alors, vous avez évidemment les 20 premières minutes pour exposer vos commentaires en rapport avec votre mémoire et, par la suite, il y a le questionnement de part et d'autre.


Comité paritaire du vêtement pour hommes

M. Gagnon (Guy): Mon nom est Guy Gagnon, du bureau de Martineau, Walker. Je suis le représentant des parties contractantes au décret du vêtement pour hommes. M'accompagnent, à ma droite, M. John Alleruzzo, qui est le directeur de TAVT, qui est président du Comité paritaire et qui est vice-président du CTC; M. Henri-Paul Roux, qui est membre de l'exécutif du Comité paritaire et de tous les comités du Comité paritaire et représentant de la CSD; à ma gauche, M. David Balinsky, qui est représentant de toutes les associations d'employeurs et qui est vice-président du Comité paritaire. Je ne sais pas si vous avez besoin de l'identification des autres membres qui sont présents, mais ce seront les porte-parole.

Le Président (M. Richard): À moins qu'il y ait un besoin que vous les identifiez pour des comptes à présenter éventuellement, il n'y a aucun problème, mais ce n'est pas nécessaire.

M. Gagnon (Guy): D'accord. Le décret du vêtement pour hommes existe depuis le 1er avril 1935. J'ai eu le plaisir aujourd'hui d'obtenir une copie de ce premier décret-là. C'est absolument fascinant. Donc, nous venons ici avec un historique absolument exceptionnel de pratique dans le domaine de l'application des décrets, en tout cas, du décret du vêtement pour hommes. Je pense qu'on peut se faire le plaisir de se dire que le décret du vêtement pour hommes a été particulièrement bien administré et continue de l'être. Je pense que, M. le ministre, vous pourriez peut-être nous rendre le témoignage que c'est un des comités paritaires qui fonctionnent le mieux chez vous et qu'il administre avec le plus grand soin les fonds qui lui sont confiés. Les cotisations ou les contributions requises au Comité paritaire actuellement sont de 0,25 %. Donc, on n'utilise même pas le plein montant de la cotisation qui est disponible, et les fonds du Comité paritaire sont dans le noir.

On s'est posé la question avant de venir ici: Comment expliquer le succès de ce Comité paritaire et de ce décret en particulier? Et on s'est rendu compte que c'est parce que les parties ont montré dès le début une extrême bonne volonté et une extrême ouverture d'esprit. Le résultat pratique a été que les décisions qui se prennent au Comité paritaire se prennent par consensus et, de façon générale, c'est très rare que les décisions... Et je me demande même si ça arrive. Sur les questions majeures, ça n'arrive jamais. Les décisions sont toujours prises unanimement. Donc, ça présuppose que, lorsqu'elles ne sont pas d'accord, les parties retirent la question de la table et la réexaminent pour trouver un chemin qui va définir l'intérêt commun de tout le monde à une solution de consensus.

(20 heures)

Il y a eu également une attitude de la part des syndicats de voir à maintenir en toutes circonstances une représentation de la main-d'oeuvre qui soit substantiellement majoritaire. Actuellement, au moins 57 % des salariés de l'industrie sont syndiqués et représentés par un syndicat accrédité. Nous avons, au niveau du Comité paritaire, au moins trois syndicats, je pense, qui sont partie contractante au décret et des représentants nommés par le ministre. Et toutes ces personnes-là participent à toutes les discussions et à toutes les décisions, et font partie du consensus. Et nous croyons que ce sont ces éléments-là qui ont fait à date le succès du Comité.

J'aimerais demander à M. Alleruzzo et à M. Balinsky de vous exprimer un petit peu les avantages qu'ils voient à cette formule de décret. Avant qu'ils ne le fassent, j'aimerais simplement brosser le tableau additionnel suivant. C'est que, dans l'approche qui est prise par les parties contractantes, il y a d'abord des négociations qui sont faites sur une base sectorielle entre les associations patronales et TAVT qui regroupe la majorité des employés dans l'industrie. Cette négociation-là est une négociation sectorielle au sens strict du mot et est totalement volontaire. Et, sur ce, je demanderais à M. Alleruzzo de vous expliquer le point de vue des syndicats sur les avantages du décret.

M. Alleruzzo (John): Comme vous l'avez déjà entendu, Me Gagnon a dit que le décret du vêtement pour hommes et garçons a été signé en 1935. Ça fait à peu près 60 ans qu'il est en existence. Le syndicat TAVT était là quand le premier décret est entré en vigueur. Selon nous, quand on parle d'un comité paritaire du vêtement pour hommes et garçons, il nous a donné l'opportunité de faire de la concertation dans l'industrie du vêtement. Il nous a donné l'opportunité de pouvoir examiner l'industrie, de pouvoir savoir les problèmes de l'industrie et aussi il a aidé beaucoup aux négociations. La raison, c'est parce qu'on se rencontre au moins deux fois par mois et là le devoir des membres du Comité, c'est de s'assurer que le décret est appliqué. Mais, en même temps, quand on est là, on a l'occasion de discuter avec les employeurs, on a l'occasion de discuter avec les autres syndicats et aussi on a l'occasion toujours d'examiner les problèmes de l'industrie.

Même, à travers le Comité paritaire, on a fait faire des études, par exemple des circonstances de l'industrie concernant la technologie. On a fait aussi des études quand le libre-échange avec les États-Unis a été adopté. On a fait faire des études sur l'impact du libre-échange avec les États-Unis dans l'industrie du vêtement. Et c'est après ces études qu'on a réagi afin toujours d'aider l'industrie et, naturellement, d'aider les employés. Concernant des changements technologiques, notre syndicat, en 1983, on a négocié une clause de la convention collective afin de donner une opportunité aux employeurs de se restructurer, de faire des changements technologiques, et c'est depuis ce temps-là que l'industrie a investi beaucoup d'argent en achetant de la machinerie nouvelle et aussi elle s'est restructurée.

Si on compare aujourd'hui et les derniers 10 ans, en 1983, le comité paritaire pour hommes et garçons couvrait 12 200 travailleurs et travailleuses; en 1993, il en couvrait 11 200. Ça, c'est seulement une diminution d'à peu près 1000 travailleurs et travailleuses. En 1983, il y avait 328 employeurs; en 1993, il y en avait 318, c'est 10 employeurs de moins. N'oubliez pas aussi l'impact des importations. Il y a eu un gros impact dans l'industrie, mais, quand même, il y a eu seulement une diminution de 10 employeurs. Les heures de travail: en 1983, il y avait un total de 17 000 000 d'heures de travail; et, en 1993, même avec moins d'employeurs et moins d'employés, il y en a eu un total de 18 000 000. Ça, c'est 1 000 000 de plus d'heures de travail.

Les salaires moyens: en 1983, il y avait un salaire moyen de 7,70 $ l'heure; en 1993, 9,90 $ l'heure. N'oubliez pas que la grande majorité de l'industrie du vêtement travaille à la pièce, comme vous le savez, et, dans le décret, on a assurément des minimums. Mais, quand on parle d'augmentation des salaires, si on regarde, pendant les dernières 10 années, il y a eu une augmentation de 28 %, et ça, ça fait à peu près – parce que c'est 11 ans qu'il faut compter – 2,5 % par année d'augmentation.

En même temps, la productivité, aussi, a augmenté substantiellement, parce que, comme je viens de le dire, l'industrie a fait beaucoup d'investissements dans la machinerie et c'est pour cette raison que l'industrie est devenue plus efficace. Alors, selon nous, pour nous, c'est très important que la loi des décrets reste là. C'est très important que nous continuions à avoir ce comité conjoint parce que, encore une fois, pour nous, c'était très bon pour les employés, très bon pour les employeurs. Et, comme je viens de le dire, il nous donne toujours l'opportunité de la concertation et aussi de développer d'excellentes relations de travail. Merci.

M. Gagnon (Guy): M. Balinsky.

M. Balinsky (David): Avant de commencer, je veux seulement expliquer que je suis capable de m'exprimer en français, mais que je suis un peu plus à l'aise en anglais, s'il n'y a pas d'objection.

Over the past 60 years, the benefits of the decree system have been self-evident in the men's industry, and we are very strongly in favour of maintaining the decree system. Through the system, there is commerce stability and good management through the industry. Our meetings have become a forum, a neutral ground where management and labour can sit down together and discuss our problems outside of the normal adversarial stands of contract negotiations. It has opened opportunities for cooperation by search for grounds of common interest.

(20 h 10)

As a result of this approach, our Committee has adopted a position of consensus for the good of the industry on most issues. In the odd case where there has been disagreement, the issues have been set aside for rediscussion and we usually have arrived at a consensus that benefits not one or the other of the parties but the industry as a whole. This has also resulted in the opening up of the concept of cooperation and development of solutions based on common interest rather than adversarial interest. This has also spilled over into our contract negotiations, both parties being aware of the problems and issues within the industry, as well as having a track record of trying to find solutions on a level of mutual benefits. This led to the birth of the famous restructuring clause which Mr. Alleruzzo already alluded to.

I think it is very important that everybody be aware that, although what I am saying is somewhat repetitive of remarks that have already been made... that you have heard it from the labour side and now you are hearing the same thing from the management side, and it is important that you are all clear that there is a consensus and we are on the same wavelength. Thank you.

M. Gagnon (Guy): Il nous reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Richard): Oh, un instant! Vous n'êtes pas obligés de le prendre, mais je peux vous dire combien!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Cinq minutes.

M. Gagnon (Guy): Cinq minutes, parce que j'aimerais couvrir...

Le Président (M. Richard): C'est de l'humour! C'est de l'humour! Vous y avez droit, il n'y a aucun problème!

M. Gagnon (Guy): J'aimerais couvrir les principaux points du mémoire qu'on a soumis qui sont des commentaires sur le rapport interministériel. Et je vais essayer de résumer les points qui nous tiennent à coeur plus particulièrement.

Le premier concerne le premier chapitre concernant l'harmonisation avec les autres lois du travail. Dans le mémoire, ça couvre les pages 4, 5, 6, 7; ça va jusqu'à la page 10. Nous favorisons l'idée que le décret devrait être la seule source de recours pour tout ce qui concerne les conditions de travail, en dehors, évidemment, des recours émanant de conventions collectives de travail, pour éviter le plus possible les doubles recours ou les recours entrecroisés. Par exemple, à notre avis et humblement, nous croyons que le ministre devrait adopter une politique où il s'obligerait à harmoniser les conditions de travail de manière à inclure les minimums édictés par la loi des normes en consultation avec les parties contractantes, parce qu'il peut y avoir des variantes à établir à ce sujet-là.

Quant à l'introduction des recours de la loi des normes ou d'arbitrage pour congédiement ou des choses de ce genre-là qui sont proposées par le Comité interministériel, nous croyons que ces recours sont déjà disponibles aux syndiqués et que, dans un contexte de décrets dont la vie même dépend du maintien d'une représentation adéquate, il importe de préserver ce principe que, si un employé veut jouir des recours de cette nature-là, il se syndicalise et qu'il utilise la voie de la convention collective de travail pour exercer ses droits au niveau de l'arbitrage à l'occasion d'un congédiement ou des choses de ce genre-là. On ne peut pas, dans un contexte de décrets, avoir aussi ce recours-là, parce qu'à ce moment-là vous détruisez tout le mouvement syndical. Quant à moi, il n'y aurait plus de décrets à brève échéance. C'est aussi bien de dire tout de suite qu'on abolit la loi des décrets.

Nous soumettons que les dispositions actuelles de la loi pour protéger les salariés qui font l'objet d'abus sont suffisantes et nous ne croyons pas qu'il faudrait incorporer, dans le texte, des dispositions qui ont leur valeur dans la loi des normes. Nous voudrions arriver à une solution où le décret serait la seule source de recours des salariés pour les conditions de travail de l'industrie couverte. Il faut faire une distinction, quant à nous, très importante entre la nature de ce qu'est un décret et une norme de travail. Un décret est le résultat d'une convention collective et c'est l'expression et l'extension de cette convention collective à un ensemble de salariés qui ont des intérêts communs avec ceux qui ont négocié la convention. On ne peut pas, donc, penser à un décret comme on pense à une loi des normes. Et on ne peut pas trouver des solutions administratives équivalentes à la loi des normes. Ça va être un désastre. Il faut que ce soit spécifique à cette formule spécifique du décret. Et nous soumettons que le succès que le décret du vêtement pour hommes a eu dans le domaine est le résultat pratique de la loi actuelle qui, dans son concept de base, préserve ce point de vue là.

Concernant le chapitre II à la page 10 concernant la qualité des requérants, nous sommes d'accord. Nous l'avons exprimé d'ailleurs sur les suggestions 8 et 10. Par contre, la suggestion 9 va trop loin. La suggestion 9 dit qu'il faudrait avoir une représentation majoritaire des employeurs. Dans la pratique, c'est très souvent – et je dirais dans presque tous les cas de décrets que je connais – impossible parce qu'il y a toujours un grand nombre de petits manufacturiers qui ne sont pas représentés, mais qui, en nombre, changent la balance de la représentation au niveau des employeurs.

Dans l'industrie du vêtement pour hommes, par exemple, nous ne représentons pas la majorité absolue des employeurs de l'industrie. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas possible. Il y a 72 employeurs qui ont moins de 10 employés et qui ne sont pas syndiqués, d'accord? Par contre, les employeurs regroupent la majorité des salariés de l'industrie qui sont syndiqués, et ils sont tous syndiqués. Alors, nous suggérons que la formule ou l'approche à prendre quant à la représentativité de l'employeur, c'est de vérifier si les employeurs regroupent la majorité des salariés. Et c'est d'ailleurs une règle que le Comité utilise lui-même plus loin dans ses recommandations.

La suivante, ça concerne la qualité du document soumis. Et là, je retiens le numéro 11 qui dit: «Que la requête en extension ou en modification soit fondée sur une véritable convention collective au sens du Code du travail.» Ça, c'est impossible. Il y a une convention collective de travail. Mais, par exemple, prenez le vêtement pour hommes, il y a trois syndicats à la table, au Comité paritaire, d'accord? Et il y a à peu près cinq – je ne sais pas par coeur le nombre – associations d'employeurs.

Au niveau du Comité paritaire, tout ce monde-là se met d'accord et crée un consensus, pour l'industrie, sur des conditions de travail qui doivent s'exprimer dans le décret, d'accord? tirées des conventions collectives qu'il a. On se sert de la convention collective comme base, mais il faut que la convention collective, tout en prenant sa source et son appui dans les conventions collectives, soit une convention spécifique pour les fins du décret seulement. Et nous soumettons que c'est la formule que nous utilisons depuis près de 60 ans. Donc, pour nous, la recommandation 11 nous apparaît un petit peu trop absolue dans ses termes.

Concernant le caractère approprié du champ d'application, on dit: «Qu'il soit tenu compte du marché concurrentiel des entreprises...» Sur tous les principes qui sont exprimés là, nous sommes d'accord, sauf que nous vous suggérons de ne pas incorporer dans la loi la notion d'entreprises mutuellement en concurrence, parce que, chaque fois que vous allez avoir un cas «border line», vous allez avoir des procédures judiciaires pour contester la validité du décret. Il n'y a aucune nécessité de ça. Il suffit que le ministère adopte au niveau du ministère une politique pour chaque décret en fonction de la nature de ces marchés, en fonction de la nature des entreprises pour définir et délimiter où ça s'arrête, et fasse, en conséquence, les exclusions qui s'imposent. Et il n'y a aucune nécessité d'amender la loi pour le faire.

(20 h 20)

Pour ce qui a trait aux recommandations 15 et 16, nous sommes, encore là, d'accord avec les principes. Nous ne sommes pas d'accord avec le concept d'un arbitrage advenant une mésentente sur le choix entre deux décrets, par exemple. Nous considérons que c'est le devoir du ministre de se prononcer et de régler le problème. Ça ne traînera pas en longueur et ça déjudiciarise le problème. Ça devient un problème concret, politique et pratique de solution à l'intérieur du ministère où ça doit se prendre. Nous croyons fortement en la nécessité pour les comités paritaires de se parler et de tenter d'arriver à des solutions fondées sur des concepts de prépondérance et des choses qui sont mentionnées ici; nous sommes d'accord avec ça. Mais nous pensons que, s'il n'y a pas d'accord à ce niveau-là, le ministère l'impose et ça finit là.

Concernant la représentativité des conditions de travail, nous sommes, encore là, d'accord avec les propositions faites à 18 et 19, sauf que nous suggérons au ministre de se garder une discrétion, parce que ce n'est pas évident que, dans tous les cas, les majorités absolues sont toujours maintenues. Et il faut, à certains moments donnés, qu'il y ait un petit peu d'élasticité là-dedans pour permettre aux parties de se rétablir. Si, par exemple, vous perdez un employeur qui a 1000 employés dans une industrie, bien, tout de suite, il se peut que ça ait pour résultat de faire basculer la représentativité au niveau du Comité. Est-ce à dire qu'on va éliminer le décret immédiatement? Ça me paraît impossible. Donc, il faut qu'il y ait une discrétion tampon pour, justement, balancer les choses d'une façon raisonnable.

Concernant, maintenant, les recommandations 22, 23 et 24, qui nous tiennent profondément à coeur, il faut que vous vous rappeliez que notre industrie est une industrie qui fonctionne essentiellement sur des bases de rendement, de rémunération au rendement. Les taux qui sont exprimés dans le décret sont les taux minimums qui servent de base à tous ces systèmes au rendement. Mais la multiplicité des systèmes de rendement est considérable.

Lorsque nous faisons nos négociations sectorielles, nous négocions des augmentations qui sont conçues en fonction des salaires effectifs et non pas des salaires minimums. Parce que, si on met l'augmentation sur le salaire minimum, la probabilité, c'est que l'employé n'en verra jamais la couleur, pour la simple raison que l'employé produit à un niveau plus élevé. Et il n'est pas évident que le taux à 100 % va être modifié parce que mon taux minimum se modifie. Ce n'est pas automatique, ça. Et l'espace qu'il y a entre le taux minimum et le taux moyen peut varier considérablement. Ça peut aller de 10 % à 40 %. Ça dépend des systèmes utilisés, ça dépend de l'approche des employeurs et ça dépend de l'historique des augmentations qui ont été accordées. Donc, c'est essentiel que nous puissions avoir des augmentations qui s'appliquent sur les salaires réellement payés. Je sais qu'il peut y avoir des problèmes avec ça si quelqu'un paie déjà beaucoup plus que l'ensemble de l'industrie. Mais il y a moyen de tenir compte de ça. Ce n'est pas un problème majeur; c'est un problème périphérique qu'il y a moyen «d'adresser» d'une façon spécifique.

À l'article 24, on dit: «Qu'une disposition visant à rendre obligatoire un taux de salaire moyen soit interdite.» On a absolument besoin du salaire moyen, nous. C'est le salaire moyen qui détermine, par exemple, les vacances, qui va déterminer le taux horaire de l'employé lorsqu'il ne travaille pas à la pièce. Alors, il faut absolument que, dans le décret, on puisse dire que ces salaires moyens sont là. Autrement, notre système tombe à l'eau et le décret n'a plus de sens.

Et, finalement, le dernier point, c'est la recommandation 31: «qu'un décret puisse contenir toute disposition d'une convention collective se rapportant à des conditions de travail, à l'exception de celles résultant de la présence d'une association accréditée.» Nous soumettons respectueusement que cette recommandation-là devrait être refusée. Les parties sont unanimes à recommander, au contraire, que les cadres actuels de la loi soient maintenus et que seules les conditions de travail à caractère économique d'une convention collective puissent faire l'objet d'un décret. Si on incorpore dans le décret des conditions qui sont négociées entre les parties, qui ont trait à autre chose que ça, on donne aux salariés non syndiqués des avantages qu'ils ne devraient pouvoir obtenir que par syndicalisation. C'est encore le même principe de base. L'objet de l'extension juridique des conditions monétaires est une chose. L'objet de l'extension de toute la convention collective, c'est autre chose. Nous soumettons qu'il faut faire cette distinction parce que, encore là, vous mettez en danger le mouvement syndical dans tous les décrets.

Le Président (M. Richard): Je vous demanderais de conclure, maître, s'il vous plaît, parce que là vous êtes un peu comme sur un appel à frais virés.

M. Gagnon (Guy): C'est ma conclusion.

Le Président (M. Richard): Vous avez dépassé le temps, un peu.

M. Gagnon (Guy): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Richard): S'il vous plaît.

M. Gagnon (Guy): C'est ma conclusion. C'est tout ce qu'on a à dire sur le sujet.

Le Président (M. Richard): Merci, maître. M. le ministre, M. Marcil, vous avez la parole.

M. Marcil: Oui. À la proposition 22: «qu'il soit interdit de rendre obligatoires des hausses salariales s'appliquant à des taux de salaire effectifs plus élevés que ceux du décret», quand vous dites: Ça ne devrait pas, vous êtes d'accord avec ça?

M. Gagnon (Guy): Recommandation 22: «qu'il soit interdit de rendre obligatoires des hausses salariales s'appliquant à des taux...» On n'est pas d'accord avec ça.

M. Marcil: Et, à l'inverse, une entreprise qui a de la difficulté, qui a une convention collective et qui paie déjà des taux supérieurs aux normes minimales du décret, avec une entente avec les employés d'une diminution du tarif horaire, est-ce qu'on pourrait l'inclure aussi? Seriez-vous d'accord avec ça? Il ne faut pas que la diminution soit plus basse que les normes minimales, là.

M. Gagnon (Guy): Là encore, on tombe dans toute la question de savoir: est-ce qu'on va avoir un décret ou si on n'en aura pas?

M. Marcil: Non, non. Si vous avez un décret... Vous avez un décret présentement.

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: Et, en passant, je tiens à vous féliciter parce que c'est vrai que le décret du vêtement pour hommes fonctionne très bien. C'est un modèle, également. On avait celui de la coiffure, dans la région de l'Outaouais, qui fonctionnait très bien, et, dans le domaine du vêtement, je pourrais vous dire que, dans l'ensemble des décrets, celui qui fonctionne bien, c'est le vôtre. Je pense que c'est parce que, comme vous dites, il y a une concertation continuelle et que ce n'est pas administré dans un esprit de confrontation. Au contraire, c'est administré dans un esprit de concertation, et c'est pour ça que ça fonctionne bien.

Ceci étant dit, lorsque ça fonctionne bien, on peut faire n'importe quoi, dans le sens qu'on est capable d'adapter des choses.

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: Au moment où on accepte qu'il soit interdit de rendre obligatoires des hausses salariales s'appliquant à des taux de salaire effectifs plus élevés que ceux du décret, pour ceux qui nous écoutent, pour ceux qui vont nous lire, ça veut dire que, si le taux minimal du décret du vêtement pour hommes est de 7 $ l'heure et puis qu'on décide de l'augmenter de 4 %, pour ceux qui sont régis par des conventions collectives à l'intérieur de ce décret et qui ont des tarifs horaires plus élevés – exemple, 9 $ l'heure – les 4 % pour le salaire minimum doivent s'appliquer obligatoirement même à ceux qui ont 9 $ et 10 $ l'heure. C'est ça?

M. Gagnon (Guy): Non. Ce qui arriverait, là, si...

M. Marcil: Présentement, c'est ça.

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: Oui, oui. Présentement, c'est ça.

M. Gagnon (Guy): Oui, oui. Actuellement, c'est sur le taux effectif.

M. Marcil: Exactement. Même si on a négocié de bonne foi, employeur et employés, une convention collective qui est supérieure au décret, si on nous demande d'augmenter le salaire minimum du décret du vêtement pour hommes, même ceux qui ont négocié déjà des salaires beaucoup plus élevés sont obligés d'appliquer l'augmentation, présentement.

M. Gagnon (Guy): Que je sache, dans le vêtement pour hommes, ce n'est jamais arrivé.

M. Marcil: Ce n'est jamais arrivé?

M. Gagnon (Guy): À ma connaissance. Je n'ai pas une connaissance encyclopédique, là, mais...

M. Marcil: Non. Si je reviens d'abord à la proposition 22...

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: ...du fait «qu'il soit interdit de rendre obligatoires des hausses salariales s'appliquant à des taux de salaire effectifs plus élevés que ceux du décret», est-ce qu'on peut également appliquer le contraire, c'est-à-dire pour des diminutions de salaire?

(20 h 30)

M. Gagnon (Guy): Il y a deux problèmes là-dedans. Le premier concerne les augmentations de salaire. Si vous appliquez les augmentations de salaire sur les minimums seulement, sauf pour les employeurs qui sont régis par leur convention collective, ils n'auront pas d'augmentation de salaire. Point, à la ligne. À moins qu'ils ne soient employés, ce qui est très rare, dans des emplois à l'heure parce que, là, ils sont payés le minimum. D'accord? Donc, en excluant l'augmentation sur les salaires effectifs, vous excluez les augmentations de salaire pour un grand nombre de salariés.

Quant à la question des diminutions de salaire, ou bien elle a été négociée par l'ensemble des salariés, et il s'agit, à ce moment-là, d'un consensus de l'industrie, ou il s'agit d'un cas particulier. S'il s'agit d'un cas particulier, il y a un problème. Je ne sais pas comment le résoudre parce que c'est dans le concept même du décret qu'on va... Peut-être que le ministre est dans une position d'extension temporaire possible, je ne le sais pas, mais ce ne serait pas une solution que les parties pourraient envisager. Ce serait tellement marginal qu'on ne devrait pas affecter l'économie de la loi ni l'économie des décrets pour ces cas marginaux.

M. Marcil: Présentement, il y a un décret pour le vêtement pour dames...

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: ...il y a un décret pour le vêtement pour hommes.

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: Vous avez l'association des couturiers également qui, eux, doivent appliquer... Et il y a le décret de la chemise.

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: Eux, souvent, ils doivent appliquer deux ou trois décrets, selon le travail qu'ils ont à réaliser. Ne trouvez-vous pas qu'il serait peut-être plus normal ou plus logique qu'on puisse faire un seul décret pour l'industrie du vêtement?

M. Gagnon (Guy): Je sais...

M. Marcil: À l'image, au modèle du vôtre.

M. Gagnon (Guy): On savait que cette question-là viendrait sur le tapis. On n'a jamais été réfractaires à quoi que ce soit, dans le sens qu'on est toujours prêts à examiner la question. On n'a jamais fait face à une approche concrète à ce niveau-là. Mais on voit des difficultés énormes pour toutes les raisons qui vous ont déjà été exprimées par toutes sortes de personnes qui nous ont précédés et dans lesquelles je ne veux pas entrer parce que ce n'est pas notre «bag», si vous voulez. Quant à nous, on a un bon décret.

M. Marcil: Oui, je comprends, mais, quand on parle...

M. Gagnon (Guy): Et on ne voudrait pas le déranger si on en était capables.

M. Marcil: Non, non. Ça, je sais bien.

M. Gagnon (Guy): Mais, s'il le faut et si ça devient nécessaire dans l'intérêt commun, et s'il y a des moyens de le faire d'une façon efficace, c'est autre chose.

M. Marcil: Vous ne voulez pas introduire des virus carnivores à l'intérieur de votre...

M. Gagnon (Guy): Il y a un autre facteur important également à ne pas oublier là-dedans, c'est la question de la représentativité. On ne voudrait pas, à l'occasion de situations comme ça, perdre notre caractère représentatif. C'est majeur.

M. Marcil: Je comprends. Installer des boutons à gauche ou installer des boutons à droite ou des fermetures éclair, que ce soit sur un pantalon pour femmes ou sur un pantalon pour hommes, ça demeure toujours dans la même industrie. Lorsqu'on parle de mode haut de gamme dans l'industrie du vêtement pour dames, il y a aussi une mode haut gamme dans l'industrie du vêtement pour hommes. Donc, c'est pour ça que je posais la question: Pourquoi ce modèle de décret que vous administrez de la bonne façon ne peut-il pas s'appliquer également dans toute l'industrie du vêtement au lieu d'avoir trois décrets différents plus un quatrième pour les couturiers?

M. Gagnon (Guy): Comme je l'ai dit, il y a des difficultés réelles. Est-ce que c'est susceptible d'une solution pratique qui n'affectera pas indûment les industries? C'est très délicat. Actuellement, le décret est l'expression d'une convention collective et c'est personnalisé. Est-ce que la création d'un ensemble plus grand dépersonnaliserait au point de...

M. Marcil: Donc, vous êtes inquiets...

M. Gagnon (Guy): ...changer le concept? Je ne sais pas.

M. Marcil: ...vous seriez inquiets de tenter l'expérience. Les 57 % du personnel, de la main-d'oeuvre syndiquée de votre industrie, est-ce qu'elle est majoritairement CSD?

M. Gagnon (Guy): Elle est majoritairement, je crois, TAVT.

M. Marcil: TAVT, c'est...

M. Gagnon (Guy): Travailleurs amalgamés du vêtement.

M. Marcil: Est-ce que ça relève de la FTQ, ça?

M. Gagnon (Guy): FTQ.

M. Marcil: Dans une de vos recommandations, vous dites: Sur la liste des conditions de travail donnant ouverture aux recours de la loi des normes du travail. Je ne suis pas sûr de ce que j'avance, mais il me semble avoir lu dans le mémoire de la FTQ qu'ils étaient d'accord avec ça, ce qui serait une position un peu contraire à la vôtre.

M. Gagnon (Guy): Nous prêchons pour notre paroisse.

M. Marcil: Oui. C'est parce que j'essaie de voir si votre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Ha, ha, ha! C'est ça?

M. Gagnon (Guy): La différence entre la FTQ et nous, c'est que nous avons un décret.

M. Marcil: O.K. Non, c'est parce que, moi, j'aime votre esprit d'ouverture. Comme vous fonctionnez par consensus à votre conseil d'administration au Comité paritaire et qu'on retrouve, naturellement, les trois représentants des trois centrales syndicales, dans le fond, c'est pour ça que je me disais: Ça suppose que, sur ce que vous présentez aujourd'hui dans votre mémoire aussi, l'ensemble des gens, vous avez un consensus, également, sur le mémoire comme tel.

M. Gagnon (Guy): Ce qui apparaît dans le mémoire a été unanimement approuvé.

M. Marcil: Ça arrive souvent que des unités syndicales affiliées à de grandes centrales dans une entreprise soient en contradiction, des fois, avec la pensée ou les propositions de la grande centrale. C'est arrivé. Oui?

M. Roux (Henri-Paul): M. le ministre, juste pour ajouter, là, vous avez prononcé «CSD». Il faut quand même faire attention. Ça ne veut pas nécessairement dire, parce que la CSD siège au Comité paritaire du vêtement pour hommes, qu'à 100 % elle endosse tout ce qu'il y a à l'intérieur du mémoire, sauf que, très fortement majoritairement, elle est d'accord avec ça.

M. Marcil: Ça va.

M. Roux (Henri-Paul): Alors, à partir de là, il faut faire attention, aussi, parce que... Disons que je vais revenir mercredi...

M. Marcil: Oui, oui, oui, pour la CSD.

M. Roux (Henri-Paul): ...et là je vais revenir avec la centrale.

M. Marcil: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roux (Henri-Paul): Je vais faire attention. Quand la centrale...

M. Marcil: Comment ça se vit, ça?

M. Roux (Henri-Paul): Très bien.

M. Marcil: Très bien.

M. Roux (Henri-Paul): Il s'agit de savoir comment s'asseoir sur la bonne chaise.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roux (Henri-Paul): Je dois vous dire, M. le ministre, en passant, que des députés qui sont ici sont de la région 04 et me connaissent déjà. Ils savent que je suis capable de m'asseoir sur la bonne chaise parce que je fais partie du développement régional. Il y a des industries du vêtement. Ça me fait plaisir de vous dire que la seule usine, dans la région 04, où ils sont propriétaires, c'est Vêtements Victoriaville, et il y a 200 employés là-dedans. Ils vivent très bien à l'intérieur des normes du décret. On ne s'en plaint pas.

M. Marcil: Non, mais, moi, je ne faisais pas de reproches, là.

M. Roux (Henri-Paul): Non, mais je veux quand même préciser que...

M. Marcil: Oui, oui.

M. Roux (Henri-Paul): ...quand on va parler du...

M. Marcil: Non. C'est parce que je m'imaginais que, dans le domaine du vêtement... Je connais beaucoup de gens, aussi, de la CSD; il y a des gens avec qui je travaille, avec qui j'ai des relations continues à cause de dossiers dans le textile, donc, avec M. Boucher, Gilles, en passant. C'est pour ça que je pensais que, dans le domaine du vêtement, il y avait plus de CSD que des autres syndicats.

M. Roux (Henri-Paul): Non.

M. Marcil: Non? C'est à peu près à parts égales?

M. Roux (Henri-Paul): Non. C'est plus...

M. Marcil: Non, non. Vous avez dit tantôt que c'est la FTQ.

Une voix: C'est la FTQ ou la...

M. Roux (Henri-Paul): Oui. Pour vous prouver que c'est comme ça, c'est que la FTQ, les TAVT ont un nombre de représentants au Comité paritaire; la CSD en a moins. Mais je dois vous dire qu'on est assis à la même table qu'eux et notre droit de parole est aussi important que le leur.

M. Marcil: Ça va. C'est parfait, ça.

M. Jolivet: Ce n'est pas comme dans la construction.

M. Marcil: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Elle est bonne, celle-là.

M. Roux (Henri-Paul): C'est peut-être parce qu'on n'est pas tous dans la bonne région, là.

M. Marcil: Vous dites que ce n'est pas comme...

M. Jolivet: Dans la construction.

M. Marcil: Ça peut changer, vous savez.

M. Jolivet: Ce que je veux juste dire, c'est que, quand vous parlez de représentativité de syndicats...

M. Marcil: Oui.

M. Jolivet: ...ça ne veut pas dire qu'ils soient d'accord dans l'un ou dans l'autre. Ils peuvent être en désaccord, mais ce qui est important, c'est qu'ils aient toujours la même pensée...

M. Marcil: D'accord.

M. Jolivet: ...celle de défendre les travailleurs.

M. Marcil: Ça, je suis absolument... Ah! je veux bien.

M. Roux (Henri-Paul): Ne soyez pas inquiet pour ça, M. Jolivet.

M. Jolivet: Ah! je vous connais. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): On a passé proche de changer de sujet, là.

M. Marcil: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): J'ai l'impression.

M. Marcil: Là, on a passé proche de parler d'un autre décret. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): J'ai l'impression. Avez-vous d'autres questions, M. le ministre?

M. Marcil: Bien, je vais laisser du temps à mes collègues et je reviendrai à la fin.

Le Président (M. Richard): Alors, M. Jolivet, M. le député de Laviolette, vous avez la parole.

M. Jolivet: Oui. En fait, quand on prend les décrets de convention collective, pour revenir à peu près au tableau que vous brossiez, tout à l'heure, de l'histoire, il faut bien comprendre qu'en réalité, quand on y a placé l'ensemble de ces sujets-là dans les années trente, c'était pour permettre à des gens, qui ne le pouvaient pas compte tenu de la petitesse de l'entreprise, d'avoir des conditions autres que les conditions minimales qui étaient prévues à l'époque. Donc, il fallait avoir une formule négociant des choses, qu'on appellerait peut-être aujourd'hui, dans certains cas, multipatronales ou des choses semblables, ou même, dans des cas, une négociation continue. Mais ça, c'est d'autres sujets. Simplement pour dire qu'à cette époque-là on regardait et on disait: Comment peut-on permettre à des individus, hommes ou femmes, qui travaillent dans des secteurs qui sont des secteurs à plus petite quantité d'employés, de pouvoir se donner des conditions de travail qui soient différentes de celles qu'on connaissait à l'époque?

(20 h 40)

Et c'est pour ça qu'on appelle ça – on avait certains termes, dans le temps – «décret tenant lieu de convention collective». Donc, on dit un décret de convention collective. Ça implique donc, en réalité, qu'il y a une négociation qui est faite et, au lieu d'être faite dans chacune des entreprises, elle est faite à un niveau supérieur qui s'appelle le comité paritaire représentant les différents intervenants; après ça, elle s'applique à l'ensemble des individus, dans toutes les autres entreprises qui sont connexes à ce secteur-là, et le comité paritaire a l'obligation de faire appliquer maintenant le décret, après ça.

C'est pour ça que la représentativité dont vous faites mention, en termes d'employeur plutôt qu'en termes d'employés, si on acceptait la proposition qui est là, ça serait le bordel. Autrement dit, ça voudrait dire que, dans le fond, il n'y aurait jamais de décret.

Une voix: C'est ça.

M. Jolivet: Parce que ça ne sera pas possible de l'organiser comme tel. Il devient donc essentiel, aux termes de votre discussion, que l'article 9 ne soit pas adopté tel qu'il est là.

Dans l'autre question, maintenant, qu'on regarde, le décret de convention collective sert donc d'une sorte de convention minimum, ce qui n'empêche pas, dans d'autres entreprises où il y a une force de négociation entre employeur et employés, d'avoir plus que le décret, mais jamais moins que le décret. Oui, allez-y.

M. Gagnon (Guy): Oui, il y a eu une variation. Ce que vous expliquez du début de la loi, puis de son application, où il n'y avait pas de Code du travail, où c'était par reconnaissance mutuelle, c'était un monde un petit peu différent de celui qu'on connaît depuis le Code du travail, depuis l'accréditation, depuis les nouvelles conventions collectives qui doivent provenir exclusivement de syndicats accrédités. À ce moment-là, le concept de décret a changé et le concept d'une négociation, au niveau des conventions collectives qui sont ensuite extensionnées, a pris racine. Dans les années cinquante, ça a commencé, puis c'est devenu aujourd'hui, en tout cas, pour nous, dans le vêtement pour hommes, une règle absolue. Je veux dire que ce sont les conventions collectives qui régissent ce que la convention collective, pour les fins du décret, va contenir. D'accord? Mais ce concept-là était déjà en place dès les années cinquante. Après l'adoption du Code du travail, je me souviens d'avoir négocié plusieurs conventions pour fins de décrets à partir des conventions collectives qui avaient été négociées à ce moment-là.

M. Jolivet: Ce que vous dites, on l'a vécu à d'autres niveaux. Moi, je l'ai vécu au niveau de l'enseignement. On a eu le droit de faire de l'action syndicale en 1963 environ, en 1964, pour être bien clair. D'autant plus que vous parliez tout à l'heure du premier décret de 1934. Je peux vous amener la convention que j'ai signée, en 1941-1942, de l'Alliance de Montréal. Vous allez voir qu'il n'y avait pas grand-chose dedans. Alors, c'est ça. L'évolution qui s'est faite en cours de route a peut-être, dans certains cas, compliqué les choses. Ce que j'essaie de comprendre chez vous, et ça, c'est par rapport au comité paritaire pour le vêtement de dames... Ils ne viendront pas ici, les comités paritaires. Je suppose dans mon esprit que le consensus que vous avez, ils ne l'ont peut-être pas, eux autres.

Alors, la question que le ministre posait tout à l'heure à l'effet de dire: Si on appliquait le même consensus que vous avez, puisque vous fonctionnez très bien – si on parle de consensus, ça prend une forme d'unanimité, à un moment donné, puis on décide de faire l'action quand c'est unanime – ça veut dire qu'à vouloir en venir à un décret pour l'ensemble de tout le secteur on risquerait peut-être de faire ce qu'on cherche toujours, à le niveler par le bas plutôt que par le haut, à hausser. Donc, vous êtes la perfection, d'une certaine façon, par rapport à d'autres qui ne l'ont pas et qui font en sorte que le consensus est plus difficile à réaliser et, ensuite, à appliquer.

M. Gagnon (Guy): Je n'oserais pas commenter là-dessus...

M. Jolivet: C'est ça.

M. Gagnon (Guy): ...sauf pour souligner que l'industrie du vêtement pour dames est une industrie extrêmement complexe...

M. Jolivet: Oui.

M. Gagnon (Guy): ...avec des problèmes qui lui sont spécifiques. Je n'irai pas au-delà de ça. Je ne pense pas que ce soit à nous de commenter leur façon de fonctionner à l'intérieur du comité paritaire.

M. Jolivet: Ce que je veux dire, c'est qu'à partir de ça la crainte que vous avez est donc réelle. Vous dites: On a une organisation qui fonctionne très bien, qui, dès le départ, a mis les objectifs sur un consensus, lequel est basé sur la confiance mutuelle, pour arriver à des conditions qui se donnent dans tout l'ensemble, à partir des conventions collectives négociées. De telle sorte que vous dites, après ça: On ne voudrait pas que le décret en vienne à conclure toutes les conditions d'une convention collective.

Je prends un exemple. Dans une place, il y a eu une négociation de ce qu'on appelle les bénéfices marginaux par rapport aux bénéfices sociaux et au salaire. Vous dites que ce qui devrait être contenu dans le décret, c'est seulement la partie salaire, si je comprends bien.

M. Gagnon (Guy): Les conditions monétaires.

M. Jolivet: Monétaires. O.K. Les conditions monétaires par rapport...

M. Gagnon (Guy): C'est les vacances, les congés, je veux dire.

M. Jolivet: O.K. C'est ça. Par rapport à l'autre qui, lui, possède plus que ça. Et vous dites qu'il y aurait un danger si on incluait dans le décret toutes les conditions. Ça veut dire que ce qui est possible chez un employeur à 200 employés n'est pas nécessairement possible, au même coût, chez un employeur de 15.

M. Gagnon (Guy): Je vais vous donner l'exemple concret des TAVT et des associations patronales qui ont créé un fonds commun de retraite et d'assurance collective, qui fonctionne d'une façon admirable, qui est extrêmement dynamique et où les coûts ont toujours été maintenus à un pourcentage exceptionnellement bas. Il n'y a personne en Amérique du Nord qui a réussi à faire la même chose avec des conditions égales ou supérieures à ce qui s'est fait ailleurs.

M. Jolivet: Je reviens toujours à ce que...

M. Gagnon (Guy): Alors, mettre ça dans le décret, ça n'a pas de sens.

M. Jolivet: Je reviens toujours à ma comparaison. Vous dites que le secteur féminin, des dames, c'est plus complexe que le secteur des hommes. C'est sûr qu'on a des difficultés à comprendre ça parce qu'on n'est pas dans le milieu, là. Je pourrais poser la question à l'inverse en vous demandant: Qu'est-ce qui fait que le vôtre est moins complexe que l'autre? Peut-être que vous pourriez mieux me répondre que si je vous demandais comment l'autre est plus complexe.

M. Gagnon (Guy): Peut-être, peut-être. De façon générale, l'industrie du vêtement pour hommes est une industrie qui, par la nécessité même de la nature des productions, est plus structurée et demande des investissements plus considérables. Je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas dans le vêtement pour dames. Il ne faudrait pas interpréter ça comme une interprétation de ce qui se fait dans le vêtement pour dames, mais, dans le vêtement pour hommes, c'est plus monolithique. Alors, le résultat pratique, c'est que c'est peut-être un petit peu plus facile d'arriver à des consensus, c'est peut-être plus facile de définir certaines choses. Je ne peux pas en dire beaucoup plus que ça.

M. Jolivet: Je reviens toujours à ce que je disais tout à l'heure, avant l'heure du souper. Au niveau des représentations, maintenant, dans le vêtement pour dames, on a remarqué que ceux qui sont venus ici, c'étaient les employeurs qui représentent une petite partie de l'ensemble des employés par rapport aux entreprises. Quand on regarde l'ensemble des entreprises qui ont cinq employés et moins, ou 10 employés et moins, ou 15 employés et moins, ça représente la majorité des entreprises et ça donne une minorité au niveau de ceux qui sont venus aujourd'hui. Donc, on voit la différence entre les deux, à ce moment-là, qui fait qu'ils ont une présentation qui défend leur secteur d'entreprises au détriment des petits. Et là, le décret, normalement, c'est justement, à partir des grosses entreprises qui sont capables de négocier des conventions collectives, de pouvoir l'appliquer sur les petites en tenant compte, tout simplement, des clauses monétaires.

M. Gagnon (Guy): Mais c'est la fragmentation, évidemment, qui crée le problème.

M. Jolivet: O.K. Moi, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Richard): M. St-Roch, M. le député de Drummond, vous aviez une question?

M. St-Roch: J'en ai plusieurs, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Commencez par une, s'il vous plaît.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Une à la fois.

M. St-Roch: C'est ce que je vais essayer de faire parce que je n'ai pas encore le don de duplicité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Roch: Peut-être pour répondre à l'interrogation de M. le ministre concernant la FTQ, sur les clauses 22, 23 et 24, si mes notes sont correctes, on nous avait mentionné d'écouter religieusement ce que leurs affiliés du secteur du vêtement auraient à nous dire sur ces clauses-là.

Ceci étant dit, je pense que votre secteur est la preuve que vous êtes en compétition avec des manufacturiers de l'Ontario, si l'industrie n'a pas changé, avec ceux du Manitoba, Winnipeg, entre autres, et avec ceux de la région de Vancouver. Vous avez un décret. Vous réussissiez très bien à compétitionner. Vous êtes un secteur de l'industrie du vêtement qui est le plus avant-gardiste au niveau de l'utilisation de la technologie, que ce soit au niveau d'images, que ce soit au niveau de robotisation, automatisation, réorganisation, réingénierie des conditions de travail.

J'aimerais aussi signaler, M. le Président, que M. Alleruzzo a été très modeste dans la comparaison de ses statistiques parce qu'il a pris 1983 et 1993. S'il avait pris deux ans plus tôt, 1981, il y avait 285 employeurs versus 318 en 1993: donc, un accroissement, même s'il y a eu des récessions, s'il y a eu des importations. La masse d'employés est passée de 11 324 à 11 211, si je compare à 1981. Alors, c'est une industrie qui est stable, qui est bien sous contrôle. Les masses salariales se sont accrues à peu près de 50 000 000 $, de 127 000 000 $ à 179 000 000 $.

(20 h 50)

Alors, je pense, moi, qu'on a la preuve, lorsqu'on a un décret et lorsque les parties font consensus entre elles et qu'on est capable de regarder les intérêts supérieurs de l'industrie, que les travailleurs et les travailleuses en sont bénéficiaires, de même que les employeurs ou les patrons. Alors, M. le Président, première conclusion: il faudrait peut-être disséquer ce que le secteur du vêtement pour hommes fait et essayer de transférer ça dans la législation pour l'ensemble des autres décrets, et on viendrait de trouver le problème, nous autres aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Roch: Alors, ça, ça va être quelque chose, M. le ministre, pour lequel on aurait besoin de deux autres commissions parlementaires.

Mais, à l'intérieur de toutes vos recommandations, Me Gagnon, il y en a une, moi, qui a attiré particulièrement mon attention. Je sais que notre président, comme il va me le faire, nous minute pour le temps et nous bâillonne. Il y en a une qui avait attiré mon attention, c'est à la page 17 de votre mémoire, lorsque vous dites...

Une voix: Page 6?

Le Président (M. Richard): C'est un bien grand mot.

M. St-Roch: À la page 17: «Avant de quitter ce chapitre, nous désirons souligner l'importance qu'il y a, pour toutes les parties en cause, d'obtenir des modifications au décret dans un délai raisonnable de la date du dépôt...». Vous mentionnez que souvent «l'industrie a fait face à des délais de l'ordre d'un an ou plus avant que les modifications proposées ne soient entérinées par décret et publiées». On va amender la loi, on va la moderniser, on va l'actualiser et on dit qu'on va la garder, cette loi-là. Si vous aviez une recommandation à faire au niveau des délais, est-ce que vous croyez que le ministre devrait inscrire dans la loi qu'à l'intérieur d'une période – j'aurais le goût de vous dire trois mois, mais je vais redoubler – de six mois, obligatoirement, il faut que la réponse soit rendue? Est-ce qu'on devrait avoir ça dans notre texte législatif?

M. Gagnon (Guy): Il y a eu des périodes où les temps ont été considérables, mais ça correspondait à des difficultés passagères dues au fait qu'il y avait des flottements sur l'idée même du décret. Il y avait une grande contestation, à un moment donné, sur les décrets et là ça a semblé mettre les bâtons dans les roues partout parce qu'on se demandait si on allait maintenir la Loi sur les décrets ou non. Pendant cette période de flottement, c'est sûr que c'était long. Ce n'est plus le cas, que je sache, actuellement.

M. St-Roch: J'admire...

M. Gagnon (Guy): J'aimerais ajouter une chose, par exemple. Vous avez mentionné certains succès de l'industrie. J'aimerais souligner, parce qu'on en est très fiers, la pénétration considérable de notre secteur dans la vente aux États-Unis. Elle est très considérable.

M. St-Roch: Me Gagnon, j'admire votre haute diplomatie, vos gants de – je vais utiliser le terme anglais, je pense qu'il est plus représentatif – «kid» pour ménager peut-être une obligation, mais j'aimerais, respectueusement, vous rappeler qu'on est en train de travailler sur un décret qui date de 60 ans. Alors, j'admets qu'on a eu des périodes... J'admets qu'avec notre nouveau ministre on a réussi à couper nos délais parce que c'est un homme dynamique, mais lui comme moi – vous, vous êtes peut-être éternel dans votre fonction – peut-être, dans un an, dans deux ans, on ne sera pas là. Si ça a pris 60 ans à améliorer la loi, est-ce qu'on ne serait pas mieux de mettre une clause? Parce qu'on ne fait pas des lois pour quand ça va bien et quand ça va mal. Est-ce que vous suggéreriez trois mois ou six mois de délai avant que ça soit approuvé, pour baliser un ministre futur, pas notre ministre actuel, mais un futur?

M. Gagnon (Guy): Il me semble que ce genre de délai ne devrait pas être dans la loi parce que c'est de nature à créer des situations de contestation qui pourraient être assez sérieuses. Je suggérerais plutôt qu'il y ait une politique d'adoptée et que cette politique-là soit appliquée.

M. St-Roch: Est-ce que je peux vous suggérer une alternative, si vous ne voulez pas avoir ça, en bon avocat, dans la loi et en prévoyant toutes les poursuites qu'il pourrait y avoir: qu'après trois mois la commission parlementaire, s'il n'y a pas de décision de rendue, soit saisie du problème pour étude?

M. Gagnon (Guy): Je m'inclinerai devant la commission parlementaire.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Alors, merci... Oui?

M. Jolivet: J'avais oublié une question qui m'est revenue avec la question du député de Drummond. Merci beaucoup. Simplement, on a dit, cet après-midi, qu'il y avait eu un transfert vers l'Ontario du vêtement pour dames et, vous, vous n'avez pas subi les mêmes conséquences.

M. Gagnon (Guy): Totalement l'inverse.

M. Jolivet: Oui, justement, mais pourquoi? Qu'est-ce qui s'est passé? Est-ce qu'il n'y a pas eu la même crise économique partout?

M. Gagnon (Guy): Il y a eu la même crise économique partout, y compris ici; ça a été très dur. Mais le fait d'avoir un décret, le fait d'avoir des négociations sectorielles, le fait d'avoir une concertation, le fait d'avoir des employeurs conscients de leurs problèmes, parce qu'ils sont discutés à fond aux négociations, ont fait que les employeurs, dans l'industrie, ont su se protéger, et le résultat pratique, ça a été de maintenir les emplois.

Le Président (M. Richard): M. Marcil, M. le ministre.

M. Jolivet: Le consensus a agi partout.

M. Marcil: Oui. C'est parce que c'est un comité paritaire qui est proactif, qui pense plus au développement de l'industrie, à l'avenir de l'industrie, qu'à négocier à moyen, à court terme. Dans votre mémoire, vous signalez votre désaccord quant à la création d'un système d'arbitrage spécialisé.

M. Gagnon (Guy): Oui.

M. Marcil: Vous dites que ça revient au ministre de trancher ces problèmes-là. Ça «veut-u» dire, ça, que vous laissez au ministre l'entière discrétion sur les choix des critères devant... Pourquoi?

M. Gagnon (Guy): En consultation avec les parties contractantes.

M. Jolivet: C'est ça.

M. Gagnon (Guy): C'est son rôle. Pour nous, c'est ça, la conception même de la loi des décrets.

M. Jolivet: C'est ça. Exact.

M. Marcil: On me dit que, dans le décret du vêtement pour dames, les salaires sont plus élevés que dans le décret du vêtement pour hommes.

M. Gagnon (Guy): Les minima, certains minima sont probablement plus élevés.

M. Marcil: On me dit que, dans le décret du vêtement pour hommes, on interdit le travail à domicile.

M. Gagnon (Guy): C'est exact.

M. Marcil: Tandis que cette interdiction-là...

M. Gagnon (Guy): De toute façon, il est pratiquement impossible dans le vêtement pour hommes.

M. Marcil: Il est pratiquement impossible.

M. Gagnon (Guy): Ce n'est pas le même problème.

M. Jolivet: C'est ça.

M. Marcil: Ce n'est pas le même problème.

M. Gagnon (Guy): On a discuté de ça, l'autre jour, à la table, en préparation du meeting ici, et le consensus qui s'est fait parmi les employeurs qui ont l'expérience des deux décrets, c'est que le coût éventuel de production, de la main-d'oeuvre, dans les deux cas, est substantiellement le même, quand on arrive au bout de la ligne, là.

M. Marcil: La notion d'entreprises mutuellement en concurrence semble vous causer un problème, aussi.

M. Gagnon (Guy): De l'inclure dans la loi...

M. Marcil: De l'inclure dans la loi.

M. Gagnon (Guy): ...parce que c'est une source de... bref, de prérogatives. C'est la dernière chose que vous voulez.

M. Marcil: Donc, je sais que les propositions 9 et 18, également, vous n'êtes pas nécessairement d'accord avec.

M. Gagnon (Guy): Non.

M. Marcil: Je pense qu'on n'a pas encore trouvé un groupe ou un organisme qui était d'accord avec 9 et 18.

M. Gagnon (Guy): À 9 et 18, c'est...

Une voix: Les majorités.

M. Marcil: Les majorités pour...

Une voix: Oui, oui, la majorité des employeurs.

M. Marcil: O.K.

Une voix: Les doubles majorités.

M. Jolivet: On ne demande même pas ça pour faire élire un député.

M. Gagnon (Guy): Oui, la majorité... Parce que, en pratique, ça ne peut pas marcher.

M. Jolivet: Bien oui. Un député est élu à majorité simple.

M. Marcil: On remarque aussi...

M. Jolivet: À moins d'être deux.

M. Marcil: ...dans votre mémoire que vous semblez assez réticents à ce que des dispositions soient introduites dans la Loi sur les décrets de convention collective pour permettre au ministre d'obtenir, sur demande, tout renseignement nécessaire afin de s'assurer du degré de vitalité des comités paritaires et de la qualité de leur gestion, en page 18, je pense, de votre mémoire.

M. Gagnon (Guy): On est d'accord avec ça.

M. Marcil: Vous êtes d'accord avec ça?

M. Gagnon (Guy): Oui, oui.

M. Marcil: Ah, bon.

Le Président (M. Richard): M. le ministre, il y a M. Roux qui voulait intervenir, je crois.

M. Jolivet: C'est le 11.

Le Président (M. Richard): Vous aviez un commentaire, M. Roux?

Une voix: Le 11.

M. Gagnon (Guy): Comment?

M. Roux (Henri-Paul): Bien, sur un commentaire passé, là, et je ne voudrais pas le perdre.

Le Président (M. Richard): J'ai vu que vous avez travaillé sur votre siège, un peu; ça vous a fatigué.

M. Roux (Henri-Paul): Parce que, tout à l'heure, M. St-Roch parlait du moment où la requête est déposée, le temps.

M. Marcil: C'est fait, monsieur. C'est dans la machine. C'est signé.

M. Roux (Henri-Paul): Bien oui.

M. Marcil: C'est la question que vous vouliez me poser?

M. Roux (Henri-Paul): Non.

M. Marcil: Non?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roux (Henri-Paul): Parce que, s'il y en a un...

M. Gagnon (Guy): Laissez finir la question.

M. Roux (Henri-Paul): ...qui a fait des démarches avec le président de la centrale, à tous les mardis, pour savoir si vous amèneriez ça au cabinet des ministres, c'est bien moi.

M. Marcil: Oui, oui, et M. Gingras nous a téléphoné souvent.

M. Roux (Henri-Paul): Oui. Moi, je lui disais: Téléphone, parce que ça ne fera pas si tu ne téléphones pas. Mais je voudrais quand même, M. le ministre, faire attention à ces délais-là. Vous savez, quand les conventions collectives ont été négociées, que la requête est déposée et qu'on se ramasse avec une audition où il y a trois employeurs qui représentent 40 salariés et qu'après ça on parle de la TPS et de la TVQ, là, je vais vous dire une affaire, ça ne fait pas partie des problèmes du décret, et ça, ça pénalise un ensemble de travailleurs. Moi, je pense que, quand ces éléments-là sont suivis, on devrait procéder par la suite.

M. Marcil: Et il va falloir... On l'a comme proposition, également, d'avoir un mécanisme pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de délais absolus, des délais interminables qui font en sorte qu'à un moment donné le décret meurt de sa belle mort. Je comprends. Mais il faut comprendre que, depuis 1934, cette loi, dans les années soixante-dix, autant l'ancien gouvernement que le gouvernement présent, on a toujours été réticents à... Comment je pourrais dire? on s'est toujours posé la question, dans le fond, sur l'avenir de la loi des décrets. Il y avait des pressions de certains groupes pour qu'elle soit abrogée; pour d'autres groupes, on voulait qu'elle soit maintenue. Et, dépendamment probablement des ministres qui passaient, quand venait le temps de prolonger ou d'extensionner un décret, si le ministre n'était pas nécessairement prodécret, il le laissait sur son bureau; et l'autre, qui était prodécret, lui, il signait plus vite. C'est ça, là.

(21 heures)

Et là, comme on était dans la période, également, de réflexion sur l'avenir de cette loi, avec le rapport interministériel qui m'a été déposé en février... Et il faut comprendre la raison. C'est parce que vous savez qu'en novembre, décembre, il y avait un autre dossier qui était sur la place publique, qui a occupé probablement tout le temps à peu près de l'ancien ministre: le dossier du décret de la construction. C'est sûr que tout ça a fait que, lorsqu'on a eu des demandes d'extension ou d'amélioration d'un décret, il y a eu réellement des délais.

Moi, je peux vous dire que, depuis que je suis là, on en a passé beaucoup, on en a signé beaucoup et on essaie de le faire le plus rapidement possible, surtout que, lorsqu'il y a un consensus entre les parties, on n'a pas à retarder inutilement la signature de ces décrets-là. J'en conviens avec vous à ce niveau-là, et je sais que ça a beaucoup de répercussion, le fait de retarder.

M. Roux (Henri-Paul): En tout cas, M. le ministre, six mois, ça, c'est le maximum.

M. Marcil: C'est le maximum.

M. Roux (Henri-Paul): Le maximum. Vous savez ça veut dire quoi, le maximum.

M. Marcil: Moi, je peux vous dire que, depuis le mois de janvier – j'ai été nommé le 11 janvier 1994 – on a signé au moins une dizaine de décrets depuis ce temps-là.

Ça fait que je vous remercie beaucoup de vous être prêtés à cet exercice, et on prend bonne note de ce que vous nous avez donné comme informations, comme propositions.

M. Gagnon (Guy): Nous vous remercions de votre attention. Et j'aimerais ajouter que nous avons admiré le travail que le Comité interministériel a fait, un travail de déblaiement considérable. Le fait qu'on ne soit pas d'accord avec certaines recommandations ne diminue pas la validité de ce qu'ils ont fait, ni notre accord avec leurs conclusions générales.

M. Marcil: On en prend bonne note.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Sur ce, je demanderais à l'Association des entrepreneurs en couture du Québec de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, mesdames, messieurs, vous vous identifiez d'abord, s'il vous plaît, et les personnes qui vous accompagnent. Et, par la suite, évidemment, vous avez, pour votre message de départ, 20 minutes au maximum, s'il vous plaît.


Association des entrepreneurs en couture du Québec (AECQ)

Mme Gravel (Linda): Linda Gravel, directrice générale de l'Association des entrepreneurs en couture du Québec.

M. Veilleux (Rolland): Rolland Veilleux, président de l'AECQ et président du groupe Les Vêtements sports RGR.

Mme Lucia (Carmen): Mme Carmen Lucia, entrepreneure en couture et membre de l'AECQ.

M. Frappier (Jacques): Jacques Frappier, vice-président de l'AECQ et président de Technofil inc.

Le Président (M. Richard): Merci. Alors, vous avez la parole.

Mme Gravel (Linda): D'abord, vous allez me permettre de vous parler quelque peu de l'Association des entrepreneurs en couture du Québec. D'abord, notre association fut fondée en 1977 par un groupe de sous-traitants qui souhaitaient avoir une association qui deviendrait leur porte-parole officiel, qui aurait à coeur le développement de l'industrie de la sous-traitance et qui verrait également à défendre et à représenter leurs intérêts auprès des différents intervenants et des différents paliers gouvernementaux. Aujourd'hui, l'Association des entrepreneurs en couture du Québec regroupe des entreprises des quatre coins du Québec. Nos membres génèrent 7500 emplois directs au Québec, pour une masse salariale annuelle de 116 000 000 $.

J'aimerais vous dresser rapidement le portrait d'une entreprise de confection. Pour ça, il faudrait remonter à il y a à peu près 20 ans, où le manufacturier qui détient sa propre ligne de vêtements fabriquait lui-même sa ligne de vêtements et avait rattaché à son entreprise un plan de production. Cependant, avec les années, le manufacturier s'est rendu compte qu'il serait peut-être plus approprié pour lui de confier sa production à l'extérieur, soit à des entreprises de sous-traitance, pour, lui, se spécialiser dans le design et la mise en marché de ses vêtements. On pourrait facilement affirmer qu'aujourd'hui 95 % des manufacturiers confient, en partie ou en totalité, leur production de vêtements à des entreprises de confection. C'est pourquoi, au fil des ans, on a constaté que les entreprises de confection ont pris beaucoup d'importance pour devenir l'employeur principal de l'industrie du vêtement.

Si, maintenant, on passe aux décrets, pour ma part, je vais peut-être plus m'attarder sur l'inégalité des décrets et sur leur illogisme quant à leur champ d'application. D'abord, j'aimerais vous rappeler que, depuis les 24 derniers mois, les décrets qui régissent l'industrie de la sous-traitance ont été à la une de nos principales discussions à l'Association. Depuis notre demande d'abolition, on nous a demandé de participer à des forums sur les relations de travail, à des audiences publiques et privées, à des tables de concertation, sans compter les multiples rencontres que nous avons eues avec le ministre du Travail, maintenant appelé le ministre de l'Emploi. Nos mémoires et nos interventions se sont succédé et, encore aujourd'hui, on attend la conclusion de ce dossier.

Pour en revenir aux décrets, c'est en 1934 que le gouvernement adoptait la Loi sur les décrets de convention collective et, pour une raison qu'on ignore encore, on a décidé de segmenter l'industrie du vêtement en plusieurs secteurs. Aujourd'hui, il y a une partie de notre industrie qui va être régie par le décret de l'homme, l'autre par le décret de la dame et l'autre par le décret de la chemise pour hommes et garçons. Pour une raison qu'on ignore encore, on excluait de ces décrets les secteurs du vêtement pour enfants, dont les grandeurs ne dépassent pas six ans, et on excluait aussi des décrets la lingerie dont le tissu utilisé pèse au moins 270 grammes au mètre carré. Ça veut dire que les vêtements qui dépassent la grandeur six ans et les tissus utilisés pour la lingerie qui pèsent moins de 270 grammes au mètre carré sont régis soit par le décret de l'homme ou par le décret de la dame.

Ce n'est pas facile pour nos entreprises de confection de se retrouver dans tout cela, surtout si on pense qu'aujourd'hui le manufacturier, dans plusieurs des cas, va exiger une production qui est unisexe. Donc, en entrepreneurs, nos entreprises de sous-traitance doivent répondre à la demande de leurs clients. Aujourd'hui, l'entreprise de confection peut fabriquer du vêtement pour hommes; donc, on lui demandera d'être régie par le décret de l'homme. Demain, elle fabriquera peut-être du vêtement pour dames et on lui demandera alors de se rapporter au décret de la femme et, qui sait, peut-être qu'après-demain elle fera du vêtement pour enfants, et on lui dira à ce moment-là qu'elle n'est régie par aucun décret. Les entreprises se perdent dans toute cette bureaucratie, perdent un temps immense et de l'argent avec toute cette administration et, en plus de tout cela, on leur demande, à travers tout cela, de se préparer à la mondialisation des marchés.

Ce qui est pire encore, c'est que chacun de ces décrets impose ses propres conditions de travail. Ainsi, un certain décret permettra une semaine de travail de 40 heures, d'autres pas. Pour certains, le salaire minimum d'une opératrice de machine à coudre, apprentissage terminé, sera évalué à 9,25 $ l'heure, tandis que l'autre l'évaluera à 7,09 $ l'heure. Certains comités paritaires géreront leur fonds de vacances, tandis qu'on laissera aux entreprises la gérance, pour d'autres décrets, de leur propre fonds de vacances. Et cette différence va se poursuivre au niveau des congés annuels, au niveau des prélèvements des employeurs et ainsi de suite.

Si, dans le concret, on traduit cette différence, on pourrait la traduire facilement par un exemple. Par exemple, si on prend un pantalon d'habit, «basic», classique, que la plupart des hommes portent ici ce soir, ça contient à peu près 40 étapes de production et le temps d'exécution est de 25 minutes. Au bout de la ligne, le même pantalon va vous coûter 10 $, bien sûr, si vous l'avez acheté «made in Québec». Donc, à l'unité, votre pantalon coûte 10 $ à produire. Si on reprend le même pantalon, le même temps d'exécution, soit 25 minutes, le même nombre d'opérations, donc 40, la seule différence, c'est que la fermeture aura été cousue à droite au lieu d'à gauche, ce même pantalon coûtera, au bout de ligne, 11,20 $. Pourquoi? Parce qu'on a décidé que la couturière qui posait une fermeture à droite, soit pour un vêtement qui s'adresse à une clientèle féminine, gagnerait 1,20 $ de plus l'heure que celle qui poserait la fermeture éclair à gauche. Vous me direz que c'est discriminatoire et que c'est ridicule, et je vous l'accorde entièrement.

(21 h 10)

Je laisse maintenant le soin à M. Rolland Veilleux de développer plus en profondeur notre demande d'abolition, ainsi que d'élaborer sur les 35 recommandations du Comité interministériel qui furent déposées en février dernier.

M. Veilleux (Rolland): Eh bien, bonsoir, tout le monde. Je dois vous dire, en premier, que je suis dans le domaine du vêtement depuis 37 ans. Je peux paraître jeune, mais j'ai quand même un certain âge et j'ai vécu beaucoup de tempêtes avec les années. En 1974, je fondais ma propre compagnie; aujourd'hui, je détiens 24 compagnies dans la sous-traitance et j'emploie 1150 employés; j'en emploie au Nouveau-Brunswick où il n'y a pas de décrets, et les employés travaillent avec des conditions normales comme au Québec.

Dans les années quatre-vingt, sous une autre forme de gouvernement – et je suis très fier de voir qu'il est représenté ici parce que je n'aurai pas besoin de me répéter, j'imagine, une prochaine fois – on m'avait donné, comme structure, de mousser la productivité au Québec. On a créé ce qu'on appelait le centre de productivité du Québec dont j'ai assumé la présidence dans les dernières années. Par la suite, j'ai changé ça au nom du CDIM qui regroupait l'ensemble du vêtement. Malheureusement, ça n'a pas marché, pour des raisons à peu près comme celles qu'on discute ce soir: disparité salariale, disparité dans tout, désaccord dans tout.

Quand je regarde l'effort qui s'est fait au niveau de la sous-traitance au Québec pour moderniser les usines, pour arriver... Même le gouvernement, que ce soit le palier que ça voudra, avait mis des formes de compensation pour aider l'industrie à se moderniser. La sous-traitance a fait beaucoup de chemin de ce côté-là. Aujourd'hui, je suis obligé de dire à mes membres: Vous avez fait une erreur parce que, c'est très simple, la haute technologie veut dire haute productivité; haute productivité, ça veut dire quantité. Ce n'est pourtant pas difficile à comprendre, et on divise les lignes de production.

Présentement, à Montréal, il y a un projet qui est à l'étude, sur la table – parce que le gouvernement est très fort sur les études, mais il n'agit pas vite – pour essayer de mousser l'industrie de la sous-traitance à Montréal. Je sais ce qu'il faut faire pour mousser l'industrie de la sous-traitance à Montréal, mais, si je le fais, je vais avoir trois comités paritaires à l'intérieur, trois niveaux de salaires, parce que les négociateurs qui négocient, les comités paritaires, quand vient le temps de payer, ils ne veulent pas payer l'augmentation qu'ils ont négociée aux sous-traitants. Ce qui veut dire que si, demain matin, lui est à 7 $, lui est à 8 $, l'autre est à 9 $, je vais payer selon mes conditions négociées, et c'est parfaitement normal. Mais si, ce soir, j'allais à l'usine de Sainte-Thérèse et que je vous disais: La Camaro qui sort pour Mme X, il faut qu'elle me coûte 2000 $ de fabrication de plus et, pour monsieur, il faut qu'elle coûte 2000 $ de moins, vous me traiteriez d'innocent. C'est ça, les comités paritaires. Ça n'a aucun sens.

De plus, les sous-traitants au Québec n'ont jamais eu droit de parole à l'intérieur des décrets. Imaginez-vous, moi, je suis syndiqué par la CSD, je n'ai pas le droit, demain matin, de venir vous voir et de dire: Vous allez donner à tout le secteur – parce que je suis dans le domaine du jeans – le même taux que j'ai négocié avec la CSD dans toutes les usines de jeans au Québec. Ça ne se fait pas! Mais, parce qu'un petit groupe de manufacturiers, soit dans l'homme ou dans la femme, ont négocié ensemble, ils viennent vous voir et là vous endossez ça, et, voici, c'est pour l'ensemble du Québec.

«C'est-y» normal qu'on aille s'installer peut-être... Regardez les usines dans le bout de la Gaspésie, dans la couture, elles sont toutes en train de fermer. Pour vous autres, ça doit être mystérieux. Comment ça se fait qu'elles ferment toutes? «C'est-y» normal que le salaire soit le même qu'à Montréal, en Gaspésie? Les coûts de loyers, les coûts de transport, les coûts de ci ne sont pas les mêmes. J'avais bâti une usine à 20 milles, je dirais, des lignes du Nouveau-Brunswick; il n'y a pas de lignes, mais, en tout cas, c'est pour qu'on se comprenne bien. J'ai été obligé de la fermer. Ces mêmes employés-là travaillent chez moi au Nouveau-Brunswick, à 7,25 $ l'heure. Au Québec, il fallait que je les paie 8,50 $. Mais, là, il faut qu'ils fassent 20 milles par jour pour venir travailler, mais ils y vont travailler.

Ce qui veut dire qu'on n'est pas au courant, personne, de la réalité québécoise. La réalité québécoise, c'est qu'il va falloir développer les régions pour que le Québec devienne, comme on dit, fort. Mais on ne le croit pas, ça, on ne comprend pas comment le faire. Quelqu'un se décide, un bon matin, et souvent... Regardez la structure des comités paritaires telle qu'elle est. La majorité de ces gens-là font de l'importation: 80 %. Ils sont assis à la table, mais ils ont le droit de parole, ils ont le droit de vote, ils ont le droit de tout, ces gens-là. Mais ils importent 80 % de leur production qu'ils viennent vendre à la grandeur du Canada. Ils ont intérêt à mettre des conditions qui ne sont pas convenables au Québec, parce que, eux autres, ils font des meilleurs profits dans leurs importations.

Mais des gens comme nous, quand on nous offre un siège, on nous offre un siège à côté, comme on le voit en arrière, ce soir, là; pas de droit de parole. C'est ça qu'on a comme offre, à date, ou un siège parmi 15 requins. On est pesants, hein? Vous voyez, au Parlement, comment ça marche quand un côté est plus fort que l'autre, quand ça vote? C'est ça, notre solution. À la dernière rencontre que j'ai eue avec M. Marcil, il m'avait juré qu'il ferait paraître dans la Gazette officielle – je ne dirais pas juré, mais promis – l'abolition des décrets pour dames. J'attends encore après votre parution. J'ai vu qui menait ici. Je vous l'avais dit, d'ailleurs, lorsque je suis venu, que ce n'était pas vous qui dirigiez ça. J'en suis de plus en plus convaincu.

La sous-traitance, au Québec, allons-nous attendre qu'elle soit complètement finie? À l'heure actuelle, au Québec, j'ai donné alentour de 12 000 000 $ en salaires en 1993. Ça n'a pas de bon sens? Vous aimez mieux des «bien-être social»? J'ai l'impression que le gouvernement, c'est ça qu'il veut. Bien oui, il y a des gens qui aiment travailler dans le vêtement, croyez-le ou non. Est-ce qu'on connaît la technologie qu'il y a aujourd'hui dans le vêtement? On s'imagine encore que c'est la petite machine. Venez voir mes usines. Vous allez voir ce que vous allez voir. Je ne suis pas gêné de les faire visiter. J'ai bâti quelque chose dont je suis fier et où des employés gagnent des très bons salaires. Demandez aux comités paritaires qui me surveillent et qui envoient leurs gens mal formés.

Seulement pour vous expliquer – vous allez sûrement en entendre parler, parce que, la dernière fois qu'ils sont venus, je les ai mis dehors, et ils vont continuer d'être dehors – j'ai regroupé une réceptionniste qui répondait pour deux compagnies. Un inspecteur est allé voir la réceptionniste et lui a dit: Le patron doit avoir doublé votre salaire, mademoiselle, pour avoir la réception des deux choses? Ce n'est pas son rôle. Ça m'a coûté 45 000 $ pour avoir ces gens-là chez nous pour venir nuire à ma production, arrêter les filles et négocier un problème qui se trouve dans une autre industrie. Bien, je vends des minutes, moi, je ne vends rien d'autre. Je vends du temps. Tous les sous-traitants, au Québec, vendent du temps. On n'a pas le temps d'avoir des inspecteurs qui ne connaissent pas la valeur du temps, qui sont payés travaille, travaille pas, qui ont une job assurée à l'année pendant leur vie.

Je pense que l'industrie va passer par autre chose. On nous a donné une ouverture au marché international. Mon Dieu, quelle belle aventure! Et j'y ai adhéré, et j'ai travaillé très fort dans ça, et je me suis prononcé ouvertement, et j'y crois, et j'y crois encore. Mais comment ça se fait que c'est juste au Québec qu'on a besoin de comités paritaires? Il n'y a pas une autre province au Canada qui a des comités paritaires. Il n'y en a pas dans les États-Unis, non plus.

(21 h 20)

Là, on va vous dire: Messieurs, le travail au noir. Vous resterez surpris, si vous faites une enquête sur ceux qui négocient dans les comités paritaires, de voir combien il y en a qui donnent du travail dans des petits camions, dans des poches où on envoie nos déchets, qu'ils vont chercher directement à leur usine. Mais ceux-là ont droit de parole et ont droit de négocier. Mais il y a des contracteurs pas sérieux comme il y a des manufacturiers moins sérieux. L'avenir est basé, je pense, sur des gens qui vont être sérieux, qui vont être capables de se tenir debout.

On va vous dire: Les salaires vont baisser si, demain matin, il n'y a plus de comités paritaires. Faites le tour de mes usines, je suis en haut de mon décret partout. Vérifiez-le puis vous allez voir que c'est vrai. Vous allez me dire que ce n'est peut-être pas tous pareil. Peut-être. Mais il faut former des industries bien rodées; bien rodées, ça prend du stock, du volume. Au Québec, on est 6 000 000, avec un paquet de compétition. On est 26 000 000 au Canada; on a besoin d'un volume plus fort, il faut aller aux États-Unis.

Vous savez, quand on arrive aux États-Unis, puis qu'on leur dit, en leur présentant un pantalon pour homme, puis un pantalon pour dame: Aïe! ça, ce n'est pas le même prix que ça et qu'ils disent: Aïe! ce sont les mêmes opérations, on passe pour une gang d'imbéciles. Mais c'est ça qu'on est, dans le domaine du vêtement. Mais le côté syndical vous dira: On veut couper les salaires, on veut ci, on veut ça, ta, ta, ta, on veut revenir en 1930. Je pense que ce n'est pas sérieux de parler comme ça; je pense que 1930, avec toutes les autres lois qui existent, de minimum, de ci, de ça, de ce que vous voudrez, c'est impossible.

Ce qui est malheureux, puis ce qu'on ne sait pas, puis qu'on ne semble pas comprendre, c'est qu'on a besoin de jobs au Québec. Il y a au moins 20 000 jobs à créer dans la sous-traitance du vêtement, dans l'ensemble du Québec, dans toutes nos régions. J'aimerais vous donner, seulement dans une semaine, comment je reçois de téléphones pour aller mettre une petite usine dans tel et tel village. Vérifiez où j'ai mis, comme vous dites, une petite usine sous-développée, comme il se dit dans le secteur; allez vérifier dans ces petits villages-là comment l'économie a changé. Sortez de vos bureaux un peu, puis allez voir ce qui se passe sur le terrain des vaches, comme on dit. Vous allez voir l'importance d'avoir une unité d'assemblage à l'intérieur de ça.

On se bat depuis deux ans; deux ans qu'on répète et qu'on répète les mêmes choses. Une fois, c'est un groupe; une autre fois, c'est un autre groupe. À chaque fois que j'arrive ici, la veille, j'ai entendu une déclaration: Pas question d'abolir les décrets, pas question d'abolir rien. Mais pourquoi vous nous faites venir ici? Je pense qu'il faut être plus sérieux que ça, il faut être beaucoup plus sérieux que ça. J'entends parler de l'avenir du Québec dans tous les sens du mot. Si l'avenir du Québec passe par le bien-être social, continuez comme vous faites là, vous êtes vraiment bien partis. Mais, si l'avenir du Québec passe par des travailleurs ou des travailleuses qui ont du coeur au ventre afin de gagner leur vie, changez vos politiques et changez-les vite.

Arrêtez de tâtonner, puis de virer en rond. Arrêtez de vous faire «runner», puis d'être des lecteurs de vos fonctionnaires qui vous préparent un texte que vous allez lire au micro. Je ne lis pas de texte ce soir, je n'y crois pas aux textes préparés d'avance. Je crois à une seule réalité: que les gens, il faut qu'ils travaillent, puis, pour qu'ils travaillent, il faut donner un contexte où ils peuvent travailler, puis pas, non plus, à des salaires de crève-faim comme il se crée partout. Les employés font de l'argent quand on a le volume.

Je suis arrivé juste un peu avant et j'ai écouté, puis quelqu'un a posé une question sur la dame: Pourquoi la dame et l'homme... Je vais répondre à ça, moi. Pourquoi la dame est moins bien structurée? C'est parce qu'on n'a gardé que les miettes et le volume est tout à l'importation. Allons-nous attendre que tous les autres domaines soient comme ça pour bouger? Est-ce qu'on veut être, le Québec, le ramasseur de miettes? Est-ce que c'est ça qu'on veut être ou si on veut être des vrais leaders? Un leader, c'est quelqu'un qui a une main prise sur quelque chose de fort et non pas sur des miettes. L'industrie de la dame est devenue les miettes qu'on ramasse.

Oui, on a bâti des designers québécois. Regardez leur quantité, regardez leur volume. Il n'y a pas beaucoup de femmes au Québec qui ont le moyen de porter des robes de 3000 $, 4000 $. Puis je n'ai rien contre ces gens-là. En tout cas, ceci étant dit, je ne sais plus de quelle façon je dois m'exprimer pour faire comprendre une réalité qui est pourtant très simple.

Le Président (M. Richard): M. Veilleux, le temps vous préoccupe beaucoup, mais le vôtre est terminé, là.

M. Veilleux (Rolland): Je suis arrivé juste à temps.

Le Président (M. Richard): Vous êtes juste à temps, ça a l'air. Peut-être pas juste à point, mais juste à temps. Est-ce que quelqu'un a des questions à poser? M. le ministre.

M. Marcil: Oui.

Le Président (M. Richard): M. Marcil, vous avez la parole.

M. Marcil: Oui. J'aimerais tout simplement vous signifier que j'ai dit publiquement, et je le répète, qu'il n'est pas question d'abroger la Loi sur les décrets. Notre intention, c'est de la moderniser. Et j'ai dit en commission parlementaire, pas plus tard que mardi: Ça ne veut pas dire que le fait de maintenir la Loi sur les décrets va faire en sorte qu'on n'abrogera pas certains décrets. Ça, c'est autre chose. La loi, c'est un outil et les décrets, c'est autre chose. Parce qu'on s'aperçoit que, dans des secteurs industriels, il y a des comités paritaires qui fonctionnent bien, puis il y en a d'autres qui fonctionnent très mal. Et le domaine du vêtement pour dames, c'en est un où il y a un problème majeur. On s'est déjà rencontrés. Les gens sont venus nous le dire ici également. Ça, c'est la même chose. Par contre, on a un comité paritaire du vêtement pour hommes qui semble très bien aller par rapport à d'autres comités paritaires. Et je crois que vous siégez sur ce comité paritaire là?

M. Veilleux (Rolland): Non, monsieur.

M. Marcil: Non. Ce modèle de comité paritaire du vêtement pour hommes tel qu'il existe présentement, est-ce qu'il pose problème pour vous? Parce que vous avez sûrement du travail à faire pour eux autres aussi.

M. Veilleux (Rolland): Je suis sous leur juridiction. Ils ont des inspecteurs mal éduqués, mal organisés, mal formés, des inspecteurs qui ne méritent pas de rentrer dans aucune usine au Québec. Et puis ça me coûte 45 000 $ pour me faire niaiser. Quand les inspecteurs viennent se promener l'été en shorts courts dans ma shop, je trouve ça complètement ridicule. Là, quand on parle à la haute direction, bien, on va les avertir. Mais je pense qu'il faut de la dignité en affaires.

M. Marcil: M. Veilleux, d'abord, votre position, elle est clairement connue, là. Vous, vous êtes pour l'abolition du décret qui régit l'industrie de la confection. Vous ne parlez pas de l'abrogation de la Loi sur les décrets. Vous parlez uniquement de l'industrie de la confection.

M. Veilleux (Rolland): Bien, écoutez, si je suis dans la coiffure, M. le ministre, quand même ça me coûterait 1 $ de plus pour me faire faire les cheveux, je n'irai pas en Ontario ni au Nouveau-Brunswick.

M. Marcil: Non, non, je comprends. Je comprends ça.

M. Veilleux (Rolland): Mais le vêtement, ce n'est pas la même chose.

M. Marcil: Oui, oui. Ce que je vous demande: C'est une position qui est – comment je pourrais dire? – incontournable pour vous, dans le sens qu'il n'y a pas moyen, il n'y aurait pas une solution autre que d'abroger le décret du vêtement pour dames, à votre sens, là? De la façon que vous le pensez, peu importe ce qu'on peut amener, ça ne fera jamais l'affaire.

M. Veilleux (Rolland): Mais comment pensez-vous que les sous-traitants peuvent avoir deux, trois décrets à gérer? Ça n'a pas de sens.

M. Marcil: Ah, ça, je comprends ça. C'est pour ça que, tantôt, on posait la question: Est-ce qu'il y a une possibilité de tout regrouper ça en un seul décret?

M. Veilleux (Rolland): Si on veut regrouper, il faut prendre le décret le plus haut qui est la dame. Et là, on va venir embêter tous les autres secteurs. Est-ce que c'est normal qu'à Montréal ça soit le même décret, les mêmes taux de salaire qu'en Gaspésie, comme j'ai dit tout à l'heure? C'est un non-sens.

M. Marcil: Donc, vous, votre position, et c'est clair pour votre groupe, votre Association, c'est l'abrogation de tous les décrets dans le domaine de la confection.

(21 h 30)

M. Veilleux (Rolland): De toute façon, je pense que – je n'ai pas assisté à toutes les représentations – les fusions sont quasi impossibles. Chacun a sa petite niche bien gardée, sous une protection bien gardée, et puis ils font la pluie et le beau temps. Ça fait que nous, on écope. On décide, demain matin, d'augmenter; on envoie ça à M. le ministre; M. le ministre signe ça. Voici, à partir de telle date, c'est ça. Vous n'avez pas eu le droit de dire un mot, mais, à partir de telle date, c'est ça que vous allez faire dans vos shops. Ça ne se peut pas, ça. C'est illogique dans tous les sens du mot.

Moi, si le syndicat rentre chez moi, j'ai au moins l'avantage de pouvoir m'asseoir face à face avec et de négocier. Et, si ça ne fait pas mon affaire, je prends la clé et je la mets dedans. Ça, c'est mon choix. Vous allez me dire que j'ai le même choix avec le comité paritaire. Mais, là, je n'ai même pas le choix de négocier. À partir de telle date, monsieur, vous allez payer ça, vous allez observer tel règlement, tel règlement, tel règlement. C'est illogique au total.

M. Marcil: Vous, dans vos 1100 jobs, est-ce qu'ils sont tous syndiqués?

M. Veilleux (Rolland): Non. Non, mais ils sont tous en haut du décret, par exemple.

M. Marcil: Ils sont tous en haut du décret.

M. Veilleux (Rolland): Oui, monsieur.

M. Marcil: Il n'y a personne qui est au salaire minimum prescrit par le décret.

M. Veilleux (Rolland): Non, monsieur. Ils sont tous en haut, puis vous pouvez vérifier sur tous mes rapports de décret.

M. Marcil: Donc, ce n'est pas le salaire comme tel qui pose problème.

M. Veilleux (Rolland): Je l'ai toujours dit dans toutes mes déclarations...

M. Marcil: C'est l'organisation du décret.

M. Veilleux (Rolland): ...c'est l'organisation, puis il ne faut pas être limités dans notre gérance.

M. Marcil: J'ai cité votre exemple pas plus tard que ce matin, je crois. C'est vous qui m'aviez dit que vous étiez obligés de faire une demande pour ajouter un quart de travail.

M. Veilleux (Rolland): Ah oui! On est obligés.

M. Marcil: C'est bien ça, là?

M. Veilleux (Rolland): On est obligés de faire une demande. J'ai un exemple que je vais vous donner très vite. On posait des poches sur un vêtement, avant ça, avec une machine qui nous coûtait 500 $. Aujourd'hui, si on veut être à la fine pointe, elle nous coûte 100 000 $. Si on veut avoir un «pay-back» normal, il faut la faire travailler sur deux et trois quarts de travail plus les heures de repas. Il faut que la machine tourne. Il faut une permission spéciale pour arrêter l'employé à 11 heures pour qu'il aille dîner et que l'autre le remplace, parce qu'on n'a pas le droit de faire ça. Pourtant, dans tous les magasins, dans les restaurants, dans tous les autres secteurs, ils ont droit de faire ça, librement. Mais, si on retombe sur des «chiffres» de l'autre quart, bien, là, on tombe dans un autre problème. Ça, ça tombe à temps et demi, même s'il a huit heures. C'est complètement ridicule. Ce n'est pas fait en fonction de la haute technologie. C'est fait en fonction des années trente. Il n'y en a pas un qui était en vie quand ces maudits décrets-là sont sortis, qui est ici ce soir. Puis on est obligés de respecter ces lois-là.

Une voix: Il y a Jean-Pierre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Veilleux (Rolland): Peut-être. Oui, mais il n'était pas assez vieux pour pouvoir dire son idée.

M. Jolivet: Dans les années trente, je n'étais pas là.

M. Veilleux (Rolland): En tout cas, c'est parce qu'on vous a accusé. Ce n'est pas moi, là.

M. Jolivet: Je suis habitué.

M. Veilleux (Rolland): O.K.

Le Président (M. Richard): M. Jolivet, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Moi, il y a une question qui me vient à l'esprit dès le départ. Comment avez-vous fait pour être si longtemps dans le secteur, puis ne pas avoir de problèmes, malgré les problèmes que vous avez là?

M. Veilleux (Rolland): Je me suis battu toute ma vie, mon cher monsieur. Je me suis battu comme il n'y a pas un homme qui s'est battu. Puis je me demande encore où je prends mon énergie pour me battre. Il faut être têtu comme moi pour avoir fait ce que j'ai fait.

Le Président (M. Richard): Vous n'avez pas l'air si «éméché» que ça, pourtant.

M. Veilleux (Rolland): Non, mais ça ne fait rien. Je n'en ai peut-être pas l'air, mais j'ai travaillé fort, puis je ne suis pas gêné de le dire.

M. Jolivet: C'est parce qu'il y a des principes sur lesquels on peut être en accord ou en désaccord. Mais vous dites: Comment une personne peut être payée le même prix à Montréal qu'à Saint-Machin Chouette? Mais il y a une autre chose: on pourrait avoir le même raisonnement quand on parle du salaire minimum à travers le Québec, on pourrait avoir le même raisonnement pour une personne qui travaille dans l'enseignement, pour un médecin ou des choses semblables. Ce serait à l'infini, ces discussions-là qu'on a. Vous savez qu'on a le même problème avec les policiers. À l'époque où les policiers voulaient avoir droit à la grève, les municipalités disaient: Non, non, ce sera plutôt l'arbitrage obligatoire. Comme il y a eu l'arbitrage obligatoire, puis que ça a profité, aujourd'hui, les policiers disent: On veut garder l'arbitrage obligatoire qu'on ne voulait pas autrefois, puis les municipalités voudraient avoir le droit de grève qu'elles avaient enlevé. Il y a toutes sortes de phénomènes qui se sont produits entre 1930 et aujourd'hui.

Ce «serait-y» le fait que le décret n'a pas évolué au rythme de l'industrie plutôt que le fait du décret? J'essaie de voir. Est-ce que le décret, c'est lui qui est le problème ou si c'est parce que le décret n'a pas évolué, ou, du moins, que le comité paritaire que vous accusez jusqu'à maintenant n'a pas évolué au rythme de l'évolution à l'intérieur des industries qu'on connaît aujourd'hui?

M. Veilleux (Rolland): C'est resté complètement fermé. Aujourd'hui, parce qu'on crie comme c'est là, on commence à avoir des offres d'aller s'asseoir, hein, ou de renégocier, d'avoir une nouvelle vision, hein. Mais pouvons-nous avoir confiance que c'est sérieux? On ne peut pas avoir confiance. Quand vous me parlez des policiers, quand vous me parlez de tout... Regardez l'anarchie qui est prise dans tous les domaines aussi, hein. Puis, attendez, on n'a pas fini. C'est juste un départ de l'anarchie, dans tous les secteurs.

M. Jolivet: Oui, je suis moins pessimiste que vous; alors, je vais essayer d'être plus optimiste ce soir et de voir si, plutôt... Parce que, là, on parlait du décret pour les femmes. On s'aperçoit qu'au niveau des vêtements pour les dames il y a un problème qui semble être celui où le syndicat ne s'entend pas avec les employeurs et la taille des entreprises par rapport aux autres. On s'aperçoit qu'il y a un problème là. D'ailleurs, ils ne sont pas venus comme comité paritaire. J'imagine que c'est là le problème. Je regarde à côté de ça les vêtements pour hommes, qui, eux autres, sont venus, puis ils étaient là avec les représentants syndicaux. Et ce que j'ai compris de votre interprétation – je peux me tromper – c'est que vous dites: C'est toute la même maudite gang; eux autres aussi, ils protègent leur emploi au détriment des employeurs qui sont dans les usines – «c'est-u» ça que je comprends? – qui possèdent les usines.

M. Veilleux (Rolland): Est-ce que c'est normal que le plus gros employeur au Québec, qui s'appelle Rolland Veilleux, hein, ne soit sur aucune négociation d'aucun comité paritaire? Est-ce que c'est normal?

M. Jolivet: Comment pourriez-vous être là?

M. Veilleux (Rolland): Mais quelqu'un qui a deux personnes à son emploi ou trois personnes, il est là.

M. Jolivet: C'est parce que...

M. Veilleux (Rolland): C'est facile de dire: C'est ça, c'est ça. Tu as deux emplois à protéger.

M. Jolivet: Mais ce «serait-u» parce que vous avez un plus grand franc-parler que l'autre?

M. Veilleux (Rolland): Peut-être que je suis détestable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Veilleux (Rolland): Peut-être.

M. Jolivet: Mais, comme je me suis fait l'avocat...

M. Veilleux (Rolland): Mais, moi, j'aime mieux créer 1100 emplois au Québec que deux. Et il va falloir que vous sélectionniez qui doit être qui. Moi, des «yes-men» dans ma compagnie, je n'en veux pas. J'aime mieux quelqu'un qui m'engueule, parce qu'il me fait prendre des décisions. Mais ça m'a l'air qu'ici il faut des «yes-men». Pour être dans des comités, il faut être «oui, monsieur», «oui, monsieur», «merci, monsieur». Je ne suis pas un «yes-man». Je ne le serai jamais.

M. Jolivet: Mais, ceci étant dit, vous représentez un organisme. Cet organisme-là, il n'y a pas tout du monde comme vous dedans, j'imagine.

M. Veilleux (Rolland): Non.

M. Jolivet: À partir de ça, je veux juste voir comment il pourrait y avoir des changements, non pas à la loi des décrets parce qu'à mon avis il faut que ça demeure. Deuxièmement, il faudrait regarder plutôt la façon dont on fait l'actualisation journalière des actions posées par le comité paritaire. Le comité paritaire en soi n'est pas mauvais. C'est peut-être les gens qui le composent, comme vous me dites, ou ça peut être les excès qu'ils ont engendrés au cours des années. Est-ce qu'il y aurait moyen de faire des changements qui permettraient d'arriver au résultat que vous voulez et qui permettraient de vivre convenablement avec un comité paritaire? Parce que, si vous, vous n'en avez peut-être pas besoin, peut-être que d'autres, avec des petits nombres d'employés...

M. Veilleux (Rolland): Est-ce que je peux...

M. Jolivet: Oui.

M. Veilleux (Rolland): ...justifier, comme employeur ou comme propriétaire de compagnie, 45 000 $ par année de dépenses qui ne me donnent rien? Là, je ne suis pas le gouvernement, moi. Je suis une compagnie privée. Est-ce que je peux justifier 45 000 $ qui me donnent zéro? Je prends les mêmes 45 000 $ et j'achète un équipement de haute technologie, j'améliore mon coût de production et je me mets face à la compétition. Je paie dans le vide 45 000 $ par année, non justifiables sur aucun bilan. Je ne suis pas le gouvernement qui peut se permettre n'importe quel écart de prix. Je «compétitionne» contre des dix-cents, des cinq-cents et des cents noires. Puis il faut que je fasse de l'argent, parce que, moi, un déficit, la banque m'arrête.

M. Jolivet: Madame voulait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Richard): Mme Lucia, vous avez un commentaire?

Mme Lucia (Carmen): Oui. Bonjour. Merci. Je suis entrepreneure, ça fait 15 ans que je suis en affaires et je veux répondre à votre question, mais, en même temps, je vais vous poser une autre question. Peut-être que ça va répondre à votre question. Vous avez demandé: Est-ce qu'on peut corriger le décret dans l'industrie? Aujourd'hui, est-ce qu'on a besoin d'un décret? Moi, je me demande, première chose, pourquoi c'est seulement dans la province de Québec qu'il y a un décret. Il y a une industrie du vêtement en Ontario. Il y a une industrie du vêtement au Nouveau-Brunswick. Il y a une industrie du vêtement à Winnipeg; il y a une grosse compagnie là-bas, qui gère à peu près 2000 emplois. Comment ça se fait que ces compagnies-là, elles sont capables de gérer les emplois et de respecter les droits des employés sans décret? Alors, je veux répondre à votre question. Est-ce que nous, les Québécois, il faut avoir des décrets pour être capables de diriger les employeurs? Je ne pense pas.

(21 h 40)

Une autre chose. Moi, j'ai un problème. J'ai fait un sondage et j'ai vu que, dans les autres provinces du Canada, des employés qui sont dans l'industrie du vêtement, qui connaissent bien leur métier, gagnent plus que les tarifs qu'on a ici dans la province de Québec. Ça veut dire que ça donne aussi une autre chose aux employés dans n'importe quelle industrie; ça leur donne la chance de se «modify» et de s'améliorer dans leur métier.

M. Jolivet: Pour répondre à une première partie, à savoir pourquoi au Québec c'est différent, on pourrait vous dire, au départ, qu'à ce niveau-là on est quand même une société distincte dans l'histoire. Et, dans l'histoire des relations de travail, il faut considérer que le Québec est en avance sur n'importe quelle province au Canada. Il faut se le dire comme tel. Je vous poserais une question à l'inverse aussi: Pourquoi, à l'époque, les industries forestières avaient l'obligation d'avoir des concessions forestières pour pouvoir emprunter sur les marchés, alors qu'il n'y en avait pas ailleurs dans les autres provinces? C'est encore un autre phénomène bien québécois, ça.

Mme Lucia (Carmen): Oui, c'est ça.

M. Jolivet: Quand on regarde ça, maintenant, on dit: Qu'est-ce qui fait défaut? Est-ce que c'est la loi des conventions collectives, prévue par le décret de convention collective, ou est-ce que c'est la façon dont on l'applique? Moi, j'ai peut-être une question. Je vais vous donner juste un exemple. Il y a une madame qui possède un petit dépanneur, tout petit, puis, à côté de ça, elle a une station de gaz, elle vend du gaz pour les automobiles. Le décret prévoit que toute personne qui travaille là doit être soumise au décret et elle doit payer pour. Pendant qu'elle quitte pour aller faire le magasinage un après-midi, son mari, qui est invalide, qui a une certaine forme d'invalidité, lui, est capable quand même d'aller donner du gaz aux gens.

Bien, imaginez-vous qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui a dit: Lui, il doit être régi par le décret et, en conséquence, elle doit payer pour. Le gars faisait ça bénévolement, il ne demandait pas une cent. Bien, elle a été obligée de le payer pour qu'il fasse ça. C'est ça, l'aberration, des fois, de l'application bébête d'un décret de convention collective. Mais faut-il enlever la convention collective pour ça? Non. Il faut peut-être la modifier. C'est ça et j'essaie de voir avec vous autres si c'est possible. Vous me dites: Ce n'est pas possible, parce que, dès le départ, vous partez de l'hypothèse qu'il faut tout enlever ça, puis nous laisser place au libre marché. C'est ce que je comprends.

M. Veilleux (Rolland): On n'a pas droit de parole, mon cher monsieur.

Le Président (M. Richard): Je m'excuse. M. Frappier, s'il vous plaît, parce qu'il se retient depuis tantôt.

M. Jolivet: Ha, ha, ha!

M. Frappier (Jacques): Si vous nous demandez d'être performants au niveau international, avec l'ouverture des marchés américains qui se pointe, il faut l'être. Il faut courir, il faut se positionner pour accéder à ces marchés-là, mais vous nous fournissez aussi, avec les décrets, avec toutes les choses qui entourent ça, les entraves parfaites. Rolland, tantôt, signalait, par exemple, les heures de travail. Vous nous fournissez les entraves parfaites pour nous empêcher de réduire nos coûts, de nous positionner pour être capables de «compétitionner» avec le marché américain. Il ne faut pas se le cacher, nos coûts de production sont raisonnables, mais il doit y avoir moyen de les améliorer pour être mieux positionnés. Mais ce n'est pas en nous fournissant toutes les entraves que les décrets ont, dans tous les éléments qu'on peut retrouver, de temps, de salaires, de n'importe quoi, qu'on va nous permettre de nous positionner face aux Américains.

M. Jolivet: Vous savez, des fois, il y a des faux débats qu'on fait. J'essaie de voir s'il n'y a pas, quelque part, un faux débat. Je vous donne juste un exemple. Quand on a parlé de la sécurité d'emploi au niveau des employés gouvernementaux, on n'a jamais dit sécurité au poste, mais sécurité d'emploi. La sécurité d'emploi, qu'est-ce qu'elle a permis dans l'histoire du Québec, si on la regarde bien comme telle? Ça a permis aux gens de s'installer, de pouvoir acheter des maisons, de pouvoir acheter des terrains, de pouvoir fonder des familles, de pouvoir permettre à des gens d'acheter des choses. Ce n'était pas si mauvais, puis ce n'est pas encore mauvais, à mon avis, sauf qu'on fait un faux débat sur la question de la sécurité d'emploi, parce que des gens ont prétendu que c'était la sécurité au poste qui était accordée, ce qui a toujours été faux, ce n'est pas ça.

C'est pour ça que je veux bien voir: Est-ce que le décret de convention collective, alors qu'on dit qu'il doit être aboli, c'est un débat qui est correct ou pas correct? C'est ça que j'essaie de voir. Vous me dites, vous, et je respecte votre opinion: Ça doit disparaître; laissez-nous aller, puis on va être comme partout ailleurs à travers le monde, à travers les États-Unis, à travers le Canada, puis on va donner des salaires convenables. Moi, je vous dis: Je n'ai pas de crainte pour certains d'entre vous, puis justement c'est peut-être une entrave pour vous autres, mais je crains pour celui qui est dans une petite entreprise. J'en connais chez moi, des petites entreprises, dans les sous-sols. On a beau dire qu'il y a dans le vêtement pour hommes et le vêtement pour femmes de l'excellence, et j'en suis, à côté de ça, il y a aussi, excusez l'expression, de la crasse. Mais c'est ces gens-là qu'il faut protéger. Alors, comment faut-il les protéger? C'est la question qui est posée.

M. Veilleux (Rolland): Mais qui a créé tout ça?

Le Président (M. Richard): Mme Gravel.

M. Jolivet: Ce n'est pas le décret, à mon avis, dans certains cas.

Le Président (M. Richard): Mme Gravel, allez-y, s'il vous plaît.

Mme Gravel (Linda): Juste rectifier tout de suite. On ne s'attaque pas à la loi des décrets de convention collective. Comme on le stipule dans notre rapport, la loi des décrets... Quand vous dites «une société distincte», on est peut-être avant-gardiste, mais, mon Dieu, c'est une loi qui date de 1934! On était 55 ans en avance. Je pense qu'il y aurait lieu de la revoir 60 ans en avance.

M. Jolivet: Mais ce n'est pas ça. Là, je m'excuse, Mme Gravel.

Mme Gravel (Linda): Mais ce n'est pas grave.

M. Jolivet: Ce n'est pas ça que j'ai dit.

Mme Gravel (Linda) : Non, non.

M. Jolivet: Je parlais dans l'histoire. Il faut faire attention à ce que j'ai dit.

Mme Gravel (Linda): O.K.

M. Jolivet: Parce que, dans l'histoire, à partir de ça, ça s'est répercuté dans le temps. Le problème qui existait entre le fait d'avoir des décrets de convention collective tels que prévus à l'époque et aujourd'hui, il y a une marge, et c'est peut-être là que les rectifications ne se sont pas faites en cours de route. Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, par exemple.

Mme Gravel (Linda): O.K. Mais, nous, on maintient que les décrets dans l'industrie de la sous-traitance devraient être abolis et que la loi des décrets de convention collective et le rapport avec les 35 recommandations s'adressent à une industrie qui vit une compétition qui est provinciale. On ne vit pas, nous, une compétition qui est provinciale. Essayez donc d'importer un Chinois pour venir entretenir votre édifice. Ce n'est pas évident à faire, hein? C'est des services, comme on le disait avec la coiffure. On maintient que, pour certains secteurs, la loi des décrets de convention collective a peut-être sa raison d'être et, oui, elle a besoin d'être modifiée, tandis que, dans notre secteur qui doit vivre une compétition qui est nationale, internationale, et à qui on dit: Modernisez-vous...

L'expansion des entreprises doit être faite, on doit prendre un nouveau tournant, et les décrets sont toujours en arrière de tout ce qui se passe, de l'évolution de notre industrie. On doit réagir rapidement, hein. On adopte un décret et on nous donne trois ans pour le réajuster. Mais, en dedans de trois ans, il s'en passe des choses. Retournez à il y a trois ans et regardez-nous aujourd'hui; on a fait un pas, on a avancé. Les décrets nous empêchent d'avancer.

Et on a nommé un paquet d'exemples quand on a rencontré M. Marcil; entre autres, la production modulaire où on demande à une opératrice qui, avant, était limitée à une opération et qui est sujette à faire deux, trois et quatre opérations... Bien, on a 16 codes d'opératrice de machine à coudre au décret. Comment je la rémunère, cette opératrice-là? De quelle façon je fonctionne dans ces décrets-là? Et, comme on l'expliquait, ce qui est dérisoire, c'est qu'on a décidé que la fermeture éclair à droite, c'est un vêtement pour femmes et on la rémunère 1,05 $ de plus. Mais qui a décidé ça? De quelle façon on peut fragmenter une industrie qui, aujourd'hui, devrait se regrouper? Et M. Veilleux faisait allusion à un projet qui va avoir lieu. On parle de maillage d'entreprises. Mais comment mailler des entreprises si on doit travailler avec trois décrets différents, des inspecteurs qui viennent constamment vérifier ta production et te disent: Tu es régi par tel ou tel décret?

Et comment expliquer à un Américain... Parce qu'on a un comité d'action qui fonctionne très bien au sein de l'Association et qui a l'initiative et l'avant-gardisme d'aller voir de l'autre côté des frontières, parce que, au Canada, plus ça va et plus l'industrie se rétrécit, et on veut maintenir nos emplois ici, au Québec. On a l'initiative d'aller de l'autre côté des frontières. Mais comment expliquer comment ça fonctionne ici? Tel produit, j'ai le droit de te le faire, j'ai 39 heures de travail; pour l'autre, j'en ai 36,5 et mes salariés sont payés différemment. C'est illogique, tout ce qui se passe actuellement.

M. Jolivet: Je veux bien être clair aussi. Je n'ai jamais parlé qu'il fallait abolir la loi des décrets, que vous demandiez ça.

Mme Gravel (Linda): Non, non, mais vous nous demandiez de clarifier notre position.

M. Jolivet: C'est ça, que vous autres...

Mme Gravel (Linda): Oui, oui, puis c'est...

M. Jolivet: ...vous le demandez dans votre secteur, à vous autres.

Mme Gravel (Linda): Oui, oui.

M. Jolivet: C'est bien ça que j'ai compris.

Mme Gravel (Linda): Oui, oui, dans notre secteur.

M. Jolivet: À partir de ça, moi, je vous fais réagir, parce que je veux que vous donniez aux membres de la commission... Parce que vous avez parlé au ministre, c'est votre droit le plus simple, mais, par le fait de parler à la commission, vous parlez à d'autres personnes, vous parlez à tous ceux qui vous écoutent de l'autre bord comme à ceux d'ici pour savoir, après ça, quelle décision doit être prise par des hommes et des femmes qui font la législation. Ce que je comprends de vous, c'est que, dans votre secteur, pour vous permettre de performer davantage, il faudrait qu'il n'y en ait pas de décret. Vous dites aux hommes et aux femmes politiques: Vous devriez laisser le marché suivre son libre cours. C'est ce que je comprends.

Mme Gravel (Linda): Et laisser aux entreprises la pleine gestion de leur entreprise et arrêter de leur imposer des conditions de travail qui sont négociées par une minorité; pour la dame, on va le répéter et on continuera de le répéter, par moins de 15 % de l'industrie. Mais, mon Dieu!

M. Jolivet: Puis, ce que je comprends, c'est que, même si M. Veilleux était dans un siège au comité paritaire, je ne suis pas sûr que ça changerait en sa faveur.

Mme Gravel (Linda): Non.

M. Veilleux (Rolland): Non, parce que tu as une voix.

Le Président (M. Richard): M. le député St-Roch, député de Drummond.

M. St-Roch: Oui, M. le Président. Il me manquera du temps pour poser toutes les questions que j'aurais à poser. Je vais vous dire une chose, puis dites-moi si je comprends bien votre secteur de l'industrie. À vous écouter, madame, et à écouter M. Veilleux, il m'apparaît, moi, que, si je fais sauter les décrets demain matin... Je suis le ministre et je dis à M. Veilleux: Je vais vous montrer que je ne suis pas un «yesman»; ils sont partis, les décrets. Moi, j'ai pratiquement la conviction, à regarder M. Veilleux – et je connais un peu votre entreprise pour l'avoir suivie un peu plus de loin depuis les quatre dernières années, mais d'un peu plus près dans le passé, je ne suis pas inquiet pour vous – que vous allez aller négocier de l'autre côté, aux États-Unis, et que vous avez la masse critique pour amener de l'ouvrage et garder vos emplois. Combien, dans les entrepreneurs en couture, vont être obligés de faire la même chose? Là, je commence à avoir des réserves.

(21 h 50)

Deuxièmement, moi, je suis convaincu que les gros, comme je viens de dire, vont réussir. Mais vous m'avez parlé encore de la poche qu'on prend pour sortir ça par en arrière. Demain matin, si vous faites sauter les décrets, je vais vous dire une chose, moi: Ça ne prendra pas deux ans que, vous, vous allez être correct, M. Veilleux, mais ils vont venir, tous les autres petits entrepreneurs d'ici, pour qu'on mette une régulation pour empêcher le travail au noir parce que leurs emplois, puis leurs investissements vont avoir disparu.

À l'heure actuelle – puis laissez-moi vérifier quelque chose avec vous – je peux comprendre vos frustrations. Vous représentez peut-être 50 %, 60 % de la masse monétaire ou du nombre de vêtements ou des emplois, quel que soit le critère que vous voulez employer. Vous dites: Moi, je suis assis ici, puis on me fait jouer aux quilles, puis je ne les vois pas tomber, les quilles, puis on me dit: Tu fais ça. Si on arrivait, si on était assez imaginatifs, les législateurs, pour dire: Bon...

Puis je vous ai écouté tout à l'heure, vous m'avez dit: Moi, le salaire, ce n'est pas un problème chez nous, au niveau des contractants. Or, quand je dis le salaire, d'habitude, ça inclut toutes les clauses qui sont monétaires: salaire, pension s'il y en a, congés, ces choses-là. Ce n'est pas un problème du côté monétaire. Alors, ce qui est le problème fondamental pour vous, c'est la gestion, puis j'oserais ôter le mot «gestion» pour «adaptation aux technologies modernes», puis dans un concept de qualité totale à aller chercher.

Moi, si je vous proposais, en tant que législateur: Bon, c'est très bien, il va y avoir un cadre en haut avec les conditions normatives pour essayer de prévenir que quelqu'un à côté de chez vous ne va pas vous couper pour 0,02 $ l'unité, parce que vous avez investi, vous avez besoin d'une rentabilité qui est assurée. On va mettre ça dans un tronc commun, en haut, ce qui est monétaire, puis, lorsque je descends en bas, chacune des particularités, à ce moment-là, ce qui est la gestion, l'organisation du travail, les changements technologiques, les heures de travail, les cédules, ce sera les lois provinciales qui s'adapteront. Comment est-ce que vous réagiriez à ça?

M. Veilleux (Rolland): Je pense qu'il y a une chose qu'on ne comprend pas dans ce système-là qu'on voit. La petite industrie est plus misérable avec les décrets que sans décret, puis je m'explique. Elle fait l'entraînement des grosses industries. Parce que, si, toi, tu travailles dans la dame, la petite fille va commencer à aller travailler dans moins cher, mais elle surveille son entrée dans la dame. Ça fait que la petite a fait l'entraînement pour l'autre. De ce côté-là, j'ai été obligé de m'ajuster parce que j'avais ce problème-là. J'entraînais des filles pour aller dans un autre secteur qui était la dame. J'ai été obligé de m'ajuster.

Mais, aujourd'hui, la technologie, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, fait qu'il faut du volume. Le volume attend aujourd'hui que la femme ou l'homme porte des vêtements quasi identiques. Une blouse comme ça ou un blazer comme madame, ça se fait dans la même unité, hein. Mais, là, on n'a pas le droit de les faire. C'est illogique. Là, il va rentrer deux inspecteurs qui vont dire: Arrête ton industrie ou recule jusqu'à telle date, puis, là, tu vas recevoir une amende, en plus, de 20 %, puis tous les rétroactifs, puis tout ce que tu voudras. C'est ça, la logique?

M. St-Roch: Vu que j'ai très peu de temps, parce que, voyez-vous, moi comme vous, bien, j'ai juste un siège, puis je suis tout seul de ma gang; ça fait que je peux vous comprendre aussi de ce côté-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Roch: Si j'ajoutais, à ce moment-là, dans ma modification à la loi, qu'il y a juste un décret qui va s'appliquer par établissement.

M. Veilleux (Rolland): Ça prendrait un décret négocié par les sous-traitants du Québec disant qu'ils ont le droit d'aller frapper dans n'importe quel secteur du vêtement, que les sous-traitants ont le droit de respecter ça. Ça, ça marcherait. Mais, autrement que ça, on ne sera jamais d'accord, puis on n'embarquera jamais dans rien.

M. St-Roch: Même si on vous disait qu'il y aurait un décret par établissement? Vous avez le vêtement de madame, vous avez mon veston, vous avez le veston de M. le ministre...

M. Veilleux (Rolland): Oui, monsieur.

M. St-Roch: ...puis, là, on dit: Il y a juste un décret...

M. Veilleux (Rolland): On peut aller chercher de l'ouvrage où on veut, en autant que, sur notre ligne de production, ça descend bien. Là, on va faire de l'argent, nos employés vont être bien payés, puis on va avoir le volume. Mais, à l'heure actuelle, on divise les volumes en deux et en trois et en quatre. C'est illogique.

M. St-Roch: Mais ce que je vous dis, moi: Dans votre établissement...

M. Veilleux (Rolland): Oui.

M. St-Roch: ...en quelque part, où vous avez votre automation, que vous fassiez un veston de dame ou d'homme, il y a juste un décret qui va s'appliquer. Point.

M. Veilleux (Rolland): Oui.

M. St-Roch: Vous seriez d'accord avec ça?

M. Veilleux (Rolland): Si on a le droit de négocier.

Une voix: C'est ça.

M. Veilleux (Rolland): Pas se le faire imposer, puis qu'on n'ait pas le droit de dire un mot.

M. St-Roch: Avec une bonne représentativité en haut.

M. Veilleux (Rolland): Oui, monsieur. Qu'on s'assoie, puis qu'on ait le droit de dire oui ou non. Pas se le faire imposer par une signature de ministre...

M. St-Roch: Ça fait que là, au lieu de...

M. Veilleux (Rolland): ...qui ne connaît rien dans le vêtement.

M. St-Roch: M. Veilleux, je vous félicite, parce que, là, au lieu d'avoir à jeter le bébé avec le bain, on commence à garder le bébé, puis on va essayer de l'habiller ensemble.

Le Président (M. Richard): Si vous n'avez pas d'objection, je vais transférer la parole à M. le ministre, celui dont vous venez de parler effectivement.

M. St-Roch: Est-ce que je peux me permettre une dernière question...

M. Jolivet: Une remarque.

M. St-Roch: ...ou une dernière remarque?

Le Président (M. Richard): Très courte, s'il vous plaît.

M. St-Roch: Oui, très courte. Alors, à ce moment-là, avec une représentativité adéquate, puis, je suis d'accord avec vous, pas juste un... J'en sais quelque chose, moi; on me demande mon avis, mais je perds tout le temps.

M. Veilleux (Rolland): C'est le fun, hein?

M. St-Roch: Je vous comprends. On continue à se battre aussi, puis c'est encore plus le fun.

Le Président (M. Richard): Alors, si vous permettez...

M. St-Roch: Alors, à ce moment-là, avec une représentativité adéquate, ce serait d'accord.

Le Président (M. Richard): Si vous le permettez, je cède la parole à M. Marcil. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Marcil: La différence...

M. Jolivet: Mais, avant ça, M. le Président...

M. Marcil: La différence...

M. Jolivet: ...il y en a un qui l'est par choix, puis l'autre, c'est par obligation.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Oui, la différence, c'est que, lui, il l'a fait par choix, tandis que M. Veilleux ne le fait pas par choix.

M. Jolivet: C'est ça. Ce n'est pas pareil.

Le Président (M. Richard): M. le ministre.

M. Marcil: Je ne connais peut-être pas grand-chose dans le domaine du vêtement, ça, je vous le donne, puis tous les ministres qui ont passé ici, à Québec, qu'ils soient libéraux, conservateurs, péquistes, unionistes, créditistes, nommez-les tous, et dans tous les secteurs...

M. Veilleux (Rolland): Pourquoi, M. le ministre...

M. Marcil: ...ce n'était pas nécessairement des spécialistes.

M. Veilleux (Rolland): Oui, mais pourquoi vous n'écoutez pas des spécialistes de temps en temps?

M. Marcil: Laissez-moi finir! On connaît un peu de choses, par exemple, dans les relations de travail, dans l'organisation du travail. Ce que je veux vous dire, c'est que, dans l'industrie du vêtement pour dames, il y a à peu près 9000 travailleurs et travailleuses, à peu près ça, mettons 10 000. On me dit qu'il y a à peu près 18 % de ces travailleurs et travailleuses-là qui sont syndiqués, à peu près.

M. Veilleux (Rolland): Puis ils négocient pour la balance.

M. Marcil: Pardon?

M. Veilleux (Rolland): Puis ils négocient pour la balance.

M. Marcil: Oui, oui, je comprends. Je prends, par hypothèse, M. Veilleux, que... C'est vrai que ça va mal dans ce secteur-là, je pense que tout le monde le sait. C'est de trouver la solution. On a deux choix: on abroge le décret, on dit: Bonjour, merci, puis arrangez-vous avec vos troubles, O.K.? Comme M. St-Roch disait tantôt, pour vous, il n'y aura pas de problème, puis peut-être pour la plupart des gens qui sont ici. Sauf que moi, comme ministre de l'Emploi, je ne veux pas être nommé ministre du chômage, non plus. Comprenez-vous? C'est que moi, demain matin, lorsque je prends la responsabilité d'abroger un décret, je prends 10 000 travailleurs et travailleuses, j'en enlève à peu près 10 %, 15 % qui sont syndiqués, qui sont déjà régis par des conventions collectives, il m'en reste 9000.

Moi, j'ai la responsabilité de faire en sorte que ces gens-là, qui ont eu des fonds de pension d'enregistrés à quelque part, qui ont eu des fonds de vacances d'enregistrés à quelque part, qui ont eu des conditions de travail, je puisse les protéger aussi. Je ne peux pas les laisser demain matin: Bonjour, merci! Je peux bien comprendre que, pour vous, il n'y a pas de problème. Mais il y en a d'autres qui vont en avoir, des problèmes. Donc, ça suppose que, si, demain matin, on décide d'abroger le décret dans le vêtement pour dames, il faut que nous ayons des mesures transitoires – ça peut être sur un an, deux ans – pour faire en sorte qu'il y ait une transition qui se fasse, tout en protégeant les autres travailleurs et travailleuses.

Ne venez pas me dire à moi que, demain matin, si on abroge un décret, tout va aller mieux pour tout le monde. Ça, je ne suis pas prêt... Ça peut peut-être aller bien pour certains, mais je ne suis pas prêt à dire que ça va aller mieux pour tous les employés qui travaillent dans le moment dans le domaine du vêtement. Puis ça pourrait être aussi bien dans l'automobile, comme ça pourrait être aussi bien dans le bois ouvré, comme ça pourrait être aussi bien dans le verre plat. C'est la même chose.

Ce n'est pas moi qui l'ai inventée, la loi. Elle est là depuis 1934. Ça a évolué, peut-être pas dans le bon sens. Ce n'est pas la loi qui pose problème trop, trop. C'est l'organisation, puis l'administration des comités paritaires. Il y en a qui vont bien, puis il y en a d'autres qui vont mal. Puis, dans le cas du vêtement pour dames, on me dit que l'unanimité est faite au niveau des employeurs pour l'abrogation du décret. Donc...

M. Veilleux (Rolland): Ça a donné quoi?

M. Marcil: Non, non, une minute! Ça suppose qu'il n'y a plus de vie associative. Sauf qu'il y a des travailleurs, puis des travailleuses qui, eux autres, vont dire: Nous autres, on ne veut pas que vous abrogiez le décret comme ça, là. Il y en a qui sont syndiqués; pour eux autres, il n'y a pas de problème. Mais ceux qui ne sont pas syndiqués, qui ne sont protégés par rien, qu'est-ce qui va arriver avec ces gens-là? On ne peut pas, demain matin, dire: On met un x sur ce qu'on a depuis 60 ans, puis, bonjour, on ne se pose plus de questions. Il y avait au-delà de 200 décrets. Aujourd'hui, il en reste 28. Il y a eu du ménage qui s'est fait par eux-mêmes. Les derniers décrets qui ont été abrogés, je pense que c'est en décembre, les décrets de la coiffure en Montérégie...

Des voix: En Mauricie.

M. Marcil: ...en Mauricie. Ça, ça a été les deux derniers décrets qui ont été abrogés. Mais ça ne veut pas dire que les 28 qui existent présentement, ils vont demeurer là à vie. Il est fort probable que, dans une semaine ou dans deux semaines ou dans trois semaines, il en ait un autre qui soit abrogé. Ça, c'est possible. Moi, je n'ai pas dit qu'il n'y aura pas d'abrogation de comités paritaires ou de décrets. Ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que la loi, on veut la moderniser. Sauf que, quand on veut abroger un décret, il faut vivre avec les conséquences également. Donc, ça ne se fait pas, ça, en criant lapin, comme si on va sortir un lapin d'un chapeau, puis que tout va aller bien par la suite. Je veux qu'on soit conscients de ça aussi.

M. Veilleux (Rolland): M. le ministre, soyons donc sérieux, hein? Est-ce que, demain matin, si les décrets sont sortis, ça veut dire que, demain matin, on baisse tous nos salaires? On va perdre tous nos employés, ils vont s'en aller dans les usines qui vont marcher. Voyons donc! Soyons donc sérieux une fois pour toutes...

M. Marcil: M. Veilleux...

M. Veilleux (Rolland): ...puis arrêtons donc de niaiser sur les dossiers.

(22 heures)

M. Marcil: M. Veilleux, avec la loi 142 sur la construction, O.K.? où on a déréglementé le huit-logements et moins, il y a des employeurs qui, le lendemain, ont pris des employés à 14 $ l'heure, puis qui les ont mis à 8,50 $ l'heure. Ils ne les ont pas baissés de 2 $ l'heure. Aussi bien les syndicats venaient nous rencontrer, puis nous dire: On est prêts à accepter une baisse salariale dans le domaine de la construction, puis on serait prêts même à aller jusqu'à 20 %. Mais 20 % sur 20 $, c'est 4 $; 20 % sur 14 $, ce n'est pas 8 $. Il y a des employeurs, que je considère de mauvais employeurs, qui, eux autres, ont profité de l'occasion pour prendre des employés à 14 $ l'heure, puis les baisser à 8,50 $ l'heure. Je le sais, là; j'en ai dans mon comté. Par contre, il y a d'autres employeurs qui, eux autres, les ont baissés de 1 $ ou 2 $ l'heure. Tout le monde s'attendait à ce qu'il y ait une baisse salariale dans le domaine domiciliaire, puis c'était correct. Mais il y a une maudite différence.

Donc, moi, je suis convaincu que, demain matin, vous ne baisseriez pas vos salaires. D'abord, vous êtes régis, pour une bonne partie, par des conventions collectives. Mais je reste convaincu aussi qu'il y en a qui vont prendre, à cette occasion-là, une personne, une femme – puis, souvent, c'est des immigrantes en plus de ça – ou un homme à 8,25 $ ou à 7,50 $ l'heure, puis on va la descendre au salaire minimum, à 5,85 $, j'en suis convaincu.

Partons du principe que l'abrogation du décret du vêtement pour dames devrait se faire. Partons de ce principe-là. Moi, je vous dis qu'on ne peut pas mettre un x comme ça, du jour au lendemain; ça prend des mesures transitoires. C'est tout simplement ça que je voulais vous laisser comme message. Sauf que je constate un sérieux problème, comme on l'a constaté hier dans l'automobile. Dans le décret de l'automobile, on l'a vu hier, tout le monde était contre, puis les travailleurs étaient pour. On a vu ça, puis il y a un maudit problème, là aussi. On englobe à peu près tout, là: les Perrette, les garages, les concessionnaires. On a à peu près le même problème qu'on a dans le domaine du vêtement pour dames. Il y a des problèmes. Par contre, il y a des décrets qui fonctionnent bien. Ça fait qu'il ne faut pas mettre la hache dans tout. Mais je vous ai déjà dit qu'on prenait au sérieux les demandes qui ont été faites dans ce sens-là.

Le Président (M. Richard): M. le ministre, il est 22 heures.

M. Marcil: Puis je termine en vous remerciant de vous être...

Le Président (M. Richard): Puisqu'il est 22 heures, mesdames, messieurs...

M. Marcil: ...encore une fois, M. Veilleux, prêté à cet exercice. À force de venir, vous allez sûrement gagner des points.

Le Président (M. Richard): Alors, merci...

M. Jolivet: Je suis bien content d'entendre le ministre dire que la 142 avait des problèmes.

M. Marcil: Oui, parce qu'il y a des mauvais employeurs.

Le Président (M. Richard): Merci de votre présence. Et, sur ce, la commission ayant accompli son mandat de la journée, nous ajournons jusqu'au mardi 31 mai 1994, à 10 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Merci, mesdames et messieurs, et bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 22 h 3)