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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 25 août 2016 - Vol. 44 N° 103

Mandat d'initiative - Étudier le processus ayant mené à la vente des actions de RONA par Investissement Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Jean-Lesage, prenez place, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le processus ayant mené à la vente des actions de RONA par Investissement Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Rochon (Richelieu) est remplacé par Mme Maltais (Taschereau) et M. Lamontagne (Johnson), par M. Bonnardel (Granby).

Déclaration de la présidence

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la secrétaire. Avant de débuter nos travaux puis de recevoir notre premier invité, j'aimerais vous faire part d'un petit message que nous avons concocté ensemble ici, au niveau du secrétariat, mais j'aimerais que ça soit bien entendu.

Alors, le 15 août dernier, tous les membres de cette commission ont reçu une copie papier du cartable transmis par Investissement Québec. La page frontispice de ce cartable de même que le courriel envoyé par la secrétaire de la commission pour informer les membres de l'envoi de ces documents spécifiaient que ceux-ci étaient confidentiels. Donc, vous avez tous reçu le cahier où c'est marqué en rouge «confidentiel». Or, malgré ces mises en garde, des informations contenues dans lesdits documents se sont, tout de même, retrouvées dans les médias, situation que l'on ne peut que regretter.

Cependant, à titre de président de la commission, je ne peux que souligner à cet égard qu'il appartient à chacun d'assumer la portée des gestes qu'il pose. Alors, c'est tout ce que j'avais à dire ce matin. Lorsque des documents confidentiels sont déposés à la commission, en séance de travail, par des organismes, bien, on doit respecter la demande. On a les renseignements qu'on veut avoir. Mais, si, lors de l'audition, les gens qui ont déposé le cahier font la demande pour que ça soit rendu officiel, bien là, on acquiesce à leur demande. Évidemment, ce sont les membres de la commission qui décident. Alors donc, à l'avenir, soyez très prudents.

Donc, je vous souhaite la bienvenue. Je vous demande de bien vouloir, d'abord, vous présenter, monsieur.

Je vais vous donner l'ordre du jour aujourd'hui. Parce qu'on a eu une séance de travail ce matin — pour les gens qui nous écoutent — et nous avons accepté, en séance de travail, de recevoir une personne de plus aujourd'hui, ça sera M. Pierre Ouellet, qui sera entendu à 16 heures, cet après-midi.

Donc, nous recevrons ce matin la première personne invitée, M. Mario Albert, suivi de M. Jean-Claude Scraire, suivi de M. Yves Lafrance. Nous suspendrons jusqu'à 14 heures. Puis, cet après-midi, M. Louis Roquet, le Vérificateur général du Québec — la Vérificatrice générale — ainsi que M. Pierre Ouellet.

Auditions

Donc, veuillez vous présenter et votre titre. Vous avez 10 minutes de présentation. Par la suite — je vous donne immédiatement le temps de parole pour les députés puis les groupes parlementaires — alors, la partie gouvernementale aura 23 min 30 s; l'opposition officielle, 14 minutes; le deuxième groupe d'opposition, 9 min 30 s; et M. le député indépendant, trois minutes.

Donc, monsieur, vous avez, maximum, 10 minutes pour votre présentation. On vous écoute.

M. Mario Albert, ancien président-directeur
général d'Investissement Québec

M. Albert (Mario) : Oui. Merci, M. le Président. Mon nom est Mario Albert. Je suis présentement directeur général de Finance Montréal et, de juillet 2013 à août 2014, j'ai été président-directeur général d'Investissement Québec.

En introduction, j'aimerais vous résumer les interventions d'Investissement Québec...

Une voix : Je m'excuse...

Le Président (M. Cousineau) : Un instant, monsieur! Les micros fonctionnent bien?

Une voix : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord.

Une voix : C'est allumé ici.

M. Poëti : On entend très peu, là, le son n'est pas bon.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y.

M. Albert (Mario) : O.K. Je disais donc que, d'entrée de jeu, j'aimerais vous résumer les interventions d'Investissement Québec dans le dossier RONA au cours de la période où j'ai été président-directeur général de la société.

À mon arrivée en poste en juillet 2013, IQ détenait un peu plus de 12 millions d'actions dans RONA, pour une valeur d'environ 156 millions de dollars. Ces actions-là avaient été acquises dans le cadre de plusieurs transactions qui ont eu lieu entre le 3 août 2012 et le 25 février 2013. À la suite de ces achats d'actions par Investissement Québec, la société détenait 9,9 % des actions de RONA.

Il est important de rappeler que l'objectif d'Investissement Québec à l'époque était de contribuer à créer ce qu'on appelle une minorité de blocage, donc s'assurer que des investisseurs institutionnels ou privés québécois favorables au maintien du siège social de RONA au Québec détiennent au moins 33 % des actions de RONA. À l'époque, la Caisse de dépôt en détenait 17 %, Investissement Québec, comme je l'ai mentionné, en détenait 9,9 %, le Fonds de solidarité en détenait environ 5 % et les détaillants et le personnel de direction de RONA en détenaient quelque part entre 5 % et 10 %. Donc, ces investisseurs-là, globalement, détenaient plus de 33 % des actions de RONA.

Un autre objectif d'Investissement Québec, c'était de rester sous le seuil d'initié. Donc, dès que vous atteignez un seuil de détention de 10 %, bien, il y a toutes sortes d'obligations qui s'enclenchent en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, des obligations au niveau de la divulgation publique. Donc, toutes les transactions qu'Investissement Québec aurait faites sur le titre auraient été publiques. Souvent, ce n'est pas souhaitable parce que ça peut amener de la variation sur le titre, dépendant des mouvements qui sont faits. Donc, bref, Investissement Québec détenait à l'époque environ 10 % des actions de RONA et contribuait ainsi à créer une minorité de blocage.

J'aimerais aussi rappeler que, quand une entreprise souhaite faire une offre hostile sur un titre, si elle n'est pas capable d'avoir les deux tiers des actions, le dépôt des deux tiers ou la propriété des deux tiers des actions, elle est limitée dans les actions qu'elle peut faire. Par exemple, elle ne peut pas changer le statut de la société, elle ne peut pas procéder à une fusion, elle ne peut pas changer la structure du capital-actions. Donc, en ayant un peu plus de 33 %, donc c'était une façon de protéger la présence du siège social au Québec. Donc, c'est la situation qui prévalait à mon arrivée en juillet 2013.

 Entre juillet 2013 et août 2014, la période pendant laquelle j'ai été P.D.G. d'Investissement Québec, il n'y a eu qu'une seule transaction sur le titre de RONA, et cette transaction-là est survenue en décembre 2013 suite à un programme de rachat d'actions par la direction de RONA. RONA a annoncé à l'époque qu'elle souhaitait racheter 10 % de ses actions en circulation. Elle souhaitait racheter et annuler 10 % de ses actions en circulation.

Donc, pour éviter de dépasser le seuil d'initié de 10 %... Je rappelle, Investissement Québec détenait 9,9 % à l'époque. Pour éviter qu'on dépasse ce seuil-là, sur recommandation de la direction — et ça a été approuvé par le conseil d'administration — il a été décidé de se départir d'un bloc d'actions de 1 million d'actions, ce qui faisait en sorte que la part des actions de RONA détenue par Investissement Québec diminuait très légèrement, passait de 9,9 % à 9,8 %. Donc, substantiellement, cette transaction-là, qui était mécanique, pour éviter qu'on dépasse le seuil d'initié, maintenait essentiellement la participation d'Investissement Québec dans RONA en pourcentage.

Donc, c'est la seule transaction qui a été effectuée sur le titre de RONA pendant la période où j'ai été président-directeur général d'Investissement Québec. Je dirais, par ailleurs, qu'au-delà de cette transaction-là, dans les 14 mois que j'étais là, il n'y a pas eu de recommandation par la direction d'Investissement Québec ou de demande par le conseil d'administration d'Investissement Québec de remettre en question la présence ou la détention, par Investissement Québec, des actions de RONA.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert, pour votre présentation. Nous allons maintenant passer à la période d'échange. Je débuterais avec la partie ministérielle. Je crois que M. le député de Laval-des-Rapides veut parler le premier. En vous rappelant que le groupe parlementaire ministériel, vous avez 23 min 30 s. Faites-moi signe si vous voulez avoir un autre interlocuteur. Je commence avec M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Parfait. M. le Président, je sais que vous l'avez fait par le passé, en fonction de la longueur des questions, vous permettez aussi une certaine longueur des réponses. Donc, j'imagine que vous allez procéder de la même façon.

Bienvenue, M. Albert. Je souhaite également la bienvenue à mes collègues ministériels et des oppositions et, bien sûr, à tous ceux qui nous écoutent ce matin. M. Albert, vous nous avez expliqué un peu la démarche, pendant que vous étiez en poste, de la vente de 1 million d'actions de RONA. Je souhaite un peu plus comprendre la mécanique derrière cette vente-là à l'époque parce que vous êtes à même de constater qu'il y a des nouveaux éléments qui ont été divulgués la semaine dernière, donc. Et vous avez amené un élément intéressant aussi dans votre propos, que le conseil d'administration ne s'est pas opposé à la vente de ces actions-là à ce moment-là.

Donc, je commencerais par vous demander : Dans la mécanique, puisque c'était dans le cours des choses pour, justement, ne pas dépasser le seuil d'initié, le seuil de 10 %, parce qu'il y a des obligations qui viennent avec un seuil de 10 %, peut-être expliquer pour mes collègues quelles sont les obligations une fois que vous dépassiez, en tant que détenteur d'actions, le seuil de 10 %, quelles sont les obligations qui viennent avec le fait de dépasser le seuil de 10 %.

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Albert (Mario) : Oui, M. le Président. Quand on dépasse le seuil de 10 %, on est obligé de s'inscrire sur le système électronique de déclaration des initiés. Donc, la détention des actions devient publique, et toute transaction qui est faite subséquemment doit être divulguée. Et, souvent, une entreprise comme Investissement Québec ne souhaitera pas être publique au niveau de sa détention, tout simplement parce que sa présence ou les transactions qu'elle peut effectuer vont avoir un impact sur la valeur du titre.

Par exemple, pour certains investisseurs, si le gouvernement augmente sa présence, ça peut être un signal que le gouvernement veut accroître son emprise sur la société et ça peut réduire la liquidité sur le titre. Certains investisseurs peuvent dire : Non, je ne suis pas intéressé à investir dans ce titre-là parce que le gouvernement va bloquer. Et il faut se souvenir qu'à l'époque l'intention de la direction de RONA, c'était d'augmenter la valeur de l'action pour se protéger contre une offre d'achat hostile. Donc, c'était considéré souhaitable de rester en bas du seuil de 10 % pour que les mouvements de titres, les mouvements de détention d'Investissement Québec n'aient pas d'impact sur la valeur du titre.

M. Polo : En effet. En effet.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Donc, ce que j'en comprends, c'est qu'une fois... si le seuil avait été dépassé, à ce moment-là toute transaction d'Investissement Québec sur le titre de RONA aurait, si on peut dire, été annoncée publiquement, aurait été divulguée publiquement selon les canaux de communication, là, utilisés dans l'industrie, et, à ce moment-là, ça oblige un lien politique entre la décision d'achat ou de vente ou, à tout le moins, de répondre parce qu'il y a un lien public ou une information qui doit être rendue publique à ce moment-là. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Albert (Mario) : Absolument. Absolument.

M. Polo : Parfait. Parfait.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Polo : Excellent. Excellent. Donc, puisqu'à ce moment-là la décision a été de rester sous ce seuil-là, est-ce que le conseil d'administration a été consulté, a été avisé à ce moment-là? Est-ce que c'est une décision courante? Parce que, des fois, il y a des transactions courantes qui se font, là, dans la gestion des portefeuilles, est-ce que c'était une transaction courante prévue à même le mandat initial? Dans le décret initial, si on peut dire, est-ce que c'était prédéterminé qu'Investissement Québec voulait rester en dessous du seuil de 10 %?

M. Albert (Mario) : Oui. Écoutez, sur la mécanique, ce qui est arrivé suite à l'annonce, par RONA, de sa volonté de racheter une partie de ses actions, c'est le Comité de gestion des risques d'Investissement Québec qui a été saisi de ça. Il faut comprendre qu'une détention de 160 millions de dollars d'actions de RONA sur un portefeuille de 2,5 millions, c'est un montant très important. Donc, le Comité de gestion des... Et il y a toujours le risque que le titre diminue, ce qui aurait affecté le rendement de la société. Donc, la position du Comité de gestion des risques, à l'époque, c'était de dire: On n'a pas à détenir nécessairement plus d'actions de RONA que nécessaire pour créer une minorité de blocage. Donc, c'est une recommandation du Comité de gestion des risques d'Investissement Québec au conseil d'administration de vendre une partie, de vendre un bloc d'actions de 1 million d'actions pour, encore une fois, rester sous le seuil de 10 %, mais rester juste sous le seuil de 10 %. Donc, à l'interne, c'est un peu de cette façon-là que la décision s'est faite.

Maintenant, sur le seuil de 10 % — et c'était vraiment la stratégie — ce que je comprends... Évidemment, ces choses-là ont été décidées avant que j'arrive à Investissement Québec, mais ma compréhension, à la lecture des procès-verbaux des réunions du C.A. qui ont précédé mon arrivée, c'est que la stratégie était vraiment de rester à 9,9 %, sous le seuil d'initié.

En ce qui concerne le décret, le décret était confidentiel. Je ne l'ai pas vu, donc je ne peux pas vous dire si ça faisait partie du décret, mais ça faisait clairement partie de la stratégie qui avait été discutée entre mon prédécesseur et le ministre des Finances de l'époque. Ce que je comprends, ces choses-là avaient été discutées avec le ministre, et tout le monde était d'accord avec l'approche qui était suivie par Investissement Québec à l'époque.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. Toujours sur la mécanique non seulement de vente, mais également, là, de gestion, une fois que l'achat a été effectué, M. Albert, quelle est la différence d'avoir utilisé les fonds propres versus d'autres mécanismes, d'autres façons d'acquérir les actions à même Investissement Québec? Quelle est la nuance? Quelle est la différence importante? Et quelles sont les... si on peut dire, la marge de manoeuvre et les contraintes, ou les non-contraintes, ou la liberté que ça emploie ou que ça donne à Investissement Québec de détenir des actions de RONA sous cette forme-là?

M. Albert (Mario) : En termes de protection, M. le Président, de RONA puis du siège social, ça n'a aucun impact, un dollar est un dollar. Une action détenue par Investissement Québec, fonds propres ou Investissement Québec, Fonds de développement économique, ça n'a pas de différence. C'est clair que, pour la société, il y en a une. Si, par exemple, l'action de RONA perd énormément de valeur, bien, si c'est dans les fonds propres, ça va affecter directement le bénéfice de la société, alors que, si ça provient du Fonds de développement économique, bien, c'est le gouvernement qui va être affecté par la perte de valeur. Donc, c'est la nuance.

Bon, à l'époque, pourquoi ça a été fait dans les fonds propres plutôt que dans le Fonds de développement économique, je ne pourrais pas vous le dire, je n'étais pas là. Mais c'est clair que la situation au moment où je suis arrivé, c'est que cette transaction-là avait été faite dans les fonds propres d'Investissement Québec.

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Polo : Merci, M. le Président. Ce que j'en comprends, c'est qu'en utilisant les fonds propres, indépendamment que vous ayez fait partie de la décision initiale ou pas, l'utilisation des fonds propres, dans l'acquisition des actions de RONA, vous donnait une plus grande autonomie.

M. Albert (Mario) : Oui. Oui, c'est sûr que...

M. Polo : C'est ce que le rapport de la Vérificatrice générale laisse sous-entendre... ou explique dans son rapport.

M. Albert (Mario) : Oui, c'est clair qu'il y a une plus grande autonomie, mais pas une autonomie complète parce que, comme vous le savez, toute transaction à l'intérieur des fonds propres d'Investissement Québec qui dépasse 2,5 % de l'actif de la société doit être approuvée par le gouvernement. Et c'est le cas dans cette transaction-là, 2,5 %, c'est environ 60 millions. Donc, toute transaction à Investissement Québec supérieure à 60 millions doit être portée à la connaissance du gouvernement, qui doit l'approuver.

Donc, en procédant par les fonds propres, on ne s'éloignait pas, si on veut, là, de l'obligation d'avoir à en parler au gouvernement et d'avoir l'approbation du gouvernement pour effectuer cette transaction-là. Mais c'est clair qu'il y a quand même un peu plus d'autonomie quand c'est les fonds propres d'Investissement Québec. Par exemple, au niveau de la vente d'un bloc d'actions par Investissement Québec, comme ça a été le cas, 1 million d'actions, en novembre 2013, on n'a pas eu à demander la permission au gouvernement pour le faire. Maintenant, ce n'est pas interdit de demander la permission au gouvernement, mais, dans ce cas-là, ça n'a pas été fait parce que c'était une décision purement mécanique, ça ne remettait pas en cause l'objectif de maintenir la participation d'Investissement Québec juste en bas du seuil de 10 %.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Bon, vous comprenez que vous venez d'expliquer, effectivement, là, le mécanisme de reddition de comptes ou pas. Vous avez pris connaissance des propos de la Vérificatrice générale sur le processus en tant que tel. Qu'en pensez-vous à ce niveau-là? Est-ce qu'il est nécessaire selon vous? Est-ce qu'il serait utile, il serait important de se pencher... Puis je sais que la Vérificatrice générale aura l'occasion, là, d'être interpelée à ce niveau-là, qu'avez-vous à dire par rapport à l'utilité ou la pertinence, là, de...

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

• (9 h 50) •

M. Albert (Mario) : Oui. Bien, écoutez, j'ai pris connaissance rapidement du rapport de la Vérificatrice générale sur Investissement Québec. Écoutez, je ne suis pas en poste à Investissement Québec, je ne lis plus ces documents-là mot à mot, là. Moi, je dirais que c'est clair que, dans le cas d'une transaction d'importance qui a un impact économique important pour le Québec, il serait souhaitable qu'il y ait consultation entre Investissement Québec et le ministre des Finances.

D'ailleurs, l'article 4 de la Loi d'Investissement Québec dit : «La société a pour mission de contribuer au développement économique du Québec conformément à la politique économique du gouvernement.» Donc, on peut lire cet article-là de différentes façons, mais, dans ma tête à moi, dans des gestes majeurs à Investissement Québec, au-delà du fait que légalement il n'y a pas d'obligation de consulter le ministre sur une transaction de façon à s'assurer qu'on est conforme à la politique du gouvernement, ça peut être souhaitable de consulter quand on juge que c'est une transaction importante.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. En effet, donc, lorsque vous avez procédé, là, à la vente d'un million d'actions, là, en 2014, vous avez informé le conseil d'administration, mais vous n'avez pas eu à consulter le politique ou à informer le politique de cette transaction-là comme telle.

M. Albert (Mario) : Non, parce que, de notre point de vue, il n'y avait pas de changement d'orientation, l'objectif étant de maintenir la détention d'Investissement Québec aux alentours de 10 %, tout près de 10 %. Suite à la vente du bloc d'actions, c'est ce qui se produisait, on restait à 9,8 % au lieu de 9,9 %. Donc, il n'y avait pas de changement d'orientation.

Je rappelle aussi qu'à l'époque il y avait un représentant du ministère du Développement économique qui était membre du conseil d'administration d'Investissement Québec, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Donc, pour une décision mécanique comme ça, bon, on présumait aussi peut-être que le représentant du ministère informerait le ministre de la transaction. Évidemment, si la disposition d'actions avait remis en cause substantiellement la présence d'Investissement Québec, ça aurait pu, à ce moment-là, être une approche différente.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui, M. le Président. J'aimerais savoir, M. Albert, entre le moment où, bon, vous êtes arrivé en poste — l'action de RONA faisait déjà partie du portefeuille d'investissement d'IQ, d'Investissement Québec — et le moment où vous avez quitté, dans vos échanges avec le comité d'analyse d'évaluation de risques du portefeuille... Parce que vous avez mentionné antérieurement que c'était une position substantielle, là, 160 millions sur un portefeuille d'à peu près, quoi, 2,5 milliards en question, quels étaient... Vous avez été là quand même pendant... P.D.G. pendant plus que 12 mois... ou à peu près, presque 12 mois, quels étaient vos entretiens, et les discussions, et peut-être certaines des... Au-delà de la décision politique, quelle était l'évaluation de risques? Compte tenu de la position de RONA dans votre portefeuille à l'époque, quelle était l'évaluation du risque de cette action-là, compte tenu de toutes les circonstances pendant la période où vous avez été P.D.G. à l'époque?

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Albert (Mario) : Bien, écoutez, c'est relativement simple, le Comité de gestion des risques, évidemment, regarde l'impact que pourrait avoir sur les bénéfices de la société une baisse de la valeur de l'action de RONA. Les actions étaient achetées environ, en moyenne, là... Ça s'est fait, comme j'ai mentionné tantôt, en plusieurs transactions. Donc, le prix moyen à l'acquisition était d'environ 13 $. La situation de RONA était quand même assez difficile. Même si les choses se sont quand même améliorées, là, suite à la mise en place d'un plan de restructuration, il y a toujours le risque que la valeur de l'action diminue substantiellement, passe, par exemple, à 7 $, 6 $. Évidemment, c'est tous des scénarios un peu théoriques, là, mais c'est le risque.

Règle de pouce, par exemple, si l'action de RONA perd la moitié de sa valeur, c'est un impact d'environ 80 millions pour la société, à peu près la moitié de la valeur du placement. Investissement Québec est une société qui faisait à l'époque — puis là je n'ai pas tous les chiffres en tête — un bénéfice d'environ 50 millions, un peu plus en 2014‑2015. Donc, c'est clair que le simple fait d'avoir un placement de cette taille-là — qui est toujours à risque parce que c'est acheté au marché — pouvait avoir un impact important sur les bénéfices de la société. C'est pour ça que je mentionnais tantôt que la volonté, c'était de ne pas en détenir nécessairement plus que nécessaire pour être capable de maintenir, avec d'autres investisseurs québécois, une minorité de blocage. Mais c'est essentiellement ça, le risque qui était évalué, c'était l'impact que pourrait avoir une perte de valeur de titre de RONA sur les bénéfices de la société.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. M. Albert, en fonction des états financiers, en fonction des résultats trimestriels, en fonction de la performance du plan d'expansion ou du plan stratégique de RONA, en fonction de la lecture du bilan pendant la période de 12 mois et par les membres de votre Comité, là, de gestion de risques, quelle était l'évaluation du risque? Au-delà de décider de ne pas augmenter la position de RONA à même votre portefeuille, quelle était l'évaluation comme telle de l'action comparativement à l'ensemble des positions d'Investissement Québec?

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Polo : Et je vais préciser encore plus, je veux qu'on retire la décision politique, et je voudrais entendre de votre part l'analyse financière de cette position-là à même votre portefeuille.

M. Albert (Mario) : Oui. Écoutez, vous passez mon cerveau au papier sablé, là. Ça fait quand même deux ans, là, que j'ai quitté Investissement Québec. Il y a eu, effectivement, certains... il y a eu des évaluations faites à l'intérieur d'Investissement Québec du titre de RONA. Il y a eu des rapports présentés à au moins une reprise au conseil d'administration. Le C.A. avait demandé d'avoir une espèce de bilan des actions de RONA.

Moi, ce que je retiens, mes souvenirs des discussions à l'époque, c'est qu'effectivement il y a un plan de restructuration de RONA qui avait été mis en place. Ce plan-là donnait des résultats positifs. D'ailleurs, la valeur de l'action a progressé suite à la mise en place de ce plan-là. On se souviendra, RONA avait fait une succession de déficits, là, avant l'offre d'achat hostile de Lowe's et la mise en place d'un plan de restructuration, RONA était revenue dans une période de bénéfices. Ceci étant dit, la situation restait quand même assez difficile, là, hein? J'avais rencontré, moi, Robert Chevrier, le président du conseil d'administration, on avait échangé, là, sur la situation de RONA. Il s'estimait satisfait des progrès qui avaient été réalisés au niveau du plan de restructuration, mais exprimait quand même aussi des défis importants, là, pour vraiment, là, assurer la pleine valorisation de RONA.

Donc, je dirais que, dans l'ensemble, écoutez, le marché semblait relativement positif parce que la valeur du titre avait progressé de 12 $ environ à 14 $, 14,50 $. Même, je pense que ça a dépassé 15 $ à un moment donné pendant une brève période, mais ça restait une situation quand même assez difficile. Et ces choses-là peuvent bouger très rapidement, hein? Donc, pour le Comité de gestion des risques, le fait que l'action soit rendue à 14,50 $, 15 $, bon, c'est clair que c'était un développement positif, mais la situation de RONA, globalement, restait quand même assez sensible.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député.

M. Polo : Compte tenu que l'achat des actions de RONA était éminemment une décision politique à l'époque, est-ce qu'en fonction des discussions que vous aviez avec votre Comité de gestion de risques... est-ce que vous aviez un contact avec le politique à l'époque pour les informer de l'état de progression de cette position-là dans votre portefeuille et de l'éventualité, tôt ou tard, de se départir des actions de RONA, compte tenu que c'était une position importante et que peut-être elle dépassait — ce que j'ai cru comprendre — disons, la moyenne des positions que vous avez à même votre portefeuille? Et, compte tenu de la situation précaire que RONA avait vécue et qu'elle semblait se rétablir, et tout ça, et l'objectif, ce n'était pas de détenir RONA ad vitam aeternam, est-ce que vous avez eu des discussions avec le politique à l'époque ou avec le conseil d'administration pour, éventuellement, identifier un plan ou une porte de sortie sur cette position-là à terme?

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Albert (Mario) : Pendant la période que j'ai été là, il n'y a pas eu de discussion, autant que je me souviens, avec le gouvernement sur la situation de RONA. Je pense qu'il y avait un plan qui était en place, il y avait une certaine stabilité dans ce plan-là. La Caisse de dépôt, Investissement Québec, le Fonds de solidarité, etc., la situation était stable, leur détention d'actif était stable, la détention de titres dans RONA était stable, donc il n'y a pas eu de discussion, à mon souvenir. Bon, peut-être, à un moment donné, dans une rencontre avec le ministre, un petit «touch-and-go», là, sur RONA, mais, systématiquement, faire une présentation au ministre des Finances sur la situation de RONA, ça n'a pas été demandé et ça n'a pas été proposé par Investissement Québec. On était satisfaits, là, de la situation de RONA, là, on ne voyait pas d'enjeu. Au-delà, évidemment, des risques internes, là, au niveau de l'ampleur du placement, là, puis ce que ça pouvait impliquer pour le bénéfice de la société, on ne voyait pas de raison de le faire.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Combien de minutes?

Le Président (M. Cousineau) : Il vous reste 4 min 9 s.

• (10 heures) •

M. Polo : Dans l'éventualité où le résultat final des négociations qui ont eu lieu, là, au début de cette année et qui ont abouti dans la transaction RONA et Lowe's, si ces discussions-là, si ces négociations-là étaient arrivées sous votre mandat, à votre époque, quelle aurait été la séquence des événements, à ce moment-là, que vous auriez mis en place, une fois que vous auriez pris connaissance de la décision du conseil de RONA et de Lowe's d'en arriver à une entente conjointe, là? Juste pour comprendre comment vous auriez géré, à ce moment-là, vous, la situation à l'époque.

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Albert (Mario) : Ah! ça, c'est un peu une question difficile parce qu'évidemment, ne connaissant pas les faits détaillés, là, de... Évidemment, c'est une offre substantiellement différente de la première, à 24 $... Une offre d'achat consensuelle, en passant, là, qui est... C'est une négociation, là, ce n'est pas une offre d'achat hostile à 24 $. Quelle aurait été la position d'Investissement Québec? Honnêtement, j'aime autant ne pas me prononcer là-dessus parce qu'il faut avoir les faits, là.

Et je reviens un peu à ce que je disais tantôt, on n'a pas jugé bon, à l'époque, d'en parler au ministre parce qu'on considérait que c'était la poursuite de la stratégie qui avait été décidée avec le ministre. C'est clair que, disposer du bloc d'actions de RONA, on nous aurait probablement recommandé de consulter le ministre dans l'esprit de l'article 4 de la Loi d'Investissement Québec, là, pour s'assurer que c'est compatible avec les orientations économiques du gouvernement.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Je pense que ma collègue de Fabre a une petite question pour vous, M. Albert.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Fabre, 2 min 30 s.

Mme Sauvé : Je ne prendrai pas tout ce temps. Merci, M. le Président, chers collègues. M. Albert, j'avais une question reliée à la gouvernance du conseil d'administration d'Investissement Québec pour la période où vous avez été là. Pour arriver à la résolution à l'unanimité, la décision unanime du conseil d'administration de vendre un million d'actions de RONA, il y a, évidemment, eu un dépôt... Vous avez expliqué la situation, vous avez légitimé tantôt la décision qui a été prise. Je voudrais vous entendre un peu sur la nature d'un document qui peut être déposé au conseil d'administration pour soutenir de façon substantielle la réflexion et la décision telle que... à l'unanimité.

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Albert (Mario) : Oui. De mémoire, la façon dont ça a procédé, ça avait été discuté avant le conseil — je pense, même, le matin du conseil, mais ça, je ne peux pas vous l'assurer — au Comité de gestion des risques. Le président du Comité de gestion des risques a probablement fait une présentation au conseil sur la question, et, de mémoire, je pense qu'un court document avait été déposé au conseil, là, présentant les paramètres de la proposition de RONA de racheter les actions et les implications mécaniques, là, en termes de détention pour Investissement Québec. C'est la mémoire que j'en ai. Je n'ai pas ces documents-là, là, mais, de mémoire, c'est la façon dont ça avait procédé.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. Une minute, Mme la députée.

Mme Sauvé : Non, ça va aller pour moi.

Le Président (M. Cousineau) : Il reste une minute. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Ce que j'en comprends, M. le Président, c'est que le décret a été publié hier dans la Gazette officielle, là, si je ne me trompe pas. Est-ce que vous pourriez me confirmer cette information-là, M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : Qu'est-ce que vous demandez?

M. Polo : Le décret. Bien, une partie?

Le Président (M. Cousineau) : Moi, je ne peux pas vous confirmer, là, il faudrait qu'on vérifie.

M. Polo : Donc, ce que j'en comprends, M. Albert, c'est que, pour vous, il est très clair que se départir des actions de RONA, à votre époque, vous auriez eu, à ce moment-là, à avoir un contact avec le politique et n'avoir pas juste un... Un contact ou une approbation? Faites-nous la distinction, là, à ce niveau-là. Est-ce que c'est informer? Est-ce que c'est par courtoisie? Est-ce que c'est...

Le Président (M. Cousineau) : C'est tout le temps... Une réponse rapide, M. Albert.

M. Albert (Mario) : Bien, dans l'esprit de l'article 4 de la Loi d'Investissement Québec, ça aurait été une consultation. Et, dans l'éventualité où le ministre n'aurait pas été favorable ou le gouvernement n'aurait pas été favorable à la vente d'actions, je pense que l'approche aurait été de revenir au conseil d'administration, de l'informer de la position du gouvernement et, à ce moment-là, de laisser le conseil d'administration se positionner à la lumière de la position du gouvernement.

Évidemment, le conseil d'administration d'Investissement Québec est souverain à l'égard de l'utilisation des fonds propres. Mais de prendre en compte comme élément d'information la position du ministre, moi, je pense que c'est quelque chose qui aurait été souhaitable, là, par le conseil d'administration.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. Concernant le décret, M. le député de Laval-des-Rapides, on va sortir le décret en question, qui a paru dans la Gazette officielle hier, et on le distribuera à l'ensemble des députés de la commission pour fins d'information.

Alors, ça se passe bien, M. Albert. Vous faites bien ça, vous êtes un bon élève. Les questions sont courtes, les réponses sont courtes. Alors, je vais passer maintenant la parole à l'opposition officielle pour les 14 prochaines minutes. Je crois que c'est M. le député de Sanguinet. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je salue tout le monde, là. Bonjour, M. Albert. Écoutez, la question qui a été posée : Ça aurait été quoi, votre opinion sur la vente de RONA?, malheureusement, on n'avait plus d'actions. Alors, cette question-là est caduque parce qu'on s'est enlevé le pouvoir d'amener, justement, le gouvernement à se positionner dans une vente éventuelle de RONA. On n'avait plus le choix, on n'avait plus d'actions. Donc, question qui est peu pertinente pour vous.

Question par rapport au fait que vous auriez demandé une consultation auprès du gouvernement si vous aviez voulu vendre les actions. Vous parlez de fonds propres et de Fonds de développement économique, là, deux fonds distincts. Si ça avait été inclus dans le Fonds de développement économique, d'abord vous n'auriez pas eu de pression sur, justement, un désir de rentabilité puis d'éviter la volatilité. Si ça avait été dans le Fonds de développement économique, vous n'auriez pas eu ce problème-là. Et, de facto, si ça avait été dans le Fonds de développement économique, je pense que le gouvernement aurait eu plus de pouvoir sur votre prise de décision. Est-ce que je me trompe si je dis ça ou...

M. Albert (Mario) : Bien, la décision sur la disposition et l'acquisition des actions de RONA serait revenue entièrement au gouvernement. Dans le Fonds de développement économique, le décideur, ce n'est pas le conseil d'administration d'Investissement Québec, c'est le gouvernement.

M. Therrien : Bon, ma question est de savoir pourquoi on a fait les achats avec les fonds propres au lieu du Fonds de développement économique?

M. Albert (Mario) : Écoutez, je ne peux pas répondre à cette question-là, je n'étais pas dans les discussions à l'époque, là. Tout ce que je pourrais dire là-dessus, c'est de la spéculation, là, je ne peux pas vous le dire.

M. Therrien : O.K. Donc, ça aurait été intéressant de savoir pourquoi on a décidé d'acheter avec les fonds propres, et c'est sûrement le P.D.G. d'Investissement Québec de l'époque qui pourrait répondre à cette question-là.

M. Albert (Mario) : Bien, écoutez, il était là, je n'y étais pas.

M. Therrien : O.K. Bon, ça marche. Donc, M. Daoust pourrait nous informer là-dessus. C'est une information précieuse parce que ça aurait été de facto un pouvoir gouvernemental évident si ça avait été le Fonds de développement économique. Malheureusement, la décision a été prise autrement.

Par contre, vous avez parlé de décret. Vous n'avez jamais vu le décret comme tel, je pense. C'est ce que vous avez dit tantôt.

M. Albert (Mario) : Le décret était confidentiel, donc n'a pas été publié. Donc, on n'a pas eu copie du décret.

M. Therrien : O.K. Donc, on ne sait pas s'il y a une date d'expiration, s'il y a une limite temporelle au décret, on ne sait rien de ça.

M. Albert (Mario) : Bien, la portée du décret, c'était d'approuver une détention ou une transaction supérieure à 2,5 % de l'actif net d'Investissement Québec. C'est clair que le message qui a été relayé, c'est que ça avait été approuvé par le Conseil des ministres, mais les détails du décret, en tout cas à ma connaissance... Évidemment, c'est un décret qui a été passé avant que j'arrive à Investissement Québec. Ce qu'on m'a dit à l'époque, c'est que ce décret-là était confidentiel, et on ne l'avait pas.

M. Therrien : O.K. Bien, en tout cas, les conclusions de ce décret-là, si on dit, là, techniquement, c'est avoir une minorité de blocage. On sait que le gouvernement de Charest, M. Charest, avait insisté sur ce blocage-là, le gouvernement du Parti québécois aussi.

Dans les documents d'Investissement Québec, le 14 janvier 2013, le président de l'époque, M. Daoust, informe les membres du C.A. qu'il a discuté du dossier RONA avec le ministre des Finances et de l'Économie, M. Nicolas Marceau, et indique que la position du nouveau gouvernement est la même que celle du gouvernement précédent et qu'il y a donc lieu de continuer d'acquérir des actions de RONA. Donc, le président de l'époque va dire à son conseil d'administration et juge nécessaire de dire qu'il faut acheter des actions de RONA parce que c'est une décision politique. Par contre, il nous dit plus tard que ce n'est pas pertinent d'avoir l'avis du ministre en place pour les vendre. Donc, pour les acheter, on dit au conseil d'administration que le gouvernement veut qu'on achète des actions, mais, quand il s'agit de les vendre, on n'a plus besoin de l'avis du gouvernement.

Le Président (M. Cousineau) : Juste un petit rappel, M. le député de Sanguinet, il faut parler de M. le député de Rousseau, et non pas...

M. Therrien : Ah oui! Désolé, c'est parce que je faisais une citation, là, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, oui, je comprends.

M. Albert (Mario) : M. le Président, la Loi d'Investissement Québec est ainsi faite que, quand on prend un risque, il faut demander la permission du gouvernement et, quand on dérisque, quand on dispose d'un placement, on n'a pas à le faire. Maintenant, je ne dis pas que c'est correct ou ce n'est pas correct, je dis simplement que c'est ça.

Donc, effectivement, pour acquérir des actions de RONA à hauteur que souhaitait le faire Investissement Québec, il fallait l'approbation du gouvernement. Légalement, pour vendre les titres de RONA, on n'a pas besoin de l'approbation du gouvernement formelle. Évidemment, ça n'empêche pas, comme je le mentionnais tantôt, qu'on puisse souhaiter consulter le ministre pour avoir la position du gouvernement, mais légalement on n'a pas à le faire.

M. Therrien : Mais vous mentionniez tantôt que, quand vous avez vendu les actions, vous avez pris la peine de mentionner que ça ne mettait pas en péril la minorité de blocage et donc que c'est pour ça que vous n'aviez pas avisé le ministre de l'époque. Mais, d'après ce que vous avez dit, c'est clair que, si vous aviez opéré une vente qui aurait mis en péril et, finalement, brisé la minorité de blocage, vous auriez avisé ou vous auriez consulté le ministre. C'est ce que j'ai compris tantôt.

M. Albert (Mario) : La réponse, c'est oui.

M. Therrien : O.K. Écoutez, vous êtes arrivé en 2013, vous avez été un petit bout de temps avec le nouveau gouvernement. Est-ce que vous avez échangé du dossier de RONA avec le nouveau ministre qui venait d'être mis en place en 2014? Est-ce qu'on a discuté de ça soit avec l'appareil administratif ou avec l'appareil politique? Est-ce que vous avez eu des discussions avec eux?

• (10 h 10) •

M. Albert (Mario) : Il n'y a pas eu de discussion avec le nouveau gouvernement sur RONA, d'aucune façon. De ma part, en tout cas.

M. Therrien : O.K. Quand vous parlez au ministère — je parle, le président-directeur général — vous vous adressez à qui généralement?

M. Albert (Mario) : Ça peut varier, chaque ministre va avoir ses canaux de communication. Quand je parle au ministère, ça peut être au sous-ministre. Souvent, sur les dossiers plus techniques, sur les enjeux d'orientation, ça va le plus souvent au chef de cabinet. À l'époque où j'étais là, il y avait des réunions statutaires entre l'appareil d'Investissement Québec et les ministres. Parce qu'il y avait deux ministres, il y avait Mme Zakaïb à l'époque et il y avait M. Marceau. Donc, dépendant des dossiers, on faisait affaire avec les deux. J'ai eu beaucoup d'appels du chef de cabinet, et, quand j'avais des questions pour le ministre, la plupart du temps on passait par le chef de cabinet.

M. Therrien : C'est ça. Généralement, le canal de consultation au niveau politique, c'était le chef de cabinet, puis là vous espériez, évidemment... Quand vous parliez au chef de cabinet puis avoir l'avis du ministre, vous vous attendiez à ce que le chef de cabinet parle au ministre?

M. Albert (Mario) : Bien, à l'époque, on avait un accès assez facile au ministre, hein? Il y avait, à chaque deux semaines, des réunions statutaires. Deux semaines, trois semaines, il pouvait y avoir un peu de variance, là, mais il y avait des réunions statutaires avec le ministre pour les dossiers. Je n'étais pas toujours là, j'étais là des fois. Des fois, c'était Yves Lafrance, qui était responsable du Fonds de développement économique, qui était aux réunions. Mais on avait un accès assez direct au ministre. Donc, on peut penser que, dans un dossier comme RONA, compte tenu de la façon de fonctionner de l'époque, que ça aurait pu se faire par le biais de ces réunions statutaires là ou encore par le biais du chef de cabinet, avec qui on avait des discussions courantes, là, oui.

M. Therrien : O.K. Donc, vous rencontriez quelquefois le ministre, mais, la plupart du temps, vous passiez par le chef de cabinet.

M. Albert (Mario) : Très souvent.

M. Therrien : Est-ce que vous avez l'impression que, des fois, dans un dossier comme RONA, qui est un dossier quand même très, très important pour un gouvernement au niveau économique, là, est-ce que vous avez comme l'impression, des fois, que le chef de cabinet, là, allait faire un tour en haut, au bureau du chef? Avez-vous cette impression-là, des fois? Parce que le décret avait été une volonté du gouvernement, là.

M. Albert (Mario) : Bien, là-dessus, je dirais, en passant par le chef de cabinet, c'est clair qu'on ne souhaite pas avoir l'opinion personnelle du chef de cabinet, on souhaite avoir l'opinion du ministre. Donc, pour la suite des choses, c'est en dehors de notre contrôle, mais c'est clair que la mécanique de passer par le chef de cabinet, c'est une façon correcte, là, d'atteindre le ministre.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : O.K. Dans les rencontres statutaires, est-ce qu'il y avait un ordre du jour?

M. Albert (Mario) : Oui, il y avait toujours des ordres du jour, il y avait la liste des dossiers qui devaient être discutés.

M. Therrien : O.K. Et, écoutez, dans le dossier de RONA, là, je veux dire, je vous ai posé la question de façon un peu large, là, mais on s'attend, là, dans un dossier comme ça, que le chef de cabinet, là, il aille directement en haut, là, si... Surtout s'il s'agit d'une vente comme ça, on s'attend à ce que le chef de cabinet, là, passe par ces deux canaux, là, d'abord le ministre, mais aussi aller en haut voir qu'est-ce qui se passe au niveau du chef de cabinet du premier ministre. Je ne peux pas croire que le chef de cabinet du premier ministre n'a pas été avisé dans le cas de RONA.

M. Albert (Mario) : Écoutez, je n'ai pas d'opinion sur cette partie-là. C'est clair que l'intention d'Investissement Québec ou mon intention quand j'appelle le chef de cabinet, c'est d'avoir l'opinion du ministre. Maintenant, de l'autre côté, c'est un bout que je ne contrôle pas, ça. Ça, je ne veux pas me prononcer là-dessus, là. Qui décide de demander à qui, ça, je laisse ça entre les mains de ceux à qui on a posé la question.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Bien, tu sais, il serait possible qu'on... en tout cas, possible et probable que ces deux canaux de transmission là soient effectifs dans le cas d'une transaction aussi grosse que celle de RONA. C'est quand même une transaction de 140 millions de dollars qui a mis en péril un fleuron de l'économie québécoise, là. Je ne peux pas croire...

M. Albert (Mario) : Je n'ai pas d'opinion là-dessus, M. le député, là. Ça, c'est... vous comprendrez.

M. Therrien : O.K. Écoutez, vous parliez tantôt du 9,9 %. On a entendu, à un moment donné, dire qu'il y avait eu des ventes d'actions durant le mandat du Parti québécois, puis là vous avez démenti clairement que ces ventes d'actions là n'avaient pas été commandées par le gouvernement, mais vous aviez été de bon aloi, vous l'aviez fait parce que ça ne mettait pas en péril la minorité de blocage.

La vente, par la suite, de RONA, si elle avait été dans une situation... Même si vous dites qu'il y avait des avantages comparativement à un achat hostile, bien, la vente de RONA, si on avait eu des actions comme on en avait à l'époque, 9,9 %, est-ce que le gouvernement, un, aurait été en position de bloquer la transaction? Deux, est-ce que le gouvernement aurait pu demander des conditions qui auraient permis de protéger des fournisseurs québécois, et des emplois au Québec, et éventuellement le siège social? Est-ce que ça aurait été une possibilité pour le gouvernement de pouvoir négocier ce genre de choses là?

M. Albert (Mario) : Bien, c'est clair que le gouvernement aurait été en meilleure position. Mais là on spécule, on s'entend, là, est-ce que Lowe's aurait souhaité... est-ce qu'il aurait été intéressé à faire une entente avec RONA si des investisseurs institutionnels québécois, des investisseurs, des particuliers québécois avaient détenu plus de 33 % des actions? On peut se poser la question parce que, bien, ce que je mentionnais tantôt, ça limite la portée de la transaction. Par contre, on voit des acquisitions où les gens acceptent de ne pas avoir les deux tiers des actions, c'est-à-dire qu'ils vont prendre une majorité des actions, 52 %, 53 %, et dans l'espoir, avec le temps, d'aller chercher les autres actionnaires. Dans ce cas-là, avec la Caisse de dépôt et Investissement Québec, c'est clair qu'il y a des actionnaires qui auraient probablement, s'ils l'avaient souhaité, été très résilients à déposer leurs actions. Donc, c'est clair qu'on peut penser que le gouvernement aurait été en meilleure position pour bloquer ça.

Évidemment, une offre à 24 $, c'est une offre qui est intéressante pour certains des investisseurs institutionnels qui étaient en place, là. La Caisse de dépôt, par exemple, qui est un fonds de retraite, quand même, la caisse a fait beaucoup d'argent avec ce titre-là. Il y aurait eu des questions sérieuses à se poser à la Caisse de dépôt sur la meilleure approche à prendre. Est-ce qu'on conserve le titre ou pas? Est-ce qu'on privilégie de maintenir une minorité de blocage ou on réalise le gain, qui était quand même important? Mais, évidemment, c'est des spéculations, là. Ça, on peut réécrire l'histoire autour d'un bon café, là, mais, effectivement, le gouvernement aurait été probablement en meilleure position.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Taschereau, il vous reste deux minutes.

Mme Maltais : Alors, M. Albert, je vais être brève, puisque j'ai seulement deux minutes. Simplement, quand vous avez quitté la tête d'Investissement Québec, les actions de RONA n'étaient pas à vendre. Il n'y avait pas de plan de vente parce que — et vous l'avez dit tout à l'heure — le plan de restructuration semblait fonctionner. Donc, quand vous avez quitté, vous, il n'y avait aucune raison à vendre des actions de RONA ou à perdre cette minorité de blocage, et vous n'avez jamais non plus eu besoin ou senti le besoin d'en parler au nouveau gouvernement parce que le plan de restructuration fonctionnait, si je comprends bien.

M. Albert (Mario) : Absolument. Il n'y avait pas de... Comme vous avez mentionné et que j'ai mentionné plus tôt, le plan de redressement, même si ce n'était pas parfait, semblait donner des résultats. Il restait des défis, mais, quand même, la valeur de l'action avait augmenté. Le dollar canadien n'avait pas encore commencé à chuter. C'est clair que ça, c'est un élément qui a changé la dynamique, hein? Donc, pour un acquéreur américain qui fonctionne en dollars américains, la baisse du dollar canadien a changé la dynamique de RONA. Donc, ils ont pu acquérir la compagnie avec...

Mme Maltais : ...pas sur l'américain, je parle du côté gouvernemental d'Investissement Québec, la détention d'actions de RONA n'était pas remise en question parce que le plan de restructuration fonctionnait.

M. Albert (Mario) : La réponse, c'est oui, le plan de restructuration et la détention des titres de RONA n'étaient pas remis en question quand j'ai quitté.

Mme Maltais : Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée. Ça termine le temps que nous avions pour l'opposition officielle. Alors, je cède maintenant la parole au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Granby pour 9 min 30 s. M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Albert. M. Albert, si je ne me trompe pas, quand vous avez remplacé Jacques Daoust en juillet 2013, il avait été annoncé que M. Daoust allait vous accompagner pendant presque six mois comme conseiller auprès de vous. C'est bien vrai?

M. Albert (Mario) : C'est ce qui avait été annoncé, oui.

M. Bonnardel : Est-ce qu'il vous a accompagné? Quelle a été la nature de son mandat jusqu'en décembre 2013? Est-ce que vous avez côtoyé, à tous les jours, toutes les semaines, M. Daoust? Est-ce que vous avez eu des rencontres avec lui?

M. Albert (Mario) : Il y a eu peu de rencontres avec M. Daoust. Écoutez, cette décision-là, ce n'était pas ma décision, ce n'était pas, je pense, la décision de M. Daoust, et, au plan pratique, c'était extrêmement difficile pour M. Daoust, pour moi, je dirais, de cohabiter. On ne peut pas être assis deux au bout de la table du comité de direction. Vous comprendrez que, quand on prend la tête d'une organisation comme Investissement Québec, bon, on souhaite avoir les coudées franches, on a notre vision des choses. Il y avait aussi un nouveau président du conseil, on avait entrepris de refaire un plan stratégique pour Investissement Québec, et, écoutez, M. Daoust était disponible pour toute question que je pouvais lui poser, mais il y a eu très peu d'échanges entre moi et M. Daoust au cours de cette période-là.

• (10 h 20) •

M. Bonnardel : Donc, si je comprends bien, M. Daoust était légèrement fâché de vous voir arriver, vous l'avez... Bon, c'est un peu normal, j'imagine. Mais, dans vos courtes discussions que vous avez eues pendant ces six mois, est-ce qu'il vous a parlé, donc, du mandat que M. Bachand lui avait donné d'acheter des actions? Parce que j'ai le décret ici, là, décret qui mentionne, comme vous l'avez mentionné, qu'Investissement Québec ne peut investir une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs et qu'Investissement Québec avait été autorisée à investir une somme qui ne pouvait pas excéder 250 millions de dollars. Est-ce qu'il vous a parlé de ça? Est-ce qu'il était content de ça? Pourquoi, dans des discussions avec l'ancien P.D.G., l'ancien P.D.G. de RONA disait que M. Daoust se foutait un peu de RONA? Est-ce que, dans vos courts échanges que vous avez eus pendant ces six mois, il vous a fait mention de ça?

M. Albert (Mario) : Il n'y a eu aucune discussion entre moi et M. Daoust sur RONA dans la période de transition de six mois, là, à Investissement Québec.

M. Bonnardel : Aucune discussion?

M. Albert (Mario) : Aucune discussion là-dessus.

M. Bonnardel : Donc, quand vous avez dit tantôt que vous avez vendu, en décembre 2013, un premier bloc...

M. Albert (Mario) : En décembre 2013, le 6 décembre, oui, 1 million d'actions.

M. Bonnardel : Décembre 2013, pour passer de 9,9 % à 9,8 %, M. Daoust, qui était, entre guillemets, votre conseiller, vous ne lui avez pas demandé l'autorisation, vous ne lui avez pas demandé : Qu'est-ce que tu en penses, on commence à vendre... Parce que, là, il ne faut pas oublier qu'on vient d'acheter pour 100 quelques millions de dollars d'actions. Un an plus tard, l'offre d'achat hostile est encore fraîche dans la mémoire de M. Daoust. Vous-même, vous le savez très bien que ça peut... Vous êtes un homme qui est en affaires puis qui connaissez la dynamique commerciale depuis longtemps, vous avez commencé ça puis vous n'avez pas demandé, donc, l'avis de M. Daoust.

M. Albert (Mario) : Monsieur, je vais être très transparent, dans les six mois de cohabitation, moi puis M. Daoust, on s'est parlé peut-être deux ou trois fois, et, après le mois de septembre 2013, je ne pense pas qu'on se soit parlé. C'était évident que, bon, j'étais à l'aise avec l'orientation qu'on prenait à Investissement Québec, le travail qu'on faisait sur le plan stratégique, la réorganisation de l'institution, je ne sentais pas le besoin de consulter M. Daoust et je ne crois pas que M. Daoust sentait le besoin de me faire part de ses... des opinions sur Investissement Québec.

M. Bonnardel : Donc, si je comprends bien, pas d'information à M. Daoust en décembre 2013, de courts échanges entre vous deux, deux, trois. Donc, pour vous, M. Daoust, c'était quoi, c'était un fantôme dans la bâtisse pendant ces six mois où vous ne l'avez pas vu?

M. Albert (Mario) : Il n'était pas dans la bâtisse.

M. Bonnardel : Vous ne savez pas s'il a eu un mandat spécifique, il est resté chez lui pendant ces six mois ou...

M. Albert (Mario) : M. Daoust n'était pas dans la bâtisse d'Investissement Québec.

M. Bonnardel : Donc, il était encore payé, mais il n'était pas présent pour vous conseiller, supposément comme les parlementaires, les Québécois l'ont lu, par l'entremise du gouvernement qui était en place. Donc, on a un ancien P.D.G. qui est un peu fâché, frustré, vous arrivez, puis vous le côtoyez, deux, trois fois, puis vous ne lui demandez pas du tout ce qui s'est passé suite au décret confidentiel, puis...

M. Albert (Mario) : Bien, écoutez, il y avait des gens qui étaient là à l'époque, et on avait les réunions, des décisions du Conseil des ministres. Il y avait toute l'équipe d'Investissement Québec qui avait fait le dossier de RONA entre bonnes mains, si on veut, hein, pour avoir l'information sur ce qui s'était passé à l'époque. Évidemment, je n'étais pas présent dans les discussions de l'époque, mais des gens comme Yves Lafrance, que vous allez rencontrer tantôt, Yves Bourque, Jean-Jacques Carrier, etc., avaient été de première main dans ces discussions-là. Je pense qu'il n'y avait pas de valeur ajoutée de consulter M. Daoust à ce moment-là.

M. Bonnardel : Puis les vice-présidents qui étaient là sous M. Daoust qui étaient encore là avec vous, tout ça, il n'y a personne qui vous émettait des commentaires à savoir M. Daoust était logiquement fâché de se faire imposer d'acheter pour 250 millions de valeur en termes d'actions. Puis là vous me dites : Moi, je n'ai pas eu de discussion avec lui sur RONA. Il y a l'ancien P.D.G. qui dit : Bien, M. Daoust se foutait de RONA, puis, si ça avait été juste de lui, pas de mandat spécifique du gouvernement, je pense qu'on l'aurait perdue immédiatement. Donc, personne dans l'entourage, là... C'est un fantôme qui est là pendant six mois, puis personne ne vous parle de la dernière année qui est encore toute fraîche pour les membres d'Investissement Québec.

M. Albert (Mario) : Très sincèrement, l'opinion de M. Daoust sur RONA, sur son manque d'intérêt pour RONA, si c'est le cas — évidemment, je n'étais pas là — ne m'apparaît pas très pertinente au dossier. L'objectif d'Investissement Québec, c'était de contribuer à créer une minorité de blocage, ce qui a été fait, de maintenir une détention des titres un petit peu en bas de 10 %. C'est là-dessus qu'on s'est concentrés, et tout le reste, à mon avis, c'est du folklore. Bon, les déclarations de M. Dutton sur les positions de M. Daoust, ça n'a pas été porté à ma connaissance pendant que j'étais président d'Investissement Québec. J'ai vu ça récemment dans les articles de presse quand M. Dutton a fait des commentaires. Et, dans ma tête, c'est un peu folklorique, tout ça, là, dans la mesure où est-ce que, nous, notre objectif, c'était, à l'époque, protection, minorité de blocage, et on se concentrait là-dessus.

M. Bonnardel : Est-ce que je comprends aussi que, dans la Gazette officielle, donc dans ce décret qui était confidentiel dans le temps, vous n'avez pas dépassé le 9,9... Vous auriez pu dépasser 9,9 % parce que vous aviez droit d'aller acheter jusqu'à 250 millions de dollars d'actions. Vous avez... Bien, vous avez... vous n'étiez pas là, mais Investissement Québec a pris la décision. J'imagine que les V.P. vous ont dit : On a le droit d'acheter jusqu'à 250 millions, on ne va pas dépasser x montant. Donc, ça va en lien avec le fameux 9,9%? C'est pour ça? Sinon...

M. Albert (Mario) : Absolument. Puis ça n'aurait pas été pertinent de le faire dans la mesure où est-ce que, pour avoir une minorité de blocage, c'était 33 %. Avec la caisse, Fonds de solidarité puis les détaillants qui détenaient des actifs de RONA, on atteignait cet objectif-là. Compte tenu des enjeux au niveau de la gestion des risques de l'organisation, aller plus loin que ça, ça aurait été en donner plus que le client en avait besoin, là. Donc, à 160 millions, c'était très correct puis c'était cohérent avec la décision du gouvernement de protéger RONA contre une offre d'achat hostile.

M. Bonnardel : Donc, dans la décision de commencer, M. le Président, à vendre comme un premier bloc, passer de 9,9 % à 9,8 %, est-ce que le conseil d'administration s'est penché là-dessus, ou vous avez pris la décision seul, ou c'est le C.A. vraiment?

M. Albert (Mario) : Non, non, c'est le conseil. C'est une décision du conseil. C'est une décision du conseil d'administration, oui.

M. Bonnardel : C'est le conseil d'administration, vraiment, qui a décidé ça. Mon collègue l'a mentionné, vous avez dit que, pour vous, si vous aviez à vendre plus d'actions ou de blocs d'actions pour être capable d'en arriver à vendre en partie... Parce que ce début de vente de blocs s'est fait, là, si je ne me trompe pas, à partir de novembre 2013, vous avez fait une seule transaction.

M. Albert (Mario) : ...2013.

M. Bonnardel : C'est ça. Est-ce que le conseil d'administration, dans votre première démarche, était déjà dans un mode de se dire : On va en vendre plus, là, on se prépare à ça? Est-ce que c'était le début?

M. Albert (Mario) : Non. De mémoire, il n'y a eu aucune... Comme j'ai mentionné dans ma déclaration au début, autant la direction d'Investissement Québec que le conseil d'administration n'ont jamais proposé, à l'époque, d'aller plus loin, de vendre le bloc d'actions de RONA. C'est clair qu'il y avait une préoccupation pour la gestion des risques, les impacts qu'une baisse de la valeur du titre pourrait avoir sur les bénéfices de la société, mais cette hypothèse-là de vendre davantage n'a pas été soulevée, à ma connaissance.

Le Président (M. Cousineau) : Dernière question, M. le député de Drummond.

M. Bonnardel : Oui, merci. Est-ce que, pour vous, c'était un point majeur quand je lis ici qu'un rapport du Comité de gestion des risques, auquel participait Louis Roquet, président du C.A., et Pierre Gabriel Côté, disait que l'impact sur les profits d'IQ résultant d'une baisse éventuelle de 20 % de son portefeuille boursier créerait une perte de 19 millions, une partie importante de cette baisse serait attribuable à RONA? Est-ce que c'était une inquiétude vraiment forte de la part du conseil d'administration et de vous-même à savoir on les garde, puis c'est de spéculation, c'est sur le public, donc on commence à s'en débarrasser immédiatement, même si l'offre d'achat hostile était toute fraîche?

M. Albert (Mario) : C'est un élément qui était dans la discussion quand il a été décidé de vendre 1 million d'actions. Je pense que ce point-là a été soulevé, mais ce n'était pas un point majeur. Ce n'était pas un point majeur à l'époque. Ça l'est peut-être devenu par après, mais à l'époque, pendant que j'étais là, ce n'était pas un enjeu majeur. La priorité, c'était de maintenir la participation à 9,9 %.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. Albert. Nous allons maintenant passer la parole au député de Mercier pour les trois prochaines minutes. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, M. le Président. M. Albert, en réponse à une question de mon collègue de Laval-des-Rapides sur le fait qu'aviez-vous, oui ou non, à consulter le gouvernement pour l'acquisition des actions de RONA, vous avez clairement dit que non parce que, de votre point de vue, il n'y avait pas de changement d'orientation de la politique du gouvernement sur le maintien des sièges sociaux, et donc vous trouviez, donc, important, dans ces grandes décisions, quand même d'éclairer vos décisions, des décisions de votre conseil d'administration au moins par l'opinion du gouvernement sans nécessairement prétendre que les décisions étaient uniquement en vertu de l'orientation. Ça, c'est très bien compris.

Donc, vous auriez, j'imagine... La question que je vous pose : Avec la venue d'un nouveau gouvernement en mars, avril 2014 et avec les orientations que ce gouvernement a clairement établies sur son intention de diminuer l'interventionnisme du gouvernement, une fois arrivée la période où, on a vu, une décision a été prise de vendre les actions de RONA en novembre 2014, est-ce que vous croyez plausible que la direction d'Investissement Québec ne consulte pas les plus hautes sphères du gouvernement et prenne une décision sans l'aval des plus hautes sphères du gouvernement?

• (10 h 30) •

Le Président (M. Cousineau) : M. Albert.

M. Albert (Mario) : Bien, écoutez, ce que j'en comprends — et je n'ai pas vu le procès-verbal qui rapporte la décision d'Investissement Québec, là, suite à la disposition du bloc d'actions — c'était la décision de vendre après consultation avec le gouvernement, et, probablement, c'est la même chose que j'aurais fait si j'avais été là.

C'est une décision importante. Je le répète, l'article 4, qui oblige Investissement Québec à être en cohérence avec les orientations économiques du gouvernement, moi, je pense que c'est de bonne guerre pour le conseil d'administration. Même si le conseil, légalement, a le pouvoir de vendre le bloc sans demander la permission du gouvernement, légalement, moi, je pense que, par souci de cohérence, c'était la bonne approche si c'est ça, effectivement, qui a été fait, de demander au gouvernement son opinion, son point de vue sur cette transaction-là.

Le Président (M. Cousineau) : Dernière question.

M. Khadir : Sachant que les actions détenues étaient détenues et achetées dans une perspective de minorité de blocage, et on comprend que la Caisse de dépôt et ses investissements étaient importants dans cette minorité de blocage, est-ce que, dans toute décision liée à des transactions de vente ou d'achat, Investissement Québec effectuait aussi une consultation, demandait l'opinion de la Caisse de dépôt, consultait la direction de la Caisse de dépôt?

Le Président (M. Cousineau) : Réponse rapide, M. Albert.

M. Albert (Mario) : Ça, c'est une question très difficile parce qu'il y a des... au niveau de la réglementation des valeurs mobilières il y a des contraintes sur les transactions où les investisseurs agissent de concert. Si c'est démontré en vertu de la réglementation des valeurs mobilières que deux investisseurs agissent de concert, bien, à ce moment-là, tu es obligé de... Par exemple, Investissement Québec, à 9,9 %, qui agirait de concert avec la Caisse de dépôt, ça va être réputé comme étant ensemble. Donc, tu dépasses le seuil d'initié.

Bon, il n'y a pas eu de discussions, à ma connaissance, de discussions formelles — dans mon temps, en tout cas — entre Investissement Québec et la Caisse de dépôt, de façon à ne pas agir de concert, mais c'est clair que les deux organismes avaient sensiblement le même objectif.

Le Président (M. Cousineau) : Merci beaucoup, M. Albert, pour votre participation à notre commission parlementaire.

Alors, je demande au prochain intervenant de se préparer, et nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Cousineau) : Nous reprenons nos travaux. Nous sommes prêts à entendre M. Scraire. Bonjour, monsieur.

M. Jean-Claude Scraire, ancien président du conseil
d'administration d'Investissement Québec

M. Scraire (Jean-Claude) : Bonjour.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, comme le précédent, vous avez 10 minutes, maximum, de présentation. Par la suite, nous passerons à une période d'échange avec les parlementaires. Alors, à vous la parole M. Scraire.

M. Scraire (Jean-Claude) : M. le Président, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, je vais donc commencer par une brève déclaration d'ouverture, comme vous m'y invitez, et il me fera ensuite plaisir de répondre à vos questions.

Mon nom est Jean-Claude Scraire. Comme vous le savez peut-être, de 1981 à 2002, j'ai mené une longue carrière à la Caisse de dépôt et placement du Québec — c'est mon background — où j'ai occupé diverses fonctions, notamment celles de président du conseil et directeur général de 1995 à 2002. En ce qui nous concerne plus précisément ici aujourd'hui, j'ai assumé sans rémunération pendant 10 mois la fonction de président du conseil d'administration d'Investissement Québec du 3 juillet 2013 au 9 mai 2014.

Au début de mon mandat, qui coïncide un peu avec celui de notre P.D.G., M. Albert, là, que vous avez entendu tantôt, au début de mon mandat, le 3 juillet, Investissement Québec détient donc 9,9 % des actions de RONA, soit environ 12 millions d'actions. Six mois plus tôt, pour vous mettre dans le contexte, le 14 janvier 2013, avant mon arrivée, donc, le conseil d'administration avait adopté une résolution qui stipule que la détention par Investissement Québec ne doit pas excéder 9,9 % des actions de RONA.

Je vous donne la lecture précise du texte : Il est résolu à l'unanimité d'autoriser Investissement Québec ou toute filiale détenue en propriété exclusive à acquérir des actions additionnelles de RONA pour un coût maximal de 60 millions sous réserve que la détention en résultant ne dépasse pas 9,9 %. En fait, les achats antérieurs à ce 60 millions se sont tous aussi faits dans cette perspective de ne jamais excéder un maximum de 9,9 % du capital de RONA.

En quelques mots — et M. Albert, qui est l'ancien P.D.G. de l'Autorité des marchés financiers, est bien placé pour vous le rappeler — l'un des impacts de la possession de 10 % ou plus des actions d'une compagnie est que l'actionnaire qui détient 10 % ou plus des actions en devient un initié. Il doit faire des déclarations publiques aux autorités sur ses achats et les circonstances et motifs de ses transactions. Cet actionnaire devient donc sujet à certaines dispositions légales additionnelles qui, parfois, limitent donc sa marge de manoeuvre comme actionnaire et investisseur.

Quelques mois après ma nomination, soit à la mi-novembre 2013, RONA annonce à tous ses actionnaires qu'elle souhaite procéder au rachat de 8,5 millions d'actions ordinaires de son capital et que ces actions rachetées seront annulées, ce qui signifie que le nombre total d'actions en circulation diminuera d'autant et que les actionnaires non vendeurs augmenteront de ce fait leur pourcentage de propriété.

• (10 h 40) •

Un tel rachat d'actions par l'entreprise qui les a elle-même émises peut servir divers objectifs. Le plus courant de ces objectifs est d'indiquer au public et aux actionnaires que la compagnie considère son titre sous-évalué. En achetant ses propres actions sur faiblesse, elle indique sa confiance. La conséquence est souvent une remontée du titre au-delà de la zone minimale de confort de l'entreprise. En évitant ainsi que son titre baisse trop, l'entreprise empêche de plus de potentiels acquéreurs — ou prédateurs si le prix est vraiment bas — de l'entreprise d'acheter des titres à très bas prix.

La direction d'Investissement Québec a alors procédé à une analyse et recommandé au conseil de collaborer au plan de rachat de l'entreprise, à défaut de quoi Investissement Québec allait se retrouver malgré elle, par son absence de mouvement, à augmenter sa position et à dépasser le plafond de 10 % déjà déterminé. On comprend, en effet, que, si vous maintenez le même nombre d'actions alors que le nombre total d'actions diminue, vous augmentez votre pourcentage. La mathématique est simple.

Une semaine plus tard, soit plus précisément à sa séance du 18 novembre 2013, le conseil d'administration d'Investissement Québec a étudié la recommandation des dirigeants et a résolu à l'unanimité la disposition de 1 million d'actions sur les 12 millions d'actions qu'Investissement Québec détenait. Cette vente a permis d'assurer mathématiquement, compte tenu de la diminution annoncée du capital de RONA, de ne pas excéder la limite de 9,9 % qu'Investissement Québec s'était fixée. Il suffisait, en effet, que, sur les 8 millions d'actions que la compagnie voulait racheter, 1,3 million de ces actions soient rachetées par elle pour qu'Investissement Québec dépasse le seuil de 10 %.

J'ajoute que cet ajustement s'est inscrit dans la stratégie de la compagnie de valoriser ses titres. Et, comme anticipé, le titre a, effectivement, augmenté en valeur, valorisant du même coup les 11 millions d'actions détenues encore par Investissement Québec sur les 12, donc valorisant ce 11 millions d'actions d'Investissement Québec, les actions de la Caisse de dépôt comme celles de tous les autres actionnaires.

Alors, ça fait le tour des événements. Je rappelle qu'Investissement Québec est une compagnie à fonds social qui est régie par sa loi et par la loi sur les sociétés. Et, comme ces sociétés, elle est administrée par un conseil d'administration qui joue un rôle majeur.

Je souligne au passage la qualité et la diversité des membres qui composaient le conseil d'administration d'Investissement Québec au moment de mon mandat. Qualifiés, dévoués au développement économique du Québec, diversifiés en termes d'expertise et provenant de diverses régions, il y avait donc là une très bonne représentation.

Pour terminer, M. le Président, je me permettrai un commentaire de portée plus générale. De la même façon que le conseil d'administration joue un rôle important à Investissement Québec, il jouait un rôle important chez RONA. Beaucoup d'études sont faites sur les moyens à prendre pour éviter les achats et prises de contrôle hostiles soit au Québec ou ailleurs. Plus rares sont les études sur le rôle et la responsabilité des conseils d'administration de sociétés impliquées dans des circonstances de vente volontaire. L'achat de l'entreprise RONA par Lowe's, qui s'est concrétisé et terminé le 31 mars dernier, tout récemment, ne fut pas un achat hostile, car le conseil d'administration de RONA l'a accepté et recommandé à ses actionnaires. Et, selon les lois en vigueur, compte tenu du prix offert, le conseil d'administration de RONA n'avait pas le choix de faire cette recommandation. Je ne dis pas que c'était correct, je dis que les lois disent que c'est ça qu'il faut qu'ils fassent, compte tenu du prix offert, qui était très élevé.

Il me ferait plaisir de commenter sur ce sujet, si tel est votre bon souhait, pour discuter quelques-unes des façons dont le législateur peut s'outiller pour éviter des ventes ou des disparitions d'entreprises et de sièges sociaux et mieux assurer la pérennité de nos entreprises. Diverses mesures ont déjà été recommandées et sont publiques. Une mesure comme des précisions législatives dans les lois des sociétés par actions et dans les lois de valeurs mobilières sur l'obligation du conseil de tenir compte de toutes les parties prenantes — toutes les parties prenantes — dans des décisions de vente irait dans ce sens. Ces précisions devraient permettre de rendre efficaces les considérations déjà émises par la Cour suprême, mais non supportées par les lois de valeurs mobilières. De même, certaines dispositions relatives au rôle des rémunérations excessives des dirigeants en cas de vente de la société dans certaines circonstances où les intérêts de toutes les parties prenantes ne sont pas bien protégés seraient certainement les bienvenues.

Je suis d'avis, en effet, que la mondialisation ou ce qu'on appelle la globalisation peut parfois être positive si elle bien encadrée par les législations ou réglementations nationales dans le but d'assurer la préservation des intérêts locaux. À défaut, elle comporte des effets pervers ici, au Québec, comme ailleurs dans le monde. On est bien contents quand Couche-Tard achète ailleurs, mais il a les mêmes obligations éthiques que ce qu'on attend des acheteurs qui viennent ici. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Scraire. Je passe maintenant la parole au député de Laval-des-Rapides pour le bloc de 23 min 30 s.

M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Scraire. Bienvenue. Merci d'avoir accepté l'invitation de la commission.

Pouvez-vous revenir sur un de vos propos à la fin de votre allocution? Je veux bien saisir, là, la portée de ce que vous avez mentionné en lien avec l'entente négociée ou l'offre d'achat négociée entre Lowe's et RONA, le prix offert à ce moment-là et, j'ai bien compris, le sentiment d'obligation d'accepter la transaction. Pouvez-vous juste répéter parce que, compte tenu, là, des travaux, les rénovations et, des fois, les bruits ambiants... on veut juste bien saisir vos propos, s'il vous plaît.

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui. C'est que les lois de valeurs mobilières au Canada, au Québec, les deux, invitent et obligent les conseils d'administration à agir dans l'intérêt des actionnaires, dans l'intérêt des actionnaires. J'hésite à prendre toujours le cas de RONA, là, parce que c'est au-delà de RONA. Bien, quand Alcan a été achetée à 30 quelques milliards de dollars, alors que la valeur ne dépassait pas 10, 15 milliards, comment voulez-vous que le conseil d'administration dise : Ce n'est pas dans l'intérêt des actionnaires? Et à partir du moment où le conseil d'administration ne doit pas tenir compte des autres facteurs, et à partir du moment où la loi l'oblige, l'oblige à servir les intérêts des actionnaires, bien, on arrive à des situations où le conseil doit recommander de vendre. Il ne peut pas vendre, il faut qu'il recommande de vendre. Et ça, c'est prévu par les lois de valeurs mobilières.

Contrairement à cela, dans un autre champ, la Cour suprême a fait deux jugements très importants où elle a dit : Il serait approprié que les conseils d'administration tiennent compte ou puissent tenir compte des intérêts de toutes les parties prenantes. C'est bien, c'est un jugement de la Cour suprême, mais la loi ne le permet pas. Alors, c'est ce que je souligne ici, que c'est certain que, et dans la loi québécoise et dans la loi fédérale des sociétés par actions, on pourrait être un peu plus clair et un peu plus précis sur les obligations des conseils d'administration. Que ça soit une vente volontaire... Parce qu'il y a des ventes volontaires, RONA est une vente volontaire, puis il y a des ventes dans des circonstances hostiles. Bien, dans un cas comme dans l'autre, de tenir compte de toutes les parties prenantes.

Et la même chose pour les commissions de valeurs mobilières, qui sont les plus réservées là-dessus. Les commissions de valeurs mobilières ont le devoir de protéger le marché financier, de protéger les actionnaires. Elles ne s'arrogent pas le pouvoir de parler au nom de toutes les parties prenantes, des gouvernements, des collectivités, des employés et des fournisseurs, elles n'amènent pas les compagnies à tenir compte de ça. C'est une question législative, ça.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Je comprends. Donc, ce que vous amenez avec votre propos, c'est de nous inviter à nous questionner sur, justement, comment élargir à travers nos lois, si possibilité il y a, la portée des considérations des conseils d'administration dans une situation similaire ou identique à celle de RONA où un conseil d'administration n'aurait plus uniquement à tenir compte de l'intérêt des actionnaires, mais également de l'ensemble des parties prenantes. C'est bien ça?

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui. Je vous donne comme référence là-dessus le rapport, qui est public, qui a été déposé ici, c'est un rapport du gouvernement par le Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises, de février 2014. Il y a un chapitre qui résume très, très bien ce que je viens de vous dire.

M. Polo : Je comprends.

M. Scraire (Jean-Claude) : Et, évidemment, il y a Yvan Allaire, le président exécutif de l'institut de la gouvernance, qui, également, a bien explicité ces enjeux-là, il fait des recommandations qui vont dans le même sens. La réserve au Québec, c'est souvent que les sociétés... Si vous permettez, là, je ne veux pas...

M. Polo : Allez-y.

• (10 h 50) •

M. Scraire (Jean-Claude) : Bon, la réserve au Québec, c'est qu'il y a une minorité des grosses sociétés commerciales qui sont enregistrées sous la loi québécoise, la plupart sont sous la loi fédérale. Donc, les gens du Québec craignent qu'en modifiant, en restreignant ou en obligeant plus les sociétés enregistrées au Québec à un certain nombre de contraintes que les compagnies s'enregistrent encore plus au fédéral. C'est une préoccupation légitime si le gouvernement fédéral ne change pas sa loi. Par ailleurs, avec l'importance des mouvements éthiques aussi bien au Canada que dans le monde, on peut penser aussi que, si le Québec était à l'avant-garde, comme certains États américains peut-être, de la préoccupation des intérêts locaux, bien, que ce serait suivi ailleurs au Canada, que la pression serait telle qu'on suive au Canada.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Parfait, M. le Président. C'est un débat, c'est un sujet, en soi, qui est en lien, bien sûr, avec le mandat d'initiative, mais qui, selon moi, mérite d'être étudié plus longuement ailleurs.

Moi, je vais en revenir sur le processus de décision de vente et votre rôle en tant qu'ancien président du conseil lors de la vente du bloc de 1 million d'actions, là, pour rester en dessous du seuil d'initié. Est-ce que vous avez également... Parlez-moi, parce que M. Albert nous a mentionné qu'un membre du gouvernement siégeait au conseil à l'époque, ce qui n'est plus le cas... Ce membre-là était-il du volet administratif ou politique?

M. Scraire (Jean-Claude) : Ah non! C'est le sous-ministre de... Je ne me souviens pas exactement de ses responsabilités. Je ne me souviens pas que ça soit statutaire, mais c'est stocké, disons qu'il y a habituellement un sous-ministre lié au développement économique qui siège comme membre régulier du conseil d'administration d'Investissement Québec, et on conçoit que c'est pour assurer une meilleure liaison avec le gouvernement. Quand ce membre-là se trouve clairement en position de conflit, il doit le mentionner. Conflit d'intérêts ou autre, il doit le mentionner, ou s'abstenir, ou il peut aussi indiquer la position du ministre, il peut...

M. Polo : Parfait. Pendant votre période de 12 mois, quelle était la fréquence des échanges que vous aviez non seulement avec ce sous-ministre en question, mais peut-être le ministre concerné ou les membres de son personnel politique à l'époque? Et dans quelles circonstances?

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui. Avec le sous-ministre concerné, rien d'autre que les réunions habituelles du conseil, là, ce n'était pas un membre différent que les autres membres du conseil, qui est un conseil de 15 membres. Mes contacts étaient avec le ministre des Finances ou le cabinet du ministre des Finances sur une base d'à peu près... aux trois mois, à peu près. J'ai été là 10 mois, là, je dois l'avoir vu trois fois ou quatre fois.

M. Polo : O.K. Vos échanges avec lui traitaient principalement des positions dans le portefeuille d'Investissement Québec ou sur...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non. Quant à moi, je n'étais pas opérateur, je n'étais pas le directeur général et je n'avais pas à prendre ces fonctions non plus. Non, on est plus au niveau des orientations puis des enjeux, des enjeux de secteurs de développement, de plan stratégique, où on s'en va, qu'est-ce que... Nous, on a été préoccupés pendant qu'on était là, et M. Albert et moi, de modifier les orientations d'Investissement Québec telle qu'on l'avait prise pour y introduire, je dirais, des orientations plus, je dirais, dynamiques pour le développement économique du Québec.

M. Polo : Donc, dynamiques voulant dire plus fréquentes, plus...

M. Scraire (Jean-Claude) : Introduire dans les orientations d'Investissement Québec des orientations, d'être plus actif... par exemple, plus d'achats d'actions de compagnies, pas juste de la dette. C'est des éléments qui changent, un peu de capital de risque, alors qu'Investissement Québec n'en faisait pas. Aller dans des secteurs nouveaux, d'économie sociale, par exemple, ou d'autres éléments comme ça. Revoir aussi les modalités de prêts d'Investissement Québec pour ne pas faire là ce que les banques faisaient, là. C'est inutile de répéter ce que toutes les banques peuvent faire. C'est de l'argent de l'État, c'est de l'argent des contribuables qui est géré par Investissement Québec, alors la mission d'Investissement Québec en est une d'appoint. Alors sur les prêts, il faut vraiment aller dans les niches qui ne sont pas couvertes par les autres institutions. C'est un rôle complémentaire que celui d'Investissement Québec, il faut essayer de limiter l'argent que le gouvernement doit y mettre.

M. Polo : M. Scraire, j'essaie d'élaborer avec vous sur vos échanges par rapport à des positions... Bien sûr, vous mentionnez que vous vouliez être en symbiose avec le ministre, à savoir sur ses orientations, sur le dynamisme des interventions d'Investissement Québec à travers d'autres outils d'investissement, à travers différentes entreprises au Québec, mais les positions dans le portefeuille comme tel d'investissement... Je sais que vous n'étiez pas opérateur comme tel, mais que ce soit RONA ou que ce soient d'autres positions dans le portefeuille d'Investissement Québec, aviez-vous des échanges avec le ministre?

M. Scraire (Jean-Claude) : ...je ne crois pas qu'on ait eu à échanger sur quelque sujet là-dessus. Au niveau des investissements spécifiques, là, c'est possible qu'il y en ait eu, mais pas ça. RONA, ça n'évoque rien pour moi, il n'y avait pas d'enjeu RONA à ce moment-là.

M. Polo : O.K. O.K. M. Albert nous a expliqué que, puisque l'investissement a été fait à travers les fonds propres, il n'y avait pas une obligation de tenir compte... ou, enfin, il n'y avait pas une obligation de prendre une commande du gouvernement, mais qu'il y avait un sentiment de vouloir consulter, il y avait un devoir de consulter le cabinet. Vous comprenez, vous interprétez ce mécanisme, là, disons, de... ces actions-là de la même façon, à savoir que, puisque c'étaient des fonds propres, pour vous c'était important de consulter, mais qu'ultimement vous aviez l'autonomie en fonction de la latitude que vous aviez en utilisant les fonds propres?

M. Scraire (Jean-Claude) : En fait, c'est une position stratégique qui était détenue par Investissement Québec, et «stratégique» voulant dire qu'il y a un impact possible dans l'économie. Oui, je pense que j'adhère totalement à ce que M. Albert disait, que, comme... Et, en plus, l'initiative émanait du gouvernement, donc de l'actionnaire et du ministre de l'Économie, le ministre des Finances étant l'actionnaire. Je vous soulignais tantôt que c'était une société par actions, de fonds social. C'est important parce qu'on a un actionnaire, c'est le ministre des Finances. L'actionnaire commande — comment je dirais? — la ligne de fin. S'il veut avoir 30 millions de profits, on va s'aligner pour le produire. S'il accepte des déficits de 30 millions, on peut s'aligner aussi. C'est l'actionnaire qui commande ça. Les politiques, ensuite, doivent s'aligner là-dessus. Alors, oui, c'est ça.

M. Polo : Donc, mais consulter veut également dire... Et, quand vous vous mettez sur la balance entre le devoir de consulter et l'autonomie que vous confère l'utilisation des fonds propres, comment vous analysez ça sur la balance?

M. Scraire (Jean-Claude) : Alors, moi, je n'ai pas de difficulté avec l'autonomie. Une consultation, c'est une consultation. Quand on doit avoir l'accord, on doit avoir l'accord. J'ai travaillé assez longtemps avec le gouvernement pour connaître... avec l'État puis avec... pour connaître la différence. Puis avoir l'opinion des gens, c'est toujours pertinent, là. Quand on est dans l'administration de fonds publics ou dans des sociétés qui sont au service des citoyens, il faut avoir l'opinion du gouvernement. Après ça, on administre selon les obligations de type fiduciaire qu'on a, les obligations de type légal aussi, là. La loi nous encadre dans notre démarche. Alors, moi, je n'ai aucune... Il y a une très grosse différence entre consulter puis recevoir une directive.

La Loi d'Investissement Québec prévoit quand est-ce qu'on peut donner des directives. Le gouvernement peut donner des directives selon la loi. Alors, ce n'est pas un problème de dire... Bien, écoutez, là, moi, ça ne fait pas mon affaire, donnez la directive, puis là je vais la suivre. Elle va être au livre des minutes ou bien donc elle va être déposée à l'Assemblée nationale. Il y a une façon de faire pour ça. Alors, je n'ai aucune...

Par ailleurs, c'est très important de consulter parce que... surtout dans des contextes comme ceux dont on parle. M. Albert vous a souligné tantôt que, par exemple, Investissement Québec, investisseur important dans le dossier, ne peut pas parler avec la Caisse de dépôt. Il ne peut pas se mettre à agir de concert avec d'autres actionnaires. Ça, ça veut dire, ne pas se parler. C'est ça que ça veut dire. Alors, au moins, peut-on parler au ministre, qui, peut-être, parle à tout le monde puis qui sait un peu ce qui se passe soit à la Banque Nationale, soit ailleurs. Mais le ministre est censé savoir, si c'est un dossier stratégique, ce qui se passe.

M. Polo : Parfait. Donc, ce que j'en comprends, c'est que, pour vous, consulter n'a pas la même obligation d'action que de recevoir des directives du gouvernement ou plus précises à travers le FDE, à travers le Fonds du développement économique. C'est ce que j'en comprends, c'est ce que vous dites.

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui.

M. Polo : Est-ce que je me trompe?

M. Scraire (Jean-Claude) : Si je consulte, je demande : Quelle est votre opinion?

M. Polo : Ce n'est pas une directive.

M. Scraire (Jean-Claude) : Je ne dis pas : Voulez-vous que je le fasse ou pas, là? La question n'est pas là. Avez-vous quelque chose à me dire sur ce sujet-là?

M. Polo : Parfait. Donc, pour vous, c'est une courtoisie.

• (11 heures) •

M. Scraire (Jean-Claude) : Nécessaire. C'est une courtoisie, mais j'en ai besoin pour bien effectuer mon mandat, pour bien comprendre dans quoi on joue, quel est notre terrain de jeu, là, qu'est-ce qui se passe, le gouvernement, les autres joueurs. C'est nécessaire, pour Investissement Québec, de savoir qu'est-ce qui se passe. Alors, ça fait partie de l'information nécessaire pour la prise de décision.

M. Polo : Est-ce que c'est un élément principal? Quand vous dites que ça fait partie des éléments nécessaires pour la prise de décision, est-ce que c'est un élément fondamental? Je vous rappelle, on est dans les fonds propres, donc vous avez une autonomie. Est-ce que c'est un élément fondamental ou un élément d'information utile, sans obligation, sans devoir d'exécution?

M. Scraire (Jean-Claude) : On parle de certaines décisions majeures, là, on n'est pas dans le courant des affaires, là. À quelle décision vous référez? Est-ce que vous référez à une décision en particulier?

M. Polo : Non, non, on parle de la position de RONA, on parle de la position de RONA.

M. Scraire (Jean-Claude) : Là, on ne parle pas de l'ajustement de 1 million, on parle du bloc? Il y a une différence entre les deux.

M. Polo : Moi, ce que je cherche à préciser, c'est les propos de M. Albert, qu'il considère que...

M. Scraire (Jean-Claude) : Sur le bloc. Sur le bloc.

M. Polo : Sur le bloc, mais de façon générale parce que, là, c'était le... Le bloc, on s'entend que, le bloc, il y avait des restrictions très précises par rapport au 10 % d'initié, mais, de façon générale, ce que je veux comprendre, c'est : Au-delà du 10 %, le critère de consulter, donc le sentiment, l'obligation de consulter, quelle est la répercussion, si on peut dire, l'élément ou l'action qui suit suite à ça?

M. Scraire (Jean-Claude) : Je veux juste qualifier ma réponse avant de la donner, c'est qu'on parle de décisions importantes. Je partage totalement le fait que, pour les ajustements dont on parlait, sur le 1 million d'actions, pour tenir le 9,9 %, ce n'est pas une décision stratégique majeure, qui a un impact. À la fin de la journée, là, il n'y a aucun impact là-dessus parce que le nombre d'actions va diminuer. Mais, sur des décisions majeures comme la vente du bloc, oui, je partage aussi son opinion que, là, il aurait fallu consulter, même si c'était dans les fonds propres.

M. Polo : Parfait, j'entends. Puis vous l'avez mentionné il y a quelques instants, M. Scraire, mais l'obligation de consulter, une fois que vous ramenez cette information-là au conseil d'administration, elle est un élément additionnel dans la prise de décision, mais est-ce qu'elle est l'élément fondamental?

M. Scraire (Jean-Claude) : Je ne comprends pas le mot. C'est un élément important, ça fait partie des facteurs. Ça dépend du contenu qu'il y a, ça dépend du sujet, ça dépend de différents... «Fondamental», là, est-ce que ça veut dire qu'il passe avant les autres? Non, ça ne passe pas avant les autres, ça fait partie du paquet. C'est sûr que c'est lourd, l'opinion d'un ministre des Finances, c'est certain, mais la réalité, les impacts économiques, financiers sont aussi des facteurs importants, l'impact pour l'entreprise, il y a beaucoup de choses.

M. Polo : En effet. Donc, par exemple, si on poursuit dans votre pensée, si vous analysez, après deux ou trois ans, que le risque d'achat hostile, peut-être, n'est plus présent ou il est moindre qu'il ne l'était à l'été 2012, que la situation financière de l'entreprise s'est améliorée parce que le plan d'expansion ou le plan de restructuration fonctionne, tout ça, c'est des éléments qui sont des facteurs à considérer. Et, bien sûr, la position, l'élément de risque à l'intérieur de l'ensemble du portefeuille, si on peut dire, le possible retour sur investissement initial... Parce que j'en conviens, que c'était une décision éminemment politique au début, mais, par la suite, vous gérez au quotidien la rentabilité de vos investissements. Donc, on convient de cela, quand vous analysez tous ces éléments-là, la consultation que vous devez faire auprès du politique est un élément additionnel, mais n'est pas un élément prépondérant, n'est pas un élément essentiel ou fondamental, c'est un élément de plus. C'est ce que j'en comprends.

M. Scraire (Jean-Claude) : Écoutez, c'est une réponse théorique, ce que je vous donne. En pratique, sur le bloc de 1 million, il n'y avait pas de consultation nécessaire, c'était un ajustement qui était assez... Bon, on s'entend là-dessus. Maintenant, le bloc de vente de RONA, moi, je n'étais pas là, c'est en dehors de ma période. Je ne sais pas qu'est-ce que j'aurais fait. Je présume que, si j'avais été là, je qualifie ça de décision importante, j'aurais consulté.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : On en convient, M. Scraire. Puis vous avez été longtemps à la Caisse de dépôt, effectivement. Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est qu'une fois que dans une... Vous avez répondu de façon théorique, mais je vais vous poser aussi un exemple théorique. Une fois que, si on peut dire, le portrait se dégage devant, si on peut dire, le futur de RONA, contrairement à l'été 2012 — et là on remonte, disons, soit à l'automne 2013, lorsque vous étiez président du conseil, ou juste avant votre départ, à l'été 2014 — à ce moment-là l'obligation de consulter est importante parce qu'effectivement il s'agit d'une décision importante, il s'agit éventuellement, peut-être, de vendre ou de se départir de la position de RONA à l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec. Mais, à ce moment-là, le poids de cette consultation-là versus l'ensemble des autres facteurs dans la prise de décision, et qui se sont améliorés en cours de route, O.K., donc vous avez des éléments qui s'améliorent en cours de route, là, le plan de restructuration, le fait que Lowe's n'est plus dans le portrait ou l'achat hostile n'est plus dans le portrait, le fait qu'il y a une nouvelle équipe de direction également qui est en place, etc., l'ensemble de ces facteurs-là jusqu'à l'été 2014, pour vous, O.K., dans un contexte où, justement, vous quittiez, est-ce que la consultation auprès du politique est un élément prépondérant, essentiel à la prise de décision ou il reste encore un élément de plus, mais qui n'est pas substantiel, n'est pas, si on peut dire, l'élément fondateur de la prise de décision?

M. Scraire (Jean-Claude) : Alors, à nouveau, ce que je vous dis, c'est que, pour le million d'actions, l'ajustement en question, tous les facteurs autres que la consultation que vous mentionnez sont présents à ce moment-là : l'amélioration de la situation, il y a un nouveau président du conseil qui a été nommé chez RONA, qui est M. Chevrier, en janvier 2013, des modifications au conseil, P.D.G., tout ça. Alors donc, le train semble sur les rails correctement, donc ça ne pose pas de problème particulier à ce niveau-là, ce qui fait que le plan de rachat d'actions de RONA est très crédible, ça va dans le sens des intérêts de tous. Alors donc, tous les facteurs que vous mentionnez, là, sont pertinents et sont tenus en compte, disons.

Par ailleurs, comme on disait tantôt, il n'y avait pas nécessité de consultation parce que c'est un ajustement mécanique. Donc, à cet égard-là, il n'y a pas eu de... En autant que moi, je suis concerné — et M. Albert vous disait la même chose — on n'a pas cru approprié ou nécessaire de consulter.

M. Polo : Parfait. Il reste deux minutes?

Le Président (M. Cousineau) : Une minute.

M. Polo : Une minute. Bien, merci beaucoup, M. Scraire, parce que l'interprétation que je fais de vos propos et des propos de M. Albert, juste avant vous, ce que moi, j'en comprends, c'est que, oui, il y avait une obligation de consultation, mais la réponse, disons, suite à ces consultations n'est pas prépondérante dans la prise de décision, dans la prise de décision. Je vous ai amené à deux, trois reprises à essayer de répondre dans ce sens-là. Vous avez refusé, vous vous en êtes tenu, disons, à dire que c'est important de consulter lorsque c'est une décision importante, mais qu'ultimement il y a d'autres facteurs qui entrent dans cette prise de décision là et que le retour ou la réponse du ministre ou du cabinet n'est pas prépondérant dans la prise de décision, dans l'utilisation des fonds propres, dans le cas de RONA en question.

Le Président (M. Cousineau) : Peut-être une petite observation rapide, M. Scraire. Sinon, nous passerons à...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, je pense que j'ai bien cerné, là, la différence entre une décision majeure où on consulte puis une décision qui ne demande pas consultation. Les différents impacts jouent dans les deux cas.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Scraire. Donc, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle pour 14 minutes. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Alors, M. Scraire, je vous salue. Merci d'être ici. Écoutez, on va y aller avec une question... Au départ, on va faire un jeu de rôle — et non pas un jeu drôle, parce que ce n'est pas drôle — un jeu de rôle. Vous êtes dans la situation qui a été vécue par Investissement Québec récemment, ils envoient un courriel au cabinet du ministre, ils passent par le chef de cabinet. Ce que j'ai compris, là, c'est qu'Investissement Québec, avec le nouveau gouvernement libéral, ils passent par le chef de cabinet pour parler au ministre. Puis sûrement pour parler en haut aussi, là, parce qu'il est branché sur le cabinet du chef, là, mais ils passent par le chef de cabinet. Ils demandent : Est-ce qu'on a l'autorisation pour la vente de RONA, des actions de RONA? Vous envoyez ce courriel-là, vous êtes à votre poste. Il revient deux heures plus tard, puis il a écrit non. Qu'est-ce que vous faites?

Le Président (M. Cousineau) : M. Scraire.

• (11 h 10) •

M. Scraire (Jean-Claude) : En tout cas, disons que c'est tellement théorique, là... Dans mon cas, là, je veux dire, je ne l'aurais pas initié comme ça, là.

M. Therrien : Donc, vous ne répondez pas à la question. C'est trop théorique, vous dites.

M. Scraire (Jean-Claude) : Bien, c'est-à-dire que c'est hypothétique, là, je veux dire, comment je me serais comporté. Disons, parlons d'un autre dossier, qu'est-ce que j'ai fait dans... Quand on doit consulter ou quand on doit avoir l'accord, je conçois fort bien qu'on passe par le chef de cabinet pour avoir l'accord du ministre. Pour moi, un chef de cabinet, comme disait M. Albert tantôt, ce n'est pas son opinion personnelle qu'on cherche. Parfois, ça peut être son opinion personnelle, mais on va lui dire, là, c'est l'opinion personnelle. Quand on demande la décision ou l'opinion du ministère ou du ministre, bien là c'est l'opinion du ministère ou du ministre, puis, habituellement, c'est l'opinion du ministre ou du ministère qu'on cherche quand on a des démarches à faire.

Alors, ça, je conçois fort bien qu'on passe par là, je n'ai pas de difficulté avec ça. Les ministres se promènent puis font beaucoup de choses, alors on ne peut pas toujours les rejoindre. Le chef de cabinet a habituellement plus de rapidité pour rejoindre son ministre que...

M. Therrien : Oui. Peut-être qu'il a essayé de rejoindre d'autre monde aussi, là. Ça, c'est clair.

Écoutez, un des problèmes qu'on a, et je pense que vous l'avez bien soulevé... Quand vous dites qu'on a le pouvoir légal de vente parce que c'est dans les fonds propres que ça a été acheté, quand a été prise la décision d'acheter dans les fonds propres? Qui a pris, d'après vous, cette décision-là? Est-ce que c'est le ministre qui a suggéré ça? Est-ce que c'est le conseil d'administration? C'est qui qui a le pouvoir de dire : On va prendre les fonds propres, et non pas le Fonds de développement économique, qui aurait lié Investissement Québec formellement, sans équivoque, à détenir des actions de RONA tant et aussi longtemps que la commande politique n'est pas passée? Qui, en 2012, d'après vous, a pris la décision de prendre les fonds propres? C'est à qui que ça revient, cette décision-là? Parce que j'imagine, là... Écoutez, là, on n'est pas à La Binerie Mont-Royal, là.

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui. Disons que je vais vous répondre en disant que, pendant le 10 mois où j'ai été président du conseil, il est arrivé que le gouvernement voulait faire des opérations financières, puis la discussion pouvait se poser à savoir : Est-ce que c'est les fonds propres ou c'est le Fonds de développement économique? Bon. Et parfois c'est à la marge, hein, parfois c'est à la marge, le niveau de risque. Puis est-ce que ça entre dans la mission d'Investissement Québec? Il peut y avoir de saines discussions sur le sujet.

Mais, en bout de compte, quand le gouvernement veut faire une opération... En tout cas, pendant le 10 mois où j'étais là, ma conception, c'était que, si Investissement Québec n'était pas à l'aise que c'était dans son rôle, bien, ils ne le faisaient pas puis ils disaient au gouvernement : Bien, écoutez, nous, ce n'est pas dans notre rôle, ce n'est pas dans notre niveau de risque, on ne peut pas rentrer ça dans notre portefeuille, donc faites-le dans le Fonds de développement économique.

M. Therrien : Voilà. Donc, quand c'est un ordre du gouvernement, c'est le Fonds de développement économique qui est généralement utilisé. C'est un peu stupéfiant de voir que c'est les fonds propres qui ont été utilisés pour acheter ces actions-là.

M. Scraire (Jean-Claude) : À moins qu'Investissement Québec soit à l'aise avec la décision, auquel cas il n'y a pas de problème.

M. Therrien : Bon, bien, écoutez, s'ils sont à l'aise avec ça... J'imagine que, si vous avez une commande politique... Puis même le député de Laval-des-Rapides l'a dit : J'en conviens, que la décision est éminemment politique. Mettons que la décision est politique, de garder les actions de RONA. Vous, là, c'était tellement évident, là, de ne pas vendre RONA, que ce n'était même pas sur la planche, là. Vous m'avez dit, vous avez dit tantôt : Bien, nous, on ne s'est jamais posé la question. Donc, il y avait une commande politique pour ne pas vendre RONA. On avait accepté ça d'emblée parce que le gouvernement précédent, le gouvernement péquiste... le gouvernement libéral, à l'époque, avait bien, bien été clair dans sa position. Puis même le décret, c'est juste des balises qui permettent cette action politique là. Ça fait qu'en partant, là, il y a une décision politique claire. Et là vous me dites en plus que vous disiez : Bien là, nous autres, c'est clair, ça va bien chez RONA, M. Albert l'a mentionné tantôt, ça va bien chez RONA, la position politique, elle est claire, elle n'a pas changé depuis deux gouvernements, vous dites : S'il a pris les fonds propres, c'est parce qu'il est à l'aise là-dedans. Et bingo! il décide de vendre les actions. Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'il décide de vendre des actions dans cette situation-là?

M. Scraire (Jean-Claude) : Bien là, moi, je n'étais pas là à ce moment-là. La vente du bloc, là, je ne peux vraiment pas vous... je ne peux pas vous éclairer là-dessus.

M. Therrien : Non, mais, vous, là, je vous demande votre opinion. Vous êtes un expert, là, vous avez un curriculum vitae, là, long comme le bras, là, moi, je vous dis : Écoutez, vous, là, pouvez-vous, vous, expliquer ça?

Puis, moi, ce qui m'a frappé dans votre présentation, c'est de dire : Nous, là, ça ne nous est pas passé par l'esprit, mais pas du tout, de vendre les actions de RONA, vous l'avez dit tantôt. Et là bang! le nouveau gouvernement arrive, puis là Investissement Québec se réveille, puis dit : Nous autres, on veut vendre ça, puis on a demandé au ministre, puis... Bien, en tout cas, puis là le chef de cabinet — on connaît l'histoire, là, l'histoire d'horreur là — le chef de cabinet dit : O.K. Allez-y, et on obtient une vente de RONA.

Vous, là, trouvez-vous que c'est logique d'avoir vendu les actions de RONA à ce moment-là? Il y avait-u quelque chose qui avait changé pour qu'on s'aperçoive que les actions de RONA devenaient une difficulté dans les fonds propres? Puis ils ont pris les fonds propres parce qu'ils disaient qu'ils étaient à l'aise avec l'investissement, je prends vos propos. Qu'est-ce qui s'est passé, d'après vous?

M. Scraire (Jean-Claude) : Je n'ai aucune idée, je n'ai aucune idée. Je ne veux pas spéculer, hein, il peut y avoir... Je ne veux pas spéculer.

M. Therrien : Bien, en tout cas, moi, je vous dis, écoutez, c'est extrêmement énigmatique. Puis là on disait : Oui, mais là, si on avait eu les actions de RONA, on n'aurait pas empêché la vente parce que c'était une offre intéressante, ainsi de suite. Sauf que, là, là, Investissement Québec détient 9,9 % des actions, on s'entend, Lowe's décide d'acheter RONA. C'est quoi, les trois possibilités du gouvernement? Première possibilité, il a des actions de RONA, il fait 120 millions de profit avec ses actions. O.K.? Deuxième possibilité, il dit : Bien, moi, j'accepte la vente de RONA, mais je veux des engagements pour les fournisseurs, pour les employés, pour le siège social, l'administration. Ce que la ministre de l'Économie a essayé d'avoir en vain, elle est revenue avec un sac vide, mais là tu as 9,9 % des actions puis, en plus, tu as d'autres partenaires qui peuvent bloquer la transaction avec une opposition minoritaire, donc on peut négocier. Ou troisième point, si on considère que l'écosystème économique ne permet pas d'accepter logiquement une vente de RONA, on bloque la transaction.

Alors, dans les trois circonstances, voulez-vous me dire pourquoi on a vendu les actions de RONA? Ça n'a aucune espèce de bon sens. Et je vais aller plus loin, pourquoi le gouvernement libéral, que ce soit le ministre, ou le premier ministre, ou le chef de cabinet du premier ministre, chef de cabinet du ministre, a pu accepter de vendre ces actions-là? Il n'y a aucune logique à ça. Êtes-vous capable de m'aider, dire : Bien non, il y a peut-être d'autres raisons puis... Moi, je ne vois rien dans le radar qui me permette de motiver des ventes d'actions de RONA à ce moment-là dans la vie de RONA. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que, si on avait gardé les actions de RONA, ça nous aurait mis dans une position beaucoup plus confortable quand est arrivée la fusion ou l'achat de RONA par Lowe's?

M. Scraire (Jean-Claude) : Certainement que ça met dans une position confortable si vous conservez un bloc important et si le management puis la direction est d'accord aussi parce que, dans le bloc important, habituellement, comme c'était le cas ici, la direction de l'entreprise faisait partie de la minorité de blocage, d'après ce que j'ai compris. Alors donc, le 10 %, oui, si vous arrivez à la minorité de blocage de 33 % ou 35 %, là — je ne me souviens pas — alors, oui, c'est une meilleure position s'il y a une minorité de blocage en place. Si elle n'est pas là, vous n'êtes pas là, vous ne pouvez pas la bloquer. Parce qu'il reste que cette transaction-là, dans le cas de RONA, se terminait par le vote des actionnaires. Il y a eu une réunion, puis ça s'est voté.

M. Therrien : Bon, en tout cas, avec du recul, ex post, comme diraient les économistes, on peut dire que c'est une mauvaise décision.

Fonds de développement économique, dans la charte, là, d'Investissement Québec : «Est institué, au sein du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, le Fonds [de] développement économique.

«Le fonds est affecté à l'administration et au versement de toute aide financière prévue par un programme élaboré ou désigné par le gouvernement et de toute aide financière accordée par la société dans l'exécution [du] mandat que le gouvernement lui confie, ainsi qu'à l'exécution des autres mandats que le gouvernement confie à la société.»

Ça, là, entre autres à l'intérieur d'un décret, là, ça, là, est-ce que ça vous convainc qu'on aurait dû mettre les actions d'Investissement Québec dans le Fonds de développement économique, quand je lis ça? Est-ce que c'est ce que vous auriez fait, vous? Non, non, mais écoutez, à partir de ça, là, je veux dire, est-ce qu'on peut convenir, là, que ça allait dans le Fonds de développement économique? Je me trompe-tu, là, quand je lis ça? Vous êtes un expert. Moi, je n'ai jamais été à Investissement Québec, là, est-ce que je peux considérer qu'on devait s'attendre à ce que ce soit le Fonds de développement économique qui achète ça?

• (11 h 20) •

M. Scraire (Jean-Claude) : Malheureusement, il faut que je fasse un détour pour vous répondre vraiment, là. Je ne sais pas, si ces acquisitions-là avaient été faites par le Fonds de développement économique, qui aurait été l'acheteur qui serait apparu dans les livres, est-ce que ça aurait été le gouvernement du Québec ou Investissement Québec et qui aurait été le détenteur réel de ces actions-là. Et je vous souligne juste ça pour dire ceci, c'est que les marchés financiers n'aiment pas beaucoup voir les gouvernements intervenir directement dans l'actionnariat. Parce qu'Investissement Québec est un mandataire, ça passe un peu mieux. La Caisse de dépôt est totalement différente, elle est reconnue comme un investisseur qui va au marché. Elle aurait eu de la difficulté aussi à ne pas vendre à 24 $, la Caisse de dépôt, parce que c'est un investisseur qui va au marché. Alors, à un moment donné, il faut que la cohérence d'ensemble du portrait économique québécois ressorte quelque part, là. Je veux dire, bon, il y a des choses qu'on fait, des choses qu'on ne fait pas, on protège jusqu'à un certain point.

Donc, tout ça pour vous dire que je n'ai pas tous les éléments pour dire qu'est-ce que j'aurais fait entre les fonds propres et le Fonds de développement économique. Par ailleurs, compte tenu de la nature du risque, c'est certain que j'aurais demandé probablement un ajustement quelconque avec le gouvernement pour rentrer ça dans les fonds propres.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Bien, écoutez, plus on regarde le dossier puis plus on s'aperçoit, là, que ça ressemble à une histoire d'horreur. D'abord, au départ, de prendre le fonds propre, moi... En tout cas, les gens qui passent ici, jusqu'à date, ne sont pas capables d'expliquer pourquoi Jacques Daoust a fait ça. Puis nous autres, on veut l'entendre en commission, Jacques Daoust, parce que c'est à peu près le seul qui peut nous dire pourquoi il a fait ça, parce que tout le monde nous dit, y compris vous, puis ce qu'on lit de la charte, là, d'Investissement Québec, que ça doit passer par le Fonds de développement économique. Puis ça a mis justement, si on veut, Investissement Québec un peu dans une situation problématique parce que ce n'est pas clair. Il y a un pouvoir légal de vendre sans l'avis du ministre, mais, à quelque part, moi, j'aurais consulté, j'aurais été bien mal à l'aise de le faire sans son aval parce que ça veut dire que tu arrives dans une situation qui rend la chose plus floue.

Là, vous dites : Oui, mais on aurait accepté la transaction probablement pareil. Mais c'est parce qu'on n'a même pas eu la possibilité de dire quoi que ce soit. Puis je vous l'ai dit, les trois possibilités qu'on a perdues, là, choisissez n'importe laquelle, c'est mieux que ce qu'on a actuellement, on s'entend.

Puis là on arrive dans une situation où, si on veut maintenir les sièges sociaux au Québec davantage, il y a... Nous, on a demandé de faire un rapport — justement, vous l'avez mentionné tantôt, là — pour, justement, trouver des moyens de protéger les sièges sociaux au Québec alors que, dans plein de pays sur la planète, ils le font. Bien, à ce moment-là, quand c'est rendu qu'un des seuls moyens qu'on a, c'est d'arriver avec une opposition minoritaire, puis le gouvernement vient, tout simplement, disloquer cette possibilité-là, bien, ça veut dire que le Québec est à vendre, tu sais, c'est un peu ça, là.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie, M. le député de Sanguinet, c'est tout le temps que nous avions pour le deuxième bloc. Alors, je passerais maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, à M. le député de Granby, pour 9 min 30 s.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Scraire. M. Scraire, première question rapide. Dans le fameux procès-verbal où on a autorisé le dernier bloc d'actions, là, il est écrit : «Ils conviennent qu'une telle vente progressive des actions de RONA devrait être entamée, sous réserve de consulter à ce sujet au préalable le ministre responsable de la société.» Pour vous, est-ce que c'était normal d'écrire ça avant d'entreprendre la vente? Si vous aviez été président du C.A. pendant ce temps, vous auriez fait la même chose?

M. Scraire (Jean-Claude) : J'aurais d'abord consulté avant d'arriver à une résolution. J'aurais...

M. Bonnardel : Donc, vous me dites : Avant d'en arriver à ça, je communique, moi, avec le ministre.

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui, parce que, là, j'ai de la difficulté à comprendre la résolution, je ne sais pas... Puis, si je le consulte, puis il dit non, là, qu'est-ce que je fais? Je veux dire, c'est moi qui ai la décision finale, puis là je le consulte, je suis mal pris.

Chacun a ses façons de fonctionner. Moi, j'aurais consulté d'abord, puis là j'aurais dit : Bien, le ministre dit ça, voici, mais, quand même, la direction recommande ça, puis là nous, les membres du conseil, on décide quoi? Ou le ministre est d'accord ou il n'est pas d'accord. Peu importe, il donne son avis. Ça fait partie des facteurs dont on parlait tantôt, il y a toutes sortes d'éléments à considérer. Le ministre a certainement beaucoup d'éléments à donner pour enrichir son commentaire, là, ce n'est pas juste nécessairement des oui et des non, là, c'est... Surtout si c'est un non, bien, c'est parce qu'il y a des impacts a, b, c, là.

M. Bonnardel : Comme président du C.A., vous dites : Moi, je vérifie avec le gouvernement. Vous appelez qui? Vous appelez le ministre ou vous appelez le premier ministre? Parce que c'est quand même une décision importante, là, en l'espace de deux ans...

M. Scraire (Jean-Claude) : Moi, comme président du conseil, j'estime que le président du conseil parle d'abord avec le ministre des Finances.

M. Bonnardel : Le ministre des Finances.

M. Scraire (Jean-Claude) : C'est lui, l'actionnaire, j'ai cette réaction-là. Ça se défend tout à fait, d'aller au ministre du Développement économique aussi, parce que c'est une matière de développement économique. Moi, ma réaction, c'est plus ministre des Finances, mais le P.D.G. peut appeler le ministre du Développement économique. Moi-même, ça aurait pu être ça, là. Mais vous me demandez : Vous appelez qui? Bien, comme je ne les appellerai peut-être pas tous, je vais parler au ministre actionnaire.

M. Bonnardel : Vous avez été là...

M. Scraire (Jean-Claude) : 10 mois.

M. Bonnardel : ...oui, 10 mois, juste à peine un an avant que cette décision se prenne, ou à peu près, là.

M. Scraire (Jean-Claude) : À peu près.

M. Bonnardel : Avez-vous parlé au président du C.A. du temps? Pour comprendre un peu la dynamique, est-ce qu'on vous a appelé?

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, non, non.

M. Bonnardel : On ne vous a pas appelé, on ne vous a pas demandé...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, non. Quand j'ai terminé, j'ai terminé.

M. Bonnardel : O.K. Vous n'avez pas été une partie prenante de...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, non. Puis je n'étais pas conseiller.

M. Bonnardel : O.K. Je posais la question à M. Albert tantôt, M. Daoust, qui a été supposément un conseiller — peut-être pas proche, là — pendant six mois, est-ce que vous, vous avez communiqué... est-ce que M. Daoust a communiqué avec vous? Est-ce que vous l'avez vu pendant les six mois, donc entre...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non. Non, non, je ne l'ai pas vu. Je me souviens d'une conversation avec M. Albert, on a dit : Bon, bien, quels sont les sujets sur lesquels il pourrait contribuer? Ce n'était pas évident, compte tenu du climat qui existait à ce moment-là, là, puis c'est certain...

M. Bonnardel : C'était malsain?

M. Scraire (Jean-Claude) : Bien, en fait, il n'était pas très heureux de la situation, alors ça rendait les communications un peu difficiles. Puis on était — ce qu'a souligné M. Albert — dans la préparation d'un nouveau plan stratégique qui était très différent de ce qu'il y avait avant, alors...

M. Bonnardel : M. Daoust ne participait à aucune rencontre stratégique spécifique...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, non, non, je... Non, non.

M. Bonnardel : ...même informelle, du côté du C.A., il n'était pas du tout là?

M. Scraire (Jean-Claude) : Non.

M. Bonnardel : Il ne communiquait pas avec personne, même pas avec vous?

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, puis on n'a pas communiqué non plus sur des questions de conseil, là, hein?

M. Bonnardel : Donc, vous n'avez pas eu d'appel précisément avec M. Daoust pour dire : Écoutez, là, M. Scraire, il faudrait peut-être prendre telle décision, passer au-dessus de la tête de M. Albert ou...

M. Scraire (Jean-Claude) : Bien, c'était plus une question d'opération aussi. M. Daoust n'était pas président du conseil avant, il était P.D.G. Alors, c'est plus au niveau du P.D.G., ce n'était pas à moi à faire appel à lui. Puis le P.D.G. ne voyait pas, dans le contexte, là, en quoi M. Daoust serait intéressé à collaborer puis en quoi il pourrait, effectivement, collaborer.

M. Bonnardel : Vous, là, lors de la première vente du bloc d'actions... Comme M. Albert le mentionnait tantôt, là, ça s'est fait en décembre 2013, on est passé de 9,9 % à 9,8 %, un premier bloc de 1 million d'actions. Là, on sort quand même de l'offre d'achat qui date d'à peine un an, hostile, de la part de Lowe's, là, ou à peu près.

M. Scraire (Jean-Claude) : Oui, plus ou moins, là. Un peu plus, oui.

M. Bonnardel : J'essaie de comprendre. Vous, là, étiez... Puis là tout ça, c'est un processus où le bloc a été vendu dans un espace d'un an. Étiez-vous pour qu'on commence à vendre un premier bloc d'actions, vous-même?

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, ce n'est pas un premier, c'est un bloc qui est un ajustement.

M. Bonnardel : Pardon, c'est?

M. Scraire (Jean-Claude) : Ce n'est pas un premier bloc, c'est un bloc qui est un ajustement, qui découle de la décision de la compagnie de mettre en place un programme de rachat. Alors, la compagnie met en place un programme de rachat, on fait l'ajustement. Depuis le début, Investissement Québec a clairement mis sur la table que son rôle était de détenir 9,9 %. Ce n'était pas en termes de dollars, c'était en termes de pourcentage, pour les considérations légales dont je viens de parler. Donc, automatiquement, si la compagnie diminue... l'exécution du plan de match initial, qui était de 9,9 %, commande qu'on fasse l'ajustement par des ventes parce que c'était ça, le plan de match, dès le début, 9,9 %.

M. Bonnardel : Dans l'analyse du risque, là, bon, on achète un bloc d'actions x, puis Investissement Québec veut nécessairement faire des sous, hein, ne veut pas en perdre. Est-ce qu'on vous a proposé pendant votre mandat, dit : Bien, écoutez, l'action est rendue à tel niveau, on va commencer à vendre de façon progressive puis on va être capable, si tout va bien, d'aller chercher un profit minimal? Si je me fie à mes documents, selon la VG, avec la vente de 12 millions d'actions, ça a été un profit d'à peu près 6,2 millions de dollars pour 4 %. Est-ce que c'était, pour vous, primordial qu'Investissement Québec fasse...

M. Scraire (Jean-Claude) : Bien, pendant les 10 mois où j'ai été là, ça n'a pas été sur la table, il n'a pas été question de vendre le bloc d'actions.

M. Bonnardel : Donc, vous, vous avez quitté en avril 2014...

M. Scraire (Jean-Claude) : En mai 2014.

M. Bonnardel : ...mai 2014. Et, à peine six mois plus tard, on décide de vendre complètement, puis vous me dites, vous, que vous n'avez jamais entendu parler qu'Investissement Québec...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non. Ni au conseil d'administration ni par la direction.

M. Bonnardel : Donc, en l'espace de six mois, tout ça a changé, puis on s'est dit : O.K. On prend la décision de vendre. Puis vous, vous n'aviez jamais eu vent, jamais eu vent de personne au C.A...

M. Scraire (Jean-Claude) : Pas pendant le temps où j'étais là, non. On n'a pas évoqué un problème, ou une opportunité, ou une...

M. Bonnardel : Parce que vous, vous étiez... Est-ce qu'on vous a déjà posé la question? Vous n'étiez pas d'accord ou... Parce que c'est quand même particulier, en l'espace...

• (11 h 30) •

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, il n'en a pas été question. Il n'en a pas été question, ni de vendre ni d'acheter. Le bloc était là, c'est tout.

M. Bonnardel : Et vous, le conseil d'administration...

M. Scraire (Jean-Claude) : Puis il y avait le suivi de gestion de risques. La gestion de risques est consciente qu'on a un risque là. Ça, ce que ça veut dire, parfois, là, il faut décider est-ce que, le risque, on l'accepte ou on ne l'accepte pas? Il avait été accepté visiblement depuis le début, le risque. Donc, la question, c'est : Bon, comment on gère le reste de l'actif, compte tenu qu'on a ce risque-là? Le risque est simple, là. Ce n'est pas le risque de perdre, c'est le risque des variations. Puis, comme le rendement d'Investissement Québec dépend de la valeur au marché du titre, le titre perd 2 $ deux jours avant la fin de l'année financière, bien, vous perdez 22 millions de dollars, puis vos profits tombent à zéro. Alors, le risque, c'est de cette nature-là, ce n'est pas...

M. Bonnardel : Mais, pour vous, là, il y avait quand même encore un danger. Vous n'auriez pas autorisé la vente de ce bloc complet parce que vous disiez : Aïe! ça ne fait pas un an. Vous venez de la caisse, vous en avez vu pas mal...

M. Scraire (Jean-Claude) : Écoutez, il n'en a pas été question. Il n'en a vraiment pas été question, ce n'était pas sur la planche à dessin en autant que le conseil est concerné. Puis M. Albert a dit qu'en autant que la direction était concernée, non plus, ce n'était pas sur la planche à dessin.

M. Bonnardel : Si je vous comprends bien, le conseil d'administration chez Investissement Québec se rencontrait une fois par mois?

M. Scraire (Jean-Claude) : Une fois par mois.

M. Bonnardel : Donc, à votre départ, tout de suite après votre départ, on vous remplace, et là, logiquement, ce processus de vente ne s'est pas décidé deux mois avant, selon vous? On ne vous a même pas appelé en disant : Écoutez, M. Scraire, vous venez de partir, là, vous avez des antécédents importants, vous avez travaillé à la caisse, qu'est-ce que vous en pensez qu'on décide de vendre, on va aller chercher... Vous n'êtes pas actif...

M. Scraire (Jean-Claude) : Au point de vue opérationnel et technique, il y a quand même des experts chez Investissement Québec qui sont capables de vous analyser tout ça puis de vous dire qu'est-ce qui arrive puis qu'est-ce que ça veut dire, quels sont les impacts, le légal, le financier, tout ça, là. Je pense que ce qui reste, c'est l'opportunité, compte tenu des questions économiques, de l'impact économique. C'est ça qui reste, ce n'est pas une question...

Le Président (M. Cousineau) : Dernière question rapide...

M. Bonnardel : Puis rapidement, pendant votre mandat de près de 10 mois, vous n'avez jamais eu de contact avec le gouvernement de l'époque, que ce soit le ministre des Finances, que ce soit... Excusez, j'ai...

M. Scraire (Jean-Claude) : Non, j'ai dit tantôt que j'avais rencontré le ministre des Finances probablement trois fois, là. Parce que j'ai été là 10 mois, puis on avait convenu d'une rencontre à peu près aux trois mois. Alors, est-ce que la troisième a été empêchée pas les élections? Là, ce n'est pas clair dans mon esprit, mais mettons trois fois... deux ou trois fois.

M. Bonnardel : Merci, M. Scraire.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, nous allons passer, pour les trois prochaines minutes, à M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Je voudrais juste apporter une correction à ce qui est un lapsus qui a été introduit sur les profits faits par Investissement Québec lorsque, finalement, les actions ont été vendues en novembre 2014. Ce n'est pas 120 millions, mais 20 millions si on se fie aux échanges de courriels faits par M. Marc Paquet qui en informait M. Ouellet, le chef de cabinet de M. Daoust à ce moment-là.

M. Scraire, vous avez parlé de la rémunération excessive des dirigeants lors d'une opération de vente. J'aimerais que vous apportiez une petite précision. En quoi est-ce que, dans le cas qui nous concerne, ça peut avoir un impact dans la décision qui a été prise par la direction de RONA, d'abord, de suggérer à ses actionnaires, qui sont Investissement Québec et d'autres, de vendre leurs actions?

Ensuite, l'autre élément qui a été très important que vous avez mentionné, c'est donc, dans votre perception, dans le fond, cette vente a été faite dans l'intérêt des actionnaires, dans lesquels était Investissement Québec, étaient plusieurs actionnaires privés, mais aussi la Caisse de dépôt et placement. Mais vous avez quand même éclairé la commission que les décisions ne peuvent pas uniquement être prises en vertu de ça. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a eu une stratégie de constituer une minorité de blocage pour la protection des sièges sociaux. En fait, c'est le sujet de notre débat. Le fond de l'affaire, là, c'est que, dans tout ça, il y a un siège social qui a été perdu.

Est-ce que vous, si vous étiez à la tête d'Investissement... c'est-à-dire président de son conseil d'administration, est-ce qu'en 2014 vous auriez accepté la proposition de RONA et vous auriez, au sein du conseil d'administration, milité en faveur de vendre ou plutôt consulter l'État québécois dans l'optique de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour bloquer cette vente et conserver RONA? Autrement dit, entre le profit à court terme des investisseurs et des actionnaires et la vision à long terme, pour le Québec, de garder ses sièges sociaux, quel aurait été votre choix?

M. Scraire (Jean-Claude) : Sur la question de rémunération, mon commentaire vise notamment... Je ne parlerai pas particulièrement de ce type de dossier là, là, parce que je n'ai pas tous, avec précision, là, les chiffres dans ce dossier-ci. Mais mon commentaire vise les rémunérations qui découlent d'options d'achat d'actions qui sont émises à des dirigeants et qui vont amener le dirigeant à valoriser la compagnie par toutes sortes de moyens, y compris des moyens artificiels, pour obtenir un prix plus élevé et la mettre en vente. Alors, vous pouvez mettre sur la table un paquet de bonifications qui peut atteindre plusieurs millions de dollars pour un dirigeant qui a le choix, peut-être, entre fabriquer une stratégie rapide pour encaisser son bonus — bien, son bonus sous forme d'actions, de bénéfice d'actions — ou travailler longtemps à faire marcher la compagnie, puis la faire progresser, puis à continuer, puis la rendre pérenne. C'est le choix que vous offrez parfois à des dirigeants.

Alors, quand on dit : Il faut aligner la rémunération des dirigeants avec celle des actionnaires, bien, encore faut-il bien comprendre quelle est la volonté des actionnaires. Si vous donnez un package... excusez l'expression, là, je vais le corriger, là, pour un paquet d'options à un dirigeant, bien, vous lui mettez la tentation très forte de l'encaisser très rapidement plutôt que de travailler de façon constante au bien, au développement de l'entreprise.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie beaucoup, M. Scraire, pour votre présentation puis votre contribution à notre commission parlementaire.

Alors, je suspends pour quelques instants et je demande au prochain intervenant de s'avancer à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 11 h 40)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Bonjour, M. Lafrance. Vous êtes notre prochain intervenant. J'aimerais, avant de débuter puis de passer la parole à M. Lafrance, vous demander, par souci d'équité pour notre prochain invité... Nous dépassons de 10 minutes notre temps. Nous devons finir à 12 h 30, j'aimerais avoir un consentement pour prendre 10 minutes de plus pour déborder jusqu'à 12 h 40. Consentement? Consentement. Très bien.

Alors donc, M. Lafrance, vous avez 10 minutes, maximum, de présentation. Par la suite, on va passer à la période d'échange avec vous.

M. Yves Lafrance, ancien président d'Investissement Québec

M. Lafrance (Yves) : Oui. Tout d'abord, juste préciser que je travaille pour la société Investissement Québec depuis 1991 jusqu'à présent. Ça a été entrecoupé d'une courte période de cinq ans où j'ai travaillé au ministère des Finances, où j'ai occupé le poste de sous-ministre adjoint, Projets économiques et sociétés d'État. Au moment où j'étais au ministère des Finances, j'étais également membre du conseil d'administration de la société pendant une période de trois ans à titre de représentant du ministère des Finances. Je suis de retour à la société depuis 2007. J'occupe le poste de premier vice-président, opérations. Et, au moment des événements qui concernent RONA, plus particulièrement au cours du mois de novembre et décembre 2014, j'agissais par intérim à titre de P.D.G.

Donc, pour vous faire un court préambule, on a transmis un cahier à la commission qui contient des documents dans l'objectif de faciliter les discussions avec les membres de la commission ce matin. Ce cahier-là contient notamment une chronologie des événements à partir du moment où on a acquis les actions de RONA à la demande du gouvernement en août 2012 jusqu'à la fin décembre 2014, au moment où la société, le conseil d'administration a pris la décision de procéder à la vente des actions de RONA, sujet à ce qu'on consulte le ministre non pas pour avoir une décision, un accord formel, mais pour avoir sa position sur la transaction qu'on s'apprêtait à faire puis, évidemment, savoir s'il y avait des objections par rapport à une telle transaction.

Et finalement, pour accompagner la chronologie des événements, on a différents documents, là, qui appuient le tout, des extraits de procès-verbaux des assemblées du conseil d'administration où il y a eu des décisions qui ont dû être prises à l'égard de RONA à compter du 1er août 2012 et puis également des communiqués de presse, là, qui ont mené au rachat de deux blocs d'actions, un premier, sous l'égide de M. Scraire et M. Albert en 2013, et le second, qui nous a amenés à nous présenter au conseil d'administration en novembre 2014. Je tiens à le mentionner, on allait au conseil d'administration non pas dans l'objectif de demander au conseil de vendre la totalité des actions de RONA, mais plutôt de vendre un second bloc d'actions de 875 000 actions suite à un programme de rachat qui venait d'être lancé par RONA la semaine précédente. C'était le même type... c'était la continuité, dans le fond, du premier programme de rachat, toujours dans l'objectif de demeurer en deçà du seuil de 9,9 % qui avait été décidé à l'origine.

Et évidemment il y a les courriels qui sont subséquents, là, à la séance du conseil de novembre 2014, là, où j'ai communiqué avec M. Ouellet pour l'informer de la position du conseil, et connaître la position du ministre, et savoir s'il y avait des objections. Et il y a également des courriels qui ont été échangés — que vous avez dans le cahier — en novembre, le 21 novembre, avec M. Ouellet, qui venait chercher de l'information à savoir quels étaient les pouvoirs de la société en matière de disposition d'actions et également d'acquisition d'actions, et également le 26 novembre 2014, où on est revenu à la charge, vu qu'on n'avait toujours pas de réponse, pour savoir si la position du ministre était connue, puis, ultimement, il nous est arrivé avec une réponse, là, dans la même journée en nous donnant l'accord sous une forme brève, là, qui est le mot «O.K.», là, mais qui référait clairement au courriel précédent qu'on lui avait transmis, là, au sujet de la transaction dont on parle.

Voilà, c'est ce que j'avais à dire ce matin, puis je suis disposé à répondre aux questions des membres de la commission au meilleur de ma connaissance.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lafrance. Alors donc, pour le premier bloc, je passe la parole, pour 23 min 30 s, à M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci, merci. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Lafrance, d'avoir accepté notre invitation. Donc, vous avez agi à titre de P.D.G. par intérim. Auparavant, vous étiez vice-président principal au financement mandataire et, depuis 2015, premier vice-président aux opérations et stratégies clients. C'est bien ça? Parfait.

Effectivement, on a pris connaissance des documents, là, inclus dans le cartable puis, à la page 3 de 5 du premier onglet, bien, on fait état, là, à partir de la date du 17 novembre 2014... Je vais vous lire la citation : «Par ailleurs, les administrateurs ont engagé une discussion sur l'opportunité de vendre progressivement la totalité des actions détenues, étant donné que le contexte entourant la situation de RONA avait évolué depuis le moment où la décision d'acquérir des actions de cette entreprise avait été prise.» C'est bien le cas? Parfait.

En tant que premier vice-président aux opérations et stratégies clients, est-ce que le comité de... En fait, je vais revenir, quelle est la procédure qu'Investissement Québec emploie en préparation pour les discussions et les points d'ordre qui sont discutés au conseil d'administration? Prenons l'exemple de RONA. Prenons l'exemple de pas juste, seulement la date du 17 novembre, mais les jours précédents. Donc, dans la mécanique de gouvernance, il y a un certain nombre de sujets qui sont élaborés qu'on souhaite que les administrateurs soient non seulement informés, mais soient outillés pour la prise de décision. Expliquez-nous la démarche.

M. Lafrance (Yves) : Dans les jours qui précèdent et même dans la semaine qui précède la tenue de la séance du conseil d'administration, il y a des échanges entre le président du conseil et le président de la société — le P.D.G. par intérim, au moment où moi, j'étais présent — pour discuter des sujets qu'on veut amener au conseil. Au-delà des sujets, là, qui sont des sujets de base, qui sont toujours présents à toutes les séances de conseil, s'il y a des dossiers de financement qu'on veut amener, des sujets concernant les ressources humaines ou tout autre sujet qui pourrait concerner la société, mais qui ne sont pas des éléments, là, qu'on retrouve de façon régulière au conseil, on échange avec le président du conseil puis on introduit ces sujets-là dans l'ordre du jour.

Dans le cas de RONA, le sujet qui a été introduit, c'était la vente d'un bloc de 875 000 actions dans le but de demeurer en deçà du seuil de 9,9 %, là, qui avait été prévu à l'origine, étant entendu que, quelques jours auparavant, RONA avait annoncé un second programme de rachat d'actions qui, dans les faits, était la continuité du précédent — le précédent se terminait le 18 novembre — pour faire, encore là, un rachat d'actions jusqu'à concurrence de 7 %, 7,9 % de leurs actions, alors qu'on avait un document de présentation qui avait été préparé par l'équipe, là, qui est dédiée à cette fin-là pour être présenté au conseil d'administration, et les membres du conseil avaient ce document-là entre les mains.

Ce document-là ne faisait pas référence à une vente de la totalité des actions, c'est un sujet qui est arrivé lors de la discussion sur la vente du bloc d'actions, où des membres du conseil se sont interrogés sur la pertinence d'être encore présent dans le dossier RONA, compte tenu des circonstances qui avaient évolué depuis le moment où on avait fait l'acquisition des actions en août 2012. On se rappelle qu'on est rendu 28 mois plus tard, il y a des éléments qui se sont produits entre-temps. Entre autres — puis il y en a qui l'ont évoqué auparavant, autant M. Scraire que M. Albert — RONA avait retiré son offre hostile en septembre 2012. La direction avait été remaniée. Il y avait eu des changements au niveau de la direction, il y avait un nouveau président du conseil qui était présent. L'équipe de direction avait un nouveau plan d'action qui semblait donner des résultats. On était passé de pertes de l'ordre d'environ 75 millions de dollars par année à un bénéfice. 100 millions de dollars, là, ce n'est pas énorme, là. 80 à 60 millions de dollars de bénéfice pour une société de la taille de RONA, ce n'est pas très gros, mais c'était un changement de cap, là, qui était évident.

Et il n'y avait pas eu d'autres indicateurs à l'effet que Lowe's, là... Normalement, quand ça se produit, les gens, quand ils reviennent à la charge, ça ne prend pas trop de temps, on était rendu 28 mois plus tard. Donc, certains membres du conseil se sont posé la question sur le fait qu'on devait ou pas demeurer dans le dossier RONA parce que, d'autre part, comme il a été mentionné, on avait 156 millions. Le coût des actions, là, des achats, c'était 156 millions. Sur un portefeuille de 2,5 milliards, c'est lourd, c'est 6 % du portefeuille, et c'est là que s'est engagée la discussion qui a mené à la décision dont on parle.

M. Polo : M. Lafrance...

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Polo : Oui. Désolé de vous interrompre. Allons-y étape par étape, sinon vous allez m'obliger à reformuler d'autres questions, puis je vais manquer de questions d'ici la fin de mon 23 minutes.

Mais, ceci dit, ce que j'en comprends, ce que je reprends de votre propos, c'est : Oui, en préparation pour la réunion du conseil, il y a une fiche ou une présentation qui est préparée pour les membres du conseil sur les actions de RONA. Deuxièmement, dans cette fiche-là... J'essaie d'interpréter vos propos et de m'imaginer qu'est-ce que cette fiche-là ou cette présentation-là inclut, inclut un état de la situation qui parle du plan de rachat d'actions, qui parle du plan de restructuration, qui parle du fait que le prédateur en question, Lowe's, n'est plus dans les parages, disons-le comme ça, O.K., qui parle ou qui explique qu'il y a une nouvelle équipe de direction qui est en poste, etc.

Quel était plus ou moins, si on peut dire, le coût ou le prix de l'action en bourse autour de cette date-là versus la date initiale d'achat, là, en août... achat, si on peut dire, récurrent, là, entre août 2012 et février 2013?

• (11 h 50) •

M. Lafrance (Yves) : Petite précision, il n'était pas fait mention dans le document en cause qu'il n'y avait pas eu de nouvelle proposition de Lowe's, qu'il y avait un nouveau plan d'action. Ce n'est pas de ça qu'on parlait, on venait pour vendre un bloc de 875 000 actions dans l'objectif de demeurer en deçà du seuil de 9,9 %. Donc, on faisait un bref portrait de la situation sans porter de commentaires, là, détaillés sur la situation de RONA.

Et le prix de l'action, là, de mémoire, était légèrement supérieur au coût moyen d'acquisition, qui était de l'ordre de 13 $, je crois, qu'on a payé ou environ. C'était légèrement supérieur. Pas beaucoup supérieur, mais légèrement supérieur, sauf qu'il y avait eu une remontée de l'action au cours des mois précédents, effectivement. Parce qu'il y a eu un creux, à un moment donné, qui a amené le cours de l'action autour de 10,50 $, à peu près.

M. Polo : Parfait. Donc, la présentation en préparation pour la date du 17 novembre — puis j'imagine que ces documents-là sont fournis aux administrateurs, précédant la rencontre, pour leur donner l'occasion d'en prendre connaissance, et tout ça — présente un portrait qui sert à déterminer la vente d'un deuxième bloc d'actions, 875 000 actions, là, si je ne me trompe pas, exactement, mais qui est un portrait qui est éminemment positif de la situation de RONA en fonction de cette décision à prendre des 875 000 actions. Ça veut dire que — et c'est écrit ici — que la situation a évolué depuis le moment où la décision d'acquérir des actions de cette entreprise a été prise.

J'essaie de ne pas trop m'avancer, mais corrigez-moi si... Nécessairement, cette recommandation-là ou le rapport en question présenté aux administrateurs présentait, si on peut dire, un portrait plus positif ou optimiste par rapport à la situation de RONA.

M. Lafrance (Yves) : Un portrait qui était plus positif que celui qui avait lieu au moment où l'acquisition des actions a été faite, oui.

M. Polo : Parfait. Donc, les administrateurs arrivent au conseil, ils s'attendent à discuter de la décision de vendre le bloc de 875 000 actions, et ce que j'en comprends, c'est que le sujet de discuter de se départir de la position complète de RONA à même votre portefeuille, c'est venu de façon spontanée.

M. Lafrance (Yves) : Absolument.

M. Polo : Donc, de façon spontanée. Est-ce qu'au-delà des membres statutaires du conseil d'administration... est-ce qu'il y avait des invités, soit du ministère, soit du côté politique, lorsque ce sujet-là a été abordé?

M. Lafrance (Yves) : Non.

M. Polo : O.K. Est-ce qu'au préalable de cette rencontre du 17 novembre... est-ce que ce sujet-là a été abordé soit par vous-même ou par d'autres collègues auprès du cabinet de M. Daoust, de M. Ouellet ou du cabinet de M. Daoust de façon plus globale?

M. Lafrance (Yves) : Non.

M. Polo : Donc, pour vous, la décision en préalable à la recommandation de se départir de 875 000 actions, c'était une opération courante, comme celle qui était arrivée précédemment, le premier bloc en question, pour se maintenir en dessous, et la discussion a été amenée de façon spontanée par des membres du conseil. C'est bien ça?

M. Lafrance (Yves) : Oui, c'est bien ça.

M. Polo : Donc, quand M. Daoust a répété à plusieurs reprises — puis c'est mon collègue de Marguerite-Bourgeoys qui a fait le décompte — qu'il n'a jamais été consulté avant que le conseil d'administration évoque le sujet, et discute du sujet, et statue sur le sujet malgré la recommandation finale qui était par la suite de consulter au préalable le cabinet, ses propos sont vrais, sont précis?

M. Lafrance (Yves) : Bien, moi, à ma connaissance, jamais personne n'a parlé de ça. Je ne peux pas parler pour l'un ou l'autre des membres du conseil, mais le conseil, en tant que conseil, n'a jamais évoqué à faire une discussion ou a eu une discussion avec M. Daoust à ce sujet-là.

M. Polo : Parfait. D'autre part, lorsque le sujet est amené de façon spontanée au conseil d'administration d'aller plus loin que les 875 000 actions en tant que telles, avec les éléments d'information qui sont soumis, qui sont présentés aux administrateurs du conseil, est-ce qu'ils ont suffisamment d'éléments d'information sur la position de RONA, la position d'IQ sur RONA? O.K.? Est-ce qu'ils ont suffisamment d'éléments d'information pour élaborer ou ouvrir la discussion, et s'interroger, et même de statuer de façon peut-être non finale, mais de statuer sur la position de RONA à l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec?

M. Lafrance (Yves) : Écoutez, le dossier de RONA, là, en dehors des décisions qui ont été prises, faisait l'objet régulièrement, dans d'autres séances de conseil... entre-temps, comment les choses évoluaient. Ce n'étaient pas des rapports très, très détaillés, mais le sujet était évoqué, les membres du conseil étaient au fait de l'évolution du dossier de RONA. C'était un dossier simple, quand même. On détenait des actions qui avaient été faites... l'acquisition avait été faite à là demande du gouvernement. Je ne pense pas qu'Investissement Québec, là — puis là je suis en train de donner une opinion — de sa propre initiative, aurait pensé, en quelque part en 2012, à acquérir des actions de RONA au niveau dont on parle de sa propre initiative.

Une fois que c'est dit, ça a été évoqué également par M. Albert, il y avait une préoccupation au niveau de la gestion des risques. Un portefeuille de 2,5 milliards avec 156 millions, c'est lourd. Il faut se rappeler qu'Investissement Québec, de par son plan stratégique, n'a pas le droit de faire du financement dans le domaine du secteur du détail. RONA, secteur détail, ce n'est pas notre secteur, ce n'est pas un secteur dans lequel on a une expertise ou une expérience. Donc, toutes les conditions étaient qu'on le faisait parce que c'était demandé.

Rendu en novembre 2014, les gens, en voyant les événements qui avaient évolué, où le danger qui existait au début ne semblait plus être présent, semblait être écarté, de l'autre côté, la gestion de portefeuille, 156 millions sur un joueur, sur un placement dans RONA... Et, pour votre information, le 20 millions auquel référait le député M. Khadir, il y a un profit de 6,2 millions qui a été, effectivement, fait parce qu'en 2013 on a dû inscrire une perte de 22 millions uniquement due au titre de RONA. Ça a réduit le bénéfice de la société de 22 millions. On a dû dévaluer la valeur du placement qu'on avait dans RONA de 22 millions dû aux cours boursiers qui avaient baissé considérablement.

Donc, c'est une préoccupation qui était constante. Je ne dis pas qu'ils pensaient à ça à tous les jours, là, mais, quand on allait au Comité de gestion des risques, effectivement, il y avait une attention qui était portée plus particulièrement à RONA. Alors qu'on arrive en novembre 2014, il y a une deuxième situation où il y a un bloc d'actions qui doit être racheté, le danger semble être écarté, on n'entend plus parler du tout de Lowe's, ça fait 28 mois. Les résultats s'étaient améliorés, il y avait une nouvelle équipe de direction. Les gens ont jugé que le danger était écarté et puis que, d'autre part, en termes de gestion de portefeuille, c'était opportun de vendre les actions.

C'est là qu'il y a eu une décision qui a été prise à l'unanimité des membres du conseil — et ça m'inclut — de vendre. Mais ça, c'était une décision d'affaires. On a dit : Ça, c'est la décision qu'on doit prendre. Par ailleurs, là, malgré le fait qu'on avait le pouvoir de prendre cette décision-là au conseil d'administration d'Investissement Québec, on n'avait pas l'obligation de consulter, il a été jugé, là, que c'était préférable d'aller en parler au ministre. Je dois vous dire que j'ai été un acteur important là-dedans parce que j'ai travaillé longtemps au ministère, je comprends la mécanique, puis on m'a demandé mon opinion, et suite à... Je ne pense pas que c'est juste mon opinion, il y a beaucoup de gens qui en étaient préoccupés. Il a été décidé de consulter le ministre pour non pas lui demander un accord formel — on n'avait pas besoin de ça — mais de connaître sa position par rapport à la transaction et, s'il avait des objections, qu'il nous les fasse savoir, auquel cas je serais revenu au conseil pour les informer de sa position, puis il y aurait eu une décision à prendre par la suite, décision dont je ne peux pas présumer.

• (12 heures) •

M. Polo : Merci beaucoup, M. Lafrance. Vos propos sont très pertinents, en effet. Ce que je retiens de cela, c'est que, compte tenu qu'évidemment c'était une décision politique — puis je le reconnais, mon collègue a répété mon propos — la décision d'achat avait été motivée de façon politique, je comprends que, lorsque le sujet est discuté de façon spontanée par les actionnaires et qu'une décision est prise, il en va de soi que vous aviez à consulter de façon non formelle... Je vais le dire de cette façon, non formelle, parce que c'est quand même... il n'y a pas eu de lettre officielle qui a été envoyée au ministre pour lui demander de statuer de façon formelle. Et vous venez de dire aussi, son accord, on n'a pas demandé un accord formel non plus. C'est ce que vous venez de dire il y a quelques instants également.

Donc, je reviens aux propos de M. Scraire. Puis je l'ai questionné longuement sur la prépondérance de la réponse, une fois que vous consultez le cabinet, O.K., une fois que vous consultez le politique, une fois que vous avez analysé, que vous avez pris une décision, éminemment, d'affaires — ce qu'on comprend, vous venez de nous l'expliquer — et que vous ajoutez à cela un élément d'information dans la prise de décision qui est l'élément politique... J'ai demandé à de multiples reprises à M. Scraire : Est-ce que, dans le cas des fonds propres, dans le cas de la prise de position dans RONA par Investissement Québec... est-ce que le fait de consulter le cabinet, de consulter le politique... est-ce qu'il y a une obligation d'action ou c'est un élément parmi tant d'autres, comme tous les autres éléments qui sont analysés dans la décision d'affaires? Et, ultimement, quel est le poids, s'il y a poids, prépondérant ou pas, dans la décision finale qui a été prise?

M. Lafrance (Yves) : Moi, je ne peux pas présumer de ce qu'aurait fait le conseil après parce que j'aurais dû revenir puis les informer de la position du ministre. Mais, s'ils ont pris la peine de demander qu'on le consulte, je ne pense pas que c'est un élément comme tant d'autres. C'est un élément important, et je pense que ça aurait eu une influence. Mais je ne peux pas décider ou prendre position en leur nom, là, parce qu'il aurait fallu que je revienne. Donc, formellement, ils n'avaient pas à demander l'accord, mais, si on le demandait, c'est que ça avait un poids relatif, important, sinon on n'aurait pas fait ça.

Ça fait que la décision était en deux temps. Oui, la décision de gestion de portefeuille, c'est celle-là. Puis, si on avait eu pleine liberté totale parce que ça aurait été un placement qu'on aurait fait de notre propre initiative, on l'aurait prise, mais ce n'est pas le cas. Par conséquent, on a demandé de faire l'exercice, et je ne pense pas que c'était anodin. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Polo : Oui, oui. Oui, ça... bien, en partie. Effectivement, on avance, M. Lafrance. Parfait. Donc, pour vous, c'était un élément important sans être un élément décisif, O.K., sans être un élément prépondérant. C'est ce que j'ai essayé de comprendre dans les propos de M. Scraire en tant qu'ancien président du conseil, est-ce que c'est un élément prépondérant. C'est un élément important. Donc, il y a là quand même une différence au niveau du poids... dans l'interprétation du poids de la réponse qui est reçue à ce moment-là.

Mais, si, pour vous, c'était un élément important, pourquoi avoir simplement demandé une réponse par courriel? Est-ce que c'était dans l'usage normal de recevoir... Est-ce qu'un courriel, pour vous, c'est d'usage pour une décision importante? Pourquoi, si les membres du conseil vous demandent de vous enquérir au préalable sous réserve de la consultation du ministre responsable de la société...

Le Président (M. Cousineau) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Yves) : La première chose, c'est que j'ai appelé Pierre Ouellet, là. Le 21 novembre, là, Pierre Ouellet, quand il a communiqué avec Marc Paquet au sujet de RONA pour avoir de l'information... Moi, je ne peux pas connaître la date exacte où je lui ai parlé, là, mais fort probablement que, si la séance du conseil a eu lieu le 17, si je ne l'ai pas fait le 17 au soir, je l'ai fait le 18, tôt le matin. Maintenant, je n'ai pas la démonstration de ça, les registres téléphoniques ne permettent pas de mesurer ça, mais c'est certainement avant le 21 novembre. Puis, le 21 novembre, Pierre Ouellet, quand il s'est levé le matin, il ne s'est pas dit : Je vais appeler Marc Paquet pour m'informer sur RONA simplement parce que c'est quelque chose qui lui est venu à l'idée, là, pendant la nuit, alors qu'il y a un événement déclencheur, et l'événement déclencheur, c'est l'appel que j'ai fait à Pierre Ouellet pour lui expliquer la situation clairement, comme on le faisait dans bien d'autres dossiers, énormément d'autres dossiers.

Je réfère dans un autre document aux rencontres statutaires. Et les rencontres statutaires, c'était la même chose, verbales, les courriels très courts, puis, très souvent, verbalement. Et, voyez-vous, là, c'est la façon de faire. Donc, j'ai communiqué avec le chef de cabinet par téléphone. Le 21 novembre, lui est revenu auprès de Marc Paquet pour s'enquérir de certaines règles en matière de décision et il référait... Et, quand Marc Paquet lui a répondu, il lui a répondu «ton appel», l'appel de Pierre Ouellet. Et, par la suite, là, j'ai demandé à Marc Paquet, là, de me rappeler pour que je lui fasse part de la conversation que j'avais eue avec Pierre Ouellet à ce sujet-là. Alors, c'était la façon de faire, puis je dois vous dire que c'est encore la façon de faire, puis c'était la façon de faire avec tous les autres ministres auparavant. Les écrits, c'est très rare qu'on en a un d'un ministre, c'est extrêmement rare. Et je vous dirais qu'on est même chanceux d'avoir les courriels dans ce cas-là. Si on n'avait pas de courriels ici ce matin, là, pour démontrer ce qui a été fait, là, je pense que ça ne serait pas une journée facile. Donc, on a des courriels, dans ce cas-là, qui démontrent qu'on a eu un contact sur ce sujet-là avec le cabinet et qu'on est revenus avec une réponse sur ce sujet-là.

Le Président (M. Cousineau) : Pour deux minutes. M. le député.

M. Polo : Non, mais j'en conviens. Puis je l'ai mentionné aux collègues, ma position a évolué entre le mois de juin et aujourd'hui grâce, notamment, aux courriels et aux nouveaux éléments, et puis j'en conviens que c'est des éléments importants. Donc, juste pour clore, parce que mes collègues vont continuer à vous poser des questions, la décision d'affaires, indépendamment de la position politique, la décision d'affaires, la recommandation à l'interne ou, si on peut dire, la lecture de la situation de RONA à l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec avait évolué entre le moment de l'achat et cette date-là, le 17 novembre, et, en aucun moment jusqu'à cette discussion spontanée au conseil d'administration, le politique n'a été consulté. Donc, la décision qui est ressortie de cette discussion-là s'est faite de façon autonome, tel que la définition d'utilisation des fonds propres chez Investissement Québec le permet. Et, comme élément additionnel — important, mais additionnel — vous avez jugé important de consulter le politique, mais la décision avait déjà été formulée par les membres du conseil d'administration. C'est bien ça?

M. Lafrance (Yves) : Oui, la décision du conseil, c'était : On doit aller de l'avant, on devrait les vendre, là. Sur la base de gestion de portefeuille, le rôle naturel qui est confié à Investissement Québec en l'absence d'une situation où il y aurait eu un mandat, il avait le pouvoir quand même de prendre la décision. Mais, compte tenu des circonstances, il a été jugé qu'il était nécessaire de faire la démarche auprès du ministre. Et, je le répète, ce n'était pas anodin. Je ne peux pas prétendre par avance que ça aurait changé la décision s'il y avait eu une réponse négative, mais je pense que ça aurait eu un poids important.

Le Président (M. Cousineau) : Il vous reste 30 secondes, rapidement.

M. Polo : Donc, lorsque mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui a fait le décompte, mentionne que M. Daoust a eu à 11 reprises l'occasion de s'exprimer et de répéter qu'il n'a jamais été consulté sur la décision d'Investissement Québec de se départir des actions de RONA, vous, ce que vous répondez, c'est qu'il répète correctement les propos de l'ancien ministre?

M. Lafrance (Yves) : Moi, je vous dis que, le 17 novembre, quand on est arrivés au conseil, on ne s'attendait pas à cette discussion-là, ça fait que je ne vois pas pourquoi il aurait été consulté sur le sujet avant.

M. Polo : Excellent. Merci beaucoup.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député. Alors donc, nous passons au deuxième bloc pour 14 minutes. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lafrance. Bienvenue à cette commission parlementaire. Merci de nous aider à porter un éclairage sur la vente des actions de RONA. J'ai entre les mains le document qui a été fourni aux parlementaires où, fort heureusement, Investissement Québec, de façon très transparente, nous a écrit un peu la chronologie des événements. Dans ce document que vous nous donnez, vous nous dites que, le 17 novembre 2014 — je cite, là, le document — la résolution a été adoptée d'autoriser «Investissement Québec à disposer des autres actions de RONA qu'elle détient, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre responsable de la société». Moi, quand un conseil d'administration met une réserve, sous réserve, ça veut dire : On a besoin de... Non seulement on a besoin de consulter le ministre... pas le chef de cabinet, le ministre. Donc, l'obligation de consultation était fondamentale à ce moment-là pour le conseil d'administration.

Le Président (M. Cousineau) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Yves) : Oui. Oui, oui, absolument.

Mme Maltais : Oui, tout à fait. Alors donc, ensuite, dans les mêmes documents, on nous décrit dans l'onglet 13 le mode de fonctionnement à Investissement Québec, cabinet du ministre Daoust. On nous dit que le chef de cabinet du ministre de l'Économie était l'interlocuteur avec qui la direction d'IQ communiquait pour discuter relativement aux dossiers d'intérêt pour le ministre. Donc, c'est le chef de cabinet qui répondait pour le ministre, c'est vraiment... Donc, en écrivant au chef de cabinet, c'était la méthode habituelle pour consulter le ministre, d'après les documents. Les rencontres étaient hebdomadaires, vous en aviez toutes les semaines. C'est ce que vous...

M. Lafrance (Yves) : Oui, oui, oui.

Mme Maltais : Toutes les semaines.

M. Lafrance (Yves) : Chaque ministre est libre de déterminer la fréquence.

Mme Maltais : Oui, j'ai été ministre.

M. Lafrance (Yves) : Dans le cas de M. Daoust, c'était de façon hebdomadaire, sauf pour la période d'été.

Mme Maltais : C'est l'usage, d'ailleurs. Et ça servait à présenter aux deux l'état de la situation pour les dossiers d'actualité. C'est ce que vous nous dites.

M. Lafrance (Yves) : Oui.

Mme Maltais : Est-ce que RONA était un dossier d'actualité, à votre avis, après le 17 novembre?

M. Lafrance (Yves) : O.K. Après le 17 novembre?

Mme Maltais : Après cette décision.

• (12 h 10) •

M. Lafrance (Yves) : Ça aurait pu en être un, oui, si on avait... Parce qu'entre le 17 novembre puis la prochaine rencontre statutaire il y avait un délai, puis on avait déjà agi auparavant en interpelant M. Ouellet. Donc, ce n'était pas la seule façon de le faire. La rencontre statutaire, de façon générale, ce que ça sert à faire, c'est pour tous les dossiers où il y a un financement qui est en négociation qui est en cours, un montant à peut-être consentir, que ce soient des dossiers qui puissent éventuellement faire l'objet d'un décret ou des dossiers d'importance. Dans le programme Essor, c'est, plus souvent qu'autrement, des filiales de multinationales, là, qui cherchent à avoir des aides sous forme incitative.

Mme Maltais : Oui. M. Lafrance, vous expliquez bien, là. Si vous me permettez, c'est parce qu'on a tellement peu de temps qu'on essaie de...

M. Lafrance (Yves) : O.K.

Mme Maltais : Vous dites bien dans les documents : À présenter l'état de situation pour les dossiers d'actualité et les recommandations relatives au financement. Mais est-ce que le fait de vendre des actions de RONA aurait dû, à votre avis, être un dossier d'actualité tellement important que ça aurait dû faire l'objet d'une discussion à ces rencontres, qui sont habituellement des rencontres ministre, sous-ministre ou, actuellement, le ministre était considéré représenté par le chef de cabinet? Donc, est-ce que c'est revenu en discussion dans ces tables de travail?

M. Lafrance (Yves) : Non.

Mme Maltais : Ce n'est jamais revenu?

M. Lafrance (Yves) : Non, parce qu'on avait déjà entrepris la démarche auprès de Pierre Ouellet.

Mme Maltais : O.K. D'accord. Le 17 novembre, la décision est prise sous réserve de consultation. Vous nous dites, entre le 18 et le 21 novembre, vous, vous faites un appel à Pierre Ouellet.

M. Lafrance (Yves) : Oui.

Mme Maltais : Donc, la confirmation revient le 26 novembre. Donc, pendant une semaine complète, le chef de cabinet savait que les actions seraient à vendre, et vous... Ce n'est pas deux heures, là, la confirmation, là, vous comprenez? Entre le courriel où vous demandez une confirmation et le moment où le chef de cabinet répond O.K., il y a deux heures — je vais consulter. Mais ça fait une semaine que le chef de cabinet sait, à ce moment-là, que les actions vont être à vendre. Si vous l'avez appelé, vous l'avez avisé vers le 18 novembre.

M. Lafrance (Yves) : Oui.

Mme Maltais : O.K. Donc, depuis une semaine, vous avez demandé à Pierre Ouellet de consulter le ministre?

M. Lafrance (Yves) : Exact.

Mme Maltais : Selon la résolution du conseil d'administration, votre demande était de consulter le ministre.

M. Lafrance (Yves) : Absolument, oui.

Mme Maltais : O.K. Ensuite, vous avez la confirmation le 26 novembre. La décision arrive le 15 décembre à votre... Vous arrivez à votre conseil d'administration pour transmettre le résultat de la consultation le 15 décembre, n'est-ce pas, d'après vos documents?

M. Lafrance (Yves) : Exact, exact.

Mme Maltais : Donc, depuis le 18 novembre jusqu'au 15 décembre, pendant ce mois-là, vous considérez que, pendant ce mois, il y a eu normalement consultation du ministre.

M. Lafrance (Yves) : Bien, le 26 novembre, nous, on considère qu'on a eu une réponse.

Mme Maltais : O.K. C'est parce qu'il aurait même pu y avoir... Parce que, moi, ce que j'essaie de comprendre, c'est comment le ministre peut dire : Je n'ai jamais su qu'il y avait cette transaction-là avant la décision du conseil d'administration du 15 décembre. Parce que, s'il l'apprend entre le 26 novembre... même après le O.K. de son chef de cabinet qui est le 15 décembre, il peut toujours faire : Tu as fait une erreur, mon Pierre, on va revenir sur ta décision. Mais là ça veut dire que, pendant un mois de temps, il y a une transaction comme ça qui est sur la table, qui est débattue. À la demande du conseil d'administration, vous faites les contacts nécessaires, mais la décision n'arrive que le 15 décembre. Donc, pendant un mois de temps, vous, vous êtes convaincu que le ministre vous a dit oui.

M. Lafrance (Yves) : Bien oui, le 26 novembre.

Mme Maltais : Ça dure un mois, là.

M. Lafrance (Yves) : Pour nous, le 26 novembre, là, il a rendu une décision. Puis évidemment, moi, mon rôle, c'était de revenir au conseil d'administration le 15 décembre. D'ailleurs, on n'a pas commencé à vendre les actions avant le 15 décembre, on a attendu après le 15.

Mme Maltais : Tout à fait, vous avez attendu après le 15. Donc, juste pour...

M. Lafrance (Yves) : C'est ça, pour être bien sûrs, là, qu'il n'y avait pas rien, là, qui pouvait changer en cours de route.

Mme Maltais : C'est ça. Donc, vous n'avez pas eu de signal contraire disant : Non, non, non, c'est une erreur?

M. Lafrance (Yves) : Non.

Mme Maltais : O.K. Ça se serait pu si le ministre n'avait pas voulu. Parce que je ne peux pas concevoir que, d'ici au 15 décembre, il n'y a pas eu d'avis au ministre comme quoi les actions de RONA étaient à vendre. Pour moi, c'est... J'ai été ministre, là, j'ai des relations avec un chef de cabinet, là, et je vous comprends d'avoir affaire au chef de cabinet, que le ministre, il court partout à travers le Québec. Le chef de cabinet, c'est l'alter ego du ministre. C'est vraiment l'alter ego d'un ministre, puis un chef de cabinet se doit d'informer un ministre des décisions importantes qui se passent, surtout quand ça prend un mois entre l'appel et la décision officielle du conseil d'administration. On ne parle pas d'un courriel de deux heures, là, on parle d'un mois pendant lequel le ministre travaillait, était sur place et était responsable d'Investissement Québec. Évidemment, M. Lafrance, vous me permettez ces quelques commentaires.

Il y a eu des réunions subséquentes ensuite entre Investissement Québec, les bureaux des sous-ministres et le chef de cabinet?

M. Lafrance (Yves) : Certainement. Je ne peux pas vous dire combien qu'il y a en a eu, là, mais, oui, il y en a eu certainement... Ça n'arrivait pas que ça dure pendant un mois sans qu'il y ait une réunion, c'est certain.

Mme Maltais : Vous m'avez dit tout à l'heure : Il n'en a jamais été question. Ça n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour?

M. Lafrance (Yves) : Non, parce que le genre de sujets qui sont inscrits lors des rencontres statutaires, comment ça commence, c'est que le cabinet nous transmet un ordre du jour qui évolue en cours de semaine. Puis c'est souvent des dossiers pour lesquels il y a une décision à rendre de la part du ministre ou des orientations qu'il veut donner en termes de mandats de négociation qu'il veut confier à Investissement Québec et à son ministère pour les fins des discussions avec les entreprises en cause. Donc, s'il y avait eu quelque chose qu'il aurait voulu rediscuter sur RONA, il l'aurait inscrit. De notre côté, 26 novembre, on a une décision, et pour laquelle on a donné suite à compter du 18 décembre seulement, après qu'on ait été au conseil d'administration, mesure de prudence.

Mme Maltais : M. Lafrance, s'il vous plaît, dans le courriel où M. Carrier demande une approbation, je vais lire le libellé, là : Pourrais-tu nous confirmer... Dans le mot «confirmer», déjà on comprend qu'il y avait eu des discussions avant. Donc, ça ne vient pas d'arriver, là, il y a déjà eu des discussions, comme vous l'avez dit, avec M. Ouellet. Donc : Pourrais-tu nous confirmer par retour de courriel que le MEIE est en accord avec cette vente? Quand on dit le MEIE, quand vous écrivez le MEIE, en conformité avec la résolution du conseil d'administration, c'est bel et bien du ministre dont vous parlez?

M. Lafrance (Yves) : Oui. D'ailleurs, la conversation avec Pierre Ouellet, c'était le ministre. Si on avait voulu parler au ministère administratif, on aurait parlé au sous-ministre.

Mme Maltais : Oui, c'est ce que je pense aussi.

M. Lafrance (Yves) : Ce n'est pas le cas.

Mme Maltais : Ça a été la réflexion que je me suis faite. Quand on parle au chef de cabinet, c'est une décision politique qu'on cherche.

M. Lafrance (Yves) : Et, d'ailleurs, le sous-ministre n'a jamais été mis au fait de ça parce que c'était une transaction à part, là, qui avait été faite à part à l'origine. Puis également, dans la deuxième étape, au moment de la vente, si on voulait avoir la position du ministre, ce n'était pas la position du ministère qu'on voulait avoir. Écoutez, là, quand ça a été écrit comme ça, là, dans une organisation, les gens ne connaissent pas tous la mécanique gouvernementale, mais le fait est que celui qui reçoit le courriel savait parfaitement de quoi on parlait et qu'il devait donner une réponse.

Mme Maltais : Parfait. C'est bien ma compréhension de la mécanique gouvernementale.

Une dernière chose. Vous avez dit tout à l'heure : Quand j'ai appelé Pierre Ouellet, c'était clair. Donc, quand vous avez appelé Pierre Ouellet, c'était clair que c'était l'avis du ministre que vous vouliez avoir?

M. Lafrance (Yves) : Madame, ça ne pouvait pas être plus clair que ça.

Mme Maltais : O.K. C'est une chose importante. C'est bien ce que je comprenais aussi dans le type de relation.

M. Lafrance (Yves) : Je n'ai pas l'habitude de parler de façon ambiguë, ma réputation n'est pas dans ce sens-là.

Mme Maltais : Non, je le sais, M. Lafrance, c'est pour ça qu'on voulait vous avoir ici. Je pense que vous avez une réputation aussi de transparence et d'intégrité. Vous gérez les fonds publics, et je pense que c'est une responsabilité.

Investissement Québec est une société d'État. Donc, vous avez parlé tout à l'heure du fait que vous n'aviez pas à en informer le sous-ministre parce que la société d'État, dans l'organigramme, est directement sous la responsabilité du ministre, si je ne m'abuse.

M. Lafrance (Yves) : Oui, mais on travaille tous les jours avec le ministère, là. Il faut être réaliste, là, les discussions se font à la fois avec... Je parle des rencontres statutaires, les hauts dirigeants du ministère sont présents, les responsables de ce genre de dossier là chez Investissement Québec sont présents, puis, normalement, le ministre est là.

Dans le cas de M. Daoust, lui, son choix, c'était de faire piloter ces rencontres-là par M. Ouellet. Ce que je vous dis, c'est qu'on travaille avec ces gens-là, mais il y a des circonstances où on va s'adresser au ministre directement. Mais on ne fait pas le choix de lui parler, c'est lui qui décide s'il nous parle.

• (12 h 20) •

Mme Maltais : Oui. Mon collègue, tout à l'heure, a parlé de la mission du Fonds de développement économique : «Le fonds est affecté [...] au versement de toute aide financière prévue par un programme élaboré ou désigné par le gouvernement[...], à l'exécution [de tout autre mandat] que le gouvernement confie à la société.»

Est-ce que vous êtes capable de me donner une opinion sur le fait que ce mandat ait finalement été décidé par le P.D.G. d'Investissement Québec de l'époque, Jacques Daoust, on a décidé de le confier à Investissement Québec dans ses fonds propres au lieu du Fonds de développement économique? C'est important parce que, tout à l'heure, vous avez dit que ça pesait lourd sur le budget d'Investissement Québec. Or, si c'était allé au Fonds de développement économique, on n'aurait pas eu cette contrainte.

M. Lafrance (Yves) : Bien, écoutez, je n'étais pas présent lorsque la décision a été prise. Moi, ce que je constate, c'est que M. Bachand s'est exprimé dans les journaux, là, je pense, c'était le 31 juillet ou quelque chose comme ça, puis le conseil, c'était une assemblée spéciale, 1er août. Ça ne donne pas grand temps, ça donne une nuit.

Est-ce que les gens, c'est par inadvertance qu'ils n'ont pas pensé à utiliser le Fonds de développement économique plutôt que les fonds propres? Je ne le sais pas. M. Daoust pourrait répondre à ça. Si vous me poseriez la question aujourd'hui, une transaction semblable, à quel endroit elle devrait se situer, il n'y a pas de doute dans ma tête, c'est un dossier de Fonds de développement économique, ça m'apparaît clair.

Mme Maltais : O.K. C'est un dossier de Fonds de développement économique. Malheureusement, nous n'avons pas encore d'opinion des collègues sur la présence de M. Daoust, mais je pense que votre commentaire nous amène à croire qu'effectivement, M. le Président, la présence de M. Daoust va s'avérer importante, surtout que le commentaire que vous avez fait, c'était pesant sur les fonds propres d'Investissement Québec.

M. Lafrance (Yves) : Oui. Juste pour compléter, «pesant», ça veut dire que, si ça va bien, tu peux faire beaucoup d'argent. On voit, d'ailleurs, là, qu'on a vendu pas... Les gens qui parlent parfois qu'on a voulu faire un profit, 6,2 millions sur 152 sur deux ans, ça donne un rendement de l'ordre de 2 %. L'objectif, ce n'était pas de faire de l'argent, il y avait une fenêtre, la situation semblait s'être résorbée, le danger qui était imminent à l'époque semblait ne plus être présent, puis on pouvait récupérer le montant qu'on avait mis là-dedans puis éliminer ce risque-là. On a fait 6,2 millions, mais ce n'était pas pour faire 6,2 millions. Sinon, si on avait voulu spéculer — ce n'est pas notre rôle — on aurait attendu. Puis voyez-vous ce qui est arrivé, finalement on aurait fait un gros gain d'argent, là. Donc, je veux juste mettre en perspective que ça ne s'est pas fait dans un but spéculatif ou de faire des bénéfices.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lafrance. Ça termine le bloc que nous avions avec l'opposition officielle. Nous allons passer maintenant à la deuxième opposition pour 9 min 30 s. M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. M. Lafrance, bonjour. M. Lafrance, vous avez travaillé longtemps avec M. Daoust, un certain nombre d'années.

M. Lafrance (Yves) : Oui. Oui. Oui.

M. Bonnardel : Vous aviez, j'imagine, une relation où vous aviez échangé vos numéros de cellulaire?

M. Lafrance (Yves) : Bien, il avait mon cellulaire, il avait tous mes numéros de téléphone.

M. Bonnardel : C'est ça. Vous étiez capables de vous appeler assez souvent rapidement sur les numéros personnels.

M. Lafrance (Yves) : N'importe quand.

M. Bonnardel : O.K. Quand est arrivée la réunion du 17 novembre 2014 où vous avez entériné la vente de 875 000 actions, plus à disposer des autres actions de RONA, M. Daoust était de l'autre côté, il attendait de l'autre côté pour vous rencontrer par la suite.

M. Lafrance (Yves) : Oui, il arrivait. Il venait à une séance à huis clos avec les membres du conseil autres que ceux qui sont des employés de la société. Donc, je n'ai pas participé à cette réunion-là.

M. Bonnardel : O.K. Vous n'avez pas participé, mais on vient quand même de prendre une décision importante...

M. Lafrance (Yves) : Oui.

M. Bonnardel : ...de vendre le bloc d'actions global de RONA. M. Daoust, le ministre, est de l'autre côté. Vous venez de demander d'autoriser Investissement Québec à disposer des actions, mais, au préalable, il faut l'autorisation du ministre. L'aviez-vous vu, le ministre, juste en sortant?

M. Lafrance (Yves) : Je l'ai croisé. Il rentre, je sors, il prend place.

M. Bonnardel : Même pas une petite poignée de main puis dire : Salut, mon Jacques?

M. Lafrance (Yves) : Oui, oui, bonjour, Yves. Pop! Ça vient de s'éteindre, là, je n'ai même pas eu le temps de discuter.

M. Bonnardel : On vient de prendre une grosse décision, on va t'en parler par la suite?

M. Lafrance (Yves) : On n'a pas eu l'occasion de se parler du tout, du tout.

M. Bonnardel : À votre connaissance, donc, dans cette rencontre où M. Daoust était présent, tout de suite après, il n'y a personne qui a parlé de ça?

M. Lafrance (Yves) : Je ne peux pas répondre, je n'étais pas présent. Ça s'est fait à huis clos, donc le contenu de ces discussions-là, là, ça ne m'est pas donné par la suite.

M. Bonnardel : Les personnes qui étaient à huis clos avec M. Daoust, il y avait les membres du conseil d'administration?

M. Lafrance (Yves) : C'étaient les membres du conseil d'administration...

M. Bonnardel : C'étaient les membres du conseil d'administration.

M. Lafrance (Yves) : ...autres que ceux qui sont des employés de la société.

M. Bonnardel : Donc, eux viennent d'entériner une décision majeure avec une possible offre d'achat hostile qui a eu lieu à peine voilà deux ans, puis là vous me dites que vous ne savez pas si M. Daoust a été informé par les membres du C.A.

M. Lafrance (Yves) : Je vous affirme que je ne le sais pas.

M. Bonnardel : Vous ne le savez pas.

M. Lafrance (Yves) : Je vous affirme que je ne le sais pas.

M. Bonnardel : Donc, il n'y a personne dans la réunion qui a dit : Bien, on a le ministre de l'autre côté, on va, au moins, lui demander son opinion. Il est là, puis on demande dans la résolution...

M. Lafrance (Yves) : Moi, je suis sorti tout de suite. Est-ce que la question que vous me posez, c'est : Est-ce qu'après coup il y a un membre du conseil qui m'aurait parlé qu'il y aurait eu une discussion sur ce sujet-là? Personne ne m'a parlé de ça.

M. Bonnardel : Alors, même pas pendant la rencontre du conseil d'administration, quand vous savez que le ministre est de l'autre côté, il n'y a personne qui dit : On va parler au ministre par la suite?

M. Lafrance (Yves) : Personne n'a dit ça.

M. Bonnardel : Personne n'a dit ça?

M. Lafrance (Yves) : Personne n'a dit ça.

M. Bonnardel : Ce n'était pas, pour vous, particulier de dire : Bien, écoutez, là, on a le ministre, on va demander son autorisation tout de suite après? Vous avez le ministre de l'autre côté, là, l'autre bord de la porte, là, puis là vous me dites qu'il n'y a personne au C.A., puis même dans la rencontre à huis clos après ça, qui a levé le petit doigt...

M. Lafrance (Yves) : Moi, ce que je vous dis, j'affirme que personne au C.A. n'a évoqué le sujet d'en parler avec M. Daoust lors de la rencontre qui aurait lieu par la suite à huis clos, qui était une rencontre demandée par M. Daoust. Personne n'a dit ça. Ça, je vous l'affirme.

M. Bonnardel : Quelle pourrait être la raison principale que personne ne parle de ça à M. Daoust? Il fallait garder ça secret?

M. Lafrance (Yves) : Je ne crois pas. Écoutez, là, les raisons qu'ils pouvaient avoir, est-ce qu'ils avaient d'autres choses à l'idée ou les discussions avec M. Daoust, là, portaient sur d'autres sujets? Je ne connais pas les sujets qu'ils voulaient parler, je ne peux pas vous répondre, là.

M. Bonnardel : M. Lafrance, s'il vous plaît, vous avez dit tantôt : RONA, là, pour nous c'était une préoccupation constante.

M. Lafrance (Yves) : Oui, absolument.

M. Bonnardel : Puis là vous essayez de me faire croire, là, moi, là, que le ministre est de l'autre côté, et vous venez d'entériner une décision archi-importante pour un fleuron québécois, puis M. Daoust n'est pas informé, le ministre comme tel, puis, le lendemain matin, vous appelez le chef de cabinet... Vous dites que, le 18 au matin, vous avez appelé M. Ouellet?

M. Lafrance (Yves) : Bien, je vous dis que, si ce n'est pas le 18... Ça me surprendrait que je ne l'aurais pas fait le 18. J'ai dit entre le 18 et le 21, mais je crois que c'est le 18. Je ne peux pas l'affirmer parce que l'appel de M. Ouellet auprès de Marc Paquet s'est fait le 21. Donc, je n'ai pas de preuve, je n'ai pas de registre qui précise ça, mais ma façon de faire, c'est qu'habituellement, quand j'ai quelque chose à faire, je le fais très rapidement. Donc, je serais fort étonné que j'aie passé le cap du lendemain matin. Ce que je vous dis, c'est ça.

Maintenant, je vous réponds, j'affirme qu'il n'y a personne au conseil, pendant que j'ai été présent, qui a évoqué le fait de discuter de la situation de RONA avec M. Daoust lors de la rencontre ultérieure. Je vous l'affirme. O.K.? Si je vous le dis, là, si je vous dis ça, c'est que c'est la réalité.

M. Bonnardel : Il n'y a personne au conseil d'administration, vous l'affirmez sur la Bible, qui vous a dit: On a le ministre de l'autre côté, on va lui en parler.

M. Lafrance (Yves) : Qui a évoqué ça pendant que j'étais présent. Est-ce qu'ils l'ont fait après? Je ne le sais pas, je ne peux pas vous le dire, je n'étais pas présent.

M. Bonnardel : Puis, le lendemain, vous n'avez pas pris la décision de dire : Bien, écoutez, je vais appeler mon ancien chum, je vais appeler M. Daoust, le patron, le ministre. Vous n'avez pas eu ce réflexe-là?

M. Lafrance (Yves) : Écoutez, là, on ne parle pas avec un ministre parce que ça nous tente, c'est lui qui décide de nous appeler. J'avais une relation professionnelle avec M. Daoust. Une relation professionnelle longue, mais une relation professionnelle. Une bonne relation, ça s'arrêtait là.

M. Bonnardel : Bien, M. Lafrance, excusez-moi, là, excusez-moi, là, on vend un bloc d'actions important, il y a eu une offre d'achat hostile voilà pas à peine deux ans. Vous prenez une décision, et le ministre est de l'autre côté, puis vous me dites, vous, là, que c'est une préoccupation constante, puis vous n'avez pas pensé de parler au ministre. Tous les membres du C.A. qui étaient là, motus et bouche cousue, pas un mot.

M. Lafrance (Yves) : Je vous affirme, puis je pense que ça fait quatre fois que je le dis, là, qu'en aucun cas je n'ai entendu personne évoquer le fait qu'ils voulaient en parler avec le ministre lors de la séance, le huis clos qui avait lieu après coup. Je vous affirme ça, là. Est-ce qu'ils en ont parlé? Est-ce qu'il y en a deux qui s'en sont parlé dans le coin sans que je ne sois présent? Peut-être. Moi, je vous dis que je n'ai pas entendu rien à cet effet-là pendant que j'étais présent.

M. Bonnardel : Alors, depuis que le ministre a démissionné parce qu'il dit qu'il n'était pas au fait, vous n'avez parlé à personne du conseil d'administration, dire : Toi, as-tu parlé au ministre pendant qu'on le...

M. Lafrance (Yves) : Non. Pourquoi je ne fais pas ça? Parce que je ne veux pas être teinté. Moi, je viens ici dire les choses que je connais. Aller vérifier auprès des gens, faire ce genre de choses là... Si les gens du conseil d'administration voudraient me le dire, ils me l'auraient dit. Ils ne m'en ont pas parlé, puis je ne leur ai pas demandé.

M. Bonnardel : C'est quand même grave.

M. Lafrance (Yves) : C'était un huis clos, là.

M. Bonnardel : C'est quand même grave, il y a un ministre qui a démissionné. Vous, ça ne vous intéressait pas de savoir si...

M. Lafrance (Yves) : Bien, écoutez, là, ce que je vous dis, quand il y a une séance de huis clos, c'est un huis clos. Je ne suis pas censé être au fait des choses, puis ce n'est pas moi qui vais solliciter de l'information, qui vais vouloir briser un huis clos en demandant aux gens : Écoutez, là, «by the way», là, c'est un huis clos, mais je voudrais savoir ce qui s'est dit. Si eux veulent me le dire, c'est leur liberté, mais moi, je ne vais pas leur demander. Puis ça fait partie de mes façons de faire. Je suis une personne intègre, une personne honnête, je ne fais jamais ça. Je ne forcerai pas la porte pour obtenir une information que je n'ai pas le droit d'avoir. J'ai respecté ça toute ma vie, je vais continuer.

M. Bonnardel : Alors, pour vous, un banal O.K. était suffisant de la part d'un chef de cabinet pour dire : On y va. Puis, quand vous avez...

M. Lafrance (Yves) : Ce n'est pas un banal O.K. Ce n'est pas un banal O.K.

M. Bonnardel : Bien, pour moi, c'est assez banal, là, un O.K., là, pour autoriser la vente de ce bloc d'actions.

M. Lafrance (Yves) : Ce n'est pas un banal O.K. Quand on parle au chef de cabinet, on présume que lui, il parle avec son ministre, d'autant plus que la façon dont on fonctionnait avec le chef de cabinet lors des rencontres statutaires, ce qui est assez inusité, c'est qu'il ne prenait pas de décision, le chef de cabinet, pendant les rencontres statutaires, il prenait ça en délibéré, il revenait après ça nous donner les réponses après discussion, on présume, avec M. Daoust parce que c'est dans l'ordre des choses. Si le chef de cabinet nous répond : C'est O.K., puis qu'il prend la peine, deux heures avant, de dire : Merci, parce que je n'ai pas la réponse, je vous reviens «ASAP», «as soon as possible», je présume qu'il est allé consulter quelqu'un. Et ce quelqu'un-là, ça devait être son supérieur, j'imagine encore.

M. Bonnardel : Étiez-vous persuadé que le premier ministre était au courant?

M. Lafrance (Yves) : Que le premier ministre...

M. Bonnardel : Que le premier ministre était au courant, quand même?

• (12 h 30) •

M. Lafrance (Yves) : Je ne le sais pas. Le canal de communication, pour nous, c'est le ministre. C'est à lui à juger s'il veut discuter avec ses collègues, avec le premier ministre d'un dossier. Ce n'est pas à moi à valider par après auprès d'une instance supérieure à savoir si le ministre en a parlé.

M. Bonnardel : Vous disiez que vous aviez rencontré le ministre, je pense, une fois par semaine pendant... C'était une rencontre statutaire avec le ministère ou une fois par mois, une fois aux deux semaines?

M. Lafrance (Yves) : En moyenne, c'était presque à toutes les semaines, là, avec le ministère.

M. Bonnardel : Toutes les semaines.

M. Lafrance (Yves) : Ce n'est pas toujours à toutes les semaines, mais c'est ça qui était le principe avec l'équipe de M. Daoust.

M. Bonnardel : Puis cette décision-là, subtilement, de vendre ce bloc d'actions ne s'est pas décidée juste le jour du 17 novembre. La semaine auparavant ou les deux semaines auparavant, vous avez communiqué cette information que peut-être vous en arriviez avec le C.A...

M. Lafrance (Yves) : D'aucune façon. Le 17 novembre, quand on est allés au C.A., là, on allait là pour recommander la vente d'un bloc de 875 000 actions. On n'avait pas à l'esprit du tout de vendre la totalité des actions, ça a été... Lorsqu'on a présenté ça, ils ont donné le O.K., et la discussion s'est engagée entre les membres du conseil sur l'opportunité de demeurer actionnaires de RONA. Il n'y a aucune discussion, rien qui nous a laissé croire que, lors de la séance du 17 novembre, les membres du conseil soulèveraient ce point-là.

M. Bonnardel : Donc, dans l'ordre du jour reçu une semaine auparavant, on sait qu'on va liquider 875 000...

M. Lafrance (Yves) : C'est tout.

M. Bonnardel : ...mais on ne sait pas du tout qu'on va liquider l'ensemble des actions une semaine avant?

M. Lafrance (Yves) : Non, on n'a pas parlé de ça, c'est les membres du conseil qui ont soulevé cette question-là.

M. Bonnardel : Et, pour vous, ça ne prenait pas... de prendre quelques jours, sinon de dire : Écoutez, un instant, là, c'est une décision qui est majeure, est-ce qu'on peut l'entériner immédiatement ou on la retire du procès-verbal puis on attend? Parce que, tantôt, c'est M. Scraire qui dit : Moi, jamais je n'aurais demandé d'écrire ça sans parler au ministre avant. Alors, pour vous, c'était correct de l'écrire sans...

M. Lafrance (Yves) : Écoutez, moi, je n'étais pas président du conseil, là.

M. Bonnardel : Non, je le sais. Je le sais.

M. Lafrance (Yves) : Il y avait un président du conseil qui, s'il avait voulu faire ça, aurait pu le faire.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député, c'est terminé. Donc, nous passons au bloc suivant. M. le député de Mercier, pour trois minutes.

M. Khadir : Un peu plus tôt cet avant-midi, M. Albert, qui avait été, donc, P.D.G. d'Investissement Québec, nous a assuré que, lorsqu'il avait la conviction qu'une décision était conforme à l'orientation générale prise par le gouvernement, il ne sentait pas le besoin de consulter. Par exemple, dans l'ajustement opéré par la vente d'une fraction de 1 million d'actions pour ramener les investissements d'Investissement Québec à un niveau qui respecte le seuil — comment on appelle ce seuil, là? — d'initié, il ne voyait pas l'obligation de le faire. Mais, s'il sentait qu'il y avait un changement d'orientation, il le faisait.

Est-ce que, selon vous, M. Lafrance, au moment où il était question, donc, à votre connaissance, de vendre une partie ou la totalité des sommes d'Investissement Québec, compte tenu du décret auparavant, deux ans auparavant, qui avait été occasionné par la volonté du gouvernement de constituer une minorité de blocage... est-ce que, selon vous, ça constituait vraiment un changement majeur et si ce changement majeur dans les orientations était un changement de l'ensemble du gouvernement tel que vous le connaissiez en 2014, en novembre 2014?

M. Lafrance (Yves) : Bon, le bloc de 875 000 actions, à mon avis, non, pas du tout, parce qu'on restait dans l'orientation qui avait été donnée. Vendre la totalité des actions, c'est un changement de cap, et c'est la raison pour laquelle, au-delà de dire : Voici la décision d'affaires...

M. Khadir : Vous avez pris le téléphone.

M. Lafrance (Yves) : ...on va consulter avant de donner suite.

M. Khadir : Très bien. Ma question, alors, est plus... Je vais le poser précisément. Compte tenu que, finalement, il a fallu décider sur, oui ou non, on vend la totalité du bloc, puis ça, vous sentiez le besoin de consulter le gouvernement, est-ce que, quand même... C'est sûr que vous l'avez fait parce que vous sentiez le besoin de le consulter directement pour avoir le O.K., mais est-ce que, selon vous, ça correspondait à la stratégie d'ensemble que ce gouvernement, de toute façon, avait édictée, qui était différente de l'autre gouvernement libéral qui était au pouvoir deux ans plus tôt? Est-ce que vous aviez une lecture... Parce que M. Albert fondait ses décisions, ses choix à partir d'une lecture qu'il faisait des orientations du gouvernement. C'était quoi, votre lecture des orientations du gouvernement?

M. Lafrance (Yves) : La lecture qu'on avait de l'orientation du gouvernement, c'était qu'au moment où on a fait l'acquisition il y avait un danger qui était imminent. Il y avait une situation où il y avait une offre hostile qui avait été présentée, puis le conseil de RONA avait refusé cette offre-là, puis il y avait nécessité d'agir pour éviter que Lowe's puisse donner suite à son offre hostile d'une façon quelconque.

La lecture qu'on en avait en novembre 2014, il y avait 28 mois d'écoulés, Lowe's ne semblait pas... Normalement, quand ça se produit, là, des surenchères, ça se produit dans les mois qui suivent, et là on était rendus 28 mois plus tard, et il n'y avait pas eu de surenchère. Ils avaient retiré leur offre, et la situation de RONA s'était améliorée. Ce n'était pas la mer à boire, là, mais elle s'était améliorée.

Le Président (M. Cousineau) : Merci.

M. Lafrance (Yves) : Donc, on n'est pas là pour rester en permanence. Donc, la décision de gestion de portefeuille, c'était de vendre, mais, compte tenu des circonstances...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, M. Lafrance, je vous remercie pour votre participation à cette commission parlementaire. C'est tout le temps que nous avions cet avant-midi.

Je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures dans cette même salle. Merci. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Cousineau) : Votre attention, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons nos travaux et nous avons comme invité M. Louis Roquet. Alors, M. Roquet, comme les autres personnes ce matin, vous avez, maximum, 10 minutes pour faire une petite présentation, et puis, par la suite, bien, les parlementaires vont discuter avec vous du sujet RONA. Alors, à vous la parole, M. Roquet.

M. Louis Roquet, ancien président du conseil
d'administration d'Investissement Québec

M. Roquet (Louis) : Merci beaucoup. M. le président de la commission, Mmes et MM. les membres de la commission, en tout premier lieu, j'aimerais préciser très brièvement que j'ai occupé, de 1996 à 2002, le poste de président-directeur général de la Société de développement industriel, SDI, qui est devenue en 1998 Investissement Québec. À l'époque, j'ai participé activement à la rédaction de la loi et, à la demande du ministre d'État à l'Économie et aux Finances, M. Bernard Landry, j'ai également mis en place Investissement Québec. Par la suite, j'ai assumé successivement les fonctions de président-directeur général de la Société des alcools du Québec de 2002 à 2004, de président et chef de l'exploitation de Desjardins Capital de risque de 2004 à 2009 et de directeur général de la ville de Montréal en 2010 et 2011.

Depuis 2012, je travaille dans le secteur privé et je continue à siéger à différents conseils d'administration. Ayant été aussi appelé à présider le conseil d'administration d'Investissement Québec de juin 2014 à avril 2016, je suis heureux de partager avec vous quelques constats sur le modus operandi de cette société d'État créée en 2011 par la fusion de ses activités avec celles de la Société générale de financement, de même que quelques réflexions inspirées par l'expérience acquise au sein de la haute fonction publique québécoise.

Dès le départ, il m'apparaît important, comme d'autres témoins l'ont fait, d'attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que les activités d'Investissement Québec se divisent en deux grandes catégories, soit, d'une part, les activités liées à ses fonds propres et, d'autre part, les activités réalisées à titre de mandataire du gouvernement du Québec.

Les activités liées aux fonds propres sont inhérentes à l'offre de services d'Investissement Québec, qui comprend notamment des prêts, des garanties de prêt ainsi que des investissements tels que des prises de participation par l'achat de capital-actions. Dans ce dernier cas, la Loi sur Investissement Québec prévoit que la société ne peut pas investir une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs sans l'autorisation du gouvernement. Au moment de la transaction de RONA, cette valeur nette s'établissait à environ 2,5 milliards. Quant aux prêts et aux garanties de prêt, ils ne sont pas assujettis à une limite légale, mais la politique d'Investissement Québec prévoit une limite de 100 millions de dollars pour le cumul des interventions dans une même entreprise.

Investissement Québec possède donc un portefeuille d'investissement qu'elle réalise avec ses fonds propres et qui relève exclusivement de ses instances. Le gouvernement n'intervient pas dans le processus décisionnel, sauf, comme je viens de le mentionner, si l'achat de capital-actions nécessite une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette des actifs. Il est important de préciser ici que l'autorisation du gouvernement ne concerne aucunement la pertinence, les termes et les conditions de l'investissement, mais seulement le dépassement de ce seuil fixé par la loi.

Les activités réalisées, d'autre part, à titre de mandataire du gouvernement du Québec concernent l'administration d'aide financière, de programmes et de fonds, la prospection d'investissements étrangers ainsi que l'administration de mesures fiscales établies par le gouvernement.

Pour ce qui est de l'administration de fonds, le plus important est sans doute le Fonds de développement économique, dont les activités sont avant tout financées par des emprunts contractés auprès du gouvernement du Québec. Investissement Québec, dans ce cas, agit donc comme mandataire du gouvernement. Cette situation a pour corollaire que les autorisations incombent au gouvernement, et à lui seul, et que le conseil d'administration d'Investissement Québec n'est même pas saisi des dossiers relevant du fonds. De fait, le gouvernement est la seule et unique instance qui détermine les modalités du financement accordé.

Pour ce qui est de l'investissement dans RONA, qui intéresse les membres de la commission, il faut d'abord rappeler que c'est à la demande du gouvernement et à l'aide de ses fonds propres qu'Investissement Québec s'est porté acquéreur, à compter d'août 2012, d'actions de cette compagnie. Pourquoi par le biais de ses fonds propres plutôt que par le canal du Fonds de développement économique? Une des raisons, sans doute, est que le mécanisme de financement à travers le Fonds de développement économique est beaucoup trop lourd pour permettre d'intervenir rapidement.

En février 2013, IQ détenait 12 millions d'actions acquises au coût de 156 millions de dollars, soit un coût moyen de 13 $ l'action. Dans un courriel envoyé le 21 novembre au directeur de cabinet du ministre responsable de la société, le vice-président aux affaires juridiques et secrétaire d'Investissement Québec, Me Marc Paquet, a confirmé à M. Pierre Ouellet que — et je cite — «pour vendre, dans le cas qui nous occupe, la Loi sur IQ n'oblige pas de décision du Conseil des ministres».

La loi, à l'article 12, obligeait qu'il y ait un décret pour qu'IQ puisse faire l'investissement parce que le montant potentiellement impliqué pouvait dépasser 2,5 % de la valeur nette des actifs d'IQ. La loi permet au gouvernement de fixer dans son décret des conditions à son approbation, ce qui n'a pas été le cas ici. Par exemple, on aurait pu prévoir que la vente de tout ou une partie des actions acquises nécessite l'approbation préalable du gouvernement ou du ministre. Ça n'a pas été le cas. L'interprétation donnée par Me Paquet est donc claire et non équivoque, la loi prévoit l'obligation, pour Investissement Québec, d'avoir en main une autorisation du gouvernement pour procéder à l'acquisition d'actions dont le montant représente une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs.

Il ne faut pas faire dire à la loi ce qu'elle ne dit pas, l'acquisition n'inclut pas la disposition, à plus forte raison quand cette acquisition a été effectuée dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, à savoir à la demande du gouvernement, qui réclamait une intervention urgente de la société d'État afin de contrer une offre publique d'achat non sollicitée, et d'une entreprise de commerce de détail, un des secteurs dans lesquels Investissement Québec n'investit pas. La Vérificatrice générale le reconnaît d'ailleurs dans son récent rapport à l'Assemblée nationale du Québec pour la période 2016‑2017 tout en rappelant à juste titre que la responsabilité de gérer le dossier par la suite incombait à Investissement Québec, notamment en ce qui concerne la décision de vendre les actions.

En novembre 2013, le conseil d'administration a autorisé Investissement Québec à vendre des blocs d'actions afin que sa participation demeure en deçà du seuil de 10 % de détention pour éviter que la société devienne une initiée. Des actions ont été, effectivement, vendues le mois suivant sans consulter le ministre responsable à l'époque, le ministre des Finances et de l'Économie du Québec, M. Nicolas Marceau. Un an plus tard, le 17 novembre 2014, pour la même raison, les administrateurs ont résolu à l'unanimité d'autoriser Investissement Québec à disposer de 875 000 des actions de RONA, et ce, encore une fois sans consulter le ministre responsable de la société. Ils ont aussi décidé à l'unanimité dans la même réunion du 17 novembre 2014 de vendre les autres actions de RONA, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre, selon ce qui est consigné dans le procès-verbal de la réunion. Au moment de vendre le bloc total des actions de RONA, il n'y avait plus d'offre publique d'achat dans l'air, 28 mois s'étaient écoulés.

Non seulement Investissement Québec n'a-t-elle jamais reçu le moindre avertissement réprobateur pour avoir vendu des actions sans autorisation de son ministre responsable, mais le gouvernement n'a, d'aucune façon, émis de directive enjoignant à la société d'État d'obtenir dorénavant son autorisation préalable. Dans un article publié le 11 février 2016 dans Le Journal de Québec, le journaliste Régys Caron rappelait que — et je cite — «deux années se sont écoulées entre le moment où Investissement Québec a entrepris la vente de ses actions dans RONA et l'achat de la chaîne de [quincailleries québécoises] par Lowe's. IQ a écoulé ses actions en 10 blocs vendus entre le 6 décembre 2013 et février 2015.» Or, rien n'indique qu'une seule de ces 10 transactions ait été l'objet d'une autorisation préalable du ministre responsable.

• (14 h 10) •

En terminant, je tiens à attirer l'attention des membres de la commission sur la façon dont Investissement Québec aborde la question dans la description de son modus operandi avec le cabinet de l'ancien ministre Jacques Daoust. Je cite : Pour donner suite à la résolution adoptée par le conseil d'administration d'IQ le 17 novembre 2014, M. Yves Lafrance a utilisé le canal de communication habituel en s'adressant à M. Pierre Ouellet, chef de cabinet, pour obtenir la position du ministre Daoust à l'égard de la disposition de la vente de la totalité des actions détenues par la société. Non seulement le mot «position» n'est pas synonyme d'autorisation, mais le fait de connaître la position du ministre ne signifie pas nécessairement que la société d'État soit tenue de la partager ou de la suivre. Selon moi, les procès-verbaux du conseil d'administration d'Investissement Québec — et je les ai signés, et c'est une erreur que j'ai faite — auraient dû référer non pas à une consultation du ministre, mais à son information préalable. Ce faisant, la réalité aurait été adéquatement reflétée, et l'imbroglio actuel aurait sans doute été évité.

Il demeure cependant que la Vérificatrice générale a raison de recommander que soient précisés les critères permettant de clarifier la démarcation entre les interventions d'importance menées à même le Fonds de développement économique et celles réalisées avec les capitaux propres d'IQ. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Cousineau) : ...M. Roquet. Alors donc, nous allons passer la parole à M. le député de Laval-des-Rapides pour 23 min 30 s.

M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. M. Roquet, bienvenue. Merci d'avoir accepté notre invitation à moi et mes collègues.

M. le Président, j'aimerais demander, avec la permission de M. Roquet... Ses propos ont été très, très pertinents, et je pense que chaque mot qu'il a prononcé a été bien calculé de sa part pour bien refléter sa pensée. J'aimerais savoir si c'est possible d'avoir une copie de son allocution. Je sais que ça va être reflété dans les galées, mais j'aimerais, si c'est possible, pour usage aujourd'hui même — et nous avons encore d'autres intervenants qu'on va recevoir — recevoir une copie de son allocution s'il accepte.

Le Président (M. Cousineau) : Ça vous appartient, M. Roquet. Est-ce que vous en faites...

M. Roquet (Louis) : ...volontiers.

Le Président (M. Cousineau) : Est-ce que vous en faites un dépôt officiel?

M. Roquet (Louis) : Pardon?

M. Polo : Est-ce que vous en faites un dépôt officiel?

M. Roquet (Louis) : Si vous voulez, oui, ça me fait plaisir.

Document déposé

Le Président (M. Cousineau) : Après votre... D'accord, merci.

M. Polo : Après ce... Parfait, excellent. M. Roquet, vous venez de mentionner, à la toute fin de votre intervention, que, si on peut dire, en bon processus de gouvernance, vous avez signé le procès-verbal de la rencontre du 17 novembre. Et ici, nous, on a un résumé... même pas un résumé, en fait, on a une citation qui mentionne qu'étant donné... Attendez. «Après discussion, les administrateurs ont convenu que la vente progressive du solde des actions ordinaires devait être engagée sous réserve de consulter...» Et là je pense que vous venez d'apporter un élément important, là, que, si vous pouviez retourner à ce moment-là, au lieu de préciser le mot «consulter», vous utiliseriez le mot «informer». Pourquoi?

M. Roquet (Louis) : Écoutez, ça pourrait être «consulter». Je vous explique. C'est important de se représenter... et M. Lafrance, ce matin, l'a fait, de représenter comment s'est déroulée cette séance-là. Avant la séance, disait-il — et il a raison — le président, qui était par intérim à ce moment-là, et le président du conseil se rencontrent pour établir l'ordre du jour de la réunion du conseil. Et l'ordre du jour de cette réunion comportait un item qui était la vente de 875 000 actions de RONA, point, pour des raisons techniques, et donc le document qui a été déposé était un document qui référait exclusivement à cette transaction, à cette décision. Par contre, le conseil d'administration qui siégeait à ce moment-là était le conseil d'administration qui avait autorisé l'investissement initial dans RONA et qui, par la suite, recevait du Comité de gestion des risques une mise en état de l'évolution de la situation à chaque réunion du conseil ou à peu près. Donc, ils étaient parfaitement au courant, ils n'avaient pas besoin d'un papier ou d'un document pour être capables de prendre une décision relativement à cet investissement.

Au moment de la discussion, certains membres du Comité de gestion des risques, dont c'était le rôle, dans le fond, d'évaluer le niveau de risque du portefeuille et les gestes pouvant être posés pour le gérer, ont dit : La situation a changé grandement, nous en faisons le suivi. Le risque d'une offre hostile s'est estompé, n'existe plus, et la raison qui a présidé à notre investissement initial, de créer une minorité de blocage, n'existe plus, et nous devrions, en toute prudence, liquider ce portefeuille, puisque ça n'aura pas d'impact sur la propriété de RONA. Et nous devrions le faire parce que c'est un titre boursier qui a manifesté une volatilité dans le passé. On a pris une perte de 20 millions de dollars l'an dernier. Les profits de la société sont de l'ordre d'environ 50 millions, ça veut dire que votre profit disparaît de 40 % d'un coup et, possiblement, pourrait même être complètement oblitéré par des fluctuations boursières sur lesquelles on n'a aucun contrôle. Donc, à ce moment-là, séance tenante, une proposition a été faite aux membres du conseil par le comité de liquider l'ensemble du portefeuille. Je suis intervenu et j'ai dit qu'en saine gouvernance et en bon sens, comme c'était un geste qui nous avait été demandé par le gouvernement, nous devrions informer le ministre de cette décision.

Je vous ferais remarquer que la résolution a été adoptée, elle n'a pas... Et elle a adoptée, son application a été suspendue par le conseil jusqu'à temps qu'on ait un retour d'information sur la position du ministre. J'ai confié à Yves Lafrance, séance tenante, le mandat de s'assurer d'aller chercher l'information requise et de revenir au prochain conseil, dans son rapport de P.D.G., au conseil avec les informations sur la position du ministre.

Et, pendant ce temps — là, je m'excuse, la réponse est un peu longue, mais je pense que c'est important de comprendre la séquence des événements — Investissement Québec avait commencé la préparation de son plan stratégique, et une première présentation avait eu lieu au conseil d'administration sur comment se déroulerait le travail, qui serait consulté, etc. À ce moment-là, j'ai proposé au conseil d'inviter le ministre à venir rencontrer des membres du conseil en dehors d'une réunion du conseil pour communiquer au conseil et à la direction les orientations du gouvernement, celles que le gouvernement voudrait revoir ou retrouver dans le plan stratégique de la société.

Alors, il a été convenu qu'à la fin de la rencontre du conseil d'administration du 17 novembre M. le ministre viendrait rencontrer en huis clos les membres du conseil d'administration pour communiquer les orientations du gouvernement dans le futur plan stratégique. Alors, jusqu'à la fin de la réunion, le ministre était dans le couloir... ou dans la salle d'attente. Quand la réunion s'est terminée, après que les membres du conseil aient décidé de ne pas tenir de huis clos, O.K., à ce moment-là les membres de la direction qui étaient à la réunion du conseil, etc., sont partis. Est demeuré le secrétaire, puisqu'il devait prendre des notes de la rencontre avec le ministre et des orientations données par le ministre. Le ministre est entré dans la salle, a communiqué ses orientations. Et, quand ça a été terminé, comme il avait un autre engagement, il a quitté. Alors, ça, c'est vraiment la séquence des événements.

Donc, premièrement, la décision de vendre l'ensemble du portefeuille, M. Scraire, ce matin, disait qu'en toute logique il aurait demandé l'opinion du ministre avant d'amener au conseil une telle décision. Logiquement, c'est ce que j'aurais fait, mais ce n'était pas à l'ordre du jour, ça a atterri comme ça, et c'est pour ça que j'ai demandé de surseoir à l'application de la décision du conseil jusqu'à temps qu'on ait de l'information sur la position du ministre. J'espère que ça vous éclaire un peu, mais je pense que c'est important de comprendre la dynamique de cette rencontre-là.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Roquet. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci. Merci beaucoup. Effectivement, M. Roquet, ce matin, j'ai pris l'opportunité de demander à M. Lafrance à savoir est-ce qu'en préparation... ou est-ce que, dans la note de recommandation ou dans le rapport de recommandation pour vendre le bloc de 875 000 actions... est-ce qu'on faisait état de, justement, ce que vous avez mentionné, que la situation avait changé grandement, que le risque s'était estompé, que le risque n'existait plus, qu'en toute prudence il fallait peut-être procéder. Il m'a dit : Écoutez, nous, pour nous, c'était une décision d'opération, une décision quotidienne.

Ceci dit, là, vous ajoutez également un élément très intéressant, c'est que vous dites : Le 17 novembre 2014, les membres du C.A. qui étaient présents étaient les mêmes membres du C.A. qui étaient présents à l'origine de l'achat.

Une voix : ...

• (14 h 20) •

M. Polo : En effet. Donc, lorsque le sujet atterrit sur la table, comme vous venez de le mentionner, tout le monde ont accès plus ou moins à la même information, connaissent la séquence des événements, sont informés, bien sûr, du changement de la haute direction de chez RONA, le plan de restructuration, le plan de rachat des actions, etc., et tout le monde, en toute connaissance de cause aussi, sont conscients que la menace qu'est le risque d'une offre d'achat hostile par Lowe's n'était plus dans le radar. Est-ce que je me trompe en disant ça?

M. Roquet (Louis) : Oui, vous avez raison.

M. Polo : Parfait. Et l'élément additionnel que vous venez de mentionner, c'est que, séance tenante, une proposition a été faite. Donc, tous les membres étaient pleinement conscients, comprenaient bien les enjeux reliés à la position d'Investissement Québec sur l'action de RONA. Séance tenante, une proposition est présentée afin de vendre la totalité, le solde de la position détenue dans RONA, et la résolution est adoptée avec une application suspendue. Et c'est là que vous avez corrigé vos propos. Plutôt que de consulter ou de demander la permission, ce que vous souhaitiez et ce que vous avez annoncé aujourd'hui, corrigé vos propos, c'est de dire : On souhaitait plutôt informer le ministre. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Roquet (Louis) : C'est le cas et c'est très clair. Parce que, si le conseil d'administration avait dit : Nous ne prendrons pas de décision tant que nous n'aurons pas l'avis, l'opinion, la position du ministre, etc., on aurait donc, à la réunion suivante du conseil, après l'information reçue d'Yves Lafrance que le ministre était d'accord, O.K... on aurait eu une résolution en bonne et due forme qui aurait été conservée au procès-verbal de la société, disant : Ça y est, maintenant, on peut procéder à la vente du solde. Or, ce n'est pas le cas. La résolution du 17 novembre était une résolution qui était décisionnelle, et elle a été prise, et il n'y a pas eu d'autre résolution par la suite.

M. Polo : L'application s'est faite au mois de décembre. Mais la décision ne s'est pas faite au mois de décembre, comme la députée de Taschereau essaie d'insinuer publiquement.

M. Roquet (Louis) : La décision a été prise au mois de novembre, et l'application en a commencé au mois de décembre.

Mme Maltais : ...

Le Président (M. Cousineau) : Un instant. Un instant.

Mme Maltais : ...M. le Président...

Le Président (M. Cousineau) : Question de règlement?

Mme Maltais : Question de règlement. On vient de dire que je tente d'insinuer des choses. Ça va bien dans la commission parlementaire, là, restons polis entre collègues. Ça va très bien, continuons comme ça, mon cher ami.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, effectivement, M. le député de Laval-des-Rapides, soyez prudent dans vos propos puis adressez-vous à la personne qu'on reçoit.

M. Polo : Donc, c'est ça. Donc, la décision a été prise le 17 novembre dans votre... Pour vous, c'est très clair. Et donc de consulter ou d'informer le ministre, pour vous, c'était un élément, comme M. Lafrance l'a dit, un élément important, mais le gros de la décision... En fait, la résolution a même été adoptée le 17 novembre. C'est ce que j'en comprends.

M. Roquet (Louis) : Oui. Oui, la résolution a été adoptée le 17 novembre. Et, si le ministre avait communiqué une opposition violente à cette transaction — là, je fabule — j'aurais dû revenir au conseil, informer le conseil de la position du ministre et des motifs qu'il invoquait et demander au conseil, sur la base de cette nouvelle information : Est-ce que vous modifiez votre décision, ou si vous gardez votre décision, ou si vous la modulez? Mais le conseil est souverain.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Polo : En effet. Et, M. Roquet, j'aimerais vous entendre à nouveau sur la pertinence à l'origine... Parce que, là, on se questionne sur le processus de vente des actions de RONA, mais, vous l'avez mentionné dans votre introduction, vous nous avez expliqué c'est quoi, les contraintes prépondérantes d'utiliser un mécanisme comme le Fonds de développement économique versus les fonds propres dans le cas d'achat d'actions, dans ce cas-ci de RONA.

Premièrement, moi, l'interprétation que je fais, c'est qu'en utilisant les fonds propres ça venait d'autant plus donner un élément de respect de l'autonomie de décision d'Investissement Québec dans sa prise de décision, dans sa gestion du portefeuille, mais vous avez également expliqué que l'alternative, en fait, aurait été beaucoup plus contraignante et même aurait alourdi le processus de gestion de cette position-là dans votre portefeuille.

M. Roquet (Louis) : M. Scraire, ce matin, a mentionné un autre élément qui est important. Il disait qu'en général, dans les sociétés publiques, les actionnaires, surtout les actionnaires institutionnels, n'aiment pas beaucoup voir des gouvernements actionnaires parce qu'ils trouvent que les gouvernements ont des motivations qui ne sont pas nécessairement les motivations des actionnaires ordinaires ou, si vous voulez, des investisseurs institutionnels.

La seconde raison, c'est que, si c'est une décision dans le cadre du FDE, elle est publique, on vient de télégraphier à la communauté des affaires que le gouvernement du Québec est en train d'organiser une minorité de blocage. Ça aussi, ce n'est pas nécessairement utile. De même, c'est une des raisons pour lesquelles on essayait de ne pas devenir initié, pour ne pas être obligé de télégraphier chacun des gestes qu'on posait dans ce dossier-là.

Et la troisième raison, c'est que tout processus qui est un processus démocratique, qui passe à travers le Conseil des ministres, etc., est nécessairement un processus qui est soumis à un certain... et qui est beaucoup plus lent. On peut prendre une décision à Investissement Québec, même une décision lourde, dans 24 heures. On est capables de faire travailler les gens la nuit, préparer le dossier. Notre conseil d'administration, qui est très volontaire, va accepter de se rencontrer au téléphone le matin, à 8 heures, à 24 heures de délai, et il y a plusieurs instances où, effectivement, à cause de fenêtres d'investissement comme ça, on a dû réagir très rapidement. On ne peut pas demander au Conseil des ministres de fonctionner comme ça, ce n'est pas possible.

Et il y a en quelque part... Là, là, je sors du sujet, mais je pense que c'est une amélioration à laquelle... La Vérificatrice générale y a fait indirectement allusion, il faudrait une façon de doter le FDE d'une mécanique correcte qui lui permette d'agir dans des situations d'urgence, et actuellement ça n'existe pas. Avec obligation, quand même, de rendre compte au Conseil des ministres par la suite, mais que ça soit d'autoriser le président du Conseil du trésor et le ministre des Finances à autoriser, à l'intérieur de certaines balises, une intervention d'urgence, quitte à ce qu'ils la ramènent au Conseil des ministres par la suite ou à l'Assemblée. Mais, actuellement, on veut être tellement transparent qu'on s'attache les deux mains. Ça, c'est un des problèmes.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides, sept minutes.

M. Polo : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. Roquet, pour revenir aux discussions et à cette rencontre du conseil d'administration du 17 novembre 2014, donc le sujet de la vente du bloc des actions de RONA est amené à la table. Est-ce que ça a été une longue discussion? Je comprends que vous me dites que tous les acteurs présents connaissaient très bien le dossier, mais est-ce que ça a été une longue discussion? Est-ce que vous avez vraiment pris le temps d'aborder la question sur les différents angles, que ce soit l'angle d'affaires, le timing, la possibilité, le risque d'achat hostile, etc.? Est-ce que ça a été une discussion et, si on peut dire, un point qui a été abordé sous l'ensemble de ses angles?

J'aimerais juste préciser également que ça n'a pas été une discussion sur un coin de table où vous avez dit : Ah! bien, qu'est-ce qu'on ferait avec les actions de RONA si on pouvait s'en départir? Donc, j'imagine — et c'est ce que j'aimerais savoir — vous avez vraiment couvert la question de la position de RONA sous tous ses angles pour pouvoir amener une résolution, et pour pouvoir l'entériner, et l'adopter en séance tenante.

• (14 h 30) •

M. Roquet (Louis) : Écoutez, la discussion a été une discussion sérieuse, c'était une discussion d'affaires. Investissement Québec est une entreprise financière, donc on ne s'est pas improvisés membres de l'Assemblée nationale ou membres du gouvernement. C'est sûr que les gens étaient conscients de la raison pour laquelle cet investissement-là avait été fait, et leur jugement, c'était que cette raison n'existait plus. Et donc, à ce moment-là, une gestion prudente des actifs d'Investissement Québec exigeait qu'on se départisse de notre investissement, et c'était la recommandation des membres du Comité de gestion des risques.

D'autre part, une disposition comme ça ne se fait pas dans quelques secondes ou dans une seule transaction. Vous ne pouvez pas mettre 9 % des actions d'une compagnie... c'est une façon idéale pour faire planter le titre. Donc, à ce moment-là, comme on pouvait difficilement dire : Écoutez, vous allez vendre à tel prix, puis pas moins, puis pas plus, puis pas ci, puis vous allez le faire en huit tranches ou 10 tranches, c'est la raison pour laquelle on a chargé le Comité de gestion des risques de suivre cette disposition-là, qui s'est faite en 10 tranches, effectivement, de façon à ce que, chaque fois qu'une transaction était envisagée, elle était discutée avec les membres du conseil qui étaient des spécialistes dans ce domaine-là, en gestion des risques. Alors, ça a été discuté. On a considéré, même, la mécanique à mettre en place pour assurer un suivi et une gouvernance de cette disposition-là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides. Quatre minutes.

M. Polo : Bien, vous venez de mentionner que vous avez eu plusieurs discussions avec les membres du Comité de gestion de risques. Vous avez mentionné quatre, cinq éléments, là, qui ont servi, justement, à prendre cette décision-là, mais peut-être élaborer sur, justement, ces éléments-là, ces discussions-là que vous avez eues avec les membres du Comité de gestion de risques.

M. Roquet (Louis) : Les investissements d'Investissement Québec sont assez rarement des investissements dans des compagnies publiques. Historiquement, on se souvient d'investissements dans Cascades, d'investissements dans RONA, etc., mais ce n'est pas courant, courant, courant, et Investissement Québec est relativement averse à maintenir ou à détenir une position où, dans le fond, on n'a aucun contrôle sur le comportement de l'action.

Quand la Caisse de dépôt investit et prend une position dans RONA de 20 %, elle a un représentant au conseil d'administration, elle peut influencer la gestion de l'entreprise, elle a une poigne dessus. L'aspect négatif, c'est qu'elle devient initiée, puis, à ce moment-là, tous ses gestes sont publics. Mais nous, on n'est jamais initiés. Donc, on est toujours dans l'impression que, quand on investit dans une société comme ça, c'est vraiment parce que c'est un dernier recours, parce que c'est la seule façon d'assurer un objectif, qu'il soit un investissement qui ne se réaliserait pas sans cette intervention. Mais ce n'est pas notre mode préféré d'intervention et ce n'est pas notre mode préféré de clientèle, c'est relativement inusité. Donc, quand on a un investissement comme ça, on le suit de près parce qu'on a l'impression qu'on est à la merci du marché, d'une certaine façon. Puis notre profitabilité est relativement mince. Le gouvernement ne nous demande pas de faire de l'argent, le gouvernement nous demande de faire du développement économique en s'arrangeant préférablement pour couvrir le coût des fonds. Puis c'est ce qu'on réussit à faire, mais ce n'est pas épais, ça.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de... il vous reste 1 min 50 s.

M. Polo : Parfait. M. Roquet, considérez-vous que c'est le rôle d'Investissement Québec d'intervenir à tout prix lorsque deux compagnies négocient, discutent, se mettent d'accord sur les termes d'une transaction, que les actionnaires se mettent d'accord sur les termes de cette transaction-là, qu'il y a une prise de profit importante de la part des différentes parties concernées à l'origine? Est-ce que vous trouvez que c'est votre rôle, disons, si je recule, lorsque vous étiez président du conseil, que c'est votre rôle, à tout prix, de faire achopper ou de faire tomber une conclusion d'une transaction d'affaires de ce type-là?

M. Roquet (Louis) : On n'aurait pas pu le faire, on n'aurait pas pu le faire. Je veux dire, si j'avais eu 10 % des actions de RONA au moment où le conseil d'administration de RONA a accepté l'offre... ou de recommander aux actionnaires l'offre à 24 $, j'aurais pu dire : Je la refuse, mais je me serais ramassé avec Lowe's à 90 % et Investissement Québec à 10 % sans représentation sur le... et j'aurais été forcé de vendre. Je ne pouvais pas bloquer cette transaction-là.

M. Polo : Effectivement. Donc, ce que vous venez de dire, c'est que, si la Caisse de dépôt accepte la transaction et qu'Investissement Québec décide d'essayer de bloquer, à 10 % c'est impossible.

M. Roquet (Louis) : En pratique, à partir du moment où le conseil d'administration recommande aux actionnaires et que la majorité des actionnaires, au-delà de 66 %, accepte... Je veux dire, on dit : Investissement Québec a vendu RONA. Non, Investissement Québec s'est départie d'un investissement dans RONA. La caisse, la CDPQ, etc., ont recommandé aux actionnaires de vendre RONA et ont vendu leurs actions dans le cadre d'une transaction, d'une cession à Lowe's, mais Investissement Québec n'a pas vendu RONA.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Roquet. Alors, ça termine le bloc que nous avions avec le parti ministériel. Maintenant, pour les 14 prochaines minutes, M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Roquet. Écoutez, d'entrée de jeu, j'aimerais vous demander c'est quoi, la relation que vous entreteniez avec M. Daoust. La relation que vous entreteniez avec M. Daoust, est-ce que c'est purement professionnel ou on peut dire que c'est une relation d'amitié aussi? C'est quelqu'un que vous connaissez bien?

M. Roquet (Louis) : Connaît bien... Vous savez, la communauté des affaires, à Montréal, ce n'est pas grand. Puis je roule dedans depuis à peu près 50 ans, alors il n'y a pas grand monde que je ne connais pas bien. J'ai toujours entretenu avec les ministres avec qui j'ai travaillé, Bernard Landry d'abord, beaucoup, et ensuite Jacques Daoust, une relation professionnelle, mais détendue, qui était fonctionnelle, et une excellente relation, mais je n'ai jamais été invité à souper chez M. Landry puis je n'ai jamais été invité à souper chez Jacques Daoust.

M. Therrien : O.K. La Loi sur Investissement Québec, là, je reviens avec l'article 25, je le relis : «Est institué, au sein du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, le Fonds du développement économique.

«Le fonds est affecté à l'administration et au versement de toute aide financière prévue par un programme élaboré ou désigné par le gouvernement et de toute aide financière accordée par la société dans l'exécution d'un mandat que le gouvernement lui [donne], ainsi qu'à l'exécution des autres mandats que le gouvernement confie à la société.»

Ce que vous avez fait tantôt, vous avez justifié le geste de M. Daoust, qui a décidé de ne pas suivre la Loi d'Investissement Québec. Moi, c'est ce que j'ai compris. Donc, vous avez dit : Il a enfreint la loi, et c'est tant mieux parce que semble-t-il que c'est plus rapide. En quoi utiliser les fonds propres, c'est plus rapide qu'utiliser le Fonds de développement économique? J'aimerais ça avoir une réponse courte parce que j'ai beaucoup de questions à vous poser.

M. Roquet (Louis) : Parce que vous ne pouvez pas réunir le Conseil des ministres et lui soumettre un dossier, O.K., dans 24 heures, ce n'est pas possible, mais vous pouvez le faire avec Investissement Québec puis le faire correctement.

M. Therrien : Il y a eu un décret qui a été voté par le Conseil des ministres?

M. Roquet (Louis) : Oui. Ce décret-là portait sur une chose, et c'est vraiment une question de gestion des risques. Quand la Loi d'Investissement Québec a été révisée, en 2011, peu de temps après la fusion avec la SGF, on a décidé que, pour un risque supérieur à 2,5 %, donc la possibilité de perdre 2,5 % de ses actifs, Investissement Québec devrait demander l'autorisation. Mais c'est vraiment une question de gestion de risques, on accepte... Comme le gouvernement est le seul actionnaire, je veux dire, bon, vous pouvez aller jusque-là, mais pas plus loin.

M. Therrien : O.K. Est-ce que, quand on a voté ce décret-là au Conseil des ministres, ça aurait été très compliqué de voter en même temps un deuxième décret pour vous faire accéder rapidement au Fonds de développement économique? Ça aurait été, je pense, assez facile. Non?

M. Roquet (Louis) : Il y aurait eu plusieurs choses qui auraient été possibles. Il faut dire que des situations comme ça, ça ne s'est pas présenté souvent dans l'histoire. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, M. Bachand, à ce moment-là ministre des Finances, s'était adressé à Investissement Québec en disant : Trouvez-nous une solution pour régler cette situation-là. Ça pourrait être un fonds. Monter un fonds, on part pour trois mois, O.K., même un fonds qui serait financé presque entièrement par le gouvernement. Et, dans le fond, la solution la plus simple et la plus rapide, ça a été de dire : On va y aller avec les fonds propres.

M. Scraire a dit quelque chose ce matin qui est intéressant puis qui vaudrait peut-être la peine d'être exploité...

M. Therrien : Non, bien, écoutez, c'est parce que j'ai beaucoup de questions à vous poser, M. Roquet, honnêtement, là. C'est parce que, là, ça veut dire que, si on utilise les fonds propres... ça veut dire qu'Investissement-Québec a carte blanche pour manipuler les actions de RONA comme elle l'entend. C'est ce que vous avez dit. Donc, ça veut dire que, bon, écoutez, on fait déjà une faute au niveau de la Loi d'Investissement Québec, on prend les fonds propres au lieu de prendre le Fonds de développement économique, puis là on dit : Ah! vu qu'on a pris des fonds propres, bien là, à ce moment-là, on a toute liberté de faire ce qu'on veut.

Sauf que tous les gens qui sont venus ici, en commission, nous ont dit qu'ils étaient extrêmement mal à l'aise, voire même dans une situation d'impossibilité de faire quoi que ce soit sans demander l'autorisation du ministre. Tout le monde a passé... Pourquoi? Parce que c'était un dossier politique. Déjà, il y a eu une première erreur qui a été faite en prenant les fonds propres, c'était une question d'heures ou de jours, et là vous me dites : Bien, écoutez, on a eu la chance de mettre ça dans les fonds propres, ça veut dire qu'on a toute liberté de faire ce qu'on veut et on a juste besoin d'informer le ministre. Vous me dites que le ministre a été informé?

• (14 h 40) •

M. Roquet (Louis) : Je vous dis que j'ai demandé au président par intérim, Yves Lafrance, de s'assurer que le ministre soit informé.

M. Therrien : Vous avez dit tantôt que le ministre avait été informé.

M. Roquet (Louis) : Non.

M. Therrien : Donc, selon vous, il n'a pas été informé.

M. Roquet (Louis) : Je répète : En séance du conseil, j'ai donné une consigne à Yves Lafrance d'informer le ministre.

M. Therrien : O.K.

M. Roquet (Louis) : À la réunion suivante du conseil, M. Lafrance, dans son rapport, a dit : Le ministre a été informé et il est d'accord. Ça, c'est des faits auxquels j'ai participé.

M. Therrien : Le ministre a été informé et il est d'accord.

M. Roquet (Louis) : C'est ce que M. Lafrance a dit, et il l'a répété ce matin.

M. Therrien : O.K. Parfait, super. O.K. C'est ce qu'on a compris aussi.

Procès-verbal du 17 novembre, c'est écrit : «...d'autoriser Investissement Québec à disposer des autres actions de RONA qu'elle détient, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre responsable de la société.» Je veux vous entendre sur la définition de «sous réserve». Ça veut dire quoi, ça, «sous réserve»?

M. Roquet (Louis) : Ça veut dire que le conseil avait accepté de ne pas effectuer de transaction avant d'avoir reçu l'avis du ministre.

M. Therrien : D'accord, l'avis du ministre.

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Therrien : Vous l'avez signé, celui-là... pas signé, mais vous avez accepté ce procès-verbal-là, le 17.

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Therrien : Donc, vous êtes d'accord avec ça.

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Therrien : O.K. Pourquoi on n'a pas immédiatement... Si on n'a pas besoin de l'accord du ministre, dans le fond, pour vendre toutes les actions, là, pourquoi on n'a pas fait ça là, à partir du 17 novembre, puis on est revenu pour redemander par la suite l'avis du ministre si on n'en a pas besoin, de l'avis du ministre, selon vous?

M. Roquet (Louis) : Parce qu'on est une société d'État, parce que le gouvernement du Québec est actionnaire à 100 % de cette société-là, parce que l'article 4 de la Loi d'Investissement Québec dit qu'on doit agir à l'intérieur des orientations économiques données par le gouvernement et qu'il m'apparaissait évident qu'une décision qui pouvait... et, d'ailleurs vous êtes la preuve que c'est une décision qui a eu des remous, alors, qu'une décision qui, vraisemblablement, pouvait avoir des remous devait être communiquée, une décision prise par le conseil devait être communiquée au ministre, et que le conseil devait être informé de la réaction du ministre ou de sa position.

M. Therrien : Merci. Lundi le 15 décembre 2014, autre procès-verbal : «M. Lafrance fait état de l'accord donné par le ministre responsable de la société relativement à la vente de la totalité des actions de RONA détenues par la société.» «Fait état de l'accord donné par le ministre», le ministre a donné son accord. Vous avez signé ce... vous avez accepté ce procès-verbal-là. Donc, le ministre, vous me confirmez qu'il a donné son accord.

M. Roquet (Louis) : Non.

M. Therrien : Non?

M. Roquet (Louis) : M. Lafrance a confirmé que le ministre avait donné son accord. Ce qui est enregistré, c'est la déposition de M. Lafrance, et non pas la déposition du ministre.

M. Therrien : Donc, vous remettez en doute la parole de M. Lafrance et vous acceptez un procès-verbal qui dit : «M. Lafrance fait état de l'accord donné par le ministre responsable...» Vous dites : Moi, écoutez, c'est ce qu'il nous dit, je n'ai pas vérifié, je signe ça. Là, vous me dites : Bien, on n'est sûr de rien, on n'est pas sûr que M. Lafrance a vraiment eu l'accord du ministre. Vous êtes sérieux, là?

M. Roquet (Louis) : M. Lafrance vous a tout expliqué ça ce matin. Je ne vois pas pourquoi vous m'interrogez, moi, sur quelque chose qui le concerne.

M. Therrien : Écoutez, écoutez, écoutez, au début, au début, vous nous dites, à cause que c'est des fonds propres, qu'on n'a pas besoin de demander l'avis du ministre, puis là, après, vous dites : Bien, finalement, oui, on peut l'informer.

Là, vous me dites ici qu'on demande l'accord, le 17 novembre on demande «sous réserve d'une consultation préalable»... On n'est plus dans l'information, dire : Aïe! «by the way», en passant, mon ami, on a vendu les actions, c'est-u correct? Non, non, c'est dire : Il faut qu'il nous donne son accord. Vous dites go à ce procès-verbal-là.

Ensuite, je vous en donne un autre, puis là vous me dites : Bien là, c'est M. Lafrance qui dit ça, puis c'est un procès-verbal. Tu sais, on n'est pas un club de chasse et pêche de Maniwaki, là, ça, c'est Investissement Québec, là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Sanguinet...

M. Therrien : Non, non, mais là, à un moment donné, il y a des limites, là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Sanguinet, soyez...

M. Therrien : Donc là, écoutez, écoutez, dans le journal, dans le journal...

Le Président (M. Cousineau) : ...soyez posé dans vos propos, s'il vous plaît.

M. Therrien : ... — merci, M. le Président — dans le journal... «Dans son rapport déposé hier...» Et je cite, là — c'est La Presse, Denis Lessard, la date, c'est le 3 juin : «Dans son rapport déposé [...] à l'Assemblée nationale, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc indique que les membres du conseil d'Investissement Québec "ne considéraient pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le gouvernement", ils "ont obtenu en décembre 2014 l'accord du ministre — ça, c'est la Vérificatrice générale qui dit ça — [M. Daoust responsable du Développement économique à l'époque] avant de vendre la totalité des actions".» Vous dites : «"...ce n'est pas vrai", [résume] Louis Roquet, président du conseil d'administration d'Investissement Québec à l'époque. Pour lui, la vérificatrice du Québec est dans l'erreur...

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Therrien : ...quand elle soutient que le conseil d'administration d'Investissement Québec a demandé l'approbation du ministre avant de vendre son dernier bloc d'actions de RONA qu'IQ avait acheté — 10 % des actions environ — deux ans plus tôt pour protéger la société d'une prise de contrôle hostile.» Là, vous me dites : Là, là, la Vérificatrice générale est dans l'erreur.

M. Roquet (Louis) : Ça arrive.

M. Therrien : Là, on a les deux procès-verbaux qui disent : Bien oui, le ministre, on lui a demandé son accord, on a demandé son autorisation. Vous avez dit : Oui, c'est parfait, procès-verbal validé.

M. Roquet (Louis) : Non.

M. Therrien : On a le courriel d'autorisation qui dit... Pierre Ouellet nous dit : O.K. On a l'autorisation du ministre. On a M. Lafrance qui est venu ici, en commission parlementaire, il nous a dit : On a eu l'accord du ministre. Et là on a des gens qui sont passés avant, qui étaient dans l'ancienne administration, qui disent : Nous, là, on n'aurait pas touché aux actions sans demander le consentement au ministre, même si c'étaient des fonds propres. Ils disaient : On ne se sent pas à l'aise avec ça. Et vous, vous venez ici me dire...

Le Président (M. Cousineau) : Non, ça va, ça va, ça va.

M. Therrien : Ça va, là, il n'y a pas de problème. Prenez une tisane.

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Non, non, vous avez... Oui, mais...

M. Therrien : Ça fait que, là, vous me dites, vous me dites...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît, un instant, M. le... Un instant! M. le député de Laval-des-Rapides, ça va très bien, la discussion. Il a le droit de poser les questions, alors on va le laisser aller. Ça n'a rien à voir avec la députée de Taschereau.

Alors, poursuivez, M. le...

M. Therrien : Alors donc, expliquez-moi comment vous pouvez nous dire en commission que le ministre n'a pas donné son accord suite à tous ces faits-là qui sont extrêmement révélateurs. Vous êtes le seul, à part le ministre Daoust... Puis même, là, lui, il a dit qu'il n'avait pas été informé. Vous dites qu'il a été informé. Ça fait que, là, vous dites, dans le fond, que le ministre, là-dessus, aurait menti.

Pourquoi on n'a pas besoin et on n'a pas eu l'autorisation du ministre, alors qu'on a toutes ces preuves ici? Expliquez-moi ça, on veut vous entendre.

M. Roquet (Louis) : Deux commentaires. Deux commentaires. La première chose, c'est que vous employez sans distinction «autorisation» et «information», «avis», «opinion», etc. Il y a une colosse de différence entre l'autorisation et les autres. «Autorisation», ça veut dire qu'il y a le pouvoir. Et le ministre, dans ce cas-là, n'a pas le pouvoir de décision, c'est le conseil qui l'a.

Et, quand je dis que la Vérificatrice générale fait erreur, vous pouvez questionner les membres du conseil d'administration et leur demander s'ils estimaient avoir le pouvoir. Pour moi, la preuve qu'ils avaient le pouvoir, c'est qu'ils ont adopté une résolution le 17 novembre et ils n'ont jamais adopté d'autre résolution pour dire : Bien, maintenant qu'on sait que le ministre est d'accord, O.K., on va... Non, ils ont décidé le 17 novembre, et le procès-verbal le dit. Ils ont suspendu l'application, et, dès qu'on a eu l'opinion du ministre, on a procédé à la disposition.

M. Therrien : Regardez, on va utiliser les mots qui sont écrits là-dedans, là : «...d'autoriser Investissement Québec — 17 novembre — à disposer des autres actions de RONA — le restant des actions — qu'elle détient, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre responsable...»

Dans celui du 15 décembre — et ça, vous avez donné votre aval à ça — ensuite, M. Lafrance fait état de l'accord donné. Il n'a pas dit : Ah! bien, j'en ai... Il a dit : «...fait état de l'accord donné par le ministre responsable de la société relativement à la vente de la totalité des actions de RONA détenues par la société.» C'est écrit. Je n'ai pas inventé les mots, j'utilise les mots qui sont écrits et que vous avez...

M. Roquet (Louis) : Entre «je suis d'accord» et «j'autorise»...

M. Therrien : Vous avez donné votre aval à ce procès-verbal-là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Sanguinet, c'est terminé, votre partie.

M. Therrien : Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Si vous voulez ajouter quelque chose, M. Roquet, allez-y.

M. Roquet (Louis) : Écoutez, il y a une différence entre «je suis d'accord» et «j'autorise». «J'autorise», c'est «j'ai le pouvoir de décider». «Je suis d'accord», mon opinion, c'est un bon deal.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci, M. Roquet. Alors, nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition pour les 14 prochaines minutes...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Ah! 9 min 30 s, excusez-moi, j'avais la tête ailleurs. M. le député de Granby.

• (14 h 50) •

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. M. Roquet, rapidement, je veux comprendre la décision qui a été prise lors de ce fameux conseil d'administration où des personnes responsables de la gestion du risque ou de l'analyse de gestion vous ont convaincu qu'il fallait vendre. Est-ce qu'il y a eu un document qui a été donné aux membres de la commission pour comprendre? Et est-ce qu'on peut obtenir ce fameux document s'il y a lieu?

M. Roquet (Louis) : Le seul document qui a été déposé au conseil est le document relatif à la disposition de 875 000 actions. Le reste de la discussion a été provoqué par l'intervention de membres du Comité de gestion de risques qui ont souligné au conseil que, les motifs qui avaient présidé à l'acquisition du bloc de 12 millions d'actions n'étant plus valides, en saine gestion des risques, nous devrions disposer de cet investissement. Si le sujet avait été inscrit à l'ordre du jour, la disposition de l'ensemble, de la totalité... Ce que M. Scraire vous a dit ce matin, c'est qu'un président du conseil, en telle circonstance, consulte le ministre et partage avec le conseil d'administration, qui a tout pouvoir de décision, l'opinion du ministre dans le respect de l'article 4 de la Loi d'Investissement Québec. En l'occurrence, comme le sujet ne figurait pas au procès-verbal, O.K., j'ai proposé aux membres du conseil qui voulaient adopter cette résolution-là d'en suspendre l'application jusqu'à ce qu'on puisse revenir au conseil et partager avec eux l'opinion du ministre.

M. Bonnardel : O.K. M. Roquet, il y a une rencontre à huis clos tout de suite après. Vous le savez, que le ministre est à côté. Vous venez de prendre, par une discussion qui a duré 30 minutes, une heure, je n'en ai aucune idée, une décision extrêmement importante. Selon les analystes, selon les personnes qui étaient là, le ministre s'en vient, rencontre à huis clos. Oui, il s'en vient énumérer les positions du ministre, il semble être pressé. Vous le connaissez bien, ce n'est quand même pas banal comme décision, et là vous ne lui indiquez pas... vous ne lui demandez pas du tout : Écoute, Jacques, on vient de prendre une... on souhaite avoir ton autorisation. Il n'y a personne qui lève le petit doigt ou qui dit : M. Daoust, juste avant que vous commenciez, on vient de prendre une décision, est-ce que vous pourriez nous donner votre accord ou allez-vous revenir avec une réponse suite à l'acceptation de cette vente par le premier ministre ou son chef de cabinet? Personne ne fait ça?

M. Roquet (Louis) : Non. Et une des raisons pour lesquelles on ne le fait pas, c'est que j'avais donné le mandat au président de le faire, puis, à ce moment-là, tu le laisses faire. La deuxième, c'est que le président disposait de forums pour être capable de le faire. Et la troisième, si je l'avais fait comme ça, il n'y aurait pas de courriels. Il y en a.

M. Bonnardel : Oui, mais, M. Roquet, là, vous êtes en affaires depuis assez longtemps, faites-moi pas croire, là, que vous voyez M. Daoust, vous lui parlez. La réunion se termine une heure plus tard, vous appelez M. Lafrance : Mon cher M. Lafrance, je viens de parler au ministre, laisse faire le courriel, on a l'autorisation. Ou il me revient demain matin parce qu'il va demander le O.K. au premier ministre ou à son chef de cabinet.

Alors là, il n'y a personne, personne, après une décision aussi importante, qui a levé le petit doigt puis qui a dit : M. le président, il faudrait peut-être qu'on demande... On a le ministre devant nous, pourquoi ne pas prendre 10 minutes? Personne ne fait ça. Moi, je ne comprends pas du tout, personne ne fait ça.

M. Roquet (Louis) : Il faudrait interroger les 15 membres du conseil pour leur demander pourquoi ils n'en ont pas parlé au ministre. Vous m'interrogez, moi, puis je vous dis : J'avais demandé officiellement — c'est dans le procès-verbal — au président de le faire et je l'ai laissé faire. Et l'avantage, c'est que ça laisse des traces.

M. Bonnardel : M. Roquet, le 4 juin 2014, le gouvernement, le ministre des Finances en tête, vous demande, au conseil d'administration, à la société, à Investissement Québec, de faire un effort demandé de 7 millions de dollars pour retrouver l'équilibre budgétaire. Vous vous souvenez de ça?

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Bonnardel : Est-ce qu'on vous envoie une lettre signée de la part du ministre des Finances ou du ministre...

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Bonnardel : On vous envoie une lettre?

M. Roquet (Louis) : Oui.

M. Bonnardel : On vous demande de trouver 7 millions de dollars?

M. Roquet (Louis) : Oui. Et on nous dit que le gouvernement s'attend à une rentabilité, en 2014 et en 2015, de 52 millions de dollars.

M. Bonnardel : Est-ce que la vente de RONA, qui a rapporté un 6,2 millions de dollars, n'a pas été un élément peut-être... Parce que, suite à cette lettre, justement, en avez-vous parlé à vos V.P., en avez-vous parlé au conseil d'administration, que vous aviez reçu ce mandat de 7 millions de dollars du gouvernement?

M. Roquet (Louis) : J'en ai parlé au président par intérim certainement. Mais la préoccupation du conseil, ce n'était pas une préoccupation, et en particulier du Comité de gestion des risques... ce n'était pas : On va faire un coup d'argent, c'était : On va éliminer un risque important. On a déjà vécu une perte de 20 millions à cause d'une fluctuation du marché, et c'est une situation qui n'est pas... Dans un contexte où le gouvernement nous demande d'améliorer notre performance, on n'a pas intérêt à maintenir des positions risquées si ce n'est pas nécessaire de le faire. Alors, ce n'est pas de dire : On va faire un maximum de profit, et youpi! on fait 7 millions. La préoccupation, ce n'était pas ça, c'était : On élimine un risque. Et la rentabilité aurait été de 1 million, puis ça n'aurait pas changé la décision.

M. Bonnardel : Et qu'est-ce que le président vous a dit quand vous lui avez dit : J'ai reçu une lettre du gouvernement qui me demande d'aller chercher 7 millions additionnels? C'est une coïncidence, vous allez me dire, j'imagine, là, mais, quand même, on a une vente qui rapporte 6,2 millions à Investissement Québec, on a un gouvernement qui demande rapidement, là, dans l'année qui va se terminer, un 7 millions de dollars d'effort supplémentaire. M. Lafrance vous répond quoi quand vous lui avez dit ça quelques semaines plus tard? Vous avez eu quoi comme discussion là-dessus?

M. Roquet (Louis) : Écoutez, j'ai communiqué, et il s'est assis avec son équipe de direction, ils ont discuté des projections qu'ils pouvaient faire. Il y a beaucoup d'incertitude dans le bilan d'Investissement Québec. Même à quelques mois de la fin de l'année, c'est très difficile de prédire quelle va être notre rentabilité parce qu'on a beaucoup de positions à très haut risque, et certains investissements, par exemple, vont nous demander de prendre des provisions très élevées, en particulier en capital de risque. Mais ce n'est pas, disons, ce n'est pas... la motivation était vraiment une motivation de réduire le risque et la volatilité, et non pas d'augmenter nos profits.

Puis en pratique, écoutez, on a fini l'année beaucoup au-dessus de ça. Alors, le 7 millions, là, il n'a presque pas compté dans les profits. On a été chanceux, d'une certaine façon, c'est-à-dire que des provisions importantes qu'on avait prises ont pu être redressées, puis on s'est ramassé avec 90 millions de profit puis au-delà de 52...

M. Bonnardel : Alors, vous pensez que ce n'était pas une préoccupation forte du président, de vous-même, surtout quand un rapport du Comité de gestion de risques... Je le disais tantôt, ce matin, là, vous-même... M. Pierre Gabriel Côté, qui «explique que l'impact sur les profits d'IQ résultant d'une baisse éventuelle de 20 % de son portefeuille [pourrait créer] une perte de 19 millions»? Ça, c'est...

M. Roquet (Louis) : Oui, mais ça, je veux dire, ça, c'est de la gestion de risques. Je veux dire, ce n'est pas de la maximisation de profit, là, c'est d'éliminer les sources des fluctuations très, très importantes.

M. Bonnardel : Quand vous avez rencontré M. Lafrance... L'avez-vous appelé le lendemain ou le surlendemain à savoir... après la réunion? Vous savez que vous devez rencontrer M. Daoust. Lui avez-vous demandé : As-tu parlé à quelqu'un au gouvernement, au ministère? L'avez-vous appelé pour savoir s'il avait eu la réponse suite au procès-verbal qu'il est écrit «consultation»?

M. Roquet (Louis) : Non. Au moment où...

M. Bonnardel : M. Lafrance nous dit : J'ai communiqué avec le cabinet du ministre le lendemain. Vous, est-ce que vous avez voulu vous informer?

M. Roquet (Louis) : Au moment où on a eu la réunion pré, dans laquelle on étudie l'ordre du jour du conseil, j'ai vérifié avec lui : Est-ce que tu as eu une réponse?, et il m'a dit : Oui, j'ai eu une réponse favorable.

M. Bonnardel : O.K. Donc, entre le 17 novembre au soir et la réponse qu'il a eue, vous n'avez pas communiqué avec M. Lafrance?

M. Roquet (Louis) : Non.

M. Bonnardel : Pas du tout?

M. Roquet (Louis) : Non.

M. Bonnardel : Une semaine, vous n'avez pas rien demandé, dire : Écoute, as-tu eu un coup de téléphone? Ça ne vous intéressait pas de savoir s'il y avait eu...

M. Roquet (Louis) : Sans doute, je l'ai probablement rencontré cinq fois, mais on avait beaucoup d'autres sujets de discussion.

M. Bonnardel : Puis celui-là, ce n'était pas important, de savoir si le ministère avait donné son aval à vendre un bloc d'actions aussi important?

M. Roquet (Louis) : Il m'a dit oui.

M. Bonnardel : Non, non, mais attendez, là, entre le 17 novembre puis le 15... M. Lafrance nous a dit : Moi, le lendemain, j'ai appelé le ministre, le cabinet minimalement, j'ai eu un courriel, on n'avait pas de réponse. Le 26 novembre, on reçoit un fameux O.K. D'ici là, vous, ça ne vous tente pas de comprendre, d'appeler le patron, M. Lafrance, puis lui demander : On en est où là-dessus, là? Vous ne l'appelez pas?

M. Roquet (Louis) : Écoutez, si lui a jugé que ce n'était pas important de m'informer du fait que ça tardait à avoir une autorisation, tu sais, pourquoi... J'avais bien d'autres sujets à discuter avec lui puis bien d'autres préoccupations.

Le Président (M. Cousineau) : Ça termine le temps qui était alloué à la deuxième opposition. Pour les trois prochaines minutes, je passerais la parole à M. le député de Mercier. M. le député.

• (15 heures) •

M. Khadir : Je pense, M. Roquet, que vos propos sur le rôle que l'avis du ministère ou du gouvernement pouvait jouer dans la décision du conseil d'administration d'Investissement Québec, vos propos et ceux de M. Scraire ne sont pas en contradiction du tout. Aucun n'a prétendu qu'une décision du gouvernement pouvait renverser automatiquement la décision d'Investissement Québec. En fait, c'est les mêmes propos, c'est-à-dire que, s'il y avait eu une opposition ferme de la part du gouvernement, le conseil aurait été informé, puis on aurait reconsidéré à voir est-ce qu'on maintient la position ou pas. Voilà.

Maintenant, j'ai compris par vos propos, M. Roquet, que vous teniez à connaître les orientations du gouvernement en matière de plan stratégique d'Investissement Québec. Le 17, en plus, le hasard a fait que vous deviez donc discuter de ce dossier de RONA, de la vente, d'abord, d'une partie, 875 000 actions, puis ensuite possiblement la totalité. Et le hasard, en plus, a voulu que le 17, le même jour, à la fin de cette réunion, le ministre s'est présenté chez vous pour communiquer avec le conseil d'administration sans qu'il n'y ait de possibilité d'échange, de communiquer les orientations du gouvernement au conseil, puis il a quitté tout de suite après.

Donc, peut-être que la réponse se trouve là. Est-ce qu'il est possible que, dans les orientations communiquées par le ministre au conseil d'administration, il était clair que l'idéologie du laisser-faire du gouvernement actuel, l'idéologie, c'est-à-dire, où l'État intervient le moins possible, ça voulait dire, pour Investissement Québec, qu'ils n'avaient pas à considérer du tout les conséquences de telles opérations sur le fait qu'on allait maintenir ou pas un siège social d'une si grande importance au Québec? Est-ce qu'autrement dit la réponse venait de là, c'est là que vous étiez assuré que, dans le fond, l'approbation du gouvernement était acquise?

M. Roquet (Louis) : Non, écoutez, ce n'est pas possible de vivre dans un milieu ou de ministère ou de société d'État sans être sensible, même si on est une instance à vocation économique, aux réalités politiques. Et les réalités politiques ne sont pas toutes des réalités abjectes ou des réalités partisanes, il y a des réalités qui sont des réalités de l'intérêt de la population ou de l'intérêt de l'économie en général, etc., mais qui dépassent ou notre mandat ou notre capacité d'action, selon le cas.

Alors, oui. Et c'est pour ça que j'ai insisté au moment où on a tous été pris de cours devant la recommandation qui a été faite devant l'ensemble des actions alors que ce n'était pas prévu à l'ordre du jour... c'est pour ça que j'ai insisté pour qu'on ait l'avis du ministre. Ça m'apparaissait essentiel.

Le Président (M. Cousineau) : Voilà, c'est terminé. C'est tout le temps que vous aviez, M. le député de Mercier.

M. Roquet, je vous remercie pour votre participation et puis je suspends quelques minutes, le temps de recevoir notre prochain invité. Merci, M. Roquet.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Cousineau) : Nous reprenons nos travaux. Bonjour, Mme la Vérificatrice générale. Alors, vous avez, comme les groupes précédents, 10 minutes, maximum, pour votre présentation. Vous pourrez aussi nous présenter les gens qui vous accompagnent, et puis, par la suite, nous allons passer à une période d'échange avec les parlementaires.

Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice générale

Mme Leclerc (Guylaine) : Très bien. Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, je réponds à votre invitation, soit de participer aux audiences publiques relatives au processus ayant mené à la vente des actions de RONA par Investissement Québec.

Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent : M. Serge Giguère, vérificateur général adjoint; M. Martin St-Louis, directeur de vérification.

D'entrée de jeu, je tiens à mentionner que la vente des actions de RONA n'a touché qu'une petite partie de la mission que nous avons effectuée chez Investissement Québec. En effet, la portée était beaucoup plus large, puisque cette mission concernait l'information liée à la rentabilité financière et à la performance économique d'Investissement Québec.

Mes commentaires d'aujourd'hui sont basés sur l'un des volets propres à la mission. Celui-ci visait à ce que des critères clairs permettent de différencier les interventions financières d'Investissement Québec de celles réalisées au moyen du Fonds de développement économique, le FDE. En effet, les responsabilités de la société ne sont pas les mêmes dans les deux cas.

Pour le FDE, Investissement Québec agit principalement à titre de mandataire du gouvernement. Ce dernier demeurera imputable des décisions prises. Nos travaux nous ont amenés à conclure que les critères ne sont pas précis. Ils ne permettent pas de déterminer si les interventions financières d'importance doivent être réalisées au moyen du FDE ou par l'entremise des capitaux propres d'Investissement Québec. Dans les faits, des interventions menées entièrement à même les capitaux propres de la société découlent de demandes provenant de représentants gouvernementaux. Il devient alors difficile de différencier la responsabilité qui revient à Investissement Québec de celle qui incombe au gouvernement.

Dans le rapport, trois exemples appuient notre conclusion et montrent quelles peuvent être les conséquences de ce manque de démarcation. Le premier exemple est relatif à une aide financière accordée en mars 2015 aux Jeux équestres mondiaux. Par sa nature, le projet répond à un programme du FDE qui appuie le développement touristique. Le fait que l'intervention s'est effectuée au moyen de capitaux propres de la société plutôt qu'avec l'aide du FDE a été justifié par l'urgence de répondre aux besoins du comité organisateur des jeux.

• (15 h 10) •

Le deuxième exemple concerne une aide financière accordée au début 2014 à RER Hydro. L'intervention financière a été réalisée par l'entremise des capitaux propres d'Investissement Québec plutôt que par le FDE. Au moment où RER Hydro a déclaré faillite en 2015, 5,1 millions de dollars demeuraient dus à la société. Par la suite, cette somme a été, en partie, remboursée par le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation à même ses crédits budgétaires 2015‑2016.

Le troisième exemple concerne l'acquisition et la disposition des actions de RONA. Un communiqué publié par le ministère des Finances le 31 juillet 2012 mentionne qu'un mandat a été donné à Investissement Québec. La société devait examiner les actions à entreprendre afin de contrer l'offre d'achat de Lowe's. Cela a amené Investissement Québec à intervenir financièrement.

De l'été 2012 à février 2013, Investissement Québec a acquis des actions de RONA. À la fin, la société détenait 12 millions d'actions au coût de 156 millions de dollars, soit 6 % de la valeur nette de ses actifs. L'intervention a été réalisée à même les capitaux propres d'Investissement Québec. Cependant, elle correspondait davantage aux caractéristiques d'une intervention financière du FDE. En voici les quatre principales raisons.

D'abord, des directives internes d'Investissement Québec s'appliquent aux investissements de plus de 5 millions de dollars. Celles-ci précisent que la société ne doit pas utiliser ses propres capitaux pour effectuer des investissements auprès des entreprises de commerce de détail. Ensuite, il s'agit d'un mandat donné à Investissement Québec à la suite d'une intervention gouvernementale alors que le FDE a été créé pour ce type d'activités. D'autre part, le fonds a été mis en place pour que des projets gouvernementaux structurants qui ne cadrent pas dans les programmes existants se concrétisent. Or, l'intervention financière auprès de RONA avait pour objectif de contrer une offre d'achat présentée par une entreprise étrangère, ce qui correspond à ces caractéristiques. Et, enfin, le montant de l'investissement est exceptionnel. Il s'est élevé à 156 millions de dollars, soit 6 % de la valeur nette des actifs d'Investissement Québec. D'ailleurs, la loi constitutive d'Investissement Québec prévoit qu'elle ne peut investir une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs sans avoir l'autorisation du gouvernement. La société a donc dû obtenir l'approbation de dépasser la limite de la valeur des investissements prévue dans sa loi.

Mentionnons qu'elle n'avait jamais eu à le faire depuis la fusion avec la Société générale de financement. L'intervention financière ayant été effectuée au moyen de capitaux propres d'Investissement Québec, la responsabilité de gérer le dossier par la suite lui incombait, notamment la décision de vendre les actions. Par conséquent, la société n'avait pas à recevoir l'autorisation du gouvernement pour disposer des actions. Dans les faits, les procès-verbaux du conseil d'administration montrent que les administrateurs ont soulevé à quelques occasions des préoccupations à l'égard de leur responsabilité liée à la vente des actions.

Les trois exemples qui figurent dans le rapport — Jeux équestres mondiaux, RER Hydro et RONA — montrent qu'il est difficile de faire la différence entre la responsabilité qui revient à la société et celle qui incombe au gouvernement, étant donné qu'une démarcation claire et précise n'est pas établie.

Voilà, pour l'essentiel, les observations qui découlent de nos travaux et qui sont en lien avec les préoccupations des membres de la commission. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, Mme Leclerc, pour cet éclairage. Nous allons donc procéder aux échanges avec les députés. Je commencerais avec le parti ministériel en vous rappelant que vous avez 23 min 30 s. Je crois que c'est M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Mme Leclerc, merci d'avoir accepté notre invitation avec vos collègues également. Je vais revenir rapidement à la fin de votre intervention, lorsque vous mentionnez... Puis, d'ailleurs, merci de nous avoir soumis votre allocution à l'avance parce que ça facilite notre compréhension de vos propos.

Donc, vous faites un certain nombre de remarques quant à l'utilisation des fonds propres versus le FDE dans trois, quatre exemples, etc. Mais je vais commencer par la fin. Donc, clairement, ce que vous statuez à la fin, c'est qu'une intervention financière au moyen des capitaux propres d'Investissement Québec, la responsabilité de gérer les dossiers lui incombe uniquement, et notamment la décision de vendre les actions. Par conséquent, la société n'avait pas à recevoir l'autorisation du gouvernement pour disposer des actions. Vous réitérez ces propos-là?

Mme Leclerc (Guylaine) : Effectivement.

M. Polo : Parfait. M. Roquet a siégé juste avant vous devant nous ici et puis, d'entrée de jeu, il a expliqué qu'il avait, malheureusement pour lui, signé un procès-verbal où le choix de mots, qui est important parce qu'ici c'est... Et lui-même a invité le collègue de Sanguinet à faire attention sur l'utilisation de quels mots il faut employer dans le cas particulier ici, mais lui reconnaissait humblement qu'il aurait dû apporter une correction au procès-verbal et donc, plutôt que de demander l'autorisation, si je ne me trompe pas, parce que, dans le procès-verbal, on demande ici de consulter au préalable... Attendez. Après discussion, les administrateurs ont convenu que la vente progressive du solde des actions ordinaires devrait être engagée, sous réserve de consulter au préalable le ministre responsable de la société.

Vous, ce que vous nous dites, c'est qu'Investissement Québec n'avait aucunement l'obligation de le faire. Ils l'ont fait, et M. Roquet l'a confirmé, lui, il l'a traduit par un geste de courtoisie. Donc, ce geste-là, lui, il l'a traduit par geste de courtoisie, mais vous, ce que vous confirmez, c'est que ce geste-là, posé suite à la discussion et à la décision du conseil d'administration le 17 novembre 2014, pour vous, il n'y avait aucune obligation de procéder tel que M. Lafrance l'a fait par la suite auprès, là, du cabinet de M. Daoust.

Mme Leclerc (Guylaine) : Le fait que les investissements avaient été effectués à même les capitaux propres d'Investissement Québec par rapport à des sommes qui auraient été investies par le FDE, mais pour lesquelles Investissement Québec aurait été mandataire, bien, dans le cas d'un investissement à même les capitaux propres, Investissement Québec n'avait pas à demander quelque autorisation que ce soit, ni même informer, d'ailleurs.

M. Polo : Parfait. Donc, Investissement Québec était autonome dans sa prise de décision de vendre non seulement le bloc de 875 000 actions, mais le reste de la position de RONA dans le portefeuille d'Investissement Québec.

Mme Leclerc (Guylaine) : Théoriquement, oui. Par contre, dans les faits, on se souviendra que le 1er août, suite à une intervention gouvernementale, on demande au conseil d'administration d'acquérir un bloc d'actions. Et, par la suite, étant donné que l'investissement est très important, un décret est émis, et, à cause de cette situation-là, les membres du conseil d'administration ont demandé à ce que le ministre soit consulté. Et ça, cette intervention-là, dans les procès-verbaux, on la voit à quelques reprises. D'ailleurs, dans certains procès-verbaux, on fait part d'une mention qu'on devrait peut-être tenir au courant le ministre des Finances, par exemple, le ministre actionnaire. Alors, on voit cette préoccupation-là de la part des membres du conseil d'administration, mais ils n'en avaient pas l'obligation.

M. Polo : Donc, c'est ce que je voulais entendre. Et donc, lorsque le conseil se réunit le 17 novembre, il discute spontanément de la vente non seulement des 875 000, mais de se départir de la totalité des actions. Le 17 novembre 2014, comme j'ai dit, M. Roquet vient de nous dire qu'il aurait dû choisir, et employer, et signer, confirmer par écrit qu'il aurait dû juste employer le terme «informer». Selon vous, même informer n'était pas dans son obligation.

Mme Leclerc (Guylaine) : Ce n'était pas une obligation. Et je tiens à dire que, même si ça avait été mentionné «informer» dans les procès-verbaux, nos conclusions seraient arrivées aux mêmes.

M. Polo : De préciser, donc, d'améliorer, de préciser, de... parfait, mais ça, c'est... Et c'est le cas de RONA, ça pourrait être le cas de n'importe quelle...

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui.

M. Polo : Parfait. Excellent, excellent. Donc, pour vous, ce que j'en comprends à ce niveau-là... Parce que c'est très important, ce terme-là, parce qu'ici notre mandat, il s'agit de déterminer le processus ayant mené à la vente des actions. Depuis le début, certains de nos collègues essaient, si on peut dire, de mettre encore plus d'emphase sur la réponse qu'a donnée M. Ouellet suite à la consultation faite par M. Lafrance en lien à la discussion, et à la décision, et à la résolution adoptée le 17 novembre 2014.

Ce que vous, vous nous dites, c'est que le conseil d'administration était souverain de prendre cette décision-là, la décision a été mise par écrit, elle a été adoptée avec... Et, dans leur cas, c'était par prudence. Peut-être, M. Roquet dirait par courtoisie. Ils ont voulu consulter ou même informer le ministre. Donc, le pouvoir de blocage, en fait, revenait uniquement aux administrateurs d'Investissement Québec. C'est ce que vous nous dites.

• (15 h 20) •

Mme Leclerc (Guylaine) : Effectivement, étant donné que c'étaient les fonds propres d'Investissement Québec qui étaient... ils avaient toute latitude pour prendre la décision. Comme nous l'avons mentionné dans notre rapport, les membres du conseil d'administration ont senti le besoin de consulter le ministre.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Parfait. Donc, ce que je trouve de très intéressant, c'est que ça vient préciser, effectivement, que non seulement le ministre n'avait pas à être... Premièrement, le conseil d'administration n'avait pas à recevoir une approbation. Ça, on l'écarte. O.K.? On l'écarte, il n'avait pas à recevoir une approbation. Il n'avait même pas à être consulté. Ça a été fait, ça a été documenté. M. Lafrance a dit : Bien, par devoir de transparence, on a voulu le recevoir par écrit, etc. Donc, ils sont allés au-delà du mandat et les responsabilités qui leur convenaient. Est-ce que c'est ce que vous nous expliquez?

Mme Leclerc (Guylaine) : Ce que j'explique, c'est que la transaction de RONA s'apparente beaucoup plus à une opération qui aurait dû être exécutée par le FDE, Et, parce que c'était une opération qui était semblable à une opération du Fonds de développement économique, les administrateurs ont ressenti qu'ils se devaient de consulter le ministre.

M. Polo : Parfait. Mme Leclerc, vous avez écouté les propos de M. Roquet lorsqu'il a expliqué la distinction dans la gestion quotidienne des positions d'Investissement Québec, la difficulté de faire un investissement aussi important à travers le FDE. Est-ce que ça incombe, donc, les obligations qui viennent avec l'utilisation du Fonds de développement économique, de prendre une position aussi importante versus des capitaux propres?

Mme Leclerc (Guylaine) : Malheureusement, je n'ai pas entendu le témoignage de M. Roquet, j'étais en déplacement vers ici. Mais, si vous voulez préciser, je pourrai peut-être répondre.

M. Polo : Bien, essentiellement, ce qu'il nous a expliqué, c'est que, dans le cas de sociétés publiques, donc, comme RONA, c'est très peu recommandable d'utiliser un mécanisme comme le Fonds de développement économique à cause de toutes les contraintes qui sont associées au Fonds de développement économique, notamment l'approbation du Conseil des ministres, O.K., donc l'information et l'approbation du Conseil des ministres. Et, dans un scénario où des transactions doivent être effectuées à l'intérieur d'un court délai de temps — il a lui-même employé le terme 24 heures — le Fonds de développement économique ne permet aucunement d'avoir cette agilité au niveau de la prise de décision.

Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne suis pas en mesure de vous dire si le Conseil des ministres aurait pu se réunir rapidement. Je ne suis pas en mesure de répondre à ça. D'autre part, la raison d'être du Fonds de développement économique, c'est de pouvoir aider des projets structurants pour le Québec, et tout ça, dans la transparence, O.K., parce qu'il y a un décret qui existe par la suite. D'autre part, Investissement Québec est imputable, lui, de ses propres investissements et de ses propres activités. Alors, c'est pour ça que c'est important de distinguer les activités du FDE par rapport à celles d'Investissement Québec.

Alors, est-ce que l'activité d'investissement de RONA aurait pu se faire suffisamment rapidement dans le FDE? Je ne le sais pas. Mais ce que je vous dis, c'est que de mêler les genres, c'est-à-dire de confondre les genres, c'est-à-dire le rôle du FDE avec Investissement Québec, ça complexifie l'opération, ça rend la transaction moins transparente, je vous dirais, et ça fait en sorte qu'on arrive devant une commission comme celle-ci.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Excellent. Bien, en effet, je prends connaissance, là, de votre propos. Dans votre cas, cette position-là, vous ne faites aucune distinction entre une société privée et une société publique et les contraintes que M. Roquet nous a mentionnées, les contraintes d'utiliser le Fonds de développement économique, de faire ce type de transaction là, d'effectuer ce type de transaction là dans le cas où il s'agit d'une société publique.

Mme Leclerc (Guylaine) : Je vous dirais, le Fonds de développement économique, comme ils l'ont fait, peut émettre des décrets et différer la publication du décret. Donc, l'information peut demeurer confidentielle, comme, d'ailleurs, elle l'est demeurée lors de l'émission du décret qui autorisait Investissement Québec à dépasser les 2,5 % de ses actifs en investissements.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. Donc, vous avez émis des recommandations, ce que vous recommandez. Je pense que vous allez revenir, vous avez une date ultérieure où vous allez pouvoir expliquer vos recommandations en lien...

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, effectivement, le 21 septembre.

M. Polo : Exactement. Le 21 septembre, effectivement. Dans l'optique où M. Lafrance a communiqué avec le cabinet de M. Daoust pour demander l'opinion du ministre, ça s'est fait verbalement initialement et ça s'est refait par courriel, est-ce que le courriel, pour vous, était le moyen de communication approprié dans le contexte présent où il s'agit d'une position importante dans le portefeuille d'Investissement Québec?

Mme Leclerc (Guylaine) : Écoutez, en tant que Vérificateur général, il est certain que je vais toujours mentionner qu'il est préférable d'avoir des règles de gouvernance claires et transparentes. Alors, plus les décisions sont faites de façon transparente et claire, mieux je m'en porte, je vous dirais.

Alors, est-ce que le courriel est un bon moyen? Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il est important que, premièrement, le bon organisme fasse les bonnes opérations et qu'elles se fassent selon les règles qui régissent l'organisme. Si c'est le Fonds de développement économique, c'est par un décret, donc c'est publié, normalement, à moins que ce ne soit différé. Et, si c'est Investissement Québec, la transparence et la gouvernance font en sorte qu'un rapport annuel avec sa rentabilité et ses actions sont déposés annuellement. Mais est-ce que le mélange des genres, comme je me plais à le dire, favorise la transparence et la saine gouvernance? La réponse est non.

M. Polo : Mme Leclerc, un décret peut être maintenu confidentiel combien de temps?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, comme dans ce cas-ci, il n'y avait pas de date qui était prévue, on aurait pu dire qu'on va le garder confidentiel jusqu'à un certain moment donné, là, jusqu'à une date précise ou à un événement qui se produit. Dans ce cas-ci, il n'y en avait pas.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Parfait, excellent. Écoutez, dans mon cas, M. le Président, je vais terminer ici. Je ne sais pas si certains collègues ont...

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci. Parce qu'il reste 9 min 30 s du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons... Parce qu'on ne peut pas revenir, là, on a décidé qu'on faisait le bloc au complet. D'accord? Puis le temps restant pour un parti n'est pas transféré à un autre parti. Alors, j'aime autant vous le dire immédiatement. Donc, l'opposition officielle, pour 14 minutes. M. le député de Sanguinet.

Question de règlement concernant le dépôt d'un document

M. Therrien : Merci, M. le Président. Bienvenue. Merci d'être ici avec nous. M. le Président, avant toute chose, j'aimerais savoir si le document d'Investissement Québec peut être rendu public pour que les gens qui le veulent bien puissent suivre plus adéquatement notre commission. Ce document-là, est-ce qu'il peut être rendu public, accessible?

Le Président (M. Cousineau) : Ça, c'est le document d'Investissement Québec?

M. Therrien : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : Bon, il aurait fallu en jaser tantôt avec les gens d'Investissement Québec, là. Pour l'instant, c'est non. Il est au service de la commission, alors...

M. Therrien : Mais est-ce qu'il y a consentement pour la commission...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît, c'est moi qui le demande, le consentement. D'accord? On va prendre ça en délibéré, là, puis je vais vous revenir avec ça. D'accord?

M. Therrien : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Parce qu'il aurait peut-être fallu en discuter lorsque les gens d'Investissement Québec étaient ici, puis c'est un document qui vient d'Investissement Québec. D'accord?

M. Polo : M. le Président, parce que je pense que mon collègue de Mercier a peut-être partagé son cartable avec des personnes présentes dans salle, est-ce que c'est bien le cas? Est-ce que vous avez toujours votre cartable?

Le Président (M. Cousineau) : Non, mais là, pour l'instant... Un instant. Un instant.

M. Therrien : Ça, c'est pris sur le temps du gouvernement, hein?

Le Président (M. Cousineau) : J'ai mentionné que je prenais ça en délibéré, là. Là, on est sur le temps de la première opposition. Vous avez 14 minutes, on va faire le temps puis on vous reviendra avec une décision là-dessus.

• (15 h 30) •

M. Therrien : M. le Président, je vous le demande en toute amitié, là, je ne veux pas vous brusquer là-dedans, là. Donc, c'est pour l'intérêt des gens qui nous écoutent.

Alors, je reviens à vous, Mme Leclerc. Merci d'être ici avec nous. Bon, écoutez, je vais y aller avec une réflexion que j'ai depuis le début, là, depuis le début des audiences, là, puis dites-moi ce que vous en pensez. O.K.? Ne soyez pas nerveuse, ce n'est pas compromettant. Alors donc, je commence en vous disant qu'on regarde l'histoire au complet. Je veux dire, au début, le gouvernement manifeste sa volonté de protéger RONA d'un achat hostile, éventuellement, de Lowe's, alors demande à Investissement Québec : Il faut avoir des actions pour avoir un bloc minoritaire qui nous permette de bloquer la transaction. Donc, ils émettent un décret pour permettre à Investissement Québec de dépasser le plafond de 2,5 %. Et là ils disent à Investissement Québec : Il faudrait en acheter pour, disons, à peu près 9,9 % ou dans ce coin-là. Et, évidemment, Investissement Québec sait que c'est un dossier politique. Il dit : Bien, tabarnouche, c'est le gouvernement qui nous demande ça, c'est une protection qui est claire pour un siège social qui est un joyau de notre économie. Donc, Investissement Québec comprend le message, mais il se trompe de tiroir. À la place d'aller chercher l'argent dans le Fonds de développement économique, ils vont dans les fonds propres.

Sauf que, là, par la suite, tous les gens qui vont succéder à M. Daoust vont, tout simplement, dire : Bien, écoutez, ils se sont trompés de fonds... Parce que, là, la loi est claire — je l'ai lue tantôt, la loi, là — qu'il faut utiliser le Fonds de développement économique, puis vous, vous le justifiez avec quatre arguments solides. Donc, on s'est trompé, mais on va faire comme si le dossier avait été traité par le développement économique, c'est-à-dire qu'il faut qu'on demande l'avis au gouvernement parce qu'au départ il y a eu une erreur, puis il faut racheter notre erreur. Ça n'a pas de sens que ce soit les fonds propres, alors on va gérer ce dossier-là éminemment politique, comme l'a dit le député de Laval-des-Rapides, pour qu'on puisse agir dans ce dossier-là avec l'intérêt que le gouvernement va bien avoir à l'intérieur de ce dossier-là.

Donc, tout le long, on a fait à peu près comme si on avait utilisé le Fonds de développement économique parce qu'on s'est aperçu de l'erreur de départ. Qu'est-ce que vous pensez de mon analyse?

Mme Leclerc (Guylaine) : Vous voulez que je réponde quoi, que...

M. Therrien : Bien, je ne sais pas, mais c'est parce que vous dites qu'on aurait...

Une voix : ...

M. Therrien : Bien, on va y aller étape par étape d'abord. Au départ, on a utilisé le fonds propre, on n'aurait pas dû. Selon ce que vous me dites, c'est le Fonds de développement économique. Ça, on est d'accord.

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, mais ce n'est pas Investissement Québec qui décide si c'est le Fonds de développement économique ou pas, déjà en partant.

M. Therrien : O.K. Étant donné qu'on a, au départ, fait cette erreur-là — en tout cas, on n'a pas pris le bon fonds — est-ce qu'on ne l'a pas plutôt traité, justement, de façon à ce que le gouvernement gère ce dossier-là comme s'il était dans le Fonds de développement économique, d'une certaine façon? Tu sais, parce que, regardez, les gens qui sont venus ici, à Investissement Québec, là, ils disent : Nous, là, on ne touche pas à ça... Oui, bien, ils disaient ça à peu près, là. Je les paraphrase un peu, là, mais ils disaient : Nous, on ne touche pas à ça tant et aussi longtemps que le ministre responsable ne nous donne pas le O.K. ou... Même, à un moment donné, M. Albert puis M. Scraire, avant, disaient : Nous, on n'avait pas l'intention de toucher à ça, bien pas du tout. Même si c'était un bout important du portefeuille, ils avaient dit : Nous, on ne touche pas à ça.

Mme Leclerc (Guylaine) : Ce que je peux vous dire, c'est que, si c'est un investissement qui est du Fonds de développement économique, Investissement Québec est mandataire pour gérer l'investissement. Dans le cas d'Investissement Québec, bien, c'est même ses capitaux propres. O.K.? Donc, tout le long de l'opération, je vous dirais, ça se gère... puis on pourra me corriger, mais, à mon avis, ça se gère de façon similaire, c'est-à-dire s'assurer d'une rentabilité, s'assurer que... bon, plusieurs critères.

Où ça peut changer, c'est au moment de la disposition, je pourrais vous dire, parce que, dans un cas, on est mandataire, donc on ne décide pas quand on achète, on ne décide pas quand on vend, alors que, dans l'autre cas, si c'est à même nos capitaux propres, on décide quand on achète et on décide quand on vend. Alors, peut-être que ça répond à votre question.

M. Therrien : Oui, oui. Bien, exactement, c'est qu'à quelque part on ne voulait pas poser d'action sans, au préalable, avoir consulté et demandé l'aval au ministre. C'est ce qu'on sent, là, depuis qu'on a les gens qui passent ici. Puis même, vous le mentionnez, là, je répète les propos que vous avez déjà tenus, là : «Dans son rapport déposé hier à l'Assemblée nationale, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc indique que les membres du conseil d'IQ "ne considéraient pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le gouvernement", ils "ont obtenu en décembre 2014 l'accord du ministre [responsable, là, du dossier] avant de vendre la totalité des actions".» C'est un peu ce que je vous disais, là.

Mme Leclerc (Guylaine) : J'ai entendu ce commentaire-là que vous avez fait tout à l'heure, et c'est juste qu'il manque un petit bout de ce que j'ai écrit et de ce que j'ai dit dans ce que vous avez dit, puisqu'effectivement je dis : «Toutefois, les membres du conseil d'administration d'Investissement Québec ne considéraient pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le gouvernement.» Et ça, c'est démontré par les procès-verbaux.

Et vous connaissez tous la rigueur avec laquelle on exerce, on a rencontré beaucoup de gens et on a fait valider notre rapport. Alors, ça, on sait qu'ils ne sentaient pas qu'ils avaient toute la latitude pour... «sans avoir consulté le gouvernement». Mais ensuite nous disons : «D'ailleurs, selon les procès-verbaux du conseil d'administration, ils ont obtenu en décembre 2014 l'accord du ministre...» Alors, le «d'ailleurs» est important parce que tout ce qui nous a été dit et rapporté et ce que nous avons lu dans les procès-verbaux précédents vient être renforcé par l'examen du procès-verbal de décembre 2014. Alors, c'est pour ça que, dans la phrase que vous avez mentionnée, il manquait ce bout-là qui était le «d'ailleurs». Et qui est important parce que ce n'est pas nous qui confirmons qu'ils ont eu l'accord ou non du ministre. Ce que nous disons, c'est qu'ils étaient suffisamment mal à l'aise de demander la vente des actions sans avoir l'accord du ministre ou sans, selon M. Roquet, informer le ministre, et, d'ailleurs, les procès-verbaux en font état.

M. Therrien : Donc, quand vous dites : «Ils ont obtenu en décembre [...] l'accord du ministre», vous vous basez sur, j'imagine, les procès-verbaux pour dire ça?

Mme Leclerc (Guylaine) : Exactement, puis c'est ce que nous avons écrit textuellement, et c'est ce que nous avons continuellement répété dans les entrevues.

M. Therrien : O.K. Est-ce qu'il y a d'autres choses que les procès-verbaux qui vous ont amenée aussi à cette conclusion-là ou vous vous êtes vraiment basée sur les documents d'Investissement Québec, sur les...

Mme Leclerc (Guylaine) : Les procès-verbaux. On a fait plusieurs entrevues, comme toujours, avec des membres du conseil d'administration, avec des membres de la direction d'Investissement Québec. Notre rapport a été relu, et par plusieurs intervenants. Donc, naturellement, tous ceux qui pouvaient être impliqués dans le dossier ont relu le rapport. Tous les gens chez Investissement Québec ont relu le rapport et s'en disaient satisfaits, à moins qu'ils aient émis des commentaires à la fin du rapport, comme ils ont fait pour d'autres sujets dans le rapport.

M. Therrien : O.K. Bien, juste vous dire, M. Roquet a mentionné dans l'article que je vous mentionne, là : Ce n'est pas vrai. Il a dit que vous n'aviez pas raison de dire ça.

Mme Leclerc (Guylaine) : Ah! bien là, je ne peux pas commenter, là, les commentaires de M. Roquet, là.

M. Therrien : Bien non, mais je fais rien que vous dire ça, là. Non, non, mais je ne veux pas partir de débat. Je ne veux pas partir de débat ici, mais, bon, écoutez, je pense que mes collègues auraient une ou deux questions à vous poser.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Mme la députée de Taschereau? M. le député de Beauharnois.

M. Leclair : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Il reste six minutes à votre groupe parlementaire.

M. Leclair : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, Mme Leclerc, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Bien, comme vous avez pu voir, bien entendu, depuis ce matin on questionne les gens. La majorité nous disent que, pour eux, c'est clair, lorsqu'ils parlent avec le chef du cabinet, qu'il nous répond : Bien, on a l'accord du ministre.

Après, vous, dans votre rapport sommaire, en ce moment, vous dites : Nous, d'après tout ce qui a été écrit — bien, les procès-verbaux — pour nous aussi, c'est clair qu'il y a un accord du ministre. Alors, on a eu M. Roquet qui est venu tantôt. Lui, il dit : On interprète, on utilise les mots. Mais, lorsqu'on parle de donner son accord ou bien donc on va attendre, sous réserve de la position du cabinet ministériel, pour vous, c'est clair, ça, là, là. Parce que, depuis ce matin, nous, de notre côté... puis je pense que, tout législateur, on sait très bien que, lorsqu'on parle avec un chef de cabinet, bien, on parle avec la haute direction et l'exécutif du parti ou du gouvernement. Bien là, ici, pour la partie que nous jouons, bien là on interprète des mots, puis certains semblent dire : Bien, ce n'est pas tout à fait ça, les mots.

Alors, pour vous, c'est tout clair, comme nous, que, lorsqu'on dit «donne son accord» ou «sous réserve»... Même si je comprends bien le fait qu'on ait utilisé un certain fonds au lieu d'un autre, on ne critique pas ça, là. S'il y a eu une erreur à ce niveau-là, on ne critique pas ça. Mais de dire que le cabinet a donné son accord et que le ministre n'est pas au courant... Et c'est ça, c'est là-dessus, là, on s'obstine toute la journée, on questionne les gens. Alors, pour vous, c'est clair et net, lorsque vous voyez dans un procès-verbal «donne son accord», bien, ça vient du cabinet du ministre qui a donné son accord.

Mme Leclerc (Guylaine) : Écoutez, je ne suis pas en mesure de savoir si le procès-verbal est exact ou pas. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est qu'un procès-verbal, c'est un document important. C'est un document qui est important, et, basé sur l'expérience que j'ai, l'habitude qu'on a lorsqu'on revoit un procès-verbal... Parce qu'on a une assemblée, il y a un procès-verbal qui est fait, c'est envoyé aux administrateurs, qui le relisent, et, plus souvent qu'autrement, on enlève des mots plutôt que d'en rajouter. Et, ensuite, le procès-verbal est adopté, il est signé par le président-directeur général et il est signé par le président du conseil d'administration, et ça devient, à ce moment-là, un document authentique.

Alors, oui, le procès-verbal est un document qui est important, mais nous, notre conclusion n'était pas à l'effet est-ce que le ministre a donné son accord ou pas. Notre élément était de dire : Bien, c'était tellement important pour les membres du conseil d'administration qu'ils ont fait part de leur malaise au conseil d'administration et ils l'ont mentionné dans le procès-verbal.

• (15 h 40) •

M. Leclair : On est sur la même longueur d'onde, effectivement, là, on voit l'importance que ça avait, cette transaction-là. Alors, avec tous les procès-verbaux, comme vous avez si bien expliqué, revérifiés et devenus plus officiels, alors je reste perplexe avec les gens qui tentent encore d'utiliser les mots pour dire : Bien, «donner son accord» ou «sous réserve» ne sont pas officiels.

Je vais laisser la parole à mon collègue, là, qui avait une dernière petite question.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Alors, M. le député de Sanguinet, il reste 2 min 29 s.

M. Therrien : Mme Leclerc, j'aimerais ça vous revenir sur une réponse que vous avez mentionnée tantôt. Vous avez dit : Ce n'est pas Investissement Québec qui a décidé d'utiliser les fonds propres. J'aimerais vous entendre là-dessus, le choix.

Mme Leclerc (Guylaine) : Ah! bien, pouvez-vous me répéter exactement les paroles? Peut-être que j'ai mal...

M. Therrien : Bien, tu sais, je vous avais demandé en... O.K.

Mme Leclerc (Guylaine) : Mais, en tout cas, c'est certain que ce n'est pas eux qui ont décidé que ce n'était pas le fonds de développement. C'est eux qui décident pour eux, mais ce n'est pas eux qui peuvent décider pour le Fonds de développement économique. Et chaque organisation, chaque institution devrait décider pour elle-même.

M. Therrien : O.K. Donc, le décret ouvre la porte à l'intervention d'Investissement Québec, ça, c'est clair. Si le gouvernement était arrivé avec un décret simultanément, ce décret-là qui demande l'intervention d'Investissement Québec et qui donne à quelque part son accord, il aurait pu, plus facilement, utiliser le Fonds de développement économique s'il y avait un décret qui justifie cette utilisation-là.

Mme Leclerc (Guylaine) : Le Fonds de développement économique aurait émis un décret demandant à Investissement Québec de... Il aurait mandaté Investissement Québec pour gérer l'investissement, et ce ne serait pas le conseil d'administration qui aurait eu à prendre la décision.

M. Therrien : Il manquait seulement un décret, dans le fond, là, qui peut se faire assez rapidement, parce qu'on avait déjà un autre décret sur la table. La clé, là, c'était un décret supplémentaire.

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, c'était une décision de la part du Fonds de développement économique et une autorisation du Conseil des ministres basée sur des analyses qui auraient été faites au préalable, et le Conseil des ministres aurait émis le décret.

M. Therrien : O.K. Combien il reste de temps?

Le Président (M. Cousineau) : Il vous reste 45 secondes, M. le député, le temps d'une question rapide.

M. Therrien : Bon, écoutez, rapidement, est-ce que, si on était arrivé avec deux décrets, là, en même temps, on aurait fait en sorte que l'urgence que parlait M. Roquet, là, on aurait pu agir de façon urgente, de façon prompte pour, justement, faire agir Investissement Québec dans l'achat d'actions?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne suis pas en mesure de répondre à l'argument de M. Roquet, là, à l'effet qu'il n'y avait pas suffisamment de temps pour le faire, je ne connais pas les délais.

M. Therrien : Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Sanguinet. Alors, pour la suite des choses, je passe maintenant la parole au député de Granby pour les 9 min 30 s suivantes. M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Mme Leclerc, messieurs. Mme Leclerc, le 3 juin dernier, le ministre a continué de nier qu'il n'avait pas été informé de la transaction. Il a dit en vous citant... «À son avis, la Vérificatrice générale a travaillé avec des "documents inexacts".» Est-ce que vous avez travaillé avec des documents inexacts, selon vous?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, écoutez, nos façons de procéder, c'est de travailler, oui, avec certains documents, mais aussi de faire des entrevues, de rencontrer des gens et aussi de valider notre rapport auprès des personnes qui peuvent être impliquées dans le dossier. Alors, si les procès-verbaux, les quatre procès-verbaux qui faisaient état des demandes ou des préoccupations des membres du conseil d'administration étaient tous inexacts, bien, oui, j'aurais travaillé avec des documents inexacts, mais, d'autre part, on valide aussi l'information.

M. Bonnardel : Alors, pour vous, là, quand vous dites : «Ils ont obtenu en décembre 2014 l'accord du ministre avant de vendre la totalité des actions», j'imagine que vous avez eu accès à ces courriels, vous vous êtes basée sur ce fameux O.K.?

Mme Leclerc (Guylaine) : Ce que nous avons écrit et ce que nous avons toujours dit, c'est que, selon les procès-verbaux du conseil d'administration... Puis il faut comprendre que, pourquoi on mentionne les procès-verbaux, c'est tout simplement pour appuyer une préoccupation qu'avaient les membres du conseil d'administration d'autoriser la vente sans avoir — je veux utiliser le terme adéquatement, là — consulté le gouvernement. Alors, c'est pour ça que nous avons fait état des procès-verbaux, parce que ça venait appuyer la préoccupation que nous avaient mentionnée certains membres du conseil d'administration et la lecture des procès-verbaux précédents aussi.

M. Bonnardel : Donc, vous n'avez pas eu accès à ces courriels?

Mme Leclerc (Guylaine) : Non.

M. Bonnardel : Pour vous, vous vous êtes basés sur la réponse de M. Lafrance au mois de décembre, qui a dit, dans le procès-verbal de la rencontre : J'ai eu l'autorisation du ministère. Mais vous ne le saviez pas, vous, que c'était un simple courriel.

Mme Leclerc (Guylaine) : Au moment où nous avons fait le travail, nous n'avons pas eu accès à ces courriels-là.

M. Bonnardel : O.K. Vous avez eu accès aussi au procès-verbal de la rencontre, la fameuse rencontre du 17 novembre, où vous dites : Bien, les membres du conseil d'administration n'avaient pas toute la latitude pour autoriser la vente. Saviez-vous qu'il y avait eu une rencontre à huis clos quand vous avez rencontré les membres du conseil d'administration pour certains...

Mme Leclerc (Guylaine) : Mais c'est mentionné, d'ailleurs, dans... C'est mentionné.

M. Bonnardel : Oui. Vous le saviez, qu'il y avait eu un huis clos juste par après?

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, et que le ministre se joignait au huis clos.

M. Bonnardel : Oui. Est-ce que vous avez posé des questions aux membres du C.A. à savoir... En avez-vous parlé? Déjà, vous attendiez une réponse du gouvernement, du ministère comme tel, vous aviez le ministre, avez-vous élaboré un peu avec eux ou...

Mme Leclerc (Guylaine) : Il faut comprendre que l'objectif, nous, c'était de mentionner qu'il y avait peu de distinctions entre le Fonds de développement économique et les activités d'Investissement Québec. Donc, ce que le ministre ait pu dire ou pas, ce n'était pas une préoccupation que nous avions. Alors, ce n'est pas quelque chose qu'on a demandé.

M. Bonnardel : Donc, il n'y a pas aucun membre du C.A. qui vous a dit de vive voix : Bon, on aurait aimé rencontrer... parce qu'ils l'avaient devant eux ou parler directement au...

Mme Leclerc (Guylaine) : Non.

M. Bonnardel : O.K. Dans vos rencontres avec les membres du C.A., est-ce que vous avez eu la chance de lire une analyse que les responsables de gestion du risque avaient en disant, le jour du 17 novembre : Deux ans après cette offre d'achat hostile, on vous recommande, membres du C.A., de vendre les actions? On allait initialement, pour 875 000 actions, prendre une décision, et, par la suite, le C.A., unanimement, a dit : On vend la totalité sur 10 blocs sur les prochaines semaines. Il y a quand même deux personnes dans cette fameuse rencontre qui ont dit : Nous, là, on a la lumière devant nous, on décide de vendre, puis voici pourquoi on devrait vendre. Est-ce que vous, vous avez vu un document qui...

Mme Leclerc (Guylaine) : Il faut que je demande à mon équipe, là, de vérification, mais on est quand même assez...

Des voix : ...

Mme Leclerc (Guylaine) : Sur le 875 000, on a vu une analyse, et non pas sur la vente du bloc en entier.

M. Bonnardel : Donc, vous aussi, vous ne savez pas... À part ces fameuses deux personnes qui ont convaincu tous les membres du conseil d'administration, il n'y a aucun document que vous avez pu obtenir qui disait que, bien, c'était le temps de vendre la totalité des actions, donc, pour un montant global d'à peu près 160 millions de dollars? Donc, ça s'est décidé comme ça. Unanimement, tout le monde a décidé qu'on vendait, puis vous, vous n'avez pas eu vent d'aucun document?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je ne suis pas en mesure de répondre, là, comment ça s'est passé ou...

M. Bonnardel : Donc, je trouve ça quand même inquiétant parce qu'au-delà de ça le président du conseil du C.A., tantôt, qui nous dit : J'avais d'autres préoccupations, je n'ai pas demandé plus de vérifications, on a deux personnes qui s'y connaissent puis qui disent qu'il faut vendre. Alors, moi, je trouve ça particulier qu'on ait décidé ça comme ça sans que personne ne lève le petit doigt puis demande une analyse plus approfondie des documents, et tout ça. Alors, je trouve ça particulier, mais, bon, c'est pour ça que je voulais poser la question. Moi, c'est terminé, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Granby. Alors, nous passons au dernier bloc de trois minutes alloué à M. le député de Mercier. M. le député.

M. Khadir : Mme la vérificatrice, vous avez mentionné qu'après le communiqué émis par le ministère des Finances le 31 juillet 2012 à l'effet qu'il demandait... le ministère demandait à Investissement Québec d'effectuer des démarches pour éviter une prise de contrôle hostile de la part de Lowe's, donc il y a eu cette implication d'Investissement Québec, mais qui, selon les critères, trois critères, fondamentalement, qu'au-delà de 5 millions Investissement Québec n'avait pas autorisation d'utiliser ses fonds propres, qu'en principe tous les critères étaient réunis pour que ça soit... c'était dans le cadre de ce à quoi était destiné le Fonds de développement économique, d'utiliser, donc, ces moyens pour intervenir dans une prise de position pour tout projet qui ne rentre pas dans le cadre habituel de ses investissements...

Est-ce que c'est compatible avec cette volonté, d'une part, de demander ça puis, d'autre part, que la FDE ou le ministère des Finances, qui est responsable de la FDE, n'autorise pas que ça soit le Fonds de développement économique qui serve à cet usage? Parce que vous avez dit, à un moment donné, que la décision qui a amené Investissement Québec d'utiliser ses fonds propres, c'est que quelqu'un d'autre a dû intervenir ou décider au Conseil des ministres que ça ne serait pas avec le Fonds de développement économique, il y a une incompatibilité, là.

• (15 h 50) •

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, ce que je dis, c'est qu'Investissement Québec est une entité autonome et qu'elle peut prendre ses propres décisions. Donc, le conseil d'administration d'Investissement Québec peut choisir de faire quelque investissement qu'il souhaite à la condition que ça entre dans le cadre. O.K.? Donc, 2,5 % de son actif, il ne peut pas investir plus que 2,5 %.

M. Khadir : Ça n'entrait pas dans ce cadre.

Mme Leclerc (Guylaine) : C'était évident que ça n'entrait pas dans le cadre, et d'autant plus que, précédemment, le 31 juillet, le ministre a mentionné qu'on souhaitait qu'Investissement Québec, bon, bien, investisse, agisse. Alors, c'est pour ça que c'est une activité qui, à notre avis, semble beaucoup plus une activité du Fonds de développement économique qu'une activité d'Investissement Québec.

M. Khadir : Votre analyse vous porte à croire que, par ailleurs, le Fonds de développement économique ou ceux qui sont responsables de ce fonds n'auraient pas donné l'autorisation que ça soit utilisé. Bien, je ne comprends pas trop parce que...

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, parce que ça aurait pris un décret pour que le Fonds de développement économique...

M. Khadir : Très bien. Donc, le décret a manqué.

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui.

M. Khadir : C'est le décret qui a manqué. Donc, il y a une volonté ministérielle qui était contradictoire, d'une part, avec sa propre... Le ministre mandate Investissement Québec d'intervenir, mais ne lui donne pas les moyens appropriés pour utiliser la FDE pour faire cet investissement. C'est ça qu'on doit comprendre.

Mme Leclerc (Guylaine) : C'est ce qu'on comprend de plusieurs dossiers qu'on a analysés, hein, chez Investissement Québec, des dossiers qui auraient dû être exécutés par le Fonds de développement économique par rapport à des activités qui ont été réalisées par Investissement Québec.

M. Khadir : Très bien. Et, dans...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, je m'excuse, mais c'est terminé, M. le député de Mercier. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Mme Leclerc, je vous remercie, avec les gens qui vous accompagnent. Merci de nous avoir éclairés à cette commission.

Alors, je suspends pour quelques instants, le temps que l'autre personne se présente.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

(Reprise à 15 h 55)

Le Président (M. Cousineau) : Donc, nous allons reprendre nos travaux.

Une voix : ...

Décision de la présidence sur une question de règlement
concernant le dépôt d'un document

Le Président (M. Cousineau) : Oui, ce ne sera pas très long. Avant d'entendre M. Ouellet, j'aimerais répondre un petit peu à la question qui a été posée par le député de Sanguinet à savoir si on peut rendre public le cahier qui vous a été transmis. C'est un cahier de travail. On vient de l'avoir, donc, d'Investissement Québec, leur point de vue. C'est un document qui est très, très clair. C'est marqué : «Les documents contenus au présent cartable sont confidentiels et ne peuvent être reproduits sans l'autorisation préalable d'Investissement Québec.» Alors, Investissement Québec, ces gens-là sont très mal à l'aise à l'effet qu'on puisse le reproduire. Donc, c'est un document de travail qui appartient aux membres de la commission, et ça doit rester aux membres de la commission, point à la ligne. Donc, on n'a pas d'autorisation, c'est un document de travail. Voilà.

Donc, bonjour, M. Ouellet. Bienvenue à notre commission parlementaire. Vous aviez, M. le député de Granby, une intervention au départ?

M. Bonnardel : Oui, M. le Président. J'aimerais ça que M. Ouellet puisse être assermenté, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cousineau) : Absolument. Alors donc, comme le précise l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale, Mme la secrétaire, procédez à l'assermentation de M. Ouellet, s'il vous plaît.

La Secrétaire : ...

M. Pierre Ouellet, ancien directeur de cabinet du ministre
de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations

Assermentation

M. Ouellet (Pierre) : Oui. Alors, je, Pierre Ouellet, déclare sous serment que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Ouellet. Donc, vous bénéficiez, donc, de l'immunité pour le témoignage que vous allez nous apporter.

Alors, vous avez, comme les autres participants, M. Ouellet, 10 minutes, maximum. Puis, par la suite, nous allons passer aux échanges avec les parlementaires des différents groupes.

M. Ouellet (Pierre) : Parfait. Alors, M. le président de la Commission de l'économie et du travail, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je tiens à vous remercier d'avoir accepté ma demande de venir devant vous aujourd'hui pour m'assurer que les députés membres de la commission soient en mesure d'obtenir de ma part les éclaircissements que je peux apporter concernant la transaction des actions que détenait Investissement Québec dans RONA. Merci aussi de m'avoir reçu si rapidement.

Je suis content de pouvoir venir rectifier certains faits parce qu'au cours des derniers jours, selon ce qui a été dit et écrit, j'étais pratiquement rendu la personne qui avait autorisé la vente du bloc d'actions de RONA que détenait Investissement Québec et aussi le responsable de l'achat de RONA par Lowe's. Entrons donc tout de suite dans le vif du sujet et regardons la chronologie des événements, qui vous a été distribuée.

Le 17 novembre 2014, j'ai eu un échange avec le ministre, échange lors duquel il m'a demandé de vérifier quels étaient les montants au-delà desquels il fallait une autorisation du ministre ou du Conseil des ministres pour procéder, et c'est ce que mes notes personnelles m'indiquent. J'ai donc contacté M. Marc Paquet, qui est vice-président aux affaires juridiques et secrétaire de la société, le 21 novembre 2014 pour lui demander quels étaient ces seuils. Il m'écrit le jour même, comme vous avez pu le voir dans l'échange de courriels qui a été rendu public. Nous constatons donc que le conseil d'administration pouvait agir seul. La valeur de la transaction étant sous les seuils, il n'avait pas à obtenir quelque avis de la part du ministre. On se rappelle encore une fois que le conseil d'administration d'Investissement Québec a pris la décision de vendre les actions de RONA le 17 novembre 2014.

Le 26 novembre, toujours en 2014, Jean-Jacques Carrier, qui est vice-président et chef de la direction financière d'Investissement Québec, m'écrit par courriel pour demander si le MEIE, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, était en accord avec la transaction. J'ai discuté du sujet de RONA avec le ministre Daoust le 26 novembre 2014, et c'est ce que m'indiquent mes notes personnelles.

Maintenant, la question : Pourquoi ai-je répondu O.K.? Si j'ai répondu O.K., c'est qu'après la discussion que j'ai eue avec le ministre Daoust le 26 novembre 2014 la décision de vendre le bloc d'actions devait venir du conseil d'administration. Le ministre m'avait dit : C'est de leur responsabilité, ils vivront avec leurs conséquences.

Il faut aussi noter qu'il s'écoule plus de 15 mois entre la décision du conseil d'administration d'Investissement Québec de vendre les actions de RONA et la vente de RONA à Lowe's. Je tiens à indiquer tout de suite que je n'ai pas été un témoin de la vente de Lowe's à RONA. Il y a eu un remaniement ministériel le 28 janvier 2016, et l'annonce de la vente de RONA à Lowe's a eu lieu le 3 février 2016.

On a entendu des commentaires et des questions quant à la possibilité que j'aie pris une décision seul. La réponse est non. Je peux vous assurer que je demandais au ministre son autorisation pour des choses bien plus anodines que la vente d'un bloc d'actions de cette valeur.

En terminant, je tiens à dire que, tout le temps que j'ai été en politique, j'ai toujours agi avec rigueur, honnêteté et loyauté pour le gouvernement du Québec et ses citoyens. Alors, je vous remercie. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

• (16 heures) •

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Ouellet. Alors, je passerais maintenant la parole à un représentant du parti ministériel, en vous rappelant que vous avez 23 min 30 s. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, merci beaucoup, M. Ouellet, d'avoir pris l'initiative... En effet, je suis un de ceux... également mon collègue de Jean-Lesage et de Marguerite-Bourgeoys, à tout le moins, ici, de la partie ministérielle, qui étions très intéressés à entendre vos propos, compte tenu des nouveaux éléments qui ont été publiés la semaine dernière.

Je commencerais par vous poser la question parce que vous venez de le préciser. Vous avez tenu à préciser que vous n'êtes nullement le responsable de la vente de RONA auprès de Lowe's ou quoi que ce soit, et je n'en doute point, mais pourquoi vous faites cette précision-là exactement?

M. Ouellet (Pierre) : Bien, c'est simplement pour faire écho aux reportages et ce qui a été dit dans les médias, où on faisait des liens, là, entre... que c'était pratiquement moi qui étais le responsable de ça, alors que la vente du bloc d'actions de RONA par Investissement Québec relevait du conseil d'administration d'Investissement Québec, et la vente de RONA à Lowe's était la responsabilité des conseils d'administration de ces deux sociétés-là. Alors, moi, là-dedans, je n'étais pas responsable de ça, et c'est pour ça que je tenais à venir ici pour le rectifier. Essentiellement, c'est pour ça que je fais cette précision-là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Polo : Merci, M. le Président. Ce matin, quand M. Lafrance est venu se présenter ici devant nous, je l'ai longuement interrogé sur la séquence des événements qui ont mené à la rencontre du conseil d'administration du 17 novembre. Il nous a expliqué qu'il avait régulièrement des contacts auprès du cabinet de M. Daoust, donc, j'imagine, par votre entremise notamment. Est-ce que, jusqu'au 17 novembre 2014... est-ce que, dans vos nombreux contacts, échanges, etc., est-ce que la question de RONA, la position d'Investissement Québec... la position de RONA à l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec a-t-elle été discutée dans vos échanges?

M. Ouellet (Pierre) : Non, ça n'a jamais fait l'objet de discussion entre M. Lafrance et moi, ni avec d'autres personnes d'Investissement Québec. Le dossier de RONA est apparu dans le radar, pour moi, le 17 novembre 2014.

M. Polo : Parfait. Vous avez travaillé pendant un peu plus que deux ans avec M. Daoust à titre de chef de cabinet. M. Daoust était P.D.G. d'Investissement Québec lorsque le gouvernement l'a mandaté d'acheter et de prendre position... et donc il a procédé, à titre de P.D.G., là... supervisé les achats, la prise de position de RONA par Investissement Québec. Est-ce que, dans vos deux... en fait, jusqu'au 17 novembre 2014, est-ce que le sujet de RONA, la position de RONA a fait partie des discussions que vous avez eues avec M. Daoust?

M. Ouellet (Pierre) : Ça ne me dit absolument rien.

M. Polo : O.K. Est-ce que, suite à... le contact ou l'appel de M. Lafrance afin de s'enquérir de la position du ministre sur les actions de RONA par Investissement Québec, est-ce qu'il y a eu une discussion, une longue discussion, à savoir le contexte, le timing, les particularités, les possibilités de Lowe's versus RONA? Est-ce qu'il y a eu une discussion élaborée sur le sujet?

M. Ouellet (Pierre) : Alors, tout comme M. Lafrance — j'ai entendu, je pense, une bonne partie de son témoignage — je n'ai pas de souvenir précis à quel moment on a pu s'en parler, mais c'est certain, là, que c'est dans l'intervalle du 17 au 21 novembre 2014. Pouvez-vous me répéter la question? Pardon.

M. Polo : En fait, ce que j'aimerais savoir, c'est, une fois que M. Lafrance...

M. Ouellet (Pierre) : C'était pour savoir s'il y avait eu des échanges élaborés avec le ministre, pardon. J'ai eu deux échanges avec le ministre, qui n'ont pas été très élaborés. Lui, il connaissait bien le dossier, contrairement à moi, là. Donc, lui, il avait une bonne idée de ce dont on parlait là.

M. Polo : En effet, donc... Puis là on a reçu une copie, là, de vos expériences précédentes, puis je sais que vous avez déjà travaillé avec un précédent ministre associé au développement économique, etc. Mais, ceci dit, ce que j'essaie de voir, c'est au-delà... Et, dans le document, la chronologie que vous nous avez déposée ici, ce que j'en comprends, c'est qu'une fois que vous avez reçu l'appel ou le contact de M. Paquet vous en discutez avec le ministre, et le ministre et vous... ou peut-être vous, vous me préciserez, vous vous êtes informé auprès d'Investissement Québec à savoir est-ce que la Loi sur Investissement Québec vous obligeait à autoriser la transaction. Est-ce que c'est bien ça?

M. Ouellet (Pierre) : C'est une demande que le ministre m'avait faite de vérifier auprès d'Investissement Québec, donc auprès de M. Paquet, qui est aux Affaires juridiques, quels étaient les seuils qui requéraient l'autorisation soit du ministre, soit du Conseil des ministres. Il connaissait l'existence de seuils, mais ne se souvenait pas avec précision est-ce que c'était en valeur ou en pourcentage de quoi... Alors là, on a entendu aujourd'hui, si je ne me trompe pas, que c'est 2,5 % des actifs nets d'Investissement Québec.

Alors, le courriel que M. Carrier m'achemine le 26 novembre fait référence à ce que M. Paquet m'avait écrit. Donc, on parle du 2,5 % de la valeur nette des actifs, mais ce que je tiens à ajouter, et c'est tout récent, là... J'ai écouté les témoignages aujourd'hui. Ce qui est nouveau pour moi, c'est que la résolution du conseil d'administration d'Investissement Québec parlait de «sous réserve». Pour moi, c'est nouveau aujourd'hui, c'est une information que je n'avais pas. Et les courriels, tant celui de M. Carrier que de M. Paquet, ne font nullement mention de la «sous réserve de l'approbation du ministre». Et l'échange que j'ai eu avec le ministre le 26 novembre, avoir eu le «sous réserve» à l'esprit aurait peut-être amené autre chose.

Mais là on est dans des spéculations, et moi, je veux parler des faits. Mais ce que je veux vous dire, c'est que c'est du nouveau pour moi aujourd'hui, l'aspect de «sous réserve de l'approbation du ministre». Mais je pense que M. Roquet a aussi tempéré, si on veut, l'aspect «sous réserve», là. Lui, il le voyait plus comme information. Et les courriels de MM. Carrier et Paquet ne font pas référence à l'approbation sous réserve de, on est plus dans : Dites-nous donc ce que vous en pensez. Et, comme je l'ai dit, le ministre, n'ayant pas le «sous réserve», me dit, puisque je lui présente l'explication des seuils, me dit : Bon, c'est sous leur responsabilité, ils vivront avec les conséquences parce qu'il n'était pas favorable à cette décision-là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Et, comme vous, M. Ouellet, une des choses qu'on a apprises avec le témoignage de M. Roquet, c'est que non seulement le sujet a été discuté le 17 novembre 2014, mais qu'une résolution a été proposée séance tenante, adoptée avec, justement, la réserve dans le cas de M. Roquet. Par la suite, il s'est corrigé. Il aurait dû, à ce moment-là, corriger le procès-verbal et plutôt dire «avec l'information, avec le souci d'informer le ministre». Bon, ça a été présenté autrement.

Ce que j'en comprends, c'est que, dans votre discussion avec M. Daoust, une fois que vous avez obtenu la confirmation ou la précision de ce que la Loi sur Investissement Québec prévoit, lui, il a très vite compris qu'il n'avait pas, à ce moment-là, à autoriser. Est-ce que je me trompe dans cette interprétation-là?

M. Ouellet (Pierre) : ...je ne voudrais pas interpréter, faire de l'interprétation, mais les faits sont... Moi, je lui présente les seuils que MM. Paquet et Carrier... dont ils me font part. Je présente ça au ministre, il m'a dit : Bon, c'est sous l'autorité du conseil d'administration, ils vivront avec les conséquences.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.

• (16 h 10) •

M. Polo : M. le Président, si vous me le permettez... Parce qu'aujourd'hui on a vécu, à travers les différents témoignages, là, différentes, si on peut dire, pistes sur lesquelles nos collègues ont voulu nous amener ou ont voulu amener certains de nos invités également à venir répondre sur certaines de leurs questions, mais le mandat comme tel, et ça, c'est en fonction des discussions que nous avons eues, là, le 9 juin 2016, le mandat comme tel, celui... Tel quel, Mme la secrétaire informe la commission du remplacement... Il est convenu de permettre à certaines personnes de siéger. Et c'est écrit en caractères gras soulignés, l'organisation du mandat d'initiative concernant le processus ayant mené à la vente des actions de RONA par Investissement Québec.

Pourquoi je fais la précision? C'est parce que, quand je réconcilie les témoignages de M. Lafrance, de M. Roquet, maintenant de M. Ouellet puis également de la Vérificatrice générale lorsqu'elle nous dit que, par conséquent, dans l'utilisation des fonds propres, la société n'avait pas à recevoir l'autorisation du gouvernement pour disposer des actions, lorsque M. Roquet nous explique qu'il aurait dû simplement utiliser le mot «informer» et donc que la directive qu'il a donnée à M. Lafrance était d'informer le ministre à travers le chef de cabinet, lorsqu'on prend connaissance qu'Investissement Québec est souverain dans la gestion des positions qu'il prend à partir des fonds propres et lorsqu'on comprend que la résolution adoptée le 17 novembre 2014 est, par la suite, entérinée ou appliquée, appliquée à partir du mois de décembre, donc le 21 novembre — corrigez-moi si je me trompe, M. Ouellet — le 21 novembre, lorsque vous vous informez sur les précisions sur la Loi d'Investissement Québec, que vous en discutez avec le ministre, votre interprétation à ce moment-là, c'est que la décision est déjà prise.

M. Ouellet (Pierre) : Oui, parce que le courriel de M. Carrier dit : Suite à l'approbation... On peut continuer de lire... Je ne lirai pas tout le reste, là, mais, suite à l'approbation par le conseil, pour moi, l'approbation est donnée. Ça ne peut pas être beaucoup plus clair que ça.

M. Polo : O.K. Est-ce que le ministre, dans vos discussions suite... À partir du 21 novembre, est-ce que RONA a refait partie... est-ce que ça a fait partie de discussions entre vous ou quoi que ce soit... ou carrément il a voulu se dégager de cette responsabilité, même si Investissement Québec relève du ministère de l'Économie à ce moment-là?

M. Ouellet (Pierre) : Je ne suis pas certain de comprendre votre question, mais je n'ai pas eu d'échanges avec le ministre entre le 21 et le 26 novembre sur le sujet. Mais l'aspect de vouvoir prendre ses distances, là, je ne commenterai pas s'il voulait, là. Moi, je suis ici pour les faits, pas pour les états d'âme et les impressions.

M. Polo : Parfait. Non, parce que vous allez vous faire poser d'autres questions à ce niveau-là, j'essayais de vous préparer à ce niveau.

Ceci dit, M. Ouellet, j'aimerais savoir... Parce que j'ai posé la question à la Vérificatrice générale, vous avez eu un échange téléphonique sur le souhait d'Investissement Québec de connaître l'opinion du ministre sur cette vente-là. On vous relance par courriel, O.K., et là j'ai demandé à la Vérificatrice générale tantôt si ce mécanisme-là devait être précisé, amélioré, corrigé et bonifié. Est-ce que, pour vous, c'était une façon commune, une façon normale? Est-ce que, si une communication officielle, par écrit, par la poste même, déposée à votre bureau, à savoir connaître la position du ministre sur les actions de RONA par Investissement Québec... auriez-vous, à ce moment-là, interprété la responsabilité du cabinet autrement ou d'une autre façon versus comment vous l'avez interprétée à ce moment-là?

M. Ouellet (Pierre) : Là, on est encore une fois dans l'hypothétique, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, le «sous réserve» est, pour moi, nouveau. Si on l'avait fait de façon formelle, peut-être que le «sous réserve de» aurait été indiqué. Et je ne veux pas présumer de ce qui se serait passé par la suite, mais ça aurait certainement amené des questionnements qui auraient pu être différents. Mais, encore une fois, je préfère m'en tenir aux faits. On a eu un courriel qui dit «suite à l'approbation», qui ne fait nullement mention du «sous réserve», qui nous dit : Ça aurait des avantages pour Investissement Québec, puisque ça éliminerait un risque.

M. Polo : O.K. Votre réponse par courriel, le O.K. est très court. Est-ce que, suite à votre courriel, il y a eu des échanges téléphoniques pour expliquer ou, si on peut dire, donner plus de détails sur qu'est-ce que ce O.K. voulait dire? Vous n'avez pas eu de retour d'appel ou quoi que ce soit à ce niveau-là?

M. Ouellet (Pierre) : Non. Ça, ça a été ce qui a conclu l'épisode.

M. Polo : Parfait. O.K. Est-ce que l'ancien ministre de l'Économie, lorsqu'à 11 reprises — parce que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a fait faire le décompte — à 11 reprises, dit publiquement, ici même, en Chambre, qu'il n'a pas pris part à la décision, O.K., de vendre les actions de RONA par Investissement Québec, est-ce qu'il a menti?

M. Ouellet (Pierre) : Ce n'est pas à moi à faire cette interprétation-là. Moi, je vous dis, je vous ai présenté les faits que je connais. Maintenant, s'il a menti, ce n'est pas à moi à déterminer ça.

M. Polo : Avant le 21 novembre 2014, est-ce que le ministre était au courant, soit à travers vous ou à votre connaissance, que le conseil d'administration avait délibéré, avait discuté de la possibilité de se départir des actions de RONA par Investissement Québec?

M. Ouellet (Pierre) : Bien, écoutez, moi, j'ai une demande du ministre dans la journée du 17 novembre qui me demande de vérifier les seuils en lien avec la transaction du bloc d'actions qu'Investissement Québec a décidé de faire sur les titres qu'il possède dans RONA. Donc, le 17 novembre...

M. Polo : Parfait. Excellent. Donc, une fois que la décision est débattue et prise au conseil d'administration le 17 novembre, qu'il y a des contacts téléphoniques puis, par la suite, un échange de courriels le 21 novembre... Mais, avant le 17 novembre, le... Je vais reformuler ma question parce que, là, c'est clair qu'il y a deux dates. Il y a des contacts téléphoniques après le 17 novembre puis un contact par courriel le 21 novembre. O.K.? Mais, avant le 17 novembre, où le ministre, à travers vous, n'est pas informé de la possibilité qu'Investissement Québec...

M. Ouellet (Pierre) : Là-dessus, je suis catégorique, non.

M. Polo : Parfait. O.K. Vous avez entendu M. Lafrance nous expliquer que le scénario avait complètement changé sur la position d'Investissement Québec auprès des actions de RONA, à savoir que Lowe's n'était plus dans le décor, que le plan de restructuration fonctionnait, qu'il y avait eu un plan de rachat des actions, que la haute direction avait changé entre-temps, etc., à ce niveau-là.

Est-ce que, selon vous, quand on regarde, justement, la séquence de ces événements-là... Moi, ce que j'aimerais savoir : Est-ce que le conseil d'administration avait tous les éléments nécessaires pour prendre cette décision-là le 17 novembre?

M. Ouellet (Pierre) : Ce n'est pas à moi de juger de ça, c'est aux membres... Les membres qui ont pris la décision, c'est à eux qu'il faudrait poser la question.

M. Polo : O.K. Mais est-ce que l'opinion du ministre était indispensable pour prendre cette décision-là?

M. Ouellet (Pierre) : Bien, la réponse que M. Paquet me transmet dit qu'il n'avait pas besoin d'un décret, donc pas besoin de la décision du ministre ou du Conseil des ministres. C'est écrit assez clairement selon l'article 12, qui dit que ça prenait un décret pour faire l'achat parce que ça pouvait dépasser 2,5 % de la valeur nette des actifs d'Investissement Québec, mais...

M. Polo : Parfait. Non, c'est bien, c'est... Il y a eu plusieurs questions qui ont été posées aux personnes qu'on a reçues ce matin puis cet après-midi sur la différence entre les fonds propres et le Fonds de développement économique. Vous connaissez la distinction, M. Ouellet, les obligations de l'un versus l'autre, peut-être la latitude ou l'autonomie de l'un versus l'autre comme tel. Est-ce que, pendant la période de presque 20 ou 22 mois où vous avez été chef de cabinet de M. Daoust à l'Économie, vous avez été témoin, disons, de d'autres investissements en utilisant le Fonds de développement économique? Et peut-être expliquez-nous la différence, le mécanisme de reddition de comptes, d'information, de communication, par exemple, FDE versus fonds propres.

• (16 h 20) •

M. Ouellet (Pierre) : On peut faire ça assez simplement, là. Les fonds propres, c'est Investissement Québec et son conseil d'administration. Le FDE, c'est le ministre. Si on veut résumer ça, là, c'est comme ça.

M. Polo : Parfait. Parfait.

M. Ouellet (Pierre) : Mais il y a une séparation claire. Quand c'est FDE, c'est le conseil d'administration, c'est la société qui décide toute seule. Et, quand c'est FDE, le ministre reçoit les recommandations qui sont faites par Investissement Québec, mais ça demeure que c'est le ministre qui décide.

Une voix : ...

M. Ouellet (Pierre) : Ah! pardon.

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît, M. le député de Mercier. Non, je...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Vous allez avoir un temps de parole tantôt, je ne veux pas qu'on commence ce genre d'échange. Poursuivez, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Excellent. Oui, terminez.

M. Ouellet (Pierre) : Alors, peut-être juste pour préciser.

M. Polo : Oui, précisez.

M. Ouellet (Pierre) : Alors, si c'est FDE, le ministre reçoit les recommandations de la part d'Investissement Québec, qui prépare les dossiers, et c'est le ministre qui décide. Lorsque ce sont les fonds propres, c'est Investissement Québec eux-mêmes qui prennent les décisions, et c'est clair, «crystal clear», pour bien parler français.

M. Polo : Parfait. Est-ce qu'avant ou après le 17 novembre 2014, sur une autre position d'Investissement Québec, à même ses capitaux propres, ses fonds propres, est-ce que le ministre a été consulté ou informé sur la vente partielle ou totale d'actions d'une position?

M. Ouellet (Pierre) : Des positions boursières, ce n'est pas quelque chose qui est fréquent, hein, chez Investissement Québec. C'est ça, on est plus dans le prêt et la garantie de prêt. Alors, je n'ai pas de souvenir d'autres transactions boursières.

M. Polo : Donc, une position exceptionnelle ou une... telle que RONA... Et M. Daoust, qui était présent en août 2012, lorsqu'il a reçu la commande de prendre cette position-là, c'est clair que... Moi, ce que j'essaie de comprendre, c'est est-ce que le même processus a été suivi à ce moment-là versus d'autres positions à même les fonds propres. Ce que vous, vous me dites, c'est qu'Investissement Québec n'a pas l'habitude ou n'a pas beaucoup de positions à même ses fonds propres, et donc ça a été exceptionnel comme communication — c'est ce que j'essaie de savoir — de la part d'Investissement Québec.

M. Ouellet (Pierre) : Écoutez, je ne connais pas avec détail ce qui se passe dans les fonds propres parce que, comme je le dis, ce sont des choses qui sont gérées par Investissement Québec, la société. On n'était pas informés. En tout cas, je ne veux pas...

M. Polo : C'était une communication, si on peut dire, exceptionnelle. Je veux dire, c'était exceptionnel pour Investissement Québec. Ils nous l'ont dit, compte tenu de l'aspect politique au tout début, ils jugeaient important de... C'est écrit ici, soit consulter, s'informer, etc., et donc, dans ce cas-là en particulier, pour vous, c'était important aussi de clarifier quelles étaient les obligations du ministre en fonction de la Loi sur Investissement Québec.

M. Ouellet (Pierre) : C'est le ministre qui me demandait de lui préciser quels étaient ces seuils-là pour savoir s'il avait à intervenir ou non.

M. Polo : Parfait. Écoutez, moi, ça termine. Je ne sais pas si mes collègues... Je sais qu'il reste un gros 45 secondes, là.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Bien, en fin de compte, écoutez, il n'y a plus de temps pour une question, il reste 10 secondes. Alors donc, merci, M. le député de Laval-des-Rapides.

Nous allons passer maintenant au bloc suivant, de l'opposition officielle, pour les 14 prochaines minutes. M. le député de Sanguinet. Par la suite, madame... vous me ferez signe.

M. Therrien : Oui. O.K. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Ouellet. Bien, écoutez, le ministre nous a dit à maintes reprises qu'il n'avait pas été informé. Il a même écrit dans sa lettre de démission qu'il n'avait pas été informé. Vous nous dites clairement qu'il a été informé, donc c'est clair que l'ex-ministre a menti. Si on regarde le déroulement, là, ce que ça a l'air, c'est qu'Investissement Québec donnait un pouvoir au ministre en disant : On doit demander l'accord du ministre. Et c'était sous réserve de son accord qu'on pouvait faire la vente des actions. Ce que ça a l'air, là, c'est un ministre qui ne voulait absolument pas se mêler de ça, qui est allé chercher des avis juridiques pour essayer d'esquiver l'accord qu'il pouvait donner à Investissement Québec.

Vous, là, quand vous avez dit O.K., lui vous a dit : Bien, écoute, moi, je... ça relève de la compétence du C.A. d'Investissement Québec, O.K., puis ils se débrouillent avec ça. Donc, dans le fond, Investissement Québec s'est dit : On a l'autorisation du ministre, on a eu le O.K. C'est ce que j'entends, là. Comprenez-vous qu'eux autres, ils interprètent ça de cette façon-là? Je veux dire, dans la tête au ministre, il dit : Bien, moi, je m'en lave les mains, qu'ils se débrouillent. Bien, eux, ils disent : Bien, on a l'autorisation du ministre. Ils demandent l'autorisation du ministre, là, ce n'est pas n'importe quoi, là.

M. Ouellet (Pierre) : Je reviendrais... Oui, allez-y.

M. Therrien : Allez-y. Allez-y. Bien, je veux juste entendre une minute ou deux là-dessus, mais, après, j'ai plein de questions, puis ma collègue aussi. Donc, on va vous écouter.

Le Président (M. Cousineau) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Pierre) : Juste comme je l'ai mentionné, ce qui est nouveau pour moi aujourd'hui, là, c'est l'aspect «sous réserve», que je ne vois pas dans les courriels de M. Carrier et M. Paquet, qui est un fait nouveau et qui aurait pu changer des choses. Mais je ne peux pas spéculer quelles auraient été les intentions, les actions. Moi, je suis ici pour les faits, là, aujourd'hui, mais c'est un fait nouveau qui n'est pas banal.

M. Therrien : Bien, monsieur, écoutez, vous avez un appel téléphonique effectué par Yves Lafrance le lendemain, qui vous dit, là : Compte tenu du lundi 13 novembre et... lui demander de vérifier auprès du ministre si celui-ci était d'accord. Pas d'objection à ce qu'IQ procède à la vente de la totalité des actions qu'elle détenait dans RONA. Vous êtes avisé par téléphone qu'on veut avoir l'accord du ministre, et c'est sous réserve de l'accord du ministre. Oui, puis il est venu ici, puis il nous a dit : Bien, écoutez, il nous a donné l'accord. On avait l'accord du ministre. Là, vous me dites : Bien, le ministre, lui, il s'en est lavé les mains. Mais ce n'est pas ça qu'Investissement Québec comprend là-dedans.

Le Président (M. Cousineau) : M. Ouellet.

M. Therrien : On a un problème d'interprétation très important, là. Puis, écoutez, regardez, vous, vous êtes un chef de cabinet. Vous étiez...

M. Ouellet (Pierre) : Oui, j'étais.

M. Therrien : ...chef de cabinet puis un homme d'expérience, là, je n'en doute pas. Combien de fois par semaine, à peu près, vous parliez au chef de cabinet de M. Couillard? M. le premier ministre, pardon. Ou au cabinet? Est-ce que c'était fréquent? Une fois par mois? Une fois par deux mois?

M. Ouellet (Pierre) : C'était très peu fréquent. Je n'avais pas beaucoup de discussions avec le chef de cabinet du premier ministre, le ministre ayant plus d'occasions que moi de le croiser, que ce soit au Comité des priorités, que ce soit au Conseil des ministres, les caucus le matin. On ne se voyait pas ni s'appelait bien fréquemment.

M. Therrien : Vous parliez au moins une fois par semaine au cabinet du premier ministre? J'imagine, là, vous êtes chef de cabinet, vous relevez...

M. Ouellet (Pierre) : Au cabinet du premier ministre, oui, mais à Jean-Louis Dufresne...

M. Therrien : Oui, oui, mais au cabinet, là, oui.

M. Ouellet (Pierre) : Bien, parler au cabinet, il y a des aspects de communication, il y a des aspects opérationnels, là, mais, dans les questions plus stratégiques, non, je n'avais pas beaucoup d'échanges.

M. Therrien : Est-ce que la vente des actions de RONA, qui monte à peu près à 140 quelques millions de dollars, pour vous, c'est une transaction de haute importance?

M. Ouellet (Pierre) : Je n'ai pas à la qualifier.

M. Therrien : Bien, vous l'avez qualifiée tantôt, là.

M. Ouellet (Pierre) : Ce n'est pas banal, là, mais c'est...

M. Therrien : Bien, vous savez, c'est un dossier politique, là. Durant la campagne électorale, M. Daoust avait parlé de protéger les sièges sociaux, ainsi de suite, c'est un enjeu électoral. Là, vous arrivez, Investissement Québec dit : Qu'est-ce qu'on fait avec les actions? On veut avoir l'accord du ministre. On va virer de bord, le ministre, lui, il fait tout pour ne pas se mêler de ça. Il demande des avis juridiques, il dit : Moi, je m'en lave les mains. Vous, là, vous regardez votre ministre faire ça, là, vous savez que c'est un dossier politique de première importance. En avez-vous parlé au cabinet du premier ministre?

M. Ouellet (Pierre) : La première fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet du premier ministre, c'est après la publication du rapport de la Vérificatrice générale.

M. Therrien : Ouf! Écoutez, le cabinet du premier ministre devait sauter des coches. Vous n'en avez pas parlé avant ça?

M. Ouellet (Pierre) : Non.

M. Therrien : En aucun moment, une transaction de 140 quelques millions de dollars, vous n'en avez pas parlé? Vous êtes chef de cabinet, vous avez un lien direct avec le cabinet du premier ministre et vous me dites que vous n'avez jamais parlé de ça? En voyant votre ministre qui fait tout pour s'en laver les mains, vous voyez, justement, Investissement Québec qui vous fait de la pression pour que vous ayez l'accord du ministre, puis le ministre se sauve pour ne pas le donner, puis vous, en aucun temps, vous en parlez au cabinet du premier ministre? Pour vrai?

M. Ouellet (Pierre) : Je vous répète, la première fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet du premier ministre, c'était après la publication du rapport de la Vérificatrice générale, alors que j'ai indiqué à M. Dufresne que moi... Et c'est le seul aspect qui a été couvert, que je lui avais indiqué que j'avais demandé à Investissement Québec, notamment à M. Paquet, quels étaient les seuils qui requéraient l'approbation du ministre ou du Conseil des ministres pour pouvoir procéder.

• (16 h 30) •

M. Therrien : Alors donc, ici, là, dans la campagne électorale : Protection des sièges sociaux  Agir rapidement et simplement pour protéger nos entreprises et nos emplois. Puis, là-dedans, là, ils parlent du ministre... ou de l'ancien ministre Daoust, et là vous me dites... Et moi, je suis abasourdi, là, parce que, nous, quand on était au gouvernement, là, il y avait une communication constante entre les chefs de cabinet et le cabinet de la première ministre, là, c'était toujours, presque à tous les jours, et vous nous dites : On a un dossier avec lequel Investissement Québec nous demande l'autorisation du ministre responsable, vous êtes le canal de communication entre Investissement Québec et le ministre, vous avez la responsabilité de faire le lien, le ministre se sauve pour ne pas avoir à prendre ses responsabilités puis faire en sorte de garder les actions de RONA pour éventuellement éviter une vente ou non de cette entreprise-là à des intérêts américains... et là vous me dites pour vrai, là — vous êtes sous serment — que vous n'avez pas parlé au cabinet du premier ministre de ce dossier-là à l'intérieur de cette période-là.

M. Ouellet (Pierre) : Je le répète, vous faites des interprétations sur ce que le ministre voulait faire ou non. Et je vous répète que, la première fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet du premier ministre, c'est après la publication du rapport de la Vérificatrice générale, au moment auquel j'ai indiqué au cabinet du premier ministre que j'avais fait des vérifications, comme ça a été mentionné dans l'échange de courriels.

M. Therrien : Quand il y a eu la transaction de RONA puis Lowe's, là, on cherchait les actions d'Investissement Québec en février, là, on se posait la question : Où sont les actions d'Investissement Québec de RONA?, vous, avez-vous parlé au premier ministre ou au cabinet du premier ministre pour expliquer ce qui était arrivé?

M. Ouellet (Pierre) : Comme je l'ai mentionné au départ, le 28 janvier il y a eu un remaniement, on passe du ministère de l'Économie pour aller au ministère des Transports, et l'annonce est faite le 3 février. On n'est plus là, je suis à bâtir un nouveau cabinet, on a du personnel à engager, prendre connaissance de certains dossiers. Uber, par exemple, on a bien des choses. Alors, non, je n'ai pas parlé au bureau du premier ministre avant la publication du rapport du Vérificateur général.

M. Therrien : Puis moi, je demandais à Mme la ministre de l'Économie, là, où étaient les actions, puis elle n'était pas capable de répondre en Chambre à une question simple comme ça alors qu'elle est ministre de l'Économie, puis vous, vous me dites : Bien, moi, je le savais, mais ils ne m'ont pas posé la question parce que j'étais rendu ailleurs, dans un autre... Eh, simonaque, c'est un gouvernement efficace, ça! Je laisse la parole à ma collègue.

M. Ouellet (Pierre) : Tenons-en-nous aux faits.

M. Therrien : Pardon?

M. Ouellet (Pierre) : Tenons-en-nous aux faits.

M. Therrien : Bien, c'est ça qui m'inquiète. On a tout un gouvernement si on n'est pas capables d'avoir une information sur 145 millions de dollars d'Investissement Québec. Vous me dites ça sans rire?

Le Président (M. Cousineau) : Oui, c'est correct.

M. Therrien : Puis je passe la parole à ma collègue, là.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, il faut faire attention, M. le député de Sanguinet, on ne fait pas le procès du gouvernement, là, on est sur un mandat bien précis. Bon, ça va. Maintenant, je vais passer la parole à Mme la députée de Taschereau, en vous disant qu'il reste 4 min 55 s.

Mme Maltais : M. Ouellet, j'ai eu des cabinets. Ce que vous venez de dire est inconcevable. Je veux juste vous le dire, là. Puis je peux bien vous croire que vous êtes sous serment, mais c'est inconcevable. C'était la première nouvelle, Lowe's achète RONA, et vous détenez une information, et vous ne la transmettez pas au cabinet du premier ministre. Est-ce que vous êtes en train d'essayer de faire avaler ça à la commission parlementaire?

M. Ouellet (Pierre) : Je ne suis pas en train d'essayer de faire avaler quoi que ce soit à la commission parlementaire, je suis ici pour vous parler des faits et je vous affirme pour la troisième ou quatrième fois que, la première fois que j'ai eu une discussion avec le cabinet du premier ministre sur le dossier de RONA, c'est lors de la publication du rapport de la Vérificatrice générale.

Mme Maltais : Je me demande qu'est-ce que...

M. Ouellet (Pierre) : Et, la deuxième fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet du premier ministre, c'est vendredi matin dernier, après que j'aie entendu des entrevues dans lesquelles, là, on me faisait porter des responsabilités qui étaient bien au-delà des faits, et j'ai contacté le bureau du premier ministre pour dire que, là, moi, je songeais sérieusement à contacter la commission pour venir rectifier les faits parce qu'on me donnait des responsabilités qui ne me revenaient pas.

Mme Maltais : Écoutez, la question de mon collègue, tout à l'heure, est très importante, c'est un dossier majeur. Vous êtes un homme de cabinets politiques du Parti libéral depuis nombre d'années, ça date du temps où vous étiez à la Commission-Jeunesse du Parti libéral. Ça a été l'objet de la campagne électorale. Vous êtes responsable, comme membre d'un cabinet, des engagements du premier ministre, il y a eu des engagements sur les sièges sociaux. Vous ne dites rien quand votre ministre se lave les mains du dossier RONA?

M. Ouellet (Pierre) : Moi, je ne suis pas ici pour faire de la politique, là, je viens vous exposer les faits et je vous les répète.

Mme Maltais : O.K. Maintenant, une chose qui m'a étonnée : 17 novembre, j'accompagne le ministre Daoust à la rencontre du C.A. d'IQ. Au cours de la journée, le ministre Daoust me demande de vérifier si la vente du bloc d'actions de RONA est sous les seuils. Je vous remercie de votre sincérité. Vous dites, la... Je prends ça, là, ce qui veut dire que, ce jour-là, à la réunion du conseil d'administration, contrairement à ce qu'on nous a dit ici, il a été question de la vente d'Investissement Québec, puisque...

M. Ouellet (Pierre) : Alors, j'ai...

Mme Maltais : Non, mais attendez, ce n'est pas venu du Saint-Esprit comme par hasard la même journée, là, vous avez dû vous dire, vous, il s'est passé quelque chose, et vous avez dû demander à votre ministre qu'est-ce qui s'est passé.

M. Ouellet (Pierre) : J'ai indiqué : Le 17 novembre, j'ai reçu la demande du ministre de vérifier les seuils. C'est consigné dans mes notes personnelles, le 17 novembre, j'ai vérifié si... Je n'ai pas le «wording» exact en tête, là, mais le 17 novembre, dans mes notes, j'ai à vérifier les seuils. Donc, ça ne veut pas dire que c'est... ça peut et ça doit avoir été fait après le conseil d'administration.

Mme Maltais : Vous n'êtes pas là pour faire de la politique, vous l'avez dit vous-même, M. Ouellet, puis... Mais là, là, si le ministre vous a demandé de vérifier ça, vous comprenez bien comme moi qu'il en a été question au conseil d'administration d'Investissement Québec.

M. Ouellet (Pierre) : Moi, j'étais au conseil d'administration, et, non, il n'a pas été question de la vente de RONA durant la séance du conseil d'administration.

Mme Maltais : Et la rencontre après avec le ministre, avec seulement les membres du conseil d'administration, mais, comme par hasard, vous me dites ça, puis, comme par hasard, le ministre vous a demandé quels étaient les seuils où il fallait demander une décision au Conseil des ministres.

M. Ouellet (Pierre) : Oui, oui, mais, dans la journée, là, il y a d'autres événements, là. Donc, on peut recevoir un téléphone dans la journée, mais après le conseil.

Mme Maltais : O.K. Donc, vous avez reçu un téléphone? O.K. C'est le téléphone du 18 novembre.

M. Ouellet (Pierre) : Bien, comme M. Lafrance, je ne me souviens pas du moment précis, mais il y a de...

Mme Maltais : Mais le ministre lui-même, ce jour-là, donc, savait, puisque c'est le ministre qui vous a demandé de vérifier les seuils.

M. Ouellet (Pierre) : Ce que je vous dis, c'est que, je le répète, le 17 novembre le ministre me demande de vérifier les seuils.

Mme Maltais : O.K. Ce n'était pas votre devoir d'aviser le premier ministre, le cabinet du premier ministre? Normalement, là, je vous le dis, là, un chef de cabinet, devant une chose comme ça qui va faire les nouvelles, qui engage la vie économique du Québec, se doit d'aviser le cabinet du premier ministre.

M. Ouellet (Pierre) : Non. Lorsqu'on est en novembre 2014 — et ça a été exprimé, je pense, plus tôt aujourd'hui — l'idée de la vente... on ne parle pas de perte de siège social, là, les comités de gestion de risques disent : Ça serait une bonne chose, ça éliminerait un risque. Donc, on n'est pas... puis les conditions ont changé depuis l'achat des actions, mais, en novembre 2014, on n'est pas du tout, du tout, du tout dans la perspective que Lowe's va acheter RONA, mais du tout.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci. C'est tout le temps que nous avions pour le deuxième bloc avec l'opposition officielle. Pour les 9 min 30 s suivantes, je passerais maintenant la parole au député de Granby, de la deuxième opposition. M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. M. Ouellet, bonjour. Première question rapide, M. Ouellet : Avez-vous rencontré le Conseil des ministres pour préparer votre témoignage aujourd'hui?

M. Ouellet (Pierre) : Non.

M. Bonnardel : Vous ne l'avez pas rencontré du tout?

M. Ouellet (Pierre) : Du tout.

M. Bonnardel : Vous n'avez pas parlé à aucun ministre ni à M. Dufresne?

M. Ouellet (Pierre) : Non, non. Bien, je lui ai parlé vendredi matin dernier après l'entrevue de M. Arcand, mais, non, je n'ai pas parlé à personne.

M. Bonnardel : Pour lui dire que vous souhaitiez venir témoigner aujourd'hui?

M. Ouellet (Pierre) : Je lui disais, vendredi matin dernier, que j'analysais la possibilité de contacter la commission pour faire part des faits parce qu'on me donnait une responsabilité qui n'est pas la mienne.

M. Bonnardel : O.K. On revient rapidement. Le 17 novembre, là, vous dites : J'accompagne le ministre Daoust. Vous dites : On n'a pas parlé de la vente de ce bloc d'actions lors de la réunion. Pourtant, votre ministre vous demande dans la journée... Le conseil d'administration a lieu dans l'après-midi?

M. Ouellet (Pierre) : À mon souvenir, c'était l'avant-midi.

M. Bonnardel : L'avant-midi?

M. Ouellet (Pierre) : Oui.

M. Bonnardel : Donc, dans l'après-midi, M. Daoust est informé de la vente.

M. Ouellet (Pierre) : Dans la journée. Dans la journée.

M. Bonnardel : Dans la journée. Donc, M. Lafrance vient tantôt, M. Roquet vient tantôt, personne n'a parlé à M. Daoust, mais M. Daoust, dans l'après-midi, est au courant, donc.

M. Ouellet (Pierre) : Pas pendant le conseil, il n'a pas été question de la transaction.

M. Bonnardel : O.K. Pas pendant le conseil, mais, par la suite, il vous informe : Pourrais-tu vérifier le seuil parce que j'ai été informé de? Non?

M. Ouellet (Pierre) : Je voudrais m'en tenir aux faits. Je ne sais pas si c'est «parce que j'ai été informé de», mais ce que je sais, c'est qu'il me demande de vérifier les seuils. Dans mon cahier de notes, on indique : Le 17 novembre... oui, c'est ça, le 17 novembre, vérifier les seuils qui requièrent autorisation.

M. Bonnardel : Le 18 novembre, vous recevez un coup de téléphone de M. Lafrance le matin, selon M. Lafrance?

M. Ouellet (Pierre) : Comme M. Lafrance, je ne me souviens pas du moment de la conversation, et c'est ce que j'essaie de dire. Probablement, étant donné que j'ai de noté de vérifier les seuils, probablement que l'appel était plus le 17 en après-midi. Mais là on est dans les «peut-être», et moi, je préfère parler des faits.

M. Bonnardel : Oui, mais là... O.K. Le 18, vous nous avez parlé, le 18, le matin ou l'après-midi, que vous avez parlé à M. Lafrance. Là, il y a entre le 18 et le...

• (16 h 40) •

M. Ouellet (Pierre) : Moi, tout comme M. Lafrance, je ne suis pas certain qu'on se soit parlé le 18.

M. Bonnardel : Bien, lui le confirme, en tout cas. Il l'écrit, là, il dit qu'il vous a parlé. Donc, entre le 18 et le 26, vous savez qu'Investissement Québec attend l'autorisation du ministre lui-même pour vendre ce bloc d'actions, «right»?

M. Ouellet (Pierre) : Pouvez-vous répéter?

M. Bonnardel : Non, mais vous savez, entre le 18 et le fameux courriel où vous avez envoyé le O.K., entre le 18 et le 26 novembre, il se passe huit jours où vous savez que vous devez demander l'autorisation au ministre, sinon au premier ministre, pour vendre un bloc d'actions quand même assez important qui allait valoir 160 millions de dollars. Vous êtes d'accord avec ça, là?

M. Ouellet (Pierre) : Oui.

M. Bonnardel : Vous parlez au ministre combien de fois là-dessus? Vous lui dites : Écoute, j'envoie-tu le O.K.? On me demande l'autorisation de la part de M. Lafrance. Le conseil d'administration, le prochain est le 15 décembre 2014, il faut répondre rapidement. Est-ce que vous lui parlez?

M. Ouellet (Pierre) : Je lui parle le 26 novembre après avoir reçu les seuils, comme M. Paquet le confirmait dans son courriel le 21 novembre. Et M. Carrier, qui pose une question par courriel le 26 novembre, je lui parle le 26 novembre de ça.

M. Bonnardel : O.K. Le 26, là, vous envoyez ça à 14 h 18 : «Merci. Je vous reviens ASAP.»

M. Ouellet (Pierre) : Oui.

M. Bonnardel : Ça, c'est un mercredi. Mercredi, d'habitude, il y a un conseil des ministres.

M. Ouellet (Pierre) : Oui.

M. Bonnardel : Vous êtes où? Vous êtes à votre bureau ou vous êtes à l'Assemblée nationale?

M. Ouellet (Pierre) : Ah! bien, habituellement, je suis au bureau, oui.

M. Bonnardel : O.K. Vous faites quoi entre 14 h 18 puis 16 h 42? Vous essayez de communiquer avec le ministre, qui est dans un Conseil des ministres, ou vous dites : Là, il faut que je réponde rapidement? Est-ce que vous lui parlez?

M. Ouellet (Pierre) : Je n'ai pas de souvenir détaillé de ce que j'ai fait. Ce que je sais, c'est que j'ai parlé au ministre. J'ai une façon de fonctionner. Quand j'avais un 10 minutes avec le ministre, je me faisais des listes avec des points — un, deux, trois, quatre, cinq — et mes notes m'indiquent que j'avais un point qui était «cinq, RONA», la journée du 26 novembre.

M. Bonnardel : M. Ouellet, je suis d'accord, là, c'est important comme décision, là, on va vendre un bloc d'actions d'un fleuron québécois. Il y a eu une offre d'achat hostile deux ans auparavant. Vous faites de la politique depuis assez longtemps. Il y a deux heures qui se passent, le ministre est au Conseil des ministres, j'imagine. Vous essayez de le rejoindre, hein? Ça doit être ça, là.

M. Ouellet (Pierre) : Bien, on ne peut pas rejoindre un ministre au Conseil des ministres, là.

M. Bonnardel : Non, mais, entre vous et moi, là, vous attendez la réponse, vous devez envoyer un... Votre fameux O.K., là, il est banal, mais il n'est pas banal, là, à quelque part, là, vous autorisez sur vos épaules. O.K.? C'est vous, le courriel. Vous avez donc parlé au ministre, j'imagine.

M. Ouellet (Pierre) : Oui, oui, j'ai parlé au ministre, mais on...

M. Bonnardel : Vous lui avez parlé, vous lui avez dit : Est-ce qu'on vend?

M. Ouellet (Pierre) : Oui, j'ai parlé au ministre, c'était le cinquième point des points dont j'ai parlé au ministre.

M. Bonnardel : O.K. Est-ce que vous avez dit : M. le ministre, avez-vous demandé l'autorisation du premier ministre? Avez-vous parlé à M. Dufresne? Est-ce que vous lui avez dit ça? Est-ce que vous lui avez dit : Bien, Jacques... J'imagine que vous...

M. Ouellet (Pierre) : Non, je l'ai toujours vouvoyé.

M. Bonnardel : Non? M. Daoust, avez-vous demandé l'autorisation du PM? Avez-vous parlé à M. Dufresne pour que je puisse envoyer un O.K.? Est-ce qu'on le prend sur nos épaules?

M. Ouellet (Pierre) : Il n'a pas été question de parler au premier ministre ou à son directeur de cabinet.

M. Bonnardel : Pas du tout?

M. Ouellet (Pierre) : Non.

M. Bonnardel : Donc, vous, là, puis le ministre Daoust, là, sur vos épaules, vous avez dit : J'envoie un simple O.K., puis le PM n'est pas au fait, puis M. Dufresne n'est pas au fait, puis tout le monde au Québec, ici, là, s'est posé des questions qu'un fleuron québécois allait déménager, être vendu, O.K., puis là...

M. Ouellet (Pierre) : Oui, parce qu'on a un courriel qui nous vient d'Investissement Québec, qui nous dit que, le seuil, ça prend 2,5 % de la valeur nette des actifs. Donc, c'est de la compétence du conseil d'administration d'Investissement Québec de prendre la décision, et on n'est pas... Je rappelle qu'il y a du nouveau pour moi aujourd'hui, là, on n'a pas le «sous réserve de». Alors, suite à l'échange, comme j'ai dit tout à l'heure, j'ai répondu le O.K. parce qu'on avait... c'était sous la compétence du conseil d'administration d'Investissement Québec à procéder, et c'est ce que M. Roquet a expliqué, je pense.

M. Bonnardel : Rapidement, M. Ouellet, le 3 juin dernier, vous dites : C'est la première fois que j'avise le premier ministre de ça, moi. Il n'est pas au courant du tout, du tout de la décision que vous avez prise sur vos épaules. La Vérificatrice générale dit : Voici le rapport, on vous accuse... On vous accuse en disant que c'est vous. Le ministre dit : Je dis la vérité. On se rend compte aujourd'hui que le ministre nous a menti en plein visage, nous et aux Québécois. Et là, M. Dufresne, vous dites que vous avez rencontré M. Dufresne. Est-ce qu'on vous pose la question : M. Ouellet, vous étiez le chef de cabinet de M. Daoust, est-ce que M. Daoust était au courant? On vous l'a-tu posée, la question?

M. Ouellet (Pierre) : Et ce que moi, j'ai répondu, c'est que...

M. Bonnardel : On vous l'a posée, la question, donc?

M. Ouellet (Pierre) : Pardon?

M. Bonnardel : On vous l'a posée?

M. Ouellet (Pierre) : Mon souvenir de la conversation que j'ai eue avec Jean-Louis Dufresne, c'est que je lui mentionnais qu'à la demande du ministre j'avais demandé à Investissement Québec de vérifier les seuils qui requéraient une approbation du ministre ou du Conseil des ministres pour qu'ils puissent procéder.

M. Bonnardel : Attendez, là, M. Ouellet. Daoust contredit la Vérificatrice générale sur RONA. Vous dites le 3 juin : Moi, je suis tanné, là, parce qu'on m'accuse, moi, d'avoir pris sur mes épaules la décision de vendre. Jean-Louis Dufresne dit : Viens à mon bureau. C'est ça que vous me dites, là, Jean-Louis Dufresne disait : Viens à mon bureau ou vous êtes allé le voir ?

M. Ouellet (Pierre) : Je ne me souviens pas qui a...

M. Bonnardel : Bien, en tout cas, vous êtes allé le voir. M. Dufresne vous a-t-il dit : Est-ce que notre ministre dit la vérité? Est-ce que M. Daoust savait, savait? Est-ce qu'il a donné son autorisation lui-même? Vous me dites oui, là, parce qu'avec les affirmations que vous me dites, là, le 17 novembre 2014 il était au fait. Est-ce que vous l'avez dit à M. Dufresne que, oui, M. Daoust était au fait?

Le Président (M. Cousineau) : Écoutez, monsieur...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Non, non, mais écoutez, là...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ça se passe bien, le député de Granby a le droit de poser ses questions, M. Ouellet répond, et puis on doit poursuivre de cette façon-là. Allez-y, M. le député de Granby, il reste 1 min 50 s.

M. Bonnardel : Donc, question fort simple : Vous avez rencontré M. Dufresne, est-ce que vous avez dit à M. Dufresne : Mon ministre était informé de la vente des... il a donné son autorisation? Est-ce que, oui ou non, vous avez dit ça à M. Dufresne?

M. Ouellet (Pierre) : À ce moment-là, je n'ai pas de souvenir d'avoir mentionné que le ministre avait donné son O.K. Ce que je me souviens, c'est d'avoir indiqué à M. Dufresne que le ministre m'avait demandé de vérifier les seuils. C'est le seul sujet qui a été abordé.

M. Bonnardel : Bien, M. Ouellet, M. Ouellet, le ministre était au courant, là. Vous faites de la politique depuis assez longtemps, là, ne me faites pas croire que le cabinet du premier ministre ne vous demande pas... Aïe! Là, là, vous avez Daoust qui contredit la VG, ce n'est pas banal. Daoust, qui dit : Je dis la vérité, je dis la vérité. Vous dites le contraire aujourd'hui. Est-ce que vous pouvez dire ici, à la commission, que M. Dufresne vous a demandé si M. Daoust le savait ou non?

M. Ouellet (Pierre) : Je répète que le seul sujet dont moi, je me souviens, c'est d'avoir parlé des seuils. Je n'ai pas de souvenir d'avoir échangé sur est-ce qu'il le savait ou pas, c'était sur... Ce que moi, je lui ai dit, c'est : Il m'a demandé de vérifier les seuils. C'est la seule chose dont moi, j'ai un souvenir clair. Et je veux parler de faits, pas de peut-être ou de suppositions. C'est ce que je veux venir clarifier, là.

Le Président (M. Cousineau) : Il reste 30 secondes, dernière question.

M. Bonnardel : Qu'est-ce qu'on vous a posé comme autres questions quand vous avez rencontré le cabinet du premier ministre? Qu'est-ce que M. Dufresne vous a demandé?

M. Ouellet (Pierre) : Écoutez, le 3 juin, là, j'étais dans une période qui n'était pas... j'étais dans un état d'esprit particulier, je venais d'avoir pas mal de brouhaha, je n'ai pas... j'ai cherché dans mes souvenirs, là — et je suis sincère, je suis ici sous serment, là — ce que je sais, c'est ce que je vous ai dit.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, bon, merci pour cette partie du témoignage, M. Ouellet. Nous allons maintenant passer à M. le député de Mercier pour trois minutes. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, M. le Président. M. Ouellet, vous êtes conscient qu'un certain nombre d'affirmations que vous faites ici, ajoutées à tout ce qu'on a entendu aujourd'hui, sont très difficiles à croire, disons, sont difficiles pour nous d'accepter, par exemple le fait que, sur une question aussi importante, une personne qui est comme vous, qui est une nomination politique, qui a des responsabilités politiques, comme ça a été mentionné, ne pense pas, ne veuille pas aller plus loin pour s'assurer que la décision du ministre corresponde véritablement à une décision qui est en ligne avec le gouvernement.

Ma question est la suivante : M. Ouellet, vous connaissez bien les positions du Parti libéral du Québec? Vous les connaissiez bien au moment où vous avez eu cette discussion avec M. Daoust sur la demande qui a été faite, s'il était, oui ou non, d'accord avec la vente des actions? Vous connaissez bien les positions du gouvernement du Québec? Les positions de votre parti, les positions de votre gouvernement, les positions du premier ministre, vous les connaissez bien?

M. Ouellet (Pierre) : Oui, mais, lorsqu'on parle...

M. Khadir : Donc, si vous avez demandé à M. Daoust et qu'il vous a dit... Vous nous avez dit qu'il a dit : Dans le fond, c'est leur responsabilité, ils vivront avec les conséquences. Si vous vous êtes permis, à partir de cette question-là, de répondre par un simple O.K. aux responsables d'Investissement Québec... Parce que ce n'est pas la réponse du ministre que vous leur avez offerte, vous n'êtes pas allé dire : Écoutez, le ministre dit : C'est de votre responsabilité, c'est vous qui portez la responsabilité. Vous auriez pu écrire ça, hein, ça ne prend pas beaucoup de mots pour dire ça. Vous avez plutôt dit : C'est O.K. C'est O.K., ça veut dire que vous avez estimé, avec votre jugement politique d'un homme politique d'expérience, que, dans le fond, compte tenu de l'ensemble des choses, la décision que prend Investissement Québec est en accord avec les orientations du premier ministre et de son gouvernement.

• (16 h 50) •

M. Ouellet (Pierre) : La décision est en accord avec les intentions du législateur, qui a fixé à 2,5 % les seuils qui requéraient une décision du ministre ou du Conseil des ministres. On était dans les fonds propres, c'était la décision...

M. Khadir : Non, attendez, vous avez dit O.K. Vous avez dit O.K. à une décision, et vous savez très bien que ça a des conséquences politiques. Et votre ministre, lui, il ne veut pas prendre de responsabilité, il dit : Moi, là, ce n'est pas de ma responsabilité.

M. Ouellet (Pierre) : C'est votre interprétation, là.

M. Khadir : Votre ministre vous a clairement dit : Ils vivront avec, ce n'est pas de ma responsabilité. Mais, malgré tout, vous avez donné le O.K. C'est-à-dire que vous, vous aviez soit communiqué avec le bureau du premier ministre, ce que vous dites que vous n'avez pas fait, soit que, compte tenu de vos compétences politiques — vous êtes avec les libéraux depuis longtemps, vous connaissez très bien les positions du Parti libéral — vous avez estimé que c'est parfaitement en accord avec l'orientation du premier ministre et de son gouvernement. Est-ce qu'on peut dire ça?

M. Ouellet (Pierre) : Je ne sais pas quoi répondre à votre question, je...

M. Khadir : Mais alors pourquoi vous avez dit O.K. si vous n'étiez pas certain de ça? Pourquoi avez-vous donné votre accord?

Le Président (M. Cousineau) : Alors, ça termine...

M. Khadir : Votre accord était un...

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Mercier, malheureusement, ça termine le temps que nous avions. M. Ouellet, je vous remercie de votre présence, de votre éclairage.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 51)

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