L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le vendredi 10 mai 2013 - Vol. 43 N° 13

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 36, Loi sur la Banque de développement économique du Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Switch, l'Alliance pour une économie verte

Chambre de commerce et d'industrie de Québec

Univalor inc.

Intervenants

M. Guy Leclair, vice-président

Mme Élaine Zakaïb

M. Gilles Chapadeau

M. Sam Hamad

M. Stéphane Le Bouyonnec

Mme Kathleen Weil

*          M. Étienne Couture, Switch, l'Alliance pour une économie verte

*          Mme Andrée-Lise Méthot, idem

*          M. Alain Kirouac, Chambre de commerce et d'industrie de Québec

*          M. Jacques Simoneau, Univalor

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Leclair) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leurs sonneries de téléphone cellulaire, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 36, Loi sur la Banque de développement économique du Québec.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements surlignés en jaune?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Claveau (Dubuc) est remplacé par M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue).

Auditions (suite)

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup. Alors, bon matin à tous en ce vendredi matin. Nous allons continuer nos travaux. Alors, ce matin, nous recevons l'Alliance pour une économie verte, Univalor et la Chambre de commerce et d'industrie du Québec.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais les représentants de l'Alliance pour une économie verte à se présenter, à faire leur exposé. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Alors, la parole est à vous.

Switch, l'Alliance pour une économie verte

M. Couture (Étienne) : Bonjour. Mon nom est Étienne Couture, et je suis le président du Réseau des ingénieurs du Québec. Je vais inviter ma collègue, Mme Méthot, à se présenter.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée principale chez Cycle Capital. Ce matin, on va vous parler au nom de l'alliance, donc de façon regroupée.

M. Couture (Étienne) : Alors, l'Alliance pour une économie verte. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, nous tenons à vous remercier, à remercier la Commission de l'économie et du travail pour leur invitation à prendre part aux consultations sur le projet de loi n° 36, la Loi sur la Banque de développement économique du Québec.

D'entrée de jeu, nous souhaitons saluer le dépôt de ce projet de loi visant la création de la BDEQ, dont l'objectif vise à rendre plus cohérentes les actions du gouvernement en matière de soutien aux entreprises.

D'abord, l'Alliance pour une économie verte souhaite accélérer le virage vers une économie verte afin de contribuer à une société québécoise innovante, résiliente, concurrentielle, qui réconcilie équité sociale, environnement et qualité de vie. L'alliance travaille donc à l'émergence d'une vision et d'un leadership social, politique et économique clairs, au développement d'une plus grande cohérence dans les politiques et les interventions de l'État et à la convergence des initiatives du secteur public, privé, associatif, coopératif et mutuel et de la société civile en faveur d'une économie verte.

• (10 h 20) •

L'alliance regroupe des organisations issues des milieux économiques, financiers, associatifs et environnementaux, dont Cycle Capital Management, la Fondation David-Suzuki, Écotech Québec — la grappe des technologies propres — Équiterre, l'Association de l'aluminium du Canada et le Réseau des ingénieurs du Québec. Elle est soutenue par le Mouvement Desjardins, Enerkem, Innergex et la CSN.

Nous avons également présenté un mémoire qui a été constitué par l'alliance et qui décrit bien notre positionnement. Ce document est disponible en ligne, mais on en a amené quelques copies pour vous aujourd'hui. Sur le projet de loi de la Banque de développement, nous souhaitons saluer certainement quelques éléments que nous trouvons particulièrement favorables, et ma collègue vous présentera, là, l'essentiel de nos préoccupations.

L'intention de mieux structurer l'action du gouvernement en matière de développement économique et de faciliter l'émergence de nouveaux projets et de nouveaux entrepreneurs, c'est, pour nous, un élément fort positif; la volonté d'adopter une approche client pour les entreprises en mettant à disposition des professionnels pour les accompagner dans les méandres administratifs de l'État et en améliorant l'accès aux services sur l'ensemble du territoire québécois; le soutien à l'investissement privé, dont aux fonds spécialisés, à l'innovation et à la productivité des entreprises, ainsi que l'appui à l'internationalisation et à l'exportation. Également fort positif, la décision d'offrir du capital patient aux entreprises d'économie sociale pour leur permettre de développer des produits financiers qui combleront les besoins des organisations et des entreprises, la prise en compte des grappes industrielles et des regroupements régionaux dans la définition des priorités de la Banque de développement économique du Québec.

Nous croyons fermement au potentiel des entreprises québécoises et voyons d'un bon oeil le mandat de Capital Émergence Québec qui, en plus de soutenir les fonds privés spécialisés, les fonds de fonds et les anges financiers, investira aussi directement dans les entreprises du secteur manufacturier au stade de démarrage. Cette approche est un complément essentiel pour assurer une chaîne d'approvisionnement solide incluant des fournisseurs à valeur ajoutée.

Enfin, nous apprécions aussi la résolution du gouvernement de développer de nouveaux créneaux liés notamment aux énergies renouvelables et à l'électrification des transports, des créneaux prometteurs. À ce titre, nous accueillons très favorablement la création d'un titre d'un fonds dédié de 200 millions de dollars pour l'électrification des transports et le développement de technologies propres, tel qu'annoncé dans le dernier budget, que nous retrouvons à l'article 130 du projet de loi n° 2... du projet de loi, pardon.

Nous profitons de l'occasion pour soulever un point important à propos de l'usage de l'expression «technologies vertes». Nous suggérons d'utiliser l'expression «technologies propres» pour s'arrimer avec la terminologie internationale.

De surcroît, il nous apparaît également opportun de ramener à l'alinéa 2° de l'article 2 le développement de technologies propres, car il s'agit là d'un élément aussi transversal que peuvent l'être l'investissement privé, l'innovation et la productivité dans les entreprises.

Pour nos préoccupations...

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Alors, bonjour à tous. C'est à mon tour de vous dire merci. Évidemment, de la lecture du projet de loi découle un certain nombre de préoccupations. Mon collègue vient de saluer les éléments que nous trouvons positifs, mais nous sentons aussi le besoin de partager avec vous la réalité, d'une part, des entrepreneurs ou des gens qui veulent voir cette économie verte se déployer plus rapidement et plus activement au Québec.

D'abord, une de nos préoccupations est l'harmonisation des orientations et des actions dans toutes les régions du Québec. Alors, pour déployer une économie verte solide, il faudra s'assurer que l'ensemble des organisations de l'État soient cohérentes. Et on sait à quel point c'est un enjeu pour l'ensemble des États, mais, à mon avis, il y a place à amélioration.

L'intégration du personnel provenant de plusieurs entités gouvernementales avec des cultures différentes sera un grand défi, ainsi que la coordination avec les CLD existants. Comme vous le savez, Investissement Québec et la SGF viennent de vivre une fusion récemment. L'ajout des CLD, l'apport de certains fonctionnaires issus de l'ex-MDEIE sera vraiment un enjeu culturel important, et vous n'êtes pas sans savoir que les entrepreneurs ressentent ces choses-là. C'est une chose réelle qui, je dirais, colore les relations qu'on a avec certaines organisations de l'État. Donc, moi, je vous invite à mettre toute l'énergie nécessaire pour s'assurer qu'il y ait un arrimage des cultures, en sachant très bien que c'est un défi très difficile pour l'ensemble des organisations, qu'elles soient privées ou publiques.

On souhaiterait aussi l'identification d'objectifs de performance, entre autres concernant l'allégement administratif des processus. C'est une chose qu'on a dite à plusieurs reprises, l'alliance ou différents groupes liés à l'alliance, l'allégement administratif est un enjeu fondamental. Nous comprenons très bien l'objectif de reddition de comptes, il est bien qu'il en soit ainsi, mais nous souhaitons voir allégés les processus et nous souhaitons que l'élargissement de la BDEQ soit une occasion d'allégement de processus et non de complexification de nos relations avec l'État.

L'élaboration des critères de rendement de la BDEQ, le projet de loi n'en faisait pas mention clairement. Donc, nous avons des attentes sur quels seront les critères de rendement.

La participation d'intervenants compétents, voire des experts pour bien accompagner les entreprises afin qu'elles atteignent leur plein potentiel, l'esprit qu'on a ici, c'est s'assurer que ces experts soient vraiment au service des entrepreneurs et des projets économiques et d'innovation liés à la BDEQ.

On souhaite aussi qu'il y ait la formation des intervenants de première ligne pour ne pas créer de ressacs, qui engendreraient leur lot de retards et de critiques. Alors, souvent, quand on fait des grandes modifications dans les organisations, on prend les ressources qu'on a et on les affecte à d'autres mandats, mais on fait des métiers extrêmement spécialisés, en finance. Alors, quand vous faites du financement de grands projets d'infrastructure, vous n'avez pas nécessairement la compétence ou l'expérience pour gérer du capital de risque dans une petite entreprise, parce que les prémisses de base sont différentes, parce que la façon de gérer le capital est différente. Donc, nous vous invitons à prendre l'occasion d'avoir un programme de formation bien structuré pour que les gens qui sont face aux entrepreneurs et aux projets soient prêts à répondre aux enjeux qui seront soulevés par eux.

On comprend que la banque aura trois grandes divisions, dont le Capital Émergence Québec. Nous saluons l'arrivée de Capital Émergence Québec. Je crois que c'est une bonne chose, c'est un signal clair. Par contre, on se permettrait de souligner l'importance d'alimenter tous les maillons de la chaîne de financement; l'importance d'offrir du capital qui se veut complémentaire à l'offre actuelle et ne pas faire concurrence déloyale aux institutions financières ou aux fonds de capital de risque existants tout en assurant la pérennité du modèle de capital de risque privé développé dans les dernières années, le jumelage des investissements privés dans des grands projets d'immobilisations par l'entremise de dettes subordonnées, prêts subordonnés.

Concernant Ressources Québec, nous sommes très préoccupés par le verdissement des activités associées aux ressources, il y a là une occasion pour nous. À ce titre, nous souhaitons voir un élargissement de la notion de ressources et de carburant dans l'ensemble du projet de loi afin qu'on puisse y inclure à la fois les résidus et les biocarburants de deuxième génération.

De manière générale, concernant le mandat de la BDEQ en lien avec les opportunités associées à une économie plus verte, on souhaite plus de cohérence dans l'ensemble des politiques et des interventions de l'État, une vraie synergie avec les autres programmes du gouvernement, notamment en ce qui a trait à la politique énergétique, à la politique industrielle et manufacturière et au plan d'action sur les changements climatiques.

Je sais que j'ai dépassé mon temps, monsieur.

Le Président (M. Leclair) : En conclusion, s'il vous plaît, Mme Méthot.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Ça va être difficile. Alors...

Le Président (M. Leclair) : Excusez-moi, Mme Méthot. La ministre me fait savoir que, si vous voulez prendre une petite minute ou deux de plus, elle va le prendre sur son temps pour vous permettre de terminer votre exposé.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Vous êtes bien gentille, Mme la ministre, vous me connaissez. Alors, on souhaite vraiment que... Les entreprises de l'économie verte aimeraient bénéficier de programmes adaptés pour accélérer leur croissance comme celles de l'économie sociale. Il faut aussi trouver une voie d'accélération dans le traitement des demandes des entreprises et s'assurer que les priorités régionales ou nationales soient prises de l'avant, ainsi que pour les entreprises ayant des projets qui permettront au Québec de réduire ses émissions de GES.

En conclusion, Switch considère que la BDEQ a le potentiel de devenir un premier outil essentiel à l'accélération du virage vert, une économie verte, si on veut rendre plus cohérentes et efficientes les interventions de l'État. Switch souscrit donc au projet de la création de la BDEQ mais souhaite qu'il devienne un premier pilier et un bras financier de l'accélération de notre transition vers une économie plus verte.

En terminant, nous saluons la volonté du gouvernement de collaborer à la tenue d'une réflexion nationale pour accélérer la transition vers une économie verte et ainsi mieux définir le fil conducteur des orientations des nouvelles politiques et programmes.

À présent, il nous fera plaisir de répondre à vos questions. Puis merci pour nous avoir donné un petit peu plus de temps.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, Mme Méthot. Merci, M. Couture, de votre présentation.

Juste avant de commencer les échanges, j'aimerais juste demander le consentement de la commission pour pouvoir inverser les prochains représentants, soit Univalor et la chambre de commerce, qui seraient inversés pour leurs tours. On a confirmé avec les gens, alors il n'y a pas de problème pour eux. Alors, j'ai besoin d'un consentement de la commission. Est-ce que j'ai le consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup. Nous voilà présentement à la période d'échange. Je spécifie que le groupe formant le gouvernement possède 16 minutes d'échange, l'opposition officielle aura 15 min 12 s, le deuxième groupe d'opposition, 3 min 48 s. Alors, présentement, pour une période de 16 minutes, la parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, M. le Président. Tout d'abord, je tiens à saluer Mme Méthot ainsi que monsieur… Je m'excuse, rappelez-moi votre nom.

M. Couture (Étienne) : Couture. Étienne Couture.

Mme Zakaïb : Couture. M. Couture, je comprends que votre... — on ne peut pas dire vraiment «votre organisation», parce que c'est un regroupement d'organisations — que votre regroupement est favorable au dépôt de la BDEQ, et j'ai beaucoup apprécié les points que vous avez soulignés comme étant des points positifs. De mieux structurer l'action de l'État, je pense qu'on est sur la même longueur d'onde là-dessus.

Il manque présentement, dans la chaîne d'approvisionnement… Puis je pense que Mme Méthot, pour avoir travaillé longtemps au sein de Réseau Capital, le sait. Dans la chaîne, ce qu'on peut appeler l'écosystème de financement au Québec, il y a des trous présentement, puis il faut qu'on trouve moyen de combler ces trous-là. Peut-être si vous pouviez y aller de façon plus approfondie sur quels sont, selon vous, dans l'écosystème québécois, les endroits où l'État devait être plus présent.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : En fait, je pense que la mise en place récente de l'approche de fonds privés, fonds de fonds, a réussi à régler une partie du problème qui était de développer, entre autres, des investisseurs spécialisés au stade du démarrage et de l'amorçage. Donc, une de nos préoccupations, c'est s'assurer que ces programmes-là soient répétés, parce que, vous savez, par exemple l'appel d'offres qu'il y avait eu sur les fonds d'amorçage, qui amenait trois fonds d'amorçage, bien il faut faire un appel d'offres bientôt, parce que la vie utile d'un fonds, sa période d'investissement, c'est généralement cinq ans. Donc, il faut s'assurer que les trous qui ont été bien comblés dans les années précédentes soient bien comblés.

Maintenant, le rôle de l'État. Alors, la réalité en capital de risque et en capital de développement au Québec, et c'est une chance que nous avons et c'est pour cette raison que nous arrivons à faire autant d'investissement au Québec, c'est que l'État joue son rôle moteur en soutenant à la fois des fonds privés et en, lui-même, faisant des investissements. Je pense qu'une des choses qui est tout à fait souhaitable, c'est de s'assurer qu'à travers Capital Émergence Québec les entreprises qui sont soutenues par le biais de subventions, de fonds d'amorçage, de fonds de démarrage puissent ensuite faire l'objet de financement par de plus grandes organisations. On pense, entre autres, à Investissement Québec aujourd'hui, qui va probablement changer de nom, mais je comprends que ce joueur-là pourrait être un joueur significatif. Mais on doit absolument bien imbriquer les maillons de la chaîne.

L'autre élément qu'on a salué dans notre mémoire, il y a un enjeu. Cet enjeu-là touche particulièrement les entreprises technologiques, mais il y a aussi un enjeu chez les manufacturiers qui ne sont pas technologiques, qui, eux, mériteraient de venir alimenter la chaîne de fournisseurs. Je vais prendre un exemple. L'entreprise Enerkem, où c'est que le capital est investisseur, est une entreprise technologique, mais nous avons absolument besoin d'entreprises qualifiées dans le secteur manufacturier. On fait affaire avec des gens de Trois-Rivières et on doit s'assurer que ces gens-là ne manquent pas de fonds, si on ne veut pas aller faire manufacturer de la haute technologie à l'extérieur du Québec. Donc, très important. Mais il faut avoir une vision sur l'ensemble de la vie de l'entreprise, et souvent… On a toujours l'approche en silo, et on a des batailles inutiles, et on soutient un peu aléatoirement les entreprises, sans se questionner sur l'ensemble de la chaîne. Donc, je pense qu'il faut créer ce lien-là, trouver une façon de le faire.

Mme Zakaïb : Mme Méthot, sur ce point-là, on est sur la même longueur d'onde. C'est certain que ce n'est pas le projet de loi, parce que le projet de loi est très technique, mais l'importance pour le Québec de regarder les chaînes de valeur dans les secteurs stratégiques, de regarder quels sont les sous-traitants qui pourraient faire partie de cette chaîne de valeur là, où sont les manquements dans la chaîne de valeur, le fait qu'on donne, par exemple, à la banque, dans chaque région du Québec, le mandat de regarder les créneaux d'excellence, de regarder, à Montréal, les grappes industrielles, cette chaîne de valeur là — c'est un peu l'exemple que vous donniez tantôt avec Enerkem — puis de regarder quelles sont les entreprises et comment on peut accompagner les entreprises qui pourraient faire partie de cette chaîne de valeur là par de l'investissement, par de l'accompagnement stratégique, ce serait une des solutions pour vraiment structurer notre économie de demain. C'est un peu ma façon de voir les choses, mais est-ce que c'est ça que vous nous dites?

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Je partage votre vision. Le grand défi, ça va être la culture des organisations, parce que je pense qu'au niveau de la vision tout le monde est d'accord, on y souscrit tous. Mais comment on va articuler ça de façon à ce que ce soit efficace pour les entrepreneurs, c'est le défi qu'on aura dans cette chaîne de financement.

Mme Zakaïb : Maintenant, vous avez soulevé un point qui est excessivement important : l'intégration de la culture, l'intégration des ressources. Pour en avoir fait par le passé, je sais à quel point la fusion des organismes va être un défi, un défi, j'en suis consciente. Maintenant, je pense que c'est un défi qui est réalisable. C'est un défi qui est grand, mais, quand on voit, d'après moi, l'enjeu qui est de se doter d'une structure, d'un outil de développement économique structuré qui va faire en sorte que, dans toutes les régions, on va avoir un guichet que j'ai appelé guichet unifié, parce que les gens vont pouvoir se présenter à la banque ou dans les CLD et avoir accès aux services de la banque, peu importe à quel endroit, le fait, pour les employés de cette nouvelle organisation là, de faire partie d'un projet d'avenir, généralement c'est cette passion-là, cette vision-là qui favorise la gestion du changement, parce qu'il va y en avoir énormément, j'en suis certaine.

Maintenant, il y a des façons de contrer ça. Il y a des comités qui peuvent être mis en place. Je sais que ça a été difficile pour les gens qui ont eu à vivre la fusion Investissement Québec et SGF, qu'il y a encore des choses qui ne sont pas réglées. Maintenant, dans cette nouvelle structure, on va avoir des gens dont le métier, ça va être d'investir, des gens dont le métier, ça va être d'accompagner les entrepreneurs. Je suis d'accord avec vous, la formation desintervenants de première ligne va être très importante. Le fait d'avoir des gens qui connaissent le capital de risque dans Capital Émergence Québec, ça va être quelque chose de très important. Mais, selon moi, ce n'est pas impossible ni irréconciliable. L'enjeu est grand parce qu'évidemment l'apport pour le Québec est grand, puis je pense que c'est vers ça qu'on s'en va.

Maintenant, si on revient sur... Parce que je pense que c'est ce qui est important chez Switch, le verdissement de notre économie. Moi, je travaille sur la politique industrielle, régulièrement on nous dit : Écoutez, vous ne pouvez pas faire toute une politique industrielle autour des technologies propres. J'en suis consciente, il faut qu'on modernise l'ensemble de notre économie, mais j'aimerais ça vous entendre, parce que vous avez la parole aujourd'hui pour nous dire de quelle façon verdir l'économie. Justement, ça modernise. Ça fait en sorte qu'on augmente la compétitivité de nos entreprises.

M. Couture (Étienne) : Essentiellement, c'est une question de vision. Évidemment, la BDEQ devient un organisme essentiel, un levier important qui prend en compte, là, comme vous aviez dit, une dimension de guichet unifié, une approche plus près des entreprises. Le verdissement de notre économie passe beaucoup par l'expression d'une vision, cette vision du gouvernement, bien sûr, qui sert d'inspiration pour la création de la nouvelle entité, mais aussi pour donner un sens à notre économie. Nous, on le voit beaucoup. On a besoin que nos gouvernements lancent une vision ou une direction claire pour que les entreprises, les entrepreneurs puissent s'identifier, puissent identifier ces créneaux, ces marchés porteurs là qui vont ensuite, là, vraiment devenir des créneaux porteurs pour l'ensemble du Québec, parce que, là, c'est ensuite les grappes qui se développent autour de ces créneaux porteurs, autant que, pour nous, là, particulièrement, pour l'électrification des transports, c'est un exemple où l'économie se développe quand il y a un message clair qui est lancé : Voici où on souhaite que le Québec se dirige. Et c'est ce genre de leadership là qu'on attend du gouvernement.

Mme Zakaïb : Je vais laisser mes collègues poser quelques questions.

Le Président (M. Leclair) : Alors, je céderais la parole maintenant au député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

• (10 h 40) •

M. Chapadeau : Merci, M. le Président. D'abord, merci. Je voudrais saluer d'abord mes collègues, les gens de l'opposition et vous saluer, vous remercier pour le travail que vous avez fait puis pour l'intérêt que vous portez à ce projet de loi là qui est un projet de loi important pour l'avenir, important pour le Québec, et lequel les régions du Québec se réjouissent. En tout cas, moi, dans la mienne, Abitibi-Témiscamingue, je peux vous dire que la ministre est venue faire un tour et rencontrer l'ensemble des intervenants, et les gens avaient beaucoup d'intérêt par rapport à ce projet de loi là. Et très heureux d'être de la commission parlementaire sur laquelle on reçoit les groupes puis laquelle on va étudier article par article ce projet de loi là.

Évidemment, vous avez dû accélérer un peu le rythme à la fin de votre présentation, qui est une présentation qui est bien articulée, j'avoue, très claire par rapport à votre position sur le projet de loi, mais moi, j'aurais quelques... Bien, c'est-à-dire, à la fin, vous parlez de quelques suggestions supplémentaires, lesquelles vous n'avez pas eu le temps d'élaborer. J'aimerais ça que vous nous donniez un peu plus d'information sur les deux points que vous parlez, là, à la dernière page de votre présentation, sur les suggestions supplémentaires.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : En fait, ce qu'on peut dire d'emblée, c'est que, quand on veut une économie verte, on ne veut pas juste une économie de technologies propres. On veut s'assurer qu'à chaque fois qu'on est capables d'optimiser à la fois le volet économique et le volet environnemental, dans les entreprises, on puisse le faire. Et souvent on a eu tort, dans le passé, de remettre l'économie verte dans les mains de l'environnement, et, nous, la proposition qu'on fait, c'est une proposition au niveau… exécutive. Or, on peut être dans un dépanneur puis avoir une approche d'économie verte. On peut être dans une grande entreprise technologique et avoir une approche d'économie verte. Les technologies de l'information sont un outil extrêmement important pour une économie verte.

Donc — puis je fais un peu de pouce sur votre question, Mme la ministre, aussi — la façon de voir les choses, ce n'est pas de se dire qu'on va substituer l'économie avec une nouvelle affaire qui s'appelle l'économie verte. En fait, l'économie verte, c'est l'économie qu'on a aujourd'hui qui subit une transition dans laquelle on essaie d'avoir un système plus performant parce qu'on a développé à la fois des technologies et des façons de faire qui sont à valeur ajoutée. Quand vous générez moins de déchets, ça vous coûte moins cher. Alors, il n'y a plus de dichotomie. Et je pense que l'erreur qu'on a faite historiquement, c'est de rester au niveau de notre vision de l'environnement, comme si on se substituait à l'économie réelle. L'économie réelle est en train de changer. Aujourd'hui, le secteur en innovation où on investit le plus, c'est le secteur des technologies propres. Ce n'est pas un hasard. Les technologies propres, pour prendre une expression que tout le monde connaît au Québec, là, c'est une compétence transversale. L'économie verte, c'est une compétence transversale. Ça existe seulement dans l'économie réelle. Donc, je pense qu'on a un grand défi de s'assurer que l'ensemble des joueurs économiques partagent cette vision-là. Ça va prendre un peu plus de temps à faire arriver les choses, mais au moins ça va être solide à long terme.

Je ne sais pas si vous le savez, mais actuellement l'Angleterre a mis sur pied une banque d'économie verte. Ils ne financent, à tours de plusieurs milliards de dollars, que le déploiement de leur économie verte. Ça existe, c'est possible. Il faut s'assurer que ce soit un projet qui soit rassembleur pour l'ensemble des secteurs économiques.

Mme Zakaïb : Je voulais revenir sur un point, je te redonnerai la... Vas-y, vas-y.

M. Chapadeau : Ça va? Juste dans votre... où vous mentionnez : «Il faut aussi trouver une voie d'accélération dans le traitement des demandes des entreprises répondant aux priorités régionales ou nationales», pouvez-vous élaborer un petit peu là-dessus?

M. Couture (Étienne) : Oui, certainement. En fait, pour répondre le plus rapidement possible aux besoins des entrepreneurs, il faut être près d'eux. Alors, dans la dimension qui est prévue, où est-ce que les CLD sont impliqués au niveau régional, c'est un outil de base, un outil très important pour qu'on puisse répondre rapidement aux besoins, répondre… traiter rapidement les demandes. Et évidemment ça, ça n'enlève rien aux besoins, je vais dire, nationaux ou pour l'ensemble, les plus grands projets, que ce soit traité, là, dans des priorités nationales, mais le contact près des gens, le suivi près des entrepreneurs, c'est la façon qu'on souhaite accélérer le processus pour les entrepreneurs du Québec.

Mme Zakaïb : M. Couture, tantôt vous suggériez une modification à l'article 2 pour faire en sorte que les technologies propres soient plus intégrées. Pourriez-vous me la rappeler? Parce que je ne l'ai pas notée.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : En fait, je peux peut-être juste partager le concept. Quand on a lu le document de la banque, c'est comme si on avait mis les technologies propres dans... Il y avait un libellé qui touchait le secteur des ressources naturelles et des mines, virgule, les technologies propres. Or, l'impression qu'on a eue, c'est que les technologies propres étaient associées seulement aux ressources, et, nous, ce qu'on pense, c'est que les technologies propres doivent monter dans la hiérarchie au niveau de l'innovation et que ça doit être vu comme un fer de lance et non pas comme une sous-catégorie. Alors, c'est juste une question de niveau où vous le placez dans le projet de loi. Mais je dois vous avouer que moi, je n'ai pas lu beaucoup de projets de loi dans ma vie, puis, quand on lit ça, c'est un peu hermétique, puis on peut se tromper sur l'interprétation qu'on en fait. Mais l'idée fondamentale, c'est d'amener les choses... amener, en fait, les technologies habilitantes, innovantes, propres, appelez-les comme vous voulez, mais à haut niveau dans la hiérarchie de la vision.

Mme Zakaïb : Parfait.

M. Couture (Étienne) : Et qui découle dans toutes les sphères d'activité, là.

Mme Zakaïb : C'est un peu l'idée du fait que c'est transversal puis que, finalement, ce qu'on veut, c'est verdir l'ensemble de l'économie du Québec.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : «Les technologies propres», ce n'est pas un nouveau mot pour dire «les technologiesenvironnementales». Puis, dans les technologies propres, il y a des technologies vertes. En fait, les technologies propres, c'est quelque chose de beaucoup plus large, qui s'adresse à tous les secteurs d'activité. C'est vraiment transversal.

M. Couture (Étienne) : L'économie dans son ensemble.

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Dans son ensemble.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, M. Couture, Mme Méthot. Le prochain bloc ira au groupe de l'opposition, alors, pour une période de 15 min 12 s. Alors, je reconnais maintenant le député de... — j'ai un petit blanc — Louis-Hébert. La parole est à vous, M. le député.

M. Hamad : Merci, M. le Président. Mme Méthot, M. Couture, bienvenue, chers collègues ingénieurs. Et très bonne présentation, je vous félicite. Vous avez vraiment fait le tour de la question en très peu de temps, félicitations. Même si vous n'êtes pas des avocats, vous avez bien réussi à tout comprendre le concept, et je veux...

Des voix : ...

M. Hamad : Vous savez, entre ingénieurs, on se tient un petit peu, et surtout lorsqu'il y a des avocats dans la salle.

En fait, Mme la ministre, tantôt, a parlé de la chaîne de valeur. Elle a parlé des grappes puis elle a parlé de compléter, je pense que c'est le discours économique à ce niveau-là. Moi, je la rejoins là-dessus tout à fait, elle a tout à fait raison de regarder ça dans cet aspect-là, sauf que nos questions ne sont pas sur ces principes-là qui sont fondamentaux, qui sont... tout le monde est d'accord avec ça. C'est plutôt sur les moyens qu'on va prendre pour atteindre l'objectif.

Alors, d'abord, dans votre mémoire, ce que j'ai aimé, là, c'est que vous avez... Là, M. Couture, vous avez été pas fin parce que vous avez pris les bons, les aspects à saluer, vous avez laissé... Mme Méthot a parlé des préoccupations, et vous auriez dû faire, par gentillesse, le contraire, laisser Mme Méthot parler des bonnes nouvelles. Mais on va parler des bonnes nouvelles, d'aspects à saluer. Et honnêtement je regarde les aspects à saluer, c'est des bonnes choses que vous demandez d'avoir. Exemple, quand vous parlez de structurer l'action du gouvernement en matière de développement économique, je pense que tous les partis politiques sont d'accord avec ça.

Encore une fois, la question : Est-ce que, si je crée une nouvelle structure, ça va structurer l'action? Je ne suis pas sûr. Nous, là, on est là parce qu'on veut être convaincus par le gouvernement que c'est vrai, c'est ça qui va nous amener… Mais de demander de structurer, vous avez raison, on est d'accord.

Mais la réponse à votre demande, est-ce que c'est la banque? Je ne suis pas sûr. Parce qu'après, dans vos préoccupations, vous répondez à votre demande en même temps, parce que vous dites : Oui, je ne suis pas sûr non plus que la banque va répondre à la demande.

La deuxième recommandation que vous faites, la volonté d'adopter une approche client pour les entreprises en mettant à leur disposition des professionnels pour les accompagner dans les méandres administratifs de l'État et en améliorant l'accès, vous avez tout à fait raison. Les gens d'affaires, on va voir des chambres de commerce, tout le monde nous dit ça. Et d'ailleurs, en 2003, il y avait 100 programmes au ministère du Développement économique. On les a réduits. Vous le savez, vous avez suivi ça. On les a réduits à cinq, à la fin. Et pourquoi? Pour, justement, faciliter l'accès. Et est-ce qu'il y a place à amélioration? Bien sûr. J'espère que oui, parce que sinon on va retourner chez nous, tout le monde, puis on n'a plus d'ouvrage. Mais est-ce qu'en mettant une banque ça va répondre à la question? Pas nécessairement la solution. Ça peut être à l'intérieur du ministère, ça peut être à l'intérieur d'un autre véhicule qu'on peut utiliser. On peut peut-être avoir une meilleure coordination, ce qui, je pense, il faut le faire.

• (10 h 50) •

Troisième élément, le soutien à l'investissement privé, dont aux fonds spécialisés, etc., oui, vous avez raison. On l'a fait dans le passé, vous le savez. Le fonds d'amorçage, on n'a pas créé une banque pour mettre le fonds d'amorçage. On n'a pas créé une banque pour travailler avec Anges Québec puis mettre un fonds de 20 plus... je pense que c'est 40 millions ou 30 millions, je ne me souviens pas. Alors, tu n'as pas besoin de créer une structure pour ça. On avait ces structures-là. On l'a créé, on les a faites. Puis même on l'a fait avec Cycle Capital, on l'a fait avec la FTQ, on l'a fait avec d'autres partenaires. Mais je n'ai pas besoin de créer une banque pour faire des investissements privés. Alors, votre troisième recommandation, elle est bonne mais pas nécessairement liée à la présence d'une banque.

La décision d'offrir du capital patient aux entreprises d'économie sociale, définitivement, parce que l'économie sociale, pour moi, c'est la ligue américaine, la ligue de hockey américaine. Ça prépare les travailleurs, ça permet aux gens de... aussi les plus démunis ou une économie qui vient supporter aussi l'autre économie qui est les entreprises, les PME, etc., oui. Mais je crée-tu une banque pour faire ça? On a déjà commencé à le faire. Alors, vos aspects à saluer sont très bons, mais le lien logique, là, je parle de cartésien, ingénieur, là, de dire : Voici les points, puis la conclusion, à la fin, mes points arrivent à créer une banque, je ne suis pas sûr que c'est la banque, la solution. Pour ça, je salue les affaires que vous avez saluées. Et là je peux les nommer toutes une après l'autre, là, parce qu'elles sont toutes dans la même direction.

Si je m'en vais maintenant aux préoccupations, bien c'est exactement ce que nous partageons actuellement. Et ce que j'ai dit à la ministre en partant ici, à la consultation, c'est des questionnements que nous… On a des questions à ce niveau-là, puis c'est exactement vos questions : comment elle va se faire, les coordinations.

Là, on me dit que la porte d'entrée, c'est clair, la porte d'entrée, c'est les CLD. Alors là, on connaît le travail des CLD. On le sait, que ce n'est pas le même calibre partout. On sait que ce n'est pas... Pourquoi? Parce que ça adonne comme ça. Parce qu'avec le temps on peut s'améliorer. Puis, dans le passé, on a travaillé pour améliorer les capacités de fournir, de travailler, etc.

Alors, les critères de rendement de la Banque de développement, aux crédits, on lui a demandé, à la ministre, c'est quoi, les critères. Est-ce que ça va être un capital de risque partout? Comment vous allez faire? Je pense, ça, en passant, ça peut se répondre facilement, les critères de rendement, ça peut... parce que, quand vous avez les fonds propres, vous avez des critères de rendement. Quand c'est le Fonds de développement économique, il y a des critères. Il y a des réponses pour ça. Le fonds de capital de risque, il peut y avoir des réponses.

La participation d'intervenants compétents, voire des experts pour bien accompagner des entreprises, c'est absolument ça, absolument une question importante, parce que, si vous voulez faire un guichet unique, unique, unique, bien ça prend une bonne personne pour répondre à la bonne place. Vous ne pouvez pas mettre un interprète qui va demander à un autre interprète, puis ça finit plus long après. Déjà que la recherche et développement est rendue dans un autre ministère, le commerce extérieur dans un autre ministère, imaginez, là, les téléphones, puis les voyages, puis les coupons de taxi qu'il va utiliser, notre conseiller, pour aller courir après toutes ces informations-là. Puis l'autre élément, c'est toute la main-d'oeuvre.

Alors, moi, honnêtement, je suis impressionné par votre mémoire et je trouve que vous avez mis vraiment les points sur les i. Et êtes-vous d'accord que, dans les points que vous avez dits, à saluer, la solution, elle peut être toutes sortes de choses, pas nécessairement une solution unique? Et la seule solution, pour tout ça, c'est la banque? Est-ce que ça peut être d'autre chose?

M. Couture (Étienne) : Est-ce que ça peut être autre chose? Nous, évidemment, on était invités ici pour commenter sur le projet de loi. On vous donne le point de vue du terrain, le point de vue des entrepreneurs, notre point de vue sur l'économie verte, ce qu'on souhaite qui soit déployé comme l'économie du Québec.

Alors, pour ce qui est des moyens, nous, là, c'est clair qu'on... vous l'avez autant dans les points positifs que dans nos préoccupations. On veut que ça soit près des entrepreneurs, on veut répondre rapidement à leurs besoins. Comme vous le soulignez, c'est ça, le résultat ultime qu'on recherche.

Pour ce qui est de la banque, elle, elle a un rôle central en termes de vision qu'on souhaite donner au Québec. Pour nous, ce n'est définitivement pas juste une question de banque, c'est une question de vision pour le Québec, et, en ce sens-là, la banque peut représenter définitivement une image, quelque chose qui résume bien, pour le Québec, la vision qu'on souhaite y donner.

Maintenant, il y a définitivement des enjeux de culture d'entreprise, de comment on va les servir, les entrepreneurs. Alors, ça, ça demeure, là, les préoccupations sur le terrain qu'on souhaite qu'elles soient adressées. Je ne sais pas si, Andrée-Lise, tu veux ajouter quelque chose, là, mais…

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Oui. En fait, je pense que, l'ensemble des partis politiques autour de la table, vous êtes conviés à un grand défi. Le choix de faire la banque, c'est un choix qu'on peut sûrement questionner, on peut sûrement proposer une autre culture ou une autre vision, mais, à la fin, le vrai enjeu, c'est qu'actuellement il y a beaucoup d'organisations qui travaillent en silo, il y a beaucoup de politiques qui ne se parlent pas. Alors, est-ce que la politique... Parce que le projet de la banque seul, M. Hamad, c'est bien, mais ça prend la politique industrielle, ça prend une politique industrielle qui répond aux attentes d'un Québec du XXIe siècle. Il faut s'assurer aussi qu'au ministère de l'Environnement il y ait les bonnes réponses aux projets économiques tout en préservant l'environnement. C'est une préoccupation très importante pour les membres de l'alliance.

En fait, on est conviés vraiment à un grand chantier, et la réussite… auquel on est absolument obligés de souscrire aujourd'hui. Le gouvernement a choisi de proposer une banque, je ne remets pas en question ce choix-là. Par contre, moi, je nous invite tous à la vigilance, à l'efficacité et à mettre cette approche d'esprit de clocher au placard, parce que ce que les entrepreneurs trouvent difficile, c'est quand ils arrivent dans une organisation qui leur dit A et que, le même gouvernement, ils arrivent dans la deuxième organisation qui leur dit B, et le critère à A devient le critère opposé dans B, et finalement on a des projets d'entreprise qui sont structurés pour plaire à des programmes qui sont développés en vase clos. Alors, vous vous ramassez, pour prendre une expression très connue, là, avec un âne avec une tête de chameau plutôt qu'un âne, si vous vouliez un âne. Et c'est ça, l'enjeu. Et moi, je ne suis pas une spécialiste des structures, puis il n'y a personne à l'alliance qui est un spécialiste des structures, mais moi, je vous convie à un exercice sérieux et rigoureux pour faire en sorte qu'on va mesurer pas juste l'efficacité classique qu'on mesure mais notre efficacité à rendre des vrais services et à construire des entreprises qui vont nous mettre à haut niveau en Amérique du Nord. On a un grand défi, le Québec. On a un défi de main-d'oeuvre, on a un défi technologique. On n'a pas suffisamment d'entrepreneurs, on a de jeunes décrocheurs à l'école. Ça nous prend de la vision. Alors, personnellement, que ça se fasse dans une banque ou dans quelque chose de plus grand ou de plus petit, ce qui est important, c'est, s'il y a une vision qui est mise sur la table, que nous y souscrivions et que nous fassions que le Québec accélère sa vision d'économie verte et la vision de la réussite, parce que, dans «économie verte», le premier mot, c'est encore «économie», et c'est ce dont nous avons besoin.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme Méthot. Alors, M. le député.

M. Hamad : On se comprend. Je reviens à votre exemple, je prends votre exemple. Ce n'est pas parce que vous mettez une nouvelle structure que la mentalité change ou la façon de faire change, on se comprend qu'il faut travailler sur les façons de faire. Exemple, exemple...

Mme Méthot (Andrée-Lise) : ...

M. Hamad : Tout à fait. Exemple : si on dit qu'on veut permettre à une entreprise, par exemple, de transiger avec le gouvernement via l'Internet, par exemple, ça, c'est un exemple qui va donner un moyen plus facile à l'entreprise de transiger avec le gouvernement via l'Internet. Ça, c'est un service qu'on peut davantage simplifier les services pour l'entreprise puis permettre aux entrepreneurs de travailler rapidement. Avoir un dossier d'entreprise, par exemple, pour le gouvernement, ça, ça permettrait de répondre à ce que vous dites.

Avoir un dossier d'entreprise, on n'a pas besoin de créer une banque pour avoir un dossier d'entreprise. Êtes-vous d'accord? Si vous mettez un système informatique chez vous, dans votre organisation, créez-vous une structure ou vous mettez le système?

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Il y a deux façons de le voir. Vous allez me permettre de jouer un peu à Samson, là, il y a deux façons de le voir. Il y a une façon de le voir qu'on dit : On n'a pas besoin d'une structure pour y répondre, mais, s'il faut une structure pour que tout le monde se parle puis partage une vision, bien peut-être qu'il faut la structure. Dans les deux cas, il y a un piège. Dans le premier cas, on garde les organisations comme elles sont, puis on ne crée pas la banque, puis on demeure en silo, parce qu'aujourd'hui ça ne fonctionne pas. L'autre approche, on crée la banque, mais les gens n'ont pas la vision, les hauts gestionnaires, les hauts dirigeants ne sont pas capables d'insuffler la culture nécessaire, et on a aussi un échec. Moi, je pense qu'à la fin ce que les gens veulent, ce que les entrepreneurs veulent, ce n'est pas des débats sur les structures, c'est un système efficient, et que nous réussissions collectivement à bâtir cette économie dont nous avons besoin.

M. Hamad : C'est exactement où nous sommes. Je continue là-dessus. Finalement, si vous étiez une entreprise et vous voulez créer une structure, est-ce que la première question que vous poserez : Combien ça va coûter? Quelles sont les économies que je dois avoir?

• (11 heures) •

Mme Méthot (Andrée-Lise) : C'est certain que la question de la saine gestion des deniers publics est une excellente question, et vous savez que nous y souscrivons tous. Alors, je pense que c'est une question importante, puis il faut se poser ces questions-là.

Par contre, dans l'entreprise privée, quand on fusionne des grandes organisations, on fait ce qu'on appelle des synergies, et ça nous permet généralement d'améliorer l'efficacité et de diminuer les coûts. Il n'y a rien dans le projet de loi qui nous explique comment ça va être fait. Mais je comprends que c'est un projet de loi technique, je ne suis vraiment pas une spécialiste, mais c'est certain que la préoccupation de l'alliance et, je pense, de plusieurs Québécois, c'est de s'assurer qu'à la fin on tire les synergies nécessaires. C'est à ça que ça sert de mettre les choses ensemble.

M. Hamad : Mais, vous savez, comme ingénieur, il faut planifier avant d'agir. On n'agit pas puis après ça on dit : Bien là, on va voir si ça donne les bons résultats. Donc, une planification, ça veut dire quoi? Ça veut dire mesurer les effets qu'on a. Est-ce que ça va amener une économie? Est-ce que ça va amener... Et surtout, comme gouvernement, les gestes que nous posons devraient nous apporter des créations d'emplois, de l'augmentation d'investissement. Alors, avant, il faut que je les mesure, ces éléments-là. Il faut que je mette ça sur la table et s'assurer que le geste que je vais poser après va me permettre d'atteindre ces objectifs-là. C'est-u normal, penser comme ça?

Le Président (M. Leclair) : En 30 secondes, M. Couture.

M. Couture (Étienne) : Combien? 30, vous avez dit?

Le Président (M. Leclair) : 30 secondes.

M. Couture (Étienne) : O.K. C'est certain que la banque, pour nous, donne une certaine vision, et elle est cruciale dans l'établissement d'une économie verte. Alors, les moyens, les objectifs, la culture, ça, c'est toutes des préoccupations qu'on vous a soulevées. C'est certain qu'avec qu'est-ce qu'on a puis notre compréhension de ce devis technique là, nous, on n'est pas nécessairement en mesure de vous pousser là-dessus. Par contre, ce qu'on vous demande, c'est de l'efficacité, d'être près des entrepreneurs, d'avoir de la cohésion, d'avoir des synergies qui vont permettre à tout le monde de mieux opérer puis de causer cette économie verte là qu'on souhaite.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, M. Couture. Alors, nous sommes maintenant rendus à l'échange avec le deuxième groupe d'opposition, pour une période de 3 min 48 s. Je reconnais le député de La Prairie. La parole est à vous.

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Chers collègues, bon matin. Mme Méthot et monsieur… J'ai déjà oublié le nom.

M. Couture (Étienne) : Couture.

M. Le Bouyonnec : Couture. Excusez-moi pour ça. Alors, écoutez, moi, si j'ai bien interprété votre intervention, évidemment, vous avez salué la bonne intention derrière la création de la Banque de développement économique du Québec. Mais, comme on a déjà entendu des fois, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Donc, souvent, c'est dans les détails, effectivement, qu'on voit que les choses se réalisent ou ne se réalisent pas.

Compte tenu de votre expérience dans le milieu… J'ai pris des notes, là, pendant que vous parliez, et honnêtement j'aurais apprécié... Puis c'était éloquent, vous étiez bien préparés, mais j'ai l'impression que vous aviez envie de dire des choses puis vous ne les disiez pas nécessairement, qu'autrement dit vous aviez des idées, là, qui pourraient nous aider à bonifier ce projet de loi, mais vous vous êtes gardé une petite gêne.

Par exemple — quelques questions rapides — au niveau du capital de démarrage, est-ce que vous croyez ou non que la Banque de développement économique du Québec devrait avoir des participations directes en démarrage ou à travers les fonds spécialisés? Ce serait une première question.

Deuxième question : Est-ce que vous croyez que la Banque de développement économique du Québec devrait continuer d'investir dans Teralys comme fonds de fonds ou avoir des participations à nouveau directes dans les fonds spécialisés comme moyen d'intervention?

Trois, vous avez soulevé la question des critères de rendement. À quoi pensez-vous? Quel genre de critères de rendement? Moi, je vais vous donner... je me dis : Le privé est là pour faire de l'argent; le gouvernement, peut-être, doit en faire peut-être un peu moins. Donc, peut-être que le rendement, c'est de protéger le capital, si on veut favoriser le développement économique, mais pas se donner des objectifs trop hauts de telle sorte que, un, on est en compétition avec le privé puis, deux, que, le rôle de développement économique, nous ne l'atteignions pas.

Puis, quand vous parlez d'allégements administratifs, avez-vous des suggestions concrètes? Parce que les entrepreneurs, effectivement, se plaignent de la lourdeur d'Investissement Québec, et c'est assez généralisé. En quoi la nouvelle Banque de développement économique du Québec pourrait être plus agile? Comment pourrions-nous bonifier le projet de loi pour ce faire?

Mme Méthot (Andrée-Lise) : Alors, pour répondre à votre première question sur est-ce que la banque doit faire de l'investissement direct en démarrage, en amorçage, donc, en petite entreprise, on connaît les défis. Ce que j'interprète ou ce que nous avons interprété du projet de loi, c'est qu'actuellement ce que la banque ferait en direct, ce ne serait pas lié au développement des technologies, mais ce serait lié au secteur manufacturier. Aujourd'hui, il n'y a pas ou peu de petits fonds de démarrage qui s'occupent de ce secteur-là. Les fonds qu'on a développés au Québec à travers le plan de match qu'avait établi le précédent gouvernement, c'étaient des fonds technologiques tels que Cycle Capital, iNovia. Alors, ces fonds-là sont des fonds qui financent de la propriété intellectuelle.

Donc, évidemment, il y a un pan qui n'est pas nécessairement bien servi, et, à cet effet-là, je pense qu'on peut accueillir favorablement ce volet-là. Cependant, je ne recommanderais pas qu'on puisse financer la technologie à partir d'équipes directes à Investissement Québec au stade de démarrage. Par contre, je le souhaite fortement au stade où on est en développement des entreprises, ce qu'on appelle, nous, beaucoup plus «late stage». Ça, c'est possible, et c'est même intéressant en complémentarité.

Deuxième question, sur Teralys, je sais que c'est une question extrêmement importante — monsieur me fait signe de réduire. Écoutez, c'est extrêmement difficile de créer un écosystème où il y a de la compétition, des investisseurs variés de qualité. Je crois qu'il faut laisser la chance au coureur, Teralys est depuis seulement quelques années en opération. C'est un immense défi, de créer des fonds. C'est beaucoup plus difficile financer des fonds que financer des entreprises, parce que, un, il y en a beaucoup moins, et l'enjeu s'échelonne sur plusieurs années. Alors, je pense qu'il faut bien analyser au mérite quel sera l'impact dans quelques années. Si vous nous demandez à nous, Switch, et principalement à Cycle Capital ce que nous en pensons, pour nous, ça a été un outil extrêmement porteur.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, Mme Méthot, M. Couture. Alors, je vous remercie pour votre présentation.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 9)

Le Président (M. Leclair) : …la Chambre de commerce et d'industrie du Québec à faire leur exposé et de vous présenter, s'il vous plaît. Alors, la parole est à vous pour un temps de 10 minutes.

Chambre de commerce et d'industrie de Québec

M. Kirouac (Alain) : Oui, merci. Alain Kirouac, président et chef de la direction de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec. Et je suis accompagné de Mme Catherine St-Pierre, qui est la responsable des communications à la Chambre de commerce de Québec.

Mesdames et messieurs, bonjour. Compte tenu, évidemment, des délais qui nous étaient impartis, nous avons décidé de limiter nos recommandations aux éléments les plus essentiels, qui s'appuient sur les commentaires fréquemment émis par les entrepreneurs et nos entrepreneurs de la grande région de Québec.

• (11 h 10) •

Un court rappel. La Chambre de commerce et d'industrie de Québec constitue le plus important regroupement de gens d'affaires de l'Est du Québec. Elle regroupe plus de 4 500 membres, et 70 %, environ, de ses membres sont des entreprises de moins de 50 employés. La Chambre de commerce et d'industrie de Québec poursuit la mission d'être la voix privilégiée des entrepreneurs de Québec et favorise, pour ses membres, l'accès à des occasions de réseautage et de développement d'affaires, l'amélioration des compétences et la reconnaissance du succès entrepreneurial.

À la suite du dépôt du projet de loi créant la Banque de développement économique du Québec, nous avons mené un sondage électronique auprès de la communauté d'affaires de Québec, membres ou non de la chambre, afin de savoir si une telle initiative correspondait à leur réalité d'affaires et à leurs besoins. Le sondage a été réalisé par la firme Léger Marketing les 7 et 8 mai derniers, auquel ont participé 260 dirigeants d'entreprise et professionnels, qui, rappelons-le, constituent la clientèle à qui précisément est destinée la banque. Les résultats et les commentaires émis par ces derniers ont donc grandement orienté nos présentes recommandations.

Les résultats du sondage révèlent que 69 % se disent favorables à la mise en place d'une structure telle que la banque, alors que 31 % se disent défavorables. Dans quel contexte? C'est que la majorité des dirigeants d'entreprise et des professionnels sondés ont reconnu la pertinence de créer un guichet unique, centraliser les services et faciliter les démarches pour les entrepreneurs. Toutefois, cette nouvelle structure, selon eux, doit être accessible, souple, efficace, doit correspondre aux besoins des entrepreneurs et à leur réalité et être pleinement opérationnelle rapidement.

Je vais vous mentionner quelques commentaires cités par les gens qui ont répondu à notre invitation.

«Je suis favorable si la banque sert effectivement aux entreprises en leur permettant de se développer avec l'appui public nécessaire. Cependant, je serais très défavorable s'il s'agissait d'une autre structure publique lourde, dépourvue de compétences et sclérosée.»

«L'enjeu n'est pas la banque en tant que telle, mais plutôt comment elle va être gérée et quelle sera donc son efficience pour les entreprises.»

«Il existe déjà tellement d'organismes avec différents mandats qu'il faut s'assurer que ce nouvel organisme soit performant, avec des résultats concrets, en allégeant les processus pour les entrepreneurs clients.»

«Que la Chambre de commerce de Québec et les chambres en général soient impliquées, car elles ont un rôle important à jouer dans le développement économique.»

«On a besoin de capital de risque local, à Québec, et que ce soit géré par des gens ayant un vrai vécu en affaires.»

«Pourvu qu'il s'agisse réellement d'une façon de faciliter l'accès au financement et non un dédoublement. Je salue l'intention, mais il faudra voir comment le tout se matérialisera sur le terrain.»

«Je suis plutôt défavorable, puisqu'il s'agit encore une fois de créer une autre étape dans les processus. Cela augmente en général la bureaucratie et alourdit les processus.»

D'autres questions demeurent, selon les répondants. Est-ce que cela va permettre de faire des économies d'échelle par rapport à la situation antérieure? Est-ce que cela va vraiment aider nos entreprises à se développer? D'où vient vraiment le besoin de créer une nouvelle structure telle que la banque?

À la lumière de ces commentaires, la chambre souscrit à la mission première, telle que formulée dans le projet, de la Banque de développement économique du Québec, celle de soutenir le développement économique du Québec et des régions par la création, la croissance, la rétention et l'implantation d'entreprises sur tout le territoire québécois. C'est plutôt dans la mise en place de ladite structure et dans son fonctionnement que nous souhaitons apporter notre éclairage et nos recommandations.

Tout d'abord, l'harmonisation des orientations de la banque et de son action dans toutes les régions du Québec peut s'avérer un défi majeur, au même titre que l'intégration du personnel provenant de plusieurs entités gouvernementales aux cultures différentes et la coordination avec les centres locaux de développement. Tout cela doit être intégré de façon harmonieuse afin que les services offerts aux entrepreneurs ne s'en trouvent pas affectés. Des règles claires et des mécanismes stricts de gouvernance devront ainsi être adoptés afin de circonscrire de façon formelle le rôle ainsi que le cadre d'intervention de chacune des organisations impliquées. Nous croyons aussi que celles-ci ne doivent pas influencer les décisions d'investissement de la banque. En effet, il est opportun de soulever le danger de politisation des décisions et d'ingérence, qui pourrait compromettre l'indépendance dont la banque a besoin pour son bon fonctionnement.

Reconnaissant donc la pertinence de créer un guichet unique et de centraliser les ressources et les services qui leur sont destinés, les entrepreneurs que nous avons sondés expriment toutefois certaines réserves quant à la création d'une nouvelle structure qui vient s'ajouter aux nombreuses autres. Ils se questionnent également sur les retombées concrètes que la banque pourra avoir sur l'essor ou la croissance de leur entreprise. C'est pourquoi il est essentiel que la banque corresponde à la réalité d'affaires et aux besoins des entrepreneurs, c'est-à-dire une structure accessible, efficace et pleinement opérationnelle rapidement qui leur facilite les démarches et allège les processus administratifs et la paperasserie. Bref, une structure qui ne constitue pas une charge supplémentaire dans leurs démarches de leur développement.

Nous insistons également sur l'importance de déployer des ressources humaines compétentes qui connaissent très bien la réalité d'affaires des entrepreneurs et le marché et qui pourront les conseiller convenablement et les orienter efficacement vers les bonnes ressources. Ce point soulève néanmoins certaines inquiétudes. Avec le fractionnement de l'ancien ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation en différents ministères, cela a eu pour effet de disperser l'expertise par la même occasion. Les ressources compétentes en matière d'exportation, par exemple, se trouvent maintenant au sein du ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur. La banque étant à l'étape de la création, nous avons là une belle occasion d'impliquer les clients entrepreneurs dans l'élaboration des structures et des services qui leur sont destinés. Nous sommes convaincus qu'une telle approche donnerait de meilleures chances de succès à la banque.

Le gouvernement, par le biais de la Banque de développement économique du Québec, doit tendre vers une réelle régionalisation dans ses interventions et préconiser une approche ciblée en tenant compte des spécificités de chacune des régions. À Québec, par exemple, il existe déjà une belle collaboration entre les différents organismes, qui reconnaissent le rôle de chacun et travaillent vers un même objectif : soutenir les entreprises. Il est donc important que le gouvernement travaille de concert avec les acteurs et les gouvernements... pardon, et les organismes locaux, qui ont une fine connaissance des entreprises de leur territoire et qui sont en contact direct avec celles-ci, à commencer par les chambres de commerce et la Chambre de commerce de Québec. Nous y reviendrons.

Offrant un capital qui se veut complémentaire, il sera en outre essentiel que la banque évite de faire concurrence aux institutions financières ou aux fonds privés de capital de risque existants, au même titre qu'elle ne devra pas se substituer aux autres organismes déjà bien implantés dévolus à l'entrepreneuriat et au soutien des entreprises.

 La Chambre de commerce et d'industrie de Québec est un acteur d'importance dans le développement économique et entrepreneurial de la région de Québec. Nous sommes le seul organisme qui a su développer, dans les… dans ses 200 ans d'histoire, dis-je, une notoriété et une crédibilité dans le milieu des affaires.

Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'une vision économique de la région de Québec pour les prochaines années. Nous aurions donc souhaité que le gouvernement reconnaisse le rôle essentiel des chambres de commerce du Québec dans le soutien aux entrepreneurs et qu'il assure leur présence comme acteurs de première ligne au sein de la banque. Le soutien des entrepreneurs est au coeur de la mission de notre chambre.

Créé il y a près de deux ans, notre comité Entrepreneuriat, qui est composé d'une douzaine d'entrepreneurs accomplis de la région de Québec, a élaboré une stratégie d'intervention pour appuyer les entrepreneurs dans leur développement, quel que soit le cycle de vie de leur entreprise et de leur secteur d'activité. Les travaux du comité ont mené à une multitude d'actions, dont la constitution d'une équipe de 20 entrepreneurs clients… conseils, pardon, qui sont jumelés à d'autres entrepreneurs souhaitant obtenir des conseils sur les défis de leur entreprise et leur savoir-faire, ce qui vient compléter le rôle des mentors, qui agissent plutôt sur le savoir-être. On sent un réel désir de la part des entrepreneurs d'expérience de notre région de partager leur expérience et leur réseau avec leurs pairs.

La première Foire des entrepreneurs, que nous avons tenue le 25 avril dernier, s'inscrit également dans la stratégie entrepreneuriale élaborée par notre comité, qui a constaté, au cours de sa réflexion, que les services et les ressources s'adressant aux entrepreneurs sont mal ou peu connus de ces derniers. Ils ont alors imaginé une journée où l'entrepreneur pourrait se familiariser avec le vaste éventail de programmes et de services qui lui sont destinés, une journée ou il pourrait s'inspirer du parcours d'entrepreneurs reconnus, obtenir des conseils d'experts et élargir son réseau de contacts. Avec plus de 70 exposants, privé et public, et une quarantaine de conférences, la foire fut donc un franc succès. Plus de 1 300 entrepreneurs ont participé à cette première édition.

De plus, afin de souligner les réalisations et les succès en affaires des entreprises de la région de Québec, nous tenons chaque année cinq concours et événements de reconnaissance. Des initiatives réalisées par et pour les entrepreneurs, et nous insistons sur ce point. C'est précisément ce qui distingue l'action des chambres de commerce. Il n'y a rien de tel que de mettre en contact des entrepreneurs avec d'autres entrepreneurs qui partagent une même réalité d'affaires et un même vécu, et nous croyons que c'est exactement cette formule qui devrait être reprise à plus grande échelle avec la banque.

En conclusion, nous croyons que la banque doit intégrer dans sa vision les enjeux relatifs à la main-d'oeuvre auxquels est tout particulièrement confrontée la région et ceux liés à l'internationalisation de nos entreprises par le développement des exportations. Cette dimension devrait aussi faire partie, selon nous, du mandat. Les entrepreneurs sont actifs en affaires sur la scène internationale dans une proportion de 13,6 %, comparativement à 19,4 % pour les autres entrepreneurs canadiens. Il y a là un important défi auquel doit s'attaquer la banque.

De plus, il serait opportun qu'un plan d'affaires sur trois ans accompagne le projet de loi et précise les éléments suivants : les attentes en termes de performance, les capitaux qui seront mis à la disposition de la banque et de ses filiales ainsi que les mécanismes d'évaluation.

La chambre salue par ailleurs la décision du gouvernement d'implanter le siège social de la banque à Québec, mais il serait souhaitable que les réunions du conseil d'administration de la nouvelle entité se tiennent également à Québec, d'autant plus que des moyens technologiques sont acceptés pour y assister à distance. En bref, nous souhaitons que les actions du siège social de la banque se déroulent dans la capitale. Merci.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, M. Kirouac. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre pour une période de 16 minutes.

• (11 h 20) •

Mme Zakaïb : Merci, M. le Président. Tout d'abord, je me réjouis des résultats du sondage, qui révèlent que 69 % de vos membres, c'est-à-dire 260 dirigeants d'entreprise et professionnels qui ont participé au sondage, se disent favorables à la mise en place d'une structure telle que la banque.

Maintenant, je comprends que ce qu'on a à la page suivante, ce sont des commentaires. Les sondeurs ont demandé des... n'ont pas seulement… Les gens n'ont pas que répondu à des questions, on leur a permis de donner des commentaires. C'est ça que je comprends?

M. Kirouac (Alain) : Absolument, absolument. C'est des questions ouvertes qui étaient disponibles.

Mme Zakaïb : Et vous avez pris certains de ces commentaires, que vous avez reproduits à la page 2.

M. Kirouac (Alain) : Absolument.

Mme Zakaïb : O.K. Je voulais être certaine de ça.

Une fois qu'on dit que vous êtes favorables à la structure, naturellement, le projet de loi est un projet de loi très technique, n'entre pas dans les détails, puis j'imagine qu'il y a des choses que vous avez soulevées comme étant des interrogations qui malheureusement ne peuvent pas trouver une réponse dans un projet de loi. Quand vous dites, par exemple, que les décisions d'investissement de la banque ne doivent pas être laissées aux intervenants socioéconomiques, vous voulez dire par là que les décisions doivent se prendre par un comité d'investissement neutre, un peu comme on a vu dans les FIER, là. J'imagine que c'est ça que vous voulez dire.

M. Kirouac (Alain) : Oui, absolument. Le commentaire qui nous est fait, c'est qu'on doit dépolitiser, évidemment, les décisions que la banque pourrait prendre en termes d'investissement et que ça ne doit pas venir d'organismes locaux qui indiquent à la banque où investir.

Mme Zakaïb : Alors, je peux vous dire en effet que les décisions d'investissement de la banque vont être prises par les gens, les employés de la banque, avec un comité d'investissement formé d'experts à l'intérieur de la banque, et non pas… En fait, ce qu'on veut dans chacune des régions du Québec, c'est que les acteurs économiques développent une vision de développement économique, puis là il y a tout ce qu'il y a autour de cette vision-là puis un plan stratégique pour l'atteindre. Puis je pense que la région de Québec est un bel exemple, parce qu'à Québec on a intégré… je pense que les gens à Québec ont beaucoup plus intégré que dans d'autres régions cette vision de développement économique là. Mais ça, c'est une vision, c'est un plan d'action pour atteindre la vision. Puis je n'entrerai pas dans les détails comme je l'ai fait avec d'autres organismes de ce qu'il devrait y avoir dans le plan d'action, mais ce n'est pas les décisions d'investissement. Naturellement, les décisions d'investissement vont se prendre par des investisseurs.

Vous parliez de l'importance d'un guichet unique ou d'un guichet unifié et de la difficulté pour les entrepreneurs… Vous avez dit que les services et les ressources sont très mal connus, puis, moi, ça fait 20 ans que je travaille dans ce domaine-là, j'ai rencontré beaucoup de monde, puis j'ai rencontré encore des gens depuis que je suis arrivée dans ce poste, et c'est très évident que c'est très mal connu puis malgré le fait qu'on a des sites Internet, malgré le fait qu'il y ait... puis que vous faites des efforts pour que ce soit connu. Pensez-vous que le fait qu'il y ait un chargé de projet qui soit vraiment attitré pour aider l'entrepreneur, justement, à faire arriver ses projets face aux différents ministères mais également face aux différentes sources de financement, quelqu'un à la banque, que la personne se présente à un CLD ou qu'elle se présente directement à la banque, qu'il y ait un chargé de projet, ça, ça pourrait être une des solutions qui aideraient, justement, à ce que les entrepreneurs aient accès à tout ce qui existe.

M. Kirouac (Alain) : Ce qu'on comprend effectivement, que ce soit par le sondage, ou les rencontres qu'on fait, ou même les commentaires qu'on a entendus à la Foire des entrepreneurs tout récemment, la grande difficulté des entrepreneurs et, je vous dirais, dans une certaine catégorie d'entrepreneurs, ceux qui sont particulièrement en démarrage, la difficulté qu'ils ont d'avoir un accès direct à l'information privilégiée concernant l'ensemble des produits. J'ai envie de vous répondre que oui, effectivement, pour ces gens-là, d'avoir une ressource compétente qui est capable de répondre à l'ensemble des préoccupations, ça semble être effectivement une avancée pour les entreprises.

Mme Zakaïb : Vous avez également parlé de complémentarité, et, selon moi, c'est un des grands enjeux de la banque. On a longtemps discuté de la rédaction des articles pour faire en sorte qu'on s'assure de la complémentarité.

De votre côté, qu'est-ce qui vous amène à dire qu'il pourrait y avoir concurrence? De quelle façon vous le voyez puis de quelle façon... Si vous aviez quelque chose à nous suggérer sur la complémentarité, ce serait quoi?

M. Kirouac (Alain) : Écoutez, ce qu'on entend effectivement, puis ça nous vient de nos membres particulièrement dans le secteur financier, les institutions financières, elles ont, disons, actuellement certaines préoccupations concernant le rôle actuel d'Investissement Québec. C'est ce qu'on entend, qu'Investissement Québec actuellement jouerait — je le mets entre guillemets — dans les platebandes des institutions financières, dans la façon qu'elle a de travailler et de procéder actuellement auprès des entreprises.

La crainte des milieux financiers, je présume, je n'ai pas vu la liste des… s'ils vont se présenter, mais j'ai discuté avec ces gens-là particulièrement cette semaine, et, dans le projet de loi qui est déposé actuellement, pour eux, c'est la préoccupation majeure : Quel va être le rôle d'Investissement Québec — qui va changer de nom — par rapport, effectivement, à l'investissement? Et quel sera... Il faut déterminer — c'est un peu ce qu'on dit aussi dans notre mémoire — définir très clairement le rôle de chacun. On craint actuellement qu'Investissement Québec, peu importe le nom qu'elle portera, accentue un rôle qu'elle n'a pas comme mandat premier d'opérer. Il ne faut pas prendre la place des institutions financières actuelles, elles sont là, elles sont présentes. Que ce soient les Desjardins de ce monde ou les grandes banques, elles jouent un rôle auprès de l'entreprise privée, c'est très clair. On ne doit pas compétitionner par un organisme public ce qui se fait déjà dans le secteur privé.

Mme Zakaïb : M. Kirouac, on est exactement sur la même longueur d'onde, vous et moi. La difficulté, c'est de quelle façon on peut le faire, là. Puis j'imagine que les gens qui vont venir vont nous suggérer peut-être d'autres... pour améliorer le projet de loi, là, parce que…

M. Kirouac (Alain) : Je vous confirme qu'il y a des gens qui viendront avec des propositions très concrètes à vous faire.

Mme Zakaïb : Je vais revenir sur... Vous avez parlé de deux choses qui m'interpellent, là. La première, c'est la régionalisation, l'importance d'agir de façon régionalisée. Pouvez-vous élaborer un peu sur ce point-là?

M. Kirouac (Alain) : La région de Québec comme toutes les régions du Québec, d'ailleurs, se sont prises en main sur le plan économique dans les dernières années. La région de Québec est un bel exemple. La région de Montréal, toutes les régions, dans le fond, la Chaudière-Appalaches qui est près de nous, toutes ces régions, évidemment, ont des particularités qui leur sont propres, et le développement économique ne doit pas être vu sur l'angle du mur-à-mur. Chaque région peut et doit avoir un mot à dire sur ses choix, sur la vision qu'elle a de son développement.

Il y a un piège, cependant, qu'il faut éviter absolument, c'est de revenir, si vous me permettez, dans la problématique qu'on a connue, il y a quelques années, de la compétition interrégionale où on avait ce qu'on appelait les régions ressources qui avaient des avantages et, on se rappellera, que les régions centrales décriaient. Alors donc, la régionalisation ne va pas, cependant, jusqu'à faire en sorte qu'il y ait des distorsions entre les principales régions du Québec, que des avantages fiscaux, par exemple, soient accordés à certaines régions et que d'autres ne les aient pas. Il ne faut pas tomber dans cette trame. Ça a été assez déchirant dans les dernières années, toute cette situation-là. Ne retombons pas dans le même piège.

Mme Zakaïb : J'avais une autre question, puis après je vais laisser mes confrères poser des questions. J'en aurais peut-être une pour la fin, là.

Vous avez parlé de l'implication de la chambre de commerce à la banque. Donnez-moi des exemples de choses ou d'endroits où vous pourriez être impliqués puis de quelle façon vous pourriez être impliqués.

M. Kirouac (Alain) : Bon, ça, c'est un vieux débat, puis je ne prendrai pas, évidemment, le temps qui m'est imparti pour ouvrir un nouveau débat, mais les chambres de commerce ont un rôle excessivement important à jouer dans le développement économique. Nous ici, à Québec, on se prétend — et on l'est — être la voix des entrepreneurs. Nous faisons des actions pour répondre aux besoins des entrepreneurs et nous le faisons par des entrepreneurs. Et ce qu'on voit ce matin dans le projet de loi, c'est que le rôle des chambres de commerce, s'il existe, il faut le deviner à travers les lignes. On n'utilise malheureusement pas assez les chambres de commerce et leur réseau aux fins de développement.

Nous avons des gens à Québec, des gens d'affaires d'expérience qui ont un savoir-faire exceptionnel, et nous avons décidé, au-delà des programmes, des ententes, je vous dirais, des programmes gouvernementaux, nous avons décidé de rendre accessible ce savoir-faire à d'autres entrepreneurs. C'est une approche qui ne coûte rien. C'est une approche qui vient de la bonne volonté des gens qui sont prêts à redonner à d'autres parce qu'eux ont vécu des expériences excessivement intéressantes, pertinentes, et ils sont prêts à redonner.

Alors donc, il y a des organismes de terrain, on en convient, qui ont des mandats et des rôles spécifiques. Quel est le rôle d'une chambre de commerce, si ce n'est que d'utiliser ses membres, des gens d'expérience, des gens d'affaires compétents qui sont disponibles et prêts à contribuer au développement économique? Et ça, malheureusement, on n'utilise pas assez cette ressource. Nous le faisons, évidemment, parce qu'on est une organisation de gens d'affaires, mais on devrait le faire aussi en concordance avec des politiques gouvernementales. Utilisez-nous.

Mme Zakaïb : Avez-vous des questions? Oui?

M. Chapadeau : …d'abord, merci d'être là. Merci pour l'excellent travail que vous avez fait, là, c'est complet. Puis j'aurais des questions. J'aurais une question par rapport, justement, à la reconnaissance de la chambre mais par rapport au travail spécifique que vous avez fait, là, où vous mentionnez que vous élaboré une stratégie d'intervention pour appuyer les entrepreneurs dans leur développement, quel que soit le cycle de vie de l'entreprise. Pouvez-vous élaborer davantage là-dessus, sur le travail qui a été fait et les conclusions?

• (11 h 30) •

M. Kirouac (Alain) : Oui. Écoutez, ce que nous faisons particulièrement… Et c'est un message qu'on a entendu, et je suis certain que, ce message-là, on pourrait l'entendre dans toutes les régions du Québec. Les entreprises qui ont besoin d'aide et de soutien nous disent régulièrement : Lorsque je rencontre des organismes de terrain voués au développement économique, je rencontre des gens d'une grande ouverture, d'une compétence académique intéressante, mais ce ne sont pas, malheureusement, des gens qui connaissent le milieu des affaires. Là, on est en termes d'écoute, de compréhension des problèmes que vit l'entrepreneur. Et, quand une entreprise se présente dans un organisme de terrain, qui est accueillie par quelqu'un qui va l'aider effectivement au moyen de ses connaissances, au meilleur de ses connaissances, mais que vous avez devant vous… ce n'est pas quelqu'un qui a été dans le milieu des affaires ou qui a géré une entreprise, ce que ces gens-là nous disent, c'est que, nous, ce à quoi on a besoin, ce à quoi on veut avoir accès — c'est un peu ce que je vous disais antérieurement : Faites-moi rencontrer des gens d'expérience qui vont pouvoir me dire en une heure, deux heures, trois heures maximum ce vers quoi je dois tendre.

On a créé un programme avec des entrepreneurs experts et des entrepreneurs clients, une dizaine d'heures accessibles à ces entrepreneurs clients, et je dois vous dire que, jusqu'à maintenant, sur 20 «matchs» qui ont été réalisés, la moyenne d'heures qui ont été consacrées entre l'expert et le client est de trois heures. Le client a donc réussi, en échangeant avec un expert du milieu des affaires, en trois heures, à répondre à sa préoccupation en termes de savoir-faire. Écoutez, c'est absolument extraordinaire. Et c'est ça que nos membres et c'est ça que nos entrepreneurs souhaitent, avoir accès à d'autres entrepreneurs, à des gens qui ont de l'expérience. C'est ça qu'on a mis en place et c'est ça qu'on va accentuer dans les prochains mois et les prochaines années.

Mme Zakaïb : …je pense que je saisis ce que vous voulez dire. En fait, à l'article 3, on dit : «La banque, dans la perspective de créer un guichet unifié, voit à ce qu'un service-conseil d'accompagnement soit offert aux entreprises pour le développement de leurs affaires ainsi que dans le cadre de leurs démarches auprès des ministères et organismes.» En fait, le rôle de la chambre de commerce pourrait se situer dans ça, d'être un soutien à cet accompagnement-là qui serait ciblé. Exemple, dans une région où on se dit : Bon, bien nos fleurons de demain, c'est telle, telle, telle entreprise, on veut leur donner un accompagnement privilégié, personnalisé, avec du financement privilégié, personnalisé, on va travailler avec la chambre de commerce pour trouver les bonnes personnes qui pourront être les mentors de ces entreprises-là…

M. Kirouac (Alain) : Madame…

Mme Zakaïb : …parce que naturellement on n'aura pas, à la banque, toute la compétence pour suivre toutes les entreprises puis...

M. Kirouac (Alain) : Mme Zakaïb, c'est ce que nous faisons.

Mme Zakaïb : C'est ce que vous voulez?

M. Kirouac (Alain) : C'est ce que nous faisons actuellement par la bonne volonté, évidemment, de gens de grande expérience de la région de Québec qui sont prêts à donner de leur temps au bénéfice de d'autres entreprises. Et là vous êtes vraiment dans ce que je qualifiais tantôt du par et pour : par des entrepreneurs, pour des entrepreneurs. Ça ne vient pas, évidemment, enlever les programmes de soutien, d'accompagnement et d'aide aux entreprises. Ça vient apporter un élément de plus, qui s'ajoute, si vous me permettez — très rapidement — à un autre volet qui s'appelle le mentorat, qui, lui aussi, évidemment, provient du milieu des affaires, donc implication plus forte des gens d'affaires dans le processus. Et, si on réussit à avoir de ces experts, c'est parce que ces gens-là ont confiance en leur chambre de commerce et nous accordent du temps.

Mme Zakaïb : Je suis d'accord avec vous puis je pense qu'il y aurait moyen de trouver... de bonifier ou... Je ne pense pas que ça va être dans le projet de loi mais plus tard. Je suis heureuse de voir que la BDEQ est bien reçue par la capitale nationale, puis je suis certaine que ça va être un outil important pour amener le Québec dans l'économie du XXIe siècle. Je vous remercie beaucoup de votre apport. Merci.

M. Kirouac (Alain) : Merci.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci beaucoup, M. Kirouac. Merci, Mme la ministre. Je passe maintenant la parole au député de Louis-Hébert pour une période de 15 min 12 s. La parole est à vous.

M. Hamad : Merci beaucoup. M. Kirouac, bienvenue à l'Assemblée nationale. Évidemment, ce n'est pas votre première visite, je le sais. Depuis des années, vous êtes très actifs, à la chambre. Et je veux saluer Mme St-Pierre.

En regardant votre mémoire, je suis toujours fier de voir… Ma chambre, la Chambre de commerce de Québec, fait un beau travail, est toujours présente. Comme ancien président, c'est un honneur de vous voir aujourd'hui et de voir que la chambre travaille très fort encore. C'est un excellent mémoire, très bon mémoire. Et ce que j'aime aussi là-dedans, dans votre mémoire, il va chercher l'opinion des gens d'affaires. Puis, à partir de l'opinion des gens d'affaires, vous avez formulé des recommandations.

Et, le sondage, on connaît les sondages. Alors, le sondage qu'on a ici démontre la perception des gens d'affaires, parce que, vous savez, les gens d'affaires, ce n'est pas les gens qui lisent nos lois puis suivent nos... Alors, les gens, ils ont une perception, et cette perception-là est basée sur l'information, ce qu'ils voient autour, à gauche, à droite.

Ce que j'ai aimé dans votre sondage, c'est que la perception que vous avez démontrée dans votre sondage, 60 et quelques pour cent, elle est conditionnelle. C'est-à-dire que c'est bon, mais... C'est bon mais. Alors, évidemment, le sondeur peut dire : Tout le monde a dit «bon», mais il y a combien de «mais» là-dedans? Puis, les «mais», vous l'avez mis à la page 3. Les «mais» sont clairs, ils disent : C'est bon... C'est sûr que quelqu'un qui arrive... En passant, l'histoire là-dedans, c'est que, quand on arrive puis on dit aux gens d'affaires : Je vais vous fournir un guichet unique, tu sais, il ne va pas dire : Aïe, va-t'en, ce n'est pas une bonne idée. Il va dire : C'est excellente idée, c'est très bonne idée. Mais, par contre, deux secondes après, la personne, elle va réfléchir, va dire : Oui, mais est-ce que ça va être compliqué? Ça va-tu coûter cher? Comment ça va marcher, ton affaire? Et c'est exactement la réaction des gens d'affaires que vous représentez.

En passant, c'est l'unique mémoire à date qui nous a montré ce côté-là, là. Donc, le fait d'être pour, oui, tout le monde est pour, pour un guichet unique, parce que c'est comme ça qu'ils le voient, mais quand je regarde la page 3 : «…je serais très défavorable s'il s'agissait d'une autre structure publique lourde, dépourvue de compétences et sclérosée.» Alors, un autre, je lis après : «…soit performant, avec des résultats concrets, en allégeant les processus pour les [entrepreneurs].» Un autre commentaire : «…mais il faudra voir comment le tout se matérialisera sur le terrain.» Un autre après : «Je suis plutôt défavorable, puisqu'il s'agit encore une fois de créer une autre étape», etc. Donc, il y a des questionnements. Puis, en passant, c'est exactement notre questionnement ici, nous, de notre parti à nous, le Parti libéral. On est exactement dans ce «mood» là de se questionner sur : Vraiment, est-ce que c'est la solution? Alors, là-dessus, on se rejoint cent pour cent.

Donc, le sondage, tu sais, on ne fera pas une fête avec ça parce que j'ai demandé à quelqu'un : Penses-tu que le ciel est bleu? On regarde : Oui, mais ça se peut qu'il y ait des nuages demain. Il est-u encore bleu? Tu sais, ce n'est pas là, le point, le point de dire : Je veux ça. Cependant, il y a des éléments que je veux avec ça.

Alors, les éléments, maintenant, là, en plus, vous amenez les éléments. Je m'en vais à votre conclusion à la dernière page, page 7, et vous dites, à la page 7, troisième paragraphe : «De plus, il serait opportun qu'un plan d'affaires sur trois ans accompagne le projet de loi et précise les éléments suivants : les attentes en termes de performance, les capitaux [...] ses [filières] ainsi que les mécanismes d'évaluation.» Évidemment, dans d'autres questions que vous avez posées : C'est quoi, le bénéfice? C'est quoi, les économies qu'on fait? Comment ça va marcher? Et là-dessus, M. Kirouac, on est dans la même... exactement la même position, parce que tantôt, à Switch, ce qu'on disait : Il faut planifier avant d'agir. Planifier, c'est exactement ce que vous dites. La ministre le répète souvent, puis elle a raison de dire que le projet de loi, il est technique, mais nous, on n'est pas juste à faire un projet de loi technique ici, comme législateurs. Il faut aller au-delà de ça, parce qu'on crée quelque chose par un projet de loi technique. La technicalité, c'est créer une structure, oui, mais il faut aller plus loin que la technicalité, c'est-à-dire avoir des réponses sur comment ça va marcher.

Par exemple, vous avez dit : La région de Québec, en passant, c'est un modèle économique maintenant, la région de Québec. C'est une des régions les plus performantes au Canada aujourd'hui, on est fiers de le dire. Dans les années 2000, bien on n'était pas dans ce «mood»-là. Et pourquoi c'est fait de même? Parce qu'il y a une unification des gens d'affaires, ce que vous avez fait à la chambre. Les gens d'affaires sont unifiés, à Québec, puis ils sont capables d'exprimer leur positionnement facilement à tous les paliers de gouvernement. Ça permet… On l'a vu avec M. Labeaume sur les taxes, dans vos sorties, on a vu les positionnements sur le gouvernement quand vous dites : Nous autres, tel fonds, telle chose, telle chose. Et donc vous avez votre entrée dans le gouvernement à tous les niveaux, et là, dans ce projet de loi, je sais qu'il y a un malaise pour vous, le fait que c'est une entrée de CLD et que vous avez toujours quand même représenté dans, par exemple, plein d'actions que la chambre de commerce a faites, exemple vous faites l'inauguration proactive, que vous allez en Belgique, en France chercher ça, chercher la main-d'oeuvre en collaboration avec les programmes, les formations que vous suggérez. En tout cas, vous avez cité en masse.

Donc, ce que je comprends dans votre mémoire, vous dites oui, guichet unique, oui, mais votre questionnement aujourd'hui — je veux juste être sûr que j'ai bien compris — votre questionnement : Est-ce que ça prend un plan qui nous permet de s'assurer que les objectifs vont être atteints puis de la bonne gestion? Et l'autre élément : Quel est le rôle de la chambre de commerce là-dedans? Ce n'est pas après l'adoption de la loi, que peut-être on sera à l'oubliette puis on ne saura jamais où vous êtes là-dedans. Ce que vous voulez, vous, c'est le moment maintenant, de dire au gouvernement : Moi, là, j'ai un rôle. Pourquoi j'ai un rôle? Voici, les gens d'affaires, qu'est-ce qu'ils veulent, puis etc. Voici ma valeur ajoutée. Est-ce que j'ai bien compris, M. Kirouac?

M. Kirouac (Alain) : Je vais vous répondre oui. Vous avez bien compris, M. Hamad.

M. Hamad : Bon, O.K. Alors donc, j'ai compris que vous voulez un plan d'affaires avant, vous voulez savoir que… à part la technicalité du projet de loi.

• (11 h 40) •

M. Kirouac (Alain) : C'est clair que c'est un élément qui est ressorti dans le sondage. Et normalement, effectivement, quand on a un projet, il faut que ce soit accompagné aussi d'un plan, de ce qu'on appelle un plan d'affaires, avec des objectifs, des atteintes, et pour mieux, évidemment, être en mesure d'accepter ou pas le projet.

M. Hamad : D'ailleurs, juste pour votre information, vous étiez bien informé, M. Kirouak, puisqu'hier nous avons reçu les banquiers, l'Association des banquiers canadiens, et ils nous ont parlé de la complémentarité. Juste dire que vous étiez très bien informé. Ils nous ont souligné ces points-là. Ils ont proposé des choses, des modifications, on verra comment ça peut… Et il y a une crainte actuellement avec les banquiers à ce niveau-là, puis vous avez tout à fait raison. Je l'avais entendu, moi, quand j'étais ministre. Surtout dans certaines régions au Québec, la Banque Nationale ou le Mouvement Desjardins, ils disaient : Écoutez, là, Investissement Québec, des fois, tu sais, ils sont en compétition. Alors, c'est quelque chose à regarder de près. Dans certains cas, ils n'avaient pas raison; dans d'autres cas, oui, ils avaient raison.

M. Kirouac (Alain) : …vous m'ouvrez la porte. Deux secondes pour vous dire aussi que la Fédération des chambres de commerce du Québec prendra la parole ici la semaine prochaine, et nous partageons aussi, évidemment, les recommandations que la fédération amènera à la commission.

M. Hamad : O.K., c'est bien. Je reviens à votre rôle parce que c'est important. Et, pour l'avoir vécu, pour l'avoir défendu un petit peu, c'est que vous, là, vous avez un membership à Québec, comme les autres chambres. Votre membership, évidemment, est beaucoup plus important que d'autres régions, et vous êtes en contact avec vos membres quotidiennement, plein d'activités, je ne sais pas vous êtes rendus à combien, une centaine, 200 activités par année. Donc, sur les stratégies régionales, exemple, de développement économique, sur les besoins d'entreprise... Tu sais, parce qu'il y a quelqu'un qui peut penser, dans un bureau au 20e étage, faire une stratégie, assis sur une bannière d'une banque, mais il a besoin, je pense, d'un input du milieu puis input des gens qui connaissent ça, qui le vivent, surtout. Surtout dans l'entreprise privée, la source la plus importante d'information pour qu'on bâtisse le meilleur produit, c'est nos clients, c'est...

Une voix : ...

M. Hamad : La meilleure source qui peut améliorer la qualité de... qui permet à une entreprise de faire des nouveaux produits, etc., c'est le client. Et souvent, en management, je me souviens que le trois quarts des bonnes idées viennent du client.

Et donc vous êtes le client, et donc comment vous voyez, là… Alors, moi, je suis convaincu que votre rôle est important, je n'ai pas de doute avec ça. Là, on crée une banque puis on donne à un CLD… Comme hier, en passant, les CLD demandaient, pour la capitale nationale, qu'ils soient partie prenante de la stratégie. Je ne suis pas sûr que le maire de Québec est d'accord, en passant. J'avise la ministre, là, le maire de Québec, il n'est pas nécessairement d'accord avec ça, on verra avec le maire de Québec, parce que lui, il croit que ce n'est pas là qu'on va bâtir la grande stratégie économique. Au contraire, il croit, comme vous, que les groupes autour devraient avoir un input. Actuellement, actuellement, vous, comme je vous connais, vous n'êtes pas gênés d'appeler le ministère puis dire : Tel programme, on veut travailler dans tel.

Et en plus, évidemment, il y a l'emploi. Là, actuellement, dans ce gouvernement-là, tu sais, votre batterie, là, de téléphone cellulaire, elle doit être pas mal chargée, parce que vous allez faire au moins des dizaines d'appels avant de réussir à ramasser l'information, parce que, là, il faut que vous appeliez le Commerce extérieur, il faut que vous appeliez à Emploi-Québec, là il faut que vous appeliez à l'Enseignement supérieur, là vous appelez Économie et Finances et, finalement, pour obtenir des informations à gauche et à droite. Vous allez dans le site Internet, puis etc. Ce qu'on fait dans la banque, c'est qu'on prend Économie et Finances puis on l'accole à Investissement Québec, puis avec, comme vous le savez… Vous vous rappelez. Lorsqu'on était à la chambre de commerce, on parlait des fusions des conventions collectives à la ville de Québec, puis la crainte de la chambre de commerce, c'était que tout le monde va monter des salaires en haut, que ça va être une charge importante, ce qui est arrivé dans la fusion. Alors, on est dans exactement le même film 13 ans plus tard.

Qu'est-ce que vous en pensez dans l'aspect personnel? Parce que, là, on fusionne des employés du gouvernement et des employés d'Investissement Québec qui n'ont pas les mêmes conditions.

M. Kirouac (Alain) : Je vous dirais que, quand on souligne, dans le mémoire qu'on vous dépose aujourd'hui, le... c'est un accord. En même temps, c'est, je dirai, sans enthousiasme, c'est un peu ce qu'on ressent des commentaires qu'on a entendus. Et, je le mentionnais tout à l'heure, c'est dans l'organisation de tout ça, dans la structure de tout ça. Oui, nous avons entendu et, oui, on nous a souligné que, dans les derniers mois, il y a comme un flou actuellement des entreprises qui contactent les différents... appelons ça les différents ministères, parce que, bon, la réalité est que le MDEIE a été divisé en trois. Donc, les entrepreneurs ont bien perçu la difficulté et, j'oserais dire, même la réserve et la prudence des fonctionnaires actuellement, parce qu'ils nous disent ne pas trop savoir vers où ils s'en vont. Ça, c'est ce qu'on entend, c'est ce qu'ils nous disent. On prend ça, évidemment, avec toutes les réserves possibles, mais c'est ce qu'on entend. Et la grande crainte aussi de certains répondants, c'est : La mise en place de la banque va prendre combien de temps? Ça va s'harmoniser comment? Il y a de l'humain là-dedans. On sait tous que de regrouper les choses, de fusionner les choses, ça amène des contraintes. Il faut que ce soit excessivement bien pensé, bien organisé, bien fait. Et le point majeur dans tout ça, comme ils nous l'ont dit, ce n'est pas qu'ils sont nécessairement contre, parce que l'objectif demeure qu'un guichet unique, pour eux, leur semble pertinent. Comment on va réussir à rendre ça efficace très rapidement? Et ça, ça a été dit, ça a été répété à de nombreuses occasions. Comment on va faire pour que ce soit efficace demain matin? C'est un peu, peut-être, utopique, mais il n'en demeure pas moins que, pour ces gens-là qui ont besoin d'avoir des réponses, c'est ce qu'ils craignent.

M. Hamad : Merci. Terminé pour nous.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Louis-Hébert, M. Kirouac. Nous allons maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition pour une période de 3 min 48 s. Alors, la parole est à vous, M. le député de La Prairie.

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. M. Kirouac, madame. Est-ce que je vous interprète correctement en pensant, lorsque j'entends le fait que les entrepreneurs semblent être favorables mais sans grand enthousiasme, c'est, entre autres, parce qu'il n'y a pas une compréhension suffisante, justement, de l'implantation dans le concret de la nouvelle Banque de développement, de la BDEQ? Dans votre mémoire, par exemple, vous faites allusion à deux ou trois endroits sur la pertinence de créer un guichet unique. Pourtant, comme on en a parlé aussi, on voit très bien que le Commerce extérieur, déjà dans la formation du gouvernement, le ministère a été explosé. Il y a le Commerce extérieur, vous l'avez mentionné, qui est parti aux Relations internationales, mais il y a aussi Science et Technologie qui est parti du côté de l'Enseignement supérieur, et pourtant ça fait partie, ça aussi, de la chaîne entrepreneuriale, entre autres les inventions, les brevets qui sont issus des universités, les fonds de recherche, etc. Donc, déjà, on n'est plus dans un modèle de guichet unique, quand bien même on le voudrait.

Et aussi vous mentionnez qu'il faudrait impliquer au moment de la création les clients entrepreneurs. Vous allez même plus loin que ça en disant qu'il devrait y avoir — puis je salue cette suggestion — un plan d'affaires sur trois ans, pour qu'on comprenne davantage.

Est-ce que je conclus correctement en pensant qu'à ce moment-là vous trouvez que le dépôt du projet de loi, excusez-moi, est prématuré ou pas suffisamment clair pour vous permettre et permettre à vos membres d'avoir une opinion éclairée, et qu'à ce moment-là il y a des travaux antérieurs qui devraient se poursuivre, dont le plan d'affaires, dont l'implication des clients entrepreneurs, afin que ce projet de loi réponde davantage aux besoins?

M. Kirouac (Alain) : Pour répondre à votre première question, je vous dirais que, sur les répondants, c'est une question qui leur a été posée, là. Si je ne me trompe pas, Mme St-Pierre, il y a 70 % des répondants qui ont dit connaître et bien connaître le projet de loi, alors donc je peux vous répondre que les gens qui nous ont répondu semblaient assez bien connaître le projet. Évidemment, ce n'est pas des gens qui ont lu le projet comme tel, ça, on s'entend, mais je vous dirais que les fondements du projet de loi qu'on a questionnés, ça semble être bien connu et appuyé par les gens d'affaires.

Je reviens à l'idée de faciliter l'accès effectivement dans un endroit et un lieu unique aux gens d'affaires. Je pense que, ça, les gens d'affaires sont assez conscients de ça.

Le deuxième aspect, c'était… Si vous voulez me rappeler… Pour le plan d'affaires? Bien, je pense que ça va… En affaires, c'est la façon qu'on prend des décisions, hein, c'est la façon qu'on travaille. L'organisation que je représente ne peut pas être différente de ses membres. Alors donc, quand on veut prendre une vraie décision, quand on veut aller de l'avant dans une décision, il faut avoir tous les éléments entre les mains. Ce n'est pas, évidemment, des éléments qu'ils ont actuellement entre les mains. Est-ce qu'ils sont favorables au principe sous-tendant le projet? On nous dit oui. Est-ce qu'ils sont d'accord, cependant, avec l'entièreté du projet? Évidemment, ils ne l'ont pas analysé, et il faudra peut-être pousser plus loin avec eux.

Cependant, beaucoup, effectivement, nous ont dit être très intéressés à ce qu'on continue, comme organisation, à leur faire connaître le déroulement du projet en question, on s'en va vers où. C'est comme une première étape, vous avez raison. Là, on prend connaissance. Le projet, les gens en prendront connaissance par les médias, par les journaux, les gens vont en prendre connaissance par la chambre de commerce, mais il y a un intérêt à savoir comment ça va effectivement se dérouler.

• (11 h 50) •

M. Le Bouyonnec : Dernière petite question au niveau de la porte d'entrée régionale, question précise : Croyez-vous que les CLD devraient être la seule porte d'entrée ou que les CLD devraient être distincts des bureaux régionaux de la banque et que nous ayons deux portes d'entrée, à ce moment-là, pour la banque?

M. Kirouac (Alain) : Écoutez, je vous répondrai là-dessus qu'à la limite la chambre de commerce peut être une porte d'entrée. Alors donc, c'est l'harmonisation de tout ça, puis c'est la collaboration puis la concertation de tout ça. Les entrepreneurs ont tendance, et c'est normal, à aller là où effectivement ils ont au départ des affinités, bon, des affinités avec une chambre de commerce. Là, vous allez dire que je suis en train de vendre la chambre, mais, oui, je vais le faire. Effectivement, il y a des affinités, des modèles. Les gens adhèrent volontairement, ne jamais oublier que les entreprises adhèrent volontairement à une organisation. La nôtre, on a 2 000 entreprises, 4 500 membres. Alors donc, il y a une entrée, je vous dirais, qui leur est naturelle. On collabore sur le terrain avec le centre local de développement actuellement. On collabore avec Ressources Entreprises, on collabore avec Québec International. Le modèle, je vous dirais, actuellement fonctionne assez bien, mais il manque effectivement… au niveau des programmes gouvernementaux, il manque, selon ce qu'on comprend, un endroit où les gens peuvent aller pour avoir l'information en posant la question. Ça semble être une priorité, une volonté de la part des membres.

Le Président (M. Leclair) : Merci.

M. Kirouac (Alain) : Est-ce que c'est le CLD? On n'a pas posé la question.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, M. Kirouac, c'est tout le temps que nous avions d'alloué. Alors, je vous remercie, M. Kirouac, Mme St-Pierre.

Alors, je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Leclair) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le groupe Univalor pour une durée de 10 minutes. Alors, s'il vous plaît, vous présenter, et vous avez 10 minutes pour nous exposer votre mémoire. Merci beaucoup.

Univalor inc.

M. Simoneau (Jacques) : Merci. Bonjour à tous et merci de l'invitation pour pouvoir s'exprimer sur cet important projet de loi. Je me présente : Jacques Simoneau. Je suis le président-directeur général d'Univalor. Univalor est une société de valorisation universitaire, c'est la société qui s'occupe de valoriser les innovations créées dans tout le circuit de l'Université de Montréal. Ça inclut Polytechnique, HEC, l'Université de Montréal, bien sûr, ainsi que six institutions médicales, dans le domaine de la santé. Ça représente 2 000 chercheurs, 500 millions de dollars de recherche par année.

Je vais vous faire part de mon expérience passée aussi, parce que, je pense, c'est passablement pertinent à la présentation que je fais aujourd'hui. J'ai été pendant cinq ans le vice-président exécutif à la Banque de développement du Canada. Et auparavant j'étais vice-président principal au Fonds de solidarité FTQ. Et j'avais même été nommé P.D.G. d'Innovatech du sud du Québec en 1995, alors on parle d'investissement technologique en région à ce moment-là aussi. Donc, ça fait 18 ans d'investissement avec un angle de développement économique. Avant tout ça, j'ai été professeur d'université puis scientifique aussi.

Alors, je crois que la création de la Banque de développement économique du Québec est une bonne idée. De regrouper tous ensemble les experts de développement économique du gouvernement qui sont là pour piloter les programmes et les outils de développement que le gouvernement met à la disposition du secteur économique avec les financiers, des financiers qui ont la panoplie d'outils financiers dans leurs mains, qu'on parle de prêts garantis, à un bout du spectre, aller jusqu'à du capital de risque à l'autre bout, même j'ajoute l'aide financière, les programmes de subvention aussi, est une bonne idée. Avoir tout ça dans une seule structure, que ce soit accessible de partout au Québec — c'est un élément clé — devrait faciliter, pour l'entrepreneur, l'accès à ces divers outils de support.

On ajoute à ça un souci de développement économique. La loi fait état qu'on va faire, pour Montréal, pour Québec et ensuite pour les régions du Québec, un plan de développement économique. Est aussi important, je crois, est un élément crucial de la loi.

Je vais vous faire porter mon commentaire sur quelques aspects plus précis de la loi, de la création de la banque, et, bien sûr, après ça je vais être disponible pour des questions. Je vais vous parler de quatre choses. Je vais vous parler de Capital Émergence Québec d'abord. Je vais vous parler ensuite de l'aspect guichet unifié, de la cohabitation de… je vais mettre entre guillemets, là, mais de gens de type banquier avec des gens de type investisseur en capital, qui n'est jamais nécessairement facile à gérer, et de la complémentarité que devra avoir cette Banque de développement économique avec le secteur financier plus traditionnel.

• (12 heures) •

Alors, en premier lieu, je salue particulièrement la création de Capital Émergence Québec, la filiale spécialisée en capital de risque. Il y a peu de détails qui sont donnés dans les documents, mais je crois qu'il est extrêmement important, au Québec, d'avoir du capital de démarrage d'entreprise. Beaucoup de capitaux de risque plus traditionnels ou déjà installés se sont éloignés du démarrage d'entreprise. Vous savez que c'est extrêmement risqué et extrêmement long. On investit au jour 1 de l'entreprise, souvent quelques années avant même qu'elle ait des revenus, et, avant de revoir sa mise et de revoir les profits de tout ça, c'est très long. Alors, les capitaux de risque s'en sont éloignés pour ces raisons-là. Il est important qu'on réalimente ça si on veut voir des entreprises. Quand, les capitaux de risque d'aujourd'hui, on dit : On va aller dans un… plus en secteur avancé, en «late stage», pour prendre l'expression anglaise, là, du développement d'une entreprise, bien on prend pour acquis qu'il y en a d'autres qui les ont essaimées, ces entreprises-là. Et, lorsqu'on arrête la machine pour trop longtemps, bien on en a moins.

Il va être important de bien couvrir les différents secteurs d'activité. Je les nomme juste pour être certain qu'on le retient : dans le secteur de la santé, que ce soit à la fois la découverte d'un médicament, d'un côté, ou le développement d'instrumentation médicale; informatique et télécom, puis je fais un point de dire que ce n'est pas seulement que la création de plateformes Web, là, l'informatique, c'est plus large que ça, puis la télécom, c'est beaucoup plus large que ça aussi; technologies vertes, évidemment. Et n'oublions pas les entreprises plus traditionnelles, dans les secteurs moins technos, qu'aussi on se doit de supporter. Les sociétés de valorisation universitaires telles que celle que je dirige, Univalor, aujourd'hui, lorsque vient l'occasion de créer une nouvelle entreprise, ont de la difficulté à les faire financer, ces entreprises-là, par manque de capital d'essaimage. Alors, qu'on en ajoute… Donc, je vois qu'on va mettre 50 millions d'argent frais. 50 millions d'argent frais, ce n'est pas énormément, mais c'est quand même un bon départ. On verra par la suite ce que ça va donner puis on pourra en ajouter à ce moment-là. À titre comparatif, là, si on se souvient des années Innovatech, il y avait 500 millions de dollars dans les quatre sociétés Innovatech combinées pour faire ce genre de travail.

Le deuxième aspect dont je veux vous parler, la notion de guichet unifié ou guichet unique, c'est dans la façon qu'on va l'opérationnaliser qu'on va voir vraiment le succès de la chose. Un guichet unique qui fonctionne bien va être salué par les entrepreneurs. Si le guichet unique devient un blocage à l'entrée parce que, pour toutes sortes de raisons, ça fait un goulot d'étranglement, bien ça va être beaucoup plus difficile. Les entrepreneurs, si je caricature un petit peu, ils vont adorer un guichet unique si le guichet unique dit oui rapidement. Si ce n'est pas ça, la réponse, ils vont trouver ça moins drôle. Alors, c'est théoriquement une bonne idée. C'est dans l'implantation qu'on va voir comment ça fonctionne.

Vous parlez de porteurs de dossier qui vont être la porte d'entrée. Ça va devoir être des gens très solides, des gens extrêmement dévoués qui ont une approche entrepreneuriale. Souvent, c'était l'entrepreneur qui faisait ça, qui allait cogner aux multiples portes puis qui essayait, avec son dossier, d'avoir le morceau de subvention qui va dans ce programme-là, puis ensuite l'autre morceau de prêt qui arrive d'Investissement Québec, puis le morceau d'investissement en équité qui venait de la SGF, à l'époque, il faisait le tour comme ça. Et là je parle juste du cercle gouvernemental. Il y a les autres éléments : Fonds de solidarité, Capital Desjardins, etc. L'entrepreneur lui-même faisait tout ça. Il va s'attendre que son contact, son agent fasse une partie de ça pour lui, du moins pour ce qui est gouvernemental. Alors, il faudra que ça se fasse avec la même énergie, la même fougue que l'entrepreneur le faisait. Si c'est le cas, ça va très bien fonctionner, parce que cette personne-là, cet agent-là part avec une connaissance de tous ces programmes-là. Ça devrait être beaucoup plus simple qu'une façon éparpillée comme c'était avant. Mais ces agents-là devront être, je l'ai dit, solides, ne devront pas être débordés, devront être capables de mener le dossier à terme dans un temps raisonnable. Il va falloir les choisir avec soin puis les rémunérer adéquatement, parce que c'est des gens qui, lorsqu'ils vont avoir développé leur expertise, ont une grande valeur dans le système.

Je vous parle de la cohabitation, maintenant, des banquiers avec les investisseurs en capital. C'est toujours un élément... puis c'est peut-être plus restreint, là, c'est peut-être trop technique et étroit, mais c'est toujours complexe d'avoir dans la même boîte les deux, parce que ça peut amener des difficultés de gestion. Vous savez qu'un… Je vais vous donner l'exemple de prêt garanti, là. Le prêt garanti, c'est comme une hypothèque, hein? On reçoit un prêt puis on met en garantie la maison, puis, si on arrête de payer le prêt, bien le prêteur peut reprendre la maison. Alors, dans une entreprise, un prêteur en garantie fera la même chose, peut prendre des actifs — le bâtiment, l'équipement, la propriété intellectuelle — en garantie.

Vous allez avoir dans la même maison... En fait, vous l'avez déjà dans la même maison chez Investissement Québec, les gens de SGF, par exemple, qui font prise de capital dans l'entreprise. Quand l'entreprise se met à aller moins bien, bien l'investisseur en capital, lui, il a déjà tout perdu, ça ne vaut plus rien dans ses livres, alors sa seule porte de sortie, c'est d'aider l'entrepreneur à s'en sortir. Il y a un alignement d'intérêt parfait, et ça, ça va très bien jusqu'au jour où le morceau plus banquier dit : Moi, je commence à être inquiet, je veux retirer mes billes, je veux reprendre la bâtisse en garantie, puis on arrête tout ça. Alors, vous allez avoir une chicane interne entre vos deux divisions. Est-ce la catastrophe? Non, parce que, si vous le faites bien, vous pouvez avoir l'arbitrage au sein même de l'organisation. Avant ça, cette chicane-là, elle était séparée, il n'y avait pas personne qui pouvait jouer à l'arbitre. Si vous le mettez dans la même organisation, il y a quelqu'un qui peut jouer à l'arbitre, et ça, dans la gestion de ça, là, il y a les... Puis vous n'êtes pas les seuls à avoir ce problème-là, là, on avait les mêmes problèmes chez BDC. C'était moi, l'arbitre. On avait les mêmes... On voit les mêmes problèmes chez Desjardins qu'à la grosse banque à côté, qu'à Desjardins Capital de risque. C'est des choses gérables, mais je le porte à votre attention parce que le succès ou l'échec... Imaginez l'entrepreneur qui est coincé entre les deux. Le succès ou l'échec passe par ça, et il faut savoir gérer ce genre de chose.

Point de complémentarité. Vous avez déjà entendu tantôt… Vous avez reçu les banquiers hier, je suis certain qu'ils vous ont fait valoir leur point de vue. C'est extrêmement important que le gouvernement ne vienne pas remplacer ces joueurs-là qui sont là, le gouvernement se doit d'être complémentaire. C'est clairement écrit dans la loi que c'est l'intention que ce le soit, puis il faut que ce le soit dans les opérations aussi. Puis, à ce moment-là, souvent, à la tête, c'est facile de dire : On va être complémentaire, on va être complémentaire, mais il faut mettre les règles en place pour que ça reste complémentaire.

Des façons de faire, ça aussi, c'est des choses qui ont été testées. Une bonne façon d'être complémentaire et de s'assurer qu'on le reste, c'est d'être un petit peu plus cher que les autres, d'avoir des outils financiers qui coûtent un peu plus cher. Ça fait que, si le banquier est moins cher, vous êtes certain que l'entrepreneur va aller à la banque avant de venir à votre institution.

Ça veut dire peu de temps encore?

Le Président (M. Leclair) : Votre temps est pratiquement écoulé.

M. Simoneau (Jacques) : Pratiquement écoulé.

Le Président (M. Leclair) : Je sais que la ministre, des fois, elle a une âme charitable et elle vous partage son temps. Alors, je vous demanderais d'aller en conclusion.

Mme Zakaïb : …pour lui permettre de terminer.

M. Simoneau (Jacques) : Bon. Alors, cette complémentarité, elle est importante. Elle est encore plus importante et elle peut être galvaudée en temps de crise. Lorsqu'il y a une crise économique puis que tout le monde veut bien faire, vous avez… souvent les financiers traditionnels se retirent, mais là les outils financiers à saveur développement économique vont faire plus, et soudainement, aussitôt que les choses se replacent, les banquiers crient en disant : Aïe, aïe, aïe, vous êtes compétitifs, vous nous compétitionnez. Alors, il y a une prudence à faire avec ça. S'il vous plaît, gardez les relations ouvertes avec les intervenants bancaires et autres investisseurs. Rencontrez-les de façon régulière pour vous assurer qu'il n'y a pas de malentendu, et ça devrait aller pour ça.

En guise de conclusion, je vous l'ai dit, que c'était une bonne idée. Je crois que tout mettre ça ensemble est gérable, peut se faire et peut être extrêmement utile. En autant qu'on met une bonne structure organisationnelle et un bon mode d'opération, ça devrait aller. Alors, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, M. Simoneau, pour votre présentation. Alors, nous sommes maintenant à la période d'échange. Je cède la parole à Mme la ministre pour une période de 16 minutes.

Mme Zakaïb : Merci, M. le Président. M. Simoneau, je connais votre vaste expérience dans le domaine du financement d'entreprise et je reconnais que vous avez vu dans notre projet de loi exactement quels sont les buts recherchés et naturellement les défis auxquels nous devrons faire face. Je trouve ça dommage que notre collègue de Louis-Hébert ait quitté, il avait... D'ailleurs, à sa demande, on a changé l'ordre, et là, malheureusement, il a quitté puis il ne peut pas vous entendre.

Une voix :

Le Président (M. Leclair) : Excusez-moi. Excusez-moi, Mme la ministre, question de règlement. On ne peut pas souligner l'absence ou la présence de collègues aux commissions parlementaires.

Mme Zakaïb : On ne peut pas souligner le fait qu'ils ont quitté?

Le Président (M. Leclair) : Non, c'est… Malheureusement, non.

Mme Zakaïb : Oh! Excusez-moi. Alors, je ne pouvais pas souligner le fait qu'il n'était pas là, mais je trouve ça dommage, parce qu'en bout de ligne vous avez saisi, je crois, l'essentiel de ce qu'on veut faire par la création de cette Banque de développement économique du Québec, celle d'avoir un guichet unifié, de vouloir soutenir certains secteurs qui sont présentement sous-capitalisés. On le dira, là. Effectivement, il manque d'argent en démarrage d'entreprise, il manque d'argent au Québec.

Je tiendrais à vous donner une information additionnelle. Oui, Capital Émergence Québec bénéficie au départ d'une capitalisation de 50 millions, mais les fonds FIER qui sont présentement chez Investissement Québec vont être sous Capital Émergence Québec. Donc, au fur et à mesure que les sommes seront disponibles dans les fonds FIER, ça va venir nourrir Capital Émergence Québec. Et j'imagine qu'on parle de quelques centaines de millions de dollars, alors il y aura suffisamment, je crois, d'argent pour permettre à Capital Émergence Québec de faire un travail sur un plus long horizon.

Vous avez également souligné la complémentarité. Tout le monde vient nous parler de complémentarité, c'est un enjeu important, et, comme gouvernement, nous voulons que cette banque soit complémentaire.

Maintenant, de quelle façon faire en sorte que notre volonté se traduise par une obligation? Ça, c'est la question qu'on s'est posée dans la rédaction de la loi, puis j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus. De quelle manière vous croyez qu'on pourrait s'assurer de cette complémentarité?

M. Simoneau (Jacques) : Je vais aborder deux aspects. Le premier aspect, pour les outils financiers connus, qui existent dans les autres institutions, si vous êtes un peu plus cher que les autres, ça se fait automatiquement. L'entrepreneur va aller directement à l'endroit où il y a le moins de résistance, à l'endroit où il y a le meilleur produit, à l'endroit où c'est le moins cher. Sauf que c'est plus complexe que ça, les outils financiers, plus il y a plusieurs autres clauses qui viennent avec, et non seulement que le taux d'intérêt, si c'est un prêt, par exemple. Alors, bien, tout ça devrait s'équilibrer éventuellement, mais l'offre d'une institution traditionnelle devrait toujours être un peu moins chère, si elle existe, parce qu'elle n'existe pas toujours. Lorsqu'on atteint leur limite de tolérance au risque, elle n'existe plus, cette offre-là. Ça, c'est un morceau de complémentarité qu'on peut gérer.

Il y a un autre aspect de complémentarité, c'est dans la création de nouveaux produits ou de nouvelles approches. Je vous donne un exemple, là, encore. Je reste avec mon exemple d'hypothèque, là, on parle d'une entreprise et un bâtiment. On peut voir parfois, dans les institutions traditionnelles, qu'ils vont accepter de faire des hypothèques sur 20 ans. Supposons que vos analystes, vos économistes à la Banque de développement économique du Québec font leurs calculs, et tout, et disent : Tiens, on pourrait créer un nouveau produit, mais ça va être sur 30 ans, plusieurs entreprises vont être contentes de ça, et vous mettez cet outil-là sur le marché. Je peux vous le dire tout de suite, une expérience vécue, le marché bancaire va être très surpris, et les gens sur le terrain vont tout de suite critiquer : Vous êtes en concurrence déloyale avec nous, on n'en a pas, d'outil 30 ans à vendre, nous. Vous autres, vous en avez un, alors, c'est sûr, vous me prenez mes clients. Si vous allez plus haut dans la direction de la banque, la direction de la banque va dire : Non, non, non, ce n'est pas une concurrence déloyale. Si on veut, on a juste à s'en faire un, un outil à 30 ans. C'est notre choix de ne pas le faire. Alors, gardez-vous cet aspect chez vous de créativité et d'alimenter le marché financier par des outils différents, ce qui fait en sorte qu'alors votre complémentarité vient alimenter le marché financier par de la créativité, et vous êtes, à ce moment-là, au point de vue de toute la masse du marché financier, un... vous allez augmenter l'offre de services qui existe. Si les institutions plus traditionnelles veulent suivre, c'est bien parfait, c'est bien correct. À ce moment-là, on retombe dans la case 1, on va s'assurer d'être un petit peu plus dispendieux.

• (12 h 10) •

Mme Zakaïb : O.K., belle piste de solution, de réflexion. Vous avez parlé également de la cohabitation. C'est un des enjeux, on va devoir faire cohabiter dans la même organisation des gens qui proviennent de milieux différents. J'ai aimé votre approche où vous dites : Ces chicanes-là, de toute façon, elles existaient, sauf qu'il n'y avait pas d'arbitrage, et là il y aura un arbitrage, puisque ce sera au sein de la même organisation. Puis vous dites que c'est gérable. Puis vous nous avez dit tantôt d'où vous provenez, vous avez travaillé à la banque de développement économique du Canada, au Fonds de solidarité, chez les Innovatech. Puis vous avez été arbitre, vous. Vous nous disiez que vous avez été arbitre. Comment ça se passe? Et de quelle façon on peut optimiser l'organisme en question ou l'organisation pour qu'effectivement cet arbitrage se fasse et se fasse de façon harmonieuse?

M. Simoneau (Jacques) : Bon, techniquement, il y a un certain ordre de préséance dans les outils financiers. Alors, c'est certain que, si le prêteur en garantie décide qu'il veut exercer ses garanties puis que techniquement il a le droit de le faire, qu'il y a eu défaut ou quelque chose, bien il le fait, et l'investisseur au capital est obligé de s'entendre avec ou de constater le fait qu'il est devenu impuissant. Quand c'est dans la même organisation, il peut arriver que, pour l'intérêt plus large de l'organisation ou du Québec, par exemple, l'investisseur au capital dise : Non, je vais aller voir mon patron en haut, là, puis là lui, là, ce n'est pas correct, son affaire, et qu'on puisse décider pour un intérêt plus large que la simple exécution. Parce que les prêteurs, ils ont leurs objectifs annuels puis ils essaient de bien faire, puis l'autre au capital-actions aussi, il a ses objectifs annuels, il essaie de bien faire, puis c'est là que vient un arbitrage à un moment donné, soit un arbitrage quand c'est la même organisation. Quand c'est deux organisations, bien ça peut devenir une discussion à plus haut niveau. Mais c'est comme ça que ça doit se faire. La même organisation permet de le faire, comme j'ai dit tantôt.

Mme Zakaïb : ...laisser la parole à mes confrères, mes collègues…

          Le Président (M. Leclair) : Alors, on reconnaît maintenant le député d'Abitibi-Témiscamingue... Rouyn-Noranda—Témiscamingue, excusez-moi.

M. Chapadeau : Rouyn-Noranda—Témiscamingue, effectivement. D'abord, merci, M. Simoneau, pour la clarté de vos propos. Et, vous savez, les propos que j'ai entendus de votre part rejoignent d'autres propos qu'on a entendus soit hier ou ce matin, là, par rapport, par exemple, à la question de la régionalisation des interventions. Et l'autre élément que vous avez mentionné, par rapport à ce que les entrepreneurs ont à vivre, là, moi, j'ai siégé au Fonds de solidarité de la FTQ, et le message que nous passaient les entrepreneurs, et même lors d'une consultation qui avait été faite par le gouvernement précédent, le message était ce que vous avez apporté ce matin, c'est-à-dire la difficulté, pour lesentrepreneurs, de devoir cogner à des multiples portes. À la fin, les gens nous disaient : Si j'avais su ce que c'était, je ne suis pas sûr que je me serais lancé en entreprise, parce que vraiment c'est des difficultés majeures qu'on doit faire face. Et ça, je me souviens d'une consultation qui avait été faite par M. Gignac, là, il y a un an ou deux. À l'époque, là, il était venu dans la région, et moi, j'avais participé à cette consultation-là comme vice-président du Fonds de solidarité. Et donc ce que je vois dans le projet de loi vient répondre à ces préoccupations-là, et ça semble être votre point de vue.

L'autre élément que j'aimerais vous entendre, parce que vous avez parlé du Fonds de solidarité, le succès du Fonds de solidarité ou des fonds régionaux, dans le développement régional, c'est justement d'avoir une présence régionale, de faire en sorte que ce soient des gens des régions qui décident pour la région, qui connaissent bien les créneaux d'excellence, par exemple, qui connaissent bien les entrepreneurs, qui prennent des risques qu'une banque ne prendrait pas ou que peut-être une organisation qui serait centralisée ne prendrait pas par, souvent, une méconnaissance du terrain. Donc, sur cette question-là, vu que vous avez une longue expérience tant au Fonds de solidarité qu'à la Banque de développement du Canada, j'aimerais vous entendre sur cette question-là, parce que c'est un point qui revient de façon régulière et c'est un point qui revient dans ma région. Quand je parle avec les entrepreneurs, ils nous disent : On a besoin d'aide, on a besoin de guides. En même temps, vous nous mettez certaines... en disant que ça va prendre de la fougue, de l'énergie, ça va prendre des gens de talent, puis ça, je suis d'accord avec vous, ça va prendre des gens qui ont autant de fougue que les entrepreneurs quand ils commencent à cogner aux premières portes.

M. Simoneau (Jacques) : Sur le sujet de l'impact en région, c'est toujours plus difficile d'attirer l'attention sur l'entreprise lorsqu'on est en région. Déjà, il y a le simple fait qu'il y a une notion de déplacement. Si votre financier est à Montréal, puis vous êtes, comme j'étais à l'époque, à Sherbrooke, par exemple, bien il faut essayer de le faire venir. Ça fait qu'au lieu de traiter quatre dossiers dans sa journée, il va en faire juste un, parce qu'il vient nous voir puis il revient.

Qu'est-ce qui va l'influencer à investir, si c'est l'intervenant centralisé montréalais, en région? Un des gros critères, c'est qu'il y ait sur place un intervenant local solide. Ça fait qu'il va se fier sur cette personne-là pour faire en sorte que beaucoup des interactions au jour le jour vont se faire sur place. Et d'avoir un intervenant local sur place comme co-investisseur, coactionnaire ou coprêteur est souvent un élément clé.

Il y a d'autres avantages de cet intervenant local là. En région, les gens se connaissent beaucoup l'un l'autre, et il y a toute cette connaissance du milieu qui... La vérification diligente de l'individu est souvent faite en quelques secondes grâce à l'intervenant local solide qui est sur place.

Alors, d'avoir des guichets unifiés distribués en région va aider beaucoup la pénétration de ce que la banque peut faire pour le développement économique du Québec en région et va aider les régions à se développer.

M. Chapadeau : Merci.

• (12 h 20) •

Mme Zakaïb : Alors, je vous remercie beaucoup, M. Simoneau, pour votre contribution, celle d'Univalor, et je crois que votre contribution a fait avancer notre discussion. Je pense sincèrement que la Banque de développement sera un bon outil pour, justement, que les projets d'Univalor voient le jour, parce qu'Univalor, c'est de l'essaimage, hein, mais, à un moment donné, il faut que ces projets-là se concrétisent, et je pense qu'on est tous d'accord qu'il manque effectivement de capitaux, au Québec, pour permettre aux projets qui proviennent des universités de croître. Alors, je suis heureuse d'entendre que vous approuvez notre projet de loi et que la banque pourra être, pour Univalor, une source de financement additionnelle puis, pour le Québec, une source de prospérité. Alors, merci.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, maintenant, je cède la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce. La parole est à vous.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Merci, M. Simoneau, d'être ici présent aujourd'hui. Mes questions vont aller un peu... Évidemment, on est là pour, en tant que représentants de l'opposition, poser des questions, pour analyser l'objectif et la vision de ce projet de loi pour voir si, les solutions, la proposition du gouvernement répond aux préoccupations du milieu.

Depuis deux jours et, je vous dirais, depuis l'annonce et depuis les réflexions publiques du gouvernement sur la création de la banque, évidemment, je vous dirais que c'est beaucoup le milieu des affaires qu'on entend évoquer des préoccupations. Leurs préoccupations... Les objectifs, tout le monde s'entend sur les grands objectifs. La préoccupation qui est exprimée par le milieu des affaires, c'est : Va-t-on créer… c'est l'inquiétude par rapport à une nouvelle structure, d'une part. Et il y a eu un sondage qui a été fait par la Chambre de commerce de Québec, on a entendu ça, c'était la présentation juste avant vous, et donc les gens… J'en citerai. C'est des structures publiques lourdes sans nécessairement les compétences et l'expérience voulues, l'inquiétude, donc, de... Ils sont tous d'accord sur un guichet unique ou unifié. Ça, ça fait des années qu'on parle de ça. Et on a évoqué avant... Je ne sais pas si vous avez entendu les commentaires du député de Louis-Hébert, mais en 2003, lorsque nous, on est arrivés au gouvernement, il y avait 500 programmes qui ont été... il y avait une centaine de programmes réduits à cinq programmes, juste un exemple. Donc, ça fait plusieurs années que les gouvernements successifs ont entendu cette problématique et font des efforts pour… j'utiliserai le mot anglais«streamline», le tout pour faciliter, évidemment, l'accès des entreprises aux programmes gouvernementaux, etc., donc la grande préoccupation, puis j'ai besoin de vous entendre sur… J'ai entendu que vous aimez l'objectif et vous trouvez que cette solution est intéressante, mais quelles seraient les mises en garde?

L'autre mise en garde et l'autre préoccupation, c'est le temps que ça pourrait prendre d'implanter cette structure où il y aura vraiment fusion et transfert de personnel et, je rajouterais, moi, ce que j'entends beaucoup, dans un contexte économique extrêmement difficile actuellement. On a eu la crise économique de 2008, on a un ralentissement économique, et les acteurs économiques ont une inquiétude par rapport à l'accès au capital dans cette conjoncture et le temps que ça pourrait prendre d'implanter ça, alors… Et aussi on a entendu le premier... C'était la première présentation ce matin, c'était l'Alliance pour une économie verte, qui parle de l'importance d'avoir une vision transversale — et on est tous d'accord avec cette grande vision — eux, évidemment, sur l'importance d'une économie verte et durable et de s'assurer que tous les acteurs convergent vers cette vision. Et donc est-ce que ça prend une structure pour faire ça ou est-ce que c'est tout le gouvernement? Est-ce qu'on crée un nouveau silo? C'est un peu cette préoccupation en créant cette banque. Est-ce que ce n'est pas le gouvernement en tant que tel qui doit s'imprégner de cette vision puis de faciliter l'accès, comme le gouvernement le fait depuis quelques années?

Donc, j'aimerais vous entendre sur si vous partagez ces préoccupations. Je vous dirais, c'est beaucoup les acteurs terrain, les entreprises. Surtout, on l'a beaucoup entendu de la Chambre de commerce de Québec avec le sondage qu'ils ont fait et les commentaires, il y avait des citations de tous ces commentaires. On sent l'inquiétude, donc, et les mises en garde. Et qu'est-ce que vous répondez à ce genre de mise en garde?

M. Simoneau (Jacques) : C'est normal qu'il y ait des inquiétudes, on craint toujours un peu le changement. Les entrepreneurs, les entreprises ont déjà des ententes en place parfois avec l'Investissement Québec actuelle, et veulent voir les choses continuer rondement, et sont un peu inquiets, effectivement, face au changement. C'est tout dans l'implantation de tout ça qu'on va voir les résultats. Donc, ce n'est pas juste dans la loi. Les objectifs, vous l'avez dit, tout le monde s'entend, c'est louable. C'est plus dans la façon qu'on va voir comment ça va fonctionner, puis c'est en partie pourquoi une partie de ma présentation portait sur ça, sur des éléments de cette implantation-là.

Le temps que ça va prendre, moi, je crois qu'une fois que la loi sera adoptée le gouvernement se doit d'agir rapidement, très rapidement. Ce genre de changements là, plus on les laisse s'étirer longtemps, moins il y a vraiment de changement, moins les choses se campent. Il y a des gens qui travaillent en fusion d'entreprise qui disent : Écoutez, une fusion d'entreprise, ça ne se fait pas en trois mois, elle ne se fera pas. On va avoir encore deux entreprises après, elle a beau être dans le même chapeau. Alors, il faut agir avec rapidité, avec... pas trop vite, pas bousculer, pas briser les choses pour rien, mais avec un rythme pour dire : Il faut que ça se fasse.

Contexte économique difficile, oui, c'est une des donnes. Moi, je ne vois pas en quoi ça affecte beaucoup, là, ce qu'on essaie de faire ici. Le contexte économique, il varie. En 2008, c'était très difficile, avant c'était assez facile, puis ça s'est replacé, puis il faut le faire.

Le morceau qui m'intéresse, dans ce que vous avez dit, c'est les compétences. Les compétences, écoutez, il y a des gens superbement compétents dans certaines institutions privées, et il y a aussi des gens superbement compétents dans l'Investissement Québec d'aujourd'hui ou dans l'ancienne SGF, qui est maintenant, même, l'Investissement Québec, puis ce n'est pas parce qu'on est dans un type de boîte privée qu'on est supercompétent puis qu'on est dans une boîte gouvernementale qu'on l'est moins. Ces gens qui ont passé avant, qui ont parlé de technologies vertes, entre autres, là, c'est des gens que je connais, puis je connais bien leur fonds. Ils ont d'ailleurs engagé comme principaux investisseurs dans le fonds d'essaimage une personne qui sortait de chez moi, à BDC, puis une personne qui sortait de chez moi avant, au Fonds de solidarité. Alors, maintenant, ils sont dans le privé. C'est les mêmes individus, c'est les mêmes compétences qu'avant. Ils travaillent dans un contexte un peu différent puis ils appliquent leurs compétences dans ça. C'est toujours la même chose, c'est cette gestion des compétences qu'il faut faire, leur bonne évaluation, et s'assurer qu'on a un système par lequel on peut récompenser ceux qui sont compétents, ceux qui font un bon travail, puis un système par lequel on se doit guider et coacher ceux qui le sont moins pour s'assurer qu'ils peuvent s'améliorer.

Mme Weil : Oui. Vous avez parlé d'un plan. Justement, c'était M. Kirouac, le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec. Lui, ce qu'il a dit, c'est que, tant que je n'ai pas vu un plan d'affaires, c'est difficile pour moi de dire si je suis d'accord avec un projet de loi, parce que, un projet de loi, on a beau dire que c'est technique, derrière un projet de loi il y a une vision, et, avant de chambarder le tout, de s'assurer qu'on va pour le mieux et qu'on ne va pas vers un ralentissement. Et certains ont parlé d'avoir quelque chose de sclérosé parce que ça va être tellement bureaucratique. C'est vraiment l'inquiétude, hein, c'est le milieu des affaires qui dit ça. La bonne foi est là, mais ils veulent voir un plan d'affaires. Évidemment, c'est la mentalité, évidemment, des gens d'affaires, hein, ils veulent voir un plan d'affaires.

Ça a été évoqué donc par M. Kirouac, et vous, vous l'avez évoqué. Est-ce que, vous, ce que j'entends dire, c'est que vous avez pleine foi dans cette structure, vous n'avez pas besoin de voir nécessairement un plan d'affaires pour vous rassurer?

M. Simoneau (Jacques) : Moi, ce que je vous ai dit auparavant, c'est que je peux très bien voir les bénéfices, je peux voir les écueils aussi et que, les écueils principaux que je peux voir, je les ai listés, et je crois qu'il y a des façons de résoudre chacun d'entre eux par la façon qu'on va être capable d'exécuter les choses. Alors, oui, c'est sûr, il y a sûrement un plan d'affaires qui va venir de ça. Ils en parlent dans la loi, d'ailleurs, qu'ils se doivent d'en faire un, il y a sûrement un plan d'affaires qui va venir avec ça. Il y a l'exécution de tout ça qui va être importante. C'est plus dans la dynamique qu'on va donner à la boîte, qui va être importante. C'est plus dans l'approche que ces gens-là… la philosophie puis l'engagement que ces gens-là vont avoir envers la mission et le succès de l'organisation qu'on va voir le vrai succès, puis ça, bien c'est beaucoup de la gestion, de l'organisation.

Mme Weil : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : C'est tout pour vous?

Mme Weil : M. le Président, je donne le reste de mon temps à mon collègue de la CAQ.

Le Président (M. Leclair) : Bien, c'est bien. Alors, on va reconnaître maintenant le deuxième groupe d'opposition, alors un temps total restant d'environ huit minutes. Alors, je reconnais le député de La Prairie.

(12 h 30)

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président, puis merci à l'opposition officielle. C'est un geste très généreux qui sera vraiment retenu dans notre mémoire pour longtemps, de nous donner quelques minutes de votre temps, compte tenu de la part très congrue que nous avons souvent dans ces échanges.

Avant de l'oublier, avant de l'oublier, je vais vous poser une question sur Univalor, et après je vais faire comme les autres intervenants, profiter de votre longue expérience pour vous poser peut-être d'autres questions rapides, en gardant en tête le huit minutes qu'il nous reste.

Au niveau d'Univalor en tant que telle, là on comprend, maintenant, que la science, la technologie, la recherche n'est plus à l'intérieur du ministère, finalement, de l'Économie, du MDEIE, et donc vous êtes, avec d'autres groupes, là, de valorisation des technologies universitaires, au début de la chaîne, finalement, de création de valeur. Est-ce que vous pourriez qualifier la situation actuelle? Croyez-vous, par exemple, que la BDEQ devrait être un commanditaire de ces fonds-là pour vous supporter davantage? Avez-vous les moyens suffisants aujourd'hui, dans nos universités, pour supporter les nouveaux développements, les nouvelles entreprises naissantes?

M. Simoneau (Jacques) : Bon, est-ce qu'on a les moyens suffisants? La réponse va être non. On n'a jamais les moyens qu'on souhaite avoir, on est toujours en train d'essayer de s'arranger avec les moyens qu'on a.

Dans la mission d'Univalor, valoriser les technologies universitaires, il y a différentes façons de faire. La première façon abordée est souvent la vente d'une licence, vente d'une licence idéalement à une organisation bien établie, une assez grosse organisation, c'est souvent la façon qu'on en tire le plus. On en tire le plus parce qu'on a certains paiements qui entrent et qui sont refilés aux institutions universitaires mais aussi parce que cette organisation-là plus grosse va souvent avoir un intérêt pour les travaux futurs des chercheurs et va vouloir financer la recherche à même le laboratoire en partie de la transaction. Ça, c'est un volet qu'on maîtrise bien, c'est un volet où on est financés adéquatement. Écoutez, si on avait une couple de personnes de plus, on en ferait peut-être un petit peu plus, mais ça, c'est une mécanique qui marche assez bien. Là, où c'est plus difficile, c'est quand on se dit qu'il y aurait lieu de… peut-être une possibilité de créer une nouvelle entreprise avec ces nouvelles technologies là. Puis ça, c'est là où le bât blesse, c'est là où on a moins de ressources présentement, parce qu'il y a peu d'argent pour ce faire. C'est ce que je disais tantôt.

M. Le Bouyonnec : Croyez-vous que la BDEQ devrait s'impliquer avec vous, à ce moment-là?

M. Simoneau (Jacques) : Moi, je crois que oui, la BDEQ pourrait s'impliquer dans ça. Capital Émergence pourrait être une façon de le faire, pourrait venir nous aider à avoir une certaine ressource financière pour faire cette activité d'une meilleure façon, être mieux équipés pour le faire.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup, M. Simoneau. Je vais juste prendre un petit 30 secondes pour demander le consentement. Comme on a pris du retard, je dois avoir le consentement pour qu'on puisse repousser nos travaux, là, encore de quelques minutes. Alors, j'ai besoin du consentement des membres de la commission. Consentement? Alors, on continue, M. le député de La Prairie.

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Dans l'histoire, là, du capital de risque québécois, il y a eu des grands changements de structure puis des grands bouleversements. J'en parlais d'ailleurs dans mes remarques préliminaires. Un de ces grands bouleversements, ça a été d'abord la création par le gouvernement libéral, dans les années 90, des Innovatech — vous en faisiez allusion tout à l'heure — pour voir leur disparition sous un autre gouvernement libéral en 2003, sous le ministre des Finances Séguin. Aujourd'hui… On a vu aussi des choses se produire au niveau de la Caisse de dépôt, être très impliquée, dans l'ère de Scraire, directement dans les investissements au Québec, pour finalement, sous l'ère Rousseau, tout ça, disparaître et maintenant, avec l'ère Sabia, revenir.

On propose un autre changement, un autre changement de structure, et cette structure-là vise évidemment… L'intention est claire, c'est de faire en sorte que nous puissions mieux financer nos entrepreneurs, créer des nouvelles entreprises, faire en sorte que nous puissions, entre autres au niveau de l'exportation, atteindre de nouveaux sommets, mieux soutenir nos entreprises.

Deux questions pour vous plus techniques : Croyez-vous qu'à l'intérieur de la Banque de développementéconomique du Québec nous devrions avoir, un, l'équivalent, entre guillemets, d'un EDC, donc d'un organisme exportation et développement Québec, là, pour faire la contrepartie fédérale et davantage supporter nos exportateurs? Et quelle est votre opinion aussi au niveau du marché des capitaux? Comme vous le savez, depuis la disparition des courtiers, la perte de la Bourse de Montréal, nous avons un manque à gagner énorme, en ce moment, au niveau des marchés des capitaux. On sait que la structure du capital de risque fait en sorte que généralement on n'est pas très favorable à voir une petite entreprise devenir publique trop tôt. Ceci dit, des entreprises comme CGI, comme Cascades, comme Couche-Tard sont devenues très tôt publiques, et, je pense, je faisais un calcul dernièrement, c'est 8 à 9 milliards de dollars par année que nous laissons sur la table, entre guillemets, du fait que nous n'ayons pas un marché des capitaux suffisamment dynamique au Québec. Croyez-vous que la Banque de développement économique devrait être impliquée aussi pour tenter de stimuler, là, le marché des capitaux dans le sens, là, des émissions publiques de nos entreprises québécoises?

M. Simoneau (Jacques) : Je vais aborder les deux réponses séparément. La première, avec un outil pour aider à l'exportation, c'est certain qu'on se doit d'être favorable à un outil pour supporter l'exportation. Nos entreprises québécoises, les marchés autour de nous sont raisonnablement petits, et il faut être capable d'exporter. Plus on aura un outil proche de nous pour comprendre notre dynamique pour exporter… Ça va être important que la Banque de développement économique du Québec ait cet outil-là en main, je crois que oui. Écoutez, l'organisation EDC que vous avez nommée a des grands succès, fonctionne très bien, est à la fois extrêmement utile pour les grands exportateurs et extrêmement rentable aussi, alors on réussit à faire les deux en même temps. Alors, oui, je crois qu'on devrait avoir des efforts pour faire de l'exportation supplémentaire et avoir des choses plus adaptées à ce qu'on fait ici. Et d'avoir une banque de développement économique qui serait active dans ce secteur-là, je serais favorable. J'aimerais bien voir comment ça va se faire, mais je serais favorable.

Jouer avec les marchés des capitaux, entreprise publique, vous savez comme moi à quel point que ça a changé, le secteur des entreprises publiques. Aux époques où les CGI de ce monde sont allées publiques, les règles du jeu étaient différentes. Il y a eu d'énormes changements qui sont venus, causés par certains excès américains surtout, là, les Enron de ce monde, les réactions que ça a eues par les Sarbanes et Oxley, les lois qui sont venues contraindre le tout, et ça fait en sorte qu'aujourd'hui être public est extrêmement dispendieux. Ça, c'est la grosse raison pourquoi ça s'est déplacé vers de plus grosses entreprises. Les «minimum listings» sont aussi difficiles.

Moi, je crois que d'avoir accès, pour nos entreprises, d'avoir accès aux argents des individus, oui, serait une bonne idée, et moi, j'y crois encore, que d'avoir un secteur de marché public pour nos entreprises pourrait être extrêmement utile. Alors, ça devrait être un des outils qui existent dans le financement d'entreprise, d'aller sur les marchés publics, et, oui, je serais favorable à ce qu'à ce moment-là on ait des façons de faire pour supporter tout ça.

M. Le Bouyonnec : Quand vous nous avez parlé de votre expérience passée, vous avez oublié… alors je vous ramène dans votre passé, vous avez oublié de mentionner la période où vous étiez à Hydro-Québec, au niveau de CapiTech, à ce moment-là. Puis je sais que ce n'est pas le portefeuille… la ministre n'est pas responsable de ça, mais on sait bien qu'avec la politique industrielle, les technologies vertes, avec l'électrification des transports, dans les grands bouleversements que nous avons connus, nous avons eu, à une période, un Hydro-Québec qui exportait, nous avons eu un Hydro-Québec qui encourageait en son sein les découvertes des IREC de ce monde, etc. Tout ça, à un moment donné, a été mis au rancart, vendu, bazardé, etc. Ça a été un grand changement de cap.

Croyez-vous — alors je vous ramène dans le passé — qu'il y a aujourd'hui chez Hydro-Québec un potentiel pour développer des technologies vertes, développer de l'exportation dans ce champ d'expertise là? Et croyez-vous qu'il devrait y avoir une alliance, entre guillemets, entre la future BDEQ et Hydro-Québec pour stimuler notre navire amiral, là, de l'économie québécoise?

Le Président (M. Leclair) : Alors, M. Simoneau, en 60 secondes pour terminer cet échange.

M. Simoneau (Jacques) : 60 secondes. Première partie de la réponse : Je suis extrêmement en faveur à ce qu'on soit plus actifs en technologies vertes, en développement d'énergies renouvelables en trouvant de nouvelles façons de faire. CapiTech était là un peu pour ça. CapiTech était là avec une fonction aussi d'information pour Hydro-Québec, savoir ce qui se passe dans ces milieux-là, qui sont très différents des recherches plus académiques qui peuvent se faire à l'IREC. Ça, j'étais et je suis très en faveur de ça, qu'on favorise tout ça.

Est-ce qu'Hydro-Québec est le vrai véhicule pour faire ça? Ça, c'est une question plus profonde. Hydro-Québec, vous savez, dépendamment de la façon dont on veut le voir, peut être vue comme un producteur d'électricité qui doit se spécialiser à faire ça, à distribuer cette électricité-là, à trouver des façons de valoriser notre capital de production qu'on peut avoir au Québec. Quand Hydro elle-même se met à s'y pencher… Je suis en faveur des buts que vous visez. Est-ce que c'est Hydro qui devrait le faire? Moi, en autant que ça se fait, la mécanique pourra être par une place ou par l'autre, je laisse le soin à Capital Émergence de voir la façon de faire.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci beaucoup, M. Simoneau, c'est tout le temps que nous avions. Alors, je tiens à remercier tous les membres de la commission pour ces travaux, qui ont été de bon train encore ce matin. Alors, merci aux gens qui vous accompagnent, Mme la ministre.

Alors, je tiens à dire que la commission ajourne ses travaux jusqu'à lundi le 13 mai 2013, à 14 heures, afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 36. Bonne fin de semaine à tous.

(Fin de la séance à 12 h 39)

Document(s) associé(s) à la séance